ftlAYSARDM. METC^LÎ, -V.. ■ .^? <^ tf . TRAITÉ DE MICROBIOLOGIE à 6 I , f^ 1> 8 à" TRAITE DE MICROBIOLOGIE PAR E. DUCLAUX Membre de l'Institut Directeur de l'Institut Pasteur Professeur à la Sorbonne et à l'Institut agronomique TOME PREMIER MICROBIOLOGIE GÉNÉRALE PARIS MASSON ET G'% EDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 130, Boulevard St-G-ermain 1898 PRÉFACE Un traité de microbiologie doit-il être un compendium, un résumé analytique de tous les travaux publiés sur la ma- tière, et se borner à signaler les faits observés, sans pren- dre parti entre eux quand ils sont discordants? Doit-il, au contraire, chercher à les relier par un lien provisoire qu'on appelle une théorie, et en tenter la synthèse? Les deux opi- nions peuvent être mises en balance, ayant chacune ses avantages et ses inconvénients. Par goût, par souci de pro- fesseur, j'ai adopté la seconde, et je voudrais montrer que malgré sa jeunesse et sa croissance rapide, la microbiologie est déjà une science constituée, où tout se relie et s'en- chaîne. Celte détermination avait une conséquence devant laquelle je n'ai pas reculé: elle m'interdisait toute collaboration. Il faut de l'unité dans une œuvre pareille, et un traité rédigé par plusieurs savants en manque d'autant plus que ces sa- vants sont plus compétents et plus maîtres de leurs idées : en unissant leurs efforts, ils peuvent donner rapidement, de Tétat actuel de la science, un tableau très vivant, mais né- otissairemenl un peu confus. Je serai obligé d'y mettre plus de temps, mais tout le tableau sera de la même main. Je crois que cet exposé méthodique est possible. La mi- crobiologie progresse vite, mais harmoniiiuement. C'est un arbre à croissance rapide, qui peut bien changer, d'année en année, de port et de physionomie, mais qui garde ses racines, son tronc, ses maîtresses branches, auxquelles la sève arrive toujours par les mêmes voies. Un exposé dogmatique doit II PREFACE mettre en lumière ce qu'il y a de permanent dans les sour- ces profondes de l'être, etde stable dans les diverses manifes- tations de sa vie. Je m'y étais essayé, il y a dix ans, dans un Traité (k microbiologie ^ aujourd'hui épuisé. En le recommen- çant sur d'autres dimensions, je ne vois pas que j'aie à en changer beaucoup le plan et les divisions principales. Je serai seulement obligé de lui donner beaucoup plus d'ampleur. Je commence par un traité de microbie géné- rale. Le tome second com()rendra l'étude des diastases, des toxines et des virus. Puis viendront la fermentation alcoo- lique et les autres fermentations. J'espère pouvoir publier un volume chaque année. Quelque soin que je prenne à les tenir tous au courant de la science, il est clair que l'ouvrage sera à peine terminé qu'il faudra le recommencer. Mais c'est un soin que je compte bien laisser à d'autres. A vrai dire, je crois que personne n'y songera. Si la mi- crobiologie continue à marcher du pas qu'elle a pris, il sera bientôt aussi impossible à un seul savant d'en faire le bilan complet, qu'il le serait, en ce moment, à un physicien ou à un chimiste, d'écrire un traité de physique et de chi- mie à la hauteur de nos connaissances actuelles. Chacune des grandes divisions de ces sciences peut occuper la vie d'un homme, et quand on souge que la microbiologie se rat- tache par l'étude des diastases à une des régions les plus in- connues de la chimiy, par celle des matières albuminoïdes à l'une des plus difficiles, par l'étude microbienne du sol, de l'air et des eaux à l'hygiène générale, par l'étude des ferments à toute la physiologie, par celle des virus et des venins à toute la médecine, on conclura que le jour est pro- che où un microbiologiste devra être tant de choses à la fois qu'il ne le pourra plus, et qu'il devra choisir. Mais pourquoi, me dira-t-on peut-être, ne pas prendre tout de suite ce parti et ne pas donner vous-même cet exemple ? C'est qu'il n'y a à la Sorbonne qu'une seule chaire de chi- mie biologique, et que celui qui a l'honneur de l'occuperdoit passer en revue, dans ses cours, l'ensemble de la science. PRÉFACE [II Cette révision doit se faire à grands traits ; elle implique par là une méthode d'exposition qui mette en évidence les grandes lignes, en supprimant les redites et les détails inu- tiles. Les lecteurs de ce livre s'apercevront, je l'espère, qu'il a été parlé avant d'èti'e écrit. Et voilà qui explique la genèse de cet ouvrage, et en indique en même temps le caractère. C'est un cours de Sorbonne dans lequel le souci du lecteur a succédé au souci de l'auditeur. Paris, Novembre 1897. TRAITÉ DE MICROBIOLOGIE CHAPITRE I \^\ ..^j^^ h^l ACTIONS DE FERMENTATION JWasj 1. Historique. — Les phénomènos de fermentation sont aussi anciens que le monde, et ont dû être observés par les pre- miers hommes qui ont préparé du jus de certains fruits sucrés, par exemple, celui du raisin. L'espèce de bouillonnement qui s'y produit spontanément, le soulèvement que subit la masse entière, la production continue de petites bulles gazeuses qui viennent crever à la surface, leur ont rappelé l'état d'un liquide placé sur le feu. Il est curieux de voir cette analogie entre l'ébullition et la fermentation alcoolique se traduire dans les langues les plus an- ciennes. Le nom hébreu du vin {i/ine) vient d'un verbe qui si- gnifie faire effervescence, se soulever, bouillir, et il doit avoir des racines profondes dans les âges, car il a donné le nom du vin à presque tous les peuples de l'Occident. De son côté, le mot fer- mentation, plus récent, vient de fervere, bouillir. Le nom aile- ' mand de la levure, Ae/>, vient de /i/ieVjsien est poussée beaucoup moins loin. \lm'per(jillus utilise ou peut utili- ser toute la chaleur produite par la combustion complète du sucre au moyen de l'oxygène de l'air ; le ferment acétique n'uti- lise que la chaleur de la combustion incomplète qui transforme l'alcool en acide acétique. Il y a donc de ce côté, une cause d'infériorité que compense en partie l'augmentation de combus- tible. C'est ainsi qu'une machine à vapeur qui brûlerait incom- plètement son charbon devrait, ])our le même travail, en con- sommer davantage. GÉNÉRATION SPONTANEE 97 La disproportion augmente encore quand intervient, non plus, comme dans les exemples qui précédent, une oxydation au moyen de l'oxygène gazeux, mais une oxydation partielle au moyen de Foxyg-ène déjà entré en conil)inaison dans la substance, comme c'est le cas dans la fermentation alcoolique, C^H'-O" = 2C-irO + 2C0- où tout Toxygène qui se dégage dans l'acide carbonique est fourni par le sucre lui-môme. Dans ce cas c'est une combustion intérieure qui intervient, laquelle tout naturellement produit moins de chaleur qu'une combustion faite avec l'oxygène de l'air. Le poids d'aliment transformé pour produire une certaine quan- tité de chaleur devra donc être plus grand. Enfin, quand, comme c'est le cas pour la levure, cette com- ])ustion intérieure est produite par une diastase qui, une fois formée, peut agir d'une façon indéfinie, et en dehors des besoins de la cellule qui l'a produite, le poids de l'aliment transformé peut devenir encore plus grand. C'est alors comme si une ma- chine à vapeur mettait le feu au tas de charbon destiné à l'ap- provisionner. Si on songe que ces actions de diastase sont probablement présentes dans toutes les fermentations, qu'il existe probablement un diastase lactique, butyrique, etc., on voit que par là aussi, la disproportion entre le j>oids d'aliment consommé et le poids de cellules actives va en s'exagérant. Mais en dehors de ces causes de disproportion, tenant au mode de destruction de l'aliment, il y en a qui sont propres à la cellule, et qu'il ne faut pas oublier. En allant au fond des choses, ce sont même celles-ci qui dominent. 11 y a, nous venons de le voir, disproportion entre le poids du sucre et le poids de levure dans la production de l'alcool, disproportion entre le poids de l'alcool et le poids du ferment acétique dans la production d'acide acé- tique. Nous pouvons faire brûler l'alcool par r aspergillus nifjer et retrouver encore la même disproportion entre le poids de l'aliment et le poids du végétal. Le fait essentiel, c'est qu'il y a encore une grande disproportion entre le poids de sucre et le poids total des trois catégories d'êtres qui arrivent à le détruire. C'est cette disproportion qui permet aux infiniment petits de 7 98 CHAPITRE IV suffire à la tâche qui leur incombe, de même que c'est elle qui fait, qu'ils sont restés aussi longtemps méconnus ou ignorés. BIBLIOGRAPHIE Aristote. Opéra omnia. Meteorol. Lib. de Cœlo, chap. II et XII. — Histoire des animaux. Traité de la génération. Redi. Exferienzi inlorno alla generazione degli insetli, Florence, 1688. — Osservationi intorno animali viventi che si trovano negli animali vivenli, 1681. Vallisnieri. Bialogi fra Malpiglii e Plinio, intorno la curiosa origine di molti inseiti. Venise, 1700. — Considerazioni ed esperienze intorno aile generazione dei vermi ordinari del corpo umano. Padoue, 1710. SWAMMERDAM. Bihlia naturœ, seu natura insectorum. Leyde, 1737. LeuvenhoECK. Arcaiia naturœ détecta. Deljihis Batavorum, 1680. Needham. Nouvelles découvertes faites avec le microscope. Leyde, 1737. — Notes sur les nouvelles découvertes microscopiques de Spallanzani. — Nouvelles recherches physiques et mathématiques sur la nature. Paris, 1768. BuFFON. Œuvres complètes, t. II. Spallanzani. Opuscules de physique animale et végétale. Pavie, 1787. — Observations et expériences sur les animalcules. SCHULTZE. Annales de Poggendorff, 1836. — Notice on tke resuit of an expérimental observation made regarding equivocal generacion. Traduit dans les Ann. des se. nat., 2» s. Zoologie, t. VIII, p. 320. SCHWANN. Ann. de Poggendorff, t. XLI, 1837. HelmHOTTZ. Journal fur prakt. Chemie, t. XXXI, p. 429, 1843. SCHRôDER et Van Dusch. Ayin. der Chemie und Pharmacie, t. LXXXIX, p. 232, 1854. POUCHET. Héterogénie, ou Traité de la génération spontanée. Paris, J.-B. Bail- lière, 1859. Pasteur. Examen de la doctrine des générations spontanées. Annales de chimie et de physique, 3° s., t. LXI^'', 1882. Discussions relatives à la génération spontanée. Voir jjassim. Comptes-rendus, depuis 1863. TyndalL. Essaijs on the matler floating in air, 1881. Chamberland. Thèse de doctorat. CHAPITRE V MÉTHODES DE CULTURE Nous avons vu plus haut que notre technique actuelle est née des études faites sur la génération spontanée. Il n'entre pas dans le plan de cet ouvrage de la décrire dans tous ses détails et dans toutes ses finesses. J'en donnerai seulement les traits principaux, en les rattachant aux principes sur lesquels ils reposent. Nous avons vu, par exemple, qu'à cause de l'existence des spores, surtout de celles ànbacillus siibtilis et d'autres espèces ana- logues, qui sont très résistantes à la chaleur, il était prudent de n'opérer sur aucun liquide qui n'ait été chauffé à 120'', ou stéri- lisé par la méthode de Tyndall, par plusieurs chauffages succes- sifs à 100°, ou fdtré au travers d'un diaphragme poreux. Nous sa- vons aussi qu'il faut n'employer aucun corps solide qui n'ait été au préalable porté à 160° ou 180°, de façon à détruire les germes qu'il porte sûrement à sa surface, et qui, chauffés à sec, sont infi- niment plus résistants que chauffés à l'état humide. Nous savons enfin que le coton est un excellent filtre pour les germes aériens. 45. Stérilisation par diaufTage. — Pour le chauffage à sec, on emploie d'ordinaire un vase cylindrique en tôle, léché directe- ment par une flamme de gaz sur sa base, et contenant soit un faux-fond percé de trous, soit un panier à claire-voie dans lequel on dispose les vases ou objets k flamber. 11 faut fermer avec un tampon de coton toutes les ouvertures qui supportent ce mode de bouchage. Les verres à pied, les boîtes à couvercles, les vases à précipité seront simplement couverts d'un capuchon rabattu de papier à filtre, ou plies dans ce papier. A la condition de traiter avec ménagement ces fermetures incomplètes, de ne pas décou- vrir les objets, et de les conserver à l'abri des courants d'air dans une armoire close, on peut en retirer à peu près les mêmes avantages que des fermetures au coton. 100 CHAPITRE V Dans tous les cas, il faut arriver, dans le chauffage, à une tem- pérature qui commence à roussir le coton ou le papier. On laisse refroidir dans le four à flamber, de façon que l'air qui rentre dans les vases par refroidissement soit autant que possible de Tair flambé et, par conséquent, pur de germes. Pour le chauflage des liquides, on se sert d'ordinaire d'un au- toclave, dont il existe divers modèles, tous très pratiques. Un pa- nier ou des (ioubles-fonds percés de trous souiiennent les vases ou flacons remplis. Il y a au fond deux travers de doigt d'épais seur d'eau, et le chautfage se fait d'ordinaire au gaz. Une bague en caoutchouc, serrée par des boulons, assure l'étanchéité du couvercle, qui doit porter un robinet d'évacuation, une soupape de sûreté, et un manomètre indicateur de la pression, et par là de la température. Il faut ne jamais oublier, dans le maniement de cet appareil, cette loi physique importante que si, dans un espace clos, la pression est nécessairement la môme partout, la température nest aussi partout la même que s'il n'y a pas autre chose que de la vapeur dans tout l'espace, et si on en a bien évacué tout l'air. C'est la vapeur qui, en se répandant partout, régularise la chaleur en se condensant sur les points les plus froids, suivant le principe de la paroi froide. Si elle est empêchée d'y arriver ou de s'y renouveler suffisamment, par l'existence d'un matelas d'air, il se produit, malgré l'égalité de pression, des inégalités de tempé- rature d'autant plus redoutables qu'on ne dépasse pas beaucoup, pour des raisons d'économie, la température limite, et que quel- quesdegrés de moins, en un point quelconque où on aurait laissé de l'air, peuvent y laisser persister des germes. La condition d'équilibre nécessaire et suffisante dans une masse d'air et de vapeur, c'est que la somme des pressions de l'air et de la vapeur en divers points soit constante. Mais cette uniformité de la pression peut s'accompagner d'une très grande inégalité dans la distribution des températures. Pourcn prendre un exem- ple classique, dans un alambic relié à son serpentin, la pression est la même partout; c'est la pression atmosphérique. Mais la température, qui est de lOCau voisinage de la surface d'ébulli- tion de l'eau, peut n'être que de 10" à l'extrémité ouverte du ser- pentin, en passant dans l'intervalle par tous les degrés intermé- diaires. C'est qu'au voisinage du liquide bouillant, il n'y a que METHODES DE CULTURE 101 de la vapeur: à l'extrémité ouverte du serpentin, il n'y a que de l'air, et, entre les deux, existent des mélanges où la vapeur ne peut atteindre que le maximum correspondant à la température du point considéré, l'air intervenant pour combler la difTérence entre la pression de la vapeur et la pression atmosphérique. Il faut donc, si l'on veut être sûr de l'uniformité des tempéra- tures par l'uniformité de la pression, évacuer tout l'air, tant à l'intérieur des vases qu'à leur extérieur, par une ébuUition pro- longée pendant quelques minutes sous la pression atmosphé- rique : c'est à cela que sert le robinet d'évacuation. Quand l'ap- pareil est purgé, on le ferme. La soupape de sûreté assure que la pression et la température ne dépasseront pas le degré voulu, qui est en général de 120" : on laisse une minute ou deux la va- peur s'échapper par la soupape. Puis on éteint et on laisse refroi- dir. Il est bon de rouvrir le robinet d'évacuation quand la tem- pérature est redescendue à 100". Pour stériliser par la méthode de Tyndall, il suffit d'une mar- mite de fer-blanc dans laquelle on met une couche d'eau, puis, sur un double fond, les liquides à stériliser. Onleur applique gé- néralement trois chauffages à 100", de cinq minutes chacun, à 24 heures de distance l'un de l'autre. "46 Stérilisation par filtration. — Si on réussit parfois à stériliser un liquide par filtration au travers d'une cloison po- reuse, ce n'est pas, comme on le croit souvent, que les pores dont cette paroi est creusée soient de dimensions inférieures à celles des plus petits germes, et les arrêtent à la façon dont un crible arrête les grains de blé. Au regard de la dimension moyenne des spores, les pores de la substance poreuse la plus fine sont comme des tunnels vis-à-vis des wagons. Si les germes s'arrêtent sur les parois, c'est, comme nous le verrons plus tard, qu'ils y sont attirés par une force d'adhésion particulière qui les y maintient collés et adhérents, de sorte que le courant liquide qui les em- porte s'en sépare et ne peut plus les reprendre. Il en est d'autant plus facilement dépouillé que les porcs sont plus fms, plus irré- guliers, plus rugueux à leur surface. La puissance d'adhésion dépend aussi de la nature de la substance filtrante. Le papier comprimé, la terre d'infusoires, et surtout la porcelaine poreuse remplissent toutes ces conditions, et peuvent servir à fabriquer des filtres stérilisateurs. 102 CHAPITRE V On donne naturellement au filtre la forme qui présente, pour le même poids de matière, le maximum de surface filtrante. Sous ce point de vue, la forme cylindrique est préférable à la forme sphérique. Beaucoup de filtres ont la forme de bougies creuses, d'épaisseur d'autant plus faible que la matière est plus fine, et par conséquent, traversée de poresplus étroits. Ces bougies peu- vent être moulées ou tournées. Ce sont les dernières qui sont les meilleures, car elles proviennent de l'application successive, sur le moule, de plusieurs couches, qui corrigent mutuellement leurs défauts. On essaie, dans tous les cas, chaque bougie avant de s'en servir, en y insufflant de l'air au moyen d'une poire de caoutchouc, après l'avoir immergée dans l'eau. La moindre fente laisse l'air s'échapper par bulles. Cette bougie peut être adaptée à des appareils variés. On peut par exemple la fixer au moyen d'un bouchon dans le col d'un ballon portant une tubulure latérale et un tube de distribution (fig. 28). Le tout est mis au four et flambé. Pour l'usage, il suffit Fig. 28. d'atteler la tubulure à une trompe, et de mettre le liquide à filtrer dans l'entonnoir pour obtenir dans le ballon un liquide stérile. Lorsqu'il s'agit de filtrer de grandes quantités de liquide, que ce soit de l'eau ou des liquides de culture, on se sert de bougies de plus grande dimension, dont les plus connues, en France au moins, sont les bougies Chamberland. Il en existe deux marques : METHODES DE CULTURE 103 l'une, qui porte la lettre B sur le culot, est très dense et filtre len- tement ; Fautre, marquée F, est plus poreuse et filtre plus vite, Ces bougies portent une embase, munie d'une tôtière. Pour les stériliser, on entoure la têtière de coton, on la coiffe d'un tube de verre qu'on effile en pointe et qu'on ferme à la lampe. Le Fig. 29. tout est mis au four à flamber. On adapte ensuite la bougie, au moyen d'une bague de caoutchouc et d'un anneau métallique, à une armature cylindrique qu'on visse sur un réservoir dans le- quel on met le liquide à filtrer, et où on peut exercer une pression plus ou moins forte au moyen d'une pompe à main. On obtient ainsi des filtrations plus ou moins rapides. Le liquide filtré et stériHsé est reçu, par le tube effilé qui garnit la têtière, dans des 104 CHAPITRE V récipients préalablement stérilisés, fermés par un tampon de co- ton, au travers duquel on enfonce le tube effilé, après l'avoir ou- vert et passé dans la flamme. Tel est, dans son ensemble, ce qu'on appelle le filtre Chamberland. On peut avoir recours à des dispositifs plus simples, relier, par exemple, la bougie au moyen d'un tube de caoutchouc, avec le récipient distributeur, stériliser le tout à l'autoclave à 120". Puis, pour l'usage, on immerg-e la bougie dans le liquide à filtrer, et on produit une aspiration dans le récipient. Ces filtres ne sont pas sans inconvénients. Ils ne laissent pas passer tout ce qui se présente. Ils retiennent certaines albumi- nes, la totalité de celles qui sont non en solution, mais en suspen- sion,les diastases, certaines matières colorantes, des toxines, etc. Le liquide filtré n'est donc que rarement identique au liquide non filtré. Par contre, la filtra tion est le seul moyen de stériliser certaines substances particulièrement altérables à la chaleur. Pour la filtration des eaux potables, la bougie filtrante peut rendre de grands services, et nous la retrouverons en étudiant cette question d'hyg-iène. *74. Liquides de culture. — Les liquides de culture employés en bactériologie sont innombrables. Chaque espèce microbienne a le sien, et doit avoir le sien, car un des caractères de ces êtres, MÉTHODE l)K CULTURE 105 c'est précisément qu'ils sont très difficiles sur leurs conditions d'alimention, et ne s'accommodent en général que d'un aliment déterminé. Mais ils n'ont pasbesoin d'en trouver beaucoup, et en prenant des liquides complexes, comme du bouillon de viande, de la pcptone,des jus de fruits ou des infusions végétales, en les additionnant ou non de sucre ou d'autres substances, on réussit à en faire des milieux nutritifs généraux pouvant servira la cul- ture d'un grand nombre de microbeî^, et d'un emploi fréquent dans les laboratoires. Ce sont les seuls que nous décrirons ici. Ils se divisent en milieux liquides et milieux solides. MILIEUX LIQUIDES 48. Bouillon. — On obtient un bouillon d'infusion en laissant pendant 24 beures, en contact avec deux fois son poids d'eau, de la viande de veau aussi maigre que possible et finement ha- chée. On décante, on presse le résidu, on cuit une heure le liquide décanté et exprimé, et onfîltre.On ajoute alors 1 0/0 de peptone, O^o 0/0 de sel marin, et assez de solution de soude pour ramener à la neutralité le liquide, qui est en général un peu acide. On fait cuire à nouveau, on filtre, on répartit dans les vases de cul- ture et on stérilise à l'autoclave. Le bouillon par décoction s'ob- tient de même en faisant bouillir le liquide avant de l'avoir séparé de la viande en contact. En forçant la solution de peptone, on améliore souvent le milieu, surtout pour un certain nombre de bactéries pathogènes habituées à vivre dans les tissus. Mais en mettant de la peptone, on ne sait pas ce qu'on met, car d'abord ce n'est pas un corps défini, puis les fabricants la mélangent souvent avec des matières étrangères. Il y a donc une question de marque qui intervient, et encore chaque marque n'est pas tou- jours identique à elle-même. 49. Lait. — Le lait échappe à ces variations et à ces incertitu- des. Il faut seulement le prendre aussi débarrassé que possible de sa matière grasse, et pour cela se servir de lait centrifugé, ou, si on en est réduit au lait ordinaire, lui accorder 24 heures de repos dans un endroit frais. On siphonne le liquide au-dessous de la couche de crème, et on le stérilise à 120" en insistant plus qu'avec le bouillon, car il y a souvent, dans le lait, des spores 106 CHAPITRE V très résistantes. S'il est un peu acide au moment de l'emploi, il risque de se coaguler dans l'autoclave. Il faut donc le ramener à la neutralité avec quelques gouttes d'une solution de soude, et ne pas dépasser ce point, sous peine de voir le lait noircir par chauffage, à la suite de l'attaque du sucre de lait par l'alcali sura- jouté. 50. Fetit lait. — Le sérum retiré du lait par coagulation con- tient encore de la caséine soluble, du sucre et des sels. Il peut être o])teuu très transparent par fîltration, et constitue un bon milieu nutritif pour quelques espèces. On coagule le lait à chaud par un acide, on filtre au papier ; on ramène la neutralité par un peu de solution de soude et on fait bouillir. Il se fait un collage qui clarifie. Mais, en même temps, il y a réapparition d'un peu d'acidité, par ce qu'il s'est précipité du phosphate tribasique de chaux qui a entraîné un peu de la chaux du phosphate bibasique, neutre au tournesol, existant dans le lait. Il faut donc saturer à nouveau. On passe alors à la bougie filtrante, ou bien on fait bouillir, on filtre pour séparer le précipité qui se forme, et on sté- rilise à l'autoclave. Dans ce liquide certains bacilles produisent des acides, tandis que d'autres, très voisins, le laissent neutre. Ainsi le bacille typhique et le h. coll. Petruchsky a proposé, pour rendre les différences plus nettes, d'ajouter au milieu un peu de tournesol. 5 1 . Eau de levure . — On prend de la le vure de brasserie , et non des levures de commerce, souvent additionnées de fécule, et qui, à raison de ce fait, ne donnent pas des décoctions limpides. On met cette levure en suspension dans l'eau, et on lapasse au tra- vers d'un tamis de soie à mailles serrées, pour la débarrasser de ses plus grosses impuretés. On laisse reposer quelques minutes le liquide tamisé : on le décante ensuite pour le séparer des pous- sières fines plus lourdes qui 'ont traversé le tamis, et on l'aban- donne pendant 24 heures à lui-même. La levure se sépare, lais- sant au-dessus d'elle un liquide de lavage trouble, qu'on jette. On délaye le dépôt dans l'eau, à raison de 40 à 50 grammes de de levure humide par litre, et on fait bouillir en agitant constam- ment avec une spatule. Quand le liquide bout, on le jette sur un filtre. La décoction est limpide quand lalevure est fraîche. Quand METHODES DE CULTURE 407 elle est un peu louche, on réussit d'ordinaire à l'éclaircir en y déterminant un léger précipité de phosphate de chaux, au moyen de quelques gouttes d'une solution d'acide phosphorique qu'on sature ensuite avec de l'eau de chaux. La liqueur ainsi traitée de- vient neutre, tandis qu'elle est légèrement acide quand elle pro- vient d'une simple décoction. 52. Eau de touraillon. — On prépare, avec les radicules de l'orge germé, séchées dans l'opération du touraillage, une décoc- tion qui, provenant des tissus d'une jeune plante, est très nutritive pour certaines espèces microbiennes. Pour l'obtenir limpide, il faut seulement laver d'abord les touraillonsà grande eau, de façon à les débarrasser de la poussière de farine dont ils sont en géné- ral couverts. Pour dissoudre les dernières parties d'amidon, on ajoute une petite quantité de malt broyé, et on fait macérer le tout pendant une heure au voisinage de 60°. Puis on fait bouillir et on jette sur un filtre. Ce liquide est pauvre eu azote. On l'améliore en y ajoutant un peu de peptone. 53. Eau de navets, de foin, etc. — Les navets sont coupés en tranches, le foin est débité en paillettes après lavage. Une courte ébullition donne un liquide limpide, neutre avec le navet, un peu acide avec le foin vert, neutre si le foin est vieux, alcalin même s'il est sale. 54. Urine. — Certains microbes ont Turine comme terrain naturel de culture : tels, par exemple, les ferments de l'urée. Il faut tenir compte de ce que ce liquide se trouble quelquefois, à l'ébullition, et peut même devenir un peu alcalin par suite de l'hydratation de l'urée. On le fera donc bouiUir, et on le filtrera à chaud avant de le répartir dans les ballons où il devra être stérilisé. MILIEUX SOLIDES Les milieux solides comprennent les tranches de fruits, pommes de terre, betteraves etc., dont on fait des jardins de culture, et aussi les milieux gélatinisés vulgarisés par Koch, et qui ont rendu tant de services à la science. 108 CHAPITRE V 55. Culture sur pomme de terre. — On découpe dans une pomme de terre, soit au moyen d'un couteau, soit au moyen d'un emporte-pièce spécial, des tranches ayant la forme d'un demi- cylindre, qu'on introduit dans des tubes à essai un peu larges. Ces tubes (fig-. 31) portent vers leur quart inférieur un étranglement qui sert de support au frag-mcnt. Dans la partie inférieure se ras- semljlera le liquide qui sort de la pomme de terre après la cuisson. Fig. 31, Il n'est pas nécessaire que le tube soit stérilisé à l'avcUice. On le ferme avec un tampon de coton, et on le chauffe à 115" dans l'au- toclave, en maintenant cette température pendant un quart d'heure. Les tranches doivent être assez épaisses pour ne pas s'affaisser après la cuisson. A la sortie de l'autoclave, la surface du fragment de pomme de terre est un peu humide ; il suffit de placer verticalement le tube à l'étuvc pendant quelques heures pour que 1 eau s'égoutte et que la surface s'assèche. Elle est alors prête pourl'enqîloi. Cette méthode, proposée par Roux, est main- tenant adoptée dans tous les laboratoires. MÉTHODES DE CULTURE 109 56. Milieux à la gélatine. — L'emploi des milieux gélatini- sés, proposé pour la première fois pai- Brefeld, a été régularisé et généralisé par Koch,qui en a montré tous les avantages. En empêchant les microbes mobiles de se déplacer, et ceux qui ne le sont pas d'être déplacés par les mouvements du liquide, le milieu à la gélatine force chaque germe à se développer sur place et à y former une colonie, bientôt visible à l'œil nu, dont la forme, la couleur, la croissance superficielle ou profonde, l'action sur la gélatine sont autant de caractères bons à consulter, et dont quel- ques-uns même, dans des circonstances données, peuvent devenir différentiels. Les mycéliums, dont la croissanceest en général sur- tout terminale, y forment des arborescences variées à ramuscules à peu près rectilig-nes. Les bacilles, qui poussent, comme nous l'a- vons vu, sur toute leur longueur, doivent, à raison des résis- tances qu'ils rencontrent à leurs extrémités, se courber en arc, et donner, surtout lorsqu'ils sont gros, des arborisations à ramus- cules courbes ou des enchevêtrements parfois très compUqués. Les coccus et les levures, à raison de leur forme et de leur mode de multiplication, donnent de préférence des colonies denses et à contours réguliers. L'obstacle principal à la croissance de ces colonies est que la nourriture ne peut leur arriver que peu à peu, par voie de diffu- sion : elle est rapidement épuisée autour de la jeune colonie, et doit ensuite venir de plus en plus loin, lorsque la gélatine elle- même n'est pas un aliment, comme tel paraît être le cas pour beaucoup de microbes. Seuls les bacilles du choléra et quelques autres la creusent en entonnoir et la font disparaître. Pour éviter cet inconvénient de la famine, dans la mesure du possible, il faut que les milieux à la gélatine soient très nutritifs. Pour préparer la gélatine au bouillon, la plus usitée, on fait une macération de viande maigre et hachée dans deux fois son poids d'eau, comme nous l'avons dit plus haut(48),etonpasse àla presse après 8 à 12 heures. A cette macération, on ajoute, par litre, 100 gr. de gélatine, 10 gr. de peptone, o gr. de sel marin, et on chauffe lentement au bain-marie, en ne dépassant pas 60°. Ouand tout est dissous, on alcalinise avec une solution concen- trée de soude à 10 0 0, mais sans excès : la gélatine, chauffée en milieu trop alcalin, est attaquée, et ne fait plus prise en se refroidissant. ilO CHAPITRE V On chaufie ensuite à 100" pendant 1 heure, à l'autoclave ou au stérilisateur à 100°. Les matières qu'a respectées le premier chauffage à 100° se séparent, avec des phosphates, du milieu devenu alcalin, et il se fait un collage, de sorte que si on jette sur un filtre à filtrations chaudes, on obtient en général un liquide limpide. Quand il ne l'est pas, on le laisse refroidir vers 55°, et on y jette un blanc d'oeuf étendu de 5 ou 6 fois son volume d'eau. On chauffe de nouveau à 100" et on filtre. Les parois de l'entonnoir doivent être maintenus à 100° par un bain d'eau ou de vapeur. En employant du papier Chardin, on a une filtration très rapide à cette température. Le liquide filtré est ensuite réparti dans les vases de culture, préalablement stérilisés à 180°. Ceci est encore plus essentiel que pour le bouillon, avec lequel la stérilisation à l'autoclave pourrait suffire à la rigueur pour stériliser aussi le vase. Ici, on ne peut pas chauffera llo'^ la gélatine sans l'altérer. Il faudra donc employer la méthode de Tyndall, qui serait sans action sur les germes déposés sur les parois du vase de culture. 5*7 . Milieux sur gélose. — La gélatine se liquéfie et perdions ses avantages à des températures inférieures à celles que pré- fèrent certains microbes, surtout certains microbes pathogènes. Elle ne peut même pas être employée pendant les fortes chaleurs de l'été. On la remplace alors par une algue de la famille des Floridées, très commune dans les mers du Japon. Payen, qui l'a étudiée, a montré qu'elle était surtout formée d'une substance de nature cellulosique, liquide à chaud, se prenant en gelée par refroidissement comme la gélatine, mais ayant sur elle, pour l'objet que nous avons en vue, deux avantages principaux. En premier lieu, le pouvoir gélifiant de cette substance, qu'après Payen nous appellerons gélose, est dix fois plus grand environ que celui de lagélatme.En second lieu, la gélose est une espèce de cellulose que peu de microbes peuvent attaquer, tandis qu'il y en a beaucoup qui liquéfient la gélatine pour s'en faire un ali- ment. On peut en outre, avec quelques précautions, faire des géloses aussi transparentes que des gélatines. Pour cela, à la macération de viande que nous avons appris à préparer plus haut, on ajoute, par litre, 10 gr. de peptone et 5 gr. de sel. Puis on chauffe une heure à 100° à feu nu, et on MÉTHODES DE CULTURE 111 filtre sur papier mouillé, pour retenir les graisses. On alcalinise alors avec une dissolution de soude à 2 0/0, en n'oubliant pas que si la gélatine est attaquée à chaud en milieu alcalin, la gélose l'est, au contraire, en milieu acide, où elle se transforme en sucre. Il faut donc alcaliniser le milieu avant d'y ajouter 15 gr. de gélose coupée en petits fragments. Puis on porte lentement à l'ébullition, en agitant constamment, pour éviter que la gélose ne se colle contre les parois. Quand elle est dissoute, on passe au tamis. On laisse refroidir ;\ 55", ou ajoute un blanc d'œuf délayé dans 50 ce. d'eau, et on chauffe à l'autoclave, à 120", pendant 3/4 d'heure. La gélose en sort collée et limpide. On la fdtre au travers d'un filtre à filtrations chaudes, sur du papier Chardin. On la reçoit au sortir du filtre dans un ballon maintenu dans l'eau bouillante, qui sert à la répartir dans les matras de culture. Ceux-ci sont une dernière fois" stérilisés à 115" ou 120". Cette gélose adhère beaucoup moins au verre que la gélatine ; elle fond, en outre, à une température plus élevée, trop élevée pour qu'on puisse y faire des ensemencements : elle présente heureusement le phénomène de la surfusion. Liquéfiée à 70" environ, elle ne se gélifie à nouveau que vers 40°-45", et très lentement. On peut à ce moment y ensemencer des microbes dans toute la masse sans risquer de les tuer, à moins qu'ils ne soient très sensibles. On peut aussi, à cette même température, acidifier la gélose en y ajoutant un peu d'acide lactique stérilisé, et avoir ainsi des milieux acides à la gélose qu'il serait impos- sible d'obtenir autrement, la^ gélose ne supportant pas, comme nous l'avons vu, le chaufiage en milieu acide. 58. Sérum. — Le sérum liquide est un médiocre terrain de culture pour la plupart des microbes. Quand il a été coagulé par un chaufiage à 70", il devient un milieu de choix pour certaines espèces, par exemple pour le microbe de la diphtérie. Pour s'en procurer, on apporte à l'abattoir des vases cylin- driques à couvercle qu'on a stérilisés au four à flamber, après les avoir enveloppés de papier. On y recueille, en soulevant légè- rement le couvercle, le sang d'une saignée, en perdant les pre- miers jets. Quand le vase est à moitié plein, on laisse retomber le couvercle, et on porte le tout, dans l'abattoir même, dans un endroit frais. Après 24 heures, si les vases étaient tout à fait 112 CHAPITRE V propres, on trouve un caillot rétracté, nageant au milieu d'un liquide citrin, qu'on recueille par aspiration, et qu'on distribue dans des ballons stérilisés. (]eux ci sont rapportés au labora- toire, fermés à la lampe et stérilisés à basse température, par une heure de chauffage par jour, pendant quinze jours, dans un bain-marie où le ballon est immergé, et où un régulateur em- pêche la température de s'élever au delà de 58". C'est de ces ballons qu'on retire ensuite le sérum stérilisé pour le répartir dans les matras à culture ; il ne reste plus qu'à le coaguler en le chauffant à 70" dans un bain-marie. Lorsqu'on dépasse cette limite ou qu'on la maintient trop longtemps, le sérum devient absolument opaque. Coagulé avec ménagement, il garde une transparence parfaite : au fond des tubes il reste toujours un peu de liquide non coagulé. On peut, avec des soins dans la prise du sang, en faisant la ponction avec un trocart stérilisé^ en recevant le sang, par un caoutchoac stérilisé, dans un vase stérilisé, retirer de la jugulaire d'un cheval un sérum tout à fait aseptique. C'est ainsi qu'on pro- cède pour la récolte des sérums thérapeutiques, auxquels le moindre chauflage enlèverait quelques-unes de leurs qualités. Un sérum ainsi recueilli peut être coagulé de suite, dès qu'il est séparé du caillot. VASES DE CULTURE 59. Cultures aérobies. — La forme des vases de culture est différente suivant qu'il s'agit de microbes aérobics ou de microbes anaérobies. Pour les premiers, on se contentera de boucher avec des tam- pons de coton les vases qui les contiennent, et dont la forme peut, du reste, être très variable suivant qu'on veut assurer plus ou moins l'accès de l'air. L'une des plus commodes est le ma- tras Pasteur, (fig. 32) dont le bouchon, rodé à l'émeri, est à recou- vrement, de sorte que le goulot du matras n'est jamais souillé jDar la poussière. Le capuchon est muni d'un tube obstrue par un tampon de coton, qui permet à l'air pur d'entrer et de sortir libre- ment. Ce tube est trop étroit pour assurer une aération parfaite quand la vie dans le matras est un peu active, et on a avantage alors à se servir d'un simple tube à essai bouché au coton, qu'on METHODES DE CULTURE 113 incline plus ou moins suivant qu'on veut donner au liquide de culture une surface plus ou moins grande relativement à son volume. Quand on veut être encore plus assuré du renouvelle- Fiff. 32. ment de l'air^ on prend le matras Fernbach (fig-. 33), muni de trois tubulures fermées au coton ; les deux opposées permettent de renouveler constamment l'air. Il faut seulement avoir soin de faire barboter, dans de Teau à la température de l'étuve, Fiff. 33. Tair qu'on appelle au moyen d'une trompe, de façon à ce qu'il ne dessèche pas le bouillon de culture. L'ensemencement se fait au moyen d'un fil de platine recourbé en anse ou en œillet à son extrémité libre, et implanté par l'autre 114 CHAPITRE V dans une tige de verre qu'on a pour cela ramollie au feu. On flambe le fil avant de s'en servir, on le plonge dans la culture qui sert de semence^ contenue par exemple dans un matras Pas- teur, on flambe le capuchon; on le remet sur le matras. On ouvre le matras à ensemencer et on y plonge le fil de platine, avec la petite quantité de liquide qu'il porte à son extrémité. Cette quantité est à très peu près constante pour un même liquide, et ne dépend «tlors que de la forme et de la dimension de la boucle. Par contre, elle varie d'un liquide à l'autre, car elle dépend de ses propriétés capillaires. Elle est toujours très petite, et ne dépasse guère 1/40 de cent. cube. Quand on veut ensemencer plus copieusement, il faut se servir d'une pipette effi- lée fermée par un tampon de coton, et flambée ; on en casse l'ex- trémité entre les doigts, on la passe dans la flamme, on y aspire quelques gouttes du liquide de semence, qu'on introduit dans le ballon à ensemencer. Il faut se rappeler qu'on ensemence tou- jours trop, surtout quand on débute dans ces études. Les milieux solides, convenablement ensemencés, permettent de résoudre plusieurs problèmes. eo. Ensemencement par piqûre. — Après avoir plongé dans une culture un fil de platine droit, emmanché dans une tige de verre, on prend un tube à essai contenant de la gélatine nutri- tive, on le débouche en tournant l'orifice vers le sol, et on en coifle le fil de platine tenu verticalement, de façon que ce fil vienne toucher le centre de la gélatine. On abandonne le tube, qui s'enfonce par son propre poids. Puis, quand le fil a touché le fond, on le laisse ressortir en abandonnant la baguette à elle- même ; on obtient ainsi un ensemencement en profondeur. On flambe les bords du tube, et on remet le bouchon de ouate. Si l'être ensemencé est surtout aérobie, il se développe dans les couches superficielles; s'il préfère la vie anaérobie, il se déve- loppe plus vite dans les profondeurs, où l'oxygène est plus dif- ficile à remplacer. 61. Ensemencement par stries. — Onpeut,pourles microbes aérobies, prendre un tube de gélatine qu'on a presque couché pour le laisser refroidir, de sorte que la surface de la gélatine est en bec de flûte. Sur cette surface, avec la pointe du fil de METHODES DE CULTURE 113 platine recourbée à angle droit, on trace une ou plusieurs stries superficielles parallèles au grand axe de l'ellipse. On peut de même, et sur le même milieu, faire, à côté l'une deFautre, deux stries de deux êtres qu'on veut comparer, écarter plus ou moins ces stries ou les faire chevaucher l'une sur l'autre pour savoir comment ces deux êtres se partagent la nourriture ou s'influen- cent l'un l'autre. Mais il faut pour cela qu'aucun d'eux ne hquéfie la gélatine. 6S. Numération des colonies. — Si on fait l'ensemencement dans la gélatine pendant qu'elle est encore liquide, si on agite pour y répartir uniformément les germes, et si on laisse refroidir ensuite, chaque germe, s'ils sont bien séparés, deviendra l'ori- gine d'une colonie visible à l'œil nu, ce qui en rend la numéra- tion possible. Mais pour faire cette opération sans laisser trop de place aux cause d'erreur, il faut prendre quelques précautions que nous allons décrire. On commence par préparer les vases de culture. Ce sont de préférence des boites plates, dites boîtes de Pétri, (fig. 34) for- Fig. 34. mées de deux petits cristallisoirs qui entrent l'un dans l'autre sans frottement. On les stérilise en les pliant dans du papier, et en portant le tout au four à flamber. Il faut que le papier jaunisse un peu, mais ne se carbonise pas. On liquéfie d'un autre c6té, dans un bain-marie chauffé à 30-35", ou plus simplement en la tenant dans sa main, la gélatine contenue dans des tubes à essai, et lorsqu'elle est bien liquide, on prend à l'aide d'un fil de platine une gouttelette de culture, et on l'y introduit. On rebouche le tube, on flambe le coton et les bords de l'orifice, on stérilise l'aiguille, puis on fait rouler rapidement le tube entre les paumes des deux mains, en le tenant bien vertical, de façon à bien mé- langer ce qu'il contient sans y former de bulles d'air. Ce premier tube contient beaucoup de microbes, pour peu que 416 CHAPITRE V la gouttelette de liquide qu'y a apportée le fil de platine en soit chargée. Les colonies, en se développant, seraient trop serrées, et outre qu'elles pourraient se nuire par leur rapprochement, elles seraient très difficiles à compter. Il y a le plus souvent avantage à faire une nouvelle dilution, en opérant avec le pre- mier tube ensemencé comme on l'a fait avec la culture ori- ginelle. Parfois même, il sera utile d'en faire une 3% une 4*^ dilution. Si on connaît à chaque fois le volume du liquide em- ployé, le calcul de la dilution finale est facile. Toutes ces dilutions sont coulées séparément chacune dans une boite de Pétri. Pour cela on prend le tube, on le débouche en l'inclinant, on flambe l'orifice en le passant dans la flamme, et soulevant de l'autre main le couvercle de la boite de Pétri, on y étale la gélatine, et on referme le couvercle. Le tube est refermé à son tour avec son tampon de coton, et couché hori- zontalement : on étale, en inclinant la boite, la gélatine sur le fond, et on la place sur un corps froid, ou même sur de la glace, pour hâter la prise de la gélatine. On retourne aussi le tube pen- dant son refroidissement pour étaler sur la paroi ce qui y reste de gélatine, et quand le milieu de culture est redevenu solide, on met à l'étuve entre 15 ou 20". La numération des colonies se fait à l'œil nu, ou avec un oculaire quadrillé, dans la dilution où elles sont un peu serrées, sans l'être trop, et on peut ainsi avoir une idée du nombre d'êtres vivants dans la gouttelette de culture ensemencée à l'origine. On peut même, en examinant, soit à l'œil, soit à un faible grossissement, les colonies développées dans la boite de Pétri, voir si elles se ressemblent, et peuvent être considérées comme appartenant à une même espèce, ou si elles diffèrent, et si par conséquent la culture qui les a fournies était impure. Au lieu d'étaler la gélatine dans une boite de Pétri, on peut l'enrouler sur la paroi intérieure du tube à essai en refroidissant celui-ci, soit au contact de l'eau, soit au contact d'un bloc de glace, et en le tenant presque horizontal pendant qu'on le fait rou- ler aussi uniformément que possible autour de son axe. On obtient alors un manchon de gélatine : c'est ce qu'on appelle un tube roulé d'Esmarch. Cette méthode est loin de valoir celle des boîtes. L'étude individuelle et la numération des colonies y sont plus difficiles. MÉTHODES DE CULTURE 117 63. Cultures en gouttes pendantes. — Quand on veut pou- voir suivre de près, non pas seulement à la loupe, comme avec les boites de P(5tri, mais avec le microscope, le développement des membres d'une colonie, on peut employer une autre méthode. Sur une lamelle de verre bien propre, on dépose, soit au moyen de l'anse de platine, soit au moyen d'une pipette, une gouttelette de liquide de culture faiblement chargée de germes. Puis on retourne la lamelle sur un anneau de verre porté par la lame, ou sur une cavité qui y est creusée : pour éviter l'évapora- tion, on place le tout, dans l'intervalle des observations, sous une cloche à parois humides. En examinant au microscope les bords de la goutte, on trouve facilement des champs de développe- ment qu'on peut fouiller dans toute leur épaisseur, qui est faible en ces points. La chose est encore plus facile quand la goutte- lette est faite avec du bouillon gélatine transparent. Quand elle contient peu de colonies, on peut étudier toutes celles qui sont comprises dans une épaisseur à peu près égale à la distance frontale de l'objectif. CULTURE DES MICROBES ANAEROBIES 64. Cultures à l'abri de l'air. — Les cultures à l'abri de l'air exigent un matériel un peu plus compliqué que les cultures aérobies. Aussi sont-elles d'ordinaire plus négligées. Elles peu- vent pourtant rendre de nombreux services, et il y a des cas où on ne peut pas s'en passer, par exemple, lorsque le mi- crobe à cultiver ne peut pousser que tout à fait à l'abri de l'air, ou dans un gaz inerte, comme le premier microbe pathogène anaérobie découvert par MM. Pasteur, Joubert et Chamberland, et appelé par eux vibrion septiqiie. L'appareil dont ils se sont servis pour le cultiver consiste dans un tube à deux bran- ches, T (fîg. 35), auquel est soudé un tube de yerre étranglé en A et pourvu d'un petit tampon de coton. Chacune des bran- ches porte latéralement un petit tube effdé d. Le tube est ainsi stérilisé dans le four à flamber. Dans une des branches on fait entrer le liquide nutritif pur et préalablement ensemencé, en plongeant l'effdure ouverte dans le tube qui la contient et en aspirant par le tube A, puis on ferme l'effîlure à la lampe, et on aspire de même dans la seconde branche le bouillon de cul- H8 CHAPITRE V ture non ensemencé. Le tube A est ensuite relié k une machine pneumatique à mercure et on fait le vide. Au moyen d'une TROMPE^ Fig. 35. petite flamme de gaz. appliquée avec précaution, on détermine l'ébullition, à basse température, du liquide dans les deux branches pour bien chasser tout l'air. Les bulles produites viennent crever sur la paroi du tube légèrement chauffée dans sa partie supérieure : les projections d'une branche dans l'autre sont ainsi évitées. Avec un jet de gaz, on sépare le tube de la machine en fondant le verre en A, dans la partie étranglée. L'appareil est porté à l'étuve, le développement se fait dans la branche ensemencée, le liquide restant limpide dans l'autre branche, si on a bien opéré. Pour avoir une seconde culture, il suffît d'incliner le tube de façon qu'une trace de la culture passe dans la branche non ensemencée. La pompe à mercure peut être remplacée par une trompe à eau ; toutefois, comme cette trompe ne donne pas un vide aussi complet que la pompe à mercure, il faut remplir le tube d'un gaz inerte et le vider à plusieurs reprises. Le tube sera donc ratta- ché par un caoutchouc épais à un tube en T qui communique MÉTHODES DE CULTURE 119 par sa branche F avec la trompe, et par sa branche E, avec un gazomètre contenant de l'acide carbonique ou de Thydrogène parfaitement privé d'air. Les deux branches F et E portent cha- cune un robinet. Lorsque le vide est fait, on ferme le robinet F et on ouvre le robinet E : le gaz pénètre du gazomètre dans le tube ; le robinet E est alors fermé et la communication avec la trompe est rétablie en ouvrant le robinet F. Cette manœuvre répétée deux ou trois fois suffit à enlever complètement à la fin l'air de l'appareil. On peut vider le tube ou le laisser rempli du gaz privé d'oxygène. Le même gazomètre peut être facilement relié à la pompe à mercure. Les organismes anaérobies donnent lieu à un dégagement de gaz qu'il est parfois intéressant d'étudier. Il sera facile de retirer ce gaz de l'appareil que nous venons de décrire, au moyen de la pompe ou de la trompe à mercure. Pour faire une prise du liquide contenu dans l'intérieur du tube sans introduire d'impua^eté dans la culture, il faut casser le tube effilé A au-dessus du coton, laisser rentrer l'air, et incliner le tube pour faire sortir un peu du liquide par l'effilure latérale préalablement ouverte et passée dans la flamme. L'introduc- tion de l'air arrête la culture. Si on veut qu'elle continue, il faut ouvrir le tube de façon qu'il se remplisse d'un gaz inerte. Pour cela, après avoir fait un trait à l'extrémité du tube A, on l'adapte à un tube de caoutchouc relié au gazomètre, on casse la pointe dans le tube de caoutchouc et le gaz remplit l'appareil. La culture en milieux solides n'exige pas des appareils plus compliqués. On étire un tube de verre en lui donnant la forme figurée dans la figure 36 ; l'extrémité supérieure est fermée par un tampon de coton, et tout le tube est fortement chauffé dans la lampe à alcool. Pendant qu'il est encore chaud, on plonge son extrémité effilée dans un tube de gélatine que l'on vient de faire bouillir, on aspire en A, la gélatine bouillante monte dans le tube : quand elle est arrivée en b, on retire vivement le tube en l'inclinant de façon que la gélatine ne puisse sortir par l'orifice inférieur que l'on ferme aussitôt à la lampe. Le tube redressé est fermé par un trait de chalumeau dans sa partie étranglée, un peu au-dessus de la gélatine. Après qu'il sera refroidi, le tube pourra être ensemencé par piqûre à la manière ordinaire : il suf- 120 CHAPITRE V fit d'ouvrir l'extrémité supérieure effilée et de la refermer à la lampe, Tensemencement terminé. Dans ces petits tubes, qui sont très faciles à préparer, le gaz produit par la vie de l'orga- nisme ne peut se dégager, et disloque la culture. Il faudra donc ouvrir d'abord le tube par le bout opposé à celui par lequel on / Fig. 36. Fig. 37. a introduit la semence, sans quoi une partie de la culture pourrait être projetée au dehors. Comme l'ébuUition ne chasse pas com- plètement l'air dissous, il y a parfois de la lenteur dans le déve- loppement. Le dispositif suivant (fig. 37) évite ces inconvénients. La gélatine nutritive est contenue dans un tube à essai, étiré à sa partie supérieure en un tube assez mince pour qu'il soit facile- ment fermé au chalumeau, et fermé par un tampon de coton. Lorsque la gélatine a été liquéfiée dans un bain d'eau chaude, on fait pénétrer par l'orifice supérieur un tube de petit calil^re qui ne ferme pas complètement l'ouverture, et qui amène un courant de gaz inerte privé d'air. Le tube adducteur du gaz a été soi- gneusement stérilisé, et il porte un tampon de coton a qui arrête les impuretés que pourrait entraîner le courant gazeux. L'appa- MÉTHODES DE CULTURE 121 reil ost ainsi promptement privé d'air. On soulève alors le tube adducteur au-dessus du niveau de la gélatine, qu'on rend solide en la refroidissant. Le courant de gaz continue d'empêcher l'intro- duction de l'air extérieur ; en soulevant le coton qui ferme l'ori- fice du tube T, on introduit un fd de platine chargé de la semence, on pratique la piqûre dans la gélatine. Le tube adducteur est alors soulevé jusque dans le haut du tube T, que l'on ferme à l'étranglement, avec le chalumeau. On évite ainsi complètement l'introduction de l'air. Au lieu de chasser l'air par un gaz inerte^, on peut faire le vide avec la trompe, comme nous l'avons décrit pour les cultu- res dans les milieux liquides. Pour cela, il est avantageux d'em- ployer le tube (fig. 38). Il contient de la gélatine nutritive stéri- lisée à la façon ordinaire. La tubulure A communique avec la machine à faire le vide, elle est étirée en b de façon à pouvoir être facilement fermée avec une flamme de gaz, et elle porte en c un tampon de coton. La tubulure B est fermée au chalumeau. Fis;. 38. La gélatine est fondue à une température aussi basse que possi- ble ; à deux ou trois reprises on rince l'appareil avec le gaz inerte du gazomètre, ainsi que nous l'avons expliqué plus haut. Les projections de la gélatine sont facilement évitées, soit en chauf- fant avec une légère flamme la paroi du tube dans la partie supé- rieure, soit en laissant rentrer le gaz inerte si l'ébullition devient turnultueuse : c'est là un jeu de robinets facile à comprendre. 122 CHAPITRE V L'appareil étant privé d'air, on le laisse refroidir en le mainte- nant en communication avec le gazomètre. Lorsque la gélatine a fait prise, on soulève le flacon à eau du gazomètre de façon à produire une légère pression dans l'intérieur du tube. Avec un Fig. 39. couteau à couper le verre, on fait un trait sur la portion effdce, «, et après l'avoir chaufîee, on la casse en a avec une pince flambée ; le gaz s'échappe, empêchant l'introduction de l'air : par l'orifice on fait pénétrer le fil de platine ou une tige de verre avec laquelle on fait la piqûre. Il est facile de conserverie tube plein de gaz, ou de le vider si l'on veut ensuite étudier le gaz que dégagera la culture de l'organisme anaérobie. L'appareil est dé- taché par un trait de chalumeau sur la partie étranglée ô, 65. Colonies en cultures anaérobies. — Le dispositif suivant permet la séparation des colonies et la récolte de la semence dans les colonies isolées. Il se compose d'un tube de verre fermé, large de 3 centimètres environ, long de 25 à 30 centimètres, et terminé par un tube plus étroit, obturé par un tampon de coton. Ce tube (fig. 39) contient un peu de g'élatine stérilisée ; on fond la gélatine et on introduit, avec les précautions ordinaires, une METHODES DE CULTURE 123 quantité de semence convenal)le pour avoir des colonies sépa- rées. En ensemençant plusieurs tulies avec des quantités de se- mence de plus en plus petites, on arrive toujours à une sépara- tion parfaite des colonies. On étrangle le tube à la lampe, un peu au-dessus de la partie renflée, en c. On pousse le coton obtura- teur jusqu'à cet étranglement, et on étire le tube en A. L'appa- reil ainsi disposé est mis en communication avec la machine à vide, et il est purgé d'air comme nous l'avons déjà expliqué. On le sépare en fondant au chalumeau en A, et on le couche sur un plan horizontal. La gélatine s'étale sur la paroi inférieure. Elle fait prise, et comme la couche est très mince, on pourra exami- ne* à travers la paroi du verre la forme des colonies. Pour pui- ser dans l'une d'elles, on ouvre la pointe effilée, on fait rentrer de l'air ou du gaz inerte {qui est filtré sur le coton C, on coupe le Fis. 40. verre en e, et avec un long fil de platine ou une tige de verre un peu recourbée à l'extrémité, on peut atteindre la colonie que l'on veut ensemencer. Si les microbes liquéfient la gélatine et que l'on ne puisse pas renverser le tube pour l'examen au mi- croscope, on fait en d un trait avec un couteau à verre, puis, avec un charbon de Berzélius, on complète la section du tube. Par l'ouverture on pourra introduire un diamant monté sur une tige rigide, et faire un trait intérieur sur chaque paroi du tube ; on détachera facilement la gouttière supérieure, et la gouttière inférieure pourra être examinée sous le microscope à la façon d'une plaque ordinaire. 424 CHAPITRE V On peut éviter l'emploi crime machine aspirante, et chasser l'air du tuhe par un courant de gaz inerte. Pour cela, le tube de la figure 40 est d'un usage commode. Le courantde gaz pénètre par le tube latéral qui porte en T un tampon de coton ô, il bar- hotte dans la gélatine maintenue liquide et sort à travers le coton en c. Lorsque l'appareil est bien purgé d'air, on ferme à la lampe en a et on couche le tube comme il a été dit pour l'ap- pareil précédent. Les gaz inertes à employer sont l'azote, l'hydrogène et l'acide cai'bonique. Selon les cas, il faudra rejeter l'acide carbonique qui 41. Fig. 42. peut avoir une influence sur le développement des microbes. De plus, l'acide carbonique et l'hydrogène étant des produits de la vie des organismes anaérobies, il ne faut i)as les employer si l'on veut ensuite faire une analyse des gaz dégagés par la culture. Dans ce cas, le mieux est de faire exactement le vide dans l'ap- pareil, au moyen de la pompe à mercure, qui servira plus tard à retirer les gaz dégagés par les microbes. MÉTHODES DE CULTURE 125 66. Culture anaérobie sur pomme de terre. — En modi- fiant légèrement les dispositifs décrits [)lus haut, il est facile d'ob- tenir des cultures d'anaérobies sur la pomme de terre. l*our cela on soude au tube à essai, au-dessous de l'étranglement un tube latéral, étiré en «, (fig*. 48), et muni d'un tampon de coton, comme le montre la ligure. Après avoir introduit la tranche de pomme de terre dans le tube, on stérilise le tout à l'autoclave comme il a été dit plus haut (55), puis, quand la surface de la pomme de terre est égouttée, on sème l'organisme anaérobie que l'on veut cultiver, et on ferme à la lampe la partie supérieure du tube comme on le voit (fig, 42). La tubulure latérale est reliée à la pompe à mercure et on fait soig-neusementle vide. La tranche de pomme de terre est maintenue pendant quelques instants sous le vide de la machine pour que l'air qu'elle contient s'échappe, puis, avec un trait de chalumeau porté en «, on détache le tube. Il est facile de suivre à travers la paroi du verre le progrès de la culture. Au lieu de faire le vide, on pourrait, après avoir étiré la partie supérieure du tube, faire passer un courant de g'az privé d'oxy- gène, et fermer ensuite à la lampe le tube en haut et en bas. 6 '7. Etuves à température constante. — Une étuve à tem- pérature constante est une nécessité de premier ordre dans un laboratoire de bactériologie. Certains microbes, comme celui de la tuberculose, ne supportent pas des écarts de température de plus de un degré. Le chautTage au gaz doit être fait avec un ré- gulateur de pression ; mais cela ne suffit pas, il faut qu'il y ait un régulateur commandé par la température de l'étuve elle môme. Il en a été proposé beaucoup. Le plus simple, le plus robuste et le plus précis en même temps est celui que représente la figure 43. Il est formé de deux barres métalliques, l'une en acier, l'autre en zinc, soudées ensemble sur toute leur longueur et recourbées ensuite en forme d'U. Le métal le plus dilatable, le zinc, étant en dehors, toute élé- vation dans la température tendra à rapprocher les branches et tout abaissement les écartera l'une de l'autre. Pour une varia- tion donnée de température, le mouvement des branches de l'U sera d'autant plus étendu que les coefficients de dilatation des deux métaux soudés ensemble seront plus différents ; c'est pour cette raison que l'on a réuni le fer et le zinc. Il faut que les barres 126 CHAPITRE V métalliques soient assez fortes pour rester bien rigides et ne pas se rapprocher d'une façon sensible quand on les serre entre les mains. La réunion de deux métaux de dilatation inégale permet, Fisr. 43. avec des barres de longueur modérée, d'avoir un déplacement assez étendu. On fixe une des branches de façon qu'elle soit immobile, et on ajuste à l'autre une tige qui suit ses mouvements, et va ouvrir ou obstruer, dîuis la petite chambre v en verre, l'arrivée du gaz combustible qui, arrivant par T, s'en va ensuite aux brûleurs. METHODES DE CULTURE 427 Les mouvements dus à la dilatation du régulateur bi-métalliqiie peuvent être amplifiés au moyen de leviers, et on augmente ainsi la sensibilité de l'appareil. Ce régulateur est adapté, dans lafigare43, à une étuve chauffée directement au gaz, modèle Schribaux, dans laquelle les produits de la combustion circulent dans une série de tubes verticaux ran- FU gés sur trois côtés de l'étuve. Ce modèle dépense très peu de gaz, et la température y reste très constante, comme le montre le tracé (fig. 44) au thermomètre enregistreur. La température s'est tenue pendant une semaine à 37", 7 avec une variation de 1/10 de degré. Les encoches du tracé correspondent à l'ouver- ture de la porte de Tétuve. La rapide ascension de la courbe au premier jour, au moment de l'allumage, montre avec quelle rapidité la température s'élève et se fixe au niveau voulu. BIBLIOGRAPHIE Pasteur. Etudes sur la bière, 1870. Brefeld. Methoden zur Untersuchung der Pilze. Verhandl. lème posé dans ses traits généraux. Il est facile de voir qu'il comporte une sorte de contradiction au départ. Il exige NUTRITION MINERALE DES MICROBES 177 qu'on connaisse d'avance le milieu le plus favorable à la vie d'une espèce microscopique, c'est-à-dire qu'on ait résolu à l'avance le problème qu'on se pose. On ne peut arriver à connaître ce milieu que par des tâtonnements méthodiques, dans une série de travaux coordonnés, et en écbafaudant lentement chaque pro- grès sur un progrès déjà fait. C'est surtout une œuvre de pa- tience et de méthode. Supposons qu'elle soit accomplie, et qu'on connaisse les conditions physiques et chimiques de la cul- ture qui donnent, dans un temps donné, la récolte maximum, il faudrait encore, pour assurer la sécurité dans la recherche, que deux milieux types identiques donnent des récoltes de même poids. Or un être vivant n'est pas un précipité chimique, et on n'arrivera jamais à ce résultat. Les deux milieux fourniront des récoltes variant entre une limite supérieure P et une limite inférieure P', qu'on réussira à rapprocher, mais jamais à con- fondre. Dès lors il faudra avoir constamment présente à l'esprit la valeur du rapport P'/P, qui représentera l'erreur possible du procédé. Si, dans un autre essai, nous trouvons que le milieu type donne un poids de culture jo,et le môme milieu, privé d'un de ses éléments, un poids de culture p\ il ne suffira pas, pour conclure cjue l'élément supprimé était utile, de constater que le rapport de ^y à p est plus jjetit c{ue 1 ; il faudra encore qu'il soit plus petit que P'/P, c'est-à-dire que l'erreur possible du procédé. 98. Travail de Raulin. — Toutes ces difficultés ont été sur- montées dans un travail classique de Raulin, qui date de 1870, et qui n'a pas été dépassé depuis. Ce savant est arrivé à obtenir, dans un milieu acidulé ne renfermant que du sucre et des sels minéraux parfaitement purs, des récoltes d'une mucédinée spéciale, sans mélange d'espèces étrangères, et plus abondantes que celles que fournirait, dans les mêmes conditions, le milieu organique le mieux approprié. De plus, ces récoltes sont de poids constant, à 1/20 près de leur valeur. La plante qu'il cultive est Yaspergillus )iiger. Elle est formée, comme toutes les végétations microscopiques, d'un mycélium rameux qui vit dans le liquide où on la sème. De ce mycélium partent (lig. 14), en s'élevant dans l'air, des petites colonnettes cylindriques, plus larges que les filaments de mycélium, et se renflant à leur extrémité en une sorte de capitule rond. Sur ce 12 178 CHAPITRE IX capitule sont implantés, dans des directions radiales, des stc- rigmates portant des files despores noires, sphériques, et impeu hérissées à leur surface. Cet aspergillus pousse très facilement sur du pain mouillé de vinaigre, sur l'eau de levure acidulée, sur les tranches de citron, en général sur les fruits et les liqueurs acides, et, lorsqu'on n'en possède pas de semences, il suffit d'abandonner quelques jours à l'air un de ces miUeux, ou de préférence le liquide minéral que nous allons apprendre à préparer, pour qu'un ensemencement spontané, venant de l'air, le fournisse môle à plusieurs espèces végétales. On reconnaît Y aspergillus à ses fructifications noires ; on le sème alors à nouveau sur un liquide artificiel, et on réus- sit bientôt à l'obtenir pur de tout mélange. Le liquide artificiel composé par M. Raulin, qui fournit les ré- coltes abondantes dont nous parlions tout à l'heure, doit avoir la composition suivante : Eau 1 500gr,00 Sucre candi 70 ,00 Acide tartrique 4 ,00 Nitrate d'ammoniaque 4 ,00 Pliosphate d'ammoniaque 0 ^60 Carbonate de potasse 0 ,60 Carbonate de magnésie 0 ,40 Sulfate d'ammoniaque w 0 ,2o Sulfate de zinc 0 ,07 Sulfate de fer 0 ,07 Silicate de potasse 0 ,07 Ceci est la formule à suivre quand on veut préparer ce liquide artificiel. Quand on veut étudier ce liquide au point de vue de la nature et de la proportion des éléments mis en œuvre par la plante, il est utile d'en envisager la composition sous la forme équivalente que voici : Eau 1 500fc''',00 Sucre candi 70 ,00 Acide tartrique . 10 ,00 Ammoniaque 12 ,00 Acide phosphorique 0 ,00 Acide sulfurique 0 ,2S Acide silicique 0 ,03 Potasse 0 ,40 Nutrition minérale des microIîes liô Magnésie 0 ,'iO Oxyde de zinc 0 ,0i Oxyde de fer 0 ,03 Ce qui donne, avec l'oxygène de l'air mis en œuvre pendant tout le procès végétatif, un total de douze éléments chimiques, nécessaires, comme nous allons le voir, à la nutrition complète de la plante. Outre ces éléments chimiques, il faut encore faire intervenir des éléments physiques. D'abord une température convenable, qui doit être voisine de 37° ; puis un état hygrométrique qui protège le liquide contre une évaporation trop rapide, et la plante contre toute dessiccation. L'expérience montre en effet que, dans l'air sec, la végétation est en retard sur la végétation dans l'air humide, et le poids de la récolte moins constant. Il faut que l'hygromètre à cheveu marque au moins 60" dans l'étuve où l'on cultive la plante, et pour amener l'air chautfé à ce degré de sa- turation, il faut provoquer, par un moyen quelconque, à la partie inférieure de l'étuve, une abondante évaporation. La plante ayant besoin d'oxygène pour vivre, il faut aussi re- nouveler l'air à son voisinage, et la présenter h, l'action de ce gaz sous la plus grande surface possible. De là résultent diverses conséquences. Un vase découvert donnera, toutes choses égales d'ailleurs, des récoltes plus abondantes qu'un vase couvert d'une lame de verre. Mais les différences sont faibles, et comme, d'un autre côté, l'évaporation du liquide est beaucoup plus active dans le vase découvert, et qu'il peut en résulter des causes d'erreur graves, il vaudra toujours mieux, lorsqu'on n'aura qu'un petit nombre d'essais, employer des vases couverts d'une lame de verre, qui arrête l'évaporation, sans trop nuire au renouvellement de l'air. Lorsqu'on aura un grand nombre de cultures, serrées les unes contre les autres, on pourra et même on devra de préférence laisser les vases découverts. Toutefois, comme, dans un vase ainsi couvert, l'oxygène arrive seulement par les bords à la surface de la végétation, et comme ce n'est que par les bords de la couche mycélienne qu'il pourra se dissoudre dans le liquide, on se mettra dans des conditions d'autant meilleures que le rapport du périmètre à la surface du vase sera plus grand. C'est dire que des cuvettes rectangulaires seront préférables à des vases circulaires de môme surface. 180 CHAPITRE IX Enfin, on comprend qu'il faut aussi que le liquide nutritif soit mis en couche mince. En profondeur, il y a trop peu de surface pour le développement de la mucédinée, eu égard à la quantité de masse alimentaire. En couche très mince, il y a au contraire trop de surface végétante pour trop peu d'aliments. Le rapport de la surface à la profondeur doit donc avoir une valeur moyenne, dépendant de la composition du liquide nutritif. Avec celle qui est indiquée plus haut, on est dans les meilleures conditions possibles, quand on répartit les 1.500 centimètres cubes de li- quide dans une cuvette de porcelaine rectangulaire, abords ver- ticaux, et de dimension telle que le liquide y ait une hauteur de 30 à 35 millimètres. Si, lorsque toutes ces conditions sont réunies, on sème sur le liquide les spores du végétal, elles ne tardent pas à se dévelop- per, et, au bout de 24 heures, ou même de 18 heures, si elles n^étaient pas trop sèches, leurs filaments mycéliens enchevêtrés forment à la surface une membrane continue, d'aspect blanchâ- tre, recouvrant tout le liquide. Au bout de 48 heures, cette mem- brane est déjà très épaisse ; elle devient d'abord jaunâtre, puis brun foncé. Enfin, après trois jours de végétation, elle est deve- nue tout à fait noire. Son poids augmenterait encore pendant le quatrième jour et les suivants, mais beaucoup plus lentement que pendant les trois premiers. Comme on doit viser à obte- nir, toutes choses égales d'ailleurs, le poids de récolte le plus grand possible dans le môme temps, il y a utilité à enlever tout ce qui s'est formé de mucédinée, et à faire servir ce qui reste d'aliments nutritifs à la production d'une nouvelle récolte. On enlève avec les doigts la membrane très consistante du troisième jour, on la presse fortement dans la main, pour exprimer la majeure partie du liquide qui l'imprègne, on l'étend sur une soucoupe, on la sèche à 100'^ et on la pèse. Le liquide sous-ja- cent se trouve d'ordinaire être suffisamment ensemencé par les spores résultant de l'égouttage de la membrane : on remet le tout à l'étuve, et, au bout de trois jours, on obtient une nouvelle ré- colte plus faible que la première. Le liquide restant est alors â peu près épuisé, et incapable de donner une troisième récolte de poids appréciable. L'ensemble des deux premières forme un total d'environ 25 grammes, à un vingtième près, comme nous l'avons dit plus haut. xNUTRITlON MINERALE DES MICROBES 181 Nous avons donc réuni pour notre expérience les deux condi- tions que nous avons vu plus haut être nécessaires au succès. Notre récolte est d'abord très grande, ensuite aussi constante que possible. Pourrions-nous l'augmenter encore ? En d'autres termes, ne pourrions-nous pas, en ajoutant à notre milieu minéral des élé- ments nouveaux, élever le chiffre du poids de végétal qu'il peut produire avec un poids donné de matériaux nutritifs ? Nous avons le droit de nous poser cette question, puisque nous savons déjà que la suppression de l'un des éléments, qui entrent dans la constitution de ce milieu, diminue la récolte. Il est donc possible d'espérer qu'en ajoutant quelque chose à notre milieu, nous aug- menterons le rendement. Pour le savoir, ajoutons à notre milieu minéral, et de compo- sition connue, des substances minérales ou organiques complexes^ de composition inconnue, mais choisies parmi celles qui se re- couvrent le plus facilement à'aspergillus au contact de l'air. Il est probable que ces substances doivent renfermer tous les élé- ments utiles, et s'il y en a qui ne soient pas déjà contenus dans notre milieu minéral, nous en serons avertis par une augmenta- tion du poids de la récolte. L'expérience montre que l'on ne gagne rien par ce procédé, même en variant les essais le plus possible, et même on trouve, en comparant le milieu artificiel ci-dessus à des milieux organi- ques renfermant la môme proportion d'éléments solides que lui, que le liquide Raulin donne des récoltes beaucoup plus abon- dantes que les autres. Nous avons donc le droit de croire que ce milieu est à la fois nécessaire et suffisant. Nous rencontrerons du reste bientôt un autre fait conduisant à la même conclusion. 99. Influence des éléments minéraux, — Nous pouvons, dès lors, rechercher avec sécurité quel est le degré d'influence, sur le développement de Yaspergiiius, des divers éléments qui y concourent. Voulons-nous savoir, par exemple, par quel chiffre se mesure l'utilité de la potasse dans le liquide nourricier ? Fai- sons vivre pour cela la plante dans deux cuvettes jumelles, renfermant lune le liquide complet, l'autre le liquide sans potasse. Dans le premier cas, il se produira comme à l'ordi- naire, à 1 gramme environ près, 25 grammes de plante. Dans 182 CHAPITUE IX l'autre, il s'en produira 1 gramme seulement. La suppression de la potasse fait donc tomber la récolte au vingt-cinquième de ce qu'elle était ; nous dirons que son utilité se mesure par le nom- bre 25, et, en faisant le même essai pour les divers éléments mi- néraux, nous trouverons, en adoptant le môme mode d'évalua- tion que pour la potasse, les nombres suivants pour mesure de l'utilité des divers éléments minéraux : Ammoniaque 153 Acide pliospliorique 182 Magnésie 01 Potasse 25 Acide siilfuriquc 25 Oxyde de zinc 10 Oxyde de fer. 2,7 Silice 1,4 Les nombres de ce tableau, relatifs à l'ammoniaque, à l'acide phosphorique, à tapotasse, à la magnésie, si grands qu'ils soient, n'ont pas le droit de nous étonner. Il y a longtemps qu'on sait que tous ces corps sont d'excellents engrais, et si leur suppres- sion dans une culture n'a jamais amené des abaissements de récolte comparables à ceux que nous venons de constater, c'est que jamais on n'a été maître de la composition du milieu comme on l'est dans les expériences de M. Raulin. Mais le même tableau nous fournit des faits tout à fait imprévus. Nous y voyons, en effet; que la suppression du zinc ramène la récolte au dixième de ce qu'elle était, en d'autres termes la fait tomber de 25 gram- mes à 2-'", 5. L'intervention aussi active de cet élément dans un phénomène de végétation est un des résultats les plus curieux du travail que nous analysons. On peut en augmenter l'intérêt par une remarque toute natu- relle. Les chiffres ci-dessus mesurent en bloc l'utilité de cha- cun des éléments minéraux, mais ne tiennent pas compte des proportions variables de ces divers éléments. Par exemple, la quantité d'oxyde de zinc, qui fait baisser la récolte de 25 gram- mes à 2"'", 5, n'est que de 4 centigrammes, renfermant seulement 32 milligrammes de zinc. L'action de cette faible quantité de métal suffit donc à produire une plus-value de 22''', 5 dans la récolte, c'est-à-dire d'un poids de plante 700 fois supérieur au sien. Ce chiftre a même pu, dans quelques expériences, s'élever jusqu'à NUTHITION MINÉRALE DES MICROBES 483 953, et ce nombre peut à son tour être considéré comme mesu- rant ce qu'on peut appeler Ytitilitr spécifique du zinc pour la ré- colte. En étudiant de la même manière les autres substances, M. Raulina trouvé les nombres maxima suivants pour la quan- tité de mucédinée que peut servir à former un gramme des di- vers éléments du milieu type. Azote (de l'ammoniaque) M Potassium (de la potasse) 64 Phosphore (de l'acide phosphorique) ... 157 Magnésium (de la magnésie) 200 Soufre (de l'acide sulfurique) 346 Zinc (de l'oxyde de zinc) 933 Fer (de l'oxyde de fer) 857 Silicium (de la silice) 320 Tous ces nombres sont notablement différents de ceux du tableau qui précède, et pour le zinc en particulier, le caractère étrange de son intervention s'accentue encore plus ici. Nous au- rons bientôt à nous demander en quoi consiste cette influence singulière. Contentons-nous pour le moment de l'enregistrer, et de remarquer que la plante, pour se donner ce zinc qui semble lui être si utile, est obligée de le puiser dans un liquide où il est dilué au 1/50.000. De quelles proportions infinitésimales d'un élément utile peut dépendre la santé d'un être vivant, la pros- périté d'une culture ! Enfin, si l'on songe que sur un liquide qui contient seulement 1/50.000 de zinc, une ou deux générations d'aspergillus peuvent, en absorbant complètement ce métal, rendre l'existence d'une nouvelle génération cbétive ou impossible, que sur un tel liquide un nouvel ensemencement, j'allais dire une nouvelle inocula- tion, resterait sans effet, qui pourrait ne pas être surpris de la perspective qui s'ouvre sur les propriétés si merveilleuses et si étranges du vaccin, qui ne s'implante pas deux fois de suite sur le même organisme ? Mais notre végétal est encore plus sensible, s'il est possible, à l'action des éléments qui lui sont nuisibles, i^joute-t-on au liquide nourricier 1/1.(300.000, un ^eize cent millième de nitrate d'ar- gent, la germination des spores devient impossible. Elle ne peut même pas commencer dans un vase d'argent, bien que la cbimie soit presque impuissante à montrer qu'une portion de la matière 184 CHAPITRE IX du va«e se dissout dans le liquide. Mais la plante l'accuse en ne germant pas. Elle accuse de même l/oOO.OOO de sublimé corro- sif, 1/8.000 de bichlorure de platine, 1/240 de sulfate de cuivre. Notons pourtant que ces doses, suffisantes pour empocher la germination des spores, sont insuffisantes pour arrêter la crois- sance de la plante quand elle est en pleine évolution. C'est là une notion que nous retrouverons plus tard à propos des anti septiques. lOO. Rôle physiologique des éléments minéraux. — L'é- tude physiologique du milieu artificiel propre au développement de Yaspergillus, telle que nous la comprenons, exige la solution de deux ordres de questions. Il faut démontrer l'influence de cha- cun des éléments de ce milieu, puis déterminer le rôle physio logique de chacun d'eux. Nous venons de lésoudre à peu près complètement la première question pour les éléments minéraux, mais nous n'avons pas abordé la seconde. Les seuls faits précis que Ton ait sur ce sujet important ont été trouvés par M. Raulin, et il les a rencontrés en mettant en œuvre une méthode de vérifi- cation des résultats précédents dont nous devons dire un mot. Mettons à l'étuve deux cuvettes identiques contenant chacune du liquide Raulin complet, moins un seul élément. Les récoltes que nous obtiendrons sur les deux seront tout d'abord à peu près égales, et faibles. Quand nous en aurons obtenu deux ou trois, ajoutons, dans l'un des essais seulement, l'élément qui manque. Là, les récoltes vont s'élever tout à coup et devenir très supé- rieures, à la fois aux récoltes précédentes de la même cuvette, et aux récoltes de même ordre du milieu resté incomplet. De cette doul)le comparaison, de ce changement subit dans la va- leur des nombres, résultera jusqu'à l'évidence l'efficacité de félément ajouté. L'expérience, faite dans les conditions que je viens d'indi- quer, sur le sulfate d'ammoniaque, ou le sulfate de zinc, par exemple, donne bien le résultat prévu à l'avance, et confirme ce que nous avons appris plus haut sur l'utilité de ces deux corps. Mais, avec le sulfate de fer, il n'en est plus de même. L'addition du fer dans un milieu qui a nourri plusieurs récoltes languis- santes ne rend pas la végétation plus prospère, et ne relève guère le poids de la récolte au-dessus de sa valeur primitive, ni au-des- NUTRITION MINERALE DES MICROBES 185 sus de la valeur qu'elle conserve dans le milieu qu'on a laissé privé de sel de fer. Si donc ce milieu, auquel on a ajouté le fer, est resté im- propre aune végétation vigoureuse, ce n'est pas qu'un élément essentiel y manque, c'est que, par le fait même du développe- ment de Yaspergilius en l'absence des sels de fer, il a dû se for- mer une substance vénéneuse pour la mucédinée, substance que les sels de fer empêchent de se produire, mais ne peuvent détruire. Cette interprétation des faits est d'accord avec une remarque qu'on peut faire sur le mode de fructification de Vaspcrgilliis en l'absence des sels de fer. L'évolution de la spore semble alors d'autant plus pénible que le milieu, où elle germe, a déjà nourri un plus grand nombre de récoltes. Or, on n'observe rien de pareil dans un milieu où manque un élément essentiel autre que le fer. D'ailleurs, voici qui semble démontrer la formation d'un com- posé spécial en l'absence des sels de fer. Le liquide privé de fer, qui a déjà fourni deux ou trois récoltes, donne une coloration rouge avec un sel quelconque de sesquioxyde de fer; la subs- tance qui donne cette coloration est destructible par le chlore, le permanganate de potasse. Toutes ces réactions appartiennent à l'acide sulfocyanhydrique, mais il n'y a encore rien de démon- tré au sujet de la présence réelle de ce corps. Quoi qu'il en soit, on voit que les sels de fer semblent jouer, dans la physiologie de Yaspergilius, un tout autre rôle que les sels de zinc. On aurait pu croire,, en se fondant sur certaines considérations d'ordre purement chimique, que ces deux corps, fer et zinc, pouvaient se substituer l'un à l'autre. M. Raulin avait déjà démontré, par la méthode que nous avons indiquée en premier lieu, que cette substitution était impossible. Les ex- périences que nous venons de relater nous donnent comme la raison physiologique de cette impossibilité. Elles nous permettent aussi de ne pas nous étonner de l'appa- rente singularité qu'il y avait à voir apparaître le fer comme élément utile dans la formation d'une plante qui ne contient pas de chlorophylle. Mais, en revanche, on peut en conclure aussi qu'il y a peut-être quelque chose de trop absolu à vouloir tou- jours rattacher la présence du fer à la création d'une matière colorante, comme on le fait quelquefois en physiologie végétale. 186 CHAPITRE IX Enfin, il y a une dernière remarque à faire à propos du cal- cium, dont la relation avec la formation des organes foliacés semble aussi assez généralement acceptée. Uaspergilhis niger semble ne pas avoir besoin de cet élément. Il est vrai qu'il ne possède pas de feuilles, mais les filaments qu'il dresse dans l'air sont d'actifs agents d'évaporation, comme les feuilles. Nous ver- rons d'un autre côté que des cellules vivant complètement plon- gées dans l'eau, comme celles de la levure, ont besoin d'un sel de chaux. Concluons-en que toutes nos connaissances sur ce sujet et toutes nos idées sont encore très imparfaites. C'est en ces quelques faits que se résume tout ce que nous sa- vons sur le rôle physiologique des éléments minéraux dont nous avons montré Futilité pratique. Il est clair qu'ils ne sont pas suffisants, et qu'il y a de ce côté une étude à faire. Le végétal assimile-t-il aveuglément, en bloc et sans ordre, les divers sels qu'on lui offre, ou fait-il entre eux un choix, suivant qu'il s'agit de former son mycélium ou ses organes de fructification? C'est le second cas qui est probable. Certains sels sont sans doute plus nécessaires pour la formation des spores, qui sont plus azotées que le reste de la plante, et comme il n'y a pas de ma- tière protéique sans phosphore, c'est peut-être à ce moment que les phosphates sont plus volontiers absorbés. Bien qu'on n'ait pas de connaissances précises sur ces ques- tions délicates, on peut néanmoins tirer quelques conclusions des faits que nous connaissons déjà. L'expérience montre d'abord que, si imparfait, si incomplet que soit le milieu où on fait vivre VaspergiUus^ la plante ne s'ar- rête jamais à moitié chemin dans son évolution, et aboutit tou- jours à la formation de la spore. Son mycélium est plus ou moins grêle, plus ou moins rameux, les spores sont plus ou moins nombreuses, mais le végétal en produit toujours. Ceci n'est pas, en apparence;, favorable à l'idée qu'il y a, dans le mi- lieu minéral, des éléments plus utiles au système nutritif, d'autres, plus utiles au système reproducteur. Il semble qu'ils aient tous le môme rôle, et qu'aucun d'eux ne soit, à proprement parler, indispensable au végétal, puisque le cycle de végétation peut se fermer sans lui. Prise dans un sens absolu, cette conclusion serait inexacte, parce qu'il est impossible de constituer un milieu absolument NUTRITION MINÉRALE DES MICROBES 187 pur de tel ou tel élément. On a beau prendre, pour cultiver Yaspergillus, du sucre candi parfaitement blanc et cristallisé, des sels minéraux dans le plus grand état de pureté, on ne peut jamais affirmer que la plante ne rencontrera pas, dans le mélange cpi'on lui ofl'rc, le corps cfonton a voulu la priver. Son organisme est un réactif autrement sensible que la plupart de nos procédés chimiques, et nous avons vu qu'elle manifestait, en refusant de vivre dans une capsule d'argent, l'existence d'une quantité de sel d'argent que n'atteignaient pas les réactifs pourtant si sen- sibles de ce corps. D'ailleurs, nous verrons, à propos de la fer- mentation alcoolique, que le sucre candi le plus pur contient d'assez notables quantités d'azote et de soufre. D'un autre côté, en admettant la pureté exemplaire des sels employés, les parois de la capsule de porcelaine ne sont pas absolument insolubles, et peuvent laisser passer en solution dans le liquide une partie de leurs éléments constituants. Enfin, quand même on aurait tout à fait réussi à éliminer du liquide un corps déterminé, il faut bien y ajouter de la semence, des spores, qui apporteront avec elles un peu de sels minéraux, qu'une loi naturelle accu- mule en effet dans les graines, et les abandonneront peu à peu, au fur et à mesure de la germination, aux organes nouvel- lement formés. Si donc, en supprimant à la plante successivement chacun des éléments de son milieu nutritif, on n'arrive pas à l'arrêter dans son évolution, il faut en conclure, non pas qu'aucun de ces élé- ments n'est absolument indispensable à Yaspcrgillus, mais seu- lement que ce végétal a la faculté de se contenter quelquefois de très peu sous ce rapport. Quand il rencontre autour de lui l'élé- ment utile, il l'absorbe, et traduit ces conditions de vie facile par une grande exubérance de développement. Quand il n'en a que très peu, quand il est olîligé, par exemple, de se contenter de celui qu'il trouve dans la graine, il réduit ses organes et leurs besoins, il leur distribue parcimonieusement tout ce dont il peut disposer, et arrive en s'épuisant, et en épuisant peu à peu tous ses tissus, à fournir des spores, douées, il est vrai, de peu de vita- lité, incapables de recommencer une vie aussi pénible que celle qui leur a donné naissance, mais n'ayant besoin que de rencon- trer un milieu favorable pour revenir à la santé, et assurer la perpétuité de l'espèce. 188 CHAPITRE IX Aussi, si grands que soient les chiffres par lesquels nous avons représenté Futilité spécifique des éléments minéraux du liquide Raulin, sont-ils encore de beaucoup au-dessous de la réalité. Si 1 gramme de zinc, par exemple, peut amener la formation de 9o3 grammes de plante, ce chiffre ne représente que la diffé- rence entre la production du milieu complet et celle du milieu qu'on suppose avoir été privé de zinc, parce qu'on n'en a pas mis sous forme minérale. Si l'on pouvait obtenir un liquide Raulin absolument pur de cet élément, on verrait l'adjonction d'un peu de zinc élever bien plus le niveau de la récolte. Nous verrons, à propos de la levure, que ce végétal est ca- pable de déployer, vis-à-vis de l'oxygène, cette même parcimo- nie dans l'emploi que Yaspergillus nous montre à propos du zinc, et que, sous ce point de vue, l'oxygène ressemble aux autres éléments minéraux. lOl. Conclusions générales. — Toutefois, ces réserves faites, il n'en est pas moins très curieux, au point de vue de l'étude des végétaux supérieurs, de voir la prospérité d'une récolte dépendre, dans une aussi large mesure, de l'existence de cer- tains éléments en quantités extrêmement petites. Combien il est peu probable, si les phénomènes de végétation sont aussi com- pliqués chez ces plantes microscopiques, qu'ils soient, chez les végétaux supérieurs, aussi simples qu'on le professe quelque- fois. Lorsque, pour assurer la bonne tenue d'une culture, on se contente de rendre au sol du phosphore, de la potasse, de la magnésie et des composés azotés, n'est-il pas évident qu'on compte sur le sol pour fournir les autres éléments utiles, sans savoir quels ils sont. Si le sol peut faire ce qu'on lui demande, tout va bien; s'il ne le peut pas, ou si à un moment donné il ne le peut plus, et si l'élément disparu de la sole est du même ordre que le zinc pour ïaspergiliiis, par exemple, on voit la récolte baisser, et on pourra dès lors augmenter la dose d'en- grais potassique ou azoté au delà de toute mesure, on verra cette fumure intensive échouer là même où elle réussissait na- guère. C'est que le problème de l'alimentation minérale n'est pas résolu pour les plantes, tandis qu'il l'est pour Vaspergillus. Un jour viendra peut-être où on renoncera aux fumiers encombrants NUTRITION MINERALE DES MICROBES 189 et coûteux, où ragriculteur aura dans son grenier, dans des sacs étiquetés, la quantité d'engrais à répandre sur un hectare de ses divers terrains pour en tirer telle ou telle récolte. L'expérience de Vaspergillus prouve que cela est possible, mais l'exporiencc •agricole prouve que ce moment n'est pas encore venu. Il peut sembler surprenant de voir étendre de piano, aux grands végétaux, les conclusions auxquelles nous sommes arrivés pour notre aspergilhis. Mais il faut remarquer que si la plante est microscopique, la récolte ne l'est pas. 25 grammes de plante à l'état sec, récoltés en six jours sur une cuve de porcelaine comme celles que nous avons employés, représentent de 500 à 600 k. de récolte à l'état sec par hectare, ou 3.500 à 4.000 k. à l'état hu- mide. La comparaison n'est pas parfaite, caria plante de grande culture crée elle-même sa matière organique aux dépens de l'acide carbonique de l'air, tandis qu'il faut fournir à Vaspergil- lus un aliment tout préparé. Mais, au fond, c'est, dans les deux cas, un phénomène d'alimentation qui est en jeu, phénomène dont nous connaissons les conditions pour la plante microsco- pique, tandis que nous en ignorons le détail intime pour les plantes agricoles. Or nous voyons que ce détail ignoré peut avoir une grande importance sur le résultat. Ce n'est pas tout. Nous n'avons jusqu'ici étudié que la sensi- bilité de V aspergilius au sujet de sa nutrition minérale. Il nous reste à mettre en regard de cette sensibilité son insensibilité ap- parente au sujet de l'absence de quelques-uns de ses éléments utiles. Nous avons vu que le liquide Raulin donne des cultures plus prospères et plus abondantes que le milieu organique le mieux approprié. Que veut dire cela, sinon que dans ses milieux organiques habituels, Y aspergilius n'a pas tout ce qu'il lui faut et vit plus ou moins de privations? Cela ne l'empêche pas de vivre, de se multiplier, de donner une série indéfinie de générations fé- condes. Depuis l'apparition de la vie à la surface du globe, il se perpétue ainsi, dans des conditions qui rappellent celle de la cul- turc dans la cuvette sans zinc, ou sans fer, ou sans soufre. La plante peut donc se passer d'un ou plusieurs des éléments qu'elle aime, non pas indéfiniment, caries hasards de l'ensemencement et de la culture font varier, dune culture à l'autre, l'élément mi- néral qui fait défaut. Nous verrons bientôt que, privée pendant plusieurs générations d'un de ses principes essentiels, la plante 190 CHAPITRE IX s'étiole. Elle ne supporte la disette que parce que c'est tantôt de l'un, tantôt de l'autre qu'elle est privée. 11 n'en résulte pas moins de cette observation qu'une plante peut vivre sans avoir tout ce quil lui faut, et qu'elle sait se plier aux privations. Son proto- plasma n'a donc pas toujours, même au point de vue de sa ma- tière minérale, la même constitution, et ainsi, à côté delà sensibi- lité merveilleuse que nous avons reconnue à Yaspergillus, il faut, pour être complet, parler de son indifférence. Seulement, à cette indifférence il y a un correctif. La plante qui a poussé sur du liquide Kaulin privé d'un de ses éléments, ou, ce qui revient à peu près au même, sur les liquides organi- ques qui la nourrissent le plus facilement, est loin, nous l'avons vu, de prendre le développement qu'elle prend sur le liquide Raulia complet. Sa croissance est incertaine, soumise à une foule de hasards ou de caprices apparents. Elle rencontre autour d'elle des parasites qui la gênent et quelquefois l'étoufïent. Ce sont là exactement les conditions des plantes de nos champs et de nos jardins. Mauvaises herbes, maladies parasitaires, tout cela se rencontre dans les cultures les mieux soignées. Sur un liquide convenable, au contraire, Yaspergitlus donne une couche serrée, homogène, d'aspect vigoureux, et au lieu d'être entravé par les espèces parasites, c'est lui qui étouffe toutes les végétations qui pourraient tenter de lui disputer la place. Ne nous bornons pas au règne végétal, transportons cette notion sur un plus grand théâtre. Nous verrons qu'elle n'est pas autre chose que le combat pour l'existence entre les êtres de la création. Ils ont tous leurs ennemis ou leurs parasites ; leur loi commune est de manger ou d'être mangés, et il ne manque pas de prétendues lois naturelles permettant de s'ex^îli- quer comment ils arrivent à résoudre ce dilemme dans le sens le plus favorable. Avec notre aspergillus, la solution est plus sim- ple. Nous connaissons avec lui les conditions de la lutte. Elles sont d'ordre purement chimique. On peut bien dire que Vas- perg'dhis n'écrase ses ennemis que parce qu'il est vigoureux, mais il n'est vigoureux que parce qu'il trouve dans son milieu nutritif tous les éléments dont il a besoin. Si l'un d'eux lui man- que, il vit encore, mais plus péniblement, et sa force de résis- tance diminue. Si plusieurs lui font défaut, il s'étiole et cède la NUTRITION MINÉRALE DES MICROBES 191 place à une espèce voisine, moins exigeante que lui, ou ayant des besoins différents qui sont mieux satisfaits. On sent, sans qu'il soit besoin d'insister, qu'il doit y avoir des phénomènes analogues dans la vie des animaux et des végétaux supérieurs. Mais, en les étudiant, nous nous écarterions de notre domaine. 11 vaut mieux y rester confîués.INous y rencontre- rons souvent cette notion de la lutte entre deux microbes se dis- putant un terrain commun, et nous aurons souvent à faire appel à la notion claire que nous venons d'en prendre, et qui ne se présentera que rarement à nous avec la même précision. BIBLIOGRAPHIE J. Raulin. — Eludes chimiques sur la végétation. — Reclierches sur le dé- veloppement d'une mueédinée dans un milieu artificiel. Ann. des sciences naturelles, 1870. CHAPITRE X ALIMENTATION IIYDROCARBONÉE Les connaissances que nous venons d'acquérir au sujet deTa- limentation minérale de Yaspergilhis font de ce petit végétal un admirable outil d'expérience, dont la science n'a pas encore tiré tout le parti possible. Dans le liquide Raulin, l'azote n'est fourni à la plante qu'à l'état de sel ammoniacal. Les seuls aliments or- ganiques sont des aliments ternaires, le sucre et l'acide tartri<|uc. Supposons que nous voulions comparer à l'ammoniaque d'autres aliments azotés, au sucre d'autres aliments hydrocarbonés : il suffira de faire la substitution dans le liquide nutritif, et de voir comment se comporte la plante dans le liquide modifié et dans liquide type. Toutes les différences observées seront imputables au changement d'aliments, car on est sûr que, par ailleurs, la plante trouve tout ce qu'il lui faut dans le liquide. Ces études sur l'alimentation, d'ordinaire si difficiles et si contin- gentes, prendront ici leur maximum de netteté. Il y a pourtant place pour une petite ambiguïté que nous allons d'abord faire disparaître. Elle est relative à l'existence simulta- née, dans le liquide Raulin, de l'acide tartriqne et d'un autre aliment bydrocarboné. Il faudrait, pour assurer l'expérience, que ce dernier soit seul. On arrive à ce résultat en remplaçant l'acide tartrique par l'acide sulfurique. 102. Rôle de l'acide tartrique. — L'acide tartrique joue, en effet, un double rôle dans le liquide nutritif. Il en maintient l'acidité d'abord, puis il subit Lii-même une combustion véri- table. Il est d'abord utile, pour queVaspergilhis se dévelop^DC bien, que le liquide Raulin soit un peu acide. Si l'on n'ajoutait pas d'acide tartrique, ce liquide, à raison du carbonate de magnésie qui entre dans sa constitution, serait un peu alcalin, et, comme ALIMENTATION IIYDIÎÔCAHBONEE 193 tel, risquerait d'être envahi, dans nos cuves ouvertes, par des l)actérics et autres productions, alors même qu'on y aurait ense- mencé largement des spores d\ispr?'f/i/Ins. On peut faire, à ce sujet, une expérience particulièrement intéressante et probante. Sur deux liquides nourriciers avec sucre et éléments minéraux, mais l'un avec et l'autre sans acide tartrique, on sème Yaspcrgil- lus. Le liquide complet donne une très lielle récolte au bout de trois jours. Sur l'autre, le développement est nul ou insignifiant. En revanche, le premier liquide reste limpide, le second se trou- ble et se peuple d'espèces vivantes et agiles, appartenant au monde des bactéries. Dans le second liquide on ajoute alors de l'acide tartrique. Presque aussitôt, la scène change. Les spores de lamucédinée, jusque-là inertes, ou n'ayant subi qu'un com- mencement de germination, reprennent le dessus, se développent activement et donnent une récolte aussi belle que dans Fautre liquide. On ne leur a pourtant fourni aucun aliment nouveau, car nous verrons bientôt que si l'acide tartrique est définitivement brûlé, il est à peu près respecté tant qu'il est en présence du sucre. En d'autres termes, les spores ont eu dès l'origine tout ce qu'il leur fallait pour se développer, mais les conditions de milieu n'étaient pas favorables, et leur vie est restée latente jusqu'au moment où ces conditions ont changé. Il peut même arriver, et ilarrive souvent que cette substitution de Yaspergillus aux bactéries se fait sans qu'on ait besoin d'in- tervenir, par un mécanisme vital dont il est bon de dire un mot. Le sucre, sous l'influence des ferments qui pullulent dès l'origine dans le liquide neutre, se transfoi-me fréquemment en produits acides. La vie des ferments leur crée, dans ce cas, un milieu qui leur est défavorable, et qui devient, au contraire, de plus en plus favorable à la mucédinée. Les spores, à un certain moment, de- viennent donc tout naturellement capables d'étoulier les espè- ces qui avaient, tout d'abord, envahi victorieusement le terrain. Ce qui prouve d'ailleurs que l'acide tartrique agit alors en tant qu'acide, et non pas comme composé hydrocarboné, c'est qu'il peut être remplacé dans ce rôle par un autre acide, tel par exemple (pic l'acide sulfurique. Seulement, avec ce dernier, il faut diminuer un peu les doses, parce que l'acide sulfurique est mortel pour la mucédinée à la dose de 1/500 dans le liquide Uaulin, peut-être parce <|u'il y met en liberté de l'acide nitrique. 13 194 CHAPITllE X Mais à la dose de 1/1000, il est inoffensif, et remplace alors très bien l'acide tartrique. L'acide tartrique n'agit pas seulement comme acide, il agit aussi comme aliment hydrocarboné. En semant des spores d'ay- pergillus sur un liquide Raulin sans sucre, on les voit germer, former leur mycélium et leurs spores, subir enfin leur évolution complète. Le mycélium se dévelopj)e peu, beaucoup moins qu'a- vec le sucre ; il est même quelquefois si réduit, que les filaments sporifères semblent implantés directement sur le liquide. Dans ces conditions, l'acide tartrique est peu à peu brûlé, et disparait en entier. On peutdoncprévoir que lorsque la mucédinée pousse sur du liquide Raulin complet, contenant du sucre et de l'acide tartri- que, elle va peu à peu brûler aussi cet acide. Je me suis assuré qu'il en est, en effet, ainsi ; mais la destruction de l'acide tartri- que ne commence qu'à la fm de l'expérience, lorsque la plante a poussé, a consommé presque tout le sucre, et lorsque ce sucre devient rare. La plante brûle alors l'acide tartrique, et le mi- lieu où elle a vécu devient tout à fait neutre, quand on laisse à l'action le temps de s'épuiser. Les résultats que M. Raulin a trouvés, en étudiant les effets physiologiques de diverses quantités d'acide tartrique, sont tout à fait d'accoi'a avec ce qui précède. Avec 1/1000 d'acide tartrique, le milieu a été envahi par des infusoires, et les spores de la mu- cédinée ne se sont pas développées. A partir de cette quantité mi- nima jusqu'à la proportion de 63 grammes par litre, le poids de la récolte a été à peu près constant, ce qui ne s'expliquerait guère si lacide tarti-ique était un aliment comparable au sucre. Au delà de cette limite de 6,3 p. 100 d'acide tartrique, le poids des récol- tes diminue et devient à peu près nul pour une proportion d'a- cide de 25 p. 100, ce qu'il faut attribuer à l'acidité excessive du milieu. 