Ri'fMNCiiS A. '::;(;M,ii>nr-ini,ij^i|> • llP''''''l||!|!l!l!llllll!IIIiililiilinililll!l(llli! Inllll hinll :fMi m II llIlllitillilMtlIllliltUI MilHiiMI lî'înil ijh Mllll i!lll!lll!llli iiiMiMiiiiiinii Il I de sulùr tou- tes les phases de la critique : d'abord on nieni T évidence en tranchant audacieuseuieait la question , et en anéantis- sant l^rement , par une simple négiition , plusieurs an- nées de recherches et de travaux ; puis , qusind les hom- mes probes et consciencieux recojuuûtront dans mon écrit quelques vérités fondamentales , la critique , pour ne pas rester désarmée, découvrira dans les auteui's anciens et mo- dernes des passagx'-s obscurs , des phrases indécises , dans lesquels elle prétendra reconn^ùtre ma théorie. «i Pour éditer toute peine aux coivipilateurs , je me hâte d'avouer que le principe fondamental que je nretïbroe de poser, a été entrevu par beaucoup de naturalistes et de physiologistes , et que , depuis Aristote jusqu'aux sa^'ants qui ont le plus récemment écrit sur cette matière , on pour- rait trouver dans plusieurs centaines d'auteui^ quelques vagues assertions, échappées comme furtivement à leur plume, et qui contribuent à étaj-er ma théorie : car il en est des principes philologiques comme de toutes les grandes vérités , le no\-ateur est toujours guidé par l'ap- préciation de certains taits antérieurement exprimés pejv- dantle mouvement intellectuei que chaque siècle enmnte; mais le vrai créateur des choses c'est celui qui en dévoile le mécanisme et les lois. Et d'ailleurs, en compulsant scrupu- leusement les assertions de ces éeri\-ains , on s'aperçoit bientôt qu'elles ne sont le résultat d'aucune conviction: qu'elles n'expriment aucune idée méditée ; et que même elles protestent manifestement contre leurs doctrines. Aussi croyons-nous qu'il nous appartient entièrement d'avoir avec netteté posé la théorie réelle de la fonction . et d'avoir in- diqué quelles sont les conditions positives de la fécon- dation. " Si lesucc^ a surpasse mon attente . si j'ai nu en quel- I)E LOVULATIO-N SPONTANEE. " XJ que sorte l'École adopter mes travaux et la bienveillance de l'Académie des sciences les couronner, c'est que notre époque était miire pour eux , et que , d'un autre côté , les recherches de quelques savants français et étrangers sont venues confirmer les miennes. Plusieurs critiques ont bien voulu trouver que j'avais dé- ployé quelque énergie dans la lutte ; mais n'en fallait-il pas pour attaquer cette belle et imposante ligTiée de phy- siologistes, prétendant tous que l'œuf n'était expulsé de l'ovaire que par l'influence de la fécondation ! J'avais de hautes illustrations à combattije, il m'a fallu des forces puissantes pour en triompher ; ces forces je les ai puisées dans la scrupuleuse étude des phénomènes et dans l'ascen- dant qu'elle donne au raisonnement. Le célèbre J. Hunter prétendait " qu'il n'y a point eu de grands anatomistes qui n'aient eu de grandes querelles ^1). »> On pourrait en dire autant des physiologistes , eux dont la science présente souvent tant de doute et d'incertitude. Mon humble talent ne m'a pas même servi d'égide contre la fatale destinée inhérente aux célébrités. J'ai eu aussi à subir quel- ques discussions; mais celles-ci ne revêtirent nullement ce caractère animé et virulent des anciennes querelles de De Graaf et de Swammerdam sur le même sujet. Je suis trop ami des formes et de la dignité qui doivent présider aiL\ débats scientifiques pour renouveler de semblables scan- dales. Seulement ma polémique eut un caractère particulier, c'était de voir des savants, dont j'estime les travaux, ré- clamer , par d'insolites arguments , la priorité d'une décou- verte dont ils ne pouvaient cependant s'empêcher de recon- naître que j'avais doté la science avant eux ! Deux ans après la publication de ma Théorie de la fêcon- (1) Co:fDORCET. Éloges des académiciens. Hunier, tome m, p. 247. XIJ ESQUISSE HISTORIQUE dation, un célèbre physiologiste allemand, M. Bischoff, émit des vues analogues aux miennes , et prétendit , durant quelques instants , qu'on devait lui en attribuer la priorité; mais , forcé par l'évidence des preuves matérielles qui par- laient en ma faveur , il se réfugia ensuite dans le domaine des abstractions. » S'il était vrai, disait-il, que j'eusse long- temps avant lui démontré le phénomène de l'ovulation spontanée, je n'avais écrit que sous l'inspiration de l'in- telligence ; mais que , le premier , il avait révélé le fait, et que, par conséquent, c'était à lui qu'appartenait la gloire de la découverte. » Malgré toute ma courtoisie , je n'ai pas dû accepter cette étrange décision , car mon Traité fourmille de faits cités à l'appui de chacune de mes assertions. Mais cela eût-il été exact ! je ne l'eusse pas accepté davantage ; car il y a plu- sieurs routes pour arriver à la connaissance de la vérité : l'intelligence, l'observation, l'expérience; on peut choisir , et chacune d'elles est bonne pour qui sait s'en servir. Voici la lettre que M. Bischoff écrivit à ce sujet à la Gazette médicale. Dans cette lettre j'ai seulement sup- primé quelques paragraphes qui sont tout-à-fait étrangers au débat. Monsieur, Mon mémoire sur le détachement et la fécondation des œnfs hu- mains et des œufs des Mammifères, que M. Breschet a eu la bonté de soumettre à l'approbation de l'Académie , paraît avoir appelé l'attention des naturalistes français, si j'en juge par les nombreuses réclamations de priorité, qui se suivent maintenant dans les jour- naux. M. Duvernoy atteste qu'il partage mon opinion, qui veut que la maturité et le détachement des œufs des Mammifères et de la femme soient soumis à une certaine périodicité, et que ce dévelop- pement périodique ne se trouve en aucun rapport avec l'accouple- ment; il a prouvé en outre que cette opinion était déjà formulée dans une communication, faite par lui en automne 1842 au congrès DE LOVULATION SPONTANEE, xHj scientifique de Strasbourg. J'ai reçu ensuite par Tentremise bien- veillante de M. Brescliet, le livre de M. Pouchet à Rouen, qui a paru en 1842 et dans lequel cette même thèse est soutenue avec beau- coup d'énergie. M, Raciborski enfin, dans ses études physiologiques sur la menstruation et les changements que les ovaires montrent pendant cette époque, est arrivé à la même conclusion. Je ne m'é- tonne pas que tous ces messieurs réclament maintenant la priorité de cette découverte, et je me vois forcé, pour détourner des accu- sations indirectes, d'avoir recours à votre journal, dont l'impar- tialité est assez coimue. Et d'abord je suis convaincu que les découvertes nouvelles et in- téressantes dans les sciences ne viennent jamais au jour d'un seul coup dans toute leur étendue et dans toute leur importance; la naissance de Minerve ne se répète pas de nos jours. L'histoire des sciences montre que les idées nouvelles ne se forment que petit à petit, et qu'elles ne prennent jamais pied pour longtemps, si elles ne sont pas appuyées par des faits positifs. Il arrive quelquefois qu'un esprit supérieur, conduit par des analogies très-faibles en apparence , saisit le fil caché des phénomènes pour fornuilor une idée nouvelle et surprenante. Mais qu'arrive-t-il? Les faits néces- saires pour appuyer la vérité manquent, et cette vérité même est méprisée, mise de côté , et rangée entre ces nombreuses fictions et hypothèses , dont nos sciences naturelles abondent encore mainte- nant. Mais en attendant, la science marche ; elle trouve petit à petit tous les éléments nécessaires pour élever un édifice nouveau, et tout d'un coup plusieurs architectes surgissent, qui ont réuni chacun de son côté toutes les pièces différentes , pour en construire un pilier nouveau et solide de la science. La question dont il s'agit maintenant a eu le même sort. Connaître le mode de génération et de développement de l'homme et des Mammifères, c'était une question trop importante pour qu'on n'ait pes cherché sa solution, même avant qu'il fût possible de prétendre à ce but. C'était impossible, parce qu'on ne connaissait pas l'œuf primitif de l'homme et des Mammifères, et voilà où gisait le motif de nier toute espèce d'analogie entre le développement de ces der- niers et celui des autres animaux. Cependant il s'est trouvé de tout temps des hommes qui doutaient de cette prétendue différence, et qui soutenaient l'analogie entre l'homme et les animaux, qui maintenant seulement est établie sur des bases scientifiques et solides. D'un côté il y avait des naturalistes , qui , par des études XIV ESQUISSE HISTORIQUE approfondies, s'étaient persuadés que la nature suit des règles fixes et invariables, et qui défendaient cette invariabilité des lois de la nature, même sur des points où elle ne pouvait être prouvée par des faits. MM. Duvernoy et Pouchet sont de ce nombre , et le der- nier surtout fait valoir les analogies existantes entre l'homme et les animaux sous le point de la génération avec une énergie et une puis- sance de logique qui force presque la raison d'admettre ses prin- cipes comme ses conclusions. Ce que les autres cherchaient à prouver par des analogies ou par des conclusions tirées de recherches indirectes , je l'ai prouvé par des faits directs et positifs. Or, on ne me contestera pas , si j'ose prétendre que , malgré toutes les observations faites dans ces derniers temps sur les men- strues et la formation des corps jaunes, malgré toutes les analogies et conclusions déduites d'une logique irréprochable, malgré tous ces efforts, l'ancienne opinion aurait encore compté de nombreux partisans, si je n'avais pas été assez heureux de trouver dans les œufs mêmes les seules preuves directes que la science peut recon- naître comme valables. Il s'agissait de prouver que la sortie des œufs hors de l'ovaire des Mammifères et de la femme ne dépend pas de l'accouplement et de l'influence du sperme, mais de leur dé- veloppement propre et périodique. Pour prouver cette vérité , il fallait suivre les œufs dans les différentes phases du développement, observer la rupture des follicules de De Graaf; il fallait trou- ver les œufs dans les tubes et dans les oviductes sans qu'il y ait eu d'accouplement préalable. Or, ces preuves directes, personne ne les a fournies que moi seul. Ni M. Duvernoy, ni M. Pouchet , ni M. Raciborski n'ont suivi les œufs dans l'ovaire et dans l'oviducte. Je ne veux réclamer la priorité pour des vues théoriques : de pa- reilles discussions me paraissent futiles ; mais ce que je prétends, c'est que l'on ne veuille pas méconnaître sur quelles preuves matérielles et palpables j'ai fondé mes conclusions. J'espère que les naturalistes français m'accorderont cette con- fiance nécessaire qui donne la valeur intrinsèque aux observations, dès le moment où ils connaîtront mes recherches sur le premier développement de l'œuf des Mammifères, dont une édition française se prépare dans ce moment. J'espère pouvoir publier aussi bientôt en eiftier toutes les observations qui touchent la question dont nous venons de parler. Agréez, etc. Th. Bischoff. Heidelberg, le 14 septenabre 1843. DE l'ovulation SPONTANÉE. XV Voici la réponse que je publiai immédiatement dans la même Gazette. Monsieur le rédacteur, Permettez-moi d'employer votre journal pour répondre à M. Bis- choff. La délicatesse de ce professeur s'est alarmée en vain en s'effor- çant de prévenir les accusations indirectes qui pourraient lui être adressées relativement à ses récents travaux : sa probité et sa droiture sont aussi bien connues que son savoir, et personne n'ose- rait en douter. Je me souviens qu'en parlant de ses premiers essais, l'illustre Kepler disait qu'il ne voudrait pas pour l'électorat de Saxe renoncer aux découvertes qu'il croyait avoir faites. Quoique n'ayant pas de semblables prétentions, loin s'en faut , je pense que chacun doit tenir à ce qu'il produit afin d'honorer son pays. Un faisceau de lumière vient d'éclairer une fonction couverte jusqu'à ce moment d'un voile mystérieux, et il s'agit de statuer quelle part a pris chacun à cette nouvelle conquête scientifique. M, Bischoff ne paraît pas vouloir me contester la priorité d'une théorie que me garantit le millésime de 4 842 que porte mon ou- vrage, mais il émet la prétention d'avoir seul prouvé, par des faits directs^ les procédés que suit la nature pour accomplir les obscurs phénomènes de la fécondation. J'ai justement la même prétention ; et je crois , sans que cela amoindrisse aucunement le mérite des beaux travaux de ce profes- seur, que ceux-ci n'ont fait qu'apporter une preuve de plus aux faits que j'ai cités; à une démonstration rendue évidente, ils ont ajouté un incontestable et nouvel argument. Je suis persuadé qu'animés l'un et l'autre d'une conviction pro- fonde, nous ne cherchons qu'à nous éclairer mutuellement; aussi, j'ai l'assurance que nous conserverons dans ce débat toute cette dignité et cette loyauté dont on aime à retrouver les antiques vestiges parmi les savants. Nous n'imiterons pas ces deux illustres mathématiciens qui , en se disputant la priorité d'une découverte célèbre , avaient fini paf s'écrira des lettres si acerbes que l'un d'eux, c'était Leibnitz, avait signifié à son antagoniste (dont je tais le nom par respect) qu'il regardait sa missive pro non scripta. J'éprouve une vive reconnaissance pour la manière indulgente dont M. Bischoff parle de mon ouvrage. Mais si, d'un côté, il avoue que j'ai traité certains points de la question « avec une énergie et XVJ ESQUISSE HISTORIQUE un puissance de logique qui forcent presque la raison d'admettre mes principes comme mes conclusions, » de l'autre, en louant le rhéteur, il oublie le naturaliste, dont la dialectique n'a trouvé tout son ascendant qu'en se basant sur l'expérience et l'observation, et qui ne s'est avancé pas à pas qu'en s'appuyant sur les principes de Bacon, sans lesquels toutes les forces de l'intelligence échouent dans l'investigation des faits. En effet, M. Bischoff paraît ne pas se rappeler que l'ensemble de ma théorie repose sur l'observation de toute la série animale. J'ai cité jusqu'à satiété les- auteurs qui, ainsi que moi, ont dé- couvert des corpora lutea sur des filles vierges ou sur des Mammi- fères non fécondés ; mais , en outre , complétant les observations de MM. Prévost, Dumas, Plagge, De Baër, Cosle, Valenlin etBernhardt, j'ai aussi établi matériellement et incontestablement la théorie delà fécondation en découvrant des œufs tout prêts à s'échapper des folli- cules de De Graaf, soit sur des femmes vierges, soit sur des Mammi- fères qui n'avaient pu subir le contact du mâle (pages 64, 65, 68, etc.) Le savant professeur de Heidelberg pense avoir seul donné des preuves directes du phénomène de la fécondation parce qu'il a ren- contré des œufs dans les trompes. Mais ce n'est là qu'une observa- tion faite pendant une autre phase physiologique que les miennes. J'ai découvert ces mêmes œufs à un endroit et lui un peu plus loin. L'observateur qui aujourd'hui trouverait ceux-ci encore p'us avancés dans le canal oviducteur, par exemple à leur chute vers l'orifice de la vulve (s'ils y parviennent avant d'être altérés) n'au- rait pas le droit de prétendre qu'il a dévoilé le phénomène par des preuves plus palpables que celles qui ressortent des travaux de mon collègue et des miens. Nous aurions tous les trois les mêmes droits à la démonstration évidente d'un même fait. On n'aurait plus qu'à s'enquérir des procédés divers par lesquels nous y sommes arrivés, et de celui de nous qui l'a signalé le premier. Les travaux de M. Bischoff sont de puissants titres à la considé- ration du monde savant ; mais ce que j'espère de sa délicatesse et de sa loyauté , c'est qu'il reconnaîtra aussi la nature des miens. Notre part est assez belle à chacun dans cette route nouvelle pour que nous nous y avancions sans envie comme sans rivalité. Agréez, etc. POUCHET, Rouen, l*''" octobre 1843. Le débat fut heureusement de courte durée, et j'eus la DK l'ovulation SPONTANÉE. Xvij satisfaction do voir que, dans mon pays comme à l'étranger, la gcnoralité des savants reconnaissaient mes justes titres à la découverte que je revendiquais. A peu de distance de là, M. Raciborski s'exprimait ainsi: '« M . Pouchet est le premier qui ait posé l'ovulation spontanée des Mammifères comme une loi générale avec une vigueur et une énergie de dialectique encore inusitées dans la science (1). •> « Il faut le réconnaître , disait aussi un bibliographe qui m'est inconnu, c'est à M, Pouchet qu'appartient la gloire d'avoir formulé , d'une manière nette et précise , les lois fondamentales de la fécondation chez les Mammifères et d'en avoir fait l'application àl'espèce humaine (2). .» De semblables opinions se trouvent encore exprimées par d'autres organes de la presse scientifique. Dans un article bibliographique des Archives de médecine^ dans lequel il analyse les divers travaux récents sur ce sujet, M. Mandl s'exprime dans le même sens : " C'est à M. Pouchet, dit-il , qu'appartient, à ce qu'il nous semble, l'honneur d'avoir formulé , dans les termes les plus précis, les lois qui établissent la ponte spontanée. Il fait valoir dans son ouvrage , avec une grande puissance de logique, les analogies existantes entre la femme et les animaux sous le point de vue de la génération ( 3). » Dans une lettre que M. BischofT me fit l'honneur de m'écrire , il me dit lui-même : " Je reconnais en lisant votre ouvrage, que vous avez formulé cette loi avant moi 5 et je déclare à l'avance que je ne connais personne qui l'ait (1) Raciborski. Delà puberlé et de l'âge critique. Paris, ISW^ p. 519. (2) Encyclograi-hie médicale. 4™*^ vol., p. S41. (3) Manol. Résumé des travaux modernes sur la menstruation et la fé- condation, 1845. XVHJ ESQUISSE HISTORIQUE aussi nettement établie. » On voit d'après cela qu'entre le célèbre physiologiste allemand et moi il n'y avait point réellement de disputes sur la priorité , mais seulement sur la valeur des moyens qui peuvent servir à constater un fait scientifique. Or, je pouvais établir, et j'ai établi réelle- ment, que l'observation abondait dans mon œuvre et qu'elle en faisait la* base ; mais malgré cela, je n'en soutiens pas moins la prééminence des moyens offerts par l'intelligence. En émettant cette doctrine, je pourrais rappeler à M. Bis- choff que j'accepte les idées de l'un de ses plus illustres compatriotes, de Gœthe dont le nom s'est à la fois immor- talisé dans les sciences et la philosophie. En effet, le grand poëte pensait que l'expérience et l'observation ne prouvent souvent rien et il disait fréquemment : «< Une idée doit servir de base à l'observation ; il faut apprendre à voir avec les yeux de l'esprit , sans lesquels on tâtonne souvent dans les sciences (1). » J'avoue, et c'est mon plus beau titre, que j'ai été conduit par la théorie à tous les résultats , mais immé- diatement après j'ai tout confirmé par l'observation et l'expérience. Au point de vue du physiologiste de Heidelberg , il faudrait donc contester à Harvey son immortelle décou- verte, car, selon quelques savants, celui-ci doit plutôt être regardé comme ayant élucidé la question de la circulation par la force de son génie que par l'expérience. « cet anato- miste, dit Burdach (2), avait immortalisé son nom moins en observant la circulation d'une manière immédiate qu'en la déduisant des faits par une série de raisonnements rigou- (i) De Blainville. Histoire des sciences de l'organisation. Paris, 1845, tome III, p. 485, 487. (2) Burdach, Traité de physiologie. Paris, 1838, tome ii^p. 335. DE l'ovulation SPONTANÉE. xix reux. » Et cependant, quel homme oserait aujourd'hui nier la supériorité des travaux de G. Harvey ! J'éprouve une vive reconnaissance pour la manière affable dont plusieurs de mes antagonistes ont bien voulu parler de moi comme écrivain; mais je me demande si ce n'était pas un peu pour affaiblir les travaux de l'expérimentateur qu'ils ont exalté si bienveillamment les modestes talents du logicien ; cependant j'aurais pu ne me préoccuper nulle- ment de cette façon toute spéciale d'envisager la question quand bien même l'antériorité des faits observés ne se pro- noncerait pas en ma faveur; car je pourrais répondre à mes adversaires par les paroles d'un savant dont personne , je pense, -ne contestera l'autorité et qui règlent la matière. « L'observation des faits, dit M. de Biainville, leur accu- « mulation quelque nombreuse qu'elle soit , ne constitue «' même pas une découverte scientifique , laquelle ne peut « réellement appartenir qu'au génie qui a su en trouver et « en démontrer la loi et la confirmer en l'appliquant. La « science n'existe que par la généralisation bien entendue « des faits pour arriver à des lois , et par là conduire à la « prévision, qui est son dernier terme (1). » Mais lorsque je n'aurais eu pour moi que la force de mes convictions et que l'ascendant de la raison, devrait-on pour cela prétendre m'enlever quelques parcelles de cette bien- veillance qui accueille mes travaux'? Quoi I quand un savant lutte de vive force d'intelligence contre les assertions de vingt siècles , et quand en s'appuyant sur toutes les res- sources de la raison il triomphe des doctrines révérées d'âge en âge dans les écoles où on les considérait presque comme sacrées, ce seraient ceux de ses antagonistes qu'un (1) De Blainvili-e. Histoire des sciences de rorganisatioîi et de leurs progrès. Paris, 1843, tome r, p. 173. XX ESQUISSE IIISTOP.IQIK caprice du hasard sert heureusement en leur apportant la preuve nnatérielle et isolée d'un fait, qui pourraient préten- dre lui ravir la modeste portion de gloire que ses travaux méritent? — Ce serait subordonner la raison au hasard; ce serait sacrifier les conceptions de l'inteRigence aux faits matériels ! L'histoire de la science moderne vient elle-même nous offrir la plus frappante application pratique de tout ce que nous venons de dire; en effet , si dans le domaine des con- naissances exactes l'observation devait l'emporter sur les hautes conceptions de l'intellect , il faudrait enlever à M. Leverrier toute la gloire qui rayonne autour de son front pour avoir découvert un nouvel habitant de notre système planétaire. En suivant les préceptes des savants contre lesquels je m'élève en ce moment, l'astronome dont la lunette rencontrerait par hasard un astre errant dans l'immensité des cieux , conquerrait plus de célébrité que le calculateur profond qui, mu par les sublimes inspirations du génie , en devinerait l'existence et la dévoilerait au monde émerveillé, comme un héritage qu'on n'a plus qu'à recueillir et à conserver! Non, non, cela est inadmissible; aussi un astronome illustre , M. Arago , s'est-il plu à re- vendiquer pour notre compatriote une gloire sans partage. La découverte de l'ovulation spontanée, je le répète, a eu le sort commun , elle a traversé les siècles comme une idée vague, indécise; puis, lorsque les divers éléments qui lui étaient indispensables ont été trouvés , on l'a vue surgir enfin, entourée de tout ce qui pouvait l'élever au rang d'une conception intellectuelle positive , s'appuyant sur des bases désormais inattaquables. En effet, lorsque l'on scrute les travaux des savants, on s'aperçoit qu'à diverses époques ces derniers ont déjà émis des opinions susceptibles d'éclairer la route de ceux qui, enfin, les rass^emblèrent en un faisceau, pour en constituer DE l'ovulation SPONTANÉli. Xxj définitivement une théorie rationnelle pouvant s'inscrire d'une manière indélébile dans les fastes scientifiques. Déjà on trouve quelques notions qui ont trait à l'ovu- lation spontanée , dans les Transactions philosophiques de 1797. Elles sont dues à Cruikshank (1 ). Là ce savant professe que les femelles des Mammifères à l'époque du rut offi'ent une turgescence manifeste dans les vésicules de De Graaf et que celles-ci sont enflammées au point de de- venir noirâtres. En remontant à la source, Baudelocque devrait être consi- déré aussi comme l'un de ceux qui ont les premiers deviné ce phénomène ; car en parlant de la menstruation , ce sa- vant accoucheur dit qu'elle n'est qu'un avortement pério- dique (2). Murât (3) fait également mention de la turgescence des ovaires, et prétend qu'aux approches des règles ces organes partagent le mode d'excitation qui survient alors dans l'utérus , et qu'ils offrent toutes les apparences d'un com- mencement de phlogose. N'est-il pas étonnant de voir, lorsque de semblables idées existaient déjà depuis long-temps dans la science , que quelques savants dont les travaux ne contiennent guère de notions plus avancées, aient aspiré au titre de novateurs. Ainsi que le dit M. Duvernoy (4), on rencontre aussi quelques notions sur l'ovulation dans l'ouvrage de l'illustre Cuvier. J'en conviens; il n'était plus question que d'en (1) CRUIKSHA^K. Philos, trans., 1797, p. 198. , (2) BouRGERY. Les annexes du fœtus et leur développement. Paris, 1846. p. 16. (3) MuRAT. Dict, des sciences médicales. Paris, 1819, lome xxxix^ p. 4. (4) DuvÊRKoy. Analo:iiie comparée de Cuvici', Paris, 1846, tome vitr, p. 19. XXlj ESQUISSE HISTORIQUE tirer une théorie physiologique féconde en applications, mais la réahsation en était encore éloignée , il fallait avant tout que les œufs des Mammifères fussent découverts, et ils ne l'étaient pas. Ce fut seulement en 1827 que les sciences naturelles firent ce pas immense. Alors De Baër démontra enfin l'existence de l'œuf chez les Mammifères et fit ainsi rentrer ces animaux dans la loi générale. Pour la première fois, tous les éléments de la question existaient scientifique- ment; aussi ce fut peu de temps après que je conçus ma théorie de l'ovulation spontanée, fait qui, comme nous l'avons reconnu, avait été entrevu vaguement par quelques savants, mais que le premier, en m'appuyant sur l'obser- vation, j'ai formulé positivement en l'élevant à la puissance d'un axiome. Quelques années après la grande découverte du savant étranger, M. Coste, faisait encore faire un nouveau pas à la question en reconnaissant sur l'œuf des Mammifères la vésicule germinative signalée par Purkinje dans le vitellus des Oiseaux. Presque en même temps que la science voyait éclore ces importantes découvertes qui devaient vivifier son progrès, un des plus illustres physiologistes de notre époque, M. Flourens, par ses travaux, contribuait aussi à donner une puissante impulsion à toutes nos connaissances sur la génération des animaux. Ce savant, dans ses cours au Jardin du Roi , traitait ce sujet ex professa et l'embrassait dans tous ses détails. C'était alors une tâche laborieuse , difficile, car tout ce qui concernait cette fonction était en- core plein de vague et d'obscuTité ; mais ce professeur , en jetant sur elle une vive lumière, ranima le zèle des ob- servateurs et porta beaucoup de naturahstes à s'occuper d'une question dont il développait si admirablement l'im- portance. DE LOVLLATIOIN S1'C»MA?(EE. XXllj Je me plais à reconnaître que je fus l'un de ceux sur lesquels cette impulsion réagit. Un médecin d'Angers, M. Négrier, a publié quelques documents sur la concordance de la phlogose de l'ovaire chez la femme et de la menstruation. Il dit « qu'il pense qu'il n'y a jamais de développement vésiculaire normal sans l'émission d'un ovule. - C'est là le seul passage de sa bro- chure que l'on pourrait citer comme ayant trait à l'ovula- tion spontanée ; mais de là à une démonstration il y a une distance énorme; de là à une théorie rationnelle précisant les faits, il y a une distance incommensurable. M. Négrier ne se préoccupe d'ailleurs nullement de l'ovulation propre- ment dite, et il semble ne chercher dans les ovaires que la cause de l'hémorrhagie menstruelle. Il confesse même que ses recherches ont été faites sans le secours du microscope et qu'il n'a jamais vu l'ovule (1). Après un semblable aveu , je ne crois pas devoir mentionner plus longuement les œuvres de ce savant, car nous autres naturalistes nous ne pouvons concevoir des observations sur l'ovulation, exé- cutées sans les investigations microscopiques les plus ardues. D'un autre côté , et presque à la même époque , à l'étranger, Jones (2), Lee (3), Montgomery (4), et Pater- son (5), pubhaient des faits tendant à augmenter nos con- naissances sur le même sujet. Dans son Traité philosophique de médecine, M. Gendrin a aussi puWié quelques notions relatives à l'ovulation de la (1) NÉGRIER, Recherches anatomiques et physiologiques sur les ovaires dans l'espèce humaine. Paris, 1840. in-8, fig. (2) Jones. Praclical observations on diseases of TFomen, London, 1839. (3) Lee. medic chir, irans., tome xxii. (4) Montgomery. Of fhe signs of pregnancy . (o) Paterson. Edinb, med and. surg. jonin.,'lSfiO. XXIV ESijUlSSE HISTORIQUE femme. Dans cet ouvrage, ce savant médecin considère l'hémorrhagie menstruelle comme étant liée à une fonction spéciale des ovaires , qui consiste dans la rupture d'une vésicule et dans l'expulsion d'un ovule (1). M. Gendrin était sur le chemin de la vérité; nous avons discuté ses observations; mais, nous l'avons vu, elles n'ont apparu qu'après que notre théorie avait eu de la publicité. Quand il serait même vrai que certains observateurs eus- sent avant moi proclamé quelques faits concourant à la dé- monstration de la fécondation , leurs assertions isolées ou indécises, se bornant, soit à une ou deux phrases pleines de vague ou d'incertitude , soit à la simple énumération d'une observation suscitée par le hasard, peuvent-elles être consi- dérées comme ayant établi une conquête scientifique de quelque valeur? Peut-on regarder leur assertion comme l'exposé d'une doctrine basée sur toutes les ressources que réclame l'époque? Je ne le crois pas. A un moment donné , tandis que la science marchait à pas lents et incertains , lorsque avaient apparu successive- ment, comme d'utiles précurseurs, les idées émises par Cruikshank , Baudelocque , Murât et Cuvier , tandis que d'autres savants faisaient encore faire quelques pas de plus à la question , quel est le physiologiste , qui , ras- semblant tous les faisceaux épars les a coordonnés , et de leur réunion a fait surgir une théorie précise 1 Je pense avec une profonde conviction que l'on dira un jour que c'est nous. En effet, dès 1835 , dans mes cours publics, faits auMuséum d'histoire naturelle de Rouen , devant un auditoire de plus de cent cinquante personnes,parmi lesquelles se trouvaient (1) Gendiuh. Traité philosopliiijiie de méJecinepi'aîia. i'ai'is, 1S3S àlSU. Di: L OVULATION SPONTANEE. XXV plusieurs médecins, je développai toute ma théorie de l'ovu- lation spontanée , et peu d'années après , le résumé de mes leçons était imprimé. J'avais rassemblé tous les faits, exé- cuté de nouvelles observations , et après avoir saisi sur les animaux toutes les phases de la fonction, je transmettais au monde savant le résultat de mes recherches. Dans mon ouvrage pubhé au commencement de 1842, pour la première fois , dans le domaine de la science , on trouvait dévoilées les lois fondamentales sur lesquelles re- pose la fécondation des Mammifères. Dans cet écrit je mis en évidence les lois suivantes, et je leur donnai la force d'autant de vérités incontestables' : 1° Les Mammifères et l'espèce humaine éprouvent une ovulation spontanée et périodique. 2° Les ovules sont émis à des époques déterminées et facilement appréciables. 3° La fécondation n'a lieu que quand le passage de l'o- vule dans le canal sexuel coïncide avec la présence du fluide séminal. Et 4" la fécondation se fait dans l'utérus ou dans la ré- gion de la trompe qui avoisine cet organe. Après avoir posé ces grandes lois physiologiques, je jetai en outre quelque lumière sur divers autres points de l'his- toire de la fécondation. Aristote avait indiqué vaguement l'époque à laquelle s'opère la conception chez l'espèce humaine, et, depuis lui, ses opinions répétées de siècle en siècle étaient arrivées jus- que dans nos écoles sans avoir fait un seul pas. J'ai fixé le premier, avec assurance, les limites précises du phénomène. Le premier aussi, j'ai attiré l'attention des savants sur l 'in- termenstruation et la chute mensuelle de la decidaa; puis, en outre, j'ai fait connaître les caractères microscopiques de la sécrétion de l'appareil génital durant l'intervalle des règles. XXVJ ESQUISSE HISTORIQUE Les anatomistes avaient eu entre eux de vives discus- sions sur la manière dont se forment les corps jaunes; à l'aide du microscope j'en ai dévoilé l'origine précise, et j'ai fixé la question. Entraînés par de fausses inductions presque tous les phy- siologistes répétaient d'âge en âge que la fécondation se produisait à l'ovaire. Je me suis élevé avec véhémence contre cette opinion , et je suis, je pense, parvenu à faire admettre que normalement cet acte n'avait lieu que lors- que l'œuf s'était éloigné de cet organe et cheminait dans son canal vecteur. Lorsque l'œuf commence à parcourir la filière génitale, on voit disparaître la vésicule de Purkinje. Beaucoup d'o- pinions avaient été émises pour expliquer cette disparition; j'ai reconnu que dans certains animaux assurément, et pro- bablement dans les Mammifères eux-mêmes, elle était ex- pulsée du vitellus. Enfin , par mes observations, j'ai aussi, je l'espère , jeté quelque lumière sur l'organisation et le développement des zoospermes et sur certains corps ou pseudo-zoospermes qu'on a parfois pris pour ceux-ci. Dans cette histoire oîi j'essaie de tracer d'une main im- partiale comment se sont succédées nos connaissances sur l'ovulation spontanée, je dois dire que sans avoir connais- sance de mes recherches , et peu de temps après leur publi- cation, un savant respectable, M. Duvernoy (1), guidé par les révélations anatomiques, professait de son côté la théo- rie à laquelle j'attachais mon nom, soit à cause de l'antério- rité de mes travaux, soit à cause de l'abondance de mes ob- servations. Parmi les physiologistes qui ont le plus concouru à jeter (1) Duvernoy. Congrès scientifique de Strasbourg. Octobre 1842. DE l'ovulation SPONTANÉE. XXvij une vive lumière sur l'ovulation spontanée, nous devons en- core citer M. Raciborski ( 1 ). Nous n'avions fait qu'effleurer ce qui concerne l'espèce humaine, et c'était à peine si nous avions mentionné quel- ques observations dans lesquelles il en était question ; mais nous nous étions cependant exprimé à ce sujet avec une as- surance qui devait faire croire que nous en étions maître aussi (2). L'Académie des sciences, en portant son jugement sur les travaux de M. Raciborski et en leur décernant une ho- norable récompense en 1846 , les apprécia de la même ma- nière que nous le faisions nous-même , et ce médecin fut regardé par cette savante compagnie, comme ayant étendu à l'espèce humaine le résultat de nos recherches sur l'ovu- lation spontanée des Mammifères (3). Les travaux de M. Bischoff (4), concernant cette der- nière question, n'apparurent dans le monde scientifique que peu de temps après ceux de M. Raciborski ; ils n'avaient pas une moindre importance, et, comme ceux de ce dernier, ils venaient confirmer heureusement ce que j'avais avancé rela- tivement à ce phénomène. Le concours de ces deux savants donna à la question une puissante impulsion. Nous marchions , sauf quelques dissi- dences de détail, tous les trois dans la même direction et nous arrivions au même but , c'était une garantie pour la science; j'ai dii à ce concours inespéré de voir adopter sans retard des opinions pour le triomphe desquelles je pensais qu'il faudrait peut-être long-temps combattre. (1) Raciborski. Mémoire présenté à l'Instilut. Août 1843. (2) PoTJCHET. Théorie positive de la fécondation, Paris, 1842, p, 99. (3) L'Institut, Paris, 1846, p. 161. (4] Bischoff. Mémoire présenté à l'Inslilut. Août 1843. XXViij ESQUISSE HISTORIQUE Enfin, après les divers travaux que je viens de citer, on vît apparaître quelques nouveaux documents sur l'ovologie et l'embryologie. Parmi eux on doit surtout mentionner l'œuvre importante de M. Serres (1) et les belles recher- ches de M. A. Duméril (2). Viennent ensuite les écrits de MM. Bourgery (3) et Courty (4); ce furent eux qui, avec les précédents, couronnèrent cet effort récent accompli par les savants, pour éclairer la physiologie de la génération. Là se termine l'histoire succincte des divers travaux qui ont concouru à la démonstration de l'ovulation spontanée. je pense les avoir exposés avec impartialité J'ajouterai seulement quelques mots encore pour répondre à une phrase de l'un des derniers savants que je viens de citer, M. Courty. Celui-ci, après ^,voir mentionné les recherches de M. Négrier sur les fonctions de l'ovaire et le Cours de son ami M. Costa, ajoute, en parlant de l'ovulation sponta- née , « Cette découverte n'appartient donc pas aux observa- teurs qui sont venus depuis et qui, assez récemment, ont voulu s'en emparer. » Je regrette sincèrement un semblable langage, car aimant à revêtir les sciences de tout leur cortège de dignité, ""je me garderais bien de soupçonner personne d'un semblable lar- cin ; c'est gratuitement blesser ceux auxquels on l'attribue et même la masse des hommes instruits, car ceux-ci ne peu- vent s'en laisser imposer impunément. Cependant, puisque ces paroles ont été prononcées je dois y répondre. (1) Serres. Principes d'organogénésie. Paris, 1842. (2) A. DuMiÎRiL. L'Evolution du fœtus. Paris, 1846. (3) Bourgery. Les annexes du fœtus et leur développen)e]>t Paris. 184G. (4) Courty. De l'œuf et de son développement dans rtîsuèct l.umaiîîe MoulpcUier, 1845. DE L OVULATION SPONTAINKE. XXÎX Nous redirons encore, pour M. Courty, ([ue nous n'avons jamais eu la prétention de parler le premier de l'émission spontanée des ovules ; Cruikshank, Baudelocque, Murât et d'autres, entraînés par l'ascendant des faits, ont même émis sur cet objet des idées non moins avancées que celles qu'on trouve dans les œuvres de MM. Négrier et Coste, mais aucun physiologisten'enavaitencore déduit une théorie com- plète, s' étendant à toute la série animale, suivie dans ses di- verses conséquences et appuyée sur des faits. Si ces derniers n'avaient pas laissé leurs idées s'échapper comme furtive- ment dans leurs écrits, ils eussent compris tout ce que cette grande loi avait de remarquable ; elle qui vient changer toutes les bases de la physiologie relativement à la fonction de la reproduction et jeter la plus vive lumière sur le sujet naguère le plus obscur de la science. Un savant anglais, dans une revue scientifique, en analysant avec autant d'impartia- lité que de savoir tous les travaux concernant la question qui nous occupe, semble s'être chargé de répondre pourmoi à M. Courty. Voici textuellement ce qu'il dit : " It is true that the iaiportant truth had been foresha- " dowed, aiid even indistinctly perceived by récent in- « vestigators, as MM. Négrier, Paterson, R. Lee, Jones " who were , hov^^ever too much wedded to old opinions " to yield themselves immediately to the new light which '< was breaking in upon them ; and it remained for M. Pou- " chet, the professer of zoology at the Muséum of naturaî » history of Rouen , to give the first distinct and positive « enunciation of the doctrine. In his work, whose title is « given above , pubhshed in 1842, a work stamped with « the impress of profound thought , clear perception , and « thorough knowledge of the subject on which he was wri- « ting, M. Pouchet bas developed, having taught it to his « class since 1835 , ■< the positive theory of the fecunda- a tion of the mammiferee, » with ail the enthusiasm and XXX ESQUISSE HISTORIQUE « energy of conviction. He has even anticipated and answe- « red almost every objection. » Dans le cours de cet ouvrage , j'ai cité entièrement ce que le professeur Coste a dit qui pût avoir trait à l'ovula- tion spontanée , et l'on a dû s'apercevoir que ses idées sur ce sujet n'étaient nullement arrêtées ; car s'il eût réelle- ment entrevu la doctrine que nous avons développée , un homme aussi habile que lui s'en fût emparé immédiatement et n'eût laissé aucun doute à cet égard. Le nom de ce savant s'est allié à d'assez importantes découvertes pour que celle-ci soit peu utile à sa gloire; aussi , j'ai si bonne opinion de sa loyauté que , j'en suis certain , il ne l'a reven- diquera jamais publiquement. Pour M. Courty, je l'adjure , si dans mon œuvre je n'ai pas rendu toute la justice possible à MM. Négrier et Coste, de bien vouloir citer textuellement et complètement (cène sera pas long) les passages qui , dans leurs ouvrages , con- cernent l'ovulation spontanée. Le monde savant jugera en- suite de quel côté est la vérité. Mais que demandé-je 1 Déjà, on l'a vu, tout est jugé par la presse , soit dans notre pays , soit à l'étranger. Le temps seul sanctionnera ses décrets lorsque les amitiés ou les passions du moment se seront éteintes. Du reste , je suis déjà heureux sous ce rapport , car si j'ai eu à subir quelques légères attaques , la bonté de ma cause m'a procuré spon- tanément quelques généreux défenseurs. Dans le domaine réel de la science tout s'est même simplifié , car on a bien- tôt reconnu que ni M. Négrier, ni M. Coste n'étaient en cause, maris que le débat résidait simplement entre M. Bis- choff et moi. On a bientôt vu aussi que dans cette discussion même , celui-ci ne me contestait nullement la priorité , mais qu'il ne s'agissait entre nous que d'étabhr la valeur des moyens par lesquels nous étions arrivés l'un et l'autre à la démonstration du sujet. C'était simplement une dispute de T)E L OVULATION SPONTANEE. XXXJ mots à laquelle répond suffisamment , je l'espère , cette in- troduction historique, dans laquelle j'envisage la question sous toutes ses faces. Mais, avouons-le avec reconnaissance, si j'ai dii des- cendre dans la lice pour soutenir quelques petites discus- sions relativement à l'ovulation, elles ont bientôt été épui- sées par l'évidence des preuves , et, bientôt après, comme la plus belle récompense qui pût m'être offerte , une illustre compagnie savante couronnait mon travail, l'Académie royale des sciences de Paris lui décernait , en 1845 , le prix de physiologie expérimentale , et je me plais ici à lui ex- primer la profonde gratitude que me fait éprouver cet hon- neur insigne. L'œuvre que j'offre aujourd'hui au public ne se compose exactement que de la réunion de l'ouvrage et des dévelop- pements manuscrits que je présentai à l'Institut lors du Concours. J'y ai seulement ajouté quelques courtes notes pour tenir ma production au niveau des progrès scientifiques et la rendre encore plus digne de la bienveillance de l'Aca- démie, mais je n'y ai introduit aucun changement capital. Cependant , par délicatesse , je dois ajouter, afin d'en pren- dre sur moi seul toute la responsabihté , que le paragraphe sur la scissiparité , et celui concernant l'animalité des Zoospermes, sont étrangers au travail présenté à l'Aca- démie , et qu'ils forment seuls des annotations récentes. Au Muséum d'histoire naturelle de Rouen, le 13 décembre 1846. THÉORIE POSITIVE DE imULATM SPONTANÉE LA FÉCONDATION. INTRODUCTION. Démontrer les conditions sur lesquelles repose la fécon- dation, et tracer rigoureusement les lois qui, chez l'espèce humaine et les mammifères, président à cet acte impor- tant, tel a été le but de nos travaux, et tel est ce que nous nous proposons de faire dans cet ouvrage, en nous ap- puyant à la fois sur les trois plus puissants agents de l'intel- ligence humaine: l'observation, l'expérience et la logique. C'est en progressant constamment sous l'égide de ces puissances, soit pour saper les erreurs des physiologistes qui nous ont précédé, soit pour mettre nos principes en évi- dence, que nous pensons avoir démontré le premier, et d'une manière incontestable, les trois grandes vérités suivantes: l°Chez l'espèce humaine et les Mammifères, les ovules s'engendrent et sont expulsés spontanément et indépen- damment du rapprochement sexuel ; 4 2 THEORIE DE LA FECONDATION. 2° L'émission des ovules ou l'ovulation spontanée se pro- diiit à des époques déterminées et facilement appréciables ; Et 3° la fécondation n'a lieu que lorsque le passage des ovules dans le canal utérin coïncide avec la présence du fluide qui doit les aviver. Comme l'a dit G. Cuvier, la génération est le plus grand mystère que nous offre l'économie des corps vivants, et l'on peut dire que sa nature intime est encore couverte des té- nèbres les plus absolues (1). Mais, si l'on est forcé de con- venir avec l'illustre naturaliste que l'on ne peut espérer de pénétrer l'essence fondamentale de cette mystérieuse fonc- tion, ce qui importe peu à la vie sociale, nous pensons, au contraire, qu'il est possible de fixer les lois d'après lesquelles elle s'effectue, ce qui offre les plus importantes applications. Le célèbre Ch. Bonnet, qui, guidé par le flambeau de l'expérience et de la philosophie, jeta de si vives lumières sur les plus occultes opérations du monde organisé , avait aussi embrassé le sujet dont nous nous occupons ; mais, quoique son génie en eût entrevu toutes les difficultés , il n'avait jamais cessé d'espérer qu'elles pussent être vain- cues par de persévérantes éludes : aussi ce savant genevois disait-il qu'un jour on arracherait à la nature le secret qu'elle se plaît à couvrir de ses plus impénétrables voiles (2). Nous croyons avoir en partie réalisé cette prédiction eu parvenant à fixer précisément l'époque de la fécondation , et en posant les conditions dans lesquelles elle s'opère et celles sans lesquelles elle ne peut avoir lieu. Le mystère dont le Créateur a voilé la génération , les (1) G. Cuvier. Leçons d'analomie comparée. Paris, 1803, tome v, p. 2. (2) Bonnet. Considérations sur les corps organisés. Amsterdam, 176â, tome I, p. 124. INTRODUCTION. S expériences multipliées et les nombreux écrits auxquels celte fonction a donné lieu , ont hérissé de difficultés son élude. Deux causes sont principalement venues l'entraver et l'obscurcir ; ce sont : les expériences inexactes et le champ incomplet sur lequel errait précédemment l'obser- vation. A l'égard des premières, les théories ne reposèrent jusqu'à ce jour que sur quelques faits entachés d'erreur, que certains physiologistes admirent avec trop de crédulité et que d'autres assurèrent audacieusement avoir observés. Mais ce qui a surtout rendu si longtemps la question né- buleuse, indéchiffrable, c'est que les naturalistes et les mé- decins qui ont tenté de l'éclaircir n'ont pas envisagé le sujet sous un aspect assez général. Pour obtenir sur ce point , comme sur tant d'autres, plus que de vagues conjectures, il faudrait , ainsi que l'a dit Bonnet , que nous pussions embrasser d'une seule vue la totalité des êtres (1). Aussi, c'est en suivant ce principe que nous sommes parvenu à des résultats plus positifs que ceux auxquels arrivèrent les savants qui nous ont devancé dans la même carrière. Les physiologistes qui ont précédé notre époque voyaient dans l'acte de la génération presque autant de procédés particuliers qu'il y a de classes d'animaux; mais à mesure que l'on progresse dans le champ de l'observation, et que l'on contracte plus de hardiesse, on est forcé de reconnaître qu'il existe la plus manifeste identité à l'égard des phéno- mènes fondamentaux de cet acte dans toute la série zoolo- gique. Ce principe étant admis, on s'aperçoit bientôt que l'étude des êtres chez lesquels la nature révèle avec aban- don ses plus mystérieux moyens , doit jeter de vives lu- mières sur ceux où ils se trouvent encore profusément (l) Bonnet. Considérations sur les corps organisés. Amsterdam, 1762, tome II, p. 89. 1. U THÉORIE DE LA FÉCONDATION. voilés. C'est en procédant ainsi que la science parviendra à s'enrichir immensément. J'abandonne cet ouvrage à la publicité, parce que j'ai la conviction qu'il jette un jour nouveau sur le plus important des phénomènes physiologiques , et qu'en outre , je pense qu'il renferme des préceptes qui ne sont pas seulement des- tinés à servir d'aliment à la curiosité scientifique. Nous croyons qu'il nous appartient entièrement d'avoir avec netteté posé la théorie réelle de la fécondation, et in- diqué quelles sont les conditions positives de cette fonction. Cependant nous désespérons d'être assez heureux pour convaincre tous nos lecteurs. Un sentiment d'orgueil dé- placé a souvent égaré les savants qui s'occupaient de re- cherches de physiologie humaine ; aussi en venant avancer que notre espèce n'a pas un mode de génération différent de celui des animaux qui siègent à la tête de la série zoologique , nous pensons que bien des personnes , domi- nées par des idées philosophiques rétrogrades , s'obstine- ront à nier l'évidence , et s'efforceront de saper une des plus importantes lois de la création ; mais la vérité triom- phera un jour avec éclat , et il rejaillira sur nous quelque gloire pour avoir contribué à la mettre en évidence : c'est là le seul prix que nous ambitionnons comme la récom- pense de nos travaux. Nous ne poserons point de théorie de la génération. Les plus beaux génies dont s'honore l'humanité , tels que Aristote (1), Hippocrate (2), Buffon (3), et tant d'autres , (1) Aristote. Hisloire des animaux, trad, par Camus. Paris, 1783. Liv. vu. (2) Hippocrate. Lil>. de Genïtura , et iib. de diœta. Lugd.-Bat. 1663, tome r, p. 129 et 198. (3) Buffon. Histoire naturelle, générale et particulière. Deux-Ponis, 1785, tome m, p. Si et suiv. INTRODUCTION. 5 onl échoué en voulant dévoiler ce qui se passe dans cet acte mystérieux, et ce serait méconnaître les ressources de l'intelligence humaine que de tenter de l'éclairer, car il y a là quelque chose de profondément inexplicable , que la sagesse providentielle a voilé à notre faiblesse; la vie comme la mort pourront bien être définies par les philo- sophes, mais jamais se comprendre. Pour nous, nous nous bornerons à l'histoire des faits certains, et nous les formu- lerons avec la hardiesse que donne une conviction pro- fonde , basée sur de graves et laborieuses méditations , fortifiées de tout l'ascendant de l'expérience et de l'obser- vation ; puis nous nous arrêterons au terme de l'évidence , en nous gardant bien de nous lancer dans le vaste mais périlleux champ des hypothèses. Le cercle que nous allons embrasser , quoique plus res- treint, n'en offre pas moins à l'esprit une immense fécon- dité de matière et les plus importantes applications; car, comme l'a dit Bory de Saint-Vincent (1) : « Si l'histoire de la génération de l'homme était méditée par les person- nes qui sont appelées à préparer ou à faire des lois , les codes y gagneraient plus que ne le pense une certaine classe de docteurs, qui semblent ne pas se douter jusqu'à quel point les règles de tout droit réel sont inscrites dans le grand livre de la nature. » Je sais qu'après avoir suivi avec attention toutes les dé- ductions de cet écrit, on s'apercevra aussitôt qu'étant ar- rivé à la connaissance des lois intimes de la fécondation chez les Mammifères, il doit aussi nous être possible de fixer , avec une égale précision , les conditions qui régis- (1) Bory de Saint-Vincent. Rapport à l'institut, 27 août 1837, 6 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sent celle-ci sur l'espèce humaine, et de déterminer rigou- reusement les moments où elle peut seulement s'opérer, et ceux pendant lesquels il est physiquement impossible qu'elle ait lieu. Oui , nous sommes arrivé à ce résultat ; aussi quelques économistes ou quelques philosophes pourraient nous de- mander quelle sera l'influence de cette découverte sur l'ordre social. A ce sujet nous répondrons que , quoique ayant posé en physiologiste les lois fondamentales de la fonction , nous ne prétendons nullement nous préoccuper de cette question , qui est en dehors de la science que nous cultivons et au progrès de laquelle cet écrit est unique- ment consacré. Cependant, lorsque notre imagination nous représente le génie de Dieu planant dans l'espace infini , et, en même temps , imprimant à la marche des globes la sublime har- monie qui la régit et distribuant à l'insecte éphémère le souffle de vie qui doit momentanément l'animer, alors tout nous dit qu'il ne peut rien éclore qui n'ait subi les regards du Très-Haut. Si parfois quelques scandales nous sem- blent attrister le spectacle vivant et animé de la surface de la terre, ils ont sans doute une utilité que ne nous dé- cèle point la faiblesse de notre intelligence! Quand nous nous retraçons le tableau varié des découvertes qui ont vivifié chaque siècle , nous reconnaissons que toutes ont réagi utilement sur les sociétés humaines; il en sera de même à l'égard des nouvelles investigations physiologi- ques, car nous sommes religieusement persuadé que le Créateur ne révèle jamais aux hommes que les secrets qui doivent tourner à sa gloire , et que son immuable sagesse sait bien poser d'infranchissables barrières à l'infime puis- sance de notre esprit , et nous voiler éternellement les iin- INTRODUCTION. ^ pénélrables mystères doui elle seule s'esi réservé la coil- naissance !..... La génération , dont nous entreprenons d'éclairer l'his- toire , s'opère à l'aide d'organes qui , dans presque tout le règne animal, sont fort multiples ; et celle-ci est ordinaire- ment elle-même très-complexe ; aussi , nous devons dire que , dans cet ouvrage , nous n'avons voulu tracer que les lois fondamentales qui nous paraissent jeter un grand jour sur les phénomènes les plus importants de cette fonction, ou l'ovulation et la fécondation. Pour tout ce qui est connu et démontré , nous n'en parlons même pas. La marche que nous allons suivre sera simple: ne vou- lant poser que les principes essentiels , capitaux , nous les énoncerons d'abord dans de courtes formules en leur don- nant le titre de lois , parce que , pour nous , ces principes sont autant de démonstrations incontestables. Ensuite , pour établir l'autorité de ces diverses lois , nous les déve- lopperons et nous nous efforcerons de prouver que chacune d'elles doit être admise et repose sur des faits et des prin- cipes irrécusables. L'observation et l'expérience s'uniront pour nous révéler l'évidence des lois qui régissent la génération dans toute la série animale, et le raisonnement sera non moins essentiel pour parvenir à leur démonstration; en effet, tantôt par des arguments qui puiseront toute leur vigueur dans l'in- terprétation des faits, nous saperons quelques expériences surannées, vraies fictions qui ont égaré dépuis des siècles les physiologistes imitateurs ou timides ; tantôt par un examen critique , sévère et consciencieux , nous démontrerons les oscillations qui régnent encore dans les œuvres de certains auteurs, et combien leur autorité doit être contestée. Pour atteindre ce but et embrasser méthodiquement et 8 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. complètement notre sujet, nous admettrons ordinairement quatre sections dans l'examen de chacune des lois fonda- mentales : l'exposition , les preuves directes , les preuves rationnelles et la partie critique. L'exposition sera simplement consacrée à poser le prin- cipe d'une manière didactique et sommaire. Les preuves directes embrasseront nécessairement l'ex- posé de tous les faits que l'observation et l'expérience peu- vent fournir à l'appui des principes. Les preuves rationnelles développeront tous les argu- ments qui résultent des déductions de l'inlelligence appli- quées à l'interprétation des faits et de leurs conséquences. Enfin , comme les lois que nous avons établies , ou les observations sur lesquelles elles reposent sont parfois op- posées à celles de nos devanciers, nous discuterons pied à pied dans la partie critique nos opinions et les leurs, en recherchant scrupuleusement et avec une entière indépen- dance de quel côté siège la vérité. Pour mieux faire ressortir ce qu'il y a d'utile pour nous à démontrer, afin de tracer une route toute nouvelle à l'in- vestigation des faits et à la révélation des phénomènes sub- séquents, nous admettrons dix lois fondamentales . Ces lois fondamentales sont ce qui mérite toute notre attenlion et ce qu'il faut rendre incontestable ; ce sont elles qui forment la base de la théorie , et nous les transmettons avec une confiance que nous avons puisée dans de longues méditations, dans de laborieuses recherches. INTRODUCTION. LOIS PHYSIOLOGIQUES FONDAMENTALES. 1'° Loi. Il n'y a point d'exceplion pour l'espèce hu- maine elles Mammifères. IP Loi. Dans tout le règne animal la fécondation se produit à l'aide d'œufs, qui préexistent à la fécondation. IIP Loi. Des obstacles multiples s'opposent à ce que , chez les Mammifères, le fluide séminal puisse être mis en contact avec les ovules encore contenus dans les vésicules de De Graaf. IV'' Loi. La fécondation ne peut s'opérer que lorsque les ovules ont acquis un certain développement, et après leur détachement de l'ovaire. V* Loi. Dans toute la série animale, incontestablement l'ovaire émet ses ovules indépendamment de la fécondation. VP Loi. Dans tous les animaux les ovules sont émis à des époques déterminées et en rapport avec la surexcitation périodique des organes génitaux. VIP Loi. Dans l'espèce humaine et les Mammifères la fécondation n'a jamais lieu que lorsque l'émission des ovules coïncide avec la présence du fluide séminal. VHP Loi. La menstruation de la femme correspond aux phénomènes d'excilaiion qui se manifestent à l'époque des amours chez les divers êtres de la série zoologique, et spécialement sur les femelles des Mammifères. IX^ Loi. La fécondation offre un rapport constant avec la menstruation ; aussi , sur l'espèce humaine , il est facile de préciser rigoureusement l'époque intermenstruelle où la conception est physiquement impossible, et celle où elle peut offrir quelque probabilité. 10 THÉORIE DE LA FECONDATION. X® Loi. Chez l'espèce humaine et les Mammifères, l'œuf et le sperme se rencontrent normalement dans l'utérus, ou dans la région des trompes qui l'avoisine, et c'est là que s'o- père la fécondation. Outre ces dix lois fondamentales , on doit encore ad- mettre deux lois accessoires , qui , quoique moins essen- tielles pour élucider la question, ne nous paraissent cepen- dant pas moins tout aussi positives. On peut les formuler ainsi : 1° Assurément il n'existe point de grossesses ovariqiies proprement dites. 2° Les grossesses abdominales ou tubaires n'indiquent point que la fécondation s'opère normalement à l'ovaire . V LOI FONDAMENTALE. IL n'y a point d'exception pour l'espèce humaine et les MAMMIFÈRES. Exposition. Il n'y a point d'exception pour l'espèce hu- maine et les Mammifères; les phénomènes de leur généra- tion suivent des lois analogues à celles qui s'observent chez les autres animaux. Ils se reproduisent aussi à l'aide d'œufs ; mais la peti- tesse de ceux-ci avait longtemps empêché de les découvrir. La viviparité des Mammifères ne doit plus faire admettre qu'il existe pour eux un mode de développement dont l'es- sence intime serait absolument différente de ce que l'on observe chez les Ovipares. Ce développement n'en est qu'une modification impérieusement déterminée par la structure de l'œuf. On le prouve à l'aide de l'étude de la physiologie comparée de la génération. En suivant la dégradation successive de cette fonction chez les Mammifères, on reconnaît déjà que, vers la fin de celte classe, les espèces ne produisent plus que des em- bryons non viables lorsqu'ils sortent de l'appareil génital interne ; puis que les derniers Mammifères sont en quelque sorte eux-mêmes ovovivipares et forment exactement la transition aux animaux ovipares proprement dits. Enfin parmi les animaux ovovivipares on rencontre même des espèces chez lesquelles l'œuf adhère à l'oviducte par des liens analogues à ceux qui existent sur les vivi- pares. 12 THÉORIE DE LA FECONDATION. Ainsi se lient incontestablement la viviparité et l'ovipa- rité, qui ne sont en quelque sorte que l'expression modifiée d'un même phénomène fondamental. Ainsi se démontre aussi l'harmonieuse disposition des actes physiologiques dans tout le règne animal, depuis les êtres les plus infimes jusqu'à l'homme qui domine toute la création par la perfec- tion de son organisme et la suprématie de son intelligence. Preuves directes. Ce qui a empêché beaucoup de phy- siologistes de tracer d'une manière assurée l'histoire de la fonction qui nous occupe , c'est qu'ils ne se sont pas assez appuyés sur l'étude des animaux, qui pouvait seule leur offrir les plus sûres et les plus importantes révélations , en leur démontrant les analogies irrécusables qui existent entre leur génération et celle de notre espèce. L'importance qu'offre cette étude avait été appréciée par l'immortel Haller (1) ; et Tiedemann (2) a fait également ressortir l'utilité de la zoologie , dans un chapitre spécial de son œuvre , où il professe que , sans cette science, la physiologie humaine ne peut être traitée d'une manière élevée. Nous verrons dans cet essai , que nos arguments trouveront souvent une immense force dans l'appréciation de ce qui s'observe sur les animaux ; car ainsi que Newton (3) le dit aussi, lui qui a tant pénétré de choses, et dont le génie semble avoir entrevu toutes les grandes lois de la nature: in corporibus animalimn, in omnibus fere, oinnia sinii- liter posita. (1) Haller. Ânatome brutorum plus boni fec'u in phjsiologia, qiiam anatome corporis humani. (2) Tiedemann. Traité complet de physiologie de l'homme, trad. par A, J. L. Jourdan. Paris, 1831, tome i, p. 40. (3) NtwTON. Optique. Londres, 1706. Traduction latine de Clarkc. PREMIÈRE LOI. 13 En effel la confirmaiion de celle loi se irouve dans l'ob- servaiion allcnlive de la naiure , et pour les naluralistcs laborieux qui ont scruté les phénomènes de la généralion dans tout le règne animal, elle n'est pas douteuse. Dans tous les animaux , le phénomène fondamental de la génération , sauf de rares exceptions qui ne s'observent qu'aux échelons inférieurs de la série zoologique , consiste dans la production d'un certain nombre d'ovules ou œufs, à l'intérieur d'un organe particulier que l'on nomme ovaire. Puis ensuite ces ovules sont fécondés à l'aide d'un fluide spécial, sécrété par un appareil qui constitue le sexe mâle. Cet appareil se irouve sur des individus différents chez les animaux élevés, tels que les Vertébrés; mais parfois aussi il réside sur l'individu porteur du sexe femelle , de manière qu'il y a alors hermaphrodisme complet, comme cela se voit sur beaucoup de Mollusques. Dans toute la série zoologique les ovules produits dans les ovaires se trouvent normalement expulsés par ces or- ganes à des époques déterminées ; mais ces œufs ne se développent et ne produisent de descendants à l'espèce que lorsqu'ils sont préalablement mis en contact avec la liqueur prolifique des organes mâles. Sans cela, au bout d'un certain temps , ils s'altèrent et se décomposent. Le contact du fluide séminal se fait constamment dans un lieu spécial , mais celui-ci varie beaucoup; cependant, on doit poser en principe qu'il faut toujours pour que l'action de ce fluide soit efficace, que les ovules produits par les or- ganes femelles aient acquis un certain degré d'oi'ganisa- tion, puis qu'ils soient expulsés du lieu de l'ovaire où ils ont élé engendrés et devenus totalement libres. C'est ordinai- rement pendant son trajet dans le canal sexuel que l'œuf ÎU THÉORIE DE LA FÉCONDATION. est fécondé (1) ; mais fort souvent aussi l'imprégnation se fait totalement à l'extérieur de la femelle , ainsi que cela s'observe chez beaucoup de Poissons et d'ximpliibiens (2). Dans l'ovaire même , comme nous le dirons et comme nous le prouverons plus loin, les corps reproducteurs n'ont pas encore acquis le développement nécessaire pour recevoir l'impression vitale , et d'ailleurs le fluide vivifiant ne pour- rait parvenir jusque dans cet organe de manière à y être mis en contact immédiat avec eux. Une fois produits et expulsés par les ovaires, les ovules se développent , soit à l'intérieur (3) , soit à l'extérieur des animaux (Ji), après avoir subi l'imprégnation. Aucun doute ne pouvait s'élever sur l'identité de la gé- nération dans l'immense légion des animaux franchement Ovipares , tandis qu'au contraire , pour certains Vertébrés vivipares, comme les œufs émis par les ovaires sont extrê- mement petits et qu'ils avaient jusqu'à ces derniers temps échappé aux recherches des savants, on était indécis rela- tivement aux procédés à l'aide desquels s'opère la repro- duction , et l'on croyait que celle-ci suivait chez eux un mode spécial. Mais les travaux des modernes ont prouvé que ces animaux , et tels sont surtout les Mammifères , ne se dérobaient point à la loi générale, et qu'ils produisaient également des œufs , que l'exiguïté de ceux-ci avait seule soustraits aux recherches des observateurs. Ainsi donc s'est trouvée démontrée la corrélation qui existe entre tous les êtres de la série animale ; corrélation à laquelle (1) Mammifères, Oiseaux , Reptiles proprement dits , Insectes. (2) Harengs, Truites, Carpes, Grenouilles, Crapauds. (2) Mammifères , quelques Ophidiens , quelques Poissons. (4) Oiseaux , la plupart des Insectes , des Reptiles et des Poissons. PREftlIÈRE LOI. 15 l'espèce humaine elle-même est manifestement soumise, ainsi que nous le prouverons plus loin. Cependant l'histoire de l'ovologie humaine est encore peu avancée, ce qui lient à ce que presque tous les physio- logistes, entraînés par un sentiment d'orgueil, ont été do- minés jusqu'à nos jours par l'idée que notre espèce devait présenter une exception, et qu'elle ne pouvait être assimi- lée aux autres animaux ; c'est une erreur capitale qu'il est temps de combattre pour voir se révéler clairement les phénomènes de notre génération, et afin de pouvoir en po- ser sévèrement les lois, et en pénétrer les plus mysté- rieuses phases. C'est parce que l'on a étudié l'œijf de la femme hors de l'ovaire, et après qu'il avait subi un certain développement dans l'utérus , qu'on l'a considéré comme offrant d'impor- tantes différences avec celui des Oiseaux et des autres ovi- pares. Mais si on l'observe dans son organe producteur , on s'aperçoit qu'il est tout à fait semblable à l'œuf de ces animaux par sa structure fondamentale , et qu'il n'en dif- fère que par le volume. Coste (1) eut le premier l'occasion de le reconnaître. Depuis lui , W. Jones (2) , Wagner (3) , Bischoff (4) et Courty (5) ont pu le vérifier, et nous-même nous l'avons apprécié d'une manière positive. Ce fait étant admis, c'est déjà une immense présomption pour nous conduire à poser en principe que la fécondation (1) Coste. Embryogénie comparée. Paris, 1837, tome i, p. 200. (2) W. Jones. Lond. and Edinb. Philos, magaz,^ tome vu, p. 209. (3) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841, p. 47. (4) Bischoff. Développement de l'homme, des Mammifères et de l'œuf du lapin, trad. Je l'allemand par A. J. L. Jourdan. Paris, 1843, p. 7. (5) CouRTY. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845, p. 38. 16 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. et le développement de cet œuf se font chez la femme se- lon les mêmes lois qui s'observent sur les divers animaux, et surtout les Mammifères ; et nous verrons bientôt que l'ob- servation et l'expérience nous le démontreront successive- ment et incontestablement. La différence qui existe entre les espèces ovipares et les vivipares n'est pas aussi importante que l'on pourrait se le figurer , puisque l'on passe rigoureusement des unes aux autres sans transition prononcée. On reconnaît rigoureusement l'exactitude de cette asser- tion en suivant les diverses modifications qu'éprouve la génération dans tout le règne animal. Sur l'immense majorité des Invertébrés , des Poissons , des Reptiles, et chez tous les Oiseaux, la reproduction s'o- père à l'aide d'œufs qui se développent à l'extérieur du corps de la mère. Mais quelques-uns de ces animaux émettent des œufs qui, après s'être détachés de l'ovaire, achèvent évidemment leur évolution dans l'intérieur du canal sexuel et y éclo- sent, de manière que, quoique essentiellement ovipares, ils n'en produisent pas moins des petits vivants (^Coluher herus, L.; plusieurs Blenriius, Squalus, etc.) Plusieurs des derniers Mammifères sont eux-mêmes ovo- vivipares {Ornitho7'hinciis paradoxus, Blum., Echidna hysfrix, Cuv.) , ou n'émettent que de simples embryons {Dïdelphes^ tandis que lous les autres présentent les caractères de la viviparité la plus tranchée. Dans certaines classes fort naturelles du règne animal on rencontre même tous les degrés que peut offrir la géné- ration depuis l'émission des œufs jusqu'à celles de petits vivipares. Cela s'observe manifestement dans les insectes. Tous ceux-ci sont ovipares. Cependant sur quelques-uns, PREMIÈRE LOI. 17 par exccpiion , lo produil (J(ï la généraiion so d('Volo[)po dans le canal sexuel , el au lieu d'œufs l'animal engendre des larves (Musca carnaria et les aulres Sarcopha- ges (1)). Chez d'autres le petit s'accroît encore davantage dans l'oviducte de la mère et celle-ci émet même des nym- phes complètes , qui se trouvent de-jà enveloppées d'une coque protectrice à l'abri de laquelle doit s'opérer leur dernière métamorphose (^Hippohosques, Nyctérîhie (2). Enfin il en est d'autres qui sont totalement vivipares et dont les petits à peine sortis du corps de la mère se met- tent à marcher {Scorpiotis , Aphis (3)). Ce sont même ces différences extrêmes dans le mode de génération qui ont porté anciennement Réaumur (Jx) à ré- clamer trois grandes divisions parmi les Insectes, qui cor- respondraient à leur mode de génération : les Ovipares, les Larvipares el les Nymphipares. Kirby et Spence (5), pour (1) Comp. Latreili.e. Règne animal. Paris, 1829, lome v, p. ol7. — DuMÉRiL. Dictionnaire des sciences naturelles. Paris, 1824, tome xxxnt, p. 73. — Macquart. Histoire naturelle des Diptères. Paris, 1835, tome n , p. 223. (2) Comp. RÉAUMUR. Mémoire pour servir à l'histoire naturelle dos Insectes. Paris, 1742, tome vr, p. 580. — Latreille, Nouveau diction- naire d'histoire naturelle. Paris, 1817, tome xiv, p. 482, et Cours d'Ento- mologie. Paris, 1831, p. 252. — Duméril. Dictionnaire des sciences natu- relles. Paris, 1821, tome xxi, p. 175. — Macquart. Histoire naturelle des Diptères. Paris, 1835. — Guérin. Dictionnaire classique d'histoire na- turelle. Paris, 1839, tome xiv , p. 364, etc. (3) Comp. RÉDi. Expeiinienla circa generaltoiiem Ii:sectoruw. Amsler- dam, 1671, p. 112. — Cuvier. Le règne animal distribué d'après son orga- nisation. Paris, 1829, tome v, p. 227. (4) RÉAUMUR. Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes. Paris, 17/12, tome VI, p. 590. (5) Kirby el Sri'.NCF. An i/iirodiiction to Entomology. T.ondon, 1828, tome rir, p. 65. 18 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. la même raison, ont adopté deux sections parmi les espèces vivipares en les partageant en celles qui émettent des larves et celles qui produisent des nymphes. Dans la classe des Poissons on observe la même oscilla- tion relativement aux procédés qu'affecte la nature. Parmi ces animaux, qui sont presque tous franchement ovipares et dont les œufs ne subissent ordinairement l'imprégna- tion qu'à l'extérieur de la mère, on trouve cependant quel- ques espèces ovovivipares, et enfin on en rencontre même qui sont exactement vivipares dans toute l'acception que l'on attache à ce mot : telle est l'Émissole lisse. D'après Duvernoy (1), son œuf est pourvu d'un placenta vasculaire qui s'attache aux parois de la matrice de la mère ; aussi ce poisson, selon lui, est-il aussi vivipare qu'un Mammifère mo- nodelpheetplus qu'un Mammifère didelphe ou monotrème. Parmi les Mollusques , qui sont aussi essentiellement ovipares, on rencontre la même particularité , et de place en place il existe des espèces qui émettent leurs petits vi- vants. Swammerdam (2) avait déjà constaté que la Palu- dine vivipare est dans ce cas ; G. Cuvier (3) et De Blain- ville (4) ont confirmé cette assertion. Selon ce dernier savant, les Partules offrent la même anomalie. Ginnani (5) a aussi reconnu que quelques petites espèces de Sabots étaient vivipares, ce qui a été vérifié par d'autres natura- listes. (1) Duvernoy. Anatomie comparée de Cuvier. Paris, 1846, tome viir, p. 8. (2) Swammerdam. Biblia naturœ. Paris, 1758, p. 109. (3) Cuvier. Règne animal distribué d'après son organisation. Paris, 1830, tome III , p. 80. (4) De Blainvillë. Manuel de malacologie. Paris, 1825. (5) Ginnani. Opère postiime iiel quale si contengono teslacei mar'inï palttdos'i e terrestii delV Adr'iaùco ^ etc. Vonezia. 175o, PREMIÈRE LOI. 19 Le fait caractéristique de la viviparité consiste en ce que l'œuf dont le vilcllus est insuffisant à la nutrition fœ- tale, après s'être détaché de l'ovaire, contracte des adhé- rences avec une des régions de l'appareil génital, et se dé- veloppe sur celle-ci jusqu'à ce que le petit soit susceptible de vivre indépendant. Mais chez les Mammifères eux-mêmes, que l'on consi- dère comme étant essentiellement vivipares, on observe toutes les dégradations qui conduisent à l'oviparité par- faite. L'examen de la reproduction des Didelphes et des Monotrèmes vient le démontrer. A l'égard des Didelphes, dont la génération a été étu- diée par Geoffroy Saint-Hilaire (1) , De Blainville (2) , et R. Owen (3), on peut douter qu'il y ait jamais adhérence intime entre l'œuf et le canal utérin. D'après Geoffroy Saint-Hilaire, l'ovule de ces animaux n'étant pas retenu par le col de l'utérus, franchirait rapide- ment cet organe par une sorte d'avortement normal, pour aller se développer à l'extérieur. D'après cela, il est consé- quent de croire à l'exemple de Duvernoy (4) et de quelques autres naturalistes, que chez les Didelphes l'œuf ne con- tracte aucune adhérence avec l'utérus. Laurent (5), qui a étudié ce sujet un des derniers, pense même que chez ces animaux l'œuf avant son expulsion doit (1) Geoffroy ST.-MiLàiRE. Dictionnaire des sciences naturelles. Paris, 1823, tome xix. Art. Marsupiaux. (2) De Blainville. Sur les organes femelles de la génération, et les fœtus des animaux didelphes. Bull, de la Soc. phil. 1818, p. 25. (3) Owen, On the génération of marsupial animais. Phii. trans. 1818. (4) Duvernoy. Anatomie comparée de Cuvier. Paris, 1846, t. viii, p. 8. (3) Laurent. P».echei-ches sur les Marsupiaux, Paris, 1839, p. I8l. 20 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. simplement son développement à une nutrition albumi- neuse et non sanguine, qu'il absorbe en traversant l'utérus. Il n'y aurait donc là ni cordon ombilical proprement dit, ni adhérence à la mère par un placenta, comme cela a lieu chez les Mammifères monodelphes; aussi les Didelphes ne produisent que des ébauches d'embryons non viables, rece- vant un complément d'incubation aux tétines de la poche marsupiale ; ce ne sont donc là ni des animaux franche- ment vivipares, ni des animaux franchement ovipares, et c'est pour trancher la difficulté que Ch. Bonaparte leur a imposé le nom A' Ovovivipares (1). Lorsqu'on descend aux Mammifères monotrèmes qui terminent la série et forment le passage aux Oiseaux, on voit que ces animaux font encore un pas de plus vers l'ovi- parité. Chez eux le produit de la génération n'adhère cer- tainement point à l'utérus, et, selon Geoffroy Saint-Hi- laire (2), ils émettent des espèces d'œufs qui éclosent en traversant les voies génitales. C'est même pour indiquer l'analogie de leur génération avec celle des Oiseaux que De Blaiiiville les appelle Suhovipares. L'identité entre la viviparité et l'oviparité se décèle même par l'examen anatomique. En effet, comme l'ont reconnu les naturalistes, si l'organe producteur des œufs et son ca- nal d'expulsion offrent d'importantes différences sur les animaux ovipares, et sur les Mammifères franchement vivi- pares, chez quelques autres Mammifères il existe la plus remarquable analogie avec ce que l'on observe sur les pre- (J) Ch. Bonaparte, Tableau sur la classification des Mammifères. Sy- nopsis vertelratorum sjstematis. 1837. (2) Geoffroy St.-Hiiaif.e. Sur les glandes abdominales do l'Ornillio- rliinque. Paris, 1832. PRiiMH:iii; LOI. 21 miers. Les savants qui, tels que De Blaînville (1), Duver- iioy (2), R. Owen (o) et Laurent (A), ont étudié attentive- ment l'appareil génital des Monotrèmes, le rapprochent manifestement de celui des Oiseaux. Leur utérus, comme le dit ce dernier, devient tout à fait oviductiforme et sembla- ble à celui des Vertébrés ovovivipares. C'est môme pour rappeler cette disposition que De Blainville a nommé ces mammifères Ornithodelphes en les plaçant sur la limite de la mammalogie , comme formant la transition à la classe des Oiseaux (5). Les ovaires eux-mêmes représentés avec tant d'exactitude par R. Owen et Wagner (6) sont stricte- ment semblables à ceux des Oiseaux. Les Reptiles dont l'organisation est le plus élevée , tels que les Chéloniens, offrent dans la disposition de leurs or- ganes génitaux quelque ressemblance avec ce que présen- tent les Oiseaux; tandis que- ceux qui terminent la série ont un appareil génital qui se rattache de la manière la plus complète à celui de certains Poissons. Les recherches de Rudolphi (7), de Rusconi (8) et de Rathke (9) sur le (1) De Blainville. Sur la nature du produit femelle de l'Ornilhorhinque. Ann. du mus., tome ir. (2) DuvERNOY. Mémoire sur les organes de la génération de l'Ornilho- rhinque et de l'Échidné. Strasbourg , 1834 , et dans Cuvier. Leçons d'analo- mie comparée. Paris, 18'i6, tome vin, p. 18. (3) Pi. Owen. On the oi-a of tlie Ornhhorhinciis. Phii. trans. 