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SÉRIE A, 43. N" D'ORDKE

405

THÈSES

PRÉSENTÉES

4 LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS

I' 0 U It 0 11 T K N I II

LE GRADE DE DOCTEUR ES SCIENCES NATURELLES

L. GHARBONNEL-SALLE

Docteur en médecine, inailre de conférences à la Faculté ,des sciences de Lyon, Chef des travaux zooiogiques à la Faculté de médecine.

1" TliE»m<:. Recherches expéhimentales sur l'excitation électrique

DES NERFS MOTEURS ET l'ÉLECTROTONUS.

TBÈSK. Recherches sur le rôle physiologique du tannin dans

LES VÉGÉTAUX. Soutenues le / ai-tJ^A^^— devant la cominission d'examen

MM. DUCHARTRE Président.

PAUL BERT , ,,

,,.r.r.„ l examinateurs.

MAREY

PARIS

G. MASSON, ÉDITEUR

LIBRAIRE DE L 'ACADÉMIE DE MÉDECINE Boulerard Saint-Germain, en face de l'Ecolt de médccioe

1881

ACADÉMIE DE PARIS

FACULTE DES SCIENCES DE PARIS

Boyen.

Professeurs honoraires.

Professeurs.

Agrégés.

Secrétaire.

MILNE EDWARDS, Professeur. Zoologie, Anatomie,

Physiol. comparée, DUMAS. PASTEUR.

P. DESAINS Physique.

LIOUVILLE Mécaniq. rationnelle.

PUISEUX Astronomie.

HÉBERT Géologie.

DUCHARTiiE Botanique.

.JAMIN Physique.

SERRET Cakul différentiel et

intégral.

N Ciiiniie.

DE LACAZE-DUTHIERS. . . Zoologie, Anatomie. / Physiol. Comparée.

\ BERT , . Physiologie.

HERMITE. . . Jt.,>.'^ .jV . . Algèbre supérieure.

BRIOT ... : Calcul des probabili- tés, Physiq. iiialh.

BOUQUET.. Mécanique physique

et expérimentale. ' TROOST Chimie.

^YURTZ Chimie organique.

FRIEDEL Minéralogie.

OSSIAN BONNET Astronomie.

DARBOUX Géométrie supérieure

; BERTRAND . Sciences mathémat.

.1. VIKILLE Id.

[ PELIGOT Sciences physiques.

PHILIPPON.

fARIS. IMPRIMERIE EMILB .MARTINET, RUE MIOMON. î

(

RECHERCHES EXPÉRIMENTALES

SDR

L'EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS

ET l'ÉLECTROTONUS

Vav Louis C1I.\RB0X.VE:L-<!>.%L.LE.

Docteur en médecine, maître de conférences à la Faculté des science» de Lyon, Chef des travaux zoologiques à la Faculté de raidecine.

AVANT PROPOS

Nous exposerons, dans ce travail, les résultats d'une longue série d'expériences sur l'excitation électrique des nerfs mo- teurs et sur l'électrotonus, sujet dont les investigations si nombreuses des physiologistes n'ont pas encore dissipé toutes les obscurités.

Afin de donner à nos recherches un caractère de précision que ne comporte point la simple observation des phénomènes, nous avons eu recours à l'inscription par la méthode gra- phique, seule capable de donner à la fois la représentation saisissante et la preuve indiscutable des faits.

Ce travail a été fait au Laboratoire de médecine expérimen- tale de la Faculté de Lyon, sous la direction de M. le profes- seur Ghauveau. Nous sommes heureux de pouvoir témoigner à notre savant maître notre vive reconnaissance pour la bien- veillance avec laquelle il nous a prodigué ses conseils et sou- tenu de ses encouragements depuis le jour il nous accueillit dans son laboratoire.

n. ÉTUDES. se. NAT. XXIV. 1. ART. N" I.

s CIIARBOlllVEL-^ALLK.

PREMIÈRE PARTIE

APPAREILS ET PROCÉDÉS OPÉRATOIRES

Pour étudier avec précision les phénomènes d'excitation électrique, nous avons employé l'appareil dont la planche 1 donne une vue d'ensemble et qui permet à la fois :

D'inscrire avec leur amplitude, leur durée et leur forme réelles les contractions musculaires résultant de l'irritation du nerf moteur ;

De produire l'excitation à des moments déterminés, condi- tion nécessaire à la régularité des tracés ;

De graduer exactement la force de l'excitant et d'obtenir des séries d'intensité croissantes et décroissantes;

Enfin de renverser alternativement la direction des cou- rants dans le nerf.

Grâce à l'ingénieuse construction de notre appareil, les opérations diverses que nous venons de signaler s'effectuent automatiquement : fermeture et ouverture, graduation, com- mutation n'incombent point à l'opérateur et sont déterminées par le jeu de l'appareil enregistreur lui-même qui règle leur production au moment opportun.

L'expérience préparée, l'opérateur reste donc spectateur passif des phénomènes.

Pour comprendre les relations établies entre les diverses parties de l'appareil, il est nécessaire d'en faire d'abord l'étude analytique. Nous passerons successivement en revue :

L'appareil enregistreur ;

L'appareil d'excitation électrique.

I. Appareil enregistreur.

Pour l'hiscription graphique des secousses musculaires, nous avons adopté les appareils bien connus de M. Marey. Il nous suffira de rappeler brièvement leur disposition générale

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 3

et de sip;iialer quelques parlicularilés importantes pour nos recherches (l).

C'est le myographc à levier horizontal, fondé sur le principe commun de l'exploration et de l'inscription avec le levier, qui trace les couihes musculaires sur un papier enfumé recou- vrant un cylindre tournant; celui-ci est adapté à l'axe de vi- tesse moyeiuie d'un mouvement d'horlogerie, dont l'unilor- mité est assurée par un légulateur deFoucanlt. Au myographe on peut fixer, soit une lame de liège, soit des plaques isolantes déformes variées, sur les'[uell('s sont disposées les prépara- tions. Enfin, pour obtenir l'imbrication des tracés, un chariot glissant sur un chemin de fer fait cheminer le myographe pa- rallèlement au cylindre. Le mouvement de translation uni- forme du chariot est emprunté, grâce à deux poulies sur les- quelles s'enroule une corde sans fin, à l'un des axes de l'appareil moteur principal.

Nous avons employé, suivant les cas, tantôt le myographe simple, tantôt le myographe double ou comparatif; ce dernier porte deux leviers, dont l'un est situé à un niveau un peu plus élevé que l'autre; ces leviers peuvent, par le glissement de deux curseurs, s'éloigner ou se rapprocher à volonté. Un fil de soie, inextensible et isolant, relie le tendon du muscle à la base du levier et s'y fixe en s'enroulant plusieurs fois autour d'une gorge ; il passe ensuite sur une poulie et porte à son extrémité un poids tenseur destiné à faciliter l'allongement du muscle après la contraction ; dans nos expériences, nous avons adopté un poids constant de 8 grammes. La grande sen- sibilité du myographe de Marey et la légèreté extrême du levier permettent d'inscrire, sans déformation notable, des secousses de très minime amplitude. Afin de réaliser autant que pos- sible cette condition essentielle pour nos recherches, nous avons donné au levier une longueur assez considérable (i6 cen- timètres), et fixé le fil de soie très près de l'axe de rotation.

Une plume d'acier, mince et flexible, est adaptée à l'aide

(1) Pour plus de détails, voy. Marey, la Méthode graphique, p. 508 et sufv

4 CHARBOV\EL-NALLE.

d'une parcelle de cire à modeler à l'extrémité du levier ; elle frotte, par sa pointe aiguë, sur le cylindre enfumé. Une vis de réglage permet d'incliner au degré convenable le corps du myographe et de réduire au minimum le frottement de la plume sur le papier.

II. Appareils d'excitation électrique.

Nos recherches ont porté sur l'action physiologique des courants, soit instantanés, soit continus et constants. Dans les deux cas nous avons employé, comme source d'électricité, la pile de Daniell, facile à manier et suffisamment constante, lorsqu'on a soin de l'alimenter régulièrement de sulfate de cuivre et d'en fermer le circuit une heure environ avant de s'en servir. Vingt éléments Daniell, en pleine activité, suffisent à tous les besoins de l'expérimentation, et permettent d'exé- cuter les recherches d'excitation unipolaire elles-mêmes, exi- geant des courants de forte intensité, en raison de la résistance considérable des tissus animaux. Les couples, de petite di- mension, sont renfermés dans des vases en grès de 16 centi- mètres de hauteur, et associés en tension. Ils sont disposés dans une grande boîte en sapin, cloisonnée en compartiments distincts, et dont la surface intérieure, enduite de goudron, est préservée avec soin de toute humidité. La boite elle-même repose sur des supports isolants.

Pour l'application des courants, instantanés ou continus, aux recherches électro-physiologiques, nous avons employé les appareils suivants :

Un rhéotome, appareil de fermeture et d'ouverture ; un rhéochorde, appareil de graduation; un condensateur; des électrodes impolarisables de formes variées.

LE RHÉOTOME

L'appareil désigné dans la planche 1 par la dénomination abrégée de rhéotome, et dont la disposition a été imaginée par M. Chauveau, est en réalité un appareil double : il comprend

ARTICLE 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 5

à la fois un rhcotomo et un commutalcur. L'un et l'autre sont actionnés par le mouvement d'horlogerie de l'appareil enre- gistreur et leur fonctionnement est réglé de telle sorte qu'une commutation se produit après chaque ouverture et précède la fermeture suivante.

Rhéotome et commutateur consistent essentiellement en leviers horizontaux oscillant autour d'un axe central. Les mouvements alternatifs de chaque levier établissent ou rom- pent le contact entre une pointe de platine fixée à son extré- mité et une goutte de mercure contenue dans un petit godet. L'organe excitable est relié par les fils conducteurs, d'une part à la pointe en platine, d'autre part au mercure du godet.

L'appareil est supporté par une petite table à quatre pieds munis devis calantes ; les leviers et les godets à mercure, ainsi que les bornes destinées à fixer les fils conducteurs, sont in- stallés sur une plaque isolante de caoutchouc durci ou porte- leviers. Il nous est évidemment impossible d'indiquer ici les détails minutieux de construction et de suivre le courant dans sa marche à travers les diverses pièces de l'appareil ; nous si- gnalerons seulement la disposition par laquelle l'enregistreur transmet aux leviers rhéotomes et commutateurs les mouve- ments alternatifs de bascule. Une roue dentée, adaptée à l'axe du cylindre de Marey, engrène avec une autre roue fixée à l'extrémité d'un arbre horizontal traversant la tablette du rhéotome. Cet arbre actionne, par un engrenage, une roue centrale de grand diamètre dont la circonférence présente des chevilles d'acier perpendiculaires de trois longueurs différentes : les longues, les moyennes et les courtes sont respectivement au nombre de 2, 4 et 20. Ces chevilles accrochent, tantôt à droite, tantôt à gauche, les parties élargies de deux petites palettes, fixées aux leviers du rhéotome et du commutateur. Le porte-levier glissant sur deux coulisses peut être à volonté rapproché ou éloigné de la roue, de manière à produire, pour un tour du cylindre enregistreur, 2, 4, ou 20 mouvements de bascule.

Nous avons vu de quelle manière est obtenue l'imbrication

6^ €HAIiBO\.\EI.-SALLE:.

verticale des tracés par la translation du myographe parallè- lement au cylindre. Pour produire l'imbrication oblique, dis- position plus favorable à la comparaison de longues séries de secousses, la roue dentée adaptée à l'axe de l'enregistreur porte une dent de moins que celle du rhéotome. A chaque tour du cylindre, le mouvement du levier présente donc un léger retard sur le précédent.

Le rhéotome que nous venons de décrire a été construit en vue d'actionner, au moyen de courants de pile interrom- pus, un appareil électro-magnétique analogue au Fallapparat de Pfliiger. Malgré les critiques dont les contacts à mercure ont été l'objet de la part de plusieurs physiologistes, nous l'avons utilisé directement pour la production des fermetures et des ouvertures. La régularité des tracés obtenus montre bien que ces contacts, attentivement surveillés, peuvent rendre les m.eilleurs services.

GRADUATION DES COURANTS. LE RHÉOCHORDE

Avant de décrire l'appareil qui nous a permis de graduer l'intensité des courants, instantanés et continus, c'est-à-dire le rhéochorde, nous devons rappeler les principes sur lesquels repose cette graduation. Pour les courants continus, c'est par l'emploi des courants dérivés que nous l'avons réalisée, sui- vant la méthode ordinairement employée en physiologie : l'intensité au2:mente et diminue avec l'intervalle de dériva- tion, d'après une relation dépendant, dans chaque cas parti- culier, des résistances respectives du rhéochorde et du circuit principal. Nous n'insistet"ons pas ici sur la théorie du rhéo- chorde, exposée dans la plupart des traités de physique (1). Mais nous devons indiquer avec plus de détails, la méthode de graduation des courants instantanés, méthode si rigoureuse et si facile, que M. Chauveau aie premier fait connaître (2).

(1) Voy. AVuiidt, Physique médicale. Trad. par Monoyer, 1871, p. 602 et suivantes.

{t) Chauveau, Utilisation de la tension electroscopique des ci) cuits voltaique pbûr obtenir des excitations électro-physiologiques. Lyon. 1874.

AUTICLE N" 1.

EXCITATION KLEGTHIQUE DES NERFS MOTEURS. 7

Le principe do cette métliode consiste îi utiliser la tension électi'os('opi(ine des circuits vollaïques l'ennés. Les deux pùles d'une pile, h tension forte et h courant constant, sont réunis par un fd métallique très long, très fin et tout à l'ait homo- gène; un point (|uelGonque de ce fil interpolairc est mis en connmuiication avec le sol. D'après riiypothèse de Ohm sur la propagation de l'électricité et les vérifications expérimen- tales de Kolrausch, la tension électroscopique de ce point étant à zéro, celle des autres points croît en progression arith- métique parfaitement régulière à mesure qu'on s'éloigne du zéro, en affectant le signe + ou le signe suivant qu'on se rapproche du pôle positif ou du pôle négatif. Si le fd commu- nique avec le sol, non par un point quelconque de son étendue, mais par une de ses extrémités, celle qui tient au pôle négatif, par exemple, le zéro est transporté en ce dernier point, et les tensions, toutes positives, se distribuent suivant la loi indiquée jusqu'au pôle positif, siège de la tension maxima. D'une façon générale, tout déplacement du zéro sur le circuit s'accom- pagne d'un déplacement équivalent des tensions respectives des différents points.

Supposons maintenant qu'une sphère conductrice isolée soit reliée par un fil métallique à l'un des points du circuit : cette sphère se met en équilibre de tension avec le point au- quel elle est rattachée, et le fd de communication est parcouru par un flux instantané d'électricité dont l'intensité est propor- tionnelle à la charge que prend le conducteur sphérique. Il est évident que ce flux se répétera avec la même intensité chaque fois que la sphère, isolée de nouveau et ramenée à l'état neutre par une communication avec le sol, sera reliée au même point du circuit. Si le contact entre la sphère et le circuit est établi successivement en des points dont les distances au zéro crois- sent en progression arithmétique, les charges que prendra la sphère augmenteront suivant la même loi, à condition qu'après chaque contact, la sphère soit ramenée à l'état neutre. Le fd ■de communication sera donc parcouru par dès flux instanta- nés d'intensité régulièrement croissante et de même vitesse.

8 CHARBOM^EL-SALLE.

La distribution et la valeur des tensions du circuit voltaïque, coMimmiquant par un point avec le sol, restent d'ailleurs par- faitement constantes, quel que soit le volume de la masse ad- ditionnelle, grâce à la force électromotrice de la pile qui régénère instantanément la quantité d'électricité enlevée au circuit.

Si le fil de communication est interrompu en un point et si les deux bouts sont réunis par un organe excitable, cet organe sera traversé, lors des contacts successifs, par des courants d'intensité croissante ou décroissante, suivant que la charge de la sphère est empruntée à des points de plus en plus éloi- gnés ou de plus en plus rapprochés du zéro.

Telle est, dans ses points essentiels, la méthode d'excitation graduée dont nous avons largement mis à profit la précision rigoureuse et la commodité pratique. A la sphère conduc- trice, nous avons substitué un condensateur (i) Micro-Fara- day, dont l'une des armatures est reliée au circuit voltaïque, tandis que l'autre communique avec le sol. Ce condensateur, à surface très étendue, se compose d'un grand nombre de feuilles d'étain isolées entre elles; il est subdivisé en microfa- rads, unité de surface adoptée par les physiciens anglais. Une disposition fort simple permet d'utiliser à volonté un nombre déterminé de micro farads,de\>ms i jusqu'à 10. Pour certaines expériences, nous avons remplacé ce condensateur par une bouteille de Leyde de faible capacité.

Voici maintenant la description du rhéochorde de M. Ghau- veau (pi. I), appareil destiné à la graduation automatique des courants instantanés et des courants continus. Un fil de pla- tine, extrêmement fin et long de 30 mètres, est replié à angles aigus à l'intérieur d'un cylindre en verre vertical contre la paroi duquel il est appliqué. Le cylindre est fermé à chaque extrémité par une plaque circulaire de caoutchouc durci et

(1) Le condensateur adéjàélé appliqué aux recherches électro-physiologiques, en France par Marey (Voy. Méthode grapliique, p. 517), et en Allemagne par Tiegel {Ueber den Gçbravch eines Condensators zum Reizem mit Induction- sapparaten {Arch. de Pflûger, t. XIV, s. 330). Amici.E N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 9

(i-aversé par un axe de rolalioii dépassant les deux bases et Mioiiié sur pivots. Les angles du iil sont lixés, par leurs som- mets, à des crocliets métalliques, les supérieurs isolés, les inférieurs reliés à une lame d'acier, incrustée à la face infé- rieure de la base du cylindre et dirigée radialement. Il y a donc en tout soixante lames d'acier rayonnantes, isolées et s'arrètant à une certaine distance du centre. Le fd est ainsi divisé en soixante parties égales de 50 centimètres. Des numé- ros de 1 à 60, gravés sur la base du cylindre, répondent à chacun des angles inférieurs; une des extrémités est fixée au 1, l'autre au n" 00.

Ces deux extrémités du fil interpolaîre doivent être reliées aux deux pôles de la pile. Or ces deux extrémités se déplacent pendant la révolution du cylindre, et il fallait, par conséquent, concilier leur mobilité avec l'immobilité des deux rhéophores du courant. Cette difficulté a été surmontée parla disposition suivante : à la base du support du rhéochorde est fixée hori- zontalement une grande plaque rectangulaire de caoutchouc durci. Cette plaque porte à chacun de ses angles postérieurs (invisibles dans la figure) une borne à laquelle s'adapte un des rhéophores de la pile. Une lame métallique isolée part de chaque borne, et les deux lames aboutissent à deux cuvettes isolées et circulaires remplies de mercure, dans lequel plon- gent deux pointes en platine, reliées chacune à l'une des ex- trémités du fil interpolaire. Pendant la révolution du cylindre, les deux pointes se déplacent circulairement sans jamais cesser d'être en contact avec le mercure.

Un commutateur, disposé entre les deux bornes, permet de renverser à volonté la direction du courant dans le fil.

On dérive les courants au moyen de bornes (visibles dans la figure), qui terminent en avant la plaque rectangulaire de caoutchouc. Ces bornes, au nombre de six, communiquent avec des cuvettes transversales, remplies de mercure et dis- posées parallèlement les unes aux autres d'avant en arrière. Dans ces cuvettes plongent des pointes en platine, implantées dans les lames métalliques rayonnantes de la base du cylindre

1.0 C;ilARBOîl1KL-SALB,K.

et disposées en cercles concentriques. Les plus extérieures sont au nombre de soixante et permettent, par conséquent, de prendre successivement des intervalles de dérivation de 50 cen- timètres; les suivantes, de plus en plus espacées, répondent à des intervalles de dérivation de plus en plus grands. Pour certaines expériences, exigeant une graduation plus lente de l'intensité, on a réservé une fraction de fil (50 centimètres), tendue verticalement à côté d'une règle divisée en centimètres et dont un curseur permet de prendre, comme intervalles de dérivation, des longueurs aussi petites qu'on le veut.

Par le mouvement circulaire du rhéochorde, les pointes de platine, répondant aux angles inférieurs du fil, sont amenées successivement en contact avec le mercure des cuvettes, en passant par des échancrures latérales, et l'intensité du courant augmente ou diminue suivant une marche plus ou moins ra- pide. C'est l'appareil enregistreur qui commande le mouve- ment circulaire, transmis au rhéochorde par le rhéotome. On voit, dans la figure, les roues dentées, de diamètres différents et montées sur un axe commun qui, par l'intermédiaire de deux poulies et d'une corde sans fin, transmettent au rhéo- chorde le mouvement circulaire avec des vitesses variées, sui- vant les exigences particulières de chaque expérience.

Nous nous sommes servi, en général, de la plus petite vitesse, le rhéochorde accomplissant une révolution complète pour soixante tours du cylindre enregistreur. . Les figures 1 et 2 représentent schématiquement les diverses parties de l'appareil excitateur, dans leurs rapports récipro- ques, ainsi que la préparation de grenouille disposée pour l'expérience; elles aideront à comprendre le jeu des parties fondamentales de l'appareil et la marche des courants dans l'ensemble du circuit.

La figure i indique le mode d'emploi du courant continu. La pile étant complètement isolée, un des pôles, le positif, par exemple, est mis en communication, d'une part avec le rhéo- chorde, d'autre part avec la borne centrale du rhéotome. Le schéma montre qu'on utilise seulement une des moitiés du

ARTICLE 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NEUFS MOTEURS. M

rhéotomc.Lccour;nilosl('Oii(liiit par un filcourl, du ihéotome à riiii des leviers du conuiuilalcur, traverse ensuite la gre- nouille, puis l'autre levier du coniinutateur, mis en com- munication avec le pôle négatif par l'intermédiaire du rliéo- cliorde. L'intervalle de dérivation augmente lorsque les angles inférieurs du lil interpolaire viennent se mettre en contact.

Fig. 1. Disposiliuu (le ru^paifil iiour rcm[iloi des courants continus.

de droite ii gauche, avec la borne de dérivation D; il diminue quand le déplacement a lieu en sens inverse..

Les deux schémas A et B de la figure 1 difïèrent seulement par la position du commutateur, permettant de renverser alternativement la direction du courant dans les nerfs.

La figure ^2 est destinée à faire comprendre le mode d'em- ploi des courants instantanés obtenus au moyen du conden- sateur. Le pôle négatif de la pile et l'une des armatures du condensateur A' sont en communication avec le sol; le pôle positif et l'armature A sont isolés, et, d'après les principes

d2 CIIARB0.1I%FL-i!iALLE.

rappelés ci-dessus (page 7), les tensions électroscopiques s'é- chelonnent en progression arithmétique régulière, de 0 à un maximum sur toute la longueur durhéochorde. L'armature A du condensateur est mise en rapport avec les angles successifs du fd interpolaire, pris comme source d'électricité, tantôt de droite à gauche, tantôt en sens inverse, suivant qu'on désire obtenir des chars^es de valeurs croissantes ou décroissantes.

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CHARGE ET DÉCHARGE

Fig. 2. Disposition de l'appareil pour l'emploi des flux iiistauta;ics d'électricité

statique.

La décharge a lieu par l'établissement d'une communication entre l'armature A et le soL C'est le rhéotome qui, par le mou- vement de bascule d'un de ses leviers, produit alternativement la charge et la décharge.

Trois positions différentes peuvent être données au myo- graphe de manière à faire passer à travers les organes excités :

Soit la charge seule.

2" Soit la charge et la décharge.

Soit la décharsfe seule. Dans le premier cas et dans le troisième, il est indispen- sable, pour obtenir des courants de directions alternantes,

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 13

(l'introduire dans le circuit le conmiulatcur, supprimé dans le schéma. Le commutateur devient inutile si l'on utilise en même temps la cliariic et la décharge dont les directions sont naturellement inverses, et qui peuvent être considérées comme équivalentes si la communication du condensateur avec le sol est parl'aitement établie.

LES ÉLECTRODES IMPOLARISABLES

Pour des recherches précises, il est indispensable que l'in- tensité des courants soit maintenue constante pendant toute la durée d'une ou de plusieurs expériences. Une des conditions les plus importantes de cette constance des courants, c'est la suppression aussi complète que possible de \ii polarisation des électrodes, en tous les points du circuit. Les produits de dé- composition électrolytique accumulés sur les électrodes don- nant naissance, comme on le sait, à un courant de polarisa- lion de sens inverse, constituent une des causes les plus puissantes d'affaiblissement du courant excitateur.

Afin d'éviter cet inconvénient, les conducteurs métalliques de l'appareil doivent être mis en rapport avec les tissus par l'intermédiaire d'électrodes humides ou liquides, telles que les produits électrolytiques ne puissent s'accumuler h leurs extré- mités. Il est avantageux de prendre, comme liquide destiné à établir le contact entre le métal et le tissu animal, une solution d'un sel de ce métal, et de s'arranger de manière à ce que .cette solution ne soit en contact avec les nerfs que par un autre liquide interposé, sans action sur le tissu nerveux. Le procédé général, auquel nous avons eu recours, indiqué par J. Regnauld, en 1858, consiste à terminer les conducteurs mé- talliques par des baguettes de zinc amalgamé, plongeant dans des tubes remplis d'une solution saturée et neutre de sulfate de zinc pur dans l'eau distillée. Les tissus sont mis en rapport avec le sulfate de zinc, tantôt par une couche d'albumine interposée, tantôt au moyen d'une masse de kaolin imbibée d'une solution de chlorure de sodium à ^, solution qui

14 €harbo.^:\I':l-salli:.

n'exerce aucune action caustique sur le tissu nerveux. Ces dispositions sans cloute ne font pas disparaître d'une façon absolue la polarisation; mais elles en diminuent beau- coup la valeur. Nous les avons constamment employées, même dans les expériences faites avec les courants instantanés, qui sont constitués par des quantités minimes d'électricité et ne possèdent qu'un faible pouvoir polarisateur. Les cas parti- culiers, dans lesquels nous nous sommes servi d'électrodes métalliques, seront indiqués dans la description des expé- riences.

La forme et les c^imensions des électrodes sont évidemment susceptibles de nombreuses variations. Nous décrirons suc- cessivement ces formes diverses en exposant les recherches spéciales auxquelles elles sont adaptées. Dès à présent, toute- fois , nous devons faire connaître les électrodes dont la disposition est ap- propriée aux expériences sur la patte de grenouille isolée et munie de son nerf sciatique. Voici la description de ces élec- trodes et de l'appareil qui leur sert de support (fig. 3).

Une plaque rectangu- laire de caoutchouc durci, pouvant s'adapter par un de ses côtés au myographe, est percée de quatre trous circulaires, disposés en ligne droite suivant son axe. Dans chaque trou est scellée une des branches d'un tube recourbé en U destiné à recevoir la solution de sulfate de zinc; l'extrémité du tube affleure exactement la surface. L'autre branche de chaque tube traverse la plaque près du bord et se termine au-dessous de la partie horizontale d'une borne, dans laquelle est fixée une baguette de zinc amalgamé,

ARTICLE N" i

Fia. 3.

l'orte-éleclrodes pour rexcilatioii du nerf isolé.

EXCITATION ÉLECTIIIQIJE DES NERFS MOTEURS. 15

La partie veilicalc de la borne est reliée à ra|)|)areil excitateur. De très petits tubes de verre, loui^s de i ei'utiinètre, remplis de pâte de kaolin, s'adaptent, au moyen de bouchons en liège, à l'oriticc central des tubes recourbés; leurs extrémités supé- lieures, légèrement échancrées pour recevoir le nerf, sont distantes de S millimètres. Nous avons donc quatre électrodes impolarisables, permettant d'exciter successivement trois ré- gions égales ou trois loncrueurs différentes d'un môme nerf. Une lame de liège, fixée h la plaque de caoutcliouc, reçoit la patte de grenouille, immobilisée par deux épingles, })lantées l'une dans l'extrémité supérieure, l'autre dans l'extrémité infé- rieure du tibia.

Tous les tubes ayant exactement môme diamètre et môme longueur, aucune bulle d'air ne restant interposée dans les colonnes liquides, les résistances opposées au courant sont égales dans les quatre électrodes et ne peuvent introduire dans les expériences aucune cause d'erreur.

Une cage en verre, échancrée pour livrer passage au fil du myographe, recouvre exactement la préparation et la préserve de Taction desséchante de l'air. Cette précaution, commandée par les modifications profondes d'excitabilité qu'imprime aux éléments nerveux toute perte notable d'humidité, a toujours été prise dans nos expériences.

Toutes nos recherches ont été faites sur le nerf sciatique de la grenouille {Ranci esculenla), en diverses saisons, et dans des conditions physiologiques se rapprochant le plus possible de l'état naturel. L'influence de la saison et celle des condi- tions d'existence pendant la captivité doivent être prises en grande considération. On sait qu'il existe entre les grenouilles d'hiver et les grenouilles d'été des différences considérables d'excitabilité; d'après Harless (1), cette propriété serait, chez les premières, environ vingt fois plus grande. Ce chiffre nous parait, d'après nos propres observations, un peu exagéré; mais nous avons toujours constaté nettement une différence notable

(I) Harless, Abhandl. cl. Bayr. Acad. VIII, s. 378. 1858.

16 eHAUBO.li.^EL-^iALLi:.

dans le sens indiqué. Ce n'est pas seulement l'excitabilité absolue du nerf récemment préparé qui l'emporte chez la gre- nouille prise en hiver, et surtout aux premiers jours du prin- temps; la durée de la persistance des propriétés nerveuses, dans le nerf sectionné, se montre aussi plus considérable.

A part les différences d'excitabilité, les phénomènes d'exci- tation électrique le montrent toujours, quant aux caractères fondamentaux, identiques chez les deux sortes de grenouilles. Nous avons eu soin d'ailleurs, pour tous les points importants de notre sujet, de faire deux séries d'expériences, une dans la saison froide, l'autre pendant les chaleurs d'été. Nous avons tenu compte aussi des modifications que le séjour dans un milieu anormal peut imprimer aux animaux longtemps con- servés au laboratoire. Les grenouilles tenues en cage pendant un certain temps, devenues presque entièrement exsangues par suite de l'inanition, sont tout à fait impropres à la re- cherche de certaines réactions, d'observation délicate, que manifestent les nerfs absolument frais sous l'influence des courants. La perte de l'excitabilité après la préparation est si prompte chez ces grenouilles pathologiques, les manifestations initiales sont tellement fugitives, que l'expérience, même ra- pidement conduite, fournit des résultats anormaux. Nous avons mis à part ces résultats et nous avons tenu compte seu- lement des réactions observées chez les grenouilles vigou- reuses et récemment capturées.

SECONDE PARTIE

CHAPITRE PREMIER

différences dans les secousses musculaires suivant le point d'application de l'excitant au nerf

Tous les physiologistes s'accordent aujourd'hui à recon- naître que l'excitation produite par l'électricité dans un nerf moteur n'est que la mise en jeu d'une propriété spéciale du

ARTICLE I.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 17

lissu nerveux, pro|)riété (jik^ I'cmi désigne sous le nom d'excita- bilitc.

Si rexcitabililé était identique en tons les points du nerf, l'étude de l'action exercée par les courants consisterait seule- ment à observer les différences imprimées à la manifestation physiologique par les changements de sens et les divers degrés d'intensité du courant employé.

Mais il résulte au contraire de la plupart des recherches faites sur ce sujet que la réaction musculaire obtenue en irri- tant successivement, par un courant de même force, diffé- rentes régions d'un même nerf moteur, présente de notables variations; et l'étude approfondie de cette inégale répartition de l'excitabilité, déjà si intéressante en elle-même, s'impose comme un préliminaire obligé au physiologiste qui recherche les lois de l'excitation électrique. Ces différences locales d'ex- citabilité, combinées avec les divers degrés d'intensité et les changements de sens des courants, sont en effet la raison des phénomènes observés depuis si longtemps et groupés sous le nom de « Loi des secousses ».

Après avoir exposé la méthode et les appareils qui nous permettent de graduer exactement l'excitant, il faut donc étu- dier en lui-même l'organe excité, soumis à des conditions variées, afin d'apprécier nettement la part qui lui reviendra dans les diverses réactions observées. Nous nous proposons de résumer les notions acquises sur ce sujet, de les contrôler par de nouvelles recherches, avant d'aborder l'étude spéciale de l'excitation électrique des nerfs moteurs.

