a ARLES tr » LL, | Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from University of Ottawa ÿ} FÉÆCATRE D'AGRICULTURE. DOTHEATRE AD'AGRICULTURE n'AT MÉNAGE DES CHAMPS, D'OLIVIER pe SERRES. Où l’on voit avec clarté el précision lart de bien employer et cultiver la terre, en tout ce qui la concerne , suivant ses différentes qualités et ch- mats divers, tant d’après la doctrine des Anciens, que par l’expérience. REMIS EN FRANÇOIS, Par: ÀA..M., G4S.O0 RS. TOME QUATRIÈME. AG PA RATS ; Cnez M EUR ANT, libraire pour PAgriculture, rue des Grands-Augustins, n°. 5/4 En EXI, — 1802. FA Er FE À AE k né fes be ri, going nee 15 "as 508 Lo HT 43 si Dr Ne ME j er: or “ aq 0 dr crc # ——— — AVANT-PROPOS Sur Putilité de l'Eau et du Bois. L ES anciens et les modernes ont préféré, avec une trés-grande raison, le lieu qui est le mieux pourvu d’eau et de bois à tous les autres ; car aprés la santé de l’air , qui est le fondement de tout séjour, de l’eau et du bois dépendent l'être et le support de cette vie, Dieu ayant or- donné l'humidité et la chaleur pour les causes principales de la génération. C’est pourquoi de toute ancienneté les rives des fleuves remar- quables , et les bords des grandes forêts, ont été choisis pour la construction des grandes villes, par le moyen de ces commodités, les peuples pouvant avantageusement y habiter et multi- plier. Et si aujourd’hui on voit bien peu de grandes villes qui ayent la forêt au dos, comme il y en a plusieurs dont les murailles se baignent dans les rivières, il faut conclure qw’elles se- roient de même éloignées de l’eau, comme elles Je sont du bois, si l’usage l’eût pu consommer , comme par la révolution des tems, les forêts iÿ TAVANT-PROPO'S: sont devenues désertes. La création des offices de garde des eaux et forêts est sortie du som que nos rois ont eu le tems passé, de la conservation de ces deux alimens. La vertu de ces choses né- cessaires à été bien remarquée aussi par les an- ciens jurisconsultes et législateurs , pour la dé- fense qu’ils ontfaite à toutes personnes d’admi- nisirer aux criminels fugiifs de l’eau et du feu, par le déni de l’usage,de cesélémens nécessaires L en les punissant rigoureusement. La preuve or- dinaire nous fait confesser; que les hommes ne peuvent subsisler ni sains ni malades, sans le secours de l’eau et du bois : aussi moyennant lesdites commodités, sans celles naturelles, une terre ne sera pas mal assise ,.et en.employant Vune et l’autre ainsi, qu'il appartient, elle de- viendra des plus: belles et des plus fertiles, où étant favorisée du ciel, ,mi prairies, mi jardi- nages, ni fruit des arbres, ni bleds, ni vins, ni poisson , ni gibier ne manqueront, En un mot, par le moyen de l’eau et du bois, tout abonde dans un lieu. J/une de ces commodités man- quant , il manque de même au terroir la moitié de sa beauté et de sa bonté, et comme mutilé de ° AVANT-PROPOS. ñ} ses principaux membres, il demeure imparfait. Par ces raisons donc, on peut discerner laquelle des deux commodités est la meilleure, pour ex- primer les biens qu’on tire des terres ornées des deux ensemble. Il est vrai que l’eau est à pré- férer au bois en ce qu’elle fait produire plusieurs espèces d’arbres, là où le bois ne peut produire aucune eau. Le bois au contraire se trouve plus recommandable que l’eau , par la longueur et la difficulté de son accroissement, et la grande dé- pense qui court au charroïi des bois'pour la pro- vision d’une bonne maison, quand on est con- traint de l’aller chercher au loin , suivant Ja ma- xime , que Les choses Les plus difiiciles à recou- #rer , sont les plus précieuses : Veau cédant au bois en ce cas, que partout on se procurera de l’eau dans peu de tems, quand ce ne seroit que par citerne, lesautresmoyensmanquants, comme il sera montré ; ainsi il semble plus raisonnable de pencher plutôt pour le bois que pour l’eau. Mais pour ne pas entrer plus avant dans cette dispute, l’abandonnant aux philosophes , nous . nous arréterons là, puisque Dieu a assujéti l’en- tretien de notre vie sous les quatre élémens, : iv AVANT-PROPOS: dont l’eau et le feu nourri par le bois, font la moilié ; nous poserons dans le même rang l’eau et le bois, pour en même tems et de même afiec- tion, nous fournir de l’un et de l’autre. Et quoi- que par la nécessité de ces choses, il semble que la recherche de l’eau et du bois doive être jointe à l'ordonnance de la maison, avant que d’entrer au discours du labourage des terres; par bonnes raisons, j'ai réservé d’en traiter en cet endroit , ainsi qu’il a été touché ci-devant, dans le cha- pitre V du premier Livre. | THÉATRE THÉATRE D'AGRICULTURE. LIVRE SEPTIÈME. CHAPITRE PREMIER. Des Eaux en général. Lésineècarr par l’eau , je dirai qu’elle sur- passe les autres élémens , en ce qu’elle sert d’aliment, vu qu’elle abreuve toutes sortes d'animaux ; le feu, l'air, la terre, ne don- nant immédiatement aucune nourriture. C’est par l’eau que toutes les habitations deviennent agréables et saines, et tous les terroirs fertiles. . Quel plaisir n’éprouve-t-on pas en contem- plant les eaux belles et claires qui coulent à l’entour de votre-maison , et semblent vous tenir compagnie ? qui rejaillissent en haut par Tome 1F. À. 2 FR Re Mr un million d’inventions, qui parlent, qui chan- tent en musique , qui contrefont le chant des oiseaux , les coups de fusils, le bruit de l’ar- üllerie , comme de tels miracles se voient en plusieurs endroits , sur-tout à Tivoli ? et très- naïvement à Saint-Germain-en-Laye , où le Roi a de nouveau fait construire ces choses et autres magnificences, admirées de tous ceux qui les contemplent. Quant à la santé , les eaux salubres courantes rafraichissent l'air en été , servent à la propreté en toutes saisons, en lavant lés immondices du ménage. Faute de quoi faire, si on n’a pas l’eau à comman- dement, souvent l’on tombe danse grandes maladies et langueurs. Faute d’eau , la peste quelquefois se met dans les armées. Le bétail aussi n'étant pas bien abreuvé, ne fait jamais une bonne fin : au contraire il se porte toujours d’autant mieux , que mieux il est accommodé d’eau. Qu’en dirons-nous du profit ? N'est-ce pas l’eau qui, par ses arrosemens, convertit en bonne la mauvaise terre, en la rendant propre à produire abondamment , des arbres, des fruits, des foins, des herbes de jardinage et plusieurs autres biens, même des bleds et des vins. À cette occasion, on appelle aussi alchimie sûre , parce qu’en peu de tems elle Lé * pD'ACKRICULTURE. 5 se convertit en or et en argent par le moyen des choses susdites , et par les différents mou- hns qu'elle animé , très-souvent avec un re- venu qui excède celui de la terre, Dans l’ar- cle du profit qui vient de l’eau , on mettra fa pêche, aussi grand qu’on le pourroit ima- ginér, comme je l'ai représenté particulière- ment ailieurs , chapitre XIIT, livre cinquième. Ces choses reconnues de toute ancienneté, les hommes ont tâché de s’äecommoder d’eau, selon que leurs esprits et leurs facultés leur én ont suggéré les moyens. La nature y a aussi travaillé, d'elle-même , en plusieurs lieux ; mais avec une grande merveille en Egypte, Où l’eau du Nil én s’énflant, inonde la terre trois mois continuels ; passé ce tems , l’eau retirée laisse un limon gras, sur lequel le peuple sème ses grains avec peu de labeur et un grand râpport ; mais comme cet arrose- nent nature] ne peut pas être imité , je n’en parlérai pas davantage , ni de plusieurs autres édux admirables , dont Pline, Vitruve et autres anciens font mention , pour mettre en évidence l’ingénieuse invention de ce Crappone, gen- til-hommé provençal , qui, en l’année 1557, fit conduire à Selon de Craux , en Provence, üñ bras d’eaü de là Durance , par un large. À 2 Ne à TRE R TE canal pris à cinq lieues de ladite ville. Cette eau fit changer de face les terroirs qu’elle ar- rosa , et causa un profit d'autant plus grand , qu'auparavant ils étoient de peu de valeur, à raison de lPimportune chaleur méridionale du pays, et a utilement accommodé de mou- linsles peuples de ces quartiers, à la louange de l'inventeur, dont la mémoire se conserve avec la jouissance du fruit de son patient tra- vail. La ville d'Arles suivant les traces de Selon, s’est depuis accommodée de la même rivière : une partie de laquelle, passant par la Craux, terroir de son naturel sec et aride, se rend dans ladite ville, pour les arrosemens et moulins, au grandbien du peuple. Etcomme par émulation ; les uns apprennent des autres, Jai en mon particulier suivi l’invention de Crappone dans la conduite d’une petite eau éternelle, qui passant autour dema maison arrose ma terre , et finalement se rend à mes moulins. L’entreprise ayant été Jugée au com- mencement aussi vaine, que leflei l’a depuis approuvée utile et profitable. Je pourrois vous produire sur cette matière d’autres exemples à l'infini, plusieurs villes de ce royaume se voyant arrosées par des aqueducs qui traver- sent et environnent leurs terroirs. Et sur tous nt mn tp AÉRIÉGEÉTURE. 5 les peuples de ce tes, les Allemands , Fla- mands , Angloïs, Lombards ; surpassent les au- tres dans la conduite, des eaux , dont leurs villes se voient ornées de mille manières , sans épargner le marbre , le bronze , le laiton, l'or, Vargent et lazur qu’on y voit briller avec ma- gnificence. À Franedal; ville nouvellement commencée à bâtir près de Worms en Alle- magne , 1] a été fait un grand canal, qui con- duit eau de la rivière du Rhin jusques dans Jadite ville ; où après avoir rempli les fossés, servi ses moulins et ses foulons , elle se dé- “€harge dans la même rivière , portant bateau pour leurs trafics. Nous devons ces magnifiques inventions à la mémoiré des anciens Romains, qui ;‘extrémément amateurs des eaux , en ont ait conduire dans les villes où ils ont com- mandé | avec des dépenses extraordinaires, ‘comme on en voit les vestiges dans un grand nombre d’endroits. Dans les restes de l’anti- ‘quité , dont l'Italie est remplie, spécialement à Rome, on remarque plusieurs superbes aque- ducs: Dans ce Royaume aussi en différens en- droits :1à ‘Arcueil près Paris, à Autun en Bourgogne , à Poitiers, aux environs de Lion, à Orange, à Arles, on voit beaucoup de ruines de ce genre. Mais par-dessous ces masures A 3 6 THÉATRE paroît presque tout entier le superbe pont du Gard à Saint-Privat en Languedoc , lieu rare, par la nature et par l’art, digne séjour de son seigneur. Ce pont a été bâti sur la ri- vière du Gardon, par les anciens Romains, du tems de leur domination dans les Gaules, ex- pressément pour faire traverser ladite rivière à une fontaine que du côté d’Uzès , ils con- duisoient à Nimes , ville et colonie Romaine; laqueile fontaine le pont recevoit d’une mon- iagne pour la rendre à l’autre, les deux Joi- gnant la rivière, selon que cela est prouvé par les vestiges de son ancien chemin. Par la pro- fondeur de la vallée , le pont est hautement bâti, à trois rangées d’arcades l’une sur l’autre, dont la première porte le canal, ingénieuse- ment cimenté. Cet ouvrage est d'ordre "F'os- can , composé de pierres d’une grandeur étonnante , et avec beaucoup d'art. Invention inimitable. Notre maison des champs n'étant pas assise près de la rivière, ni accommodée naturelle- ment de fontames , ni de ruisseaux , nous re- chercherons soigneusement le moyen de nous fournir de bonne eau , en grande abondance, et avec le moins de frais que nous pourrons. Sur quoi nous noterons qu'il y a trois princi- ip'AGREGUEL TU R E. 7 pales sortes d'eaux : dessus terre et apparen- tes : de souterraines et cachées : et de piuie. Nous subdiviserons les premières en trois ; éñ fontaines, ruisseaux et rivières. Les {on- taines et ruisseaux retiennent leur mom, tant qu’elles sont modérées en grandeur , leur dé- nomination changeant à mesure de leur force ; ar une grosse fontaine se convertit en ruis- seau , etun gros ruisseau , en rivière. On ne remarque pas le changement de nom des sources souterraines et eaux cachées, quand elles sont mises en évidence, non plus que cehu des rivières qui, avec leur état, con- servent leur tie. Nous mettrons les puits au rang des sources souterraines , étant une es- pèce de fontaine qui ,se trouvantbasse , ne peut couler dessus la terre , dont par arüfice om est contraint d’en remonter l'eau. Quant aux eaux de la pluie, ce sont celles dont, sous le nom de citernes , lon se sert , étant serrées et gardées dans des réceptacles ainsi appellés. Lesmares connues en plusieurs endroits , par- ücipent despuits et des citernes, parce que ses. sources. basses sont forufiées des eaux des pluies, qui, retenues dans un endroit, se con- servent pour. le ménage. On tire service de toutes ces eaux en différentes manières , seion | À À 8 THÉATRE leurs diverses valeurs, qualités, et les lieux où elles se rencontrent. PR PP AP EE, CHAPITRE Il. Des grosses Fontaines , Ruisseaux, Rivières, Eaux sur terre apparentes, et de leur con- duite par canaux ouverts. ‘Le se servir de ces eaux, l’examen de leur situation est avant tout très nécessaire , afin de prendre avis sur leur conduite, sup- posé que vous soyiez assuré de leur valeur. Car d'attirer à-soi dés eaux mal-saines ou in- fructueuses , cela ne doit pas entrer dans l’en- tendement d’aucun. Mon intention n’est pas non plus de parler ici des eaux navigables, la nature ordonnant elle - même sur ces ma- üères ; ou ce seroit que par l’abondance de l'eau , la prenant en quelque bonne rivière, et par la facilité du chemin , on füt excité à en faire le canal si ample, qu’il suffit à re- cevoir des bateaux pour le débit des fruits de la maison : à l'exemple des petites rivières de Loin , d’Etémpes, et autres qui se déchargent dans la Seine au dessus de Paris. | D'AGRICULTURE-. 9 La plus à desirer de ces trois sortes d'eaux est celle de fontaine , à laquelle seule nous nous arrêterons, si son abondance fournit à toutes nos nécessités , pour la conduire di- versement, selon la variété de ses services ; c’est à savoir, une partie en tuyaux clos pour boire ordinairement , afin d’être nette et frai- che, et une partie en canal ouvert pour les moulins, arrosemens, fourniture d’étangs , et semblables services. Mais si par son impuis- sance, la fontaine ne peut que nous abreuver ét arroser quelque peu les jardins ; elle et le ruisseau , ou à son défaut la rivière , seront employés, afin d’arroser en grand volume, et faire moudre les moulins. Or, comme par la conduite de toutes les eaux, soit à couvert, soit à découvert, le chemin doit être préperé avec un artifice requis, la manière de faire le canal ouvert sera donnée en cet endroit , dont on se servoit généralement pour toutes sortes d’aquedues ; en attendant qu'ayant mis en évi- dence les fontaines souterraines, elles soient conduites avec les autres en tuyaux clos, ainsi qu'il appartient , ce qui sera enseigné ci-après. à , La première œuvre sera la remarque du lieu de la prise de eau, pour la faire la plus pres 10 LH É RE de vous que vous pourrez , afin que l'entretien et la fabrique en coûte moins , que plus le chemin en sera court. Si le naturel de l’as- siette vous contraint de prehdre l’eau hors de votre terre, acquerrez du seigneur de fief votre voisin, ie titre de cette faculié , par les moyens les plus assurés que vous trouverez par conseil ; ain que sans obsiacle, vous puissiez venir à bout de votre enireprise, et que pour l'avenir , muni de bon droit, vous jouissiez paisible- ment de votre labeur , sans crainte de l'envie, qui communément accompagne Ceux qui font bien leurs affaires. Ce fondement pose ,;le chemin que voire eau a à tenir, sera soigneu- sement nivelé avec le grand niveau, en lui donnant autant de pente qu’il sera possible , pour promptement la faire descendre où vous desirez , ainsi qu’il est requis. Cela sera facile, si le naturel favorise l’œuvre ; mais n’ayant pas à choisir de place pour la prise de l’eau, mé- nageant son chemin, vous la prendrez dans un endroit d’où justement elle puisse couler dans les lieux destinés. Et moyennant que.le plomb du niveau pende tant soit peu, ne doutez pas que l’eau n’aille par le canal ainsi préparé. On doit faire attention que l'abondance de l’eau est grande, pius vite elle va, et elle ne s’arré- Ron A GBICUL BU R E. II tera nullement, quoique le chemin n'ait aucune pente, parce qu’une eau pousse l’autre ayec violence. Par cette raison, on a plus de liberté de conduire une grande quantité d’eau qu'une peute, la première allant en canal pendant peu ou beaucoup; mais l’autre ne peut découler que par un chemin ayant une pente raisonnable, La largeur et la profondeur du canal sont aussi à noter pour les mesurer par l’eau et le che- min , afin que selon la grandeur ou petitesse de l’eau, grande ou petite pente du lieu, le canal ce fasse. large ou éwroit, et profond de mêmc. Quoique l’eau soit abondante, si elle est dans un lieu en forte pente, un canal étroit suflira pour sa contenue; et au contraire, une petite eau étant cans un endroit peu pendant, requiert d’avoir le canal fort large. À la résolution de cet avis , aidera beaucoup l'imagination du ser- vice que nous desirons tirer de notre eau; çar si ce sont de grandes étendues de praries ou autres terroirs que nous en voulons arroser ; Si uous voulons l’ employer pour des moulins de remarque , Où à la fourniture des grands étan son abondance pouvant satisiaire à ces ta L il faudra en tenir le canal pius large et plus pio- fond, quepour les ménages d’une moindre ün- poriance. Toute la mesure en sera réglée à F2 THÉATÉE Pœil, que notre père de famille ordonnera par son bon sens, en mettant en compte les engrais que l’eau charrie en tem de pluie; cés engrais procédans des lavures des champs labourés et fumés, afin de n’en perdre aucuns, et pour les recevoir tous, faire en $Sorte que le canal, si petite que scit l’eau , demeure plutôt top = sir que tr OP petit, Le père de famille doit s’étudier à disposer profitablement cet ouvrage , afin qu’il s’entre- uenne avec peu de dépense , et que n’étant pas Sujet à des ruines fréquentes, il se maintienne long-tems en bon état. La prise de l’eau en est l'article le plus difficile, ayant à résister à l’im- pétuosité des eaux , dont très-souvent il arrive qu’elle est emportée par les ravines des pluies. S1 vous avez du niveau de reste, c’est-à-dire si vous pouvez prendre l’eau aussi huh qu'il vous plaira, et que le lieu soit un rocher, vous pourvoirez à ceci dès le commencement; car il ne faut que creuser la prise de l’eau dès le rocher, pour la fa ire de perpétuelle durée; où partie de là , il n’y aura autre chose à réparer ÿ que den ôter le gravier et la terre qui en bou- chent l’entrée, quand les eaux grossissent par les pluies ; et quoique par sa ditièté le rocher coûte beaucoup à tailler, il n’en est pas moins 1 PeéREGUMTUR E. 13 vrai que la refacon rendra l'œuvre à bon mar- ché et donnera un plus grand repos, vu qu'on ne sera pas obligé à tout moment de penser à y remettre Ja main , comme il arrive à toutes les autres prises d’eau, où il y a toujours de la besogne , et que très-souvent on est contraint à les réédifier de nouveau. S'il arrivoit que par la profondeur du lieu, il fallut hausser la prise afin de remonter l’eau en la jettant dans le canal, la chose se fera à profit , pourvu que le fond soit en rocher , dans lequel on fourrera droitement des grosbois qui, portant des pièces de traverses , femont la prise de l’eau. Cette prise durera long-tems, pas plus cependant que le requiert la qualité de la matière , qui se consomme à la longue, étant sujette à la pourriture ; et quelquefois ne pou- vant souffrir l’impétuosité des eaux , le tout par elles en est renversé. Les prises d’eau durent moins encore , quand par faute de rocher , elles ne peuvent être fon- dées que sur le sable ou le gravier, où l’on fourre des pilotis , en y entre-lardant des pièces qui traversent, attachées avec des crampons de fer et de grosses chevilles; car par le peu de solidité du fondement et la violence des eaux, cet artifice tombe en ruine dans peu de tems, 14 | THÉATRE D'autres travailent en cet endroit ave moins de mystère, en ne se servant que de la pierre, dont ils composent leurs prises d’eau, avec un peu de terre qu'ils y ajoutent au-des- sus ; mais C’est par la faveur du lieu qui conti- nuellement leur fournit une nouvelle matière : et si ces prises ne coûtent guères, leur durée ést aussi très-petite, se ruinant presqu'entière- ment à chaque fois ue les éaux grossissent. Ainsi on voit qu’il s’y a que le seul rocher qui résiste contre le tems et les eaux, pour êtré de durée requise. Quant aû canal, il est certain qué celui qui esttaillé dans le rocher , surpasse tous lés autres pour la durée et pour la conservation de l’eau , l’empéchant de se perdre en cherñin ; mais cela n’est pas à désirer par la longueur de l'ouvrage qui cause une trop grande dépénsé pour sa construction ; c’est pourquoi il suffira de lé faire passer par une terre solide , plutôt argil- leuse que sablonneuse, la premiere ne Con- sommant pas tant d’eau que l'autre ; et pourvu que le canal soit d’une bonne profondeur , ne doutez pas de son service ; à la charge aussi d’être tenu net, sans souffrir que par négli- sence il se comble, ce qu'il feroit del lui-même à la longue , s’il n’étoit pas nettoyé quelquefois D'AGRrCUÉTURE. 15 l’anée. S'il arrive qu’en chemin, des vallons et enfoncemens se rencontrent, par où il passe des torrens, pour que les eaux ne rompent pas votre canal, ou le comblent quand elies descendent avec violence des moniagnes, en emportant de la terre, il faudra, pour remé- dier à ces maux , bâtir des ponts de maçonne- rie à travers ces vallons , pour porter votre eau chire etnette , celle des torrens passant cepen- dant dessous les ponts : ou au contraire , si mieux vous l’aimez, le lieu s’y accommodant, vous ferez des ponts à travers votre canal, pour recevoir l’eau des torrens et la rejetter en dehors ; ainsi sans obstacle votre eau fera son chemin. Si, par quelque graisse que les eaux des torrens charrient en tems de pluie, elles se rendent recommandables, comme cela ar- rive en passant par quelques bôns labourages, ce sera bién ménager que d’en tirer parti en les assermiblant avec celle de votre canal. Mais en ceci vous serez retenu, afin de leur donner entrée dans votre canal , jusqu’au point où elles ne POourTONt nuire ni rien ravager. CHAPÉT RE TE Des Fontaines souterraines et Eaux cachées ; de la manière de les mettre en évidence, et de leur conduite par des tuyaux couverts. # A recherche des sources souterraines dont J'entends parler , n’est pas cette recherche in- certaine dont les trompeurs tirent l’argent de la bourse de ceux qui, immodérément avides de belles fontaines, croyent trop à leurs pa- roles ; mais la véritable maniere de mettre les eaux en évidence , que notre père de famille a cachées dans son terroir , telles que la nature les y a mises , pour les convertir à ses usages, sans lui promettre autre chose, ni lui faire es- pérer des montagnes d’or, en sorte qu’il aura une occasion raisonnable de se contenter. Il ne s’arrêtera donc pas aux vanités des charlatans, ni aux signes frauduleux que plusieurs ont écrits : qui remarquant les fontaines par un nombre infini d’herbes presque contraires entre elles en qualités ; par les vapeurs qui sortent de terre ; par des fossés creusés en y fourrant des tD'AGRICULTURE. 17 des vases de terre , ou des bassins oints d’huile, ensuite y mettant dedans du coton, de la laine, ou des éponges , pour en tirer l’humi- dité, et par là juger de l’eau du fonds , car ces charlataneries ne sont insentées que pour con- fondre l’œuvre , et trancher du merveilleux ; mais il se fondera seulement par des choses assurées , sur lesquelles l’homme d'esprit as- seoira un Jugement solide , comme s’il les tou- choit presque du doigt. Il n’est pas ici à propos de discourir de l’o- rigine des fontaines, de leurs essors , de la propriété de leurseaux , médicinales , malignes, même miraculeuses ; cette curieuse philoso- phie surpassant l’entendement de homme des champs, qui a plutôt besoin d’eau pour sa maison, que de paroles pour repaître son en- tendement. 11 s’informera bien de Ja bonté et de la malice de l’eau , pour se servir de la bonne et rejetter la mauvaise. Premiérement, le père de famille considérera le lieu de la si- tuation, s’il est montagne ou plaine ; si son terroir est de lui-même humide ou sec, afin de se promettre plus de l’un que de l’autre. Les montagnes et les lieux relevés sont com- munément plus fournis d'eaux, que les grandes plaines ; les fontaines sourdent plus au pied Tome IF. B 18 bé aa de ces montagnes que dans les rases campa- ones , qui demeurent sèches, si elles ne sont arrosées derivières venant d’ailleurs. Les terres chargées d’arbres quels qu’ils soient, ne sont pas sans humidité, mais en plusieurs endroits elle est si petite, qu’elle ne peut servir qu’à la nourriture des arbres, suriout s'ils sont d'espèce autre que de celle qu’on appelle aqua- tique. Îl en est de même des herbes ; car il y en à qui ne verdiront pas gaillardement , sans le secours de l’humidité souterraine. Néan- moins on ne peut se servir en cet endroit de l'adresse de toutes les herbes indifféremment ; car on creuseroit en vain pour avoir de l’eau sous’ d’autres que sous celles qu'on sait cer- tainement ne pouvoir vivre sans une grande humidité ; comme sont toutes les espèces de joncs, de lys d’étang, d’aulnes, ei autres semblables tirées du grand nombre, que par la recherche des sources , certains anciens et modernes ont enrôlés, comme j'ai dit. Les lieux moites où l’eau y apparoïit si peu que ce soit, dans les grandes secheresses d'été, vous en fourniront beaucoup , mais plus abondam- ment , si le fonds est terrain , que rocher ; atiendu que de nécessité il faut que la fontaine soit grande pour abreuver la terre où elle . D’'AGRICULTU RE. 19 sourd, avant que de paroître à l'air en regor- geant au-dessus de la superficie. Au contraire celle qui sort directement du roc, devient toute entière en évidence , par la dureté du rocher qui n’en consomme aucune partie ; ou ce seroit que dans l’intérieur , par quelques veines cachées du rocher, l’eau se perdit, ce qui est bien difficile à juger, et encore plus périlleux à remédier , comme il sera montré. En ce lieu donc avant tout autre, vous re- chercherez la fontaine par des fossés tirés de l'endroit où vous désirez faire le réceptacle de vos eaux, en haut; en embrassant beau- coup de terroir , à la manière déja montrée sur l’épuisement des marais et lieux maréca- geux , pour les convertir en bons labourages, où je vous renvoye, livre 11, chapitre 1*., pour ne pas répéter; Car puisque là j’ai am- plement traité de ces choses, ce seroit en cet endroit une redite ennuyeuse ; vu qu’il n’y a d’autre différence, du dessèchement des ter- roirs aquatiques à la perquisition dés fontaines, que parce qu’au premier on se débarrasse des eaux nuisibles, et qu’à l’autre on s'attache les serviables. ‘Fravaillant ainsi , aucune petite fontaine ne restera au fond du terroir, que par les tranchées, dont vous l’aurez environné B 2 “ 20 "Le H'É A'T'R-E de tous côtés , les sources ne se ramassent en une , qui deviendra d’autant plus grande que plus le pays sera humide, et plus vous aurez embrassé de terroir ; et à juste titre on peut comparer les moyens tenus pour avoir des arbres , à celui des fontaines , dont nous traitons à présent. Car comme les racines des arbres sont écartées dans terre en différens endroits , et que le tronc s’en forme de toutes ensemble : ainsiil arrive des fontaines , qui se compoesnt de plusieurs racines ou veines éparses dans terre de côté et d’autre, dont les unes sont si pe- tites et si foibles , que séparées elles ne sont d’aucune utilité , mais unies ensemble , elles font ce que vous desirez. Cependant il est à remarquer , que comme la fontaine excède en délicatesse toutes les autres eaux , il faut aussi que ses pieds de geline soient faits plus délicatement ( les tranchées ou fossés dont il est question, étant ainsi appellés ) , que si on les entreprenoit seulement pour le labourage. Car afin que par aucune pluie survenante l’eau de notre fontaine ne se trouble , il sera bon de mettre sur les pierres des fossés , en- viron un demi-pied d'argile péirie , qui em- péchant que les lavures des terres ne se mé- lent avec l’eau du fonds, ceite eau se main- D D'À G R #4 C ü EL TU R E. 21 tiendra dans sa bonté. L’eau demeurera aussi plus nette et plus abondante, que les fossés en seront creusés plus profondément. Ainsi sans craindre d’excéder en mesure , on les en- foncera dans terre autant que faire se pourra, sans épargner les rochers qui se présenteront en chemin. Par la même raison, 1l est à sou- haiter que le terroir ainsi fossoyé et retranché, demeure en prairie ou autre herbage ; car la terre étant immédiatement rouverte pour la culture , exhale plus ses humidités au détri- ment de la fontaine que celle qui demeure entière. On doit remarquer en cet endroit la raison des puits, que quoique là où on les creuse , il n’y ait aucune apparence d’humi- dité , il n’en est pas moins vrai, qu'après les avoir convenablement creusés , l’eau se rend au fond par le vide de l’ouverture. Ainsi l’essor attire les eaux comme par une seringue. Les tranchées de notre fontaine attirent de même les humidités de la campagne qui se convertissent en sources ; cependant avec d'autant plus de succès , qu’il reste plus de vide dans les fossés, non pas tant parce que l’eau à une grande place pour se retirer, que parce que le vent enclos dans le vide, ar- rache ( par maniere de dire ) les eaux des en- pes 22 THÉATERE virons, pour les rendre dans ses enfoncemens, C’est pourquoi plus d’eau sourd des pieds de geline couverts avec de la paille, faute d’avoir des mêmes pierres, que de ceux dont la com- modité des pierres les fait disposer à la ma- niere dite. De cette faute le père de famille fera son profit, en couvrant ses fossés des- tinés à ce qui est dit ci-dessus , avec de grandes pierres plates ; ou à leur défaut, avec de la paille, comme il a été dit ; mais il faut avoir soin d’enfoncer si profondément les fos- sés, qu’il reste au fond un grand vide; et qu’au dessus du plancher fait de pierres plates ou avec de la paille , après y avoir mis un peu d'argile pétrie par les raisons dites ci- dessus, il y ait une place suffisante pour loger beaucoup de terre, afin de fraîchement tenir le fond, sans pouvoir être exhalé par le la- bourage. Les fossés ainsi disposés contribuerent à la fontaine , chacun la part de son eau, selon sa faculté, en se la rapportant des uns aux autres, pour finalement lassembler dans un heu, où, comme dans un centre tous les fossés viseront. Là sera bâtie la Mère de la fontaine, pour recevoir l’eau venant de plusieurs cô- tés, et de là la rendre dans les tuyaux pour . Le dé D'À GG R ÉC U L TU R EF. 23 la conduire aux lieux destinés. Mais s’il arrive que la Mère de la fontaine, ou quelqu’une de ses branches’ ou avenues , soient par trop basses selon votre desir, comme cela se ren- contre souvent , en ce cas, il faudra suppléer par l’art au défaut du lieu , en remontant les eaux, à quoi on parviendra très-bien, pourvu que le naturel du lieu souffre cet amendement, étant relevé pour tenir bon du côté de la venue de l’eau ; afin que le rempart néces- saire trouvant l’eau , ne la fasse pas rétro- grader , par conséquent perdre. Si l'assemblage de ces eaux est en plate campagne , il n’est pas possible de les remonter aucunement, le naturel y manquant, contre lequel il ne faut pas s’opiniätrer. C’est pourquoi sans autre ef- fort, vous dresserez en cet endroit la Mére de votre fontaine pour la poursuite de son chemin , en l’approchant le plus près que vous pourrez de votre maison, et autres lieux re- commandables, selon la mesure de voire ni- veau. Or, pour ne rien laisser en arrière de ce qui appartient à ce ménage , avant d'aller plus loin , la facon de faire remonter cette eau , pour s’en servir au besoin , sera montrée. Lin- vention des moulins à petite eau en est pro- B 4 © À LÉHÉrAUT RE cédée. Car comme par nécessité, l’eau s’as- semble au dessus du moulin dans un grand réceptacle, par quelques uns appellé écluse, qui apres être rempli verse l’eau par le dessus, la bonde d’en bas étant fermée, qu’on ouvre quand il est question de faire moudre le mou- lin. Il en est ainsi de nos remparts , qui faisant enfler l’eau des sources , la font remonter aussi haut que les remparts sont bâtis , en la versant dans la Mère qu’on asseoit selon la commodité du lieu, le mieux qu’il est possible. Quel- quefois la Mere méme est haussée , mais le plus souvent ce sont les branches de la {on- iaine qui ainsi sont accommodées. Cela s’en- tend de celles qui se rencontrent basses, per- dant leur eau : voici comme on se gouverne, pour la mettre à profit. On fera un canal de telle longueur qu’il embrasse toute l’eau dont il est question, et profondément creusé , sans crainte d’aller trop avant, soit terrein ou ro- cher , afin de couper toutes les veines de la fontaine en les mettant à jour, qu’on verra éparses par divers filets sortants du côté du terrein , le plus élevé, et s’écoulant par la descente. Le fossé sera large de six pieds, creusé perpendiculairement, d’a plomb des deux côtés, sans nulle pente, et la terre qui » : | D'ÀAÂGRICULTUR E. 25 en sortira sera mise reposer sur l’un de ses bords du côté d’en bas. Pour empêcher la terre de crouler dans le fossé , on y fera une mu- raille dès le fond contre et joignant le terrein , dans la partie supérieure d’où vient l’eau , qu'on bâtira à pierre sèchesans aucun mortier , pour ne pas empècher le libre passage de l’eau , et ce de la hauteur que vous desirez que votre eau remonte, et un peu davantage, pour la faire aller plus gaiement. Cette mu- raille n’atteindra pas cependant le bord d’en haut du fossé ;. car il faut qu’il en reste deux bons pieds, pour donner place à la terre qu'on y mettra par dessus afin de le recou- vrir, et ne pas détourner l’agriculture , reve- nant aussi à profit à la fontaine , ce qu’on prévoira dès le commencement en prenant ses mesures ; ensuite on dressera une autre mu- raille de pareilles matière , façon et hauteur, dans le fossé à un pied près de la précédente, en ligne parallele , afin qu’elles ne s’entretou- chent pas, chacune ayant un pied et demi d'épaisseur. Ces deux murailles causent deux vides , l’un entre elles, et l’autre entre la seconde muraille, et le terrein d’en bas. Ce vide - ci sera rempli d'argile, bonne et bien choisie sans aucune pierre. On mettra l'argile 26 THÉ ÊTRE dans le fossé petit à petit, en la pétrissant et affermissant si bien et si fidèlement , qu'aucune ouverture ne reste parmi, afin de fermer en- tièrement le passage de Peau , en la détournant de son cours ancien, pour lui en faire prendre un autre, ce qu’elle fera certainement par cette contrainte ; car l’eau ayant rempli le vide d’entre les deux murailles, remontera en haut, et s’enflant pour s’échapper de quelque part, elle s’écoulera par le plus bas endroit qu’elle trouvera , qui sera l'issue que vous fui aurez donnée vers la Mère , pourvu que, comme il a été dit, le dos du terroir en général fa- vorisant l’œuvre , tienne bon pour empêcher l’eau de se perdre en rétrogradant, car en campagne plate de tous côtés , l’eau ne pour- roit être ainsi éontrainte. Après, ce vide ou repositoire d’eau, sera couvert avec de larges pierres plates traversant d’une muraille à Fau- tre , et on mettra sur elles de l’argile pétrie, l'épaisseur d’un pied , ‘afin d'empêcher les eaux des pluies de se mêler avec celle dela fontaine, pour qu’elle demeure nette. Enfin, ce qui restera de la fosse, sera comblé avec la terre du lieu, dont on recouvrira tout l’ar- üfice, rempart et murailles, et tellement à profit que l’eau ne puisse se consommer par D'AGRIGULTURE. 27 exhalaisons ; mais qu’entiere, elle demeure fraîche en été, et chaude en hiver, selon son naturel, ce qui arrive plus sûrement, le dessus étant converti en herbages , prairie ou autres, par les raisons dites. Ce rempart fait soigneu- sement sans précipitation , est de perpétuelle durée , n’est point sujet à la ruime provenant de vieillesse, qui l’assujettisse à réparation. On a seulement à prévenir à tems les ravines des eaux , torrens et autres chutes des pluies, pour les détourner dans un lieu où elles n’ayent aucune prise sur notre fontaine, en tout ou en partie. Quelques uns font ces remparts de maçonnerie qu’ils enferment dans terre : d’au- tres avec des ais de chêne joints ensemble ; mais ni l’un ni l’autre , quoique de plus grand prix, ne sont si propres à retenir l'eau , que l'argile, de laquelle étant ainsi couverte et em- ployée , il ne sortira pas une goutte d’eau, ce dont on ne peut se promettre autant des autres matières. Supposé que pendant toute l’année on puisse travailler à cette œuvre, il est cependant plus desirable que cela soit lors- que la terre est plutôt sèche qu'humide ; tant par la facilité du labeur , que par la bonne opi- mion qu'on à de l'issue, parce que l’eau qui vous parviendra par cette recherche, pendant sn = 28 THBATERE la sécheresse, pour le moins vous demeurera sans perte, ce que vous ne pourriez espérer en fouillant la terre étant humide , vous mon- trant alors plus d’eau qu’ensuite elle ne vous en laisseroit. Par ce motif vous choisirez les mois de juillet et d’août; car comme le tems le plus sec de l’année est dans ces mois , il vous est aussi le plus utile. C’est le plus difficile de la fontaine, que ce qui en a été dit, comme aussi le plus im- portant, même le fondement de l’œuvre ; et qui a donné une grande peine à plusieurs , avec peu d'effet et beaucoup de dépense , faute d'entendre ce qu’ils entreprenoient. Car très- souvent on cherche une fontaine où elle n’est pas , sous de faux indices et guides, où on s'attache opinièätrémentavec erreur, Mais notre recherche est entièrement assurée , moyennant que vous serez résolu de votre fait, et par la vous ne pourrez manquer de ramasser en un lieu, toutes les eaux de plusieurs : en un mot, d’assembier toutes celles qui sont dans le terroir que vous fouillerez, et ce sans aucun hasard, qui est ce que tout homme de bon sens peut raisonnablement desirer ; et si cette recherche générale semble être trop pénible, et que vous wouviez meilleur de fouiller seu- 73-20 ‘ — D'AGRICULTURE. 20 lement où sont les sources, en laissant les autres parties du terroir; la réponse est, que ceux qui ne voudront ouvrir la terre que où est assurément caché ce qu'ils cherchent , se trouvent fondés en raison: mais peu de gens le rencontrent. Pour remédier à cette incer- titude , l'invention de fouiller généralement est trouvée, par laquelle on ne peut être trompé; et comme à quelque chose le malheur est bon ; de l'ignorance de la plupart de ceux qui se mélent de ces choses, est procédée la vraie science de mettre les sources en évidence, par cette manière : il n’y a pas tant de perte a prendre trop de terre, que peu, puisque par ce Pre là, en n’oubliant rien, on vient assurément à bout de ce qu’on déeiré: et que par celui-ci, on se trouve très-souvent trompé, en laissant en arrière et manquant de peu la source, faute d’avoir embrassé assez de terre. Outre que c’est toujours un ménage de ma- nier aussi un terroir qu’on desire débarrasser des eaux et pierres nuisibles, ou de l’une d'elles, selon les nécessités, comme il a été montré. Par cet ordre vous augmenterez ainsi vos vieilles fontaines ; en quoi il faut être fort retenu en ne fouillant pas inconsidérément, mais en jettant les branches nouvelles dans la 50 THÉATÉRE source avec l’art requis. Vous aurez soin sur- tout de ne pas rompre les rochers que bien à point, Car très-souvent en croyant augmenter la fontaine on la diminue , parcequ’un rocher rompu peutaussi prompiement vous Ôter votre vieille eau , qu’il peut vous en donner de nou- velle. C’est pourquoi, ou contentez-vous de votre eau, telle que vous l’avez; sans y rien altérer , ou s’il arrivoit de l’augmenter, que cela soit avec une apparence raisonnable d'utilité et sans nul hazard, que vous y mettiez la main. Si dès le commencement de cet ouvrage, vous n’avez pu faire la preuve de la suffisance de l’eau de votre fontaine , pour prendre avis de la retenir ou rejetter ; ayant au moins re- cueiili vos eaux dans un lieu, ne vous en- foncez pas plus avant en dépense, sans vous résoudre sur cet article notable, par le bien et le mal qui en peuvent arriver, étant bien ou mal entendu. L'eau sera telle que nous la desirons , si elle est belle à voir, claire et nette , sans couleur , sans odeur , sans saveur ; attirant à elle aussitôt toutes couleurs , toutes odeurs et toutes saveurs qu’on lui jette dedans. Si elle est fraîche en été, chaude en hiver; si elle s’échauffe facilement et se rafraichit de B'ALG à : çù L Du €. 31 mème ; sielle cuit bien et promptement toutes sortes de légumes ; si elle ne jaissse aucune tache , ni rouille, ni gravois au fond des vais- seaux , où elle séjourne ; si elle est légere ; si elle est douce et non rude aux mains; si elle n’éteint pas beaucoup la force du vin. votre eau étant ainsi qualifiée, vous serez très- bien abreuvé , et le plaisir et le profit qui en _proviendrontà votre ménage , seront tels qu’on se le promet des choses les plus utiles eties plus nécessaires. De la source de votre fontaine ainsi nou- vellement trouvée , ou de celle que vous aviez auparavant augmentée , vous en dresserez la Mere , pour recevoir toutes vos eaux, et en- suite les vider selon votre desir. La Mere sera une petite maisonnette bâtie de bonne matière , bien maconnée à pierres, chaux et sable, ayant la muraille fort épaisse pour re- tenir l’eau. Ce bâtiment sera de forme quarrée, ou autre telle qu’on voudra, propre au lieu, de dix à douze pieds dans œuvre sur chaque face , étant quarré , et d’autre forme à -pro- portion; de six à sept pieds de hauteur sur terre, et dedans , autant qu'il suffira , pour en - vider }eau au besoin par le foud. Il sera voûié par dessus , et pour couverture dans la 52 WITHÉATRE | voüte, on bâtira des pierres plates si propre- ment, que les pluies en soient repoussées. Dans la face du côté de la montée ou venue des eaux , on laissera des trous pour l’entrée des eaux des sources qui viennent de la campagne, le restant étant si bien cimenté , qu'aucune eau ne puisse s’en écouler que par les issues que vous lui donnerez. Dans l’une des autres faces, on fera la porte pour entrer et sortir dans la Mère , afin de la visiter et nettoyer. Il y aura aussi deux issues , l’une pour verser l’eau dans les tuyaux , qui la distribuant de là, la con- duisent aux lieux destinés , l’autre pour vider l’eau surabondante , qui vient extraordinaire- ment par les pluies, la rejettant en dehors, que les tuyaux ne peuvent contenir, ou que par quelque perte, ils ne pourront faire leur charge. On laissera un trou rond au fond de la Mère, comme celui d’une cuve à vin, pour en écouler l’eau, lorsqu'il arrivera de la net- ioyer , et de la raccommoder, ce qui pourra être de deux en deux ans une fois, plus ra- rement ou plus fréquemment si on veut ; en la débarrassant du limon que l’eau, si bonne qu’elle soit, traîne à la longue, le laissant au fond de la Mère , et en même tems en la reblan- chissant dans son intérieur , s’il en est besoin ; 1e D'AIGRICULTURE. 33 le reste du tems le trou demeurant bouché , afin qu'en contraignant l’eau de verser par le haut , en s’enflant , elle se jette dans les tuyaux préparés pour son chemin. On fermera ce trou avec du gros liège ; matière de perpétuelle durée, demeurant dans l’eau et sans air; et afin que soit par méchanceté ou ignorance, le trou ne s'ouvre que lorsqu'il vous plaira, sur lui par dehors, on jettera une bonne quan- tité de terrain, de pierres, ou autres choses, que vous arrangerez de manière à empêcher ce désordre , qu’au besoin vous ferez ôter. Et quoique cela soit avec peine, elle ne causera pourtant pas une trop grande dépense par la rareté de ce changement. La porte de la Mère demeurera ainsi continuellement fermée à clef, avec son huis , pour l’ouvrir et fermer , lorsque par plaisir on visitera la fontaine, ou qu’il y aura quelque chose à raccommoder. A l’un des côtés de la Mère , celui qui re- garde l’endroit où votre fontaine découlera, on laissera la vidange de la fontaine , d’où l’eau claire et nette se déchargera, en versant en haut, après avoir laissé en bas tout le ter- restre et la crasse que l’eau traîne en même tems qu’elle. Les tuyaux commenceront en cetendroit; le premier d’eux sera creusé dans Tome. IF. C Fr 54 WOHÉ ATRE une grosse pierre de taille bâtie au travers du œur. Cette pierre sera choisie fort longue, car non seulement il faut qu’elle traverse la muraille , mais qu’elle la surpasse des deux endroits ; en dedans environ neuf pouces , en dehors, tant que la longueur de la pierre fournira de quoi. On percera la pierre de son long, en commencant d’un bout, jusqu’à quatre doigts près de l’autre, et d’icelui Pa- chevant, non en ligne droite , mais en équerre, ou de la forme du coude. Ensuite on posera la pierre en lui faisant traverser la muraille et sursaillir en dedans, comme il a éié dit ; mais ce sera du bout ainsi percé en angle droit, et arrangé de telle sorte , que lou- verture regarde en haut vers la voûte de la Mère, afin que l’eau de la fontaine en se vi- dant , tombe perpendiculairement dans le trou, pour de là prendre son droit chemin , selon le niveau qu’on lui aura donné, en sortant de la Mère par l'autre bout de la pierre ,entrant dans le tuyau cimenté en cet endroit. Et afin que rien de sale et d’importun ne soit porté dans les tuyaux , le trou susdit faisant l'entrée de l’eau , sera couvert d’une grosse boite de plomb percéé comme un crible , où le nuisible s’ar- rétera. Pour la faire tenir , ôter et remettre à D DIR CNREOUL TU R E. 55 volonté , la pierre sera accommodée à la boîte, de telle manière que la pierre entrant dans le plomb, en soit enveloppée, comme la tête du chapeau , ou comme un masse-pain de son couvercle ; la boite ayant pour ce faire , quatre grands doigts de bord. La matière dont les tuyaux sont façonnés est différente , selon les pays et les fantaisies. Ils peuvent être faits de pierres de taille , de plomb , de bois et de terre de potier, bien à profit de chacune desdites matières. L'usage de la pierre en tuyaux de fontaine est fort ancien , comme on le remarque par lés ruines des bâtimens antiques, abandonné toutefois depuis longtems ici, à cause de Ja cherté de l’œuvre : cette matière n'étant em- ployée que dans une petite étendue de canal, et encore dans les lieux où elle abonde. Le plomb est encore en service dans plu- sieurs endroits, contre l’avis des médecins, qui disent que l’eau passant dedans , n’est pas saine à cause de la céruse qui s’engendre dans ce métal. Ce doute, quoique vain, attendu que la céruse ne se fait pas sans vinaigre, avec la cherté du plomb et le danger d’être dérobé, fera qu’on le réservera à des choses plus né- cessaires. €: 2 36 THÉATERE Quant au bois, il ÿY en a de plusieurs sortes bons à faire des tuyaux de fontame, d’aulne, de pin , de sapin, de chêne. On choisit le bois sain et entier du cœur de larbre , sans aucun aubour. Il est équarri et scié par tronçons de la longueur de cinq à six pieds chacun ; ensuite les tronçons sont percés de leur long, pour le passage de l’eau. Premièrement on y passe une longue tarière, et ensuite avec une gouge le trou est agrandi jusqu’à deux ou trois pouces de diamètre. Mesure, suffisante pour ioute fontaine, ayant une raisonnable quantité d’eau. Le moyen de marier ensemble ces tuyaux , n’est pas en les faisant entrer l’un dans l’autre , mais seulement en s’entre-baisant et joignant les commissures, et là assemblés avec un anneau de fer de deux doigts de large, plat et tranchant des deux côtés qu’on fourre dans le bois. Sur le milieu de l’épaisseur des tuyaux on prend le rond de la circonférence des anneaux ; et là même avec une gouge de semblable grosseur , on incise la voie de lan- neau , qui y étant mis, est achevé d’enfoncer à coups de masse, en frappant de l’autre bout du tuyau, et si bien que l’anneau se perdant dans l’épaisseur du bois, se trouve caché moitié dans un tuyau et autant dans l’autre, be.” MABAIDUETURE. 3 3 sans rien paroître , les deux bouts des tuyaux s’entre-baisant ets’entre-joignant parfaitement. Par ce moyen, le fer tenant lieu de ciment, les tuyaux retiennent très-bien l’eau; qui posés dans terre, au lieu préparé pour le chemin de la fontaine , deviennent de bon service , où ils durent assez long-tems ; non pas cependant autant que la pierre , le plomb, ni même que la terre de potier, par le juge- ment qu'on en fait sur les masures de l’anti- quité ; car de toutes ces matières, il se trouve des restes de tuyaux de fontaine, encore entiers ; mais 1l ne s’en voit aucun de bois, parce quils ont à la longue péri de pourriture ; comme il est vraisemblable que les anciens se sont servis en cet endroit du bois, ayant les grandes forêts entières à leur commandement. Outre le péril de courte durée, on trouve encore ce mal dans les tuyaux de bois, que l’eau ne s’y conserve pas aussi fraîchement enété, que dans les autres: au contraire, ce bien, qu'ils ne craignent pas les glaces de l'hiver , résistant contre leur impétuosité ; ce que ne font pas les tuyaux deterre, s’iis ne sont logés de la manière ci-après enseignée. Quant au prix des tuyaux de bois, je pense qu’on ne peut les faire qu’à un grand prix, si Cis 58 THÉATRE on est éloigné de forêt bien pourvue, à cause du grand nombre d’arbres qu’il convient d’em- ployer à la fabrique d’une nouvelle fontame, et à l'entretien d’une vieille ; dont le dégât n’est pas petit, vu qu’on ne s’y sert d’autre bois, que du gros, pour le moins d’un bon pied de quarrure. Le fer qu'on y met est aussi considérable ; tant par l'achat , que par la rouille qui le consomme dans l’eau ; ce qui fait qu'il y a toujours quelque chose à réparer à la fontaine. Toutes ces choses pesées, jointes à ce que j'ai remarqué des tuyaux de pierre et de plomb , ‘feront préférer ceux de terre de potier àtousles autres |, comme une matière où se trouvent toutes les bonnes qualités, de service, de durée et de prix. Les potiers choisiront soigneusement la terre des tuyaux pour les rendre bons en perfection, comme article fondamental : de mauvaise matière ne pouvant jamais faire un bon ouvrage ; et délaissé à chaque ouvrier son style , tou- chant le maniment de la terre, j'instruirai le potier à faire les tuyaux d’un pied et demi de longueur, chacun, les quatre faisant Ja toise : d’ouverture ou vide pour le passage de l’eau, de deux ou trois pouces en diamètre ; d'épaisseur , un pouce; pointus par l’un des Pr D'AGRICULTUR E. 59 bouts, ne un bord à deux doigts près , pour de cette mesure entrer l’un dans lautre. Iis seront ronds dedans et dehors, à moins qu'on n’aime mieux les tenir quarrés seulement par le dehors, à l’imitation des anciens , qui nous en ont laissé de cette forme dans leurs vieux bâtimens ( fondés , à mon avis, sur ce que le quarré se tient plus ferme dans terre que le rond , et par cette raison le ciment s'attache mieux dans la première forme que dans l’autre.) On vernira les tuyaux en dedans, afin de retenir l’eau bien et proprement, et que par ce polis, les vices de l’eau en glissant, ne sy attachent point, ou fort peu, comme font le tuf et certaines racines subtiles qui croissent dans les tuyaux, quand elles peuvent s”y arrêter, à la ruine de la fontaine. Les tuyaux ainsi fa- connés seront de perpétuelle durée , causée : par la grossièreté de l'ouvrage ; car quoique plusieurs les veulent plus minces, la raison veut tomber plutôt de les faire trop épais, que peu. Sur tous ces articles, le potier avisefa très-soigneusement à celui-ci, de cuire en perfection les tuyaux; car faute de bien faire cela on construiroit envain la fontaine, l’argent et le travail se perdant avec l’eau. Cette provision faite, le chemin que la fon- C 4 40 PuÉATRE taine à à tenir , sera nivelé comme celui d’un canal. On fera une fosse large de deux pieds, et profonde de quatre à cinq, sans épargner les rochers : on la creusera d’égale largeur, pour à l’aise y asseoir les tuyaux. On com- mencera à bâtir une bonne muraille, comme si on vouloit jetter les fondemens d’une maison, qui remplissant tout le vide de la fosse, de- viendra suffisante pour commodément rece- voir les tuyaux. On posera les tuyaux sur un pied de bâtiment , au milieu de la muraille, et là noyés dans le bon mortier bien gras, ils seront environnés de bonne maçonnerie, un pied de chaque côté , dont le dessus et l'extrémité de la muraille , seront finalement couverts avec des pierres plates bien maçon- nées, pour rejetter les pluies, et le reste de la fosse , recomblé de terre. Mais ce sera après avoir marié les tuyaux l’un avec l’autre, et si bien joints entr’eux, que tous ensemble ainsi unis » paroissant être une seule pièce , retien- nent l’eau parfaitement bien , pour n’en pas perdre une goutte en chemin. : Cela se fait par de bons cimens. Science notable du fontainier ; s’il l’ignore, envain on attendra l’eau dans la maison ; car se perdant en chemin , l’entière œuvre deviendra inutile, ,D AGRICULTURE. 41 11 y a différentes sortes de ciment, que l’on compose selon la variété des ouvrages. On se sert heureusement dans la conduite de la fon- taine , de deux sortes de ciment, l’un chaud, l’autre froid , tous deux étant fort valeureux , mais d’un prix différent, le premier se faisant à meilleur marché que l’autre. Par économie, le ciment chaud , seul , seroit employé sans sa difhicile application, qui bouillant, est mis en œuvre , sur laquelle il gele promptement, comme la cire d'Espagne en cachetant des lettres ; dont il arrive que pouvant à lPaise et entre les mains , tenir les tuyaux en les ci- mentant , on se sert alors seulement de ce ci- ment : non en bâtissant les tuyaux sur la mu- raille, par Fimpossibilité d'appliquer le ciment, ainsi fondu et bouillant, ferme en cet endroit, qui ne peut souffrir tenir les tuyaux en l'air, pour faire jouer le ciment liquide, en le jet- tant dans le tuyau avec une cuiller de fer, par tous les endroits nécessaires. A ce défaut le ciment froid supplée , car après avoir Joint ensemble quatre, cinq ou six tuyaux avec le ciment chaud ( et en un mot, autant que sans rompre, on en peut commodément porter ainsi unis ) on porte cet assemblage douce- ment sur la muraille , pour y être bâti; ensuite 42 TRÉATRE on le Joint avec l’autre assemblage de pareil nombre de tuyaux déja posés , par le moyen du ciment froid, dont à l'aise, entre les doigts, et comme on veut, la commissure est jointe et couverte à profit. Par ce moyen compen- Sant ces choses, de hâtiveté, de tardiveté, de bon marché et de cherté, les deux cimers sont retenus chacun dans leur rang; où ils deviennent de si bon service, que convertis en pierre, ils s’affermissent tant, qu'ils sont de perpétuelle durée. Moyennant ces cimens, et que d’eux - mêmes les”tuyaux soient de bonne matière et bien cuits, profitablement maçonnés , enfoncés dans la terre de la mesure montrée , et toute la fontaine entretenue ainsi qu'il appartient , ne doutez pas qu’elle ne serve plusieurs générations , sans craindre ni les froidures ni les chaleurs ; et qu’en toutes sai- sons , l’eau n’en soit bien qualifiée ; froide en été , et chaude en hiver, ainsi que raisonna- blement chacun la desire. | Et afin que notre père de famille ne se mette pas en peine d'envoyer chercher au loin des cimens pour sa fontaine ( selon que la char- Jatanerie des fontainiers en tiennent cheres les recettes, en ne les donnant que rarement, et encore sous la promesse de ne pas les publier ), D AGRICULTURE. 45 je lui montrerai le moyen de faire composer en sa présence , les deux cimens susdits. Pour les cimens chauds , il est nécessaire d’avoir du bolus , du caillou de rivière , du verre, de l’'écume de fer des maréchaux , autant de l'un que de l’autre; des tuiles vieilles ou à leur défaut des nouvelles, en telle quantité , seules, que de toutes les choses susdites en- semble. On mettra tout cela en poudre subtile, sassée à travers d’un bluteau, et mêlé ensemble ; ensuite on mettra fondre de la poix résine, le double de poids des choses susdites , dans un pot de fer, sur du feu de charbon, avec un peu d'huile, plutôt de noix que d’autre , et de graisse quelle qu’elle soit , et lorsque cela bouillira, vous jetterez dedans les poudres susdites peu à peu, en les mêlant et remuant sans cesse , jusqu'à ce que vous verrez avec la spatule que cela file comme de Ja téré- benthine , et s’endurcit promptement dans l'eau, en y en jettant une goutte pour essai. A lors retiré du feu, le tout sera versé dans ‘une terrine vernie, y ayant au fond un peu d’eau , pour empêcher que a matière ne s’y attache, où elle s’affermira aussitôt, comme du métal, que vous garderez pour provision, tant qu'il vous plaira, Si vous voulez le mettre 44 FréArezÆ en œuvre, vous le ferez briser à coups de gros marteaux de maréchal , et fondre comme dessus , en le réchauffant toutes les fois qu’il vousplaira devousenservir.Lefroidsecompose des poudres ci-dessus notées et en semblable proportion , aussi subulement sassées. On les détrempe dans l'huile de noix , mais fort clai- rement en les mêlant ensemble à force de bare et remuer avec une spatule de bois. Sur quoi on ajoute quelque peude fines étoupes de chanvre , coupées menues , et un peu davantage de graisse de bouc ou de chèvre, crue, hachée subtilement , qu’on incorpore iout ensemble fort proprement. Ensuite, ce mélange ainsi clair est, à raison de l’abon- dance de l’huile , endurci avec de la chaux neuve, fusée sans eau, et blutée comme la fine fleur de farine, en y en metiant peu à peu, en battant et remuant toujours, jusqu’à ce que le ciment ne tienne plus, ni à la terrine ni à la spatule , pas même aux mams, et que sans en être barbouillé on puisse le manier, comme de la cire , ou pâte douce et glissante. Par cette raison aussi on lappelie ciment de pâte; comme Vautre de fonte, par sa qualité refondante toutes les fois qu’on veut s’en servir. Reprenons le cours de noire fontaine. Si , D'AGRICULTURE. 45 pour votre bâtiment l’eau de la fontaine vous accommode , vous vous en pourrez servir, en la faisant couler par les tuyaux déja posés ; quoique cela soit fraichement , sans crainte d'aucune perte, pourvu que la vidange n’of- fense pas l'édifice , ce que vous accommoderez en la détournant. Et ne doutez pas que les cimens ne résistent à l’eau, dès qu'ils seront posés , même le froid, quoique tardif à se sècher. Quant au chaud, c’est sans doute qu'il se trouve en perfection de bonté , des qu’il est posé , par son naturel à s’endurcir aussitôt. Ainsi, si bon vous semble, vous vous ferez suivre à l’eau pour la fabrique de la fontaine, jusqu’à perfection d'œuvre. Vous noterez que la porte de la Mère sera posée à un pied et demi plus haut, que le niveau du premier tuyau fait dans la pierre , par où l’eau s'écoule, et on fera le trou dont j'ai déja parlé, demi- pied au dessus, pour vider au besoin l’eau surabondante , ou l’eau ordinaire qui ne peut couler par son chemin préparé , à cause des obstacles qui surviennent. On appelle ce trou, larron, comme dérobant l’eau, très-néces- saire en cet endroit , garantissant la Mere de ruine, qui seroit en danger de créver par trop d’eau, sans cette issue. 46 THÉATERE De quarante en quarante toises , 1] y aura une autre maisonnette de trois ou quatre pieds en quarrure, bâtie de semblable matière , et de la forme de la Mere, voûtée et couverte de pierres plates comme elle. On appelle cette maisonnette serve ou reposoir , à cause de l’eau de la fontaine qui s’y arrête, pour le profit du conduit. Ces reposoirs sont inventés pour , sans trop de dépense , raccommoder l’aqueduc lorsqu'il en a besoin. Car quand il arrive que Ja fontaine s’arrête, on va visiter les reposoirs, en commençant au plus prochain de la Mere, où l’on prend avis de l’endroit où le mal est caché , afin d’y remédier sans être contraint de démolir trop de canal, comme sans cette adresse on seroit forcé de faire en allant sans certitude. L’eau de la fontaine entre d’un côté dans le reposoir, et en sort d’un autre par une pierre percée, qui la vide dans un tuyau, laquelle est grillée d’une boîte de plomb, comme celle de la Mere. Le réservoir à aussi sa petite porte fermant à clef, qui s'ouvre et se ferme pour visiter l’intérieur ; et au dessous de cette porte, un trou ou larron, pour vider l’eau importune, afin d'empêcher les tuyaux de créver par les raisons dites. ’ On pratiquera un éventoir pour donner de l'air . D'AGRICULTUR E. 47 au conduit , entre deux reposoirs , Ce qui pourra être de vingt en vingt toises de distance , afin de faire aller l’eau; faute de quoi quelquefois, la fontaine cesse de tirer ( comme souvent cela arrive , par la même faute d’air , que le vin ne veut pas sortir du tonneau ), et prend son chemin par les larrons en rétrogradant. L’é- ventoir sefait d’une seule pierre de taille percée de son long, avec une grosse tarière : il est posé debout sur le chemin de la fontaine dans un tuyau préparé pour cela, qui entre-par une branche faite exprès dans la pierre, laquelle atteignant de cet endroit, jusqu’au dessus de la terre, comme une cheminée, fait voir le jour à l’eau de ja fontaine, et l’éventoir de- meurant ouvert , par lui, quelque malpropreté ou embarras seroit en danger de tomber dedans, à la ruine de la fontaine : le trou de l’éventoir demeure continuellement bouché, avec du ci- ment froid ou de pâte , pour l’ouvrir seulement dans la nécessité , qui est lorsque la fontaine s’arrête ; ce que voyant, sans prendre l’al- larme plus avant, ilne faut qu’alier visiter les reposoirs et ouvrir les éventoirs, qui seront depuis l’endroit où la fontaine a accoutumé de couler , jusqu’au plus prochain reposoir qui videra l’eau par son larron; et si le mal 48 NH E A TE ne vient que faute d’air, l’eau reprendra in- continent son cours sans autre mystère : auquel cas , il conviendra de refermer les éventoirs avec du ciment comme dessus. Le moyen d’ôter le ciment du trou de l’éventoir, est avec une tarière neuve et bien tranchante, comme si on vouloit percer de nouveau la pierre , et par la dureté du ciment, la tarière se gâtant, ne peut plus servir avant que d'être refaite. Ce remède ne profitant pas, vous serez assuré qu’il y a des tuyaux mal qualifiés, qui perdent l’eau , soit parce qu'ils n’ont Jamais été bons, ou qu’ils ont été rompus en les posant, ou bien mal cimentés ; alors l’unique remède consiste dans la refacon ; c’est en quoi l’adresse des reposoirs vous servira, afin que ne démolis- sant dans l’aqueduc, que ce qui sera néces- saire , la réparation requise en soit moins coù- teuse. En supposant au chemin de votre fontaine, quelque fàcheux enfoncement, et qu’il faille traverser des torrens et des petites rivières, le moyen de surmonter ces difficultés , est double , ou dessus les eaux par des ponts, à la mode antique, ou par dessous dans des gros bâtimens bien maconnés. Le lieu vous Dre pour le choix de l’une de ces deux voies, A CGRICUL TU R E&. 49 voies, afin de prendre la plus durable, et la moins dépensière. Néanmoins prenez voire résolution de ne pas bätir sous les eaux sans la faveur des rochers, pour conserver votre édifice ; car de croire faire en terrein le pas- sage de votre fontaine , quoiqu’avec l’aide du bois , ayant au dessus le ruisseau ou torrent, c'est trop hasarder , et même jetter l’argent dans la rivière , en exposant voire ouvrage à la merci du premier ravage des pluies. Si au contraire , il se présente en front quelqu’im- A et dur rocher , qui ne puisse être ni détourné ni rompu, qu'avec une dépense excessive, abandonnez-le , sans vous amuser par esplanades à accommoder tous ces défauts, et faites passer par dessus, votre fontaine, qui coulera en cet endroit aussi bien qu'ailleurs. À l’aide de l'instrument appellé chante-pleure, l’eau remonte autant qu’on veut ; mais cela ne peut se faire autrement, qu’à cette con- diion, que l’eau ne peut s'arrêter dans un endroit plus haut, que justement où l’instru- ment la prend , et elle est rendue au même plan ou plus bas ; demeurant pendant qu'elle remonte , enfermée dans l'instrument ; ce qui fait que cette invention ne peut servir à re- monter l’eau d’un puits, où d’autre endroit Tome. IF, D 5o ‘ THÉATRE bas, pour les arrgsemens, mais seulement à remuer une liqueur d’un vaisseau à l’autre, pour se transvaser sans peine du plein au vide, et très-commodément en cet erdroit de la fontaine. La chante-pleure n’est autre chose que deux tuyaux d’étain, ou d’autre matière, d’égale longueur et grosseur , comme on veut, joints ensemble, faisant deux branches de la figure de cette leitre grecque À. Pour faire jouer cet instrument , on met de l’eau dans lune de ses branches , ensuite layant étgupée pour empêcher que l’eau ne s’épanche, on met l’autre branche plonger d’un bout dans un seau plein d’eau; ensuite on ôte lPétoupe de la branche remplie d’eau , qui regarde en dehors , pour la vider , alors l’eau attire à elle en sortant celle du seau, en passant par la branche vide, qui y avoit été plongée ; et ce par la vertu du vent enclos, sans autre mystère, dont toute l’eau en est épuisée. Ainsi on accommode la chante-pleure à notre fon- taine, mais c’est en grand volume ; cet ins- trument servant de modele en cet endroit. I} ne faut que continuer la fabrique de la fon- taine en la manière commencée , en passant les tuyaux par dessus le rocher, quelque haut qu’il soit , à la charge de laisser un trou, . | D'AGRICULTUR E. 51 comme un bondon de tonneau, au faîte et au plus haut endroit du rocher, pour de ce trou, remplir d’eau la partie des tuyaux , vers la descente et le cours de la fontaine, afin d’at- tirer l’eau qui séjourne dans FPautre partie près du rocher. Et afin qu'utilement on puisse se servir de cette mvention , il faudra faire un reposoir contre le rocher , du côté de l'issue de Feau, et lorsqu'il conviendra de se mettre en œuvre, le trou de Fissue de Feau dans le réposoir sera fermé : ensuite par le trou qui est sur le rocher, on remplira d’eau avec des vases et entonnoirs la partie du canal attenant au reposoir, qui sera retenue en cet endroit, en bouchant le trou : ensuite on fermera tres- soigneusement le trou du rocher, et de telle manière qu'il n’y ait aucun air , enfm on ou- vrira celui du reposoir , pour vider l’eau mise en cette partie, qui en s’en allant en bas par le chemin de la fontaine , attirera l’autre éau qui séjourne près du rocher, venant de Ka source. Ainsi par le vent enclos, comme cela se voit dans KR chante-pleure , une eau attire l’autre sans intervalle , ayant une fois pris son train ; pourvu que le trou du haut demeure toujours fermé, et qu’au canal en- Yeloppant le rocher , il n’y ait aucune res- D 2 52 HR ELTÉEZ piration en montant et descendant ; car si elle s’évente en cet endroit, si peu que ce soit, la fontaine cessera aussitôt de couler tout à fait , à quoi seulement il faudra tenir l’œil, par égard à ce passage. Avec plus de raison, Peau remonte , étant poussée par celle qui descend , qu’elle ne ne descend , attirant à elle celle qui monte. L'un est l’effet de la chante-pleure, représenté ci-dessus, où avec merveille, le vent enclos travaille immédiatement ; et l’autre, ce qu’on voit journellement au cours des fontaines qui rejaillissent en haut , dont la chose, comme or- dinaire , n’en est pas beaucoup admirée : outre que cette cause contemplée de près, qu'une eau poussant l’autre, fait en cet endroit que l’eau descend premièrement autant ou plus, qu'après elle ne monte ; dont nul avantage, sans moyens , ne se trouve pour les arrose- mens , non plus que par la chante-pleure , ainsi qu’il a été montré. Or comme pour remonter un rocher , il est nécessaire que le canal de la fontaine soit sans air, pour animer le cours de l’eau : de même s’il arrive de faire renfler l’eau, pour le rejaillissement, il convient de nécessité , que tant que le renflement dure, au conduit de la fontaine, il n’y ait ni repo- M'ACGRICULTURE. 53 soir, ni larron, ni éventoir , niautre ouverture par où l'eau puisse respirer, autrement l’eau s’écoulera au premier jour de sa rencontre. Et quoique le renflement travaille fort les tuyaux , ne doutez pas que ceux de terre ci- mentés et bâtis , comme dessus , ne satisfas- sent à ce service , sans se mettre en peine d'en faire , pour ces mauvais pas, de plomb, de bois , de fer-blanc , ou d’autre matiere, selon l’usage de quelques uns, qui se défient de la terre, parce qu'il ne la savent pas ma- mier , ainsi qu'il appartient. Il est à souhaiter que le chemin de la fon- taine soit en droite ligne ( non pas que cela soit nécessaire , l’eau se pliant pour s’accom- moder partout,) parce qu'étant plus court, il est moins sujet que nul autre à recevoir les importunités qui causent sa ruine, que s'il étoit oblique ; qu'il est plus facile à nettoyer, moins coûteux , et de plus de durée. Il est nécessaire d’éloigner l’aqueduc de toutes sortes d'arbres , par le danger qu'il y a que leurs racines se fourrent dans le canal ; car il y en a de si subtiles, qu’elles traversent le bâti- ment et les tuyaux, sentant l’humidité et qui croissent tellement dans les tuyaux , que rem- plissant le vide ; elles bouchent le passage D 3. 