TRAITE DE MICROBIOLOGIE TRAITE DE MICROBIOLOGIE PAR E. DUCLAUX Membre de l'Instilut Directeur de l'instiliit Pasteur Professeur à la Sorhonne et à l'Institut agronomique TOME II DIASTASES, TOXINES ET VENINS PARIS MASSON ET iy% ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 130. Boulevard S'-Germain 1899 PRÉFACE Je crois avoir été le premier à rassembler en corps de doctrine les renseignements, jusque-là épars, que la science avait recueillis au sujet des diastases. C'était en 1877, dans le Dictionnaire des sciences médicales du D' Dechambre. et quelques pages m'avaient suffi. Cinq ans plus tard, Ad, Mayer publiait sur le même sujet un petit livre qui, gon- flé de détails d'expériences, ne dépassait guère une centaine de pages. Aujourd'hui il faut un gros volume pour résumer nos connaissances, et encore, dans celui- ci, j'ai été obligé de m'arrèter au seuil du problème de l'immunité, au point où j'aurais dû quitter le domaine de la chimie pure pour entrer dans celui de la physio- logie. Car cette immunité, objet d'ambitions si hautes et de travaux si soutenus, devient de plus en plus une question de diastases ou de toxines, ce qui est au fond la même chose. Voilà à quel niveau s'est élevée une science qui, il y a vingt ans, semblait bornée à l'étude des moyens que les cellules microbiennes ou celles de nos tissus met- tent en œuvre pour préparer leurs aliments. Ce qui n'était à l'origine qu'une question de cuisine est deve- nue une question de fonctionnement vital. Jaquet et G. Bertrand nous ont démontré que c'étaient aussi des dias- tases qui présidaient à la fonction respiratoire de la cellule, et qu'on pouvait retirer de celle-ci des substan- ces qui respiraient en dehors d'elle. Ed. Buchner nous a appris à retirer de môme du globule de levure une substance, diastasique aussi, capable à elle seule de irans- II PRÉFACR tonner le sucre ea alcool et en acide carbonique, de sorle (|ue la puissance particulière et presque spécifique que possède la levure, et qui lui donue sou importance indus- trielle, lui est eu queUiue sorle extérieure et peut, une t'ois créée par elle, fonctionner eu dehors d'elle. Enfin, louL récemment, M. Groft Hill nous a prouvé que des dias- tases, qu'on croyait vouées à des œuvres de décomposi- tion, d'analyse, de simplification de la molécule, étaient parfois en môme temps des diastases de synthèse et de construction ; de sorte que parmi les fonctions physiolo- giques essentielles de la cellule, parmi celles qui la carac- térisent le mieux comme être vivant, il n'y en a quasi pas qui lui appartienne en propre, ou du moins ne puisse en être distraite au profit d'une substance chimique ca- pable d'agir en dehors de la cellule qui l'a produite. Voilà pour le terrain gagné par la chimie sur la physio- logie, et dont j'ai dû jalonner soigneusement les limites. Mais en même temps que se faisaient ces conquêtes nou- velles, l'ancien domaine des diastases s'élargissait de son côté. Ces diastases digesfives, presque culinaires, décou- vertes dans le canal digestif des animaux supérieurs, se retrouvaient identiques dans tout le monde vivant, ani- mal, végétal, microbien. L'unité du plan général de la nutrition se manifestait ainsi. Puis Metchnikoff donnait à cette fonction digestive une extension inattendue en mon- trant qu'elle était aussi une fonction de protection et de thérapeutique. Nos meilleurs médecins sont ces globules blancs, ces leucocytes, ces phagocytes du sang et des tissus qui se jettent sur les ennemis, de quelque nature qu'ils soient, qui ont pénétré dans l'organisme, et enta- ment contre eux une lutte pour laquelle leur arme la plus [)uissante est précisément la fonction digestive dont ils sont revêtus. Ce sont leurs^diastases qui, tantôt nor- maies, tantôt surexcitées par des moyens extérieurs, vac- PREFACE III cination on sérothérapie, détruisent, en les dissolvant, un grand nombre de microbes pathogènes ; ce sont leurs seciétions qui neutralisent certaines toxines, et la pé- rilleuse partie engagée en apparence entre deux êtres vivants est, en réalité, une question d'antagonisme en- tre des substances chimiques dont les unes, celles qui viennent des microbes, sont toxiques pour les cellules des tissus, et dont les auti'es, celles qui proviennent des cel- lules défensives de l'organisme, dissolvent et tuent les mi- crobes ou neutralisent leurs produits d'excrétion ou de sécrétion. Nul doute que cette question d'immunité ne repasse un jour entièrement sur le domaine de la chimie. Mais elle n'y est pas encore confinée et elle empiète encore sur la physiologie. Je veux dire par là (jue, sur beaucoup de points, nous sommes encore conduits, dans nos explica- tions, à parler de la cellule comme unité active, au lieu de l'aire intervenir tel ou tel de ses éléments composants. J'ai essayé, dans les derniers chapitres de ce livre, de montrer oi^i s'arrêtait la chimie sur ce point. Nous retrouverons le problème de l'immunité dans un autre volume, avec les progrès qu'il aura sûrement faits à ce moment-là. H est probable que nous reconnaîtrons alors que c'est à tort que nous l'avons réservé pour la partie physiologique de cet Ouvrage. Mais aucun savant ne peut avoir la préten- tion d'écrire la science de demain. Tout ce qu'on peut lui demander, c'est de résumer la science du jour. C'est ce que j'ai essayé de faire avec cet esprit de libre examen que j'invoquais dans la préface de mon premier volume, et qui veut dire, au fond, que l'auteur, tout en faisant de son mieux pour être à hauteur de la responsabilité qu'il prend, se sait faillible, et ne promet pas de ne jamais se tromper. Paris, Novembre 1898. TRAITÉ DE MICROBIOLOGIE PREMIERE PARTIE N:5>N^A«*c/s diaslascs, soiil l(>s nicnies p(af(oiit,, les mômes aussi que dans le monde végétal, lorsqu'il y a, là aussi^ consommation d'un aliment tout fait, et que, par con- séquent, c'est le même mécanisme qui intervient dans le procès digestif de toute cellule vivante. 4. Nutrition chez les cellules des ferments. — Mais tout ceci n'est encore que le travail préliminaire, celui que, pour nous conformer à l'usage, nous continuerons à appeler travail de tlifjfistion. Nous en distinguerons soigneusement le travail de nulrition de la cellule, dans lequel nous allons retrouver encore les mêmes traits que plus haut. Nous avons en etl'et ici, parfois séparables, parfois confondues, la vie aérobie et anaérobie, cest-à-dire un double travail d'oxydation et de réduction fonctionnant simultanément comme deux rouages qui se commandent l'un l'autre. Nous avons aussi l'ascension d'une partie de l'aliment vers l'état vivant et, corrélativement, la chute d'une autre partie à un niveau plus bas, plus voisin de l'état d'eau, d'acide carbonique, et d'azote ou d'ammo- niaque. Nous pourrions passer rapidement après avoir signalé en gros ces ressemblances, dont nous retrouverons le détail dans le courant de ce volume ; mais l'étude des cellules ferments nous a révélé, précisément au sujet de ces actions nutntivos^ des particularités qui les rapprochent des actions diç/estirps, et deviennent par là d'un intérêt majeur pour nous. Cette nutrition, nous venons de le voir, a pour condition la destruction plus ou moins complète, par voie de fermeidation anaérobie ou par voie de combustion directe, d'une partie de l'aliment. Or, il se trouve que ces deux actes, essentiellement vitaux, puisqu'ils sont la contre-partie nécessaire du phéno- mène vital d'organisation, sont produits aussi par des sécré- tions en tout analogues aux sécrétions digestives. Réduite à ses seules ressources de force chimique, l'oxydation ne se ferait pas avec la vitesse nécessaire dans certains cas : il y a une diastase, une oiydasc^ capable d'activer sa puissance. De NOTIONS GKXHIIALES 7 môme, lu dislocalioii du sucre eu alccx^l et eu acide carbonique peut être réalisée, comme je lai montré, en dehors de la présence de tout être vivant, mais elle devient singulièrement plus active quand intervient la diastase découverte par E. Buclmer. Il y a probablement de môme d'autres diastases présidant aux autres actions de fermentation. De sorte que la dislocation nutritive que l'aliment subit dans le protoplasma cellulaire se fait par le môme mécanisme que celui qui en avait fait un aliment. Enfin, il semble que ces mômes diastases soient capables de faire autre chose qu'une Œiuvre de destruction et d'analyse ; qu'elles puissent présider aussi à des œuvres de construction et de synthèse. Les forces qui disloquent un éther en solu- tion dans l'eau sont les mômes qui provoquent la combinai- son de l'acide et de l'alcool de cet éther, lorsqu'on les met séparément dans ce liquide. La décomposition de l'éther ne dépasse pas un certain degré, qui est précisément celui dont se rapproche la recomliinaison de l'acide et de l'alcool sé- parés, et qui constitue ainsi un état d'équilibre réversible. Le premier phénomène, la décomposition, se fait avec hydrata- tion et peut être rapproché de l'interversion du sucre ou de l'hydrolysation du maltose. Le phénomène inverse de recons- titution de l'éther aux dépens de l'acide et de l'alcool est une soustraction d'eau pendant la soudure des molécules. De même, à en croire M. Ilill^ la diastase qui transforme le maltose en glucose peut refaire du maltose aux dépens du glucose lors- qu'on augmente la concentrationn de la solution sucrée, et voilà que nous découvrons que ces diastases, que nous ne croyions capables que de détruire la molécule, sont aussi capables de la construire. En résumé, ces actions de diastases sont présentes dans tous les actes de la vie cellulaire, et, en consacrant ce livre à leur étude, c'est celle du problème de la vie que nous ferons par un côté encore peu abordé. 5. Découverte de la première diastase. — L importance des diastases dans le domaine de la vie donne de l'intérêt à 8 CIIAnTIII'. I loiir première découverte. Les (l'ausformations diastasiques sont utilisées depuis longtemps, depuis qu'on fabrique du pain, du vin ou de la Ijière. Mais c'est seulement après (pie la chimie a été bien constituée qu'on a pu les rapporter à leur véritable origine. 11 a d'abord fallu les séparer des actions microbiennes qui les accompagnent d'ordinaire. (Test Mitscberlicli qui, en 1826, a le premier fait voir qu'un liquide de macération de levure de bière peut intervertir le sucre à la fa(;on d'un acide ; mais il n'a pas poussé plus loin l'étude du phénomène, et c'est à MM. Payen et Persoz que revient l'hoimeur d'avoir préparé, en 1832, la première diastase. Dubrunfaut avait montré, en 1823, qu'à l'aide de l'orge ger- mée, de l'eau et de la chaleur, la fécule pouvait se saccharifier comme sous l'action de l'acide sulfurique étendu. Du licpiide de macération du malt, Payen et Persoz apprennent à retirer, par l'action de l'alcool, une substance solide, blanche, amorphe, neutre, sans saveur marquée, insoluble dans l'alcool, soluble dans l'eau et dans l'alcool faible, et non précipitable par le sous- acétate de plomb. Chautfée de 65 à 7o° avec de la fécule en pré- sence de l'eau, elle en sépare une substance soluble, qui est la dextriue, étudiée quelque temps auparavant par Biot, « tandis que des téguments insolubles dans l'eau surnagent ou se préci- pitent, suivant les mouvements du liquide ; cette singulière propriété de séparer les enveloppes des globules de fécule de leur matière intérieure » détermina Payen et Persoz à donner à la suijstance qui la possède le nom de tlids/tisc, qui exprime préciséuient ce fait. Un contact plus prolougé de la diastase avec l'empois d'ami- don convertit à son tour la dextrine en un sucre, qui ditiere de la dextrine en ce qu'il n'est plus précipité par la baryte et le sous-acétate de plomb. « Il faut que la température soit main- tenue durant ce contact de 6o à 75°, car, si l'on chautfe jusqu'à l'ébullition la solution de diastase, elle perd la faculté d'agir sur la fécule et sur la dextrine. » (' La diastase existe dans les semences d'orge, d'avoine et de blé germées, près des germes, mais non dans les radicules des NOTIONS (;i:.\i;r,.\u:s o grains germes. Elle n'existe ni dans les pousses, ni clans les racines de la pomme de terre germée, mais seulement dans le tubercule, près et autour de leur point d'insertion. Les céréales et les pommes de terre, avant germination, ne renferment point de diastase. » « Quand l'extraction de ce principe immédiat nouveau a été faite avec soin, son énergie est telle qu'une partie en poids suffit pour rendre soluble dans l'eau chaude la substance intérieure de 2. ()()() parties de fécule sèche, et pour opérer ensuite la con- version de la dextrine en sucre : ces réactions sont d'autant plus faciles et plus promptes cpi'on emploie un plus grand excès de diastase. Ainsi, en doublant la dose et la portant à un millième, la dissolution de la fécule peut être opérée en dix minutes. » J'ai transcrit textuellement quelques-uns des paragraphes de ce Mémoire, pour montrer que Payen et Persoz avaient presque tout vu de ce qui constitue encore aujourd'hui l'histoire de leur diastase, et même l'histoire de toutes les diastases, que caractérisent leur solubilité dans l'eau, leur insolubilité dans l'alcool concentré, leur production intérimaire dans les plan- tes qui les utilisent, et surtout la disproportion entre la quan- tité de matière agissante et la quantité d'effet produit. En nous faisant connaître la diastase de l'orge, Payen et Persoz in- troduisaient dans la science non seulement un corps nouveau, mais un type nouveau. C'est en reconnaissance de ce grand ser- vice que j'ai proposé d'appeler du nom générique de diastase^ tous les corps appartenant à ce type. Le nom à'eiizi/mcs, dont se servent divers savants, ne dit pas davantage, est plus nouveau, et ne réveille le souvenir d'aucune grande découverte. Je conti- nuerai à employer dans ce livre le nom de d/as/asrs comme nom générique. 6. Classement général des diastases. — Le nombre des diastases connues jusqu'ici est assez grand : on peut les répartir en plusieurs groupes, qu'on classe eux-mêmes assez bien en prenant pour guide les notions que nous avons développées plus haut. iO CIIAPITIIK I •7. Diastases de coagulation et de décoagulation. — Le premier degré de ractiou digestive est évidemment de rendre soluhle dans l'eau la matière des divers aliments. Ces aliments sont toujours des tissus végétaux ou animaux qui, par nature, ont pris une forme insoluble dans l'eau, comme l'amidon cru, la cellulose, ou au moins une forme coagulée qui leur permet d'entrer seulement en suspension dans l'eau, comme la caséine du lait, ou l'amidon cuit et à l'état d'empois. Pour beaucoup de matières, ces passages de l'état coagulé à l'état liquide et soluble, ou de l'état liquide à l'état coagulé, semblent se faire très facilement et n'impliquer aucune transformation notable. Ce sont pres(]ue des cliangements d'état physique, que n'ac- compagne aucune modification de la molécule chimique, et nous verrons, en effet, qu'ils peuvent s'accomplir quelquefois sous rinfluence d'une très petite quantité de certains sels neutres. Dans l'organisme, ils se font surtout sous l'influence d'un premier groupe de diastases qu'on appelle (/ias/ases de coayuhifion cl (h- (/('(^(/(jiilallon. Aux diastases de coagulation appartiennent la présure, \-à plasmasr coagulant la fibrine dans le sang, la pectase coagulant le suc de certains fruits. Aux diastases de décoagulation appartient à son tour le suc gas- trique qui dissout la fd>rine coagulée en liqueur acide, la trypsine qui dissout certaines matières albuminoïdes en liqueur alcaline, la caséase qui dissout la caséine coagulée. 8. Diastases d'hydratation et de déshydratation. — De- venu soluble dans l'eau par l'action de ces diastases décoagu- lantes, l'aliment peut parfois s'introduire tel quel dans le proto- plasma cellulaire, mais a souvent besoin, pour être utilisé, de subir une transformation nouvelle qui le dédouble et en fait sortir un certain nombre de molécules plus simples et plus faciles à attaquer. Le type de ces aliments est le saccharose qui, comme nous l'avons vu, ne devient alimentaire qu'à la faveur d'un dédoidîlement qui en fait du sucre interverti; et ce dédou- blement, qui peut seffectuei' par les acides, mais aussi par l'ac- NOTIONS CiKNKHALES H lion d'une cliastase partieulièi'o (|uo nous appellerons suc/ase, correspond à l'adjonction d'une molécule d'eau : A ce type se rapportent un grand nombre de diastases qui, toutes, ont pour effet de disloquer une molécule complexe en un certain nombre d'éléments plus simples, en y faisant pé- nétrer, comme autant de coins de séparation, un certain nom- bre de molécules d'eau. Telle est, par exemple, la maltase, qui transforme la dextrine eji maltose dans la fabrication de la bière, et qui n'est autre que la diastase de Payen et Persoz. Cette même maltase, par une action inverse, semble pouvoir reconstituer du maltose aux dépens du glucose. Nous pouvons, en attendant qu'il y en ait d'autres, la prendre comme type de diastases inverses des premières, mais entrant dans le même groupe qu'elles. A toutes ces diastases, dont le nombre s'accroît tous les jours, nous donnerons le nom commun de diasfases hydrolysantes ou (léshydrolijsanfes, ou (lliijdraUuiU's et dhhij- dratantes^ car il était ]>ien inutile de créer un nouveau mot pour cet ordre de phénomènes. Elles amènent d'ordinaire l'ali- ment à l'état où il peut être utilisé par la cellule qui s'en nour- rit ; à partir de ce moment, l'aliment doit subir, pour partie au moins, des transformations chimiques plus profondes qui, comme nous l'avons vu, doivent aboutir à en tirer de la cha- leur disponible, en en faisant sortir de l'acide carbonique et de l'eau. Ces deux corps sont ou bien des produits de fermenta- tion ou des produits d'oxydation directe. A chacun de ces modes d'action correspondent des diastases spéciales. 9. Diastases d'oxydation et de réduction. — La destruction de la matière alimentaire, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de la cellule, se fait surtout par oxydation. De là l'importance particulière des oxydases, entrevues par liikorokuru Yoshida, mais bien spécifiées comme telles par M. (1. Bertrand, qui a le premier montré le rôle important qu'elles jouent dans le monde. Ces oxydases ont comme contre-partie nahu'elle les 1-2 CIIAIMTP.I". I clésoxydases ou diastases désoxydaiites, dont on ne connaît encore qu'un seul type, entrevu par M. de Rey-Pailliade, le philofhion. Il faut remarquer, à ce sujet, que la distinction entre les oxydases et les désoxydases ne saurait être très mar- quée. Nous avons dit plus haut que très souvent, dans la na- ture vivante, un phénomène d'oxydation avait, comme contre- partie nécessaire et concomitante, un phénomène de réduction. On pourrait même dire que toujours il en est ainsi, en con- sidérant l'air ambiant comme un corps oxydé pouvant perdre son oxygène. Il est clair, en elï'et, que l'oxygène ne peut se porter sur un corps qu'en en quittant un autre, et que toute action d'oxydase a pour contre-partie une action de désoxydase. Dans la pratique, il faut bien distinguer les oxydations aéro- bies qui se font avec le concours de l'oxygène de l'air, des oxydations anaérobies qui se font avec de l'oxygène déjà com- biné. Les premières sont évidemment plus productrices de chaleur que les dernières, pour une quantité égale de produits formés, et sont })ar là plus difficilement réversibles. Mais, théoriquement, elles sont inséparables, et nous avons par suite le droit de faire encore un groupe homogène des diastases d'oxydation et de réduction. lO. Diastases de décomposition et de recomposition. — Nous ferons un dernier croupe avec les diastases dont E. Jiuch- ner nous a récemment fait connaitro le premier type, celle qui dédouble le sucre en alcool et en acide carbonique, suivant, selon toutes les apparences, la formule théorique : Q6fp2QG^2C H^O -\- 2C0- Ici, on pourrait voir encore l'action du ne diastase qu'on pour- rait considérer comme oxydante en ce qu'elle produit de l'acide carbonique; comme désoxydante, en ce qu'elle produit de l'al- cool aux dépens du sucre. Mais il y a quelque chose de plus. Il y a l'exemple chimique du dédoublement d'une molécule complexe, celle du sucre, en deux molécules plus simples. Il y a l'exemple philosophique d'une action que l'on a cru long- XoTloXS (IKNKIJAI.KS 13 temps réservée à l;i cellule vivante, et même à une seule espèce de cellules vivantes, celles des diverses levures, et qui se trouve pour la première fois distraite du domaine de la vie pour devenir une fonction chimique appartenant à une ma- tière morte. La découverte de cette diastase est un pas de plus dans la voie du démantellement de la cellule. G. Bertrand avait montré que la respiration de cette cellule, si caractéris- tique en apparence de sa vie, était due à la présence d'une de ses sécrétions, qui pouvait respirer en dehors d'elle. E. Buch- ner a montré de même que dans la cellule de levure, la fonc- tion de ferment alcoolique, qui semblait être si caractéristique, appartenait à une sécrétion de la levure, capable de dislo- quer le sucre en dehors de la cellule dont elle provenait. Par là on voit que chacune des propriétés dites vitales passe peu à peu à l'état de propriété chimique, pouvant fonctionner et être étudiée à part. Cela ne supprime pas la vie ni la cel- lule; cela permet de les disséquer et de les mieux compren- dre. C'est là ce qui donne de limportance à la découverte de E. Buchner, et de même cjue j'ai proposé de faire un nom générique du nom de dias/ase^ introduit dans la science par Payen et Persoz, je proposerais le nom de Buchnerase pour désigner le type nouveau de diastases de décomposition intro- duit par E. Buchner, si ce savant n'avait pas proposé lui-même le nom de zymases. Cette dislocation du sucre en alcool et en acide carbonicjue est trop exothermique pour qu'elle puisse avoir son action inverse. Mais il y a peut-être des actions de décomposition dégageant moins de chaleur et aboutissant à des états d'équi- libre réversibles. De sorte que, théoriquement, à coté des dias- tases de décomposition, nous sommes obligés de prévoir des diastases de recomposition, 1 1 . Comparaison des diastases avec les ferments figurés. — Cette énumération, volontairement nn peu sèche et abrégée, suffit à faire naître une notion que tout ce livre s'attachera à dé- velopper : c'est que non seulement les microbes sont, comme 14 CHAIMTJIK I nous l'aviins dit, tics [)i'(jdiicteiirs de diaslasos, mais encore tontes leurs fonctions im[)ortantes, nicme peut-être la création de leur matière propre, sont des actions diastasiques, c'est-à- dire chimiques, produites par l'intluence de certaines matières contenues dans la cellule, et qui peuvent en être séparées sans perdre leurs propriétés. Ce que la cellule conserve, c'est le pouvoir de fabriquer ces diastases. On pourra dire ici que si l'acte cellulaire n'est plus un acte vital, un de ses facteurs, au moins, est le produit nécessaire de la vie : c'est la diastase. Pour se faire une idée de la valeur de l'objection, il suflit de songer que, il y a 30 ans, nous au- rions dû dire la même chose de l'autre facteur du phénomène. Mais les progrès de la chimie synthétique nous le défendent, aujourd'hui (|ue nous savons fabriquer de toutes pièces des sucres variés, et même certaines matières albuminoïdes. Nous apprenons peu à peu à imiter ces actions de la vie. Les dias- tases deviendront peut-être elles-mêmes un jour des produits de synthèse. Ce qui encourage à le croire, c'est que la plupart des actions auxquelles elles président peuvent s'accomplir en dehors d'elles. Les acides étendus intervertissent les sucres, transforment l'amidon en sucre. Les alcalis produisent diverses actions liydrolysantes. L'oxydation de certaines matières peut se faire en dehors de toute oxydase, et j'ai dit plus haut que la transfor- mation du sucre en alcool et en acide carbonique pouvait se faire en solution alcaline, à la lumière du soleil. Les diastases accélèrent ces actions chimiques et leur permettent de s'accom- plir dans des milieux dont l'acidité ou l'alcalinité ne dépasse pas le niveau physiologique. Yoilà la source de leur importance : elles modifient la quantité du phénomène ; elles ne changent rien à sa qualité, et par cela môme nous sommes autorisés à les considérer comme des forces chimicpies, liées comme tou- tes les autres, à un certain groupement chimique, encore in- connu, mais qu'on découvrira. là. Disproportion entre 1 effet et la cause. — Cette aug"- .NOTIONS GENERALES 15 meniation d'activité donnée au phénomène est le trait prédomi- nant dans l'ensemble des propriétés des diastases. Les acides ou les alcalis peuvent déjà par euK-mômes transformer des cjuanti- tés de matière disproportionnées à leur volume ou à leur poids, (iette disproportion apparente entre l'effet et la cause devient encore plus marquée avec les diastases, et nous avons vn plus haut Payen et Persoz insister sur ce fait, qu'une partie en poids de leur diastase peut, en quelques minutes, liquéfier 2.000 parties d'empois d'amidon. La sacchariiication de l'empois liquéfié est beaucoup pins longue ; mais il y a encore beaucoup de maltose produit par de très faibles quantités de diastase. Si bien qu'en somme nous voyons reparaître cette même disproportion entre leffet produit et la cause active, que nous avons relevé, dans le tome I de ce Traité, comme un des caractères principaux des cellules des ferments. On comprend donc que quelques sa- vants, voulant traduire cette ressemblance, mettent encore sur la même ligne et appellent du même nom de ferments les diastases et les cellules de microbes, qu'ils distinguent seule- ment en appelant ces derniers fcimenlx figurés et les premières ferme n fs soin h les . A c(Hip sûr. ces termes sont mal choisis, et il est tout à fait incorrect, au point de vue de la classification et de la méthode, de donner le même nom générique à une cellule vivante et à un composé chimique. Mais il n'en est pas moins vrai que microbes et diastases se ressemblent beaucoup en ce qui concerne leur action. Nous venons de voir que c'est parce que beaucoup d'actions microbiennes sont des actions diastasiques. Les res- semblances ne s'arrêtent pas là Les microbes puisent une partie «le leur puissance dans leur fécondité, et il semble, au premier abord, que les diastases, incapables de se reproduire, doivent se tenir beaucoup au-des- sous d'eux. Nous verrons, dans la suite de ce livre, qu'il n'en est rien, parce qu'elles remplacent la transmission de la vie de génération en génération par une véritable immortalité. 13. Les diastases ne se détruisent pas en agissant. — Je d6 CflAI'iriil'. I nr('\[)li(jiie. .I(? ne veux pas dire j);u' lii (IUiiik; diastase soit une substance indécomposable, impossible à détruire. Il n'y en a pas de pareille en chimie organique ni même en chimie miné- rale. Je veux dire seulement (jue la diastase ne se détruit pas en agissant, et se retrouve, quand elle a tini son œuvre, prête à en recommencer une nouvelle, à. de certaines conditioiis (pie nous retrouverons tout à l'heure, (le fait im[»ortanta été tout d'abord mis en lumière par Mayer, à propos de la sucrase. Il n'est pas démontré pour toutes les diastases, mais c'est que l'expérience ne l'a pas encore visé. Sous ce point de vue, les diastases res- semblent aux acides qui, après avoir produit l'interversion d'une certaine c|uantité de sucre, sont théoriquement inaltérés et peu- vent, si on les sépare du liquide où ils ont agi, recommencer une interversion nouvelle pareille en tout à la première. La raison profonde de cette persistance, tant pour les acides que pour les diastases, est que les transformations produites s'accomplissent en dégageant de la chaleur. Elles sont, il est vrai, assez faiblement exothermiques en général, mais si peu qu'elles le soient, elles n'exigent aucune dépense extérieure, au- cune décomposition du corps cjui les produit; c'est le corps qui les subit qui les alimente seul, et il suftit qu'elles soient amor- cées pour cju'elles continuent. Entre parenthèses, cette idée nous fournit de suite une explication plausible de cette disproportion entre l'elfet et la cause cjue nous avons signalée. Il y a aussi dis- proportion entre le volume d'un bûcher et le volume de l'allu- mette qui a servi à l'enflammer, entre le volume de la poudre clans une pièce d'artillerie et le volume de l'amorce. Là encore c'est que la déflagration, commencée sur un point, peut se continuer d'elle-même, en vertu de la chaleur qu'elle dégage, et si notre allumette est en état d'ignition permanente, elle pourra servir à allumer un nombre indéfini de bûchers. Nouvelle cause de dis- proportion à ajouter à la première. Remarquons pour terminer que nous étions arrivés à la même conception pour les actions microbiennes. Là aussi, c'est parce cju elles dégagent de la cha- leur que ces actions peuvent être disproportionnées en appa- rence à la puissance de la cause l.i:s Dl'. DIASTASI'.S ;}7 fiiciloment ni émigrer do la cellule où ils se sont fomnés, ni y pénétrer facilement. 11 est pourtant deux voies ouvertes à leur circulation. Ils peuvent s'émulsiouner dans l'eau ou s'y dissoudre. L'émulsion n'est pas un phénomène chimique : j'ai montré qu'il était purement physicjue et dépendait de diverses con- ditions, dont la plus essentielle est l'égalité des tensions su- perficielles entre le liquide émulsionnant et le liquide émul- sionné. Mais l'émulsion augmente heaucoup les surfaces de contact de la matière grasse et du liquide émulsif, de sorte que si celui-ci a en outre sur elle une action chimique quelconque, la rapidité de cette action peut être augmentée dans une mesure dont on peut se faire une idée en sachant que lorsque une sphère d'un certain volume se divise en 1000 sphères égales, la surface totale devient 10 fois plus grande. Cl. lîernard avait vu que lorsqu'on émulsionne les graisses avec le suc pancréatique, la matière grasse se décompose en glycérine et en acides gras. On pouvait supposer que cette décomposition, assez lente, se faisait sous rintluence des microbes constamment [irésents dans ce mélange. Mais (ireen, en faisant macérer des graines de ricin en germination dans une solution de sel marin à 5 00, additionnée d'un peu de cyanure de potassium, a obtenu un li(]uidc qui, débarrassé du sel par dialyse et ajouté à une émulsion d'huile de ricin, donnait, après quelques heures à 40°, une réaction acide très nette. Si, auparavant, on le portait à l'ébullition, il perdait toute activité. Il existe donc une diastase qui saponifie les corps g'ras, comme le font les acides ou les alcalis. On l'a. nommée Lipasc. Depuis, M. Hanriot a eu l'idée de se servir, comme réac- tif de cette lipase, non de corps gras insolubles dans l'eau, mais de glycérides soluljles comme la butyrine, qui enti'cnt en contact intime avec la diastase. et se décomposent plus rapidement. Il a pu, par cette méthode, trouver la lipase dans div(>rs tissus et dans le sant:. Comme la réaction du 38- CIlAPITPvK II sang' est nlcaline, la matière grasse cjui s'y dédouble donne de la glycérine et un sel solublc de l'acide gras correspon- dant. Elle entre donc intégralement en solution. Il n'est pas encore démontré que les matières grasses, pour circuler dans l'organisme, aient besoin de se saponifier. Il est même démontré que sur certains points, par exemple dans l'intestin, l'absorption se fait en nature ; mais une diastase qui les rend, môme partiellement, solubles dans Teau, présente de ce fait une grande importance physiolo- gique. Tel est le cas de la lipase. On ne sait pas encore s'il n'y en a qu'une ou s'il y en a plusieurs. Son étude termine celle des ferments hydrolysants connus jusqu'ici. On voit dans l'ensemble que le travail de la vie a pour effet de produire des molécules de plus en plus complexes, par éthérification mutuelle de molécules de su- cre, d'alcool, ou de composés aromatiques. Ces éthers, pro- duits sous l'influence de la vie protoplasmique, sont inatta- quables dans le milieu qui leur a donné naissance. Ils ser- vent à constituer les matériaux constitutifs de la cellule ou ses aliments de réserve, et ils ne peuvent être utilisés que lorsqu'une diastase, produite dans la cellule elle-même par un changement de modalité dans la nutrition, ou venant de l'extérieur, disloque en la dédoublant cette molécule com- plexe, et permet à ses éléments d'entrer dans le courant nutritif. 