1834. (4) Laurent. Piccherches sur les Marsupiaux, Paris, 1839, p. 181. (3) Comp. HoLL.\RD. Nouv. éléments de zoologie. Paris, 1838, p. 496. — PoucHET. Zoologie classique. Paris, 1842, tome i, p. 27o. (6) R. Wagner. Icônes physiologîcœ. Leipzig, 1839, lab. ii, fig. 4,5. (7) RuDOLPHi. Isis, 1847, p. 1017. (8) Rusconi. Sopra un Proteo fem'iueo. Pavie. (9) Rathke. Bfitrœge zur Gescitichtc cicr Th'ieiwelt. Danlzig , 1821 à 1827. 22 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Protée, et celles de Home (1) sur l'Axoloil , le démontrent avec évidence. L'analogie est surtout sensible sur les Pois- sons, qui, tels que les Squales, les Chimères et les Raies, produisent des petits vivants ou émettent des œufs proté- gés par une enveloppe cornée épaisse. Cette, particularité a été signalée par Carus (2) , Cuvier et Valenciennes (3) , et par Duméril et Bibron (4). Des différences anatomiques non moins remarquables existent sans doute sur tous les animaux, qui, parmi leurs classes respectives, offrent de semblables particularités dans le phénomène de la reproduction. Cela a été constaté par des hommes du plus haut mérite , même à l'égard de quelques espèces qui appartiennent aux ordres les plus inférieurs du règne animal. Déjà Réaumur avait fait obser- ver que les Hippobosques , si remarquables parce qu'ils produisent des nymphes au lieu d'œufs, ont des organes génitaux internes qui s'éloignent considérablement de ce que l'on observe chez les Insectes du même ordre. Léon Dufour (5), qui a porté si loin l'exactitude dans les descrip- tions anatomiques, constate aussi cette particularité, et il va même jusqu'à rapprocher les formes de l'ovaire et de l'uté- rus de ces Diptères , de celles des mêmes organes chez la femme ! . . . Toutes ces déductions tirées de l'anatomie et de la phy- siologie comparées viennent démontrer que l'oviparité et (1) Home. Plùlosophical transactions, London, 1824, p. 429. (2) Carus. Traité d'anatomie comparée. Paris, 1835, tome ii, p. 400. (3) Cuvier et Yalencieknes. Histoire naturelle des Poissons. Paris , 1827, tome i, p. 531. (4) Duméril et Bibron. Erpétologie générale, ou histoire naturelle complète des Reptiles. Paris, 1834, tome x. (5) LÉON Dufour, Ann. des se. nat., tome vi, p. 299. PREMIÈRE LOI. 23 la viviparité émanent d'un phénomène identique dont elles ne représentent que deux modifications qu'on voit succes- sivement se rapprocher, s'unir et se confondre. Là s'offrent des classes entières qui , de vivipares qu'elles sont essen- tiellement , deviennent peu à peu embryopares et même tout à fait ovovivipares ; ailleurs on observe le contraire. L'adhérence temporaire de l'œuf et son développement sur l'un des points de l'appareil génital de la mère ne peu- vent pas être considérés comme le symbole de la viviparité, puisqu'ils ne se présentent peut-être pas chez les Mammi- fères didelphes, et qu'ils n'existent certainement point dans les Ornithodelphes. En outre , cette adhérence s'observe sur certains ani- maux regardés comme essentiellement ovovivipares. Cu- vier et Valenciennes (1) l'ont reconnu relativement à quelques Poissons. Le vitellus des fœtus des Requins prêts à naître leur a paru adhérer à la matrice presque aussi fixement qu'un placenta ; son cordon était hérissé d'une quantité de ramifications vasculaires et d'une espèce de chevelu analogue à celui des racines des arbres. Nous avons vu plus haut que , d'après Duvernoy (2) , l'Émissole lisse adhérait à l'utérus de sa mère à l'aide d'un véritable placenta vasculaire. Cette union intime entre l'œuf et la mère a même été observée sur certains animaux invertébrés. Suivant Ru- dolphi (o), les œufs des Echinorhynques et des Cucullans paraissent être attachés aux ovaires ou aux oviductes par (1) CuviER et Valenciennes. Histoire naturelle des Poissons. Paris, 1828, tome I, p. 541. (2) Duvernoy. Anatomie comparée de Guvier. Paris, 1846, tome vur. 3) RuDOLPHi. Entozoorum historia. Amsterdam, 1808, tome i, p. 309. 24 TIIÉOKIE DE LA FÉCONDATION. une soi'lo de placcnla. Ce savant ajoute que les embryons de ces derniers tiennent toujours aux membranes de l'œuf par un prolongement faisant l'office de placenta. Particu- lariié qui a été reproduite par Carus dans son Allas (1). J. Muller (2) rapporte qu'il existe quelque chose d'assez analogue chez le Scorpion. Là, selon lui, l'embryon porte à la partie aHtérieure du corps un prolongement tubuleux qu'il compare à un cordon ombilical et qui se dirige vers l'ovaire. Preuves rationnelles. Le raisonnement vient aussi imposer sa sanction à notre manière de considérer la gé- nération, car pourquoi se produirait-elle dans l'espèce hu- maine avec une modalité différente de celle qu'elle affecte chez les animaux supérieurs? Toutes les autres fonctions n'y suivent-elles pas les mêmes lois? est-il un physiologiste qui oserait professer aujourd'h-n que la circidation, la respira- lion et la digestion ne présentent pas, dans leurs détails fondamentaux , une identité parfaite chez l'homme et chez les Mammifères, chez les Oiseaux et chez les Reptiles ; et pour- quoi donc voudrait-on , quand les phénomènes des princi- pales fonctions se produisent d'après un même type ou sous des formes analogues que l'acte le plus important de la vie animale, celui qui s'offre dans la série sous l'aspect le plus uniforme, présentât sur l'espèce humaine et sur les Mammifères, qui s'en rapprochent tant sous le rapport de l'organisation, des différences physiologiques inexplicables et tout à fait anomales? Cela n'est pas admissible : une même loi régit tous les êtres, et notre espèce elle-même n'échappe (1) Cauus. Anatomie comparée. Allas. l\iris, 183o, pi. v, fig. G et 7. (2; J. MvLi.r'<'s Archive, l'SiS, p. 57. l'UEMIÈr.E LOI. 25 pas à rcll(i qui domino la classe des animaux, à laquelle il est impossible logiquement de la soustraire. D'ailleurs n'avons-nous pas vu que dans Tordre anatomi- que, comme dans l'ordre physiologique, tout se réunissait pour sanctionner celte vérité, et que par mille nuances diverses la nature modifiait le facteur principal d'une même fonction, identique au fond, mais se présentant dans ses détails avec une extrême variété de formes. Là ce sont des classes entières d'ovipares chez lesquelles de place en place apparaît la viviparité ; ailleurs ce sont ces Mammifères considérés jusqu'alors comme essentiellement vivipares et dont quelques-uns cependant n'émettent que des espèces d'embryons gélatineux, tandis que d'autres sont évidemment ovovivipares. Dans une sphère différente d'observations, nous trouvons au milieu des nombreuses légions d'animaux dont les œufs traversent librement le canal sexuel, quelques espèces sur lesquelles ceux-ci y adhèrent manifestement par un lien organique; ailleurs au sein de la classe même des Mammifères dont les embryons se développent générale- ment en adhérant à l'utérus, nous rencontrons des animaux dont l'œuf franchit l'appareil sexuel sans s'y attacher, et vient nous présenter l'anomalie de la génération marsu- piale. Ne sont-ce pas là toutes les formes physiologiques, toutes les transitions, toutes les mutations d'une même fonction? et quand les analogies percent de toutes parts, la transition n'est-elle pas partout évidente, partout flagrante? Il est donc impossible d'assigner des limites exactes , précises, évidentes, entre l'oviparité et la viviparité ; ce ne sont que des modifications d'un même phénomène phy- siologique. Ainsi donc se prouve d'une manière manifeste, irrécu- 2ff THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sable, l'identité de la génération dans toute la série zoolo- gique 5 identité bien établie par l'étude de l'œuf opérée dans son organe producteur, et par celle de l'imprégnation et du développement de cet œuf considérés sur les divers animaux. ir LOI FONDAMENTALE. DANS TOUT LE REGNE ANIMAL , LA GENERATION SE PRODUIT A L AIDE d'oeufs qui PRÉEXISTENT A LA FÉCONDATION. Exposition. L'observation a démontré aujourd'hui, jus- qu'à l'évidence, que dans toute la série animale, depuis l'homme jusqu'à l'éponge, la génération se produit à l'aide d'œufs. Depuis longtemps les naturalistes avaient déjà reconnu que chez la plupart des animaux cet acte suivait une telle marche; cependant divers êtres, qui occupent les extrémi- tés les plus opposées de la série zoologique, tels que l'espèce humaine et les Mammifères d'un côté , quelques Zoophytes et les Éponges de l'autre, passaient seuls pour se sous- traire à la loi générale. Mais la science moderne, dans son progrès, a prouvé manifestement que chez eux la généra- lion ne se dérobait point à l'harmonieuse marche qu'elle affecte ostensiblement dans l'immense majorité des êtres et qu'elle se produisait aussi à l'aide d'œufs. Ainsi donc se trouve démontré le célèbre aphorisme de Harvey : otnne vivimi ex ovo. Cependant il faut ajouter que quelques êtres inférieurs outre ce mode de développement, en possèdent encore d'autres, dont ils font même parfois alternativement usage: ce sont la gemmiparité et la scissiparité. Mais ces procé- dés anormaux sont moins fréquents qu'on le supposait au- 28 TIIÉORIK DE LA FÉCONDATION. Irelbis , et peiU-èlre même que , clans certains cas , ils ne représentent qu'une modification de l'oviparilé. Preuves directes. Démontrer que tous les animaux, et même les Mammifères et l'espèce humaine, se reprodui- sent à l'aide d'œufs, dont la partie fondamentale est iden- tique dans toute la série zoologique ; puis que ceux-ci préexistent à la fécondation, voici ce que nous nous pro- posons dans ce paragraphe, et ce que nous allons poser en principe, soit en nous étayant de l'observation directe, soit en invoquant l'autorité des plus savants anatomistes modernes. Chaque jour appoi'te de nouvelles preuves en faveur du célèbre aphorisme de Harvey : ormie vivuni ex ovo (1), accepté et soutenu ensuite avec plus ou moins de force ou d'éclat par De Graaf (2) , Vallisnéri (3) , Malpighi (4) , Bonnet (5) et d'autres. En effet, si l'on suit la série animale, en passant successi- vement des êtres dont l'organisation est le plus simplifiée, à ceux qui ont une structure de plus en plus complexe, dans tous on reconnaît que ce sont des œufs qui se trouvent des- tinés à perpétuer l'espèce. Cette assertion est aujourd'hui incontestable à l'égard des Mammifères, des Oiseaux, des Reptiles, des ximphibiens, des Poissons^ des Insectes et des Mollusques, et les travaux des modernes en ont également constaté l'exactitude relati- (1) Harvey. Exercitai'iones de generatlone an'cmalium. Londres, 1631. (2) De Graaf. De midieriim organis generalioni inservientibus. Leyde 1672. (3) Vallisnéri. Istoria délia generaz'wne deU'uomo e degli anhnali. Venise, 1721. (4) Malpighi. Opéra omnia postliiima. Londres, 1687. (o) BoNKET. Considérations sur les corps organisés. Amsterdani , 1762. vemcnt à la pliipnrL dos Zoophylcs, animaux doni la i^i'ué- ration n'ayant pasjusqu'alors attiré suflisammeiu les médi- tations des savanls, se trouvait généralement considérée comme s'opérant à l'aide de moyens particuliers. Les re- cherclies de lUidolphi sur les Hclminllies (1) , de Cavo- lini sur les Gorgones (2), de Rapp et de Berthold sur les Actinies (3), de Gaede sur les Méduses (A), de Raihke sur les Astéries (5) , de Peters et de Valenlin sur les Échino- dermes (6), et de Grant sur les Flustres (7), tendent à dé- montrer que la génération de ces divers animaux s'opère à l'aide d'œufs. Il en est de même des infusoires sur quel- ques-uns desquels Ehrenberg (8) a reconnu l'existence des ovaires. Laurent (9) , dans ces derniers temps , nous a même dévoilé l'existence des œufs des Hydres et des Éponges d'eau douce. Longtemps on considéra les Mammifères comme ne se reproduisant point à l'aide d'œufs, et c'était cette erreur qui (1) RuDOLPHi. Entozoorum s. ■verrnium intesiinaliiim Idstoria naturalis. Amsterdam, ISOS. (2) Cavoliki. Memorie per servire alla stovla dei Polipi marim. Na- ples, 1785. (3) Rapp. Ueber die Polypen im allgemeîiien und die ylluinien ins beson- dere. Weimar, 1829. — Bertuoi.d. Beitrœge zuv ,4natomie , Zooiomie und Pliysiologic. Gœttingen, 1831. (4) Gaede. Beitrœge zur Ànatomie dcr Medusen. Berlin, 1816. (o) Rathke. In Froriep's Notizen. Tome xxi. (6) PtTERs. In Miillcr's Archii'. 1840. — Valentin. Repertorium, 1840. (7) Grant. Ileusinger's Zeilsclirîft jiir organische Physik , tome ii, page 53, (8) Ehreneerg. Organisation , Systejnatik und geograplùsclies Fer- liœltniss der Infusionsthierclien. Berlin, 1830 à 1834. (9) LAURnNT. Recherches sur l'HyJrc et l'Éponge d'eau douce. Paris, 1843. 30 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. avait fait méconnaître les véritables lois qui président à leur génération. Maintenant il n'est plus possible d'ad- mettre cette exception. Il faut reconnaître que ces ani- maux s'engendrent aussi par le moyen de ceux-ci ; c'est une loi universelle pour tout le règne animal, et l'espèce humaine elle-même ne s'y dérobe point, ainsi que nous al- lons le prouver. Les premières notions que l'on ait eues sur l'œuf des Mammifères furent dues à Sténon. Cet anatomiste, ayant reconnu qu'il existait des œufs dans l'ovaire d'un Squale, poisson qu'il savait être vivipare, en inféra qu'il n'était pas douteux que les ovaires des femmes fussent semblables et ne continssent aussi des œufs. DeGraaf (1), qui avait suivi les divers changements que la fécondation imprime à l'ovaire des Mammifères, alla encore plus loin et prétendit même que sur tous ces animaux, ainsi que chez l'espèce humaine, cet organe contient dans ses vésicules de petits œufs qui s'en détachent successivement à mesure qu'ils se trouvent avivés par le sperme. Mais ces savants, pas plus que Sw^ammerdam (2) qui leur disputa cette décou- verte avec aigreur, ne virent réellement point ceux-ci; car c'était souvent aux vésicules de De Graaf elles-mêmes que, dans les discussions académiques de l'époque, on donnait le nom d'œufs. Cependant Malpighi (3) paraît réelle- ment, durant ses nombreuses observations, avoir une ou deux fois seulement vu l'œuf de la Vache nageant dans le (1) De Graaf. De miilierum organis generatloni inservientibus, Leyde, 1672. (2) SwAMMERDAM. De miraciiUs naturœ sive iiteri mulieris fabricâ. (3) Malpighi. Comp. Buffon, Histoire naturelle, tome m, p. 316, Deux-Ponts, 1787. DEUXIÈME LOI. 31 fluide des vésicules ; mais ses observations manquant de précision, c'était aux travaux des modernes qu'appartenait la gloire de démontrer l'exactitude de ce fait. On sait que Kirchdorff (1), Haller (2), Kuhlemann (3), Haighton (4) , Vallisnéri (6) , et d'autres observateurs , avaient fait d'inutiles tentatives sur diverses espèces pour découvrir les œufs des Mammifères; et quoiqu'on fût inti- mement convaincu de leur existence, la petitesse de ceux- ci les leur avait cependant dérobés. Mais durant ces der- nières années , Plagge (6) découvrit réellement ces œufs, et ils furent ensuite reconnus dans les ovaires de cer- tains Mammifères par Prévost et Dumas (7). Cependant le premier ayant obscurci sa découverte par des additions qui ont pu la faire croire le fruit de l'imagination, et les autres n'ayant donné nulle suite à leurs travaux, la gloire de la démonstration de ce fait revient totalement à De Baër, qui, en 1827, découvrit l'œuf dans l'espèce humaine et les Mammifères, et en démontra l'existence dans l'ovaire (8). Cette découverte fut ensuite constatée par Coste (9), qui, (1) Kirchdorff. Dubia de generatlone 'viviparorum ex ovo. (2) Haller. Elementa physiologice, tome vin. (3) Kuhlemann. Obseiyationes qxiœdam circa negotium generat'ionis in Qv'ihus factœ, p, 19. (4) Haighton. Plûlosophical transactions. Londres, 1797. (5) Vallisnéri. Istoria délia generazione deW uomo e degli animali, Venize, 1721. (6) Plagge. Journal complémentaire du dictionnaire des sciences mé- dicales, tome XV. (7) Prévost et Dumas. Annales des sciences naturelles. Paris, 1823, t. in, p. i3o. (8) De Baer. De ovi mammalium et hominis genesi. Leipzig, 1827, page 12. — Lettres sur la formation de l'œuf dans l'espèce humaine et les Mammifères, traduites par G. Breschet. Paris, 1829. (9) CosTE. Recherches sur la génération des Mammifères, p. 25 et suiv. ?,2 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. en 183^, démontra l'identilô de l'œuf des Mammifères et, des Oiseaux en reconnaissant dans celui des premiers la vésicule germinative; ensuite elle acquit une nouvelle ex- tension , par les travaux que Valentin , observateur ri- goureux, entreprit de concert avec Bernhardt (1) , et dans lesquels on voit que l'œuf de la femme fat aussi dé- couvert par eux dans l'ovaire, malgré l'exiguïté de son vo- lume. L'œuf des animaux ayant été mieux étudié durant notre époque, on a pu reconnaître que chez tous il se composait d'une masse jaune, nommée vitelline, contenue dans une membrane , et offrant dans son intérieur une vésicule ap- pelée vésicule germinative ou de Purkinje, du nom du sa- vant qui la découvrit et la fit connaître en 1825 (2). Cette vésicule, que celui-ci avait alors observée dans l'œuf des Oiseaux, futsignalée, en 1827, par DeBaër, comme existant également à l'intérieur de celui des autres Vertébrés ovi- pares, de même que dans les Mollusques, les Annélides, les Crustacés et les Insectes. Purkinje la reconnut ensuite dans les Entozoaircs et les Arachnides; enfin Van Beneden l'a même observée dernièrement dans l'œuf de certains po- lypes. En 18oZt, Coste (3), Valentin et Bernardt (i), démontrè- rent que cette vésicule germinative existait évidemment chez les Mammifères eux-mêmes ; et il fut ainsi établi que (1) Valentin et Bernhmidt. Syml'olœ ad oi'i Mammaliiim h'istoriam ante iniprœgnationem . Breslau, 1834, p. 17. (2) Purkinje. Symholœ ad où A^ùitin histonam ante iacuhaùonem, Leipzig , 1825. (3) Coste. Rech. sur la génération des Mammif. Paris, 1S34, in-A", p. 19. (4) Valentin et Bernhardt. Symbolœ ad avi Majnivaliinn lùsforiam aille imprœgual'ionem. Rroslaii, 1834, p. 21. DEUXIÈME LOI. %^ l'œuf pris à l'ovaire offrait dans toiilc la série aiuinaUî mie organisation inconleslablcnient identique. Les travaux de Carus(l), de Rathke(2),deWagiier(;)), de Biscliofî(^k) et de Gourty (5) ont aussi contribué à prou- ver l'évidence de cette assertion , et nous avons également agi dans cette direction, en faisant cunnaîlre la stiaicluie analomique de l'une des paities fondamentales de l'œuf. En effet , nous avons démontré que dans toute la série animale le vilellus était formé de vésicules microscopiques plus ou moins nombreuses, remplies d'un fluide dans lequel s'agitent des myriades de granules ; nous avons reconnu celles-ci sur les Mammifères, les Oiseaux (0), les Poissons, les Insectes et les Mollusques (7). Schwann (8) par ses travaux, et presque simultanément, a confirmé ce que nous avions découvert. Ainsi, l'identité des œufs relativement à la structure in- time de leur partie fondamentale , n'est pas moins dé- montrée que leur existence , dans toute la série animale ; et si l'exubérance des preuves citées par nous dans cet écrit, n'était plus que suffisante pour jeter de profondes (1) Carus. Traité élémentaire d'analoniie comparée. Paris, 1835, tome 2. (2) Rathke. Frôrîe^/s Tiotizen.'Weimài. (3) Wagner. ProcJromus hisloiice generaiiouis, Leipzig , 1836. — Traité de physiologie. Bruxelles, 1S41, p. 74. (4) BiscHOFF. Encyclopédie anatomique. Paris, 1843, tome viii. (5) CouRTY. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845. (6j PoucHET. , De l'organisation du vitellus des Oiseaux. Mémoire pré- senté à l'Institut, 1839. (7j PoucHET. Mémoire sur la structure du vitellus des Limnces ; inséré dans les Annales françaises el étrangères d'anatomie et de nliysiologlc , Paris, 1838. (,8) ScHWAMN. Mikiosho^isclie UnicrsiuIiungT/7. Berlin, 1839 3 2>U THÉORIE DE LA FÉCONDATION convictions dans l'esprit de nos lecteurs, ils pourraient consulter encore les travaux de Purkinje, récemment cou- ronnés par l'Institut. En effet, soit que l'on observe les œufs dans les Zoophytes , dans les Mollusques , dans les Entomozoaires , ou dans les Vertébrés , on reconnaît , à l'aide de l'observation microscopique , que tous offrent la même disposition organique relativement à leurs parties fondamentales, ce qui forme déjà une grande présomp- tion rationnelle en faveur de l'hypothèse dans laquelle on admet l'analogie des phénomènes intimes de la fécon- dation et du développement , dans tout le domaine de la zoologie. Dans l'espèce humaine la disposition des éléments orga- niques qui contribuent à la génération est aussi tout à fait analogue à ce qui s'observe parmi la série animale et sur- tout chez les Mammifères. En effet, on reconnaît que dans l'ovaire, ainsi que l'ont vu Coste (1), Jones (2), Wagner (3), Bischoff (Zi) et Courty (5), et ainsi que nous avons eu l'oc- casion de le vérifier nous-même , l'œuf de la femme n'offre aucune différence avec celui des Oiseaux et des Mammi- fères ; seulement il est d'un volume considérablement moindre que l'œuf des premiers. D'après ce que l'on vient de lire, on s'aperçoit que la question relative au mode primitif de toute génération est parfaitement élucidée, et qu'il ne peut plus y avoir de (1) Coste. Embryogénie comparée. Paris, 1837, tome i, p. 200 et 363. (2) Jones. Lond, and Edinh. Philos, magaz. , tome vu, p. 209. (3) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841, p. 43. (4) BiscHOFF. Développement de l'homme, des Mammifères et de l'œuf du Lapin. Paris, 1843, p. 7. (5) CouRTy, De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845, p. 38. DEUXIÈME LOI. 36 doule à cet égard. Les travaux des ovologisles modernes ont non-seulement démontré l'existence de l'œuf dans tout le règne animal, mais aussi comme le dit Cruveilliier (1) , ils ont établi expérimentalement le grand fait de l'identité entre l'œuf des Ovipares et celui de l'espèce humaine et des Mammifères. Ainsi donc sous ce rapport le cercle de la science est complètement fermé. S'il est parfaitement démontré aujourd'hui que dans tout le règne animal, depuis les êtres le plus simplement organisés jusqu'à l'espèce humaine , la génération se produit à l'aide d'œufs, il n'est pas moins certain que ceux-ci préexistent à la fécondation. Cette proposition se dévoile dans toute son évidence par l'examen des organes sexuels des animaux les plus divers, avant l'imprégnation , et l'anatomie végétale vient elle-même lui ajouter un nouveau degré de cer- titude. Tous les savants qui se sont occupés avec distinction de l'organisation intime des végétaux, tels que Ventenat (2), Mirbel(3),Decandolle(4),ïnrpin(5),Amici(6),Raspail(7), (1) Crtjveilhier. Anatomie descriptive. Paris, 1836. (2) VE^TE^AT. Tableau du règne végétal. Paris, an vu, tome r, p. 171. (3) MiRBEL. Éléments de physiologie végétale et de botanique. Paris, 181S, tome I, p. 226. (4) Decandolle. Principes de botanique; dans la Flore française, tome r, p. 124. — Organograpliie végétale. Paris, 1827, tome ir, p. 87. (5) TuRPiN. Essai d'une iconographie élémentaire et philosophique des végétaux. Paris, 1820, p. 43. (6) Amici. Annales des sciences naturelles, 1830, p. 331. (7) Raspail. Nouveau système de physiologie végétale, Paris , 1837 , tome I, p. 216. 36 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Ad. de Jussieu (1), ei suriout Ad. Broiigniart(2), Ach. Ri- chard (3), et Decaisne (4), soit dans leurs recherches sur le développement de l'embryon végétal , en général , soit en observant quelques végétaux en particulier, ont tous recon- nu, sans le moindre doute , que l'ovule existait déjà dans l'ovaire longtemps avant la fécondation. L'expérience vient elle-même confirmer ce fait dont il n'est plus permis de douter.'En effet, si l'on enlève l'organe mâle ou l'étamine avant son développement complet, comme l'ont vu Camérarius (5), Spallanzani (6) et beaucoup d'au- tres savants, les ovules, qui sont déjà apparents, se déve- loppent encore à la suite de l'opération, mais seulement ils ne parviennent point à leur maturité ou ils donnent des graines inhabiles à germer. Il a aussi été irrévocablement prouvé que parmi les végétaux dioïques, quand on garantit la plante femelle de tout contact avec les individus qui por- tent les organes mâles, la première n'en produit pas moins des graines , mais seulement celles-ci sont stériles et dé- pourvues d'embryon ; Link(7)ra encore dernièrement mis hors de doute. Ainsi donc, sans la fécondation, les piaules possèdent des ovules et peuvent émettre des graines ; seu- (1) Ad. DE Jussieu, Botanique. Organes et fonctions clos végétaux. Pa- ris, p. 378. (2) Ad. Brokgniart. Eecherches sur la génération et le déveloi)pement de l'embryon dans les végétaux phanérogames. Paris , 1827. (3) Ach. Richard. Éléments de botanique. Paris, 1833 , p. 324. — Mé- moire sur la famille des Rubiacées. Paris, 1829, (4) Decaisne. Recherches anatomiques et physiologiques sur la garance. Bruxelles, 1837. (5) Camérarius. Ep'istola de sexu plaiitaram, Tubiugue, 1794. (6) Spallanzani. Disscrtaz'ton'i di fisica animale e Tegetalile. Modène, 1776. (7) LiMK. Elemenla philûsopilîcœ hotanicœ,^. Iti^. DEUXIEME LOI. 37 lemeiit celles-ci n'ont point alors les qualités requises pour donner naissance à de nouveaux individus. A l'aide d'observations scrupuleuses et attentives, on rend inconleslable que, dans toute la série animale, depuis les Zoophy tes jusqu'à l'espèce humaine, les ovules préexis- tent aussi à la fécondation, et que ceux-ci se développent successivement et à des époques déterminées. En effet , lorsque l'on examine les organes femelles de tous les Inver- tébrés, on y découvre évidemment des œufs avant l'accou- plement, toutes les fois où cet acte, comme cela se prati- que ordinairement, doit être opéré pour l'accomplissement de la fonction génitale. A l'égard des Insectes, cela est on ne peut plus facile à prouver, et était parfaitement connu de nos devanciers. Déjà Malpighi (1), dans sa belle description du Ver à soie, rapporte qu'on aperçoit très-bien les œufs dans la chrysa- lide de celui-ci. Cuvier (2) émet comme un fait général qu'on les découvre peu de temps avant la dernière méta- morphose ; Herold (3) et Carus {U) ont contribué à établir l'exactitude de cette assertion, soit par l'autorité de leui's observations, soit en figurant les ovules contenus dans des ovaires de Papillons femelles qui n'avaient point encore subi l'accouplement. Sur les larves de certaines ïipulcs aquatiques j'ai moi-même souvent reconnu les ovules, en examinant ces Diptères à l'aide des instruments grossis- (1) Malpighi. Disserlal/o epistolîca de Bomhyce. Londres, 1669. (2) Cuvier. Leçons d'analomie comparée. Paris, 1846, lome viii, p. 312. !,3) Herold. Eji.twickelungsgesclùchte der SchmcUerl'ingc. Cassel, 1815, et Annales des sciences n:iturelles, lome x i, p. 190. (4) Carus, Traité, élémentaire d'analomie comparée, trad. par A, J. L. Jourdaii. Paris, 1833, lome ii , p. 393, 38 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sanis. Aussi c'est avec raison que Lacordaire (1) dit que sur les divers animaux de cette classe, il est surabondam- ment prouvé que les œufs se développent avant l'accou- plement* Relativement aux Vertébrés, les personnes les moins ver- sées dans l'étude de l'histoire naturelle savent que la plu- part des Poissons et des Amphibiens émettent même leurs œufs sans qu'ils aient subi la fécondation, et que ce n'est qu'au moment où la femelle les expulse ou quelque temps après, que le mâle les vivifie en les arrosant de fluide sé- minal. On sait aussi que les Oiseaux, durant la saison des amours, portent un certain nombre d'œiifs dans leurs ovaires , et qu'il est avéré, ainsi que le disent Duméril (2) et tous les ornithologistes , que ces œufs existent dans le ventre des femelles avant qu'elles aient été fécondées. Il faudrait ne jamais avoir disséqué un Oiseau pour nier cette assertion. Tous ces faits sont positivement démontrés, et nulle ob- jection ne s'est jamais élevée pour en contester la validité ; mais les Mammifères, à cause de la petitesse de leurs œufs qui avaient échappé à l'investigation des savants, passaient seuls pour former une exception à la loi qui régit harmo- nieusement toute la création. Cependant, comme nous l'a- vons dit, durant leurs études attentives, les anatomistes qui ont précédé notre époque avaient , il est vrai, entrevu ces œufs ; mais c'est réellement aux savants contemporains qu'appartient la gloire d'en avoir démontré positivement (1) Lacordaire. Introduction à l'entomologie.' Paris, 1838, tome ii, p. 378. (2) Duméril. Traité élémentaire d'histoire naturelle. Paris, 1807. DEUXIÈMi; LOI. 89 l'exislciice, aijisi que d'avoir fait rcssoi'Ur les analogies qui lient physiologiquemenllous les êtres organisés. Cuvicr, devenant en quelque sorte le précurseur de cette découverte, dit, avec raison, en parlant des ovaires «que si « leur structure dans l'espèce humaine et dans les mam- « mifères peut laisser quelques doutes sur leur fonction, « cette structure est tellement évidente dans les autres « classes qu'il n'est plus possible d'y méconnaître cette « dernière. Dans toutes les autres classes, ajoute l'illustre « naturaliste , les ovaires servent évidemment à l'accrois- « sèment des germes ou œufs , qui s'y trouvent déjà tout « formés avant l'approche du mâle ; l'analogie porte à « croire que la même chose a lieu dans les Mammifères , « et c'est ici un des plus beaux résultats de l'anatomie et « de la physiologie comparées (1). » Murât (2) , peu de temps après cet anatomiste , expri- mait la même opinion en parlant de notre espèce : on peut supposer, dit-il, que l'embryon existe dans les organes de la femme avant la fécondation. Il eût dû dire l'ovule, et tout était exact. Les naturalistes modernes sont parvenus à la démonstra- tion de ce fait, ainsi que nous le prouverons, en reconnais- sant que les ovaires des Mammifères vierges contiennent aussi des œufs à divers degrés de développement. Riche- rand et Bérard aîné (3) semblent déjà l'admettre, puis- qu'on lit dans leur œuvre le paragraphe suivant : « Il (1) CuviER. Leçons d'analomie conipaiée. Paris, 1805, tome v, p. 55. (2) MuRAT. Dictionnaire des sciences médicales. Paris , 1815, tome xiv. p. 479. (3) RicHERAND et BÉRARD. Nouvcaux éléments do physiologie. Paris, 1833, tome m, p. 295. hù THÉORIE DE LA FÉCONDATION. paraît , d'après les observations de Haigliion et de Home que la rormalion de l'ovule a lieu dans l'ovaire en vertu d'un travail propre à cet organe et indépendamment de l'influence du sperme, et que chez les femelles des animaux au temps du rut, et chez la femme à des époques indétermi- nées, des vésicules se forment préparées à l'avance pour les fécondations à venir (1). » Comme le dit avec raison Ollivier (2), depuis les recher- ches de Home (3), De Baër (4) et Plagge (5), il est bien dé- montré que l'ovule csl formé dans l'ovaire des Mammifères avant la fécondation. Déjà, antérieurement à eux, ainsi que nous le verrons, des observateurs non moins recommanda- bles, tels que Malpighi (6), Vallisnéri (7), Santorini (8), Bertrandi (9), Brugnone (10), Cruikshank (11), avaient fait, sur les ovaires de certaines filles vierges ou de quelques Mammifères, des remarques qui venaient à l'appui de cette opinion. Coste (12) a également reconnu que les œufs préexistaient à la fécondation dans les ovaires des Mammi- fères ; et enfin, comme nous le redirons, nos observations sur ceux de quelques filles vierges et d'un grand nombre (1) Nous démontrerons plus loin que les ovules tomJjent spontanément, et au coniiaire à des époques déterminées. (2) Or.i.iviF.R (d'Angers). Dictionnaire de médecine. Paris, t. xv, p. 291. (3) Home. O/i corpora liitea. Philos. Irans. Londou, 1819. ('i) De Baei. De o^'l Mammalium et liominis genesi, Leipzig, 1837. (5) Pi.AGGi;. Journal complémentaire des sciences médicales, tome xv. (fi) MALriGHt. Opéra omnla et opéra posthuma. London,1687. (7) VAi-MSNÉra. Istorla délia geuerazione cleW iiomo e degH anîmall. Venise, 1721. (8) SiNTORiKX. Olsen-aliones anatomicœ, Venise, 1721. (9) P.i:rtraisd[. De glandulœ ovarli corpor'dnts liileis dans Mise. Taur. (10) PiîiUGNOKE. De Oi'ariis eorumque corporibus luteis. Turin, 1790. (11) CRUIK.SHAKK. Philos, trans. London, 1797. (12) Coste. Embryogénie' comparée. Paris, 1837, tome i, p. 81. DEUXIÈME LOI. Ui d'animaux nous ont amené à considérer ce fait ainsi qu'il l'est aujourd'hui par tous les naturalistes , c'est-à-dire comme incontestable (1). Les ovules préexistent si évidemment à la fécondation des animaux vertébrés que, chez eux aussi^ on les aperçoit souvent dès les premiers temps de l'existence , et parfois sur le fœtus lui-même. Duvernoy (2) dit que les fœtus de quelques Poissons possèdent déjà dans leurs ovaires des granulations qui ne peuvent être que des ovules rudimen- laires, et que l'on peut même reconnaître les premiers vestiges des œufs dans les ovaires de jeunes fdles de quatre ans , et même sur ceux de sujets morts peu de jours après leur naissance. Carus (3) est venu lui- même ajouter à ces assertions l'ascendant de son au- torité, en prouvant que les ovules apparaissent dans leur organe producteur dès les premiers âges de la vie. Il a décrit et figuré les ovules qu'il a rencontrés sur des jeunes filles peu de temps après leur naissance , ou sur des fœtus de Vaches. Nous pensons donc qu'après un tel ensemble de faits, la préexistence des ovules à la fécondation chez les Mammi- fères ne peut plus être douteuse. Pour bien entendre les procédés par lesquels la nature opère le phénomène de l'ovulation spontanée , il ne s'agit pas seulement d'exposer la série des découvertes qui ont rapport à ce sujet, il faut encore, et il faut essentiellement, se faire d'abord une idée précise des organes qui entrent (1) Voir la V loi pour le complément de ces assertions, (2) DuvER^•OY. Anat. comp.de Cuvicr. Paris, 1S46, tome vrii, p. 21, (3) C*Rus. Archives de Muller. 1837, p. 440. — Annales des sciences naturellcsj tome vu, p. 297. , 43 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. en jeu pendant qu'il se produit; aussi, comme ce paragra- phe est consacré à l'histoire de l'œuf, nous devons avant de le terminer , décrire celui-ci ainsi que son organe pro- ducteur chez les Mammifères. Relativement à sa structure intime l'ovaire de la femme et des Mammifères offre les mêmes particularités anatomi- ques. Son tissu intérieur, qui a récemment reçu de De Baër le nom de strotna est ferme , élastique , et l'observation microscopique démontre qu'il est composé de faisceaux de fibres entrelacées de tissu cellulaire. On y découvre une abondance de vaisseaux ; puis, pendant tout le temps où les Mammifères sont aptes à concevoir, il offre un nombre plus ou moins considérable de vésicules, ou petits sacs membraneux fort apparents , que l'on connaît sous le nom de vésicules de De Graaf. Outre celle-ci il en existe encore un grand nombre d'autres qui ne sont visibles qu'à l'aide de la loupe ou du microscope et dont le diamètre varie de 1/50 à lyl 00 de millimètre; ces vésicules microscopiques dont nous avons reconnu l'existence , et qui ont d'abord été vues par Barry (1) semblent être là en réserve pour remplacer celles qui tour à tour se développent , crèvent , émettent leur produit, se transforment en corps jaune, et disparaissent. Barry estime que le nombre de ces vésicules s'élève parfois à plusieurs millions. Nous avons reconnu, il est vrai , qu'elles étaient infiniment nombreuses dans l'ovaire de la Truie, mais nous ne prétendons nullement en fixer le chiffre, même approximativement. La paroi de chaque vésicule de De Graaf est formée de cinq membranes. Celles-ci sont : 1° le péritoine ; 2° la mem- (1) Barry. Philos, transactions, Londres, 1838, p. 301. DEUXIÈiME LOI. Ag brane albuginée} S° la lunique cellulcusc; 4° la membrane propre ou vésicule ovulifère, el 5" la membrane granuleuse. Les ovaires des Mammifères offrent lous la même organi- sation fondamc^itale, et le phénomène qui leur est confié s'o- père chez lous à-peu-près de la même manière ; aussi avons- nous pu, soit pour éclairer la structure de ces organes, soit pour rendre plus palpable la fonction qu'ils ont à accomplir, choisir l'espèce qui nous paraissait la plus propre à remplir notre but. Les ovaires de la Truie étant fort développés, et l'o- vulation se reproduisant fréquemment chez cet animal, c'est lui que nous avons pris comme type principal. Lorsque nous connaîtrons parfaitement tout ce que présente cette espèce, nous n'aurons plus qu'à décrire brièvement ce que nous avons observé soit sur la femme, soit sur un grand nombre d'animaux. Quelques phrases suffiront alors pour établir les différences et donner cependant une idée exacte des choses. L'ovaire de la Truie offre des formes tellement variées, qu'on n'en rencontre jamais deux qui se ressemblent par- • faitement; aussi est-il impossible de lui assigner aucun ob- jet de comparaison ; cependant , lorsqu'il n'est le siège d'aucune de ces turgescences qui l'affectent périodique- ment, il ressemble assez à une petite grappe de raisin. Les vésicules de De Graaf, que l'on voit saillir à la sur- face de chacun des ovaires en nombre plus ou moins consi- dérable, mais parfois de huit à dix, sont subtransparentes pendant la première période de leur développement, et alors elles laissent voir à travers leurs parois la couleur du liquide qu'elles contiennent. Ce n'est que quand ces vé- sicules ont acquis un certain volume que, par l'épaississe- ment des membranes qui les forment , elles perdent leur diaphanéité. Les deux membranes extérieures , ou le péritoine et la Uk THÉORIE DE LA FÉCONDATION. tunique albuginée, n'enveloppent point entièrement les vé- sicules de De Graaf , mais passent simplement sur leur partie saillante. Là , elles s'unissent si intimement, et la dernière devient même si mince et si adhérente à l'autre, qu'il est presque impossible de les isoler. Cependant, sur des vésicules de 10 millimètres de diamètre, remplies de sang et sur le point de se rompre, je suis parfois parvenu à séparer la membrane albuginée en la disséquant en de- dans ; elle est fort mince et non vasculaire. La membrane celluleuse tapisse l'excavation du sfrotna qui contient la vésicule ovulifère. Cette tunique, qui n'est pas très-distincte du parenchyme de l'organe, est composée de tissu cellulaire , et se trouve interposée au tissu de l'o- vaire et à la face externe de la vésicule qu'elle enveloppe de toutes parts , en s'amincissant considérablement sur sa partie saillante. Mais son existence n'est cependant pas parfaitement démontrée, et peut-être que cette membrane celluleuse n'est elle-même formée que par les débris de la vésicule ovulifère, qui restent encore adhérents à la surface de son excavation, lorsqu'on l'en a enlevée. La membrane propre à laquelle je préfère donner le nom de vésicule ovulifère , pour indiquer sa forme et sa fonction , est la plus importante de toutes les par- lies de l'ovaire ; c'est elle qui joue le principal rôle dans l'ovulation. La vésicule ovulifère représente une espèce de sac totalement fermé. Dans l'origine de son développement celle-ci est très-mince, surtout à l'endroit qui fait saillie à la surface de l'organe. Dans sa région profonde elle pré- sente alors environ 50/lGO de millimètre d'épaisseur. Cette membrane est totalement composée de vésicules micros- copiques de 1/100 de millimètre de diamètre, qui offrent des parois translucides et sont irès-rapprochées et adhé- DEUXIEME LOI. U5 rentes; la compression ne pcul mémo les séparer; l'in- térieur de ces vésicules conlient des granules irès-inis colorés en jaune verdatre pâle. C'est celle membrane propre qui s'accroît considérable- ment pour former le corps jaune, et son exubérance résulte simplement, comme nous le prouverons, de l'expansion de ses vésicules qui acquièrent, à cet effet, jusqu'à 6 à 7/100 de millimètre de diamètre. La vésiciUe ovulifère reçoit un nombre considérable de vaisseaux capillaires;, qui se ramifient à sa surface, ou pé- nètrent dans son tissu; à l'extérieur elle est en contact avec la membrane celluleuse, mais sans lui adhérer d'une ma- nière fort sensible ; quelques vaisseaux très-déliés en pas- sant de l'un à l'autre de ces deux organes, forment les seuls liens qui les unissent; aussi est-il facile d'isoler la vésicule ovulifère de l'espèce de cupule de l'ovaire dans laquelle elle est en partie enfoncée. Lorsque la vésicule ovulifère vient d'émettre son ovule et qu'elle est encore totalement occupée par le caillot de sang, sa paroi, qui s'est déjà accrue, offre alors un milli- mètre d'épaisseur dans le fond. A ce moment les vésicules microscopiques qui la composent , se sont également dé- veloppées elles-mêmes. Leurs parois sont minces et dia- phanes comme précédemment ; alors elles ne s'isolent point encore facilement les unes des autres, et présentent seulement 2/100 de millimètre de diamètre. Elles sont, comme on le voit, encore loin d'avoir acquis leur summum d'extension. La membrane granuleuse est placée sur la face interne de la vésicule ovulifère ; elle est extrêmement mince et transparente; sa ténuité est même telle, qu'elle se dilacère avec la plus grande facilité lorsqu'on cherche à l'isoler. 46 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. C'est à De Baër (1) que l'on en doit la première description. A l'aide du microscope on reconnaît que cette membrane est formée de vésicules sphériques très-rapprochées , min- ces, absolument diaphanes, et dont l'intérieur contient un liquide incolore, dans lequel nagent de fort petits granules d'un jaune pâle. Cette membrane est parcourue par quelques vaisseaux capillaires très-fins et peu nombreux. Je les ai parfaite- ment vus sur des fragments qui avaient été soulevés par l'é- panchement de sang produit entre eux et la membrane pro- pre, pour l'expulsion de l'ovule; on les distingue aussi fort bien lorsqu'ils passent sur les œufs que l'on rencontre en- core adhérents au fond des vésicules (2). Les vésicules microscopiques qui composent la mem- brane granuleuse prennent l'apparence du tissu cellulaire des végétaux, en se déprimant mutuellement par leur con- tact. Lorsqu'elles sont comprimées un peu fortement , on les voit crever à l'instar des grains de pollen , et les gra- nules qu'elles contiennent sortent souvent en formant une espèce de boyau flexueux analogue à celui que présente la fovîlla du pollen lorsque celui-ci éclate ; particularité qui ne s'offre jamais lorsqu'on dilacère les vésicules de la membrane propre. Toutes ces vésicules sont fort peu adhé- rentes, et leur surface est finement granulée (3). La membrane granuleuse est excessivement mince, tout à fait translucide , et laisse voir à travers elle la tunique sous-jacente; c'est pourquoi quelques anatomistes en ont nié l'existence. Ce n'est que lorsqu'elle est plissée et con- (1) De Baer. Entmckehtngsgeschlchte. Berlin, tome ri , p. 179. (2) Allas, pi. IX, fig. 7 et pi. viir, fig. 4. (3) Atlas, pi, IX, fig, 8. DEUXIÈME LOI. U7 densée vers quelque endroit qu'on l'aperçoit sous forme de flocons blancs , absolument semblables à des fragments de rétine de quelques Mammifères. J'ai parfois pu facilement isoler cette membrane granu- leuse; d'un autre côté, je l'ai parfois aussi rencontrée isolée par le fait du travail de l'ovulation ; mais quand cela n'au- rait pas eu lieu je n'en admettrais pas moins l'existence, tant l'examen microscopique fait reconnaître qu'elle diffère anatomiquement de la membrane propre. En effet, le dia- mètre moindre de ses vésicules , la facilité avec laquelle elles se dispersent, leur forme sphéroïdale, la couleur plus pâle des granules qu'elles contiennent , enfin le mode par lequel elles laissent échapper ceux-ci, tout cela con- stitue autant de caractères propres à cette membrane, et qu'on ne retrouve pas dans celle à la surface de laquelle elle s'étend. Pendant l'ovulation , la membrane granuleuse se trouve refoulée vers le lieu où va se produire la déchirure de la vésicule de De Graaf , et elle forme autour de l'œuf une sorte de coussin protecteur au milieu duquel il est placé, et qui l'accompagne durant tout son trajet à travers le fluide ovarique. C'est ce coussin que quelques auteurs, en imitant De Baër (1), ont nommé disque 'proligère (2). Les vésicules de De Graaf contiennent un liquide albu- mineux limpide comme de l'eau. On rencontre parfois aussi dans celui-ci quelques vésicules remplies de granules, mais (1) De Baer. Epïstola de ovî Mammalium et homînîs genesi. Leipzig, 1827, page 320. (2) Comp, MuLLER. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p. 604. — Wagner. Icônes phjsiologicœ, tab. ii, fig. 9. — Bischoff. Développe- ment de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 8. — Courty. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845. ^8 THÉORIE DE tA FÉCONDATION. leur présence, ainsi que l'a reconnu Bisclioff, est due à la désorganisation de la membrane granuleuse. J'ai rencontré ces vésicules, et je partage entièrement l'opinion de ce phy- siologiste. Parfois on découvre dans le liquide sanguinolent des vé- sicules de De Graaf, quelques globules d'un fluide aéri- forme. Ceux-ci sont ordinairement libres et changent de place en suivant les lois de la gravitation. Parfois aussi il existe de très-petits sphéroïdes de gaz sous la membrane granuleuse, et ordinairement placés dans quelques plis de la membrane propre. Ce fluide gazeux a-t-il une fonction spéciale? je ne le suppose pas, il ne paraît être là qu'acci- dentellement. L'ovule, d'après mes observations, répétées sur laTruie un grand nombre de fois, se développe à la surface interne de la membrane propre ou vésicule ovulifère, et non dans la membrane granuleuse. C'est ordinairement vers l'endroit le plus profond de la vésicule qu'on le rencontre. Là, il est accolé à sa face interne au-dessous de la membrane granu- leuse, et souvent placé à la bifurcation d'un vaisseau capil- laire dont les deux branches l'embrassent étroitement (1). A certaine époque de son développement on rencontre au- tour de lui une abondante quantité de globules sanguins épanchés à la superficie de la membrane, et formant tout autour de l'ovule une sorte d'aréole rouge qui permet de distinguer plus facilement le lieu qu'il occupe (2). L'ovule se voit très-bien à travers la membrane granu- leuse ; mais lorsqu'on a enlevé celle-ci, il reste encore en place, ce qui contribue à prouver évidemment qu'il n'a (1) Atlas. Pi. VIII, Cg. 2, (2) Atlas. Id., id. DEUXIEME LOI. ^9 point de corrélation intime avec cet organe, mais au con- traire qu'il procède de la surface de la vésicule ovulifère. Dans tous les Mammifères et les autres animaux, l'ovule doitprendre naissance, ainsi que nous l'avons si exactement reconnu sur laTruie, entre deux membranes ovariques. Je ne conçois pas comment un œuf pourrait se développer au milieu du fluide de la vésicule de De Graaf, et sans être en contact avec des parties organisées et vivantes. Ce que nous avançons est déjà prouvé par l'observation directe à l'égard d'animaux de diverses classes fort éloi- gnées. Straus (1) a reconnu que les œufs des Scolopendres sont produits entre deux membranes, et qu'ils soulèvent l'interne jusqu'à ce qu'ils ne paraissent plus suspendus que par une sorte de pédicule qu'ils finissent par déchirer. Dans les Arachnides, d'après Burdach (2), et sur les Écrevisses et les Poissons, suivant Rathke (3), on observe des phé- nomènes analogues. Quelquefois j'ai découvert deux ovules dans les vésicules de De Graaf de la Truie. De Baër (/i) a eu l'occasion de faire une semblable observation, et je crois que cette particula- rité doit se présenter assez souvent. Bidder (5) en a décou- vert également deux sur une Vache. Bischoff (6) rapporte en avoir trouvé deux dans la vésicule d'une Lapine. Mais (1) Straus. Considérations générales sur i'anatomie des animaux arti- culés. Paris, 1828, p. 292. (2) BuRD.vcH. Traité de physiologie considérée comme science d'oliscr- vation, trad. par A. J. L. Jourdan. Paris, 1837, tome i, p. 92. (3) Rathke. Untersuchungen iiber die Bildiing und EnUvlckelang des Flusskrehses. Leipzig, 1829, p. 1. (4) De Baer. Epistola de ovi Mammalîum, etc. Leipzig, 1827, p. 18. (6) BiDDER. In Uidler's Jrcidi'. 1842, p. 86. (6) Bischoff. Traité du développement de l'iiomme et des Mammifères. Paris. 1843. 50 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. ce qui est plus remarquable, Hausmann, en ouvrant une Chienne, prétend en avoir vu six dans la même cavité ovarienne. Les ovules de l'espèce humaine et des Mammifères sont extrêmement petits ; ordinairement ils n'offrent que de 1/15 à 1/20 de millim. 4e diamètre, et rarement ils atteignent 1/5 de millim. Ce qui fait qu'on les aperçoit à peine à l'œil nu, et qu'on a été si longtemps à les découvrir. Selon Bischoff, l'œuf humain n'offre que 1/10 de ligne et même moins (1). Duvernoy (2) dit qu'il atteint à peine 1/5 de millim. On n'est donc pas exactement fixé à cet égard. L'ovule est circonscrit par la membrane vitelline ; celle- ci sur les œufs de la Truie est mince, et offre une surface externe très-finement granulée. La sphère qu'elle repré- sente contient la vésicule germinative et les vésicules vitel- lines. Je n*ai point reconnu que sur cet animal elle consti- tuât, par son épaisseur notable, cette zone diaphane extrê- mement remarquable, figurée d'après les œufs du Chien et du Lapin dans les ouvrages de Wagner (3) et de Bis- choff (4), et à laquelle on a donné le nom de zone trans- parente onde chovion. Suivant moi, cette zone, que je n'ai nullement reconnue sur les œufs recueillis durant leur trajet à travers le fluide de la vésicule de De Graaf ou sur les bords de sa déchirure, pourrait bien être l'effet des premiers phénomènes physio- (1) Bischoff. Développement de l'homme et des Mammifères, trad. par A.-J.-L. Jourdan. Paris, 18h3, p. 9. (2) DuvERKOY. Anatomie comparée de Cuvier._Paris, 1846, t. vur, p. 23. (3) Wagaer. Icônes physiologicœ. Leipzig, 1339, tab. vx. (4) Bischoff. Atlas de son traité du développement des Mammifères, pi. 1, fig. 3. DEUXIÈME LOI. 51 logiques du développement que ceux-ci éprouvent en tra- versant les trompes, et elle dépendrait peut-être d'un dé- pôt d'albumine à l'extérieur du chorion. La dissidence qui existe entre Bischoff (1), Wagner (2) et moi, aurait donc simplement sa source dans ce que ceux-ci ont observé des ovules recueillis plus ou moins loin dans l'oviducte, tandis que moi je les ai enlevés sur l'ovaire même. Cependant, si dans les œufs libres surpris en traversant le fluide des vésicules* ou près de l'ouverture de l'ovaire, J'ai toujours reconnu une membrane vitelline très-mince j je dois aussi avouer que dans les ovules observés encore adhérents à l'ovaire, il semblait exister une petite zone transparente, et que le chorion offrit une épaisseur assez notable. Mais cela ne serait-il pas dû non à une plus grande épaisseur de cette membrane, mais seulement à la diffraction que produit d'une part la membrane vitelline, et de l'autre l'écartement du tissu dans lequel l'œuf est contenu? je le crois (3). Sous la membrane vitelline, on rencontre le vitellus, qui forme la plus importante masse de l'ovule. Ce vitellus ou jaune de l'œuf n'est pas un fluide comme on se l'imagine vulgairement. Mes observations sur les Mollusques, les In- sectes, les Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères, m'ont démontré que chez tous ces animaux, celui-ci était un corps organisé, uniquement composé de vésicules serrées, rem- plies d'un fluide dans lequel nagent des granules abon- (1) Bischoff. Traité du développement de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843. (2) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841. (3) Atlas. PI. vin, fig. 4. 4. 52 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. dants. C'est surloiii sur les Oiseaux que cela se présente plus manifestement. Il résulte évidemment de mes observations et de mes ex- périences faites sur le vitellus du poulet et de beaucoup d'autres oiseaux : 1° Que le vitellus est composé d'un amas de vésicules finement granulées à leur surface, offrant un diamètre de 1/5 à 1/10 de millimètre, et dont la forme est sphéroïdale lorsqu'elles sont isolées, mais qui présentent l'aspect de polyèdres divers, à cause des pressions réciproques qu'elles éprouvent ; 2" Que ces vésicules, qui forment presque uniquement sa masse, contiennent dans les espaces qui les séparent d'autres vésicules plus petites et des gouttelettes d'huile ; Et 3° Que dans l'intérieur des vésicules on trouve un fluide dans lequel nagent des granules doués d'un mouve- ment extrêmement remarquable. Examinées au microscope, certaines régions du vitellus offrent même à cause de la disposition serrée des vésicules l'aspect du tissu cellulaire végétal. C'est ce qui se voit sur- tout sur les lambeaux que l'on enlève à sa surface avec des ciseaux très-tranchants. Dans l'état normal il n'y a que fort peu de fluide interposé dans l'intervalle des vésicules, et peut-être n'y en a-t-il même point. Cependant quand on examine le vitellus au microscope, dans beaucoup de cas il semble formé d'un fluide abondant, dans lequel nagent quelques vésicules éparses. Cette erreur est causée par la rupture de celles-ci, qui, en s'ouvrant, ont laissé s'épancher le fluide rempli de granules qu'elles contenaient. Je ne sais si les vésicules qui nous occupent arrivées à un certain degré de développement, se déchirent spontané- DEUXIEME ),0I. r-,., mcnl pour répandre le liquide qu'elles renfermciil; niais, quoi qu'il en soil, j'ai assisté un certain nombre de lois à cet acte sans qu'il parût déterminé par aucune pression exlé- rieuj'C. Ces vésicules ollraicnt une fente large qui occupait le huitième ou le dixième de leur périphérie. Les granules en sorlaient en nombre considérable, entraînées par un courant général dans lequel on les apercevait se mouvoir en sens divers avec beaucoup d'agilité. Le courant s'élar- gissait immédiatement, et les granules se dispersaient tout autour de la vésicule qui s'affaissait à mesure qu'ils étaient expulsés, mais sans paraître subir aucune contraction. Ce n'était point un jet rapide analogue à celui que l'on remar- que dans la déhiscence du pollen, mais un mouvement lent d'expulsion qui paraissait avoir sa cause unique dans la tendance des granules à se porter au-dehors (1). Comme nous l'avons dit, quoique extrêmement lassés dans la vésicule on voit parfaitement les granules s'y mou- voir; mais à mesure que leur nombre diminue dans celle- ci, leurs oscillations deviennent de plus en plus manifestes et extraordinaires. Elles sont à leur maximum parmi les granules tout à fait expulsés et nageant aux environs de la vésicule productrice. Une des vésicules observées a mis dix minutes à se vider totalement, par une large ouverture occupant un neuvième de sa circonférence ; ensuite la membrane vitelline s'af- faissa. Quand par l'effet de la pression que l'on a fait subir aux vésicules elles se sont rompues, on aperçoit les lambeaux de leur membrane dans le liquide qu'a produit cette rup- (1) J'-hs, pi. XI, fig. 6. 54 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. ture. Mais cela est difficile à cause de leur extrême finesse et de leur translucidilé. C'est à cette structure organique que le vitellus doit plu- sieurs de ses propriétés , entre autres l'aspect qu'il prend par la cuisson et la facilité qu'on éprouve à le diviser après celle-ci. C'est aussi à son organisation qu'il doit de couler à l'instar d'une bouillie molle : car pour que soq effusion ait lieu , il faut d'abord que ses vésicules qui sont faiblement accolées se disjoignent, en même temps qu'une partie d'entre elles se crèvent pour fournir un véhicule à celles qui restent entières et roulent les unes sur les au- tres; ensuite, la masse en mouvement acquiert d'autant plus de fluidité qu'elle subit plus de déplacements; car c'est pendant ceux-ci que le nombre des vésicules rompues augmente. Sur les œufs pris à l'ovaire on voit se révéler la même structure. Un vitellus d'une demi-ligne de diamètre pré- sente un liquide dans lequel nagent déjà des globules sphé- riques très-apparents, qui sont probablement des rudi- ments de vésicules. Soumises à l'ébullitiondans l'eau ou l'alcool, les vésicules vitellines conservent leur volume en même temps qu'elles acquièrent de la densité ; et leur membrane, si fragile dans l'état naturel , devient tellement coriace que, par la pres- sion , on a alors beaucoup de peine à la déchirer. Cette cuisson isole parfaitement aussi les vésicules et permet d'é- tudier avec facilité leurs formes et leurs rapports. C'est l'isolement qu'elle produit parmi elles qui donne à la tran- che du vitellus d'un œuf cuit l'aspect; granuleux qu'on lui connaît, chaque grain représentant une vésicule. Si après la cociion on place quelques parcelles de vitel- lus dans un peu d'eau , les vésicules s'isolent toutes immé- DEUXIÈME LOI. 55 diatemenl, ei l'on pcul alors ai)pr(''ci( r qu'elles seules com- posent cel organe , et qu'elles y sont si rapprochées que leurs parois, en se comprimant muluoUcmcnl, sont deve- nues totalement anguleuses, et prcscutenl de dix à vingt facettes planes ou subplanes iri'égulièrement disposées (1). C'est surtout en plongeant quelques vésicules dans du vernis à l'esprit de vin, après qu'elles ont subi la coction, que l'on aperçoit parfaitement leur configuralion. Immer- gées dans l'eau elles s'isolent bien, il est vrai, mais elles apparaissent presque opaques et environnées de petits globules condensés ou de gouttelettes d'huile qui en déro- bent en partie les formes. Dans le vernis tout ce qui entou- rait les vésicides disparaît ; et comme celles-ci deviennent transparentes par l'action de cet agent, il est alors très-fa- cile d'apprécier la disposition des surfaces des petits so- lides polyèdres qu'elles représentent, et dont les angles taillés à vive arête leur donnent l'aspect d'autant de cristaux nageant dans le liquide. Si rébullition,en les isolant, démontre péremptoirement l'existence des vésicules vitellines , des expériences néga- tives viennent aussi confirmer tout ce que nous avançons. Si l'on prend un jaune d'œuf et qu'on le malaxe avec exacti- tude, toutes ses cellules se crèvent par le fait de cette opéra- tion. Si ensuite on l'expose à l'action du feu, bientôt il devient solide ; dans cet état, il est élastique, et quand on en déter- mine la fracture la superficie des fragments ne paraît plus grenue, comme cela a lieu sur un vitellus cuit sous ses enve- loppes; ces fragmens sont lisses et luisants. Les parcelles de ce même vitellus, placées sous l'eau ou dans du vernis, ne s'isolent plus en petits solides polyèdres. Enfin de place (1) Atlas, pi, XI, fig. 7. 56 THÉORIE DE LA l'ÉCONDATlON. eu place on aperçoit des lambeaux de membrane qui , par leur enlacement , donnent au vitellus ayant subi cette pré- paration la ténacité qu'on lui découvre alors , et qui ne s'observe pas dans les œufs cuits sans elle. Par l'action de l'alcool froid les vésicules vitellincs de- viennent plus denses ; si après leur immersion dans ce li- quide on laisse sécher le jaune de l'œuf, et qu'on le coupe par tranches , celles-ci offrent un aspect tout à fait ana- logue au tissu cellulaire végétal. L'iode donne aussi de la ténacité aux vésicules vitellines et il les teint en brun jaunâtre. Je pense que la translucidité des vésicules vitellines , et leur rupture, qui se produit si facilement, auront empêché les observateurs de les découvrir ; car si les micrographes les avaient distinctement reconnues, ils les eussent mention- nées avec un soin particulier, puisque ce sont elles qui composent tout le vitellus , que , par conséquent , l'on ne doit plus regarder comme un fluide dans lequel nagent quelques globules, mais comme un corps organisé, totale- ment formé de vésicules. Je pense donc avoir le premier reconnu cette disposition anatomique, et je crois que les observateurs qui avant moi ont parlé du vitellus n'ont aperçu dans celui-ci que les gra- nules contenus dans les vésicules. Un des auteurs qui se sont occupés avec le plus de distinction de la structure de l'œuf, Audouin (1) , s'est contenté de dire qu'en examinant le vitellus au microscope , on y distinguait une foule de pe- tits globules dont beaucoup sont remarquables par leur ex- trême ténuité. Par ces globules, ce savant n'a évidemment indiqué que les granules, car il était trop habile observateur (1) Audouin. Dict. class. d'iiisloire naturelle. Paris, 1827, t. xci, p. 104. DELXIÈMK LOI. 57 pour avoir i)u assimilci" les vésicules à des coips extrême- ment peliis , elles dont le diamètre s'élève jusqu'à 1/5 de millimètre, et qui dans le champ du microscope offrent un volume considérable, même à un faible grossissement. En parlant du vilellus des Mollusques , Prévost (1) dit que sa substance , comme celle du même organe chez les Vertébrés, présente au microscope des globules jaunes de 0,5 de millimètre, grossis 300 fois. Ces globules ne sont donc que des granules dont la petitesse extrême est de 1/600 de millimètre, et non les vésicules que nous avons décou- vertes, et qui ayant un diamètre beaucoup plus considé- rable, grossies 300 fois apparaîli'aienl comme ayant 60 mil- limètres. Dans l'intérieur du vilellus, on trouve la vésicule ger- minative qui, comme nous l'avons dit, fut d'abord décou- verte sur l'œuf des Oiseaux par Purkinje (2) ; puis recon- nue ensuite par Coste (3), et bientôt après par Jones (^), Valentin , Bernhardt et tous les zoologistes dans celui de l'espèce humaine et des Mammifères. Cette vésicule est d'abord située à la partie centrale du vitellus, mais à mesure que l'ovule mûrit, elle s'avance vers sa périphérie. Elle est hyaline , et renferme un liquide qui contient des granules. Chez la Truie, comme j'ai eu l'occa- sion de l'observer avec exactitude, cet organe offre 10/100 de millimètre sur les œufs qui vont être expulsés de (1) Prévost. Annales des Sciences naturelles, tome va^ p. 447. (2) Purkinje. Symholœ ad ovï Afiitm histor'iam ante încubatlonem. Leipzig, 1830, et Berliner encjklnpœdiscJies JFœrterbuch der mcdiz'in. Wissensch, 1834. Bd. x. (3) Coste. Recherches sur la géiiéra\ion des MaHrrtiirèi'cs. Paris, 1834. (4) JoiîES, IfOndou and Edlnb. PliiL mag,, 183b, tome vu, p. 209, 58 THÉORIE DE LA FECONDATION. l'ovaire, et se trouvent derrière la déchirure qui commence à se former à la surface de la vésicule de De Graaf. Chez la Truie, soit dans les œufs examinés encore adhé- rents à la capsule ovulifère et situés sous la membrane granuleuse, soit sur ceux qui sont plongés au milieu du liquide ovarique et libres s'avancent vers la déchirure, j'ai toujours remarqué que l'enveloppe de la vésicule ger- minative était fort épaisse et assez dense ; elle offrait, étant légèrement comprimée, 2/100 de millimètre d'épaisseur, et semblait tout à fait transparente. La compression ne pouvait la dilacérer. Cette vésicule contient un fluide in- colore, diaphane, dans lequel il existe un nombre considé- rable de granules d'un jaune verdâtre. Ceux-ci la remplis- sent en partie et forment à son centre un noyau s' avan- çant presque jusqu'au contact de la paroi interne. C'est cet amas de granules colorés qui constitue la taclie germi- native, dont on doit la découverte à Wagner (1) , et dont l'existence a été constatée par les ovologistes chez l'espèce humaine , les Mammifères et la plupart des ani- maux (2). Par la compression la vésicule germinative s'étend sim- plement, puis ses granules s'écartent et se dissocient. Il paraît que ceux-ci sont moins abondants chez la La- pine, car la tache qu'ils forment est proportionnellement beaucoup moins considérable que sur la Truie , ainsi qu'on peut le vérifier sur l'atlas de Wagner (3). Il est probable que le diamètre de cette vésicule varie (1) Wagner. Prodromus historiœ gcneratîonis liomin'is atque anima- lium. Leipzig, 1833. (2) Atlas^ pi. VIII, fig. 7. (3) Wagner, Icônes plijsiblogicœ. Leipzig, tab. ii, fig. 9, DEUXIÈME LOI. 59 beaucoup , car nous avons trouvé qu'il dépasse considéra- blement la dimension que Wagner (1) lui donne sur l'es- pèce humaine et les Mammifères, chez lesquels il dit qu'elle a à peine 1/60 de ligne. Je ferai la même remarque à l'é- gard de la tache germinalive, que cet auteur dit n'avoir ordinairement que 1/200 ou 1/300 de ligne de diamètre, et rarement le double. Chez la Truie elle est considérable- ment plus développée. Quoique au premier aspect l'œuf des Mammifères semble être fort différent de celui des Oiseaux et des Reptiles, ce- pendant, comme le dit Carus (2) : « Lorsqu'on y réfléchit bien on reconnaît qu'il paraît ne pas y avoir, entre cet œuf et celui des autres classes, une différence aussi grande que celle qu'on serait tenté d'admettre au premier abord. » Dans l'origine , les œufs de ces divers animaux se res- semblent lorsqu'ils sont plongés dans le slroma de l'ovaire ; seulement l'œuf des Mammifères se détache de cet organe dans un état d'imperfection tel , qu'il se trouve obligé de subir de nouveaux développements dans l'utérus. Néan- moins, parmi ces animaux on trouve quelques espèces chez lesquelles la séparation s'effectue comme sur les Ovi- pares proprement dits, et l'œuf, par une sorte d'avorte- ment normal, est expulsé de l'appareil génital de la mère, et va se développer au-dehors. C'est ce que l'on voit chez les Didelphes. Preuves rationnelles. Si, comme cela est incontes- tablement prouvé, depuis les végétaux et les derniers ani- maux jusqu'aux Mammifères inclusivement, les ovules (1) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841, p. SO. (2) Carus. Traité d'ariatoniie comparée. Paris, 1835, tome ir, p. 484. 60 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. préexistent à la fécondation dans les organes du sexe fe- melle, puis ensuite sont émis au-dehors indépendamment de cet acte ; si, dis-je, cela est prouvé, il devient logique- ment évident que les Mammifères et l'espèce humaine elle- même ne se dérobent point à la loi universelle. Lorsque tout révèle d'une manière irréfragable que de- puis les animaux inférieurs jusqu'aux Mammifères, qui oc- cupent la région la plus élevée de l'échelle animale, l'œuf présente partout la même organisation, la même structure, il est impossible d'admettre à priori que cette partie pro- duite, qui paraît formée dans un moule identique, quelle que soit d'ailleurs la diversité physique des êtres, puisse se soustraire à la loi générale chez l'homme, qui est le chef- d'œuvre de la création. Les vésicules de De Graaf qui s'observent dans l'ovaire des Mammifères varient beaucoup sous le rapport de leur nombre et de leur développement , ce qui indique que ce n'est point la fécondation qui les produit et les fait arriver pour ainsi dire à l'état de maturité durant lequel l'œuf, comme un fruit mûr, se sépare spontanément de l'or- gane qui l'a engendré. Haller (1) ayant fixé à quinze le nombre des vésicules de l'ovaire chez la femme, on a dé- sormais regardé comme un sacrilège tout ce qui pouvait contredire l'assertion de l'immortel physiologiste. Le- vret (2) partage cette opinion. Personne n'a plus que nous de considération pour les opinions des hommes illustres, mais nous n'admettons point leur infaillibilité; aussi, nous sommes forcé de dire que d'après nos dissections, nous pou- vons affirmer que les vésicules ovariques varient beaucoup (1) Haller. Elcmenta pkysiologicœ, ].ausaniie, 1737, tome vu. (â) Levret. Art des accoucliemenls. Paris, 1753. DEUXIÈME LOI, Gl relaiiveiïienl à leur nombre, ei qu'elles se produisent suc- cessivement; Rœderer(l) en a compté jusqu'à cinquante sur certaines femmes. Murât (2) dit qu'on en observe ordinai- rement de quinze à vingt; Velpeau (3), de douze à vingt; Marjolin {U) admet qu'il en existe quelquefois plus que ce nombre, ctCuvier (5) assure que d'autres anaiomisles préten- dent, comme Rœderer, en avoir compté jusqu'à cinquante. Dans tous les animaux, les ovules s'engendrent manifes- tement à chaque époque des amours : aussi, nous ne voyons pas pourquoi on voudrait qu'il y eût une exception pour les Mammifères; certes elle n'existe pas. Le mâle détermine si peu la production des ovules, et il a si peu d'influence sur l'émission de ceux-ci, que, chez beaucoup d'animaux, sur les femelles vierges, on aperçoit déjà dans le vitellus quelques parties élémentaires qui doi- vent devenir les premiers rudiments de l'embryon. Malpi- ghi (6) et Haller (7) l'ont évidemment démontré sur celui •du poulet ; Spallanzani (8) est arrivé au même résultat en «étudiant la génération des Amphibiens, et il a reconnu que chez les Grenouilles, les Crapauds et les Salamandres, les plus infimes éléments du fœtus existent déjà dans les œufs (1) RoEDERER. Éléments de l'art des accouchements. Paris, 1765. (2j MuRAT. Dict. des sciences méd. Paris, 1819, tome xxxix , page 8. (3) VtiPEAu. Traité complet de l'art des accouchements. Paris, 1833, tome 1, p. 92. (4) Mabjolin. Dictionnaire de médecine. Paris, 1828, tome xvi, p. 83, (5) CuviER. Leçons d'anatomie comparée. Paris, 1846, tome vxri , p. 14. (6) Malpighi. Be formaùone pulli in ovo dissertatio epistolica, Londres, 1673. (7) Haller. De formaùone pulli in ovo, 1758. (8) Spallanzani. Dissertazioni di ftsica animale e vegetabile. Mo- dène,, 1780. 62 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. lorsqu'ils sont encore contenus à l'intérieur des femelles, et antérieurement à la fécondation. Nous-même (1) nous sommes parvenu à démontrer que le vitellus des Mol- lusques offre un certain degré d'organisation et qu'il con- stitue assurément la trame de certains viscères du jeune animal qui doit plus tard se développer sous l'influence de l'imprégnation. Ce n'est donc point le mâle qui engendre les premiers ru- diments de l'embryon dans l'œuf; seulement il leur com- munique une surexcitation vitale sans laquelle ils s'anéan- tiraient. Cette impulsion du mâle est attestée par la ressem- blance que les êtres produits offrent avec leur père, et par l'avortement des ovules quand l'influence de celui-ci n'a point eu lieu. Il résulte donc de ce que renferme ce paragraphe, que l'existence de l'œuf dans toute la série zoologique , ainsi que chez l'espèce humaine, est devenue une démons- tration évidente ; puis que dans tous les animaux cet œuf possède une structure primitive identique, et qu'il préexiste dans l'ovaire à la fécondation. En effet , comme nous l'avons dit , la première proposi- tion ne peut plus être contestée depuis les écrits de Ru- dolphi (2) , de Cavolini (3) , de Rapp (i), de Berthold (5), (1) PoucHET. Zoologie classique ou histoire naturelle du règne animal. Paris, 1841, tome ii, p. 844. (2) RuDOLPHi. Entozoorum s. vermium intesl'maUum historia natura- lis. Amsterdam, 1808. (3) Cavolini. Memorie per servira alla storia dei Polipi marine. Naples, 1783. (4) Rapp. Ueùer die Polypeii im allgemeinen und die Aktinien ins- besondere. Weimar , 1829. ^ (S) Berthold. Beitrœge zur Anatoniie , Zootomie und Physiologie, Gœttingue, 1831. DEUXIEME LOI. 63 de Gacde (1), de Rathke (2), de Peters (3), deValcnlin(4), de Grant (6) , d'Elirenberg (6) , et de Laurent (7) , qui ont tant contribué à combler les nombreuses lacunes qui existaient encore dans la science. La seconde proposition est devenue évidente par les tra- vaux de Purkinje (8) , de Coste (9) , de Bernhardt (10) , de Carus (11) , de Rathke (12) , de W.Jones (13), de Wa- gner (14) , de Bischoff (15) , de Courty (16) et de Schwann (17). (1) Gaede. Beitrœge zur Anatomie der Medusen. Berlin, 1816, (2) Rathke. In Froiùep's JVotizen.'WeiïadiT, tomexsi. (3) Peters. In Millier s drchiv. 1840. (4) Valentin. Repertorium. 1840. (5) Grant. Heusinger's Zeltschrift Jiir organische Physik , tome ii , page 55. (6) Ehrenberg, Organisation, Svstematlk, und geographischcs Verhœlt- niss der Infusionsthierchen. Berlio, 1834. (7) Laurent. B.echerches sur l'Hydre et l'Éponge d'eau douce. Paris , 1843. (8) Purkinje. Symbolœ ad ovi Avium liistoriam ante incubationem. Leipzig, 1825. (9) Coste. Recherches sur la génération des Mammifères, p. 19. (10) Valentin et Bernhardt. Symbolœ ad ovi Mammalium liistoriam ante imprœgnationem, Breslau, 1834. (11) Carus. Traité élémentaire d'anatomie comparée. Paris, 1835, tome ir. (12) Rathke. Froriep's Ifotizen. Weimar, tome xxi. (13) Jones. Lond. and Edinb. Philos, mag,^ tome vu, p. 209. (14) Wagner. Histoire de la génération et du développement. Bruxelles, 1841. (15) BrscHOFF. Traité du développement de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843. (16) CouRTT. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845. (17) Schwann. Mikroskopisc/ie Untersuchungcn, Berlin, 1839. 64 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Enfin , la iroisième a acquis toute la certitude possible par les écrits de Malpighi (1), Herold (2), Lacordaire (3), Cuvier(4), Oilivier (5), Home (6), De Baër(7), Plag- ge (8) , Duvernoy (9) , Carus (10) , et de quelques autres savants. Ces trois ifaits , conquête des savants modernes , étant incontestablement acquis à la science, c'est déjà une grande présomption pour admettre que l'émission des œufs se pro ■ duit aussi de la même manière dans toute la série animale, sans en excepter l'espèce humaine, et c'est ce que nous espérons démontrer plus loin. Partie critique. Ce paragraphe est aujourd'hui presque inutile, car malgré les dénégations acerbes de Buffon (11), l'existence de l'œuf des Mammifères ne peut plus être con- testée; et malgré les efforts plus récents de Wilbrand (12) et de Hausmann (13), il est surabondamment prouvé que celui-ci préexiste à la fécondation. (1) Malpighi. Opéra omnia et opéra posthuma, Londoa, i&81 . (2) Herold. Annales des sciences naturelles, tome xii, p. 190. (3) Lacordaire. Inlroduclion à l'entomologie. Paris, 1838, tome ii , page 378. (4) CuviER. Leçons d'anatomie comparée. Paris, 1805, tome v, p. S3. (5) Ollivier. Dictionnaire de médecine, tome xv, p. 291. (6) Home. On corpora lutca. Philos, transact. London, 1819. (7) De Baer. De ovi Mammatium et liominis genesi, Leipzig, 1837. (8) Plagge. Journal complémentaire des sciences médicales , tome xv. (9J Duvernoy. Anatomie comparée de Ciivier. Paris, 1846, tome viii. (10) Carus. Archives de Muller. 1837, p. 440. (11) BuFFON. Histoire naturelle, générale et particulière. Deux-Ponts, 1833, tome III, p. 140. (12) Wilbrand. Pliysiologîe et Berlin, mcd. Centralzeituiig. 1841. (13) Hausmann. Ueher die ïeugung imd Enlstelntng des wahren weib- lich.en E'ies. Hanovre, 1840. DEUXIÈME LOI. 65 Les beaux travaux d'Ehrenberg (1) ont môme démontré, comme nous l'avons rapporté, que beaucoup d'animaux microscopiques ne se dérobaient pas à la loi générale, et que chez eux, comme chez les êtres les plus élevés, on découvrait aussi des ovaires et des œufs. Cependant quel- ques animaux occupant les plus bas échelons de la série zoologique , se reproduisent par une sorte de scission des individus ; d'autres donnent naissance à des espèces de bourgeons qui , après un certain temps , se détachent de la mère sur laquelle ils se sont développés , puis devien- nent libres et semblables à elle. Néanmoins, on recon- naît aujourd'hui que ces procédés étranges s'observent bien moins fréquemment qu'on ne l'avait d'abord supposé, et que peut-être même ils peuvent parfois se rapporter au type normal. Relativement à la génération scissipare, si bien repré- sentée par Ehrenberg sur quelques Yorticelles et d'autres Infusoires (2) , il est certain qu'elle est beaucoup moins commune qu'on ne l'a pensé. J. MuUer semble même porté à croire qu'elle n'a point lieu chez les Naïades, sur les- quelles elle a été décrite par 0. F. Muller (3) et Grui- thuisen {k). Il n'est pas certain, dit le physiologiste alle- mand , que les corps -rejetés par ces Annélides ne soient point de simples bourgeons non développés , et qu'il n'y (i) Ehrenberg, Les animaux infusoires considérés comme des êtres or- ganiques parfaits. Leipzig, 1838. En allemand. (2) Ehrenbebg, Die infiisionsthierchen als a}ollkommene organîsmen. Leipzig, 1838. (3) O. F. Muller. Naturgeschtchte einiger, etc. Copenhague, 1800. (4) Gruithuisen. Nov. act. nat, ciir., tome xr. 66 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. ait point ici développement de bourgeons terminaux plu- tôt que scission spontanée (1). A l'égard de la génération gemmipare, quelques savants la ramènent déjà au type normal, en considérant les petits qui adhèrent à la mère comme devant leur naissance à des œufs qui se sont développés à l'intérieur de l'animal , et dont l'embryon fait ensuite saillie à la surface de celui-ci, auquel il reste accolé pendant un certain temps. Les recherches de Laurent (2) ont prouvé que les Hy- dres et les Spongilles , à certaines époques de l'année , se reproduisent à l'aide d'œufs.Chez les premières, c'est ordi- nairement au niveau du fond de l'estomac que s'engendrent ces œufs, mais il peut aussi s'en développer dans d'autres régions du corps. Ceux-ci, après avoir disteiidu la peau et produit sur l'animal des espèces de verrues, sont enfin ex- pulsés du corps de la mère , et achèvent leur développe- ment loin d'elle. D'après ces données, les Hydres seraient donc des ani- maux qui tantôt se reproduiraient à l'aide d'œufs , c'est- à-dire en suivant le mode normal , et tantôt se reprodui- raient par gemmation, c'est-à-dire en suivant un mode exceptionnel. Cette singulière oscillation dans les moyens qui président à la génération , devrait spontanément faire croire que ce procédé exceptionnel est sans doute une mo- dification de la marche normale , et c'est tout simplement ce que je pense avoir probablement lieu. Les jeunes Polypes que l'on rencontre adhérents à f Hy- dre mère, ne sont peut-être que le résultat du développe- (1) J. MuLLER. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p. S80, (2) Laurent. Recherches sur l'Hydre et l'Eponge d'eau douce. Paris , 1844, p. 11, 13, 21, 40, 45, DEUXIÈME LOI. 67 ment d'œufs qui, dans des circonstances particulières, au lieu d'être expulsés hors du Polype, subissent dans ses tissus une sorte d'incubation ; éclosent même au milieu de ceux-ci, puis laissent surgir à la surface de la mère les jeunes individus qui y restent encore attachés un certain temps. Je n'ignore pas que Trembley (1), Laurent (2) et d'au- tres savants, ont pensé que dans le cas de gemmation, le jeune Polype se produisait par une sorte d'exubérance de la cavité stomacale ; mais en scrutant sévèrement leurs écrits, on voit que rien de cela n'est peut-être bien positi- vement prouvé. Les auteurs originaux ne me semblent pas établir cette particularité d'une manière irrécusable, et leurs successeurs ont peut-être admis avec trop de facilité un fait dont l'étrangeté les avait séduits. Baker (3) se con- tente de dire « avant que les pattes soient formées et quelque temps après qu'elles le sont, il y a une communication entre le corps du Polype père et du jeune Polype, comme on le voit sensiblement par le gonflement qui arrive à celui-ci, lorsque l'autre est plein de nourriture. » On reconnaît par cette assertion que ce savant ne professe pas avoir observé la communication entre les deux animaux, et qu'il n'en dé- duit l'existence que par une conséquence logique qui a pu l'égarer. Qu'y aurait-il d'extraordinaire qu'un œuf se développât (1) Trembley. Essai pour servir à l'histoire naturelle du Polype in- secte. Paris, 1744. (2) Laurent. Recherches sur l'Hydre et l'Éponge d'eau douce. Paris, 1844. (3) Baker. Essai sur l'histoire naturelle du Polype insecte, Paris, 1744, page 83. 68 THÉORIE Î)E LA FÉCONDATION. ainsi à la surface du corps, et que le tissu de celui-ci en devînt l'appareil d'incubation? absolument rien. Le Pipa mâle pose les œufs à la surface du dos de la femelle ; la peau se gonfle et les enveloppe bientôt; puis un certain temps après, il en sort des petits vivants. Cette comparaison est éloignée, sans doute, j'en conviens, mais cependant elle s'est naturellement trouvée sous la plume de Baker lui-même, et nous l'avons reproduite. Nous devons dire qu'à l'appui de l'opinion que nous n'é- mettons encore qu'avec doute, on pourrait citer la figure la plus capitale qui , dans X Encyclopédie méthodique , re- présente la génération de l'Hydre. Sur aucun des bour- geons, même les moins développés, dans cette figure extraordinairement amplifiée et bien exécutée, on ne voit de communication entre les embryons et la cavité stomacale delà mère (1). J'avoue cependant que la ligure de Baker et surtout celle de Laurent semblent ne laisser aucun doute sur ce sujet ; mais quelques causes n'auront-elles pas pu induire en erreur ces observateurs? Dans les premiers temps du développement, la masse du jeune Polype en pressant la paroi de l'estomac peut l'amincir, et par cela même paraître communiquer avec cette cavité. Je sais aussi que l'on assure avoir vu les injections colorées péné- trer les bourgeons qui commençaient à se développer, et que l'on a figuré de jeunes Hydres encore attachées au corps de la mère, et ayant reçu par l'estomac de celle-ci une portion de la proie qui avait été avalée par elle ! mais malgré cela, je crois devoir encore douter. L'explication que je donne pourrait même jeter quelque lumière sur les vivisections des Hydres, dont chaque lam- (1) Encyclopédie méthod. Vers mollusques. Pi, i.xix, fig. 9, c. e. p. DEUXIÈME LOI. 69 beau, en quelque sorte, reproduit un nouvel être. Dans cer- taines circonstances ne se pourrait-il pas, surtout quand les segments du Zoophj le sont fort petits, que ce ne soient pas ses lambeaux, eux-mêmes qui se liansfonnenl en un nouvel animal semblable à celui dont ils faisaient partie; mais que ce soit un œuf latent qui se trouvant dans ce lambeau détaché s'y développe et forme un nouveau Po- lype? Ce qui contribue encore à la démonstration de cette assertion, c'est que tous les fragments d'une Hydre ne re- produisent pas des êtres semblables. Nous avons vu que J. MuUer (1) rétrécissait de plus en plus le cadre de la génération scissipare, et qu'il admettait même qu'elle pourrait bien dépendre de simples bourgeons terminaux qui se développeraient dans certaines régions des animaux. Cette explication nous paraît extrêmement plausible. Dans les paragraphes qui précèdent, nous avons essayé de prouver qu'à plus forte raison la génération gemmipare est peut-être produite par des œufs. Si nos arguments éprouvent un jour la sanction des observateurs, nous au- rons donc fait faire un pas à la question, soit en restrei- gnant les anomalies, soit en faisant entrevoir qu'elles ne constituent peut-être pas un ordre de faits particuliers, et qu'il se pourrait bien que tout ce que l'on observe pût ren- trer dans la loi générale de l'oviparité, loi qui domine tel- lement dans la création, depuis les animaux aux propor- tions les plus colossales jusqu'aux microzoaires , qu'une exception doit réellement ne s'admettre qu'avec la plus extrême réserve I ! ! (i) MuLLER. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p 580. % THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Carus (1) a considéré la question absolument comme nous le faisons nous-même. « La seule différence , dit-il, qui existe entre l'œuf et les gemmes, c'est que le premier s'engendre dans une partie déterminée de l'individu déjà développé à laquelle on donne le nom d'ovaire. Il importe, ajoute-t-il, de bien se persuader que œuf et gemme ou bourgeon sont une seule et même chose, car c'est l'unique moyen de saisir le rapport entre une génération quelcon- que et celle qui la suit. » En lisant ma description des organes qui participent au phénomène de l'ovulation, les anatomistes s'apercevront immédiatement que je me trouve sur quelques points erf dissidence avec des observateurs d'une haute réputation. J'ai scruté les faits avec une si scrupuleuse exactitude, que je ne doute pas que ce soit moi qui progresse sur la trace de la vérité ; j'espère qu'on le reconnaîtra avant peu. Wagner avance que « l'œuf du chien, encore très-petit « et non parvenu à maturité, est situé au centre du folli- « cule, et que lorsqu'il est parvenu à maturité il se trouve « très-près de la membrane interne (2). >> D'un autre côté, Bischoff (3) prétend que c'est sur la membrane granuleuse que se trouve implanté l'ovule, membrane qu'il considère comme étant dépourvue de vais- seaux. Enfin, Courty (4) professe que l'œuf des Mammifères est (1) Carus. Traité d'anatomie comparée. Paris, 1833, tomeii, p. 437. (2) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, p. 49. (3) Bischoff, Développement de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 8. . (4) CoTTRTY. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845, p. 39 et 47. DEUXIÈME LOI. 71 placé au point le plus superficiel de la vésicule de De Graaf, et d'après lui aussi la membrane granuleuse n'est pas vas- culaire. Contrairement à ces opinions, l'observation directe, sou- vent et scrupuleusement répétée, nous a fait reconnaître que dans l'origine de son développement, l'œuf prend nais- sance au fond de la vésicule, à la surface de la membrane propre ; et il ne s'en détache qu'après avoir acquis assez d'accroissement pour subir l'impulsion vitale qu'il doit recevoir de l'imprégnation. Ce n'est qu'à ce moment qu'il s'éloigne de la paroi interne de la vésicule ovulifère, et s'avance vers la région centrale du liquide que celle-ci con- tient, pour être bientôt après expulsé par la déchirure que doit éprouver l'organe qui l'a produit. Un seul coup-d'œil sur l'atlas de Wagner suffirait pour démontrer l'inexactitude de son observation. En effet, sur la planche 11, fig. 8, il représente une vésicule de De Graaf non mûre, au centre de laquelle est l'ovule. Puis la figure dixième offre une vésicule mûre vers les parois de la- quelle on remarque un ovule. Par une inattention inexpli- cable, dans la capsule qui n'est point encore arrivée à ma- turité , l'ovule est proportionnellement , considérablement plus volumineux que celui qui est contenu dans celle qui a subi son entier accroissement. Si l'observation directe n'était venue elle-même me le démontrer, je ne pourrais rationnellement admettre à 'priori qu'un corps organisé comme un œuf pût s'engendrer au milieu d'un liquide comme celui qui remplit la vé- sicule; il faut indispensablement qu'il émane des pa- rois de cette vésicule , comme il procède des parois des ovaires dans tous les autres animaux où ce fluide ova- rique manque. 72 THÉORIE DE LA FÉCONDATlOiV. Bischoff (1) se trompe évidemment en conside'ranl l'œuf comme preniint naissance dans la membrane granuleuse. Ce savant n'a embrassé cette erreur que parce qu'il a omis de suivre toutes les phases du développement primitif de l'ovule. Pour moi, j'ai presque constamment trouvé celui- ci implanté vers le fond de la vésicule de De Graaf,et tou- jours je l'ai vu prendre naissance à la surface interne de la membrane propre, étant recouvert là immédiatement parla membrane granuleuse. La dissection vient elle-même démontrer les connections intimes de l'ovule et de la membrane propre. Quand on en- lève la membrane granuleuse ce n'est point elle qu'il suit, mais il reste adhérent à l'autre. Ce n'est que plus tard, quand son évolution s'accomplit, que l'œuf traverse le liquide de la vésicule en se portant vers sa région superficielle. Et c'est lorsqu'il a atteint cette région qu'on le trouve entouré du disque proligère, organe formé par la concen- tration des vésicules de la membrane granuleuse, qui ont été poussées à la superficie de la capsule de De Graaf, par le mécanisme de l'ovulation. Bischoff et Courty (2) émettent une assertion inexacte eu prétendant que la membrane granuleuse est dépourvue de vaisseaux. A l'aide du microscope, j'ai constaté évidem- ment la présence de ceux-ci, et je les ai parfaitement dis- tingués se ramifiant entre les cellules, comme je l'ai dit pré- cédemment. J'ai même vu les vaisseaux de la membrane granuleuse passer sur l'ovule que celle-ci recouvrait (3). (1) Bischoff. Traité du développement de l'homme, Paris, 1843, page 8. (2) Bischoff. Oper. cit. p. 7. — Couhty. De l'œuf et de son dévelop- pement dans l'espèce humaine, Montpellier, 1845, p. 39. (3) Atlas, pi. IX, fig. 7. DEIXIEME LOI. 73 Les analomisles et les physiologistes professaient géné- ralement (1) qu'après la puberté, chez les Mammifères et l'espèce humaine, il ne se formait plus de vésicules de De Graaf, et conséquemment plus d'œufs. Ils prétendaient que les premières diminuaient avec l'âge, soit par le fait de la production des petits ou des enfants, soit par l'affaisse- ment de leur tissu, car sur les vieilles femmes on ne trouve plus aux ovaires que des endurcissements sans fluide inté- rieur. Celte diminution successive des vésicules ovariques, et enfin leur disparition totale, sont des faits exacts; seule- ment leur nature a été en partie mal interprétée. En effet, ces vésicules ne s'absorbent pas, mais constamment elles s'ouvrent à des époques fixes, puis elles expulsent les œufs que renfermait leur intérieur. Cela est hors de doute pour tous les Vertébrés, qui ont des œufs fort appa- rents, et existe aussi à l'égard de l'espèce humaine et des Mammifères; seulement sur celle-là, ainsi que chez ces derniers, la petitesse des œufs avait, jusqu'à présent, empêché de constater ce phénomène physiologique, et d'établir son identité avec ce qui s'observe dans toute la série zoologique. Cette assertion sera rendue évidente dans l'un des cha- pitres suivants; dans celui-ci nous n'avons eu pour but que de démontrer que dans tout le règne animal, la génération se produit à l'aide d'œufs qui préexistent à la fécondation. Cela était facile en s'appuyant sur tous les faits connus et sur les travaux des savants qui ont tant contribué à l'illus- tration de notre siècle. (1) BouRDOH. Principes de physiologie comparée. Paris, 1830, p. 138. lîl^ LOI FONDAMENTALE. DES OBSTACLES MULTIPLES S OPPOSENT A CE QUE, CHEZ LES MAM- MIFÈRES, LE FLUIDE SÉMINAL PUISSE ÊTRE MIS EN CONTACT AVEC LES OVULES ENCORE CONTENUS DANS LES VÉSICULES DE DE GRAAF. Exposition. Le sperme ne peut jamais parvenir jus- qu'aux ovules durant tout le temps qu'ils se trouvent enfer- més dans la vésicule de De Graaf. Des obstacles nombreux, soit physiologiques, soit simplement physiques, s'y oppo- sent. Les uns tiennent le fluide prolifique éloigné des organes dans lesquels s'engendrent les œufs ; et les autres lui oppo- sent une barrière infranchissable. Les obstacles physiologiques sont la direction des contrac- tions incessantes des trompes et celle de leurs mouve- ments ciliaires, qui toutes deux s'opèrent normalement de l'intérieur vers l'extérieur. Les obstacles physiques tiennent à la longueur et à la capillarité des trompes; puis à la structure intime des vési- cules de l'ovaire qui sont composées de tuniques nom- breuses et serrées, imperméables à la partie fécondante du sperme ; enfin à la présence permanente d'un mucus com- pacte et infranchissable qui engorge les tubes de Fallope. Les savants ont professé de siècle en siècle des doc- trines diamétralement opposées au principe formulé dans cette loi. TROISIÈME LOI. 75 Deux causes les avaient induits en erreur : d'abord l'idée que c'était la fécondation qui déterminait l'apparition des ovules, et ensuite l'examen des grossesses extra-utérines. Depuis que nous avons commencé à faire connaître notre théorie de l'ovulation, nos principes, à l'égard de cette fonction, ont acquis une évidence qui n'est plus contestée; aussi, actuellement, comme il est reconnu que l'œuf s'en- gendre et s'achemine spontanément vers l'utérus, on n'a plus besoin pour l'accomplissement de cet acte de faire parvenir le sperme jusqu'à l'ovaire. Plus loin, nous prou- verons que les grossesses extra-utérines indiquent une aberration dans la dispersion de ce fluide et non sa marche > normale. Preuves directes. Ainsi que nous venons de l'énoncer, deux ordres d'obstacles s'opposent à ce que l'imprégnation de l'ovule puisse s'effectuer dans la vésicule de De Graaf : les uns dépendent essentiellement du mode de vitalité des organes, et sont purement physiologiques ; les autres ren- trent simplement dans le domaine des lois physiques. Les premiers tiennent à la direction normale des con- tractions des trompes, et à celle de leurs mouvements ci- lîaires. Les seconds à la capillarité et à la longueur de ces ca- naux; à l'imperméabilité des tuniques de l'ovaire relative- ment au sperme ; puis enfin au mucus infranchissable qui remplit les trompes. Nous prouverons plus loin que, comme l'ont déjà fait observer Burdach (1), Dugès (2) et d'autres, les mouve- (1) Burdach. Traité de Physiologie considérée comme science d'observa- tion. Paris, 1838, tome ii, p. 194. (2) Dugès. Traité de physiologie comparée, Paris^ 1839, tome nr, p. 332. 76 THÉORIE DE LA FÉCOMDATIOS. menls des trompes de Fallope s'opèrent continuellement de l'intérieur vers l'extérieur, de manière à transporter de l'ovaire à l'utérus les diverses sécrétions qui peuvent leur être confiées ou qu'elles élaborent elles-mêmes. Alors nous démontrerons aussi que les mouvements ciliaires qui se produisent sans relâche à la surface de leur muqueuse, se font également dans ce sens, comme l'ont reconnu Pur- kinje, Valentin (1) et Bischoff (2), et comme nous l'avons vu nous-même ; de façon qu'il est évident que les mouve- ments vibratoires, ainsi que la direction des contractions des trompes, forment un obstacle incessant à l'ascension du sperme vers les ovaires. J. MuUer (3) a aussi senti que ces organes étaient essen- tiellement destinés à transporter l'œuf à l'extérieur. Les trompes de Fallope des Mammifères sont ordinaire- ment très-longues, flexueuses et presque capillaires ; aussi leur étendue et l'exiguïté de leur diamètre doivent -elles opposer un puissant obstacle à la marche du fluide sperma- tique vers les ovaires. Depuis longtemps. De Graaf (4) avait exprimé cette opinion qui, récemment encore, a été développée par Burdach (5). Carus (6) fait lui-même ob- server que les trompes de quelques Mammifères sont si (1) PuRKiNJE et Valemtin. De motu vibratorio. Mulleis arch. 1834, p. S02. (2) Bischoff. Développement de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 392. (3) J. Mdller. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p. 626. (4) De Graaf. De mulier, organ. générât, inservientib . p. 347, (5) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'observa- tion. Paris, 1838, tome ii, p. 194. (6) Cartjs. Traité élémentaire d'Ânatomie comparée^aris, 1835, t. u, p. 412. tROISlÈWE lOI, 7? longues, si contournées, si éiroiies, que l'on a peine à con- cevoir commenl le sperme peut les franchir. Je sais bien que l'on pourrait objecter à cette assertion que dans l'économie animale, les fluides circulent libre- ment à l'intérieur de canaux encore plus déliés. Cela est vrai, mais ceux-ci ne charrient jamais les sécrétions que dans un seul sens et vers la périphérie de l'organisme. La ' vitalité des trompes ne le cède assurément en rien à celle de ces canaux, et c'est aussi vers l'extérieur qu'elles tendent constamment à transporter le fluide qui les abreuve. Aussi, pour que le sperme s'acheminât vers les ovaires, faudrait-H qu'elles commençassent avant tout par subir une perver- sion totale dans leur mode de vitalité, en faisant refluer dans l'abdomen le mucus qui les engorge, et que par inat- tention l'on a si fréquemment pris pour du sperme. Une des causes qui tendent le plus à s'opposer à la mar- che ascendante du fluide séminal, est assurément aussi la présence du mucus spécial, formé de globules allongés, très-tassés , qui encombre les deux tiers supérieurs des trompes, Cefluide, que je nomme mwcw* in franchis s ahle et sur lequel je reviendrai lorsque je fixerai le lieu précis où s'opère la fécondation, ne peut assurément être traversé par les zoospermes, et jamais même l'on n'en rencontre un seul dans les endroits où ses globules sont resserrés d'une manière compacte. Si l'on s'efforçait encore de contester la valeur des divers obstacles que nous venons d'énumérer, j'ajouterai qu'il en est un autre que l'on ne pourrait refuser de considérer comme une barrière insurmontable. Lui seul suflirait pour saper victorieusement les assertions des physiologistes qui prétendent que le sperme pénètre jusqu'à l'ovule, lorsque celui-ci est encore renfermé dans sa capsule. Cet obstacle 78 THÉORIE DE LÀ FECONDATION. réside dans la disposition des tuniques multipliées, à Fabri desquelles l'œuf se développe, et qui lui forment une cloi- son imperméable, destinée à le séparer du monde exté- rieur. Les expériences dans lesquelles Haighton a interrompu la marche du sperme en liant les trompes (1) ; les belles €t ingénieuses expériences de Spallanzani (2), et de Prévost et Dumas (S), sur la fécondation artificielle des Reptiles, et celles dans lesquelles Rusconi (U) et Vogt (5) sont par- Venus aussi à féconder artificiellement des œufs de Pois- son, ont démontré plus que suffisamment que le contact direct du sperme est indispensable à l'imprégnation de l'o- vule. Il résulte aussi des travaux de la plupart de ces savants, ainsi que des expériences qui nous sont propres, que la fé- condation ne peut avoir lieu que lorsque l'œuf est débar- rassé de ses enveloppes ovariennes (6) . Parmi eux Spallan- zani (7), et Prévost et Dumas (8), ont en outre prouvé que c'était la partie la plus compacte du fluide séminal qui opérait la fécondation ; ils ont vu que si l'on soumettait à plusieurs filtres du sperme de Grenouille, la liqueur filtrée qui ne (1) Haighton. Philosophical transactions, 1797, tome 1, p. 159. (2) Spallanzani. Dissertazioni difisica animale e vegetabile, Modène, 1780. (3) Prévost et Dumas. Annales des Sciences naturelles, tomes i, ir, m. (4) Rusconi. Archiv.fiir anatomie, etc. Von MuUer, 1836. (5) YoGT. Embryologie des Salmones. Neiifchâtel, 1842. (6) Comp. Prévost et Dumas. Dict. classiq. d'histoire naturelle. Paris, 1823, tome vu, p. 217. — Yogt. Oper, cit. p. 8, et dans cet écrit la ï\^ Loi , page 89. (7) Spallanzani. Oper, cit.^ trad. Pavie, 1787, tome ru, p. 203, (8) Prévost et Dumas. Oj}er. cit. p. 215. TROISIÈME LOI. 79 contenait plus de zoospermes n'était point propre à aviver les œufs de cet animal , tandis que la portion épaisse du fluide qui était restée à la surface des filtres et contenait les animalcules, vivifiait tous les œufs que l'on mettait en con- tact avec elle. Sans nous préoccuper du rôle que les animalcules sper- matiques peuvent jouer dans l'acte de la fécondation, nous devons reconnaître que les expériences si précises et si po- sitives entreprises par les savants qui viennent d'être cités, prouvent bien évidemment que les œufs sont avivés par ces mêmes zoospermes qui forment la partie la plus épaisse de la semence, et ne peuvent passer à travers les filtres de nos laboratoires. Celte proposition bien établie, il en découle conséquem- ment que les ovules ne peuvent être fécondés dans l'inté- rieur des vésicules de De Graaf; car si le fluide séminal perd sa faculté en passant à travers des filtres grossiers, à plus forte raison devrait- il s'en déposséder en traversant les tuniques qui enveloppent l'ovule ; tuniques bien autre- ment serrées que les filtres des expérimentateurs, et qui, en admettant même, ce qui n'est nullement prouvé, que la partie liquide du sperme pût les traverser, retiendraient certainement à l'extérieur de l'organe la partie vivifiante de ce fluide. D'après les travaux des anatomistes modernes, il est évi- dent que les ovules des Mammifères sont protégés par trop de tissus ou de fluides, pour que l'on puisse admettre qu'un liquide provenant du dehors peut être mis en contact avec eux. En effet, pour parvenir jusqu'à ceux-ci, il faudrait que le spciuîe traversât six tuniques plus ou moins serrées, le pé- ritoine, l'enveloppe fibreuse, la membrane propre de la vé- 80 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sicule, la membrane granuleuse, le liquide ovarique et une seconde fois encore cette dernière membrane. Cela n'est point admissible, quand on reconnaît que dans nos labora- toires, les zoospermes ne peuvent pas même franchir les filtres les plus grossiers. Burdach (1), que l'on trouve si souvent dans la voie du progrès, avait aussi signalé cette difficulté insurmontable. Non-seulement le sperme ne pourrait traverser les tuni- ques de l'ovaire ; mais, comme nous le prouverons plus loin, il n'arrive certainement pas normalement jusqu'à cet organe. Si même quelques savants parvenaient à prouver que, se dérobant à toutes les lois qui régissent l'organisme, et franchissant d'une manière inexplicable les plus grands obstacles , le sperme se fraie miraculeusement une route jusqu'à l'intérieur des vésicules de De Graaf, à quoi cela lui servirait-il? absolument à rien, puisque nous avons déjà vu que, parleurs expériences, Spallanzani (2), Prévost, Du- mas (3) et Vogt (h) , ont démontré que l'ovule n'est point apte à être fécondé tant qu'il se trouve encore contenu dans l'ovaire. D'ailleurs, si la science avec tout son ascendant ne se prononçait pas elle-même énergiquement en faveur de cette doctrine, la raison seule forcerait de l'admettre; car l'admirable sagesse qui préside à toutes les opérations du monde organisé n'a pas suscité d'inutiles obstacles à la marche rationnelle des phénomènes. Preuves rationnelles. Il a été incontestablement dé- (1) BuRDAcu. Traité de Physiologie. Paris, 1838, tomeii, p. 195. (2) SriLLANZANi. Expériences pour servir à l'histoire de la génératioiï des animaux et des plantes. Pavie, 1787, tome iir, p. 134. (3) Prévost et Dumas. Annales des sciences naturelles, tomes i, u, iir, (4) Vogt, Embryologie des Salmones. Neufchâtel, 1842. TROISIEME LOI. 81 montré, comme nous le redirons avec détail en son lieu, que sur les animaux de presque toutes les classes, les œufs se forment dans les ovaires par la seule force plastique de ces organes, et qu'ils en sont souvent expulsés sans que les femelles aient aucun rapport avec les mâles. Les ouvrages de Rœsel (1), de Bernouilli (2), de Treviranus (3), de Buf- fon (4), de Blumenbach (5), de Duméril (6), de Cuvier (7), de Geoffroy Saint-Hilaire (8), de Burdach (9), de Du- gès' (lOj et de beaucoup d'autres savants, forment une telle autorité à l'égard de ce fait, qu'il n'est plus permis d'en dou- ter. Lorsque ce mode d'action a été observé chez tant d'ani- maux divers, et qu'il se produit même normalement sur des Vertébrés d'une organisation supérieure, pourquoi donc ne suivrait-il pas les mêmes lois chez l'espèce humaine et les Mammifères, eux sur lesquels les ovules étant moins volu- mineux ont nécessairement dû subir moins de préparation et se produire plus simplement? En effet, si les œufs des Oiseaux, des Amphibiens et de la plupart des Poissons, qui (1) RoESEt, Amusements sur les Insectes (ouvrage allemand). Nurem- berg, 1761. (2) Bernouilli. Mémoires de l'Académie de Berlin, 1772. (3) Treviranus. Fermisclite Schri/ten. Gœttingue, 1821, tome iv. (4) BuFFON. Discours sur la nature des Oiseaux. Deux-Ponts, 1785 , tome I, p. 34. (5) Blumenbach. Manuel d'histoire naturelle. Metz, 1803, 1. 1, p. 181. (6) Duméril. Traité élémentaire d'histoire naturelle. Paris, 1807, tome ii, p. 215. (7) Cuvier. Leçons d'anatomie comparée. Paris, 1805, tome v, p. 7. (8) Geoffroy Saint-Hilaire. Philosophie anatomique. Paris ^ 1822 , tome it , p. 360. '^9) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'observa- tion, Paris, 1838, tome ii, p. 234. (10) DuGÈs. Physiologie comparée de l'homme et des animaux. Paris, 1838, tome m, p. 261. 82 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sont si apparents, si développés, s'élaborent dans les ovaires et s'en trouvent expulsés sans le concours du mâle (1), pour- quoi donc avoir imaginé que dans les Mammifères, ani- maux chez lesquels, ainsi que nous venons de le dire, les œufs sont bien moins élevés en organisation, ils aient ce^ pendant besoin d'une opération physiologique de plus, de la fécondation, pour apparaître et se développer dans leur organe producteur? Cela n'est pas rationnel; c'est une inexplicable anomalie de l'intelligence de l'avoir jamais supposé. Quel que soit le lieu où la fécondation s'opère, il est cer- tain qu'il faut que le produit des deux sexes soit mis immé- diaiement en contact; mais, comme le dit avec raison Vel- peau (2), ce contact ne peut s'effectuer sans que la coque de l'ovaire et la capsule de l'ovule se déchirent ; et quand un ovule est vivifié on ne peut plus admettre qu'il soit renfermé dans l'ovaire. En parlant de l'époque à laquelle les œufs tombent dans l'utérus après l'accouplement, Coste dit que cette question a beaucoup occupé les anatomistes, et que, malgré tous leurs efforts pour la résoudre, ils ne paraissent pas encore être arrivés à aucun résultat positif. J'ajouterai qu'il leur eût (1) Comp. E.OESEL. Hlstoria naturalis Rananim, Nui'emberg , 1758. SwAMMERDAM. BihUo natiirœ, Leyde, 1738. Bloch. Ichthyologie ou his- toire générale et particulière des Poissons. Berlin, 1795. LACF.rÈDE. His- toire naturelle des Poissons. Paris, 1830, tome 1, p. 88. Cuvier et Valenciennes. Histoire naturelle des Toissons. Paris, 1828, tome 1, p.539. Daxjdin, Histoire naturelle générale et particulière des Reptiles. Paris, an XI, tome i, p. 206. Duméril etBiBRow. Erpétologie générale. Paris, 1841, tome VII!, p. 195, (2) Velpeau. Traité complet de l'art des accouchements. Paris, 1835, tome i,.p. 213. TROISIÈME LOI. 63 été bien impossible de parvenir à ce résultat, et cela parce qu'ils sont presque tous partis d'une idée totalement fausse, qui consistait à admettre que le contact du fluide séminal avive les vésicules de De Graaf, et que la surexcitation qu'il y introduit devient l'agent du développement qu'elles éprouvent, et durant lequel se produisent leurs ovules. L'inspection attentive des assertions des auteurs suffirait seule pour démontrer mathématiquement la fausseté de leurs prétentions, et pour établir que la maturité et la rup- ture des vésicules de De Graaf ne sont nullement en rap- port avec l'accouplement, ou, en un mot, que ce n'est pas le contact du sperme qui opère l'extension de ces vésicules et les excite à produire des ovules. Pour admettre que le fluide séminal détermine l'évolu- tion des ovules qui s'élaborent dans les ovaires, il faudrait que ces ovules y fussent tous dans les mêmes conditions, et il n'en est nullement ainsi, car il s'y en trouve d'une orga- nisation et d'un volume si différents, que vraiment un même fluide, un même stimulus, ne peut rationnellement pas, au même moment, avoir sur eux une semblable action vitale. En poutre, pour que la fécondation eût lieu à l'ovaire, il faudrait encore que la liqueur prolifique possédât des pro- priétés inconnues à la matière pondérable, afin qu'elle ar- rivât jusqu'aux ovules, car Spallanzani (1) et Prévost et Du- mas (2), ainsi que nous l'avons vu, ont fort bien démontré que ce n'était point un aurasemiiialis qui fécondait l'œuf, (1) Spallanzani. Dhsertazioni difisica animale e uegetabile, Modène, 1780, trad. de Sennebier. Pavie, 1787, tome m, p. 203. (2) Prévost et Dumas. Annales des sciences naturelles, tome li. Dici tionnaire classiciue d'histoire naturelle, Paris, 1825, tome ^n. 6. Sh THÉORIE DE LA FÉCONDATION. mais bien la partie la plus consistante de ce fluide. En effet, comment comprendre que l'infiniment minime quantité de sperme émise par certains animaux invertébrés puisse s'in- sinuer dans tous les tubes qui composent les ovaires, et aille y aviver les longs chapelets que forment les myriades d'œufs qu'ils contiennent, et sur lesquels ils sont resserrés? Comment comprendre qu'un fluide puisse successivement passer entre les parois de ces tubes et les œufs qui en en- combrent la cavité, pour parvenir jusqu'aux derniers de ceux-ci qui sont à peine ébauchés, et qui même se trouvent séparés les uns des autres, comme le dit Lacordaire (1), par des espèces de placentas? Dugès (2), pas plus que nous, n'en conçoit la possibilité. Et d'ailleurs nous verrons Malpighi (3), Audouin (4), Siebold (6), J. Muller (6),He- rold (7), Milne Edwards (8) et d'autres, reconnaître que la fécondation d'un grand nombre d'Insectes et de Crusta- cés ne s'opère que lorsque les œufs, détachés de l'ovaire, passent devant une poche particulière destinée à servir de réservoir au sperme. Lorsque de si manifestes difficultés s'élèvent pour expli- quer la fécondation des Insectes et des Crustacés , quand l'on s'obstine à suivre l'ancienne hypothèse, comment sup- (1) Lacordaire. Introduction à l'entomologie. Paris, 1838, t. ii, p. 380. (2) Dugès. Physiologie comparée de l'homme et des animaux. Paris, 1838, tome m, p. 293. (3) MMjViGBi.DissKitatio epistoUca de Z^ow^^ce. Lugd.-Bat.,1687, p. 82. (4) AuDOum. Annales des sciences naturelles, tome ix, p. 281, et Dic- tionnaire classique d'histoire naturelle. Paris, 1825, tome viir, p. 577. (5) Siebold. MuUer's Archiv. 1837 , p. 381. (6) J. Muller. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome xi^ p. 630. (7) Herold. Entwickelungsgeschicltte der Schmetterlinge. Cassel , 1815. ' (8) Milne Edwards. Histoire naturelle des Crustacés. Paris, 1837, toraei, p. 170. TROISIÈME LOI. 85 poserait-on que cet acte piit avoir lieu chez certains Ver- tébrés dont les ovules sont situés bien plus loin de l'organe dans lequel le mâle épanche son sperme? Comment enfin supposer que les trompes, qui ont évi- demment pour mission d'émettre les œufs, aient aussi celle de porter le fluide séminal en sens contraire et de le faire parvenir jusqu'aux ovaires? Connaît-on quelque glande dont le canal excréteur ait tour à tour la mission d'émettre à l'extérieur les produits sécrétés, et d'y puiser des fluides pour les amener vers la glande? Non, assurément non, et aucune analogie physiologique ne peut être invoquée dans cette circonstance. L'étroit canal formé par les trompes de Fallope est régi par les mêmes lois que les autres conduits excréteurs, et il est simplement destiné à porter les œufs dans l'utérus ; ses contractions ne s'opèrent normalement que de l'intérieur vers l'extérieur, et à l'exception de quel- ques cas rares, que nous expliquerons plus loin, jamais il ne se contracte du dehors vers le dedans. Les mouvements ci- liaires suivent également la même direction. Aussi est-il impossible que ce canal transporte jusqu'aux ovaires la se- mence du mâle. D'ailleurs, celle-ci y arrivât-elle par ce ca- nal, elle y serait la plupart du temps sans effet pour opérer la fécondation, car si ce fluide ne trouvait point les ovules au moment où ils s'échappent de leurs enveloppes et sont tout à fait libres, il ne pourrait certainement pas les aviver, soit parce que, comme nous venons de le voir, les tissus qui les environnent, lorsqu'ils se trouvent encore contenus dans les vésicules de De Graaf, ne sont point perméables au fluide séminal; soit parce que les ovules n'y possèdent pas à ce moment le degré de développement auquel il est nécessaire qu'ils soient parvenus pour subir l'imprégna- tion. 8€ THÉORIE DE LA FÉCONDATION. L'étude des faits contradictoires qui s'observent dans toute la série animale rendrait inexplicables les vues des physiologistes qui veulent que la fécondation détermine la formation de l'œuf des Mammifères et de la femme, si l'on ne savait ce qui les a dominés lorsqu'ils ont admis cette singulière théorie. Ce qui les a continuellement et mal- heureusement dominés, c'était l'explication des grossesses ovariques et tubaires; ils ont sacrifié tout à celle-ci, et ils ont soumis la fonction naturelle aux règles exceptionnelles du fait anormal : c'est une impardonnable erreur (1). Quoique nos convictions nous portent à admettre que la fécondation a lieu dans l'utérus ou vers la région des trompes qui l'avoisinent, nous consentirions bien volontiers à abandonner ce point de théorie si l'on en pouvait faire ressortir l'erreur ; car ce qui seul est essentiel à établir pour nous, c'est que ce n'est pas le fluide séminal qui dé- termine l'apparition de l'ovule dans l'ovaire, et que celle-ci a lieu sans le concours du mâle. Nous pensons être arrivé à ce but en démontrant successivement dans les sections précédentes et dans celles qui suivent : l" que , chez tous les animaux, la génération normale se produit à l'aide d'œufs ; 2° que ceux-ci sont émis spontanément par les ovaires indépendamment de la fécondation. Dans ce para- graphe, nous avons établi, comme surcroît de preuves, que le fluide séminal ne peut même pas être mis en contact avec les ovules qui sont encore contenus dans les vésicules de De Graaf de la femme et des Mammifères , parce que les lois physiques et physiologiques s'y opposent. Partie critique. En scrutant les écrits des savants, on (1) Nous traiterons avec extension ce sujet impoi'tant, dans la 11^ loi accessoire. TROISIÈME LOI. 87 s'aperçoit que de tout temps ceux-ci ont été embarrassés pour faire parvenir le fluide séminal jusqu'aux ovules , et qu'à cet effet souvent ils se sont efforcés de soustraire la fécondation aux lois physiques ordinaires. Tels furent , entre autres , Chaussier et Dugès (1) , qui , en désespoir de cause, prétendirent que la liqueur prolifique, ne pou- vant parvenir aux ovaires à l'aide des voies directes, était pompée par les absorbants et passait dans le torrent de la circulation, lequel se chargeait de la transporter jusqu'aux ovules. Ce dernier, il est vrai, ne professa que fort peu de temps cette étrange théorie. D'autres croyaient que la vapeur du fluide, Vaura seminalis, suffisait pour opérer la fécondation ; mais cette manière de voir a succombé de- vant les expériences des physiologistes modernes, et nous ne pensons pas qu'aujourd'hui personne ose encore la sou- tenir. Cependant ces faits témoignent d'une manière évi- dente de la difficulté qu'éprouvaient certains savants pour découvrir laborieusement les voies par lesquelles s'opérait un phénomène qui n'a réellement pas lieu, et que, sans s'en apercevoir, ils inventaient, en suscitant ainsi une en- trave de plus à la théorie déjà trop mystérieuse de la gé- nération. Dans son traité de physiologie récemment publié , J. Muller (2) , continuant de rester sous l'empire des an- ciennes traditions, admet encore que c'est dans l'ovaire même que s'accomplit la fécondation ; les grossesses ova- riqiies et abdominales, et surtout la présence du sperme sur l'ovaire, annoncée par quelques savants tels que Bis- (1) Chaussier et Dugès. Revue médicale. Paris, 1826. (2) J. Muller. Manuel de physiologie. Paris, 1845, lome ii, p. 629. 88 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. choff (1) , Barry (2) et Wagner (3) , lui paraissent des ar- guments décisifs. Mais chacun de ces arguments sera examiné et rigou- reusement discuté en son temps. Nous avons déjà prouvé que l'œuf apparaissait spontanément ; plus loin nous dé- montrerons qu'il tombe de même ; alors l'inutilité du sperme pour effectuer l'évolution de l'ovule deviendra une évidence. Puis, après avoir mis hors de doute que le sperme s'avance fort peu dans les trompes , nous recon- naîtrons encore qu'il n'existe pas un seul exemple de gros- sesse ovarique proprement dite , et que les conceptions abdominales ne sont qu'une exception qui constate non la marche normale d'une fonction , mais son incontestable aberration . (1) BiscHOFF. Développement de l'homme et des Mammifères. Paris , 1843, p. 22, 55. (2) Barry. Philos, trans., 1839, et Lond. and Edinh. Philos, magaz. 1839, p. 494. (3) Wagmer. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841, p. 68. IV LOI FONDAMENTALE. LA FECONDATION NE PEUT S OPERER QUE LORSQUE L ŒVV A ACQUIS UN CERTAIN DEGRÉ DE DÉVELOPPEMENT ET APRÈS SON DÉTACHE- MENT DE l'ovaire. Exposition. La fécondation ne peut s'effectuer dans l'o- vaire : c'est un fait acquis par la discussion de la loi pré- cédente ; et pour qu'elle s'opère, il faut que l'ovule soit arrivé à un certain degré de maturité, sans cela l'impré- gnation resterait inefficace. Ce degré est celui où l'œuf ayant puisé dans la mem- brane ovulifère tous les éléments qu'il pouvait s'assimiler, s'en est détaché pour aller commencer ailleurs un nouveau mode de nutrition. L'observation directe prouve ce fait dans tout le règne animal. Sur les espèces les plus élevées en organisation , souvent le sperme rencontre les œufs assez loin de leur appareil producteur , et sur d'autres ce n'est même qu'a- près que la femelle a expulsé ceux-ci qu'ils sont arrosés par ce fluide. Ce n'est donc constamment qu'à la suite de son détache- ment de l'ovaire que l'œuf est fécondé. Des expériences tout à fait convaincantes viennent aussi confirmer cette loi. Des œufs extraits de l'ovaire ne se dé- veloppent jamais lorsqu'on les féconde artificiellement 5 au contraire, des œufs pris au-delà de ces organes, après 90 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. qu'ils s'en sont détachés spontanément , peuvent être fé- condés par les physiologistes. Preuves directes. Lorsque l'on scrute le phénomène de la génération dans tout le règne animal , on reconnaît immédiatement qu'il est temporaire , et que la reproduc- tion ne peut avoir lieu que lorsque l'appareil génital a acquis, avec l'âge , un certain développement , tantôt per- manent, tantôt intermittent. C'est déjà là une preuve palpable que l'imprégnation exige une certaine modalité dans l'appareil génital de la femelle , et cette modalité c'est la maturation complète de l'ovule ; maturation dont le premier effet est l'isolement de celui-ci des tissus environnants. Dans les Mammifères , qui occupent le point culminant de l'échelle animale, déjà on reconnaît, comme nous le verrons plus loin , que la fécondation n'a évidemment lieu qu'après que l'ovule s'est mis en mouvement, et que même il est fort loin de l'ovaire. A l'égard des Oiseaux, l'ampleur de l'oviducte et sa mo- bilité permettent au sperme de s'avancer davantage vers l'ovaire, puis d'effectuer l'imprégnation des ovules peu de temps après leur détachement de l'organe producteur , et avant que le vitellus n'ait été enveloppé des épaisses couches de l'albumen ou de sa coquille. Mais cependant la fécondation n'en est pas moins subordonnée chez eux à la maturité de l'ovule, car, comme le dit Lallemand(l) , « la Poule, après un seul accouplement, peut fournir douze à quinze œufs féconds, et l'on ne saurait supposer qu'ils ont été fécondés tous immédiatement, car les derniers ne pou- vaient être développés quand l'accouplement s'est opéré. » (1) LiLLEMANo, Des pcrtcs séminales involontaires. Paris, 1841, t. ii, p. 320. QUATRIÈME LOI. 91 En général aussi , chez les Vertébrés ovovivipares , c'est-à-dire ceux dont l'œuf se développe dans l'intérieur de l'oviductc sans avoir de connexion avec la mère, comme chez certaines espèces d'Ophidiens, de Salamandres , de Blennies, de Raies et de Squales, le contact du sperme a lieu presque immédiatement après que l'œuf s'est détaché de l'ovaire, et avant qu'il ne soit abrité de l'enveloppe co- riace qui ordinairement le revêt. Mais c'est spécialement lorsque l'on scrute la génération des Batraciens anoures et des Poissons osseux que l'on s'a- perçoit manifestement de l'évidence du principe que nous émettons. En effet, sur la plupart d'entre eux, l'imprégna- tion, comme nous le verrons plus en détail en son lieu, s'o- père extrêmement loin de l'ovaire, et presque constamment même lorsque les œufs sont expulsés du ventre de la fe- melle. C'est une notion devenue vulgaire depuis les obser- vations de Rœsel (1) et de Swammerdam (2). La lecture des œuvres des naturalistes qui ont jeté les plus vives lu- mières sur l'erpétologie, tels que Sonnini (3), Daudin (4) , Lacépède (5) , Duméril et Bibron (6) , et celle des écrits des plus savants ichtyologistes, tels que Bonnaterre (7) , (1) RoESEL. Historia naturalis Rananim, Nuremberg, 1738. (2) Swammerdam. Bîblia naturœ. Leyde, 1738. (3) Sonnini et Latreille. Histoire naturelle des Reptiles. Paris , 1830, tome II, p. 144. (4) Daudin. Histoire naturelle générale et particulière des Reptiles. Paris, an x, tome i, p. 206. (5) Lacépède. Histoire naturelle des Quadrupèdes ovipares. Paris, 1832, tome II, p. 91, (6) DcMÉRii. et Bibron. Erpétologie générale, Paris, 1841, tome viii, p. 195. (7) Bonnaterre. Iclityologie de l'encyclopédie méthodique. Paris, 1787, p. 27. 92 THÉORIE DE LA FÉGONDATIOX. Bloch (1) , H. Cloquet (2) , Cuvier et Valenciennes (3) , ne laissent aucun doute sur cet important sujet. Le perfectionnement qu'exige l'ovule pour être apte à recevoir l'imprégnation est tel, que chez certains animaux les œufs , après s'être détachés de l'ovaire , se rassemblent dans une cavité spéciale à laquelle on a donné le nom de matrice, où ils restent un temps assez long avant d'être pondus, et ce n'est qu'après cette incubation préliminaire qu'ils peuvent être fécondés par le mâle. Cela s'observe manifestement sur les Batraciens anoures. Les œufs de certains Poissons subissent une préparation analogue : ils tombent dans le ventre des femelles après s'être détachés des ovaires, et ils y séjournent quelque temps avant d'être expulsés et mis en contact avec le sperme. Cette particularité, qui a été signalée par Dumé- ril (Zi) sur les Lamproies, ainsi que par Vogt (5) et Carus (6) sur les Truites et les Saumons , ne représente peut-être aussi qu'une sorte d'incubation préparatoire in- dispensable au perfectionnement que l'œuf exige pour l'ef- ficacité de l'imprégnation. L'étude de la fécondation des Insectes offre aussi la preuve manifeste que ce n'est qu'après leur détachement (1) Bloch. Ichtyologie ou histoire générale et particulière des Poissons. Berlin, 1796. (2) H. Cloquet. Dictionnaire des sciences naturelles. Paris, 1827, tome XLv, p. 79. (3) Cuvier et Valewciennes, Histoire naturelle des Poissons. Paris , 1828, tome i, p. 539. (4) Ddméril. Mémoire de zoologie et d'anatomie comparée. Paris, 1807. (5) VoGT. Histoire naturelle des poissons d'eau douce de l'Europe cen- trale, par Agassiz. Neufchâtel, 1842, tome i, p. 15. (6) Cabxjs. Anatomie comparée. Paris, ]83o, tome ii, p. 387, QUATRIÈME LOI. 93 d(3 l'uvaiie que les œufs sont avivés par le sperme , et du- rant qu'ils cheminent dans le canal vecteur. Malpighi (1) avait déjà reconnu cette particularité sur certains Papillons. Ce savant découvrit que les femelles des Bombyces offrent une sorle de sac qui s'ouvre dans le vagin et à l'intérieur du- quel le mâle place sa verge durant l'accouplement, pour le remplir de semence. Les œufs, après s'être détachés de l'o- vaire, passent devant l'ouverture de cet organe et sont tour à tour fécondés parla liqueur prolif que qui en imbibe l'o- rifice. Celle observation explique comment un seul accou- plement suffît , chez ces animaux , pour aviver un grand nombre d'œufs qui parfois se trouvent pondus à un inter- valle de temps assez considérable. Malpighi ajoute même que les œufs que l'on enlève à l'ovaire, au-dessus de l'ori- fice du sac en question, ne sont pas susceptibles de re- cevoir l'imprégnation. Audouin (2) a reconnu également l'existence de ce sac sur d'autres insectes et lui a donné le nom de poche copu- latrice. Selon lui , des faits nombreux mettent hors de doute cette grande vérité, que toute femelle d'insecte est pourvue d'un réservoir destiné à recevoir la liqueur du mâle , afin de féconder les œufs à leur sortie de l'ovaire. Cette poche dans laquelle on a reconnu que les zoosper- mes conservaient long- temps leur vitalité, a aussi été dé- crite et figurée par Herold (3) et Carus (4) d'après l'appa- reil génital de certains Papillons. (t) Malpighi. Dlssertatio epistolica de Bombjce, Opéra omnia. Lugd.« Batav. 1687, p. 82. (2) Audouin. Annales des sciences naturelles, tome ii, p. 281, et Dic- tionnaire classique d'histoire naturelle. Paris, 1825, tome viii, p. 577. (2) Herold. Enlwickelungsgeschichte der Schmettfrlinge. Cnssel , 1815. (4) Cards, Traité d'anatomie comparée. Atlas, pi. vu, fig, 20. 94 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Selon Siebold (1) , dans le Melophagus ovinus, il exis- terait quelque chose d'analogue, et les œufs ne seraient fécondés qu'après s'être détachés de l'ovaire et lorsqu'ils traversent une poche où on les découvre mêlés aux zoo- spermes. J, Muller (2) parle aussi de cette disposition qu'il énonce presque comme un fait général. «Les Insectes, dit-il, nous présentent une des variations les plus intéressantes par rapport à la fécondation. Les femelles de ces animaux ont un sac uni avec le vagin dans lequel la semence du mâle s'introduit et où l'on trouve des Spermatozoaires longtemps après l'accouplement. Les œufs qui se détachent successi- vement sont exposés dans ce sac à l'influence de la liqueur fécondante. » Dans son ouvrage sur les Crustacés, Milne Edwards (3) a aussi admis avec un profond discernement, que les œufs de ces animaux ne sont fécondés qu'après s'être détachés de l'ovaire. Tantôt, chez ces Invertébrés il existe, comme dans les Insectes, une véritable poche copulatrice ou réser- voir du sperme , et c'est en passant devant cet organe que les ovules subissent l'imprégnation : c'est ce qui a lieu dans l'immense légion des Décapodes brachyures. Tantôt, cette disposition, si bien observée par Milne Edwards, dis- paraît totalement, ainsi qu'on le reconnaît chez les Déca- podes macroures et anoures. Mais ce naturaliste pense qu'alors les œufs de ceux-ci sont probablement fécondés par des procédés analogues à ceux qu'on observe chez les (1) Siebold. Mullcr's ^;y/«V. , 1837, p. 381. (2) J. Muller. Manuel de physiologie. Paris, 184S, tome n, p. 630. (3) Milne Edwards. Histoire naturelle des Crustacés. Paris, 1834, 1. 1, p. 170. QUATRIÈME LOI. 95 Batraciens , à mesure qu'ils sont pondus ou après qu'ils ont été attachés aux appendices abdominaux des femelles, ou renfermés entre les lames ovifères de son thorax (1). Selon quelques savants, les œufs des Trématodes se ren- dent dans les testicules ou les canaux déférons pour y être mis en contact avec le sperme (2). Les ovules des Holothuries, d'après Jauger, seraient fé- condés ou dans l'ovicanal, ou dans l'estomac, puisque le prétendu canal déférent s'abouche, soit dans l'un, soit dans l'autre de ces organes (3). Treviranus {k) émet une opinion à peu près analogue , relativement aux Sangsues. Il pense que les œufs sont fé- condés pendant leur passage à travers les testicules. L'élude anatomique de l'appareil génital femelle et l'exa- men du développement de l'œuf dans la série animale, dé- posent aussi en faveur du principe sanctionné par cette loi. Straus (5) dit que chez les Hannetons, la masse de l'em- bryolropbe est entourée d'une membrane particulière épaisse , qui se resserre de distance en distance et forme une cellule spéciale pour chaque œuf; et nous avons déjà vu que Lacordaire (6) prétend que les œufs de certains In- sectes sont séparés les uns des autres dans leur organe producteur, par des espèces de placentas. Il est donc urgent qu'avant que ces œufs soient mis en (1) MiLHE Edwards. Oper. cit. p. 173. (2) BuRDACH. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation. Paris, 1838, tome ii, p. 131. (3) J^GEa. Disserlatio de Holothur'iis, p. 38. (4) Treviranus, Zeitschrlft fur Physiologie, tomeiv, p. 161. (5) SïRAus. Considérations générales sur l'anatomie des animaux arti- culés. Paris, 1828, p. 302. (6) Lacordacre. Introduction à l'entomologie. Paris, 1838, t. n, p, 380. 96 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. contact avec le fluide séminal, ils se soient détachés de l'ovaire; car, on ne conçoit pas comment le sperme pour- rait s'introduire entre eux et le canal ovarique qu'ils ob- struent , puis pénétrer de proche en proche dans les po- ches qui les recèlent, pour aller vivifier les longs chapelets d'ovules dont elles sont totalement encombrées. Sur un grand nombre de Crustacés et d'Insectes , Ram- dohr (1), Milne Edvy^ards (2),Duméril (3), Léon Dufour (4), Herold (6) et d'autres , ont reconnu que , tandis que la ré- gion la plus extérieure de l'ovaire est encombrée d'œufs volumineux et mûrs , à mesure que l'on s'avance vers l'ori- gine de l'appareil génital, ceux-ci diminuent de grosseur ; et vers la naissance de ses tubes , on ne rencontre même plus que d'infimes rudiments d'ovules. Or, si la fécondation avait lieu à l'ovaire , serait-il supposable qu'elle pût avi- ver , par le fait d'une seule copulation , des œufs dont les degrés d'organisation sont si différents, et dont un si grand nombre ne se trouvent même encore que si imparfaite- ment élaborés? Non, pour subir l'imprégnation il faut que l'œuf ait acquis un certain développement ; c'est une loi qui domine la fonction ; et dans toute la série animale il doit préliminairement s'être détaché de la région de l'o- vaire où il a pris naissance. Car si l'on admettait que la plus imparfaite ébauche de l'ovule pût recevoir l'impré- (1) Ramdohr. Magazin fiir die neuesten Entdeckungen der gesammten naturkunde^ lonie ii, p. 89. (2) M11.NK Edwards. Histoire naturelle des Crustacés. Paris , 1834, t. i, p. 175. (3) DtiMÉRiL. Considérations générales sur la classe des Insectes. Pa- ris, 1823. (4) LÉON Dufour. Annales des sciences naturelles. (5) HfcROLD. Entwickelungsgeschlchte der Schmetterlinge, CuSiélf 1815. QUATRIÈME LOI. 97 gnaiioii avec la même efficacité que l'œuf dont le dëvelop- pemeul est complet, il faudrait donc admettre qu'à loutes les époques de la vie des Mammifères le rapprochemetu sexuel peut être fécond, puisque ceux-ci, dès leur plus Jeune âge, portent dans les ovaires des rudiments d'œufs. La difficulté de faire parvenir le fluide spermatique jus- qu'aux ovaires des Crustacés a été parfaitement sentie par Milne Edwards (1) : «Il serait difficile, dit-il , de com- <( prendre comment les œufs, qui remplissent tout l'o- « vaire, et dont les premiers sont pondus longtemps avant « que les derniers ne soient développés , recevraient le « contact de cette liqueur, condition qui est nécessaire à « leur fécondation. » A nos arguments, déduits de l'observation et du raison- nement, vient encore s'ajouter l'ascendant de l'expérience. Divers physiologistes , parmi lesquels on compte d'abord Spallanzani (2) , puis Prévost et Dumas (3) , ont essayé de féconder des œufs encore situés dans les ovaires, et ils ont constamment échoué , tandis qu'ils réussissaient toujours à déterminer l'évolution de ceux que , chez les mêmes ani- maux, ils prenaient au-delà de ces organes. Nous-même, en répétant avec le plus grand soin les expériences de ces savants sur les fécondations artifi- cielles, nous n'avons jamais pu réussir à obtenir des têtards des œufs que nous enlevions avec précaution aux ovaires des Grenouilles, et que nous aspergions de sperme. Au (1) Milne Edwakds. Histoire naturelle des Crustacés. Paris, 1834, tome I, p. 175. (2) Spallanzani. Disserta zioni di fis'ua animale e vegetalnlc. Mo- dène, 1776. ''i) Prévost et Dumas. Annales îles sciences naturelles. Tome in. 98 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. contraire, en prenant des œufs dans la dilatation de l'ovi- ducte appelée matrice, où ils séjournent parfois plusieurs semaines avant d'être expulsés, nous les fécondions con- stamment en broyant des testicules dans l'eau qui les conte- nait ; et une douzaine de jours après l'expérience, nos bo- caux fournissaient déjeunes têtards. Les auteurs qui ont prétendu que l'insuccès que l'on éprouvait en essayant l'imprégnation des œufs extirpés des ovaires , tenait à ce qu'en les saisissant on les dilacérait , n'avaient probablement pas observé les conditions dans lesquelles ils se trouvent j et ne s'étaient pas aperçus que ces différences dans les résultats des expériences tenaient simplement à la différence du développement des or- ganes. Rusconi (1) et Vogt (2), en s'occupant de féconda- tions artificielles sur les Poissons , ont également reconnu que ce n'est que lorsque les œufs sont arrivés à un certain degré de développement qu'ils peuvent recevoir l'impré- gnation. Vogt a très-bien vu que dans les Palées {^Core- gonus palœa^ Cuv.) ce n'était même qu'après que l'œuf s'est détaché de l'ovaire et qu'il est tombé dans la cavité abdominale, qu'il possède le degré de maturité indispen- sable à la fécondation ; alors , comme il le dit lui-même , les œufs sont mûrs. Tout dans l'observation de la nature et dans la pratique des expériences , révèle donc que c'est au-delà de l'ovaire que se produit la fécondation ; aussi Prévost et Dumas (3) (1) Rusconi. ArcJth-. fur anatomie^ etc., i Aux laits observés sur les animaux , et qui prouvent in- contestablement que ce n'est pas la fécondation qui déter- mine la production des ovules, nous pouvons ajouter le suivant. Une chatte morte subitement, et immédiatement après la parturition, me présenta des ovaires dont la surface était parfaitement lisse ; sur chacun d'eux on voyait trois assez gros tubercules jaunes , dont l'intérieur offrait une cavité à paroi spongieuse, et qui n'étaient que des restes de corpora lutea. En outre , on y rencontrait plusieurs vési- cules de diverse grosseur remplies d'un fluide transpa- rent. Dans l'une d'elles je découvris un œuf très-appa- rent; il n'était formé que par le vitellus, à l'extérieur duquel se trouvait une zone granuleuse. Cet œuf avait environ le quart de l'étendue de la cavité qui le recelait ; il semblait composé de vésicules vitellines extrêmement petites et pressées les unes contre les autres; la teinte du jaune était assez foncée, de manière que ce corps paraissait subopaque dans le champ du microscope, lors- qu'on l'observait en faisant passer la lumière à travers sa masse sphérique , et lors même que celle-ci se trouvait vivement éclairée. Ce fait d'œufs trouvés à l'ovaire (car je ne doute pas qu'il n'y en eût aussi dans les autres vésicules que je n'ob- servai point assez attentivement pour les découvrir), chez un Mammifère venant de mettre bas , est fondamental. De quelque manière que les critiques s'y prennent pour l'expli- quer, ils n'y parviendront jamais en s'éloignant de notre théorie. En effet , ces œufs ne pouvaient être le produit de la fécondation qui avait donné naissance aux petits , car pourquoi ne seraient-ils pas tombés aussi dans l'utérus pour s'y développer? On n'admettrait pas , d'après les théo- ries adoptées , qu'ils étaient là en réserve pour fournir une CINQUIÈME LOI. 123 autre parlurilion , puisque dans celles-ci l'on suppose que c'est le contact du fluide séminal qui excite l'ovaire à pro- duire ses ovules ! La présence de ces œufs ne pouvait pas non plus être due à une fécondation récente, car les cornes étaient totalement obstruées par les fœtus. Ces œufs s'ap- prêtaient donc à tomber à l'époque du rut qui suivrait la parturition : c'est , selon nous , un fait contre lequel on ne peut s'élever. Les observations abondent pour prouver que ce n'est pas la fécondation qui détermine la production et la chute des ovules. Sur une vache pleine que je disséquai en 1840, je découvris trois corpora lutea à la surface d'un des ovaires et deux sur l'autre ; ils étaient diversement développés , et l'utérus de cet animal ne contenait qu'un fœtus d'environ deux mois. En outre, sur l'un de ces ovaires on observait deux grosses vésicules à l'intérieur de chacune desquelles il se trouvait un œuf. Ce fait est très-significatif, et les phy- siologistes qui pensent que c'est la fécondation qui déter- mine l'apparition des vésicules ovariques ne pourraient ja- mais l'expliquer par aucun argument plausible. Si c'était le contact du fluide séminal qui déterminât ces vésicules à s'accroître et à expulser leurs œufs , pourquoi aurait-on trouvé cinq corpo7'a lutea à diff'érents degrés de dévelop- pement ou d'aff'aissement sur un animal qui n'offrait qu'un petit, et qui n'avait subi qu'un seul accouplement? Et com- ment surtout expliquer la présence des vésicules dans cha- cune desquelles flottait un œuf? Ces vésicules n'avaient pu être fécondées postérieurement à celles dont était sorti le petit ; et dans le cas où elles l'auraient été , comment se fût comporté leur produit ? N'est-il pas plus rationnel d'admettre que la conception s'opère de la manière suivante : qu'à l'époque du rut les ■ss 124 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. ovaires des Mammifères, soit simultanément, soit à quel- que temps de distance, produisent plusieurs ovules, et que si l'union sexuelle coïncide avec le passage d'un ou plu- sieurs de ceux-ci dans l'utérus, ils se trouvent fécondés, et par leur évolution donnent lieu à la formation d'embryons plus ou moins nombreux. Puis enfin que les vésicules non crevées que l'on découvre, comme celles que nous obser- vâmes sur la Vache et sur la Chatte dont l'histoire précède, sont des vésicules qui se développent pour fournir des ovules à l'époque du rut, qui, chez ces animaux, suit ordi- nairement de si près la parturition ; ainsi tout subit une explication facile. L'étude des ovaires de la femme, faite à ses divers âges et dans différentes conditions, vient elle-même dé- montrer la solidité de la loi fondamentale que nous avons posée. Meckel (1) dit que la superficie des ovaires est, la plu- part du temps, lisse chez les vierges , et presque toujours inégale, déchirée, chez les femmes âgées. Cette remarque, faite sous l'influence des anciennes théories de la généra- tion, n'est nullement exacte, ces organes n'offrant une sur- face unie que chez les filles impubères. Sur l'ovaire des femmes qui ont conçu, on rencontre des enfoncements que l'on considère généralement comme les traces du pas- sage des germes développés par la conception ; cela est vrai , mais on découvre aussi de ces mêmes traces sur les femmes adultes qui n'ont point eu d'enfants. En admettant donc que ces cicatrices soient produites par l'émission des ovules, ce qui n'est pas douteux , comme on le voit , cette (1) Mecrel. Manuel d'anatomie descript, , etc. Paris, 1823, t. m , p. 599. CINQUIÈME LOI. 125 émission se fait chez les vierges ainsi que chez les autres femmes, puisqu'il se trouve également sur elles des indices de son existence. Cuvier rapporte un fait qui le confirme ; il dit avoir vu plusieurs de ces cicatrices à la surface des ovaires d'une personne de vingt-sept ans sur laquelle l'hy- men existait parfaitement intact (1). J'ai pu moi-même vé-^ rifier l'exactitude de l'observation de ce célèbre anatomiste, en disséquant des ovaires de filles adidtes de dix-huit à vingt-quatre ans , qui avaient été constamment détenues et étaient mortes dans des hospices, et dont par conséquent la sagesse ne pouvait être suspectée. Chez elles, ces or- ganes offraient à leur surface des cicatrices plus ou moins nombreuses, résultant de la consolidation des vésicules de De Graaf qui s'étaient successivement ouvertes pour émettre leurs œufs. Parmi ces divers cas, j'ai représenté dans mon atlas les ovaires d'une jeune fille de vingt ans, morte à l'hospice général de Rouen, et sur laquelle l'hy- men était parfaitement intact ; l'un des ovaires présentait deux cicatrices bien apparentes, et l'autre en otïrait trois (2). Sur une jeune fille de vingt ans, je fus même assez heu- reux pour trouver réunies toutes les phases du développe- ment et de l'anéantissement des vésicules de De Graaf et de leur contenu. Les ovaires de cette fille , qui n'avait point eu d'enfants et offrait tous les stigmates delà virginité, présentaient à la surface de leur membrane fibreuse plu- sieurs cicatrices très-apparentes , traces d'anciennes vési- cules de De Graaf dont l'œuf était tombé . A l'intérieur de ces (1) Cuvier. Leçons d'anatomie comparée. Paris, 1805, tome v, p. 56. •2) Atlas, pi. V, fig. Iet2. 126 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. organes on observait plusieurs anfractuosités qui n'étaient probablement que des vésicules dont l'œuf avait été ex- pulsé récemment , ainsi que devait le faire croire l'état de la membrane interne, qui était brunâtre et ne paraissait plus jouir d'aucune activité vitale. Enfin, vers la superficie de ces ovaires on découvrait huit vésicules offrant divers degrés de développement et ayant d'une demi-ligne à deux lignes de diamètre ; leur membrane interne était comme muqueuse, rougeâtre et très-vasculaire. Ces vésicules, au contraire, subissaient leur accroissement successif et sem- blaient pleines de vitalité. Dans l'une des plus avancées je trouvai un corps sphérique libre , que j'observai au mi- croscope et que je reconnus pour être un œuf. Cette seule observation, quand bien même on ne pourrait y en joindre une foule d'autres , suffirait pour affirmer que les ovaires subissent durant l'âge adulte un travail incessant qui con- siste à produire des ovules, et, à des époques déterminées, à expulser tour-à-tour ceux-ci lorsqu'ils ont atteint leur ma- turité. Depuis que l'on fait des observations sur la génération des Mammifères j on a toujours considéré les corps jaunes des ovaires comme constituant des traces incontestables de la chute des œufs qui avaient été produits par ces organes. Cela n'est pas douteux, et il est impossible de récuser cette preuve. Or, s'il est constant que l'on a découvert des corps jaimes chez des Mammifères et chez des femmes vierges, il devient logiquement incontestable aussi que , chez ces animaux, comme chez l'espèce humaine, l'ovaire émet ses œufs indépendamment de la fécondation. Aucun raisonne- ment ne peut renverser cette proposition. D'ailleurs l'opinion et les observations des hommes les plus célèbres viennent élayer toutes nos assertions et môme CINQUIÈME LOI. 127 les confirmer inconlestablemenl. En effet, Vallisnéri (1) et Maipighi (2) ont observé des corpora lutea sur de Irès- jeunes femelles de Mammifères ; et le premier de ces sa- vants , puis Bertrand! (3) , Brugïione {h) , Santorini (5) , Meckel, Home (6), Blmidell (7) et d'autres, assurent aussi avoir découvert des corps jaunes sur des filles vierges. Buf- fon (8), lui-même, admet avec raison que ces corpora lu- tea ne sont pas comme l'avait pensé De Graaf (9), un effet de la fécondation. Cruikshank (10) fit aussi des remarques qui viennent à l'appui de cette assertion, et depuis les re- cherches importantes de Home, de Baër(ll)etPlagge(12), il est parfaitement établi pour le monde savant que l'ovule est formé avant la fécondation, et qu'il existe des corps jau- nes sur l'ovaire sans que celle-ci ait eu lieu. Ev. Home (1) Vallisnéri. Istoria délia generazione delV uomo e degli animali, Venise, 1721. (2) Malpighi. Opéra omnia, Londres, 1686. (3) Bertrandc. De glandulœ ovarii corporlbus luteis. Dans Mise. Taur. Puis dans la Médecine éclairée par les sciences physiques, par Fourcroy. Paris, 1791, tome ii, p. 142. (4) Brugnone. De ovariis eorumque corporlbus luteis. Mém. de Turin, 1790. (3) Santorini. Observationes anatomicoi de mulierum partibus, Venise, 1724. (6) Home. On corpora lutea. Philosopliical transactions, 1819. (7) Blundell. Researches physîological and pathologîcal, London 1824 , in-8. (8) BuFFON. Histoire naturelle générale et particulière. Paris, 1769, tome m, p. 197. (9) De Graaf. De mulierum organis generatione inservientibus . Leyde, 1772, (10) Cruikshank. Philosophical transactions, année 1797. (11) De Baer. De ovi mammalium et hominis genesi. Leipzig , 1827. (12) Plagge. Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences médi- cales, tome XV. 428 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. rapporte même avoir découvert deux sortes de corps jaunes sur des femmes enceintes : les uns étaient le produit de l'ovule expulsé et qui avait été fécondé, et les autres semblaient préparés pour une grossesse future et n'é- taient que des vésicules ovariques plus développées. Bra- chet (1) et Velpeau (2) ont aussi observé des corps jaunes sur des filles vierges; Aug. Duméril (3) en admet l'exi- stence sans le moindre doute, et nous-même, comme nous l'avons dit, nous avons également découvert de ces corps sur plusieurs de celles-ci et sur des animaux dans de sem- blables conditions. Contre tant de preuves il ne nous semble pas possible d'opposer aucun argument plausible ; et cependant , qui le croirait, on a osé braver impunément l'autorité des faits, on a osé annuler les observations de tant d'imposantes au- torités, en admettant inconsidérément une difficulté de plus dans la démonstration du phénomène de la génération, et cela dans l'unique but d'expliquer plus facilement l'ano- malie des grossesses extra-utérines, dont la théorie restait inexplicable et embarrassait les physiologistes ! Il est vrai que De Graaf , Morgagni et Haller (4) disent que les corps jaunes n'existent que chez les femelles qui ont conçu ; mais , en saine philosophie , on ne peut nier une observation par cela même qu'elle a échappé à cer- tains savants, et il est rationnel de croire ceux qui ont dé- couvert et vu les choses; c'est irrécusable. (1) Brachet. Physiologie. (2) Velpeau. Traité complet de l'art des accouchements. Paris, 1833, tome I, p. 148. (3) Aug. Duméril. L'évolution du fœtus. Paris, 1846, p. 20. (4) HaLler. De fœvi. grav'iiiâ collect. tome v. CINQUIÈME LOI. ' 129 Haller ei son école, professant que les corps jaunes étaient le produit de la conception, ne pouvaient, pour être conséquents, en admettre l'existence chez les animaux qui n'avaient point eu de petits. Aujourd'hui cette opinion a succombé en présence des nombreuses observations con- tradictoires ; et pour nous-même , sur plusieurs centaines de Truies qui n'avaient nullement éprouve le contact des mâles, nous avons rencontré des corps jaunes. C'est donc un fait irrécusable. Si quelques physiologistes, n'ayant pas été servis par les circonstances , n'ont point aperçu ces corps jaunes sur les Mammifères vierges, il n'en est pas moins impossible au- jourd'hui d'en nier l'existence , puisqu'elle est attestée par tant de savants célèbres, et que les noms de Malpighi , de Santorini, de Vallisnéri, de Bertrandi, de Brugnone, de Buffon, de Home, de Meckel, de Blundell , et ceux de De Baër, de Plagge, de Brachet , de Velpeau et d'A. Duméril , s'unissent pour en certifier la présence. Ainsi donc, évidem- ment, puisqu'il existe des corpora lutea chez les femmes et les Mammifères vierges , il se produit des œufs sans le concours de la fécondation, et ceux-ci sont spontanément expulsés des ovaires ; c'est un fait acquis et qui nous paraît se dérober à tous les sophismes qui pourraient lui être op- posés pour en contester la validité. Ovulation spontanée. L'ovulation ou ponte sponta- née est l'acte par lequel l'ovaire émet à l'extérieur les œufs qui se sont produits à la surface de sa membrane ovulifère. Cette fonction offre trois phases ou périodes distinctes , caractérisées par des phénomènes particuliers ; aussi pour l'étudier avec discernement on peut la diviser en autant de sections : 1" la période d'accroissement ou d'irritation ; 9 150 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. 2° la période de parturition ou d'émission de l'œuf, et S' la période de décroissement ou d'astliénie. Chez tous les Mammifères ce phénomène est intermittent i et se répète spontanément à des époques plus ou moins éloi- gnées, mais toujours régulières dans l'état de nature. Ce-- pendant il se trouve considérablement modifié par le climat l sous lequel on transporte l'animal et surtout par l'état de; domesticité ; état où on le voit se reproduire d'autant plus fréquemment que celui-ci est plus complet et qu'il a plus modifié l'espèce. 1° Période <ï accroissement ou d'irritation. Cette phase de l'ovulation est celle dans laquelle la vésicule , sous l'influence d'une irritation toujours croissante, se déve- loppe énormément pour expulser l'œuf qu'elle contient , et qui pendant sa durée s'est accru et a cheminé dans son sein, en se plaçant vers l'endroit où doit se fonner une dé- chirure qui va lui offrir une issue. A l'époque de la ponte spontanée un certain nombre des vésicules les plus superficielles des ovaires se développeni sur chacun d'eux et augmentent considérablement de vo- lume ; en même temps il se manifeste sur elles des indices évidents d'une irritation qui bientôt , en s'accroissant pro- gressivement , finit par atteindre le degré d'une véritabli inflammation, au moment où arrivés à leur summum d'ex tension ces organes se déchirent pour ^Xjpulser le produi qui s'est formé sous leurs enveloppes. Les phénomènes qui se manifestent dans les ovairess au moment où ils accomplissent l'importante fonction q^i leur a été départie sont extrêmement remarquables , suri tout lorsque l'on compare à l'exiguïté de l'œuf, l'énei'g^i de l'excitation qui prélude à son émission. Ainsi, sur que' ques Mammifères la capsule sous l'influence de la surr CINQUIÈME LOI. 131 bondance do vilaliié qu'elle éprouve acquieri plusieurs cen- limèties de diamètre pour expulser un œuf qui ii'ofl're ce- pendant pas plus de 1/5 à 1/20 de millimètre de diamètre. A chaque ponte spontanée de la Truie, quatre à six vé- sicules se développent presque simultanément sur chacun des ovaires. Ce sont toujours les plus superficielles qui opèrent d'abord leur évolution, et celle-ci doit être assez rapide. Ces vésicules en s'accroissant atteignent jusqu'à 2 centimètres de diamètre et quelquefois plus ; leur forme est ordinairement ovoïde. Pendant la première période de leur développement , les vésicules ovariques paraissent translucides à cause de la minceur de leurs membranes ; mais ensuite celles-ci s'é- paississent, et elles deviennent opaques. Durant les pre- mières phases de ce même développement , la capsule de De Graaf doit presque uniquement l'augmentation de, vo- lume qu'elle éprouve à un liquide incolore et dépourvu de globiUes , qui s'amasse dans son intérieur par la simple exsudation de ses parois. Quand cette capsule ne possède encore que 5 millimètres de diamètre, ses parois sont minces et diaphanes ; sa sur- face est parcourue par quelques vaisseaux capillaires peu apparents, et sa cavité contient un fluide aqueux, albumi- neux. Lorsque la vésicule ovarique a acquis de 10 à 15 mil- limètres de diamètre, sa superficie s'enflamme vivement, et bientôt il s'y produit une abondance de vaisseaux capil- laires ; puis elle s'injecte de sang en se revêtant de la teinte rouge la plus intense. C'est alors que commence d'une manière manifeste l'épaississement de la capsule ovulifère, ainsi qu'un épanchement de sang qui se forme dans son intérieur et augmente peu-à-peu. 132 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. L'époque à laquelle le sang s'épanche est variable ; il commence à s'amasser dans la vésicule lorsque sa mem- brane propre est encore mince, diaphane et fournie de nombreux vaisseaux. J'en ai parfois rencontré dans des capsules qui n'avaient pas plus de 3 millimètres de dia- mètre ; mais ce n'est ordinairement que lorsqu'elles ont ac-, quis à-peu-près 6 millimètres que l'exsudation commence ; elle se produit lentement et successivement , et n'envahit point la vésicule tout d'un coup. Le sang s'amasse d'abord dans sa région la plus profonde; là, il forme primilive- ment un amas fort minime , qui ensuite, en s'accroissant , envahit peu-à-peu toute sa cavité. Dans le commencement de cette hémorrhagie , on peut parfois en suivre le progrès à travers les parois translucides de la capsule ; on s'aper- çoit d'abord que le fond de celle-ci , puis successivement sa moitié , ses trois quarts se trouvent occupés par du sang^ tandis que la partie qui reste n'est remplie que par un liquide incolore, diaphane. Enfin arrive le moment où celui- ci ayant entièrement disparu, la capsule est totalement dis- tendue par l'épanchement sanguin. Le sang qui envahit ainsi l'intérieur des vésicules de De Graaf est simplement produit par une exhalation des nombreux vaisseaux capillaires artériels qui se rencontrent dans l'épaisseur de la membrane propre. Il semble qu'il se passe là un phénomène analogue à celui qui, dans l'utérus, détermine la menstruation. Ce fluide exhalé, comme je l'ai reconnu par l'inspection microscopique , est lout-à-fait analogue au sang artériel. Il est d'un beau rouge et riche en globules sanguins, séparés et mobiles. Mais lorsque la vésicule est déjà distendue par une assez grande abondance de sang, celui-ci se coagule et forme un caillot assez consistant et d'un rouge noir. CINQUIÈME LOI, 133 C'esl le sang qui , en s'épanchant dans la capsule ovuli- fère, devient le véhicule de l'œuf; aussi l'hémoiThagie com- mence-l-elle à se former dans le fond de l'organe , vers le lieu qu'il occupe ordinairement. Au moment où, parvenu à sa maturité, celui-ci va se détacher, la nature prélude à sou enlèvement en opérant d'abord un petit épanchement de globules sanguins dans ses environs; cet afflux de sang fa- cilite même aux anatomisles la recherche de l'œuf encore adhérent à la capsule, et il s"aperçoit très-bien à travers la membrane granuleuse. Cet épanchement, en augmentant peu-à-peu, environne bientôt l'œuf de toutes parts, et le détache de la membrane propre sur laquelle il s'est formé. Comme il résulte d'une simple exsudation des vaisseaux de cette même membrane, il s'épanche entre elle et la membrane granuleuse, en écar- tant peu-à-peu celle-ci de la première et en la refoulant vers la partie saillante de la vésicule. L'œuf ayant quelques con- nexions avec la dernière membrane, il la suit naturellement dans le mouvement qu'elle opère , et est entraîné lente- ment avec elle vers le lieu où va se produire la déchirure ; aussi est-ce parmi ses replis épars qu'on le découvre alors. Certainement l'œuf est ainsi repoussé du fond de la cap- sule où il prend naissance jusqu'à la superficie de celle-ci, par l'épanchement de sang qui envahit cette même vésicule. Le caillot , en s'accroissant , chasse devant lui l'ovule , et lorsque le même caillot remplit totalement la capsule et s'est substitué au liquide albumineux qui l'occupait précé- demment, alors l'ovule transporté du fond de la poche jus- que vers sa partie la plus superficielle , attend là que les membranes se déchirent pour pouvoir se porter à l'exté- rieur. L'œuf arrive vers cet endroit un peu avant que l'ouver- lok THÉORIE DE LA FÉCONDATION. lure qui doit lui livrer passage se soit formée. J'en ai eu la certitude en le découvrant plusieurs fois dans ce lieu au moment où la rupture de la vésicule commençait à peine à se produire. J'avais coupé les vésicules horizontalement en deux ; ayant attaché la partie saillante de celles-ci à sec sur de la cire, j'enlevai avec précaution le segment de caillot mûriforme qui la remplissait ; après son extraction et dans les replis de la membrane propre qui avoisinait le lieu où les premiers indices de la déchirure apparaissaient au-de- hors, je découvris l'ovule qui s'y trouvait environné des dé- bris de la membrane granuleuse. Parfois en essayant de l'extraire je l'ai crevé ; mais ses débris placés sous le mi- croscope , m'apprirent que je n'avais pu commettre d'er- reur ; d'autres fois aussi je réussis à extraire l'œuf entier et je pus l'étudier complètement. Dans tous les cas observés par moi , l'œuf se trouvait ainsi arrêté vers le lieu où il allait sortir, lorsque le caillot occupait toute la vésicule, et il s'y trouvait avant que la dé- chirure se fût achevée. La difficulté que l'on éprouve pour démêler l'ovule d'avec le sang qui l'environne et le cache, ne m'a permis de le rencontrer dans cette situation qu'un petit nombre de fois, malgré des tentatives souvent répé- tées ; mais tout me fait croire que, toujours, telle est la marche normale du phénomène , car c'est celle que la rai- son lui imposerait si l'observation n'était venue devancer toutes les prévisions. 