54 l'HEATRE de l’eau, à la ruine de la fontaine. Les fon- tainiers appelient ces racines queues de Re- nard. La fin de ce travail est de donner issue à la fontaine , pour en tirer service. On dépense autant qu'on veut en cet endroit , comme st on le desire ainsi, on fait le réceptacle de l’eau à très-bas prix. Ainsi en laissant au père de famille, la liberté de se faire faire des vases à recevoir l’eau de sa fontaine , de jaspe , de porphire , de marbre , de laiton, ou d’autre matière , riche ou pauvre , artistement tra- vaillés , ou autrement ainsi qu’il lui plaira, et selon la rencontre des ouvriers ; de même celle de disperser sa fontaine par les endroits de sa maison, dans les portiques, basse-cours , cui- sines, caves et Jardinages, selon l’eau et les nécessités: pour dernier avis, je lui montrerai le moyen d'entretenir sa fontaine , afin d’en tirer long-tems satisfaction et service. La ruine la plus assurée de la fontaine, vient de paresse, quand faute d’en tenir bien clos la Mère et les reposoirs, les grilles s’é- cartent , et à cette cause, il se fourre des broussaiiles dans les tuyaux quiarrêtant l’eau, la contraigne de rétrograder ; ce qui la fait perdre par les nouvelles issues qu'elle se fait dans DVAGRIGULTURE. 55 terre ,.crévant le tuyau, sans cette impru- dence la fontaine dureroit des siècles ; c’est à quoi notre ménager pensera de bonne heure, pour , aussitôt que la Mère sera faite, en saisir la elef , et la conserver si chèrement, que par mégarde ou malice , il n’arrive de mal aux tuyaux , et qu'en retardant tant soit peu, il ne soit contraint de refaire à la fontaine , le lendemain ce qui eu aura été acheyé la veille ; de même des reposoirs , en tenant toutes les grilles en boîtes de plomb percées, toujours dans leurs places , sans souffrir qu’elles s’é- cartent aucunement. On rebouchera aussi les éxentoirs aussitôt qu'ils auront servi, pour qu ‘ils demeurent le reste du tems entièrement étoupés. Moyennant ce petit soin, on pré- viendra la perte de la fontaine , qui étant bâtie ainsi profitablement, demeurera irès-long-tems en bon état, même autant qu’on pourroit le desirer d'aucun édifice, par la raison que la plus grande partie de celui-ci est cachée dans terre, hors de la vue, et exempte des injures des saisons. Quant au nettoyement de la Mère et des reposoirs, cela peut se faire en per- fection , en ôtant les étoupes des trous bas, pour en vider avec l’eau, le terrestre qui, à la longue s’y amasse au fonds ; et en même | D ; 56 THÉATRE tems raccommoder ce qui s’y trouve éndom- magé ; mais des tuyaux la chose n’est pas si facile, à cause qu’on ne peut y pénétrer bien avant. Il est bien vrai que si les réservoirs sont contre l’un de l’autre, et que le canal soit en droite ligne, on pourra y passer de long en iong , des troncs de vigne sauvage , qui sont longs comme des cordes, ou un fil d’archal , en les fourrant par un reposoir et les retirant par l’autre , pour, à la manière dont on racle les cheminées en certains en- droits , nettoyer la fontame , en sortant des tuyaux tout ce qui s’y sera arrêté , comme terre , broussailles, tuf, menues racines , qui croissant à la longue , abandonnent enfin la fontaine , qui s’en trouvera très-bien débar- rassée, Cette commodité ne se présente pas sans distinction pour toutes les fontaines , mais à celles seules, dont le peu de chemin et sa facilité , donnent le moyen de bâtir autant de reposoirs qu’il est nécessaire pour cette aisance, qu’on prendra en construisant. Si vous attachez un cordeau à la queue d’un gros ‘rat vif, et que vous fourriez le rat dans le tüÿau de la fontaine qui joint le repôsoir ; le rat $’en- fuyant le long du tuyau, vous portera le cor- deau au prochain réservoir, quelque tortueux PDAGRÉIÉCUTLTURE. 57 et long qu’en soit le chemin, et vous vous ser- virez de ce cordeau plus proprement que d’au- cune des. susdites matières. Ce méchant animal étant utile à ce service. Plus le cours de la fontaine est pendant, moins les ordures s’y arrêtent , la violence de l’eau les emportant en bas peu à peu; ce qu’on observera des le commencement, pour faire pendre le canal dé la fontaine autant qu’on pourra. Voilà la manière la plus à desirer pour conduire les fontaines , qui soit en usage , pour toutes les qualités requises , dont entr’autres , la longue durée de la fabrique la rend très-recomman- dable. Mais plusieurs né $’en souciant pas ; ne mettent pas tant de facon dans leurs fon- taines , et Yÿ allant plus simplement pour éviter: la dépense qu'il conviendroit d'y faire , ils posent leurs canaux dans la fosse sans aucun bâtiment. Mais les réparations réitérées qu’ils sont contraints de faire à leurs fontaines; s’ils veulent en avoir l’eau, leur font avouer que c’est une meilleure économie de dépenser un péu plus à la fois, que d’y retourner souvent, ce quine peut être ne” ’avéé coût , inquiétude et sg 58 THEATRE CG HA PA TR EVEN: Des Puits, Le fontaine dégénere en puits, quand par la profondeur de son lieu, perdant sa bien- séance , elle ne peut couler. Alors on prend la résolution de creuser le puiis, ne se don- nant pas cette peine tant que dure l'espérance d’avoir la beïle fontaine coulante ; non plus que de bätir des citernes , pouvant jouir des puits. Voila les degrés des eaux employées l’une au défaut de l’autre. L'usage des puits est fort ancien, comme on le lit dans la Genese, qu’'Abraham et Isaac en avait fait creuser plu- sieurs dans la terre des Philistins , où ils ha- bitoient comme étrangers, et pour ces puits, ces bons pères eurent différentes disputes avec les gens du pays. L'adresse du puits est celle même de la fontaine, dont vous servant, vous ne pourrez manquer de voir votre puits abon- dant en eau, vu que ce sont les sources basses qui le fournissent, comme il a été dit. Cet avis manquant on ne laissera pourtant pas de creuser le puits où cela s’accordera le mieux, PR DB'AGkRICULTURE. 5g pour la commodité de la profondeur , s’assu- rant de trouver l’eau avec la patience de creuser profondément. Car l’eau s’assemble toujours dans les ouvertures de la terre des environs, en traversant les pores, y étant attirée par l'air, comme avec une seringue. Ainsi le père de famille préférant avec raison la commodité d’avoir de l’eau dans sa maison, quoique pro- fondément, a la facilité de la puiser près de la superficie de la terre en quartier éloigné, se creusera des puits , dans ses basse-cours et dans ses jardimages , aux endroits, où cela s’accordera le mieux pour son service ; en quoi il ménagera très-bien ; car il vaut mieux qu’en une fois il dépense beaucoup à façonner ses puits, dans des lieux entièrement com modes , et chaque année en cordages , pour en puiser lFeau, un peu plus, que dans les autres moins creux; qu'à l'entretien des gens de service, pour aller à l’eau , comme de né= cessite l’on est contraint de faire , l’eau étant éloignée. Outre que tout homme d’esprit fait cas de n'être pas obligé d'ouvrir sa porte à chaque fois qu’il veut boire. Ceci n’est pas sans exemple, se voyant des puits de grand service et d’une profondeur étonnante sur le sommet des montägnes dans plusieurs châteaux 60. THEATRE antiques et modernes. De notre tems au cha- teau d'Orange, qui est sur une montagne dé- serte, entierement de rochers, il en a été fait un d’une grande largeur et profondeur , des- cendant dans la roche plus de trente toises ; jusqu’à atteindre le plan de la plaine. Aussi la dépense de sa fabrique fut grande, ayant coûté environ trois mille écus, mais elle, fut bien employée , car il s’est rendu si abondant en bonne eau , que depuis il n’a pu en être épuisé. Si votre assiette est en plaine, vous pourrez faire assembler de plusieurs endroits les eaux dans vos puits , par des tranchées souterraines, à la manière des fontaines ci-devant montrée, qui en deviendront très-abondants: Cette con- sidération est de très-grande importance : il faut avoir soin de faire les puits loin des re- traits, des étables , des fumiers et d’autres lieux puants, dont les qualités malfaisantes peuvent être communiquées à l’eau, afin que nous l’ayons d'autant plus nette, que plus les puits en seront éloignés d’ordures. On les . bâtira de bonne matière , en laissant en bas plusieurs trous pour l'entrée des eaux des sources. Ne vous mettez pas en peine de les cimenter , n’en étant nullement besoin. Leur forme sera à volonté, car quoiqw'’eille soit / 0 D'AGRICÜLTURE. 6: rende , quarrée, ou autre, l’eau sy amasse et y est conservée toujours de même. La grandeur demeurera aussi à la liberté , pour faire les puits grands ou petits ; cependant la raison voulant que le grand contienne plus que le petit vase, nous ferons les puits plutôt grands que petits, ce qui servira aussi à la qualité de l’eau, vu qu’on dit qu’elle est meil- leure d’une grande abondance que d’une pe- tite quantité. Comme J'ai dit du réceptacle de la fontaine , au bord du puits , on dépense tant qu'on veut, selon la richesse de la matière et de l'ouvrage ; sur quoi certaine ordonnance ne peut être donnée en cet endroit , parce qu’elle dépend des moyens et du desir du seigneur. Pour puiser l’eau du puits, au service ordi- naire , on employe divers instrumens , dont les plus communs sont des seaux de cuivre À de cuir , de bois ; avec des cordes, des chaînes et poulies différemment accommodées selon les inventions des ouvriers. Quelques uns se servent de seringues, soupapes, bassecules et autres instrumens ingénieux pour remonter l’eau des puits , découlant en grande 2bon- dance , à la manière des fontaines, faisant mouvoir ces machines avec. peu de force. D’autres avec des grandes roues tournantes PF 63 THÉATRE par une bête , ayant des caisses ou des barrils , puisent l’eau pour Farrosement des jardins. De cette roue, comme les choses se raff- nent de jour à autre, par économie, quelques uns ont retranché la bête , et au lieu d’elle, ont mis un homme qui, étant assis, fait ce service avec les pieds et les mains, très-faci- lement comme en se jouant : et allant plus avant , On fait remonter l’eau par d’autres in- ventions qui rejaillit hautement , comme cela se voit à Saint-Germain-en-Laye , parmi les merveilles des fontaines du roi. Auprès du puits, on bâtira les auges requises’, pour abreuver le bétail , et servir aux arrosemens, qu’on dressera selon les lieux et les nécessités. H n'y a pas d’autre ouvrage pour entretenir le puits que de le tenir bien net, le net- ioyant à cet effet, une fois l’année , et veil- Jant à ce qu’on n’y jette aucune ordure. Pour conserver le puits nettement, quelques uns ea tiennent l'ouverture fermée. Mais plusieurs, au contraire , la laissant découverte, s'assure que l’air en entrant @edans en purifie l’eau ; comme aussi it est nécessaire à la bonté de l'eau , d’en tirer fréquemment , devenant plus agréable et plus saire, que plus on en puisera , et en faisant cela on la battra et rompra. ns BW AGRIOULTURE. 65 ET ER GHAPITRE VV. Des Citernes. S; trop de dépense vous réfroidit de creu- ser des puits d’une profondeur extraordinaire , forcé par le naturel du climat qui ne favorise que bien peu l’œuvre , ayez recours à l’ex- trème remède d’avoir de l’eau , qui est aux » citernes , si assuré , néanmoins , que partout où il vous plaira , vous vous pourvoirez d’eau, à frais modérés. On trouve dans les masures de l’antiquité peu ou point de citernes ; c’est, ‘à mon avis, parce que les Romains préfé- roient aux citernes les belles fontaines, qu’ils fiisoient conduire chez eux à quelque prix et travail que ce fût, et faute de pouvoir les avoir , ils n’épargnoient rien pour creuser des puits. On en voit bien dans les vieux bâti< mens des Goths , depuis sept ou huit cents ans et plus , sur le sommet des rochers. Plusieurs endroits de notre tems, n’ont d’autre eau que de citerne, telle qu'Aubenas, ville du Viva- rais en Languedoc, où le peuple y est abreuvé per les seules citernes, et soit hiver ou été, G4 VE HLE sur jamais l’eau n’y manque. Venise qui est une des merveilles du monde par l’abondance de son peuple, n’a d'autre eau que de citerne, qui sera le seul exemple pris hors de ce royaume, entre plusieurs autres que je vous représenterai sur ce ménage. Ainsi sans au- cune sujétion, nous dresserons des citernes dans les endroits du logis qui nous plairont le mieux , soit au bas, au milieu ou au haut : imitant en cela nos ancêtres, qui nous en ont laissé à l’endroit le plus élevé des châteaux, dans les épaisseurs de leurs grosses murailles. On voit deux de ces citernes encore tout enüeres en Vivarais, l’une à Baix-sur-Baix, l’autre à Mirabel , bâties au faite des châteaux desdits lieux, où pour leur fourniture , l’eau de pluie découloit des terrasses supérieures. La citerne est un réceptacle d’eau de pluie, où elle se conserve sainement et aussi iong- tems qu'on veut pour tous usages. Pour la dresser , il faut faire attention au lieu; car quoique la liberté soit grande , en pouvant le choisir à son gré, cela est cependant sous la condition que ce soit dans un endroit exempt de toute saleté, afin que Peau n’en tienne seu- - lement pas l’apparence , le voisinage en étant suspect, autant que.la propreté en cet endroit est Wb'ÀÂÀ GRICULTURE. 65 est recommandable. Que la citerne ne soit pas exposée au soleil, ni au vent, mais garantie de l’un et de l’autre, parce que l’eau s’y con- serve mieux, Sans évaporation. Car, par la même raison, la citerne veut être continuel- lement tenue close, sans permettre que Pair par exhalaison en retire le plus subtil, laissant au fond le terrestre ; à quoi par sa légèreté, cette eau de pluie est plus sujette que celle du puits, qui tenant quelque chose du terrestre, et ses sources fournissant en coulant une nou- velle matière, cela fait que les puits demeu- rent presque toujours dans le même état; c’est pourquoi il n’est pas bien important de les tenir clos ou ouverts ; d’ailleurs on n’est pas encore tombé d’accord sur cet article. On pla- cera la citerne parmi les bätimens , en lieu élevé , pour avoir la facilité d’en faire vider l’eau par le bas , sans cependant la faire joindre à aucune face de l'extérieur du logis , afin que V’eau soit et plus abondante et plus fraiche que dans un autre endroit. Si vous la voulez dans terre, comme le puits, ce sera dans l’endroit qu'il vous plaira, que vous la construirez, à la charge de lui faire un couvert par dessus, par les raisons dites ci-après. Et comme on tâche de conserver dans la citerne l’eau que Tome IF. E 66 EE, Hu Ë AUT'EUE vous y voulez enfermer ;, vous pourvoirez aussi avec le même soin, à ce qu'aucune autre y entre par le dehors, de peur que ce mé- lange ne corrompe la provision. Ceci a rap- port à la citerne enfoncée dans terre, ou les eaux des champs s’efforcent de pénétrer , selon le naturel de toutes les eaux, qui est de se retirer aux parties basses ; mal dont on se gar- dera en bâtissant la citerne bien à profit, de bonne matière , et en enduisant par dehors les murailles avec de fine argile pétrie , dont elles seront chaussées et revêtues, aussi hau- tement, qu’elles se wouveront dans terre pour résister à ces injures. Par ce mouf, en faisant la fosse pour la citerne , on la creusera si grande qu'elle puisse suffire à toutes ces choses. Pre- mièrement, pour ke rempart d’argile, ensuite pour l'épaisseur de la muraille, et enfin pour le vide de la citerne. Quant à la citerne éle- vée sur le plan de terre, il n’est pas besoin d'y faire aucun autre rempart qu’une muraille de bonne maçonnerie, afin de ne pas craindre aucune humidité étrangère venant du fond et _ des côtés. Les épaisseurs des murailles de l’une et de l’autre citerne ne pourroient être trop grandes par leur utilité en cet endroit; ce- pendant afin d’y observer quelque ordre, je D'AGRICULTURE. 67 dirai que quatre ou cinq pieds en sont la me- sure raisonnable. Quant à la capacité de la citerne, Je parle de la même manière ; car elle ne pourrait être trop grande , sur-tout si on la destine à une fontaine simulée ; mais aussi : pour la provision d’une honorable maison, en tirant par le dessus , comme du puits, sans l'employer aux arrosemens , j'estime que la mesure de trois à quatre toises en tout sens dans œuvre, et deux de hauteur, satisfera à rendre la citerne propre à ce service. Sur quoi Von pourra faire son compte , en retranchant ou amplifiant ce dessein , selon les rencontres, qui aussi en ordonneront de la forme, n'y ayant aucune sujétion en elle. On la voûtera par dessus, en laissant à la voûte un trou pour servir d’entrée à la citerne , afin d’en puiser de l’eau. La citerne se façonnera à la manière de la gueule du puits, en ÿ ajoutant cette né- cessité, d’y accommoder un couvercle, afin de la tenir close aussi soigneusement qu’un ca- binet, par les raisons dites. Non seulement on bâtira à profit les murailles de Ja citerne, mais pour ôter à l’eau toute espérance de se perdre, l’intérieur de la citerne sera entière ment cimenté , le bas ainsi que les côtés, sans toucher à la voûte, l’eau ne la pressant jamais. E 2 68 W':H É A TIRE Le ciment ne sera ‘d'aucun des deux de la fontaine , ni l’un ni l’autre n'étant propre à la citerne : le chaud par la difficulté de l’ap- plication, et le froid par la cherté ; cependant si ceite cause n’a pas lieu, c’est bien le ci- ment froid ou de pâte qui servira beaucoup en cet endroit, par son excellente valeur et sa longue durée. Le prix empêchant de s’en servir, on employera un troisième ciment de bonté suffisante , autorisé par l’expérience. On le composera de bolus, d’écume de fer, de verre , de cailloux de rivière, chacune de ces matières en égale portion, des tuiles, dont il faut autant que de toutes les autres choses en- semble. On mettra tout cela en poudre subtile, qu’on sassera et mêlera avec de bon vinaigre, ou_à son défaut, avec du vin, et ce fort clai- rement; ensuite en y mettant peu à peu de la chaux neuve fusée sans eau, finement sassée come fleur de farine, on en enduira ce mé- lange en le remuant toujours. Si l’on veut y ajouter des blancs d’œufs, on pourra le faire bien à propos, pourvu que ce soit sur le point de mettre le ciment en œuvre ÿ car comme les blancs d’œufs se congèlent promptement, il est nécessaire de ne les laisser nullement sé- journer dans le ciment avant que d’être em- D'AGRICULTURE. 69 ployés, mais sur l'instant même de l'applica- tion du ciment, y en mêler peu à peu; et par ce moyen vous aurez du ciment de tres- bon service. Le ciment sera qualifié comme le mortier commun, c’est-à-dire ni dur ni mol, afin qu’il puisse étre manié avec la même facilité que le mortier , en tenant contre le mur. On en fera une incrustation épaisse en- viron d’un pouce, afin qu'ayant un corps rai- sonnable, il puisse.mieux résister à l’eau que si, par avarice , il restoit trop mince. J’en- tends notamment de cimenter le bas, par le danger que l'eau risque de se perdre par là, aussi bien que des côtés, même quand ce seroit tout rocher. Si c’est roche ferme, le ciment se mettra sur elle, comme dessus : si c’est terrein, premièrement on y fera un pavé de pierre menue et gros gravois , en le maçon- nant avec du bon mortier, composé de chaux neuve et de gros sablon, sans tenir d’autre ordre à l'assiette des pierres, mais de Jjetter confusément ce mélange au fond, comme de la fonte, et en faire le pavé, de l’épaisseur d’une couple de pieds, et on y appliquera le ciment par dessus, avant que le pavé soit en- tièérement sec. _ Voilà le logis de l’eau préparé, 1l convient EL 0 7Ô THéstraz maintenant de parler de l’eau même. Toute eau quoique de pluie , n’est pas bonne pour la réserve en citerne; c’est seulement celle qui vient en saison, tempérée de froidures et de chaleurs, toute autre étant à rejetter ; car il s’engendre de la vermine dans les eaux des glaces, des neiges, du tonnerre et des tempêtes, pour peu qu’on la garde, et cela fait aussi corrompre la bonne qui est dans la citerne, si On ÿ en met par dessus, si peu que ce soit. On place au rang de mauvaise garde celles qui tombent en petite quantité pendant les chaleurs, et aussi les premières des grandes pluies qui viennent après dé longues sécheresses. Nous ne nous servirons point en cet endroit de ces pluies, parce quelles sont sujettes à devenir puantes. Les pluies d'automne et du printems sont bonnes pour fournir de l’eau fraiche et de longue garde ; de lhiver aussi pourvu que, le tems ne soit pas rude. [l'y en a peu en été qui vaille la peine d’être retirée, à cause de l'extrémité des cha- leurs. Les meilleures sont les eaux du mois de mai, qu’il convient de retirer soigneusement pour la provision de l’année. Le moyen de recueillir les eaux des pluies est par canaux, Qui étant attachés au bord des couvertures du WG'AGRICULTURE. 71 logis, ou autre dont on veut se servir en ce cas, les conduisent par un tuyau jusques dans la citerne. On fait ces canaux et tuyaux de diverses maüeres , de plomb , de fer-blanc, de bois, de pierre , de terre cuite, qu'on ac- commodeselon les lieux et l’envie de dépenser. Lapropreté est wrès-recommandable en ceten- droit pour avoir de l’eau d’agréable , et long service ; c’est pourquoi nécessairement 1] con- vient d’aviser sur ce point, afin de faire les avenues de la citerne si faciles , qu’elles puis- seni aisément se visiter, afin de les nettoyer à tout besoin. 1] s'arrête peu de saletés sur les couvertures des maisons de France, à cause de leur forme pointue , au contraire , beaucoup sur celles qui sont plates, mais aussi on monte plus aisément sur les dernières que sur les premières, pour les nettoyer. Le meilleur ce- pendant est d’en ôter autant que cela peut se faire , les causes de la malpropreté , dont la plus grande est auribuée aux pigeons , qui s’arrêtant sur les couvertures, les salissent par leur fiente, à la ruine de l’eau qui passe par-là, qui en de- vienttrès-mauvaise. Ainsi que les pigeonssoient bannis des lieux de citerne, ces deux avan- tages n'ayant pas la mème réputation , et ne pouvant sympathiser ensemble. Il n’est pas E 4 72 F HE ATEHE même permis d’y nourrir un seul pigeon paité, à moins que ce ne soit en étroite servitude, par le grand dommage que le peu de ces bêtes font aux citernes. Ainsi les couvertures du logis, d’où l’eau est recueillie, seront tenues proprement , et même lavées toutes les fois qu'il pleuvra , avant que d’enfermer aucune eau dans la citerne , afin d’avoir l’eau nette en perfection, en disposant les avenues à cela. On attache un tuyau fermé aux canaux des couvertures, d’où il recoit l’eau en la condui- sant en bas dans la citerne. Premièrement il la décharge dans une petite auge bâtie contre la citerne. Cette auge remplie, versant en haut, vide dans la citerne par un passage grillé , pour empêcher les ordures d'aller plus loin. L’auge est percée ac fond, pour de ce trou bas, en perdre l’eau, la rejettant en dehors, quand on ne veut pas la recueillir : soit qu'on n’en a pas besoin, ou que l’eau n’est pas de saison, ou qu'on attend que la pluie ait suffisamment lavé les couvertures , afin que l’eau en soit plus neite. Par ce moyen, vous ne serrerez que de bonne eau , qui se trouvera de bonne garde. Et afin que vous ne soyiez pas surpris par les pluies qui surviennent à Fimproviste , vous tiendrez conünuellement Tp'AGRICULTURE. 75 euvert le trou de l’auge, vidant en dehors, qu'on fermera s’il est question de retirer la bonne eau, sous les qualités susdites. L’auge demeurant aussi close par un huis, comme celui d’une armoire ou d’un coffret, fermant à clef, pour qu'aucun dégât n'arrive à ce mé- nage, comme cela est presque toujours pour les choses dont on ne fait aucun cas. Repre- nant ce que j'ai dit ci-dessus, concernant Île mélange des eaux , on pourvoira à ce que toute autre eau de pluie que celle qui vient par Pordre susdit, soit bannie de la citerne pour le bien de ce ménage ; car s’il pleut par dessus la voûte de la citerne , la pluie se distillera dans la bonne eau, à sa perte; ce qu’on préviendra en faisant un bon couvert dessus la citerne, en comprenant pour le moins toute sa gran- deur , le cas arrivant que la citerne soit bâtie à découvert dans la basse-cour au jardin : car de celle qui est enfermée dans la maison, il n'est pas besoin de donner ni de suivre cet awis. | Ces choses sont communes à toutes sortes de citernes , basses et hautes. Mais de tirer l’eau par le bas, cela est particulier à celles qui sont hautément édifiées , pour F’aisance de les faire vider de fond. Les fontaines si- 74 THÉATRE mulées dont j'ai parlé, viennent de là, qu’on arrange avec tant d’art , qu’il n’y a que ceux qui en savent le secret qui les discernent d’a- vec les vraies sources. La citerne enfermée dans le logis dans un lieu caché sert de Mère , de laquelle dérivent les tuyaux qui conduisent l’eau , de la même manière dé- moutrée dans la fabrique de la fontaine. L’eau vidéra dans des vases et des réceptacles ri- chement et délicatement travaillés ( puisque c’est pour le plaisir ) dans la basse-cour , ou en tel autre endroit du logis qu’il vous plaira, et l’égoût par d’autres tuyaux , dans une autre citèrne , pour sérvir aux abreuvoirs des bé- tes, et arrosemens dés jardins. Ainsi rien ne se perd , car après que l’eau aura passé de plusieurs côtés avec une rencontre agréable , les restes s’en réserveront utilement , pour un double service , selon que l’homme entendu l'ordonnera , et aura le lieu propre , comme le pendant est le plus commode pour cela. Par économie , on ne tirera l’eau que le jour, la tenant fermée la nuit ; et encore que le Jour , si vous voulez , quand vos amis vien- dront vous voir , et à d’autres bonnes heures qu'il vous plaira. I faut , pour fournir à de si belles aisances ; bâtir la fontaine si ample, ip'AGCGRIÉCCLTURE. 75 qu’elle puisse contenir une grande abondance d’eau , la faisant plutôt trop grande que peu. Et sion ne veut y aller que dans la juste pro- portion , vous mesurerez combien de vases pleins d’eau sortent de votre fontaine feinte chaque heure : vous compterez combien d’heu- res ôn la tient ouverte, dans cinq ou six MOIS, pendant lequel tems , on ne peut être appro- visionné d’eau , à cause de la séchérésse , se rencontrant quelques années telles , faute de pluie ; pour là dessus bâtir la citerne, sui- vant la grandeur requise, et tellement pro- portionnée , par le calcul et la géométrie , qu’elle contienne d’eau , autant qu’il en sera besoin , pour le service susdit. Si le ménager ne veut pas user de cétté magnificence, il se contentera de vider Veau de sa citérne pour l'ordinaire de sa famille , par un robinet fourré éu bas , en l’ouvrant ét fermant au besoin ; ayant soin de tenir si bien clos ce robinét , qu'imprudemment ou malicieusement , il ne soit ouvert mal à propos , de peur non seule- ment d’en perdré l’eau , mais d’en être in- commodé par sa vidange. Une autre espèce dé citerne est venue en usage par l’adresse d’un gentil-homme de la chambre du roi , le sieur Manfredo Balbani, + ah 76. ThÉéATRE gentil-homme Luquois , qui en est l’inven- teur , l'ayant fait heureusement pratiquer en la maison du seigneur Zamet, à Paris ; Pan 1599 , comme j'ai vu. On fait cette citerne Sans aucune maçonnerie , ni ciment, dont la dépense en devient beaucoup moindre que des citernes ordinaires. Nonobstant cela l’eau se conserve tres - bien , et en telle abondance qu’on veut , cela dépendant du réceptacle ; ce qu'on voit de cette espèce de citerne ne marque autre chose qu’un puits, dans lequel on puise l’eau , comme dans les puits com- muns. La fabrique en est telle : on creuse une fosse en forme quarrée de cinq toises sur chaque face , profonde de trois à quatre. A une toise près de l’une des faces , la plus éloi- gnée des couvertures, d’où l’eau de la pluie doit venir , on fait le puits , ainsi appelé par Ja conformité qu’il a avec les ordinaires. On l’enfonce dans terre à quatre pieds plus avant que le plan général de la grande fosse , au fond duquel on met de l’argiie pétrie , un pied d’épais, et au dessus un demi pied de sable. On commence en même tems à bäur le puus avec de la brique ou de la pierre sèche, sans mortier , ni ciment ; mais en pierres plates , pour qu’elles tiennent mieux ensemble , sans W'A CGRI-CULITU RE. | écrouler. La forme en est ronde , de quatre à cinq pieds de diamètre : l'épaisseur de la muraille est d'un pied. Le fond de la grande fosse est entièrement couvert d'argile pétrie , d'un pied d'épaisseur , afin de retenir l’eau sans se perdre par en bas , et au dessus d'elle, on met du sablon grossier , fort net et sans terre. Le sablon ne touche pas à la terre ferme du fossé sur les côtés , et on leur joint une muraille où un rempart d'argile , d’un pied d'épaisseur pour retenir l’eau. Ces trois chc- ses se font à la fois, l’une ne pouvant souf- frir de marcher devant l’autre ; c’est à sa- voir : le haussement de la muraille du puits toujours avec de la pierre sèche ou brique ; celle des côtés, ou le rempart, avec de l’ar- gile , et de combler l’entre d’eux , qui est le général de la citerne avec du sable, en haus- sant le tout à niveau, jusqu’à perfection ; qui est le bord de la fosse , laquelle , par ce moyen, est recombliée. Alors on achève le puits de bonne maçonnerie , c'est-à-dire , ce qui-sursaille hors de terre est bäti à chaux et a sable , où la gueule est posée , faconnée en pierre de taille aussi richement qu'on veut. L'eau de pluie se recucilie à la manière des autres citernes par des canaux attachés Te 78 THÉATRE aux couveriures du logis , et cette eau est conduite dans la citerne remplie de sable , parmi lequel elle se mêle et se distille dans l’ouverture du puits , à travers les jointures des pierres où briques non cimentées. Par cette raison la muraille du puits est bâtie sans morter. L'eau se conserve très-bien dans le sable , bonne et fraîche , à travers duquel elle se purifie, en passant , comme par une alam- bic. On la tire du puits, comme des autres communes , et afin que les seaux employés à ce service , n’enlèvent pas le sablon , étant au fonds du puits, au détriment de l’eau , il faut en cet endroit accommoder des pierres ; par la rencontre desquelles , les séaux ne puissent toucher au sablon, et l’eat sorüra claire et nette. L’argile est regardée comme bonne pour ces usages , sans aucunes pierres ; pétrie et maniée à la manière des tuilliers. On en fait de grosses boules pour en faciliter l'ap> plication , qu'on jeite sur l’œuvre avec vio+ ience , en éCartant ainsi l'argile pour l’affermir a lieu, ensuite avec les mains on achève'de laranger , si soigneusement qu'aucune çeu- verture n’y est laissée , ri en bas, ni sur les côtés , afin que l’eau né puisse se perdre; et par le même moyen , empêcher que les eaux n'entre LU R € 79 étrangères venant de dehors , n'entrent dans la citerne. Si le lieu de la citerne est en terre ferme , on creuse la fosse à plomb , en fond de cuve : si elle est mouvante ou sable , en pente ou en talus , afin de s’aecommoder où l'on est. A trois pieds de la superficie du plan de la cour, du côte de l'avenue de Feau , on laisse un petit puits rond , large en son dia- mètre de deux pieds et demi , profond de quatre à eing pieds , bâti à pierre sèche , comme le grand , ou avec de la brique ; dans lequel les tuyaux des couvertures du logis , vident l’eau de la pluie ; où étant elle s’é- chappe ; par l’entre deux des pierres et des briques , en allant se rendre parmi le sable , qui la reçoit, où elle est retenue par le rem- part d'argile , comme il a été dit. Ce petit puits est ‘appelé citernon. II demeure toujours couvert’ d’une pierre de taille , excepté lors- que pour le nettoyer des broussailies , que l’eau y peut amener , on le découvre , y re- mettant aussitôt la pierre , qu’on en a sorti les ordures. On doit aussi remarquer que le rempart d'argile des côtés de la fosse , n’est p2s entierement si haut , que ke sable du corps de la citerne , et qu’il demeure bas d’un demi- pied , afin que l’eau surabondante , après avoir UN 80 THÉATERE rempli la citerne , verse par dessus , et se perde parmi le terrein : autrement au tems des longues pluies, tout le lieu demeureroit inondé , avec beaucoup d’incommodité. Le dessus du sable ( sans y ajouter aucune argile ) est entièrement pavé avec toute Res ; comme le reste du plan de la basse-cour. J’ai marqué la figure quarrée , comme se exem- ple, à laquelle n'étant pas forcé de s’assuJé- tir , on peut füre la citerne de toute autre forme qu’on veut, ronde, wiangulaire , pan- tagone , etc. , selon le lieu où lon est. De même de la capacité , quoique la plus grande citerne est toujours la meilleure ; sur-tout celle- ci veut être plus grande que les communes , à cause du sable qui occupe beaucoup dé place , dont de nécessité il convient que le ré- ceptacle soit grand, si l’on desire avoir 4bon- dance d’eau. On donne une même libérté aw puis , quant à la forme et à la largeur de son ouverture ; pour en disposer à volonté. Voilà la citerne du seigneur Baïbani , qu’il a mis n évidence , à la commodité du -public ; ce que le roi ayant reconnu, par privilège-exprès, Jui a permis de bâtir des citernes de cette inven- tion, pendant vingt-cinq ans , préférablement à tous autres n'ayant pas permission de lui. CHAPITRE DÂAGRICULTURE. 8x A VAN PPETRE VI Les Mares. } Fe mares sont de service, dans les endroits où manquent les eaux coulantes et où il y en a de souterraines peu profondes |, avec les- quelles se joignent sans art , celles des pluies , en s’assemblant dans une fosse , pour la pro- vision de toute l’année ; non pour la boisson ordinaire des personnes , car ce sont les puits qui en font le service. La mare donc , est une large fosse, creusée, non à plomb, mais en pente douce de tous côtés , afin que ( pour aller boire ) le bétail puisse y descendre ai- sément , comme par le bord d’une rivière. Elle est enfoncée au milieu ,» toutefois mo- dérément , où l’eau des sources s’assemble avec la pluie. La mare de nécessité , veut être grande , tant pour l’abondance de l’eau , que pour la qualité : un petit réceptacie ne pou- Yant COntenir tant d’eau , ni si bonne qu'un grand ; car la grande quantité d’eau se con- serve mieux en bonté que la petite, parce que l'air et les vents lagitent mieux ‘dans Tome IF, F ee —_— 82 T-y:E rate une place ample , que dans une serrée. Ainsi, sans crainte d’excéder , nous ferons la mare si grande que nous pourrons , ressemblant à un petit étang , sans épargner , ni le fonds, ni la peine de L creuser. Aussitôt après l’avoir creusée , nous en paverons les bords au tour , aussi avant qu’il sera possible , afin d’éviter de salir l’eau , par le trépignement des bêtes qui vont boire , lesquelles marchant sur la terre nue et mouillée , en l’enlevant avec les pieds , gâteroient la mare, s’il n’y étiot obvié par le pavé ; mais avec ce pavé, quelque bétail. qui aille et vienne à la mare , l’eau en de- meurera toujours dans le même état. On dres- sera cette mare loin des fumiers , pour la netteté de l’eau ; car comme nous avons dit des puits et citernes, le voisinage des ordu- res est LOUJOuUTrS préjudiciable > à gens et à bêtes. Ouire cette mare, on en fera pour le ser- vice des canards et des oies , et autres bêtes aquatiques, qu’on nourrit dans la maison , et pour y mettre tremper des cercles , osiers, bois de charrues-et autres choses de ménage ; aussi à y rouir le chanvre et ie lin , et faire d’autres services. On la prendra grande, pour satisfaire à toutes ces choses, seulement pour P'ÂAGRICULTURE. 83 Yabondance de l’eau , car quant à la bonté , il n’est pas besoin d’y aviser , vu qu’elle n’est pas destinée pour boire. On fera la forme des mares à volonté , n’y ayant en cela d’autre sujétion que le lieu où il convient de s’accom- moder ; car quarrées , rondes ou autres , elles deviendront toujours de bon service. DR PLV RE VER Des Bois en général. Nos avons vu ce que c’est que l’eau ; en combien de manières, et comment l’on s’en accommode : maintenant nous traiterons du bois , pour nous fournir aussi abondamment et aussitôt que la nature le permet ; dont la maison en deviendra très-bien accommodée. Il est certain que la terre pourvue d’eau et de bois , est l’habitation la plus desirable de toutes les autres , approchante de la perfec- tion. Mais s’il est question d’être indécis , comme on voit rarement les choses de ce monde aller droit , sans cependant toucher à honneur de l’eau , ci-devant représenté : je dirai sous le jugement des gens d’esprit, que F 2 84 THEATRE le défaut de l’eau est plus supportable que celui du bois : et pour mieux m'expliquer , j'ajoute que l’habitation dans la forêt est plus passable , étant pourvue de toutes sortes de bois, sans y avoir d’autre eau que de citerne, que celle qui est abondamment bien pourvue de fontaines , ruisseaux , rivières , et autres eaux semblables arrangées à plaisir : où pour tout chauffage , on n’a que quelques arbustes, des racines , des pailles , des gasons , de l'herbe, de la terre, de la fiente de bœuf , du charbon de pierre, des ossemens , comme en certains endroits de l’Angleterre , de Flan- dre et ailleurs, où les peuples ne se chauf- fent que de ces drogues ; sur-tout en Frise et en Hollande , où les mottes qu’ils appèlent torf, sont employées à cet usage. Cela s’en- end , pour la commodité de l'habitation par- ticulière , car je ne touche pas à la richesse du trafic , la navigation sur les eaux étant une chose sans fond. Si on n’a pas le plaisir de voir les agrémens des fontaines dans les forêts , on a celui des ombrages , et l’agréable séjour sous les arbres en toutes les saisons , parant les froidures , sur-tout en hiver. Au lieu de l’agrément de la pêche et du service du poisson , on à le plaisir de la chasse et AGRICULTURE. 85 le profit des bètes sauvages qu’on y prend. 1] semble que les grands seigneurs par leurs exer- cices continuels , font plus de cas de la chasse que de la pèche : que les rois mêmes adhe- rent cette opinion , en ce qu'ils passent le plus souvent le tems à chasser qu’à pêcher , faisant cas d’aller ordinairement à l’assemblée ; et le grand veneur tenant un rang honorable auprès de leurs personnes ; sans parler du grand pêcheur. Aussi par ces raisons , on trouve plus de grandes maisons bâties’ dans les forêts , que sur les'rivières , ou contre ; et aussi pour la commodité du chauffage , qui est très-grande pour tous les hommes : le feu même est en telle réputation en hiver, qwil est estimé la moitié de la vie de l’homme. Ce sont les forêts qui fournissent du bôis., pour l'appareil des viandes , pour se bâtir et meubler , pour faire du charbon , de la chaux, des tuiles et de la brique , des ustensiles de terre et de verre, pour fondre les minéraux , et mille autres choses utiles, nécessaires et plaisantes , comme pour retirer une infinité d'oiseaux. Personne ne doute de la santé du séjour dansdes forêts ; le sec étant au juge- ment de tout le monde , plus salutaire que l'humide. En un mot les services du bois sont F 3% 66 THÉATRE sans nombre, dont notre père de famille se pourvoira ; le cas arrivant qu'il en manque dans son domaine. Et quoiqu'il ÿ ait en cela de Ja longueur , il ne doit pas cependant se rebuter par cette considération ; d'y mettre la main , avec diligence , étant assuré que l’at- tente du secours n’en sera pas si grande , que dans huit ou dix ans , il ne s’en apperçoive à Sa satisfaction Ainsi sans délai il commencera à travailler-en cet endroit , afin qu’il jouisse d'autant plutôt du fruit de son labeur , qu’il aura été plus diligént:à planter et élever ses :arbres. | : Quand on parle du bois en général, s’entend du sauvage : nom appartenant à toutes les es- pèces d'arbres, qui n’ont pas été apprivoisés par l’art, que la terre produit naturellement; dont les grandes forêts se forment, quand par de longues guerres, pestes, famines , et autres événemens auxquels les hommes sont sujets, les pays se déshabitent, et les terres demeurant désertes se revêtent des plantes susdites ; mais avec la distinction des lieux et des races ; car la nature en accommodant les plantes, donne quartier aux sèches et froides, sur les mon- tagnes élevées; aux humides et chaudes dans Îles vallons enfoncés, et aux autres composées WAÂAGRICULTURE. 87 de ces deux qualités, dans les plaines tempé- rées ; à quoi intervenant la propriété du fonds, cause ici la production d’une espèce de plante, et là d'une autre, suivant que la terre se ren- contre difléremment sablonneuse ou argilleuse. Ainsi par une juste distribution , chacune est mise à son rang. Or, s’il n’est question en cet endroit , que de se façonner des forêts, princi- palement sous l'espoir des bois de haute futaye, du chauffage et du taillis, avec leurs dépen- dances , sans regarder aux fruits, que comme accessoire ; et laissant toute autre considéra- tion ; jemoutrerai le vrai moyen d’y parvenir. Ce sera en imitant la nature que nous fonde- rons notre intention. À cette cause nous choisi- rons parmi la multitude imfinie des arbres de ses trésors, les plus propres à notre dessein, afinque seuls ; ils soient employés, logés et gouvernés, ainsi qu’il appartient; car ce sontdes efforts int - iles de croire élever des arbres sauvages , ail- leurset autrement, que leur naturelne porte, au moins, pour en retirer du profit. Pour parvenir à cela, il est aussi nécessaire d’employer en bois une partie de vos meilleures terres; ce que vous ferez sans regret, quand vous considère- rez quel bien vous procurez à votre maison, enlarendant par ce moyen de noble et agréable F 4 88 THÉATRE représentation , et pour toujours remplie de bois, au lieu de déserts qu’elle en étoit au paravant, étant contraint pour la cuisine et le chauffage, d'aller chercher le bois au loin, en petite quantité et à grands frais. Par ce change- ment, il sera constant que le fonds employé en bois, servira autant que celui qui travaille en bleds , on en vins, vu que sansaucune dépense le premier donne son revenu, où l’autre ne rapporte rien sans emploi de semence et une grande culture. En parlant des meilleures terres, je n’entends pas que les arbres ne puis- sent venir dans les moyennes ; mais ils ne pro- duiront pas si promptement , ni si abondam- ment dans un fonds de moyenne bonté, que dans un entièrement vigoureux. Chose très- notable pour l’avancement de l'œuvre ; car si votre lieu est dénué de bois, vous cherchez pour vous en fournir le moyen le plus court ( non pas celui de l’école comme on dit ) pour retirer plus promptement le profit de votre travail; ce qui arrivera à souhait et sans une attente ennuyeuse , si sans regarder à l’écono- mie, vous préférez en ce ménage les grasses aux moyennes terres; car des maigres, il ne faut en cet endroit faire nul cas , parce que Îles arbres ne pourroient y venir , ou s'ils y ve-. MAS EotLrrTur EL 89 noiïent , ils n’y vivroient qu’en langueur et avec peu d'avancement. Il est bien vrai que comme tous les arbres ne sont pas du même naturel, il y en a aussi qui supportent mieux que les autres, l’insuffisance du fonds, les- quels arbres nous distinguerons , pour les loger chacun dans un endroit convenable. On ne peut naïvement parler de la quantité de terre, vu que cela dépend de la volonté d’un chacun, de faire ses forêts et taillis grands ou petits ; néanmoins je dirai que laissant la forêt à dis- crétion , le taillis doit être de vingt-cinq ou trente arpens , pour dans peu de tems secourir Ja maison, ce qu’il fera dans sept où huit années , en la fournissant de fagotage pour sa provision , s’il est de cette mesure, et cul- tivé , comme je montrerai. L'endroit le plus propre pour asseoir les bois, est la partie de votre domaine la plus élevée du côté du nord qui regarde votre maison , pour , n’en étant pas éloignés, la tenir en abri , et la garantir de la violence des vents , des froidures en hiver, et pour vous y allér rafraïchir en été sous leurs ombrages. Si vous ne pouvez jus- tement rencontrer, par les difficultés qui communément se présentent , vous poserez vos bois dans les autres endroits les plus ap- GES. A THéATRE prochants de ce dessein, comme cela s’ac- cordera le mieux. Ces choses expédiées , il faut en venir aux. arbres, nous ôterons les fruitiers , c’est à dire, ceux qui souffrant l’affranchissement sur les autres , étant employés dans les vergers , en retenant pour la nourriture de nos forêts et taillis , les autres sauvages , qu'on ne peut, Ou ne veut pas apprivoiser. Savoir les chd- laigriers , chénes , lièges, ormes , .frénes , érables , fouteaux ou hétres, Sapins ; ME- dèses, pins , sycomores , is, charmes, til- leuls, dont l'écorce est propre à faire des cordes , comme celle du mürier blanc. Cet arbre a donné le nom à Chantilli, belle maison du connétable , comme si l’on disoit , champ de tilleuls, par son abondance. Alisiers ou mycacouliers, coudriers , müriers , cormiers ou sorbiers, cornoutillers , sureaux , bus, genièvre , cades, houx ou agrifolium , bruscs,. ou Aoussons , genéts , blaïs, arboïsiers , len= tisques à plusieurs autres espèces d’arbres et arbustes sauvages , qui croissent dans les forêts agrestes , dont le nom nous est inconnu, qui varient autant qu'il y a d’horisons parti- culiers sur la terre. Il seroit impossible de discerner entièrement ces arbres par leurs com- DMGRICOULTURE. O1 munes dénominations , si ce n’est dans les lieux mêmes de leur origine. Nous pouvons mettre à ce rang le plane , grand arbre, plus connu en Suisse et dans les quartiers d’Al- lemagne , qu’en France, par la beauté de son ombrage , la blancheur de son bois , et sa facilité à croître , ce qui le rend recomman- dable. Toutes ces plantes viennent dans les endroits secs, et tempérés de sècheresse et d'humidité , quoique d’air froid et chaud, rapendant avec une distinction nécessaire ; n'étant pas tous indifféremment d’un même naturel : non dans les aquatiques , ni maré- cageux , qui sont donnés aux saules, peu- pliers , trembles, aubeaux , aulnes , osiers, bouleaux , yeges et autres semblables appeliés arbres aquatiques , à la différence des autres appellés, secs. Ainsi par:ces mots , sec et aquatique, nous entendrons la fourniture de nos forêts , taillis, saussayes, ramées, et ose- raies, afin que sans confusious ; nous les dis- posions à propos. Dans la plantation ‘du verger ; j'ai montré la difficulté de ouvrage , par la longueur du tems qu'il ya, avant qued’en tirer satisfaction. Nous pouvons dire la même chose de la forêt et du taillis ; et tout cela provient du plant 92 THÉATRE qui avance ou qui recule ce ménage, selon qu'il se trouve grand ou petit. L'avis done de lun servira pour l’autre ; c’est que comme pour le verger , nous recherchons le plus gros plant, et autrement qualifié ainsi qu’il appar- tient, sans beaucoup nous soucier du mince, nous ferons de même pour la forêt et pour le taillis ; car le plant manquant en qualité où quantité nécessaire , Ce sera aussi aux semences et branches que nous aurons recours, pour en avoir provision, dont nous dresserons des pépinières et bâtardières, à la manière déjà montrée , livre VI, chapitre XVIF, où je vous renvoye pour en être instruit: Cependant nous noterons que quoiquau rôle des arbres secs, nous puissions ajouter les poiriers, pommiers, cerisiers, pruniers et coignassiers , comme Îles châtaigniers ; coudriers , müriers , cormiers et cornouillers , qui communément portent fruit; cependant il m'a paru qu’il wétoit pas bon de les planter dans les forêts et taillis ; parcequ’ils appartiennent proprement aux ver- gers + outre que l’abondance du bois qu’ils donnent , n’est pas. si grande ; qu’elle doive les faire rechercher pour la forêtet le taillis ; ainsi que par cette raison ; on fait principa- lement des autres. Mais si par: la propriété DA GRIGULTURE. 93 du fond les poiriers , pommiers , cerisiers , pruniers et coignassiers , s’engendrent natu- turellement dans la forêt et le taillis , je suis d'avis de les y laisser pour la bienséance, sans s’en donner d’autre peine, la variété étant toujours agréable. I] n’est cependant pas incompätible , que parmi les plantes sauvages, les châtaigniers , coudriers , müriers et cor- miers soient logés , non par égard pour leur fruit , mais pour le bois qu'ils donnent en abondance , ces deux qualités l’une faisant tenir rang au verger et dans la forêt , en se rendant de double utilité ; les fruits que ces arbres donnent , n’étant en ce ménage qu’ac- cessoires ou parties casuelles , dont aussi on n’en fait pas grand cas ; excepté des châtaignes qui servent pour les hommes et pour les bêtes, cependant telles, qu’elles ne sortent, ni en si grande quantité ni si bonnes des forêts , que des labourages. Parce que dans la forêt , les châtaigniers ne sont ni affranchis, ni cultivés à la mode des fruitiers, mais tenus en arbres sauvages. La hâtiveié en cet endroit est très- recommandable , pour choisir les arbres de meilleuré volonté, et de plus de faculté à produire abondance de bois , pour rendre promptement service. Parmi tous les sauvages, 94 THÉATRE les plus propres à ceci sont les müriers blancs, aprés les coudriers, pour arbres de leur taille. De ces deux plantes, comme pour avant- courrières , en attendant d’employer les autres espèces d’arbres sauvages, on dressera un taillis, qui posé en bon fonds, planté et cul- tivé dans son commencement, comme il sera montré , satisfera dans peu d’années à votre intention. | = Ceci servira pour maxime, fondée sur la raison, que plus de bois produisent les arbres, et plus longuement vivent : plus aussi de nour- riture requièrent-tls. À quoi est ajouté, que ceux quitard croissent , tard meurent ou de-. faillent. Ainsi ce sont ceux là qu’il faut loger dans les meilleurs fonds : on donnera aux autres un quartier, à mesure que plus ils approche ront ou s’éloigneront des qualités susdites. Les chénes, chdétaisniers, ormes , sapins, pins , hétres ou fouteaux, charmes , érables, sont les arbres qui d’après cette loi seront placés dans les plus féconds terroirs, parce qu'ils abondent plus en bois et durent plus que les autres espèces ; sur tous lesquels les chênes emportent le prix, sur-tout pour la longueur de la vie, que les anciens disent être com- munément de trois cents ans : savoir cent D'AGRICULTURE. 95 ans à croître, cent ans en état, et cent ans à déchoir. Ce qui se croit aisément, par leur grandeur monstrueuse , dont l’accroit n’a pu être qu'a la longue, vu qu'il pousse assez lentement chaque année. Les châtaigniers n’at- teignent pas ce terme, ni leur bois n’est pas non plus à comparer en bonté, pour le chauf- fage à celui des chènes; ni celui-ci pour la charpente au bois de châtaignier , se com- pensant anisi lun lautre en cette qualité ; mas non pas en fruit, les châtaignes surpas- sant d'autant les glands, qu’il y a de la difé- rence , entre la nourriture des hommes à celie des bêtes. L’un et l’autre arbre veulent le bon terroir , le chätaignier cependant se con- tente d’un moindre, que le chêne, et profite assez bien dans un terroir sablonneux , pourvu qu’il y ait de l’humidité ; et les deux veulent que le climat tienne un peu plus du froid que du chaud , qui est leur naturelle situation. Les pins, sapins, hétres où fouteaux , dits aussi faux , et les charmes sont des arbres de montagne froide , où is parviennent non seu- lement en grande , mais en merveiileuse hau- teur ; et il ne faut pas s'étonner si, étant for- cément posés dans un quartier chaud , ils de- meurent petits avec peu d’accroissement, Ex- LU 96 LRÉATEASZ cepté les pins , qui par le bienfait de la nature s’avancenttrès-bien sous quelqu’air que ce soit, froid , tempéré, chaud ; comme les petits pins de la Provence, et du Languedoc, près de Ja mer Méditerrannée , sur-tout ceux d’Aigue- Mortes , le prouvent suffisamment. Les mü- riers , coudriers , ormes , frénes et érables, se plantent assez bien dans les moyennes terres, et dans les lieux tempérés de froidure et de chaleur , ce qui les fera choisir sur tous les autres , tant par cette louable qualité , que par leur accroissement volontaire , pour être employés à peupler les nouvelles forêts et taillis , en y ajoutant les châtagniers , à cause de leur naturel flexible. De ces arbres on fera encore généralement cette subdivision : que dans les endroits les plus froids et les plus hu- mides , on mette les châtaigniers , les ormes , les frènes et les érables ; dans les plus chauds et les plus secs, les müriers et coudriers. Par ce raisonnable assortiment, le père de famille jouira promptement de son labeur : mettant avant tout , pour son utilité prochaine , la pré- cocité de ces arbres ( notamment des müriers et coudriers , comme il a été dit, entre tous les autres, ceux-ci étant de meilleure volonté, à avantage futur de ses successeurs ; pour les- quels D'AGRICUTLUR E. 07 quels, cependant , 1l ne laissera pas de semer etplanter , selon son climat, des chènes, des hètres, des pins , des sapins et autres arbres tardifs , dont lui-même avec la bénédiction de dieu, pourra voir. de beaux commence- mens, Quant à l’article du plant des arbres sau- vages secs , 1] y a trois chemins pour en avoir de toutes sortes : savoir , de rejet , desemence, et de branche , qui est le même moyen repré- sente au discours des fruitiers. Le rejet est le plus commun et le plus hâuf, la semence, le plus rare et le plus tardif, là branche de- meurant entre ces deux extrêmes; d’ailleurs nous n’en prendrons des nouveaux, que des rejets des vieux arbres , qui croissent à leur pied, ou qui sortent de leurs racines ( pour avancement d'œuvre, ÿ gagnant quatre ou ciuq années de tems,}) si nous y trouvons la fourniture requise en qualité et en quanuté. Mais cela ne se rencontrant quetrès-rarement, fait que pour le profit et la bienséance , nous recherchons ailleurs que dansles vieillesforéts, des nouveaux arbres tels qu’il appartient ; que de nécessité il convient qu’ils soient de pareil âge et grandeur; afin que par cette égalité, la forèt et le taillis croissent également. Au- T'omee LV, G 95 TH ÉAMTRE trement la difformité y seroit grande , et outre cela, la perte, que les petits arbres opprimés par les grands , sauccomberoiïent sous ce voi- sinage. Le taillis supporte mieux cette inégalité de plant, que la forèt, les pieds des arbres s’y confondant, n’étant pas en vue, à cause de leur petitesse. Mais l’une des beautés des forêts , estla distinction des tiges, qui se repré- sentent d’égale grandeur , et il convient néces- sairement de disposer la forêt de cette maniere. I] sort des arbrisseaux ainsi qualifiés, et en nombre desirable des pépinières et bâtardières, pour en faire des taillis aussi grands qu’on veut. Cet avantage a été touché ailleurs, avec la manière de dresser la pépinière et la bâtardière, ainsi que de cultiver et arroser les arbres, livre VI, chapitre XVIT, ce qui m’empéchera de retoucher cette corde. Il y a quelques arbres sauvages du rang des secs , qui s’élè- vent par la pépinière, et ensuite par la bâtar- dière : d’autres qui ne passent que par la seule bâtardière. Les premiers sont les arbres qui viennent par pépin$, noyaux et fruits, qu’à cette cause on sème dans la pépinière ; tels que les chênes, châtaigniers, hètres , pins, sapins, ormes, cormiers , cornouillers, aliziers, mü- riers, buis, genièvres ; et les autres, dont la LS AGRICULTURE. 99 branche s'enracine sans moyen, quand elle est fourrée dans terre, cette facilité provenant de la grosseur de la moëlle , comme les cou- driers, màriers , sureaux et autres semblables. En général des arbres plusieurs se trouvent mieux d'être plantés par rejettons enracinés pris sur les pieds des vieux, plutôt que par toute autre voie , qui, quelques minces qu’ils soient seront plantés dans la bâtardière , pour én cet endroit croître, jusqu’au poiñt dé’ souffrir le replantage dans la forêt ou au tallis. Le mürier et le coudrier , par leur ac- eroissement volontaire , se plantent de toutes les trois manières, dontonrecouvre des arbres ; c'est à dire; par rejettons, par branches et par semences , l’une desquelles , l’on choisira comme il viendra le mieux à propos. Quant au mûrier , sa base la plus assurée est la semence, qu’on doit préférer à toute aütré manière. Et comme cet arbre est d’une très-grande valeur, non seulement par le bon bois, dont il abonde , qui lui fait tenir un rang honorable dans la forêt et le taillis, mais prin- cipalement par la soye qui sort dé sa feuille, pour laquelle il est fort recherché , je m'’arré- rerat dans cet endroit , pour dire de quelle manière on doit gouverner sa graine pour eu G 2 100 x VU É 4 TRS avoir des arbres. J’ai montré au discours des vers à soye, la différence du mürier:blanc au noir, livre V, chapitre. XV, lequel des deux est le meilleur, et, quelle résolution doit là dessus prendre le père, de famille: j'ai dit aussi que parmi les müriers blancs, il y en a de trois sortes, distinguées par le seul fruit, blanc, rouge, noir , et, que par le jugement de quelques uns, l’axbre d’entre ceux-là qui produit lamüré noire, donne la meilleure soye. Selon cette recherche subule,, par dessus les autres , nous choisirons da graine venant de ces mûres noires, pour fournir notre mürière. On jetiera dans. l'eau..de, quelque, large. vase des mûres prises..en. parfaite maturité, et la dissoutes en les frottant enjre les mains, pour en retirer la graine, ce qu’on fera après avoir vidé l’eau: ‘du vase, et mis sècher la graine avec soi MATC, çà Fombre, non au soleil, de peur que par. sa Chaleur la graine ( qui est fort tendre ).n’en..soit offensée ; cetie, graine séparée d'avec la poussière sera retirée pour la semer en saison. Lemoment dela semer sera dès qu'on, l’aura recueillie, ,si l’année est avancée ; mais étant reculée il faudra at- tendre les mois.de mars ou d’ayril suivant, pour la meure en terre ; car dans l'automne , P'AGRICÜÉTURE. 107 irn'estipas à propos, à cause des prochaines froidures qui en tueroient les arbrisseaux , qui sont alors trop tendres. Si on la sème sur l'été, il faudra soigneusement prendre garde de pré- server les semences , avant qu’elles lèvent, de la grande chaleur, en les tenant couvertes aux heures les plus importunes du jour. On les découvrira à l'approche de la nuit, afin de leur faire sentir la fraîcheur du serein , pour les recouvrir environ sur les sept heures du Jendemain, en continuant ainsi, sept ou huit jours , et en un mot, jusqu'à ce que vous voyiez qu'elles ayent poussé; car moyennant cetordre, elles sortiront de terre promptement, et par l’arrosement opportun, en les débar- rassant des mauvaises herbes, les arbrisseaux s’en avanceront , et passeront gaiement Île pro- chain hiver. En jettant la semence en terre au mois de mars ou d'avril, il ne sera pas besoin de la couvrir en aucune manière , et l’äbandonnant à la merci du tems, on se con- tentera de bien la traiter, suivant l’art requis. À l’autre mois de mars d’après, les nouveaux müriers de la pépinière seront mis dans la bà- tardière , pour achever de s’y nourrir , jusqu’à ce qu'ils deviennent propres à être replantés pour la dernière fois , ce qui sera quand ils G 3 10% TuÉéÉaATsrEe auront atteint la grosseur du bras d’un homme robuste. Il a été amplement montré au dis- cours des fruitiers, comment les arbrisseaux se gouvernent dans leur tendre jeunesse ; qu’il convient de les mettre demi-pied dans terre, à égale distance d’un et demi en ligne droite, de les couper à deux doigts par dessus, de quelle maniere il faut les serfouir , sarcler ar- roser et émonder. Vous traiterez tout de même ces müriers : pour les faire promptement avancer , le vrai secret consiste à les loger dans la bâtardière, et à la coupe de leurs ra- meaux dans leur commencement ; c’est de les poser au large pour croître à leur aise, et de s’abstenir de les nettoyer avant qu’ils ne soient fort engrossis du pied. Cependant il faut leur rogner la cime de toutes les bran- ches à environ deux doigts ; et notamment de ne pas manquer de couper la maîtresse tige à six ou sept pieds de terre, sans souffrir qu’elle monte plus haut; car par ce moyen la substance en retrogradant , s’employera à nourrir le tronc , laquelle laissée à volonté, inutilement se convertiroit en bois, qu’ensuite il faudroit couper en plantant l’arbre pour la dernière fois. On a vu aussi comment on doft se conduire dans cette manière de planer, WAÂAGRICULTURE. 103 et dans quelle terre le père de famille doit employer ses müriers : J'ai montré que celle qu'on juge la plus propre à cela, est le vi= gnoble. Toute autre semence d’arbres sauvages , est grosse , excepté celle des cormiers, des ormes, et de quelques autres ; car ce sont des chà- taignes , glands et noyaux, qu'on met en terre, au rayon ouvert ou à la fiche, comme il a eté dit. Par la grandeur de ces semences on ne remuera pas les arbrisseaux dans la bâtar- diére , si on le veut ainsi, mais ce sera dans Ja pépinière même, qu'on achevera de les élever jusqu’au point d’être propres à être logés, pourvu qu’on les sème assez au large, et raisonnablement profond, pour prendre un bon fondement. Cette profondeur sera d’en- viron demi-pied, et afin que la semence , ne soit pas entièrement étouffée par la pesanteur de laterre , on n’achevera de remplir le rayon, qu’au préalable les jettons ne soient sortis à Var, et alors en les chaussant, cela se fera commodément. On posera dans la bätardière les branches qu’on peut enraciner, comme celles des fruitiers, et on les gouvernera de même pour en avoir des arbres. Par ce moyen et le précédent des semences , vous aurez une G 4 104 TRÉATRE ; grande quantité d’arbres de plusieurs espèces ; pour remplir vos forêts et taillis, dont vous pourrez choisir le plant qualifié ainsi, qu’il ap- partient , sans être contraint d'employer un seul arbre qui vous déplaise, tant vous en abonderez. Et même vous rendrez votre pro- vision inépuisable , comme une fontaine éter- nelle , si vous provignez les arbres qui peu- vent l’être à l’usage de quelques uns du verger. La distinction des races et espèces des arbres, dans la pépinière et dans la bâtardière , est nécessaire , pour leur avancement , chacun se trouvant mieux avec son semblable, que s'ils étoient confusément mélangés. On ma- niera aussi distinctement les arbres sauvages à la serpe , savoir, en tenant netioyé le pied de ceux qu’on destine à la forêt, et toucher bien peu aux autres pour le taillis, qui n’ayant besoin que de branchage, il suffit qu’on leur laisse du tronc , seulement pour sortir de terre, et ils avancent d’autant plus , que moins de tems , ils employent à se rendre replaniables, au contraire de ceux de la forêt , qui ne peu- vent qu'avec le tems avoir la tige, telle qu’il est nécessaire. Après avoir apprèté la matière des bois, il convient de l’employer. Cela se fait, comme D'AGRICURTURE. 105 il a ét dit, de deux manières principales, en taillis et en forêts. Par le secours avancé du taillis, c’est à cette sorte de bois que premièrement on s’employe , en attendant un plus ample service du lent accroissement des forêts. Toutes sortes de bois desirent être exemptes du ravage des bêtes dans leur com- mencement. C’est pourquoi , il convient soi- gneusement de clorre les jeunes arbres , afin qu'aucun bétail nuisible n’y ait acces, de l’importunité duquel, par ce moyen, non seulement on les préservera , mais du mal que la trop grande fréquentation des hommes ap- porte aux nouvelles plantes , ce qui réitéré souvent, les fait avorter et même mourir. RE LNE VIFI Du T'aillis. Bros Particle de la cloison, sera le premier recommandé pour le taillis, qui sans être formé ne peut subsister, à cause de la pe- titesse de ses arbres donnant une grande prise au bétail. On plantera les arbres de quatre en quatre pieds ou de cinq en cinq, afin que 106 THÉATRE par cette distance , le taillis se rende toufiu, pour rapporter du bois en abondance , et servir de retraite aux lapins, la garenne s’en for- mant, dont le taillis est d’autant plus à de- sirer , que plus on recherche les choses di- versement utiles. On plante ces arbres à la manière des vignes, c’est à dire , en rayon ou fossé ouvert , comblant l’un à mesure qu’on creuse l’autre , dont le fonds se rompt universellement , sans y rester rien de ferme, à l’avantage des arbres, qui étendent leurs racines avec un grand avancement, dans la terre remuée de nouveau. Mais cela empêche . . 4 d’en faire cuire la terre par le tems, selon la pratique des fruitiers, pour mieux recevoir les arbres ; à cause que la place manque, pour que la terre sortie du fossé séjourne, pendant que ce fossé demeure ouvert pour se préparer. Si cependant on veut préférer la préparation de la terre, à son entier re- muement , cela pourra se faire ainsi, toutefois, avec cette condition, qu’il faudra éloigner les rayons ou fossés l’un de l’autre de sept à huit pieds, pour sur ce vide, laisser reposer la terre , autant de items qu'on voudra laisser ouverts les rayons , afin de se cuire par les froidures et chaleurs. Cette distance épargnera RE RE Ww'AGRICULTURE. 107 presque la moitié du plant des arbres , ce qui pourra être un avantage où on l’obtient diffi- cilement. Et afin que le taillis ne demeure pas défectueux, pour être trop rarement planté, au bout d’une couple d’années, les nouveaux jets des arbres seront provignés dans ce vide, et couchés comme la vigne : lequel rempli, le tallis s’en trouvera suffisamment fourni. La terre aussi de cet entre-deux des fossés, par ce moyen se rompra entièrement , sans qu'aucune dureté y demeure , qui empêche le chemin des racines ; mais sans obstacle elles se logeront commodément dans terre. Cela s’entend des arbres qui peuvent se provigner, comme les müûriers, coudriers et autres ; car des chênes et semblables , qui ne souffrent pas ce maniement , On ne peut s’en servir en cet endroit. Par cette restriction et autres raisons suivantes , il vaut mieux dresser le taillis tout d’une venue, en le remplissant au commen- cement , que de retarder dans l’espérance d’a- chever de le fournir par le provignement au bout de quelqu’année. Car ni l’épargne du plant, ni la cuisson de la terre , ne sont pas 6i considérables , que le retard de l’œuvre, le taillis ne pouvant si promptement croitre, en recouchant au bout d’une couple d'années, 108 t T'HÉATRME le premier jet de ses arbres , que si sans les détourner on leur laisse finir leur cours. Quant au plant, c’est bien folie de l’épargner , vu la facilité d’en recouvrer abondamment par l’ordre que j'ai montré : et quant à la prépa- ration de la terre, la crudité en sera entière- ment corrigée, en mettant près des racines des arbres, en les plantant ,-de la terre prise dans la superficie du lieu, qui cuite par les saisons, suppléera au défaut de n'avoir pas tenu quelque tems les fosses ouvertes , comme cela se pratique aux vignes et aux fruitiers, qu’on est contraint de planter avec précipi- tation. Or , qu'on édifie le taillis, par n’importe le- quel de ces deux moyens , ce sera sous la dis- tinction des lieux où l’on est, chaud ou froid; afin d'y metire promptement la main en eli- - mat chaud, et tard en froid , en retardant plutôt qu’en avançant le plantage de ces arbres, à cause de leur sauvagine qui leur retarde la sève. Le vrai tems pour le pays chaud, se marquera dans l'hiver, pour le froid au commencement du printems ; et pour le tem- péré dix jours de janvier, et autant de fé- vrier. La lune étant nouvelle, le tems ten- dant plus à l’humidité qu’à la sècheresse, qui D'AÀAGRIGULTURE.., 109 xe soit cependant ni pluvieux , ni venteux. Cette observation est très-requise ; c’est de ue pas confondre les.espèces des arbres , et de les ranger à-part au taillis , en quartiers séparés ;: ainsi qu'il aura été fait dès leur ori- gine , dans la pépinière et dans la bâtardière ; car parce moyen les arbres s’en portent mieux, et la beauté y sera d'autant plus grande , qu'il aura été établi un meilleur ordre dans la dis- position du taillis,, On! pourra néammoins se dispenser en ce point, si on veut bigarrer le taillis; en y. entre-mélant diverses espèces d'arbres pour la décoration , selon le sujet, mais avec le moins de discordance que faire se pourra, en assemblant les arbres qui sym- päthisent le plus en qualités. Comme aussi on épargnera des-allées au taillis, des labyrin- thes , étautres promenades de plusieurs sortes, pour rendre, le lieu plus agréable, qui ne lais- sera pas-malgré, ces gentillesses d’être profi- table. On plantera les arbres à un pied et demi dans ierre , ayant été. soigneusement arrachés auparavant , afin d’en retirer-entières les racines , s’il est possible, dont la pointe des plus longues sera un peu rosnée, et des torses et écorcées > Coupé tout ce qui s’y trou- yera de corrompu, afin qu’on n’en enterre 110 THÉATRE rien que franc et bien qualifié. Après avoir applani le rayon avec de la terre du lieu , on en coupera les arbres à quatre doigts au des- sus , sans souffrir qu’ils sortent de terre plus avant que cela, où faisant leur rejetions , ils se façonneront à plaisir pour rendre du bois abondamment , dont toutes les parties du tail- lis en seront remplies. L'adresse pour avoir promptement plaisir et profit du bois nouvel- lement planté, est de l’exciter à croître, par un bon et fréquent labourage , sans souffrir qu’il y ait entre les arbres , aucune herbe ni racine nuisibles , de peur de sucer la subs- tance de la terre destinée pour le bois , et afin que cela se fasse à frais modérés , le fond sera entièrement rompu pour une seule fois, en renversant toute la terre sens dessus des- sous , si cela n’a pas été déjà fait en plantant les arbres. Par ce moyen la terre du fond sortant au dessus, par sa crudité ne pourra engendrer d’herbages qui puissent nuire de- vant qu’elle soit cuite par l'air, où il y va du tems ; pendant lequel les arbres accrus , leurs rameaux occuppant tout le vide , opprimeront toutes les plantes étrangères qui voudroient se fourrer au taillis. Il les empêchera aussi de s’y engendrer, en le labourant trois fois es D'AGREGQULTURE. 