Budge (1) a vu le premier que des courants induits suffi- sants pour tétaniser une patte de grenouille en traversant la partie supérieure du sciatique, restaient sans effet, appliqués aux parties inférieures du même nerf. A la même époque, Pfliiger (2), par une méthode plus rigoureuse, arrivait à des

(1) Budge, Ueber dus Verhaltniss der Wirkung der Nerven zu ihrer Ent- fernung vom Ursprung, in Froriep's Tagesberichten, 1852, s. 329.

(2) PÛùger, Untersuclt. uber die Physiol. des Electrotonus ; Berlin, 1859, s. 140. Pflùger énonce ainsi la loi en question : « Une seule et même excila-

H. ÉTUDES. se NAT. XXIV. 2. ART. 1.

18 CHARBOllMEL-^iiALLi:.

résultats analogues : toujours, sur le nerf récemment préparé, l'efTet d'une même excitation, électrique ou chimique, était d'autant plus grand que le point excité était plus éloigné du muscle. Par la précision remarquable de ses expériences, le savant physiologiste allemand a mis ce fait hors de doute; de telle sorte que, si le mérite de l'avoir découvert revient à Budge, c'est à Pfluger qu'appartient celui de l'avoir positive- ment démontré. Pour l'explication du phénomène deux hypo- thèses se présentaient : ou bien le nerf, en ses divers points, présente des différences de structure intime qui le rendent inégalement apte à recevoir l'excitation ; ou bien l'excitation elle-même, dans sa progression, augmente et se renforce; elle parvient au muscle d'autant plus grande qu'elle est partie de plus loin. C'est à cette dernière théorie, consacrée par la com- paraison classique du «. f/rossissement en avalanche », que s'est arrêté Pllûger. Le nerf moteur, dans cette supposition, ne se- rait donc pas seulement un conducteur indifférent de l'irrita- tion reçue, mais un conducteur actif, capable d'accroître cette irritation par le dégagement successif de forces vives aux divers points du parcours.

Il importe de se rappeler que les expériences de Pfluger ont été pratiquées sur des nerfs sectionnés. Cette remarque est d'une importance capitale. Est-il permis, en effet, d'assimiler les propriétés physiologiques d'un nerf coupé à celles d'un nerf intact, et de prendre indifféremment pour sujet d'expé- riences le tronçon d'organe ou l'organe entier relié normale- ment aux centres nerveux? La réponse à cette question n'est plus douteuse aujourd'hui. Déjà Valli et Pfaff, puis Cima et Matteuci avaient observé qu'un nerf séparé de la moelle de- vient plus apte à l'excitation. Du Bois-Reymond (1) confirma ce fait par l'étude de la variation négative. Harless (2), puis

lion qui agit sur deux points différents du nerf, ne fait pas contracter le muscle de la même manière, mais se montre d'autant plus efficace que le point influencé est plus loin du muscle ».

(1) Du Bois-Raymond, Vntersuchungen, II, 1849.

(2) Harless, Abhandl. d. bayr. Acad., VIII, 1858.

ARTICLE N" 1. *

EXCITATION ÉLECTRIQTE DES NERFS MOTEURS. 49

Heidenhain (I) et Faivrc {"1) ont éUidié d(; nouveau, à peu près à la môme époque, cette inodincalioii profonde des propriétés nerveuses par la section transversale. Il résniLe de toutes ces recherches que le pieniier ellet d(! la section est un accroisse- ment considérable d'excitabilité, dont le maximum est au voi- sinage de la section elle-même; puis cette excitabilité exagérée diminue et se perd peu à peu par la mort progressive du nerf, laquelle a lien, suivant la loi anciermement découverte par Ritter et Valli, du centre à la périphérie. Vers la môme époque, Rosenthal (3), constatant le môme phénomène, le considéra comme une phase initiale du dépérissement, et fit voir qu'en chaque point du nerf, à partir de la section, la perte de l'exci- labilité est précédée d'une légère augmentation. Enfin, Hei- denhain {loc. cit.) montre que sur un nerf isolé, des coupes répétées produisent la répétition de l'effet observé en premier lieu, c'est-à-dire que chaque section nouvelle relève l'excita- bilité déjà notablement afïiiiblie.

On est donc conduit à se demander si la loi de Pflûser rappelée plus haut, n'est pas une simple conséquence de la perturbation produite dans le nerf moteur par les conditions expérimentales et si V accroissement en avalanche de l'excita- tion est bien une réalité physiologique, et représente le véri- table mode de transmission de l'excitation motrice dans l'état normal de l'organisme. Pour juger cette question, il était évi- demment nécessaire d'expérimenter sur des nerfs non sec- tionnés et maintenus, autant que possible, dans leurs condi- tions naturelles. Des expériences instituées sur cette base nouvelle ont été faites tout d'abord par Pflùger lui-même et semblèrent confirmer la loi qu'il avait établie. Diverses re- cherches, les unes anciennes (Harless (4), Meissner (5), la

(1) Heidenhain, Allg. méd. Centralztg., 1859. N"" 10, 16. Studien des Physiol. Instit. zii Breslau, 1, s. 1. Leipsig, 1861.

("2) Faivre, Comptes rendus de l'Acad. des se. ; avril, 1860.

(3) Rosenthal, AUgm. med. Centralztg. 1859, p. 16. : (4) \i3ir\ess, Gelehrte Anzeigcn d. bayr. Acad., XLIX, 1859.

(5) Meissner, Jahresber. iiber d. Fortschr. d. Physiol.

20 €HARBO.\!\EL-«ALLE.

plupart assez récentes, dues à Wundt (1), Rutherford (2) et Tiegel (3) ont donné, pour le nerf non sectionné le môme résultat général, conforme à celui de Pflùger et favorable à la théorie de l'avalanche : à part quelques irrégularités dans les courbes de l'excitabilité, les parties supérieures du sciatique de grenouille se montrèrent plus irritables que les parties inférieures. Heidenhain, au contraire, donna une courbe bien différente d'excitabilité, sur laquelle nous aurons à revenir, et Budge (4) fit cette remarque que certains endroits du nerf, les points remarquables produisent une réaction plus forte. Enfin Fleischl (5) obtint ce résultat singulier que « les nerfs moteurs sont plus irritables par l'électricité dans leurs parties supérieures, quand le courant est descendant, dans leurs parties inférieures au contraire, quand le courant est ascen- dant ».

En présence de tant de faits discordants, Hermann (0) a récemment émis l'opinion que les nerfs absolument normaux n'offrent dans tout leur trajet aucune variation d'excitabilité ; que les différences observées tiennent aux perturbations expé- rimentales, telles que l'arrêt circulatoire, la suppression des rapports normaux du nerf, le dépérissement du tronçon de moelle auquel il est relié, et plus particulièrement peut-être à la section inévitable des ramifications du nerf. « Il est fort invraisemblable, dit Hermann, que la substance propre d'un nerf, partout semblable à elle-même, montre des différences locales d'excitabilité. » Les recherches récentes de Tigers- tedt (7) sur l'excitation mécanique des nerfs, recherches pour-

(1) Wundt, Arch. f. d. ges. Physiol. III, 1870, s. 137; Untersuch. zur Mechanik der Nerven, etc., I, s. 179. Erlangen, 1871.

(2) Rulherford, Journ. of. anatom. and Physiol., V, p. 329, 1871.

(3) Tiegel, Arch, f. d. ges. Physiol., XIII, s. .598, 1876. (■i) Budge, Arch. f. pathol. anat., XVIII, s. i5i, 1860.

(5) Fleischl, Ueber die Lehre vom Anschwellen derReize im Nerven, Wiener Sitzungsberichte, Bd. 72, III, 1875.

(6) Hermann, Handbuch der Physiologie, des Nervensystems, erster Theil, 1879, s. 116.

(7) Rob. Tigerstedt, Stud. iiher mecanische Nervenreizung, erste Abth., 1880. Pour toute explication de son résultat expérimental, l'auteur exprime cette

AUTICLE 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 21

suivies à raille d'une mélluxlc très perreetioiiriée, semblent prêter appui à cette manière de voir. « L'irritabilité pour l'ex- citation mécanique, dit l'auteur, est égale en tous les points du nerf. » Tigerstedt croit que les différences d'excitabilité ne sont pas imputables aux conditions invoquées par Ilermann pour leur explication, à la section des rameaux nerveux par exemple : un nerf sciatique dont toutes les branches ont été coupées est interrogé en ses divers points par l'agent élec- trique, puis par l'agent mécani(iue; avec le premier, on con- state une irritabilité plus forte aux régions supérieures, avec le second, au contraire, une complète uniformité.

Ainsi qu'on en peut juger par ce résumé historique la ques- tion de l'excitabilité des nerfs moteurs aux divers points de leur trajet, malgré de nombreuses recherches, est encore en- tourée d'une profonde obscurité. C'est que l'étude expérimen- tale de cette question, dont la solution importe tant à la mé- canique intime des nerfs, compte parmi les plus délicates de la physiologie. Nous allons maintenant exposer nos expériences personnelles sur ce sujet, les unes concernant les nerfs sec- tionnés, les autres les nerfs intacts. La profonde différence qui existe entre ces deux conditions indique la division natu- relle de cet exposé.

l" Expériences sur le nerf sectionné.

Les recherches de Pflûger et des physiologistes qui l'ont suivi dans l'étude de cette question ayant été faites, pour la plupart, au moyen des courants continus, il nous a paru in- téressant de vérifier les faits en utilisant les courants instan- tanés dus à la décharge du condensateur. Ce mode d'excitation auquel nos expériences empruntent un caractère de nouveauté, nous offrait l'avantage plus précieux, d'une graduation facile et rigoureuse, grâce à la méthode que nous avons longuement

idée théorique que les différences d'excitabilité manifestées par le nerf, quand on l'explore par l'excitant électrique, sont le fait de l'excitant lui-même et des modifications qu'il imprime à la substance nerveuse. ;

22 CHARBO:%:\EL-SALLi:.

exposée; en outre il rendait possible une estimation nunné- rique assez exacte des différences d'excitabilité.

Pour comparer diverses régions ou divers points d'un nerf moteur, sous le rapport de leurs degrés respectifs d'irritabilité, deux procédés peuvent être employés : I" avec un excitant de force constante on iri'ite successivement les diverses parties du nerf, en recueillant le graphique des contractions ; les hauteurs différentes de celles-ci donnent la mesure de l'exci- tabilité ; 2' on fait varier lentement l'intensité jusqu'à ce qu'on atteigne, pour chaque région, le degré strictement nécessaire à la production d'une très faible secousse; l'excitabilité est d'autant plus forte que l'excitant employé pour produire cette secousse est plus faible. Nous avons suivi de préférence cette dernière méthode, la méthode de Vexcitation minima, non seulement dans les expériences qui font le sujet de ce chapitre, mais dans toutes celles que nous exposerons au cours de ce travail. Elle oblige, à la vérité, l'expérimentateur à chercher par tâtonnement le degré du rhéochorde qui répond à l'inten- sité minima, et l'expose à troubler par ces excitations d'essai l'état physiologique du nerf; mais cet inconvénient, très atté- nué par l'expérience acquise dans le maniement quotidien de l'appareil, est largement compensé par la faculté de mesurer l'excitabilité à tous ses degrés possibles. La première méthode au contraire resserre l'exploration dans les limites comprises entre le minimum et le maximum de la contraction.

Dans nos recherches sur l'excitabilité du nerf sectionné, nous avons examiné les points suivants :

a. Variations de l'excitabilité en diverses régions du nerf sciatique.

b. Effet propre de la section du nerf,

c. Influence immédiate de la section de la moelle sur l'ex- citabilité du sciatique.

a. Sur une grenouille vigoureuse on désarticule avec soin la jambe et on enlève celle-ci après avoir disséqué le nerf sciatique qu'on laisse appendu dans toute sa longueur à l'ex- trémité supérieure de la jambe. Après avoir sectionné le

ARTICLE N" ].

EXCITATION KLEnTRIOUr: DES NERFS MOTEURS. ''l':^

plexus près de l;i moell(^ on fixe rapidement la préparation sur l'appareil décrit à la page \o, en disposant le neif sur les quatre électrodes ; puis on excite successivement les trois segments égaux, longs de 8 millimètres, par le con- rant miniinnm, alterna- tivement ascendant et descendant. l/intensilé s'accroît ensuite lente- ment, jusqu'au degré les trois segments four- nissent des réactions éga- les. On varie l'expérience en parcourant les trois segments tantôt de l'ex- trémité libre vers le mus- cle, tantôt en sens inverse. La figure 4 représente les courbes musculaires obtenues en excitant, par le courant ascendant, les trois portions du nerf, du bout sectionné vers le muscle. Chaque ligne ho- rizontale du tracé répond à un segment nerveux. On voit que la région supé- rieure d" ligne en bas), produit un soulèvement à peine sensible avec le courant i ; les régions moyennes et inférieures en donnent rien. L'intensité augmentant, on voit d'abord la moyenne, puis l'inférieure fournir des secousses de plus en plus fortes ; celles-ci, enfin, avec les courants 6 et 7 sont égales pour tout le nerf. La région supérieure est donc plus excitable que la moyenne, et celle-ci plus que l'inférieure.

24 €HARB0^.1iEL-Sy%LLE.

Tel est le résultat de l'expérience, quand le nerf est absolu- ment frais et l'opération rapidement conduite. Cette distribu- tion assez régulière de l'excitabilité, représentée par une droite oblique dont la pente est dirigée vers le muscle, se montre parfois très fugitive, surtout en été, ou quand les gre- nouilles ont séjourné longtemps au laboratoire. La loi se vé- rifie également pour les deux sens du courants. Toutefois, avec le courant ascendant, il n'est pas rare de trouver la ré- gion supérieure un peu moins excitable que la moyenne, tan- dis que le courant descendant permet de constater nettement la loi énoncée. Cette anomalie apparente, se présentant sur- tout lorsque l'électrode extrême, négative, est très rappro- chée de la section, tient simplement à la mort très prompte des éléments nerveux au voisinage immédiat de celle-ci; l'électrode négative, essentiellement excitatrice, repose dans ce cas sur une partie du nerf affaiblie ou môme privée de toute excitabilité.

En essayant, à des intervalles rapprochés, l'excitabilité du nerf isolé, on ne tarde pas à voir le phénomène initial se ren- verser entièrement et l'excitabilité devenir décroissante de la section à la périphérie, suivant la loi bien connue qui régit la mort des nerfs séparés de l'axe cérébro-spinal. Nous n'insis- terons pas sur ce point, depuis longtemps acquis à la science. Il importe de noter encore une condition particulière des expériences relative aux différences de diamètre que pré- sente le nerf quand on le prend dans toute sa longueur. De la région poplitée àl'échancrure sciatique, le diamètre demeure constant, aucun rameau ne se détachant du tronc principal. Mais au-dessus du point d'émergence des branches fémorales, et surtout au niveau du plexus, la section transversale aug- mente notablement. Il en résulte une moindre densité (4) du

(1) La densité du courant est l'intensité divisée par la section du conducteur : I U = q- La quantité d'électricité qui passe, dans un temps donné, en un point

d'un circuit fermé est toujours la même. Il en résulte que la densité dépend de la grandeur de la section en ce point; elle est d'autant plus grande que la sec- lion est plus petite.

ARTICLE 1 .

KXCITATIO.N KLKCTUIOI'K DES NERFS MOTEURS. 55

cotaailt, dans les parlies supérieures ; cl rtîtlc diininuliun de densité est incomplètement compensée par l'aui^mientation correspondante (rintensité, puisqu'il existe dans le circuit d'autres conducteurs humides que le nerl". Le courant doit donc agir moins activement dans la région supérieure et les dilTérences réelles d'excital)ilité doivent être plus fortes que ne l'indiquent les tracés.

h. Ef]'etde. la section sur VivritabilUé ilu nerf. On peut étudier l'influence de la section sur l'irritabilité nerveuse :

l" Sur le nerl intact : etïet d'une première section.

"1' Sur le nerf déjà sectionné : effet des sections répétées.

Pour apprécier nettement l'influence d'une première sec- lion prati({née sur le nerf normal, nous avons eu recours à la méthode d'excitation unipolaire, très favorable pour ce genre d'expérimentation. Une grenouille est tlxée sur la planchette de liège du myographe et les deux électrodes impolarisables sont appliquées, l'une sur le dos de l'animal, l'autre sur le nerf sciatique, dans la région poplitée. L'application des électrodes peut avoir lieu immédiatement, à travers la peau, ou directement sur le nerf. On détermine l'intensité excita- trice minima, puis une section est faite aune distance variable au-dessus de l'électrode et sans déranger celle-ci : la déter- mination de la nouvelle intensité minima permet d'apprécier les modifications de l'excitabilité.

La figure 5 montre le résultat de l'expérience : l'électrode Jiégative est appliquée, à travers la peau, sur la région poplitée et la section pratiquée à 5 millimètres au-dessus du point d'application. La moelle n'est pas sectionnée. On coupe le nerf avec des ciseaux fins, en écartant les lèvres d'une incision pratiquée à l'avance, et, grâce à celte méthode sous-cutanée, rinfluence propre de la section est ici nettement dégagée de toute influence étrangère, capable de modifier l'excita- bilité.

Un fait remarquable, que nous ne trouvons signalé par au- cun physiologiste, est le suivant : l'augmentation d'excitabi- lité qui suit la section n'est pas limitée au voisinage immédiat

26 CIIARBOM.^KL-^ALLE.

de celle-ci ; elle se manifeste au contraire, presque instanta- nément, dans toute l'étendue du nerf et peut être démontrée,

Fig. 5. Augmentation d'excitabilité par section du nerf. I, l™ secousse à l'intensité, 7 ; II, après section, 1" secousse à l'intensité, 2: 20 El. Daniell, 1 microf. Intensités croissantes.

plus faible à la vérité, à toute distance de la lésion expérimen- tale. La figure 6 montre deux tracés obtenus dans les condi- tions indiquées précédemment, avec cette différence que la section a été faite près de la moelle, à la partie supérieure du plexus sciatique. Dans les deux tracés la première secousse est produite par une excitation identique, notablement supé- rieure à la minima, à partir de laquelle on descend lentement l'échelle du rhéochorde jusqu'à ce que les contractions cessent de se produire. Il est aisé de voir que la disparition des se- cousses est plus tardive après la section du plexus sciatique et que leur amplitude est sensiblement augmentée.

Quant aux sections répétées sur le même nerf, leur influence est bien manifeste, même après que le nerf dépérissant a déjà perdu une partie de ses propriétés. Il est remarquable de voir

ARTICLE 1.

KXCITATION riLKCTI'.Kjri; l»i;s NKI'.I'S MOTEUKS. ^11

rablalioii de petils rragmcnis, loii|4s de I à "2 milliinèlrcs,pra- liquée successivcmenl à partir de rcxliriiiilé lil)ro, raviver

Fig. (). Âu^iiieiilalion d'excilahilité du nerf sciatùjue, au niveau de .sa bilurcalion dans la région poplitée, aussilùt apivs la section du plexus soialique. F, avant la section; II, après la section. '■M, El. Diiniell, I niicrof. Inlensitcs décroissantes.

l'activité nerveuse jusqu'en des points Tort éloignés. On voit figure 7, une série de quatre contractions obtenues en dimi-

Fig. 7. Influence des sections répétées sur l'excitabilité du nerf scialiiiue.

nuant progressivement l'intensité : en a la contraction n'a plus lieu. Un tronçon enlevé au nerf fait reparaître les se- cousses, et l'intensité est de nouveau diminuée, jusqu'à leur disparition presque entière; nouvelle section en^ et nouvelles

28 CHABBOMWEL-f^ALLE.

contractions, dont la première, très prolongée, a presque nn caractère tétanique.

c. Influence immédiate de la section de la moelle sur V exci- tabilité du sciatique. Nous avons étudié, par le même procédé de l'excitation unipolaire, l'influence d'une section de la moelle, pratiquée à divers niveaux, sur l'irritabilité du scia- tique. Ces essais ont toujours donné des résultats négatifs.

En résumé, un nerf moteur qui vient de subir une section transversale, présente dans toute sa longueur un accroisse- ment immédiat d'excitabilité. Cet accroissement est d'autant plus fort que le point considéré est plus proche de l'extrémité libre. La répétition des sections produit celle des accroisse- ments d'excitabilité. Il est par conséquent légitime d'admettre, au moins provisoirement, que la loi de Pflûger est simplement l'expression d'une modification spéciale imprimée au nerf par l'opération. U énergie de la contraction musculaire ne dépen- drait donc pas de la distance du point excité au muscle^ mais bien de la distance du même point à la section transversale.

Quant aux causes invoquées pour expliquer l'effet de la sec- tion, nous rappellerons seulement que Meissner et Harless {loc. cit.) l'attribuent à la dessication rapide des éléments nerveux exposés à l'air; explication inadmissible pour nous, puisque toutes les mesures étaient prises dans nos expériences pour prévenir l'évaporation. Hermann pense avec raison que la section des rameaux latéraux du nerf peut influencer l'ex- citabilité du tronc nerveux lui-même. Il importe donc dans l'étude que nous allons faire maintenant sur le nerf normal, non seulement de respecter l'intégrité du tronc principal, mais encore d'éviter toute lésion des rameaux qui s'en sépa- rent. La méthode employée dans ce but et les résultats obte- nus font le sujet du paragraphe suivant.

2" Expériences sur le nerf non sectionné.

C'est encore à la méthode d'excitation unipolaire qu'il faut avoir recours pour étudier l'excitabilité du nerf relié aux centres nerveux : elle seule permet, en efl'et, d'explorer suc- article 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 29

oessivement divors points du tronc neiveux (tu respectant le plus possible les conditions de l'état physiologique. Toutefois, nous avons sacrifier, dans nos expériences, un des plus précieux avantages de cette méthode, la possibilité d'exciter le nerf à travers les téguments, en raison de la (Constitution et de l'épaisseur variables des parties qui le recouvrent et (jue le courant doit traverser.

Pour permettre des observations précises, le procédé expé- limental devait satisfaire à de noinbreuses exigences, et les appareils jusqu'ici employés pour l'excitation unipolaire ne pouvaient nous suffire. Il était nécessaire d'apj)li(pier, en des points déterminés du nerf dénudé, plusieurs électrodes dont les extrémités eussent exactement le même diamètre, afin que la densité du courant fût identique en tous les points explorés. L'application devait être rapide et facile, pour atté- nuer, dans la mesure possible, l'action de l'air et le dessè- chement. Il fallait enfin, dans un temps très court, lancer le courant explorateur de même intensité, successivement dans les divers points d'élection.

Voici la description de l'appareil que, d'après les conseils (le M. Chaiiveau, nous avons fait construire, en vue de réaliser ces diverses conditions (fig. 8) :

Sur une plaque rectangulaire de caoutchouc durci, s'élèvent verticalement quatre tiges cylindriques en laiton dont les extré- mités inférieures, de forme quadrilatère, s'engagent et peu- vent glisser dans quatre rainures parallèles, creusées à jour et munies d'une garniture métallique. Un ressort, réglé par une vis de pression, est adapté, au-dessous de la plaque, à chaque lige, permettant de réduire le frottement au degré convenable et d'assurer la précision du mouvement. Chaque support est muni d'un long bras horizontal, susceptible de déplacements, soit dans le sens vertical, soit par rotation transverse, et dont la fixité est assurée par le jeu d'une lame métallique mince, légèrement courbe, faisant ressort entre la tige et l'anneau qui glisse sur elle. A l'extrémité de chaque bras on peut fixer une électrode impolarisable, dont le fil de zinc amalgamé, se

^0 €iiarbo\^i<:l.-.salli<:.

recourbant, viouL s'engager dans une petite borne. Par la combinaison des trois déplacements indiqués, chaque élec- trode peut être amenée au-dessus du nerf, et, pour ainsi dire, mise au point sans perte de temps. Enfin la plaque de caoutchouc durci qui porte tout l'appareil est encla- vée dans une lame de liège, renforcée en dessous par une

Fig. 8. Appareil pour l'excitation uiiipalairc des dilTcrents points d'un iieif.

planchette en bois dur et dont un des côtés est disposé pour s'adapter au myographe. Les supports étant parfaitement isolés, chacun d'eux présente une série continue de pièces mé- talliques en contact, depuis le fil de l'électrode jusqu'aux gar- nitures métalliques dans lesquelles ils glissent; celles-ci sont reliées en dessous à quatre bornes, invisibles dans la figure', et qui permettent de fixer les fils doit circuler l'électricité. Aucun fil, par conséquent, ne passe an-dessus de l'appareil et ne peut gêner la manipulation.

Dans la plupart de nos expériences, nous avons substitué

ARTICLE 1 .

EYCITATION ÉLECTRIQUl) DES NERFS MOTEURS. "31

aux électrodes impolarisables de simples (ils de platine, égaux en diamètre, et présentant à leur extrémité une section très nette. L'opération est ainsi simpliliée, (;t l'exactitude n'est pas s(Misiblemenl compromise, la polarisation par les coui'anls instantanés étani très r;iii)le et d'ailleurs éi>ale en tous l(is points explorés. Nous avons toujours, dans ces recherches, réduit la surface du condensateur ;i I microl".

Pour i'aire rexpéricnce, nm* lirenouille vigoureuse et intacte est lîxée au moyen (Tépingles sur la pla(pie de liège et le tendon d'un gastrocnémien est relié au levier du myographe. Le nerf sciatiqne du même côté est ensuite; découvert avec soin dans la région (jne l'on veut explorer, en ménageant les rameaux (jui s'en détachent au niveau de l'échancrure sciatiqne, ainsi ([ue les vaisseaux fémoraux dont la rupture causerait des hémorrhagies fort nuisibles au succès de l'opération. Les nmscles sont maintenus écartés par des épingles, puis les électrodes sont ajustées aux points d'élection, à l'exception d'une placée sur le dos de la grenouille. Si toute effusion san- guine n'a pu être évitée, il est nécessaii'e d'éponger légèrement les tissus avec de petits fragments de papier à filtrer, l'expé- rience ayant prouvé que les résultats de l'excitation unipolaire peuvent être influencés, dans une certaine mesure, sous le rapport de l'intensité, par l'humectation variable des sur- faces. Un des fils, le fil positif, par exemple, aboutit à l'élec- trode dorsale; les fils négatifs, en rapport avec les nerfs, se rendent à un distributeur qui permet de lancer le courant suc- cessivement dans chacun d'eux. Il est d'ailleurs facile, au cas l'on désire étudier en même temps quatre points du nerf, d'adapter à l'appareil une cinquième électrode fixée à un sup- port flexible de Marey.

Parmi nos expériences, nous avons retenu seulement celles dont la marche régulière était exempte de toute perturbation accidentelle, et rejeté les autres. Ces essais, variés et répétés, nous autorisent à formuler les résultats suivants : le nerf sciatiqne, maintenu dans ses rapports normaux, et conser- vant jusqu'à un certain point sa circulation propre, présente

S2 c'harko:\\b:i.-S4ij.i<:.

(les différences locales d'excitabilité. Deux points sont remar- quables entre tous par leur réaction plus forte : l'un, situé à la partie supérieure de la cuisse, répond exactement à l'émer- gence des branches fémorales; l'autre, à l'extrémité inférieure, se trouve à la bifurcation du nerf. Toute la région intermé- diaire, moins excitable, n'offre pas de différences constantes et dignes d'être signalées. Au-dessus de l'échancrure sciatique, dans la région sacrée, l'excitabilité diminue notablement et ne présente pas de points remarquables. Dans la plupart de nos expériences, nous avons trouvé une différence appréciable entre les deux points extrêmes de la région fémorale, la réac- tion du point supérieur se montrant un peu plus forte; mais cette différence n'est pas constante.

La figure 9 montre le résultat de l'excitation des deux points

Fig. y. Excitabilité de trois points différents du nerf sciatique non sectionné. Pour chacune des intensités successives, l'excitation est foite dans l'ordre suivant : échan- crure sciatique, milieu de la région fémorale, bifurcation. :20, Uaniell, I micros. Réocli. de ÔO en 50 cent. Pôle négatif sur le nerf.

extrêmes de la région fémorale du sciatique a et c, et d'un point moyen h, situé à égale distance des deux premiers. Chaque tour du cylindre provoquant une décharge du con- densateur, il faut trois tours ou vingt-sept secondes pour que les trois points soient excités avec chacune des intensités suc- article N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 33

cessives. Celte courte durée de chaque essai restreint beau- coup la part que l'on pounail attribuer dans les résultats à l'altération des propriétés du nerf. On voit, par l'examen de ce tracé, que les deux points « et c donnent des secousses iden- tiques pour la même force de l'excitant et possèdent des degrés d'irritabilité sensiblement éi^aux; *2" que le point moyen h réagit seulement à partir de l'intensité 4, et que sa réaction n'a pas encore, en 7, atteint la valeur des deux autres.

La comparaison poursuivie de la même manière entre le point d'excitabilité maxima, au niveau de l'échancrure scia- tique et des points divers choisis sur les parties supérieures du nerf nous a toujours montré une différence notable à l'avan- tage du premier. Les résultats obtenus pour la totalité du nerf, résumés par la courbe de la figure 10, diffèrent donc beaucoup

Fig. 10. Courbe de l'excitabilité du nerf sciatique.

de ceux que fournit l'étude du nerf sectionné ; fait qui d'ailleurs ne doit en rien nous surprendre, si nous considérons la diffé- rence profonde existant entre les deux conditions expérimen- tales. Mais nos résultats sont en outre en contradiction mani- feste avec ceux que Pffùger lui-même, et plusieurs physiologistes à une époque récente ont obtenus pour le nerf intact. Ils s'accordent assez bien, au contraire, avec le phénomène des points remarquables signalé par Budge, et aussi avec la repré- sentation graphique par laquelle Heidenhain exprime les varia- tions de l'excitabilité sur le sciatique de grenouille (1). Ce physiologiste indique notamment un maximum très net, un peu au-dessus de l'émergence des branches fémorales et la diminution progressive de l'excitabilité dans les parties supé- rieures du nerf.

(1) Voy. Hermann, Handbuch der Physiologie, erster Theil, s. Ii5.

H. ÉTUDES. se. NAT. XXIV. 3 ART. N' 1.

84 €iiAiiiio:ii\EL-SAiiLi<:.

Il est difficile d'admettre que les résultats constants de ces expériences expriment seulement un état d'altération du nerf, se produisant toujours de la même manière, et nous pensons qu'ils révèlent des différences réelles, physiologiques, dans l'excitabilité des divers points du nerf. Ces différences, mesu- rées par les longueurs de fil du rhéochorde, sont d'ailleurs peu considérables, et la courbe que nous donnons, beaucoup moins accentuée que celle d'Heidenhain, les exagère notablement, afin de les rendre plus visibles.

Ces différences toutefois ne sont point réparties de la ma- nière la plus favorable à l'hypothèse de l'avalanche, puisque l'excitabilité, au lieu de décroître régulièrement de l'extrémité centrale à la périphérie, suit une courbe sinueuse. Wundt (1), signalant ces irrégularités de la courbe d'excitabilité, ne les trouve pas inconciliables avec l'hypothèse de l'avalanche : « Ce fait, dit ce physiologiste, ne prouve rien contre l'accroissement de l'excitation, d'autres conditions accessoires pouvant venir entraver le phénomène et déterminer ces irrégularités dans la courbe. » Nous admettons volontiers que l'accroissement de l'excitation pendant son parcours soit, jusqu'à un certain point, indépendant des manifestations locales de l'excitabilité ; qu'il puisse exister, comme mode normal de la transmission mo- trice, sans entraîner une décroissance régulière de courbes de contraction. Mais si les expériences de Budge, d'Heidenhain, et celles que nous avons décrites, sont exactes, le fait expéri- mental qui fut, à l'origine, le principal fondement de la théorie de l'avalanche, ne se vérifie pas dans les conditions se rappro- chant le plus de l'état physiologique. C'est donc à des faits et à des considérations d'un autre ordre que cette théorie doit demander un appui.

Dans l'exposé précédent, à la fois critique et expérimen- tal, nous avons pris surtout en considération les expériences dans lesquelles l'excitant électrique a été employé comme agent d'exploration. C'est à ce mode d'excitation que, dans nos

(1) Wundt, Éléments de physiologie humaine, trad. Bouchard, 1872, p.'420.