103. Rôle du sucre. — Le sucre est l'aliment de prédilection de V(ispergi////\, et voici ce qui lui mérite ce titre, c'est qu'avec lui, le cycle évolutif du champignon, de la spore à la spore, est plus rapide et plus complet qu'avec tout autre aliment hydro- carboné. Suivons-en les diverses phases. Le premier point à noter est ALIMENTATION HYDROCARBONÉE 195 que ce sucre, tel qu'il est olï'ert k la plante, c'est-à-dire sous forme de saccharose, est iuassimilablc. Pour pouvoir l'utiliser, Yaspei-ylllus doit l'intervertir, à l'aide d'une diastase qu'il sécrète pour cela. Par là s'ouvre ce chapitre des diastases, trop impor- tant pour que nous puissions faire autre chose que de le signa- ler ici. Si facile que soit cette transformation, elle n'est pas instan- tanée. Même dans du liquide Rauliu, où VasperglUu.s pousse si vite, il y a encore du sucre cristaliisable plus de 48 heures après l'ensemencement, et, par suite, la plante n'est pas mise dès l'abord en présence de toute sa matière alimentaire. Que l'action de la diastase représente une difficulté vaincue, et par suite une perte de temps et de force, ou que la plante ait avantage à trou- ver de suite tout son aliment préparé, toujours est-il qu'il y a bénéfice à intervertir le sucre avant de l'introduire dans le liquide Raulin. Si on met, en effet, en train, au même moment, deux essais identiques, mais l'un avec du sucre candi, l'autre avec du glucose ; on voit que ce dernier prend dès les premiers moments une avance sur l'autre. Et voilà une notion qui a été utilisée de- puis, par exemple pour activer la fermentation alcoolique du sucre. La levure, comme Yaspergillus, préfère, en effet, le glucose au sucre candi. Une fois transformé, le sucre est immédiatement mis en œuvre par la plante, et semble entrer à l'état de matière première dans une usine bien tenue, où tout marche avec régularité. Poumons faire une idée de ce qui se passe, mettons simultanément en expé- rience plusieurs cuvettes identiques, et, à diverses intervalles, comparons dans l'une d'elles le poids de plante produite au poids du sucre disparu. Nous trouverons que, tout à fait au début de la germination, le poids de plante, qui représente pour nous le produit de l'usine, est une fraction notable du poids du sucre consommé, la moitié, ou même davantage. Il faudrait, pour pou- voir donner des chiffres plus précis, tenir compte du poids des spores ensemencées, qui apportent évidemment leur part de matière organique et fournissent une partie du tout jeune mycé- lium. Mais bientôt tout se régularise. Le rapport enti-e le poids de plante obtenu et le poids du sucre consommé se fixe au voisi- nage de 1/3, et ne varie plus jusqu'au moment de la fructifica- tion. A ce moment la plante a cessé de pousser, du moins de 196 CHAPITRE X pousser aussi activement. Elle a passé à l'état de plante adulte, et il est clair qu'on peut maintenant, poui* entretenir sa vie, lui faire consommer beaucoup de sucre sans qu'elle augmente beau- coup de poids. Mais tant qu elle est jeune et (ju'elle prolifère, elle donne couramment environ 1 de plante pour 3 de sucre, ce qui revient à dire que la fabrique donne en cellules vivantes un rendement de 33 0/0 environ du poids de sa matière première. On arrive à la môme conclusion en changeant les conditions de l'expérience. On peut, comme l'a fait Raulin, mettre simulta- nément en observation des cuvettes en tout identiques, sauf qu'elles renferment des quantités de sucre croissantes depuis zéro jusqu'à 1 5 grammes par litre. On trouve, en enlevant la récolte au moment de la fructification, c'est-à-dire en l'arrêtant partout au même point, que son poids est à peu près proportionnel au poids du sucre employé. 11 augmente pourtant un peu plus len- tement jusqu'à 12 0/0 de sucre, et, au-delà de 15 0/0, il diminue indéfiniment, sans doute par suite de la difficulté que les cellules ont à vivre dans un milieu à si fort pouvoir osmotique. L'important est qu'à l'origine, et jusqu'à 12 0/0 de sucre, le poids de plante soit encore environ de 33, pour 100 de sucre consommé. C'est à peu près celui que nous avons signalé dans le chapitre précédent, 25 gr. de plante pour 70 gr. de sucre dis- paru. Donc encore ici. avec 3 de sucre, nous obtenons 1 de plante Avant de pousser plus loin l'étude physiologique de ce procès d'alimentation, demandons-nous si nous ne pourrions pas amé- liorer ce rendement. Pourrions-nous encore réduire ce rapport déjà très faible, le rapprocher, par exemple, du rapport 2/1, réalisé dans les premières phases de la germination. Cela est probable, bien que, pratiquement, Raulin n'ait pu y réussir. 11 est probable qu'en facilitant mieux le jeu de l'absorption et de la sécrétion, en assurant encore mieux la présence de l'oxygène, en ajoutant au liquide telle substance activant sa fonction cellu- laire, on changerait le jeu des assimilations et des combustions, de façon à diminuer les dernières au profit des autres. Mais on ne pourra aller très loin dans cette voie, et il y a une limite impossible à dépasser. Il est facile de voir que le poids du sucie détruit dépasse toujours celui du végétal produit. ALIMENTATION lîYDROCAUBONÉFJ 1!)7 104. Dépense de construction et dépense d'entretien. — l*ni"tons. en effet, de ce fait (jue le poids de la plante atteint tout au plus le tiers du poids du sucre. La composition du végétal est évidemment très différente de son aliment. Il y a de la ma- tière grasse et de la cellulose provenant du sucre, des matières azotées complexes formées de toutes pièces, par la combinaison de l'azote de l'ammoniaque avec des matières hydrocarbonées provenant du sucre. Les éléments de celui-ci ont donc subi des groupements nouveaux, dont le détail est malheureusement in- connu, mais dont nous pouvons apprécier Tensemble. Or, l'expé- rience apprend que, quand la plante est faite, elle renferme pro- portionnellement plus de carbone et moins d'oxygène que le sucre dont elle provient ; qu'elle dégagerait en brûlant plus de chaleur qu'un poids égal de sucre, et que, par suite, ses tissus n'ont pu se produire que moyennant la dépense d'une certaine quantité de chaleur. C'est pour se la procurer que la plante a brûlé, aux dépens de l'oxygène de l'air, qu'elle consomme pendant tout son procès de végétation, une partie du sucre qu'elle trouvait dans son liquide nutritif. De ce sucre, une portion a disparu, transfor- mée complètement en eau et en acide carbonique, pour qu'une autre portion pût s'élever à un niveau d'organisation supérieur. Pendant que l'une redescendait la pente, l'autre, plus petite, la remontait, et la création du végétal exigera toujours, par suite, la destruction plus ou moins complète d'une certaine quantité de matière organique combustible. De plus, il ne s'agit pas seulement de créer le végétal, il faut aussi faire vivre les parties déjà formées. Ce végétal n'est pas de ceux qui peuvent faire de la matière organique aux dépens de la lumière solaire. De la double fonction des cellules végétales, création et destruction, il no possède que la seconde ; il a besoin d'aliments tout faits, qu'il décompose d'un bout à l'autre de son existence. De là l'utilité d'une nouvelle dépense, que nous pou- vons appeler dépense d'entretien, pour la distinguer de l'autre que nous appellerons drpensc de construction. C'est à fournir à cette double dépense cjue sert le sucre qu'on ne retrouve plus ni sous forme de sucre, ni sous forme de carbone, d'hydrogène et d'oxygène agrégés aux tissus vivants de la mucédinée. Avec cette idée de corrélation entre la dépense de construc- tion et la dépense d'entretien de certaines cellules, d'un côté, de 498 CHAPITRE X l'autre avec la quantité de matière alimentaire transformée ou disparue, nous revenons à la définition du mot ferment telle que nous l'avons donnée dans le premier chapitre. Nous creuse- rons de plus en plus cette définition dans la suite de cet ouvrage ; mais déjà nous pouvons la regarder comme résidant surtout dans le rapport entre le poids de matière alimentaire détruite, et le poids de matière vivante entrée en action pendant le phé- nomène. 11 est difficile de dire pour notre aspergilliis, comme pour un ferment quelconque, quelle est la valeur exacte de ce rapport. Il faudrait savoir le poids de sucre mis en œuvre physiologique- ment par la plante, et entré dans ses tissus, dans sa constitution. Dans l'ignorance où l'on est de ce point, on ne peut raisonner que par à peu près, mais ce n'est pas faire une hypothèse trop éloignée de la réalité que d'admettre que le poids du sucre est très voisin du poids de la plante. Dans tous les cas, tant que nous parlerons d'une même substance, le sucre, comme ses di- vers ferments ont des compositions élémentaires très voisines, tous les nombres que nous fournira l'hypothèse que nous venons de faire seront à peu près proportionnels. Nous dirons donc que pour Vaspergillus il faut dépenser trois parties de sucre pour avoir une partie de plante, et que sur ces trois parties deux seront employées à l'organisation de la troisième. La puissance comme ferment de YaspergiUus nigcr peut donc se mesurer par le nombre deux. On voit qu'il n'est pas bien considérable, et, sous ce rapport, on a le droit de comparer les phénomènes produits par ce vé- gétal microscopique à ceux qui se produisent pendant une cer- taine période de la vie des plantes supérieures, le moment de leur germination. Là, aussi, nous voyons une plante jeune vivre aux dépens des matériaux nutritifs accumulés dans la graine, consommer aussi l'oxygène de l'air, et si l'on arrête la germina- tion au moment où commence à apparaître le chlorophylle, au moment où la plante va pouvoir utiliser à son aise la chaleur du soleil, on trouve que le poids de la jeune plante est inférieur au poids de l'amidon qu'elle a consommé, qu'elle a dû en brûler une partie pour pouvoir édifier ses tissus au moyen de l'autre, qu'elle a, par conséquent, agi comme un ferment, et que sa puissance, sous ce rapport, est du môme ordre que celle de YaspergiUus. iXous ALIMENTATION HYDROCARBONEE 199 avions déjà rencontré cette notion (44). Mais elle est devenue ici beaucoup plus précise. Nous n'en avons pas d'ailleurs fini avec elle et nous la retrouverons au chapitre suivant. 105. Autres matières hydrocarbonées. Sucres. — Com- parons maintenant au saccharose les autres aliments hydrocar- honés de Vaapergillus, et pour cela commençons par les sucres. Nous savons déjà que le sucre interverti est un aliment un peu meilleur que le saccharose. Le lactose se tient, en revan- che, à un niveau tout à fait inférieur. Ensemencées dans un li- quide Raulin, où le lactose remplace le sucre candi, les spores ne germent que péniblement, et le mycélium s'arrête après un court développement, comme s'il avait seulement utilisé les matériaux de la spore. Le lactose n'est donc pas l'équivalent du sucre au point de vue de la sporulation ou de la nutrition des jeunes tissus. Il peut pourtant servir à entretenir la vie de la plante adulte. Produisons, en effet, à l'aide de liquide Raulin, un mycélium abondant et feutré, puis, après l'avoir fait séjour- ner une ou deux heures, pour le bien laver, sur un bain d'eau ordinaire, transportons le, fout d'une pièce, sur un liquide Raulin à lactose au lieu de sucre : nous verrons que la plante y vivra, y terminera sa fructification si elle l'avait commencée, et même augmentera de poids. Cette augmentation du poids sec témoi- gne que le lactose peut servir d'aliment de construction, mais sous ce point de vue il est très inférieur au sucre, et en forçant un peu la note, nous pourrons dire que le lactose ne fournit pas de matériaux de construction. Il ne fournit guère que des ali- ments d'entretien. La mannite se comporte de même. 106. Amidons. — Les amidons vont nous offrir des phéno- mènes du même ordre. A l'état d'empois préparé à aussi basse température que possible, de façon à contenir un minimum de sucre, ils peuvent remplacer le sucre dans le liquide Raulin, sans que la plante semble s'apercevoir de la substitution. C'est qu'à l'état normal elle sécrète une diastase liquéfiant l'amidon comme elle sécrète unesucrase intervertissant le sucre. Mais à l'état cru, les amidons sont encore inférieurs au lactose. La germination de la spore ne se fait pas sur un liquide Raulin où l'amidon cru rem- place le sucre, et où l'acide sulfurique remplace l'acide t-artrique. 200 CHAPITRE X Quand on y laisse subsister l'acide tartrique, c'est lui qui ali- mente le premier développement, et assure Favenir de la plante en lui permettant de traverser ce passage difficile. La plante adulte peut, en efTet, corroder et utiliser l'amidon cru, proba- blement à Faide d'une troisième diastase qu'elle sécrète pour cela. Cette corrosion, très irrégulière, dépend des inégalités de résistance des diverses parties du granule. Déplus elle est lente. Bref l'amidon cru est pour Vaspergillus un aliment de disette très difficile à digérer. lO*?. Alcools. — Avec les alcools, nous allons trouver un exemple nouveau, et qui, à son tour, ne restera pas isolé, de la variété de sens que revêt, quand on l'étudié de près^ ce mot unique d^aliment, si souvent employé. Quand on remplace le sucre du liquide Raulin par son équivalent en poids d'alcool ordinaire, la germination des spores se fait non seulement plus mal que dans le liquide Raulin complet, mais encore plus mal que dans ce nieine liquide sans sucre. L'alcool gène donc ou même arrête Faction que pourrait produire Facide tartrique de la liqueur. La plante adulte et le mycélium déjà formé consomment au contraire l'alcool ordinaire aussi aisément que le sucre, et môme la végétation semble en recevoir un coup de fouet. On voit appa- raître autour du tapis noir des spores, partout où il y a un peu de liquide à découvert, un mycélium blanc de nouvelle forma- tion qui pousse ses tubes sporifères et noircit ses capitules à peu près aussi vite qu'il le ferait dans un liquide sucré. La piaule, en outre, se défend mieux contre les parasites. Ce qui est pour eux un antiseptique, ce qui est aussi un antiseptique pourFasy^^y- gillus jeune, est un albnent véritable pour Y aspergilliis adulte, qui peut en supporter jusqu'à 6 à 8 0/0 dans son liquide nourricier. Mais si on s'élève dans la série des alcools, on voit que la dose antiseptique pour la spore, et la dose nutritive pour l'adulte, vont en diminuant à mesure que le poids atomique monte. Avec l'alcool butylique et surtout avec l'alcool amylique, on a tout de suite des effets toxiques, même sur l'adulte. Tous ces résultats témoignent que l'action de l'alcool ne diffère pas beaucoup chez Y as'oergillus de ce qu'elle est chez les êtres les plus élevés en organisation et en particulier chez l'homnie, ï ALIMENTATION HYDlU)CARBONEE 201 108. Acides volatils. — Les acides volatils provenant de ces alcools l'csseniblent à leurs t;énérHteurs. L'acide acétique peut servira la germination de la spore. Il est toléré et brûlé par la plante adulte à des doses assez considérables, allant juscju'à 8 et 10 0/0 L'acide butyricpic n'est toléré et brûlé qu'à des doses plus faibles, qui ne peuvent guère dépasser 1 à 2 gr. par litre, suivant l'état de vitalité et de jeunesse de la couche niycélienne à laquelle on le présente. Au delà de ces doses, il devient éminem- ment toxic[ue, et à la dose de o gr. par litre, il tue les filaments mycéliens, de façon à les rendre inertes cjuand on les reporte ensuite sur du liquide Raulin. Voilà donc une substance qui est alimentaire, à la rigueur et à faibles doses, pour la plante adulte, et mortelle à des closes supérieures. Nous verrons cjue les autres microbes ressemblent, à ce point de vue, à Yaspergillus niger, et que ceux même cpii fabriquent de l'acide butyrique ne peuvent pas supporter sa présence au-delà d'une certaine proportion très minime. Une matière fabriquée par un microbe dans un procès physiologicjue de nutrition peut donc lui être défavorable lorsque sa propor- tion augmente, et voilà encore une notion que nous reprendrons bientôt avec les détails qu'elle exige. Enfin, comme notre but, en ce moment, n'est encore que de pousser des pointes de divers côtés, et d'amorcer des sujets d'étude, nous pouvons, en comparant la façon dont sont brûlés l'acide acétique et lacide butyrique lorsqu'ils sont mis ensemble à la disposition de la plante, lui demander de nous indiquer ses préférences, et la façon dont elle classe ses aliments. Nous avons déjà vu que lorsque Vaspergillus ^exxi chohiv entre le sucre et l'acide tartrique, il s'adresse d'abord au sucre. De même quand on lui offre à la fois de l'acide acétique et de l'acide butyrique, de l'acide acétique et de l'acide tartrique, c'est l'acide acétique qui est consommé le premier ; puis vient l'acide tartric|ue, puis l'acide butyrique. De même dans un mé- lange d'acide acétique et d'acide lactique, la plante sait encore choisir, et on voit en résumé que son alimentation hydrocarbonée, qui semble si simple, est au fond très complexe. Si nous examinons maintenant ces notions au point de vue des idées générales développées dans ce livre, nous voyons d'abord que Yaspergillus a nettement un.aliment de prédilection, le sac- 202 CHAPITRE X charose ou le glucose, mais qu'eu Fabseuce de cet aliment, il sait se plier à d'autres alimentations, et se priver de ce qu'il préfère sans que cela nuise sensiblement à sa reproduction, c'est-à-dire à ses propriétés héréditaires. Cependant on relève chez lui, à propos des aliments minéraux, une certaine faiblesse congénitale, si, pendant plusieurs générations, le champignon a eu une ali- mentation défectueuse. De même après des ensemencements successifs sur du liquide Raulin ne contenant que de Tacide tartrique comme aliment hydrocar]>oné, les spores perdent leur teinte noire, deviennent verdâtres, et ne reprennent pas leurs caractères primitifs dès leur première culture sur du liquide Raulin normal. Il leur faut pour cela 2 à 3 cultures successives, et nous trouvons là la première aurore de ces intluences hérédi- taires que nous aurons bientôt à étudier avec le détail dont elles sont dignes. BIBLIOGRAPHIE Raulin. Recherches sur le développement d'une mucédinée dan.s un milieu artificiel. Ann. dc.^ Se. nntureUes, 1870. DucLÂUX. Valeur alimentaire de quelques substances pour VituperijUlun nif/rr. Comptes renduH de Ici Sociclé de hioUxiir, LSS.l. — Sur la nutrition intracellulaire. Ami. de rfnstilul Pnsleur.t- HI (188'.)). \ CHAPITRE XI VIE AÉROBIE ET ANAÉROBIE 109. A-spergillus et levure. — Tous les actes nutritifs que nous venons d'étudier chez Vaspergillus sont nettement des pro- cès de combustion, accomplis avec l'oxygène de Tair. C'est pour cela que nous nous sommes tant préoccupés de fournir à la plante des quantités suffisantes de ce gaz. Elle fait servir une par- tie de sa matière alimentaire à créer les parois de ses cellules, à les remplir de protoplasma ; mais tout le reste est brûlé, et passe à l'état d'acide carbonique et d'eau, parfois avec formation inté- rimaire d'acide oxalique qui est brûlé et disparait à son tour. De sorte qu'à la fin, toute la partie de l'aliment consommé cjui ne fait pas partie des tissus du végétal a été gazéifiée et rendue à la nature ambiante. Mise au contact du même sucre, la levure nous fait assister à un spectacle bien difïérent La fermentation peut se faire dans un flacon plein, muni d'un tube de dégagement débouchant sous le mercure, c'est-à-dire tout à fait à l'abri de l'air. De plus l'expérience prouve que dès qu'elle est commencée, le liquide ne conserve plus de traces de l'oxygène qu'il pouvait avoir dissous pendant qu'on le préparait, de sorte que l'air est totale- ment exclu de la réaction. Et cependant il se dégage de l'acide carbonique en quantités considérables. Il y a donc quelque part une combustion, seulement celle-ci ne se fait pas, comme pour Vaspergillus^ au moyen de l'oxygène de l'air, elle n'est pas exté- rieure : nous savons qu'elle est intérieure, c'est-à-dire qu'elle se fait aux dépens de l'oxygène du sucre, par une dislocation de la molécule que traduit la formule classique : cm '-O" = 2C-H'^0 + 2C0^' Le mécanisme de la nutrition de la levure semble donc être tout autre que celui de Yaspergillus, alors que d'un autre coté les 204 CHAPITRE Xt ressemblances physiologiques sont grandes entre ces deux espè- ces. Gomme Yaspergillus, la levure vit bien aux dépens du sucre, sécrète la môme diastase pour le rendre assimilal)le, l'emploie à la formation de tissus qui ont à peu près la même constitution que ceux de la mucédinée. Elle peut, eu l'absence de sucre, se contenter d'autres aliments, empois d'amidon, acide lactique, glycérine, mannite.érythrite,quercite, etc. ; en un mot, non seule- ment elle est aussi polyphage que Vaspergillus, elle se contente encore des mômes aliments, et sa différence la pins essentielle avec lui est qu'elle refuse de vivre aux dépens des alcools, que la mucédinée consomme au contraire avec avidité. Déplus, la levure peut, comme la mucédinée, vivre au contact de l'air, dans un liquide exposé en couche mince au fond d'une cuvette, et alors, sauf qu'elle n'habite pas à la surface du liquide et reste immergée dans les profondeurs, elle se comporte comme Vaspergillus. Elle brûle le sucre avec laide de l'oxygène de l'air, et le poids de plante récoltée est une fraction notable, un quart, un cinquième du poids du sucre disparu. Mais la dissemblance s'accuse tout à fait quand on opère dans un flacon clos, dans lequel ïa^perr/illus suspend son action, tan- dis que la levure semble exalter la sienne. Nous n'insistons pas pour le moment sur cette transition de la vie aérobic à la vie anaéi^obie, nous la retrouverons dans le courant de ce livre. Mais nous devons de suite nous poser et résoudre cette question : la vie anaérobie est-elle foncièrement différente de la vie aérobie ? 1 lO. Relations entre la vie aérobie et la vie anaérobie- — La levure vit pendant la fermentation, c'est-à-dire se développe, crée de nouveaux tissus, entretient le fonctionnement des anciens, bref accomplit un travail positif, et a besoin de trouver pour cela quelque part une source de chaleur. Comme le principal phénomène chimique de la vie dans ces conditions est la fermen- tation, il faut nécessairement que la dislocation chimique dont nous avons donné la formule plus haut se fasse avec dégage- ment de chaleur. Dès lors c'est ce dégagement de chaleur par combustion inléricuve qui est pour la levure ce qu'était pour XcupergiUus le dégagement de chaleur produit par la combinai- son de l'oxygène de l'air avec la matière alimentaire. Et les diffé- X'ences que nous relevions entre les deux espèces microscopiques VIE AEROBIE ET ANAEROBIE 205 disparaissent ou plutôt changent de terrain. Le protoplasina de la levure est organisé à la lois pour vivre au contact de l'air, et pour produire cette dislocation intérieure du sucre et en béné- ficier. Le protoplasma de Y aspergilliis est incapable de fonction- ner hors du contact de Vair. Mais, sauf cette différence, les sour- ces de la vie cellulaire sont les mômes dans les deux cas : c'est un dégagement de chaleur dû à un phénomène de combustion. De cette première conclusion en découle une autre. Cette com- bustion est complète dans un cas, et toute la portion de sucre non utilisée par Yaspcrgillus passe à l'état d'eau et d'acide carbo- nique. Avec la levure^ la combustion est incomplète, et il n'y a de brûlé que la moitié environ du sucre que la levure n'a pas fait servir à la construction de ses tissus. L'autre moitié se trouve à l'état d'alcool, c'est-à-dire de substance encore combustible, pouvant fournir de la chaleur en brûlant. De là résulte que pour alimenter le même fonctionnement vital, pour produire une même quantité de travail chez la levure et chez Y aspergillu s, il faudra que la levure détruise plus de sucre que ne le fait Yaspergillus, pour la raison qui fait que pour obtenir la même quantité de va- peur de deux chaudières voisines, il faudra brûler plus de houille dans celle dont le foyer utilise le plus mal le combustible ou est le moins bien alimenté d'air. A cette conclusion s'en rattache à son tour une autre. La quan- tité de sucre détruit étant, pour le même fonctionnement vital d'un même poids de cellules, plus grande pour la levure que pour Yaspergillus, le rapport du poids de l'aliment détruit au poids de cellules vivantes sera plus grand pour la levure, et, comme c'est à ce rapport que nous avons rattaché le caractère ferment, la levure ^;era, toutes choses égales d'ailleurs, un ferment plus actif que Yaspergilliis. Ainsi nous découvrons, à la suite de Pasteur, trois notions qui se commandent Toute vie anaérobie s'alimente au moyen de la dislocation intérieure d'une matière organique qui est un aliment pour le microl)e qui l'utilise, et se comporte, en présence de son protoplasma, comme une sorte de corps explosif, capable de four- nir de la chaleur en se disloquant et en groupant autrement ses éléments. Ce corps, explosif au contact d'un protoplasma, peut trt's bien ne pas l'être, ou Têtre autrement au regard d'un autre. Moins il donnera de chaleur en se disloquant, plus, d'une ma- 206 CHAPITRE XI ni^'re générale, le microbe qui l'utilise devra en détruire pour suf- fire à son fonclionnement vital, et plus la puissance de ce microbe comme ferment, telle que nous l'avons définie, nous apparaîtra grande. Réduit à ces termes généraux, le raisonnement que nous avons fait est indépendant de toute question de mécanisme. Peuimporte que la transformation du sucre en alcool et en acide carbonique se fasse à lintérieur du protoplasma, ou par une diastase sécré- tée par le protoplasma et pouvant agir en dehors de lui. Si la transformation est diastasique, elle est productrice de chaleur, et par conséquent peut se suffire cà elle-même. Si elle est protoplas- mique, elle se produit juste au point où elle peut être utilisée. Dans les deux; cas, elle est vitale, car elle est accomplie ^jar et pour une cellule vivante, et c'est, pour le moment, tout ce que nous avons besoin de savoir. 111. Etude calorimétrique. — Toutes ces notions se pré- cisent un peu quand on y introduit des nombres. Revenons pour cela au cas de Yasperf/illus vivant d'une vie purement aérobie, par combustion directe d'une partie du sucre. Il est facile de calculer, au moyen des données de la thermo-chimie, ce que donne de chaleur, en brûlant, une molécule de sucre égale à 180 grammes : on trouve 673 calories ; c'est ce que nous expri- merons brièvement en écrivant l'équation de combustion sous la forme suivante : C'^H'-O'' + J 20 = 6G0' -^ 6IT-0 + 673 Ouand la combustion est incomplète, comme c'est le cas pour la levure, la chaleur produite est naturellement moins grande, mais non moins facile à calculer. Elle est donnée par l'équation suivante : C^tr'0«= 2C-IP0 + 2G0,+ 33 Elle est donc environ 1/20 de ce qu'elle était dans le premier cas. Si la levure avait exactement les mêmes besoins que Yas- pergillus, elle devrait donc, pour accomplir le même travail, consommer vingt fois plus de nourriture, avoir un pouvoir fer- ment vingt fois plus considérable. Nous pouvons évidemment maintenant, sans rien changer au VIE AKllOBIE ET ANAEROBIE 207 caractère général de notre raisonnement, le débarrasser de toute considération relative à la vie aérobie ou anaérobie. Il nous dit, en effet,qu'il y a encore dans l'alcool de la chaleur disponi- ble, qu'en pourrait dégager sa combustioncomplète. Mais s'il subit une combustion incomplète, il en dégagera moins, et s'il existe un microbe capable de lui faire subir cette combustion in- complète, même aux dépens de l'oxygène de l'air, ce microbe, quel qu'il soit, aura un pouvoir ferment d'autant plus élevé qu'il ira moins loin dans cette oxydation. Or il existe précisément un microbe, le mycoderme du vinaigre, qui s'accomode très bien de cet alcool dont la levure ne veut pas, qui vit à la surface des li- quides alcooliques comme Vaspergi/lus à la surface des liquides sucrés, mais qui, dans sou action oxydante, s'arrête au terme acide acétique. De sorte que son équation de combustion peut s'écrire CH«0 f 20 = CrHMJ- + H=0 + 113 11 existe de même un autre mycoderme, le mycoderme du vin, agent de combustion comme le précédent, vivant comme lui à la surface du vin et d'autres liquides alcooliques, mais qui pousse du premier coup à son terme la combustion de l'alcool. Son équation de combustion est donc C^^PFO -h 60 = 2CO' + 3IPO +323 Si le mycoderme du vin et le mycoderne du vinaigre avaient les mêmes exigences, il n'auraient pas besoin de détruire la môme quantité d'alcool pour suffire au même travail. Le premier de- vrait en acétifier environ trois fois plus que l'autre n'en brûle. De sorte que le caractère ferment est rattaché maintenant, non au ca- ract''^re aérobie ou anaérobie du fonctionnement protoplasmique, mais, ce qui est évidemment plus général, au caractère complet ou incomplet de l'oxydation accomplie par le protoplasma. Il faut, en effet, toujours faire intervenir le protoplasma dans la conception du phénomène, et ne pas rattacher, comme on le fait trop souvent, le caractère aérobie ou anaérobie à la présence ou à l'absence de l'oxygène. Sans aller loin, nous pouvons trouver dans les levures un exemple de l'utilité de cette réserve. Il y a plu- sieurs espèces de levures, en apparence très semblables, toutes ferments alcooliques, mais qui, en présence de la même quan- i>08 CHAPITRE XI tité d'air, se comportent très difieremnient comme aérobies ou anaérobies. J'ai découvert, par exemple, une levure du sucre de lait qui mène la vie anaérobie dans des conditions ou les autres sont purement aérobies. (^est le protoplasma qui commandetout, et c'est là un point qu'on ne doit jamais oublier. 113. Évaluation de la dépense de construction et de la dépense d'entretien. — Ce premier gradin posé, nous pouvons en établir un autre. (iOmparons pour cela, non plus, comme tout à l'heure, des protoplasmas divers en contact avec une même ma- tière alimentaire, mais le protoplasma d'une môme cellule dans des modes de vie différents, par exemple dans la vie aérobie et dans la vie anaérobie. La levure mise au large contact de l'air dans un li(|uidc sucré se comporte, nous l'avons dit, à peu près comme l'as-pr/'f/il/iis, et consomme rapidement le sucre en augmen- tant beaucoup de poids. Mise au contraire dans un liquide sucré désaéré, elle se multiplie peu, mais la fermentation du sucre dure longtemps. Avec ce que nous savons déjà, nous pouvon^ dire que dans le premier cas, la dépense faite est surtout une dépense de construction de nouvelles cellules ; dans le second, une dépense d'entretien des cellules déjà faites, dépense qui augmente avec la durée de l'entretien, tandis que la dépense de construction est, ou du moins nous apparaît indépendante du temps. Cette distinc- tion n'est faite que pour bien différencier théoriquement les deux dépenses. En réalité, la dépense de construction se mélange tou- jours d'une dépense d'entretien. Mais il peut être utile de les envisager séparément. Imaginons donc que dans un liquide sucré nous introduisions comme semence une quantité /de levure, La multiplication com- mence, et au bout d'un temps T, la quantité de levure est deve- nue L. Si à ce moment nous envisageons ce qui se passe dans le liquide, nous pouvons voir deux phénomènes qui s'y accomplis- sent. D'une part, pendant un temps très court r/T, la levure aug- mente de (/L,etsi nous appelons ni le poids de sucre nécessaire pour édifier l'unité de poids de cellules vivantes, la quantité de sucre consommée de ce chef est évidemment /nflJj. D'autre part, pendant ce même tem[)S (l[\ la (juantité totale L de levure présente vit, et pour son entretien dépense une quan- VIE AKUOHII': KT ANAEIlOlilK 209 tité de sucre égale à //.L.r/r, en appelant /i laquanlilé de sucre que doit consommer pendant Tunité de temps l'unité de poids de levui'e dans les conditions de l'expérience pour se maintenir en bon état physiologique. L'ensemble de ces deux dépenses représente la dépense to- tale dS de sucre pendant le même temps. On a donc : (1) dS = m.dL-\-n.L.dT Pour pouvoir intégrer cette équation, il faudrait connaître la loi de croissance de la levure dans les conditions de l'expérience, c'est-à-dire la relation entre L et T. (iCtte relation n'est pas cons- tante pendant la durée d'une môme expérience. C'est ce que nous avons vu à propos de la loi de multiplication des bactéries. Mais nous avons vu aussi que si on maintenait constantes les condi- tions de la culture, si on fournissait aux cellules toujours la même quantité de la même matière alimentaire à la même température, en éliminant constamment les matériaux uses, les cellules met- traient toujours le même temps à doubler de nombre, de sorte que pour la série des temps : 0 12 3 4 5 6 etc. On aurait, pour le nombre des cellules, les chiffres suivants : / 21 U 8/ 16/ 32/ 64/ etc. Le poids de plante croit donc en proportion géométrique quand les temps de culture croissent en proportion arithmétique. Ceci donne, dans ce cas, la relation voulue entre L et T, et on trouve, par un calcul simple, que la dépense totale de sucre est alors proportionnelle à l'accroissement de poids delà levure. La dépense d'entretien et la dépense de construction marchent du môme pas.VLais ce sont là des conditions théoriques.Sion veut se rapprocher davantage des conditions réelles, il faut déterminer par l expérience la loi d'accroissement des cellules ensemencées. On n'a à ce sujetque quelques expériences faites sur la levure. Je choisirai celles de Hansen. Elles conduisent à la formule suivante : L = /(H-èr) L'accroissement du nombre des cellules ensemencées, s'il n'y en a pas trop, est proportionnel an carré du temps. 14 210 CHAPITRE XI Cette équation donne : dh='2blTdï d'où en se reportant à l'équation (1) à'^=%nbïMÏ + nl{\ + bT-)d'ï: ce que donne, en intégrant s --= mblT-\' iiU+nlb 7- + C Pour T=:o, la dépense est nulle, donc V,= o. on a donc : S= m (L — /) + nrvii + '^\ S= m{\. — ï) + ~ {\-^bV) + -1111 S = >/? ( L — /) + : nHÏ -]-^-n IT S= w (L — /) 4- ^ riT (L+2/j La dépense de sucre se compose donc de deux termes, l'un proportionnel à la quantité de levure produite L — /, et qu'on peut appeler dépense de construction, l'autre croissant avec le temps et qu'on peut appeler la dépense d'entretien. Si en parti- culier, le poids de cellules introduites comme semence est négli- geable au regard du poids de la récolte, on a : i S = m\u-\--7iUÏ y De même, s'il n'y a pas multiplication de la levure pendantla durée de la fermentation, ce qui est un résultat impossible à at- teindre, mais dont on peut se rapprocher au moyen de certaines dispositions expérimentales, L=^/, et la formule revient à S=?iTL Ce qui revient à dire que la dépense de construction disparait, et que la dépense d'entretien croitproportionnellement au temps, et à la quantité de levure mise en œuvre. 11 faudrait maintenant, pour pouvoir pousser l'étude plus loin, déterminer séparément la valeur des deux coeflicients ni et 7i. On y\E AÉIIOHIK KT ANAÉllOBlE 211 pourrait y arriver par rexpéricncc. Mais il n'y en a pas sur ce point, et nous ne pouvons faire en ce moment qu'une évaluation approximative, suffisante cependant pour l'objet que nous avons en vue. Nous avons dit que î)i représente la quantité de sucre qu'il faudrait employer pour y trouver tous les matériaux constitutifs non azotés de 1 gramme de levure sèche. Si la composition de la partie non azotée de la levure était la même que celle du sucre, on pourrait dire qu'il ne faut que 1 de sucre pour faire 1 de levure sans azote, et un peu plus de 1 de levure azotée. Ceci reviendrait à faire ?)i = l. Mais la levure renferme plus de carljouc que de sucre, 54 ou o5 au lieu de 40. Il faut donc plus d'un gramme de sucre pour faire 1 de levure. D'un autre côté, l'expérience de la levure en liquide sucré exposé au large contact de l'air (109) prouve qu'il en faut beaucoup moins de 4, car avec 4 grammes de sucre on obtient, en 24 heures, un gramme de levure, et dans ce cas, à la dépense de construction est venue se joindre la dépense d'entretien. Concluons que la quantité m est toujours très voisine de l'unité, et que nous l'évaluons probablement par excès en la prenant égale à 2. Dans le cas de l'expérience de tout à l'heure, où nous avons obtenu 25 grammes de levure avec 100 grammes de sucre, la dépense de construction est donc, avec les matériaux perdus, de 50 environ, et la dépense d'entretien de 50. Cela donne pour n, en admettant que 7'= 24 heures et que nous prenions cette durée pour unité. ^ n. 25 = 50 D'où ?i = 6, ce qui revient à dire que la dépense d'entretien de 1 gi'ammc de levure en 24 heures est égal à 6 dans les conditions de large aération réalisées dans l'expérience. Prenons maintenant une trace de la levure produite, et mettons-là en vase clos en présence d'une liqueur sucrée, de façon à lui faire produire une fermentation alcoolique. On peut, en faisant vivre dès l'origine cette semence d'une vie anaérobie, s'arranger de façon qu'elle se multiplie peu, et que, sous le poids final de Ogr. 5, elle fasse fermenter encore 100 gr. de sucre. 212 CHAPITRE XI Mais il lui faudra, par exemple, pour cela 100 jours. Dans ces con- ditions, qui sont à peu près celles dune expérience de Pasteur, on a : 100=:m. O,o+î/i. 0,5. 100 et comme nous avons fait m = 2. 100 = 1 + — D'où w = 6 environ. La dépense d'entretien ne seml)le donc pas beaucoup varier dans ces deux cas extrêmes, pour un même poids de cellules vivantes et pour un même temps ; mai^ la dépense totale est pourtant beaucoup plus grande dans le second, bien que le poids de levure en action soit plus faible, parce que le temps de l'action est beaucoup plus grand. 113. Signe thermochimique de l'action totale. — • Pour terminer ce sujet, nous avons une dernière considération à faire valoir. Nous ne savons pas quel est le signe thermochimique de la transformation de la quantité mh de sucre en la quan- tité L de levure. En d'autres termes nous ignorons si la con- version du sucre en levure produit ou absorbe de la chaleur. De quelques nombres donnés par M. Berthelot, il semble qu'on puisse conclure qu'elle en absorbe. Mais on n'a aucune incerti- tude sur le signe thermochimique du terme qui correspond à la dépense d'entretien. Celui-ci produit nettement de la chaleur, comme nous l'avons vu plus haut : beaucoup dans la vie aérobie, moins dans la vie anaérobie, pour une même dépense de sucre. Mais la réaction, qu'elle se fasse dans le protoplasme, ou par l'intermédiaire d'une diastase sécrétée, est toujours exothermique, et comme, lorsqu'elle l'est le moins, dans la vie anaérobie, la quan- tité de sucre qui correspond à la dépense d'entretien est toujours supérieure, à cause de Tintroduction du facteur T, à celle qui correspond à la dépense de construction, on voit que ce terme donne toujours son signe thermochimique à l'ensemble. 114. Variabilité de la fonction cellulaire. — En résumé, tout acte de vie aérobie, de combustion ou de fermentation, est d'abord et surtout un acte protoplasmique. dans lequel l'oxy- VIE AKIIORIE i:r ANAKROBIE 213 gène est un aliment comme un autre, pouvant être accepté ou refusé suivant les cas, et qui n'a un rôle capital qu'en ce qu'il est, dans tous les cas, une source de force dans sou conflit avec les autres matières alimentaires ou avec une partie de la ma- tière alimentaire qui le fournit. Le passage de la vie aérol)ie à la vie anaérobie, si manifeste chez les levures, n'est qu'un témoignage nouveau de la plasticité du protoplasme chez cer- taines espèces, de la faculté qu'il possède de changer peu à peu, dans une même cellule, son mode d'alimentation. Et cette plasticité, constatée à propos de l'oxygène, conduit à se demander si elle n'existe pas à propos des autres aliments. A ce point de vue, la science semble avoir fait pendant quelque temps fausse route. On a cru, en constatant que la levure faisait partout, aux dépens du sucre, de l'alcool et de l'acide car- bonique, que sa fonction était simple, et cette idée était corroborée par l'équation classique de la fermentation alcoolique CH' X)" =: 2 C'IVO + 2 GO^ qui faisait de la transformation du sucre un phénomène chimique réductible en formule. Quand Pasteur eut montré que ce phé- nomène n'avait pas la simplicité qu'on lui attribuait,, et qu'il s'y produisait constamment de la glycérine et de l'acide succinique, il considéra lui-même ces corps comme provenant d'actions latérales et secondaires, intervenant à peu près toujours dans les mêmes proportions dans l'action principale. C'est Pasteur lui-même qui a contribué le premier à élargir ce point de vue étroit, dans ses recherches sur le mycoderme du vinaigre Nous avons vu que ce microbe oxyde l'alcool de façon k en faire de l'acide acétique. Mais il ne s'arrête pas là. Quand il a épuisé tout l'alcool, il porte son action comburante sur l'acide acétique, c'est-à-dire qu'il brûle à son tour le corps qu'il a produit. Eu d'autres termes, il a comme Y aspergillus deux ali- ments, un aliment de choix, l'alcool, un aliment de disette, l'acide acétique, qu'il dédaigne quand il a de l'alcool, et auquel il ne touche que lorsque l'alcool lui manque. J'ai montré de mon côté que la levure se comporte de même vis-à-vis de la glycérine qu'elle a formée. Elle s'en nourrit lorsque le sucre lui manque. Et dès lors il a paru que cette gly- cérine était un produit intérimaire, et qu'on pouvait donner une 214 VIE AEROBIE ET AN AÉROBIE définition générale cVim produit de fermentation en disant que c'est un corps inattaquable, dans les co]iditions de l'expérience, pour la cellule qui le produit, un corps que la cellule rejette pour le reprendre éventuellement si les conditions changent. A ce point de vue, les actions de fermentation se comportent comme les autres phénomènes chimiques ménagés, par exemple comme les actions de comljustion solaire. Les produits résiduels qu'elles fournissent n'apparaissent que parce qu'ils sont relativement stables dans les conditions de leurformation. Nous allons pouvoir tirer de là, dans le chapitre suivant, une définition de l'aliment. Ce que les actions microbiennes présentent en plus, c'est la plasticité de leur action protoplasmique qui leur permet de reprendre en sous-œuvre, ultérieurement, les matériaux fabri- qués tout d'abord. Et dès lors on se demande si ce changement d'allure du protoplasme ne peut pas se manifester tout de suite dès les premiers moments, et s'il faut attendre avec tous les microbes que l'une des actions soit terminée pour que l'autre commence, comme cela a lieu pour le mycoderme du vinaigre dans son action sur l'acide acétique ou pour la levure dans son action sur la glycérine. C'est la question que nous aurons à étu- dier ensuite. BIBLIOGRAPHIE Pasteur. Etudes sur la bière. Paris 1876. Berthelot. Comples-Rendus de l'Ac. des Se. 3 février 1S79. DUCLA.UX. Pouvoir ferment. Ann. de l'Institut Pasteur, t. IX, pp. 110 et 177. — Sur la nutrition intra-cellulaire, /(/., t. III, p. 415. I CHAPITRE XTI ALIMENTATION DES MICROBES 115. Définition de l'aliment. — Avec ce que nous venons de voir, nous pouvons appeler alimoiit toute matière à laquelle un microbe donné, dans les conditionsde l'expérience, peut emprun- ter les matériaux de son organisation, et la chaleur nécessaire pour se rendre indépendant de la chaleur solaire. Le total de l'action protoplasmique doit-être exothermique, et même, d'ordinaire, il reste un peu de chaleur en excès qui élève la température du mi- lieu en fermentation. Ainsi une cuve à la surface de laquellefonc- tionne le ferment acétique s'échauffe notablement. Il en est de même d'une masse de vendange en fermentation alcoolique. Mais, dans le détail, le protoplasme peut parfaitement s'adresser, pour une partie de son alimenlation, à des substances déjà brû- lées, incapables de fournir de la chaleur par une voie quelconque, à la condition de les faire entrer dans une combinaison nutritive où fîg'urent, en quantité suffisante, des transformations exother- miques. Le ferment nitrique peut, comme l'a montré M. Wino- gradsky, emprunfer son charbon à l'acide carbonique, à la con- dition d'oxyder de l'acide nitreux pour le transformer en acide nitrique. De même, des ferments fixateurs d'azote peuvent em- prunter ce gaz à l'air, à la condition de détruire en même temps, par voie d'oxydation, du sucre ou une autre substance hydrocar- bonée capable de fournir de la chaleur en s'oxydant. Ce qu'un ferment ne peut pas faire^, c'est de prendre simultanément son carbone à l'acide carbonique, son hydrogène à l'eau, son azote à l'air. De tout ou partie de cela les plantes vertes sont seules ca- pables, en principe, grâce à la chlorophylle, ou plus générale- ment aux corps colorés qu'elles contiennent, et qui recueillent et utilisent la chaleur solaire. Dans ces limites, il y a place pour une foule de combinaisons nutritives, dans chacune desquelles il faut tenir compte à la fois 216 CHAPITRI*: XII de la nature du protoplasme et des conditions de l'expérience, température, humidité, lumière, présence ou absence de 1 oxy- gène, etc. L'intervention du protoplasme est évidente : celle des conditions extérieures semble l'être moins, et a souvent été trop méconnue. Elle est pourtant aussi de premier ordre. Le sucre de lait est un aliment pour la levure au contact de l'air, n'en est plus un pour la même levure vivant à l'abri de l'air. Nous avons donné, dans le chapitre précédent, des exemples d'aliments qui ne sont touchés que lorsqu'il n'y en a pas d'autres autour d'eux, et on pourrait en ajouter nombre de pareils. La qualité alimentaire est donc une qualité contingente pour un microbe donné, et non pas, comme on pourrait le croire, une qualité essentielle L'étude de l'aliment ne peut donc pas être faite en elle-même et il faut toujours remonter jusqu'au protoplasma. Si nous en connaissions bien la composition et les fonctions, c'est lui qui nous donnerait la clef des phénomènes. Tout ce que nous en avons découvert n'a abouti jusqu'ici cju'à compliquer leproblème. Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que ce protoplasma n'exer- çait pas toujours la même action. Nous allons nous convaincre que dans ses choix, il tient compte de circonstances très délicates auxquelles on n'aurait pas songé à attribuer un rôle, et que nous allons brièvement passer en revue. 116. Influence de la constitution moléculaire. — On sait qu'il existe un grand nombre de sucres, ayant pour formule géné- rale G"H""0" dans laquelle ?i peut être l'un quelconque des pre- miers nombres entiers 1, 2, 3, 4etc. Si on cherche dans cette série ceux des sucres que les levures ordinaires peuvent faire fermen- ter, on ne trouve, d'après Fischer, que les sucres renfermant trois atomes de carbone ou un multiple de 3. Ainsi leglycérose C^F^O^ les hexoses C'^H'"0% le mannononoseC''H'*'0^ peuvent servir d'a- liment anaérobie à la levure, tandis que les tétroses, les pentoses les heptoses et les octoses en sont incapables. Notons que ces sucres authentiques sont attaquables par diverses bactéries, qu'ils le sont même probablement pour la levure dans une vie aéro- bie, et cela nous montre une fois de plus que, dans la considéra- tion de l'aliment, il faut avant tout faire intervenir la nature du protoplasma qui s'en nourrit, et les conditions extérieures de son action. AIJMKMATIO.X DKS MICUOI'.KS 217 J'ai clioisi cet exemple, coinnie je le ferai toujoui's dans cette liiologie générale, parce qu'il est particnlièrenient net et probant. Onpourrait en trouver de tout pareils dans la série des acides gras, des acides-alcools, des celluloses. Les ferments de Facide lacti- que C'H''0^ ne sont pas les mêmes que ceux de l'acide glycéri- que C'IPO* ; ceux de l'acide malique G'IPO'"' ne sont pas ceux de l'acide tartriqne C*ir''0'"', et ainsi de suite. 11 T. Influence de la configuration de la molécule. — La levure va plus loin dans son choix, et dans des corps de même formule et de même constitution, elle a su établirdes distinctions dont la science est parvenue à découvrir le secret. ()n sait que le sucres en C se divisent en aldoses et en cétoses, suivant qu'ils contiennent dans leur molécule le groupe aldéhydique ou céto- nique. Or, parmi les cétoses, il n'y a qu'un sucre fermentescible, le c?-fructose, qui porte d'ordinaire le nom de lévulose, et dont la formule développée est CH*OH . CHOH . CHOU . CHOH . CO . CH'OH = CH'^O'' Dans les aldoses, dont la formule développée est CHM3H . CHOH . CHOH . CHOH . CHOH . COU = CH'-O'^ le r/-mannose et le rf- glucose (sucre de fruits, dextrose) sont facile- ment fermentescibles; le «^-galactose l'est beaucoup moins pourles levures ordinaires, et même n'est pas attaqué, d'après Voit, par les levures les moins actives, comme le saccharonu/ces apiculatiiy . Tous les autres hexoses sont infermentescibles. La chose devient curieuse si on ne se contente pas de la for- mule développée, et si on pousse jusqu'à la formule de conligu- ration. Ainsi d'après Fischer, la structure des 3 hexoses fermen- tescibles est la suivante H H OH OH rZ-glucose CH^OH . C . C . C . C . COH OH Oil H CiH COH H H OH Ot r/ mannose CH'OH . C . C . c: . C OH OH li H 218 CHAPITKE XII II OH OH H fZ-galactose GH-OH . C . G . C . G . COH OH H H OH Tout nouveau chang-ement apporté h la place qu'occupe l'Il, ou le groupe OH autour des 4 atomes dissymétriques du centre de la molécule entraine la disparition du pouvoir de fermenter. Ainsi le f/-talose qui a pour formule H OF ^-talose GH-OH . G . G . G . G . GOH H OH OH OH G . G . G . G OH H H H est, comme on peut le voir, au ^/-galactose, exactement ce qu'est le f/-mannose au ^/-glucose. Or, ces deux derniers hexoses ne gagnent ni ne perdent rien au changement opéré dans leur dernier atome de carbone asy- métrique, ils sont à peu près également fermentescibles, tandis que le f/-galactose, qui l'était peu, ne l'est plus du tout en se transformant en talose. 118. Influence des dîastases protoplasmiques. — Les sucres vont nous fournir l'exemple d'une autre influence. Jusqu'ici nous ne nous sommes occupés que des monosaccharides. A côté de ces sucres, il existe des disaccharides et des polysaccharides : saccharose, maltose, sucre de lait, raffmose, etc. Ces sucres sont des aliments de réserve, que ne peut transformer la cellule qui les a produits ; ils se défendent contre elle et en général contre un grand nombre de microbes en ce qu'ils ne sont pas directement fermentescibles ; ils ont besoin, pour acquérir cette propriété, de devenir des monosaccharides, et seules peuvent s'en nourrir les cellules qui sécrètent les diastases pouvant opérer cette trans- formation, Gette loi semble être sans exception. On avait cru qu'un certain nombre de levures, et aussi la nionllia candida, pouvaient faire fermenter le saccharose sans l'intervertir et le transformer en f/-glucose et ^/-fructose. Fischer et Lindner ont trouvé qu'en broyant cette monilia avec de la poudre de verre, on en extrayait une diastase active, qui y existe en trop faible quantité ou y est ALLMEXTATIOX DKS MICROBES 219 trop peu diffiisible pour se dissoudre dans le liquide de macéra- tion de la plante, où on l'avait inutilement clierchée ; mais elle existe dans le protoplasma, où elle doit évidemment se montrer active. On avait cru de même que le lactose était consommé en nature sans dédouljlement préalalîle, mais on sait aujourd'hui qu'il existe une diastase le transformant en ^-/-glucose et rZ-galac- tose. Le môme fait s'est produit pour le tréhalose, dont M. Bour- quelot a découvert la diastase. En résumé, l'utilisation par un microbe des disaccharides et des polysaccharides est liée à la sécrétion d'une diastase ramenant ces corps à l'état non seule- ment de monosaccharides, mais de monosaccharides utilisables. On arrivera sans doute à des conclusions analogues pour les diverses dextrines et pour les diverses celluloses, de sorte que nous l'encontrons ici une des pièces principales du mécanisme de la nutrition chez les cellules vivantes. Quand il s'agit de mo- nosaccharides, nous ne pouvons que dire : telhexose est fermen- tescible, tel autre* ne l'est pas. Quand il s'agit des disaccharides, nous pouvons aller plus loin et dire ; tel saccharide n'est pas ali- mentaire pour tel microbe par suite de l'absence de telle dias- tase chez ce microbe. Nous avons donc fait un pas. Remarquons cependant que l'égalité se rétablit entre ces deux conceptions s'il est démontré que toutes les actions de fermentation sont, comme le dédoublement du sucre en alcool et acide carbonique, des actions de diastases. La faculté de dédoubler un polysaccharide, comme celle de disloquer une molécule de monosaccharide, tiendrait dans tous les cas à une sécrétion protoplasmique. 119. Influence du pouvoir rotatoire. — Tout nous ramène donc au protoplasma, et même nous pouvons prévoir que ces diastases étant des substances très fragiles au regard de certains agents physiques ou chimiques, l'action de ces agents sur la nutrition cellulaire peut être très puissante. Nous aurons bientôt à développer cette notion. Pour le moment, il y en a une nou- velle qui s'impose. Le protoplasma est un ensemble doué du pouvoir rotatoire, et on sait, par les travaux de Pasteur, que les actions chimiques sont influencées par le pouvoir rotatoire des corps qui y pren- nent part. On peut donc s'attendre à voir intervenir le pouvoir rotatoire d'une substance dans son caractère alimentaire, et c'est 220 CIIAPITUK XII là un fait de trop d'importance pour que nous n'entrions pas à son sujet dans quelques développements. M. Pasteur a fait voir en 1860 qu'en semant des spores d'un peniciUium dans de l'eau qui ne contenait que de l'acide racé- mique comme aliment hydrocarboné, de l'ammoniaque et des phosphates comme aliment minéral, on voyait ces spores se dé- velopper, quoique péniblement, et simultanément la liqueur, d'abord inactive, prendre un pouvoir rotatoire gauche de plus en plus caractérisé. Si lorsqu'elle est arrivée à son maximum, on l'évaporé, on n'y trouve qne de l'acide tartrique gauche Tout l'acide tartrique droit a été brnlé par la muccdinée. Voilà donc qui établit une différence entre deux acides qui ne diffèrent entre eux c|ue par le groupement atomique, A la vérité cette différence n'est pas foncière, car, si on laisse se continuer l'expérience, l'a- cide tartrique gauche est attaqué et détruit à son tour. 11 y a plus. Il faut, pour que ces différences se manifestent, que la végétation mycélienne soit languissante. C'est quand la plante est malade qu'elle se montre difficile. Quand elle est bien portante, les deux tartrates sont brûlés à peu près simultanément. Mais si faible qu'elle soit, la différence est importante à relever, car elle ne peut être attribuée qu'à la disposition asymétrique des atomes de la molécule. En 1858, Pasteur avait vu un bacille se comporter de la même manière et détruire encore l'acide droit de préférence au gauche. Ces expériences ont été étendues par jM. Le lîel, ([ui a étudié l'action de moisissures sur trois produits organiques possédant le pouvoir rotatoire : l'alcool amylique, le méthylpropylcarbinol, et le propylglycol. Le pénicillium pousse assez bien sur un liquide contenant, par litre, 3 grammes d'alcool amylique et 1*^',25 de sels minéraux divers. Quand, au bout de quelques semaines, la végétation verte, d'abord très prospère, semble dépérir, on sépare par dis- tillation l'alcool amylique restant. On constate alors qu'il y a une perte sur celui qu'on avait introduit, et que, de lévogyre, il est devenu sensiblement dextrogyre. La meilleure manière d'inter- préter ce résultat est évidemment d'admettre un dédoublement dans lequel l'alcool gauche serait détruit, l'alcool droit respecté ; c'est, on le voit, le contraire de ce qui a lieu pour l'acide racé- mique. AI.lMl'.NTATION DKS MICIIOHES 2^21 Voici, au contraire, qui rappelle 1" action sur cet acide : M. Le Bel introduit 100 grammes de méthylpropylcai'])iuol, bouillant entre IIG et 120", dans 20 litres d'eau additionnée de 24 gram- mes d'acide sulfurique et de divers sels. Il ne faut pas ajouter de nitrates, car la réduction de Tacide nitrique en ammoniaque diminue trop rapidement l'acidité. Le tout est renfermé dans des flacons de 8 litres, demi-pleins, fermés par une simple feuille de papier à filtrer. La surface, après ensemencement, se couvre de plaques de pcnicilliiun. d'une belle couleur rose, dont le mycélium est très émacié, le protoplasma condensé en granules réfringents, et qui n'arrivent que péniblement à la fructification. On laisse à cette végétation languissante quelques mois pour agir, au bout desquels on distille. On parvient à isoler une couche huileuse qui, rectifiée sur de la potasse, et convenablement fractionnée, passe entre 116 et 120°, et a un pouvoir rotatoire très net à gauche, dont la valeur est malheureusement incertaine, car il n'est pas sûr qu'il ne reste pas encore un peu du méthyl- propylcarbinol initial. Quoi qu'il en soit, on voit que celui-ci est nettement dédoublé, comme l'acide racémique, en un corps droit qui est consommé, et un corps gauche qui reste. Une expérience analogue, mais moins nette, a été faite avec le propylglycol, en solutions à 3 p. 100, additionnées de sels miné- raux et de carbonate de chaux précipité. Cette fois, les espèces actives sont restées plus incertaines. M. Le Bel signale un asper- gillus^ un pénicillium qui a poussé sur un liquide un peu acide, ane espèce qu'il assimile, sans raisons bien apparentes, au hac- terium termo d'Ehrenberg, et qui pousse toujours sur le propyl- glycol bien purifié, enfin deux bacilles indéterminés. Ce phéno- mène semble pouvoir s'accomplir indifféremment sous l'influence de ces espèces diverses L'important est qu'il y ait toujours vie difficile et oxydation incomplète : c'est à quoi on arrive en opé- rant dans des flacons presque bouchés, et en empêchant, par une agitation fréquente, les mucédinées de fructifier, ou les bac- téries de former couche au contact de l'air. Quand les végétations ont agi plusieurs mois, on filtre le liquide et on rectifie dans un appareil à colonne. Quelle que soit la cul- ture, on isole un produit ayant une rotation gauche. Mais ce sont les moisissures qui donnent les meilleurs résultats. Depuis, ces premiers exemples se sont multipliés, étendus et 222 CHAPITKK XII précisés. Bremer a dédoublé au moyen des microbes l'acide ma- lique inactif. Fiscber, en faisant agir le penicilliimi glaucum ou la levure de bière dans certaines conditions sur les sucres inactifs, l'i-glucose, r/-mannose, Fz-fructose, et l'acide i-mannonique^ a dédoublé ces racémiques de façon que le sucre-^ fermente et le sucre-/ reste comme résidu. D'une manière générale, il a môme remarqué que tous les rf-hexoses de la classification sont fermen- tescibles, pendant que les /-liexoses correspondants ne le sont pas. Ceci est relatif à la levure, ou plutôt aux levures essayées dans les expériences, car, dans l'ensemble, il faut évidemment, en vertu de la loi générale de la rotation de la matière que nous avons visée (43), que tous les sucres soient détruits. M. Péré a trouvé des actions plus variées en étudiant le dédoublement de l'acide lactique inactif par les microbes. Percy-Frankland avait vu un bacille attaquer de préférence l'acide lévolactique. Un coli-bacille étudié par M. Péré se comporte tout autrement, et détruit l'acide lactique droit, de préférence, mais sans exclusion de l'autre, et cliose singulière, on obtient le môme résultat quand on expose du lactate de cliaux à la combustion solaire : c'est l'acide lac- tique droit qui est attaqué le premier, puis les deux le sont simul- tanément. Ceci nous ramène aux résultats de M. Le Bel. Il demeure donc acquis que le pouvoir rotatoire d'une substance exerce une action sur sa qualité alimentaire. De cette notion, sur laquelle nous n'insistons pas pour le moment, nous avons à tirer une con- clusion. Un microbe qui fera subir à un sucre la fermentation lactique pourra donner de l'acide lactique inactif, s'il est égale- ment indifférent vis-à-vis de l'acide droit ou de l'acide gauche ; il donnera de l'acide droit s'il peut consommer l'acide gauche, ou de l'acide gauche s'il peut consommer l'acide droit. Dans ces cas, la formation d'un composé actif par fermentation aura pour cause la combustion de l'un des éléments du racémique. Mais il y aura aussi des cas où le caractère droit ou gauche de l'acide lactique produit aura pour origine la dissymétrie originelle du sucre qui sera fourni, et proviendra, par conséquent, non d'un dédoublement, mais d'une transmission directe du groupement moléculaire dissymétrique. Tous ces cas semblent pouvoir se réa- liser. Mais nous devons nous contenter de les signaler ici au point de vue théorique ; nous les retrouverons à leurplace dans le courant aliml:ntati()n dks mickubes 223 de cet ouvrage. Nous avous, muiutenant, à poursuivre notre étude de Falimentation, et à étudier les variations physiologiques des produits qu'elle fournit. BIBLIOGRAPHIE Fischer, Ber. d. d. chem. Gcsdls. t. XXI II, 2 ; XXIV, 2 ; XXVII, 1, Fischer et LiNTNr<:R, /(/., t. xxviii, p. 8034. Voit, Zeilsclu-. f. Biologie t. XXII, p. 149. I CHAPITUE XIII VARIATIONS PHYSI(3L0GIQUES DANS UNE MÊME FERMENTATION 120. Fremières notions. — Dans le courant de ses recher- ches, Pasteur avait rencontré une fermentation sortant du type qui paraissait alors consacré par ce qu'on savait de la fermenta- tion alcooli(jue. C'était la fermentation hutyrique, qui lui fournit des proportions variables d'acide butyrique et d'alcool butylique aux dépens du sucre ou du lactate de chaux. La formation de ces corps est facile à comprendre en partant des deux équations suivantes : Q6^J12QG ^ (ni|8( ). ^ 2C0- + 411 Q6JJUQ6 ^ Q4JJ100 4_ 2C0' + H^O Mais l'expérience n'était quasi jamais d'accord avec ces formu- les. Les proportions d'acide carbonique et d'hydrog-ène étaient variables dans le courant d'une môme fermentation, et de plus ce n'était pas lorsque l'hydrogène était le moins abondant qu'il y avait le plus d'alcool butylique, comme le voulait la logique des formules. Pasteur, en présence de ces irrégularités, avait cru que sa semence était impure, qu'elle était par exemple faite d'un mé- lange de deux ferments. Mais cela n'expliquait pas tout, et il avait abandonné cette étude. Depuis, A. Fitz a trouvé de nombreux ferments montrant la même variabilité, c'est-à-dire donnant des produits variables en qualité et en quantité ; mais il n'avait, lui non plus, assuré dans aucun cas la pureté de la semence, et on peut faire la même objection à tous les savants qui ont obtenu des résultats analo- gues aux siens avant l'introduction des méthodes de purification des cultures. C'est M. Perdrix qui a donné le premier exemj)le authentique d'un bacille pur, et pourtant capable de donner des fermentations très variées. Les produits qu'il fournit aux dépens du sucre sont l'acide acé- VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES 225 tique, l'acide butyrique, l'acide carbonique et l'hydrogène. Mais les proportions de ces corps sont très variables, et par suite l'équa- tion qui représente la formule de la réaction est parfois très com- pliquée. Un peut toujours la simplifier à l'aide de quelques re- marques, relatives à ce qu'on appelle l'établissement d'une for- mule. 131. Formule d'une fermentation. — Un premier point à remarquer, c'est qu'une formule n'est définie et ne peut être consi- dérée comme exacte que si on a déterminé tous les éléments dont elle se compose, et si l'expérience est conforme à ses données. Par exemple, pour assurer l'exactitude de la formule de la fermenta- tion butyrique écrite plus haut, il faut être assuré qu'une molé- cule de sucre fournit une molécule d'acide butyrique, deux d'a- cide carbonique et quatre d'hydrogène. A la rigueur, cette der- nière détermination est inutile, car quand on a prouvé qu'une molécule de sucre donne une molécule d'acide butyrique et deux molécules d'acide carbonique, il est clair que le reste ne peut être que quatre molécules d'hydrogène. Mais d'ordinaire on se contente de s'assurer de la présence de l'acide butyrique, parfois on le dose, et on écrit alors de confiance l'équation, sans songer que les éléments du sucre dont on a négligé d'étudier le sort, et qu'on peut grouper sous la forme G^H^O*, peuvent prendre des formes autres que l'acide carbonique et l'hydrogène. L'incerti- tude est encore bien plus grande quand on ne fait pas de dosage, et qu'on ne s'assure pas qu'une molécule de sucre fournit une mo- lécule d'acide butyrique, et non une quantité moindre. Il faut donc en principe, pour être sur d'une équation de fer- mentation, en déterminer tous les éléments, etpar exemple quand, comme pour le ferment de M. Perdrix, il y a des proportions variables d'acide acétique, d'acide butyrique, d'acide carbonique et d'hydrogène, il faut s'assurer d'abord que l'ensemble des pro- duits récoltés équivaut, sauf les pertes dues aux matériaux de construction du ferment, au sucre disparu, c'est à-dire qu'il n'y a pas d'autres corps produits en quantité sensible pendant la fer- mentation. Puis, il faut, en partant du sucre, établir une équation qui représente aussi bien que possible les faits observés. Cette équation, nous l'avons dit; est parfois compliquée. Je prends, comme exemple, la première du mémoire de M. Perdrix. 15 226 CHAPITRE XIII (l)4CC«H^-0'=4-18M-"0 = 38C-tPOH-15C'H'0' + 94(:O^H-224H Cette formule n'est pas thcoiique, elleestexpérirnentale, comme le montrent les cliilïres suivants. Pour IG^'G de sucre fermenté, on a trouvé : Expérience Calcul Hydrogène Ogr't? 0(,'r46 Acide carbonique 8 04 8 28 Acide acétique 1 77 1 80 Acide butyrique 6 69 6 70 \6, 97 17, 94 La formule est donc exacte. Nous pouvons remarquer, pour la simplifier, que Tacide acétique et l'acide butyrique qui y figurent peuvent, tant au point de vue des calculs que de la thermochi- mie, être considérés comme produits séparément l'un de l'autre aux dépens du sucre. Peu importe, par exemple, pour l'acide acétique, qu'il provienne d'une partie de l'acide butyrique qui, produit pendant une première phase de la fermentation, serait disloqué pendant une seconde phase. Au point de vue de l'établis- sement de la formule définitive, cet acide butyrique intérimaire disparaîtra. Il disparaîtra aussi au point de vue thermochimique, car la chaleur dégagée pendant une réaction ne dépend que de l'état initial et final des éléments, et non point des états intermé- diaires. Nous pouvons donc retrancher de l'équation complexe (1) tout ce qui est relatif à la formation de l'acide butyrique, et si celle-ci s'accomplit suivant la formule : (a) C''H'^0' = C*H«0^ + 2CO^-i-4H on voit que les 38 molécules d'acide butyrique exigeront 38 molécules de sucre, de sorte qu'en retranchant membre à membre l'équation (1) et 38 fois l'équation (a), il reste l'équation plus simple (2) 8C'H'^0'' + 1811^0 = 15C'H'0* + 18C0^ +72H. De même la formation de l'acide acétique peut être retranchée de cet ensemble encore complexe. La formule la plus simple de cette transformation est : VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES 227 Eu admettant que ce soit là le mode de décomposition réalisé, nous pouvons encore simplifier l'équation (2) en retranchant 5 fois l'équation (3) et il nous reste : aC'H'-O^ + lSH-O^lSCO^ -h72H Ou en simplifiant encore : (y) C^H'^0'^ + 6H^0 = 6G0-^ + 24H De sorte qu'en résumé, on peut dire que la transformation écrite dans l'équation compliquée dont nous sommes partis peut s'écrire sous la forme abrégée : 38a +0,3 + 37 Au point de vue des nombres, la coïncidence se fait bien, et ne pourrait pas ne pas se faire. Au point de vue thermochimique, il y a une particularité à signaler. Quand on cherche le signe thermochimique des trois réactions a [i et y, on trouve que les deux premières sont exothermiques et aboutissent respectivement à des nombres de calories égaux à 16 et 49. Elles sont donc toutes deux des actions possibles, et l'expérience témoigne qu'elles sont réelles. Mais tel n'est pas le cas pour la troisième, qui amène une consommation de 163 calories. Elle est endother- mique et exige l'absorption d'une certaine quantité de chaleur. Elle ne pourrait donc pas correspondre, à elle seule, à l'action d'un ferment. Mais c'est ici le cas de revenir à la physiologie, et de se rappeler que le protoplasma cellulaire accomplit à la fois cette réaction endothermique et les réactions exothermiques qui raccompagnent. C'est, comme nous l'avons vu, le signe définitif de l'ensemble qui seul importe. Il faut et il suffît théo- riquement qu'il corresponde à un dégagement de chaleur. Or tel est ici le cas, car 16x38 + 49X0 — 163x3 = 361 Ce qui donne encore une production de 8 calories environ par molécule de sucre détruite. 1S3. Etude du bacille amylozyme. — Revenons, avec ces notions, à l'étude du bacille étudié par M. Perdrix. C'est un bacille anaérobie, vivant très bien entre 35 et 40". qui fait fermenter les 228 CHAPITRE XIII sucres et les matières amylacées, mais est sans action sur la cellulose et le lactatc de chaux. C'est en quoi il se distingue de Yamylobacter de M. Van Tieghem, et du vibrion butyrique décrit par Pasteur. Le point de son histoire qui nous intéresse le plus est celui-ci : avec les sucres, les trois actions a [i et y se mélangent chez lui en proportions variables pendant toute la durée de son existence. Pendant les 2 ou 3 premiers jours de la culture dans du bouillon sucré additionné de carbonate de chaux, la formule de son action est approximativement 36a + 10,3 4- 6y Au bout de 9 jours, dans un ballon identique au premier, la formule de la réaction est celle que nous avons prise tout à l'heure comme exemple, c'est-à-dire 38a + 5,S + 3y ' Or l'expérience apprend que la quantité totale d'acide acétique n'a pas varié d'une façon sensible. Ramenons nos deux schémas à représenter la même quantité d'acide acétique, en multipliant le second par 2, nous avons Du V' au 3'" jour 36a + lOp -f ôy Du 1er au O*^ jour 76a + 10[3-[-6y Ce qui donne, du B*' au 9" jour, le schéma 40a La fermentation a donc été, du 3" au 9^ jour, une fermentation exclusivement butyrique, et la formule de la réaction, très com- plexe à l'origine, se simplifie peu à peu. Voici un autre exemple, emprunté à une fermentation de la saccharose d'ans un bouillon de veau additionné de carbonate de chaux, et dans lequel on a ramené les deux schémas à corres- pondre, conformément à l'expérience, à ]a même quantité, ou à peu près, d'acide acétique du V au 5" jour 66a + 12(3 + 3y du l^"" au 10«jour 168a-^ 12|'3H-3y ce qui donne du 5" au 10« jour 102a, c'est-à-dire une fermenta- tion butyrique pure. VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES 229 123. Fermentation de l'amidon. — Ces notions n'épuisent pas ce qu'on sait de la variabilité d'action du bacille amylozyme. Quand il fait fermenter de l'empois d'amidon, aux produits pré- cédents se mélangent l'alcool ordinaire et l'alcool amylique, en proportion non négligeable, car ils représentent environ 10 0/0 du poids de la fécule disparue. L'équation de la fermentation devient alors tellement complexe que M. Perdrix n'a pas songé à l'écrire. Nous pouvons très facilement nous représenter ce qui se passe enjoignant aux schémas réalisables par le bacille amy- lozyme les deux suivants, qui jusqu'à plus ample informé com- plètent son histoire (S) C'H^O^ = C*tP»0 + 2 CO^' -h WO De sorte que le clavier des actions possibles du bacille amy- lozyme pourrait s'écrire a, h, c, cl, e, étant des nombres entiers qui peuvent varier de zéro à un chiffre quelconque. Jusqu'ici, nous avons vu que suivant son âge, suivant le milieu de culture, il frappait plus ou moins longuement sur telle ou telle touche, et ceci indépendamment de toute action de l'oxygène de l'air, qui est exclu dès l'origine par le caractère purement anaérobie du bacille. Nous voyons ainsi que ce bacille a une alimentation très variée. Avec le bacillus ethaceticusde Frankland et de ses élèves, il a été le premier exemple authentique de ces microbes polyphages qu'on croyait autrefois rares, sur la foi des notions apportées parla levure de bière, et qu'on sait main- tenant si nombreux. Mais ce qui nous intéresse surtout chez lui, pour le moment, c'est la variabilité de son action quand il s'adresse à une même matière alimentaire. 134. Etude du bacillus orthobutylicus de G-rimbert. — Un exemple plus complet de ces variations physiologiques dans une même fermentation nous est fourni par le bacillus orthobuty- licus étudié par M. Grimbert. C'est encore un bacille anaérobie, qui se présente au microscope sous forme de bâtonnets cylindriques arrondis aux extrémités, et mesurant 3 p. à 6 ]j. de long sur l,o [j. i230 CHAPITRE XIII de large. Lorsqu'il est jeune, il n'est pas rare de rencontrer dans les préparations des bacilles renflés à leur extrémité en battant de cloche. Cette forme disparait à mesure que le bacille avance en âge, et, dans les fermentations vieilles d'une semaine envi- ron, on ne rencontre plus que la forme droite mais nmnie de de spores. Celles-ci sont généralement au nombre de 2 à 3, et se distinguent du protoplasma par leur plus grande réfringence. Cette sporulation correspond à la cessation des mouvements du Fig. 49. Bacille jeune. | Bacille vieux. microbe, qui, lorsqu'il est jeune, est doué d'une mobilité extrême dans les milieux privés d'oxyg'ène. Ses spores résistent k une température de 80" pendant dix minutes ; à 85° elles sont détruites. 11 fait fermenter les substances suivantes : glycérine, mannite, glucose et sucre interverti, saccharose, maltose, lactose, galac tose, arabinose, amidon et pommes de terre, dextrine, inuline. Il est sans action sur le tréhalose, l'érythrite, le giycol, le lactate de chaux, la gomme arabique. Ses produits de fermentation sont, outre CO" et H, l'alcool butylique normal avec un peu d'alcool isobutylique ; l'acide buty- rique normal : l'acide acétique, et dans quelques circonstances un peu d'acide formique. VARIATIONS PHYSIOLOGIUUES 231 Le B. orthobutijlicus se distiiig'ue du Bacillus hutijricm de Pasteur et du B. amylobacler de Van ïieghem en ce qu'il ne fait pas fermenter le lactate de chaux etiju'il n'attaque pas la cellu- lose. De plus il ne se colore en bleu par l'iode à aucune période de son développement. Il se diiiérencie du Bacillus bulijlicus de bitz par la faculté qu'il a de faire fermenter le lactose et 1 amidon, et de ne pas intervertir le saccharose. Enfin la pro- propriété qu'il possède de donner de l'alcool butylique normal avec les divers hydrates de carbone le sépare netteraentdu Bacille ami/loztjme de Perdrix. Mais ces différences physiologiques s'efïacent dès qu'on revient k la chimie^ et les transformations chimiques que peut produire ce bacille sont, comme chez le précédent, figurées par les schémas a, p, y, et S (l SI et 133), en laissant de côté, pour le mo- ment, la production en général insignifiante d'acide formique. Ce qui est curieux, dans le travail de M. Grimbert, c'est l'étude des causes qui font varier la proportion dans laquelle se mélan- gent ces schémas. Ainsi M. Grimbert a relevé : 1" Une influence de la durée de la fermentation : S augmente, à mesure qu'elle se prolonge, tandis que a et ^ diminuent ; 2° Une influence de la réaction du milieu d'ensemencement. Le rapport de a à ^ va en augmentant en milieu neutre et en diminuant en milieu acide ; 3° Une influence de l'âge de la semence qui, empruntée à une fermentation qu'on vient de mettre en marche, donne la prédo- minance à la réaction §, tandis que la production d'alcool butyli- que diminue quand la semence est prise dans une culture vieille, où les bacilles sont à l'état de spores. La marche de la réaction a est inverse ; 4° Une influence de l'éducation de la semence, et du milieu de culture dans lequel on la prend. Cultivé dans de l'inuline, le bacille ne donne que des traces de la réaction S : reporté de ce milieu sur glucose, il y exagère cette réaction S, et donne une quantité d'alcool trois fois supérieure à celle qu'on obtient quand la semence provient d'une culture sur sucre. Inversement, cul- tivé sur glucose, le bacille fournit avec l'inuline cette réaction S en notable proportion ; 3° Une influence de la réaction du milieu pendant la fermen- tation. Quand le liquide s'acidifie, par suite de l'absence de car- 232 CHAPITRE XIII bonate de chaux, S augmente et a diminue : c'est l'inverse quand le milieu reste neutre. Si on ajoute enfin à ces variations celle de l'acide formique qui est un produit de soufl'rance, et qui est souvent brûlé après avoir été produit, si nous ajoutons que ce même bacille, qui ne fournit pas de l'acide lactique aux dépens des sucres, en donne des quantités sensibles avec la glycérine, on en conclura que chez lui la fonction profcoplasmique est très complexe, et qu'il nous éloigne beaucoup de la levure de bière, si exclusive en ap- parence sur le choix de ses aliments et si constante dans son action sur les sucres. 1S5. Complexité de l'action de la levure. — On, a donc le droit de se demander si la levure est une exception, ou si au contraire elle rentre dans la règle générale. Or, c'est ce dernier cas qui se réalise, comme il est facile de le voir. M. Laurent a mon- tré qu'elle pouvait emprunter sa matière nutritive à une foule de substances ternaires et quaternaires. Elle vit très bien dans le lait, et sécrète même une diastase solubilisant la caséine. Ce n'est que dans sa vie anaérobie qu'elle exige des sucres, et certains sucres ; mais, même alors, elle n'est pas tout à fait exclusive, ou du moins, s'il y a des levures qui ne peuvent faire fermenter que le glucose ou le maltose, il y en a qui donnent facilement de l'alcool avec le glucose, le maltose, le saccharose, le lactose. Enfin, même pendant cette vie anaérobie, il y a formation d'acide succinique et de glycérine à propos desquels on peut établir les deux schémas suivants : (a) 7G'H'-^0'^ + 6H^0 = 12G^H«0' + 600=^ + 4 cal. (P) IC'WO' + 6G0- = 12G*H«0'' + 6tP^0 + 518 cal. Ces deux réactions sont toutes deux exothermiques, et on peut admettre qu'elles se superposent en proportions variables i\ l'é- quation classique de la fermentation alcoolique. Pasteur a vu que dans les conditions ordinaires des fermentations de labora- toire, il y avait environ, pour 100 grammes de sucre, 3^'",5 de glycérine et 0,7 gr. d'acide succinique, ce qui donne pour le schéma total, en appelant e le schéma ordinaire de la fermenta- tion alcoolique (133) : 124 £ -i-6a + P VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES 233 Ce schéma montre la prédominance notable de la production d'alcool, mais notre conception nous avertit aussi que les pro- portions de glycérine et d'acide succinique peuvent varier entre elles et avec celle du sucre. C'est ce que Pasteur avait observé en effet. Il avait vu, et Macli et Portele ont confirmé ce fait, que la vieille levure donne plus de glycérine et d'acide succinique que la levure jeune. Thylman et Ililger, Rau, ont vu de même que les basses températures diminuent la formation de glycé- rine et non celle d'acide succinique ; que, dans un milieu très nutritif, le poids de la glycérine s'élève et non celui de l'acide succinique. Enfin M. Effront vient de montrer que la propor- tion de glycérine et d'acide succinique varie dans le cours d'une môme fermentation, comme tout à l'heure les proportions d'acide acétique avec le bacille amylozyme de Perdrix ou celui de Grimbert. 136. Ferments lactiques. — On voit par ce qui précède combien est contingent le caractère tiré des produits de la fer- mentation. On croyait autrefois pouvoir définir la levure de bière en disant que c'était le végétal unicellulaire chargé de dédoubler le sucre en alcool et en acide carbonique. J'ai montré, le premier, je crois, qu'il y a d'autres espèces monocellulaires pouvant fabri- quer de l'alcool aux dépens du sucre. Puis on a vu que cette fonction n'est pas également développée chez toutes les levures, et manque chez quelques-unes dans certaines circonstances. Puis on a trouvé qu'elle est le résultat non de l'action de la levure, mais d'une sécrétion de la levure pouvant agir en dehors de la cellule. Dès lors, l'ancienne définition de la levure ne pou- vait subsister, et pourtant la levure est peut-être, parmi les mi- crobes, celui qui est le mieux caractérisé par sa fonction. Que dire des autres? Nous venons de trouver quelques exemples de la contingence des actions qu'ils produisent. En voici encore de plus typiques. M. Péré a étudié quatre microbes qui donnent de l'acide lacti- que aux dépens des sucres ; ce sont : a, un bacille typhique retiré d'une rate de typhoïsant ; 6, un coli-bacille retiré des selles de l'homme; c, un autre coli-bacille retiré des excréments d'un cheval ; f/, un bacille retiré d'un fromage de Brie. Ces quatre bacilles, dont trois au moins (bacille typhique et 234 CHAPITRE XIII coli-bacilles) présentent entre eux de telles ressemblances qu'il faut y regarder de près pour ne pas les confondre, donnent tous de l'acide lactique gauche avec le glucose lorsqu'on ne leur four- nit pas d'autre aliment azoté que des sels ammoniacaux. Mais si on remplace les sels ammoniacaux par de la peptone, deux groupes se forment : a ei b continuent à fournir de l'acide gau- che ; c et (l donnent de l'acide droit. Pour eux, le changement d'aliment azoté est accompagné d'un changement dans l'action sur le glucose. Dans chacun de ces groupes, on peut amener une différenciation nouvelle. « et ô se distinguent en ce que le bacille typhique donne toujours de l'acide lactique, quelque élevée que soit la dose de peptone, tandis que ô donne d'autant moins de cet acide qu'il a à sa disposition plus d'azote albuminoïde, et peut même n'en plus donner du tout. D'un autre côté, dans le second groupe, c ne donne pas de l'acide dextrolactique pur, mais seule- ment un mélange où cet acide domine. De plus, il se comporte comme b en présence d'un excès de peptone. Au contraire d donne toujours de l'acide dextrolactique pur dans la solution de peptone glucosée, et se montre insensible aux variations de la peptone. 197. Résumé. — Donc, plus on pénètre dans l'étude intime du mécanisme de la nutrition, plus on le trouve variable, et plus il est impossible de trouver la caractéristique d'un microbe dans la définition de ses propriétés comme ferment. Et nous n'en som- mes encore qu'au gros du phénomène, à ce qui, dans la vie d'un microbe, représente l'équivalent de la formation de l'alcool et de l'acide carbonique dans l'action de la levure sur le sucre. Quel que soit le mécanisme de cette fermentation, il semble difficile d'admettre que le sucre qui la subit ait pu entrer dans la cons- titution du protoplasme d'une façon aussi infime que les matériaux qui en ont fourni les éléments, que ceux que nous avons appelés matériaux de construction. Ils sont nécessaires à la vie de la cel- lule comme le charbon est nécessaire à la vie d'une machine à vapeur, alors que pourtant il ne fait pas partie de ses organes et se contente d'entrer dans son foyer. Nous trouverons bientôt des différences du même ordre, même plus grandes, en étudiant ce qui, dans la vie de la cellule, repré- sente les phénomènes d'assimilation, d'excrétion, de sécrétion. VARIATIONS PHYSIOLOGIQUES 235 Mais, pour n'avoir pas à nous répéter, nous los étudierons à pro- pos de chacune des influences qui les produisent. Résumons d'a- bord ce que nous venons d'apprendre en disant (ju'une semence qu'on introduit dans un liquide fermentescible apporte des qua- lités héréditaires, dépendant du milieu dont elle provient, du temps quelle y a passé, du degré d'acclimatation qu'elle a subi. Dans son nouveau milieu, elle rencontre des conditions ditl'éren- tes de celles de son milieu d'origine, qui accentuent ou corrigent ses prédispositions héréditaires Bien plus, elle modifie le milieu k mesure qu'elle y vit, de sorte que les cellules qui s'y forment au bout de quelques heures ou de quelques jours apportent elles- mêmes des habitudes et des prédispositions différentes de celles de leurs aînées, et pour tout dire en un mot, d<''S qu'il est démon- tré que le protoplasma d'une cellule n'a pas des propriétés im- muables, nous sommes obligés, à raison de l'impressionnabilité que nous lui avons découverte, de le supposer en état de muta- tion continue. Nous allons voir cette notion se préciser en étudiant de plus près la réaction, sur la cellule du microbe, des substances qu'elle produit elle-même dans le cours de la fermentation, et des conditions dans lesquelles se fait la culture. BIBLIOGRAPHIE Pasteur. Eludes sur la bière. Pari?, 1876. A. FiTZ. Ber. d. d. chem. Gesclh. t. IX, X, XI, XIII, XV. Pkrdrfx. Sur une fermentation produite par un bacille anaérobio de l'eau. Annnlex de l'Institut Pasteur, t. V, 1891. Grimbkrt. Fermentation anaérobie produite par le Bacillus ortholiutylicu.s. Id. t. VII, 1893. Laurent. Nutrition hydrocarbonée et azotée de la levure. Ann. de r Institut Pasteur, t. III, 1889. Thylman et HilgER. Archiv. f. I/i/n. t. VIII, p. 451. Rau. Id., t. XIV, p. 225. Effront. Comptes-rendus de l'jc. des se. ISQC. DUGLAUX. Annales de l'Institut national aip-onomique, 1S79-18S0. Péré. Sur la formation des acides lactifjues isomériques. Annales dcl'lnslilnl Pasteur, t. VII, p. 737. CHAPITRE XIV RÉACTION SUR LE MICROBE DES PRODUITS DE LA VIE CELLULAIRE 1S8. Produits de la vie cellulaire. — Avec ce que nous venons d'apprendre, nous pouvons donner des produits de la vie cellulaire, à quelque classe qu'ils appartiennent, une défini- tion en quelque sorte inverse de celle que nous avons donnée pour l'aliment. Un produit microbien est une substance inatta- quable dans les conditions de l'expérience pour le microbe qui l'a formée, mais qui pourra redevenir alimentaire à son tour si les conditions changent, ou si le microbe revêt de nouvelles propriétés, ce dont nous savons qu'il est fort capable, ou si d'autres microbes interviennent. Ainsi la contingence est par- tout, dans la définition de la matière fermentescible comme dans celle du produit de la fermentation. Tout ce qu'on peut dire de général à ce sujet, c'est que le milieu que se crée le microbe est pour lui de moins en moins nutritif, de plus en plus antiseptique. L'alcool est antiseptique pour la levure, l'acide acé- tique pour le ferment acétique, l'acide butyrique pour les micro- bes de Perdrix et de Grimbert, l'acide lévolactique pour le coli- bacille de M. Péré, qui le produit aux dépens du sucre. C'est là une notion qui, pour être sûre, n'en est pas moins souvent mécon- nue, et que nous allons retrouver en cherchant dans une autre direction. La stabilité des produits d'une fermentation quelconque est relativement assez grande. Cela résulte de ce qu'on trouve ces produits à la fin de toutes les fermentations accomplies dans les mêmes conditions. Si leur stabilité était moins grande, ou si elle devenait très faible, ils ne feraient que passer dans le courant de la fermentation, et on risquerait de ne pas les apercevoir. Tel semble être le cas pour l'acide oxalique et aussi pour l'acide for- mique, dont j'ai signalé la présence intérimaire et intermittente, RÉACTION SUR LE MICIIOBE 237 dans une foule de cas et avec une foule de microbes. Ces acides sont très voisins, comme constitution, de la forme définitive que prend le carbone, l'acide carbonique ; on comprend qu'ils figu- rent souvent à l'état de termes de passage. Il en est de même pour l'urée, que j'ai réussi à trouver chez certains microbes des matiè- res albuminoïdes, et qui est un terme constant, un produit nor- mal des cellules des animaux supérieurs. 1S9. Termes de passage. — Il y aurait évidemment grand intérêt à saisir des termes de passage d'un degré encore plus élevé, et à étudier les fermentations non pas quand elles sont terminées, mais pendant qu'elles durent, pour y rechercher les produits intermédiaires de la dislocation de la matière alimen- taire. Cette étude a été entreprise dans mon laboratoire par M. Péré et voici ses premiers résultats : Il a étudié l'action de 3 microbes, 1" le Tyrothrix tennis de mes études sur le lait, qui est voisin du Bacillus subtilis sans se con- fondre avec lui ; 2" le B. mesentericus vulgatus ; 3° le Bacillus subtilis, ces deux derniers isolés des macérations de foin par le procédé classique. Tous ces microbes peuvent se développer en voile à la surface des milieux nutritifs, et y exercer des actions comburantes qui peuvent devenir très actives. Comme il impor- tait de les modérer, M. Péré a employé le procédé qui lui avait déjà servi ( 136), et qui consiste âne donner aux microbes de l'a- zote qu'à l'état d'azote ammoniacal. On fournit de l'azote orga- nique lorsqu'il s'agit d'arriver à une combustion complète. En étudiant dans ces conditions la combustion ménagée d'al-* cools polyatomicjues tels que la mannite et la glycérine, il a vu que ces corps subissent tout d'abord une oxydation cjui les prive de 2 atomes d'hydrogène, et les transforme en sucres, aldoses ou cétoses, ayant le même nombre d'atomes de carbone que l'al- cool g-énérateur. Les hydrates de carbone complexes, disacchari- des ou amidons, donnent de même des hexoses, sous l'action des diastases microJ)iennes. Puis tous ces sucres ainsi formés, quelle que soit leur origine, leur constitution chimique ou leur structure moléculaire, sont invariablement ramenés sous la forme d'un sucre à trois atomes de carbone, qui est le même pour tous, et fait tourner à gauche le plan de polarisation. Ce sucre est une aldose CH-OH. CHOII. COH. Elle est donc à la fois aldéhvde, 238 CHAPITRE XIV alcool primaire, et alcool secondaire. Elle réduit la liqueur de Fehling comme les sucres, est partiellement volatile comme l'al- déhyde, et, comme elle, est très instable vis-à-vis des alcalis, qui en font du formiate. Elle est aussi très instable vis-à-vis de l'action solaire, surtout en présence des alcalis. Ce sucre C^H'^0^ est lui-même très passager. Il se forme en pro- portions variables pendant la transformation que le produit. Le Ti/rothrix tenuis^ en présence du glucose, commence à le détruire avant que tout le glucose n'ait disparu ; en présence de la glycé- rine, il le laisse d'abord s'accumuler dans le liquide de culture, mais il peut s'habituer à le consommer plus vite, et, par des en- semencements successifs, on peut obtenir un microbe qui détruit le glucose sans donnera aucun moment trace de glycérose. Enfin ce glycérose, bien que sa molécule soit peu compliquée, laisse lui même un produit de combustion intérimaire qu'on peut saisir, c'estl'aldéhyde de formiqueCIrPO, et c'estici que nous retrou- vens notre assimilation entre les produits d'une fermentation et les antiseptiques. Cette aldéhyde formique est, en effet, un anti- septique très actif, qui ne peut par conséquent pas être produit en quantités bien sensibles, mais qui pourtant peut-être con- sommé parle microbe qui l'a produite, comme M. Péré s'en est assuré directement en l'offrant à des cultures prospères de Tyro- thrix tenuis. Le microbe est atteint, le voile qu'il forme se dis- loque et tombe, mais quelques cellules s'acclimatent dans ce nouveau milieu, et finissent par redonner un voile pour lequel l'aldéhyde est un aliment, car elle disparait peu à peu. Dans un travail antérieur, j'avais moi-même constaté que l'acide formi- que se comporte de même. Il est à la fois antiseptique et alimen- taire. Cela dépend de ses proportions, et en outre du degré d'ac- climatation du microbe auquel on le présente. 130. Antiseptique et aliment.— Cette définition, qui rap- proche l'antiseptique de l'aliment, ou du moins qui n'établit entre eux aucune délimitation bien nette, semble au premier abord laisser de côté les antiseptiques les plus connus, ceux auxquels on pense toujours en premier lieu'les sels de cuivre, de mercure, qui semblent, en effet, dépourvus de toute qualité alimentaire. Mais voici qui les rapproche. A quoi l'acide formique, l'aldéhyde formique, par exemple, doi- RÉACTION SUR LK MICROBE 239 vcnt-ils leurs propriétés aiilisopticpios ? Ce n'est certainement i)as à la stabilité tle leur molécule chimique. Ce qui le prouve, c'est d'abord qu'ils sont brûlés à leur tour ; c'est aussi que les formia- tes, par exemple, sont très facilement détruits par beaucoup de microbes aérobies. S'ils ne nourrissent pas de microbes anaé- robies, s'ils ne fermentent pas, c'est que leur transformation en carbonate de chaux est très faiblement exothermique. Ce qui fait que l'acide et l'aldéhyde formiqucs sont inattaquables, c'est qu'à très faibles doses, ils coagulent le protoplasma. On connaît sous ce point de vue l'action puissante de l'aldéhyde formique. En se combinant aux matières animales, elle forme avec elles des combinaisons imputrescibles. Elle se comporte, à faibles doses, comme le tannin et aussi comme les sels de mer- cure. Tout agent de coagulation du protoplasma, capable de con- tracter avec lui une combinaison plus ou moins solide, est un anti- septique pendant que la combinaison persiste. Le caractère an- tiseptique peut donc être revêtu par des substances très diverses. Nous retrouverons, dans une autre partie de cet ouvragé, l'étude des métaux antiseptiques et vénéneux. Bornons-nous, pour le mo- ment, aux antiseptiques alimentaires que nous venons de définir dans les pages qui précèdent, et suivons avec eux cette relation entre l'antiseptique et la coagulation du protoplasma. Toute coagulation implique des notions de qualité et des no- tions de quantité de la substance coagulante. Elle implique aussi des notions d'accommodation. Un protoplasma vivant qui s'est coagulé au contact d'un corps étranger peut se décoaguler, re- prendre son homogénéité et quelques-unes de ses fonctions. Sui- vons séparément ces diverses influences. 131. Influence de la quantité. — Au point de vue de la quantité, la puissance antiseptique augmente avec la dose, ainsi ien sont différen- tes, pour le sucre et les acides, les doses qui empêchent le déve- loppement. Avec le sucre, le tartrate d'ammoniaque, ces deux doses sont dans le rapport de 1 à (S cl de 1 ù22. Elles sont, au con- traire, àpeine différentes pour les divers acides, h'acidité, quelle que soit sa cause, est évidemment ce que le microbe redoute, mais, en généralisant la notion, on ne la rend pas plus claire. Ce c[ui est encore plus curieux, c'est qu'en diminuant la dose d'acide dans la culture, on favorise nettement le développement de la matière colorante : c'est ce qui a été observé par M. Was- serzug non seulement pour le bacille du pus bleu, mais pour le microbe du lait bleu, pour le inicroccocwi prodigioaus déjà étudié par M. Scbottelius, pour un l)acille vertdercau,etc. (Vestdonc en- core là un fait assez général. En résumé, on peut faire perdre à certains microbes colorés, par culture sur des milieux convenables, ou en présence de do- ses un peu fortes d'acide, leur faculté de produire de la matière colorante, abolir même chez eux cette fonction chromogène qui fait partie de leur caractéristique et de leur nom, la leur faire perdre de telle façon que, rapportés sur les milieux où ils se colo- raient, ils restent incolores, et la leur rendre par des cultures successives et répétées dans un milieu faiblement acide. La flexibilité de la fonction physiologique est ici évidente. Nous re- trouverons bientôt des exemples analogues en étudiant l'influence antiseptique de la chaleur. Pour le moment, nous avons à exa- miner les changements de forme qui accompagnent ces change- ments physiologiques. BIBLIOGRAPHIE DucLAUX. Action antiseptique de l'acide formique. Ami. de rhistitnt Pasteur, VI., p. 893, 1892. Péré. Mécanisme delà combustion des corps ternaires par un groupede mi- crobes aérobies. Ann. de rinslitut Pasteur, t. x., p. 417, 1896. HKACTION Sll|{ LK MICIIOBI] 249 LiHyuiU^. ^eilschr. /'. //////. t. I., p. 156. San Felick. Arrhir. f. Hjkj., 1«92. ScHOTTELtUs. KoUikcr's Fcslsrhrifl, Leipzi;/, 1887. Gruber et FiRTSCH. Arclliv. f. Hijn., t. VIII. S.\N FelicE. Accad. romaiia, 1890. KossiAKOFE. Sur l'accoulumauceaux anliseptùiues. Ann. de l' I)i>iUhil Pasiciu-, t. I., 1887. Trambusti. Lo S/ji'ri mentale, 1802. Galeotti. /(/. 1892. WASSERZU'i. Variations de formes chez les bactéries. Ami. de llnslilul Paa- leiir, t. II. Ib87. Wasserzug. Variations durable.^ de la forme et delà fonction /d. t. Il, 1S88. CHAPITRE XV CHANGEMENTS MORPHOLOGIQUES SOQS L'INFLUENCE DU MILIEU Toutes les modifications de propriétés que nous venons de constater sont accompagnées de changements plus ou moins marqués et plus ou moins durables dans la forme. Les faits en faveur de cette opinion sont de date relativement récente. Ce n'est pas que l'opinion le soit aussi. Depuis Turpin, beaucoup de botanistes ont cru à la transformation des espèces inférieures les unes dans les autres. Mais, dès qu'au lieu d'opérer sur des mé- langes d'espèces, on a étudié des espèces pures, on a constaté que ces variations morphologiques étaient beaucoup moins étendues qu'on ne l'avait cru, et qu'elles laissaient intacte la notion d'es- pèce, tout en rendant difficiles les diagnoses spécifiques. De ces transformations, les unes semblent s'opérer dans des conditions naturelles, les autres sont des résultats expérimentaux. Parmilespremières, nousciterons, comme suffisamment garanties contre les illusions et les erreurs qui pourraient provenir d'un mélange d'espèces, les observations de M. Metchnikofî sur un parasite des Daphnies, qu'il appelle Spirobacillus Cienkowskîi, et qui peut revêtir successivement plusieurs formes, celle de cellules ovoïdes longues de 3 à 5 y,, ressemblant plus à des levures qu'à des bactéries, mais qui se rattachent à ces dernières par leur faculté de scissiparité ; celle de bacilles plus minces et droits ; puis celle de bacilles plus effilés et courbes, puis celle de spirilles à un ou plusieurs tours plus ou moins réguliers, puis celle de tout petits bacilles qui ressemblent à des coccus. Malheu- reusement M. Metchnikoff n'a pu faire de ces microbes des cul- tures artificielles^ et a dû se contenter d'observer leur développe- ment génétique dans le corps de diverses Daphnies. On ne peut pas dire, par conséquent, si ces formes de développement sont typiques et se succèdent régulièrement., ou bien si elles sont commandées par des modifications de milieu dans l'être qui en souffre. CFIANGEMENTS SOUS L'IXFLUKNCF. DU MILIEU 251 Les changements morphologiques qui réclament ou permettent le concours de l'expérience sont infiniment plus probants. 139. Mucor mucedo. — Les premiers faits bien établis clans cette voie l'ont été par Pasteur, à propos du mucor mucedo dont nous avons parlé, et dans des conditions sur lesquelles il est Ijon d'insister maintenant, car elles reviennent à ménager à la plante un de ses aliments, l'oxygène, et cela suffit pour amener chez elle des modifications importantes delà forme. Dans un ballon D comme celui de la figure ci-dessoiis, introdui- sons un peu de moût de bière ensemencé avec quelques spores Aq mucor mucedo . Un mycélium se forme qui n'a pas beaucoup d'air à sa disposition, car les communications avec l'extérieur sont lentes au travers du tube capillaire. La croissance est lente, Fis. 30. mais le sucre n'en est pas moins brûlé peu à peu. Avant qu'il n'ait disparu, unissons la tubulure droite du ballon avec un matrasG plus petit, que le liquide pourra remplir jusque dans son col en B, et opérons le transvasement. Dans son nouveau récipient, ce moût de bière sera encore moins exposé à l'air que tout à l'heure. On pourra même dire qu'il n'en a plus à sa disposition, car le mycé- lium a fait disparaître tout celui qui était en solution, et l'a rem- placé par de l'acide carbonique qui, en se dégageant à la surface, empêche l'arrivée de nouvel oxygène. Dans ces conditions, on 252 CHAPITRE XV trouve que le mycélium devient spumeux par suite d'un dégage- ment, abondant d'abord, plus lent ensuite, de bulles qui sont de Tacide carbonique ; on trouve dans le liquide de l'alcool en quantités très sensibles. Bref, à la combustion complète que donne le muco)' au contact de l'air, succède, sans transition et sans difficulté apparente, au moins au début, une combustion partielle traduite par une fermentation alcoolique. En môme temps, le mycélium de la plante se modifie. Tant que la plante vit en moisissure au large contact de l'air, ses tulles my- céliens sont grêles, rameux, enchevêtrés. Devient-ellefermentpar Fit^. :.l. suite de l'insuffisance d'air,les tubes mycéliens se segmentent (fig. 51), se séparent, grossissent, et finissent par donner des chaînes de grosses cellules, rondes ou à peine ovales, qui ressemblent à de gros globules de levure, mais qui sont restées des cellules de miicor, car, rapportées sur du moût de bière aéré, elles ne donnent pas de fermentation alcoolique, elles reproduisent du mucor. Il n'y a donc j)as eu transformation d'espèce ; il y a eu seulement adaptation à une vie nouvelle, avec changement de forme cor- respondant au changement de fonctions. ClIA.\(ib:Mlv\TS SOIS L'INKLI'KNCK 1)1! MiLll-:!