111 l'année, une en hiver, deux au printems et au commencement de lété. Dépeuse qui ne sera pasennuyeuse , puisqu'elle ne s'employera que pendant quatre ou cinq années, au bout desquelles cessant , tout’ autre soin cessera aussi pour le taillis, excepté celui nécessaire pour sa conservation , afin que le bois ne se gàte par aucun évènement. CH À PET RCE IX: De la Forét, ou Bois de haute Futaye. La différente situation des bois , met une variété entre ceux du taillis et de Ja forêt ; car suivant que les arbres sont plantés près ou loin l’un de l’autre , ils croissent peu ou beaucoup. Tous les sauvages se plient en taillis , mais c’est du naturel particulier de quelques uns, de se convertir en forêt, qu'a cet eflet on choisit et employe. La forêt se distingue en bois de chauffage et de haute futaye, lune et l’autre se faconnant d’arbres de même race, toutefois de diverses espèces , suivant qu’elles se trouvent diversement plia- bles à cela. 112 T'HÉMdTRE Entre les arbres sauvages , les chênes abon- dent'en espèces ; les trois plus apparentes sont les suivantes , dont nous parlerons |, sans nous arrêter au grand dénombrement des'arbres à gland de Pline: Quercus ; robur et ilex , on appelle ainsi enlatin ces trois espèces de chêne, et ce nom particulièrement donné au quercus , étant le -‘robur ; appellé roure ;'et V’ilex , V'yeuse. Le chène jette ses forces plus en tige qu’en branche, montant en droite et grande hauteur. Dé'cetie race‘on en remarque encore deux espèces, différentes seulement, en ce que le tronc de l’une, atteint jusqu’à sept ou huit toises, étant dans un fond qui lui plaise, et l’autre ne va pas plus loin de quatre à cinq toises. De ces deux sortes, celle là produit moins de branches que plus elle s’allonge en tige, qui ressemble à desbouquets sortants x la cime du tronc. Ge sont aussi ceux là qui occupent le moins de place, et qui veulent être plantés plus serrés ; ils desirent méme être pressés dans la forêt , et par là être contraints de s'élever, pour chercher la fa- veur du soleil selon leur naturel. L'une et l’autre espèces à bon droit appellées bois de haute futaye, sont propres en bâtiments, pour les couvertures planchers, en meubles etau- ires D AGRICULTURE. 115 tes ouvrages de charpente et de menuiserie ; aussi pour les appuis des vignes, leurs pêr- ches et échalats sont forts serviables. Les . lorèts de la France sont plus fournies de ces deux sortes de chênes , que des autres, d’où à plaisir on tire de ce bois pour tous les usages, desirable par sa blancheur , madrure , facilité à mettre et à se conserver en œuvre. Le roure est le vrai bois de chauffage , arbre plus abon- dant en branchage, que nul autre. 1] à pour fondement de grosses et fortes racines qui rampent à fleur de terre; le tronc fort et ro- buste, duquel mot son nom est tiré » Inassif, dur , grossier , assez court. Il et garni d’un bon nombre de grandes et puissantes branches, noueuses , tortues , écartées , et répandues par dessus la fourchure de l'arbre ,» OCCupant une grande place. L’yeuse ressemble plus au roure qu’au chêne , son bois étant dur et so- lide , et s'étendant plus en branchage qu’à monter droitement en haut; en feuillage rien du tout à aucun d'eux, car il le conserve vert toute l’année, comme l'olivier, par cétie raison on Pappelle aussi en France ; Chéne- vert, au lieu que le roure et le chéne perdent leurs feuilles, comme a plupart des autres arbres. [ls sympathisent ensemble, en ce qu'ils T'ome. IF, H 114 HU É AUTRE produisent tous deux du gland, mais l’yeuse le rend plus petit que le roure et le chène. Par ce mot lex, on entend aussi l’arbrisseau qui porte la graine d’écarlate ou vermillon , dont ces plantes sont dites, cocciferæ ar- bores, et par les teinturiers couchilles. Les Arabes en appellent la graine, kermès, et le vulgaire , cramoisie , la couleur qu’elle fait, comme s'il vouloit dire £ermesie. Le houx ou mesplier sauvage, autrement aquifolium est de ce rang. De ces trois espèces d’ilex, on en voit abondamment en Languedoc , sur-tout de la premiere, en plusieurs endroits des gran- des forêts, et de la seconde vers Montpellier , dans les lieux déserts laissés en friche , où les pauvresgens cueillent en saison la graine du ver- miilon. Le plus grand des ce yeuses, tiendra rang dans la forêt, qui s’en rendra très-belle par la verdure contuinuelle de ses feuilles : comme aussi le taillis de ces arbres, ne peut être que très-plaisant et profitable, recevant en hiver toutes sortes de gibier quiy est à l'abri, à cause de cette éternelle ramure. On remarque plu- sieurs sortes de gland sur les chènes en gé- néral , que Pline met au nombre de quatorze, en comptant pour une , la faîine, produite par le hêtre ou le fouteau dite en latin fagus, b'AG &k £ CU LTUR E 115 Cetie différence de glands, est remarquable en toutes qualités : de grandeur, de couleur, de forme , de pesanteur : l'abondance de ce fruit, agreste , provient plus grande des arbres femelles , que des mäles, à cette occasion, leur sexe ayant éié distingué par les anciens, comme aussi de tous les autres arbres qui portent le fruft, dont les siériles ou de peu de rapport , ont été estimés males, et les fer- tiles, femelles. Au rang des glands a été mise la chätaigne , par Dioscoride , Galien et autres anciens , appellée gland sardienne et lopimos , ou gland de Jupiter. Ce ne sera pas s’éloi- gner de ce discours, de faire entendre au ménager , que le signe assuré d’une bonne récolte de gland , est quand ce fruit se trouve court dans son commencement ; ne faisant jamais une bonne fin, celui qui est long en ce tems. : Le châtaignier abonde en fruit sauvage , de- meurant en son naturel, dans le bois ; étant enté, il s’y plait autant qu'un autre arbre. Et quoi- que cela soit excéder en cet endroit, conver- tissant la forêt en verger, il n’y a néanmoins que du profit , et beaucoup de plaisir de voir les forêts chargées de châtaigniers qui rappor- tent un bon fruit , et pour les bommes et pour H 2 t16 THÉATERE les bêtes. Ouire que l’affranchissement allant piûs loin , se rapporte au bois, qui, pour tous les ouvrages de charpente et de menuiserie , surpasse autant celui qui W’aura pas été enté , que le fruit légitime surpasse le bâtard. Ce que le père de famille ne méprisera pas, vu même la facilité d’enter ces arbres , plus grande et moins pénible que de tous les autres , comme il a été vu. Indifféremment tous les châtai- gniers ne produisent pas du bois de même sorte , en montant en tige et en s’élargissant en branchage, mais différemment selon qu’ils sont plantés. Al arrive ainsi des ormes, des pins , des sapins , et auires semblables grands arbres , qu’on loge dans la forêt , d’autant plus serrés, que plu: on veut les faire allonger en tige, pour bois de haute futaye. Entre ces arbres, le sapin , en latin dit ares , surpasse tous les autres en hauteur , et à servir en bà- timent, ne pliant jamais sous le faix. Il faudra les planter en plus large distance si on ne re- -garde qu’au-chauffage , pour avoir abondance -de branches, qu'on coupe à cette occasion. Tous ces plantages sefonit à volonté , cependant sous la propriété particulière des arbres et la remarque du terroir , qui imposent la loi à ce ménage, pour s’y assujétir; de peur que voulant —— D'AGRIFÇGULTURE. 117 forcer le naturel de l’un et de l’autre, on ne rende vaine l’entreprise pour dresser la forêt, Au fonds bien choisis, les roures et yeuses seront convenablement plantés de quatre à D'AGRPCULTURE. 155 : ou neige tant soit peu, ou quand il vente extraordinairement. Les arbres produisent selon la portée du fonds , plus abondamment dans un endroit que dans lautre. Si c’est dans un terroir fécond, grastet abondant , la véritable taille de ces arbres aquatiques est de trois en trois ans, ayant dans ce tems rejetté en suflisance pour les redépouiller. Dans un’ endroit moins vi- goureux , on attendra une ou deux années davantage, comme l’effet le guidera. Après la remarque du tems, il faut montrer la facon de la coupe , en quoi consiste l'adresse de ce ménage. C’est ce que Caton remarque si par- ticulièrement, et qu'il recommande si soi- gneusement au ménager , sur-tout à l'égard des saules , qui plus que tous les autres arbres de cet ordre , craignent le mauvais traitement, comme il a été dit. On laissera des chicots ou tronçons longs de demi-pied ou plus, sur la tête des arbres, sans souffrir qu'on coupe les perchesiprès: du tronc , tant pour éviter que V’air entré par la tranche de l'arbre, ce qui le. desséchéroit, comme on voit qu'il en meurt toujours quelques doigts près d'elle, que pour donner aussi moyen à l'arbre, de rejetter faci- Jemient et promptement parle travers du jeune du THÉ ATRE bois laissé sur les chicois ou tronçons. Par ce moyen, l'arbre en se conservant se revêt abondamment de nouveaux rameaux, et promptement : produisant plus de bois dans le mois d'avril, qu’il n’en pourroit avoir dans celui de mai, en l’ayant par une trop juste coupe, contraint à rejetter par le travers de son écorce, dure et envieiilie. Nous nous résoudrons donc du fonds , sur le: rapport , afin de savoir ce que nous devons tailler des arbres pour années , par dans chacune en cou- per le tiers, le quart, ou une autre portion de notre nombre , telle que de raison. Il n’est cependant pas défendu , d’en prendre quelques perches , chevrons, ou autre pièce, pour les ouvrages nécessaires, hors de cette distribu- tion et des saisons de la coupe, comme il a été dit des arbres des forêts et taillis, sans cependant tirer cette liberté à conséquence. Les :ramées ou bas taillis de ces arbres seront gouvernés de même, dans la coupe et la por- tion de chaque année, suivant l'avis que l’on aura pris sur cela par la suffisance du terroir... On fera trois parties de la dépouille de ces arbres et chacune sera mise à part. Savoir, les plantats pour en conserver la race, les percües, les lattes, les piquets et autres soutiens.des D'AGRICULTURE. 155 vignes et ornemens des jardins ; et le bois de chauffage. Les branches destinées à planter, rognées à leur juste mesure, seront exposées dans l'eau , jusqu’à ce qu'on les employe. On retrera les appuis des vignes en lieu conve- nable à couvert ; et le reste assorti pour le chauffage, en gros et menu bois, bottelé ainsi qu'il appartient, sera serré sous les couver- tures ; et si cette commodité manque, il de- meurera entassé dehors en grands monceaux, et autrement accommodé, comme J'ai dit des bois secs, pour le retirer au besoin de cet endroit. On cueillera dans le tems les feuilles de ces arbres aquatiques, et on les retirera de a même manière que celle des arbres secs, pour de même les conserver en hiver, afin d’en nour- rir le bétail ; dont les meilleures , pour ie même bétail, viennent des saules et peupliers, les agneaux et les chevreaux particulièrement s’en nourrissent avec plaisir et profit. Quand j'ai parlé du bois pour les bâtimens, je n’ai pas entendu montrer la facon de leur coupe, ni leurs divers appareils pour la char- pente et la menuiserie ; mais seulement donner avis au ménager, de ne pas souffrir qu’on coupe aucun boïs pour être employé en ses 186 TE É 4 "€ € <2 ouvrages, à cause de la considération de x tie Quant aux osiers, la.récolte de leur rap port est un peu différente de celle des précé- dentes plantes, vu que leur profit consiste principalement, en liens, ,sans grand :espoir d’en tirer du bois pour le chauffage. C’est pourquoi chaque année , on les dépouille en- tiérement de leurs jets, en retirant tout ce que les arbres rapportent en ce Lems; car d’attendre davantage, leur grosseur les: ren- droit peu plianis, et par conséquent inutiles pour ce à quoi ils sont destinés ; en quoi ils différent des autres plantes aquatiques, de même dans la facon de leur coupe, et en leur tems; et tout cela par l’égard que Fon a à la durée des osiers en œuvre, puisqu'ils servent pendant plusieurs années, sur-tout en tinnes et tonneaux. La facon de leur tranche sera d’étre coupés ras à la tête de l’arbre , sans y laisser aucuns chicots, comme lon fait sur les saules et les peupliers ; vu que les osiers n'ayant pas besoin de gros jets, comme il-a été dit, mais de déliés et subuils , ils sortiront plus minces et plus pliables par le travers, du vieux bois et endurci, qu'ils ne feroient du nouveau laissé sur les chicois. L'état de la WAGRICULTURE. 157 dune aide aussi beaucoup à cela, car les arbres taillés dans le croissant repoussent plus vigou- reusement , que dans le décours, ainsi qu'il a té montré dans les précédents ; par la taille du décours la vertu des osiers à rejetter , est entièrement rabattue, au profit des liens, qui 175 AA TSS 2. en servir, Si nous y voyons du Jour, en tâchant continuellement d’apprendre quelque chose, pour le bien de notre ménage, sans toutefois nous éloigner de nos habitudes , suivant que la raison nous guide. On se sert à Paris de plusieurs sortes de pain ; les unes sont faites dans la ville par les boulangers jurés : les autres dans les villages d’alentour , d’où on le porte vendre à Paris à chaque marché. Le pain le plus délicat est celui qu’on appelle, pain mollet, que les bou- langers font avec beaucoup de travail, n'étant pas permis par la police, à cause qu'il est de mauvais ménage et d’une trop grande dépense. I] esi communément peut et rond: fort léger , spongieux et savoureux, à cause du sel qu’on y met, qui le rend moins blanc qu'il ne seroit sans lui ; aucun des autres pains , ni de la ville, ni des champs, n’étant point salé du tout. Le pain dit bourgeois, et celui nomme de cha- pire, suivent le mollet, ne différant entre eux que dans la forme, le bourgeois s’élevant plus en rondeur, que celui de chapitre, qui est plus pressé et plus plat : tous deux sont d’une matière fort blanche, fort pétrie, du poids de seize onces, et du prix d’un sol, quand le sepüer du bled froment, mesure de Paris est D'AGRICULTUR E. 170 à deux écus et demi, en augmentant et dimi- muant le prix, non le poids, à mesure de celui du bled. Le bis-blanc suit apres ; il est un peu gris. Finalement le bis, qui étant de couleur plus obscure, est aussi de plus peut prix. Il s’en fait d'un sol et de six deniers la pièce ; comme aussi du bis-blanc, du bourgeois , et de.celui de chapitre, mais c’est toujours sous le règlement des prix du bled, selon les di- verses qualités du pain. On apporte différentes _sortes de pains des villages voisins dans ladite ville, dont le plus remarquable est celui de Gonesse. Il est fort blanc et délicat, ne cédant eu rien au mollet, quand il est mangé frais, mais il n’est pas agréable ayant plus d’un jour. Ce pain varie en corps, s’en faisant de grands et de petits, de figure ronde plate, où il ny a aucun règlement , non plus qu’au prix qu’on tient haut et bas, selon qu’on trouve des ache- teurs. Il en est de mème du pain des autres lieux, variant en corps, en forme, en figure, en couleur , en qualité, et en prix, y en ayant de grands, de petits, de ronds, de longs, de blancs et de gris, pour servir à toutes sortes de personnes. ‘Tous ces pains faits par les boulangers, qu’on nomme étrangers , sont ap- pellés , pain-chalan, (hormis celui de Gonesse) | | M 2 180 LTRNÉ A UTOMRAE qu'on vend à discrétion sans autre police, que des places, auxquelles les gens de village les portent exposer en vente, où, sans confusion toutes sortes de pains se voient distinctement. T1 se fait aussi du pain par quelques maisons particulières de Paris, qu’on cuit ou dans le logis même, ou chez les boulangers , à l’usage des autres villes de ce royaume. C’est du pain de ménage , ainsi appellé, qu’on façonne à volonté , mais presque toujours il tient le mi- Heu entre le bis-blanc, et le bis. Quant au pain des villageois des environs de Paris, faboureurs , vignerons et autres qui travaillent à la terre, il est communément fait de bled méteil, qui est une composition de froment et seigle, dont la farine étant finement sassée , il s’en fait de bon pain pour le métayer , sa femme et ses enfans, et un second pour les domesti- ques. Que ceci soit dit comme pour exemple; vu qu’il n’entre point dans mon intention, et que ce n’est pas non plus nécessaire , de représen- ter les particularités de ce ménage, observées dans les autres provinces. Nous n’oublierons pas en cet endroit de reconnoître la providence céleste, en ce qu’elle a pourvu son peuple par- tout où elle a logé, defcet aliment de pain, si . L DA GRICULTUR E. 1817 nécessaire et si excellent ; mais avec une grande abondance , même avec délicatesse , dans toute l'étendue de ce royaume, n’y ayant pas de pro- vince où il ne se mange du pain fort excellent. Il est vrai que suivant que les contrées sont accommodées de bleds, le pain y est de même plus ou moins beau et bon, délicat ou grossier ; mais par-tout le peuple se nourrit et s’entre- tient très-bien, du bled qui croit dans sa terre, ou en celle de son voisinage. Dieu ayant donné à chacun de sa nourriture naturelle. Revenant à la servante de notre mére de famille ; après qu’elle aura tiré son pain du four , elle le laissera un peu éventer comme pour une couple d’heures, et ensuite elle le reposera en lieu tempéré de sécheresse et d’humidité , net en perfection, à l’abri des rats, des souris et de la poussière, où il se maintien- dra tres-bien , tendre et mollet, deux ou trois jours , et en cet endroit la mère de famille le trouvera tel, pour l’ordinaire, pourvu qu’elle en fasse cuire deux ou trois fois la semaine. Par cet ordre, vous mangerez toujours du pain frais, délicat et sain, ainsi que raisonnablement le bon ménager desire ; aussi Pour l’homme qui est de séjour Est ordonné le pain d’un jour. M 35 182 THÉÂTRE Celui qui ne veut pas être servi de pain si délicatement, n’en fera pas sasser la farine si finement; mais en y allant retenu, il en fera faire du pain de ménage , non entièrement, mais un peu rousset, en quoi il trouvera quel- qu’épargne ; non cependant telle, que le bon ménager aisé, doive se priver du plaisir d’avoir sa table fournie du plus beau et meilleur pain de sa terre, vu sur-tout que dans cetie curio- sité , rien ne se perd ou très-peu, d'autant plus que ce qui reste, s’employe utilement pour les autres pains de la maison. Cette affection d’a- voir de beau pain s’accouple avec celle des vins, louable l’une et l’autre, le propre de tout homme d’esprit étant, d’être exquisement ac- commode de ces deux alimens. Outre le pain blanc de Fordinaire, on fait plusieurs autres pains délicats et friands de Ja fine fieur de farine, seule et mélangée, dont la mère de famille n’en ignorera pas la facon, manifestant par ces gentillesses la délicatesse de son esprit, où eile l’employera à l’aide de ses mains, digne ouvrage de toute honorable demoiselle, pour en parer sa table à la surve- nue de ses amis, pour les malades, pour les enfans , pour avantageusement en faire des présens : les fougasses , brassadeaux , tourtil- BACGRICGCULTURE. 185 lons, biscuits, échaudés, oublies, cachemu- seaux , gâteaux , popelins, gauflres, petits choux , etc. sont les plus communes friandises requises en ce lieu, qu’on façonne de difié- rentes manières , suivant les matières que l’on a, dont la principale est la farine , comme fai- sant le gros de l’œuvre. Le pain rousset , vient après le blanc, ensuite le bis, enfin celui des chiens , faisant la qua- trième sorte, qu'on tire du plus grossier des bleds , et des restes des farines des autres pains. Cette variété et multiplicité de sortes de pains sont nécessaires au ménage, en y regardant de près, par la diflérence des per- songes de la maison, ( quoique cet usage ne soit pas indifiéremment reçu par-tout) dans lesquelles il y a de l’aisance et de l’économie, autant qu'on peut en desirer. C’étoit l’ancienne façon de vivre de nos premiers grands-pères, de manger du pain de leurs serviteurs, com- muniquant ensemble, leur nourriture , leur travail, comme j'ai montré ailleurs, premier livre, chapitre VIII. Mais aujourd’hui que ces actions sont distinguées , et que le tems a fait passer en force de chose jugée, la distinction des ordres; la raison veut, que l’on recon- noisse la différence du maître au valet, ausst M 4 - —+ 184 TRHÉATRE bien au traitement, qu'aux habits et aux exer-.. cices , quand ce ne seroit même que pour éviter la confusion et maintenir cetie divine police, de commander et d’obéir. Ne faire qu'un seul pain dans la maison est une chose trop grossière, ou de trop de dépense ; ceue inégalité empêchant le noble ménager de mar- cher droit, n’étant pas plus raisonnable que le maître se nourrisse du pain du valet, que le valet de celui du maître : en considérant même que rien ne se perd, êt que tout s’employe au ménage, délicat et grossier ; sous cette dis- tinction, que le bon est pour le valet, et le meilleur pour le maître ; et ce seroit aussi se iromper autant par une brutale avarice, de faire tout l’ordinaire de la maison de pain grossier, que de n’en faire que de délicat, par une folle prodigalité. On sert le pain rousset à la table du sei- gneur, en potage, où il est agréable, et encore profitable à la santé, qui tient le venire lâche suivant les médecins. Il se fait de-pur méteil, composé de froment et de seigle, en y ajou- tant, si on veut, quelque partie des restes de la farine du pain blanc, comme il a été dit. Par la même raison de santé, on fait du pain bigarré de blanc et de gris, dont les couleurs » à | | | | D'À CG RL CU LIT U R E. 185 disunctes se voyent par lits à travers du pain, qu'on compose de pâte blanche de froment, _et de grise de seigle. On fait de fort bon pain | de seigle seul, mème assez blanc, quand par le bienfait de la terre, le seigle s’approprie à cela, comme on le voit en plusieurs Hieux, et la farine en est subulement sassée ; mais rete- nant son naturel, il demeure toujours ven- R teux de nourriture, dont il est rejetté de plu- sieurs, sur-tout de ceux qui n'y sont pas accoutumés. Ce pain est propre pour des gens de moyenne étofle , qui communément 2bor- dent à la maison, à l’économie du blanc qui n’est que pour les personnes de qualité. Le bis est pour le grossier de la famille et les manœuvres , qu'on fait de l’annone, qui est une composition de toutes sortes de grains. Dans un pays entièrement abondant en bleds, le pain du commun ne se fait que de vrai mé- teil, même du seul fromert grossièrement passé. Mais où l’on est pauvre en grains, soit par le naturel de la terre , ou par l'infertilité de la saison , on y employe toutes sortes de grains, au contraire de celle du pain blanc, qui veut | être fraichement pétrie. Ensuite on n'en man- gera pas d’autre au grossier ménage, qu'affermi, par la garde de quelque semaine. Par ce moyen Ù 156 T'RÉATRE le pain filera long-tems pour le bien de la maï- : son. Quant à la manière de pétrir et parfaire ce | pain, la farine sassée , et en ayant retiré le plus : grossier pour le pain des chiens, et en donner de la farine aux pourceaux, et du son à la vo- laille , on la mettra en levain à telle heure du jour, pour qu’elle soit prête à pétrir après le ! souper; par ce soin donnant le loisir aux do- | mestiques ( sans perte de leur journée ) d’aider ! à la servante de ce ménage, à quoi ils s’em-| ployeront de meilleure volonté, qu’ils espè- reront manger du meilleur pain, en remuant bien la pâte, le bon apprêt du pain provenant ag Ë P de là. De même pour le pain blanc le four sera ! avantageusement chauffé à point nommé , afin que celui-ci y étant mis à propos pour cuire, il en sorte bien apprèté, et qu'après lavoir éventé quelques heures, il soit serré dans son grenier, proprement et sûrement jusqu’au be- ! soin , d’où il sera retiré à mesure qu'on l’em-, ployera pour la nourriture des serviteurs et mancuvres, €t pour faire des aumônes aux pauvres. La charge du four sera donnée à un, domestique de la maison, lequel à cela nom-. mément destiné, sans s’en fier à ses compa- M gnons, aura soin de le garnir de bois, aussi= L tôt que le pain en sera sorti, afin qu'encore | D D'AGRICULTURE. 187 chaud de la précédente cuisson, et à dessus très-bien fermé, le bois achève de s’y dessé- cher et préparer, pour le profit du pain qui ensuite y sera cuit. Ce sera aussi ce serviteur qui aidera à la servante, à enfourner 1e pain, si seule, par sa foiblesse, elle ne peut satisfaire à tant de fatigue. Ceci s’entend pour le grand four du pain de ménage ; car pour le petit du pain blanc, le serviteur ne s’en mêlera aucu- nement, attendu que par son facile maniement, la servante , sans nulle aide, le conduira avec peu de peine. I reste pour fin de la préparation de notre pain, à se résoudre de sa capacité, c’est-à- dire, de quelle grandeur ou petitésse on doit le faire, pour le bien de ce ménage, article moins curieux, que nécessaire. Jusqu'ici J'ai été observateur religieux de la coutume, et en ai dit les causes ; maintenant mon avis est Qu'il n’y a que ceux qui font le pain petit, qui sont bons ménagers ; en voici ma raison: que le petit pain est fort aisé à distribuer, car étant mesuré au repas d’un homme, autant de pains seront mis sur la table, qu'il y aura d'hommes au repas, et quelques-uns de plus par dessus, pour suppléer en cas qu'il n’y en ait pas suffisamment , ce qu'on ne peut faire 188 Lima state si justement du grand, mais en y allant avec incertitude, on en donne presque toujours trop ou trop peu. Ouire que c’est une peine que de couper le grand pain , qui est suivie de la perte des miettes qui en tombent en le coupant; d’ailleurs cette coupe fait aussi éventer le pain, quand étant entamé, la tranche en demeure à Vair et à la poussière. Il y a encore cette in- commodité , que pour l’usage, on est contraint de toucher souvent le grand pain, et par con- séquent est moins net, que celui qui se touche peu. Avantage qui est au petit pain , qui du four est dites porté au grenier et du grenier à la table. Les raisons contraires sont, que le petit pain, est plus facile à se perdre‘! que le grand, en le portant et rapporiant du four , par son grand nombre, difficile à en tenir compte, sujet au mécompte , et qu'il se desséche plutôt que le grand; à quoi Pon répond que l'œil et la cief de la mère de famille arréteront la perte. Quant au dessé- chement, ce n’est pas une chose à craindre, vu que c’est un ménage de faire manger le pain affermi, et jamais frais. Si on allègue la coutume, on répliquera qu’il n’y a pas moims de gloire de rompre la mauvaise coutume, que de garder la bonne. Que c’est une éco- | | | | D'ÀAGRICULTURE. 189 : M nomie notoire que de dresser état de la dé- pense Journalière du pain, et de s’en tenir la, dont la pratique en est beaucoup plus fa- cile, en se servant du petit pain, plutôt que du grand , ce qui revient au soulagement de la mère de famille, sur-tout s’il est question d'envoyer aux champs en divers lieux, les goûters de ses mercénaires, à difiérentes per- sonnes , laboureurs, vignerons, pasteurs, va- chers, etc. étant aussi à considérer la propreté; | ce qui finira ce discours. Ce qui vient d’être dit, regarde le pain. reg au vin, quoique suivant 1e proverbe, on s’ap- prête à boire une fois Fannée , comme il a été dit ailleurs , et qu'en vendange il ait été pour- vu à toutes sortes de vins: cependant de jour à autre , on en varie et change en faisant des bois- sons, particulières pour es festins, pour les malades et pour d’autres occasions. Nous par- lerons en cet endroit de quelques unes, afin que notre père de famille ayant chez lui, tout ce dont il pourroit avoir besoin, ne soit pas en peine d'aller à la ville chercher ces délica- tesses. L'hypocras est la boisson la plus connue de celle dont nous entendons parler ; beaucoup prisée par sa valeur. On le compose ainsi : dans 196 s THÉATERE | trois chopines mesure de Paris, du meilleur: ! vin que vous aurez, blanc ou clairet, on fera | infuser une once de fine canelle, bien choisie, mise en poudre, une fivre de sucre fin, concassé, avec un peu de gingembre pulvérisé , pendant sept ou huit heures, toutes ces choses reposant dans un vaisseau bien net et bien fermé. Essuite ! on passera le tout par la chausse, où ilsera coulé. sept ou huit fois, pour en retirer tous les esprits. Enfin l'hypocras parfait par ce moyen sera serré dans des bouteilles bien étoupées, de peur de l’évent, attendant l'usage. Autre manière de faire l’hypocras: prenez une once et demie de fine canelle, une demi- once d’iris de Florence, une drachme de graine de Paradis , autant de gingembre, le tout mis en poudre , une livre demi-quarti de sucre fin con- cassé. On fera infuser ces choses dans le vin, comme dessus, et elles seront de mème pas- sées par la chausse, en y ajoutant alors cinq ou six amandes douces, concassées , ou un peu de lait de vache, pour clarifier lhypocras et le conserver long-tems en bonté, sans s’éventer, ni sentir le vase. , Pour donner au bon vin, le goût de l’hypo- cras, au moment qu’on veut se mettre à table, il faut y mêler un peu d’eau à cela destinée, D'AGRTGeUBLBTURE. to1 en la gardant pour ce service dans une phiole de verre bien fermée. On prépare ainsi cette eau: prenez deux onces de fine canelle, une demi-once de gingembre, une drachme de oi- rofle, une demie-drachme de muscade, une drachme et demie de poivre, autant de graine de Paradis ; le tout pulvérisé sera jetté dans deux chopines d’eau de vie, plusieurs fois dis- tillée , pour la rendre plus exquise, cette eau étant dans une phiole de verre bouchée , pour y demeurer quatre ou cinq jours, cha- cun agiiant ce mélange, trois ou quatre fois, pour en laisser la substance dans l’eau, qui au bout dudit tems sera passée au travers d’un linge blanc , ensuite serrée et employée comme ci-dessus. À la charge d’ajouter alors au vin du sucre en poudre la quantité qu’on voudra. L'hypocras sera suivi de la malvoisie, non de celle de Candie, mais de l’artificielle , qui ne soit pas faite avec des raisins, mais avec du miel , tant l'homme abonde en inventions. Pre- nez du bon miel de Narbonne, la quantité que vous voudrez, enfermez-la dans un vaisseau de terre yermie; bien bouchée , sans respirer, et faites la Jong-tems bouillir dans l'eau ou au bain-marie jusqu'à ce que cuit, il devienne comme de l'huile ayant bon goût. Ensuite vous 102 THÉATRE mettez de l’eau de rivière ou de citerne, dans un chaudron étamé , remarquant avec un bâton la hauteur de l’eau , dont le chaudron n’en | sera pasrempli, etsur cette eau, vous y ajoutez lamoitié moins de miel préparé comme ci-des- sus , en le mêlant soigneusement avec l’eau à force de la battre et agiter avec un bâton, afin que le miel se dissolve ; cela fait, le tout bouil- lera à petit feu, ( en l’écumant au besoin pour lui ôter la saleté ), jusqu’à la consommation de la marque que vous aurez prise au bâton. Cela fait vous le laisserez reposer , étant tiède vous, le remuerez dans un tonneau à vin, ou il y au- ra eu auparavant quelque vin exquis, comme blanc , muscat ou autre : ensuite sur trente pintes de la composition susdite, vous meitrez une pinte de jus de houblon, ou de celui des ra- cines et feuilles d’orvale ou toute-bonne , et une pinte de fine eau de vie , dans laquelle vous aurez mis du sel de tartre, et le quart d’une pinte de lie de bierre, pour donner de la force à la malvoisie , quipar la vertu de ces choses , boût aussi fort , que si elle était mise sur le feu, dans quel tems que ce soit. Le vaisseau où séjour- nera cette malvoisie sera quelque tems exposé au soleil, à la charge delle tenir bien bouché, et toujours plein, en le mêlant souvent avec J'hydromel, D'AGRICULTURE. 105 l'hydromel que vous aurez préparé expressé- ment pour cela. Au bout de trois mois, la mal- voisie aura atteint le point de sa parfaite bonté, dans laquelle elle se maintiendra fort long-tems sans se COrTrompre Jamais. On fait une autre malvoisie , non avec du miel, mais avec des raisins, au tems des ven- danges , de cette manière : on fera bouillir à feu médiocre. le moût des meilleurs raisins qui croissent dans un pays sec exposé au soleil, cueillis bien mûrs, et ensuite flétris au soleil pendant sept à huit jours, jusqu’à la consom- mation de la sixième ou huitième partie, plus ou moins , selon la force que vous desirez dans _ Ja malvoisie, en l’écumant soigneusement : en- » 5 ) suite on l’entonnera, en y ajoutant une chopine d’eau de vie avec du sel de tartre, ( comme ci- dessus ) cette eau se teindra en rouge par le tartre, et la malvoisie s’en colorant, deviendra agréable à la vue. Cette mesure d’eau de vie suffira pour deux barreaux de moût mesure d'Avignon. Si vous desirez que cette boisson ait un goût de muscat, mettez y de la fleur de sureau : ou si vous la voulez d’autre saveur, des racines, feuilles et fleurs de toute-bonne appliquées en sachets, comme il a été dit ail- leurs, livre III chapitre X. Tome IF. N 104 T'u ÉATERE J'ai aussi parlé de l’hydromel : néanmoins j'en dirai encore ce mot; que l’hydromel étant fait de huit pintes d’eau, et une de bon miel bouilli à la consommation de la moitié, en y ajoutant à la fin une once d’eau de vie, il de- viendra excellent et de longue garde; sans se corrompre l’espace de dix à douze ans. Je ne m’éloignerai pas non plus de mon dis- cours, en mettant ici un excellent vinaigre. Prenez des raisins secs ou passerilles , des meil- leurs ; otez-en les pépins, et faites les bouillir dans du bon vinaigre rosat, jusqu’à ce que les raisins s’ouvrent et se crévent. Alors vous pas- serez le vinaigre à travers d’un linge blanc , en exprinant-la substance des raisins : vous la lo- serez dans des phioles bien bouchées. Ce vi- naigre est accompagné d’une douceur agréable; est fort sain, sans offenser l’estomac : en en mettant un peu sur les autres vinaigres, leur bonté en sera augmentée selon la quantité ajoutée. Pour l'usage des vins communs il est néces- saire d’en dresser si bien l’ordinaire , qu’il puisse durer, afin qu’on ne soit pas contraint faute de prévoyance d’en envoyer acheter au bout de l’année. Les bouteilles et flacons se- ront mesurés à la dépense de chaque repas, WACGRICULTURE. 195 an que justement ils contiennent ce dont on a besoin , bien peu davantage , valant beaucoup mieux les tenir un peu plus grands que trop peus, et par ce moyen qu'il y reste quelque peu dé vin que d’en manquer , car le vin man- quant au bout du repas, on ne va en rechercher pour suppléer à ce défaut , que trop, et ce trop ne retourne jamais à la cave, mais il se pérd': et cétté perte, quoique petite à chaque repas, se trouve grande au bout de l’année, consommant sans nécessité, plusieurs tonneaux de vins, qui épargnés, s’employeront avanta- geusement l'année suivante ; alors le ménage se maintiendra en honneur et profit. Il est de la bonne économie de percer les vins au milieu du tonneau, parce qu’en mettant la canelle, fontaine ou robinet premièrement en cet en- droit , et au bout de quelque tems, au pied du tonneau , il semble que ce soit deux différens vins; car celui qui vient le dernier ne sent ja- mais Ja longue traite. Nonobstant cet avan- tage, ne buvez pas vos vins Jusques à la der- rière goutte, non pas tant à cause du go: qui dans certains vins, est toujours cru , sans s’em- pirér , ( surtout dans ceux qui sont logés à la manière que J'ai montré liv. III. 4 NT, peu excéptés) mais pour la santé, n'étant jamais Na 00 THÉATARE si salutaire le vin bas, que l’autre; mais vous laisserez ce vin pour les domestiques, en le faisant urer de là et jetter sur le tonneau du vin rapé pour l’alonger , cela fera filer cette boisson toute l’année ; ce qui servira aussi pour ceux qui surviendront à la maison , comme aux gens de peu de conséquence, ainsi qu'il a éié dit. Par ce moyen, vous serez noblement ét sainement servi de vin, avec autant d’éco- nomie que vous pouvez le desirer, tout s’em- ployant sans nulle perte ; et avec cette raison- nable distinction , que comme dans ious les biens que Dieu nous donne, il y a bon et meil- leur, le dernier sera pour votre table, et l’autre pour vos domestiques. On ne peut dire autre chose de l’nsage des muscats, vins cuits, vins violets, que de les laisser à l'arbitre du père et de Ja mère de famille , qui, pour l’ordinaire de leur table, l’arrivée des amis, les présens aux voisins , les distribueront prudemment ; et comme ces boissons exquises n’avancent ni ne reculent le ménage, et qu’elles sont comme des choses surnuméraires données à dépenser, il ne sera pas mal-à-propos, selon les rencon- tres, d’en faire boire quelquefois un peu aux mercenaires , comme le dimanche matin pour les égayer , afin que par ces libéralités , ils en BS’ACGCRICULTURE. 197 travaillent de meilleure volonté : sur-tout à ceux qui sont les plus utiles et principaax officiers de la maison ; aux maçons, charpen- tiers, et autres personnes extraordinaires, qu'il faut caresser pour qu’ils fassent bien leurs ou- vrages. | L’eau rend les vins dans lesquels elle est mise de garde douteuse, et àl arrive que les trempés ou vins de dépense se conservent moins, que les vins purs, et plus ceux des trémpés qui ont le moins d’eau ; c’est pour- quoi les trempés premièrement faits,sont ceux qu’on réserve pour faire boire les derniers, attendu qu’ils ont moins d’eau que les autres, portant avec eux la substance du vin, plus que ceux qui viennent ensuite ; et les derniers sor- tant de la cuve , au contraire, sont destinés à être bus les premiers, à cause de l'abondance d’eau dont ils sont composés , ne souffrant pas la longue garde : ceux de lentre-deux, demeu- rant pour la moyenne saison, comme moyen- nement trempés. Ces trempés donc, ou vins de dépense, seront employés selon leur ordre, mais aucun d'eux, non avant que le dernier trempé étant dans la cuve soit fini, que pour le bien de ce ménage, on tâche de faire long- tems durer, comme il à été dit au traité des N 3% 198 MUR RTE €: vins ; ainsi en entamant tard vos trempés €n tonneaux, tard ils finiront, fournissant long- tems de la boisson pour les domestiques. Après que ious vos trempés auront manqué, comme cela arrive communément dans un grand ménage , vers les mois de mai ou de juin, plutôt ou plus tard, selon les pays, il faudra pour la boisson du commun employer du pur et bon vin. Alors d’enire tous les vins de voire cave, les plus couverts et hauts en couleur seront choisis, comme à ce ménage étant les plus propres (les blancs et claires rejettés)y comprenant les vins pressés dès les vendanges, que l’on trempera raisonnablement selon le tems et les gens auxquels on a affaire ; car les faucheurs , moissonneurs , et autres étrangers, ne veulent pas boire le vin si trempé que les domestiques, tant par ja nature de leur ouvrage, que par leur ivrognerie, tâchant de faire grande chère alors qu’ils reconnoissent que leur travail est plus recherché, par la nécessité de la récolte. On donnera donc à ces gens du vin moyennement trempé, et aux domestiques on fera boire un peu plus d’eau, que l’on mettra dans le tonneau du vi. des- üné pour leur ordinaire, chaque semaine telle quantité mesurée que vous aurez Jugé à propos. ne mot ét sil sn L'AGRICULTURE. 109 Ainsi en épargnant la peine de tremper le vin à chaque repas , les fruits de la semence seront de même cueillis du bon ordre, lequel conti- nuant en cet endroit, et dans les autres distri- butions de vivres, l'abondance de tous biens, contunuera de même dans la maison sous la bénédiction de Dieu. Le tems d'entamer les vins ne doit pas se préfixer, comme une chose qui n’est pas né- cessaire : ce sera le besoin qui en ordonnera, avec la volonté, à laquelle sera aussi laissée la façon de percer les tonneaux pour en tirer le vin, .et de quelle manière il faut y mettre l'é- pine ou la guille, en France appellée fosset, l'instrument avec lequel on perce le tonneau guimbelet, la canelle, fontaine, boîte ou ro- binet, ni de quelle matière elle sera de laiton ou de bois, chacun ayant en ce ménage des observations particulières. Il y en a qui obser- vent les lunes et les vents, croyant que les vins qui auront été entonnés dans le décours et le vent du nord soufflant, ne sentent pas la longue traite. D’autres ne veulent pas percer leurs tonneaux les jours de mercredi ou ven- dredi, par une curiosité plus vaine qu’il n’ap- parent à la simplicité du ménage. Mais on remarque avec plus de raison différens goûts N 4 200 TRÉEÉATERE au vin du même tonneau : donnant suivant. l’ancienne opinion d’Hésiode la plus solide partie du vin et la plus agréable, à celle qui séjourne au milieu du tonneau, comme on dit que le meilleur de l'huile est au-dessus et du miel au fond du vaisseau. Par cette connois- sance , suivant son envie, On peut tirer diver- sement du vin d’un même tonneau, en y met- tant la canelle à deux fois, ainsi que j'ai dit plus haut. C’est véritablement la charge du maître que l'entretien des vins, principalement, parce qu'il est homme, les hommes aimant cette liqueur toujours plus que les femmes. Par ceite raison la mère de famille se soucie plus des trempés, que le père de famille, qui vo- lontiers lui en laisse la disposition. Néanmoins la conduite de la cave n’est pas tellement dis- üncte, qu’elle ne fournisse du souci à l’un et à l’autre : se voyant clairement que, quand la souveraineté de lacave est laissée aux domes- tiques et servantes , tout va mal ; car les vins s’éventent et se poussent quand les tonneaux n’en sont pas tenus soigneusement nets et fer- més, et ils finissent trop vite, parce qu’on les a prodigués sans penser à l’avenir. Les ton- neaux se perdent de moisissure, chancissure, AGRICULTURE. 207 - puanteur , faute de les fermer, ouvrir, haus- ser , baisser , d’en retirer leurs bois : afin de ne pas s’égarer, il faudra autrement les con- duire selon la nécessité de ce ménage, qui aussi requiert un soin continuel à tenir ou- vertes et fermées les fenêtres et soupiraux de la cave, selon les rencontres, et le parterre tou- Jours net, sans souffrir qu’il y séjourne aucunes odeurs , saletés et lrumidités, contraires aux vins. Le père et la mère de famille pourvoi- ront à tous ces défauts, par leur seul coup- d'œil, en se promenant, se conservant avec plaisir l'honneur dû à ceux qui conduisent bien leur maison; et la bonté du vin porte loin la louange, quand libéralement , le pére et la mère de famille, donnent de leur vin, non seulement aux amis de leur voisinage, mais aux honorables personnes étrangères, qui pas- sent auprès de chez eux. Comme la nourriture du bétail, suit la cul- ture de la vigne , la fourniture du charnier vient aussi après celle de la cave; c’est ainsi que nous avons divisé les choses de notre ménage. Suivant cet ordre on fera la provision des chairs ; très- considérable, par le besoin que la famille a de cette victuaille, qui suivant de près le pain et le vin, est mise au troisième 202 THEATRE rang des alimens. Voici donc la récolte de notre bétail, qu'il convient de manger après l'avoir engraissé , but de la dépense de sa nourriture. Il n’est pas ici question de parler de celui qu’on mange frais; ce sera seulement de celui qui sera destiné pour la provision de toute l’année, après l’avoir salé et serré au charnier , pour y prendre sa chair selon le besoin. 11 y a en cette partie de ménage de l'adresse, pour choisir les bonnes chairs qu’on peut conserver, et les préparer comme il cou- vient, afin d’avoir de la bonne viande en abon- dance, et de durée. Les pourceaux, les chè- vres, les bœufs, les vaches, les oies sont les bêtes qui fournissent notre charnier ; les mou- tons et les brebis ne se mangeant salés que par contrainte. Ces bêtes sont grasses et prêtes à tuer, presque toutes en même tems, C’est-à- dire, en hiver; aussi c’est. alors la saison de les saler pour la conservation de leurs chairs. Le froid favorisant ce ménage ; au contraire du chaud, qui ne soufire pas à la chair de prendre du sel. De toutes ces bêtes, les premières serrées , sont les chèvres, (y comprenant les beucs chà- trés ) tant parce qu’ils sont dans leur embon- point au commencement de J’automne, que AGRICULTURE. 205 pour profiter de leurs peaux, lesquelles far- sant partie du revenu liquide de ce bétail, il convient de les prendre avant Farrivée des gelées de l'hiver, de peur de les perdre , ou du moins de les rendre de petit prix ; car il est certain que quoique les chèvres ne sentent pas la rigueur des froidures, en couchant à couvert en étables chaudes, qu'a la seule ve- nue des gelées, mème à leur approche seule, leurs peaux perdent beaucoup de leur bonté, demeurant foibles et minces. Pour éviter cette perte, outre qu’alors les chèvres sont sufli- samment grasses, on les tue dès l’arrivée du mois d'octobre. On les met aussitôt en pièces, et ensuite la chair en est salée, sans lui donner le loisir de se refroidir, afin de mieux prendre le sel , que plus elle sera chaude ; car au con- iraire du tems, dont le plus chaud est le moins propre pour les salaisons , les chairs s’appré- tent plus avantageusement au sel, que plutôt on les sale, après que les bêtes en sont tuées. On mettra à part les graisses pour faire des chandelles, étant plus belles et meïlieures de cette graisse que de nulle autre. On la méle utilement pour les chandelles avec celle des bœufs et des vaches, même des mouions et brebis, quand il se rencontre qu'on en a de BOR : . THÉATRE pareilles assemblées. Ea graisse de chèvres ‘Sert aussi à plusieurs remèdes ; aussi aux ci- ments, sur-tout celle du bouc châtré, pour faire le ciment exquis pour les fontaines, comme j'ai montré. Ensuite on étendra les peaux de ces bêtes en lieu sec et éventé, non au soleil, garän- ües des griffes et des dés des bte chats et rats , afin de les préserver entières , en at- tendant ou leur vente, ou de les envoyer au corroyeur pour l'emploi aux habits de la fa- mille, comme il sera montré. Et afin que ces peaux soient plus vendables et plus servia- bles , on les étendra soigneusement, en y met- tant de petits bâtons pour les élargir et tenir ouvertes en se séchant, sans pouvoir se re- rer, ce qui les fera demeurer larges et de belle apparence. Si c’est pour faire servir ces peaux aux charrois des huiles, comme'dans ces vaisseaux on les transporte du Languedoc et de la Provence par tout ce royaume et voi- sinage , et en certames provinces, à porter aussi des vins , il faut travailler en cet endroit d’une façon particulière. Car s’il est nécessaire pour ce service que les peaux soient entières , on écorchera ces bêtes , à la maniere des lapins, c’est-à-dire, en renversant la peau par-dessus TR ee tente D'ÂAGRICULTURE. 20) Je col : les outres dont il est question en cet endroit se faconnant ainsi. La chair des che- vres n’est recherchée que pour les valets et manœuvres, par sa grossièreté, excepté Cer- taines pièces qui sont très-appéussantes quand les bêtes sont de haute graisse ; mais c'est tou- jours une viande de mauvaise nourriture , mé- me pour ceux qui l’aiment. Dans certaines provinces de ce royaume , ces animaux sont en réputation par le profit qu’ils causent au mé- nage, comme cela a été dit dans son lieu, à quoi s'ajoute le service que font leurs peaux, sur-tout celles que lon convertit en outres susdits ; c’est pourquoi, en Provence et en Languedoc , pays abondants en huile, on y souffre la nourriture des chèvres, malgré les grands dégats qu’elles font aux oliviers ( ar- bres qui portent l’huile ) quand elles peu- vent y atteindre. On prévient ce mal par la diligence des habitans, avec la même dexté- rité qu'ils tâchent de se conserver la précieuse liqueur de l'huile, avec le moyen de la trans- porter ailleurs pour le débit. Les pourceaux viennent après. On dépé- chera les plus gras les premiers, pour donner le loisir aux autres de s’apprèter , afin que chacun pris dans son point et à différens tems, 206 THÉ ATERE leur tuerie filant long-tems, donne le moyen de profiter de leurs dépouilles et menuailles, en fournissant de la nourriture au ménage pen- dant tout l'hiver. Quand ils sont égorgés , on leur ôte le poil, mais par différens moyens : quelques-uus le font dans l’eau bouillante et per elle; d’autres par la flamme , allumant à cet effet de la paille , ou autre semblable ma- ticre légère, à lentour du pourceau mort, dont ïis brülent les soies ou les poils. L’un et l’autre moyens sont bons, produisant ce- pendant différens effets. L'eau rend'la chair plus blanche que la flamme ; et la flamme, plus ferme et plus savoureuse que leau. On choisira de ces moyens, ou bien l’on em- ployera tous les deux, en ménageant ie loisir qu'en donne l'intervalle , d’entre les diverses tueries des pourceaux , pour s’accommoder d'autant nmeux de ces chairs. On met en pie- ces les pourceaux quand ils sont pelés ; le sang: est converti en boudins ; une partie des entrailles et de la chair |, en andouilles et saucisses. Les jamlies, les oreilles, les lan- ques , les échinéés, jusques aux moindres ex- trémités et particules , tout s’employe , rien ne se perd. Le lard, qui ést le principal, est salé pour être conservé toute l’année au char- D'AGRICULTURE. 207 ) mier , ainsi que les menuailles. Pour faire tout ceci, on étend le lard sur le saloir { qui est une grande table ayant des bords autours , assise sur des étaudis ; pendante d’un côté, pour vider la saumure dans un vase sur les an- douilles ) ; là on le frotte en tenant dans les mains du sel menu un peu chaud , si bien et si soigneusement que toutes les parties du lard s’en ressentent , sans en oublier aucune. Les échinées , les oreilles , têtes, langues, jam- bons , qu’on arrange dessus et à l’entour du lard , sont de même salés. On met par dessus ce premier lard, un second, ensuite un troi- sième, après un quatrième, jusqu'à huit ou dix, ou plus, les uns sur les autres, chacun avec ses menuailles. De tous lesquels, ainsi amoncelés, il s’en compose une pile où les lards s’apprètent très-bien , s’entre-donnant le sel les uns aux autres, quand étant remués on les change de place, en mettant en haut ce- Jui qui était au plus bas lieu ; et celui du haut en bas. En même tems, on leur donne pour rairaichissement quelque peu de nouveau sel, en les en refrottant par-tout, principalement dans les endroits suspects et les plus dange- reux à se COrrompre ; sans Ce soin on ne pour- rait faire aucune salaison de valeur. Cette re- 208 THÉ. A TRE visite se réitère de huit jours en huit jours, jusqu'a ce que vous voyiez vos lards trans- luire , manifestant par là qu'ils sont remplis de sel; et ensuite leur conservation sera as- surée. Les lards seront alors levés du saloir, et. sur lui fortement battus avec un bâton , pour leur faire lâcher le sel restant , qui n’aura pas voulu entrer dedans : on fera de même des échinées , jambons et autres menuailles, et le tout sera .porté pendre aux rateliers du charnier, pour s’y éventer et reposer , en attendant leur service extrême. On fait. cette salaison sans aucun risque , puisque le na- iurel de la chair du pourceau est de ne pas prendre de sel plus que son besoin , refu- sant le reste , ( au contraire de celle du bœuf qui en suce tant qu’on lui en donne ). C’est pourquoi l’on n’épargnera pas le sel en cet endroit, et de peur de manquer on ÿ en em- ployera largement , dans l’espérance d’en re- tirer le superflu à la fin de l’œuvre, le retrou-. vant alors entier au fond du saloir. Les graisses du pourceau se conservent bon- nes et blanches, toute l’année, pour servir de provision à l’appareil de plusieurs mets et autres choses du ménage , comme à graisser les | D'AGRICULTURE. 209 les charrues, charrettes, moulins, souliers, cuirs, différentes maladies, pour les hommes et pour les bêtes. Cette graisse sert aussi aux tondeurs à draps de laine , auxquels la mé- nagère en vend, de son économie. Après avoir réservé la graisse du pourceau, ce dont on desire faire du sain-doux, qu’on met dans un petit vase approprié pour cela, et en même tems, salé comme il appartient, pour le main tenir sans se corrompre, on hâche le reste menu , ensuite on le met fondre dans la poële à frire, sur un feu clair, dont on retire la grâisse autant que l’on peut, en pressant avec la cuillère percée, que l’on jette étant suffi- samment cuite , ( Ce qui se reconnaît à sa cou- leur claire et blonde ) , dans des pots de terre vernis, en y ajoutant du sel menu pour la con- server sans Corruption ; Où se figeant et s’af- fermissant , elle demeure blanche et bonne toute l’année. Quelques-uns , par lavantage des pâtures et glandées , ne se contentent pas de la graisse prise simplement à chaque pourceau , mais ils destinent des pourceaux entiers pour servir de graisse, c’est-a-dire , de tout le gras qu'ils y trouvent, le maigre en étant séparé ét après mis en pièces dans la saumure , y est pris pendant l’année pour Tome IF. O 210 En € A TR l'usage ordinaire. Pour mieux satisfaire à ce service , le pourcea u est choisi gras, et l’ayant saigné , il est écorché comme un mouton ; la graisse étant retirée est cuite et préparée com- me dessus. On envoye la peau au corroyeur , pour, préparée, servir à faire de grands cri- bles à nettoyer les bleds, ou couvrir des cof- Îres , étant très - propre dans l’un et l’autre service , selon qu’elle est diversement apprêtée. Le charnier sera mis en rang avec le grenier et la cave , le desir de Fees conserver les viandes salées étant commun avec celui des bleds et des vins; mais néanmoins la ren- contre du bon charnier est plus rare que celle du bon grenier et de la bonne cave, s’en trou- vant peu où les chairs de pourceau même les lards, ne devien: nent Tances et ne jaunissent, se rendant par conséquent de mauvaise odeur, de telle manière, qu’on ne sait presque quel quartier de la maison donner au charnier pour le bien asseoir, tant cet article est difficile. L’humidité est contraire à ce ménage , la sé— cheresse, l’évent et le défaut d’évent aussi, quand ces qualités sont tant soit peu mal or- données. On voit quelques charniers assis au bas de la maison , d’autres au haut, où indif- féremment les he se conservent bien, mieux HR C'RJ CHU EL TU RE. 211 cependant en bas qu'en haut, les chairs souf- trant plus passablement l'humidité que la sé- cheresse. Par ces variétés, nous serons ins- truits de poser le charnier en lieu modéré de sécheresse et d'humidité, plus frais que chaud, ayant des petites ouvertures de l’orient à l’oc- cident , les ouvrant et fermant pour donner, selon les rencontres, le midi et le nord, étant trop violents pour ce ménage. Et comme la ménagère , par-dessus ses autres meubles, re- cherche soigneusement la bonne poële à frire, et la bonne lampe , pour éviter la perte de l’inutile consommation de graisses, de beurres, et d'huiles, qu’elles causent étant mal quali- fiées : ainsi avec beaucoup de raisons, pour la conservation de ses chairs, elle tâche de s’accommoder de charniers entièrement pro- pres à cela; d'où, sortant bien préparées, nulle partie de ses provisions ne se perd, mais toutes s’employent dans son ménage. Quelque diligence qu’on mette à saler les chairs de pourceau, il leur reste toujours quel- que humidité naturelle en dedans, qui leur cause un mauvais appareil, ce qui les fait de- venir rances et les rend désagréables ; sur- tout plus la saison est humide, et plus le char- nier où on les repose est mal qualifié. Le O 2 N 12 TuréaArzsr moyen de prévenir cette perte , est d’achever de préparer les lards à la fumée, à laquelle on les exposera pendant huit ou dix Jours, qui desséchant l’humidité restante et nuisible des lards, les laissera francs de la crainte de se corrompre ensuite, pour ( en quelque lieu que vous les gardiez ) qu’ils se maintiennent bons pendant plusieurs années : vous ferez de même des jambons, n’épargnant pas si peu de pee si vous avez la commodité du lieu pour faire fumer ces chairs, en quoi consiste la dif- ficulté de l'appareil. Dans un pays abondant en châtaignes, celaest facile, car, sans un soin particulier, les lards et les jambons sont per- dus près des châtaignes, lorsqu’on les dessèche à la fumée, pour les blanchir, afin de les ren- dre de longue durée. Cette manière de ménager la salaison des pourceaux , n’est pas généralement recue par- tout, nOn pas tant par la différence des cli- mais , que des différens avis des personnes ; chacun pouvant, comme bon lui semble , tuer, dépecer , saler , et autrement gouverner ses pourceaux, sans distinction de lieux, n’y ayant aucune sujétion en ce ménage que le tems. C’est pourquoi, outre la manière écrite ci- dessus, ( qui est la plus recue en Languedoc È #7. n’'AGRICULTURE: 21% et aux environs ), en plusieurs endroits de la France et ailleurs, les chairs de pourceaux sont salées en petites pièces dans des cuvetties et grands barils , et là gardées touté l'année, y étant prises de jour à autre, selon les besoins de l’usage, où la chair se conserve bonne et belle, pourvu qu’elle trempe toujours dans la saumure, et que cette Saumure ; de peur de la corrompre , ne soit Jamais touchée , ni avec la main, ni avec le fer, ni avec le laiton, le cuivre; et que pour en tirer la chair salée, on se serve de crochets de bois ou d’argent, non d'autre matières , elles seules étant pro- pres à ee service. Moyennant celle observa- tion, vous aurez satisfaction de ce ménage ; et afin que rien ne se perde, on employe en cet endroit les restes des sels du saloir, quoique mal nets et estimés de peu de valeur ; mais c’est après les avoir préparés de cette maniere. On les fait bouillir dans l’eau de fontaine ou de rivière, dans un grand chaudron, sur un feu de flamme ( en les écumant toujours pour les débarrasser d’ordures } jusqu’à ce que la saumure devienne elaire comme de Fhuile, et qu’elle porte l'œuf en coque, cru, ce qui est une preuve assurée de sa force et de la suffi sance à conserver les chairs. Alors, ôtée dw O3. 214 | TRHÉATERE feu , on la met refroidir dans un vaisseau de bois à large gueule ; ensuite on jette dedäns les pièces de porc, où elles se saleront très- bien, et s’y conserveront de même toute l'an- née , pourvu qu'avec les observations susdites on s’abstienne d’en tirer aucune pièce qu'avec le crochet de bois ou d’argent, de peur d’en corrom@pre la saumure et les chairs. Au bout de trois ou quatre jours, vous visiterez votre saumure , afin de la remettre sur le feu, s’il arrivait qu'il y eût quelque moisissure dessus ; car, par l'humidité de la chair , la saumure se décuit, à quoi ne prenant pas soigneusement garde , c’est quelquefois à la ruine totale de ce ménage , ce qu'on prévient par une fré- quente visite ; et la conservation de la sau- mure s'assure ( par conséquent de la chair ) en la remettant sur le feu une couple de fois. S’il arrive qu’en rebouillant, la saumure di- minue au point qu'ensuite la chair n’y puisse iremper à l'aise, le remède sera d’y ajouter du sel nouveau, par le moyen duquel vous allongerez la saumure suffisamment. De cette salaison, la mère de famille s’ac- commodera, ouire celle de ses lards, en fai- sant tuer et mettre en pièces, à la fin de fé- vrier , Ou au commencement de mars , des p’AÂGRICULT-U RE: 215 L jeunes pourceaux, qui ne se seront pas trou vés d'âge devant noël ( qui est la saison la plus ordinaire pour ce ménage ) pour ; allongeant d'autant ses provisions, en four- nir sa table pendant tout l'été , de viandes agréables ; car la chair du jeune pourceau ainsi salée, semble toujours nouvelle , se conser- vant telle jusqu'a la dernière pièce, dans la saumure cuité et bien qualifiée. Les jambons , les échinées , les oreilles et lés languès s’y niaintiennent très-bien. L’abondance du gland fournit la matière de ce ménage ; quand il y a une bonne glandée, les cochons du mois d'août et de septembre, par la bonne nour- riture de leurs mères, et des glands, se trou vent gras et propres à être employés à ce ser- vice, vers l'entrée du mois de mars. Et comme à la préparation de ces choses, il y a de la différence , les observations de Ja lune, dans les actions de ce ménage, sont jussi différentes. En Languedoc, Dauphiné, Provence, la seule vieille lune est employée x tuer et saler des pourceaux , et même à en retirer lés lards du saloir , pour les pendre au ratelier du charnier; croyant que Îles artusons et autré veriiine sé fourrent dans leurs chairs, s'ils retardoiént de le fre. Dans plusieurs 0 & 216 THÉATRr quartiers de la France, du Piémont, de l'Italie, lanouvelle June;il y amême quelques personnes si curieuses, qu’elles ne veulent faire tuer au- cunes bêtes pour saler, sans s’être assurées qu’elles sont nées dans le croissant de la lune j s’imaginant que leurs chairs salées croissent en Cuisant , et qu’au contraire celles du décours se diminuent. Mais les chaircuitiers de Paris ne Sont pas si spéculateurs ( c’est ainsi qu’on ÿ appéle les maîtres jurés qui ne se mêlent que de la chair de pourceau ), qui, sans dis- ünction de lune, tuent leurs cochons; laissant au ménage ces observations. lis ont une ma- nière particulière pour détailler les lards. Après avoir saigné et pelé le pourceau , ils lui cou- pent la tête, et les quatre jambes pour en faire des jambons ; il est fendu de loug en long par le dos , ensuite il est éventré ; les intestins Sont employés, avec le sang et des pièces de chair propres à cela » à faire des boudins, an- douilles et saucisses. Alors on prend avis de ce qui reste par la qualité de la chair. Si la chair est grasse, le lard est divisé en trois par- Us ; on en fait deux du plus gras, et une du resiant , qui est le ventre : ces deux pièces grasses sont appellées épis, et ce lard , épié : on met Ja troisième dans la saumure , en pejites D'MGRICULTURE. 217 portions. Des lards maigres, on n’en fait que deux parties égales, appellées flèches, fen- dant le lard par le ventre. Toutes ces pièces grasses et maigres, dites épis et flèches, sont mises saler sur un grand saloir , appellé mere, composé de plusieurs ais joints ensemble , con- tenant trois ou quatre pas en quadrature ; ayant des bords à l’entour pour empêcher que la saumure verse. On pose le saloir près de terre, en lieu bas, un peu relevé d’un côté, pour vider la saumure dans un réceptacle. Sur ce saloir sont arrangées des pièces de lard, à mesure qu’on les frotte avec du sel menu, l’une après l’autre , en les faisant entreJoindre pour moins occuper de place : eten les met- tant les unes sur les autres, on en forme une pile quarrée de maçonnerie, montant jusques à la hauteur de huit à neuf pieds; entre-liant si bien les pièces de lard , que toutes ensemble puissent se maintenir fermes sans verser. En les disposant ainsi, les lards se salent très- bien , moyennant qu’on les remue et qu'on les revisite, comme il a été dit ci-devant. Quel- ques-uns font leur mère ou saloir, d’une peau de bœuf crue, un peu salée, qu’ils étendent sur terre, Et préparent autrement , comme des- sus : cette peau étant d’une seule pièce , con- 218 Tréaree serve la saumure sans aucune perte, ce qu'é 1e peut se promettre du saloir de bois ; quÀ en perd quelque peu par ses jointures. Il y à un marché de lard à Paris , la veille de pâques, qui se tient au parvis de Notre- Dame , où tous les maîtres chaircuitiers de Paris y étalent. On y apporte de Châlons en Bourgogne une grande quantité de bons lards apprètés à la mode de Paris ; aussi de la Nor- mandie et de la Basse-Bretagne ; Mais. autre- ment préparés, car on leur laisse jambes et tête, c’est-à-dire, la moitié de la iêté à cha- que flèche. Ils les fendent le long du vénitre, n'en faisant que deux pièces. Ceux-ci ne sont pas si bien faconnés que les précédens, aussi sont-ils de moindre prix, de moindre usage , et de moindre goût. Ces différentes manières de préparer la chair de Pourceau, sont représen- tées comme pour exemple ; par où l’on peut voir qu’en matière-de ménage, peu de peuples sontd’accord ensemble: mais n'importe, pourvu que les biens que dieu nous donne ; SOient si bien apprètés que l’on y trouve un usage profi- table, et que l'on s’en serve utilement ; et avec action de grâces. Le tems froid et sec » et la pleine lune sont les observations nécessaires pour tuer ét D'À @Œ@RrCULTURE 219 saler les bœufs et les vaches ; alors le sel pé- nètre à souhait dans leurs chairs, et ensuite elles ne diminuent pas beaucoup en cuisant. Nous ferons donc tuer le bœuf gras dans ces termes. Après l'avoir écorché, le bœuf .de- meurera pendu au ratelier, quinze ou vingt heures, pour donner le tems à la chair de s’affermir , afin de la détailler plus facilement ; pendant ce tems , les tripes en seront lavées et accommodées , afin d’être mangées fraiches en divers appareils à la première et à a se- conde table , fournissant de la viande pour tou- tes sortes de gens. Quant au sang, en plusieurs lieux on n’en fait pas de cas; dans d’autres, on s’en sert pour la grosse funille. On met le bœuf en pièces, et apres en avoir retenu quel- ques-unes pour manger fraîches , pendant une quinzaine de jours qu'eiles pourront se garder sans se corrompre , le reste sera salé pour la provision de l'année. I faut être fort retenu pour saler, de peur d’excéder en faisant une inutile et désagréable dépense ; car, comme j'ai dit, la chair de bœuf ( au contraire de celle de pourceau } reçoit tout le sel qu’on lui donne, sans rien refuser, ce qui la rend mau- vaise au goût, avec la perte du sel surabondant. L'une après l’autre, toutes les pièces seront 320 THéarre frottées , avec les mains , de sel menu, un pet | chaud, y en faisant entrer alors autant qu’on POUrra; mais pour garder quelque mesure, le meilleur et le plus commode aussi est de saler ces pièces de bœuf dans un sac à deux gueules , Ouvert des deux bouts. Cela se fait de cette manière : on met une pièce de bœuf dans le. Sac, avec beaucoup de sel ; deux hommes prennent le sac chacun par un bout avec leurs: mains , en tenant les gueules fermées, et le sac: fermement tendu > ils l’agitent autant qu’ils: le peuvent , remuant avec violence , par ce moyen , la chair et le sel » ils font pénétrer le sel dans la chair, comme ils le desirent , en faisant ainsi de toutes les pièces de bœuf l’une après l’autre. On arrange ensuite ces pièces dans une cu- velté ou autre vaisseau à ce préparé , où le sel en distillant se Convertira en eau, dans la- quelle elles séjourneront environ huit ou dix jours , au bout desquels étant sorties de let reposées sur des ais » elles s’éventeront une couple de jours, qu’on les y laissera : ensuite, étant remises dans Ja cuvette avec un peu de nouveau sel, on les refrottera, comme pour les rafraichir, particulièrement celles qu’on S'appercevra qui en ont besoin. Per cemoyen, D’MAMGRICULTURE. 