2" Période de parturîtton. Lorsque l'œuf est ainsi pro- gressivement arrivé à la périphérie de la capsule ovutifère, la distension qu'elle éprouve en occasionne la rupture. Vers le lieu où celle-ci s'opère , qui est presque toujours le plus saillant de l'organe, on remarque une vive inflammation. Le péritoine et les tissus sous-jacents deviennent excessive- CINQUIÈME LOI. 135 ment rouges , ci le sang abonde dans les nombreux capil- laires qu'on voit apparaître au sommcl do la vésicule. Après cela, peu-à-peu, les fibres des enveloppes ovariques sV'cartcnt, el il se forme enfin un pelil pcrtuis qui s'agran- dil irès-lenlcmcnt ; aussitôt que celle ouverture est suffi- samment étendue pour comprendre l'espace où se trouve l'œuf, celui-ci s'y engage avec les débris de la membrane granuleuse, el il sort enfin de sa capsule. C'est immédiatement après que la déchirure s'est formée que l'ovule s'engage entre ses lèvres pour se porter vers la trompe. Pendant nos nombreuses recherches nous avons été assez heureux, mais seulement une fois, pour en ren- contrer un dans cette circonstance et voir manifestement que, durant son passage entre les lèvres de la capsule, il était encore environné des débris de la membrane granu- leuse (1). La forme delà déchirure varie peu; elle représente or- dinairement une simple fente, mais son étendue offre des différences fort notables ; souvent elle n'a que o h h milli- mètres de longueur, mais parfois elle en atteint de 8 à 10. Cependant, sur quelques capsules, j'ai rencontré d'énormes déchirures qui embrassaient tout le diamètre de leur partie libre , et dont les lèvres , excessivement écartées, laissaient voir entre elles ïa surface du caillot qui les remplissait. Quoique à l'œil nu les bords de la déchirure paraissent régulièrement découpés , cependant , lorsqu'on les exami- ne au microscope, on s'aperçoit que ceux-ci sont inégale- ment dilacérés et qu'ils résultent d'une véritable déchirure des tissus par distension. Voilà pourquoi la disposition de l'ouverture offre tant de variété. (1) Atlas, pi. X , fig. 21 et 22. 136 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Blumeiibach (1) coniparaii celle déchirure à rouverture d'un abcès occasionné à-la-fois par la pression du liquide qu'il contient et par la résorption de ses parois. C'est assurément la pression mécanique du caillot qu'elle renferme qui détermine la rupture de la vésicule de De Graaf. C'est lorsqu'elle a atteint son dernier terme d'ac- croissement qu'a lieu cette déchirure et que l'ovule, poussé à tergo, sortie premier, soit à cause de sa proximité, soit à cause du peu d'adhérence qu'il a avec les parties qui l'en- vironnent. Bischoff émet la même opinion (2). En considérant la résistance qu'offrent les tissus qui for- ment les vésicules de De Graaf incomplètement dévelop- pées, et la fragilité de l'œuf des Mammifères, on pourrait s'étonner de la marche du phénomène que nous venons de décrire, et croire, qu'avant que la pression du liquide san- guin ait pu rompre les cinq membranes qui le contiennent, l'œuf a dû se trouver broyé ; mais c'est qu'au moment où cette rupture a lieu les tissus ne se trouvent plus dans la condition normale. L'inflammation intense qui les affecte en a diminué si manifestement la cohérence, qu'ils se dila- cèrent par l'action de la plus faible extension, et il semble même parfois que le point culminant des vésicules arri- vées à leur summum de développement, n'offre plus que la consistance de la pulpe. Sur certaines capsules , portant une très-étroite déchirure, il suffit quelquefois d'exercer la moindre traction pour voir à l'instant l'organe se fendre dans toute son étendue, et le caillot de sang qu'il contient être lui-même projeté au dehors. (1) Blumenbacu. Kle'me Schriften, p. 13. (2) BiscBOFF, Développement de l'homme el des Mammifères. Par 1843, p. 33, CINQUIÈME LOI. 137- C'est à la facilité qu'ont à se déchirer les capsules ovu- lil'ères, que l'on doit attribuer les ouvertures si amples que l'on rencontre parfois sur plusieurs d'entre elles. On en dé- couvre de temps à autre qui, au lieu de présenter un sim- ple pertuis suffisant pour donner passage à l'œuf, offrent d'amples déchirures au centre desquelles apparaît, comme une large plaque noire, la surface du caillot ; particularité qui leur donne l'aspect d'un tissu enflammé que l'excès d'ir- ritation aurait frappé de gangrène (1). J'ai deux ou trois fois rencontré dans le sac de l'ovaire formé par le pavillon des trompes, le caillot de sang tout entier qui s'était échappé de sa vésicule, dont la déchirure était énorme. Mais j'ai supposé que peut-être celui-ci avait été expulsé de l'organe durant les manœuvres exercées pour enlever les ovaires des Truies. Cependant, en consi- dérant la facilité avec laquelle s'opère la déchirure, on peut concevoir aussi qu'en s'agrandissant brusquement elle peut , dans quelques cas , laisser s'échapper tout d'un bloc l'ovule et le caillot. Durant le phénomène de l'ovulation, l'œuf est expulsé de la capsule de De Graaf par un mécanisme absolument ana- logue à celui qui détache et expulse de l'utérus le pla- centa ; c'est aussi un épanchement de sang à l'intérieur de la vésicule qui enlève cet œuf et la membrane granuleuse dont il est environné , en les portant l'un et l'autre vers l'extérieur; et à l'exhalation de ce fluide se joignent les con- tractions de l'organe. La planche dixième de mon atlas expose théoriquement la succession du phénomène. On reconnaît d'abord que le (1) AUas , pi. vm , fig, 1. 138 THÉORIE DE LA FECONDATION. sang, en s'ëpanchant peu-à-peu entre la membrane propre et la membrane granuleuse , soulève cette dernière , ainsi que l'œuf qui est situé sous elle , et les porte tous les deux vers le haut. A mesure que cet épanchement augmente , le liquide albumineux est absorbé ou se mêle au sang, et il semble diminuer successivement pour disparaître enfin tout-à-fait au moment où l'œuf se trouve en contact avec la région interne du^point culminant de la vésicule où se fait ordinairement la rupture. Après son expulsion de la vésicule de De Graaf , l'œuf est recueilli par le pavillon de la trompe, et de l'espèce d'in- fundibulum que présente d'abord celle-ci , il passe dans son étroit canal. Chez les Mammifères , cet œuf est enlevé de l'organe germifère avec d'autant plus de précision, que souvent , comme l'ont reconnu Duvernoy (1) pour le Chat et le Chien , Treviranus relativement à la Fouine (2), Albers sur les Phoques (3), Wagner pour l'Hermine et les Chauves-souris (4), et nous-même à l'égard de la Truie , sur beaucoup de ces animaux, le pavillon des trompes en- veloppe totalement l'ovaire, qui se trouve ainsi placé dans une espèce de poche dont les ovules ne peuvent s'échapper. C'est cette disposition anatomique, constante et naturelle que quelques physiologistes avaient à tort considérée comme n'étant que le résultat de l'étreinte momentanée de fa trompe produite par une sorte d'érection. fl) Duvernoy. Anatomie comparée de Cuvier. Paris, 1845, tome viii, p. 20. ^ (2) Treviranus. Zeitschrift fiir physiologie. Heidelb. 1824, t. i, p. 180. (3) AiiBERS. Beitraege ziir anatomie und physiologie der thiere. Brème, 1802. (4) Wagner. In Mullei's Archiv. de physiol. 1828. CINQUIÈME LOI. TSO Par la nature du mouvenieui vibralilede ses cils, le pa- villon lend consiamment aussi à embrasser l'ovaire et à en- lever tout ce qui s'offre à sa surface , de façon que quand l'œuf, enveloppé dans le coussin que lui forment les débris de la membrane granuleuse , se présente à l'orifice de la déchirure , des milliers de cils s'efforcent de l'attirer et de l'introduire dans l'orifice de la trompe; mais le caillot qui alors remplit l'intérieur de la vésicule de De Graaf, adhé- rant à sa surface, n'abandonne point normalement la cavité qui le recèle. Pendant l'évolution de l'œuf, le liquide albu- mineux de la vésicule ayant été absorbé , ou , comme nous l'avons dit, s'étant mêlé au sang, il ne se produit nul écou- lement de fluide au-dehors, écoulement dont l'inconvénient aurait été d'entraîner souvent l'œuf à l'extérieur du pavil- lon et d'annuler l'action des cils de celui-ci sur la partie solide qu'ils doivent recueillir, La sortie de tous les ovules, selon Barry et Bischoff (1), s'opère, pour une même portée , simultanément , et non à des intervalles de quelques jours, ni même de quelques heures, comme le croyaient d'anciens observateurs. Le dernier de ces physiologistes se fonde, pour soutenir cette assertion, sur ce que les œufs que l'on rencontre dans les trompes forment toujours un seul groupe de chaque côté. Je ne puis partager son opinion ayant ordinairement sur les Truies et les Lapines rencontré des capsules ovulifères à divers degrés de développement, et ayant reconnu que tes unes étaient déchirées et avaient expulsé leur ovule, tandis que d'autres étaient seulement sur le point de se rompre. 3* Période d'affaissement (Corps jaunes). Immédia- (1) BiscHOFF. Développement de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 34. 140 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. tement après rémission de l'œuf, la vésicule ovarique éprouve une série de modifications physiologiques inverses de celles qu'elle vient de subir. Les phénomènes inflamma- toires dont elle était le siège naguère s'apaisent peu-à-peu et à l'excitation qu'on y remarquait succède bientôt un état complet d'asthénie. Lorsque sa déchirure s'est opérée il se produit une hé- morrhagie par les vaisseaux capillaires rompus. Celle-ci , dont j'ai reconnu plusieurs fois des traces, contribue déjà à diminuer considérablement l'irritation qui existe aux en- virons du lieu qu'elle occupe ; aussi , immédiatement après que l'œuf est expulsé , les parties voisines de la plaie de- viennent-elles d'une teinte rouge moins foncée que précé- demment ; puis bientôt la contractilité de la tunique albu- ginée en diminuant la saillie de la vésicule , rapproche les bords de son ouverture , en même temps qu'il s'épanche entre ses lèvres une certaine quantité de lymphe coagula- ble qui les agglutine. Mais la vésicule ouverte ne diminue de volume que lentement , parce que le caillot qu'elle ren- ferme en soutient les parois et prévient leur affaissement. Lorsque la cicatrisation de la plaie s'opère , le contour de celle-ci devient de plus en plus pâle. Bientôt il n'y reste plus qu'une zone rouge qui , à mesure que la cicatrisation se consolide perd elle-même peu-à-peu sa teinle (1). Enfin , cette zone disparaît totalement vers le moment où s'effacent les dernières traces de la déchirure ; alors la vésicule dimi- nue encore plus lentement de volume, et la teinte d'un rouge vif, qu'elle présentait sur toute sa surface, pâlit successivement en se transformant en jaune. Cela se pro- (1) Atlas, pi. VII, fig, 1 et 2. CINQUIÈME LOI. 1/»1 duii de telle manière qu'à l'époque où la cicairisaiion est complète, la vésicule , qui alors n'offre plus guère que 6 à 6 millimètres de diamètre, est d'un rouge pâle jau- nâtre (1). Enfin , elle devient totalement jaune au moment où ayant subi un retrait considérable, son diamètre est ré- duit à 3 ou 4 millimètres (2). Mais cet organe réduit à de semblables proportions ne reste point dans un état de stagnation; il continue en- core à décroître en s'enfonçant peu-â-peu dans le tissu de l'ovaire , au milieu duquel on le voit ensuite disparaître et s'anéantir totalement, afin de ne point entraver le mouve- ment vital destiné à animer successivement tant d'autres vésicules, qui tour-à-tour vont surgir et s'affaisser à la sur- face de ce frêle , mais si important appareil sécréteur. Naguère la science ne possédait- encore que des notions totalement erronées sur la formation et la structure des corps jaunes. Les premières données positives que l'on eût relativement à ceux-ci furent seulement dues à Bischoff (3) et à Wa- gner (4); mais c'est surtout Raciborski (5) qui doit recueillir l'honneur d'avoir le premier jeté la plus vive lumière sur ces corps. Ce médecin en a exactement indiqué la nature, mais sans en faire l'histoire anatomique et physiologique détaillée et sans en donner de figures. Nos recherches ont (1) Atlas, pi. vu, fig. 3 et 4. (2) Atlas, pi. VII, fig. 5. (3) Bischoff. Développement de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 38. (4) VN'agner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1844. (3) Ra.cibûrsk.1, De la puherté et de l'âge critique chez la femme. Paris, 1844, p. 433. iI^2 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. comblé celte lacune et devront contribuer à fixer désor- mais, d'une manière positive, l'opinion du monde savant sur l'origine de ces organes, sur leur mode de développe- ment et sur leur anatomie microscopique. Voici ce que nous avons observé : Quelque temps avant la rupture de la vésicule de De Graaf, déjà la membrane ovulifère avait faiblement aug- menté d'épaisseur, et déjà aussi elle était devenue ondu- leuse à cause de son ampleur qui surpassait l'étendue de la cavité de l'ovaire. A mesure que la tunique albuginée revient sur elle-même, en se rétractant, elle rapetisse peu- à-peu la poche capsulaire, et peu-à-peu aussi les plis de la membrane propre augmentent d'étendue, en même temps que son épaisseur devient de plus en plus considé- rable. Bientôt les plis de cette membrane s'étant même extrêmement rapprochés, leurs ondulations multipliées représentent des espèces de petites circonvolutions qui lui donnent l'aspect d'un cerveau en miniature. Ces circonvo- lutions en s'épaississant et se rapprochant peu-à-peu de la région centrale de la capsule parviennent enfin à s'y ren- contrer, et à se mettre en contact par leur partie sail- lante (1). Pendant que la membrane interne se développe , elle envahit ainsi lentement et successivement toute la cavité qu'elle formait précédemment et qui se trouvait comblée par l'épanchement de sang. Ce sang, qui à l'époque de la dé- chirure composait un caillot noir et compacte, diminue in- sensiblement de volume en même temps qu'il perd sa teinte foncée. Lorsque cette membrane remplit la moitié de la (1) Atlas, pi. vu, fig. 3 a. C1N(ÎLTIÈME LOI. 1^3 caviié capsulaiie, le cailloi n'offre plus déjà qu'une leinie d'un brun rouge, el lorsque la totalité de la poche va être envahie par le plissement de la membrane, les derniers vestiges du caillot qui s'aperçoivent encore entr^ les cir- convolutions, ne sont plus que d'un rouge pâle (1). Ainsi, à mesure que la membrane capsulaire se déve- loppe et s'accroît, le caillot est absorbé peu-à-peu en même temps qu'il diminue de consistance et de couleur, et enfin il disparaît entièrement. Lorsque les plis de la membrane capsulaire ont acquis assez d'épaisseur pour se toucher, bientôt, pressés succes- sivement et par la rétractilité de la tunique albuginée et par l'accroissement en épaisseur qu'ils subissent, ils se soudent intimement en accolant celles de leurs faces qui se trouvent en contact. Ce n'est qu'en dernier lieu et assez tard que les circonvolutions, après s'être avancées lente- ment vers la partie centrale de la vésicule parviennent à s'y rencontrer et à se confondre, et alors la cavité de cet organe se trouve désormais totalement remplie par l'exten- sion de la membrane propre (2); alors celle-ci constitue un corps solide plus ou moins globuleux ou ovoïde dont l'intérieur présente une couleur d'un rouge grisâtre ou jaunâtre pâle, et une consistance pulpeuse qui semble tout-à-fait analogue à la substance grise eu cerveau : c'est là le corps jaune, corpus lutewm. Cette obstruction totale de la cavité de la capsule par un corps cérébriforme dû à la mutation de la membrane qui la formait primitivement, a lieu lorsque le corps jaune (1) Atlas, pi. VII, fig. 3 a. (2) Atlas, pi. VII, fig. 4 a et 3 a. ihk THÉORIE DE LA FÉCONDATION. offre encore de 8 à 10 millimètres de diamètre. Si alors on examine attentivement son tissu au microscope celui-ci en décèle évidemment l'origine. A l'aide de cet instrument on reconnaît que cette membrane est formée de grosses vési- cules ovoïdes, remplies d'une grande quantité de granules d'un jaune verdâtre, quoique en masse elles offrent à l'œil une coloration d'un rouge grisâtre. Ces vésicules par leur arrangement réciproque imitent tout-à-fait le tissu cellu- laire régulier des végétaux ; elles sont anguleuses et pré- sentent souvent la configuration hexagonale ; elles offrent un diamètre de k k b centièmes de millimètre, et même parfois de 6 à 7. A de forts grossissements on observe sur la paroi de chacune d'elles une sorte de hile ou nucléus ayant à-peu-près le cinquième de leur diamètre. Ce hile paraît saillant, et, toute illusion d'optique calculée, semble traversé dans son centre par une sorte de pore ou de per- mis (1). L'existence de cet organe ne peut être douteuse, mais sert-il à fixer les cellules les unes aux autres, a-t-il quelque fonctior relativement à leur nutrition, ou est-ce une jeune cellule produite par la cellule mère? C'est ce que je n'ose dire. La paroi de ces cellules est granuleuse à l'exté- rieur; elle est assez épaisse, mais peu résistante ; aussi lorsqu'on les soumet à la pression sous l'eau elles se fen- dent ou se déchirent facilement et laissent échapper par de larges ouvertures les granules nombreux qu'elles con- tiennent (2). Par une faible pression ces vésicules , qui paraissent peu adhérentes se séparent les unes des autres, de manière qu'il est facile de juger isolément de leurs rap- ports et de leur forme. (1) Atlas , pi. IX , fig. 6, 6 a et 6 b. (2) Atlas, pi. IX, Cg. 5 et 6, CINQUIÈME LOI. 1/(5 L'examen microscopique de celle nouvelle produciion vicnldoiic conlinnerce que l'iiisloire du développemenl suc- cessif de l'organe nous avait appris ; il révèle que le corps jaune ii'osl que le résultai de l'accroissomenl de la mem- brane capsulaire. Eu efl'el, il csl formé des mêmes vésicules qu'elle; seulemenl dans le corpus luteum celles-ci sont beaucoup plus volumineuses, ont des parois plus épaisses, ei sont moins adhérentes entre elles. Dans la membrane propre, lorsqu'elle n'avait que 1/20 de millimètre d'épaisseur, ces cellules n'offraient que 1/100 de millimètre de diamètre, et elles étaient très adhérentes. Plus tard, à l'époque à la- quelle l'œuf est expulsé, déjà elles ont acquis environ 2/100 de millimètre, et sont devenues plus faciles à disséminer. Mais lorsque, par son développement, la membrane propre occupe entièrement la cavité capsulaire et forme le corps jaune, ces cellules sont parvenues toutes à ^ ou 5/100 de mil- limètre, et même 6 à 7/100 sur leur grand diamètre. Ce fait prouve que, pour son accroissement en épaisseur, cette membrane n'a point multiplié ses vésicules , et que l'aug- mentation seule de leur volume l'a opéré. Ce qui démontre manifestement aussi qu'il n'y a point eu produciion de nouvelles cellules, c'est que dans toutes les phases du déve- loppement du corps jaune, constamment, toutes celles-ci ont le même diamètre ; tandis que s'il s'en créait quelques- unes pour le former, on en découvrirait de diverses gros- seurs. . Ainsi donc, assurément , la transformation de la mem- brane propre en corps jaune consiste simplement dans l'augmentation du diamètre de toutes ses vésicules ; ou, en d'autres termes, ce corps est déterminé par la maturation de ces mêmes vésicules, et non par une production nou- velle de celles-ci. 4U l/»6 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Après avoir présenté celte phase fort dislincte, pendant laquelle son tissu offre l'aspect cérébriforme , le corps jaune diminue successivement de volume. La substance qu'il contient, soit par la compression que lui font éprouver les tuniques environnantes , soit par l'affaiblissement de sa propre vitalité, devient de plus en plus dure, et passe, par transition graduée, du rouge grisâtre au jaune; et c'est quand cet organe n'a plus que de 3 à 4 millimètres de dia- mètre qu'il possède cette dernière coloration d'une manière plus prononcée. La teinte jaune qu'affecte en se rétractant la membrane ovulifère semble être due, comme l'a avancé Raciborski (1), à une espèce d'imbibition des principes colorans du sang, qui agissent sur la matière cérébriforme en laquelle cette membrane s'est transformée , de la même manière qu'ils agissent en colorant les parois et les environs des poches apoplectiques anciennes. L'anéantissement de la vésicule de De Graaf ne se borné pas là. Après cette série de transformations, la nature, ayant besoin d'espace, continue graduellement l'œuvre de destruction qu'elle a commencée. Les corps jaunes dimi- nuent encore de volume, mais beaucoup plus lentement à eause de l'accroissement de la densité de leur tissu ; puis, tout en s'amoindrissant, ils s'enfoncent peu-à-peu dans l'o- vaire, de la superficie duquel on les voit ensuite totalement disparaître. Si alors on fend cet organe, on reconnaît qu'ils forment au milieu de son tissu de petits tubercules jaunes qui , lorsqu'ils n'ont plus que 1 à 2 millimètres de dia- mètre, deviennent d'une couleur fauve. Enfin ces coi-pora (1) RAciBORSKr. De la| puberté et de l'âge critique chez la femiaec Paris, 1844, p. 437. • CINQUIÈME LOI. 147 lutea, qu'on a vus jouer un si grand lôlo à la snifaco dos ovaires, finissent par n'êlrc pins que do pclils points, pres- que imperceptibles, dont toute trace doit nK^me s'effacer par la suite. Quoique j'aie disséqué un nombre considérable d'ovaires de Truie, je n'ai cependant rencontré que quatre fois seu- lement des corps jaunes de 3 à 4 millimètres de diamètre, qui ne me paraissaient point devoir leur formation au mé- canisme normal que nous venons de décrire, c'est-à-dire au plissement et à l'épaississement de la membrane capsu- laire, et à l'absorption du caillot qu'elle contient. Dans ces cas, la membrane propre était seulement un peu épaissie et non plissée, et dans son intérieur résidait un caillot devenu fibrineux. Lorsque les corps jaunes suivent ce mode anor- mal, la membrane dégénérée n'offre plus au microscope les cellules que nous avons décrites: ses vésicules semblent être devenues adhérentes , et elles se présentent sous l'aspect de globules entremêlés de quelques fibres. Alors cette membrane paraît prendre par anticipation la structure qu'elle offre normalement sur des corps jaunes ordinaires plus avancés et réduits à 2 millimètres de dia- mètre. Ce n'est qu'assez rarement aussi, mais beaucoup moins cependant, que le plissement de la membrane ovuiifère, en devenant plus irrégulier qu'à l'ordinaire, donne à la coupe verticale des corps jaunes un aspect anormal (1). Progression des œufs. Si, passant à l'examen d'un autre ordre de phénomènes, nous nous occupons du trajet qu'accomplit l'œuf après sa sortie de l'ovaire, nous recon- naissons qu'il se trouve entraîné vers l'utérus par des forces (1) Atlas, pi. VI, fig. 6, 7. . 10. 148 THÉORIE DE LA FÉCONDATION'. assez complexes ; celles-ci se composent : 1° des contrac- tions des trompes de Fallope ; 2° des mouvements que les organes environnants impriment à ces canaux; et S** de l'action des cils vibratiles de la muqueuse. Afin d'expliquer l'action de ces canaux, quelques anato- mistes ont supposé qu'ils possédaient des fibres muscu- laires ; et l'immortel Haller, qui professait cette opinion, assurait même les avoir vus se contracter sous l'influence de certains stimulants. Meckel (1) admet sans hésitation les vues de Santorini (2), qui considère les tubes de Fallope comme formés de deux tuniques musculaires, dont une offre des fibres longitudinales et l'autre des fibres circulaires. Velpeau (3) partage également cette opinion, qui est aussi la nôtre. Burdach (i) admet pareillement l'existence du tissu musculaire dans ces organes, et il fait observer que chez les Mammifères ils jouissent de mouvements péristal- tiques apparents. Quelques anatomistes, au contraire, ont professé que ces canaux étaient formés d'un tissu spongieux, peut-être, comme le dit Roux (5), afin d'expliquer plus facilement leur jeu important durant les premiers phénomènes de la génération. (1) Mecrel, Mauuel d'analomie générale, descriptive et pathologique. Paris, 1823, tome nr, page 600. (2) Santorini. Obs. anat.^ cap. xi. De mulierum parti bus procreationi datis, (3) Velpeau. Traité complet de l'art des accouchements. Paris, 1833,i tome I, p. 90- (4) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation. Paris, 1837, tome i, p. 179. (5) Roux. Traité d'anatomie desciiplive de X. Bichat. Paris, 1819,j tome V, p. 294. CINQUIÈME LOI. UD Les diverses teulalivcs faites pour éclairer la structure des trompes , lendaieni à faciliter l'explication des moyens que la nature emploie pour amener l'œuf jusque dans l'utérus. Cependant, quoiqu'elles n'aient point encore été couronnées d'un plein succès, il n'en est pas moins cer- tain que. quelle que soit la conlexlure intime du tissu de ces canaux , ils jouissent de contractions extrêmement apparentes et souvent répétées. Les physiologistes savent en effet que dans l'économie animale, d'autres tissus que la fibre musculaire peuvent aussi se contracter, puisque Ton voit des mouvements s'opérer manifestement sur des êtres ou dans des régions totalement formées de tissu cel- lulaire. La contractilité des li'ompes, durant son action inces- sante fait peu-à-peu cheminer l'œuf vers l'utérus en l'em- portant dans le courant du tluide muqueux qui les remplit, et qui sans cesse s'écoule de l'ovaire vers le dehors. C'est une action admise sans contestation, aussi nous nous bor- nons simplement à en faire mention. Lorsqu'on ouvre un Mammifère vivant, et entre autres une Lapine, on reconnaît avec la plus grande facilité qu'à de courts intervalles , quelques secondes seulement , les cornes de l'utérus opèrent des mouvements péristaliiques lout-à-fait semblables à ceux des intestins. Pendant leur durée, les trompes sont portées en bas et leurs flexuosités se redressent. En outre , on remarque que ces canaux éprouvent des oscillations contractiles extrêmement apparentes , sim- plement dues au tissu cellulaire graisseux qui les envi- ronne; il ne faut qu'ouvrir des Mammifères, soit encoir vivants, soit immédiatement après leur mort, pour recon- naîtr-e l'exactitude de cette assertion et voir les conirac- 150 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. tiens de ce tissu se traiismeltre à tout ce qui l'avoisine. Lorsque le tissu cellulaire graisseux se contracte , les ovaires s'abaissent vers le bassin , et les trompes qu'il environne se dirigent alors en bas et forment des in- flexions plus nombreuses et plus rapprochées. Lorsqu'il se relâche, les ovaires remontent à leur place et les trompes s'étendent. Les divers stimulants qui agissent sur les trompes, soil médiatement, soit immédiatement, tels que les contrac- tions des cornes, les irritations dirigées sur l'utérus ou sur le tissu cellulaire voisin de ces mêmes tubes, détermi- nent aussi des contractions de ceux-ci ou exaspèrent l'é- nergie de celles qui sont en train de se produire. Il résulte donc de ce que nous venons de dire que si l'utérus est stimulé d'une manière quelconque, les trompes de Fallope s'en ressentent et activent leurs mouvements. A n'en pas douter, la stérilité qu'on remarque sur les filles publiques pourrait en partie trouver sa cause dans la fréquence et l'énergie des contractions que leurs volup- tueuses étreintes , si souvent répétées, impriment à ces tubes. Ces contractions, en faisant cheminer les ovules trop lapidement dans le canal vecteui-, ne leur permettent sans doute pas d'acquérir la condition organique qu'ils doivent >[ impérieusement présenter, soit pour être fécondés lorsqu'il; arrivent vers l'utérus, soit pour pouvoir se fixer à la par de cet organe. Peut-être aussi ces contractions trop éner giques ou trop répétées nuisent-elles à l'organisation di l'œuf et en altèrent-elles la faculté germinalive? A l'impulsion que les contractions des trompes imprij ment à l'œuf pour le transporter au-dehors, on doit joindra l'action des cils vibraliles qui tapissent les franges d pavillon ainsi que la paroi muqueuse des trompes et de li CINQUIÈME LOI. 151 matrice. Ces cils, comme je l'ai parfailement reconnu moi- même, ne se contractent jamais que dans un seul sens et en dirigeant leurs mouvements de l'intérieur vers l'extérieur, de manière que l'ovule est constamment entraîne au-dcliors p^i- leur action incessante. Purkinje, Valeniiii (1), et Bis- chofï(2)ont, depuis plusieurs années, et avant moi, con- staté l'invariable direction de ce mouvement. .1. Muller (3) en a reconnu l'importance en disant qu'il est très-probable qu'il joue un rôle dans la progression des œul's, et qu'il doit avoir une grande part à leur admission dans les trompes. Une observation de Henle (4) vient encore corroborer celle opinion. Ce savant rapporte avoir reconnu de l'épi- Ihélium vibratile à la surface des franges des pavillons des trompes de la femme. L'observation des actes qui se produisent dans la série zoologique semble aussi confirmer l'ulililé des mouvements vibraiiles des organes à l'intérieur desquels cheminent les œufs. Vogt (5) a reconnu que sur les Salmones ces mouve- ments avaient même une haute importance pour l'émission de ceux-ci, et que chez ces Poissons, qui sont remarquables par l'absence d'oviducte et chez lesquels ils tombent direc- lement de l'ovaire dans la cavité abdominale, toute la sur- face interne de cette poche exécute des mouvements vibra- (1) PuRRiNjE et Valentin. De motu vibratorio^ p. 51. Muller s arcliiv, 1834, p. 392. (2) BiscHOFF, Développement de l'homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 23. (3) J, Muller. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p. 626. (4) Henle. Dans Muller s archiv. 1838, p. 114. (5) Vogt. Embryologie des Salmones. Neufchâtel, 18^2. 152 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. liles qui coiiiribiient à transporter les œufs au-dehors du corps de la mère. Valentin a également observé ces mouvements sur le péritoine des Squales; et Muller (1) pense que chez ces Poissons ainsi que dans les Raies, ces mouvements contri- buent à faire cheminer les œufs: l'analogie perce donc de toutes parts. L'examen attentif des faits a même révélé à ces savants observateurs que ce mouvement ciliaire est lié à l'émission des ovules. Wagner (2) assure qu'on ne l'observe plus sur les femelles qui portent ou chez celles qui viennent de produire des petits. BischofF(3) partage aussi cette opinion, et annonce que la reproduction des cils vibratiles est une condition indispensable pour une nouvelle gestation. Ces assertions paraissent rationnelles ; cependant j'ai rencontré des cils extrêmement apparents et doués de mouvements oscillatoires rapides sur les deux saillies que font dans le vagin les extrémités des cornes des Lapines. Cela avait lieu sur des femelles non adultes et qui n'auraient pu se repro- duire, car les ovaires étaient encore rudimentaires et les trompes agglutinées en zig-zag. En sacrifiant quelques animaux immédiatement après l'union sexuelle, plusieurs physiologistes ayant trouvé le pavillon de la trompe immédiatement appliqué sur l'ovaire, ils en ont conclu que les canaux de Fallope entraient en orgasme sous l'influence des étreintes voluptueuses qui accompagnent le rapprochement. (1) J. Muller. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tomeit, p. 626. (%) WAGîs-ta. Physiologie, tome i, p. 44 et 49. (3) LiscïïOFF. Du développement de i'horame et des Maniinifeves Paris, 1?^43, p. 26. CINQUIÈME LOI. 153 Il est posilivomenl ie(;oiiiiii quo le pavillon des trompes s'applique sur l'ovaire pour recevoir l'ovule qui doit tomber de celui-ci et être transporté jusque dans la cavité utérine; mais nous ne savons pas au juste la nature du mouvement qu'il opère, et si celui-ci est le résultat d'une contraction musculaire , comme le veulent quelques savants, ou s'il consiste en une turgescence érectile , comme d'autres le pensent (1) ; ce qui est certain, c'est que celle action n'est point déterminée par le spasme voluptueux. C'est avec une inconséquence inexplicable que certains physiologistes ont cependant professé cette dernière opi- nion. En effet, ne voit-on pas que si l'on invoque la puis- sance de ce spasme pour porter le fluide séminal à l'ovaire et féconder l'ovule, il faut admettre que cette impulsion, une fois répercutée sur la trompe, prolonge son action sur cet or- gane un certain nombre de jours, puisqu'il s'écoule souvent un temps considérable à la suite du rapprochement, avant que l'ovule tombe dans l'utérus? D'ailleurs, à moins d'être doué de cette facilité merveilleuse à l'aide de laquelle on fait accomplir aux phénomènes organiques toutes les aber- rations de l'imagination pour soutenir une théorie favorite, on ne peut réellement concevoir que les trompes, d'abord en érection pour transmettre dans un sens donné le fluide vivifiant aux ovaires, après cet acte, restent encore stimu- lées durant un certain nombre de jours pour agir dans un sens diamétralement opposé et transporter alors les ovules des ovaires dans la matrice. Nous professons que les trompes n'étant point char- gées normalement de porter le fluide vivifiant aux ovaires, fl) ADIET.03Ï. Physiologie de Thomme. Paris, 1829, tome iv, p, 97. 154 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. le mouvement contractile ou érectile qu'elles éprouvent et qui les porte à s'appliquer sur ces organes pour en saisir la sécrétion, n'est nullement déterminé par le spasme vo- luptueux du rapprochement , mais seulement par l'excita- tion vitale qui se manifeste dans les glandes ovariques au moment où elles émettent leurs ovules, et qui, en se propa- geant de proche en proche, détermine J'érection de ces trompes. L'observation des animaux aurait dû , par la seule puis- sance de l'analogie, conduire les physiologistes à ce résul- tat, et l'on s'étonne que cela n'ait pas eu lieu. En effet, dans certains vertébrés ovipares, il est évident que ce n'est nullement l'orgasme génital qui porte le pavillon à em- brasser les ovaires , mais bien celui que ces organes éprouvent spontanément au moment où les œufs vont tom- ber, car souvent ceux-ci sont expulsés sans que les femelles aient aucun rapport avec les mâles. Nous ne nions cepen- dant pas qu'en ouvrant certains animaux immédiatement après l'union des sexes, on ait pu trouver l'ovaire étroite- ment embrassé par le pavillon ; mais cette étreinte n'était pas déterminée par l'excitation voluptueuse, et on l'obser- vait parce que celle-ci avait coïncidé , par hasard , avec le moment où la trompe saisissait les œufs émis spontanément par les ovaires, ce qu'elle fait à chaque période de rut. Évolution de l'oeuf. Disparition de la vésicule ger?ninative. Tous les observateurs ont reconnu qu'au moment où l'œuf s'échappe de l'ovaire , ou peu de temps après son entrée dans la trompe de Fallope, la vésicule ger- - minative disparaît; cependant ils ne sont nullement d'ac- cord sur le sort de cet organe : les uns prétendent qu'il s'anéantit, les autres qu'il cesse seulement d'être acces- sible à notre investigation, mais qu'il remplit alors un rôle CINQUIÈME LOI. 155 plus OU moins important dans la production du nouvel êtie. Voici les principales opinions qui ont été émises à cet égard. Les premiers observateurs qui s'occupèrent de la struc- ture de l'œuf avec tant de distinction, Purkinje (1) et De Baër (2), pensent qu'à l'époque où il abandonne l'ovaire, la vésicule germinative disparaît; le dernier rapporte ne l'avoir plus rencontrée dans des œufs extraits de l'oviductc des Grenouilles avant leur fécondation. Burdach (3) n'est nullement indécis sur le sort de cette vésicule ; il assure, sans aucun doute , qu'elle se crève et que son contenu s'é- panche dans la couche proligère où il donne lieu à la for- mation du blastoderme , de manière , dit ce physiologiste, qu'on peut, avec Purkinje et De Baër, la considérer comme le support ou la souche de la faculté procréatrice de la fe- melle. Cette opinion a été acceptée par un bon nombre de physiologistes. W. Jones (4) rapporte avoir reconnu que, sur des œufs de Tritons, cette vésicide , après s'être portée à l'extérieur, vers la surface du vitellus , y disparaît en disséminant ses granules, qui bientôt sont employés à la formation du blastoderme. Velpeau (5) professe aussi que par sa rupture la vésicule vient concourir à la production de cet organe. Suivant Coste (6) , la vésicule qui nous occupe s'anéan- (1) Purkinje, Sjmbolœ ad ovi avium historiam ante incubationem. Leip- zig, 182S. (2) De Baer. De ovi mammalium et hominis genesi, Leipzig, 1827. (3) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation. Paris, 1838, tomeii, p. 230. (4.) W. Jones. PhilosopJt. transact. for the jear 1837, tome u. (5) Velpeau. Embryologie humaine. Paris, 1833. Introduction, p. 23. (6) CosïE. Recherches sur la génération des Mammifères, p. 21. 156 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. tirait aussitôt que la fécondation est opérée. Bischoff (1), qui assure avoir reconnu, d'après de nombreuses obser- vations, que cet organe disparaît avant que le développe- ment de l'ovule parvenu à maturité ne commence, pré- tend au contraire qu'il n'y a aucun rapport entre la fécon- dation et cette dissolution appelée à mettre la tache germi- native en liberté. Courty (2) pense que le phénomène dont il est question se produit dès que l'œuf est tombé dans le pavillon. D'après Wagner (3) , la vésicule a toujours disparu dès que l'œuf s'est séparé de l'ovaire, et son contenu , souvent renfermant des granulations, est évidemment répandu dans l'étendue de la couche proligère. J. Muller (U) lui assigne une semblable destinée. Serres (5) signale la vésicule germinative comme jouant un rôle important dans la fécondation. Selon lui, cet acte ne s'opère que quand cet organe, après avoir atteint la pé- riphérie du vitellus, a subi le contact des Spermatozoaires. La rupture de la vésicule proligère, dit ce savant, est le résultat immédiat de la fécondation : par cette rupture , le fluide qu'elle renfermait , imprégné par l'action zoosper- mique, s'en échappe et s'épanche sur le vitellus. H. Jacquart (6) paraît partager l'opinion de W. Jones, (1) BiscHOFF. Traité du développement de l'Homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 49. (2) CoDRTY. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845, p. 90. (3) Wagner. Histoire de la génération et du développement. Bruxelles, 1841, p. 79. ]i (4) J. MuLiER. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p. 603. (5) Serres. Principes d'organogénésie. Paris, 1842, in-8. (6) H. JiCQUART. De l'amnios chez les Oiseaux. Paris, 1845, p. 33. CINQUIÈME LOI. 157 de Burdaclî ei de quelques autres savants ; il professe aussi que la vésicule de Purkinje , par sa rupture, contribue à la formation du blastoderme. Dans ses travaux récents, Bourgery (1) admet aussi que la vésicule germinative se dissout spontanément. Il pense que ce phénomène précède la fécondation, dont il est une condition, et qu'on doit le considérer comme marquant le lerme delà première période du développement de l'ovule, »'est-à-dire de la vie latente de l'œuf non fécondé. Enfin A. Duméril (2), qui a écrit un des derniers sur cette matière, considère la disparition de la vésicule comme se produisant soit avant que l'œuf ait quitté l'ovaire , soit après son entrée dans la trompe, mais il n'indique point ce qu'elle devient. Quelques savants, tels que Barry et Vogt, font jouer à la vésicule germinative un rôle fort important dans le dé- veloppement des Mammifères, des Bepliles et des Poissons. Barry (3) pense que chez les premiers de ces animaux, par le fait de l'évolution, cette vésicule se remplit de cellules qui deviennent ensuite les rudiments de l'embryon , et que la tache germinative représente la base réelle de celui- ci. Vogt (V) , d'après ses observations sur le Crapaud accoucheur et la Palée , se rapproche tout-à-fait de celte opinion ; il professe aussi qu'il s'engendre des cellules dans la vésicule germinative, et que celles-ci forment la partie fondamentale de l'être naissant. (1) Bourgery. Les annexes du fœtus et leur développement. Paris, 1846, p. 22. (2). A. Duméril. L'évolution du fœtus. Paris, 1846, p. 27. (3) Barry. Philosophical transactions. London, 1839, 1840. (4) Vogt. Embiyologie des Salmones. Dans l'histoire naturelle des Pois- bons d'eau douce del'Europe centrale, par Agassiz. Neufchâtel, 1842, p. 303. 158 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Pour compléter cet aperçu des opinions diverses des physiologistes concernant le phénomène dont il est ques- tion, je dois dire en terminant, que, par un singulier et inexplicable oubli , Reichert (1) , dans sa théorie du déve- loppement, n'en fait nullement mention ; tandis que tant d'autres savants, comme nous l'avons vu, lui font jouer un rôle si important ! Relativement aux animaux vertébrés, je n'ai point encore pu me former d'idées précises sur la question de la dispa- rition de la vésicule germinative, aussi je ne puis accepter aucune opinion particulière au milieu du conflit qu'elles soulèvent. Ce que j'ai seulement reconnu sur des Truies, c'est qu'au moment où l'ovule de celles-ci s'échappe de l'ovaire, déjà la vésicule avait disparu. Pour moi aussi, chez ces animaux, il me semble certain que dès ce moment cet organe a cessé d'exister dans le vitellus ; mais que de- vient-il? C'est ce que j'ignore encore. Cependant si j'éprouve une semblable indécision à l'é- gard des Mammifères, relativement aux Mollusques uni- valves mon opinion est parfaitement fixée, et se trouve basée sur une ample série d'observations on ne peut plus faciles à répéter. Je suis certain que chez les Limnées la vésicule ne sert point de base à l'embryon, et que, bien au contraire, du- rant les premiers phénomènes de l'évolution de l'œuf, celle-ci franchit la membrane vitelline et tombe dans l'albumen, où bientôt elle se dissout. En considérant l'uni- formité que l'on observe dans toute la série zoologique relativement aux phénomènes qui ont rapport à la géné- (1) Kkicuert .DasEntivicklun §■ slel>e7i im fFirbeltliierreich.'?,tv\\n ., 1840. CINQUIÈME LOI. 159 ration, nous sommes porté à croire que tout se passe d'une manière analogue chez les autres animaux. En suivant avec patience le développement des Limnéès avec le microscope solaire, instrument qui pour ces obser- vations est beaucoup préférable au microscope ordinaire, parce que l'on peut les continuer sans lassitude durant des journées entières, voici ce ^\ie j'ai reconnu sur la Limnëa opata,BrSLp. Aussitôt que l'œuf est pondu ou quelques heures après, on aperçoit que dans un certain endroit de la péri- phérie de la membrane vitelline le tissu s'écarte, et qu'il se forme là une petite solution de continuité offrant environ la dixième partie du contour de l'organe. Bientôt après , au centre de ce pertuis, apparaît un segment d'une petite sphère diaphane , qui n'est autre qu'une portion de la vésicule germinative. En continuant l'observation, on voit celle-ci faire de plus en plus saillie, et bientôt il devient impossible de la méconnaître ; on en découvre successive- ment le quart, la moitié, puis les trois quarts ; puis enfin cette vésicule, après avoir opéré son évolution avec beau- coup d'uniformité et de lenteur, se détache totalement du vitellus et devient libre dans l'albumen. Quatre à cinq heures, et même plus, sont parfois employées pour l'accom- plissement de ce remarquable phénomène. La vésicule de Purkinje, au moment où elle devient libre ainsi, est exactement sphérique et offre un diamètre de 2/100 de millimètre; elle est remplie d'un fluide inco- lore, diaphane. Sa partie centrale seulement est occupée par une tache d'un jaune verdâtre, formée par une pe- tite masse de granules subovoïdes, très-allongés, doués d'une extrême mobilité. Celle-ci ne peut être assimilée au mouvement brownien , car chacun des granules opère de grands déplacements en sautant même parfois brusquement 160 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. par-dessus ceux qui l'avoisinent. Vingt de ces petits corps environ entrent dans la composition de cette taclie, qui n'est autre que la tache germinale. Mais aussitôt que la vésicule s'est totalement séparée du vitellus leurs oscilla- tions cessent. Emportée de côté et d'autre par le mouvement giratoire du vitellus, bientôt, après avoir été déposée dans l'albumen et y être devenue libre, la vésicule germinale s'altère. Elle commence par se déformer et perdre son volume primitif; puis ensuite la membrane transparente qui la circonscrit se déchire et les granules qu'elle contient se dispersent de côté et d'autre. Pour moi, je considère l'expulsion de cette vésicule hors du vitellus comme un simple effet physique dii à la pression qu'elle éprouve par le développement et la multiplication que subissent les vésicules vitellines durant l'évolution embryonnaire. Les expériences dans lesquelles ou com- prime les œufs des Mammifères amènent souvent le même résultat; une pression légère fait sortir cette vésicule; Cosle (1) l'a observé, et nous l'avons reconnu aussi nous- méme. Cela s'est principalement offert à notre observation sur des œufs de Truie. En les déprimant très-légèrement j'ai parfois vu la vésicule germinative se déplacer tout d'un coup, en affectant un mouvement facile et uniforme, et, du centre du vitellus qu'elle occupait, se rendre à sa circonférence sans paraître rencontrer aucun obstacle , comme si elle eût eu un canal tout formé et prêt à être par- couru par elle. La pression graduée que la multiplication et sans doute aussi l'extension des vésicules vitellines doit (1) CosTE. Études ovologiques. Annales françaises et étrangères d'aua- tomie et de physiologie. Paris, 1838. CI^QUIÈME LOI. 161 nauirellenieni faire subir à celle vésicule peul amener encore avec plus de ceriiiude le môme résuliat. C'esl mon opinion, el à l'égard des Limnécs, donl j'ai éludié le déve- loppemenl avec lanl de soin, je ne crois pas me iromper. Je dois ajouter ici que mes observations ont élé répélées avec le microscope ordinaire , afin de ne pas laisser sup- poser que celle expulsion de la vésicule a pu être produite par la chaleur développée par la lentille sur le porle-objel de l'autre inslrumenl; el que d'ailleurs sur tous les œufs dans lesquels il existe des embryons vivants on retrouve constamment les débris de la vésicule en question, ce qui prouve bien que son expulsion est un phénomène lié à la vitalité de l'embryon. On sait que Prévost el Dumas pensent qu'au niveau de la cicatricule , dans l'œuf de l'oiseau , il existe un pertuis par lequel ils prétendent avoir vu dos spermalozaires s'introduire dans le viiellus. Barry (1) dit avoir fait des observations analogues sur la Lapine el avoir découvert un zoosperme s'enfonçant dans la zone iraiisparenle qui cir- conscrit l'ovule. Mes recherches sur lés Mollusques semblent parfaitement constater ce que rapportent ces trois savants relativement à l'existence d'une solution de continuité à la surface de la membrane viielUne ; c'est par celle ouverture, qui sans doute termine le canal dans lequel chemine la vé- sicule, que s'opère certainement l'expulsion de cet organe. Les œufs sur lesquels j'ai reconnu l'évolution de la vési- cule germinative avaient été fécondés, et je ne les exami- nais qu'après la ponte. Celte série d'observations doit donc, relativement aux Mollusques céphalidiens au moins, établir les faits suivants contradictoirement aux opinions (1) Barry. PhJoso plaçai transactions^ ISsO, p. 332 et 336. 162 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. de certains auteurs , savoir : que c'est après la fécon- dation que disparaît la vésicule dont il est (jucslion , et çju'elle ne forme point le blastoderme, puisqu'on la voit ma- nifestemenl sortir du vitcUus et devenir libre dans l'al- bumen. Phénomènes primitifs de l'évolution. L'œuf, après avoir franchi l'entrée des trompes, chemine dans celles-ci avec plus ou moins de rapidité, et éprouve, en les parcou- rant, une nouvelle série de modifications que l'on a préten- du à tort devoir leur mobile à la fécondation, mais qui ne sont pas plus l'eifet de celle-ci que les modifications impor- tantes que subissent les œufs des Grenouilles ou ceux de divers autres animaux , lorsqu'ils stagnent dans certaines cavités, avant de recevoir l'imprégnation. Désiiant ne nous préoccuper que des phénomènes de la fécondation, nous n'aborderons nullement, dans cet ouvrage, ce qui concerne le développement de l'œuf, objet qui a été traité durant ces derniers temps avec une grande supériorité pai' plusieurs physiologistes ; mais seulement nous consignerons ici plusieurs observations que nous avons faites sur le§ \ animaux et qui nous paraissent de nature à jeter quelque lumière sur l'essence primitive de l'embryon. Ces observations ont principalement été faites sur l'œuf du Limneus ovatus. Je les ai exécutées avec le micrQ scope solaire, et ensuite je me suis occupé de les GontrôlfFj à l'aide du microscope ordinaire. J'ai la conviction d'avoi^ employé des moyens d'observation et surtout de mensura lion plus exacts que ceux dont on fait ordinairement usage^j En réfléchissant l'image sur un tableau éloigné d'enviroi 1 mètre de l'instrument, à cette distance elle est extrême ment nette, et sans fatiguer l'œil, on peut suivre ses exi périf.'uces une grande partie du jour. Les difilcultés qil^ CINQUIÈME LOI. 163 présente l'emploi des niicromèires ordinaires fait que souvent les œuvres des mierogi-aphes offrent les plus ex- traoïdinaires divergences relativen)eut aux mesures. J'ai employé un moyen particulier pour arriver à une plus grande exactitude. En divisant en cent parties sur la toile de réflexion l'éiendue d'un millimèlre, j'obiiens un micromèlre de la plus grande précision, qui me permet d'apprécier pour ainsi dire heure par heure, le développe- ment des organes; de mesurer le diamètre des cellules, et surtout de préciser l'étendue des moindres mouvements qui s'opèrent dans les appareils vitaux ; ce qui est impos- sible avec les micromètres ordinaires. Les faits suivanis me semblent principalement devoir être signalés ; ils ont été observés sur la Limnée ovale. Il est de la dernière évidence qu'au moment où l'œuf est émis au-dehors, le vilellus, qui a de 10 à 12 centièmes de millimètre , est uniquement formé de sla? cellules ac- colées, qui composent toute sa masse. Quatre choses démontrent qu'il en est ainsi. L'observation des vilellus normaux, qui tous, lorsqu'on les éclaire au microscope solaire, font voir des lignes transparentes indiquant l'accolement de leurs six cellules ou vésicules primordiales ; L'observation de certains viteilus anormaux , qui pré- sentent à l'extérieur, des anfracluosités décelant l'accole- ment des cellules primitives ; Une foule de cas anormaux dans lesquels on aperçoit seulement deux, trois, quatre ou cinq vésicules imparfai- tement rapprochées et n'ayant formé qu'un embryon mon- slrueux et incomplet qui avorte 5 Enfin, une expérience fondamentale qui consiste à chauf- fer légèrement, à l'aide du microscope isolaire^ un viteilus 11, 464 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. normal, nouvellement pondu et placé sous l'eau. On le voit immédiatement se gonfler, et ses six cellules primordiales se transforment, sous les yeux de l'observateur, en six vésicules sphériques qui s'isolent parfaitement. Chacune des six cellules qui constituent le vitellus offre de 4 à 5 centièmes de millimètre de diamètre. Si on suit le développement de l'embryon, on s'aperçoit bientôt que de nouvelles cellules se forment dans les interstices des cel- lules primitives. Après vingt-quatre heures il y en a déjà de quinze à vingt ; dilaté à l'aide de la chaleur, le vitellus offre alors l'aspect d'une framboise. En suivant l'accroissement de ces cellules jour par jour, on voit que bientôt elles acquièrent un diamètre de 8 à 10 centièmes de millimètre, et que ces mêmes cellules, qui formaient d'abord toute la masse vitelline, viennent évidemment constituer le foie, l'ovaire ou le testicule, bien avant que l'intestin apparaisse et qu'on puisse même assigner, en apparence, aucune lacune pour son développement. Quand on observe au microscope ordinaire ou au mi- croscope solaire un vitellus nouvellement pondu, on voit que, sous la membrane qui circonscrit les cellules, il existe des myriades de granules ovoïdes qui s'agitent et se meu- vent, en présentant des mouvements bien autrement appa- rents que les oscillations signalées par R. Brown parmi les molécules inorganiques; on serait tenté de les consi- dérer comme autant d'animalcides. Au bout de dix à douze heures ces granules deviennent tout-à-fait immobiles, se déforment et s'agglomèrent pour constituer une membrane interne qui doit faire partie de la peau. L'action de l'opium rend immédiatement ces gra- nules immobiles. Quand on les chauffe très-légèrement au microscope solaire, d'abord leurs mouvements deviennent ^ CINQUIÈME LOI. 16^ plus intenses, puis quand la température de l'eau qui con- tient l'œuf s'est élevée un peu, tout mouvement cesse sans qu'aucun de ces corps se soit déformé. Quand le fœtus des Limnées a acquis une longueur de 60 centièmes de millimètre on observe deriière les yeux deux cavités ovoïdes renfermant chacune de six à huit granules d'une couleur violette claire. Ils sont plus gros que ceux que l'on remarque primitivement dans la peau et encore plus extraordinairement mobiles ; ils culbutent les uns sur les autres, et leurs mouvements durent encore un certain temps après que l'on a broyé l'animal et que ceux des cils ont cessé. On a signalé l'existence des cils à la superficie des Lim- nées. J'ai reconnu en outre qu'il en existe dans la cavité pulmonaire quand elle est formée, et que leurs mouvements y déterminent des courants du fluide albumineux, faciles à observer à cause des débris de la vésicule dont j'ai parlé qu'on y voit entrer et sortir en décrivant des circonfé- rences d'un diamètre plus ou moins grand. D'après nos observations, et nous assurons qu'elles sont exactes relativement à l'animal qui en a été le sujet, l'œuf aurait d'abord un nombre déterminé de cellules; et ce se- raient celles-ci qui en se multipliant au centre dnviiellus y formeraient la base de l'organisme nouveau. Vers la sur- face des grandes cellules , les corps doués d'une extrême mobilité viendraient en quelque sorte expirer, puis s'ag- glomérer pour renforcer la vésicule ou constituer à son inté- rieur une nouvelle paroi? Enfin ce serait un organe glan- dulaire dont les infimes linéaments apparaîtraient d'abord et formeraient les premiers vestiges de l'embryon ; vestiges qui ne sont autres que les vésicules primaires du vitellus. C'est donc un mode toul-à-fait autre que celui où l'on pré- 16Ô THÉORIE DE LA FÉCONDATION. tend que le développement de l'organisme se produit à*&>- borda la périphérie. J'ai dessiné planche xvii^ toutes les phases principales de ce développement chez la Limnée ovale. Sur ce mollusque on peut suivre, instant par instant, la transformation et la ilUiîlipIicaiion des cellules depuis l'état où elles se trou- vent dans le vitellus de l'œuf non fécondé, jusqu'à celui qu'elles offrent sur l'embryon près d'cclore ; de manière que, quand on le veut, chez cet animal, on assiste avec là plus grande facilité aux procédés aussi simples que mer- veilleux par lesquels la nature prélude à l'organisatiôti définitive des êtres. Ce qui précède tend à confirmer les idées de Schwann (1) adoptées par J. Muller (2), à savoir : que dans l'origiile tous les tissus se composent de cellules. Cependant, peut- être exisle-t-il des exceptions entre les divers groupes de la série zoologique, puisque Vogt (3) a observé d'impor- tantes différences dans le développement d'animaux de classes assez rapprochées tels que les Batraciens et les Poissons. Selon lui le vitellus aurait une grande part à la formation de l'embryon des premiers, tandis que chez les autres le développement embryonique commencerait en parlant de la vésicule germinative sans que les cellules vkeliines y participassent d'aucune manière. Filippi {U) qui a reconnu sur l'embryon du Gohius fiu- matilis la tige au moyen de laquelle le vitellus tient à (1) ScHWAKN. 3Iicroscoj>ische un'ersuchungen, etc. Bi rlin, 1839. (2, J. Muller. Manuel de physiologie, Paris, 1843, tome ii, p. 643. (3, Vogt. Embryologie des Salmones. Noufcliàtel, 1842, p. 41 et 43, (4) F. Mm flJcmor/a s i/Ie st'iliippo c/el G/iiczzo d' acqua dolcc [Gobius ri fliaùatUiij, Alilai), 1841. AunaliuiiivirsaU di mcdlcina. CINQUIÈME LOI. 167 nntesiin, cônlraircmenl à l'opinion de Vogt (1) prétend que celle lige n'est pas creuse et nie par conséquent le passage de la substance vilcUine dans l'intciieur du tube digestif. Selon lui le rilcllus de ce Poisson correspond au foie. Je n'ai point étudié le développement de ce Gobius, rtiais assurément chez les Limnées, animaux dont on peut suivre l'évolution embryonique avec tant de facilité, le vitel- l'iis formé le foie ; ce qui du reste a déjà été entrevu par Mortier, naturaliste belge (2). Enfin, j'ajouterai que les remarquables mouvements que j'ai reconnus parmi les corps ovoïdes allongés du vi- tellus , qu'on ne doit pas confondre avec les vésicules vi- lellines, semblent analogues à ceux que Nordmann (3) a observés sur l'œuf du Terglpes Edwardsii. D'après lui, des granules distincts se séparent de la masse du vitellus et chacun d'eux se développe en un animalcule qu'il nomme Cosmella hydracnoldes. Preuves rationnelles. Quelques physiologistes ont pré- tendu que la solution de la grande question de la chute spontanée des ovules chez les Mammifères et la femme était plus curieuse qu'utile (h). Nous ne pensons point ainsi , car c'est un des plus graves et des plus importants problèmes de la physiologie. En effet , si leur chute spon- tanée est une fois démontrée , il s'ensuivra que l'on devra chercher ses lois; et si, comme nous avons la certitude de l'avoir fait, on peut les découvrir chez l'espèce humaine, il en résultera peut-être un jour de grands changements politiques et moraux parmi les nations. (1) Vogt. Embryologie des Salnioncs. Neufcliàlel, J84'i, p. 139, (2) Mortier, ^:énloi^e sur le clével;>ppemeiit des LiiBiiécs. Lié^e.' (3) NoRDMAHW. Monographie du Terglpes Edwardsii. IusliUitl845>, n^SSO, (4) Brachet. Physiologie, p. 423. 168 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Lorsque dans l'universalité des êtres (1) il est manifes- tement prouvé que la fécondation anime seulement le germe, mais qu'elle n'en décide ni l'apparilion , ni l'émis- sion , il est rationnel d'admettre qu'il en est de même dans les Mammifères et l'espèce humaine , chez lesquels la na- ture a voilé ses opérations d'un mystère qui a longtemps paru impénétrable. La dialectique seule le démontrerait suffisamment. En considérant la sublime harmonie qui règne dans toute la série animale , on ne peut croire que la plus minime partie de la création fasse exception à la loi générale; l'observation et l'expérience, nous l'avons vu , unissent aussi leurs forces pour mettre cette proposi- tion hors de doute. Dans noire cours public nous avons professé, dès 1835 (2), que l'accroissement des vésicules de De Graaf des Mammi- fères et la chute des œufs n'étaient point déterminés par l'action du fluide séminal , et qu'en outre ces derniers se trouvaient normalement émis à une époque fixe, qui a des connexions invariables avec le temps du rut. Coste , en 1837, émit des idées analogues, mais sans les poser aussi rigoureusement et sans étendre le principe dans son application. En effet, en essayant d'expliquer les dissi- dences des auteurs, il dit (3) : « Il nous semble que leurs incertitudes ou plutôt la divergence de leurs opinions pro-^ vient manifestement de ce qu'ils ont voulu convertir des faits particuliers en règle générale; en effet, le passage (1) Les Oiseaux, les Reptiles, les Poissons, les Insectes, les Mollus- ques, etc. (2) Cours sur l'analoniie el la physiologie comparées des organes génitaux, fyit au Muséum d'histoire naturelle de Piouen, 1835. (3; Coste. Cours sur le développement de l'homme et des animaux, Paris, 1837, p. 435. CINQUIÈME LOI. 169 des œufs dans les cornes de la matrice ne saurait avoir lieu à la même époque pour toutes les femelles : car puisque, comme le prouve l'existence des corps jaunes dans les ovaires des femelles vierges , la déchirure des vésicules de De Graaf se produit indépendamment de l'acte copulaleur, il s'ensuit que dans les cas où l'accouplement a lieu lors de leur maturité complète , elles laissent échapper l'œuf au moment même ou à une époque plus ou moins éloignée , suivant qu'elles se rompent d'une manière plus ou moins tardive. On peut concevoir aussi que si l'accouplement ne s'opère qu'à une époque qui est marquée pour leur matu- rité normale , les œufs parvenus dans l'utérus ou en voie d'y parvenir reçoivent l'influence de la conception , ou dans celui-ci ou pendant qu'ils parcourent le canal vecteur. » Coste admet donc, ainsi que nous, que les vésicules de De Graaf peuvent émettre les ovules sans le concours de la fécondation. Mais nous, nous allons beaucoup plus loin, et en nous basant sur l'observation de la marche in- variable de la nature , nous cessons de nous astreindre aux inexplicables vacillations de nos devanciers et nous procla- mons que y œuf est toujours produit à une époque fixe, qui est en rapport avec l'une des phases durut, et qu'il est constamment émis au-dehors indépenda7nme?it de la fécondation. Pour nous , c'est une loi positive que nous formulons avec précision , tandis que nos prédécesseurs n'ont admis ce cas que comme une exception que leur im- posaient d'impérieuses nécessités, lorsqu'il fallait expliquer quelques observations qui ne pouvaient rentrer dans le cadre de leurs théories. Incontestablement, d'après le paragraphe que nous ve- nons de citer, Coste reconnaît donc que l'œuf est parfois émis par l'ovaire indépendamment de la fécondation, alors ilii THÉORIE i)É LA FÉCONDATION. il né iiôUs reste plus qu'à prouver qu'il en est toujours ainsi, et que l'ovule est constamment expulsé à des épo- ques fixés en rapport avec le rut : c'est là toute notre théorie. Si lé fluide fécondateur pùivenait à l'oVaire et par son action déterminait l'évolution des germes, il devrait dans la plupart des cas s'insinuer à-la-fois par les deux trompes, et aller stimuler de chaque côté au moins un ovule, de manière qu'il y ait toujours, au minimum, deux ovules qui tombent dans l'utérus et deux embryons qui s'y forment. Mais la femme n'a presque constamment qu'un enfant , et beaucoup de Singes , ainsi que l'Éléphant et presque tous lés Ruminants, n'ont ordinairement qu'un petit. C'est déjà une preuve en faveur de l'opinion que le sperme ne déter- mine pas l'évolution primitive des ovules par son contact, et qu'il ne fait qu'animer secondairement ceux que la loi fondamentale de la nature détache de l'organe sécréteur à des périodes fixes. Et d'ailleurs, comme nous l'avons dit, n'a-t-on pas pour confirmer cette loi l'exemple de ce qui se passe chez les Ovipares? En suivant les errements de la plupart des physiologistes, on ne pourrait même admettre que les trompes fonctionnassent diversement. Mais pour moi , si chez beaucoup d'animaux il ne se produit qu'un petit à chaque conception , quoiqu'il y ait deux ovaires, c'est que la nature n'a point donné à ces organes une vitalité qui leur permît d'en émettre da- vantage. Nous croyons avoir assez insisté sur la démonstration de cette loi pour ne laisser aucun doute dans l'esprit des sa- vants. Du reste nous sommes loin de prétendre cire le premier qui l'ait formulée, car elle a déjà été énoncée par Oilivier (d'Angers); ce médecin, en traitant du déve- CINQUIÈME LOI. 171 loppement et de la cliute des œufs , dit textuellement : « Il est donc bien certain que la furnialion de l'œuf dans l'ovaire précède la fécondation. » Et plus loin , en parlant de la formation des corps jaunes, il ajoute : « Ces phénomène^ ont lieu soit qu'il y ail ou non fécondation , de sorte qu'oB doit les considérer non comme un effet, mais bien comme une condition de la fécondation (1). » En résumant succinctement tout ce qui précède , il de- vient, selon nous, évident et incontestable, qu'en nous appuyant , tour-à-lour, sur l'autorité des savants les plus recommandables et même des hommes les plus illustres , tels que Malpiglii (2), Vallisnéri (3), Bertrandi (4), Bru- gnone (5), Santorini (6), Spallanzani (7), Buffon (8), Ev. H6fiie(9),euvier(10),cllels que DeBaër(ll),Plagge(12), (1) 01LIVIER. Diction, de médecine. Paris, 1826, lome xv, p. i292et293. (2) Malpighi. Opéra omnia^ seu thésaurus lociipletisslmus BotànîcO- medico-anaiomiciis. Leyde, 1687. (3) VAiiLisîfÉHi. Istoria délia generazione deW uomo e degli animait. Venise, 1721, (4) BeRTRANDr, De glandulœ ovarii corporibus luteis. Mise. Taur. (5) Brugnone. De ovariis eorumque corporibus luteis. Mém. de Turin, 1790. (6) Santorini. Olservaliones anatomicœ de muUerum partibus, Venise, 1724. (7) Spallanzani. Dissertazîoni di fisica animale e 'vegetabile, Modène, 1776. (8) Buffon. Hisloire naturelle générale et particulière. Paris , 1769 , tome ni , p. 197. (9) Home, On corpora lutea. Philos, trans. I ondon, 1819. (10) CuviER. Leçons d'analomie comparée. Paris, 1805, tome v, p. 86. (11) Dà Baeh. De oi'i Mammalium et lio'ninis genesi, Leipzig, 1827. (12j Plagge, Journal complémeulaire des sciences médicales, tome ir. 172 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Blundell (1) , Valenlin (2) , Ollivier (3) , Brachet (4) , Cosle (5), Prévost et Dumas (6), Velpeau (7), etc., etc., et en nous appuyant aussi sur des preuves directes tirées de l'observation et de l'expérience , nous avons successi- vement établi : 1° Que chez tous les animaux, sans exception, la géné- ration se produit à l'aide d'œufs ; 2" Que ceux-ci préexistent à la fécondation ; 3° Que dans l'immense majorité des animaux les œufs sont expulsés des ovaires sans l'influence de la féconda» lion , et que par conséquent chez ceux où le phénomène n'est pas appréciable il doit suivre les mêmes lois ; 4° Que dans les Mammifères eux-mêmes cela ne peut être contesté, puisque l'on découvre des œufs sur des in- dividus vierges ; et qu'en outre on voit ces œufs tomber spontanément, et l'on observe des corps jaunes ; Et enfin, 5" que la femme subit les mêmes lois, puisque l'on découvre aussi des ovules et des corps jaunes chez des vierges. Car, comme ceux-ci sont des indices irrécusables de la production et de l'émission des œufs, ces derniers se développent donc dans l'ovaire et ils en sont expulsés sans le concours de la fécondation. C'est encore là un fait irré- (1) Blundell. Researches physiolog'icaï and pathological. (2) Valentin. Symliolœ ad ovi Mammalium liistoriam ante prœgna- tionem, Breslau , 1834. (3) Ollivier (d'Angers). Dictionnaire de médecine. Paris, 1826, t. xv, p. 292 , 293. (4) Bracbet. Physiologie. (5) CosTE. Embryogénie comparée. Paris, 1837, tome t. (6) Prévost et Dumas. Annales des sciences nat. Paris, tomes i, ii, m. (7) Velpeau. Traité complet de l'art des accouchemens. Paris , 183S , tome I, p. 148. CINQUIEME LOI. 17S vocablemeni acquis par la force de la dialectique et par celle encore plus puissante de l'observation et de l'expé- rience. Celui-ci devait d'autant plus être rendu évident par tous les moyens, qu'il va s'enchaîner avec les faits qui pré- cèdent et ceux qui suivent^ pour nous permetire enfin de poser la théorie rationnelle du phénomène de la fécon- dation. Partie critique. Nous nous trouvons manifestement en dissidence avec quelques savants, à l'égard de plu- sieurs points de l'ovulation spontanée. Nous allons exposer ceux-ci , non en adoptant l'ordre chronologique , mais en suivant successivement les phases du phénomène physio- logique, ce qui permettra plus facilement de reporter cha- cune de nos assertions à ce que nous avons établi ci-dessus. Dès 1835 , dans mes leçons publiques, j'avais émis toute la théorie de l'ovulation spontanée, en m'appuyant sur les documents reproduits dans cet ouvrage. Quatre ans plus tard, Gendrin (1) , sans connaître sans doute mes opinions, prétendit, de son côté, que la femme possédait des ovaires qui avaient la faculté de former des œufs et d'en amener un à maturité tous les mois. Ce médecin essaya même de donner quelques preuves de cette espèce de ponte ; mais il est facile d'apercevoir que ses observations n'ont pas ce cachet d'exactitude qui seul pourrait leur donner de l'au- thenticité. Dans toutes il prétend que la cavité des vésicules rompues n'offre que deux lignes de diamètre, et qu'elle peut à-peu-près contenir un grain de chenevis , tandis que, comme le fait remarquer avec raison Raciborski, ces vési- cules n'ont jamais moins de 10 à 15 millimètres de dia- (1) Gendrin. Traité philosophique de médecine pratique. Paris, 1839, tomeu, p, 28. 174 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. pf)èire,etqiielevolumeclu caillot qu'elles coniiennent égale celui d'une petite cerise (1). Cependant les observations de Gendrin, quoique iiicomplèies et faites probablement d'a- près de vagues souvenirs, n'en viennent pas moins fortifier la théorie à laquelle cet écrit est consacré. Quoique ses travaux aient apparu une année après, on ne peut disconvenir que c'est à Négrier (2) qu'appartient l'honneur d'avoir décrit le premier , avec exactitude , les véritables caractères anatomiques de la ponte périodique 4e l'espèce humaine. Malgré cela, comme ce médecin n'a rapporté aucune observation qui soit relative ù des filles vierges, et que d'ailleurs il n'a nullement vu d'œufs ni dans les ovaires , ni dans le canal vecteur , ses travaux ne dé- montraient point encore ostensiblement l'existence de l'o- vulation spontanée, et ils n'établissaient réellement que la corrélation qui existe entre la turgescence ovarique et la menstruation. D'un autre côté et presque en même temps, à l'étranger, Jones (3), Lee (4), Montgomery (5) et Paterson (6), faisaient retentir le monde savant de la même opinion, en démontrant, d'après leurs observations faites sur des fem- mes mortes pendant la menstruation ou peu de temps après, qu'il existe alors sur les ovaires des cicatrices parfaitement (î) Raçibojiski. De ia puberté et de l'âge critiq le chez la femme. Paris, 18.44, p. 414,433. (2) NÉGRIER. Recherches anatomiques et physiologiques sur les ovaires dé l'espèce umaine. Paris, 1840. (3) Jones. P radical observations of dîscases on. women, London, 1839, p. 226. (4) Lee. Medic. citir. trans. tome xxit , p. 329. (iJ) MoNTGOMEBY. On the signs of pregnancy , p. 26, (6) VsrcK.v.&Q^, Edinh..med, and surg, journ, \MQ, CINQUIÈME LOI. i76 semblables à celles qui se forment après l'expulsion dos œufs conlenus d;uis les follicules de De Graaf. Ces observalions ayant éu's failes sur des femmes qui n'a- vaient subi les approches d'aucun homme, il eu résullaii qu'elles élablissaieni à priori que la fouciion de l'ovaire ou i'ovuhuion , s'opère sans qu'il y ait eu rapprochement des sexes. Mais cependant ces savants n'ayant point non plus apei'çu l'œuf, leurs recherches, leurs assolions, for- maient seulement d'imporiantes présomptions en faveur de l'existence du phénomène , quoiqu'elles ne le démon- trassent point d'une manière directe. Ce fut dans les premiers mois de 18'42 que mes recher- ches parurent et que je fis connaître les observalions dans lesquelles j'avais découvert toutes les phases du développe- ment des vésicules de De Graaf et de l'émission des ovules, soit sur des filles vierges , soit sur des Mammifères fe- melles qui n'avaient pu subir les approches du mâle. Dès- lors, mes travaux démontrant avec évidence le fait fonda- mental de l'ovulation sponianée, j'insistai avec véhémence sur toutes ses conséquences (î). En même temps que nous, un savant analomiste, Duver- noy,qui depuis longtemps avait pressenti le phénomène de l'ovulation spontanée (2), émettait aussi , dans ses leçons, quelques vues positives sur ce sujet. Enfin apparurent en France les recherches de Raci- borski. Cet observateur consciencieux produisit siir l'ovu- lation de la femme des travaux qui la démontrèrent jus- qu'à l'évidence. Après eux survinrent ceux de Bischoff qui (ij PotJCHET, Théorie positive de la fécondation des Mammifères. Pa- ris, 1842, p. 64, 66, 68. (2) DiîVEa>-ov. Aualomje comparée de ('uvier. Paris, 1SÛ3, 176 THÉORIE DK LA FÉCONDATION. afficha cependani la prélenlion d'avoir le premier dévoilé un phénomène depuis longtemps entrevu par un cer- tain nombre de physiologistes, et déjà considéré par nous, depuis plusieurs années, comme un fait général dans toute la série animale, d'après de nombreux documents basés sur l'observation directe des faits. Nonobstant le pas immense qu'avait fait dans ces der- nières années l'histoire de la génération, quelques physio- logistes n'en ont pas moins persisté à conserver les tradi- tions anciennes aujourd'hui sapées de toutes parts. J. Mul- ier , malgré son grand mérite, ne s'est pas affranchi de quelques erreurs accréditées; heureusement que son savant traducteur en fait, ordinairement, immédiatement justice. Dans un des paragraphes de sa physiologie , il prétend encore que la séparation des œufs des Mammifères paraît être sous la dépendance de la fécondation ; mais Jourdan dans une noie (1) rectifie cette assertion en ajoutant que cette hypothèse manque de fondement. Nous sommes heureux de pouvoir dire que depuis la publication de nos premiers travaux, l'ovulation spontanée a été acceptée par tous les physiologistes qui ont écrit sur cet objet, tels que Courty (2), Bourgery (o), A. Dumé- ril (4), etc. Le premier n'admet à cet égard nid doute, même relativement à notre espèce : « chez l'homme, dit-il, et un grand nombre d'animaux fœuf, arrivé à son état de maturité, se détache de l'organe femelle » ; c'est là comme (1) J. MuLLER. Manuel de physiologie. Paris, 1843, tome ii, p. 622. (2) Courty. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1S45, p. 63. (3; Bourgery. Les annexes du fœlus. Paris, 1846 , p. 13. (4) A. DuMÉKiL. L'évohition du fœlus. Paris, 1846 , p. 20. CINQUIÈME LOI. 177 on le voit , un pas immense. Les observateurs sont à l'œu- vre, et bientôt, nous n'en doutons pas, leurs recher- ches confirmeront les lois que nous avons posées, et le phénomène avec toutes ses conséquences sera considéré généralement comme une acquisition positive pour la science. En Angleterre , et plus rarement dans d'autres pays , quelques savants pensent encore que le développement que prennent les vésicules de De Graai' aux approches de la ponte, tient à la production d'une substance particulière qui se déposerait entre leurs enveloppes, et non à l'épan- chement d'un liquide dans leur cavité. i\ous avons démontré avec trop d'évidence qu'il n'en pouvait être ainsi , pour qu'il soit utile de combattre une opinion si erronée, et qui annonce que ses fauteurs n'ont jamais ouvert de cadavres, ou qu'ils n'en parlent que d'après d'inexacts souvenirs. Nous différons essentiellement d'opinion, Wagner (1) et moi, à l'égard de la nature du mécanisme qui préside à l'expulsion de l'ovule contenu dans la vésicule de De Graaf. « Chez les Mammifères, dit ce physiologiste, à la suite de l'accouplement, le sang afflue en plus grande quantité dans l'ovaire ; la membrane très-vasculaire du follicule se gonfle 5 les granules ou cellules de son intérieur se déve- loppent et s'enflent considérablement ; il en résulte uu accroissement et un épaississement des parois du follicule à sa base et sur les côtés , tout-à-fait analogues à ce que l'on observe dans la capsule ou calice des Oiseaux. L'ovule et le reste du contenu granuleux du follicule sont poussés, (1) Wagneu. Traité de physiologie. Bruxelles , 1841 . ift THÉORIE DE LA FÉCONDATION. par suite de ce travail, vers la face supérieure qui regarde le péritoine ; celle-ci s'amincit de plus en plus et finit par èe rompre, de sorte que l'ovule sort et qu'il reste dans le follicule une cavité qui disparaît bientôt par l'accroisse- ment continu de la membrane interne, etc., etc. ». D'après cet exposé, ce serait donc l'expansion de la membrane ovulifère qui, en remplissant la capsule, expulserait l'œuf. Non , ce n'est point ainsi que marche ce phénomène : comme nous l'avons prouvé, l'œuf est expulsé par l'épan- chement de sang , et ce n'est que plus tard, après la sortie de cet œuf, que la membrane s'épaissit pour former le corps jaune. D'abord une objection se présente immédiaté^^-| ment : si c'était cette membrane qui, en s'épaississant, ex- pulsât l'œuf comme le prétend Wagner, on ne trouverait pas après la mort la cavité dont il parle cependant lui- même. On a vu précédemment que l'ovulation se produisait par un mécanisme simple , lent et graduel. Nous ne pouvons donc admettre l'opinion de Courly (1) , qui professe que chez la femme et les Mammifères, l'œuf est pour ainsi dire vomi avec force par la vésicule ovarique, au milieu d'un liquide abondant, surtout chez la femme. Chez le Sus scropha du moins, où nos observations ont ëté si souvent répétées, il ne doit s'écouler aucun fluide ; un caillot compacte, légèrement adhérent à la face interne de la membrane propre, a remplacé le liquide albumineux que l'on observait avant le déplacement de l'ovule. Je dois insister sur ce point ; car si l'œuf était vomi avec force , comme Courty le répète en plusieurs endroits, non-seule- (1) CoctiTY, De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine, Montpellier, 1845, p. 47 et 83. CINQUIÈME LOI. 179 ment il s'ensuivrait que sa texture si délicate pourrait être altérée , mais encore que le flot du liquide, en s'échappant de la vésicule, repousserait les franges du pavillon qui em- brassent l'ovaire, et projetterait l'œuf dans l'abdomen. Non, les laciniures et les cils de rinfundibulum de la trompe le saisissent avec délicatesse. Lorsqu'on lit les assertions des auteurs relativement à la formation du corps jaune , on est frappé de l'incohérence qu'on y remarque, même parmi les travaux des hommes du plus grand mérite ou des observateurs les plus rigoureux. Ces dissidences extraordinaires sont dues à ce que les physiologistes n'ont jamais fait qu'une série incomplète d'observations , et à ce qu'ils n'avaient pas de notions assez positives sur la structure de l'ovaire et de ses vésicules. Afin d'exposer avec certitude le travail qui se produit au sein de cet organe pour opérer l'ovulation et ensuite l'évo- lution du corps jaune , il fallait suivre pas à pas toutes les phases du phénomène, depuis leur origine jusqu'à leur ces- sation ; c'est après l'avoir fait nombre de fois , à l'aide de l'examen d'une immense quantité de vésicules , que nous sommes parvenus à marcher avec assurance dans la nou- velle roule que nous pensons avoir tracée , et que nous avons toujours suivie sans hésitation. Un des premiers investigateurs de la structure des corps jaunes, Malpighi (1), ne les considérait que comme repré- sentant de simples productions de l'ovaire, sans rapport avec les vésicules. Selon Haller (2) , les corps jaunes se produiraient à l'aide (1) y\kL.v\Cr&i.DissKitatio epistolica iiarii argumenîl^ etc. Opéra omnia, Lugd.-Bat., 1687. (2) Haller. Elementa phjsiologlœ. Lausanne, 1778 , tome viir , p. 30, 180 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. d'un mécanisme analogue à celui qui préside à la guérison d'une plaie ; il s'opérerait dans la vésicule un travail de cicatrisation précédé d'une inflammation de ses parois , à laquelle succèdent des granulations d'im rouge pâle qui remplissent bientôt sa cavité et deviennent de plus en plus fermes et jaunâtres. D'après lui, ces nouvelles productions seraient de nature vasculaire. Hausmann émet à peu près la même opinion, et professe que chez la Truie l'intérieur des vésicules se remplit de bourgeons charnus rouges. Ces deux savants ont évidem- ment pris les replis de ces vésicules teints par le sang , pour des bourgeons charnus résultant d'une irritation préa- lable. En décrivant les corps jaunes , Raciborski (1) dit que , malgré l'examen le plus attentif, il n'a jamais trouvé rien d'interposé entre les membranes de la vésicule dilatée; qu'elles restent toujours contiguës, et que la distension tient à l'augmentation du liquide que la vésicule ren- ferme.. Cette opinion n'est pas exacte, car le sang, comme nous l'avons démontré , s'épanche entre la membrane cap- sulaire et la membrane granuleuse, et il soulève celle-ci. Mais cependant nous devons dire que Raciborski est tou- jours resté dans le vrai, parce qu'il semble avoir mé- connu l'existence de cette dernière et délicate membrane, dont il ne parle pas , quoiqu'elle soit admise par les anato- mistes les plus scrupuleux. Courty (2) s'exprime ainsi à l'égard du sang qui remplit (1) Raciborski. De la puberté et de l'âge critique chez la femme. Paris, 1844 , p. 420. i] Courty. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845 , p. 39, CINQUIÈME LOI. 181 ia vésicule de De Graaf après l'expulsion de l'œuf : « On trouve quelquefois dans la vésicule de De Graaf rompue un caillot de sang ; il est le résultat d'une hémorrhagie sans but , et il est résorbé peu- à-peu. » M. Courty devrait se souvenir que déjà le grand Hal- 1er (1) avait reconnu cet amas de sang sur des Chiennes ; et pour notre compte, nous pouvons lui affirmer que chez la Truie et la Lapine, Mammifères sur lesquels nos observa- tions se sont tant multipliées, toujours il y a un caillot de sang de formé au moment où l'ovule est expulsé. Ce cail- lot nous le considérons au contraire comme jouant un grand rôle dans le transport de l'œuf, du lieu où il a pris naissance jusqu'à l'ouverture par laquelle il est expulsé ; et, ainsi que nous l'avons dit, il décolle l'œuf comme le caillot de la matrice décolle le placenta. Sur ce point , comme sur tant d'autres, M. Courty conviendra au moins que nous ne nous approprions pas ses opinions. Selon De Baër (2) , Valentin (3) et Wagner Qi) , les corps jaunes commencent à se former avant la rupture des vési- cules de De Graaf, et même durant la période de l'excita- tion sexuelle qui la précède. Il nous semble qu'on ne peut guère dire cela ; les follicules se développent considérable- ment pendant le rut, il est vrai, mais ce développement n'est que le prélude indispensable à la production des corps jaunes. Et comme ceux-ci ne sont, en définitive, que le résultat de la cicatrisation des vésicules et de leur encom- brement par l'épaississement et le plissement de la mem- (1) Haller, Elementa physiologiœ. Lausanne, 1778, tome vrti. (2) De Baer. Eplstola , p. 20, Eiitwickelungsgeschichte, tome n, p. 182. (3) Valentin et Bernhabdt. Entwicheltinnsgcsclùchte ^ p, 40. (4) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841 , p. 128. 182 THEORIE DE LÀ FECONDATION. brane propre; il me paraît plus rationnel de dire que leur formation ne commence qu'après la sortie de l'ovule, car avant celle-ci la membrane en question ne s'est que fort peu développée en épaisseur. Suivant Montgomery (1) et Barry (2) , les corps jaunes se formeraient entre la membrane interne et la membrane externe de la vésicule. D'après Lee (3) , ces corps se déve- lopperaient dans l'intérieur de la cavité de l'ovaire vidée de sa vésicule de De Graaf, de manière que ces nouvelles pro- ductions se continueraient immédiatement avec le tissu ovarique. Au contraire, selon Paterson (4), ils seraient le résultat d'un épanchement de sang entre les deux feuillets des vésicules. Quelle que soit la juste célébrité des auteurs que nous venons de citer , nous devons dire qu'ils se sont tous abso- lument éloignés de la vérité , et qu'il suffît de la moindre observation pour s'en convaincre. En effet , en suivant pas à pas le phénomène de l'ovulation de la Truie, nous avons reconnu et démontré que les opinions de Montgomery, de Barry , de Lee et de Paterson sont tout-à-fait dénuées de fondement; et que les corps jaunes ne sont formés que par l'accroissement et le plissement, puis par la compression de la membrane propre des vésicules de De Graaf. Suivant Wagner (5) et Bischoff (6) , la formation des (1) MoMTGOMERY. Of the stgns of pregnancy ^ p. 16. (2) Barry. Researclies on emhryol. Plùl. Trans. 1839-40. (3) Lbe. Lond. med. dur. trans. 1839, tome xx, p. 329. (4) Paterson. Edinb. med. and surg. journal, vol. lui , 1840 , p. 390. (5) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841. (6) Bischoff. Développement de l'homme et des Mammifères. Paris , 1843, p. 38. CINQUIÈME LOI. 18S corps jaunes dépendrait de l'évolution des cellules de la la^enihrane granuleuse. La moindre observation suffît pour démontrer la fausseté de celte opinion. Comment d'ailleurs avoir mis sur le compte de la mem- brane granuleuse, qui est si mince et même si imperceptible que quelques auteurs en ont nié l'existence, une production aussi apparente, aussi considérable! La membrane gra- nideuse peut d'autant moins entrer dans la formation du corps jaune, qu'elle est assurément expulsée par le méca- nisme de l'ovulation, ainsi qu'il est facile de le reconnaître; et l'on n'a pu lui faire jouer ce rôle qu'avec une extrême inattention. L'examen des assertions de Bischoff (1) dé- montre qu'il en a agi ainsi , car c'est presque immédiate- ment après avoir assuré que cette membrane se retrouve à la périphérie de l'œuf expulsé de sa vésicule productrice, I qu'il s'efforce de la considérer comme entrant aussi dans j la formation du corps jaune ! Cependant, rationnellement, i celle-ci ne peut être dans deux endroits à la fois, et comme elle a été enlevée avec l'ovule, elle ne constitue certainement pas les corps en question. Ce qui prouve I même que le savant physiologiste allemand n'a pas eu d'i- ] dées précises sur la composition de ceux-ci, c'est que j q.«elques lignes après avoir émis cette opinion , il mcn- j U&nne comme contribuant à former les corpora lùtea une iiwuvelle exsudation constituant un cytoblastème, dans le- I quel se développent de nouvelles cellules et des vaisseaux. i Rien de cela n'existe assurément. Je ne sais ce que ce sa- vant entend par ce cytoblastème, et j'ai prouvé qu'il n'y a I point production de nouvelles cellules, mais seulement dé- veloppement des anciennes. (1) Bischoff, Oper. cit. p. 39. 184 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Dans sa critique des opinions de ses devanciers , Bischoff (1) dit qu'il n'a jamais vu d'épanchement de sang précéder , chez les Lapines et les Chiennes , la formation des corps jaunes ; et que si l'on en rencontre fréquemment sur la Truie, il est secondaire, et produit par les vaisseaux de formation nouvelle , ou occasionné par la rupture des parois de la vésicule. Toutes ces assertions n'ont nullement le degré de certi- tude qu'on était en droit d'attendre d'un aussi célèbre phy- siologiste. M. Bischoff aurait dû se rappeler que Halier(2), comme nous l'avons dit plus haut, avait trouvé des caillots de sang sur les Chiennes, et que cet illustre observateur dit même avoir rencontré un fluide ensanglanté sur certaines femmes. Chez les Lapines on découvre et l'on extrait avec la plus grande facilité le caillot de sang ; parfois même ce fluide très-coagulable et devenu promptement fibrineux , fait saillie à l'extérieur de la vésicule crevée ; il sort par son ouverture , parce qu'il ne peut être tout-à-fait contenu dans la cavité dont les parois se sont contractées , et la déchirure de la vésicule, en se rétrécissant de plus en plus, l'étrangle peu-à-peu (S). Le célèbre physiologiste allemand a tort aussi relative- ment à la Truie. Sur elle, c'est toujours avant la rupture des vésicules de De Graaf que se forme l'hémorrhagie abondante qui donne naissance au caillot noir dont elles sont remplies au moment où elles s'ouvrent. Quelques médecins, persuadés à tort que les vésicules de (1) Bischoff. Du développement de l'Homme et des Mammifères. Paris, 1843. (2) Halier. Elem. physiol. corp. hum. Lausanne, 1778, tome vrii. (3) Atlas. PI. III , fig. 16. CINQUIÈME LOI. 185 De Graaf n'opéraient leur rupture que lorsqu'il y avait con- ception, prétendaient que l'on pouvait reconnaître le nombre d'enfants qu'avait eu une femme en comptant les cicatrices de ses ovaires. C'est un fait qu'il faut totalement rectifier. Murât (1) , qui avait un service médical dans un hospice de femmes, eut l'occasion de reconnaître que cela était impossible. En effet, deux raisons s'y opposent : la pre- mière , c'est qu'à toutes les époques des règles il se pro- duit des déchirures aux ovaires ; et la seconde, c'est que celles-ci n'offrent plus de traces après un certain temps, car leurs cicatrices s'effacent. A l'époque où , guidés par de simples vues théoriques, les physiologistes croyaient que les ovules n'étaient émis qu'après la fécondation, comme, soit sur des femmes, soit sur des animaux, on trouvait parfois des corps jaunes sans qu'il y ait eu reproduction , quelques savants préten- dirent que dans ces cas il n'y avait point eu émission d'o- vules , et qu'alors ces corpora lutea étaient différents de ceux qui donnent naissance à des œufs susceptibles d'être fécondés. Actuellement celte distinction, qui n'était qu'une subtilité d'école , ne peut plus exister. Depuis que par nos travaux l'ovulation spontanée a été démontrée, il ne doit plus être utile de signaler la futilité de la distinction des corps jaunes en vrais et en faux ; tous proviennent d'un phénomène identique ; tous ont émis des ovules avant de se présenter sous l'aspect qu'ils re- vêtent après cet acte. Et que l'ovule qu'ils ont produit soit ou non fécondé , qu'il se transforme ou non en embryon , (1) MuRAT. Diclionnaire des sciences médicales. Paris, 1814 , tome vi, page 204. 186 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. tous n'en ont pas moins la même forme et la même struc- ture. Dans Timpossibilité où ils se trouvaient d'expliquer l'ap- parition des corps jaunes sur les ovaires des filles vierges, les auteurs se sont livrés à différentes hypothèses. Bur- dach (1) suppose qu'une excitation extérieure et méca- nique suffit pour développer l'éréiisme indispensable à leur évolution. Blumenbach (2) a même fait remarquer que là plupart des exemples de corps jaunes cités sur des vierges, avaient été observés en Italie, pays où le climat donne aux femmes plus de tendance à se livrer aux jouissances vo- luptueuses. Toutes ces assertions n'ont plus besoin d'être réfutées. En parlant des Mammifères, Grimaud de Caux et Mar- tin-Saint-Ange (;3) disent que le détachement de l'œuf à l'ovaire est presque toujours, chez ces Vertébrés, le résul- tat de la fécondation, mais que pour l'espèce humaine sur- tout, il y a des cas où l'ovaire est provoqué à celte action par d'autres causes. Nous pensons tout différemment, puis- que nous posons en principe que , hors de rares cas anor- maux, jamais la fécondation n'est la cause efficiente de la chute de l'œuf chez la femme et les animaux , et que tou- jours l'ovaire est provoqué à cet acte par une action in- terne inhérente à la nature physiologique de l'organisme. Nous admettons bien que l'union sexuelle puisse hâter l'émission des œufs par l'excitation qu'elle produit , mais elle n'en est certainement pas la cause efficiente : c'est seu- (1) BuBDACE. Traité de physiologie. Paris, 1838, tome ii, p. 222, (2) Blumenbach. Kleine sc/irifien,Tp. 17. (3) Grimaud de Caux et Martin Saint-Ange, Histoire de la généra- tion de l'iîomme. CINQUIÈME LOI. 187 lement une simple conlraction organique ou une stimu- lation locale qui s'engendre alors et active une sécrétion normale que la nature élaborait paisiblement , et qu'elle travaillait elle-même à expulser lorsque des impressions extérieures ont suscité l'accomplissement de l'acte qu'elle méditait. Je ne puis terminer ces réflexions critiques sans men- tionner un fait qui a rapport à l'évolution de la vésicule germinaiive. J'avais publié, dès 1838, dans un journal scientifique (1), tout ce que l'on a lu plus haut relative- ment à ce phénomène, et des figures avaient accompagné mes observations. Quatre ans plus tard, Bischoff, dans ses recherches sur le développement de l'œuf du Lapin, cou- ronnées par l'Académie des sciences de Berlin (2), fit mention de deux granulations ou vésicules qu'il a vues apparaître à la surface du vitellus, durant les premiers moments de son évolution. Ce savant ajoute qu'il ne peut se dispenser de leur attribuer un rôle déterminé et im- fortant; et dans divers endroits de son oeuvre, il répète qu'on doit les considérer cotrime des produits de la vésicule ou de la taclie germinative (3). On voit donc que l'opinion de Bischoff se rapproche absolument de la mienne, mais que le premier j'avais reconnu l'existence des vésicules qui, dans le commence- ment de l'évolution de l'œuf, sortent du vitellus. J'ai eu l'occasion de vérifier ce qu'a avancé ce savant (1) PoucHET. Annales françaises et étrangères d'anatomie et de physio- logie. Paris, 1838, p. 253. (2) Bischoff. Entwickelungsgeschichtederkanincheneiesjprunsvf,^ 1842. (3) Bischoff. Histoire du développement de l'œuf du Lapin. Paris, 1843, p. 622, 623, et explication des planches, pi. 4. i88 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. physiologiste relativement aux œufs des Lapines. Sur ceux que l'on rencontre vers le milieu des trompes, j'ai reconnu en effet qu'il s'échappait une vésicule remarquable de la sphère vitelline, et qui bientôt se trouvait libre à la surface de ce corps. Je ne pense pas me tromper en annonçant que lorsque des observations seront faites dans cette di- rection, on s'apercevra que l'on a affaire à un phénomène général. J'ai tout lieu de croire que la molécule coagulée qui a été observée par Swammerdam (1) dans l'œuf des Grenouilles, et que le filament muni d'une tache vers son extrémité renflée, signalé et figuré par Laurent (2) sont aussi des débris de cette vésicule. La vésicule qui s'échappe ainsi du vitellus de l'œuf des Lapines et des Limnées, étant d'abord parfaitement sphé- rique et remplie de granulations disséminées ressemblant à celles qui forment la tache découverte par Wagner, il me paraît de plus en plus évident qu'elle ne peut être que la vésicule germinative elle-même, soit complète , soit seulement réduite à l'un de ses éléments. Je ne conçois pas comment il pourrait en être autrement, car assuré- ment ce n'est point une vésicule vitelline ordinaire; aussi dans le cas oii on voudrait contester l'origine que nous attribuons à cet organe , faudrait il commencer par le définir autrement. Il a un rôle important, à n'en pas dou- ter, puisque sa présence et les phénomènes qu'il présente se retrouvent dans des classes d'animaux sidiverses et peut- être dans toutes ! Serait-ce une nouvelle vésicule que nous (1) Swammerdam. ^/^. na^. Collection acad. Dijon, 1758, tome v, p. 566. (2) Laurent. Recherches sur les œufs et le développement des Limaces et autres Mollusques. Ann. franc, et ètrang. d'anatomie. Paris, 1888, p. 146, pi. Ht, fig. 1. CINQUIÈME LOI. 189 aurions décoiiverle? Je ne le pense pas, et je le répèle, il est probable que c'est simplement la vésicule gerir.inative intacte ou un peu changée d'aspect par le développewient, et qui, lorsque son rôle est fini, s'échappe du vitellus. Outre celte vésicule libre et volumineuse, à laquelle Bischoff, selon moi , a eu tort de donner le nom de gra- nulation, on rencontre parfois, mais pas constamment, soit dans l'œuf des Limnées, soit dans celui des Lapines, ' comme je l'ai également reconnu, un autre corps moins volumineux et qui s'offre sous des apparences assez di- I verses. Tantôt ce corps, que j'ai surtout étudié ailentive- I ment sur les Limnées, est formé par une vésicule parfaite- ment sphérique, et dont le diamètre est souvent loin d'être aussi considérable que celui de l'organe que nous considé- rons comme représentant la vésicule germinative ; tantôt on ne rencontre avec ce dernier qu'une sorte de flocon membraneux, d'apparence plus ou moins globuleuse. Enfin, ! dans d'autres cas, après l'évolution de la vésicule fonda- ' mentale, on aperçoit à la surface du vitellus, entre les lèvres de l'ouverture par laquelle elle est sortie, une autre vési- cule qui se présente et qui semble plus ou moins faire saillie. Dans le premier cas, la petite vésicule qui accompagne celle que l'on doit regarder comme la principale et qui si souvent est unique, ne pourrait-elle pas être une vésicule vitelline entraînée par cette dernière durant son trajet, ou expulsée par la contraction qu'éprouve le vitellus , au moment où l'ouverture par laquelle elle sort est encore béante? Les débris membraneux observés dans d'autres j drconstances ne pourraient-ils pas représenter l'une des tuniques de la vésicule germinative, ou bien quelques lam- beaux de la membrane vitelline ou de cellules déchirées 190 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. que la vésicule fondamentale a entraînés avec elle? Ce sont là d'intéressants problèmes dont la solution se fera proba- blement encore longtemps attendre. Du reste, il n'y a peut-être pas deux vésicules aussi fré- quemment qu'on pourrait le croire. L'évolution de la vési- cule principale est un phénomène constant, celle de la vé- sicule accessoire ne l'est pas. Dans beaucoup de cas, sur les Limnées , on reconnaît que cette dernière commence seulement à se montrer , mais qu'elle cesse bientôt de s'avancer et reste en partie dans l'orifice , dont les lèvres sont écartées. C'est à tort que l'on croit alors rencontrer deux vésicules libres ; une seule l'est en effet, et c'est celle que je considère comme représentant la vésicule de Pur- kinje, modifiée soit par l'action physiologique qui en solli- cite l'expulsion, soit par son contact avec l'albumen. Quoi qu'il en soit , ce qu'il y a de certain , d'après mes observations sur les Limnées et les Lapines, c'est que, chez ces animaux, et probablement chez tous les autres aussi , le phénomène de l'évolution de celte vésicule , qui est fort important, marque une nouvelle phase du dévelop- pement de l'œuf : cette phase , c'est la segmentation du jaune. En effet, sur les animaux que nous venons de citer, c'est immédiatement après que la vésicule se trouve sépa- rée du vitellus que l'on commence à apercevoir les pre- mières apparences de la division de ce corps. Celui-ci se partage d'abord en deux segments, puis en quatre, puis successivement en un nombre de divisions qui augmentent à mesure que l'œuf s'éloigne du moment de sa chute de l'ovaire ; phénomène important, dont certains savants pré- tendent qu'on doit la découverte à quelques physiologistes de notre époque , mais qui avait déjà été mentionné par r.INQUIÈME LOI. 191 Swammerdam (1) dans sa Bible de la iiature , où il se trouve même figuré, et qui lo fut également par Spallan- zani (2) dans ses ouvrages sur la génération. Quoi qu'il en soit , cette remarquable phase du développement de l'em- bryon ayant été oubliée, elle se trouva de nouveau signalée à l'attention du monde savant pai- Prévost et Dumas (3) dans leurs travaux sur la reproduction des Batraciens , et bientôt après elle fut tour-à-lour décrite et souvent avec beaucoup de soin, par un grand nombre d'observateurs sur les animaux de presque toutes les classes. Ce phénomène a été pariiculièrement étudié par Rusconi (^), DeBaër (5), Baumga3rtner(6),Reichert (7),Bergmann (8),Vogt (9), J. MuUer (10) et Bischoff (11) sur certains animaux vertébrés. Il a aussi été reconnu chez les Articulés, les Mollusques et même les Zoophytes. Parmi ces diverses sections de la sé- rie zoologique, on le vit successivement signalé par Herold (1) Swammerdam. Bib. nat. Collection académique. Dijon, 1758, p. 566, pi. xxxr, fig. V. (2) SrALLANZANi, Expérienccs poui' servir à l'histoire de la génération. Pavie, 1787, tome m, p. 36, pi. ii, fig. xi. (3) Prévost et Dubias. Annales des sciences naturelles, tome n, p. 129. (4) E.USC0NI. Développement de la Grenouille commune. Milan, 1826. (6) De Baer. Muller's archives , ï^^l* , p. 481. (6) Baumg^rtner. Beohachtungen ueber die nerven und das blut, Fri- bourg, 1830, p, 23. (7) Reichert. Muller's archives, 1841, p. S23. (8) Bergmann. Muller's archives, 18H, p. 89, 1842, p. 92. (9) VoGT. Embryologie des Salmones. Neufcliâtel, 1842, p, 31, pi. 5, fig. 101 à 106, (10) J. MuLLER. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p. 640. (11) Bischoff. Encyclopédie anatomique. Paris, 1843, tome viii, p. 609. 192 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sur les Araignées (1) ; par Raihke chez les Écrevisses (2) ; par Carus et Quatrefages sur les Anodonles (3) ; par Du- morlier el nous sur les Limnées (/i) ; par Van Beneden et Windischmann sur des Aplysies (5) ; par Siebold et Ehren- berg chez les Méduses (6); par Quekett (7), Mayer (8), et surtout Bagge (9) et R. Ovven sur plusieurs Ento- zoaires (10); par Eowen (11) et enQn par Ehrenberg (12) et Owen (13) sur les œufs de quelques Infusoires. Lorsque la segmentation s'est opérée et que la masse vitelline se remplit de cellules, apparaît un phénomène physiologique d'un autre ordre : l'embryon, dont les pre- miers linéaments sont alors formés, semble s'ébranler peu- à-peu et difficilement; puis, lorsqu'il s'est enfin totale- (1) Herold. Untersuchungen ueber die Entwickelungsgeschichte der wirbellosen Thiere im Eie, p, 1 et 2, (2) Rathke. Untersuchungen ueber die Bildun g und Entwickelung des Flusskrebses. Leipsig, 1829. (3) Carus. Neue Untersuchungen ueber die Entwickelungsgeschichte un^ serer Flussmuschel. Leipzig, 1832, lab. 1 , fig. 1. — De Quatrefages. An- nales des sciences naturelles, tome v, p. 323, (4) DuMORTiER. Mémoire sur l'erabiyogénie des Mollusques gastéro- podes. Bruxelles, 1837. — Pouchet, Annales françaises et étrangères d'ana- tomie et de physiologie. Piiris, 1838, p. 234, pi. 7 bis, fig'. 1. (5) Van Beneden et Windischmann. Etudes embryolog, Bruxelles, 1841. (6) Siebold. Neueste Sclirijten der naiurforsch^ 1839, tab. 1, fig, 1 à 13. —Ehrenberg, Jbliandlungen derakad. zu Berlin, 1835, lab. vu. f. 11-13. (7j Quekett. Trans. of the microscop, Society. London, vol. 1, p. 44. (8) Mayer. Beitrœge zur anatomie der Entozoen. Bonn, 1841. (9) Bagge. Dissert, de evolutione slrong. auricul. Erlangue, 1841. (10) R, Owen. Hunterian lectures. London, 1840, p, 77. (11) Low£N. Dans Wiegmann, archives, tomeiir, p. 260, (12) Ehrenberg, Organisation, systemaiik , und geographisches ferr hœllniss der infusionsthierclien. Berlin, 1830. (13) R. Owen. Lectures on comparative anatomy. London, IB^B, p. 24. M CINQUIÈME LOI. 198 ment déiaché de l'albumen qui l'environne, on le voit s'ani- mer d'un mouvement de rotation d'abord très-lent et uni- forme, mais qui devient ensuite plus ou moins rapide et irrégulier. Ce mouvement rolatoire fut d'abord découvert par Leu- wenhoeck sur des œufs de Mulette, qu'il représenta déjà d'une manière fort remarquable dans ses oeuvres (1) , et il devint ensuite l'objet des recherches de Swammerdam , qui le reconnut sur ceux des Limnées (2), probablement du Lhnneus stagnalis, et non point, comme on l'a prétendu à tort , chez les Paludines. Mais après ces deux savants , personne ne parut plus s'en occuper, et ce ne fut que lors- qu'un long espace de temps se trouva écoulé, que, de nou- veau, ce singulier phénomène devint l'objet de l'attention des naturalistes. Alors ceux-ci en signalèrent tour-à-tour l'existence à l'égard d'un grand nombre d'animaux appar- tenant surtout à la classe des Mollusques, Stiebel (3) , Carus (4) et Dumortier (5) le revirent sur diverses espèces de Limnées ; Laurent (6) l'observa chez les Limaces ; Home et Bauer (7), puis Carus (8) et R. Owen (9), véri- (1) LtuwENHOECK.. Cotiti/iuatio ai'canoruni naturœ detectorum. Leyde, 1697, p. 27, tab. fig. 4, a, b, c, d, e. (2) SwAMM£RUAM. BibUanaturœ.Co\\ec\, acad. Dijou, 17S8, t. V, p.105. (3j STitBEL. Limnai stagnalis anatomia. Gœttingue, 1815. (4) Carus. T'en den aussern Lebeiishedingungen , 1824, p. 60. Anatomie comparée. Paris, 1835, tome ir, p. 45. (5) Dumortier. Mémoire sur l'embryogénie des Mollusques gastéro- podes, Bruxelles, 1837. (6) Laurent. Annales françaises el étrangères d'anatomie et de physio- logie. Paris, 1838, p. 140. (l) Home et Bauer. PJiilosophical transactions, Londres, 1827, p. 39. (8) Carls. Ace. act. iiat. cur.^ tome xvr, p. 27, tome xvii, p. 88. (,9) R. OwKN, Lectures on comparative anatomv, T.ondon, 1843, p. 2^'9. %9h THÉORIE DE LA FÉCONDATION. fièrent les assertions de Leuwenhoeck , en reconnaissani aussi cette rotation sur plusieurs Mulettes ; Jacquemin (1) l'observa dans des Planorbes j Sars (2) sur des Éolidines , des Tritonies et des Doris ; R. Owen (3) chez les Aply- sies; Mayer (4) et Dujardin (5) sur les Distomes ; Eh- renberg (6) et Siebold (7) sur des Méduses ; et enfin Qrant (8) sur des Flustres et quelques autres Polypiers. Déjà un assez grand nombre de savants ont constaté que le phénomène de la rotation embryonnaire se ma- nifestait aussi dans les œufs de certains animaux verté- bies. Swammerdam (9) le découvrit sur ceux des Gre- nouilles. Depuis lors divers physiologistes en expérimentant soit sur ces animaux , soit sur quelques espèces voisines, eurent l'occasion d'apprécier l'exactitude de ce fait ; tels furent surtout Spallanzani (10), Steinheim (11), Purkinje et Valentin (12), Vogt(13) etBischoff (14). Ce phénomène a (î) jACQtJEMiw. Isis, 1834, p. 540. (2) Sars. Bericht ueber die versammltmg in Prag,^ 1837, p. 187. (3) R. Ow£N. Lectures on comparative anatomj, London, 1843, p. 311. (4; Mayer. Beilrœge zur anatoinie der Eniozoen. Bonn, 1841. (5) Dujardin. Annales des Sciences naturelles, tome viii, p. 304. \i) Ehrenberg. Abhandlungen der Akad, de Berlin^ 1835. (■/) Siebold. Neueste Schriflen der naturforschcnden Gesellschaft in Danzig, tome m, p. 24. (8) Grant. Edinb, philos, journal, 1827, p. 317, eX Fdinb, journ. of scieucr, 1828, p. 104. (9) Swammerdam. Bib. nat. Collect, Acad. Dijon, 1758, p. 566. (10) SrALLANZANi, Expériences pour servir à l'histoire de la génération. Pavie, 1787, tome m, p. 65. (11) Steinheim. Die Entwickelung der Frœsche. Hambourg, 1820, p. 12. (12; Purkinje et Yalentin. De motu mbratorîo, p. 53. (13) VoGT. Vittersuchiingen ueber die Entmchelungsgeschichle der gf- burtshelfer Krœte^ 1812, p. 61 . (14) BiscHOFF, Encyclopédie anatomique. Paris, 1843, tome viii, p. 601. CINQUIÈME LOI. 195 aussi élé observé sur plusieurs Poissons par Rusconi et Ca- volini } le premier l'a reconnu sur les Brochets, et le second sur une espèce d'Alhérine (1), mais cependant il ne paraît pas général parmi les animaux de celle classe, car Vogl (2), auquel on doit des recherches fort exactes sur le dévelop- pement des Salmones , assure qu'il n'existe point sur le yitellus de ceux-ci. Enfin Bischoff (3) prétend même l'avoir reconnu sur l'œuf d'un Mammifère , celui de la Lapine. Pour moi , dans mes recherches embryologiques sur les êtres de cette classe, je n'ai encore jamais observé ce mouvement si apparent ce- pendant sur ceux de plusieurs autres. Quoi qu'il en soit , le mouvement rotatoire de l'embryon constitue un phénomène qui doit avoir une haute impor- tance, puisqu'on le rencontre chez tant d'animaux d'une organisation si différente ; aussi les physiologistes ont-ils du s'appliquer à en rechercher la cause. Presque tous, avec Purkinje et Valentin (^) , ainsi qu'avec Laurent (5) et Bischoff (6) , qui ont adopté leur opinion , le consi- dèrent comme étant produit par des cils qui se déve- loppent à une certaine époque à la surface du vitellus. Sur diverses espèces de Limnées , j'ai parfaitement re- connu l'existence de ces cils vibratiles et le mécanisme à (1) Cavoliki. Sulla generazione deipeschi ciel granchi. Naples, 1787. (2) YoGT. Embryologie des Salmones. Neufohatei, 1842, p. 32. (3) Bischoff. Encyclopédie anatotnique, tome viii. Histoire du déve- loppement de l'œuf du Lapin, Paris, 1843, p. 603. (4) PuRKiHJE et Valentin. De motu 'vibratorio, p. S3. (5) Lauremt. Faiis pour servir à l'histoire du développement des ani- maux. Annal, d'anat., 1838, p. 133. (6) Bischoff. Développement de l'Homme et des Mammifères. Paris, 1843, p. 601. ?3. 196 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. l'aide duquel ils mènent le jaune en mouvement. Ce sont évidemment eux seuls qui produisent l'impulsion rotatoire régulière que l'on voit d'abord se manifester. Mais à cer- taine époque, à ces mouvements lents et uniformes se Joi- gnent des secousses brusques, pendant lesquelles l'embryon de ces Mollusques paraît parfois exécuter des culbutes; celles-ci semblent dues à une autre cause, et, selon moi, elles sont essentiellement déterminées par le recul que fait subir à l'animal une certaine quantité du fluide albumineux qu'il a introduit dans sa cavité pulmonaire et que de temps à autre il en expulse. Enfin , vers les derniers temps du sé- jour des jeunes Limnées sous leur coque , réellement , ces Mollusques exécutent déjà unesorle de mouvement de rep- tation à la surface interne de celle-ci. Les embryons de quelques autres Mollusques, comme Laurent l'a reconnu sur les Limaces (1) , possèdent même une rame caudale, ou espèce d'appareil de locomotion tem- poraire à l'aide duquel ils se meuvent sous leur coque. Mais ici il faut s'arrêter , car déjà depuis longtemps nous nous trouvons dans l'histoire du développement des animaux, objet que nous ne nous sommes nullement proposé de traiter dans cet écrit uniquement consacré à ce qui concerne la fécondation des Mammifères et de l'espèce hii-i maine. Cependant, pour compléter ces remarques critiques, nous devons revenir sur le fait annoncé par Barry. Ce physiolo- giste, qui a rendu d'importants services à l'ovologie, avait' prétendu, ainsi qu'on l'a déjà mentionné, que la membrane! vilelline, avant la fécondation, présentait une solution de (1) Laurent, Recherrlies sur \a zongénie. An», d'anat. Paris. ISîS,! p. 323. CINQUIÈME LOI. 197 continuité ou fente ayant un rôle important dans l'accom- plissement de cet acte. Il assurait en outre que dans une circonstance il avait cru voir, cinq heures et demie après la copulation, un spernialozoaire s'insinuant dans ce per- mis (1). Malgré les vives critiques qui l'ont accueillie, l'assertion de Bariy nie semble digne d'être prise en considération. Pour le permis,- il existe; on le voit facilement sur les Lim- nées, soit un peu avant que la vésicule dont nous avons parlé apparaisse au-dehors, soit après que celte vésicule est sortie du vitellus. La place qu'il occupe est transparente , tandis que ses environs sont opaques. Sur l'ovule des Lapines, je n'ai pas encore pu, il est vrai, apercevoir cette fente, mais il faut bien aussi qu'elle existe. Comment, quand on voit par le fait normal du développement, surgir dans chaque œuf une ou deux vésicules qui ne peuvent être expulsées que par le vitellus, ne pas admettre aussi à priori que, pour opérer cet acte , il faut nécessairement que celui-ci possède une solu- tion de continuité plus ou moins apparente à sa surface! Je l'admettrais quand bien même je ne l'aurais pas vue^ car je ne pourrais supposer que cette vésicule déchirât constam- ment la membrane vitelline pour s'échapper de dessous cette enveloppe. Cette ouverture se irouve sans doute à l'extrémité du canal, si manifeste sur certains œufs, qui se rend du centre du vitellus à un point de sa périphérie. L'ouvermre dont il est question, jedois le dire, est assez difficile à apercevoir, parce que le vitellus formant souvent une masse assez opaque, il faut pour la découvrir qu'elle se trouve, par hasard, disposée favorablement à cet effet; et [1) Barry. Pliîlosophical transactions, 1840, p. 'oki. 198 THÉORIE DE LA FÉCONDATION parmi le nombre immense d'aspects sous lesquels la sphère vitelUne peut se présenter, il est rare qu'elle s'offre sous celui qui est indispensable à cette observation. Cependant, sur les Limnées , je l'ai vue un bon nombre de fois ; aussi , pour moi, son existence ne peut être douteuse. Pour ce qui concerne les zoospermes, que déjà avant Barry plusieurs micrographes avaient vu s'enfoncer dans l'œuf, je ne puis traiter la question avec autant d'assurance, n'ayant aucune observation à cet égard. J'ajouterai seule- ment que l'assertion de ce physiologiste, qui présentera tou- jours tant d'insurmontables difficultés pour être exactement démontrée, semble tout-à-fait rationnelle. Je sais que la pré- sence des enveloppes qui protègent le vitellus de certains animaux peut être considérée comme un grand obstacle à cette intromission zoospermique; mais cependant lorsque je compulse les beaux travaux d'Ad. Brongniart ( 1 ) , sur la fécondation des plantes , en considérant le trajet remarquable que les Phylospermes font à travers le tissu cellulaire conducteur du style, pour se rendre aux ovules, il ne me semble peut-être pas impossible que le zoosperme découvre quelque pertuis dans les tuniques de l'œuf, qui lui permette d'arriver jusqu'au vitellus et de s'enfoncer dans sa masse ! Dans ce chapitre où nous pensons avoir envisagé la question sous toutes ses faces et dans tous ses rapports, pour ne rien perdre des avantages que peut nous donner la discussion des faits , nous devons aussi revenir sur les vues de Haller relativement à la présence des corps jaunes i chez les animaux qui n'ont point subi d'accouplement. Cet i (1) Ad. Brongniart. Recherches sur la génération des végétaux. CINQUIÈME LOI. 199 illustre physiologiste, comme nous l'avons dit, a professé qu'on n'en rencontrait jamais chez eux; et l'ascendant de sa parole a fait que beaucoup de savants ont adopté sans examen celte opinion , que nous combattons cependant aujourd'hui de toutes nos forces et non sans avantage , nous l'espérons. Relativement à ce sujet, les assertions de Haller ne peu- vent être considérées comme ayant ce cachet d'exactitude que l'on rencontre dans tous ses travaux. Cet illustre phy- siologiste était tellement dominé par l'idée que les corps jaunes sont une trace indubitable d'une conception anté- rieure, et il en était si profondément convaincu qu'il avoue lui-même que lorsqu'on lui vendait des animaux en pro- testant qu'ils n'avaient jamais conçu, quand il rencontrait sur eux des corps jaunes, il donnait un démenti formel à ses marchands (1). On conviendra qu'avec un procédé sem- blable le savant de Berne ne pouvait éviter l'erreur dans laquelle il est tombé et qu'il s'obstinait si étrangement à ne point voir. On conviendra aussi que relativement à cet objet ses assertions sont conséquemment dénuées de toute valeur. (1) HiLLER. Elementa physîologiœ eorporis humani. Lausanne, 1778, tome vin, p. 83. Vr LOI FONDAMENTALE. DANS TOUS LES ANIMAUX, LES OVULES SONT EMIS A DES EPOQUES DÉTERMINÉES, EN RAPPORT AVEC LA SUREXCITATION PERIODIQUE DES ORGANES GÉNITAUX. Exposition. En suivant aiteniivemenl les diverses pha- ses de la vie des animaux, on s'aperçoit que lorsqu'ils ont acquis un certain âge, qui est ordinairement celui où le développement touche à son terme ou même est déjà com- plet, il se manifeste dans l'appareil génital des femelles une surexcitation particulière à la suite de laquelle les ovaires se gonflent, mûrissent leurs ovules, et enfin les expulsent de leur sein par des procédés variés. Tantôt celte turgescence n'apparaît qu'une seule fois dans la vie ; tantôt elle se répète périodiquement et de- vient annuelle ou mensuelle; parfois même on la voit se reproduire encore plus fréquemment. L'orgasme qu'éprouve l'appareil génital semble préluder à la maturation de l'ovule, et celle-ci ne paraît arriver à son terme qu'au moment où il cesse. On remarque en effet que c'est vers la tin de cette exci- tation temporaire que les ovules parvenus au degré de puissance indiqué par la nature, se détachent de l'organe qui les sécrète et s'acheminent vers l'extérieur. (SIXIÈME LOI. 201 Si, durant sou cours les sexes ne sont point mis en rap- port, les œufs, après voir parcouru le canal vecteur, tom- bent à l'extérieur et s'altèrent plus ou moins rapidement. Si, au contraire, ils se trouvent fécondés, soit en traver- sant l'appareil génital, soit après qu'ils l'ont franchi, ils se développent à l'intérieur de la mère ou plus ou moins loin de celle-ci, et l'on voit apparaître des embryons. Preuves directes. Dans toute la série zoologique, lors- que l'organisme est parvenu au summum de son dévelop- pement ou qu'il est tout près de l'atteindre, il se manifeste au sein des organes sexuels des phénomènes plus ou moins apparents, qui révèlent que sous l'empire d'une excitation profonde, il s'accomplit dans leur intérieur quelque fonc- tion essentielle, importante. En effet, bientôt après l'appa- rition de ces indices révélateurs, on reconnaît que l'ovaire s'accroît, et que les ovules qui s'y trouvaient depuis long- temps dans un état latent et n'offraient que des dimensions extrêmement minimes, subissent alors un accroissement rapide. Puis un certain temps après, lorsqu'ils possèdent le degré d'organisation convenable pour l'efficacité de l'impré- gnation , les œufs , par l'effet du travail intestin que subit l'organe germifère, sont expulsés hors de son sein et s'ache- minent vers l'extérieur entraînés par des forces diverses. Cette puissante impulsion organique semble avoir son point de départ dans l'appareil génital dont elle vivifie toutes les parties , puis elle réagit sur l'ensemble de l'in- dividu et déteimiae d'importantes modifications dans sa manière d'être. Tantôt elle ne se manifeste qu'une seule fois durant l'existence, et l'animal subitement épuisé par cette concentration de toutes les forces vitales, meurt bien- tôt après avoir produit ses œufs : c'est ce qui s'observe sur la plupart des Insectes. Les êtres d'une organisation plus 5Ôi THÉORIE DE LA FÉCONDATION. robuste résistent à cet acte, et on le voit, durant toute la période moyenne de leur vie, se reproduire annuellement. La plupart des Poissons, des Reptiles, des Amphibiens, des Oiseaux et des Mammifères sont dans ce cas. Parmi les deux dernières classes on voit même souvent lè phénomène que nous décrivons se répéter plus fréquem- ment encore. Chez les animaux qu'elles contiennent, aux époques fixées par la natui'e, et qui se trouvent ordinaire- ment déterminées par l'influence des saisons, les ovaires se gonflent et se remplissent d'œufs qui sont expulsés aus- sitôt qu'ils ont acquis leur maturité. Il existe sur ces êtres une espèce de crue périodique, comme le dit Geoffroy Saint- Hilaire (j), pendant laquelle le sang afflue constamment vers les ovaires et y excite un mouvement expansif. Sur les espèces domestiques, l'influence de la nourriture, de l'abri et des soins augmente la faculté procréatrice et détermine de plus fréquents retours de turgescence danà les Ovaires, ce qui explique facilement la continuité que l'on croit observer dans la faculté d'engendrer qu'offrent certains Oiseaux ou Mammifères domestiques; continuité qui n'est qu'une illusion, car chez eux, comme chez l'es- pèce humaine, les ovaires éprouvent une véritable iutef^ mitténce dans l'émission de leur sécrétion ou de leui^ œufs ; mais seulement cette intermittence a été méconnue par les observateurs, parce que ses périodes sont deventiêS beaucoup plus rapprochées. Sur la femme l'excitation sexuelle Ou l'émission des ovules est mensuelle. Là surexcitation qu'éprouve l'ensemble de l'appareil gé- nital à l'époque où sa fonction s'accomplit, modifie assuré- (1) Geoffroï Saiht-Hilaire. Philosophie anatotaique, Paris, 1832, p. 33. SIXIÈME LOI. 2ÔÎ ment toutes ses régions. Mais sur les animaux qui, comme la plupart des invertébrés, sont extrêmement petits, elle ne se décèle à l'extérieur par aucun signe particulier, et ce n'est qu'en scrutant les organes profonds qu'on reconnaît la turgescence des ovaires alors remplis d'œufs qui vont être pondus prochainement. Au contraire, sur les animaux ver- tébrés, des indices extérieurs viennent souvent révéler l'importance de l'acte physiologique qui s'opère alors et semble réagir sur la presque totalité de l'organisme. Cela s'observe déjà d'une façon apparente sur les Poissons. Guer- àant(l) dit qu'à l'époque de la ponte, l'orifice de leur appareil sexuel se gonfle, se tuméfie et revêt une teinte rouge. Les savants qui, à l'exemple de Spangenberg (2), se sont occupés de l'étude des organes génitaux des Oiseaux , ont reconnu qu'ils éprouvent aussi au temps de la ponte une manifeste surexcitation. Mais c'est surtout chez les Mammifères que l'époque de l'ovulation spontanée est marquée par de plus importantes modifications organiques. Sur quelques-uns l'excitation des diverses régions de l'appareil génital est même telle qu'elle semble atteindre le degré d'ime véritable inflammation, et non-seulement elle affecte les divers organes fondamen- taux qui entrent en exercice durant cette fonction, mais en outre elle se propage dans leurs environs. Sur beaucoup de ces animaux cette crise se manifeste à l'extérieur par un gonflement et une rougeur très-sensibles, et il en est même quelques-uns sur lesquels celle-ci après avoir en- vahi la vulve, s'étend de proche en proche à son pourtour, à l'orifice de l'anus et même aux fesses où elle détermine (1) Gtjersant. Dict, des sciences médicales. Paris, 1816, tbmexvi, p.Sb4. (2) Spangenberg. DisquUît, circa part, genit. femineas avium, p. 37. 204 THÉORIE I)E LA FECONDATION. d'énormes luméfaclious. Les ouvrages de tous les savants dans lesquels il est question de la reproduction des Mam- mifères , et tels sont principalement ceux d'Aristote (1), d'Aldrovande (2) , de Linné (3) , Buffon (4) , Schreber (5), Blumenbach (6), Audebert(7), G. Cuvier (8), F. Cuvier(9), E. Geoffroy Saint-Hilaire (10), Breschet (11) et d'Isid. Geoffroy Saint-Hilaire (12) , font mention de ces diverses particularités qui parfois même se trouvent accompagnées d'une émission sanguine plus ou moins considérable ; émis- sion qui, ainsi que nous le verrons plus loin, correspond toujours au même phénomène, soit qu'il y ait ou non une tendance excessive d'un sexe vers l'autre (13). Dans toute la série zoologique, quel que soit l'aspect sous lequel apparaît cette surexcitation physiologique des organes génitaux, elle se termine constamment par l'expul- sion des œufs qui en est en quelque sorte la crise fonda- it) Aristote. Histoire des animaux. Tradiict. de Camus. Paris, 1783» p. 377. (2) Ai-imovANDE. De qiiadrupedibus hisulcis. Bonon. 1642. (3) LiKNÉ. Sjstema natiirœ. Lugdini, 1789. (4) BuFroN. Histoire générale et parliculièrc. Paris, an XI. (3) Schreber. Histoire naturelle des Quadrupèdes. Trad. deîsenflamm. Erlang, 1773. (6j Blumenbach. Manuel d'histoire naturelle. Metz, 1803. (7) AuDEBKRT. Histoire naturelle des Singes et des Makis. Paris, 1800. (8) G. ('uviER. Règne animal. Paris, 1829, tome i, p. 95. (9) F. CtiviER et Geoffroy Saint-Hilmre. Histoire naturelle des Mammifères. Paris, 1824. (10) E. Geoffroy Smut-Hiiaîre. Cours sur l'histoire naturelle des Mam- mifères. Paris, 1829. (H) Breschet. Reclierclies sur la gestation des Quadrumanes. Paris, 1845. (12) I. Geoffroy Saiwt-Hilaire. Dict. classique d'hist. natur. l'aris, 1824, tome v,p. 256. (13) Voyez la VHl^ loi, SIXIÈME 1,01. 205 mentale. Aussi, sur tous les animaux, c'est lorsque les phc*- iiomènes extérieurs s'affaiblissent et disparaissent qu'on voit les ovules se détacher de l'organe qui les produit et s'a- cheminer au-dehors. Il résulte delà que chez les Mammi- fères seulement, c'est à l'expiralion de cette période qu'on les rencontre s'échappant du follicule de De Graaf dont ils franchissent la déchirure, ou qu'on les découvre vers l'en- irée du canal vecteur. Los corrélations existant entre l'excitation physiolo- gique périodique des ovaires et celle du reste de l'appareil génital, deviennent évidentes à l'aide des plus faciles obser- vations sur les Mammifères femelles qui ont subi la castra- tion. Haller (1) assure même que les Truies auxquelles cette opération a été pratiquée, n'entrent plus en chaleur et ne paraissent plus éprouver le besoin des approches du niàlo. Preuves rationnelles. Aucun savant, je pense, n'ose- rail aujourd'hui contester que dans les animaux invertébrés, dans les Poissons, les Batraciens, les Reptiles et les Oiseaux, les œufs sont élaborés à des époques fixes; le phénomène est trop évident pour qu'il soit possible de le nier. Chez les Mammifères, quoiqu'on ne connût pas encore avec précision la fonction des ovaires, on considérait aussi comme évident que la procréation ne se produisait qu'à des époques déterminées, et les naturalistes ont même indiqué celles qui sont propres aux espèces dont les mœurs nous sont plus connues. Relativement à ces dernières et aux Oiseaux, on remar- qua cependant que l'émission du produit de la fécondation ;i) Hai.i.er. E/entenla phrsialooiti'.hniMfl.nnp, "1778; toma vi; 20$ THÉORIE DE LA FÉCONDATION. pouvait se répéter beaucoup plus fréquemment lorsqu'ils se trouvaient dans l'état de domesticité ; mais il ne faut pas inférer de là qu'il y ait continuité d'action dans les ovaires. Certainement les influences du régime et de l'abri que ces animaux trouvent dans nos demeures peuvent déterminer les Poules à émettre des œufs presque tous les jours, et certains Mammifères à offrir des portées beaucoup plus multipliées que durant le cours de la vie sauvage ; mais ce ne sont là que des aberrations qui permettent à l'ovaire de fonctionner plus longuement ou de répéter son action un plus grand nombre de fois dans un espace de temps donné. La meilleure Poule se repose pendant les temps fi'oids.Les Mammifères domestiques que l'on soumet à l'accouplement l'endurent souvent inutilement, parce que, quoique chez eux les phénomènes du rut se reproduisent plus fréquem- ment que sur ceux qui vivent librement, comme faute d'une observation attentive, on n'a pas saisi le moment où ils ont lieu, on s'est imaginé à tort que toutes les époques étaient bonnes pour opérer le rapprochement. C'est ce principe qui, ayant été inconsidérément répandu dans les campagnes, est la cause que des fermiers inhabiles font saillir si souvent en vain leurs races domestiques. La seule différence qu'il y a donc entre la production des œufs chez les Mammifères domestiques et dans ceux qui sont sauvages , c'est que sur les premiers ils se forment et ^ sont émis à des époques plus rapprochées. Mais, je dois le redire, il n'en existe pas moins chez eux une intermit- tence marquée dans l'émission du produit des ovaires, et cet acte n'en est pas moins aussi caractérisé par une pé- riode de rut ; seulement celle-ci semble perdre de son inten- sité à mesure qu'elle se répète annuellement plus souvent, et en raison directe de sa fréquence. SIXIÈME LOI. 107 Buffon fait remarqucr(l) que les Lapines peuvent,en quel- que sorte, se reproduire en loui lemps ; mais cela indique ijjfflplçinent que chez celles-ci les périodes du rul , c'esl-à- ^ire les niomenis où se fait l'émission des ovules, se répètent îrèfi-fréquemment. Car on sait fort bien que (;cs animaux ne s'accouplent pas dans toutes les saisons, et qu'en vain on essaierait de les unir lorsqu'ils ne se trouvent point dans l'une des époques assignées par 1;^ nature. Si l'observation nous démontre que les œufs sont incon- iestal)lement produits à des époques fixes dans tous les Opimaux invertébrés et vertébrés , puisque chez eux de nouvelles générations apparaissent constamment après des périodes régulières et invariables ; si, dis-je, cela est admis pour toute la série zoologique, et qu'on ne puisse le contes- ter même à l'égard des Mammifères à l'état sauvage, il de- vient évident que l'aberration que l'on observe sur ceux de ces derniers qui vivent dans nos demeures, ne provient que de la nouvelle condition dans laquelle ils se trouvent; car une observation attentive nous démontre que chez eux il y a également des phases d'excitation , et que c'est durant celles-ci seulement que les ovules sont produits et que la fécondation est possible. La condition de l'espèce humaine rentre tout-à-fait dans cette dernière catégorie, et si les périodes où la reproduc- tion est possible sont très- fréquentes chez la femme, cela tient manifestement aux douceurs de la vie sociale. Mais cependant on peut aussi suivre sur elle la trace de ces pé- riodes intermittentes , et en déterminer l'époque avec pré- cision, comme on le fait à l'égard de toute la série zoolo- gique. (1) Buffon. Histoire naturelle générale et particulière j, tome tii^ p. 128. §08 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Ainsi donc, comme c'est un fait acquis que, dans tous les animaux à l'état sauvage, les œufs sont émis à des époques déterminées et en rapport avec la surexcitation périodique des organes sexuels, on ne peut se refuser à admettre la même loi pour les Mammifères domestiques et l'espèce hii-r maine. La raison l'indique, l'observation y contraint. Partie critique. Peu de temps après la publication de nos travaux sur l'ovulation spontanée (1) , la plupart des physiologistes ont accepté immédiatement les principes que nous avions développés ; ainsi est devenu clair , positif, un sujet naguère obscur et dans lequel chacun ne s'avançait qu'en hésitant. ' On voit déjà Courty (2) proclamer, sans restriction, que c'est à l'époque du rut que s'accomplit périodiquement l'é- mission de l'œuf chez les femelles des Mammifères. «Chez les femmes bien réglées , dit-il , c'est à l'époque de la menstruation ». Quoique nous soyons d'accord avec ce mé- decin sur le fond de la question, selon nous, cependant, ce n'est pas au moment même de la menstruation que les ovu- les s'échappent de leur follicule, mais immédiatement après. La période d'excitation calaméniaie révèle les phénomènes intimes qui président à leur détachement, mais ce n'est que | vers leur déclin qu'il a lieu. Nous avons reconnu aussi qu'à l'égard des Mammifères , ce n'était que vers la fin du rut que s'ouvraient les vésicules de De Graaf et que l'œuf tom- bait. C'est une loi générale. (i) PoLCHtT. Théorie positive de la fécondalion des Mammifères. Paiis, 1842. (2) Courty. De l'œuf eî de son développement dans l'espèce humaine. Morilpellier, 1843, p. 66. Vir LOI FONDAMENTALE. DANS L ESPECE HUMAINE ET LES MAMMIFERES, LA FECONDATION n'a JAMAIS LIEU QUE LORSQUE l'ÉMISSION DES OVULES COÏNCIDE AVEC LA PRÉSENCE DU FLUIDE SÉMINAL. Exposition. Nous avons prouvé précédemment que, dans l'universalité des êtres qui composent le règne ani- mal, l'œuf ne pouvant être fécondé dans l'ovaire, s'en dé- tachait spontanément lorsqu'il était parvenu à maturité; et qu'à des époques fixes il s'acheminait vers l'extérieur. Il a aussi été prouvé que l'endroit où s'opère l'imprégna- tion est plus ou moins éloigné de l'organe germifère ; tan- tôt l'œuf la subit presque au moment où il en sort; d'autres fois c'est beaucoup plus loin, tandis qu'il parcourt le canal vecteur ; enfin, chez certains animaux, cet acte a même lieu tout-à-fait hors des organes génitaux. Dans toute la classe des Mammifères, et par conséquent chez l'espèce humaine aussi, qui en fait partie, la féconda- tion a son siège à l'iniérieur de l'appareil génital. Là elle se trouve subordonnée à la simultanéité de deux actes par> ticuliers, savoir: la chute de l'œuf et l'ascension du fluide spermalique. L'œuf, lornbanl spontanément de l'ovaire, 'loii impérieu- 14 510 TH<<;0R1E DE LA FÉCONDATION. semenl renconlrer dans son irajel une certaine quaniité de fluide séminal possédant encore les condilions indispensa- bles à l'eiïicaciié de l'imprégnaiion, c'est-à-dire qu'il faut que ce fluide soit parvenu au lieu du contact avant que la vitalité des zoospermes ne se trouve totalement éteinte , car ce sont eux qui opèrent la fécondation. Il faut donc que la translation de l'œuf à travers le canal sexuel coïncide avec le moment oii celui-ci est abreuvé par le sperme Jouissant encore de la plénitude de ses propriétés. Preuves directes. Cette loi, qu'on devrait admettre for- cément d'après Jes seuls arguments de la logique, est déjà mise hors de doute par le bienfait de l'observation et de l'expérience. En efl'et, chez un grand nombre d'animaux ( tels sont la plupart des Poissons osseux et des Amphi- biens), les œufs ne sont évidemment fécondés qu'après avoir été détachés de l'ovaire, et même parfois plus ou moins immédiatement après leur expulsion du corps de la femelle. Pour s'effectuer, l'acte de la fécondation nécessite même si positivement un état donné d'accroissement des ovules que, comme nous l'avons déjà dit, dans leurs expériences fondamentales sur les Grenouilles, Spallanzani (1) et Pré- vost et Dumas, qui fécondaient parfaitement bien des œufs hors des voies génitales, n'ont jamais pu réussir à en aviver lorsqu'ils les prenaient à l'ovaire (2). Rusconi (3), Vogt et (1) SrAi-LANZAKi. Expériences pour servir à l'iiistoire de la génération. Pavie, 1787, tome m, p. 133. (2) Prévost et Domas. Annales des sciences naturelles, tomes i, ii elxii. (3) Rusconi. Bihlioth, Italiana, tome ixxix, SEPTIÈME LOI. îll Agassiz (1), ainsi que nous l'avons également relaie, ont en outre reconnu, en opérant des fécondations artificielles sur les Poissons, que pour que celles -ci réussissent il fallait que les œufs fussent arrivés au plus haut degré de maturité et à l'époque à laquelle les femelles s'en débarrassent spon- tanément. Il est évident qu'il ne doit et ne peut en être autrement sur les Mammifères, et que, pour que leurs pvules reçoivent l'imprégnation, il faut que ceux-ci aient aussi acquis un certain développement et qu'ils se soient .débarrassés des membranes et des fluides qui les environ- naient lorsqu'ils se trouvaient dans l'organe auquel ils doi- vent naissance , et qui interceptaient tout contact avec la liqueur prolifique. Diverses expériences ont prouvé que le contact matériel 4u sperme et de l'œuf était indispensable à la fécondation. Les plus célèbres sont celles de Haighlon(2), et surtout celles de Spallanzani (3), de Duhamel et Jacobi {U) , de Prévost et Dumas (5), de Rusconi (6) et de Vogt (7). Haighton a reconnu qu'en liant une des trompes des Mammifères, l'imprégnation devenait impossible de ce côté, tandis qu'elle s'opérait constamment de l'autre. Par leurs expériences sur les fécondations artificielles exécutées sur (1) Agassiz. Hist. nat. des Poissons d'eau douce de l'Europe centrale. Soleure, 1842, tome i, page 8. (2] Haighton. Philos, trans.^ p. 1, p. 159. (3) Spallanzani. Expériences pour servir à l'histoire delà génération. Paris, 1787, tome III, p. 190. (4) Treviranus. Biologie, tome m, p. 370. (5) Prévost et Domas. Annales des sciences naturelles. Paris, 1824, tome III. (6) Rusconi. Biblioth. italiana^ tome lxxix. (7) Vogt, Emljrvologie des Salmones. Soleure, 1844. a. ^12 l'HÉORÎË i)Ë LÀ FÉCÔNDAÏiON. les Reptiles et les Poissons, Spallaiizani, Duhamel et Ja- cobi , Prévost et Dumas , Rusconi et Vogt , sont parvenus à démontrer plus ostensiblement la thèse que nous soute- nons ; et plusieurs de ces physiologistes, en analysant en- core plus scrupuleusement l'action des deux élémens repro- ducteurs , ont même mis hors de doute que ce n'était que la partie la plus substantielle du thiide séminal ou les zoo- spermes qui l'opérait. En répétant leurs expériences sur les Ratraciens , nous avons eu l'occasion d'en constater toute la précision et de constater, comme eux, que c'étaient ces animalcules qui jouissaient seuls de la puissance de vivifier le germe, tout en reconnaissant cependant que pour aviver l'œuf il ne faut qu'une quantité infiniment petite de ces mêmes zoospermes. Les expériences suivantes, que j'ai répétées un grand nombre de fois, établissent manifestement aussi que l'in- fluence du sperme est directe et qu'elle ne se produit que par le contact immédiat avec les oeufs. Ayant pris des cu- vettes ovales , de 50 centimètres de longueur, et les ayant remplies d'eau, dans les unes je déposai une traînée d'œufs qui occupait toute l'étendue du fond ; dans d'autres je mis seulement un groupe d'une vingtaine d'œufs à une extrémité et un groupe semblable à l'autre, en laissant entre eux un espace libre plus ou moins considérable. Dans toutes mes expériences, en laissant tomber une goutte de sperme de Grenouille mâle, soit sur l'un des deux paquets d'œufs, soit sur l'une des extrémités de la ti aînée de ceux-ci, jamais la fécondation ne s'est étendue au-delà de l'endroit sur lequel la goutte de sperme s'était répandue ; en laissant ces vases dans un appartement où l'air ou toute autre cause ne pou- vait agiter l'eau, jamais je n'ai vu de têtards sortir que des œufs du tas qui avait éié en contact avec le fluide pro- SEPTIEME LOI. 21,*^ lifique ou de rexlrémité de la traînée qu'on en avait im- bibée ; les autres œufs restaient stériles. Bien mieux, il n'y avait parfois que les œufs de la par- tie superficielle des groupes qui se développaient; ceux placés au-dessous ne recevaient pas l'impression vitale. Il ne faudrait assurément qu'une seule expérience sem- blable pour indiquer que le contact matériel du sperme est indispensable à la fécondation. Vogt (1) était arrivé aux mêmes résultats dans ses expériences sur les fécondations artificielles des Salmones ; car il recommande, pour qu'elles obtiennent tout le succès désirable qu'on ait le soin en les répétant, d'agiter ensemble les œufs et le sperme. C'était aussi ce que je faisais lorsque je voulais réussir à féconder im grand nombre d'œufs de Grenouilles. Or, comme par une suite de déductions basées sur tous les faits mentionnés dans cet écrit, il est prouvé que l'œuf n'est point fécondé dans l'ovaire, et qu'il en tombe sponta- nément ; comme il est démontré aussi que c'est seulement le contact matériel du sperme qui effectue l'imprégnation; il devient évident que chez l'espèce humaine et les Mam- mifères l'œuf ne peut être avivé que, lorsque durant son trajet à travers l'appareil génital, il rencontre une certaine quantité de sperme jouissant encore de l'intégrité de ses propriétés. Or donc, la fécondation ne peut avoir lieu que par la coïncidence de l'ovulation et de la présence du sperme. Nous aous appliquerons dans un autre paragraphe à démontrer précisément le lieu où se fait le contact de ces deux élémens. En suivant ce qui se produit dans la fécondation nor- (1) YoGT. Embryologie des Salmones. — Dans Agassiz, Hist. nat. des Pois, d'eau douce de l'Eur. centr. Neufchâfel, 1844, p. 159. %ik THÉORIE DE LA FÉCONDATION. maie, on voit que trois cas peuvent se présenter lorsque deux Mammifères s'accouplent à l'époque de l'ovulation : ou leur union se fait un certain temps avant la chute spon- tanée des œufs , ou elle a lieu à l'époque même de leui* émission, ou enfin elle se fait après qu'ils sont expulsés. Dans la première circonstance, si le fluide séminal n'a pas été versé dans les organes génitaux un laps de temps trop considérable avant que les œufs émis par l'ovaire traversent les voies génitales, comme celles-ci s'imprègnent du sperme avec beaucoup de ténacité, et qu'il conserve assez longtemps à leur surface sa propriété fécondante ; «n outre, comme il n'en faut qu'infiniment peu pour aviver les œufs, il arrive que, lorsqu'ils viennent à passer ils peuvent être fécondés si le fluide vivifiant ne s'est pas trop étendu en se mêlant aux mucosités sécrétées à la surface des mem- branes de l'appareil sexuel, et si ses zoospermes jouissent encore de leur vitalité. Si l'union sexuelle a lieu au moment même de l'émis- sion des œufs, la fécondation est alors considérablement plus assurée. Enfin, si on ne j'approche les animaux qu'après cette période du rut durant laquelle les ovaires ont émis leui'S ovules, il n'en résultera jamais de fécondation, si ceux-ci ont franchi la région appropriée à l'imprégnation. Or, comme sur les bestiaux il est facile d'indiquer toutes les phases qui accompaguent la période d'excitation sexuelle , avec quelque étude , on pourra un jour trouver pour l'agriculture d'importantes applications qui découle- ront de la connaissance de cette loi. Celle-ci étant bien comprise par les éleveurs de bestiaux , elle devra, à l'aide de quelques observations préalables , les guider dans la multiplication des haras et des troupeaux, ainsi que dans i SEPTIÈME LOI. 215 le croisemenl des races précieuses , qu'elle permettra de féconder avec plus de cerlilude et en les épuisant moins. Nous reconnaîtrons plus loin que ce n'est pas au mo- mept où les premiers indices du rut des Mammifères se manifestent de toutes parts sur l'organisme que les œufs tombent , mais bien vers leur déclin ou lors même qu'ils se trouvent tout-à-fait apaisés. Aussi ce n'est qu'à cette der- nière époque que la copulation devient chez eux plus effi- cace pour la fécondation. C'est seulement alors qu'il con- ! vient de les accoupler, lorsque dans nos exploitations 1 rurales on veut multiplier les races domestiques. Et comme si la nature n'avait voulu permettre aux ani- maux de se rapprocher que quand elle a totalement pré- ' paré ses lins et que par leur union ils peuvent remplir le but qu'elle se propose , instinctivement elle éloigne parfois les sexes l'un de l'autre, jusqu'au moment où la fécondation I peut s'opérer. \ Les Chevreuils , attirés par la manifestation du rut des femelles , n'obtiennent d'abord les faveurs de celles-ci que j quand elles sont épuisées de fatigue ; mais plus tard les I Chevrettes les provoquent elles-mêmes. La femelle de I l'Agouti résiste aussi pendant quelque temps. La Chienne \ en chaleur, dont la vulve est gonflée et baignée d'une sé- II crétion sanguinolente , écarte le Chien par ses morsures • durant les premiers jours de cette période, et ne se livre à lui que vers sa fin. Ainsi donc un même lien unit toute la j série des Mammifères. Preuves rationnelles. Cette loi est une conséquence logique de celles qui précèdent. En effet, si, comme nous I l'avons démontré , les œufs, dans toute la série animale, i f»réexistent à la fécondation ; si , comme nous l'avons éga- I iement prouvé , ils sont émis indépendamment de celle-ci m 216 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. et à des époques déterminées; et si, enfin, il est bien re- connu que chez les Mammifères des obstacles physiques s'opposent à ce que le fluide séminal parvienne aux ovules encore contenus dans leur organe sécréteur ; si , dis-je , toutes ces propositions sont bien établies , comme il est démontré que le sperme est l'un des deux éléments indis- pensables à la fécondation , il devient naturellement évi- dent que l'imprégnation , chez ces animaux, ne peut jamais avoir lieu que quand l'émission de l'œuf coïncide avec la présence du fluide qui doit l'aviver; c'est-à-dire lorsque cet œuf, dépouillé des tuniques sous la protection des- quelles il s'était formé dans Tovaire, s'avance libre dans les voies génitales, et qu'alors il y rencontre le sperme Si le fluide séminal déterminait l'évolution des ovules, la fécondation des animaux pourrait s'opérer en tout temps, puisqu'à toutes les époques le fluide pourrait aviver les ovaires et exciter leur sécrétion ; mais il n'en est nullement ainsi. Ce n'est qu'à l'époque marquée par la nature , et qui s'annonce à l'aide de phénomènes spéciaux, que la repro- duction peut s'opérer; hors cette époque, on aurait beau arroser les ovaires avec la liqueur prolifique, rien n'y appa- raîtrait : c'est là une loi qui domine toute la création. C'est pour cette raison que l'on accouple en vain les Mammi- fères hors les temps du rut , parce que c'est seulement du- rant ce moment d'effervescence génitale que s'engendrent normalement les ovules ; et ce n'est qu'alors que, si ceux- ci éprouvent le contact du fluide qui peut seul les aviver, on les voit se développer et produire des embryons. A moins de vouloir saper tous les faits acquis par l'ob- servation et l'expérience des siècles , il est actuellement impossible d'admetlre que c'est l'action du fluide séminal qui fait apparaître hs ovules dans les ovaires. Les natura- 1 SEPTIÈME LOI. 217 listes savent que dans toute la série animale on rencontre des œufs chez les femelles absolument vierges : or, ce n'est que lorsque ceux-ci sont parvenus à un certain dévelop- pement, et se trouvent élevés à certaine condiiion vitale , que l'imprégnation séminale peut les aviver et leur commu- niquer l'impulsion extensive qui transforme le vitellus en embryon. Puisque pour s'effectuer l'imprégnation nécessite un certain perfectionnement organique de l'ovule, et que le fluide vivifiant ne peut, chez les Mammifères, parvenir à ceux qui sont encore contenus dans l'ovaire, n'est-il pas raiionnel d'admettre que ce n'est que lorsque cet ovule s'est débarrassé de ses enveloppes ovariennes qu'il peut être fécondé, et que son imprégnation ne peut nécessairement avoir lieu que lorsque l'époque à laquelle s'opère son émis- sion coïncide avec le contact du fluide séminal. Partie critique. J'avais déjà formulé celte loi dans ma première publication, et j'en avais déduit toutes les consé- quences (l); Bischoff, deux ans après, est arrivé au même résultat ; aussi ne me refusera-t-on pas, je l'espèi-e , d'a- voir le premier posé le précepte que le savant physiologiste de Heidelberg a tracé ensuite de la manière suivante, sous la forme aphoristique : « La maturation périodique d'un œuf est la condition essentielle de la conception ; ce n'est qu'à celte époque que l'accouplement est suivi de grossesse; il est infructueux à tout autre moment (2) ». Or, à cette époque , j'avais déjà exposé toute ma théorie de l'ovulation spontanée, j'avais déjà littéralement inscrit ces phrases dans ma publication : « Ce n'est que lorsque les œufs sont (1) PoucHET. Théorie jiosilive de la fécondation. Paris, 1842, p. 79. (2) BrscHOFK. Annales des sciences naturelles, 1844, tome it, p. 143. §18 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. parvenus à un certain développement que l'imprégnation peut les aviver ; la fécondation n'a jamais lieu que quand l'émission des ovules coïncide avec la présence du sperme. On accouple en vain les Mammifères, hors les temps du rut (1) ». Comme on le voit , ce sont les mêmes vues, ex- posées seulement en ternies un peu différons. Quelques savants combattront probablement mes asser- tions relativement à l'ovulation spontanée, en m'opposant les expériences de De Graaf (2) et de Haller (3), dans les- quelles, après un certain laps de temps à la suite de l'accou- plement, ces observateurs ont trouvé des œufs dans les voies génitales des Mammifères sur lesquels ils opéraient. Mais si l'on y réfléchit, on verra que ces expériences ne démon- trent rien de contraire à ce que j'indique, et qu'elles con- tribuent même à prouver le principe consacré dans cette loi. Certes il n'y a rien que de bien naturel, qu'après un certain temps que l'accouplement d'une femelk de Mam- mifère a eu lieu dans la période où seulement elle souffre cet acte, c'est-à-dire durant le rut, époque à laquelle les ovules sont normalement expulsés des ovaires ; il n'y a rien, dis-je, que de bien naturel de rencontrer des œufs ou des embryons dans le canal génital. Mais, assurément, ce n'est pas la copulation qui a déterminé la production ou l'é- mission de ces œufs ; seulement , par le coït simultané- ment exécuté avec leur expulsion, ceux-ci oui été fécon- dés. Bien mieux, les expériences des physiologistes com- battent évidemment la nature des résultats qu'on leur a (1) PoucHET. Oper. cit., p. 43, 74, 80. (2) De Graaf. De vnillerum organ'is generationi inservientihiis. Leyde, 3672. (3) Haller. Elementa physiologice corporis hiimani. Lausanne, 1778. SEPTIÈME LOI. 219 altribiiés et viçniieiit démoiilrer la juslcsse de nos assci'- lions. lin effet, quand on compulse leurs écrits, on s'aper- çoit qu'il y existe d'inexplicables dissidences relalivemenl à l'époque à laquelle les œufs arrivent dans l'ulérus après l'accouplement ; et cela n'est pas étonnant, celui-ci n'ayant point l'action qu'on lui prête, d'en déterminer l'émission, et n'ayant aucun rapport intime avec cet acte qu'il con- tribue tout au plus à accélérer un peu, comme un simple stimulant. L'œuf une fois expulsé de la capsule de De Graaf ne peut continuer son évolution complète sans avoir subi préala- blement le contact du fluide séminal. Tous les physiologistes, à de rares exceptions près, ont formulé cette loi sans hésitation. Cependant nous n'ignorons pas qu'il existe dans les au- teurs quelques citations qui tendent à faire croire que parfois la nature enfreint ses lois et que le produit de la femelle peut se développer complètement sans le concours du mâle. Bonnet (1) et De Géer(2), ainsi que Duvau (3) qui a récemment répété leurs expériences, prétendent qu'une femelle de Puceron après s'être accouplée donne une dizaine de générations qui se succèdent sans avoir besoin d'une nouvelle fécondation. Oa lit même dans le Magasin d'entomologie de Germai' (4), que des Aphis diantlii, renfermés dans une serre cliaude, s'y propagèrent pendant quatre années, sans que durant ce long intervalle il y eût (1) Bonnet. Traité d'insectologie, l^'^ partie, p, 26. (2) De Geer. Mémoires, etc., tome m, p. 36-77. (3) Duvau. Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, tome xir, p. 126. (4) Germar's Magazin der Entomologie^ tome i, p. 2. 520 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. aucun accouplemenl. Suivant Ramdohr (1) , le Daphnia longlspina se reproduit durant douze générations à l'aide d'un seul accouplement, et le Monoculus jpulex pendant quinze d'après Jurine (2). On dit aussi que, parmi les œufs des Lépidoptères nocturnes que l'on obtient de Chenilles, il s'en trouve parfois de féconds. Lacordaire (3) assure même que Carlier a vu naître sans accouplement plusieurs géné- rations du Liparis dispar. Quelques observateurs préten- dent encore que des Salamandres (4) , des Paludines (5) et des Limnées (6), exactement isolées , pondent des œufs parfaitement féconds. Du reste de si étranges exceptions ne peuvent influer sur la direction du sujet que je traite, ces animaux étant trop éloignés des Mammifères. Ces faits sont tout-à-fait hors ligne, et on en est réduit à se demander si les observations ont été exécutées avec tout !e soin que les savants ont assuré y avoir mis, et si elles furent répétées consciencieu- sement. Bonnet (7), qui marche à la tête des ovologistes, n'aura-t-il pas été entraîné à être peu scrupuleux à l'égard d'expériences qui tendaient à soutenir si prodigieusement son système favori, l'emboîtement des germes? Comme le dit Burdach (8) il serait très-possible que les Insectes (i) Ramdohr. Beitrœge zurnaturgeschlchle einiger deutschen monocidu- sarten, p. 27. f2) JuRiwE. Bulletin delà société philomatique, tome iir, p. 33. (3) Lacordaire. Introduction à l'entomologie. Paris, 1838, tome ir, p. 281. (4) Klelne Schriften, p. 131. (5) Spallanzami. Mémoires sur la respiration. Genève, 1803, p. 268. (6) Isis , année 1817, p. 320. (7) Bonnet. Oper. cit. i^^ partie, obs. ii, m, et Considérations sur les corps organisés. Amsterdam, 1762, tome ii, p. 119. (8) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation. Paris, 1837, tome i, p. 77. SëpTikjîe Î.OÎ. §5l eiissent élé fécondés avanl leur captivité. A l'égard de ce qui concerne ies Phalènes, le fait semble contredit par l'assertion d'un des plus illustres entomologistes, Rœ- sel (1), qui confesse ne jamais avoir vu éclore les œufs pondus par les femelles éloignées de tout mule. Comment, par exemple, admettre que l'observation faite dans les serres, sur XÂphis dlatithi, peut être significa- tive? N'y avait-il pas des mâles cachés sur quelques plantes et qui s'étaient dérobés à l'inspection des observateurs? A-t-on séquestré efiicacement les femelles? Certainement non. Lorsque Réaumur communiqua à l'Académie des sciences les premières observations de Bonnet sur la reproduction des Pucerons, l'illustre compagnie savante parut assez in- crédule et demanda de nouvelles expériences pour se con- vaincre (2). Trembley et Lyônnet, bien connus par l'exac- titude de leurs recherches, furent en quelque sorte sommés de s'en occuper, et en constatèrent l'exactitude. Il n'est donc pas extraordinaire de voir que l'on n'accepte qu'avec réserve un fait si étrange. S'il est vrai qu'il soit aujourd'hui constaté avec toutes les garanties désirables que la reproduction de certains Insectes peut s'opérer sans le concours des mâles, ne pour- rait-on pas croire, ainsi que Dugès (3) paraît porté à l'ad- mettre, que chez ces animaux il y aurait outre l'appareil du sexe féminin un organe sécréteur du sperme? Depuis (1) RoESEL. Monatliche Insekten-Belust'tguiigen. Nuremberg, 1751. {^) RÉAUMua, Mémoires pour servir à l'histoire des lusecles. Paris, 1742, lome VI, p. S37. (S; Dugès. Traité de physiologie comparée de l'homme et des animaux. Paris, 4839, lome m, p, 291. 