^ ^25:} Pasteur avait observé des chang-ements analogues dans le niycoderme du vin qu'on immerge dans un liquide sucré. Le globule devient plus turgescent, son protoplasnia moins granu- leux; (fig. 16). Ici encore un changement d'aspect accompagne un changement dans le mode de nutrition. Qand Pasteur exposa ces faits devant l'Académie des sciences, il ne fut pas compris de suite, et ses contradicteurs poussèrent des cris de victoire. Cette modification de forme accompagnant une modification de propriétés, c'était du transformisme, aussi bien que celui de Hoffmann ou de Turpin, que celui de Darwin ! Non, ne cessait de leur répéter Pasteur, il ne s'agit pas d'une transformation d'espèces, mais d'une loi physiologique générale qui s'applique indifféremment à toutes les espèces vivantes, en respectant leur individualité. Il s'agit d'une élasticité fonction- nelle de la cellule, lui permettant de se plier, sans changer d'être ni de devenir, à des conditions variées d'existence. Cette interprétation n'a pas varié et reste encore la seule acceptable, mais le champ des modifications morphologiques a beaucoup augmenté. A celles que Pasteur avait obtenues par un simple changement dans le mode de nutrition sont venus s'ajouter beaucoup d'autres exemples. Tous ne sont pas égale- ment probants. Il est impossible de considérer comme un chan- gement morphologique des variations dans la longueur des ar- ticles d'un même bacille, qui dépendent des circonstances qui accompagnent la segmentation. Il y a des bacilles chez lesquels ces variations sont en quelque sorte normales, et qu'on a appelés pour cela des Pj'oteus. Protée ne semblait pas fait pour donner un nom spécifique, et si les Proteus n'avaient pas d'autre caractéris- tique que leur variabilité, ils seraient bien mal délimités. Mais il faut ranger à côté des renflements mycéliens du mucor les for- mes anormales que prennent beaucoup d'espèces microbiennes en vieillissant dans leur milieu de cuit ire, et qu'on a désignées sous le nom un peu bizarre àc formes d'involution. Nous avons vu plus haut que c'étaient les actions antiseptiques du milieu qui intervenaient alors le plus souvent. On peut donc s'attendre à produire des formes analogues en faisant la culture dans les milieux antiseptisés. C'est cequ'ont fait les])remiers ]\IM. Guignard et Charrin, en cultivant le B. pyocyaneus dans des bouillons nu- tritifs additionnés de naphtol, de créosote, d'alcool, d'acides 254 CHAPITRE XV borique et salicylique. Non seulement ils ont obtenu clos formes plus ou moins cloisonnées, des bacilles longs et courts, mais, ce qui est plus important, des formes contournées en tire-bou- chon et analogues ou même identiques, morphologiquement, à des spirilles. Malheureusement, toutes les formes ainsi produites sont pas- sagères. L'une quelconque d'entre elles, aussi bien pour les spores mycéliennes du mucor que pour les tonnes courtes, lon- gues ou contournées du B. pyocyanique, rapportée dans le milieu normal du microbe, reprend ses caractères normaux. C'est Wasserzug qui a, le premier, essayé de les fixer, en accumulant sur elles, par des cultures successives, l'hérédité de plusieurs générations, et surtout en employant des actions antiseptiques, ce qui, comme nous l'avons vu, est un moyen d'étendre et de géné- raliser les eli'ets d'une môme hérédité. 140. Recherclies de "Wasserzug. — En étudiant le Mlcro- coccus prodigiosus^ Schottelius avait trouvé qu'en vieillissant sur les milieux de culture, par exemple sur pomme de terre, quel- ques-uns des grains de ce coccus prennent des formes anormales, se renflent, ou bien s'allongent en bâtonnets, ou bien se gon- flent et s'allongent à la fois, de façon à ressembler à des levures. En cultivant ce microbe sur du bouillon de veau addi- tionné de 4 à 5 décigrammes d'acide tartrique par litre, on voit que les coccus y sont remplacés par des bâtonnets de longueurs diverses, tantôt isolés, tantôt réunis en un long filament, qui peut être composé de 2 à 20 articles et davantage, séparés les uns des autres par un espace clair dû à la présence d'une matière géla- tineuse qui entoure abondamment chacun des bacilles ; ailleurs, cette matière gélatineuse disparaît presque complètement, et les bacilles s'allongent beaucoup, de manière à se toucher et même à former un très long filament continu qui s'enroule plusieurs fois sur lui-même. Toutes les formes de passage existent entre ce filament très allongé ctle bacille court isolé. Les bacilles sont presque toujours mobiles, qu'ils soient isolés ou réunis, et il n'est pas rare de voir un filament de 30 à 40 tx de long traverser avec de lentes ondulations le champ du micros- cope. Quand les filaments sont composés d'articles séparés, ces mouvements leur donnent souvent l'aspect de spirilles. Ces ditTé- changkmi<;nts sous i/inkllenck un milieu 255 rentes formes ne s'observent l)ien (]u";iu début du développement, et dès le second ou le ti'oisième joui* les longs filaments dispa- raissent [)eu à peu. Les articles bacillaires se raccourcissent jus- qu'à prendre la forme sphérique, et, quand ils restent réunis, l'on ojj tient la forme décrite sous le nom de Staphylocoque. Bientôt les articles se séparent et l'on revient à la forme micro- coque proprement dite, qui semble être ainsi la forme définitive de l'organisme. A ce moment, le liquide a cessé d'être acide et est devenu même légèrement alcalin. Qu'arriverait-il si le développement se faisait dans un milieu qui resterait constamment acide ? Pour obtenir ce résultat, au lieu d'abandonner la culture à elle-même, prélevons-en une semence dès le premier ou le second jour du développement, et portons-en une quantité très petite dans un second milieu acide identique an premier. Uenouvelons ensuite ces ensemen- cements dans les mêmes conditions, pendant un grand nombre de générations, de manière que le milieu de culture reste conti- nuellement acide. En prenant ces précautions, on ne tarde pas à voir que les formes filamenteuses sont de plus en plus nom- breuses à mesure que les cultures se continuent, et que ces for- mes persistent plus longtemps. Il arrive enfin un moment où elles ne disparaissent plus, même quand la culture est abandonnée à elle-même et que le milieu a perdu sa réaction acide. On n'a plus alors que des formes nettement bacillaires qui se conservent indéfiniment et ne se transforment plus en microcoques. Voici donc un moyen de fixer, dans un milieu donné, une forme diffé- rente de la forme considérée comme normale ; les microcoques ont fait place à des bacilles et à des filaments. En partant dune colonie rouge sur gélose, il a fallu quinze générations successives pour arriver à ce résultat. A ce moment, un retour dans un milieu alcalin fait reparaî- tre partiellement les formes bâtonnet et même coccus, mais d'autant plus difficilement que l'acclii natation en milieu acide a été plus prolongée. L'espèce n'a pas été fixée sous une for- me morphologique nouvelle. Elle peut seulement ne pas reve- nir à sa forme primitive, dans des circonstances où ce retour serait normal pour elle, si elle n'avait pas subi cette sorte d'a- daptation à un nouveau milieu. Wasserzug est arrivé à des résultats analogues en dehors de 256 CIIAPITIŒ XV la présence de tout antiseptique, en modifiant seulement, par l'emploi de la chaleur, ie protoplasma cellulaire aux premières heures du développement. Il suffît pour cela d'exposer le bouillon de veau alcalhi, pendant cinq minutes, à une température de 50'\ distante d'environ 5'^ de celle qui tue le microcoque dans ces conditions. De cette première culture tirons une semence à la- quelle nous ferons subir lameme initiation, et ainsi de suite. Nous verrons, au bout de quelques cultures, la forme microcoque dis- paraître pour faire place à une forme très nettement bacillaire, qui se conserve d'autant mieux dans la suite des générations que les chauirages auront été plus nombreux. 141. Autres exemples. — Depuis Wasserzug des exemples analogues se sont multipliés, et on a obtenu des variétés plus ou moins durables. Kruse et Pansiniont montré quele pneumocoque, qui, (piand on l'emprunte à un animal, est un dipplococcus dont les éléments ont la forme d'une lancette (fig. 8 a), devient, après une centaine de cultures successives sur un milieu artificiel, un strep- tocoque difficile à distinguer morphologiquement des longues chaînettes d'articles sphériques du streptocoque du pus. Kruse a de môme tiré d'une culture de bacilles du choléra, conservée longtemps dans de l'eau de puits, deux variétés, l'une à articles courts et massifs, l'autre à articles longs et grêles. Firtsch a trouvé des faits analogues pour le bacille de Finkler-Prior, Pasquale pour le streptocoque, Wilde pour les bacilles du groupe du B . aërogenes. Certains bacilles s'entourent d'une sécrétion muqueuse, qui les revêt d'une enveloppe parfois épaisse, et entre comme élé- ment important dans leur description morphologique. Ce carac- tère peut aussi parfois être très contingent. J'ai montré en 1882, avant tous les travaux que je viens de passer en revue, que l'être quej'aiappelé.lc^mO(^ac(fer/;o/y;?wrpA^ide dont il était le siège, le filament était plus chaud que le thermomètre qui indiquait la température de l'étuve, et il a été la victime de l'activité qu'il déployait. Ces phénomènes ne sont pas rares dans le monde des infiniment petits. 11 est fréquent qu'une fermenta- tion s'arrête par suite de la chaleur qu'elle développe. J'ai vu une fois une cuve en pleine acétification s'arrêter en une heure parce que le voile mycodermique s'était tué à force d'être actif. De transparent, il était devenu un peu opaque et blafard. Ceci nous explique qu'une si courte distance sépare, sur l'échelle des tem- pératures,la zone optima et la zone mortelle. C'est au moment où sa vie est la plus active que le microbe est le plus menacé ; et ce qui le sauve d'ordinaire, c'est qu'à ces températures extrème- meUt favorables, l'aliment ne lui arrive pas assez vite, et qu'a- lors son activité se ralentit forcément. 163. Coagulation protoplasmique. — Dans tous les cas, on observe un phénomène de coagulation protoplasmique, corré- latif d'un phénomène sinon de mort, du moins de cessation de fonction, et ceci nous explique tout de suite quelques-unes des particularités relevées dans le chapitre qui précède. Avec ce que nous savons, en effet, des phénomènes de coagula- tion, nous comprenons que la zone mortelle ne saurait être la même pour tous les protoplasmas : toute matière coagulable a sa température de coagulation. Cette température dépend à la fois de la matière coagulable et du milieu. Nous compre- nons donc aussi que la température mortelle dépende du liquide dans lequel on chauffe le microbe, de sa teneur en sels, de son pouvoir osmotique, surtout de son acidité ou de son alcalinité. Avec la plupart des substances albuminoïdes coagulables, l'aci- dité abaisse et l'alcalinité élève la température de coagulation. C'est un fait de même nature que nous avons relevé dans les ex- périences de Pasteur sur le lait. La pasteurisation des vins, dans laquelle on les débarrasse de leurs parasites en les chauffant seu- lement à 55 ou G0'\ en profitant de ce qu'ils sont acides, est une application des mêmes principes. Nous avons vu aussi qu'il n'y a pas plus, à proprement parler, de température de coagulation que de température mortelle. Toute coagulation exige un certain temps pour s'accomplir, d'au- CHANGEMENTS SOUS L'ACTION DE LA CHALEUR 289 tant plus court que la température est plus élevée, mais qui n'est jamais nul. Il faut donc à la fois définir la température et la durée d'action dans les deux cas, et voilà encore une ressem- blance. Nous en trouvons encore une plus profonde dans l'étude de l'action de l'eau. La dilution influe d'une façon très sensible sur la température ou la durée de la coagulation, et, d'une ma- nière générale, une matière albuminoïde se coag'ule d'autant moins facilement quelle contient moins d'eau. Quand elle en est tout à fait privée, elle ne se coagule plus, comme l'a observé Ghevreul. De l'albumine dessécbée à la température ordinaire et en présence de l'acide sulfurique peut être chauffée au-delà de 100'^ sans cesser d'être soluble dans l'eau, quand on la reporte dans ce liquide. Ceci nous explique que la dessiccation augmente le degré de résistance des microbes à la chaleur. Mais on peut lui attribuer autre chose. Cramer a trouvé, en comparant la composition moyenne des mycéliums àe pénicillium à celle de leurs spores, les chiffres suivants : Mycélium Spores Eau 87,6 38,9 Matière sèche. . . 12,4 61,4 qui montrent qu'il y a, proportionnellement à la matière sèche, douze fois plus d'eau dans le mycélium que dans la spore. De plus, sur cette eau qu'on dose dans une masse de spores, non pas la to- talité, comme le dit Cramer, mais environ la moitié est de l'eau d'humectation, qui s'en va spontanément dans une atmosphère sèche. Cramer a rattaché à cette pauvreté en eau la résistance des spores de mucédinées à la chaleur. Sans aller jusqu'à y voir une relation de cause à effet, ce qui nous conduirait à laisser de côté la pièce essentielle du mécanisme, la nature du protoplasma de la spore, nous pouvons dire que la spore, pauvre en eau, doit résister davantage. Je ne connais pas d'analyses faites, au même point de vue, sur les spores de bacilles. Il est probable qu'elles révéleraient des faits analogues. Ces spores sont riches en matières grasses, formées d'un tissu très réfringent. Elles sont probablement beaucoup moins riches en eau que les bacilles, et voilà pourquoi elles résistent mieux à l'action de la chaleur. Au contraire les 19 â90 CHAPITRE XVII spores de la levure ont à peu près le même degré de réfringence que les globules. Leur formation ne s'accompagne que d'une rétraction protoplasmique médiocre, car elles remplissent la cel- lule qui lésa produites, et c'est peut-être pour cela que leur de- gré de résistance à la chaleur est assez voisin de celui des levures adultes. 163. Méthode de Tyndall. — Nous pouvons même, sans trop de crainte, aller plus loin dans cette voie, et étudier au même point de vue le procédé de stérilisation de Tyndall, dont nous avons dit un mot (45). Nous avons vu que ce savant avait réussi à rendre stériles, par un chauffage d'une minute à 100" pendant 3 jours con- sécutifs, des liqueurs qui supportaient 3 heures d'ébullition con- tinue sans se stériliser. Pour faire disparaître cette contradiction apparente entre les résultats d'une même température, on avait admis que les spores contenues dans ces liqueurs résistaient très bien à l'ébullition, mais qu'entre le premier chauffage et le se- cond, elles commençaient, sinon à germer, du moins à amincir leur enveloppe, età y donneruneforme jeune que le second chauf- fage, fait après 24 heures, détruisait. Un troisième chauffage d'une minute, fait de même le 3" jour, détruisait les spores à évolution plus lente, et qui s'étaient rajeunies seulement après le second chauffage. Cette explication est bien invraisemblable. L'expérience ap- prend que la chaleur atteint etatfaiblit toujours les spores, même les plus résistantes, et on ne voit pas bien celles qui ont subi une minute d ébullition le premier jour, se hâtantd^évoluer, de se ra- jeunir en 24 heures avant le second chauffage. On peut d'ailleurs, sans rien changer au résultat, laisser séjourner dans la glace la liqueur à stériliser par le procédé de Tyndall dans lintervalle de deuxchauffages,cequisupprime presque toute possibilité de rajeu- nissement. Il est plus probable que l'effet est tout à fait physique, et en rapport avec la teneur en eau de la spore. Le chauffage à 100" gonfle la spore, et en fait certainement exsuder quelque chose ; il y fait pénétrer en échange un peu d'eau. L'équilibre entre cette eau et le protoplasma s'établit pendant les 24 heures de repos. Puis cette masse homogène, et devenue plus coagulable,à raison de la pénétration de l'eau, se coagule au second chaufiage, qui CHANGEMENTS SOUS L'ACTION DE LA CHALEUR 291 rcconimencc les effets du prcinier. Le troisième atteint les spo- res les plus vieilles et les plus résistantes, et l'expérience montre qu'il suffit d'ordinaire. Il y a cependant des cas où il faut recom- mencer cette ébullition pendant plusieurs jours, et c'est juste- ment quand les liquides à stériliser sont albumineux et beaucoup moins osmotiques que ne l'est l'eau dans laquelle nous avons supposé plongées nos spores. Ce n'est pas tout. Nous savons qu'un coagulum qui s'est fait peut se défaire, si on lui en offre l'occasion et si on lui en donne le temps. Il redevient homogène d'autant plus vite qu'il est parti de moins loin. Nous pouvons mettre en regard de cette notion ce que l'expérience apprend au sujet de la germination des spores chauffées. Nous savons qu'elles sont plus difficiles au sujet de leur milieu nutritif que des spores normales, et que, toutes choses égales d'ailleurs, elles mettent plus de temps à se développer. Elles sont à moitié coagulées. La coagulation complète correspon- drait à la mort : elles sont seulement malades. Mais le coagulum peut se défaire et le microbe revenir à la santé. Le protoplasma légèrement coagulé reste en effet vivant, bien qu'il ne fonctionne plus d'une façonnormale,etnous avons un té- moin de ces variations de propriété dans la variation des produits qu'il fournit. Nous avons vu des modifications de forme et de propriétés résulter de changements dans l'alimentation, ou de l'intervention des antiseptiques ; nous pourrions citer des faits identiques obtenus sous l'influence de la chaleur. Wasserzug,par exemple, enlève au microcûccus ijrodlgiosus sa forme de coccus et sa matière colorante en le traitant de la façon suivante. 164 . Modifications de formes et de propriétés. — Chauf- fons à 50", pendant 5 minutes, une culture de ce coccus dans du bouillon de veau, arrivée à son second jour de développement. Cette température ne diffère que de 5 à 6° de celle qui serait mortelle pendant le même temps. Prélevons, après refroidisse- ment, une petite quantité de semence que nous porterons dans un milieu semblable au premier : le développement se fait très abondamment dans ces conditions. Traitons cette seconde culture comme nous avons fait de la première, et répétons ces chauffages à 58" pour toutes les cultures successives. On constate ainsi, au bout de quelques cultures, que laforme 292 CHAPITRE XVII microcoque disparaît et fait place à une forme très nettement bacillaire, qui se conserve d'autant mieux dans la suite des géné- rations que les chauffages ont été plus nombreux. Nous obtenons donc, en employant Faction répétée de la chaleur, les résultats déjà trouvés sous l'intluence des antiseptiques ou des milieux acides. Ajoutons de suite que ces résultats s'obtiennent encore plus rapidement quand, à l'action de la chaleur, on superpose l'action du milieu acide. Cette action combinée permet de produire des variations du- rables de la forme avec d'autres microbes, en particulier avec un bacille vert trouvé dans l'eau. Cet organisme se présente, dans les cultures originelles, comme un petit bacille relativement grêle et très court, an point d'avoir presque l'aspect d'un micro- coque. Il donne, surtout dans les milieux acides, une belle cou- leur verte. On peut l'obtenir d'une façon permanente, au moyen de chauffages à 50° et de cultures en milieux acides, à l'état de bacille allongé, mesurant jusqu'à 5 et 8 ;x de long. On obtient les mêmes résultats avec le bacille du lait bleu et labactéridie charbonneuse. La bactéridie se présente, on le sait, dans le sang des animaux et dans les milieux de culture, sous deux formes très différentes; dans le sang, elle est composée de bacilles courts et séparés; dans les milieux artificiels, les bacilles sont réunis en longs fdaments enroulés et pouvant con- tenir des spores (fig. o,p.42).Onpeutfacilementreproduire,dans les cultures, la forme courte que l'on rencontre dans le sang : il suffit de faire quelques cultures successives dansles milieuxacides qui nous ont servi pour les microbes colorés. On arrive à obtenir ainsi des formes très courtes, pouvant même atteindre les di- mensions des bactéries. Le nombre des cultures nécessaires pour arriver à ce résultat est moins considérable quand on a le soin de ne semer chaque fois que des spores, c'est-à-dire de tuer préalablement les bacilles adultes par un chauffage entre 60 et 70°. En partant d'une culture faite avec une goutte de sang charbonneux^ on peut avoir ainsi une série de cultures succes- sives dans un milieu acide. Les spores de ces cultures succes- sives, ensemencées au même moment dans une série de bouil- lons identiques, donneront naissance à des générations de formes très différentes, depuis la forme bacillaire très courte jusqu'à la forme ordinaire de longs filaments; les bacilles seront d'autant CHANGEMENTS SOUS l/ACTION DE LA CHALEUR 293 plus courts qu'ils proviendront d'une culture en milieu acide de rang" plus élevé. Sans être profonds, les changements que nous venons d'ob- server n'en sont pas moins remarquables. De plus, ils sont ob- jectifs, et c'est pour cela que nous les avons placés au premier rang, mais on en connaît depuis longtemps d'autres qui trou- vent tout naturellement leur place ici, ce sont ceux qui sont relatifs à la virulence. 165. Atténuation du bacille ctiarbonneux. — Elle peut être obtenue rapidement sous l'influence de la chaleur, mais alors elle n'est pas héréditaire. Elle peut être obtenue lentement sous l'influence de la chaleur, aidée du concours de l'oxygène, et alors elle devient héréditaire. Le premier fait résulte des observations de Toussaint, complé- tées et systématisées par M. Chauveau. En chauffant du sang charbonneux à des températures comprises entre oO et 60", on obtient d'autant plus vite l'atténuation que la température est plus haute et réciproquement. L'inoculation d'un sang chauffé huit minutes à 30" est presque sûrement mortelle. Après un chauffage de 18 minutes, les animaux inoculés survivent et restent vaccinés, ce qui prouve que les bactéridies inoculées ont subi un commencement de développement au point d'inocula- tion. Si on chauffe 20 minutes, les bacilles sont tués ; l'animal résiste, mais il n'est pas vacciné par l'opération. A 52", il ne faut que 14 à 16 minutes pour arriver au même résultat. On peut suivre de plus près ce qui se passe en opérant sur des cultures. Quand on ensemence du sang charbonneux dans du bouillon de poulet peu concentré porté à 42-43", on obtient des filaments courts, si granuleux dans leur intérieur qu'ils ont l'air de porter des chapelets de spores. Ce sont des condensations protoplasmiques qui n'ont rien à faire avec la spore, mais qui témoignent que même le protoplasma de la bactéridie, pour vivre, n'a pas besoin d'être homogène comme il l'est à la tempé- rature optima. Seulement, au voisinage de la température de coagulation, il a d'autres propriétés. Cette coagulation correspond certainement à un affaiblisse- ment. Si on ensemence comparativement, dans le même bouillon de poulet, du sang charbonneux non chauffé et des sangs chauffés 294 CHAPITRE XVII 8, 9, 10... 16 minutes à 52", on voit que ces derniers présentent, comparés à la culture type, un retard qui, à peine sensible pour 8, 9 et 10 minutes de chauffage, s'allonge déjà pour 11 minutes, ensuite déplus en plus jusqu'au sang chauffé 15 minutes, avec lequel le développement est problématique ; il est indéfini pour le sang chauffe 16 minutes. Ces faits mettent bien en évidence l'affaiblissement produit par la chaleur, affaiblissement qui n'empêche pas de vivre. Ne le poussons pas trop loin, et portons à 47" les cultures faites à 42-43 degrés. La coagulation augmente, les granulations de- viennent plus grosses. Le bacille ne prolifère pourtant plus, mais l'affaiblissement fait des progrès, et au bout de 3 heures, la culture est inoffensive pour le cobaye adulte. La vie du microbe se manifeste donc par une propriété nou- velle.Malheureusement, cette propriété estpassagère,et réservée exclusivement aux filaments soumis à l'action de la chaleur. Ramenés à température plus favorable, ces filaments donnent des spores qui, réensemencées, donnent des microbes virulents. MM. Arloing, Cornevin et Thomas ont observé des phéno- mènes analogues avec la sérosité, riche en bacilles, du charbon symptomatique. La manipulation de la sérosité fraîche est diffi- cile : les limites de temps et de température dans lesquelles il faut se mouvoir étant très étroites, mais on a beaucoup plus de marge en opérant sur de la sérosité virulente préalablement des- séchée à 30-35 degrés. On peut alors se mouvoir entre 60 et 110" comme limites de température, et c'est par heures qu'on peut compter la durée du chauffage. Du virus chauffé 6 heures au minimum de 90" devient vaccinal. Il perd sa virulence à 110". Mais là encore, iln'y a que les bacilles atteints par la chaleurqui soient atténués. 166. Expériences de M. Pasteur. — Si on veut obtenir la transmission héréditaire de l'atténuation et du pouvoir vaccinal, il faut l'infuser peu à peu dans le protoplasma par des cultures successives faites à une température qui permette encore la multiplication, tout en restant une température critique. C'est à quoi Pasteur est arrivé pour la bactéridie charbonneuse, en la cultivant en couches minces dans un liquide très aéré, maintenu à 42-43". CHANGEMENTS SOUS L'ACTION DE LA CHALEUR 295 Maintenue pendant un à deux mois à cette température, la bactéridie finit par mourir, c'est-à-dire qu'elle est incapable de se développer, lorsqu'on l'ensemence à nouveau, soit dans le liquide nutritif le plus favorable, soit dans l'animal le moins ré- fractaire. Ceci est le terme extrême. La veille de sa mort, la bactéridie se développe dans le bouillon avec un léger retard, en conservant pourtant ses formes ordinaires. Mais elle ne mani- feste aucune virulence, même chez les êtres les plus accessibles au charbon, lorsqu'on la leur inocule sous la peau. Elle peut donc vivre et se conserver sans être virulente, c'est-à-dire être cultivée in vitro et non in vivo. Avant qu'elle n'ait atteint ce stade de virulence nulle, elle tue les cobayes qui viennent de naître ou les très jeunes souris. Un peu auparavant, elle pouvait tuer les cobayes adultes. Bref, l'expérience montre que sa dégradation est graduelle, et qu'elle peut passer par tous les degrés d'atténuation entre la virulence originelle et la virulence nulle ou presque nulle, qui est son lot à la fin. La présence de l'oxygène joue certainement un rôle dans cette dégénérescence graduelle, en même temps que l'action de la chaleur : c'est ce qui nous empêche d'insister sur ce fait pour le moment. Je me contente de faire remarquer que dans ce cas, cette atténuation lente et graduelle est tellement imprimée dans la bactéridie qu'elle est devenue héréditaire. Si, à un moment quelconque, on prend de la semence dans cette culture de bac- téridies qui va s'atténuant peu à peu à 42-43°, et si on la porte dans un bouillon chaufïé à une température plus favorable, la culture possède à très peu près le même degré d'atténuation que celui de ses générateurs, de sorte que si on considère comme des races diverses ces bactéridies diversement atténuées, on peut dire que la race est fixée. On obtient ainsi une foule de races toutes semblables entre elles au point de vue de leurs caractères exté- rieurs, mais différentes au point de vue de leur action sur des êtres sensibles au charbon. Cette fixité, il est vrai, n'est pas absolue. Même réensemencées indéfiniment dans le même milieu, les bactéridies atténuées reprennent peu à peu leur virulence ou la perdent de plus en plus, suivant les cas. Le bacille est donc en évolution perpétuelle, mais cette évolution est lente, et on peut toujours en resserrer les limites de façon à ce que la puissance comme vaccin ait une certaine stabilité. 296 CHAPITRE XVII BIBLIOGRAPHIE Marshall Ward. On the biology of Baciilus raraosus, a schizoraycete of the river Thames: Proceed. of the royal Society, t. LVIII. Cramer. Archiv. f. Hygiène, t. XIII, p. 71, Wasserzug. Variations durables delà forme et de la fonction chez les bac- téries, Avii. de Vlnstitut Pasteur, t. II, p. 153, 1888. Toussaint. Recherclies expérimentales sur la maladie charbonneuse, Paris 1879. — De rimmunité pour le charbon à la suite d'inoculations préventives Comptes rendus, t. XGI, p. 301, 1880. Chauveau. Etude expérimentale des ccnditions qui permettent de rendre usuel l'emploi delà méthode de M. Toussaint pour atténuer le virus char- bonneux. Compli's reiidus, t. CIV, p. 1694, 1882. — De l'atténuation directe et rapide des cultures virulentes par l'action de la chaleur. M., XGVI, p. 553, 1883. — De la faculté prolifique des agonts virulents atteints par la chaleur, etc. Id. p. 613. — Du rôle de l'oxygène de l'air dans l'atténuation. Id. p. 678. CHAPITRE XVIII ACTFON DE L'ÉLECTRICITÉ SUR LES MICROBES On a beaucoup étudié l'action de l'électricité sur les microbes^ sans arriver à aucun résultat très concluant. C'est que le sujet est difficile, plus difficile qu'on ne le croit généralement. Il sem- ble simple, par exemple, de faire passer un courant au travers d'un liquide contenant une culture microbienne, et de comparer ce qu'elle était avant l'opération et ce qu'elle est après. En réalité c'est opérer à l'aveuglette, et lors même que l'expérience ainsi conduite donnerait des résultats, on ne saurait à quoi les attribuer. C'est ce dont il est facile de se convaincre. le*?. Conditions d'une étude précise. — Tout d'abord, rien n'assure, dans ce dispositif, que le courant agisse réellement sur les microbes, et non sur leur milieu de culture. Il traversera les microbes et agira éventuellement sur eux s'ils sont plus conduc- teurs que le liquide qui les contient, s'ils sont, par exemple, dans de Teau distillée. S'ils sont, au contraire, dans un liquide nutritif, surtout riche en sels, l'électricité les contournera, et n'agira que sur le milieu ambiant. On peut penser que cela importe peu. Notons pourtant que dans ce dernier cas, il n'y a pas action de l'électricité sur les microbes, mais sur le liquide qui les contient, et qu'il y aura, a 'priori, autant d'actions que de liquides. Admettons qu'on ait pris des précautions de ce côté, et que l'on soit assuré que le courant traverse, au moins en partie, les microbes qu'il rencontre sur sa route. Il faut quelque chose de plus. Il faut qu'il les traverse tous également ; or, cela n'est pas facile. Le courant suit les lignes de moindre résistance qui, par- tant des électrodes, s'épanouissent à l'intérieur du liquide, mais ne pénètrent pas dans les coins des vases, de sorte qu'un plus ou moins grand nombre de microbes a toujours chance d'échapper à son action. On n'évite pas complètement cette difficulté en don- nant une forme cylindrique à la colonne liquide traversée par le 298 CHAPITRE XVIII courant. Il faut encore que les électrodes soient de forme conve- nable pour assurer la diftusion égale du courant ; si on commet en outre la faute de se servir d'un tube en U, qui est si commode, on peut être assuré que le courant ira au plus prh d'un élec- trode à l'autre, et traversera le haut de la courbure sans en tou- cher le fond. Cela fait, il restera à éviter deux causes d'erreur toujours pré- sentes, les effets chimiques et calorifiques du courant. Il est rela- tivement facile de se mettre à l'abri de TéchautTement, si le courant employé est faible. Il suffit d'immerger dans un bain d'eau froide ou de glace le liquide soumis à l'épreuve. Avec des courants un peu intenses, et quelle que soit leur origine, on a des élévations de température notables, locales et rapides^ con- tre lesquelles il faut être constamment en garde. Au voisinage des électrodes, par exemple, réchauffement est toujours plus grand. Quant à la rapidité, il faut toujours avoir présent à l'es- prit que les pertes de chaleur par conductibilité, au travers des parois du vase et dans le liquide ambiant, sont lentes, de sorte que même un bain de glace et l'emploi d'un vase mince ne suf- fisent parfois pas à éviter les élévations locales de température. On croit les surveiller en mettant un thermomètre dans le liquide traversé par le courant, mais le thermomètre ne donne qu'une moyenne entre son point le plus chaud et son point le plus froid, et c'est son point le plus chaud que les microbes redoutent. Enfin, tout cela fait, il reste encore à éviter les décompositions électroly tiques du liquide. Si ce liquide est de l'eau pure, il donnera au pôle positif un peu d'eau oxygénée ou d'ozone, corps antiseptiques tous deux, mais faiblement antiseptiques. Si pour rendre l'eau plus conductrice on y ajoute des sels, il y aura bientôt de l'acide à un des pôles, de l'alcali à l'autre, et non seu- lement le liquide aura ainsi perdu toute homogénéité, mais l'effet de l'acide ou de la base pourront l'emporter sur celui de l'électricité. C'est ce qui arrivera par exemple sûrement dans un tube en U. Dans un vase cylindrique où les deux électrodes occupent les extrémités d'un même diamètre, les mouvements du liquide amèneront une recombinaison continue des éléments séparés aux deux pôles. Mais on aurait tort de croire que la cause d'erreur est éliminée par là. Il y aura toujours un moment pen- dant lequel l'acide et la base seront séparés, et pourront agir de façons différentes sur les microbes. ACTION DE L'ÉLECTRICITÉ SUR LES MICROBES 299 Enfin, si le milieu de culture contient des chlorures, ce qui est fréquent, une grosse cause d'erreur apparaît avec le chlore et les hypochlorites produits par la décomposition électrolytique. Tous ces corps sont des antiseptiques puissants, et il faut éviter d'attribuer k l'électricité ce qui serait leur œuvre. Ces décompositions électrolytiques sont non pas évitées, mais masquées quand on emploie non les courants continus, mais les courants alternatifs. Si les alternances sont rapides, il n'y a plus à chaque pôle qu'une série de dislocations et de reconstitutions moléculaires dont la somme est arithmétiquement nulle. Il n'est pas sûr qu'elle le soit aussi physiologiquement. Mais s'il y a une différence physiologique, on peut dire qu'elle représente précisé- ment l'effet cherché, et qu'on peut l'appeler actioti de iélec- tricité sur les microbes. Il reste seulement alors à éviter l'éléva- tion de température, élévation très facile quand on emploie les courants à haute fréquence, et qui peut amener à l'ébulUtion en quelques minutes le liquide sur lequel on opère. Ces notions générales nous permettront d'être brefs dans l'exa- men des travaux publiés sur ce sujet. 168. Premières expériences. — Les études sur l'action de l'électricité sur les microbes ont été inaugurées par MM. Cohn et Benno Mendelsohn qui, pour avoir un liquide de composition bien définie à soumettre au courant, ont pris une solution pure- ment minérale renfermant par litre 5 grammes de phosphate de potasse, 5 grammes de sulfate de magnésie, 10 grammes de tar- trate neutre d'ammoniaque formant la seule source d'aliment hydrocarboné, et 0 gr. 5 de chlorure de calcium. C'est un miheu très maigre, premier défaut, et contenant en outre des chloru- res, second défaut, plus grave à cause du premier. De plus, le procédé expérimental le plus souvent employé a été de faire passer au travers d'un tube en U, contenant la solution nutritive, le courant de quelques éléments de pile Marié-Davy. Cette solution ayant été ensemencée au préalable, quand elle se troublait après l'expérience, c'est que le courant était resté sans action ; lorsqu'elle ne se troublait pas, cela pouvait tenir, soit à ce que les bactéries y avaient été tuées par le courant, soit à ce que le liquide était devenu stérile, soit aux deux elFcts à la fois. Pour être renseigné à ce sujet, on portait dans un nouveau milieu une 300 CHAPITIIE XVIII goutte du liquide traversé par le courant, et on cherchait si elle peuplait ce milieu nouveau. En même temps, on réensemençait dans ce liquide une goutte d'une culture de bactéries en plein dé- veloppement, et on voyait s'il se peuplait. L'expérience ainsi faite parlait évidemment toute seule, sauf la restriction faite plus haut au sujet de la mauvaise qualité du milieu nutritif. En opérant ainsi, MM. Gohn et Benno Mendelsohn ont vu que tant que l'action du courant était courte et faible, son effet sur les bactéries était nul. Avec une action plus longue et plus in- tense, par exemple avec le courant de deux puissants éléments pendant 24 heures, le liquide voisin du pcMe positif reste intact, mais les bactéries n'y sont pas tuées, car, ensemencées ailleurs, elles se développent ; c'est le liquide qui semble lui-même de- venu stérile, car il ne laisse pas se multiplier la semence qu'on y introduit. On constate en effet qu'il est fortement acide. Avec le courant de 5 éléments pendant 24 heures, on observe îi la fois et aux deux pôles, la mort des bactéries et la stérilité du li- quide traversé par le courant. Ce liquide a sul)i une transforma- tion chimique marquée. Au pôle négatif se sont accumulées les bases et l'ammoniaque, la réaction y est alcaline. Au pôle posi- tif sont venus les acides et en particulier l'acide phosphorique, en sorte que le milieu, auparavant assez médiocre, est devenu tout à fait mauvais. Tout se réunit donc pour qu'on ne puisse ti- rer de l'ensemble de ces faits aucune conclusion relative à l'in- fluence de l'électricité sur les bactéries, et MM. Cohn et Benno Mendelsohn ont eu assez de perspicacité pour ne rien conclure. Pour éviter ces décompositions produites par le courant, MM. Cohn et Benno Mendelsohn ont essayé des courants d'induc- tion, mais n'ont alors observé aucun efi'et appréciable. C'est qu'en elï'etrexjîcriencedevientalors assezconfuse. Quand on enveloppe d'une spire métaUique un tube à essai contenant une culture, et qu'on fait parcourir la spirale par un courant con- tinu ou par la décharge d'une bobine, que peut-il bien se passer dans le liquide ? On admet souvent qu'il s'y produit des courants d'induction qui se ferment sur eux-mêmes. On ne voit pas bien ces courants traversant le corps des microbes, ou agissant sur eux s'ils ne les traversent pas. On ne voit surtout pas pourquoi ces microbes redouteraient davantage l'action de l'électricité lorsqu'ils sont en dehors du courant que quand ils en sont traversés. ACTION DE L'ÉLECTmCITÉ SUR LES MICROBES 301 Dans une autre série d'expériences, mieux combinées au point de vue de la convenance du milieu nutritif, MM. Cohn et Benno Mendelsohn ont essayé de la culture du micrococcus prodigiosus sur une tranche de pomme de terre parcourue par un courant galvanicpie circuUyit entre deux lames de platine parallèles, en- foncées dans la pomme de terre. Mais là aussi il se forme deux pôles et deux régions, l'une positive, l'autre négative, dans la- quelle se réalisent des décompositions chimiques. La pren.ière devient acide et semble se dessécher plus vite que l'autre. La rég-ion négative devient gélatineuse. Dans les deux régions, le développement du M. prodigiosus est entravé par de faibles cou- rants, et au pôle positif il l'est plus qu au pôle négatif. 11 est complètement arrêté quand l'action du courant devient plus in- tense ; les micrococcus sont tués et les portions de pomme de terre voisines des lames de platine sont même stérilisées. Mais ici encore, il n'est pas question d'une action physique du courant électrique, et ce sont les modifications chimiques amenées par l'électrolyse qui produisent le résultat. 169. Reclierclies plus modernes. — Ces travaux datent de plus de dix ans, et malgré les recherches récentes, nous en sommes au même point. Ni MM. Apostoliet Laquerrière, ni MM. Procho- wnick et Spaeth, qui ont étudié depuis le même sujet,n'ont réussi à mettre en évidence une action directe du courant galvanique sur les bactéries. Il est vrai que, préoccupés sans doute des appli- cations pratiques, ils semblent s'être tous attachés à ne pas dé- passer des intensités de 250 à 300 milliampères, qui représentent les doses médicales maximum des courants continus. MM. Apostoli et Laquerrière donnent sur leurs expériences des renseignements trop insuffisants pour qu'on puisse les juger. Par exemple ils indiquent la chute électrique entre les deux pôles sans indiquer la largeur de la colonne que parcourt le cou- rant ; il est donc impossible d'en calculer la densité, c'est-à-dire l'intensité par millimètre carré. De sorte que lorsqu'on se trouve en présence d'une affirmation d apparence paradoxale comme la suivante : « Pour une même intensité, et toutes choses égales d'ailleurs, il convient de tenir peu de compte de la durée de l'application du courant », on reste surpris sans comprendre. MM. l*rochovvnick et Spaeth opéraient dans un vase dans le- 3Ô2 CHAPITRE XVÎII quel trempaient les électrodes. Alors, si les électrodes sont voi- sins, les courants produits dans le liquide par les dégagements gazeux en mélangent plus facilement les couches, recombinent constamment les éléments dissociés par le courant, et il se pro- duit alors un état moyen. Par ce procédé, MM. Prochownick et Spaeth n'ont pu en effet réaliser que des eiiets insignifiants du courant, en agissant sur le bacille du foin, le staphylococcus pyo- gènes aiireus, et même la bactéridie charbonneuse. Mais quand ils sont revenus à examiner l'action au voisinage des pôles, ils ont retrouvé les résultats de Golm et de Benno Mendelsohn. Ils n'ont pourtant pas employé le classique tube en U. Ils ont recou- vert leurs plaques polaires d'une couche de gélose nutritive, dans laquelle ils ont ensemencé les microbes à étudier. Quand ces mi- crobes ont été développés, ils ont plongé les plaques dans une solution physiologique de sel marin, et ont fait passer le courant. En faisant des prises d'essai avant et après le traitement électri- que, on pouvait savoir comment les microbes l'avaient supporté. Cette fois ils ont trouvé, comme Cohn et Benno Mendelsohn, que le pôle positif était beaucoup plus bactéricide que l'autre, et que l'effet produit dépendait, comme on pouvait s'y attendre, de l'intensité et de la durée du courant. Un courant de 50 milliam- pères, passant pendant un quart d'heure, ne tue pas le Stnphyl. pyog. aiireus^ mais un courant de 60 milliampères de même durée le tue. Pour tuer la bactéridie charbonneuse garnie de spores, il faut au moins un courant de 200 à 230 milliampères passant pendant une ou deux heures ; avec un quart d'heure, on tue peut-être les bacilles, mais pas les spores. MM. Prochownick et Spaeth attribuent avec justice cet effet au chlore dégagé au pôle positif dans leur solution physiologique de sel marin. Les plaques polaires ressortaient en effet du bain re- couvertes de chlorure de cuivre. On sait qu'il se dégage aussi du chlore pendant les opérations de galvanothérapie. Les sondes de cuivre employées dans la galvanisation de l'utérus sortent cou- vertes de chlorure de cuivre quand elles ont formé le pôle positif, et soit ce sel, très antiseptique comme on sait, soit le chlore dé- gagé, ont certainement une action. MM. Apostoli et Laquerrière ont aussi observé cette influence du pôle positif sur la vitalité de la bactéridie et l'attribuent à l'ac- tion de l'oxygène dégagé. Comme ils ne disent pas quelle est la ACTION DE LELECTIIICITÉ SUR LES MICROBES 303 composition de leur liquide d'expérience, il est difficile de savoir si leur explication est au fond aussi différente de celle de MM. Prochownick et Spaeth qu'elle semble l'être. Nous allons retrouver des conclusions analogues dans le travail de M. Rruger, qui a opéré sur des courants plus forts, en ayant soin d'éviter réchauffement. Il interrompait pour cela le courant quand la température s'élevait au delà d'un certain degré, pour recommencer ensuite. Il a toujours trouvé que le courant, faible ou fort, avait une action, et naturellement, il a vu apparaître cette influence du temps que niaient MM. Apostoli et Laquerrière. Les courants continus sont d'autant plus actifs qu'on les laisse agir plus longtemps. Mais, ici comme tout à l'heure, leur action est indirecte ; elle est due aux acides et aux alcalis, à l'ozone et à l'eau oxygénée produite aux deux pôles, et, en somme on voit que personne n'a encore mis en évidence un effet quelconque des courants continus sur les microbes. Je ne signalerai ici que pour mémoire les tentatives diverses faites pour stériliser l'eau au moyen des courants électriques. Tous les savants qui se sont occupés de ce sujet ont eu franche- ment recours aux agents antiseptiques développés parle courant, et en particulier au chlore et aux hypochlorites. Hermite, après avoir constaté que l'eau de mer électrolysée est non seulement stérile, mais a des propriétés désinfectantes, en ajoute aux ma- tières qu'il veut désinfecter, ou ajoute son équivalent en chloru- res, et fait traverser le mélange pendant un temps suffisant par le courant. Il peut y avoir alors non seulement destruction des microbes, mais destruction par le chlore des matières organi- ques, de sorte qu'Oppermann a pu se proposer ainsi de trans- former l'eau dégoût en eau potable. Le problème ne semble pas avoir un grand intérêt industriel, mais il est curieux de le voir résolu par l'application d'un simple courant électrique. 1*70. Courants d'induction. — D'Arsonvalet Charrinont les premiers essayé ces courants sur les microbes. Ils ont opéré sur le Bac .pyocyarieus ^ dont une culture était placée dans un solénoïde parcouru par un courant à très haute fréquence (800.000 oscilla- tions par seconde environ). Gomme nous l'avons dit, on ne sait guère ce qui se passe dans ces conditions. Ces savants ne disent pas à quel degré ils ont arrêté l'élévation de température. Quoi- 304 CHAPITRE XVIII qu'il en soit, l'effet après une heure a été très médiocre. La vi- talité du microbe n'était pas atteinte, ni sa puissance pathogène, La couleur de la culture avait seulement un peu varié, et il n'y a eu qu'une expérience. MM. Spilker et Gottstein, en employant ces mêmes courants d'induction, tournant dans une spirale autour de la culture, ont observé une mort rapide des bactéries. Gela est tellement surpre- nant qu'il ne faut pas se hâter d'y croire. Friedenthal a recom- mencé leurs expériences en faisant passer un courant de 15 à 20 ampères dans une spirale de 10 tours, formant une épaisseur de 3 mm. 5, autour d'un tube de 15 millimètres de diamètre conte- nant une émulsion de bactéries. Le champ magnétique était très intense, et on n'a pourtant observé aucune action après des du- rées d'action de 1 heure 1/2, Le M. prodlgiosus avait conservé ses propriétés chromogènes et son pouvoir liquéfiant. Il en a été de même pour la levure de bière, qui s'était développée pendant l'expérience. Il faut seulement empêcher le liquide de s'échauffer. On n'a rieu obtenu non plus en étalant l'émulsion en surface au moyen d'un tube de verre qu'on y enfonçait, et qui ne laissait que 1 mm. 5 d'épaisseur à la couche annulaire de liquide sou- mise à l'action de la spirale. En résumé, aucun de ces travaux n'a révélé une action directe de l'électricité voltaïque sur les microbes. Partout où il y a eu action, c'est soit à cause des phénomènes physiques, soit à cause des phénomènes chimiques que produit l'électricité. Peut-être rendra-t-elle un jour des services comme agent producteur de chaleur qu'elle permet, comme on sait, d'accumuler sur un point avec beaucoup plus d'abondance que n'importe cjuel autre moyen de chauffage. On a déjà commencé à en tirer parti comme agent chimique producteur de chlore, d'hypochlorites, d'eau oxygé- née ou d'ozone. Nous retrouverons, dans une autre partie de cet ouvrage, l'étude de quelques-uns de ces antiseptiques. Le seul que nous ayons à étudier ici, tant parce qu'il se rattache à des notions d'oxydation qui s'imposent dès qu'on commence à étudier les microbes, que parce qu'il peut servir industriellement à la purification de l'eau, est l'ozone, sur lequel des travaux intéres- sants ont été faits. Voici le résumé de ce qu'ils nous ont appris. 1'?!. -A-ction de l'ozone. — Les recherches d'Oppermann, ACTION UE L'KLEGÏRICITE SUll LES MICROBES 305 dont nous avons dit un mot plus haut, avaient appris que l'élec- tricité agissait surtout en fournissant de Tozone, dont il fallait un excès dans le liquide pour qu'on pût s'assurer que la des- truction des microbes était terminée : quand ce liquide était riche en matières organiques, il devenait coûteux de l'amener à ce point. Mais le même obstacle n'existait pas pour l'épuration des eaux de rivière destinées à l'alimentation, et c'est Ohlmuller qui a le premier montré que la stérilisation d'une eau par l'électricité pouvait être économique. 11 s'est servi, pour ses expériences, d'un petit ozonisateur, peu différent des tubes de Siemens. Il avait à sa disposition un moteur à gaz, de la force d'un cheval-vapeur, et une dynamo de Go volts et 8 ampères. L'air qu'il électrisait n'était pas refroidi, mais desséché, au préalable, par son passage au travers d'un flacon laveur contenant de l'acide sulfurique. La quantité d'ozone, ainsi obtenue, a varié notablement. Quand lair s'écoulait lentement, avec une vitesse de 7 minutes par litre, l'état de la concentration était de 36,2 milligrammes par litre. Avec une vitesse beaucoup plus grande, l'air contenait seulement 5,8 milligrammes par litre, la rapidité d'écoulement allant jusqu'à 10 litres en 42 secondes. Dès ses premiers essais, l'auteur dut renoncer à détruire les microbes répandus sous forme de poussières sèches sur les parois des murs, à la surface des objets. Mais il trouva qu'il était facile de détruire les microbes contenus dans les liquides, en y faisant barboter de l'air chargé d'ozone. Ainsi en faisant passer pendant 10 minutes 5 litres d'air, dosant 15,2 milligrammes d'ozone par litre, dans un litre d'eau distillée contenant 3, 7 17, 000 spores charbonneuses par ce, le liquide était tout à fait débarrassé de ces germes. Des quantités bien moindres suffirent pour rendre stérile de l'eau distillée chargée d'innombrables germes de la fièvre typhoïde, du choléra, etc. En ajoutant de la matière organique sous forme de sérum (0,25 à 1 0/0), on met naturellement obsta- cle à la destruction des microbes. Plus une eau est souillée, plus son titre en permanganate est élevé, et plus grande sera la quantité d'ozone nécessaire pour la stériliser. Au contraire, le nombre de microbes qu'elle renferme est pour ainsi dire sans influence aucune, une eau pauvre en matières organiques dis- 20 306 CHAPITRE XVIII soutes ne demandant pas plus d'ozone pour être stérilisée, quand elle contient plusieurs millions de microbes par c. c. que quand elle en renferme quelques centaines. Dans une des expériences de M. Ohlmûllcr, on voit, entre autres, qu'une eau d'égout fortement diluée, titrant 07, 8 milli- grammes de permanganate au litre, après avoir été traitée pen- dant 10 minutes par de l'air électrisé contenant 9o,8 milligram- mes d'ozone, est débarrassée seulement de 70,8 0/0 des bacilles tyj)hiques qu'on y avait introduits. La même eau, encore plus diluée, ne titrant plus que 21,7 mil- ligrammes est à peu près stérilisée : elle a perdu 99,9 0/0 des microbes cholériques qui l'infectaient, après avoir subi pendant 10 minutes l'action de 8o,i milligrammes d'ozone. Une dilution absorbant seulement 11, 3 milligrammes de permanganate est totalement débarrassée de ses microbes après traitement par 12,8 milligrammes d'ozone en 2 minutes. Enlin, une eau de rivière^ de l'eau de la Sprée, titrant en per- manganate 4,6 milligrammes, avait été additionnée de bacilles typhiques de telle manière qu'un ce. de cette eau en contenait 9 millions ; cette eau a été rendue stérile en 5 minutes par 40,6 milligrammes d'ozone. Notons, en regard de tous ces chiffres que, dans tous les cas, le poids total de microbes contenus dans un litre d'eau n'est qu'une fraction du poids total d'ozone nécessaire pour le stériliser. Ces résultats intéressants ont tout de suite été portés sur le terrain industriel à Oudshoorn, près de Leyde, où le baron Tindal les a employés pour l'épuration des eaux du vieux Rhin. Ces eaux sont très impures. On commence par les soumettre à une filtration au travers du sable. Elles en ressortent avec une cou- leur jaune paille, un goût et une odeur désagréables, et une richesse en germes comprise entre des centaines et des milliers par cent, cube. On la fait alors passer dans des stérilisateurs, où elle reste en contact pendant des temps variables entre quelques minutes et une demi-heure avec de l'air ozonisé à un degré va- riable. Cet air passe d'abord par un dessiccateur à chlorure de calcium, barbote ensuite dans l'acide sulfurique, se débarrasse enfin de ses poussières en traversant un filtre d'ouate ou de feutre. Il passe ensuite dans dos ozoniseurs que parcourent des courants de ACTION DE L'ÉLECTRICITÉ SUR LES MICROBES 307 haute tension, pouvant atteindre 50.000 volts. On vise à atteindre le maximum de concentration de l'ozone réalisable économique- ment et industriellement. Les rendements sont encore faibles. Ils sont encore inférieurs à 10 milligrammes d'ozone par seconde et par cheval-vapeur. Mais, comme il faut peu d'ozone pour stérili- ser une eau, l'équilibre se rétablit entre le bénéfice et la dépense. M. Van Ermengcn a étudié avec beaucoup de soin l'effet chi- mique et bactériologique de ce mode de traitement. Il a constaté que l'eau traitée perdait une quantité notable de sa matière organique, sa couleur jaune paille, son odeur désagréable. Une se forme ni nitrates ni. nitrites ; la proportion d'eau oxygénée est négligeable ; l'ozone n'y persiste pas au delà de quel- ques heures, soit qu'il y ait oxydation, soit qu'il y ait décom- position. Quant aux microbes, on arrive parfois à des stérilisa- tions absolues. Parfois, il ne reste que quelques unités vivantes, empruntées surtout aux espèces les plus résistantes, telles que le B. siibtilis. Une eau qu'on avait chargée de 7.830.000 germes du B. coli par cent, cube a été stérilisée en 10 minutes. Bref, la puissance et l'innocuité de cette méthode de désinfection n'est pas douteuse ; elle réalise artificiellement, dans une certaine mesure, les effets de l'épuration naturelle que nous verrons se produire sous l'influence de l'oxygène. ITS. Action de l'électricité statique. — Au sujet de l'in- fluence de l'électricité statique sur les microbes, rien n'est encore connu. Ce sujet mériterait pourtant d'être étudié. On sait que cette électricité exerce une action sur l'éclosion des œufs de ver à soie. Peut-être est-ce aussi par l'ozone qu'elle développe. En tout cas, il serait intéressant de la faire agir sur les mycodermes ou les microbes aérobies, ou bien encore sur les beggiatoa^ ou sur le ferment de l'urée de Van Tieghem, qui recherchent la lumière. BIBLIOGRAPHIE CoHN et Benno Mkxdelsohnt. Action du courant électrique etc. Cohn'.t Beitràge ; III, 1879. SCHIEL. Etudes électro-lhérapeutiques. Deutsche Archiv. f. Klin. Med. ; XV, 1885. 308 CHAPITRE XVIII ApoSTOLI et LaqUERRIÈRE. Comptes rendus, 1890. Prochownick et Spaeth. Sur l'action microbicide du courant galvanique. Deutsche med. Wocli. 1S90. Webster. Journal ûf Ihe Soc. ckim. Induslr. ; IX, 1891. Spilker et GoTrsTEiN. Sur la destruction des bactéries par l'électricité d'induction. Centralbl. f. Bakl. ; IX, 1S91. Prochownick. Traitement de la gonorrhée récente de la femme par un courant continu. Id.\ IX, 1891. Verhoogen. Bull. soc. belge de viicroscopie ; XI, 1891. Claudio Fermi. l'urification des eaux d'égout par l'électricité. Archiv. f. Hyg.- XII, 1892. D'Arsonval et Charrin. Comptes rendus de Ui Soc. de biologie, 1893. Kruger. ZeiUclirift f. klin. med.; XXII, 1893. Smirnow. Berl. klin. Woch. ; 1894, 6. E. Kleim. Sur le système Hermite. Hj/g. Rundschau. 1894. OppermanN. Hijg. Rundschau ; 1894. Kruger. Deutsche med. Woch. ; 1894. Frikdenthal. Influence de l'électricité sur les bactérie?, revue critique. Centralbl. f. Bakl.; 1896. Ohlmullkr. Sur l'influence de l'ozone sur les bactéries. Arb. a. d. k. Gesundh. ; VIII, 1893. Van Krmkngen. De la stérilisation des eaux par l'ozone. Ann. de VInslilul Pasteur; t. IX, 1895. CHAPITRE XIX INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES HYPHOMYCÈTES Je pourrais commencer ce chapitre comme le précédent : il semble très facile déjuger de l'influence de la lumière en faisant simultanément, au jour ou même au soleil, et à l'obscurité, deux cultures parallèles, et en cherchant comment elles se compor- tent. Eu réalité, la chose est presque aussi difficile que pour l'élec- tricité, et pour les mêmes raisons : c'est qu'il se produit simul- tanément des influences latérales qui superposent leur action à celle qu'on veut étudier. L'arrivée de la lumière amène presque inévitablement une élévation de température et des transfor- mations chimiques dans la culture éclairée. Examinons séparé- ment ces deux phénomènes. 173. Élévation de température. — Elle est en général d'au- tant plus grande que la lumière est plus vive. Si, pour l'éviter, on prend des lumières faibles, on risque de n'avoir plus d'action, ou de n'en trouver qu'au bout d'un très long temps, ce qui aug- mente les chances d'erreur. Même la lumière diffuse ordinaire peut amener des élévations de température qui ne semblent plus négligeables, quand on songe à la sensibilité de certaines espèces vivantes au sujet de cet agent. Nous en avons vu un exemple à propos de Yaspergillus niger. Ce que j'ai dit (161) du hacilhis ramosiis^ montre qu'au voisinage des températures critiques, un degré ou un demi-degré de différence entre deux cultures peut amener chez elles des différences profondes. On peut dire, d'une manière générale, que l'effet de l'éclairement ou celui de l'obs- curité sont faibles vis-à-vis de ceux du réchauffement ou du refroidissement. Nous avons pu négliger les premiers en étu- diant les derniers. Ce serait faire une grosse faute que de croire la réciproque vraie. Il faudra donc s'attacher à maintenir, par un moyen quelconque, la température absolument égale entre les deux cultures au jour et à l'obscurité. 310 CHAPITRE XIX On a essayé parfois, pour arriver à ce résultat, de supprimer dans le spectre sa partie la plus calorifique au moyen d'écrans colorés. Plus généralement, quand on a voulu, après avoir cons- taté ou cru constater une action de la lumière m toto^ savoir auquel de ces éléments, auxquelles de ces radiations on pouvait attribuer l'efïet observé, on s'est servi pour cela soit d'un spec- tre étalé, dans les diverses parties duquel on exposait le tube de culture, soit d'écrans de diverses teintes. Ce dont il faut se préoccuper de suite, dans l'emploi de l'un quelconque de ces moyens, c'est de Ténorme diminution d'intensité qu'ils produisent parfois. Quand Fimag'e d'une fente de 1 millimètre est étalée en un spectre de 10 centimètres, si l'énergie était également répar- tie sur toute cette surface, il n'y en aurait sur un centimètre de largeur que de 1/100 de ce qui en serait tombé directement, et l'absorption par la lentille ou le prisme, si on emploie ce moyen, réduit au moins à moitié cette fraction déjà très faible. Avec les verres colorés, l'absorption est plus faible, à moins qu'on ne les prenne très foncés. On choisit d'ordinaire, comme écrans pour l'expérience, une solution de bichromate de po- tasse et une solution de sulfate de cuivre dans l'ammoniaque. Ces deux liqueurs ont l'avantage de partager le spectre visible en deux parties : l'une, tamisée par le bichromate, contient les rayons rouges, jaunes, et une partie du vert; lautre, transmise par l'eau céleste^ contient le reste des rayons verts, le bleu et le violet. On peut, par une dilution convenable, amener ces deux côtés du spectre à se raccorder et à ne pas empiéter l'un sur l'autre. Pour éliminer dans un pinceau lumineux les radiations d'ordre chimique, les plus réfrangibles, on s'est aussi souvent servi d'une solution de sulfate de quinine, à un degré de concentration suffisant pour que la lumière qui l'a traversée n'a- mène plus aucune fluorescence sur une autre solution fluores- cente. Quand on emploie ces verres colorés, ou ces liqueurs nécessai- rement contenues dans du verre, il faut ne jamais perdre de vue l'influence du milieu traversé, le tamisage inégal des rayons calorifiques, et les inégalités de température qui peuvent sur- venir de ce fait dans deux cultures qu'on suppose identiques. Je donnerai une idée des causes d'erreur qui peuvent provenir de cette source en disant que dans son travail très soigné sur la INFLUENCE DE LA LUMIÈIIE SUR LES HYPHOMYCÈTES 3H biolog-ie du bacillus ramosus^ M. Marshall Ward a trouvé indis- pensable d'éliminer constamment le verre dans ses expériences, et de faire en quartz toutes les lames planes que la lumière de- vait traverser. 174. Transformations chimiques. — Cet ordre de perturba- tions, qui jouait le rôle principal quand il s'agissait de l'électri- cité, na plus ici qu'un rôle secondaire, mais qui n'est pourtant nullement négligeable. J'ai montré que la lumière solaire, en agissant sur les matières organiques du milieu de culture, les dé- truit presque toutes plus ou moins rapidement, avec formation intérimaire fréquente d'acide formique,qui est un antiseptique actif. Nous verrons aussi qu'il y a formation fréquente, dans ces conditions, d'eau oxygénée et d'ozone, qui sont aussi deux anti- septiques. 11 en résulte que l'action sur le microbe, la seule qu'on cherche, se superpose souvent à une action sur le milieu, qui est contingente et variable, et qu'il faudrait éliminer. Or nous con- naissons la sensibilité des microbes vis-à-vis de la composition chimique de leur milieu nutritif. La lumière acidifie en général les milieux de culture. Même avec les matières grasses, elle donne une saponification acide. Qu'on se représente, par exemple, une mucédinée ensemencée en milieu neutre et exposé au soleil ; si la lumière acidifie le liquide nutritif, il favorise la culture ; s'il agit, au contraire, seulement sur le mycélium, il en retarde le déve- loppement. Comment se débrouiller entre ces deux résultats con- tradictoires, si on n'est pas prévenu? Si on ne veut pas se tromper, il faut éliminer le premier pour observer le second. La méconnaissance ou le dédain de ces causes d'erreur ont introduit dans cette partie de la science une foule de contradic- tions qu'il serait oiseux de relever. On trouvera, dans les biblio- graphies de ce chapitre et des suivants, une liste étendue des travaux qui ont visé ce sujet. Je ne parlerai ici que de ceux qui me paraissent dignes de créance. 175. Cliampignons. — L'observation et l'expérience ont ap- pris depuis longtemps que certains champignons et beaucoup de mucédinées peuvent vivre et se développer dans une olîscurité com- plète, et même qu'à la lumière, comme cela arrive à certains Coprins, le faciès du champignon n'est pas le même qu'à l'obs- 312 CHAPITRE XIX curité. Brefeld a fait à ce sujet des études nombreuses, évidem- ment exposées, à raison de la façon dont elles étaient conduites, à des résultats contradictoires qui, du reste, n'ont pas manqué : dans leur ensemble, ces études peuvent être considérées comme assez probantes. Elles se résument en ceci: beaucoup de cham- pignons ne sont pas influencés par la lumière ; cependant quelques Basidiomycètes ont besoin de lumière et surtout delumière bleue. Pour quelques-uns d'entre eux, le développementà l'obscurité n'est pas normal, le chapeau se rapetisse et le pied s'allonge énormément [Coprinussteirorarius, C.piicatilis et C.ephemeriis). Pour d'autres (C niveus, G. nycthemerus eiSphœrobolus), les mycéliums restent absolument stériles à l'obscurité. Les organes de fructification n'apparaissent que sous l'influence de la lumière et surtout des rayons les plus réfrangibles. Un point à remarquer, c'est qu'ils n'ont pas besoin pour cela d'une lumière continue. îl suffit qu'ils en aient subi l'action pendant un certain temps à un moment convenable ; ils se développent et mûrissent ensuite normalement à l'obscurité, quoique plus lentement qu'à la lumière. La lumière a donc ici un effet excitateur. Enfin, Brefeld a remarqué aussi qu'avec le Piloholus tnicrosporus, l'organe de fructification reste stérile, môme à la lumière jaune, dans laquelle il prend pourtant de fortes courbures héliotropiques. Il suffît d'une action lumi- neuse de quelques heures pour provoquer à l'extrémité des fila- ments fructifères, stériles jusque-là, la formation d'un sporange. Ces premiers résultats, relatifs à un ordre de champignons dont nous n'avons pas à nous occuper dans ce livre, nous montrent que nous n'avons pas le droit de confondre les difi'érentes phases de la vie d'un être aussi nettement différencié. Autant qu'on peut le voir, le mycélium est l'organe principal de la vie du champi- gnon, et pour ainsi dire, le champignon tout entier. C'est lui qui est chargé de l'élaboration des matériaux qui s'édifient ensuite rapidement sous la forme d'appareil fructifère. En exagérant un peu les choses, on peut dire qu'il est l'organe de construction et de synthèse, tandis que le chapeau ou les tubes sporifères sont un organe d'épuisement et de dépense. Il ne serait donc nulle- ment étonnant que la lumière agisse différemment sur la forma- tion du mycélium et sur celle des organes de fructification. 176. Hypliomycètes. — A ce point de vue, les expériences INFLUENGB DE LA LUiMIÈIlE SUR LES HYPHOMYCEïES 313 sont plus faciles et plus nettes avec les Hyphomycètes, dont quelques-uns vivent facilement sur les milieux liquides. Cherchons d'ahord l'effet produit sur le mycélium, et deman- dons nous s'il croit aussi vite à la lumière qu'à l'obscurité. Nous avons, pour répondre à cette question, un intéressant travail de M. Elfving-, qui a opéré sur deux espèces voisines, une Briai^œa et un Pénicillium, cultivées sur des milieux liquides à la lumière et à l'obscurité. On savait par les résultats de Pasteur et par les ex- périences de Raulin que, lorsqu'on offre à la spore du sucre, des matières minérales convenables, et des sels ammoniacaux comme unique source d'azote,la plante peut se développer. Le mycélium, qui forme dans ces conditions son protoplasma de composition si complexe, ne peut pas évidemment se comporter comme il le ferait si on lui donnait uniquement de la peptone pour aliment. C'est alors la composition de son protoplasma qui est voisine de celle de sa matière alimentaire, tandis que, avec le sucre, c'est l'enveloppe cellulaire qui ressemble le plus à l'aliment fourni. Le travail synthétique à l'intérieur du mycélium a donc chance d'être très différent dans ces deux cas extrêmes. M. Elfving- s'est de- mandé si la lumière l'influençait toujours de la même façon, et, plus généralement, si l'action de la lumière ne dépendait pas à la fois, et du champignon, et de la composition de son milieu nu- tritif. Il a composé pour cela diversmilieux, avec de la peptone comme représentant des matières albuminoïdes, avec le dextrose ou la mannite, comme représentant des hydrates de carbone, avec l'a- cide malique, comme représentant des acides végétaux fixes. Ce dernier choix semble ne pas avoir été très heureux : l'acide ma- lique était connu comme un acide très résistant, presque comme un antiseptique. L'acide lactique eut été préférable. En fait, les cultures avec acide malique ont été très médiocres, et nous pourrons les passer sous silence. Pour faire une expérience, on semait dans 20 ce. de liquide nu- tritif, contenus dans un vase d'Erlenmeyer de 100 ce, bouché au coton, une très légère émulsion de spores, et on exposait les va- ses, par couples, à la lumière et à l'obscurité. Les conditions de la culture, dans ces divers milieux, n'étaient malheureusement pas aussi bien connues que celles de raspergillus iiiger dans le liquide de Raulin, et on n'était nullement assuré que tous les va- 314 CIIAPITIŒ XIX ses ensemencés, et maintenus à la lumière^ donneraient le même poids de récolte au bout du même temps, ce qui eut été néces- saire pour qu'on pût apprécier nettement l'efïet de Tobscurité. Mais les variations à la lumière étaient faibles, faibles aussi les variations à l'obscurité, de sorte qu'il suffisait que la variation de l'obscurité à la lumière fût notablement plus grande pour qu'on puisse conclure à son existence propre. Treize séries d'expériences faites dans des milieux variés, et dans lesquelles il y aeu parfois fructification, o!it montré qu'avec le dextrose et la mannite le poids de plante obtenu à la lumière était la moitié seulement, et quelquefois moins encore, du poids dans l'obscurité. Avec la peptone, et même avec la peptone ad- ditionnée de dextrose, les récoltes à la lumière et à l'obscurité sont les mêuies, dans les limites d'erreur de la méthode. En ou- tre le PeniciUwn est, toutes choses égales d'ailleurs, plus sen- sible à la lumière que le Briarœa. Il y avait bien, entre ces deux séries d'essais, de petites diffé- rences de température, mais c'était la culture éclairée qui était la plus chaude, et comme on opérait à une température au-dessous de la température optima, cette cause d'erreur forçait le rende- ment. Il restait néanmoins plus faible qu'à l'obscurité. La con- clusion restait donc solide. La lumière est donc nuisible à la formation du mycélium, et il ne s'agissait ici que de lumière diffuse. Quand on fait interve- nir une lumière plus intense, par exemple celle du soleil, l'éléva- tion de température qui intervient rend l'expérience comparative plus difficile, mais on voit tout de même en gros que l'action devient nuisible ou même mortelle, surtout lorsque la plante n'a à sa disposition que du dextrose ; c'est une question que nous retrouverons bientôt. 17*7. Influence des diverses radiations. — Voyons d'abord ce que donnent les diverses radiations. M. Elfving a fait pour cela des cultures comparatives sous des cloches à double paroi, dites de Sénebier, et contenant de l'eau et des solutions de sulfate de quinine, de bichromate de potasse, et de sulfate de cuivre am- moniacal. Ici, ses résultats sont moins nets, car, tant au point de vue des elFets de l'absorption que des variations de température, la comparabilité des essais était moins bien assurée. Quand INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES IIYPIIOMYCETES 315 l'absorption réduit trop la quantité de lumière qui pénètre sous la cloche, il est clair que le développement doit se faire dans robscurité, quelle que soit la catégorie des rayons supprimés. Les expériences montrent pourtant que l'action nuisible de la lumière provient surtout de ses radiations les plus réfran§il)Ies, de ce qu'on appelle son spectre chimique : c'est là une notion qui est antérieure à M. Elfving, et que nous retrouverons à plusieurs reprises dans notre étude. 178. Action sur le procès nutritif. — Nous venons d'étudier l'action en bloc. Il faudrait maintenant la voir en détail. Sur quel rouage agit la lumière? Pour tâcher de le savoir^ M. Elfving a comparé la composition des mycéliums récoltes à la lumière et à l'obscurité, dans les milieux peptonisés et les milieux sucrés. Trois cultures de Briarœa sur dextrose ont donné : 5,16 0/0 6,29 0/0 5,69 0/0 d'azole à l'obscurité et respectivement 6,13 0/0 6,78 0/0 6,32 0/0 d'azote à la lumière Il y a donc proportionnellement plus d'azote à la lumière, et par conséquent, moins de matériaux hydrocarbonés. La lumière agirait donc à la fois pour dimiuuer la quantité totale de matière cellulosique, et pour en diminuer la proportion dans les cellules qu'elle laisse se former. Mais ici, nos conclusions deviennent un peu douteuses, parce que les chiffres dont nous les tirons sont un peu contingents. La proportion d'azote n'est, en effet, pas cons- tante dans une culture, elle décroit à mesure que la culture vieillit, etil est toujours imprudent, en outre (93), de conclure de la quantité d'azote à la quantité de matière alburainoïde. 1*79. Action sur les organes de fructification. — Nous avons vu que quelques-uns des ensemencements de M. Elfving avaient fructifié, à peu près aussi bien à la lumière qu'à l'obs- curité. Ce sujet a été étudié depuis par M. Lendner, qui a trouvé, comme Brefeld, des résultats différents suivant les espèces. Yines avait déjàvu que les filaments fructifères du Phycomyces nitens étaient moins longs à la lumière c[u'à l'obscurité, que dans la partie la moins réfrangible du spectre ils se comportaient comme dans l'obscurité, et dans la plus réfrangible comme à la lumière. L'action est donc la même que chez les végétaux supé- 316 CHAPITRE XIX rieurs. M. Lendner trouve des différences au sujet desquelles on a le droit de rester indécis, car il ne semble s'être préoccupé nulle part de l'uniformisation des températures. Il fait ses cultu- res à la température du laboratoire, et admet qu'elle est égale pour toutes ses cultures. C'est peut-être à cela que sont dues quelques contradictions singulières dans ses résultats. Dans leur ensemble ils confirment pourtant ceux de Yines. La lumière rouge, le jaune et l'obscurité favorisent la maturation des sporanges ; à l'autre extrémité du spectre, tout se passe à peu près comme en pleine lumière. 180. Héliotropisme. — A cette question de l'action de la lu- mière se rattachent naturellement les phénomènesd'héliotropismc positif ou négatif des filaments fructifères de beaucoup dllypho- mycètes. Les cas d'iiéliotropisme positif sont les plus fréquents. Ils ont été observés d'abord par Fries, puis par Léveillé chez certains Agarics, tels que les Coprins, par Ducliartre sur le clavi- cepspurpurea, par Woronine sur le sordaria decipiens et lepeziza Fuckeliana^ par Kraus chez le miicor ?micedo, le piloholus. mi- crosporus, par Boudier chez fascoboliis. Puis sont venues les recherches de Wiesner et de Regel. Dans l'ensemble, on peut dire que l'héliotropisme peut se faire inditléremment sur les diver- ses parties du spectre, mais qu'il est cependant plus actif vers les rayons les plus réfrangibles. Tout ceci montre qu'en restant dans les limites des actions phy- siologiques, la lumière peut agir de façons différentes sur les divers organes d'un même champignon, et on devine tout de suite ce que peuvent apporter de différences rillumination continue ou l'éclairement intermittent. Dans les plantes supérieures, l'aliment se forme et s'emmagasine pendant le jour, il se dépense surtout la nuit dans la formation de nouveaux tissus. Une fois le fruit formé, il a besoin de soleil pour mûrir. On retrouve sinon les mêmes phases, du moins des phases analogues dans le cycle nutritif d'une mucédinée. Le mycélium est le sac aux provisions, qui s'allonge de jour en jour. Le filament fructifère est un organe de dépense, non pas, comme le mycéHum, un organe de dépense de l'aliment accumulé dans le milieu ambiant, mais un organe de dépense de l'aliment accumulé dans le mycélium. Il se com- porte comme lui sous l'action de la lumière. INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES IIYPIIOMYCETES 317 181. Respiration. — La respiration est une résultante de l'ensemble de ces phénomènes et doit en indiquer la marche. Mal- heureusement, la complication du phénomène est très grande, sur- tout avec les mucédinées, qui ontbesoin de l'oxygène de l'air. Dans quelle mesure l'acide carbonique qu'elles produisent provient il d'une combustion extérieure et directe, provoquée par cet oxy- gène, oubien d'une combustion intérieure, faite avec de l'oxygène déjà combiné ? Comment distinguer celui qui provient de la partie de la plante qui est en train de croître, de celui que fournissent les parties dont la croissance est terminée ? On peut prévoir qu'à raison de la multiplicité des sources de ce gaz, il pourra être difficile d'interpréter les nombres fournis par l'expérience. Au sujet de la respiration des Hyphomycètes, nous avons des résultats en apparence absolument contradictoires. MM. Bonnier et Mangin ont vu qu'avec le phyœtjii/ces ?iitens, qui ressemble en cela à des Agarics et à beaucoup d'autres plantes, la lumière diminuait d'une façon très sensible la quantité d'acide carbonique produit par le végétal. Detmeravait, au contraire, trouvé lalumière sans action, et M. Elfving montre, dans une série d'expériences concordantes, que, s'il y a des différences dans la respiration à la lumière et à l'obscurité, elles ne sont pas supérieures aux iné- galités possibles entre deux expériences à la lumière ou à l'obs- curité. Mais il fait remarquer lui-même que cette contradiction n'est qu'apparente, et tient aux conditions difterentes dans les- quelles s'étaient placés les expérimentateurs. Quand l'Hyphomy- cète a cessé de pousser, sa respiration n'est pas influencée par la lumière. Quand il se fait, au contraire, de nouveaux tissus, la lu- mière, qui entrave ce travail de synthèse, entrave aussi la respi- ration, et la partie du spectre qui retarde le plus le premier travail est aussi celle qui retarde le plus le second. En somme, en poussant un peu les choses à l'extrême, il sem- ble qu'on pourrait dire que c'est ce que nous avons appelé le tra- vail de construction qui seul est influencé par la lumière, et que le tî^avail d'efitretienne l'estpas. Faut-il en conclure que ces deux travaux sont foncièrement différents ? Non évidemment. Ce peu- vent être aussi deux mécanismes identiques, mis en train par des causes différentes. Nous ne pouvons pas plus juger de ce qui se passe à l'intérieur de la celhile, par ce qu'elle laisse échapper de gaz à l'extérieur, que deviner quel est le mécanisme d'une ma- chine à vapeur en étudiant ce qu^elle envoie dans sa cheminée. 318 CHAPITRE XIX 1 8S. Modifications de forme et de fonctions sous l'influence de la lumière. — Jusqu'ici nous avons vu toutes les influences phy- siologiques mises en jeu s'imprimer peu à peu dans les protoplas- mas, et y amener une modification plus ou moins sensible de propriétés et même de forme. Divers phénomènes montrent qu'il en est de même pour la lumière, et qu'un tissu qu'elle a frappé, même seulement pendant quelques heures, n'est pas identique à ce qu'il était avant, et conserve trace de l'impulsion reçue, de ce qu'on pourrait appeler Vinduction lumineuse. Brcfeld a vu que quelques heures d'insolation permettaient à certains Coprins de parfaire à l'obscurité leur fructification comme s'ils étaient expos(3« à la lumière, et cela rappelle la curieuse observation faite sur le Tropœolum qui, élevé dans l'obscurité, donne des fleurs blanches, mais qu'il suffit d'exposer à la lumière pendant quelques heures avant qu'il ne fleurisse, pour que les premières fleurs qu'il produira ensuite à l'obscurité soient colorées de leur teinte normale. Laurent a donné le premier exemple d'une modification de propriétés plus profonde, aboutissant à un changement de forme. En étudiant les relations de parenté de deux Hyphomycètes, le Dematkun pullulans et le Cladosporium herbarum, il a vu qu'on pouvait faire dériver le premier du second par l'action de la lu- mière. Il suffit pour cela d'ensemencer des spores du Pénicillium, Cladosporioïdes^ qui n'est qu'une forme du Cladosporium^ dans du moût de bière qu'on expose au soleil. On trouve ainsi, après quelques jours en été, après quelques semaines au printemps, que, semées de nouveau dans du moût de bière, ces spores inso- lées se développent en donnant des formes de Demaêiiim , iicconi- pagnées même des formes-levures, réunies en paquets, qui ont frappé depuis si longtemps l'attention dans le Dematium pullu- lans. La forme a donc changé, et aussi les propriétés^ car le Cla- dosporium est un être très aérobie, se développant en mycélium à la surface des liquides nutritifs, tandis que, modifié par l'action de la lumière, il acquiert la propriété de se développer dans les profondeurs du liquide et même dans le vide. Il est donc devenu un peu anaérobie. Presque au même moment, M. Elfving découvrait un autre fait du même ordre, qu'il n'a publié qu'en 1890. Il a vu V Eurotium herbarioriun^ espèce voisine de V Aspergillus glaucus., ensemencé INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES IIYPIIOMYCÈTES 319 dans du moût de bière et exposé à une lumière d 'intensité moyenne, donner des filaments mycélicns dont les uns meurent sous l'efTet de l'illumination prolongée, dont les autres prennent des formes renflées, globuleuses, vacuolées, et finissent par donner des for- mes-levures, dépourvues de tout pouvoir ferment, mais se déve- loppant comme tous les Blastomycètes, par Ijourgeonnement. Il se produit ainsi, non pas une seule variété de formes-levures, mais au moins 3, présentant, à côté de caractères communs, des différences assez constantes. Enfin ces levures ne reviennent pas à V Ei/rotiw)i([imnd on les ramène à l'obscurité. Elles redonnent des formes-levures, et quand elles s'allong'ent de nouveau en filaments, ce qui a lieu dans des conditions dont M. Elfving- n'est pas encore maître, elles donnent un mycélium qui donne des co- nidies, ]ion du type initial de VAspergilliis, mais du type Peni- ciliiiim, et cette dernière forme se reproduit indéfiniment. Elle est fixée, comme l'est la forme Dematium produite par Laurent au moyen du Cladosporium.Towa ces faits ont besoin d'être con- firmés et précisés dans leurs détails. Mais la conclusion à laquelle ils conduisent ne semble pas douteuse, c'est que la lumière du soleil est un agent modificateur puissant, non seulement des pro- priétés physiologiques, mais encore de la forme de tous les végé- taux à la surface du globe. 183. Influences nocives de la lumière. — Nous avons vu jusqu'ici toutes les actions physiologiques qui s'exaltent devenir nocives. Il en est de même de l'action de la lumière sur les Hy- phomycètes. (Juand on prolonge trop l'action d'une lumière fai- ble, ou qu'on fait agir une lumière trop forte, le mycélium ou les organes de fructification, ou même les spores périssent. La ques- tion du mécanisme de la mort n'a pas été étudiée, mais nous retrouverons cette question dans le chapitre suivant au sujet des bactéries, pour lesquelles elle a été creusée davantage: 184. Action de la lumière sur d'autres espèces micro- biennes. — Il nous reste, pour terminer, à rassembler quelques notions éparses sur des espèces microbiennes autres que les Blas- tomycètes ou les Bactéries. Kny n'a trouvé aucune diii'érence entre deux cultures de levure de bière, l'une à l'obscurité, l'autre à la lu- mière du gaz. Dumas a vu, en gros, que la fermentation mar- 320 CHAPITRE XIX chait plus lentement à Tobscurité qu'à la lumière, mais ne donne pas assez cle détails sur cette observation pour qu'on puisse juger de sa valeur probante. Hofnieister a étudié l'influence de la lumière sur les Myxomy- cètes. Il a vu que YOEthalium septicum changeait à l'obscurité de forme de développement et perdait sa couleur. Les jeunes plasmodies se traînent vers la lumière, les plasmodies plus âgées vont vers elle ou la fuient, mais toujours dans la direc- tion du rayon lumineux, jamais latéralement. Ce dernier point a été contesté par Baranetzky. Strasburger a pu appeler à la sur- face d'une fosse à tan une plasmodie d'œthalium, à l'aide d'une faible lumière, et la faire s'y renfoncer par une lumière plus vive. Pour les bactéries, les faits découverts sont beaucoup plus nombreux et constituent les matériaux d'une étude presque complète que nous allons aborder. BIBLIOGRAPHIE Brefeld. Botanische Untersuch. uber Schimmelpiize. DeBary. Ann. des Se. Naiur.,lV*> S. Botanique; XXX, 1863. LoEW. Verhandl. d. zooh bot. Geselh. in Wien : J867. HoFMEisTER. Die Lehre von der Pflanzenzelle, 1867. Hoffmann. Untersuch. ub. die Keiraung der Pilzsporen. Pringah. Jahrb.: H, 321. DuCHARTRE. Comptes rendus, 1870. 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Il en est qui semblent seulement recouvertes d'un pigment qui, placé en dehors du protoplasme, ne peut évidemment jouer le même rôle que les pigments protoplasmiques. Ceux-ci sem- blent, en outre, avoir des actions différentes qui ne sont pas encore bien débrouillées. Nous ne parlerons ici que des mi- crobes colorés qui ont depuis longtemps attiré l'attention des bactériologistes, et (}ui ont été décrits sous les noms de Monas Okeni et Vinosa Ehrenberg, M. Warmingi Cohn, Ophidomonas San- guincaFih, Rhabdo/iiona.'» rosea Cohn, Spirilluni ;7/6y«??2Esmarch, S. violaceum Warming, Bacterium ro.seo-per.sicinum Cohn, rwôé'i- cens Ray-Lankester, sidfuratum Warming, Beggiatoa roseo-per- sicina Zopf , Bacterium photometriciim Engelmann. La plupart de ces espèces font partie de celles que M. Winogradsky a étudiées récemment sous le nom de bactéries sulfureuses et dont il a essayé de débrouiller l'écheveau emmêlé. Nous retrouverons ces bacté- ries à propos de leur action sur l'hydrogène sulfuré. Nous n'étu- dierons ici que la fonction protoplasmique due à l'existence, chez certaines d'entre elles, d'un pigment coloré spécial dont la com- position n'est pas bien connue, mais que, pour abréger, nous appellerons la bactériopurpurine . Toutes ces bactéries présentent, en etïet, une coloration que vise, sans toujours l'atteindre, leur nom spécifique, et qui, avec une teinte pourprée générale, vire tantôt au rouge, tantôt au bleu, tantôt au brun. Ce ne sont pas seulement des questions de satu- LUMIÈRE SUR LES BACTÉRIES COLOREES 323 ration de couleur qui sont enjeu, chacun de ces pigments est probablement un mélange analogue à celui qu'on devine dans la chlorophylle, ou, si on veut, de môme qu'il y a plusieurs chloro- phylles, il y a plusieurs bactériopurpurines. La couleur d'une même espèce incline au pourpre bleuâtre quand la végétation est vigoureuse, au brun quand il y a état de soufï'rance. Cette couleur est surtout visible quand les microbes sont réunis en masses compactes et en zooglées. Elle s'altère et tourne au brun sous l'influence de certains réactifs tels que le chloro- forme, l'acide acétique ou l'acide chlorhydrique. Quand on veut l'étudier au spectroscope, le mieux est de la laisser en place. On dessèche rapidement, à une température de 50° environ, une ac- cumulation ou une zooglée de Bact. photometricum ou de Moiias vinosa, et on humecte la préparation avec du baume du Canada, qui l'éclaircit, la rend homogène, et assure la stabilité des ma- tières colorantes. En l'étudiant à cet état au spectroscope, on voit qu'elle laisse très bien passer le rouge extrême, mais présente au voisinage de la raie D une bande d'absorption très nette. Une deuxième bande d'absorption apparaît au voisinage de la raie E et s'étend avec des variations d'intensité jusqu'à F, où existe une troisième bande d'absorption extrêmement faible. Au delà, et vers le violet, l'in- tensité croit de n-ouveau, et notablement. Voilà pour le spectre visible. En faisant tombersur unbolomè- tre des rayons lumineux qui avaient traversé une des ces prépa- rations, M. Engehnann a vu qu'il y avait une nouvelle bande d'absorption très intense dans l'ultra-rouge, s'étendant entre "k == 0,75 a, et>.= 1,0 y., avec un maximum compris entre 0,80 et 0,90 a : cette bande de l'ultra-rouge est totalement absente dans le spectre des chlorophylles, et cela seul suffit à prouver que la bactériopurpurine n'est pas un mélange de chlorophylles avec d'autres pigments qui en masquent la couleur. 1 85. Action de la lumière sur les bactéries pourprées. — Ces faits connus, essayons de Feffet de la lumière blanche sur ces bactéries. On sait qu'elles sont mobiles, au moins dans une cer- tainepériode de leur existence. Les /^tfg'^m^ort fdamenteuses ram- pent sur les corps solides qu'elles rencontrent. Les monades colo- rées, les bactéries nagent librement en tournant sur elles-mêmes, 324 CHAPITRE XX au moyen d'un ou de plusieurs flagelles dont elles sont munies. Ce sont ces mouvements sur lesquels agit la lumière : ils sont en général d'autantplus accélérés que la lumière estplus vive, d'au- tant moins qu elle est plus faible. Les variations à cette règle générale sont nombreuses, suivant l'espèce, l'individualité, la température^ les conditions d'aération. Il semble môme que quelquefois la variation devienne une con- tradiction, et qu'on puisse arriver également bien à arrêter les mouvements des bactéries en faisant agir une forte lumière ou l'obscurité. M. Engelmann n'a pas réussi, malgré ses efforts, à trouver le déterminisme exact du jjhénomène. Ce qui reste as- suré, c'est que le passage de l'obscurité à la lumière, ou de la lumière à l'obscurité, n'est pas indifférent à ces espèces colorées, et que la forme et l'amplitude de leurs mouvements changent quand elles passent de l'une à l'autre. L'une des actions les plus curieuses, sous ce rapport, est celle qu'on détermine en faisant diminuer brusquement l'intensité de la lumière qui éclaire la préparation. Les formes qui nagent libre- ment se rejettent tout à coup en arrière, en même temps que la rotation de leur corps se renverse, et le recul atteint souvent de 10 à 20 fois leur longueur. Si l'afFaiblissement de la lumière per- siste, les bactéries reprennent ensuite leur mouvement prog-ressif habituel, avec une vitesse qui, d'ordinaire, dans les premiers mo- ments, n'est que peu diminuée. Il va sans dire qu'elles repren- nent aussi leurs mouvements si on leur rend la lumière dont on les avait privées. Voilà donc un exemple d'un mouvement brusque dû à une di- minution brusque de l'intensité lumineuse. Les autres actions de la lumière que nous avons déjà appris à connaître ne se tradui- sent d'ordinaire qu'à plus longue échéance, et semblent surtout des phénomènes dénutrition. Ici, le phénomène ressemble à une décharge nerveuse. Il ne faudrait pourtant pas aller jusqu'à l'assi- milation, d'autant mieux que le mot de nerveux n'explique rien. Il y a là un problème intéressant à résoudre. Cette sensibilité à une diminution brusque de l'intensité lumi- neuse varie du reste d'espèce à espèce, d'individu à individu. Elle s'épuise en outre par l'usage et, sur les bactéries qui ont subi une première excitation, une seconde, à courte distance de la première, ne produit plus autant deflét. Elle semble s'accom- LUMIÈRE SUR LES BACTERIES COLOREES 325 plir dans toute l'épaisseur du protoplasma. Ce qui le prouve, c'est que le Monas Okenii, lorsqu'on le dépouille des granules de sou- fre qui pénètrent son protoplasma, en le laissant 24 ou 48 heures sous le verre couvre-objet, dans de l'eau exempte d'hydrogène sulfuré, réagit beaucoup plus que lorsque son protoplasma était opacilîc par les inclusions sulfureuses. Il s'agit donc, ici, non d'une action sur les flagelles qui donnent le mouvement, mais d'une action protoplasmique. De ce que nous venons d'apprendre résulte une conséquence curieuse. Un espace nettement circonscrit et constamment éclairé, dans une goutte partout ailleurs laissée dans l'obscurité, doit agir comme un piège sur les bactéries pourprées. Elles peuvent bien y entrer, car l'augmentation de la lumière qu'elles subissent en franchissant ses limites les pousse en avant ; elles ne peuvent pas en sortir_, car la diminution de clarté qui les attend au pas- sage les pousse en arrière et les ramène dans le champ éclairé. Quand il s'agit de formes à dimensions assez grandes, comme Monas Okenii, Ophidomonas sanguinea, il suffît souvent que la partie antéreure du corps soit engagée dans l'espace obscur pour qu'il y ait recul. Les organismes plus petits et à mouvements rapides ne reculent qu'après leur entrée complète dans l'ombre. Ces rassemblements ne se dissipent pas de suite quand la cause qui les a produits cesse d'agir. On peut les fixer, les teindre avec une matière colorante, et obtenir ce que M. Engelmann appelle bactériogramme^ conservant l'image caractéristique de l'espace lumineux qui a servi de piège aux bactéries. 1 86. A-Ction des diverses radiations de la lumière blanclie. — Les bactéries pourprées ne sont pas moins sensibles aux diver- ses radiations qu'aux variations d'intensité de la lumière blanche. C'est ce que M. Engelmann a le premier découvert avec son Bac- terium photo me tricum. Lorsque, par un dispositif approprié, on projette un spectre solaire sur une goutte de liquide, contenant un grand nombre de ces bactéries, et étalée sous le microscope, on voit que ces formes mobiles s'accumulent avec une prédilec- tion particulière sur certains points où elles forment de véritables bandes sur toute la largeur du spectre, et ce qu'il y a d'intéressant, c'est que ces bandes sont identiques, dans leur distribution gé- nérale, avec les bandes d'absorption de la bactériopurpurine. 326 CHAPITRE XX Il y aune forte accumulation de bactéries dans l'ultra-rouge de X = 0,90 u. k 1 = 0,80 1^.. Elles se rassemblent en quantité moin- dre dans une zone étroite de l'orangé et du jaune, voisine de D ; puis dans deux autres moins distinctes, au voisinage de E et de F. On peut, comme précédemment, fixer et rendre permanente cette distribution inégale, et obtenir des images du spectre d'absorp- tion dessinées par les bactéries elles-mêmes. Ces bactéries se réunissent donc de préférence et se concentrent sur les parties du spectre où dominent les rayons qu'elles peuvent absorber au passage, et dont elles peuvent profiter. En se rappelant que les rayons qu'absorbe la chlorophylle sont aussi les seuls qui servent à la végétation, on est conduit à pen- ser que les rayons absorbés par les bactéries pourprées servent aussi à des actions protoplasmiques, et M. Engelmann s'est de- mandé s'ils ne pourraient pas également permettre des décom- positions de corps oxydés et des dégagements d'oxygène. La vérification était difficile à faire, car, d'une part, il n'a- vait pas de culture pure de ces microbes ; de l'autre, ces bacté- ries colorées sont certainement aérobies dans l'obscurité, et si elles produisent de l'oxygène à la lumière, c'est sans doute pour leur consommation. M. Engelmann a pourtant tourné la difficulté de la façon suivante. Sous un couvre-objet occlus par de la vaseline, on introduit des amas zoogiéiques de bactéries pourprées etdes spirilles inco- lores analogues au Spiriliitm tenue ou undiila ; ces êtres ont be- soin d'oxygène, mais craignent le contact de l'oxygène gazeux. Dans un liquide qu'ils peuplent, ils ne se tiennent pas à la surface, où l'oxygène se renouvelle trop facilement. Ils se tiennent à une petite profondeur, souventtrès faible, n'atteignant souvent qu'une fraction de millimètre, mais suffisante pour que la tension de l'oxygène, qui résulte en ce point de l'équilibre entre la pénétra- tion et la consommation de ce gaz, soit réduite au niveau voulu. En somme, grâce à cette propriété, ces spirilles sont des réactifs pour de très faibles proportions d'oxygène. Voici alors ce qu'on observe. Lorsqu'on éclaire un peu forte- ment, par la lumière du soleil ou celle d'une lampe, les amas zoogiéiques rouges dont je parlais tout à l'heure, ils s'entourent en 2 ou 3 minutes d'une auréole de spirilles, parfois assez épaisse pour devenir visible à l'œil nu. Dans l'obscurité, ces accumula- LUMIÈRE SUR LES BACTÉRIES COLORÉES 327 tions se dispersent en un temps variant de quelques secondes à quelques minutes, pour se reproduire bientôt, après une nou- velle exposition à la lumière. On peut observer les mômes phénomènes autour d'individus isolés de la g-rosse Monas Okenii, autour de laquelle, lorsqu'elle est sous un couvre-objet luté et qu'on l'éclairé, on peut assem- bler une chevelure de spirilles, qui se dégagent de leurs entrela- cements et se dispersent lorsqu'on ramène l'obscurité. Ces mêmes espèces colorées restaient inactives lorsqu'on les avait tuées en les chautïant à 75°, ce qui ne fait subir aucune modification appréciable à la matière colorante. Cela prouve que ce n'est pas l'échaufi'ement produit par les radiations absor- bées que les spirilles recherchaient dans l'expérience de tout à l'heure. Ce qui le prouve encore, c'est que, lorsque la goutte n'est pas recouverte, ou lorsqu'elle a été aérée depuis peu, il ne se forme aucun rassemblement sous l'influence de la lumière, autour des zooglées pourprées, et même que celles-ci exercent nettement une action répulsive, comme si elles amenaient la tension de l'oxygène à un trop fort degré pour les spirilles aérobies. On n'a même pas besoin de recourir à ces spirilles étrangers pour constater ces dégagements d'oxygène des bactéries pour- prées sous l'influence de la lumière. Quelques-unes d'entre elles sont en effet adaptées, comme les spirilles, à rechercher de fai- bles tensions d'oxygène. Tel est par exemple, le Bacterhim photometricum. Dans une goutte recouverte d'un couvre-objet, il ne s'accumule pas aux bords de la goutte, mais à une certaine distance de ce bord, et encore il ne fait cela que dans l'obscurité, pu au moins à une lumière très faible. Plus fortement éclairés, et la lumière diffuse du jour suffit pour cela, les amas se disper- sent immédiatement, et jamais vers le bord de la goutte, mais toujours vers l'intérieur, c'est-à-dire vers la partie ou l'oxygène est le plus rare. Le Monas Olienii réagit de la même façon, bien qu'il soit habitué à des tensions d'oxygène plus fortes. Il ne tient plus autant au voisinage de ce gaz, dès que l'action de la lumière lui permet d'en fabriquer lui-même. 18*7. Vie aérobie à l'obscurité, et anaérobie à la lumière. — Voici donc des êtres aérobies qui peuvent mener plus ou moins 328 CHAPITRE XX longtemps une vie en apparence anaérobie, dès qu'on les éclaire. En réalité, c'est le même mode d'existence dans les deux cas. Seulement dans le second, l'oxygène est emprunté à une combi- naison oxygénée sur laquelle on ne sait rien, qui peut être une matière alimentaire, mais qui peut être aussi de l'acide carboni- que, comme dans les végétaux. La bactériopurpurine serait alors la chlorophylle des bactéries pourprées. Nous ne serons autorisés à faire cette assimilation que lorsqu'il sera démontré que les bactéries pourprées peuvent vivre à la lumière en décomposant l'acide carbonique. Pour le moment nous ne pouvons tirer de ce qui précède qu'une seule conclu- sion. Cet oxygène dégagé à la lumière est évidemment employé, comme l'oxygène libre consommé à l'obscurité, à des actes de nutrition. Le développement des bactéries pourprées, surtout dans les profondeurs des liquides, doit donc être favorisé par la lumière ; c^esl en efièt ce qui a été remarqué par tous les obser- vateurs, Ehrenberg, Ray Lankcster, Cohn, Zopf, etc. Tous ont vu que les bactéries pourprées se multipliaient de préférence du côté éclairé des récipients où on les a introduites. Ces bactéries se comportent donc, à ce point de vue, comme les végétaux supérieurs. La lumière est favorable à leur accrois- sement, mais elles l'emportent sur un point sur les espèces chlo- rophylliennes. Elles peuvent utiliser les radiations ultra-rouges qu'absorbe leur bactériopurpurine, et, par conséquent, à la ri- gueur, se développer en dehors de toute espèce de radiations visibles, par exemple derrière une solution d'iode dans le sulfure de carbone. Par conséquent le dégagement d'oxygène dans une plante n'est pas nécessairement lié k l'absorption de rayons vi- sibles, et il ne faudrait pas s'étonner si on rencontrait des espèces végétales capables de décomposer de l'acide carbonique dans Tobscurité. En somme, les bactéries pourprées sont à la fois plantes supé- rieures et bactéries, plantes supérieures à la lumière, et bacté- ries à l'obscurité. On peut même se demander si elles sont en réalité des bactéries, et s'il y a pour elles de l'obscurité. Sans vouloir pour le moment descendre dans les profondeurs de cette question, remarquons qu'on y trouvera sans doute l'explication de quelques-unes des irrégularités et des contradictions que nous avons signalées en commençant ce chapitre, au sujet de l'iden- tité d'action que peuvent exercer parfois la lumière et l'obscurité. LUMIÈRE SUR LES BACTERIES COLOREES 329 BIBLIOGRAPHIE COHN. Boit. z. Biol. d. Pflanzen, t. I, 1875. Ray Lankester. On a peach-colouredBacterium. Quart. Joum. ofmic. Science, t. 13, 1873, et t. 16, 187r), Warming. VidenskabeUge Meddelelser fra den iialtirhistorische Foreninç) m Kjo- heiihai'ii, 1875. ZOPF. Zur morpJiologie der Spnltpflmizen, Leipzig 1882. EnGEI>MANN. Pfliïfier's Archiv., t. 30, 1883 et Archives néerlandaises des se. na- turelles, t. 28, 1889. WixoGRADSKY. Die Schwefelbacterien. CHAPITRE XXI ACTION DE LA LUMIÈRE SUR LES BACTÉRIES NON COLORÉES 188. Expériences de Do-wnes et Blunt. — L'étude de lac- tion de la lumière sur les bactéries non colorées a été faite pour la première fois dans un remarquable mémoire de MM. Downes et Blunt, qui date de 1877, etsur lequel nous insisterons, car il a si nettement indiqué les divers facteurs dont dépend l'action étudiée, que tous les travaux publiés depuis n'ont pu que préciser leur influence, sans rien ajouter d'essentiel à ce qu'il nous apportait. Mais ces travaux ont fait une chose essentielle : ils ont nettement démontré ce que le mémoire de Downes et Blunt avait seulement rendu très probable. Ces savants s'étaient en efïet servi de solutions minérales, dites de Pasteur, et comprenant du sucre, du tartrate d'ammoniaque et des sels minéraux. Ce liquide était abandonné à l'ensemence- ment spontané, ou bien on l'infectait avec la pointe d'une baguette qu'on venait de plonger dans une infusion fourmillant de bacté- ries. Des flacons contenant ce liquide étaient exposés pendant des jours et des semaines devant une fenêtre orientée au sud-ouest, et recevant le soleil pendant un petit nombre d'heures par jour. Les uns recevaient librement la lumière, les autres étaient cou- verts de papier d'étain opaque. Suivant que la liqueur se trou- blait ou restait claire, on jugeait que les germes qu'elle contenait étaient ou non stériHsés, et en constatant qu'après un certain temps d'exposition, ceux qui avaient été exposés à la lumière res- taient stériles, tandis que leurs voisins à l'obscurité se peuplaient, Downes et Blunt avaient conclu que la lumière exerçait une in- fluence fâcheuse sur les bactéries et les espèces microscopiques qui prennent part à la putréfaction. Dans certaines conditions fa- vorables, elle empêche totalement le développement. Dans des conditions moins favorables, et pour une plus faible durée d'ex- position, elle se contente de le retarder. La lumière directe du LUMIERE SUR EES RACTÉRÎES NON COLORÉES 331 soleil est, ainsi qu'il fallait s'y attendre, la plus puissante clans ce sens ; mais la lumière diffuse est suffisante. . En entrant dans le détail, MM. Downes et lîlunt ont cherché quelles ctaientles radiations actives, en exposant leurs flacons sous des verres colorés en rouge, jaune, bleu, ou en les immergeant dans des solutions d'acide picrique à des degrés divers de con- centration. Ils ont ainsi constaté, dans un second travail sur ce sujet, que la partie chimique du spectre est la seule active. • A quoi est due cette action de la lumière ? MM. Downes et Blunt l'ont très habilement rattachée à la présence de l'oxygène, et l'ont attribuée à un procès d'oxydation engagé par les rayons lumineux. Ce procès, disent-ils, porte surtout sur le protoplasma bactérien, et non sur le liquide, et la preuve qu'ils en donnent, c'est que les liquides de culture qui n'ont rien donné au soleil se troublent et se peuplent quand on les réensemence et qu'on les garde à l'obscurité. Ce qui prouve en outre qu'il y a oxydation, c'est que les germes ne périssent pas quand on les expose au so- leil dans le vide. Comme exemple d'oxydation de matériaux protoplasmiques, MM. Downes et Blunt choisissent l'oxydation de la sucrase de la levure de bière, qui ne résiste pas à l'action du soleil, à moins qu'elle ne soit dans le vide, et ils rapprochent cette oxydation de celle que subissent à l'air et à la lumière les solutions d'acide Oxalique. Enfin, dans une dernière série d'expériences, ils mon- trent que les bactéries sont beaucoup plus résistantes à l'insola- tion quand elles sont plongées dans l'eau que dans tout autre milieu. 