43. Diastases oxydantes. — L'hydrolysation qui accompa- gne d'ordinaire le dédoulilement produit par les diastases est une véritable oxydation, l'eau contenant 89 pour cent de son poids d'oxygène. A côté de cette oxydation indirecte, il y a des oxydations directes produites aussi par des diastases. Ici, nous devons tout de suite spécifier. Certains corps comme l'ozone, l'eau oxygénée, qui sont produits par des actions na- turelles, sont doués de propriétés oxydantes parfois très éner- giques. Mais ils se décomposent en agissant, et, pour agir à nouveau, doivent se reconstituer. Par exemple, de l'eau expo- DIVERSES FAMILLES DE DIASTASES 39 sée au soleil se charge d'eau oxygénée, et s'il y a une matière oxydable, cette eau oxygénée qui se décompose et se refait sans cesse peut oxyder sous un faible poids des quantités considérables de matière. Peut-on dire qu'il y a dans ce cas action de diastase? Rien ne s'y oppose évidemment. La con- dition d'action de cette diastase serait ici la lumière du soleil, comme celle de la pepsine est une certaine dose d'acide. La pérennité d'action de la diastase pourrait exister, la diastase étant en procès de destruction et de reconstitution continue. De plus, nous aurions dans ce cas le spectacle curieux d'une diastase minérale et chimique dont le mode d'action serait connu. Au premier abord, il semble que nous soyons là très loin des autres diastases. Quand on y réfléchit, on voit au con- traire qu'on en est peut-être tout près. Quoi qu'il en soit, nous voyons que si nous ne pouvons appeler, à proprement parler, action de diastase, aucune des deux moitiés du phénomène dont nous venons de parler, formation d'un corps oxydant sous l'influence de la lumière, destruction de ce corps oxydant au contact d'un corps oxydable, la superposition des deux phé- nomènes aura tous les caractères d'une action de diastase, amenant la fixation de quantités théoriquement indéfinies de l'oxygène de l'air par l'intermédiaire d'un composé instable, qui n'existe jamais qu'en proportions très faibles, et qui peut paraître persistant uniquement parce qu'il se reforme cons- tamment, à mesure qu'il se détruit. 44. Laccase. — Sauf que nous ne savons rien sur le méca- nisme de l'action de la laccase, nous lui trouvons les carac- tères extérieurs que nous venons de signaler. Il existe dans le suc de l'arbre au moyen duquel on prépare la laque, une matière précipitable par l'alcool, se détruisant avant la tempé- rature de l'ébullition, et capable de produire rapidement l'oxy- dation de la matière huileuse, le laccol^ qui l'accompagne dans le suc végétal, et qui devient alors insoluble dans l'eau, l'alcool, et inattaquable par l'eau bouillante. Cetto même lac- case peut accélérer beaucoup l'oxydation, au contact de l'air. ■40 cHAriTjn-. Il de coi'taiiios siibsl;iiicos, Tacide j)yi'()j:alli(]uc, riiydi'oquiiioiie. L'oxygène est omprunfé à Taii-, et tantôt simplement al)Soi'bé, tantôt remplacé par un volume plus petit d'acide carbonique. Cette laccase est du reste extrêmement répandue, et a cer- tainement un rôle physiologique considérable dans le phé- nomène de la respiration animale ou végétale. •45.Tyrosinase. — Dans certains végétaux, cette laccase se mélange d'une autre diastase oxydante, la tyrosinase, qui peut oxyder la tyrosinc, sur laquelle la laccase est sans action. Nous retrouvons donc là cette spécificité des diastases que nous avions constatée à propos des diastases hydrolysantes. Nul doute qu'il n'y ait beaucoup de diastases appartenant à ce groupe oxydant, et que M. G. Bertrand a appelées pour cela oxydases. Avec la façon dont nous comprenons le rôle de ces substances, il n'est pas douteux que les globules du sang n'en contiennent, et nous verrons môme que si Faction de l'hémoglobine a pu être rattachée à la présence du fer dans son squelette minéral, celle de la laccase peut être l'at- tachée de même à la présence du manganèse dans ses cendres. Il y a là une partie de la science qui est à fleur de terre, et qui attend les travailleurs. 46. Diastases désoxydantes. Philothion. — Nous avons fait observer plus haut que dans toute oxydation il y avait né- cessairement une désoxydation concomitante, ne fùt-cc que celle de l'air extérieur, lorsque l'oxygène est absorbé en na- ture. S'il est emprunté à des substances le cédant facilement, l'action d'une diastase oxydante peut produire un milieu réducteur. C'est dans cet ordre d'idées qu'il faut faire, mo- mentanément au moins, une place dans la science au philo - thion de M. Uey-Pailhade. Ce savant a constaté que certaines cellules microbiennes, par exemple celles de la levure de bière, peuvent, lorsqu'elles sont mises au contact de la fleur de soufre, la transformer partiellement en hydrogène sulfuré. Elles per- dent ce pouvoir après chaufTage à l'ébullition. Le mécanisme DIVERSES EA.MIUJ:s de DIASTASES 41 (lu phénomène est évidemment encore un [)eu obscur, mais la formation de l'hydrogène sulfuré aux dépens de ses élé- ments est exothermique, et il n'y a par suite aucune objection théorique à l'existence d'une diastase hydrogénante. ^iT-Zymases. — Xous signalerons enfin, pour mémoire, car nous en avons déjà parlé et nous les retrouverons, les dias- tases amenant des actions de fermentation avec dégagement gazeux, dont la seule connue est en ce moment la diastase alcoolicjue de Buchner, qui donne la dislocation classique : C'IVKr' = 2C^1P0 + 2C0=. Ces diastases sont aux ferments anaérobies exactement ce que sont les oxydases vis-à-vis des ferments aérobies. Nul doute qu'elles ne soient très nombreuses. Mais c'est à peine si on débute dans leur étude. •48. A-utres diastases moins connues. — Enfin, nous aurions à mentionner à la suite des diastases que nous venons d'énu- mérer, d'autres diastases encore moins connues, celle par exemple qui préside à la destruction du sucre dans le sang, à cette (jl//co/i/se étudiée surtout par M. Lèpine. Mais il est préférable de renvoyer leur étude au moment où nous au- rons terminé celle des diastases que nous connaissons mieux. ?sous pourrons alors les faire bénéficier des notions acquises p;ir ni lieu rs BIBLIOGRAPHIE Payen et Persoz. Ann. île eh. et de phijs., 2'^ S., t. I.Vl, 1834, p. 337. WuRT?: et BûUCHUT. Complcs rciulux, 1881. LlEBIOet WoHLER. Anti. lier Pharmacie, XXII, 1837, p. 1. TiEMANX et Harmaxx. Ber. d. d. chem. Gesells, t. VIT, 1871, p. 60S. MuscULUS. Comptes rendus, t. LXXXII, 1873, p. 333. BroWN et Herox. Journ. of. Ihe chem, Soc. Fremy. Maturation des fruits. Ann. de ch. et de p'iys.. 3" S., t. XXIV. 1818, p. 1. \'l CHAriTin- I[ BoURQUELOT. Iiiiilasp. Noc. do BioL. 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Ces questions sont complexes et peuvent com- porter des solutions diverses. Au lieu de nous les poser suc- cessivement et de détailler les façons variées dont elles sont résolues, ce qui conduirait à un émiettement de la connais- sance, il vaut mieux montrer, dans quelques exemples Lien choisis, la marche et l'enchainement des actions diastasiques. 49. Sécrétion des diastases dans l'orge en germination. — Je commence naturellement par la sécrétion la mieux connue, celle de l'orge en germination. MM. Brown et Morris nous ont donné sur elle des renseignements très précis, qu'il nous suffira de résumer. Pour bien faire cette étude, il nous faut quelques notions sur la structure anatomique du grain d'orge, notions que je réduirai, pour simplifier, à leurs éléments essentiels. Si on se représente un grain d'orge, placé comme il Test dans l'épi, avec une face ventrale, plate et bilobée, tournée vers l'axe, et une face dorsale vers l'extérieur, on trouvera, au bas du grain, et appliqué contre l'épiderme de la face dorsale, l'em- bryon avec sa radicelle R (fig. 1) tournée vers le bas et enve- loppée dans la coléorhize, avec sa plumule tou-rnée vers le haut et composée de toutes petites folioles E rangées autour d'un axe primaire et d'axes secondaires. Entre les deux se trouve la 1 '(. ciiArrrpj-: m tiyo T, très rudimeiilaire, mais dans la(jnelle existe un comnion- ('(MiKMil (le vascularisaliou. Imi delioi-s de reiidjryon, il n'y a puère dans le grain autre chose (jin^ lendosperme K, qui est Fig. 1. — Coupe sasiltalr dans un grain de \t\t\ nu niveau de ri'nii)i'yon d'après Hoizner. F l'luniui(»s de l'rMnbrvon. — R Radicule. — T Tigelle. — E lendosperme. — S Scutelluiii. — A Couche d'ali'urone. — P Péricarpe. — G Giunielle. surtout formé de cellules polygonales renfermant l'amidon, c'est-à-dire la réserve nutritive destinée à l'embryon ])endant les premiers jours de son existence. Ce sont les rapports entre cet end)ryon et ces réserves qui sont intéressants à saisir. Vis-à-vis de cet endosperme qui le si:(:iîKi"i(».\ DKs i)i.\sT.\si:s daxs i.i:s cisaim-is /,:; domine et l'écrase, leiiiltryoïi est dans la [)ositioii (11111 soldat qui se défend, légèrement incliné vers la face dorsale du grain, et tournant vers le liant, c'est-à-dire vers l'endospiMane, une sorte de bouclier, le sculrlhim S, qui est caractéristique des se- mences de graminées. Pour plus de ressemblance, ce bouclier est couvert, à la façon des boucliers antiques, d'une peau, ou plutôt d'un épidémie fortement attaché au bouclier, mais n'ayant ([u'une adhérence faible avec l'endosperme qu'il tou- che. Cet épidémie, formant ainsi la limite entre la jeune plante et rendosperme nutritif, et destiné à être traversé par les réserves lorsqu'elles iront nourrir l'embryon, devait attirer l'attention des physiologistes, et se présenter à eux comme un organe d'absorption. Il a en efïet ce caractère, mais MM. lîrown et ^[orris, confirmant sur ce point une découverte antérieure de M. Yan Tieghem, lui en ont trouvé un encore plus important, qui nous oblige à entrer dans quelques détails sur sa constitution. Dans lorge, cet épithélium du scutellum, couvrant toute la surface en contact avec l'endosperme, est formé de cellules columnaires, en palissade, implantées normalement sur le scutellum, et ayant des parois très minces, nullement cuticu- larisées. Leur contenu avant le commencement de la germi- nation est finement granuleux, et leur nucléus est très visible. Dès que le grain est exposé à la chaleur et à l'humidité, les granulations protoplasmiques augmentent en nombre et grossis- sent, le contenu de la cellule devient obscur. Le nucléus cesse d'être visible, et cela dure ainsi tant que les réserves de l'en- dosperme n'ont pas disparu. Quand ce moment arrive, les cel- lules reprennent leur aspect transparent. Or, ce sont là les modifications d'aspect et de structure que subissent les cellules des organes de sécrétion chez les végétaux et les animaux. On les retrouve, avec les mêmes caractères, dans les glandes qui sécrètent la pepsine dans l'estomac ou la trypsine dans le pan- créas. L'épithélium scutellaire serait-il donc un organe de sé- crétion ? On est confirmé dans cette pensée^ en remarquant que peu- iC) ciiArrriiK m dant la germiiiatioi]. les cellules épitliétiales columnaires s'al- longent un peu, perdent leurs adhésions latérales mutuelles, s'élargissent un peu à leur extrémité, et forment ainsi comme un velours de villosités s'enfonçant dans Fendosperme. 50. Dissolution delà cellulose. — Les changements visihles que subit celui-ci ne sont pas moins probants. Après 24 ou 36 heures de germination, lorsque la racine primaire a fait saillie au travers de la coléorhize, on aperçoit un commen- cement de dissolution dans une couche de cellules vides et écrasées les unes contre les autres, qui fait partie de l'endo- sperme et est immédiatement en contact avec le scutellum. Ces cellules ont contenu Tamidon qui a servi aux premiers développements de l'embryon, dans le sac embryonnaire. Cet amidon, liquéfié et absorbé sur place, a quitté la cellule, dont les parois se sont affaissées et comprimées sous la pression de l'embryon qui grossissait. Puis est venue la période de repos pour la graine, et tout est resté en l'état. Quand la germi- luition commence, nous voyons que ces parois cellulaires dis- paraissent les premières, comme si elles formaient obstacle entre l'embryon, abrité derrière son bouclier, et les réserves nutritives ; et comme, au moment où elles disparaissent, on observe une apparition transitoire d'amidon dans le tissu du bouclier, il n'est pas douteux que leur cellulose ne soit le premier aliment de réserve mis à contribution par la jeune plante en voie de croissance. Voilà donc une première sécré- tion de cytase au commencement du travail de germination. Cette action dissolvante sur la cellulose ne s'arrête pas là. Elle atteint à leur tour les cellules gorgées d'amidon de l'en- dosperme. Les parois cellulaires gonflent, leur stratification devient de plus en plus apparente, puis elles se corrodent et finissent par se résoudre en petits fragments qui disparaissent à leur tour, de sorte qu'on ne trouve plus de ligne de séparation visible entre les contenus de cellules contiguës. J'ai trouvé que dans la panse des ruminants, les grains entiers qui y arri- vent subissent une liquéfaction analogue. SECRETION DES DIASTASKS DANS LES GRAINES 47 A mesure que se poursuit cette dissolution des parois cel- lulaires, le grain perd de sa solidité, se laisse écraser entre les doigts, prend ce degré de mollesse que le maltcur s'attache à pousser au plus haut degré possible, pendant la courte pé- riode de germination qui constitue le maltage. Ce procès de ramollissement est corrélatif, comme on le voit, de la dissolu- tion des parois cellulaires, et non pas, comme on le croit, de la destruction commençante de l'amidon. Son mode de progression est en ontre celui qu'on pouvait prévoir, en admettant que c'est dans la couche épithéliale du scutellum que réside la cause active. Comme ce scutellum est incliné, la dissolution progresse moins vers le sommet du grain du côté de la face ventrale que du côté d.e la face dorsale. Comme c'est aussi du côté de la face dorsale que grandit la plumule, on avait cru pouvoir attribuer à la plumule ce mode de progression. Mais il reste le même chez les graminées dont la plumule pousse en dehors des téguments de la graine, et aussi dans les grains d'orge chez lesquels on a produit arti- ficiellement ce développement externe de la plumule. Il faut donc renoncer à faire intervenir la plumule dans Texplication du phénomène, qui est dii sans doute à ce que les cellules du parenchyme de la face dorsale sont les dernières formées dans le grain, par conséquent les plus jeunes et les plus facilement attaquables par l'agent spécial de la dissolution de la cellulose. Ces différences de résistance se retrouvent dans les diverses orges, dont les unes peuvent être maltées très vite, et d'autres très difficilement. Cela dépend dé la race, du sol et du climat; mais, d'une manière générale, les orges les plus recherchées par les malteurs sont celles dont les parois cellulaires se dissolvent le plus facilement. 51. Dissolution de l'amidon. — Cette dissolution de la cellu- lose avance, nous l'avons dit, obliquement le long du grain, et finit par l'envahir tout entier. Parallèlement à elle, mais tou- jours un peu en arrière, marche la dissolution de l'amidon, qui commence aussi dans le voisinage immédiat du scutellum, 48 CIIAPITIÎI'; III cominc la tlissolutioii de la cellulose, mais qui est moins précoce qu'elle, car on n'en observe guère les premiers signes que lorsque la racine primaire de l'embryon a pris une longueur de *2 millimètres, et la plumule une longueur de l"""o. Cet amidon est atteint d'une façon singulière. Il se creuse de trous qui, en se multipliant et en grandissant, lui donnent les formes les plus irrégulières ; puis surviennent des fentes radiales qui favorisent la dislocation des couches superposées formant le granule. Ces couches se dissolvent inégalement, et le globule se réduit à une sorte de squelette dont les débris disparaissent peu à peu. On reconnaît là les formes ordinaires de la dissolution germinative de l'amidon dans les endo- spermes ; c'est aussi, comme je l'ai observé, la forme de la dissolution de l'amidon cru par le mycélium de Yaspci-gillus nigcr. MM. Brovvn et Morris ont une tendance à y voir la forme générale de dislocation de l'amidon en dehors de la cellule vivante, et par conséquent à considérer comme mortes les cellules de l'endosperme dont le contenu se laisse si facilement liquéfier. Il y a là un point qui mérite qu'on s'y arrête. Au moment où, dans l'orge lui-même, l'embryon se forme dans le sac embryonnaire, il le fait aux dépens de l'endosperme formé avant lui, et dont il utilise l'amidon pour la construction de ses premiers tissus. Cet amidon est formé de granules en tout semblables à ceux qui restent au moment de la germi- nation, et on pourrait croire que leur dissolution se fait aussi par corrosion et dislocation irrégulière. Il n'en est rien : ils se dissolvent régulièrement par l'extérieur en diminuant gra- duellement de volume, et en conservant jusqu'à la fin leur forme bombée et leur transparence. De plus, les cellules qui les contiennent ne sont pas détruites comme pendant la germination, et nous les avons retrouvées en place, compri- mées, mais intactes, au voisinage du scutellum, parmi les pre- miers matériaux utilisés [)ar l'embryon (]ui pousse. Dans ce scutellum, dans cet embryon lui-même, il se fait quelc[uefois des réserves temporaires d'amidon qui, lorsqu'il disparait, subit encore une dissolution graduelle et régulière, SÉCRÉTION DES DIASTASES DANS LES GRAINES 49 Je peux ajouter qu'il en est souvent de même dans les feuilles cotylédonaires. Dans mes essais de germination à l'abri des germes, il m'est souvent arrivé de voir dans des cotylédons hypogés, restés plusieurs semaines dans un sol purgé de mi- crobes, des cellules restées pleines ou presque pleines d'ami- don au milieu d'autres qui étaient vides, mais la dissolution était des plus régulières dans tous les grains en voie de dis- parition. C'est évidemment une dissolution qui s'exerce sur place, en vertu d'une sécrétion propre à la cellule, sécrétion qui ne transmigre pas facilement à l'extérieur, comme le prouve ce fait curieux dune cellule restant gorgée d'amidon au milieu d'autres qui n'en contiennent plus. Aous retrouverons bientôt ce phénomène de production de diastases intérieures à la cellule. Ses caractères extérieurs le distinguent, on le voit, du mode de destruction de l'amidon dans les cellules liquéfiées de l'orge en germination. Ici, la diastase semble venue de l'extérieur. 52. Parasitisme de 1 embryon. — Comme, dans cette graine, et celle des autres graminées, on peut avec quelques précau- tions isoler l'embryon de son endosperme sans aucune rupture de tissus, attendu qu'il n'y a pas de relations organiques entre l'endosperme et lui, on conclura de tous ces faits, comme Sachs l'avait déjà fait en vertu de notions moins précises, que la relation de l'embryon des graminées vis-à-vis de l'en- dosperme est exactement celle d'un parasite vis-à-vis de son hôte. Le scutellum est l'analogue des hamtoria des parasites phanérogames. La seule ditierence est que le scutellum n'a pas de connexions organiques avec l'endosperme, est simple- ment en contact étroit avec lui, tandis que les haustoria des parasites sont quelquefois si intimement confondus avec les tissus de la plante-hùte qu'il est souvent difficile de trouver leur limite commune. Cette idée de distinguer dans le grain d'orge en germina- tion un être vivant, le jeune embryon, adossé à son grenier, dont le rôle est purement passif, résultait déjà de quelques 4 m CHAPITRE III faits connus dans la science. Déjà A. Gris et Van Tieghem avaient réussi à faire germer des embryons excisés sur des éponges humides, et Van Tieghem avait même pu activer et prolonger ce développement en remplaçant l'albumen du Mira- bilis jalapa par un albumen artificiel, obtenu en broyant un albumen naturel, et en le roulant en petites boules qu'on ap- pliquait étroitement contre l'embryon. Blociszewski, en recom- mençant ces curieuses expériences, avait, comme Van Tieghem_, tenté des substitutions de nourriture. Il avait vu l'embryon du seigle pouvoir utiliser des albumens artificiels de farine de seigle, d'amidon, de sucre de raisin, mais non d'asparagine. L'embryon du pois pouvait absorber Tamidon, le sucre, l'as- paragine à très faibles doses, mais non utiliser un albumen artificiel obtenu par macération des cotylédons du pois. Toutes ces expériences sont délicates, quand on veut éviter les erreurs d'interprétation auxquelles expose l'intervention presque iné- vitable des microbes, mais dans leur ensemble elles sont très suffisamment probantes. MM. Brown et Morris les reproduisent avec l'embryon de l'orge. En écartant vers la base les glumelles du grain ramolli dans l'eau, on aperçoit les contours de l'embryon sous la mince enveloppe du péricarpe et de la testa. En passant la pointe fme d'un petit scalpel tout autour des parois du scutellum, on détache l'embryon, qu'on porte sur une autre graine, traitée de même ; on rabat sur l'embryon greffé les glumelles, qu'on maintient si c'est nécessaire avec un fil fin d'argent. L'em- bryon ainsi traité se comporte absolument comme s'il était resté en contact avec son endosperme, dissout et consomme l'amidon de celui qu'on lui a donné comme nourrice. On peut transporter l'embryon d'orge sur un endosperme de froment. Il pousse, mais son développement est un peu gêné, à cause des différences de constitution des deux graines et des difficultés d'ajustement entre l'embryon et l'endosperme. A ces arguments, MM. Brown et Morris en ont ajouté d'autres que nous allons tout à l'heure trouver moins fondés. Ceux qui précèdent suffisent pour montrer que l'embryon a une sorte SECRETION DES DIASTASES DANS LES GRAINES 51 dautoiiomie, et que l'endosperine est pour lui un simple ré- servoir de matière alimentaire, que l'embryon utilise en dis- solvant les sacs qui la renferment, et en s'emparant du contenu au fur et à mesure de ses besoins. 53. A-liments préférés de lembryon. — S il en est ainsi, et si Tembryon jouit de toute cette indépendance, on peut lui demander à lui-même de nous renseigner sur ses préférences. Séparé de son endosperme et cultivé sur de Teau, il pousse sa plumule, sa racine et des rudiments de radicelles ; l'amidon apparaît de place en place dans ses tissus, probablement aux dépens des cellules d'aleurone qu'on trouve dans le scutellum. Toutefois, cette culture est épuisante, et l'embryon, tout en grandissant, y perd jusqu'à 40 0/0 de son poids sec. Mais si on remplace l'eau par des dissolutions nutritives, ou encore si on rapporte sur des solutions sucrées convenables l'embryon épuisé par cinq ou six jours de culture sur l'eau, l'amidon re- parait abondant dans le scutellum, en commençant par les couches que recouvre l'épithélium, et de là passe dans les or- ganes axiaux. Bref, l'embryon se comporte comme s'il était encore attaché à son endosperme, et s'il ne grandit pas autant et ne continue pas son évolution, c'est qu'il n'a pas à sa dis- position d'autre azote que celui qu'il a apporté ; mais, son augmentation de poids donne une idée de la valeur nutritive de l'aliment qu'on lui a présenté. Voici à ce sujet le résultat d'une expérience comparative de MM. Brown et Morris. Sur des solutions de sucres renfer- mant 3,5 0/0 de matière nutritive, on a semé oO embryons isolés comme nous l'avons dit plus haut, et qui sont restés 7 jours en germination ; au bout de ce temps, on les a des- séchés à 100" et pesés. Voici les poids trouvés pour ce groupe de 50 embryons, qui sera pris pour unité dans tous les résul- tats qui vont suivre : Avant germination 89 mgr. En culture sur l'eau S2 Greffés sur des endospermes 436 52 CHAPITRE III Cultivés sur du sucre de cannes 195 » dextrose 164 » lévulose d 62 » maltose 155 » sucre interverti 132 )) sucre de lait 99 » raffinose 91 » mannite 89 On voit que le sucre de cannes tient la tête pour ses qua- lités nutritives, et précède de beaucoup le maltose, qui est pourtant le sucre naturel du grain d'orge en germination. Le sucre interverti est moins favorable. Quant au sucre de lait, au raffinose et à la mannite, c'est à peine si l'embryon y touche, et il ne se forme pas d'amidon. Bôhm, Meyer et Lau- rent avaient déjà étudié cette influence des sucres pour faire reparaître l'amidon dans les tissus qui en avaient été épuisés, et Laurent avait vu que les racines étiolées des pommes de terre, privées d'amidon par un long séjour dans Veau à l'obs- curité, ne se remplissaient à nouveau d'amidon que lorsqu'on mettait à leur disposition une des sept substances suivantes : glycérine, dextrose, lévulose, galactose, saccharose, lactose et maltose. Ce sont en grande partie les mômes que pour l'orge. La glycérine, qui n'est pas portée dans le tableau ci-dessus, devait s'y trouver très rapprochée du maltose. Mais c'est là une question que nous retrouverons tout à l'heure. 54. Action de l'embryon sur l'amidon. — Une fois lancés dans cette voie, nous pouvons y aller plus loin à la suite de MM. Brown et Morris. Etudions l'action de l'embryon sur l'a- midon. Ce qui est le plus commode pour cela, est de mettre en suspension de l'amidon finement divisé dans une gélatine nutritive sur laquelle on place les embryons, le scutellum en contact avec la gélatine. En faisant à divers intervalles des coupes fines dans cette gélatine, on peut y suivre au micros- cope le travail de désagrégation de l'amidon qu'on y a in- troduit. Ce travail commence par la couche de contact de la gela- SÉCRÉTION DES DIASTASES DANS LES GRAINES 53 tiiie et du scutellum, et se poursuit en irradiant tout autour. Il se fait comme dans le grain d'orge, par une dislocation irrégulière du globule d'amidon. L'amidon de l'orge est celui qui est le plus rapidement transformé, mais ceux du froment, du riz, du maïs sont aussi promptement attaqués ; ceux de la pomme de terre et du haricot résistent à Faction de l'em- bryon d'orge. Voici qui est encore plus curieux. Si on sépare délicate- ment l'épiderme du scutellum avant de faire l'expérience, il n'y a plus aucun effet produit. C'est donc la couche épithé- liale du scutellum qui est le siège de la sécrétion de la dias- tase : elle conserve ce pouvoir quelque temps après avoir été détachée, et, appliquée seule à la surface d'une gélatine à l'amidon, elle commence l'érosion des granules placés au-des- sous d'elle. En résumé, ce scutellum est à la fois organe digestif et or- gane d'absorption. Il fait alors seul ce que font les diverses parties du canal alimentaire d'un animal supérieur qui, lui, vit nettement en parasite sur les matières dont il se nourrit. L'alimentation de l'embryon est plus simple, puisqu'il ne con- somme que de l'amidon et de la cellulose. Son appareil digestif peut être moins compliqué, et MM. Brown et Morris nous ayant appris à le connaître, nous pouvons chercher comment varient ses sécrétions. 55. Influence des sucres sur la sécrétion. — Ajoutons, pour cela, du sucre de cannes à la gélatine amidonnée sur laquelle nous portons nos embryons séparés de la graine : nous trou- vons alors que l'amidon n'est plus attaqué, et que la couche épithéliale ne sécrète plus de diastase. 11 y a plus, cette action inhibitoire est spéciale aux sucres que nous avons vus plus haut être assimilables par l'embryon, tandis que les solutions de substances que nous savons être inassimilables, comme le lactose et la mannite.. ne changent rien à l'action du scutellum sur l'amidon. Cette curieuse influence se manifeste aussi sur des embryons //^-•^ -*.»-«*. ^^, lig-. 3) et formé de couches concentriques donc les de- grés d'hydratation et de compacité sont différents. C'est une question de coagulation qui entre enjeu. Toute couche déposée Fio- 3 _ Grains d'amidon simples et composés de la pomme de terre. — A Grain simple. — li, D Grains composés. —G Grain encore plus compose. — E Grain composé à soudure précoce, —abc Grains très jeunes, simples et composés. récemment devient de plus en plus compacte, si on lui en laisse le temps, et exsude son eau. Si elle se fait et se défait tous les jours, comme nous allons voir que c'est souvent le cas, elle reste molle et perméable. Ce n'est guère qu'à la fin de la période d'activité du végétal, lorsque les mutations journaliè- SECRETION DES DlASTASÊS 6â res deviennent lentes, que les granules d'amidon, surtout de l'a- midon mis en réserve dans les tuljercules ou les fruits, peuvent épaissir leur couche extérieure et avoir l'air d'être envelop- pés d'une membrane, de même constitution chimique que les couches plus profondes, mais plus résistante qu'elles aux ac- tions extérieures. Il y a deux moyens d'égaliser les résistances de toutes ces couches : la première est de les hydrater à fond, soit par l'action des acides, soit par celle des alcalis ; la seconde est de les déshydrater à fond, par exemple par l'ac- tion de l'alcool. On les amène dans le premier cas au niveau de résistance des couches profondes, et des couches extérieures dans le second. Ces leucites qui nous apparaissent, ainsi que nous lavons dit, comme des centres de coagulation, existent un peu sur tous les points de la plante avec les mêmes caractères. On a fait arbitrairement une place à part, pendant longtemps^ aux leu- cites contenus dans les cellules chlorophylliennes, ou même quelquefois adhérents aux granules chlorophylliens. Sachs a montré en 1862 que l'apparition d'amidon dans le granule chlorophyllien est liée à l'action de la lumière et au procès d'assimilation. Godlewski et PfefTer firent voir ensuite que la formation d'amidon à la lumière est impossible lorsqu'il n'y a pas d'acide carbonique, et peut augmenter dans une certaine mesure lorsqu'on augmente la dose de ce gaz mise à la dispo- sition de la plante. On en avait conclu que tout l'amidon formé autour des leucites chlorophylliens, ou chloroleucites, était de l'amidon de synthèse, provenant directement du travail d'assimilation. C'est Bôhm qui a montré qu'on se trompait sur ce point, en faisant voir qu'on pouvait amener la formation d'amidon dans les chloroleucites en dehors de la présence de l'acide carboni- que et de tout acte respiratoire, en leur permettant seulement d'utiliser les aliments de réserve contenus dans la plante. Ceci rapprochait les chloroleucites des leucites ordinaires, et Schimper ajouta à cet argument en prouvant que les leucites des tissus non colorés pouvaient, dans le développement normal 64 CHAPITRE IV et régulier de la plante, devenir des chloroleucites. Enfin Bôhm et A. Meyer, en 1883, terminèrent la discussion en prou- vant que les chloroleucites, comme les leucites ordinaires, pou- vaient donner de l'amidon lorsqu'on leur fournissait, comme aliments, des sucres tout formés. Ceci montre que, dans les deux cas, le dépôt de l'ami- don au contact des leucites ou des chloroleucitçs est précédé d'un travail préliminaire de synthèse donnant naissance à des sucres, à des dextrines, dont la présence peut être en effet constatée par des moyens chimiques, mais qui ne de- viennent visibles et ne donnent la coloration par l'iode que lorsqu'ils prennent la forme d'amidon. Ces sucres ne peuvent pas être quelconques, et sont particuliers, pour ainsi dire, pour chaque végétal. Presque toutes les feuilles qui peuvent former de l'amidon en produisent abondamment quand on les fait flotter dans une solution à 10 0/0 de lévulose. Le dextrose ne convient qu'à un petit nombre d'entre elles. Très peu se contentent du lactose. De plus, il y a une relation entre la nature de l'amidon d'une plante et celle des corps sucrés de son parenchyme. Les Composées^ par exemple, contiennent surtout de l'inuline, dont l'hydrolyse donne, comme nous l'avons vu, du lévulose. Or, on trouve que c'est le lévulose qui convient le mieux pour faire apparaître l'amidon dans les feuilles de ces plantes. En revanche, les Silènes contiennent du galactose, et c'est aussi dans des solutions de galactose que les feuilles de ces plantes se remplissent le plus d'amidon. On trouve des résul- tats du môme ordre pour la mannite. En rassemblant tous ces résultats, on arrive à conclure que le dépôt d'amidon est le dernier terme du procès d'assimi- lation, et que leucites et chloroleucites ne le font apparaître que lorsqu'ils en trouvent les éléments dans le milieu am- biant. C'est ici que se révèle entre eux une différence. Dans les leucites des bulbes, de la racine, ce dépôt est, sauf des cas exceptionnels, à l'état d'accroissement continu. Des nou- velles couches viennent constamment recouvrir les couches SKCIIK'IIOX l)i:s DIASTASKS 65 anciennes. Los leucites, centres de coagulation, donnent des masses (jui se sondent et continuent à recevoir des dépôts nouveaux, donnant naissance aux formes irrégulières de la figure 3. Parfois comme en A, un gros granule provient d'un leucite unique, mais qui, mieux alimenté d'un côté que d'un autre, reste excentrique dans le granule qnïl a produit. C'est la forme habituelle dans les tubercules de la pomme de terre, et en général dans tous les greniers de réserve que la plante se crée. Dans les feuilles, au contraire, les expériences de Sachs, suivies d'une foule d'autres, montrent que, dans les con- ditions naturelles, il y a déplétion rapide, pendant les heures de nuit, de l'amidon formé pendant les heures de jour. L'amidon des chloroleucites est évidemment, non un ami- don de réserve, mais un amidon de translocation, qui forme des dépôts temporaires dans l'organe où l'assimilation est plus active, lorsque ce travail d'assimilation dépasse en puis- sance le travail d'élimination par la sève descendante. Mais cet amidon n'est pas destiné à rester en place, et dès lors se dresse la question de savoir par quel mécanisme il est dissous. 