2921 toutes ces pièces de bœut achéveront de se préparer dans cinq ou six jours , qu’on les tiendra encore dans la cuvette ; apres qu'on les aura sorties de là pour la dernière fois , on les mettra éventer sur des ais, et l’on les remuera tous les jours, matin et soir ; en- fin on les fera entièrement sécher, et elles seront pendues au ratelier du charnier, en attendant l’usage. Les pièces remarquables par leur graisse, et le bon endroit de la bête, se- ront mises à part lorsqu'on les salera, afin d’être prises là au besoin, pour la table du maître , de même que la langue et autres par- ties de choix , le reste étant destiné pour le ménage. On tuera de même la vache grasse , et sa chair sera salée et préparée de la même façon ; mais on aura soin de tuer les bêtes les plus grasses les premières, sans distinction de sexe ( par le hasard qu’il y a à laisser séjourner de la graisse , qui très-souvent se perd au moindre accident qui survient ), et les unes après les aütres ; de tems à autre, pour donner le tems d'employer les menuailles, comme il a été dit despourceaux. Nousnoterons aussique comme la bouvine s’engraisse en deux saisons , sa- voir, l'été et l'hiver , comme nous avons vu, 222 THÉATERE il y a aussi deux saisons pour la tuer et saler, * le commencement de l’automne et la fin de l'hiver , ces intervalles revenant à l’avantage ! de la maison; car par la graisse hâtive on est | pourvu de chairs de bœufs bonnes et grasses, | pendant l'automne et lhiver ; et par la tar | dive , pendant le printems et l'été ; et sil abondamment , qu’il ne se passe pas un jour | dans l’année que votre table n’en soit largement et utilement fournie. On employera les graisses des bœufs et des vaches, seules ou accompagnées avec celles de chèvre , de mouton et de brebis, à faire des chandelles. On en ménagera de même les peaux, comme J'ai déjà dit, afin qu’étant bien étendues et séchées, sans êire déchirées par les chiens, les chats et les autres bêtes ; elles puissent être vendues, ou utilement em- ployées d’une autre manière à l'usage de là famille. De toutes ces bêtes, pourceaux, chèvres, bœufs, vaches, la ménagère m’employera pas en réserve celles qui seront trop vieilles, par le peu de profit qu’elle y trouverait, tant parce que les bètes surannées ne peuvent que difficilement s’engraisser, les dents leur man- quant pour paître, que parce que leurs chairs, D'À @x rec ET U RE. 223 quoique grasses , ne sont pas d’une bonne cuis- son, et diminuent beaucoup au feu. Les mâles sont aussi à préférer aux femelles, excepté les chèvres, qui sont meilleures que les boucs, quant à la chair, mais elles leur cèdent pour la valeur des peaux et des graisses. Elle ne fera jamais tuer aucun pourceau, truye, bouc, ni bœuf, qu'ils ne soient châtrés de jeunesse, pour affranchir leur chair ; laquelle laissée dans son naturel , par sa sauvagine, est d’un goût désagréable, et d’une nourriture perni- cieuse à la santé; incommodités qui ne sont pas à craindre, par l'effet de la castration. On ne sera pas si scrupuleux pour les chè- vres et les vaches; car, châtrées ou non, leurs chairs en sont toujours bonnes, cependant meilleures étant châtrées, qu’entières , en quoi il y aura du choix. Comme aussi les femelles de ces animaux sont à préférer, bréhaignes, à celles qui ont porté; et parmi ces derniè- res, celles qui ont fait le moins de ventrées, se surpassant les unes aux autres en valeur par degrés. Ces vieilles bêtes et les non chà- trées, de même que les vieilles truyes, les portières et les vieux verrats, quoiques bêtes grandes et grasses, le tems les ayant fait croître ( grandissant ‘autant comme ‘elles vivent}, < 224 THÉATRE et la castration , nouvellement engraisser ;, moyennant l’abondance de gland qu xls auront mangé ( par la fertilité de L'antiËes seront ven- dues pour en tirer de argent ; étant raison- nable que la ménagère pers ses charniers des meilleures bêtes de ses troupeaux. Les veaux et les génisses ne sont pas propres à être salés pour la provision , la tendreté de leur chair ne s’accordant pas avec le sel, l’âge et la graisse les rendant propres à ce service. La salaison des oies est profitable dans la maison, par l’abondance des bonnes chairs et de la graisse exquise dont cette volaille fournit le charnier ; ménage particulier dans certaines provinces , qui n’est pas généralement AUDE dans tout ce royaume. La mère de famille n’o- mettra pas une aussi utile provision , si sa terre soufire la nourriture des oies, quoiqu’elle ne soit pas usitce dans son pays ; ne pouvant in- troduire denouveauté chez elle à meilleure oc- casion. L'ordre que l’on a à tenir pour tuer ces oiseaux , pour saler leur chair , et pour serrer leur graisse, est représenté à l’article de leur nourriture, livre V, chap. V, où Je vous ren- voye, pour éviter répétition, n’en parlant pas ici davantage. Voila Le provisions des A Celles des é poisssons | LA D’ÀAGRICULTURE. 29! poissons ne sont pas si générales en ce royau- me, parce qu'il abondgÿlus en pâturages qu’en eaux. Le ménager qui est près de la mer , des grossesrivières etétangs; ou qui artificiellement s'est accommodé d’étang, de réservoir et de xivier , profitera de sou poisson sans rien en lisser perdre, afin que salé dans le charnier; On y en trouve de réserve tout le long de l’an- née. Comme le fruit de la terre a son tems, celui de l’eau a aussi le sien , qu’on gouverne diversement , néanmoins selon leurs qualités diverses et distinctes. Car on prépare le pois- son de mer d’une facon , et d’une autre celui d’eau douce, chacun se pliant à leurs pro- priétés avec un soin particulier. Notre ménagère ne se contentera pas de se _ pourvoir des biens qu’elle a chez elle, mais elle s’en fournira d’étrangers , selon la nature du commerce général, par le moyen duquel un pays aide à l’autre, pourles choses dont réciproquement ; on abonde et on manque , leurs avantages particuliers s’entre-communi- quant.De même que le pays à bled en fournit _celui à vin où les grains manquent, et que celui- ci donne du vin où le seul bled croit ; ainsi des chairs , des fruits des arbres, et des autres alimens dont nous sommes nourris. Notre mé- Tome UF, P 3926 | THÉATRE nagère ayant rempli ses char niers de chairs et de poissons de son cr chétera des anchoïx des sardines , des harengs , des tons , des mer- luches, moules : deshuiles , des beurres et au- tres provisions éloignées de sa terre ; sur-tout d’épiceries, canelles, girofles , muscades, poi- vre, gingembre, sucre , Cassonade , miel : oli- ves confites, capres , basilles , fenouil marin : raisins secs de Corinihe , de Damas de Fron- tignan, et d’autres passerilles : figues , prunes, dattes, pignolats, noisettes , amandes , noix, moutarde , afin qu’elle soit pourvue de tout pour le besoin , qu’elle fera serrer en cabinet à ce destiné près la cuisine , pour plus de - facilité. Ce qui lui reviendra à satisfaction et aussi x épargne , quand à propos la mére de famille trouvera assemblées chez elle ces choses à prix raisonnable , sans être contrainte d’en envoyer chercher dans la nécessité, promp- tement et chèrement à la ville, chez les re- vendeurs : et avec honneur elle verra l'effet de ce proverbe commun : » . . Provision faite en saison, Ft gouvernée par raison, Fait venir bonne la maison. x og. mue DA 6 REC D TL U R E. 227 : RS SSP QU eV <<, | CREER" POMP AE II De la facon des Confitures. Les provisions nécessaires sont suivies des utiles et agréables ; c'est-à-dire, des confi- tures , afin que la maison ne manque d'aucune victuaille servant à nourrir le corps et à re- paitre l’entendement ; les confitures étant uti- lement employées à ces deux usages. Car non seulement elles servent de bonne nourriture à ceux qui sont en santé, mais leurs facultés et leurs goûts précieux confortent , réjouissent les malades , et donnent satisfaction par leurs appareils exquis’, et les rares beautés qui se montrent dans cette excellente provision. Ici donc , ce sera où l'honorable demoiselle se délectera, en continuant la preuve de la “subtilité de son esprit. Aussi en recevra-i-elle du plaisir et de l'honneur, quand à l’arrivée imprévue de ses parens et amis , elle leur cou- vrira la table de différentes confitures appré- tées de longue main, dont Ja qualité et la beauté ne céderont pas aux plus précieuses de celles qu’on fait dans les grosses villes, quoi- Pia 128 F'RÉ ATRE qu’étant aux champs, elle n’ait d’autres con- fiseurs que laide de ses servantes. De tout tems les femmes se sont mêlées de faire des confitures , mais différentes à celles dont je veux instruire notre mere de famille, dont la façon , j'entends les principales , nous est venue dé Portugal et d'Espagne , long-tems ignorée en ce royaume , y ayant été tenue se- crette , comme par Cabale. Il y a plusieurs ra- cines, herbes, fleurs et fruits propres à con- fire ; aussi plusieurs matières en composent les moyens, et l’on y parvient par différens moyens. Quant au sujet de la confiture , il est si ample , qu'il ne restreindra qu’à la volonté ; mais pour la manière, nous nous arrêterons au sel et au vinaigre , au moût, au vin cuit, au sucre et au miel, comme ‘en étant les plus valeureuses et les plus connues parmi nous ; et la façon en sera au liquide et au sec. Au sel. Nous confirons les olives. 11 faut les choi- sir des plus grosses et des plus charnues , les cueillir vertes, pas encore müres, les jetter aussitôt dans un baril ou autre vaisseau à large ouverture avec du vin trempé, ou de dé- ce D'AGRICULTURE. 229 pensé , afin que par le moyen de cette liqueur, l’amertume des olives s’en aille, première pré- paration , ce qui arrivera quand elles y auront trempé quelques jours. Elles ne pourroient trop y séjourner, quoique ce füt six ou sept mois , pourvu qu’elles trempent toujours, que la dé- pense ne soit ni poussée, ni autrement COr- rompue , et que pour la propreté, le baril demeure continuellement bouche ; ce qui re- vient à votre avantage par le loisir que vous avez , d'achever de les confire à votre aise. Là donc , quand il vous plaira , vous prendrez des | de , Ce que vous en voudrez confire ; vous leur donnerez à chacune quelques tail- lades , pour faire pénétrer le sel plus promp- tement dedans : vous les mettrez dans des pois de verre ou de terre vernie , avec beaucoup de sel menu , dispersant le fruit et le sel par lits, avec du fenouil en rame parmi, et par dessus vous verserez de l’eau fraiche , jusqu'à ce que le vase en soit rempli; lequel, après lavoir bien couvert, conservera si bien vos olives, que dans quatre ou cinq mois elles deviendront très-bonnes à manger , et se main- tiendront telles plus d’une année. Quelques- uns , au lieu de couper les olives, les écrasent avec un petit coup de maillet, ou les percent | F3 250 PF rÉATREÉE « en différens endroits avec une pointe de fer. . D’autres ne les coupent, ne les écrasent, ni ne les percent nullement, mais ils les con- _fisent entières , en quoi ils font mieux que lès précédens , parce que leurs olives demeu- rent plus grosses que celles qui, tant soit peu, auront été ouvertes , leur vertu s’exhalant par là, ce qui les fait diminuer , devenant ridées ; mais aussi les entières sont d’une longue pré- paration , n’étant pas bonnes à manger avant dix ou douze mois, après les avoir confites , pour donner le tems au sel de pénétrer avant, perçant lui-même sans moyens la peau de lolive ; en quoi cependant on ne doit pas avoir une grande considération, vu que l’at- tente de ce terme, vous fournit des olives belles et bonnes en perfection, surpassant toutes les autres, moyennant que le frait de Jui-même soit bien choisi et qualifié. Cepen- dant pour vous empêcher de languir, vous pourrez être accommodé d’autres olives pré- parées comme ci-dessus. Et tenant encore un chemin plus court, vous en confirez d’une autre manière qui dans vingt- quatre heures vous fera manger de bonnes oli- ves. Cela dépend de l’eau, qui, versée toute. bouillante sur les olives , taillées , salées'et four- | ‘ | | DAGRICULTÜREE. 251 nies de fenouil, comme ci-dessus , fait péné- trer le sel si avant, qu’elles en sont entierement bien préparéestet confites , et si prompiement , que c'est, par manière de dire, comme dans un tour de main. Dans ce cas, le vase sera de terre, pour résisier à la chaleur de l’eau, ce qu'un de verre ne pourroit faire, et seroit en danger d'en we cassé. Autre moyen. Pr enez une mesure de chaux/ neuve, fusée , six fois autant de cendres cri- blées et nertoyées, et mettez-ies dans un vase à large ouverture avec de l'eau, jettez-y aus- sitôt les olives entières , pour y séjourner neuf ou dix heures,, sans s’entre-presser MMCRLÉART « au large. Au bout dudit tems vous en ürerez une olive, vous la fendrez par le milieu , et si vous voyez que le noyau se sépare de la chair , c’est signe qu'elles sont prêtes à con- fire , leqnei signe il faudra attendre. Alors vous ferez tirer les olives de ce mélange; et apres les avoir tres-bien lavées avec de l’eau claire, vous les logerez dans un vase de terre, avec dwfénouil en rame , de la semence d’anis, des branches de thym et de sarriette , par ls: et au dessus vous verserez de la saumwr€ , dans laquelle les olives tremperont coninuel- lement. | P 4 + 522 THÉATRE Autre ; mais c’est de confire les’ olives étant > d T 1 r! 92, - x . à L mures. Vous les prendrez telles, c’est-à-dire, noires , choisies grosses, sainès et entières. Vous les mettrez sécher à l'ombre, dans un lieu exposé au vent. Vous apprèterez du miel, de l'huile d'olive, du sel menu, de chacun une livre; du poivre, du girofle, de l’anis, de la coriandre , une once de chacun , le tout pulvérisé ensemble. Le jus de dix ou douze Himons , ou à leur défaut, d’oranges, mis dans. un vase de verre, y sera ajouté; et parmi ce mélange , les olives seront mises en telle quan- tité, qu’elles puissent tremper dans la liqueur des choses susdites , où elles se conserveront très-bien et long-tems, pourvu que le vase soit tenu en lieu frais. On n’oubliera pas cette ob- servation , de tenir toujours dans la saumure, vos olives confites, sans souffrir qu’elles soient jamais àsec , allongeant la saumure quand elle se diminuera , afin que les olives trempent continuellement , ayant bien soin pendant ce iems , comme il a été dit des chairs , de ne pas nettre la main: dans la saumure , ni le fér, ni le cuivre, de peur de la corrompre.'A vis général pour toutes les confitures au sel. La provision de vos olives demeurera bonne et plaisante pendant plusieurs années. D'AGRICULTURE. 235 On confira aussi les capres au sel, sans autre mystère que de les mettre dans un vase de terre ou debois, tel qu'on voudra, avec abon- dance de sel sans aucune humidité. On cueille les capres de jour à autre dans la saison, sans en attendre d’autre maturité ; dont petit à peut, à mesure qu’elles se forment et se laissent ma- mer , elles sont cueillies , et incontinent mêlées avec du sel menu, où prenant sel, elles se conservent long-tems , demeurant sèches ; ce qui facilite leur transport, avec aisance pou- vant les charrier dans des cabas , sans craindre d'en épancher la liqueur, vu qu'il n’y en a aucune. Au vinaigre. Les capres deviennent plus délicates , que si on les laissait sèches dans le sel pur ; parce _ que le vinaigre les empêche de se saler trop, comme elles font sans Jui ; et l’on est con- traint , pour les manger , de les tremper quel- ques heures dans l’eau , afin de les dessaler, où laissant une partie de leur substance natu- reile , déchues de leur bonté , elles ne sont pas après si appétissantes , que celles qui sont con- fites dans le vinaigre ; par le moyen duquel, “non seulement leur saveur se conserve entière, 4 254 TréareEe mais quelque goût agréable s’y ajoute , qui les rend délectables au manger. On prend.les ca- pres pour confire comme dessus, c’est-à dire, à mesure qu’elles croissent, sans les laisser beau- Coup agrandir , car on les prise plus étant petites que grosses. On prépare un vaisseau de verre ou de terre vernie en dedans ( ou plu- sieurs selon la quantité du fruit ) dans lequel on met du bon vinaigre, avec du sel, quel- ques poignées. Là sont jettées les capres ve- nant de la caprière , sans les laver aucune- ment , en continuant de Jour à autre; tant que la caprière fournit matière, après on retire le vase en lieu sec non exposé au soleil, l’ayant au préalable bien bouché, afin que les capres ne s’éventent pas, où elles se conserveront en bonté fort long -tems. Vous les visiterez au bout de quaire ou cinq Jours, et s’il arrive que vous trouviez au-dessus du vinaigre, quel- que moisissure, vous l’ôterez avec une cuillère d’argent , et vous mettrez dans le vinaigre une poignée de sel, pour corriger Fhumidité su- perflue qui procède du fruit, réitérant la vi- sig et le remède autant qu'il sera nécessaire. Nous gouvernerons les asseiroïles de la mé- me manière que les capres, par la communi- cation de leurs facuités; mais il faut les mettre D'ABRICULTURE. 235 au vinaigre avant leur maturité. Vous confirez ainsi des bazilles, du gros et doux fenouil ; du fenouil marin , du pourpier, des côtes de poi- rée. Vous préparez le vinaigre et le salez, mais en vase séparé, pour mettre ces matiéres à part, afin que chacune rapporte son goût par- ticulier. Ces matières seront prises proche de Jeur maturité, non encore endurcies, mais agrandies ; lesquelles après être bien lavées et nettoyées d’ordure, vous jetterez dans le vinaï- gre pour s’y conserver, ce qu’elles feront très- bien et long-tems , servant à manger en salade pendant l’année. Vous accommoderez des petits melons et concombres , de même et à même usage, que vous prendrez verds et tendres ; car endurcis, ils ne pourroient être imprégnés de vinaigre. On les jettera dans le vinaigre tous entiers ; sans être tailles ni pelés, d’où on les retirera sans perte de leur beauté , conservant leur verdeur entière; mais ils y prennent tant de sel que pour les manger en salade , il faut les dessaler dans l’eau auparavant. Les choux-cabus et les laitues pommées serviront aussi en salade pendant l'hiver, se “maintenant blancs et fermes dans le vinaigre. -. Leurs feuilles vertes étant premièrement ôtées, Fe . Tr 2 © A HE à À 8% Jes pommes resteront blanches et dures: celle des choux sera mise en quartiers, et seulement par moitié on séparera la laitue quan elle sera grosse, car petite elle demeurera entière; par ce moyen le vinaigre les pénetrera et conser- vera très-bien. ” On garde les truffes saines et entières autant qu’on veut dans la même liqueur. Ce sera avec leur écorce, sans les peler, ni couper, qu’on les jettera dans le vinaigre, car là consiste le : plus savoureux. On les lavera seulement avec de l’eau et du vin , pour leur ôter la terre et les. autres ordures. Les truffes sucent fort le vi- naigre , et il arrive qu’elles se rendent forte- ment aigres, ce qui est la cause qu'avant que de les manger, on les trempe dans l’eau douze ou quinze heures ; après on les fait cuire dans le beurre avec des épices, et on les apprète autrement , comme on desire. Les choux-cabus ou pommés se conservent long-tems d’une autre manière ; mais c’est pour étre mangés en potage , non en salade , comme les précédens : on les garde aussi tout entiers le long de l’année. On met sur le feu un chau- dron rempli d’eau claire; lorsque l’eau bout, le chou dépouillé de ses feuilles vertes, c’est à dire, n'ayant que la pomme blanche, est D'AGRE CULTURE. 23 plonge dans eau bouillante , d’où étant retiré | Sansnul séjour , il est mis dans un grand baril | ou tonneau défoncé d’un bout, avec du vin et _ de l’eau par égale portion , aussi du levain de pâte commune et du sel, pour empècher Ja Corruption. Ainsi échaudés dans l’eau bouil- lante , les choux, Fun après l’autre sont arran- gés de même dans le tonneau sans s’entre-frois- ser, d’où on les tire awbesoin , et afin qu'ils Y _ demeurent proprement , le tonneau demeurera toujours fermé par le dessus. A Au Moût. On fait de fort bonnes confitures, qui ne cèdent pas beaucoup à celles du miel, pourvu _que le moût provienne de raisins exquis, crus _dans une vigne vieille , sise en pays sec, exposé au qui sont celles de vendanges , entre lesquelles la poire bérgamotte s’y accommode bien , la poire chat aussi, et quelques autres de cette saison. On coupera les plus grosses par le milieu, ou en quartiers, ensuite on les pèlera et débar- rassera de leurs pépins. On employera les pe- _lites toutes entières sans rien peler : et on les fera bouillir toutes indifféremment un peu dans l'eau claire , avant que de les jetter dans le moût 5 où l’on achèverade les préparer, ensuite aro— matisées avec de la canelle , comme les coins s on mettra les poires, de même qu'eux, dans un vase préparé pour cela, et on les retiréra au cabinet, 240 re rc Tu On confira de même avec le moût les au berges, pêches et prunes, dans lequel ces fruiis se conserveront très-bien pendant l’'an- née. Il ne sera pas nécessaire de.les larder avec de la canelle, comme les précédens, mais seulement d’en metire en poudre parmi | le moût, pour, l’aromatiser. On me prendra pas ces fruits trop mûrs , mais un peuifermes, que sans peler ni ouvrir, on mettra tout entiers dans le moût, sans les avoir fait bouillir au- parayant. On fait aussi de bonne confiture au nn: des carottes et pañais et côtes de poirée, sous les observations susdites, et celles-ci. On la- vera bien les caroites et panais, pour leur ôter la terre, ensuite elles seront raclées, en leur enlevant toute l'écorce. endurcie. On laissera les petites entières ; mais des grosses on en fera deux'pieces, pour que le moût les pénètre plus facilement : on choisira les côtes de poirée ou blette, grosses et, tendres , coupées de la longueur de demi-pied ; on les mettra bouillir avec les panais dans de d’eau claire, pour les attendrir , et cela fait, on les mettra cuire dans le moût, comme ci-dessus, en ÿ ajpwans pour fin de la canelle pulvériste. … 4 - Quant aux courges et laitues, à ne..seroit que b’AÀA cr [°c U L Ÿ U RE o4i que bon de les faire passer par le sel, pour les affermir, comme on fait, pour celles qui sont destinées au carbassat et à la bouque-d’ange ; cependant sans se donner cette peine , elles ne laisseront pas de résister au moût. Des courges on fera des tranches longues de demi-pied, larges de deux doigis. L’écorce en sera soi- gneusement ôtée , et aussi les grains du dedans, en laissant les pièces aussi épaisses et minces qu'on voudra. Les longues ceurges sont plus propres à ceci que les cougourdes rondes, qu’on n’emploiera en cet endroit qu'a défaut des longues. Il n’y a que le tronc des laitues qui serve à cette espèce de confitures. On prendra des plus grosses laitues, qui sont les veries, afin d’avoir des troncs ou côtons gros comme le doigt, choisis tels, et en outre ten- dres. On les pèlera si bien, que le seul tendre reste, ce qu'on reconnoît à l'œil, en le regar- dant au soleil : ils seront coupés de la longueur des tranches des courges , et vous les ferez bouillir un peu avec eiles dans de l’eau claire, d’où les sortant, vous les cuirez dans le moût, à la manière susdite, et vous les aromatiserez de même avec de la canelle. Et afin que le moût soit pris à point nommé, comme il est nécessaire par les raisons dites , il faudra pré- Tome. 1F. Q 1 24 TRÉÈATERE sun ». sd 4 parer le fruit à tems, ce que l’on fera aisément des courges, y en ayant encore en vendange ; mais on ne peut se promettre céla des laitues , parce que la saison en est passée. Cependant, il arrive dans quelques années des laitues tar- dives, qui fournissent une ample et agréable matière en cet endroit. Au Vin cuit. On peut confire tous les fruits au vin cuit, qui se confisent au moût ; mais on ne les accom- mode pas aussi bien au vin cuit qu'au moût, se surpassant l’un l'autre en cette faculté, et on trouve autant de différence pour la confiture, du vin cuit au moût, qu’il y en a du miel au sucre ; mais aussi le moût cède au vin cuit, en ce qu’il ne peut étre employé qu’en vendanges ; là où le vin cuit n’étant astreint à une certaine saison, peut servir pendant l’année à faire des confitures, en attendant le loisir de la mère de famille , qui avec beaucoup d’aisance, confit : des fruits, selon l’avantage du recouvrement. Par cette raison la nèfle et certains autres fruits tardifs, sont propres pour le vin cuit, non pour le moût, parce qu'ils ne se trouvent pas prêts en même tems que lui, comme il est nécessaire. » D'ÂAGRICULTURE. 243 . La manière de se servir en cet endroit du vin cuit, est la même que la précédente , sous cette observation, ({ comme avec toutes les autres liqueurs destinées à confire) qu'il faut faire pénétrer le vin cuit Jusqu'au milieu du fruit, pour sa conservation ; ce qu'on fait pre- miérement, en attendrissant le fruit en le fai- sant bouiilir dans l’eau claire, et après en l’a- chevant de cuire dans le vin cuit, à petit feu , sans violence. N'oubliez pas, pour fin, de metire dans Je vin cuit de la canelle en poudre, et en petites pièces dans aucuns fruits, dont on les lardera pour les aromatiser. 1] y en à qui y ajoutent le girofle , mais ij faut être bien sobre à Cela, de peur que le trop n’altère la saveur de la confiture. Vous vous ab$tiendrez de toute autre épicerie, parce qu’elle ne convient à aucune confiture de fruits; aussi l’usage des bons confiseurs est de ne s’en servir d’aucune : éxcepté de la canelle en certains fruits, comme je vous le représenterai particulièrement, le Propos y arrivant. On fait les confitures sus- dites, avec ménage , ainsi que celles du miel, s’il arrive que le miel se recueille dans la Mai son, la petite dépense étant toujours recher- chée. Et elles sont employées avantageuse- ment, quand à la maison, survenant des gens Q 2 | | 244 THÉATRE de moyenne étoffe , on leur fait largesse de ces particularités ; réservant pour les plus hono- rables pérsoines, les confitures au sucre , que Von prépare ainsi avec plus de soin et de dépense. Au Sucre. On confit très-bien au sucre plusieurs et différents fruits des arbres et du parterre du jardin , et de même ils se conservent fort long- tems en bonté et beauté. La façon en est indif- féremment pour tous les fruits qui peuvent se confire, savoir ; premièrement au liquide, et ensuite de celui-ci on en tire ceux qu’on desire mettre au sec ; dernière main pour cette excel- lente confiture, si célèbre à cause de sa bonté et exquise beauté. Il est à remarquer que les fruits qu’on ne mange Pas CTUS Sans appar eil, sont, ou la plu- part avant tout, mis et confits au sel, afin de les préparer à recevoir le sucre ; ensuite au liquide, finalement au sec: il faut les passer nécessairement par ces trois degrés, pour les metire au point desiré. L/entrée de notre confiture se Le par l’é- corce d'orange, attendu qu au printems elle est dans sa DÉCOR de grosseur , à cause de DA CGRICULTURE. 245 la longue garde du fruit, ayant alors atteint le dernier point de maturité. Pour êter son amer- tume naturelle, il faut en enlever la cause, qui est la pellicule jaune de la superficie de l'écorce. Cela se fait avec un canif bien tran- chant, en ôtant avec soin tout le jaune jus- qu’au blanc , sans en rien toucher. On ménage ces pellicules pour donner de l’odeur aux vins nouveaux en vendange, comme 1l a été vu, livre LI, chap. X; par cette cause, elles se- ront dès ici mises à sécher à l'ombre et gardées nettement jusqu'au besoin ; ensuite l’écorce coupée en quatre , se retirera du fruit, c’est-à- dire , du jus qui restera entier en pomme, pour servir à son usage ordinaire. Les écorces ainsi pelées seront trempées dans l’eau claire et froide , tandis qu’on apprêtera une lessive avec des cendres de chêne, modérément forte, dans laquelle , étant sorties de l’eau froide sans délai , on les fera bouillir, jusqu’à ce qu’elles soient enflées comme des éponges; et alors les ôtant de la lessive, vous les ferez un peu bouillir dans l’eau pure, pour leur ôter l’o- deur de la lessive, afin que ne restant rien d’elie dans les écorces, elles puissent rece- voir le sucre. On doit observer deux choses dans toute Q 3 5 TRÉAÂTERÉ ‘A 4 confiture âu sucre, comme la maîtrise de Var; c’est de préparer le fruit à recevoir le sucre , et le sucre à pénétrer facilement dans le fruit; sans cette concordance, il n’est pas possiblé de faire des confitures de valeur, attendu que le sucre par son naturel glutineux , sans moyen ne peut pénétrer dans le fruit, qui est dur de Jui-même, d’où il arrive que les confitures faites sans ces considérations , ne peuvent être ni belles, ni bonnes , ni de durée , au respect de celles qu’on fait selon lart; car sile sucre manque de pénétrer jusqu’au fond du fruit, il s'arrête à la superficie ; celle-ci seulement se confisant , et l’intérieur demeure sans sucre, ce qui le dessèche et Vanéantit à la perte de tout le fruit, qui en devient ridé, de mauvaise race, et quelquefois il se corrompt faute de sucre ; c'est de laque procède, quand la con- fiture est de goût désagréable, et de petite durée, ne pouvant long-tems se garder. Au contraire , le sucre pénétrant jusqu’au centre ou fond du fruit, celui-ci dès le commence- ment se remplit de sucre, en chassant l’humi- dité naturelle du fruit, dont prenant Ta place, le fruit en reste entier, gros et enflé, comme en son premier état, sans perte, étil s’en rend d’un goût d'autant meilleur , que la corruption I D'À GRICGULTUR E. 247 est moins à craindre, parce que la cause en est bannie, qui est l'humeur naturelle. Et cela sur-tout fait la longue conservation de la con- fiture , laquelle sans nul hasard, se garde pen- dant plusieurs années saine et entière , ayant aussi cette faculté, que si la confiture ne vous plait pas, vous pouvez en retirer le sucre, comme il vous plaira, au bout d’un, de deux et de trois ans, pour le convertir à d’autres usages, soit en confitures ou autres Services , tant cette façon de confire est avantageuse. On prépare le fruit en l’attendrissant, afin que mol, le sucre le pénètre en entrant dedans sans résistance. Cet attendrissement se fait, en le faisant bouillir dans l’eau claire, jusqu’à ce que le fruit devenu mol , une épingle mise dans _ une de ses pièces, ne puisse la retenir enlevée en baut, et que par son propre poids elle s’é- chappe de l’épingle, ce qui en terme de Part s'appelle , faire le passage , étant à considérer en cet endroit que plus le fruii est pesant, plus il s’échappera facilement de l’épingle, et au contraire plus ilest iéger, moins il pourra Île faire , afin qu’on employe cette épreuve avec jugement, «et en faisant le sucre fort liquide , aün qu’il puisse faciiement entrer dans le fruit tendre, Le moyen en est l’eau, daus abon- Q 4 248 THÉATRE dance de laquelle une petite quantité de sucre étant unie, il s’en compose un sirop elair et liquide , qui pénétrant dans lefruit, par la fa- cilité du passage , satisfait à votre intention , le fruit et le sirop s’entr’accordant. Le naturel du sucre étant que pour peu q&'il y en ait dans beaucoup d’eau , ce peu pénètre jusqu’au fond et au centre du fruit, y étant porté par l’eau, où il s’arête , en laissant l’eau pure sans saveur de sucre, comme vous le reconnoîtrez en la goütant. Par ce moyen le fruit commençant de se confire par l’intérieur, ne peut manquer de bien s’apprèter, chose qui n’a pas lieu par le plus commun usage , et c’est comme si on met- toit la charrue devant les bœufs, en commen- çant à confire Je fruit par où on doit le finir, c’est-à-dire par l'extérieur : et l’on ne doit point s'étonner, si par cette méthode, on ne peut réussir à faire des confitures de valeur. Ces choses entendues, on fera bouillir les écorces d’oranges dans l’eau jusqu’à ce que te passage soit fait; et après les avoir mises à sé- cher entre deux linges, on les arrangera dans une terrine vernie , en attendant d'y verser le sirop dessus, que l’on prépare ainsi. Nous noterons que pour la confiture liquide , fa cassonnade est meilleure que le sucre fin; "D’AGcRICULTURE. 249 ayant égard à la dépense , parce qu'étant plus substantielle que lui, la confiture s’en fait à meilleur marché, qu'avec le sucre fin, et toute aussi bonne en préparant la cassonnade, com- me il convient. Cela provient de ce que la cassonnade , n’a pas été si bouillie que Îe sucre fin, que pour le faire tel et le blanchir, il faut faire rebouillir plusieurs fois, quoiqu'à la perte de la substance , qui toujours diminue en bonté; au contraire des métaux , que plus on les re- fond, plus ils se rafinent. Par cette raison, nous préférerons pour ce service la cassonnade au sucre fin. On fera cette distinction des casson- nades , qu’il faut préférer la blanche à la noire, parce que celle-ci est plus chargée d’ordure que l’autre ; mais quelles qu'elles soient, blan- ches ou noires , au préalable, il faut les clari- fier, afin qu’en séparant le bon d’avec le mau- vais, nous employions le seul sucre pur à notre confiture , pour la rendre belie et bonne sans reproche. Pour réussir en cela, il faut faire “bouïilir la cassonnade en abondance d’eau de fontaine ou de puits, claire et bonne, dans une poële bien propre, sur un feu de flamme, clair et assez violent, sans fumée , s’il esi possible. Vous jetterez une livre de cassonnade, ou moins, dans six ou sept livres d’eau, afin de 250 TyniÉsAIT RE rendre votre sirop fort liquide dans ce com- mencement : n'y ayant aucune sujétion en cette mesure, mais par les raisons dites, étant meilleur de tomber sur le trop d’eau, que de sucre. Tandis que la cassonnade s’apprête pour bouillir, la poële à cet effei, étant mise sur le feu, vous rot un œuf en coque, frais pondu, vous l’écraserez dans un grand plat-écuelle rempli d’eau, en brisant la coqueiet la mélant avec le jaune, le blanc et l’eau, et tout cela ensemble , en battant et remuant avec un petit bêton ( au bout duquel vous attacherez une touffle de rameaux pour faciliter œuvre } autant et aussi long-tems que l’écume blanche remonte en haut: alors voire sirop bouiliant fortement, vous y jetterez dedans tout ce mé- lange de l’œuf, pour attirer à lui toutes les ordures de la cassonnade ; ce qu’il fera, s’as- semblant aussitôt, et s’atiachant à lui, que vous écumerez soigneusement , et vous coniünuerez cela, jusqu'à ce que votre sirop ne fasse plus d’écume : pour le faire entièrement net, étant retiré du feu, en le remuant dans un autre vase, vous le coulerez par un linge, où le reste de l'ordure de la cassonnade s’arrêtera , dont Île sirop deviendra entièrement beaw, chair, net et fort liquide. Après que la poële sera bien * D'AGRICULTURE. 251 _ lavée, vous y remettrez le sirop dedans, et vous remettrez la poële sur le feu , pour que le sirop y réjette seulement un bouillon. En ce point , c’est-à-dire tout bouillant, vous le ver- serez sur vos écorcès apprêtées dans la terrine, laquelle ( après l’avoir bien bouchée; afin que la vapeur du sirop ne s’exhale pas) vous repo- serez dans un cabinet tempéré de chaleur et d'humidité. Ce sera jusqu’au lendemain matin, et alors vous ferez rebouillir votre sirop, com- me dessus : vous en ferez autant sur le soir , et ensuite six ou sept jours continuels, deux fois chacun, matin et soir, au bout duquel votre confiture deviendra parfaite. Par ces rebouille- mens réitérés, le sucre, petit à petit, se fourre dans le fruit, dont à la fin il se trouve rempli ; ce qui ne peut se faire en une seule fois ; vu que le sucre s’épaississant en bouillant, s’arrête à l’entrée ou à la superficie du fruit, sans pé- -nétrer Jusqu'au fond , comme il est nécessaire, et 1] en résulte le mal représen é. Ainsi, pour bien travailler en cet endroit, il n’est pas ques- Uon de se précipiter , mais en allant pas àpas, - donner le loisir au sucre de faire son devoir, se logeant au milieu du fruit pour sa CONSETVa- tion, aussi est-on accoutumé Ge louer un ou- vrage bien fait, sans s’enquérir du tems qu'on 252 TRHÉATRE y a employé. Cette façon de confire est si eff cace , que le sucre, quoiqu’en petite quantité dans une abondance d’eau , va non seulement au fond de la chair du ee mais allant plus Join , étant fruit à noyau, comme abricot, au- berge, pèche, prune, elle pénètre jusqu’à son noyau(y laissant de la substance) par le travers de la coque, quoique dure, ne pouvant s’amol- lir ; ainsi que par l'expérience de la vue et du goût ( combattant la raison ) cela se verra clai- rement: vous arrêtant à cette facon de confire, vous ne pourrez manquer aucunement. On doit bien considérer que le fruit sur le- quel l’eau et le sucre mélés sont jeutés chaude- ment, ne reçoit néanmoins que le sucre, etse Paturant, il laisse ensuite l’eau pure sans subs- tance; par ceite cause le second jour de vaire confiture, vous ajouterez de nouveau sucre à votre sirop, c’est-à-dire, de nouvelle casson-: nade, en la clarifiant comme dessus ; afin que votre confiture puisse non seulement s’avan- cer, mais se garantir du danger de la corrup- tion, qu’elle encourroit en séjournant par trop dans l’eau. Vous continuerez cette augmenta- tion de deux en deux jours, afin de fortifier de : coup à autre, votre sirop, avec J’observatian que comme au commencement il est néces- DR ee TS - SÉTER D'AGRICULTURE. 253 saire que le sirop soit fait liquide, par les rai- sons dites , au contraire à la fin de la confiture, il le faut fort épais, même débarrassé de toute eau , afin que le pur sucre restant, partasse et nourrisse la confiture , ainsi qu'il appartient. À quoi il convient d’aller soigneusement, et de noter que le sirop se décuit, toutes les fois qu'on le jette sur le fruit, tant parce qu’il se décharge de sucre, en le donnant au fruit, que parce que le fruit, au lieu du sucre qu’il reçoit, Jui contribue en échange, son humeur natu- relle , ainsi qu’il a été dit. Or, comme au premier Jour, le sirop est fort clair et liquide, au second, il le sera un peu moins, c’est-à- dire , il s’épaissira : au troisième encore plus, avançant par ces degrés toujours jusques au dernier , tems auquel il conviendra de donner la dernière cuisson au sucre ; ce qu’on fait en y ajoutant de nouvelle matière et par la pa- tience de le faire bouillir souvent, moyennant laquelle, le sirop achève de se cuire : ayant atteint le point nécessaire en cet endroit, quand étant sur le feu, il ne fume plus, ou peu, ou qu’il file, comme de la glu. Mais la principale épreuve est de visiter votre confiture, cinq ou six jours après l’avoir achevée, ou cru l’ache- ver, pour en juger à l’œil : n’y faisant rien 254 THÉATRE davantage, si elle n’a pas acquis aucune odeur extravagante , et n’a pas l'air de se moisir. Mais s'il arrive qu'elle ne sente pas bon, et jette des fleurs de moisissure dessus le sirop, le remède sera de le faire rebouillir une ou plusieurs fois, en un mot, autant qu'il sera nécessaire ; ce qui pour tout délai, se recon- noîtra dans douze ou quinze jours. Alors vous serrerez vos confitures comme parfaites, à la charge d’en tenir les vases bien clos, par la netieté, et qu’elles trempent toujours dans le sirop, pour les prendre à pendant l’année , à mesure de l’usage , en les mangeant liquides, ou de les en retirer pour les mettre au sec, comme il sera montré Ci-apres. l'elle est la façon générale de confire au liquide toutes sortes de fruits, réservant dans un lieu convenable, les particularités néces- saires selon le naturel de chaque espèce, pour qu’elles soient toutes apprêtées, ainsi qu’il appartient; et d'avance je dirai que quant aux écorces d’oranges , je ne leur donne que six ou sept jours pour confire, à cause de leur peu d'épaisseur : étant raisonnable que les fruits plus massifs, demeurent plus de tems à se préparer, que les minces. Par ce moyen, l'écorce d'orange deviendra belle , blanche, D'AGRICULTURE. 255 transparente , grosse et enflée, selon sa qua- lité, aussi de goût agréable, sans tenir rien de l’amer. Mais pour avoir des écorces d'orange confites, qui tiennent un peu de l’amertume, pour donner quelque petite pointe piquante à la confiture , selon le goût de quelques-uns, et que d’ailleurs la variété en est agréable, on pourra la faire en s’épargnant la peine de peler les écorces, d’où ce goût procède , et cette pellicule servira aussi à colorer de jaune doré les écorces confites, ce qui les représen- tera belles et claires. Et afin aussi que l'amer- tume ne se fasse pas sentir avec importunité, on la corrigera avec du sel, et ensuite on con- ‘duira la confiture de cette manière. - On mettra les écorces d'orange coupées par quaruer dans l’eau fraiche et nette, dans un vase de terre vernie, en y ajoutant du se}, se- Jon la quantité des écorces, savoir une bonne poignée” pour trois ou quatre douzaines de quartiers d’écorce. Vos écorces reposeront fà une couple de jours, au bout desquels l’eau devenue rousse ( par le suc de l’écorce qu’elle ature à elle) sera ôtée, et on en mettra d’autre en sa place aussi fraîche et aussi nette , qu’on changera de même dans une autre eau, deux fois le jour; soir et matin, pendant neuf ou 256 Tréataear#s dix jours, réitérant ce changement , tant qué vous verrez l’eau en sortir rousse, cessant alors qu’elle paroîtra claire et blanche, signe qu’elle a vidé toute l’humeur qui cause la couleur rousse à l'écorce, et par conséquent la plupart de son amertume. A la couleur et à la saveur de l’écorce, on reconnoîtra aussi la même chose: La couleur claire et transparente, manifeste que l’eau en aura emporté tout ce qui rendoit l’écorce obscure : et la saveur nui- lement salée, mais un peu amère, annonce que l'écorce sera au point que vous la desirez, Alors vous sortirez les écorces de la dernière eau, pour leur faire le passage, comme des- sus, c’est-à-dire, dans l’eau bouillante. Et | après avoir préparé le sirop à la manière sus- | dite, vous le verserez tout bouillant sur les écorces étant arrangées dans la terrine. Mais comme il y a plusieurs fruits qui desi- rent être raffermis par le sucre, à cause de | leur mollesse ; au contraire , il y en a d’autres qui veulent être amollis, à cause de leur du-” reté. On doit aussi considérer que le sucre. produit des effets contraires, selon qu'il est employé ; car étant jetté chaud sur le fruit, il l’affermit, et froid, il l’attendrit. Sous ees dis- tinctions et considérations , on se conduira sûrement; 4 1 1 13 ù À 1 # D'À GRIGULTURE. 257 särement ; et de ces observations générales nous viendrons aux particulières. L’écorce d'orange dépouillée de sa pellicule jaune, de- meurera tendre, étant confite, quoique le sucre lui ait été donné toujours bouillant : non pas celle qui aura été pelée dont il est question en cet article ; parce que la pellicule jaune atta- chée au blanc, l’empèche de s’enfler et de s’attendrir, et par conséquent, l'écorce reste dure, plus que de raison : même d’autant plus, que plus chaud le sucre lui aura été donné. Pour corriger ce défaut, on ne jettera le sirop dessus ces écorces autre que froid, c'est qu’a- près l’avoir fait bouillir, et préparé comme il faut , on le laissera refroidir, ensuite on l’em- ployera ; excepté le premier jour de la conf- | ture, pendant lequel on jettera sur elle le sirop liquide, tout bouillant, pour ouvrir le passage au sucre dans le fruit. Cet avis servira aussi peur certains autres fruits, qui, de même que celui-ci, craignent l’importune dureté, comme les coins et les néfles, ainsi qu’il sera repré- senté. Celles-ci auront pour confire autant de jours que les précédentes écorces, c’est-à- dire , six ou sept, au hout desquels, vous les retirerez dans un vase bien bouché , en atten- dant l'usage, qui ne sera pas aussi agréable Tome IF. R 258 THÉATARE dans leurs premiers mois que dans les suivans, par le lois qu’elles auront eu de se nourrir dans le sucre ; c'est pourquoi jamais les confi- tures au sucre ne sont si bonnes récentes, qu’un peu vieilles, le tems à la longue faisant candir le sucre, sans moyen, dans le fruit, à la louange entière de la confiture. Le printems est aussi la saison pour confire des pois et des fèves en gousses, en les pre- nant verds , pas encore mûrs, mais tendres, et quand ils commencent à faire graine. Ces deux fruits par la sympathie de leur naturel se con- firont ensemble. On cueillera au jardin des gousses de pois et de fèves les plus grosses qu’on pourra choisir, vertes et tendres, et tout fraichement, sens leur donner le loisir de se flétrir ; après les avoir lavées avec de Peau claire, elles seront mises Gans la saumure pour ÿ demeurer dix jours pour le moins : n'y a aucun terme du plus, car ce sera autant qu'en voudra. Le sel a plusieurs verius : il ôie l'odeur # sauvage ei naturelle du fruit, affermit le fruit pour résister à fa violence du sucre en le con-. fisant, et lui conserve sa couleur naturelle sans déchet, sur-tout en ceux-ci, la verte, avec hiquelle ils sortent de la dernière main du con- fiseur. La saumure sera faite avec de l’eau chaire Leu 8 RACE 259 et fraiche, dans laquelle on Jettera une quan uté de sel bien net, pour la fortifier , jusqu'à ce qu’elle porte l’œuf en coque nageañt au- dessus , ce qui en est la véritable épreuve, Mais de peur de se tromper, il vaut mieux y mettre trop de sel, que peu, vu sur-tout que <'est sans perte , puisque le superflu se retrouvé au fond du vase, et si on manqueen cet endroit, la saumure se corrompant , feroit pourrir le fruit ; danger que l’on peut éviter en y veiilant, mais le fruit sain et entier $’y conservera aussi long -tems qu'on voudra, moyennant qu'il trempe conunuellement ; ce qu’on fera faire par la pesanteur d’un carreau de brique ou de pierre plate, mis sur le fruit en l’enfonçant dans la saumure , et qu’on n’y trempe jamais la main , le fer, ni le laiton, mais seulement le bois et l'argent, par les raisons dites ailleurs, convenable à celui-ci. Le vase en sera de verre, ou du moins de terre vernie, pour résister au sel. Le bois n’y est pas impropre ; mais cette matière est réservée pour transporter la sau- mure, avec les fruits dedans, d’un lieu dans un autre ; la nécessité du charroi le voulant ainsi, puisqu’en ce service le verre > Di la terre n’y sont pas propres. | Les dix jours passés, les pois et les fèves d R 2 260 THÉATERAE pourront être tirés de la saumure , pour con tinuer les suites de leur préparation. Pour faire cela, nous les dessalerons avec le mème soin que nous les avons salés, en leur ôtant entie- rement tout le goût du sel, sans ieur en laisser seulement l’apparence , afin de rendre nos fruits compatibles avec le sucre, puisque c’est avec lui que nous les confisons : autrement la chose ne pourroit s’accorder, par la contrariété naturelle des saveurs du sel et du sucre. Cela se fait très-bien dans vingt-quatre heures, ayant la commodité de l’eau de fontaine ou de rivière, en mettant lé fruit dans un panier d’o- sier au courant de l’eau; mais cette aisance manquant, ce sera dans un grand vase à large ouverture, que nous dessalerons nos pois et nos fèves. Là en abondance d’eau fraîche , ils tremperont six ou sept jours, en les changeant avec de l’eau nouvelle chacun, trois ou quatre fois,en un mot jusqu’à ce que le fruit ne tienne |; plus rien de sel, ce que vous reconnoîirez à la saveur, en ouvrant un pois ou une fève des plus gros, et en les goûtant à leur intérieur. Quand les pois et les feves sont dessalés, le passage s’en fera en bouillant dans l'eau , et épreuve de léping'e ne sera pas omise, pour être plus sûr de son fait. Ensuite > Étant un D'ALcC.R I C'G:L TU 'R F. 26: peu séchés sur des serviettes, et ensuite posés dans la terrine vernie ; finalement on jettera le sirop liquide et bouillant par dessus , pendant dix jours, deux fois chacun, en accommodant le sirop par une augmentation de cassonnade et de rebouillemens , jusqu’à la perfection, comme il a été montré. Et afin qu'avec quel- que aisance on vide la terrine immédiatement, pour faire rebouillir le sirop, selon la néces- sité de ce ménage , le moyen sera de percer la terrine en bas, et de mettre un robinet au trou , d’où sans grande peine vous retirerez le sirop au besoin. Par cet avantage, vos fruits demeurants assurés dans la terrine ne se frois- seront nullément ; car d’une autre manière on ne peut empêcher que quelques-uns re se rompent en versant le sirop par dessus ia terrine. À à Pour confire des artichauts, il faut les pren- dre jeunesettendres , petiis, non grands, pour être suscepübles d’être préparés en confitures | aussi agréables; plus belles que plusieurs autres, et de boûne apparence, quand faites au sec, il semble qu’on voit lariichaut sorti fraîchement du jardin , avec ses ailerons pointus ei enuers, et sa naïve couleur verte, se la conservant celle jusqu’à la fin. Ea les cueiliant on leur lais- | R:3 562 THÉATERE sera deux doigts de la queue , afin de les pré- parer aisément ; et sans délai, de peur de flé- irissure , en sortant du jardin , après toute- fois les avoir lavés avec de l’eau fraîche, on les jettera au sel, et ils en seront tirés au bout de dix ou douze jours, non auparavant, pour les dessaler. Ensuite le passage fait, on les arran- gera dans la terrine , afin d’y recevoir le sirop, préparé comme dessus , et l’employant de même , dans dix ou douze autres jours, ils se- ront prêts à être séchés, en recevant leur der- nier sucre. On confit ordinairement les cerises autre- ment que les fruiis précédens, car c’est en uné seule fois qu’on les cuit dans le sucre, non en plusieurs. Cetie confiture s’achevant pres- qu'aussitôt qu'on la commence. Ce sont les agriotes ou cerises aigres dont il est question en cet endroit, plus-propres à confire que les guines ou cerises douces, et plus recherchées à cause de leur petit goût d’aigre, salutaire aux fébricitans. Autrefois on confisoit ce fruit dans le sirop de sucre fait avec de l’eau pure: au- jourd’hui avec raison, on fond le sucre dans le jus d’autres cerises aigres, sans autre suc , dont il se compose une gelée wrès-propre pour dé- sahrer les malades, utile aussi pour conserver DA GRICGULTCRE. 263 les cerises "confites bien et long-tems. En voici le moyen : on apprête trois livres de cerises des plus grosses et des mieux choisies. Si ce sont de celles qu'on appelle grosse agriote , on les prendra un peu verdelettes, pas trop mûres, de peur d’une douceur importure, à laquelie elles tendent en se mürissant. Si ce sont des autres, on les laissera mürir jusqu’au dernier point; car par leur naturel aigre , quel- ques mûres qu’elles soient, jamais elles ne de- viennent trop douces. On leur coupera la queue à demi, afin que par le tronçon restant,elles puis- sent être nettement prises à la main dans le vase, pour s’en servir. On employera deux livres de sucre fn pour la quantité de cerises susdites, ( la cassonnade n’étant pas ici propre ) qu'on infusera dans le jus de cerises aigres, ce jus tiré de plusieurs cerises auxquelles on au- ra arraché la queue, ôté le noyau, et passé à travers d’un linge. La quantité de jus n’est pas limitée , étant meïlleur d’y en metire trop que top peu, parce que le trop s’exhalera en la fai- sant bouillir avec patience, là où le peu cause- roit la brèlure du sucre par faute d'humeur ; et cemme ordinairement les peiites cerises aigres, ne sont pas si hautes en couieur , que les gros- ses, qui à mesure qu’elles mürisseni, se noir- R 4 264 THÉATRE | cissent , pour colorer le jus susdit, appelé agriotat ; on exprimera le jus dans l’agriotat de trois ou quatre grosses agriotes noires de maturité , et il en deviendra plus agréable. Ces choses préparées, on en mettra le jus dans le poélon, etsur lui, le sucre pulvérisé, sans : souffrir qu’il touche le cuivre du poëlon, de peur d’en attirer l'odeur. Le tout bouillera à petit feu de charbon, ( en l’écumant toujours avec une cuillère d’argent ou de bois, jamais de fer ni de cuivre ) jusqu’à ce que le sirop soit achevé de cuire , Ce que vous connoîirez, quand. en ayant mis une goutte sur une assiette , elle ne versera nullement, ni d’un côté ni d’auire, se tiendra ferme , étant rouge comme du rubis. Alors vous metirez dedans les agriotes, tout doucement sans les froisser, vous lés ferez un peu bouillir, et jusqu’à ce qu’elles commencent | à se crever: ce que voyant, vous les sortirez du feu , etles laisserez refroidir avec la patien- ce requise en cet endroit, ensuite vous les lo- gerez dans des boîtes de verre, en Y versant dessus l’agriotat , dont elles seront couver tes , y trempant dedans. On fermera bien lesboi- ies avec du parchemin , et finalement, elles se- ront exposées au soleil, pour y séjourner cinq ou six jours, et achever par la chaleur de cuire péAtamr cu LT ÙU R E. 265 le sirop qui se sera décuit par l'humidité du fruit. Mais s’il arrive que le soleil ne puisse consommer l’humeur surabondante , et que le sirop paroisse se moisir, VOUS ferez rebouillir le sirop dans les agriotes, pour lui donner la dernière cuisson , après en avoir ôté les fleurs de moisissure avec une cuillère d'argent; enfin _vous le remetirez sur les agriotes, froid et non chaud, de peur de crever les agriotes et de rompre le vase de xerre. » Viennent ensuite les amandes. Le naturel de- ce fruit est de diminuer en se confisant. Et afin que les amandes étant confites , restent de pas- sable grosseur ; prévoyant cela, il ne faudra ici employer que les plus grandes ; en les re- cherchant soigneusement telles , sur-tout les races particulières à cela les plus propres. Nous les cueillerons de Flarbre , non endurcies, mais encore fort tendres ; nous leur ôterons la bourre grise qui couvre le vert, pour mettre en évidence cette beile couleur, semblable à du velours vert, et nous les confirons avec elle. Le moyen de dépouiller les amandes de cette bourre , est la lessive préparée avec des cendres de chênes ; mais cela se fait fort pro- prement , et beaucoup mieux , qu'avec le cou- teau , quelque soin qu’on y apporte. Après 266 THÉATRE avoir fait bouillir un demi-quart d'heure, de cendres de chêne bien nettes dans de l’eau , on passera le tout à travers d’un linge , en le ver- sant dans une terrine , où la lessive étant repo- sée, le gros des cendres s'arrêtera au fond, comme la lie, laissant l’eau claire au dessus ; laquelle prise de là, doucement sans remuer la lie , on la mettra bouillir dans un poëlon sur un feu clair: bouillant, les amandes y seront échaudées deux ou trois à la fois, en les jettant dans l’eau, où ayant bouilli un instant, : vous les en retirerezavec la cuillère percée, en les mettant sur une serviette grosse et neuve, avec laquelle frottant l’amande un peu rude- ment, vous en enleverez la bourregrise , en dé- couvrant le beau vert. Si la lessive n'est pas assez forte , elle ne servira à rien, sans pouvoir enlever la bourre : si elle l’est trop, elle gàtera tout , en écorchant l’amande jusqu’au blanc. PRemede. La foiblesse de la lessive, se fortifie- ra en bouillant, ce seul moyen faisant exhaler l’eau surabondante, qui est cause de la foiblesse. On corrigera le irop de force avec de l’eau, en mettant dans la lessive, la quantité requise, comme cela se montrera par la preuve, à la- quelle vous arrêtant, vous acheverez d’êter la | bourre à vos amandes jusqu'à la derniere, en D’ AlGimir cu LiT © RE. 267 ajoutant de"’eau à la lessive, lorsqu’en bouil- Jant elle se fortifiera par trop , ce que vous re- connoîtrez par l'œuvre même. Cela fait, vous ouvrirez le passage aux amandes en les faisant : bouillir dans l’eau claire ; ensuite vous les sè- cherez entre deux linges, et sans leur donner le loisir de se refroidir, vous les larderez avec de la canelle , de long en long , non en travers, de peur de les percer mal à propos , et par con- séquent les difformer. Pendant ce tems le sirop s’apprêtera: et vos amandes étant mises dans la terrine, elles seront là confites avec du sirop pareil , y employant dix jours , avec les obser- vations semblables, comme dessus. Ainsi vous aurez de belles amandes, veries pendant Fan- née, non ridées, soit qu'elles demeurent au H- quide , soit qu’on les passe par le sec. Nous cofirons des noix de trois couleurs distinctes , noire , verte ; blanche : de toutes les quelles il faut choisir le fruit de grande race et tendre , dont il se fait une confiture de valeur, recherchée pour le goût et pour la santé , étant très-propre à l'estomac. La manière la plus re- que est celle dont les noix restent noires. On pèle les noix avec un couteau, en les jettant en même tems dans l’eau fraîche , dans laquelle 2. IP NET OS I COTE TT TS CES EE > DÔALRICELTIURE. 279 æt de graines , afin que les pièces restent nettes. On confit l'écorce et la chair du citron sé- parément, et on fait une très -bonne confiture de chacun, agréable au goût et à la santé ; l’é- corce même est bonne pour l'estomac. On fait des tranches de l'écorce, aussi longues que le citron est, lar ges d’un doigt; et de la chair, des Rigces quarrées, RAA iangulaires, et autres qu’on taille à volonté. On inter e l’e- corce sans rien ôter du dessus , parce que c’est là que consiste la plus grande vertu de ce fruit. Toutes ces pièces sont salées, dessalées, et confites à la manière susdite , ensuite mises au sec. Je dispose des confitures selon les saisons, au soulagement de la mémoire de notre mère de famille, qui par cette distinction des tems etdes fruits, ordonnera de ce précieux ménage. Les auberges et pèches se présentent ici, pour à leur tour être confites entières avec leur belle robe vermeille , jaune , verte et leur noyau dedans. Ce fruit se trouve suscepüble d’être confit, de la même façon que les abricots, étant choisi des espèces qui ont la chair plus ferme , et plus dure , ce qui les fait résister à la violence du sucre, comme il est nécessaire. On fait aussi de fort bonnes pâtes de ces S 4 - 260 THÉATRE 'E fruits, particulièrement des pêches, dont La manière en étant venue de Gênes, rend re- commandable cette sorte de co RER On y procède ainsi : on met cuire dans de l’eau claire sur un feu de charbon, les pêches pe- lées mises en pièces, débarrassées de leur noyau , en les remuant continuellement de peur de les brûler ; et sans attendre que l’eau soit entièrement consommée en exhalaison, on les passera par le tamis : ensuite on les remettra dans le poëlon, en y ajoutant du sucre fin en poudre, la moiué du poids du fruit, y com- prenant le peu d’eau qui reste en lui ( comme si la pâte avec l’eau pèse deux livres, il y fau- dra mettre une livre de sucre) pour là achever de se cuire. Ce sera sur un petit feu de charbon, en remuant toujours la pâte avec la spatule de bois, jusqu’à ce qu’elle soit assez cuite, ce que vous connoîtrez quand elle cessera d’écumer. Alors vous la sortirez du feu, en la mettant sur des vases à large Guverture, ‘exposée. au ‘soleil, efin que par sa chaleur la pète débarrässée de ioute humidité nuisible qui pr ocède du naturel au L uit, achève de s’affermir, en ox tenant si long-tems qu'il suffise. Ft afin que pen- ie ce 50 as la poussière et les autres mal- propretés n’importunent pas la pâte, elle de- D'M ÉRICULTURE. 281 meurera toujours couverte d’un linge, si bien accommodé et rehauss& par des appuis et sou- tiens, qu’il satisfasse à ce service, sans la priver du soleil que le moins qu’il sera possible. On pourra convertir en pâte plusieurs autres fruits à la manière susdite, comme les abricots, pru- nés; cerises, poires, pommes , etc. sans autre observation particulière qué du sucre, pour eu donner d’autant plus au fruit que plus ils seront humides. On pourra confire de compagnie les assei- roles et framboises mûres, et les loger dans des vases communs , ou distincts et séparés, comme on voudra, On à aussi la liberté de les confire en une seule fois ( à la manière des agriotes), ou en plusieurs fois, ainsi que les autres confitures ; mais la peétitesée du fruit ne vaut pas la peine de les achever au sec. Par cette raison, on logera ces petits fruits en petits vases plats et bas, de verre ou tetré ver- nie, pour être là pris pendant l’année, en les mangeant au liquide. | Les cornouilles sont confites,de la manière que les cerises, c’est-à-dire, dans le sucre infus au propre jus de ce fruit, dont sans autre humidité, se fait le sirop appellé corniat, du nom du fruit, dit en latin cornia, comme celui 282 ME HE 4 ROUE des agriotes, agriotat. Ces confitures sont aussi : de faculté commune rafraîchissante, trés-pro- pre pour les fébricitans : leur petite aigreur naturelle leur étant agréable. Ces confitures reposeront dans des pots de verre pour y être prises selon J' usage. On confira les verjus ou raisins verds dans le sirop de sucre , pour les conserver toute l’année. Ici vous employerez les plus gros aigretis ou raisins verds, bien choisis, et après leur avoir ôté les pépins, vous les jetterez dans | le sirop fait au sucre ayec de l’eau claire, pour s’y Cuire; mais ce sera sur la fin de la cuisson du sir £p que vous y mettrez les yerjus , afin qu'ils n 3 séjournent pas beaucoup, de peur de les créver; en observant la même considé- ration que pour confire les agriotes, comme il a été vu. Cela fait, on logera les verjus en vases semblables que ceux des agriotes, pour y reposer jusqu’au besoin. Les coings se confisent de plusieurs manie- res, en quartiers, en cotignac, en gelées, et ioutes ces façons encore diversement , tant ce fruit est facile ? à préparer. Vous ferez un bon choix des coings que vous desirez confire, vous les prendrez de race tranche, beaux en couleur, odorants, et la D'AGRICULTURE. 283 quantité que vous voudrez employer. Chaque coing sera mis en quatre Ou Six pleces, VOUS les pèlerez soigneusement, en les débarrassant de même de tous grains. À mesure que vous les pèlerez, vous les jetterez dans l’eau frai- che, pour les préserver de noirceur. Vous leur ferez le passage dans l’eau bouillante ; et après en avoir lardé les pièces avec des tronçons de cawelle, chaeune en plusieurs parts, vous les logerez dans la terrine. Pendant ce tems le sirop s'apprêtera ; mais ce sera ayec l’eau, où les coings auront bouilli ; laquelle décoction aidera à donner de l’odeur au sirop, en l’employant avec les observations représentées, dans les- quelles le naturel du fruit requiert faire cette exception, qui est, que le coing s’afférmit naturellement à la chaleur du sirop, soit de sucre, soit de miel, y ayant enfin le danger d’endurcir i importunément le fruit, par la con- tinuation du sirop chaud. Ce que prévenant, on ne mettra sur les coings d’autre sirop que froid, les quatre derniers jours de la confiture, laquelle achevée avec du sirop ainsi qualifié, deviendra agréable, comme vous la desirez. Plusieurs ayec beaucoup de succès, confisent au sucre des coings en quartiers, en une seule fois, comme au moût et au vin cuit, mais cette 284 THÉATRE façon dont il est question, surpasse toutes les autres, pour la bonté et la durée. On fait de bons cotignacs par deux moyens: on cuira au four des coings bien choisis, en- tiers sans peler, mis dans un vase de cuivre bas à large ouverture, demeurant au four autant de tems qu’une fournée de pain. Étant ainsi bien rôtis, on les pèlera, pétrira et passera à travers d’un tamis, ou d’une toile neuve bien . 1ette : ensuite on achèvera de les préparer dans le sucre. La quantité de sucre requise en cet endroit est de la moitié du poids des coings; vous l’y ajouterez telle, non en sirop, mais en . poudre, en mêlant l'umpavec l’autre. Ensuite, la composition mise dans la bassine sur un petit feu de charbon, y sera achevée de pré- parer, en la remuant toujours avec la spatule de bois, de peur de la brülure. Le cotignac sera Cuit en perfection , quand ne tiendra plus à la bassine ni à la spatule, vous arrêtant | sur cette adresse ; aussitôt que vous vous ap- percevrez de ce dépouillement, vous le sor-. tirez du feu ; et de la bassine, vous le logerez dans des vases de terre ou de verre, ou dans des boîtes de bois, pour être pris en cet en- droit, selon l’usage. Et afin qu'aucune humi- dité naturelle restante du fruit ( comme cela D'AGRICULTURE. 285 peut arriver ) ne rapetisse et ne ravale beau- coup la bonté ou la beauté du cotignac , les Yases et les boîtes en seront exposées à l'air pour trois ou quaire jours ( non cependant au soleil, ni à la rosée), où se desséchant le co- tignac demeure ferme et solide, tel qu'on le desire. Quelques-un$ ne passent pas les coings par le tamis, mais ils les employent en sortant directement du four, après leur avoir êté la pelure et les grains ; mais le cotignac n’en est pas si délicat, ainsi, qu'étant tamisé, et dé- chargé de tout le grossier, il reste entiérement bon et beau. L’autre moyen est de peler les coings , et tous entiers, sans les ouvrir, les mettre bouillir dans l’eau claire, jusqu'à ce qu’ils crèvent, et se réduisent en pâte d’eux- mêmes : ensuite il faut les passer par le tamis bien nets ; finalement les achever de cuire dans la bassine avec le sucre, en pareille propor- tion que ci-dessus, et même ordre. Sur la fin de la cuisson des cotignacs, vous y jettcrez dedans quelqu’onces de canelle pulvérisée, pour leur augmenter le goût ; et si vous voulez les parfumer, un peu de musc mêlé avec de la canelle vous satisfera, et les cotignacs en deviendront D ré bie … On fait aussi de RS gelées de coings de 286 THÉATRE deux manières. Les coings hachés en menues pièces, sans les peler ni égrener sont jettés dans l’eau claire, à la sortie du couteau, afin qu'ils ne se noircissent pas en séntant l’air. La pelure sert à donner de l’odeur à la ge- lée, comme l’endroit du coing le plus cuit, et les grains pour avancer le fruit à geler; cette partie étant ce qui se gèle plutôt et plus facilement. On fera bouillir les coings, dans une grande poéle, én abondance d’eau nette , sur un feu clair, et si long-tems qu’ils viennent comme en pate. Alors vous les cou- lerez à travers d’une toile neuve bien propre, avec violence, tant pour que toute la matière en sorte, que pour avoir et profiter de la plus propre à geler, qui est celle qui ne sort pas de gré, mais qui se fait presser par la difficulté de sortir du couloir, à cause de son naturel gluti- neux. Vous mélérez à cette décoction du sucre en poudre, le tiers de son poids un peu plus ou moins, et vous terez bouillir le tout en- semble dans la bassine, à petit feu de charbon et égal, afin que la gelée se cuise également de tous côtés : vous la débarrasserez de toute l’écume qui se Pa en l’ôtant soigneu- sement , afin que la gelée reste entièrement . belle. Et afin qu’ellé s’apprète d’auiant mieux . DMAGRICULTURE. 28 saus crainte d’être brûlée , vous la remuerez continuellement avec la spatule de bois : vous régarderez aussi de tems en tems l’état de sa Cuisson , pour prendre avis du point de la sortir du feu ; cé sera sur un marbre ou sur les assiettes, que vous en ferez les épreuves, en y Jettant dessus quelques gouttes de la ma- tière , qui $’ÿ gelant à mesure de son refroidis- sement, manifestera d’être aussi cuite. Donnez- Jui néanmoins la cuisson assez forte, avant que de la sortir du feu, mais jusqu’à un certain point, afin d’achéver de la cuire en même tems : il est même nécessaire de tendre un peu au trop, afin que ce plus supplée au sirop, quand il se décuit, ce qui lui arrivé quelques jours après ( selon le naturél de tous les fruits confits), Sans ce moyen la gelée ne pourroit se remettre en bon état, vu qu’on ne peut la récuire , étant achevée, comme On fait des autres confitures. Mais en travaillant ainsi yoire gelée, vous la rendrez ferme, dé couleur rouge comme rubis, claire, transparente, agréable à la vue ét äu goût, et de longue durée, selon. lé sujet. L’autre manière de faire la gelée. de coing, différé de la précédente en ceci, que les coings sont débarassés d’écorce etde grains, 3) avant que dé les mettre bouillir dans l’eau, que 288 THÉATRE le sucre en plus grande quantité que dessus est mis dans la décocuon, avant que de la tamiser, apres avoir un peu bouilli. Au reste les façons en étant ordinaires et communes, quant à pas- ser par le tanus : ensuiie la cuisson sur un petit feu de charbon, et finalement de loger ces belles gelées dans des vases de verre ou de ierre yernie, façonnés selon. la portée et la dignité d’une si précieuse confiture. Quand on parle des gelées par excellence, on entend celles du coing : néanmoins on fait des gelées très-bonnes et trés-précieuses pour les hommes sains et malades, de certains autres fruits, comme des cerises et cornouilles, de sorte que par | la sympathie qu elles ent avec le coing dans cet usage , nous l’accompagnerons de cerises et cornouilles pour faire des gelées. On débärrassera de leurs queues et noyaux les cérises et agr iotes choisies bien mÜres ; ensuite on les écrasera, et elles seront ‘exprimées à travers d’un linge bien net, Je ; jus en tombera dans un vaisséau de terre vernie , sur lequel on mettra aussitôt du sucre en poudre, et le tout sera versé daus un Re cuit sur un petit feu de ‘charbon, jusqu’à geler, comme dessus. On ne peut prescrire. la quantité de sucre, auendu l'abondance dej jus nécessaire à. “ ù , “ L en D’'ÀÂGRICULTURE. 