189. TyndalL — Toutes ces notions sont exactes dans leurs traits généraux. Mais il faut dire qu'aucune d'elles ne ressortait sûrement du mémoire de MM. Downes et Blunt, parce que le milieu de culture sur lequel ces savants opéraient était mal choisi. Il nour- rit péniblement les diverses espèces qui s'y développent, et, dans toutes les expériences, il superposait son infériorité propre aux autres causes d'infériorité que pouvaient amener l'insolation ou l'oxydation, de sorte que tout ce qu'on pouvait conclure, c'est que MM. Downes et Blunt avaient observé un affaiblissement des germes sous l'influence de la lumière, mais pas du tout, comme ils le crovaient, une destruction. Ils avaient, il est vrai, insolé 332 CHAPITRE XXI aussi de l'urine, de l'infusion de foin, de la décoction de bette- raves ; mais leurs expériences sur ce sujet n'étaient pas nombreu- ses, et s'ils les avaient multipliées, ils auraient rencontré les ré- sultats que Tyndall observa Tannée suivante. En exposant pen- dant des périodes variées, au soleil des Alpes, des infusions vé- gétales, il trouva qu'elles se peuplaient aussi vite à la lumière qu'à l'obscurité. L'année suivante, en variant davantage ses expériences, et en prenant des liquides plus favorables, il trouva que les rayons du soleil étaient décidément dangereux pour les bactéries, mais qu'ils ne les détruisaient pas, car les flacons qui étaient restés intacts à la lumière se troublaient quand, sans les ouvrir, on les ramenait à l'obscurité Ces conclusions sont aussi exactes que celles de Downes et Blunt, bien qu'elles leur soient, en apparence au moins, tout à fait contradictoires. 190. Jamieson — A ces contradictions, Jamieson en ajouta bientôt une nouvelle. Après avoir observé qu'à Melbourne la tem- pérature d'un flacon de culture exposé au soleil était montée à 51", il attribua l'action observée par Downes et Blunt, non à la lumière, mais à la chaleur qui l'accompagne, et il ajouta qu'en opérant en avril, où la température au soleil n'avait pas dépassé 36", il n'avait observé aucune destruction de bactéries. A ces critiques, Downes et Blunt répondirent en les acceptant sur certains points, en montrant, d'un autre côté, qu'ily a des spores qui sont tuées par la lumière, alors quelles résistent à la plus haute température qu'elles trouvent au soleil. Mais nous avons vu que la durée de l'exposition à la chaleur a une grande influence que Downes et Blunt ne visaient pas. Pour faire disparaître toute in- décision, il fallait d'abord opérer avec des espèces pures, car une partie des contradictions soulevées pouvait tenir à ce que les espèces en jeu n'étaient pas partout les mêmes. Ces espèces pures, il fallait leur offrir le milieu nutritif le plus favorable pour ne pas superposer des difficultés de nutrition aux difficultés au problème à résoudre ; enfin, il fallait éviter toute élévation de température capable de produire par elle seule tout ou partie de l'effet observé. 191. Euclaux. — C'est ce que j'ai essayé de faire en opérant sur des spores d'un bacille du lait, le Tyrothrix scaber, que son LUMIÈRE SUR LKS RACTÉRIKS MUiN COLOREES 333 caractère granuleux rend très reconnaissable, et quf se cultive très bien dans le lait et dans le bouillon. Une goutte de la cul- ture, contenant des spores, était évaporée à sec dans le fond d'un matras, qu'on exposait ensuite à la lumière pendant des temps variables. D'autres flacons pareils étaient laisséspendantle même temps à l'obscurité, dans une éiuvc chauffée constamment à une température supérieure ou égale à celle qu'atteignaient quelques heures par jour les flacons restés au soleil. A des intervalles va- riables, on introduisaitdu lait stérile dans deux de cesmatras,run à la lumière, lautre à l'obscurité, et on cherchait si le bacille se développait. On évitait ainsi les objections relatives à l'insolation du liquide de culture. J'ai vu ainsi qu'après 14 jours il n'y avait encore aucun effet sur les spores venant du lait, et insolées à l'état sec. Après un mois, il y avait un retard de développement dans les matras in- solés. Après 2 mois, deux d'entre eux, sur quatre, restèrent stéri- les. Avec des spores sortant d'une culture dans du bouillon, l'ac- tion de la lumière était plus rapide. Enfin, divers bacilles du lait, cultivés dans les mêmes conditions, ont des résistances inégales, de sorte que l'espèce microbienne et son milieu de culture ont une influence, qui apparaissait pour la première fois. Dans un second travail, j'ai montré qu'un certain nombre de coc- cus, entre autres un coccus rencontré dans un cas de clou de Bis- tera, et qui est probablement identique au Sireptococcus pyoycnes, mouraient en quelques jours sous linfluence de la lumière: ils étaient donc moins résistants que les spores des bacilles. Les chiffres auxquels j'arrivais ainsi, pour les durées de résis- tance, sonttrès supérieurs à ceux qu'avaient observés MM. Dow- nes et Blunt. Ils avaient vu une fois une solution de Pasteur être stérilisée après 9 heures et demie d'exposition à la lumière dont trois heures et demie d'insolation. Je trouvais au contraire qu'il fallait des semaines et des mois. C'était une raison de croire que les spores avaient été seulement affaiblies, mais non tuées, dans les expériences de Downes et Blunt. Mais nous allons retrouver des exemples d'action très rapide dans un travail de M. Arloing publié presque immédiatement après le mien, et quia porté sur la bactéridie charbonneuse. 193. A.rloing. — Opérant sur une espèce pathogène bien 334 CHAPITRE XXI connue, M. Arloing s'est préoccupé avec juste raison de faire mar- cher de pair Tétude des variations de la virulence avec celle des variations de vitalité produites par la lumière. Il a constaté que la lumière du gaz suffit j\ retarder l'évolution des spores ense- mencées dans un milieu nutritif, mais n'altère pas sensiblement leur virulence, même au bout de plusieurs générations. Celle du soleil gêne au contraire notablement le rajeunissement des spores et le développement du bacille. De plus elle transforme graduel- lement les cultures en une série de vaccins graduellement at- ténués. En outre, et c'est ici que nous retrouvons, sur le terrain com- mun aux deux mémoires, les différences dont nous parlions tout à l'heure, la durée de l'insolation n'a pas besoin d'être longue. Deux heures d'exposition au mois de juillet, par une température comprise entre 3o" et 39", suppriment toute végétabilité dans des cultures en bouillon de poule, fraîchement ensemencées avec des spores de Dacillus cuithracis. C'est beaucoup moins que ce que j'avais trouvé pour les spores des bacilles du lait, et même pour des micrococcus sans spores. Comme, d'un autie côté, il faut, d'après M. Arloing, et dans des expériences conduites de la même façon, 27 à 30 heures d'inso- lation pour frapper de stérilité du mycélium du même bacille en plein développement, on est amené à conclure que la spore est plus sensible que l'être adulte vis-à-vis de l'influence solaire, tandis qu'elle nous apparaissait comme beaucoup plus résistante vis-à-vis de toutes les autres influences nocives étudiées jusqu'ici. 193. Straus. — Cette contradiction a paru surprenante, et on a cherché à l'expliquer. L'idée la plus naturelle était que les spo- res ensemencées commençaient à germer malgré les rayons solai- res, dont le jeune mycélium^ issu des spores, subissait au contraire rapidement l'influence. Conformément à cette idée, M. Straus a montré que la résistance des spores est plus grande quand elles sont immergées dans l'eau pure, où aucun acte végétatif ne se produit, que dans un bouillon nutritif, où on a le droit de sup- poser que ce travail commence en deux heures, puisqu il est en pleine activité au bout de 12 heures. C'est ce qu'avaient signalé MM. Downes et Blunt. Mais M. Arloing a obtenu la mort des spo- res après une heure d exposilion a la lumière électrique, les spu- LUMIÈRE Stni LKS lîACTÉKH'lS NON COLORÉES 335 rcs étant maintenues en contact avec la glace, et par conséquent à une température qui y paralyse tout commencement de déve- loppement. Le mécanisme de l'action est sans doute plus profond, et, dans une Revue critique des Annales de l Institut Pasteur, je l'avais attribué à ce que, lorsqu'on expose des spores dans du bouillon au soleil, il y a un effet d'oxydation sur le liquide, qui ne se produit plus quand les spores sont immergées dans l'eau. L'exactitude de cette explication résulte d'un travail très con- cluant de Roux, dont voici les éléments principaux. 194. Roux. — Des spores de bacilles charbonneux, prove- nant d'une culture dans de l'humeur aqueuse de bœuf, sont in- troduites, après un chauffage à 70" qui les débarrasse de tous les bacilles adultes, dans des ampoules pleines, fermées aux deux bouts, et dans des tubes à essai stérilisés, d'un volume de 20 ce. environ, qu'on ferme à la lampe après avoir introduit quelques gouttes de liquide sporifère. Les spores sont donc dans un liquide limpide, dans lequel elles ne peuvent germer, attendu qu'elles y ont terminé leur évolution, et les unes sont en pré- sence d'un volume d'air notable, tandis que les autres n'en ont à leur disposition qu'un volume très faible. Ces tubes sont exposés pendant le même temps au soleil de juillet suspendus à l'air par une ficelle : on évite de les placer sur un support ou de les appuyer contre un mur pour qu'ils ne s'é- chauffent pas trop. La température à 1 intérieur des tubes n'a pas dépassé 39° par le plus radieux soleil de juillet. On retire en môme temps un tube à air et un tube fermé ; dans le premier on ajoute un peu de bouillon nutritif non insolé et on le porte à l'étuve à 37° après l'avoir refermé. Les germes contenus dans le tube fermé sont puisés au moyen d'une pipette effilée et ense- mencés dans le même bouillon nutritif, mis à 37°. En opérant ainsi, on voit que la vitalité des spores se conserve à l'air pendant un temps assez long, qui varie suivant l'intensité du soleil. Dans une expérience, les germes ne poussaient plus après 30 heures d'insolation, dans un autre ils étaient morts après 29 heures. La résistance la plus longue observée a été de o4 heures. Ouant aux spores insolées à l'abri de l'air, elles restent vivan- tes pendant des teiiips beaucoup plus long. Après 83 heures 336 CHAPITRE XXI d'insolation, elles donnaient une belle culture, alors qu'exposées à l'air dans les mêmes conditions, elles périssaient en moins de 30 heures. Tous ces chiffres- là sont d'ailleurs des chiffres extrêmes, et correspondent à la destruction totale des spores. Mais l'expé- rience montre que la résistance des spores est variable suivant les conditions dans lesquelles elles se sont formées, et que, dans une même culture, chaque germe a pour ainsi dire une résistance qui lui est particulière. Ces résultats témoignent que les spores charbonneuses ont une résistance très supérieure à celle qui ressort des essais de M. Arloing-. Mais lac ontradiction est apparente, et tient à ce que, dans les expériences de ce savant, le liquide de culture était insolé en même temps que les spores. 11 y a action sur le milieu et action sur ses habitants. Les conditions de l'expérience, ainsi conçue, sont donc assez compliquées. Il faut faire la part de chacune de ces influences diverses. Exposons en même temps au soleil, et côte à côte, des flacons à culture contenant : les uns du bouillon nutritif pur, les autres du bouillon nutritif, plus des spores de bactéridies. Le bouillon employé estdu bouillon de veau légèrement alcalin, très peu colo- ré, fait avec une partie de viande et deux parties d'eau. La couche de liquide sur le fond du flacon a une épaisseur de cinq millimè- tres environ. Toutes les heures, retirons un flacon de chaque espèce ; celui (A) qui ne contient que du bouillon pur est ense- mencé avec des germes, et mis à l'étuve en même temps que le bouillon (B) qui contient déjà des spores en suspension. En géné- ral, après deux heures d'exposition en plein soleil, les flacons B ne se peuplent pas quand on les met dans l'étuve, tandis que dans les flacons A il y a le plus souvent culture. Mais si l'insolation a été prolongée 3 ou 4 heures, le bouillon pur ne laisse plus germer les spores qu'on y sème. Sous l'action du soleil et de l'air, il s'est produit, dans le milieu nutritif, un changement chimique qui arrête l'évolution des germes. Les spores, cependant, ne sont tuées ni après deux heures, ni même après sept heures d'ex- position au soleil ; il suffit, en effet, de les puiser dans le miheu insolé où elles ne poussent pas, et de les semer dans le môme liquide qui n'a pas été mis à la lumière, pour qu'elles doiment une culture avec des germes. La germination sera d'autant plus LUMIERE SUR LES BACTÉRIES NON COLORÉES 337 retardée que les spores auront été insolées plus longtemps, ou qu'elles seront restées plus longtemps en contact avec le Ijouil- lon modifié par le soleil et l'air. Si, dans le bouillon insolé qui ne j)ermet plus aux spores de germer, on sème, non plus des spores charbonneuses, mais de la bactéridie filamenteuse (une trace de sang charbonneux par exemple), celle-ci y pullule abondamment. La modification du milieu (|ui était suffisante pour arrêter l'évolution de la spore, n'est pas assez profonde pour entraver celle des bacilles déjà formés. Cette particularité donne l'explication de l'anomalie si- gnalée par M. Arloing, à savoir que le mycélium de la bacté- ridie résiste mieux au soleil que les germes. Elle nous fait com- prendre aussi pourquoi MM. Downes et Blunt trouvaient que les qualités nourricières de leur liquide insolé n'étaient pas chan- gées, puisqu'il se troublait, quand ils l'ensemençaient directe- ment. Cela ne prouvait pas, contrairement à ce qu'ils pensaient, que les germes contenus dans ce liquide étaient morts. Ce sont les difficultés de rajeunissement de la spore, si souvent visées déjà, qui l'immobilisent, et permettent de la croire morte dans des conditions dont la bactéridie adulte s'accomode encore assez bien et qui lui permettent de se développer. Le bouillon exposé au soleil se décolore bientôt et s'oxyde d'autant plus vite qu'il a plus d'oxygène à sa disposition. Avec un flacon à culture où l'air a libre accès, où le bouillon chargé de spores est étalé sur le fond en faible épaisseur, il n'y a déjà plus de développement lorsqu'on le porte à l'étuve après deux heures d'insolation. Dans un tube à essai profond et pres- que rempli de bouillon, les spores pourront soutenir bien plus longtemps l'action du soleil. La forme des vases est donc loin d'être sans importance, et il faut tout spécifier quand on décrit une expérience d'insolation. Un milieu de culture qui est devenu, sous l'influence du soleil, impropre à la germination des spores du charbon, peut après un certain temps reprendre ses qualités premières, si on le garde à la lumière diffuse ou à l'obscurité, soit que l'oxydation mise en train par la lumière solaire, s'étant continuée, ait fait disparaître les produits nuisibles, soit que de nouvelles réactions chimiques inverses, ou peut-être aussi l'évaporation, aient amené le même résultat. Il est probable que dans un milieupeu sensible à l'action 22 338 CHAPITRE XXI de l'oxygène, un milieu albumineux, par exemple, les spores dç la bactérie germeraient malgré l'insolation, et pourraient ainsi paraître moins sensibles à l'action solaire. BIBLIOGRAPHIE DowxES et Blunt. Recherches sur les effets de la lumière sur les bacté- ries et autres organismes. Proceedings of tke Roijal Society of London, 1877, t. XXVI, p. 488. DowNES et Blunt. Influence de la lumière sur le protoplasme. Proceedings, 1878, t. XXVIII, p. 199. 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Bact. II, 1892, p. 781 et 12, p. 217. Marshall Ward. Proceedings, 1893, t. III, p. 310. CHAPITRE XXII ÉTUDl': DÉTAILLÉE DE L'INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES MICROBES Nous avons maintenant à étudier en détail l'influence dont nous venons d'apprécier l'ensemble, et à préciser les notions que nous avons vues apparaître dans leur ordre historique. Et d'abord les radiations qui entrent ici en jeu sont-elles les mêmes que celles dont les microbes colorés subissent l'influence ? 195. Influence des diverses radiations du spectre. — Sous ce rapport, les progrès de la science n'ont fait que confirmer, en les précisant, les résultats de Downes et Blunt. Ce sont sur- tout les rayons chimiques qui sont actifs. Si parfois l'expérience n'a révélé aucune différence bien sensible entre les diverses cou- leurs du spectre, c'est que ces couleurs étaient trop affaiblies, soit par absorption, réflexion, ou dispersion dans le prisme, soit par absorption dans les milieux colorés, pour pouvoir exercer une action quelconque. Janowski, Geisler, Kotliar, Galeotti, Dieudonné sont d'accord sur l'influence prépondérante de la partie chimique du spectre solaire. La même conclusion ressort de l'étude des sources de lumière artificielle. Geisler a comparé à la lumière solaire celle d'un arc électrique de 1000 bougies environ, placé à une distance d'un mètre de cultures du bacille typhique dans de la gélatine-pep- tone. Six tubes ensemencés étaient placés, 2 à l'obscurité, 2 au soleil, 2 devant l'arc. Sur ces derniers on observait un retard à la culture qui, déjà sensible après 3 heures d'exposition, était très manifeste après 6 heures. Au soleil, deux heures d'exposition suffisaient à produire un retard beaucoup plus marqué, et même à tuer une grande partie des germes. Il était intéressant dans ce cas de séparer l'eflet de léchauflement de l'effet lumineux. Dans ce but, Geisler tamisait les rayons incidents au travers d'une UO CHAPITRE XXn solution d'alun, qui absorbe une grande partie du spectre calori- fique. Il a vu que deux ou trois heures d'exposition au soleil, dans ces conditions, ou six heures k la lumière électrique, permettaient encore une culture faible, tandis qu'il n'y en avait plus quand on supprimait lécran d'alun. Santori avait bien indiqué déjà cette superposition de l'efTet lumineux et de l'elTet calorifique. Kotliar, en étudiant le même sujet, a vu que les rayons rouges semblaient favoriser le développement des microbes, sans doute parce qu'ils suppriment en partie le rayonnement chimique an- tagoniste que ces microbes subissent dans la lumière blanche. Par contre, les rayons violets sont nettement retardateurs. Il y a pourtant d'après Kotliar une exception pour les spores du B. anlhracis^ qui se développent plus vite dans la lumière violette. Mais ce fait, d'apparence paradoxale, est resté jusqu'ici isolé. Comme exemple synthétique de ces diverses notions, on peut citer une expérience, faite à Naples par Kruse, sur des spores charbonneuses desséchées sur une lamelle de verre, et expo- sées : (1) à la lumière directe du soleil ; (2) à cette lumière tamisée par 2 ou 3 centimètres d'épaisseur d'eau, qui arrête une partie des rayons calorifiques ; (3) au travers d'une même épaisseur d'une solution d'alun ; (4) au travers d'un verre rouge ; (5) au travers d'un verre bleu ; (6) au travers d'un verre noir imperméable à la lumière. 11 est clair que, dans tous ces essais, l'influence de la lumière et celle de la chaleur se superposaient en quantités inégales, mais comme il s'agissait de spores desséchées, l'influence calorifique, même du soleil de Naples, était insuffisante pour produire un efiet quelconque, et dès lors on peut négliger en partie ses variations. De temps en temps, on prenait une des lamelles de chaque série d'expériences, et on s'en servait pour un ensemencement sur gélose ; voici les nombres de colonies trouvées dans chaque cas : -1 0 3 4 5 6 Durées d'exposition Lumière Ecran Ecran Verre Verre Verre directe d'eau d'alun rouge bleu noir 1 heure QO 00 00 oc oo 00 2 heures 10000 11000 10000 00 00 oo 8 .) 64 5600 4000 00 oo 00 4 » 210 1160 750 oc 00 00 S » 0 730 132 00 oo 00 6 7^» 0 8 1 00 00 00 10 » — — — oo 11000 00 '14 >) — — — oo 6100 oo ±0 » — — — 4000 0 oo INFLUENCE DE LA LUMlÈilE SUR LES MICROBES 341 La comparaison de 1 et G montre bien les différences de la lumière et de l'obscurité ; celle de 4, 5 et 6 prouve l'influence très faible des rayons rouges et un peu plus forte des rayons vio- lets ; 4 et 5 ne sont malheureusement pas comparables à 1, à cause de l'énorme différence d'intensité. Il est fâcheux que M. Kruse n'ait pas essayé, comparativement, l'influence d'une so- dé quinine qui, transparente pour la lumière, est très opaque lution de sulfate pour les rayons chimiques. 196. Influence de l'intensité. — Cette influence est évi- dente : l'action dépend à la fois et de l'heure, du jour et du mo- ment de l'année, et du ciel plus ou moins couvert, et de la lumière plus ou moins diffuse. Mais aucune expérience n'a été faite pour .préciser cette notion, ni pour savoir si l'action croit proportion- nellement à la durée de l'insolation, ou suivant une autre loi. On n'a mesuré qu'en gros ces influences. Par exemple, Dieudonné a vu que le B. prodigiosus et le B. fliioresccns putidus étaient retardés dans leur développement après une demi-heure d'inso- lation, et tués après une heure et demie, en mai, juillet, et août, tandis que les durées correspondantes en novembre étaient 1 h. 30' et 2 h. 30'. La lumière diffuse est très peu active, et même il peut arriver que si les conditions du milieu sont favorables, la culture se fasse à la lumière diffuse aussi bien que dans l'obscu- rité. C'est ce qui est arrivé à Kruse dans une de ses expériences. 197. Bucliner. — Les recherches que nous venons de voir se dérouler nous montrent le gros du phénomène. Il nous reste à examiner en détail les diverses influences que l'étude a succes- sivement fait apparaître. Mais il est utile, auparavant, de syn- thétiser tout ce qui précède dans quelques expériences qui, sans apporter de contingent nouveau donnent une forme nouvelle et saisissante aux résultats acquis. Ce sont celles de M Buchner, faites avec la gélose comme milieu de culture. Après avoir liquéfié par la chaleur un bouillon glucose, on y ensemence des cultures pures de diverses bactéries, et, après avoir bien réparti la semence par l'ag-itation, on coule dans une boite de Pétri (69), qu'on recouvre immédiatement de son couvercle. Quand le contenu est solidifié, on applique sur le fond de la boite un disque de papier noir portant des découpures 342 CHAPITRE XXII de forme déterminée, par exemple des lettres ou bien un mot. On assujettit le couvercle au moyen d'un anneau de caoutchouc, et on expose la boîte, le fond en haut, à une ou deux heures d'in- solation, ou à o à 10 heures de lumière diffuse. En remettant la boite à l'étuvc, on y voit apparaître, au bout de 24 à 36 heu- res, l'inscription portée par l'écran noir. Sous les découpures, les germes ont été tués, et la gélose reste limpide. Partout ailleurs, ces colonies se sont dévelo[)pées, et si l'ensemencement a été assez copieux pour qu'elles soient très nombreuses, elles restent petites parce qu'elles se nuisent mutuellement, et leur ensemble forme une sorte de nébuleuse blanche, sur laquelle se détachent nettement les lettres de l'inscription. En collant au contraire des caractères noirs sur le fond de la boîte, on aurait des lettres blanches sur fond transparent. L'expérience est jolie et bien- saisissante. On peut mettre en évidence, par le môme procédé, les retards à la germination apportés par une insolation trop courte pour tueries germes. En n'exposant la boite au soleil que 10 minutes à un quart d'heure, on a, 24 heures après, l'inscription reproduite sur la gélose. Mais, 48 heures après, elle est moins nette, parce que les germes insolés ont germé à leur tour. Puis ils regagnent l'avance, et les caractères deviennent indistincts^ puis s'effacent. Enfin M. Marshall Ward sépare, par la même méthode, les effets de la lumière sur les germes et sur le milieu de culture. On commence par insoler les spores dans les boites de Pétri, après les avoir étalées au fond du vase, soit dans une mince couche d'eau qu'on laisse sécher, soit dans une couche très mince de gé- lose. Quand la lumière a agi sur elles, on coule sur le fond de la boîte une couche de gélose nutritive noninsolée, sur laquelle appa- raissent les figures de l'écran, ce qui témoigne que la lumière peut agir sur les spores elles-mêmes. Dans une expérience inverse, on commence par insoler sous son écran la couche de gélose, et on étend ensuite à la surface, en couche mince, des spores non insolées ; on peut alors, suivant les cas, avoir un développement uniforme, témoignant que la gélose n'a pas été atteinte par l'in- solation, ou bien un développement sous les parties opaques de l'écran, témoignant que là où elle a pénétré, la lumière a rendu moins propre ou même impropre à la germination la couche de gélose. Nous trouverons bientôt de nouvelles applications de cette méthode, qu'il nous suffit d'avoir signalée ici. INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES MICROBES 343 Retournons-nous maintenant du côté du microbe et cherchons de quoi dépend pour lui l'influence de la lumière. Et tout d'a- bord se pose la question générale de savoir si tous les microbes d'une même culture ont le même sort, et sont détruits en même temps sous l'action du soleil. 198. Différences de résistance individuelle. — Nous avons retrouvé, dans les expériences de M. Roux (1 94) sur Faction de la lumière, des différences de résistance individuelles de même ordre que celles que nous avons relevées au sujet de l'action de la chaleur. Elles apparaissent plus nettement quand on emploie la méthode des cultures sur milieux solides, et elles sont inscrites dans l'expérience de Kruse que nous avons résumée plus haut (195). C'est Pansini qui les a mises le premier en évidence. A son mémoire, qui confirme sur beaucoup de points les résultats antérieurs, nous n'emprunterons que les nombres relatifs à l'ac- tion de la lumière sur les bacilles d'une même culture. Pour faire l'expérience, M. Pansini employait des cultures en g'outte pendante. Quand elles étaient poussées au degré voulu, la goutte de bouillon contenant des microbes était placée sur une lamelle renversée sur une petite cuvette, et scellée sur ses bords avec de la vaseline. Après un certain temps d'exposition au so- leil, on l'enlevait, on la nettoyait de sa vaseline adhérente, et on l'immergeait dans de la gélatine nutritive dans laquelle on l'agi- tait, de façon à bien répartir ses microbes dans la masse, qu'on étalait ensuite sur une lame de verre pour en faire la numération selon les méthodes connues. On pouvait ainsi voir, d'une façon plus précise que cela n'a- vait été fait jusque-là, comment se fait la destruction des micro- bes. Est-elle brusque, simultanée pour tous les habitants d'une même culture, ou bien, comme cela est plus probable, y a-t-il, chez ces descendants d'une même origine, des inégalités de ré- sistance, et comment se distribuent-elles? Comme réponse à ces questions, je citerai l'une des expériences de M. Pansini, un peu plus complète que les autres. Elle a porté sur le B. anthracis, et a été faite en exposant le 12 mai, à une température qui a varié de 32 à 40", 12 cultures en gouttes pendantes, dont on a retiré une toutes les dix minutes pour compter ses germes par la méthode des plaques. Le lendemain on comptait 2.520 colonies provenant 344 CHAPITRE XXll de la lamelle exposée à la même température, mais à l'obscurité. Il n'y en avait encore aucune avec les lamelles exposées au so- leil. Le surlendemain on relevait sur ces dernières les chiffres suivants : Lamelle exposée 10 minutes au soleil 360 colonies. — 20 — 130 — 30 — 4 — 40 — 3 — 50 — 4 — 60 - S — 1 h. 10, et suivantes 0 On voit nettement, sur ce tableau, que la destruction des micro- bes est surtout rapide pendant les premières minutes, mais qu" elle respecte un petit nombre d'individus, plus résistants, qui mettent trois et quatre fois plus de temps à éprouver les effets de l'action solaire. Malheureusement, dans cette expérience, on n'a pas assez séparé les effets calorifiques des effets purement lumineux. Mais, dans d'autres expériences, faites à des températures plus basses, les effets sont du même ordre. A sec, les spores de bactéridie se comportent de même. Elles sont pourtant plus résistantes, non pas qu'il n'en périsse beaucoup dans les premières heures de l'exposition, mais parce qu'il y en a qui exigent un temps beaucoup plus long. C'est ce que montre le tableau suivant, dont la signification est la même que celle de celui qui précède. Les spores avaient été exposées à sec sur une lamelle couvre-objet. ,amelle exposée 1 à l'obscurité lOio colonies. — 30 minutes à la lumière 396 — — l heure — 208 — — 2 heures — 48 — — 3 — — 30 — ■ _ 4 — — 34 — — 5 — — 8 — — 6 7 8 — — 3 3 0 — . heures et plus — 199. Influence delà dessiccation ou de l'humidité. — Nous savons maintenant, d'une façon plus précise, ce que signifient ces mots retard à la culture ou mort à la suite de l'insolation. INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES MICROBES 345 Le retard correspond en partie à la diminution du nombre des germes, la mort à leur disparition complète, qui exige un temps ])eaucoup plus long que la mort des plus fragiles d'entre eux. Nous verrons bientôt les influences physiologiques qui interviennent dans ces deux phénomènes. Contentons -nous pour le moment de les examiner en bloc. Nous venons de voir que les spores sèches sont plus résistantes que les bacilles dans leur bouillon de cul- ture. Essayons de démêler l'influence de la sécheresse ou de l'hu- midité sur le même microbe au même état. Nous examinerons ensuite l'influence des divers milieux liquides. Nous avons sur ce point, en dehors des résultats de Roux que nous avons déjà signalés, des expériences bien faites de Momont, qui opérait en exposant au soleil des spores charbonneuses des- séchées et des spores en suspension dans l'eau. L'exposition ter- minée, on ensemençait dans du bouillon nutritif non insolé. Il a vu ainsi que ces spores supportaient plus de cent heures d'expo- sition à l'état sec, et périssaient après 44 heures d'exposition à l'état humide. La même expérience, faite sur des bacilles charbonneux aspo- rogènes, c'est-à-dire incapables de donner des spores, a donné le résultat suivant. Des cultures de 24 heures, desséchées et ex- posées au soleil, ont péri après 5 h. 30' et o heures. Les mômes cultures, introduites en volume d'une goutte au fond d'un tube scellé qu'on exposait au soleil, périssaient après 2 h. 30. 300. Influence du milieu. — Le milieu dans lequel se fait l'exposition au soleil intervient aussi dans le résultat et modifie la résistance. Seulement, pour apprécier cette influence, il faut que le microbe insolé soit ensemencé dans un milieu neuf, et que le liquide d'exposition ne soit pas aussi le liquide de culture. En même temps qu'il faisait les expériences ci-dessus sur la résis- tance des bactéries et des spores dans l'eau, M. Momont essayait de même la résistance du sang charbonneux desséché ou hu- mide. Dans le sang desséché, les bactéries ont été tuées au bout de 8 heures, tandis qu'elles ont vécu 12, 13 et 14 heures dans le même sang maintenu humide. Le degré de résistance est donc inverse de ce qu'il est dans l'eau et à sec. Nous essaierons de trouver une explication de ce fait quand nous étudierons le phé- nomène au point de vue chimique. Contenton.s-nous pour le mo- ment de l'enregistrer. 346 CHAPITRE XXII Dans ces expériences, le sang était étalé sur les parois d'un tube de verre, et desséché sous l'action du vide sec. M. Momont a aussi opéré en imprégnant de sang des morceaux de papier buvard stérilisé qui furent placés dans des vases flambés laissés au soleil. Toutes les heures, des fragments de ce papier étaient ensemencés dans du bouillon et d'autres introduits sous la peau de cobayes. Les papiers insolés 1 heure, 2 heures, 3 heures... jusqu'à 15 heures, amènent la mort des cobayes dans un temps quia varié de 36 heures à 3 jours. Après 16 heures d'insolation, le papier inoculé directement ne tua pas les cochons d'Inde, mais donna des cultures qui étaient virulentes. La résistance est donc voisine ici de ce qu'elle est à l'état humide. La même expérience fut faite en étalant du sang en couche mince sur des lamelles stérilisées que l'on exposait ensuite au soleil. Au bout de 6 heures 1/2 d'insolation, un fragment de lamelle, introduit dans le tissu cellulaire d'un cobaye, ne lui donne pas le charbon. Un autre morceau de la même lamelle est mis dans du bouillon: il se développe des bactéridies qui sont virulentes pour le cobaye. Les bactéridies protégées parles fibrilles du papier sont mortes moins rapidement que celles étalées sur le verre. Nous aurons à nous souvenir bientôt de ce fait. Il a été fait beaucoup d'études analogues, surtout à propos de la durée de conservation des ijacilles pathogènes dans l'eau. Nous les retrouverons clans l'étude spéciale que nous ferons de ce liquide. SOI. Influence de l'air. — Nous arrivons à l'influence maî- tresse en l'espèce, celle de l'air, qui a été reconnue dès l'origine par MM. Downes et Blunt, mais que nous devons étudier de plus près. Est-£lle d'abord indispensable, et l'action de la lumière ne suffit-elle pas, à elle seule, pour affaiblir et tuer des bactéries ? On peut déjà affirmer que tel est bien le cas, d'après les expé- riences de Roux (194), que confirment celles de Momont, qui, dans presque tous ses essais, a opéré comparativement dans l'air et dans le vide fait à la trompe à eau avec 7 ou 8 rentrées succes- sives d'hydrogène, de façon qu'on était assuré d'avoir éliminé toute trace d'oxygène gazeux. Voici quelques-uns des résultats trouves pour les durées de résistance dans l'air et le vide : INFLUENCE DE LA LUMIERE SUR LES MICROBES 347 Air Vide Sang desséché, conservé h 16-220 à l'obscurilc 57 jours 48 jours )) h 330 ''.5 » 50 » Id. autre série à 16-220 „ 60 .. 48 » » h 33° )) 48 )) 52 » La dessication clans le vide suffît donc à tuer labactéridie lila- menteuse, et la présence de l'air augmente sa résistance à la température ordinaire, la diminue à celle de l'étuve. Des essais analogues ont été faits avec des cultures de bactéridie en bouillon. On a choisi la bactéridie asporogènc, pour être sûr qu'elle ne contenait pas de spores. Les durées de résistance ont été : Bouillon de culture desséché, conservé à 16-22o .) à 330 Id. autre série » à 16-22o » » à 33" Même bouillon avec SO 0/0 sérum » à J6-22o » )) à 33" Air Vide 18 jours 48 jours. t2 » 8 )) 21 » 17 )) 10 )) 12 » 23 » 25 » 14 .. 15 )' La bactéridie filamenteuse résiste donc moins dans le bouillon que dans le sang, et l'addition au bouillon, avant dessiccation, de 50 0/0 de sérum de mouton, n'ajoute guère à la résistance. On voit encore qu'ici l'action du vide suffit à tuer la bactéridie desséchée. Toutes ces expériences sont faites à l'obscurité. Voyons main- tenant ce que donne la lumière solaire. Voici les durées maximum de la vie chez les bactéridies sans spores ,insolées dans diverses conditions. Air Vide Sang desséché, au soleil {25< '-35») 8 heures 11 heures. Bouillon desséché » )) 5 h. 30 m. 6 h. 30 m. Id. autre série » 1) 5 h. 6 h. 30 m. Id. avec 50 0/0 sérum » 4 h. 7 heures. Bouillon ordinaire » » 2 h. 30 m. 50 heures. Spores sèches » » plus de 100 h. plus de 100 h Spores dans l'eau » » 44 h. plus de ilO h L'action du soleil dans le vide est donc variable suivant les cir- constances, mais elle se produit toujours, et la présence de l'air ne semble pas nécessaire pour que la lumière détruise les microbes ex- 348 CHAPITRE XXII posés à sonaction. Toutefois, (jiiand l'aii' est présent, l'action mar- che plus vite, et l'effet produit augmente en quelque sorte avec la quantité d'air présent, et diminue avec la quantité de bactéries exposées à son action. Il faut, quand on veut avoir des résultats homogènes et réguliers, que lair puisse bien pénétrer dans toutes les couches de la culture insolée. Il faut étaler celle-ci en surface et non la mettre en profondeur, préférer, dans ce dernier cas, les milieux liquides aux milieux gélatinisés. Il faut enfin propor- tionner, dans une certaine mesure, les facilités de renouvellement de l'air au nombre des microbes présents. C'est ce que montre une expérience de Kruse, faite avec des spores charbonneuses exposées au soleil pendant le môme temps dans une goutte pen- dante où elles étaient plus ou moins nombreuses. Voici la façon dont elles ont été atteintes : i"i ïoutle ■2° goutte Avant 1 200 70 000 Après 40 min. d'insol; ition ^ 176 2 970 60 » w 1 452 5 800 7o « » 412 2 850 90 » » 186 2 078 105 » » 2 1 902 1 20 » » 1 3 200 Il y a eu, dans les premiers moments, une destruction plus considérable de spores dans la goutte la plus chargée que dans l'autre, mais tandis que la destruction se poursuivait dans cette dernière, l'action solaire semblait avoir épuisé en 40 minutes son action dans l'autre, qui ne manifeste plus à partir de ce moment que des changements insignifiants. Cette action de l'air est évidemment une action d'oxydation qui s'exerce, nous le savons déjà, à la fois sur le liquide où est contenu le microbe insolé, et sur le microbe lui-même. Suivons cette action chimique dans ces deux directions. 203. Oxydations dans le milieu insolé. — Les oxydations qui se produisent dans le milieu exposé à la lumière sont certai- nement multiples, et se mélangent et se superposent parfois. Nous n'étudierons ici que celles qui conduisent à des actions antiseptiques. On en connaît en ce moment trois : 1** le change- ment de réaction dos liquides, qui en change parfois si notable- INFLUENCE DE EA LUMIÈRE SUR LES MICROBES 349 ment la valeur nutritive, 2'5 la fornuition d'acide formique, 3" la formation d'eau oxygénée. J'ai montré que l'action solaire oxyde les corps gras, et les sa- ponifie, de sorte qu'elle peut augmenter de ce fait l'acidité du milieu de culture. Elle n'oxyde les sucres qu'en milieu alcalin, dont elle fait disparaître l'alcalinité. Dans les deux cas, il y a for- mation d'acide formique, substance antiseptique, mais que les microbes peuvent utiliser comme aliment, lorsqu'il n'y en a pas trop. Nous allons trouver des résultats analogues a\ec l'eau oxy- génée, dont M. Ricliardson a le premier signalé l'existence dans les liquides de culture exposés au soleil. Dans de l'urine on peut, au bout de quelques jours d'insolation, déceler la présence de l'eau oxygénée, et même la doser colorimétriquement, au moyen de l'acide titanique. Non seulement cette urine ne se peuple pas, mais elle peut servir à arrêter la putréfaction de l'urine fraîche à laquelle on en ajoute une certaine quantité. Lorsqu'il y en a trop peu, le niélange se trouble et l'eau oxygé- née disparaît, comme cela a lieu aussi pour l'acide formique. L'urine neutre ou de préférence alcaline est celle qui donne le plus d'eau oxygénée. Il ne s'en forme plus quand on acidulé avec un acide minéral quelconque, même de l'acide nitrique. Enfin ce n'est pas l'urée qui agit dans l'urine, car des solutions pures de cette substance ne donnent pas d'eau oxygénée au soleil : l'acide urique et les urates n'en donnent que des traces. M. Marshall Ward, qui a étudié ensuite ce sujet, confirme ces conclusions, montre que l'eau oxygénée, produite en dehors de toute action des microbes, est au contraire détruite par eux, et lui attribue un rôle prépondérant, sinon exclusif, dans la stéri- lisation que l'urine subit au soleil. Dieudonné a cherché si d'autres milieux nutritifs ressemblaient sous ce point de vue à l'urine. Il a utilisé, pour déceler l'eau oxy- génée, la réaction très sensible que donne en sa présence un mélange d'empois ioduré d'amidon frais et d'une solution éten- due de sulfate de fer. Il se forme une couleur bleue très intense. Ce réactifpermet de découvrir de l'eau oxygénée à la surface d'une plaque de gélose après 10 minutes d'insolation. Cette eau oxy- génée disparait à l'obscurité et se reforme à la lumière. On n'en trouve pas quand les rayons solaires ont traversé une dissolution 360 CHAPITRE III de bichromate de potasse ; il s'en forme au travers de l'alun et du sulfate de cuivre ammoniacal : sa production se fait donc sous l'influence des rayons chimiques ; en ajoutant de Téther, on fa- vorise sa formation. M. Berthelot en a du reste découvert dans une foule de substances organiques même pures, exposées à l'air. Il doit y avoir autre chose dans l'action solaire que cette for- mation d'eau oxyg'énée ou d'acide formique, autre chose même qu'une action oxydante, puisqu'elle se produit encore dans le vide. Il est vrai que même dans le vide, le protoplasma emporte encore sa provision d'oxygène à l'état demi-combiné, dont l'utilisation rapide et irrégulière pourrait encore lui être fâcheuse. Mais précisément dans ces conditions, il résiste très longtemps. L'ac- tion solaire ne se résume donc pas toute entière en une action d'oxydation, et les modifications protoplasmiques que nous allons relever ont peut-être une origine plus complexe qu'on ne le suppose en les attribuant à l'influence de la lumière sur la respi- ration des microbes. 203. Action sur les pigments. — Gaillard a cherché en 1888 ce que deviennent, sous l'action du soleil, divers microbes dont quelques-uns colorés, comme le Saphijlococciis pyogenes aurcus, le B. prodigiosus, la levure rose, et il a vu que la lumière était préjudiciable à la production du pigment. Cette question a été reprise par Laurent, qui a opéré sur le Bacille de Kiel, décou- vert par Breunig dans les eaux potables de la ville de Kiel, et qui, cultivé sur pomme de terre, la recouvre en 24 heures d'une couche rouge pourpré. Lorsqu'on expose à la lumière une tranche de pomme de terre qu'on vient d'ensemencer sur toute sa sur- face avec le liacille de Kiel, on voit que la matière rouge ne ré- siste pas à une -très vive insolation et se décolore. Trois tranches exposées 1, 3 et 5 heures aux rayons directs du soleil de juillet, puis reportées à l'étuveàSS", ont donné les résultats suivants. La culture exposée au soleil pendant une heure a donné des colonies blanches et un petit nombre de colonies roses. Celle qui avait subi l'influence solaire pendant 3 heures a donné des colonies incolores, sauf quelques-unes qui étaient rose pâle. Cinq heures d'insolation avaient stérilisé la troisième culture. Les colonies blanches des deux premières cultures ont été ensemencées sur tranches de pommes de terre placées à l'étuve INFLUENCE DE LA LUMIERE SUR LES MICROBES 351 à 33'\ La coloration rose se développa dans presque toutes les colonies issues de la culture exposée pendant une heure au soleil. Sauf quelques exceptions, toutes les colonies qui provenaient de la semence iusolée pendant trois heures étaient restées incolores. Au troisième passage de ces colonies sur pomme de terre, il n'y eut plus la moindre trace de coloration rouge, et cette variation s'est maintenue intacte dans des conditions déterminées. La lu- mière avait donc modifié la physiologie du bacille au point d'en faire une race décolorée des plus stables, capable de garder in- définiment l'impression de la radiation solaire. Il n'est pas assuré que les rayons qui interviennent dans ce phénomène soient les mêmes que ceux que nous avons trouvés actifs sur la croissance et la multiplication. Noubhons pas qu'il s'agit de bactéries colorées, et que celles-ci semblent se com- porter autrement que lesautres. M. Laurent a donc bien fait d'es- sayer quelles étaient les radiations les plus capables de produire ces décolorations. Il a séparé les radiations calorifiques au moyen d'une solution d'alun, les radiations chimiques avec une solution de sulfate de quinine, et a comparé avec la lumière directe. Sous l'alun, le bacille est impressionné aussi vivement qu'à la lumière directe ; il en est à peu près de même sous la solution de sulfate de quinine. Ce sont donc les rayons lumineux du spectre qui ont l'action prépondérante sur le bacille rouge. Cependant les cultures, dont les semences avaient été exposées au soleil sous la solution de bichromate de potassium, n'en avaient gardé aucune modification bien apparente. Sous le sulfate de cuivre, la perte du pouvoir chromogène était un peu plus marquée. Il semble que toutes les radiations lumineuses interviennent dans la destruction du pigment et la reproduction de races incolores chez le bacille rouge, mais que le maximum d'action appartienne à la partie laplusréfrangible de ces radiations. La variété incolore du bacille rouge, obtenue sous l'influence de la lumière, ne diffère du type ni par la taille des bâtonnets, ni par la rapidité du développement. Sur gélatine, les colonies ont le môme aspect que celles du type originel ; celles qui sont superficielles se colorent, à 18-20", en rouge pâle. Au contraire, les cultures sur gélose et surtout sur tranches de pommes de terre, placés à l'étuve à 15-35", restent complète- 352 CHAPITRE XXII ment incolores. A cette température, le type originel est toujours rouge violacé. Trente-deux cultures successives de la race incolore ont été fai- tes sur pomme de terre à la température indiquée. Jamais il n'est apparu la moindre trace de coloration. Dans les liquides nourriciers, la constance de la même variété n'est pas moins remarquable. A la température ordinaire, de même qu'à l'étuve à 30-35", le bacille demeure incolore, non seu- lement dans le bouillon, mais dans tous les mélanges qui se sont montrés les plus favorables à la production du pigment, tels que les albuminoïdcs, la peptone, les sucres en solution alcaline, le lactate de calcium. La variété semble donc fixée, mais elle ne l'est pas d'une manière définitive, car quel que soit le milieu de cul- ture où le bacille s'est maintenu incolore, la matière colorante reparaît toujours quand on le reporte sur trancbes de pommes de terre, à une température comprise entre 10 et 2d'\ La colo- ration est tout aussi vive ({ue celle du type placé dans les mêmes conditions. Mais le retour de la fonction chromogène n'est à son son tour pas définitif : dès que la race se retrouve dans les con- ditions indiquées plus haut, elle donne de nouveau des cultures tout à fait incolores. M. Laurent a fait une douzaine de cultures successives sur pomme de terre, alternativement à 18-20° et à 30 35", sans jamais avoir vu une colonie incolore à 18'', ni une trace de coloration à 35°. Une colonie née à haute température ne devient pas colorée si on la porte ensuite à basse température. Lorsc[ue la pomme de terre n'est pas complètement recouverte, on voit un bord rouge se former autour des colonies incolores. Inversement, une cul- ture rouge à 18-20" ne se décolore pas à 35'' ; elle devient plus violacée par suite de l'activité des phénomènes respiratoires. Mais si la croissance continue, les nouvelles cellules sont tout à fait incolores. Tous ces faits témoignent à la fois que c'est bien le môme être qui présente ces alternatives de coloration et de décoloration, et aussi cjue la lumière et la chaleur, qui dans ce cas peuvent ajouter ou opposer leurs effets, agissent probable- ment sur le même mécanisme protoplasmique. Plus récemment MM. d'Arsonval et Charrin ont étudié l'action des rayons du soleil sur la fonction chromogène du bacille du pus bleu. Ils ont vu qu'après 3 à 0 heures d'exposition au soleil dans INFLUENCE DE LA LUMIÈRE SUR LES MICROBES 353 un liquide qu'ils ne mentionnent pas, une g-outte de ce liquide, ense- mencée sur de la gélose, ne donnait que des colonies incolores. Après une plus longue durée d'exposition, les germes sont tués. Sous lalumière rouge, l'effet est moindre : il estinappréciable après G heures, et les colonies sur g-élose ont leur fluorescence verte. Des faits du même ordre ont été souvent observés depuis avec d'autres microbes colorés, mais leur étude n'a pas été poussée assez loin pour qu'il soit utile d'insister. 304. Action sur la virulence. — Nous savons déjà que la virulence n'est pas une propriété protoplasmique. Il faut, dans sa définition, tenir compte à la fois du microbe inoculé, et de l'a- nimal auquel on l'inocule. Mais, malgré cette coQiplication, le mot virulence implique une question de sécrétions microbiennes, capables ou bien d'intoxiquer l'animal inoculé, ou de paralyser ses leucocytes. 11 est donc intéressant de voir ce que deviennent ces sécrétions sous l'action de lalumière. Dans la plupart de ses expériences, Momont a cherché com- ment se comportaient, sur le lapin, les spores et les bacilles qu'il avait insolés dans diverses conditions, dans de l'eau et dans du sang-, à l'état sec et à l'état humide. De l'ensemble de ses ré- sultats, on peut conclure que la virulence va en décroissant à mesure que le bacille se rapproche de la durée d'exposition mor- telle, quelles que soient du reste les conditions de cette exposi- tion. Cela revient à dire que quelques-unes de ses sécrétions, sinon toutescelles qui jouent un rôle dans la virulence, s'éteignent peu à peu, sans qu'on ait encore relevé de différences soit dans leur ordre de disparition, soit dans la façon dont elles sont attein- tes par les divers modes d'insolation. Leur suppression mar- che de pair avec l'affaiblissement général du microbe, qui aboutit à la mort. Cette action de la lumière est en général rapide, et on com- prend qu'elle n'ait pas le temps de s'imprimer dans les propriétés du protoplasma. Elle est bornée aux microbes qui l'ont subie, et n'alfecte pas leur descendance. Les cultures filles de cultures insolées, et par là plus ou moins atténuées, reprennent de suite leur virulence, si elles sont faites dans un milieu favorable. En général, la lumière peut donc atténuer les microbes qui subis- sent son action, mais seulement eux, et non leurs descendants. 23 354 CHAPITRE XXIÎ S'il en était autrement, le soleil, depuis qu'il brille, aurait détruit tous les microbes pathogènes et en aurait fait des êtres inofFen- sifs. Pourtant on ne saurait douter qu'une action plus faible et plus prolongée de la lumière ne soit capable de produire des races atténuées au moins aussi persistantes que les races incolores du Bacille de Kiel. Mais il n'y a rien de connu encore sur ce sujet. Il faudrait, pour l'étudier, faire des cultures de microbes pathogè- nes, à une lumière à la fois assez intense pour qu'elle soit active, et assez faible pour quelle permette la multiplication. C'est en effet par des générations successives que se fixe l'influence à la- quelle on les soumet. 11 y a beaucoup de découvertes, impor- tantes au point de vue de l'hygiène, à faire dans cette voie. BIBLIOGRAPHIE Janowski. Sur la biologie du bacille typhique. Centralbl. f. Bact.. t, 8. 1890. Geisler. Action de la lumière sur les bactéries. Id., t. II, p. 161. KoTLiAR. Influence delà lumière sur les bactéries. Id. t, 12. 1892, p. 836. Kruse. Sur l'importance hygiénique de la lumière. Zeitschr. f. Hijg., 19, 1895. Gaillard. De l'influence de la lumièresur les microorganismes. Lyon, 1889. Pansini. Action delà lujnière solaire sur les microorganismes. Rivista. d'I- giène. MoMONT. Action de la dessiccation, de l'air et de la lumière sur li bacté- ridie charbonneuse. Ann. de l'Institut Pasteur, t. 6, 1892, p. 21. RiGHARDSON. Influence de la lumière pour prévenir la putréfaction. Journal of the chem. Soc., t. 68, p. 1109. Marshall- Ward. L'action de la lumière sur les bactéries. Proceed, t. 54. ,1893. DiEUDONNÉ. Importance de l'eau oxygénée dans le pouvoir bactéricide de la lumière {Arb. a. d. k. Gesundh.), t. 9, p. 357. Laurent. Etude sur la variabilité du bacille rouge de Kiel. Ann. de V/nstitut Pasteur, t. 4, 1890. D'Arsonval et Charrin. Influence des agents atmosphériques sur le bacille pyocyanogène. Comptes-rendus, t. 118, 1894, p. 151. CHAPITRE XXIII DURÉE DE CONSERVATION DES MICROBES Des faits contenus dans les chapitres précédents découlent des conclusions relatives à Thygiène dont nous avons à développer Tctude. Mais auparavant i.ous avons à examiner une question plus étroite, qui n'a guère d^imporfance que pour les laboratoires, et que voici : Dans quelles conditions faut-il se mettre pour con- server le plus longtemps possible les germes microbiens, et sur quelle durée maximum de vie peut-on compter? Tous les détails que nous avons fournis sur la variabilité mor- phologique et physiologique des microbes prouvent combien il est difficile de découvrir l'espèce et le genre d'un microbe qu'on rencontre fortuitement, et de savoir s'il est nouveau ou s'il a été déjà décrit. On ne peut y arriver avec quelque sûreté que lors- que son inoculation amène sur un animal des désordres caracté- ristiques. Lorsque tel n'est pas le cas, ou lorsque le microbe n'est pas pathogène, son identification est un problème très difficile, et qu'on ne peut résoudre qu'à l'aide de comparaisons très soi- gneuses de cultures simultanées du microbe à l'étude et de ceux qui lui ressemblent le plus. Pour cela, il faut donc avoir une collection et ne pas la laisser perdre. Soyka et Kral ont proposé de faire des cultures sur tranches de pommes de terre qu'on enferme dans des tubes cylindriques hermétiquement clos, ou sur plaques de gélatine qu'on introduit dans des flacons plats lûtes à la paraffine. On les protège ainsi contre la dessiccation et les impuretés. On peut aussi les protéger contre la lumière. Mais on ne les protège pas contre l'action de l'air, ni contre les influences nocives du milieu de cul- ture, ou, du moins, on ne voit pas en quoi, sous ces deux points de vue, ces cultures sur gélatine ou sur pomme de terre sont su- périeures aux cultures en bouillon, bien plus faciles à manier et à conserver qu'elles. 356 CHAPITRE XXIll Si nous nous demandons, avec ce que nous savons déjà, quel- les sont les conditions les plus favorables à la conservation de la vie chez un germe de microbe, nous trouvons 1" la spore ; 2" l'élimination aussi complète que possible de l'air et de la lu- mière ; 3" la séparation entre les germes et leur milieu nutritif contenant des substances antiseptiques pour eux. D'autres con- ditions interviennent sans doute sur lesquelles nous sommes moins bien renseignés, mais voilà les principales. La question qui se pose est de savoir si les microbes, même àl'état de spores, peuvent résister longtemps dans ces conditions, et à cette question, l'expérience seule peut répoudre. Encore doit-elle être faite avec quelques précautions que nous allons énumérer. 205. Conditions d'une bonne expérience — La première est de porter sur une espèce unique. Onélimineainsiles questions confuses de concurrence vitale, et on supprime tous les résultats contradictoires qu'on ne manquerait pas de rencontrer si on opé- rait sur un mélange de microbes. Cette condition en permet une autre. Nous savons déjà que la mort n'est pas un phénomène brusque ; elle est le terme dune série de dégradations successives. Tant que le microbe n'est pas mort, il est très malade, difficile comme tous les malades, et très exigeant sur les conditions de milieu qui peuvent lui permettre de se réparer et de se rajeunir. Il faut, quand on veut voir si un germe est encore vivant, lui fournir les conditions de température et de nourriture qui lui conviennent le mieux. Pour cela il faut les connaître, et, en règle générale on rajeunira plus facilement un microbe dont on connaîtra bien la physiologie et les besoins. Quand on n'a aucun renseignement particulier sur ce sujet, on recourt aux notions générales. On fournit par exemple, de préfé- rence, des solutions sucrées et légèrement acides aux levures, sucrées et plus acides aux moisissures, des bouillons neutres ou légèrement alcalins aux bactéries et aux coccus. En général, quand on est dans l'incertitude, une décoction ou une macération de lé- gumes, tels que les navets, oii il y a des sucres, des matières al- buminoïdes et pectiques, rend de bonsservices. 11 en est de même du bouillon exactement neutralisé, avec adjonction de 1/2 0/0 de peptone. Trop de peptone lui enlève ses qualités. DUREE DE CONSERVATION DES MICROBES 3S7 Enfin, il faut être très prudent dans le maniement des tempé- ratures, (pi'on clrve peu à peu du niveau auquel était conservée la semence aux niveaux plus élevés. La progression doit être gra- duelle et lente comme pour toutes les éclosions. Il faut savoir aussi que le temps est un élément important de l'action, et que certains germes ne commencent r pousser qu'au bout de quel- ques jours d'étuve. Toutes ces conditions de succès n'ont pas tou- jours été réalisées, et les nombres trouvés alors pour la vitalité des microbes sont proljablemeut de beaucoup inférieurs à la réalité. 306. Conservation à sec. — Etudions d'abord les résultats de la conservation à sec, qui est normale pour les spores demu- cédinées. Les spores de la muscardiue des vers à soie, produite par le botri/tis basaiana, sont encore capables de germer après deux ans, mais pas davantage. La limite est à peu près la même pour Vustilago mat'dis^ le tilletia c tries. L'iistiingo d est mens peut aller jusqu'à trois ans et demi. L'ustiiago carbo a pu encore germer après 31 mois. Cette étude sur lesUstilaginées est due à Hoffmann. On voit que les diverses espèces d'un même genre paraissent pré- senter des degrés différents de résistance. Il en est de même dans les Urédinées. Les spores d'wrer/o et à' œcidiu m, qui peuveutgermer aussitôt mûres, ne conservent cette faculté que quelques semaines tout au plus, jusqu'à la fin de l'été où elles sont nées. Les spores du. puccinia graminis, qui traver- sent l'hiver, germent très facilement au printemps de l'année suivante, plus lentement et plus rarement pendant l'été, et sont presque toutes mortes en août. D'autres spores de Pucciniées et d'Uromycètes n'ont pas pu aller jusqu'au second été après l'année de leur formation. De même dans les Péronosporées. La faculté germinative périt après trois semaines dans les spores mal desséchées du peronos- pora infestans, après six à huit chez le cgstopus candidus. Tous ces nombres me paraissent un peu faibles, et je serais tenté de croire qu'il y a eu une erreur provenant d'un mauvais ensemen- cement, dans un liquide par exemple trop acide. Le milieu de ra- jeunissement doit en général être moins acide que le milieu de culture Même lorsqu'on connaît bien ce dernier, comme tel est 358 CHAPITRE XXIII le cas pour Vaspergillus niger ou \e pénicillium glaucum, il faut réduire l'acidité au tiers ou au quart pour favoriser le dévelop- pement d'un germe vieilli. Avec ces précautions, j'ai pu trouver des spores de penicillinîn vivantes depuis 6 ans. C'est une durée de beaucoup supérieure à celles que pouvaient faire prévoir les expériences de Hoffmann, citées plus haut. Vaspergillus niger pousse péniblementaprës2ans, et, après3ans,j'ai toujours trouvé ses spores stériles. Mais on peut montrer que cette durée n'est pas très longue. J'ai étudié, en 1882, des bourres de coton chargées de poussières de l'air par M. Pasteur dans ses expériences de 1859 et 1860, et enfermées dans des tubes de verre : elles avaient donc à ce mo- ment-là 22 ans. Quelques-unes étaient tout à fait noires, et ren- fermaient sûrement des millions de germes divers, protégés, depuis leur immobilisation dans les mailles du coton, par un mince bourrelet de cire à cacheter, contre toute immixtion de germes nouveaux. Toutes ces bourres de coton, ensemencées dans de l'eau de navets sucrée, s'y sont montrées stériles. Six bourres d'amiante chargées en 18G0 de spores de pénicil- lium, ensemencées dans de l'eau de navets sucrée, n'y amènent aucun développement. Deux autres bourres chargées de spores diverses laissent aussi ce bouillon stérile. lien est de même d'une bourre portant depuis 1860 des spores de bothryosporium pulchrum et de mucor can- didus. Quatre bourres de coton chargées des poussières de Tair, dont deux de façon à en être noires, laissent parfaitement intact le liquide d'ensemencement. On a donc le droit de conclure qu'après vingt-trois ans de con- servation à sec et à l'obscurité il n'y a plus un seul germe vivant, non seulement de mucédinées, mais encore des autres microbes. Nous allons voir au contraire qu'il y en a qui résistent pendant des temps plus considérables, dans d'autres conditions de con- servation. 20*7. Conservation en vases clos. — En regard des faits qui précèdent, je peux placer le cas d'un penicilliutn, provenant d'un ensemencement fait en 1860 au moyen d'air pris au sommet du Panthéon, dans de l'eau de levure sucrée, contenue dans un DURÉE DE CONSERVATION DES MICROBES 359 ballon clos, et qui avait formé à la surface du liquide 3 petits ilôts ayant fructifié. Il y avait sûrement eu assez d'air pour suf- fire à l'évolution complète de la plante, mais peut-être l'oxygène avait-il peu à peu été absorbé en entier. En tout cas, les spores ne s'étaient pas desséchées, ayant au contraire toujours été dans un air saturé d'humidité. Elles étaient encore vivantes en 1882 après 22 ans. C'est une durée notablement plus longue que dans les essais qui précèdent. Dans ces mêmes conditions de conservation, c'est-à-dire en liquides nutritifs conservés en vases clos, j'ai trouvé morts, après 22 ans, 28 mycéliums de végétations cryptogamiques ; ces mycéliums n'ont pas la même vitalité que des spores. 308. Conservation à l'humidité et à l'air. — La seule incer- titude au sujet de ces expériences porte sur la dose d'oxygène resté dans les ballons pendant cette longue durée de conservation. Mais on peut la faire disparaître en conservant les cultures, non plus dans des vases clos, mais dans des vases fermés avec des tampons de coton, qui permettent la pénétration de l'oxygène. Seulement ces vases ne sont pas anciens dans la science, et mes plus vieilles réserves n'ont pas encore 20 ans. Voici les résultats qu'elles m'ont fournis dans une étude récente inédite, qui a porté sur des microbes dont je connaissais bien la physiologie, ceux de mes études sur le lait. Trois matras datant de 8, 9 et 17 ans, et contenant des spores de Tyrothrix tennis dans un milieu de culture qui avait fini par devenir alcalin, ont donné tous trois des cultures. 11 en a été de même pour 2 matras, contenant des spores de T. scaber, vielles de 11 et 18 ans ; pour 3 matras, contenant des spores de T. distortus vieilles de 8, 10 et 15 ans ; pour un matras de T. filiformis vieux de 8 ans Un autre matras pareil au pré- cédent, mais où le liquide s'était desséché, ne contenait plus rien de vivant au bout de la même période, ce qui confirme ce que nous avons dit plus haut au sujet de l'influence fâcheuse de la dessiccation. Par contre, un ballon clos, provenant des expériences de Pasteur en 1860, contenait en 1882 des spores bien vivantes d'un bacille que j'ai identifié sûrement avec mon T. filiformis^ et quatre autres ballons, de même origine, contenaient de même des 7'. tenuis. On voit que dans ces conditions la persistance de 360 CHAPITRE XXlll vie est longue pour certaines spores. Aujourd'hui encore, après 20 ans, elles ne montrent aucun signe de faiblesse^ et se dévelop- pent dans les délais normaux quand on les ensemence dans un liquide convenable. 309. Conservation à l'état humide et à l'abri de l'air. — Il n'est pas étonnant que nous n'ayons pas trouvé de grandes dif- férences, dans les essais que précèdent, entre les matras fermés au coton, où le renouvellement d'air se faisait, et les ballons clos de Pasteur. Nous allons trouver des résultats de môme ordre avec des cultures conservées sûrement à l'abri de l'air. Pour cela j'en as- pirais une goutte clans une ampoule effilée que je fermais ensuite au chalumeau à ses deux extrémités, et que je conservais à l'obs- curité, dans un tiroir rarement ouvert. En les réensemençant ré- cemment dans des liquides appropriés, voici celles où j'ai trouvé des cultures vivantes : T. tennis. Ampoules vieilles de 10, 14, 17, 17 et 18 ans. T. scaber. Ampoules vieilles de 9, 11, 14, 18 et 19 ans. T. distortus. Ampoules vieilles de 9, 13, 14 et 18 ans. Dans une ampoule, la culture, vivante encore après 16 ans, était morte au bout de 17 ans. 7'. geniculalus. Ampoules vieilles de 11, 14, 16, 16 et 18 ans. T. filiformis. Ampoules vieilles de 8, 11, et 18 ans. T. turgidus. Ampoules vieilles de 11, 14, et 18 ans. On voit que, chez ces microbes du lait, la persistance de la vie est très longue. Ils étaient tous conservés dans le liquide, bouil- lon ou lait, où ils s'étaient développés^ et qui était devenu plus ou moins alcalin. J'étais sûr avec eux de la bonne convenance de leur liquide de rajeunissement, et c'est peut-être à cela qu'on serait tenté d'attribuer ce qu'ils montrent de vitalité : mais j'ai observé des résistances aussi longues chez deux bacilles sur les- quels je ne savais rien, et auxquels je me contentais d'offrir de Peau neutre de navets sucrée, ou du bouillon léger et neutralisé. La conservation avait encore eu lieu en ampoules. On est donc autorisé à croire que les spores de certaines espèces peuvent durer très longtemps, maintenues en vases clos à l'abri de la dessiccation, et au contact ou à l'abri de l'air. Voici maintenant qui prouve qu'il n'en est pas de même pour toutes. Une espèce vivant dans le lait, plus anaérobie cpe les pré- DUnÉE DE CONSERVATION DES MICROBES 361 cédentes, et produisant des fermentations avec dégagements ga- zeux, \o T. iirocephahim, était vivant après 11 ans, mais mort après 18. Deux autres bacilles que j'avais rencontrés dans le lait, et dont l'un, le T. ciaviformis, ressemble au bacille du téta- nos, se sont refusés à toute rcvivification. Ils étaient morts après •i ans. Une autre espèce que j'ai décrite en 1880 sous le nom à'actinohacter polymorphiis, et qui est une des bactéries du lait fdant, est restée vivante en ampoules pendant 10 ans, mais n'a plus donné aucune culture après cet intervalle. J'ai de môme trouvé stériles un bacille du lait rouge et le Proteus d'IIauser, conservés 10 ans en ampoules. On voit donc que ces conditions de conservation ne sont pas favorables à toutes les espèces. Il est vrai que ces deux dernières ne forment pas de spores. Nous allons voir cette importance des spores s'affirmer encore à propos des coccus, qui, n'en possédant pas, sont très fragiles. Je citerai, parmi les coccus non pathogènes, morts au bout de 8 ans en ampoules, une sarcine jaune etdivers ferments de l'urée : ensuite, parmi les microbes pathogènes, le M. pyogenescitrens, après 10 ans, et tous ceux que j'avais recueillis, en 1883 et 1886, sur des malades de l'hôpital de St-Louis atteints de diverses affections, clou de Biskra, P 0/0 372 CHAPITRE XXJV Si intéressants que soient ces chifTres, on peut leur reprocher de manquer de netteté. Ils nous disent bien, par exemple, que le terreau peut retenir environ 2 fois son poids d'eau ; mais des rela- tions de volume seraient bien plus intéressantes que des rela- tions de poids, et la notion la plus frappante et la plus intelligible, c'est celle du volume d'eau que peut retenir un volume de terreau. Par contre, cette notion est moins précise à déterminer, parce que le volume de terreau n'est pas, comme nous l'avons vu, le même avant et après humectation, tandis que son poids reste constant. Quoiqu'il en soit, voici qui donne une idée du phénomène, quand on prend comme terme de comparaison les poids et les volumes. Voici, d'après Schubler, ce qui reste d'eau dans un kilogramme et dans un litre de diverses terres, supposées sèches au moment de la mesure du poids et du volume. Par kilog. Par litre Sable quarzeux 2S0 450 Sable calcaire 270 582 Lehm sableux 400 682 Argile pure 700 875 Lehm calcaire 850 808 Humus 4900 935 Avec du coton non tassé, avec une éponge fine, on trouverait encore des nombres plus grands pour la première colonne, mais toujours plus petits que 1000 pour la seconde. SI*?. Volume des espaces lacunaires. — C'est qu'en effet, chez un corps qui ne change pas de volume en s'humectant, le volume des espaces lacunaires ne saurait dépasser le volume du corps. Il faut même remarquer que ce volume des espaces lacu- naires varie beaucoup moins qu'on ne serait"tenté de le croire au premier abord avec la grosseur des éléments. Supposons en effet une masse salîleuse formée de g-rains égaux parfaitement sphériques et empilés les uns sur les autres. Il y a des vides que ferait disparaître la substitution, à chacune de ces sphères, du cube dans lequel elle est inscrite, et le rapport du plein au vide, dans toute la masse, est le même que, dans chacun de ces cubes_, le rapport du volume de la sphère à la partie du cube qui reste en dehors d'elle. Or, une sphère inscrite dans un cube dont la ÉTUDE MICROBIENNE DU SOL 373 hauteur est égale à son diamètre en remplit, comme on sait, à peu près la moitié du volume : le rapport du creux au plein est donc l'unité, et le rapport du creux au volume total est d'à peu près 1/2. La grosseur des grains sphériques peut donc diminuer indéfiniment, s'ils restent égaux, il y aura toujours théoriquement 500 litres de vide par mètre cube. En supposant les cubes non empilés, mais superposés à la façon des piles de boulets ou des piles de bouleilles, le volume des vides diminue, et il repré- sente alors environ le tiers des pleins, ou le quart du volume total ; mais le rapport reste encore invariable, quelle que soit la grosseur des éléments de la masse. Dans la pratique, l'existence de grains plus petits, qui viennent se loger entre les gros, dimi- nue un peu les vides, mais il est curieux de voir que le rapport de l'espace vide au volume total reste à peu près constant, comme le veut la théorie, et à peu près égal à la moyenne entre les deux évaluations précédentes. Dans cinq espèces de sable de plus en plus fin, étudiées à ce point de vue par M. Piefke, il a seulement varié de 29 à 34 p. 100, et d'une manière générale, on peut ad- mettre que, dans une masse sableuse filtrante quelconque, il y a environ 1/3 de vide, occupé par l'air quand elle est sèche, par l'eau quand elle fonctionne comme filtre. A quoi sert donc que le sable devienne fin, si cela ne diminue pas le volume total des vides ? La finesse des éléments augmente le nombre des espaces lacunaires, par conséquent, leur surface totale et le rapprochement moyen des parois qui les limitent : de là naissent deux avantages : l'un d'ordre purement physique, l'autre d'ordre intermédiaire entre la physique et la chimie. 218 Résistance au mouvement. — Lorsque de la pluie tombe sur le sol, ou, pour prendre un autre exemple pratique, qui nous sera aussi utile, lorsqu'on fait arriver de l'eau, sous une certaine épaisseur, à la surface d'un filtre de sable, la i-ésistance de ce sol ou de ce filtre à la pénétration de l'eau dépendra non du volume total des espaces lacunaires, mais de leur degré de finesse et, par conséquent, du degré de finesse des éléments du sol et du filtre. La résistance au mouvement est proportion- nelle à la fois à l'épaisseur de ce filtre, si le filtre est homogène, et à la vitesse du liquide dans les espaces lacunaires, toutes les fois que cette vitesse n'est pas trop grande. Quand ces espaces 374 CHAPITRE XXIV lacunaires sont irréguliers, l'eau ne les traverse pas tous avec une vitesse constante. Mais la loi reste vraie pour la vitesse moyenne. C'est ce qu'avait entrevu Darcy, sans le démontrer avec précision. J'ai fait cette démonstration pour les cloisons poreuses, et M. Brunhes pour les masses fdtrantes de gravier. On peut donc écrire, en s'appuyant sur l'expérience, l'équation V e =■ m h où h représente la pression en eau sur la partie supérieure du filtre, V la vitesse moyenne dans le fdtre et e son épaisseur. On exprime ainsi qu'il y a égalité, c'est-à-dire équilibre entre la puissance motrice, représentée par la pression d'écoulement /*, et la résistance, et que le mouvement de l'eau est uniforme, avec une vitesse v dont la valeur est e à Pour avoir une idée de ce qu'est le facteur ?n introduit dans l'égalité, il faut supposer A = 1 et e = 1 , c'est-à-dire se représenter un filtre d'épaisseur égale par exemple à 1 mètre, fonctionnant sous la pression de 1 mètre d'eau : on aurait alors y = m, ce qui revient à dire que ?n est, en mètres, la vitesse d'un courant d'eau traversant un pareil filtre Cette vitesse étant évidemment d'au- tant plus faible que le filtre est formé d'éléments plus fins, ?n di- minue avec la grosseur des éléments du filtre, et môme beaucoup plus vite qu'elle. La loi de variation est impossible à donner quand les espaces lacunaires sont irréguliers : on ne peut s'en faire une idée qu'en empruntant un exemple aux tubes capillaires. Or, dans ces tubes, et pour des longueurs égales, m diminue comme la quatrième puissance du diamètre. Elle se réduit à 1/10.000 quand le diamètre du tube devient le 1/10 de ce qu'il était. On conçoit que dans un filtre poreux la vitesse diminue beau- coup plus vite que la grosseur des éléments, et même qu'il y ait des filtres poreux presque imperméables. Nous pouvons résumer l'ensemble des notions physiques que nous venons de rappeler en examinant ce qui va arriver dans des cylindres poreux de sable ou de terre tassée sèche, que nous plongerons] dans l'eau parla partie inférieure. Nous pou- vons prévoir : ETUDE MICROBIENNE DU SOL 375 1" Que l'eau va s'élever dans tous, s'ils sont inoidllahles par l'eau ; 2" Que la hauteur maximum atteinte sera d'autant plus grande que les éléments de la colonne seront plus fins; 3" Que le temps employé à atteindre cette hauteur, exigeant une circulation d'eau dans les espaces lacunaires, sera d'autant plus grand que le sable sera plus fin, et croîtra beaucoup plus vite que la hauteur atteinte. Ce sont là précisément les conditions et les conclusions d'une expérience de M, Edler,qui opérant sur une terre d'alluvion dont les grains étaient de diverses grosseurs, atrouvé pour les hauteurs atteintes après 24 heures, pour les hauteurs d'ascension maxi- mum, et pour les temps misa atteindre ce maximum, les chiffres suivants, pour des diamètres des grains sableux indiqués dans la 1" ligne en millimètres : I n ni IV Diani. des grains. 1,0-0,5 0,5-0,25 0,1-0,05 0,05 Haut, en '24 heures. 6 16 56 11 Haut, maximum. 10 27 70,5 97,25 Durée d'ascension. 126 jours 55 j. 38 j. 142 j. On voit que c'est sur le filtre III que la circulation de l'eau, relativement facile, et combinée à une force motrice plus grande, a amené l'état stable au bout du temps minimum. En IV, la force motrice était plus grande, puisque l'eau devait s'élever plus haut, mais la résistance l'était beaucoup plus, et il a fallu 3 fois plus de temps pour arriver au maximum. En I et en II la force mo- trice était très faible et la circulation facile. L'équiHbre était presque atteint pour I au bout de 48 heures. Mais il a mis très longtemps à se compléter. Nous aurons à nous souvenir de ces résultats quand nous étudierons la circulation des eaux pluviales. 319. Pouvoir absorbant de la terre. — Nous avons main- tenant à viser d'autres forces, qui sont de l'ordre physicochi- mique, et qui naissent au contact du sol et des liquides qui le baignent. Nous avons supposé jusqu'ici que ce liquide était de l'eau. Si au contaire, c'est une solution saline, l'expérience mon- tre que le sel se répartira différemment dans la couche liquide qui tapisse chacun des éléments du sol, et dans l'eau interposée entre ces éléments, de sorte que si on renouvelle l'expérience de Biot, (316) si on ajoute un peu de hquide à la surface de la 376 CHAPITRE XXIV masse pour en obtenir une quantité égale à la partie inférieure, le liquide qui s'écoule n'aura pas la même composition que celui qu'on aura versé ; tantôt il sera plus concentré et tantôt moins. Il le sera moins avec la plupart des sels ; il le sera d'ordinaire plus avec les nitrates et les chlorures. On exprime brièvement ce fait en disant que le sol absorbe certains éléments en dissolution dans l'eau et en laisse passer d'autres. On peut dire encore, et d'une façon plus nette, que certains corps solides mouillables par les solutions salines retiennent à leur surface tantôt de pré- férence le sel, tantôt de préférence l'eau, tantôt indifféremment l'un et l'autre. L'état d'équilibre qui s'établit alors entre le corps solide, l'eau et le sel, dépend de la température; mais, ce qui nous intéresse davantage, il dépend aussi du temps du contact. Il n'est pas immédiat et demande quelquefois plusieurs heures pour s'établir. En outre, il dépend aussi de la concentration. Si on remplace la solution qui imprègne la terre par une nouvelle solution plus concentrée, cette solution cède de nouveau sel à la couche aqueuse adhérente au solide. Si on la remplace, au contraire, par de l'eau, c'est la couche adhérente au corps solide qui cède à cette eau une partie du sel qu'elle avait immobilisé. En partant de ces faits, on se rend un compte exact de ce qui se passe quand on verse une solution à la surface d'une couche épaisse d'une substance poreuse et absorbante tassée dans un tube de verre. Si cette substance retient le sel de préférence h l'eau, la liqueur s'appauvrira à mesure qu'elle descendra et ren- contrera des couches neuves qui réclameront leur part de la subs- tance dissoute. Les premières gouttes qui viendront perler à la partie inférieure pourront être totalement dépouillées. Puis vien- dront successivement des portions de plus en plus concentrées, jusqu'au moment où, réc|uilibre étant établi dans toute la hauteur, la concentration du liquide qui s'écoule restera cons- tante. Inversement, si, dans cette masse que nous supposons en équi- libre au point de vue des actions moléculaires dont elle est le siège, nous faisons passer de l'eau distillée, nous verrons cette eau chasser d'abord devant elle la solution et emprunter ensuite aux parois solides le sel qui s'y trouve emmagasiné, de sorte que si nous continuons assez longtemps ces affusions d'eau, nous ÉTUDE MICROBIENNE DU SOL 377 pourrons enlever au filtre solide tout le sel absorbé et le voir ne débiter que de l'eau pure. Mais il faudra plus ou moins long- temps, suivant que l'adhésion du solide pour la substance absor- bée sera plus ou moins grande, et il y a même des cas où cette substance est si fortement retenue qu'on ne peut plus la retirer. Voilà en quelque sorte le schéma des phénomènes, réduit à ses traits essentiels. Les forces qui y jouent un rôle ne sont pas, à proprement parler, des forces chimiques, puisqu'il n'y a aucun changement de nature dans les substances employées. Il n'y a qu'un changement d'état. Mais toutes les distinctions et classifi- cations que nous sommes obligés de faire dans les sciences deviennent subtiles et s'évanouissent quand on les regarde d'un pen près, et il y a des cas où ces forces adhésives sont de véri- tables forces chimicjues, et président à de véritables transforma- tions. De l'argile en contact avec une solution de chlorure de potassium, cédera une partie de sa chaux en échange de la potasse et remplacera une partie du chlorure de potassium par du chlorure de calcium ; mais même alors, il arrivera souvent que ces transformations, d'ordre chimique, aboutiront avec le temps à un état d'équilibre entre les forces en jeu, et seront par suite réversibles dans une certaine mesure, comme celles aux- quelles président des forces purement physiques. Nous pouvons donc ne pas trop les séparer des autres, et les introduire au même niveau dans le cadre de notre étude. Toutes ces actions physico-chimiques ont, en effet, un carac- tère commun, celui de l'instabilité ; instabilité faible chez les actions qui sont surtout d'ordre chimique, mais très grande pour celles qui sont à l'autre extrémité de la série. Ici, les causes les plus faibles et souvent les plus insaisissables suffisent à modifier et même à renverser le jeu des phénomènes d'adhésion, surtout au voisinage de l'état d'équilibre, qui souvent se résume, non dans un état de repos, mais dans une série d'oscillations à droite et à gauche d'une position moyenne. Telles sont les règles générales auxquelles obéit ce qu'on appelle le pouvoir absorbant du sol, et qui serait mieux nommé pouvoir sélectif. l\ y a longtemps qu'il a été observé. Le premier savant qui en fasse mention est un apothicaire du dernier siècle, nommé Bronner, qui, en faisant passer des liquides putrides sur de la terre de jardin contenue dans une bouteille de verre, trouva 378 CHAPITRE XXIV qu'ils arrivaient à la partie inférieure décolorés et désodorisés. En 1848 Huxtable et Thompson observent le même fait à propos des purins et en tirent des conséquences agricoles. En même temps, H. S. Thomson découvre que cette puissance absorbante ne s'exerce pas seulement sur la matière organique complexe, et qu'une dissolution d'ammoniaque ou d'un sel ammoniacal s'appauvrit au contact dune terre arable. En 1850, Th. Way étend cette observation à diverses bases, l'expli- que inexactement en y voyant des actions de l'ordre chimique, mais n'en tire pas moins la conclusion, neuve et hardie pour son époque, que la forme sous laquelle on donne l'engrais aux plantes est indifférente. Cette conclusion fut confirmée quelque temps après par Licbig. à la suite de recherches dans lesquelles il avaitconstaté que, quand on fdti'ait sur de la terre des solutions de silicates alcalins, la silice était retenue avec l'alcali, et qu'il en était de même pour les phosphates. C'est Brustlein qui montra le premier que cette absorption n'avait, à aucun degré, le caractère d'une action chimique. L'absorption de l'ammoniaque en dissolution varie avec la con- centration, le temps du contact, el s'observe avec des corps de structure et de constitution chimique très variées, le terreau, la tourbe, le noir animal, etc. De ()lns l'ammoniaque absorbée n'a pas été transformée ni insolubilisée, car on peut l'extraire à nou- veau par un lavage. Il ne s'agit là que d'actions de contact, analogues à celles qui fixent une matière colorante sur un tissu, ou même de puissance moindre, car l'adhésion d'un sel ammo- niacal pour le sol est beaucoup moins intime que celle d'une tache de vin sur une nappe. Les recherches faites depuis, surtout par M. Schlœsing, ont confirmé cette manière de voir, et l'image d'une tache, à laquelle nous venons d'arriver, est la meilleure façon de se représenter ces phénomènes. Une goutte de vin qui tombe sur une nappe, une goutte de teinture de tournesol ou d'indigo sur une feuille de papier, donnent deux cercles concentriques d'une remarquable netteté, dont les diamètres sont toujours dans le même rapport l'un par rapport à l'autre, tant qu'on ne change que le volume de la goutte qui tombe. Le cercle intérieur est seul coloré. Cela témoigne que la matière du corps absorbant retient plus acti- vement la matière colorante que l'eau, et c'est là en gros l'image ÉTUDE MICROBIENNE DU SOL 379 de ce qui se passe dans la terre arable, qui retient facilement les éléments organiques en solution dans l'eau, et ne laisse passer que de l'eau à peu près pure. Mais à côté des corps qui sont retenus plus énergiquement que Teau, il y en a qui ne subissent aucune action élective, et donnent sur le papier à filtrer des taches de coloration uniforme. Tel est le cas pour les solutions d'alun de chrome, de protochlo- rure (le fer un peu concentré, de sulfate de cuivre ammoniacal, et, sans aller si loin, d'encre ordinaire, qui teint le papier buvard d'une teinte plate, sans aucune trace des cercles concentriques que montre une tache d'orseille ou d'indigo. C'est là l'image des corps poreux qui laissent traverser intégralement la solution dont on les baigne. Tel est par exemple le sable quartzeux, quand il est un peu gros, pour les dissolutions organiques qu'il laisse fdtrer : c'est à peine s'il les appauvrit au passage. Enfin, nous avons aussi des exemples de solutions qui donnent sur le papier des taches à cercles concentriques, dont le plus extérieur est le plus coloré, c'est-à-dire qui retiennent l'eau plus puisamment que la matière colorante. Tel est par exemple le cas pour les solutions de cyanure rouge de potassium, ou pour les solutions étendues de perchlorure de fer. Une dissolution de sel marin se comporte de même, et du papier qu'on y plonge absorbe plus d'eau que de sel. C'est l'image de ce que fait le sol avec les chlo- rures et les nitrates, qu'il laisse disparaître trop facilement avec les eaux de drainage ; une partie importante des substances salines qu'on trouve actuellement dans la mer était certainement répartie autrefois dans les couches terrestres d'où les eaux les ont éliminées peu à peu, par des actions capillaires analogues à celles que nous essayons de décrire, pour les amener à la mer d'où elles ne peuvent plus revenir. C'est un mécanisme identi- que qu'on a fait fonctionner, depuis quelques années, pourle des- salage des terrains de la Camargue. S30. Distribution quantitative de la matière organique. — Revenons maintenant, avec ces notions, au problème que nous nous étions posé au commencement de ce chapitre. Les microbes détruisent et rendent soluble la matière organique constamment renaissante à la surface du sol. Les pluies tendent à entrainerdans les profondeurs les substances solubihsées par les microbes, et la 380 CHAPITRE XXIV terre les leur dispute sur tout leur parcours. Quelle va être, d'une manière théorique, la situation résultant de cet ensemble de for- ces ? Commençons par la matière organique. On voit, sans que j'aie besoin d'insister, que le pouvoir absor- bant du sol maintiendra, dans l'ensemble, la matière organique à la surface. La pénétration sera, il est vrai, plus profonde que s'il n'y avait pas de pluies, précisément parce que ce n'est pas une action chimique qui intervient. L'action d'adhésion de surface est limitée. Le corps le plus absorbant, quand il est teint à saturation, n'emprunte plus rien aux liqueurs qui le traversent, et qui doivent aller chercher plus bas des surfaces non saturées. Mais la masse du sol est si grande, comparativement à la masse de matière org-anique, que le trajet d'épuration n'est jamais long. Au bout de quelques mètres de trajet souterrain, l'eau de purin la plus concentrée, l'eau d'égout la plus chargée sont devenues limpides. De sorte qu'en somme la terre maintient confinée la matière organique dans ses couches superficielles, où la végéta- tion pourra venir les utiliser. 331. Distribution qualitative de la matière organique. — Ce n'est pas tout : à côté de cette distribution en quantité^ il y a une distribution en qualité, et une sorte de classement. En effet, toutes choses égales d'ailleurs, ce sont les matériaux les plussolu- bles qui pénètrent le plus profondément dans le sol, les maté- riaux les plus colloïdaux et les plus voisins de l'état insoluble qui restent les plus voisins de la surface. La profondeur à laquelle les uns et les autres s'enfoncent dépend delà nature, de la porosité et de la compacité du sol, c'est-à-dire, en somme, de la composition et de la surface de développement de la paroi absorbante. Au sujet de la composition du sol, il y a à remarquer que ce sont les corps colloïdaux qui ont, toutes choses égales d'ailleurs, la plus grande puissance absorbante. Ainsi l'humus et l'argile sont de plus puissants absorbants que les calcaires cristallins et le sable quartzeux. Quant à l'influence de la porosité du sol, nous allons nous en faire une idée en cherchant comment sont retenus, dans la fîltration au travers du sol, les corpuscules solides et en particulier les germes de microbes que les eaux de pluie tendent constamment à entraîner dans les profondeurs. ÉTUDE MICROBIENNE DU SOL 381 SSS. Distribution quantitative des microbes. — Nous pou- vons pour cela revenir à notre comparaison avec le papier à fil- trer. Lorsqu'on filtre à travers du papier un précipité d'oxalate de chaux ou de sulfate de baryte, ou une eau trouble à travers une bougie d'amiante ou de porcelaine, si le liquide passe limpide, ce n'est pas du tout que les éléments retenus soient de dimen- sion plus grande que celles des pores à traverser, et soient rete- nus à la façon de la salade dans un panier. Nous avons déjà effleuré ce sujet (46), et nous y reviendrons à propos des filtres. Contentons nous de dire pour le moment que les corpuscules en suspension pourraient au contraire très facilement traverser le papier ou la porcelaine, si, dans ce passage, ils n'étaient obligés de circuler à petite distance de surfaces absorbantes qui les atti- rent, les happent au passage, et s'en recouvrent comme d'un vernis. Les chances qu'ils ont d'être immobilisés dépendent donc directement du rapport des surfaces filtrantes au volume du filtre, c'est-à-dire de sa porosité ou du degré de ténuité capillaire des canaux irréguliers et anastomosés qui le traversent. De sorte qu'en révisant d'un coup d'œil l'ensemble des conclusions aux- quelles nous sommes arrivés, nous voyons que ce sont les mêmes forces d'adhésion capillaire qui retiennent dans les couches super- ficielles du sol les substances organiques et les germes de micro- bes, c'est-à-dire la matière alimentaire et les êtres microscopiques qui s'en nourissent. 233. Distribution qualitative des microbes. — H y a plus. En amenant, comme nous l'avons vu, une distribution qualita- tive de la matière organique suivant l'épaisseur, les mêmes forces amènent aussi, et simultanément, une distribution qualitative des microbes. Il est clair que la matière organique la plus voi- sine de son état primitif, la plus colloïdale, étant cantonnée de préférence dans les couches superficielles, c'est là qu'habiteront aussi de préférence les microbes chargés de la transformer. Ces microbes sont naturellement les plus difficiles sur leur alimenta- tion, ceux qui ont besoin des matériaux les plus nutritifs, c'est-à- dire de ceux que nous utilisons nous-mêmes. Il faudra, pour les cultiver, leur offrir de la gélatine, du bouillon, des peptones en solution concentrée, des solutions sucrées, des liquides très char- gés de matières organiques. Si nous considérons ce premier 38â CHAPITRE XXIV groupe, nous pouvons conclure de ce qui précède qu'il restera dans son ensemble très voisin de la surface du sol, et que sa courbe de distribution aura à peu près la forme de la courbe AA' de la fig. 52, dans laquelle l'axe vertical ()// représente les pro- fondeurs, et ou les abscisses horizontales sont proportionnelles au nombre des microbes dans 1 c. c. de terre à diverses profon- deurs. Cette courbe pourra présenter des irrégularités locales, Fis. 52. figurées par des changements de courbure, par suite des inégalités dans la constitution physique du sol^ dans le volume de ses la- cunes, dans le pouvoir absorbant des éléments qui le constituent. Mais dans l'ensemble, elle aura la forme indiquée, et le nombre des microbes ayant besoin d'alimentations complexes ira en décroissant rapidement à partir de la surface. Allons maintenant à l'autre extrémité delà série, et préoccupons- nous des microbes nitrifîcateurs dessels ammoniacaux. Ilestclair. sans qu'il soit besoin d'insister, que ceux-ci vivront à la périphé- rie des premiers, et qu'ils s'enfonceront plus qu'eux dans la terre, d'abord parce que leur action succède à celle des autres et ne supporte pas de lui être mélangée, puis parce que les matières sur lesquelles ils agissent sont moins absorbables par le sol que les matières colloïdales et humiques, et pénètrent beaucoup plus profondément. La courbe BB' de distribution de ces microbes ÉTUDE MICROBIENNE DU SOL 383 aura donc clans son ensemble la forme indiquée sur la figure. Entre ces deux termes extrêmes de la série des microbes, nous pourrions placer maintenant beaucoup d'intermédiaires dont chacun aurait sa courbe de distribution. Mais bornons-nous à ce qui précède, et qui donne une idée suffisamment nette du problème à résoudre. C'est k Texpérience à nous dire mainte- nant si ces conclusions sont conformes à la réalité. 324:. Etudes expérimentalea. — Les conditions dans les- quelles il faut se placer pour l'étude de la distribution des microbes dans le sol sont faciles à indiquer en partant de ce qui précède. Un centimètre cube de terre étant prélevé purement à diverses profondeurs, il faudra tâcher que chacun des germes qu'il contiept donne une colonie visible. Et comme ces germes sont cerlainomenl très variés, il faudra varier beaucoup leurs milieux d'ensemencement. Non seulement il faudra surveiller à la fois les aérobies et les anaérobies, mais il faudra offrir des milieux nutritifs concentrés et variés aux microbes qui commen- cent la destruction de la matière org-anique, des milieux très pauvres à ceux qui la finissent, des sels ammoniacaux aux fer- ments nitrificateurs Ce ne sera qu'après avoir offert une nour- riture favorable à tous ces microbes si différents qu'on pourra se faire une idée de leur nombre total. Or, il n'existe aucun milieu pouvant satisfaire à la fois les uns et les autres. Il faudra donc varier ces milieux, et, dès lors, il y aura nécessairement des doubles emplois. Tel germe qui se déve- loppera dans deux milieux différents sera compté double quand on fera la somme. Pour éviter cette cause d'erreur, il faut faire l'étude individuelle de chacune des colonies. Réduite à une ins- pection microscopique, cette étude serait déjà fort longue. Elle aurait de (juoi occuper la vie d'un homme si elle voulait être tout à fait sûre, et faire intervenir les divers moyens de dilTcren- tiation que la science possède. Il faut donc se contenter de résultats approximatifs. Mais, en môme temps, il faut se garder de toute illusion sur la valeur de ces résultats. La méthode la plus employée consiste à répartir les germes du sol dans des gélatines ou des géloses nutritives, qu'on étale sur des plaques, et où il se forme des colonies qu'on compte. Il est clair qu'on n'a ainsi que les microbes aérobies du groupe au- 384 CHAPITRE XXIV quel corresjjond la courbe A A' de la figure 52 ; on détermine seulement une fraction variable et inconmie de l'abscisse. Il resterait encore à connaître la partie de cette abscisse corres- pondant aux anaérobies,puis l;i valeur de Tabscisse de la courbe BIV correspondant aux ferments nitrificateurs, puis les abscis- ses des courbes afférentes aux microbes qui, n'étant pas pla- cés aux extrêmes, refusent également de vivre dans des géla- tines très nutritives et dans de simples solutions ammoniacales à peine charg'ées de matières organiques. Pour ajouter h toutes ces causes d'incertitudes nous avons encore à viser une notion que nous avons suffisamment dévelop- pée dans les pages qui précèdent. Je veux parler de cette sen- sibilité exquise des microbes vis-à-vis de la composition chimique de leur milieu nutritif. Une quantité impondérable d'un élément utile ou nuisible peut changer les conditions de nutrition d'un germe vivant et valide (37*7), à plus forte raison celles d'un germe plus ou moins affaibli par la vieillesse ou l'inanition. Des bouil- lons ou des liquides nutritifs qu'on croira identiques, parce qu'on les aura fait pareils, pourront donner des résultats très différents avec le même sol. Il semble donc qu'on opère à l'aveuglette dans ces détermina- tions, et, à envisager le fond des choses, il en est bien ainsi. Tous les expérimentateurs ont mesuré avec des unités inégales des fractions variables et inconnus du nombre total à évaluer, et on pourrait en conclure qu'il n'y a rien à tirer de leurs travaux. Ce serait excessif. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que leurs chiffres ne sont pas comparables. Mais chacun de ces savants reste comparable à lui-même, ou à peu près, s'il n'a pas changé son mode opératoire : envisagées à ce point de vue, les numé- rations faites ont donné des résultats intéressants, que nous de- vons passer en revue, mais dont l'étude devait être précédée de cette démonstration expresse, trop souvent oubliée à leur sujet, qu'ils sont très incomplets, très contingents, et peuvent devenir très fallacieux. ÉTUDE MICROBIENNE DU SOL 385 BIBLIOGRAPHIE Darcy. Les fontaines publiques de Dijon. Paris, 1862. DucLAUX. Recherches sur l'écoulement des liquides à travers les espaces capillaires. Ann. de ch. et de phys. ; t. 25, 187.2. Brunhes. Recherches expérimentales sur le passage des liquides à travers les substances perméables. Mém. de l'Acad. des Sciences de Toulouse, 1881. Chevreul. Mémoires du Muséum, t. 13, et Comptes rendus de l'Ac. des Se. ; t. 36, 1858. SCHUBLKR. Annales de l'agriculture française, 1854. SCHLOESING. Comptes rendus de l'Ac. des Sciences, passim. 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Nous n'indiquerons ici que les plus parfaites, c'est-à-dire celles qui évitent le mieux; les causes d'erreur connues en visant les divers points suivants : 1° Préle- ver un échantillon à la profondeur voulue, sans mélange avec les terres des autres niveaux, et sans produire à son voisinage de remuement de terre qui en changerait les conditions physiques, chimiques ou physiologiques ; 2'^ Mettre en expériencel' échan- tillon aussitôt prélevé; 3° Séparer aussi parfaitement que possible les germes de leur support solide, pour que leurs colonies soient à la fois isolées et plus visibles. C'est le procédé de Fraenkel qui réalise le mieux ces divers desiderata. 325. Méttiode de Fraenkel. — C. Fraenkel recueille l'échan- tillon avec un perforateur portant à sa partie inférieure une cavité creusée dans le métal, cavité dans laquelle un petit biseau saillant force la terre à s'introduire. Cavité et biseau sont dissi- mulés, pendant que le perforateur s'enfonce, par un petit volet qu'un mouvement de rotation du manche du perforateur découvre lorsque la sonde est arrivée à la profondeur voulue. On remplit alors la chambre en faisant tourner sans enfoncer. On referme le volet par une rotation du manche et on ramène l'échantillon à la surface du sol. Pour mesurer la partie sur laquelle on va opérer, on pourrait chercher son poids ou son volume. Le poids serait plus précis, mais le volume parle mieux à l'esprit. Eu égard à l'incertitude générale du procédé, il n'a du reste pas besoin d'être connu avec une grande précision. Friinkel se sert d'une petite cuiller de platine, à bords bien dressés^, et qui, pleine au ras des bords, DISTRIBUTION DES MICROBES DANS LE SOL 387 contient environ 1/50 de c.c. Il prend plein cette cuiller de terre^ la tasse modérément mais toujours aussi également que possil)le, de façon k ce que les nombres soient comparables,, et en porte immédiatement le contenu dans de la gélatine liquéfiée. C'est ici que commencent vraiment les difficultés, car le dif- ficile va être de répartir uniformément dans la gélatine les germes de la terre. Nous savons que cette terre est mieux faite pour saisir et coller à sa surface les germes qui pourraient être contenus dans le liquide que pour lui céder les siens, lorsqu'on l'agite dans la gélatine fluide. Dans ce cas, la gélatine et la terre se font des concessions réciproques : quelques germes se répar- tissent dans le liquide nutritif, mais les particules de terre en retiennent beaucoup. Il est vrai que si ces particules sont très petites, les germes qu'elles portent donneront des colonies visibles. Mais on ne saura jamais si ces colonies sont parties d'un seul germe ou bien s'il n'y avait pas à l'origine deux ou plusieurs germes qui ont subi un commencement de développement, et ont ensuite cédé toute la place à l'un d'eux, le plus vivace ou le plus approprié au milieu. De là une incertitude très sérieuse qu'on diminue, sans la faire disparaître, en écrasant, à l'aide d'un petit pilon stérilisé formé d'un gros fil de platine élargi à son extrémité, les particules de terre contre les parois du vase, de façon à les réduire en poussière aussi fine que possible. Mais il y a des sols ou des fragments qui résistent à cet écrasement, et voilà, au départ, une cause d'erreur qui n'est pas négligeable. Pour l'atténuer, Beumer jette la terre dans un volume notable d'eau stérilisée, 100 à 1.000 ce, et agite violemment. Puis il étudie une ou plusieurs gouttes du liquide. En augmentant son volume, on modifie à son profit la distribution des germes entre la terre et lui, mais on en laisse sur les particules solides. Il en est de même avec le procédé d'Emmericli, qui consiste à laver avec de l'eau stérilisée, l'échantillon de sol, contenu dans un fin tamis de métal. En renouvelant l'eau de lavage, on nettoie sûrement mieux les particules de terre, mais on ne peut espérer les nettoyer complètement, et c'est pourtant le résultat qu'il fau- drait atteindre. On évite en partie ces erreurs dans le procédé C. Fraenkel, qui consiste à tout noyer dans une gélatine, dont on fait ensuite 388 CHAPITRE XXV un tube d'Esmarch, en l'enroulant sur les parois intérieures d'un tube à essai ou d'un flacon d'Erlenmeyer. On pourrait, avec tout autant de sécurité, se servir d'une large fiole à fond plat. L'avantage de protéger la gélatine ensemencée contre toute contagion atmosphérique, c'est qu'on peut attendre la formation de certaines colonies qui sont toujours en retard sur les autres, et n'apparaissent quelquefois que six à huit jours après l'ense- mencement. 