61. Diastase des feuilles. — Dès l'origine, les savants ont pensé pour cela à l'action d'une amylase, qu'on a même pu extraire du jus de macération de certaines feuilles, en le pré- cipitant par l'alcool. Mais cette explication a, dès l'abord aussi, soulevé quelques difficultés. Wortmann a constaté que le travail de dissolution de l'amidon des feuilles, qu'on sup- posait masqué pendant le jour par l'effet prédominant du travail de l'assimilation, ne se produisait pas quand on sus- pendait ce travail en privant la feuille, soit d'acide carbo- nique, soit d'oxygène, qui lui sont également nécessaires pour l'accomplir. S'il y avait une diastase agissante, concluait-il, elle aurait continué à fonctionner. De plus, en mesurant l'activité diastasique des macérations tiltrées de certaines feuilles, chez lesquelles le travail de déplétion était très ra- pide, il trouvait que cette activité était très faible et parfois 66 CHAPITRE IV nulle. Disons (ont de suite que cet argument ne portait pas, car les mêmes macérations non filtrées étaient au contraire actives. La diastase restait collée aux éléments cellulaires et ne traversait pas les filtres. Il y avait cette autre raison d'in- succès, que nous retrouverons plus tard, c'est que les tannins divers que contiennent les feuilles peuvent lorsque, par macé- ration ou par broyage ils sont arrivés au contact de la diastase, en paralyser l'action. Dans le travail que nous avons analysé au chapitre précé- dent, Jîrown et Morris avaient soulevé des objections d'un autre ordre. L'amylase du scutellum peut, comme nous l'avons vu, non seulement liquéfier l'empois d'amidon, mais encore corroder le granule amylacé non cuit. La diastase qu'on trouve dans les feuilles agit péniblement sur l'empois, et pas du tout sur le granule. Si donc il y a une diastase dans les feuilles, elle semble différente de la diastase digestive sécré- tée par le scutellum de l'embryon. Toutes ces obscurités et ces incertitudes se sont dissipées quand MM. lîrown et Morris ont étudié la question de plus près, et voici comment ils ont conduit leur travail.. 63. Mesure de la quantité damidon. — Il faut d'abord chercher un moyen d'évaluer la quantité d'amidon existant dans la feuille à un moment quelconque. Il existait pour cela dans la science une méthode inaugurée par Sachs, et qui re- vient à ceci. Dans une feuille large, et aussi homogène que possible, au point de vue de la distribution des nervures et du parenchyme, on enlève à l'emporte -pièce, sur une des moitiés, un certain nombre de morceaux d'une surface connue, qu'on dessèche doucement, et qu'on pèse lorsqu'ils sont secs. On met ensuite ce qui reste de la feuille en expérience : par exemple, on l'expose au soleil, et il s'y fait de l'amidon. Pour en évaluer la quantité, à la fin de la journée, on y découpe, dans la moitié restée intacte, de nouveaux mor- ceaux qu'on traite comme les premiers. La différence de poids était comptée comme gain d'ami- SECRETION DES DIASTASES 67 don par Sachs, qui croyait que tous les matériaux d'assimi- lation passaient par ce stade. Ou plutôt, comme il savait bien qu'il y avait un courant de sucs élaborés sortant par le pétiole, le poids acquis dans la journée représentait la dif- férence des entrées et des sorties. Quand on supprimait les sorties en détachant la feuille, et en plongeant son pétiole dans Feau pour éviter sa dessiccation, le poids gagné par la feuille pendant la même durée d'insolation était en effet plus considérable. La méthode est bonne et assez précise. Mais il est impos- sible de compter comme de l'amidon la différence de poids entre des surfaces égales de feuille à la fin et au commen- cement de l'expérience ; cette différence donne le gain total, et il faut faire une détermination directe de l'amidon pour savoir pour combien il compte dans ce gain total. Voici comment MM. Brown et Morris conduisent ce do- sage. Ils dessèchent d'abord aussi rapidement que possible les fragments de feuille sur lesquels ils opèrent, et qui se vident assez vite de leur amidon si on les laisse continuer à respirer. Pour éviter ces pertes, on tue la feuille, soit en l'exposant quelques instants aux vapeurs du chloroforme, soit en la desséchant rapidement à 75-80''. On pulvérise après dessiccation, et on traite la poudre par Féther, dans un appareil à épuisement, pour enlever la chlorophylle et les matières grasses. Puis on fait digérer pendant 24 heures à 40", à deux reprises, avec de Falcool à 80" G. L., pour enlever tous les sucres. On lave ensuite par décantation avec de Falcool chaud, et le résidu est chaufîé avec de Feau pour gélatiniser F amidon. On refroidit à 50°. On ajoute de la dias- tase, et on laisse 2 heures à 50-oo". Au bout de ce temps, on fait bouillir, on filtre, et on cherche quel est le pouvoir ro- tatoire et le pouvoir réducteur du liquide filtré, ce qui permet de savoir combien il contient de maltose et de dextrine. Ainsi conduite, l'expérience montre que Famidon trouvé ne représente qu'une fraction de l'augmentation de poids survenue pendant l'insolation. Voici, comme exemple, les 68 ClIAlMTr.l': IV chilï'res trouvés pour une feuille (Y llcH(iiil/iiis o/i/t/f/zs. Une l'euiUe de ce végétal, coupée et e\'[)osée h la Jumière dans la journée du 23 août, avait gagné plus de 12 grammes par mètre carré. Laissée sur la plante, elle n'avait plus gagné que 8 gT. 5, à cause des matériaux élaborés évacués par le pétiole. Or cette feuille, au commencement de la journée ne contenait que 1 gv. 05 d'amidon par mètre carré et 2 gr. 45 à la fin. Elle n'avait donc gagné que 1 gr. 4 d'amidon. Il en est toujours de même : lamidon n'est qu'une petite fraction de l'assimilation totale, et même de la différence entre les entrées et les sorties. 63. Etude de la diastase. — Cet amidon formé pendant le jour, s'en va pendant la nuit : les magasins temporaires dans les feuilles se vident. Nous avons à chercher comment se fait cette translocation, si la diastase de la feuille peut y suffire, et pourquoi elle ne dissout pas l'amidon pendant le jour, puisqu'elle le dissout dans la nuit. Pour cela, il faut d'abord faire l'étude de cette diastase, ensuite en mesurer la quantité. Sur le premier point, MM. Brown et Morris trouvent que la diastase des feuilles ne se distingue, par aucun caractère bien tranché, de la diastase de l'orge. Elle donne, aux dépens de l'empois d'amidon, de la dextrine et du maltose. Lors- qu'on fait agir, sur des granules d'amidon cru, les diastases de feuilles diverses, on trouve que tous les amidons ne sont pas attaqués avec la même vitesse, que le rang d'attaque n'est pas le même pour tous les amidons et dépend de la diastase employée. Nous retrouvons donc là, tant du côté des amidons que du côté des diastases, les petites différences d'action et de réaction qui ne les empêchent pas, les pre- miers, d'être tous de l'amidon, et les diastases d'être toutes de l'amylasc. Mais en mettant en contact avec des granules de Polijgoniuii fagopijnim^ les plus facilement attaquables d'ordinaire, une macération de feuilles de Pisiim sa/irt/u}, d'ordinaire aussi très riches en diastase, on voit, au bout de SKCIlKTIo.X l)i:S l)IASTASI-:s 09 2 heures à 30", surtout si le milieu est acidulé avec un peu d'acide formique, les gi-anules s'attaquer. Il se forme une sorte de vacuole, autour de laquelle s'irradient des fentes, qui, en s'élargissant, finissent par disloquer le granule. Au bout de 8 à 10 heui-es, il y en avait de complètement désintégrés et détruits. Il est difficile d'imiter, dans une expérience artificielle, les conditions naturelles de dissolution de l'amidon dans des feuilles. Tout ce qu'il faut reteuir de cet essai, c'est que l'amylase des feuilles se comporte à peu près comme l'amy- lase de l'orge. Voyons maintenant ce qu'il y en a dans di- verses feuilles, et dans une même feuille à différents mo- ments de la journée, 64. Mesure de la quantité de diastase. — La méthode employée est celle que nous avons indiquée au chapitre pré- cédent. On fait agir la macération d'un poids déterminé de feuilles sèches sur de l'amidon soluble de Lintner, et on éva- lue la quantité de diastase par la quantité de sucre formée pendant un temps déterminé, toujours le même, et dans des conditions identiques de température. Il faut avoir la précau- tion de doubler l'expérience de mesure d'une autre expé- rience identique, dans laquelle la diastase a été détruite par l'ébullition, poui' tenir compte des sucres apportés par les tissus de la feuille. On peut ainsi, dans une série d'expériences, évaluer les activités diastasiques, c'est-à-dire le nombre de grammes de maltose que peuvent donner 10 grammes de feuilles séchées à l'air, quand on les laisse en contact, pendant 48 heures à 30", avec un excès d'amidon soluble suffisant pour que la quantité de maltose produit ne dépasse pas 20 0/0 environ du maltose possible. Voici quelques-uns des nombres trouvés. PUuiii sativiun 240 Tropu'oluiii niajus. . . . -4,9 Pliaseolus mulliflorus . . 110 » » 8,3 Lalhyrus oiloratus . . . 100 » » 9,6 » pratensis . . . fli » » 4,2 Trit'olinin pratonse ... 89 » » 3.6 70 CIIAPITIIR IV Tril'oliiim oclii'oloucuin . HG Ilelianllms anniiiis . . . 3,9 Vicia saliva 70 Allium c.epa 3,7 » liirsuta '>!> Ileiiierocallis lulva. . . . 2,1 Lotus corniculatus ... 19 riy(lrocharis3Ioi'sus-ran:r. 0,3 Nous cavons dit, et nous retrouverons plus tard cette ques- tion, que les nombres ainsi déterminés ne méritent pas une confiance absolue. Ils ne sont pas nécessairement propor- tionnels aux quantités de diastase réellement présentes dans les feuilles, et MM, Brown et Morris donnent eux-mêmes une preuve de ce fait en montrant, après Jentys, que lorsque les feuilles mises en œuvre contiennent du tannin, ce tannin em- pêche la dissolution, ou plutôt la mise en liberté de leur dias- tase. Mais le tableau qui précède n'en montre pas moins nettement quelle est l'inégalité de la distribution de la dias- tase des feuilles dans le monde végétal, dans une même fa- mille, et même, à propos du Tropœobun majus, dans une même espèce étudiée dans diverses conditions. On voit que les légumineuses sont d'ordinaire riches en diastase, et même, en comparant à ce point de vue le Pisiini sativuin au malt, MM. Brown et Morris ont vu que, à poids égal, le second ne contenait que deux fois et demi environ plus d'amylase que les feuilles du premier. A l'autre extrémité de réchelle, nous trouvons des liliacées très pauvres en diastase. L'//y- drocharis Morsus-ranœ est la plante qui en contient le moins, et il n'y en a pas, d'un autre côté, qui fournisse plus d'amidon dans ses feuilles, lorsque les circonstances sont favorables. Si cet exemple était général, on pourrait croire que le dépôt de l'amidon dans les tissus est une conséquence de la rareté ou de l'absence de la diastase, mais il ne peut rien rester de cette idée quand on observe que les légumineuses, chez lesquelles se dépose de l'amidon, contiennent dans leurs feuilles assez de diastase pour transformer en maltose une quantité d'amidon égale à 24 fois le poids sec de la feuille. Bien que les conditions de la saccharification de l'amidon soluble ne soient pas les mêmes que celles de la translo- cation de l'amidon cru, il n'en reste pas moins que ces SÉCRÉTION DKS DIASTASES 71 feuilles contiennent un erand excès de diastase. Ce n'est donc pas Tabsence de cet agent qui provoque la formation des dépôts transitoires d'amidon, et il faut chercher ailleurs. 65. Variations périodiques de l'amylase. — Le tableau ci- dessus montre que la dose de diastase dans le Tropœolum 7najus est assez variable. En systématisant les recherches dans cette direction, on constate nettement des variations périodiques de la diastase dans les feuilles. D'ordinaire, ces variations dépendent du degré d'éclairage. Les conditions qui apparaissent les plus favorables à l'assimilation et à la formation de l'amidon dans les feuilles sont les moins favo- rables à raccumulation de la diastase, et, d'une manière géné- rale, la production de l'amidon et celle de la diastase ont une marche inverse. C'est ce que montrent bien les expériences suivantes faites sur VHydrocharis Morsus-ranœ. Après une complète insolation, les feuilles étant pleines d'amidon, on a mis la plante à l'ombre, et on a déterminé les activités diastasiques après 47 et 96 heures. Activité Augmentation diastasique pour cent 0,267 — 0,476 78 0,676 133 1" Fouilles après insolation 2" — après 47 h. d'obscurité. . 30 _ après 96 h. — En 2, il y avait environ 2 fois moins d'amidon qu'en 1 ; en 3, il avait complètement disparu. En remettant au soleil, l'amidon aurait reparu, et la diastase aurait diminué sans disparaître. Comment expliquer cette marche inverse des deux phéno- mènes. C'est en apparence au moment où la diastase agit le plus, pendant la nuit ou à l'obscurité, qu'elle est plus abondante. Il est vrai qu'on pourrait répondre que ce n'est là qu'une apparence, et qu'en réalité le travail de déplétion est plus actif pendant le jour que pendant la nuit. Il est seulement masqué par le travail inverse de formation d'ami- 7^ CIIAIMTP,!': I\' tlon. VJiud plus actif pendant le jour, il doit consommer })lus de diastase, et si les cellules du parenchyme en produisent toujours la même quantité, elle doit y être plus abondante la nuit que le jour. Mais la disproportion entre l'amidon formé ou détruit, ei rau,::mcntation ou la diminution de la diastase est trop grande, surtout dans certaines plantes, pour qu'on puisse accepter cette explication. MM. lîrown et ÎMorris en proposent une autre, basée sur des observations faites au sujet de la germination des graminées, et que nous avons visées dans le précédent chapitre. Nous avons vu que la sécrétion de la diastase par le scutel- lum de Tembryon est entravée quand on fournit à celui-ci, comme aliment, des hydrates de carbone. Il semble que n'étant plus ol)îigé de tirer sa nourriture de l'endosperme, il suspend la sécrétion qui lui est nécessaire pour cela. Il en est peut-être de même pour la feuille. Dans la journée, les cellules du parenchyme ont à leur disposition les sucres et les autres hydrates de carbone qui résultent, nous l'avons vu, du travail d'assimilation. Quand l'obscurité vient, ces aliments sont devenus rares ou ont disparu, et il faut attaquer ses réserves. C'est à cela que sert la sécrétion de diastase. Cette sécrétion serait encore ici un procès de famine. MM. IJrown et Morris appuient cette explication d'une expé- rience dans laquelle, prenant des feuilles de Tropo'olmii majus; pourvues d'amidon, ils ont vu la diastase augmenter dans ces feuilles lorsqu'ils les faisaient flotter en fragments, pendant 12 heures, à l'obscurité, sur de l'eau pure, tandis qu'il y avait diminution de la diastase lorsque les fragments étaient laissés en contact avec une solution de dextrose à 5 0/0. Dans ce dernier cas, il y avait augmentation de l'amidon coïncidant avec la diminution de la diastase. Cette explication semble un peu trop téléologique, et on ne voit pas bien une cellule pré- parant une diastase en vue d'un besoin à venir. Tout ce que nous savons, au contraire, montre que la sécrétion d'une diastase dépend non des aliments futurs, mais des aliments présents. A l'explication de MM. lîrown et Morris, on peut en SI'Cr.KTloX DKS DIAS'I'ASES 73 substituer une autre qui n'est pas moins d'accord avec l'expé- rience, c'est que la cellule du parenchyme, nourrie avec des hydrates de carbone, ne sécrète pas autant de diastase que lorsque ces aliments sont rares ou absents. C'est ici, d'ailleurs, le moment de se souvenir que toutes les conclusions à tirer des déterminations numériques faites ci- dessus sont un peu incertaines, parce que ces déterminations numériques le sont aussi. Qu'on imagine, par exemple, une sécrétion, pendant le jour, de tannin qui disparaîtrait la nuit par suite d'un procès de nutrition. Il n'en faudrait pas plus, d'après MM. BroNvn et Morris eux-mêmes, pour que le même poids de parenchyme desséché cède moins de diastase au liquide de macération pendant le jour que pendant la nuit. N'oublions pas aussi que pendant le jour, le tissu parenchymateux, surtout au voisinage des cellules chlorophylliennes, est saturé d'oxygène, dont l'action destructive sur l'amylase n'est pas douteuse, ainsi que nous le verrons. Bref, bien d'autres explications que celle de MM. Brown et Morris peuvent être mises en avant. Nous n'insisterons pas davantage, nous bornant à faire remarquer combien se révèle compliquée, en tout état de choses, la nutrition de toute cellule, et grand le rôle qu'y joue la variation, en qualité et en quantité, des diastases pré- sentes. 6G. Nutrition de la cellule. — Nous trouvons au point de départ toute une série d'actions qui, jusqu'ici, ne sont pas dias- tasiques. Ce sont les phénomènes de synthèse qui amènent l'acide carbonique de l'air à l'état d'hydrates de carbone. A quel niveau s'arrêtent ces actions qu'on qualifiait autrefois de vitales ? C'est une question à laquelle il est devenu plus difficile de répondre depuis que M. llill a fait voir qu'il y a des synthèses produites par des diastases. Jusqu'ici on a admis que l'action vitale de la cellule aboutissait à l'amidon. La formation du granule d'amidon serait alors assimilable à la formation d'un cristal dans une solution sursaturée, se faisaut même peut-être avec dégagement de chaleur, et la traus- 74 CIIAPITP.K IV formation inverse de l'amidon en dextrine serait la superpo- sition de deux phénomènes, une liquéfaction du .aranule absorbant de la chaleur si sa formation en a produit, une transformation de l'amidon en dextrine produisant de la cha- leur. Mais il y a une autre hypothèse, c'est que la formation du granule résulterait dune action coagulante due au leucite, quel qu'il soit, autour duquel l'amidon se concrète, auquel cas l'action de synthèse s'arrêterait au terme dextrine, et ce serait une action de diastase coagulante qui présiderait à la condensation de cette dextrine sous une forme qui lui donne les propriétés de l'amidon. De même, le saccharose et le maltose sont, pour quelques savants, le produit de synthèses vitales ; mais il peut se faire aussi que le travail de synthèse s'arrête au glucose et que le maltose soit déjà un produit diastasique, pouvant s'accomplir en dehors de la cellule, et par soudure des deux molécules de glucose. Le moment n'est pas encore venu de choisir entre ces deux hypothèses. En admettant la seconde, nous avons une diastase enjeu. Ce granule d'amidon formé reste en place tant que les conditions de nutrition restent les mêmes, et rien ne nous auto- rise à croire que, comme le pensait Sachs, il se détruit en même temps qu'il se forme, de sorte que celui que nous voyons n'est jamais que l'excédant de celui qui se forme sur celui qui se détruit. En d'autres termes, l'amidon n'est pas un terme nécessaire de passage des matériaux hydrocarbonés nu- tritifs de la cellule. C'est un état de dépôt provisoire pour quelques-uns d'entre eux. Pour vider le grenier, il faut l'ap- parition d'une force nouvelle, d'une diastase, et il en faut même deux, dans notre seconde hypothèse, une qui dissolve le globule, l'autre qui transforme la dextrine en maltose Par quoi est commandée l'apparition de ces diastases nou- velles ? Par des causes, encore mal connues,, qui sont périodi- ques et qui, remarquons-le, ne font pas disparaître pendant le jour la diastase qui fonctionne pendant la nuit, car on en trouve toujours, bien qu'en proportions réduites. Cette diastase SÉCRÉTION DES DIASTASES 75 est seulement immobilisée, réduite au repos par un organe d'arrêt qui disparait à 1 obscurité. Nous verrons bientôt que ces forces d'arrêt peuvent être très faibles, et ne pas sortir du cadre de celles que la vie cellulaire peut mettre en jeu. Mais on voit, sans que nous entrions encore dans les détails, com- bien est à la fois complexe et délicat le mécanisme qui fonc- tionne dans chaque cellule. C'est une notion que la science possédait déjà, mais qui s'étend et se complique singulièrement quand on l'étend aux actions de diastases. Nous allons en fournir un nouvel exemple, intermédiaire entre les actions diastasiques des graines et les actions diastasiques des feuilles. e*?. Diastases des glucosides. — Dans l'exemple précédent, les diastases et les matières qu'elles transforment sont pré- sentes dans les mêmes cellules, et s'y succèdent dans leur ac- tion. La nature nous fournit un autre exemple dans lequel la diastase occupe certaines cellules, et la matière hydrolysable d'autres cellules, en général assez éloignées des premières. Cette distance mise entre les deux corps qui peuvent réagir l'un sur l'autre montre que la réaction ne peut avoir aucun rôle physiologique actif. Il est remarquable qu'elle donne nais- sance le plus souvent à un toxique ou à un antiseptique, ou au moins à un agent physiologique puissant. C'est en effet, comme nous allons le voir, par ce mécanisme que se produisent l'acide cyanhydrique, l'essence d'amandes amères, l'essence de moutarde et un grand nombre d'essences odorantes plus ou moins actives. Certaines des substances produites ont un effet défavorable sur les cellules des plantes desquelles on les re- tire, de sorte qu'on a pensé à chercher dans ce fait les causes de leur production. Une plante dont les cellules donnent, par exemple, normalement, de l'acide cyanhydrique ne peut vivre qu'en enfermant cet acide cyanhydrique dans une combinaison inoffensive, dans un produit qui exige une hydrolysation. On pourrait dire qu'il serait sage à la plante, dans cette hypothèse, de ne pas du tout préparer la diastase chargée de cette hydro- lysation, mais enfin, si elle en fabrique elle a intérêt à la 76 ciiAnTiii': i\' tenii' éloignée du produit (jirollc doit transformer. A défaut daiiti-e valeur, cette hypothèse a le mérite de fournir à la mé- moire un schéma assez exact des phénomènes, ainsi que nous allons nous en assurer. 68. Localisation de l'émulsine et de l'amygdaline. — Les premières notions un peu précises sur ce sujet ont été fournies par M. Guignard. La difficulté était de caractériser par des réactions microchimiques, faites sur des coupes fines, Ja pré- sence de l'émulsine ou de l'amygdaline dans certaines cellules. Pour l'émulsine, on noie les coupes dans une solution d'amyg- daline, et on cherche dans quelles cellules il y a formation d'acide cyanhydrique en recherchant celui-ci par le procédé de Schtmbein. On fait l'inverse pour rechercher les cellules contenant de l'amygdaline. Une fois cette étude faite, on la précise en isolant par une dissection fine les cellules qui ont donné une réaction, et en les mettant en contact d'abord avec une solution d'amygdaline, puis avec une solution démulsine. Si c'est avec la première seule qu'elles donnent de l'acide cyanhydrique, c'est qu'elles contiennent de l'émulsine. et rien que de l'émulsine. En opérant ainsi, M. Guignard a trouvé que, dans le laurier- cerise et dans les amandes anières, l'émulsine et l'amygdaline sont renfermées dans des cellules distiuctes. L'émulsiue ne se trouve que dans des cellules spéciales, appartenant à la gaine endodermique située autour des fais- ceaux (fig. 4), et au péricycle sous-jacent, qui entoure immé- diatement les éléments libéro-ligneux de ces faisceaux. L'amygdaline occupe le parenchyme proprement dit des amandes amères ou de la feuille du laurier-cerise. Si le péricycle est sclérifié, comme dans les gros faisceaux de cette feuille, l'émulsine existe uniquement dans l'endoderme, qui renferme aussi du tanin. Ce dernier composé n'empêche nullement l'action du ferment sur l'amygdaline, contrairement à ce qui a lieu pour l'action de l'amylase sur l'amidon. Si le péricycle n'est pas encore difTérencié et distinct de SKClliyrio.N DKS |)IASTASi:S 77 rciidodernic, à cause de la jeunesse des organes, comme dans les cotylédons des amandes douces et des amandes anières, rémulsine occupe les cellules de ces deux régions. Fjic^. Zitd. Fig. 4_ — Feuille de Laurier eerise, en eoupe transversale, niontr;int les erliules de l'endoderme End contenant l'êmulsine. On rencontre des faits analogues dans d'autres plantes : le principe toxique volatil, c{ui prend naissance quand on broie les racines tuberculeuses des Maniocs pour en extraire la fécule, n'est autre que l'acide cyanhydrique. Les « Maniocs amers » en produisent beaucoup plus que les ^< Maniocs doux ». L'acide cyanhydrique n'y existe pas tout formé et, bien que les chimistes n'aient pu retirer de ces plantes ni émulsine, ni amyg-daline, mais seulement d'autres composés analogues aux glucosides, on pouvait se demander si l'émulsine y fait réelle- ment défaut. En appliquant à cette étude les procédés qui avaient réussi dans les recherches précédentes, M. Guignard a vu que le latex des divers organes de la plante contient de l'émulsine, tandis qu'il est dépourvu d'amygdaline ou d'un glucoside analogue, dédoublable sous rinfluence de la diastase. Ce latex, à très faible dose, décompose en effet une solution d'amygdaline. Or, rémulsine est le seul ferment connu qui dédouble ce glucoside. Elle se trouve donc localisée dans les mêmes éléments histolo- giques que la papaïne chez les Papayers, car c'est aussi dans les laticifères des divers organes de la plante qu'on trouve cette diastase. TH CHAPITRE IV 69. Localisation de la myrosine. — Les mêmes méthodes peiMiictlent cretiidier la localisation de la myrosine dans les Cruci/rrcs. Il faut seulement varier les procédés. La recherche sur les coupes fines se fait en les chauffant légèrement avec le réactif de Millon, qui décèle dans certaines cellules une abon- dance particulière de matière albuminoïde. Ces mêmes cellules se colorent seules en violet quand on les chauffe à une tempéra- ture voisine de rébullition, avec de l'acide chlorhydrique pur additionné d'une goutte de solution d'orcine au dixième pour 10 ce. d'acide. Cette réaction confirme dans ces cellules l'exis- tence d'mie diastase. On les isole alors le mieux possible, et on les fait agir sur une solution pure de myronate de potasse, avec laquelle elles donnent de l'essence de moutarde. L'opéra- tion est très facile avec la giroflée des murs. Pour chercher où est le giucoside, on plonge par exemple des coupes fines de racine de Uarfort dans de l'alcool absolu qui dissout l'huile grasse et respecte le myronate. Il rend malheu- reusement aussi la myrosine inactive. Mais il suffit de faire flotter les coupes sur une solution de myrosine. On constate alors, en colorant avec de la teinture d'orcanette aussi peu alcoolique que possible, que des globules d'essence colorables en rouge ont pris naissance dans toutes les cellules du pa- renchyme cortical, libérien et ligneux, mais surtout dans le premier. Dans l'ensemble, M. Guignard a constaté que la myrosine est toujours contenue dans des cellules spéciales (cm^ fig. 5). très nombreuses, surtout dans les graines ; le giucoside peut se trouver dans toutes les autres cellules des parenchymes. La localisation des cellules à myrosine varie suivant les organes : a. Dans la racine, elles sont situées principalement dans le parenchyme cortical et libérien ; h. Dans la tige, elles occupent surtout la région du péri- cycle ; c. Dans la feuille, leur répartition correspond à celle de la tige ; SECRETION DES DIASÏASES 79 d. Dans la graine, elles sont disséminées dans le parenchyme ou situées au contact des faisceaux conducteurs. Les propriétés et les réactions de ces cellules spéciales Fig S. — Feuille de moutarde blanclie en coupe transversale, montrant les cellules [cm) à mysorine. sont les mêmes chez toutes les Crucifères. Tout fragment de tissu qui en renferme peut décomposer le myronate de po- tassium. Presque toutes les espèces de cette famille en possèdent, mais il en est qui ne renferment pas de glucoside dédoublable. Tandis que les glucosides varient et, par suite, fournissent des essences différentes, la diastase est partout identique. Les ferments autres que la myrosine ne dédoublent pas les giuco- sides des Crucifères. En étendant ces recherches à d'autres familles M. Guignard a vu que les Capparidées, les Tropéolées, les Limnanthées, les Résédacées et les Papayacées renferment la même diastase, mais des glucosides divers fournissant par leur dédoublement des essences diflerentes. Chez les Capparidées et les Tropéolées, l'essence est formée en majeure partie par des nitriles aroma- ticjues accompagnés d'une petite quantité de sulfocyanate d'allyle ; chez les Limnanthées, la proportion de ce dernier composé est relativement plus grande ; chez les Résédacées et les Papayacées, l'essence parait être formée en totalité par le 80 CilAlMTUI'; l\ ^:llI^o(•y<•ul<^l(^ TaïKlis (jih', dans les trois proinièros familles, c\;st la Lirainc ([\n eu fournit la })lus fort(^ (juautité, daus les deux dcruières, c'est la raciuc de la plante. Dans aucun cas l'essence n'est préforniée dans les or.eanes intacts et les conditions nécessaires à sa production sont partout les mêmes. Ce serait ici le cas de se demander quel est le but physio- logique de cette localisation soigneuse. Nous en avons vu plus haut une explication téléologique qui n'est appuyée sur rien. Il y en a une autre qui consiste à voir là un système de protec- tion contre les insectes ou la dent des animaux. Les cellules, qui restent inertes tant qu'elles sont isolées, donneraient, lors- qu'elles sont broyées entre les dents ou dans l'intestin, des produits amers, désagréables ou toxiques, propres à décourag-er l'eiuiemi. Il vaut mieux dire qu'on ne sait rien sur ce sujet. Tout ce qu'il faut retenir, c'est qu'il y a des diastases dormant dans des cellules, et tout à fait différentes par conséquent de celles du scutellum de l'embryon d'orge et de celles que nous avons rencontrées dans les organes foliacés. BIBLIOGRAPHIE Diastase dans les feuilles. Von Mohl. Untersucli. uber d. anatom. Verlialtnisse des Chlorophyls, 1837. Voir la traduction dans les Ann. des Sciences nalurellcs, Bot., 9, 1838. A. Gris. Recherches microscopiques sur la chlorophylle. /AliATI<>.