289 en cet éhdroit, surpassant,de beaucoup le su- pour lesquelles il faut se servir dé nouvelles cassonnades clari- fées. Aussi moyennant ces distinctions et 6h sérvations, Ja mère de famille se pourvoira d’éxcellentés confiturés > Avec béäucoup plus dé lustre que de dépense, et en ménagéant , fera dés dés éonfitures toutes nouvelles, qu’elle invéntefa pra son bon séns, ayant une fois là ééüñoissañicé de la cuisson du sucre : moyen- raht laquéllé vous trouveréz très-facile le ma- hiément du suéré, desorte que s’il frivoit qué 304 LH 4 d He vous vous laissassiez surprendre au feu, daris cette dernière action de confire, votre sucré se congelant à l’improviste avec le fruit dedans, la faute se réparera sans grande perte, avec peu de peine ; car il ne faudra que remettre de l’eau dans la bassine sur le sucre ainsi gelé, pour le refondre et en retirer le fruitavantque de lais- ser bouillir , ensuite achever de cuire le sucre, comme dessus , en y remettant dedans le fruit, quand les signes du crochet reparoîtront ; selon les précédentes adresses, et suivant elles ache- ver l’œuvre. ds | | Vousretirerez aussi le sucre des vieilles con- fitures, quand il vous plaira, avec la même fa- cilité si elles ne vous plaisent pas, afin d’en faire d’autres confitures , où ce sucre s’appro- « priera, non pas indifféremment pour toutes les confitures, mais seulementpourles obscures, noix , amandes, eic. comme j'ai dit, la chose parlant d’elle-même , qui est de ne pas em- ployer le vieux sucre , dans des confiturés claires. On retire ainsi le sucre.des.yieiiles con- fitures. Hachez menu les confitures, ensuite faites-les bouillir dans une abondance d’eau, sur un feu de flamme assez fort. L’eauretirera à elle le sucre du fruit, qui demeurera, sans sa- veur, comme vousde reconnoitrez au goût: | alors ; | D’'ÀÂGRICULTUR E. 305 alors voñs le sortirez de la poële avec la cuil- lère percée, et après vous clarifierez le sucre mêlé dans l’eau, avec un œuf, en le passant par un linge, comme les autres sirops. Vous l'employerez de même en confiture, si mieux vous n'aimez retirer le sucre sec et en masse , ce que vous ferez en le faisant bouillir patiem- ment, layant auparavant bien clarifié et passé par le tamis, afin de l’avoir plus net, qu’à la longue vous trouverez endurci au fond de la poële, mais sur la fin de la cuisson il faudra que ce soit du feu de charbon qu’on se serve, et non de la flamme. " Par les précédens discours, il appert que la confiture laissée au liquide toute l’année, est de plus de dépense que la sèche , attendu qu'étant nécessaire qu’elle trempe continuelle- ment dans le sirop ; elle en consomme de jour à autre , dout pour l’allonger il faut souvent ÿ ajoutér du nouveau sucre , là où la seche ; Sans autre soin que de la tenir dans un lieu qui ne soit pas humide, se con$erve sans perte , dans “es boîtes de bois » aUSS1 long-tems qu’on veut : et pour comble de louange, le sucre que cette confiture vous laisse lorsqu'on la sèche > VOUS servira utilement, à faire des confitures nou velles, comme j'ai dit, en tartelettes , et à d’au- J'ome. IF, V 306 MH Ë À T RE tres ouvrages de four et de cuisine , avec plai- sir et économie. C’est ainsi que se prépare la confiture au sucre. Au Miel. On confitavec le miel toutes sortes defruits. Ce seroit une ennuyeuse et inutile redite de les nommer de nouveau, ayant été enrôlés ci-de- vant. Il n’est pas besoin non plus d’en particu- lariser la façon , puisque le sucre et le miel l’ont communes pour ce service, qui est de cohfire les fruits au liquide. On clarifie le sirop du miel avec l’œuf, qu’on jette sur le fruit fort liquide , auquel on fait auparavant le passage dans l’eau bouillante , à l'épreuve de lépingle. Le fruit dans dix jours estrempli de miel, dont la confiture s’en trouve faite au liquide, pour- vu que l’emploi du sirop ait été fait sous les re- marques principales et nécessaires, qui sont de le tenir fort liquide au commencement , Pé- paississant après, selon les jours. On lardera aussi avec de la cannelle les mêmes fruits que ci- dessus. Vloyennant cesobservations, votre con- fiture deviendra beile et bonne pour être man- gée au liquide pendant l’année. Le miel tient lieu de sucre jusqu’au liquide , D'AA: CHREGULL Ÿ U RE. 507 mais ilhe peut aller plus loin pour le sec, le miel n’ayant pas la faculié de s’endurcir et de glisser en incrustation, comme le sucre. On n’a pas l’habitude de mêler les matières, les con- fitures commencées au sucre, étant achevées au sec, comme il a été vu. Néanmoins, on peut sécher au sucre les confitures qui auront été faites au liquide avec du miel , science qui pro- cède de l’avarice de certains confiseurs, qui ont fait voir qu'on pouvoit faire ce qui étoit re- gardé comme impossible. Æ quelque chose malheur est bon , comme dit le proverbe. Cette tromperie découverte servira à notre mè- rede f2miile , à faire des confitures sèches à bon marché, puisque le fondement, ( où consiste le plus de dépense ) peut s'en faire au miel, n’y employant du sucre , que seulement ce que l'incrustation en consomme , ce qui est peu de chose à l'égard du restant. Qu'elle soit néan- moins assurée que sa confiture , ainsi mélangée, ne sera pas si belle, ni si bonne, que celle qui est toute de sucre, ni jamais de longue durée ; car le miel qui en est le fondement, s’humec- tant dans peu de tems de lui-même , fait rompre le sucre, en soulevant son incrustation, ( tel qu’on voit le crépi d’unemuraille, s’en aller en pieces, par l'humidité de la muraille ) d’autant Y a 508 Von:É.AT RE plus fort et plus promptement, que plus hu- mide sera le lieu, où d'ordinaire on tiendra la confiture. | Il n’est pas nécessaire d’autre observation particulière pour faire cette confiture mélan- gée qu'au sécher, qui tarde un peu plus, que Hi des fruits confits au sucre, parce que le niel n’est pas si dessiccatif que le sucre, et il sera nécessaire Ce la visiter souvent en cétte action pour l’avancer. Et en la prenant dès son origine que le miel en soit des plus beaux, très- bien clarifié , et le sirop plusieurs fois renou- vellé dans le cours d'icelle. Ce sont ici des espèces de confitures, dont noire mère de famille se servira commodément selon les occurences, ayant été suifisamment parlé des entières. Elle fera des pâtes avec des abricots, prunes, pêches, pommes, poires, coins et autres fruiis séparés, ou deux ou trois me- langes, comme il lui plaira. Après les avoir déchargés de leurs pelures et grains, elie ies fera cuire dans un peu d’eau sur un feu de char- bon, jt que à ce qu'ils ne uennent plus à la bas- sine, d’où ayant sorti la pâte, elle la mettra sur, une table bien nette, et la pétrira avec du sucre fin en poudre, en roulant à la manière qu’on alfermit le pain avec de la farime. Cecifait, elle D'AGRICULTURE. 509 logera Cette pâte dans des boîtes ou terrines, dans un cabinetsec, avec les autres confitures. Après que vous aurez pelé des prunes, comme perdigones, impériales, royales, et autres exquises , et tenues au soleil une couple de jours , étant encore humides , vous les sau- poudrerez avec du sucre, vous les remettrez au soleil pour un jour , vous leur redonnerez du sucre, en les retournant de tous côtés , afin que partout elles s’en sentent ; finalement, vous les logerez dans des boîtes, pour y boire leur sucre ; à la charge de les visiter souvent, pour les éventer et faire achever de sécher ) -aiin qu’elles ne se moisissent pas. Vous ferez de même des abricots , auberges , pêches, tous ces fruits se trouvent agréables à manger , étant ainsi simplement apprètés. | On fait avec peu d’apprèt une confiture agre- ble des bonnes poires d'automne, et d’hiver 3 comme de labergamotie, de la poire-chat, du bon chrétien, d’angoubertet autres semblabies: mais elle ne dure pas plus de quinze jours ou trois semaines, de cette manière : on péle les poires, qu’on netioye de leurs grains , ensuite on Coupera à moitié, ou en quartiers, selon la capacité du fruit, elles sont mises dans un pot de terre vernie, comme ceux à euire la chair j V3 310 HÉATRE sans aucune humidité, et après avoir couvert le pot avec de la pâte de pain du ménage, si bien fermé , que le fruit n’ait aucun air, on met le pot dans le four pour y demeurer autant qu’une fournée de pain. Le fruit se cuit là dedans, en rendant un sirop naturel et fort bon , qu'on augmente en quantité et en délicatesse avec du sucre ei de la canelle , remettant le fruit dans le four ( en refermant le pot) pour un couple d'heures, le pain en étant sorti, afin de s’y tenir chaudement, pour faire fondre le sucre qui pénètre dans le fruit, avec la canelle, dont ia composition devient agréable. C’est ainsi qu'on fait le pignolat en roche. On torréfie dans leur son des pignons bien choi- sis et nets, dans une petite poële sur un feu de charbon, et on les fait si bien sécher, qu’ils paroissent presque rôtis. Ensuite on met fondre dans la bassine du sucre fin, la moitié du poids des pignons , avec de l’eau rose , bouillant sur un peiit feu de charbon, en l’écumant toujours jusqu’à ce que le sucre ne rende aucune vapeur, ne monte plus en haut, ni ne mène plus de bruit en bouillant : signe certain que l'humidité dé l’eau rose s’est exhalée, et que le sucre pur reste. Alors vous sortirez la bassine du feu, Vaffermissant sur le bourrelet ou la torse , ow p’AGREGULTUR E. 511 sur le fohd d’une corbeille, si bien, qu’elle ne verse pas : ensuite vous remuerez je sucre fortement, avec un pilon de bois, en le bat- tant jusqu’à ce qu'il soit blanc : ce que voyant et le sucre commençant à se refroidir , vous jetterez dedans un blanc d’œuf mêlé avec du sucre, en remettant Ja bassine sur le feu, pour y faire rebouillir le sucre, et par ce moyen le débarrasser de l'humidité que le blanc lui aura apportée en le décuisant, et le ramener au point précédent; ce que voyant paroître, vous mettrez à l'instant les pignons dedans, que vous mêlerez promptement parmi le sucre, et de même , sans attendre que le sucre gèle entierement dans la bassine, vous en sortirez le pignolat, avec la cuillère percée , en le jet- tant sur le marbre net, là préparé à ces fins, en l’écartant et le coupant en pièces à volonté : ou bien vous le metitrez sur des tablettes, comme il vous plaira. Au lieu de pignons, vous employerez utilement des amandes dou- ces , pelées ou sans être pelées, torréfiées comme dessus, entières ou en pièces , VOUS mêlerez même ensemble, si vous voulez, les pignons et les amandes, dont la variété sera agréable. Les pignons et amandes s’accommo- V 4 3x2 Er Yo A5 D RE dent aussi avec du miel, en le préparant à la mauiere du sucre. Quant aux tartes de massepain, quoique la f:çon en soit commune, J'en dirai ceci pour le soulagement de notre mere de famille. On pêlera soigneusement les amandes douces ; ensuite elles seront de même pilées dans un mortier de marbre avec un pilon de bois, en ÿ ajoutant un peu d’eau rose pour empêcher les amandes de faire de lhuile. Étant bien battues , on y mettra du sucre la moitié du poids des amandes , et après avoir bien mélé le tout ensemble, on le sortira du mortier, et on l’étendra sur des tablettes de l’épaisseur que vous voudrez : comme aussi à volonté, on en façonnera les tartes, tartelettes, petits pains, de forme ronde, ovale, quarrée, trian- gulatre. Enfin, vous les ferez cuire dans le four modérément échaufté, à la charge de ne pas les perdre de vue, de peur de les laisser brü- ler. Quand elles seront à moitié cuites, vous les tirerez à l'entrée du four ; là, vous les oin- drez avec un blanc d’œuf,où vous aurez infusé du sucre en poudre, et mis un peu de jus d’o- range , pour leur donner du lustre, qu’elles prendront en luisant comme du vernis, moyen Re D’ Ace 2 Ut LTIU RE. 313 nant auss® un peu de chaleur que vous leur redonnerez, en les remettant pour un peu de tems dans le four, ce qui rendra les taries parfaites. N'ayant pas la commodité du four, ou ne voulant pas l’employer, ce sera sans tant de mystère et moins de hasard de les brûler, que vous ferez cuire ces taries au devant du foyer, en leur faisant regarder la flamme du feu, et en approchant au-dessus d’elles, une peile. de fer et toute rouge ; car moyennant que vous les retourniez de tous côtés pour Îles chauffer également , elles s’appréteront fort bien. Il sied bien d’ajouter aux tartes un peu de fleur de farine blanche, bien mêlée avec les amandes et le sucre, ce qui les fait faire avec quelqu'épargne , sans beaucoup en dimi- nuer la qualité, pourvu qu'on ne profite pas” trop de cette liberté. On fait aussi de bonnes iaries de massepain avec des pignons , étant employés comme les amandes. J’avois délibéré d’ajouter ici appareil jour- nalier des vivres, mais mon peu de loisir me contraint d’en renvoyer le discours à un autre tems : pour alors montrer à notre mère de f2- mille, cette partie de cuisine, si nécessaire à lornement de sa maison, afin de la délivrer du souci d'envoyer à la ville, chercher des 914. THÉATERAS cuisiniers pour les repas, et autres rencontres légitimes. SSD ERA PR RAGE TE ACTE M TE PEN TE TEE PE NES SUR YEAR, CHA PT EURE RE Des Lumières, Meubles et Habits. | 7 y. a diverses matières qui servent à nous éclairer, dont les plus communes sont, les huiles, les suifs, les cires, dont nous enten- dons parler en cet endroit, sans nous arrêter à la somptuosité des luminaires de Cléopâtre, qui uennent lieu entre les choses merveilleuses. Notre ménagère pourvoira à cette espèce de dépense , selon les commodités de sa terre , et tellement à propos, qu’une chose si nécessaire ne manque dans la maison en aucun tems. Comme les vivres sont distingués pour l'usage, il convient aussi de faire ici un choix , des huiles, suifs , cires , pour les RE Ma conve- nablement. La mére de famille serre une fois l’année ses huiles dans les lieux destinés, d’où elle les ire, pour les divers services des siens ( à me- sure du besoin) l’un desquels est la lumière nourrie par l’huile. Ainsi pour la lumière , elle LI D’AGrRiICU LTUR E. 515 destinera d’entre ses huiles celles qui sont les” moins propres à manger, et qui durent le plus à brüler , afin de bien assortr les choses. Dans ce royaume ces trois espèces d'huile sont les plus remarquables, savoir, d'olive, de noix et de navettes, suivant qu'elles abondent diver- sement dans ses provinces, aussi c’est là, où particulièrement elles sont employées. En Languedoc et en Provence, on n@ se sert pas d'huile de navette , parce qu'il n’y en a point ; et il n’y en a point, parce qu'ils ont de Fhuile d'olive et des noix en abondance ; au lieu qu'en France on ne se sert que d'huile de pavette , à défaut de celle d'olive, et la rareté de celle de noix. Ainsi des autres provinces, comme de l’Auvergne , où l'huile de noix est le plus en usage. Chacun estimant à bon mar- ché, ce que sa terre lui rapporte, quoiqu’ail- leurs il soit chérement vendu. Pour la lumiere ordinaire de la grosse famille, on employe Phuile seule ; mais pour le reste de la maison, Vhuile et les chandelles, cependant distincte- ment selon les rencontres ; n’étant que bien à propos, même pour le service des plus hono- rables personnes, d'employer en hiver dans les veillées des longues nuits, l’huile pour les lu- mières, accommodées en lampes, proprement 516 IDtr É À T'atrE faites et nettement tenues : ainsi avec des chan- delles, faisant marcher ensemble et si bien à propos l'usage de ces différens alimens, que la bienséance et l’économie y paroissent, dont nous serons honorablement et économiquement servis dans notre maison. I} est nécessaire que la mère de famille soit pourvue de bonnes lam- pes, choisissant cette sorte de meuble avec Soin, sans Y épargner l'argent, pour éviter la perte de l'huile que causent ces ustenciles mal - qualifiés. H faut limiter la dépense des lumières, comme la distribution des vivres, sans cet ordre elle se trouveroit plus grande au bout de Fannce que de raison ; parce que les gens de service usent incousidérément l'huile et les chandelles, quand ils les ont à discrétion. Quoique pendant toute l’année, on fasse de bonnes chandelles de suif, néanmoins celles d'automne sont toujours meilleures que des auires saisons, par deux causes, dont fa prin- cipale est attribuée aux graisses, qui alors sont dans leur meilleur état, et l’autre à la froidure de l'approche de l'hiver, qui favorise la facon et la garde des chandelles. La mère de famiile employera alors les graisses tirées des bêtes, que par provision elle aura fait tuer et saier, Icsquelles ont un bon suif pour les chandelles , D'AÂAGRICULTURE. 5 17 excepté lespourceaux dont la graisse n’est pas propre à cet usage. La chèvre par dessus toute autre bête , fournit la meilleure graisse à faire - des chandelles, ensuite le bœuf, la vache, après les moutons et les brebis ; de ces graisses Ou suifs, séparés ou mélangés comme cela conviendra le mieux, la mère de famille fera faire des chandelles pour la provision de sa maison pour toute l’année, qu’elle conservera en bonté, comme il sera montré. Elle ne se mettra pas en peine de celles du printems, s’il arrive qu’elle en fasse faire en cette Saison ; - mais elle les employera toutes fraîches , afin de ne pas les abandonner à la merci des prochaines chaleurs. La mèche des chandelles sera toute de côton, tant pour la beauté que pour l’éco- nomie, étant de service plus agréable par la clarté de leur feu, et de plus longue durée, ainsi garnies, qu'avec du filet de chanvre , ni de lin, quelque bien choisi qu'il soit; mais . s’il y a des raisons pour qu’elle veuille y en mêler , elle pourra le faire, moyennant que les filets étant de bonne et douce maticre, soient aussi blanchis à la lessive. Quant à leur garde, tous sont d'accord que les chandelles doivent reposer en lieu frais et sec : quelques-uns veulent que ce soit parmi 318 THÉATRE des cendres, ou des sciures de bois de chêne, ou du sablon, ou du millet. D’autres, sans aucune de ces matières dans des caisses de bois (ou plutôt de pierre creusée, comme celles a tenir l'huile ) bien arrangées entre deux jiis, en y mettant un papier, ou bien sans au- cun papier, si on ne veut pas y ajouter cette petite curiosité. Ii est bien éprouvé que de trem- per des chandelles dans l’eau fraiche pendant vingt-quatre heures, ceia les affermit; ce qui les empèche ensuite de fondre trop facilement, quoiqu'elles soient vieilles et gardées de long- tems. Notre ménagère se servira de ce moyen, en préparant quelques vases de terre ou de bois , où elle tiendra ses chandelles droites dens l’eau, en épargnant la mèche, ce qui se fera proprement en passant des petites ver- ges dans les mèches, comme quand on fait les chandelies. Elle retirera ies chandeiles de ces vases à mesure de l’usage, y en remettant et resortant alternativement selon le besoin. On fait des chandelles mélangées avec un plaisant et utile ménage, de suif où de cire, non confusément, mais par séparations distinc- ies et apparentes. On irempe premièrement dans ja cire la mèche qui est toute de coton, y en faisant deux ou trois couches, ensuite on 2 DAGRICULTUR E. 319 achève lichandelle avec du suif, en lui don- nant la grosseur qu'on veut. La cire est la première atteinte du feu, comme joignant à la mèche, qui brûlant dans la cire, cela est plus lentement que dans le suif, par le naturel de la matière, dont le suif étant plus iard fondu, par conséquent la chandelie est de plus longue durée , que si elle étoit toute de suif£. À cette commodité s'ajoute celle-ci, que la fumée de la chandelle éteinte n’est aucunement Impor- tune, comme l'est celle du suif, parce qu’elle procède de la cire, et non du suif, qui n’est pas du tout touché par le feu , et ces chandelles deviennent propres au service de toute hono- rable compagnie. On fait aussi des chandelles toutes de cire, mais nOn pas pour l'ordinaire de notre ménager ; quoiqu'il en recucille la matière , et que sans débourser d'argent il pût en faire faire sa provi- sion. Cela appartenant aux princes et aux grands seigneurs. 1] se servira bien de chandelles de cires , à l’étude (étant homme de lettres ) à la survenue de ses amis, et aux repas, en usant aussi sobrement des commodités que Dieu lui donne. La mère de famille pourvoira à ces chandelles , en y employant une parüe de la cire que les abeilles lui fournissent y après 320 AH. É À TRE avoir retiré les deniers de la vente de l’autre. Elle en fera füre de différentes couleurs dis- tincies, et G’entremélées en jaspe, comme de jaune, de blanche, de rouge, de verte, des bougies aussi pour ses us2ges ordinaires, dont elle tirera un service agréable , avec économie. Quant aux meubles de la maison, ce seroit s’enfoncer dans un abîme, que de vouloir les particuiariser, de les nommer seulement Jun après Fauire étant presqu’impossible, tant le ombre en est grand. I! suffira de se pourvoir de ceux dont on a besoin, ei de les conser- ver si bien tous, qu'ils ne.se dérobent ni ne s’égarent : ei qu’en les entretenant comme 1l appartient , ils puissent durer long-tems en service, sans se consommer inutilement. On ne s’abandonnera pas au desir iimodéré de se meubler maguifiquement (pas plus qu’à l’ex- irémité de la bonne chère ordinaire), de peur de consommer le fonds des terres avec. le revenu. (Mais notre ménager se contentera de la raison, sur laquelle il se règlera en cet endroit, donnant quelque chose au contente- ment de son esprit, sans entièrement s’arrèter à Faustère opinion de Caton, qui estimoit tou jours trop cher, ce dont on n’avoit pas be- soin , quoiqu'a lort pelit prix, ei au comiraire x à D'ALG'R LE Œ UE TU RE. 321 à bon marché le nécessaire, quoiqu’acheté avec beaucoup d'argent. Notre siècle le per- mettant ainsi. L'une des charges particulières de la mère de famille est la conduite des meubles ; aussi est-ce sa gloire que d’en voir sa maison bien parée, et la preuve de son insuffisance, quand son mari se mêle de ces choses. Ainsi elle y tiendra tellement lœil , qu'aucun désordre n'arrive à Ja maison, de ce côté. Et afin que ce soit avec moins de travail, elle confiera à la principale de ses servantes la charge des meubles courants par la maison , qui servent comme en quartier, en les lui donnant par rôle ou inventaire, avec les clefs pour les ser- rer dans un cabinet destiné pour cela, dont elle se fera rendre compte de fois à autre, les _reconnoissant souvent, afin qu'aucune chose ne s’en perde ou ne s’égare. Moyen qui lui reviendra à satisfaction, non seulement pour se débarrasser de souci, mais pour assurer ses meubles ; car la servante les ayant en son soin particulier, y prendra garde, comme de sa chose propre, de peur d’en répondre : chacun aimant toujours mieux son bien particulier que celüi d'autrui. Ceux de réserve et de relais , seront gardés sous de bonnes clefs, Tome IF. X 529 THÉATERE attendant le besoin ( employant à ce servicé une chambre qui ait son aspect tourné vers le septentrion) où on les prendra à l’arrivée des amis, pour les repas et autres rencontres, les y remettant aprés le service. Les linges de lit et de table seront raccommodés au moindre besoin , prévenant leur ruine , par quelque petite réparation, qu’à tems on leur fera. On les reblanchira soigneusement quand ils seront sales, mais le plus rarement qu’on pourra, afin de se les conserver long-tems en bon état, car le linge s’use toutes les fois qu’il passe par la lessive. Pour prévenir ce mal, afin aussi d’être bien accommodé de linge, comme on desire , le seul moyen est d’en avoir en suf- fisance ; alors on ne sera pas coniraint de le blanchir trop souvent. Cependant le linge sale sera aussi soigneusement conservé que le blanc, en le faisant séjourner dans un lieu qui ne soit aucunement humide, et fermé à clef de peur des voleurs. Or, vu que selon le cours des choses de ce monde, les meubles de la maison se consom- ment par l'usage , de quelque manière qu’on s’en serve , le linge plus promptement que tout autre ; il est nécessaire pour en tenir la maison fournie, d’en subroger chaque année mnt EE le LR mas ” D'A GnrR1QUL-TU R E. 323 de nouvedux aux vieux >» Soit par achat de linge et toiles toutes faites , Soit en les faisant faire , la commodité d’en faire faire à la mai- son, n’est pas générale dans tout ce royaume , la matière y étant diversement produite. Si la mère de famille est dans un lieu rare en lins et.chanvres, il faudra de nécessité que l'argent supplée à ce défaut, en achetant des linges et toiles ; mais si la terre la favorise en ce ménage, elle se plaira à la préparation de ses lins et chanvres, avec l'affection propre aux femmes, qui est d'aimer plus le linge que tout autre meuble de la maison, afin qu'ayant abondance de linge de toutes sortes, fin et grossier , toute sa famille en soit bien pourvue, jusqu'aux va- leis et servantes, pour le payement de leurs chemises et autres choses convenues. La mére de famille pourvoira à ses lits avec un pareil soin, en les fournissant de plumes, coussins , oreillers, matelas, couvertures , Ti= deaux , pavillons, custodes » qu’elle fera faire de ses plumes, laines » ins, chanvres, et des restes de ses soies, étant en pays de müriers, dont elle et ses filles feront aussi des tapisse- ries mélangées avec de la laine, du lin, du chanvre , du coton, comme on voudra , pour . des courtines, tapis de table, buffets, chemi- X 2 324 ru é'A TRE nées , chaises, tabourets, et autres ornemens de salle et de chambre. Exercice très-louabie pour toutes gentilles demoiselles. La vaisselle d'argent et d’étain, sera aussi bien gouvernée , et avec un soin d'autant plus grand , que les matières précieuses sont plus sujettes à se perdre que les grossières. On ne souffrira pas que ce meuble aille en décadence, faute de faire raccommoder ce meuble au be- soin, et le reparer à tems, même refondu, la nécessité y arrivant. Ainsi les meubles de table se maintiendront en bon état , et soit tasses , gobelets , aiguières, vases , bassins, plais, plats - écuelles, assiettes, écuelles à oreilles , salières , cuilleres, et autres, ils ren- dront un service agréable , pourvu que tou- jours le tout soit proprement tenu, bien poli et fourbi, jusqu'aux couteaux : signes de la dextérité de la ménagère, que les étrangers qui surviennent à la maison observent soigneu- sement. Si la paresse et la déloyauté n’étoient pas si grandes chez les sens de service, comme cela se voit aujourd'hui, les meubles dureroient plus en la maison qu'ils ne font, et même quelques-uns presque perpétuellement, par ne pas se consommer à l’usage, tels que sont ceux DA "GR EI C!0. TU R E 325 de verre ét de terre. Mais ces pernicieuses humeurs ayant pris le dessus, contraignent la bonne ménagère d’y avoir continuellement l'œil, ce qui arrête par là un peu le cours de votre ruine. Tous les ustenciles de cuisine faits de métal de cloche, de:cuivre, de lai- ton , comme pots à feu, marmites, chaudrons, poëles , casseroles , bassines , poissonnieres , tourtières , et autres semblables : aussi les. poëles à frire étant de fer, périssent par un mauvais entretien. Car ces meubles sortis du feu, encore chaud, sont jettés indiscrettement sur le pavé par la mauvaise servante, où ils se bossèlent et percent, au lieu, de les poser doucement dans leurs lieux , même d’asseoir les chaudrons et bassines pointues sur des bourrelets, torses, ou chapelets, pour les. empêcher de toucher au pavé , et de pendre au ratelier ceux qui ont une queue. Cela s’ac- corde avec ce qu’un chaudronnier de Monte- limart m'a dit autrefois : qu’on pouvoit con- noître quand les servantes étoient fichées contre leurs maîtresses , lorsque ces premières puisoient de l’eau, ne tenant pas compte alors de leurs cruches et seaux (quoique de cuivre et par conséquent de matière de prix) qu’elles. posoient rudement sur le bord du puits, sans X 3 326 ME AT Ar crainte de lés rompre, ce qu’il avoit plusieurs fois observé de sa boutique, étant au-devant d’un puits. On voit la même chose à la cui- sine , au lavage des écuelles, quand les ser- vantes vicieuses où mal-habiles les tordent ou rompent en les pressant et jettant mal à pro- pos : de méme en posant inconsidérément Îes choses fragiles, comme les verres, pots de terre, sur-iout Ceux qui ayant le cul rond, sur les bords des tables et buffets, d’où iom- bant sur le pavé, ils se cassent. Pour remé- dier à ces incommodités, l’ordonnance de la meré de famille interviendra, en condamnant les servantes au payement des meubles qu’ei- les auront rompus , ou par malice où par trop de sottise, leur en comptant le prix sur leurs gages : ce qui reviendra au profit des servantes mêmes , quand devenues maïîtresses , elles auront appris par ce petit châtiment, à être bonnes ménagères. C’est aussi un autre bon moyen pour prévenir la perte et le dégàt des meubles de la cuisine, que de les tenir en vue comme en parade : car étant rangés en buifeis et rateliers, distincitement selon leurs matières et espèces, la mère de famille entrant dans sa cuisine, en un clin d’œil, voit tous ses meubles et prend garde à ceux qui manquent, D’ A CR 12C U L TU RE. 527 et en faitifaire la recherche sur le champ, qui est alors plus fructueuse qu'en la retardant tant soit peu. D'ailleurs la représentation des meu- bles ainsi disposés, est agréable ; car qu'ils soient d’étain, de laiton, de cuivre, de fer, de terre , de bois , et à quelqu’usage qu'ils soient destinés, pourvu qu’ils soient bien nets, four- bis, éclaircis et posés chacun en son lieu, sans confusion , on a toujours du plaisir à les voir, à la louange des servantes , gage principal de leur diligence. C’est ainsi que nos ancètres ont voulu que les meubles de Ja cuisine fus- seut tenus. Ordre qui s’observe encore utile- ment par les meilleures ménageres. Je ne parlerai pas ici des meubles de la cave, parce que J'en ai traité autant qu'il faut à l’article des vins, ni de ceux de bois, pour les salles et chambres, comme tables, buffets, chai- ses, etc. ; en réservant le discours au traité de l'architecture rustique que je suis décidé de faire , pour donner des avis au père de famille pour se bien bâtir aux champs, selon le vrai art, avec commodité et épargne. Là où je n’oublierai pas, Dieu aidant, de représenter la menuiserié nécessaire à la maison, pour la meubler ainsi qu'il appartient. Comme les habillemens de la famille, tien- ke 328 Mr EH É à TRE nent un rang entre les dépenses principales de la maison, qui causent saruine, lorsqu'ayant plus d’égard aux folles fantaisies qu’à bien se mesurer , l’on s’abandonre aux bravades, à l’exemple des plus riches : aussi les prudens père et mére de famille, évitant ces périls, tâchent de rendre cetie dépense nécessaire, la plus petite qu'ils peuvent. Premièrement en bien se mesurant, pour selon la faculté de leurs biens, s’habiller honorablement, sans excès , eux et leurs enfans, et ensuite en épargnant l’argent, n’alier chez le marchand que tard, et encore, que ce soit seulement pour avoir les étofles qu’ils ne peuvent faire faire en leur maison, à l'épargne des matières qu’ils auront cueillies dans leur terre. Il n’y a pas de quartier en ce royaume ( je ne veux pas dire de province entière) où Dieu n’ait donné à la terre, la faculté de produire quelque matière servant aux habits de l’homme ; que nos ménagers rechercheront pour les em- ployer selon leurs diverses qualités. Nous avons parlé des linges ; maintenant nous dirons des draps à laine, que pour en être pourvu, le père de famille faisant vente aux marchands de la laine de ses troupeaux , en retiendra quelques quintaux qu’il destinera à cet usage. D'UALE LR FO 0 L'T!U R E. 329 Si son terroir porte des lunes fines, il en sera mieux accommodé de draps, de serges, de bures, de toutes sortes, dont sa femme, ses enfans et lui, en seront honorablement et profitablement habillés, les meilleures laines s’employant à étofies, et le reste aux habits des domestiques. Si ce sont des laines gros- sieres, elles s'employeront au moins pour les serviteurs. Si ce sont des moyennes, pour les enfans et la grossière famille, et du meilleur on en fera encore de bons manteaux pour la pluie, utiles au service particulier de notre père de famille, qu'il portera agréablement, parce qu'ils seront de son cru. La ménagere fera assortir ses laines, pour en discerner la valeur et la couleur, en mettant à part les espèces qu’elle employera en différentes sortes d'étoffes. Elle destinera la partie la plus fine à faire des fines serges, rases, drapées, foi- bles, fortes et de bons draps unis et forts, des burats, desreverches, des cordiilas, pour ser- vir différemment à toutes personnes , et en toutes saisons. Des grossières, blanches, noi- res, grises, des forts draps, blancs, bureaux, gris et entre-méêlés, pour les habits des mer- cenaires : aussi à faire des couvertures pour 350 PRE JU UE À - les lits, en choisissant les laines à cela les plus propres ; après elle Les fera laver, ensuite bat- tre, peigner, carder, filer , tisser : et les draps en provenans en toile, elle les enverra au foulon pour y être dégraissés, blanchis, en- forcis , garnis : ensuite à la teinturé pour y éire mis en couleur, comme on desire : enfin au tondeur pour y recevoir la dernière main de leurs facons. Une grande partie de cette manufacture se fait à la maison, la plupart des ouvriers $ y nourrissant des commodités qu’elle renferme. Outre que toutes les personnes de la famille , femmes , filles, enfans, serviteurs, servantes, y travaillant tour à tour sans nulle dépense, elles employent là leurs heures per- dues, sur-tout les veilles des longues nuits, dont les draps sortent avec économie. Ces petites œuvres ne coûtent rien à la maison ; néanmoins elles sont achetées chèrement chez les marchands, quand on va à leurs boutiques prendre du drap, les vendant à un prix haut. Ainsi nous avons des draps à bon marche, il semble même qu’ils ne coûtent pas autre chose que l'argent débourse pour les gages des ou- vriers qui les ont préparés : le reste étant sorti de l’économie de la maison, là utilement em- RME FER y L'T'u RE 331 ployée. Ce ménage faisant profit &'une chose presque perdue, sans lequel il seroit de nulle ou bien petite apparence. On employera aussi des soies en habits, mais avec retenue, de peur d’abuser d’une matière si précieuse. Car quoique la mère de famille en récolte dans sa maison, par sa dextérité et diligence , il ne faut pourtant pas qu'elle s’en serve si inconsidérément , mais avec cette re- tenue , que le principal de ses soies soit con- verti en deniers , et l’accessoire en meubles et habits, dont elle tirera contentement et hon- néur. Le principal est la fine soie, qui se tire en développant le peloton; et l'accessoire, la filoselle de différentes sories, qui Paccompa- gne , comme j'ai montré au discours de ce ménage, livre V, chap. XV. Ainsi les filoselles seront à dépenser dans la maison pour les meu- bles et habits, qu’on emplovera selon les qua- lités et ouvrages. La bourette est la plus gros- sière , comme l’écume du reste. La filoselle qui procède des cocons percés et maculés, est la plus fine, ne différant en autre chose de Îa bonne soie que du tirage; car les cocons ne pouvant être tirés, parce qu'ils sont percés ou maculés , la bête en étant sortie ou froissée dedans , on est contraint de les filer à la mai», 592 BLUE É.A TR E O1 dont la matière perd son lustre, et avec lui, le :om de soie, qu’on a converti en filoselle. L'autre fiioselle procède des restes du bassin qui se tronçonnent, et des cocons et pelotons qui ne veulent pas entièrement se dépouiller. La mére de famille ménagera toutes ces filo- selles, sans en laisser rien perdre, qu’indiffé- remment elle pourra se faire servir en meubles, comme les tapisseries à tous usages, ainsi que j'ai touché ci-devant, sur-tout la bourette, en gros tapis de table , mélée avec du lin, ou du chanvre, colorés selon la fantaisie. Mais en habïis , seulement les meilleures, et il faut encore les accompagner de quelque peu de fine soie, pour faire des étoffes propres à ha- biller hommes et femmes. Pour le même usage, on fait des étoffes mélangées avec de la soie et de la laine, ou avec du coton, de différentes manières, selon les inventions des ouvriers : aussi pour habiller les enfans, qu’on diversifie en couleurs, comme on desire. Elle fera en outre du velours et des taffetas pour ses usa- ges, se servant en ce cas d’une partie du meil- leur de sa soie, qu’elle se réservera à la vente du restant. Par cette dextérité, la mère de famille meublera sa maison, s’habillera elle et les siens, honorablement, et sans avarice,néan- D’'AÂAGRICULTUR E. 33 AI LA moins" à "bon compte, puisque la principale matière sort de chez elle : et ce avec un Instre propre à la bonne ménagère, représenté par Salomon. Les peaux de chèvre sont apprêtées en maro- quin pour faire des souliers aux plus honora- bles et délicates personnes : à quoi sont bonnes aussi celles de menon ou bouc châtré, sur-tout pour résister à l’eau, servant utilement à ceux qui ne souffrent pas la peau de vache en sou- liers. On accommodera de même celles de vache, pour faire des bons souliers, au maître et aux valets, aussi de bonnes bottes, discer- nant les endroits du cuir pour les employer selon les personnes et les ouvrages : en notant - là dessus, qu’à ces services, les peaux des vaches vieilles, sont meilleures que des Jeunes. On préparera aussi les peaux des bœufs, mais pour du gros cuir, c’est-à-dire, afin de servir généralement aux semelles des souliers de tous ceux de la famille ; on fera préparer toutes ces peaux aux Corroyeurs et tanneurs , en les leur envoyant bien marquées , afin que par sottise ou fraude, elles ne se changent pas, rendant : un carolus , pour un sol, comme autrefois cela m'est arrivé. Ces provisions faites, la mère de famille appellera un cordonnier, qu'elle fera ’ 334 LL, A Tin travailler en sa maison, en mettant en ‘œuvre ces matières pour faire des souliers à toute la famille, bien à profit et pour toutes les saisons de l’année : dont le père de famille comman- dera sans regret ses gens au travail ordinaire, et en voyage pressé, les valets n'ayant pas alors occasion de s’excuser sur leur mauvaise chaussure, ainsi qu’ils ont accoutumé de faire, à la moindre apparence qu’ils y ayent. L'argent qu’on employe à ce ménage est peu de chose, au prix de celui qu’on débourse à l’achat des souliers tous faits où 1l s’en consume beau- coup; et ce qui augmente le ménage, est, que toute votre famille est toujours très-bien ac- commodée de chaussure , pour la facilité et la durée ; vù qu'avec fidélité le cordonnier tra- vaille votre matière, sans perte d’aucune par- üe, et en votre présence. Moyen que les bons ménagers ne mépriseront pas, la faculté de leur terre le permettant, pour le soulagement de leur esprit et de leur bourse. \ de. _ Fe ter dé: eh. — D'À @& REG ETU RE. 559 | : EP NE SEEN I DD ES TEA CÉPAPAITRE I V. Distillations et autres préparatifs pour la guérison des maladies. : JR 1 les commodités dont on jouit abon- damment aux champs , dans un ménage bien dressé , cette incommodité notable se ren- contre: que la faute d’un prompt secours à la survenue des maladies, provenant de la soli- tude de l'habitation, qui nous éloigne des mé- decins, chirurgiens , apothicaires , dont les villes jouissent à souhait, se vérifiant par là ce dire , qu’une commodité est toujours suivie de son contraire. Ce défaut nous contraint de re- courir aux médecins dans la nécessité , en les envoyant chercher là où ils sont, quelquefois bien loin , et souvent ils arrivent à la maison fort tard et hors de saison. C’est l’incommoduié la plus importante de l'habitation de la cam- pagne, que les gens d'esprit tâchent d’adoucir de quelque manière , s’efforcant eux-mêmes de se secourir à la survenue de leurs maladies, et celles de leurs enfans et serviteurs , en atten- dant de plus amples remèdes du docte méde- 36 THÉATERE ON cin. Tous les jours on reconnoît que la néces- site est l’inventrice des arts, et fort naïvement aux champs, quand le ménager et la ménagère sont contraints par manière de dire, d’être de tous les métiers, tres-souvent les choses dont ils ont besoin leur manquant , soit pour la san- té, soit pour les habits , soit pour les meubles, dont ils ne pourroient tirer service, si eux- mêmes n’y mettoient la main. Et quel est le gentil-homme qui préfère laisser perdre son. cheval, se déferrant en voyage, plutôt que d’y mettre un cloud lui-même , faute de maréchal ? Ainsi, le père et la mère de famille en cet im- portant article de la conservation de la vie, touchant les causes secondes , tächeront de s’instruire des moyens de se secourir et leur famille, dans les rencontres des maladies et leurs divers événemens , comme chutes , bles- sures, brülures, et plusieurs autres maux, pres- sés et périlleux , qui surviennent inopinément , requérant de prompts remèdes : de même dans ceux de petite importance , petites langueurs de femmes et enfans, quine méritent pas d’en- voyer chercher le médecin, ce qui leur revien- dra à grand soulagement. Plusieurs grands sei- gneursetgrandes dames n’ont pas méprisé cette science divine , ayant donné leurs noms aux médicamens b° À © à É © d'L'T ü à €, 557 inédicamèns qu'ils ontinventés , dont on se sert utilement à leur honneur, encore aujourd’hui tians les boutiques d’apothicaires. Comme le mithridat venu du roi mithridates , et l’onguent qu'on appelle ünguentum comitissæ , d’une comtesse qui l’inventa. Les femmes sont à cela plus propres que les hommes , par leur naturel officieux et charitable : à ce sujet, la mére de famille ouvrira son esprit, pour entendre ces choses. Elle tirera plusieurs remèdes salutaires des livres, ce qui lui sera aisé, puisque certains doctes médecins, pour le bien public, ont tra- duit du Chaldéen, du Grec, du latin en notre langue, tout ce qui sert à la conservation de la santé , auparavant connu de peu de gens. Pour relever de peine notre mère de famiile, je ui donnerai une liste des remèdes aux plus com- munes maladies , tirés des livres et des expé- riences dont elle se servira: ce sont des expé- riences faites avec une soigneuse fidélité chez moi, et chez beaucoup de mes intimes amis, telles qu’on peut les désirer , sur lesquelles on pourra s’assurer, et moyennant la bénédiction de Dieu, en les employant au besoin, ce sera avec un heureux succes, son mari, ses enfans U ses domestiques et elle , étant malades, aussi ses vassaux , VOISINS et pauvres. Tome Îr. Y 358 THÉATRE Notre mère de famille ayant cette noble et bonne humeur , avec le mème soin dont elle a rempli ses charniers et fait ses confitures dres- sera un petit cabinet où comme une boutique d’apothicaire, elle logera les remèdes les plus propres pour les communes maladies , afin que dans la nécessité elle les trouve prêts chez elle, sans être contrainte de les envoyer chercher à la hâte chez l’apothicaire de la ville. Elle fera donc provision de toutes les drogues qu’elle croira lui être nécessaires, en les faisant bien choisir et acheter chez les apethicaires. Sur- tout, elle ne sera jamais sans avoir du mithri- dat , de la thériaque, des confections d’alker- mès , et de hiacinthe; des eaux céleste , impé- riale, de vie: de la rhubarbe , du séné , de l’a- garic , du sirop rosat, du semen-contra pour les enfans, et autres matières simples et com- posées, précieuses et utiles , qu’elle pourra facilement recouvrer ; etde ce qui se recueille en sa terre , herbes , fleurs, fruits, racines, semences, elle en fera des eaux, des huiles, des conserves, des onguents , des poudres, en les préparant dans leurs saisons, qu’elle tien- dra après dans des vases, selon leurs qualités distinctes, liquides et sèches. Elle gardera pré- cieusement toutes ces provisions et préparatifs, D'AGRICULTURE. 339 pour fe besoin , des chûtes , blessures, brü- lures, fièvres et autresinfirmités quisurviennent inopinément. Alors les remèdes viennent d'au- tant plus à propos, qu'il est plus rare et plus diflicile d’être secouru aux champs qu'à la ville. J'ai montré à notre père de famille le moyen de mesurer ses terres, non pour le rendre ar- penteur , mais pour lui faire entendre cette par- te excellente du ménage , qui est de connoître ce qu'il à , sans entièrement s’en rapporter à autrui : de même , je désire faire en cet endroit touchant les distillations , pour montrer à notre mère de famille comment et jusqu’où elle peut s’employer dans ces gentillesses, sans s’eifon- cer dans l’abyme des subtilités des maitres dis- uillateurs , et abstracteurs de quintessences, ( où plusieurs bons esprits on fait naufrage , preuve de leur vaine curiosité ) afin que se fournissant de ce dont elle peut avoir besoin pour le soulagement de sa famille , sur les ren- contres des maladies , elle puisse plus patiem- ment attendre l’arrivée du savant médecin, quand par nécessité elle l’aura envoyé chercher. Supposé qu'il y ait plusieurs et différentes _ manières de distiller, comme par la chaleur, par la froideur, par le sablon , par la limaille ne 540 Dh 4 r RE de fer, par le feutre, par les fumiers, dont se servent les maïñires de l’art, et que pour cela, ils se servent de différentes facons d’alambics , composés de diverses manières : mon intention n’est cependant pas de les représenter toutes à notre mère de famille , mais seulement, la ma- nière que j'estime être la plus propre pour elle, dont elle pourra se servir, avec satisfaction. Cé sera par chaleur, qu'elle fera ses distillations, avec un feu de bois ou de chärbon, selon les sujets : et quant aux alambics, eile se servira de ceux de verre, et de terre vernie, rejettant ceux faits d’étain, de plomb, d’airain, de fer, si elle desire avoir des eaux des mieux quali- fiées ; car c’est le propre de tous les métaux ( l'or et l’argent exceptés ) de donner quelque mauvaise odeur aux eaux qui leur adhèrent, jusqu’ales infecter de leurs qualités malfaisantes. Mais par le contraire en passant par le verre ou la terre vitrée, (surtout par le verre, ) elles en sortent sans perte d’odeur , belles et claires; principalement quand le feu correspond au verre; car alors on ne trouve rien à redire à ces eaux. Le feu étant de difficile conduite, par trop de violence ou trop de faiblesse , ou bien accompagné d’une fumée importune , si c’est un feu de flamme, d’excellens médecins DA GRICULTU RE. G4r de notrë siècle ont trouvé un moyen pour tra- vailler sûrement en cetendroit, quiest de faire chaufler l’alambic par Feau bouillante , etcette eau par le feu , en appliquant un chaudron rem- pli d’eau sur le feu, et dans elle l’alambic , avec les matières qu'on distille, quine sentant nul- lement la violence du feu, par le moyen de l’eau bouillante , rendent les eaux disuilées, en perfection de bonté. Cette facon de distiller est appellée , bain-de-marie , dont ceux qui sont instruits de cet ert se servent le plus pour faire leurs eaux précieuses. La mére de famille fera dresser un bain-de- marie, pour distiller ses fleurs, et herbes, et autres choses les plus exquises, dont elle tire- ra des eaux excellentes. Et pour les plus com- munes, d’autres alambics chauffés au feu de flamme et de charbon , diversement comme elle voudra, afin d'en être bien pourvue, en ayant à choisir. De quelque manière que soient les alambics , il faut en faire les fourneaux presque tous de la même facon, c’est à dire, en rond , avec de la terre grasse et des carreaux de terre de potier , les bâtissant avec cette ma- tière comme si on vouloit construire une petite tour. Si c’est pour le bain-marie , la rondeur du fourneau sera prise , à la mesure du chaudron 3 3/43 LuÉarTes ou marmiite, qui est un vaisseau d’airain assez profond, contenant l’eau bouillante , qui sera bâti au bord du fourneau, à la manière de ceux des teinturiers qui montrent le cul en bas, pour y être échauffé avec du feu de bois ou de char- bon, comme on voudra. Et afin que le four- neau aille bon train, le fourneau sera tenu assez haut, et de telle mesure que depuis le cul du chaudron jusqu’au pavé, il y ait une distance suffisante pour y plaquer entre deux , une grille de fer comme un plancher, qui soutienne le bois.ou le charbon, qu’on y mettra par une porte longue et étroite, atteignant au pavé , et là brûlant, leurs cendres en descendant, n’em- pécheront rullement le feu, qui sera aussi solli- cité par trois ou quatre petits trous ou soupi- raux , qu’on laissera au bâtiment, dessus la grille , près le bord du chaudron, par lesquels le vent en passant, aliumera le feu à volonté sans soufiler , ainsi qu’on le pratique dans les fourneaux à vent, pour les grandes fontes de l'artillerie, On y construira une petite cheminée pour recevoir lagfumée, et la vider en dehors, afin qu'elle n'incommode pas. Et afin aussi que le trop de ventne soitpas nuisible , la porte, la gueule et les trousse fermeront à volonté, en appropriant ces ouvertures pour cela: par le D'AQRECULTU NE. 343, moyen de cette aisance, le feu s’étouffera dans le fourneau quand on voudra, en tempérant ainsi sa chaleur , à l’utilité de Fouvrage. On dressera de mème les autres fourneaux, teute- lois, sans chaudron, en place duquel, c'est à dire, à l'endroit du fourneau où le fond du chaudron atteignoit, on mettra une plaque ou platine de fer toute unie sans aucun trou, sur la grille, réservant entre-deux la distance né- cessaire pour le feu de bois ou de charbon: sur cette plaque, on mettra du sablon, ou des cen- dres , ou de la limaille de fer des serruriers, ou de l’écume de fer des maréchaux, battue et mise en poudre , pour y asseoir le cul de F'alambic , ce qui l’éloigne d’autant du feu :biensansaucune plaque on dressera le fourneau , mais ce sera à la charge de n'y faire d'autre feu que de charbon, attendu qu’étant sans plaque , le cul de Pakambic se montre découvert au feu ,ei celui de flamme lui étant contraire par sa violence, il faudra se servir du seul charbon. L'on pourra accommeo- der plusieurs alambics dans un seul fourneau , pour qu’ils s’échauffent d’un seul feu avec moins de dépense. Le nombre en sera toutelois res- weint à trois ou quatre , lequel suïfira pour notre mere de famille, laissant le grand nombre aux apothicaires qui font marchandise des Y 4 7 544 THÉATRE eaux distillées. Voilà ce qui regarde les four- neaux. Je dirai ensuite que les alambics sont com- posés de deux pièces principales; savoir, du vase dit le récipient ou contenant, à cause des matières qu'il reçoit ou contient ; et de l’autre appellé chape ou cloche, sous laquelle s’a- massent les vapeurs des matières disüliées, qui se converlissant en eau, se rendent dans une phiole par un long bec. Le récipient est de cuivre, afin de résister à la chaleur, ce qu'il fait mieux que le verre. Les eaux n’em- pirent cependant pas par ce métal, parce qu’elles n’y touchent nullement, si ce n’est leurs matières, mais dans l’intérieur de la chape, d’où elles sortent pures et non viciées, parce qu’elles n’ont tiré du verre aucune qua- lité, bonne ni mauvaise; par cette raison les eaux demeurent dans leur propre naturel. On pourra bien faire le récipient de verre (que quelques-uns appellent aussi corps ), mais ce sera à la charge de l’employer seulement au bain de marie, non pour les autres fourneaux, et encore il faudra qu’il ne soit échaufié qu'à la vapeur de l’eau, de peur que le trop de chaleur, en bouiilant, ne rompe le verre. La chape de ce verre est toujours meilleure que DIAGRICULTURE. 345 celle de terre, quoique vernie ; à cause que ja terre donne quelque odeur à l’eau qui distille par elle, et d’autant plus que moins la chape a servi ; car la première fois qu'on la met en œuvre, elle gâte les eaux par une odeur ter- restre incommode , qu’elle leur communique. Le remède à cela est de faire bouillir les nou- velles chapes de terre , avant que de les employer, dans l’eau avec du son, fort long- tems, pour les purger de cette mauvaise odeur. Et comme la chape de terre est aussi sujette à casser que celle de verre, ou peu s’en faut, les deux craignant le heurt et la rude approche, de quelque manière qu’on les cou- vre , soit de paille, soit de terre grasse, le meilleur sera de se servir seulement de verre en cet endroit, sur-tout puisque c'est avec assurance de bien faire, et sans se donner la peine d’en cerriger le vice ( comme on fait de Ja terre pour les affranchir ), vû que le verre, sans moyen de lui-même est entièrement bon et propre, avec toutelois la résolution de bien ménager ces vases fragiles, en les éloignant autant qu'on pourra, du danger d’être cassés pour en tirer un long service. Vos fourneaux et vos alambics, étant ainsi préparés, pour les mettre en œuvre, il convient ensuite de pré- 346 EFréaTreas parer les matières pour y distiller, c’est-à- dire, la mère de famille ordonnera, desquelles elle voudra tirer de eaux, afin d’épier le droit point de les prendre, sans en laisser passer le tems et l’occasion, pour qu’elle soit pourvue de toutes les eaux dont elle aura besoin. Quand le printems sera arrivé, la première eau qu’elle fera distilier sera des bourgeons et bouts de chêne, parce qu’il faut les prendre dans leur première tendreté, sans leur donner le loisir de s’endurcir, qui est lorsqu'on les voit paroître de l'arbre, n'étant pas bons à ce service après ce terme, par leur dureté. On prendra les fleurs dans leur accroissement parfait, quand elles seront épanouies , sans atiendre qu’eiles dépérissent. Les herbes de mème, quand elles sont en fleurs. Les racines seront les dernières distillées, ne pouvant les employer que vers la fin de Vété, ayant alors achevé de croître. Après les bouts de chène les roses se présentent ; ce sont les fleurs les plus recommandables pour distiller, j'entends les incarnates, leur eau étant utile à plusieurs et différens services, dans Pappareil des vivres ei dans les médecines. On üre des roses de damas de l’eau fort bonne et fort odorante ; üe même des fleurs d'orange, de l’eau de nafte. Les D'ASAROSETURE. 347 éaux médicinales procèdent de fleurs de fève, de chicorée , de buglose , de sauge, de roma- rin , de souci, de sureau, d’ortie et semblables: toutes ces fleurs seront distillées au bain de marie , pour en avoir les eaux en parfaite bonté, et d'odeur naturelle. Er si la mère de famille desire ajouter aux facultés naturelles de ses eaux , quelqu'odeur, saveur ou autre qualité recommandable, elle pourra le faire, en enfer- mant dans le bec de l’alambic, du muse, de l’ambre gris, de la civette, du sucre, de la ca- pelle, du girofle, de la muscade, ou autres drogues précieuses, telles qu’elle se les choi- sira, en les accommodant avec un peu de totie claire de telle sorte , que l'eau en distillant soit contrainte de passer à travers de ces matières, pour en emporter la vertu. Quant aux herbes, il y en a des espèces à infini qu'on peut dis- tiller , dont on tire de grands services par jes bonnes eaux qu elles rendent : les principales sont la scabieuse, la buglose, la chicorée, la bétoine , Fagrimoine , le plantain, la camomille, la lavande , l’aspic, le charden benit, la rue, la sauge , la menthe, le romarin, la mauve, la guunauve , la pimprenelle , la valeriane, le thym, lorigan, la nicotiane, le capili-veneris, la sariette, à marjolaine, le pourpier et la 548 THÉ ATxS pivoine. Les herbes sèches ont besoin , avant que d’être distillées, qu’elles soient un peu arrosées avec de l’eau commune, afin d’exciter leur suc pour le convertir en eau. Celles qui sont trop humides, d’être un peu séchées au soleil, les'tempérant ainsi pour le bien de l’œuvre. Mais celles qui tiennent le milieu, sans autre préparation seront mises dans f’a- Jambic. On prendra garde de fourrer trop de matières dans l’alambic , de peur de perdre tout, soit en faisant regorger l’eau par dessus, ou en faisant brüler les herbes par le dessous, mais on chargera l’alambic modérément. On conduira aussi le feu avec modération, et de telle sorte , qu'au commencement il soit petit, non violent, l’augmentant peu à peu, pour faire prendre aux'matières tout doucement la chaleur , qui servira en outre à la conservation des alambics. Quelquefois on distille l’herbe et la feuille tout ensemble : on mélange aussi diverses herbes et fleurs, selon la nécessité des remèdes aux maladies, à la manière précédente. Outre cette manière, il y a une autre facon en usage plus facile pour distiller ; mais c’est pour les plus précieuses matières, herbes et fleurs odorantes. On travaille en cet endroit avec peu de mysière. On étend un linge blanc MM ORTOCULIT u R‘“E: 549 el nei sur A vase dé cuivre ou de terre vernie, qu'on attache autour , comme le fond d’un tambour , cependant fort lâche, pour pouvoir contenir les matières, sur lequel elles sont mises, c’est-à-dire, les herbes et fleurs dont il est question pendantes dans le vase : elles sont couvertes d’une plaque de fer ou de cui- vre, comme un bassin plat, et par dessus la plaque, on met du feu de charbon, dont la chaleur échauffe les matières, qui rendent leur eau en-bas au fond du vase. Par cette raison, cette facon de distiller est, par les maîtres de l’art, appeilée, per descensum ; comme au contraire la précédente, per ascensum, parce que la vapeur s'élève en se convertissant en eau. Il faut avoir soin de donner le feu plutôt foible que fort, tel le desirant. En agissant ainsi, vous tirerez 2bondance de tres - bonne eau , promptement et à peu de frais. Au soleil, sans feu, on distille encore plus subtilement que par aucun autre moyen, toutes les herbes et fleurs précieuses , dont on retire les eaux entièrement excellentes. Il faut avoir deux phioles de verre de différentes grandeurs, les deux de col assez large et ouvert, toutefois mégal, afin d’en faire entrer le col de l’une dans celui de l’autre, en les joignant ensemble 550 L'REATES et les dressant l’une sur l’autre, à la manière des horloges de sable. Dans la phiole supérieure, on mettra les matières qu’on voudra distiiler, dont le bout du col, sera couvert d’une toile claire et nette, ensuite fourré dans le vide, et là jointes ensem- ble et bien fermées. Étant ainsi accommodées, on les dressera si bien et si fermement, qu elles ne soient pas ébranlées ; et elles seront expo- sées au soleil du midi, dont l2 chaleur fera distiller l’eau des matières , dans ia phiole inférieure et vide , passant à travers du linge. Par ce moyen, vous aurez des eaux entière- ment pures, nullement éventées, fort nettes, surpassant entièrement en bonté toutes les autres, et de plus longue durée. Les eaux disullées seront mises au soleil pour quelques jours, afin de leur faire con- sommer le phlegme et l'humeur plus épais, qui les rendent troubles, et qu'ainsi débarras- sées , elles puissent sainement se conserver long-tems. Il ne faut pas tenir indifféremment toutes les eaux au soleil, mais seulement les froides et celles distillées au bain marie ; car les chaudes, et celles sorties des autres alam- bics, il faut au contraire les tenir en lieu frais, en enfouissant leurs phioles dans le sable hu- RE OP CAMES DOAIO L'AQ OU LT U NE. 354 mide, pour leur ôter leur trop de chaleur | qu’elles ont acquise par le feu. Quant aux racines, on les distillera comme les herbes, mais par leur dureté , il faudra les ramollir dans l’eau quelques heures, selon que plus elles seront sèches, dont la mere de fa- mille choisira les plus propres, pour les remè- des où elle desirera les employer. Elle fera de mème des semences, en employant celles qui le mieux lui viendront à propos. Elle se pourvoira aussi de plusieurs huiles médicinales, comme de rosat, violat, huile de lys-blanc, de camomille, de violette de mars, de fleur de sureau , de millepertuis, en latin, calendula, et afin que ce soit avec moins de mystère, elle se contentera de les faire par im- pression, comme l’on dit, non par distillation, ceci étant l’ouvrage des maitres abstracteurs de quintessence selon leur métier, et non d’une ménagère, qui n’en veut que pour ses usages. Elle fera donc ainsi ses huiles. L’huile d’olive est le moyen de faire ces huiles, recevant tou- tes les matières à cela destinées. L'huile qui provient d'olives vertes, appellée huile om- phacin, est la meilleure , à défaut de laquelle on se sert de l’autre, l’ayant au préalable lavée, mais ceci est seulement pour les huiles réfri- 559 THEATRE gératives, les autres se composant sans sé don ner cette peine , avec de l'huile commune. La maniere de laver l'huile, est de la mêler en égale portion avec de l’eau de fontaine claire et nette, en les mettant ensemble dans une ter- rine à large ouverture, et apres les avoir bien battus et remués avec un bâton, les laisser re- poser , jusqu’à ce que séparés, on retire l’huilé nageant dessus l’eau, en remuant l’huile dans un autre vase, où l’on mettra de l’eau sur l’huile, pour y être lavée une seconde fois, même une troisième, pour mieux la préparer. On ajou- iera à l'huile ainsi lavée les fleurs nécessaires, par cet ordre : ayez une quantité de roses récemment effeuillées, mettez-les dans une phiole, et par dessus versez de ladite huile, jusqu’à les en couvrir, sans cependant en rem- plir la phiole, à laquelle il restera un vide, pour à l’aise pouvoir y faire bouillir lhuile. La phiole étant bien bouchée sera exposée au soleil pour huit ou dix jours, passés lesquels on fera bouillir le tout dans un poëlon, sur un feu de charbon, quelque couple d’heures, un peu davantage ; ensuite on coulera à travers d’un linge , exprimant violemment les roses pour leur faire rendre leur substance. Sur l'huile coulée , on mettra encore des roses nouvelles ; D'AGRECULTUR E. 553 nouvelles dans la phiole , laquelle bien bou- chée sera remise au soleil pour sept où huit jours , ensuite de reghef l'huile bouillie est exprimée comme dessus, après on ajoutera des roses pour la troisième fois, et l’huile en étant exprimée , après avoir fait bouillir le tout, votre huile rosat sera parfaite, layant tirée avec beaucoup de vertu d’une grande quantité de roses. Plusieurs ne se donnent pas tant de peine pour faire Fhuile rosat, et se contentent des seules roses employées la pre- mière fois, même sans nullement faire bouillir * l’huile, ils y laissent les roses dedans, sans les en retirer. Les huiles des fleurs sus-mention- nées se font de cette maniere, et les autres, de chaque espèce à part, afin de les avoir séparées , par la différence de leurs facultés, en les mélant les unes avec les autres selon les occasions. La mère de famille se préparera aussi des onguens pour les brülures, pour les douleurs des membres, pour les jointures , neris ; apos- thèmes, chütes; plaies, dartres, feux volages: et ce dans le printems et dans Pété, les herbes | ayant toute leur vertu, dont on se servira le long de l’année. Elle fera des vins médicinaux et confortatifs ensuite au tems des vendanges, _ Tome [r. Z 354 TRHÉATRE comme d’absynthe , de buglose , de chicorée | de sauge, de romarin et autres, par le moyen représenté au discours des vignes. Elle n’ou bliera pas non plus le miel rosat, et la conserv de roses au liquide. Elle choisira du plus bea miel qu'elle ait, et après avoir fait long -tem battre des roses incarnates dans un mortier d marbre, jusqu'à les rendre insensibles entre le doigts, elle les mêlera avec le miel en égale portions , dans un vase de verre à large ouver ture, ensuite l'ayant bien fermé avec du par chemin , elle l'exposera au soleil pour douze ou quinze jours, afin que le miel rosat s’y cuise, à la charge de ne pas en remplir le vase, maisl d'y laisser du vide suffisamment pour y bouillir. à l'aise, en s’enflant en haut, et encore de re- muer avec une spatule le miel pour le mêler avec les roses, en les incorporant bien ensern-| ble. Il faudra faire de la conserve de roses de Ja même manière, mais ce sera de roses rouges de Provins, dont on se servira en cet endroit, qui étant soigneusement pilées, seront mélées, non en miel, mais avec du sucre, dont il faut y mettre autant que de roses. On fera aussi de la même manière la conserve d’œillets , de violettes, au mois de mars ou plutôt, si elles fleurissent. Ces conserves seront logées , _ Dp'A'"e@ R # QC T L'U R E. 555 mises au soleil et visitées comme le miel rosat. Il est nécessaire que la mère de famille soit aussi pourvue de sirop rosat laxatif, qu'elle préparera de cette manière : on mettra dans un vase de terre vernie une bonne quantité de roses incarnates , efleuillces et nettes, et sur elles, on versera de Feau bouillante, jusqu’à ce que les roses en soient couvertes, en les remuant avec un bâton , si bien, que toutes les roses se ressentent de la chaleur de l’eau ; et afin qu'elles en soient mieux pénétrées , on bouchera bien le vase sans respirer. Au bout de vingt - quatre heures on retirera l’eau du vase , sans toucher aux roses, en la mettant bouillir dans un poëlon sur un feu clair ; bouillante , elle sera rejetée sur les roses dans le vase : en réiérant ce rebouillement, par neuf à dix fois (ce qu’on appelle charopper ) de vingt-quatre heures en vingt-quatre heures, { a da charge d’y ajouter des roses nouvelles, par {trois fois, pendant ledit tems, par intervalles { mesurés. Ensuite on mettra le tout bouillir un { peu, et après, on le passera à travers d’un linge, pour en exprimer la substance des roses, en les pressant de force, afin que tout reste dans la décoction , qui en demeurera rouge comme du vin, sentant la rose. Enfin on y Z 2 356 AE 0 TE ajoutera le sucre , en y en mettant selon 14 quantité de la décoction : ce sera du sucre blanc pour éviter la peine de le clarifier. On le cuira jusqu’à la forme du sirop, à quoi il fudra aller avec retenue, et méme sil est besoin, le laisser un peu vert ,*à cause que les roses par leur naturel visqueux , Satisfont au défaut de la cuisson en épaississant le Sirop , qui ne se trouvant pas assez cuit, dans quel- ques jours vous pourrez ÿ retourner, pour le metire entièrement au point nécessaire. Liberté que vous n’auriez pas si vous le cuisiez entiè- rement au commencement. À lors vous logerez voire sirop rosat laxatif, dans des phioles bien nettes et fermées, où il se gardera très-bien. Vous ferez du sirop rosat laxatif d’une autre manière, lequel est de grande efficace ; ce sera sans eau, du suc pur et simple des roses. On pilera les roses bien choisies dans un mor- tuer de marbre, et ce fort à profit, pour en tirer autant de jus. qu'il sera possible , que vous exprimerez au travers d’un Hnge. Vous infuserez du sucre fin dans le jus la moitié de son poids, c’est-à-dire, on mettra une livre de sucre, pour deux livres de jus, le tout bouillant sur un feu de charbon, jusqu'au point nécessaire pour le sirop, avec les con- D’'AGRICULTURE. 357 sidératiogs du naturel de la rose, représentées. Quelques -uns y ajoutent de la rhubarbe et autres drogues purgatives , se faconnant en ce sirop , une douce liqueur, pour en prendre, quelquefois avec du bouillon , afin de se füre un bon ventre , sans aucune incommodité. La mère de famille ne se contentera pas à faire du sirop rosat avec du sucre, mais ell en composera aussi avec du miel, pour servir à ses mercénaires malades, qui sera tout aussi eflicace qu'avec le sucre, quoique plus gros- Sier, par la différence qu'il y à du sucre au miel. Eile gardera aussi des roses séches des trois sortes, incarnates , rouges et «le damas, à cause de leurs bons services en différentes maladies. Elle fera de même de plusieurs au- ires fleurs salutaires, semences, herbes, raci- nes, en les cueillant dans leur point droit, et les reposant en lieu sec, point humide, où elle les trouvera au besoin. HUE À P LR E NS Remeèdes aux maladies des personnes. Po ur guérir le mal de tête, il faut en remar- quer la cause, afin d’y appliquer convenable- nent le remède. Les maux de tête sont diffé- rens, comme procédant de différentes causes ; c'est à savoir, de sang, de cholère, de phlezme, de mélancolie ou de quelques-uns d’eux, quand par quelqu’accident, is se dérangent, sur-tout par la chaleur ou froidure, exces- ives ; et ils viennent souvent de l’infirmié des autres membres , dans lesquels est contenue la cause de la douleur de tête, comme de Fes- tomac, des reins, du foye, de la rate, de la mairice : aussi des fièvres générales , qui tour- mentent toute la personne. Nous laisserons la recherche de ces causes au docte médecin, pour à fond, purger le corps, selon Îles ren- contres : ce qu’attendant la mère de f:mille usera de ces remèdes. La douleur de tête est plus grande au front qu'ailleurs, quand elle procède du sang : derrière, quand elle vient de phlegme : de cholère , c’est au côté drait 4 D’'AGRECU L TU RE. 559 qu'elle se fait le plus sentir ; et au gauche, de mélancolie. D'après ces adresses, les remèdes s’employeront à propos , en opposant les froids - aux maux qui procedent de chaleur, comme de sang etde cholère ; et les chauds à ceux qui viennent de froidure , c’est-à-dire, de phlegme pour en enŸoyér la vapeur jusques daus la matrice, aÿec ün ent tômnoir. 464 TRÉATRE La femme prendra, soir et matin, avec box vin, une tablette composée de poudres d’ar- moise, de la racine de bistorte et noix mus- cade , incorporés avec sucre dissous en eau de mélisse. Elle se servira aussi avec efficacité du bain préparé avec la décoction de violer; mauves , guimauves, roses, pariétaire, man tastre , feuilles de genièvre, laurier, myrte, pouliot, marjolaine, camomille, sabine, herbe à chat, pimprenelle, menthe, basilic, roma- rin, millepertuis, valériane et autres herbes odoriférantes , toutes enfermées dans des sa“ chets. A l’entrée et à la sortie du bain , elle prendra une tablette de diamargariton ; buvant. après un peu de bon vin. Ausortir du bain, entrera dans sonlit, pour s’y reposer et suer. Le breuvage suivant est de tant grande vertu, : qu’il fait concevoir toute femme ,encore qu’elle. soit grasse, cholérique et de long-tems stérile. Prenez germes de colevrée, fleurs de mélilot, feuilles d’armoise, pimprenelle,, chamedris, chamepilhis , scolopeudre ,. millefewille, che-: vrefeuille, violiers, orpin, sabine; igremoine, toutes vertes, de. chacune une poignée; cent grains de poivre , demi -once -de, cumin, clous de girofle, canelle fine , spique, galan- gue, noix muscade, gmgembre, angélique, : de . D’'ACGCRICULTURE. 