11 faut cependant une autre condition pour pouvoir les attendre, et de celle-ci on n'est pas maître. 11 faut qu'il n'y ait pas de colonies liquéfiantes. Quand il s'en rencontre, on n'a que la ressource, bien précaire, que recommande C. Fraenkel, de tâcher de saisir et de compter au moyen d'une loupe, ou mieux d'un microscope à faible objectif, à fort oculaire, et fortement diaphragmé, les colonies à leur tout premier début. Il vaut mieux se dire que dans de pareilles conditions la numération devient tout à fait incertaine. M. Fraenkel a aussi essayé d'employer la même méthode pour la numération des anaérobies,en coulant dans le tube d'Esmarch, après solidification, de la gélatine fluide pour remplir le tube, et laissant refroidir. Il est clair qu'on gêne ainsi l'accès de l'air dans les profondeurs, mais il est douteux qu'on l'empêche. La gélatine n'absorbe pas assez vite l'oxygène pour que la difi'u- sion ne renouvelle pas la provision. Aussi cette méthode n'a-t- elle rien donné. Il faut, pour la culture des anaérobies, des pro- cédés spéciaux. En somme, la méthode n'indique approximative- ment qu'une chose : le nombre des êtres aérobies capables de vivre dans une gélatine légèrement acide et sans sucre. Dans ces limites étroites, elle a pourtant donné quelques résultats intéres- sants qu'il nous reste à résumer. SSe. Variation avec la profondeur. — Koch avait vu que le nombres de microbes allait en décroissant avec la profondeur, mais cette notion avait paru moinsclaire à la suite des travaux de Beumer et de Maggiora, qui n'avaient pas su éviter toutes les causes d'erreur que présentent ces mesures. C. Fraenkel a mon- tré que dans tous ses essais, cette diminution était constante, bien qu'irrégulière, et même qu'il y avait intercala tion et feutrage de couches très inégalement peuplées, dont même quelques- unes sont stériles au regard de la méthode emploijée. DISTRIBUTION DES MICROBES DANS LE SOL 389 Voici un premier exemple emprunté au sol d'une colline boisée, le Pfing'stberg, aux environs de Postdam, qu'on a étu- diée à diverses reprises en enfonçant la sonde à diverses profon- deurs. Les chifTres donnés sont les nombres de germes trouvés par centimètre cube de terre. Profondeurs '27 mai. 15 juin. 3 novembre 0 ISO.OOO 140.000 55.000 Om 50 200.000 143.000 75.000 Im 2.000 1.000 7.000 l'"5Û ta.ooo 500 200 2 m 2.000 0 100 ^mSO soc 0 0 3m 3.000 700 1.500 3m SO 0 700 50 4m 0 150 0 4m 50 100 100 G Il n'y a pas d'habitations sur le Pfingstberg, et le sol, cultivé en forêt, et ne recevant pas d'engrais, peut être considéré comme un sol vierge. Voici, comme comparaison, l'étude de quelques sols de la ville de Berlin, qu'on peut considérer comme très souillés par le contact de l'homme. On est allé moins profond, parce que la nappe souterraine des eaux, qui était à S'" environ au Pfingst- berg, était ici plus voisine de la surface. ntleurs. I Jardin. II Sol de maison. III Sol de maison 0 450.000 160.000 » 0"i 50 300.000 40.000 » [m 150.0U0 10.000 80.000 lm50 80.000 )) 20.000 Qm 200.000 (3.000 49.000 2m 50 700 )) 650 3m 100 600 600 Je me borne à ces exemples, que j'ai choisis parce qu'ils nous donnent une idée de l'ensemble de la question, et que je ne mul- tiplie pas parce que le détail n'est pas intéressant, étant infini. On voit suffisamment: 1" Que la population microbienne va en décroissant partout, à mesure qu'on s'enfonce, mais que la décroissance est irrégulière. C'était bien ce que nous avions prévu. Ce qui serait imprévu, 390 CHAPITRE XXV si on n'était pas prévenu, et si on devait prendre ce mot dans son sens absolu, c'est la stérilité de quelques-unes des couches : on ne voit pas comment une couche peut se conserver stérile entre deux couches contaminées. Quand on songe à la peine que nous avons, dans les laboratoires, à empêcher la transmission des bactéries au travers d'une cloison humide, d'un filtre poreux, d'un tampon de coton simplement humecté d'eau, il parait étrange que dans la nature, une couche de terre se maintienne stérile à 50 centimètres d'une autre très peuplée. 2'^ Que, à quelques mois de distance, la même couche peut être peuplée ou stérile. Cette nouvelle constatation, très nette pour le Pfing'stberg, n'est pas faite pour diminuer la surprise que peut provoquer la première. 3° Que l'hiver amène une diminution des germesdela surface, ce à quoi il était cette fois naturel de s'attendre,, parce qu'il dimi- nue à la fois la température et la quantité de matières organiques. 4° Qu'il n'a guère d'action sur le sol des profondeurs, ce qui semblera très naturel aussi, si on songe que, à petite distance de la surface, il n'y a plus, à proprement parler, ni hiver ni été. Il y a de faibles variations de température qui, suivant la profondeur, sont tantôt d'accord, tantôt en désaccord avec le cours des sai- sons. 5'' Que les différences ne sont pas grandes entre des sols très différents par le mode de culture et la quantité de matières or- ganiques qu'ils reçoivent. Ceci se comprend moins, quand on" songe que tout est variable d'un échantillon de terre à l'autre : grosseur des éléments du sol, nature et proportion de la matière alimentaire, etc. Toutes ces variations se traduisent seulement par une variation de 1 à 3 dans la quantité de germes superficiels, et quand on compte que les 500.000 germes au maximum trouvés par G. Fraenkel ne pèsent pas un milKème de milligramme, et ne représentent, en volume, que un millionnième du volume de la terre qui les contient, on ne peut pas recourir, comme expli- cation, à des questions de densité de population ou de concur- rence vitale : on est conduit à penser qu'il y a autre chose. Cet autre chose, c'est probablement l'ensemble de tous les autres germes présents, et qui ne se développent pas. La popu- lation trouvée par C. Fraenkel est en effet très peu variée. Ce sont surtout des bacilles, parmi lesquels on rencontre souvent le DISTRIBUTION DES MICROBES DANS LE SOL 391 bacille du foin et le hacillus ramosus (Wurzelbacillus) que nous avons vu (33, 38) étudié par M. Marshall Ward. On rencontre des bacilles liquéfiants surtout dans les couches superficielles. Mais il y a peu de micrococcus, les mycéliums sont rares, les Blastomycètes sont exceptionnels. Toutes les espèces vivantes ba- nales sont pourtant dans le sol, car où seraient-elles ? Il y a même constamment des espèces pathogènes, par exemple le vibrion sep- tique ou bacille de l'œdème malin, que C. Fraenkel n'a jamais rencontré, même dans ses cultures anaérobies. Tout nous engage donc à nous méfier de ses chiffres, et avant d'interpréter les nombres fournis par l'expérience, il faut se demander dans quel rapport ils sont avec la réalité. SS7. Variation dans un même écliantillon avec letemps.— Nous allons pouvoir tirer quelques lumières d'un fait bien mis en évidence par Fraenkel, et qui, bien qu'il soit donné comme secondaire, est la partie principale de son œuvre. Nous avons dit qu'il fallait mettre en expérience l'échantillon de terre aussitôt qu'on l'a retiré du sol. Quand on retarde l'examen, le nombre des germes y augmente, puis y diminue à nouveau, de sorte que la numération devient tout à fait illusoire. Quelques exemples sont nécessaires pour donner une idée des phénomènes. Yoici les nombres de colonies trouvées dans 1/50 de c. c. de sable blanc des environs de Postdam, examinés au moment de la prise et à divers intervalles depuis ce moment : Profondeurs 1-2 juin. 14 juin. 16 juin. 20 juillet. 5 octobre. 0 2 200 2.800 2.000 1.630 1 . 320 0"50 1 630 1.830 1.600 1.100 530 1" 40 160 14.000 1.300 580 1-50 40 63.000 190 150 120 2- 12 3.200 1.680 1.200 12 2"'o0 14 24 180 0 0 3- 2 0 0 0 0 3"'50 16 4.000 320 0 0 4m 3 23.000 18.000 380 0 4""50 4 1 . 630 12.000 1.320 13 On voit qu'à toutes les profondeurs, le nombre des colonies va en augmentant après la prise pour aller en diminuant ensuite. Cette augmentation, faible pour les couches voisines de la surface 392 CHAPITFiE XXV est énorme pour les couches profondes, qui dépassent momen- tanément de beaucoup, en population, les couches superficielles, mais chez lesquelles la décroissance est aussi prompte qu'elle a été rapide, si bien que, 5 mois après, on trouve à peu près la même loi de décroissance, avec la profondeur, que celle qu'on avait constatée au début. On peut môme remarquer que certaines couches, qui s'étaient beaucoup peuplées, reviennent à la stérilité, ce qui, comme la plu- part des autres faits que nous avons visés dans cette étude, se- rait en désaccord avec quelques-unes des notions les mieux éta- blies de la physiologie des bactéries, si cette stérilité était absolue. Enfin, il faut savoir aussi que l'accroissement de population ne porte en général que sur un petit nombre des espèces présentes. Presque toujours, c'est un bacille facilement reconnaissable qui prend un développement extraordinaire, puis subit un déclin rapide. Quand il est à son maximum, bien que, comme tous les bacilles, il soit sûrement difficile sur le choix de sa matière ali- mentaire, il en trouve assez pour dépasser en nombre la totalité des êtres présents dans les couches superficielles, là où la matière organique est la plus abondante. En revanche, comme il est seul ou à peu près seul, il a bientôt fait d'épuiser le milieu des éléments qui lui conviennent, et c'est alors que commence son déclin. A quoi sont dus son déclin et sa disparition éventuelle ? Ce n'est pas en quelques mois qu'une espèce périt lorsqu'elle est seule dans son milieu de culture. Il n'y a que des concurrences vitales qui puissent expliquer sa disparition dans les terres de C. Fraenkel, et si ce savant a trouvé ses échantillons stériles en apparence au bout de o mois, c'était sûrement que les bac- téries qui s'y étaient développées auparavant y étaient mortes, et aussi qu'elles avaient été remplacées par des bactéries que le procédé de culture ne décelait pas. On s'explique de la même manière la diminution des germes avec la profondeur et la stérilité apparente des couches pro- fondes, même et surtout de celles qui sont intercalées entre deux couches peuplées. M. Fraenkel a cherché en vain l'expli- cation de ces phénomènes. Après les avoir attribués à Tin- fluence de la température, il a reconnu que la multiplication du nombre des colonies, dans les échantillons ramenés au jour, DISTRIBUTION DES MICllOBES DANS LE SOL 393 se faisait aussi bien, quoique uu peu moins vite, dans une gla- cière qu'à la température du laboratoire. Il a pensé aussi que l'air des profondeurs était un obstacle à la multiplication. Mais il s'est assuré que rien ne changeait quand, au lieu de conserver à Tair les échantillons de terre, on les faisait traverser par de l'air puisé par un trou de sonde à 3 m. de profondeur. Les varia- tions dans la proportion d'humidité ne jouent non plus aucun rôle. Il faut, pour bien comprendre ce phénomène, revenir aux notions que nous avons développées en commençant ce chapi- tre et se dire que ce qui est surtout en jeu ici, bien plus que l'influence physique de la profondeur, ou l'influence chimique du milieu de culture, c'est un antagonisme de bactéries. En dehors de la zone qu'occupent celles qui se développent dans les bouillons de culture, il y a celle des bactéries, nitriflantes et autres, qui aiment les milieux pauvres et que les gélatines laissent inaperçues. Il y a, dans la même zone que les espèces que découvre M. Fraenkel, d'autres espèces qu'il ne découvre pas; et en somme l'erreur à laquelle on est exposé en interprétant les résultats de ce mode d'expérience est analogue à celle qu'on commettrait en ne comptant que les blancs dans une ville habitée par toutes les races humaines, et en jugeant de la répartition de la population totale dans les divers quartiers par la répartition de la population blanche. Il y a une dernière conclusion à tirer de ces faits. Ce que donne l'expérience, c'est une traduction de l'état d'équilibre existant à la profondeur à laquelle a été pris l'échantillon. Si, pour arriver jusqu'à lui, on a remué et déblayé les terres supé- rieures ou voisines, on a amené par ce fait des modifications d'ordre chimique ou physique suffisantes pour modifier, en un temps très court, cet état d'équilibre. Il faut donc non seulement se hâter de mettre en expérience l'échantillon recueilli, mais encore le recueillir en changeant le moins possible les condi- tions autour de lui. C'est à quoi se prête admirablement la sonde de C. Fraenkel. S38. Microbes pathogènes dans le sol. — Parmi les micro- bes que découvre péniblement la méthode que nous venons d'appliquer, les microbes pathogènes sont les plus intéressants. Chacun veut être recherché par des moyens appropriés. Il faudra, 394 CHAPITRE XXV pour découvrir même le bacille typhique, qui est un des moins exigeants, des conditions de milieu très étroites et très spéciales. Pour le bacille de l'œdème malin, rien ne remplace l'inoculation à un animal d'une émulsion de terre. De même pour le bacille du tétanos. Qu'il y ait constamment, dans la masse du sol, des germes de toutes les maladies humaines, animales, et végétales, c'est ce qui ne semble pas douteux, Beaucoup de germes de ces maladies sont aussi des saprophytes et peuvent non seule- ment vivre, mais fttire leur évolution complète sur un milieu inerte. Pour ceux qui sont exclusivement pathogènes, et qui sont constamment en transit par des êtres vivants, outre que leur nombre diminue à mesure qu'on les connaît davantage, il arrive toujours un moment où le cadavre de l'être qu'ils ont tué arrive au sol, et la question se pose de savoir ce qu'ils deviennent à ce moment. Cette question a été longuement étudiée pour les bacilles du charbon, du choléra, de la fièvre typhoïde, de la fièvre jaune, des fièvres paludéennes, etc. Il suffit de songer à la diversité de ces maladies pour conclure que les solutions trouvées à ces divers problèmes ne peuvent pas être les mêmes. Nous ne pou- vons, dans cette étude générale, qu'indiquer leurs points com- muns, faciles à énumérer à priori, suivant le mode synthétique d'exposition employé dans ce chapitre. En premier lieu, les germes des maladies humaines que nous venons d'énuniérer sont évidemment des microbes exigeants, au point de vue de leurs matières alimentaires. Bolton, Herœus ont montré que même le bacille typhique, qui semble le plus facile à satisfaire, a besoin d'une petite quantité de substance très alimentaire pour sa multiplication. Comme conséquence, ces microbes habiteront de préférence les couches superficielles du sol, où il y a le plus de matières organiques, ou encore les eaux souillées. En second lieu, comme ils habitent les êtres vivants, ils pré- fèrent les températures voisines de 35", et seront gênés pour vivre aux températures ordinaires : ils seront donc plus à l'aise dans les pays chauds ; dans un même pays, pendant les chaleurs de l'été ; sur un sol, dans les couches delà surface que le soleil échauffe. A la profondeur où la température devient à peu près constante, et qui ne subit qu'imperceptiblement l'influence de la chaleur DISTRIBUTION DES MICROBES DANS LE SOL 395 de l'été, il ne fait pas assez chaud, en général, dans nos climats, pour l'évolution complète de quelques bacilles pathogènes. Ainsi G. Fraenkel a étudié ce que deviennent, au bout de 2 à 3 semai- nes, des ensemencements sur gélatine des bacilles du charbon, du choléra et de la fièvre typhoïde, enfoncés à diverses profon- deurs clans k sol. Il a trouvé qu'à 2 mètres de profondeur, dans le sol de Berlin, c'est exceptionnellement que le bacille du char- bon pousse : il ne pousse plus à 3 mètres. A cette même pro- fondeur, les bacilles du choléra n'ont donné des colonies que dans les mois d'août, de septembre et d'octobre. Ils sont restés stériles pendant les autres mois. D'avril à juillet, ils sont même restés inertes à 2 mètres. Le moins sensible a été le bacille typhique^ qui ne s'est arrêté à 3 mètres que d'avril à juillet, mais a donné de belles colonies tout le reste de l'année. Ces cultures, il est vrai, avaient lieu sur gélatine, mais on au- rait sûrement empiré la situation en prenant un autre milieu, et en laissant en outre la culture exposée à la concurrence des autres microbes. Soyka a bien montré que le mélange avec de la terre favorisait quelquefois la formation des spores de la bac- téridie charbonneuse. Mais d'abord, il s'agissait de terre stérili- sée_, puis c'était sans doute en favorisant l'aération que la terre agissait. Schrakamp a aussi réussi à faire développer le bacille charbonneux dans des terres stérilisées qu'il avait additionnées d'urine, de sérum, ou de gélatine nutritive. Mais ici il y avait beaucoup de matière organique. Koch s'est placé dans des con- ditions plus naturelles quand il a cherché ce que devenaient des bacilles charbonneux dans de la terre de jardin, de l'humus ou de la boue. Il a vu qu'ils n'y poussaient pas. Praussnitz a de même vu que ni le changement de terre, ni le changement de mode de fumure n'était favorable ou défavorable à la multi- plication des bactéries pathogènes. Il faut en conclure que ces bactéries sont constamment en mauvais terrain dans le sol, et que, sauf quelques circonstances de temps et de lieu tout à fait rares, la question est de savoir combien de temps elles résistent aux causes de destruction accumulées autour d'elles. Ainsi envisagé, le problème change de face, car il revient à se demandt^r les chances que peut avoir un bacille pathogène de donner des spores, la seule forme vraiment sous laquelle puisse être assurée pendant quelque temps la conservation d'une espèce 396 CHAPITRE XXV vivante. Les conditions principales de la formation de la spore sont un milieu médiocre ou mauvais, la température et l'aération. Les conditions de milieu existent, l'aération est en général aussi assurée, car, surtout dans les couches superficielles, il y a partout de l'oxygène. Seules les conditions de température feront parfois défaut. Soyka n'a jamais vu le bacille charbonneux sporuler dans de la terre au-dessous de 18", et il y a beaucoup de pays où cette température n'est pas souvent atteinte, sauf dans les cou- ches superficielles du sol, et temporairement. Bien que le sujet ait été peu étudié, on peut croire que les autres bacilles patho- gènes sporifères se comportent de même. Les expériences faites par l'Office impérial allemand concor- dent avec cette conclusion. On a vu que les germes charbonneux avaient totalement disparu d'un cadavre, quelques mois après l'enfouissement. C'est seulement lorsque la formation des spores avait commencé à la surface du cadavre avant la mise en terre que l'inoculation à la souris a permis de trouver quelques rares germes, après 2 et o ans. On n'a retrouvé qu'avec peine des bacilles du choléra après 12 jours. Après 19 jours, il n'y en avait plus. Les bacilles typhiques avaient disparu après 17 jours, mais comme ils sont très difficiles à découvrir, quand ils sont peu nombreux, ce chiffre est peut être un peu trop faible. Quant aux bacilles tuberculeux, au bout de 3 mois on n'en trouvait plus. Rappelons pourtant, en présence de ces chiffres, que, dans une expérience célèbre, MM. Pasteur, Roux et Chamberland ont trouvé des germes charbonneux vivant sur la ferme de Rozières, au-dessus d'une fosse où, 17 ans auparavant, on avait enfoui un animal charbonneux. S'il n'y a pas eu ici, en vertu de circons- tances exceptionnelles, transmission par une série de généra- tions successives^ on voit que par places la .persistance peut être longue et cette conclusion nous ramène à celles du chapitre XXIV. Peut-être aussi faudrait-il faire une place, dans ces réserves, aux bacilles tels que celui du tétanos, qui semblent persistants dans certains sols^ sans doute parce qu'ils sont aussi des saprophy- tes. J'ai trouvéet décrit dans le fromage, sous le nom de Tyrolhrix clavi formis , un bacille à spore en forme de tête de clou, dont j'ai malheureusement trouvé la semence morte quand la décou- verte du bacille du tétanos m'a donné l'idée de la comparer avec DISTRIBUTION DES MICROBES DANS LE SOL 397 lui. Les deux bacilles sont sûrement très voisins, et peut-être y at-il de même un certain nombre de J>acilles pathogènes qui, étant aussi saprogènes, peuvent vivre dans le sol et y prospérer ? Pour nous borner à ceux que nous avons pris comme exemples, nons pouvons conclure de ce qui précède qu'ils ne sont jamais qu'en transit dans le sol, et que ce n'est pas en général de là que viennent ni la contagion, ni le développement épidé- mique. Cette conclusion, eu désaccord avec les théories hygié- niques de Pettenkofer, reparaîtra quand nous parlerons des eaux, et nous l'encadrerons alors comme elle mérite de l'être. BIBLIOGRAPHIE MiQUEL. Ann. de l'observatoire de Montsouiis, 1879 et suiv. KOCH. Miilheilumien a. d. k. Gesundheitsai)ife, t. I, p. 35. 13EUMER. Sur la bactériologie du sol, Deutsche med. Woch. ; 1886. SOYKA. Sur la théorie des oscillations dos eaux profondes. Pmger med. Wo chenschr: n» 28 à 81, 1885. A. Pfeiffer. Rôle de la capillarité du sol dans le transport des bactéries. Zeitschr. f. Hyg. ; t. I, p. 34. SoYKA. Réponse à M. le D"- PfeiflFer ; Id. t. II, p. 96. L. Pagliaxi. a. Maggiora, Frattini. Contribution à l'étude des microbes du sol. Giornaled. R. S. d'Igiene, 1887. A. Maggiora. Recherches quantitatives sur les microbes du sol. Giom. d. R. Ace. di medic. 1887, n» 3. G. Fraenkel. Recherches sur la présence des microorganismes dans les diverses couches du sol. ZeiUchr. f. Hyg., t. II, 1887. Her.e:us. Zeitschr. f. Hyg.; t. I 1886. SCHRAKAMP. Arch. f. Hyg.,i. II. CHAPITRE XXVI MICROBES DE L'AIR La complexité du sujet nous conduit à la même méthode d'ex- position que pour les microbes du sol. Nous allons déduire, des faits que nous connaissons, un certain nombre de conclu- sions que nous essaierons ensuite de vérifier par l'expérience. 529. — Circulation générale de l'air. — Nous avons d'abord besoin de quelques notions générales sur la circulation de l'air à la surface des continents et des mers. L'intluence hygiénique de cette circulation atmosphérique ne sera évidemment pas la même si elle se borne à une courte promenade sur un même continent ou si elle y apporte des germes empruntés à des régions lointaines. Je me bornerai à résumer la circulation de la zone chaude et de la zone tempérée, les seules qui nous intéressent. La circula- tion des régions polaires a pourtant, d'après les résultats de Nansen, sa répercussion sur les autres, mais cette répercussion nous ferait sortir de notre cadre. Bornons-nous à établir le lien qui existe entre la circulation de l'équateur et celle des régions tempérées. 530. — Circulation équatoriale. — Le rouage moteur est dans la zone équatoriale, dont l'atmosphère, plus régulièrement etplus fortement chauffée que surles autres régions du globe, est en quelque sorte le siège d'une intumescence continue, formant comme une espèce de bourrelet roulé le long de l'équateur, et qui y élève les couches au-dessus de leur niveau. Dès lors, les couches de môme pression ne sont plus des couches sphériques et concentriques, elles se renflent le long de l'équateur, et il y a une pente sur laquelle les couches chauffées peuvent rouler. Elles se déversent donc vers le Nord et vers le Sud sur les pentes MICROBES DE L'AIR 399 du bourrelet, et si la terre était immobile, il y aurait, dans les hautes régions de l'atmosphère, un vent du Sud dans l'hémisphère Nord^ un vent du Nord dans l'hémisphère Sud. Ces deux vents, entraînant constamment de l'air de l'équateur vers les pôles, auraient nécessairement comme contre-partie d'autres vents de direction inverse dans la région où se fait l'alimentation de l'air du bourrelet. On aurait ainsi, au niveau du sol, un vent du N. dans l'hém. N., un vent du S. dans l'hém. S. Le mouvement de rotation de la terre incline vers l'O. les lignes N. S. et vers TE. les lignes S. N. que suivraient ces vents si la terre était immobile. Les vents voisins du sol se tournent au N.-E. dans l'hémisphère N. au S.-E. dans l'hémisphère S., ce sont les vents alises. Les vents des régions supérieures, les contre-alisés, dont la direction est Sud-Ouest dans l'hémisphère Nord, Nord-Ouest dans rhémisphère Sud, n'intéressent pas le navigateur, mais ils intéressent l'hygiéniste, par ce qu'ils se rap- prochent de plus en plus du sol à mesure qu'ils arrivent aux limites du bourrelet, et même par ce quils servent d'amorce et communiquent leur direction à une circulation superficielle des régions tempérées, dans laquelle ils apportent l'air et les germes puisés dans la région équatoriale. S3 1 . Circulation des régions tempérées. — La mieux con- nue et la plus nécessaire à connaître pour nous est celle de l'Océan Atlantique. Ou voit apparaître vers le 30^ ou le 3o« degré de latitude, sous la double influence du contre-alisé qui est re- venu à la surface du sol, et du Gulfstream qui a la même direc- tion que lui, un puissant courant aérien du S.-O., apportant avec lui de la chaleur et de l'humidité qu'il déverse sous forme de pluies, à mesure qu'il s'avance vers le Nord. Après avoir alimenté les grands lacs de la Suède et du nord de la Russie, il tourne à TEst, et longe pendant quelque temps, parle Nord, le continent asiatique. C'est ce que nous appellerons le courant équatorial, par ce qu'il a l'équateur pour origine et nous apporte une par- tie de la chaleur qu'il y a puisée. Il revient ensuite refroidi et desséché, sous forme de courant de retour du Nord-Est au Sud-Ouest à travers l'Europasie, plus ou moins loin à l'Est ou à. l'Ouest. Il se réchauffe peu à peu en abordant des contrées plus chaudes, et comme il est sec, il 400 CHAPITRE XXVI devient encore plus sec et plus desséchant. C'est en grande partie à lui qu'est due la guirlande de déserts qui accompagne son parcours sur le Turkestan, l'Arabie et le Sahara jusqu'au moment où, rentré dans la région des alises qui ont même direc- tion que lui, il peut être considéré comme revenu à son point de départ. Cette partie du courant sera pour nous le courant de retour. On trouve dans le Pacifique une circulation aérienne analogue, où le Kuro-Siwo, ou fleuve noir du Japon, joue le rôle du Gulfs- tream, et qui, après avoir adouci le climat de la côte ouest de l'Amérique du Nord, revient par le continent à l'état de vent froid et sec, après avoir alimenté de ses eaux les grands fleuves du Canada. Ces deux courants aériens sont ainsi non seulement le plus prodigieux magasin de force mécanique qui existe sur notre globe, mais ils ont encore une importance hygiénique de premier ordre, car ils brassent constamment l'air que nous respi- rons, l'emportent à de grandes distances, et assurent ainsi son égalité de composition non pas seulement au point de vue chimique, mais encore, ainsi que nous le verrons, au point de vue microbien, S32. Ilot des calmes. — Nous avons d'abord à tracer un dernier trait. Les deux courants superficiels que nous venons de signaler à la surface des deux continents entourent et circons- crivent une espèce d'ile, où l'air est en repos relatif, où, par suite du calme de l'atmosphère, les nuages sont rares ou peu épais, où, par suite de l'absence de nuages, la température s'élève beaucoup au voisinage du sol pendant le jour et pendant l'été, se refroidit beaucouppendantlanuitetpendantl'hiver. Cette masse d'air, large parfois de plusieurs centaines de kilomètres, n'a évidemment au- cune consistance. Elle est parfois éventrée et même disloquée par le courant qui l'entoure et qui la limite, et qui, en se déplaçant sous des influences cosmiques, le balaie devant lui, ou bien y envoie, à des hauteurs variables, des courants dérivés qui traver- sent cette barrière montagneuse en y découpant comme un col. Mais quand elle est disloquée ou segmentée, elle se reforme, car elle représente la partie de l'air restée en repos, et comme ses caractères météorologiques sont très difl'érents de ceux qu'on rencontre dans le courant d'aller, on dans le courant de retour, son influence hygiénique lui sera aussi bien particulière. MICROBES DE L'AIR 401 En résumé, si traçant une ligne quelconque qui coupei'ait à la fois le courant daller, l'Ilot des calmes, et le courant de retour, nous traversons le continent dans le sens de cette ligne, nous Trouvons : 1" Dans le courant daller : en hiver, un temps doux et pluvieux, coupé de l)oin*rasques et de tempêtes que le couraut cquatoi'ial promène sur sonparcours ; en été, la température du courant ayant peu varié, le temps est relativement froid, et toujours pluvieux, 2" Dans l'Ilot des calmes : en hiver un temps froid, d'autant plus froid qu"il dure davantage, à cause des pertes par rayonne- ment (|ui s'accumulent : en été, un temps chaud, d'autant plus chaud qu'il dure davantage, à cause des gains superposés de chaleur solaire pendant les jours qui sont plus longs que les nuits ; été comme hiver, un temps sec et sans pluies. 3" Dans le courant de retour, des vents de la région du Nord, froids et secs, tolérables et même agréables dans les basses latitudes, terribles pendant l'hiver dans les régions voisines du cercle polaire. Si j'ajoute maintenant que l'air de l'Ilot des calmes se renou- velle aussi, parce ([ue cet îlot s'écroule constamment par la base dans le fleuve qui l'entoure, tandis qu'il se reconstitue par l'air froid du courant de retour, on verra que cette circulation aérienne brasse constamment l'atmosphère, ne laisse aucune portion de gaz k l'état stagnant, et dès lors, malgré la variété des condi- tions météorologiques dont elle est le siège, toutes les masses d'air auront, au bout d'un certain temps, passé par les mêmes péripéties, et nous pouvons, dans l'étude des influences utiles ou nuisibles qui se produisent dans l'air, le considérer comme s'il était homogène, en repos, et admettre que ces influences sont générales. 333. Origine des germes de l'air. — Les germes de l'air ne peuvent évidemment venir que du sol ou des eaux. Du sol, ils ne peuvent venir ni par diffusion, ni par les échanges gazeux qui se font constamment entre la terre et l'atmosphère. Les corps solides pulvérulents se comportent, vis-à-vis des germes en sus- pension dans l'air, comme vis-à-vis de ceux qui sont en suspen- sion dans l'eau. Ils les retiennent à leur surface. Le coton, dont nous nous sommes si souvent servis comme filtre pour l'air, est 26 402 CHAPITRE XXVI un corps solide très divisé, et pourtant facile à manier; car il est cohérent. De même l'amiante ou la soie de verre. D'une ma- nière générale, les solides poreux sont bien mieux en situa- tion d'appauvrir de germes un courant d'air qui les traverse que -de lui fournir ceux qu'ils contiennent. Il n'y a guère, pour enlever les germes du sol, que les vents violents qui entraînent des poussières. De ces poussières, quelques-unes retombent vite, mais d'autres restent presque indéfiniment en suspension. Aux germes de cette origine, il faut ajouter ceux que laisse l'évaporation des gouttelettes enlevées par les vents à la surface de la mer ou des eaux continentales, de sorte que les microbes qu'on est exposé à rencontrer dans l'air sont aussi bien des mi- crobes du sol que des microbes des eaux. SS'é. Actions nuisibles aux germes de l'air. — 11 est clair que les seules influences que puissent subir les germes dans l'air sont des influences nocives, dont nous connaissons les plus puis- santes ; ce sont ladcssication et l'action de la lumière. 11 est diffi- cile de dire à priori si ces deux actions sont suffisantes pour con- trebalancer, dans l'ensemble, l'apport journalier des germes par l'action des vents : il faudrait connaître mieux qu'on ne le fait le total de ces deux influences contraires ; mais l'expérience nous apprend, comme nous l'avons vu à propos des générations spontanées, que le nombre des germes dans l'air est relative- ment restreint. Tout se passe donc dans l'ensemble comme si la cause de destruction l'emportait de beaucoup sur la cause de peu- plement. Mais c'est dans le détail surtout que cette notion nous intéresse. Quel que soit cet état d'équilibre dans la moyenne, il sera évidemment plus en faveur des germes, dans les lieux bas, humides, chauds, peu éclairés, dans les caves, les égoûts, l'in- térieur des appartements. Il se résoudra, au contraire, contre eux dans les lieux élevés, bien ventilés et bien ensoleillés, comme sur les montagnes. Les germes devront être de plus en plus rares à mesure qu'on s'éloigneradavantage du sol. Ils devront être moins nombreux à la surface de la mer qu'à la surface de la terre, à la campagne qu'à la ville, sur un glacier que sur la campagne voi- sine. Bref, sans qu'il soit besoin de spécifier davantage, on peut se faire une idée de la richesse en germes d'un air quelconque. MICROBES DE L'AIR 403 en faisant intervenir à la fois, dans l'évaluation approximative, le nombre des germes versés dans Tair, d'un côté, et, de l'autre, l'intensité et la durée de la dessication et de l'action lumineuse. Il nous reste à voir si ces notions générales sont d'accord avec la réalité, et ensuite à les préciser par l'expérience. S35. Rareté relative des germes dans l'air. Pasteur. — Les premières expériences qui aient prouvé que les germes vi- vants ne sont pas très abondants dans l'air sont dues à M. Pas- teur. Dans son mémoire sur les générations dites spontanées^ en même temps qu'il montrait que l'air suffît à peupler les infu- sions qu'on expose à son contact, il prouvait aussi que l'air était pauvre en germes, et voici le dispositif qu'il employait pour cela. Dans le ballon A (fig. 53), de 300 à 400 centimètres cubes de capacité, on introduit 100 centimètres cubes environ d'une infu- sion organique limpide. Puis, on effile le col du ballon en le lais- sant ouvert. Fig. 53. On porte l'infusion à l'ébullition, et lorsque la vapeur qui se dégage a chassé tout l'air intérieur par l'extrémité «, on ferme celle-ci en fondant brusquement le verre au moyen d'une lampe d'émailleur. Le ballon se refroidit et reste vide d'air. On en pré- parc quelques douzaines de tout pareils. On les apporte alors au lieu où on veut faire l'expérience, et on y brise successivement tous les cols à l'aide d'une pince à longues branches, après avoir eu la précaution, à chaque fois, 404 CHAPITRE XXVI dç passer le col et la pince clans la flamme d'une lampe à alcool, pour tuer tous les germes de provenance incertaine qui auraient pu s'y déposer. Il faut, en outre, prendre le ballon par la panse et le tenir aussi élevé que possible au devant de soi, mais non au-dessus de sa tète, de façon à éviter l'influence de la poussière des mains ou des vêtements, et celle des courants d'air qui mon- tent verticalement au-dessus du corps de l'opérateur. Enfin, s'il fait du vent, il est bon de se tenir sous le vent du ballon, de façon à éviter les mêmes causes d'erreur. Le col brisé en a, on entend un sifflement ; c'est l'air qui rentre. On referme aussitôt l'effilure à la lampe, et quand tout est terminé, on reporte les ballons à l'étuve. Presque toujours, on voit dans quelques ballons la liqueur s'altérer, et présenter au microscope des êtres variés. 11 y a donc en suspension dans l'air des germes de diverse nature qui, entraînés dans le ballon par la rentrée du gaz, ont pu, grâce au repos qu'ils y ont trouvé, tomber dans le liquide et le féconder. Mais, d'autre part, il arrive fréquemment, et plusieurs fois dans clKKjue série d'essais, que la liqueur reste absolument in- tacte et limpide, quelle (pie soit la durée de son exposition à l'é- tuve, absolument comme si elle avait reçu de l'air calciné. Si donc il y a des germes dans l'air, il n'y en a pas partout, disait Pasteur, et, à ce point de vue, l'air est une substance hétérogène. Nous savons aujourd'hui que ce mode de démonstration n'est pas absolument péremptoire, que tous les germes qui ont péné- tré dans le ballon ne se développent pas, et que l'air est par suite plus peuplé que ne semble indiquer cette expérience. Mais, ce qu'elle montre bien, c'est que l'air n'est pas partout le même quand aux germes qu'il récèle, tandis qu'il est le même, ou à très peu près, au point de vue chimique. Les dilTérences qu'il présente, au point de vue des germes, sont, en outre, d'accord avec nos déductions des paragraphes précédents. i^insi, on peut prévoir que de l'air pris dans des caves profondes, comme celles de l'Observatoire de Paris, où la tem- pérature est constante, et où l'on ne pénètre que très rarement, doit, au cas où il aurait un jour contenu des germes, les avoir laissé déposer avec ses poussières à la surface du sol, de sorte que les ballons de prise d'air, ([u'on ira y ouvrir avec des pré- cautions convenables, se montreront stériles en plus forte pro- MIGIIOBKS DE L'AI II 405 portion (|uc ceux (|ii'ou ouvrira dans la cour du niènic observa- toire, (l'est, en effet, ce qui arrive. Sur dix ballons ouverts dans les caves, un seul s'est altéré et a montré une production végé - taie. Onze ballons, ouverts en même temps dans la cour, se sont peuplés d'infusoires ou de végétaux de génies divers. De même, on doit présumer a priori que les infusoires exi- geant tous, pour se reproduire et se multiplier, de certaines con- ditions de chaleur et d'humidité, l'air se montrera d'autant plus pur qu'il sera puisé dans des régions où ces conditions de cha- leur et d'humidité font davantage défaut, qu'il sera plus pauvre en germes sur un coteau que dans la plaine, sur une montagne que sur un coteau, sur la neige que sur un sol fertile. M. Pasteur a ouvert vingt ballons en pleine campagne, assez loin de toute habitation, au pied des hauteurs qui forment le pre- mier plateau du Jura. Sur les vingt, huit se sont altérés. Vingt autres ballons ont été ouverts sur le mont Poupet, à 850 mètres au-dessus du niveau de la mer. Cinq seulement ont montré des productions organisées. Enfin, une autre série de vingt de ces mêmes ballons a été por- tée au Montanvert, près de la Merde glace, à près de 2.000 mètres d'élévation, et ouverte par un vent assez fort, soufflant des gor- ges les plus profondes du glacier des Bois. Un seul s'est altéré. Dans des expériences faites pour contrôler l'exactitude des résultats qui précèdent, et qui avaient été contestés, une com- mission de l'Académie des Sciences, ayant Balard pour rappor- teur, a observé des faits pareils. Sur dix-neuf ballons ouverts sur les gradins du grand amphithéâtre du Muséum, cinq ont donné des mucédinées. Sur dix-neuf autres ouverts à l'extérieur, sur le point le plus élevé du dôme de l'amphithéâtre, par un vent assez fort, venant du côté de Paris, six ont donné naissance à des êtres vivants. Enfin, sur dix-huit ballons ouverts et fermés à Bellevue, dans le jardin de la maison de M. Dumas, au milieu d'un gazon, sous un massif de grands peupliers, et à la nuit tombante, deux seu- lement sont restés inaltérés. Beaucoup d'autres expériences de même nature ont été faites. Celles ci suffisent pour montrer combien est variable la distri- bution des germes dans l'air. ITippocrate a écrit un traité Des airs, des eaux et des lieux. Le perfectionnement des procédés eudiométriques, en montrant (jue l'air avait partout la même 406 CHAPITRE XXVI composition, avait conduit, à une certaine époque, les savants à parler de l'air au singulier, comme de quelque chose ayant des propriétés immuables. Voilà que nous sommes obligés de reve- nir à la conception hippocratique, en découvrant que des airs peuvent se ressembler au point de vue chimique et être pour- tant très différents entre eux. 336. Méthodes directes de dénombrement des germes de l'air. — On voit de plus combien il serait intéressant d'être ren- seigné sur ces différences. Ce serait faire une œuvre de premier ordre que de nous dire, en quantité et en qualité, ce qu'il y a de germes vivants dans l'air suivant les lieux et le moment. La beauté du problème a tente un grand nombre d'expérimenta- teurs. Ce n'est faire injure à aucun d'eux que de dire qu'ils en ont à peine effleuré la solution, tant le problème est difficile. Il me suffira, pour prouver en gros ce que j'avance et éviter ainsi toutes les critiques de détail auxquelles les procédés adop- tés pourraient donner lieu, de revenir brièvement sur les faits déjà connus delà physiologie .des infiniment petits, et d'exami- ner quels secours et quels obstacles ils peuvent porter à notre recherche. Pour étudier d'abord le cas le plus simple, supposons un seul germe présent dans un litre d'air. Voyons comment nous pourrons le découvrir. L'œil ne le distinguera point. Pour le voir, il faut le regarder au microscope et, pour cela, commencer par le saisir. On peut espérer y arriver par deux moyens, en faisant barbo- ter l'air dans une très petite quantité d'eau, ou en le lançant en très mince filet contre une surface enduite d'un liquide visqueux capable de le retenir. Le premier moyen est absolument illusoire, si l'on se con- tente de faire passer l'air, même en très petites bulles, dans l'eau de lavage. Celle-ci ne fait jamais que lécher la surface des bulles, et laisse passer tout ce qui est en suspension dans leur intérieur. De l'air, charg'é de farine, d'un blutoir de moulin sort d'un tube à boules encore très chargé de granules, pourtant bien plus volumineux et bien plus faciles à mouiller que le sont d'or- dinaire les germes. Ce qu'il y aurait de mieux serait de faire parcourir à l'air les sinuosités d'un tube capillaire mouillé, dont les expériences de M. Pasteur dans des ballons à col effilé et MICROBIÎS DE L'AIR 407 recourbé, que nous avons citées plus haut (41), démontrent refficacité. Mais alors notre germe se trouverait perdu sur une surface trop considérable pour que l'examen microscopique soit possible . Quant au procédé du jet d'air contre une surface visqueuse, bien que supérieur au précédent, il est encore d'un effet très incertain. Si mince que soit le jet, il ne s'étale pas en surface infiniment mince contre le liquide visqueux. Une portion de l'air n'arrive jamais à son contact, et rebondit, comme une veine liquide, sur les portions d'air qui le touchent. Le germe peut donc échapper. Il échappera aussi, comme nous l'avons dit, même s'il rencontre le liquide, s'il est poussé trop fort, s'il est un peu gras à sa surface, ce qui arrive toujours aux corps res- tés longtemps en suspension dans l'air. L'expérience montre, en effet, que l'air qui a déposé une partie de ses poussières sur une première plaque visqueuse, peut en laisser sur une seconde, sur une troisième, ainsi de suite ; et il ne sert à rien de montrer que les quantités qu'il abandonne ainsi successivement sont dé- croissantes, s'il y a des poussières qui, par leur nature, sont incapables de se fixer par ce procédé. L'air se débarrasse ainsi de mieux en mieux de ce qu'il peut laisser dans le liquide vis- queux, mais emporte à chaque fois tout ce qui ne peut s'y atta- cher. Or, rien ne dit dans quel rapport se trouvent mélangées ces deux sortes d'éléments. Le moyen de beaucoup le meilleur est de se servir d'un fdtre de coton ou de sable fin, qui arrête à peu près tous les germes qui tentent de le traverser. La matière de ce filtre peut être en- suite délayée dans de l'eau ou dans un bouillon, ou une gélatine nutritive, et étudiée par les moyens que nous connaissons. Tel est le cas du filtre de Pétri. Il y a, à l'emploi d'un filtre solide, les inconvénients que nous avons signalés à propos de l'étude bactériologique du sol. Quand un fragment du filtre porte plu- sieurs germes qui se développent côte à côte et se confondent, on est exposé à n'en compter qu'un là où il y en a peut-être beaucoup. Car les germes de l'air sont rarement isolés. Il n'y a guère que les spores des moisissures qui, détachées par les vents, voyagent indépendantes. La plupart des autres germes, nés dans un milieu liquide ou un milieu solide, marchent mélangés d'un peu de leur substratum qui les alourdit. Dans des expériences 408 CHAPITRE XXVI qui consistaient à recueillir les germes de l'air eji les faisant passer lentement au-dessus d'une surface de gélatine sur la- quelle ils tombaient, Hesse avait vu que les spores de moisis- sures se développent plus loin de l'entrée que les germes de Schizomycètes, et il en avait conclu qu'elles sont plus légères. Une ditTérence de densité n'est guère probable. Mais les pre- mières ne sont pas lestées, et les secondes le sont : voilà la diffé- rence. Or, un fragment de filtre qui porte un germe et donne une colonie peut aussi bien en porter 100, qui se confondent à la culture. On diminue cette cause d'erreur en se servant, comme l'a fait M. Miquel, d'un filtre à éléments solubles qui, mis dans l'eau, y disparait en y laissant ses éléments solides en suspension. Il n'y a plus, dans ces conditions, de cause de groupement nouvelle, et il ne reste que les groupements réalisés déjà dans les pous- sières de l'air, et qu'on peut essayer de faire disparaître par une forte agitation dans le liquide nutritif. 337. Liquides de culture. — Nous en sommes, en effet, arrivés au dernier acte, et il ne me reste plus à viser que la diffi- culté qu'il y a à trouver un liquide nutritif qui convienne à la culture de tant de germes divers, encore plus difficiles que les germes du sol sur leurs conditions de rajeunissement, attendu qu'ils sont plus ou moins affiiiblis par la dessiccation et par l'ac- tion de la lumière. On peut, pour obvier à cette difficulté, mul- tiplier beaucoup les milieux de culture, mais alors la rccberche devient interminable, et on se demande s'il y a vraiment intérêt à consacrer tant de temps à une étude qui est forcément incom- plète, car, quoi qu'on fasse, on n'arrivera jamais à connaître tous les germes vivant dans un litre d'air. Il semble que ce raisonnement condamne aussi toutes les re- cherches faites. « A quoi bon, peut-on dire, déterminer des nom- bres qui ne sont pas les nombres réels, et n'ont même aucun rap- port fixe avec les nombres réels ? C'est conclure la population d'une ville de celle d'un quartier ! » L'objection est juste, et la science ne vise pas encore, en effet, à savoir le total des germes de l'air : elle se contente de déterminer les différences que les divers airs présentent entre eux. Si ces différences existent pour un cer- tain milieu nutritif et se retrouvent pour d'autres milieux, on MICROBES DE L'AIH i09 peut conclure qu'elles se manifesteraient dans le même sens, quel que soit le milieu choisi, qu'elles en sont par conséquent indépendantes, et qu'elles ne tiennent qu'à des différences dans la population totale des deux airs examinés. Ces indications générales sont les seides que comporte l'ex- périence, en somme grossière, cjue nous faisons. Il ne faut ni déprécier l'importance des résultats obtenus, ni surtout en exagé- rer la signification. S38. Procédés opératoires. — Nous ne décrirons ici que les méthodes qui, étant à la fois les plus sûres et les plus pratiques, sont les plus usitées : elles emploient toutes la culture sur milieux solides. Elles diffèrent surtout sur la manière de happer les ger- mes de l'air. Dans la méthode de Straus et Wurtz, on opère par barbotagc^ dans celles de Pétri et de Miquel, on se sert d'un filtre poreux. L'appareil de Straus et Wurtz se compose d'untube de verre A, (fig. 54) renflé à sa partie moyenne, et mesurant lo millimètres de Fi"-. 54. diamètre à ses deux extrémités. Ce tube reçoit la gélatine nutri- 410 CHAPITRE XXVI tive. Au fond de ce tube plonge un second tube B, de petit cali- bre, dont l'extrémité inférieure est finement effilée ; à la partie supérieure, il porte un renflement rodé, C, qui ferme hermétique- ment le tube A. Celui-ci porte latéralement une tubulure de déga- gement D, munie d'un étranglement pour maintenir les bourres. Pour se servir de l'appareil, on garnit d'ouate l'orifice supé- rieur e du tube B, ainsi que la tubulure de dégagement D, de chaque côté de l'étranglement, et on stérilise l'appareil par la chaleur sèche. Après avoir tiré le tube intérieur B, on verse dans le tube A 10 centimètres cubes de bouillon gélatine à 10 0/0, liquéfié aune douce chaleur. On a soin d'ajouter àla gélatine une goutte cr/iuile stérilisée, pour empêcher la gélatine de mousser pendant le barbottage et de sortir par le tube de dégagement. Le tout est stérilisé à l'autoclave à 115° pendant un quart d'heure, et l'appareil est dès lors prêt à servir. On tient, pendant toute la durée de l'opération, l'appareil à la main, pour que la chaleur de celle-ci empêche la gélatine de se solidifier. Par un tube de caoutchouc, on relie le tube latéral D à un aspirateur; puis on enlève la bourre qui ferme l'extré- mité e. On fait alors fonctionner l'aspirateur à la vitesse voulue, et on fait barbotter à travers la gélatine un nomln^e déterminé de litres d'air. Grâce à la présence de l'huile, les bulles formées par le passage de l'air à travers le liquide sont très fines et la mousse très peu accusée, quelle que soit la vitesse de ce passage. Il en résulte que l'on peut ainsi faire barbotter un volume notable d'air pendant un temps relativement court (50 litres en un quart d'heure). L'opération terminée, on replace la bourre en e, puis, en soufflant par la tubulure latérale D, on fait monter, à diverses reprises, la gélatine ;\ l'intérieur du tube A, pour en- traîner les germes qui ont pu y rester adhérents. Cela fait, on retire la bourre de sûreté /, et à l'aide d'un fil de platine stéri- lisé on pousse à l'intérieur du tube A la bourre g. On replace la bourre de sûreté et on agite doucement et à diverses reprises l'appareil, pour répartir dans la gélatine les germes qui, ayant échappé au barbottage, ont été retenus par la bourre g. On peut alors procéder de deux façons, selon que l'on veut em- ployer la méthode de culture sur plaques ou utiliser le tube A à la façon d'un tube d'Esmarch (63). Dans le premier cas on aspire parle tube B, gradué à ceteflet, MICROBES DE L'AIR 411 2 centimètres cubes de gélatine que l'on étale sur une plaque ; la gélatine totale donne ainsi cinq plaques. On additionne le nom- bre des colonies qui s'y développent à celles qu'on trouve sur la gélatine restée dans le tube. Dans le second cas, on enroule la gélatine sur les parois du tube à la façon d'un tube d'Esmarch. Cet appareil est maniable, facilement transportablc, n'exige qu'une faible puissance d'aspiration, et donne des résultats du même ordre que ceux qu'on obtient à l'aide de la méthode plus compliquée de Pétri, que nous allons décrire. Pétri se sert d'un double filtre de sable fm, dont les éléments ont environ 1/3 à 1/5 de millimètre. Deux de ces filtres sont dis- posés à la suite l'un de l'autre dans un même tube de verre, et dans chacun d'eux, le sable est maintenu à l'aide de deux calottes de toile de cuivre à mailles très fines. Le tube, fermé à ses deux extrémités par deux tampons de coton, est stérilisé. Pour l'expé- rience, on enlève le tampon d'entrée, et on met l'ouverture de sortie en rapport avec une trompe ou une pompe à main, à l'aide de laquelle on fait passer un volume d'air connu. Là est un des inconvénients de ce système. Le sable doit être tassé, et comme il est fm, il présente au mouvement de l'air une résistance assez grande qui demande un aspirateur assez puissant. Quand l'opé- ration est terminée, on répartit le sable et la toile de cuivre dans des godets de verre, et on les recouvre de gélatine nutritive. L'emploi de ce sable a les inconvénients que nous avons signa- lés plus haut (235). M. Miquel les a très heureusement évités en formant son filtre de cristaux de sulfate de soude ou de sucre, T T' Fig, 53. finement pulvérisés, et amenés par des tamisages à n'avoir qu'un diamètre moyen de un demi-millimètre. On introduit 1 à 2 grammes de ces cristaux desséchés dans un tube de verre, ayant la forme dessinée sur la figuré 54, por- tant en avant un capuchon rodé, et en b et ô' cleux bourres, l'une b\ qui est protectrice, l'autre b qui sert de support à la substance filtrante TT'. Le tube dans lequel le filtre occupe une hauteur de 8 à 10 centimètres est flambé. Pour l'expérience, on le place presque 412 CHAPITRE XaVI vertical ; à l'aide de quelques petites secousses, on détermine le tassement de la matière pulvérulente et on fait passer l'air après avoir enlevé le capuchon rodé. L'appareil chargé, on verse le con- tenu dans un volume connu d'eau stérile. La dilution devra être d'autant plus grande qu'on aura phis de raison de supposer l'air chargé de germes. Il faut faire en sorte cju'il n'y ait pas plus de 1 à 5 bactéries par centimètre cube.On distribue ensuite 6,12 ou 24 ce. de cette eau dans autant de flacons à fond plat, contenant 10 ce. de g'élatine fondue. Toutes ces dilutions successives font que la proportion de sulfate de soude dans la gélatine reste voisine de 1/1000. A cette dose, le sel augmente plus qu'il ne diminue les qualités nutritives de la gélatine. On peut d'ailleurs le remplacer par le sucre, qui favorise le développement des mucédinées, de sorte qu'une expérience où on l'a employé indique quelquefois deux fois plus de moisissures que l'on n'en trouve avec le môme air, en se servant de sulfate ou de phosphate de soudé. Ce détail montre à nouveau combien sont contingents môme les résultats trouvés par la meilleure de ces méthodes de numé- ration. Mais tout ce que nous demandons à ces méthodes, ce sont des nombres non absolus, mais relatifs, et surtout comparables. C'est uniquement à ce point de vue que nous allons envisag-e- ceux que la science a déjà enregistrés. BIBLIOGRAPHIE DucLAUX. Traité de météorologie ; Paris 1891. Pastkur. Examen delà doctrine des générations spontanées. ^1«m. de ch. it de phys. ; 186'-i. MiFLET. Bactéries en suspension dans l'air. Cohn's Beitraye, t. III, p. 119. Douglas Cunningham. Examen microscopique de l'air; Calculta, 1874. MiQUEL. Des organismes vivants de l'atmosphère ; Paris 1883, et Annuaire de Montsouris, fassim. Hesse. Sur la détermination quantitative des micro-organismes contenus dans l'air; Mitlheil. a. d. le, Gesundheitsdinle, t. II, p. 182. Pétri. Nouvelle méthode de reclierches et de numération des bactéries et des spores de moisissures de l'air. Zeilschr. f. Hyg., t. III, p. 1-14;, 1887. Pergy Frankland. Nouvelle méthode pour l'estimation quantiiative des microbes présents dans l'atmosphère. Proceed. of ike B. Soc. t. »<.IIl, p. 448. Straus etWuRTZ. Sur un procédé perfectionné d'analyse bactériologique de l'air. Ami. de r/nstilul Paslcur, t. II p. 171 ; 1888. CHAPITRE XXVn DISTRIBUTION DES GERMES DANS L'AIR Le problème de la distribution des germes dans l'air peut être envisagé sous une foule de faces que nous allons successi- vement passer en revue. Les nombres que nous allons avoir à citer n'ont pas toujours été déterminés parle même expérimen- tateur, ni par les mêmes méthodes. Ils ne sont donc pas compa- rables, d'une série à l'autre, mais il nous suffit que ceux d'une même série soient comparables entre eux. S39. Influence de la saison. — La variation saisonnière dans un même lieu résulte de la variation des chitTres suivants, qui sont les moyennes mensuelles des chiffres de l)actérios et de moisissures trouvés à Montsouris pendant les 10 années 188S à 1894. Comme exemple des variations dans une môme année, et des différences avec la moyenne, nous donnons, d'après M. Miquel, les chiffres correspondant à 1895. Moyennes mensuelles des microorganismes trouvés par mèlre cube d'air au Tparc de Montsouris en 1895. 1895 Année moy. Mois Janvier . Février . Mars. . Avril . . Mai . . Juin . . Juillet . Août . . Septembre Octobre . Novembre Décembre Moy. ann Bactéries. Moisiss. Bactéries. Moisiss 296 tl2 180 150 30 45 130 135 85 280 200 150 880 133 340 145 60 480 255 235 233 273 295 205 250 280 345 215 280 .376 355 275 660 240 335 240 725 295 235 250 220 470 1T5 260 220 ICO 170 180 330 26U 250 205 414 CHAPITRE XXVII D'où l'on déduit, comme moyennes saisonnières, les nombres suivants : Moyennes saisonnières des microorganismes récoltés par mètre cube d'air au parc de Montsouris. Année 1895. Année moyenne. Saisons. Bactéries. Moisiss. Bactéries. Moisiss. Hiver 135 145 170 145 Printemps ... 390 295 295 195 Été 39o 300 345 245 Automne ... 390 310 m^ 230^ Moyennes ... 330 260 250 205 Dans l'année moyenne, la croissance du nombre des microbes de l'hiver à Tété et la décroissance de l'été k l'hiver sont bien manifestes. Ce double mouvement est moins visible en 1895, à cause des caractères climatériques de l'année, où l'été n'a guère différé du printemps et de Tautomne. D'une manière générale, les noml>res individuels, qui sont confondus dans ces moyennes, passent par une série d'oscillations, intimement liées aux condi- tions météorologiques régnantes. La relation entre les conditions météorologiques et la quotité des bactéries de l'air est encore confuse. En la prenant comme relation de fait, M. Miquel a essayé d'en trouver la loi. Il a vu, par exemple, que le nombre des bactéries aériennes, toujours peu élevé pendant les temps pluvieux, augmente pendant la des- siccation du sol, puis décroit quand la sécheresse se prolonge au delà de dix à quinze jours. Mais cette règle, si vague et si empirique qu'elle soit, et bien qu'elle se vérifie dans certaines circonstances, ne s'applique pas à la comparaison de l'été et de rautomnc, envisagés dans leur ensemble. C'est que l'effet qu'on mesure résulte d'une superposition de causes, qui ne se succè- dent ni dans le même ordre, ni avec la même puissance, ni avec la même régularité. Pour n'envisager que deux des principales, la quantité de bactéries vivant dans l'air peut être considérée comme la différence de ce qui en est versé, et de ce qui s'y dé- truit à chaque instant. La quantité versée est en relation évi- dente avec l'état d'humidité de la surface du sol, le nombre et la richesse on matière organique des flaques d'eau qui le recou- vrent, la tenipérature, etc. Ceux des microbes du sol qui passent DISTRIBUTION DES GERMES DANS L'AI H '(15 dans Tair, par dessiccation, par l'action des vents, etc., y péris- sent plus ou moins rapidement suivant le degré hygrométrique, la température de l'air, l'action plus ou moins directe du soleil, bref, suivant l'action des mille causes qui font que deux jours qui se suivent ne se ressemblent pas. Il ne faut donc pas s'éton- ner que l'on soit encore si peu avancé sur une question qui a la complexité d'un proljlème biologique superposé à un problème météorologique. 340. Influence des lieux habités, — L'homme apporte avec lui des nécessités ou des habitudes qui doivent augmenter autour de lui le nombre des germes de l'air. Voici, comme com- paraison avec les nombres du dernier tableau, les nombres in- diquant les nombres moyens de bactéries et de moisissures trou- vées dans l'air de la place Saint-Gervais, en face de l'Hôtel de Ville de Paris, en 1895 et pendant la période décennale 1885-1894 : Moijennes saisonnières des ndcroorganismes récoltés par mètre cube d'air à r Hôtel de Ville. Année 1885 Année moyenne Bactéries Moisissures Bactéries Moisissures Hiver. . . 4.020 1.920 4.305 1.345 Printemps . . 9.815 2.025 8.080 2.275 Été . . . . 9.68o 4.070 9.845 2.500 Automne. . . 6.970 3.005 5.665 2.185 Moyennes. . 7.620 2.755 6.975 2.705 Les chiffres sont plus de 20 fois supérieurs pour les moisis- sures, et plus de 10 fois pour les bactéries^ à ce qu'ils sont à Montsouris. Malgré cette disproportion entre les deux séries de nomijres, elles suivent à peu près la même marche croissante ou décroissante avec la saison, et le parallélisme persiste même dans le détail des mois, où on voit, la même année, se suivre à peu près les deux courbes de Montsouris et de l'intérieur de Paris. C'est que les causes de production, en ville comme ailleurs, restent sous les mêmes influences. La chaleur, l'humidité, etc., agissent de la même façon dans les deux cas, et se traduisent de la même façon dans les faits généraux. 416 CHAPITRE XXVII 341. -A-ir des salles d'hôpital. — Mais le parallélisme dis- paraît et doit, en effet, disparaître quand on compare des lieux où les causes de production, celles de dissémination, celles de destruction n'agissent pas dans le même sens. Tel est le cas si Ton compare, par exemple, l'intérieur d'nn égout, celui d'un appartement, celui d'une salle d'hôpital à la rase campagne. Voici une comparaison curieuse entre le nombre des bactériens vivants dans un mètre cube d'air de deux salles de Ihôpital de la Pitié, et celles de la mairie du IV*' arrondissement, pendant quekjues mois de Tannée 1881 : Salle Michon Salle Lisfranc Mairie du (hommes). (femmes). 1V° arrondis' Mars. . . . . . 11.100 10.700 750 Avril. . . . . . 10.000 10.200 970 Mai .... . . 10.000 11.400 1.000 Juin .... . . 4.500 5.700 1.540 Juillet . . . . . 5.800 7.000 1.400 Août. . . . . . .0.540 6. 000 900 Septembre . . 10.500 8.400 990 Octobre . . . 12.400 12.700 1.070 Novenibie . . 15 000 15 000 810 (]cs nombres, qui datent de quelques années, sont inférieurs •à ceux qu'on trouverait aujourd'hui que les méthodes sont plus parfaites. Il suffit, pour s'en convaincre, de comparer les chiffres donnés pour la mairie du IV^ arrondissement à ceux que nous avons fournis pour l'IIôtel de Ville qui en est voisin. De même, des déterminations faites par Straus dans divers locaux, à l'aide de son appareil, ont fourni des chiffres supérieurs pour des salles de l'hôpital St-Antoine : Salle Roux . . . 33.500 col. dont 1 .500 moisis — Marjolin . . 55.500 — 400 — — Roux . . . 53.100 — 800 — Lab. (le la Faculté 2 820 — 300 — — 2.500 — 580 — 3.700 - 1.800 - — 3.600 — 860 - — 800 ~ 180 — Tous ces nombres, comparés, prêtent à des remarques di- verses : DISTRIBUTION DES MICROBES DANS L'AIR 417 1'^ On voit d'abord que le nombre des bactéries vivantes est beaucoup phis grand dans les salles d'hôpitaux qu'à l'extérieur. A cela, nous pouvions nous attendre. 2" On voit, de plus, que l'oscillation est de sens inverse à l'ex- térieur et à l'intérieur des salles, de l'hiver à l'été. Le nombre des malades est pourtant toujours à peu près le même ; mais, l'hiver, les fenêtres sont closes ; l'été, elles déversent à l'exté- rieur l'air impur de 1 intérieur. L'air de la salle gagne sans doute à cet échange, mais l'air extérieur y perd. En se chargeant de germes dont le plus grand nombre est sûrement formé de ger- mes pathogènes, il devient une source de péril pour le voisi- nage. Comment, en ettet, ne pas rapprocher de cette conclusion cet autre fait, révélé par la statistique municipale^ que chaque hôpital devient, à de certaines époques, po.ur le quartier qui le renferme, un foyer épidémiquc de la maladie dont il offre le plus de cas, si cette maladie est épidémique et contagieuse. Comme il serait injuste et inhumain de forcer l'hôpital à main- tenir ses fenêtres closes, et de tracer autour de lui un cordon sanitaire, il n'y a d'autre remède à cette situation que de le transporter à la campagne, et de renoncer aux pratiques ac- tuelles, qui reviennent plus ou moins à tirer un feu d'artifice au milieu d'un parc d'artillerie. Pour ceux que des nécessités di- verses obligeront à laisser dans les villes, on les rendra moins dangereux en y multipliant les précautions antiseptiques. S41. Microbes dans l'air expiré. — Ici se pose tout natu- rellement la question de savoir ce que deviennent les microbes inhalés dans l'acte de la respiration. Jusqu'où pénètrent-ils ? et en ressort-il autant qu'il en est entré ? Les canaux et canalicnles de l'appareil respiratoire doivent évidemment en retenir beau- coup, et on est confirmé dans cette pensée en se rappelant que Tyndall a trouvé que l'air expiré était beaucoup plus pauvre que l'air inspiré en poussières et en matériaux fins capables de diffuser la lumière. Straus et Dubreuilh, Gunning ont en effet constaté directement par l'expérience que l'air se dépouille de ses microbes dans l'acte de la respiration, et que, par consé- quent, il est d'autant plus dangereux qu'il est plus chargé de germes. M. Straus a fait depuis des mesures plus précises à Ihô- pital Tenon, à l'aide de l'appareil que nous avons décrit plus 27 418 CHAPITRE XXVII haut. On comparait au même moment la richesse en germes d^un volume déterminé d'air, barbotant directement dans la gé- latine, avec celle d'un même volume d'air sortant des poumons et mesuré après sa sortie de l'appareil, au moyen d'un comp- teur à gaz. Voici les nombres de colonies par mèire cube d'air inspiré, expiré, et le rapport du premier au second, pris pour unité : Expériences Air inspiré Air expiré Rappor I 20.700 40 517 II ... . 15.300 40 382 m. . . . 19.500 20 975 IV. . . . I7.G00 20 880 V , . . . 233.800 520 449 VI. . . . 466.100 1.180 395 VII. . . . 24.400 40 (ilO VIII . . . 26.000 40 065 On voit donc qu'en moyenne, sur 600 germes de bactéries ou spores de moisissures qui pénètrent dans les poumons avec l'air inspiré, un seul en ressort avec l'air expiré. Si on tient compte des causes d'erreur, on conclura que l'air expiré est presque complètement privé de germes. Ceci nous explique que l'air devienne parfois le véhicule de la contagion, que la petite vérole se communique parfois par la respiration, en dehors de tout contact médiat ou immédiat, et que d'autres exanthèmes tels que la rougeole, le typhus pété- chial, la scarlatine suivent vraisemblablement la même voie. On s'explique les cas de charbon débutant par le poumon chez les trieurs de laine et autres ouvriers vivant dans les usines où on manipule des toisons ou des peaux chargées de germes du char- bon,elles cas de fièvre typhoïde où on ne trouve à incriminer que le transport par la poussière. Les travaux de Villemin, de Koch et de son élève Cornet ont mis en évidence le danger de la con- tagion de la tuberculose par des poussières chargées de ba- cilles, et il n'y a pas de laboratoire où on s'occupe de la tubercu- lose qui ne puisse citer une victime assurée ou au moins vrai- semblable de ce mode de contagion. 34S. Influence de la ventilation. — Tous ces dangers, il est vrai, sont locaux et d'ordinaire temporaires : ils diminuent DISTRIBUTION DKS MlGllOIÎb^S DANS L'Alli il 9 par une bouiio ventilation et par la dilution de l'aii' contaminé dans une grande niasse d'air constamment en mouvement. Pour la dilution, ses ciFets sont évidents. Lorsqu'on a réussi, dans les expériences de Buchner, par exemple, à rendre charbonneux des animaux exposés à rinlialation de poussières charbonneuses, c'est en multipliant énormément les germes dans l'air qu'on leur faisait respirer, en les amenant au chiffre d'environ 100 millions par mètre cube, ce qui représente de 100 à 1.000 fois la densité qu'on lui trouve dans l'air d'une salle d'hôpital. Un long" séjour dans un air peu chargé peut évidemment compenser un court séjour dans un air plus chargé ; mais, en somme, comme on voit, le danger de la contagion par l'air, tout en étant réel, est médiocre, ce qui ne veut pas dire qu'il est inutile de s'en préoc- cuper. Pour la ventilation, il est clair qu'elle est aussi protectrice, mais on se fait d'ordinaire illusion sur ses effets. Elle peut re- nouveler l'air d'un appartement sans en renouveler les pous- sières, et il n'y a qu'un courant d'air violent entrant par les portes et les fenêtres ouvertes, et renouvelant l'air plusieurs centaines de fois par heure, qui puisse enlever, et encore à la condition qu'on les agite et qu'on les remette en suspension par des moyens convenables, toutes les poussières dangereuses qui pourraient y être contenues, en suspension, sur les meubles ou sur les parois. C'est ce que montrent bien les expériences de M. Stern, faites dans une chambre de 85 mètres cubes, organisée pour qu'on puisse en commander dans une certaine mesure la ventilation. Elle était pourvue pour cela de deux séries de trappes placées les unes en haut, les autres en bas sur deux faces opposées, et en outre de cheminées de ventilation dans lesquelles brûlaient des becs de gaz. Au besoin, on pouvait, à l'aide de ventilateurs, diriger un courant d'air de l'une des séries de trappes à l'autre, et lui faire traverser diagonalement la pièce, soit du plancher au plafond, soit en sens- inverse. Dans cette chambre on répandait, à l'aide d'un pulvérisateur ordinaire à iodoforme, un nuage de poussières empruntées à diverses sources, et tamisées ou lévigées au préalable de façon à leur donner le maximum de légèreté, et à les laisser le plus longtemps possible en suspension dans l'air. 42Ô CHAPITRE XXVII M. Stern a pensé qu'au lieu de laisser dans ces poussières les germes variés et inconnus qu'elles renfermaient, il valait mieux les stériliser parla chaleur, et les imprégner d'une culture d'un microbe unique 1res reconnaissable, et dont on connaîtrait bien la biologie, de façon à pouvoir toujours lui oil'rir un milieu con- venable de culture. M. Stern a choisi le Bacillus Megaterium de M. de Bary, que sa grosseur inusitée permet de reconnaître au milieu de toutes les autres bactéries. La méthode employée consistait à produire dans l'air un nuage de poussière, humectée avec une culture de ce microbe, puis des- séchée et broyée à nouveau. Le nuage réjîandu, on y puisait aussitôt une prise d'essai, en faisant passer 6 ou 12 litres d'air dans un filtre à sable de Pétri. Un faisait de nouvelles prises à divers intervalles, et en répartissant ensuite le sable des fdtres dans des gélatines nutritives, on faisait la numération des colo- nies obtenues. Il va sans dire qu'une fois produit le nuage de poussière, on n'entrait plus dans la chambre, et que toutes les opérations étaient commandées de l'extérieur. Une expérience donnera une idée des autres. Dans un cas, avec de la poussière recueillie dans une école, on a vu le nombre de germes en suspension, qui était de 629 à l'origine, tomber à 73 après 11 minutes, à 63 après 35 minutes, et àO après 4 heu- res et demie. On voit que la chute est presque complète au bout d'une demi-heure, et que seules les particules les plus fines res- tent en suspension. De la poussière prise dans une fabrique amis plus longtemps à se déposer. Il est clair que, soit naturellement, soit par suite des traite- ments subis, ces poussières étaient grosses, denses, et se dépo- saient très vite. Avec des poussières plus légères, par exemple avec un nuage artificiel de spores d'aspergiilus, M. Stern a trouvé que innombrables à l'origine, elles étaient encore très nombreu- ses au bout de deux heures. Mais en somme, encore dans ce cas, le dépôt est très rapide, et ne peut guère subir l'intluence d'une ventilation ordinaire. M. Stern a trouvé en effet qu'avec une vitesse de ventilation capable de renouveler de 1 à 3 fois par heure l'air de la cham- bre, cet air ne se débarrassait pas plus vite de ses germes que s'il avait été laissé en repos. Il n'y a eu une avance un peu sen- sible (et encore !) qu'avec une ventilation modérée parcourant la DISTRIBUTION DES MICROBES DANS L'AIR 421 pièce du haut en bas, qui pouvait par suite accélérer la chute des germes au lieu de les maintenir en suspension comme la venti- lation inverse. Pour obtenir un efTet marcjué, avec les poussières étudiées par M. Stern, il faut avoir recours à une ventilation exa- gérée, qui renouvellerait de 6 à 7 fois par heure l'air de la cham- bre. C'est seulement en ouvrant largement la porte donnant sur le palier de l'escalier, et en produisant le maximum de ventila- tion possible avec les trappes ouvertes et tous les ventilateurs, que le chiffre des microbes en suspension, qui était de 620 à l'o- rigine, est tombé à 6 après deux minutes de ventilation. Je passe rapidement sur l'effet de la ventilation sur les germes déposés sur le parquet, les tapisseries, les meubles, les vêtements. Il est trop clair que si elle est impuissante à hâter la disparition des germes de l'air, elle le sera encore plus pour enlever ceux qui ont contracté des adhérences avec les corps solides. Si on veut les faire disparaître, il faudra donc les remettre et les main- tenir en suspension dans l'air. C'est cette chute lente, dans un air en repos, qui explique les résultats obtenus par M. Pasteu'r dans les caves de l'Observatoire, dont l'air contenait beaucoup moins de germes que l'air exté- rieur. Le sol de ces caves était certainement très riche en germes, mais il n'y en avait pas dans l'air. Ce contraste entre lapureté de l'air et la saleté du sol est un peu moins net, mais plus para- doxal dans les égoûts. 243. A-ir des égoûts. — M. Miquel a analysé comparative- ment, pendant cinq années, l'air de l'égoùt collecteur du boule- vard de Sébastopol et celui de la place St-Gervais. Il a trouvé, pour l'année moyenne, les chiffres suivants de bactéries et de moisissures. Je mets à côté les chiffres moyens de la place St- Gervais, portant sur une période de 10 ans. Moyennes viensuelles des microbes trouvés dans un égoût et sur la place St-Gervais. Egoût Place St-Gervais Mois Bactéries Moisissures Bactéries Moisissures Janvier 2.540 2.250 4.130 1.555 Février • . . . . 3.035 1.900 4.060 1.270 Mars 2.980 1.880 4.730 1.20.^ Avril 3.760 7.570 7.360 2.575 Mai 3.985 1.210 7.480 2.590 422 CHAPITRE XXVII Juin. . . . Juillet. . . Août . . . Septembre Oclobre . . Novembre. Décembre. 2.68b 2.255 9.400 i .055 4.06S 3.665 10.630 2 190 4.70o i>.f;05 9.800 2.515 3.815 1 .2.^i0 9.105 2.i95 3.750 2.525 7.115 2.320 3.125 i.795 5.465 2.192 7.150 1.790 4.410 2.050 3.800 2.535 6.975 2.075 L'air des égoûts est encore en moyenne plus pauvre en l)acté- ries et plus riche en moisissures que l'air d'une place publique. Dans l'ensemble il est plus pur, ce qui ne veut pas dire qu'il est plus agréable à respirer. Mais les variations mensuelles du nom- bre des germesne suivent pas la même marche dans les deux airs. C'est que celui des égoûts est plus uniformément humide et à température beaucoup plus constante que l'air extérieur. 344. Air des continents et des mers. — Dans un voyage, Fischer a étudié, au point de vue bactériologique, de l'air puisé sur la mer et il a trouvé, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, que sa richesse en microbes était d'autant plus faible qu'on le puisait plus loin des côtes. Le voyage à faire depuis la terre ferme était en effet mortel pour beaucoup d'entre eux, et seules les gouttes d'eau enlevées par les vents à la surface des vagues donnent en se desséchant des germes que le petit cristal de sel auquel ils sont collés doit faire tomber rapidement. S45. Influence de l'altitude. — Dans l'influence de l'alti- tude, il faut distinguer la hauteur vraie de la hauteur au dessus du sol. Nous avons vu, dans les expériences deM.Pasteur,lenom- bre des germes décroître dans l'air quand on s'élève sur une mon- tagne. Mais ici le sol accompagne l'observateur, elles couches d'air sont souillées des poussières terrestres. Rien ne permet de croire que ces poussières soient plus pauvres en germes sur une montagne que dans une plaine avec la même nature de végéta- tion ; mais, dans la plaine, ces poussières se renouvellent d'une façon continue,\tandis que lèvent qui, courant horizontalement DU à peu près, aborde une montagne, risque d'avoir perdu une partie des germes qu'il pouvait avoir empruntés au méuie ni- veau sur la montagne voisine. à DISTRIBUTION DES MICROBES DANS L'AIR 423 Tout autres sont les conditions d'un air recueilli en ballon. Il est vrai que l'aérostat, les cordages, la nacelle, emportent avec eux des milliers de germes. Mais on peut avec quelques précau- tions élémentaires se mettre siiflisamnicnt à l'abri de leur in- fluence. M. Cristiania étudié ainsi l'air pendant une ascension en ballon, faite à Genève, et a trouvé les résultats suivants, en se servant d'un aéroscope analogue à celui de Straus et Wurtz. Les chiffres sont rapportés au mètre cube. Allitude 5o0 m. (Genève) 3.400 colonies dont 100 moisissures 630 2.100 100 > 700 0 800 900 iOO » 900 1.300 0 )) 1.000 4.900 100 • i.lOO 100 0 » 1.3.^0 0 — » » 1.700 G — * On voit que la richesse en germes est très variable suivant la hauteur, et que, dans l'atmosphère comme dans le sol, il y a su- perposition de couches très inégalement chargées. Mais, dans l'ensemble, le nombre des germes diminue à mesure qu'on s'é- lève, ainsi qu'on pouvait s'y attendre, etil ya même des couches qui apparaissent tout à fait stériles, pour le volume d'air aspiré, qui était seulement de 10 litres, et pour le bouillon nutritif em- ployé. Cette pureté relative doit être attribuée, d'abord à ce que les grosses poussières n'arrivent que rarement à cette hauteur, ou en descendent vite, puis à ce que la lumière détruit peu à peu les plus fines et les mieux exposées à son action. En résumé, l'expérience s'accorde, tout en les précisant, avec les conclusions théoriques que nous avions établies dans le chapi- tre précédent. Il ne nous reste, pour terminer, qu'à attirer l'atten- tion sur un dernier point. Nous avons dit que l'air était beaucoup moins chargé de germes que le sol. La disproportion révélée par l'expérience est véritablement frappante. Dans l'air la moyenne est de beaucoup au-dessous de 100.000 germes par mètre cube ou de 100 germes par litre. Dans le sol le nombre de germes, mesuré par les mêmes moyens, est rarement inférieur à 10.000 par centimètre cube, ou à 10 millions par litre, et il s'agit des mêmes germes, de ceux du moins qui vivent dans les 424 CHAPITRE XXVII mêmes bouillons. Les deux nombres sont donc comparables, et on voit que le second égale cent mille fois le premier. L'air est donc infiniment moins peuplé que le sol, et cela est heureux, car sa mobilité en rendrait la stérilisation difficile. Les lois naturelles nous protègent donc du côté où il nous est le plus difficile de nous protéger nous-mêmes. BIBLIOGRAPHIE MlQUEL. Annuaires de l'obxervatoire de Montsouris, depuis l'origine. Tyndall. Les microbes, Paris 1882, p. 53. Straus et Dqbreuilh. Sur l'absence des microbes dansl'air expiré. Comptes rendus, 1887, 5 décembre. GuNNiNG. Les bactéries sont-ellesenievées par l'air expiré ? A7m. Monatsbl. f. Augenheilk. ; 1882. Straus. Absence de microbes dans l'air expiré. Anu. de rinstitut Pasteur, t. II, p. 181. BccHNER. Sur les conditions de passage des microbes dans l'air et sur leur inhalation. Aertzl .1 nlcllujenzbl . ; 1880. BuoHNER. Sur la preuve expérimentale de l'absorption df-s microbes infec tieux par les voix respiratoires. Munch. med. Woch. ; 1888. H. Stern. Influence delà ventilation sur les microbes en suspension dans l'air. Zeitsch. f. %'/.,t. VIT, 1889. H. Cristjani. Analyse bactériologique de l'air des hauteurs, puisé pendant un voyage en ballon. Ann. de r/nslilut Pasteur, t. VIT, 1893. CHAPITRE XXVIII ÉTUDE microbii<:nne des eaux Comme celle du sol et de Tair, l'étude microbienne des eaux exige le développement de quelques notions préliminaires sur la circulation générale des eaux, envisagée dans ses rapports avec le transport des microbes. Je n'en dirai ici que ce qui est indis- pensable, renvoyant aux livres spéciaux indiqués dans la Biblio- graphie, pour l'étude du détail, qui ne saurait trouver place ici. 346. Circulation dans les océans. — Tous les océans sont le siège d'une circulation continue, qui assure le transport et la diiiusion de tous les germes qu'ils contiennent. Dans l'Océan Atlantique, c'est le Gulf-stream, qu'on voit se dessiner au large de la cùte d'Afrique, au Sud des îles St-Thomas, et qui augmente graduellement d'ampleur et de vitesse, à mesure qu'il s'avance de l'Est à l'Ouest. La pointe avancée du cap St-Roch le divise en 2 branches, dont l'une descend les côtes du Brésil, et dont lau- tre, la plus importante, glisse le long des Guyanes, contourne la presqu'île du Yucatan, et entre dans le golfe du Mexique, qui est une des régionslesplus cbaudes du globe. Là, les eaux du courant tournoient. s'échaufTent, etlorsqu'clles en ressortentpar le canal de la Floride, c'est sous forme d'un immense courant de plus de 50 ki- lomètres de large suriOOmètres de profondeur, avec une vitesse de 6 kilomètres à l'heure, etune température de 30*^. C'est ce courant qui, infléchi vers le Nord-Est pour des causes analogues à celles qui inclinent dans le même sens le contre-alizé du même hémis- phère, traverse en écharpe l'Atlantique Nord, diminuant de pro- fondeur et augmentant de largeur à mesure cju'il avance. Dans ce parcours, ses eaux se refroidissent, et d'autant plus vite qu'elles sont plus étalées. Au départ, la perte de chaleur est faible, car il n'y a guère de ditférence de température entre le courant et l'air ou l'eau quil'avoisinent. A l'arrivée au voisinage 426 CHAPITRE XXVIII du Cap Nord, la perte de chaleur est encore médiocre, bien qu'elle reste sensible, parce que les eaux du courant se sont refroidies. C'est dans l'intervalle, et de préférence aux latitudes tempérées, que l'influence du courant sur la température de l'air qui le surnage est la plus marquée. C'est de Là que partent les vapeurs qui, emportées parle Courant équatorial, viennent fondre sous forme do pluies sur le continent. Et comme la vapeur d'eau emprunte de la chaleur au point où elle se forme, et la rend au point où elle se condense, on voit que le Gulf-stream étend son influence calorifique non seulement sur la mer dans laquelle il coule, mais encore sur tout le continent que viennent aborder les courants aériens qui le surmontent. Les mômes raisons font qu'il communique sa puissance de mouvement même aux régions maritimes qu'il n'aborde pas, même aux continents. Sur les mers, il amène la formation de contre-courants d'eaux froides : sur les continents, il est le prin- cipal fournisseur du réseau des rivières et des fleuves. Un courant aussi puissant qui transporte sans trêve, vers le Nord, des eaux empruntées à l'équateur, doit avoir en effet un contre-courant, que l'on connaît, et qui se compose même de deux parties. Il y a d'abord une fraction du courant, empruntée à sa rive droite, qui s'en détache sous le nom de courant de Rennell, et revient vers l'équateur en décrivant un large circuit dont la branche descendante longe les côtes d'Espagne et du Maroc. Elle contourne et circonscrit une larg-e portion d'océan où les eaux sont calmes, et qu'encombre une végétation vigoureuse de fucus. C'est la mer des Sargasses, sorte de Méditerranée maritime où les mouvements sont faibles et irréguliers (fig. 50). Maisle courantde Rennell n'est qu'une fraction du Gulf-stream. Toute la partie qui remonte vers le Nord et s'enfonce dans la mer polaire a comme contre-partie un courant d'eaux froides, le même sans doute que celui qui, dans les régions polaires, a cntrahié vers l'Ouest le Fram et Nansen ; on le voit descendre le long de la côte orientale du Groenland, du détroit de Da- vis, de la mer de Baffin ; massé au débouché de la baie d'Hud- son, il emporte vers le Sud, surtout au moment de la débâcle annuelle, des glaces flottantes. D'abord superficiel, ce courant devient profond ; on ne le retrouve plus, par le travers de la Floride, que dans des sondages thermométriques. Mais là, son parcours est à peu près terminé, et le cycle est fermé. ÉTUDE MICROBIENNE DES EAUX 427 Le Pacifique Nord présente à peu près le même spectacle que 05 s. . 124 mm. tlO nmi. 89 0/0 Élé . 220 » 89 » 40 . Automne. . . . 29o .. 9o « 32 » Hiver .... . 263 .. 129 » 4^^ » Année entière . 902 . 423 > 47 » 430 CttAPITilK XXVIII Bassin de la Moselle. Prinleinps. . . 224 mm. 205 mm. 92 0/0 Été . 396 » 92 » 23 > Aiilomno. . . . 533 « 213 » 40 .) Hiver .... . 472 . 365 « 77 >) Année entière . 1G23 . 875 )> 5i » On voit plus nettement dans ces chifTres l'influence des diverses saisons. Mais il ne faut pas leur donner un degré de généralité qu'ils ne puisent pas dans leurs origines. Ils se rapportent à une ré- gion tempérée, soumise à de certains courants aériens, ayant une certaine constitution géologique, une constitution agricole déterminée, etc. Le chiffre d'eau évaporée, toutes choses égales d'ailleurs, serait plus grand pour des régions plus chaudes, moindre plus près du pôle. La seule chose qu'il soit possible de dire, dans l'ensemble, c'est que les terres évaporent moins qu'elles ne reçoivent de pluie, puisqu'il y a des fleuves, des ri- vières, et que, par suit<% sur les mers, c'est l'inverse. La con- clusion a l'air banale. Elle a pourtant été méconnue bien sou- vent. Il est difficile de dire, pour l'ensemble du globe, quelle est la fraction des pluies enlevée par Tévaporation. En songeant qu'en France, pays tempéré, elle est voisine de 50 0/0, on peut croire qu'elle est, sur l'ensemble, voisine dece chiffre, compensa- tion faite des pays plus chauds et des pays plus froids. Mais ce chiffre lui-même n'est qu'une moyenne, et il y a des régions qui évaporent plus de 50 0/0 de l'eau tombée, de môme qu'il y en a qui évaporent moins. Pour évaluer, dans le détail, cette proportion d'une façon un peu précise, nous n'avons qu'à répéter sur une petite surface ces mesures de quantitéde pluie tombée, et d'eau drainée super- ficiellement ou dans la couche souterraine, qui nous ont servi à nous faire une idée de l'évaporation totale en France. Ces mesu- res ont été faites par M. E. Risler, à Calèves, sur le sol de sa propriété, dans une terre dont il connaissait bien la constitu- tion, reposant sur une couche imperméable et bien drainée. La moyenne de l'évaporation, sur trois années pendant lesquelles la terre a porté des cultures diverses, a été de 75 0/0 de l'eau tombée. Sur d'autres cultures, à Calèves, le chiffre d'évaporation ÉTUDE MICROBIENNE DES EAUX 431 a été de 84 0/0 de l'eau tombée en 1879. On peut donc ici admettre le chiffre de 80 0/0 comme assez voisin de la réalité. Il se rapporte, remarquons- le, à des terres mises en culture, et daus lesquelles à lévaporation du sol nu, diminuée par la couverture végétale, vient s'ajouter, mais de façon à combler et au delà la perte, la transpiration du végétal, qui dépend à la fois, et de sa surface foliacée, et de la lumière qui tombe sur lui, et du degré d'humidité de Tair qui le baig-ne. L'évaporation en sol nu ne monte pas à un chiffre aussi élevé. M. Marié-Davy, qui a essayé de la mesurer en mesurant chaque jour la perte de poids d'un wagonnet rempli de terre maintenue stérile, l'a fixée à environ la moitié de la hauteur de pluie reçue ; mais ce sol artificiel n'était à son tour pas dans les conditions du sol natu- rel ; il n'était jamais à la même température, et surtout, il ne recevait pas des profondeurs, par capillarité, ces provisions d'humidité que le sous-sol fournit constamment aux couches superficielles, et à l'aide de laquelle la région pénétrée par la chaleur du soleil organise sa résistance aux longues sécheresses. Concluons de ce qui précède qu'en évaluaut à 50 0/0 la proportion des eaux de pluie qui reviennent à la mer après un plus ou moins long parcours terrestre, nous ne nous éloi- gnons pas beaucoup de la réalité. Suivons maintenant dans leur trajet ces eaux déversées à la surface du sol. Les eaux de pluie, résultant de la condensation de vapeurs qui ont plus ou moins longtemps voyagé dans l'atmosphère, et ayant traversé, à l'état de gouttelettes, une couche d'air plus ou moins épaisse, doivent évidemment apporter à la surface du sol des germes aériens. Elles lavent l'atmosphère, mais comme celle-ci n'est guère peuplée, nous sommes autorisés à penser que les eaux de pluie sont aussi peu chargées de germes. Il en est tout autrement dès qu'elles sont en contact avec le sol. Elles se divisent en deux parties : l'une reste, à l'état d'eaux, su- perficielles, et devient de plus en plus impure en coulant à l'état de ruisseaux, de rivières et de fleuves. L'autre pénètre dans le sol et y devient au contraire de plus en plus pure à mesure qu'elle y fait un plus long parcours. Examinons séparément les unes et les autres. 348. Eaux de profondeur. — D'abord, comment se fait la 432 CHAPITRE XXVlIt pénétration? Pour bien nous en faire une idée, nous allons nous- faire un schéma théorique, qui est réalisé sur certains points du globe, et dont il reste quelque chose sur tous les autres. Nous allons revenir à l'expérience de Biot (2 1 6), dune masse sableuse, contenue dans un tube de verre effilé, humectée à saturation et r(;cevaut de la pluie par sa partie supérieure. Si ce sable est assez perméable, c'est-à-dire si la vitesse d'é- coulement à travers la couche toute entière égale la vitesse avec laquelle l'eau arrive, celle-ci est complètement absorbée. Il ne se forme pas de couche superficielle, et toute l'eau qui arrive, à un moment donné, chasse, par la partie inférieure, un volume d'eau précisément égal, tombé depuis un temps d'autant plus long que la pluie est moins abondante, et l'épaisseur du sable plus grande. Il en est toujours ahisi, et lorsque, dans un terrain sablonneux ou perméable, les pluies font grossir les sources, ce n'est pas en y envoyant leau qu'elles y apportent, c'est en y dé- terminant récouleinent par déplacement d'eaux tombées depuis plus ou moins longtemps, et en suspension jusqu'à ce moment dans le sol. Le temps qu'une goutte d'eau tombée met à revenir au jour est facile à calculer quand on connaît ce (jue nous avons appelé (216) la capacité totale de la couche filtrante, c'est-à-dire le vo- lume total d'eau emmagasinée, et la vitesse d'arrosement, c'est-à- dire le volume d'eau qui tombe dans l'unité de temps sur l'unité de surface. Il faudra évidemment, pour que la goutte d'eau envi- sagée reparaisse, qu'il en soit tombé assez, après elle, pour remplir la capacité totale. De sorte que si on désigne par 0 cette capacité, par V la vitesse d'arrosement, ou d'écoulement, telle que nous l'avons définie plus haut, et t le temps du séjour dans le sol, on a : cl ou t ^= ~ V Si G est grand et V faible, t pourra être très grand. En particu- lier, si nous envisageons une couche sableuse terrestre un peu épaisse, sa capacité est environ la moitié de son volume (317). Si nous la supposons arrosée par la pluie, d'une façon intermittente, Y sera la vitesse moyenne d'une pluie qui répandrait la môme ETUDE MICROBIENNE DES EAUX 433 quantité d'eau par mètre carré, et serait très petit. La valeur de t pourrait donc être très grande. M. floJÏmann, qui a pris la peine de faire pour Leipzick ce calcul classique, a trouvé que la pluie mettait 124 jours à traverser 1 mètre de sable lin dont les grains avaient de 3 à 5 dixièmes de millimètre de diamètre. Il lui fau- drait donc théoriquement plus d'un an pour atteindre la nappe souterraine à laquelle s'alimentent les puits de Leipzick. Cela revient à dire, sous une autre forme, que la réserve de la nappe souterraire représente le total des pluies pendant un an. On peut objecter que nous sommes là dans des conditions théoriques Mais ces conditions sont toutes, plus ou moins, les conditions des terrains absorbants et poreux. Pour voir, du reste, quel rôle elle jouent dans la conclusion, il n'y a qu'à les supposer disparues, et à passer à l'étude des terrains imperméa- bles. Ici, il n'y a plus d'imprégnation poreuse, mais la compa- cité de ces terrains est très rarement absolue. Presque toujours, ils sont fissurés, et sillonnés dans tous les sens par des fentes plus ou moins larges dans lesquelles l'eau s'infdtre, et où elle s'écoule lentement, absolument comme dans le sable, par suite de la résistance qu'elle rencontre contre les parois. Là encore, une tranche d'eau qui pénètre par le haut de la fente a pour effet de chasser par le bas une quantité égale après un temps suffisant pour que les déplacements successifs le long des parois aient pu se faire, et, là encore, si l'épaisseur du sol est grande, on peut avoir une masse plus ou moins grande d'eau emmaga- sinée. Seulement, ici, la capacité C est impossible à connaître. Il faut déduire t d'un autre ordre de considérations. On peut, par exemple, chercher à quel intervalle de temps s'établit lin parallélisme exact entre l'abondance et la rareté des pluies, et l'élévation ou l'abaissement du débit des sources. M. Meurdra, qui a fait cette étude pour la région calcaire du Havre, estime que ce n'est qu'au bout de 30 mois que la correspondance exacte s'é- tablit, que ce n'est, par exemple, que 30 mois après un été excep- tionnellement sec que les sources tombent à un niveau excep- tionnellement bas. Nous voyons donc encore ici que la nappe souterraine contient en réserve le total des pluies infiltrées pen- dant cette période. Nous pouvons donc admettre que tel est, en effet, le cas gé- néral, et l'expérience, aussi bien que la théorie, témoigne de 28 434 CHAPITRE XXVIII l'existence et de la puissance de cette réserve, à laquelle s'ali- mentent les sources profondes, et que nous allons bientôt re- trouver. Nous avons d'abord à nous demander quelle est la fraction des pluies qui s'infiltre pour l'alimenter, en d'autres ter- mes quelle est, dans une pluie qui tombe, la part des eaux superficielles et la part des eaux souterraines. Il est évident, a priori, que cette distribution sera essentiellement variable. 1" Elle le sera dans un môme terrain. Prenons un terrain sa- blonneux, humecté à fond : il n'y aura pas d'eaux superficielles et tout sera absorbé si le débit par le bas égale l'alimentation par le haut. Des pluies faibles pénétreront complètement, des pluies abondantes couleront à la surface. Supposons ce môme sol sec. Les premières portions de la pluie seront absorbées sans difficulté, mais comme elles chasseront devant elles une masse d'air qui opposera une résistance si elle ne trouve pas d'écoulement, la pluie qui viendra ensuite ne pourra plus pénétrer. C'est ce qu'on montre facilement en mettant dans un tube une couche de sable sec au-dessus d'une couche de sable humide. De l'eau versée au-dessus du sable sec s'y imbibe plus lentement que si le sa- ble humide du bas était remplacé par du sable sec, et cette superposition, dans le sol, de couches inégalement sèches ou humides, est fréquemment réalisée. Le ralentissement de plus en plus grand de la vitesse de pénétration, à mesure que la pro- fondeur atteinte devient plus grande, est un autre obstacle h l'absorption, et il arrive, en eliet, souvent que les premières portions d'une même pluie sont complètement absorbées, tandis que les dernières restent à l'état d'eaux superficielles. 2" La distribution variera aussi suivant le terrain. Il y aura moins d'eau absorbée dans les terrains argileux que dans les terrains calcaires, dans les terrains granitiques que dans les ter- rains volcaniques. C'est pour cela que la configuration géogra- phique est liée à la nature géologique du sol, car ce sont les eaux superficielles qui façonnent un pays à leur image. De même un sol gelé n'absorbera pas comme un sol sec, un sol ameubli par la végétation comme le même sol laissé en fri- che. Il est donc impossible de rien dire de général sur la façon dont se fera la distribution de la pluie en eaux superficielles et eaux de profondeur, sinon qu'elle sera extrêmement variable. Toutes les eaux de surface coulent vers la mer à travers des cou- ÉTUDE MICROBIENNb] DES EAUX 435 ches souillées de germes : elles doivent donc devenir de plus en plus impures, si aucune cause de purification n'intervient. Aban- donnons-les un instant pour revenir aux eaux qui s'infdtrent. S49. Eaux d'infiltration. — Celles-ci subissent une fdtra- tion poreuse et doivent devenir de plus en plus pures. On peut même dire qu'elles le seraient toutes et absolument, si le mode de pénétration était le mode théorique que nous avons supposé tant pour les sables que pour les terrains fissurés, et si aucune goutte d'eau n'arrivait dans les profondeurs qu'après pénétra- tion lente et de couche en couche. Mais c'est ce qui n'arrive ja- mais. Même dans les terrains sableux les plus perméables, il y a des lignes de plus facile pénétration, des veines où l'eau circule plus vite. Dans les terrains iîssurés comme les terrains calcaires ou volcaniques, il y a des failles ou des cassures où l'eau ne fait que passer. De sorte que l'eau des profondeurs contient toujours une proportion variable d'eaux très bien filtrées et d'eaux de sur- face, d'eaux stériles et d'eaux plus ou moins peuplées. Cette situation a été souvent méconnue, et je crois devoir con- firmer ce que j'ai toujours dit sur elle par une expérience ré- cente de MM. Abba, Orlandi et Rondelli, sur le pouvoir filtrant des terrains dans lesquels sont creusées les galeries filtrantes des eaux potables de Turin. Au-dessus d'une galerie on a circons- crit, avec un talus de terre suffisamment résistant, une surface de 40 à 50 mètres carrés, et on a fait arriver sur elle l'eau d'un pe- tit ruisseau qu'on a chargée artificiellement d'une culture d'un microbe non présent dans les eaux de la région, et facilement reconnaissable : c'est le bacillus prodigiosus qui a été choisi. Quand le niveau de l'eau a atteint une hauteur de 10 centimètres environ surfaire choisie, on modère l'arrivée de façon à main- tenir le niveau constant pendant un nombre d'heures variable avec la puissance absorbante du sol, et sa distance à la galerie la plus voisine. Pendant que dure cette infiltration, et après qu'elle a cessé, on recueille dans la galerie des échantillons de liquide, et on y recherche le bacillus prodigiosus, en ensemen- çant sur pomme de terre, soit directement, soit après culture préalable dans un bouillon très favorable au bacille. Nous ^'entrerons pas dans le détail des expériences. Je dirai seule- ment que l'on a toujours constaté le passage du bacillus pro- 436 CHAPITRE XXVIII digiosus dans ces conditions, même dans un cas où l'aire choisie, ayant une surface de 200 m. carrés, était à 200 mètres de distance de la galerie. La submersion de Taire a été maintenue 5 jours. Le bacilliis prodigiosus a apparu dans Feau de la gale- rie 42 heures après le commencement de l'expérience ; il y a per- sisté 6 jours. Des expériences faites en ajoutant à l'eau de submersion des matières colorantes comme la méthyléosine ou Turanine ont donné les mêmes résultats, et tout cela prouve bien qu'il y a pé- nétration rapidcj par places, des eaux superficielles dans les eaux profondes. C'était évidemment par des canaux irréguliers, mais très larges, que se faisait le passage; ce qui le prouve, c'est que le bacillus prodigiosus disparaissait» de la galerie après un temps assez court, tandis qu'on le retrouvait encore, après des semaines et des mois, dans le sol et surtout dans le sous-sol de l'aire inondée. Cette expérience est donc des plus intéressantes, car elle montre à la fois, et que les microbes des eaux superficielles peuvent être retenus par le sol dans une filtration capillaire, et qu'ils peuvent le traverser sans grandes difficultés sur certains points. Il faut donc croire au pouvoir fdtrant du sol, et cepen- dant ne pas croire qu'il soit absolu. S50. Sources. — Voyons maintenant dans quelles conditions vont revenir à l'air ces eaux profondes dont nous venons d'étu- dier l'origine. La pesanteur les ferait s'enfoncer verticalement, si elle agissait seule, mais quand elles rencontrent des obstacles, elles biaisent et vont du côté où elles rencontrent le moins de résistance. Deux exemples extrêmes nous permettront de bien comprendre ce qui se passe en général. Envisageons d'abord un plateau ou un coteau (fig. 57) établis sur une couche imperméable M N, dont le profil est en général très dif- férent de celui de la surface, parce qu'il n'a pas été façonné par les mômes forces, et que nous supposerons aboutir à flanc de co- teau. Il est clair, sans qu'il soit besoin d'insister, que toutes les eaux de pluie infiltrées au-dessus de cette couche vont se réunir peu à peu, avec le temps, dans les parties les plus déclives; qu'il n'y aura pas de sources en M ; mais qu'en N, tous les plissements que présentera la couche imperméable seront des fonds de cu- vette pour les eaux météoriques^ et que l'on aura des sources ÉTUDE MICROBIENNE DES EAUX 437 réparties çà et là sur toute la ligne d'intersection de la couche d'argile avec la surface du sol du coteau. On aura là ce que Bel- grand appelait une ligne de sources ou mieux un cordon de sour- ces. Telle est celle qu'on trouve à la ligne d'affleurement des marnes irisées ou des marnes vertes sur lesquelles reposent les plateaux de la Brie, par exemple dans la vallée de l'Yères, où la ligne d'affleurement des glaises vertes est presque marquée par une ligne de châteaux ou de maisons d'hahitation qui se sont pla- cées au voisinage des sources de ce cordon. Ces sources sont plus ou moins abondantes, suivant la surface qui les alimente, mais comme elles ne reviennent à la surface qu'après un par- cours assez long au travers des meulières de la Brie, elles sont pérennes et à température assez constante. Beaucoup des vallées du Cantal ont de même, à flanc de coteau, un cordon de sources dont l'existence est due non pas à une couche argileuse, mais à la superposition de deux coulées ou de deux couches dont la supé- rieure est poreuse et l'inférieure compacte. Celle-ci ramasse, canalise et fait déboucher en certains points les eaux que lui envoie la première. 