222 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. longtemps je professe celle opinion. Qu'y aurait-il là d'ex- traordinaire? Absolument rien. Dans certaines classes d'animaux, et l'on pourrait citer pour exemple celles des Mollusques, on rencontre à la fois toutes les combinaisons possibles dans la disposition et l'exercice physiologique de l'appareil sexuel. Les uns sont dioïques ; les autres hermaphrodites, mais ne peuvent se reproduire sans accou- plement ; d'autres enfin offrent l'hermaphrodisme suffisant. Dans la section si naturelle des Mollusques acéphaliens^ on peut même observer plusieurs de ces combinaisons. Leu- wenhoeck (1) avait depuis longtemps prétendu que les Ano- dontes étaient unisexes ; cette opinion , oubliée pendant longtemps, a été reproduite par Prévost; d'après Siebold(2) les Anodonta, Mytilus , Tellina , Cardium et Mya seraient dans le même cas. Les Pholades selon J. Muller (3) offrent la même particularité ; et R. Owen (Jx) , dont les grands talents doivent inspirer tant de confiance, a re- connu que chez les Ânomies les sexes étaient séparés. Au contraire dans les Peignes, comme l'ont vu Milne Edwards et Lallemand (5), et dans les Cyclades ainsi que l'ont véri- fiés R. Wagner (6) et Siebold (7), il existe un hermaphro- disme complet et suffisant. D'après cela ne pourrait-on pas admettre aussi que les Insectes et les petits Crustacés qui se reproduisent durant (1) Leuwenhoeck.. Arcananalurœ détecta. Leyde, 1696. (2) Siebold. Milliers arcliiv. 1837, p. B81. (3) J. Muller. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome a, p. 393. (4) R. Owen. Lectures on coniparath>e anatomy. London, 1S43,, p. 287, (3, Milne Edwards et Lallusiand. Coni.ites rendua de l'Académie des sciences, tome x, p. 848, (6) R. WAGNiic. .-Irckis. de JViegman:! , lomc m, p. 339. (7) Siebold, Àichivcs ^]ès (1) a cru le reconnaître sur les Pucerons. Selon lui, « de nouvelles recherches sur les espèces où la génération monoïque a été bien constatée seraient nécessaires, caria vésicule acces- soire reconnue par Duirochet, si ce n'est pas un renflement de l'intestin comme le croit Morren, pourrait bien être un organe sécréteur du sperme. » Ces assertions sont encoi-e corroborées parles cas d'her- maphrodisme naturel ou accidentel, que l'on observe dans les autres sections de la série zoologique. Les physiolo- gistes qui cultivent la science d'une manière élevée ne savent-ils pas que dans des animaux d'une organisation beaucoup supérieure, et même sur des vertébrés, ce phéno- mène se présente assez Iréquemment! Marchant (2), Mo- reau (3), Réaumur (4), Starke (5) et surtout Cavolini (6), Ev. Home (7), Meckel (8) et Is. GeolFroy-Saint-Hilaire (9), citent des exemples de Poissons qui souvent offrent mi ovaire d'un côté et un testicule de l'autre, de manière qu'ils sont réellement hermaphrodites. Plusieurs savants pensent même que celle particularité est constante à l'égard de (1) DoGÈs. Trailé de physiologie comparée de l'homnie et des animaux, Paris, 1839, (orne m, p. 291, (2 rjAr.cuANT. Mémoires de l'Académie des sciences. Paris, 1737. (3) MoREAu. Mémoires de l'Académie des sciences. Paris, 1737. (4) RÉAUMUR. Mémoires de l'Académie des sciences. Paris, 1737. (5) Sta:\ke. Éphémérides des curieux de la nalnre. Dec. m, o])s. 109. (6) Cavomni, Siilia generazioue c/ei peschi e dei granchi. Naples, l7o7, (7) Ev. liuME. Lectures on comparative anaiomy, Londres, 1828. (8) Mecri-l. Traité général d'anatomie compnrée. Paris, 1829, tome x, p. S86. (9) Is, Geoffroy Saint-Hii.aire. Trailé de tératologie. Paris, 1832-1836, 22/1 THÈORIR t)É LÀ PÈCONDATtON. quelques espèces. Cuvier et Valeiiciennes (1) semblent n'en pas douter, car, disent-ils, il paraît certain que quelques Poissons réunissent naturellement et constamment les or- ganes des deux sexes. Les exemples d'hermaphrodisme sont rares dans le domaine de l'ornithologie, mais cependant on en trouve quelques-uns d'inscrits dans les œuvres des naturalistes. Bechslein (2) en cite un dans son histoire naturelle des Oiseaux. Quelques observations faites dans la classe des Crustacés viennent encore à l'appui de l'opinion que nous soutenons. Parmi ceux-ci, Nicholls(3), depuis longtemps, avait signalé un cas très -prononcé d'hermaphrodisme sur le Homard. Dans l'ouvrage qu'il a consacré à l'histoire naturelle de ces animaux, Milne Edwards (4) après avoir exposé l'indépen- dance complète dans laquelle se trouvent les deux moitiés de l'appareil génital, fait remarquer que l'on rencontre parfois des Crustacés qui sont parfaitement hermaphro- dites. Ils présentent d'un côté un appareil génital mâle et de l'autre un appareil femelle , sans que cette disposition entraîne aucune autre perturbation dans la conformation organique générale. L'assertion de Dugès trouve encore une grande force dans les nombreux cas d'hermaphrodisme cités parmi les (1) Cuvier et Valenciennes. Histoire naturelle des Poissons. Paris, 1828, lome i, p. S34, (2) Bechstein. Naturg. der Vcegel. B.2. S. 1219. (3) Nicaoï.r.s. Account oj the lierniaplirodite lobsfer. Pliil. Irons. 1730, p. 290. (4) Mn-NE Edwards. . Histoire naliirflle des Cnistaccs. Paris, 1834, tome I, p. 165, SEPTIÈME LOI. 225 Insectes, et surtout les Papillons, par Schrank (1), Ca- pieux (2), Scopoli (3), et Mcckel (4) lui-même qui signale le Liparis dispar, dont nous avons parlé, comme étant justement l'un de ceux qui offrent le plus souvent cette anomalie. Ce point de doctrine mérite de fixer l'attention des sa- vants, car si l'on parvient à reconnaître que l'hermaphro- disme suffisant existe dans les Insectes ou les petits Crus- tacés ch?z lesquels on a signalé ces étranges reproductions isolées, un fait qui semble si inexplicable recevra immédia- tement une solution facile. Comme je l'ai déjà prouvé , et ainsi que nous le re- connaîtrons par la suite , les auteurs ont souvent traité le sujet si grave qui nous occupe, avec une inconcevable légèreté; leurs opinions ne peuvent nullement supporter le critérium de l'examen, et souvent le même savant, h. quelques pages de distance, dans ses œuvres, émet des assertions absolument contraires. J. Muller, pour lequel nous professons cependant une profonde estime n'a pas été lui-même à l'abri de ce reproche, en explorant ce sujet. En tête de son chapitre des sexes (5) on lit cette phrase : (( Dans la génération qui s'opère par le concours des sexes, les germes ne peuvent pas déployer leur organisation pro- pre sans avoir préalablement subi le contact d'une matière appelée sperme. » Le célèbre physiologiste de Berlin est (1) Schrank.. Fauna bolca^ p. 1, p. 192. (2) Capieux. Mémoires pour servir à l'histoire des In3ecl< 9 dans le Naturforschcr, S. 72. (3) Scopoli. Introduc. ad. Iiist, nutur. Prague, 1777. (4) MtcKFL. Traité géiiéi'al d'anatomie comparée. Paris, 1S29, tomt ■, p. 591. (5) J. MuLf.tr,. ÎNIanuel de physiologie. Taris, 1845, tome ii, p. 589, 45 256 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. lui-même si pénétré de l'universalité et de l'imporiance de celle loi qu'une vingtaine de lignes plus loin il ajoute ce paragraphe ; « D'ailleurs, un œuf qui n'aurait pas besoin, pour se développer, d'être préalablement fécondé par la semence masculine serait non point un œuf, mais un bour- geon caduque, et l'individu qui le produirait n'aurait aucun titre à l'appellation d'animal femelle. Il ne manque point d'animaux qui produisent des bourgeons, mais les bour- geons animaux ne tombent pas comme bourgeons, ils se développent sur le tronc même qui les a produits. » Après avoir si explicitement formulé cette loi n'est-il pas inexplicable de voir J. Muller, à quelques pages seu- lement de distance, la combattre de fond en comble. Là on trouve ceci : « De nombreuses observations ont établi que certains papillons complètement isolés des mâles pon- dent des œufs d'où proviennent déjeunes animaux (1)». En voyant de semblables et presque incroyables contradictions n'est-il pas permis de douter, et de professer qu'avant de rien admettre il faut courageusement repasser tout au laboratoire de l'observation ; et que ce ne sera qu'après ce courageux mais indispensable retour, que l'on pourra enfin poser d'une manière stable les lois qui président à l'impor- tante fonction de la génération. (1) MtJLLER. Manuel de physiologie, traduit de l'allemand avec des annotations, par A. J. L. Jourdan. Paris, 1845, tome ii, p. 683. Vlir LOI FONDAMENTALE. la menstruation de la femme correspond aux phenomenes d'excitation qui se manifestent a l'époque des amours chez les divers êtres de la série zoologique , et spécia- lement sur les femelles des mammifères. Exposition. L'étude de la physiologie comparée démon- tre évidemment que la menstruation de la femme corres- pond exactement aux phénomènes fondamentaux dont l'appareil génital des divers animaux est le siège à toutes les époques de la reproduction. Cet acte est même parfaitement identique avec l'excita- tion périodique qui se manifeste chez les femelles des Mam- mifères. Sur l'espèce humaine, comme sur ces animaux, il offre les mêmes phases, les mêmes résultats. La menstruation consiste dans l'apparition d'une excita- tion périodique et temporaire de Fappareil génital interne de la femme. Cette fonction se décèle par un afflux de sang dans tous les organes qui font partie de celui-ci , et par l'écoulement à l'extérieur d'une certaine quantité de ce fluide. Puis elle est essentiellement et ordinairement ca- ractérisée par le gonflement et la maturation de l'une des vésicules de De Graaf , et par l'émission de l'œuf que cette dernière contient. â28 'ïHlbiliË Î)Ë tA PËCONDATtON. Chez les Mammifères ce soiil exactement les mêtties phénomènes qui consiiluent l'époque appelée rut. Il y a aussi un énorme afflux de sang vers les organes génitaux ; émission sanguine plus ou moins apparente à leur surface , développement d'un certain nombre de vésicules de De Graaf et expulsion de leurs ovules. Seulement chez ces auimaux l'écoulemenl de sang est ordinairement moins abondant, el la période d'excitation revient à des intervalles plus éloignés. Cependant il existe dans le domaine de la mammalogie des espèces qui sont presque autant réglées que certaines femmes, et chez les- quelles l'écoulement apparaît même presque aussi fré- quemment. Preuves directes. Une comparaison attentive de tous les phénomènes qui accompagnent la menstruation de la femme avec ceux que l'on observe aux époques des amours des divers êtres de la série zoologique , démontre qu'il y a une parfaite identité entre eux. Celle-ci se décèle même si manifestement sur les Mammifères dont l'organisation se rapproche le plus de notre espèce , qu'il devient tout-à-fait impossible de la nier ; en effet , chez eux les phénomènes caractérisant l'époque du rut représentent exactement une menstruation dont l'écoulement sanguin est plus ou moins abondant , et s'offre tantôt sous l'aspect d'un sang rouge et rutilant, et tantôt simplement sous celui d'un liquide plus ou moins coloré. Les Mammifères placés à la suite des pre- miers types, el qui par conséquent s'éloignent de plus en plus de la structure humaine, présentent aussi des indices analogues ; mais, chez eux, au lieu d'un liquide que sa cou- leur rousse indique contenir encore une certaine quantité de sang on n'observe plus que l'émission d'un mucus abon- dant , dont la présence décèle seule l'excitation interne HUITIÈME LOI. 229 qu'éprouvenl les organes sexuels, el qui ne s'esl pas élevée au point d'admettre une perspiralion sanguine. Ainsi vient se manifester, dans toutes ses nuances, cette loi que nous posons nettement et sans hésitation, mais que Dugès (1) semble avoir entrevue , « car , dit-il , on trouve une grande analogie entre les phénomènes d'orgasme momentané que l'on observe chez les animaux et ceux de la menstruation chez les femmes. » Avec un peu plus de hardiesse ce physiologiste posait un principe stable. Jour- dan (2) , depuis notre première publication , s'est exprimé sur ce sujet avec une assurance qui ne laisse rien à désirer, en disant que la menstruation et le rut sont absolument le même phénomène ou plutôt que tous deux se rattachent à la même cause. Au moment du rut des animaux, il apparaît des indices d'excitation dans presque tout le système génital. Chez la femme, les époques répétées de la menstruation, qui le re- présentent, sont aussi précédées de symptômes pareils, de pesanteur et même de douleur dans les organes internes ; mais l'hémorrhagie, qui bientôt s'établit, les calme rapide- ment. Les Mammifères offrent souvent une turgescence plus grande , qui s'étend même parfois aux organes exté- rieurs, et dont, suivant Burdach (3), l'intensité est due à la répétition moins fréquente du phénomène physiologique , et peut-être aussi à ce que ces animaux ont des tissus moins délicats qui ne donnent point ordinairement issue au sansf. (1) Dugès. Traité de plîysiologie comparée de l'iiomme et des animaux. Paris, 1838, tome m, p. 358. (2) MuLLER. Manuel de physiologie. Paris, 184.5, tome ii, p. 617. (3) Burdach. Traité de pliysiologie considérée comme science d'obser- vation, tome II, p. 20. 230 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. L'afflux de ce fluide est quelquefois considérable et forme réellement un phénomène remarquable. « Dans les Singes, dit Is. Geoffroy Saint-Hilaire (1) , l'écoulement coïncide chez toutes les femelles avec un gonflement plus ou moins manifeste de la vulve et des parties environnantes. Ce gon- flement médiocre chez les femelles de Guenons, est au con- traire très-considérable sur les femelles de plusieurs espèces de Macaques et de toutes les espèces de Cynocéphales. Chez tous ces derniers il s'étend non-seulement jusqu'à l'anus mais bien au-delà, et il est tellement marqué que tout l'o- rifice se trouve alors comme environné d'un large bourrelet. La peau devient en même temps très-colorée en rouge. Chez le Mandrill, G. Cuvier compare, pour le volume, à une tête d'enfant, la protubérance inégale rouge et comme enflam- mée qui se forme alors autour de l'anus. Les mêmes phé- nomènes , mais un peu moins prononcés , ont lieu sur les femelles de Macaques; et de plus il arrive souvent chez celles-ci, par exemple , sur les femelles de Rhésus et de Maimons, que le gonflement s'étend jusqu'à la partie infé- rieure de la queue, près de la base. J'ai même décrit, ajoute-t-il, dans le Diction7iaire classique d'histoire na^ turelle, une femelle de Macaque appartenant à une espèce particulière ÇMacacus libidinosus), chez laquelle le gon- flement avait envahi, non-seulement tout ce qui environne la vulve, l'anus et les callosités, mais même presque toute l'étendue de la face inférieure de la queue, qui, il est vrai , était assez courte. >> Il est certain que l'époque du rut est, pour tous les Mam- mifères, une période de surexcitation, pendant laquelle les (1) Breschet. Recherches anatomiques et physiologiques sur la gestation des Quadrumanes, Paris, 1845, p. 4. HUITIÈME LOI. 231 organes génitaux acquièrent un accroissement insolite. Sur les femelles, les ovaires , les trompes de Fallope et l'utérus se tuméfient, puis le sang afflue dans tout l'appareil sexuel et y occasionne la turgescence manifeste qui prélude à l'harmonie nécessaire pour l'accomplissement d'un impor- tant phénomène. Appelé à fournir à l'œuf les éléments de sa nutrition , il fallait que l'utérus présentât les conditions indispensables au développement du premier, et qu'il s'éta- blit une modalité indispensable entre la matrice et le pro- duit des ovaires qu'elle est destinée à nourrir , modalité sans laquelle celui-ci ne pourrait accomplir son évolution. Beaucoup d'observateurs, il est vrai, ont reconnu l'ana- logie qui existe entre les phénomènes de la menstruation de la femme et ceux qui se manifestent à l'époque des amours des Mammifères ; aussi, comme sur la première ainsi que sur les autres, il se développe alors une effervescence san- guine vers les organes internes, le célèbre Lecat (1) dési- gnait-il, avec raison, la période menstruelle, sous le nom de phlogose mnou7'euse, et Robert Emett (2) sous celui ^érection. Déjà Mauriceau (S) avait signalé que, durant les jours qui précèdent l'écoulement des menstrues, l'utérus de la femme entre dans un véritable état de turgescence ; ce célèbre accoucheur avait pu apprécier celui-ci sur les cadavres ; il est même facile de le faire sur le vivant à l'aide du spéculum et de reconnaître qu'alors le museau de tanche est plus rouge et plus chaud que dans l'état normal. Desor- (1) Lecat. Nouveau système sur la cause de l'évacuation périodique. Rouen, 1770. (2) Robert Emett. Essais de médecine sur le flux menstruel. Paris, 1757, in-12. (3) Mauriceau. Traité des maladies des femmes grosses et de celles qui sont accouchées. Paris, 1668. 232 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. meaux (1), dont l'autorité ne peut être révoquée, l'avance ' sans balancer; et le docteur Targioni assure même qu'à cette époque les ovaires éprouvent aussi un gonflement manifeste! Actuellement que l'on scrute plus rigoureusement les causes des phénomènes physiologiques , on s'accorde à re- connaître qu'il existe une liaison intime entre l'ovulation et la menstruation. Postérieurement à notre publication, Bis- choif (2) et Raciborski (3) l'ont exprimé ; l'un en considé- rant ce dernier acte comme dépendant d'une excitation périodique qui détermine l'évolution des vésicules de De Graaf et le détachement d'un œuf, et l'autre comme n'étant que la terminaison critique de la congestion qui accompagne le développement de ces mêmes follicules. Or, comme chez les Mammifères l'époque du rut est aussi celle de l'excitation des follicules de De Graaf et de l'ex- pulsion des ovules; comme cette époque est également marquée par un écoulement de sang plus ou moins appa- rent et venant de la surface de l'appareil génital interne; ; enfin , comme il est bien constaté que les Mammifères l femelles qui ont subi la castration n'éprouvent plus les phé nomènes du rut, et que d'après Robert (i) la menstruation i ne se manifeste même plus chez certaines femmes de l'Asie centrale sur lesquelles on pratique celte cruelle opération; ; il faut bien admettre que des phénomènes qui ont le même siège, les mômes causes, les mêmes effets sont des phéno- (1) Desormeaux. Dictionnaire de médecine, Paris, 1826^ tome xtv, i p. 186. (2) RcscHOFF. Annales des sciences naturelles. 1843 , tome XX. (3) Raciborski. Delà puberté chez la femme. Paris, 1844, p. 446. (4) Robert. Dans lu journal V Expérience. Paris, 1843. HUITIÈME LOI. 233 mènes non pas seulement analogues, mais parfaiiement identiques. L'écoulement sanguin est tellement dépendant des habi- tudes et du climat, qu'on ne peut le considérer comme étant un phénomène particulier à la femme, et qui indique que chez elle les fonctions de l'appareil génital ont un mode d'action spécial. En effet, d'après les voyageurs, et comme le dit Maygrier (1) , on observe que, parmi les peuples qui habitent sous l'équatcur, ou chez ceux qui résident vers le pôle septentrional, il apparaît à peine des traces de sang aux époques menstruelles. Ainsi donc , celle période se présente sur quelques femmes avec la même simplicité qu'elle affecte chez certains Mammifères. L'amoindrisse- ment du phénomène devient encore plus manifeste chez plu- sieurs nations sauvages du Brésil, qui, à ce que rapporte Buffon (2), se perpétuent sans qu'aucune femme ait d'écou- lement périodique. D'après cela, l'absence d'un écoulement sanguin par les parties génitales ne pourrait être considérée comme éta- blissant une différence physiologique fondamentale entre les Mammifères et l'espèce humaine. En effet, si^ chez cette dernière, on observe généralement cet écoulement, on le voit cependant successivement s'amoindrir à mesure qu'on s'avance vers les climats où règne une température extrême, et même parfois , si l'on doit croire l'assertion de Buffon, manquer totalement. D'un autre côté, comme si la nature avait voulu elle-même exprimer tous les points de contact (1) Maygrier. Diclionnaire des sciences médicales, tome xxxii, p. 386, (2) Buffon, Histoire naUireile générale et particulière, tomeiv, p. 268. <— Lafxtau, Mœurs des sau> âges américains comparées aux moeurs des anciens temps , p. 290. 234 THEORIE DE LA FECONDATION. qui existent entre notre espèce et les animaux les plus éle- vés, chez beaucoup de ceux-ci elle a reproduit avec plus ou moins d'évidence le phénomène de la menstruation. Il est certain que l'on en observe manifestement toutes les phases sur un grand nombre de Quadrumanes, Mammifères qui se rapprochent le plus de notre espèce ; et qu'on en découvre même encore des traces sur des animaux de cette classe, possédant une organisation moins élevée que ceux de l'or- dre que nous venons de citer. Buffon (1) avait déjà signalé, sans hésitation, qu'il existait un écoulement périodique chez les femelles des grands Singes; et F. Cuvier (2) rapporte même avoir observé cet écoulement sur plusieurs de celles qui ont vécu à la ménagerie du Jardin du Roi. Burdach (3) atteste qu'il existe chez les Mandrills et les Macaques; Rengger (Ji) l'a constaté sur le Cehus azarœ; Ehren- berg(5)etBreschet(6), dansleurs travaux sur la menstrua- tion et la gestation des Singes en citent de nombreux exem- ples. Enfin , Raciborski (7) assure même que sur certains animaux de ce groupe il y a une hémorrhagie menstruelle (1) Buffon. Histoire naturelle générale et particulière. Paris, 1770, tome xir, p. 44. (2) F. Cuvier . Histoire naturelle des Mammifères , publiée de concert avec Geoffroy Saint-Hilaire. Paris, 1825, (3) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation. Paris, 1831, tome ii, p. 20, (4) Rengger, Histoire naturelle des Mammifères du Paraguay. Bàle , 1830, p. 30. (5) Ehrenberg. Sur la menstruation des Singes. Dans Ahliandlangen der Akademie zu Berlin. 1833, p. 331, 3S8. (6) Breschet, Recherches sur la gestation des Quadrumanes, Mémoires de l'Institut. 1845, tome xix, p. 401. (7) Raciborski. De la puberté et de l'âge critique chez la femme. Paris, 1845. HUITIÈME LUI. 285 si abondante que leur cage est parfois arrosée de sang dans une certaine étendue; et E. Geoffroy Saint-Hilaire (1) , en généralisant l'existence de cet acte physiologique, avance même que tous les Singes de l'ancien continent présentent le phénomène de la menstruation. Celui-ci s'effectue même chez eux avec des particularités analogues à celles qu'il offre sur notre espèce. Les assertions du fils de ce célèbre naturaliste ne peuvent laisser aucun doute à cet égard. « Les femelles des Guenons, des Maca- ques, des Magots, des Cynocéphales et probablement de tous les autres genres de la première tribu , dit Isid. Geoffroy Saint-Hilaire (2), sont sujettes à un écoulement périodique reparaissant avec régularité de mois en mois. Les matières émises par la vulve sont du sang et des mucosités tantôt san- guinolentes, tantôt blanches; l'écoulement se continue pen- dant six à huitjours et quelquefois plus. G. Cuvier fixe même à quinze jours la durée de l'écoulement sur une femelle de Mandrill dont il a fait le sujet d'observations assez suivies. » Il est également facile de démontrer que l'écoulement menstruel existe chez certains Mammifères, qui se trouvent placés à des échelons plus inférieurs de la série animale ; :■ F. Cuvier l'a observé sur plusieurs carnassiers, et entre I autres sur des Genettes (3) ; Lesson et Garnot ont aussi reconnu que les Roussettes étaient sujettes au flux mens- truel, et L Geoffroy Saint-Hilaire (4) dit que celui-ci revient (1) E. Geoffroy Saint-Hilaire. Cours sur l'histoire naturelle des Mam- mifères. Paris, 1829. (2) BsESCHET. Recherches anatomiques et ,'physiologiques sur la gesta- tion des Quadrumanes. Paris, 1845, p. 3. (3) F. CcviRR et Geoffroy Saint-Hilaire. Histoire naturelle des Mam- mifères. Paris , 1824. (4) I. Geoffroy Saint-Hilaire. Dictionnaire classique d'histoire natu- relle. Paris, 1830, tome x, p. 117. 236 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. périodiquement chez elles, et qu'il détermine l'apparition du rut. Haller (1) cite quelques auteurs qui déjà avaient pensé que les Singes (2), les Vaches (S), les Cerfs (4), et les Chiens (5) offrent des traces évidentes de la menstrua- tion. Numann (6) a constaté plusieurs de ces assertions et re- connu un écoulement menstruel sur divers de nos animaux domestiques. Rainard (7), dans son traité de la parturition de nos espèces domestiques, dit aussi que le rut de celles- ci s'accompagne parfois d'une espèce d'écoulement de sang. Enfin, moi-même, j'ai observé évidemment celui-ci sur les Chiennes, les Truies, les Chattes, les Lapines et les Cobayes. Sur les premières il est surtout abondant, et se traduit par- fois à l'extérieur par l'écoulement d'un liquide d'un roux brun, dont l'émission précède la manifestation du rut. La fréquence du retour périodique de la menstruation n'est pas même un fait particulier à la femme, et qui puisse faire croire que ce phénomène n'est pas identique à ceux qu'on voit apparaître à l'époque des amours des Mammifères. (1) Haller. Elementa physiologix corporis hiimani. Lausanne, 1778, tome vt!, p. 137. (2) Hklwig. Ephem. cur. nat. dec. 1. Année 9 , 10, obs. 194. — Du- VERN. Posth. II, p. 374. — Linné. Swetensk Acad. Handling ^ 1754, Irirn, la. (3) DwARRis. Dissert, de catamen. , p. 227. — Aristote, Histoire des animaux, liv. vi, ch.18. (4) DwARRis. Oper. cit. (5) Aristote. Oper. cit. liv. c, ch. 21. (6) Numann. Tijdschrist •voor iiattirlijke gescJàedenis en physiologie, 1838, tome iir. (7) Rainard, Traité complet de la parturition des principales femelles domestiques. Ljon,1845, p. 37. hDlfïÈMË Lot. ^87 Là doiriestiCité of)ère de tels cliangcmeiils sur la physiologie de l'appareil génital, que, sous son influence, l'on observe que les actes de celui-ci tendent constamment à se répéter beaucoup plus fréquemment. Ainsi que le professe Flou- rens (1), les animaux qui ne sont pas détournés par le besoin impérieux de pourvoir à leur conservation, s'accou- plent presque en tout temps; et, comme le dit Burdach (2), l'époque du rut est déterminée avec moins de précision chez les espèces domestiques, à cause des perturbations introduites dans l'économie par les conditions nouvelles qui la régissent. Sur beaucoup d'Oiseaux et de Mammifères le rut se manifeste même périodiquement à des époques fort rap- prochées. Le Biset sauvage ne produit qu'une ou deux fois chaque année ; les naturalistes sont unanimes à cet égard ; tandis que les variétés que nous donne cette espèce, par l'influence des soins , ainsi qu'Aristote (3) l'avait déjà observé, et que Buffon Qi) et Blumenbach (5) le constatent eux-mêmes, pondent annuellement une dizaine de fois. Selon Kuhle- mann, les Brebis non fécondées deviennent en chaleur tous les quinze jours (6); les Truies tous les quinze à dix-huit (1) Floureks. Cours sur la génération, l'ovologle et l'embryologie, fait au Muséum d'histoire naturelle de Paris. Recueilli par M. Deschamjis, Paris, 1836, p. 44. (2) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- tion, Paris, 1837, tome ii, p. 35. (3) Aristote. Historia animalïum, Lib. vi, câp. iv. (4) Buffon. Histoire naturelle des Oiseaux, tomeir, p. 501, in-4°, (5) Blumenbach. Manuel d'histoire naturelle , tome r, p. 243, (6) KuHLEMANW. Observaiiones quœdain circa negothtm generationis , p. IB. 238 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. jours; d'après Kahleis (1) et Numann (2), les Vaches lous les mois ou toutes les trois semaines ; une périodicité men- suelle semble aussi exister chez les Chevaux, selon Grève (3), ainsi que chez les Buffles, les Zèbres et les Singes, au rap- port de F. Cuvier (4). Toutes ces preuves, étayées de l'autorité des noms des plus savants naturalistes, imposent un tel ascendant à nos assertions, que nous pensons devoir considérer l'existence de la période menstruelle comme étant démontrée chez beaucoup de Mammifères. Puis, il devient incontestable aussi , que si l'on en voit successivement disparaître les traces chez ces animaux à mesure que l'on s'avance vers les ordres dont l'organisation est inférieure, quoique l'appa- rence manque extérieurement, le phénomène fondamental n'en existe pas moins, c'est-à-dire l'afflux du sang dans les organes génitaux internes ; afflux qui chez la femme se tra- duit ordinairement par un écoulement abondant, mais qui dans les Mammifères est toujours moindre que sur celle-ci, et souvent ne se trouve représenté que par un liquide san- guinolent ou même seulement par un mucus à peine teint en rouge ou tout-à-fait incolore. D'un autre côté, comme les phénomènes menstruels que l'on observe chez les Mammifères, sont essentiellement liés à ceux du rut, il faut bien en conclure que celui-ci corres- pond à la menstruation et vice ve?'sâ. On ne peut sans inconséquence sortir de cette voie. (1) Kahleis. Meckel deutsches archiv.,X. ... p. 434. (2) Numann. Tijdchirst voor natitrlijke geschiedenîs en physiologie, 1838, tome m. (3) Grève. Meckel deufsehes archives, tome vi, p. S2. (4) F. CuviER. Annales des Sciences naturelles , tome xs , p. 120, HUITIÈME LOI. 239 Courly (1) a admis aussi wAUi manière de voir dans l'é- cril qu'il a public'; sur ce sujet quelques années après nous. En peignanl l'ovulaiiou, « alors, dil-il , il se fait dans l'uté- « lus un travail prcparaloire en cas de fécondation, qui se « traduit chez la femme par un écoulement sanguin men- « sucl ; chez les Singes, par un écoulement sanguinolent ; « chez d'autres Mammifères, seulement par un écoulement <( muqueux , et chez d'autres enfin par une simple turges- « ceuce : phénomène analogue chez tous, mais qui se dé- « grade, comme on voit, d'une manière sensible en descen- « dant de la femme aux femelles des Mammifères qui s'é- « loignent de plus eu plus de l'espèce humaine. » J'ai parfois combattu les idées de M. Courty ; mais pour ce qui concerne ce que l'on vient de lire, je ne puis m'em- pêcher de dire qu'il a tracé là un admirable et véridique tableau des modifications de la menstruation dans la série zoologique. Il ne peut plus y avoir de doute à l'égard des Mammi- fères , chaque période du rut se termine par la déchirure d'un certain nombre de vésicules dé De Graaf et par l'émis- sion des œufs qu'elles contiennent. C'est un fait acquis, nous l'avons prouvé , et il a'est même plus contesté, La menstruation de la femme offre les mêmes résultats. Dans les cas où ils ont pu observer les ovaires de personnes mortes pendant les règles ou peu de temps après, les phy- siologistes ont reconnu qu'il existait sur ces organes des modifications ayant la même signification que celles qu'on découvre sur les Mammifères. Nous avons vu que les ob- (1) Courty. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1845. 240 tHÈOÎlIË DE LA fÉCONDAÏÎONi servatioiis de Gendrin (1), Négrier (2), Jones (3) , Lee (4), Montgomery (5), Paierson (6), Raciborski (7) et Bischoff(8)j sont venues successivement le démontrer. Ce dernier rap-^ porte même avoir ouvert quatre jeunes femmes mortes, trois par submersion et une subitement, durant la menstruation. Sur trois d'entre elles, ce savant reconnut qu'il y avait sur l'un des ovaires une vésicule de De Graaf éclatée et remplie d'un caillot de sang ; sur l'autre, on ne remarquait qu'une vésicule non encore ouverte. Les circonstances ont servi fort heureusement Bischoff pour qu'il rencontrât un semblable nombre d'observations. Nous n'avons point eu ce rare bonheur ; aussi nous nous contentons de citer ces faits et de dire que Ecker a vu un cas analogue ; c'était une femme décapitée douze jours après la menstruation , et qui alors présentait sur l'un des ovaires une vésicule de De Graaf ouverte et remplie de sang coagulé. Me7istruation de la femme. Afin d'apprécier rigou- reusement les rapports qui existent entre la menstruation de la femme et celle des animaux, il convient de décrire l'une et l'autre ; et c'est ce que nous allons faire, en suivant une route nouvelle qui consiste à caractériser les diverses (1) Gendrin. Traité philosophique de médecine pratique. Paris, 1839, tome ir,p. 28. (2j NÉGRIER. Recherches anatomiques et physiologiques sur les ovaires de l'espèce humaine. Paris, 1840. (3) Jones. Practical obsei-vations on diseases of TFomen. London,1839, (4) Lee. Medic. dur. trans., tome xxii, p. 129. (5) Montgomery. On the signs of prcgnaiicy^'i.Q. (6) Paterson. Ediiib. med. aiid. surg, jouni. 1840. (7) RicmoRSKi. De la puberté et de l'âge critique chez la femmCj Paris, 1844. (8) BtscBOFF. Annales des sciences naturelles, PariSj 1844. HUITIÈME LOI. 2/|l phases du phénomène d'après l'observation microscopique de \à sécrétion, et ensuite en traçant l'histoire de la pé- riode de lintermenslrualion, non moins essentielle à étu- dier pour arriver à des conclusions positives. Afin d'envisager complètement la menstruation sous le rapport physiologique, il convient de la diviser en trois périodes : la période d'invasion ; la période d'état ; et la période de cessation. 1° Période d'invasion. Cette période se décèle à l'a- vance par un phénomène remarquable. La veille ou l'avant- veille du jour oîi les règles vont se manifester , le mucus exsudé par la surface de l'appareil sexuel contracte une odeur sui generis, qui est tellement inhérente à cet acte, qu'on peut avec assurance, sur ce seul indice, en annoncer l'invasion prochaine. A l'époque du rut , les organes génitaux des Mammifères femelles produisent des émanations qui correspondent à ce que nous venons de signaler sur la femme. Celles-ci, d'a- près les naturalistes, sont généralement exhalées par l'ori- fice de l'appareil génital ou par les organes qui l'avoisinent; cela est en partie possible, mais le fluide m uqueux sangui- nolent qui s'échappe de la vulve offre assurément aussi une odeur spéciale qui lui est communiquée par les membranes de la surface desquelles il transsude. Voici au moins ce que nous ont démontré nos observations, soit sur la femme, soit sur les Mammifères. C'est probablement cette odeur qui , chez ces derniers , impressionne le mâle d'une manière si remarquable , et lui permet de suivre la femelle à la piste. L'invasion de la menstruation se décèle ordinairement par le changement de coloration que subit le mucus utéro- vaginal ; de blanc mat qu'il était précédemment, il devient 242 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. brunâtre, et tache le linge en cette couleur. Lorsque l'on examine ce fluide au microscope, on distingue qu'il se ' compose d'un mucus plus fluide que précédemment, et dans i lequel nagent quelques fragmens d'épilhélium entiers ou i plus ou moins dilacérés, et réduits même parfois à leur tubercule central. En outre , on y rencontre une grande quantité de globules muqueux à divers degrés de dévelop- pement, puis quelques globules du sang, disséminés çà et là, mais en bien moins grande abondance que les globules muqueux (1). Ce sont ces globules du sang, qui n'étant pas encore assez nombreux pour teindre l'exhalation en rouge rutilant, lui donnent simplement cette couleur bru- nâtre plus ou moins foncée dont nous avons parlé. Celte période dure ordinairement un ou deux jours. Quelquefois , après avoir commencé à se manifester durant douze à vingt-quatre heures, tous ses signes s'effacent , et ce mucus utéro-vaginal redevient normal ; puis , après un intervalle d'un jour, apparaît subitement un écoulement de sang presque pur. 2° Période d'état. Cette phase est celle où l'hémorrha- gie uléiine se manifeste avec la plus grande intensité. Le liquide qui s'écoule par le vagin se compose, ainsi que l'ont reconnu un grand nombre d'observateurs, et en particulier Brierre de Boismont (2) et Raciborski (3) , d'un sang qui ne diffère point du sang artériel, mais seulement se trouve mêlé au mucus vaginal. (1) Allas, pi. XII, fig. 1. (2; Bri£rre de Boismont. De la menstruation considérée dans ses rap- |)orts physiologiques et pathologiques. Paris, 1S42. (3) Raciborski. De la puberté et de l'âge critique chez la femme. Paris, i844. HUITIÈME LOI. 243 L'observation microscopique nous a démontré que cetie opinion, que liOus partageons, était parfaitement exacte. En effet, en examinant au microscope la sécrétion menslruelle dedivet^ses femmes, nous avons reconnu qu'elle se compo- sait d'un mélange de mucus et de sang non altéré. En observant celte sécrétion , le troisième jour après l'invasion , on y découvre trois choses distinctes : une ! énorme quantité de globules du sang à l'état normal, par- I faitement semblables à ceux qui sortiraient d'un vaisseau artériel ; des globtilesmuqueux à divers degrés de dévelop- pement, mais moins nombreux proportionnellement que durant la période intermenstruelle ; et enfin des fragments d'épithélium minces et translucides. Le tout nage dans un liquide assez abondant, provenant, à n'en pas douter, du mélange de la sérosité du sang et du fluide miiqueux sé- crété par les parois des organes génitaux. Aussi n'a-t-on pas besoin alors d'ajouter d'eau à la sécrétion pour l'ob- server avec les instruments grossissants (1). Quelquefois , sans que j'en puisse discerner la cause, les globules du sang étaient extrêmement rapprochés et adhé- raient face à face un certain nombre ensemble, de manière à représenter une foule de petits groupes qui ressemblaient parfaitement à des piles de pièces de monnaie qu'on aurait jetées sur le côté à la surface d'une table (2). Dans certains cas aussi j'ai rencontré avec les globules du sang normaux, des globules qui se trouvaient déformés et qui offraient un disque crénelé. Cela se présente ordi- nairement vers la limite du liquide situé entre les lames de verre placées sur lé porte-objet ; j'ai cru que cette altération (1) Atlas', pi. XII, fig. 2 (2) Atlas, pi. XII, fig. 3, 16. 2kU THKOmr. Î>F, LA FÉCONDATION. devait provenir de l'action de l'air , car partout ailleurs les globules offraient leur conformation naturelle. Chez la femme, comme nous l'a prouvé l'observation des Mammifères, ce doit être durant cette période que les vési- cules de De Graaf se développent et subissent l'hémorrha- gie interne qui est appelée à expulser l'œuf formé dans leur cavité, mais elles ne s'ouvrent pas encore. La difficulté qu'offrent les observations sur ce sujet à l'égard de l'espèce humaine, ne nous permet que de nous appuyer sur l'analo- gie ; mais dans ce cas, celle-ci est si évidente, qu'il est im- possible de lui résister. 3° Période de cessation. Celle-ci est caractérisée par la diminution de l'écoulement menstruel et par la dispari- tion successive du sang qui précédemment abondait dans le mucus utéro-vaginal. En même temps, ce fluide s'épaissit manifestement ; aussi pour l'observer faut-il y ajouter un peu d'eau. Le dernier jour de l'écoulement cataménial, la sécrétion a beaucoup d'analogie avec celle qui est produite durant la première période. On n'y rencontre plus que de rares glo- bules du sang, bien conformés ; puis un assez grand nombre de globules muqueux et quelques fragments d'épithélium entiers ou déchirés (l). C'est tout à la fin de celte période que s'ouvrent les follicules de De Graaf et que leurs œufs sont expulsés. Les difficultés qu'offrent les autopsies empêchent encore de le prouver chez l'espèce humaine, mais l'observation des grands Mam- milères rend cette assertion non douteuse. C'est aussi du- rant cette période que la voix des désirs parle avec pins (1) Atlas, pi. XII, fig, 4. HurriKME LOI. 245 d'einpii-e , cl que les femmes les plus chastes se sentent ellcs-n)cines entraînées vers leurs époux. La menslrualion dure génciralemenl cinq jours. C'est aussi là le terme que lui assigne Burdach (1) ; quelquefois elle se prolonge jusqu'à sept ou huit (2), mais d'autres fois elle se termine au bout de trois ou quaire (3). Interinenstruatiun. Le phénomène physiologique de la fécondation ne peut bien se concevoir que quand on connaît tous les actes qui coïncident avec celle-ci. Aussi, pour en préciser l'époque^ faut-il étudier avec soin la pé- riode inlermenstruelle, soit de la femme, soit des Mammi- fères , car c'est durant cette phase que l'œuf traverse l'uté- rus et qu'il s'arrête dans sa cavité et y subit son dévelop- pement, s'il a préliminairement rencontré le fluide qui doit l'aviver. Dans le cas contraire , il en est immédiatement expulsé. La période intermenstruelle peut se diviser en trois phases , qui ont chacune leurs phénomènes spéciaux. Ce sont : la desquamation ; la chute de la deciduci; et la sécrétion normale. 1° Période de desquamation. Cette phase est caracté- risée par le détachement et la chute d'une quantité con- sidérable de plaques d'épithélium provenant en grande partie des parois du vagin ; épithélium qui d'abord est (1) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation, Paris, 1837, tome i, p. 286. (- (2) Sadvages. Nosologie méthodique, liv. m, p. 55, — Defieu. Physio- logie, p. 664. (3) Aristoïe. Histoire des animaux, liv. vir, c. — Haller. Elementa physiologiœ corporîs Itumani, Lausanne, 1778, tome vu, p. 144.— Pinel. Nosographie philosophique. Paris, 1818, tome u , p. 623. — Desormeaux. Dictionnaire de médecine. Paris, 182), tome xiv, p. 179. 246 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. presque intact, mais que l'on voit s'altérer de plus en plus à mesure que l'on s'éloigne du moment de la cessa- tion de l'écoulement menstruel. Cette période suit immé- diatement celui-ci, et sa durée est d'environ dix jours. Elle s'accompagne, durant les quatre à cinq premiers, d'une irritation assez vive des organes génitaux. En suivant celte période jour par jour, on reconnaît que la sécrétion utéro-vaginale présente diverses modifications. Du premier au quatrième jour, le mucus qui s'écoule par l'orifice de la vulve est formé d'une assez grande propor- tion de liquide dans lequel nagent éparses quelques rares plaques d'épilhélium et des globules muqueux (1). Ces placjues se trouvent à distance les unes des autres; elles sont presque toutes entières ou peu altérées , et représen- tent des polygones ordinairement ii'réguliers, offrant quatre à six côtés et ayant une surface très-finement granulée (2). Leur coloration est d'un jaune excessivement pâle. Dans le milieu de presque toutes, on découvre un tubercule ovoïde, assez allongé, d'une couleur jaune plus foncée que le reste. Vers le centre de celui-ci , il existe une ligne d'une teinte plus foncée encore, occupant presque tout le dia- mètre longitudinal de l'organe. D'abord on serait tenté de la prendre pour un pore semblable à ceux qu'ofîrent les sto- mates des végétaux ; mais à l'aide d'une observation attentive on se convainc que cette ligne est formée par deux rangées de granules très-fins, et qu'elle est terminée à chacune de ses extrémités par un seul de ceux-ci. Je ne pense pas que ces granules bordent là une ouverture ou pore quelconque ; car lorsqu'on observe des plaques d'épithélium qui sont (1) Atlas pi. XII r, fig. 1- (2) Atlas, pi. xni, fig. 8. HUITIÈME LOI. 2/!i7 altérées, ou de ces lubercules nageant librement dans le mucus après s'êire délachés de la membrane, on voit que les granules qui forment celle pseudo-ouverture se trouvent disséminés et groupés diversement dans la vésicule ovoïde que représente alors l'organe (1). Les globules du mucus sont tous sphériques , et leur diamèlre est généralement uniforme ; quelques-uns seule- ment n'ayant point encore acquis leur entier développe- ment, étant plus petits. Les globules normaux sont dia- phanes et formés d'une membrane mince et lisse, à travers laquelle on aperçoit facilement dans leur intérieur, soit des globules transparents de diverse taille, au nombre d'un à six, soit des amas de granules plus ou moins opaques, disséminés ou formant un nucléus qui occupe le centre ou les autres régions du globule mère (2). Ces granules ou ces globules internes ne sont évidem- ment que de jeunes globules de mucus qui se dispersent et grandissent quand la membrane du globule mère s'altère et se détruit. Enfin, dans le mucus vaginal on rencontre en outre des granules libres, jaunâtres, plus ou moins volumineux. Le sixième et le septième jour, le mucus vaginal com- mence à perdre sa translucidité, et il devient un peu plus épais. On y rencontre alors un plus grand nombre de pla- ques d'épiihélium que l'on n'y en observait précédemment, et les globules muqueux y sont proportionnellement aussi en plus grande abondance. Les plaques d'épithélium ne nagent plus isolées dans le fluide, mais elles sont enche- vêtrées, entassées, et lorsqu'on veut les observer au mi- (1) Atlas, pi. XIII, Og. 6, 7. (2) Allas, pi. xni, fig. 9 à 11. '2llb THÉORIE DE LA FÉCONDATION. croscope , alors il faut absolument délayer le mucus dans un peu d'eau. Cependant ces plaques paraissent encore presque toutes assez entières et non déchirées (1). Vers cette époque, et quelquefois seulement le huitième jour après la cessation des règles, beaucoup de femmes éprouvent dans la région du bassin occupée par les trompes un sentiment de pesanteur et parfois même des douleurs assez vives qui durent un ou deux jours. Ces symptômes, qui indiquent certainemenl un travail organique , correspon- dent non à l'expulsion des ovules par les follicules de De Graaf, mais aux contractions que les trompes de Fallope éprouvent pour faire cheminer l'œuf vers l'uiérus; contrac- tions dont l'énergie est encore augmentée sans doute par l'influence sympathique que les ovaires qui cicatrisent leurs follicules, répercutent alors sur elles. Le huitième et le dixième jour, le mucus utéro-vaginal s'épaissit et devient moins abondant, en même temps qu'il contracte une teinte blanchâtre ; sa partie fluide diminue proportionnellement de plus en plus, et il se compose prin- cipalement de fragments d'épithélium plus ou moins alté- rés et déchirés; peu se sont conservés dans leur intégrité; en outre, on y rencontre des globules muqueux. Du dixième au douzième jour, le mucus utéro-vaginal s'épaissit encore, devient d'un blanc mat , et prend à-peu- près l'apparence du lait, caillé. Mêlé à de l'eau et examiné au micr(jS!;ope, on reconnaît que ce mucus est formé alors d'uLîè multitude de fragments d'épithélium extrêmement altéi es et divisés ; on n'en rencontre presque plus d'entiers : tous sont déchirés en petits morceaux et totalement défigu- (1) Allas, i»!, xiir, (i-, 3. HUITIÈME LOI. 269 rés. Beaucoup de leurs tubercules centraux ne possèdent plus autour d'eux que quelques lambeaux de leur partie membraneuse; et un plus grand nombre de ces tubercules, totalement dépouillés, se trouvent entièrement libres; on reconnaît qu'ils sont alors eux-mêmes altérés, soit par l'irrégularité sensible de leurs bords, soit parce que les granules de leur partie centrale se sont plus ou moins dis- séminés ou renflés sous leurs enveloppes en abandonnant leur disposition régulière (1). L'épaississement du mucus utéro-vaginal et la couleur d'un blanc mat qu'il présente à cette époque, me paraissent tenir à l'état de macération et au gonflement et à la division qu'éprouve l'épiihélium après sa desquamation, en restant au milieu du fluide muqueux. 2° Chute de la decidua. La période que nous venons de décrire n'est pas toujours d'une aussi longue durée ; elle varie selon la constitution des femmes et les saisons. Constamment , du dixième au quinzième jour, il se pré- senté un autre ordre de phénomènes. Le mucus utéro- vaginal, qui, vers cette époque, était devenu épais et d'un blanc mat, apparaît alors plus fluide et beaucoup plus abondant que jamais, et sa sécrétion est souvent telle, qu'il humecte amplement l'orifice des organes génitaux et coule sur les parties voisines. Après ces préliminaires, quand l'acte vénérien ne le disperse pas , on voit ordinairement tomber à l'extérieur un flocon albumineux plus ou moins étenduf , élastique , et d'une teinte opaline ; celui-ci est évi- demment produit par la surface utérine. Nous avons observé la chute de ce flocon membraneux (1) Allas, pi. xni, fi;,'. 4. 260 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sur un assez bon nombre de femmes , et nous avons eu l'occasion de reconnaître qu'elle s'opérait à une époque fixe , mais plus tôt en hiver qu'en été. C'est ce corps qui, lorsqu'il est employé à protéger l'embryon , a été nommé Membrane caduque ou decidua. Cette decidua a été le sujet de disputes aussi acerbes qu'interminables parmi les anatomistes. Il était naturel de s'y attendre, tant son existence est fugace et tant ses linéa- ments sont indécis , difficiles à apercevoir. Mais tous les physiologistes ne l'ont considérée que dans ses rapports avec le produit de la fécondation ; je suis , je pense , le seul qui l'ait envisagée comme une exhalation qui suit normalement la période d'excitation sexuelle, et qui tan- tôt reste dans son organe producteur lorsqu'il y a fécon- dation , et tantôt en est expulsée lorsque celle-ci n'a point lieu. Quoique quelques auteurs, tels que Arétée (1), J. Fa- brice (2), G. Fallope (3), Spigel {h), Ruysch (5), Lit- tre(6), Haller (7), Diemerbroeck (8) et Noortvs^yk (9), en aient parlé d'une manière plus ou moins vague, on doit rapporter l'honneur de sa découverte àW. Hunter (10), qui en fit l'histoire avec une exactitude que l'on ne trouve dans (1) Arétée. De causis et signis morborum, lib, iv, p. 72. (2) J. Fabrice, De formata fœtu. Oper. omnia edent. Albbii ^ cap. i, p. 37, (3) G. Fallope. Ohservqtiones anatomicœ, p. 124. ^ (4) SniGEL. De formaiofœtu, etc. (5) Ruysch. Thésaurus anatomiciis, lib. iv. (6) LiTTnE. Mémoire de l'Acad. royale des sciences. Paris, 1714, p. 120. (7) Haller, Elementa physiologiœ corporis humoni. Lausanne, p. 17, (8) Diemerbroeck. Anatomie du corps humain, tomeii, p. 464. (9) NooRTWYK. Uteri humani gravidi anat, et historia. Lugd. Bat. 1743. (10) W. Hunter, On the human gravid uter. Birmingham, 1774. il HUITIÈME LOI. 251 I les œuvres d'aucun de ses devanciers. Puis, dans la suite, celle membrane fut étudiée avec plus ou moins de soin par Knimacher(l) , J. Hunier (2), Wrisberg (3) , Lobsiein (/i), j Chaussier (5), Bujanus (6), Carus (7) et Moreau (8). ; C'est avec beaucoup de raison que Velpeau (9) considère I la membrane caduque comme n'étant que le produit d'une ' excrétion de la cavité utérine, et c'est pour rappeler qu'elle ne présente aucune organisation qu'il lui a imposé le nom de me?nbrane anhiste , nom qui provient de laroî, tela, I et de l'a privatif, et indique une membrane sans texture. ! En examinant des deeidùa expulsées spontanément par I des femmes , dix ou quinze jours après la cessation des ! menstrues , nous avons reconnu , à l'aide des réactifs chi- \ ffliques, que cette pseudo membrane était composée d'al- ' bumine; et en l'examinant au microscope , nous avons vu que cette substance contenait un nombre considérable de grains d'épilhélium cylindriques, entassés étroitement, provenant de l'utérus , et dans l'intervalle desquels on ren- 1 contrait quelques granules très-fins (10). II est probable que par son séjour dans l'utérus, la (1) Krumacher. Obseiyatioius anat. civca velament. ovi,e\.c, (2) J. Hun rua. On tliç stmct. oj the jdacenta. London , 1792. Dans ses OHuvres complèles. Paris, 1843, lome iv , p. 125. (3) Wkisbirg. De structura ovi et seiund., etc. (4) l.oESTEtN. Essai sur la nulritioii du fœtus. Strasbourg , 1803. (5) (haussier. Leltie à madame lioivia sur la structure de l'utérus. Dans la traduction du Traité des hémorrhagies de l'utérus de Ilic;by et Duucan. Paris, 1818 , p. 363. (6; BojAijus. Isis,i^%i. (7) Carus Gyrœcolof^ie , tpmeii. (81 MpREAfl. hssai sur la disposition de la membr. caduque. Paris, 1814. (9) Velpeau. Embryologie ou ovologie humaine. Paris, 1833, p. 7, (10) i.tlas, pi. xji, fig. §. 252 THÉORIE DK LA FÉCONDATION. slrucliire intime de la decidua change , car les physiolo- gisles qui ont parlé de son épithélium ou qui l'onl repré- senté, tels que Schwann (1), R. Wagner (2) et J. Hui- ler (3) , lui accordent la même apparence qu'à l'épiilié- lium en pavé qui se trouve dans le mucus de l'inter- menstruaiion, et qui provient de la surface vaginale. Pour nous, nous l'avons constamment trouvé tout différent dans la decidua expulsée sans avoir concouru à envelopper l'embryon. [• Quand nous avons examiné cette pseudo-membrane après sa chute, lorsqu'il n'y a point eu de coït fécondant, jamais i| nous n'avons découvert dans son épaisseur le moindre ru- diment de vaisseau. Mais il serait encore impossible , dans l'état actuel de la science , d'affirmer si elle en contient ou non lorsqu'elle se trouve employée à tapisser la paroi de la matrice remplie du produit de la conception. Les anato- mistes ne sont nullement d'accord sur ce sujet; d'un côté, Riiysch (_k) , Haller (5) , W. et J. Hunier (6) , Lobstein (7), Lee (8) , Radford (9), Burns (10) et Breschet(ll) assurent avoir rencontré un assez erand nombre de vaisseaux dans (1) Schwann. Dans Froriep's notizen. 1838 , p. 22. (2) R. Wagner.. Icônes physiologicœ. Leipzig, 1839 , tab xi, fig. 5, 6. (3J J. MuLLER. Manuel de physiologie. Paris, 1845, lome ii, p. 695. (4) RuYSCH. Thésaurus anaiomicus, lib. iv et v. (5) Haller Elementa phjsiologice. Lausanne, 1778, p. 17. (6) W. HuNTER. Oftheliumangravld uter. London, 1774. — J.Hcnter. On the striict. oj the placenta. London, 1792. Dans ses OEuvres trad. par G. Riclielol. Paris, 1841 , tome iv, p, 125. (7; Lobstein. Essai sur la nutrition du fœtus. Strasbourg , 1802, (8) Lee. Ou tite structure of the human ovum, 1832. (9) Radford. On the structure of the human placenta. Manchestev,!^^^' (10) EuRNS. London Med. Gazette ^ \ome ii. (il) Breschet. Mém. del'Acad. roy. deméd. Paris, 1833, tomeii. inUTIKMF, I.Or. -?.>.' cette membrane. D'un autre côté, Velpeau (1) professe qu'elle n'est organisée à aucune époque de la grossesse. Cet anatomiste érudlt pense que la vie s'y maintient comme dans les cartilages , l'émail des dents , et comme dans le mucus et les fluides organiques en général. W. Hunter (2) considéra d'abord la decidua comme une exfoliation de la surface de la muqueuse utérine; puis en- suite il ne vit en elle qu'une exhalation qui s'organisait en fausse membrane. La première assertion de cet anatomiste illustre fut acceptée par Oken (3) , Weber (Jx) et Shar- pey (5). Cruveilhier (6) et Courty (7) pensent aussi , d'une ma- nière plus ou moins tranchée, que la membrane caduque est une sorte d'exfoliation de la muqueuse utérine. Au contraire, quelques auteurs, tels que Samuel (8), J. Hunter (9), Wrisberg (10) et Blumenbach (11), ont consi- déré la membrane qui nous occupe comme devant son ori- (1) Velpeau. limbryologie ou ovologie humaine. Paris, 1833, p. 6. (2) W. Hunter. Anatomia uteri gravidi tabula ïUustrata. Rirniin- gham , 1774. (3) Oken. Des enveloppes du fœtus. Isis , vol. xx, p. 371. (4) Weber. Anatomie , tome iv, p 503. (5) Sharpf.t. Eléments of physiologj by J, Muller. London, 1842, tome ir , p. 1S76. (6) Cruveilhier. Anatomie descriptive, tome iv, p. 811. (7) CouRTY. De l'œuf et de son développement dans l'espèce humaine. Montpellier, 1843, p. 142. (8) Samuel. Dissert, de ovoriim mammal. 'velamentis , VVirceburg, 1816. (9) J, Hunter. Observations on cerlaînr-parts of the animal economy , London , 1792. Dans ses OEinres trad. par G. Richelot , tome iv, (10) Wrisberg. De structura on, in comment, med. ptijs., etc. 1800, p. 312. (11) Blumehbach, Instlt. phy. etc. 254 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. gine à la même cause que les fausses membranes qu'on voit se former à la surface des organes enflammés. Pour nous , nous adoptons une opinion mixte. Nous croyons que la membrane caduque est simplement pro- duite par l'irritation qui succède à la menstruation, et qu'elle ne représente qu'une pseudo-membrane sécrétée entre !a surface de la muqueuse et l'épithélium , et ayant enlevé avec elle tout celui-ci , qu'elle entraîne ensuite au dehors. L'observation microscopique est de nature à confirmer cette opinion. En effet, comme nous l'avons dit plus haut, à la lymphe coagulable qui forme la masse de la decidua, on trouve mêlés une foule de noyaux d'épithélium ; mais malgré cela , cette production ne peut pas être regardée , ainsi que l'avance Courty, comme une exfoliation de la muqueuse. Ce n'est qu'une desquamation de sa superficie, analogue à celle qui se produit à la surface des autres muqueuses , mais plus intense. Ce flocon n'est qu'une fausse membrane composée de la lymphe coagulable, qui, au moment de l'irritation que l'on voit suivre la cessation des menstrues , avait été sécrétée par la paroi utérine. Weber, ayant eu l'occasion de voir cette membrane dans l'utérus sept jours après le coït (ce qui ne signifie absolument rien) , dit qu'elle avait la forme d'une substance semblable à de la lymphe épanchée (1) , ce qui corrobore encore notre opinion. Lorsque la conception a lieu, la decidua ne tombe pas ; elle contracte des adhérences avec l'utérus, et forme l'une (1) Weber. Disq. anat. et ovarionim pitellœ septimâ concept'ionis die defunctœ. Halle, 1830. HUITIÈME LOI. Î55 des enveloppes de l'œuf. J. Hmiler (1) et J. Burns (2) professent avec raison que la matrice se trouve d'abord remplie d'une lymphe ou d'albumine coagulable dans la- i quelle le petit œuf s'enfonce pour se développer. Cette lymphe n'est autre chose que le résultat de l'excitation sexuelle périodique ; et d'après notre opinion , c'est elle qui , si celle-ci n'aboutit pas à une gestation , tombe et forme la decidua. Velpeau (3) nous paraît avoir émis une opinion extrême- ment rationnelle sur l'usage de la membrane qui nous oc- cupe ^ en lii considériant comme étant destinée à retenir la vésictile fécondée sur un point donné de la cavité utérine. Peut-être que cette pseudo-membrane ne se trouve d(>posée dans la cavité Utérine qu'au moment où l'irritation pério- dique est tout-à-faii éteinte et que les désirs sont satisfaits ; de manière que le conduit qu'offrent les organes génitaux de la femelle se trouve librement parcouru par la semence du mâle , tandis que quelque temps après que celle-ci y a ëté versée, il s'obstrue momentanément pour retenir l'œuf. Ainsi, selon nous, on expliquerait facilement pourquoi, chez l'espèce humaine, la femme he conçoit que durant l'espace de temps qui se trouve entre la menstruation et la chute spontanée de la decidua^ et jamais après ce dernier phénomène. Il paraît que dans tous les Mammifères on retrouve des traces plus ou moins palpables de l'effort produit par la nature pour exhaler cette pseudo-membrane destinée à (1) J. HuNTER, On the struct, of the placenta. Dans ses OEucres , tome IV , p 12S. (2) J. Burns, Pr'mcipl, of the midmfery , i/»'rûf et/. 1814 , p. 148. (3) Vei.peau. Embryologie ou ovologie humaine. Paris , 1833 , p. 8. 256 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. obslruer momentanément les organes génitaux , et dont la mission doit être d'arrêter et de fixer l'œnf. Quoique Hunier ait professé que la membrane caduque n'existait que chez la femme, Velpeau (1) prétend qu'on en retrouve des traces chez tous les Vertébrés. Ainsi donc la production de cette pseudo-membrane a de manifestes rapports avec la concep- tion, et elle est un fait qui semble général parmi les ani- maux d'une organisation élevée. 3° Sécrétion normale. Après la chute de la decidua, le mucus utéro-vaginal redevient moins fluide, et, exa- miné au microscope, du dix-huitième jour jusqu'à l'invasion des menstrues , il offre à-peu-près l'aspect qu'il présente durant la période qui précède immédiatement la chute de cette pseudo-membrane ; c'est-à-dire qu'il est tout-à-fait analogue au mucus du dixième ou douzième jour, que nous avons représenté dans nos planches. Cette troisième pé- riode dure environ dix jours. Menstruation des ilfammï/'ères. Nos observations nous ont démontré que tous les Mammifères éprouvaient , à l'exemple de la femme , à des époques plus ou moins rap- prochées , un afflux de sang considérable vers les parties génitales , ainsi que les divers autres phénomènes à l'en- semble desquels on a donné le nom de menstruation. L'essence de la fonction est absolument la même sur les Mammifères et chez la femme ; seulement il existe des dif- férences qui tiennent à la disposition an atomique des par- lies ou à l'influence qu'exercent les circonstances dans lesquelles se trouvent les animaux. D'assez nombreuses observations nous ont prouvé que tous les Mammifères sont menstrues, car on observe chez (1) Velpeau. Embryologie ou ovologie humaine. Paris, 1833 , p. 8. HUITIÈME LOI. 257 eux les divers élémenis du phénomène citianiéiiial, savoii- : l'iiTiiation el le raplus du sang vers les organes génitaux irHernes, puis l'écoulement ou la perspiralion d'une cer- laiue quantité de ce fluide. En ouvrant des Truies, des Lapines, des Chiennes, des Chattes, des Cobayes à l'époque de la menstruation, nous avons reconnu que l'utérus et ses cornes étaient princi- palement le siège de l'irritation qu'éprouve alors l'appa- reil génital. La membrane muqueuse qui le revêt était gonflée et distendue par une abondance de sang contenu dans les vaisseaux capillaires ; sa couleur était d'un ronge intense, et parfois même d'un rouge violet. Ce gonflement et cette coloration s'étendaient dans une portion plus ou moins considérable de l'appareil. Le vagin , au contraire , oifrait une teinte pâle ou simplement rosée, et il ne parais- sait presque pas participer à l'irritation qu'éprouvaient les organes voisins. En recueillant dans l'utérus le liquide qui se trouvait perspiré par sa surface , nous avons reconnu sur les divers animaux que nous venons de citer, qu'il présentait tous les caractères du fluide menstruel de la femme. Selon Brierre de Boismont (1) et Raciborski (2) , le sang menstruel ne diffère point du sang artériel ; et d'après nos recherches, souvent répétées , l'observation microscopique fait découvrir dans le fluide calaménial de la femme, savoir : 1° de nombreux globules sanguins à l'étal normal; 2° des glo- (1) Brierre ue Boismont. De la mensirualion considérée dans ses rap- ports physiologiques et pathologiques. Paris, 1842. (2) Raciborsrî. De la puberté et de l'âge critique chez la femme, Paris, 1844. n ,268 THÉORIE DE LA pécONDATIOPC. bules muqueux ; 3° des squames d'épiih,4Uupi ; h° ^ sé- rum du sang ; et 5° du iluide muqueux. Il est évident que si à l'époque de ririritaitiou g.çniiale qu'éprouvent les Mammifères, nous feconnaissOifts touscjes éléments divers dans le fluide qui >abreuye leur appareil sexuel , rçxi&tence de la mens.truat;ioji sera dépioiiirée chez eux , et il deviendra impossible de nier la coïncidence de celle-ci avec l'époque du rut. Or, nos obse)iTatio,ns rendent tout cela inçonteslatiie,; <^r, sur tous les Mammifères que nous avons ouverts du- raut la période du rut , nous avons reconnu rirritation .génitale interne , puis l'écoulement sponlané d'une quan- tité variable de sajig accompagxié de globules du mucus et de débris d'épitliélium. Il est vrai de dire que les globules du sang qui caracté- risent ce phénomène d'une manière irréfragable, ne se rencontrent qu'en très- petit nombre, mais loujowji's ils existent, et le micros,cope, siuoa li'œU , le§ feitévidemilfient découvrir. La quantité du sang émis au-dehors par l'animal tient absolument à la structure de son utérus , mais l'afflux du liquidie vers l'organe génital est toujours proportionné à la taille des Mammifères. Le^ espèces dont l'appareil génital se rapproclie le plus de celui de la femme , et qui , tels que le,s Singes, ont un iiilérus peu ample et coriace, sont manifestejiiaeflt réglées et laissent écouler au-dehors une quantité de sang fort appa- rente. Nous avons vu que les assertions de Buffon (Ij, F. (1) BuFFOK. Histoire naturelle générale et particulière. Paris, 1770, tome XII, p. ^*. IIUITIÈME LOT. 959 Cuvier (1) , IJindach (2) , I^. Geoiïiuy SaiiU-Hilaire (;'>) , Rengger {h), Elirenberg ,(5), Racibofski (6) et Is. Geoi- froy Sainl-Hilaire (7), fle jpç^,ve|it l^i^^er auçyn douLp à cet ,égar4- jy^j^is lorsque l'apparieil utérin ^s'étend énormément et prend l'aspect de longue^ cornes iniesiiniformes , comme il le ifait chez la plupart dçs Mammifères , l'écoulement de sang diminue considérabjernent , et ijl devient d'autant moindre que la surface génitale offre plus d'étendue. Ce- pendant , comme -nous l'avons fait rema;^quer , un grand pombre d'observateurs, et entre autres Arisloie (8), Dwar- ris(9), F. Cuvier (10), Is. Geoffroy Saint-Hilaire (11), Numann (12) et ilainard (13) , ont signalé des cas dansies- (1) F, Cuvier. Histoire naturelle des Mammifères. Paris, 1825. (2) BuRDACB. Traiié de pliysioiojjie considérée comoie science d'observa- tion. Paris, 1837, tome lï , p. 20. (3) E. Geoffroy Saint-Hxlaire. Cours sur l'histoire naturelle des Mam- mifères. Paris, 1823. (4) Rengger. Naturgeschichte der sœugethiere -voa Paraguay. Bàle , 1830, p. 30, (3) 'Eam.THiit.v.G, Abhandlungen der Akndem'ie zu 5cr//n, 1833, p. 331,358. (6) Raciborski, De la puberté et de l'âge critique chez la femme. Paris, 1843. (7) I. Geoffroy SAiNT-HiiAtRE Dans les Recherches sui* la gestation des Quadrumanes, par Breschet , 1843. (8; Aristote. Histoire des animaux, liv. vi , ch. xvm. (9i DwARRis. Dissert, de Catamen. p. 227. (10) F. Cuvier. Histoire naturelle des Mammifères, taris, 1824. (H) Is. Geoffroy Saint-Hilaire. Dictionnaire classique d'histoire natu- relle. Paris, 1830, tome x, p. 117. (12) NvMMXs. Tijdjchrist l'oor naturlljke gescliîedeivs en Physiologie. 1838 , lome m. (13) Rainarb. Traité complet de la pfirturition des principales femelles domestiques, Lyon. 18'i5. 260 THKORIF, Di: I.V FF.CO:>iDATlON. quels hi menslriiation se manifestait ostensiblement sur des Carnassiers et des Ruminants. Lorsqu'en étudiant l'anatomie comparée on examine les rapports qui existent entre la structure de l'utérus de la femme et celle de l'utérus des Mammifères appartenant à des ordres autres que celui des Quadrumanes , on ne s'é- tonne plus que chez eux il n'y ait qu'un écoulement de sang à peine sensible , à l'époque menstruelle, et qui sou- vent même ne se révèle que par l'inspection microsco- pique. Le sang qui afflue vers l'utérus de la femme lors de la crise calaméniale ne peut s'amasser dans la muqueuse utérine, à cause de son peu d'étendue ; mais chez les Car- nassiers et les Ruminants, les cornes offrant proportion- nellement une surface considérablement plus ample que celle de la matrice humaine, il s'ensuit que le fluide san- guin s'épanche facilement dans le réseau capillaire de la muqueuse utérine en le distendant manifestement ; cet or- gane pouvant même, chez un Mammifère d'un volume ana- logue à notre espèce, receler beaucoup plus de ce fluide à l'intérieur qu'il ne s'en écoule chez la femme , il en résulte qu'il n'y en a de perspiré qu'une quantité infiniment petite, à peine sensible, parmi le mucus, ou seulement perceptible à l'aide du microscope. Mais le phénomène n'en existe pas moins là avec toutes ses conséquences physiologiques. L'utérus épais et rigide de la femme n'offre qu'une sur- face muqueuse d'environ 6 centimètres carrés d'étendue , tandis que chez certains Mammifères , et entre autres sur la Truie , l'utérus intestiniforme présente plus de 1 mètre carré de surface, et possède des parois membraneuses, dilatables, pouvant devenir un vaste réceptacle pour le sang qui engorge tous leurs capillaires durant la période men- struelle. IIIIIIIM), LOI. 261 Tous les physiologistes coiiviennonl que ce ii'esl pas récoulenieul de sang qui coustiiue l'essence du phénomène de la mensliuaiion, mais seulenienl la pi'ésence de ce lluide à des époques déterminées dans l'appareil génital. D'une femme peu réglée à un Mammifère qui l'est beaucoup , tels que certains Singes, il n'y a aucune différence. Un praticien cité par Briei're de Boismont (1) , Ui doc- leur Pidoux, qui a fait de nombreuses observations relati- vement à l'inlîuence que la vie claustrale exerce sur la menstruation , assure qu'il est rare qu'après quelques an- nées de séjour dans un couvent , les femmes n'éprouvent pas une diminution de l'hémorrhagie utérine mensuelle. Il dit qu'il n'a jamais observé de religieuse qui fût réglée exactement , et que chez la plupart le flux menstruel con- siste en un simple écoulement de sang qui ne dure que vingt-quatre heures ; véritable vestige de la fonction. Comme on le voit, de là aux Mammifères qui ne perdent que peu ou point de sang , il n'y a qu'un pas. Depuis la publication de mes premiers travaux sur la fécondation , les assertions de Raciborski relativement aux rapports de la menstruation et du rut , sont venues corro- borer toutes les, miennes. Ce médecin dit que parmi les phénomènes du rut , il en existe plusieurs qui ont la plus grande analogie avec ceux de l'époque menstruelle , et , à cet égard, il assure avoir vu des Chiennes qui perdaient beaucoup de sang pendant chaque période d'excitation (2). Mensti'uation de la Truie. La dissection d'un grand (1) Brierrk de Boismont. De la menstruation considérée dans ses ra • ports physioioijiques et anatomiques. Paris, 1842. (2) Raciborski. De la puberté et de l'âge critique cliez les femmes Paris, 1841 , p. 44o. 56î THÉORIE DE LA FÉCONDATION. nombre de Truies m'a démontré que chez elles l'émission menslruelle précède l'ouverture des vésicules de De Graaf. En effet, sur ces animaux, j'ai toujours reconnu, lorsque je les examinais durant l'époque cataméniale, qu'alors les capsules ovariques n'étaient point ouvertes, mais qu'elles allaient s'ouvrir ; bien plus rarement elles venaient de se déchirer, et offraient encore des traces récentes de leur travail physiologique, leur plaie étant encore saignante. Ce fait confirme que le phénomène menstruel précédé ordinairement rduverture des capsules. Durant la menstruation , le vagin de fa Truie offre \iÛQ teinte rosée, et le fluide muqueùx qu'il contient est peii abondant. L'observation microscopique m'a démontré que ce dernier se compose de fragmehts d'épilhélium soit éû pavé, soit cylindrique; de globules muqùeux; et enfiri de globules du sang, mais en fort petit nombre. L'épithélium en pavé est un peu plus petit que celui dé la femme, et paraît plus épais ; il affecte aussi, assez géné- ralement, une forme plus régulière. Ses plaques repré- sentent des hexagones doM les côté^ paraissent à-peii-prês égaux (1). Mais beaucoup dé plaques n'offrent poiiit cette . symétrie , et on ne leur trouve qtie quatre côtés ; d'aiitres en présentent cinq ou six d'inégale dimension (2). Ce sont Surtout celles qui proviénherit des régions avoisiflarit ïôti- flce de la vulve qui affectent la première disposition. Le tubercule central de cet épilhélîum offre à-peu-près les dimensions qu'il présente sitr celui de la femme ; aussi sur les plaques de la Truie paraît-il proportionnellement beau- coup plus ample. (1) Atlas, pi. XIV, fig, 1. (2) Atlas, pi. XIV, ûg. 5,6,10,14. HUITIÈME LOI. 56S La matrice , avant sa bifiipeation , est rouge , et ses capillaires sont irès-injccfés de sang' ; elle otfie un mucus dans lequel on voit nager une grande abondance d'c'pilhé- Hurrt eyfindriqne, ptAs des ij,lobiflei' muqneftix de diA^erse grosseur, et enfin quelques globules dit sang, mais beau- èonp moins i^joVnbrèuK c/ttë les premiers (1). Les cornes sont excessivement injectées de sang ; tout leur ^issu capillaire est distendu par ce lluide. Leur mu- queusre és^t considérablement épaissie et spongieuse; elle est d'un rouge foncé, et dans ^tfèl^ue^ endroits, ^abondance diï flifide sanguin qui reng^o^ge lui donne même une colo- ration violette. A 16 ceniinlèlreâ au-deSsus de la naissance des cornes, on rencoiUre un mucus transparent, conte- nant une immense quantité de globules muqiîeux sphé- riques, très diaphanes, presque tous du même diamètre; puis entre ceux ci, qui se touchent presque partout tant ils sont serrés, on observe de place en place, mais en petit nombre, quelques globules du sang (2). Dans cette région, if li'eiisté plus d'épîthélium en pavé, ni d'épithélium cy- Hfïdrtque. Ainsi donc la menstruation de la Truie est un fait dé- montré. Comme chez l'espèce humaine, il y a émission de sang ; mais sï celui-ci est peu abondant, c'eâl que ce fluide se trouve en grande partie épanché dans l'immense étendue de l'appareil génital interne. Durant la période iniermenstruelle, la muqueuse vagi- ndle de la Truie est extiëmemcni pùle , et celle de l'utérus li'offrè plus l'injection capillaire et la teinte rouge foncé OU violette qu'elle présentait à l'époque de ta iïienstruaiion. (1) Atlas, pi. xîv, fig. 3. (2) Atlas, pi. XIV, fig. 4. 2(54 THKORIK Uli LA rÉCOrNDATlUN. Menstruation des Lapines. La menstruation des La- pines est on ne peut plus facile à démontrer : toutes celles qui se laissent approcher par le mâle l'éprouvent, tant elle consliiue un phénomène dépendant du rut. Elle offre abso- lument la même apparence que celle de la Truie ; seule- ment j'ai reconnu que chez l'animal qui nous occupe il existait proportionnellement beaucoup plus de sang que chez l'autie. La membrane muqueuse du vagin est peu colorée, mais celle des cornes est le siège d'un afflux san- guin considérable ; elle est gonflée , et d'un rouge plus ou moins foncé. Celle coloration contracte même tant d'inten- sité dans certains endroits, que ceux-ci deviennent vio- lets j et les vaisseaux de cette membrane sont alors si in- jectés, qu'elle semble devenue le siège d'une inflammation extrêmement vive. La cavité de cette région de l'appareil génital est remplie duu fluide abondant, rougeâtre, dans lequel l'observalion microscopique démontre un nombre considérable de globules du sang. Nous avons également reconnu aux mêmes apparences l'cxislencc de la menstruation sur les Chiennes, les Chattes et d'autres Mammifères , et nous n'avons pu être induit en erreur par aucune illusion , par aucun procédé défec- tueux, car pour démontrer la présence du sang dans l'uté- rus de tous ces animaux , nous prenions les plus grandes précautions : afin que ce ne fût pas celui qui s'écoule des incisions qui se trouvât transporté sur notre porte-objet, souvent nous retournions l'organe avec soin , et sans l'in- ciser; d'autres fois c'était avec une curette mousse que nous allions chercher le sang menstruel dans l'organe dont il suinte. L'époque inlermenstruelle des Mammifères offre à-peu- près la même série de piiénomèiies que celle de la femme. HUITIÈME LOI. 265 Alors on ne trouve plus de globules du sang parmi le mucus sécrété par l'appareil génital, et ce fluide ne con- tient plus que des fragments d'épilhélium et des globules muqueux. Cependant l'inlermenstrualion de la plupart des Mam- mifères doit probablement offrir une différence notable avec celle de la femme; cette différence, c'est l'absence d'une decidua bien apparente. En efî'et , la structure ana- tomique qu'offre l'appareil génital de la généralité des Mammifères me ferait penser que peut-être cette pseudo- membrane ne se développe pas à la surface de celui-ci , toujours si mobile et abreuvée d'une si grande abondance de mucosités. A l'égard des Singes et des Mammifères, dont la disposition de l'utérus se rapproche de celle de l'espèce humaine, il est au contraire très probable qu'on devra remarquer chez eux la production de cette membrane ; mais sur les autres, je doute qu'on puisse jamais l'observer d'une manière bien distincte , quoique certains physiolo- gistes en admettent l'existence. Preuves rationnelles. L'identité entre la menstrua- tion de la femme et l'époque des amours des Mammifères étant admise , il en résulte que, comme c'est à cette époque seule que la fécondation est possible chez ceux-ci, la men- struation doit être considérée comme l'indicateur men- suel qui permet de pénétrer dans l'étude des possibilités génératrices. Quoiqu'il soit inutile pour notre sujet d'établir si la men- struation a ou non existé de tout temps chez la femme , nous dirons cependant que nous pensons que ce phéno- mène paraît s'être révélé dès les temps primordiaux de notre état social, puisque les plus anciennes annales de l'espèce humaine en font mention. 