\ l)i:s l)l.\S'IASi:S iOo en expérience et de la cholestérine précipitée à nn état de division très grand. Voici, par exemple, comment on procède à la préparation de la pepsine par cette méthode. On racle une portion de muqueuse stomacale à l'aide d'une lame mousse, et on la traite par de l'eau acidulée avec o 0/0 d'acide phosphorique. On laisse digérer quelques heures à 35o. La muqueuse se dissout presque entièrement, et ses diastases passent en solution dans le liquide. On filtre ou on décante dans une (piantité d'eau de chaux suffisante pour qu'elle forme un précipité de phosphate de chaux trihasique. On hltre, on re- dissout le précipité dans une faible cjuantité d'acide chlorhydri- que dilué, et on agite la liqueur avec une solution de 1 partie de cholestérine dans 4 parties d'alcool et 1 d'éther. La choles- térine qui se précipite entraine à nouveau la pepsine. On lave ce dépôt sur filtre avec de l'eau aiguisée d'acide acétique, puis avec de l'eau pure, tant que le liquide qui s'écoule précipite par les sels d'argent. On dissout ensuite la cholestérine par de l'é- ther aqueux ; il se forme deux couches, dont la couche infé- rieure, aqueuse, renferme la pepsine ; on la filtre et on l'évaporé à basse température. On voit ici que l'union de la pepsine avec la cholestérine est assez puissante pour résister à des lavages à l'eau acidulée et à l'eau ordinaire. Elle ne se détruit que par la dissolution du substratum dans l'éther. 83. Méth-ode de DanilewskL. — M. Danilewski remplace par un préci|)ité de cellulose nitrique le précipité de choles- térine de Briicke, Voici comment il est arrivé, non seule- ment à la préparation, mais encore à la séparation tle deux des diastases du pancréas, la trypsine et l'amylase. On prend le pancréas d'un chien tué cinq ou six heures après un repas copieux. On injecte d'eau l'organe pour le débarrasser du sang. On le triture avec du sable, on le délaye dans l'eau, et on le laisse deux heures en macération à 30", On fdtre et on ajoute, à la liqueur, de la magnésie calcinée qui sépare de la masse la lipase émulsivc des corps gras. On filtre de nouveau, on -lOG CIIAlMTIÎh: VI atldilioniie de collodioii lo li(juido filtré, ot ou a.uile de f'aroii à obtenir un précipité de fulniicoton bien divisé. On laisse alors évaporer l'éthcr à uuo douce chaleur, et le précipité, qui doit être granuleux si l'on a bien opéré, est séparé par filtration. On le redissout dans l'alcool éthéré, et on agite. Il se forme, comme dans le procédé de Briicke, une couche aqueuse qui contient de la trypsine. Le liquide qu'on a séparé par filtration du précipité de collo- dion granuleux est rapidement évaporé au sixième dans le vide et additionné d'alcool concentré. Le précipité qui se forme est alors traité par un peu d'alcool à 40", qui laisse l'albumine, et dissout la diastase avec des sels minéraux et un peu de leucine et de tyrosine. On soumet la liqueur à la dialyse, et on précipite de nouveau par l'alcool. On obtient ainsi la diastase qui liqué- fie l'empois d'amidon et le saccharifie ensuite. Nous verrons bientôt que cette diastase est probal)lement double et contient de l'amylase et de la dextrinase. Ici encore, il ne faudrait pas compter qu'on arrivera toujours à une séparation complète. Mais la méthode est bonne et peut rendre des services. Nous pourrions ajouter à cette liste les méthodes nombreuses dans lesquelles ont été employés d'autres moyens de précipi- tation. Il existe^ par exemple, en ce moment, une méthode très en faveur, dans laquelle on croit séparer diverses matières albuminoïdes les unes des autres par l'emploi de sels solublcs alcalins ou alcalino-terreux, sulfate de magnésie, sulfate d'am- moniaque, etc., à des degrés divers de concentration. Comme il y a toujours des matières albuminoïdes dans les liquides diastasifères, les diastases se précipitent aussi. Nous retrouve- rons plus tard ces méthodes, plus compliquées que les précé- dentes, et plus mauvaises aussi en général pour la préparation des diastases, car elles introduisent dans les liqueurs des quantités parfois considérables de sels dont il faut ensuite se débarrasser par dialyse. 84. Les diastases sont-elles dialysables ? — Voici une PRÉPARATION DKS DIASTASES 107 question qu'on s'est longtemps posée et qu'on a résolue de fa- çons diverses, sans songer que, sous cette forme générale, on ne saurait y répondre autrement ([uc par oui et par non. Du mo- ment qu'on trouve des diastases dans des liquides baignant les cellules intactes qui les ont produites, il faut bien que la diastase ait traversé les parois de ces cellules et par conséquent soit dialysable. On sait, d'un autre côté, qu'il y a des diastases que des cellules retiennent obstinément. Celles-là ne sont donc pas dialysables, et comme ce sont parfois les mêmes que les pré- cédentes, une diastase sera dialysable ou ne le sera pas, suivant les conditions de la dialyse. Ce qu'il fallait se demander, c'étaient les conditions qui permettaient ou empêchaient la dialyse : nature du septum, acidité ou alcalinité du milieu inté- rieur ou extérieur, influence des matières solides ou colloïdales qui y sont contenues. N'oublions pas qu'une diastase est, en principe, une sorte de teinture invisible appliquée sur un corps, qu'elle n'abandonne que lorsqu'elle est sollicitée par une attrac- tion supérieure. Pour qu'une diastase du protoplasma entre en solution dans le liquide au milieu duquel baigne la cellule, il faut que l'attraction de ce liquide soit supérieure à celle cpii la tient attachée aux granules protoplasmiques, supérieure même à celle qu'elle rencontre de la part de la membrane du septum, en la traversant. On voit combien est compliqué tout procès de dialyse, et combien il est vain de se demander si une diastase est ou n'est pas dialysable, tant qu'on ne définit pas nettement les conditions du problème. Tout ce qu'on peut conclure des tentatives faites par von Wittich, llammarsten, Wolfhugel, Paschutin, Iloppe-Seyler, Wroblewski, Chodchajew, c'est que les diastases sont peu dia- lysables, même dans les meilleures conditions. Aucun de ces savants, qui ont travaillé dans des conditions très diverses, n'a en effet constaté de dialyse marquée. Quelques-uns ont même trouvé qu'elle était nulle. Il n'y a pas à les opposer les uns aux autres. Tous peuvent avoir raison, bien que n'étant pas d'ac- cord. Chodschajew, qui a observé nettement la dialyse de la sucrase, de l'amylase, de l'émulsine et de la pepsine, trouve lO.S CIIAIMTIÎI': \I (jucllo est toujours très l'aible, (ju'cllc au,i;niente un peu avec le temps, n'est pas arrêtée par la présence de matières colloïdales dans le licjuide diastasifère. Ces résultats ébauchent à peine la (juestion, (|u'il faut prendre autrement (ju'on n"a fait jusqu'ici pour la résoudi-e. La conclusion pratique à tirer de là, c'est que la dialyse pourra servir à séparer de la diastase les sels solubles qui y sont contenus, mais non pas à séparer la diastase des matières alhuminoïdes ou colloïdales dont tous les procédés de prépa- ration la laissent mclanijée jusqu'ici. Kn somme, donc, rien ne nous garantit que la diastase, préparée par lun quelconque des procédés énumérés plus haut, soit une substance pure. Nous devons admettre qu'elle sera d'autant plus pure qu'elle se montrera plus active sous le même poids. Mais y a-t-il un mil- lième de diastase pure dans le mélange le plus actif obtenu ? Y en a-t-il .")0 pour cent ou davantage ? C'est un point sur lc(piel nous ne savons rien. Cette incertitude pèse fâcheusement sur toutes nos connaissances relatives aux diastases. Nous allons tout de suite en avoir un exemple en parlant de leur compo- sition. 85. Composition des diastases. — Les mélanges en propor- tion inconnue de diastase active et d'un substratum inerte ont en effet été soumis à l'analyse, qui naturellement a fourni les résultats les plus disparates suivant que le substratum. toujours ini[)ortant par sa masse, était de nature albuminoïde ou hydro- cai'bonée. Faites dans ces conditions, les analyses sont évi- demment peine perdue. Quelques savants l'ont senti et ont essayé de conduire, par des précipitations ménagées, la masse diastasifère à avoir une composition à peu près constante, qu'ils ont sinon formellement donnée, du moins indiquée comme étant probablement la composition de la diastase. Il est clair que rien ne justifie une pareille présomption. Si, comme cela est possible, la diastase ne forme qu'un millième de la masse qu'on analyse, celle-ci aura beau avoir une composition constante, on n'en sera pas pour cela autorisé à la prendre pour de la IMlKPAIl.VTlo.N l)i;s DIASTASKS 101) diastasc piii-c. L'étude des laits est eutièi'euicut d'aecord avec ces conclusions, ainsi que nous allons le voir. 86. Amylase. — Prenons d'abord la diastase qui a été le plus étudiée, Tamylase du malt. Voici quelques-unes des der- nières analyses publiées par Zulkowski (1), par Krauch (2). par Szilag-yi (3), par Lintner (-4), et par Jeg'oroff (5) : 1 2 3 4 5 Carbone «,57 V6M 46,80 44,3:5 40,24 Ilydrogriic 6,49 6.90 7.44 6,38 6,78 Azote 5,1 i. 4,57 9.98 8,92 4,70 ^«"f''« i 37.6i 36.77 34,64 34.46 i ,^'J^ Oxygène ) ( 41. 5o l'iiospliore — — - 1,12 1 ,45 Cendres 3,16 6,08 1,14 4,79 4,60 (In voit déjà, dans ces analyses, que l'azote varie du sinq)le au double Ouant à la proportion encore plus variable des cendres, nous la retrouverons tout à l'heure. 87. Papaïne. — Wurtz a fait trois analyses de la j)a[)aïne, précipitée par le sous-acétate de plomb, en essayant de la ren- dre de plus en plus pure. Il a trouvé les chitTres suivants, déduction faite des cendres : Carbone Hydrogène. Azote Cendres Ici la composition est plus constante, bien que la teneur en cendres soit encore variable. Mais on partait toujours du même *suc naturel, traité de la même façon, et cette constance prouve seulement que le chimiste était habile, ce qu'on savait par ailleurs. 88. Sucrase. — Voici deuv analyses de sucrase de la le- vure, l'une de Barth ( l ), l'autre de Donath (2) : I II III 52,36 52,19 52.9 7.37 7,12 » 16.94 16,40 16,44 2,60 4,22 3,40 no CÎIAPITIIK M 1 2 Carl)one 43,90 40,130 Hydrogène 8,40 6,«J0 Azole 6,00 l),:50 Soufre 0,03 — Oxygène 41,47 — L'azote varie encore beaucoup. Dans une autre analyse, Mayer avait trouvé seulement 4,30 0/0 d'azote. 89. Emulsine. — Voici de môme deux analyses de Buckland- Bull (1) et de A. Schmidt (2) : 1 2 Carbone 43,06 48,80 Hydrogène 7,20 7,10 Azote 11,52 14,20 Soufre 1,25 1,30 90. Pepsine. — La plus intéressante des analyses de pepsine a été faite par Mme Schoumoli' Simanowski, qui s'est procuré du suc gastrique très pur en faisant faire un repas tictif à un chien œsophagotomisé. Les aliments après mastication et la salive provenant des glandes buccales n'arrivaient pas dans l'estomac à cause de la section de l'œsophage; mais l'excitation nerveuse produite par leur présence amenait une sécrétion qu'on recueil- lait dans l'estomac. Le suc gastrique, produit exclusif des glandes de la muqueuse, était un liquide transparent, incolore, qui se troublait sensiblement quand on le mettait dans tie l'eau glacée, et laissait se déposer, après congélation, une masse granuleuse homogène. On la sépare en décantant le liquide qui se dégèle, alors qu'il contient encore quelques glaçons, et on purifie en recommençant sur ce dépôt granuleux les congéla- tions et les dégélations successives. Le dépôt granuleux est ' acide, soluble dans l'eau et se comporte comme une albumine. Après dessiccation, il perd la propriété de se dissoudre dans Feau, et n'est plus soluble que dans les acides. Il se comporte donc comme une véritable substance coagulable. L'expérience montre qu'il ne saccharifie pas l'amidon, mais PREPARATION l)P:S DlASTASKS Hl il intervertit le sucre et peut digérer l'albumine en liqueur acide. Il contient donc un mélange de sucrase et de pepsine. Mme Schoumotf en a analysé deux échantillons, l'un, A, obtenu par l'action du froid, l'autre, B, par précipitation par du sulfate d'ammoniaque. Voici les nombres obtenus : A B Carbone SOJI .50,37 Hydrogène 7,17 0,88 Chlore 1,16 cl 1,01 0,89 Soufre 0,98 4,35 et 1,24 Azote » 14,55 et 15,0 Il n'y a pas encore là la constance de composition à laquelle on aurait pu s'attendre avec un produit pur. On n'a évidemment pas le droit de comparer tous ces chiffres les uns aux autres, car il n'y a aucune raison pour que toutes les diastases aient la môme composition, mais on a le droit de comparer les chiffres afférents à une mêiiie diastaso, et on voit qu'ils ne sont guère concordants. Tous se comportent comme si la matière analysée était un mélange où domine tantôt une matière hydrocarbonée, auquel cas la teneur en azote baisse, tantôt une matière albuminoïde, auquel cas la proportion d'azote s'élève au niveau de 15 ou IG 0/0 correspondant à ces matières, ce qui peut faire croire que la diastase est elle-même une matière albuminoïde. 91. Recherclies de "Wroblewski. — Il faut donc aboutir à ce dont on avait cru pouvoir se dispenser en faisant ces analyses, à une étude chimique de la partie active des mélanges analysés. C'est ce qu'a commencé de faire M. Wroblewski pour une amylase du malt, préparée avec beaucoup de soins et par une méthode un peu différente de celles qui ont été décrites plus haut, bien que reposant sur les mêmes principes. Un kilogramme de malt finement pulvérisé a été traité par deux litres d'alcool à 68° G.-L. Le résidu, pressé, a été épuisé à deux reprises par 2 litres d'alcool à 4o°, et on a ajouté aux liquides obtenus assez d'alcool pour que le degré s'élève à 70 0/0. Il s'est formé un I II m IV 45.8 •48,0 50,1 46,2 6/J 7.3 7,2 7.6 3,96 6.01 8,13 4,54 13,34 38.69 33,o7 41,06 2.1 4.01 1.2 4.2 Hi) CIIAI'ITIU: \ I précipité (inoii ;i reclissous dans .l'alcool à io", cl précipilé à nouveau : on a ensuite dissous dans un peu deau, précipité par un excès de sulfate de magnésie, dialyse, remis le précipité en solution dans l'eau et finalement reprécipité avec un mélange d'alcool et d'éther. On obtient ainsi une substance blanche, très soluble dans l'eau, ne se colorant pas par l'iode, et douée d'une grande activité diastasique. Elle ne donnait ni les réac- tions des albumines ni celles des peptones. Elle ne réduisait la liqueur de Fehling qu'après ébullition avec un acide. Malgré les soins apportés à sa préparation, les chiffres de l'analyse n'étaient pas constants. Avec les échantillons préparés par des moyens un peu différents, on a trouvé les chiffres suivants : Carbone Hydrogène Azote Oxygène et soufre tiendres Ces chifïres correspondent, comme ceux que nous avons relevés ci-dessus, à un mélange possible d'une matière albumi- noïde et d'un hydrate de carbone que M. Wroblewski s'est attaché à séparer. Il a pour cela traité sa solution de diastase par l'iodomercu- rate de potassium et l'acide chlorhydrique dilué, mélange qui d'ordinaire précipite la matière albuminoïde, et qui a en effet fourni un fort dépôt, qu'on a jeté sur un filtre. Le liquide filtré, traité par l'alcool, a donné à son tour un précipité d'un hydrate de carbone (pii, redissous dans l'eau, n'avait plus aucune propriété diastasique. La solution de ce composé ter- naire avait un fort pouvoir rotatoire gauche, et donnait de l'arabinose quand on la chauffait avec les acides. C'était donc une arabane. La diastase était ailleurs. On a donc repris le précipité fourni par le réactif de Brucke; on l'a lavé et trituré avec du carbonate d'argent de façon à en séparer l'iode et le mercure. En traitant par l'eau, et précipitant par l'hydrogène sulfuré l'argent entraîné, puis par l'alcool, et IMU'.PAl'.A Tlo.N l)i:s DIASTASKS 113 redissolvant le précipité, ou ;i ol)loiiii avec (juehjue peine une liqueur opalescente qui saccharifiait l'amidon soluble, donnait la réaction xanthoprotéicjue et la réaction de Millon_, mais ne précipitait que faiblement par le sous-acétate de plomb. Traitée par lacide chlorhydrique à 20 0/0, elle donne les produits ordi- naires de décomposition des matières albuminoïdes, ammonia- que, acides amidés, etc., mais pas d'argénine. l'récipitéc par l'alcool, elle perd au contact de ce liquide sa solubilité dans leau. La partie soluble contient 10,2 0/0 dazote, la partie iusoluble lo,3 0/0. Il est clair (pie ces résultats, dans leur ensemble, rapproclient plus Tamylase des matières albumi- noïdes que des hydrates de carbone. Mais comme dans ce traitement la diastase initiale s'était fort affaiblie, il est difficile d'assurer qu'il n'y avait C[ue de la diastase dans le dernier précipité obtenu, et dès lors, nous retombons dans les mêmes incertitudes. Les résultats de Wroblewski sont, d'ailleurs, en contradic- tion absolue avec ceux d'Ilirschfeld qui trouve, au contraire, (jue l'amylase est un hydrate de carbone, une soi'te de ma- tière gommeuse qu'on peut rapprocher de l'arabane de M. Wroblewsld. Il est probable que dans le cours des opé- rations, et par suite de circonstances non visées dans les mé- moires de Hirschfeld et de Wroblewski, la diastase s'était fixée, avec le premier, sur l'arabane, avec le second, sur la matière azotée. Cette interprétation met ces savants d'accord en montrant qu'ils se sont peut-être trompés l'un et l'autre. 9S. Reclierclies de G. Bertrand. — M. Bertrand a fait entrer cette question dans une voie nouvelle par ses recher- ches sur la laccase dé l'arbre à laque. Si on se lie seulement aux résultats de l'analyse chimique, cette laccase est une sorte de gomme, car elle ne renferme presque pas d'azote, elle donne de l'acide mucique quand elle est oxydée par l'acide azotique do densité 1,2, et, par hydrolyse, elle donne du galactose et de Farabinose. Sa physionomie change lorsqu'on l'étudié à un point de vue 8 114 ciiAi'iriu-; \i qui a été généra Icmciit délaissé juscjirici, au point de vue de ses cendres, dont elle confient toujours une proportion no- lal)l(\ Dans ces cendres, il y a du manganèse en proportions variables. Or, en comparant la puissance oxydante de diverses oxydases, c'est-à-dire, la quantité d'oxygène fixée par elles dans des conditions déterminées sur une matière oxydable, convenablement choisie et toujours la même, M. G. Bertrand s'est aperçu que l'activité de la diastase croissait avec la quan- tité de manganèse qui y était contenue. On pouvait donc se demander ce que deviendrait une oxy- dase tout à fait privée de manganèse dans ses cendres. Il est difficile de préparer artificiellement une pareille oxydase. Pour séparer les dernières traces de manganèse, il faut re- courir à des réactifs qui détruisent la matière organique. Mais M. Bertrand a réussi à tirer de la luzerne {pwdicago saliva) une oxydase, extrêmement pauvre en manganèse et très peu active. En ajoutant à cette oxydase un sel de protoxyde de manganèse, on lui donnait une activité comparable à celle des plus puissantes oxydases. Le manganèse semble donc être l'élément essentiel de cette espèce de diastases. IM. Bertrand a confirmé cette notion capitale par les faits suivants. Mélangeons à une solution d'hydroquinone, que la laccase oxyde facilement en la transformant en qui- none, des sels de protoxyde de manganèse, et agitons le mé- lange au contact de l'air; avec tous ces sels, nous constaterons des absorptions d'oxygène, et pour quelques-uns, le lactate, le succinate de manganèse, par exemple, la proportion d'oxygène absorbé sera égale à. ce qu'elle est avec les oxydases naturelles. Ce n'est pas seulement quantitativement, c'est aussi qualitati- vement que les actions se ressemblent. La quantité d'oxy- gène absorbé est hors de toute proportion avec la quantité de l'élément oxydable, le protoxyde de manganèse, et il faut absolument que celui-ci ne soit autre chose qu'un intermé- diaire, prenant l'oxygène de l'air et le cédant à la substance oxydable. Le mécanisme de cette action nous importe peu pour le nn^tment, et nous aurons à y revenir dans le chapitre ri',i:i'Ai!ATi(».\ i)i:s diastasiis H5 conscicré aux oxydases. Le résultat seul nous intéresse, car il prouve que le protoxyde de manganèse peut jouer le rôle d'une diastase, et cette diastase est d'autant plus active que l'acide conilnné à ce corps pour le rendre soluble est plus faible, en sorte qu'on peut penser que les oxydases natu- i-elles sont des sels mangaueux d'un acide spécial, et encore inconnu, maintenant le protoxyde de manganèse en solution, tout en le laissant aussi actif que s'il était libre. La nature organique et la nature minérale de l'oxydase joueraient donc simultanément un rôle dans ses propriétés, et c'est là une vue qui sans doute se rapproche plus de la vérité que toutes les spéculations reposant sur l'analyse organitpie des dias- tase s. 93. Rôle des cendres. — Ln émettant cette idée, nous sommes d'accord avec un certain nombre de faits. D'abord toutes les diastases connues contiennent des cendres, et parfois même en proportions notables, comme on le voit par les chiffres consignés plus haut. Si on essaye de se débarrasser de ces cendres par dialyse ou autrement, on constate que la puissance de la diastase baisse dès que l'élimination est poussée à un certain degré, et qu'elle devient à ce moment- là d'autant plus faible que la diastase se purifie davantage. De plus, ce n'est pas seulement une cjuestion de quantité qui entre en jeu, mais aussi une question de qualité. Nous ver- rons que la présure, la plasmase, la pectase, qui sont toutes trois des diastases coagulantes, exigent, pour fonctionner acti- vement, la présence d'une base alcalino-terreuse (pii est la chaux. Cette chaux peut, dans une certaine mesure, être rem- placée par la magnésie ou la baryte, mais pas du tout par la potasse ou la soude. La chaux est donc, vis-à-vis de la pré- sure, ce qu'est le manganèse vis-à-vis des oxydases de Ber- trand, Le fer, si voisin du manganèse par les relations de ses sels de protoxyde avec l'oxygène, est de même un élément constitutif du globule sanguin, dont les propriétés sont d'un autre côté très semblables à celles des oxvdases. Il semble donc 110 CIIAI'ITItl-; \l qu'eu s'atlacliaul, cxclusiveuicut, couiuic on J'a l'ail jus(ju ici, à réhulc (le la uialièi'c orqanicpu; de la diastase, et en traitant ses cendi'cs non comiue son squelette minéral, mais comme des impuretés de sa substance, on ait fait fausse route, et c'est le mérite du travail de M. Bertrand de nous avoir révélé cette mauvaise direction donnée à la recherche. Le cha- pitre que je viens de terminer, et qui se résume en des ren- seignements très vagues, comme on vient de le voir, est à la veille d'être écrit sons une autre forme bien plus nette, dans lacpiellc le rôle important sera dévolu aux sels que l'on a considérés jusquici comme des impuretés. BIBLIOGRAPHIE Vox AViTTicii. TIber eine neue Méthode zur Darstellung kunstlicher Ver- daucngsflussigkeilen {P/hiç/i'r's Archiv., t. II, p. 193 ; 1869). Brucke. Beitrage zur Lelire von der Verdauiing {Wiener Almd. SUzanysher, XLIII; Abth., 2, 1861). WURTZ. Sur la papaïne. Cnmplex rendus, t. XC, 1880, p. 379 et XCI, 1880, p. 787. Danilewski. Virckow's Archiv., t. XXV, p. 279. Von Wittich. Ppuger's Archiv., t. V, p. 435. Hammarsten. Maly'a Jahresh. f. Thierchemie, t. III, p. 160. WOLFHUGEL. Pflugers Archiv., t. VII, p. 188. 'Pasghutin. May's Jahresb. f. Thierchemie, 1871, p. 304. IIoppe-Seyler. Handb. d.plujft. Anal., 6" éd. p. 297. Wroblewski. Zeilschr. f. phys. Cliemie, t. XXIV, p. 173. SCHOUMOFF SiMANOWSKI. Yrfl^cA, 1890, 11" 41. Chodschajew. Archives de physiol , t. X, 5" s., 1898, p. 241. "NVrobleavski. lier. d. d. cJiem. GeseUs., t. XXX, 1897. Herschfeld. Archiv. d. ges. Physiol., t. XXXIX, 1886. Bertrand. Co m pi es rend m de l'Ac.des se, et BuU. de la Soc. chim., 1894. CHAPITRE YII INDIVIDUALITÉ DES DIVERSES DIASTASE3 Y a-t-il plusieurs diastases individuellement différentes, ou bien Tune d'elles peut-elle revêtir, dans certaines circons- tances, les propriétés d'une autre ou de quelques autres ? Voilà une question sur laquelle la science a hésité long- temps, et n'est pas encore complètement renseignée. Dans l'ensemble pourtant, elle conclut à l'individualité des diverses diastases, et ce sont ses arguments que nous devons passer en revue. 94. Causes d'erreur. Ingérence des microbes. — Il faut d'abord éliminer quelques-unes des causes d'erreur qui ont vicié les premiers résultats. Quand il s'agit de savoir si une macération organique contient une diastase, par exemple de la sucrase, on y ajoute un peu de solution de saccharose, on porte à 35" ou Ï0'\ et on attend. Il faut attendre long- temps quand il y a peu de diastase, et encore plus long'tenq:)S quand il n'y en a pas du tout. Or, pendant ce temps, inter- viennent à peu près inévitablement les ferments du sucre, dont les germes sont partout, et qui produisent des diastases identiques à celles qu'on recherche dans la macération. Cette confusion a été fréquente à l'époque où on ignorait les mi- crobes, et beaucoup d'expériences anciennes, sur les diastases, sont à recommencer de ce fait. Il n'y a guère, à avoir échappé h. cette influence, que les essais relatifs au suc gastrique, qui se font dans un liquide acide, peu propre en général à la culture des microbes. Par contre, les premiers essais sur le suc pancréatique ont tous été faussés par cette cause d'er- reur ; car ils se font dans un liquide très ricbe en matière IIS CIIAPITIii; \"ll ()i'::;ini(iii<', cl Ir plus souvent cliai'gé de luicroljes dès l'oii- Il r.iiil. i»oiir rvilcr l«)u(<»s les iiicoi-tilndos [U'oveiKUit do ce (•lier. o[)('i'ei' soit avec -des li(]ui(les stériles, soit avec des li(|ui(l('s aiitiseptisés. Il n'est pas toujours facile de stériliser ]c liquide diastasi- Icre, (jui ne [X'ut pas éli'c chaulle, même à 100'\ sans perdre toutes SCS propriétés. Mais on j)eut prendre le licjuide de ma- cération d'une culture pure ; on peut aussi filtrer la solution au travers d'une bougie de porcelaine. Il faut ne pas oublier que cette filtration peut dépouiller la solution d'une partie de sa diastase, et même de sa totalité, s'il y en a peu. Il faut aussi se rap[)eler ([ue toutes les diastases ne sont pas toujours éiialement filtrables. Nous pourrions répéter ici ce (jue nous avons dit plus haut à propos de la dialyse. En principe, il n'y a pas de diastase tiltrable ou non fîltrable, d'une façon absolue, au travers de la porcelaine. Il y a des diastases qui, dans certains cas, sont fdtrables, et qui ne le sont pas ou le sont moins dans d'autres. Cela dépend de la puissance variable d'adhésion de la diastase pour la matière des parois. Il y a des cas particuliers ; il n'y a pas de règles générales. A raison de ces diflicultés et de ces incertitudes, l'usage a prévalu d'additionner le liquide diastasifère à étudier d'un antiseptique propre à y empêcher l'apparition des microbes. Il ne faut pas oublier, non plus, de ce côté, que les antisep- tiques, quels qu'ils soient, g-ônent aussi bien l'action des diastases que celle des microbes. De sorte que lorsqu'une diastase apparaît, malgré l'antiseptique, c'est cju'elle existe bien réellement. Mais lorsqu'elle n'apparait pas, on ne peut pas conclure tout de suite qu'elle est absente. Il faut y regar- der de plus près. 95. Collage des diastases. — A cette cause d'erreur vient s'en joindre une autre. Ce qu'on cherche, c'est à connaître les diastases physiologiquement sécrétées par une cellule et à i.\i)i\ iDiAiJTK i)i:s i)i\ i:r,si:s i)I.\stasi:s 119 les distinguer de celles dont ell(> a pu simpréguoi' dans le milieu dont elle provient, en vertu de cette tendance que nous avons signalée chez certaines diastases, de se [)récipiter sur les corps solides dont elles ont le contact. Les diastases de la salive parotidienne, par exemple, sont les diastases sécrétées normalement par les cellules de la parotide, mais il ne faudrait pas les considérer comme nécessairement iden- tiques à celles qu'on rencontre dans la salive qui s'écoule par l'extrémité du canal parotidien, parce que ce canal peut être plus ou moins habité par des microbes, et que, constam- ment en contact avec la salive mixte 'où il y a des diastases microbiennes variables et de diverses origines, il est toujours exposé à s'en tapisser, pour les rendre à la salive qui le traverse. On a de même cru, pendant quelque temps, que toutes les levures de brasserie sécrétaient, en outre^ de la su- crase, de l'amylase. C'est (ju'on prenait des levures impures, mélangées de ferments de l'amidon, ou bien encore des le- vures pures, mais cultivées dans du moût d'orge non bouilli, et ayant conservé, de ce fait, tout ou partie de l'amylase qui avait servi à le produire. Cette amylàse se précipitait sur les cellules de levure, et leur formait un vêtement arti- ficiel qu'on prenait pour une sécrétion physiologique. Il faut, pour éviter cette cause d'erreur, faire des cultures pures du microbe clans un liquide bouilli, et chercher non seule- ment dans le liquide, mais encore et surtout dans les cel- lules du microjje les diastases qu'il peut produire. 96. Multiplicité des diastases produites par un même microbe. — Or, quand on cherche clans cette voie, on s'aper- çoit que un même microbe peut produire, en général, des dias- tases très variées. Nous avons vu, au chapitre V, des exemples de cette variation sous l'influence de l'alimentation. Certaines diastases, rares ou absentes dans certaines conditions, deve- naient prédominantes avec un autre aliment. Etait-ce une fonc- tion nouvelle qui apparaissait, ou, au contraire, une surpro- duction d'une sécrétion normale ? \-2() CIIAIMTP.F, \\\ ("/psl (•<> dcriiiei' cas qui semble Je plus proljîihle. Quand (.11 \a. eu ell'et, chei'chci', comme l'a fait M. Boui-quelot, à l'in- ((M'ieui- des cellules de XasiicrijillKs n'iger, eu les broyant avec (hi sable ("I d(; Teau, les diastases qui y sont contenues, on trouve (juelles sont plivsiologiquement très nombreuses. iM. Hounjuelot a ainsi Irouvé, dans un nsip(-r(ji/lusQ,\\\i\\'è sur du liquide Raulin, et arrivé à maturité, de la sncrase. de la maltase, de la tréhalase, de l'amylase, de l'émulsine, de l'inu- lase, de la trypsine. Sur le môme milieu, \q. pciiicilliuru glan- cum donne, d'après Bourquelot. sucrase, maltase, trélialase, amylase et inulase. J'y' avais trouvé de la présure et de la caséase; Gérard y a signalé de la lipase. Le peniciUiiim Diiclauxi, décrit par M. Delacroix, ne produit sur le liquide Raulin que de la sucrase et pas d'amylase. Un individu très jeune de polijponis sulfuvvus^ grand champignon qui vit en parasite sur divers arbres, et que MM. Bourquelot et Iléris- sey avaient récolté sur un chêne, leur a fourni un suc con- tenant de la maltase, de la tréhalase, de l'émulsine et de l'a- mylase. Il ne contenait ni sucrase, ni inulase, ni lactase. L'interprétation la plus naturelle de tous ces faits consiste évidemment à admettre que toutes ces diastases, si nombreuses ([u'elles soient dans certaines espèces, sont sécrétées indivi- duellement, et qu'il n'y en a pas qu'une, douée de propriétés diverses, car alors on ne comprendrait pas, si la sucrase se confond avec l'amylase, par exemple, comme on l'a cru long- temps, pounjuoi les deux actions sur le sucre et l'amidon, qui se trouvent superposées dans Vaspergillus niger^ sont disso- ciées dans le pénicillium Duclaicri ou le pohjporus .sulfumis. QT. Séparation des diverses diastases. — Il serait souhai- lal)le de pousser la dissociation plus loin, de trouver un liquide ne contenant qu'une diastase, et ne pouvant exercer qu'une action. Pour cela, il faut chercher en dehors des mucédinées, en général très polyphages, et s'adresser de préférence aux bacilles ou aux levures qui, très difficiles sur le choix de leur aliment, ne sécrètent qu'un petit nombre de diastases, ou INDIVIDT'ALITK DI-'.S DlVF.r.SI-.S DIASTASI'.S 121 encore aux cellules de l'appareil digestif, dont qncl(]nes-unes ne sont capables qne dune sécrétion. Encore de ce côté-là, ce n'est que rarement, et dans des circonstances déterminées d'alimentation et de culture, qu'on trouvera ce qu'on cherche. Ortaines levures, par exemple, sont des sources abondantes de sucrase, mais, comme nous allons le voir tout à l'heure. (Ui y peut trouver de l'amylase, et quand on les fait vivre dans du lait, elles finissent par y produire de la caséase. On peut essayer d'arriver à cette séparation des diastascs mélangées, soit au moyen de certains réactifs qui précipitent les unes et non les autres, soit en chauffant à une température qui en détruise une sans toucher ou sans toucher autant à l'autre. Mais la précipitation par coagulation, de quelque façon qu'elle soit produite, est, nous l'avons vu (78), un mauvais moyen de séparation. La chaleur, employée avec précaution, peut, nous le verrons, détruire inégalement deux diastases mélangées et laisser prédominer l'une ou l'autre, mais non pas isoler ab- solument l'une d'elles, de sorte qu'à proprement parler, on n'a pas d'autre argument pour démontrer l'individualité des diverses diastases que celui qui résulte de l'extrême variabi- lité de leurs mélanges. Cette variabilité se comprend s'il y a mélange de diastases, elle devient inexplicable si on admet que chaque diastase possède un mélange de propriétés. 