25 1 . Nappe des puits. — Mais il n'est pas du tout néces- saire, pour qu'il y ait formation de sources, qu'une couche im- perméable ou peu perméable intervienne, et on peut montrer que, dans certaines conditions, même dans un terrain perméable, il y aura aussi une circulation souterraine venant reparaître au jour. Représentons-nous, en effet, sur la même colline que tout à l'heure, la penle M F faite de terrain perméable et poreux, que nous pouvons même supposer homogène. Les eaux qui vont y 438 CHAPITRE XXVIII tomber à un moment donné y pénétreront, et y formeront, si le sol est homogène, une couche parallèle à la surface, maintenue ou ralentie dans son mouvement par les lois de l'adhésion mo- léculaire. Mais cette couche, inclinée suivant le relief du sol, ne s'écoulera pas seulement en s'enfonçant verticalement, elle s'écou- lera aussi suivant sa ligne de plus grande pente. Elle se compor- tera dans une certaine mesure comme une eau superficielle dont le lit irait en se creusant et en s'abaissant. A quelque niveau qu'on creuse un puits sur la pente, si ce puits est assez profond, il s'alimentera d'eau en amont, à un niveau variable suivant la hau- teur atteinte à ce moment par la couche d'eaux souterraines ; s'il ne s'obstrue pas par suite de la pénétration de la matière orga- nique et du travail de fdtration poreuse, dont sa moitié aval est constamment le siège, l'eau s'y renouvellera constamment en s'y tenant à un niveau variable, et si, au fond de la vallée, il y a une dépression quelconque, un ravin creusé par les eaux super- ficielles ou un lit de rivière dans le thalweg, il pourra y avoir à ce niveau tout le long de la vallée un cordon de sources comme celui de la vallée de l'Yères ; mais cette fois il ne sera plus à flanc de coteau, il sera plus ou moins voisin du fond de la vallée. Tel est le cas pour la vallée de la Vanne où Paris est allé chercher des eaux de boisson. Il est bien entendu que ces conditions théoriques peuvent être améliorées dans la nature ; que, dans une vallée creusée en ter- rain primitif, l'ameublissement des pentes sous l'action de la végétation ou des pluies favorisera l'établissement de cette nappe d'eaux souterraines qui, trouvant moins de résistance au voisinage de la surface, la suivront plus volontiers. Dans les vallées d'alluvion, les dépôts alluviaires et poreux dépotés par la rivière sur les flancs de la vallée actuelle, dans les temps géo- logiques, favoriseront aussi la formation de la nappe des puits. Mais il n'en est pas moins vrai que cette nappe n'a pas besoin d'être supportée par une couche imperméable pour rester ainsi à l'état de mouvement continu dans le sol. L'expérience est parfaitement d'accord avec cette manière de voir. Considérons par exemple avec Belgrand une vaste plaine de craie, à peu près horizontale, comme la Champagne^ et où la pluie s'infdtre avec facilité. Cette pluie y descend, par endroits jusqu'à ce qu'elle ait trouvé la couche imperméable de la craie J ETUDE MICROBIENNE DES EAUX 439 marneuse ; mais il n'y a pas de sources qu'à ce niveau, et clans les vallées comme celles de l'Aube et de la Marne, on en rencon- tre en plein terrain perméable qui sont dues à ce que les pentes humides se ressuient en versant leurs eaux vers le thalweg, de sorte que les vallées principales et même les vallées secondaires constituent des drains naturels, vers lesquels affluent les eaux absorbées sur les plateaux. Nous trouvons dans la vallée de la Seine un autre exemple très net de ces couches aquifères voisines de la surface : elles sont dues surtout à la couche alluviale déposée par ce fleuve sur les pentes de la vallée actuelle. La couche des puits de Paris a été étudiée par Delesse, et est partout à un niveau supérieur à celui du fleuve. Elle est k 40 mètres d'altitude à Belleville, à 36 au boulevard Magenta, à 33 auxButtes-Chaumont, à28 à la barrière de l'Etoile, tandis que leniveau delà Seine est à 25 mètres environ. Sa pente est donc très forte sur la rive droite de la Seine et en par- tie calquée sur celle des terrains imperméables sous-jacents. Sur la rive gauche elle est moins inclinée ; son altitude est de 25 mètres au quai des Grands-Augustins, de 29 à la barrière Mont- parnasse, de 30 à l'Observatoire. On a relevé des faits analogues pour le Rhône à Lyon, la Garonne à Toulouse, le Rhin à Stras- bourg, l'Elbe à Dresde, les lacs de Tegel et de Muggel à Berlin. Partout la nappe des puits est plus haute que le fleuve. Le fleuve est son déversoir, et même quelquefois elle donne des sources vives dans son lit. On s'en aperçoit à des différences de tempéra- ture, de composition, de végétation^ et aussi, quand la rivière est glacée, à l'absence de tout glaçon autour du point d'émergence de la source dans le lit. Telle est la source qui vient déboucher dans la Seine à l'aval du pont de la Concorde. Lorsqu'on creuse une galerie sur les bords d'un fleuve pour en filtrer les eaux, c'est donc l'eau de la nappe souterraine qu'on récoltera d'ordinaire. Nous aurons à revenir sur ce point, et à in- sister sur son importance hygiénique. Je me contente de faire remarquer, pour le moment, que le cycle des eaux souterraines est terminé pour nous lorsqu'elles sont de retour à la rivière ou au fleuve. De ce que nous savons, nous pouvons conclure que ce parcours souterrain les purifie lorsqu'il est long et compliqué, mais que toujours le mélange des eaux superficielles est à crain- dre, [surtout au>oisinage de l'orifice de sortie; qu'il l'est plus 440 CHAPITRE XXVIII dans la nappe des puits que dans la nappe des sources pérennes, et qu'en somme ce n'est que rarement qu'on trouvera qu'une eau de source est tout à fait stérile à son point d'émergence. S53. Nappes artésiennes. — Pour terminer notre étude au sujet des eaux souterraines, nous n'avons plus qu'un mot à dire au sujet des nappes artésiennes qui sont en quelque sorte à l'an- tipode de la nappe des puits, attendu que ce sont les eaux qui, infiltrées dans un terrain poreux entre deux couches imperméa- bles, sont entraînées dans les profondeurs en suivant le profil géologique des deux couches entre lesquelles elles sont encas- trées. Pour les retrouver, il faut creuser des puits plus ou moins profonds, jusqu'à la rencontre de leur niveau. Alors, elles rega- gnent dans ce puits, à peu près, le niveau auquel elles se sont infiltrées, et peuvent suivant les cas jaillir ou rester encore à une certaine profondeur dans le puits. Ces sources doivent être pures si la couche qui leur donne passage n'est pas faite d'éléments trop grossiers. Dans l'économie générale du globe ces nappes artésiennes s'écoulent dans la mer,lorsqu'elles l'atteignent, et for- ment des sortes de fleuves souterrains parfois très puissants. Quand la couche qui les contient forme cuvette, il y reste un volume d'eau plus ou moins grand qui ne se renouvelle pas. Fré- quemment elles ressortent sous forme d'eaux thermales quand elles viennent se heurter à des régions volcaniques, où elles ren- contrent une température encore élevée, et des failles de disloca- tions des couches dont elles profitent pour remonter à l'extérieur. Ces nappes artésiennes ont été peu étudiées au point de vue mi- crobien et nous n'en parlerons pas davantage. BIBLIOGRAPHIE Belgrand. La Seine, Paris 1872. DucLAUX- Traité de physique et de météorologie, Paris 1891. Hoffmann. Nappe souterraine et iiumidité du sol, Arch. f. Ilijfi. 1883. SoYKA. Recherciies expérimentales sur les oscillations du niveau de la nappe souterraine. Prager mcd. Wich, 1885. SoYKA. Le sol, Handbuch der Hygiène. Abbâ, ORLANDOet RONDELM. lîssai d'expériences sur le pouvoir filtrant des terrains, Gazzetla medica di Torino, n. 28, 1896. DucLAUX. Revues critiques. Annales de l'Institut Pasteur t. I, IV, V, et VII, CHAPITRE XXIX MICROBES DANS LES EAUX Voyons maintenant si les déductions générales que nous avons tirées au chapitre précédent sont, ou non, d'accord avec la réalité. Examinons pour cela, avec les méthodes que nous con- naissons, la richesse en microbes de diverses eaux trouvées à la surface et dans les profondeurs du sol. Rappelons une fois de plus que les nombres fournis par l'expérience n'ont aucune pré- tention à représenter le total des êtres microscopiques existant dans l'eau, mais seulement le total d'un groupe d'entre eux, de celui auquel convient de préférence le liquide nutritif employé. L'introduction de cette réserve montre que les nombres obtenus par divers observateurs ne sont pas comparables ou ne sont comparables qu'en gros. Seuls les résultats d'un même obser- vateur^ s'il opère toujours de la même manière, sont à peu près comparables entre eux. 353. Microbes dans la pluie. — Les études sur les microbes présents dans l'eau de pluie sont très peu nombreuses. On ne connaît que celles de Miquel, qui a trouvé en moyenne, de 1883 à 1886, 4,3 bactéries par ce, à Montsouris et 19 dans l'intérieur de Paris. Les deux expériences ont été faites pendant une saison pluvieuse, et on sait que la pluie lave l'atmosphère. Tissandier a trouvé que l'air de Paris contenait, en moyenne, 23 milligrammes de poussière par mètre cube, et seulement 4 milligrammes à la campagne. Après une pluie, ces chiffres tombaient respecti- vement à 6 millig. et 0,25 millig. Il est donc probable que les nombres moyens de bactéries dans la pluie sont supérieurs à ceux de Miquel. Ce savant a en outre trouvé 4 moisissures. Ces chitïres sont faibles, M. ^liquel fait pourtant observer qu'avec 60 centimètres de pluie par an, cela fait encore cinq millions de germes tombant annuellement par mètre carré. 442 CHAPITRE XXIX 354. Microbes dans la grêle. — Au sujet de la grêle, nous avons les déterminations de MM. Bujwid, Foutin et Abel. M. Bujwid a étudie de gros grêlons, tombés à Varsovie en 1887. Il en a lavé trois fois la surface à l'eau stérilisée, les a brisés en morceaux qu'il a lavés à nouveau trois fois dans du bouillon stéri- lisé. L'eau de fusion de ces morceaux, bien débarassés de leurs impuretés superficielles, contenait encore 21.000 bactéries par ce. Quelques-unes étaient des bactéries des eaux de la ré- gion, rpais une autre, le b. janthinus, n'a jamais été rencontrée dans les eaux de Varsovie ou des environs, et est une bactérie des eaux putrides. Il est probable queTamorce autour de laquelle s'était condensé le grêlon était un fragment de poussière emprunté à une terre marécageuse, et que c'était cette poussière qui avait tant augmenté la population de l'eau de fusion. Foutin a trouvé des nombres plus faibles. L'eau de fusion d'un gros grêlon contenait par ce. 729 germes, appartenant à 9 genres, dont 5 connus, les J5. mycoïdes, liquefaciens, îuteits, les Sarcina aurantlaca etlutea. Les quatre autres genres n'avaient pas encore été décrits, et comprenaient 2 bacilles et 2 coccus. L'un d'eux était pathogène en injection péritonéales chez le rat. Abel a étudié, en 1894, à Greifswald, des grêlons qu'il avait arrêtés au passage au moyen d'une cuvette stérilisée. Il y a trouvé, pour le nombre des bactéries par ce, des chiffres variables entre 40 et 300 bactéries, dont la plupart, comme le bacillus ramosus par exemple, étaient des bactéries du sol et de l'eau. S55. Microbes dans la neige. — M. Janowski a étudié la neige récemment tombée, ccst-à-dire les parties superficielles du tapis de neige qu'on peut enlever de la surface du sol pendant une chute de neige. Il opérait dans une région où on n'avait guère à craindre les impuretés accidentelles, et il a trouvé par centimètre cube d'eau provenant de la fusion de la neige : Le 2 fév. 1888. Temp. de l'air = — 70,2 38 et 34 colonies 20 — — — H»,l 203 et 384 — 27 — — — 12», 2 140 et 163 — Le 19 fév. pendant une lourmente, ■- 30,9, 139 et 463 — Ce savant a aussi étudié la neige ancienne tombée depuis quel- ques jours, et qu'il enlevait en raclant la surface, sur une pro- MICROBES DANS LES EAUX 443 fondeur de un demi-centimètre, avec une plaque de verre stéri- lisée. Il a ainsi trouvé par centimètre cube d'eau de fusion : Le H février, neige d'un jour 2 et 4 colonies lo — de 4 jours 18 et 20 — i't — 3 jours, froid intense 228 — 2 mars 3 — 14S et 212 — Ces nombres sont du même ordre et subissent les mêmes variations que ceux qui se rapportent à la neige récente. Il ne semble donc pas qu'un séjour prolongé au froid diminue le nombre des germes. Mais on ne saurait rien conclure de cette comparaison. Pour savoir quel peut être l'effet d'un froid pro- longé sur les germes^ il faut étudier les glaciers, où on doit s'at- tendre à voir les germes arriver, puisqu'il y en a dans la pluie et dans la neige, et où on peut voir s'ils se conservent longtemps. 256. Bactéries des glaciers. — Dans un voyage en Norvège, M. Schmelck a étudié à ce point de vue le plus grand glacier de l'Europe, le Jostedalsbrà, qui occupe une surface de 1.600 kilo- mètres carrés, et commence à une centaine de mètres au-dessus du niveau delà mer pour s'élever à près de 2.000 mètres. Des prises d'essai ont été faites à diverses altitudes, soit sur la neige superficielle du glacier, soit dans les ruisseaux qui en découlent, et la richesse en bactéries a été étudiée par la méthode d'Esmarch. Voici, rapportés à 1 centimètre cul)e d'eau, les nombres de colonies bactériennes fournies par les divers essais : 1. Ruisseau à 5 kiloni. du glacier. 170 et 200 col 2. Ruisseau h 50 m. du glacier .... 4 et 6 - 3. Neige du glacier 1.800-2.000'" d'altitude . 2 4. Autre neige — 2 S. Ruisseau — 9 et 15 - Dans l'essai n" 2, il y avait en outre de nombreux développe- ments de mycéliums. Il y en avait deux, avec les deux colonies bactériennes, dans l'expérience n° 3 Cette neige et son eau de fusion étaient extrêmement pauvres en germes, et pourtant la surface de la neige n'était pas tout ù fait pure. On y trouvait, au microscope, des restes de plantes et d'insectes mélangés à de la neige rouge, à des mucédinées et à des formes de levures. 444 CHAPITRE XXIX Ce qu'il faut encore signaler, c'est que dans tous les essais, la plupart des colonies étaient formées par un bacille très semblable au bacillus fluorescens liquefaciens. Ce bacille avait surtout été rencontré jusqu'ici dans les eaux les moins pures elles substances en putréfaction, et beaucoup plus rarement dans l'eau des grands fleuves et des mers. M. Schmelck l'a trouvé si souvent dans l'eau de fusion des glaciers de la Norvège qu'il se demande si ce bacille ne joue pas un rôle dans la production de la teinte verte de ces glaciers. Tous ces renseignements laissent supposer que les matières qui ont formé le glacier, étaient impures à Torigine, et se sont purifiées avec le temps. Cette action nocive qu'exerce sur les bactéries une congélation de quelque durée est d'accord avec les résultats généraux de Prudden. Mais ce savant a constaté que la résistance au froid varie beaucoup chez les microbes. Le bacillus prodigio.'ius, au nombre de 6,300 par centimètre cube d'eau avant lacongélalion, disparait entièrement après 5 jours de congélation. Le proteus viclgaris, de même. Le stap/u/loccus pyogenes aureus (nombre incalculable avant l'expérience) résiste mieux ; on en trouve 50.000 par centimètre cube après 66 jours de congélation. Le bacille de la fièvre typhoïde résiste bien : en quantité innombrable avant l'expérience, il se trouve encore au nombre de7.000 par centimètre cube après 103 jours de congéla- tion. Dans une autre expérience, le même microbe ne tomlic en8 jours de congélation que de 378.000à 76 000 par centimètre cube. Subsidiairement, M. Prudden a abordé l'influence des congé- lations et décongélations alternatives. Ici les résultats sont très intéressants et montrent nettement que les congélations succes- sives sont beaucoup plus rapidement mortelles qu'une congéla- tion unique, continue. Ainsi, pour le bacille de la fièvre typhoïde, le chifli're initial étant de 40.000 par centimètre cube, ce chitfre tombe ti 90 après 3 congélations en 24 heures, à 0 après 8 con- gélations en 3 jours, tandis qu'après 5 jours de congélation con- tinue il reste encore à 2,500. Les résultats sont les mêmes, sauf les chiffres, pour les autres expériences : toujours les con- gélations successives sont plus rapidement mortelles que la congélation unique, si prolongée soit-elle. Notons pourtant que Prudden ne s'est pas mis en garde contre MICROBES DANS LES EAUX 445 la cause d'erreur qui provient de ce que, à chaque congélation nouvelle, ily a purification du côté du nombre des bactéries, de nitMUo qu'il y a purification du côté de toutes les substances solublcs et insolubles. Le cristal, en se formant, évacue peu à peu toutes les impuretés, et les agglomère, de telle sorte qu'elles ne sont plus réparties uniformément dans la masse et qu'on est exposé à croire mortes les bactéries lorsqu'elles sont seulement expulsées. On se rappelle sur ce point les expériences de Tyndall, qui a vu l'eau de fusion d'un morceau de glace, faite artificiellement à l'abri de l'air, ne s'illuminer que faiblement sur le trajet d'un faisceau de lumière, alors que l'eau qui a servi à fabriquer cette glace s'illuminait fortement. SST. Bactéries dans la glace destinée à la consomma- tion. — De ce qui précède résulte que la glace destinée à la consommation pourra présenter une distribution des bactéries autre que dans l'eau originelle, mais qu'elle en contiendra la même quantité, à moins quelle ait subi un égouttage qui la pu- rifie. La science a enregistré à ce sujet un grand nombre de résultats. Fraenkel a étudié la glace fournie par diverses compagnies de Berlin, et fabriquées avec l'eau du lac de Rummelsburg, si- tué au-dessus de Berlin, et formé par une expansion de la Sprée. On la recueille pendant l'hiver, quand elle a atteint une épais- seur de 15 à 20 cent., et on la conserve en glacières. Deux exa- mens périodiques, faits du milieu de février au milieu d'avril 188G, y ont décelé des nombres de bactéries très variables allant de 21 à 8.800 par ce. D'autres échantillons, fournis à Berlin, ont donné jusqu'à 25.000 bactéries parce; tandis que de la glace, fabriquée en petit avec de l'eau distillée, n'en contenait pres- que pas. Ileyroth a publié une série de recherches sur les glaces ven- dues à Berlin et recueillies sur divers points au voisinage de cette ville. Les chifi'res trouvés sont très variables. En voici quel- ques-uns, avec leurs dates : Lac de Plotzen 19.9.85 490 bact. p. ce. — 5.10.8S 4900 — — 12.10.85 121 — Lac de Rummelsburg 19. 9.85 425 — 446 CHAPITRE XXIX — 5.10.85 2i0 — — 12.10.85 1150 — Sprée à Treptow 17.5.86 171 — — autre échantillon .... — 30 — - — .... — 1780 — Lac de Reinickendorf 29. 6 86 47 — Réservoir à Reinickendorf.. 12.10.35 2 — On voit, par ces quelques exemples, combien sont inégale- ment riches en germes non seulement les glaces récoltées sur divers points, mais môme celles qui sont prises en un môme point et le même jour. Tous ces chiffres ont été obtenus en se mettant, autant que possible, à l'abri des causes extérieures de contamination. On brisait la glace en prenant avec des pinces un morceau au milieu du bloc, on le lavait à l'eau stérilisée chaude de façon à fondre la surface. On laissait ensuite fondre le restant dans un tube stérilisé, et on procédait à la façon or- dinaire . Bordoni Uffreduzzi a fait des études analogues sur la glace vendue à Turin. Cette glace est faite avec de l'eau delà Dora, congelée artiliciellement par diverses compagnies. Ici, il y avait sans doute égouttage des morceaux, comme cela a souvent lieu du reste dans les congélations avec les machines à glace, car, tandis que l'eau de la rivière contenait des quantités innombrables de bactéries par cent, cube, il n'en restait plus qu'une moyenne de 580 dans la glace oljtenue. La congélation avait purifié l'eau par le mécanisme bien connu, mais n'en avait pas fait de la glace pure. En résumant tout ce qui précède, on voit cjue les eaux météo- rique arrivent à la surface du sol relativement pauvres en ger- mes. C'était bien ce que nous avions prévu. Voyons maintenant ce qu'elles deviennent quand elles ont touché le sol. Une portion y pénètre pour en ressortir ensuite à l'état de sources plus ou moins pures. Commençons par celles-ci, S5S. Bactéries dans les eaux de sources. — Ce qui nous intéresse n'est pas de savoir s'il y a des sources impures au point de vue des germes: nous savons qu'elles sont toutes exposées à la contamination, c'est de savoir si, conformément à la théorie, elles sont d'autant plus pures qu'elles s'enfoncent davantage, et s'il y en a qui arrivent au griffon tout à fait stériles. I MICROBES DANS LES EAUX 447 Sur ce point nous avons des expériences de Pasteur et Joubert qui, les premiers, ont montré que des eaux de source pouvaient être parfaitement stériles ; mais il faut, pour les trouver telles, les prendre à leur sortie de la terre, lorsqu'elles n'ont eu encore aucun contact avec les matériaux du sol ni avec les eaux super- ficielles. Les milieux nutritifs employés par Pasteur et Joubert étaient plus mauvais que ceux qu'on emploie maintenant, et peut-être auraient-ils laissé se développer quelques germes s'ils avaient été meilleurs. Mais toutes les recherches faites depuis ont con- firmé le fait de la pureté très grande, et parfois absolue, de l'eau des sources profondes. Ainsi, Libbertz n'a pas trouvé de ger- mes dans divers échantillons d'eau des sources qui alimentent Francfort-sur-le-Mein : c'était seulement après les pluies qu'on en trouvait des quantités faibles, variant de 40 à 60 au centi- mètre cube. Freimuth a fait quatre analyses bactériologiques d'une eau de source de Dantzig, et n'a trouvé qu'une seule fois des micro- bes, et encore seulement 2 par ce. Buchner, dans une source de Giesing, en atrouvé une fois 0, une autrefois o ; il en a trouvé de 4 à 35 dans une source du Brunnthal. Furbringer n'en a trouvé que 32 à 156 par ce. dans une eau de source d'Iéna, et Percy- Franckland 8 dans une source voisine de Reigate. Mêmes constatations pour les puits artésiens jaillissants. Dans un puits de Mayence, Egger a trouvé seulement 4 germes par ce. Dans les puits artésiens de Kiel, Breunig a trouvé des chiffres variables entre 6 et 30 au centimètre cube. Nous pouvons donc conclure que les eaux qui circulent à tra- vers des couches poreuses sont très pauvres en germes. Mais il faut pour cela qu'il y ait filtration fine. Tel n'est pas, en géné- ral, le cas dans les régions calcaires, où les eaux, arrivant au contact du sous-sol chargées de l'acide carbonique qu'elles ont dissous au passage dans la terre arable, dissolvent peu à peu les parois des canaux irréguliers qu'elles parcourent ; en les élar- gissant, elles leur enlèvent tout pouvoir filtrant et en font parfois de véritables tuyaux de conduite. Les eaux de la Vanne em- pruntent ainsi 10 mètres cubes par jour de matériaux au sol crayeux qu'elles traversent, et quand on pénètre dans les gale- ries de captation, on est surpris de constater qu'elles sont en 448 CHAPITRE XXIX généra] sèches, qu'il n'y a point de suintements, point de filtra- tion générale, mais que l'eau y arrive par de larges fissures qui parfois resseml)lent à des conduites faites de main d'homme, La filtra lion capillaire se fait dans les couches superficielles, mais, aune certaine profondeur, il n'y a qu'un réseau de veines qui confluent. Le nombre des germes apportés à l'air par les diverses sources de la Vanne doit donc être fort variable. Je me suis demandé s'il y en avait d'absolument stériles. Je n'ai trouvé telles, le 2o avril 1884, que la source de Saint-Marcouf (118 li- tres à la minute), de Saint-Philbert (78 lit.), de Caprais-Roy et Lauze (20 lit.), du Maroy (50 lit.), de Malortie (22 lit.). Toutes ces sources sont faibles. Les sources les plus volumineuses con- tiennent toutes des germes en petit nombre, dont nous retrouve- rons bientôt le total, à leur arrivée à Paris. Le passage au travers du sol n'est donc pas, à lui seul, une protection assurée, comme on se le figure d'ordinaire. 11 faut qu'il se fasse dans certaines conditions, qui, lorsqu'elles ne sont pas réalisées, font qu'une eau de source peut être tout aussi bien contaminée qu'une eau naturelle. Les exemples de ce fait abon- dent maintenant dans la science : nous en avons trouvé un, très topique, au chapitre précédent, (349) à propos des galeries fd- trantcs de Turin. Je ne rapporterai que le premier fourni et de tous le plus probant, c'est celui de l'épidémie de Lausen. J'en rappelle ici brièvement la curieuse histoire. Le petit vil- lage de Lausen, près de Bàle, n'avait pas, de mémoire d'homme, subi d'épidémie typhoïde et ne comptait même pas, depuis de longues années, un seul cas de cette maladie, lorsqu'en août 1882 survint une épidémie qui dura jusqu'à la fin de novembre, attaquant 130 personnes sur les 780 habitants des 90 maisons du village. Les cas étaient à peu près également répartis entre toutes les habitations. Seules, six maisons en furent exemptes. Elles étaient les seules à avoir de l'eau chez elles et à ne pas s'a- breuver à la fontaine publique. L'eau de cette fontaine venait du massif épais du Stockhal- den, ancienne moraine de l'époque glaciaire, séparant la vallée de Lausen de la vallée parallèle du Fûrlerthal. Cette eau était reçue et conduite, depuis sa source, entre des parois de briques à l'abri de la pollution, et ne semblait pas devoir être soup- MICROBES DANS LES EAUX 449 eonnée. Pourtant la maladie avait été convoyée par elle. Voici comment. Dix ans auparavant, on avait découvert une communication directe, à travers la montagne, entre les sources de Lausen et un petit ruisseau du Fiirlerthal. Tout près de ce ruisseau, au voisi- nage d'une ferme, un trou d'éboulement s'était creusé dans le sol, et au fond on avait vu couler un petit filet d'eau claire. Le ruisseau voisin, amené dans cette excavation, s'y était englouti tout entier, et, une ou deux heures après, les sources de Lausen, très diminuées à ce moment par suite de la sécheresse, s'étaient mises à couler abondamment, troubles d'abord, claires ensuite, jusqu'au moment où on ramena l'eau du ruisseau du Furlerthal dans son lit. Depuis, on avait remarqué tous les ans l'augmen- tation du débit des sources de Lausen au moment où les irriga- tions de prairies se faisaient dans la ferme du Furlerthal dont nous avons parlé. Or, dans cette ferme isolée, le fermier, au retour d'un voyage, avait été pris par la fièvre typhoïde, le 10 juin 1882. Les latri- nes de la maison et ses fumiers se déversaient dans le ruisseau ; dans ce ruisseau, on vidait les ordures, on lavait le linge du malade, et cela au moment des irrigations. Trois semaines après, la fièvre typhoïde éclatait à Lausen. La preuve de la contamination des eaux peut sembler acquise par les faits qui précèdent. Le docteur Ilagler, de lîâle, eut le mérite de ne pas s'en contenter et de la rendre tout à fait évi- dente par d'ingénieuses et décisives expériences. 11 fit rouvrir le trou du Furlerthal et y ramena le ruisseau. Trois heures après, le débit des fontaines de Lausen avait doublé. On jeta dans ce trou, après les avoir fait dissoudre, 18 quintaux de sel. Leau dé Lausen devint salée. Mais en remplaçant le sel par delà farine mise en suspension dans l'eau du ruisseau, on n'observa dans l'eau de Lausen ni trouble, ni augmentation des matériaux so- lides en solution. La communication était sûre, mais elle se faisait par des con- duits assez étroits pour retenir les granules d'amidon. 11 y avait donc sûrement une fîltration au travers des matériaux poreux de rancienne moraine ; mais cette filtration, analogue à celle de nos fontaines filtrantes, s'était montrée incapable de retenir les germes si ténus de la fièvre typhoïde, et n'aurait pas davantage i9 450 CHAPITRE XXIX retenu ceux de la diphthérie, de la scarlatine, du choléra, qui viennent si souvent par les eaux potables. De même les puits artésiens peuvent devenir sujets à caution. C'est ainsi qu'on a fréquemment vu sortir de ceux qu'on a creu- sés aux environs de Biskra des mollusques et jusqu'à de petits poissons venant de profondeurs de plus de 60 mètres, et dont la présence témoignait d'une communication ouverte, à une dis- tance plus ou moins grande du lieu d'émergence, entre les eaux du puits et les eaux superficielles. Concluons de tout ce qui précède que si les eaux profondes sont en général pauvres en germes, il y a pourtant des cas où elles peuvent ne pas du tout différer, sous ce point de vue, des eaux superficielles. Nous allons arriver à la même conclusion pour l'eau des puits. 359. Eau des puits. — En principe, comme nous l'avons vu (S5l),reau des puits n'est pas del'eau stagnante, comme onle sup- pose d'ordinaire. Elle fait partie d'un courant souterrain à niveau variable, qui la renouvelle constamment tant que les parois du puits restent perméables du côté où se fait l'écoulement. Mais il arrive parfois que ce renouvellement est lent, et que l'eau de puits ne peut plus être comparée aux nappes artésiennes jaillissantes. En plus, le revêtement en maçonnerie du puits n'a d'ordinaire pas de fondement, et se fissure ou s'éboule. Sur toute la hauteur du puits s'ouvrent, dans sa paroi, meuble ou maçonnée, des communications faciles avec les eaux superficielles. On peut donc s'attendre à trouver des puits très pauvres et des puits très riches en germes. L'expérience est d'accord avec cette conclu- sion. Les puits les plus riches, toutes choses égales d'ailleurs, sont évidemment ceux où les eaux séjournent ou se renouvellent len- tement. Elles passent alors, dans une certaine mesure, à l'état d'eaux superficielles, et nous verrons bientôt que si, dans ces conditions, elles se peuplent, ce n'est pas seulement parce qu'elles sont plus exposées aux contaminations extérieures. Quoiqu'il en soit, quand on renouvelle l'eau en la pompant, elle doit s'é- purer. C'est en effet ce qu'Heraeus a vu en étudiant l'eau d'un puits où on n'avait pas pompé depuis 30 heures. Cette eau contenait MICROBES DANS LES EAUX 451 5.000 organismes parce. Mais en pompant continuellement pen- dant une demi-heure, on n'en trouvait plus au bout de ce temps que 35. Maschek a trouvé de même les nombres suivants, qui s'expli- quent d'eux-mêmes, pour le nombre de germes par ce. : ï. II. après 15 minutes de pompage continu .... 458 578 I plusieurs heures » . • . . 140 179 plus tard 68 73 La conclusion de ce qui précède, c'est que si on veut savoir approximativement quelle est la richesse en germes de la couche qui alimente un puits, il faut mettre ce puits en exploitation con- tinue ; c'est à quoi on arrive facilement dans les services d'ali- mentation des villes. Londres reçoit ainsi, de diverses compa- gnies, des eaux de puits profonds, dont Percy-Frankland a fait l'analyse bactériologique. Voici quelques-uns des chiffres qu'il a trouvés pour les divers mois, en 1887 et 1888 : Janv. Fév, Mars Avr. Mai Juin Juil. Août Sept. Cet. Nov. Dec. „ 1 1887 9 19 80 26 27 12 14 5 5 7 3 6 Bath.welM .... - '-" 33 7 17 8 - 8 4 34 - Garden well New well 1887 9 19 80 1888 6 47 6 1887 48 24 4 1888 5 19 8 1887 12 10 5 1888 12 4 5 4 — 24 18 — 8 — 5 12 4 27 71 5 — 10 9 18 — 12 20 14 8 59 27 30 65 67 7 8 20 4 3 — 96 19 — On ne relève dans ces chiffres aucune influence apparente de la saison, ce qui est naturel, les eaux étant toujours à peu près à la même température. Les variations semblent tout à fait fortui- tes, et M. Percy-Frankland augmente cette impression en ajou- tant que toutes les fois qu'il lui est arrivé de trouver des nombres disproportionnés avec les précédents, il y avait des irrégulari- tés ou des interruptions dans le travail de la pompe, des répara- tions, etc. Dans le même ordre d'idées, Rubner a montré que si on re- mue la couche de vase qu'on trouve au fond de presque tous les puits, le contenu bactérien augmente et le dépôt ne se fait pas vite, ainsi que l'indiquent les chiffres suivants. 25 août avant l'agitation du fond .... 1.620 germes par ce. » à 1 heure^ agitation du fond . . 1.475.000 w 452 CHAPITRE XXIX » à -4 heures » 196.000 » » à 6 rt » 180.000 » 27 août à midi » 44.000 » 21 septemi)ro » 960 » Le puits était neuf, bien construit, et il nest intervenu aucune pollution extérieure. Il a donc fallu près d'un mois pour que le nombre des bactéries revienne au chiffre normal. Comme l'eau des sources, l'eau des puits peut donc être viciée à son émergence : elle peut de même l'être à son point de dé- part, et ne pas se purifier pendant le trajet. Il existe pour les puits une histoire analogue à celle de Lausen. La ville de Schneidemuhl a été menacée un jour par un torrent d'eau sorti d'un puits profond, dans lequel s'était écoulée, par des voies souterraines, l'eau d'un lac distant de plusieurs milles, et dont le niveau baissait tant que dura le courant sorti du puits. Con- cluons donc comme tout à l'heure, mais encore avec plus de sé- vérité, que l'eau d'un puits même profond ne présente qu'une garantie médiocre et doit toujours être surveillée. 360.Eaux des sources minérales. — Fazio a étudié, au point de vue des germes contenus, les eaux ferrugineuses de Cas- tellamare, les sources carbona^ées et sulfureuses de Telese, et les sources alcalines d'Acetosella et de Muraglione. Les chilîres qu'il a trouvé sont très faibles. Il n'y avait qu'une bactérie par ce. dans l'eau de Telese, 2 dans les sources d'Acetosella, 4 dans celles de Castellamare. Aucun chiffre ne dépasse 50, même lors- que l'eau était récoltée à la distance de quelques mètres du g'rif- fon. Fazio attribue à la présence du gaz ou des matières miné- rales de l'eau leur pureté relative. Aucun gaz ni aucun sel n'est pourtant nettement hostile à la vie bactérienne. Il est probable que la pureté de ces eaux tenait surtout à leur origine profonde, et peut-être à des actions volcaniques, sans cesse en action sur ce sol tourmenté. Beaucoup d'eaux minérales sont des eaux de couches artésien- nes, qu'une faille géologique ramène à la surface du sol après un parcours souterrain plus ou moins long, et après qu'elles ont at- teint des profondeurs telles qu'elles ont pu s'échauiïer ou se char- ger de produits divers. Il y aurait à en faire une étude au point de vue microbien, on trouverait ainsi pour jjeaucoup d'entre elles l'explication du mécanisme qui en a fait des eaux minérales. MICROBES DANS LES EAUX 453 261. E\u des lacs. — Dans un lac, les eaux du l)(»rd sont constanmient en contact avec du limon ou de la terre que les moindres mouvements de Teau remettent incessamment en sus pension. Au milieu du lac, au contraire, la sédimentation fait son œuvre purificatrice, à peine contrariée par les mouvements de la surface. Il faut donc s'attendre à trouver l'eau plus pure à nue certaine distance des rives. C'est en effet ce qu'ont vérifié MM. Fol et Dunant, qui ont trouvé 150.000 bactéries par ce. dans de l'eau prise au bord du lac de Genève, tandis qu'il n'y en avait que 38 dans l'eau prise au milieu du lac. Ces observations ont été confirmées par celles qu'a faites Karlinski sur le lac de Borke, près de Konjca, dans l'Herzég'o- vine. Ce lac est à 403 m. au-dessus du niveau de l'Adriatique ; il est entouré de hautes montag-nes et en partie alimenté par de l'eau de fusion des glaces. Au bord du lac, il y avait 16.000 ger- mes par cent, cube ; et seulement 4.000 à 200 mètres de distance du bord. Karlinski a aussi étudié la distribution suivant la profon- deur. Il a trouvé qu'elle était très inégale, mais qu'en moyenne le nombre de bactéries par ce. décroissait avec la profondeur, pour augmenter beaucoup quand on arrivait au fond vaseux. Les lacs de Zurich et de Lucerne, d'après (bramer, le lac Ka- trine, (jui alimente Glasgow, d'après Percy-Frankland, lelac de Lintrathen (jui alimente Dundee, le lac Tegel près de Berlin, celui de Schulen, qui est une expansion de l'Eider, contiennent tous, malgré leur caractère d'eaux superficielles, beaucoup moins de bactéries que les eaux courantes et sans cesse en mouvement à la surface du sol. La sédimentation fait son oeuvre, mais aussi l'action de la lumière, que nous retrouverons. 362. Eaux de mer. — Nous allons rencontrer des faits ana- logues dans l'étude de l'eau de mer. De Giaxa, à Naples, a trouvé 298.000 germes dans 1 ce. de l'eau du golfe de Naples, prise, il est vrai, au droit du débouché de l'égout de (^biatamone, tan- dis qu'il n'y en avait que 10 à 3 kil. du rivage. Russell a fait sur ce point des recherches plus étendues, portant à la fois sur la distribution en surface et la distribution en profondeur. Il a trouvé que les nombres de bactéries en pleine mer étaient toujours très faibles, à la surface comme en profondeur, mais ils ne diminuent pas régulièrement avec la distance à la côte. Il n'y a en effet au- cune raison pour cela. 454 CHAPITRE XXIX S63. Eaux courantes superficielles. — Nous arrivons enfin aux eaux courantes superficielles, et ici les documents sont si multiples qu'il faut faire un choix. Il ne servirait à rien de citer les chiffres obtenus par divers observateurs pour différentes ri- vières ou différents fleuves : ces chiffres sont à la fois trop nom- breux et trop variables. Ils constituent des documents d'impor- tance surtout locale : nous n'en prendrons que ce qu'il nous en faudra pour démontrer des faits généraux, et nous les em- prunterons de préférence aux travaux de M. Miquel, le savant qui a fait de toutes ces questions l'étude la plus longue et la plus patiente. 864. Influence de la saison. — Tout d'abord, puisqu'il s'agit ici d'eaux superficielles, dont les variations de température sont sensibles, nous devons trouver, au moins dans les moyennes d'un grand nombre d'années, une influence de la saison. Voyonsce que donne l'expérience. Voici les chiffres moyens trou- vés à Paris par M. Miquel, depuis l'origine de ses études, pour l'eau de Marne et pour l'eau de Seine en trois points différents de son parcours dans Paris, à l'entrée, au milieu du trajet et à la sortie. Marne à St-Maur Seineàivry Seine au Pt d'Austerlitz Seine à ChalUot Hiver 458.000 dOO.OOO 144.000 274.000 Printemps . . 46.000 96.000 77.000 162.000 Eté 23.000 29.000 67.000 415.000 Automne. . . 120.000 75.000 112.000 232.000 Contrairement à ce qu'on aurait pu croire, c'est au printemps et en été que les chiffres sont les plus faibles, et ce fait est géné- ral, ainsi que le montrent les chiffres suivants, relatifs aux deux fleuves qui alimentent Londres, la Tamise et la Léa. Ils ont été déterminés par Percy-Frankland, et sont la moyenne de 1886, 1887 et 1888. Tamise à Hampton Léa à Chingford Hiver 38.700 28.700 Printemps . . 11.000 5.000 Eté 5.500 5.000 Automne . . . 28.600 27.700 On pourrait relever, dans les nombreuses déterminations fai- MICROBES DANS LES EAUX 455 tes sur la Sprée à Berlin, sur la Limmat à Zurich, et ailleurs, des faits analogues, qui apparaîtraient peut-être moins nettement, attendu que les observations ont été moins régulières. Ils nous conduiraient à la même conclusion : c'est au moment où la tem- pérature de l'eau est la plus élevée que les germes y sont les plus rares. Ce paradoxe apparent s'explique facilement quand on songe que, en été, l'alimentation des rivières se fait surtout au moyen des eaux de sources et des eaux de la couche des puits, tandis qu'en hiver, ce sont des eaux de ruissellement qui en aug- mentent le volume. C'est surtout ce ruissellement par les eaux d'arrosage qui provoque l'augmentation considérable en été du nombre des microbes dans les eaux de la Seine étudiées à Chaillot. A cette première cause il faut en ajouter une autre, que nous examinerons bientôt à loisir : c'est l'influence purificatrice de la lumière solaire, plus active en été qu'en hiver. On retrouve les mêmes influences saisonnières dans l'étude des eaux de sources qui alimentent Paris. Ces sources sont d'iné- gale valeur. Celles de la Vanne surtout, maintenant qu'on a sup- primé l'apport d'un certain nombre de drains superficiels expo- sés aux contaminations, proviennent de filtrations poreuses assez parfaites et sont les plus pures. Viennent ensuite celles de l'Avre, où la filtration poreuse est moins assurée. En dernière ligne viennent celles de la Dhuis. Avec ces sources, la variation de température de l'hiver à l'été est très petite, même après le parcours plus ou moins long fait pour arriver aux réservoirs. Elle ne peut donc jouer qu'un rôle secondaire, mais nous allons retrouver dans la moyenne la variation saisonnière due à l'inter- vention des eaux superficielles dans l'alimentation des sources. Voici les chiffres indiquant les nombres moyens de bactéries par ce. trouvés pendant la période inscrite à côté du nom de la source. Les eaux ont été prélevées à l'arrivée dans les ré- servoirs : Hiver . . . . Vani le 1888-1895 1840 940 720 940 1110 Dhuis 1889-1895 6565 1910 1045 6680 4050 Avre 1893-1896 3185 Printemps. . . Eté Automne . . , Mov. annuelle . 1115 1935 1490 1930 456 CHAPITRE XXIX 265. Influence des agglomérations humaines. — Cette in- fluence se traduit déjà dans les chiffres ci-dessus par l'augmen- tation notable du nombre des bactéries dans la traversée de la Seine à Paris. Cette augmentation est trop naturelle pour que nous insistions. Nous nous bornerons à fournir quelques chifï'res qui peuvent en donner une idée pour divers fleuves. Rhône au-dessus de Lyon (G. Roux, 1890). 75 — au-dessous — — 800 Saône au-dessus de Lyon — 586 — au-dessous — — 4.280 Sprée en entrant à Berlin (Frank, 5 mai 4886) 4.300 Sprée en sortant de Berlin (.Frank, 5 mai 1886) 97.400 Main avant Wurlzboug (Rosenberg, fé- vrier 1886) 320 Main après Wurtzbourg (Rosenberg, fé- vrier 1886) 15.500 Liminat avant les égouts de Zurich (Schlat- ter, 1889) 1.620- Limmat après les égouts de Zurich (Schlat- ter, 1889) 27.040 Toute agglomération animale ou humaine, si petite qu'elle soit, doit, en effet, augmenter le nombre des microbes des eaux courantes, en se déchargeant sur elles de tous ses résidus. La force des choses fait des fleuves et des rivières des égouts, et il ne servirait à rien de s'y opposer. Nous verrons bientôt qu'à côté de ce phénomène naturel qui les souille, il y en a d'autres qui les purifient. Pour le moment, nous aboutissons à cette conclu- sion, que si l'eau est moins peuplée que le sol, il y a au moins des chances pour que les germes soient les mêmes. Et comme tous les germes, pathogènes ou non, sont contenus dans le sol, tous les germes, pathogènes ou non, peuvent arriver dans les eaux. Tous, il est vrai, n'y ont pas la même fortune : les uns y persistent et y vivent, les autres y périssent plus ou moins vite. Mais tous peuvent y exister et nous revenir avec les eaux ména- gères ou les eaux potables. De là une nouvelle question qui se dresse. Nous venons d'étudier la quantité, étudions la qualité. 266. Qualité des germes contenus dans les eaux. — MICROBES DANS LES EAUX 457 Dans l'étude de cette qualité, nous pouvons laisser do suite de côté tous les germes banaux, tous les saprophytes. S'il n'y avait qu'eux au monde, la question des eaux n'existerait pas au point de vue microbien, et toutes nos numérations seraient des chi- mères. Qu'importerait, en effet, qu'une eau contienne quelques centaines de germes de plus ou de moins par cent, c, lors- qu'arrivée dans la bouche, dans l'estomac et surtout dans l'intes- tin, elle y en trouve des milliards ? Mais il y a les bactéries pa- thogènes, et parmi celles-ci il y a surtout les agents des maladies transmissibles par l'eau. Quelle est la grandeur du danger qu'ils nous font courir? Existent-ils dans l'eau seulement en temps d'épidémie, ou y séjournent-ils d'une façon continue, une fois qu'ils y ont été implantés, de façon à pouvoir y devenir l'ori- gine d'épidémies nouvelles, filles posthumes de la première? Voilà évidemment une question importante, purement bactério- logique, et qu'on a beaucoup étudiée. Elle l'a été d'autant plus et d'autant mieux qu'elle a été le champ clos de deux écoles rivales, l'Ecole de Munich et l'Ecole de Berlin. La première, dont le chef est Max de Pettenkofer, soutient depuis longtemps que l'explosion d'une épidémie dé- pend d'une certaine combinaison temporaire de circonstances locales dont elle s'efforce de saisir la loi. Dans ces circonstances locales entrent beaucoup d'éléments, la nature du sol, du sous- sol, le niveau des eaux souterraines, etc. Je ne parle pas du mi- crobe, qu'on ne connaissait pas au moment où la théorie est née, qu'on appelait un miasme^ et qu'on faisait provenir tantôt de l'air et tantôt du sol, c'est-à-dire qu'on considérait tantôt comme une circonstance locale, tantôt comme une circonstance de temps. A côté des conditions de lieu que nous venons d'é- numérer, il y avait, en effet, des conditions de temps et de sai- son, température, degré d'humidité, direction du vent, qui étaient nécessaires pour l'apparition et l'évolution d'une épidé- mie, et c'était à préciser la nature et la proportion de ces condi- tions diverses que s'employaient l'Ecole de Munich et son illus- tre chef. En présence de cette l'.cole, Koch en avait élevé une autre, qui s'inspirait davantage des données de la bactériologie, et qui, étudiant des microbes qu'elle voyait, et non des miasmes qu'elle ne voyait pas, était plus disposée que la première à prendre pied 458 CHAPITRE XXIX dans les réalités. Pour elle, c'était le microbe qui faisait tout, et qui, passant du malade au sol, du sol à l'eau, et revenant par les eaux potables, était le seul élément qu'il fût nécessaire d'ar- rêter au passage pour supprimer l'épidémie et l'empêcher de renaître. On voit par là que ce n'était pas seulement une question de doctrine et de théorie qui se discutait entre les deux écoles : c'était aussi une question d'application et d'hygiène. La doctrine qui attribue les maladies microbiennes au transport des germes par les eaux de boissons est simple, nette, précise dans ses in- dications, et, par conséquent, dans ses méthodes prophylacti- ques. Elle nous dit où est l'ennemi, nous apprend à le connaître en nous décrivant sa physiologie, et nous met ainsi dans les meilleures conditions pour l'atteindre. Toute autre est la doc- trine de Pettenkofer, qui, en accusant des influences vagues de temps, de lieu, en faisant dépendre d'une foule de facteurs le développement d'un cas isolé ou d'une épidémie, nous laisse à la fois ignorants des diverses sources de dangers et effrayés de leur multitude. La Trinkwassertheorie de l'Ecole de lîerlin est active. La Grundwassertheorie^ qu'elle le veuille ou non, est pas- sive, et l'hygiéniste doit faire un choix. Voyons, à propos de quelques maladies, ce que dit l'expérience. 367. CJioléra. — C'est le choléra qui a fait naître la théorie de Pettenkofer, et qui est resté depuis son terrain de prédilec- tion. S'il y a, en effet, une maladie dont l'étiologie mette enjeu des conditions de temps et de lieu, c'est bien celle-là. Le choléra est endémique dans certaines régions. Voilà le lieu. Dans ces régions, il ne sévit pas constamment. Il a des sommeils plus ou moins prolongés et des réveils brusques. Voilà la question de temps. Quand il quitte les régions dont il est originaire, il tient compte aussi des temps et des lieux. Il préfère certaines saisons à d'autres, et ne préfère pas les mêmes partout. De plus, dans une même contrée, il respecte telle partie, telle ville, tel quar- tier, alors qu'il dévaste le voisinage. Cette espèce d'inondation ne recouvre pas tout le territoire qu'elle envahit. Elle a ses îlots qui demeurent intacts, et ses bas-fonds ou ses courants où les désastres s'accumulent. A quoi peut tenir cette localisation dans le temps et dans l'espace? » MICROBES DANS LES EAUX 459 A cette question, l'École de Berlin a répondu d'abord que la dissémination de l'épidémie était en rapport étroit avec la dissé- mination variable du bacille cholérique, et, en conséquence de cette idée, elle s'est attachée à rechercher le microbe là où la ma- ladie existait, et à constater son absence là où il n'y avait pas d'épidémie. Koch est arrivé le premier à ce résultat à Calcutta, au moyen de cultures sur gélatine alcaline, et, depuis lui, beau- coup de savants ont trouvé des bacilles cholériques dans les puits, rivières ou fleuves de régions ayant subi depuis plus ou moins longtemps une épidémie de choléra (Nicati et Rietsch à Marseille, Cunningham dans l'Inde, Pasquale à Massaouah, C. Fraenkel à Duisbourg, Biernacki à Lublin, Lubarsch à Hambourg,, etc.). Mais il y avait des cas où on ne découvrait pas de bacilles dans des eaux auxquelles on était obligé, par d'autres argu- mentSj d'attribuer un rôle actif dans la propagation d'une épi- démie. On a imaginé alors des méthodes de plus en plus déli- cates de recherche, en précisant les conditions de culture qui pouvaient convenir au microbe du choléra, et ne convenir qu'à lui. On peut, ces conditions connues, les faire servir à multiplier les germes du choléra dans une eau qui n'en contient que quel- ques unités, et permettre ainsi de les déceler. La méthode la meilleure est aujourd'hui d'ajouter directement à 100 ce. de l'eau suspecte 1 gr. de peptone et 1 gr. de sel marin, et de por- ter le tout à l'étuve à 37°. Après 10, 15 ou 20 heures, on fait avec ce liquide des plaques de gélatine ou de gélose. On étudie au microscope les colonies obtenues. On les ensemence, de fa- çon à voir si elles donnent la réaction de l'indol, et on les ino- cule à des animaux. Mais alors il est arrivé que cette méthode perfectionnée a montré des bacilles cholériques^ non pas seulement dans les eaux de régions ayant ou ayant eu le choléra, mais dans celles de régions depuis longtemps indemnes, ou n'ayant jamais souf- fert de cette maladie (Rénon à Billancourt, Russell dans le golfe de Naples, Fokker à Groningue, Kiessling à Blankenese, Blachstein et Sanarelli dans l'eau de Seine). Dunbar, Oergel et Willgerodt, sur 1.100 échantillons d'eaux puisées le long du cours de divers fleuves, l'Elbe, le Rhin, l'Oder, l'Amstel, etc., ont retrouvé dans une centaine de cas des vibrions en tout iden- 460 CHAPITRE XXfX tiques, au uioius eu apparence, auK vihi'ions du choléra les plus authentiques. Très souvent, ces vibrions clos eaux prove- naient de régions où le choléra avait fait une apparition, mais il y en avait aussi provenant de localités indemnes, et, après avoir bien cherché, il a fallu renoncer à trouver des caractères diffé- rentiels saisissables et constants entre les vibrions de ces di- verses origines. La dernière tentative, et jusqu'à ce moment la plus fructueuse dans ce sens, est celle de M. R. Pfeiffer, qui met à profit le phénomène qu'il a découvert de la dissolution lente des bacilles cholériques, injectés dans le péritoine d'un animal avec un peu de sérum d'un animal vacciné contre le choléra. Après avoir fait une culture sur gélose de la bactérie suspecte, on racle, au moyen d'une anse de fil de platine, un peu de la pellicule, et on la di- lue dans 1 ce. de bouillon, avec 0,01 ce. de sérum d'animal immunisé contre le choléra. Le mélange est injecté dans le péri- toine d'un cobave de 200 à 300 st. Au bout de 20 minutes, on prend, au moyen d'un tube capillaire, une goutte du liquide pé- ritonéal, et on l'étudié en goutte pendante et par la méthode de coloration. Si, en goutte pendante, on trouve encore des vibrions actifs et mobiles, les microbes inoculés ne sont pas de vraies bactéries du choléra. Si, au contraire, les microbes sont immo- biles, et si, en préparations colorées, on les voit granuleux et comme segmentés sur toute leur longueur, il y a encore deux possibilités : ou bien la culture à l'épreuve n'a aucune propriété pathogène, ce qui veut dire que les bactéries sont dissociées et dissoutes dans l'animal normal sans Tintervention du sérum ; ou bien c'est le contraire. On fait le contrôle en inoculant une anse de la même culture à un animal avec 0,01 ce. de sérum normal Si, après 20 minutes, les bacilles du péritoine de cet animal sont encore vivants et mebiles, leur nature cholérique est certaine. On voit que cette réaction, comme toutes les autres, est très assurée dans tous les cas extrêmes, mais reste indécise dans les cas moyens, les plus nombreux et les plus intéressants pour la théorie. Y a-t-il une limite entre le bacille cholérique virulent et celui qui ne l'est pas ou qui ne l'est plus? Si oui, on peut affirmer qu'elle n'est pas trouvée. Si non, il faut admettre que le bacille n'est pas tout, que l'École de Berlin avait tort en MICROBES DANS LES EAUX 461 lie voyant (jue lui^ et que rKcole de Munich avait raison craccii- scr des circonstances de temps et de lieu, car ces circonstances peuvent augmenter ou diminuer la virulence du microbe. Metch- nikolt a commencé à marcher dans cette voie en découvrant l'in- fluence que peut avoir l'association du microbe cholérique avec des microbes favorisant son dévelop[)emcnt dans l'intestin, et il ne semble pas douteux ({u'il y ait de ce côté de grandes décou- vertes à faire. S68. Fièvre typlioïde. — Les développements dans lesquels je viens d'entrer au sujet du choléra me permettront d'être l)ref au sujet de la fièvre typhoïde, dont l'histoire est pour ainsi dire la môme. Ici les tenants des deux théories rivales. Murchison d'un côté, Budd de l'autre, sont en présence depuis 1850, Murchison ne niant pas le rôle des eaux potables, mais accusantsurtout des in- fluences vagues de putréfaction ; Budd, au contraire, ne parlant pas de microbes, mais croyant à un germe spécifique. Le difficile, là comme dans le choléra, a été de moutrerles coïncidences entre la présence du bacille de Gafi'ky et l'existence de la maladie. 11 y avait des cas nombreux où cette existence se manifestait, et de nombreux cas où on ne trouvait aucune trace de bacilles typhi- ques dans les eaux les plus suspectes d'avoir disséminé la fièvre typhoïde (Gaffky à Wittenberg en 1882, Cramer à Zurich en 1884, Hauser à Freiberg en 1884 et 1885, Plueppe à Wiesbaden, Vilden à Francfort, Lôffler à Stettin en 1888, Brouardel etChan- temesse à Lorient, Pouchet à Joigny, etc ) A ces incertitudes se joignaient des doutes sur les bacilles trouvés : étaient ce bien réellement des bacilles typhiques ? 11 a donc fallu étudier la physiologie des bacilles tirés de la rate des typhoïsants, pour les différencier d'un bacille normal de l'intestin qui lui res- semble i)eaucoup, \e bacillus coli^ et des autres bacilles qui l'ac- compagnent dans les eaux souillées. Le meilleur procédé de distinction a consisté longtemps à ensemencer simultanément, dans des expériences de comparaison, les bacilles suspects, le b. coli, et un bacille typhique authentique, sur divers milieux. On choisissait la pomme de terre, le lait stérilisé, que le bacille typhique ne coagule pas, le l^ouillon où il ne foime pas d'indol, le jus de viande sucré où il ne donne pas de (légagement ga- zeux, le lait alcalinisé et bleui par le tournesol, dont il ne 462 CHAPITRE XX[X change pas la couleur, etc. Toutes ces réactions séparent assez bien le h. coli du bacille typhique, mais restent souvent indé- cises en présence des pseudo-typhiques qu'elles rangent, les unes du côté du b. coli, les autres du côté du bacille typhique. M. Widal a proposé tout récemment une autre méthode de dis- tinction. Quand on met en contact du sérum de typhique avec une culture jeune de bacille typhique, cette culture, uniformément trouble, s'agglomère en fins grumeaux qui nagent dans un liquide limpide. C'est un phénomène anah^gueà celui de la clarification d'une eau tenant en solution des substances argileuses. Ce phéno- mène de coagulation peut être produit avec les mêmes carac- tères extérieurs par un certain nomljre de substances coagu- lantes, et aussi par d'autres corps agissant, en proportions très faibles, à la façon des sels de calcium, de magnésium ou d'a- luminium sur les eaux tenant de l'argile en suspension. Mais la substance inconnue qui donne au sérum de typhoïsant cette pro- propriété coagulante pour les cultures a ceci de curieux, qu'elle coagule et agglomère les cultures de bacille typhique et point celles de b. coli. Son importance est donc grande au point de vue médical, car elle permet de savoir si un malade souffre de la fièvre typhoïde ou d'une autre maladie. Mais quand il s'agit de distinguer les bacilles pseudo-typhiques rencontrés dans les eaux des vrais bacilles typhiques, elle reste parfois indécise, et nous laisse dans le même embarras qu'à propos des bacilles pseudo-cholériques. 369. Cliarbon. — Nous retrouverions ce même embarras à propos de beaucoup d'autres microbes. Voici, par exemple, la bactéridie charbonneuse. Elle est assez facilement reconnaissa- ble quand elle est douée de toute sa virulence. M. Pasteur nous a appris à la séparer du sol en soumettant la terre suspecte à une lévigation qui laisse déposer les parties les plus lourdes. On chauffe à 90 degrés, pendant 20 minutes, les dépôts les plus fins, on les délaie ensuite dans un peu d'eau de levure, et après les avoir laissés quelques heures, en mince surface, à l'étuve à 30-35°, on les inocule à des cobayes et des lapins, qui meurent lors- qu'il y a, dans le mélange inoculé, des bactéridies virulentes. C'est par cette méthode que Diaptroptoff a retrouvé, en 1893, des bactéridies virulentes dans l'eau des puits d'une propriété où, trois fois de suite, des moutons bien portants, venant d'une MICROBES DANS LES EAUX 463 autre propriété, avaient été atteints par le charbon. Mais Pasteur nous a montré que cette l)actéridie pouvait, par des voies natu- relles, être destituée peu à peu de toute virulence, et devenir par suite méconnaissable. Si ces actions se produisent dans un cadavre charbonneux ou dans la terre qui l'entoure, et précé- dent, ainsi qu'il est logique de le croire, la mort de la bactéridie, qui survient toujours, comme nous l'avons vu, au bout d'un temps plus ou moins long-, quel moyen aurons-nous de distin- guer ces bacilles dégénérés, ces fausses bactéridies des vraies ? Nous sommes évidemment là en présence d'une question géné- rale. Pour les bacilles cholériques comme pour les bacilles typhiques et pour les bactéridies, il y a probablement toutes les transitions possibles entre l'état virulent qui les rend pathogènes, et l'état non virulent qui en fait des espèces saprophytes. C'est pour cela qu'aucune méthode, si délicate qu'elle soit, n'arrive à les distinguer. Et de même que nous avons trouvé que le sol et les eaux contenaient toutes les espèces de germes vivants, de même nous concluons maintenant qu'ils contiennent toutes les variétés d'une même espèce, depuis la plus dangereuse jusqu'à la plus inolFensive. Cela ne veut pas dire, bien entendu, qu'il y en a partout, et de tous les degrés de virulence. Ilest clair que les plus virulentes se rencontreront autour d'un foyer d'épidémie, au voisinage d'un cholérique, du cadavre d'un typhique ou d'un charbonneux. Par là, les mesures d'hygiène auxquelles nous sammes astreints sont les mêmes que siles bacilles typhiques, cholérique, charbon- neux étaient des espèces fixes et toujours dangereuses. Théorique- ment et pratiquement, rien n'est changé à nos devoirs en matière de prophylaxie par ce que nous savons de la variation de viru- lence dans une espèce pathogène. Nous contractons seulement un devoir en plus. Nous savons que ces espèces, lorsqu'elles ne sont pas atténuées à fond, peuvent récupérer leur virulence dans cer- taines conditions. De là la nécessité de les surveiller, même lorsqu'elles sont inoffensives. De là aussi cette conclusion que le choléra, pas plus que la fièvre typhoïde, pas plus que le char- bon, ne sont pas nécessairement d'importation extérieure quand Ds éclatent quelque part. Toutes ces notions, importantes pour l'hygiène et l'étiologie, méritaient d'être mentionnées dans ce livre, car elles résultent, comme on voit, uniquement, des décou- vertes de la bactériologie. CHAPITRE XXIX BIBLIOGRAPHIE MiQUiiL. Annuaire de Montsoui'is, 1888. Th. Janowski. Sur la richesse de la neige en bactéries ; Ceniralbl. f. Baci., t . IV, p. 547, 1888. 0. BujwiD. Sur t!es bactéries trouvées dans la grêle; Annales de l'inslitut Pdsleur, t. I, 1887. W. FouTiN. Recherches bactériologiques sur la grêle ; Ceniralbl. f. Bact., 1890. L. ScHMELCK. Une bactérie de glacier ; Id., t, IV, p. 545, 1888. M. Prudden. Sur les bactéries de la glace, etc. ; yew-York médical Record, •^Q mars et 8 avril 1887. Bordoni-Uffreduzzi. Etude bactériologique de la glace dans les rapports avec la santé publi(iue ; Ceniralbl. f. Bukt., t. II, 1887. Breunig. Recherches bactériologiques sur l'eau potable de Kiel en août et septembre 1887 ; Kiel 1888. LiBBERTZ. Arb. a. d. k. Gesundheilsamt, t. I, p. 560, 18S6. Percy-Franklani). Nouveaux aspects de la filtration et des autres méthodes de traitement de l'eau ; Journal of the chein. induslnj, 1885. Heyroth. 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Mode d'extension et prévention du choléra d'après les nouvelles données épidémiologique.s et les recherches expérimentales ; ZcHschr. f. Hijg., 1893, avec une bibliographie. Lœsener. Arb. a. d. kais. Ges.-Amte, t. XI, 1895 avec une bibliographie com- plète sur le bacille typhlque. Fazio. Les microbes des eaux minérales ; Naples, 1888. Fol et Dunant. Recherches sur le nombre des germes vivants ([ue renfer- ment quel(|ues eaux de Genève ; Genève 1881. Karlin>ki. Sur la distribution des bactéries dans les pr.inds réservoirs d'eau ; Ceniralbl. f. V,act.. t. XII, p. 220, 1892. De Giaxa. Zeiisckr. f. Hyn-, t. XI, p. IS6. 1889. RussEJLL. Zeilsck. f. Jlijy., t. XII, p. 177, 1891. CHAPITRE XXX MULTIPLICATION DES BACILLES DANS L'EAU Que deviennent dans Teau les bacilles empruntés aux cou- ches du sol ? A cette question les notions que nous possédons nous permettent de faire une réponse théorique. Il y a toujours, dans les eaux les plus pures, assez de matière organique pour nourrir, au moins pendant un certain temps, des millions d'in- dividus. D'un autre côté, les germes étant très variés dans le sol, ils sont aussi très variés dans l'eau, et il y en aura toujours quel- ques uns qui pourront s'accomoder de la matière organique présente. Une eau quelconque est donc un bouillon de culture pour quelques-uns au moins des germes présents, et s'ils ne sont pas trop nombreux déjà, ceux-là vont se multiplier, pour dispa- raître ensuite en plus ou moins g-rand nombre lorsque le milieu sera épuisé. C'est ce que nous avons déjà vu pour les microbes du sol (337). S'ils sont au contraire très nombreux au début, comparativement à la quantité totale de matière organique pré- sente,ils ne se multiplieront guère, et entreront plus ou moins vite dans une période de déclin. Voyons si l'expérience est d'accord avec ces conclusions générales, et en quoi elle les précise. STO. Augmentation et diminution ultérieure du nombre des microbes. — Percy-Frankland parait avoir le premier ob- servé la multiplication rapide des microbes dans une eau addi- tionnée de quelques gouttes d'urine. Leone a fait ensuite la même observation pour une eau pure, celle de Mangfall,à Munich. Il a trouvé les chiffres suivants pour le nombre des bactéries par cent. cube. Au moment de la prise d'eau 5 A]très 24 heures en flacon stérilisé 100 .. 2 jours ^> 10.500 .. :-5 » » 67.000 » 4 » » 315.000 » S » » plus de SOO.OOO 30 466 CHAPITRE XXX Meade Bolton et Heraeus ont fait des constatations analogues, et nous pouvons de suite en tirer une conclusion pratique : c'est que l'analyse bactériologique d'une eau doit, autant que possible, être commencée à la source. 11 faut au moins répartir de suite l'eau qu'on vient de puiser dans les gélatines nutritives. En aucun cas, il ne faut la laisser séjourner dans les flacons ni la faire voyager trop longtemps, même en présence de la glace, qui gêne, comme nous le verrons, mais n'arrête pas la multiplication. Ces notions sont donc très importantes au point de vue pratique, nous allons voir qu'elles ne le sont pas moins pour la théorie. Cramer, en conservant pendant 70 jours des eaux du lac de Zurich, a fait en effet cette découverte importante que leur multi- plication originaire est suivie d'une diminution. Le tout se tra- duit par les chiffres suivants : Au début 143 mie. parce. Après 24 heures 12.457 » » 3 jours 328.543 » » 8 » 233.4o2 » » 17 » 17.436 » )) 70 » 2.500 » Et Miquel, dans le même ordre d'idées, a vu que de l'eau de Seine, contenant à l'origine 4.800 bactéries par ce, n'en conte- nait plus que 220 après 9 ans de conservation. Un échantillon d'eau de Vanne, contenant 66 microbes, était devenu stérile au bout de 10 ans. Les expériences ultérieures de Percy-Frankland en Angleterre, de Meade Bolton et de Kriiger en Allemagne, montrèrent ensuite que la multiplication était plus ou moins rapide dans les diver- ses eaux, qu'elle dépendait de la température, et surtout, ce qui est plusimportant, qu'elle était proportionnellement moins grande dans une eau naturelle, qui contient beaucoup de microbes, que dans la même eau filtrée, qui en contient moins. Voici quelques chiffres à l'appui de cette notion. Tamise à Hampton au moment de la prise 12.250 mie. par ce. même eau après 4 jours à 20** 2.018 » Tamhe, enn ûhvée TpRV la gi^and Junction Co .... 4.894 » même eau après 5 jours à 20° 15,9.50 » S"?!. La multiplication est réelle. — Ces phénomènes MULTIPLICATION DES BACILLES DANS L'EAU 467 d'augmentation et de diminulion du nombre des bactéries, môme dans les proportions indiquées par quelques-uns des chifï'res qui précèdent, n'avaient rien de bien mystérieux. Les 250.000 microbes trouvés dans chaque cent, cube de l'eau du Mangfall ne pesaient sûrement pas, à eux tous, 1/1000 de milligramme, et avec 1/100 de milligramme de matière organique, c'est-à-dire avec 10 milligrammes par litre, ils auraient eu chacun plus de 10 fois son poids d'aliments à consommer. Les bactériologistes ont pourtant été surpris de ces augmentations rapides, et se sont de- mandé s'ils n'étaient pas victimes d'une cause d'erreur. On pouvait expliquer ce qu'on observait en admettant que l'augmentation était due, uon à une multiplication, mais à la dis- location de zooglées, de colonies qui, agglutinées au début, se dissémineraient ensuite dans le liquide, et s'agglutineraient à. nouveau ensuite de façon que chacune d'elles, ne formant qu'une colonie sur la gélatine, ne serait comptée, à l'origine et à la fin, que pour un seul germe, alors qu'elle comprendrait des milliers d'individus. Pour éliminer cette objection, Meade Bolton a fait une expérience dans laquelle il a ensemencé 7 fois de suite en série, dans une même eau stérilisée, un bacille de l'eau qui s'y cultivait bien, le bacillus aqitaùlis, en empruntant à chaque fois la semence à l'échantillon d'eau ensemencé précédemment, au mo- ment où le peuplement était le plus abondant. La multiplication s'est toujours faite de la même manière. On ne saurait donc ac- cuser aucune dislocation de zooglées, et c'est bien une série de générations qui peuplent le liquide. Naturellement ces générations se succèdent plus rapidement à l'étuve. Naturellement aussi, comme l'eau contient toujours des espèces que nous avons appelées psychrophiles(l4'7),et qui s'ac- comodent de la température moyennement assez basse des eaux du globe, la multiplication pourra continuer, tout en restant moins active, à des températures voisines de zéro. Je n'insiste pas sur toutes ces notions, qui découlent de ce que nous avons appris dans les chapitres précédents. Il y a quelques points plus inté- ressants qui méritent de nous arrêter. STS. InjOLuence du nombre initial des bactéries. — Nous avons vu qu'avec la môme eau de Tamise, filtrée et non filtrée, c'était la première, la plus pauvre, qui se peuplait le plus. Ceci a 468 CHAPITRE XXX le droit de nous surprendre. L'eau filtrée était plus pure et con- tenait moins de matière organique que l'eau non filtrée, au moins selon toute apparence. Comment éiait-elle plus nutritive ? ou, si elle ne l'était pas, de quoi dépend l'augmentation survenue ? Nous allons trouver quelques lumières sur ce point dans un tra- vail de M. Miquel, qui a étudié la multiplicjition des bactéries dans un certain nombre d'échantillons d'eau dont nous ne re- Jombie de bactéries par ce. lOOOOOO 300 000 300000 700 000 600 000 500 000 400.000 300000 200 000 lao.ooû Jours 0 10 £0 SO '40 50 Fig. 58. — Variation avec le k-inps des nombres de bactéries contenues dans deux eaux de source et dans deux eaux de rivière. n Vcipn.fi M /^ \ 1 1 1 > / « 1 \\ ] \\ 1 \ \ 1 \ \ if \ ^'C** ►"^^^ ►♦4.«-*++ *■»+■»•+■• u- r-.r tiendrons que 4 : deux échantillons d'eaux de sources, la Vanne et la Dhuis, contenant tous deux à Forigine moins de 500 germes par centimètre cube, et deux échantillons d'eaux de rivières, la Marne et rOurcq,ce dernier contenant au départ 8.000 germes par ce. La figure ci-dessus donne une idée très nette des diftérences MULTIPLICATION DES BACILLES DANS L'EAU 469 présentées. En prenant les deux extrêmes, dans l'eau de Vanne, le nombre, primitivement de 150, dépasse un million le 6* jour,et retombe ensuite, après une oscillation, à quelques milliers. Dans Fcau de rOureq. le chiffre initial de 8.000 a mis 22 jours pour monter à son maximum de GO. 000 environ, et s'y est maintenu à peu près jusqu'au 60" jour. On pourrait croire qu'il y a là une question de nature chimique d'eaux. Mais on retrouve les mêmes phénomènes avec la même eau. L'eau de Seine, puisée à Ivry, montre une tendance à se comporter comme les eaux de sources. Les germes s'y multi- plient d'aljord beaucoup pour y décroître ensuite. Mais au mo- ment des crues, quand le nombre des microbes atteint 20.000 et 30.000 par ce, elle se comporte comme Feau de l'Ourcq ; elle ne peut plus donner les multiplications rapides et peu du- rables que l'eau de la Vanne présente d'une façon presque régu- lière. Nous avons vu d'ailleurs (SS7) qu'il en est de même pour les germes du sol. Ceux de la surface, très nombreux, n'augmen- tent guère avec le temps dans l'échantillon prélevé ; ceux des profondeurs, plus rares, subissent au contraire une forte augmen- tation temporaire suivie d\uie diminution. Le phénomène est donc général, et son explication doit l'être aussi. En somme, à ne consulter que les apparences extérieures, cette augmentation des germes ressemble à l'explosion d'une maladie épidémique dans l'échantillon de sol ou d'eau qui en est le siège.et la ressemblance s'accuse en ce que une eau, déjà fortement envahie, ne permet plus la facile évolution des bacilles qui l'ha- bitent. Vis-à-vis de ses microbes, l'eau de l'Ourcq q^\ vaccinée, et ne peut plus être malade. Des questions de concurrence vitale, que nous retrouverons, font même qu'elle est protégée par sa population contre une invasion extérieure. L'eau de Vanne au contraire est vierge, et celui de ses germes qui peut s'y dévelop- per l'envahit dès que les circonstances lui deviennent favo- rables. 373. Influence du cliauffage. — Suivons cette idée qui at- tribue l'immunité relative des eaux de l'Ourcq à des matières vaccinales ou toxiques qu'y aurait déposées un premier dévelop- pement. Que peuvent être ces substances ? M. Miquel a montré qu'il y en avait de volatiles ou de destructibles par la chaleur, et 470 CHAPITRE XXX d'autres qui sont fixes. Une eau qui ne donne pas de multiplica- tion microbienne les premiers jours prend cette propriété quand on l'a soumise à l'ébullition. Et, d'autre part, quand on évapore à douce température, sans dépasser 30° à 35", une eau de l'Ourcq, la solution concentrée qu'on obtient peut, introduite dans l'eau de Vanne, enlever à celle-ci la faculté de favoriser la multiplica- tion de ses microbes. On trouve une confirmation intéressante de cette observation dans le Compte-rendu des travaux du Bureau d'hygiène de Mas- sachusets. On a fait bouillir pendant 1 heure de l'eau du service dans un ballon relié avec un condenseur, de façon qu'il y eut chauffage sans pertes par évapora tion. Après refroidissement, on a mélangé cette eau stérilisée avec 1/10 de son volume d'eau non bouillie, pour l'ensemencer. A côté on a disposé un flacon de contrôle, rempli d'eau non bouillie, et les 2 flacons ont été conservés à la même température. Voici les nombres de bacté- ries par cent. cube. Eau non bouillie Eau bouillie 14 mai, au début 196 3 17 » 79 74.880 21 » 31 162.800 27 » 759 90.000 4 juin 12 403.500 7 » — 63.000 10 » — 128.000 13 » — 530 La substance qui empêche la multiplication est donc une sub- stance que la chaleur détruit et qui n'est pas minérale, car, à ce dernier point de vue, les deux eaux que nous venons de comparer sont tout à fait identiques. ST^:. Influence de l'oxygène. — Mais nous n'avons résolu tin premier problème que pour en soulever un second. Pourquoi les eaux relativement pures des sources attendent-elles le mo- ment de leur récolte pour se peupler? Il y en a qui ont sûrement un parcours souterrain plus ou moins long. Comment ne le met- tent-elles pas à profit pour la multiplication des germes qu'elles contiennent? Quand on se pose cette question, on songe de suite, pour répondre, à l'influence de l'oxygène. MULTIPLICATION DES BACILLES DANS L'EAU 471 Une expérience de Percy-Frankland la. démontre. Ce savant a rempli, avec de l'eau de la Tamise à Hampton, une bouteille qu'il a fermée par un bouchon et laissée en repos, pendant 7 jours, à une température moyenne de 10". Au bout de ce temps elle contenait 300 bactéries par ce. On la distribua alors dans des vases fermés par des tampons de coton, qui furent exposés les uns à 8", les autres à 19", et qui, examinés à divers intervalles, donnèrent les chiffres suivants : à 8° à 49o Le 6e jour 560.000 45.000 « 42® « 166.000 30.000 « 49e « 58.000 31.000 L'eau portée à l'étuve à 19" avait évidemment passé par son maximum avant le 6« jour et déclinait depuis. Elle était arrivée au bout de 12 jours à un état moyen d'équilibre. Celle qu'on avait mise à 8" avait subi une multiplication plus lente, dès qu'elle avait été au contact de lair. Wolfhugel et Riedel avaient déjà observé des différences ana- logues dans des flacons fermés avec des bouchons de caoutchouc ou des tampons de coton, et les avaient attribuées à la plus ou moins facile pénétration de l'oxygène. STS. Influence de l'acide carbonique. — Ces résultats sont d'accord, dans leurs traits généraux, avec ceux qu'a fournis l'é- tude de l'action de l'acide carbonique, commencée par Hochstet- ter, et restée malheureusement trop confinée depuis sur le terrain de la pratique. Les savants qui s'en sont occupés nous disent bien ce qu'il y avait de bactéries dans les diverses eaux de Seltz qu'ils ont étudiées, mais non quelle influence avait eu l'a- cide carbonique sur leur multiplication. Leone et Sohnke sont les seuls qui aient abordé ce sujet. Leone a vu que l'acide car- bonique, passant sans et sous pression dans une eau, arrête l'évolution des bactéries, et cela parce qu'il les tue, non parce qu'il leur enlève l'oxygène. Sohnke a confirmé ces résultats. Il est impossible de ne pas remarquer combien toutes ces conclu- sions sont incertaines. Les bacilles ouïes espèces sur lesquels ont opéré Leone et Sohnke étaient certainement des espèces aéro- bies. Mais il y a des anaérobies que l'acide carbonique favorise, 472 CHAPITRE XXX au lieu de les tuer. C'est ici que nous rencontrons, pour la pre- mière fois, ce défaut capital de toutes les expériences qui précè- dent, c'est qu'elles portent sur les bactéries de rcau^ c'est-à-dire sur un ensemble généralement très varié, toujours très variable et très mal défini. De l'ensemble des résultats trouvés par divers savants, on peut pourtant conclure que si l'acide carbonique ne détruit pas les bactéries, ce que démontre la richesse en microbes d'eaux de Seltz, vieilles de plusieurs mois, il est, en général, défavorable aux microbes de l'eau, qui, naturellement, sont de préférence des aérobies. Cela explique à la fois qu'ils soient favorisés parle contact de l'oxygène et qu'ils craignent celui de l'acide carbonique. Mais on ne saurait méconnaître que ces deux influences sont impuis- santes à nous fournir l'explication que nous leur avions demandée, de la multiplication des microl)es dans une eau qui vient jaillir à une source. Les variations du fait des gaz qui y sont contenus sont trop faibles. Une eau est aérée avant de sortir du sol, et même, à moins de circonstances exceptionnelles, n'est jamais désaérée. La dose d'acide carbonique, à moins aussi de circons- tances exceptionnelles, est faible. Enfin, la multiplication rapide et passagère des bacilles dans les eaux pauvres en germes, dont nous cherchons l'explication, se réalise non seulement dans les eaux de sources profondes, mais aussi dans celles des lacs. Voici, par exemple, les résultats trouvés par Percy-Frankland pour le lac Katrine, qui dessert Glasgow. C'est une eau tcès douce, pres- que privée de matières minérales, parce qu'elle a à peine péné- tré dans le sol, très chargée en échange de matières végétales, parce qu'elle a beaucoup circulé à sa surface. Elle est très pure et très pauvre en germes. Voici la façon dont elle se peuple, con- servée à 9" et à 19» : Eau du lac Katrine A 9» A 19" Au début (6 juillet 1892). 74 74 Après 2 jours 785 78S — 6 — 14.426 42.537 Concluons donc qu'il y a, pour expliquer la multiplication des microbes dans une eau en repos, une autre influence plus puis- sante que l'arrivée de l'oxygène ou la perte de l'acide car])oni- que, et qui reste à découvrir. MULTIPLICATION DES BACILLES DANS L'EAU 473 Notre conclusion ne peut évidemment être différente en ce qui concerne la cause de la diminution rapide des bactéries après leur période d'augmentation. En rapprochant ce fait de celui que nous avons constaté plus haut, qu'il y a, dans une eau peuplée, une substance, altérable à la chaleur, qui arrête le développe- ment des bactéries, nous voyons bien que ces deux faits sont du même ordre, et que si les bactéries diminuent après avoir large- ment peuplé une eau, c'est qu'elles y ont déposé des substances nuisibles ou toxiques. Mais elles font cela, et plus abondamment encore, dans leurs milieux de culture ordinaires, où leur vie est pourtant beaucoup plus longue. Si donc cette cause intervient, ce dont il ne faut pas douter, elle n'est pas la seule, et il doit y en avoir une plus puissante. S'?6. Influence de la concurrence vitale. — Il semble pour- tant y avoir une différence entre les cultures pures, dont nous venons de parler, et les cultures des microbes de l'eau, c'est que celles-ci sont toujours des mélanges. Mais cela n'est pas très assuré. Nous avons vu (QQT), à propos du sol, pour lequel nous avons rencontré aussi ces phénomènes de multiplication, que c'était souvent une espèce de bactérie qui se multipliait seule ou ù peu près seule dans une masse de terre soustraite aux in- fluences naturelles qui la maintenaient très pauvre en microbes. Il en est sans doute de même pour les eaux. D'ailleurs, il faut remarquer qu'en principe, un mélange d'espèces doit vivre plus longtemps dans son milieu de culture qu'une espèce unique. Celle-ci évacue sûrement, dans le liquide ambiant, des matériaux qui lui sont nuisibles, tandis qu'il est possible que, dans le mé- lange, il y ait des accommodations mutuelles. Par contre, il est possible aussi qu'il s'y produise des antago- nismes, surtout pendant le développement. C'est ce que mon- trent nettement certains résultats de Kraus, obtenus avec l'eau de Mangfall, à Munich. Dans cette eau, il a ajouté des bacilles typhiques et cholériques, et a cherche comment ils se compor- taient, en concurrence avec les bacilles de l'eau. Il a trouvé que, ensemencés simultanément avec des bacilles de l'eau, dans de l'eau stérile, ces bacilles pathogènes disparaissaient rapidement à mesure que les bacilles de l'eau se multipliaient, et cela alors même que, à l'ensemencement, ils étaient de beaucoup les plus nombreux : c'est ce que montrent les nombres suivants : 474 CHAPITRE XXX Bacille typhique Au début. . . . 0 (f) bacilles de l'eau et 57.000 bac. typhiques. Après 5 jours. 80 — 9.000 — ~ 7 - 288.000 — 0 — — 20 — 970.000 — 0 — — 150 — 1.080 — 0 - Bacille de Koch Au début .... 30 bacilles de Teau et 10.100 bac. cholériques. Après 2 jours. 400 — 0 — — 8 — 1.400.000 — 0 — — 135 — 2.040 — 0 — Ces conclusions, sur la rapide disparition des bacilles patho- gènes dans une eau ordinaire, sous l'influence des microbes inof- fensifs, seraient très rassurantes, si on pouvait leur accorder une confiance absolue. Mais elles se heurtent aux mêmes incer- titudes que toutes les autres conclusions de ce chapitre : qu'est- ce que les bacilles de l'eau? Se comportent-ils tous de la même façon? Et ne peut-il pas y en avoir qui agissent à l'inverse des autres, auquel cas toutes nos conclusions s'évanouissent ou changent de sens ? Jusqu'ici, nous nous sommes contentés de mettre des mélan- ges inconnus d'espèces inconnues dans des conditions variables, mais toutes mal connues. Il n'y a rien d'étonnant à ce qu'une pareille méthode nous ait laissé dans l'incertitude. Elle nous a donné quelques renseignements généraux, montré par l'expé- rience qu'il y a, en général, une auto-purification microbienne des eaux, et cela naturellement, par le jeu spontané de la vie qui se modère elle-même, sans aucune intervention apparente des forces extérieures. Mais elle ne nous a rien dit sur le méca- nisme qui préside à cette auto -purification, ni par suite sur sa ré- gularité. Nous envoyons des rats dans un grenier rempli de grains ; ils y pullulent ; nous disons là-dessus que le grenier est bon. Nous en aurions jugé autrement si, à la place des rats, nous y avions envoyé, sans savoir les distinguer, des chats qui y au- raient péri, faute de nourriture. Nous aurions porté un troisième jugement encore différent, si nous avions envoyé un mélange convenable de rats qui auraient prospéré pendant quelque temps et de chats qui auraient fini par les détruire. La méthode de re- cherches est donc mauvaise, et si nous voulons savoir quelque MULTIPLICATION DES BACILLES DANS L'EAU 475 chose de précis, il faut sortir des conditions de la pratique et opérer sur des microbes isolés. BIBLIOGRAPHIE PERCY-FRANKLA.ND. Élimination des microorganismes de l'eau ; Proc. Roy. Soc, 1885. Leone. Sur les microbes des eaux potables; Arch. f. Hyg., 1886, p. 68. Heraeus. Sur la manière d'être des bactéries dans les eaux de puits; Zeitsch. f. Hyg., t. I, 1886. Cramer. L'alimentation d'eaux de Zurich et ses rapports avec l'épidémie de 1884; Zurich, 1885. Percy-Frankland. Sur la multiplication des microorganismes; Proc. Royal Soc, 1886. Meade Bolton. Sur la manière d'être de diverses bactéries dans les eaux de boisson; Zeitsch. f. Hyg., 1886, t. I. MiQUEL. Manuel pratique d'analyse bactériologique des eaux; Paris, 1891. WOLFHUGEL et RiEDEL. La multiplication des bactéries dans l'eau ; Arb. a. d. k. Ges.-amte, t. I, 1886. HocHSTETTER. 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Toutes les eaux ne se ressemblent pas, et elles peuvent être encore plus différentes physiologiquement, au regard des microbes^ qu'au au point de vue chimique, comme le montrent les résultats de Raulin (98), qui révèlent la puissance imprévue des éléments minéraux. Cette puissance doit être natu- rellement plus grande dans des liquides pauvres, comme les eaux potaljles, que dans des liquides nutritifs, comme celui de Raulin. S'il en fallait une nouvelle preuve, on la trouverait dans les travaux de Trenkmann. S*?"?. Influence des éléments minéraux. — Trenkmann a ensemencé avec la même quantité de culture du bacille de Koch, la quantité qui tenait dans un chas d'aiguille, 10 ce. d'une eau de puits stérile, et 10 ce. de cette même eau addi- tionnée d'un nombre de gouttes variable de diverses solutions minérales, choisies parmi celles qui sont le plus fréquemment présentes dans les eaux. La (juantité ajoutée de ces divers sels dépassait sensiblement ce qu'on en trouve dans les diverses eaux, mais les résultats obtenus n'en sont pas moins intéressants. Voici, en effet, ce qu'était devenue, après 24 heures et 8 jours, la quantité de bacilles de Koch introduite dans ces diverses eaux. Le chiffre initial était de 16.000 à peu près : Après Après 24 heures 8 jours 10 ce. d'eau de puits stérile 580 5 — + 1 goutte NaCl à dO 0/0 G. 120 12.480 — -f 2 — — 9.240 19.560 — -1-3 — — 15.000 10.440 ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES 477 -|- 1 goutte nitrite de sodium à 10 0/0. 1.740 10.920 + 2 - 6 600 1.460 + 3 - 17.460 2.260 4- l goutte nitrate de sodium à 10 0/0. 8.040 4.040 + 2 - 6.060 14.760 + 3 - 20.940 16 080 4- 1 goutte carjjonate de sodium . . . 7.440 — + 2 - 28.680 — — +3 — — ... 31.360 — On voit nettement sur cette table que le bacille de Koch, qui pé- rit rapidement dans l'eau naturelle, se multiplie au contraire abon- damment dans la même eau additionnée de sels, et même que l'addition de carbonate de soude lui est un adjuvant puissant. A cela on aurait pu s'attendre, maintenant qu'on sait que le bacille aime les milieux alcalins ; mais n'est-il pas curieux de voir un élé- ment aussibanal que le sel marin produire le même efiet, c; il n'en faut pas beaucoup. La goutte de Trenkmann représentait 1 2ode cent. cube : elle n'introduisait que 4 milligrammes de sel dans les 10 c. c. d'eau employée, ou 4 décigrammes par litre. Dans d'autres expériences moins nettement définies, dans les- quellesilensemençaitdes bacilles cholériques dans de l'eau non sté- rilisée. Trenkmanna vu que le sulfure de sodium ajoutait encore à cette puissance excitante du sel marin, et pouvait, dans une eau contenant un mélange de bacilles cholériques et de bacilles de l'eau, d'où les premiers étaient éliminés peu à peu, assurer au con- traire leur prédominance. Ni le chlorure de sodium ni le sulfure de sodium ne sont pourtant des aliments à proprement parler. Mais c'est ici le cas de nous souvenir de ce que nous avons appris (Chap. XIY) au sujet des réactions que le protoplasma cellulaire subit de la part du milieu ambiant, et à nous demander si celui des bactéries ne serait pas sensible à des influences de l'ordre de celles que nous mettons en jeu. £•78. Résultats de Hafkine sur les infusoires. — Mais pour voir les modifications protoplasniiques qui peuvent résul- ter du contact avec un liquide plus ou moins chargé de sels, il faut recourir à des espèces plus volumineuses que les bacté- ries. M. Ilafkine a obtenu des résultats très intéressants en étu- diant certaines infusoires de l'eau. lia d'abord étudié deux infu- sions ; l'une, naturelle, contenait : unplasmodium voisin du Mas- 478 CHAPITRE XXXI tigamœba mpcra de Schultze,mais sans flagellum et sans aspéri- tés ; plusieurs espèces de diatomées, \ Anomœnis entre autres ; une espèce d'algue palniellacée ; une oscillaire ; une espèce de Fig. 59. — a. Goleps hirtus. — h. Paramecium aiirelia. — c. Euplotes patella. Bodons; une Aspidisca et Y Euplotes patolla de Ehrenberg'(fîg. 59). Le liquide paraissait pauvre en matières organiques, restait par- ti /*f.:«7 b Fig. 60. — a. Ghilomonas paraniacium. — b. Euglena véridis. faitement limpide pendant toute la durée de l'observation, et avait une réaction neutre. L'autre infusion, faite au laboratoire, contenait un mélange de ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES 479 Paramecium aurelia et de Parameciiim hursarla^ incolores ou envaliis par des Zoochlorclles ; de Mlcrolhoj'ax, de Coleps (fig\ 59), de Chilomonas (fig-. GO), de Colpoda^ d'une oxytriche, d'une anguillule et d'un petit rotifère. En mélangeant dans un verre de montre une gouttelette du pre- mier liquide à deux ou trois gouttelettes du second, on la voyait tuer à l'instant tous les habitants de l'infusion qui se trouvaierit à sa portée : mais ses propres habitants n'échappaient pas : As- pidisques etEuplotes périssaient aussi, et le mélange était dépeu- plé au bout de quelques instants comme il l'aurait été par un puis- sant antiseptique. Quand ou mélangeait des parties égales des deux liquides, c'étaient les habitants de seconde infusion qui périssaient les pre- miers : d'aliord les Coleps, puis les petits Rotifères, puis le Par. aurelia^ le Par. bursaria, le Microthorax, etc. Les habitants de l'eau naturelle résistaient mieux : on les voyait vivants et mobiles longtemps après que toute l'autre population était morte et dé- formée. Les changements qu'amenait le mélange sur chacun des grou- pes d'organismes avaient ceci comme caractère distinctif, que les habitants de l'eau naturelle mouraient avec un fort gonflement du corps, et finissaient par être déformés et déchirés ; les habi- tants de l'infusion subissaient une forte contraction qui les ren- dait, au début, hyalins et presque gélatineux ; puis, plus tard, ils devenaient granuleux et opaques. On aurait pu supçonner là des actions de plasmolyse, dues à des diÛerences de densité et de pouvoir osmotique entre les deux liquides ; mais il pouvait y avoir aussi, dans l'une des deux liqueurs ou dans les deux, quelque substance particulièrement nocive pour les organismes de l'autre culture. Ce dilemme était facile à résoudre de suite pour le liquide le moins concentré. Il suffisait de le ramener, par une évaporation spontanée, à la densité de l'autre, et d'y apporter les habitants de l'autre culture. Ils devaient y persister, si c'était simplement une question de concentration qui était enjeu. Si, au contraire, l'efl'et était dû à une substance nuisible, la concentration devait avoir augmenté la puissance destructive de la liqueur. Or, c'est ce se- cond cas qui s'est produit. Cette méthode ne s'apphquait pas à l'examen de la solution la 480 CHAPITRE XXXI plus dense, que la dilution nécessaire pour Famener au niveau de l'autre aurait appauvrie de sa substance nuisible, au cas où il y en aurait eu une. Mais on pouvait concentrer au dixième de son volume le li(juide le moins dense contenant les Paramécies, et y transporter ensuite une colonie de ces petits êtres. L'expé- rience faite montre qu'après une courte période d'agitation et de surprise, ces infusoires y reprennent leur train habituel et leur vie normale. Ce n'était donc pas, non plus ici, une question de concentration qui était enjeu. Voici donc deux échantillons d'eau douce, tous deux habités par une population composée d'espèces les plus ordinaires et les plus répandues, et qui avaient l'une sur l'autre une action micro- bicide des plus intenses, s'exerçant non pas avec le concours du temps sur des cultures dont elle entrave peu à peu le développe- ment, mais produisant son efTet en quelques instants, à la façon d'un toxique. Nous pouvons affirmer, avec ce que nous savons par ailleurs, que la seconde infusion, même stérilisée, aurait résisté à l'implantation des microbes de la première, et inversement. Nous avons donc là un exemple, non seulement de concurrence vitale, mais d'une action protoplasmique profonde produite par des li- quides qui, examinés individuellement, ne peuvent paraître sus- pects, puisque chacun d'eux nourrit une population abondante et variée. Cependant chacun d'eux, favorable à certains protoplas- mas, est défavorable à d'autres, et traduit son action sur eux par les phénomènes variés de dégénérescence, de gonflement et d'épuisement, que nous avons énumérés plus haut. 3*79. Ptiénoniènes d'accoutumance et d'accliraatation dans l'Espèce. — C'était le cas de se demander si cette action sur le protoplasma était une action sur l'espèce, c'est-à-dire si cette exclusion mutuelle des deux populations dans le mélange était absolue, comme tenant à une incompatibilité foncière des espèces en présence, ou bien si elle dépendait de particularités acquises, et par là, modifiables chez ces espèces? En d'autres termes, pouvait-ou arriver, avec quelques soins et quelques pré- cautions, à faire vivre en commun, et dans les mêmes milieux, ces Paramécies de l'infusion et ces Euplotes de l'eau naturelle qui, puisées chacune dans son propre milieu, s'excluaient mutuelle- ment quand on mélangaient leurs liquides nutritifs? Telle est la ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES m question qu'on est d'autant plus autorisé à se poser que souvent on rencontre, associés dans le même liquide, ces Paramécies et ces Euplotes qui, dans les liquides ci-dessus, souffrent tant de leur mutuel contact. M. Hafkine s'est donc proposé de préparer trois liquides, l'un dans lequel deux des espèces ci dessus pourraient vivre et prospé- rer ensemble, les deux autres capables chacun de détruire l'une de ces espèces et de laisser le champ libre cà l'autre. Au lieu d'opérer avec la Paramécie et l'Euplote qui, dès l'o- rigine, habitaient des milieux mutuellement hostiles, il s'est adressé pour commencer au Ghilomonas et à la Paramécie, qui paraissaient être très facilement commensales. Le milieu qui les nourrissait toutes deux était précisément l'infusion artificielle où on les avait trouvées réunies. Pour exclure le Chilomoyias sans entraver en rien le développement de la Paramécie, il a suffi d'y ajouter 1/300 de carbonate de potasse. En ajoutant au con- traire à cette infusion 1/1200 à 1/1600 d'acide sulfurique, on éliminait la Paramécie en laissant prospérer les Ghilomonades. Ce sont Icà des faits analogues à ceux que nous avons cités plus haut sur les bactéries ; mais, en entrant dans le détail, nous allons rencontrer des particularités curieuses. Nous pouvons distinguer chez nos infusoires deux facultés différentes, celle de supporter le premier choc, la première impression du liquide où on les introduit, et celle de proliférer dans ce nouveau milieu. Ces deux facultés sont loin d'aller de pair et on peut, en variant les conditions d'expérimentation, les voir produire les résultats les plus divers. Une espèce de Loxocephalus, dont l'extrémité antérieure est couverte de longs cils épars, prise dans son milieu naturel, et transportée dans l'eau alcalinisée par du carbonate de potasse, le supporte beaucoup plus péniblement que le Paramecium ; en solution acide, c'est le contraire qui a lieu. Cette fois, la faculté de résister au premier contact va de pair avec la faculté de mul- tiplication: ce Loxocephalus se multiplie plus facilement dans les milieux acides que dans les milieux alcalins. Mais le petit Ghilomonas paramecium se montre plus fragile que le Paramecium aurelia non seulement au contact avec un milieu alcalin, mais aussi dans un milieu acide ; cependant, tan- dis que dans ce dernier il ne tarde pas à prendre le dessus, et que 31 482 CHAPITRE XXXI ceux qui ont supporté le premier clioc se développent avec une énorme abondance, alors que le P. az^reZm disparait, c'est le con- traire qui a lieu dans un milieu alcalin. Tout ceci dans le cas où les deux infusoires sont puisés dans leur milieu naturel neutre, car nous verrons tout à l'heure l'influence de la question d'ori- gine. Si nous comparons maintenant avec le P. aiirelia et le Chilo- monas paramecium le Colcpshirtus (fîg-. 59), petit cilié bien connu comme l'hôte habituel des eaux douces et des aquariums de labora- toire,nous le verrons se comporter comme ceci. En alcalinisant le liquide au point de tuer les Chilomonades et les Paramécies, une foule de Goleps restent vivants et ne disparaissent que quelques heures plus tard. Mais si on s'arrête dans l'alcalinisation au mo- ment où la dose laisse encore vivre un nombre considérable de Paramecium^ les Goleps finiront par disparaître tout de même, les Chilomonades aussi, tandis que les Paramécies qui ont ré- sisté au premier choc recommencent à se multiplier et finissent par peupler la liqueur. De même le Loxocephaliis, par comparaison avec le Paramecium et le Chilomonas, présente cette particularité qu'il résiste beau- coup mieux qu'eux à la première impression d'un liquide acidulé parTacide sulfurique ; mais cette fois, c'est le petit Chilomonas, le moins résistant, qui s'acclimate le plus facilement, et les indi- vidus de cette espèce qui ont survécu y donnent une culture très abondante, laissant loin derrière eux le Loxocephahis, tandis que le P. aurelia tend obstinément à disparaître. Ces exemples suffisent pour faire ressortir les différences dont nous parlions plus haut. Mais ces difïérences paraissent être en rapport avec la na- ture morphologique de l'infusoire, et avoir par là un caractère spécifique. Voyons si elles ont toujours ce caractère. S80. Fhénomènes d'accoutumance et d'acclimatation dans l'individu. — Une eau naturelle contenant des Chilomonades est alcalinisée avec 5 à 6 millièmes de carbonate de pofasse,jusqu'à un degré un peu inférieure celui qui ferait périr cet infusoire. Beau- coup de Chilomonades succombent de suite et on peut ainsi en supprimer les 9/10 sans que l'expérience en souffre. On décante alors le liquide, pour le séparer des cadavres des infusoires tués, ou bien on s'assure que ceux-ci ne sont pas seulement immobiles parce ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES AH^ qu'ils ont perdu leurs filaments flagelliformes, mais présentent les désordres caractéristiques de la mort. En laissant cette cul- ture alcalinisée à côté de l'eau naturelle, on verra au bout de 12 à 24 heures les Chilomonades s'y niultiplier de nouveau et la peu- pler de leurs essaims. Même résultat si on transporte les Chilomonades dans une so- lution à 1/12 Oy'O d'acide sulfurique. Après avoir été fortement décimés au début, les individus qui ont survécu se multiplient d'autantplus facilement qu'ils ne rencontrent plus autour d'eux de concurrents et de rivaux. C'est ici un phénomène d'adaptation, et on pouvait dès lors songer à préparer un milieu tantôt favorable et tantôt hostile à une même espèce d'infusoires, la laissant tantôt prospérer et tantôt périr, suivant que l'adaptation de l'espèce aurait été diri- gée dans un sens ou dans l'autre. Il suffisait d'agir sur la cellule vivante elle-même, et de lui créer, en agissant sur ses origines, une disposition, tantôt favorable, tantôt hostile aux conditions nouvel- les dans lesquelles voulait-on la placer. Pour cela M. Hafkine ajoute, à 2 ce. d'un liquide à Chilomona- des, 1/600 de carbonate de potasse cristallisé. Au bout de 3 jours le Chilomoiias pullulait dans le liquide, accompagné d'un certain nombre de Paramecium bursariamcolove^ de Colpodes et de Par. aurelia. On a alors ajouté au liquide un petit grain de carbonate de potasse, de la grandeur d'une grosse tête d'épingle ; puis, en- core après 24 heures, deux grains de la même dimension ; puis le lendemain encore un quatrième grain. Vingt heures après on n'a retrouvé dans le liquide que trois individus de Par. aurelia, un seul de Par.bursarla, tandis que les Chilomonades étaient en foule. Avec cette culture, on a fait les expériences suivantes. Dans l'infusion naturelle contenant le Chilomonas parameciujii on a pris 1 centimètre cube de liquide, et on y a ajouté juste la quantité de carbonate de potasse nécessaire pour y tuer, par action brusque, toutes les Chilomonades et lesP«r. aurelia qui s'y trou- vaient. On a filtré ce liquide sur du papier buvard, et on y a ajouté encore deux petits grains de carbonate. On plaçait alors sur un porte-objet plat une grosse goutte de ce liquide, et à droite et à gauche de celle-ci deux gouttelettes, l'une de l'eau naturelle contenant une dizaine de Chilomonades, l'autre de la culture alcalinisée, contenant aussi des Chilomona- 484 CHAPITRE XXXI des, dont je viens de parler. On réunissait par im petit pont de liquide les deux gouttelettes latérales avec la grosse, et on obser- vait sous le microscope. On voyait alors les Chilomonades alca- linisées entrer sans gêne aucune dans la goutte centrale et s'y promener comme si de rien n'était : au contraire, les Chilomona- des de l'eau naturelle montraient la plus grande répugnance pour le liquide de la grosse goutte et s'obstinaient à ne pas y pé- nétrer. Le courant de diffusion les y entraînait pourtant^ et on voyait alors les infusoires, après deux ou trois bonds brusques et anormaux, perdre leurs cils, tomber immobiles au fond de la goutte. Leur corps protoplasmique, d'abord contracté, se gonflait bientôt, les parois extérieures se déchiraient, et le contenu dis- paraissait dans le liquide ambiant, ne laissant qu'un petit tas gra- nuleux comme souvenir de l'infusoire. Cette expérience peut prendre une autre forme. On juxtapose, sur un porte-objet, une goutte de la culture alcalinisée, et une gouttelette de l'eau naturelle. Toutes les deux contiennent des Chilomonades en pleine prospérité. Il suffit alors de réunir la grosse goutte avec la petite pour voir celle-ci perdre en un temps très court tous ses habitants. Enfin, une troisième expérience, faite avec la môme culture, a consisté à placer au milieu de ces Chilomonades un Paramecium aurelia retiré de sa culture natu- relle, et à observer comment il se comporte. Cet infusoire, que nous avons vu résister à l'influence brusque d'une solution à 1/300 de carbonate dépotasse, pendant que les Chilomonades disparaissaient, périt subitement ici, dans une solution plus con- centrée de carbonate, pendant que les Chilomonades continuent à y vivre avec une insouciance complète. Nous avons relaté en détail ces expériences, parce que, faites sur des espèces volumineuses et faciles à distinguer, elles nous permettent de suivre de l'œil la variété des actions mutuelles du protoplasma et du milieu ambiant. Elles se résument, comme on voit, dans cette notion que nous possédons déjà ( 1 S4) , mais qu'il n'est pas inutile de retrouver dans une autre voie, que, contrai- rement à ce que nous avons admis en commençant ce chapitre, on n'a encore rien défini quand on a indiqué la nature du liquide et l'espèce de l'infusoire qui agissent l'un sur l'autre. Il faut encore indiquer les habitudes prises ou éventuellement l'hérédité acquise par le protoplasma. Celui-ci est une matière vivante, et sa défini- ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES 485 tienne peut être écrite sous une forme chimique comme celle de l'eau, ni sous la forme botanique de son nom d'espèce. Il y a une définition physiologique à fournir. 