465 de chacun deux drachmes. Pilez toutes ces choses, et les faites tremper en fort bon vin blanc , l’espace de deux jours ; au troisième, cuisez-les jusqu’à la consomption de la tierce partie du vin ; puis coulez le vin, en jettant les herbes au loin. Mêlez-y autant de bon miel épuré, qu'il sera requis pour eau faire un sirop, duquel la femme prendra une cuillerée soir et matin, avec autant de vin détrempé en eau de mélisse, | La femme ayant conçu sera soigrieuse de Ja conservation de son fruit, en se nourrissant de bonnes viandes, se gardant du froid , dormant, veillant et s’exerçant modérément ; se gardant de colère, de toute autre violente passion d'’es- prit; prévenant par tel bon régime ; sans arti- lice, les difiicultés de Fenfantement ; à quoi seront ajoutés ces petits moyens , pour rendre la chose plus facile. | La femme préparera des poudres ei des ta- blettes cordiales, pour en user de fois à autre, selon la disposition , deux heures avant le repas) mème à l’approche de lenfantement, Auesi ; à même fin ; des vins d'hypocras et eau clairetie, pour trouver ces matières prêtes au besoin. Ces poudres et tablettes se composeront de perles, de deux coraux, blanc et rouge ; de Tome IF. G g 466 MAS TUE 2: fragraens. de pierres précieuses , subtilement pulvérisés, de conserve de roses, de buglose, de bourrache, d’écorce de citron, avec suffi- sance de sucre. L’hypocras sera, préparé à ce service parti- culier; c’est,en ajoutant au comuun hypocras, poudres d’écorce de casse ; des noyaux de dattes, des racines de: souchet, des fleurs. de racines de sarrasine. On façonnera ainsi l’eau clairette. Mettez tremper dans une chopine d’eau-de-vie la:plus fine, pendant'trois jours, rois oncesde.canelle choisie, puis passez l’eau par un linge ; faites-y fondre une livre de sucre fin, ajoutez la tierce partie d’eau de rose ; fina- lement, serrez-la dans une bouteille dé verre bien elose. La femme .usera de noix confites et de myra- bolans; oindra l’estomac avec des huiles nar- din , moscelin , d’absynthe, de mastich, de menthe, de noix, muscade. S'il arrivoit que l'enfant descendit trop bas, elle soutiendra son ventre avec une peau d’oraigne ou dechèvre, bien corroyée, qu'elle accommodera à la for- me du ventre, Pattachant avec des lacets, pour, avec aisance, la porter continuellement. On prépare la peau de cette manière: Étant sortie des mains du corroyeur, elle trempera L . D’AGKRIGUELTU R EF 46 tongtiement dans un mélange fait avec des œufs , de là farine de fèves, graïsse de serpent et huilé rosat ; puis bien lavée en eau rose où de damas , ou autre odorante. I'faudra Ja Jais- ser. sécher à Fombre, après la tremper dans des hüilés ; savoir , d'amandes douces, dé millépertuis, de myrtilles, de chacune une oncé et demie (ces huiles ayant été auparavant lavées ei éau rose), et ce, durant trois ou quatre jours , passés lesquels, la peau reüréé de là, oùla maniera et pétrira curieusement , pour l’enduire de telles liqueurs. On l’em- ployera, après l'avoir séchée à l'ombre ; mais ce ne sera qu'après qué le ventre de la femme atra étéfrotté avec du beurre frais, fondu trois où quatre! fois, et lavé en éau rose; où avec ces onguens-ci, dont elle aura fait provision. ” Prenez moële de cerf, de bœuf, de mouton, crépines dé clievreau, graisses de chapon et dé canard, graisse de mouton , prise à l’entour dés aéahes: graisse de truie châtrée, graisse dé bléreäu, de chacune une once. Otez avec soin leurs membranes; Hachez menu les grais- ses, faitésiles fondre à petit feu dans une cas- sette d’étain ou de cuivre étamée ; quand le tout sera fondu, agitez-le oh ABine et Javez- lé en’eau rose et de damas, jusqu’à ce qu'il G g 2 468 THÉATRE devienne blanc ; ajoutez-y trois ou quatré grains de musc, et gardez cette composition dans un vaisseau de verre curieusement bouché. Autre. Prenez graisses de canard et de chat, de chacun deux onces; graisses de cheval , de chien et de truie châtrée, de chacun une once; moële de pied de bélier, préparée de la façon que dessus, un quarteron ; sain de bouc et beurre frais, de chacun une once et demie, cire blanche , deux onces; faites le tout fon- dre sur feu lent, puis mélez bien ensemble, et les lavez plusieurs fois en eau rose ou de lys, ou de quelque odorante ; finalement, serrez cette composition comme dessus. Aussi servira beaucoup à retenir l'enfant, pour ne pas descendre en bas, d'appliquer un grand écusson sur l’estomac, fait de deux tafe- tas, entire lesquels il y aura du coton , saupou- dré de poudres de pierres d’aigle, d’aimant, de racines de bistorte, tourmentille , ambre jaune , safran , civette, feuilles d’absynthe, marjolaine , menthe, lierre terrestre , dessé- chées subtilement et pulvérisées. La femme qui a accoutumé d’aller devant terme ,doit se garder soigneusement, évitant toutes occasions d'accouchement précipité ; à quoi les remèdes susdits lui serviront beaucoup, . D'ÂGRICULTURE. 469 les suivans aussi, et de plus, à la préserver d’avortement , pour la faire heureusement en- fanter. Savoir , l’usage fréquent des conserves de fleurs d'orange , de sauge , de confitures de coing et de myrabolans , de dates et de grena- des récentes, des œufs d’écrévisses et de tor- tues. Soudain qu'il se présente quelque soup- çon d’avortement , par la douleur et pesanteur des reins , lombes et petit ventre, il faut appli- quer sur le nombril un pain chaud, récemment tiré du four, coupé par le milieu, trempé pre- miérement en vin de malvoisie, ou quelque autre généreux ; puis saupoudré de poudre de clous de girofle et noix muscades, et là le lier et bander étroitement : par ce moyen la dou- leur s’appaisera incontinent. On appliquera sur les reins et lombes cet emplätre. Prenez mastich, deux onces, lab- danum, trois drachmes, racines de bistorte, sang-de-dragon , bolarmène , corne de chèvre brûlée, demi-drachme de chacun, terre séel- le, une drachme , encens, storax, gomme arabique , une drachme et demie de chacun, sandal blanc et rouge, corail rouge , de cha- cun deux scrupules, cire lavée en eau rose et térébenthine, deux onces.'T'out cela sera pilé dans un mortier, avec un pilon chaud , jusqu’à. af de M 430 LHÉATRE ce que la composition soit épaissie ;-on l’éten- dra alors sur du cuir, et l’emplâtre dessus les reins et lombes. Il faudra lever l’emplàtre tous les jours, et laver les reins et lombes avec de l’eau rose et vin blanc, en égale portion, puis y remettre l’emplätre. ms petit moyen-ci est de, grande efficace pour garder les femmes de s’affoler, aidant à porter leur fruit à bon terme. C’est que la femme prenne tous les matins, à la bouche, un grain de sel de la grandeur d’un pois, l'y tenant jusqu’à étre fondu, ou un peu de mas- ich, ou un couple de cerises sèches. Ces choses-là font vider par la bouche abondance d’eau, teile évacuation étant bonne en ce cas. Ii ne faut pas oublier les remedes naturels, qui, par vertu occulie, empêchent l’avorte- ment ; tels que sont la pierre de jaspe verd, le gui de chène avec l'écorce, l’ongle d’ours , la pierre qu’on trouve au cœur, ou au boyau, ou à la matrice de la biche, pendue au col. La pierre sardoine, liée sur la partie supérieure du ventre ; les pierres topazes et émeraudes , enchassées en anneau ; la pierre d’aimant, pen- due sous l’aisselle gauche ; mais avec plus d’ef- ficace, celle d’aigle, portée en même lieu; à {a charge toutefois d’ôter de là les deux pierreg Ms D'AGRICGULTURE. Â7a approchant l'enfantement, pour les remuer en la cuisse gauche , où elles serviront d'autant à tirer l'enfant hors le ventre de la mère, com elles ont fait à l'y retenir , étant au côté. Mais aussitôt que la femme sera délivrée, sans tarder, lesdites piérres seront êtées de là, de peur d’aturer en bas la matrice par une natu- rele propriété, que le vulgaire donne à telles pierres, sans en dire de pourquoi. On attribue une sembhble vertu, et par semblables raisons, à la dépouille du serpent , aidant à enfamter la femme , qui en a le ventre énvironné pendant son travail , et à la peau d’une bete que les Polo- nais appellent é/arn, dont on fait des ceintures pour enceindre les femmes étant au travail d'enfant, | L'heure de l’enfantement venue, et étant avec difficulté, la femme sera sécourue par ces remèdes, qui lui causeront prompte délivrance. 11 sera donné un breuvage fait avec de la caneile fine , deux scrupules, écorce de casse subtile, trochisques de myrte, de chacun un scrupule, racine d’aristolochie ronde, demi-scrupule, subtilement pulvérisée, confection d’alkermés, demi-drachme , sirop d’armoise , une once, ou d’armoise, de matricairé et de rubéa major, de chacun une once et demie ; ou de la décoction Gg4 472 Mu ÉdTRE d’armoise, rhue, dictame et pouliot; où du jus de persil, tiré avec un peu de vinaigre ou du vin blanc, L’hypocras, duquel est parlé ci- devant, est fort bon pour fortifier la femme en son travail, Ainsi sont les eaux clairette, impé- riale, céleste, de vie. Donnez-lui demi-drach- me de confection d’alkermés , avec du vin ou eau d’armoise ; ou rasure d'ivoire, de corne de cerf ou de corail, ou de l’entre-deux qui est au noyau de la noix verte, ou poudre de la fiente d’épervier , subtilement pulvérisée. Prenez huile de lys et d'amandes douces, de chacune deux onces et demie, graisse d’eau de géline et de cane, de chacune une once, onguent résolutif et d’athea, de chacune une once ; mêlez fe tout ensemble, et oignez le petit ventre et la partie naturelle de la patiente. Ji sera bon de faire éternuer la patiente , pour lui éveiller les forces; à quoi doucement on iraitcra , par le moyen de la poudre blanche d’ellcbore , d’euphorbe et de pyrette, de cha- cun une drachme, subtilement pilée, qu’on ui souiflera dans le nez avec un tuyau de plume. Pour obvier aux tranchées tourmentant la femme qui a enfanié de nouveau, Fhuile d’a- mandes douces prise soudain y sert de beau D'AGRICULTURE. 473 coup, par là prévenant le mal, lequel venu est guéri par les eaux clairette et celle qui est dis- tillée de fleurs de pêcher. Une omelette faite de cinq ou six jaunes d'œufs, avec une once graine de cumin, concassé , cuit avec huile d’anet et jasmin, appliquée sur le ventre, est fort propre contre les tranchées. Aussi un ca- taplasme mis audit lieu, fait de fiente de vache et de millet , fricassée en huile de noix , ou de poudre de fleurs de camomille et semence de lin et de cumin, farine de fèves, beurre frais, huile de rhue et d’anet. Cette poudre fait de même , prise avec du vin blanc ; savoir, de racine de grande consoude desséchée, noyau de pêche , noix muscade et carabe ; le tout subtilement pulvérisé , y ajoutant un peu d’ambre gris. La trop grande abondance de lait tour- mente souveñit les nouvelles accouchées, dont les mamelles, surremplies, s’enflent doulou- reusement et restent difformes , par trop de grosseur. À cette incommodité sera pourvu, Ôtant la cause, qui est de lait. Ces moyens le font évader ; savoir : appli- quez sur les mamelles cataplasme fait de berle, cresson, feuilles de buis, lierre terrestre, per- venche, sauge, chou rouge, ciguë, bouillie 474 LHHÉ A TRE en huile et vinaigre ; ou de grande chélidome, rhue, menthe , alvine, fenouil, cuits en oxi- crat; ou bien appliquez sur Les mameïles des feuilles de courge verie et récente ; ou les emplâtres ayec du son cuit en huile de camo- mille. On obtient le même effet d’une mie de pain, cuite en eau de sauge, avec un peu de camphre, mise sur les mamelles en forme de Caiaplasme, et les ventouses posées au plat des cuisses et des aînes , au-dessous du nombril, attirant le lait en bas. Tous ces moyens tendent là, que de faire tarir le lait des mamelles des femmes, chose recherchée de celle qui ne veut être nourrice. Mais la mère qui desire entretenir son lait, pour aider sa nourrice pour alaiter son enfant, par telle peine la tenant en sujétion, et tout d’une main se délivrer de son lait superflu et importun , des douleurs de mamelles qui ia iourmentent, employera des remèdes modérés servant à ces choses; et aussi à se conserver la beauté de ses mamelles. Les remèdes sont les suivans. | Premièrement, il convient d’ôter l’inflam- mation des mamelles pour en chasser la dou- leur; ce qu’on fera en les frottant avec huile faite de l’infusion de la graine de balzamine, Pr, D'AGRICULTURE. 473 ou d'huile de pavot, ou de mandragore , ou de Jusquiame. Le lendemain vous appliquerez sur les mamelles une bouillie faite de farine de fèves et de vinaigre, frottant l’entour des ma- melles et des aisselles , d’un liniment composé de bolarmène , une once , épongede bédéglium, racine de bistorte ,de chacun demi-once, avee huile rosat et de myrtille et vinaigre : ce cata- plasme est fort propre en ce cas. Prenez menthe sèche, deux poignées , ab- synthe, une poignée ; faites-les cuire longue- ment, puis passez-les par le tamis , y ajoutant farine de fèves, d'osobert, de lupin, de cha- cune une once, faisant cataplasme avec huile de Iys, 11 sera bon d'appliquer sur la papille , une racine de grande éclaire, cuite et écrasée. Si le sang est caillé, on le dissoudra par ce cataplasme, Prenez quatre onces d’ache , deux onces d’oximel simple, deux onces farine de chiches rouges , autant de celle de lupin , dont composerez le cataplasme. Si le sang ne se peut dissoudre par ce cataplasme, et que les glan- dules des mamelles s’endurcissent ou menacent même de suppuration, usez de ce cataplasme. Prenez racine de guimauves et de }ys, de chacune quatre onces, vingt figues ; faites-les cuire jusqu'à ce qu'elles s’amoilissent ; ajJoutez- 476 | MORE À THE y graisse de porc, non salé, ou beurre frais, pour quantité suffisante pour cataplasme. Au contraire des précédens discours, ceux- ci sont propres à faire abonder en lait les nourrices , pour la nécessité de la nourriture des enfans. A cela parviendra la nourrice, par le fréquent usage du bouillon , dans lequel on aura cuit du grain d’orge avec un peu de se- mence de fenouil ; aussi par boire quelquefois de la décoction d’asperges avec du froment, ou de celle de l’herbe de fenouil, ou de son jus, ou de celui d’ache, ou de bette exprimée. Après avoir écrasé ces herbes au mortier, elle boira en vin ou bouillon de la poudre de la racine desséchée de chardon notre-dame, avec poivre et fenouil , ou de la poudre des ongles de pied de vache , brûlée , ou mangera des choux bouillis en eau, y ajoutant un peu de poivre, ou de la racine de raïponse ainsi appa- reillée. La mère de famille qui desirera en entendre davantage de ces choses, lira le livre des remèdes secrets pour les maladies des femmes, où elle trouvera matière de conten- tement. | Comme en la plupart des maladies des fem- mes la matrice se mêle, ainsi en presque toutes celles des enfans les vers se présentent pour | D'AGRICULTUÜRE. 477 leur faire la suerre, comme leurs plus grands ennemis, dont ce sera la chose appropriée à son droit lieu, si en tous les remèdes indific- remment préparés pour délivrer les enfans des maladies qui les travaillent, et ajouter quelques médicamens contraires à la vermine. Premièrement, il faut accoutumer les enfans, des leur premier âge , à prendre des médeci- nes , afin de rendre facile la cure de leurs ma- ladies, se laissant traiter selon les nécessités. Il ne faut pas attendre à combattre les vers, jusqu’à ce qu’ils soient émus ; au contraire, les prévenant , donner à vos enfans, à toutes les lunes nouvelles (qui est le tems que les vers sémeuvent naturellement ), quelque petite chose contre la vermine. A ce service est très- propre le semen contia, donné avec une figue grasse, ou avec du mie}, ou avec des pommes cuites, ou autre matiere douce à laquelle les vers s’attachant , se trouvent pris par leurs contraires, dont ils sont contraints de sortir du corps. Aussi le suc d'orange, la poudre de son écorce, sont bonnes contre les vers, donnant de l’un ou de l’autre, séparément, avec de l'huile d'olive, une cuillère d’argent. Le sirop de limon fait mourir les vers; 478 TRÉATEé aussi les tablettes au sucre, faites de la poudré de corne de cerf, de l’endroit le plus tendre, qui est celui des cornes de lx bête, croissant toujours comme branches d'arbre. La poudre de menthe, bue én vin, la graine de coriandre, avec jus de grenade. Mais avee plus d’efficace, la rliubarbe donnée en subtile poudre avec eau descabieuse, même aux plus petits enfans, uni scrupule , avec du lait ou avec trois gouttes de miel rosat. Des gros vers, sortis du ventre des enfans, se fait une excellente poudre, pour chasser les vers de même espèce. On dessèche tel gros ver sur une pèle chaude; puis réduisez en poudre, qu’on donne à boire aux enfans avec du vin, du potage ou du lait, s'ils sont fort petits. Les applications exté- rieures servent de beaucoup contre les vers, pour les tuer ou les chasser’; tels sont l’herbe de lupin pilé, et mise sur lé ventre; celle d’ebsynthe, concassée, et frite, appliquée sur l'estomac et sur li suture coronale. Iail pilé, dont on fait cataplasme avec l'huile de cade, que le vulgaire paysan français appelle tal ; la seule senteur de cette huile, dont les témpes, le gosier, l'estomac, sont oints ; aussi huile petrole, l'urine de sanglier, trouvée dans la véssie de la bête lorsqu'on: l'éventre, ainsi . D'ÀÂAGRIGELTURE. 479 J employée. Porter au col de l'ail enfilé comme une chaine, arrêtent les vers de nuire, pour sa forte senteur pénétrant jusqu'à eux, leur étant fort contraire. Le sirop de chicorée avec rhubarbe , «est bon contre la vermine, et aussi à toute autre maladie des enfans ; c’est pour- qmoi donnez-en à vos enfans toutes les fois que les vers les’fatiguent. Les enfans sont fort sujets au devoiement de lestomac ; il leur cause vonnssement même dès leur’premrière jeunesse ; pour larrèter , il convient de leur faire porter sur l'estomac ui emplâtre de mastich. La façon de Femplâtre est telle : il faut faire fondre un peu.de cire vierge, l’étendre sur le cuir, etau milieu faire une foiete, dans laquelle vous mettrez du mastich fondu et chaud. Le vonsissement est arrêté, mettant un œuf eu coque cru contre le gosier de l'enfant, lorsque le vomir lepresse ; ; la froideur del'œuf, comme aussi de toute autre matière froide et lisse, accommodable à à partie, l'ont ce succès. Voilà des remèdes à certaines particulières maladies. En) voici pour les fiévres affligeant généralement les personnes. L'eau distillée de glauieron ; herbe appelée en Languedoc lani- pourdeset-rapoules ; bue au matin, la quantité 480 THÉATRE de quatre onces, est fort bonne contre toutes sortes de fièvres. Aussi la graine de hyeble, dite en Languedoc angue, pulvérisée , bue au poids d’une drachme avec vin blanc ; le jus de bétoine et de plantain , mélés ensemble, le vin d’absynthe, y sont profitables. Pour la fièvre continue, le malade s’abstiendra de manger durant vingt-quatre heures, à compter du commencement de la maladie, ainsi que de l'usage du vin, pour autant de tems que la fièvre le tiendra, buvant cependant de la u- sane ; ou de l’eau de fontaine bouillie avec du gramen { chiendent), ou de la battue avec du pain bis ; laquelle boisson on ne lui épargnera pour lui abattre la chaleur de la fièvre. Sera donné à boire au malade quatre onces d’eau de bout de chêne, ou autant de celle de chardon béni, ou de scabieuse, ou de l’eau dans la- quelle aura trempé, durant huit ou dix heu- res, la semence de l’herbe aux puces, avec un peu de sucre, ou deux doigts, dans un verre, du jus de la petite oseille, donné durant la grande ardeur de la fièvre. Pour abattre la fièvre, et aussi pour la chas- ser, servent les applications extérieures, telles que celles-ci. Liez aux pouls des deux bras, le jus tiré des orties grièches, mêlé avec de l'on- gueni . LA Ga t'a dLTUuREt 481 tuent populeum. Un oignon, mis sur chaque poignet en dedans du bras, Payant au préalable creusé au milieu, puis rempli le vide de mi- thridate. Cataplasme fait avec de la suie de cheminée , des œufs frais, jaune et blanc, vi- maigre, sel, battus ensemble, attachés avec des linges sur le pouls des bras. Appliquez au cœur et sur l’épine du dos , des cœurs de gre- nouilles de rivière; mettez sous les plantes des pieds et sur la région du foie, des poissons appellés tanches. Pour corriger laltération venant de la grande soif, que le patient endure pendant la fièvre, on lui lavera la langue avec vinaigre et eau rose; puis on Jui donnera quel- ques cerises ou agréotes confites, ou des cor- nouilles confites au sucre, très-propres à ce mal. Après, on lui fera tenir à la bouche quel- que pièce d’or ou d’argent, ou de crystal, ou la pierre triangulaire qu'on trouve dans la tête de la carpe, ou des feuilles d’oseille : car ces choses, remuant dans Ja bouche avec la langue, _ donnent au malade du soulagement. Ces remè- des s’employeront en attendant le médecin, qu'on aura demandé pour l'importance de la maladie ; laquelle il traitera par saignées, ciys- tères , potions et autres moyens qu’il verra être Tomee (FT. H k 482 LDH ÉATRS propres ,-selon la complexion du malade et disposition de la saison. La fièvre quotidienne sera combattue par boire tous les jours, avant l’acces , du jus de bétoine et de plantain, mêélés ensemble ; ou de la décoction, deux ou trois doigis dans un verre, chaque matin, faite avec des pois chi- ches, écorce moyenne de sureau ; feuilles de bétoine , de scolopendre, des racines d’ache, de persil, de rave et d’asperge , ou d’autres MCE de quinte- feuille, dont l'herbe bouillie et chaude sera appliquée en cataplasme sur les poignets du fébricitant. Pour la tierce ; à quelque chose malheur est bon. Ce proverbe se trouve vérifié en la fièvre uerce , de laquelle les trois et quatre premiers accès sont salutaires, servant, au prinitems, à repurger le corps des humeurs superilues ; pour laquelle cause quelques per- sonnes se procurent cette fièvre en telle sai- son, la tenant pour médecine purgative. Mais, passé les quatre ou cinq premiers accès, elle est préjudiciable, et toujours, en l’automne, très-dangereuse, pour la crainte d’être con- veriie en quarte, par les prochaines froidures. n fera perdre la fièvre üerce par ces re- : D’ A°G R É QU L T U R E. A83 mèdes. Prenez de l'écorce d’un jeune noyer, de celle qui joint au bois ; après l'avoir écra- sée au mortier, trempez-la dans du vin blanc, F espace de huit ou dix heures ; puis coulez ce vin à trayers un Jinge blauc , et donnez-en au fébricitant à boire un plein verre de moyenne grandeur , lorsque l'accès le saisira. Ce breu- vage le fera vomir, et par ce moyen expuiser et vider en hors la malice de la fièvre; mais c'est avec violence, pour laquelle cause n’est- il donné qu'a des personnes robustes. De même malaxerez et tremperez, dans vin blanc, des racines de plantain et de parelle, et du vin en sera dogné au fébricitant pendant son accès. Les jus de plantain , de pourpier, de pimpre- nelle, de grenade , bus séparément, sont bons contre cette fièvre. Aussi y est bon de frotter les tempes et le front du malade, peu devant l'accès, avec un liniment composé de vers de terre, cuits avec graisse d’oie. De mettre au poignet, tempe, plante des pieds, de l’onguent populeum , une once, avec deux drachmes de toile d’araignée , mêlés ensemble ; ou un cata- plasme fait d’ortie grièche, de rhue, de sarge!, une poignée de chacune ; autant de suie de cheminée , avec sel ; le tout pilé et incorporé vinaigre. | H h 2 484 ŒUA'TÉE À PT Ainsi que dans les précédentes fievres, en celle-ci le malade s’abstiendra de vin ; ou s’il ne s’en peut passer, ce sera fort peu qu’on lui en donnera à boire ; en grande abondance d’eau cuite, et pour toute fièvre, indifférem- ment, il est nécessaire de tenir le venire lâche du patient. Quant à la Jièvre quarte , elle est plus longue que dangereuse, arrivant peu souvent que le malade meure de telle maladie. Plusieurs re- mèdes sont employés à sa guérison, mais peu réussissent. Ceux-ci se trouvent assurés par les réitérées expériences ; savoir; la graine de hyeble, le poids d’une drachme, pour gens délicats, et d’une et demie pour les robustes, pour enfans, demi-drachme suffit. La graine sera mise en poudre subtile, puis trempée, durant une heure, en deux doigts de bon vin blanc, ou, à son défaut, de clairette: ainsi on la donnera à boire au fébricitant, lorsque l’ac- ces le saisira. | Autre. Une noix muscade sera desséchée sur la pèle chaude, puis mise en poudre; de laquelle sera donné au fébricitant, tous les jours au matin, bien qu’il ne soit jour d’accès, demi-drachme avec du vin blanc. Autre. Faites cataplasme, le long de l’épine D'AGRICULTURE. 485 du dos, avec de la thériaque , ou frotter le dos depuis la nuque du col jusqu'aux fesses, avec de l’eau-de-vie , au moment que l’accès vient, et continuer le frotter tant longuement que le malade le pourra souffrir. | Autre. Appliquez sous la plante des pieds, des pigeons fendus du long du ventre, tout vifs etouverts, et là attachés. Au contraire des autres fièvres , celle - ci est froide, pour la- quelle cause le fébricitant de la quarte boira du vin avec peu ou point d’eau, afin de lé- chaufier ; et pour la même cause, il prendra tous les matins un œuf frais, cuit molet, avec cinq ou six grains de poudre. En toute fièvre terminée, ceci est à observer que de se garder de manger le jour que l'accès doit venir, jusqu'a ce qu’il soit passé, même le précédent Jour, manger fort sobrement, afin que la fièvre, trouvant le corps vide par faute de nourriture, n’y fasse plus de séjour. Entre toutes les maladies, desquelles Dieu châtie les péchés des hommes, /a peste est la plus redoutable, par la violence de son venin, tuant en peu de tems ceux qui lattrapent, et ce, avec tant de contagion, que les médecins même n’approchent des pestiférés qu'avec grand danger de leur vie, dont il arrive que H b3 486 ÆTMÉ ATHUE les remèdes sont employés rarement, ou du tout ; et à tel défaut, plusieurs personnes pé- rissent en cet abîime : car, moyennant prompt secours et la bénédiction de Dieu, la plupart en réchapent. Or, si dans ces communes maladies, il est requis à chacun de chercher les moyens de s’en délivrer , encore plus, en tems de peste, se doit-on étudier de ne tomber en si dangereux mal ; ou y étant, d’en sortir. T'elle sollicitude appartient à toutes sortes de personnes, pour la commune affection que chacun a de con- server sa vie; mais spécialement ce sont les habitans des champs qui ont plus d’intérêt Ge s'instruire sur cette matière, à cause que leur solitude les prive des gens qui peuvent leur porter du secours, dont les villes sont pourvues. On a premièrement deux M à faire en tel items calamiteux ; savoir, à se préserver de mal, et à le guérir étant venu. Le plus assuré moyen de se préserver de la peste , est de ne communiquer aucunement avec Îles pestiférés ; au contraire, habiter en lieu sain, d'air plus froid et sec que chaud et humide ; et se souvenant du commandement de nos ancêires ; €t0, longe, tarde, aélogera- t-on du lieu infect; pour se retirer loin en un DAGRAICUTLURE 487 lieu solitaire, duquel il ne se hâtera de retour- ner ; au contraire attendra que le danger soit passé chez soi. Tous les pays ne sont pas indif- iéremment sujéts à la peste , mais plus ou moins les uns que les autres. Aux méridionaux, la peste est plus violente qu'aux septentriopaux. Des corps il en est ainsi : que les personnes jeunes prennent plutôt la peste que les vieilles ; les sanguines, que les cholères ; les choleres, que les flegmatiques ; ei celles-ci plutôt que les mélanchoiiques. Qu'on ne s'arrète pourtant pas sur cette disuüncuüon , au contraire que chacun, en quel- que lièu-qu'il habite , quelque âge et quelque complexion qu'il ait, pense à éviter tel péril avec autant de soin que Dieu lui en donne de moyens, implorant sa miséricorde en si vrbnd calamité. | L'habitation sera salutaire, si elle est em lieu aéré, élevée ; exposé au soleil et aux vents, non aquatique, ni marécageux. Le logis percé de tous côtés pour la libre entrée, du soleil, etle passage des venis. On y fera toujours bon feu , non seulement aux cuisines, mais: aux Mau des salles er des chambres, et dans toutes les parties de la maison , galeries , basse- cours. et autres lieux. communs ; car le feu Hh4 488 RÉ 4 LUE purge l'air, chassant les mauvaises vapeurs, même si le feu est fait de bois ayant quelque bonne qualité médicinale ou odorante , comme cade, genièvre, cyprès, laurier, sapin, ro- marin, lavande , aspic et semblables. En hiver prineipelement le feu est de requête , et en été , même ja nuit. - Quelquelois on brülera de l’encens, des parfums composés de benjouin, de Pabdanum, storax et semblables drogues. Les chambres seront souventarrosées de vinaigre eteau rose. L’on y répandra des herbes etfleurs de bonne ‘senteur , romarin, sauge , melisse, roses, ocil- lets et autres , selon le lieu ou ie tems. Durant ha chaleur, les chambres seront rafraîchies avec ramure de chêne, de saule, de vigne dont on tapissera les murailies ; par ce moyen Pair se repurgera de ses mauvaises vapeurs, qui procèdent de la contagion. Quant aux personnes , il sera bon de porter sur soi, des parfums précieux composés de musc, d’ambre gris, de civet, de storax , de labdanum, d’iris et d’autres exquises matières. Se laver quelquefois les mains avec de l’eau- d'ange , ou de naffle ou de rose ; souvent avec du bon vinaigre rosat, s’en frotter le nez, sentir le vinaigre par le moyen d’une DPAGRICULTUR E. 489 éponge qu'on y aura trempée , et qu'on ma- niera à tous coups. Se vêtir nettement et pro- prement. | Les femmes sujettes à la suffocation de la matrice et à catarres ; celles qui sont enceintes se garderont de se servir de tels parfums, de peur que, pour éviter un danger , elles ne tombent dans un autre. Il y a plusieurs pierres précieuses, dont les vertus résistent à la peste, qu'on portera pendues au col, ou aux doigts , en bague. Le rubi , l’'émeraude , la jacinthe, le saphir , le grénat sont de ce nombre. L'on en portera avec eflicace, au doigt de la main gaache, appellé médecin , d'autant qu’il répond au cœur. La pourriture est fort remarquable en tems con- tagieux ; la peste ayant grande prise sur les personnes qui font des erreurs à cet égard. Le trop et le peu de manger sont pernicieux à ce mal , et les viandes de difficile digestion, comme au contraire , salutaire est la sobriété et l'usage de chairs délicates et autres vivres bien qualéfiés. Du pain et du vin même , étant bien choisis , et de bonne matiere , sans cor- ruption. Il n’est pas bon de sortir le matin du logis , ayant l'estomac vide, de peur d’aitirer faci- , 499 TRÉATRE lement le mauvais air de la saison; ‘pour pré ( venir ce danger:, on pr endra di doigts de vin avec un peu de pain, avant de sortir, si mieux on n’aime , et pour plus de sûreté, user de quelques-uns des préservatifs : suivans ; au reste, chacun prendra ses repas, etse traitera selon sa complexion , sans excès. Le vinaigre est fortestimé en tems de peste ; pour ses vertus médicinales ; ainsi ceux à qui il n’est pas naturellement contraire, s’en ser- viront largement à leur vivre ordmaire, comme aussi de loseille, pour sés bonnes qualités en potages et en sauces , avec pouliot, marjo- laine et souci. La bourrache, la buglose et le saffran ( celui-ci en petite quantité ), sont bonnes en toutes les saisons. lies oranges, citrons , limons , grenades sont salutaires en items de peste. Quant aux fruits ‘des arbres, il ÿ en a plusieurs dont l’usage ‘est louable, comme poires de bon-chrétien |; pommes de court-pendu , prunes de damäs et'autres bien choisis , et ceuillis mürs, qu'on confra au sucre avec de là cannelle pour leStorriger. La noix confite au sucre, sert non seule- ment d’exquis aliment, mais même de pré- servatif contre la peste. Le dormir et le veiller seront aussi modérés, l’excès de Jun er de D'AGRICULTURE. A9t l'autre étant dangereux dans des tems de con- tagion. Il en est de même de l'exercice dont le modéré est toujours le plus louable ; le reposer est bien plus pernicieux , que le beau- coup travailler en tems de peste ; de laquelle ont été délivrés plusieurs par grand exercice: Il est à desirer d’avoir un bon ventre ; on se le procure tel, premièrement , par le vivre ordinaire bien réglé, puis par quelques pe- tites prises et clystères laxatifs. Ceux qui ont des hémorrhoïdes, des fistules , des fonlanelles, ne les fermeront en tel tems; mais les laisseron fluer pour donner cours a leurs mauvaises humeurs , dont la peste sera d'autant éloignée. Avec tous ces régimes, le tenir joyeusement est nécessaire ; pour quoi se .Jaissant conduire à Dieu, invoquant son aide, on passera le tems en choses honnêtes, chassant les occasions de tristesse et crainte de peste. Nous ajouterons à telle conduite des remèdes appropriés au tems, les recherchant tels. Les pillules d’aloës, de myrrhe, préser- vent les personnes de tout venin, si on en prend le poids de demi-drachme de deux en deux, ou de trois en trois jours, puis buvant un peu de bon vin, trempé en eau rose ou d’oseille. Quelques personnes e2 prenrent, 492 TRÉATRE soir et matin , suivant leur complexion, une petite pillule, pesant la sixième partie d’une drachme qu’on détrempe , étant dure, avec du syrop de limon, ou à son défaut du vin, et incontinent boivent un peu de vin, comme dessus. | L’antiquité a autorisé ce remède contre Îa peste, inventé par le roi Mithridate , et re- tenu jusqu’à présent pour salutaire par Îles réitérées expériences. Il est composé d’une figue grasse , d’une noix sèche, de quatre ou cinq feuilles de rhue , mêlées ensemble. Les eaux suivantes sont très-bonnes à ce mal, em- péchant le venin de donner au cœur. D’oseilie, de chardon-béni, de noix. La suivante dite par excellence, eau contre la péste, est sin- gulière. Vous composerez ainsi : prenez au mois de juin , chardon-béni, pimprenelle, scabieuse, gentiane , souchet, autant de lune que de l’autre ; fleurs de buglose , roses rou- ges, herbes d’oseille et de morsus-diaboli , au double des autres; mettez le tout iremper en vin blanc et eau rose, durant dix ou douze heures ; puis retiré de Ia, faites le distiller au bain marie, y ajoutant demi-once de bo- larmène , pour chaque livre d'herbes. L’eau qui en sorüra sera serrée dans une phiole, D'AGRICULTURE. 493 et sur une pinte de cette eau, l'on mettra demi-once de sandal citrin en poudre , et une drachme de safran , puis la phiole sera exposée un mois au soleil d'été. Elle sert de préser- vatif et de cure. L’on en donne à boire trois doigts , en un verre , au malade incontinent qu'il se sent frappé, ajoutant à chaque prise, un peu de sucre et de cannelle, pour la rendre plus agréable. Autre eau restaurative et rafraichissante contre toutes fièvres malignes et pestilentielles. Prenez, conserves de violette , de nénupher, mélisse , bourrache, buglose , de chacune deux drachmes , écorce de citron confit, et tormen- tille , racines d’angélique et de gentiane , de chacune demi-once ; poudre choisie de dia- margariton froid, de tous les sandaux , bo- larmène , de trochisques de camphre, bois d’aloës, de chacun deux onces , raclure d’i- voire, corne de cerf, macis, cannelle, clous de gérofle, semence de chardon-béni, de chacun une drachme , thériaque vieille , trois drachmes, de la décoction de deux poulets, ou chapons bouillis dans de l’oseille , sca- bieuse, laitue , bourrache, bugiose , quatre drachmes. T'out ceci soit mis dans l’alambic de verre, avec quelques bonnes chairs et la 494 LH É M'ORE nietiede deux pains blanc wempéeen vinblane, et distiilé à feu lent. À chaque livre d’eau qui en sortira, seront ajoutées quatre onces de syrop acéteux de limon mêlé ensemble , dont le malade usera à toute heure. Les racines d’angélique et d’énuila-campana, servant beaucoup en ce cas, on en tiendra dans la bouche, trempées en hiver, dans du vin, et en été, dans de l’eau rose, et pour en rendre l’usage plus agréable, on confira c?s racines au sec avec du sucre.Ces poudres aussi ; prenez aloës, cicrotin, myrrhe, cannelle fine, de chacune trois drachmes ; cious de gérofle , bois d’aloès , mastich, bolarmeue:, de chacun deux drachmes. Le tout sera mis en subüle poudre , dont on prendra au matin le poids de deux deniers en vin blanc, trempé avec un peu d’eau d’oseille. Autre eau, prenez romarin , alvine, sauge menue, artemise, fe- uouil , rhue, autant de l’une que de l’autre ; racines et feuilles, étant curieusement lavées, tremperont en vin blanc trois jours, les re- nuant avec un bâton ; au quatrième, tout, herbes et vin sera distillé , dont l’eau en sortant donnée chaude , en la quantité de deux doigts , dans un verre , préservera la personne du venin, et en cuire guérira la peste, pourvu qu’on tal S : D'AÂAGRICULTURE 49) l'emploie à tems comme dans les premières vingt-quatre heures. Des qu'on se sent frappé de la peste , il convient de changer d'air ou de maison, du moins de chambre et de tous habits, de par- fumer la chambre pour les moyens sus-écrits. Le malade doit se contraindre à prendre sou- xent à manger et à boire, plus ou moins, selon que la fièvre est grande ou petite, et plus Ja chaleur paraît grande en dehors, plus il faut diminuer de nourriture. Elle sera de facile digestion , comme potages , coulis de pouilllaille , mouton et autres délicates chairs, avec vinaigre, eau rose, jus d’oseille, Il y a des poissons, non contraires à ce mallà ù comme perches, brochets, soles. I] usera d'orge mondé, avec lait d'amandes douces, d'œufs frais , pochés ou cuits à l’eau, mangés avec jus d’oseille. De prunes de damas, de per- digonnes et. antres délicates, cuites et man- gées avec sucre rosat. Des oranges , limons , grenades, capres, du bon pain, cuit d’un jour. “Quant au, boire ; ce sera peu de vin blanc ou de ciairet, éncore bien trempé avec de Veau bouïülie, pourvu qu’il n’ait Pas. grande fièvre ; car, cela étant, la boisson > lant au repas sque dehors, sera d’eau de fontaine bouillie, 496 TE É At KE qu'on corrigera avec jus de grenade où d’o= range, ou de limon , ou jus de pommes aigres. Si la personne est jeune, robuste, de com- plexion chaude, fort altérée en tems chaud, uon sujette de nature à des coliques , pas- sions, hydropisie , ou apostumes intérieures , elle pourra boire de belle eau , sortant de fontaine , à grands traits, non à petits , de peur d’augmenter la chaleur , comme on le voit ratiquer au maréchal qui arrose son feu peu a peu. La ptisane avec sucre rosat lui est bonne, mème entre les repas. On le gardera de dornur au commencement, durant vingt-quatre heures, pour empêcher le venin de passer jusqu’au cœur; après cela, il dormira par intervalles , mais peu, pour conserver sa vigueur; le ventre lui sera tenu lâche. Au même instant qu’il se sentira saisi de maladie, soit qu’il change ou non d'habitation , il prendra une drachme de bolarmène en poudre, détrempée en eau rose et vin blanc. S'il vomit cette boisson, il en reprendra pour la seconde fois de même, pour la troisième s'il le faut. On prépare en ce cas le bolarmene dc cette sorte. Mettez en poudre la quantité de bo- larmène que vous voudrez ; faites-le tremper deux ! mt | j L D'ÀÂAGRICULTURE. 497 deux heures , en eau d’oscilie, laissez le sé- cher à l'ombre. Étant sec » retrempez-le dans l’eau d’oseille, pour la seconde fois , même pour la troisième et quatrième , le ressèchant. Finalement mise en poudre, ellesera serrée dans un sachet de cuir, et gardée avec soin, pour la nécessité ; ainsi préparée eilese main- uent bonne, et long-tems. Autre exquise poudre ; prenez poudre de romarin , deux onces; d’absynthe , une once > d’énulla-campana, une once : de scabieuse , demi-once ; de la petite centaurée, demi-once. De toutes ces poudres ensemble , en com- poserez une , dont on baillera au patient, de la grosseur d’une fève , avec du fort vinaigre rosat, une Cuillerée d’argent ; puis il sera mis dans un lit chaud Pour y suer, car par la sueur , la peste s’en ira sans percer, moyen nant la grace de Dieu. Le même effet est produit par la décoction des cimes de l'herbe de gincte sauvage , faite en vin blanc, bue un plein verre, puis se cou- chant chaudement. Le jus d’herbe de souci, exprimé dans un mortier, avec de l’eau chaude, bu un demi-verre , lorsqu'on se sent acceuilli par la peste , empèche que le venin ne touche au cœur , continuant le remède de six en J'ome. IF. Li 498 T'rÉATÉRE six heures, et finalement délivre le pestifére du mal. La licorne trempée ou ratissée dans le vin , a la sembiabie vertu, lorsqu'il est bu ; et aussi la composition suivante en forme d’o- piate ou trochisques. Pulvérisez de la racine de souchet, séchée à l’ombre ; du safiran, de la graine de moutarde, autant de lune que de l'autre. Mèlez ces poudres ensembie avec du mithridate , autant que. l’une desdites poudres et du vinaigre rosat ; autant qu'il en faudra. Après les premiers remèdes , qui empêchent le mal de passerouire, pour le châsser entière- ment, il faudra donner au malade, es jours sui- vans, une fois chacun, du matin ou du soir, une heure avant le repas, de la poudre de bo- larmène , préparée comme dessus, ou du si- rop de limon, avec eau d’oseille , ou de morsus di:boli, ou de souchet ou de chardon-béni. Le sirop venant x manquer ; lesdites eaux. seront employées, ou celle contre la peste, ci-devant décrite : la prise dés sirops , ou eau sera suivie pié-à-pié d’une tablette de diamargariton froïd, ou de trois sandaux ou |! poudres , suivant l'ordonnance du médecin , si fure se peut. La grande efficace de guérison que la sai gnée | L . DAS LS RCER TU RE 499 a en ce mal la, en rend nécessaire l'usage, au défaut de laquelle, ou étant malfaite , plu- sieurs personnes périssent : Cela arrivé par manque du chirurgien, ou par un chirurgien mal expert, n'étant pas conseillé par un mé- decin, à cause du misérable tems contagieux, qui retarde les secours. En telle nécessité , ilne faut pas que le chirurgien attende qu’on lui fixe jour ou heure , pour faire une saignée ; au contraire , il doit employer le tems et l’oc- casion. Les jeunes gens sanguins, bien charnus, abondans en sang , mêlé avec d’autres hu- meurs , requièrent copieuse saignée. Elle se fera néanmoins avec modération , et encore non à une seule fois , mais à deux venues. En la première saignée , la plaie sera entrou- verte y appliquant dessus de l’huile , pour que le sang ne coule , pour la rouvrir quatre ou cinq heures après , afin d’en tirer le sang né- cessaire ; au contraire, peu de sang sera tiré de la personne qui n’en a en abondance ; bien plus , ce sera selon sa vigueur et la qualité de ses humeurs , ce qui sera décidé par l’ex- pert médecin , auquel on recourra si la mi- sèere du tems n’en ôte le moyen. Plusieurs savans médecins, ne permettent | | Fa 300 THÉATRE pas la saignée indifféremment à toutes per- sounes diverses, d'âge et de sexe, excluant celles qui ont moins de quatorze ans, les vieilies gens décrépits , les femmes enceintes, ( même en leurs derniers mois ), celles qui ont enfanté depuis peu , ou qui ont actuelle- nent leurs purgations , toutes gens débiles, notamment celles qui ont lafièvre pestilentielle, qu’au. préalable la bosse ou charbon n’ayent paru quelques jours auparavant. Il y a des vieilles gens de grande vigueur et forte complexion ; aussi des jeunes gens de dix ou douze ans, plus robustes que d’au- tres plus ägés. T'els seront secourus par pe- tites évacuations qui les tireront du danger de mort , de quoi l’on s’occupera avec dis- crétion. Il est aussi très - nécessaire que le chirurgien évite l’erreur de prendre une veine pour une autre, parce que le venin, étant attiré au cœur, cause la mort du patient. Si la peste paraît sous l’oreille, il faut sai- gner le malade de la veine du chef du bras, ou en rameau, qui est sur la main, enire le gros doigt et son prochain. Si elle est en la gorge , il faut prendre cette veine, et après un peu de tems , il est bon d'ouvrir les deux veines qui sont sous la langue ; si elle ait sous TS ———————— D'AGRteULTUR €; Box l'aisselle, faut prendre la veine , dite médiane, qui est entre celle du chef et celle du foye ; si elle est sortie , en l’aine , faut prendre celle dite la Saphène , qui est en la cheville du Pié ; en la parue intérieure , ou en défaut de la trouver , celle qui est entre le gros orteil €t Son voisin ; si elle est en la hanche > eu dehors , faut prendre la sciatique , qui est sous la cheville du pié, en la partie extérieure. Ces saignées doivent se faire le plutôt qu’on peut, pour couper chemin au mal, toutes fois sous les conditions ci-dessus, et en empêchant le malade de dormir » Comme dessus est dit. Au lieu de la saignée, on employera les Yentouses pour les personnes qui ne peuvent être licitement saignées, et ce avec ou sans Scarification, ayant égard à l’état du patient, La ventouse sera appliquée sur le col, si la pesie est sous l'oreille ou dans la gorge ; si elle est sous laisselle » la ventouse se mettra sur l’épaule au même côté du mal , et sur les fesses , si elle est sur l’inguine ou aîne. Quant à la purgation , le lendemain de la Saignée Ou application des ventouses, on donnera au patient, de grand matin, une once de casse ou de manne, plus ou moins » Selon Ja vi- gueur , l’âge , la réplétion de la personne et 1i3 5o3 ÉrÉéATES autres considérations. Ces drogues au préalable seront détrempées en eau d’oseille, ou de souchet,ou une drachme de pillules communes, ramollies en eau d’endivie. On continuera de faire prendre au patient , des eaux , poudres et autres choses coniorta- tives, ci-dessus spécifiées, et ce par journces et intervalles ; s’il faut une plus grande purga- tion, le médecin en ordonnera. Finalement pour se délivrer de tout ce grand mal, l’on en vendra aux applications extérieures , dans lesquelles on ne se servira en aucune maniere de refnèdes répercussifs, de peur de faire réwograder le venin daus le corps , à la rume du paient. Incontinent après la saignée, ou applica- tion des ventouses, l’on appliquera, sur la bosse, un oignon blanc , ainsi préparé ; l’oi- gnon ; choisi blanc.et grand , est creusé par le milieu, puis vidé et rempli de fine thé- rique vieille, avec de leau-de-vie ; ie ‘trou est refermé de la pièce, premièrement enlevée, et après avoir bien lié Voignowet enveloppé de papier, il est mis à cuire sous les cendres à peut feu ; d'où, retiré et écrasé, il est mis jout chaud sur le mal. I} convient de pré- parer ainsi plusieurs oignons, pour les appli- D'À 6erRtTEU LTIUÙ R E. bo3 quer sur le mal, de deux en deux heures ; on exprime même le jus de ces oignons, pour en donner à boire au patient, et servir contre la peste, de préservatif très-utile en ce cas. Plusieurs appliquent sur la peste , pour en tirer le venin, un coq vif, du quel ayant plumé le fondement, et après y avoir mis du sel le fout joindre fermement contre l’apostume, y tenant dessus longuement le coq, en fermant par fois son bec, pour lui faire retenir son haleine , afin de mieux attirer le venin. Si le coq meurt, recourez à un autre , réitérant le remède à ladite manière , ou bien en fendant le coq de son long, encore vif et ouvert l’ap- pliquer chaudement conire le mal : ceux qui feront ce service , seront soigneux de brûler les coqs apres les avoir retirés de dessus le mal , de telle sorte que la vapeur ne puisse offenser personne. En ceite occasion , sont convenablement em- ployés les emplâtres composés de gallanum , de diaculum ammoniac. Celui fait avec des figues sèches , levain fort aigre , raisins secs sans pepin , broyés et incorporés ensemble avec huile de camomille, est utile. Plusieurs personnes appliquent, à trois ou quaire doigts au dessous de la bosse, une herbe caustique, Ï i 4 bo4 TRÉATERE nommée pié de corbin , qui engendré sur le lieu une vessie, qu'après ils percent en entre- tenant la plaie, ouverte , pendant un espace de tems; cette herbe s’appliquera au haut du bras, si la bosse est sous l’aisselle. TL'outes ces choses préparent le mal à rece- voir le remède maturatif, qui sera fait par l'avis des experts médecins et chirurgiens, comme ils le verront convenable ; même ils perceront l’apostume avant qu’il soit fort mûr , puis ils procéderont, par mondificatiis et incar- natifs , à la manière des autres apostumes, et dans le cas que, par la calamité delasaison , on ne puisse se procurer gens et drogues, de secours requis, à tel défaut, pour faire mürir Fapostume , la mère de famille se conduira en ceite sorte, se servant de matières qu’elle tirera de son jardin etde sa basse-cour ; prendra mauves , racines de guimauve, oignons de lys; le tout sera bien lavé, puis broyé dans un mortier, avec graine de lin et fenugret, après incorporé avec graisse de pourceau , pour faire un emplâtre qu'on appliquera sur le mal. Il sufüra de renouveller cet emplâtre une fois le jour , et sans attendre l’entière maturité de l’apostume, elle sera percée comme dessus. Si après il y a grande douleur, vous tiendrez D'ACGCRICULTURE. 5ob dans la plaie , durant vingt-quatre heures , une compresse trempée dans un jaune d'œuf fort battu, y ajoutant de l'huile rosat , ou de la graisse de poule, dans le cas que la douleur continue ; pour mondifier, faites emplâtre d’un jaune d'œuf, mêlé avec de la farine d'orge et peu de miel rosat ; pour consolider la plaie, appliquez dessus des feuilles d'éclaire broyées, ou faites un onguent avec de la cire et du jus d’éclaire, duquel eïle sera ointe |, comme lon fait aux autres apostumes. Touchant la goutte, le commun dit : qu’à la goutte, le médecin ne voit gouite , fondé sur la difficile guérison de tel mal, d’aucuns tems incurable : toutefois , au soulagement de notre infirmité , Dieu a manifesté quelques re- mèdes pour cette longue et fâcheuse maladie, dont les secours ont été heureusement em— ployés par plusieurs. Prenez deux livres de cire neuve , autant. de beurre frais , faites les bouillir ensemble; versez-les bouillans sur du bon vin clairet, où ces matières se géleront ; retirées , vous en ferez une masse , laquelle sera appliquée chaude sur la partie soufirante. | Autre ; prenez une chopine d'huile de chan- vre , et quatre fois autant de bon vin blanc, 5e: TRHÉATRE deux poignées d'herbe de pas-de-lion, tout cela sera bouilli ensemble, jusqu’à la consomp- tion de la moitié, dont la décoction sera em- ployée fort chaude, pour frotter les parties douloureuses. Le même effet de l’onction de Vhuile d’aspic, et du jus de guimauve , par égales portions de l'huile d'olive, dans lequel auront bouilli des grenouilles , jusqu’à la sé- paration des os d'avec la chair ; de l'huile de cannelle , de cire et de sel, mêlés ensemble par égales portions : cette composition est aussi fort bonne contre la goutte. Prenez sauge sauvage , scabieuse, petite consoude, feuilles et racines d'hyéble ; le tout bouillir a longue- ment ensemble dans du vin, et après en avoir coulé la décoction par un linge , ajoutez de Ja graisse de pié de beuf, de l'huile d’aspic ei de l’eau-de-vie ; mais par dessus tout autre remède , l’emplätre suivant est souverain pour la guérison de toutes gouttes, sciatiques et au- tres , autorisées par des expériences réitérces , qui en ont fait curieusement rechercher la recctie. Jlest appellé en latin, emplastrum de ranis, C'est-a-dire, emplätre de grenouilles ; parce que son corps est grenouiilé. Prenez six grenouilles vivantes , grasses et grosses , buile de camomille , d’amis, de spicanardi , D'AGRICULTURE. boy de lys, de chacun deux onces ; huile de sa- fran , une once ; graisse de pourceau non salé, une livre ; graisse de veau, demi-livre ; eu- phorbe, cinq drachmes ; encens, dix drachmes ; huile Jaurin, une once et demie ; graisse de vipère , deux onces ; ver de terre lavé dans du vin, trois onces et demie; suc de Ia ra- cine du petit sureau , appellé en latin, ebulus, deux onces ; énulla-campana, deux onces ; fleur de chenant, ( c’est une fleur que pâturent les chameaux ) , stecados , matricaire, de chacun ure poignée ; vin odorant , deux li- vres ; faites bouillir le tout ensemble , jusqu’à la consomption du vin, plus coulez par le tamis , et ajoutez litarge d’or, une livre ; _ thérébentine claire, deux onces; cire blanche, autant qu’il faut; storax liquide, une once et demie ; faites en un emplâtre selon l’art. Les remedes ci-dessus ont été choisis entre plusieurs , comme les plus assurés, lesquels néanmoins ne profitent pas également sur toute personne indifféremment, pour la diversité des complexions , selon lesquelles il est néces- saire de purger les humeurs peccantes, pour préparer le goutteux à recevoir les applica- tions requises. Celui qui, sans abuser du délai que ia longueur de sa maladie lui donne, qui boë THÉATERE recherchera de bonne heure un médecin ex- périmenté , pour combattre la goutte, si elle est Jeune, ( sans attendre qu’elle rende vain le remède, étant vieille. ) Le régime de vie est l’un des principaux articles de la guérison de cette maladie à laquelle le vin étant fort contraire, le goutteux se résoudra d’en boire fort sobrement , s’il n’aime mieux d’en bannir l’usage , pour le bien de sa santé. Pour purger le corps , il y a plusieurs moyens, dont les plus utiles sont les moyens violens : la sobriété de vivre , l'usage des bonnes viandes , l’exer- cice modéré , facilitent la purgation ; car on ne traite ainsi que les personnes qui,ont une trop grande abondance d’humeurs. Néanmoins k quelque détrempées qu’elles soient, par un régime de vie et par l’exercice, peu ou point de personnes se trouvent qui n’ayent besoin. d’être purgées au bout de quelque tems, pour faire évacuer le superflu qui s’amasse dans le corps, en nettoyant par là l’intérieur. Ce sera avec beaucoup d'utilité, si l’on se résout là, que de prendre , de fois à autre À quelque petitlaxatif, comme clystères, pilules, ou breuvage , prévenant par cette prévoyance les grandes maladies qui, si elles arrivent , nous Contraignent de recourir aux fortes mé- D'ÀÂGRICULTURE. 509 décines. Se faire donner un couple de clys- téres , de quinze en quinze Jours, ou de mois en mois, tient le ventre en bon état , lavant les intestins ; auquel clysière, par l'avis du médecin, seront ajoutées les drogues conve- nables à l’humeur peccante de Ja personne. L'usage de pillules d’aloës ou de myrrhe, trempées en vin ou sirop de capilli-veneris ; est fort salutaire pour les rhumes, pour J’es- tomac , pour la vue, pour l’ouie prises une fois la semaine. On amollira le ventre , étant constipé, en prenant de la poudre de feuilles de roses de damas , le poids d’un écu, avec du bouillon , au matin ; à l’entrée du diner: aussi avec des sirops laxatifs aromatisés pré- parés à ce service, en diverses sortes : avec de la casse seule ; avec des vins , dans les- quels on aura fait bouillir des herbes laxatives, lorsqu’en tems de vendanges les vins sont en moût. Aussi durant l’année >. On fait un vin purgatif de cetie manière : prenez huit onces séné trié , trois chopines vin blanc , une once anis Concassé, deux onces racines de chi- corée , faites tremper le tout trois jours en- tiers , puis vous coulerez le vin à travers d’un linge blanc , et vous en prendrez à chaque fois quatre onces seulement: l’on usera durant 510 Tin É AT RÈE Vannée de ces petiis moyens et auires , sui- vant la disposition. Au printemps, On évacue les humeurs par la décoction des roses incarnates , bues durant huit ou neuf matins, une écuellée chacun. En mangeant en salade des feuilles de pêcher ; mais la personne esi mieux purgee, par la graine de hieble : plusieurs, la prennent dans du vin blanc ou clairet, au poids d’une drachme et demie, ou de deux, si la personne est robuste ; où une demie, si elle est délicate. Il y en a qui rejettent cette graine , qui leur paroit àcre et violente; mais, la mère de fa- mille qui purgera ses serviteurs , ne la rejettera pas , parce qu'ils font grand exercice ; même elle l'employera pour ses enfans , en leur en donnant en petite quantité, COMME une demi- drachme au moins , à Cause de sa vertu admi- rable à purger, prise en graine à la manière usdite ; et encore avec plus d’efficace , et moins de violence , on est purgé par l'huile de cette graine; pour cel exquis service, la mère de famille fera bonne provision, en saison de cette graine, pour s’en servir durant l’an- née, lemployant au besoin et en graine et en huile. L’herbe de hieble, qu’en Languedoc on appelle augue ; cué, eulé , croit dans les . s D’'ÀAGRIGUVETUR E. Br champs en friche, et sa graine mûrit en même ems que les raisins. En vendange donc , cette graine sera cueillie en parfaite maturité, et après lavoir secouée et vanée, pour la sé- parer de la poussière , elle sera jettée dans l'eau, gardant la graine, qui par sa pesanteur va au fonds, rejettant l’autre, dont la légèreté Ja fait nager au-dessus de l’eau, comme 4e nulle valeur ; distinguant par cette épreuve la bonne de la mauvaise. Lorsqu'on l’a tirée dé l’eau, on la lavera dans du vin blanc, eton Ja fera sécher à l'ombre , et on la serrera dans des sachets : voilà la manière de recueillir la graine d’hieble ; voici celle d’en recueillir l'huile. Mettez en subtile poudre, dix livres de graine d’hieble bien purifiée et nette : faites- la bouillir en eau claire, dans un grand pot de terre vernissée , sept ou huit heures durant. À mesure que l’eau se consommera , mettez- én de nouvelle chaude , vous recueillerez soi- | gneusement l’écume , qui est ce que mous cher- chons dans ce cas : vous Ia serrerez dans un vasé deverre, et après l'avoir bien bouchée et lutée, vous l’enfouirez profondément dans du récent fumiér de cheval, à la chaleur du- quel lécume se pourrira dans huit ou dix Ai D 12 TuÉATRE jours ; après quoi retirez votre vase tout dou- cement, sans remuer la matière; au fond de ce vase, vous trouverez le flegme, et l'huile nageant dessus, comme vous le desirez. Sé- parez l’un de l’autre, jettant au loin le flegme, qui est de nulle valeur , et après avoir passé l’huile à travers d’une FA pour la pu- rifier et rendre nette, vous la serrerez cu- rieusement dans des phioles de verre, pour son excellente vertu à purger : une demi-cuil- lerée d'argent suffit pour purger un corps médiocrement robuste , en la buvant avec du bouillon, le matin, quatre heures avant le diner. Outre ce service, cette huile est singu- lière pour guérir les douleurs des membres, par le seul frotter de laquelle , élant chaude , la douleur s “appai ise. | Autre manière de purger doucement , est la suivante, dont on se peut servir, durant l’année , sans limite de saison : faites faire un bouillon d’un poulet ou d’un quartier de poule, ou d’un peu de bon mouton, pas trop gras, y mettant dedans une poignée de bonnes herbes , comme oseille , bourrache , laitue , chicorée franche et sauvage, autant de l’une que de l’autre. Quand le bouillon sera fait, coulez à travers d’un linge blanc net, à travers un D'ÀAGRICHLTURE. 515 un pot de terre vernie , mêlez incontinent une once de bon séné , avec un peu de canelle et d’anis : bouchez très-bien le pot, de trois Où quatre doubles de papier , liés avec de la ficelle, afin que la vapeur ne s'en exhale Pas ; mettez le pot sur la braise pour y bouillir un couple de bouillons seulement ; puis retiré de là, le laisserez sur les cendres chaudes , bien entouré d’elles, pour y demeurer chau- dement , tout le long de la nuit ; le matin venu, coulez la décoction à travers un linge blane, et ajoutez une once et demie SYTOP rosat ; laquelle décoction un peu échauffée » prendrez sur les cinq heures. Autre. Prenez un poulet plumé et bien net- toyé de ses entrailles , et le farcirez de ce qui suit : ayez feuilles de séné du levant , trois onces ; racines de polipode , une once ; se- mence de cartamus , une once ; Concassez le tout grossièrement , et l'ayant mêlé ensemble, ajoutez , agaric quatre drachmes ; canelle fine, une once; raisins de damas ou de corinthe 4 une once et demie : ayant mis le tout dans le poulet , il sera recousu, afin que rien n’en sorte : On le mettra dans un pot de terre ver- nissée , avec suffisante quantité d’eau , lequel sé sur le feu, bouillira jusqu'à ce que le Un Tone 1e | K k 514 FT HÉATRÉE bouillon se réduise à trois écuelles, qui sera pour trois prises, une à chaque matin. Le malade ne gardera la chambre que jusqu’à midi, si auire cause ne le retient au logis plus lon- guement. Au printems et à l’automne, se font les meilleures purgations de toute l’année, par la bonté des herbes de ces saisons qui les pro- duisent en plus grande quantité qu’en autre tems. Les apozèmes sont à cela propres, pur- geant à fond, néanmoins longuement par les diverses vertus des herbes dont ils sont com- posés, qu’on accompagne de rhubarbe , séné, agaric , manne, Sirop , cannelle, sucre et autres matières , selon les complexions des person- nes ; aussi, et en tout temMS, Où se purge avec sirops , piliules, bolus, potus, juleps et autres compositions que les apothicaires font par or- donnance des médecins , les appropriant selon les nécessités des complexions et saisons. Pour douleurs des membres. L'huile d’hieble y_est fort propre, si l’on en frotte chaud les membres , appaisant leur douleur, moyen- nant qu'ils soient enveloppés avec des linges chauds. L’eau-de-vie, avec du beurrefrais, em- pioyée contre ce mal, est bonne. Les huiles de colholéarum , de impérieoh aussi, sépa- D'ÀAGRICU LT U R E: b15 rément employées. L'huile de fleur de sureau , celle dés vers de terre, guérissent la douleur des jointures. Le remède suivant ést singulier pour cette maladie , et autres douleurs des bras, jambes, et côté : prenez poix noire, perresine, cire neuve, une opce de chacune; beurre frais, demi-livre : faites fondre, dans un poëllon, la poix, la cire et le beurre, et lorsque ces trois choses bouilliront, jettez dedans de la perresine coupée en menues pièces, laquelle sera incorporée avec les autres matières, en les remuant ayec un bâton, pour lesbien mêler ensemble. Cette composition étant chaude , les parties dolentes seront ointes, et tant frotiées qu’on le pourra endurer ; puis sur elles, ap- pliquerez un emplätre de ladite composition, J'y tenant durant vingt-quatre heures , après vous les refrotterez comme dessus , et ensuite y remetirez les empläires, continuant à cefaire, jour après auire, jusqu'à la fin du mal. Pour meurtrissures , à cause des coups re- çus pour chüte ou auirement, où il y a con- tusion et meurtrissure, sont bons ces remedes. Appliquer contre les douleurs des jointures, venant de fraction , la racine de gloteron, (en K k 2 B:16 TH E L'TRE Languedoc dites lampourdes), broyée etméléé avec de lhuile d’olive. La semence de la poivrette avec miel ; la farine de lupins, dé- trempée en vin; la farine des fèves, cuite en vinaigre ; le jus de l’aloës ou perroquet, avec miel. Cataplasme fait d’origan , ou marjolaine bâtarde, vinaigre et huïle appliquée avec de la laine ; liniment fait avec de l'herbe à éternuer , avec du beurre frais. Le raifort em- plâtré sur le mal, avec du miel , ôte les mar- ques de la meurtrissure. La racine de chanvre appliquée avec huile de eamomille, résout les. tumeurs ; la feuille de consoude moyenne, avec huile de mille-pertuis, appliquée, fait fondre le sang caillé dans le corps, par chütes, meurtirissures et contusion. Un souverain re- mède est d’oindre les parties meurtries ou cassées , de l’huile suivante : prenez marjo- laine , persil, absynthe, pariétaire , hyssope, de chacun une poignée ; pilez dans un mor- tier, puis mettez dans un pot de terre ver- nissée, et par dessus de l’huile d'olive, tant qu’elle surmonte les herbes de quatre doigts: placez le pot au soleil, à laspect du midi, où il séjournera trois mois continuels ; savoir , juin , juillet et août, dans lequel tems l'huile D'MGRICULTURE. b17 se cuira suffisamment ; lors coulerez l'huile à travers un linge, et ensuite la serrerez dans une phiole de verre, pour le besoin. Aux meurtrissures et cassures est de même salutaire le remède suivant , aussi aux nerfs re- tirés. Ayez un renard jeune et gras, faites-le écorcher, puis ouvrir par le ventre pour en ôter la matière fécale. Il sera cuit tout entier, dans unchauderonenabondanced’huile d'olive, avec bayes de laurier, feuilles de sauge et racines de guimauve. Là, le renard bouilira longuement, et jusqu'a ce que les ossemens se séparent de la chair, etlorsqu’elle est réduite en brouet, et après les avoir cassés, ils seront remis dans le chaudron, pour en profiter la moëlle, y bouillant un peu. Finalement on coulera le tout, par une étamine, lexprimant à force pour en retirer toute la substance, laquelle serrée dans des vases de verre, ou de terre vitrée, y sera soigneusement conservée, pour s’en servir en liniment aux maladies sus- dites et à toutes autres douleurs de la personne. Pour playes ou ulcères, venant de blessures ou d’autres causes , la nicotiane est employée avec beaucoup de raison. Les excellentes ver- tus qu’ellea à consolider toutes sortes de playes, par infinies expériences, la met en grande KKk 3 b18 ThEiTeE réputation. Ses feuilies vertes , l’eau qui en ést disullée, celles qui sont desséchées et mises en poudre, les onguents et baumes qui en sont composés mélés avec d’autres ingrediens, sont singuliers pour la guérison de plusieurs maux. Mettez sur la playe des feuilles de la grande nicotiane , fraîches et coupées, ou de leur jus passé au tamis, après en avoir pilé les feuilles dans un mortier, ou de leur eaû distillée, ou de la poudre faite de feuilles sèches , puis ban- dez-la playe, qui, par tel remède, se consoli- dera dans peu de tems. Ainsi se compose l’onguent de la grande nicotiane ou mâle , autre- ment dite petum. Prenez quatre livres du suc ou substance de ladite herbe, que vous aurez auparavant pilée dans le mortier de marbre avec un pilon de bois, passez lesdits suc et subs- tances à travers un tamis assez clair, pour les avoir plus ne. que par une toile serrée. aites- les bouillir dans un vaisseau d’airain avec demi- livre d'huile d'olive, jusqu’à cé que le suc soit évaporé. Puis mettez de poix-résine , Ge cire- neuve de chacun demi-livre; quand le tout sera Lo dtez de dessus le feu, remuant iou- jours avec la spatule, k ajoutant demi-livre de fine iérébenthine de Venise, etaprès l'avoir ré- chauffé sur les charbons, l’en retirerez pour la D’AGRICULTURE. 