366 THÉORIE DE LA FÉCOKDATION, Dans un ouvrage sur le système physique de l'a femme , Roussel (1) prétendil que la menslrnation était due à la civilisaiion. Nous émettons à peu-près la même opinion 5 seulement nous pensons que l'état social n'a pas déterminé l'essence du phénomène, mais qiu'il en a seulement consi- dérablement augmenté la fréquence en le rendant à-pèu- près mensuel. On a objecté à ceux qui professent cette opinion, que les femmes hébraïques, comme l'atteste le premier des écrits (2), étaient sujettes à cette incommodité , et qu'on l'observe chez les femmes des tribus sauvages. Cela est vtai,mais ces objections sont sans portée, car les Juifâ jouissaient déjà d'une civilisation très-avancée, ainsi (fue le révèlent leurs anciennes villes, leurs temples, leurs mœurs et leurs lois. Les sauvages, eux-mêmes, qui cul- tivent des champs de céréales ou s'abritent sous des huttes, et qui ont un langage et vivent en société , quel que soit leur abrutissement intellectuel , ne sont-ils pas déjà à une distance immense des animaux, eux qui continuellement soumis à l'inclémence des saisons , errent dans les forêts et les désertsy et vivent sans cesse subjugués par le soin dé pourvoir k leur nourriture et à leur sûreté! Si, par le bieii-* fait de l'abondance des aliments , nous voyons dans nos habitations certains animaux domestiques éprouver de plus fréquentes ardeurs amoureuses et parfois devenir aptes à la fécondation presque en tout temps, n'est-ce pas déjà le passage à ce qui s'observe sur l'espèce humaine ? Et d'ail- leurs, comme nous venons de le prouver, ne connaît-ori pas beaucoup de Mammifères qui sont plus ou moins réglés? (ij Roussel. Système pliysiquè et moral de la femme. Paris, 1813. (S) La Sainte-Bible. Léviiiqué, chap. iv. BroïTièMB LOI. 867 On ne pourrait objecter que sur les femmes la fréquente répéiiiion (lu phénomène lui donne une autre valeur phy- siologique ou une autre direction. En effet, Velpeau (l)dit que dafns' M Laponie et le Groenland, celles-ci ne sont assez souvent réglées que Ions les trois mois ^ et Gardien (2) pré- tend même que sur les femmes des contrées polaires l'écou- lement menstrtïeï H' a' liett que deux ou trois fois l'an. Et Cfotttme â'tttt autre èôlé il est démoïitré qiie, par l'effet de la dôïwestication , ïè besoin' de s'unir dévident plus fréquent chez les animaux, et qu'il n'en a pa'^ moins les mêmes fins 61 les mêmes résultats , celte objection devient donc in- soutenaMe. Ainsi , d'après ce qui précède , il éii rationnel de cofl- chire que, piiisqit'il y a une analogie ff-appante, incontes- table , entre l'organisation de l'appdrêil sexilel de l'espèce humaine et des Mammifères, il dcyit aussi exister une senï- blable modalité dans les fonctions de cet appareil. Et comme , d'un autre côté , l'obset'Vàtion impartiale et sévère des faits démontre qu'il y a une parfaite identité physique entre les phénomènes de la menstruation de la féM'toe éï ceux qui caractérisent l'époque dès amours des Mammi- fères ,' il en fâttt rallibnmêllèrtfèn>t conclure qu'il y a aussi entre ces jD^feénomèhes imë fi^Éfaitef identité physiotôgiqtréy et qu'ils doivent agir dans une même direction , en prélu-^ dant à dès â C'est donc un fait acquis scientifiquement. Certains zoospermes sont évidemment protégés à l'exté- rieur par une fine membrane épidermique qui en suit tous les contours/et qui, dans certaines circonstances, paraît s'en détacher par lambeaux plus ou moins étendus et tomber. Cette membrane, que l'on pourrait peut-être com- parer à une espèce d'épilhélium, est assez difficile à aper- cevoir, cependant elle se distingue très-bien sur les sper- matozoaires de l'homme. Quelques savants , qui avant d'infirmer le résultat de mes observations ne les ont assu- rément pas répétées avec tout le soin que j'ai mis à les exécuter, ont nié l'existence de cet organe, en paraissant simplement dominés par des vues théoriques. Il me semble cependant qu'avant d'avoir la prétention de renverser des observations en leur substituant des doctrines, il faudrait au moins s'appuyer sur l'examen des objets, et je ne sache pas que mes antagonistes l'aient fait. Je vais plus loin, et je prétends que, quelle que soit l'es- sence dont on fasse théoriquement dériver les zoospermes, lors même que l'on ne verrait pas manifestement l'épithé- lium à la surface de leur corps, il faudrait nécessairement en soupçonner et en admettre l'existence. Si le zoosperme n'était qu'une expansion de la muqueuse, l'épithélium de celle-ci, plus ou moins atténué, régnerait à sa surface. Si le zoosperme est le produit d'une génération sponta- née, il faut encore qu'il ait à sa périphérie un organe cu- tané qui en limite les formes. L'épithélium des zoospermes semble déjà avoir été en- PIXIÈME LOT. di5 ticvii pnr Leeuwenhoek, car Haller (1) dit que co savant pensait que ceux-ci subissent de véritables métamorphoses cl qu'ils jouissent de la faculté de changer de peau ! C'est principalement sur les zoospermes de l'homme que j'ai reconnu et étudié cet organe. C'est surtout en obser- vant à la lampe qu'on le dislingue avec netteté. Celle enveloppe est entièrement diaphane et entoure toutes les régions de l'animalcule, le corps et la queue; et il semble qu'il y ait au-dessous d'elle un fluide transparent qui la distend et l'éloigné des parties qu'elle revêt. Ce qui milite encore en faveur de l'existence de cet épithélium , que j'ai positivement aperçu , c'est que les zoospermes sont évidemment entourés d'une zone plus pâle que le fluide dans lequel ils nagent. On peut encore tirer un argument en faveur de cette enveloppe extérieure , des espèi^^s de débris membraneux que l'on rencontre souvent flottants et attachés vers l'origine de la queue, et que plusieurs micro- graphes ont représentés dans leurs planches. Cette sorte d'épilhélium existe si manifestement que , dans diverses observations, j'ai vu des zoospermes qui s'en étaient récemment dépouillés et qui semblaient en quelque sorte en train de changer de peau ; l'épithélium de la région céphalogaslrique formait à l'origine de la queue une coque flottante ouverte d'un côté et qui paraissait avoir été reje- tée en arrière par le même mécanisme qu'un insecte re- jette son vieil épiderme (2). L'existence de cette surpeau est aussi rendue évidente par la rencontre de certains zoospermes expirants, qui par- (1) Haller. Elément, physiol. , tome viii, p. 537. (2) Atlas, pi, n, fig. 6. 316 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. fois, probablement à cause du frottement qu'ils ont éprou- vé, ont tout cet organe déchiré par lambeaux flottants au- tour d'eux (1). Selon moi ce sont ces déchirures ou cet enlèvement de répilhélium qui forment les nodules, placés vers la nais- sance de la queue, que Dujardin a décrits et figurés dans plusieurs ouvrages (2), et dont cependant il n'a , je crois , donné aucune explication. C'est aussi cet enlèvement de l'épithélium qui constitue l'espèce d'infundibulum que l'on rencontre vers l'origine de la queue d'un zoosperme hu- main figuré dans l'un des écrits de Mandl (3). Mais pour trancher toute discussion, il me semble que je n'ai qu'un fait à citer, c'est l'existence aujourd'hui dé- montrée de la nageoire membraneuse des zoospermes des Tritons. Dans toute la série zoologique, lorsqu'on voit une na- geoire quelconque à la surface d'un animal , personne ne conteste qu'elle ne soit constituée au moins par l'accole- ment de deux replis de la peau , entre lesquels s'observe ordinairement un appareil musculaire ou un système os- seux. Comment, lorsqu'une membrane natatoire, lorsqu'une véritable nageoire apparaît sur un zoosperme, comment se fait-il que pour lui seul on s'obstine à nier que celle-ci soit formée par une double expansion cutanée? Et si, pour expliquer cet appareil locomoteur, on est forcé d'admettre la présence de l'organe cutané, faut-il s'étonner qu'il existe là une fine membrane épidermique ? (1) Atlas, pi. II, fig, 5. (2) Dujardin. Annales des sciences natur. Zool, , tome viii, 1837, p. 293, pi. 9. — Manuel de l'observateur au microscope. Paris, 1842, atlas, pi. 3, (3) Mandl. Manuel d'aiiatomie générale appliquée à la physiologie, Paris, 1842. DIXIÈME LOI. r,t7 M. Van Beneden semble doulei" de l'existence de l'épi- ihélium des spermalozoaires. Il se demandes! la petitesse de ceux-ci ne s'oppose pas à l'admission de cette couche. « Pour qu'il existe un épithélium, dit-il, il faut qu'il existe une réunion ou une couche de cellules ; et quelle serait leur dimension ici? La grandeur des cellules ne diminue pas à l'infini/Ce prétendu épithélium, selon lui, pourrait bien n'être que des portions du spermocyste (1). » On peut répondre à la première objection, que je n'ai pas prélendu que l'épithélium des zoospermes soit d'une structure microscopique identique avec celui des grands animaux , et que d'ailleurs comme certains animalcules spermatiques ont la surface de leur corps granulée, cela indique déjà qu'il y existe probablement des cellules. Pour la dernière supposition, elle n'est réellement pas sérieuse, et elle prouve que M. Van Beneden n'a point observé le fait qui nous occupe et qui est on ne peut plus facile à vérifier sur les zoospermes de l'homme. Pour considérer les spermalozoaires comme des ani- maux, nous ne nous étions d'abord appuyé que sur la na- ture de leurs mouvements, que nous avions observés avec la plus grande attention; mais des naturalistes étrangers, qui ont adopté cette opinion, ont pensé apercevoir sur ces singuliers êtres des traces d'organisation. Quelques-uns, avec Schwann, ont même cru reconnaître au centre du ren- flement antérieur des zoospermes de l'homme, un suçoir analogue à celui des Cercaires et des Douves. Ehrenberg dans ses magnifiques ouvrages sur les êtres (1) Tan Be«kdeit. Notice sur le sexe des Anodontes et la signification des spermalozoaires. Bruxelles, 1845. 318 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. microscopiques, a lui-même placé les zoospermes parmi les Microzoaires suceurs. Quelques savants étrangers ont même été beaucoup plus hardis, et ont prétendu apercevoir sur ces animalcules plusieurs cavités stomacales analogues à celles des Infu- soires polygastriques. Un anatomiste dont les travaux portent le cachet d'une remarquable précision, Valentin (1), pense avoir reconnu des traces évidentes d'organisation sur les zoospermes de l'Ours. D'après lui on aperçoit dans leur intérieur des vési- cules qu'il considère comme des estomacs ou plutôt comme un canal intestinal enroulé sur lui-même. Il prétend aussi qu'il existe à chacune des extrémités de ces animalcules, une petite tache arrondie dont l'antérieure semblerait être leur bouche et la postérieure l'anus. Gerber (2) va encore plus loin , car il assure avoir dis- cerné les parties génitales des zoospermes du Cabiai. Selon lui ces organes se présenteraient sous la forme de deux petits corps globuleux finement granulés, situés dans la région postérieure de l'animalcule. D'après quelques auteurs et entre autres Wagner, les spermatozoaires de l'homme et du Chien offrent sur leur disque une petite tache, ressemblant à un anneau ou à un croissant, que certains savants ont considérée comme étant un suçoir. Ce dernier physiologiste a représenté cet organe dans ses planches (3). Wagner prétend aussi que les zoospermes des Chauves- Souris portent sur l'extrémité céphalique une proéminence (1) Valentin. iVoc. act. nat. cur., tome xix, p. 237. (2) Gerber, Allgemeine Anatomie, p. 210, (3) Wagher. Icônes physiologicœ. Leipzig, tab. i, fig, 1, DIXIÈME LOI. 819 en forme d'aiguillon ; il l'a figurée d'une manière tiès-ap- parenle dans ses Icunes physiulogicœ. Ce savant assure même, dans ses Fragments aur la physiologie, qu'il a vu çà et là, sur les spermatozoaires du Lapin, un point obscur analogue à un suçoir. Dugès mentionne également diverses particularités qui sembleraient indiquer que les zoospermes possèdent une organisationinterne.il dit que ceux de l'homme vus de profil offrent une tête qui est mince en avant et renflée en arrière, comme si, en cet endroit, une sorte de ventre existait sous le disque. Cet auteur signale en outre qu'à l'intérieur de certains spermatozoaires on trouve communément un ou plusieurs globules transparents (1). Enfin, Henle (2) et Schvvann (3) ont reconnu qu'il exis- tait à l'intérieur du corps des zoospermes de l'homme un organe qui ressemble à la ventouse des Cercaires. Puis Lallemand a signalé sur les mêmes spermatozoaires un point très-brillant, extrêmement remarquable, situé vers l'origine de la queue et qu'il compare à la vésicule germi- native duvitellus (4). Habitué aux observations microscopiques et ayant à ma disposition d'excellents instruments il m'a longtemps été impossible de reconnaître aucun vestige d'organisation intérieur sur les spermatozoaires. J'avais seulement observé que la surface de quelques-uns était granuleuse. Ce n'est qu'après de longues et persévérantes études ; (1) Dugès. Traité de physiologie comparée de l'homme et des animaux. Paris, 1839, tome m, p, 231. (2) Henle. Anatomie gen, , trad. de Jourdan. Paris, 1843, t. ii, p. 528. (3) ScHWANJs-, Mikroskopîsche Untersuchungen , Berlin, 1839. (4) Lallemand. Des perles séminales involontaires. Paris, 1841, tome ii, p.394. 350 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. qu'après des essais longtemps infructueux que je suis enfin arrivé à reconnaître l'exactitude des observations que je viens de citer, et à me convaincre aussi que certains sper- matozoaires offrent une organisation interne caractéristique de l'animalité. Pour apprécier cela , il faut observer des zoospermes au moment où leurs mouvements sont très-lents et en quelque sorte durant leur agonie ; quand ils sont trop vivaces, la rapidité avec laquelle ils passent empêche de rien distinguer ; quand ils sont morts , la rigidité qu'ils offrent rend également l'investigation impossible. Il est indispensable aussi, pour bien reconnaître l'orga- nisation des spermatozoaires, de faire des observations à la lumière artificielle. Celle-ci en dessinant plus manifeste- ment certains contours et en formant des ombres là où la lumière du jour n'en produisait nullement, permet de dis- tinguer certains détails qui échappent sous l'influence de celte dernière . Vogt (l)a, comme moi, reconnu ces avan- tages, et avoue que c'est à la lumière artificielle qu'il a dû de bien saisir tous les détails internes de l'embryon des Palées. En observant , dans les conditions décrites ci-dessus des zoospermes de l'homme, j'ai reconnu que leur disque offrait en avant une sorte de mamelon qui pourrait bien être la bouche ou un suçoir. R.Wagner (1) me semble être le seul savant qui ait bien figuré cet organe, dont j'ai constaté manifestement l'existence , et que j'ai représenté encore avec plus de soin. Vers la région antérieure du renflement céphalogastrique, (1) Vogt, Embryologie des Salmones, dans Agassiz, Histoire naturelle des Poissons d'eau douce de l'Europe centrale. Neufcliâtel, 1842, p. 23. ("2) K, Wagner. Icônes physiologicce. leipsig, 1839^ pi. r. niXIKMF, i.oi. ,*,51 j';ii l'ccoinm qu'il y avail imc vc-siculc Irès-npparcnlo , (]iii oc(Mipail environ le tiers de sa cavilé. Celle vésieule est diaphane et se décèle parl'intensilédela lumière qui règne dans le lieu où elle réside. En arrière de cet organe , qui pourrait être un estomac ou une vésicule aspirante analogue à celle qu'on rencontre sur quelques insectes suceurs , on observe une tache brunâtre qu'on doit coiisidc'rer comme une masse viscérale, et dans laquelle il m'a même semblé, mais bien vaguement , que l'on l'econnaissait une circon- volution intestinale. C'est assurément l'un de ces deux organes qui a été dé- crit ou figuré par Henle (1), Schwann (2) et R. Wagner (3) ; mais ces savants n'ont pas apporté, je pense, autant d'at- tention que moi dans cette recherche, puisque, au lieu d'un seul organe signalé par eux, j'en i-econnais deux ijjpni- festement différents : l'un plus transparent que le reste du corps, l'autre, au contraire, d'une teinte plus obscure {k). Ce qui confirme physiquement que l'intérieur de ces zoo- spermes n'est pas un corps homogène, c'est que lorsqu'on éclaire diversement le champ du microscope, on s'aperçoit que le devant du renflement et sa région postérieure ré- fractent très-diversement la lumière, et que conséquem- I ment, pour qu'il en soit ainsi, il faut qu'il existe là d'im- l| portantes modifications organiques. I Si la phalange des naturalistes qui ont reconnu, ainsi que I nous, une organisation interne chez les zoospermes , est I encore bien peu nombreuse , nous n'en doutons pas, elle I augmentera rapidement, et tous les observateurs exacts (1) Hem.k. Au.'ilomie gcnér.ale. Paris, 1843, tome ir , p. 528 (2) ScHWANN. Mihroshopische Untersiîcliuiigen. Berlin, 1839. (3) K. AVagni-.t Icônes plirsîologicœ. I eipzig, 'J839, t. r, f. i. (4) Allas, lai). ;r, (ig. 4. 21 322 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. viendront bientôt la grossir. Naguère 0. F. Muller (1) , Lamarck (2), Cuvier (3) et Lalreille Qt) ont nié l'organisa- tion interne d'un grand nombre d'animaux infusoires, qu'ils regardaient comme privés d'appareil digestif; et cependant les beaux travaux d'Ehrenberg (5), reproduits et acceptés par Pritchard (6) et par la plupart des micrographes, ainsi que l'autorité des savants les plus célèbres de l'époque, tels que R. Owen (7) , Carus (8) , Burdach (9) et Grant (10), n'ont-ils pas démontré péremptoirement que ces mêmes animalcules possèdent des estomacs souvent multiples! Il est probable que les zoospermes, après avoir éprouvé les mêmes vicissitudes, trouveront aussi la même justice. Il est vrai que Wagner quoique ayant reconnu une modification organique, une sorte de tache particulière sur les zoospermes humains, n'en est pas moins encore resté dans le doute relativement à leur organisation (11). Siebold professe aussi n'avoir jamais reconnu d'appareils viscéraux à l'intérieur des zoospermes (12) ; mais pour ce dernier, (1) O. F. MtiLLER. Anîmalcula iiifusorîa. Copenhague, 1786. (2) Lamarck. Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, 2^ édition , par Deshayes et Milne Edwards. Paris, 1835, 1. 1, p. 346. (3) Cuvier, Le règne animal distribué d'après son organisation. Paris, 1830, t. III, p. 325. (4) Latreille, Familles naturelles du règne animal. Paris, 1825, p. 551. (5) Ehrenberg. Organisation systematik iind geographiscJies Ferliœltniss der Infusionsthierchen, Berlin, 1880. (6) Pritchard. Animalcules infusoires. Paris, 1839, p. 9. (7) R. Owen. Lectures on comparative anatomj, London, 1843, p. 17. (8) Carus. Traité élémentaire d'anatomie comparée. Paris, 1835, t. ii,p.5. (9) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'observa- tion. Paris, 1837, tome ï, p. 12. (10) E. Grant. OuiUnes of comparative anatomy, London, 1836, p. 305, (11) Wagner, Hist. dé la génér. et du développement. Paris, 1841, p. 19- (12) SiEBotD. MuUer's archiv, fur Phfsiol,] 1836= DIXIEME LOI. 323 cela ne pourrait-il pas tenir à ce qu'il a particulièrement observé ceux des animaux inférieurs, dont nécessairement l'organisation doit être moins élevée? Ne pourrait-on pas se demander aussi si ces deux savants ont mis dans leurs obser- vations toute la précision que réclame un semblable sujet? N'ont-ils pas pu s'égarer encore dans la recherche d'appa- reils aussi délicats, eux que l'on vil professer de si étranges opinions relativement à la nageoire des spermalozoaires des Tritons, appareil cependant bien autrement facile à distinguer que l'organisation interne du zoosperme humain? La texture des zoospermes offre d'assez importantes dif- férences; car, tandis que les uns se dessèchent facilement en gardant à-peu-près leurs formes ou restent dans cei'- tains liquides fort longtemps avant de se décomposer, d'au- tres, et tels sont ceux des Crustacés, des Insectes et des Mollusques, selon Lallemand, ne peuvent se conserj*er sur des lames de verre et se décomposent rapidement dans l'urine et même dans l'eau la plus pure (1). Cette observa- lion a même fait conclure à ce savant que les spermalo- zoaires des animaux inférieurs ont une texture plus impar- faite que ceux des êtres plus élevés. Uniquement guidés par quelques vues théoriques, ou en se basant seulement sur des observations incomplètes, quel- ques savants avaient prétendu que les zoospermes apparais- saient constamment avec les mêmes formes et les mêmes dimensions dans les diverses régions de l'appareil génital, ou enfin qu'ils ne subissaient nullement ce développement graduel et successif qui est un des attributs de l'animalité. Le problème de la reproduction de ces singuliers êtres (1) Lallemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tome ir, page 499. 21. i)^.k TllKORIi: HK LA FECONDATION. était essentiel à résoudre, aussi de nombreuses tentatives ont-elles été faites pour y parvenir. Longtemps totalement infructueuses, parce qu'elles n'étaient dues qu'aux efforts de l'imagination, aujourd'hui seulement l'observation est venue en éclairer quelques phases d'une manière positive. Les plus secrètes nous resteront peut-être encore profon- dément voilées pendant bien des années ; mais ce qu'il y avait de plus essentiel pour la solution de la question, l'accroissement progressif, a été mis hors de doute. On s'est convaincu que ces animalcules offraient réellement divers étals de développement , et nous-même , nous avons con- tribué par nos recherches à rendre ce fait incontestable. Bory Saint-Vincent avait d'abord cru qu'il se pourrait bien que les zoospermes se reproduisissent par scission (1), et Gruithuisen prétendait même avoir observé ce fait et découvert que quelques-uns se partageaient longitudinale- ment ou se multipliaient par gemmation (2). Lallemand a combattu cette opinion avec raison et démontré qu'elle tenait à une illusion ; mais ce savant médecin a tort d'a- jouter que la génération des spermatozoaires est encore complètement inconnue : déjà, au contraire^ l'observation attentive en a saisi et révélé quelques particularités (3). Déjà Leeuwenhoek (4) en répondant à Boëihaave qui lui demandait s'il n'avait pas observé des animalcules à diffé- rents degrés d'accroissement, avait assuré que sur le Lapin (1) Lallemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, vol. n, page 4A1. (2) Gruithuisen, Beîtiœge zur Pliysiognos'ie, p. 328. (3) Lallemand. Oper. cit. , p. 441. (4) Leeuwenhoek. Recueil des ouvrages de Leeuwenhoek , tome iv , p. 28i; plXlEMt LOI. 325 il avait reconnu, avec plusieurs personnes, qu'on en trou- vait de diverse taille. L'opinion du développement successif des zoospernies existait sans doute, comme une notion vulgaire, du temps de Halier, car ce savant physiologiste se contente de rap- porter que l'on dit que ces petits animaux grandissent et deviennent adultes (1), Spallanzani dit aussi que ceux-ci n'ont pas tous la même taille et que sur les Chevaux on en voit qui sont un tiers moins grands que les autres (2). Il est étonnant, d'après cela, que quelques modernes aient tenté de prétendre qu'ils apparaissaient de prime abord dans toute leur dimension. J'ai moi-même reconnu que paimi les zoospermes des Mammifèies on en reiiconlre de diverse taille. Mais je dois dire que ordinaiiement leurs dimensions vaiient peu : semblables à ces Insectes qui sortent adulles de leui' nym- phe, ils paraissent généralement ne presque plus subir d'accroissement après être sortis de leur capsule géné- ratrice. Cependant quelques zoospermes présentent dans leur développement des phases exlrêmement distincles, el on les voit, en suivant celles-ci, non-seulement accroîire leur volume, mais parfois aussi changer d'aspect et de forme. Les observations de Gleichen auraient du persuadei' nos contemporains de celle vérité, mais pour en arriver à ce point il a encore fallu y joindre celles de plusieurs autres (1) Haller. Elementa phjsiologiœ- corporis humani. Lausanne, 1778, I tome VII, p. 536. I (2) Dri Blainmlle, Manuel d'aclinologie ou de zoophytologie. Pari», I 1834, p. S76. 326 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. naturalistes. En effet ce savant, en disséquant les organes génitaux du Taureau, du Cerf, du Verrat, du Lièvre et du Renard, ne rencontra point de spermatozoaires dans les testicules. Il vit seulement de petits globules mobiles à l'intérieur des épididymes , et ce ne fut que dans les vési- cules séminales qu'il put découvrir des zoospermes à l'état parfait (1). Des observations analogues ont été faites par Czermak ; ce dernier remarqua même que les animalcules doués de mouvements complets ne se rencontraient sur beaucoup d'animaux que dans les conduits déférents (2). Asch, qui lui n'a pu apercevoir que les globules primitifs du sperme, a même déjà reconnu que ceux-ci se dévelop- pent peu-à-peu (3). Treviranus prétend avoir remarqué que dans la semence des Grenouilles ce n'est qu'après un certain temps que l'on voit apparaître des zoospermes doués de mouvements (4). Lallemand est encore parvenu à des résultats plus positifs et dont il a donné les détails circonstanciés dans son Traité des j^ertes séminales (5). Comme il le dit lui-même: « on ne peut supposer que ces êtres soient dès les premiers moments de leur existence tels qu'ils doivent être au moment de la fécondation. » Parmi les savants qui ont le mieux étudié la production des zoospermes on doit citer Wagner. Celui-ci après ses nombreuses observations s'est hardiment résumé en s'ex- (1) Gleichen. Dissertation sur la génération, les animalcules spcrmati- ques, etc. Paris, an vu , in-4. (2) Czermak. Beitrœge zu der Lekre wn der Spermalozoen.Wien.l^iS, p. 20. (3) Asch. Dissert, de naturâ spermatis ^ p. 103. (4) Trevirakus. Fermischte Schrèften, 1. 1, p. 123. (5) Lallemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, t. ii, page 471. DIXIÈME LOI. 327 primant ainsi : « Leur développement, dit-il, a lieu suivant les lois générales de l'évolution animale avec des modifica- tions particulières et présentant certaines analogies avec les Cercaires et les Entozoaires (1) ». Wagner a, en effet, constaté que les zoospermes des Passereaux s'engendrent dans des vésicules spéciales, qui ont d'abord 1/150 de ligne de diamètre, puis qu'ils s'accroissent et parviennent à 1/100 et même à 1/50 de ligne. Dans leur intérieur, qui d'abord est rempli de granules , on voit bientôt apparaître des faisceaux de zoospermes. Ceux-ci après avoir distendu et déformé ces capsules par leur accroissement, en sortent enfin lorsqu'elles ont été crevées par eux, et ensuite ils deviennent libres (2). Ce physiologiste fait même remar- quer qu'à mesure que ces animalcules s'avancent dans le canal qui les contient, ils deviennent de plus ëff plus forts (3); Wagner considère, avec beaucoup de raison , les cap- sules spermatiques comme les organes producteurs des zoospermes (4). En effet, c'est dans leur sein, c'est sous leur abri que ceux-ci naissent, se développent et arrivent à leur entier accroissement. Lallemand prétend avoir une opinion différente en ne regardant ces capsules que comme des spermatophores de la plus grande simplicité. Mais ce- pendant il y a évidemment de l'analogie entre les asser- tions de ces deux savants, puisque ce dernier pense que (1) Wagner. Histoire de la génération et du développement. Bruxelles, 1841, page 37. (2) Wagner. Icônes physiologicœ. Leipzig, 1839, pi. i, fig. 5. (3) Wagner. Histoire de la génération et du développement. Bruxelles, 1841, p. 28. (4) Wagner. Op. cit. , p. 26. 328 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. les zouspej'Qies subissent un teilaiu développement durant leur séjour dans ces organes de protection (1). Les résultats obtenus par Wagner ont été confirmés en- suite par Siebold (2), Valentin (3) et Hallmann (4). Ces di- vers observateurs ont en effet reconnu, avec le physiologiste allemand, que les zoospermes s'engendraient généralemenl dans des vésicules qui en renfermaient un plus ou moins grand nombre ; mode lout-à-fait analogue à celui qui s'ob- serve chez certains animaux inférieurs, et dont Wagner (5) et Kœlliker (6) nous ont donné d'exactes figures dans leurs beaux ouvrages ; le premier en représentant les vésicules d'évolution des zoospermes de l'homme, des Oiseaux et des Lapins ; le second en figurant celles du Cochon de Bar- barie. Donné (7) a aussi reconnu que le développement des animalcules spermatiques présente diverses phases appré- ciables, car en parlant de ceux de l'homme il dit qu'ils commencent par être à l'état globulaire, et que ce n'est que successivement qu'ils acquièrent la taille que nous leur connaissons. L'analogie perce tellement que J. C. IMayer (8) n'hésite (i) Lallemasd. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tome ii, page 467. (2) Siebold. Dans Muller's Archiv., 1839, p. 436. (3) Valektin. Beperiorium, 1837, p. 143. (4) E. Hall:mann. Sur le développement des spermalozoaires des Raies, Dans Milliers arch., 1840. (5) Wagner. Icônes pJijsiologicœ. Leipsig, 1839, pi. 1, fig. 2, o, 6. (6) KoELLiRER. Recherches pour servir à la connaissaucu des rapports «exuels et du sperme des animaux. Berlin, 1841, (7) DoHKÉ. Cours de microscopie. Paris, 1844, p. 280. (8) Mayer. Neue Unlersuchungen zur Aiiaiomie iiiid Plirsiologit, Bonn, 1842. DiXliiMt LOI. 329 pas, d'apiès ses observai iuiis sin- le développement des zoospermes des Grenouilles, à proelamcr que ceux ci s'en- gendrent à l'aide d'œuls semblables à ceux des autres ani- maux. Nous avons fait nous-mème sur les Grenouilles des ob- servations analogues à celles qui précèdent, et elles con- courent à prouver que le mode de développement dont il a été question doit être un fait général à l'égard des animal- cules dont l'hisloire nous occupe. Les zoospermes des Grenouilles naissent tous dans des vésicules sphériques, transparentes, excessivement minces, qui en contiennent environ chacune une trentaine. Ces vési- cules, qui grossissent à mesure que les animalcules se déve- loppent, finissent par se fendre quand l'accroissement que ceux-ci subissent dans leur sein est arrivé à so.» terme. Alors les zoospermes en sortent, mais lentement et souvent même avec difficulté. Dans certains cas, l'espèce de fais- ceau ou d'écheveau qu'ils forment par leur accolement, adhère au fond de la vésicule par l'une de ses extrémi- tés et s'agite continuellement par l'autre , comme si les divers animalcules qui le composent réunissaient leurs ef- forts pour s'échapper. Et souvent, malgré ceux-ci, le groupe est longtemps avant de pouvoir se débarrasser totalement de son enveloppe (1). Dans les premiei's moments de leur sortie de la vésicule, les zoospermes sont agglutinés en- semble dans presque toute leur étendue, et ils ne se trou- vent libres que vers l'une de leurs extrémités, qui se ter- mine par uii globule jaunâtre que l'animalcule secoue à l'aide d'un mouvement incessant. Tous ces globules sont situés au même bout du faisceau. (1) AUas, pi. 1, fig. 10. 330 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Après s'être tourmentés pendant un certain temps, les zoospermes finissent par rompre leurs faisceaux, puis ils s'i- solent et se dispersent (1). Alors on reconnaît que tous sont filiformes, un peu renflés seulement à leur partie moyenne et excessivement longs. Leur région postérieure, qui on- dule plus que tout le reste du corps, est plus fine et adhère au globule dont nous venons de parler, que ces animal- cules traînent partout avec eux. Alors leur marche est lente, et leur corps presque droit n'opère que de bien faibles in- flexions pour exécuter la progression (2). Mais après un certain temps l'aspect de ces zoospermes change totalement. En s'agitant ceux-ci perdent bientôt leur globule caudal, puis on les voit peu à peu et fort len- tement se recourber vers leur milieu. Ils forment d'abord un angle très-obtus, dont les côtés sont rectilignes. En- suite, l'angle en se fermant devient tout-à-fait droit, puis aigu. Au bout d'un certain temps cet angle s'étant encore plus fermé, ses côtés deviennent parallèles. Après cela les deux bouts s'entrecroisent simplement, et enfin on les voit s'entortiller ensemble de manière à représenter une double hélice. A l'endroit où s'est opérée la courbure de ces animalcules il reste un écartement ; c'est celui-ci, ou cette espèce de rosette qu'il représente, qui forme la prétendue tête que quelques auteurs leur ont attribuée, et le reste est enroulé , serré , pour former ce que l'on nomme la queue. Lorsque ces spermatozoaires se meuvent, cette sorte de tête va en avant. La région qui d'abord formait l'extrémité antérieure, et qui est devenue une portion de la queue. (1) Atlas, pi. I, fig. 11. (2) Atlas, pi. I, fig. 1. DIXIÈME LOI. 331 s'avance donc en sens contraire de ce qu'elle faisait primi- tivement (1). L'existence des capsules zoospermiques n'appartient pas seulement aux Vertébrés, déjà les observateurs en ont découvert aussi sur les animaux d'une organisation moins élevée. Lallemand et Milne Edwards en ont vu dans le sperme du Crabe commun. Elles étaient extrêmement minces, et chacune d'elles renfermait quatre-vingts à cent zoospermes très-petits, piriformes et immobiles. Dans de récentes observations, Ch. Robin et Lebert ont aussi découvert ces vésicules d'évolution sur des Sèches, et ils rapportent sur la sortie de leurs zoospermes des parti- cularités en tout semblables à celles que j'ai signalées à l'égard de ceux de la Grenouille. Chez ces Mollusques, d'a- près ces investigateurs, on trouve des globules sphériques renfermant un faisceau d'animalcules dont les queues sont entortillées et paraissent former une espèce de cordon. Puis d'autres globules pâles et transparents qui contien- nent deux, quatre, six animalcules et au-delà. La partie antérieure du corps est seule contenue dans la cavité de ces globules, et la queue reste au-dehors et se meut comme un long appendice ondulant. Il est surtout fort curieux de voir ces globules entraînés par les spermatozoaires et exé- cutant des mouvements progressifs en tournoyant , dus à l'agitation des queues qui pendent au-dehors pendant que les corps restent contenus dans la cellule (2). Sur la Sépiole, les mêmes observateurs ont vu qu'il existait des tubes séminifères pleins de zoospermes ; les (1) Atlas, pi. I, fig. 2 à 9. _ (2) Ch. Robin et Lebert, Annales des sciences naturelles, 1843. Institut, 1845. 332 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. uns sont encore en faisceau el renfermés dans leurs cel- lules ; les autres sont libres et disposés longitudinalement dans le sens de l'axe du conduit. Lallemand compare, non sans raison, l'enveloppe ou la capsule des zoospermes à l'enveloppe des œufs composés de certains animaux qui, ainsi que cela s'observe sur la Sangsue et quelques Mollusques, contient plusieurs ovules dans une membrane commune (1). D'auires documents tendent encore à confirmer l'hypo- thèse dans laquelle on admet que les zoospermes, comme tous les êtres organisés, éprouvent un développement suc- cessif. Lallemand a observé que l'on ne rencontrait géné- ralement pas de zoospermes dans les testicules des person- nes qui succombent à une maladie longue, et que ceux-ci étaient remplacés par des corps brillans. Il a en outre re- connu que les personnes affectées de pertes séminales fré- quentes n'émettaient ordinairement que des zoospermes plus petits que ceux des personnes saines : ce savant mé- decin conserve môme des préparations dans lesquelles ces animalcules ont près de la moitié seulement de leur longueur. Lallemand, par plusieurs séries d'observations exécutées soit sur les Oiseaux, soit sur les Reptiles, a même donné à cette opinion la valeur d'une démonstration que rien ne peut renverser. L'examen des organes génitaux d'une Vipère lui a surtout fourni des pieuves palpables. Les tes- ticules étaient remplis d'une multitude de granules très- petiis, brillants, arrondis et fort mobiles, parmi lesquels (1) Lallemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tomeii, , 455-457. DIXIEME Lor. r. ;'),") on ne rencontrait ancun zoosperme avec ses formes adultes. « Plus loin, dans l'cpididyme, dit ce savant, quelques-uns de ces globules, étaient piriformes ou munis d'un rudiment de queue. An commencement du canal déférent il n'exis- I tait plus de globules ; les zoospermes étaient pourvus d'une queue assez longue, mais très-mince ; la tête, encore peu régulière et fort transparente, laissait apercevoir un noyau I qui nous a paru semblable aux globules observés dans j le testicule ; du reste ces têtes n'étaient pas toutes régu- II lièrement conformées. A la fm du canal déférent les zoo- spermes étaient plus opaques, plus réguliers et plus agiles; la queue était plus longue et son extrémité se contournait 1 plusieurs fois en spirale (1)». Il n'est pas possible de dé- montrer avec plus de soin que les spermatozoaires subissent un accroissement. Donné n'hésite pas non plus à admettre que ceux-ci s'ac- croissent : « Ils commencent par être à l'état globuleux, I dit-il , et ce n'est que successivement qu'ils acquièrent le développement que nous leur connaissons (2) ». Selon Lallemand , le point brillant que l'on remarque à la tête des zoospermes, et qui est si caractéristique, repré- sente la trace du globule primitif par lequel a commencé l'animalcule, et il pense que c'est autour de lui que se sont i formées la tête et les autres régions, comme autour d'un point central de vitalité. D'après ce savant ce point serait I même l'analogue de la vésicule de Purkinje, et « de même, I dit-il, qu'il y a des ovules qui sont très-simples et réduits à (1) Lallemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tome ii, p. '''72. (2) Donné. Cours de microscopie. Paris, 1844, p. 280. 334 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. la vésicule proligère, de même aussi il y a des zoospermes qui sont presque dépourvus de queue et restent piri- formes(l) ». L'alternative qu'on observe dans l'accroissement des tes- ticules de certains animaux ne semble-t-elle pas être l'ex- pression d'une succession de développements du principe générateur laissé par chacune des générations de zoos- permes qui apparaissent et s'éteignent à chaque époque du rut? Chez la plupart des animaux les testicules prennent même au moment où les sexes vont s'unir, un développe- ment considérable relativement à celui qu'ils offrent durant l'intervalle de repos. Chez les Poissons, qui ne sait que le sperme remplit tellement les testicules que ceux-ci refou- lent les viscères et gonflent souvent l'abdomen d'une ma- nière prodigieuse (2). Cet extraordinaire accroissement ne se manifeste pas à un moindre degré chez les Oiseaux et sur certains Mammi- fères. Les testicules des Canards , suivant Tannenberg (3), n'ont ordinairement que 6 lignes de longueur sur 2 de large, tandis qu'à l'époque de la pariade leur longueur est de 18 lignes et leur largeur de 9. Ceux des Moineaux, d'après Hunter(4), ne dépassent pas ordinairement une demi-ligne de diamètre, tandis qu'ils acquièrent 6 lignes de longueur et h de largeur aux époques des amours. (1) Lallemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tome ir, page 476. (i) Comp. Rathke. Beitrœge zur Geschichte der Thienvelt, Dantzick, 1826, tome ii, p. 15. — Lacépède. Histoire naturelle des Poissons. Paris, 1832.— CuviER et Valenciennes. Hist. nat. des Poissons, Paris, 1828, tome i. (3) Tannenberg. De partîhus genitalibus mascuUs m'îum, p. 10, (4) HuNTER. Obseivat'tons on certain parts of the animal economy. Dans ses OEuvres, trad. par Richelot. Paris, 1841, tome iv, Atlas, pi. xxix. DIXIÈME LOI. 335 Bory Sainl-Vincenl (1), Lallemand (2) et Wagner (3) ont fait des observations analogues. Cette turgescence ex- traordinaire, d'après Burdacli (^) et la plupart des physio- logistes, se manifeste aussi sur beaucoup de Mammifères. Selon Lallemand (5), lorsque l'organe est dans sa pé- riode d'amoindrissement au lieu de zoospermes le fluide qu'il contient ne renferme plus alors que des globules ana- logues à ceux qu'offrent l'espèce humaine et les Mammi- fères avant la puberté. Ne pourrait-on pas considérer ces globules comme un état embryonnaire des zoospermes, ou plutôt comme n'é- tant que les rudiments des capsules zoospermiques? Ne pourrait-on pas admettre aussi que, si à certaines époques les testicules prennent subitement un développement con- sidérable et semblent se distendre par l'afiluence du sperme, cela est simplement dû à l'augmentation de volume que su- bit chacun des globules en arrivant au degré d'organisation qui constitue le zoosperme adulte et parfait , ou la capsule prête à se rompre pour émettre son produit ? Ainsi donc, d'après toutes ces preuves, il faut considérer comme un fait acquis que les zoospermes s'engendrent dans des capsules spéciales, se développent et offrent des phases manifestes d'accroissement caractérisées par des formes particulières. Est-il possible après cela de comparer ces (1) Bory Saiht- ViNCEMT. Dictionnaire classique d'histoire naturelle, Paris, 1830, tome xvi , p. 734. (2) Lallemand Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tomeii, p. 425. (3) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841, p. 26. (4) BuRDACH, Traité de physiologie considérée comme science d'observa^ tion. Paris, 1838, t. h, p. 18. (5) Lai-lemaud, Oper. cit., p. 425. 3o6 THÉORIE nE LA FÉCONDATION. animalcules à des fragments de lissu détacliés de l'orga- nisme souche, ainsi que l'ont fait Donné (1), Gros (2), Lallemand (3), Dujardin (4) et quelques autres micro- graphes? Est il possible de leur refuser celte essence de vitalité qu'on est forcé de départir au moindre des animaux ou des végétaux pour en constituer un tout complet, jouis- sant des attributs indispensables de l'individualité? Les mouvements variés qu'exécutent les zoospermes suf- firaient seuls à la raison pour faire supposer que ce sont des animaux. S'ils n'étaient que des dérivés de l'organisa- tion , ces êtres singuliers offriraient-ils tant de formes diverses et une si remarquable locomotion? Les uns, et tels sont ceux du Lapin, frappent le liquide avec leur queue et accomplissent des mouvemenis brusques; ils vont, viennent et se retournent à l'instar des têtards des Gre- nouilles ; quelques-uns rampent en serpentant, d'autres comme ceux des Passereaux retournent sur son axe leur corps rigide, allongé et disposé en spirale, et semblent exé- cuter un mouvement analogue à celui d'une vis. Les sper- matozoaires des Tritons sont encore plus étonnants ; leurs groupes tournent en décrivant des cercles plus ou moins nombreux et serrés dont les divers animalcides semblent tous animés d'un mouvement centrifuge. Tous ces mouvements, comme le dit Wagner, « font « naître chez l'observateur l'idée d'une action volontaire (1) Donné. Cours de microscopie. Paris, 1844, p. 281. (2) Gros. Note sur les zoospermes comparés chez le cliien et l'homme. Institut, 1846, p. 2, (3) Laixemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841^ tome ir, page 479. (4) Dujardin, Manuel tle l'observateur au microscope. Paris, 1843, p. 96. nixiÈME LOI. 337 « de la pari de ces animalcules. En effet on ne peut les « rapporter aux mouvements moléculaires, ni les rapporter « aux mouvements ciliaires, ni les considérer comme des « effets produits par l'hygroscopicité ou par d'autres causes « physiques (1). » H. Cloquet (2), en décrivant ces animalcules prétend que leur vie se manifeste par des actes qu'il est impossible de révoquer en doute. Les zoospermes exécutent, dit-il, des mouvements qui sont l'effet d'une sorte de volonté , puis- qu'on les voit tendre vers tel ou tel point déterminé (3), se re- tourner lorsqu'il se présente des obstacles (4), se joindre, se séparer (5), s'éviter (6), tourner en roue (7), et se servir de la queue comme d'une rame (8). Leur langueur reconnue sur des personnes âgées, par Harlzoeker (9) et par Lesser (1 0), ou sur des individus affectés de maladies vénérieni>es ou simplement d'épuisement, comme l'ont vu Superville (11), Andry (12) et Lallemand (13) , viennent encore parler en faveur de leur animalité. (1) Wagner. Histoire de la génération et du développement. Bruxelles 1841, p. 22. (2) H. Cloquet. Faune des médecins. Paris, 1823, t. iir. — Dictionnaire des sciences naturelles. Paris, 1827, tome l, p. 130. (3) Leeuwenhoek, Anal, et comtempl, ii, p. 168 et Werrheyes, SuppL anatomiciini. Bruxelles, 1710, p. 68, (4j NicoLAÏ. Fon der Erzug. des Kindes in Mutterleibe, etc. Hall. 1746a (5) Leeuwenhoek. Op. cit., tome iir, p. 284. (6) A. Kaaw. Op. cit. Sup. n° 96. (7) VALLiSNÉai. Opère del cavalière Fallisneri^ t. ir. (8) NicoLAÏ et Ledermuller. Op. cit. Sup. ^ (9) Hartzoeker. Essai de dioptrique, p 231. (lOJ Lesser. Théologie des insecles , p. 228. (11) Superville. Philosophîcal transactions. 1732. (12) Andry. De la géuératiou des Vers dniis le corps dt' l'homme. Paris, 1741. (13) Lali.emand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tome ^ii. 22 ^ THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Après avoir fait de nombreuses expériences sur le mou- veoient des spermatozoaires , Kraemer n'a point hésité à considérer celui-ci comme étant spontané et le résultat de la Yje (1), Mandl a professé aussi de semblables opinions. J. Muller (2), guidé par l'une de ces impressions intimes qui sont souvent l'expression de la vérité, avoue lui-même que la locomotion des zoospermes a une analogie com- plète avec les mouvements volontaires des animaux, et que l'on ne peut la rapprocher des oscillations des cils vibratiles. Bischoff (3) en énumérant les forces qui portent le fluide séminal vers les ovaires , considère le mouvement propre des zoospermes comme contribuant aussi à cet acte. A cet effet il rappelle que Henle (4), en cherchant à évaluer la force de ces animalcules, assure qu'il en a parfois vu qui entraînaient des cristaux dix fois plus volumineux qu'eux ; ,et le physiologiste allemand rapporte qu'il a été étonné de voir que des spermatozoaires, dans leur mouvement téré- brant, poussaient continuellement devant eux un globule du sang ou une cellule épithéliale. Mais j'ai reconnu que ceux-ci développent parfois une énergie encore beaucoup plus con- sidérable. Souvent j'ai vu quelques-uns de ces microzoaires ébranler ou pousser devant eux des groupes de huit ou dix globules du sang agglomérés. Les déplacements ^qu'ils produisent parmi ces globules (1) Kraemer. Obsevvatlones mîcroscoplcœ et expérimenta de motu sper- matozoorum. Goltingue, 1842. (2) J. Mui-LtR. Manuel de physiologie, Paris, 1845 , tome ii, p. 611. (3) Bischoff. Histoire du développement de l'œuf du Lapin. Paris, 1843, p. 564. (4) Hekle. Anatomie générale, trad. de Jourdan, Paris, 1843, tome xi. DIXIÈME LOI. 339 OU ceux du mucus sont lels , que lorsque l'œil n'aper- çoit pas encore de zoospermes dans le champ du raicios- cope, s'il en existe, il les trouve immédiatement en recon- naissant divers endroits dans lesquels il y a une grande agitation parmi lesglobiUes, agitation souvent produite par un seul animalcule. Ce sont même ces déplacements qui rendent si facile l'appréciation du nombre de spermato- zoaires qui se trouvent dans les organes génitaux, et qui permettent de les compter exactement lorsqu'il n'y en a pas beaucoup. La puissance de locomotion des zoospermes est telle que I quelques-uns de ces animalcules parcourent un pouce en \ sept minutes et demie (1). Qu'on veuille bien [dire quels 1 cils vibratiles, quels fragments de l'organisme accompli- raient de semblables actes ? ^ De nombreuses dissidences existent en ce moment parmi les savants à l'égard de la nature des zoospermes. Pour nousUeur animalité n'est point douteuse, et trois sortes de preuves peuvent servir à soutenir cette opinion et à com- ; battre ses adversaires : ce sont les notions émanées du sens ,| intime, celles produites par l'observation et l'expérience, 'i et celles qui sont le fruit de la comparaison et du rai- sonnement. Examinons chacun de ces moyens. ji Les notions produites par le sens intime sont nombreu- ses, et à chaque page les auteurs en offrent des traces ; souvent même, tel antagoniste de l'animalité des zoosper- jî ipes , trahi par ses propres impulsions , combat à l'aide (1) UEnLE. Anatomie générale, trad. de Jourdan. Taris, 1843, tomeii, p. 533. 22. 3/40 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. tl'asserlioiis échappée s ii):\iieniivement à sa plume, la théo- rie qu'il s'efforce de faire triompher. La découverte des animalcules spermatiques eut un immense retentissement dans le monde savant. Les doc- trines de Leeiiv\enhoek y soulevèrent de vives discussions et comptèrent à la fois de chaleureux partisans et de zélés détracteurs ; tout ce que l'Europe possédait alors d'hommes éminens y prit part et s'enrôla sous l'une des deux ban- nières. Parmi les derniers on doit surtout citer G. Thomas d'Asch, baron du saint Empire (1), qui, imitant la théorie cartésienne, considérait les zoospermes comme ne jouis- sant que d'un mouvement communiqué et confus ; puis J. Rai (2), Lyonnet (3) , Hevermann (4), G. Ploucquet (5), Linné (6) , G. Wahlbom (7) , Vander Sterre (8) , Maître Jean (9) , Sonnini (10), et quelques autres, qui, soit qu'ils (1) O. Thomas d'Asch. De ovo încubato epîstola ad Sponium, Londres, 1680. (2) J. Rai, fVisdom of God manifested in the works of création, Lon- dôn, iê9l. (8) LvoKNET. TIléologie des insectes de Lesser. La Haye, 1742, dans une noie page 216. (4) Hevermann. Plirsiologia.Mdiînxx. , 1751, tome xviii, p. 327. (5) Ploucquet. De generalione corp, organisât, disquis. Sliittg. 1749. (6) Linné. Generatlo dmbigena i diss. prœside C. Liimceo Resp. C. L, ÎJpsal ,1759. ^7) G. Wahlbom. Sponsalia plantanim sub prœsidio C. Linnœi. Up- sal, 1746. (8) Vander Sterre. De generatione ex oi'o et monstrorum product, rpist. duœ, Amst. 1687. (9) Maître Jean. Observations sur la formation du Poulet. Paris, 1722, p. 304. (10) Sonnini. Dans l'Hisloire iiatiirello de MufTou. Paris, tome x l, p. 213, nute. 4 DIXIÈME LOI. ôhi eussent vu iniparraitemenl les speiinalozoaiies, soii (ju'ils n'aient pu les aperccvoii', nièrent leur existence, ou seule- ment s'efforcèrent d'en atténuer l'iniporlance. Le plus formidable antagoniste des nouvelles découvertes de Leeuwenhoek fut sans contredit Buffon. Mais les objec- tions de ce savant prouvent de la plus extraordinaire ma- nière jusqu'à quel point l'esprit de système peut égarer les plus beaux génies. Buffon a sans cesse discouiu sur ces animaux sans jamais avoii' pu en découvrir un seul. Rien n'était plus facile; cependant, par une étrange aberra- tion , il disposa tellement ses expériences qu'il n'eut à observer que des infusoires développés durant le mouve- ment putride qui s'engendre dans la semence, et non des spermatozoaires. Mais d'un autre côté les opinions de Leeuwenhoek Jurent acceptées par des hommes du plus grand mérite, et leur nom- bre et leur autorité ne peuvent être contrebalancés par leuis antagonistes, tant s'en faut. Parmi les savants qui se pro- noncèrent sans hésitation en faveur de l'animalité des zoo- spermes, après avoir fait de ceux-ci la plus attentive élude, on peut principalement citer F. Schrader (1), R. Hooke (2), M. Lister (3), Geoffroy (i), le peintre Gautier d'Agoty (5), Lancisi(6), Musschenbroek et Voiler (7), P. Massuet (8), (1) F. Schrader. Dissertatio de microscoplorum iisu, GoUiiig. 1681, in-8. (2) R. HooRE. Lectures and conjectures , etc. London, 1679. (3) M. Lister, De liumoribus. Loiidou, 1719. (4) Geoffroy. Qiiœst. rncd. an liominis prhnordia Ternies? Paris, 1704. (5) Gautier d'Agoty. Zoogénie ou génération de l'homme et des ani- maux. Paris, 1750. (6) Lakcisi dans Valmsnéri. Espcrlcnza. Part, m , p. 489. (1) MusscHEîfBKOKK. cl VoLLER. Act, llaffuicns . , V(A . V., oli>. 7. (8} p. Massuet. De gencrationc ex cnhnalculo ut ove, J.eydc, 1729. 342 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Hermann Paul Jiich (1), W. Cheselden (2), J. B. Morga- giii (3), le cardinal de Polignac (k), C. Ludwig (5), Ba- ker (6), Boerhaave (7), J. Lieutaud (8), J. Lieberkulin (9) , Daniel de Superville (10), Laurent Withof (11), de Mau- perluis(12), F. Ledermuller(13), A.Nicolaï(14), Ch. Bon- net (15), Al. Monro(16), Lesser (17), Needham(18), G. Krazenstein (19) et Gleichen (20). Vallisnéri , dont l'autorité est d'un si grand poids , n'ad- mettait nul doute à cet égard; et c'était immédiatenment après avoir observé ces mêmes zoospermes, qu'il s'écriait ; (1) H. P. JncH. De animalculis spermaticis, etc. Erfurt, ITSl. (2) W. Cheselden. The anatomy of the human body , London , 1784. (3) J. B. MoRGAGNi. Adversarîa anatomîca omnîa. Ludg. Batavor.,1741. (4) Polignac. jénti Lucretîus. Liv, vir. (5) C. Ludwig. Instiluiiones physiologiœ. 'Leips,^llS>'i. (6) Baker. The microscope mode easy. London, 1743. (7) Boerhaave dans A. Kaaw. Impet. faciens, etc. Leydae , 1745. (8) J. Lieutaud. Elementa physiologîœ. Amstel. , 1749, p. 210. (9) J. Lieberkuhn. Ep'ist. ad Hamberg. (10) D. DE SuPERviLiE. PhUosophicttl transactions, 1732 , 1742, (11) L. Withof, ^d syst. Leeuwenhoekianum comment, duo, Leydae, 1746. (12) De Maupertuis. Vénus physique. Paris, 1741, c. 18. (13) F. Ledermullur. Fertheidig. der Saamenthierch , etc. (14) NicoLAÏ. Fon der Erzeug. des Kindes in Mutterleibe, etc. Hall , ■ 1746. (15) Ch. Bonnet. Considérations sur les corps organisés. Neufcliâtel, 1742. (16) A. MoNHO. Dissertât. Inatigur. de testibus et de semine in variis animalibus. Edinburg, 1755. (17) Lesser. Théologie des insectes. Lahaye, 1742. (18) Needham. Nouvelles observations microscopiques. Paris, 1750. (19) C. Krazenstein, Fon der Erzeug. der TFiirmer im menschlichen AToVjyer. Hall, 1748. (20) Gleichen. Dissertation sur la génération, les animalcules sperma- tiques, etc. Paris, an vu. DIXIEME LOI. 3Û3 « E fjli riconohhi, e gli giudicaî senza duhitamento alcuno per vert, verissimi, arciverissinii ver7ni (1). » Le grand Ilaller, qui professe aussi sans le moindre doute que ce sont des animaux, dit même que de son époque toute l'Europe savante, à l'exception de Buffon et de quelques-uns de ses adhérents, partageait celte opi- nion (2). Dès 1752, pour la première fois, un savant anglais, nommé Hill, avait même fait entrer les zoospermes dans les classifications zoologiques. Il les considérait comme des animaux infusoires et en avait formé un genre, sous le nom de macrocercus (3). Suivant Darwin (4), le sperme renferme des fdaments vivants, simples, doués d'une certaine capacité d'irritabi- lité, de sensibilité et de volonté, et qui au moment de la génération , vont se placer dans le nidamentùm qu'offre l'œuf et s'y développent. Quelques savants furent beaucoup plus loin, et crurent devoir considérer les animalciUes sper- matiques comme des embryons corporalisés : Gautier les* figura même avec l'apparence humaine (5). Dans un ouvrage capital, dans sa Faune des médecins, H. Cloquet (6) ne semble pas non plus avoir le moindre doute relativement à l'animalité des zoospermes, et il les (1) Vallishéri, Opère ciel cac^allisnerl, tome it , p. 103. (2) Haller. Elementa phjsiologlœ corporls humaiil. Lausanne, 1778, tome vn, p. 533. (3) Hill. Essay in natuval history contu'm'ing a séries of discof.'erïcs bjr the asseriains of viicroscopies , Londres, 1752. (4) Darwin. Zoonomie. Gand, 1812, tome ii , p. 276. (5) BuRDACH. Traité de physiologie considérée comme science d'obser valion. Paris, 1838, tomeii , p. 287. (6) H. Cloquet. Faune des médecins. Paris, 1823, tome m , p. 439. SUk THÉORIE DE LA FÉCOINDATIOIN. classe, sans hésiiaiion, parmi les Cercaiios. Okeii, à riini- lalioii de Millier, les place aussi dans ce geni'c (1). Bory Saint-Vincent est tellement explicite à l'égard de la nature des zoospermes, que dans un de ses arti- cles il s'écrie : « Ils ont constamment donné à nos yeux des signes tellement évidents de volonté, que nous sommes encore à comprendre comment des ailleurs qui disent s'être servis du microscope, pour en observer, ont pu nier leur animalité (2). Plusieurs autres savants du plus grand renom ne balan- cent nullement encore à considérer les zoospermes comme des animaux; tels sont, entre autres, Burdach, qui les re- garde comme de simples infusoires, développés dans le sperme parvenu à son plus haut degré de perfectionne- ment (3). De Baër, dans ses additions à la Physiologie du savant allemand, a également adopté celle opinion (4). Cuvier n'était pas moins explicite, et il pensait que l'on ne pouvait pas douter que les zoospermes ne fussent des animaux, analogues aux autres microzoaires (5). Czermak (6) , d'après ses recherches aussi minutieuses qu'étendues, partage même les zoospermes en trois grands groupes, qu'il rapproche des divers types d'infusoires. Les (1) Blainville. Manuel d'aclinologie. Paris, 1834, p. 583. (2) Bory Saint-Vikcent. Dictionnaire classique d'histoire naturelle Paris, 1830, tome xvr , p. 733, (3) Burdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation. Paris, 1837, tome i , p. 133. (4) Burdach. Oper. cit. tome i , p. 13S. (5) Cuvier. Histoire des sciences naturelles. Paris, 1841 , tome m, p. 273. (6) CzERMAS. Beitrœge zic der Lehre von cler Spcrinatozoen. Vienne, 1832, p. 19. DIXIKMK LOI. 345 Céphaloïdes un subglobuloiix, (lui se leiicoiiliciil dans les Poissons et soiii considérés par Ini comme pouvant être pla- cés près des Monadaires ; les Uroïdes ou filiformes , qui s'observent sur les Kepliles el les Oiseaux et qu'on peut grouper près des Vibrionides; enfin les Céphaluroïdes, donl le disque porte une quene grêle, tels sont les zoospermes des Mammifères, et que l'on peut ranger dans les Cercaires. Orfila (1) leur donne, sans hésitation, le nom d'animal- cules spermaliques. Clievreul (2) et C. Chevalier (3) les considèrent aussi comme des animaux. Donné semble également ne pas hésiter à ranger les zoo- spermes parmi les animaux: «Ces animalcules, dit-il, possè- « dent à un si haut degré l'une des propriétés essentielles de « la vie, le mouvement spontané cessant sous l'influence des « agents qui détruisent la vie, que, dans l'ignorance gk nous « sommes, sur ce que c'est que la vie elle-même, nous pen- « sons que l'on doit les considérer comme des animaux à « aussi juste titre qu'un grand nombre d'autres êtres ani- « mes inférieurs, auxquels on a donné un rang dans « l'échelle zoologique (^). » De Blainville lui-même qui, à une époque, avait doulé de l'existence des zoospermes (5), après de nouvelles obser- vations, a admis enfin leur animalité : « De toutes les ma- nières d'envisager les zoospermes, dit ce savant zoologiste, (1) Orfila. Dictionnaire de médecine. Paris, 1827, tomexrx, p. 4'i0. (2) Chevreul. Dictionnaire des sciences naturelles. Paris, 182'', tome l , p. 132. (3) C. Chevalier. Des microscopes et de leur usage. Paris, 1839, p. 211. (4) Donné, (ours de microsc.pie. Paris, 1844, p. 282. (5) De Blaikville, Cours de physiologie générale et comparée. Paris, 1833. 346 THÉORIE DB LA FÉCONDATION. celle à laquelle nous croyons devoir nous arrêter, est celle qui les considère comme de véritables animaux parasites intestinaux, appartenant à différents genres, Cercaire, Vi- brion, Paramœcie et Volvoce (1). » Dutrochet s'est aussi enfin arrêté à la pensée que les zoospermes sont des animaux (2); seulement, selon lui, ils auraient un mode spécial de génération. Wagner, après avoir étudié les Spermalozoaires, n'hé- sita pas à les considérer comme appartenant à la classe des animaux et les regarda comme des Entozoaires (3). Et dans un moment où ce physiologiste était entraîné par le seul ascendant de l'observation et du sens intime, il s'écrie, en résumant ses assertions sur les zoospermes : « Leurs mouvements sont variés et portent complètement le carac- tère de la volonté ; leur développement a lieu suivant les lois générales de l'évolution animale, avec des modifica- tions particulières et présentant certaines analogies avec les Cercaires et les Entozoaires (k). » Et cependant, qui le croirait après de semblables aveux, Wagner est tenté de refuser l'animalité à ces microzoaires. Que veut-il donc que soient, si ce ne sont des animaux, des êtres qui offrent des déterminations volontaires et dont l'é- volution se fait selon les lois générales qui président à celle des animaux? Dans un de ses paragraphes, Lallemand dit aussi que les mouvements des zoospermes dépendent réellement de (1) De Blainville. Manuel d'actinologie ou de zoophytologie. Paris, 1834, p. 599. (2) Dutrochet. Mémoires pour servir à l'histoire des végétaux et des animaux, Paris, 1837 , tome ii , p. 200. (3) Wagner. fFiegmans arcliives^ 1835. (4) WAGnea, Traité de physiologie. Paris, 1841, p. 37. DIXIÈME LOI. 347 la vie; cl qu'ils sont rccllemeni spontanés (1). El cependant, après cela, commcnl se iail-il qu'il conteste l'animalité des zoospernies? Un être qui jouit de la vie ne peiil être qu'un végétal ou un animal : il faut opter. Les /oospermes ont été victimes des idées théoriques des diverses époques par lesquelles la science a passé. J. Muller, qui reconnaît aussi que leurs mouvements res- semblent aux mouvements volontaires des animaux (2), tend cependant à les i ayer de cette classe , car, à quelques lignes de distance, il dit : « L'organisation des animalcules spermaiiques n'est pas encore connue, et jusqu'à présent il est demeuré très-douteux qu'on doive les considérer comme des animaux (3). » On ne doit pas cependant se fonder sur un semblable argument, car combien d'Helminthes, coçpbien de Micro- zoaires n'a-t-on pas rangés parmi les animaux, quoiqu'on ne connût pas leur organisation? Et d'ailleurs, aujourd'hui, les micrographes ne découvrent-ils pas, de moment en mo- ment, sur les zoospermes, quelques traces d'organes qui semblent indiquer la présence de certains viscères? ne ve- nons-nous pas nous-même d'ajouter à leurs recherches quelques faits nouveaux , et de rencontrer une membrane natatoire sur ceux du Triton ! Conçoit-on que quand tous les auteurs qui ont vu se mouvoir des zoospermes, s'accordent à dire que leurs mou- vements paraissent évidemment sous l'influence de la vo- lonté, tant cela est patent, on dispute encore pour savoir si ces êtres jouissent ou non de l'animalité, eux auxquels on (1) LALLEMàHD. Dcs pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tome ii, p. 475. (2) J. Muller. Manuel de physiologie. Paris, 1845, tome ii, p. 609. (3) MoLLEB. Op. cit.,\p, 608. ?^8 THÉORIE DE LA FÉCO.NDA 1 lOK . accorde à priori une des i'onclions les plus élevées qui aient élé départies aux animaux. L'observation, ainsi que le prouve ce que nous avons dit de la structure des zoospermes, peut être invoquée avec succès pour soutenir l'hypothèse de l'animalité de ceux-ci. Nous avons vu en effet que plusieurs savants, d'un mérite incontestable et dont les travaux se sont fait remarquer par leur rigoureuse précision, avaient reconnu à l'intérieur des spermatozoaires des traces d'organes qui ne peuvent ap- partenir qu'à des animaux : tels sont Valentin(l), Henle (2), Schwann (3), Gerber(4), Dugès(5) et d'autres. Nous-mê- mes nous avons fait quelques observations qui tendent à confirmer celles de nos devanciers, lorsque nous avons si- gnalé deux organes spéciaux à l'intérieur des zoospermes de l'homme. Mais dans le cas où certains savants s'obstineraient à nier les traces d'organisation intérieure découvertes sur les zoospermes, et encore difficiles à apercevoir à cause de l'imperfection de nos instruments, il est impossible aujour- d'hui qu'ils puissent nier l'existence de certains organes d'animalité on ne peut plus élevés, d'organes de locomotion, de véritables nageoires membraneuses, dont j'ai signalé la présence sur les spermatozoaires des Tritons. Se pourrait-il, en effet, que des êtres qui ont un appareil spécial et éner- gique destiné aux mouvements volontaires, ne fussent pas (1) Valentin. A^ot'. act. nat. cur., lomexix, p. 23. (2) Heni.e. Anatomie générale, tiadiiile par Jounlan , tomo n. (3) Schwann. Mikroscopische Unlersucliungen. Berlin , 1839. (4) Gerber. Allgemeine Anatumie^ p. 210. (5) DuGÈs. Traité de physiologie comparée de l'houinie et des anim.iux. Paris, 1839j tome xir, p. 251. DlXlfcMF. LOI. 3/49 des animaux? Ce sérail renverser toutes nos idées sur la nature des êtres de l'échelle zoologique! Quelques expériences entreprises sur les zoospermes, viennent encore sanctionner la thèse que nous soutenons. Telle est en particulier l'action des agents délétères. En ef- fet, on a vu que divers poisons agissaient absolument sur eux comme ils le font à l'égard des animaux. Prévost a reconnu que l'acide cyanhydrique anéantit in- stantanément leurs mouvements ; la strychnine les fait pé- rir au milieu d'espèces de convulsions, durant lesquelles ils se tordent en tous sens avant de perdre tout mouve- ment (1). Wagner, qui a répété ces expériences, dit aussi que les solutions d'opium et de laurier cerise les tuent ra- pidement (2). Enfin ils expirent subitement lorsqu'on les expose à la décharge d'une bouteille de Lejjde (3). Lorsque la raison scrute froidement et attentivement les objections qui ont été faites au sujet de l'animalité des zoo- spermes , on s'aperçoit qu'elles sont plus spécieuses que positives, et l'exercice de celte faculté sert ainsi à éclairer la nature de ceux-ci, encore entourée de tant de mystère. Quand bien même on n'aurait point encore découvert le mode de génération et de nutrition des zoospermes, il ne serait pas rationnel d'en arguer que ce ne sont point des animaux. Relativement à leur génération, nous avons vu que si quelques-unes de ses phases restaient encore environnées (1) Prévost. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1840 , 30 no- vembre. (â) Wagneh. Physiologie. Paris, 1841, p. 24. ; (3) DcMAS. Dictionnaire classique d'histoire naturelle. Paris, 1825, I p. 217. 350 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. de ténèbres, déjà de patientes observations en avaient éclai- ré quelques autres d'une manière satisfaisante. Mais si ces investigations nouvelles n'eussent point eu lieu , si on fût resté à cet égard dans la plus profonde ignorance, les naturalistes n'auraient pas dû timidement s'arrêter. Pour- quoi, d'ailleurs, vouloir assimiler la reproduction des zoos- permes à celle de la généralité des êtres de la série zoolo- gique? Certains animaux inférieurs ne s'engendrent- ils pas à l'aide de procédés inconnus? ne se pourrait-il point que les zoospermes eussent aussi un mode encore caché de repro- duction ? les champignons, quoique parfois si volumineux, n'ont-ils pas eu longtemps eux-mêmes leur génération livrée aux plus singulières hypothèses? n'est-il pas bien autre- ment difficile, cependant, de scruter la génération des ani- malcules spermatiques? pour eux, dont les micrographes ne nous ont révélé l'existence que depuis si peu de temps, n'est-ce pas vouloir devancer les siècles que d'exiger que tout ce qui concerne leur mystérieuse nature nous soit déjà dévoilé? si nous ignorons encore la manière dont apparais- sent les premiers éléments des capsules d'évolution des zoospermes, connaissons-nous mieux les inexplicables pro- cédés par lesquels s'engendrent les myriades de microzoai- res qui pullulent parfois dans nos vases d'expérimentation? La science elle-même, malgré sa splendeur et son éléva- tion, s'humilie et se confond lorsqu'elle sonde ces nébuleu- ses questions. L'objection tirée de l'absence d'organes de nutrition n'est déjà plus soutenable. Ainsi que nous l'avons dit, les obser- vations tendent à démontrer qu'il existe des viscères à l'ifi- térieur des zoospermes. Mais quand bien même ce point de doctrine ne serait pas soutenu par quelques hommes d'un haut talent, il faudrait l'admettre forcément à priori. Les DIXIÈME LOI. 551 fails rapportés par Wagner (1), Kœllikcr (2), Laliemand et Milue Edwards (3) ont prouvé que les zoospermes s'ac- croissaient en changeant de forme à mesure qu'ils se déve- loppent ; il faut donc qu'il y ait incontestablement une nu- trition qui s'opère. Nous n'en connaissons pas encore tous les détails, mais il est impossible de la nier: Il y a accrois- sement, donc il y a nutrition; il y a nutrition^ donc il existe un appareil assimilateur. L'objection par laquelle on conteste l'animalité des zoo- spermes, en se fondant sur ce qu'ils ne paraissent point subir d'accroissement parce qu'on les découvre tous de même grandeur, n'est pas plus solide que la précédente. D'abord, parce que l'on rencontre de ces animalcules qui sont de taille diverse; puis, parce qu'on les voit évidemment se développer dans leurs capsules, et enfin en sortir presque immobiles encore, et s'animer peu-à-peu.'' Quelques savants, par trop timorés, craignaient de ran- ger les zoospermes parmi les animaux, parce qu'alors il eût fallu, selon eux, en expliquer l'apparition par la génération spontanée j question brûlante, à ce que prétendent certains naturalistes. Mais s'il fallait croire à l'existence des géné- rations spontanées, pour admettre l'animalité des zoosper- mes, je ne vois réellement pas pourquoi on s'éloignerait si fort de l'adoption d'une opinion que tant d'hommes, du plus haut mérite, ont acceptée sans scrupule dans leurs écrits, et qui ne touche en aucun point à nos croyances. En effet, (1) Wagner. Traité de physiologie. Bruxelles, 1841 , p. 27. (2) KoELLiKER. Recherches pour servir à la connaissance des rapports sexuels et du sperme. Berlin, 1841. (3) Lalleuaho. Des pertes séminales involontaires.Pam, 1841 , tome ii, p. 472. 352 TnÉORIE DE LA FÉCONDATION. en compulsant les ouvrages de Buffon (1), Needhara (2), Gleichen (S), Wrisberg (û), 0. F. Muller (5), Rudolphi(6), Bremser(7), J. Muller (8), Lamarck (9), Treviranus (10), Tiedemann(li), Cabanis (12), Eudes Deslonchamps (13), Bory Saint-Vincent (14), Burdach (15), Dugès(16), Allen Thomson (17), on reconnaît que ces savants ont admis la génération spontanée , et il semble qu'avec une telle réu- nion d'illustrations on peut s'avancer sans hésitation. Sans l'existence de l'hétérogénie on ne pourrait assurément, avec toutes les arguties du langage , expliquer la produc- tion de certains Helminthes à l'intérieur des cavités les plus closes et même au milieu des tissus de quelques em- bryons d'animaux î (1) Buffon. Supplémens, Paris, tome iv, p. 335. (2) Needham. Nouvelles découvertes faites au microscope. Leyde, 1747. (3) Gleichen. Dissertation sur la génération , les animalcules spermati- ques, ceux d'infusion. Paris, an vu. (4) Wrisberg. Observ. de animalculis infusoriiSf p. 38, (5) O. F. Muller. Animalcula infusoria Jluviaiilis et marina, Co- penhag. ,786. (6) RunoLPHi. Entozoorum s. vermium intest'inalïum... Jiistoria natu- ralis, Amsterdam, 1808. (7) Bremser. Traité zoo^ogique et physiologique des vers intestinaux. Paris, 1824, p. 64. (8) J. McLLER. Manuel de physiologie. Prolégomènes. Paris, 1845, p. 14. (9) Lamarcr. Philosophie zoologique, p. 80. (10) Trevir*«cs. Biologie. Gottingue, 1803, t. ii, p. 267 et 403. (11) Tiedemann. Physiologie de l'homme. Paris, 1831, tvi, p. 107. (12) Cabanis. Rapport du physique et du moral de l'homme, huitième édition. Paris, 1844, p. 477. (13) E. Deslonchamps. Encyclop. méthod.^Zoophyles, tome ii, p. 773. (14) Bory Saiht-Yihceht. Encyclopédie méthodique. Art. Psyclio- diaires, tome ii. (]5j BuRDACH. Traité de physiologie. Paris, 1837, tome i, p. 8. (16) DuGÈs, Physiologie comparée. Paris, tome m, p. 207 et 208. .(17) A. Thdmson. Cyclopedj of anatomy, p. 413, DIXIÈME LOI. ?,Sr, Enfin, parmi les preuves que l'inlelllgence empinnie à la logique, nous pouvons encore opposer à nos adversaires une raison péremploire ; c'est qu'en bonne philosophie on ne doit pas nier les faits directs aperçus par ses antago- nistes, par cela seul qu'on n'a pu encore les vérifier; et si des hommes tels que Valentin (1), Gerber (2) et d'autres, ont constaté qu'il existait une sorte d'organisation à l'inté- rieur des spermatozoaires, il est, je pense, rationnel de commencer par y croire , jusqu'au moment où l'on par- viendra à expliquer plausiblement la cause de leur erreur; c'est ainsi que j'ai procédé dans cet écrit à l'égard de quel- ques observations qui ne me semblaient pas précises. Notre timidité en France est peut-être un peu blâmable, et tandis que nous n'osons nous prononcer pour l'animalité des spermatozoaires, à l'étranger quelques savants tels que Meyer et Werneck (3) considèrent comme de véritables animalcules de la semence des végétaux, les phytospermes munis d'une queue que l'on rencontre dans les anthères des mousses. Parmi les savants de l'époque qui vient de s'écouler, tous ceux qui eurent réellement l'avantage d'apercevoir les zoospermes, ne firent aucune difficulté de les ranger avec les animaux, guidés qu'ils étaient par d'intimes convictions et des observations faites sans vues préconçues. Mais ré- cemment quelques personnes, en suivant d'autres voies et en se laissant fréquemment emporter par de simples vues théo- riques, nièrent l'animalité de ces singuliers êtres. Aussitôt après leur profession de foi, la science en voyant de nou- (1) Valentin, Nov. act. nat. cur. , tome xix , p. 237. (2) Gehber. Allgemeine anatomie^ p. 210. (3) Meyer et WERHtCR. Journal de botanique de Ratisbonne, 1835. 23 354 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. veau surgir rincerlilude, là où elle pensail qu'il existait des faits acquis, réclama avec énergie de la nouvelle école, de bien vouloir s'expliquer relativement à la nature des zoospermes, et de dire, si ce n'étaient des animaux, ce que ce pouvait être. Il n'était plus permis d'hésiter. De cette impérieuse nécessité naquirent de bien étranges opinions. Nous allons retracer les principales, et en abor- der la critique avec une franchise que nous désirons re- trouver dans la réponse de nos antagonistes. L'idée qui a surtout dominé les savants qu'on a vus suô- j cessivement s'efforcer de saper l'animalité des zoospermes, , c'est que ceux-ci ne sont que des fragments de l'organisme surtout des cils ou des cellules d'épithélium. Nous allon voir que cette opinion doit succomber immédiatement de- vant les moindres observations , comme devant les plus simples arguments de la raison. Dans son Courts de microscopie , Donné, qui, dans un de ses chapitres que nous avons transcrit, rapproche les zoospermes des animaux , cependant, dans un autre, dit qu'il pense que ce ne sont que des produits des conduit séminifères, et qu'ils résultent d'une sorte de desquama- lion de la paroi de ceux-ci (1). Dujardin a employé tout son talent à soutenir une opinio pareille. Selon lui, les zoospermes ne sont point des aiii maux, mais « un produit ou une dérivation de la couche interne des tubes séminifères ; non point une sécrétion, mais un produit progressivement formé , un produit conservant Une sorte de vitalité (2), et analogue aux cils vibratiles (3). » 1) Donné. Cours de microscopie. Paris, 1844 , p. 176. (2) Dujardin. Ann. des sciences natur. Zoologie, tome vm, p. 291. (3) Dujardin. Manuel de l'observateur au microscope. Paris, 1843, p. I DIXIEME LOI. 355 Ces assenions m'ëlonnent ci ne me paraissent pas siis- cepliblesde soutenir la moindre critique. Si les zoospermes éiaienl une dérivation, un produit de la couche inteine des tubes séminifères, il serait facile à l'analomisle de démon- trer leur origine à la surface de la membrane qui revêt l'appareil génital ; mais on n'y trouve rien de semblable, et pas le moindre indice ne peut favoriser cette hypothèse. En effet, il est impossible de rien reconnaître à la surface des tubes séminifères qui soit analogue aux spermatozoaires ; et d'un autre côté ceux-ci, comme cela est prouvé, se dévelop- pant en parcourant les voies génitales, ne peuvent donc être considéi'és comme des fragments de tissu susceptibles de conserver plus ou moins longtemps leur vitalité : ce sont des êtres qui ont en eux-mêmes toutes les facultés départies aux plus infimes animaux. Ne sait-on pas qu'ils naissent et gran- dissent dans des vésicules spéciales? y a-t-iî^len là d'analo- gue avec la production des cils ou des cellules épithéliales? et d'ailleurs, concevrait-on une portion de tissu qui en s'éloi- gnant de son organe générateur, si elle n'avait une vie pro- pre et le rang d'animal complet, pût s'accroître et se déve- lopper loin de l'être qui lui a donné naissance? Dans une note adressée dernièrement à l'Institut, M. Gros(l) s'est aussi occupé de démontrer que chez l'homme et les Mammifères, les spermatozoaires sont des dérivés de l'organisme, et qu'ils ne représentent que le détritus ci- liaire des conduits spermatiques. L'auteur de ce travail y fait voir les spermatozoïdes d'abord assez semblables à des cils vibratiles, puis se détachant de la surface des organes (1) Gros. Note sur les zoospermes comparés diez le chien et l'iiomme. Institut, 1846, p. 2. 23. S56 TliÉOniR DE LA FÉCOMiATION. qui les produisent , e\ prenant enfin , sous l'œil de l'obser- vateur, la forme individuelle qu'on leur connaît. Selon nous, les cils des zoospermes diffèrent trop par leur origine, leur dimension, leur forme, leur structure intime et générale, et leurs mouvements, pour qu'il soit possible d'admettre l'hypothèse de M. Gros, qui du reste a déjà été soutenue par quelques savants. Avant de prétendre que les zoospermes ne représentent qu'un détritus des surfaces organiques, M. Gros n'a donc pas pris connaissance des travaux de Wagner (1), de Kœl- liker(2) et des nôtres (3), desquels il résulte que ces sin- guliers êtres naissent dans des capsules particulières, au sein desquelles on peut en suivre le développement gra- duel phase par phase. Les dimensions et la forme des cils sont absolument dif- férentes de celles des spermatozoaires. Ces derniers sont souvent considérablement plus volumineux. La forme des cils est extrêmement simple ; ils ne représentent ordinaire- ment que des espèces de filaments terminés en pointe; on ne voit sur eux aucun appendice, aucun renflement, et ils sont parfaitement symétriques dans toutes leurs régions. Au contraire, les zoospermes présentent souvent des renflements , et sur ceux qui offrent cette particularité , la région supérieure et l'inférieure du corps ne sont plus symé- triques. Bien mieux , fréquemment l'appendice caudal ne naît pas de l'extrémité du disque, mais seulement vers sa circon- (1) Wagner. Histoire de la génération et du développement. Bruxelles, 1841, p. 26. (2) KoEixiKER. Reiherches pour servir à la connaissance des rapports sexuels et du sperme. Berlin, 1841. (3) Allas, p'. 