281. Adaptation des bactéries. — Nous sommes préparés maintenant à comprendre que dans une eau les phénomènes soient extrêmement complexes, puisqu'ils peuvent dépendre à la fois des changements de composition de l'eau qui sont perpétuels, et des changements dans les espèces et les conditions de leur hé- rédité. Mais nous avons à nous assurer tout d'abord que les bac- téries sont, à ce point de vue, aussi sensibles que les infusoires. C'est encore ce qu'a fait M. Hafkine. Il s'est servi pour cela du bacille typhique, qui était connu avant lui comme un des moins résistants à l'action des humeurs fraîches de l'organisme. Ces êtres périssent en particulier très vite quand on les porte de leur bouillon de culture dans de l'humeur aqueuse non diluée. Dans une expérience, M. Hafkine a vu leur nombre tomber de 1.880 à 7 après quatre heures de séjour dans ce milieu. Cette sensibilité du microbe est-elle foncière, ou peut elle-être modifiée chez lui comme chez les infusoires étudiés plus haut ? Pour le savoir, il n'y avait qu'à appliquer les mêmes méthodes. Le bacille typhique mis en œuvre était acclimaté dans les milieux artificiels, bouillon de veau ordinaire et peptonisé, par une longue série de cultures. Il n'y avait qu'à le cultiver dans ces milieux, additionnés de doses modérées et graduellement crois- santes d'humeur aqueuse. On voit de suite que de faibles doses de cette humeur augmen- tent, au lieu de la diminuer, la valeur nutritive du bouillon pour le bacille typhique, mais que pour des doses plus fortes, par exemple pour 16 gouttelettes d'humeur ajoutéesàlcc.debouillon, le développement s'arrête complètement. Il a suffi de graduer assez lentement la croissance des doses pour arriver, après 11 passages, à une culture capable de se dé- velopper très activement dans de l'humeur aqueuse pure. Le 12' passage a donné, pour la première fois, vn développement plus riche dans Vhumeur aqueuse que dans du bouillon ordinaire non peptonisé, et depuis lors, cette situation s'est maintenue. Au dé- but, les bacilles typhiques du bouillon, transportés dans l'hu- meur aqueuse, périssaient vite, tandis qu'ils prospéraient dans le 486 CHAPITRE XXXI bouillon. A mesure qu'ils s'acclimataient dans l'humeuraqucuse, le transport leur était naturellement de moins en moins défavo- rable, et si on étudie, par la méthode des plaques, leur vitesse de développement dans l'humeur et dans le bouillon, on trouve les nombres suivants : Humeur. Bouillon. Au début 2.S47 4.197 i h. après. 2.367 4.268 3 h. — S.969 1.098 5 h. — 53.595 3.766 7 h. — 20.465 13.665 On voit que le développement dans l'humeur aqueuse, beau- coup plus rapide que le développement dans le bouillon, a été sept fois plus abondant que lui après 5 heures de contact. Mais il y a plus, et on voit que la quantité de semence ayant été la même dans les deux cas, il avait péri plus de germes par le transport dans le bouillon que par le transport dans l'humeur aqueuse. Les choses marchaient donc à rebours de ce qu'elles étaient au début, où les bacilles prospéraient dans le bouillon, tan- dis qu'ils périssaient dans laproportion de 1.880 à 7 quand on les portait dans l'humeur aqueuse. Ainsi on peut enlever graduellement à l'humeur aqueuse et donner au bouillon une action bactéricide sur le bacille typhique. Le microbe change de propriété sans pour cela déchoir, et la preuve, c'est qu'un autre bacille typhique, récemment emprunté à un malade, et plus près de ses origines queceluiqui a fait l'objet des expériences ci-dessus, supportait très bien, de suite, son transport dans l'humeur aqueuse du lapin. Il n'y avait pas trace d'action bactéricide avec lui. On voit donc que, derrière le mot de bacille typhique, il y a une foule de différences physiologiques, qui peuvent même parfois se traduire par des différences morpho- logiques,car le bacille typhique, acclimaté dans l'humeur aqueuse, donne, si on le transporte dans de nouvelle humeur aqueuse, de courts bâtonnets analogues àceux qu'on trouve dans l'organisme, tandis que, transporté à ce même moment dans du bouillon, il s'y développe en longs tîlamenls enchevêtrés. C'est ainsi que la bac- téridie charbonneuse ne donne que des bâtonnets courts quand elle est dans son milieu naturel, et des fils très longs quand elle pousse dansdu bouillon. ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES 487 En somme, nous retrouvons pour nos bacilles typhiques une faculté héréditaire d'adaptation au milieu, analogue à celle que nous avons trouvée chez les infusoires. Transportés dans un mi- lieu identique, quelques bactéries périssent, sans doute parce que l'identité n'est pas absolue : elle ne saurait du reste exister entre le milieu plus ou moins épuisé dans lequel on prend la semence, et le milieu neuf où on l'introduit; mais enfin ce transport ne tue qu'un petit nombre de microbes, et les autres se multiplient rapi- dement. Si le milieu change beaucoup, le nombre des victimes au début devient plus grand, sans qu'on puisse dire pour cela, d'une façon absolue, que le nouveau est plus mauvais que le premier, attendu qu'il serait peut-être meilleur pour la même espèce de bacilles, élevée autrement et ayant pris d'autres ha- bitudes. Tout ce que nous venons de voir pour les divers Ijouillons est vrai aussi pour l'eau, avec cette différence que le milieu de cul- ture étant très médiocre, la période de début sera plus difficile, plus longue, et pourra même, comme nous allons le voir, abou- tir à la destruction absolue de certains bacilles par certaines eaux. S83. -A-ction bactéricide de l'eau. — L'exemple le plus net à la fois delà variabilité, de l'instabilité, et de la puissance du pouvoir bactéricide de l'eau est celui que M. Hankin a trouvé dans les eaux du Gange et de la Jumna, dans l'Inde. Ces eaux, stérilisées par filtration au travers d'une cloison poreuse, tuent les bacilles du choléra qu'on y introduit. Stérilisées par un chauf- fage d'une demi-heure à 115" dans un autoclave, elles en tuent quelques-uns au début, mais laissent ensuite se multiplier ceux qui persistent. Dans le même pays, l'eau de puits, qu'on serait tenté d'assimiler à l'eau du fleuve, si on ne connaissait pas les résultats ci-dessus, se comporte autrement qu'elle, et n'a qu'une action bactéricide très faible quand elle a été filtrée, nulle quand elle a été stérilisée par chauffage. Voici en effet les résultats de la numération des colonies faite à divers intervalles après le moment de l'ensemencement, dans diverses eaux, d'un bacille cholérique conservé en cultures. 5.000 8.000 10.000 6:000 7.S00 42.000 6.400 iO.OOO 44.000 4.000 80.000 16.000 3.800 4.000 30.000 488 CHAPITRE XXXI Nombre de Eau du Gange Eau du Gange Eau de puits Eau de puits colonies filtrée chauflée filtrée chaullée Au début S.SOO 6.000 8.500 7.500 ap. 1 heure 3.500 » 2 » 200 » 3 » 0 » 4 » 0 » 25 » 0 » 49 » 0 15.000 15.000 2o.000 L'caudelaJumna se comporte comme l'ean du Gange. L'action bactéricide de ces eaux n'est pas duc à l'absence de matériaux nutritifs, car le bacille du choléra se multiplie dans l'eau distillée, plus pure certainement que l'eau de la Jumna et du Gange. L'ex- périence montre en outre que l'action bactéricide ne disparait pas seulement sous l'influence de la chaleur : elle se perd aussi sous l'action du temps, et, après 50 à 60 heures de conservation dans une bouteille ou dans du fer blanc, il n'en reste plus trace. La substance ou les substances actives semblent donc oxyda- bles ou volatiles : c'est peut-être pour cela qu'elles disparaissent par l'action de la chaleur. On trouve en effet que l'eau de la Jumna, chauffée en vase clos, reste capable de tuer les microbes cholériques, tandis qu'elle perd son pouvoir lorsqu'on la chauffe dans un matras fermé par un tampon de coton ou dans une capsule de platine. Elle la perd aussi quand on l'alcalinise légè- rement avec du carbonate de soude. La substance active est donc très fugace, et existe certai- nement en très faible quantité. On voit pourtant qu'elle suffît à produire un effet très puissant, puisque M. Hankin s'est cru autorisé à lui attribuer le fait que, malgré les contaminations cholériques dont ils sont certainement le siège en temps d'épi- mie, la Jama et le Gange ne convoient pas le choléra le long de leur parcours. Notons enfin que cette eau de la Jumna, si active sur le bacille cholérique, l'est beaucoup moins sur le bacille typhique, et qu'elle Test encore moins quand le bacille typhique qu'on y in- troduit y a été acclimaté par 2 ou 3 générations successives. Elle ressemble alors, tout ù. fait, par l'allure de son action, à l'eau de puits et à l'eau ordinaire. Tous ces résultats si curieux nous montrent combien doit être variable et fugace la propriété bac- ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES 489 téricide do leau, et à quelles irrégularités, à quelles incertitudes on doit se heurter quand, au lieu d'opérer comme nous venons de le faire avec une seule et même espèce, qui encore ne se com- porte pas toujours de même dans la même eau, on opère à la fois sur l'ensemble variable des espèces variables qui peuvent être contenues dans une eau. S83. Conclusions. — En résumé, nous n'avons plus le droit d'être surpris par aucun des phénomènes constatés dans l'étude microbienne du sol et des eaux courantes. Au point de vue physiologique, ce sol et ces eaux sont des systèmes en équilibre, où des causes, d'un ordre tellement délicat que nous ne savons encore les saisir que par leurs effets, amènent des perturbations hors de proportion, en apparence, avec la puissance de la cause. Une parcelle de sol ou une goutte d'eau qu'on enlève à leurs conditions naturelles sont, au regard des microbes, devenues différentes. Telle ou telles espèces, tenues en bride jusque là, y prennent carrière, et créent ainsi un nouveau milieu où elles se déplaisent et périssent. Nous ne pouvons encore connaître, par le détail, aucune de ces histoires particulières de grandeur et de décadence, qui, toutes proportions gardées, nous rappelleraient l'histoire des hommes et des peuples. Mais nous voyons, en gé- néral, dans quel ordre de minuties apparentes nous devrons chercher pour en écrire une. BIBLIOGRAPHIE Trenkmann. Contributions à la biologie du Komma-bacille ; Centmbl. f. Bakt., t. XIII, 1893, p. 313. Hafkine. Recherches sur l'adaptation au milieu chez les infusoires elles bactéries. Ann. de rinslilut Pasteur ; t. IV, 1800, p. 363. IIankix. L'action bactéricide des eaux de la Jiimna et du Gange sur le mi- crobedu choléra. Ann. de l'Institut Pasteur ; t. V, p. 511. CHAPITRE XXXII ACTION DE L'IiAU SUR LES BACTÉRIES PATHOGÈNES Le problème théorique que nous avons essayé de résoudre dans les deux chapitres précédents se double d'un problème pra- tique, quand il s'agit des bactéries pathogènes. Nous avons le droit et le devoir de nous demander si elles ont chance de nous revenir par l'eau de boisson après être passées dans la terre, soit par les déjections de l'animal qu'elles avaient envahi, soit par le cadavre de l'animal qu'elles avaient tué. Les études faites sur ce point ont été nombreuses et souvent passablement contradictoi- res. Elles ont surtout porté sur les microbes pathogènes les mieux connus au point de vue expérimental, par exemple sur le bacille charbonneux, ou encore sur ceux dont on a le plus le droit de suspecter le transport par l'eau, tels que les germes de la fièvre typhoïde ou du choléra. Au lieu d'entrer dans l'examen détaillé des nombreux travaux consacrés à cette étude, nous ferons, comme nous en avons l'habitude, le bilan des difficultés de la question, des erreurs auxquelles on est exposé dans son étude et des moyens à employer pour les éviter. Cela nous permettra de porter un jugement général, et de tirer des travaux publiés les seules con- clusions qu'ils comportent. 384. S^xamen des méthodes. — Pour savoir ce que devien- nent dans une eau des microbes pathogènes, il n'y a qu'à les y ensemencer, et à chercher dans divers intervalles, par la mé- thode des plaques, ou une autre quelconque, le nombre des germes restés vivants. Déjà nous pouvons voir combien les résul- tats risquent de rester contingents. Rappelons-nous d'abord que la durée d'un germe dans l'eau dépend de ses origines, de son âge, de la nature et de la composition du milieu dont il sort. Il y a là une première définition à donner, définition qui n'est pas toujours facile, car nous savons que de très faibles différences de ACTION DE L'EAU SUR LES BACTÉRIES PATHOGÈNES 4'Jl composition peuvent faire varier beaucoup le pouvoir nutritif d'un J)ouillon ou d'une humeur organique. Vient ensuite l'eau, que les savants qui se sont occupés de ce sujet n'ont presque jamais suffisamment caractérisée au point de vue chimique, parce qu'ils n'avaient pas une conscience suf- sante du rùle que pouvaient jouer, dans les phénomènes délicats que nous étudions, les variations les plus insaisissables des élé- ments minéraux ou organiques en solution ou en suspension dans l'eau. Rappelons encore une fois cette notion, que nous avons rencontrée pour la première fois dans les expériences de Raulin. La vie d'un être vivant est un réactif infiniment plus sensible que nos réactifs chimiques les plus puissants. De plus c'est un réactif qui diffère des autres, en ce qu'il ne donne qu'une seule réaction, mais qu'il la donne sous les influen- ces les plus diverses ; c'est une lumière qu'on peut éteindre de façons bien différentes, mais qui ne nous dit rien sur la cause ou sur les causes qui ont présidé à son extinction. Nous ne pouvons faire ici le départ que des plus grosses influences, de celles que nous connaissons le mieux. Nous ne pourrons envisager qu'en gros les autres. 385. Influence des divers éléments en dissolution ou en suspension dans l'eau. — La première à laquelle on songe est celle de la matière vivante contenue dans l'eau. Les germes qu'on y introduit artificiellement tombent dans un milieu déjà habité, habité par des espèces qu'on doit supposer appropriées au milieu, et dès lors entrent en jeu, lorsqu'on veut savoir ce que deviennent les germes introduits, des questions confuses de concurrence de microbes, variables non seulement d'une eau à l'autre, mais dans la même eau à quelques heures de distance. Nous avons déjà vu (376), dans les expériences de Kraus, un exemple de ce qu'elles peuvent faire, et de l'influence qu'elles peuvent avoir sur le résultat de l'ensemencement d'un microbe pathogène. Il faudrait donc en tenir toujours compte. Mais d'un autre côté, elles sont si délicates à définir que ce n'est pas tou- jours facile. On peut les éliminer en opérant toujours avec de l'eau stérilisée. Remarquons pourtant que la question quitte un peu ainsi le terrain pratique, le seul sur lequel elle ait vraiment de l'importance. Ce n'est pas résoudre une question que de la déplacer. 492 CHAPITRE XXII En second lieu se j)résentent les gaz en solution clans l'eau : les plus importants sont Toxygèneet l'acide carbonique. Il n'y a g-uère à se préoccuper des variations du premier. Rien n'égale la rapidité avec laquelle une eau s'aère lorsqu'elle a le contact de l'air, même sans agitation. Il est vrai qu'elle peut être étalée à l'air sans s'aérer, quand elle est le siège de fermentations ou de putréfactions, comme dans les marécages. Mais nous suppo- sons que Teau étudiée est de l'eau potable, ce qui nous permet de supposer qu'elle contient la dose normale d'oxygène. Il faut y regarder de plus près avec l'acide carbonique, qui est souvent, nous l'avons vu, une manière d'antiseptique. Cet acide peut être introduit artificiellement dans l'eau, et nous avons alors le cas des eaux gazeuses, dont les rapports avec les microbes sont autres que ceux des eaux aérées. L'examen de ces eaux gazeuses confine d'un autre côté avec celui des eaux naturelles tenant des bicarbonates en solution, qui renferment générale- ment moins d'acide carbonique que les eaux gazeuses artificielles, mais s'en débarrassent, par contre, plus lentement au contact de l'air. Toutes ces eaux ne se comporteront sûrement pas de la même façon vis-à-vis du même microbe. Nous arrivons ainsi tout doucement aux sels en solution, sels si variables suivant les origines et la nature de l'eau, sels formés d'éléments dont l'importance individuelle résulte du beau travail de M. Raulin, auquel on arrive toutes les fois qu'on creuse un sujet de biologie. Or, sur ces éléments, dont la qualité et la quantité peuvent avoir un effet si puissant sur la vitalité des microbes ensemencés, nous n'avons que les renseignements im- parfaits fournis, quand ils le sont, par une analyse faite sur l'eau une fois pour toutes. Cette analyse est bonne à citer, et certains travaux ont eu tort de l'omettre ou de ne donner sur elle que des renseignements insignifiants, tels que le degré de dureté ou le titre oxymétrique. Mais, même quand elle existe, elle constitue un document très incomplet, Dabord elle se rapporte rarement à l'échantillon d'eau soumis à l'épreuve bactériologique, et les variations de composition d'une môme eau, à la suite d'une pluie, d'une sécheresse, sont assez grandes pour influencer son pouvoir nutritif. Puis, quand on voit que l'eau de la Jumna perd par le chauffage à 115° son pouvoir bactéricide, sans que sa com- position chimique change d'une façon sensible, sauf peut-être ACTION DR L'EAU SUR LES BACTÉRIES PATHOGENES 493 par le dépôt d'un peu de carbonate de chaux, il est difficile de croire que l'analyse nous renseigne sur la substance active de cette eau. Force est donc de passer condamnation sur ce point, et de laisser dans le vague les causes d'erreur ou d'incertitude qui en proviennent. Nous aboutissons malheureusement à la môme con- clusion en ce qui touche les matières organiques. Nous verrons bientôt, à propos des eaux d'égout, ce qu'on sait, ou plutôt ce qu'on ne sait pas de ces matériaux constitutifs de toutes les eaux. Leur rôle est sûrement grand, mais on ne connaît qu'approxi- mativement leur quantité et presque pas leur nature. Ils cons- tituent dans l'ensemble un élément important et presque impos- sible à définir. On pourrait se mettre à l'abri des deux influences mal définies que nous venons d'énumérer en opérant sur de l'eau distillée : c'est ce qu'ont fait quelques savants. Mais outre que toutes les eaux, même distillées, ne se ressemblent pas, puisqu'il y a des substances volatiles actives qui peuvent s'y condenser en quan- tités plus ou moins considérables, il est clair que sur ce terrain la question n'a plus guère qu'un intérêt philosophique. 286. Influence des matériaux apportés par l'ensemence- ment de l'eau. — A ces matières organiques se rattache pourtant une cause d'erreur que le moment est venu de viser. Quelques savants n'ont pas pris garde qu'en ensemençant les bactéries dans l'eau à étudier, ils y apportaient en même temps des doses va- riables du milieu de culture de ces bactéries. C'est ainsi, il est vrai, que les choses se passent dans la nature : lorsque des bacilles typhiques passent des selles d'un typhoïsant dans l'eau, elles s'y accompagnent aussi d'un peu de matière organique. Mais il n'en est pas moins vrai que, dans l'expérience, en ajoutant ainsi de la matière organique à l'eau à étudier, on en change la cons- titution d'une façon inconnue et impossible à reproduire exacte- ment dans une seconde expérience. Il faut donc ou bien, comme l'a fait Hueppe, faire subir à la semence un lavage préalable à l'eau distillée et stérilisée, soit, ce que j'ai trouvé bien plus com- mode, plonger dans la culture un tuyau de pipe bouché par une de ses extrémités, et dont l'autre sert à aspirer une certaine quantité de liquide. A l'extrémité plongée dans le liquide et AU chapitrl: xxxii desséchée par aspiration, lavée si c'est nécessaire par une nou- velle aspiration d'eau stérilisée, on trouve un peu de dépôt adhérent qui fournit de la semence très pure et très propre. Ce n'est pas la seule précaution. Il faudra toujours mettre très peu de semence dans l'eau sur laquelle porte l'étude, pour éviter que ceux des éléments de cette semence qui y meurent n'y apportent de la matière organique pouvant servir de nourri- ture aux autres. Il faudra aussi, comme M. Hueppe l'a montré, veiller à l'égale répartition dans l'eau des microbes ensemencés. Tous ne se prêtent pas facilement à une distribution uniforme ; il en est beaucoup dont les cellules sont rattachées entre elles par des liens gélatineux, et restent au moins pendant quelques heures à l'état de groupes qui se disloquent ensuite. Si on fait avec cette eau une numération de microbes par la méthode des plaques^ on peut attribuer à la multiplication de la semence ce qui n'est que le résultat de la dislocation des zooglées. Geppert a relevé cette cause d'erreur, et enseigné à l'éviter en filtrant l'émulsion de culture au travers d'un filtre de fils de verre ou d'amiante, qui ne laisse passer que les éléments les plus fins et les mieux isolés. SST. Influence du milieu d'ensemencement des germes puisés dans leau. — Enfin, il y a, en dernier lieu, à se demander ce que c'est qu'un germe qui est jugé mort et détruit par son contact avec l'eau. Notons que c'est un germe qui est incapable de se reproduire, lorsqu'on le soumet à une transplantation nou- velle dont l'action interfère avec celle de la culture d'origine. De là, deux causes nouvelles de variation. D'abord, la nature du milieu dans lequel on ensemencera les germes sortant de leur contact plus ou moins prolongé avec l'eau, ne sera pas indifférente. Les milieux à la gélatine, si commodes, et qui se prêtent si facile- ment aux numérations, sont de beaucoup inférieurs, on le sait main- tenant, aux bouillons liquides. Telle bactérie qui paraîtra morte lorsqu'on l'ensemencera sur plaques, parce qu'elle n'y fournit pas de colonie, se développera très bien dans un bouillon de même composition, mais sans gélatine. Comme il s'agit, dans notre étude, d'apprécier la vitalité maxima des germes, il est clair qu'en opérant avec des bouillons^ nous trouverons des chif- fres plus élevés qu'avec des milieux à la gélatine, et que s'il y ACTION DE L'EAU SUR LES BACTÉllIES PATHOGÈNES /t95 a contradiction entre les résultats de deux savants étudiant le môme microbe, nous saurons tout de suite auquel accorder notre confiance, si celui qui a fait ses ensemencements dans du bouil- lon trouve des nombres plus grands que celui qui a fait des numérations sur plaques. Ce n'est pas tout. Du moment qu'il s'agit d'évaluer la vitalité maximum, on peut se demander si la méthode employée reste suffisamment sensible jusqu'au bout, et si, lorsqu'il ne reste que quelques unités du bacille pathogène, on n'est pas exposé à con- sidérer comme assainie une eau qui serait encore dangereuse. Les germes qui ne se développent pas dans la gélatine, ou qui s'y développent en trop petit nombre pour y être aperçus, peu- vent encore se développer dans les tissus et y devenir dange- reux. Au point de vue pratique, le seul qui ait de l'importance dans une question aussi complexe, le meilleur moyen de savoir quand une eau, chargée artificiellement de germes pathogènes, cesse d'être dangereuse, serait peut-être de l'inoculera diverses reprises, et de chercher à quel moment elle cesse d'être infec- tieuse. Malheureusement, le choléra et la fièvre typhoïde ne se prêtent pas facilement à cette épreuve, qui ne donne guère de résultats qu'avec la bactéridie charbonneuse. C'est surtout la numération des colonies qui sert pour les autres, et alors elle mérite la critique qu'en ont faite pour la première fois MM. Straus et Dubarry. Ces savants font observer que, quand on prélève de la semence dans un flacon pour en faire une culture sur géla- tine, la quantité d'eau prélevée est toujours très faible : on a beau multiplier les plaques, on n'arrive jamais à mettre en ex- périence qu'une quantité minime de l'eau à explorer. Que les germes vivants s'y fassent rares, on est exposé à ne pas les ren- contrer en puisant, et à croire que tous sont morts, lorsqu'il y a encore quelques survivants. Or, ce ne sont pas les morts qui nous intéressent, ce sont les autres. Pour savoir s'il en reste, MM. Straus et Dubarry ajoutent un peu de bouillon concentré dans le matras contenant l'échantillon d'eau à étudier, de fa- çon à faire du tout un milieu de culture qui se peuple, s'il y reste quelque chose de vivant, et c'est dans ce milieu de culture qu'on recherchera la présence éventuelle des microbes patho- gènes. Notons enfin, comme élément important et trop souvent né- 496 CHAPITRE XXXII gligé, que les conditions de conservation de l'eau dans laquelle on aura introduit des germes pathogènes ne seront pas du tout chose indifférente. Gardés à l'étuve ou au froid, à la lumière ou à l'obscurité, les échantillons ne se comporteront pas de la même manière^ et tout mémoire dans lequel on n'insiste pas sur ce point doit être considéré, à priori, comme nul et non avenu. De ces conditions d'une étude précise et fructueuse, les unes, qui étaient accessibles, ont été dédaignées par quelques-uns des savants qui se sont occupés de ce sujet. Les autres, qui étaient hors de portée, ont passé inaperçues, et nous pouvons tirer tout de suite de là trois conclusions. La première est qu'il n'y aura pas à s'étonner si on relève entre ces savants des divergences, parfois considérables. Ils croyaient faire la même chose quand ils ensemençaient dans de l'eau une même espèce pathogène. En réalité, ils opéraient comme un jardinier qui, pour savoir la valeur d'une semence, la jetterait au hasard sur une terre quelconque déjà cultivée. La seconde est que les seuls résultats qui aient de l'intérêt dans cet ensemble de travaux sont les chiffres maximum trouvés pour les durées de vie des divers microbes dans l'eau. Ces chiffres, maximum au regard de l'expérience, sont en outre, des chiffres minimum au regard des microbes, Nous savons par eux com- bien de temps peuvent persister, au tnoiîis, les germes patho- gènes, lorsqu'ils sont abandonnés au hasard des conditions na- turelles. Ces conditions, il est vrai, ne sont pas connues par le détail dans tous ces cas de survie, mais elles sont possibles, et cela seul suffit à leur donner de l'intérêt. La troisième, c'est que si les résultats de deux observateurs ne sont sûrement pas comparables, ceux d'un même observateur peuvent l'être, si on ne les serre pas de trop près, et si on n'en envisage que le sens général. Ils peuvent donc nous indiquer, €71 gros, les différences de résistance des divers microbes dans diverses eaux. Sous le bénéfice de ces observations, nous allons comparer les deux travaux les plus complets qui aient été publiés, et par là les plus comparables : celui de Hochstetter et celui de MM. Straus et Dubarry. 288. Travaux de Hoclistetter. — Hochstetter a étudié com- ACTION DE L'EAU SUR LES BACTERIES PATHOGÈNES 497 parativement l'eau distillée, l'eau des conduites de Berlin, et l'eau de Seltz artificielle faite avec ces mêmes eaux de conduite. Malheureusement, les conditions d'expérience n'étaient pas les mêmes pour toutes. L'eau de Seltz était ensemencée, saîis slérilisalion préalable^ et laissée dans la bouteille. L'eau distillée et l'eau de canalisa- tion de Berlin étaient introduites dans des flacons fermés à la ouate, stérilisées, et ensemencées comme l'eau de Seltz. On étu- diait de temps en temps toutes ces eaux par la méthode des cul- tures sur plaques. Ont été examinées par cette méthode 13 espèces d'organis- mes, dont 8 microbes pathogènes. Parmi les espèces non pathogè- nes, il y en a trois mal connues, le bacille a, donné comme patho- gène pour le cobaye par les voies digestives, et les bacilles vert et jaune, qui sont des bacilles de l'eau, ne liquéfiant pas la gé- latine. Voici le tableau indiquant, pour ces espèces, la plus courte et la plus longue limite de résistance trouvée dans l'eau de Seltz et dans les deux autres eaux étudiées ; quand il n'y a qu'une seule limite indiquée, c'est la plus longue. Eau de Seltz Eau distillée Eau de Berlin Bacille du cliarbon 15 m. à i h. 3 jours 3 jours — choléra 3 heures 24 heures 392 jours — typhus Sàl2j. S jours 7 jours Micrococcus tetragenus 8àiij. 18 jours '18à30j. Bac. de la septic. du laphi. 30 m. à 1 j 30 m. à 2 j. » — de Finkler Prior 4 heures 4 heures 2 jours Bacille a 20 cà GO j. 14 jours 97 jours — vert 14 jours plus de 14 j. plus de 14 j. — jaune 77 jours 19 jours plusdeâOSj. Levure rose 10 jours plus de 172 j. plus de 247 j. Microc. pvodigiosus plus de 10 j. 7 jours plus de 100 j. — aurantiacus 18 jours 214 jours 214 jours Spores de charbon I)lus de loi j. plus de iSi j. plus de 154. Les spores à' aspergillus flavescens se sont aussi montrées très résistantes dans les 3 espèces d'eaux. S89. Travaux de Straus et Dutoarry. — Voici maintenant un tableau qui résume de la môme manière les résultats de 32 . 198 CHAPITRE XXXII MM. Straus et Dubarry, obtenus par la méthode dont nous avons dit un mot plus haut, et portant sur des eaux stérilisées. Eau distillée Eau de l'Ourcq Eau de la Vanne Bacille du charbon » 28 jours 65 jours — choléra 14 jours 30 jours 39 jours Bac. de la lièvre typhoïde . . 69 jours 81 jours 43 jours Mie. lelragenus 19 jours plus de 19 j. » Bac. de la tuberculose plus de 1 15 j. plus de 95 j. » — de la morve 57 jours plus de 50 j. plus de 28 j. Strept. pyogenes 10 jours 14 jours 15 jours Staphyl. pyog,. aureus 13 jours plus de 19 j . Bacille du pus vert plus do 13 j. plus de 20 j. plus de 73 j. — de Friediaender 8 jours 7 jours » Mie. du choléra des poules.. 8 jours 30 jours » Bac. du rouget des porcs plus de 3-4 j. plus de 17 j. » Bac. de la septic. des souris. plus de 19 j. jtlus de 20 j. On voit, en comparant dans leur ensemble les quatre pre- mières lignes de ces deux tableaux, qui se rapportent aux mêmes espèces, que, conformément à nos prévisions basées sur l'étude des méthodes de travail, les nombres trouvés par MM. Straus et Dubarry sont en moyenne tous supérieurs à ceux de M. Hoch- stetter. Sont-ils eux-mêmes, en moyenne, inférieurs à la réalité? Sans aucun doute. Si nous connaissions un très bon milieu de culture pour le bacille du choléra ou celui de la fièvre typhoïde, nul doute que nous ne le retrouvions vivant après des périodes de séjour dans l'eau qui ont paru lui enlever toute puissance de développement, quand on l'ensemençait dans ses milieux ordi- naires. C'est ce dont j'ai eu l'occasion de me convaincre vingt fois, dans le cours de mes études sur la vitalité des germes. Tous les nombres trouvés jusqu'ici dans cette étude, si grands qu'ils soient, sont des nombres minimum, et ceux qui ont été trouvés au moyen des cultures sur milieux à la gélatine sont probablement très inférieurs à la réalité. L'eau est donc, sinon un milieu de culture^ du moins un milieu où la vie peut s'entretenir longtemps. Nous pouvons maintenant, en lisant en long ces mêmes ta- bleaux, avec les réserves faites plus haut, faire séparément l'étude de l'eau distillée, des eaux naturelles et des eaux ga- zeuses ; en les lisant en large, grouper de même les résultats obtenus par divers expérimentateurs pour une même espèce de ACTION DE L'EALÎ SUR LES MIGIIOBES PATHOGÈNES 499 bactéries, surtout pour les bactéries pathogènes. Nous commen- cerons par l'étude de l'eau distillée. 590. Eau distillée. — Il ressort immédiatement des tableaux ci-dessus une conséquence générale que ne contredisent pas les autres travaux sur la matière, et qui est d'ailleurs tellement dans l'ordre des choses à prévoir que nous pouvons l'enregis- trer de suite comme sûre, c'est que l'eau distillée est moins fa- vorable à la conservation des microbes que l'eau de boisson ordinaire : c'est évidemment la pauvreté du milieu liquide qui entre en jeu. Mais cette question a trop peu d'intérêt pratique pour que nous insistions. 591. Eaux gazeuses. — Nous serons également très brefs au sujet des eaux chargées d'acide carbonique. Dans les expé- riences de Hochstetter, elles ont tué plus rapidement que l'eau ordinaire les microbes étudiés, sauf les spores du charbon et celles de Vaspergillus flavescens. Il y a donc une influence réelle de l'acide carbonique. La pression dans les bouteilles n'est sû- rement pour rien dans la destruction rapide des germes du cho- léra, par exemple, car on arrive au même résultat en faisant passer dans de l'eau ordinaire un courant d'acide carbonique sans pression : c'est donc le gaz qui agit. La cause de l'activité du milieu est autre que dans l'eau distillée. Aussi les résultats sont différents. L'eau de Seltz est plus rapidement mortelle que l'eau distillée pour le ynic. aurantiacus^ le mie. telrageniis, la levure rose, le bacille vert et le bacille du choléra. Elle l'est moins pour le rnic. prodigiosus^ le bacille a et le bacille jaune. Ici encore, nous aurions à relever des divergences avec les résultats d'autres savants, par exemple ceux de Leone ; mais la discussion serait sans intérêt. Contentons-nous de conclure que l'usage de l'eau de Seltz, recommandé en temps d'épidémie, peut en effet être recommandable, surtout si on laisse vieillir l'eau quelques jours. On a chance d'y voir diminuer ou même périr les germes nuisibles, mais la garantie est médiocre pour quelques-uns, comme par exemple celui de la fièvre typhoïde, qui peut persister plus longtemps dans l'eau de Seltz que dans l'eau distillée ou l'eau de canalisation. La seule eau vraiment recommandable est donc l'eau stérilisée par la chaleur ou par une bonne filtration. SOO CHAPITRE XXXII 292. Eaux ordinaires. — Ici, nous devons insister un peu plus, le sujet étant plus important et plus encombré de résultats en apparence contradictoires. JNous avons dit, comme règ-le gé- nérale, que quand on transporte dans une eau ordinaire stérili- sée des germes de microbes, un certain nombre y périssent les premiers jours, amenant une diminution largement compensée ensuite par une multiplication, qui, lorsque le milieu est épuisé, fait place à son tour à une diminution nouvelle. Ces trois pé- riodes d'évolution existent pour l'eau ordinaire qui est aussi un milieu de culture. Mais c'est un milieu pauvre, parfois très pauvre, et ces périodes se confondent parfois. Il y aurait encore à ce sujet à relever entre les divers savants des divergences sur lesquelles je crois inutile d'insister, parce que la seule chose qui nous intéresse, et sur laquelle ils sont du reste d'accord, c'est que les germes introduits dans l'eau finis- sent par y périr, au sens que nous avons donné plus haut (286) à ce mot, au bout d'un temps plus ou moins long. Seulement la limite est variable de l'un à l'autre. Voyons ce qu'elle est pour quelques-uns d'entre eux, précisé- ment pour les microbes pathogènes. 293. Bacille typhique. — Avec l'eau de la Panke, qui est la Bièvre de Berlin, et dont le résidu d'évaporation perd au rouge Ogr, 250 par litre, MM. Wolfhugel et Riedel ont vu que le bacille typhique pouvait se multiplier, au lieu de périr, quand les circonstances de température sont favorables (16" et au-des- sus). Il reste vivant sans se développer aux températures basses (au-dessous de 8°). On obtient le même résultat en étendant l'eau de la Panke d'eau distillée. C'est que cette eau renfermait probablement, au moment où elle a été mise à l'épreuve, des substances très nutritives. Avec des eaux plus pures et mieux faites pour servir d'eaux de boisson, il y a, suivant le cas, tantôt multiplication et survie, et tantôt mort. Dans l'eau des conduites de Berlin, on trouvait encore, après 20 jours, des germes vi- vants, tandis que Meade Bolton n'en avait pas trouvé après 14 jours, et Hochstetter après 5 jours. A Wiesbaden, M. Ilueppe a trouvé, entre 10 et 20", des germes encore vivants après 20 et 30 jours. Dans l'eau d'un puits très contaminé, il a vu des ba- cilles typhiques ensemencés persister encore le 13® jour et dispa- raître le 16^ ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES PATHOGÈNES 501 Toutes ces contradictions entre des savants qui ont employé la même méthode des cultures sur gélatine tiennent en grande partie, sans aucun doute, à des ditlerences dans les qualités nutritives de la matière organique des diverses eaux. Le bacille typhique est, sous ce point de vue, très peu exigeant, Bolton a vu qu'il se contentait de 67 milligrammes par litre de la matière organique d'un bouillon peptouisé alcalin dont il fallait 400 mil- ligrammes pour faire vivre les bacilles du choléra. Cette absence de besoins peut le rendre, dans certains cas, très vivace. Nous le voyons, en effet, résister à 81 jours de séjour dans l'eau de rOurcq à 20°, dans les expériences de MM. Straus et Dubarry, et ce chiffre est encore dépassé, dans des expériences inédites de Percy-Frankland. Nous le prendrons, pour le moment^ comme le plus voisin de la réalité, et nous dirons qu'il faut parfois au moins 3 mois pour amener la disparition du bacille typhique de l'eau potable stérilisée qu'il a envahie. 394. Bacille du choléra. — Ici les résultats sont des plus contradictoires. Babes, Wolfhugel et Riedel, Frankland l'ont vu périr en moins d'un jour dans l'eau distillée. Ces résultats sont en désaccord avec ceux de MM. Nicati et Rietsch, qui ont retrouvé des germes vivants après 20 jours passés dans l'eau distillée. Mais ces savants ont opéré -en ensemençant cette eau « avec quelques gouttes d'une culture pure très riche en virgu- les » ; il est clair qu'ils avaient ainsi mis leur eau distillée dans les conditions d'une eau ordinaire. MM. Straus et Dubarry ont trouvé 14 jours pour l'eau distillée, et ce chiffre^ plus faible que celui du bacille typhique (69 jours), est bien en rapport avec ce qu'on sait sur les exigences alimentaires si différentes des deux bacilles. Dans les eaux de boisson, les variations entre les résultats de divers expérimentateurs sont énormes, et les mêmes savants ont quelquefois trouvé des nombres très différents. Ainsi Wolfhugel et Riedel ont vu le bacille virgule disparaître quelquefois après 2 jours de séjour dans l'eau de Berlin, et quelquefois persister plus de 7 mois, et même, d'après Riedel, plus d'un an. On trouve de même 392 jours dans le tableau de M. Hochstetter. Pfeiffer a trouvé des nombres analogues. Babes, Hueppe, Straus et Dubarry ont obtenu des nombres in- 502 CHAPITRE XXXII termédiaires entre ces extrêmes, et chacun a peut-être raison dans ses évaluations. La seule chose qui nous intéresse, ainsi que nous l'avons dit plus haut, est que le bacille du choléra 2)eut parfois rester plus d'un an, à l'état vivant, dans une eau où il a pénétré, S95. Bactéridie charbonneuse. — Nous avons conservé pour la fin le hacillus anthracis^ parce qu'il introduit dans la question un élément nouveau : celui qui résulte de l'existence de la spore. Avec le bacille du choléra, on ne connaît aucun moyen assuré de difTérencier Tarthrospore. Avec le bacille typhique, les procédés de double coloration de Babes ne paraissent encore avoir réussi qu'entre ses mains. En tous cas, les bacilles munis de spores de Galîky semblent se comporter dans l'eau comme ceux qui n'en ont pas. C'est ce qu'ont vu Ilueppe, Ilochstetter, Meade-Bolton. Ilueppe dit, il est vrai, avoir relevé quelques dif- férences avec l'eau de puits ; mais ces différences n'étaient ni constantes ni bien marquées. Si donc les spores sont pour quel- que chose dans les variations de résistance signalées plus haut pour un même bacille, celui du choléra, dans la même eau, cette influence n'a pas encore été mise en lumière. Il en est autrement pour la bactéridie charbonneuse. Les for- mes végétatives avaient paru très fragiles à Hueppe, Meade- Bolton, Hochstetter, qui se servaient des cultures sur gélatine. Chez tous, elles étaient mortes en moins de 8 jours, et quand on leur a trouvé des durées plus longues, c'est peut-être que les con- ditions de conservation avaient permis la formation des spores, qui sont très résistantes. Ces spores ne se forment pas toujours. Il leur faut une certaine température, qui dépasse 13° pour l'eau stérilisée de la Tamise, d'après les essais de Percy-Frankland et Templeman. Peut-être aussi exigent-elles quelques conditions de milieu. Mais, une fois formées, elles sont très résistantes. Nœ- geli et Koch les avaient vues durer un an dans l'eau. Meade- Bolton a trouvé qu'après 3 mois à 20° elles étaient intactes, tan- dis qu'elles étaient mortes après le même temps à 35". Les basses températures, défavorables à leur formation, seraient donc favo- rables à leur conservation. Enfin, nous avons vu qu'IIochstclt(U' les avait trouvées vivantes et encore très virulentes après 154 jours, entre 13" et 20°. Mêmes résultats chez MM. di Mattei et Sta- ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES PATHOGÈNES 503 gnitta. Percy,Frankland, Warcl ont trouvé plus de 7 mois. Con- cluons donc, encore ici, à la longue vitalité de la spore char- bonneuse dans les eaux ordinaires stérilisées. S96. Eaux non stérilisées, — Dans l'eau ordinaire, en de- hors des causes de destruction rencontrées dans Teau stérile, les microbes ensemencés ont en outre à lutter contre la concurrence des bactéries de l'eau, en général mieux appropriées à ce milieu, et, par conséquent, le plus souvent redoutables. Mais on peut prévoir aussi, théoriquement, l'existence d'un de ces phénomènes de symbiose si fréquents dans le monde des infiniments petits, et où deux espèces associées, saidant l'une l'autre, durent plus longtemps que si elles étaient isolées. La concurrence des bactéries de l'eau n'est donc pas une sécu- rité de plus, et si, d'une manière générale, l'eau est un milieu peu favorable aux microbes pathogènes, elle ne l'est pas tou- jours, et il est toujours prudent de la traiter comme si elle ne l'était jamais. On pourrait trouver, dans les travaux publiés, des exemples de cette symbiose, exaltant la vitalité des deux êtres qui y pren- nent part. Mais on pourrait aussi trouver des exemples inverses, parce que la contradiction est la seule loi des expériences mal assises, et celles-ci sont particulièrement difficiles à bien asseoir. La théorie nous rend ici le service de nous mettre en garde con- tre les résultats de l'expérimentation, et conclut à la méfiance. Nous nous trouvons confirmés dans cette méfiance par la re- marque suivante : alors même que nos expériences eussent été plus nettes qu'elles le sont, et auraient assigné, dans des condi- tions données, une limite fixe à la vitalité des microbes, il eût été prudent de ne pas généraliser et de ne pas étendre à la grande nature leurs résultats, à cause de ceci, que, dans nos niatras, l'expérience se fait sur un liquide homogène,, tandis que, dans la nature, l'hétérogénéité est le caractère dominant de toute eau dormante ou courante. Dans une eau dormante, il se forme des colonies animales ou végétales, difierentes suivant les lieux ; dans une eau courante, l'afflux des eaux superficielles ou des eaux de sources modifie constamment la composition en divers points. MM. di Mattei et Stagnitta ont bien essayé de se rappro- cher davantage des conditions naturelles en maintenant dans un 504 CHAPITRE XXXII courant d'eau continu les microbes dont ils voulaient éprouver la résistance. Ils en imprégnaient pour cela des fils qu'ils plongeaient dans un tube de verre parcouru constamment par l'eau Marcia de Rome. Sans entrer dans le détail de leurs résultats, ils ont vu que les microbes périssaient plus vite dans l'eau courante que dans l'eau dormante. Mais il est clair qu'il n'y a rien dans ces expériences qui rappelle, même de loin, l'inégalité de composi- tion, d'exposition, ou de température des divers points d'un même marais ou d'un même fleuve. Les différences que nous observons dans les productions locales des plantes ou des algues doivent exister a fortioyH pour les cultures de microbes. SQ*?. Conclusion. — Concluons donc, comme résumé de cette longue série d'études, que l'eau est dans une certaine mesure analogue au sol, qui est le grand réservoir de la vie microbienne, et où les questions de milieu organique et minéral, les questions de concurrence vitale sont si variées que la guerre entre les espè- ces n'aboutit jamais à la destruction complète d'aucune d'entre elles. De même pour l'eau. Les microbes y peuvent vivre parce qu'ils y trouvent toujours un peu de matière organique, parce que, lorsqu'ils n'en trouvent pas, ceux d'entre eux qui meurent servent d'aliment à ceux qui persistent. Et rien ne nous autorise à croire que même sur ce mauvais terrain, la lutte aboutisse à l'ex- termination. Dans l'infinie variété des conditions naturelles, il y aura toujours des cas où une espèce, plus favorisée que les au- tres, s'installera et durera, et où, si elle est pathogène, elle créera un foyer de contagion ou même d'épidémie. Les eaux potables peuvent toujours être des agents convoyeurs de maladie, et il est toujours imprudent de compter sur les actions naturelles pour les rendre inoffensives. Ce n'est pas cette conclusion qu'avaient en vue tous les savants qui se sont occupés de ce sujet, mais c'est la seule qu'on puisse tirer de la comparaison de leurs travaux. Nous résumerons tout ce que nous venons d'apprendre, dans les chapitres qui précèdent, tant au sujet du sol qu'au sujet de l'eau, en disant que ni l'un ni l'autre ne sont d'ordinaire des milieux de culture pour les microbes pathogènes, mais qu'ils peuvent, parfois devenir des milieux de conservation assez favo- rables. Là pas plus qu'ailleurs, nous ne trouvons de conclusion absolue, et c'est bien à tort que certains savants ont cru en i ACTION DE L'EAU SUR LES MICROBES PATHOGENES 505 trouver une. L'absolu n'est nulle part dans le monde vivant, et la contingence est partout. BIBLIOGRAPHIE G.VFFKY. Mitihoil. a. d. /,-. Gonind, 1881. Meade-Bolton. Sur la façon dont se comportent diverses espèces de bacté- ries dans l'eau potable. ZcUschr. f. Ili/g. 1866, Cramer. L'alimentation d'eaux de la ville de Zuricli. Zurich, 1885. WoLFHUGEL et RiEDEL. De la multiplication des bactéries dans l'eau ; Arb. a. d. k. Gesuad. 1886. Leone. Recherches sur les microorganismes de l'eau potable. AHi d. R. Accad. di Lincei, série IV, t. I. Frankland. Proceed. of. thc R. Soc. 1886. Hochstetter. Sur les microbes dans l'eau de Seltz artiticielle. Arl). a. d. k. Ges. 1887. Herœus. Zeilschr. f. Hyg. 1886. Kraus. Sur la manière dont se comportent les bactéries pathogènes dans l'eau potable, ^rc/iiï'. f. Hyg. 1887. Nic.\Ti et RiETSCH. Recherches sur le choléra, 1886. Hueppe. Etude hygiénique sur l'eau potable au point de vue bioiogiriue, Schilling's Journal, 1887. SïRAUS et DUBARRV. Recherchcs sur la durée de la vie des microbes patho- gènes dans l'eau. Arch. de m/'d. expér. 1889. Kahlinski. 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De sorte que si nous voulons bien compren- dre le problème de l'épuration, et bien voir comment il peut se résoudre, il faut d'abord que nous nous donnions une idée des phénomènes de dislocation organique qui s'accomplissent dans les eaux d'égout. S98. Dégradation microbienne des substances ternaires. — Commençons par les substances ternaires, avec lesquelles tout est plus simple. Celles qui sont solubles dans l'eau deviennent de suite la proie des microbes. Celles qui sont insolubles dans l'eau se dissolvent peu à peu sous l'influence des diastases diver- ses que sécrètent les ferments qui s'y implantent. La gazéification, complète des matériaux de la cellulose, du sucre, de l'amidon, des acides organiques^ etc., exige d'ordinaire l'intervention succes- sive de plusieurs espèces microbiennes qui, dans la nature, opèrent simultanément, et non successivement, comme elles le font dans nos laboratoires Chacune d'elles amène à l'état d'acide carbo- nique, d'eau, une partie des éléments de sa matière alimentaire et laisse le reste à un état inattaquable pour elle ; elle en fait un résidu de fermentation. Puis ce résidu est repris par une espèce nouvelle qui le dégrade encore un peu, et ainsi de suite, jusqu'au moment où un dernier microbe, le plus souvent aé- robie, vient brûler, aux dépens de l'oxygène de Tair, non seu- lement le dernier résidu des fermentations précédentes, mais encore, en grande partie, les cadavres des êtres qui les ontac- EPURATION DES EAUX D'ÉGOUÏ 507 complies. Le mécanisme général est donc le suivant : dégrada- tions successives en principe, simultanées en fait, de la matière organique, aboutissant chacune à la production de produits bru- lés, acide carbonique et eau, jusqu'à la gazéification complète. 399. Dégradation microbienne des substances azotées. — Avec les substances azotées, nous allons retrouver le même spectacle. La seule diilerence est que nous devrons dire azote, ammoniaque et acide carbonique, là où nous disions seulement acide carbonique. J'ai montré en effet en 1880 que, en ce qui concerne l'azote, l'ammoniaque est exactement l'équivalent de l'acide carbonique vis-à-vis du carbone. Tous les êtres capables de vivre aux dépens des matériaux azotés, en fournissent dans tous les actes successifs de dégradation dont la matière albumi- noïde est le siège, depuis les premiers jusqu'aux derniers. Le ré- sidu de chacune de ces fermentations successives s'enrichit en azote si le total des éléments non azotés, partis à l'état d'acide carbonique et d'eau, dépasse le total de l'azote parti à l'état de gaz ou à l'état d'ammoniaque : il s'appauvrit dans le cas contraire, qui est le moins fréquent. De sorte que lorsqu'une eau d'égout a contenu à l'origine des matières albuminoïdes, comme c'est toujours le cas quand elle a reçu des déjections humaines ou ani- males, elle doit contenir, au bout d'un certain temps cette ma- tière organique plus ou moins dégradée, et être devenue ammo- niacale. Il nous serait très utile de pouvoir connaître et spécifier les di- vers termes ou les divers degrés de cette dégradation. Les con- naissances que nous avons à leur sujet sont malheureusement très restreintes. Voici ce qui peut suffire pour l'objet que nous avons en vue. La matière albuminoïde, à son état initial, est remarquablement stable vis-à-vis des agents chimiques : elle résiste à l'ébullition avec les acides étendus, les alcalis étendus, à l'action des oxydants en milieu acide ou alcalin, à l'action de l'oxygène, même aidée de celle de la lumière : elle résiste à tous ces agents, précisément parce que sa molécule n'est pas solide, et plie sans se disloquer. Elle s'accommode dans une cer- taine mesure aux conditions qu'on lui fait. En long contact avec les acides, elle finit par s'y dissoudre, ou plutôt par s'y incorpo- rer, et elle est précipitable par les alcalis. En long contact à froid 308 CHAPITRE XXXIII avec les alcalis, elle s'y dilue aussi, et semble y devenir liquide. Mais c'est encore une fausse solution, d'où les acides la précipi- tent. La plasticité dont elle fait preuve dans les tissus vivants, dont elle constitue la trame, est précisément en rapport avec ces pro- priétés. On a voulu faire, depuis longtemps, des espèces chimi- ques distinctes des diverses matières albuminoïdes trouvées dans diverses plantes, ou séparées par divers moyens des tissus d'une même plante. Dans l'immense majorité des cas, on n'ob- tient que des phénomènes de coagulation d'une seule et môme matière entraînant avec elles les autres éléments en solution ou en suspension dans le liquide dont elle se sépare. Cette matière albuminoide, si stable vis-à-vis des agents chimi- ques,l'est très peu au regard de ses ferments,dont la première ac- tion est de liquéfier celles qui sont solides (fibrine, albumine cuite ou coagulée), de rendre solubles celles qui sont en simple suspen- sion (caséine du lait), et de faire du tout une masse encore indis- tincte, qu'aucun caractère chimique bien net ne différencie des matières albuminoïdes ; ce sont les peplones. Celles-ci sont pour- tant plus assimilables. Mais on ne sait quel est le lien qui les rattache à leurs générateurs. Tout ce qu'on peut dire, et encore avec précaution, c'est qu'il n'y a pas formation d'ammoniaque pendant le passage. C'est au terme peptone que la dégradation commence. Les degrés successifs qu'elle descend avec les divers microbes sont encore peu distincts. La matière albuminoide devient de plus en plus soluble dans l'alcool, mais, tant qu'elle est amorphe, il est encore impossible de séparer ses éléments constituants. C'est seulement lorsqu'elle arrive au niveau des acides amidcs, de la leucine, du glycocolle, de la tyrosine, qu'elle prend parfois des formes cristallines, permettant de la difï'érencier. Quand il s'agit de la doser, le problème est encore plus difficile. Ce n'est guère que lorsqu'elle est tombée au niveau de l'urée, de l'acide hippu- rique et surtout de l'ammoniaque, qu'on peut être bien sûr de la connaître qualitativement et quantitativement. Par conséquent, de ce côté, nous sommes moins avancés que pour les substances ternaires, et nous serons obligés, dans l'étude des dégradations de cette substance albuminoide, de recourir à des méthodes qui nous reculeraient d'un siècle si nous étions encore obhgés de les appliquer aux substances ternaires. EPURATION DES EAUX U'EGOUT 509 Ce n'est pas fini. L'ammoniaque à laquelle nous venons d'a- boutir n'est pas le terme extrême des transformations que doit subir l'azote pour pouvoir rentrer dans la rotation générale du monde vivant. L'ammoniaque est bien utilisable pour les végé- taux, mais ils préfèrent les nitrates, qui leur apportent à la fois de l'azote et de l'oxygène. Il faut donc que l'ammoniaque su- bisse Faction des ferments nitrificateurs. Nous retrouverons tous ces phénomènes à leur place dans le courant de ce Traité. Il nous importe seulement de savoir en ce moment que cette nitri- fication comporte deux phases successives en principe, souvent simultanées en fait : une transformation de l'ammoniaque en ni- trite par l'action d'un ferment que nous appellerons n'Ureux ; une transformation du nitrite en nitrate par l'action du ferment nitrique. Ces ferments ont pour matière alimentaire l'un l'am- moniaque, l'autre l'acide nitreux, et fuient le contact de la matière organique. Il faut en outre savoir que ces deux ferments sont gênés par l'acidité qu'ils produisent, et que pour qu'ils fonction- nent bien, il faut leur donner un carbonate alcalino-terreux qui maintienne constamment à un niveau très faible l'acidité de leur milieu nutritif. Cette action de nitrification est le dernier terme des transformations régressives de la substance azotée, et les phé- nomènes microbiens finissent avec elle. Une eau d'égout sera donc épurée, ou un sol saturé d'engrais sera assaini, lorsque le carbone, l'hydrogène, l'oxygène, l'azote des substances qu'il contient auront pris respectivement les états d'acide carbonique, d'eau, de nitrates ou même d'azote gazeux, car, dans le procès de désintégration d'une molécule complexe azotée, il y a souvent une partie de l'azote qui repasse directement à l'état de gaz. Tous ces produits définitifs n'ont pas évidemment, au point de vue de l'hygiène, la même importance. Comme c'est l'azote qui distingue surtout les matières animales, parfois dangereuses, des matières végétales, d'ordinaire inoffen- sives, c'est surtout sur lui que s'est portée l'attention des chimistes. C'est malheureusement aussi de son côté que, malgré leurs efforts, la science est le moins avancée. Comme nous ne pouvons pourtant asseoir de jugement que sur les méthodes qu'elle nous donne, il importe d'exposer ces méthodes, de dire ce qu'on peut en attendre et ce qu'il ne faut pas leur demander. 510 CHAPITRE XXXIII 300. Matière organique totale. — Il est clair que les chi- mistes béniraient une méthode qui leur permettrait de décou- vrir et de doser facilement le total de la matière organique pré- sente dans une eau. On aurait ainsi la somme de ses impuretés, et une mesure de sa purification. Malheureusement, on n'a pour cela que des procédés très imparfaits. Le plus souvent employé con- siste, quand on a évaporé au bain-marie ou à 120°, suivant les cas, le résidu fixe de l'évaporation d'une certaine quantité d'eau, à le peser, à le calciner ensuite au rouge sombre, et à le peser à nou- veau. On compte comme matière organique tout ce qui a été brûlé et a disparu. Mais cette méthode est très fallacieuse, môme lorsqu'on a calciné à assez basse température pour ne pas dé- composer les carbonates et ne pas volatiliser les chlorures. On compte ainsi, en effet, comme matière organique, toute l'eau qui, entre la température de 100 ou 120" et celle de la calcina- tion, se dégage des sels qui se déshydratent, et si ces sels sont abondants et la matière organique rare, l'erreur peut être énorme. Si on chauffe à 180" le résidu d'évaporation, pour éviter cette cause d'erreur, on en rencontre d'autres : l'acide silicique chasse l'acide carbonique qui est perdu, des chlorures se volatisent et aussi certaines matières organiques, les nitrates et nitrites se décomposent. Enhn, il y a encore des sels qui ne se déshydratent pas à cette température. Pour mieux faire, il faudrait soumettre ce résidu d'évaporation à une analyse organique et doser ce qu'il contient de carbone et d'azote. Les nombres bruts ainsi obtenus peuvent devenir de précieux documents à consulter. Pour l'azote, en particulier, si on dose l'azote total d'un côté, de l'autre l'azote à l'état d'ammo- niaque et celui qui est à l'état d'acide nitrique, la différence entre le premier chiffre et la somme des deux derniers repré- sente l'azote encore engagé dans des combinaisons plus ou moins complexes, et qu'on peut appeler, si on veut, azote organique. Nous trouverons bientôt des exemples de ces évaluations. On voit que cet azote organique est bien mal défini. On ne sait rien sur les composés dans lesquels il entre. Plus généralement^ les nombres fournis par 1 analyse organique doivent être pris tels quels et on ne peut songer à les interpréter. Pour calculer le poids de matière auquel correspond le poids de carbone obtenu, il faudrait connaître d'abord la richesse en carbone de cette ma- ÉPURATION DKS EAUX D'EGOUT 511 tière, et on ne sait rien sur elle. De môme pour l'azote. La mé- thode est d'ailleurs longue et fastidieuse. Du moment qu'il ne s'agit que d'avoir des résultats incomplets et de se faire seulement une idi'e des choses, on a préféré des méthodes plus simples et plus rapides. 301. Méthode à l'hypennanganate. — Je ne parlerai ici que de la méthode la plus employée, celle dans laquelle on oxyde la matière organique à l'aide de l'hypermanganate de potasse en liqueur acide, et celle dans laquelle on transforme une partie de son azote en ammoniaque à laide de l'hyperman- ganate en solution alcaline. Dans la première méthode, on évalue la quantité de matière organique par le poids d'oxygène qu'elle emprunte à l'hyper- manganate. Mais il est facile de voir que cette évaluation est tout à fait incorrecte. Quand une matière organique est hétéro- gène, comme l'est celle qui est en solution dans l'eau, on ne peut pas conclure son poids de celui de l'oxyg-ène nécessaire pour la brûler, car ses différents éléments exigent théoriquement, pour leur combustion complète, des proportions différentes d'oxy- gène. Le sucre, par exemple, en exig'e environ son poids, l'al- cool le double de son poids On ne pourrait donc rien conclure de la quantité totale d'oxygène abandonnée par un poids déter- miné d'hypermanganate de potasse, alors même que cet hyper- manganate pousserait à fond l'oxydation de la matière organique sur laquelle on le fait agir ; mais il n'en est nullement ainsi. D'a- près les expériences déjà anciennes de MM. Tiemann et Preusse, il n'y a aucun corps, sauf l'acide oxalique, qui puisse emprunter à l'hypermanganate de potasse tout l'oxygène dont il aurait be- soin pour brûler, et ils lui en empruntent même des fractions fort différentes : l'acide tartriquc les 3/4, le sucre de raisin les 4/10, le sucre de canne 54 0/0, l'acide benzoïque 22 0/0, le phé- nol 41 0/0, la tyrosine 28 0/0, l'asparagine 12 0/0, la leucine 10 0/0, l'altantoïne 3 0/0, et l'urée pas du tout. A la cause d'in- certitude qui résulte de ce que la matière organique, n'étant pas homogène, ne varie pas proportionnellement au poids d'oxygène nécessaire pour la brûler, on en superpose une autre qui résulte de ce que ses divers éléments se brûlent très inégalement en pré- sence de l'hypermanganate. C'est comme si, pour trouver le 512 CHAPITRE XXXIII poids d'un corps quelconque, on en pesait une fraction, variable et iîiconnue^ dans une balance à bras de levier variables et zV?- corinus. Ajoutons à ces causes d'erreur, dépendant de la matière organique, celles qui proviennent de la présence de sels oxyda- bles, tels que les sels de fer. On en conclura qu'il n'y a rien à attendre de précis d'un titrage à l'hypermanganate, quel que soit le mode de dosage adopté. C'est se servir d'une balance inégalement inexacte, avec cet unique argument que les pesées y sont faciles. Tout ce qu'on peut dire en faveur de cette méthode, c'est que lorsqu'on l'applique à une même eau, avant et après filtration, elle peut donner une idée vague de la perte en matière organi- que survenue pendant la lîltration. On peut ajouter, mais tou- jours en faisant ses réserves, que les matières organiques les plus atteintes en solution acide étant, d'après MM. Tiemann et Preusse, les matières les plus complexes, les plus nutritives pour les microbes, les plus éloignées de l'état auquel les amène la vie microbienne, ce sera de préférence à ces matières qu'il fau- dra rapporter les différences de titrage à l'hypermanganate avant et après filtration. En revanche, la méthode ne nous renseignera pas sur ceux des matériaux de l'eau dont nous aurions le plus d'intérêt à dé- celer la présence. Il ne peut pas nous être indifférent de savoir si une eau a reçu des suintements de fosses d'aisances, et l'urée, qui pourrait nous avertir du danger, l'acide benzoïque de l'urine des herbivores, les produits amidés, leucine, tyrosine, aspara- gine, sont peu ou pas oxydables par l'hypermanganate. Tous ces corps peuvent heureusement être atteints par un autre moyen. Ils sont plus facilement décomposables que les matières albuminoïdes sous l'action des alcalis, qui les transforment en sels ammoniacaux. De sorte que si on les fait bouillir avec de la potasse, et si de préférence on ajoute à cette potasse un corps oxydant comme l'hypermanganate de potasse, qui décompose simultanément ce qu'il peut de la matière organique azotée, on réussira à transformer en ammoniaque la totalité ou la presque totalité de l'azote des corps amidés, pendant que toutes les ma- tières albuminoïdes complexes seront plus résistantes. C'est la méthode inaugurée par Vanklyn, Chapman et Smith : « Beaucoup de substances organiques azotées, disent-ils, sur- EPURATION DIlS EAUX D'ÉGOUÏ 513 tout celles qui sont formées dans les procès de putréfaction, donnent de l'ammoniaque sous rinfluencc d'une solution alca- line de manganatc de potasse. » On voit que cette méthode se heurte aux mêmes causes d'iucerlitudc que l'autre. Le poids d'ammoniaque formée, en admettant qu'il comprenne la totalité de l'azote, ne serait pas proportionnel au poids de la matière azotée, car elle est hétérogène. De plus, les diverses matières azotées ne donnent, sous l'inflaence du réactif, que des fractions variables du poids de l'ammoniaque possible avec la totalité de leur azote. D'après Tiemann et Preusse, l'urée et la leucine donnent la totalité, l'acide aspartique les 9/10, la tyrosinc les 4/0, l'attantoïne et le sulfate de quinine la moitié de l'ammonia- que possible. Ce sont donc ici lesamidcs qui tiennent la tête, ce qui n'empêche pas de désigner l'ammoniaque qu'on dose par cette méthode du nom tout à fait impropre et fallacieux à'ammo- niaque albuminoïde . En réalité, les matières albuminoïdes n'en fournissent que très peu, et son importance diagnostique vient précisément de ce qu'elle est un témoin de l'existence desamides, c'est-à-dire de l'intervention microbienne. Cette ammoniaque provenant de la transformalion des amides, devra, à son tour, être soigneusement distinguée de l'ammo- niaque qui peut exister toute formée dans l'eau. Toutes les eaux en contiennent un peu, car il y a partout des matières azotées qui fermentent, et j'ai montré que ces matières donnent à tous les degrés de décomposition un peu d'ammoniaque, aussi bien celles de provenance végétale que celles, de provenance ani- male. De l'ammoniaque qui proviendrait de l'hydratation de l'urée n'aurait pas la même signitîcation hygiénique que de l'am- moniaque provenant de la destruction aérobie de la légumine. Comme il est impossible de les distinguer, il faut se méfier de toute eau qui contient des quantités d'ammoniaque sensible, dé- passant 1 à 2 milligr. par litre. C'est une eau qui sort d'un sol mal épuré, ou qui subit des contacts dangereux. 302. Sel marin. — Le voisinage des fosses d'aisances et le contact avec les déjections animales peut se déceler à un autre caractère, auquel on n'a pas ajouté jusqu'ici assez d'attention. Un litre d'urine contient de 6 à 7 grammes de chlore sous forme de sel marin. Ce sel n'est pas retenu par le sol, et est constamment 33 514 . CilAPlTUb; XXXIU entraîné par les eaux souterraines. On le trouve dans la nappe des puits, aussi bien que dans les eaux de sources, en quantités d'autant plus grandes que ces eaux ont passé plus près des lieux ou des maisons habités. Toute eau qui contient plus de chlorure de sodium que les eaux coulant au même niveau géologique sur d'autres points déserts ou peu habités de la même région, est une eau qui a subi des infiltrations de matières animales. Pour bien s'en rendre compte, il faut se rappeler que le lessivage sé- culaire du sol l'aurait à peu près complètement débarrassé de sel marin, si les besoins de l'alimentation ne nous obligeaient à aller emprunter constamment ce sel marin à son réservoir natu- rel, la mer, et à lui faire remonter les pentes, en le répartissant entre les hommes, les animaux, et en le faisant revenir, sous forme de fumier, partout où la culture a accès. La nappe sou- terraine d'un champ en contient de petites quantités, celle d'un jardin en contient davantage. Il y en a encore plus dans l'eau d'un puits placé au milieu d'un village, dans celle d'une source vive qui a reçu les infiltrations d'un groupe d'habitations. Bref, le chlorure de sodium est un des éléments de diagnostic les plus sûrs et le plus souvent négligés. Il donne peu de chose, il est vrai, pour l'eau des grands fleuves, dans lesquels trop d'eaux de nature et d'origines diverses viennent se confondre, et où ses variations, comme nous le verrons plus loin (309), sont faibles et lentes, à raison du volume d'eau dans lequel il se noie. Mais il est précieux dans l'étude des minces filets d'eaux souter- raines. 303. Nitrates et nitrites. — Je mets à un niveau inférieur, malg'ré leur importance, les nitrates et les nitrites. Les nitrates sont le terme ultime de la transformation des matériaux azotés dans le sol, et, une fois formés, ils sont tout aussi peu retenus que le sel marin, de sorte qu'ils passent dans les eaux cou- rantes. Leur présence clans les eaux est donc un symptôme fa- vorable. Ils ne doivent pas être très abondants, car cela témoi- gnerait qu'il se fait quelque part, au voisinage, un travail très actif de nitrification, qui, s'il était troublé ou interrompu, en- verrait dans les mêmes eaux des nitrites ou de la matière orga- nique encore intacte. Les nitrites peuvent provenir soit d'une nitriiication qui n'est ÉPURATION DKS l^ALX DEGOUT 51o pas arrivée à son terme, soit cViuie clénitriiication de nitrates déjà formés, sous l'intluence de ferments dénitrifiants qui semblent très abondants dans les couches du sol, et qui agissent surtout en présence de matières organiques. La présence des nitritcs est donc la preuve d'une purification incomplète, et il faut toujours faire la recherche de ces sels. Je n'ai plus, pour terminer, (ju'à viser, parmi les autres subs- tances minérales (juise forment sous 1 influence des microbes et appartiennent par là à notre cadre, l'hydrogène sulfuré et les sels de fer. L'hydrogène sulfuré résulte d'actions réductrices et peut être oxydé parles Sulfuraires, comme l'a montré M. Wino- gradsky. Les sels de fer sont oxydés et précipités à l'état d'ocre par les Bactéries ferrugineuses du même savant, qui ont pour aliment le carlîonate de fer comme les sulfuraires ont pour ali- ment l'hydrogène sulfuré et le soufre. Une eau chargée d'hydro- gène sulfuré n'est pas plus propre aux usages ordinaires de la vie qu'une eau trop chargée de sels de fer solubles ou insolubles. SO'^. Procédés de dosage. Oxydabilité. — Nous n'avons pas à décrire ici les procédés de dosage avec la minutie qui conviendrait à un Traité tïanahise chimique. Mais la critique générale que nous venons d'en faire, et l'interprétation que nous voulons tirer de leurs résultats exigent que nous disions comment on les me* en œuvre. Pour le dosage à rhypermanganate en liqueur acide, la meil- leure méthode, je veux dire celle qui donne, avec une même eau, les résultats les plus constants, est celle de Kubel, qui con- siste à faire bouillir pendant cinq ou dix minutes l'eau avec un excès de solution d'hypermanganate de potasse. Tout l'excédent de sel non réduit est ensuite dosé par réduction avec l'acide oxalique . La solution d hypermanganate contient 0 gr. 3165 d'hyper- manganate de potasse cristallisé par litre. Son dosage avec l'acide oxalique doit être accompagné de quelques précautions. On met dans une capsule de porcelaine 20 ce. d'une solution centinormale d'acide oxalique, et 2 ce. d'un mélange de 1 volume d'acide sulfurique concentré pur avec 3 volumes d'eau distillée. La solution oxalique est faite avec 0 gr. 63 d'acide oxalique des- séché à la température ordinaire, dissous dans un 1 litre d'eau 516 CHAPITRE XXXIII distillée ne réduisant plus lliypermang-anate à elle seule. 10 ce. de cette liqueur oxalique réduisent 3,1C5 mgr. d'hypermanga- nate pur et exigent 0,8 mgr. d'oxygène. Le liquide de la capsule de porcelaine est chauffé à 60", et on y verse de l'hypermanganate avec une burette jusqu'à ce qu'il reste, dans l'eau agitée, une légère teinte rose. Si l'hyperman- ganate était pur, il en faudrait pour cela 20 ce. S'il en faut plus, on note le chiffre, qui ne doit pas différer beaucoup de 20 ce. Ce titre est celui du volume de solution qui peut fournir 1,6 mgr. d'oxygène. On prend ensuite 100 ce. de l'eau à étudier; on la met dans une capsule de porcelaine avec 5 ce. de la solution sulfurique, et on verse assez de solution dhypermanganate pour que la liqueur reste assez fortement colorée. On chauffe ensuite à l'ébuUi- tion, qu'on maintient pendant 5 ou 10 minutes, suivant les con- ventions. Les matières organiques sont en effet plus ou moins vite oxydables : suivant la teneur en acide, suivant la durée de l'ébullition, l'oxydation est plus ou moins complète, et c'est pour cela qu'il faut des conventions. On retire alors du feu et on ajoute rapidement 10 ce. d'acide oxalique qui décolore la liqueur. Celle- ci est retombée au voisinage de 60" ; on titre alors de suite l'ex- cès d'acide oxalique au moyen du caméléon. On en conclut l'ex- cès de caméléon à la fin de l'ébullition, et, par lui, la quantité de caméléon réduite par la matière organique du volume d'eau sur lequel on a opéré. On désigne d'ordinaire sous le nom d'oxydabililé le nombre de centimètres cubes de la liqueur normale d'épreuve décolorés par un litre d'eau après 5 minutes d'ébullition. En prenant 10 mi- nutes, le nombre augmenterait un peu. On peut faire autrement, et calculer ce que cette oxydation a dépensé d'oxygène. Avec le titre adopté, chaque centimètre cube de la solution d'hyperman- ganate correspond à 0,08 mgr. d'oxygène. Ce sont ces chiffres d'oxygène consommé que nous citerons de préférence. 305. A-mmoniaque toute faite et aramoniaque albumi- noïde. — Ces deux déterminations indépendantes sont faites l'une après l'autre et sur le même volume d'eau. On commence par distiller, dans un appareil à reflux, 500 ce. d'eau avec un peu de magnésie ou de carbonate de soude : cette addition est inu- EPURATION DES EAUX D'ÉGOUT 517 tilc avec les eaux contenant des bicarbonates des terres alcalines. On recueille les 2/5 du liquide, et on y titre l'ammoniaque à l'aide d'une liqueur centinormale d'acide sulfurique ou d'acide oxa- lique. Sans désemparer, et sans laisser refroidir le liquide qu'on dis- tille, on y ajoute rapidement 20 ce. d'une solution renfermant par litre 200 gr. dépotasse caustique et 8 gr. d'iiypcrmanganate de potasse. On recommence à distiller, et on fait 2 ou 3 prises de 50 ce. sur chacune desquelles on dose l'ammoniaque. C'est là l'am- moniaque que nous appellerons dans ce qui va suivre, non pas du nom habituel mais impropre d'ammoniaque albuminoïde, mais du nom (^ammoniaque amidce. 306. Azote nitrique, nitrites, sel marin, etc. — Tous ces dosages ne sont plus, comme les précédents, des dosag-es appro- ximatifs conventionnels, mais de véritables dosages chimiques, qu'on sait faire par des méthodes dignes de toute confiance. Telle est la méthode de dosage de l'acide nitrique proposée par M. Th. Schlœsing, et qui repose sur la transformation de l'acide nitri(]ue en bioxyde d'azote, par chauffage avec une solution de de protochlorure de fer en présence d'un excès d'acide chlorhy- dri(jue. Tel est pour le sel marin le dosage par précipitation au moyen des sels d'argent, ou la méthode volumétrique avec le chromate de potasse comme indicateur Les nitrites seuls res- tent difficiles ou même impossibles à doser exactement. En revanche, on a des réactions très délicates pour manifester leur présence. Telle est la réaction de Trommsdorff, bleuissement d'une solution d'amidon ou d'iodure de zinc ; plus sensible encore est la réaction de Griess, avec la métaphénylène-diamine. Nous n'insistons pas sur ces détails, qui sont du ressort de la chimie analytique. Je n'insiste pas non plus sur les moyens de faire l'analyse des gaz d'une eau. Il nous reste à tirer de ce qui précède des conclusions g-énérales relatives au jugement que ces méthodes permettent de porter sur une eau. 518 CHAPITRE XXXIIl BIBLIOGRAPHIE Ducr.AUX. Mémoires sur le lait. Ann. de Vlnslitul agronomique, i' année, 1879- 1880. TiEMANN et Gartner. Untersuchiuig des Wassers, Brunswick, 1895. Vanklyn. Analyse de l'eau. Preusse et TiEMANX. Sur la détermination des substances organiques dans l'eau, Z?er!'c/tt(; d. d. chem. Gesells, 1879. ÏROMMSDORFF. Métliodes de recherche pour une statiiliquede l'eau, Zeitschr. f. anahjt. Chemie, t. VIII. TiEMANN. Sur la valeur des méthodes d'analyse de Teau, nerichte, 1873. Th. Schlcesing. Sur le dosage des nitrates, Ann. de ch. et dephys., 1854. Fischer. L'eau potable, ses propriétés, etc. Hannover, 1873 et Berlin, 1891. Sendïneh. Das Grundwasser Mlincliens. Municli, 1894. CHAPITRE XXXIV EPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LES FLEUVES Avec les moyens que nous avons étudiés au chapitre précédent, nous pouvons suivre le travail d'épuration qui s'accomplit dans les eaux d'égout, soit lorsqu'elles sont conduites dans un fleuve qui les emporte, soit, ce qui est le cas le plus fréquent, quand elles s'infiltrent dans le sol. Nous ne pourrons évidemment suivre ce travail qu'en gros, parce que nos moyens d'étude sont imparfaits, mais ce gros est déjà assez important à connaître. SOT". Epuration par l'eau. — Abandonnées à elles-mêmes, ces eaux d'égout se décomposeraient et deviendraient le siège de fermentations anaérobies très désagréablement odorantes. En les mélangeant à de grandes masses d'eau, on substitue une combustion aérobie à une fermentation anaérobie. Telle est en somme la formule schématique du tout à Végout et du tout lé- gout au fleuve. Et de là une première conclusion. Il faut que le fleuve soit proportionné à l'égout. Si diluées que soient les eaux d'égout par leur mélange avec les eaux d'arrosage et les eaux de pluies, elles sont naturelle- ment très impures. La quantité totale de matière organique vivante pouvant être considérée en effet comme à peu près cons- tante dans une grande ville, et l'approvisionnement alimentaire variant peu d'un jour à l'autre, les eaux d'égout, dans les villes dotées réellement du tout à Vcgout, doivent comprendre et em- porter à peu près la totalité des matières entrées par l'octroi. Ces deux grands courants d'entrée et de sortie s'alimentent l'un l'autre. On peut, si on veut, entrer un peu plus dans le détail. Les eaux d'égout entraînent des matériaux utilisés et inutilisés, les premiers représentés par le produit total des fosses d'aisances, les autres par les résidus de ménage. Les premiers l'emportent 520 CHAPITRE XXXIV évidemment ])eaucoup sur les seconds. Ce sont aussi ceux dont on i)eut le mieux faire le compte. Yoici, d'après Frankland, le total des déjections qui sortent d'une ville de 100.000 habitants dans une année. Frankland, dont Wolf et Lehmann n'ont fait que reproduire les évaluations, en les disposant autrement, admet qu'une population de 100.000 habitants se répartit pour l'Age et le sexe de la façon suivante : Hommes . . . 37.610 Femmes . . . 3i.6;50 Enfants . . . 14.060 Filles . . . . 13.700 Total . . . 100.000 Voici, en kilogrammes, les quantités d'azote éliminées par jour par 1.000 habitants de ces diverses catégories : Fèces Urine Azote riiospliate Azole Phosphate Hommes . . . . 1.74 3,23 15,0 6,1 Femmes . . . . 1,02 1,08 10,3 5,5 Enfanls . . . . 0,82 1,6 4,7 2,2 Filles . . . . . 0,57 0,4 3,7 IJ Ce qui donne, en tonnes métriques, pour le total de l'évacuation de l'année : Avec Avec Fèces Azote PI osphales Urine Azole Phospliales Hommes . . . 2.039.1 23,9 4 '1,9 20.592 205,9 83.6 Femmes . . 567,9 12,8 13,7 17.062 135,3 69,0 Enfanls . . 56i,5 9,4 S, 3 2.923 24,6 11,1 Filles . . . 123,1 . 3.316,6 2,8 48,9 1,8 68,7 2.230 18,4 384,2 8,8 En tout. . 42.829 172,5 On voit par là que, contrairement à l'opinion commune, le total de l'évacuation par les urines dépasse notablement celui qui se fait par les fèces, même pour les phosphates. Cependant les phosphates dépassent le chiffre de l'azote pour les fèces, sont au- dessous pour les urines. Cette masse énorme de matériaux circule plus ou moins mé- langée d'eau dans les égouts. A Paris, il y a vingt ans, au mo- ment des études de MM. Schlœsing et Durand-Claye, les eaux ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LES FLEUVES 521 d'égoiit contenaient approximativement, au moment où elles ani- Yaient en Seine, 068 grammes de matières dissoutes par mètre cube, et environ 1 k.940 de matières solides. Leur volume total était, en moyenne, de 250.000 mètres cubes, entraînant envi- ron 13.000 kilogrammes d'azote; cela ferait pour l'année 4.745 tonnes. L'évaluation de Frankland donnerait pour 2 millions d'habitants environ 9.940 tonnes. On voit que à cause des fosses fixes, du dépotoir de Bondy, l'égout entraînait, à ce moment-là, environ la moitié du produit des fosses d'aisances. On admet- tait alors que la moitié de l'excédent était enlevée par le service des vidanges, l'autre moitié par les tombereaux. En acceptant révaluation comme exacte, elle laissait encore de côté la totalité des eaux ménagères et tout le fumier déposé par les animaux circulant dans Paris. Gomme il n'y avait pas d'accumulation, c'est le total de ces matériaux qui représentait la partie enlevée par la fermentation sur place, car l'action des microbes est si rapide que la ville la mieux canalisée ne jettera jamais à l'égout la totalité de la matière organique qu'elle évacue. Partout où il y a un animal ou un végétal, il y a des microbes dont raction n'est jamais suspendue, et qui procèdent d'une façon continue à l'assainissement. Pour juger de ce qu'ils peuvent faire sur l'énorme surface qu'ils occupent à Paris, il suffit de voir ce qu'ils font quand l'eau d'égout a été amenée dans la Seine. 308. Epuration en Seine. — Comme ce sont les méthodes que nous avons décrites plus haut qui nous serviront à faire cette étude, cherchons d'abord ce qu'elles donnent pour l'eau d'égout analysée au débouché en Seine des collecteurs d'Asnières et de St-Ouen. Ces analyses portent malheureusementsur l'eau fdtrée, et ainsi débarrassée des matières variées qu'elle tient en suspen- sion. Voici les résultats. Les chitTres sont des milligrammes par litre, et représentent la moyenne de neuf années, de 1887 à 1895. oxydabililù azote organ. azote amm. az. nitrique chlore CoUoclCLir crAsnièrcs .39.1 S,4 18,7 4,1 61 Gollecleur de St-Ouen :;6,() 6,3 25,5 3,6 92 Les chiffres de l'oxydabililé sont très élevés quand on songe 522 CHAPITRE XXXIV qu'ils ne dépassent pas 3 ou 4 dans l'eau de Seine. Ils ne repré- sentent pas, nous le savons (30i), le poids de matière organique contenue dans l'eau. On admet d'ordinaire que ce poids est égal à 20 fois le poids d'oxygène consommé ; il serait donc ici d'en- viron 800 millig. par litre pour l'eau du collecteur d'Asnières. Mais nous avons vu plus haut combien ce facteur est illusoire. Il vaut mieux ne pas parler de poids de matière organique et ne viser que l'oxydabilité. On voit aussi que les eaux de St-Ouen sont plus chargées que les eaux d'Asnières, contiennent plus de chlore, plus d'azote ammoniacal et organique, et moins d'azote nitrique, c'est-à-dire que leur purification est moins avancée ; mais ce qui nous inté- resse, c'est qu'il y a partout des nitrates, et par conséquent, ainsi que nous l'avons prévu, que cette purification est commencée partout. La fraction d'azote épuré est même, on le voit, une fraction notable de l'azote total ; 1 /7 pour le collecteur d'As- nières, 1/8 environ pour le collecteur de Saint-Ouen. Paris épure donc à lui seul une fraction notable de ses eaux résiduaires. Il y aurait un élément à joindre à ces données, que malheu- reusement les analyses ci-dessus ne nous fournissent pas, c'est la dose d'oxygène par litre de liquide. Il est probable qu'elle est faible, bien que^ par places, se trouvent réunies les condi- tions nécessaires à la nitrification. Dans leur ensemble, ces eaux d'égout sont plus ou moins putrides, ce qui témoigne de l'existence de ferments anaérobies. Il peut, en effet, contrairement à une opinion trop répandue, se produire des fermentations anaérobies dans un liquide qui circule au contact de l'air. Tout dépend de la vitesse avec laquelle est consommé l'oxygène qui se dissout. La dissolution de l'oxygène dans un liquide désaéré est, il est vrai, très prompte : c'est la sa- turation seulement qui est lente à se produire. C'est en quelques instants qu'une eau privée d'air est pénétrée par ce gaz dans ses profondeurs, dès qu'elle est exposée à son contact. Mais les mi- crobes l'absorbent et l'utilisent encore plus vite, s'ils sont nom- breux, de sorte qu'il n'y a aucune contradiction foncière entre les mots : large contact de l'air et vie anaérobie. Au reste^ c'est ce dont témoigne l'aspect de la Seine après le pont d'Asnières, à partir du point où elle reçoit le grand égout collecteur de Clichy. ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LES FLEUVES 523 Pendant toute la traversée de Paris, l'aspect est satisfaisant, le fond formé est d'un sable blanc : les poissons vivent dans toute la largeur de la rivière. Le courant considérable d'eau noirâtre qui sort de l'égout change brusquement cette situation. Cette eau a un aspect répugnant. Elle est chargée de débris et recouverte d'une écume graisseuse qui, suivant la direction du vent, vient s'accumuler sur une rive ou sur l'autre. L'eau de l'égout occupe la moitié de la largeur de la rivière, et eu couvre le fond d'une vase noirâtre qui finit par former de véritables atterrissements. Là la matière organique est en excès, et subit une fermentation active, qui se traduit par des bulles innombrables de gaz. Pen- dant une partie de l'année, au moment des chaleurs, ces bulles peuvent atteindre 1 mètre à l'"oO de diamètre. L'odeur est pu- tride et persiste pendantplusieurs kilomètres. Sur certains points aucun être vivant, aucune herbe verte ne se rencontre sur les portions parcourues par l'eau de l'égout. A Saint-Denis, le collecteur départemental vomit une nouvelle masse fétide. Entre Saint-Denis et Épinay, la rivière du Groult apporte un nouveau contingent d'eaux industrielles qui ajoutent à l'infection. D' Epinay à Argenteuil,une amélioration se manifeste, la vase a à peu près disparu, le poisson reparait en temps normal. Mais la rive droite du fleuve, qui a reçu toutes les eaux impures, est encore assez foncée. Ce n'est qu'au delà de Marly que la colora- tion du fleuve commence à diminuer. L'eau est encore trouble et d'un goût peu agréable à Saint-Germain et à Maisons-Laffîte ; mais au delà, vers Conflans, surtout au confluent de l'Oise, la Seine a repris à peu près son aspect de Paris. A Meulan, toute trace d'infection a disparu. il est clair qu'en ce point, les microbes ont eu raison de toute la partie des matériaux organiques solides qui ne s'est pas dépo- sée sous forme de vase sur le trajet parcouru par l'eau, et cette vase, qu'on enlève autant qu'on peut avec des dragues, ne repré- sente qu'une portion du poids total de matière solide apportée par les égouts. Les microbes ont eu aussi raison de tous ou à peu près de tous les éléments en dissolution, et ces éléments forment une fraction notable de rensemblc. En somme, sauf la partie draguée, tout a disparu des 300.000 kilos de matière organique soluble et des 500.000 à (300.000 kilos de matières en suspen- sion vomies par Paris, et tout cela a disparu sur le court trajot de la Seine de Paris à Meulan, 524 CHAPITRE XXXIV Les autres fleuves ou rivières traversant de grandes villes nous fournissent des exemples tout pareils, et des chiffres qui allong-eraient sans utilité cet exposé. Nous résumerons Tensemble des notions acquises en disant que tout fleuve est un champ d'épuration pour la ville qui le pollue, et cjui a le droit d'en user, mais non d'en mésuser. 309. Détail de l'action épuratrice. — Mais nous pouvons, avec ce que nous savons, examiner de plus près le mécanisme de ceiUi action puissante, et si nous nous demandons quelles sont les transformations chimiques qui doivent s'accomplir dans l'eau pendant ce trajet, nous trouvons : 1" Que la quantité d'azote organique, sous des formes autres que celles de sels ammoniacaux volatils, doit croître brusque- ment en aval des débouchés des collecteurs et aller en diminuant ensuite graduellement par suite des combustions de la matière organique ; 2" Que la quantité d'azote total doit suivre la même marche, mais dépasser à Meulan ce qu'elle est à Asnières de tout ce qui a été gagné par suite de la solubilisation incessante produite par les ferments ; 3" Que l'oxygène présent dans l'eau doit suivre une marche inverse, diminuer brusquement en aval des collecteurs, et reve- nir peu à peu k son niveau normal quand l'action des ferments commence à se ralentir. Ces déductions théoriques sont en parfait accord avec l'expé- rience, ainsi que le montrent les chiffres du tableau suivant, qui donne : Dans la l'" colonne, l'indication des points où ont été faites les diverses prises. Nous rappelons que la rive droite du fleuve étant celle qui reçoit les deux grands égouts dont nous avons parlé, c'est sur cette rive que les eaux restent le plus longtemps troubles et impures. Dans la 2" colonne, les cjuantités d'azote organique non encore transformé en sels ammoniacaux, quantités exprimées en gram- mes par mètre cube. Dans la 3" colonne, et exprimées de la même façon, les quan- tités d'azote total, y compris les sels ammoniacaux. ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAU LES FLEUVES 5^25 Dans la 4" colonne, les quantités d'oxygène dissous, évaluées en centimèlres cubes par litre d'eau. 1 II • m IV Pont (i'Asnières. AiiioiU du collecleur 0r"",8o li,''',89 5''',34 Débouché du collecleur de Glicliy ^ 25 ,0.) — Clichj. Bras droit 1 ,0! 4 ,00 — Saint-Ouen. Bras droit 1 ,IG 2 ,00 4 ,07 Saint-Denis. Amont du collecteur — 2 ,00 2 ,65 — Débouché du collecteur déparlenienlal — 98 ,00 — — Aval du collecteur et du 'Groult .... 7 ,27 il /29 1 ,02 Épinay. Bras droit 1 ,26 3 ,00 1 ,0o Bezons. Toute la largeur du courant 0 ,87 l ,9 i ,54 Marly. Bras gauche 0 ,78 3 ,5 1 ,91 Saint-Germain 0 ,76 2 ,2 — Maisons-Laffite . 0 ,79 2 ,5 3 ,74 Poissy 0 ,45 2 ,2 6 ,12 Meulan 0 ,40 — 8 ,17 Mantes — — 8 ,96 La dose d'oxygène des eaux du fleuve àVernon età Rouen est de 10,4 ; on voit qu'à Mantes la teneur normale est à peu près ré- tablie, ce qui veut dire seulement que l'action des ferments à partir de ce point ne consomme pas plus d'oxygène qu'il ne s'en dissout. L'équilibre est à peu près rétabli entre la recette et la dépense, tandis que, plus en amont, la dépense l'emportait sur la recette. Ces évaluations ne sont pas complètes. En voici de plus récentes ; ce sont les chiffres moyens pour 1895 de l'analyse chimique et bactériologique de l'eau de Seine en divers points de son parcours : Oxydabilité Oxygène Clilore Nojiib. de bactéries dissous parce. Pont National 2,3 10,5 6 78.000 Pont Royal 2,7 10,4 6 159.000 Pont:duJour 3,3 9,5 6 300.000 Pont de Sèvres 3,3 9,4 6 123.000 Pont d'Asnières 2,7 9,5 6 163.000 Pont de St-Denis, r. droite. 3,0 7,4 9 2.419.000 Pont d'Epinav, r. droite . 3,4 6,7 10 2.813.000 Bezons 4,1 5,3 11 2.885.000 Bougival 4,2 5,1 10 2.060.000 Conflans 3,1 6,0 10 414.000 Meulan 3,1 8,3 10 275.000 Mantes 3,0 8,5 10 272.000 526 CHAPITRE XXXIV Tous ces nombres, étudiés de près, concordent pour montrer que, à Mantes, la. Seine a déjà repris la pureté relative qu'elle avait en entrant dans Paris. Son oxydabilité est un peu plus élevée. Elle n'a pas encore repris sa teneur normale en oxygène, parce que les microbes, encore nombreux et occupés à détruire la matière organique qui existe encore dans l'eau, l'absorbent incessamment. Mais la vie microbienne est redevenue surtout aérobic ; les poissons et surtout les algues vertes, compagnes et témoins des eaux pures, ont reparu. De sorte qu'on peut dire que le seul témoin du passage au travers de la capitale est l'aug- mentation notable de la dose de sel marin, qui lui, ne peut disparaître, et résume ainsi, au moment où le fleuve se jette dans la mer, le total des pollutions qu'il a subies dans son par- cours. 310. Variations du sel marin. — En consultant à ce. sujet les chiffres du tableau qui précède, on pourra trouver que l'aug- mentation du chlore est faible, elle est de 4 milligrammes par li- tre en moyenne, dans la traversée de Paris. Mais en regard de la faiblesse de ce chifï're,il faut mettre la faiblesse des causes qui le produisent. Ce sont les besoins de l'homme seulement, comme nous l'avons vu, qui ramènent le sel dans les eaux courantes, et au regard du volume d'eau qui traverse journellement Paris, le total de la population est peu de chose. Si on veut voir se tra- duire mieux le résultat de la présence de l'homme, c'est dans la couche qui alimente les puits qu'il faut chercher. Nous verrons (313) la dose de chlore y atteindre 100 à 120 milligrammes par litre. Les eaux d'égout sont aussi très chargées avant leur dilution dans le fleuve. Les eaux de sources profondes sont d'ordinaire très pauvres en chlore et en contiennent d'ordinaire moins de 3 milligrammes par litre. Cette dose est à peine quadruplée quand la Seine se jette dans la mer. On voit par là que, dans l'ensemble, la pollu- tion du fleuve est négligeable. C'est localement, et quand au lieu d'user, on abuse, qu'elle peut devenir désagréable ou dan- gereuse. ÉPUllAïlON DES EAUX D'ÉGOUT PAR LES FLEUVES 527 BIBLIOGRAPHIE ScHLŒsiKCf ET Durand-Cl\ye. Rapport sur l'altération des cours d'eau et les moyens d'y porter remède. Comptes rendus du Congrès internalional d'Iiy- (jiène, p. 304. Commission technique de [.'.assainissement de Paris. Procès-verbaux, rap- ports et résolutions. Paris, 188-3. OoRNiL. Rapport au Sénat sur la question de l'utilisation agricole des eaux d'égout de Paris et de l'assainissement de la Seine. Paris, MiQUEL. Annuaire de Montsouris, passim. CHAPITRE XXXV ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LE SOL Bien que le fleuve soit, comme nous venons de le montrer, un très naturel et très puissant moyen d'épuration des eaux d'é- gout, il n'est pas sans inconvénient de le faire servir à cet em- ploi. Il devient un cloaque sur une partie de son parcours. De plus, la masse énorme de matière organique qu'on y amène est perdue comme engrais. On compte en gros que le total des dé- jections annuelles, par individu, représente à peu près l'équi- valent de ce qu'il faudrait pour fumer 5 ares. C'est l'engrais de 100.000 hectares environ qu'on enverrait inutilement dans la Seine, si Paris était doté du tout à l'égout. On comprend donc les tentatives faites soit pour purifier l'eau d'égout par filtration dans le sol, soit même pour la purifier et l'utiliser en même temps. De là, deux pratiques qui ont nombre de points com- muns, mais qui ne se confondent pas, celle des champs (F épu- ration et celle de ï utilisation agricole. 311. Expériences de M. Hiram Mills. — Il s'agit ici de faire, sur le plus étroit espace possible, le travail qui se fait naturellement dans tous les sols, cultivés ou non cultivés. Ce travail, pour être régulier, devra évidemment aboutir dans les deux cas au même résultat : gazéification du carbone et d'une partie de l'azote, transformation du reste de l'azote en nitrates. Nous n'avons pas à revenir ici sur les actions bactériennes super- posées qui amènent cette transformation. Toute la question est de savoir comment nous devrons nous arranger pour la rendre la plus rapide possible. Dans cet ordre d'idées, nous pouvons tout de suite aboutir à un certain nombre de conclusions. La première est qu'il ne faut pas songer aune irrigation continue, qui chasserait l'air du sol. Il faut de l'oxygène pour la nitritîcation. Il faut donc que l'irri- ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAU LE SOL 52Ô gation soit intermittente. Ceci fait entrer enjeu la nature et la grosseur des éléments du sol. Il faut qu'ils retiennent l'eau qui les a baignés pendant que l'air y circule ; il faut aussi que leur surface baignée par l'air soit assez grande, sans que les méats deviennent trop petits, pour que l'eau et l'air ne soient pas rete- nus par des phénomènes capillaires. Il est nécessaire que le sol puisse fournir les bases terreuses dont la nitrification a besoin pour marcher d'une allure rapide. Enfin, on peut attendre de l'expérience une adaptation si complète du filtre à sa fonction, que celle-ci devienne très rapide. Cette question a précisément été l'objet d'études très soi- gneuses de la part du Bureau d'hygiène du Massachusetts. Les expériences ont été faites par M. Iliram Mills, à la Station expé- rimentale de Lawrence, sur de grandes cuves de bois de cinq mètres de diamètre et de deux mètres de profondeur, étanches, et pourvues d'une canalisation permettant d'y répandre de l'eau d'égout et de l'en retirer. Ces cuves étaient remplies des maté- riaux au travers desquels on voulait étudier la liltration, sable de diverses grosseurs, terres végétales, tourbe, marne ou mé- langes de ces divers éléments. On amenait à la surface de ces sols artificiels de l'eau d'égout, préalablement analysée, ne con- tenant pas en moyenne plus de deux millièmes de matière orga- nique, et on cherchait ce que devenait cette matière après fil- tration intermittente ou continue de l'eau qui la contenait. iVinsi faite, l'expérience s'est montrée tout à fait d'accord avec les déductions théoriques que nous venons d'émettre. En premier lieu, on a vu que la nitrification est impossible dans la filtration continue des eaux d'égout, et n'accompagne que la filtration intermittente. On a trouvé aussi qu'elle est ré- duite au minimum ou même nulle dans des terres trop fines, ou trop compactes, comme la marne, ou trop poreuses, comme la tourbe, et qu'elle ne marche bien que dans un sable à gros élé- ments, dont les grains se recouvrent, au moment de l'arrosage, d'une couche fine de liquide, que baigne l'air qui circule dans les intervalles qu'ils laissent libres. Un pareil sol peut être transformé en un véritable milieu de culture, et devenir un moyen d'oxydation puissant. Il suffit de tâter, au moyen de l'a- nalyse chimique, la puissance nitrifiante des microbes qui y prennent naissance, d'y proportionner l'arrivée de l'eau d'égout, 34 530 CHAPITRE XXXV en tenant compte de ce qu'elle contient d'éléments utilisables, de la température, etc. On voit ainsi les ferments nitrifiants deve- nir de plus en plus les maîtres du terrain, grâce à ce traitement qui les favorise, et M. Hirani Mills est arrivé à avoir des filtres qui brûlaient la matière organique de l'eau d'égout versée à la dose de 120.000 gallons par acre et par jour, ce qui correspond à peu près à 1.350 mètres cubes à Thectare, soit à 135 litres par mètre carré ou à une couche d'eau de 135 millimètres. L'eau qui sortait du filtre ne contenait, à l'état organique, que un ou deux centièmes de la matière organique de l'eau d'égout ; au point de vue de l'analyse cliimique, c'était une eau très pure et à laquelle on n'aurait pu contester la qualité d'eau potable. Ces notions générales demandent à être appuyées par un exemple concret, nous choisirons pour cela l'un des filtres, le n° 14, formé de sable grossier. Au moment de la mise en train, en février 1888, voici quelle a été la composition moyenne de l'eau introduite et de l'eau sortie. Les chiffres sont des milli- grammes par litre : Am Tioniaque Azote des Nombre libre amidée nitralea nitrites de bactéries par ce. Eau d'égout . . . 5,0 3,6 0,07 0,0i — — filtrée . . . . 1,6 0,2 0,24 0,03 78.186 La matière albuminoïde disparaissait assez vite, mais la nitrifi- cation était faible. En mai, le fonctionnement était déjà meil- leur. Voici les chiffres correspondants : Eau d'égout . , . 10,6 3,6 0,08 0,01 - filtrée... . 0,0 0,2 11,9 0,03 46.280 La nitrification est devenue meilleure, sans comprendre encore cependant la totalité de l'azote introduit, quon a augmenté pen- dant l'opération. A ce moment, le filtre recevait 120.000 gal- lons par acre et par jour, ce qui fait environ 1350 mètres cubes par hectare et par jour, soit une affusion journalière de 135 mil- limètres d'eau environ. En août, on a porté à 20 centimètres par jour la hauteur de l'eau d'arrosage. Pendant trois semaines, les nitrates ont dimi- nué, et l'ammoniaque a augmenté à la sortie. Mais le filtre a peu à peu retrouvé sa puissance, et en novembre, on avait les chiffres suivants : EPURATION DES EAUX PAR LE SOL 531 Ammoniaque Azote des Nombre libre ainiiii^e nitrates nitrites de bactéries par ce. Eau d'égout . . . 20,3 4,3 0,00 0,00 — filtrée 0,0 0/2 10,03 0,17 1.453 L'eau distribuée sur le filtre à ce moment était plus chargée qu'au début, et cependant, à 2000 me. par hectare et par jour, la purification était très remarquable. Mais, en novembre, on s'aperçut qu'on avait demandé au filtre plus qu'il ne pouvait donner. Les couches supérieures étaient sales, et il absorbait beaucoup plus lentement l'eau qu'on versait à sa surface. En jan- vier, l'analyse donna les chiffres suivants : Eau d'égout .. . 