519 dernière fois, logerez la composition dans un vase de verre ou de terre vernissée , où la lais- serez refroidir , avant de fermer le vase , lequel après, très-bien bouche, la conserverez longue- ment en bonté pour divers usages. Autrement : Prenez des feuilles de grande nicotiane , autant qu’un grand homme en pourra contenir entre ses deux mains. Netioyez- les bien , frottant les feuilles, l’une après l’autre, avec un linge blanc , sans les laver aucunement. Après pilez dans un mortier de marbre , avec un pilon de bois, coulez-eu le jus par un linge ; mettez le jus dans un poëlon , avec un quarte- ron de poix blanche de Bourgogne, un quarte- ron de poix-résine, demi-livre de cire neuve, demi-livre de graisse fraiche de pourceau, et tout cela mêlé ensemble, sera mis bouillir sur un petit feu, environ une heure, ( lPécamant toujours avec une cuillère de bois percée }) jusqu’à ce qu'il soit cuit, ce que connoitrez en mettant une goutte de la composition sur une assiette , où elle s’afflermira en se refroidissant, signe de sa parfaite cuisson, à la manière de la confiture au miel. Lors tirerez le poëlon du feu, et au même instant y leuü-rez un plein verre , mesure ordinaire , de térébenthine de Venise ; puis le poëlon remis sur le feu, la composition K k 4 B20 AP H HA TBE y Sera un peu réchautiée , finalement uürée du poélon, et on la logera en son dernier vase, comme ci-dessus. Autrement. Prenez trois onces de cire neuve, autant de poix-résine , faites-les fondre dans un poëlon sur feu de charbon, lorsqu'elle com- mencera de bouillir , jettez-y dedans une livre et demie de jus et marc de nicotiane tout cela ensemble, bouillira cinq ou six heures, dans lequel items la partie aqueuse s’évaporera, puis vous passerez le tout à travers une toile grossière, et le remettrez dans le poëlon, y ajoutant demi-livre de térébenthine de Venise ; étant un peu réchauffé et mélé ensemble, le serrerez pour l’usage. Autrement et sommairement, prenez une livre de feuilles de nicotiane, après les avoir bien nettoyéessans laver, elles serontfort pilées. Vous jeiterez le tout jus et marc sur une demi- livre de saindoux, bouillant dans le poélon, sur feu de charbon, pour y euire en perfection. Ainsi avec peu de peine se fait le baume de la nicotiane, car il n’est requis que d’en expri- mer le jus par un tamis, après en-avoir pilé l'herbe au mortier , et la metire dans un vaisseau de verre fort épais avec autant d’huile d’olive, et d’enfouir profondément ce vase, bien bou- PAÂAGRICULTUR E. ax ché et bien lutté,dans du fumier récent de che- val ; pour y demeurer quarante jours , au bout duquel tems vous le retirerez de là. Vous y trouverez le baume nageant au-dessus du flegme qui sera au fond du vase, lequel baume sortirez doucement du vase, sans émouvoir la lie du fonds , pour le loger dans un autre vase destiné pour sa garde , comme j'ai dit de l'huile d’hyeble. Ces compositions-la sont très-bonnes pour toutes sortes de plaies , ulcères, écorchures, meurtrissures , tumeurs , brülures, même pour diverses autres maladies, comme douleur de tête, migraines , et autres venant de l’ardeur du soleil, si on frotte la tête avec du baume susdit , ou avec de l’onguent ci-devant, le pre- mier écrit, bouilli avec du beurre frais. Pour lesquels très -salutaires services , la mere de famille ne sera jamais sans avoir ces précieux remèdes, pour les avoir prêts chez elle à la survenue des nécessiiés. Par divers autres moyens sont guéries les plaies , dont les suivans sont à ce fort bons. Onguent fait avec une once d'huile pétrole, demi-once de iérébenthine de Venise, autant d'huile d'olive, deux drachmes de mastich; le tout mêlé ensemble et cuit sur feu de charbon. THÉATRE (eu PRE Faites bouillir , à consomption de moitié, huit ou neuf livres de vin blanc ; mêlez-y le jus de pimprenelle, vervaine, bé- toine, aigremoine, de chacun une poignée. Puis le tout refroidi, sera passé à travers un linge ; vous y ajouterez demi-livre dé cire blanche fondue en un autre vase, mastuich et térébenthine, de chacun une once, dont sera fait onguent. Autre. Prenez sauge, plantain , mauve , or- vale, de chacun une poignée ; après les avoir pilés, tirez-en le jus ; faites-le bouillir avec une livre et demi de vieux oing, puis cou- lez-le par un linge; ajoutez-y deux onces poix-résine, autant de cire blanche , et remet- tez sur le feu pour y cuire, jusqu’à la consis- tance d’onguent. Cette composition-ci est aussi fort bonne. Prenez roses incarnates, pomme d’ormeau, romarin, fleur de millepertuis, autant de lune que de l’autre. Le tout mis dans une phiole de verre, remplie d’huile d'olive, très-bien bou- chée, sera exposée au soleil pour y rester durant quinze jours ; puis vous passerez la liqueur par un linge, que vous réserverez pour le besoin. Autre. Mettez dans un vase de verre du . DOBUE & 6.0 À TU KE. 523 soufre pulvérisé et sassé, et par dessus de l'huile d'olive, tant qu’elle surpasse le soufre de quatre doigts. Exposez le vase au soleil, pour y demeurer jusqu’à ce que la matière s’é- paississe , la remuant tous les jours une fois, avec un bâton, afin que la substance du soufre s'attache à l’huile , qu’on retiréra ensuite, le plus clair qu’il sera possible , laissant la lie au fond du vase, afin que l’huile, serrée dans une phiole , la conserve nettement, pour en pren- dre au besoin. L’eau de chaux est très-bonne à toute plaie vieille , récente, maligne. On la fait ainsi : pre- nez chaux vive en pierre, de la grosseur du poing d’un homme robuste ; mettez-la dans un pot de terre vernissée, et par dessus deux pin- tes d’eau claire. Couvrez bien le pot ; au bout de deux jours, remuez et batteZ la chaux et l’eau avec un bâton. Liaïssez-les reposer trois jours après, au bout desquels retirerez l’eau claire, qui se trouvera au-dessous de la chaux, et ce en penchant doucement le vase d’un côté, afin que la chaux arrêtée au fond, comme de la lie , ne se mêle avec l’eau. L’eau ainsi retirée, sera mise dans un vase de cuivre, à laquelle ajouterez du camphre concassé, la grosseur d’une noix, Vous aurez un autre vase vide, b24 HSE LT dans lequel verserez l’eau en l’agitant, et de celui-là au premier, ainsi de lun à l’autre, battant l’eau à la manière de celle qu ’on donne à boire aux fébricitans. Cela fait, laissez-la reposer une heure, puis vous la rebattrez pour la seconde fois, même pour la troisième et quatrième , en mettant entre une heure d’in- tervalle. Finalement, la laisserez reposer dans le vase de cuivre, jusqu’à ce qu’elle devienne de couleur bleue ; alors retirez-la du vase, et placez-la dans une phiole de verre pour le besoin. Cette eau sert aussi à la guérison du mal des yeux, mêlant le tiers d’eau de rose ; de quelle eau ensemble on froitera doucement les yeux, avec une plume, trois ou quatre fois le jour. Elle se gardera ainsi mélangée quatre ou cinq jours, non davantage ; c’est pourquoi on mêlera l’eau rose à celle de la chaux , quand l’on vou- dra s’en servir pour les yeux. Autre eau singulière pour toute plaie, mé- me pour coup de fusil. Faites bouillir une pinte, mesure de Paris, du meilleur vin blanc, dans un vase d’airain ou de terre vernissée, jusqu’à la consomption d’un tiers. Faites trem- per, quatre heures durant, dans ce vin bouilh, encore chaud, reposant sur cendres chaudes, D'AÂAGRICULTURE. B25 deux onces de poudre d’aristolochie ronde, et de sucre fin, autant d’une que d'autre, enfer- més dans un nouet de toile fine; puis tirez ce nouet du vin, et exprimez-en la liqueur avec violence ; remettez-le tremper plusieurs fois, à chacure l’exprimant , et autant que vous jugerez par l’œil et le goût, la liqueur porter quelque substance de la poudre. Serrez cette liqueur dans une phiole de verre, pour le be- soin. Le seul sucre pulvérisé, mis sur les plaies, y est salutaire ; on l’employera en la nécessité, faute d’autre remède. Pour tumeurs et apostumes. Le lait de figuier, ses feuilles, son fruit verd, séparément employés , servent grandement à amollir et mürir les apostumes. Le cataplasme de fa racine de guimauve , de la feuille d’anet, de capilli-veneris, d’asperges, le tout par égales portions , font le même effet, lorsque ces ra- cines et herbes sont bouillies dans de l’eau avec un peu d'huile d'olive. Aussi le cata- plasme fait de cresson alénois, avec farine de fèves, puis le lieu couvert d’une feuille de chou. Cataplasme fait de chou rouge, en ayant au préalable lavé l’apostume avec la décoction de chou. La seule huile de lys fait mùrir l’a- pestume ; la farine d’orge, cuite avec de l’eau 526 FHÉATRE miellée, fait de même. Le satyrium, en cata plasme, les feuilles d’orvale sauvage, trempées en vinaigre et appliquées avec du miel, résol- vent l’apostume. Cette espèce d’apostume, appelle furoncle ou clou, sera suppuré et amoili par les moyens suivans. Prenez farine de iroment, graisse de pourceau , miel et un jaune d’œuf; mélez et échauffez le tout, puis l’appliquez sur le mal. Autrement. Farine de fèves, levain, figues grasses, lait de femme, mélés ensemble, un peu chauflés, seront employés. Autrement. L'’herbe de plantain, pilée avec huile de Is, appliquez dessus le füroncle ; ou cataplasme de fente de brebis » détrempée en vinaigre. Pour les re: qui aviennent directe- ment du feu, ou bien d’eau bouillante, d’huile, de graisse, de poudre à tirer, ou d’autres ma- tières échauffées , les remèdes suivans son: fort propres. Pour un préalable, il faut éteindre le feu qui resie en la parte brûlée ou échaudée, tant pour avancer là guérison du ma}, que pour prévenir les vessies et croutes qui surviennent, sans un prompt remède, et ensuite les marques de la brûlure, y paroïssant apres que lés plaies en sont guéries. La brüdure sera ointe avec de l’huile d'olive, | D’ÀÂAGRICULTURE. Ba puis saupoudrée avec de la farine blanche ; ou bien on appliquera au-dessus des linges trempés en liqueurs réfrigératives, comme de limon, de grenade , d'huile rosat , d’eau rose, avec blanc d'œuf, dans le jus des herbes d’endivie, mo- relle, joubarbe , plantain. Aussi on pourra éteindre le feu des brülures, par fréquentes applications de linges trempés en eau rose et vinaigre , ou en eau de neige, ou, faute d'autre, en eau de fontaine. L’urine chaude, souvent renouvellée, y sert beaucoup; l'huile de noix, avec de la cire, le vieux lard, fondu sur une pelle rouge , ramassé dans l’eau, y tombant goute à goute à mesure qu'il s’y fond, nageant au-dessus , puis lavé en eau claire. La terre qu on trouve sous les meules des aiguiseurs, la tutie, céruse , litarge, bol , mélées ensemble et détrempées en eau et vinaigre ; la boue des rues , seule , étant molle , est utilement em- ployée en cette occasion, attendant plus exquis remede. Ces remèdes ,ou quelques-uns d’eux, seront promptement employés à éteindre le feu des brülures, pour les raisons dites. S'il arrive que, par la malice du feu, nonobstant ces applica- tions, il survienne des vessies, on les couper: avec des ciseaux ; puis les plaies en seront 528 Ton É ATRE # adoucies avec du beurre frais brûlé ; huile rosat et jaune d’œuf, battus ensemble. Et pour entièrement guérir le mal, cet 6n- guent est salutaire. Prenez jus de solatrum et de plantain, de chacun deux onces, écorce de sureau verd, de celle du milieu, ou moyenne, une once, huile rosat, six onces ; cuisez le iout ensemble, jusqu’à ce que le jus soit con- sumé ; puis passez l'huile par un linge, et met- iez-y une once cire blanche, la faisant fondre dans cette huile bouillante. Prenez, en outre, une once céruse en pierre, lavez-la en eau rose, mettez-la en poudre, et cette poudre dans l’eau rose, où vous la laisserez reposer quelques heures ; et lorsque la céruse sera allée au fond, l’eau demeurant claire au-dessus, jet- tez l’eau ; retirez la céruse, et ajoutez-y demi- once litarge d’or en poudre, trois drachmes tutie préparée; deux drachmes écorce d’en- cens, le tout subtilement pulvérisé; une once et demi quart de graisse de pourceau fraîche, lavée trois ou quatre fois en eau rose; demi- drachme camphre en poudre, et deux blancs d'œufs : de toutes lesquelles choses , mêlées et battues ensemble, la partie brûlée sera ointe. Autre. Prenez feuille de mille-pertuis, un oignon blanc ; pilez-les bien ensemble, met- tez-y DS RLÉULIURE b29 tez-y huile rosat et de lys; le tout bien mêlé et incorporé sera appliqué sur le mal, y ajou- tant des étoupes déliées, empées en vinaigre et un peu plus d’eau, battus ensemble. Autre. Prenez demi-livre beurre frais, brûlé et coulé , céruse et tutie, lavés en eau rose ou de plantain, de chacune demi-once, plomb brûlé, deux drachmes, quatre jaunes d’œufs ; le tout réduit en forme d’onguent. Un cata- piasme fait de feuilles de glouteron , pilé avec un blanc d'œuf, guérit les brülures ; la fente de poule avec Aa rosat, aussi. La job 2 TR de mauve et beurre frais, fonguement battu, appliqué en forme de, a feuilles de chou entière, ayant perdu leur fraicheur, est fort propre à faire séparer et tomber la croûte de la plaie. Les jaunes d’œufs , avec huile violat, y sont bons. Pour appaiser la douleur de ce mal, em- ployez cet onguent. Prenez vieux lard, fondez- le sur la pelle chaude, le faisant dégoutter dans l’eau rose ; d’où l'ayant retiré, puis coulé par un linge, sera lavé cinq ou six fois en eau de plantain. En quatre onces de lard gras ainsi préparé, vous ajouterez deux Jaunes d'œufs, et du tout ferez onguent. L'huile de jaune d'œuf est singulière pour appaiser cette dou- Tome IF, | L 1 530 PRÉ À TE leur. Et afin qu'après la guérison du mal, les marques de la brülure ne paroïissent, on lavera souvent la plaie avec eau de plantain, y ayant fondu un peu d’alun ; à effacer la cicatrice, est fort propre le liniment de racine de pain de pourceau, pilé avec de la joubarbe ; mais l’eau- de-vie encore plus, en lavant toutes les cica- irices de la brûlure, soil au visage ou toute autre partie du corps, si on la lave souvent et avec soin. | Contre la teigne. Prenez deux poignées d’herbe de chélidoine, quatre onces de sel commun, autant de soufre pulvérisé ; battez l’hérbe, dans un mortier, avec un pilon de bois, et le tout mêlé ensemble, vous le ferez bouillir e2 huile d’olive, à la éonsomption de la plupart de l'herbe ; puis ôté du feu et reiroidi, on le passera à travers d’une toile assez claire, pour en retirer la substance ; de laquelle on oindra la teigne (en Languedoc appellée rasque), soir et man, enveloppant d’un linge là tête du malade , afin de la préserver du vent; pour la- quelle cause ne sortira-t-il du logis qu’en beau items , encore rarement. | Autre remède. La tête teigneuse sera lavée avec du pissat de bœuf, la frottant rudement jusqu'au sang, puis saupoudrée de poudre faite D D'A GRIGULTURES. 531 de fiente de poulaille, séchée au four, y empli- trant de la suie de four, subtilement pulvérisée, mêlée avec fort vinaigre. Autre. Prenez suc de fumeterre, de sca- bieuse, de petite centaurée, de parelle, de campane, de chacun trois onces; tutie, uné once ; moële vieille de porc, quatre onces; huile de noix et cire, suffisante quantité pour en fairé onguent. Autre. Prenez térébenthine bien lavée, pre mièrement en eau commune, puis en eau de fumeterre , deux onces; beurre frais lavé en eau rose, une once; sel commun, demi-once; deux jaunes d’œufs ; jus de limon ethuiie rosat, de chacun une once, demi-scrupule de cam- phre, fait en onguent. Autre. Prenez alun de rockbe, vitriol, verd de gris, soufre vif, suie de four, de chacun trois drachmés ; camphre , deux drachmes ; huile d'amandes douces, moële de porc, de chacun demi-once ; incorporez le tout ensemble, et faites-en un onguent. Quelquefois avient qu’allons chercher loin, ce qu’avons près, et que médicamens de petit prix profitent autant que drogues bien chères, LI12 5 52 IDR É À M'RCE comme se vérifie en cette occasion le pro- verbe. Lesibayes de genièvre, cuites en vinai- gre et miel, appliquées en cataplasme sur la iète du teigneux, peuvent y servir beaucoup. Aussi employe-t-on heureusement ici la saumure des enchois, des sardines, des ha- rengs, des maquereaux , et le marc desdits poissons salés mis en cataplasme sur le mal. Aux enfans, la teigne est beaucoup plus aisée à guérir qu'aux adolescens, et en ceux-ci, qu'aux personnes âgées, le tems rendant in- curable telle maladie ; pour laquelle cause, il conviendra de distinguer les remèdes pour les appliquer convenablement ; savoir, aux Jjeu- nesses , les médicamens bénins, et aux autres, les violens, plus ou moins, selon les âges, afin de chasser telle maligne et horrible maladie, dont les vestiges, se manifestant sans poil à la tête, sont très-désagréables à voir. Il nest ici question de parler de la teigne des petits enfans , puis même qu’elle leur est salutaire, comme la petite vérole et la rou- geole, les purgeant de l’impureté.du sang ma- ternel duquel ils ont été nourris au ventre de leur mère, dont venus en âge, ne sont sujets indifféremment à toutes sortes de grièves ma- : D'AGRICUÉTURE. 553 ladies ; même à l’épilepsie, de la crainte de laquelle cette teigne-ci les délivre. La mauvaise teigne se distingue en sèche et /umide. Les remèdes sont les suivans. Pour la sèche, commencez par cette décoc- tion. Prenez quatre poignées de fumeterre, de patience et de racine de mauve , fleurs de camomille et mélilot, de chacun deux poi- gnées, graine de lin, fèves et lupin, de cha- cun un quarteron. Faites-les bouillir dans une lessive de sarmens et de bois de figuier ;-lavez- en la tête deux fois le jour, puis frottez-la de cet onguent. Prenez une livre de lard gras, de fumeterre, de patience, de lierre; hachez tout cela bien menu ; après ayez deux onces d'huile de laurier, quatre onces d'huile de mastich, demi-once de térébenthine , quatre onces de jus de chou; pilez tout cela ensemble , et le laissez tremper et reposer l’espace de vingt- quatre heures. Faites bouillir le tout à la con- ‘somption du chou ; coulez et faites-en un onguent, dont vous frotterez la tête du patient, ‘après lavoir lavée comme dessus, et vous la “couvrirez d’une grande feuille de chou. Quatre jours après, faites appliquer des corneties ou “petites ventouses, avec scarification, laissant écouler grande quantité de sang, réitérant deux L13 534 TRHÉATRE ou trois fois la semaine le lavementet liniment, Vous vous servirez aussi de cet onguent, Prenez une once d’huile d’œuf, une once et demie d'huile de li, demi-once d'huile de mastich et de iaurier ; de graisses de porc, de veau, de chacun trois onces , ure once de térébenihine fort claire, feuilles de plantain, d’olivier sauvage , de fumeterre , de patience, de queue de cheval, de chacun une poignée; une grenade aigre-douce, demi-poignée de lierre. Pilez tout ce qui peut l'être, et faites bouillir le tout ensemble, jusqu’à la consomp- tion des herbes ; coulez , et l’exprimez par un linge, et à la liqueur qui en sortira, ajoutez: litarge d'argent et céruse, de chacun une once; alun de roche brülé, autant; demi-once d’ar- gent vif, éteint avec la salive d’homme ; fina- lement, cire neuve suffisante pour faire ug onguent, duquel on usera en tout tems. Pour /a teigne humide, la tête sera lavée d’une lessive , en laquelle on fera fondre alun de roche; puis ointe avec l’onguent de minio, qu'on trouve chez les apothicaires. Enfin, pre- nez fleurs d’érain , alun de roche, miel et vinai- gre , de chacun deux onces ; uné drachme d’arsenic, deux de sublimé ; le tout en poudre bouillira ensemble, jusqu’à consistance épaisse : D'ÀÂAGRICULTURE. 55 QX cet onguent est miraculeux. Il est nécessaire, au préalable , quelle que soit la teigne, de raser la tête du patient, afin que les cheveux n’em- pèchent l'effet des remèdes. Les rustiques arrachent les cheveux avec de la poix, qu’ils accommodent dans un bonnet, dont ils couvrent la tête, l'ayant rasée, enle- vant la racine des cheveux avec efficace pour la guérison du malade , mais non sans grande violence, supportable seulement pour une per- sonne robuste. Pour éviter cette douleur, l’on se contentera de tenir la tête rasée, y repassant souvent le rasoir. Aux cirons et gratelle est bonne la décoc- tion de fleurs bleues, en se lavant les mains ; de mème aussi la vapeur de graine d’orvale, ou toute bonne , bouillant dans le vinaigre, après avoir lavé les mains avec de‘l’eau com- muue , dans laquelle on aura enfondu de l'a- Jun ; la décoction de feuilles de noyer, d’au- rone et d’alvine, faite en vinaigre ; le jus de citron seul; la saumure de lard salé; la sau- mure des lardes ou enchois ; l’eau de la forge des maréchaux ; le jus de mélisse et de men- the sauvage ; la fumée de soufre ; la lessive de cendres de bois de chène aussi. Les graieiles et démangeaisons de la per- Lé 536 AH É LT RE sonne, sont guéries par ces remèdes. Premie- rement, l’on se baignera dans un bain préparé avec l’oxilapathum ( espèce de parelle ou patience }, -de la staphisagre , des racinèes de betie et d’aigremoine, bouillies en eau de fon- taine, y ajoutant du sel commun et du nitre. Au sortir du bain, tout le corps sera frotté avec ce mélange. Prenez amandes amères, dépelées et écrasées au mortier, quatre onces ; de mie de pain de seigle, demi-livre, détrempés et mêlés avec eau de son, dont sera faite une masse. Si par ces deux remèdes le mal ne s’en va, en seront employés de plus forts, non toutefois violers, tels que ceux-ci. Prenez quatre onces de farine de lupins, deux onces de soufre ; incorporez-les en vinaigre, et faites une masse ; ou prenez vieilles grosses noix moisies, soufre, de chacun use once, incorporez-les avec jus : d’ache. Après avoir frotté la personne de ces compositions, sera bon de se baigner en bain d’eau douce tiède. Est bon aussi de se froiter la personne dans de l’eau qu’on trouve arrêtée dans le creux des vieux chênes, flétrissans et mourans. On se sert aussi de la décoction faite en vinaigre, des racines de buglose, d’aigre- moine et de fumeterre. MAG RIORETURE 557 À Ja rogne sera fort salutaire, pour un préa- lable, se baigner en bain tel que dessus ; puis se faire frotter le corps, avec onguent fait de deux onces de soufre calciné, beurre frais et moëlle de pourceau , lavée en eau de plantain. Ce liniment est aussi fort propre. Prenez une grosse pomme de facile cuisson, coupez-la par le milieu, et ayant un peu creusé en dedans chaque moitié , remplissez le creux de soufre pulvérisé ; puis rejoignez les deux parts, liées avec du fil, et faites cuire sous les cendres, mettant de la braise dessus ; après réduirez la pomme en forme d’onguent. Autre liniment. Prenez racine de scrofulaire, qu’aurez tirée de terre, en automne ; puis, nettoyée et purgée, pilez-la avec beurre frais, et la mettez dans un pot de terre vernissée, bien couvert; lequel reposerez en quelque lieu hnmide, douze ou quinze jours de suite, le beurre se fondra : coulez-en la liqueur, et gar- dez pour oindre la rogne. _ Autre. Jus de citron, quantité suffisante; deux jaunes d’œufs ; huile rosat, une once, dont sera fait liniment. L’on frottera la rogne avec un jus récemment exprimé de l'herbe d’aigre- moine , mêlé avec sel et vinaigre, ou de vieille huile de noix, ou avec deux onces de térében- * 538 MO E A FES. thine , neuf ou dix fois lavée , ou une once de sel en poudre , mêlées ensemble. La rogne étant rebelle, il est nécessaire de la combaure avec plus forts remèdes, que les sus-écrits, tels que les suivans. Prenez jus d’aigremoine , de scabieuse , de fumeterre, partie égale ; ajoutez-y huile et moëlle de pour- ceau, à suffisance, pour y pouvoir bouillir ces herbes. PBouillant, vous les remuerez conti- nuellement , jusqu'a ce que le tout aura acquis consistance d’onguent ; y ayant mis auparavant de ja poudre de siaphisagre et un peude céruse. De tel onguert, la rogne sera frottée, aprés l'avoir étuvée et baignée avec de l’eau où on aura infondu du sel, du soufre et de Falun. Autre. Prenez aloës et cumin, subtilement pulvérisés, de chacun deux drachmes ; ,incor- porez-les avec de la moëlle de pourceau, lavée en eau rose; ou triturez subtilement et pulve- risez tartre, sel de nitre, orpiment, soufre, de chacun une drachme. Cuisez-les, en égale portion de jus de pateum, d’huile et vinaigre, jusqu’à la consomption de la liqueur ; ajoutez- y suffisante quantité de cire, pour onguent. Autre. Pilez en un mortier et pilon de plomb, une oncé de céruse, encens, mastich et litarge, de chaque demi-once; puis versez # . DA CRLIOAL Lu rEd, 0 par dessus huile rosat, lavée soigneusement en jus ou eau de scabieuse, et mouvez si long- tems, que l’onguent se fasse. Le lavement qui suit est tout propre à étein- dre la rogne , quelque maligne qu'elle soit. Prenez urine humaine en suflisante quanuité ; mettez-y dedans de l’elléhore noir et du char- bon de chène, en poudre ; battez-les ensemble pour les mêler. La rogne en sera layée pendant quinze jours, une ou deux fois chacun. L’eau suivante est très-bonne contre toute sorte de rognes, bue au matin, fortifiant les remèdes extérieurs. Prenez mélisse, en telle quantité qu'il vous plaira ; pilez-la et faites-la tremper en vin blanc , une nuit entière, pour donner loisir à l'herbe d’atürer tout le vin ; -puis distillée au bain marie. Autre eau de sém- blible vertu, se distille des herbes de sauge, de pouliot,en la manière que dessus. De telles eaux, ja mere de familie fera provision en sai- son , afin de les employer en la nécessité. Pour les rougeurs du visage. L’importune couleur rouge du visage procède de diverses causes , et toutes de sang intempéré ; car étant _e sang ou trop chaud, ou trop ému , trop Yapo- reux, subul ou léger, ou trop crasse et épais, 540 THÉATÉRE attaché contre la peau , il colore le visage plus que de besoin, quelquefois excessivement avec prurit et douleur, même y élevant des croutes, boutons et pustules. Le nez en est infecte , les joues et le front aussi, dont la face en est en- laidie : C’est telle couleur qu’on appelle cou- perose , plus difficile à guérir que nulle autre. Les remèdes contre la première couleur, sont de procurer les naturelles évacuations du sang, comme les hémcrrhoïdes aux hommes, les fleurs aux femmes, à ce que le sang cor- rompu ne s'arrête au visage, comme il fait souvent, quand il croupit dans le corps. Tenir le ventre lâche, ouvrir de fois x autre les veines des bras, se faire frotter les bras et les pieds » appliquer souvent des ventouses aux épaules ; user au vivre ordinaire de viandes rafraichis- santes , boire un peu de vin bien tempéré ; par ces moyens et les suivans cette Tougeur s’éva- nouira. Qu PE 2 Lavez le visage, soir et matin avec eau de bouillon blanc distilée au bam marie, dans Îa quelle vous avez trempé un peu de campbre, ou avec eau composée d’eau de pourpier, de plantain, de l'esprit de grain, de pommes de chêne, de chacun fsix onces; eau de douze D'AGRICULTURE B4x blancs d’œufs ; de farine d’orge demi-livre ; de semence de pavot une once , tout cela distillé ensemble , ou avec autre eau distilée de deux livres de racine de parelle ou patience; d’une livre de poupon mür, l'écorce êtée, coupé en rouelles, graines concassées de concombres, courges, pavots blancs et rouges, de chacune deux onces ,camphre deux drachmes. Qu bien avec celle-ci. Prenez de la mie de pain blanc , six glaires d’œufs , deux drachmes de camphre , du jus de six citrons; détrempez- le tout dans une pinte de lait de chèvre, et après y avoir ajouté une poignée des trois sortes de plantains, la distilerez au baïn marie , dont l’eau qui en sortira, serrée dans une phiole de verre, et gardée quinze jours, sera propre à ce mal-là , l’appliquant sur la rougeur, avec un linge blanc et fin qu’on y aura trempé. L’onguent de tutie et huile de jaune d’œufs y est propre. Aussi l’eau commune mêlée avec de l’urine d’enfant , ou du fiel de quelque volaille, pigeon ou perdrix. La seule eau baitue de la roue d’un moul'n , l’eau de neige ; l’eau où l’on aura éteint des cailloux blancs de rivière, échaufiés au feu. Semblables verius ont, le sang de poulenoire, de pigeon, tiré sous l'aile, de lièvre, appliques séparément sur les rou- 542 LH E LT geurs, y ayant au préalable mélé un peu de jus de bourrache rouge et de lait de vache. Contre la CourerosE, autrement ditte goute rose , ces remèdes seront employés. Etant le mal invétéré, convient de préparer le cuir ( la peau du visage ), à donner issue à l’humeur sanguine , qui est dessous , causant la rougeur , afin que l’humeur en sorte facilement ; ce qu’on fait en raréfantle cuir , en subtilisant l'humeur par choses émollientes et digérantes telles que celles-ci et en cette manière. Parfumez la face, à la vapeur de la décoction faite de figue , raisin de Damas, grain d'orge, son de froment, balle d’avoine, feuille de pariétaire , de camo- mille , de mauve, guimauve , de violle, en eau de citerne, enveloppant la face avec du linge, pour qué la vapeur ne $e perde dans la face, suant, sera rendue apte à recevoir les médica- mens requis, pourvu que le parfum soit réitéré durant quelques jours. Semblables facultés ont les sangs chauds de poulet, de chapon, de.poule, de pigeon, récentement tiré de dessous leurs ailes, ou de ces volailles tuées fraichement : ou ceux de lièvre, d'agneau, de brebis, de cerf, de ca- nard, dont on se servira au lieu du parfum susdit, Couvrant les rougeurs du visage avec AR 545 l'un desdits Sanss, où il demeurera caillé toute la nuit, et le lendemain en sera Ôté, par la décoction tiède d'avoine où de son. Ne voulant user d'aucun de tels remèdes, appliquerez sur les rougeurs de visage des piè- ces déliées et minces de Ja chair Saigneuse de col de bœuf, ou d’une rouelle de veau, ou d’un gigot de moutôn, les ayantun peu échauffées sur le gril. Mais il faudra les renouveller de deux eu deux heures , tant » de peur de s'empuantir par le venin de Ja maladie, qu’on attire par- là à soi, que pour avoir pius de vertu contre le mal , fraichement appliqué qu'après y avoir séjourné longuement. T'oute Ja nuit lesrougeurs _demeureront couvertes de cette chair ; d’où _dtées le léndémain matin » lors la face sera la- vée avec linge délié, trempé en la décoction susdite ou en eau rose. Après ce premier à ppareil > Seront employés les remèdes contre la première rougeur, Ci- dessus écrite » lesquels, s'ils ne SOnL pas assez Puissans pour combattre la Couperose, seront ACCOMpagnés des suivans : | Lavez souvent le visage d’une eau composée ‘une livre d’eau rose , dans laquelle on fera souflre, subtilement pulvérisés, mvrrhe et EL + Tu 4 TBE encens, de chacun demi-once, el le tout mélé ensemble, mis dans une phiole de verre exposé au soleil ardent pendant douze ou quinze jours; où en eau distiée de racine de ‘patience , avec un peu de soufre dedans , ou en ezu de racine de scorfulaire, ou de fleurs de bouillon blanc avec peu de camphre. Sem- blable vertu ont les sucs exprimés des fraises, des mûres , des pommes de chêne point mûres. Cette eau-ci est fort singulière contre la couperose. Prenez deux livres de racine de patience , autant de chair de melon bien müre, dix œufs d'hirondelle , demi-once de sel de nitre, deux onces tarire blanc, concassez les racines et le melon; pulvérisez les sels et uartres , urez les œufs de leur coque , et mettez le tout tremper en suffisante quantité de vi- paigre, pendant cinq ou six heures, puis disti- lez au bain-marie. De l'eau qui en sortira, On lavera le visage Îe matin, sans l'essuyer et le soir , allant au lit, iavez avec l’huile de tarire et d'amandes douces ( ce dernier tiré sans feu) méêlés ensemble. cu Autre. Prenez racines d’aristolochie ronde et d'iris de Florence, de chacune deux onces racines de Îys, Six Onces; pois chiches rouges lupins brülés, de chacun une once: Noix-mus cades! Lo Dr n à 545 cades, canelle, de chacune demi-drachme ;deux onces amandes amères écrasées; deux livres eau de pluie; concassez tout cela, et le laissez tremper ensemble deux ou trois heures ; puis ajoutez-y quelque quantité de sang de lièvre, finalement distillez au bain-marie » eitdel qui en sortira lavez-en le visage. Æutre. Prenez du bois verd de frêne » COupé par tranche, faites-le distiller à la manière qu’on ure l'huile de genièvre, il en sortira eau ptet hutie, qui mêlés ensemble Y ajoutant le quart d’eau de violette , étant de couleur de pourpre, en en fera un très-propre lavement , pour ôter les rougeurs de la face. L’onguent suivant est fort bon contre les rou- geurs malignes du visage. Prenez soufre ; une once ; céruse lavée, deux drachmes ; os de sèche, camphre, de chacun une drachme ; jus delimon, demi-livre; jus d’oignon, deux onces; pulvérisez subtilement ce qui doit l’être et le mêlez avec , les incorporant ensemble, dont on oindra laface, en allant se coucher ; et le lendemain matin, la laverez avec décoction de son. . Æutre. Prenez amandes douces récentes , deux onces; graines mondées de courge, une once ; jus de limon et d’orange, une once de l'omee UV. M m eau 546 Ten ÉATRE chacun; borax pulvérisé ,une drachme ; cam- phre, un scrupule; céruse blanche , demi- once ; pilez et incorporez le tout ensemble. Une orange cuite sous les cendres , réduite comme en pâte , appliquée sur les rougeurs , au soir, à l'entrée du lit, y séjournant toute la nuit, y est salutaire; puis lavant au matin la face, avec eau de citerne, où auront trempé des amandes amères , écrasées, et du son, enfermé dans un Hinge. Pour les dartres , sont employées divers re- mèdes, selon que diverse est la maladie. Les dartres moins mauvaises, se guérissent facile ment , avec médicamens doux etbénins , mais les plus mauvaises , avec difficulté, par Pappli- cation de remèdes violens. | Pour la guérison de celles-lh, vous agirez ainsi. Lavez les dartres avec décoction de féves et de farine en vinaigre , ou avec vinaigre où on ait dissous de la gomme de prunier, ou bassinez-les de la salive d’un jeune enfant, prise au matin avant qu'il ait mangé; ou d'un homme étant à jeun qui ait tenu pendant quel- que tems dans sa bouche, de l’eau rose, ouun morceau de camphre ou de myrrhe ; ou avec vinaigre où on aura fait dissoudre la gomme de pècher, d’amandier amer et de pin. . D'AÂAGRICEULTURE. 547 Prenez une tranche de chair de mouton fort mince et écrasée, grillez-la sur les charbons â pilez la avec graine de moutarde et vinaigre , et appliquez ce mélange sur la dartre. Où prenez encens, huile rosat et vinaigre , et faites-en un onguent ; ‘Ou prenez du bracs (autrement dit housson ) où des sarmens de vigne , en frottez les dartres. Les remèdes contre les plus mauvaises dar- tres, sont Îles suivans, qu’on employera après avoir essayé les susdité) et à leur défaut lavez les dartres avec la graine de grain de lapin et racine de guimauve faite en vinaigre , à la consomption de la moitié , Ou avec eau dé plantain, en laquelle on Fa fondre deux drachmes et demie de vitriol blanc, et une drachme d’alun brûlé. Contre ces dartres est bon l’onguent fait avec savon , sel ammoniac, et huile de cade, ainsi ippbiéé par le vulgaire francais, tac. Celui fait avec deux drachies et demi Daft) une drachme graine d’ortie, demi- dabbte camphre, dre onces benne frais. Celui-ci est excellent. Prenez huile rosaf, deux onces ; huile de tartre , demi-once ; suc de lapas , une once ; graisse de pourceau non M m 2 548 A. Hi É: A, TN salé, demi-once; litarge en poudre, deux drachmes et demie ; du tout soit fait onguent. Autre. Prenez racine de patience, quatre onces ; racine de gentiane, deux onces; faites- les cuire dans l’eau claire ; pilez-les ; faites-les cuire de nouveau avec moëlle de veau en con- sisiance d’onguent. Contre les dartres est singulier remède l’on- guent de nicotiane ci-dessus décrit. Les lini- mens suivans y profitent beaucoup. Prenez eau disullée de patience, quatre onces; trois drachmes de borax , une dragme de sel com- mun , une once de vinaigre stilitique, mêlez et eu faites linimeni. | Autrement. Faites liniment avec deux drachmes d’aloës dissout en vinaigre suilitique ; avec demi-livre d’huiïle de jaune d’œufs ; huile d’agnus-castus et onguent citrin, de chacun six drachmes ; graisse de serpent, trois onces ; borax , cristal, céruse , sarcocole , de chacnn deux drachmes, avec un peu d’huile rosat. L’huile de froment seul est fort bonne à ce mal. On la fait ainsi : mettez dans un vase de terre vernissée des grains de froment, subulemept pulvérisés, couvrez-bien le vase, posez-le dans un chaudron plein d’eau sur feu de char- | BACHIOQULTURE 549 bon, pour tenir tiède l’eau, non pour la faire bouillir; là, le vase séjournera trois jours conti- nuels, au bout desquels on retirera la poudre, qu'on trouvera humide , et l’ayant mise dans un sachet, en exprimerez l'huile sous le pressoir, telle que vous la desirerez. Pour les lentilles , rubis ou saphirs qui sont au visage, appelés à Paris, éaves, on usera de ce remède. De la décoction de riz, faite en eau, de l’eau distillée d’une livre de tartre calcinée, d’une once de mastich , et de demi- once de campbhre , mêlé avec glaire d'œufs. De l'eau distillée de la graine de raveset deracines de grand serpentaire, ayant trempé ensemble en eau exposée au soleil , les quatre jours pré- cédens. De l’huile distillée de coquille d'œufs, de lhuile exprimée de la graine de coton. Du jus de la racine, et de petits grains de couleur; du jus d’ache avec farine de lupin; des fleurs récentes de jasmin, écrasées sur le mal; de la fiente de pigeon détrempée en fort vinaigre ; de la farine de vesce , de la graine de roquette pulvérisée, incorporée dans du miel ; des pe- is emplâtres faiis de lentilles , réduites en pâte à force de cuire, passés à travers un linge, et paitris avec jus de grenade; de l’onguent M m 3 550 TV LÉ À TRE fort d’althea, huile rosat, eau rose, beurre frais mêlés ensemble. Contre les cors ou cals, autrement appelés agassins , C'est-à-dire, pour se débarrasser de leur importunfié, empêchant de marcher librement , avec douleur, lorsqu'ils se fourrent entre les doigts des pieds, ainsi sera procédé. On lavera les pieds avec décoction de bonne herbe, puis les cals seront coupés avec un rasoir aussi bas qu'il sera possible, et sur le restant, appliquez un emplâtre de cire gom- mce , rouge ou verte, ayant trempé vingt- quatre heures dans du fort vinaigre rosat. Le cinabre et verd de gris, dont ces cires sont colorées, font mourir les racines des cors. On obtient le même effet des remèdes sui- vans, et plus efficacement, toutefois les uns que Îes autres, selon leurs diverses propriétés, desquels choisirez ceux qui mieux vous agrée- ront et les employerez. Fomeniez les cors avec lessive de cendres, d’écorce de saule, y ajoutant du vinaigre , appliquez dessus du lait de figuier et du jus de ses feuilles, ou du fiel de vache, de la chaux vive, avec huile de cade, des feuilles de rhue pilée et raisins secs; des feuilles de l’herbe D DA ec ROULE U RE. 551 dite vermiculaire pilée, de l'huile de tartre disullée ; emplätre fait de galbanum et cire neuve; ces choses attendries avec votre haleine, mêlez ensemble. | Autre. Faîte de racine de lys, cuite en perfection , puis pilée avec moëlle de pour- ceau , sera une chose fort propre à ce mal. Prenez trois onces d’eau de tartre, une once de savon noir, deñni-once d'argent vif, faites bouillir le tout huit ou neuf Has et à chacune, lorsqu'il commencera à bouillir , faites sou- dain cesser ses bouillons en y versant de l’eau froide ; puis quand l'aurez éteint pour la der- nière fois , lavez-en tous les matins le cal, et au soir étuvez avec de l’eau tiède , con- tinuez avec cela jusqu'a entière guérison , recoupant , tous les jours, du cal ce qu'on pourra. Pour le poil. Celui qui tombe de trop de rareté et molesse du cuir , sera retenu par cette lotion : prenez rose, hierre , balaustes, feuilles de saules , alun de roche, faites-les bouillir en eau de citerne , coulez la décoction en la- quelle , uüède, faites dissoudre tutie, encens, corail blanc pulvérisé ; ou par cetie OnCLION , prenez noix de galle,myrrhe, mastich, encens M m B52 | L'ih'E AlT'aix de chacun une once, trois onces de labdanum , mélez tout avecihuile rosat, et faites onguent; ou par celle-ci: prenez cendres de ca- pilli-veneris, deux grains d’ache , d’écorce de pin, incorporés avec du labdanum et graisse de canard , y ajoutant cendres de féuilles de myrrhe , d’absynthe , de la racine de sou- chet et de graine de seigle en poudre, et à ce que les remèdes profitent mieux , avant leur application , la tête sera rasée , laquelle dé- nuée de poil , recevra à propos les remèdes : le rasement servira à faire renaître les che- veux épaissement , comme on voit les vignes et arbres taillées de nouveau , rejetter puis- samment ; mais ce sera après avoir purgé l’im- pureté du corps, causant la chûte du poil par l'avis du savant médecin. | Si vous desirez d’ôter le poil d’un lieu in- décent, où il ne vous agrée, les choses sui- rantes vous satisferont; d’entre lesquels choi- sirez celles qui plus vous seront agréables, pour vous en servir : Prenez , sang de chauve souris , suc de hierre et de raves , fiel de chèvre , mêlez tout cela ensemble. Autre. Prenez gomme de lièvre, œufs de | | | | | , | p’À GRICULTIURE. 553 fourmis et orpiment , de chacun demi-once ; cendres. de sang-sues brûiées , de tout ferez poudre et mêlerez avec sang de grenouille. Autre. Prenez larme de vigne et mèilez-la avec huile commune. Autre , prenez œufs de fourmis , sang de grenouille, rouille de fer, incorporez cela avec salive , étant à jeun. Autre. Prenez suc de tyntemale, et mêlez avec huile rosat. Cetemplâtre est de grande efficace en ce cas : prenez deux onces téré- benthine , cire blanche et pois , de chacun une once ; benjouin, storax , calamite , de chacun deux drachmes ; céruse et mastich pulvérisés , de chacun une drachme; mêlez avec la térében- thine le mastich et la céruse, puis ajoutez la cire liquefiée ; finalement le benjouin, storax; faites emplâtre qu’étendrez sur latoileneuve et dure, Paccommodant un peu chaud , au lieu où vous l'appliquerez , après l’avoir au pénible frotié avec un linge rude. Pour que le poil ne renaisse plus au lieu dépilé , les eaux suivantes sont fort propres : prenez corne de vache , alun de roche , pavot noir , trois onces de chacun , deux livres sang de vache récent, mêlez le tout et le distillez, et de l’eau qui en sortira , frottez-en tous les soirs la partie requise. 554 THÉ ATRE Prenez sang de grenouille , tartre, sigillée, sumach, roses , pelez-les ensemble, puis y ayant ajouté du vinaigre et du jus de morelle, les distillez ; prenez demi-livre de semence de Jusquiame , ayant séjourné quelque temps dans une cave humide, deux onces de feuille de télespium , distillez. La décoction de thyti- male , de chaux vive et de mauxe en vinai- gre , garde le poil de revenir au lieu une fois épilé. De même fait la racine d’hiacynthe cuite en vinaigre , appliquée sur le lieu , ainsi le lini- ment de miel et de castoreum, de jusquiame , d'opium avec vinaigre , du sang de chauve- souris , jus de raves et de couleuvrée. Pour faire revenir Le poil au lieu grillé par brülure, blessure, chüte, maladie, et autres accidens:, les moyens suivans servent beau- COup : premieremeni raser le poil, s’il y ena, puis frotter le lieu avec un linge un peu rude Jusqu'à ce qu'il rongisse , et. ensuite laver la tête avec une décoction de chou rouge, bette et mercure; après, appliquez dessus les onc- tions suivantes , celles qui mieux vous agrée- ront : prenez graine de roquette , une once ; huile de noix , deux onces ; faites‘en liniment avec cire. Autre liniment, fait avec. graine mm mom teen a ra | D’ÀAGRIGUL TIU RE. 555 d'ortie pulxérisée et miel ; auire avec graine _ de sénevé et roquette, une once ; jus d’oignon, une once, et miel. Autre, prenez euphorbe , baye de laurier et graine de roquette , de cha- cun deux drachmes ; souffre vif et ellébore brûlé, de chacun demi - scrupule ; faites li- niment avec cire dissoute en huile laurier. Autre , prenez chair de limaçon , de mouche- guèpe , d’abeilles et de sang-sues ; sel brûlé, toutes parties égales ; renfermez dans un vase vernissé ayant plusieurs trous au fond , comme un crible. Sous ce vaisseau , mettez un autre vase vernissé pour recevoir l’humidité qui en coulera, de laquelle vous frotterez les parties requises , mais telie humidité sera plus abon- dante et meilleure , si ces vases sont enveloppés de quantité de fumier récent , pour échauffer les matieres. Autre , faites cuire fortement des racines de lys dans de l'huile de d’olive, pilez dans un mortier , y mélant des cendres de la racine d’asphrodiles dont ferez liniment: l’eau dis- tilée de lherbe de bassinet ou coqueret , et de la racine de raifort, est bonne pour faire re venir le poil, s’en layant la tête. | Pour ôter les marques de la petite vérole. Ces choses sont propres : les eaux distillées 556 THÉATRAE de blanc d’œuf ou de leur coque, de lima- çon rouge, de pied de veau , de mouton , de chèvre , de fleurs de fèves, de racines de grand serpentaire , lesquelles eaux employerez séparées ou mélangées ; comme il vous plaira, dont laverez la face sur le soir allant au lit, l’ayant, au préalable, étuvée à la vapeur de l’eau chaude ou de la décoction de balle d’a- voine pour la préparer à recevoir la vertu des eaux , et autres remèdes. Les huiles de dattes, de lys, de myrrhe , de pisiache , les onguenits qui s’ensuivent font de même : prenez trois onces huile de lys; graisse de chapon , huile rosat , de chacun une once ; lavez-les long- tems en eau rose , puis ajoutez quatre blancs d’œufs cuits à demi dans leur coquille , huile d’amandes douces et d’amères pelées , de cha- cun une once; pilez et incorporez le tout dans un mortier de marbre, et ce faisant, met- iez-Y , peu à peu, poudre faite de moëlle de la semence de melon , de litarge d’or et de craie , deux drachmes de chacune , dont sera fait un onguent. Autre, prenez poudre de li- targe blanche , des os brülés, de la racine seche de canne ( roseau }, des amandes amères, des graines de raifort et de pycon, de farine deriz, de fèves, de lupius, de chiches blanes, D'ÀAGRICULTURE. 557 de faséoles , la quantité qu'il vous plaira , dis- solvez le tout en eaurose. | Autre , onguent fait avec huile d’amande douce et soufre , avec graisse d’âne , jus de racine de canne et miel, avec racine de cou- Jeuvrée cuite en huile d'olive , la poudre de canne brûlée , et les cendres de tartre et de myrrhe , étendues sur la face humectée de la vapeur de l’étuvé , séparément employés ser- vent beaucoup à effacer les vestiges , cica- trices et taches noires de la petite vérole, et le sucre candi , aussi l’ammoniac pulvérisé, la myrrhe et le miel brûlé, celle que ladite maladie laisse aux yeux. __ Aussi le sucre candi enlève du front, promp- tement et avec grande efficace , les marques venant des coups, appliquant en poudre, dans la moitié de blanc d’œuf cuit. Pour la netteté du cuir (de la peau). C’est une partie très-requise à la conservation de la santé , que de tenir nettement la personne. Du contraire aviennent plusieurs étranges mala- dies , pour laquelle cause , après avoir pourvu que la nourriture , les habits et l’habitation soient exempts de toute saleté ; le principal ne sera oublié, qui est la personne , se lavant souvent les mains, la bouche , quelquefois le 558 THÉATRE visage , avec de l’eau commune , du vin et d’autres liqueurs , ainsi qu’il a été dit. Les femmes ont plus de soins à prendre que les hommes pour leur naturel fragile, délicat ; il y a plusieurs bains destinés à eet objet, comme ceux-ci : prenez feuille de sauge , fleur de lavande et de roses , une poignée de cha- cune , un peu de sel, faites bouillir le tout en eau de fontaine ou de rivière. Autre : prenez un peu d’eau rose, vinaigre etsel , faites-les bouillir ensemble en eau com- mune , retirez deux ou trois pleins seaux de cette eau bouillie , et après y avoir délayé du son de froment, frottez-en toute la personne , puis entrez dans le bain tiède , pour y demeurer autant que vous pourrez. | Autre fort singulier : prenez six livres laït clair d'amande douce, eaux de nafe , de rose, de nénuphar, une once de chacune, six écorces de limon , deux drachmes cloux de gérofle et un drachme d’iris de Florence , ces choses tremperont cinq ou six heures: dans les eaux susdites , étant sur les cendres chaudes , après le tout sera coulé à travers d’un linge blanc, puis mélez avec le lait d'amandes douces , de quoi la personne sera frottée , sortant du bain préparé avec de l’eau commune , tiède; D'AGRICULTURE. 55g ces bains conforteront les nerfs , ôteront et net- toyeront toutes les ordures attachées à la peau, réjouiront l'esprit et rendront la personne dis- poste. | Ces avantages sont communs aux hommes et aux femmes. Ou les employera selon les occurrences , mais les suivans appartiennentpar- uüculièrement aux femmes , puisqu'ils ne ten- dent qu'a blanchir et embellir la face , les hommes n’ayant besoin de tel ornement ; cela se fait sans fard ni déguisement aucun , ains avec matière bénigne, que la demoiselle 3e- cueille en son jardin, ou la plupart dont elle se sert sans crainte des rides du visage venant hors saison , de la puanteur d’haleine , de ja noirceur et chüte des dents , de la rougeur des yeux , de l’affaiblissement ou perte de la vue, de la surdité et d’autres maux qui arrivent communément à celles qui ayant plus d’égard à la blancheur de leur visage , qu’à la santé de tout leur corps, employent le sublimé, le blan d’Espagne , et autres REA) autant sn ARE que la peste. | Ainsi, la face sera Reer et le beau teint conservé ; faites tremper dans de bon vin blane, l'espace de neuf ou dix jours, une livre de fèves blanches mondées ; puis les ayant fair 56o TRÉéiATezÆ battre au mortier , remettéz-les dans ledit vin, y ajoutant demi-livre farine de riz, deux livres lait de chèvre, une douzaine de blancs d'œufs , le tout sera distillé au bain marie EE petit feu , et de l’eau qui en sortira en laverez la face , le soir en allant au lit. % : Autre * prenez deux livre de son de pur froment , huit où dix blancs d'œufs, du fort vinaigre , en suffisante quantité ; battez tout cela ensemble; après, faites-le distiller au bain marie. «Autre : prenez deux douzaines d'œufs , les ayant bien lavés, ils seront écrasés, mêlant les coques avec le jaune et le blanc, les bat- tant ensemble , y metire deux pintes de vin blanc , une de lait de chèvre, et une poignée de la fleur de nénuphar ; tout cela sera dis- üllé au bain marie , dont l’eau, après avoir séjourné au soleil ispdi quinze jours , sera propre à ce que dessus. __- Pour vous en servir , ferez chauffer sur les cendres deux doigts deladite eau, et dans icelle, mettez fondre du suc candi et de borax pul- vérisé, puis la face en sera lavée soir et matin. Autre : prenez une livre mie de pain blanc, demi-livre fleurs de fèves , fleurs de rose , de nénuphar etde-lys, de chacun une once ; fleur de , | D'AGRIGUL TE 2 &, 5Gi de sureau, demi-livre, quatre blancs d'œufs, trois livres lait de chèvre » demi-livre de bon et fort vinaigre , tout cela soit distillé au bain marie. Æutre : prenez deux livres orge à demi- mûre , trois livres de lait de chèvre, une dou- Zaine de blancs d'œufs » distillez le tout au bain marie. _ Autre : prenez trois oranges et cinq citrons , tranchez-les en pièces ; sucre et alun , de chacun une once ; trempez tout cela dans deux livres de lait de vache du mois de mai ; puis distillez au bain marie. Aütre : prenez un pot de terre vernissée , contenant quatre pintes ; emplissez- le à la moitié de racine de guimauve bien lavée et hachée par petites roueiles ;ajoutez-y une pinte de vin blanc, et une douzaine de coquilles d'œufs bien lavées et concassées ; puis versez ÿ eau de rivière et de citerne, tant que le pot en soit rempli ; faites bouillir le tout, jusqu’à la consomption du tiers de la liqueur , y ajou= tant sur la fin , une mie de petit pain blanc, et aussi gros qu’une fève de ver de gris, en fermé dans un nouet ; coulez cette décoction dans un vase, puis mettez-y , étant tiède, une once de sucre pulvérisé, mouillez-y un petit Tome. IF, N n 562 TrÉéÉATRE linge fin, et lavez, soir et matin, le visage ;, sans l’essuyer. | Autre : percez le wonc d’un bouleau avec un foret; il en coulera grande quantité d’eau, Irquelle scule est de bon service dans ce Cas; et ête de la face le häle du soleil. Il ÿ a plusieurs autres eaux propres à net- toyer et blanchir le visage, dont je ne parle pis, pour ne pas irop m’étendre ; seulement , djouterez ici l’eau de pigeon , dont les dames font si grand cas, pour la conservation de leur beau teint. | Prenez deux pigeons blancs , dé >lumez-les et les videz des entrailles ;, ôtez-leur les têtes, les bouts des pieds et ailes , et les hachez par pétites pièces ; mettez-les dans un alambic de verre ; par dessus, un lit de deux poignées fraiches de fraxinelle ou de plantain , qu'on arrangera : puis ajoutez trois livres d'amandes douces tirées sans feu , quatre onces de beurre frais, quatre pintes de lait de chèvre, la mie d’un pain blanc , deux drachmes de borax , au- : tant de sucre candi, d’atun brûlé et de cam- phre pulvérisé, vingt-cinq blancs d'œufs, deux | poignées de grains de verjus ; laissez le tout infuser et tremper ensemble, l'espace de dix du douze heures, dans l'alambic tres - bien Jutté , puis faites distiller au bain marie , ign- | D'AGRICGÈTUR 565 tément et à petit feu ; mettez cette eau dis- üliée dans une phiole de verre > EXposée en cave fraîche , l’espace de douze à Quinze jours ; coulez-la par un linge blanc et délié , et vous en laverez la face, soir et matin , avec uni Enge. | Outre les eaux , sont ici employées diverses OncCtions , comme huiles ; Hinimens, pommades, telles que celles-ci. Fendez par moitié des œufs cuits durs ; ôtez-en les jaunes , remplis- |sez-les vides de tartre brûlé , rejoignez les moitiés , les liant tous avec du fl; mettez-les dans ug plat exposé dans une cave humide. Le comme L'huile dergland de chêne, exprimé à la manière de celle d'amande et celle de coque ‘œuf, exprimée ensemble » Sont propres à Uoyer et à blanchir la face: Ainei l'huile dé yrrhe, faite comme celléde tartre, avec blancs ‘œufs. Liniment de 1a molle de mouton, ainsi trait. prenez des os de mouton, la quantité e vous voudrez » la lune étant en son Plein. ites-les loñguement bouillir dans is où quatre heures ;Ftirezles du feu, N no 4 564 _ THrÉATRE étant refroidi, ramassez dessus la décoction , la graisse y nageant ; laquelle retirerez, et en frotterez le visage le soir allant au lit, et le lendemain matin, le laverez avec fleurs et eaux de fèves et de iys. Autre liniment, se fait avec fiente de pi- geon, dissoute en eau rose musquée ou eau camphrée. Autre. Prenez huile et amande amère, beurre frais, crépine de chevreau et graisse d'agneau, autant de l’un que de l’autre ; lavez le tout en eau rose, durant douze à quinze jours, deux fois chacune ; puis ôtez de l’eau, mettez fondre dans un pot v nissé, sur petit feu de charbon, ÿ ajoutant AS cire neuve, tant qu'il suffise , pour faire Jiniment. Pommade. Prenez demi-livre de graisse de chevreau , quatre onces de graisse de porc frais, n’ayant été fondue ; hachez-les par mor- ceaux, et mettez dans un pot de terre vernie ,{' avec une bonne pomme de court-pendu , cou- pée par pièces, le jus d’une orange, un plein verre d’eau rose, et demi-verre de vin blanc. Mettez le pot sur le feu, pour y bouillir un peu, et quand les graisses seront fondues etl' incorporées avec la pomme, coulez le tout dans une terrine vernie, à demi-pleine d’eau fraiche ; puis refroidie , le urerez de là, etl° LR HAL RTORLE TU RE. 565 laverez cinq ou six fois en eau rose, chacune changeant d’eau. Autre pommade singulière. Prenez deux onces crépine de FOIRE une couple de pommes de court-pendu , une once racine d’i- ris de Florence, un limon entier. La crépine sera hachée, les pommes et la racine mises par rouelles ; y ajouterez deux onces de la moëlle de pied de mouton ; faites tout bouillir, avec suffisante quantité d’eau rose, dans un pot de terre vernissée, à feu lent, jusqu’à ce que le citron soit consumé , tenant cependant le pot bien couvert. Alors ôtez-le de dessus le few, et coulez le contenu au pot, par un linge net. Ce qui en sortira sera pilé avec huile d'amande douce récemment extraite, sans feu ; mettez-y le tiers de la matière susdite ; puis quand le tout sera coagulé et incorporé ensemble, lavez-les en égale quantité d’eau rose, de fleurs de fèves, de lys et de nénu- Dhs ‘tte passant diligemment ; finalement, enfermez dans vaisseau de verre bien bouché. De cette exquise pommade, la face sera frottée au soir et au matin, lavée avec eau de citerne. Pour effacer une veine qui paroît importu- nément entre les veux, il convient d'appliquer sur le front, à la venue de la veine, un empli- N n 3 566 EL RSS TA SU ire fait avec une once de mastich, demi-once sandal , trois drachmes margariton ; mélées ensemble; apres lavoir étendu sur la peau, saupoudrez avec de la subtile imure d’acier, sur la veine, meitrez seulement du mastich et du sandal. Une fois le Jour, l’emplâtre sera renouvellé, et lors la veine sera fort frottée, iendant en haut, pour la préparer à recevoir le remède. La mere de famille allant au chaud ou au froid , ainsi que souvent les affaires y forcent la bonne ménagère, qui ne peut choisir le items, au contraire, la contraignent souvent de | S exposer à quelque injure ax saisons, Préser- vera son visage du brûle du soleil et de Pair froid , par ces remèdes. Au partir du logis, elle frottera son visage avec cet onguent. Prenez crêpine de chevreau, lavez-la en eau claire, pilez-la au mortier ; faites-la cuire avec eau rose, puis passez-la à travers d’un linge blanc. Sur demi-livre de cette graisse, ajoutez y une once d'amande douce , deux drachmes sucre candi, demi- drachme camphre, de cire blanche neuve, tant qu’il suffise ; faites bouillir le tout dans un pot vernissé, à petit feu, jusqu’à consistance d’onguent, le remuant et battant pourle garçler D'AGRICULTURE. 567 de brûler et pour le faire blanchir. Lorsqu'il sera cuit, serrez-le en vase de verre, bien bouché pour le besoin. A cet usage servent le masuüch fait avec moële de cerf ou de bœuf ; liniment de mas- ich, avec huile omphacin. L'eau de blanc d’œuf, le verjus de raisin; pommade faite avec buile d'amande douce, faite sans feu , eire blanche, camphre ; laquelle pommade, en ou- tre, enlève et ôte le häle du soleil, qui est déjà sur le visage. Ft peau des mains se politetblanchit par ces moyens. Prenez six livres de melon entier, sans le peler, ayant ses graines dedans, et dix œufs, jaunes et blancs , la coque ôtée, faites distiller tout cela et gardez l’eau , non seulement pour en laver les mains, mais aussi tout le visage, Autre. Prenez deux livres mie de pain blanc, une livre fleur de feves, trois livres roses blan- ches ou rouges, autant de lys d’étang, six livres Jait de chèvre, deux onces racines d'iris; dis- tillez le tout au bain marie. Lavez les mains avec Ja décoction de racine d’ortie , faite avec du vinaigre et vin blanc, et ce, le soir allant au it, Ensuite le lendemain matin, relavez-les avec eau fraiche et savon. La décoctüon des racines et feuilles de lierre y est aussi bonne. | N n 4 B68 THÉ A TRE Frottez les mains avec onguent fait de cire et d'huile d’amande douce, lavée soigneusement avec de l’eau. Autre onguent. Prenez beurre frais, huile dolix e, graisse d’agneau ; après que ces choses auront trempé dix ou douze heures, les fon- drez, sur petit feu , dans un pot de terre vernie, y ajoutant de la cire blanche, avec un peu de musc on d: civette. Quelquefois dans le mois, les mains seront lavées avec eau de savon de bonne senteur , ou avec eau distillée de mie de pain, ou avec eau et son mêlé , ajoutant à ce lavement-ci quelque eau odorante ; comme de damas, de naffe, d’eau d’ange, ou un peu des huiles de girofle, de canelle, d’aspic ( ou lavande ) tout d’une venue. : Les verrues seront ôtées des mains, pour les délivrer de tel enlaidissement. Le jus de limon fait mourir les verrues ; mais plutôt, et mieux, l’eau de ce jus, distillée au bain marie; le jus exprimé des feuilles et fleurs du bouillon blane, fait de même ; le jus des feuilles de la grande serpentaire , les fait fondre. La chicorée ver- rulaïre, tant mangée en salade, qu’appliquée, soit au visage, aux mains ou ailleurs, les guérit miraculeusement ; le lait du tymtimale, celui a D’'ÀAGRICULTURE. 569 du figuier sauvage , les huiles de vitriol et de soufre. La graisse qu’on recueille d’un vieux couvercle d’un vaisseau à l’huile, le faisant fort chauffer au-devant d’un grand feu , est 2 contre les verrues. Voilà les remèdes dont se servira la mere de famille , pour le soulagement des siens, atten- dant que le docte médecin pourvoie plus am- plement à la guérison des aiguës maladies, selon les nécessités. ARRET TRUE V. Remèdes aux maladies des bétes. Premitre- ment de celles des bœufs. J E traiterai, en cette partie, des maladies et cures du bétail, par l’ordre que j'ai tenu en parlant des bêtes du ménage ,suivant lesquelles le bœuf sera le premier mis en rang. Les plus communes maladies de bœufs procè- dent de trop de travail, ou de travailler en tems et heure importune de la chaleur, de froid, de pluie ou de neige ; de manger herbes ma- lignes ou autres mal qualifiées ; de boire sou- dain , après le travail, étant encore échauffés, b70 THÉATERE ou de boire de l’eau sale et puante ; de cou- cher dans étables mal saines , trop humides, peu éventées , sur litière mal nette ; de Ja piqure des bêtes venimeuses et d’autres cau- ses. Lesquelles maladies, le prévoyant père de famille détournera par ses serviteurs, au- tant que l’art et la soigneuse diligence le per- mettront. _… Mais quelque sollicitude qu’on employe en tel ménage, il n’est pas possible de garantir entièrement de mal, les bœufs, où Dieu les a assujettis , avec tous autres animaux. Le mal de trop travailler se guérit par son con- traire ; savoir, par reposer et bonne nourriture, soit en la campagne et herbages bien choisis, soit dans l’étable, avec foin exquis et breuvage d’eau tiède , ‘blanchi avec de la farine, y met- tant des fèves pilées, Aussi par lui laver la bouche et la langue avec du sel ; par Pétriller de tout le corps, le bouchonner et frotter avec de la paille, même les jambes ; le nettoyer des pieds , ôtant les épines et pierres qui s’y fou- rent en travaillant. Ainsi sera délassé le bœuf 5 et tout d’une main, s’il est blessé en queique endroit, il conviendra d’y ajouter les remèdes particuliers, selon le mal. | N Étant foulée à la téte ou au Le comme il D'AGRICULTURE. b71 arrive souvent par le joug , il faudra appliquer dessus un couple d'œuf, cassés dans un plat, leur coque, jaune etglaire, battus et mêèlés ensemble ; ou frotter les yeux avec couenne de lard, sans rien de gras, qui soit de pour- ceau mâle, un peu échauffée, et garder après que le bœuf n’aille à la pluie ou au vent. Les écorchures du col seront guéries par emplètre fait de moëlle de bœuf, graisse de porc, saix et graisse de bouc, en égale portion. L’enflure du genou se guérira par onguent fait de racine d’aulnée , bien cuite, pilée avec graisse de porc, sain de mouton ou de boue, miel crud, encens, cire neuve, l'en frottant trois ou quatre fois le jour, jusqu'a entiere guérison. L’enflure du pied se guérit, y mettant des- sus des feuilles de sureau , broyées avec sain de pourceau, attaché avec du linge; et y ayant de la meurtrissure , y sera mis un emplâtre fait de miel , de sain et de son, bouillis en vin blanc, le tenant sur le mal trois ou quatre Jours: Le bœuf cloche et boite par plusieurs autres causes. Si le pied est blessé par le soc, ïl y sera appliqué des mille-feuilles écrasées, marc et jus, dont la plaie sera bientôt rejointe. Si c’est de contusion, à cause de coups ferrés, b72 FiéÉ 1rTkE il faudra bassiner le, lieu avec urine chaude, et y mettre dessus emplâtre de poix, avec de l'huile et du vieux oingt. Si par nerf refoulé, les jambes seront bassi- nées avec huile et sel, mis dedans. Si c’est de froid ; il faut frotter longuement la partie avec urine de bœuf, un peu échauffée. Si par en- flure du genou, cette partie sera bassinée avec décoction de graine de lin et de millet, en vinaigre. é Si c’est par surabondance de sang sur le pa- turon, il faudra user de scarifications ou de cautère ; puis guérir les plaies avec beurre salé et graisse de chèvre. Quant aux dislocations et ÿfractions des membres, le plus assuré remède est de ne s’amuser point à les médiciner, à cause du peu d'espérance de guérison , mais de tuer la bête, pour la manger au ménage. Ainsi, tout ne se perd. | Si le bœuf fait quartier neuf, par la chüûte de l’'ongle du pied, oignez le pied, l’espace de quinze jours, avec un onguent fait d’une once de térébenthine, autant de miel et autant de cire neuve ; et au bout dudit tems, lavez le lieu avec vin uède, dans lequel aura été bouilli du miel. | 12924 : D’ÀAGRICULTURE. 593 Les cornes des bœufs étant ébranlées par la force du joug, en tirant, seront rassurées et délassées , en les fomentant avec décoction de vin , Où auront bouilli feuilles de sauge et de lavande. Après , oignant le sommet de la tête, durant cinq ou six Jours , avec un onguent fait de cumin pelé, bolarmène , miel et térében- thine. S'il arrive que la corne soit tordue ou écla- tée , frottez-la, une fois le jour , pendant quinze de suite avec onguent fait de six onces téré- benthine , d’une once gomme d’arabie ; puis enveloppez la corne d’un mélange composé de bolarmène , et huit ou dix blancs d'œufs , que vous étendrez sur des étoupes, où ayant de- meuré trois ou quatre jours, lors séché , sera ôté, et en sa place répandu de la poudre de sauge , dont la corne sera saupoudrée , même ses racines joignant à la tête. La douleur de tête se reconnoiît à l’humeur que le bœuf jette avec abondance par les yeux et la bouche, lui descendant du cerveau. Il a la face enflée et chaude plus que de coutume, et est beaucoup tourmenié de ce mal, ainsi que son impatience le montre. Pour l’en guérir, on lui fera attirer par les narrines du vin, dans le- quel aurez mfondu de l'ail pilé ; ensuite la tête Dr THÉ A TRE lui sera bassinéé avec décoction faite avec dit vin , des feuilles de marjolane, alun, lavande, noyer, laurier. L'oeil chassieux est guéri par collyre, ins- üllé dedans, fait avec une once de myrrhe , deux d’encens fin, et autant de saffran pulvérisé et dissous en eau de citerne ; ou par autre collyre de jus des racines et tiges des pavots sauvages, avec miel; où par catiplasies de farine de froment, appliqués sur l’œil. La taie de l'œilse fond avec onguent de sel ammoniac et miel, À la diminution dé la vue (le bœuf n’ouvrant les yeux qu’à demi), on remédie en lui tirant du sang de dessous lœil, et ensuite lui instiller souvent dans l’œil du miel liquide. Pour éclaircir l'œil troublé et nébuleux , on y soufflera dedans poudre subtile d’os de sèche , sucre candtret canelle. A lenflure de la bouche ét; du ads, 1l faut promptement remédier pour l'importance du mal. Ce sera en perçant l’enflure avec la lancette, ou avec le feu, pour en faire vider le'sang corrompu. : Dé mème sera fait pour guérir les tumeurs de la langue, dont elle est enflée ; puis on frottéra avec huile et sel jusqu’à entière guéri .: p'AcrtieurrTure 657 son. Les ulcères de la langue seront consolidés par l’onguent fait d’aloës, d’alun de roche, de miel rosat ; lavant après avec du vin tiède, dans lequel on aura bouilli de la sauge, avec herbe dessicative. L’enflure des testicules se perd par la fré- quente onction du sain-doux, en les bassinant avec fort vinaigre, dans lequel on délayera bouze de bœuf, avec vin et huile mêlés ensem- ble , frottant le poil en remontant, plusieurs fois le jour, et ce un peu violemment, au soleil ou en étable chaude , non exposée au vent. La colique est une violente maladie qui tue les bœufs, sans prompt remëde.Ælle leur arrive de lassitude ; plus au printéms qu’en autre sai- Son , à cause qu'alors ils abondent en sang. La violence de ce mal leur ôte l’appétüit et le repos, se jettant , se vautranht à terre, sans se pouvoir tenir et arrêter, suant et gémissant. Des qu’on appercevra ces choses, il convient d’inciser la péza du bœuf en divers lieux , comme sur les épaules et un peu au-dessus dé la queue, pour en faire sortir du sang ; aussi lui couper un peu du bout des oreïlles , d’où , sortant du sang, la guérison sera ensuivie, sinon elle sera HAUT pérée. Il faudra, en outre, lui frottér rudement 576 M.u É AJTRE le ventre, avec un gros bâton rond que deux hommes tiendront, un de chaque côté, pour lui faire amolir la peau, et que le sang se dé- caille pour sortir. Aussi on promenera Jlongue- ment le bœuf, lui présentant de coup à coup, à manger du foin délicat et du pain de millet, non du sel, parce qu’en cette maladie, il est contraire. Le morfondissement est, aux bœufs , mala- die presque incurable, pour peu qu’on la né- glige; et encore, de quelque manière qu’on les guérisse , ils n’en sortent jamais bien sains, demeurant làches au travail, sans se pouvoir engraisser. Leur poil est hérissé en plusieurs endroits du corps, non gpplati : connoissance certaine qu’ils ont été morfondus. Le pisse-sang Ya communément de compa- gnie avec le morfondissement. Les remèdes à ces maux sont les suivans. L’abstinence en est le premier. Dès qu’on verra le bœuf se coucher à terre, pressé d'angoisse, soudain se relever, tordre la tête et le reste du corps, avec inquié- tude , ôtez-lui le manger et le boire; sur-tout ne permettez pas qu'il boive aucunement ni eau ni autre liqueur ; car buvant, il n’y auroit plus d'espoir de guérison ; mais lui sera donné un remède, qu’on compose de trois onces eau. _ de , | D'ÀÂGRIGULTURE) 577 de millet, autant de graine de chénevis, en poudre , bouillies avec deux pintes vin blanc, y ajoutant une once de thériaque et deux de safran. Autre. Prenez deux livres de miel, six onces de tartre de bon vin, une once de ca- nelle, du lait de vache, une chopine, et faites avaler ce breuvage au bœuf. Autre breuvage est fait avec une pinte, mesure de Paris, d’eau de plantain, une cho- pine d’huile d'olive, autant de bon vinaigre , deux onces poudre de cougourdes sauvages, autant de celle de coque d'œufs. Le suivant est aussi profitable aux bœufs. Une écuellée d'urine, une écuellée et demie d'huile d'olive, six œufs frais, de la suie de four, ce que la main peut contenir ; tout cela battu ensemble sera donné au bœuf. * L'huile de noix , avec du mithridate, est bon remède à ce mal, Pour ôter au bœuf la douleur qui le tour- mente , il faut lui lier les oreilles, les battre avec une verge Jusqu'à ce qu’elles deviennent rouges. Il convient alors de les inciser, per- çant les petites vessies qui, par ce moyen, ÿ apparoissent, d'où sortira le sang presque vert, Tome IF. O o 578 THÉATRE Ce fait, donnerez un peu de sel au bœuf, et le promènerez. Au flux de ventre, Yabstinence du manger et du boire sont nécessaires ; seulement sera donné au bœuf à manger des feuilles d’olivier sauvage tendre et des jeunes pousses de ro- seaux sauvages ; et ce breuvage fait avec trois onces de graine de myrte, de feuilles d’ori- gan, d’auromne de jardin, une livre de cha- cune, cuites en eau, après lui donnant à man- ser des feuilles de laurier. A la constipation du ventre, il n’y a meil- leur remède que l’aloès hépatique, en poudre, donné à boire avec eau tiède au matin , durant cinq owsix jours de suite. : Pour guérir la rogne du bœuf, on le frotte avec une composition faite de soufre, d’ail, de sariette, de noix de galle, de suie, de marru- bium, mêlés ensemble avec vinaigre ; ou frotter le bœuf avec onguent composé de son urine, de poix résine, fondue avec vin blanc et beurre salé. | Remèdes pour les chevaux. Plusieurs maladies aviennent aux chevaux par trop de sang, Ce que prévenant, il con- . D'ÀAGRICGULTURE. 579 vient de les faire saigner , lorsqu'on apper- cevra les chevaux se frotter la queue contre les murailles et autres lieux où ils peuvent attein- dre, signe de surabondance de sang ; et de peur de se tromper, sans autre indice, ce sera de deux en deux mois, une fois la lune étant vieille, qu'on leur tirera du sang. Au morfondissement du cheval, est remé- dié par ce breuvage. Prenez scamonée , tur- buh, aloës, séné, agaric, monice, galange, demi-once de chacun; réglisse , une once; girofle, autant; safran, trois drachmes ; safran- bourg, deux drachmes ; huile d'olive, une hvre ; le tout pulvérisé et mêlé dans une pinte de vin rouge , et donné à avaler au cheval. Au refroidissement, par le sang de pourceau chaud, battu avec du vin. Puis convient de donner à boire au cheval de l'huile d'olive et du miel, dans lequel aura bouilli de la rhue, y ajoutant un peu de mastich; et à manger, des feuilles de roseau et de millet, et de l’herbe de chiendent, l’abreuvant d’eau tiède, blanchie avec de la farine d'orge. À la toux, le bled lavé, puis cuit et séché, mêlé avec du miel, ce manger est fort bon. À la pousse ou défaut de respiration, est propre ce breuvage. Faites cuire, dans trois O o 2 E8o THÉATRE seaux d’eau, un petit chien de trois semaines, jusqu’à diminution de moitié d’eau, et que les os du chien se séparent de la chair, y ajoutant sur la fin du sucre, du gingembre:et poivre, de chacun demi-once. Donnez cette décoction-la au cheval, durant trois matins , par inégales. mesures ; savoir , le premier, cinq chopines; le second, quatre; trois, le troisième ; et après faites courir le cheval, tant qu’il pourra. Le foin qu’il mangera durant les trois jours, sera. arrosé avec la décoction susdite. Le cheval poussif reçoit aussi grand soulage- ment de ces remèdes-ci. Faites poudre de graine de paradis, soufre, senevé, autant de l’un que de l'autre, que vous infuserez dans: l’hydromel, et en ferez des pillules, chacune de la grosseur d’une noix, pour en donner au cheval, une chaque matin, avec du vin rouge. Cet autre breuvage est aussi fort bon à ce mal. Gingembre, girofle, graine de fenouil, cumin , racine de galange , autant de l’un que de l'autre, le tout en poudre, avec un peu de safran , mêlé ensemble, sera mis dans du: gros vin rouge, y ajoutant démi-douzaine d'œufs. Autre. Agaric, fenu-grec, en vin rouge. Le fendre des nazeaux est inventé pour don- : D'AGRICULTURE. 