ARTICLE N" 1 .

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 35

propres recherches, nous avons eu exclusivement recours. Il nous a paru préférable à tout autre, à l'excitation mécanique ou chimique, par excmjile, en raison de la facilité et de la pré- cision avec lesquelles il est possible de le graduer; et nous ne pensons pas qu'on doive attribuer, avec Tigerstedt, les phéno- mènes observés à une action spécifique de l'électricité, aux modifications (|u'elle inq)rime à la substance nerveuse. Ces modifications d'ailleurs, dont le physiologiste allemand parle en termes fort vagues, devraient afïecter également, pour une môme intensité, tous les points successivement explorés; et l'on ne saurait dès lors leur attribuer les différences révélées par l'examen des tracés.

Dans tout ce qui précède, suivant la méthode ordinairement employée par les physiologistes, nous avons étudié les varia- tions de l'excitabilité eh prenant pour unité de mesure l'in- tensité du courant rigoureusement nécessaire pour produire l'excitation : c'est la secousse minima qui constitue le signe extérieur de l'activité nerveuse. Tout autre phénomène ma- nifesté par le nerf excité et susceptible de mesure précise, pourrait être utilisé dans le même but; c'est ainsi que du Bois-Reymond a pu démontrer l'augmentation d'excitabilité €onsécutive à la section par la mesure de la variation négative. Nous avons eu l'idée de rechercher si les mmiifestations élec- trotoniques sont influencées par les changements de l'excitabi- lité; si leur intensité dépend, comme la production des se- cousses musculaires, des diverses conditions physiologiques qui modifient l'aptitude du nerf à l'excitation.

Par suite de difficultés pratiques faciles à concevoir, nous avons limiter nos recherches à un seul point du sujet; nous avons étudié seulement l'influence exercée par la section, unique ou répétée, sur la valeur de l'électrotonus. Mais il suffit sans doute d'établir un rapport entre l'électrotonus et l'excita- bihté, dans une condition donnée, pour que ce rapport soit susceptible d'une généralisation immédiate.

Nous rappellerons d'abord brièvement la définition et les caractères des phénomènes électrotoniques, découverts en 1843

36 CHARBO^^EL-SALLK.

par du Bois-Reymond. Un courant parcourant une certaine étendue d'un nerf vivant détermine dans les régions extrapo- laires, la production d'une force électromotrice de même di- rection et dont le maximum est dans le voisinage des pôles. L'effet se produit, qu'il y ait ou non excitation du nerf; c'est ainsi qu'un courant constant produit l'électrotonus pendant toute la durée de son passage, en l'absence de contraction musculaire. En renversant la direction du courant polarisant, on renverse également celle de la force électromotrice extra- polaire. Si, au moyen de deux électrodes impolarisables, on introduit dans le circuit d'un galvanomètre, à fil très fin et très long, une des régions extrapolaires ainsi polarisées, on dérive le courant électrotonique et la déviation du système astatique permet à la fois de constater son existence et de mesurer son intensité.

En adoptant la nomenclature d'Hermann (1) nous appelle- rons partie intrapolaire la partie du nerf comprise entre les électrodes du courant polarisant; partie dérivée^ l'étendue comprise entre les électrodes du courant galvanométrique ; partie dérivante, l'étendue comprise entre les deux régions précédentes. Un caractère fondamental de l'électrotonus con- siste en ce fait, que la ligature ou l'écrasement du nerf dans la région dérivante supprime aussitôt toute manifestation élec- trotonique. C'est le critérium certain qui, dans toute expé- rience, permet de distinguer les vrais courants électrotoniques des branches du courant polarisant, accidentellement dé- rivées.

Dans la définition précédente, nous faisons abstraction complète du courant nerveux propre, manifesté à l'état de repos par la dérivation de la section tranversale et de la sur- face longitudinale du nerf, ou même de deux points asymé- triques de cette dernière surface. C'est qu'en effet, ce courant nerveux n'a rien de commun avec les courants électrotoniques. Ces derniers, dont l'intensité peut l'emporter de beaucoup sur

(t) Hermann, Handbuch der Physiologie, erster Theil, s. 158.

ARTICLE 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 37

celle du courant nerveux, s'ajoutent à lui algébriquement, quand il existe, et suivant qu'ils sont de même sens ou de sens inverse, le renforcent ou le diminuent. Ainsi prennent nais- sance les deux phases, positive et négative, de l'électrotonus, sii^iialées par tons les auteurs classiques; la phase né(/ative présente toujours une moindre intensité et une diminution plus rapide par le dépérissement du nerf. Mais l'électrotonus se manifeste aussi bien en l'absence du courant nerveux propre, ou quand il en existe à peine des traces, soit par suite de la dérivation en deux points symétriques, soit (Jans le cas l'on opère sur le nerf intact et non sectionné. Dans notre exposé, il ne sera donc nullement question de phase positive ou négative; et nous distinguerons seulement les états électro- toniques ou de polai'isation, en polarisation ascendante el po- larisation descendante, suivant la direction du courant galva- nique dans le nerf.

Nous pouvons maintenant examiner l'influence exercée sur l'intensité des états de polarisation par les degrés divers d'irri- tabilité. Voici d'abord la marche générale de nos expériences, faites pour la plupart au moyen des courants constants et du galvanomètre; quant à l'électrotonus déterminé par les cou- rants instantanés, nous nous réservons de décrire, dans un chapitre spécial, les procédés de recherche qui lui sont appli- cables. Nous enlevons, sur une grenouille vigoureuse, une des pattes, en laissant appendu le nerf sciatique, isolé dans toute sa longueur et relié à la partie inférieure de la moelle épinière, longue d'environ 1 centimètre ; ce fragment de moelle est en- levé avec la partie correspondante du rachis. La préparation est disposée sur l'appareil à quatre électrodes impolarisables, (fig. 3); la patte, dont le gastrocnémien est relié au myo- graphe, est fixée sur la lame de liège, tandis que le morceau de rachis repose sur une petite plaque de gutta-percha ; le nerf est protégé contre la dessication par la chambre humide. Les deux électrodes inférieures conduisent au nerf le courant constant polarisant, qu'un interrupteur permet de fermer et d'ouvrir à volonté. Ce courant est en général très faible, ca-

38 CHARBOHilKL-iîiALLi:.

pable de produire seulement les contractions de fermeture. Les deux électrodes supérieures terminent le circuit galvano- métrique. Ces électrodes doivent être, autant que possible, dépourvues de toute force électromotrice propre ; nous avons réalisé, d'une façon assez satisfaisante, cette condition en employant la méthode de Du Bois-Reymond, c'est-à-dire en préparant nos électrodes longtemps à l'avance et en les maintenant constamment réunies par un fd de coton imbibé d'une solution de sel à —. Le galvanomètre, construit par Rhumkorff, et d'une extrême sensibilité, repose sur une plaque de marbre scellée dans le mur du laboratoire ; le (i\ de suspen- sion du système astatique, porte un miroir dont le plan verti- cal suit exactement les moindres déviations. Une lunette à réticule, dont le support est muni d'une règle transversale divisée en millimètres, permet de lire à distance les déviations très amplifiées. C'est l'image elle-même de la règle transver- sale, reflétée par le miroir, qui se déplace quand celui-ci tourne autour de son axe. Nous abrégeons la durée de chaque expérience, sans en compromettre l'exactitude, en mesurant l'intensité des courants par la déviatioti initiale., ou arc d'im- jmlsion, et nous n'attendons pas que le système astatique, après une longue série d'oscillations, prenne une position fixe(l).

Nos observations se divisent en deux séries : les unes sont relatives à l'influence exercée par l'augmentation d'irritabilité sur la polarisation descendante; les autres concernent la pola- risation ascendante. Ce dernier état de polarisation se montre toujours, pour un même nerf relié à la moelle, beaucoup moins prononcé que l'autre. Mais, dans l'un et l'autre cas, l'accroissement d'irritabilité entraîne constamment un renfor- cement très notable des phénomènes électrotoniaues. Et cet eflet n'a pas lieu seulement alors que le nerf, encore très frais, manifeste ces phénomènes avec toute leur intensité; il se pro-

(1) Les déviations du système astatique, dans nos expériences, étant toujours très faibles et de quelques degrés seulement, nous pouvons admettre que l'inten- sité des courants est proportionnelle aux déviations.

ARTICLE N' 1.

EXCITATION ÉLECTIUQUE DES NEUFS MOTEURS. 39

duit encore par la réixHition dos sections, qnand le nerf est déjà alVaibli, qnand rrlcctiotonns est en pleini; décroissance. Il existe donc nn pai'allélisme complet entre nos résultats actuels et ceux que nous avons obtenus en étudiant l'inlluence des sections sur la production des secousses.

Pour mieux faire comprendre la marche de ces phéno- mènes, nous allons transcrire une des nombreuses expériences consignées dans notre registre de notes :

6 mai 1880. Une patte de grenouille rapidement préparée est fixée sur l'appared et le tendon du gastrocnémien relié au myographe. Le nerf sciatique est disposé sur les quatre élec- trodes et le fragment de moelle est isolé sur une plaque de gutta-percha. Longueur de la région intrapolaire et de la ré- gion dérivée, 8 millimètres; longueur de la région dérivante, 5 millimètres. Le courant est descendant et son intensité, à peine supérieure à la minima, reste constante dans tous les essais successifs (2 El. Daniell, n" 3 du rhéochorde). Le gal- vanomètre dont le circuit est fermé par un lil de coton humide réunissant les électrodes supérieures, est immobile à la divi- sion l'a, 5. Après l'installation du nerf, il dévie légèrement et se fixe à LL

1'" polarisation descendante : déviation initiale à 21,5. Secousse de fermeture très nette ; pas de secousse d'ouverture. Le galvanomètre revient à M, et se fixe.

2'' polarisation : déviation à 20,5.

On coupe le nerf à 5 millimètres de l'électrode extrême. Il se produit une violente contraction et le courant nerveux s'éta- blit. Le galvanomètre se fixe à i5,5. On ferme de nouveau le circuit du courant constant; secousse très forte.

3*^^ polarisation : déviation à 30,5.

On ouvre le courant; secousse. Le galvanomètre se fixe à 16. Le courant est fermé et ouvert encore à cinq reprises diffé- rentes. Les secousses de fermeture et d'ouverture se produisent les deux premières fois; cette dernière disparait dans les trois derniers essais. Les déviations dues à la polarisation vont en diminuant par dépérissement du nerf.

40 CIIARBOMIVEL-i^ALLE.

La série des déviations absolues depuis le début jusqu'à la fin de l'expérience est la suivante :

Déviations. Secousses.

Avant la section : i" i0,5 F.

9,4 F.

Après la section : 3" 15 F et 0.

U,5 F et 0.

13 F et 0.

6" 11,5 F.

10 F.

80 8,3 F.

On serre le nerf entre les mors d'une pince dans la région dérivante. Lapi^oduction des effets électrotoniques cesse immé- diatement.

L'augmentation d'excitabilité du nerf est rendue manifeste, dans l'expérience précédente, par la production de la secousse d'ouverture qui faisait défaut avant la section. Comme l'exci- tation elle-même, les phénomènes électrotoniques sont donc intimement liés à la vitalité du tissu nerveux et leur intensité suit exactement les modifications imprimées à l'excitabilité.

Les connaissances que nous venons d'acquérir relativement à l'irritabilité des nerfs musculaires et des variations qu'elle peut offrir sous l'influence de diverses conditions, nous per- met d'étudier maintenant avec précision l'action physiologique des courants.

Nous diviserons cette étude en deux chapitres. Dans le pre- mier, nous traiterons des phénomènes produits par le coui^ant lorsqu'il parcourt le nerf dans le sens longitudinal. Le second chapitre est réservé à l'action du courant transversal.

CHAPITRE II

ACTION DU COURANT LONGITUDINAL

Dans l'exposé des expériences qui font le sujet de ce cha- pitre, nous passerons successivement en revue les différentes circonstances, physiques et physiologiques, qui déterminent les manifestations variées de l'excitation motrice. La direction

ARTICLE N' 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS, 41

des couranls dans le nei 1', leurs divers degrés (V ititensilé , sont à considérer tout d'abord. Mais il est d'autres éléments encore, capables d'inlhier beaucoup sur la mise eu jeu de l'activité nerveuse. (Vest ainsi <pie nous avons observé des difféiences remarquables dans la production des secousses, quand nous avons fait varier la surface du condensateur, constamment employé dans ces recbercbes, différences (|ui s'explicjuent par des cliangements correspondants dans la (Ivrée des ilux élec- tri({ues. Cette étude spéciale méritait toute notre attention, en raison de sa nouveauté, et des éclaircissements qu'elle est susceptible de fournir sur les pbénomènes intimes de l'excita- tion électrique. L'examen des faits concernant la direction, V intensité et la durée des couranls sera le sujet d'un premier paragraphe.

L'influence des divers états de dépérissement du nerf, celle de la longueur du cordon nerveux compris entre les pôles, enfin la hauteur et la durée des secousses, considérées dans leurs rapports avec la force de l'excitant, tels sont les diffé- rents points qui se rattachent par des liens étroits à la question principale, et que nous étudierons ensuite suivant l'ordre même de cette énumération.

§ 1 ■'. Influence de la direction et de V intensité des cou- rants instantanés. Effets observés en faisant varier la surface du condensateur. La plupart des expérimentateurs mo- dernes, dans leurs recherches sur l'action physiologique des courants, emploient la patte de grenouille isolée, conservant le nerf sciatique sur une assez grande longueur : c'est la pré- paration bien connue sous le nom de patte (jalvanosco pique. Les électrodes sont, dans ce cas, directement appliquées sur le nerf qui constitue le seul conducteur organique traversé par le coui'ant. Il existe d'autres modes de préparation, dans les- quels le conducteur comprend à la fois les nerfs, les muscles et même la moelle épinière. Ces procédés, auxquels les anciens électro-physiologistes avaient souvent recours, ont donné à Ritter, Marianini, Matteucci, des résultats dignes du plus grand intérêt. Autant les conditions sont simples quand le

42 rHAiiuo.^Mi:L-^iAi.Li:.

courant traverse uniquement les nerfs, autant elles deviennent complexes, quand le conducteur organique est formé de plu- sieurs tissus. Dans nos expériences, nous avons mis en usage trois modes de préparation. Nous allons les indiquer et décrire les appareils qui permettent leur application.

Le nerf est isolé et repose sur des électrodes impolari- sables. La jambe, désarticulée avec soin, est fixée au moyen d'épingles sur la plaque de liège de l'appareil décrit page 13. et le tendon du muscle gastrocnémien est relié au fil du myo- graphe.

Le second procédé, employé surtout par Ritter, consiste à préparer d'abord la grenouille à la manière de Galvani, c'est- à-dire à séparer de l'organisme les deux pattes, unies par la symphyse du bassin, et conservant leurs nerfs lombaires avec un segment de moelle épinière et de colonne vertébrale. On

fend ensuite ce segment suivant sa longueur, de façon à séparer l'un de l'autre les deux faisceaux de nerfs lombaires, et les électrodes sont mises en contact avec les deux, morceaux de colonne ver- tébrale. Le conducteur interpolairc est donc for- mé : d'une partie moyenne représentée par la région supérieure des deux cuisses; '"2° des deux faisceaux nerveux; 3" des deux fragments osseux sus- pendus à ces faisceaux. L'appareil destiné à

Fig. Jl.— Appardl pour i'excitutiori des nerfs ^.qHq préparation CSt rC- disposés suivant Je procédé de Ritter. , , i /-. < i

présente dansla figure 11. Une plaque de caoutchouc durci porte trois lames de liège ::

ARTICLE N" 1.

J-KLAHhDLT.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 43

une médiane, 1res giande, reçoit et permet de fixer les deux pattes de grenouille dont les gastrocnémiens sont mis en i-elation avec le myoLiraplie double. Les deux autres lames, très petites, reçoivent les deux IVagments osseux; leur situa- tion t.'st calculée d'après la longueur des faisceaux lombaires chez les grenouilles de taille moyenne. Un tube de verre, ou- vert aux deux bouts, présente une de ses extrémités au centre de chaque lame dont il affleure la surface, et se recourbant sous l'appareil, vient s'ouvrir au-dessous de la branche hori- zontale d'une borne métallique; la partie verticale de celte borne est reliée par un fil conducteur à l'armature du conden- sateur. Une bai-Hiette de zinc anialuamé, fixée à la branche horizontale, plonge dans la solution de sulfate de zinc dont le tube est rempli; à l'autre bout du tube une couche d'albumine est interposée entre la solution de zinc et les deux segments de rachis. Les électrodes sont parfaitement isolées si la surface de la plaque est privée de toute humidité. La décharge du condensateur traverse en même temps les deux nerfs à chaque fermeture, ascendante dans l'un et descendante dans l'autre. Enfin le jeu du commutateur permet de renverser alternative- ment le sens du courant dans chacun d'eux.

3" La troisième manière de disposer la grenouille, indiquée déjà par Vol ta, est celle que Marianini et Matteucci (i) ont fréquemment employée dans leurs recherches sur l'action des courants. Elle consiste, la grenouille étant d'abord préparée à la manière de Galvani, à séparer les deux cuisses par un coup de ciseaux sur la symphyse, de manière qu'elles ne soient plus réunies l'une à l'autre que par le tronçon de co- lonne vertébrale qui tient aux deux nerfs lombaires. Dans une telle préparation, la partie inférieure de la moelle conserve son intégrité; c'est là' une condition physiologique de grande importance. Les électrodes étant appliquées aux parties supé- rieures des deux cuisses, le courant s'établit en traversant suc- cessivement cinq conducteurs placés bout à bout et qui sont,

(1) Voy. Malleucci, Coins d'i'leclro-ph>jsiolo(/ie, pi. I, llg. 1.

44 charboi%^k:l-nalli^.

en supposant le pôle positif à droite : 1" La partie supérieure de la cuisse droite ; le faisceau lombaire droit; 3" la portion de moelle et de rachis intermédiaire aux deux nerfs ; le fais- ceau lombaire gauche; 5" la partie supérieure de la cuisse gauche.

L'appareil représenté dans la figure 12 répond aux exigences

Fig. Appareil pour rexcitation des nerfs disposés suivant le procédé de Marianini.

Spéciales de ce mode de préparation ; identique au précédent, quant aux conditions essentielles, il en diffère seulement par la disposition des lames de liège et par la situation des élec- trodes. La simple inspection de la figure permettra de com- prendre aisément la manière dont la grenouille est disposée sur le passage du courant.

Avant d'exposer nos expériences, nous devons signaler en- core une condition générale importante pour l'exactitude du résultat : c'est l'alternance régulière dans les changements de sens des flux électriques. On sait à quel point la permanence du courant dans la même direction est capable d'altérer les propriétés nerveuses, en déterminant une prompte fatigue. Notre mode d'expérimentation écarte cet inconvénient qui

ARTICLE 1 .

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 45

lient surtout à l'emploi des courants continus, mais que l'on ne saurait négliger quand il s'agit de courants instantanés d'une certaine durée, provenant d'un condensateur de grande surliice.

Si nous considérons l'ensemble des faits résultant de nom- breuses expériences, nous remarquons d'abord qu'ils se pré- sentent sous deux aspects très difïérents, suivant que nous avons employé la plus grande ou la plus petite surface de notre condensateur. Celte différence essentielle nous oblige à scin- der notre exposé en deux parties. Nous examinerons donc suc- cessivement :

a. Résultats de l'excitation par le condensateur à grande surface (iO microfarads).

h. Résultats de l'excitation par le condensateur à petite snrface (1 microfarad).

a. Un nerf absolument frais est disposé sur les électrodes extrêmes de l'appareil excitateur, de telle façon que le segment traversé par le courant ait une longueur de 3 centimètres. On enregistre les secousses, à partir de la mimma, en faisant croître très lentement l'intensité de la décharge. Celle-ci, pour chacune de ses valeurs successives, traverse deux fois le nerf : i" suivant la direction ascendante ou centripète; 2" suivant la direction descendante ou centrifuge.

Il résulte de cette expérience : 1" que le courant ascendant excite le premier la contraction ; que les contractions pro- voquées par le courant descendant, apparues tardivement, conservent longtemps encore un caractère d'infériorité.

Ce résultat, nous le répétons, est propre aux nerfs tout ré- cemment préparés et ne se montre nettement que si la force du courant croît avec une extrême lenteur. Si l'on répète l'ex- périence sur le même nerf, à de courts intervalles, on ne tarde pas à constater, d'abord l'égalité d'action des courants très faibles pour les deux sens, puis l'inversion de la phase initiale; la supériorité appartient désormais au courant descendant. En été, quelques minutes suffisent souvent à produire l'inver- sion, surtout si la section transversale est très voisine de

46 CHARBO-\.\EL-SALI.E.

l'électrode extrême ou si le nerf provient d'une grenouille affaiblie. La figure 13 montre la priorité d'action du cou- rant ascendant dans les conditions indiquées.

Fij.'. 13. Supériorité d'action du courant ascendant, pour les très faibles inlensités. La première secousse est produite par le courant ascendant, à rinlensilé 3. La secousse par courant descendant apparaît à l'intensité 4. 3 Daniell, 10 microf. Fil vertical du Rhéochorde, croissant par deux centimètres.

Augmentons la force de la décharge, assez vite pour devancer l'altération des propriétés nerveuses, et nous ne tar- dons pas à voir s'établir une parfaite égalité des secousses, égalité qui se maintient pendant une longue série d'intensités; puis le courant ascendant, tantôt brusquement, tantôt par une diminution graduelle des secousses, cesse d'agir, le cou- rant descendant conservant indéfiniment son activité. Si l'exci- tation est longtemps continuée, les secousses présentent, plus ou moins proinptement, une lente diminution d'amplitude en rapport avec une durée plus considérable ; nous retrouvons l'effet bien connu de Idi fatigue, soit nerveuse, soit musculaire.

La disparition des secousses par l'accroissement d'intensité du courant ascendant, disparition sans retour possible avec le condensateur à 10 mierofarads est bien le fait du courant lui- même, et non de toute autre circonstance, telle, par exemple, que le dépérissement rapide de l'extrémité du nerf sectionné. Il est facile, en effet, de l'obtenir d'emblée sur le nerf très

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 47

frais et intact. Mais une preuve plus convaincante nous est fournie par le tracé de la figure 14. On a fait agir sur le nerf

Fij;. l-l. Aiiiiurition des secousses provoquées par le courant ascendant : intensités décroissantes. Nerf très frais. Par suite des commutations, le courant est alternati- vement asc. et desc. 10 Microf. 20 El. Daniell, Réoch. de 15 à 5.

une décharge ascendante assez forte pour ne produire aucune contraction, puis on diminue progressivement la valeur de l'excitant. Les contractions ne tardent pas à naître et à s'ac- croître d'une façon régulière, alternant avec celles du courant descendant qui conservent leur caractère primitif.

La figure 15 donne la représentation graphique de la loi des secousses pour les deux directions du courant instantané et pour trois degrés différents d'intensité.

Les conditions fort simples de l'expérience précédente per- mettent d'en pénétrer aisément le mécanisme. Il suffit de se rappeler trois faits bien connus : 1" le degré plus élevé d'exci- tabilité des parties supérieures du nerf sectionné; 2" la supé- riorité d'action du p(Me négatif, telle que les courants très faibles produisent l'excitation physiologique uniquement à leur point de sortie (1); 3" enfin, la propriété que possèdent les courants forts de diminuer et même de supprimer entièrement, dans la région du pôle positif, le pouvoir conducteur du nerf pour l'excitation (2).

(1) Chauveau, Théorie des effets physiol., etc., Journal de la physiol. 1859.

(2) Pflùger, Physiologie des électrotonus, 1859.

48 €H.\HBO:%\KL-J!iALLE.

Voici maintenant l'interprétation des trois phases succes- sives que nous avons observées : un courant très faible agit seulement suivant la direclion ascendante, parce que le pcMe

Fig. 15. Loi des secousses du nerf frais, pour les deux directions du courant et trois degrés d'intensité. Les tracés I et II ont été pris avec le même nerf.

négatif, seul doué d'activité, repose sur la partie supérieure du nerf, plus excitable (1*" degré). Par l'augmentation gra- duelle de l'intensité, le courant atteint bientôt un degré suffi- sant pour exciter, par son pôle négatif, les parties inférieures du nerf aussi bien que les supérieures : alors paraît la double

ARTICLE 1.

EXCITATION KLKCTUIQUE DES iNERFS MOTKITRS. 49

contraction (^â" degré). Enlin, si l'accroissemoiit est poussi'- a>sez loin, le pôle positif produit la suppression de la conduc- libililépliysioloi;i(|ue ; le courant ascendant cesse alors d'agir, parce que l'excitation du pôle néiialifest arrêtée dans son par- cours vers le muscle (8" degré).

Examinons maintenant l'aclion [)liysiologi({ue des coin-ants instantanés, de foi-ce graduellement croissante, sur la gre- nouille disposée suivant les procédés de Ritteretde Marianini. Nous rappellerons que la décharge, lancée à chaque fermeture du rhéotome dans le conducteur complexe dont les faisceaux lombaires font partie, traverse l'un de ces laisceaux suivant la direction ascendante, l'autre suivant la direction descendante. On enregistre au moyen du myographe double les contractions des deux muscles gastrocnémiens. Les résultats de l'excitation, dans ces conditions nouvelles, comparés à ceux du nerf isolé, montrent une similitude fondamentale et quelques difïérences accessoires. La loi générale des secousses est la même que dans le cas précédent; chacune des pattes, considérée isolément, réagit en premier lieu au courant ascendant; puis, deux réac- tions égales répondent aux courants des deux directions; enfin, l'intensité augmentant toujours, le courant ascendant cesse définitivement de produire des secousses. Telle est la manifes- tation générale du phénomène, si lesconditions physiologiques de la grenouille sont normales et la préparation promptement faite ; et la môme inversion de la phase initiale que nous a montrée le nerf sectionné se manifeste tôt ou tard, par le pro- grès du dépérissement. Mais il est important de noter que l'altération des propriétés du nerf dans les expériences actuelles suit une marche beaucoup moins rapide; et la réaction carac- téristique de l'état de fraîcheur du nerf est par conséquent moins fugitive. Cette persistance de la manifestation initiale est surtout remarquable chez les grenouilles préparées suivant le troisième procédé : souvent il nous a été possible, môme pen- dant l'été, de recueillir, à d'assez longs intervalles, plusieurs tracés s'accusait nettement la priorité d'action du courant

H. ÉTUDES. se. NAT. XXIV. 4. ART. N" 1.

50 CHARBO:\>EL-SALLK.

ascendant faible, malgré le temps écoulé, et les excitations nombreuses qu'avait subies la préparation.

Cette particularité laisse déjà soupçonner une réelle diffé- rence, sous le rappoit du mécanisme intime de l'excitation, entre le nerf isolé et sectionné, et les faisceaux nerveux dis- posés suivant la méthode de Ritter et de Marianini. Pour trouver la clef des phénomènes observés pendant le passage de l'électricité dans les conducteurs nervo-musculaires, il est nécessaire d'analyser avec soin la constitution spéciale de ces conducteurs, en tenant compte de l'état physiologique des nerfs aussi bien que des conditions physiques de la propagation des courants (1).

Une première condition essentielle à noter est relative aux nerfs eux-mêmes, exempts de toute section, et reliés par leur extrémité supérieure, soit à un lambeau mutilé, soit à un segment assez long et intact de la moelle. Nous ne pouvons évidemment nous attendre à trouver, surtout dans le dernier cas, une répartition des degrés d'excitabilité conforme à celle qui, sur le nerf isolé, apparaît aussitôt après la section; nous avons vu, en effet (page :24) que la section transversale de la moelle n'imprime pas au nerf une modification immédiate de son excitabilité. Aussi est-il facile de comprendre le fait signalé plus haut de la résistance souvent très longue opposée par les nerfs au dépérissement : le fragment de moelle auquel ils sont reliés conserve un certain temps sa vitalité, et la mort ne peut cnvaliir les faisceaux nerveux qu'après l'extinction complète des propriétés physiologiques du tronçon médul- laire.

Il résulte de ces considérations qu'il n'est pas possible d'at- tribuer à l'excitabilité plus forte des parties élevées du faisceau lombaire l'activité prédominante du courant ascendant de faible intensité ; il faut donc chercher une autre explication.

(1) Les principes sur lesquels est fondée l'interprétation de nos expériences ont été déjà indiqués par M. Chauveau qui s'en est servi pour expliquer les résultats des anciennes recherches de Volta, de Ritter et de Marianini. fV'oy. Théorie des effets physiol, etc.. Journal de /a PAî/s<o<.,i 859-1860, page 285.)

ARTICLE 1.

EXCITATION ELKCTIUQUK DES NERFS MOTEURS. 51

Si nous considérons le modcuh; conslitnlion du conducteur organi(jUC ti'aversé par l'élcctricilé. nous rcinaivjuons d'ahoid que cliacun des laisccanx nerveux, relicautra^nienlde moelle par les racines rachidiennes, présente à son extrémité supé- rieure un l'aible diamètre, tandis que, j)ar son extrémité infé- rieure, il plonge au sein d'une masse musculaire considérable. Or, c'est par l'intermédiaire d»i rragment médullaire et des muscles que les nerls sont mis en lelation avec l'appaieil exci- tateur; ceux-ci constituent, pai- conséquent, les véritables rhéophores du courant.

Un couraiit transmis à travers le conducteur hétérogène a donc son point de sortie ou pôle négatif situé, si la direction est ascendante, sur une partie du nerf très resserrée, et telle que la condensation de l'électricité y atteint un degré fort élevé. Si la direction est descendante, le pôle négatif, à raison du contact étendu entre les nerfs et les muscles, est plus diffus ; et la condensation du courant est, par conséquent, moins considérable (1).

Il suffit maintenant de se rappeler l'influence exercée sur l'excitation par la densité du courant au sein de l'organe exci- table, influence reconnue \yàv tous les physiologistes, pour comprendre le véritable mécanisme des phénomènes que nous analysons. Lorsque l'intensité croît lentement, depuis zéro jusqu'à une valeur très élevée, le courant ascendant excite le nerf avant le courant descendant, parce que la densité au pôle négatif est forte dans le premier cas, faible dans le second. Quelques degrés de plus, et l'accroissement d'intensité com- pense, pour le courant descendant, la condition désavanta- geuse de la diffusion du pôle négatif : les secousses sont égales pour les deux sens. Enfin, un courant très fort supprime, dans la région positive, la conductibilité du nerf pour l'irritation :

(I) La différence de conductibilité spécifique des nerfs et des muscles, nulle pendant la vie, d'après Ranke, à raison de la présence du sang dans les vais- seaux, n'est pas assez grande, même après la mort, pour qu'on puisse admetire une sortie brusque du courant traversant le nerf, au point celui-ci s'enfonce dons la masse musculaire. Eckard a trouvé, en effet, la conductibilité des muscles à peine double de celle des nerfs.

52 C'iiAiiKO'\\i:i>-SAi.Li:.

le courant ascendant cesse d'agir, parce que l'excitation du pôle négatif rencontre dans son parcours un obstacle infran- chissable.

Telle est l'interprétation qui nous semble l;i plus plausible. Elle se déduit directement des conditions spéciales des prépa- rations, et s'écarte beaucoup de celle qui nous a permis d'ex- pliquer les efTets du courant sur le nerf isolé. Tandis que celui-ci est disposé de façon à contracter des rapports iden- tiques avec les deux pôles, les conducteurs nervo-musculaires offrent des conditions polaires très dissemblables. C'est donc surtout aux différences locales d'excitabilité que nous attri- buons les efTets propres aux nerfs isolés ; c'est par les diffé- rences locales de densité du courant que nous expliquons les résultats de l'expérience faite suivant les procédés de Ritter et de Marianini. Par une coïncidence singulière, l'action physio- logique des courants sur les nerfs, préparés suivant les trois méthodes, malgré les différences intimes de mécanisme, se révèle par des manifestations extérieures complètement iden- tiques.