11 ne faut pourtant pas pousser à bout cette attribution d'une seule propriété à chaque diastase, car on se heurte de suite à ce que nous savons des propriétés de l'émulsine, capable de dédoubler un grand nombre de glucosides divers. L'exemple de cette émulsine nous conduit même à nous demander si les corps qu'une diastase peut dédoubler par hydrolyse ou oxyder ne seraient pas, comme les glucosides décomposables par Fémulsine, des corps appartenant à un môme groupe. A cette (question, nous trouvons une réponse toute faite dans le goupe des sucres. Le maltose et le tréhalose sont deux sucres isomères qui donnent par hydrolysation des molécules de d-glucose et ne diffèrent entre eux que par le mode de jonction de ces deux IujI Ll 8RAR Y \22 CIIAl'ITlli: \ll nioli-ciilcs. Lo pi'Oinior réduit l;i li(fiH'iii' de Fehling', l'auti-e iKiii. Or, l'isclicr s'est assuré ([iie la ti'élialaso no dédoublait pas le inalloso ni la inaltasc le ti'éhalose. Le maltose et le saccharose sont un [)cu plus différents. Le second, en se dé- doublant, donne du d-i:luc(jse el du lévulose ou d-fructose. l'isclier a constaté de même ([ue du li({uide de macération de It'xnre IVaiclie. (jui intervei'tissait très facilement le saccliarose, était sans action sur le maltose. Il a vu aussi que la lactase ne dédoublait pas le maltose. Comme tous ces sncres sont de même constitution, et ne diffèrent qu'au point de vue stéréo- cliimi(|ue, nous voilà amenés à conclure que l'action des dias- tases tient compte de l'arrangement de la molécule, et c'est là évidemment une notion trop importante pour que nous ne la discutions pas. 98. Travaux de E. Fischer. — Ponr faire cette étude, M. Fischer ne s'est pas contenté des sucres naturels. Il en a préparé d'artificiels, des sucres de synthèse, dont la com- position et la formule stéréochimique peut être à la fois plus variée et plus exactement connue que pour les sucres fournis par les plantes. Ln mettant par exemple en contact pendant plusieurs heures et à froid, une solution de glucose avec de l'alcool métbylique et de l'acide chlorbydrique, on obtient la formation d'un vé- ritable éther : C-^H-T)" 4- CIl'OIl = C'ir'O^ GIF + H-0 ; d sélimine une molécule d'eau et il se forme un méthylg'lucoside tpii résulte, comme on le voit, de la substitution du radical (IV à un atome d'hydrogène. On obtient, sinon par le même procédé, du moins par des méthodes analogues d'éthérification, un éthylglucoside : C/II"0". C'IP, ou encore des phénylglucosides ou des benzylglucosides par substitution de une ou plusieurs molécules de C°[l' ou de INDIMDIAUTK l)i;s DIVERSES DIASIASES d-2,S G'H^O" à la place crantant de molécules d'hydrogène dans la molécule CH'-O'' du glucose. Prenons le méthylglucoside ci-dessus ; sa formule stéréo- chimique est la suivante que je place à coté de celle du glu- cose. Glucose Mélliylykicosidc cnoii ciio.rdi' I I (CHOIl)^ (CHOH)^^ I I GOIl GOII I I CHOH CHOH I 1 CH-OII CHOH On voit que le remplacement d'un atome d'hydrogène par une molécule (UP dans le groupement supérieur, a rendu dis- symétrique l'atome de carbone de ce groupe qui ne l'était pas. Il peut donc exister deux méthylglucosides stéréoisomériques, et, en effet, à côté de celui qu'a préparé Fischer, et qui cris- tallise en fines aiguilles incolores d'un goût sucré, Yan Ekens- tein en a signalé un autre cristallisé en octaèdres. Nous dési- gnerons par a le premier, par ^ le second. Or, Fischer a montré que la maltase hydrolyse facilement le premier et pas du tout le second. La myrosine fait l'inverse et n'hydrolyse pas le premier. Les sucrases de quelques levures décomposent beaucoup plus facilement le premier que le second. Voilà qui fournit évidemment un bon argument pour démontrer à la fois l'individualité de ces diverses diastases et le caractère stéréochimique de leur action. Fischer part de ces faits et d'un certain nombre de faits du même ordre pour conclure que la diastase a aussi une formule stéréochimique, et que cela est nécessaire pour qu'elle tienne compte de la formule stéréochimique du corps auquel elle s'adresse. C'est ainsi, dit-il, qu'une clef ne peut ouvrir une serrure que si sa forme est en rapport avec la forme intérieure du \2A CIIAIMTKI': Vil iiHMMiiisme (juCllo iiicl en mouvement. L'idée est évidemment iiiucnieiise. M.iis im(> tlié()i-i(^ ne doit pas seulement cxi)li([uoi' les r.iils qui lui ont donné l'éveil. Elle doit éti'e d'accord avec rensemhic des autres faits connus. Voyons s'il en est ainsi pour la théorie de Fischer. l»i-enoiis pour cela, dans le travail même de ce savant, les diverses actions qu'il attribue à une même diastase, et com- nienc-ons par la sucrase, celle sur laquelle il y a le plus de documents. Voici, sur deux; colonnes, à gauche, les sucres qu'elle hydrolyse, à droite, ceux qu'elle n'hydrolyse pas. Sucrase Hydrolyse «-niélliyiglucose. Saceliarose. Mallose. Amygdaline* Benzyl-glucosides incomplèlemcnl. Glvcérine-iïlucosicles id. N'hydrolyse pas j'î-méthylglucose. Lactose. Mélhylgalaeloso. Inuline. Amidon. Salicine. Coniferine. Phéiiylglucoside. MelhylIVuctoside. La sucrase employée dans ces expériences provenait d'une macération de levures fraîches, type Frohheru' ou Saaz. On a marqué Tamyg-daline d'un astérisque parce que ce corps ne se décompose pas comme avec l'émulsine. 11 se forme du glucose, mais pas d'essence d'amandes amères, ni d'acide cyanhy- drique. Une sucrase solide, préparée par Merck, n'agissait ni sur l'a-méthylglucoside ni sur le maltose. Avec une autre le- vure fraîche de Frohberg, on a obtenu une macération qui se comportait, à ce point de vue, comme la sucrase sèche de Merck. Mais en broyant les cellules, ou en faisant agir la levure elle-même, on hydrolysait facilement ces deux sucres. Voici maintenant, présentés de la même façon, les résultats obtenus avec une émulsine de ^lerck : i.M)i\ iDtAi-iTK i)i;s i)i\ i:iisi;s diastasks 125 Emn/siitr. Hydrol.vsc .N'Iiydrolyse pas 5-moth\i glucose. «-inélhyl glucose. Lactose. Maltose. Salicine. Saccharose. Conit'érine. Jlelhylgalaclosidcs. Arbutine. Bcnzyl-glucosides. Glycérine-glucosides. Le tableau relatif à rénuilsiue est, comme on le voit, et sauf pour les beiizylylucosides et ,ii•lycériue-^lucosides, le revers du tableau relatif à la sucrase. Dune manière générale, les gluco- sides du glucose sont bydrolysées par la sucrase. et non les glucosides du galactose. L'inverse a lieu pour lémulsine. Voyons maintenant ce que nous donne la lactase. Dans les levures que font fermenter le sucre de lait, Fiscber a trouvé, en broyant les cellules, une diastase transformant la lactose en hexoses. Voici en résumé l'ensemble de la réac- tion : Lactasf. Hydrolyse N'hydrolyse pas Lactose . Méthylgalactosides. Amygdaline * |3-niéthylglucoside. Pour l'amygdaline, même remarque que plus haut. Ici la correspondance signalée plus haut s'etïace un peu, le lactose n'entraînant pas avec lui, dans la colonne de gauche, les sucres à côté desquels elle se trouvait avec la sucrase. Voici enfin le résumé des essais faits avec la maltase qu'on trouve, dans quelques levures, associée à la sucrase. Avec la le- vure sèche, on en obtient plus qu'avec la levure fraîche, mais si on précipite par l'alcool, cette maltase s'affaiblit beaucoup plus vite (pie la sucrase, et c'est peut-être pour cela que la su- crase sèche de Merck, que nous avons signalée plus haut, n'a- gissait pas sur le maltose. I^ij CIIAlMTIil': \ll Mail use. Hydrolyse N'hydrolyse pas .Mallost'. Mollivl luaiiiioMile (,s ciiAnnii-: \i BIBLIOGRAPHIE DUCLAUX. Cliimie biologique, 1883, p. 141. BOURQI'ELOT. l^es ferments SOlubles de VaspcruiUus nii/n-. Bull, de la Sor. mijc. de France, t. IX, 1893. BOURQUELOT el HÉRISSEY. Actioii de réinulsine de Vaspergillns nigerS[iT quel- ques glucosides. Id. t. xr, 1895;— Sur les propriétés de i'émulsine des champignons- Jauni, dcph. el de ck. G-" 1, t. II, 1895 ; — Les ferments solu- blesdu Poljiporiis snlfureus. Bull, de la Soc. rnijc. de France. B. t. XI, p. 325. BOURQUELOT etGRAZ[A\i. Sur quelques points relatifs à la [physiologie du Pénicillium Duclauxi. Bull, de la Soc. myc. de France, VIII. p. 147. 1892. Coxx. Isolirung eines Labfermentes aus Bacterienkulturen. Cenlm/hl. f. Bari. u. Paras, t. XII. 1892. E. Fischer. Einfluss der Configuration auf die Wirkung der Enzyme. Ber. d. d.chem. Gesellschafl, t. XXVII, p. 2985 et 3479, 1891 et XXVIII, p. 1429, 1895. CHAPITRE VIII LOIS GÉNÉRALES DE I/ACTION DB:S DIASTASES Dans leur action sur les subsiaiices qu'elles transforment, les diastases obéissent à des lois générales que nous avons intérêt à connaître, et qui, jusqu'ici, sont restées un peu con- fuses. Cette question a été en effet Jjeaucoup étudiée, mais on ne peut pas dire quelle soit résolue. Elle est hérissée en ce moment de solutions contradictoires entre lesquelles il nous faudra choisir, si nous voulons faire autre chose que de les enregistrer avec résignation ou indifférence. Or ce choix est difficile. Nous aurons, pour nous guider, d'abord la con- fiance qu'il y a une loi, et que par conséquent toutes les expé- riences qui se traduisent par une courbe irrégulière ou en zigzag ont été troublées par des causes d'erreur inconnues et sont à rejeter. Nous pourrons en éliminer d'autres dont l'auteur ne s'est pas suffisamment mis en garde contre des influences latérales qu'il ignorait ou dédaignait, et que nous savons aujourd'hui être très puissantes, celle de la lumière par exem- ple, ou celle des microbes. Il se trouve que, cette ventilation faite, il reste peu de chose sur le crible, mais il en reste assez pour pouvoir établir un commencement de théorie de l'action des diastases : c'est ce que je voudrais essayer de montrer. lOO. Comparaison avec 1 action des acides. — Eliminons d'abord une assimilation, qui a été souvent faite, entre l'action des diastases et celle des acides. Sous le prétexte que les acides et les diastases sont souvent capables de produire les mêmes transformations et leur donnent la même allure, on a parfois appliqué, sans autre formahté, aux actions diastasiques, les lois trouvées pour l'action des acides. Celles qui président à 9 130 ciiAnTiJi: MU rintcrvei'si(»ii du sucre sont [mi cxciiiple assez bien connues par les (ravaux de Willielniy, d'Oslwald. el d'autres savants. On les a considérées comme représentant aussi l'action de la sucrasc. 11 importe de repousser de suite cette assimilation. Etudions pour cela ce cpiil serait juste d'appeler la /oi da ]]"il/it'hin/ . Elle revient à ceci. La (juantité de sucre qui s'iider- vertit à clia(pi<' instant dans une solution sucrée traitée par un acide est proportionnelle à la quantité de sucre présente à l'instant considéré. Cela veut dire que si la (juantité de sucre présent devient dou])le, la quantité de sucre intervertie dans l'unité de temps deviendra double aussi, alors qu'on laisse constantes les autres conditions de l'expérience, nature du milieu, température et dose d'acide. La quantité de sucre intervertie (/ans fu/iité de tenips^ ou la vitesse de la réaction^ auf/niente donc jjroportionnellement à la (juantité de sucre pour une même dose (V acide. Cet acide proportionne son effort au travail à accomplir, et théoriquement, dans les mêmes con- ditions d'acidité et à la même température, des solutions sucrées différentes s'intervertissent dans le même temps, quelle que soit leur richesse en sucre. Voilà la notion exposée en langage ordinaire. Le langage mathématic|ue permet de lui donner plus de précision et de la pousser plus loin. Soit S la quantité de sucre existant à l'origine dans un volume connu, par exemple dans 100 ce. d'une liqueur qu'on intervertit par l'action d'un acide. Soit s la cjuan- tité qui existe encore au bout cFun temps t, compté à partir du commencement de l'expérience, qui est supposée s'accom- plir constamment à la même température. La loi de Wilhelmy nous dit que la variation As du sucre pendant le temps à^ est proportionnelle à s. Si le tenqîs A/ est suffisamment court,' elle est aussi proportionnelle à b^t, de sorte qu'on peut écrire, en faisant précéder la variation ts.s du signe — , pour montrer que la quantité de sucre diminue lorsque le temps augmente, — As := mSii^t où m est la quantité de sucre qui s'intervertirait, dans l'unité LOIS r.i-:.\KPvAij:s di'. lactiox I)i;s diastasks i;ii de temps, clans une solution sucrée eontenaiil l'unité de poids de sucre dans le volume {)i'is pour unité^ et cela dans les mêmes conditions de milieu, de température, et d'acidité, que celles de l'expérience. On tire de là, facilement, en désignant par l le logarithme népérien I.y = — ml + C C étant une constante qu'on détermine facilement en écrivant cju'à l'origine de l'expérience, pour / =: o, la liqueur conte- nait S de sucre. (Jn a donc 1S = C d'où. et lS_l.s=l^=/;^/ s m s On voit tout de suite, sur cette valeur de t, que toutes les phases de l'hydrolysation de solutions sucrées inégalement concentrées s'accompliront dans le même temps, que par exemple elles mettront toutes le même temps à s'intervertir à moitié, c'est-à-dire à arriver au moment où S On aura en effet, pour ^=2,/= -12. Toutes ces réactions marcheront donc du même pas, et, commencées en même temps, se finiront au même moment : c'est ce que nous avions vu plus haut. Mais nous pouvons en plus, ici^ mesurer la valeur de /y^ en évaluant le temps que met une dissolution sucrée à s'intervertir à moitié par exemple. On a alors i:;-_> CIIAI'ITi;!'. Mil c{ rt'xix'ricncc inoiilrc eu cflef ([uo colle valeiii' de tti esl, itidé- nciKJiiiile (le la (|ii;mlilé de suci'e, l<>rs(|iie l'acidilé est la même. De là une première conclusion tjui a pu servir d'ari:ument pour rai)proclicr les acides des diastases : les solutions de sucre les plus concentrées peuvent être interverties par des c|uantités relativement très faibles d'acide. Les acides jouissent donc de la puissance d'action tjuasi-indéfinie que possèdent les dias- tases. D'autres expériences ont montré que la valeur de i/i croit à peu près proportionnellement à la concentration de l'acide, c'est-à-dire à la quantité d'acide contenue dans l'unité de vo- lume. L'unité de mesure la plus commode dans la pratique, pour évaluer la concentration, est la solution d'une quantité d'acide égale à son poids moléculaire évalué en grammes, dans un litre d'eau. Des concentrations égales de divers acides coi'respondent à des volumes égaux d'eau de chaux ou d'un autre alcali nécessaires pour la saturation. On trouve alors que la valeur de m croit un peu plus vite que la concentration pour les acides forts, un peu plus lentement pour les acides faibles. Eu admettant une proportionnalité exacte, on peut écrire n) = lui, expression dans laquelle a représente la concentration de l'acide évaluée comme plus haut, en g^rammes-molécules, et // représente la quantité de sucre qu'intervertirait dans l'unité de temps, et dans les conditions de l'expérience, dans une solution contenant l'unité de poids de sucre par unité de volume, l'unité de concentration de l'acide employé. (iCtte (juantité n est ce qu'on nomme la constante (V inversion. Osiwald l'a déterminée en faisant agir, à 25", 10 ce. de solu- tions normales de divers acides sur 10 ce. de solutions con- tenant de 30 à 10 »/o de sucre. Voici les valeurs numériques de n pour quelques acides, et leurs rapports avec celle de l'acide chlorhydricpie supposée égale à 100, et prise comme terme de comparaison. LOIS (rKM:i5ALi:s \)\: I. ACTION l)i:s l)IASTASi:s l.!.", Afidi^ broinliy(iri(iu(' 24.4 111.4 Aciili' diglycoUiiiic 0..')9 2.7 — iu('tli\glycoliqiio . . U.40 1.8 — citrique 0.38 1.7 — glycérique 0.38 1.7 — fonnique 0.34 1.."; — métliylaoéliiiiii'.. . . 0.30 1.4 — éthylglycoli(iiic.. . . 0.30 1 . i — glypolique 0.28 1.3 — lualique... 0.26 1.3 — lactique 0.23 1.1 — oxyisobutyrique... 0.23 1.1 — succiniquc 0.12 0.5 — acétique 0.00 0.4 — isobutyriqiie 0.07 0.3 broinliy(iri(iu(' 24. 4 111.4 chlorique 22 .6 103. a chlorhydrique 21 .9 100 » nitrique 21 .!) 100 ). éthylsulfurique. . . . 21, .9 100 » éthysnlfonique.. . . . 10 .9 91.2 tricliloracétique.. . . 16 . ij 75.4 sulfurique 11, 7 ;i3.6 dicliloracétique •j. '.) 27.1 oxalique 4 .0 18.0 pyrolartrique 1, .42 6. S phosphorique 1 .36 6.2 nionocbloracétique 1 .06 6.2 arsénique 1 .03 4.8 — inalonique 0.67 3.1 On voit ({lie les constantes d'inversion sont très vai'iables avec les divers acides, et même que le caractère minéral ou organique joue un rôle assez efl'acé. L'acide sulfurique vient par exemple après l'acide tricliloracétique, et l'acide phospho- rique après Tacide oxalique. L'acide acétique se montre d'au- tant plus puissant, d'un autre côté, qu'on introduit davantage de chlore dans sa molécule, et_, en moyenne, les acides orga- niques sont moins actifs que les acides minéraux. Concluons donc de ce qui précède que si les divers acides ont pour carac- tère commun de ne pas tenir compte du poids de sucre présent et de rintervertir dans le même temps, quelle que soit sa quantité, ils diffèrent beaucoup entre eux par l'activité qu'ils mettent à ce travail, et le temps qu'ils y consacrent. Ce sont donc là des forces qui sont très différentes de celles que nous connaissons et que nous sommes habitués à manier. D'ordi- naire, deux forces qui produisent le même effet mécanique dans le même temps sont dites égales. Deux quantités du même acide, qui intervertissent dans le même temps des quan- tités très inégales de sucre, peuvent être égales pondérale- ment. Deux quantités de deux acides différents peuvent être égales au point de vue pondéral ou quant au nombre des molécules, et cependant se montrer très inégales au point de vue de l'interversion. Telles sont, en laissant pour le moment de côté l'influence de la température, les lois générales de l'in- terversion par les acides. |;M CIIAI'ITI'.I'; \iii lOl Condition dune étude précise des diastases. — Si lions Mtulniis iiiaiiilciiiiiil (■oiii[).ii't'r l'.-iction dos dinstasos ;Y celle (1rs acides, la [)i'eiiiièrc coiidiliou est de s'adresser aux .iclioiis diastasiques i'aeiles à mesurer avec précision. Cette condiliou en élimine nii ,i:rand nombre, toutes celles, par exemple, qui s'adressent à la fibrine, i\ l'albumine, à la cel- lulose, bi'ef, aux malières dont la composition initiale n'est pas bien connue, et dont par suite les transformations nous échappent. L'amidon est mieux connu dans sa nature ; on connaît assez l)ien aussi le maUose et la dextrine qui provien- nent de ses transformations sous l'action de Famylase. Mais les divers amidons ne se ressemblent pas, et les diverses parties d'un même granule damidoii ne se ressemblent pas davantage, comme l'a montré Guérin-Yarry, il y a soixante ans. Cette circonstance élimine aussi, dans une certaine me- sure, l'action de l'amylase. Avec des diastases coai^ulantes, la marche de l'action est impossible à étudier. Les diastases oxydantes sont encore trop mal connues. 11 ne reste guère que les diastases qui, comme l'émulsine, donnent des dislocations dont les termes sont connus et faciles à. étudier. Mieux encore, la sucrase se prête à une recherche jirécise, parce qu'on sait pré- parer du sucre pur, dont on peut suivre la transformation, soit au moyen de la liqueur de Fehling', soit au polarimètre. Cette étude a précisément été faite d'une façon très soigneuse par MM. O'Sullivan et Tompson, dont nous n'accepterons pas toutes les conclusions, mais dont les déterminations numériques méritent toute confiance. 103. Expériences de MM. O'Sullivan et Tompson. — l*our étudier la rapidité de l'action de la sucrase sur le sucre de canne, on commençait par faire dissoudre celui-ci dans l'eau chaude, (pi'on laissait ensuite refroidir à la température à la- (pielle on voulait opérer. Cette liqueur sucrée, convenablement acidulée, était ensuite nudangée rapidement à une solution de sucrase préalablement portée à la même température. L'inter- version conimençait. Pour en suivre la marche, on prélevait une i.ois (ii;.M:r,Ai,i:s \)\: Lwcrio.x i)i:s diastasi's i;;;; certaine quantité de liquide (ju'on versait iuiniédiatenieul dans un verre contenant une goutte d'une solution concentrée de po- tasse ou de soude : cela suffit pour arrêter Tinversion. Deux- points sont à signaler dans ce mode opératoire : en premier lieu, la dose d'acide sulfurique ajoutée n'était pas quelconque ; c'était celle qui donnait au phénomène son maximum d'activité, et on la déterminait par une opération préliminaire. En second lieu, la lecture au polarimètre ne se faisait qu'après avoir laissé un quart d'heure de repos au liquide alcalinisé. Ces deux pré- cautions opératoires ont de l'importance, mais pour des raisons que nous n'avons pas à développer ici et que nous retrouverons plus tard. , Cette méthode permettait donc de déterminer divers points de la courbe d'inversion. MM. O'Sullivan et Tompson ont re- commencé l'expérience à diverses températures, en présence de quantités variables de sucrase. Ils ont fait varier aussi la con- centration de la liqueur sucrée, la dose d'acide, etc. Ils ont tou- jours trouvé que la courbe obtenue, rapportée à deux axes dont 20 30 +0 50 60 70 80 90 lûO \ 1 \ \ \ \, \ S \J ^^ \ S^ s "\ "-- — 2 4- 6 3 10 12 14^ 16 18 20 22 24 | Fi g. 6. l'un mesurait les quantités de sucre, et l'autre les temps, était une logarithmique, et pouvait s'appliquer presque exactement sur une logarithmique théorique (fig. 6) tracée avec la condi- tion de ne coïncider avec la courbe expérimentale qu'en deux i::(; CIIAlMTlii: \i ituiiils. .111 départ, el on un poiiil (iiielc(>n(|n(' du parcours. Quand la coïncidence avait lion en ces doux points, elle avait lieu partout. MM. O'Sullivan et Tompson ont vu quelque chose de plus, c'est (jno toutes les courbes obtenues, ramenées à la morne échelle, c'est-à-dire amenées à coïncider au départ et on un [)oint de leur parcours, s'appliquaient aussi les unes sur les autres, ce qui prouve que la loi du phénomène est toujours la même, quelles que soient les circonstances de milieu et de tem- pérature, à la condition seule que toutes ces circonstances soient maintenues constantes pendant la durée du phénomène. Toutes ces propriétés, découvertes par l'expérience, s'accor- daient très bien avec les propriétés théoriques do la courbe que fournit la loi de Wilhelmy : m s Cette courbe est une logarithmique, bien définie quand on donne la valeur de S pour /:=0, c'est-à-dire le point de départ de la courbe, et un autre point, c'est-à-dire la valeur de / pour une valeur connue de -, ce qui permet de connaître ;//. On com- prend donc que O'Sullivan et Tompson aient considéré leurs expériences comme confirmatives du raisonnement cjui nous a conduit plus haut à cette équation, et en aient présenté comme démontré le point de départ, à savoir que l'action de la diastase est, toutes choses égales d'ailleurs, proportionnelle à la quantité de sucre présent dans la liqueur, et croît ou décroit avec elle. 103. Expériences de Duclaux. — C'était l'assimilation complète avec l'action des acides. Mais nous avons un autre moyen, moins détourné que l'étude de la courbe, de savoir si cette assimilation est possible. Mettons, comme je l'avais déjà fait en 1883, une même quantité de sucrase, 20 milli- grammes, par exemple, dans 100 ce. de solutions contenant 10, 20 et 40 0/0 de sucre, et exposons le tout à une température de 37" : nous observerons que, pendant les premières heures LOIS Gb:XKHAIj;S l)|-: l/ACTIo.X l)i:s 1)1 \ST.\Si:s i;!7 de raction, les quantités de suci-e interverti dans rnnité de temps ne seront pas du tout, comme dans les cas des acides, inégales, et proportionnelles aux nombres 1. 2 et 4, c'est-à-dire aux quantités de sucre présentes dans la iiqueui'. I^iles seront, fin contraire, égales, à quelques milligrammes près, ce qui prouve qu'une quantité déterminée de sucrase produit son efTet toujours le même, sans se préoccuper, comme les acides, de la quantité de sucre présente autour d'elle, et agit comme une force constante cjui, pendant un temps donné, ne peut produire qu'un travail déterminé. Il est vrai qu'elle n'accomplit pas toujours le même travail. Dans les liqueurs ci-dessus, il y a, au bout de quatre heures à 37", environ 5 grammes de sucre interverti. Si on avait mis la même quantité de diastase dans 100 ce. de liquide ne contenant que o gr. de sucre, on aurait trouvé un résidu assez notable de sucre dans ce dernier essai, après le même temps ; c'est que, pour une cause que nous aurons à étudier, l'action se ralentit à mesure qu'elle se complète. Mais, au début, elle marche du même pas, quelle que soit la quantité de sucre présente, et par conséquent n'est pas proportionnelle à la cjuantité de sucre, comme l'avaient trop hâtivement conclu MM. O'SuUivan et Tompson. 104. Expériences de Dubourg. — Ce n'est pas seulement la sucrase qui se comporte ainsi. M. Dubourg (5) a retrouvé les mêmes propriétés pour une diastase de l'urine cjui trans- forme l'empois d'amidon en g-lucose. En la mettant en con- tact avec de l'empois d'amidon à oO'\ et en mesurant après 2 heures et après 24 heures les cjuantités de glucose formées, il a trouvé les chiffres suivants, exprimés en grammes, pour des quantités d'amidon allant croissant comme les nombres de la première colonne. Glucose apr. '2i heures 1,71 1,73 1,70 1,72 1,70 1,73 1,72 Quantité Glucose d'amidon apr. -2 h. 1 gr. 0,34 2 - 0,33 3 — 0,34 4 — 0,32 5 — 0,3G 8 — 0.30 10 — 0,37 |;l.S • CIIAriTlîi: Mil La corislaiico de ces nombres est roinnrquahlo on ce qu'elle se niainlieiil pour deux intei'valles de temps pendant lesquels l'action a été en se l'alentissant de pins en [)ins, (>t ici encore nous trouvons qu'une (jnantité déterminée de diastase produit toujours le méniceirct, (juelle que soit la quantité d'amidon avec ];i(pi(dle on la met en contact. Il faut donc renoncer à l'hypothèse (|ui a servi de base aux calculs de MM. O'Sullivan et Tompson, et qui semble vérifiée par leurs résultats. Il faut accepter leur conclusion, parce qu'elle est conforme à l'expérience, et repousser leurs prémisses, parce qu'elb^s sont en contradiction avec elle. La cliaine du raisonne- ment se rompt donc quelque part, et ce point de rupture est facile à signaler, (i'est quand MM. O'Sullivan et Tompson ad- mettent que, seule, leur hypothèse conduit à une logarithmique. En réalité, beaucoup d'autres hypothèses conduisent à des cour- bes de cette nature. Pour choisir entre ces hypothèses, il faut opérer à l'inverse de MM. O'Sullivan et Tompson ; il faut les soumettre d'abord à l'expérience, puis les introduire dans une équation, si l'expérience les justifie, et chercher si elles con- duisent à une logarithmique. 105. Réaction des produits formés sur l'action de la dias- tase. — Une diastase qui hydrolyserait dans un temps donné une (piantité constante de sucre, comme nous ont paru le faire, au début de l'action, les diastases étudiées plus haut, donnerait une réaction régulière : la quantité de sucre irait, par exemple, en décroissant proportionnellement au temps, et la réaction serait terminée au bout d'un temps facile à calculer, étant connue la (|uantité /// de sucre, qu'intervertit, dans l'unité de temps, et dans les conditions de l'expérience, la quantité de diastase sur huiuelle on opère. Dans un temps t, la quantité de sucre inter- verti serait ml, et si S était la quantité de sucre initiale, la réaction serait terminée au bout d'un temps T tel qu'on ait S = m T, d'où - LOIS (;km;hali:s \)i: laction I)i:s diastasi-.s i;;;) L'expérience est eiitièrenieiit en désaccord avec cette conclu- sion. La réaction n'est jamais celle (jui résulte de cette hypo- thèse ; très active au début, elle se ralentit toujours à la lin. et le temps de l'action est toujours beaucoup plus long que celui qui résulte de l'équation que nous venons d'écrire. Il faut donc qu'à l'action uniforme de la diastase se super- pose une action retardatrice. Comme on s'attache à ne troubler en rien le phénomène, on ne voit guère, a priori, d'autre cause perturbatrice que celle qui pourrait provenir des produits de la réaction. Essayons donc par l'expérience si ces produits ont une réaction réellement retardatrice. Il n'y a pour cela qu'à faire, avec la même quantité de dias- tase et dans les mêmes conditions de température et de milieu, deux expériences comparatives, dont l'une ne contiendra que la matière sur laquelle la diastase doit agir, et lautre cette ma- tière additionnée des produits auxc|uels donne lieu la réaction. Si ceux-ci ont une action retardatrice, la seconde transformation devra s'accomplir plus lentement que la première. Or, c'est toujours ce qui arrive, et non seulement ce fait a été observé depuis longtemps, mais il a été tout de suite rap- porté à sa véritable cause. Payen avait remarqué que l'action de la diastase sur l'empois d'amidon, qui, en général, ne se termine pas et s'arrête à un niveau déterminé, allait beaucoup plus loin lorsqu'on faisait disparaître peu à peu, en le soumet- tant à une fermentation alcoolique, le glucose formé. Payen ne se préoccupait pas, dans son explication, de l'action possible de la levure, et son interprétation a pu être légitimement contestée par MM. O'Sullivan et Kjeldahl. Mais elle est exacte dans ses traits généraux, ainsi que l'ont montré les expériences de M. Lindet. Dans un moût de grains, saccharifié à refus parla diastase, ce savant ajoute, à 62", la quantité de chlorhydrate de pliényl- hydrazine et d'acétate de soude nécessaire pour précipiter non seulement le maltose déjà formé, mais encore tout celui qui pourrait provenir de la saccharification ultérieure du résidu que I iii CM AiTi r.i': Mil la i)r(Mni(~'i'e dii^eslioii a laissé inutlaquc. La moitié environ de (*r résidu disparaît saccharifié dans cos conditions noiivolles. Datis une aiilre expérience portant anssi snr un moût sacclia- rilié à rel'ns, on divise les liquides en deux parties égales dans les([uelles on précipite des quantités inégales de maltose par la phénylliydrazine. En ajoutant à ces deux moitiés des quan- tités égales de diastase, on voit la saccharitication reprendre dans les deux, et marcher plus vite et aller plus loin dans celui dans lequel on a précipité le plus de maltose. En s'adressant à des substances plus faciles h faire disparaître d'une liqueur que les glucoses, on rencontre les mêmes résul- tats. Ainsi, par exemple, dans l'action de l'émulsine sur la salicine, il se forme de la saligénine qui est soluble dans l'é- tlier, et qu'on peut enlever en agitant avec ce réactif le liquide diastasifère. De même pour l'alcool coniférylique produit par l'action de l'émulsine sur la coniférine. Il existe sur ce point deux expériences de Tammann. Dans l'une, de la salicine_, mise à 26'' en présence d'émulsine, avait été hydrolysée dans la proportion de 83 0/0 et ne dépassait pas ce chiffre ; on agite le li(juide avec un tiers de son volume d'éther, pour enlever la saligénine : 24 heures après, la totalité de la salicine avait disparu. Dans une autre expérience, faite toujours à 26", la proportion de coniférine hydrolysée, qui n'avait pu dépasser 42 0/0, a atteint en 24 heures le chilfre de 60 0/0, à la suite d'un traitement à l'éther. On peut, du reste, au lieu d'enlever les matières produites par la réaction, ce qui l'active, ajouter à l'avance ces matières préparées ailleurs, ce qui la retarde. Toutes ces expériences aboutissent à la même conclusion : c'est que les produits de la réaction ont une influence retardatrice. (ïoinme ils augmentent naturellement à mesure que la réac- tion avance, leur influence augmente aussi, et nous sommes naturellement conduits à nous demander si ce n'est pas à cette influence retardatrice qu'est dû le retard croissant de la réac- tion, et la lenteur qu'elle met toujours à se terminer. Nous ])ouvons même aller plus loin et remarquer que l'introduction Lois (ii;.