58x nér respiration aux chevaux, pour les émpè- cher de tomber poussifs. | La morre se guérit avec pari im. fait d’en- cens , de souffre , d’orpin , grdins de genièvre , le faisant attirer au cheval, pez'les narines , en lui accommodant un sac sit la tête, à ceque le parfum ne se perde pas!) D € La gourme sera étuvée avec: la décoction chaude de guimauve , de semence de lin blanc, alvine, de feuilles de lierre terrestre ; faite avec l'eau , y ayant longuement bouilli : après le lieu sera oint avec huile!laurier et beurre jvais : il faut appliquer sut ke mal un emplâtre fait avec racme de guimauve et oignons. de lys, bouillis jusqu'a devenir en pète , puis y mettre du levain de seigle et du vieux On, le tout incorporé ensemble. 9! - Tandis que l'emplâtre sera en son lieu /on soufflera dans les naseaux. du cheval , de la poudre faite d’ euphorbe , d’ellébore noir ; par égales portions ; ou bien sera mis avec lune plume , dans les naseaux , de l'huile laurier.en quantité ; par le moyen de.ces choses, le che- val jettera par là une partie des humeurs de la gourme. | | Si l’apostume ne se crève deile-même, i faudra la percer avec la. lancette ou le fer | G o 3 582 t TDR PATA',E chaud, puis consolider la EX par lesremèdes ordinaires. Pour la bosse , faites ddgtené avec des her- bes d’alvine , de hache, broyées et incorporées en vieux oingÿ}jet en engraissez le mal. Le javart estiguéri par ce moyen : faites emplâtre avec de lail et oignons; pilez, en les incorporant'en moutarde faite au vinai- gre. Autre. Du blanc de poirreau pelé avec verd de gris et sain-doux , se font un irès-bon ou- guent pour ce mal. Les grappes, malandies et vives - roignes, sont guéries en peu de tems par ces remèdes: faites lessive en eau claire avec: une partie de chaux neuve, et l’autre de cendres de sarment de vigne, de cossats de pois , et de fente de géliné , dont laverez les lieux malades du cheval, puis les oindrez avec ‘cet onguent: prenez du soufre et: du verd de ‘gris, autant de l’un que de Pautre ; mettez-les en poüdre, en incorporez dans une chopine d'huile d'olive, en un poëllon , pour y bouillir, ere 4h consistance d’onguent. Autre à même eflet. Litarge d’or, coupe- £ rose , soufre vif , autre soufre Hhortifé , argent vif, une once de chacun ; vieux lard , deux D'AGRICUTLURE. 585 onces ; le fiel d'un bœuf ou d’une vache ; ces choses pulvérisées et mises en poudre , se- ront mèlées et incorporées avec le‘lard et le liel , dont sorüra l’onguent requis. On remédie au farcin, en oignant le lieu avec huile de genievre , l’espace de quatre jours, soir et matin , l'ayant premièrement dé- chargé du poil , avec le rasoir, à condition que celte partie ne soit aucunement mouillée avant que le poil ne. soit revenu. La veine du col sera ouverte, pour en tirer du sang assez abondamment, ne laissant man- ger le cheval, de quatre heures avant la saignée . 11 lui sera-donné dans son avoine , Six Jours durant, de la poudre suivante. Prenez'cumin, graine de lin, fenu-grec , sileris-montant , de chacun deux onces ; soufre vif, quatre onces, pulvérisés et mèlés ensemble. : lin, Après les six jours faites manger au cheval, avec. l’avoine, des racinés, coupées ménues, de bouillon blanc, de valériane ,:de parelle, autant d'imeique d’autre, et de toutes ensem- ble ; à chaque fois, une poignée , lorsque vous lui dounerez l’avoine. Le matin où vous aurez commencé à lui donner ces racines-là, faites- de saigner par la veine du col, sans lui tirer beaucoup de sang , le gardant de manger et de O o LA 584 THEATRE boire , quatre heures après. Le reste du jour, le traiterez avec bon foin et avoine, sans lui donner ni des poudres, ni des racines susdites ; mais vous ferez bien de lui en donner les six jours aprés de suite. Avec }avoine, lui ferez prendrele soir dela poudre;le lendemain, asem- blable heure, des racines, alternativement une fois chaque jour de l’une ou de F'auire, ainsi continuant durant six Jours; pour autres six jours, ne lui donnerez que du bon foin et avoine ; après lequel traitement le cheval sera délivré du farcin , très - ficheuse maladie et contagieuse ; toutes bêtes chevalines la prenant comme peste, dont est nécessaire de séparer les malades du farcin , des saines ; même écu- rer soigneusement les étables et mangeoires, que le mal n’en avienne à toute la troupe du bétail chevalin. Le cheval sera lavé, trois ou quatre jours de suite , avec eau où auront bouilli de la joubarbe, morelle, orties- grie- ches. Les plaies du farcin sont guéries, en y mettant dessus de la poudre de miel et de choux, cuite et rôtis ERP . He égale portion. Contre Les ARR al faut cunloyer cata- plasme fait de sauge, avec sel ammoniac, avec {irine-folle dé mouliw et vinaigre. Contre les . D'À :CR1ICUL T U RE. 585 enflures des genoux, faites pâte avec suie de cheminée, pulvérisée, et un peu de farine dé- trempée en huile d'olive, et l'appliquez sur les euflures. Les suros se guérissent par emplâtres faits d’un oignon mis sous la braise, réduit en pâte, mêlé avec de la cire fondue et du sain de pour- ceau , des racines de mauves, de graine de moutarde , cuites et incorporées ayec liente de bœuf. Mais avant l’application, convient de raser le poil de la partie malade. Aux avives , le plus prompt remède est le meilleur (pour g garantir de mort le cheval ); et le plus assuré, est d’arracher les avives avec la lancette, ce que fait l'expert maréchal, auquel faut recourir promptement. l'elle maladie procède d’imprudence , abreuvant le cheval suant et encore chaud du précédent travail, dont il perd et repas et re- pos, ne voulant manger ni s’arrèter en un lieu; mais, pressé par grande douleur, se couche et se remue avec inquiétude, et a les oreilles froi- des, signe du mal d’avives ; lesquelles arra- chées, le cheval sera enveloppé d’une couver- ture et promené , Jusqu'à ce que les oreilles lui soient devenues chaudes ; lui faisant manger du bon et délicat foin , et boire de l’eau tiède, 566 THrÉATRE blanchie avec de la farine, y mettant du sel dedans. Apres, par repos et bon traitement, remettrez le cheval en santé. Langueur est un autre mal qui désespère bientôt le cheval. De même qu’au précédent, il faut revenir au maréchal, pour arracher avec ferremens la glande qui s’enfle en la poitrine. L’étranguillon est aussi du gibier du maré- chal. Ce sont glandes qui procèdent de l’hu- meur descendant du cerveau refroidi, sous la gorge du cheval. Il convient les piquer avec la lancette, soir et matin, oignant souvent avec du beurre frais toute la gorge, et alors couvrir la tête du cheval avec du drap, pour la garder du froid, et tenir ie cheval en étable chaude. L’échauffement de gueule est guéri par le seul lavage ,avec fort vinaigre souvent réitéré, de la gueule et de la langue. > La vue trouble se guéritpar le souvent “Be des veux, avec de hs courante, de rivière et-de fontaine, y ajoutant du jus d’éclaire, dont l’on instillera, tous les jours une fois, dans l'œil du cheval. LD ,96 La blessure de l'œil sera guerie par Cata- plasme fait d’aigremoine et de bétoine , pilés ensemble, y mêlant deux jaunes d'œufs. 2 : Le cheval trop travaillé, se délassera par un . D’AGRIGULTUR E. 587 emplâtre mis sur les reins, composé de poix noire, bolarmène , sang-de-dragon, oliban, mastich , noix dé galle , de chacun poids égal. L’emplitre étant appliqué chaudement , où il demeurera tant que le cheval soit guéri. Les jambes et les cuisses du cheval seront frouées longuement avec onguent fait de farine de fro- ment , d'huile d'olive et jaunes d’œuis ; ce qui le délassera. Les plaies du dos seront guéries par le jus de la verveine, dont elles seront frottées ; ou par la poudre de cette herbe, si on ne peut se la procurer {raîche. À cela est aussi bon le jus d’éclaire ; la poudre de fiente de poule, mise sur les plaies , les consolide et dessèche ; même effet, de la poudre de savatte brülée. L’enflure sous la selle se résoudra, appli- quant dessus, comme mortier, de l'argile, qui est une terre forte détrempée en vinaigre. L’enflure des jambes, avec jus de mauve; miel et vinaigre, bouillis ensemble, étant frotté matin et soir. 1.15 Celle des testicules, avec bouillie faite de craie, de sel et vinaigre ; dont on le frottera plusieurs fois le jour. Aussi par le remède suivant. Faites bouillir dans de l’eau des fèves, pour lesdépouiller de leur pellicule et aiten+ 588 | TDHÉATRE drir ; ajoutez-y le double de cumin, et faites cuire ensemble dans du vinaigre; puis mettez dans un sachet de toile, et fort chaudement appliquez et atiachez au lieu dolent. La gale au pdturon, doit se frotter souvent et rudement avec de la paille, ajoutant une onction faite avec de l’huile de noix et du sou- fre. La seule huile de cade y est aussi fort bonne. A Péchadishtié le souverain et sigulier remède est de faire avaler au cheval deux on- ces d'huile d'olive, avec une chopine de vin rouge , si c’est en été; et en hiver, y ajoute- rez de plus une once d'huile. Pour la rétention d'urine, sera faite fomen- tation de pariétaire(äutrement dite esparcette) senecon et asperges , en égale portion , cuites ensemble , et appliquée avec sachets sur les parties les plus proches de la verge, Ja faisant tenir avec des bandes. Les testicules seront frottés et bassinés-avec la décoction de pa- riétaire, cresson el racines de poxrreaux ; On donnera à boire aucheval. le jus de choux rouge , avec.du. vin blanc. Fu La dureté du:ventre arrive aux chevaux qui mangent trop de grains, dont; forbus, ex- irèmement enflés , ils meurent sans. prompt , | DA@ Rr CURE TAU RE. 589 secours. Le remède est de lui donner un lave- Hient fait avec la décoction de mercuriale, pariétaire, mauves blanches, ursine, avec miel et huile ; puis lui oindre le venire avec de l'huile, et le frotter avec un bâton rond, par deux hommes de chaque côté, commençant par le devant; ensuite lui étouper le fonde- ment, et le mener promener doucement et longuement jusqu'a ce qu’il ait rendu le clys- ière ; et faute : _ Les breuvages suivans sont aussi propres. Prenez de la poudre de feuilles de rhue sau- vage, de la graine de cette herbe, détrem- pées en vin rouge ; racine de flambe jaune, avec grains d’anis et de opopanax. Infusez-les dans trois onces d'huile d'olive, et autant de vin rouge, et de l’un des deux, faites-en ava- ler au cheval, pendant trois jours ou quatre. Contre le flux du ventre, servira ce breu- vage fait avec farine d’amidon, poudre de galles et vin vermeil, lui frotiant le ventre avec huile rosat et un peu de sel. Mais le cheval ayant porté Z’enclouure pendant plusieurs jours, et boitant, le pied Jui sera premièrement déferré et déchargé du nuisible , l’en nettoyant très-bien. Après sera fomenté avec huile chaude et sucre ; ou bien 5go THÉATRE on mettra dessus un emplâtre, fait avec du sain de pourceau, sel et eau ; ayant au préa- lable rempli le creux où étoit le clou avec de la poix et du sain fondus. Le fer sera rat- taché au pied, Fly faisant seulement tenir avec deux clous, attendant l’entière guérison. L’ongle du pied sera endureci et se main- tiendra en bonté, par l’onguent de la racine de mauves, bouillis longuement, pilée avec miel et farine , dont il sera souvent oint, de même que la couronne du pied et le talon. Pour engraïsser le cheval maigre ,1l y a plu- sieurs moyens ajoutés au repos et au bon trai- tement de foin et d’avoine ; comme de jui donner avec l’avoine, une poignée de froment mouillé, ou du seigle, du fenu-grec, des fa- séoles et des lupins, des fèves bouillies et autres choses. Mais, de tous les moyens, les plus propres sont ceux du printems, par le verd qu'on fait manger aux chevaux; et de tout verd , l’herbe de luserne ou sain-foin, est la meilleure. Cou- pée fraichement et donnée au cheval, elle l’engraisse dans douze ou quinze jours, le pur- geant et faisant vider, les trois ou quatre pre- miers jours , si bien, que par après s’en rend dispos et gai, se paissant avec appétit de tous . D'ÀÂGRICULTURE. 591 fourrages que vous lui donnerez en place de la luserne. L’herbe de l'orge est aussi fort bonne, don- née au cheval, pour le nourrir, durant le tems qu’elle demeurera tendre ; la lui donnant dans le ratelier petit à petit, non beaucoup à la fois, de peur de le dégoüter, sans le faire boire aucunement; bien plus, au lieu de breuvage, l'herbe de l'orge sera trempée ‘dans l'eau (séjournant en une auge à l’étable }), à mesure qu’on la met en crèche. Quelques personnes purgent leurs chevaux avec des tendrons de saule, qu’ils font couper à la cime des branches, tous les matins à la rosée , avec laquelle ils font manger ces ten- drons aux chevaux. C’est seulement pour trois ou quatre jours qu’on les nourritde telle viande, ce petit terme étant suffisant pour les purger. D'autres font manger le verd au pré, y met- tant les chevaux dès l’aube du jour, pour y paître l’herbe, tandis qu’elle est chargée de rosée , les en retirant sur le chaud du jour, et les y renvoyant sur le soir. Mais le cheval paissant en la campagne , demeure plus à se remplir, que par les précédens moyens. Tous lesquels tendent là, que de renouveller le L b92 THÉATERE cheval, dont après il s’engraisse par bonne conduite de la nourriture et du travail. Il y en a qui font déferrer leurs chevaux, avant de leur donner le verd ; les font purger par breuvages, et saigner pour les décharger d’humeurs : aussi les laissent dans l’étable, sans litière, les contraignant de se coucher sur leur fente, de s’en couvrir le corps, ne les étrillant nullement durant le tems de tels traitemens, par lequel les chevaux se renouveilent, deve- nant poulains ; puis remis à leur ordinaire, sont pansés de la main, et referrés pour re- prendre les erres de leur précédent service. Les mouches ne nuiront aux chevaux, si on les frotte par-tout le corps, avec des feuilles et des jettons de courges, y attachant leur jus, etaprès y appliquer dessus du sain doux avec le plat de la main. Même effet de l’onguent com- posé avec de la poix et graisse, mêlés et fondus ensemble , y ajoutant de la farine d’iris , si Von en frotte les chevaux : ces moyens serviront aussi aux bœufs, pour ne pas donner prise sur leur corps, à aucune mouche. Remèdes pour les &nes et mulets. Ces bêtes étant sujettes à semblables mala- dies que les chevaux, par semblables remèdes aussi, . D'ÀAGRICULTURE. 593 aussi , elles seront guéries. Il est vrai qu’elles en ont quelques particulières, provenaut de là particularité de leur naturel, mais difâcile- ment peuvent-elles ètre distinguées, par le peu de différence qu'il y a des unes aux au- tres. Ce qui sera laissé au jugement du ména- ger , afin que par le maréchal soit remédié aux maladies des bètes chevalines, selon les occu- rences, même celles de ses ânes et mulets, les plus importantes, surtout de celles dont la cure requiert la main du maréchal ; savoir, le fer et le feu. Remèdes pour les bétes à laine. Le bétail à laine, moutons et brebis, est ‘sujet à plusieurs et diverses maladies , dont la plupart procèdent de mauvais gouvernement, soit du logis, soit de la maniere de les mener paître aux champs , à quelques heures, en quels pätis, combien de tems les y tenir, et autres circonstances remarquées au chapitre - de leur engeancemert et nourriture, où pour- ront être pris de bons préservatifs salutaires à cet imbécille animal. La peste est leur dangereuse maladie { dite en Languedoc boursade ), tuant le bétail en T'omee LV. FD - 504 THÉATRE : , fort peu de tems, s’il n’y est remédié de bonne heure. En été et en hiver, ce bétail est plus sujet à prendre ia peste, qu’en autre saison de l’année. Pour prévenir ce danger, on Jui fera boire, durant quinze jours, au commencement du printems et de l’automne , le matin allant au pätis, de Peau, dans laquelle aura trem- pé du marrubium , dix ou douze heures. Aux bêtes qui se trouveront attaquées de ce mal, ce breuvage leur sera continué ; et en ouire ;, donné du vin et eau, avec soufre et sel, trois fois autant. Mais, parun préalable , ces bêtes seront séparées des saines , et celles-ci, mises en nouveau lieu, leur donnant aussi du soufre et sel, avec vin et eau, comme aux malades, les délivrant d'infection , par ce moyen. Par des- sus tout autre remède, le changement d’aur servira, pourvu que sans, délai, cela soit fait, dès qu’on s’appercevra le mal être entré au troupeau ; que le lieu soit sain et éventé, et que les étables soient bien nettes. Les premières étables seront tout d’une main, curieusement nettoyées et parfumées avec des herbes odorantes, qu’on y brälera dedans pour chasser l'infection, et toutefois, on n’y ramèé- nera le bétail que le mal ne soit du tout passe » . DA CRT CGT 0 RE 595 d'y restant pas même l'apparence, pour tant plus sûrement conduire votre troupeau. La rogne est une ficheuse maladie , traînant les brebis à la mort avec langoureuse maigreur. Elle leur arrive au dos, par pluies et morfon- dures , se donne et se prend comme Ja peste. Pour en préserver le bétail, il conviendra , par un préalable , de ne le méler jamais avec aucun qui #oit rogneux, mais ne paître qu'avec des bêtes saines. Après avoir tondu les moutons et brebis, on les lavera avec de l’eau où auront trempé de la sauge et du marrubium, avec de l’eau salée , au défaut de celle de la mer, lorsqu'on en est éloigné. Séchées de ce livage , on les frottera avec du sain de porc , dans lequel on aura mis du soufre pulvérisé. Si le bétail est déjà saisi de rogme, il en sera guéri par lavement fait de la décoction de lu-- pin, vin blanc, huile de noix et soufre ; par le seul lavement avec vieille urine 5 par la lessive faite en eau avec des cendres , OU au- ront longuement bouilli de tendres Jettons de geniévre tro çonnés. Mais avec beaucoup d’efficace sera guérie la rogne des bêtes à laine et à poil, par cet ouguent. Prenez couperose , argent vif, verd- Ep 2 596 TRÉATRE de-gris et alun de glace, par égales portions ; par la décoction de pommes de cyprès, le tout mis en poudre, sera mêlé ensemble dans du vieux oingt et farine 2 Jupins, ou cendres communes. C’est pour bêtes d'âge, non pour agneaux, dont la tendre jeunesse ne sauroit souffrir la vioience de l’argent vif, de la coupe- rose et de l’alun de glace ; pour laquelle cause on Ôtera de l’onguent ces choses, lorsqu'on J’employera pour les agneaux, qui recevront tous les autres remedes indifféremment. À une autre espèce de rogne est sujet aussi ce bétail, très-ficheuse et très-importante ; car elle prend aussi au museau, lempèchant de paitre. Les anciens Français l’appelloient poacre. Elle leur vient de la rosée, paissant sur les guérets hors d'heure. Le remède est l’onguent fait avec huile de chénevis, alun de glace et soufre vif ; l’appliquant dessus le mu- seau, sur le soir, au retour du pâtis, pour y demeurer toute la nuit ; car le matin ne seroit à propos, le paître le rendant inutile. L'ardeur du soleil, principalement du mois de mars , oflense tellement le cerveau du mouton et des brebis, qu'étourdis, ils ne font que tournoyer, sans vouloir manger. Ce mal est appellé avertin, par certains Français, et | D'AGRICULTURE 597 en Écosse , avec raison, étourdr, Il se guérit par le suc de la poirée ou bette , le faisant boire à l’animal, et manger des feuilles de ladite herbe. Aussi par le jus de l’orvale, ou toute bonne , insullé dans l’oreille de la bète, soit jeune ou vieille. La toux se perd en lavant les naseaux avec du vin , dans lequel on aura pilé des amandes. Aussi par boire au matin du vin blanc, avec huile d'amandes douces ; et après donner à manger à la bète , de l'herbe dite pas-d’âne, et à avaler du jus d’aigremoine , avec du vin. A la difficulté de respirer, ne se trouve de meilleur remède que de fendre les naseaux, et couper le bout des oreilles à l'animal, comme on #ait aux chevaux , pour semblable cause. A lenflure du ventre, pour avoir mangé de méchantes herbes, sera remédié en tirant du sang des veines des lèvres et de celles de des- sous Ja queue, près du fondement, puis lui faire boire de l’urine d'homme. La morve du bétail à laire est incurable, étant une fois formée. Elle est venimeuse, et se.prend facilement par les bétes saines ; les- quelles, recherchant leur malheur, accourent, ainsi qu'au sel, à la mangeoire des brebis mor- A bo8 THÉATRE veuses , y léchant la morve qu’elles y trouvent, dont elles s’infectent de tel mal. C’est pourquoi, après avoir retiré les bêtes morveuses en ét.ble séparée, et essayé les re- medes du cheval en semblable maladie, s’il ne réussit pas en trois jours, vous pouvez les faire Jetter à la voirie. Pour la morsure des bétes venimeuses, donnez à boire de la nielle en poudre, avec du vin, et appliquez sur ie mal emplâtre de fiente de pourceau, pour faire choir les vers qui s'engendrent aux plaies des brebis ; de quelle cause qu’elles soient, il ne faut qu'y tenir de la chaux vive en poudre, l’y faisant attacher avec l'huile de cade. ; À la fiévre, le remede est la saignée de la veine de l’œii droit, ne souffrant que la bête boive de quelques jours après. Pour Îa rupture de la jambe , il faudra pre- miérement tondre le poil du lieu , après Foin- dre avec razis amolli avec de la salive d’homme, et y appliquer un emplâtre de poix noire; et ayant remis la jambe, la lier proprement avec des bandes, y ajoutant des bâtons (éclisses) pour la tenir droite, et de telle sorte l’accom- moder , que la bête puisse aller paître aux champs , sans en détourner la guérison. D : DR GRMEULTURE. 599 Remèdes pour les chèvres. Par semblables remèdes qu’on employe à la cure du bétail à laine , seront traitées les bêtes à poil, à cause de la sympathie de leur naturel, ayant communication de nourriture ; et bien qu’on reconnoisse quelque diversité de com- plexion entre les brebis et chèvres, on n’en distinguera pas pourtant leurs maladies , pour les traiter diversement ; ou ce sera en certaines particularités que l'expert berger remarquera, et y pourvoira selon ses expériences, sans qu’il soit nécessaire d’amplifier davantage ce dis- cours. Remèdes pour les pourceaux. Le premier sera de tenir nettement leurs étables et mangeoires, leur faire bonne liuere, ne souffrir de hanter autre bétail ; même la poulaille sera bannie de leurs étables , parce que les plumes et fientes de la volaille impor- iunent beaucoup les pourceaux. Ces choses ten dent à préserver les pourceaux de maladies, plusieurs en ayant par leur saleté et gour- mandise. P p 4 Goo TRÉATAREZÆ Quand on s’appercevra que les pourceaux ne sont pas aussi éveillés que de coutume, ayant la mine triste, sans :ppétit, portant les oreilles pendantes, lents à marcher, wrafnant leurs jambes de derrière, c’est signe d’indis- position. On en sera mieux assuré par les soies du dos qu’on leur arrachera ; lesquelles , ayant saigneuses les racines , feront comme voir à l’œil que la maladie est arrivée. Leur indisposition arrive, quelquefois , par avoir mangé de mauvaises herbes ; elle ne se convertira pas en maladie, si on leur fait digérer tel mauvais morceau, ce qui arrivera par abstinence, les tenant enfermés, sans man- ger, dix-huit ou vingt heures ; au bout duquel terme, donnez - leur à boire bonne quantité d’eau tiède , dans laquelle vous aurez fait tremper, durant douze ou quinze heures, des racines de concombre sauvage pilé. Ce leur sera singulier préservatif contre les maux contagieux, de peste et autres, que de tenir dans leurs auges des racines d’affroditte concassé, à ce que leur breuvage ordinaire tire la substance de telle racine. Le charbon de bois de tamaris, éteint dans le boire de pourceau, leur sert de bon préservatif contre le venin. I] seroit à souhaiter que leurs auges . D'À CRI CU LTU RÉ. Gox fussent faites de tel, bois, pour leur continuer ce bon service. T'ouchant la peste , pour un préalable chan- gement d'air (non seulement de logis )en lieux bien airés, comme j'aidit des brebis, et les sai- gner sous la langue. Là les faire nourrir , plus avec le boire qu'avec le manger; mais boire dans lequel aurez fait bouillir herbes fraiches, y mêlant toujours de la farine d’orge parmi. Pour corriger entièrement la taye ( car de la guérir du tout ne se peut), on saignera le pourceau sous la queue ; on le fera souvent baigner dans l’eau ; on ne lui épargnera pas le boire, et sur-tout , on le logera nettement, sans souffrir qu'il demeure aucune fiente pour- rie dans leurs étables ; au contraire, leur faire toujours bonne litière. La saleté est la princi- pile cause de cetie maladie. Les pourceaux deviennent quelquefois en- flés , par trop de fruit en la saison. La décoc- tion de choux rouges , bue , les désenflera; même le chou, leur en donnant à manger avec leur nourriture ; la feuille de mürier, bouillie en eau, sert aussi En CE Cas. | Au catarre et en enflure des glandes au col: aprés avoir saigné le pourceau sous la langue , l’on frotte les lieux enflés avec du sel Go2 THÉATERE et farine de froment, mêlés ensemble. La dé- coction des herbes et racines de concombre sauvage est salutaire à ce bétail, se trouvant mal d’avoir mangé des mauvaises herbes. C’est pourquoi ne leur épargnez ce bon remede, le réitérant souvent, sans crainte d’excès. Remèdes pour les chiens. Plusieurs maladies des chiens seront guéries par semblables remèdes que ceux des bêtes à laine, pour la conformité de leurs mœurs, en plusieurs choses. Les maux suivans seront guéris par ces moyens-Ci. Pour la rage. On prévient ce furieux mal des la première jeunesse du chien, en lui tirant le nerf du bout de la queue, dont j'ai parlé ailleurs , ainsi étant cru de toute ancienneté. Aussi, pour la même cause, leur ôte-t-on un uerf qu’ils ont sous la langue ; mais, pour le mieux , il convient d’attendre que les chiens soient tourmentés de diverses sortes de rages, distinguées en sept espèces, comme plusieurs l'ont écrit. | Les deux premières sont incurables ; les cinq dernières sont moins venimeuses que les autres. 1] y a quelques remèdes, comme les sUIvans. e DR RO rio ne Go3 Faites avaler au chien un breuvage fait de fa décoction de rhue , passe-rage , eliébore nor, bouilli en eau , daus laquelle sera sjouté Gu vin blanc et deux drachmes de scamonée : après, le chien sera saigné en la gueule, ki faisant sortir force de sang. Autre. Pivoise, absynthe, six drachmes de chacune ; aloès en poudre, deux drachmes ; autant de corne de cerf, brülée et pulvérisée ; agaric , autant. Ces choses seront infusées en vin blanc, et données en breuvage aux chiens; puis il convient de les saigner des deux veines qui viennent par le dedans des épaules, ou leur fendre les oreilles pour les faire saigner. Pour guérir un chien, de la morsure d’un autre qui est enragé, il faut le purger, puis baigner. La purgation sera faite de casse, de scamonée , autre poudre de staphisagre ; le tout détrempé en huile d'olive, qu’on donnera à avaler au chien. Le bain sera de pure eau claire , avec abondance de sel (à faute d’eau de mer ) qu’on meitra, pour plus d’aisance, dans une cuvette, et là plonger et laver le chien plusieurs fois le jour, durant neuf ou dix. \ | La rogne commune des chiens se guérit par laver souvent et rudement avec la décoction Co4 THEATRE de berle, d’énulla campana , de lapace , de frodylles, y ajoutant des cendres et du savon. Les dartres sont plus difficiles à guérir. Après avoir rasé le poil des lieux requis, ils seront fiottés avec du vinaigre et la lessive, avec du sel, si rudement que le sang en sorte. Puis les dartres seront ointes avec onguent fait de deux livres huile de noix, ure livre huile de cade, autant de poix gemme, soufre et huile de vitriol, verd-de-gris, quatre onces de chacun; litarge d’or, alun de glace, de chacun deux onces ; le tout, pulvérisé et in- corporé, sera bouilli en vinaigre , jusqu’à la consistance d’onguent. Les puces, poux et vermine, mourront en lavant et frottant les chiens avec la décoction de l:pace , berle, menthe, cendres de sar- ment, passée à travers un Jinge, y ajoutant de la poudre de staphisagre, du savon et du safran. . Remèdes pour la poulaille. La pépie est la plus fréquente maladie des poules communes, leur ôtant le moyen de manger et de boire. C’est un cartilage qui leur croit à la langue par faute de boire, ou de boire de l’eau salée et puante. En arrachant | D’AGRICULTURE. 605 ce cartilage , la poule est délivrée de mal; ce que la gouvernaute de la volaille fera sans peu de peine, avec une aiguille , et après lavera la langue et le bec avec de l’huile, dans laquelle, au préalable , on aura écrasé une dose d'ail, ou bien avec du vinaigre un peu chaud : la salive seule sert dans cette occasion. On achevera de guérir ce mal, en donnant à manger à la poule de la graine de staphisagre, méléeparmi le grain de son ordinaire , soir et matin. Le ventre läche de la poule, vidant par trop, est resserre en lui faisant boire du vin un peu chaud, dans lequel auront bouilli des écorces de coing, ou mis dedans des cornes en poudre; aussi en leur donnant de l’orge bouillie en ecu, avec écorce de grenade. Au contraire, on ouvre Le derrière de la poule constipée, par l’eau miellée qu’on lui fera boire. Les jeunes poulettes sont fort tour- mentées de ce mal ; auquel on remédie en les plumant à l’entour du fondement, et en Fou- vrant avec une plume , dont le ventre est incon- tinent lâche. Le catarre ou fluxion qui tombe aux pou- Les, est un mal qui leur fait baisser la tête et baisser la crète, qui leur cause aveuglement. Le remède est de waverser les naseaux d’une 606 TRÉATeRE plume : la cause du mal se vide par cette ouver- ture. Et comme ces maux ne procèdent que de morfondement, qui leur arrive , ou pour avoir bu de l’eau glacée, ou d’avoir couché à décou- vert, il sera convenable de leur échauffer leur boisson, même en tems de brume, dont telle humidité sera corrigée , et de leur laver les yeux avec de pourcelaine,; sel ammoniac, mêlé avec lait de femme. Ce reméde fera fondre les petites peaux croissant sur les yeux, qui arrête leur vue, sans se donner la peine de les arra- cher avec une aiguille, comme font plusieurs. Ge lavage servira aussi à guérir les ënflamma- tions sa veux. Les poux et vermine maigrissent les poules; sur-tout les couveuses. Le remede est de les plonger dans l'eau où l’on aura bouilli de la staphisagre, ou du cumin, ou des lupins: l'amer- tume de telle chose tuera ces nuisibles bes- tioles. Toute espèce de poulaille , indifféremment, craint Je serein, excepté cette race de paons, qui n’a que faire de logis , naturellement cou- chant sur les arbres. On n’y fera pas atiention, pour la préserver de morfondement ; aussi généralement on les en garantira, en les faisant centrer à l'approche de la nuit, en leur juchoir; Dh code u du x E 607 comme semblables remèdes que dessus, seront employés , sans distinction d’espèces , aux poules d’inde, oïes, canes, cygnes, puisque leur naturel sympathise ensemble , presque en toutes choses. Les dindes ont cel: de particulier que de craindre fort la goutte au pied, en leur pre- mière jeunesse ; mal qui s’évite par bonne conduite, comme j'ai montré. La curiosité de tenir proprement les poulaillers, les parfumant au besoin, préserve la poulaille de la plupart de ces maladies ; et de les fermer et ouvrir à tems, pour les préserver du ravage des fouines, beleties , chats sauvages, et autres bêtes mali- gnes et de proie qui y entrent la nuit, à la moindre ouverture qu’elles y trouvent , où elles tuent tout , sans pardonner à aucune poule. ‘Æouchant le renard, ce sera la guerre ou- verte qui en délivrera de crainte la poulaille; on le chassera et de jour et de nuit par divers moyens, pour en désengeancer la contrée. EE TE RS ee — 6o8 THÉATRE CS PEER EUR ER De La chasse et autres honnétes exercices du Gentilhomme. Éiuige MENT, ces discours nous ont con- duit aux choses de plaisir, après avoir traité de celles de profit. La chasse n’est pas pour- tant sans utilité , comme la ménagerie , sans délectation ; et comme l’agriculture regarde principalement à la nécessité du vivre des hommes, ayant pour accessoire le contente- ment: ainsi le but de la chasse, étant le joyeux passe-tems, est suivi de plusieurs commodités. Comme de la conservation de la santé, qui vient de lever matin, de l’exercice , dela so- briété ; aussi de façonner lesprit, rendant l’homme patient, discret, continent, modeste, | magnanime , bardi, ingéuieux. L’article , pour fouruir la table de précieuses viandes, ne sera pas oublié, ni celui de la visite des terres, et la sollicitation au travail ; chose que, tout d’une main, on fait en allant et revenant de la chasse, De tels utiles plaisirs jouira le gentilhomme des ES mt mt mm emmmreneciétenantiinee RE D b'À c‘rr cu LT Ü R €. 609 des champs, sans oublier ses affaires, s’il se mesure , ainsi qu'il apparent, à ce que, ne s’abandonnant à ses plaisirs, il donne à la chasse quelques heures de son loisir. Le vin est aliment très-précieux , pris mo- dérémérñt, et venin mortel, bu désordonné- ment. Les ivres nous font voir un roi d’Ar- cadie, Eycaon, métamorphosé én lou p, Actéon en cerf, pour s'être abandonnés à la chasse, et tous deux mangés de léurs propres chiens, On litque Penpereur SEVÈTE, ‘qui employoit tout’ son terms à la chasse, finit misérablement ses jours ; # l’âge de sa première force, dé- laissé de'ses propres pro aidèrent à lui courir sus. Ce’ royatine l est pas sans exem= ple à ce sujet, s'y voyant, en diversés provin- ces, de bonnes maisons incommodées , par le irop fréquent’usage: dé la chasse ; d’ qu 16 faisant d’accessoire! principal’, il n’est - pas | étonnant d’én voir les affaires réculées. D. -Le geñtilhômme bien avisé, ayant cette belle * humeurque d'aimer la chasse, ordonnera des” tems d'y vaquer et des moyens de la dépense requise à tel noble exercice ; 'sibien qu’il en pourra continuer l’usage avec délectation de corps et. d’ esprit, sans intérésser les principä- les besognes ;, et.ce ne sera lui seulement qui J'ome 1F, Q q LS : NEntÉ 610 THÉATRE jouira de telles commodités ; mais le public ÿ participera, quand, par tels honorables et plaï- sans labeurs, la contrée sera délivrée de bêtes ravissantes , dévorant en la campagne les per- sonnes et le bétail du ménage. De plus, par l’exercice de la chasse, le gentilhomme se façconnera à la guerre, y appre- nant les ruses de l’art; à s’endurcir au travail, fuyant l’oisiveté ; à se contenter de boire et de manger peu ; et à s’accoutumer à toutes viandes et breuvages ; à combattre à force et par sur- prise ; à piquer chevaux par bon et mauvais pays ; ce qui le rendra bon guerrier , étant la chasse un vrai apprentissage de la guerre, par la conformité qu’il y a entre ces deux exerci- ces; et par conséquent propre à faire service au roi et à la patrie. bord Platon, dressant ses loix ,y coucha la chasse, comme nécessaire à la république. Plusieurs rois de l’antiquité ont fait dresser leurs gens à . la chasse : Cyrus, Licurgue , Romulus, Ale- xandre-le-Grand, Pompée, Marc-Antoine, Adrien, sont de ce nombre. De nos rois, plusieurs ont aimé la chasse, vénerie et fau- connerie. On trouve en l’histoire d’Aimonica, que Clovis, en l’an og, poursuivit un cerf, sortant de la forêt de Chinon, jusqu’en la ri- . CE POSE . D'AGRIGUETURE 611 rière de Vienne , laquelle il passa sans nager ; par-ce moyen enseignant au roi un bon gué S dont il étoit en grand doute. Le né hu aussi aimä la chasse, et en mourut d'une fièvre qu'il prit en chassant dans la forèt.de, Couci. Les rois Charles VI et IX, J'ont exercée -en leur tems, et tant amméé et si bien entendue ,que ce derniera composé un livre. Le roi régnant heureusement (Henri IV) se délecte aujourd’hui à la. chasse; ayant uré de ses ancètres une telle noble affections : Nous avons fait voir quelle différence il y a de Ja garenne-au parc ; ici nous nous servirons de cette, démonstration , pour faire entendre au gentilhomme qu'il y a une chasse pour lui, et une autre pour le grand seigneur, afm qu’il ne s’y trompe. La chasse aux cerfs, biches, daims,, sanghers , loups!, et, en général , toutes bêtes rousses et noires, n’appartient qu'aux xois, princes etgrands seigneurs ; comme aussi à chasser au vol, s'étant réservé de tels passe- items, aÿee lès moyens d’en faire les frais. Il n’est pas cependant hors de propos que le gentilhomme, ayant des forèts où se nour- rissent et se retirent de.telles grosses bêtes, n’y chasse quelquefois; mais ce sera en com- pagnie de ses voisins et amis, desquels se fera Qq2 G12 TRrÉATRE assemblée, selon les occurrences du tems et autres occasions , mélant ensemble leurs atti- rails de chiens, de chevaux, dé relais, pa- neaux., toiles, bourses, cordages F2. épieux , arquebuses ;arbalettes , trompes’, tenailles et autres choses nécessaires à l’entreprise: A4) . Pour son particulier ordinaire ,il se conten- tera du nombre de chiens ; oiseaux; ‘hevaux; valeis, meubles et engins, requis A Jui entrete- wir: passe-tems ; dont il fera état; le dressant et limitant-à la portée de son bien; chose à la- quelle il regardera plus qu’à son plaisir. Il s’instruira en tous les termes de l’art de la chasse , vénerie et fauconnerie, pour parler à ses chiens-et aux oiseaux ; et avec la voix et avec la trompe (cors), diversement, tantôt haut, tantôt bas, selon les chasses ; observera les bêtes:,, leur naturel, leurs ruseset finesses , le tems et saison «de les prendre , leur repaire et gite , lits, chambres , reposeries , bauges et tauieres ; celles qu’il faut courir et combattre ; comme il-les faut quêter, requérir, lancer et donner aux chiens, accommodant leur espèce, selon la chasse, avec le chien couchant, dressé au poil et à la plume. | Le gentilhomme, durant l’automne, l'hiver et le printems, l’arquebuse au point, s’en ira \, : D'À & R = GO E TU-.R E. G13 arrêter et prendre la perdrix et le levraut, avec les mêmes chiens ; en été, arrêtera les cailles et tourterelles, qu'il prendra, leur jettant la ürasse ou filet par dessus, avec ses lévriers ; ira courir et prendre le lièvre et le levraut, en toutes les saisons de l’année; au lièvre, renard , putois, fouines , chassera aussi avec filet , toile ; aux conins, (lapins) avec le furet et la poche. Quant à la fauconnerie, laissant la haute vo- lerie pour les plus grands, le bas voler des champs sera pour le simple. gentilhomme; lequel se dressera un attirail requis à ce bel exercice , surpassant d’autant plus celui de la vénerie , qu'il y a de différence entre les choses de la terre et celles de Vair. Il tendra son esprit à la conservation de ses oiseaux, sans s’en rapporter du tout à son fauconnier ; à telle curiosité imitant des princes et grands seigneurs , qui ne sont pas importunés du bruit de leurs oiseaux , les faisant coucher dans leur chambre. N'avoir qu’un oiseau, c’est n’en avoir point, à cause des inconvéniens qui survien- nent journellement ; à laquelle incommodité est jointe celle-ci, que n’en ayant qu’un , le gentilhomme est contraint d'attendre le jour et heure que son oiseau sera prêt et en état; mais +Qqs 614 TRÉATEÉRE À en ayant plusieurs, il en appelle et pour le ma- tin et pour le soir, suivant l’heure qu'il lui plaît de voler. Mais , d’avoir beaucoup d'oiseaux , c’est tomber en l’autre extrémité ; c’est pourquoi le nombre pourra être restreint à deux, qu'il entretiendra avec presque aussi peu de dé- pense , que pour un seul, parce qu’il Jui faut aussi bien un homme pour en gouverner un, que deux. Cinq ou six couples de chiens, est la suite de cet attirail ; lesquels il convient de choisir de moyenne taille; qu’ils soientépagneuls,parce qu'étant mieux vêtus que les bracs, ils ne crain- dront ni le froid ni les épines. Il convient avoir aussi une lesse de bons lévriers, et de bien nourrir tous les chiens, afin que, demeurant plus gras que maigres, ils vous fassent honneur et service, et ne soient en danger d’être rogneux, comme sont presque toujours les maigres. | Cet équipage est raisonnable pour-le gentil- homme qui ne veut faire grande dépense ; moyennant quoi, il recevra contentement, et de la commodité pour la cuisine, étant en pays de gibier ; déchargeant d’autant les frais de la fauconnerie , du choix des oiseaux, de leurs D'AGRICULTURE. 615 noms , qualités et différences. Du moyen de les dresser et employer, selon les pays et les chasses ; de les nourrir et entretenir, de leurs maladies et remèdes, ne sera plus ici avant discouru ; non plus que du choix des chiens, -pour cet objet et pour la vénerie , il ne faut pas outrepasser les limites de ma délibération, vu même qu'il y a plusieurs livres écrits sur cette matiere, où notre gentilhomme se pourra aisément instruire de ce qu'il desirera pour ces chasses. Mais, particulièrement pour la fauconnerie, du beau et excellent livre du seigneur d'Es- parron, gentilhomme provençal, qui l’a de nouveau mis en lumière, où il a particulière- ment et amplement discouru de tel noble exercice. Il y a divers autres moyens pour prendre ‘bêtes à quatre pieds, qu’on employe en jour et en nuit , selon les saisons et les tems, chaud ou froid ; comme pièges, agraftes, fosses, trapes, rêts, panis, amorces, etc. Aussi les oiseaux, gros et menus, à l’amorce, à la pipée, à la passée, au tombereau , à la tonelle , au feu, à la glu, au lacs, à la poche, aux rêts, à la chouette, au duc, à luppeau, au rejettail, etc. et ce avec beaucoup de plaisir et petite dé- Qg4 6:16 THÉATRE pense, parce qu'il n’est besoin pour telle chasse , ni de ‘chiens, ni d’oiseaux, ni de chey aux. U * Les propriétés à pays, ont fait mventer au peuple divers instrumens en engins, à prendre bêtes terrestres etaériennes, chacun les :ppro- print à ses usages particuliers, suivant que le lieu le permet. Pour la variété de ees insiru- mevs , il seroit impossible de lés représenter par discours seulément; par dessin, on pour- roit en donner quelque moyenne connoissance. Dans les lieux où les canards et autres oiseaux de rivière abondent, comme dans les grands étangs et pres des mers ; 1x on s'exerce en grand volume, en telle espèce de chasse, même en Hollande, en cette maniere: : On y employe un canard devant, atiaché au bord de l'eau , qui appelle les passagers ; les- quels, descendus en l’étang, s’en vont trouver celui qui les invite. Un chien, dressé à tel ser- vice, nageant par l'étang, les va ramassant par les ex plus éloignés, pour leur faire tenir le chemin requis, où assemblés se trouvent pris par le moyen d’un filet, là auparavant tendu , qu’un homme, caché auprès, descend quand il en voit le point. L'on prend aussi des canards au hamecon, : | D'ÀAGRICGULTURE:. Gr7 presque comme poissons 3 c'est en envelop- pant lhamecon avec des tripailles ; ils sont attachés à térre par des cordelettes. Les ca- nards , voyant de loin telle viande nageant sur Peau ; Fengloutissent avec les hamecons, dont ils se trouvent pris par le bec. Le gentilhomme chassera aussi au canard, à l’arquebuse , en se promenant le long des eaux , durant les gelées etles grandes froidures, et autres chasses où son plaisir le guidera, et afin que l'excès du travail n’en ravale le con- tentement. Quant à la chasse des perdrix, au feu , durant la nuit, à la tonelle , le jour, des bécasses, alouettes et autres oiseaux, qu’on attend longuement aux passages, et jour etnuit, même en mauvais tems, comme en hiver, du- rant les grandes glaces et neiges, pour les attraper au filet et autrement, il en chargera ses gens. Les amorces et trainées, le dresser des pièges, pour prendre loups ei renards, bléreaux , tessons ( sangliers ) et semblables bêtes ; la prise se est avec A PORE 7 de peine. - à Encore que la he aux islie dus avec la chouette ou au duc, qui semble n’appartenir qu'aux enfans , elle est tant plaisante et agréa- ble, que souvent les grands sont portés à s’y 618 THÉATRE exercer : tout honnête passe-tems étant rece- vable aux champs. Le plaisir y est singulier, de voir un oiseau difforme, perché parmi la verdure et les fleurs, attirer à soi une infinité d’oisillons , venant là de toutes parts contem- pler sa mine, sa contenance, sa laideur, le pinçant, chantant chacun leur ramage, comme pour le braver et se moquer de lui ; et au bout de cela, se sentir pris par les grifes, ayec le Prei (petit instrument composé de deux bâtons se joignant de leur long) que l’oiseleur , caché dans sa logette , fait jouer à point, ou bien par la glu, dont ils se trouvent empèêtrés en leurs plumes. À tel honnête exercice passera son tems, le noble père de famille , tandis que, par sa pre- voyance, ses affaires s’avanceront, et trouvera, par expérience, véritable ce qui est dit. Qui le plaisir à l’utilité joint, En ménageant , le gagne de tout point. À corriger la solitude de la campagne, est de grande efficace la lecture des bons livres, vous tenant toujours compagnie. Scipion l’Afri- cain en rend ce témoignage, disant à ses amis { qui s’ébahissoient de sa vieprivée etretirée ): n’étre jamais moins seul, que quand il étoit . D'À GRICGUL T/U RE. Gr9 seul. Si que le gentilhomme aimant les livres, ne pourra être que bien à son aise, avec un livre au poing, se promenant dans ses jardins, ses prairies , ses bois , tenant l’œil sur ses gens et affaires. En mauvais tems de froidure et de pluie, étant dans la maison, il se promènera, sous le guide de ses livres, par la terre, par la mer, par les royaumes et provinces les plus loimn- taines , ayant les cartes devant ses yeux, lui montrant à l’œil leur situation dans l’histoire ; contemplera les choses passées , les guerres, les batailles, la vie et les mœurs des rois et princes, pour imiter les bons et fuir les mau- vais ; remarquera les gouvernemens des peu- ples , leurs lois, leur police, leurs coutumes, tant pour connoître comment le monde s’est gouverné, que pour faire profit des salutaires avis qu’il en pourra retirer, les appropriant à ses usages. Dans les bons livres, il apprendra à sagement conduire sa famille , à se comporter avec ses voisins, sur-tout à craindre et servir Dieu, à bien vivre, à fuir le vice, suivre la vertu, qui est le chemin du ciel , notre sûre demeure. Ce lui sera beaucoup de contentement, s’il a quelque modérée connoissance des simples G20 THÉATRE et herbes médicinales de la campagne ; car ïl ne pourra sortir de sa maison, sans trouver à qui parier, contemplant les racines , herbes, fleurs, fruits, leurs propriétés, avec la louange du créateur. De même, regardant au ciel, admirera l’ou- vrage du souverain ; à la vue du firmament, des étoiles, planettes , signes célestes, il saura la raison des équinoxes et solstices, des éclip- ses, du cours du soleil et de la lune, s’il a quelque connoïssance sur l’astrologie'; la musi- que, le jeu du luth, de la harpe, de l’épinette et autres insirumens , servent beaucoup à. tCe sujet. Aussi, l’arithmétique, la géométrie, Parchi- tecture, la perspective, même le dessin, pour représenter forteresses, villes, châteaux , pay- sages , dignes parties du gentilhomme ; moyen- nant lesquels il désignera plans de forteresses et de maisons privées ; même , avec ces con- noisances , il ordonnera de ses bâtimens, de ses jardins, de la disposition de ses arbres, et fera autre chose de son ménage, par art, avec heureuse issue. La visite des amis est très-recommandable au gentilhomme, par là cultivant les amitiés avec l'affection néce:saire à chose tant pré- , | D'À @ KG HTIU R E. 62x cieuse , que cherement il se conservera. Moyennant ces belles et nobles qualités, notre vertueux père de famille se maintiendra gaiment en-son ménage; il vivra commodé- ment, fera bonne chère à ses amis , et par- tageant à propos ses heures, pourvoira à ses aifaires , si bien que, mariant le profit avec le plaisir, chose aucune n’en demeurera en arrière ; au Contraire, comme en se jouant, toutes s’avanceront à son contentement et hon- neur, Dieu bénissant son labeur et mdustrie. C:O:N;C L U:S:E ON. - Des paroles, il faut venir auxteffets, pour avoir. Contentement de notre ‘agriculture. Comme celn’est que du papier ‘peint, que le dessin du bâtiment, sans pierres, chaux, sa ble , bois et autres matériaux , pour élever l'édifice aussi; vamement aurions-nous repré- senté le ménage des champs , sans mettre la main à l'œuvre.[’on à coùtume de se moquer de ceux qui-disent vouloir bâtir, planter, ré- parer, sans en voir l'avancement ; même les ‘ serres! semblent accuser de négligence ‘leurs possesseurs, qui ne les mettent:pas à portée d’enfanter le bien qu’elles ont conçu dans leurs G22 THÉÂTRE entrailles. Les anciens romains, à cause du - préjudice qui en revenoit au public de telle paresse, ordonnèrent que le censeur châtie- roit la négligence à faire valoir les héritages; et, par l'exemple de la profitable diligence du Furius Crisinus, firent des statuts et ordon- nances , sur la manière de mettre les terres en valeur. ess Ce Crisinus labouroit son héritage de mé- diocre étendue, avec tant d’art et de diligence, qu’il en tiroit beaucoup plus de profit, que ne faisoient ses voisins de leurs grandes posses- sions; lesquels envieux l’accusèrent en justice, que, par magie ou sortilège, il s’attiroit la graisse des champs de son voisinage. Il compa- roît à l’assignation devant les censeurs, accom- pagné de sa fille, bien nourrie, bien vêtue, conduisant ses bœufs gras.et éveillés, avec ses coûtres et socs bien forgés etacérés , portant plusieurs autres outils et instrumens ‘pour la culture de la-ierre. Il montra cet’attirail au censeur et au peuple ; leur dit que ce sont ses instrumens magiques dont il a usé ; leur fait voir ses mains calleuses du travail, regrettant de ne pouvoir de même leur représenter ses : labeurs , sueurs , veilles , tant de jour que de nuit, qu'il avoit employées à rendre fertile LR D’AGRICULTURE 623 son héritage ; de quoi il demeura loué, et ses accusateurs , moqués pour leur fainéantise. Pline , en outre, raconte, et avec lui, Plu- tarque et Tite-Live, que le roi Gigés, s’enqué- rant de l’oracle d’Apollon, quel étoit le plus heureux homme du monde, eut réponse, que c’étoit Aglaüs, connu des Dieux et inconnu des hommes. Après avoir fait chercher cet Aglaüs par toute la Grèce, enfin il est trouvé dans un recoin de l’Arcadie, cultivant son petit hermitage , où , avec sa famille bien réglée, il vivoit fort commodément des biens qu’en abondance ; par son industrie et diligence , sa terre lui rapportoit. L’histoire nous a conservé la mémoire de cet homme, pour nous rendre bons ménagers ; comme aussi, a même fin, de plusieurs autres: les exemples servent de bons maitres. Les Milésiens étant en guerre civile, à cause de l’ambition du gouvernement , élurent, pour arbitre de leur différent, des hommes du pays de Parrois, qui, étant arrivés, considérèrent avec soin l’état des villes et terroir des Milé- siens ; ils y trouvèrent plusieurs ruines, des villes et maisons désertes, des terres en friche, et tout cela procédant de l’oisiveté, qui les avoit plongés en sédition. Quelques héritages 624 2 TH É AUTRE bien cultivés s’offrirent à eux ; comme témoiz gnant que leurs propriétaites avoient là erm- ployé leur tems, sans s ‘amuser à oem avec leurs voisins. Après avoir convoqué le peuple, sans autre recherche, ils adjugèrent le gouvernement au’ meilleur ménager et plus difgerits choisi d’en- ire.ceux qui avoientieurs terres bien cultivées, espérant qu'ils seroient Curieux du bien public, autant qu'ils l’avoient été dé leurs affaires do=. mestques. C'est ce que nous apprend Sabel-! lique , et aussi , que Abdolonime fut élu roi de syden, non seulement par sa prudence, mais pour s’être proprement accommodé en sx mai= son des champs, et pourla grande expér ience qu'il avoit en agrichlture, à ox pen ls Cyrus, le’grand roi de Perse; ré de: témoi= gnage de Xenophon, regardoit comme les plus! belles occupations du gentilhomme, être l’a- griculture et la guerre , lui-même se Hivrantà: l'uncet à Fautre-exercice. Cetroi » prenant plai- sir de contempler les dépar tèméns de.ses séné= chaux ei présidens des provinces, qui avoient.: surintendance sur la police, même sur le labou= ragé, Voyant. ceux qui avoientleursiterres biën habitées , pleines de tous arbres chargés de fruits il ieur accroissoit leur. jurisdiction , sans 4 . "MA oRTéË E Tu rRE?. 65% sans leur épargner les dons des richesses et d'honneurs , pour témoignage de leur vertu ; au contraire, ceux que le roi trouvoit avoir leurs proyinces dépeuplées et en friche, il les punissoit rigoureusement et les démettoit de leurs charges, pour les donner à d’autres. A l'élection des échevins, capitouls, mai- res, consuls des villes de ce royaume, jus- qu’au moindre , toujours les meilleurs ména- gers sont employés, avec cette raison, que celui-là se rend capable des affaires du public, qui conduit bien les siennes particulières. , Entre les richesses du sac de Carthage, furent trouvés vingt- huit livres de agriculture, com- posés par M ago ; lesquels, de l’ordonnance du sénat de Rome, furent traduits du langage, punique en latin, avec beaucoup de louange du traducteur, et encore plus de l’auteur, qui eu fut proclamé père du labourage. Le roi Déjotarus, prit à honneur que Déo- phanës lui dédiät son agriculture. L’empereur Auguste de même reçut de bon cœur les com- mentaires de Caius Vlagius ; sur les simples ; Mécene , le livre des Sabins , sur la nature et diverses qualités des oignons : tant les anciens ont fait état de l’agriculture. Platon confesse que la vie rustique et soli- Tome. 17, | Ar 626 TuÉATRE taire a gagné Je prix, comme maitresse et exemple de toute sobriété, continence, éco- nomie ei diligence, 1} la propose à l’homme , comme .un port jet # efuge contre la calomnie A Fambition, l'envie eLautres vices. ” En’ses livres de la république, plusieurs ordonnances se voyent pour l'agriculture ; entr'autres , de ne Changer ou arracher les bornes des champs; de ne rompre les canaux ou détourner le cours des eaux qui abreuvent les terres ; de ne faire de dégât aux héritages et aux fruits de la terre, sous grande peine : ce que nos sages empereurs ont suivi en leurs constitutions modernes. “Cicéron, en son discours qu il fait en Soft premier livre des offices, touchant les profits que nous apportent les arts ou sciences , est d'avis qu'il n’y a rien de plus noble, et qui mieux convienne à l’homme vivant noblement | et en liberté, que le fait de l’agriculture. . Virgile üent qu'a lhommedes champs ne manque , POUF. sa. mi ; qe : de. sonnoige son Le disant : Oh ! que par trop seroïent heureux les laboureurs , _S'äls sayoient leur-boriheur , auxquels-loin, des horteurs , D'AGRICULURE 627 Du discord, martial, d’une volonté franche, De vivre largement , la terre juste épanche (1). La connoissance des biens que Dieu nous donne , est véritablement le plus important article de notre ménage ; moyennant laquelle nous ménager ons gaiment, tant pour l’utilité que pour Phôgheur. Rendons-le à ceux qui font bien leurs affaires : de là aviendra à notre père de famille ce contentement, de trouver sa maison plus agréable, sa femme plus belle, et son vin. meilleur, que. celui d'autrui. Ces contentemens ont induit plusieurs grands personnages à chanter le plaisir des champs, s’égayant sur tant riche sujet, dont plusieurs divres.se trouxent écrits, remplis de telle belle nature, et beaucoup d’illustres hommes à se rétirer, en Ja, solitude de la campagne, pour, hors de bruit, jouir en repos des aises dont elle abonde. La sérénité du ciel, la salubrité de l'air, le plaisant aspect de la contrée, mon- tagnes, plaïnes, vallons ; côteäux, bois, vigno= bles. prairies : jardins , terre à bled » Tiviéres, Jontaines, ruisseaux, Re les beaux prôme- (1)0 ! Fortunatos nimium eic. Géorc.Il Rr2 628 HÉATRE contemplation des belles tapisseries des fleurs, les beaux ombrages des arbres, la joyeuse mu- sique des oiseaux , les divers chants et langages du bétail, gros et menu , louant je créateur , en sont les principales causes; y en ayant d’autres infinies , qui ne se peuvent réciter , pour la nourriture, vêture ; port et plaisir de l’homme, dont Dieu a rempli la terre. is Là dessus, dit le sieur de Pibrac : : Bref, en l’homme des champs , on ne sauroit choisir Un jour ; heure ou moment , sans honnête plaisir. Entre lesquelles plaisantes commodités , celle-ci est remarquable ; qu'aux champs, vous n’y voyez que de vos amis, Vos enñemis ne vous allant jamais visiter ; et si bien, vous n'y êtes pas beaucoup accompagné de vos sembla- bles. Vous y éprouvez véritable ce commun dire : 2 LE SAONE K. A EM APE SEE Qu'il vaut mieux être seul, que mal accompagné. Ce qui se pratique tous les jours ès villes, où on voit combien fâcheuse est là foule du peuple, parmi lesquels sont contraints de vi- “vre ceux qui y habitent, étant souvent forcés de faire bonne mine à tels, dont ils ne sont ae D'AGRICULMURE. G29 guère aimés ; au lieu de la sainte liberté, en laquelle vit notre noble ménager. Pour en jouir, Cicéron avoit ses belles mai- sons de Cuman , Formian , T'usculan , où il se plut tant, mème en cette dernière , qu'il y composa ses Questions T'usculanes, nommées ainsi, à cause de ce beau lieu. Pline , le jeune , avoit son Laurentin, d’où, écrivant à Fondanus, il lui récite les grandes délices dont il jouissoit aux champs. Entr’au- tres , il reconnoissoit n’y avoir fait, dit, ni oui chose qui lui eùt déplu, n’ayant eu peur d’être accusé où calomnié que de soi-même, vivant en tel lieu sans passion , sans crainte, sans am- bition , et sans avoir la tête travaillée du bruit commun et nouvelles des villes. Caton, le censeur , avoit son Sabinus , qu’il appelloit père de sa vie, soutenant que la vie champêtre étoit la chose de ce monde la plus honorable que l’homme eût pu choisir. Sénèque étoit de cette opinion, n’estimant aucune volupté pareille à celle de sa maison des champs, après avoir trouvé moyen d'y faire descendre, par canaux, des eaux vives, pour arroser ses Jardins et prairies. Dioclétien remit le sceptre es mains de la république , desirant être à soi, se retirant en. KR T3 G50 THÉ LTRE son pays de Saldine, fort content, usant des champs et järdinages ; puis importuné, par letires et ambassades, de reprendre la charge de Pempire, n'y voulant jamais entendre. Ces bons pères chrétiens, Saint-Augustin , Saint-Jérôme, Saint-Bazile, ont aussi reconnu la vie rustique étre la moins importune, pour d’eile pénétrer plus commodément à la céleste, ‘que par autre plus agitée. Barihole écrivit ses doctes commentaires sur le droit, en un lieu distant de Boulogne envi- ron demi-lieue, bâti au sommet d’une plaisante montagnette. Pétrarque , à Vaucluse, près d'Avignon, fit ses poésies italiennes, conte- nant, entr’autres belles choses, la louange de la viefsolitaire. C’à été de tout tems l’humeur de la noblesse française , que d’habiter aux Champs , n’allant aux villes, que pour faire service au roi, ét pourvoir à leurs affaires pressées ; aimant tellement la liberté, qu'il ny a gentilhomme qui ne se conforme à l’avis de César, qui disoit : aimer mieux étre le premier au village, que le second à Rome. De tout lequel contentement et plaïsir jouira notre père de famille, s’il ménage si bien, qu'aucune | chose ne défaille à sa maison , et que de tout, il en ait de reste au bout dé l’année ; à quoi il . D’'AGRICULTUR É. 651 parviendra, par la faveur du ciel, s’il manie la terre et ses affaires, de la maniere susdite. Cette habile prévoyance le préservera de cha- grin, qui, communément, accompagne ceux dont les affaires vont mal ; le fussent vivre joyeusement dans sa maison, avec s1 femme, en Famiué et concorde ordonnée de Dieu, qui, les ayant unis en une chair, ne doivent avoir qu’une volonté , pour le bien de leurs affaires ; d’où-sortira l’eflet de cet ancien dire : que , par concorde, les petites choses se font grandes ; et ne tomberont au mal que le con- traire produit, qui est que, par discorde, les grandes s’appetissent. Or, puisque , selon le proverbe, zous n’a- sors autre mal que celui que nôus voulons avotr, nous tàcherons de nous mettre à notre aise, surpassant les diflicultés qui s’opposent à notre repos, dont le moyen n’est petit, que celui qui sort du bon ménage. Et comme l'homme, qui combat pour la vertu et veut vivré sans reproche, abhorre les vices, c’est pour lui un grand secours , que d’être logé en campagne , sans embarras , en lieu qui puisse le nourrir commodément ; ce qu’une de mé- diocre étendue et de moyenne faculté, fera sous la conduite d’un bon ménager, puisque, Rr4 632 à SE. Es: A TRE selon le proverbe, les choses ne valent, que ce qu’on les fait valoir. Il trouvera, en son agriculture, le lieu de repos, comme étant le 5 assuré et le moins envié , considérant les délices et repos d’es- prit, dans le travail et le soin de la conduite de son ménage, dont J’aigreur sera vaincue par la douceur ; et que tout ainsi que les gran- des et superbes villes et cités servent de théâtre et de spectacle à nos misères et calamités, ainsi les champs solitaires couvrent nos imper- fections er infirmités, toutes choses honnèies y étant reçues, quoique de peu de lustre. Telle franche liberté, dispense nos nobles ménagers , hommes et femmes , d’user de tant de pompe en habits, de suite de serviteurs, de carrosses, de haquenées et autres montures, dont leurs semblables usent, aux grosses vil- les , avec grand respect. Au contraire, comment qu'ils soient vêtus, uivis et montés, c’est toujours honorablement, s’aliant promener par leurs possesions ct villa- ges, seuls ou accompagnés, comme bon leur semble, sans aucun déchet de leur autorité ; méme en tel équipage recevoir les grands sei- sneurs, quand ils leur font tant d'honneur que -_ de les visiter; lesquelles différences notre mé- D'AGRICULTURE. 633 nager reconnoit à l'œil, lorsque , contraint d'aller poursuivre un procès en un parlement, ou autres affaires d'importance, ailleurs, dans les grosses villes, change, pour quelque tems, sa facon de vivre libre, en une servile ; son repos , en travail, et ajoutant à telles poursuites l’excessive dépense, fait qu'a son retour chez lui , il y apporte la vraie connoissance de son bonheur, auparavant contemplé seulement en idée , dont il a matière, avec le docte poëte, de faire cette prière à Dieu, l'appropriant à son usage. Puissé-je, oh! Tout-Puissant , inconnu des grands rois, Mes solitaires ans achever par les bois ! Mon étang, soit ma mer ; mon bosquet , mon ardenne; La:fGimone , mon Nil; le Sarapin ma Seine; Mes chantres et mes luths, les mignards oiselets ; Mon cher Bartas mon Louvre, et me cour , mes valets; où il réquiert à Dieu, de chanter ses louanges le reste de sa vie. J'ai montré les manières d'employer et cul- ver les terroirs, selon leurs diverses qualités, situations et climats ; de faire les nourritures des bêtes de ménage, en tant que j'ai pu avoir des connoissances de telles choses, et par mes expériences et par mes visites ; auxquelles 654 THrÉATERE obsérvations, le père de famille trouvera du soulagemetit, S'en servant comme d’un mémo- rial, en son négoce champêtre. Je lui dirai ensuité, qu’étant autant louable de conserver les choses, que de les acquérir, il lui sera né- cessairé d'entretenir , premierement ses logis et maisons d'habitation, les préservant de ruine par quelque petite réparation, que, chaque an, il y séra faite ; sur-tout d’en tenir les couver- tures si bien en point, que les eaux des pluies n’y ayent aucune prisé, une seule gouttière pouvant causer la ruine de tout un édifice. Avec pareils sois et moyens requis, seront conservées les écuries, étableries, granges, colombiers, moulins et autres bâtimens ; com- me cloison de jardinage, parc et autres pro- priétés ; où il est nécessaire de raccommoder toujours quelque chosé : car autrement, Îles abandonnant à ia négligence, on ne se donneroit garde, qu’au bout de quelques années, l’on seroit contraint d'en réparer les ruines, avec beaucoup de dépénse ; comme refaisant les choses presque à neuf. Au bord des rivières , grandes et petites ,on prendra soigneusement garde, afin de préser- ver les terres, prairies, ramées et autres pos- sessions y aboutissant, du ravage des eaux ; et . : : _ p'AGRICGÉETURE 655 ce, par le meilleur moyen qu’il sera possible, selon les lieux, y employant et pierres ét boïs, y plantant abondance de saules, peupliers, aunes et autres arbustes aquatiques ; lesquels bois, disposés par art, serviront non seule- ment de défense au fonds, mais à l’augmenter, gagnant terre, à mesure qu'on disposera les remparts ; et tant plus ingémieusement telles réparations seront faites. Il sera pourvu aux canaux des arrosemens, passant parmi les terres, à ce qu'ils soïent tenus nettement, les curant au besoin, et, par ce moyen, déchargeant les eaux aux lieux destinés et, pour le revenu, soient déiournées de ceux où elles peuvent nuire. De même, on fera des fontaines, en tenant bien closes et mères et reposoirs ; des puits et citernes ausSi, par telle curiosité, se consér- vant la jouissance des bonnes eaux. Les forêts et taillis, seront soigneusement préservés du dégât des larrons, et de la coupe du bois mal faite et hors saison. Les chemins passagers, aboutissans ou traversans le domaine, seront maintenus en bon état, tant pour que ces choses sont dues au public, que pour en garder de nuire au père de famille, par les passans qui ont accoutumé entrer dans les possessions 636 MURS AUTRE joignant les grands chemins, sans en épargner les fruits, les trépignant, lorsque le chemin public est incommode par eau, bourbier, ro- ches ou autres obstacles. | Notre ménager ne s’oubliera au lit le matin, afin que, vu des siens, chacun se range à sa besogne dès la pointe du jour, après avoir prié Dieu de bénir la journée ; article que je répète pour l’importance du ménage, n'étant possible de le faire aller bon train, sans cette sollicitude. Je redirai ensuite que la dilisence comble tôt une maison de tout bien ; comme, par le contraire , que la négligence vide la riche dans peu de tems. Afin de ne point se tromper en cette occasion, ne dépendant notre bien- aise, quant aux moyens humains, que de la résolution de bien faire en ménage, où l’on avance beaucoup, Étant l’agriculture , la chose du monde la plus aisée à compr ken 1 Le commandement à propos, y est néces- saire ; dont ayant amplement discouru, il n’en sera La parlé ici, non plus d’élection et con- duite des fermiers et métayers, ni de la manière d’avoir des bleds, des vins, du bétail à quatre pieds, gros et menu, de la poulaille, des pi- geons , “és connins (lapins), du poisson, du miel , de la cire, de la soie, de toute sorte : D'AGRICULTURE. 657 de fruits et fleurs du parterre et des arbres , de l’eau et du bois pour nos usages, ayant repré- senté l’ordre et le moyen requis à tirer de la terre , par labourage, nourriture et ménage, tous ces biens-ke, , pour l entretenement de cette vie. * | Ainsi, le père et la mere de famille, vivant et ménageant, non seulement ils entreendront leur maison en l’état qu’ils ont eue de leurs ancêtres, mais l’augmenteront en revenu ; d’où sortiront les moyens de satisfaire à toute dé- pense honnête, pour eux, leurs enfans et amis; et avec telles commodités, passant doucement cette vie, s’acquerront l'honneur d’avoir ver? tueusement vécu en ce monde : laissant à leurs enfans , bien instruits et morigénés , leur terre en bon état, avec l’exemple de leur bonne vie. Richesse à priser par dessus toute autre : auquel point les bons ménagers parviendront ; par la bénédiction de Dieu. Et touchant les causes fécondes (en bien labourant et épargnant), par la connoissance des terroirs or est le fonde- ment de l’agriculture. à ) — Fin du huitième et dernier livre du T'hédtre ce d’Agriculture. 108 TABLE DES MATIÈRES DU TOME QUATRIÈME. L'IV R'EUS E PTT EME. Avanr-proros. Sur, l'utilité de l’eau et du Bois , page v Crarrrre de. Des eaux, en general, x Car. I. Des grosses fontaines , TUISSeaux , rivières, eaux sur terre apparentes, et de leur conduite par canaux ouverts , 8 Cuar. HI. Des fontaines souterraines eteaux cachées; de la maniere de les mettre en évidence, et de leur conduite par des tuyaux couverts , | 16 Car. IV. Des puits, tant 58 Cuar. V. Des sciternes, : 65 Æuap. VI. Des mares, 8x Cuar. VI. Des bois, en général, 85 Cnar. VII. Du taillis, | 105 Cuar. IX. De la forét,. ou bois de haute futaye , III Cuar. X. Des arbres aquatiques, 126 Cuar. XI. Des arbustes aquatiques, :36 Cuar. XII De la coupe des bois, 143 = 659 LIVRE HUITIÈME. Crapirre Fr. De Pusage des alimens, en général, particulièrement de la provision des vivres pour toute lPannee, 161 - Cuar. II. De La facon des confitures, 227 Cuae. III. Des lumières, meubles et ha- bits , 514 Cap. IV. Distillations et autres préparatifs pour la guérison des maladies, 335 Cuar. V. Remèdes aux maladies des per- SONneS , | 358 Cuar. VI. Remèdes aux maladies des bétes. Premièrement celles des bœufs, 56g Cuar. VII. De la chasse et autres honnétes exercices du gentilhomme , 608 Coxczusion, G21 Fin de la table du tome quatrième. z a, ee À : T° ï pt . ‘ 172 : p : * « à à: : Le La ny. * Ln L] ag à .! LI ; [4 NE RUE, % »1 - En | < ä e F2 L 1 } L 4 * KE “ (4 LE x # ne = 2f 1 fi ds de. < D ‘ | ] à sr 2e : 2 vs. 2\srniat TES 39 450 snlaiQ ‘à RE & x x PR À .i 11 ROME" ” Li ré O2: Do pur “ - ‘ RE # ( (54 258 as bu SRE HP “g : ÿ LA Én LA É HS La 25 Eat Fa Sa, 2385 “ee 2 So qi. ss 4 SA ne So x Lui 1: 60 La a assé ce Re ta ne À LE sl rs < CRC Note | à de . LE “{ Er TR p rés À are : y 44 NU TRE ot Sp 910) D sta . 3 LE TT Er Le. = us LT Ca cine 5 des. FRRIIA IS 6 pion à ; MATE 2 Re f#°- ani to na ee UE FE 4 50 E rs r … 2 Li: LES à, Lg cet pre Le { b - TP . À A à 2 ne AE, se MX: s » " æ Pr Le + À F RAP SUUE # re K É À Î De Fe ’ YA { 7 DE EUV N/A ., LA LE des DNS É: ss AREA er G0S. HA ÿ 2 Ï #5 "A * NA +: 74 PE Le Pen 9e ur