De tout ce qui précède, il résulte qu'il n'est pas besoin, pour l'explication des phénomènes, de faire intervenir l'influence de la direction même du courant dans les cordons nerveux. Cette influence propre du. sens du courant a trouvé crédit jadis près des physiologistes et, pour la plupart des médecins, elle cons- tituait un des principes fondamentaux de l'électrothérapie. Nobili (1), par une comparaison bien connue, a donné, en quelque sorte, la formule de cette doctrine. Dans son mémoire sur l'action physiologique de l'électricité, si remarquable par l'exactitude des faits observés, Nobili compare (( la différence d'action des courants suivant leur sens à la différence des sen- sations éprouvées par un animal quand on le frotte suivant le sens du poil ou à rebours ». L'erreur des anciens auteurs est d'ailleurs facile à comprendre, si l'on se rappelle que la plupart, depuis Volta, soit en opérant sur des nerfs déjà altérés, soit en

(i) Nobili, Awa/î/se expérimentale et théorique des phénomènes produitspar réïectricité sur lu {irenouille. Trad. dans Ann. de Phys., 1830.

ARTICLE i.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 53

employant d'emblée de trop loris courants, avaicnl c.onslaté la su|^ériorité evcilatrice du couranl doscciidani (I ) : ils expli- (luaieiit tout uatuielleuieut le l'ait eu adiuettaut que rélectiicité agit avec plus de puissance quand elle se propage suivant la direction même de l'agent nerveux moteur.

Nous n'avons pas l'inlenlion d'insister longtemps sur cette hypothèse, aujourd'hui généralement abandonnée. Elle a dû, en effet, céder la place à l'interprétation que les physiologistes modernes, Ghauveau et PfUiger en particulier, ont déduite des différences locales d'excitabilité, de l'activité spéciale du pôle négatif, derinlluence exercée par la densité du courant. Mais cette doctrine n'est pas seulement inutile et avantageuse- ment remplacée; elle est en outre condamnée par certain"s expériences qui en constituent la réfutation directe. En ren- voyant poui- plus de détails aux mémoires de M. Ghauveau ^2), nous nous bornerons à décrire deux expériences dont les résul- tats sont inscrits dans les ligures 16 et 17.

l'' Sur une grenouille disposée suivant le procédé de Maria- nini, on fait agir en premier lieu un courant d'une activité très faible : chacune des pattes réagit au courant ascendant, et l'on enregistre ainsi quatre secousses égales ; le courant des- cendant, conformément à la règle, ne produit aucun effet. On serre alors chaque nerf en son milieu avec les mors d'une pince pour détruire la continuité des tubes nerveux (au point a sur le tracé), et l'on essaye de nouveau l'action du courant très faible. Le résultatest renversé : c'est le courant ascendant qui maintenant est inactif, tandis que le descendant provoque quatre secousses faibles. Un accroissement assez considérable de l'intensité restitue au courant ascendant son activité, et renforce celle du courant descendant. Enfin une intensité très forte supprime l'activité du premier, et rend plus forte encore celle du second.

(1) Ritter seul avait su reconnaître la vraie phase initiale, celle de l'action exclusive du courant ascendant.

(2) Ghauveau, Journal de la physioL, 1859, p. "289. Voy. aussi : Théorie des effets physiol. de l'électric. Lyon, 1860.

EXCITATION ÉLECTRIOUK DES

Nous avons admis pivcrdiMii- Hieiit (lue raclioii exciliiliicc du courant ascendant a pour siriit' exclusif rcxtrémité supérieure i\c^ cordons nerveux, i-epréscntanl Vr- lectrode néL;ative.(]etle expérience nouscnl'ournit une preuve directe, puisqu'il suCtit de supprimer la communication pliysioldgique en- tre la pai'tie supérieure du nerl'et le muscle poiu' annuler l'action du courant ascendant. C/estdonc bien à la situation de l'électrode néi^a tive, non à la direction de l'électri- cité dans le nerf, qu'était due, avant l'écrasement des tubes ner- veux, la supériorité du courant ascendant. S'il en était autrement, verrions-nous des elïets inverses se manifester avec le môme sens du courant?

Quant aux réactions obtenues avec les intensités moyenne et forte, elles sont simplement con- formes à la loi des secousses, telle que nous l'avons fait connaître plus baut; il est donc inutile d'y insister.

2" La deuxième expérience con- siste à disposer sur les électrodes la grenouille préparée suivant le troisième procédé, de telle façon que l'influence de la densité plus grande au pôle négatif agisse alter- nativement à la partie supérieure et à la partie inférieure des cordons

NKFU'S MOTKUns.

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nerveux. Si la densité est

56 €Harbov«el-^»ajlle:.

bien le facteur essentiel de la loi des secousses, si le sens du cou- rant est dénué d'action propre, l'activité supérieure doit appar- tenir, dans ces conditions, tantôt au courant ascendant, tantôt au courant descendant. Le résultat expérimental confirme cette prévision théorique et justilie, cette fois encore, notre interpré- tation. La grenouille est disposée, comme d'habitude, sur la plaque isolante. Les deux cuisses sont en rapport avec les élec- trodes d'albumine ; mais de plus deux fines électrodes, adap- tées à la plaque, sont en contact par leur extrémité avec la partie inférieure des faisceaux nerveux. Un distributeur permet de lancer le courant, d'intensité rigoureusement minima, tantôt par les électrodes appliquées aux muscles (fig. 17, lignes], 3, 5), tantôt par les électrodes appliquées aux nerfs (lignes 2, 4, 6). Dans le premier cas, conformément à la règle, le courant ascendant provoque de fortes secousses, le courant descendant des secousses faibles. Dans le second cas, le cou- rant ascendant est sans action ; c'est au courant descendant qu'appartient la supériorité. Il est donc possible de renverser entièrement le résultat expérimental par un simple change- ment de situation de l'électrode active.

De cette expérience ressort clairement l'influence exercée par la densité de l'électricité au pôle négatif, influence qui détermine, en quelque sorte, les phénomènes d'excitation, <[uelle que soit la direction du courant à l'intérieur du cordon nerveux.

Tels sont les faits relatifs à l'action physiologique des flux instantanés d'électricité fournis par le condensateur à grande surface (10 microf.). Les détails dans lesquels nous sommes entré relativement à la disposition des expériences et à leur interprétation nous permettent d'exposer plus brièvement les caractères propres à l'excitation avec le condensateur de moindre surface (1 microf.).

b. Résultats de V excitation avec 1 microf. Faisons agir sur les nerfs frais, préparés suivant les trois procédés, des dé- charges de force graduellement croissante ou décroissante; en d'autres termes, répétons, toutes conditions semblables, sauf

ARTICLE N" I .

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 57

l'élonduedu conciensateur, les expériences qui nous ont donné la loi des secousses.

C'est encore le courant ascendant qui, dans la série crois- sante, fait naître la première secousse. L'intensité augmentant assez rapidement, le courant descendant agit à son tour, et pour un certain degré, les deux courants provoquent des con- tractions à peu près égales (fig. 18, I). Les secousses Ju cou- rant ascendant, après avoir atteint un premier maximum, s'abaissent brusquement, cessent môme de se produire, mal- gré l'accroissemenL régulier du courant; elles renaissent bientôt, et par une ascension graduelle et un peu irrégulière, atteignent un second maximum. A partir de ce point, les se- cousses se produisent indéfiniment, quel que soit l'accroisse- ment ultérieur du courant.

Cette anomalie du courant ascendant coïncide avec une anomalie en sens inverse du courant descendant : celui-ci, en effet, pour les mêmes degrés d'intensité, manifeste une sur- activité remarquable, se traduisant par des secousses plus élevées, plus longues et même redoublées (fig. 18, I). Puis tout rentre dans l'ordre et les secousses se succèdent désor- mais avec une parfaite régularité.

Avec le condensateur à 10 microf., la suppression des se- cousses du courant ascendant était définitive; avec i microf., cette suppression, exigeant en général une intensité moindre, est suivie d'une réapparition. Telle est la différence essen- tielle entre les deux modes d'excitation, différence que la figure 18 rend nettement appréciable.

L'anomalie du courant ascendant que nous ont révélée nos tracés est évidemment identique à la lacune observée par Fick (Ij pendant l'accroissement d'intensité des courants

(1) Fick. Untersuch. iiher elcctrische Nervenreizung. Braunschweig, 1864- Dans ce mémoire, Fick dit avoir observé également la lacune en employant des oom'ants d'intensité invariable et de dm'ée croissante. Le courant ascendant d'une certaine durée ne provoque aucune secousse ; celles-ci apparaissent si la durée du courant augmente ou diminue. .Kônig a signalé le même fait. Voy. aussi Fick, Wiirtzburyer VerhandL, N. F., II, s. 115.

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EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 59

ascoiidaïUs de coiiilc dinvc ()l)l(Mms, soit avec les appareils d'iiitlui'lion, soit par la rerineliire et roiivertui*e très rappro- chées d'un courant continu. (]e phénomène, décrit de nouveau j)ar Meyer (1) et Laniansky (2), a élé lécemment étudié, ;in moyen des courants induits, par Tiegel (8) qui le désigne sous le nom iVin(rrra//i'. D'après ce physiologiste, non seulemeni le couiant ascendant, mais le courant descendant lui-même, dans certaines conditions, présentent une inteiruplion de leur activité physiologique, lorsque l'intensité croît régulièrcnienl. Dans aucune de nos exjiériences nous n'avons l'emarqué le lail signalé j)ar ïiegel relativement au courant descendant. Nous avons vu, au contraire, ce courant manifester un surcroît d'activité, corespondant à la production de la lacune, lait qui, à notre connaissance, n'avait attiré l'attention d'aucun obser- vateur.

Avant de discuter et. d'interpréter ces phénomènes, nous signalerons encore une particularité remarquable dont l'ob- servation est si facile que nous sommes étonné de ne la trouver signalée par aucun physiologiste. C'est un retard très considé- rable, présenté par les secousses du courant ascendant qui reparaissent après la lacune. Il s'écoule, entre l'instant le Rhéotome provoque la décharge et le début de la contraction un temps tellement long qu'il ne saurait échapper à l'inspec- tion la plus superficielle. Nous n'avons point déterminé avec une précision rigoureuse la durée de ce retard, assez variable d'ailleurs : nous nous sommes borné à la calculer approxima- tivement d'après la vitesse de rotation du cylindre enregistreur et les mesures prises sur nos tracés. Cette durée peut atteindre jusqu'à un cinquième de seconde et n'a rien de commun, par conséquent, ni avec le temps perdu du nerf ou du muscle, ni avec la durée du transport de l'excitation dans le nerf. Ce sont surtout les coui'ants ascendants de très grande intensité, agis- sant sur le nerf déjà quelque peu fatigué, qui donnent lieu à

(I) Meyer, Dissert. Zuricli, 1867.

{i) Laniansl\i, Studien fl. Bresl. phi/siol. Instituts, IV, 1808.

(3) Tiegel, Arch. f. d. ges. Physioï. XllI, s. "272, 1876.

60 C II A K H0\.1I':L-.S ALM<: .

ce phénomène singulier et, quant à présent, diflk'ile à bien expliquer; mais nous l'avons constaté aussi très nettement sur le nerf absolument frais. Il est exclusivement propre aux se- cousses de seconde a})parition du courant ascendant et ne se montre jamais avec les intensités inférieures à celles qui pro- duisent la lacune. Enfm il est à noter que les secousses ainsi letardées présentent un début lent et comme hésitant, au lieu du début brusquement marqué des secousses provoquées par le courant descendant de même intensité. Les figures 19 et '20 dont l'explication sera donnée plus

Fig. 19. excitation du nerf isolé Irais, par îles courants forts, d'intensité invariable, ^ascendants et descendants (commutations). 1, 10 Microf. et Rhéoch. 1; II, 1 Microf. et Rhéoch. 10. iO, El. Daniell.

loin, permettent de comparer la secousse retardée du courant ascendant fort avec la secousse normale du courant descen- dant.

Plusieurs physiologistes allemands, en particulier Wundt etRosenthal, expliquent le phénomène de la lacune du cou- rant ascendant par l'hypothèse suivante: un courant instan-

ARTICLE 1.

K.VCIlATlOiN KI.KCTIUOVK DKS NRIU"> M0TKUI5S. 01

iKdt'', un cluK' (riiidiiclioii, |»;u- ('\(^iiij)l(», serait constitiK' jtin mie lermeliuv el mie oiiveiliire se siiccéclanl hV's lapideint'iil cl, par emiséqueul, (•n|)al)I(\^ de produire deu\ e\cilalio!i> coudensées. li'cxcilalioii de lermeluri; sérail plus (MieiL^i(jU(' (|ue celle d'ouveilure, à cause de lu ra|)idité extrèiiK^ de la pc- ridde d'ascension des courants induits, comparée à celle de l.i période de descente. Avec les intensités inférieures, la l'erme- Inre serait donc seule active. Avec les intensités supérieures,

FiiT. :20. ExciUition l^d'uii nerf isolé frais, par des [courants forts, d'intensité inva- riable, asc. et desc. (commutations). 1 Microf., Rhéocli. 10. 20, El. Daniell.

la termeture d'un courant ascendant ne donnant plus de con- tractions, en raison de l'obstacle à la transmission dans la légion anélectrotonisée, il n'y aurait plus que des secousses d'ouverture. Pour certains degrés intermédiaires de la force du courant, la fermeture n'exciterait déjà plus, alors que l'ou- verture n'exciterait pas encore : telle serait la cause de l'in- lerruption dans la série des secousses.

r.ette explication, dont la justesse est contestable au point de vue physique, nous paraît en désaccord avec plusieurs faits

62 €HARBO!VIlli:i.-KAI.M<:.

bien établis, en |)arliciilier avec les résultats de nos pro- pres recherches. Est-il permis d'assimiler, sous le rapport du pouvoir excitateur, le début et la fin d'un courant instantané, se succédant sans aucun intervalle, aux états variables de fer- meture et d'ouverture d'un courant constant, séparés par une période d'état plus ou moins prolongée? L'explication serait admissible peut-être si le phénomène de la lacune se produi- sait seulement dans les cas l'excitation instantanée e^-ît ob- tenue par le passage très rapide d'un courant continu; mais l'expérience prouve qu'il se manifeste nettement avec les chocs d'induction et les décharges de condensateui-, dont la courbe ne présente aucune période d'état constant. Les faits physiolo- giques ne sont pas plus favorables à cette hypothèse que les considérations physiques. Nous avons vu que les décharges ascendantes du condensateur à iO microf., à partir d'une cer- taine intensité, ne produisent plus de secousses, et que cette disparition des secousses n'est suivie d'aucun retour. Ces dé- charges se comportent, sous ce rapport, de la même manière que la fermeture d'un courant de pile ascendant. Que devient dans ce cas l'excitation d'ouverture? Et si les décharges brèves du condensateur à 1 microf. étaient constituées par une fer- meture et une ouverture condensées, pourquoi n'en serait-il pas de môme, et à plus forte raison, pour le condensateur dont la surface est dix fois plus grande et dont les décharges ont une durée plus considérable?

Les considérations précédentes rendent donc fort invraisem- blable l'hypothèse d'une double excitation par les courants instantanés. A l'explication du phénomène de la lacune, basée sur cette hypothèse, nous préférons la suivante, déduite des propriétés électrotonisantes que possèdent à des degrés diffé- rents les courants instantanés de différentes durées. Ainsi que nous l'avons rappelé plusieurs fois au cours de ce travail, c'est au développement de l'anélectrotonus, barrant le passage à l'excitation dans la région de l'électrode positive, qu'est due la suppression d'activité des courants ascendants forts. Lorsque de l'intensité minima, le courant croît lentement jusqu'à un

ARTICLE 1.

KXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 63

«Icgrc 1res ôlevô, la ï'ovco de l'excitaliou, d'une part, la résis- tance de l'obslaclo, d'auti-e |)art, aii<,nncntf'nL en inrme temps; mais ces deux pliénomènes ne suiviMit pas cxaelemeiit la même marche, n'obéissent pas à la même loi. L'effet du courant ascendant, lendM visible par la contraction musculaire, dé- j)end donc, pour cbarpie intensité, des valems relatives de l'excitation au pôle négatil (;t de la diminution de conducti- bilité au pôle positif. Avec les courants faibles et moyens, l'ex- citation est supérieure à l'obstacle; avec les courants forts, «die estcomplèlement arrêtée. Tel est le mode normal d'action des courants continus; et, comme nous l'avons vu, les tlux instantanés assez longs (10 microf.) agissent de la même ma- nière. Dans ce cas, l'accroissement de l'anélectrotonus, d'abord moins rapide, devient ensuite parallèle à celui de l'excitation. Les courants plus brefs (1 microf.) présenteraient des pro- priétés un peu différentes : l'anélectrotonus, après avoir atteint un degré suffisant pour supprimer les secousses du courant ascendant et produire ainsi la lacune, cesserait de croître aussi vite que l'excitation. A partir d'une certaine intensité, celle-ci, franchissant l'obstacle, produirait les secousses se- condaires dont nous avons signalé les caractères particuliers.

En résumé, nous admettons que les décharges du conden- sateur à petite surface, c'est-à-dire plus brèves, possèdent, relativement à leur pouvoir excitateur, un pouvoir électroto- nisant moins considérable que les décharges plus longues du condensateur à grande surface. Cette donnée trouve un ap- pui dans le fait, découvert par Pfluger (1), que l'anélectrotonus exige, pour son développement complet, un temps assez long et atteint son maximum plus tard que le catélectrotonus. On comprend qu'au-dessous d'une certaine durée les courants instantanés ne développent qu'un état anélectrotonique impar- fait ou même nul.

Nous avons cherché à comparer plus rigoureusement, sous le rapport de leur action électrotonisante, les courants ascen-

(1) Pflûger, Physiol. d. Electrotonus, 1859.

64 €HAUKO'\:%EL-MALI.K.

dants de forte intensité, en éliminant un facteur qui, dans le> expériences précédentes, complique l'influence de la durée : nous voulons parler de la 7?^^/;^^///^/ variable d'électricité mise en mouvement à chaque décharge. Dans ce but, nous avons compensé l'influence de la surface sur la quantité d'électricité dont se charge le condensateur par une diminution ou une augmentation correspondante de la tension de la source. Relions, par exemple, dans un cas, le condensateur à un mi- crof. avec le n" 10 du fd interpolaire, dans un autre cas, le condensateur à dix microf. avec le 1 du même fd : les ten- sions respectives des deux sources d'électricité sont ainsi dans un rapport inverse des surfaces. Dans les deux cas, les déchar- ges de durées diftérentes seront constituées par des quantités égales d'électricité; nous isolons ainsi l'effet propre de la durée. Le résultat de la comparaison est exprimé par les tra- cés des figures 19 et 20. Ces tracés montrent que la décharge ascendante avec dix microf. ne provoque aucune secousse, tandis que la décharge ascendante avec un microf. provoque des secousses retardées de grande amplitude. Les courants instantanés, égaux sous le rapport de la quantité d'électricité, mais de durées différentes, sont donc inégalement aptes à développer l'anélectrotonus. Relativement à leui' pouvoir exci- tateur, les courants les plus prolongés électrotonisent plus fortement que les courants de moindre durée.

Nous concluons de ce qui précède, que l'interruption dans la série des secousses produites par le courant ascendant de force croissante est due à une rupture d'équilibre entre le pouvoir excitateur et le pouvoir électrotonisant. Une question se présente naturellement : le phénomène de la lacune repré- sente-t-il une réaction normale du nerf moteur aux courants instantanés d'une durée particulière? ou bien est-il spécial aux nerfs modifiés dans leurs propriétés physiologiques par les influences perturbatrices, telles que section, contact de l'air, suppression de l'afflux sanguin? Cette dernière supposi- tion nous paraît la plus vraisemblable. Si nous interrogeons, en effet, l'excitation unipolaire, seule méthode permettant

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 65

d'étudier les effets physiologiques de rélcctricité sur les nerfs normaux, nous ne voyons jamais se produire aucune inter- ruption, aucune inégalité, dans une longue série de secousses, provoquées par l'excitation soit avec le pôle négatif, soit avec le pôle positif. C'est ce que prouvent les tracés obtenus par M. Chauveau (1), en employant les courants d'induction : (( Quand l'intensité du flux croît, les deux excitations, né^ra- tive et positive, arrivent toujours très vite à l'égalité, et, dans les cas absolument physiologiques, s'y maintiennent, quelque loin que l'on pousse l'accroissement du courant. )>

Quant à la lacune observée par Tiegel (2) dans les secousses dues au courant descendant, elle échappe évidemment à l'in- terprétation que nous avons admise pour le courant ascen- dant. 11 faut sans doute voir, dans ce phénomène, tout à fait exceptionnel, un effet particulier de la fatigue, effet analo^^ue pour le nerf moteur, à celui que Garlet a observé sur les mus- cles soumis à une série d'excitations énergiques (3) : la con- tractilité, supprimée par la fatigue, peut se rétablir, et les secousses reparaître, alors même que le muscle continue à recevoir des excitations faibles.

Nous avons exposé l'ensemble des faits relatifs à l'action physiologique des courants instantanés, parcourant les nerfs suivant la direction de leurs fibres, et présentant deux durées différentes. Nous bornerons là, quant à présent, cette étude, nous réservant d'examiner, dans une publication ultérieure les effets spéciaux des courants de durées intermédiaires, tels que notre condensateur à surface graduée nous permet de les produire.

§ 2. Influence du dépérissement du nerf. On doit à Valli (4) d'avoir trouvé que lorsqu'une portion d'un nerf ne réagit plus au passage du courant, il n'y a qu'à faire passer ce

{\) Chauveau, 5' Note sur l'excitation unipolaire : Comptes rendus de l'Acad. des se, 13 décembre 1875. (2) Tiegel, loc. cit.

(3) Garlet, Comptes rendus del'Acad. des se, 1877. (4) Valli, Lettres sur l'électricité animale, 1792.

II. ÉTUDES. se. NAT. XXIV. 5. AHT. X" 1.

66 charbo^:%i<:l-^.%lli:.

même coaraiit dans une portion de nerf plus rapprochée du muscle pour obtenir encore des contractions. « La vie des nerfs, dit ce physiologiste, est donc plus inhérente à leurs extrémités qu'à leur naissance. » Cette disparition des pro- priétés motrices des nerfs du centre à la périphérie a été confirmée depuis par tous les observateurs.

La connaissance de cette loi nous permet de prévoir, au moins en partie, les modifications que doit imprimer à l'action des courants la marche progressive du dépérissement. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, quand on excite le nerf avec des courants lentement gradués, on constate la supériorité d'action du courant ascendant. Le premier effet du dépérisse- ment est d'égaliser l'action des courants ascendant et descen- dant de même force, puis bientôt de rendre prédominante celle de ce dernier. Cette inversion s'explique aisément par les changements rapides de l'excitabilité : celle-ci, plus considé- rable au début, près de la section, devient peu à peu égale, puis inférieure à celle des parties du nerf plus rapprochées du muscle. Nous avons vu, en outre, qu'à partir d'une certaine intensité, le courant ascendant agissant sur le nerf frais cesse de produire des secousses, non par suppression de l'excitation elle-même, mais par suite de l'obstacle opposé par la région anélectrotonisée au transport de cette excitation jusqu'au mus- cle. Si, après avoir noté, dans un premier essai, la force du courant nécessaire à la suppression des secousses, on interroge de nouveau le nerf à de courts intervalles, on voit la valeur de cette intensité diminuer progressivement; en d'autres termes, dans les séries croissantes d'intensités du courant as- cendant, la disparition des secousses se manifeste d'autant plus tôt que le nerf est plus altéré. C'est encore un fait facile à comprendre, si l'on considère que l'excitation produite par le pôle négatif dans les parties supérieures du nerf diminue rapidement de valeur par la mort de ces parties, tandis que, dans la région inférieure, persiste l'excitabilité, l'état ané- lectrotonique et par conséquent la résistance à la transmission continuent à se développer avec toute leur intensité.

AUTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 67

Une série de i-rapliiques recueillis dans le cours du dépéris- sement d'un neil', en repassant exactement par les mêmes degrés d'intensité, montre bien l'apparition plus tardive et la disparition plus prompte des secousses dues au courant ascen- dant. Quand l'altération des propriétés nerveuses est très avan- cée,ces secousses, dont le nombre se restreint de plus en plus, finissent par disparaître, tandis que le courant descendant conserve encore son activité.

La figure ^1 donne, sous une forme un peu différente, la démonstration du fait énoncé. Elle a été obtenue par l'excita- tion d'un nerf, en voie de dépérissement rapide, au moyen d*un courant d'intensité moyenne et constante : au début, les deux secousses sont presque égales, puis la secousse du cou- rant ascendant diminue rapidement dans le tracé A et dispa- raît dans le tracé B recueilli tout aussitôt.

Tels sont les phénomènes, d'observation facile, qu'offre le nerf dépérissant : ils représentent de simples déductions de la loi de Valli. Il nous reste à faire connaître une particularité remarquable du dépérissement, signalée autrefois par v. Bezold et Rosenthal (1), et que la loi de Valli ne permet point de pré- voir. Nous en avons obtenu la preuve graphique (fig. 22) aussi bien pour le nerf isolé que pour les préparations plus com- plexes de Ritter et de Marianini.

Disposons rapidement un nerf sur l'appareil excitateur de telle manière que la portion comprise entre les électrodes ait une longueur assez considérable. Faisons agir sur ce nerf frais un courant instantané très faible : le courant ascendant pro- duit de fortes secousses, le courant descendant des secousses rudimentaires (fig. 22, I). Examinons, à des intervalles très rapprochés, l'action du courant de même force. Nous voyons bientôt le courant descendant provoquer des secousses faibles, puis plus fortes (11, III) ; en IV, les courants des deux sens ont des actions presque égales; V, VI et VII montrent la dégrada-

(1) V. Bezold el Rosenthal, Arch. f. Anat. u.Physiol, 1859, s. 131 Voy. aussi Firehne, Dentsch. Aixh. f. Jclin. Med., 1872, X, s. 401. Rosenthal, Les nerfs et les micscles, iS18, p. 116.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NEIU S MOTEURS. 69

tioii progressive des secousses du courant ascendant et le ren- forcement parallèle des secousses du courant d(;scendanl. La nianileilalion iriiliaie est donc conipIMcnitMit renversée.

Fi^. "2-. Excitation ilu nerf i^olé [>av le courant d'iiUeiisiié iiiiuitna, asceiidaiil et descendant, pendant le dépérissement. 1 Microf., P»!iéocli. 7, 2, El. Daniel!

Il est à peine nécessaire d'ajouter que pendant toute la durée de l'expérience, le nerf est soigneusement préservé de

70 CIIAUIIO.\.\KI.-S.%LLK.

la dessiccation. Des précautions spéciales ont été prises aussi en vue d'assurer la constance du courant. Deux éléments Da- niell servent à charger le condensateur. Ces éléments ont été préparés avec des solutions saturées et leur circuit a été fermé longtemps à l'avance.

Ainsi, le nerf réagissant dans une première période au seul courant ascendant, réagit dans une deuxième aux courants des deux sens, enfin dans une troisième, au seul courant des- cendant. Le courant ascendant perd graduellement son acti- vité, le descendant acquiert peu à peu une activité qu'il n'avait pas tout d'abord. De ces deux modifications, la première n'a rien de nouveau ; elle nous est déjà bien connue et s'explique naturellement par la loi de Valli. La seconde, au contraire, plus difficile à bien observer, nous signale une particularité remarquable dans la marche de dépérissement : c'est qu'en chaque point du nerf, l'excitabilité, avant de commencer à décroître, présente une phase d'augmentation passagère.

Nous pouvons maintenant compléter notre étude de l'exci- tabilité, faite dans le premier chapitre du présent travail, et résumer les faits de la façon suivante : après une section, l'irritabilité, augmentée d'une façon absolue et immédiate dans toute l'étendue du nerf moteur, se répartit suivant une pente régulière, inclinée de la section vers le muscle. Puis, au cours du dépérissement, la perte de l'excitabilité, progressant de la section vers le muscle, est précédée, en chaque point, d'une exagération temporaire.

Suivant la saison, la température, la vigueur de la gre- nouille, les phénomènes indiqués par la figure 22 évoluent plus ou moins rapidement; les tracés successifs de cette figure ont été pris de dix en dix minutes ; la température du labora- toire était de 18 degrés. Dans ce cas particulier, l'expérience a donc duré environ une heure et quart. -

Avant de quitter ce sujet, il est intéressant d'observer que la loi des secousses du nerf dépérissant, traversé par un cou- rant faible, est tout à fait identique à celle du nerf frais excité par des courants de force croissante. Par suite de l'augmen-

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 71

latioii passagère d'excitabilité, un courant invariable agissant au début comme courant faible, agit bientôt comme un cou- rant moyen sur le nerf frais, enfin comme un courant fort sur ce même nerf frais.

§ 3. La loïKjneur de la rc't/ion excitée influe- t-ellc sur la valeur de rexcitatiou'I Las anciens électro-physiologistes (i), Pfaff, Humboldt, Rittcr, Matteucci, s'accordent à penser que pour une égale intensité, l'excitation produite parle courant, croît avec la longueur du segment du nerf parcouru. Du Bois Reyniond (4) le premier fit remarquer que l'allongement de la région excitée diminue l'intensité du courant et s'efforça d'an- nuler cette cause d'erreur par l'intercalation, dans le circuit du nerf, d'une très grande résistance ; les variations de la résistance propre au nerf étaient ainsi rendues négligeables. Les recherches de Du Bois-Reymond concernent, il est vrai, non la secousse musculaire elle-même, mais la variation négative du courant nerveux qui accompagne toujours la pre- mière ; elles montrèrent que l'allongement exerce générale- ment une action i'avorable.

Les récentes expériences de Villy (3), Marcuse (4) et Tschi- riew (5), permettent d'appliquer à la secousse musculaire le résultat obtenu par Du Bois-Reymond pour la variation néga- tive. Villy observa toutefois qu'à la fermeture, l'allongement exerce une influence favorable seulement pour la direction descendante du courant; l'action du courant ascendant parut, au contraire, à cet observateur d'autant plus forte que l'espace irrité était plus court. Villy interprète ce résultat en admet- tant que le courant excite d'autant plus fortement que la ca- thode est plus rapprochée du muscle et que l'anode en est plus •éloignée.

(1) Pour les anciennes reclierches, voir la bibliog. dans Du Bois-Reymond, Untersuch. I, s. 259.

(2) Du Bois-Reymond, Untersuch., etc., II, s. 459, 1849.

(3) Villy, Arch. f. d. gcs. PhysioL, V, s. 275, 1871.

(4) Marcuse, Verliandl. d. phys. med. Ges. in Wtïrtzburg , X, s. 158, 1877.

(5) Tschiriew, Arch. f.Anat. ii. PhysioL, s. 369, 1877. Voy. aussi Hermann, Handb. d. PhysioL, II, 1, s. 77, 1879.

72 CHARBOAHEL-SALLE.

Dans les recherches de Marcuse et de Tschiriew, les varia- tions de résistance étaient éliminées en plongeant différentes longueurs du nerf dans une solution saline traversée par le courant suivant une direction parallèle aux fibres nerveuses. D'après Tschiriew, en particulier, pour des longueurs com- prises entre 6 et 10 millimètres, l'influence favorable de l'al- lonçfement est bien manifeste.

Nous avons cherché à vérifier ce fait au moyen des courants instantanés. Il faut compter, dans ces expériences, avec deux influences perturbatrices. La première est celle des change- ments de résistance, et par suite d'intensité du courant, qui suivent nécessairement les variations de longueur d'un corps mauvais conducteur, tel que le nerf. La seconde cause d'er- reur résulte de l'inégale excitabilité du nerf en ses divers points. Pour faire varier la longueur du segment parcouru, il faut nécessairement déplacer sur le nerf au moins l'une des électrodes. Or, quand le pôle négatif, par exemple, siège prin- cipal de l'excitation, est déplacé de la section vers le muscle^ il aborde des points de moins en moins excitables, si le nerf est frais, de plus en plus excitables au contraire, si le nerf est déjà dépéri. Les effets du courant, pour une même intensité, peuvent donc varier, dans ces conditions, sans que les chan- gements de longueur du segment parcouru puissent être mis en cause. Dans le but de dégager nettement l'effet propre de ces derniers et d'éviter le double écueil qui vient d'être signalé, nous avons eu recours aux dispositions suivantes :

Pour compenser les variations de la résistance, on enlève sur la même grenouille les deux nerfs sciatiques, en les sec- tionnant immédiatement au-dessous du point d'émergence des branches fémorales, de telle façon qu'ils soient de même lon- gueur et d'un diamètre uniforme dans toute leur étendue. Un des nerfs, le nerf excité Q^i placé sur les quatre électrodes de l'appareil excitateur, et l'autre, le nerf rhéostat, sur quatre électrodes également impolarisables, consistant en fils de zinc recourbés, amalgamés, dont l'extrémité porte enroulée une bandelette de papier buvard imprégnée de sulfate neutre de

ARTICLE 1 .