11,5 2,7 0,21 0,03 — — filtrée 0,2 0,2 5,67 0,04 535 Bien que le filtre fût à ce moment alimenté par de l'eau moins concentrée et déjà plus chargée de nitrates à son entrée, la ni- trification était devenue médiocre. On nettoie alors la couche supérieure du filtre, pour la première fois depuis qu'il avait été mis en fonction, et l'effet du nettoyage se traduit immédiatement par une augmentation des nitrates et une diminution de l'am- moniaque. Il n'est pas nécessaire d'entrer dans plus de détails. Nous venons de passer en revue les quatre périodes de la vie d "un filtre : sa jeunesse, sa mise en train, sa vieillesse et son rajeunissement. En somme, on voit que lorsqu'un filtre est ?m}r, il est le siège d'une action très complexe, qui peut amener à la forme de nitrate une proportion considérable de l'azote de l'eau d'égout. En no- vemljre, l'azote amidé de l'eau fdtrée ne représentait que 4 0/0 de l'azote amidé de l'eau d'égout, et l'azote des nitrates ou des nitrites représentait environ la moitié de l'azote ammoniacal ou amidé. Il en représentait les 6/7 en mai, où l'eau d'égout était moins chargée. Il n'en représentait que le trentième, en janvier, lorsque le filtre débutait. On peut donc, par des soins convena- bles et une surveillance attentive, améliorer largement la nitri- fication dans un sol poreux. Cette nitrification exige, comme nous l'avons vu, deux grou- pes d'actions consécutives : le premier, œuvre des microbes qui s'attaquent à la matière organique ; le second, œuvre des mi- crobes qui vivent aux dépens de l'ammoniaque formée par les 532 CHAPITRE XXXV premiers, et qui ne peuvent pas habiter au même niveau, car ils fuient le contact de la matière organique. Il y a donc deux zones superposées dans le filtre, zones dont la limite commune monte ou s'abaisse suivant les conditions du fonctionnement. L'eau d'égout est-elle plus étendue, ou, avec la môme concen- tration, arrive-t-elle plus lentemeni, le niveau monte, et la ni- trifîcation s'améliore. Donne-t-on trop d'eau, ou de l'eau trop impure, la zone des ferments nitriques se rapproche du fond, et le fdtre s'encrasse. L'expérience du Massachusetts montre que, convenablement aménagé et traité, un filtre se nettoie lui-même et peut fonctionner longtemps, non seulement sans perdre son pouvoir nitrifiant, mais même en laméliorant. Si nous envisageons maintenant son effet sur les bactéries, nous voyons qu'il devient de plus en plus parfait. Au début, le nombre des bactéries par ce. dans l'eau filtrée, bien qu'infé- rieur à celui de l'eau d'égout, s'en rapproche beaucoup. Il de- vient de plus en plus petit, même lorsque le fdtre fonctionne mal comme nitrification. Ce fait est général : M. lliram Mills a tou- jours vu que le nombre des bactéries dans l'eau qui a traversé le filtre diminue d'autant plus que la nitrification est plus énergique, et peut tomber à quelques unités par centimètre cube. Cela se comprend sans peine. Les ferments nitreux et nitrique s'emparent du terrain, en chassent par des phénomènes de concurrence vitale, ou détruisent par les produits auxquels ils donnent naissance, les autres bactéries, qu'ils remplacent sans doute dans le liquide effluent. Mais comme ils ne sont pas culti- vables sur les milieux ordinaires, on ne les voit pas, et on ne constate que la disparition des bactéries banales. Nous retrouverons cette question à propos des filtres pour l'eau potable, et nous aurons alors à utiliser l'enseignement que nous venons de recueillir. Terminons ce qui est relatif à ce su- jet par un exemple bien frappant de la différence entre les effets de la fîltration intermittente et la filtration continue. Un petit filtre, le n° 12, soumis à la filtration intermittente de trois gal- lons (13 litres) d'eau par jour, brûlait 99,2 0/0 de la quantité totale d'ammoniaque de l'eau d'égout qu'on y versait. Maintenu plein d'eau et avec le même débit par jour, la nitrification cessa en moins d'un mois ; la quantité totale d'ammoniaque libre et amidée alla en augmentant pendant trois mois, de façon à ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LE SOL 533 dépasser celle de l'eau d'égout. Eu revanche, la quantité de matière albuminoïde était moindre dans l'eau cffluente que dans l'eau versée à la surface. Ce double effet montre que la matière albuminoïde se détruisait, en prenant la forme de produits plus ou moin'S dégTadés, dont l'azote se transforme plus facilement en azote amidé que celui de l'albumine initiale. En môme temps, une certaine quantité de matière organique était retenue, par affinité capillaire, dans la masse du fdtre, car en le laissant se vider, et en y reprenant la filtration intermittente, la nitrification recommença avec force et donna en azote nitrique cinq pour cent de plus d'azote qu'il n'y en avait dans le liquide qu'on versait sur le filtre. Au bout de trois mois, le filtre était nettoyé parles ferments nitriques. Le total des ammoniaques à la sortie n'était que 0,7 0/0 de ce qu'il était à l'entrée, et montait seulement à 0,0151 parties sur 100 000, c'est-à-dire à un niveau inférieur à la moyenne de toutes les eaux de boisson de l'Etat de Massa- chusetts. 313. Epuration industrielle par le sol, — Les expériences que nous venons de résumer montrent qu'on peut rendre très active l'épuration par filtration au travers d'un terrain convena- blement choisi. On a pu, à la station de Lawrence, brûler, sans encrasser le filtre ni troubler son bon fonctionnement, 250 gr. environ de matière organique par mètre carré et par jour, ce qui fait 2.500 kilogr. à l'hectare. Il faudrait donc moins de 400 hec- tares pour briller la totalité de la matière organique qui sort journellement de Paris. C'est une surface moindre que celle que couvrent en ce moment les champs d'épuration de Gennevilliers. Si le sol de Paris était comburant au même degré, il brûlerait 20 fois autant de matière organique qu'il en vomit par ses égoûts et pourrait se suffire à lui-même. Je donne ces chiffres pour montrer que même au milieu d'une population très dense, l'épuration est et peut rester un problème local. Or, si elle le peut, elle le doit, car aucune ville n'a le droit d'envoyer ses dé- jections sur une autre. Notons, comme comparaison avec les chiffres précédents, que l'épuration par la Seine, dont flous avons constaté plus haut les puissants effets, n'exige pas une surface de plus de 200 hectares de Paris à Mantes. Avant de passer aux phénomènes d'épuration spontanée dans 534 CHAPITRE XXXV le sol, nous avons donc à étudier l'épuration voulue et indus- trielle dans les champs d'épandage, où elle est plus active que lorsqu'elle est abandonnée à elle-même, sans atteindre pourtant Tactivité qu'elle avait dans les cuves de M. Hiram ]\lills. Pour- tant elle s'en approche. A 200 millimètres d'eau par jour, la cuve n" 14 épurait par an plus de 700.000 mètres cubes à l'hec- tare.MM. Schlœsing et Franklandont vu que l'action épuratrice du sol sur de grandes surfaces pouvait se faire pour des doses de 50.000 et même 100.000 mètres cubes. Il est vrai qu'ils ne se sont pas assures de la durée que pourrait avoir le filtre travaillant dans ces conditions. Quoi qu'il en soit, on voit que les cuves de M. Hiram Mills ne sont pas autant des appareils de laboratoire qu'on serait tenté de le croire au premier abord. Nous pouvons donc nous attendre à trouver pour Gennevilliers où, il est vrai, il se fait de la culture en même temps que de l'épuration, des nombres comparables à ceux qui précèdent. Le drainage de la presqu'île de Gennevilliers, irriguée à l'eau d'égout, se fait par 5 drains dirigés sensiblement et à intervalles égaux suivant les rayons du demi-cercle formé par la Seine. Voici, comparativement, Tanalyse des eaux des deux collecteurs qui alimentent l'irrigation, et de deux des drains qui l'écoulent dans le fleuve. Ces chiffres sont les chiffres moyens de 1887 à 1895, pour Gennevilliers. Oxydabilité Az. Org. Az. Ammon. Az. nit. Chlore Collecteur d'Asnières . . 39.1 S.4 18.7 4.1 61 Collecteur de St-Ouen . . 56.6 6.3 2."). 5 3.6 92 Drain des Grésillons . . 1.3 » » 21.3 72 Drain d'Epinay .... 1.3 « » 22.6 69 Quant au nombre des bactéries, voici les moyennes pour 1895 : Collecteur d'Asnières .... 13.250.000 bact. par ce. Collecteur de St-Ouen. . . . 16.870.000 » Drain des Grésillons 880 » Drain d'Epinay 8.380 » La nitrification est donc rapide et tout se passe comme dans les expériences du Massachusetts, sauf que le rendement du filtre en eau purifiée est sensiblement moins grand. On n'a distribué en 1893 que 33 millions de mètres cubes environ pour une sur- EPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LE SOL 535 face de plus de 600 hectares. Cela fait environ 50.000 mètres cubes par hectare et par an, 313. Nappe souterraine. — Nous verrons bientôt qu'àGen- nevilliers on fait surtout de l'cpuration. Mais on y fait aussi de la culture, et auf que l'apport de matière organique y est plus grand qu'ailleurs, il doit s'y passer les mêmes choses que sur tous les terrains cultivés, qui contiennent ou reçoivent de la matière organique, et reçoivent aussi, sous forme d'arrosage intermittent, les 70 ou 80 centimètres de hauteurd'eau de pluie que l'atmosphère leur apporte tous les ans. Cela fait 7 à 8.000 mè- tres cubes à l'hectare. De là les nitrates des eaux souterraines. Enfin, et toujours dans le même ordre d'idées, la nitrifîcation doit fonctionner aussi avec énergie dans les villes, où il y a beau- coup de matière organique, et où les pluies pénètrent toujours un peu dans le sol, malgré le pavage. Quand elles ne pénètrent pas, l'air ne pénètre pas non plus : il y a de ces phénomènes de putréfaction locale dont le sol de Paris, quand on le remue, nous donne si souvent le témoignage. Mais il y a toujours des portions poreuses, où peuvent se produire des phénomènes de nitrifîcation. Nous devons nous attendre, comme conclusion de ce qui pré- cède, à retrouver dans la nappe souterraine des puits les traces du travail de nitrifîcation dont le sol de Paris est nécessairement le siège. Nous trouvons en effet, dans l'annuaire de Montsouris où nous avons pris les chiffres qui précèdent, quelques détermi- nations parmi lesquelles nous choisissons celles-ci, relatives à des puits voisins de la Seine. Oxydabllité Az. nitrique Chlore Rue de Saintonge 2.4 » St-Merry 0.8 » de Seine 2.7 » Guénégaud (moy. 1895) . . 1.1 » Princesse (id.) ... 3.5 Place Pinel 1.3 Eau de la Seine Uvry, 189o). ... 3.4 On voit que toutes ces eaux de la nappe souterraine, bien que parfois plus pauvres que celles de la Seine en matière organique 30.6 78 8.8 27 3.4 73 17.1 46 7S.2 284 29.1 103 2.0 6 536 CHAPITRE XXXV attaquable par l'hypermanganate en solution acide, la dépassent de beaucoup par leur richesse en chlore et en nitrates. Si on recueillait les eaux de la source profonde qui débouche dans le lit da la Seine au niveau et en aval du Pont de la Concorde, on leur trouverait une composition analogue à l'une de celles du tableau précédent. Concluons que le sol de Paris est aussi le si.ège d'une nitrification analogue à celle de Gennevilliers, dont aucun document ne permet encore de mesurer la puissance, mais qui est assurément loin d'être aussi négligeable qu'on l'a admis jusqu'ici, 314. Différences entre l'épuration industrielle et l'utilisa- tion agricole des eaux dégoût. — ('es deux questions sont souvent confondues dans l'esprit du public, et môme dans les livres. Pour les bien distinguer, il suffira de chercher les conditions dans lesquelles il faudrait se placer, si on voulait pousser chacune de ces actions à son maximum de perfection. D'abord, pour l'épuration, une terre nue est préférable à un sol couvert de végétation, qui gêne la circulation de l'air. Puis le choix de la terre n'est pas sans importance. Le sable pur, qui nous a donné de si bons résultats dans les filtres de Massachusetts, et qui serait le meilleur au point de vue de la perméabilité, ne vaut rien à cause de la faiblesse de son pouvoir absorbant : avant que la matière organique ne soit brûlée dans les couches du sol, il faut qu'elle y soit retenue, et le sable la laisse trop facilement passer. Par contre, l'argile, qui la retient bien, retient aussi l'eau et est imperméable. Mais un mélange de sable et d'argile ou d'argile et de calcaire conviendrait. Frankland recommande la marne contenant un peu de fer. Un sable pénétré d'humus conviendrait aussi, à cause du pouvoir absorbant des matières humiques. Une terre argileuse grillée conviendrait aussi, parce que le grillage laisse intactes les propriétés absorbantes de l'ar- gile et lui donne de la perméabilité. Un peu de calcaire est utile, car il sature l'acide nitrique formé ; mais comme les quantités produites sont faibles et que l'irrigation les enlève, on peut à la rigueur se passer de calcaire. Ce sol, quoiqu'il soit, et on voit qu'il peut être très variable, ne doit pas être maintenu constamment humide. Il faudra donc que l'irrigation soit intermittente, mais que l'eau d'égout quitte ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LE SOL 537 le sol aussitôt qu'elle a abandonné sa matière organique aux pa- rois poreuses qu'elle a traversées. De là la nécessité d'un drai- nage ; ce drainage assure, d'ailleurs, la facile circulation de l'air. Wollny et Tli. Schlœsing fils ont montré que dans les couches souterraines, l'acide carbonique constamment produit par les microbes voyage en s'écoulant le long des lignes de plus grande pente, eu vertu de son excès do densité, et de la tranquillité des régions dans lesquelles il circule. Il s'évacue ainsi par les canaux et tuyaux de drainage, est remplacé par l'oxygène, et ce drainage assure ainsi non seulement la circulation de l'eau, mais aussi celle de l'air. Quant au choix des espèces microbiennes actives, c'est une question qui n'a encore préoccupé personne. On se fie à la nature, à la multitude des germes préexistant sur le sol, ou amenés par les eaux d'égout, et on se dit que tout se fera pour le mieux par sélection naturelle. C'est un raisonnement analogue à celui que fait le brasseur belge, quand il n'ensemence pas de levure son brassin de Lambick, et se contente de l'amener dans des vases imparfaitement nettoyés où s'est faite une fermentation précé- dente. Cela réussit en effet, mais on sait que c'est toujours au détriment de la rapidité de l'action. Or, dans cette question de l'irrigation par les eaux d'égout. cette rapidité est une condition de succès. On pourrait évidemment, par un choix convenable du ferment nitrifiant et une étude soigneuse de ses conditions d'action, aug- menter grandement l'action comburante du sol. L'Aspcrgillus niger peut consommer par jour, par mètre carré, sous une épaisseur de 5 centimètres seulement, 50 grammes de sucre. Cela donnerait une consommation de 180 kilogrammes par an pour cette faible épaisseur, et de plus de 3.000 kilogrammes si la combustion se faisait de même sur un mètre de profondeur. Si on calculait ce qui se brûle d'alcool dans la cuve d'un fabricant de vinaigre d'Orléans, ou dans les tonneaux d'acétification par le procédé allemand, ou trouverait des nombres analogues. Dans les irrigations à l'eau d'égout, on ne dépasse guère, en moyenne, 50.000 mètres cubes à l'hectare, d'eau renfermant 2 kilogrammes de matière organique par mètre cube. Cela donne 10 kilogrammes de matière organique détruite par mètre carré de sol filtrant. En lui supposant une profondeur de un 538 CHAPITRE XXXV mètre seulement, on voit comme on est loin de compte, et com- bien la puissance destructrice des microbes est encore mal utili- sée, môme dans les irrigations qui fonctionnent le mieux ; on pourrait leur demander dix fois plus de besogne. Il est juste pourtant de reconnaître que sur tous les points où l'irrigation à l'eau d'égout est pratiquée, on a appris à propor- tionner le volume d'eau à la nature du sol, à son degré d'aéra- tion, à la saison, à la température, bref, à tout ce qui ne touche pas à la nature des microbes, pour arriver au meilleur résultat compatible avec l'oubli de l'élément négligé. Il est inutile de don- ner ces chifires d'épandage, qui varient non seulement d'un point à l'autre, mais en un même lieu. Ils ont pu s'élever sans inconvé- nient à 100.000 et même à 150.000 mètres cubes par hectare et par an. La limite n'est pas dans la puissance absorbante du sol, qui dépasse en général ces chiffres, et de beaucoup. Les marcite^ les prairies fertiles des environs de Milan, irriguées à l'eau d'égout, peuvent absorber, d'après M. Nadault de Bufïon, près d'un million de mètres cubes à l'hectare et par an, et ce chiffre est quadruplé, d'après M. Hervé Mangon, dans certaines prai- ries des Vosges. Ce qui limite le chiffre de l'irrigation, c'est qu'il faut empêcher la saturation du sol, et donner aux microbes le temps de détruire la matière organique. Peu importe ce que devient celle-ci. Elle est en principe des- tinée à être perdue. Nous avons vu ce que devenait l'azote. Une partie passe à l'état de nitrites et de nitrates. Une autre portion, que nous n'avons pas visée, se dégage à l'état d'azote gazeux, soit sous l'action des ferments de la matière organique, dont quel- ques-uns aboutissent à ce gaz, soit par double réaction entre l'ammoniaque et les nitrites. kl} 0^ + 2Azff = 4Az-h3H^O Quant au carbone que nous n'avons pas fait entrer dans notre exposé, il disparait à l'état d'acide carbonique. 315. Conditions de l'utilisation agricole. — S'il s'agit au contraire d'utilisation agricole, le carbone ne doit pas dispa- raître, il doit prendre et conserver au moins quelque temps cet état d'humus, sous lequel il est si utile, sans qu'on sache bien encore pourquoi. L'azote doit être amené à l'état de nitrates, ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LE SOL 539 forme sous laquelle il est le plus facilement assimilable, et à ce moment, il doit être absorbé par un végétal, car il s'en va faci- lement. De plus, les eaux d'égout contiennent, outre la matière organique, des engrais minéraux qu'il faut aussi que la terre recueille et arrête, pour les besoins de la culture qu'elle porte. Les nombres suivants, relevés par Sulliowsky dans les irriga- tions à l'eau d'égout des environs de Berlin, résument l'ensemble du phénomène, et ils donnent, en outre, pour la distribution des éléments minéraux entre le sol et l'eau de drainage, des chiffres qui témoignent que la potasse et l'acide phosphorique sont re- tenus, tandis que l'acide sulfurique et la chaux sont éliminés. A cause de la forte proportion du chlorure de sodium dans le sol et dans l'eau, les phénomènes relatifs à ce corps ne sont pas nets. Il en est de même pour les sels de magnésie, qui semblent être indif- férents à la filtration, Yoici, en effet, en milligrammes par litre, le poids des divers éléments contenus dans l'eau d'irrigation et l'eau de drainage. Eau d'égout Drainage iMatières organiques. . . 292 410 Ammoniaque libre ... 78 3 Acide nitrique traces. 28 Acide nitreux traces. 31 Azote total 87 4 Acide sulfurique .... 27 145 Acide phosphorique . . 18 traces. Chlore 167 145 Potasse 79 21 Soude 142 170 Chaux 107 167 Magnésie 21 21 Une terre nue, soumise à l'épuration, s'enrichirait donc en acide phosphorique et en potasse au point de s'en saturer, d'en devenir infertile, ou au moins de gêner l'action des microbes qui l'habi- tent et lui donnent ses propriétés. Il y a avantage à emprunter constamment ces éléments pré- cieux au sol qui les retient, pour lui permettre d'en absorber d'autres. C'est ce qu'on fait inconsciemment au moyen de la mise en culture de ces terrains irrigués. On en extrait ainsi à la fois de la matière organique et des sels, avec cet avantage que la ma- 540 CHAPITRE XXXV tière organique absorbée par les racines des plantes appartient précisément à cette partie des matériaux déjà arrivés, sous l'ac- tion de la vie cellulaire, à leur dernière période de destruction, et qui s'en vont de préférence avec l'eau des drains; avec cet avantage aussi que la plante utilise non seulement les sels, po- tasse, acide phosphorique, etc. que le sol retient, maisarrête les nitrates qu'emporterait l'eau de drainage. La culture joint donc sa puissance à celle des microbes, ou plutôt il se produit, entre la plante et les infiniment petits, une de ces symbioses où les deux commensaux s'exaltent l'un l'autre. 316. Exemple de Gennevilliers. — Arrivés en ce point, nous pouvons nous demander dans quelle mesure cette combi- naison est réalisée, et quel est le degré d'utilisation des eaux d'égout là où il passe pour le meilleur. Nous pouvons prendre comme exemple les irrigations des environs de Berlin ou celles de Paris. A Gennevilliers, dans la portion de la presqu'île où on fait de la culture et où l'irrigation se fait suivant ses besoins, les doses versées à l'hectare ne dépassent pas 40.000 mètres cubes. On compte que ces eaux contiennent en moyenne par mètre cube : Azote 45 gr. Acide phosphorique . . 18 gr. Potasse 27 gr. Ce qui fait qu'un mètre cube d'eau d'égoùt contient à peu près la même quantité d'éléments fertilisants que 10 kilogram- mes de fumier de ferme. On voit donc que les cultivateurs de Gennevilliers apportent par hectare, sur leurs cultures, environ 400.000 kilogrammes de fumier, alors que les cultures les plus intensives n'en exigent que 20 à 25.000 kilogr. C'est vingt fois plus qu'il en faudrait. Nous avons vu plus haut que comme champ d'épuration Gennevilliers est de beaucoup au-dessous de ce qu'il pourrait être. On pourrait lui demander au moins dix fois plus de travail, pour la même surface. Comme champ d'utilisation agricole, il est aussi un médiocre instrument, car, avec la même quantité d'engrais, on pourrait cultiver des surfaces vingt fois plus con- sidérables. En somme, c'est surtout comme champ d'épuration ÉPURATION DES EAUX D'ÉGOUT PAR LE SOL 541 qu'il agit, et la culture n'y est ([u'un masque. 11 y aurait évidem- ment profit à ne pas mélanger les deux fonctions, et à deman- der à chacune d'elle le maximum de ce qu'elle peut donner. 31*7. Inconvénients de l'utilisation agricole. — (j'est évi- demment la mise en culture des terrains irrigués à l'eau d'égout qui est la solution à préférer, loutes les fois qu'elle ne se heurte pas à des obstacles qui la rendraient moins économique que l'autre. Ici, le cube épuré à l'hectare importe peu. Ce qui im- porte, c'est la pureté minérale et organique de l'eau de drai- nage. Au point de vue minéral, l'eau des drains des Grésillons et d'Epinay, à Gennevilliers,est du jus de fumier, et pour l'utiliser, il faut augmenter beaucoup les surfaces. Cette extension des cultures irriguées à l'eau d'égout se heurte à des répugnances instinctives, que la science combat en mon- trant qu'il n'y a aucun jardin maraîcher qui puisse dilférer sen- siblement de ceux de Gennevilliers. Le fumier est partout la condition de la culture, et partout les matériaux plus ou moins répugnants qu'il contient ne sont utilisés et ne passent dans la plante qu'après combustion et rénovation complète. Un autre argument a été opposé à la mise en culture des ter- rains irrigués à l'eau d'égout ; on l'a tiré de la présence dans ces eaux de bacilles pathogènes. Comment s'exposer, a-t-on dit, à voir revenir dans nos habitations, sous forme de légumes ou de substances comestibles, des germes de choléra ou de fièvre ty- phoïde ? Si encore il ne s'agissait que de fourrages et de foin, la répercussion du danger possible sur l'espèce humaine serait lointaine et par suite négligeable ! On peut dire la même chose à la rigueur des légumes que nous ne consommons que cuits, mais les radis, les salades, les fraises, qui nous dit qu'elles ne vont pas nous rapporter les bacilles pathogènes des évacuations alvines des malades ? L'argument mérite évidemment d'être examiné de près ; mais voici à quoi il se réduit. Lorsqu'il y a des bacilles pathogènes dans l'eau d'un égout, sont-ils plus dangereux dans les champs d'épuration et de culture que dans tout autre procédé pratique d'évacuation ? Examinons ce que deviennent ces germes. Tous ceux qui ar- rivent au contact du^sol sont retenus et arrêtés par lui. C'est ce 842 CHAPITRE XXXV qui a été surabondamment prouvé par MM. Cornil et Ghantemessc, Grancher et Deschamps, etc. Il y a des chances pour qu'ils y pé- rissent en grand nombre, comme le font les autres microbes, dont l'eau d'égout apporte tous les jours des légions innombra- bles, et dont un gramme de terre contient toujours à peu près la même quantité. Nous savons en effet (S93àS95) qu'ils sont en général assez fragiles, et que le sol est pour eux un milieu assez médiocre. Mais ce n'est qu'une chance, et en regard de cette chance nous devons placer, diront les adversaires de la mise en culture des champs irrigués à l'eau d'égout, non seulement les chances de contamination par l'eau d'arrosage tombant en plein sur les légumes, mais encore, ce qui est plus grave, l'in- finie variété des conditions de culture offertes par un même sol, dont aucune partie ne ressemble à la partie voisine. Rien ne nous dit que localement, sur une surface plus ou moins grande, à tel ou tel moment, la lutte pour la vie engagée dans les couches du sol ne se terminera pas à l'avantage du bacille typhique ou du bacille- virgule. Il y a des travaux qui ont constaté leur grande vitalité dans le sol. M. Pasteur a retrouvé des bactéridies dans la terre d'une fosse, douze ans après l'enfouissement dans cette fosse du corps d'un animal mort du charbon. MM. Grancher et Deschamps ont vu que le bacille typhique pouvait se conserver plus de cinq mois et demi dans une terre ayant à peu près la constitution de celle de Gennevilliers. On est donc exposé, en semant ainsi au hasard des bacilles pathogènes sur de vastes surfaces, à favoriser des cultures lo- cales qui pourraient devenir dangereuses. N'est-ce pas par une culture locale du bacille-virgule que quelques hygiénistes expli- quent l'endémicité du choléra vers les embouchures du Gange? N'y a-t-il pas de même des régions vouées à la malaria par suite de la constitution de leur sol ou de leur sous-sol ? Je n'affaiblis par les arguments et j'en reconnais le bien fondé, si on veut reconnaître en échange leur caractère hypothétique, si on veut m'accorder aussi que de ces cultures locales il ne ré- sulte pas nécessairement un danger. Il y a dans le sol bien des microbes dangereux : il y a le vibrion pyogène, le vibrion septi- que, il y a le bacille du tétanos, il y en a bien d'autres avec les- quels nous vivons en assez bonne intelligence. Ceux que nous avalons sous forme de poussières ont été desséchés et ont subi ÉPURATION DES EAUX DÉGOÛT PAR LE SOL 643 l'action du soleil, deux influences dépressives ou mortelles. Ceux que nous consommons avec les aliments ([ue nous mangeons crus rencontrent une barrière dans le canal digestif. La Chine répand depuis des siècles des déjections humaines sur ses champs de culture. Les marcite de Milan sont irrigués depuis bien long- temps avec les eaux d'égout de la ville. Dans le Nord, aux en- virons de Lille, on ne mange pas une fraise ni un radis qui n'ait été en contact avec de la matière fécale. Or Lille est précisément une des villes les plus épargnées par la fièvre typhoïde, et les maladies vermineuscs, dont on a accusé les légumes arrosés à l'eau d'égout d'être les agents de transport, ne sont pas plus fré- quentes qu'ailleurs. L'expérience ne prouve pas non plus que la santé des habi- tants de la plaine de Gennevilliers, ceux des vastes surfaces irri- guées aux environs de Berlin, d'Edimbourg, et des nombreuses villes anglaises qui ont adopté ce système, soient de préférence atteints par les maladies épidémiques que l'eau peut convoyer. Enfin, au cas où un danger se révélerait de ce coté, ce ne serait pas une raison de renoncer à l'utilisation des eaux d'égout, et on pourrait encore utilement les faire servir à produire de l'herbe ou des fourrages destinés à l'engraissement ou à la production laitière. Lawes et Gilbert ont constaté qu'on pouvait doubler et tripler la production fourragère en envoyant sur une prairie, en eau d'égout, l'équivalent seulement de ce que lui apportent les pluies. On diminue les chances d'infection, en diminuant le volume d'eau d'irrigation : on augmente le poids à l'hectare du végétal qui peut à la rigueur servir de véhicule aux germes^ et enfin l'animal servant d'intermédiaire est en même temps une protection contre eux. 318. Conclusions. — L'ensemble des notions que nous ve- nons de développer comporte une conclusion que nous pouvons faire courte. Nous avons vu que les déjections de 20 personnes peuvent suffire pour entretenir, en bon état de culture un hec- tare de terrain, si elles ne laissent rien perdre. Vingt personnes pourraient donc vivre sur un hectare de terre sans rien emprun- ter à l'extérieur pour leur nourriture, par une rotation continue de la matière, par une symbiose entre eux et les microbes du sol. Elles n'auraient pas même besoin d'eau, car la dose apportée 544 CHAPITRE XXXV par les pluies est suffisante pour tous les usages, et elle passe- rait aux rivières et aux fleuves sans leur apporter d'impuretés, si elle était bien aménagée. Or, la France dans son ensemble, ne compte pas un habitant par hectare ; le département du Nord, celui dont la population est la plus dense, n'en a que trois, et ils ne s'y conservent qu'en important une grande quantité d'engrais et en polluant toutes leurs eaux. En s'y prenant mieux, ils pour- raient se serrer davantage sans se nuire. 11 y a donc encore de la place, et nous élargissons le monde quand nous en décou- vrons les lois. BIBLIOGRAPHIE ScHLŒsiNG et Durand-Claye. Rapport sur l'altération des cours d'eau et les moyens d'y porter remède. Comples rendus du Congrès international d'hijgiéne, p. 304. SoYKA. L'épuration spontanée du sol. Archiv. f. Eyg . t. II, p. 145, 1884. HoppE-SEYLER.Les actions chimiques dans le sol et dans la nappe souterraine, et leur valeur hygiénique. Arcliiv. f. offent. Gesundh. in Elsuss-Lothringen, 1883. SoY'KA. Recherches bactériologiques sur l'influence du sol sur le développe- ment des bactéries pathogènes. Forlschritle der Medictn, t. IV, 1886. Renk. Bactéries et eaux profondes, ylrc/i. f. Hijg. t. IV, 1886. Commission thecniquede l'assainissement de Paris. Procès-verbaux, rapports et résolutions. Paris, 1883. CoRNiL. Rapport au Sénat sur la question de l'utilisation agricole des eaux d'égoutsde Paris et de l'assainissement de la Seine ; Paris, 1888. Granoheh et Desghamfs. Recherches sur le bacille typhique dans le sol. Archives de médecine expérimentale, t. I, 1889. Expérimental investigations hg the State Board of Health of Massachusetts upon the purification of Sewage 18S8-I890. Boston, 1890. MlQUEL. Annuaire de l'observatoire de Monlsouris, 1896. ClIAPlTUi: XXXVI PURIFICATION DES KAl'X POTAELKS La question de la purification des eaux de boisson a passé par des phases très diverses. A toute époque, on a préféré les eaux; limpides, et les premiers filtres employés l'ont été pour séparer les matières en suspension. On leur demandait surtout à ce mo- ment une action physique. Plus tard, on a commencé à se préoccuper des effets chimiques de la filtration, et comme l'opi- nion courante était alors que les sels minéraux de l'eau de bois- son étaient utiles pour la nutrition et la construction du sque- lette, tandis qu'on accusait sa matière organique d'être parfois, sinon toujours, nuisible, on s'est préoccupé du choix des ma- tières filtrantes, de leur pouvoir absorbant, et le charbon a eu sa période de vogue. Quand la préoccupation des microbes vint remplacer toutes les autres, les filtres ordinaires, même les filtres k charbon, pa- rurent insuffisants, et on demanda aux appareils nouveaux de fournir une eau exempte de microbes. C'est le filtre Chamber- land qui remplit le premier ces conditions. 319. Filtres poreux. Nous avons déjà décrit une de ses formes. Les ligures 61 et 62 représentent le filtre de ménage, formé d'une bougie creuse A portant, au voisinage de son gou- lot li, un épaulement qui permet de la serrer fortement, à l'aide d'un caoutchouc interposé, et au moyen de la bonnette à vis C, dans un cylindre creux D. En vissant ce cylindre sur un robi- net, l'eau pénètre dans l'espace annulaire qu'y laisse la bougie, et sort limpide et pure en B, avec une vitesse qui dépend de la pression exercée. Ce filtre a été souvent imité, et il serait sans intérêt de décrire les formes diverses qu'on lui a données ou les matériaux divers dont on l'a constitué (amiante, terre" d'infusoires, papier com- 35 5i6 CHAPITRE XXXVÏ primé, cfc). Tous ces filtres obéissent aux mêmes lois, que nous avons déjà formulées (46). Les microbes qu'ils arrêtent ne sont retenus que par l'adhésion qu'ils contractent avec les parois des tunnels dans lesquels ils circulent. Les premiers arrivés obstruent Fig. Gl. — Filtre Chainberland, coupe et élévation. les premières voies, et il se forme bientôt à la surface du filtre quelque chose d'analogue à ce que nous constaterons dans les filtres industriels (33*7), une sorte de pellicule vivante qui devient je ne dirai pas le véritable filtre, mais au moins un filtre purificateur ne laissant arriver dans l'épaisseur de la porcelaine de la bougie qu'une eau déjà épurée. L'envasement du filtre, qui, ici encore, en diminue le débit, est donc superficiel, et un simple nettoyage à la brosse suffit d'ordinaire à rendre au filtre PURIli^ICATlON m^ EAUX POTABLES 5^7 sa porosité première. Quand il y a un fin précipité calcaire qui a contribué à l'obstruer, il faut le laver à l'eau acidulée. Quand l'eau est chari^ée de matières organiques, on se trouve ])ien d'un lavageavec une solution de bichromate ou d'hypermanganate de potasse. Ces nettoyages ne sont pas seulement destinés à rendre au filtre sa perméabilité, mais aussi ù, assurer son bon fonctionne- riient. Les microbes qui ont pénétré plus ou moins profondé- ment dans un des tunnels irréguliers dont est criblé le filtre, avant d'être immobilisés au contact des parois, ne sont pas tués, et peuvent continuer à croître. Pour une pénétration de proche en proche, il n'y a plus d'action de parois, ou plutôt c'est en restant collé aux parois que le bacille s'allonge dans le tunnel, toujours assez large pour lui, et finit par traverser l'épaisseur du filtre. Si, de l'autre côté, il trouve de l'eau libre, il la peuple, et à partir de ce moment l'eau filtrée n'est plus stérile. Elle se peuple même d'autant plus rapidement qu'elle est à ce moment plus débarrassée de microbes (373). Un filtre, quel qu'il soit, est donc toujours perméable aux infi- niment petits, et finit toujours par donner de Feau contenant quelques germes. On peut même se demander, quand on con- naît la vitesse énorme de multiplication des bacilles de l'eau, pourquoi un filtre peut avoir des journées et même des semaines de bon fonctionnement, et pourquoi il n'est pas traversé en quelques heures par les microbes. Plusieurs causes concourent sans doute à ce résultat. En premier lieu, l'eau qu'on filtre est d'ordinaire chargée de germes, et nous savons qu'elle est deve- nue par là moins propre à leur culture (S7S). Puis, une bougie poreuse ressemble en petit, quand elle est couverte d'une couche bactérienne et exposée par là à la contamination, aux filtres in- dustriels (337), dontl'eau, pour des raisons que nous connaîtrons, reste stérile tant qu'elle les traverse, et ne se peuple que lors- qu'elle les a quittés. Les contingences de ces actions protectrices sont en rapport avec les contingences relevées par l'expérience dans la durée des filtres Chamberland ou autres, qui sont par- fois traversés par les bactéries en vingt-quatre heures, d'autres fois ont des semaines de bon fonctionnement. Si donc un filtre qu'on maintient propre etenbon état estplus protecteur qu'un filtre qu'on laisse se salir, il faut reconnaître rU8 CHAPITRE XXXVI que le meilleur des filtres ne confère pas une proteclion absolue. ]\Iais où y a-t-il de l'absolu autour de nous ? En regard de ce pessimisme, on pourrait, comme contraste, considérer d'un œil optimiste les expériences de Krauss S76) où nous avons vu des bacilles du choléra et de la fièvre typhoïde succomber si facile- ment et si rapidement dans leur lutte avec les bacilles de Feau. Qu'importe qu'il y en ait. si on veut, quelques-uns dans la couche bactérienne qui enveloppe la bougie, s'il n'y en a pas à l'intérieur. Ne savons-nous pas, d'ailleurs (388,289), que les bacilles pa- thogènes ne se trouvent pas bien dans l'eau et y périssent relative- ment vite? Voilà, pourrait-on dire, une protection physiologique qui vient se superposer aux autres. Mais la science ne fait pas de plaidoiries: elle découvre des faits, et en résume les enseigne- ments. Avec ceux que nous connaissons, nous pouvons dire qu'un filtre qu'on nettoie et qu'on tient propre est un paratonnerre sur une maison en temps d'orage, et tout ce qu'on a pu dire sur son insécurité ne doit pas masquer aux yeux la sécurité qu'il donne. Malheureusement, la filtration est d'autant plus lente qu'elle vise à être plus parfaite. On peut, en augmentant suffisamment les surfaces filtrantes, alimenter d'eau stérile un ménage, un pensionnat, une caserne. Mais lorsqu'il s'agit d'une ville, sur- tout d'une grande ville, il faut renoncer à ce mode de filtration et chercher d'autres solutions La meilleure est évidemment de trouver au voisinage un filtre naturel, donnant une sécurité comparable h celle du filtre Chamberland, et alimentant une source qu'on capte et qu'on amène. C'est la solution adoptée à Paris. On a cherché et trouvé aux environs, sous Finspiraiion très juste de Belgrand, des sources provenant de régions où la pluie, en traversant le sol, avait subi une filtration poreuse d'assez longue durée pour que le débit des sources ne traduisit qu'à longue échéance l'in- fluence des saisons sèches ou pluvieuses. C'était là, et aussi dans la constance de température des sources, que Belgrand. qui ne se préoccupait pas des microbes, cherchait son critérium de fil- tration et de pureté. On ne peut méconnaître qu'il voyait juste. Il a pu se tromper, en se permettant de joindre à ses eaux de sources profondes des eaux superficielles provenant de drainages et exposées par là à des contaminations. Mais il a été habile et PIIUFICATIOX DES EAUX POTABLES 549 prévoyant d'aller chercher, par exemple, dans la vallée de la V.iuiie, des sources sortant de coteaux boisés peu hahités et l)t'n habitables, précisément parce qu'ils mancpient d'eau, et ayjuit subi une circulation et une filtratioii souterraine assez lon- gue pour revenir au jour à peu près pures. Beaucoup de villes n'ont pas cette ressource, et ont alors re- cours à une filtration artiiicielle. Les unes, comme Lyon, Tou- louse, creusent, latéralement à- leurs fleuves, des galeries de fil- tration, dans lesquelles elles se flattent d'appeler leau du fleuve, purgée par filtration au travers de la cloison de séparation. D'autres villes, comme Londres, Berlin, Zurich, installent de grands filtres poreux dans lesquels elles font passer l'eau de sur- face d d'argile p. litre 2 gr. d'argile par lilre " s.^ mT t. " s. Ar ""IT" ''s.^'Tïr ' fT" Après ^heuivs. 5.300 6.100 5..o00 .S7.S S87 33.500 365 670 43.600 — 20 — . 6.000 6.700 6.200 521 155 43.600 121 53 150.000 — 50 — . 7.200 6.000 7.000 6.000 6.200 66.300 S.'.tOO 4.200 171.000 Le carbonate de chaux-, la terre d'infusoires, l'alumine, la bri- que, le charbon végétal se comportent comme l'argile. On voit que celle-ci entraîne dans les profondeurs les microbes de l'eau, en quantités d'autant plus grandes qu'il y a plus de poudre ; mais il en reste toujours, et, au bout de 2 ou 3 jours, si les cou- ches profondes sont plus peuplées, celles de la surface le sont à peu près autant que si l'eau n'avait été soumise à aucun trai- tement. Le sable très fin et le coke pulvérisés se sont comportés autre- ment dans les expériences de Kruger. Ils ne changent presque rien à la loi de distribution des microbes, même pendant les premières heures. C'est ce dont témoignent les nombres sui- vants relatifs à du sable blanc pulvérisé et finement tamisé. L'eau contenait à l'origine environ 5 300 bactéries par ce. Sans rien 0 gr. 5 sable parlUre 2 gr. sable parlitre "s^^ ^~mT~^ fT "s. • ISÎT"' fT s. m. F. Après 1 heure.. 5.300 5.000 6.000 4.800 4.700 5.100 3.200 5.000 6.100 _ 6 — . 5.000 5.100 6.100 3.800 4.300 7.000 2.100 2.100 9.300 On voit qu'il n'y a plus qu'une légère trace de la purification produite par le même poids d'argile pulvérisée. Quand on agite l'eau avec des substances solubles, sa consti- tution est changée, son action sur les bactéries présentes l'est en même temps, et suivant les cas, on aura ou une multiplication plus rapide des bactéries, ou, au contraire, des effets antisepti- 582 CHAPITRE XXXVIII ques. De ces substances, la plus intéressante est la chaux, qui d'abord gène la plupart des microbes en rendant le milieu alca- lin, puis qui, lorsque l'eau contient du bicarbonate de chaux, amène un dépôt gélatineux qui produit un collage. Kruger l'a étudiée par les mêmes procédés que précédemment, et voici les nombres qu'il a obtenus L'eau étudiée contenait 59.600 bacté- ries au ce. Après l'addition de 0 gr. 2 de chaux par litre, on y a trouvé, à 8" : Surface Milieu Fond Après l'opération . . . 878 763 336- 67 ticures après 630 1.684 153 5iG — . -2 700 836 1.170 On voit que c'est l'efTet antiseptique qui l'emporte de beau- coup sur l'effet d'entrainenient et de collage. La destruction des bactéries est immédiate, et ce n'est que lentement que se fait une multiplication nouvelle des bactéries les plus résistantes. Il y a à reprocher à cette expérience qu'elle sort des conditions de la pratique. La quantité de chaux ajoutée est trop considérable, et il vaut mieux revenir pour cette étude aux conditions expéri- mentales de Percy-Franldand dans son travail sur la méthode de Clark, 340. Méthodes de Clark, de Gaillet et Huet, etc. — Cette méthode consiste à ajouter à l'eau assez de chaux pour faire disparaitre ce qu'on appelle sa dureté temporaire^ celle qui disparait par l'ébullition, et qui est due au bicarbonate de chaux. Il se forme du carbonate de chaux qui se précipite, et soit dans des essais de laboratoire, soit en grand, on trouve que l'eau abandonne au dépôt la presque totalité de ses bacté- ries. C'est ainsi qu'une eau calcaire est tombée, en deux jours, de 322 bactéries par ce. à 4, subissant ainsi une réduction de 99 0/0. La méthode de Clark n'élimine que le bicarbonate de chaux, elle ne touche ni aux sulfates, ni aux chlorures de cette base. C'est pour modifier ces derniers que Gaillet et Huet ont ima- giné d'ajouter à la chaux employée par Clark un peu de soude caustique qui décompose le sulfate de chaux et le chlorure de calcium en mettant de la chaux en liberté. Percy-Frankland a PURIFICATION SPONTANÉE DES EAUX COURANTES 583 aussi étudié cette méthode et trouvé qu'elle réduisait à 4 Jjac- téries par ce. l'eau d'un puits artésien de Londres qui en conte- nait 182. 341. Méthode Anderson. — Ces méthodes de purification de l'eau par précipitation ont l'inconvénient d'exiger un dosage préalable, toujours un peu incertain. Si on n'atteint pas la limite, reflet d'épuration bactériologique ou chimique n'est pascomplct: si on la dépasse, on risque de laisser dans l'eau un excédent de chaux ou de soude, tous deux nuisibles. La méthode Anderson enlève au contraire à peu près sûrement tout ce qu'elle ajoute. Elle consiste à faire d'abord passer l'eau à épurer sur des copeaux ou des rognures de fer, en agitant pour que l'oxygène intervienne. Dans ces conditions, il y a oxydation du métal et il se forme des sels ferreux solubles. On fait ensuite circuler à l'air l'eau chargée de ces sels, qui s'oxydent, deviennent des selsferriques, etpréci- pitent de l'oxyde de fer très divisé et gélatineux, qui colle et en- traine toutes les substances contenues. On voit que les sels de chaux n'ont aucun rôle à jouer, et que le titre hydrotimétrique peut ne pas être atteint. La matière organique est légèrement diminuée, probablement parce que le précipité d'hydrate de sesquioxyde de fer l'entrame. Ce sont surtout les microbes qui s'éliminent avec le dépôt. Ce dépôt est séparé par le repos, ou retenu par des filtres qui fonctionnent très bien sur un précipité déjà cohérent. Yan Ermengen a trouvé à Anvers qu'une eau qui contenait 100.000 bactéries au ce. n'en gardait plus que 4 à G au sortir des fitres, avant tout séjour à l'air. A Boulogne, l'eau débitée par les fdtres contient de 200 à 400 microbes parce, c'est-à-dire environ un millième de ce qu'elle contenait à l'entrée. Beaucoup d'autres méthodes de purification ont été publiées que nous ne décrirons pas, parce qu'elles ne nous apprendraient rien de nouveau. Partout il y a un mélange d'actions physiques ou chimiques qui aboutissent à une coagulation et à un entraîne- ment mécanique des germes en suspension dans l'eau. Nous nous bornerons à ajouter en terminant que ces actions ne sont pas purement industrielles. 343. Actions naturelles du même ordre. — Des actions du 584 CHAPITRE XXXVIII même ordre sont constamment enjeu dans la nature. Voici une rivière traversant des prairies tourbeuses : elle en sort chargée de matières organiques et d'acide carbonique. Si elle rencontre ensuite du carbonate de chaux sur les rives ou les cailloux de son lit, elle va le dissoudre pour le déposer un peu plus loin sous forme de masses demi-glaireuses, formées d'un feutrage minéral imprégné de matière organique : c'est de l'auto-épuration. Voici dans un fleuve chargé d'argile, des eaux de fond qui viennent sourdre avec des chlorures ou des sels ammoniacaux, ou encore, dans un fleuve contenant des matières organiques, des eaux ayant dissous, dans les couches terrestres qu'elles ont traversées, du bicarbonate de chaux ou des sels de fer : un dépôt va se former qui entraînera tout ou partie des éléments en suspension ou môme en solution ; ce sera encore une épuration naturelle. 343. Actions vitales. — Ces précipitations par adhésion réciproque modifient siuîplemcnt la distribution des microbes dans nue eau sans en tuer aucun, et là dessus on poui-rait croire que le bénéfice est mince au point de vue de l'épuration totale et de la destruction des microbes. Ce serait oublier qu'on change ainsi le mécanisme des actions vitales qu'ils exercent les uns sur sur les autres, et les conditions de leur lutte pour la vie. Dans les couches purifiées de la surface, le champ est ouvert pour ceux qui y ont persisté, et nous avons vu en effet, dans les expériences de Kruger, qu'ils ne tardent pas à y pulluler à nouveau. Mais nous savons aussi (jue les circonstances qui ont amené cette pullulation sont favorables, caries microbes sont les plus grands ennemis des microbes, et il n'y a pas de précipitation chimique ni de filtration poreuse, si parfaite qu'elle soit, qui vaille une bonne invasion de germes et une impureté passagère. Une eau simplement purifiée, par filtrage ou par collage, conserve la plus grande partie, sinon la totalité, de la matière organique, et sera constamment exposée à recevoir et à nourrir des germes qui pourront être nocifs, tandis qu'une fois purifiée par des espèces banales, elle sera devenue un milieu résistant ou impropre à toute implantation nouvelle. Quand quelques g-énérations de ferments y ont collaboré ou s'y sont succédé, la matière organique primitive a été brûlée et a pris des formes plus simples. Ce qu'on appelle l'azote alhuminoïde a diminué ou a disparu, l'azote PURIFICATION SPONTANÉK DKS EAUX GOURANTES 585 ammoniacal y a augmenté, cl, si les ferments nilrcux ou nitri(|ues ont pu ierminei* ce travail, Tazotc ammoniacal lui-même est remplacé plus ou moins par de l'azote nitrcux ou nitrique. A ce moment l'eau, si elle est limpide et contient peu de germes, ce qui est d'ordinaire le cas, est une eau potable de premier ordre, et peut nourrit les diatomées, les algues vertes, les végétaux, microscopiques ou non, qui ont la faculté de créer leur matière vivante aux dépens de l'acide carbonique de l'air, de l'ammo- niaque ou des nitrates des eaux. Les espèces qui la peuplent alors sont considérées comme salutaires, et les eaux assez pures pour nourrir des algues et des diatomées sont celles qu'on re- cherche partout. Mais il ne faudrait pas en conclure que ce sont les algues et les diatomées qui purifient leau, comme l'ont fait Lœw, et à sa suite Pettenkofer. Divers savants ont montré, je le sais bien, que les végétaux chlorophylliens peuvent se nourrir aux dépens d'autres matériaux carbonés et azotés que l'acide carbonique et les nitrates, consommer des sucres, des combinaisons amidées, de Tasparagine, de l'urée, etc. Mais il a fallu, pour leur trouver ces propriétés, les mettre à l'abri de toute concurrence vitale. Dans la nature, ils sont en lutte avec des espèces microscopiques mieux outillées ({u'eux-mèmes pour utiliser et détruire ces subs- tances encore complexes, et leur part dans la purification de l'eau est bien réduite, si elle existe encore. Dans le cycle complet de microbes qui commence par les anaérobies et la fermentation à l'abri de l'air, (]ui se poursuit par les aérobies elles combustions vitales à l'aide de l'oxygène de l'air, ils n'arrivent que lorsque ces derniers ont à peu près terminé leur action. Qu'ils puissent les aider pour déblayer définitivement le terrain, cela est possi- ble et même probable, car il n'y a pas de frontières entre les fonctions des espèces vivantes, itiais au contraire, une imbrica- tion compliquée des unes dans les autres. Dans l'ensemble, ces irrégularités de bordure disparaissent, et les groupes apparais- sent bien nuancés. Les ferments anaérobies produisent des dislo- cations intérieures, et l'oxygène de l'acide carbonique (ju'ils dégagent provient en presque totalité de la matière fermentes- cible ; les aérobies font des combustions à l'air libre, l'oxygène de leur acide carbonique provient en presque totalité de l'air extérieur. Les êtres microscopiques chlorophylliens reprennent 586 CHAPITRE XXXVIII cet acide carbonique, en dégagent de l'oxygène, et aèrent ainsi l'eau ambiante. Ils peuvent entrer en symbiose avec les aérobies : ils entrent rarement en concurrence vitale, parce qu'ils ont toutes chances d'y être écrasés. Ce ne sont pas seulement ces notions théoriques solidement assises qui combattent la manière de voir de Lœw. UlTelmann lui oppose des expériences. En ensemençant dans de l'eau de la Warnow, àRostock, desalg'ues, des diatomées, et cette Euglena viridis (fig. 60), l'infusoire bien connu, auquel Lœw avait surtout attribué l'épuration des eaux superficielles, il n'a observé qu'une diminution insignifiante dans la quantité de matière organique, et qu'une décroissance très faible dans le nombre des bactéries, alors que le nombre des algues avait certainement augmenté, à en juger par la couche de matière verte qui recouvrait les parois des vases. A vrai dire, il n'y a pas grand'chose à tirer de cette expérience. Alors même qu'elle aurait réussi, c'est-à-dire qu'on aurait constaté la coexistence de la diminution de la matière organique et de l'augmentation de la matière verte^ il aurait encore fallu se demander si les deux phénomènes dépen- daient l'un de l'autre, et s'il n'y avait pas entre les deux un rouage intermédiaire : dans l'espèce, celui des microbes aérobies. Un autre point visé par M. UfTelmann mérite une mention spéciale : c'est l'influence possible des gros infusoires flagellés et des amibes. De ces êtres, les uns englobent des fragments, parfois volumineux, de matières organiques encore complexes ; les autres sont carnivores, s'alimentent de proies vivantes, et absorbent et détruisent de grandes quantités de bactéries. Mais si on veut pour cela leur faire une place à part, il faut faire aussi une place zoologique à part auY brochets dans un vivier rempli de petits poissons. A envisager les choses en gros, comme on est obligé de le faire dans une étude générale, il n'y a aucune différence essentielle entre un kolpode qui absorbe et digère un fragment de matière organique, et un bataillon de bactéries qui le dissolvent avant de l'absorber. Ces gros infusoires sont en outre presque tous des aérobies, qui ne peuvent vivre dans un liquide fermentescible ou putréfiable que lorsque l'oxygène peut pénétrer avec eux dans les profondeurs. Aussi restent-ils can- tonnés à la surface, pour peu que le liquide soit riche en matière organique et les expose à la concurrence vitale des ferments. PURIFICATION SPONTANÉE DES EAUX COURANTES 587 Dans une infusion végétale do foin, où leurs germes enkystés sont présents dès Forigino, ils ne se développent pas les pre- miers, et attendent que les bactéries aient, en pullulant, formé à la surface une couche grouillante de vie où les flagellés se promè- nent en animaux de proie. Ce n'est encore que dans les eaux très pures qu'on trouve des amibes à une certaine profondeur. En somme, l'épuration de l'eau par les microbes est le procédé général de la nature, celui qu'elle emploie non seulement dans les eaux, mais partout, pour restituer au monde inorganique les éléments de la matière vivante. Grâce à l'ubiquité des germes, on peut admettre que toute substance, organisée ou organique, devient la proie des êtres les mieux faits pour en tirer parti. Nous n'avons à redouter, dans ce phénomène général, que les déviations qu'il subit parfois, absolument comme nous avons à craindre, dans le concours normal de cellules qui constitue l'état de santé, de voir s'introduire ce trouble qui constitue la maladie. Mais cela n'empêche pas que les microbes ne soient, dans les eaux comme ailleurs, l'agent vital de dépuration. Les actions physi- ques que nous avons signalées peuvent jouer un plus ou moins grand rôle : elles n'en sont pas moins l'exception. Les microijes sont la règle, et on a en principe tort de se plaindre quand on en trouve au fond des galeries filtrantes ou sur les parois des vases de fdtration. C'est parce qu'il y en a là qu'on est moins exposé à en trouver dans l'eau qui circule, et presque toujours celle ci ne devient potable qu'à la condition d'avoir été habitée et tem- porairement impotable. 34-4. Action de la pression. — Pour compléter la liste des actions physiques auxquelles on a demandé la destruction des germes, il faudrait encore citer la pression. Envisagé dans son sens purement physique, ce mot n'a qu'une signification très incertaine, quand on l'applique à des êtres vivants, dont les tis- sus, plus ou moins gorgés on pénétrés d'eau, obéissent à la loi de la transmission des pressions. Quelque élevée que soit dès lors la pression extérieure, elle se fait équilibre à elle-même en tous les points, et on ne voit pas bien l'effet qu'elle peut pro- duire. La diminution de volume subie par les éléments anatomi- ques comprimés est trop faible pour pouvoir produire un eft'et sensible. Le volume d'un élément anatomique ne joue, à notre connaissance, aucun rôle dans sa fonction, 588 CHAPITRE XXXVllI Des variations brusques de pression doivent pourtant avoir une influence fàclicuse, surtout dans les organismes complexes, où le jeu des compressions et des dépressions n'est jamais ins- tantané. Ijorscpi'il y a des gaz, il peut même en résulter des désordres, ainsi qu'on le sait depuis longtemps par les précau- tions qu'exigent l'entrée et la sortie des ouvriers dans l'air com- primé. Peut-être la compression ou la délente de quelques cel- lules s'accompagnerait de n)ême de l'entrée ou de la sortie des liquides, pouvant provoquer de ces coagulations protoplas- miques que nous savons être si faciles dans certains éléments anatomiques. Mais la pression peut agir non seulement sur les dimensions et le volume de la cellule, mais aussi produire des effets physio- logiques sur la respiration, ou plutôt sur la consommation d'oxy- gène. On sait que beaucoup de phénomènes chimiques changent avec la pression. Le phosphore, par exemple, qui brille à l'obs- curité dans l'air ordinaire, n'est plus lumineux dans l'oxygène pur, ni dans l'air comprimé, d'après P. Bert, ni dans l'air trop dilué, d'après Joubert. Il pourrait se faire que certaines fonctions protoplasmiques se comportent de même. C'est le sentiment vague de ces possibilités qui a fait accueil- lir avec tant de surprise la nouvelle que les plus grands fonds de la mer étaient habités. Mais dès qu'on a su qu'il y avait des êtres vivants à toutes les profondeurs, il a été évident qu'il y avait aussi des microbes, et M. Certes a constaté, en effet, qu'on n'empêchait pas la putréfaction d'un morceau de viande en le soumettant dans l'eau à une pression de 300 ou 400 atmosphè- res. Roger a pu de même exposer, sans les gêner beaucoup, des cultures de microbes à des pressions de 3000 atmosphères. Ces expériences avaient été précédées d'autres expériences de P. Bert, qui semblaient conduire à une conclusion toute opposée. En soumettant à l'action de l'oxygène comprimé des liquides chargés de microbes, il les stérilisait. Cette action de l'oxygène comprimé a fait depuis l'objet de travaux assez contradictoires que le moment n'est pas venu d'étudier. Nous les retrouverons, en compagnie de ceux qui ont été faits sur l'acide carbonique comprimé, à propos des antiseptiques, où ils seront mieux à leur place. La pression n'est alors qu'un moyen d'exalter l'effet ou la puissance chimique du gaz, et sort ainsi de notre cadre. PURIFICATION SPONTANICK DES EAUX COURANTIÎS oHU BIBLIOGRAPHIE Mouvement des liquides HORVATH P(li((jei's Archic, 1878, p. 125 et 15;9. N.EfiELi. Théorie de la fermentation ; Munich, 1879. E. Ch. Haxsex, Meddiilehi'f d. Carisin'ry Labor, 1879 et Jml's .T. hnlanischvr iahresberichl, ISIO, p. 553. ReIxNKE. Pfludcr's Archiv., 1880, t. XXIII, p. 484. BUCHNER. Sitzançisber. d. h: bay. Akad. d. Wiss, 1880, H. 3, p. 382 et 406. Wernich, Desinfections lehre : Vienne-Leipzig, 1880. Hoppe-Seyler. Action de l'oxygène sur les fermentations, Feslsckrifi, Stras- bourg, 1880. TUMA.«. St-Pi'tersb. med. Woch., n"lS. RosER. Beitrage z. Biol. d. niederster Organismen, Marbourg, 1881. Pœhl. Recherches chimiques et bactériologiques sur l'alimentation d'eau-x de St-Pétersbourg, St-Pétersbourg, 1884, p. 2i. Leone. AUr. d. R. Accad. d. LincH, Rome, 1885. WOLFHUGKL et RiEDEL. Arb . a. d. k. Gesund, 1886, p. 463. Cramer. Etude de l'e.iu dans Tie»iann-Guriner, 1889, p. 586. ScuEURLEN. Action de la force centrifuge sur les bactéries en suspension, surtout sur la distribution des bactéries dans le lait; Arb. «. -/. A-. Gesninlk. t. VII, 1890. B. SoHMiDT. Influence du mouvement sur la croissance et la virulence des microbes. Arcliic. f. Htj)t variées, se succédant, non suivant une formule régulière, mais suivant les conditions de l'ensemencement. Le lien de l'espèce, c'est la loi qui préside à chacun de ces changements, et la variété des formes et des fonctions n'est pas du tout en contradiction avec l'unité de l'espèce. Au fond, du reste, cette question est secondaire, étant née sur- tout de l'infirmité de notre esprit, qui aime les catégorisations, et s'étonne toujours que la nature garde ses coudées franches. L'im- portant est que cette plasticité, si malencontreuse au point de vue de la classification, nous explique à la fois la prodigieuse diffu- sion et la prodigieuse ubicfuité des microbes. Des êtres dont les eaux et les vents disséminent constamment les germes, qui, comme les autres végétaux, ont parfois leurs graines résistantes, leurs spores, mais qui ont, à un plus haut degré que les autres êtres de la création, la faculté de s'accommoder de conditions d'existence très variées, des êtres aussi bien doués doivent s'in- troduire partout à cause de leur petitesse, y prendre racine parce qu'ils se plient à tout, y durer parce qu'ils savent jeûner ou dor- mir quand c'est nécessaire, et lors même qu'ils entrent en lutte les uns avec les autres, il est facile de deviner que la concur- rence vitale entre des êtres aussi souples n'aboutira que rare- ment à l'extermination de l'un d'eux. 356. Hygiène microbienne. — Cette conclusion nous amène 608 CHAPITRE XL àThygiène, puisqu'elle nous dit que nous pouvons trouver /o?/- jours et partout toutes les espèces de microbes. Cela est un peu inquiétant quand il s'agit des microbes pathogènes. Sans doute l'extinction sur un point donné des microbes de la peste,* du choléra, de la fièvre typhoïde, etc., n'est pas chose impossible, et se fait parfois. Mais la science nous apprend que ce n'est pas un fait naturel, normal, et qu'il ne faut le faire entrer dans au- cune prévision hygiénique. En revanche, elle nous dit que ce microbe si difficile à déraciner ne conserve pas partout et tou- jours ses propriétés pathogènes, qu'il peut s'atténuer, devenir même si inoffensif qu'il en est méconnaissable, et il faudra alors des circonstances nouvelles de temps et de lieu pour lui resti- tuer sa puissance pathogène. Par là se réconcilient peut-être les deux grandes théories hygiéniques de la transmission de la ma- ladie par les eaux potables, la Tri?ihivassert/i€o)'ie.i qui ne voit et ne cherche que le microbe dangereux, et la Grundwassertkeorie c[ui, délaissant le microbe, n'accuse et ne poursuit (|ue l'in- tluence des conditions extérieures. 35*?. Hygiène individuelle. — Un mélange sans cesse trituré d'une multitude d'espèces dont chacune présente une multitude d'états transitoires, voilà donc comment nous pouvons et devons, en ce moment, nous représenter la population microbienne en chaque point. Arrivés à cette conception, c'est le cas de revenir à deux enseignements fournis par le travail de Raulin sur VAs- pergillus niger. Nous savons par lui, que cultivé dans certaines conditions artificielles qui lui assurent comme température, comme degré d'humidité ou d'aération, comme milieu organique et minéral, tout ce dont il a besoin, ce végétal pousse plus vite et plus abondamment, devient plus résistant à la maladie que sur le milieu naturel le mieux approprié. Depuis l'origine du giobe et sa création, cette moisissure n'avait peut-être jamais rencontré des conditions d'existence aussi parfaites cjue celles que lui a faites Raulin. Cela ne l'empêchait pas de vivre. Cela n'a pas empêché l'espèce de se perpétuer, et même de rester robuste et envahissante. Une espèce peut donc durer sans Cjue les séries de générations qui la représentent aient tout ce qu'il leur faut. Peut-être que si c'était le même élément utile qui lui avait régulièrement manqué dans la suite des âges, elle aurait CONCLUSIONS GENEHALKS 1)09 liiii par s'abàtartlir, disparaître, ou même, car tout est possible, changer de formes et de propriétés. Mais c'est tantôt un élément, tantôt un autre (jui a fait défaut, et un état moyen s'est établi, tant au point de vue des besoins nutritifs qu'au point de vue de la rapidité de croissance, de la taille, et de la santé II doit en être évidemment de même pour les végétaux, pour les animaux qui nous entourent, et aussi pour nous-mêmes. Nous faisons partie d'un monde motjen^ où ni les espèces ni les individus ne donnent leur pleine mesure, sauf parfois et accidentellement, et nous sommes conduits à nous représenter un monde où, sans cesser d'être nous-mêmes, nous serions autres, plus grands, plus forts, plus résistants à la maladie. C'est à Ihygiène à le préparer, c'est à la science à le fournir en profitant des enseignements qu'elle recueille. 358. Hygiène sociale. — Le travail de Raulin nous a dit autre chose. L'aspergillus niger, et des microbes aérobies, qui vivent dans les mêmes milieux et ont les mêmes besoins, sont individuellement plus forts, plus nombreux, et plus prospères, pour une même quantité d'aliments, quand on les cultive sur deux (buvettes égales séparées, que lorsqu'on les réunit dans une même cuvette de surface double. Ici, ils entrent en lutte, se nui- sent ; là, la jjaix existe dans chaque communauté. iV côté de cela. Pasteur nous a appris, par ses recherches sur les êtres aérobies et anaérobies^ que des espèces ayant des be- soins difïerents peuvent parfaitement habiter dans le même milieu, non seulement sans s'y nuire, mais en s'y rendant de mutuels services. Nous trouvons donc dans le monde des infîniments pe- tits l'individualisme et l'esprit d'association, c'est-à-dire les deux forces sans cesse en lutte dans la nature vivante,, et nécessaires toutes deux. Mais plus heureuse qu'ailleurs, la science apprend à les discipliner et à les maintenir en balance, en même temps qu'elle les exalte l'une et l'autre. De même que nous rêvions plus haut une humanité plus forte, nous pouvons donc en rêver maintenant une plus humaine, fon^ dée qu'elle serait sur l'accord des intérêts et non plus sur leur antagonisme. FIN 39 TABLE DES MATIÈRES Préface. Chapitre Ie^ — Actions de fermentation. 1. Historique. Antiquité 1 2. XVIle siècle 4 3. XVIII» siècle 8 4. Lavoisier 9 5. Cagniard-Latour, Schwann, Helmholtz 12 6. Liebig 15 7. Pasteur. La fermentation lactique 18 8. La fermentation alcoolique. . . 20 9. La putréfaction 21 10. La fabrication du vinaigre 23 H. Discussion avec Liebig 23 12. Diastase alcoolique 26 Bibliographie 28 Chapitre II.— Développement physiologique et pathologique de la théorie de Pasteur. 13. Conception de la vie 30 14. Maladies virulentes 31 15. Claude Bernard 32 16. Virus et microbes 35 17. Maladies des vers à soie 37 18. La bactéridie charbonneuse 41 19. Davaine 43 20. Kocb. Découverte de la spore charbonneuse 44 21. Pasteur 48 22. Varialions de virulence et vaccination 51 23. Immunité -^2 Bibliof/niphie •>4 39691 612 TABLE DES MATIÈRES Chapitre III. — Morphologie et structure des microbes. 24. Définition des microbes 50 25. Schizomycètes. Coccus 57 26. Bacilles 59 27. Hyphomvcètes. Hyphes 62 28. Blastomycètes. Levures 64 29. Mycodermes 66 30. Vitesse de reproduction des microbes 67 31. Kolpodes 67 32. Monades 68 33. Bacilles 70 34. Vibrions du choléra 71 35. Levures 72 36. Reproduction par spores 73 37. Spores des hyphomycètes 73 38. Spores des schizomycètes 75 39. Spores des levures 78 Bibliographie 80 Chapitre IV. — G-énération spontanée. 40. Historique. Antiquité 82 41. Ere du microscope 83 42. Pasteur 86 43. Conclusions théoriques 93 44. Caractère ferment 94 Bibliographie 98 Chapitre V. — Méthodes de culture. 45. Stérilisation par chauffage 99 46. Stérilisation par filtration 101 47. Liquides de culture 104 48. Bouillon 105 49. Lait 105 50. Petit lait 106 51. Eau de levure 106 52. Eau de touraillons 107 53. Eau de navets, de foin, etc. 107 54. Urine 107 55. Milieux solides. Pommes de terre 108 56. Milieux à la gélatine 109 TABLE DES MATIERES 613 57. iMilieux à la gélose 110 58. Sérum 111 .^)9. Vases de culture. Cultures aérobies 112 r>0. Ensemencement par piqûre 114 Oi. Ensemencement par stries 114 02. Numération des colonies 115 63. Cultures en gouttes pendantes 117 6i. Cultures à l'abri de l'air 117 65. Colonies en cultures anaérobies 122 66. Cultures anaérobies sur pomme de terre 125 67. Etuve à température constante 125 Bibliographie 127 Chapitre VI. — Méthodes de coloration. 68. Théorie des phénomènes 129 69. Pratique des colorations 131 70. Fuchsine 132 71. Violet de gentiane 133 72. Cristal violet 133 73. Violet dalhia 133 74. Bleu de méthylène 133 75. Vert de méthyle 133 76. Hématoxyline • 133 77. Solution de Gram 134 78. Pratique de la coloration 134 79. Coloration des spores . . , 134 80. Coloration des cils ; . . . 135 81. Photographie microscopique. Conditions de visibilité d'un objet 139 82. Conditions de formation de l'image photographique . . 140 82. Conditions mécaniques 144 Bibliographie 146 Chapitre VII. — Structure des microbes. 83. L'enveloppe et les cils 147 84. Le protoplasme. Actions physiques de coagulation . . . 149 85. Actions qui suivent la coagulation 152 86. Tension superficielle 152 87. Structure des bactéries 155 88. Formation de la spore 159 Bibliographie 162 614 TABLE DES MATIERES Chapitre VIII. — Composition des "bactéries. 89. Indications théoriques 164 90. Résultats de 1'ex.périence 165 91. Influence de la vieillesse 166 92. Influence de l'alimenlat ion 166 93. Analj^se immédiate 168 94. Anal^'se élémentaire 169 95. Enveloppe des bactéries 171 96. Matière grasse 173 Bibliographie 174 Chapitré IX. — Nutrition minérale des microbes. 97. Conditions d'une étude précise 476 98. Travail de Raulin 177 99. Influence des éléments minéraux du liquide Raulin . . . 181 100. Rôle physiologique des éléments minéraux 184 101. Conclusions générales 188 Bibliographie , 191 Chapitre X. — Alimentation hydrocarbonée. 102. Rôle de l'acide tartrique dans le liquide Raulin , , , . 192 103. Rôle du sucre 194 104. Dépense de construction et dépense d'entretien .... 197 105. Autres matières hydrocarbonées. Sucres 199 106. Amidons 199 407. Alcools 200 108. Acides volatils 201 Bibliographie 202 Chapitre XI. — Vie aérobie et anaérobie. 109. Aspergillus et levure 203 110. Relations entre la vie aérobie et la vie anaérobie. . . . 204 141. Etude calorimétrique " 206 1J2. Evaluation de la dépense de construction et de la dépense d'entretien 208 113. Signe thermochimique de l'action totale 212 414. Variabilité de la fonction cellulaire • . . 212 Bibliographie 214 TABLE DES MATIERES 615 Ctiapitre XII. — Alimentation des microbes. 115. Uéfiiiition de l'aliment 215 11(5. Influence delà constitution moléculaire 216 117. Influence de la configuration de la molécule 217 118. Influence des diastases protoplasmiques 218 119. Influence du pouvoir rotatoire 219 Bibliof/raphie 223 Ctiapitre XIII. — Variations pliysiologiques dans une même fermentation . 120. Premières notions 224 121. Formule d'une fermentation 225 122. Etude du bacille amylozyme 227 123. Fermentation de l'amidon 229 124. Etude du bacillus orthobutylicus de Grimbert .... 229 125. Complexité de l'action de la levure 232 126. Ferments lactiques 233 127. Résumé 234 Bibliographie 235 Cliapitre XIV. — Réaction sur le microbe des produits delà vie cellulaire. 128. Produits de la vie cellulaire 236 129. Termes de passage 237 130w Antiseptique et aliment 238 131. Influence de la quantité 239 132. Influence de la qualité 240 133. Influence du milieu 241 134. Cultures jeunes 242 135. Cultures vieilles 243 136. Cultures en présence d'un antiseptique 244 137. Accoutumance 245 138. Modifications physiologiques 247 Bibliographie 248 Cliapitre XV. — Changements morpb.ologiques sous l'in- fluence du milieu. 139. Mucor mucedo 251 140. Recherches de Wasserzug 254 616 TABLE DES MATIERES 141. Autres exemples 256 142. Variations morphologiques de la bacléridie charbonneuse- 257 143. Classification . '^39 Bibliographie 262 Chapitre XVI. — Action de la chaleur. 144. Action générale 264 145. Aspergillus niger 265 146. Bacillus ramosus 267 147. Zone de température optima 268 118. Accoutumance 270 149. Résistance au froid 271 150. Résistance à la chaleur 272 151. Chauffage à sec et chauffage humide 273 152. Résistance plus grande de la spore 274 153. Mucédinées 274 154. Gros infusoires 275 155. Levures 276 156. Bacilles et coccus 279 157. Cultures sans spores 279 158. Spores 281 159. Influence de la nature du liquide chauffé 281 160. Influence de la nature du liquide ensemencé 283 Bibliographie 285 Chapitre XVII. — Changements physiologiques et patholo- giques sous l'action de la chaleur. 161. Bacillus ramosus 287 162. Coagulation protoplasmique 288 163. Méthode de Tyndall . . . . , 290 164. Modifications de formes et de propriétés 291 165. Atténuation du bacille charbonneux 293 166. Expériences de M. Pasteur 294 Bibliographie 296 Chapitre XVIII. — A-ction de l'électricité sur les microbes. 167. Conditions d'une étude précise 168. Premières expériences . . . 169. Recherches plus modernes. . 170. Courants d'induction. . . . 171. Action de l'ozone . . . . . 297 299 301 303 304 TABLP: des MATIERES 617 172. Action de l'éleclricité statique 307 Bibliographie 307 Chapitre XIX. — Influence de la lumière sur les hyphomy- cètes. 173. Elévation de température 309 174. Transformations chimiques 311 175. Champignons 311 176. Hyphomycètes 312 177. Influence des diverses radiations 314 178. Action sur le procès nutritif SIS 179. Action sur les organes de fructification 315 180. Héliotropisme . ^ 316 181. Respiration 317 182. Modifications de forme et de fonction sous l'influence de la lumière. , 318 183. Influences nocives de la lumière 319 184. Action de la lumière sur d'autres espèces microbiennes . 319 Bibliogra'phie 320 Chapitre XX. — Action de la lumière sur les bactéries colorées . 184. Bactériopurpurine 322 185. Action de la lumière sur des bactéries pourprées. . . . 323 186. Action des diverses radiations de la lumière blanche . . 325 187. Vie aérobie à l'obscurité et anaérobie à la lumière . . . 327 Bibliographie 329 Chapitre XXI. —Action de la lumière sur les bactéries non colorées. 188. Expérience de Downes et Blunt 330 189. Tyndall 331 190. Jamieson 332 191. Duclaux 332 192. Arloing 333 193. Straus 334 194. Roux 335 Bibliographie 338 40 618 Ti^BLE DES MATIERES Chapitre XXII. — Etude détaillée de l'influence de lalumière sur les microbes. 495. Influence des diverses radiations du spectre 339 196. Influence de l'intensité 341 197. Buchner 341 198. Différences de résistance individuelle 343 199. Influence de la dessiccation ou de l'humidité 344 200. Influence du milieu 345 201. Influence de lair 346 202. Oxydations dans le milieu insolé 348 203. Action sur les pigments. 350 204. Action sur la virulence 353 Bibliographie 354 Cliapitre XXIII. — Durée de conservation des microbes. 205. Conditions d'une bonne expérience 356 206. Conservation à sec 357 207. Conservation en vases clos 358 208. Conservation à l'humidité et à l'air 359 209. Conservation à l'humidité et à l'abri de l'air 360 210. Levures 361 211. Conclusions générales 364 Bibliographie 364 Cliapitre XXIV. — Etude microbienne du sol. 212. Distribution de la matière organique 365 213. Influence de la pénétration de l'eau 367 214. Mouillage 367 215. Capillarité 368 216. Capacité pour l'eau 370 217. Volume des espaces lacunaires 372 218. Résistance au mouvement • . . . . 373 219. Pouvoir absorbant de la terre 375 220. Distribution qufintitative de la matière organi(j(ie . . . 379 221. Distribution qualitative de la matière organique. . . . 380 223. Distribution qualitative des microbes 381 224. Etudes expérimentales 383 Bibliographie 385 TABLE DES MATIÈRES 619 Chapitre XXV. — Distribution des microbes dans le sol. 225. Méthode de G. Fraenkel 386 226. Variation avec la profondeur 388 227. Variation dans un nnènie échantillon avec le temps . . . 391 228. Microbes pathogènes dans le sol 393 Bibliographie 397 Cbapitre XXVI . —Microbes de l'air. 229. Circulation générale de lair . . . . , 398 230. Circulation équatoriale 398 231. Circulation des régions tempérées 399 232. Ilot des calmes 400 233. Origine des germes de l'air 401 234. Actions nuisibles aux germes de l'air 402 235. Rareté relative des germes de l'air : Pasteur 403 236. Méthodes directes de dénombrement des germes de l'air . 406 237. Liquides de culture 408 238. Procédés opératoires 409 Bibliographie . 412 Ctiapitre XXVII. — Distribution des germes dans 1 air. 239. Influence de la station 413 240. Influence des lieux habités 414 241. Air des salles d'hôpital 416 241. Microbes dans l'air expiré 417 242. Influence de la ventilation , . . . . 418 243. Air des égouts 421 244. Air des continents et des mers 422 245. Influence de l'altitude 422 Bibliographie 424 Chapitre XXVIII. — Etude microbienne des eaux. 246. Circulation dans les océans 426 247. Circulation continentale 428 248. Eaux de profondeur 431 249. Eaux d'infiltration 435 250. Sources 436 251. Nappe des puits 437 620 TABLE DES MATIÈRES 252. Nappes artésiennes -^^0 Bibliographie '^^^ Ch.apitre XXIX. — Microbes dans les eaux. 253. Microbes dans la pluie -4^*1 254. Microbes dans la grèle 442 255. Microbes dans la neige 442 25(). Bactéries des glaciers -443 257. Bactéries dans la glace destinée à lu. consommation . . . -445 258. Bactéries dans les eaux de sources M6 259. Eau des puits ... 450 260. Eaux des sources minérales ■452 m\ . Eaux des lacs 453 262. Eaux de mer 453 263. Eaux courantes superficielles 454 264. Influence de la saison 454 265. Influence des agglomérations humaines 456 26(). Qualité des germes contenus dans les eaux 456 267. Choléra 458 268. Fièvre typhoïde 461 269. Charbon 462 Bibliographie 464 Cliapitre XXX. — Multiplication des bacilles dans l'eau. 270. Augmentation et diminution ultérieure du nombre des mi- crobes 465 271. La multiplication est réelle 466 272. Influence du nombre initial des bactéries 467 273. Influence du chauffage 469 274. Influence de l'oxygène 470 275. Influence de l'acide carbonique 471 276. Influence de la concurrence vitale 473 Bibliographie , 475 Chapitre XXXI. — Action de l'eau sur les microbes. 277. Influence des éléments minéraux 476 278. Résultats de Hafkine sur les infusoires 477 279. Phénomènes d'accoutumance et d'acclimatation dans l'es- pèce 480 280. Phénomènes d'accoutumance et d'acclimatation dans l'in- dividu 482 TABLE DES MATIERES 621 :28l. Adaptation des bactéries 485 282. Action bactéricide de l'eau 487 283. Conclusions 489 Bibliographie 489 Chapitre XXXII. — Action de l'eau sur les bactéries pathogènes. 28i. Examen des méthodes 490 285. Influence des divers éléments en dissolution ou en suspen- sion dans l'eau 491 286. Influence des matériaux apportés par l'ensemencement de l'eau 493 287. Influence du milieu d'ensemencement des germes puisés dans l'eau 494 288. Travaux d'Hochstetter 496 289. Travaux de Straus et Dubarry 497 290. Eau distillée 499 291. Eaux gazeuses 499 292. Eaux ordinaires 500 293. Bacille tvphique 500 294. Bacille du choléra 501 295. Bactéridie charbonneuse 502 296. Eaux non stérilisées 503 297. Conclusion 504 Bibliographie 505 Chapitre XXXIII. — Etude de l'épuration des eaux dégoût. 298. Dégradation microbienne des substances ternaires . . . 506 299. Dégradation microbienne des substances azotées . . . 507 300. Matière organique totale 510 301. Méthode à l'hypermanganate 511 302. Sel marin 513 303. Nitrates et nitrites 514 304. Procédés de dosage, oxydabilité 515 305. Ammoniaque toute faite et ammoniaque albuminoïde . . 516 306. Azote nitrique, nitrates, sel marin, etc 517 Bibliographie 518 Chapitre XXXIV. — Epuration des eaux d'égout par les fleuves. 307. Epuration par l'eau 519 308. Epuration en Seine 321 622 TABLE DES MATIÈRES 309. Détail de l'action épuratrice 523 310. Variations du sel marin 526 Bibliographie 527 Cliapitre XXXV. — Epuration des eaux d'égout par le sol. 311. Expériences de M. Hiram Mills 528 312. Epuration industrielle par le sol 533 313. Nappe souterraine 535 314. Différences entre l'épuration industrielle et l'utilisation agricole des eaux d'égout 536 315. Conditions de l'utilisation agricole 538 316. Exemple de Gennevilliers 540 317. Inconvénients de l'utilisation agricole 541 318. Conclusions 543 Bibliographie 544 •Cliapitre XXXVI. — Purification des eaux potables. 319. Filtres poreux 545 320. Filtre à sable . . . • 549 321. Etudes de Percy Frankland 550 322. Etudes de Piefke 552 323. Etude d'un filtre mûr 554 324. Influence de l'impureté de l'eau sur la vitesse de filtration, 555 325. Filtres couverts et non couverts 555 320. Régularité et irrégularités 556 327. Conception théorique du filtre à sable 557 328. Origine des microbes dans l'effluent 558 329. Etudes de Piefke et Fraenkel 559 330. Phénomènes chimiques à l'intérieur d'un filtre .... 560 331. Pourquoi le filtre ne se peuple-t-il pas de haut en bas. . 562 Bibliographie . . , 564 Cliapitre XXXVII. — Filtration des eaux pluviales. 332. Origine de l'eau des galeries filtrantes 565 333. Analyse chimique 567 33i. Analyse hydrotimélrique 568 335. Température 571 Bibliographie 574 TABLE DES MATIERES 623 Chapitre XXXVIII. — Fariflcation spontanée des eaux courantes. 33(i. Influence du mouvement 575 337. Expérience de Hafkine 576 338. Contradictions apparentes des savants sur ce sujet. . . 578 339. Influence des congulations et des dépots 588 348. Méthodes de Clark, de GaïUet et Iluet, elc 582 341 Méthode Anderson 583 3-42. Actions naturelles du même ordre 583 343. Actions vitales 584 344. Action de la pression 587 Bibliographie 589 Chapitre XXXIX. — La purification solaire des eaux de fleuves. 345. Résumé des faits acquis 591 346. Action de la lumière 593 347. Expériences de Buchner 595 348. Atténuation des microbes virulents par la lumière. . . . 598 349. Mécanisme de la stérilisation 599 Bibliographie 600 Chapitre XL. — Conclusions générales. 350. Marche des idées dans le domaine delà fermentation. . 601 35J- IMarche des idées dans le domaine de la pathologie . . . 603 352. Réaction contre l'idée de spécificité et de constance de l'ac- tion microbienne . 604 353. Adaptation 605 35i. Sensibilité 606 355. Conclusions relatives à la notion d'espèce 606 356. Hygiène microbienne 607 357. Hygiène individuelle 608 338. Hygiène sociale 609 TABLE ANALYTIQUE Acides volatils. Leur valeur com- me aliments de VaspergiUas, 201 ; — leur puissance comme antisepti- ques, 240. Adaptation. Voir Accoutumance. ACCOUTUMANCE en général. Moyens de la produire, 241 ; — avec descul- tures jeunes, 24S ; — avec des cul- tures vieilles, 243 : — aux antisep- tiques, 214 ; — expériences de M. Kossiakoff, 245 ; — du mucor muce- do à la vie anaérobie, 251 ; — du * micrococcus prodigiosux aux acides et aux alcalis, 254 : — du pneumoco- que,256: — de l'acthwbacter polijnior- phus, 256 ; — de la bactéridie char- bonneuse aux antiseptiques, 257 ; — à la chaleur, 270 : — à la lumiè- re, 318 : — des infusoires, 478 : — des bactéries, 486. AÉROBIOSE et ANAÉROBIOSB i^OS : — du mucor mucedo, 251. Air. Circulation générale, 398 ; — équatoriale, 398 : — des régions tempérées, 399 : — origine de ses germes, 401 : — leur rareté re- lative, 403 ; — méthodes de dénom- brement. 406 ; — influence de la saison, 413 : — des lieux habités, 416 : — des salles d'hôpital, 416 : — de la respiration, 417 : — de la venti- lation, 418 : — des égouts, 421 ; — des continents et des mers, 422 ; — des régions élevées, 422. Aldéhydes. Leur puissance anti- septique, 240. Alcool produit par la levure, 10 : — aliment de VaspergUlm, 200 ; — est le produit d'une combustion inté- rieure, 203. ALCOOLS.Leur valeur comme aliment 200 ; — leur puissance comme an- tiseptiques, 240. Aliment. Sa définition, 215 ; — ali- ments minéraux de VaspergiUus ni- ger, 178 : — Leur influence indivi- duelle 181 ; — leur rôle physiolo- gique,184 : — aliments hydrocarbo- nés de \'aspergiUi,s,192; — influence delà constitution moléculaire 216, — de la configuration moléculaire, 217 ; — de la sécrétion diastasique, 218 ; — du pouvoir rotatoire, 219. Alimentation. Influence sur la com- position des bactéries, 166. Alises et contre-âlisés, 399. Altitude. Son influence sur les ger- mes de l'air, 422. Ammoniaque dans une eau, 513 ; — albuminoïde, 516 : — amidée, ol7. Antiseptiques. Leur action, 23S : — leur relation avec l'aliment, 238; — influence de la quantité, 239 ; — influence delà qualité, 240 : —influ- ence du milieu, 241. AspERGiLLUs NIGER. Sa description 74, 177 : — sa culture dans le /«(/H((7e Raulin, 178 : — sa réaction vis-à-vis des substances utiles, 179 : — des substances nuisi blés, 183 ; — de l'aci- de tartrique, 192 ; — du saccharose, 194 : — des sucres, 199 ; — desami- dons, 199 ; — des alcools, 200 ; — des acides volatils,201 : — de la cha- leur, 265. Azote dans une eau, 510: — nitrique, 626 TABLE ANALYTIQUE 517 ; — dansleseaux des collecteurs de Pari?, 521 ; — dans les eaux de Seine, 525 ; — dans les eaux d'égouL filtrées et non filtrées, 530. Bacilles. Formes principales, 59 ; — mode d'allongement, 60, 61 ; — vitesse d'allongement, 70. Bacillk amylozyme, 224 ; — varia- tion des produits qu'il fournit, 227. Bacille du choléra. Sa recherche dans l'eau, 458; — cequ'il y devient 474, 500. Bacille de kiel. Influence de la lumière, 350. Bacille pyocyanique. Modification en présence des antiseptiques, 247. Bacille tuberculeux. Résistance à la chaleur, 282. Bacille typhique. Producteur d'a- cide lactique, 233 ; — Sa recherche dans l'eau, 461, 474 ; —adaptation et accoutumance, 487 : — action de l'eau, 500. Bacillus coli. Producteur d'acide lactique, 223. Bacillus mesentericus. Son action sur les alcools polyatomiques, 237. Bacillus orthobutylicus. 229 ; — variation des produits quil four- nit, 231. Bacillus RAMOsus, 71 : — formation et vite.sse de développement de la spore, 76 ; — réaction vis-à-vis de lachaleur, 267, 287. Bacillus subtflis. Formes jeunes et sporulées, 78 : — son action sur les alcools polyatomiques, 237 ; — accoutumance aux antiseptiques, 246. Bactéridie charbonneuse. Sa dé- couverte, 41 ; — travaux de Davai- ne, 43 ; — de Koch, 44 ; — de Pas- teur et .Toubert, 48 ; — accoutu- mance aux antiseptiques, 246,257 ; — résistance à la chaleur, 272 ; — atténuation, 293; - résistance à la lumière, 334 ; — sa recherche dans l'eau, 462 ; — action de l'eau, 502 ; — des eaux de Londres et Glasgow, 591. Bactéries, 59 ; — leur structure, 47 ; — leur composition, 164 ; — psychrophiles, mésophiles et ther- mophiles,270 ; — leur résistance au froid, 271 ; — à la chaleur 272, 279, — à la lumière, 322, 330 : — à l'in- fluence du mouvement, 575 ; — de la pression, 587. Bactériopurpurine, 322. Bassins de décantation. Leur ac- tion sur les germes de l'eau pota- ble, 551. Blastomycétes, 64. Bleu de méthylène, 133. Bougie chamberland. Son emploi dans le laboratoire, 102,546. Bouillon de viande, 105; gelatinisé, 109 : — gélose, 110. Capacité POUR l'eau, 370 ; — volu- me des espaces lacunaires, 372. Capillarité. Lois de l'action, 368. Cellulose dans les levures, 171 : — celluloses vraies et hémi-celluloses deSchultze, 172. Chaleur. Son action sur les micro- bes, 264 ; — sur Vaspergillus niger, 265 ; — sur le bacillus ramosus, 267 ; — sur les spores de mucédinées, 274 : — sur les gros infusoires, 275 ; — sur les levures, 276 ; — sur les bacilles sporulés et non sporulés, 279. Chauffage à sec ou en présence de l'eau, 273 ; — influence de la nature du liquide chauffé, 281 ; — delà na- ture du liquide ensemencé, 283 ; — intermittent (méthode deTyndall), 290. Chilomonades. Leur adaptation dans les infusions, 481. Choléra des poules. Son microbe, 60 ; — atténuation, 243. Chromatium Okenii. Sa structure, 157. Cils. Leur coloration, 135. TABLE ANALYTIQUE 627 Circulation générale de l'air, 398 : des eaux, 425. Classification. Morphologique, 56 ; — ce qu'il faut penser d'une clas- sification naturelle, ^59. Climat du courant équatorial et de l'îlot des carmes, 401. Clostridium butyricum. Formes d'après Prazmowski, 77. Coagulation du sulfate de quinine, 149; — du lait, 150 ; — de l'argile en suspension. 151 ; — phénomènes physiques de la coagulation, 149 ; — sous l'influence de la chaleur, 288 ; — coagulations protoplasmi- ques chez les infusoires, 477 ; — son influence sur le nombre des bactéries, 580. COCGUS, 57. CoLEPS hirtus. Son adaptation aux Infusoires, 477. Collage de l'eau par des poudres inertes, 581. Coloration des microbes, 131 ; —des spores, 134 ; — des cils, 135. Combustions ménagées, 237. Composition des bactéries, 162 : — in- fluence de la vieillesse, 166 ; — de l'alimentation, 166; — résultats de l'analyse immédiate, 168;— de l'ana- lyse élémentaire, 169. Configuration moléculaire. Son Influence sur le caractère alimen- taire, 217. CONIDIES MYCÉLIENNES, 64. Congélation. Influence sur le nom- bre des microbes, 444. Conservation des microbes, 3.')5 ; — à sec, 357 ; — en vases clos, 358 ; — à l'humidité et à l'air, 359; à l'état humide et à l'abri de l'air, 360 ; — des levures, 361 ; — des formes-le- vures, 363. Constitution moléculaire. Son influence sur le caractère alimen- taire, 216. Courant équatorial, 399. Cultures aérobies, 112 ; — en gout- tes pendantes, 117; — anaérobies, 117 ; — sur pomme de terre, 108, 124 ; — sur gélatine, 109, 119. Cyanophygées. Leur structure, 157. Dépense de construction et dé- pense d'entretien. Signification de ces expressions, 197; — dans Vaspergillus, 198 ; — évaluation, 208. DiASTASES. Alcoolique, 26 ; — ali- mentaires, 218. DiPLOCOCCUS, 58. E Eau. circulation générale dans les Océans, 425 ; — sur les continents, 428; — eaux de profondeur, 431 ; — des sources, 436 ; — des puits, 437 ; — artésiennes, 440 ; — des lacs, 453 ; — des mers, 453 ; — eaux courantes superficielles, 454, 505 ; — Trinkwasser théorie et Grundtvasser- iheorie, 458 ; — multiplication des bactéries dans l'eau, 465; — aclion bactéricide, 489 ; — action sur les microbes pathogènes, 490 ; — dis- tillée, 499 ; — de Seltz, 499 ; — or- dinaire, 500;— action sur le bacille typhique, 500 ; — sur le bacille du choléra, 501 ; — sur la bactéridie charbonneuse, 502 : — eaux non stérilisées, 503. Eau (Eléments contenus dans 1'), 513; — sel marin, 513 : — nitrates et nitrites 514 ; — hydrogène sulfuré, 515 ; — sels de ses(iuioxyde de fer, 515. Eaux d'égout. Cequec'estque l'épu- ration, 509; —méthodes d'analyse, 510; — méthode à l'hypermanga- nate, 512 ; — leur épuration par l'eau, 519; — composition de celles de Paris, 521 ; — leur épuration par le sol, 530; — utilisation agricole, 529; — avant et après filtration et nitrification, 530 ; — des égouts et des collecteurs deGennevilliers, 534 ; — des égoûts et des collec- teurs de Berlin, 539. Eaux de puits. De Paris, 535. Eaux de levure, 106 ; — de tourail- lons, 107 ; —de navets, de foin, 107. 628 TABLE ANALYTIQUE Electkicité statique. Son action, 307. Electricité voltaique. Action ?ur les microbes, 297; — ses effets chi- miques et calorifiques, 298 ; — ex- périences de Cohn et B.Mendeisohn, 299 ; — recherches ultérieures, 301 ; — action des courants d'induction, 303. Enveloppe des bactéries, 171. Ensemencement en milieu liquide, 113 ; — par piqûre, 114 ; — en stries^ 114. Epuration des eaux d'égout, n06 ; —parles fleuves, 519 ; — par le sol; 528 ; — à C4ennevil!iers, 534. Espèce dans le monde des microbes, 261. Etuves à température constante, 125. EvAPORATiON. Mesure de sa valeur moyenne, 430. F Ferment. Ce qu'il faut entendre par ce mot, 94, 198 ; — variations pliy- siologiquesde la fonction, iii. Fermentation en général.— Sa for- mule physiologique, 94 ; — sa for- mule calorimétri(|ue,'^06 ; — sa for- mule chimique,225 ; — ses produits intermédiaires, 237, Fermentation acétique. Interpré- tation de Pasteur, 23. Fermentation alcoolique, l^tude par Lavoisier, 9 ; — interprétation de Dumas et Boullay, 11 ; —expé- rience de.Gay-Lussac, 10 ; — inter- prétation de Liebig, 15 ; — inter- prétation de Pasteur, 20 ; — sa relation avec la présence ou l'ab- sence de roxygène,203 :— son élude calorimétrifiue, 206; — variations dans la glycérine et l'acide succi- nique, 232. Fermentation butyrique. Par les bacilles de Pasteur, 22, 224 ; — par le bacille amylozyme, 227 ; - par le bncilliis orthohidijlicus, 229. Fermentation lactique. Par les ferments de Pasteur, 18 ; — parles ferments de M. Péré, 233. Ferment.\tion nitkeuse et nitri- que, 509. Filtr.\tion. Par les cloisons po- reuses, 101 ; — intermittente et fll- tration continue, 529-;— par le tiltre Chamberland, 545 ;— par les filtres à sable, 549 ; — par les galeries la- térales aux fleuves, 564. Filtres a sable. Leur constitution dans la filtration intermittente des eaux d'égout,533 ;— dans la filtra- tion continue des eaux potables, 549, 552, 557 : — leur action sur l'eau potable qui les traverse, 550; — sur les microbes, 551 ; —distri- bution des microbes dans leur in- térieur, 554 ; — influence de la vitesse, 554 ; — influence de l'im- pureté de l'eau, 555 ; — couverts et non couverts, 555 ; — régula- rité et irrégularités, 556 ; — phéno- mènes chimiques qui s'y produi- sent, 560 ; — pourquoi ne se peu- plent-ils pas de haut en bas, 562. Flacherie ou maladie des morts- flats chez les vers-cà-soie, 38. Fleuves. Alimentent-ils leurs gale- ries latérales ? 565 ; — difl'érenoes de leurs eaux avec celles des gale- ries, 568, 571 : — purification spon- tanée, 572 ; — par le mouvement, 572. Fuchsine, 132. a Gélatine dans les milieux de cul- ture, 109. GÉLOSii dans les milieux de culture, 110. Génération spontanée. Historif|ue, 82 ; — Redi, 83 : — Leuwenhœck, 83; — Spailanzani, 8t : — Pasteur, 86 : — Bastian, 91 ; — Chamber- land, 92. Gennevilliers. Envisagé comme sol d'épuration, 534 : — comme sol de culture, 541. TABLE ANALYTIQUE 629 Gkrmes de l'aik. Expériences de Pasteur, 80. Glace (Microbes de la), 445: —dans la glace des glaciers, 443. Grêle (Microbes dans la), 442. Gulf-Stream, 426. H HÉLiOï^piSME chez les hyphomy- cèles, 316. HÊMATOXYLIXE, 133. Historique des idées sur la fermen- tation, 1 : — des notions sur les maladies virulentes, 30 ; — des no- tions relatives à la génération spon- tanée, 82. Hyphes, 62. Hyphomycètes, 62 ; leurs spores, 73 ; — action de la chaleur, 274; — de la lumière, 309. Ilot des calmes, 400. Immunité contre le charbon, 53; — explication par la phagocytose, 54. K KoLPODES. Mode et vitesse de repro- duction, 67. KuRO-Siwo, 427. caractère de ferment, 205 ; — pro- duit de la glycérine et la consomme ensuite, 213 ; — complexité de son action, 232 : — sa résistance à la (•haleur,277 :— à l'action du temps, 361. Liquides de culture, 104 ;— bouil- lon, 105 : — lait, 105 ; — petit-lait, 106 : — eau de levure, 106 ; — eau (le toaraillons407 ;— eau de navets, de foin, 107 ; — urine, 107. Lumière. Action sur les hyphomy- cètes, 309, 312 : — sur les bactéries colorées, 322 ; — sur les bactéries incolores, 330 ; — actions physi- ques qui l'accompagnent, 309 ; — actions chimiques, 311. c48 : — in- lUience des diverses radiations, 314, 325, 339 ; — changements de forme et de fonction qu'elle amène, 318, 323 ; — son action nocive, 319 ; — expériences de Downes et Blunt, 330 ; - de Tyndall, 231 ; — de Ja- mieson, 322 ; — de Duclaux, 322 ; — de Arloing, 333 ; — de Straus, 331 ; — de Roux, 335 ; — de Buch- ner, 340 ; — de Momont, 346 ; — de Laurent, 350 ; — son action sur l'eau des fleuves, 592; — influence de l'intensité, 341 ; — difl'érences in- dividuelles, 343 ; — influence du milieu, 345; — influence de la pré- sence de l'air, 346 ; — action sur les pigments colorés, 350 ; — sur la virulence, 353. M Lait comme liquide de culture, 105 : — pétillait, 106. Levure de bière. Expérience de Lavoisier, 9 ; — observation de Cagniard Latour et de Schwann, 13 ; — son rôle d'après Liebig, 15 : — son rôle d'après Pasteur, 20 ; — production de diastase alcooli- que, 26 ; — mode de multiplication, 64 ; — vitesse de reproduction, 72 : — spores, 78 ; — sa vie aérobie et anaérobie, 203; — origines de son Maladies virulentes. Leur place dans la pathologie cellulaire, 31 ;— variations de virulence, 51 : — im- munité, 52. Matières albuminoides. Leur mode de dégradation, 507. Matières grasses des bactéries, 173. Matières TERNAIRES. Leur mode de dégradation, 506. MÉRISMOPCEUIE, 57. MÉRISTE, 57. MÉTHODES d'analyse de l'eau, 510; — méthode à rhypermanganate,511. 630 TABLE ANALYTIQUE MÉTHODES DE COLORATION, 129 ; — théorie, 129 ; — pratique, 131 ; — coloration des spores. 134 ; — des cils, 135. MÉTHODES DE CULTURE, 99 : — SUr milieux liquides,105 ;— sur milieux solides, 107 ; — en gouttes pen- dantes, 117 ; — à l'abri de l'air, 117. Microbes. Définition, 56 : — classifi- cation morphologique, 57 :— vitesse de reproduction, 67. MiCROBKS DE l'air. Leur origine,401; — leur rareté relative, 403 ; — mé- thodes de dénombrement. 406 ; — méthode de Straus et Wurtz, 409; — de Pétri, 411 ; — de Miquel, 411 ; — diverses influences qu'ls subis- sent, 402,413 ; — leur disproportion avec les microbes du soi, 423. Microbes de l'eau. Etude de leur (]uantité: sources, 436; — puits, 437 ; — puits artésiens, 440 ; — des lacs, 453 : — des mers, 453 : — des fleuves, 454; — influence de la sai- son, 454 ; — des agglomérations hu- maines, 456; — étude de leur qua- lité, 456 ; — leur évolution dans l'eau, 465; — influenee de leur nom- bre initial, 467 ; — du chauff"age, 469 ; — de l'oxygène, 470, 491 ; — de l'acide carbonifjue, 471, 491; —de la concurrence vitale, 473 : — des éléments minéraux. 47G, 491; — des matériaux apportés avec la semen- ce, 493 ; — du milieu dans lequel on ensemence les bactéries de l'eau, 494; - études de Hochsteller, 495 ; — de Straus et Dubarry, 497. Microbes des eaux. Action du filtre Chamberland, 546 ; — des filtres à sable, 549; — leur distribution dans ces filtres, 554 ; — ils forment le véritable filtre, 553 ; — origine de ceux qu'on rencontre dans l'ef- fluent, 558; — action du mouve- ment, 575 ; — de la pression, 537 ; — de la lumière, 594. Microbes du sol. Dénombrement : méthode de G. Fraenkel,386 ; — de Beumer,o87 ; — influence de la pro- fondeur, 388, 393 : — de la saison, 389; — de l'âge de l'échantillon. 391 ; — microbes pathogènes, 393 ; — leur passage à travers le sol, 435. Micrococcus prodigiosus. Expé- riences de M. Schottelius, 243; — de \Vasserzug,254 ;— modifications de forme sous l'influence de la cha- leur, 290. Milieux solides de culture, 107 ; — pomme de terre, 107 ; — milieux à la gélatine, 109 ;— milieux à la gé- lose, 110 ; — sérum, Hl. Monades, 68 ; — calycine,^ode et vitesse de reproduction, 68. Mouillage du sol, 367. Mouvement. Influence sur la popu- lation microbienne, 575 ; — résul tat.s contradictoires, 578. Mugor mucedo. Changements mor- phologiques et physiologiques, 251. Mycoderme du vin, 66 ; — son rôle oxydant, 507. Mycouerme du vinaigre, 213 ; — son rôle oxydant, 213. isr Nappe souterraine. Alimente les puits, 437 ; — les galeries latérales des fleuves, 506. Neige (Microbes dans la), 442. Nitrates et Nitrites. Leur signifi- cation dans une eau, 514 ; — leur dosage, 517 ; — dans les eaux de puits de Paris, 535. Numération des colonies en cul- tures aérobies, 115 ; — en cultures anaérobies, 122. NuiRiTiON minérale des microbes, 176. OphidomonasIenensis. Sa structure, 157. OxYDABiLiTÉ. Manière de la déter- miner, 515 ; — dans les eaux des collecteurs de Paris, 521 ; — dans l'eau de Seine, 525 ; — dans l'eau des puits de Paris, 537 ; — dans les filtres à sable, 561. TABLE ANALYTIQUE 631 Ozone. Action sur les bacléries,uU-4 ; — (Stérilisation de l'eau par 1'), 306. Paramécies. Leur adoptalion dans les infusions, 480. PÉBRiNE ou maladie des corpuscules chez les vers-à-soie, 37. Photographie microscopique, 138 ; — théorie, 139; — conditions phy- siques, 140 ; —conditions mécani- ques, 144. Pluies. Circulation dans le sol, 428 ; — Microbes contenus, 441. Pouvoir rotatoire. Son influence sur le caractère alimentaire, 219. Protoplasma. Son organisation phy- sique, 155. Purification de l'eau. Par des pou- dres inertes, 583 ; — par la méthode de Clark, 582 ; — par la méthode de Gaillet et Huet,582; — par la mé- thode d'.\nderson, 588 ; — par des actions vitales, 584 ; — par l'action de la lumière, 594. Puits (origine de la nappe des), 437; — (bactéries dans les eaux de), 449; — Influence de l'exploitation régu- lière 451; — de la vase du fond, 452 ; —communication possible avec les eaux de surface, 452 ; — de Paris, 536. Putréfaction. Interprétation de Pasteur, 21. R Eégulateurs de température, 125. Eespiration àla lumière, 317 ; — Mi- crobes dans Tair expiré, 417. Saccharomyces Pastorianus, 07. Saccharose. Aliment de VusperijiUus, 194. Saisons. Leur influence sur les ger- mes du .soi, 389 ; — de l'air 413 ; — des eaux, 454, 455. Sarcine. 57. Schizomycétes. .57; — Leurs spores, 75. Seine. Influence des eaux d'égout, 523 ; — changement de composition dans la traversée de Paris. .525. Sel marin. Sa signification dans une eau, 513 : — dans les eaux des col- lecteurs de Paris. 521 ; —dans l'eau de Seine, 525;— dans l'eau des puits de Paris, 535. Sérum du sangcomme milieu de cul- ture, 111 ; — sérum du lait, 106. Sol. Actions physiciues (|ui s'y pro- duisent, 367 ; —mouillage, 3(i7 ; — capillarité, 368 ; — capacité pour l'eau, 370 ; — volume des espaces lacunaires,.370 ; — résistance à la pénétration de l'eau, 373 ; — pou- voir absorbant, 375 ; — distribution quantitative de la matière oi-gani- que, 36o, 379 ;— distribution quali- tative, 380 ; — distribution quan- titative des microbes, 381 ; — dis- tribution qualitative des microbes, 381 ; — numérations, 388 ; — in- fluence de la profondeur, 388, 392 ; — influence de la température et de la saison, 389 ; — influence du séjour à l'air, 391 ; — condition de conservation des microbes patho- gènes, 894 ; — son action sur les pluies, 433; — son pou voir filtrant, 435. Sources. Leur alimentation, 432; — influence du terrain, 434, 436 ; — (bactéries dans les eaux de), 446 ; — minérales, 452. Solution de Ziehl, 132 ; — de Gram- Weigert, 182 ; — de Gram-Kuhne, 133: —de Ribbert,133;— d'Ehrlich, 133 ; — de Kuhne, 133 : - de Roux et Yersin 1.33 ; — de Delatield, 134 ; — de Gram, 134. Spirilles, 61, Spikobacillus ciENKOWsKii.ses for- mes diverses, 250. Spiroghètes, 61. Spores, chez les liyphomycétes, 73 ; — chez les schizomycétes, 75 ; — 632 TABLE ANALYTIQUE chez les levures, 78 ; — chez le closiridium butyricum, 77 ; — chez le bacillus ramosus, 76 ; — chez le bn- cillus subtilis, 78; —leur coloration, 134 : — leur origine protoplasmi- que, 159 ; — leur résistance à la chaleur, 274. Staphylococcus, 58. Stérilisation, par chauffage, 99 ; — par filtration, 104; —par addition de poudres inertes, 581 ; — par addition de chaux ou de soude, 582 : — par la méthode d'Anderson, 583 : — par actions microbiennes^ 583. Streptobacilles, 62. Streptococcus, 56. Structure des microbes, 147 : - Enveloppe et cils, 147 ; — proto- plasma, 149 : — idées de Fischer, 155 ; — de Migula, 255;— de Buts- chli, 156. Sucres. Aliments ùeVaspergillus, 199. Tension superficielle dans la coa- gulation, 152. TYROTHRix.Leur résistance à la cha- leur, 280 ; — à l'action du temps, 360. Tyrothrix Scaber, Accoutumance aux antiseptiques, 247 ; — résis- tance à la chaleur, 280 ; — à la lu- mière, 83\ Tyrothrix tenuis. Son action sur les alcools polyatomiques, 237 ; — accoutumance aux antisepti(]ues, 246 ; — résistance à la chaleur, 280. U UKiNEcomme milieu de culture, 107. Utilisation agricole des eaux d'é- gout, 536 ; — ses inconvénients pos- sibles, 541. V Vaccination charbonneuse, 51. Vases de cultures, 112. Ventilation, influence sur les mi- crobes, 418. Vert de mêthyle, 183. Vibrions du choléra, vitesse de repro- duction, 71. Vibrion septique, sa culture, 117. Vie aérobie et vie anaérobie, leurs relations, 204 ; étude calorimétrique 206 ; — influence de la lumière, 327 ; — - vie anaérobie en présence de l'air, 522. Vieillesse, influence sur la compo- sition des bactéries, 166 ; — sur leur puissance d'adaptation, 243. Violet gentiane, 132 ; — dalhia, 133; — cristal violet, 133. Virus. Leurs propriétés, 35 ; — leurs diftérences avec les microbes, 36: — travaux de Pasteur, 48. Vitesse de reproduction des Kol- podes, 67 ; — des modades, 68 ; — des vibrions du choléra, 71 ; — des levures, 72, ERRATA Page 196, ligne 12, au Heu de 15 grammes, lire 150 grammes. Page 217, ligne 29, rectifier ainsi la ligne supérieure de la formule du rf-glucose H H on H Laval. — Imprimerie Parisienne L. BARNEOUD et C'% 8, rue Ricordaine.