\i:rvALi:s di; i.actio.n I)i;s diasiasi'.s mi de cette force retardatrice doil nous couduii-e à la même courbe logarithmique que celle sui' la(juelle MM. OSullivau et Tonipsoii ont appuyé leur ari^umeutatiou. Tra(;oiis en elfet (iig. 7) la courbe représentative de la loi de décroissance du sucre en prenant comme abscisses les temps écoulés depuis le commencement de l'expérience, et pour or données les quantités de saccharose encore présentes à chaque instant. La courbe part du point S, représentatif de la quantité s \ S-i NT Nh S V -.-,._ 0 1 r ■ r. i de saccharose initiale, s'abaisse ensuite, rapidement d'abord, plus lentement ^rrs la fin de l'action. A un moment quelconque T, la cpiantité de saccharose non encore transformé est TM=r5', la quantité de sucre déjà interverti peut être représentée par MI = S — s- ; cela posé, la loi de la courbe, si c'est une loga- rithmique, est que la décroissance MN de Fordonnée, quand on passe du temps T au temps Tj. est proportionnelle à la longueur de cette ordonnée, ce qui veut dire, en revenant aux notions concrètes, que la diminution dans la quantité de saccharose est proportionnelle à la quantité de saccharose présent dans la liqueur, ("/est donc, dans cette conception, l'influence décroissante des quantités de sucre non transformé qui com- mande la foi-me de la courbe. Or, cette influence retardatrice pourrait être remplacée par l'influence retardatrice des (juan- \',-2 (:ilAIMT!;|-. Mil tités croissantes de sucre inici'vci'ti, car, la somme MT+MI étani; constante, la loi de décroissance de MT esi la iiicme (jue la loi de croissance de MI. La logarithmique tracée expérimen- talement par MM. O'Sullivan et rom[)Son saccommode donc tout aussi bien de la première conception que de la seconde, (pii a l'avantai^e d être seule d'accord avec rexpériencc. 106. Formule provisoire. — Le langaij;e matliémati(jue permet de préciser ces notions générales, et nous allons pou- voir arriver, en prenant toujours l'expérience pour guide, à une formule de l'action des diastases, autre (pie celle (pie nous avons donnée ))lus haut pour les acides, et plus d'accord avec les faits. Soit à intervertir une solution sucrée contenant une (juantité S de saccharose par nnité de volnme. Appelons /// la quantité de sucre (pie transformerait, dans l'unité de temps, dans les conditions et la température de l'expérience, la quantité de sucrase employée. Nous savons qu'au début de l'expérience, lorsque 1 influence des produits de la réaction est nulle ou en- core faible, l'action a tous les caractères dune action constante, (j[ue les quantités de sucre interverti sont les mêmes j^cndant le même temps, quelle que soit la ({uantité de sucre. Nous pou- vons alors écrire cjue la diminution — Av de la quantité de sucre, si elle ne dépendait (pie de l'action de la diastase, serait proportionnelle au temps, et qu'on aurait : — Av = ?ni^/. L'influence des produits de la réaction est retardatrice, et intervient pour diminuer la quantité m, qui sans cela serait constante, d'une fraction croissante avec la quantité (S — s) de sucre interverti, et qu'on peut, dans une première approxima- tion, lui supposer proportionnelle. En appelant n un facteur qui dépend non de S, mais des conditions extérieures (ju'on maintient constantes, et (]u'on peut dès lors supposer aussi constant, au moins dans une même expérience, la quantité m est donc diminuée de la quantité jjni (S — s), et devient : Lois (ii:M;i5ALi:s \)v: i.actio.x dks diastasiis li;; /// — ///// (S — .s) = /// ; 1 — // (S — s)\. Un a donc, si nos hypothèses sont exactes : — As- ^= )/i\l — /i (S — .s) A/. Ici, une première véritication s'impose. Si cette équation est exacte. As devient égal à zéro, ce cjui veut dire que la réaction s'arrête, lorsqu on a 1 _ ,t (S — >^) = 0, d'où S — .V = - Ceci revient à dire que dans aucune expérience d'interver- sion de sucre, la quantité de sucre interverti ne pourrait dé- passer un certain nombre - . Cette conclusion est entièrement en désaccord ■ avec la réalité. L'expérience apprend en effet, comme nous l'avons vu, (|ue toute interversion commencée se termine, si on lui en laisse le temps. Il y a, il est vrai, des transformations diastasicjues qui ne sont jamais complètes. Mais l'expérience apprend à leur sujet qu'elles s'arrêtent, non pas lorsque la quantité absolue de matière transformée est constante, comme le voudrait l'équation ci-dessus, mais lors- cjue la proportion de matière transformée est constante, ce qui est tout différent. Je ne prendrai pas d'exemple dans l'action diastasique la plus connue sous ce rapport, celle de l'amylase sur l'empois d'amidon, parce que les conditions de l'action sont un peu trop complexes. Mais on peut en demander à l'action de l'é- mulsine sur divers glucosides. Je trouve, par exemple, dans le travail de ïammann visé plus haut, des chiffres qui ont été recueillis pour un autre objets mais qui n'en sont que plus probants pour la thèse que je soutiens. Tammann a fait agir, à 46", une même quantité d'émulsine sur des quantités de sali- cine croissantes comme les nombres 1, 2, 4, 8 et 16, et a trouvé que, au bout de 16 heures et de 24 heures, les proportions de salicine hydrolysée atteignaient les chiffres suivants lii CIlAlMTIih: \lll Salicinc Salicinc h.i (drolysce employée ap. 16 heures. ap. -'i heur 0,ISS 94,2 0/0 94,:2 0/0 0,370 94,. i 94.3 0,752 94,4 94,5 n,:jo3 94,5 9;,4 3,007 9'f,4 94,4 L'aclioli lie s'ai'irt(! donc pas lorsqu'il y a une quantité cons- (ante, mais une proportion constante de salicine décomposée. Gomme c'est la même quantité d'émulsine qui a agi partout, elle était certainement en excès dans les solutions de salicine les plus pauvres, mais l'action n'a pas été poussée pour cela plus loin. Mêmes conclusions pour des solutions de coniférine qui ont été traitées par l'émulsine. Coniférine Coniférine hydrolysée employée. ap. 16 heures. ap. 24 heures. 0,377 43,2 42,3 0,S00 42,0 42,0 Ce sont donc les proportions qui paraissent jouer, quand il s'agit des diastases, le rôle que jodent les quantités absolues quand il s'agit des acides. C'est là une notion qui peut paraître étrange, et nous fait sortir de nos habitudes d'esprit. Mais si l'expérience Fimpose, il faudra bien s'y habituer. Nous sommes confirmés dans cette vue en nous rappelant l'expérience de p. 8, dans laquelle nous avons vu que la même quantité de sucrase, qui donnait o grammes de sucre interverti en 4 heures dans des solutions contenant 10, 20, 40 grammes de sucre, en don- nait monis dans une solution qui n'en contenait que o grammes dans le même volume. C'est que la proportion — 7— du sucre intei'verti au sucre initial était plus considérable dans cette dernière solution que dans les autres. Nous sommes donc con- duits par l'expérience à modifier notre première conception, et à remplacer, dans l'équation écrite plus haut, la quantité S — s ... ^. S — s l)ar la traction — — , ce qui permet d écrire : — A .S' = m (1 — n ^ )A^. LOIS CxÉNÉRALES DR L'ACTION DES DIASTASFS 115 Cette fois, il y a concordance avec l'expérience. La réaction s'arrête lorsque : S — 6- 1 _ ,, __ ^ 0 d'où: ^.Hi^i S n et la valeur de n est môme facile à calculer, on a eu elfct, pour Témulsine et la salicine, et dans les conditions de l'expérience relatée ci dessus : 1 944 ,, , - = -— don // = 1,06. n 100 De même pour l'émulsine et la coniférine : 1 /i2 -=— d'où/? = 2,39. ?i 100 Enfin pour les réactions qui, comme celles de la siicrase sur le saccharose, se terminent toujours, on a .s =^ 0, d'où y^ == 1 . Ici se présente une remarque intéressante. Pour ces réactions, c'est-à-dire quand ?i = 1, l'expression de \s se simplifie, et devient tns Si on la compare avec l'expression correspondante écrite plus haut (100) au sujet de l'action des acides, on voit qu'elle n'en diffère que par Tinh^oduction da rapport - . La diminn- tion de la quantité de sucre dans le temps \t n'est donc pas proportionnelle à la quantité ahsolue de sucre, comme dans le cas des acides, mais proportionnelle à la proportion de sucre encore existant dans la liqueur initiale. Par suite nous n'am'ons pas, comme dans le cas des acides, des actions qui s'accompliront dans le même temps, quelle que soit la dose de sucre, mais des actions qui, étant d'autant plus lentes à chaque instant que les quantités de sucre employé sont plus 10 i;,; CIIAIMTIÎI', VIII fortes, ii-uiil ou aui^iiiciilaul de diin'-o pi-oportioniiellcment à la (loso (lo sucro. Oïl peut (lu l'csle préciser celle notion et la généraliser en se servant du calcul, qui permet, par des voies simples ('( régulières, de passer de Técpuition écrite ci-dessus, et (pii exprime une relation entre des (piantifés infiniment pe- iKes, ;i l'expression des valeurs finies de S et de /. On a en ettet, en ap[)elant, comme plus haut, .v, la quantité de sucre non encore transformé au temps / : S / mnt et m n S — i' 1 — V — : — On voit, dans ces équations, d'abord que nous aboutis sons, comme nous pouvions nous y attendre, à une loga- ritlimi(jue comme avec l'hypothèse de MM. O'SuUivan et Tompson. Dans le cas où y# = 1, la dernière équation peut s'écrire : / = -1 - m s et ne ditl'ère de celle que nous avons écrite plus haut (lOO) que par l'apparition du facteur S, qui n'existait pas dans le cas de faction des acides, et qui nous assure qu'ici la durée de l'action croit proportionnellement à la quantité de sucre. D'une manière gcncrale, si on a plusieurs actions diasta- siques marchant parallèlement dans les mêmes conditions avec des (piaulités égales de diastases et des quantités dif- férentes de sucre, les temps nécessaires pour arriver à des , , S — s proportions égales — — - de sucre transformé seront propor- tionnels aux quantités de sucre présentes, et il en sera de môme naturellement pour les durées totales de l'action. Il est à remarquer que les durées de l'action totale sont toujours données comme infinies par le calcul, qu'il s'agisse des LOIS GENERALES DE L'ACTION DKS DIASÏASES 147 acides ou des diastases. (^omme, dans une loi;aritlimi([ue, la di- minution de l'ordonnée est toujours proportionnelh' à l'ordon- née, elle ne se réduit jamais à zéro. La courbe est asymptote à l'axe des x^ et ne le rencontre qu'à l'infini. Mais prati(jiienient la réaction est terminée quand nos méthodes analytiques deviennent incapables d'en apprécier le progrès, et par consé- quent, pratiquement, la transformation a toujours une tin. BIBLIOGRAPHIE l^oir celle du chapitre suivant) CHAPITRE IX MESTTUE DES CONSTANTES Nous sommes donc arrivés ;\ dos équations qui nous per- mottcnt do comparer à chaque instant les nombres que fournit l'expérience à ceux que fournit le calcul, et par conséquent de voir si les hypothèses que nous avons introduites dans cette étude sont d'accord avec les réalités. Elles se rapportent toutes aux valeurs données à m et à n. Voyons comment on peut calculer ces constantes dans chaque expérience. 107. Étude de la constante n. — On pourrait considérer le problème comme résolu pour n. Nous savons que pour avoir la valeur de ce coefficient, il suffit d'étudier la réaction lors- (juclle est à terme, c'est-à-dire lorsqu'elle est arrivée à la limite qu'elle ne peut pas dépasser, dans les conditions de température et de milieu dans lesquelles on opère. Mais ce qu'il faut bien remarquer, c'est que la valeur de n ne sera une cons- tante que pour des expériences faites dans les mêmes condi- tions, et pourra varier si les conditions de l'expérience chan- gent. Il suffit, pour s'en convaincre, de revenir à la définition de ce coefficient : il représente l'influence retardatrice des pro- duits de la réaction, ou, d'une façon plus précise, la fraction dont est diminuée à chaque instant la quantité m^ définie comme nous l'avons fait plus haut. Si cette fraction était constante pendant la durée d'une expé- rience, on comprend que son influence disparaîtrait ou plutôt deviendrait insaisissable. La réaction serait seulement ralentie mais s'accomplirait suivant la formule : MESURE DES CONSïANTI-:s liO et serait représentée par une ligne droite. Tel serait le cas, par exemple, pour une influence retardatrice existant dès l'ori- gine, et s'exerçant sans subir aucune variation pendant toute la durée de la réactiou. Telle celle du maltose, par exemple, ajoutée au préalable dans de l'empois d'amidon qu'on veut saccharifier. Si la courbe de la réaction était une ligne droite, la présence de ce maltose ne l'empêcherait pas d'être encore une ligne droite, qui serait seulement plus inclinée sur l'axe des temps. C'est au contraire un retard croissant qui nous donne la forme de la logarithmique. Mais ce retard peut avoir diverses origines. 108. Influence des produits de l'action. — Nous avons montré, dans le chapitre précédent, qu'il était imputable parfois aux produits de la réaction, et même qu'il augmentait non pas avec la quantité absolue S — s des produits formés, mais comme leur proportion — -— , et de plus cju'il était j^i'oportion- nel à la valeur prise par cette fraction, qui varie de 0 à 1 lorsque s varie de Sa 0. 109. Influence de l'hétérogénéité de la matière qui se transforme. — Nous verrons bientôt, à propos de l'amidon, qu'il peut y avoir une autre cause de retard et même d'arrêt, lorsque la matière introduite eu quantité S n'est pas homogène, c'est-à-dire est formée de parties inégalement attaquables. Dans ce cas, c'est la partie la plus facilement accessible à la diastase qui est transformée la première. Puis l'action, h mesure qu'elle se continue, s'affaiblit pour deux raisons, d'abord par suite de l'influence retardatrice croissante des produits de la réaction, puis parce que la matière non encore atteinte est formée des parties plus résistantes respectées dès l'abord. Ce défaut d'ho- mogénéité de S n'est pas facile à introduire dans la formule de l'action. Cela n'est heureusement pas nécessaire pour que nous puissions nous faire une idée, en gros, de son influence. i;;0 CIIAlMTr.K IX 110. Influence de la température. — Il est clair, cii outre, (|iie riiilliieiice de la température ne pourra manquer de se faire sentir, sans qu'on puisse j)ourtant en prévoir le sens, sur la valeur de n, qui, représentant une réaction des circonstances extérieures, quelles qu'elles soient, sur une action de diastase, ne peut pas ne pas dépendre de la température ambiante. C'est ainsi qu'il arrivera que des actions qui ne se terminent pas à basse température se terminent à température plus élevée, ou inversement. 111. Réversibilité des phénomènes diastasiques. — Enfin, il y a un dernier cas, c[ue nous aurons à relever lorsque nous nous occuperons de la maltase, où l'influence retardatrice croissante des produits de la réaction pourra tenir à une toute autre cause, à ce qu'on arrive à un état d'équilibre réversible. 11 suffit, pour se faire une idée de ce qui se passe alors, de se rapporter au phénomène tout à fait analogue de l'étliérifica- tipn, si bien étudié par Berthelot et Péan de Saint-Gilles. Quand on met dans de l'eau un éther, il se décompose avec absorption de une ou plusieurs molécules d'eau, et par un mé- canisme chimique tout à fait analogue à celui qui acom pagne l'interversion du sucre : C/tP.C/H'O^ + IPO = C=tPO + C-IVO' éther acétique alcool acide acétique G'^l-P^O" H- IPO = C'^I-P^'O^ +C/1P''0*^ saccharose d-glucose d-fructose Seulement, dans le cas de l'éther, la décomposition s'arrête quand il y a dans le liquide nue certaine proportion d'alcool et d'acide libre. Inversement, si on met dans le liquide cet alcool et cet acide libre, ils se recombinent et donnent une réaction inverse, limitée aussi, comme la première, de sorte que les proportions relatives de l'éther, de l'alcool, do l'acide et de l'eau sont les mêmes, une fois l'équilibre atteint, que l'on soit parti de 1 éther comme point de départ ou du mélange d'alcool et d'acide. La limite commune des deux réactions contraires MESURE DES CONSTANTES i:il est lu même, et dépend des proportions relatives des corps mis en présence. La réaction entre l'acide et l'alcool, lorsqu'on les prend pour j)oint de départ, et qu'on les mélange dans les proportions qui constituent l'éther, c'est-à-dire en proportions moléculaires, ou la décomposition de l'éther, lorsque c'est par ce côté là qu'on arrive à l'équilibre, doit donc s'accomplir suivant la loi loga- rithmique, la limite de la réaction correspondant à une valeur déterminée du rapport — —— , où S — y peut être considéré comme représentant la quantité d'éther déjà décomposée, et S la quantité initiale. Si des actions analogues peuvent se pro- duire pour les diastases^ nous aboutirons là aussi à un état d'écpiilibre, difTérent de cenx que nous avons envisagés jusqu'ici en ce qu'il pourra être atteint de deux côtés, soit par voie de dislocation d'une manière complexe, soit par voie de reconsti- tution des matériaux plus simples provenant de cette disloca- tion. Il pourra donc y avoir des actions diastasicjues aboutissant à une limite et non réversibles. Telles sont d'après Tammann, qui a eu le premier l'idée de les étudier à ce point de vue, les diverses actions auxquelles préside l'émulsine. Mais il pourra aussi y avoir, comme vient de le montrer M. Hill, des actions diastasiques réversibles, une diastase provoquant la dislocation d'un bisaccharide en deux sucres, une autre diastase ou la même provoquant la recombinaison des deux sucres séparés, avec élimination d'une molécule d'eau. Ces phénomènes chimiques, réversibles à la faron des phé- nomènes physiques, ne sont possibles, comme on sait, qu'à une condition, c'est qu'à la température où ils s'opèrent, la réaction d'équilibre ne dégage que peu ou pas de chaleur. Si elle n'en dégage pas, l'état d'équilibre est sensiblement indépendant de la t^fip^érature : c'est le cas de l'éthérification. Si elle en dé- gage peu ou en absorbe peu, l'état d'équilibre varie avec la température. Tel est le cas pour les actions de diastases. MM. Brown et Pickering ont, en effet, mesuré d'une façon précise la chaleur d'hydrolysation pour le saccharose interverti j52 CIIAlMTin-: IX uiw 1.1 siioraso. et celle de raniidoii soliible saccharifié par la diaslaso du malt. Nous verrons, à propos de l'histoire particu- lirro de chacune de ces diastases, comment ils ont opéré. Je me coii lente ici de donner leurs résultats. Ils ont trouvé les jinnd)rcs suivants exprimés en petites calories : Pargr. Pour Ci2H220ii(3/i3) 2,6 889 11,21 3833 Chaleur de transform. de l'amidon soluble en maltose. » du saccharose en sucre int. . . . Le nombre est faible pour l'amidon. On peut en conclure que la réversibilité sera théoriquement plus facile pour lui que dans le cas de l'inversion du saccharose, et pour ce dernier plus facile que dans le cas de la fermentation alcoolique du sucre interverti, où la chaleur de transformation, exprimée au moyen de la même unité, serait de 33.000 environ. En résumé, c'est l'action terminée qui nous donne n ; c'est l'action à ses débuts qui va nous donner m. lis. Mesure de la constante m. — Considérons, en effet, l'action à ses débuts, au moment où le facteur /i (S — .s) est encore négligeable. Pendant quelque temps l'action progresse proportionnellement au temps, et on a : — ^s = mAt La valeur de m a, dans ces conditions, une représentation géométrique très simple. Soit, en etiet, SA [ï\^. 8) la courbe de l'interversion. Dire que l'ordonnée diminue proportion- nellement au temps, c'est dire qu'à l'origine, sur une certaine longueur SM, la courbe se confond avec une ligne droite ST. On Aoit alors c[ue : en appelant a l'angle de la droite ST avec l'axe des temps. 11 est d'ailleurs évident que la droite ST est la tangente à la courbe, h son origine. Nous arrivons donc à cette conclusion que la valeur du coefficient m, qui, seul, dans l'équation de MESURE DES CONSTANTES 153 la logarithmique, mesure l'action de la diastase, est la tan- gente de l'angle que fait avec l'axe des temps la tangente à l'origine de la courbe d'interversion. Le tracé empirique d'une tangente comporte toujours beau- coup d'incertitude, surtout sur une courbe déterminée par points. Il arrive heureusement, d'ordinaire, que la courl)e se confond assez longtemps avec sa tangente pour qu'on puisse déterminer deux ou plusieurs points du parcours commun, ce qui revient à dire que l'action à ses débuts reste proportion- nelle au temps pendant une période suffisante pour que l'on puisse faire plusieurs déterminations. Si elles sont concordantes, c'est-à-dire si elles s'échelonnent sur une même droite, le tracé de cette droite sera facile. On sera d'ailleurs averti du moment où intervient l'influence perturbatrice des produits de la réaction par celui où la courbe se détachera nettement de sa tangente à l'origine. On trouve, disséminées dans divers mémoires, même dans ceux qui ne les cherchaient pas, des preuves de cette pro- portionnalité de l'action au temps. Mayer et moi l'avons, je crois, observée les premiers indépendamment l'uu de l'autre. Mayer s'est servi d'une solution très étendue de sucrase, qu'il a mélangée à une solution de sucre de canne à 10 0/0. Il a dé- -l-ii CIlAlMTIil': IX tciluilié iiniiK'diatenieul, puis à divers intervalles, les qucintités totales de sucre interverti, et il eu a déduit les quantités de sucre iiilerverti [)ai' heure pendant chacun des intervalles consi- dérés. L'expérience a donné les chitfres suivants : Sucre inter' i-erU pour 100 Temps en tolalilé par heure 0 1 » 1 heure 1,6 » 17 h. 1/2 18,2 1,0 22 h. 1/2 23,4 1,0 44 h. 39,8 0,8 95 h. 66,2 0,5 120 h. 74,4 0,33 145 h. 83,2 0,33 On voit que, pendant les 20 premières heures, la quantité de sucre interverti par heure est à peu près constante, et que la pro[)ortionnalité n'existe plus dès qu'il y a environ 2o 0/0 du sucre interverti. J'avais trouvé de mon côté que la limite était 8 0/0 pour des solutions à 30 et 40 0/0 de sucre. Mais l'impor- tant n'est pas le moment où la proportionnalité cesse, c'est qu'elle existe pendant une durée assez longue pour qu'on puisse faire plusieurs observations concordantes propres à assurer la valeur de m. Nous pouvons trouver, dans le mémoire cité d'O'Sullivan et Tompson, un autre exemple, intéressant parce que la transfor- mation y a été rapide. Les nombres qui suivent se rapportent à l'inversion, à 15", 5, d'une solution à 20 0/0 de saccharose, con- venablement acidulée. Le tableau donne les intervalles des prises et les proportions de sucre interverti. Au début 0, oj 'o de sucre interverti ap. 5 minutes 3,1 — \Ty — 9,8 — 30 — 19,2 - 57 — 33,6 — 90 — 45,8 — 120 — 58,5 150 — 67,4 — 210 — 79.8 240 - 84,4 — 270 — 87,3 — 430 — 95,1 1 470 — 00.2 48 lieures 100,U MESURE DES CONSTANTES . 155 Nous avons doiiiié la série à peu près complète des détermi- nations comme exemple d'une étude bien faite, et pour montrer qu'une action qui marche vite à ses débuts peut être longue à se terminer. Pour le moment, nous ne prenons cle ces chift'res que les premiers, qui montrent que pendant la première demi- heure, et jusqu'à ce qu'il y a eu environ 20 0/0 du sucre in- terverti, l'action a été à peu près proportionnelle au temps. La quantité de sucre interverti par minute dans les condi- tions de Texpérience qui précède, ou la valeur de nu est facile à calculer. La liqueur contenait par 100 ce. 20 grammes de sac- charose dont 3,1 0/0, soit 0 gr. 62, ont été intervertis pendant les 5 premières minutes ; cela donne 0 gr. 124 par minute. On trouverait de même 0 gr. 13 pour le premier quart d'heure. 0 gr. 128 pour la première demi-heure. Puis les nombres dé- croissent de plus en plus, mais ils sont assez bien déterminés pour cette première période. Nous pouvons donc désormais tabler sur une détermination assez précise de la valeur de m. Elle est ici égale à 0 gr. 127. 113. Influence de la quantité de diastase. — Eu simpli- fiant, comme nous venons de le faire, l'étude de l'action d'une diastase, et en la réduisant à celle de l'inclinaison d'une droite sur l'axe des temps, nous allons pouvoir rendre intuitives quelques notions importantes que le calcul viendra du reste confirmer. Soit S T (fîg. 9) la tangente à l'origine de la courbe d'interver- sion d'une quantité OS de la saccharose. Le point T auquel elle vient couper l'axe des temps est la durée / qu'aurait le phéno- mène s'il n'était pas troublé par l'intervention des produits de la réaction, et s'il marchait constamment avec sa vitesse originelle. On a en efiet : OS s m = tcjrj. = -^=-. Imaginons maintenant que, sans rien changer à la tempéra- ture et aux conditions de l'expérience, nous ayons opéré sur un d;jC) CIIAPITIIK IX poids tic sucre double, dissous dans la même quantité de liquide et avec la môme quantité de diastase. Notre courbe partira d'un point plus élevé S', tel (pie OS' = 2 OS. Et comme l'action d'une diastase an dépari ne dépend .00 » 2,57 » On voit que tant que l'action reste à ses débuts, la quantité de sucre produit reste proportionnelle à la quantité de diastase. Cette loi ne se vérifie pas pour toute la durée de la réaction, mais nous savons qu'elle ne peut plus être vraie dès qu'inter- vient l'action perturbatrice des produits foi'més. Ce qu'il faut alors comparer, ce ne sont pas les quantités d'action pendant le même temps, mais les durées de quantités d'action égales. C'est pour avoir oublié cette notion essentielle que Kjeldahl, Mayer, ont échoué dans leurs tentatives pour mettre en évi- dence cette proportionnalité. C'est parce que MM. O'Sullivan et Tompson avaient adopté le mode d'évaluation signalé plus haut qu'ils ont pu vérifier la loi dans des limites beaucoup plus étendues. Ils ont en effet mesuré^ aux températures de 15°, 5 et de o()°,o, les durées nécessaires pour qu'une solution de sucre arrive au zéro dans l'appareil de polarisation, en présence de quantités variables de sucrase. Ce passage par le zéro correspond, nous l'avons dit, à l'interversion de 74 0/0 du sucre. Voici les nom- bres qu'ils ont obtenus : en A, ce sont les nombres bruts, 11 |,;.2 CIIAIMTIÎI''. IX ôvaliK'S en inimités ; en J{, on trouve les produits des deux nombres qui représentent la quantité de sucrase et la durée de l'aclion. Les solutions sucrées étaient ;ici(l:ilées de façon à donner Fiiction la plus rapide possible. n'iiipcralure. Sucrase. A B 'i5o,r; 0,15 gr.immcs. 283 niiiuites. 424,5 » » 0,45 — •V.,8 — 426,6 » » 1,50 — 30,7 — 460,5 560,5 0.0345 — 157,6 — 54,4 » » 0,0722 — 74,8 — 54,0 On voit que, surtout pour la température de 56", le produit ;/// de la quantité de diastase par la quantité d'action est con- stant. Or, quand, comme dans ce cas, il y a eu intervention des produits de la réaction sur sa marche, il faut, d'après l'équation : mt = - 1 S il — .S — s pour que le produit ml soit constant pour des quantités — ; — d'action égale, que u le soit aussi. Voilà donc vérifiées deux des hypothèses sur lesquelles nous avons basé toutes nos déductions. 118. Etude de la présure. — Cette proportionnalité inverse entre la dose de diastase et la quantité d'action se vérifie très bien aussi, et sans tant de difficultés, pour la présure : elle se vérifierait sûrement aussi pour les autres diastases coagulantes, parce que, avec elles, les produits de la réaction ne peuvent reiitraver, puiscpi'ils prennent l'état solide. La difficulté est de trouver un terme délini à la réaction. Avec le lait, on y arrive assez facilement quand on le coagule dans des tubes à essai ou des flacons allongés. Le lait forme, une fois coagulé, une masse solide qui reste adhérente au vase quand on le renverse. Dans un vase plat, le moment de la coagulation peut être aussi exactement apprécié en enfonçant dans la masse la lame d'un couteau ou le doigt. La boutonnière formée doit MESURE DES CONSTANTES iCV.i avoir des lèvres nettement coupées, et le liquide qui s'y réunit doit être transparent. Quand on opère à température constante, et qu'on ajoute à du lait des quantités inégales de présure concentrée, on obtient pour la durée de la coagulation des chitl'res variables qui sont en raison inverse des quantités de présure introduites, comme l'avaient remarqué, les premiers, MM. Segelcke et Storch. L'expérience suivante donne une idée de la précision avec laquelle la loi se vérifie. Dans mes expériences, la présure employée était de la présure de Hansen, de Copenhague. On en a mis la même quantité, 1 ce, dans les volumes de lait indiqués, en ce, dans la première colonne. La seconde donne les durées de coagulation de ces mélanges divers à la température de 36°, o. La troisième donne le produit mt de la proportion de diastase par le temps de coagulation. ileurs de m. T. de coag ;uIalion. Produit mt t/24,000 240 minutes. 100 1/12,000 44 — 275 1/8,000 30 — 266 1/6,000 21.30" 270 1/4,000 15' 266 t/3,000 iV 273 1/2,000 7.30" 266 1/1,500 6.20' 240 i/500 4.20" 120 4/250 3.30" 80 1/173 3.20" 40 On voit que la loi se vérifie bien pour des volumes de lait compris entre 2.000 et 12.000 fois le volume de présure, mais qu'en deçà et au delà de ces limites, elle cesse d'être exacte. Cela tient à des causes diverses connues sur lesquelles je reviendrai. Pour le moment, ce qui doit nous frapper, c'est que la loi se vérifie d'une façon aussi précise pour une action dias- tasique aussi différente de celle des diastases liydrolysantes. Lœrcher est arrivé aux mêmes résultats en ajoutant à du lait des solutions étendues de présure, employées aux doses de 0,01 ce. à 1 ce, dans 10 ce de lait chauffé et maintenu à 37". Voici les nombres obtenus rangés en série. La série de I(i', CIIAI'ITIJI': IX (li'oilo est olitcnuc avec des proportions de présure décuples de celle de gauche, et on a calculé pour chacune des expérien- ces le produit mt. Doses de Temps de Pioduil Doses de Temps de l'roduit présure coagul. mt. présure coagul. lut 0,01 c. c. non ol)s. 0,1 c. c. 4:5 4:^0 0,02 245 min. 490 0/2 24,5 490 0,03 155 465 0,3 16 480 0,04 126,5 485 0,4 12,5 500 0,05 92 460 0,5 10 500 0,06 78 468 0,6 8,75 525 0,07 69,25 485 0,7 8,16 561 0,08 63 504 0,8 7,5 600 0,09 56 50 i 0,9 6,7 603 0,10 43 430 1,0 6 600 Il y a dans ces nombres des irrégularités singulières, le phénomène étant certainement régulier et continu, mais on voit encore que, dans la zone moyenne, pour des proportions de présure qui ne sont ni trop fortes ni trop faibles, la loi se vérifie bien. 119. Expériences de O Sullivan. — Nous pouvons enfin donner une vérification en bloc de la formule générale . s , m n , S 1 — ;^ - en recourant à des expériences de O'Sullivan faites dans des conditions où on pouvait ne pas s'attendre, a priori, à voir une telle loi apparaître. Ce savant a observé, et c'est un point sur lequel nous reviendrons, qu'une levure de Bass fraîche et saine, mise en suspension dans l'eau, n'y laisse pas transsuder de sucrase, ou presque pas. Mise en contact avec une solution de sucre, elle l'intervertit pourtant, et même avec quelque rapidité ; mais cette interversion est un phénomène intracel- lulaire, ou au moins ne s'accomplit qu'au contact de la cellule, car si on filtre le mélange avec assez de soin pour qu'aucun globule de levure ne traverse le filtre, toute interversion s'ar- MESURK DKS COXSTAXTKS lOo rète dans ]e liquide filtré. Il ne contient donc pas de sucrase soluble. De plus^ pendant les premières heures du contact de la levure et du sucre, il n'y a pas d'alcool produit. On peut donc admettre que tout se passe comme si, en introduisant de la levure dans de l'eau sucrée, on y introduisait autant de centres d'action diastasique qu'il y a de cellules. En maintenant celles-ci en suspension par un courant d'air, qu'on peut du reste remplacer par un courant d'acide carbonique, on assure leur égale répartition dans le liquide et l'homogénéité du système. La levure hydrolyse peu à peu le sucre à l'aide de la diastase toute faite qu'elle contient, et ne semble pas en fabriquer de nouvelle dans un liquide où elle ne rencontre que du sucre. Quoi qu'il en soit^ on voit apparaître, dans ces con- ditions nouvelles et singulières, la loi écrite plus haut. Elle se simplifie en ce que, pour le sucre et la sucrase, la valeur de /i, comme nous l'avons vu, est égale à l'unité. On a donc l'équation : m s Chose curieuse, M. O'Sullivan ne songeait pas à vérifier cette formule dans ses essais, mais bien la formule : m s à laquelle le conduisait sa conception du phénomène (102). Il a donc mesuré, à divers intervalles, t, S, .s", et de ces mesures il a tiré les valeurs de m. Dans sa conception et d'après sa formule, ces valeurs eussent dû croître avec la proportion de levure, et être indépendantes des doses de sucre comme elles le sont dans le cas des acides. Il trouve au contraire, et il remarque lui- même qu'elles varient en raison inverse des quantités de sucre, la quantité de levure étant la même, de sorte qu'on a : , /// m = - . S C'est donc en réalité la formule que nous avons proposée (pii ressort de l'expérience, et non celle de O'Sullivan. iOfi CIIAPITIIK IX Poui' donner une idée de l'approximation avec laquelle elle se vérifie, nous allons citer les résultats de deux expériences comparatives faites avec la même levure, mise en contact avec des solutions de sucre à des titres variés : 5, 10, 20, 30 0/0. Dans chacune de ces liqueurs, on mettait 0 gr. 5 et 1 gramme de levure, qu'on maintenait en suspension à l'aide d'un courant d'air. Au bout de 30, 00, 120 minutes, on prélevait un échan- tillon qu'on étudiait au polarimètre. On avait donc, pour chaque cas, les valeurs de *f. S, s, et on en tirait, pour chaque expé- rience, trois valeurs assez concordantes de ?)i' f t S m = - 1 - . t s C'est la moyenne de ces valeurs de m' qui est donnée ci-des- sous pour les 3 liqueurs sucrées additionnées de 0 gr. 5 et de 1 gramme de levure. Séries Sucre Levure Valeur de >«' Valeur de »;'S = 7)1 5 o/o Ogr.5 0,0027 0,000135 1 Kr. 0,0057 0,000285 10 o/o 0?r.5 0,0013 0,0001.30 t pr. 0,0026 0,00026 20 o/o 0?'