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NEUFS MOTEURS. 73

zinc. Ces électrodes, fixées dans une plaque de liège, répètent dansions leurs points essentiels les conditions de la plaque excitatrice et les deux nerfs, divisés en trois portions, présen- tent des dispositions exactement similaires. Les deux appareils ainsi préparés étant introduits dans le circuit excitateur, on conçoit aisément la possibilité de maintenir la résistance inva- riable, en retirant du circuit, par le j(;u d'un distributeur con- venable, des portions du nerl" rhéostat, égales à celles qu'on y introduit par les allongements successifs de la région ex- citée.

Quant à l'excitabilité variable du ne.f, il est évidemment impossible d'en supprimer entièrement l'influence. Nous avons nous contenter d'en tenir compte dans le résultat, en fixant les positions respectives des deux pôles de la manière suivante : dans une première série d'expériences, le pôle néga- tif se trouvait près de la section du nerf, et le pôle positif venait s'appliquer successivement en trois points de plus en plus rapprochés du muscle, doués, par conséquent, d'excitabilités décroissantes. Dans une deuxième série, faite avec le courant descendant, le pôle négatif était placé près du muscle, le pôle positif occupant trois points successifs, d'excitabilités crois- santes, vers l'extrémité sectionnée. En partant de ce fait que l'excitation avec les courants faibles se produit essentiellement dans la région de l'électrode négative, la fixité de cette élec* trode doit évidemment réduire au minimum la cause d'erreur signalée.

D'après les dispositions précédentes, il est absolument né- cessaire, pour une expérience précise, d'opérer sur des nerfs très frais, présentant la répartition spéciale des degrés d'exci- tabilité qui suit immédiatement la section. Il faut encore que l'expérience soit rapidement conduite afin qu'aucune modifi- cation notable des propriétés du nerf n'ait le temps de se pro- duire. Dans la plupart de nos expériences, nous ne nous sommes pas borné à admettre, sans preuve directe, que ces conditions étaient bien réalisées : par un essai rapide, fait après l'expé- rience, nous avons vérifié la persistance de cet état du nerf, si

74 €'IIAKBO.\:\EL-SALI.E.

fugitif dans certaines conditions physiologiques de la gre- nouille.

Dans quelques recherches préliminaires, nous avons vu, en l'absence de toute compensation des changements de résis- tance, des secousses tout à fait égales répondre aux irritations successives des trois longueurs différentes du nerf, pour un même degré de l'échelle du rhéochorde; c'est-à-dire que, dans ce cas, l'influence favorable de l'allongement neutralisait l'effet de la résistance augmentée. Mais dans toutes les expériences cette résistance fut maintenue constante, les tracés indi- quent une supériorité manifeste de l'action excitante, en rap- port avec l'accroissement de longueur, soit par la valeur dimi- nuée de l'excitation minima, soit par l'amplitude plus grande de la secousse.

Il importe de remarquer que, pour démontrer l'influence de l'allongement, il est essentiel d'employer des courants très faibles. D'une façon générale, avec une force d'excitation double de l'excitation minima, les secousses arrivent déjà à l'égalité pour les trois longueurs du nerf. L'influence de l'al- longement, quoique très nette, est donc en réalité assez faible.

D'autres faits ressortent encore de l'examen des tracés. En premier lieu, et contrairement à l'opinion de Villy, l'allonge- ment de la région excitée manifeste son influence quel que soit le sens du courant. Nous avons reconnu en outre que cette influence ne croît pas proportionnellement à la longueur du segment nerveux. En doublant la longueur on l'épuisé, en effet, presque tout entière, et les allongements ultérieurs de- meurent à peu près sans action.

La figure 23 montre les différents faits qui viennent d'être indiqués.

Il est intéressant de rapprocher ces faits de ceux qu'a dé- couverts Pfliiger dans ses recherches sur l'excitabilité dans l'état électro-tonique (1). L'allongement de la région parcou-

(1) Pflùger, Untersuch. iiber die Physiol. des Eloctrolonus, 1859.

AUTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. /^

nie iu'cr()it,(raitrèsPnng('i', riiilensiU' du phénomène jusqu'à nii iiiaximum an delà duquel tonl alloni^^cnnent ullérieurest sans ellel. Il existe donc une siniililnde complète, sous ce lap-

Fig. 23. Influence de la longueur de la région ialra-polaire. Avec les intensités 1, 2, 3, on excite successivement trois longueurs différentes du nerf, en commençant par la plus faible (1" ligne en bas, dans chaque tracé). Tracés I et III, courant ascendant; II, courant descendant. 3. El. Daniell, 1 Microf.

port, entre les manifestations de l'électrotonns et les phéno- mènes d'excitation.

Nous avons admis précédemment que l'excitation par les courants instantanés très faibles a pour siège principal laça-

76 CBIARBO^^KL-SALLl-:.

thode, c'est-à-dire la région du pôle négatif; c'est un fait admis par tous les expérimentateurs. L'influence favorable de l'al- longement implique nécessairement cet autre fait que l'excita- tion, même la plus faible, ne doit pas avoir pour siège exclusif le point occupé par l'électrode négative, mais doit prendre naissance aussi dans une certaine étendue du segment nerveux, soit dans la partie intrapolaire, soit dans la partie extrapolaire. Gela serait d'ailleurs conforme à la théorie de l'excitation de Pflûger, d'après laquelle l'irritation est engendrée par l'établis- sement du catélectrotonus . Voici une expérience, propre à dé- montrer directement ce fait que l'activité nerveuse est mise enjeu, non en un point ou sur un très court espace, mais bien dans une région assez considérable du cordon nerveux. Un nerf frais est disposé sur trois électrodes (fig. 3), et les rela- tions de celles-ci avec le condensateur sont établies de telle façon que l'électrode médiane soit toujours négative, tandis que les extrêmes sont positives. Los décharges seront donc descendantes dans le segment supérieur, ascendantes dans le segment inférieur. La figure 24 (I, II, III) montre, à gauche, les secousses produites par la décharge ascendante parcourant le segment inférieur, avec dix intensités successives; adroite, les secousses produites par la décharge descendante, parcourant le segment supéiieur.

L'examen du tracé I nous montre que le segment inférieur donne la première secousse seulement à l'intensité 7, tandis que le segment supérieur réagit déjà à l'intensité 2.

L'interprétation de ce résultat nous paraît bien simple.

Si nous écartons toute influence propre au sens du courant (voy. p. 44), si nous admettons d'autre part l'inactivité du pôle positif des courants instantanés très faibles, ainsi que nous l'avons rappelé ci-dessus, il nous reste pour toute explication, l'influence propre aux différences d'excitabilité des deux ré- gions du nerf, la région supérieure étant plus excitable que l'inférieure sur le nerf récemment sectionné. Mais pour qu'une telle influence puisse s'exercer, il faut nécessairement que l'irritation ait pour siège, non une courte portion du nerf, un

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 77

poinl en conlact avec l'électrode négative, mais bien une cer- taine étendue de ce nerf; et l'écart considérable (ini se révèle

dans l'apparition des secousses nous indique que la région mise en activité doit avoir une assez grande longueur.

78 CHAItBO.WIOL-KAI.LI;:.

Ce résultat est d'ailleurs parfaitement conforme aux lois de l'électrotonus : Pflûger a démontré, en effet, que le catélec- trotonus développé au pôle négatif s'étend dans la région intra- polaire sur une étendue d'autant plus considérable que les courants sont plus faibles. Or, pour notre expérience, nous avons employé des courants dont le plus intense surpasse fort peu l'intensité minima.

Quant aux tracés II et III, pris à quelques minutes d'inter- valle, ils permettent de suivre la marche du dépérissement. On voit, en les comparant au tracé I, que la partie supérieure du nerf devient de moins en moins excitable ; dans la partie inférieure au contraire, la perte définitive de l'excitabilité est précédée d'une augmentation très sensible, phénomène re- marquable sur lequel nous avons déjà appelé l'attention.

§ 4. Influence de l'accroissement iVintensité de l'excitant sur la hauteur des secousses. Les contractions supra-maxi- males. — C'est un fait depuis longtemps connu que des irrita- tions de force croissante, appliquées à un nerf, donnent lieu à des contractions du muscle de plus en plus énergiques. Il s'agit de déterminer exactement, pour une longue série d'in- tensités, le rapport existant entre la force excitatrice et la hau- teur ou l'amplitude de la secousse.

Les diverses recherches publiées sur cette question, dans ces vingt dernières années, ont donné des résultats assez dis- cordants. Hermann (i), en 1861, a trouvé « que pour des excitations régulièrement croissantes, l'énergie du muscle aug- mente d'abord très vite, puis de plus en plus lentement, et atteint bientôt un maximum ». Fick (2), au contraire, a vu qu'entre certaines limites, les secousses s'élèvent proportion- nellement à l'excitation, puis atteignent leur maximum et ces- sent de croître. Ce physiologiste a observé, de plus, avec les courants de courte durée, ce fait remarquable que, pour un

(1) Hermann, Arch. f. Anat. u. Plii/siol., 1861, s. 392.

(2) Fick, Siizunfjaber. cler Wiener Akad., 1862-G3.

Pour les publications ultérieures de Fick sur le même sujet, voir la bibliogra- phie très complète dans Hermann, Handbuch, etc., 1879. . \ ' . : AIîTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 79

accroissement ultérieur de l'excitant, il se produit une nou- velle élévation des ordonnées au-dessus du premier maximum, et bientôt, par une ascension graduelle, un second nïaxinunn. Quand le courant devient d'une intensité excessive, le même fait peut se produire encore un certain nombre de fois : ce sont les maxima secondaires, tertiaires, de la contraction. Ces se- cousses supra-maximales, « secousses en escalier », ont été regardées par Fick comme le résultat de la superposition de deux excitations, une de fermeture et une d'ouverture, qui, suivant les auteurs allemands, seraient condensées dans un courant de courte durée. Nous avons dit plus haut ce qu'il fallait penser de cette explication.

Nous avons cherché à nous faire une opinion personnelle sur cette relation entre la force de l'excitant et la hauteur de la contraction; et nous avons mis en usage, pour ces expériences, aussi bien le courant continu que les décharges du condensa- teur. Il ne sera question ici que de recherches faites avec le courant descendant, le seul dont l'effet excitant puisse libre- ment parvenir au muscle dans les séries croissantes d'inten- sités. Il est évident que l'emploi du courant ascendant, en rai- son de l'obstacle à la transmission dans la région du pôle positif, compliquerait singulièrement la question.

La plupart de nos expériences ont été faites, suivant la mé- thode d'excitation ordinaire ou bipolaire, quelques-unes sui- vant la méthode unipolaire. Dans le premier cas, le nerf, fraîchement préparé et isolé, était porté sur l'appareil repré- senté figure 3. Dans le second cas, les électrodes impola- risables étaient appliquées tantôt à travers la peau , tantôt directement sur le nerf dénudé. Sans insister sur les détails techniques exposés déjà dans la première partie de ce travail, nous indiquerons seulement deux conditions essentielles : I" la nécessité d'une graduation très réatulière du courant; 2" l'accroissement extrêmement lent des intensités, au moins entre certaines limites. Ces limites sont, d'une part, la valeur minima produisant une très faible secousse, d'autre part l'in- tensité pour laquelle la contraction atteint sa plus grande am- plitude.

80 C'HAUBOWKL-fiALLE.

Ces deux conditions ont été facilement réalisées, surtout en ce qui concerne les décharges du condensateur, grâce à la méthode d'excitation et au rhéochorde dont nous disposons.

Enfin, il est à peine nécessaire d'ajouter que, dans chaque expérience, le poids soulevé par le muscle restait constant et fixé au levier du myographe à une distance invariable de l'axe de rotation.

L'examen d'un grand nombre de tracés, obtenus en excitant le nerf suivant la méthode ordinaire ou bipolaire, soit par le courant continu, soit par le courant instantané, conduit aux résultats suivants:

Pour un accroissement très lent et réguher de l'intensité, la courbe des contractions ne suit pas celle de l'intensité, mais s'élève d'abord suivant une marche beaucoup plus rapide, puis de plus en plus lentement; elle ne tarde pas en général à atteindre un maximum à partir duquel les secousses conser- vent indéfiniment la même amplitude ou ne présentent que des augmentations à peine sensibles pour une longue série d'in- tensités. Jamais, dans les conditions indiquées, nous n'avons vu se produire avec les décharges du condensateur les secousses supra-maximales signalées par Fick.

La figure 25 montre ce mode d'accroissement des secousses dans les limites comprises entre la minima et la maxima. Les tracés de la figure J 8 font voir nettement qu'à partir de la secousse maxima l'accroissement s'arrête et que la ligne unis- sant les sommets des contractions ultérieures est sensiblement droite et non brisée, comme dans le schéma des expériences de Fick (i).

Il est donc très probable que les secousses surmaximales ne résultent pas d'une propriété spéciale du nerf moteur, ni de la somme de deux excitations condensées dans le courant instan- tané, hypothèse que nous considérons comme fausse au point de vue physique, mais bien du jeu imparfait de l'appareil exci- tateur employé dans ces expériences.

(I) Voy. Ilermann, Handbuch, etc., s. 107, 1879.

AUTICLE N" 1 .

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES \ERFS MOTEURS. 81

Parmi les recherches récentes, aucune n'a conduit à 1;» conslatation du phénomène observé par Fick. M. Chauveau (1), dans ses tracés d'excitation unipolaire par les flux instantanés, Cyon ('2), dans ses expériences sur l'hoinme, ne l'ont point

Fig. '-25. Mode d'accroissonient des secousses pour une force croissaiiLe du courant. 20 El. Danicll, 1 Microf. Le curseur du Rliéocliorde descend par centimètres.

observé. Enfin, s'il est permis de rapprocher l'excitation méca- nique des nerfs de l'excitation électrique, nous rappellerons que Tigerstedt {loc. cit.) n'a pas vu se produire, pour une force d'excitation croissante, les contractions supra-maximales.

D'après les faits exposés, on voit que la série des contrac- tions obtenues par des excitations croissantes se divise en deux stades : le premier est caractérisé par la marche ascendante des secousses, le second par la constance indéfinie de leur am- plitude. En ce qui concerne le premier stade, nos tracés con- cordent avec les résultats anciens de Hermann; ils montrent, en effet, l'accroissement des secousses d'abord plus rapide que celui du courant, ensuite de plus en plus ralenti. Nous avons rappelé que Fick avait, au contraire, trouvé l'accroissement

(1) Chauveau, Comptes rendus de l'Acad. des se, 13 décembre 1875. {i) Cyon, Principes d' électrothérapie, p. 149, 1873.

n. ÉTUDES, se. NAT. XXIV. 6. ART. N" 1.

8''2 €11 arko\.\i<:l-n ALi.ic .

proportionnel. M. Ghauveau, par l'excitation unipolaire, a vu que le nerf normal réagissait de deux façons différentes au pôle positif : (( L'accroissement de cette action du pôle positif est souvent rétiulier, comme l'accroissement du courant lui- même. Dans ce cas, la ligne qui représente la série des contrac- tions est une droite oblique, plus ou moins ascendante ; d'autres fois, l'accroissement, d'abord très rapide, le devient de moins en moins, à mesure qu'on se rapproche du maximum de con- traction des muscles; la ligne des contractions est une courbe dont l'extrémité ascendante est plus ou moins surbaissée. » D'après Cyon, chez l'homme, l'étendue de la contraction de l'adducteur du pouce croît proportionnellement à la force d'excitation. Enfin, Tigerstedt, par l'excitation mécanique du nerf sectionné, obtient un résultat conforme à celui de Hermann et au nôtre. La raison de ces divergences ne saurait être don- née avec certitude et les conditions exactes des phénomènes nous échappent quant à présent. Mais il ressort toutefois de cet exposé l'impossibilité d'affirmer, à l'exemple de Cyon, la sub- ordination absolue de l'irritation nerveuse à la force de l'ex- citant employé.

En terminant ce paragraphe, nous appellerons l'attention sur une particularité essentielle qui se révèle dans un certain nombre de tracés. Il s'agit d'une augmentation manifeste de la durée de^ contractions en rapport avec l'accroissement continu de l'intensité (1). Après que le raccourcissement musculaire est arrivé à son maximum et que, par conséquent, les secousses cessent de s'élever, le renforcement du courant n'est donc pas dénué de toute influence : son action se traduit par un relâ- chement d'autant moins brusque que l'excitation a été plus forte. Cette augmentation de la durée des secousses est bien ici le fait de l'activité plus grande du courant et non celui de la fatigue, dont elle constitue, à la vérité, un caractère habi- tuel et classique. Dans le cas de fatigue, en effet, l'allongement de la secousse s'accompagne généralement d'une diminution

{]) Voy. Ghauveau, 5* Note sur l'excitation unipolaire, Comptes rendus de rAcad. des se, 13 décembre 1875.

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EXCITATION ÉLECTUIUUE DES NEUFS MOTEURS. 83

notable de son ainplitndc. Or, dans les cas que nous avons •observés, la durée augmentée est indépendante de toute dimi- nution d'amplitude. Wundt (1), dans un ouvrage récent, éta- blit une relation étroite entre la hauteur et la durée des se- cousses produites par des courants de courte durée : <k Sur les nerfs vivants, dit-il, la liauteur et la durée du raccourcisse- ment musculaire sont unies par une telle dépendance que régulièrement la plus haute secousse est aussi la plus longue, et la secousse la moins élevée la plus courte. » Cette loi, •d'après Wundt, n'est pas seulement valable pour les contrac- tions obtenues en faisant croître l'intensité du courant; elle s'applique également au cas différents points d'un nerf, •doués d'inégale irritabilité, sont excités successivement par un même courant : c'est ainsi que les parties supérieures donne- raient des contractions à la fois plus hautes et plus longues que les parties inférieures.

Nous avons vu que, pour une série d'intensités croissantes, la secousse cesse bientôt de s'élever, tout en devenant de plus en plus longue par suite de l'allongement de la période d'éner- gie décroissante; il peut donc y avoir une véritable dissocia- tion entre les deux caractères essentiels de la secousse. La relation signalée par Wundt présente ici une exception évi- dente et ne peut être admise d'une façon absolue. Mais si nous considérons seulement la phase (ïélévation progressive des secousses, depuis l'intensité minima jusqu'à celle qui corres- pond à la plus grande hauteur, cette relation paraît au con- traire se vérifier d'une manière assez constante. Il est malheu- reusement difficile, dans certains cas, de distinguer nettement sur la ligne d'abscisse, le début et la fin des contractions; cette dernière surtout, quand le relâchement se fait avec lenteur, est traînante et presque impossible à reconnaître. Par des mesures exactes, prises sur les tracés les plus favorables, nous avons constaté néanmoins l'accroissement simultané de la hauteur et de la durée : la figure 9, I, montre un exemple très

(I) Wiimlt, Uiitc)\<uch. znr Mcckanik der Nerven, 1876, s. 177.

84 charbomwel-^alle:.

net de cette relation. Il est à noter que l'accroissement de durée est, en général, indépendant de la période de raccourcissement musculaire; il tient surtout à la lenteur plus grande de la période de relâchement; celui-ci présente souvent, à un niveau plus ou moins élevé, un ressaut brusque et s'achève ensuite suivant une courbe à grand rayon.

Eu résumé, nous pouvons énoncer d'une façon générale le rapport entre la valeur de l'excitant électrique et la forme de la contraction, en disant, qiià partir de la secousse minima, la hauteur et la durée vont en augmentant jusqu'à ce que la pre- mière atteigne son niveau le plus élevé; la durée seule continue alors sa marche progressive.

CHAPITRE [III

ACTION DU COURANT TRANSVERSAL

Le courant dirigé normalement à l'axe du nerf est-il apte à produire l'excitation? Cette question a été, dès les premiers temps de l'électro-physiologie, le sujet d'intéressantes recher- ches qui, pour la plupart, ont semblé autoriser une réponse négative.

Galvani (i) a vu le premier qu'un nerf placé en croix sur un fil humide ou sur un autre nerf traversé par un courant, ne provoque, dans le muscle, aucune contraction. Il admit, d'après cette expérience peu rigoureuse, que le courant trans- versal est inactif, opinion qui fut d'abord partagée par Hum- boldt, puis par Ritter, Joh. Mûller, Du Bois-Reymond, avec cette restriction que de très forts courants peuvent, dans les conditions indiquées, produire quelques secousses. Mat- teucci (2) essaya une démonstration nouvelle du même fait, à l'aide d'un procédé différent, indiqué par lui dès 1838 et dont l'application a été variée de diverses manières. Parmi les expé-

(1) Pour l'ancienne littérature, voy. Du Bois-Reymond, Untersucli., etc., I,

s. 296.

(2) Matteucci, Biblioth. univers., XVIII, p. 359.

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EXCITATION ÉIECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 85

rieiices de Matteucci, restées classiques, rappelons la plus connue (1), celle dans laquelle le nerf d'une patte de grenouille était coupé parle milieu, ses deux bouts écartés, le nerf d'une autre patte de grenouille placé en croix dans l'intervalle et une goutte d'eau étalée au })oint de croisctncnt pour établir à ce point l'union des trois conducteurs nerveux. Un courant tra- versant le premier nerf d'un segment à l'autre faisait contrac- ter la première patte, tandis que la seconde, dont le nerf était croisé par le courant, restait en repos.

Vers la même époque, Longct et Guérard (2), puis Cl. Ber- nard (3), furent conduits par leurs expériences à nier le pouvoir excitateur du courant transversal, tandis que du Bois Rey- mond (4) lui refusait de son côté la propriété de développer dans le nerf les phénomènes de polarisation qu'il venait de découvrir et qui se produisent constamment quand le courant parcourt le cordon nerveux dans le sens longitudinal. Pflû- ger (5), qui vérifia ce fait, le regarde comme une confirmation de la théorie générale, suivant laquelle l'excitation électrique est intimement liée à la naissance et à la disparition de l'élec- tro tonus.

M. Chauveau (6) admet au contraire «. qu'il n'existe en réalité aucune différence d'action entre les courants transver- saux et les courants longitudinaux ». D'après ses expériences, faites non seulement sur des nerfs de grenouille, mais sur le facial du cheval, plus favorable par son volume à des observa- tions précises, on ne saurait douter que le courant perpendi- culaire à l'axe du nerf ne provoque des contractions. Les cou- rants longitudinaux, il est vrai, agissent toujours plus énergi-

(i) Le même, Traité des phénom. électro-physiol. des animaux, 1844, p. 219. Voy. aussi Cours d' électro-physiol., 1858, et Comptes rendus de VAcad. des se'., XLVIII, 1859.

(2) Longct et Guérard, Bull, de la Soc. philom., 1842.

(3) Cl. Bernard, Leçons sur la physiol. et lapathol. du syst. nerv., 1858.

(4) Du Bois-Reymond, Untersuch., etc., 1849, s. 344.

(5) Pflùger, Physiol. d. Electrotonus, J859.

(G) Chauveau, Théorie des effets physiol. prod. par l'élect.. Journal de la physiol, 1859-60, p. 298 (3« mémoire).

S6 CHARBO.\.\f:L-SALLE.

quement que les transversaux : mais cette différence s'explique par cette considération que l'électricité, en traversant un nerf^ est moins condensée qu'en le parcourant suivant la direction de ses fibres. Dans le premier cas. en effet, le diamètre du conducteur est représenté par la section longitudinale du cordon nerveux ; dans le second cas, au contraire, il est mesuré par la section transversale du nerf.

Dans ces dernières années, divers expérimentateurs ont recherché, à l'aide d'une méthode tracée par Hermann (1), et dont le principe appartient à Matteucci, une relation générale entre l'angle d'incidence du courant et la force d'excitation, relation dont le courant transversal représente un cas particu- lier. Ce procédé, employé par Luchsinger (^), A. Fick (3), Tchirjew (4), Albrecht et Meyer (5), consiste à plonger le nerf dans un liquide sont immergées les électrodes, de telle façon qu'il croise à angle droit la ligne droite qui réunit celles-ci, et par conséquent les courants dérivés qui diffusent dans toute la masse liquide. Tandis que les résultats de Fick indiquent une proportionnalité assez exacte entre l'influence excitatrice du courant et le cosinus de l'angle d'incidence, ce qui réduit au zéro l'action du courant transversal, Tschirjew déduit de ses recherches une relation beaucoup plus compliquée et attribue au courant transversal une action excitatrice très marquée. Enfin, d'après Albrecht et Meyer, le nerf exactement perpen- diculaire à l'ensemble des courants dérivés n'est pas excitable par les plus forts courants de pile ou d'induction.

On voit par ce rapide exposé des méthodes employées et des résultats obtenus depuis Galvani jusqu'à nos jours, que l'accord est loin d'être fait entre les physiologistes ; suivant l'opinion du plus grand nombre, un accroissement de l'angle d'incidence du courant produirait une diminution de son pouvoir excitateur-

(1) Hermann, Arch. f. d. ges. Physiol, XII, s. 152, 1869.

(2) Voy. Hermann, Handb., elc, s. 80, 1879.

(3) A. Fick, Wurtzburg. Verhandl. IX, s. 228, 1876. (i) Tchirjew, Arch. f. d. ges. Physiol. , s. 369, 1877.

(5) Albrecht el Meyer. Yoy. Hermann, Handb. der Physiol. s. 81.

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EXCITATION ÉLECTRIQUE DES .NERFS MOTEURS. «S?

et. pour l'angle de IK) degrés, une suppression eoinplète de celui-ci. Ce dernier point seulement sera pour nous l'objet d'un examen détaillé ; car nous i-egardons comme illusoire la recher- che d'une relation exacte entre l'incidence du courant et la valeur de l'excitation. Il est impossible, en efTet, de faire varier la position du nerf par rapport aux électrodes opposées, même d'une quantité minime, sans modifier en même temps d'autres conditions, telles que la densité du courant dans le nei"f, la résistance opposée par le tissu nerveux au passage de l'électricité, etc., conditions qui influent beaucoup sur le résultat de l'expérience.

Quant à l'influence propre du courant transversal, nous devons examiner tout d'abord si les faits sur lesquels on s'ap- puie pour lui refuser le pouvoir excitateur sont bien probants et résistent à toute objection. Dans les cas le nerf, immergé dans un liquide ou placé en croix sur un fd humide, ne réagit pas au courant qui traverse le liquide ou le fil, rien ne prouve que des ramifications appréciables de ce courant aient suivi la voie des éléments nerveux. Un phénomène remarquable décou- vert par Hermann (1) en 1871 doit même contribuer à restrein- dre beaucoup la pénétration du courant : nous voulons parler de la résistance opposée par le tissu nerveux dans le sens transversal, laquelle se montre environ 5 ou 6 fois plus grande que la résistance longitudinale. Quant aux expériences (Joh. Mûller, Du Bois-Reymond, Chauveau) la contraction musculaire a suivi l'application d'un courant transverse, les partisans de l'opinion courante les expliquent, un peu arbitrai- rement, par la diffusion longitudinale de l'électricité, à droite et à gauche des électrodes, diffusion inévitable dans toute expérience de ce genre et dont le procédé de Hermann seul paraît être entièrement exempt.

Ainsi les résultats négatifs signalés par la majorité des physiologistes, aussi bien que les résultats positifs obtenus par quelques-uns sont également entachés d'un doute : quant aux

(1) Hermann, Arch. f. d. fjcs. Physiol., V, s. 2'29, 1871.

88 €HAUBO.\:%li:i.-NALLE.

premiers, il n'est pas bien certain que le courant ait traversé le nerf, et, quant aux autres, il est permis d'invoquer, pour leur explication, les dérivations longitudinales. Il faudrait donc, pour résoudre rigoureusement la question du courant trans- versal, d'une part assurer le passage de l'électricité à travers le nerf; d'autre part, atténuer la diffusion du courant dans le sens longitudinal au point d'en supprimer l'action : deux conditions essentielles, dont la première peut être aisément remplie dans la pratique, tandis que la seconde, en vertu des lois qui régissent la propagation des courants, échappe presque complètement à tout procédé expérimental.

Pour réaliser la première condition, c'est-à-dire le passage certain du courant à travers le nerf, le procédé le plus sûr consiste évidemment à disposer celui-ci entre deux électrodes opposées dont l'écartement soit égal à l'épaisseur du cordon nerveux, de telle façon que celui-ci achève à lui tout seul la fermeture du circuit excitateur. L'appareil que nous décrirons plus loin est disposé d'après ce principe, indiqué autrefois par M. Chauveau, et rejeté comme très défectueux par les physio- logistes allemands. L'expérience nous a fait voir que ce procédé peut donner des résultats très précis et dignes d'intérêt.

Quant à la diffusion inévitable de l'électricité suivant la longueur du nerf, nous devons nous contenter de la véri- fier et d'en mesurer, jusqu'à un certain point, l'étendue, par l'étude des courants électrotoniques qu'elle détermine dans les parties extrapolaires ; en outre, dans l'interprétation des résultats de l'excitation nous tâcherons de faire la part des effets qui lui sont propres et de ceux qui peuvent appartenir au vrai courant transversal qui, suivant le plus court chemin, traverse normalement le cordon nerveux.

Les considérations générales que nous venons d'exposer et les réflexions critiques qu'elles suggèrent, étaient nécessaires, croyons-nous, pour préciser nettement les termes de la ques- tion et aussi pour faire apprécier les difficultés techniques que présente l'élude du courant transversal, une des plus intéres- santes pour le physiologiste, non-seulement à titre de curiosité

AUTICI.E N" 1.

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scientifique, mais parce qu'elle touche de près à un problème fondamental, la coiniaissance du mode d'action intime de réleclricilé sur les nerfs moteurs.

Pour nos recherches, dont le principe a déjà été brièvement indiqué, nous nous sommes servi de l'appareil représenté dans la figure 26. Il consiste essentiellement en deux plaques

Fig. 26. Appareil pour Texcitation du nerf isolé, par le courant transversal.

métalliques, épaisses de 5 millimètres, serrées entre deux lames de glace parallèles et pouvant glisser entre ces deux lames de manière à s'écarter ou à se rapprocher l'une de l'autre. Une vis de pression, à chaque extrémité, permet d'assurer un degré convenable de frottement et de rendre impossible tout dépla- cement imprévu des électrodes, au cours de l'expérience; celles-ci présentent d'ailleurs deux saillies latérales, qui s'ap- puient sur le bord supérieur des lames et mettent obstacle au glissement de haut en bas ; elles sont en outre munies d'une borne s'engagent les fils conducteurs isolés, très fins et tordus en spirale. Enfin tout l'appareil est enchâssé, àdemeure fixe, dans une plaque de caoutchouc durci disposée pour s'adapter au myographe et supporter une cage en verre. Aux bornes latérales sont adaptés des fils de zinc amalgamé, dont

90 CHAKBO^.^EL-SAIXi:.

les extrémités inférieufes plongent dans deux tubes de sulfate de zinc, recourbés au-dessous de la plaque et présentant sur la ligne médiane de l'appareil une extrémité ouverte, de façon à permettre la dérivation des courants électrotoniques par des électrodes impolarisables.

Une patte de grenouille récemment préparée étant fixée sur l'appareil, le nerf qu'on a laissé appendu sur une grande longueur, repose sur le bord supérieur des lames de verre parallèles dont il croise le plan dans une direction exactement perpendiculaire. Les deux électrodes métalliques sont rappro- chées avec précaution de part et d'autre jusqu'à ce que cha- cune d'elles arrive au contact du cordon nerveux. Toutes les parties de l'appareil étant dressées et ajustées avec le plus grand soin, il est évident qu'un courant, pour passer d'une électrode à l'autre, sera forcé de traverser le nerf dans un sens parfaitement transversal .

On peut reprocher h ce dispositif de permettre la polarisa- tion des électrodes, puisque le nerf est en contact immédiat avec des snrfaces métalliques. Mais cette imperfection, qu'il nous est impossible de supprimer, n'est pas très grave quand on n'emploie pas les courants continus et qu'on utilise seule- ment, comme nous l'avons fait, les décharges du condensateur à microfarads ou de la bouteille de Leyde, dont le pouvoir polarisant est très faible, h raison de la minime quantité d'élec- tricité qu'elles mettent en mouvement.