1 , fig. 10. DIXIEME LOI. 357 féreuce. Enliii, il csldes zoospermes, comnu; nous Tavoiis démontré, qui ont le long du corps une véritable nageoire ' médiane. Rien de semblable, absolument rien, n'existe et ne peut exister sur les cils vibratiles. L'organisation des zoospermes vient également protesler contre les vues de M. Gros. Cet observateur ignore-l-il que I Valentin et Gerber ont reconnu que ceux de l'Ours et du ^ Cabiai présentent des espèces de viscères dans leur disque céphalo-gastrique , et que nous-même nous avons signalé cette particularité sur ceux de l'homme ? La structure intime de ces êtres diffère essentiellement aussi de celle des cils. Lorsque l'on soumet ces derniers à l'influence de la chaleur du foyer de la lentille du micros- cope solaire, on les voit se gonfler, devenir moniliformes et représenter une suite de vésicules de moins en moins volu- mineuses, à mesure que l'on s'avance vers l'extrémité libre. Quand on expose des zoospermes aux mêmes épreuves, rien de semblable n'a lieu. Enfin, les mouvements des cils devenus libres ne pour- raient imiter ceux des zoospermes. Lorsqu'on observe la mobilité des fragments des franges du pavillon, qui eux sont réellement des fragments d'organisme , on s'aperçoit que leur locomotion désordonnée ne ressemble en rien aux mouvements des zoospermes, qui, comme l'ont dit tous les observateurs, semblent le résultat de la réflexion. Si les zoospermes étaient des dérivés de l'organisme, des parties retranchées des tissus vivants, leur mobilité devrait I nécessairement aller en s'afl"aiblissant, tandis que, ainsi que l'a vu Czermak (1), il en est absolument le contraire, et en (!) CzERMAR. Beitritge zu dçr Lettre voit der Sptnnatozocn , p, 20. 358 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. suivanl le développement de ces animalcules, ce n'est que peu à peu qu'on les voit s'animer et se mouvoir. On pourrait encore objecter à M. Gros, que si réellement les spermalozoaires sont des détritus des surfaces muqueu- ses, on devrait en rencontrer également soit dans d'autres canaux sécréteurs, soit surtout dans l'intérieur de l'oviducte des Mammifères femelles, où il existe des cils vibratiles comme dans les organes génitaux des mâles , auxquels ils sont analogues ; mais l'on ne découvre jamais là rien qui soit même seulement analogue aux zoospermes î L'étude de l'action des poisons sur les zoospermes vient encore s'ajouter à toutes les preuves précédentes, pour dé- montrer qu'on ne peut les assimiler aux cils vibratiles. En effet , Purkinje et Valentin (1) ont reconnu que les poisons narcotiques qui tuent si rapidement les animalcules, n'ont pas d'influence sur les mouvements vibratiles que l'on ob- serve à la surface des membranes muqueuses. Parmi les savants qui se sont élevés contre nos préten- tions à l'égard des zoospermes et qui ont combattu nos assertions relativement à leur animalité et à leur organi- sation, on doit essentiellement citer M. Van Beneden. Dans l'un de ses écrits, publié en 1844, ce naturaliste avance que ces singuliers êtres ne sont point des animalcules, qu'ils ne possèdent aucune organisation et qu'ils doivent être considérés comme analogues aux cellules viteliines (2). Dans un autre, émis un an plus tard, et dans lequel il re- cherche également la signification des spermatozoaires, il (1) Purkinje et Valentin. De motu vibratorio. Dans Milliers archives. 1834. (2) Van Beneden. Notice sur le sexe des Anodontes et la signification des Spennatozoaires. Bruxelles, 1844 , p. 8. DIXIEME LOI. 359 les considère, au contraire, comme élanl analogues aux globules du sang (1), et dans l'une comme dans l'aulre de ces productions, il me reproche de leur avoir assigné cer- taines particularités d'organisation. J'aurais répondu plus tôt aux objections de M. Van Bene- den, si j'en avais eu connaissance ; mais ce savant, par ou- bli, sans doute, ne me fit pas l'honneur de m'adresser ceux de ses écrits où il était question de mes opinions ; le hasard seul me les a fait connaître. Je crois que j'y vais répondre complètement. « Malgré les assertions contraires de M. Pouchet, nous persistons plus que jamais, dit M. Van Beneden, à regarder lesspermatozoaires comme analogues aux globules du sang. Nous ne pouvons les considérer comme des animalcules, et par conséquent comme des êtres organisés. Nous n'avons pas encore eu l'occasion d'étudier les spermatozoïdes des Tritons, mais cela ne peut nous empêcher de regarder les prétendus habitants de ce liquide, chez les Anodontes, les Ascidies et les différents animaux inférieurs, chez lesquels nous les avons observés, comme des cellules libres et gé- néralement ou toujours vibrantes (2). » Je pense que je pourrais peut-être objecter à M. Van Beneden, qu'il n'a pas émis ses opinions après leur avoir donné toute la maturité qu'un semblable sujet comportait. En effet, à un an de distance il change subitement de théo- rie. Ici, il considère les spermatozoaires comme des vési- cules vitellines, là, il ne voit plus en eux que des globules (1) Van Beneden. Institut. Paris, 1846, p. 265. (2) Van Beneden. Académie des sciences de Bruxelles, séance du 10 jan- vier 1846. 360 THÉORIE DE LA FECONDATION. du sang. Quelle est donc celle des deux opinions qu'il faut décidément adopter? Pour moi, ni l'une ni l'autre ne me semble admissible. M. Van Beneden nie de prime abord l'organisation des zoospermes ;maisconfesse-t-il avoir répété les observations des savants qui, tels que Valentin, Gerber et d'autres, ont entrevu celle-ci? Pas le moins du monde. S'est-il donné la peine de rechercher la nageoire des zoosperines des Tri- tons? Il confesse qu'il ne l'a point fait. Avant de réfuter nos opinions, il nous semble qu'il serait cependant urgent, tout d'abord , de refaire les observations sur lesquelles elles sont fondées, et qui leur donnent une force qu'un seul jour n'anéantira pas. Comment dans une cellule vitelline ou un globule du sang, M. Van Beneden pourra-t-il trouver tout ce que l'on observe chez les zoospermes. Où sont les traces d'organes internes que quelques-uns présentent? Qu'y a-t-il de com- mun entre un globule du sang et un spermatozoaire pourvu d'une longue queue ou d'une trompe , comme cela a lieu sur d'autres? Un globule du sang pourrait-il jouir de ces mouvements tellement significatifs, que tous les observa- teurs se sont accordés à les regarder comme volontaires? Un globule du sang aurait-il jamais un organe de locomo- tion spécial, une nageoire dorsale sous l'empire des vou- lions? Non, non, transformez par la pensée, tant que vous le voudrez , un de ces globules , mais jamais la nature ne s'accordera avec vos théories. Bischoff a aussi réfuté l'animalité des zoospermes, et se- lon ce savant on ne doit voir en eux ni des parasites , ni des animalcules, mais de simples éléments mobiles du sperme, avec lesquels les cellides de l'épithélium vibratile ont une analogie frappante Je me contente de répéter DIXIEME LOI. .361 qu'une semblable opinion m'élonne , el que, pour mon compte , je ne vois rien d'analoyue entre ces deux choses. Les variaiions qu'éprouvent les zoospermes dans l'oigane qui les contient, sullîraient seules, selon Lallemand (1), pour les faire regarder comme des produits des testicules, se développar^t pendant le trajet qu'ils parcourent et se perfectionnant par leur séjour prolongé. Il me semble qu'une série d'actes semblables ne peut s'observer que dans des êtres doués d'une vitalité propre , et non appartenir à des fragments de l'organisme, qui une fois détachés du tissu qui les produit ne pourraient plus subir d'accroissement, et dont les seuls changements ne peuvent qu'être le résultat de l'action destructive de la décomposition. Jusqu'à ce moment, Lallemand n'a pas, selon moi, assez catégoriquement expliqué comment il" entend ces mots : Produits des testicules. « Dans l'état actuel de nos connaissances , selon Hui- ler (2), on ne saurait décider si les spermatozoaires sont des parasites ou des molécules primaires de l'animal, chez les- quels on les rencontre. » Cette assertion du savant physio- logiste ne me paraît pas avoir toute la maturité désirable. Les spermatozoaires ne peuvent être des parasites acci- dentels, puisque ce sont eux qui forment la partie fonda- mentale du fluide séminal : sans eux point de fécondation. D'un autre côté je ne puis regarder comme des molécules primaires, des êtres dont la forme est si variée et dont l'in- térieur contient évidemment des organes divers. La lenteur avec laquelle les zoospermes se décomposent (1) Lallemand. Des pertes séminales involont. Paris, 1841 , t. ii , p. 431. (2) J. MuLLEa. Manuel de physiologie. Paris, 1843, tome ii, p. 610. 362 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. lorsqu'ils sont mêlés avec l'urine, suffirait seule, selon Lal- lemand, pour faire distinguer ceux-ci des infusoires ordi- naires, et pour indiquer que ces animalcules sont des pro- duits de l'organisme et non des parasites (1). Je ne puis partager celte opinion. Il faudrait avant d'employer un semblable argument, avoir expérimenté comparativement sur beaucoup d'infusoires , et avoir pu apprécier si l'urine ne pourrait pas être un élément conser- vateur pour quelques-uns d'entre eux. Ce que je puis assu- rer , c'est que les zoospermes du Lapin , et probablement ceux des autres Mammifères , ne se conservent même pas ainsi dans l'intérieur des organes génitaux des femelles , car, comme nous l'avons dit et souvent observé, après trente-six heures déjà la queue est séparée du céphalo- thorax. Et d'ailleurs, Lallemand combat lui-même ses propres opinions, en rapportant que certains zoospermes, et tels sont ceux des Crustacés et des Mollusques , se dé- composent rapidement dans l'urine et même dans l'eau la plus pure (2), Du reste , les arguments des savants qui se sont efforcés d'amoindrir l'importance des spermatozaires, trouvent une réfutation manifeste dans les travaux de Kœlliker (3), où cet observateur a exposé, en détail, leur développement et leur nature. Après les avoir commentés, on demeure par- faitement convaincu que ces animalcules forment un ordre à part, et que leur mode spécial de génération, et que leur (1) Lallemand. Des pertes séminales involontaires. Paris, 1841, tome ii, p. 413. (2) Lallemand. Op. cit.^ p. 413. (3) KoELLiRER. Beitrœge ziir Kenntnhs der geschtechtsverhœltnisse uiid der saamenfluesslgkeit, Berlin, 1841, p. 49.^ DIXIEME LOI. 363 manière d'clrc empochent de pouvoir les considérer comme des déi'ivés de l'organisme. Ici se termine notre laboi'ieuse esquisse de l'histoire des zoospermes. Maintenant, en analysant succinctement tout ce qui précède , afin qu'on puisse l'embrasser sans efforts et s'en former une idée lucide et nette , nous devons ad- mettre les faits suivants , au moins d'après notre opinion. Tous les moyens d'investigation offerts à l'esprit humain, semblent parler en faveur de l'animalité des zoospermes. Le sens intime, l'observation, l'expérience, le raisonnement nous crient à la fois , que ce sont , que ce ne peuvent être que des animaux. En scrutant cet écrit, on verra que, quel que soit le haut mérite .des antagonistes de l'animalité des zoospermes, as- surément le nombre et l'autorité de leurs adversaires l'em- portent considérablement. En eflfet, nofis pouvons compter Lister (1), Musschenbroek(2),Cheselden(3), Morgagni(4), Ludvy^ig (5), Baker(6), Boerhaave (7),Lieutaud (8), de Mau- pertuis (9) , Ch. Bonnet (10) , Al. Monro (11) , Lesser (12), (1) Lister. De humorîbus. London, 1679. (2) MusscHEKBROEK. Act. Haffuieus. vol. V , obs. 7. (3) Cheselden. The anatomy of the human hodr. London, 1784. (4) MoRGAGNi. Adversaria anatomica omnia. Lugd. Batav. 1741. (5) LuDWiG. Institutiones physiologice. Leipsig , 1752, (6) Baker. The microscope mode easy. London, 1743. (7) Boerhaave. Dans Kaaw, Impet. facîens, etc. Leyde, 1845. (8) LiEUTAUD. Elementa physiologice. Amsterdam, 1749. (9) De Maupertcis. Vénus physique. Paris, 1741, (10) Ch. Bonnet. Considérations sur les corps organisés. Neufch. 1742. (11) A. Monro. Dissert, inaug. de testibus et de semine in variis ani- malibus, Edinburg, 17S1. (12) Lesser. Théologie des insectes. Lahaye, 1742, S64 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Gleichen (1), Vallisnéri (2), Haller (3), H. Cloquet (Zi), Bory Saint-Vincent (5) , Burdach (6) , Cuvier (7) et de Blainville (8) , parmi les savants qui ont considéré les spermatozoaires comme des animaux. Il n'est guère possir ble de réunir un plus beau faisceau d'illustrations, et nous doutons beaucoup que nos adversaires puissent en citer un équivalent. Nous avons vu que les savants qui jugèrent les zoosper- mes par la seule impression qu'ils produisaient sur leurs sens, n'ont point hésité à les ranger parmi les animaux, sur- tout en considérant la nature de leurs mouvements, qu'ils s'accordent tous à regarder comme une manifestation de la vie, sous l'empire d'une volonté bien tranchée. Je conviens que les spermatozoaires de quelques ani- maux inférieurs sont doués de mouvements si débiles et si lents que l'on pourrait douter de leur animalité ; mais ceux de certains Mammifères opèrent leur locomotion avec tant de vivacité , avec une telle énergie proportionnelle , que quand on les a observés, on ne doute plus que l'on ait sous les yeux autant de véritables animalcules. Lorsqu'on suit attentivement avec l'œil et pendant un cer- tain temps la progression de l'un de ceux-ci, on s'aperçoit. (1) Gleichen. Dissertation sur la géoération des animalcules sperma- tiques, etc. Paris, an vu, (2) Vallisnéri. Opère del cav, Vallisnéri, tome ii. (3) Haller, Elementa physiologiœ corporis humani. Lausanne , 1778. (4) H. Cloquet. Faune des médecins. Paris, 1823. (5) Bory Saint-Vincent. Dictionnaire classique, Paris, 1830, tome xvi. (6) Bdrdach. Traité de physiologie considérée comme science d'obser- vation. Paris, 1837. (7) Cuvier. Histoire des sciences naturelles. Paris, 1840. (8) De Blainville, Manuel d'actinologie ou de zoophytologie. Paris. 1838. DIXIÈMR LOI. 366 en quelque sorte , qu'il esi manifeslemenl guidé par une intention et qu'il a un but vers lequel il tend avec persévé- rance. On ne reconnaît rien de semblable sur les tentacules, les cils et d'autres l'ragments de l'organisme détachés des animaux auxquels ils appartiennent. L'observation et l'expérience parlent avec non moins de force en faveur de l'animalité des zoospermes. En effet, n'a- t-on pas vu que certains savants avaient découvert chez eux des traces de viscères digestifs? n'avons-nous pas nous- mêmes produit quelques observations qui confirment ce fait? et en outre, n'avons-nous pas prouvé que sur quel- ques-uns il existait une véritable nageoire, un organe spé- cial de locomotion? D'autres savants ont suivi plusieurs des phases du déve- loppement de ces singuliers êtres ; et leur évolution est venue prouver qu'ils se développaient' d'une manière ana- logue à celle de quelques animaux, et qu'il y avait chez eux une véritable nutrition. Enfin, on a établi d'une manière évidente que les poi- sons agissaient sur les zoospermes comme ils le font sur les animaux. Le raisonnement démontre de son côté , que des êtres qu'on voit se développer dans des capsules, ne peuvent être considérés que comme des organismes complets, qui ont une vie propre et que l'on ne peut assimiler à des fragments de tissus. En effet, tout nous dit que des êtres dont on a reconnu le développement successif, possèdent un genre de nutrition et ont conséquemment des organes digestifs quelconques ; tout nous dit donc qu'ils jouissent d'une orga- nisation interne, que nos sens la reconnaissent ou non. Pour moi, et j'en demande pardon à leurs auteurs, je n'en- registre pas comme sérieuses les diverses hypothèses qu'on 366 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. a avancées relativement à ces animalcules, en les considé- rant comme des dérivés de l'organisme. Rien dans celui-ci ne leur ressemble. Les comparer aux cils vibraiiles, aux cellules épithéliales , aux vésicules vitellines, aux globules du sang, ce n'est réellement pas soutenable pour qui- conque les obsei^ve attentivement ; et ces divergences d'o- pinion ne servent absolument qu'à démontrer l'embarras des savants qui se refusent à regarder les zoospermes comme de simples animaux. Que les observateurs, faisant abstraction de toutes les théories qui égarent dans ces recherches, mettent sur le porte-objet du microscope tous les différents corps auxquels on a comparé les zoospermes ; qu'ensuite ils veuillent bien observer ceux des Lapins et des Tritons , et je suis certain qu'ils sentiront immédiatement que les analogies établies par les naturalistes qui ont prétendu expliquer la significa- tion des spermalozoaires, sont tout-à-fait erronées. Or, j'attends encore, si les zoospermes ne sont point des animaux, que l'on veuille bien me dire exactement ce qu'ils peuvent être , ce que peuvent être des corps circonscrits dans l'espace et se développant en liberté, ayant des orga- nes nutritifs, se mouvant , du commun accord des savants, sous l'impression de la volonté, et sur lesquels les réactifs agissent comme sur les animaux! Mucus infranchissable. A l'époque du rut, et proba- blement durant tout l'âge où la conception est possible , lorsqu'on examine l'intérieur des trompes de Fallope des Mammifères, on trouve que ces canaux sont remplis d'un mucus compacte, d'un blanc jaunâtre, dont l'apparence est analogue à celle du sperme. Examiné au microscope , on reconnaît que ce fluide épais est composé presque unique- ment de globules extrêmement serrés les uns contre les DIXIÈME LOI. 367 autres el se louchant do tous côtés, comme si aucun fluide n'était interposé entre eux. Leur intérieur est rempli de granulations excessivement fines. Ces globules sont dia- phanes, et sur la Lapine ils ont la forme ovoïde. Dans toutes les observations que j'ai faites, j'ai con- stamment vu que ce mucus remplissait exactement les trompes depuis les pavillons jusqu'à environ 20 ou 25 mil- limètres de l'utérus. Ce mucus spécial ne contient jamais un seul zoosperme ; aussi il me suffisait à la simple vue de reconnaître la présence de ce fluide à un endroit quel- conque des trompes pour annoncer à jiriori que le micro - scope ne ferait découvrir là aucun spermatozoaire. C'était ce qui arrivait , et c'est pour constater ce fait que je lui ai donné le nom de mucus infra7ichissahle , parce qu'en effet, lorsqu'on étudie celui-ci, on s'aperçoit que ses glo- bules sont si serrés, si pressés les iwis contre les autres, qu'ils ne laissent entre eux aucun espace qui puisse per- mettre aux zoospermes de s'y insinuer, de manière qu'il leur oppose une barrière insurmontable en les empêchant de jamais franchir l'espace qu'il occupe dans les trompes (1). Expériences et observations. Maintenant que nous venons d'étudier deux éléments importants de la question , le sperme et le mucus infranchissable , passons à l'examen des preuves directes , et cherchons à fixer avec autant de précision que le comporte l'état de nos connaissances , le lieu où se fait la fécondation chez l'espèce humaine et les Mammifères. Les arguments les plus serrés de la logique et les dé- ductions matérielles de l'expérience et de l'observation, (1) Atlas, pi, xvin , fig, 2. 368 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. prouvent qu'après avoir été versé par le mâle dans l'appa- reil génital des femelles , le sperme , soit sur l'espèce hu- maine, soit sur les Mammifères, s'épanche successive- ment du vagin dans l'utérus, et qu'ensuite il entre dans les trompes de Fallope, à l'intérieur desquelles il chemine plus ou moins , mais sans s'infiltrer au-delà de leur région moyenne. Il résulte de là qu'en marchant à la rencontre du tluide qui doit l'aviver, l'œuf ne peut se trouver en con- tact avec lui qu'au-dessous de cette région ou dans l'utérus lui-même , et que c'est dans l'un ou l'autre de ces organes que s'opère normalement la fécondation. Déjà quelques anciens auteurs, tels qu'Aristote, Hippo- crate et Galien, avaient admis que l'utérus était le siège de la fécondation. Cette opinion , qui était également celle de Harvey (1) , de Buffon (2) et de Darwin (3) , ne compte , je le sais , que fort peu de partisans parmi les modernes, parce que ceux- ci ont été entraînés par l'ascendant de quelques expé- riences fautives , ou par le désir de faire concorder leur théorie avec diverses anomalies qui s'observent dans la génération. Nous allons voir qu'il faut revenir avec cou- rage , sinon absolument , au moins en partie vers les idées de nos devanciers , ainsi que l'ont fait quelques-uns de nos contemporains d'un grand mérite : rétrograder franche- ment dans cette circonstance, c'est réellement progresser. Cela est d'une telle évidence , que certains physiologistes qui admettent en principe que la fécondation se produit I (1) Harvey. Exercitationes de generatione anima/ium. Londres, 1651. (2) Buffon. Histoire naturelle générale et particulière. Paris, 1769, tome IV. (3) Dauvtin. Zoonomie. Gand, 1819, tome n, p. 250. DIXIÈME LOI. ,-509 ù l'ovaire, forcés irrésistiblement par le démenti des f;iiis eontradicloires, ont été obligés de convenir que cet acte s'opérait parfois aussi dans l'utérus ou dans ses environs. Mais ils ne considèrent ces derniers cas que comme des exceptions, tandis qu'au contraire, c'est, selon nous, l'état normal, et la fécondation ovarique constitue l'anomalie. Quoique l'on puisse découvrir du fluide séminal dans toute la dernière moitié des trompes , je pense cependant que chez les Mammifères ce fluide ne remonte pas ordinai- rement beaucoup au-delà de la cavité utérine , et que c'est (| dans celle-ci ou dans ses environs que se produit nécessai- " rement l'imprégnation de l'ovule. Prévost et Dumas (1) ont professé une opinion à-peu-près semblable. Ces phy- siologistes , dont les expériences sont si exactes , n'ayant jamais pu trouver d'animalcules spermatiques sur les ovaires, en avaient conclu avec raison que le fluide sémi- nal n'y parvenait pas , et que l'œuf n'était réellement fé- condé que postérieurement à l'accouplement, et lorsqu'il traversait la trompe ou la matrice , lieux où il se trouve en contact avec la liqueur qui jouit de la propriété de lui imprimer la vitalité. On peut voir que Coste admet lui même que les choses se font parfois ainsi (2), car, dans un passage que nous avons cité textuellement , il dit que la fécondation peut avoir lieu chez les Mammifères, soit dans les trompes, soit dans la matrice. Mais la différence qui existe entre notre opinion et celle de cet ovologiste, c'est que nous professons que cet acte a toujours lieu nonnalement dans l'utérus (1) Prévost et Dumas. Mémoire sur !a génération dans les Mammifères. Ann. dei sciences natiir. Paris, 1S24, tome iii, p. 134. (2) CosTE. Embryogénie comparée, Paris, 1837, p. 455. 24 370 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. OU dans ses environs , et que ce n'est que dans des cas très-rares et exceptionnels que le fluide parvient à l'ovaire. Plusieurs choses viennent militer en faveur de noire as- sertion : telles sont en particulier la structure et la physio- logie des trompes de Fallope, puis l'absence du sperme sur les ovaires après l'accouplement, et au contraire, sa pré- sence constante dans l'utérus et dans la partie des trom- pes qui y aboutit. Relativement aux arguments que les fauteurs de la fécon- dation ovarique ont voulu tirer de la présence du fluide séminal dans toute l'étendue des trompes , on s'aperçoit, à l'aide d'un examen scrupuleux, qu'ils n'ont aucune solidité. On ne cite que fort peu d'observateurs qui, avec Haller, pré- tendent avoir découvert du sperme dans toutes les régions de ces canaux, et cependant cela n'empêche pas que beau- coup de physiologistes s'appuient sur leur parole , pour s'autoriser à professer que ce fluide va jusqu'à l'ovaire opé- rer la fécondation. Mais en vérité , les vagues assertions de ces savants sont-elles concluantes? N'est-il pas positif qu'ils n'ont donné sur leurs observations aucun détail qui pût établir qu'elles étaient exactes? Le microscope fut-il invoqué pour constater la nature du fluide? Et quand même cet instrument eût été consulté, le fut-il par des yeux exer- cés et habiles? Il est pénible de le dire, mais il faut se mé- fier de ce que découvrent une foule d'observateurs , dans l'intention de démontrer leurs théories préconçues ! N'a-t-on pas vu Buff'on , Daubenton et Needham prétendre avoir découvert des animalcules spermatiques sur des femelles de Mammifères? Et cependant quel naturaliste ne sait aujour- d'hui que ce fait est de toute impossibilité ! Dans le cas en question, combien l'opinion de Hailer doit-elle être de peu DIXIÈME LOI. 571 d'aiitoriU; ! Haller qui avoue lui-même que dans ses nom- breuses expériences sur les animaux, il n'a pu qu'une seule fois li'ouver du sperme dans la malrice (1)! Tout s'ojjpose en efl'el à ce que l'on renconlre du lluide séminal sur l'ovaire ; seulemenl, l'imbibilion en fait ordinairement re- monter un peu dans la partie des trompes qui est annexée à la malrice ; aussi des observateurs exacts tels que Pré- vost et Dumas rapportent-ils avoir parfois trouvé là des zoospermes chez quelques Mammifères. Nos observations, comme on va le voir, sont parfaite- ment en harmonie avec les leurs, car presque toujours nous avons découvert en cet endroit quelques-uns de ces animalcules. Après avoir énuméré toutes les causes qui doivent faire rejeter l'opinion des physiologistes qui pensent que la fé- condation a lieu à l'ovaire, Burdach s exprime ainsi : « Si d'après tous ces faits nous sommes obligés de renoncer à l'hypothèse que le sperme parvient à l'ovaire, l'analogie nous autorise à considérer que, dans la fécondation inté- rieure absolue , comme dans la fécondation extérieure , le ■produit de l'ovaire va au-devanf du sper?ne. La question est de savoir où ces deux substances se rencontrent dans l'intérieur du corps de la femelle (2). » L'opinion du célèbre physiologiste allemand formule exactement la mienne, seulement j'y ajouterai que le lieu de la rencontre des ovules et du fluide séminal est évidem- ment et incontestablement la cavité' de Vute'rus ou ses (1) Haller. Elementa physiologlœ corporis humani, Lausanne, 1766, tome viii, p. 19. (2) BoRDACH. Traité de physiologie considérée commç sciencç d'obser- vation. Paris, 1838, tome ii, p. 197. 24. 272 THÉOr.IK DE LA FKCONDATION. environs^ el quo , pour quelques cas anormaux, paiholo- giques , on ne peut réfuter celte loi générale. Ainsi que nous l'avons dit , par leurs expériences , Pré- vost et Dumas (1) étaient déjà arrivés à des conclusions analogues aux miennes. Dans celles-ci, ils ont reconnu que l'œuf des Mammifères ne reçoit le contact du fluide fécon- dateur que dans la partie inférieure des trompes ou dans l'utérus lui-même. En effet, lorsqu'on ouvre des femelles de Chien ou de Lapin après l'accouplement , pendant les deux premiers jours qui le suivent , on ne rencontre uni- quement que dans la matrice et la dernière moitié des trompes qui s'y insère , des animalcules indiquant la pré- sence du fluide séminal , et aucune parcelle de celui-ci ne s'est encore introduite plus avant dans ces canaux, et en- core moins jusqu'à l'ovaire , car jamais normalement l'on ne découvre de zoospermes sur cet organe. En conséquence , selon moi , c'est l'utérus et la dernière moitié des trompes qui sont le siège que la nature a essen- liellemeni affecté à la fécondation , et celle-ci s'opère lors- qu'un ovule y passe au moment où leurs parois sont imbi- bées par le fluide spermatique, soit qu'il s'y trouve versé à l'instant où l'œuf y arrive , soit qu'il y séjourne depuis un certain temps. Cette opinion est fondée : 1° sur ce que les trompes ne peuvent faire parvenir la liqueur séminale aux ovaires , parce qu'elles se contractent normalement de de- dans en dehors ; 2° sur ce que dans tous les animaux, pres- que sans exception , les œufs vont au-devant du sperme ; enfin 3°, sur ce que chez les Mammifères les vésicules de l'ovaire émettent leurs ovules spontanément au moment du rut ou aux époques qui lui correspondent. (1) Prkvost et DnM\s. Animiez de? sciences Hatiirelles, 1824, tome itr. IHXILMli LOI. 573 A l'appui tic mon opinion , on peui donc ajouicr (piil est cvidcnl qu'après le coïl on renconlre du fluide pioli- I fique dans la caviic de l'ulcrus et dans la région des trompes qui l'avoisine. Si Harvey (1) ne put en découvrir I dans la matrice de la Biche et de plusieurs autres animaux, ij cela tient à ce que, comme l'a dit Buffon , il ne se servit probablement pas du microscope (2). On sait que Leeuwen- hoek (3), Haller (^), Prévost et Dumas (5), Verrheyen (6), j Hausmann (7) , Wagner (8) et plusieurs autres observa- teurs , ont signalé la présence de ce fluide dans l'utérus I peu de temps après l'accouplement ; quelques savants l'ont j même constatée sur l'espèce humaine ; Rnysch (9) eut l'occasion d'observer les cadavres de deux femmes qui avaient été assassinées peu de temps après s'être livrées à l'acte vénérien, et de reconnaître que la cavité de leur utérus était remplie de fluide spermalique. Bond (10) dé- couvrit aussi de ce fluide à l'inlérieur de la mairice d'une (1) Harvey, Exercitationes de gcntralione anlmalium. Lotidies, 1631. (2) Du reste, les assertions contenues dans l'ouvr^ige de Harvey qui cou- I cerne la génération, sont loin d'avoir la rectitude que l'on trouve dans ses écrits sur la circulation, parce que, ce que cet homme illustre a produit sur la première de ces fonctions a été dû à sa mémoire , ses manuscrits sur ce sujet ayant été brûlés lors du pillage de sa maison de Londns ; aussi y remarque-t-on de nombreuses contradictions. (3) Leeuwenhoek. Arcana natitrœ delecla, Deli'i. 1693. (4) Haller. Elementa physiologiœ corporis hiimani. Lausaïaie, 1778. (3) Prévost et Dumas. Oper. cit. (6) Verrheyen. Sup. anat. irad. v. cap, iit. (7) Hausmann. Ueber zeiigung. (8) "Wagner. Froriep's Nolizeii, n" 51, (9) RuiscH. Thésaurus analomicus. Amsterdam , 1713 , tome iv, «ecl, 21. (10) lioND. Froricp's Noù'Cn. tome xl , p. 327, 374 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. jeune femme qui s'était empoisonnée immédiatement après avoir subi les approches d'un homme. L'observation et l'expérience ont surabondamment dé- montré que le concours matériel de la semence est indis- pensable à la fécondation. Cela est prouvé par l'observa- tion de la fécondation des Batraciens et des Poissons, par les expériences de Spallanzani et de Prévost et Dumas, et surtout par celles entreprises sur les Mammifères par Haighton (1) , Nuck (2) , Grasmeyer (3) , Blundell (/t) et Bischoff (6) , dans lesquelles la fécondation a été intercep- tée en liant ou en coupant soit le vagin , soit la matrice, soit les trompes. En ouvrant des Mammifères immédiatement après le coït ou durant les vingt-quatre, et même parfois les trente- six premières heures qui le suivent , on peut facilement et immanquablement démontrer la présence du sperme dans les organes génitaux des femelles ; le microscope y recon- naît à l'instant soit des animalcules vivants , soit des ani- malcules morts et intacts, soit enfin des animalcules morts et en partie décomposés, mais encore parfaitement re- connaissables. Après ce laps de temps écoulé , toutes les traces de ceuxr ci disparaissent, et l'on ne rencontre plus que du mucus dans lequel on ne découvre aucun zoosperme. Mais il résulte des nombreuses expériences que j'ai enlre- (1) Haighton. Philosoph, trans, 1797. (2) Nuck. AJenographla curlosa, p. 69. Op, omnia. Leyde, 1733, (3) Grasmeyer. Defecundat, et concept, humana Dlss, GoUiague, 1789 , p. 48. (4) Blundell. Med. cjiirwg. transact., 1819, vol. x, p, 264. (5] Bischoff. Du développement de l'Homme et des Mammifères. Paris, 1843 , p. 20. DIXIÈME LOI. 375 prises pour éclaircir ce poiiit de physiologie, que le sperme ne s'avance jamais normalement au-delà de la région moyenne des trompes do Fallope, ei que, par conséquent, ce ne peut être que dans cet endroit, ou plus bas, dans les mêmes canaux, ou dans l'utérus lui-même, que s'accom- plit la fécondation. C'est au moins ce qu'indiquent mes recherches sur la Lapine. Dans des observations que j'ai multipliées à l'infini , j'ai toujours découvert des zoospermes dans le vagin et dans les cornes, et j'en ai trouvé ordinairement aussi dans les dix ou vingt premiers millimètres des trompes qui avoisinent l'utérus ; mais il ne m'a été possible que fort rarement , extrêmement rarement même, d'en rencontrer au-delà et vers le milieu de ces canaux. Jamats , dans plus de douze cents essais faits a toutes les hauteurs, je n'ai pu découvrir un seul zoosperme au- delà de la partie moyenne des trompes de Fallope, ni dans les franges , ni sur l'ovaire. A l'égard des expériences que nous avons faites dans le but de fixer le lieu oii parvient le sperme sur les Lapines, les plus grandes précautions ont été prises afin d'éviter toute erreur. Pour apprécier exactement le temps qui sépa- rait l'autopsie du moment du coït, les Lapines vivaient constamment séparées de leur mâle ; lorsqu'on les livrait à celui-ci, un homme attaché au muséum d'histoire natu- relle les surveillait et notait le nombre de fois qu'elles le recevaient ; puis on les séparait de nouveau jusqu'au mo- ment où elles devaient être tuées. L'appareil génital était constamment ouvert avec le plus grand soin : presque toujours je procédais de l'intérieur à l'extérieur , afin d'éviter le transport du sperme qui aurait 376 THÉORlli DE LA FÉCONDATION. pu Cire ienconli"é dans les premières seciioiis du canal oviducteur. Je faisais environ quinze observations sur cha- cune des trompes , là où siège toute la solution du pro- blème. Pour chacune de mes observations, les insirumenls étaient totalement changés ou essuyés et lavés avec le plus grand soin ; parfois même , pour éviter que les déplace- ments opérés sur les organes par les dissections qu'il est préalablement nécessaire d'opérer avant de les ouvrir, pussent charrier les fluides d'une région dans une autre , je liais les trompes à diverses places avant de les enlever , en passant dessous et avec rapidité une aiguille à suture suivie d'un fil. Voici l'exposé succinct de quelques-unes de mes expé- riences , extrait des notes prises au moment où elles ont été faites. Expériences. I. Lapine ayant des petits à la mamelle. — Elle refuse d'aburd le mâle, mais huit jours après elle le reçoit et s'accouple quatre fois ; tuée six heures après. Vagin rempli de zoospermes très-agiles. Cornes en offrant également dans toute leur étendue. Trompes ne contenant que du mucus d'un blanc jaunâtre, mais pas un seul zoo- sperme , même à leur origine. Pavillons et ovaires n'offrant aucun zoosperme. II. Lapine ayant enduré cinq fois le mâle ; assommée quatorze heures après l'accouplement. — Vagin et cornes remplis d'une immense quantité de zoospermes vivants. La trompe droite, de 0 à 5 millimètres, contenant une centaine de zoospermes , dont les uns sont assez agiles et les autres presque mourants ou totalement morls ; de 5 à 10 millimètres, un seul zoosperme. Dans le reste il n'en existe aucun. Trompe gauche : de 0 à 5 millimètres, deux zoospermes morts ; dans le reste , pas un seul j seulement DIXIÈME LOI. 577 du mucus infranchissable. Pavillons et ovaires : poinl do zoospernies. III. Lapine ayant subi cinq fois l'accouplement; tuée quinze heures après. — Vagin rempli de zoospermes exces- sivement nombreux , trcs-vivanls. Coines également rem- plies de zoospermes très-nombreux et vivants, mais moins agiles. Dans la trompe droite, il n'existe aucun zoosperme, ni vers.son orifice utérin, ni dans le reste de son étendue. Trompe gauche : de 0 à 5 millimètres , quatre zoospermes très-vivants ; de 5 à 10 millimètres, deux zoospermes, mais morts et déformés. Pavillons et ovaires : point d'animal- cules spermatiques , mais seulement des corps mobiles particulie7's ou pseudo-zoospermes, IV. Lapine tuée dix-sept heures après avoir subi succes- sivement quatre fois l'approche du mâle. — On la met à mort en lui coupant l'origine de la moelle. Le vagin et les cornes sont remplis d'une multitude de zoospermes bien agiles. En allant de la corne droite vers l'ovaire, de 0 à 10 milli- mètres, on rencontre dans la trompe environ trente sper- matozoaires dont quatre seulement sont vivants; les autres sont à l'agonie ou morts ; de 10 à 20 millimètres , un seul zoosperme mort ; dans le reste de ce tube , il n'en existe pas. La trompe gauche, de 0 à 10 millimètres, renferme dix animalcules dont deux sont expirants et les autres morts ; de 10 à 20 millimètres ainsi que dans tout le reste de l'or- gane, on n'en voit pas un seul. Trompes remplies de mucus infranchissable. Pavillons et ovaires n'offrant aucun zoo- sperme. V. Lapine ayant subi cinq fois les approches du mâle, presque sans intervalle; tuée dix-neuf heures après en lui coupant la moelle entre l'occipital et l'atlas. Mort instanta- née. — Vagin et utérus remplis de zoospermes peu agiles. 378 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Dans l'extrémité utérine de l'une et de l'autre trompe, de 0 à 20 millimètres ainsi que dans le reste de l'étendue de ces canaux, on ne rencontre pas un seul zoosperme ni vi- vant , ni mort. Sur les ovaires et dans les pavillons, il n'en existe pas davantage. VI. Lapine ayant éprouvé cinq fois le contact du mâle presque successivement; tuée vingt-quatre heures après. — Vagin rempli d'une quantité considérable de cadavres de zoospermes raides et encore munis de leur queue ; quel- ques-uns seulement, en très-petit nombre^ s'agitent en- core , mais ils semblent agonisants. Cornes remplies par un mucus gluant, plastique, dans lequel on observe une foule de cadavres de zoospermes privés de queue et n'offrant plus que leur disque ; dans celle du côté droit, vers le mi- lieu, je trouve une dizaine de zoospermes entiers et à l'ago- nie. Trompe droite : de 0 à 20 millimètres, point de cada- vres de zoospermes ; aucun non plus dans le reste de son étendue. Trompe gauche : de 0 à 20 millimètres, point de zoospermes ; aucun dans le reste de son étendue ; aucun sur les pavillons et les ovaires. VII. Lapine ayant subi le coït quatre fois de suite; tuée vingt heures après par la section de la moelle, et morte instantanément. — Vagin rempli d'une quantité considé- rable de sperme dans lequel s'agitent vivement une multi- tude de zoospermes. Cornes contenant toutes les deux une abondance de spermatozoaires parfaitement vivants. Trompes ne contenant pas un seul zoosperme dans toute leur étendue , pas même vers leur naissance sur l'utérus. Pavillons et ovaires n'en présentant également aucun. VIII. Lapine observée seize heures après l'imprégna- tion ; tuée instantanément en lui coupant la moelle enlrc l'occipital et l'atlas. — Le vagin et les cornes sont remplis DIXIÈME LOI. 579 de zoospermes; je n'en trouve qu'un nombre infiniment petit à l'entrée des trompes , à droite et à gauche ; il n'en existe que cinq ou six de chaque côté, de 0 à 20 milli- mètres de l'utérus. Pavillons et ovaires n'offrant aucun zoosperme. IX. Lapine ayant subi successivement quatre fois l'ap- proche du mâle; tuée vingl-lrois heures après en faisant la section de la moelle. La mort fut instantanée ; l'animal ne jeta pas même un cri , et aucune convulsion n'eut lieu. — Le vagin était rempli de mucus contenant des zoospermes morts, en assez grand nombre. On avait sacrifié cette La- pine au moment de la menstruation; aussi les cornes étaient tellement injectées de sang, qu'elles offraient une teinte livide ; à leur intérieur , il y avait une certaine quantité de fluide sanguinolent d'épanché. Dans l'une et dans l'autre, je rencontrai une grande quantité de zoospermes ; dans la corne gauche ils étaient vivants, mais peu agiles, et quel- ques-uns semblaient être à l'agonie; dans la droite, avec des zoospermes vivants , il y avait des cadavres en assez grand nombre. Dans l'une et l'autre trompe , il n'existait pas un seul zoosperme mort ou vivant, de 0 à 20 milli- mètres de distance de l'utérus ; dans le reste de leur éten- due ainsi que sur les franges et les ovaires, il n'y en avait aucun. X. Lapine ayant subi quatre fois l'approche du mâle, et tuée dix- neuf heures'après. On la mit à mort en lui coupant la moelle, et elle expira instantanément. — Le vagin et les cornes étaient remplis de zoospermes nombreux et vivants; il n'en existait pas un seul vers l'extrémité inférieure des trompes de 0 à 20 millimètres , ainsi que dans tout le reste de l'étendue de ces canaux. Les ovaires ni les franges n'en récelaient aucun. 380 THÉORIE DE LA FÉCOINDATION. XI. Lapine tuée dix-sept heures après avoir subi quatre fois le coït. Ou la mit à mort en lui coupant la moelle, mais on la manqua, et elle n'expira qu'après s'être débattue long-temps et avoir beaucoup crié. — Le vagin et les cornes contenaient beaucoup de zoospermes vivants. La trompe gauche en possédait une dizaine, de 0 à 10 millimètres de la corne ; la trompe droite, dans la même région, en offrait une trentaine. De l'un et de l'autre côté , ces zoospermes sont en partie morts et en partie vivants. Il n'en existe pas dans les autres régions des trompes ; il n'en existe aucun non plus sur les pavillons et les ovaires. XII. Lapine accouplée cinq fois ; tuée par la section de la moelle dix-sept heures après. — Vagin et cornes rem- plis de zoospermes très-agiles. Les trompes, de l'un et de l'autre côté, de 0 à 20 millimètres, contiennent une tren- taine de zoospermes vivants. Vers le milieu de la trompe droite, à 80 millimètres de l'utérus, on découvrit deux œufs encore environnés de quelques débris de la membrane granuleuse. L'un d'eux offrait près du vitellus une vésicule libre ; l'autre en offrait deux à-peu-près de la même gros^ seur. Le premier possédait à sa surface dix zoospermes morts, que la compression permit de compter exactement , l'autre n'en avait aucun. Entre ces œufs et les vingt pre- miers millimètres des trompes, ainsi que dans tout le reste de celles-ci, il n'existait que du mucus infranchissable, et par conséquent point de zoospermes. Les pavillons et les ovaires n'en présentaient aucun. XIII. Lapine tuée par la section de la moelle, vingt heures après avoir subi quatre fois les approches du mâle. — Vagin et cornes remplis de zoospermes très-agiles. Trompes de I'uq et de l'autre côté, de 0 à 20 millimètres au-dessus de rmérus, contenant quelques zoospermes mo- DIXIÈME LOI. 8S1 biles, une cinquantaine environ. Dans le reste de leur éten- due, il n'en existe aucun. Vers le milieu , à 90 millimètres de l'utérus, sur la trompe droite, on enlève deux œufs. L'un et l'autre offrent une petite vésicule libre près du vitellus : c'est , selon moi , la vésicule germinative mise en liberté. L'un de ces œufs présente à sa surface un seul zoo- sperme que l'on met en évidence à l'aide du compresseur ; l'autre en possède cinq ou six , et cependant tout l'espace qui sépare ces œufs du lieu où résident les zoospermes ne présente aucun de ceux-ci , et est occupé par du mucus in- franchissable. Les pavillons et les ovaires n'ont aucun ani- malcule à leur surface. XIV. Expérience de Nuck. Cette expérience , par la- quelle on a cru prouver que le sperme parvient à l'ovaire, me semble totalement insignifiante pour établir ce fait ; les trompes utérines, sous l'impression de la douleur, pouvant être saisies de contractions antipéristaltiques, et transpor- ter anormalement du sperme vers l'organe producteur des œufs. D'ailleurs je suis porté à croire , comme le fait aussi Raciborski , que Nuck a lié les cornes et non les trompes des animaux sur lesquels il expérimentait. Ce qu'il y a de certain pour nous, c'est que trois fois cette expérience, faite avec soin , a échoué dans nos mains, et qu'elle est venue ainsi confirmer nos assertions. Nous l'avons pratiquée vingt heures après l'accouple- ment, afin de bien donner le temps au sperme de s'avancer dans les trompes, tout en opérant avant la mort des sper- matozoaires. Une fois nous avons lié les trompes à leur origine, c'est-à-dire au-dessous du lieu où il existe quel- quefois des parcelles de sperme ; une autre fois vers le mi- lieu ; et une autre fois enfin, une trompe fut liée à son ori- gine, et celle du côté opposé vers le milieu. 382 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Dans ces diverses expériences, jamais je ne rencontrai de fœtus au-dessus des ligatures, et je n'en trouvai qu'un fort petit nombre dans les cornes, un à trois dans chacune, ce qui prouvait que la fécondation s'était bien produite, et que si le fluide séminal eiit réellement remonté dans les trompes on y eiJt trouvé des œufs fécondés, car certainement les fœtus peu nombreux rencontrés dans les cornes indi- quaient qu'il devait encore descendre après eux des œufs qui eussent été fécondés, si on n'avait pas interrompu leur marche par des ligatures. Voici, du reste, l'histoire détaillée de l'une de ces expé- riences, dont nous avons offert la pièce anatomique à l'Aca- démie des sciences. Une Lapine bien adulte, ayant reçu le mâle trois fois de suite. Vingt heures après, le 7 mars 184^, la trompe gauche fut liée à 25 millimètres de son extrémité utérine, avec un fil très-serré ; la trompe droite vers son milieu, à 80 milli- mètres de l'utérus. Cette Lapine guérit très-promptement et fut tuée le 21 mars, c'est-à-dire quatorze jours après l'opération. Alors la plaie du ventre était parfaitement cicatrisée ; les vis- cères étaient en bon état. Sur l'ovaire du côté gauche , on rencontrait cinq corps jaunes dont l'ouverture était cicatrisée. Ni dans la trompe de ce côté , ni dans la corne , il n'exis- tait de fœtus. L'ovaire du côté droit offrait aussi cinq corps jaunes exactement semblables à ceux du côté opposé. La trompe ne contenait aucun fœtus ; mais dans la corne, à 10 milli- mètres de son origine, on en rencontrait un qui offrait 15 millimètres de longueur ; il n'en existait point d'autre dans le reste de son étendue. DIXIÈME LOI. 383 Si les données produites par les physiologistes étaient exactes, j'aurais dû certainement rencontrer des fœtus dans les trompes , puisque le sperme devait , après vingt heures, s'y être efficacement épanché, et que, d'un autre côté , un certain nombre d'œufs ont dû être retenus au- dessus des ligatures , puisqu'il n'y en avait qu'un seul en- core de parvenu dans une des cornes. Si les cornes eussent été remplies de fœtus, on aurait pu objecter que l'opération avait été faite postérieurement à la chute des ovules ; là elle a été antérieure , et cependant aucun de ceux-ci n'a été fécondé et ne s'est arrêté dans les trompes , comme il l'eût fallu pour que l'expérience de Nuck ait la signification que son auteur et ses partisans ont voulu lui donner. Après avoir fait une étude attentive des mouvements que j'avais reconnus dans le lieu qu'occupent les trompes, j'étais certain que les douloureuses convidsîGns que ces organes su- bissent lorsqu'on fait des vivisections sur l'appareil génital, devaient produire quelques perturbations dans l'ascension du fluide spermalique et le pousser vers des régions qu'il n'a pas coutume d'envahir. Il me semblait que les convul- sions qu'éprouvent les Lapines que l'on assomme étaient de nature à déplacer le sperme ; j'ai voulu essayer si en tuant ces animaux instantanément par la section de Ja moelle , on rencontrerait alors ce fluide dans une aussi grande étendue des trompes. J'ai réussi, et chaque fois que la mort a été instantanée, je n'ai pas ou presque pas rencontré de zoospermes à l'origine des trompes. C'est un fait que je livre à la méditation des physiologistes. r- En récapitulant les expériences qui précèdent et celles que j'ai faites sans en donner le détail , je dirai que, dans toutes, les trompes étaient partagées en sections de 10 mil- limètres de longueur. J'enlevais le fluide contenu dans cha- ZSU THÉORIE DE LA FÉCONDATION. cune de celles-ci, soit par la pression, soit en raclant leur surface. Les trompes des Lapines adultes ayant 160 à 200 millimètres de longueur, il en résulte que, comme j'ai dis- séqué quarante de ces Mammifères, j'ai réellement fait au moins mille à douze cents tentatives pour découvrir du sperme dans ces canaux. Eh bien ! dans toutes celles-ci je n'ai jamais rencontré de témoins irrécusables de ce fluide ou de zoospermes, que dans les 20 premiers millimètres des trompes qui avoisinent les cornes ; extrêmement rare- ment, et seulement trois fois, j'en ai découvert un fort petit nombre, huit ou dix, vers le milieu de ces organes. Sur toutes les Lapines que j'ai examinées, j'ai propor- tionnellement trouvé de moins en moins de zoospermes à mesure que je m'élevais dans l'appareil génital , et ils étaient aussi en général de moins en moins vivants. Dans le vagin ils sont extrêmement nombreux et agiles ; dans les cornes ils le sont presque autant à leur origine , mais ils deviennent moins abondants à mesure que l'on s'avance vers leur extrémité supérieure^ et là leurs mouvements sont aussi moins vifs. Vers l'orifice utérin des trompes, ils ne se trouvent jamais qu'en petit nombre. Dans ce dernier lieu, souvent même on peut en faire le dénombrement ; quelquefois j'en ai compté une centaine; souvent il n'en existe que vingt ou trente , et parfois bien moins. Là , ils sont beaucoup moins vivants que dans l'utérus, et même souvent à l'agonie ou totalement morts , tandis qu'ils ont encore toute leur agilité dans ce dernier organe. Malgré tous mes soins , je n'ai jamais pu discerner un seul zoosperme dans le mucus particulier qui remplit les trompes au-dessusdeleurmoitié et ordinairement dans pres- que toute leur longueur. Ce fluide, que j'ai à cause de cela nommé mucus infranchis sable y a été reconnu dans toutes DIXIÈME LOI. 385 mes expëiiences, et si je ne l'ai point toujours mentionné, c'est que sa présence est pour moi un fait normal. Jamais non plus, dans toutes mes expériences, je n'ai pu trouver un seul zoosperme soit dans les franges des pa- villons, soit sur les ovaires. De toutes ces expériences , il résulte donc qu'on peut déduire les corollaires suivants : 1° De vingt-quatre à trente-six heures après le coït , il existe toujours des preuves irréfragables de la présence du sperme à l'intérieur des organes génitaux, dans le vagin et dans toute l'étendue de l'utérus. 2" On en rencontre aussi presque constamment dans les trompes, mais seulement jusqu'à 20 millimètres au-dessus de l'utérus; et ce n'est que très-rarement qu'on en observe au-delà. r 3° Jamais il n'en existe au-dessus de la région moyenne des trompes , ni parmi les franges des pavillons, ni à la surface des ovaires. Et 4° , ce n'est donc que vers le milieu des trompes seu- lement, et surtout vers leur insertion sur l'utérus ou même dans la cavité de celui-ci , que peut avoir lieu le contact matériel du sperme et de l'œuf, ou la fécondation. Il est cependant certain que dans des cas exception- nels, lorsqu'il s'engendre dans l'économie animale quelque grande perturbation , le sperme peut remonter très-haut dans les trompes et même parvenir jusqu'à l'ovaire , mais c'est là une anomalie excessivement rare. On ne peut donc pas affirmer que les physiologistes n'ont pas pu observer de zoospermes sur l'ovaire ; mais s'ils y en ont réellement découvert, ils ont pris l'exception pour la règle ; peut-être même cela était-il dû à ce que ce fluide avait été porté sur cet organe durant des expériences faites 25 886 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. sans qu'on se fût entouré des immenses précautions qu'elles demandent. Peut-être aussi l'agonie convulsive des ani- maux avait-elle contribué à intervertir les phénomènes des organes génitaux. Dans certaines circonstances aussi, les expérimentateurs auront pu être trompés en découvrant sur les ovaires ou les franges des pavillons ces singuliers êtres auxquels nous avons donné le nom de pseudo-zoospermes , et dont les mouvements ressemblent tellement à ceux des zoosper- mes , que plusieurs fois nous y eussions été trompé nous- même, si nous n'avions porté la plus grande attention à vérifier ce fait. D'après ce que nous avons dit , ni le fluide séminal que l'on a cru observer sur les ovaires, ni l'existence des corps jaunes, ni l'expérience de Nuck, ni les grossesses extra- . utérines, ne doivent nous faire changer d'opinion ; aussi il ne nous reste plus qu'à examiner par quels procédés la liqueur prolifique 'parvient jusqu'à l'organe où s'opère la fécondation. Les savants qui ont voulu expliquer l'introduction du fluide spermatique dans l'utérus , et son transport jusqu'à l'ovaire, ont soutenu que durant le rapprochement, les organes génitaux internes des femelles éprouvaient un spasme convulsif , qui leur faisait opérer une espèce de succion de la liqueur fécondante ; mais ce prétendu spasme ne peut être qu'une contraction , et tandis qu'il dure il n'est propre qu'à agir dans un sens inverse de celui qu'on lui prête. Les physiologistes de notre époque , en voulant tout ex- pliquer par la puissance vitale, ont souvent négligé de tenir compte des actions purement physiques qui s'opèrent dans l'organisme; aussi nous professons, avec Magen DIXIÈME LOI. 387 die (1), que loul n'est pas vilal dans les animaux , ei que dans leur économie la physique joue souvent un lôlc im- mense ; je pense même que celle-ci peut expliquei- avec satisfaction ce qui se passe dans l'acte que nous éludions. Selon moi , le spasme dont il vient d'être question , en contractant énergiquement l'utérus et les trompes pendant le rapprochement des sexes , tend à diminuer la capacité de ces organes et à l'effacer, de manière que, durant son action, le mucus qu'ils contiennent se trouve totalement expulsé. Mais, quand ce spasme cesse, l'utérus et les trompes , en se dilatant, redonnent à leur cavité l'ampleur accoutumée, et alors, par les simples lois de l'hydrodyna- mique, le fluide séminal versé dans le tube vaginal est en partie aspiré par l'utérus ; puis il entre dans celui-ci en plus ou moins grande abondance , et s'épanche enfin dans les canaux qui y prennent naissance. C'est là un simple effet mécanique, qui, quoique s'étendant aux trompes elles- mêmes , ne doit cependant jamais faire rei^ionter le fluide bien avant dans celles-ci, à cause de l'exiguïté de leur diamètre. Quelques auteurs ont admis déjà des vues semblables aux nôtres pour expliquer le phénomène de la pénétration du sperme à travers l'appareil génital. Sans vouloir ga- rantir l'exactitude de toutes leurs observations , nous de- vons dire cependant qu'elles ont seulement le mérite d'in- diquer une marche qui semble rationnelle. Déjà Vallis- néri (2) avait prétendu que les femmes qui conçoivent re- connaissent qu'elles l'ont fait à une sorte de sensation de (1) Magendie. phénomènes physiques de la vie. Paris , 1839 , t. i et 2. (2) Vallisnéri. Istoria délia generazione dell' uomo et degli anlmali. Venise, 1721. 25. 388 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. succion, très-prononcée, qui se manifeste dans les parties génitales au moment du coït. Dionis (1) et Haller (2) ont parlé aussi de cette sorte d'aspiration de la semence ; Bis- choff (3) paraît également considérer cette action comme ayant de l'influence sur le transport du sperme. Enfin Gun- ther , par ses observations , semble donner quelque pro- babilité à notre assertion. Selon lui, chez les juments, et sans doute chez les autres Mammifères, l'utérus exerce une forte succion au moment du coït, et même un certain temps après , et c'est celle-ci qui projette le sperme dans l'utérus {W). D'après cela, on conçoit que la fécondation sera d'autant plus assurée que la matrice offrira une plus vaste cavité et des parois plus contractiles. Les utérus à cornes des Ron- geurs et des Carnassiers présentent au summum l'organi- sation la plus favorable; leurs deux tubes, pendant les contractions convulsives de l'accouplement, diminuent con- sidérablement de capacité , et le mucus qu'ils contiennent en est expulsé; puis, quand le spasme s'est dissipé, l'uté- rus reprenant son état normal , se dilate, et le sperme qui se trouve dans la cavité vaginale est en partie résorbé : de là le résultat presque toujours efficace de l'accouplement dans cette classe d'animaux , à l'époque du rut. Cette manière d'envisager la marche du sperme peut concourir à expliquer un fait depuis longtemps reconnu, c'est que les femmes les plus portées aux embrassements (1) Diowis. Traité général des accouchements, Paris, 1718. (2) Haller. Elementa phjsiologiœ. Lausanne, tome viir, p. 21, (3) BiscHOFF. Histoire du développement de l'œuf du Lapin. Paris, 1843, p. 363. (4) GcwTHEH, Untersuchungen uncl Erfahrungen Hanovre, 1837, DIXIÈME LOI. 389 de leur époux ne sont point les plus fécondes, et que celles-ci oui d'autant moins d'enfants que les plaisirs sont plus répétés et plus faciles (1). En effet , pour que l'œuf fécondé se développe dans l'u- térus , il faut qu'il y contracte des adhérences qui sont d'a- bord extrêmement légères et qui par la suite se conso- lident. Mais on conçoit que des jouissances très-rappro- chées , lorsque l'œuf ne fait encore que de s'attacher aux parois de la matrice par les plus frêles linéaments, en contractant cet organe pendant les étreintes voluptueuses, tendront à expulser cet œuf; et s'il n'est point encore assez adhérent pour résister à l'effort qui tend à le détacher , il tombe. Tandis qu'au contraire, si l'organe , après la ren- contre de l'œuf et du sperme , éprouve un assez long re- pos , le germe , désormais greff'é solidement dans la cavité utérine , s'y développe parfaitement. Virey a émis depuis longtemps une opinion qui semble avoir la plus parfaite harmonie avec la nôtre. Toutes ces luxurieuses Messalines , dit ce savant, qui se livrent aux débordements de leurs honteuses passions , n'ont presque jamais d'enfants, parce que l'utérus sans cesse stimulé par les plaisirs répétés , tend plutôt à se dégager qu'à retenir le produit de la conception (2). L'observation confirme cette assertion. Pérou rapporte qu'en commençant à peupler Botany-Bay , les Anglais y transportèrent avec des malfai- teurs un grand nombre de prostituées qui étaient stériles durant leur vie de débauche, mais qui devinrent mères fé- (1) Comp. Baron. Thèses erotîco-medicœ . — Murât. Dictionnaire des sciences médicales. Paris, 1815, tome xiv , p. 477. (2) A^iREY. Dictionnaire des sciences médicales. l'aiis, 1815 , tome xiv . |). 485. 390 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. cohdes dans la nouvelle colonie, où on les astreignait à un mariage sévère (1). On peut aussi, il nous semble, à l'aide du procédé par lequel nous expliquons l'ascension du sperme, donner une démonstration plausible de la présence des zoospermes sur les œufs que l'on rencontre dans le milieu des trompes des Lapines , tandis que les recherches les plus scrupuleuses , les plus multipliées, ne font ordinairement découvrir au- cun de ces animalcules non-seulement dans cette région , mais même dans tout l'espace qui se trouve au-dessus des 10 ou 20 premiers millimètres de ces canaux. On sait que durant le rapprochement sexuel , les organes génitaux des femelles des Mammifères sont abreuvés d'une abondante quantité de fluide, quoique chez elles il n'y ait point d'é- mission spermatique. Cette particularité ne peut être due qu'à une augmentation dans la sécrétion ou à l'expulsion du muCus contenu dans l'appareil génital. Or , il est certain que durant les étreintes voluptueuses du coït, les con- tractions qu'éprouvent les organes tendent à expulser les fluides qui les abreuvent , et les expulsent en effet. Mais aussitôt que le spasme cesse et que le repos survient , les canaux vecteurs tendent à se dilater et à reprendre leur ampleur ; alors s'établit cette sorte de succion dont nous avons parlé , et dont l'action porte le fluide épanché dans le vagin à s'insinuer d'abord dans les cornes , puis ensuite dans les trompes. Ne se pourrait-il pas, et cela semble on ne peut plus rationnel , que dans ce premier instant , par cette sorte d'aspiration, le sperme soit , très-peu de temps après le coït, porté jusque vers le milieu des tubes de (1) PÉRON. VoyagfS, tome i. DIXiÈiME LOI. 39i Fallope, et qu'à ce momeiii il y imprégnai les œufs qui peuvent s'y trouver. JJienlôl après, les organes lenlranl dans l'état normal, et se remettant par leurs oscillations, par leur mouvement ciliaire, à reporter les fluides vers Textérieur, il se pourrait aussi que les forces multiples qui agissent alors dans le calme reporiassent les zoospermes vers l'ulérus, en balayant ainsi tous ceux qui s'étaient avancés si loin de cet organe, et dont on ne retrouve plus alors de traces que sur l'œuf, dans les parois duquel quel- ques-uns se trouvent empêtrés. Puis, par ces contractions normales et calmes , le mucus infranchissable , porté vers l'extérieur avec plus de facilité que l'œuf qui est plus volumineux, ou sécrété à la surface de l'organe dans l'espace qui sépare ce dernier du lieu occupé désormais par les zoospermes, vient peu-à-peu s'interposer entre ceux-ci et l'œuf, sans que jamais l'on en découvre un seul dans l'intervalle de ses globules. Ainsi s'expliquerait la présence des zoospermes que l'on rencontre appliqués sur l'œuf pris au milieu des trompes, et cependant l'absence de ces animalcules dans le mucus infranchissable situé au-delà des 10 ou 20 derniers milli- mètres des trompes des Lapines. Blundell (1) et Bischoff(2) ont, il est vrai, regardé aussi comme contribuant à l'ascension du sperme, certains mou- vements de la matrice et des trompes dirigés vers les ovaires, et qui, d'après ce dernier, chez les Lapines et les Chiennes , sont extrêmement prononcés. Mais je confesse (1) Blundell. Researches phys'iol. and patholog. Londres, 18:24, p. 54. (2) BiscHOFF. Histoire du développemenl de l'œuf du Lapin. Paris, 1843, p. S63. 392 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. n'avoir jamais pu observer la particularité mentionnée par ces deux savants ; et je pense que les mouvements dont ils parlent ne sont au contraire que ceux qui se trouvent pro- duits par le relâchement organique qui succède aux con- tractions s'opérant sans cesse de haut en bas, de l'intérieur vers l'extérieur, et dont nous avons fait mention plusieurs fois dans cet écrit. En second lieu, M. Bischoff considère les mouvements des zoospermes comme étant aussi de nature à opérer leur dissémination vers l'ovaire. On ne peut disconvenir de la puissance qu'ont les sper- matozoaires, et de la possibilité que leurs mouvements con- tribuent à les faire avancer; mais ces animalcules n'affectent point une direction générale uniforme: ils marchent en sens divers et variés , sans être régis par une tendance vers un but unique. Leur locomotion est ralentie ou tout-à-fait en- travée dans le tube étroit des trompes , soit par les con- tractions de celles-ci , soit par la nature du mucus qui les obstrue , soit enfin par les cils vibratiles dont elles sont hérissées. La progression des animalcules jusqu'à l'ovaire s'expli- querait facilement, selon J. MuUer (1), depuis la décou- verte des mouvements vibratoires des organes génitaux, ces mouvements ayant sur elle une action manifeste. Purkinje etValentin (2), puis Bischoff (3) et Donné (4), (1) J. MuLLKR. Manuel de physiologie. Paris, 1843, tome ii, p .629. (2) Purkinje et Yalentin. De motu vihralorio. Dans Milliers Archiv. , 1834. (3) Bischoff, Traité du développement de l'homme et des Mammifères, Paris, 1843 , p. 25. (4) DoîTNç. Cours de microscopie. Paris, 1844 , p. 171, DIXIÈME LOf. 395 ont constaté , ainsi que nous l'avons fait nous-niéme avec la plus grande exaclitude, que les mouvemenls vibraioires des oviducles sont dirigés de l'intérieur vers l'extérieur, et tendent par conséquent à porter les fluides au-dehors. Entraîné par l'ascendant des faits, dans un autre endroit, J. Muller lui-même (1) proclame que chez certains Ver- tébrés, les mouvemenls servent à la progression des œufs à l'extérieur. Or, il faut opter, car ces mouvemenls ne peuvent être employés à la guise des physiologistes , et tantôt, selon les nécessités de l'école, à porter le sperme aux ovaires, et tantôt, en agissant tout à l'opposé, à en expulser l'œuf. Pour nous comme pour Purkinje etValentin, et ainsi que le prouve l'observation directe, ils s'engendrent de manière à entraîner constamment au-dehors soit le mucus infran- chissable qui remplit les trompes, soit les œufs qui che- minent avec lui durant certains moments; aussi, loin de pouvoir aider la progression des zoospermes, ils ne peu- vent que l'entraver. Or, comme ni les prétendues contractions des organes, ni la force des zoospermes , ni la puissance des mouve- ments vibratoires , ne me semblent suffire pour expliquer l'ascension du fluide séminal dans les organes génitaux des Mammifères femelles, je pense qu'il est utile de leur sub- stituer une autre force : c'est la simple succion. Preuves rationnelles. Les savants qui professaient que le fluide séminal parvient aux ovaires, ayant été em- barrassés pour lui faire parcourir un aussi long trajet , et surtout des voies aussi étroites, ont imaginé ou qu'il y avait (1) J. M ULLER. Manuel de physiologie, Paris, 1845, tome ii, p. 626. 394 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. des canaux particuliers qui le transportaient à l'ovaire, ou que la vapeur séminale, auy^a seminalis , suffisait seule pour la fécondation ; mais les anatomistes ont démontré toute la fausseté de la première supposition , et Spallan- zani, puis Prévost et Dumas, dans des expériences exécu- tées avec soin , ont établi péremptoirement que la seconde était une rêverie inadmissible. Certainement , dans les cas normaux , le sperme ne dé- passe pas la matrice ou la région des trompes de Fallope qui y aboutit , et c'est quand un œuf les franchit lorsqu'elles s'en trouvent encore imbibées, que celui-ci est fécondé. Les physiologistes qui, pour prouver que la fécondation avait lieu aux ovaires , ont prétendu tirer des inductions de la présence des corps jaunes, ne se sont pas moins égarés , car ces traces palpables de l'émission des ovules , qu'on découvre plus ou moins de temps après la concep- tion, ne signifient absolument rien pour démontrer cette hypothèse admise sans examen. En effet, les corpora lutea n'indiquent pas que la fécondation ait lieu à l'ovaire, car ce n'est point au contact du fluide séminal qu'ils doivent leur développement. Il est tout naturel de trouver ces corps puisqu'il y a eu fécondation, et que celle-ci ne peut s'opérer que sous cette condition, savoir : que l'émission des ovules coïncide avec le rapprochement des sexes. D'ailleurs , comme nous avons prouvé dans les paragraphes précédents que l'on rencontre des corps jaunes sur des animaux vier- ges, ils ne sont donc nullement le produit de la féconda- tion ; et , d'un autre côté , ils doivent forcément coïncider avec elle , puisqu'ils attestent la chute des ovules , et que ceux-ci ne sont que des embryons rudimentaires. A l'égard des preuves apportées par les grossesses extra- utérines, nous verrons plus loin que si celles-ci indiquent DIXIÈME LOI. 095 que la fécondation peut clans certains cas rares et anor- maux se faire à la sortie de l'ovaire ou dans le haut des trompes, elles n'infiimcnt nullemenl notre théorie, à la- quelle on doit d'avoir révélé l'émission spontanée des ovu- les, et qui établit que la fécondation résulte de la simidta- néité de la présence du fluide séminal et de cette émission. D'ailleurs, nous démontrerons aussi plus loin que le déve- loppement du fœtus hors de la cavité utérine, n'est qu'une anomalie dont l'existence ne transgresse pas la loi générale. Pour prouver que la fécondation a lieu à l'ovaire, quel- ques physiologistes ont encore invoqué ce qui se passe chez les Poules, que l'on sait produire une vingtaine d'œufs féconds après avoir été cochées une seule fois. Cela ne doit nullement sembler étonnant aux physiciens , qui connais- sent la divisibilité de la matière , et aux physiologistes qui ont apprécié l'infime quantité de sperme qui est nécessaire pour féconder l'ovule des animaux. En effet , si on se rap- pelle les expériences de Spallanzani (1) , dans lesquelles on voit que pour un œuf de Crapaud il ne faut que Tr?—rh~5^ de grain de sperme ; et si l'on se représente combien une Abeille en émet peu pour féconder quarante mille œufs , on est immédiatement persuadé qu'il suffit que les parois de l'utérus soient imprégnées de ce fluide pour que , pen- dant un temps fort long , le mucus qu'elles exhalent en renferme assez pour féconder les œufs qui subissent son contact. Aussi , c'est souvent assez longtemps après le rap- prochement qu'une femelle de Mammifère ou que la femme se trouve fécondée. (1) Spallanzani," Expériences pour servir à l'histoire de la génération. Pavie. 1787 , tome m , p. 191. 596 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Les trompes de Fallope des Mammifères, qui établis- sent la seule communication existant entre l'utérus et les ovaires , forment des canaux souvent très-longs, et dont la cavité n'offre qu'un diamètre excessivement minime ; il est même de ces animaux , et tel est en particulier le Cochon d'Inde, sur lesquels ces organes sont si démesurément longs, si grêles et si contournés, que, comme le dit Ca- rus (1), on a de la peine à concevoir comment le sperme peut se rendre à l'ovaire. A dire vrai , ce n'est ni la capillarité des trompes , ni leur longueur, qui m'empêcheraient d'admettre qu'elles pussent transporter le fluide séminal jusqu'aux glandes qui engendrent les ovules. On sait que dans l'économie ani- male certains fluides parcourent des canaux d'une étendue tout aussi considérable et d'un diamètre infiniment moindre que celui des trompes ; cela s'observe en particulier pour les vaisseaux séminifères. En outre , il est incontestable- ment démontré que les conduits de Fallope portent au-de- hors le produit des ovaires , qui est beaucoup plus com- pacte qu'un simple fluide , et qui consiste en ovules d'un diamètre autrement considérable que celui des molécules du sperme ; mais dans ces divers cas , les fluides ou les sécrétions sont dirigés dans un sens constant et par des contractions s'opérant toujours dans la même direction , et toujours du dedans au-dehors ; ordinairement aussi le mouvement excentrique des fluides est favorisé par la sé- crétion qui se produit et les pousse à tergo. Ainsi donc, il est facile de concevoir comment les trom- (1) Carus. Traité élémentaire d'analoin.^vi'.Ueber die Polrpen im allgemeinen iind die ^ktinien insbesondere. Weimar, 1829. — Berthold. Beitrœge zur anato- mie, zootomie imd physiologie. Gœttingen, 1831. — Gaede, Beitrœge zur anatomie der Medusen, Berlin, 1816. — Rathke. la Froriep's Notizen^ tome XXI, — Peters. In Muller's Archiv. , 1840. — Valentin. Reperto- rium, 1840. — Grant. Heusinger's Zeitschrift fur organische phjsik. , tome ir, p. 53. — Ehrenberg. Organisation , systematik und geogra' phisches Ferhœltniss der Infusionstierclien. Berlin, 1830 à 1834. — Laurent. Recherches sur l'Hydre et l'Éponge d'eau douce. Paris , 1843. (3) Plagge, Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences mé- dicales^ tome XV. — Prévost et Dumas. Annales des sciences naturelles. Paris , 1825 , tome m, p. 133. — De Baer. De ovi mammalium et liominis genesi. Leipzig, 1827, p. 12. — Lettres sur la formation de l'œuf dans l'espèce humaine et les Mammifères, traduites par G. Breschet, Paris, 1829, — Coste, Recherches sur la génération des Mammifères, p. 25 et suiv. (4) Furkinje, Sjmbolœ ad ovi aviiim historiam ante incubationem. Leipzig , 1825. — Coste. Recherches sur la génération des Mammifères, p. 19. — Valentin et Bernhardt, Symbolœ ad ovi mammalium historiam 448 THÉORIE DE LA FÉCONDATION. Enfin , en invoquant l'observalion , nous avons prouvé que depuis les moindres animaux jusqu'aux Mammifères et même à l'espèce humaine , les œufs préexistent dans les ovaires à la fécondation (1). La troisième loi a été consacrée à établir que des obsta- cles physiques s'opposent à ce que chez les Mammifères le fluide séminal puisse être mis en contact avec les ovules encore contenus dans les vésicules de De Graaf. Cette proposition est évidente, et quel que soit le lieu où la fécondation s'opère , il faut absolument que le produit des deux sexes soit mis immédiatement en contact (2) ; aussi pour que cet acte physiologique s'accomplisse , est-il ante prœgnationem. Breslau, 1834. — Cakus. Traité élémentaire d'anatoniie comparée. Paris, 1833, t. ii. — Rathke. Frorîep's Notizen, Weimar. tome XXI. — Jones. Lond. and Edimb. Philos, mag. , tome vu, p. 209, —Wagner. Histoire de la génération et du développement. Bruxelles,1841. — BiscHOFF. 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Modène^ 1780. — Prévost et Dumas, Annales des sciences naturelles, tomes r, ii, m. — ■ HcscoNt, Jrcliiv. fur anatomie, etc.. Von Millier, 1836, — Vogt. Embryo- logie des Salmones. Neufcbàlel , 1842. RÉSUMÉ ET CONCLUSION. Utl9 nécessaire que l'ovule soii débarrassé de ses enveloppes el que la capsule de l'ovaire se soil ouverte (1). L'expérience a parfaitement prouvé que ce n'est point Vaura seminalis qui féconde les ovules, mais bien la par- lie la plus épaisse du sperme (2). Or, des considérations déduites de la structure anaio- mique et de la physiologie de l'appareil génital, démontrent que sur beaucoup d'animaux de toutes les classes, le fluide fécondant ne peut parvenir jusqu'aux ovaires (3). Chez les Mammifères, les contractions des trompes (4) et leurs mouvements ciliaires (5) , puis la capillarité de ces conduits (6) et le mucus infranchissable qui les encombre, forment autant d'obstacles qui s'opposent à l'ascension du sperme. Mais quand bien même celui-ci atteindrait l'or- gane germifère, assurément il ne pourrait traverser les tu- (1) Veli'eau. Traitp complet de l'art des accouchements. Paris, 1835, tome I, p. 213. (2) SPAi.LANZANr. Dissertazioni d'i fisica animale e vegetahile. Modène , 1780, trad. de Sennebier. Pavie, 1787, tome m, p. 203. — Prévost et Du- mas. Annales des sciences naturelles , tome ii. — Dictionnaire classique d'histoire naturelle. Paris, 1825, tome vu. (3) Iacordaire. Introduction à l'entomologie. Paris, 1838, tome ii, p. 380. — DuGÈs. Physiologie comparée de l'homme et des animaux. Paris , 1838^ tome m, p. 293. (4) BuRDACH. Traité de physiologie considérée romme science d'observa- tion. Paris, 183S, tome n, p. 194. — Dugks. Op. Preuves directes 28 Preuves rationuelles 59 Partie critique 64 III^ LOI FONDAMENTALE. Ues obstacles multiples s'opposent à ce que chez les Mammifères le fluide séminal puisse être mis en contact avec les ovules encore contenus dans les vésicules de DeGraaf 74 Exposition »... lo. Preuves directes. 75 Preuves rationnelles 80 1 ait il critique 86 Zi78 TABLE DES MATIÈRES. pages IV^ LOI FONDAMENTALE. La fécondation ne peu l s'opérer que lorsque l'œuf a acquis un certain degré de développement après son détachement de l'ovaire 89 Exposition Ib- Preuves directes 90 Preuves rationnelles 99 V* LOI FONDAMENTALE. Dans toute la série animale, incon- testablement l'ovaire émet ses ovules indépendamment de la fé- condation 103 Exposition Ib. Preuves directes 104 Ovulation spontanée. 129 1° Période d'accroissement ou d'irritation 130 2° Période de parturition 134 3° Période d'affaissement 139 4° Progression des œufs 147 Evolution de l'œuf. 154 Disparition de la vésicule germinative. Ib. Phénomènes primitifs de l'évolution 162 Preuves rationnelles , 167 Partie critique 173 VP LOI FONDAMENTALE. Dans tous les animaux les ovules sont émis à des époques déterminées, en rapport avec la surexci- tation périodique des organes génitaux ........ 200 Exposition Ib. Preuves directes 201 Preuves rationnelles 205 Partie critique 203 Vir LOI FONDAMENTALE. Dans l'espèce humaine et les Mam- mifères, la fécondation n'a jamais lieu que lorsque l'émission des ovules coïncide avec la présence du fluide séminal 209 Exposition Ib, Preuves directes , . 210 Preuves rationnelles 215 Partie critique 217 Ylir LOI FONDAMENTALE. La menstruation de la femme cor- respond aux phénomènes d'excitation qui se manifestent à l'é- poque des amours chez les divers êtres de la série zoologique et spécialement sur les femelles des Mammifères 227 Exposition Ib, TABLE DES MATIERES. 479 pages Preuves directes. 228 Menstruation de la femme 240 Intermenstruation 245 Menstruation des Mammifères 256 Menstruation de la Truie 261 Menstruation des Lapines 264 Preuves rationnelles 265 Partie critique 268 l\^ LOI FONDAMENTALE. La fécondation offre un rapport constant avec la menstruation ; aussi sur l'espèce humaine, il est facile de préciser rigoureusement l'époque intermenstruelle où la conception est physiquement impossible, et celle où elle peut of- frir quelque probabilité 270 Exposition Jh. Preuves directes 271 Preuves rationnelles 286 Partie critique 293 X^ LOI FONDAMENTALE. Chez l'espèce humaine et les Mam- mifères l'œuf et le sperme se rencontrent normalement dans l'ulé- rus ou dans la région des trompes qui l'avoisine, et c'est là que s'opère la fécondation . 297 Exposition Il>. Preuves directes 298 Zoospermes 299 Mucus infranchissable 366 Expériences et observations : . 367 Preuves rationnelles 393 Partie critique 399 Pseudo-zoospermes 414 LOIS PHYSIOLOGIQUES ACCESSOIRES 420 I. Assurément il n'existe pas de grossesses ovariques propre- ment dites 420 ir. Les grossesses abdominales ou tubaires n'indiquent point que la fécondation ait lieu normalement à l'ovaire, et que ce soit celle-ci qui détermine l'émission des ovules. . . , 426 SUPERFÉTATION 432 RÉSUMÉ ET CONCLUSION 4^4 FIN DE LA TABLE. COUNTWAY LIBRARY £ QP OF MEDICINE 261 ?86 r»/-^>-,-.r o 'Pair+ Il !' 1 1! i I I i I 1 1 I 1 1 n I I 1 1 I 1 1 I I i I ; '"m!ll!lilill|!l||l|ljl.l||!|lll!i! hTillUilIllIf 'iliMniiriiiiiii 11:1 lilli''; 'lilîilll (II, l;, M, il, m: ilil!l|i!!il