-.5 0,0007 0,000140 1 gr. 0,0012 0,00024 30 o/o 0g'-..5 0,00035 0,000105 1 P-. 0,0006 0,00018 5 o/o 0gr,8 0,0045 0,00022 10 o/o 0g"-,8 0,0022 0.00022 20 o/o 0g>-.8 0,0010 0,00020 X On voit que la loi apparaît nettement an travers de la com- plication de l'expérience et de la délicatesse des mesures. La quantité m croît prop')rtionnellement à la quantité de levure ou de diastase. La vérification est moins bonne pour les solu- tions sucrées à 30 0/0. Mais O'Sullivan remarque que pour cette concentration, la cellule de levure se contracte et réduit son volume de 1/5 environ. En outre la liqueur est visqueuse. Il n'est donc pas étonnant que l'action diastasique faiblisse dans ce cas. Ce qui est étonnant, c'est qu'une loi faite et écrite pour une réaction entre des substances solubles se retrouve aussi exacte MKSIIRK DFS CONSTANÏKS 107 pour une réaction où entrent dos cellules vivantes. Ceci nous prouve que tout ce qui précède est vrai, non seulement dans le domaine de lu chimie^ mais dans celui de la physiologie, et qu'il y a des échang-es cellulaires qui peuvent se comporter comme des réactions purement chimiques. ISO. Expériences de Moritz et Glendinning, — Enfin, je signalerai une dernière conséquence, d'accord à la fois avec la théorie et avec l'expérience. Supposons que dans une action diastasiqne où ?i est plus grand que l'unité, et où la valeur maximum de S — \ est donnée, comme plus haut, par l'expres- sion : S — 6- i_ S )i on ajoute, une fois la réaction arrêtée à ce terme, une quantité nouvelle de la substance transformable par la diastase. Il est clair que la réaction va reprendre, et que la portion ï ajoutée va se tranformer jusqu'à ce qu'il en reste une quantité finale / telle que : T — ^ _^ 1 T ~n de sorte que la réaction s'arrêtera de nouveau à son terme initial, si on maintient constantes les conditions dans lequelles elle s'accomplit du commencement à la tin. On a donc ici le fait curieux d'une diastase qui reste inerte aussi longtemps qu'on voudra, dans la première partie de l'expérience, alors qu'il reste encore la quantité s de matière à transformer, et qui recom- mence à agir lorsqu'on lui donne à digérer de nouvelle matière en tout analog'ue à s. C'est au moins ce qui résulte de nos formules. Or la réalité du fait résulte d'une foule d'observations déjà faites, parmi lesquelles je relèverai comme les plus concluantes celles de MM. ]\Ioritz et Glendinning sur la saccharification de l'amidon. Une fois cette saccharitication à terme à une température quel- conque, par exemple 52", ils la partagent en deux moitiés dont 108 CIIATITIîK IX ruiic ost réservée pour ranalysc. Dans l'autre, ils mettent une quantité d'empois d'amidon égale à celle qu'elle contenait pri- mitivement, et recommencent la saccliariiication h 52". Il n'y a de diastase que la moitié de celle qui existait primitivement, et qui semblaiT; inerte. La saccharificatiou recommence pourtant. Au bout de 2 heures on opère sur ce second liquide comme sur le premier, c'est-à-dire avec le quart de la diastase initiale, et le quart de l'empois d'amidon initial. Les saccharifications deviennent de plus en plus lentes, car la diastase travaille de plus en plus en présence des produits de son action, mais elles aboutissent au même terme, ainsi que le montrent les chiffres suivants, qui sont les pouvoirs réducteurs de la matière en solution dans les liquides, rapportés à ce qu'ils seraient si cette matière était du dextrose. Toutes les corrections ont été faites pour le sucre appointé par le malt, et les autres petites causes d'erreur du procédé opératoire : lie Conversion 48,7 2e — (faite avec la première) 48,6 .3« — (faite avec la seconde) 48,4 121. Diastases réversibles. — Ceci suppose évidemment que la limite atteinte, c'est-à-dire la valeur de n, est indé- jiendante de la concentration de la liqueur. S'il arrive que n augmente avec la concentration, et il faut bien qu'à partir d'un certain degré elle augmente puisque des liqueurs con- centrées ne s'intervertissent plus que faiblement, il y aura une limite à l'action de la diastase pour un certain degré de con- centration. Admettons qu'elle soit de 90 0/0. Sitôt cette limite atteinte, l'addition d'une nouvelle quantité de matière hydro- lysable sera sans ctfet. L'addition d'une nouvelle quantité d'eau élèvera la limite puisqu'elle diminuera la concentration : l'addi- linri d'une nouvelle quantité de la matière hydrolysée l'abais- sera [)uis(ju'ellc augmentera la concentration. Or, pour qu'elle l'abaisse et la fasse passer, par exemple, à 80 0/0, il n'y a guère qu'une voie ouverte, c'est que 10 0/0 de la matière déjà hydrolysée reprennent l'état avant l'hydrolyse, c'est-à-dire que MESURE DES CONSTANTES 169 raction marche en sens inverse. Ce sont les mêmes phénomènes que dans l'éthérification, que nous avons déjà signalés plus haut. Dans une liqueur où l'éther a atteint un certain degré de décomposition, une addition d'eau augmente ce degré, une addition d'alcool et d'acide en proportions équimoléculaires l'abaisse, c'est-à-dire qu'une partie des acides et de l'alcool an- ciennement produits, ou nouvellement ajoutés, ce qui revient au même, se recombinent à l'état d'éther. Telle est, sans doute, la chaîne des raisonnements qui ont conduit M. Hill à sa brillante découverte de l'action des dias- tases réversibles, sur laquelle nous reviendrons à propos de l'action de la maltase. On voit, en tout cas, que ce fait nou- veau et important rentre tout naturellement dans le cadre des notions que nous venons de développer. En résumé, il m'a paru que les formules que je propose comprenaient et expliquaient tous les faits connus. Elles sont en outre assez simples, malgré leur complication apparente, et en outre elles reposent sur des notions faciles à saisir. C'est pour cela que je les propose avec confiance aux savants que préoccupent les difficiles questions de diastase, qui ont englobé l'étude des toxines et des A^enins, et n'en sont devenues que plus urgentes à résoudre. BIBLIOGRAPHIE WiLHELMY. Pofig. Ann. 1" S., t. 81, p. 41R. OSTWALD. Journ. f. prakt. Ckemie, Ile s., t. 29, p. 285. O'SuLLiVAN et ToMPsoN. Iiivertase, contribution à l'iiistoire d'un enzyme. Journ. ofchem. Soc. t. Il, 1890. DucLAUX. Microbiologie, p. 165, 1883. DuBOURG. L'amyiase de l'urine. Thèse de Paris, 1889. Payex. Ann. de ch. et de phys. IV^ S., t. IV, p. 286. O'SuLLIVAN. Jonni. of. chem. Soc, t. 324, p. 493. KjeldahL. Comptes rendus du laboratoire de Carlsbenj, p. 148, 1879. LiNDET. Observations sur la saccharification par la diastase. Comptes rendus de VAc. des sciences, 4 mars 1889. Tammann. Sur les ferments non figurés. Hoppe-Seyler's Zeitschrift, 1892. Barth. Ber. d. d. chem. Geselhch., t. 11, p. 474. 170 CIIAPITIIK IX PaschUTIN. Heichert's, Dubois-Rcymond Arcliiv., 1871, p. 359. LORCHER. Uber Labwirkung. PfJw/er's Archiv., t. 99, 1897. Maykr. Enzymologie, 1882. DUOLAUX. Mémoire sur le l.iit. Amm/cs de l'ImlUnl nrjronomique, 1879-18^0. MORITZ et Glendinning. Note on diastatic action, JoudmI of ihechcm. Suc. 1892, p. 680. BaoWN et PiCKERiNG. Journ. of Ihe chem. Soc, 1897, p. 783. lIiLL. /'/. Juillet 1898. CHAPITRE X INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE SUR LES ACTIONS DIASTA- SIQUES Les lois indiquées au chapitre précédent nous permettent de faire avec précision l'étude de l'influence de la tempéra- ture sur l'action diastasique. Cette action se compose, nous l'avons vu, de deux phénomènes superposés. Si les produits de la décomposition étaient éliminés au fur et à mesure, et si les autres, causes de retard n'existaient pas, l'action diastasique serait proportionnelle au temps et à la quantité de diastase, et on aurait, en se servant des notations du chapitre précédent, la relation : — ^s =z — arf^f, où — \-^ est la diminution, pendant le temps A^, de la matière décomposable par la diastase, d la quantité de dias- tase évaluée au moyen d'une unité arbitraire de jjoids ou de volume, et a la quantité de matière que peut transformer dans l'unité de temps, dans les conditions et à la tempé- rature de l'expérience, cette unité de poids, arbitrairement choisie, de la diastase. A cette action de la diastase vient s'opposer l'action crois- sante des produits de la décomposition, qui retarde de plus en plus le phénomène et lui donne les allures d'une courbe lo- garithmique. Si même cette action inverse est assez puissante, elle peut arrêter la transformation avant qu'elle ne soit com- plète, et c'est là un fait que nous retrouverons; c'est la va- leur du coefficient ;? qui donne à la courbe de l'action, non sa forme générale qui est toujours celle d'une logarithmi- 17:) CIlAl'ITr.K X (|ii('. mais ses allures i)ar(iculières. Klle a donc une grande iinpnrljiiice dans le ])liéiioni("'ne. Cela posé, nous voyons que l'influence de la température sur les actions diastasiques est nécessairement double aussi. Elle peut se manifester soit sur la valeur de «, ou sur celle de n, et nous sommes obligés naturellement de faire séparé- ment ces deu\ études. 1S2. Influence de la température sur la constante a. Méthodes de mesure. — Deux moyens simples se présen- tent de mesurer les variations de a avec la température. Si on se borne aux premiers temps de l'expérience, à la période pendant laquelle l'action retardatrice des produits formés est encore négligeable, nous avons vu que la courbe se confond avec sa tangente à l'origine, et qu'on a : S — s=a.d.t en appelant S — y la quantité de matière transformée dans le temps / pendant cette période ; on aura donc : S — .v d.i et cette formule nous donne tout de suite un procédé opé- ratoire. On mettra des quantités égales de diastase en contact pendant le même temps avec une quantité de matière liydro- lysable assez considérable pour que la transformation n'en atteigne environ, pendant ce temps, que 1/10 à 1/5 suivant les cas, et on mesurera la quantité d'action S — 6 à diverses températures. La valeur de a sera proportionnelle à S — s. Une variante, moins facile à appliquer, consiste à s'arrêter au contraire quand il y a la même quantité S — s de matière transformée, et à évaluer le temps nécessaire. La valeur de a est aloi's en raison inverse des temps employés à produire une même quantité d'action à diverses températures ; cette re- marque lie, comme on va le voir, cette première méthode à la seconde, que voici.. INFLUENCE DE EA TEMPERATURE 178 Elle consiste à ne pas se [)1'(''occii[)(M' d'arrêter l'action avant qu'elle ait cessé d être proportionnelle au l(Mnps. Supposons pour simplifier que nous nous adressions à une action dias- tasique qui se termine, et pour laquelle /< =r 1 . Nous savons qu'alors on a : S - S / = — l - a.fl s d'où on tire S , S « = — 1 - d.t s De cette formule on peut déduire aussi un mode opératoire. On fera agir des quantités égales de diastase sur des quan- tités égales de matière transformable à diverses températures et pendant le môme temps. La valeur de a sera alors pro- portionnelle au logarithme népérien ou ordinaire du rap- port - à ces diverses températures. Nombreux sont les cas dans lesquels cette loi a été appliquée d'une façon inexacte. Ainsi par exemple on a souvent calculé la valeur de a comme proportionnelle à la quantité S — s de matière transformée à diverses températures : cela revient, comme on voit, à confon- dre des nombres avec leurs logarithmes, car / - = /S — Is. s Cela n'est permis que lorsque les nombres sont très voisins, c'est-à-dire au commencement de l'aclion, et alors nous re- tombons sur notre formule de tout à l'heure. Mais on n'a plus ce droit quand la transformation est un peu avancée. Il y a un autre moyen d'opérer, c'est de s'arrêter dans tous les cas lorsque —a pris une valeur déterminée, toujours la même, et à mesurer les temps nécessaires pour cela. C'est la méthode que nous avons vu adopter par MM. O'SuUivan et Tompson. Elle revient évidemment à celle que nous indiquions tout à l'heure, mais elle est beaucoup plus générale, puisqu'elle n'im- plique aucune restriction sur le niveau auquel il faut arrêter 17i CHAPITRE X l'action de la diastasc. Elle s'ai)pli(]iie même, comme on le voit, facile m eut, aux cas où n est plus grand que l'unité. Vovons maintenant ce (jue donne rapplication de ces mé- thodes. iNous ne prendrons dans cette étude générale que les cas où les résultats sont nets et précis. 11 faut bien com- prendre les cas simples avant d'aborder les cas compliqués, qui iigureroni mieux dans les histoires particulières des dias- tases qui les présentent. 133. Présure. — iXous commençons par la présure pour deux raisons. D'abord l'importance industrielle de la coagula- tion du lait par la présure a fait étudier ce phénomène avec soin, et donne de l'intérêt aux nombres trouvés. Puis l'action de la diastase présente ce caractère que ses progrès sont dif- ficiles à apprécier, tandis qu'on voit très bien c[uand elle est arrivée à bout. La présure dans le lait reste inaperçue aux premiers moments de son introduction. Puis le licjuide de- vient de plus en plus muqueux, et il finit, quand la tempé- rature est convenable, par se prendre en une masse porce- lanique dont nous avons donné plus haut (118) les caractères. C'est à ce terme qu'on s'arrête par convention. 11 est facile à apprécier, et on se retrouve alors dans les conditions vou- lues tout à l'heure. La valeur de «, à diverses températures, est en raison inverse des temps nécessaires pour amener à bonne coagulation. Les premiers nombres un peu précis, introduits dans la science à ce sujet, l'ont été par M. Fleischmann, qui a opéré sur un lait additionné de un millième de présure à diverses températures. Le tableau ci-dessous donne les durées de coa- gulation de ce lait avec cette présure et les diverses valeurs de a calculées en fonction de la valeur à 41" prise comme étant égale à 100. INFLUENCE DE LA TEMPERATURE 175 Durée Températures de coagulation. Valeurs de a. Observations. min Aucune coagulation ne! te. Coagulurii ti'ù.s inou. Coagiilum à peu près hou. (ioaguluin l)on. Sérum limpide. Températures habituelles de coa- gulation dans les laiteries. loo M )) 20 32,17 \H 2o 14.00 44 30 8,47 71 31 8.13 74 3-2 7.79 77 33 7,47 80 34 7,19 83 3o 6,9o 86 36 6,74 89 37 6,5o 92 38 6,39 94 39 6,26 96 40 6,15 98 41 6,06 100 42 6,12 98 43 6,24 96 44 6,44 93 45 6,74 89 46 7,16 84 47 7,72 78 48 8,44 70 49 10.00 60 30 12,00 3C Température du maximum d'action. Sérum trouble. Id. Sérum trouble, coagulum floconneux. Masse gélatineuse. Ces résultats divers sont traduits dans la courbe ci-jointe (fig. 10), où le maximum d'action, avec décroissance plus ra- pide d'un côté que de l'autre, apparaît très nettement. Ces chiffres mettent nettement en évidence un maximum de la valeur de a au voisinage de 41°. Je dis « au voisinage », parce (jue la température d'un maximum est toujours difficile à apprécier. Puis ce maximum n'est pas nécessairement le même avec divers laits et diverses présures. Martiny l'avait trouvé voisin de 40°. MM. Segelcke et Storch l'avaient, au contraire, fixé à 41''"25. Nous rencontrerons des variations analogues à propos d'autres diastases, et nous verrons qu'elles n'ont pas plus d'im- portance. Ce qui importe, c'est l'existence de ce maximum. A mesure qu'on s'en éloigne, dans un sens ou dans l'autre, l'activité de la présure diminue ; entre 50° et 60°, il y a encore coagulation, mais elle est de plus en plus imparfaite. Le liquide finit par n'être plus que visqueux. Au delà de 60% toute coagu- lation disparait, et ne reparait pas alors même qu'on refroidit 170 CHAPITRE X le li(jiii(lo poin- le ramener aux températures les plus favoraljles. La présure a été détruite par l'élévation de température. Mais nous allons revenir tout à l'heure sur ce fait. Au-dessous de 20", nous voyons que la présure est inactive, ou du moins n'agit qu'après un temps très long. En opérant à 15°, 100 % \ 80 10 60 \ \ 50 1 M 30 20 10 1 0 T 16 2 -> Ji 7 Ai 1 S 0 60 Fi g. 10. M. Fleischmann n'a obtenu aucune coagulation, ou plutôt le lait s'est peuplé de microbes avant de s'être coagulé par la présure. En opérant avec des liquides stériles, j'ai vu ensuite que du lait pouvait être conservé pendant quelques semaines, à 8" ou 10°, en présence de doses de présure qui le coagulaient rapidement lorsqu'on le ramenait à 35°. Il n'est donc pas douteux que, à basse température, la présure reste inerte en présence du lait, sans pourtant se détruire, à moins qu'inter- viennent des phénomènes d'oxydation sur lesquels nous revien- drons plus tard. A haute température, elle est inerte parce qu'elle se détruit. 134. Sucrase. — La sucrase va nous présenter des phéno- mènes analogues. Au sujet de la température, nous avons IMM.l K.XCK 1)1': LA H-.M l'Kl'.ATniK 177 une première série d'essais dus à Kjeldahi, et (jui toiul)eiit sous le coup de la critique que nous avons faite tout à Ihcure. Kjeldahi faisait agir, pendant une heure, 10 ce. dune môme solution de sucrase sur 50 ce. d'une même solution de sucre à diverses températures comprises entre 0 et 70°. Il y a eu interversion à toutes les températures, sauf à 70". Seulement la proportion de sucre interverti dépassait dans nombre de cas celle pour laquelle on peut admettre la proportionnalité entre Factivité de la diastase et la quantité d'eliet produit. Kjeldahi donne heureusement tous les renseignements nécessaires pour qu'on puisse corriger ses chiffres en leur appliquant la formule générale indiquée plus haut. Les proportions de sucre interverti à diverses températures sont relatées dans le tableau suivant sous la rubrique . (^n a mis à côté la valeur correspon- dante de -, de 1 - , et de a calculé en fonction de sa valeur s J? maximum d'après la formule exacte, et d'après Kjeldahi. Tempéra turcs s s Où •4 l,0i 18 13 1,15 30 23 1,30 40 34 1,51 45 41 1,69 48 44 1,78 50 45 1.82 52,5 45,5 1,85 55 45 1,82 60 3't 1,51 65 5 1,05 70 0 0 s 1 Valeurs exactes Valeurs de a S de a. d 'après Kjeldahi. 0,017 6 10 0,060 23 29 0,1 13 42 50 0,179 67 74 0,228 85 90 0,250 93 97 0,260 97 99 0,267 100 100 0,260 97 99 0,179 07 7i 0,021 7 H 0.000 0 0 Un voit que la courbe des vraies valeurs de a (^lig. 1 1 ) est différente de celle qu'on obtiendrait en considérant, comme le faisait Kjeldahi, ces valeurs comme proportionnelles aux proportions de sucre interverti à diverses températures. MM. O'Sullivan et Tompson ont refait des expériences sur le même sujet au moyen de la méthode indiquée dans le cha- 12 17H CIIAPITRK X uitic l\, f'esl-à-dii'O eu incsuraiil les temps iiéccssaii'cs à (livcises fciiipi'ralurcs [xuir airivoi- à la neutralité opti([uc, ce (pii con-ospond, comme nous l'avons vu, à l'interversion d'une l'raclion conslanle, 74 pour 100, du sucre introduit. On a opéré, ion 90 80 7" 60 .10 m Jû îû 10 0 / •\ 1 \ 1 \ ' \ / / / / \ ^ y \ \ to !o io i,o 50 eo ■ ya 1 Fig. 11. dans les expériences qui suivent, avec la nienie solution sucrée, additionnée de quantités égales de la mêmesucrase. Le tableau donne, en minutes, les temps t nécessaires pour arriver au point zéro, et les valeurs de a, rapportées à sa valeur maxi- mum : péralures t a 0 1440 4 15,3 398 13 29,S 155,5 33 4S,0 73,8 70 55,0 51,8 100 60,0 80,4 64 (iC* résultats sont représentés Graphiquement dans la fîg\ 12. Les deux courbes ci-dessus, tout en ayant les mêmes allures générales^ ne se confondent pas, et la série des valeurs de a n'est pas la même dans les deux séries d'expériences. Cela tient peut-être à ce que MM. O'SuUivan et Tompson n'avaient pas assuré Lidentité exacte de tous les mélanges exposés à diverses températures. Pour des raisons que nous apprendrons à connaître plus tard, ils avaient fait varier la dose d'acide sulfu- INFLUENCE DE LA l'I.MPKRATlRE 179 riqiie introduite dans le mélanine, et les cliitlï'cs consignés au tableau sont ceux de la proportion dacide sulfurique pour la- quelle la réaction marchait le plus vite. De là une cause de variation tjui se trouve superposée à celle qui est due à la teni- Wû 90 io 7a M 50 ie io Zû 10 0 /\ \ ^ / / ^ / 10 SO iO i/o 50 60 /^ 1 Fig. 12. pérature et qu'il n'est pas facile d'en séparer. La chose n'en vaut pas la peine du reste, car cette correction faite, il est pro- bable que la marche des chiffres ne coïnciderait pas entière- ment avec celle des chiffres de Kjeldahl. Rien ne nous assure a priori que deux sucrases différentes calquent exactement leur action l'une sur l'autre ; c'est du reste là une question que nous retrouverons quand nous serons en mesure de la traiter. 135. Température optima. — La température du maxi- mum d'action, moins nettement déterminée dans ces expé- riences que dans celles qui précèdent, tombe pourtant à peu près au même niveau, entre 52,5 et 55°, et voilà encore une influence (|ui peut modifier la courbe des valeurs de a. N'insis- tons pas et remarquons seulement que nous trouvons encore ici un maximum très net d'action au voisinage d'une tempé- rature un peu incertaine, mais supérieure sûrement à la tem- pérature du maximum d'action de la présure. Des faits analogues, mais moins nets, ont été relevés pour les i.sd ciiAriruK x aiili-es diasiasos. Toutes présentent une iempéi'aturc de maxi- mum d'action, se détruisent lorsqu'on les cluuiH'e au delà de cette température, de façon à ne plus retrouver leur ancienne activité lors(pr<)n les ramène à la température la plus favorable. Maintenues au-dessous, elles se conservent et se retrouvent intactes lors(]u"on les amène aux températures quelles aiment le mieux ; elles peuvent môme supporter des températures très basses. M. Miquel a constaté (jue les solutions d'uréase peuvent se congeler et tomber de quelques degrés au-dessous de zéro sans s'affaiblir sensiblement. De sorte qu'en somme, bien que la courbe de l'action de la température soit une courbe continue, elle traduit certainement des actions différentes en deçà et au delà de la température optima. 126. Variations dans la température du maximum d'ac- tion. — Ajoutons à cela que cette température optima n'est pas constante pour une même diastase. Voici par exemple les résultats trouvés pour celle cjui a été la plus étudiée, et qui est la mieux connue, l'amylase du malt ou de la salive. Kjeldahl donne 4G" pour température du maximum d'action de la diastase de la salive. Roberts la trouve beaucoup plus basse, entre 30" et 45°. Chittenden et Martin, en opérant sur de la salive neutralisée, fixent le maximum vers 40°, parfois vers 40°. La courbe dressée par Liutner et Eckhardt pour la diastase du malt présente un plateau qui a son point le plus élevé à 50^ s'abaisse un peu jusqu^à 55", et beaucoup jus- qu'à 62". Le maximum d'action est donc voisin de 50". Szilagyi retrouve ce chiffre de 50'^ pour une diastase de malt, préparée par la méthode de Liutner. Avec une diastase autrement pré- parée, Osborne trouve que la température de 50" est déjà nuisible. -Nous retrouverons bientôt linterprétation la plus naturelle de ces faits, ('.ontentons-nous pour le moment de les énumérer l)onr montrer que la courbe que nous étudions a quelque chose de flottant, qui éveille l'idée de la superposition de plusieurs actions dans le phénomène total. INFI.rKNCE DK LA TI'.MPKi^ATIIÎI'. i,SI On ne trouve rien de pnreil dans liiiversion |)ar les acides, qui nous a déjà servi de terme de comparaison. Cette inversion s'accélère à mesure que la température s'élève, comme pour les diastases ; M. Van-t liotï" a môme montré que la vitesse d'inver- sion était une exponentielle du temps, el Arrhenius a proposé la formule : c " ~ ^" (Il = (lo <' "" Ou (ix. et (Iq sont les valeurs, à la température / et à zéro, de la constante a que nons connaissons, / et /„ les températures absolues, c'est-à-dire comptées à partir de 273" ; c représcute la moitié de la chaleur latente qui devient libre par gramme-mo- lécule de la substance transformée par l'action de l'acide. Cette formule est d'accord avec les expériences de Urech et Spohr. On voit en outre que la variation de vitesse, d'une température à l'autre, est indépendante de la nature de l'agent, qui ne figure à aucun titre dans la formule, et cette conséquence a été vé- rifiée par Willielmy et Spohr. La formule semble donc exacte. Or. elle ne comporte aucun maximum, et l'action croit même très rapidement à mesure que la température s'élève. Le phénomène est donc lout différent de ce qu'il est avec les diastases. Or, avec les acides,, l'agent d'inversion ne se détruit pas pendant l'action, tandis que nous avons vu qu'il y avait destruction de la diastase par la chaleur. Nous voilà donc amenés à nous demander si le Oottement que nous avons si- gnalé dans les allures de la courbe et la place de son maximum, et; si ce maximum lui-même ne seraient pas dus à l'effet de la chaleur sur la diastase. Etudions donc ce C[ui se passe quand on chauffe, non pas comme tout à l'heure le mélange de dias- tase et de matière hydrolysable, mais la diastase seule. Nous pouvons même remarquer de suite que le problème, dès que nous voulons le décomposer, devient triple et comporte l'étude de l'action de la chaleur : 1" siu' la diastase ; 2" sur la substance hydrolysable, et 3" sur le mélange des deux. Etudions séparé- ment ces trois actions, dont les deux premières se superposeid, mais ne s'ajoutent pas néoess;iirement dans la dernière. iH2 CHAPITIIE X li37. Action de la chaleur sur les diast ises seules. — Nous prendrons coninic exemple de cette action l'nréase, d'abord ])arce cpie l'action de la chaleur est assez bien connue sur cette diastase, à la suite des expériences de Miquel ; en second lieu parce quelle ne s'accompagne, au moins en appa- rence, d'aucun phénomène de coagulation venant introduire dans le phénomène une influence étrangère à celle qu'il s'agit d'étudier. En cultivant dans un bouillon nutritif convenable diverses espèces d'urococc/fs qu'il a appris à isoler et h étu- dier, Miquel obtient après quelques jours, en filtrant la cul- ture au travers d'une cloison poreuse, un liquide limpide, brillant, contenant de l'uréase. Il suffit de mettre ce liquide au contact dune solution d'urée pour que celle-ci commence de suite à se transformer en carbonate d'ammoniaque. L'action devient plus rapide à mesure que la température s'élève, et c'est à 49 ou 50° cju'elle atteint son maximum. Dès lors, la méthode à suivre pour évaluer l'action de la température sur la solution d'uréase est théoriquement bien simple. 11 suffit de prendre deux quantités égales de liquide diastasifère, qu'on porte à des températures variables, ou à la môme température pendant des temps variés. On addi- tionne ensuite ces liquides d'une même quantité d'urée, on porte les deux mélanges à la température optima de l'ac- tion, et on applique l'une des méthodes que nous avons exposées plus haut. M. Miquel ne s'est malheureusement as- treint à en suivre exactement aucune, et se contente d'ap- précier la puissance de la diastase comme le faisait Kjeldahl, par la quantité d'urée transformée dans un temps donné. De plus, tout en donnant beaucoup de détails, il omet le plus souvent celui (jui permettrait de calculer ses résultats, comme nous l'avons fait plus haut pour ceux de Kjeldahl : il n indique, en etl'et, pas toujours la teneur en urée des liquides sur lescpiels il opère, et ne dit pas que cette teneur soit constante dans toutes ses expériences. Pantin ses résultats sont un peu incohérents, parce qu'il ne s'est astreint à au- cune série d'expériences régulières, épuisant pour une môme INI'MEXGK DI'. I,.\ TK.MPi:i;.\Tl'RK 183 diastase rcfl'ot do diverses toiiipéraliires, on do diii-ôos di- verses dVxpnsitioli à une même tempépature. Iaï combinant pourtant tous ces résultats, voici ;"i (|U('1I(' synthèse ils con- duisent. 1S8. Résultats de M. Miquel. — A une température voi- sine de 0°, la variation dans ht puissance de la diastase est lente. Après cinq jours de conservation dans la glace fondante, un liquide qui pouvait hydrolyser, dans un temps donné, à 49-50°, 20 gT. 7 d'urée, en hydrolysait encore 20 gr. 2. A mesure qu'on élève la température, l'uréase en supporte de moins en moins bien l'action Le temps minimum qu'elle peut y passer, sans en soufï'rir aucun dommage, diminue, et le temps qui s'écoule entre le moment où elle commence à être atteinte et celui auquel elle est détruite diminue aussi. On trouve, par exemple, qu'une solution d'uréase, exposée pen- dant 2 heures et demie aux températures indiquées dans la première ligne du tableau qui suit, a transformé ensuite, au bout de 2 heures à 49", les quantités indiquées d'urée par litre, dans une solution d'urée à 4 0/0. Températures de chauffage. . . 14" 40" 4G"o Sl^S Quantités d'urée transformées , 18,9 13,3 12,7 6,4 gr. La diminution du titre, faible de 14 à 40° et môme h 46°o, semble donc s'accentuer entre cette dernière température et celle de ol^o. Mais, si on prolonge l'expérience, on peut avoir des etl'ets plus marqués à des températures inférieures. Une autre solution d'uréase, maintenue pendant lo jours vers 43", était complètement inactive au bout de cet inter- valle. Quand on dépasse 60°, l'action est plus rapide. Voici un tableau qui répète le précédent, et où les nombres ont la même signification, sauf que la durée du chauffage était de 10 minutes. Températures de chauffage. . . 64" 66" 70" 75o Quantités d'urée transformées . 