Examinons maintenant les résultats de l'expérience ainsi disposée. En lançant la décharge à travers le nerf, alternati- vement dans un sens et dans l'autre, grâce au jeu du conden- sateur, on constate d'abord un premier fait : c'est que, pour ob- tenir des contractions musculaires, il faut avou^ recours à une intensité minima surpassant notablement celle qui suffit, en général, à l'excitation du nerf, parcouru dans le sens longitu- dinal. Cette particularité, que nous avons constamment obser- vée, s'explique aisément si l'on se rappelle la grande résistance transversale du nerf signalée par Hermann, et la fiiible den- sité que doit avoir le courant, disséminé dans un conducteur

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EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 91

dont la section est très considérable, ainsi que nous l'avons expliqué ci-dessus. Il n'y a donc rien qui doive nous sur- prendre. Mais un phénomène plus singulier, etdont l'interpré- tation n'est pas aussi simple, appiuaUau cours de l'expérience : pour certaines intensités de la décharge, les secousses ne se produisent pas indifTéremmenl avec les deux sens, malgré la similitude complète qui existe dans les rapports du cordon nerveux et des deux électrodes ; le passage du courant dans un sens produit une forte contraction et ne produit rien quand la direction a été renversée.

Un examen attentif nous fit promptement reconnaître que cette irrégularité dans la production des secousses n'est qu'ap- parente, et l'inscription graphique du phénomène (fig. 27) pour une série d'intensités croissantes nous a permis d'en trouver la loi. En partant de l'intensité minima on voit d'abord les secousses apparaître exclusivement pour un sens déterminé du courant (I) ; une intensité plus forte les rend égales pour les deux directions, et cette égalité persiste fort longtemps (II) ; enfin, une force très considérable du courant finit par amener une inversion remarquable du phénomène : les secousses diminuent et peuvent même faire défaut quand le nerf est traversé suivant la direction qui, tout à l'heure, était seule efficace (III).

Pour interpréter le mode d'action de l'excitant, unilatéral et inverse pour les intensités extrêmes, bilatéral avec les inten- sités moyennes, il faut se rappeler d'abord que le sciatique de la grenouille n'est pas plexiforme, et que les tubes nerveux dont il se compose sont associés en faisceaux distincts, se sépa- rant à la partie inférieure de la cuisse en deux groupes, le poplité interne et le poplité externe. Il est facile, sur une gre- nouille vivante, de fendre longitudinalement le sciatique en deux moitiés et d'isoler ainsi l'un de l'autre deux faisceaux principaux, qu'une gaine commune unit, à l'état normal, en un seul cordon nerveux. Si l'on excite isolément les deux moi- tiés du sciatique, on voit que la moitié interne provoque des contractions dans le gastrocnémien et les muscles postérieurs

I

EXCITATION ÉLECTRIQUK DES NEUFS MOTEURS. 93

et profonds de la jambe ; que la moitié externe, au contraire, laisse le gastrocnémien immobile et fait contracter le groupe musculaire antérieur. Cette expérience bien simple suffit à prouver que les doux poplités, simplement accolés, poursui- vent leur trajet dans la cuisse en conservant leur indépendance et leur situation relative.

Si maintenant nous examinons avec soin les rapports de chaque électrode, alternativement positive et négative, avec le nerf sciatique, disposé de telle façon que le plan des deux poplités soit horizontal, nous voyons la contraction du gastro- cnémien se montrer, en premier lieu, quand le sens du courant est tel, que l'électrode en contact avec le côté interne du cordon nerveux, c'est-à-dire avec le poplité interne, soit néga- tive ; et, pour les intensités très fortes, quand cette électrode est au contraire positive.

Cette remarque nous indique aussitôt que nous sommes en présence d'un cas particulier d'excitation unipolaire, et les lois établies par M. Chauveau trouvent ici leur application (1). On se rappelle que, d'après notre savantmaître, lenerf est excité d'abord par le pôle négatif, puis réagit bientôt également aux deux excitations ; on sait aussi qu'un accroissement continu de l'intensité finit par annuler l'influence du pôle négatif, tandis que le pôle positif conserve indéfiniment son activité.

Ainsi, le mode d'excitation transversale que nous avons adopté est réductible à une forme spéciale de l'excitation uni- polaire, appliquée à deux nerfs différents du même animal ; seulement, dans notre cas, les deux nerfs sont appliqués l'un à l'autre dans toute leur longueur au lieu de se trouver éloia^nés et séparés par une masse considérable de tissus.

Si l'explication précédente est bien fondée, il doit être pos- sible de renverser à volonté le sens du phénomène, en rendant inverses, par un changement de situation de la patte de gre- nouille, les rapports du nerf avec les deux électrodes. Une autre conséquence nécessaire, c'est qu'en disposant le nerf de

(1) Chauveau, Comptes rendus de l'Acad. des se, 2 novembre 1875.

94 CIIARBO.\:\EL->«»AH.K.

telle façon que le plan des deux faisceaux constitutifs soit ver- tical, on doit rendre la production des secousses uniforme et constante pour les deux directions du courant; dans cette situation, en effet, le faisceau poplité interne est en contacta la fois avec les deux électrodes. Les expériences spéciales que nous avons faites à ce sujet ont pleinement justifié ces deux déductions.

En disposant sur deux électrodes impolarisables, convena- blement isolées, la partie du nerf située au delà de l'intervalle des pôles excitateurs, il nous a été possible de dériver et d'étu- dier avec soin les courants électrotoniques très intenses qui se développent sous l'influence de l'excitation transversale (1). Dès que l'intensité de la décharge atteint le degré nécessaire pour provoquer une secousse, l'électromètre révèle, par les oscillations de la colonne capillaire, la production de l'élec- trotonus. L'écrasement du cordon nerveux, entre la région dérivée et la région excitée, supprime entièrement le phéno- mène, et démontre ainsi la véritable nature de ces courants. Ces manifestations électrotoniques sont-elles dues au courant transversal lui-même? ou bien aux dérivations longitudinales de ce courant, ascendantes dans une moitié du cordon ner- veux et descendantes dans l'autre moitié? (voy. fig. 28.) Cette dernière supposition, conforme à l'opinion de Du Bois-Rey- mond et de Pflûger, est rendue très probable par ce fait, que les courants électrotoniques ainsi dérivés présentent une ex- trême irrégularité, quant à leurs sens et à leur intensité. Il est aisé de comprendre qu'un segment de nerf, parcouru en même temps et en sens contraire par deux courants longitudinaux, et présentant par conséquent deux états électrotoniques in- verses, doit accuser à l'électromètre des effets très variables, suivant les points touchés par les électrodes de dérivation. Les deux états inverses peuvent même se compenser en partie, ou

(1) C'est à l'aide de l'électromètre de Lippinann que nous avons étudié l'élec- trotonus développé par les courants instantanés. La méthode suivie dans ces recherches ainsi que les résultats obtenus seront décrits plus longuement dans le 4* chapitre de notre mémoire.

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 95

s'animlor ontit'Mvmont, cas (jiii s'est pivsenlr rrt'(|ii(Mnninnl dans nos expériences.

Nous avons essayé de représenter schéniatiquement j)ar la liL;urc "iiS la disposition du nerf entre les électrodes et la dillii- sion lon-^ilndinale du couranl dans notre expérience. On voit (jue le pôle j)Ositil'élant appiiciué au côté :,^

interne du nerf sciatique, divisé en deux moitiés longitudinales par la ligne ponc- tuée 7nm' ^ les courbes décrites par le courant dans le nerf sont divergentes dans le poplité externe (PE) et conver- gentes dans le poplité interne (PI), qui touche au pôle négatif et se distribue au gastrocnémien (G). Chaque moitié lon- gitudinale du sciatique présente par conséquent deux états de polarisation de sens inverses ; et si nous considérons seulement la partie du nerf située entre les électrodes et les muscles, nous voyons que le PE est le siège d'une polarisation rig. 28. sciiéma indi-

7 7^xJ- 1-nïti •' quant le mode de diffii-

(lescendante, tandis que le P 1 est le siège sionducourant transversal d'une polarisation ascendante. Ce sont '^'"^ '' "'^'"^ '''''''^'■ exactement les phénomènes d'électrotonus décrits par Morat et Toussaint (1), dans le cas d'excitation unipolaire. Les résul- tats de l'irritation transversale, telle que nous l'avons prati- quée, au moyen d'électrodes métalliques, sont donc en par- faite concordance avec les lois de l'excitation unipolaire, soit au point de vue de la production des secousses, soit en ce qui concerne les manifestations électrotoniques.

Une vérité incontestable ressort de l'exposé précédent : c'est la possibilité d'exciter un nerf par un courant, l'application des électrodes étant rigoureusement transversale. Voilà le phé- nomène extérieur, en quelque sorte, le produit brut de notre expérience ; et les considérations auxquelles nous nous sommes

(1) Morat et Toussaint, Comptes rendus de l'Acad. des se, 1877.

96 €H.%RBO.'\Ai:L-!ii.%LLl!:.

livré, l'expliquent, croyons-nous, d'une façon satisfaisante. C'est en invoquant les courants dérivés suivant la longueur du nerf, leur direction et leur influence électrotonisante, que nous avons rendu compte du mode particulier, suivant lequel les contractions se sont produites ; rien n'a été dit du vrai courant transversal et de son action propre, c'est-à-dire de ce qui con- stitue le fond même de la question. Quelle part faut-il attri- buer dans les phénomènes observés à cette fraction du cou- rant qui traverse directement le nerf entre les deux électrodes? L'existence de ces filets directs est indubitable, et mênie, d'après les lois physiques de la difl'usion électrique, il est pro- bable qu'ils l'emportent en intensité sur les ramifications longitudinales. Notre expérience par sa nature même ne sau- rait répondre directement à cette question; elle est propre seulement à établir un rapprochement intéressant entre les faits observés dans les conditions particulières nous nous sommes placé et les lois générales de l'excitation unipolaire.

D'autre part, le désaccord que nous avons signalé entre les résultats de Tschirjew et ceux d'Albrecht et Meyer, résultats obtenus en suivant la même méthode, ne permet pas, quant à présent, de trancher définitivement la question du courant transversal proprement dit. Remarquons toutefois que l'inac- tivité de ce courant s'accorderait très bien avec nos résultats expérimentaux, puisque c'est en invoquant les dérivations lon- gitudinales que nous l'avons expliqué.

Pour compléter notre étude du courant transversal, il nous reste à rendre compte d'une série d'expériences faites suivant le procédé de Gai vani, c'est-à-dire en disposant le nerf per- pendiculairement sur un conducteur humide traversé par le courant. Pour éviter la polarisation, nous nous sommes servi d'un fil de chanvre très fin, d'une longueur de 4 centimètres, imbibibé d'une solution à 7^ de chlorure de sodium et plon- geant, par ses deux extrémités, dans les tubes à sulfate de zinc de l'appareil représenté figure 12; ce fil est main- tenu en extension, grâce à deux petits bouchons en liège qu'il traverse à frottement et qui s'adaptent exactement aux

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 97

tubes. Le nerf, placé en croix sur le fil, repos(3 par sa portion libre sur les deux électrodes de l'élcctroniètre de Lippmann; on peut donc observer simultanément les phénomènes d'exci- tation et les manifestations électrotoniques. Le résultat géné- ral de nos expériences est l'absence d'excitation, même pour de très forts courants (30 El. Daniell, n" 60 du rliéochorde), quand le nerf, récemment préparé, repose sur le 111 par sa partie moyenne, laquelle est à la fois moins excitable et plus étroite^ue la partie supérieure. Mais nous avons toujours, au contraire, obtenu et enregistré des séries régulières de se- cousses, avec des intensités assez faibles (30 El. Daniell, n" 5 du rhéochorde) lorsque le nerf était mis en contact avec le cir- cuit au niveau de sa partie extrême et plexiforme, dont l'exci- tabilité est plus forte et le diamètre plus considérable. Les secousses se produisent souvent avec les deux directions du courant dans le fil, souvent aussi elles font complètement dé- faut pour un sens, sans qu'il soit possible de saisir la raison dételles différences. Quant aux effets électrotoniques, ils sont nets et constants, toutes les fois que le nerf est excité; ils ces- sent aussitôt par l'écrasement du nerf dans la région intermé- diaire. Une influence digne d'être notée est celle qu'exerce sur le résultat de l'excitation le diamètre du cordon nerveux mis en contact avec le fil : cette influence est rendue bien manifeste par ce fait que la partie moyenne du nerf, qui donne en général un résultat négatif, est fortement excitée au contraire quand on en double le diamètre en la repliant sur elle-même avan t de la disposer en croix sur le fil. Il est très vraisemblable que, dans ce cas, l'intensité du courant dérivé qui traverse le cor- don nerveux est augmentée par l'accroissement de l'intervalle de dérivation.

II. ÉTUDES. se. NAT. XXIV. 7. - ART. iN" I

98 « llARBO:\i\EL-SALLE.

CHAPITRE IV

PRODUCTION DE L'ÉLECTROTONUS PAR LES COURANTS INSTANTANÉS

Les phénomènes physiologiques manifestés par les nerfs moteurs soumis à l'influence des courants, considérés dans leur ensemble sont de deux ordres :

Les phénomènes d'excitation ;

2" Les phénomènes électrotoniques.

Les premiers nous sont révélés, soit par la contraction mus- culaire, soit par lavariation négative du courant nerveux.

Les seconds se présentent sous deux aspects différents : nous avons affaire, d'une part, à l'électrotonus proprement dit, consistant en une production de forces électro-motrices nouvelles dans les régions extrapolaires du nerf traversé par le courant ; d'autre part, aux modifications électrotoniques de l'excitabilité. Ces deux effets des courants sont, d'après les recherches de Pflûger, Ués par un rapport si intime, que la plupart des physiologistes, surtout en Allemagne, les com- prennent sous la dénomination commune d'électrotonus.

Dans les chapitres précédents, nous avons examiné l'action physiologique de l'électricité, manifestée extérieurement par les contractions du muscle, en accordant une attention spé- ciale aux effets des courants instantanés. Cette étude nous amène à poser la question suivante : les courants instantanés possèdent-ils le pouvoir électrotonisant?

Cette question n'a jamais, à notre connaissance, reçu de solution expérimentale directe. Sans doute les physiologistes ont été conduits, par analogie, à penser que les flux instanta- nés possèdent la propriété de développer l'électrotonus; autre- ment, il y aurait entre les courants instantanés et continus une différence d'action fondamentale et peu vraisemblable. En ce qui concerne plus spécialement les modifications élec- trotoniques de l'irritabilité, Wundt (1) a montré que les cou-

{i) Wundt, Arch. f. Anat. u. PhijsioL, 1859 et 1861.

ARTICLE 1.

KXCITATIO.N KLKCTHloi i: l>i:S NKRFS MOTEL'IIS. 99

lanls tic courte diirôc sont capables de produire les mêmes ertets que les courants continus ; seulement ces efTets sont plus taibles et plus l'ugaces. Nous nous proposons, dans le présent chapitre, d'exposer les résultats de nos recherches sur l'élec- trotonus proprement dit, c'est-à-dire sur les courants déve- loppés dans les régions extrapolaires par les décharges du con- densateur micro-Faraday ou delà bouteille de Lcyde.

Une démonstration indirecte de l'état électrotonique déve- loppé dans les cordons nerveux par les flux instantanés, ressort d'un phénomène de contraction secondaire, signalé en 1860, par M. Ghauveau (1). On savait, depuis les découvertes de Du Bois-Reymond, qu'un nerf en contact par deux points, ou même par une surface plus étendue avec un muscle peut être excité au moment le muscle se contracte : c'est le phéno- mène de la contraction secondaire due à la variation négative du muscle en construction. Du Bois-Reymond avait décrit en outre la contraction secondaire produite par le contact d'un nerf avec un autre nerf excité; et il avait signalé cette particu- larité importante que l'agent électrique est seul ap e à déter- miner, dans ce cas, la contraction secondaire. Ce n'était donc pas à la variation négative du courant nerveux, mais unique- ment à l'électrotonus développé par le courant voltaïque, qu'il était possible d'attribuer le phénomène. Lorsque M. Ghau- veau obtint à son tour la contraction secondaire en employant les décharges d'électricité statique et les courants induits, la réalité de l'électrotonus produit par ces courants instan- tanés fut indirectement établie par une déduction néces- saire.

L'observation directe des états électrotoniques instantanés exige un appareil tout spécial ; les galvanomètres, communé- ment employés par les physiologistes dans les recherches d'électricité animale ne présentent point une mobilité suffi- sante, quelque léger et sensible que soit le système astatique. L'électromètre de Lippmann (2), fondé sur les relations exis-

(1) Ghauveau, Journal de laphysiol., 1860, p. 553 et suiv.

(■2) Lippmann, Thèse de Paris, 1875. Nous rappellerons que l'électromètre

100 CHARBOH'WEL-SALIiE .

tant entre les phénomènes électriques et capillaires, nous a permis, grâce à sa mobilité extrême, d'étudier minutieuse- ment l'électrotonus instantané et d'en comparer les lois avec celles que Du Bois-Reymond a établies pour l'électrotonus développé par les courants continus.

En renvoyant pour plus de détails au mémoire de l'auteur, nous indiquerons seulement ici la disposition générale et le mode d'emploi de l'appareil. Un tube vertical étiré à son extré- mité inférieure en un capillaire très fin, plonge par cette extré- mité dans un vase de verre rempli d'eau acidulée et dont le fond est occupé par une certaine quantité de mercure. Si l'on verse du mercure dans le tube, le métal pénètre dans la partie rétrécie en présentant un ménisque convexe et, si l'on n'élève pas trop la pression, demeure suspendu à un niveau fixe en vertu de la résistance capillaire. Le mercure du tube et celui du vase inférieur étant mis en communication par des fils mé- talliques avec une source d'électricité, la différence de tension électrique modifie la résistance capillaire et détermine un dé- placement du ménisque dans le sens le courant tend à se produire. Le ménisque reste dans sa nouvelle situation d'équi- libre aussi longtemps que persiste la différence des tensions; tel est le cas des courants continus. Mais l'appareil est sensible aux courants instantanés de la plus courte durée et la mobilité du ménisque est telle qu'il traduit fidèlement, par ses oscilla- tions, des différences de tension se succédant avec une grande rapidité.

Un microscope, dont l'oculaire est muni d'un réticule, est braqué sur la colonne capillaire et permet d'estimer, assez exactement, l'étendue et la rapidité des oscillations.

Le dispositif expérimental est celui qu'on emploie d'ordinaire pour la démonstration de l'électrotonus au moyen des cou- rants continus : un nerf récemment préparé est parcouru dans une certaiRC étendue par le courant polarisant ; on dérive les

de Lippniann a déjà été utilisé par Lippmann et Kuhne, pour diverses expériences électro-physiologiques, en particulier pour la variation négative du muscle sou- mis à une excitation instantanée.

ARTICLE N" -1 .

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 101

courants électrotoniqiies à une distance variable de la partie intrapolairo à l'aide de deux électrodes impolarisables termi- nant le circuit de l'électromètre. L'écrasement du nerf, pra- tiqué dans la région intermédiaire ou dérivante, doit supprimer immédialement toute manilcstation élcetroLoniqiie; c'est là, on se le rappelle, le critérium infaillible de ces phénomènes.

Pour éviter toute dérivation accidentelle des courants, ca- pable d'induire en erreur, nous avons apporté un soin tout particulier à Tisolement des électrodes de dérivation ; ces pré- cautions étaient rendues nécessaires par la facilité avec laquelle diffusent les courants instantanés, courants constitués par de faibles quantités d'électricité, mais dont le potentiel est très élevé. Deux tubes de verre, rétrécis et recourbés en crochets à leur extrémité inférieure, sont fixés à une plaque de gutta-per- cha, suspendue par quatre fils de soie d'une grande longueur à un support isolant. Après avoir introduit dans les tubes de verre une certaine quantité de kaolin humide, on achève de les remplir avec la solution de sulfate de zinc, dans laquelle plongent deux fils de zinc amalgamé; des fils de cuivre très fins et recouverts de soie font communiquer les électrodes ainsi constituées avec l'électromètre. La patte de grenouille est dis- posée sur l'appareil ordinaire (fig. 3) ; la moitié inférieure du nerf est appliquée sur les deux électrodes fixes de l'appareil, tandis que la partie extrême est soulevée sur les deux élec- trodes en crochet. La mobilité du support isolant permet de faire varier la situation de l'appareil de dérivation, d'allonger ou de raccourcir à volonté la région intermédiaire du nerf.

Jamais, avec ce dispositif, nos expériences n'ont été trou- blées par aucune diffusion accidentelle du courant polarisant, diffusion qui se produit très facilement quand on emploie des courants instantanés de forte intensité.

Notre examen a porté sur l'électrotonus développé dans trois conditions différentes d'application du courant :

Dans le cas de polarisation par le courant longitudinal ;

Dans le cas de polarisation par le courant transversal ;

Dans le cas d'excitation unipolaire.

102 CHARBOIVMEL-J^ALLK.

Nous avons indiqué déjà (p. 76) les effets du courant trans- versal relativement à l'électrotonus ; nous n'y reviendrons pas ici; quant aux phénomènes observés dans le cas d'excitation unipolaire, ils s'accordent de tous points avec ceux que Morat et Toussaint [loc. cit.) ont observés en employant les courants de pile. Nous ne saurions mieux faire que de renvoyer pour plus de détails à la note de ces physiologistes.

Nous décrirons donc seulement les résultats obtenus en électrotonisant le nerf par les courants longitudinaux.

Expériences. Un nerf frais est disposé sur l'appareil à la manière indiquée. Les électrodes de dérivation, écartées de 6 millimètres, sont appliquées sur la partie extrême du cordon nerveux, au voisinage de sa section. Introduisons, par la fer- meture de l'interrupteur, le segment nerveux dérivé dans le circuit de l'électromètre. Nous constatons aussitôt un dépla- cement du ménisque sous l'influence du courant nerveux propre, dont la direction est descendante à l'intérieur du nerf. Ce déplacement est permanent, comme le courant lui- même, et le ménisque reste immobile dans sa nouvelle situa- tion.

Faisons passer maintenant dans la partie inférieure du nerf les décharges graduées du condensateur à 1 microf., alterna- tivement ascendantes et descendantes. Dès que l'intensité de- vient suffisante pour provoquer des secousses musculaires, parfois même avec les intensités inférieures à la minima, nous voyons apparaître les états électrotoniques instantanés. La colonne de mercure oscille de part et d'autre de sa position d'équilibre, marquée par le fil transversal du réticule. Les oscillations sont très rapides; toutefois cette rapidité n'est pas telle qu'on ne puisse nettement constater une différence dans l'étendue relative des excursions de ménisque : c'est pour la direction descendante du courant polarisant que cette étendue est toujours la plus considérable. Les très faibles courants, dont l'effet polarisant est nul avec la direction ascendante, im- priment déjà au ménisque un mouvement assez sensible lors- qu'ils parcourent le nerf suivant la direction inverse.

ARTICLE N' [.

EXCITATION ÉLECTRIOIIE DES NERFS MOTEURS. 103

Pour se rendre compte de cette différence, il suffit de se rappeler les rapports des courants électrotoniques avec le cou- rant nerveux : suivant que le courant polarisant est descen- dant ou ascendant, l'électrotonus est de même sens que le courant nerveux, ou de sens opposé. Dans le premier cas, le courant nerveux est renforcé, dans le second il est atïaibli. Du Bois-Reymond a donné à ces deux états inverses les noms de phase positive et de phase négative et a démontré que cette dernière est toujours plus faible. Cette loi, établie pour les courants polarisants continus, est donc valable, d'après nos observations, pour les courants instantanés.

En examinant successivement les diverses circonstances qui influent sur le développement de l'électrotonus instantané, nous avons obtenu des résultats parfaitement conformes aux données classiques établies par Du Bois-Reymond. De même que pour les courants continus l'accroissement d'intensité produit, jusqu'à une certaine limite, un accroissement des états de polarisation, de même encore, les phénomènes sont renforcés ou affaiblis par la diminution ou l'augmentation de la distance comprise entre la région polarisée et la région dérivée. Enfin, en suivant, pendant le dépérissement du nerf, l'amoindrissement progressif de l'électrotonus, nous avons vu la phase négative diminuer d'abord plus vite que la phase positive et la différence normale s'accentuer ainsi davantage. La première demeure ensuite longtemps stationnaire, tandis que la seconde continue à s'affaiblir, de telle sorte que la dif- férence finit par disparaître.

L'influence exercée par la durée des courants instantanés sur les caractères de l'électrotonus mérite une attention toute particulière. En polarisant le nerf par les décharges du conden- sateur gradué, tantôt avec 1 microfarad, tantôt avec iO, la rapi- dité plus grande de l'oscillation de la colonne capillaire dans le premier cas frappe tout d'abord. La différence est surtout manifeste quand on compare successivement les états de pola- risation développés au moyen d'une bouteille de Leyde de faible capacité et du condensateur à 1 0 microfarads . Dans le pre-

104 CHARBOiriVl^L-^ALLE.

mier cas, le ménisque saute, pour ainsi dire, si brusquement qu'il est impossible à l'œil de le suivre ; dans le second cas, les périodes d'ascension et de descente se succédant sans inter- valle de repos, ont une durée assez considérable.

Nous avons comparé plus rigoureusement les pouvoirs élec- trotonisants des flux instantanés de diverses durées par le procédé indiqué déjà page 52. Un même nerf est polarisé suc- cessivement par deux décharges de même sens, descendantes par exemple ; l'une est fournie par 1 microfarad relié à la source de tension 10, l'autre par 10 microfarads reliés à la source de tension 1. Le nerf est ainsi traversé par des courants égaux comme quantité, et très différents sous le rapport de la durée. Cette expérience nous a conduit à constater de nouveau la plus courte durée du phénomène électrotonique produit par le cou- rant le plus bref, fait qui nous est déjà connu et que nous observons ici dans des conditions meilleures de précision. Mais nous avons encore obtenu constamment un autre résul- tat, surprenant au premier abord : en comparant sous le rap- port de l'amplitude les oscillations de Télectromètre, nous avons vu tes courants les plus bref s produire les oscillations les phs étendues. Il ne faudrait point conclure de ce résultat que Vintensitédu courant électrotonique est plus grande quand le courant polarisant présente une moindre durée ; en d'autres termes, que les courants les plus brefs possèdent, au plus haut degré, le pouvoir électrotonisant. Déjà en interprétant le phé- nomène de la lacune (p. 51), nous avons, pour des raisons physiologiques, admis une opinion toute contraire. Mais la contradiction n'est ici qu'apparente. Il suffit, pour s'en rendre compte, de se rappeler que dans l'électromètre de Lippmann l'étendue des oscillations n'est point en rapport avec Fintensité des courants, comme les déviations d'un galvanomètre, mais bien avec la différence de potentiel des deux pôles. L'élec- tromètre mesure donc seulement la force électromotrice et non l'intensité des courants électrotoniques.

En résumé, l'ensemble de nos expériences nous autorise à conclure que les états électrotoniques sont soumis aux mêmes

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEURS. 105

lois régulatrices, qu'ils soient développés par les courants ins- tantanés ou par les courants continus.

CONCLUSIONS

Les faits observés au cours de nos expériences et les explica- tions théoriques que nous en avons déduites peuvent être condensés dans les propositions suivantes :

1" Relativement à l'excitabilité des nerfs moteurs explorés aux divers points de leur trajet à l'aide des courants instan- tanés :

a. Nerfs sectionnés, Les nerfs sectionnés et isolés présen- tent, lorsqu'ils sont absolument frais, une décroissance régu- lière de l'excitabilité, delà section vers le muscle. Toute section pratiquée sur un nerf intact produit un accroissement très notable de l'excitabilité. Cette modification est instanta- née ; elle affecte d'emblée toute l'étendue du nerf sous-ja- cente à la section ; son maximum est au voisinage immédiat de la lésion expérimentale.

On peut, par des sections répétées, relever à plusieurs reprises l'excitabilité dans un nerf déjà affaibli.

La section de la moelle n'exerce aucune inïiviQïiCQ immédiate sur l'irritabilité du nerf moteur.

La suractivité que les sections impriment aux propriétés des nerfs ne se manifeste pas seulement par l'aptitude plus grande de ceux-ci à provoquer des secousses musculaires, mais aussi par l'énergie augmentée des manifestations électro- toniques.

h. Nerfs intacts. Les nerfs moteurs intacts et maintenus autant que possible dans leurs conditions normales diffèrent profondément des nerfs coupés, sous le rapport de la réparti- tion des degrés divers d'excitabilité. Certaines régions très circonscrites présentent une irritabilité supérieure. Pour le sciatique de grenouille, on observe deux maxima, l'un au niveau de l'émergence des rameaux fémoraux, l'autre au niveau de la bifurcation du nerf.

106 CHARBO:%irEL-SALLE.

D'après les faits précédents, il est légitime d'attribuer la répartition spéciale de l'excitabilité sur le nerf isolé et frais, à la section elle-même. Ces faits sont peu favorables à la théorie du « grossissement en avalanche » de l'excitation.

Relativement à l'excitation par les décharges du conden- sateur.

a. Condensateur de grande surface (40 microf). ~ Quel que soit le mode de préparation employé, les nerfs musculaires excités par des courants ascendants et descendants d'intensité régulièrement croissante, réagissent en premier lieu au courant ascendant ; puis deux réactions égales répandent aux courants des deux directions; enfin, l'intensité augmentant toujours, le courant ascendant cesse définitivement de produire des secousses.

L'activité prédominante du courant ascendant faible s'ex- plique, pour le nerf isolé, par les différences locales d'excita- bilité; pour les préparations nervo-musculaires de Ritter et de Marianini, par les différences locales de densité.

Le sens du courant ne possède aucune influence propre.

h. Condensateur de faible surface (4 microf.). Le fait essen- tiel qui caractérise l'action de ces courants est une interruption ou lacune dans la série des secousses provoquées par le cou- rant ascendant. A cette interruption correspond une légère augmentation d'activité du courant descendant.

Les secousses qui reparaissent après la lacune présentent un retard considérable sur l'excitation.

Quant à l'interprétation du phénomène de la lacune, nous rejetons l'hypothèse d'une double excitation produite par une fermeture et une ouverture condensées dans un courant in- stantané. Le fait s'explique en admettant que les courants brefs du condensateur à faible surface possèdent, relativement à leur pouvoir excitateur, un plus faible pouvoir électroto- nisant.

En somme, le condensateur à grande surface produit des effets physiologiques identiques à l'excitation de fermeture d'un courant continu; le condensateur de surface dix fois

ARTICLE N" 1.

EXCITATION ÉLECTRIQUE DES NERFS MUTEURS. 107

moindre produit des effets analogues à ceux des courants d'in- duction.

Le nerf sectionné en voie de dépérissement présente en cha- que point de son étendue une légère augmentation d'excitabilité précédant la perle délinitive des propriétés motrices.

Il en résulte que la loi des secousses du nerf dépérissant est identique à la loi des secousses du nerf frais excité par des courants de force croissante.

L'allongement de la région excitée exerce, pour les deux directions des courants, une influence favorable sur l'exci- tation.

Quant au rapport entre la valeur de l'excitant électrique et la forme des secousses, il peut se formuler ainsi : à partir de la secousse minima, la durée et la hauteur vont en augmen- tant jusqu'à ce que la première atteigne son niveau le plus élevé; la durée seule continue alors sa marche progressive. Jamais dans nos expériences nous n'avons vu se produire les secousses supra-maximales.

Le courant transversal appliqué au nerf au moyen d'élec- trodes métalliques produit des secousses suivant un mode dont la raison nous est donnée par les lois de l'excitation uni- polaire.

Relativement à l'électrotonus :

Les courants instantanés possèdent le pouvoir de dévelop- per l'électrotonus.

Les états électrotoniques sont soumis aux mêmes lois régu- latrices, qu'ils soient produits par les courants instantanés ou par les courants continus.

108 CHilRBO:%I%EL-»ALLi;.

APPENDICE

Après avoir exposé les faits recueillis au cours de nos re- cherches, il n'est peut-être pas inutile de jeter un rapide coup d'œil sur la théorie générale par laquelle les physiologistes ont cherché à pénétrer le mécanisme de l'excitation électrique. Nous serons bref sur ce sujet, n'ayant point l'autorité néces- saire pour traiter à fond cette importante question.

Tandis que M. Ghauveau, dans le mémoire que nous avons souvent cité, déterminait le mode d'action spécifique des deux pôles des courants, continus ou instantanés, Pflùger, observant de son côté les mêmes faits, établissait un rapprochement entre les phénomènes d'excitation et les manifestations électro- toniques. Il admettait que la naissance et la disparition des deux états de catélectrotonus et d'anélectrotonus, produits respectivement au pôle négatif et au pôle positif, étaient la cause essentielle de l'irritation nerveuse, et résumait sa doc- trine par cet énoncé bien connu : « le nerf est excité par l'ap- parition du catélectrotonus et la disparition de l'anélectro- tonus ».

€ette loi, admise comme une vérité démontrée par tous les physiologistes allemands, n'est en réalité qu'une hypothèse, fort séduisante à la vérité, fondée sur la concordance remar- quable qui se révèle lorsqu'on étudie parallèlement l'action excitatrice et l'action électrotonisante des deux pôles du cou- rant. Mais pour être légitime, cette hypothèse devrait s'appli- quer également à tous les faits connus; elle devrait embrasser dans une explication commune l'ensemble des phénomènes d'excitation électrique. Or, une série de faits bien étabUs échappe à la loi de Pfliiger : nous voulons parler des résultats de l'excitation unipolaire mis en lumière par M. Ghauveau et qui méritent d'être pris en grande considération, car ils repré- sentent le mode d'action de l'électricité sur les nerfs moteurs dans des conditions rigoureusement physiologiques. Hermann, dans son récent ouvrage, tranche cette difficulté en refusant à l'excitation unipolaire toute signification précise. Rappelons

ARTICLE N" 1.

EXCITATIO:^ ÉLECTRIQUE DES NERFS MOTEUHS. 109

ici la dérmilion de l'excitation unipolaire donnée par M. Chau- veau : « J'appelle excitation unipolaire l'action locale exercée par les courants sur les nerfs, au point d'application d'une électrode, quand cette électrode est seule en contact avec le nerf conservé en place dans ses rapports normaux, et ne peut guère agir efficacement qu'au point de contact lui-même, à cause de la grande diffusion qui, au delà, disperse immédiate- ment le courant dans toutes les directions. » Dans ces condi- tions, on voit toujours, à la fermeture d'un courant d'intensité croissante, le pôle négatif provoquer la secousse avant le pôle positif; puis, l'égalité s'établir entre les deux pôles; enfin, le négatif cesser d'agir si le courant est continu, tandis que le positif conserve indéfiniment son activité. Rappelons encore que Morat et Toussaint ont démontré l'existence de deux états de polarisation bien déterminés, polarisation convergente avec le pôle négatif sur le nerf, divergente avec le pôle positif.

Ces phénomènes se manifestent avec une telle netteté qu'il nous est impossible de les considérer avec Hermann comme le résultat d'une diffusion irrégulière et variable du courant, n'affectant aucune direction déterminée. La constance et la régularité des effets observés révèle certainement une réelle différence dans le mode d'action des deux pôles. Si donc on veut adapter aux faits d'excitation unipolaire la doctrine de l'électrotonus, il est nécessaire de faire subir à la formule classique une profonde modification : au catélectrotonus et à l'anélectrotonus il faudrait substituer l'électrotonus conversent ou divergent, suivant que le pôle négatif ou le pôle positif est en contact avec le nerf. Le premier posséderait la priorité excitatrice avec les intensités faibles; la disparition de son activité, lorsque son intensité devient très forte, s'expliquerait naturellement par la production de l'obstacle à la transmission nerveuse au-dessous du point d'application de l'électrode, la partie inférieure du nerf étant polarisée par une branche dé- rivée de direction ascendante.

Mais il importe de se rappeler que le rapport de causalité, généralement admis entre l'électrotonus et l'excitation, n'est

110 CeARBO.'*:%EL-»AJLLl!:.

qu'une conception ingénieuse, propre à synthétiser un grand nombre de faits et non démontré rigoureusement dans l'état présent de la science. Il n'y a en réalité qu'une notion soli- dement établie, touchant l'action de l'électricité sur les nerfs moteurs : c'est la notion des actions polaires.

Vu et approuvé, Paris, le 24 mai 1881, Le Doyen de la Faculté des sciences, MILNE EDWARDS.

Vu et permis d'imprimer, le 24 mai 1881, Le Vice- Recteur de l'Académie de Paris, GKÉARD.

PARIS. IMPRIMERIE ÉUILE MARTINET, RLE MIC.NO.N, 2

Bibl des K Etudes.

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APPAREIL ENREGISTREUR

RECHERCHES

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LE RÔLE PHYSIOLOGIQUE DU TANNIN

DANS LES VÉGÉTAUX

AVANT-PROPOS

Je me propose, dans ce travail, de résumer les notions acquises et de décrire quelques expériences nouvelles sur le mode de production et le rôle physiologique du tannin dans les végétaux.

Sous le nom générique de tannins, les chimistes désignent plusieurs composés que différencient certaines réactions, mais que des propriétés communes très importantes unis- sent en un môme groupe naturel : rappelons parmi les carac- tères fondamentaux de toutes les espèces de tannins, la pré- cipitation de la gélatine et des abuminoïdes, la coloration bleu-noirâtre ou verte par les sels de lesquioxyde de fer. Dans une étude physiologique il serait sans intérêt et d'ail- leurs très difficile de prendre en considération les différences chimiques des divers tannins ; l'identité de composition semble, en effet, assigner à tous ces composés le même rôle dans les phénomènes chimiques de la végétation. Je prendrai en conséquence le terme « tannin ou acide tannique » dans son acception la plus générale.

Quelles sont les conditions vitales qui favorisent ou empê-

2

client la production du tannin dans les tissus de la plante? Quel est l'emploi ultérieur de cette substance aux diverses phases de la végétation ? Déposée dans les organes sous forme liquide ou granuleuse, est-elle seulement un résidu excrémentitiel, un caput mortanni des réactions chimiques de la vie ; ou bien peut-elle jouer, au môme titre que le sucre et l'amidon, le rôle de réserve nutritive? A ces ques- tions, les physiologistes ont répondu de diverses manières, et le défaut de concordance de leurs opinions m'a engagé à entreprendre de nouvelles recherches.

Je diviserai le présent mémoire en deux parties :

Dans la première seront résumés les faits signalés et les idées émises par les auteurs qui m'ont précédé.

La seconde partie comprendra :

L'étude de la distribution et de la slructure des cellules tannifères dans un nombre restreint d'espèces, herbacées ou ligneuses, sur lesquelles ont porté mes expériences.

Cette connaissance anatomique une fois acquise j'expo- serai les résultats obtenus en faisant varier expérimentale- ment les conditions extérieures d'existence.

PREMIÈRE PARTIE

HISTORIQUE

Les recherches publiées jusqu'à ce jour sur la distribution et l'usage physiologique du tannin se divisent en deux catégo- ries : les unes, purement anatomiques, ont porté sur les réac- tions microchimiques de ce composé, sa répartition au sein des tissus végétaux, les formes diverses qu'il peut présenter ; les autres, poursuivies aux diverses phases de l'évolution végétative, ou dans des conditions variées, autorisent quel- ques déductions physiologiques.

Les premières notions sur se sujet sont dues, je crois, à

3

M. Karsten. Cet auteur, dès 1857, appela l'attention sur l'abondance considérable do l'acide tannique dans un j^rand nombre de végétaux. En 1861, M. IIartig(l], dans son Traité à fiisûf/e des forestiers, fit pour la première fois la remarque que le tannin du chùne est logé sous forme de ij^ranules soli- des dans des cellules correspondant à celles qui, cbez d'autres plantes, servent à emmagasiner les matières de réserve granu- leuses ; que ces formations granuleuses se dissolvent dans la sève printanaière à la même époque et de la même façon que l'amidon ; qu'à l'état sec les cellules se colorent par les sels de fer en brun clair et ne bleuissent qu'après une addition d'eau. Dans des publications ultérieures, M. Ilartig a maintenu ses premiers énoncés en les appuyant sur de nou- velles observations.

Vers la même époque, M. Wigand (2), dans un mémoire important, résuma sous forme de propositions les résultats de nombreuses recherches. Les faits observés par ce botaniste sont de deux ordres : les uns concernent la répartition du tan- nin dans les diverses cellules; les autres, l'évolution de cette substance aux âges successifs de l'organisme végétal. Je dois analyser avec quelque détail le travail de JM. Wigand, par- ce qu'il peut être regardé comme l'origine delà théorie, assez généralement acceptée, d'après laquelle le tannin serait un équivalent physiologique des matières de réserve. Dans le cours de la vie des cellules, d'après M. Wigand, c'est dans le premier état (état cambial) que le tannin y est surtout abon- dant; plus tard, il peut présenter dans certaines cellules (liber et bois) des phases alternatives d'augmentation et de diminution, en rapport avec les saisons. Quand le contenu tannique d'une cellule est ainsi soumis à des variations pério- diques, le maximum de ce contenu s'observe au printemps

(1) Harlig, Traité à l'usage des forestiers, 1861; t. I, p. 26'.), —Même au- teur, Botan.Zeit., I860, p. 53 et 237; id. Sur le tannin duchéie. Stuttgard, 1869.

(2) Wi-and, Propositions sur l'importance physiologique du tannin et des ma- tières coljrantes d^s plujites {Bot. Ztit., 1862, p. [li).

et eu été, c'est-à-dire à l'époque de la végétation; le mini- num, en hiver, c'est-à-dire dans la saison du repos. 31. Wi- gand insiste sur ce résultat intéressant, que ces variations de quantité sont inverses de celles que présente l'amidon, abon- dant surtout en hiver dans les organes persistants, rare au contraire pendant l'été dans les tissus en végétation active. Outre cette périodicité annuelle, l'alternance entre le tannin et l'amidon se manifeste encore aux différentes époques de la vie de l'individu. En effet, chez beaucoup d'arbres :

L'embryon est dépourvu le tannin, mais amylii'ère;

La jeune plantule contient du tannin, mais pas d'amidon ;

Le jeune bourgeon, dans sa première ébauche, renferme du tannin et pas d'amidon ;

Le bourgeon, pendant le repos d'hiver, est dépourvu de tannin, mais contient de l'amidon ;

La jeune pousse, pendant son développement ou prin- temps, renferme du tannin, mais pas d'amidon ;

La jeune pousse après cessation de l'accroissement en longueur, est dépourvue de tannin (ou n'en contient qu'en faible quantité) et renferme de l'amidon, souvent en grande abondance.

« Des faits précédents, il ressort, dit l'auteur, que le tan- nin est un facteur important dans les phénomènes chimiques de la vie des plantes, et qu'au point de vue physiologique on doit le considérer comme un membre delà série des hydrates de carbone. »

On voit par ce résumé que M. Wigand attribue nettement au tannin le rôle de substance assimilable. Dans certaines conditions, il aurait encore, suivant cet auteur, un autre usage, très différent du précédent; pendant la période du repos végétatif, il constituerait une partie essentielle, sinon la substance même, des matières colorantes bleues et rouges. Sans insister plus longtemps sur cette assertion, je rappel- lerai que des observations nombreuses et détaillées sur les rapports du tannin avec les matières colorantes des fleurs

ont été publiées, ?i la même époque, par M. Wiosner (1).

Des résultats tout opposés ont été obtenus par M. Sachs, au cours de recherches sur la germination du Dattier (2). D'après ce physiologiste, le tannin, qui fait absolument défaut dans les tissus de la graine, apparaît dès le début de la ger- mination, se dépose dans certaines cellules, surtout au voisi- nage des faisceaux et de l'épiderme, et, dans le cours du développement ultérieur, demeure indifférent dans les élé- ments où il s'est formé, à l'inverse des vrais matériaux nutri- tifs, tels que les substances albuminoïdes, les sucres et l'amidon. « Ici, comme dans beaucoup d'autres plantules, [Vicia fada, Ricinus, Pi?ws Pinea, etc.), je serais porté, dit l'auteur, à ne considérer le tannin que comme un produit

d'excrétion; On se demande, en effet, pourquoi une

nouvelle matière de réserve se formerait, au moment de la germination, l'on sait fort bien que toutes les matières de réserve sont employées à la formation d'organes nouveaux. » La même opinion est encore exprimée par M. Sachs, dans sa Physiologie végétale (3).

L'année suivante, M. Sanio (4) décrivit une série d'obser- vations histo-chimiques sur la répartition des éléments à contenu tannique dans les divers systèmes de tissus et chez des espèces ligneuses très variées. Par leur diversité et leur fiombre, ces faits échappent à l'analyse, et je dois me borner à citer les résultats généraux. Contrairement à l'opinion de M. Hartig, le tannin serait toujours, suivant M. Sanio, à l'état liquide dans les cellules. Parmi les tissus, c'est dans ceux de l'écorce, et parmi les diverses cellules, c'est dans les cellules

(i) J. Wiesner, Quelques observations sur le tannin et les matières colorantes des pétales {Bot. Zeit., 1852, p. 389).

(2) J. Sachs, Sur la germination du Dattier (Bot, Zeit., 18(i2, p. 245).

(3) Sachs, Physiologie vé(jétale, trad. Micheli, p. 388, 1866. Voy. aussi Sachs, Traité de Botanique, p. 838, 1874.

(4) Ch. Sanio, Obervations sur le tannin et sa répartitioii chez les plantes li- gneuses [Bot. Zeit., 1863, p. 17). (Le môme auteur avait déjà publié, |en 1860, quelques remarques sur le tannin {Bot. Zeit., p. 213) et indiqué un réactif nouveau, le chloroiodure de zinc.)

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parenchymateuses actives, souvent mêlé à l'amidon et la chlorophylle, qu'il se présente en plus grande abondance. Jamais les éléments privés de vie, ceux qui contiennent des masses cristallines d'oxalate de chaux ou les cellules défini- tives du liège ne présentent aucune trace de tannin. Ces faits, vérifiés plus tard par de nombreux observateurs, doivent être pris en grande considération dans notre étude actuelle et peuvent jeter quelque lumière sur le rôle si obscur de ce composé.

De nouvelles connaissances anatomiques d'un givind inté- rêt vinrent bientôt enrichir la science. M. Trécul (1) fit con- naître en 1855 les résultats de recherches approfondies sur des végétaux de deux familles, les Légumineuses et les Rosa- cées. Le résumé des travaux de M. Trécul ayant été donné, en 1867, par M. Duchartre, dans leBapuori sur les progrès de la botanique physiologique^ je ne saurais mieux faire que d'emprunter ce résumé à l'éminent professeur : Dans le pre- mier de ces grands groupes naturels, M. Trécul a montré que certaines espèces renferment du tannin, tandis que d'autres en sont dépourvues ; que cette matière est renfermée dans des cellules situées ici dans l'écorce uniquement et en des points différents de son épaisseur ; dans la moelle, enfin ailleurs dans l'écorce et dans la moelle à la fois. 11 a fait voir que ces cellules à tannin sont souvent plus allongées que leurs voisines, très longues même et superposées en files longitudinales, de manière à constituer des sortes de vais- seaux à tannin, mais dont les cavités sont rarement confon- dues en tube. Dans des plantes d'autres familles, par exemple dans les Musa, les vaisseaux propres contiennent aussi du tannin, de telle sorte que les cellules sériées des Légumineuses qui renferment cette substance, forment la transition entre celles qui ne sont pas disposées en files et les laticifères. Quant aux Rosacées, elles offrent leur tannin dans des cellules qui quelquefois s'alignent en files longitudinales, reliées

(1) Trécul, Bu tannin dans les Légumineuses, G. R. I>X, 1865 {Ann. des se. nat., série, IV, 1865). Du tannin chez les Rosacées, G. R., LX, i865.

entre elles par des files transversales, ou bien isolées. Dans ce groupe naturel, certaines plantes ont du tannin dans tous les tissus de leurs rameaux, excepté dans la couche subé- reuse, quand elle se développe ; d'autres plantes, au con- traire, montrent cette même matière localisée, surtout dans l'écorce et la moelle. »

Quelques années auparavant, M. Buignet (1), à qui l'on doit un travail important sur la maturation des fruits, avait été conduit par des dosages comparés des matières sucrées et de l'acide tannique chez des fruits de diverses espèces à constater que le dernier de ces corps, très abondant dans le péricarpe avant la maturité, disparaît progressivement, tandis qu'au contraire augmente la proportion de sucre. Il semble naturel d'en conclure que le tannin, au moins dans ce cas particulier, peut se transformer en sucre, fait qui viendrait à l'appui de la théorie de M. Wigand.

C'est à cette théorie que paraissent s'ctre ralliés la plupart des botanistes qui, dans ces derniers temps, ont fixé leur at- tention sur ce sujet. Ainsi, M. Briosi (2), considérant que le tannin est la substance la plus abondante dans les feuilles et les tiges de la vigne, à tout degré de leur développement, qu'il se présente surtout dans le liber mou (cellules grilla- gées, etc.), conclut de ces faits à une utilité physiologique de grande importance. De môme encore M. Schell (3), après examen de plus de six cents espèces, trouve le tannin aussi répandu que le sucre dans les végétaux et lui attribue la double signification de résidu de la nutrition et d'élément formateur des cellules. Enfin, dans une récente publication, M. Hartig(4), corroborant par de nouveaux faits ses ancien- nes idées, exprime nettement cette opinion que « la fécule tannique » , déposée en grains solides dans les cellules du bois, étudié pendant l'hiver, est dissoute par la sève printan-

(1) Buignet, Ann. de phys. et de chim., 3= série, 1861, t. LXI, p, 283.

(2) Briosi, Nttovo Giornale bot. ital. Gennajo, 1872.

(3) J. Schell, Physiologische Rolle des Gerbsàure. Kasan, 1874.

(4) Harlig, Anatomie et physiologie des plantes ligneuses, 1878, p. 119.

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nière et remplit dans la formation d'organes nouveaux la même fonction que les autres matières de réserve.

Il me reste à signaler quelques observations, dues à M. Rau- wenhoff, relatives à la formation du tannin chez les plantes étiolées (1). Chez le Polygomim Bistorta et le Rosa centifolia^ M. RauvenhofiT l'a vu se produire à l'obscurité ; mais la quan- tité en est plus faible et la distribution moins régulière. (( C'est ainsi que la feuille du Polyr/onum contient de l'acide tannique dans la plupart des cellules du parenchyme et dans les éléments des faisceaux vasculaires, tandis que la feuille étiolée n'en renferme que dans ce dernier. » De la même manière se comporte un autre produit de l'activité végétative, l'oxalate de chaux, que tous les botanistes s'accordent à con- sidérer comme un corps inerte. M. Rauwenhoff signale en effet dans le Polygonum étiolé l'absence de noyaux cristal- lins, très abondants au contraire dans la plante verte. 11 y a peut-être quelque intérêt à rapprocher ici ces deux faits.

Enfin, une note de M. Macagno (2) sur le tannin du Sumac vient clore cette revue bibliographique. Suivant l'auteur, les feuilles placées à l'extrémité supérieure de la tige sont tou- jours plus riches en acide tannique que celles de la base ; à mesure que la plante vieillit, la quantité de cet acide dimi- nue. S'il y a avantage à retarder la récolte, c'est que la dé- croissance dans la proportion du tannin que contiennent les feuilles est largement compensée par la quantité totale du produit.

J'ai essayé de donner un résumé exact de l'état présent des connaissances, anatomiques et physiologiques, sur l'acide tannique. Il suit de cet exposé, que parmi les faits signalés, les plus nombreux et les mieux établis sont ceux qui se rap- portent à l'histologie proprement dite ; les données physiolo- giques, au contraire, reposant sur des preuves indirectes ou

(1) Rauwenhoff, Sur les causes des formes anormales des plantes qui croissent à l'obscurité, Trad. des Archives néerland., [Ann. des se. nat., V, 1878).

(2) Macagîio, Sur la production du tannin dans les feuilles du Sumac {Comptes rendus de l'Acad. des se, XC, 1880).

insuffisantes, prêtent encore à discussion. Le plus grand nombre consiste en simples déductions de faits anatomiques, succptibles peut-être d'une autre interprétation ; de vraies preuves expérimentales, je n'en trouve point jusqu'ici dans les auteurs. Deux opinions inverses ont été formulées : sui- vant l'une, le tannin est un équivalent des principes assimi- lés, succptibles d'un emploi ultérieur dans les phénomènes d'accroissement ou de production nouvelle ; l'autre théo- rie en fait un déchet des phénomènes chimiques do la vie. C'est ici le lieu de rappeler que plusieurs auteurs ont cru trouver dans une propriété chimique du tannin une preuve en faveur de la première théorie. On sait que sous certaines influences, le tannin est suceptible de se dédoubler en acide gallique et en glucose; d'après les expériences de M. Van Tieghem (1), ce dédoublement est corrélatif de la vie et du développement d'un organisme- ferment, le penicillum glau- cum ou Y AspergiUus niger^ et se rattache ainsi aux fermen- tations proprement dites. Ce phénomène ne pourrait-il avoir lieu au sein des tissus vivants ? Et le tannin accumulé serait- il ainsi une véritable source de glucose ? C'est ce que pensent divers auteurs. Mais cette probabilité d'ordre chimique ne dispense pas d'un contrôle expérimental direct, surtout en présence du principe fondamental, établi par Cl. Bernard, que les actes de synthèse et de destruction organiques dont les êtres vivants sont le théâtre s'accomplissent en général suivant des procédés très différents de ceux qu'emploient les chimistes.

^1) Van Tieghem, Physiologie des Mucédinées {Ann. des sciences nat., 1867, p. 210-245).

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SECOxNDE PARTIE PROCÉDÉS D'OBSERVATION

C'est par l'examen histologique que j'ai constater, dans les plantes soumises aux expériences, la présence du tannin ainsi que les variations de quantité qu'il peut subir. Pour cet examen assez délicat, le procédé employé doit sa- tisfaire aux conditions suivantes :

Une sensibilité assez grande pour déceler de faibles traces de tannin dans les cellules.

La fixation du tannin dans les cellules qu'il occupe sous une forme telle qu'il ne diffuse pas après la préparation sur les cellules voisines.

M. Sanio (1) a découvert, en 1863, un réactif qui répond parfaitement à ces exigences et qui m'a rendu les meilleurs services. Ce réactif est le bichromate de potasse, avec lequel le tannin forme un composé compact, insoluble, de couleur rouge-brun foncé à la lumière transmise. Pour se mettre à l'abri de toute cause d'erreur, il convient de procéder ainsi : des fragments de l'organe étudié sont plongés, pendant une semaine, dans une solution concentrée de bichromate. Après ce traitement, les cellules à tannin sont comblées par une masse de couleur brun rouge ou ne renferment que quelques granules de même coloration si le tannin y était en petite quantité. Il est utile de ne plonger les fragments d'organes «dans ce réactif qu'après les avoir exposé à l'air, pendant quelques heures, à la température ordinaire, la demi des- sication que subissent alors les tissus favorisant la prompte pénétration du réactif. Les coupes les plus superficielles doivent être rejetées parce qu'elles peuvent être impré-

(1) Sanio, loc. cit.; le bichromate de potasse a été employé par divers ob- servateurs pour l'étude du tannin, en particulier par M. Vesque [Anatomie comparée de Vécorce, 1876) et par M. Rauwenhoff.

li- gnées de tannin répandu sur la surface de seclion; celles que l'on destine à l'étude doivent être plongées dans l'eau pure pendant quelques minutes, afin que le bichro- mate qui imprègne tous les tissus et les colore en jaune, diiïuse hors des cellules ; elles sont mises ensuite dans la glycérine et peuvent être montées en préparations persistantes. Si l'on emi ploie la glycérine iodée", l'amidon, malgré le traitement au bichromate, se colore très bien, et l'on obtient ainsi de belles préparations à double coloration, permettant d'apprécier nettement les proportions relatives des substances tanniques et amylacées contenues dans les tissus aux diverses phases de la végétation annuelle ou dans diverses conditions expérimentales.

Bien que le tannin soit le seul composé, appartenant aux cellules végétales, qui produise avec le bichromate de potasse la réaction indiquée, je n'ai jamais négligé de contrôler par l'emploi du percblorure de fer les principaux résultats de mes recherches. Des coupes minces, placées dans celiquide, pren- nent aux places riches en tannin une coloration bleue ou verdâtre, suivant l'espèce de tannin qu'elles contiennent ; mais ce procédé, utile comme moyen de contrôle qualitatif, est très inférieur au précédent : moins sensible, il présente en outre ce grave inconvénient que le composé ferro-tannique est liquide et peut, en se répandant dans des cellules origi- nairement exemptes de tannin, induire facilement en erreur; en outre, le tannate de fer étant soluble dans un excès de réactif, on peut arriver à des résultats négatifs si le tannin est en faible quantité.

Enfin, j'ai misa profit dans quelques expériences le pro- cédé récemment indiqué par M. Schnetzler (1). Cet auteur a fait voir que des organes végétaux immergés dans une solu- tion de borax à 6 °/„ perdant rapidement par ditrusion, leurs principes colorants, à l'exception de la chlorophylle qui de-

(1) Schneizler, De quelques phénomènes de diffusion qu'on observe en plon- geant différentes plantes dans une solution de borax [Arch. des se. phys. et 7iat. de Genève, 15 sept. 1878).

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meure inaltérée. Si les org-anes soumis à ce traitement ren- ferment du tannin, ce composé diffuse avec les matières colo- rantes et peut être décelé dans le liquide par l'emploi duper- chlorure de fer qui détermine le précipité vert-grisâtre ou noir, caractéristique. Ce mode d'extraction du tannin, insuf- fisant pour un dosag-e exact, peut fournir d'utiles renseigne- ment sur des variations quantitatives très étendues.

OBSERVATIONS ET EXPERIENCES

Parmi les végétaux pourvus de tannin, j'ai choisi quelques espèces qui, sous le rapport de la distribution anatomique et delà quantité, m'ont paru représenter des types distincts. Trois végétaux ligneux, la vigne, le rosier et le sumac, [Rhus Coriaria, L.), et trois plantes herbacées Phaseolus vulgaris^ L. Onobrychis satka L. et Helianthus aniiuus L., ont servi de sujets âmes expériences ; les premiers présentent du tannin dans presque tous leurs tissus ; dans les trois dernières es- pèces , au contraire, ce composé est bien moins abondant et rigoureusement localisé. Cette différence que nous avons ici l'occasion de remarquer entre des végétaux herbacés et li- gneux, signalée déjà par M. Sanio, peut être regardée comme une règle assez générale.

L'étude expérimentale qui constitue le but essentiel de mes recherches exige, pour être rigoureux, la connaissance précise de la distribution du tannin dans les divers systèmes de tissus et des caractères particuliers qui distinguent, parmi toutes les autres, les cellules à contenu tannique. Pour ac- quérir cette connaissance, j'ai faire l'examen histologique des végétaux indiqués ci-dessus, pris dans les conditions de végétation normale et parvenus à leur complet développement. Des coupes transversales, radiales et tangentielles, ont été pratiquées, à divers niveaux, dans les entre-nœuds successifs de la tige, dans la racine, les pétioles et les pédoncules. Voici les résultats fournis par cet examen :

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Phaseolus vulgaris. Dans cette plante les éléments tan- nifères, en nombre restreint, se trouvent : dans r«''pidcrme, dans les faisceaux ; dans la moelle. Mais il importe de remarquer que ces trois ordres de cellules à tannin ne se présentent pas à tous les âges du végétal, et que leur déve- loppement complet, très précoce chez quelques-uns, est au contraire fort tardif chez les autres. C'est ainsi que dans les jeunes plantes, les éléments tannifères du liber, formés dès la germination, se montrent seuls, et cet état persiste jusqu'à l'époque de la floraison. Le tannin apparaît alors dans l'épi- derme et dans la moelle, et, en dernier lieu, dans quelques cellules du bois.

La description suivante concerne la plante entièrement développée et fleurie.

L L'épiderme, dont les cellules sont étroites et allongées dans les parties en voie d'allongement rapide, et beaucoup plus courtes sur les organes entièrement développés, offre le pré- cipité caractéristique dans tous ses éléments et jusque dans ses poils unicellulés. Dans ces derniers, le précipité occupe la partie inférieure de la cellule et imprègne le protoplasma nettement contracté. Jamais je n'ai vu de tannin dans les couches cellulaires sous-épidermiques.

II. Dans les faisceaux flbro-vasculaires, les éléments à tan- nin occupent deux situations différentes : ils existent constam- ment dans le liber; quelquefois, et beaucoup plus tard, dans la région ligneuse.

Les premiers, contenus dans le liber mou, en dedans des faisceaux de fibres libériennes à paroi épaisse, sont disposés assez régulièrement encercle sur la section transversale. Iso- lés dans les organes jeunes, ils deviennent, plus nombreux par le progrès de la végétation et forment ainsi plusieurs cercles concentriques. Ces cellules, remarquables par leur diamètre 4 à 5 fois plus considérable que celui des cellules environnantes, sont allongées, assez régulièrement cylindri- ques et superposées en files longitudinales ; elles sont séparées les unes des autres par des cloisons horizontales.

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Leurs parois sont extrêmement minces ; elles paraissent, dans les vieilles tiges complètement lig-nifiées. céder à la pression des tissus voisins et c'est sans doute à cette cause qu'il faut at- tribuer le rétrécissement progressif de leur cavité et la défor- mation de leur contour dans les organes âgés.

Dans la région ligneuse du faisceau, les éléments à tannin dont l'existence n'est pas constante, sont des cellules ligneu- ses à extrémités effilées, enclavées entre les gros vaisseaux.

III. La moelle présente, à sa périphérie, mais seulement à une période très avancée de la végétation, quelques cellules à contenu tannique faible, isolées ou réunies en petits groupes de deux à trois, au voisinage des angles saillants des faisceaux vasculaires. Sur la coupe horizontale, ces cellules ne se distinguent que par leur contenu des autres cellules médullaires à contenu amylacé ; mais par l'examen de sec- tions longitudinales, on reconnaît que leur longueur égale plusieurs fois leur diamètre, tandis que les cellules médul- laires à contenu amylacé ont leurs trois dimensions à peu près égales. Les parois de toutes les cellules médullaires sont complètement dépourvues de ponctuations.

Onobnjchu saliva. Ici, la distribution est analogue à la précédente, mais plus régulière encore et plus constante. Les variations que nous avons constatées chez le Phaseolus^ quant au nombre des cellules à tannin, pendant les progrès du développement, sont moins considérables. L'examen des préparations montre les faits suivants, au moment de la floraison :

I. Le tannin existe dans l'épiderme et dans la couche de cellules sous-épidermiques à parois épaisses, immédiatement appliquées sur le parenchyme vert de l'écorce, sauf au niveau des angles de la tige ou du pétiole, oii cette assise est suivie de plusieurs autres couches de cellules sans chlorophylle et épaissies. De tous les tissus de VOnobnjchis, c'est l'assise sous-épidermique qui présente la plus grande richesse en tannin ; toutefois ce composé apparaît aussi dans quelques- unes des cellules de la troisième assise.

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H. Dans le liber, il y a toujours des éléments tanniques isoles, situés syniéti'iqueinont de chaque coté des faisceaux de fibres dures; quelques éléments se rencontrent en outre, ré- pandus çà et dans le liber mou dont l'épaisseur est très faible ; il on résulte que ces cellules, dont le diamètre est considérable, confinent en dehors au parenchyme cortical vert et sont en contact, du côté interne, avec la région lig-neuse du faisceau. Ces cellules sont allongées, à peu prés cylin- driques et régulièrement superposées en files verticales ; des cloisons horizontales les séparent; dans quelques-unes, il est possible de reconnaître nettement le noyau, au sein du pré- cipité peu dense. La minceur de leurs parois est telle que leur cavité apparaît sur la coupe transversale comme une simple lacune quand le tannin a disparu ou existe en faible proportion.

III. Dans la moelle se montrent toujours des cellules tan- nifères isolées, de grand diamètre, et régulièrement situées dans la partie la plus extérieure ; elles correspondent exac- tement aux angles saillants de chaque faisceau fibro-vascu- laire.

Helianthiis annuus. Dans cette plante, la production du tannin est encore plus restreinte que dans les deux espèces précédentes, sinon quant au nombre des éléments produc- teurs, du moins quant à la proportion du composé tannique renfermé dans leur cavité. L'épiderme, la couche cellulaire sous-épidémique, le liber mou, la région ligneuse du faisceau, tels sont les tissus oii je l'ai constaté nettement ; il m'a été impossible d'en trouver la moindre trace dans l'enveloppe cellulaire de l'écorce et dans la moelle.

I. Les cellules épidermiques sont exactement remplies par le précipité peu foncé et très homogène. Sur les organes jeunes, les cellules sont étroites et très allongées; dans Tépi- derme des organes entièrement développés, on les trouve à la fois plus larges et plus courtes; chacune des cellules primi- tives paraît avoir subi un cloisonnement secondaire, dirigé dans le sens transversal et répété un certain nombre de fois.

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Le protoplasme, constituant dans la cellule entièrement dé- veloppée une utricule primordiale, se montre nettement dans ces éléments, après l'action de l'alcool, et le noyau peut être reconnu, même après le traitement par le bichromate. De nombreux poils courts, pluricellulés, hérissent l'épiderme à^Y Helianthus ; une petite quantité de tannin existe souvent dans les cellules les plus inférieures de ces poils.

II. Au-dessous de l'épiderme, se montre un collencbyme comprenant 4-6 assises cellulaires. Ces cellules, en coupe transversale, présentent des parois tangentielles très épaissies, surtout dans les angles et les parois radiales minces. Les coupes longitudinales font voir que leur longueur égale trois à quatre fois leur largeur et que les cloisons horizontales qui les séparent sont très minces. Seule, la première assise, immédiatement sous l'épiderme, renferme du tannin, mêlé avec quelques grains de chlorophylle ; mais ce composé est toujours moins abondant que dans l'épiderme et sur les or- ganes dont la croissance est achevée, il fait souvent entière- ment défaut.

III. Le liber chez Y Helianthus présente, au coté interne d'un épais faisceau de fibres dures, à parois épaisses et dépour- vues de tannin, un faisceau volumineux de cellules étroites et allongées, à parois minces, dont la coupe polygonale est très variable dans sa forme et qui se superposent en séries régulières; de minces cloisons horizontales séparent ces éléments. Des coupes après durcissement dans l'alcool mon- trent dans la plupart des cellules de ce liber mou, un coagu- lum, fortement coloré en brun par la solution iodée et de nature protéique. D'après ces caractères ces éléments pa- raissent devoir être rangés dans la catégorie des cellules cambi formes, signalées par les anatomistes au nombre des éléments les plus essentiels du liber mou. La plupart ren- ferment du tannin, médiocrement abondant et donnant avec le bichromate uu précipité homogène de couleur jaune- orangée.

IV. Le tannin existe aussi dans le bois, mais en proportion

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très faible, et seulement dans quelques cellules ligneuses étroites et courtes, situées entre les gros vaisseaux ponctués.

Dans les trois espèces que je viens de décrire, le tannin se colore eu vert sombre par le perchlorure de fer. Dans les organes âgés de ïHe/ianthus, moins riches que les organes jeunes suivant une règle d'ailleurs générale , la réaction manque de netteté et la macération dans le bichromate est seule capable de fournir des renseignements certains.

Bosa centiflora. Le précipité caractéristique se montre très abondant et très dense dans les tissus les plus divers; notons toutefois qu'il ne se produit jamais dans les fibres libériennes, dont la cavité est d'ailleurs presque entièrement comblée par les couches d'épaississement ni dans les fibres ligneuses.

I. Les cellules épidermiques dont la paroi externe est très fortement épaissie et cuticularisée (cette transformation en- vahit même les parois latérales), sont entièrement comblées par le précipité.

Ces cellules, assez petites, contenant chacune un ou deux grains d'amidon, nesont point allongées, et, vues de face, for- ment un réseau polygonal. Il est à noter que les cellules sto- matiques elles-mêmes contiennent du tannin.

IL Au dessous de l'épiderme, on trouve des faisceaux de cellules courtes, à parois épaisses, dont le contenu tannique est extrêmement dense ; les intervalles que laissent en Ire eux ces faisceaux sont occupés par le parenchyme à chlorophylle le tannin est en quantité décroissante de la périphérie au . centre. Toutefois, au voisinage des îlots de fibres libériennes à parois très épaisses, le parenchyme cortical devient plus riche et constitue autour de chaque îlot une bordure régu- lière. La chlorophylle et le tannin se trouvent donc mélan- gés dans l'écorce verte, sauf dans quelques cellules la chlorophylle existe seule. On remarque quelques cellules plus petites, sans chlorophylle, et contenant de grosses mâ- cles cristallines d'oxalate de chaux ; jamais, dans ces éléments

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cristalligf'nes, l'examen le plus attentif ne m'a révélé la moin- dre trace de tannin.

III. Dans le liber mou, un grand nombre de cellules se remplissent du précipité brun sous l'action du bichromate. Ces cellules tannifères, plus nombreuses vers l'extérieur, au voisinage des fibres dures, sont allongées et étroites, riches en protoplasma et ont des parois minces : ce sont des cellules cambiformes. J'ai reconnu parmi ces éléments quelques cel- lules grillagées, mais sans tannin.

Le cambium, formant une couche continue, mince, de trois à quatre rangées de petites cellules aplaties dans le sens du rayon, contient aussi une très faible proportion de tannin.

IV. Dans la région ligneuse des faisceaux fibro-vasculaires, les rayons médullaires, constitués par deux à trois rangées de cellules à section quadrilatère et à diamètre vertical court, renferment une assez forte proportion de tannin mêlé à de nombreux grains d'amidon. Ces cellules présentent de petites ponctuations simples. En outre, quelques files rayonnantes de cellules ligneuses, décrivant un trajet flexueux, depuis la moelle jusqu'au liber, 'entre les vaisseaux et fibres ligneuses, présentent un précipité très abondant. Ces cellules ligneuses courtes, de très petit diamètre, se distinguent nettement par leur section horizontale elliptique à grand axe dirigé suivant le rayon.

V. La moelle du rosier offre trois espèces de cellules : de grandes cellules, à parois minces et ponctuées, de forme polygonale et dépourvues de tout contenu (cellules inertes d'A. Gris) : des cellules de diamètre beaucoup moins con- sidérable, également ponctuées et renfermant beaucoup de tannin avec des grains d'amidon. Ces cellules, réunies en groupes à la périphérie et nombreuses surtout vers l'extrémité des rayons médullaires, forment par leur ensemble dans le reste de la moelle une sorte de réseau dont les mailles très lâches et irrégulières contiennent les autres éléments mé- dullaires ; enfin, quelques cellules cristalligènes, sans autre contenu.

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Rhus coriaria. Ici, les éléments à tannin existent, en nombre variable dans tous les tissus, à l'exception des fibres libériennes.

I. La proportion de tannin est très forte dans l'épiderme formé de cellules petites et aplaties, à contour irréguliè- rement hexagonal.

Dans la couche subéreuse elle-même, dont les cellules ta- bulaires sont disposées en 6-8 assises, le précipité révèle l'existence d'une quantité notable de tannin ; un examen at- tentif est ici nécessaire pour ne point être induit en erreur par la couleur brun-rouge des parois cellulaires, presque identique à celle du précipité.

Un fait digne de remarque, c'est que les cellules subéreuses les plus extérieures sont à peu près dépourvues de tout con- tenu et que le tannin ne s'y rencontre point, tandis que ce composé est assez abondant dans les cellules profondes, au voisinage du cambium subéreux.

Au-dessous du suber_, cinq à six rangées de cellules chloro- phylliennes, petites, à parois très épaissies et à section ellip- tique, renferment une forte proportion de tannin ; vues en section langitudinales, ces cellules sont environ tOfois plus longues que larges. On trouve ensuite parenchyme cor- tical, dont la moitié des éléments environ ont un contenu tannique ; tous renferment de la chlorophylle et quelques- uns des cristaux.

II. Le tannin existe dans le liber mou, oii il remplit un certain nombre de cellules très longues et étroites, à section circulaire. Dans le bois, il occupe quelques cellules ligneuses d'un diamètre très considérable ; ces cellules, terminées par des extrémités obliques, tranchent nettement par leur aspect et la minceur relative de leurs parois sur les autres éléments ligneux.

III. La moelle formée principalement de cellules inertes, absolument vides, présente un petit nombre de cellules à contenu tannique peu abondant. Toutes ces cellules sont dé- pourvues de ponctuations et ont des parois d'une minceur

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extrême. 11 est à noter qu'outre les cellules à tannin dis- séminées, une rangée rég-ulière de ces éléments existe à la périphérie de la moelle et forme une bordure élégante et con- tinue à la limite de la région ligneuse.

La moelle du Sumac présente, aussi bien que l'écorce des canaux sécréteurs dont la cavité est bordée, de petites cel- lules ; dans quelques préparations le précipité brun comble en partie la cavité de ces canaux sécréteurs.

Vi/is vinifera. Comme dans le Sumac, tous les tissus renferment des cellules tannifères ; même les fibres libé- riennes, aussi longtemps que leur cavité n'est pas comblée par les couches d'épiiississement, présentent un précipité de coloration très foncée ; dans la moelle, il n'y a que des cellules disséminées et point de bordure continue.

Je crois pouvoir me borner à ces quelques indications et me dispenser d'entrer dans de plus grands détails à l'égard d'un végétal si fréquemment étudié par lesanatomistes.

La description précédente, basée principalement sur l'exa- men des parties aériennes (1), concerne seulement les individus entièrement développés dans les conditions normales de la végétation et cueillis au moment de la floraison ; mais il im- porte de remarquer que suivant le degré de développement, le contenu tannique peut offrir de Dotables différences, et que par conséquent la description donnée ne saurait s'appliquer indifféremment à tous les âges des végétaux observés. Les variations du tannin au cours de la végétation annuelle, étudiées parallèlement à celles de l'amidon, m'ont paru offrir un certain intérêt physiologique, et j'en ai fait le sujet d'ob- servations attentives. Ces observations m'ont fourni maintes fois l'occasion de vérifier le fait important signalé plus haut, de la richesse plus grande des organes en acide tannique pen- dant leur première jeunesse. Dans les entre-nœuds longs de

(1) Je n'ai trouvé aucune trace de tannin dans les racines des trois espèces à tige lierbacée dont j'ai donné la description. La racine du Rhus Coriaria étudiée à ce point de vue s'est montrée très pauvre en éléments tanniques. Quelques-uns seulement existent dans la région corticale.

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quelques millimètres, les jeunes feuilles, les organes floraux a l'état d'ébauche, le précipité tannique est presque noir sur les coupes minces les mieux réussies. Dans un organe quel- conque, un entre-nœud, par exemple, parvenu au terme de son allongement, le tannin m'a paru présenter une certaine fixité pendant toute la durée ultérieure de la végétation ; et môme après la maturation complète des fruits, il persiste dans ses éléments propres, en présentant une légère augmentation, tandis que la provision amylacée, accumulée dans la moelle et l'écorce primaire au moment de la floraison, diminue peu à peu et disparaît tout entière quand la végétation annuelle arrive à son terme.

Avant d'aborder la partie physiologique de ce travail, il me paraît utile de rassembler en un tableau général l'ensemble des données anatomiques que possède actuellement la science relativement au tannin. Pour ce résumé, je m'appuierai sur les travaux des auteurs que j'ai cités dans la partie historique, aussi bien que sur mes propres recherches. On peut considérer le tannin sous le rapport : De sa diffusion dans le règne végétal. De sa distribution dans les divers tissus. Des éléments anatomiques qui le contiennent. 1" Il résulte de l'ensemble des recherches que le tannin est plus répandu chez les Dicotylédones que chez les Mono- cotylédones et les Cryptogames; qu'ilest plus abondant et se trouve plus fréquemment chez les végétaux ligneux que chez les plantes annuelles. Parmi les divers groupes naturels, il paraît spécial à quelques-uns : Cupulifères, Rosacées, Théré- binthacées, Ericinées, Légumineuses, tandis qu'au contraire certaines familles, les Malvacées, les Solanées, les Oléacées, en sont presque entièrement dépourvues.

Quant à sa répartition dans les divers systèmes anato- miques, il importe de remarquer que c'est dans les tissus de l'écorce, à l'exception du suber (exception non absolue, comme nous l'avons vu), et dans la moelle qu'il existe en plus forte proportion. Toutefois, chez les végétaux ligneux, il

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se trouve aussi très fréquemment dans le bois (rayons médullaires), ainsi que dans lamoelle et l'écorce. Le con- tenu tannique est à son maximum dans le tissu des organes jeunes, doués d'une grande activité physiologique, tels que les bourgeons et les jeunes pousses, les embryons en germi- nation ; les tissus formateurs, le Cambium et le phellogène, peuvent en contenir de fortes proportions. Rare dans les réservoirs nutritifs des graines, il existe toutefois dans les Cotylédons, chez quelques espèces très richement pourvues, telles que les Quercus et les Castanea, oià on le trouve associé à l'amidon dans les mêmes cellules.

Les éléments qui produisent et contiennent le tannin sont toujours des cellules vivantes, ayant conservé leur protoplasma et leur noyau, contenant parfois de l'amidon et de la chlorophylle. C'est ainsi que, dans la moelle, les cellules mortes (inactives et cristalligènes, de Gris) (1) ne sont jamais tannifères, mais souvent au contraire les cellules actives. Quand les tissus renferment une forte proportion d'eau, chez les plantes herbacées, par exemble, et même dans les tissus lignifiés pendant l'activité végétative, le tannin est en disso- lution dans le suc cellulaire. D'après M. Hartig, il revêt au contraire la forme solide dans les rameaux artificiellement desséchés ou pendant la période hivernale, et mêlé à d'autres substances, il constitue alors des grains, parfois composés, auxquels M. Hartig donne le nom de fécule tanni- que^ et qui se distinguent des grains amylacés par leur facile solubilité.

Après avoir établi ou rappelé les notions anatomiques les plus essentielles, j'aborde l'étude physiologique du tannin. De même que pour toute autre substance élaborée dans les cellules végétales, cette étude comporte deux ques- tions principales : V quelles sont les conditions nécessaires à la production du tannin; quel est son rôle dans la vie végétale? L'examen de ces questions, réduites à ce qu'elles

(1) A. Gvi?,, Mémoire sur la moelle des plantes ligneuses {Nouv. Arch. du muséum, V[, 1871, p. 201-202.)

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ont de plus cssenliel, fera l'objet des deux paragraphes suivants.

§ I. A l'ég-ard de la première question, je me suis borné à rechercher rinfliience de la lumière. La vie végétale, envi- sagée au point de vue le plus général, est, comme on le sait, sous la dépendance de la lumière ; mais parmi les manifesta- tions vitales de la plante, les unes, telles que la formation de la chlorophylle et l'assimilation du carbone, exigent l'action directe de la radiation solaire, tandis que la plupart dépen- dant d'une façon indirecte de cette radiation, exigent seule- ment une provision de matériaux assimilés, au moyen des- quels elles peuvent s'accomplir dans l'obscurité la plus profonde. L'élaboration du tannin appartient-elle à cette dernière classe de phénomènes? ou bien exige-t-elle directe- ment l'intervention de l'agent lumineux dans les cellules à chlorophylle? Telle est la question à résoudre.

D'après certains faits signalés plus haut, on peut déjà, avant toute expérience, considérer comme possible l'élabora- tion du tannin à l'obscurité : ainsi, la présence de ce composé dans l'embryon de certaines graines protégées par des enve- loppes opaques, dans les tissus de la racine, à l'intérieur de la moelle. 11 est néanmoins utile de vérifier expérimentalement si, dans les organes pourvus de chlorophylle, dont l'évolution normale se fait à la lumière, la formation du tannin est indé- pendante de cette condition ; en d'autres termes, si cette formation a lieu dans la plante étiolée. Les expériences ont consisté dans une comparaison attentive, répétée chaque jour sur des plantules de P/iaseo/us , Onobrychis et He- lianthus, dont la germination se produisait, pour les unes^ dans une enceinte obscure, pour les autres, en pleine lumière ; ces dernières étaient exposées, autant que possible, aux rayons solaires directs. D'après mes observations, dès la première phase de la germination, alors que la radicule seule fait saillie hors des téguments de la graine, le tannin apparaît en grande quantité, dans ses éléments propres ; et les deux catégories de plantules ne présentent aucune différence. Cette

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égalité se maintient ensuite un certain temps, jusqu'à ce que les jeunes plantes aient atteint quelques centimètres, puis elle cesse d'exister et l'avantage, sous le rapport du contenu tan- nique, appartient désormais à la plante verte et insolée. Le résultat est identique, qu'il s'agisse des cellules épidermiques du Haricot et du grand Soleil ou des éléments des faisceaux libero-vasculaires. C'est ainsi que dans la première période, le précipité forme une masse brun foncé, compacte^ dé- pourvue de vacuoles et remplissant exactement les cellules dans toutes les jeunes plantes; plus tard, quand l'étiolement se manifeste par l'absence de matière verte et l'allongement excessif, on ne trouve plus que des fragments irréguliers et dissociés dans les éléments tannifères, parfois même de simples granules foncés déposés à la surface de l'utricule primordiale. Il semble que dans le cours d'un épuisement rapide, le tannin primitivement formé se répartit sur une plus grande étendue par l'allongement des cellules, et pré- sente ainsi, après l'action du bichromate, une apparence fragmentée. Les plantes vertes, au contraire, étudiées en même temps, présentent des masses compactes, qui comblent les cavités cellulaires.

Ces deux résultats, obtenus à des périodes successives de la germination, n'offrent qu'une contradiction apparente et peuvent se concilier aisément, si l'on considère que, dans l'obscurité, la réserve de la graine, intacte au début de l'ex- périence, s'épuise rapidement dans le cours de celle-ci, sans que les pertes puissent être réparées par l'assimilation. La pauvreté relative de la plante étiolée en acide tannique peut donc être envisagée comme une conséquence du défaut d'as- similation ; elle peut résulter en même temps de l'allonge- ment des cellules à tannin, trop rapide pEir rapport à la pro- duction. La première circonstance rend le tannin réellement moins abondant; la deuxième le fait paraître tel. Les obser- vations de M. Rauvenhoff, rappelées dans la partie historique, me paraissent susceptibles de la même interprétation. Nous pouvons donc conclure de ces expériences que le tannin est,

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quant à sa production, indépendant de la lumière et de la chlorophylle.

Avant de quitter ce sujet, je signalerai un fait intéressant, que j'ai constaté particulièrement sur les jeunes plantes de Haricot et de Grand Soleil. Parmi ces jeunes plantes, déve- loppées à la lumière, il en est qui présentent une assez vive coloration rougeâtre ou violacée des cellules épidermiques de leurtigelle. Cette coloration, variable dans son intensité, est due à une substance particulière en dissolution dans le suc cellulaire. J'ai toujours vu que la vivacité de cette coloration est en rapport avec la richesse des cellules en acide tannique. Est-ce une simple coïncidence , ou bien existe-t-il, comme l'a dit M. Wigand, un rapport plus intime entre le tannin et les matières colorantes? La question exige de nouvelles recherches. Il importe toutefois de remarquer que l'indépen- dance de la production tannique par rapport à la lumière établit une nouvelle analogie entre le tannin et les matières colorantes des fleurs ; on sait, en effet, par les expériences de MM. Sachs et Rauwenhoff (1), que des fleurs développées à l'obscurité ne le cèdent pas, sous le rapport du coloris, à celles dont le développement a lieu dans les conditions ordinaires.

§ 2. Recherchons maintenant la destinée physiologique du tannin après sa formation: si, comme l'ont admis Wigand, Hartig et d'autres auteurs, il est utilisé pendant le dévelop- pement de nouveaux organes et disparaît, par conséquent, des cellules oia il s'est déposé; ou bien, comme le pense Sachs, s'il demeure indéfiniment au lieu de sa formation à titre de déchet organique.

On sait que dans le cours d'un accroissement rapide, les matériaux plastiques accumulés dans le tissu de l'organe qui s'accroît ou dans les réservoirs nutritifs annexés à cet organe, .subissent une diminution progressive et peuvent même en- tièrement disparaître, employés à la formation de cellules nouvelles ou à l'entretien de la respiration. C'est dans les

(1) Sachs, Physiologie végétale, trad. M. Micheli, p. 36. RauwenhoÊF, /oc.

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végétaux soumis à l'étiolement que ces phénomènes se ma- nifestent avec la plus grande netteté. Chez les Phaseolus^ Onobrychis, etc., on voit dans ces conditions les grains d'amidon, très serrés dans la jeune plantule, devenir de plus en plus rares à mesure que s'allongent les entre-nœuds, et bientôt môme se localiser exclusivement dans la gaîne des faisceaux. Le protoplasma lui-même devient moins abondant, perd ses granulations et disparaît de certaines cellules, les cellules médullaires, par exemple, qui meurent et se déchirent, laissant à la place qu'elles occupaient une lacune centrale. Si l'on examine les tissus réduits à se nourrir ainsi de leur réserve nutritive au moment ils donnent les premiers signes de mort, il est difficile d'y découvrir de l'amidon ou toute autre matière granuleuse : la plupart des cellules renferment seulement un suc incolore.

J'ai souvent constaté la possibilité d'amener une plante à un état d'épuisement presque aussi complet, malgré l'in- fluence d'un vif éclairage, si la végétation a lieu dans un milieu dont la température est très élevée : les organes excitées à un accroissement démesuré, consomment à chaque instant plus de matériaux que n'en peut fournir l'assimilution dans les cellules vertes, il y a donc rupture d'équilibre entre les gains et les dépenses. J'ai trouvé sur de jeunes plantes de Pisum, RicinKs, Phaseolus^ développées en serre chaude, à la lumière, les tissus presque aussi pau- vres en matières assimilées que dans le cas d'étiolement véritable par l'obscurité.

Les faits précédents, bien connus des physiologistes, nous tracent le plan de quelques expériences très simples, propres à nous renseigner sur le rôle du tannin. Réduire une plante par les deux influences simultanées de l'obscurité et d'une température élevée à user ses réserves jusqu'à complet épuisement; examiner avec soin les tissus, en comparant les proportions relatives du contenu tannique-au début et à la fin de la végétation expérimentale ; rapprocher les résultats obtenus des changements que subissent les substances plas -

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tiques, telles que l'amidon, dont le rùle physiologique est aujourd'hui bien connu : telle est l'idée générale des expé- riences que j'ai faites.

Ces expériences ont porté sur des boutures et sur de jeunes platites venues de graines. Voici le détail des faits. Le 14 fé- vrier 1880, on coupe sur des pieds de Bhus Coriaria, Rosa Centifolia cl Vitis vinifera, des rameaux âgés de deux ans. Sur chaque rameau les parties extrêmes sont détachées et mises dans le bichromate; la partie moyenne, longue de 6 à 8 cen- timètres, pourvue de quelques yeux en bon état, est bouturée dans une serre dont la température moyenne est de 22°. Les boutures sont divisées en deux parts : les unes sont exposées à la lumière, les autres recouvertes d'une cloclie noircie, en prenant les précautions nécessaires au renouvellement de l'air. Le 26 avril, les bourgeons ont formé sur chaque bouture des pousses nouvelles; celles-ci, d'un'vert tendre sur les boutures de la première part, sont d'un jaune pâle, allongées et pour- vues de très petites feuilles, sur les boutures privées de lu- mière. Après macération dans le bichromate, on fait l'examen comparé des tissus avant et après la végétation, ainsi que celui des nouvelles pousses. Cet examen fait voir : 1" que l'amidon, très abondant dans les rameaux cueillis en pleine terre, à la fm de l'biver, a presque entièrement disparu, pendant le séjour dans la serre, aussi bien à la lumière qu'à l'obscurité; que le contenu tannique ne présente au con- traire aucune différence appréciable par nos moyens actuels d'investigation ; que les pousses vertes contiennent une proportion de tannin notablement supérieure à celle des pousses étiolées.

Ces résultats ont été confirmés par l'emploi du réactif de Schnetzler. Des fragments de môme poids, détachés des bou- tures et plongés pendant un temps égal dans des volumes égaux de lasolution de borax, fournissent un liquidejaune brun, dans lequel quelques gouttes de perchlorure de fer déterminent un précipité foncé très abondant. Les précipités obtenus avant et après l'expérience n'oflrent aucune différence sensible. Il

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résulte donc nettement de cette expérience que, pendant la formation d'organes nouveaux, une différence capitale se ma- nifeste entre le tannin et l'amidon, l'un émigrant rapidement vers le lieu de la formation nouvelle, l'autre demeurant à la place qu'il occupe.

J'ai répété la même expérience, sur les mêmes végétaux, dans des conditions différentes. Le 14 août, des rameaux de l'année, minces et encore herbacés, furent coupés en frag- ments de dix centimètres environ, privés de leurs feuilles et bouturés, dans une serre dont la température ne s'abaisse pas au-dessous de 25°. L'examen histologique révèle une propor- tion d'amidon très faible, comparée à celle des boutures d'hiver : le contenu tannique, par contre, est très abondant. Parmi cesboutures, les unes, meurent et se dessèchent immé- diatement; chez les autres, les bourgeons, par un léger gonfle- ment, semblent annoncer la reprise, mais tout s'arrête bien- tôt et la mort survient. Ce résultat très différent du précédent peut en être regardé, je crois, comme une confirmation vé- ritable : si, en eifet,dans des conditions extérieures favorables, la végétation s'arrête à son premier début, cela ne prouve-t- il pas que l'acide tannique, malgré son abondance, est incapable de suppléer à l'insuffisance des autres réserves?

Des expériences du même genre, faites sur Phaseolus Onobrychis ^ Helianthus ont confirmé ces premiers résultats Ces expériences ont consisté à soumettre aux conditions d'un épuisement rapide des plantes de ces trois espèces dont le premier développement s'était accompli normalement à la lumière et qui possédaient par conséquent une certaine provi- sion de substances assimilées. L'examen comparé de l'amidon et du tannin fat pratiqué, comme dans le cas précédent. La description suivante, relative au Phaseolus vulgaris, donnera une idée de la marche de ces expériences. J'ai fait choix de jeunes plantes, provenant de semis faits le 10 août de cette année, dont le développement s'était effectué avec vi- gueur, grâce à des conditions favorables de lumière, d'hu- midité et de température. Par l'examen histologique , les.

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variations du tannin et de l'amidon sont régulièrement sui- vies et notée?, tandis que des mesures quotidiennes font connaitre l'accroissement en longueur des premiers entre- nœuds, jusqu'à Tarrêt complet de cet accroissement. On attend pour commencer l'expérience que cet arrêt de l'élon- gation soit confirmé par la constance des chifTres de mesure pendant 5 à 6 jours. Cette précaution a pour but d'écarter une cause d'erreur que j'ai déjà signalée, consistant dans la diminution apparente du contenu tannique sur la section transversale, par suite d'un allongement trop rapide des élé- ments qui le contiennent. Le 1 0 septembre, les plantes hautes de 0",25 à 0°',28 sont mises dans un lieu obscur et y séjour- nent pendant 12 jours. La température varie de 22° à 25°. A ce moment les feuilles inférieures sont desséchées et les moyennes commencent à prendre une teinte jaune; de nouveaux entre- nœuds se sont développés, pâles, très allongés, avec de petites feuilles d'un jaune clair. On met fin à l'expérience.

De nombreuses coupes, faites à divers niveaux dans les trois mérithalles inférieurs sont comparées à des coupes simi- laires, pratiquées avant l'étiolement sur deux individus pris comme types. Ces dernières montrent de nombreux grains d'amidon composés, de petit volume, à la périphérie de la moelle, dans l'écorce primaire, et surtout dans la gaîne des faisceaux . Ces grains ont, au contraire entièrement dis- paru dans les plantes soumises à l'inanition. Quant au tannin, remplissant incomplètement ses cellules propres du liber, sous forme de masse irrégulière ou de croissant, il fait dé- faut dans la moelle et dans le bois ; mais aucune différence n'existe, sous le rapport de la quantité apparente entre les coupes des deux catégories. Ici encore, comme dans l'ex- périence des boutures, le tannin est resté immobile tandis que la plante usait ses dernières réserves.

Ainsi, soit aux diverses phases de la végétation annuelle, s'effectuant dans les conditions normales, soit dans Tétat d'inanition provoqué par la privation de lumière , le tannin reste étranger aux phénomènes de destruction et de création

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organique dont la plante est le siège. Ce résultat, en contra- diction formelle avec l'opinion de la plupart des botanistes, me semble attesté suffisament par les observations et les expériences que j'ai décrites. Il me reste h faire connaître une dernière série de faits, d'un autre ordre, qui déposent dans le même sens.

On sait qu'à la fin de la période annuelle de végétation, les tissus des organes persistants sont le siège d'une accumula- tion de matériaux nutritifs qui séjournent pendant l'hiver dans ces organes et sont consommés au réveil de l'activité vitale. En particulier, les principes plastiques, qui font partie de la constitution des feuilles, subissent certaines transforma- tions au moment de la chute autumnale ou de la mort de ces organes, se dissolvent, etémigrent dans les tissus de la tige. Ainsi se comportent, d'après Sachs (1) l'amidon, le proto- plasma, et même certains composés minéraux d'une utilité majeure, tels que les phosphates; enfin, les grains de chloro- phylle eux-mêmes, après avoir perdu leur contenu amylacé, subissent une altération spéciale ou dégradation physiologi- que et se transforment en corpuscules graisseux qui restent dans le parenchyme foliaire, tandis qu'une partie de sa subs- tance fait retour dans les tissus persistants. Que devient l'acide tannique à cette période ultime de la vie des feuilles? S'il joue un rôle utile dans l'économie végétale, ne doit-il pas, comme les substances citées plus haut, abandonner les organes caducs pour être mis en réserve ? Pour répondre à cette question, j'ai fait les observations suivantes. Des feuilles de Quercus sessi/i/lora, Vilis, Rhus Coriaria et R. co/mus^ Pistacia therehinthus^ Rosa riibiginosa^ cueillis dans les pre- miers jours du mois d'août, furent plongées dans le bichro- mate ; le 15 octobre on fait subir le même traitement à des feuilles des mêmes espèces, sur le point de tomber ou de se dessécher, déjà jauniespar l'altération de la chlorophylle. Des coupes furent ensuite pratiquées en divers sens à travers le pétiole et le limbe. La comparaison attentive des préparations

(1) Sachs, Physiologie végétale, trad. Micheli, p. 338.

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m'a fait voir que sous le rapport du contenu tiinnique, les tissus loliaires appauvris et à demi morts de la période ultime ne diffèrent nullement des tissus examinés en pleine activité physiologique. Chaque année^ une proportion considérable de tannin est donc enlevée au végétal par la chute ou la des- siccation des feuilles ; nouvelle opposition entre cette sub- stance et les vraies matières de réserve.

Tout en reconnaissant que le nombre des observations cer- taines est peut-être insuffisant pour autoriser une conclusion absolue, il me paraît légitime de considérer le tannin, dans les cas particuliers que j'ai rappelés, comme un véritable déchet des phénomènes nutritifs et non comme un équivalent physiologique de l'amidon, des sucres et des vrais matériaux formateurs du tissu végétal. 11 devrait donc être rapproché, au moins provisoirement, des subtances considérées comme excrétoires, telles que les alcaloïdes et les principes excré- mentiliels du latex. Les principaux résultats des recherches faites jusqu'à ce jour, loin de contredire cette opinion, sem- blent au contraire y trouver leur explication naturelle et lui prêter appui. Ainsi, un des faits les mieux démontrés, l'abon- dance extrême de l'acide tanniqiie dans les parties les plus jeunes de la plante, s'accorde très bien avec cette idée, si l'on considère que la quantité des déchets organiques doit être en proportion de l'activité physiologique. Que le tannin, malgré son rôle de substance excrémentitielle, conserve néanmoins une certaine utilité dans quelques actes secon- daires de la vie végétale ; qu'il participe à la formation des matières colorantes, ou bien, suivant une hypothèse récente (I), qu'il joue un rôle actif dans le développement des grains de chlorophylle, c'est ce qu'il est impossible de nier ou d'affirmer avec certitude dans Tétat actuel de la science.

(1) Schnetzler, loc. cit.

PROPOSITIONS DONNÉES PAR LA FACULTE :

\ . Structure de la tige chez les Dicotylédones angiospermes 1. Caractères des Orchidées.

Vu et permis d'imprimer : Vu et appprouvé :

Paris, 4 juin 1881. Paris, 4 juin 1881. 0

Le vice-rectevr de l'Académie de Paris, Le doyen de la Faculté des sciences,

Gréard. Milne-Edwards.

3299-81. CoBBEiL. Typ. et =tér. Crété

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