13,6 6,1 3,6 0,0 La destruction est donc rapide, et sa vitesse croît rapide- 1S4 CIIAlMTni- \ ment avec la Icmpéraluir, car après 25 iniuutcs de cliauf- fa^-e à 70°, une autre solulion d'uréase avait perdu toute action. Imi syntlK'tisaiil tous ces résultats un peu disparates, comme on voit, ou peut se représenter schématiquement le pliéuomèue comuie il suit. Portous, sur deux axes de coor- données, les températures T eu abscisses, et en chaque point élevons une perpeudiculaii'c [)roportlonnelle à la durée / de séjoiu- de la diastase à cette température, jusqu'au moment où elle commence à être atteinte, nous aurons une courbe de même forme que la première, placée au-dessus d'elle, allant en s'en rapprochant de plus en plus, parce que l'inter- valle vertical )ini, à une certaine température, entre les deux courbes, représente le temps nécessaire à la destruction d'une même quantité de diastase à cette température, et va en di- INFLUENCE DE EA TEMPEP.ATri*.!': 185 niinujint de plus eu plus. U.ctte secoiide courbe rejoiudi'a l'axe des températures à faible distance de la première. Entre les deux courbes, nous aurons ce (jue nous pourrons appeler la zone de destruction de la diastase, zone dans lafpielle nous pourrons toujours compenser, par une élévation de tempéra- ture, l'efTet d'un trop court séjour à température plus basse, et inversement. Il est bien entendu que cette zone de des- truction, de même que les courbes qui la limitent, sont rela- tives à l'écbantillon étudié. Elles varient suivant la nature et la composition du liquide diastasifère. M. Miquel a même cru pouvoir relever une influence de l'âge de la diastase, qui deviendrait plus solide en vieillissant. Mais elles ont par- tout les mêmes allures générales. 139. Température mortelle. — Il y a une première con- clusion à tirer de ce qui précède, c'est qu'il n'est pas pos- sible d'assigner une température de destruction de la dias- tase si on n'assigne pas en même temps la durée d'exposition. C'est une conclusion identique à celle que nous avons trouvée dans le tome I (150) au sujet des microbes, et nous conser- verons pour les diastases ce terme de température mortelle que nous avons adopté pour les ferments, et qui est plus juste qu'on ne pourrait le croire, car la température qui dé- truirait les diastases d'un microbe lui couperait ses moyens d'existence et serait mortelle pour lui. Pour étudier cette température mortelle, il faudrait théo- riquement porter brusquement la diastase à cette tempéra- ture, et voir au bout de combien de temps de séjour elle serait détruite. Je ne sais pas d'expérimentateur qui ait abordé la question par cette voie. La méthode la plus généralement suivie a été de chauffer graduellement une solution de dias- tase, qu'on éprouvait de temps en temps au point de vue de sa force, en prélevant à diverses températures des échan- tillons qu'on maintenait au froid jusqu'au moment de les faire agir, dans les mêmes conditions, sur la sul)stance qu'ils 186 ciiAPiTnr, \ pouviiient liydrolysri'. Dans cot oi'dro de rccliprcbes, les plus précises sont celles de MM. O'SuUivan et Tompsoii. 130. Expériences de MM. O'Sullivan et Toinpson. — Une solution de suci-ase est placée dans un bain-niarie, qu'on chauli'e rapidement, en atiitant constamment le bain et la solution de façon à uniformiser aussi vite (]ue possible les t(Mnpéiatures. A diverses températures indiquées par un tber- momètre plongé dans la solution de sucrase, on prélève un échantillon de 1 ce. qu'on refroidit immédiatement. Ces échantillons sont ensuite étudiés par les méthodes indiquées ci-dessus (134). Il est facile, dès lors, en comparant les va- leurs diverses de «, données par l'expérience, à la valeur de a à 15", de savoir quelle est la loi de diminution de a avec la température, dans ce mode de chautfage. Le tableau sui- vant indique, dans la colonne A, ce qu'il reste, à différentes températures, de la valeur de a supposée égale à 100 à la température de Jo". Dans la colonne B, sont indiqués d'autres chiffres sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure. Températures A B réalisées (sans suci-e) (avec sucre) 13» 100 100 35» 91,7 100 40« 7G,S 100 45» 30,0 100 500 2,0 100 :jr)« 0,0 100 GO» 0,0 100 Go» 0,0 88 70» 0,0 34 70° 0,0 0,0 Kii evauiinanl seulement la colonne A, on voit qu'un chauf- fage rapide à oo" de la sucrase la détruit complètement lors- ([u'cUe est en solution dans un li(-uide sans sucre. 131. Expériences de Lôrcher sur la présure. — Lor- clier a trouvé des résultats analogues au sujet de la présure. Il prend une solution de présure dans un liquide contenant à la INFLTK.NCK \)K LA TK.MPÉliA'lllîl-; 187 fois un peu de glycérine et un peu (l'acide, et le cbaufle à diverses températures en opérant simultanément sur un échan- tillon pareil, neutralisé au préalable. Puis il fait agir ces divers échantillons sur du lait. Les temps de coagulation sont en raison inverse des valeurs de a dans ces divers lots. 11 trouve (pie 10 minutes de chautfe à 45° affaiblissent déj<à la. présure. La résistance dépend de la nature de la solution. La présure supporte plus facilement l'effet de la chaleur en solution acide qu'en solution neutre, en solution glycérinée cju'en solution acide. Après 10 minutes à 65" ou 70", toute hi présure est détruite. A 38''-40'', après 48 heures, on constate déjà un léger affaiblissement. On trouverait enfin des résultats du même ordre pour l'amy- lasc qui, à 65", éprouve en quelques minutes un affaiblissement sensible, et cju'un court séjour à 75''-76° détruit complète- ment. En résumé, lorsqu'elles sont chauffées seules, les diastases se détruisent par la chaleur à des températures variables, parfois inférieures à celles de leur maximum d'action, comme pour Furéase, tantôt égales ou à peu près, comme pour la sucrase, tant()t notablement supérieures comme pour l'ainylase. Il n'y a donc aucune relation étroite entre la température mortelle d'une diastase et sa température optima. Cette conclusion n'est pas faite pour nous surprendre, depuis que nous savons cjue la température de destruction est varialde avec la nature du li- quide. C'est ce que Lôrcher a prouvé pour la présure. C'est ce qu'on savait déjà pour la sucrase. Biernacki avait montré cjue la salive fraîche non filtrée perdait son action amylolytique à 75", la salive filtrée à 70% la salive étendue de 10 fois son poids d'eau à 60°. En ajoutant des sels à cette solution, on relève à 65" la température mortelle, et à 70° en ajoutant de la peptone. Nous reviendrons tout à l'heure sur cette influence du milieu où se fait le chauffage. Tirons seulement de ce qui précède cette conclusion qu'on n'a aucun droit de considérer comme diffé- rentes des diastases qui, bien qu'agissant de la môme fa«}on, ré- sistent à des températures différentes. La résistance dépend à la 188 CHAPITP.I': X fois de la diaslase ci du milieu, elirest par suite pas caracté- ristique de la diastase. 13S. Action de la chaleur sur la substance soumise à l'action de la diastase. — Voyons maiiitenaiit si la chaleur n'agit pas aussi sur la substance soumise à l'action de la dias- tase. 11 est clair qu'en cherchant de ce côté, nous ne trou- verons rien pour les substances sohibles. On ne voit pas quel etret pourrait produire la chaleur sur du sucre, par exemple, ou de l'urée en solution. Cependant, MM. O'Sullivan et Tompson ont trouvé que pour la régularité du phénomène et la commo- dité des mesures, il était préférable de dissoudre à chaud le sucre sur lequel on opérait. On évitait ainsi les phénomènes de multirotation. Mais cela ne touche en rien le fond du phé- nomène. I)"un autre côté, pour lurée, l'action de la chaleur amène à elle seule ime faible décomposition qui s'ajoute à celle de l'uréase, lorsqu'on fait agir celle-ci. Mais ce sont là des actions latérales que je me borne à viser en passant. C'est évidemment en cherchant du côté des substances coagu- lables ou décoagulables, qui ne sont jamais en solution par- faite, qu'on a le plus de chance de trouver un effet particulier de la chaleur. Dans le lait, par exemple, la chaleur agit sur la caséine, et peut la rendre plus ou moins sensible à l'action de la présure. Avec l'albumine, la tibrine, la chaleur a aussi une action propre, entravant ou aidant l'action de la pepsine ou de la trypsine. Enfin, avec l'amidon, nous savons qu'à l'état cru il est très difficilement attaquable par la diastase qui le dissout facilement à l'état d'empois. Il y a donc là toute une gamme d'actions que nous devons étudier avant de passer à l'étude plus complète de l'action de la chaleur sur le mélange de diastase et de matière hydrolysable. 133. Etude du lait. — C'est un fait connu depuis long- temps que le lait bouilli est moins sensible à l'action de la présure. Lorcher a fait à ce sujet quelques mesures. Il a vu que cin(| minutes de chauffe à 80" augmentent de moitié la IXILCKNCK Dl^: LA TI'.MIM'.lîA'n lll'. I-Sl) diu'ée de la ooagulalioii, (>l ;i 100' la doiiblcMit. M. de Freii- deni'oicli a vu aussi (juc, après un court ehauU'age à 08", le lait se coagule aussi bien et aussi vite que s'il n'avait pas été pasteurisé. Mais si on continue plus longtemps le chauf- fage, il exige de plus en plus de présure pour se coaguler dans le même temps. A 70'\ il perd plus vite la propriété de se coaguler. C'est juste à ce niveau qu'il éprouve le chan- gement de g'oùt que j'ai signalé, et qui est dû à ce que la caséine, jusque-là en suspension, commence à prendre l'état de flocons visibles, état sous lequel elle ne réagit plus sous l'action de la présure comme elle le faisait auparavant. 134. Etude de 1 amidon. — Le elobule d'amidon se l'orme, comme nous l'avons vu (61), par une série de dépôts concen- triques de matière autour d'un noyau central, l'amyloplaste. Les couches amylacées qui se recouvrent ainsi les unes les autres semblent être à des états d'hydratation variés. Au moins est-ce ainsi qu'on explique, peut-être arbitrairement, les varia- tions de réfringence cpii permettent de les voir au microscope formant des zones concentricjues autour du noyau central, lors- c[ue que celui-ci, par suite d'une circonstance quelconque, ne s'est recouvert cjue d'un côté et est resté voisin de la surface. Dans tous les cas, ce sont les couches les plus extérieures qui sont les plus résistantes : c'est ce dont témoignent des obser- vations déjà anciennes cj[ui datent de Raspail, en 1830, et que Guérin-Varry a précisées en 183o. Ce savant a constaté que tant qu'on ne dépasse pas, eu chauf- fant^ la température de oi", le granule d'amidon reste in- tact. On ne relève aucun changement au microscope, et le liquide dans lequel il baigne ne se colore nullement par l'iode après fil t ration. De oo" à 59-60'\ on voit apparaître sur un nombre de plus en plus grand de granules^ des fentes radiales irrégulières (lig. 1 i), qui partent de préférence de l'amyloplaste, de ce qu'on ap[)<'- lait autrefois le hile, et semblent provenir d'un effort inté- rieur qui aurait fait éclater le granule. En même temps, le lîiO CIIAIMTRI-: X li(|iiileii de plus en plus foncé sous laetiitn de l'iode. Au voisinage de 00% en dehors des grains étoiles par des lentes, on en voit dans lesquels la l'ente a donné issue à des Fig. 14. — Glolniles d"cLmi(loii (;liaiifr(''s à 51"-o;j" sans aiiiylasc * avec amylase (i"api-rs GiK'iin-Varry. masses membraneuses ({ui s'étalent irrégulièrement dans le li- quide en s'y gonflant. Quelques granules sont ainsi devenus complètement gélatineux et diffus. Dans d'autres, on aperçoit encore des formes plus nettes, rappelant l'ancien contour du globule, et qui sont évidemment des couches extérieures non encore distendues par l'eau et géïatinisées. Enfin, à GS-Gi", les grains se sont tellement gonflés qu'ils remplissent tout le li- quide, dont la coloration sous l'action de l'iode est uniforme et intense (fig. 15). En refroidissant, le liquide donne une masse Fig. li). — Globules (i'aiiiidoii chauffi's à (J3"-G4" sans amylase avec amylase d'après Guériii-Variy. plus ou moins fluide. C'est la température de gélatinisalion. Au microscope, cet empois n'est pas encore tout à fait homogène. On y trouve encore des formes globulaires, des ombres de globules amylacés. Ce sont les couches extérieures de certains granules plus résistants que les autres. Ces ombres sont peu visibles, attendu (ju'elles sont noyées dans une niasse gélati- I.XFIJ i:\CI-; DE LA TK.Ml'I-.liATniK 191 nisée, i^i peu près de même réfrin.eenee (jirdles. Pour les bicu apercevoir, il faut chauffer l'anjidon nf»ii dans l'eau [)ui'e, mais dans de Teau additionnée dun peu de diastase. En comparant tout au long- de rcxpérience léchantillon avec diastase et réchantillon sans diastase, on voit qu'ils se comportent exactement de la même façon. L'étoilement, la rup- ture des granules se font exactement à la même température. Seulement, dans l'échantillon avec diastase, toutes les mem- branes cjui sortent par l'orifice ouvert dans le granule ont à peine le temps de faire leur apparition et se dissolvent tout de suite. Leur dissolution se fait même à l'intérieur du granule ouvert, de sorte qu'au lieu de ressembler à un vase d'où sort en bouillonnant une masse demi-iluide, il ressemble à un vase qui se vide. Ses couches extérieures persistent les dernières et ce sont elles qu'on aperçoit encore au microscope [ûg. 15). dans l'échantillon avec diastase, lorsqu'est dépassée la tempé- rature de gélatinisation. Il est à peine nécessaire de dire cj[ue, pour cet échantillon, il n'y a pas formation d'empois par re- froidissement, les membranes ayant été dissoutes. En s'arrêtant à un degré convenable, on a un liquide à peine louche, dans lequel, si on n'a pas trop prolongé l'action des hautes tem- pératures, on peut trouver, à l'état de précipité flottant, les masses tégumentaires des granules ; celles-ci peuvent dispa- raître à leur tour si on chauffe davantage ou plus longtemps. Naegeli a fait depuis des observations du même ordre, et conduisant à la même conclusion. Le moment n'est pas venu de discuter les interprétations à donner à ces faits. Bornons- nous à remarquer qu'ils démontrent en tout cas ceci, que le globule d'amidon est une masse hétérogène, sinon au point de vue chimic[ue, du moins au point de vue physique, et que ses diverses parties sont inégalement résistantes, soit à l'action de la chaleur, soit à celle des réactifs. Nous pouvons en conclure aussi, sinon avec certitude, du moins avec une grande vrai- semblance, que ces différences ne s'effacent pas au moment où nous ne les apercevons plus, car le microscope, qui seul nous les montre, est très mal fait pour les observer. \\)-2 Cil AI Mil! K X 135. Différences entre les divers amidons. — A cette lircinirre iiolioii. il faut en ajouler une autre, c'est que les amidons tics diverses plantes sont aussi différents entre eux. Baranetzky a fait voir (jue l'extrait de malt n'agit pas à la température ordinaire sur lamidon de pomnjes de terre non gélatinisé, mais agit plus ou moins sur les autres amidons. Lintner a donné les chiffres suivants pour les proportions centésimales de l'amidon attaqué, lorsque, sans le gélatiniser à l'avance, on le traite par le malt à dilférentes tempéra- tures. Puinme de Icirc •"•g<-' Mail vert Mail louraillé. . Fromenl Riz Maïs On voit qu'il ne se dissout pas les mêmes quantités des divers amidons aux mômes températures, et même que la marche générale de ces nombres ne témoigne d'aucun parallélisme, ce qui met encore plus en évidence l'individualité des amidons. On voit aussi que leur résistance à la diastase n^a aucun rap- port avec la température de gélatinisation, car l'amidon de [)omme de terre, qui forme empois à Go", est à toutes les tem- pératures, même à celle de la gélatinisation, plus résistant que l'amidon d'orge qui se gélalinise à 80°. De même l'amidon de riz, qui se gélatinise à 80° comme lamidon d'orge, est trois fois plus résistant que lui à 65°. Quelles conclusions tirer de ce qui pi'écède ? C'est, d'abord, que la chaleur peut, dans certains cas, modifier beaucoup la substance sur laquelle porte l'action de la diastase. En second lieu, (pie l'étude de l'action de l'amylase sera néces- sairement plus compliquée que celle de toute autre diastase agissant sur une substance homogène, et devra nous conduire à Teir iporat lires 55* d'atlaquc Température de gélatinisation ."(Û" l'iO" 05° 0,1 5,0 52,7 90,3 65» I2,t S3,3 92,8 96,2 80» 29,7 5S,6 92,1 96,2 )) 13,0 56,3 91.7 93,6 )) )) 62,2 91,1 94,6 71-S0" 6,6 9,7 49,7 31,1 80» 2.7 » 18.5 54.6 75» IXI'Ll ll.NCK DE LA TK.MI'KRA'IM lU: 193 des lois plus compliquées. Retenons pour le moment l;i pre- mière conclusion, nous trouverons ])ienlôt à utiliser la seconde. 136. Interprétation du maximum observé à propos de l'action des diverses diastases. — Avec les notions que nous venons d'acquérir, nous pouvons maintenant essayer d'interpréter l'existence d'un maximum dans la courbe d'ac- tion des diverses diastases. Nous avons vu que les acides ne manifestent pas de maximum, et nous savons qu'en iiénéral, ils sont résistants à l'action de la chaleur. Les diastases, au contraire, y sont sensibles, et de là doit résulter l'existence d'un maximum d'action. Imaginons, en effet, que nous tracions sur la même feuille de papier et à la même échelle les deux courbes d'action de la diastase et de destruction de la diastase que nous avons séparées plus haut. Précisons même. En prenant les abscisses comme températures, portons d"a])ord en ordonnées les valeurs de a telles que nous les avons définies, c'est-à-dire les quantités de matière que peut transformer, dans les conditions et à la température de l'expérience, la quantité d de diastase mise en œuvre. Nous obtenons une courbe A (fîg-. 16) rapide- ment croissante avec la température, et qui si la quantité d de diastase ne variait pas, se modèlerait sans doute sur la courbe d'action des acides. Supposons-la prolongée par la pensée, au delà de la limite à laquelle l'expérience oblige à l'arrêter d'ordinaire. Traçons maintenant, sur la même feuille, la courbe figura- tive de Taction destructrice de la chaleur sur la diastase seule, et, pour ne pas changer notre mode de représentation, tra- çons-la de la façon suivante : convenons d'une unité de temps, qui sera celle de l'action diastasique dans l'essai qui précède, et d'une température d'essai, qui sera par exemple la température optima. Prenons toujours comme abscisses les températures, portons comme ordonnée, à chaque tem- pérature, les quantités de diastases qui restent dans le li- quide, après une durée de chauffage à diverses températures 1.3 i94 CIIAPITIIE X rualo à la diiirc clioisie pour riiiiifé do fc'iii])S, la quantité de diastase étant évaluée, comme nous savons le faire, par- la (luantité de matière transformée pendant le même temps, f.'pxt-à-dire au moyen de la même unité que a. Nous aurons, en su[)posant que la quantité de diastase initiale corresponde à une ordonnée initiale OD, une courbe telle que DB, la perte étant faible pour les températures ordinaires et allant en ''croissant rapidement ensuite. Cette seconde courbe vien- dra nécessairement couper la première, et la superposition des deux actions se traduira, ainsi qu'il est facile de le comprendre, par une coupure de rextrémité de la courbe A et la production d'une courbe résultante OMC, avec un maxi- mum M tel que celui que révèle l'expérience. Nous comprenons aussi, avec cette explication, que ce maxi- mum ne soit pas fixe, les deux courbes qui le fournissent par leur superposition variant indépendamment l'une de l'autre, tout en conservant leurs allures générales. La courbe A dépend surtout de la réaction acide, neutre, ou alcaline des liquides, suivant les cas. La courbe B dépend un peu aussi de ces in- tluences, mais aussi de beaucoup d'autres, par exemple, de l)liénomènes de coagulation ou d'oxydation, qui sont sans effet sur la courbe A. 11 n'est donc pas étonnant cpie le maximum INFLUENGI-: l)K LA TEMPÉRA TCIIK 195 se déplace uii peu poiii' la iiK^nc diaslasc l'onctioiiuaiit dans des conditions difle rentes. IST. Influence de la destruction de la diastase pendant l'action qu'elle produit. — Avec les notions (pie nous venons d'acqnérii', nous avons le devoir de nous retourner vers ce que nous savons déjà, et de signaler une cordradiction entre des conclusions qui sendjlent également assises sur l'expérience. Nous avons admis, dans le chapitre VllI, pour établir les for- mules fondamentales do l'action des diastases, que celles-ci ne se détruisent pas en agissant, et nous avons tiré de cette pré- misse une loi logarithmique que nous avons reconnue exacte. D'un autre côté nous venons de voir que les diastases se détrui- sent constamment sous l'action de la chaleur et parfois à des températures inférieures à celles du maximum d'action, en tout cas à des températures voisines de celles pour lesquelles a été établie la loi logarithmique. Ces deux conclusions semblent contradictoires, et si la diastase se détruit, la loi de sa destruc- tion doit intervenir dans la loi de son action, de sorte que la loi logarithmicjue a le droit de surprendre. On pourrait montrer, pour répondre à cette objection, que la loi logarithmique persiste alors même que la diastase se détruit sous une influence quelconque, à la seule condition C[ue la cjuan- tité détruite soit proportionnelle au temps. Or cette condition est toujours réalisée, ou du moins tout près de l'être, dans des phénomènes aussi lents que ceux que nous étudions. Mais il faudrait pour cela un petit calcul, très simple du reste, dont nous pouvons faire l'économie. Il est plus simple de remarquer que nos vérifications expérimentales de la loi logarithmique ont été faites avec des diastases très stables. Cela suffit pour établir la loi. De plus, on ne peut pas conclure de la façon dont la diastase résiste à la chaleur lorsqu'elle est chaullee dans de l'eau pure, à la façon dont elle résiste quand elle est chauffée, comme dans les expériences qui nous ont servi à établir les lois générales de l'action diastasique, en présence de la substance qu'elle doit transformer. \\n; CIIAI'ITI!!': X (î'cst le inoniciit do nous i-epoi'ter au tableau de p. 1S5, où se Irouveuf insci'its, à côté des chiffres ({ui Iraduisent la l'ésistaiicc ;i I;i chaleur de la suci'ase cliautlee dans l'eau, ceux qui indi- (juent sa résistance eu présence d'une solution de sucre, On y voit (jue dans Teau la diastase se détruit entièrement quand la température s'est élevée à b'ô°, tandis qu'il n'y en a encore au- cune partie de détruite quand le chauflage a lieu en présence du suci*e. Il faut, dans ce dernier cas, monter de 10" pour aperce- voir un commencement d'action, et de 20" pour détruire toute la diastase. On peut remarquer en échange que la destruction totale, qui se fait sur un intervalle de 20" quand il n'y a pas de sucre, se fait sur un intervalle de JO" quand il y en a, et est par conséquent plus rapide, une fois qu'elle est commencée. On ne peut donc pas conclure, de phiiiu^ des résultats trouvés pour le chauffage dans l'eau, à l'inexactitude des lois de l'action diastasique. Ces lois persistent, bien qu'il y ait des cas oii elles peux ent être troublées par des phénomènes de destruction de la diastase. Mais il ne faudrait pas, comme on l'a fait si souvent, prendre ces derniers cas comme des cas simples, et les étudier comme normaux. Il ne faut pas prendre l'exception pour la règlC;, car alors, la règle devient l'exception. Nous avons aussi visé plus haut en passant une question sur laquelle nous pouvons maintenant revenir. Peut-on arguer des difFérenc(^s de résistance à la chaleur de diverses sucrases, ou de diverses amylases pour les différencier les unes des antres? Par exemple, l'amylasc de la salive et celle du malt, qui ne se comportent pas de même quand on les chauffe, sont-elles une seule et même amylase? 138. Comparaison de divers échantillons dune même diastase. — La première précaution à prendre, quand on se pose cette (piestion, est de ne comparer que des diastases au même degré de concentration, IJiernacki nous ayant montré que la résistance d'une diastase à la chaleur dépend de son degré de dilution. Pugliese a comparé, en tenant compte de ce fait, la diastase de rorge, celle de la salive, et la takadiastase qu'on IXFfJ'EXCE l)K I,.\ TlvMPKPvATir.!: lî)7 tii'c des cultui'es à' Euro/iuin oriza'. Il autisoptisc les soliilioiis amylolytiques avec un peu de toUiol. et les amène au môme 'degré de concentration, en égalisant par tâtonnement le temps que mettent les trois liqueurs à faire disparaître la colorabilitt'* de l'empois d'amidon par l'iode. La méthode ne serait bonne que s'il était bien démontré que c'est la même diastase qui liquétie l'amidon, et qui le saccliarifie ; or, nous verrons bientôt qu'on a le droit d'en douter. Pugliese prend une autre pré- caution. L'extrait de malt et la salive contienucnt. outre l'amy- lase, de la maltase, tj'ansformant le maltose en glucose, et pouvant amener à des erreurs dans les dosages de sucre, car le glucose a un pouvoir réducteur beaucoup plus grand que le maltose. Il faut donc éliminer cette maltase. On profite pour cela de ce que la maltase se détruit beaucoup plus rapidement en présence de l'alcool que l'amylase. Le précipité des deux substances ne contient plus que de l'amylase, lorsqu'après l'avoir laissé un temps suffisant en présence de l'alcool on le sépare et on le reprécipite par l'alcool après l'avoir dissous dans l'eau. On s'en aperçoit en ce qu'en le faisant agir sur de rem})ois. et en traitant le produit de l'action par la phé- nylhydrazine acétique, on n'observe au microscope que des cristaux de maltosazone et pas de glucosazone. Faisant alors agir sur de l'enq^ois à ÎÎ6", 43", 55", ces dias- tases purifiées et amenées au même degré de dilution, Pugliese relève quelques différences dans la marche des courbes repré- sentatives de l'action, mais au bout de 20 heures environ le terme atteint est le même. Cela prouve que si la quantité que nous avons appelée a est un peu différente pour ces diverses li- queurs, la quantité désignée par ri est la même. Et voilà certai- nement nne ressemblance, dont le caractère nous apparaîtra mieux quand nous aurons vu tout ce qu'il y a, dans le cas de l'amidon, derrière cette constante ti. Si on opère sur des diastases inégalement concentrées, des différences apparaissent, qui s'accusent à mesure que la tem- pérature s'élève, et qui nous ramènent aux résultats de Hiernacki sur l'influence de la dilution. C'est ainsi (jue, à 13% 1î»8 CHAPITRK X lu diastasc la plus conccntréo, celle de la salive, n'est pas in- fluencée, tandis que celle du malt et de Ynirolnin) sont déjà afiaiblies. On voit j)ar là avec (piel soin doivent être faites ces comparaisons pour (ju'on puisse eu tii-er (]uel(|ue conclusion probante. Les mêmes observations s'appli(|uent aux expériences faites pour couijjarer les diastases provenant d'animaux divers. Ainsi Fick, Murisier, lioppe-Seyler, ont pronvé que le suc gastrique artificiel, préparé par macération des muqueuses gastriques de divers animaux à sang froid, grenouille, truite, brochet, était encore actif à 0°, et avait son maximum d'action à 20", tandis que le suc gastrique de l'homme et des animaux à sang chaud a son optimum au-dessus de 35". La différence semble frap- pante. Elle s'évanouit un peu quand on songe que le suc gastrique de la grenouille ou des poissons est très faible, et qu'il y a par suite une influence de la dilution. Avant de tabler sur ces difl'érences, il faudrait savoir si elles persistent quand on dilue le suc gastrique de l'homme au niveau de celui de la grenouille. Cette dilution, si elle s'accompagne d'une oxydabi- lité plus grande, peut abaisser la température du maximum d'action. En d'autres termes, il n'est pas démontré que le suc gastrique de la grenouille ne se soit pas adapté aux conditions de son fonctionnement ordinaire^ et ne s'accommode mieux des températures basses que le suc gastrique des animaux à sang chaud, mais il n'est pas démontré non plus que cette adaptation ait eu lieu, ou soit plutôt le fait de la diastase que celui des conditions de milieu dans lesquelles fonctionne cette diastase. Il faut égaliser autant que possible les conditions de la compa- i-aison pour conclure, et nous verrons bientôt que ce n'est pas seulement la dilution qui joue un rôle, mais aussi la nature et la quantité des matières en solution. 139. Influence de la dessiccation. — Avant de quitter ce sujet, nous avons à chercher comment se comportent, vis-à- vis de la chaleur, les diastases desséchées. C'est Hufner qui a montré le premier qu'une diastase, la trypsine pancréatique IXI-LTENCR l)l'. LA TIl.MPKIîATI lil-: l'.lM pouvait supporter, ([uaud elle était sèelie, un ('hauliago au delà de 100" sans se détruire, et Kuhnc, eu constatant que cette trypsine cliautfée ne donnait [)as d'iiidol quand on lui faisait dissoudre des matières albuminoïdes, en avait conclu que rindol qu'on observe dans les conditions ordinaires était dû à rinfluence des bactéries. Salkowski constate ensuite que la trypsine chauffée fournit les mêmes produits que la tryp- sine ordinaire, et qu'il faut chauffer entre 160 et 170" pour la détruire. Cette notion a peu à peu été étendue à d'autres diastases, à l'émulsine par Hufner, à la pepsine et à la plas- mase par Al. Schmidt, de sorte qu'elle a paru être une notion générale. Finkler a constaté le fait pour la pepsine, et a prétendu que déjà, un chauffage à 40" l'empêche de donner de la pep- tone avec de la fibrine. Elle s'arrête, d'après lui, à la produc- tion de syntonine, si loin qu'on continue l'action. Mais Sal- kowski a montré que lorsqu'on sèche bien la pepsine, on peut la chauffer 3 ou 4 heures à 160" sans qu'elle manifeste aucune différence avec de la pepsine non chauffée, tant dans la rapidité de sou action sur la tii)rine, que dans la nature des produits formés. Les diastases sèches sont donc très résistantes. Nous avons relevé des faits analogues à propos des microbes et de leurs spores, et nous les avons rapprochés alors de ceux que M. Ghevreul nous a enseig-nés à propos de l'albumine, qui peut être chauffée à l'ébullition lorsqu'elle est sèche, sans cesser d'être soluble dans l'eau et de fournir des solutions se coagulant au voisinage de 66". Les diastases, qui sont aussi des substances coagulables, peuvent se comporter comme l'albumine. Mais elles ont une autre raison de se comporter autrement en présence et en l'absence de l'eau, c'est qu'elles sont en général très oxydables, et que l'oxydation en est plus facile eu solution qu'à l'état solide. Nous verrons, de plus, que lorsqu'elles sont à l'état de précipité, ou adhérentes à certains corps solides, elles résistent mieux à l'action de la chaleur. Concluons de tout ce qui précède (jue toutes ces -2(»(» CIIAPITIÎK \ acliuijs Cil loi'iii(| lies suiit des ;ictioii,s eontiiif^eiites, utiles ù connaître, mais peu faites pour l'oiiniir des caractères dis- tinctifs. BIBLIOGRAPHIE FLEISCHAIAW. Dus Moll.-rri'itrrscil , lîriUlSWick. WifcWeg Cl lils. KJEf.DAHL. Meddeli'her fra Cur/shcnj Labonitoriel. Copenhague, 1879. O'SULLIVAN et ToMPSON. Journal «f tke rheni. SocieUj, 1890, p. 834. C'HITTENDEN et MARTIN. JalireshericlU f. Thierchemie, t. XII, p. 26-3. LiNTNER et ECKHARDT. Journal f. prakl . Chemie, N. S. t. XLI, p. 91. SZILAGYI. Chemiker Zeituwj, t. XV, p. 349, 1891. OSBORNE. Jahreshericht f. Thierchemie, t. XXV, p. 612, 1895. BlERXACKI. Zeitschr. f. Biologie, t. XXVIII, p. 49. Urech. Ber. d. d. chem. Gesellsch, t. XVI et XVII. Spohr. Zeilschr. f.pliijs. Chemie, t. Il, p. 195. MlQUEL. Annales de Micrographie, t. VII, p. 895. SalkoWSKI. Virchow's Arckiv., t. LXX et LXXf. HUFNER. Jahrbitch. f. prakl. Chemie, N.S. t. XVII, et Pfhiiier's Arehiv. t. XL BaginsKI. Zeitschr. f. phijs. Chemie, t. VII. IvUHNE. Unlersuch. d. phjjs. Insl. zu Heid.e/berg, t. I. Al. Schmidt. Cenlralbl. f. med. Wissensc'i, 1876, n" 29. FiNKLER. Pfliiger's Arehiv., t. X et XIV. E. Salkowski. Virchow's Archir., t. LXXXI, p. 552. PUGLIESE. Pfluger's Arehiv., t. LXIX, p. 115, 1897. BouRQUELOT. Les ferments soin blés. Paris 1896. GuÉRIN-VaRRY. Ann. de ch. et de phijs., t. LX, 1835, p. 32. DE FreudeNREECH. Ann de Micrographie, Septembre 1897 CHAPITRE XI INFLUENCE DE Là CHALEUR SUR LES TOXINES ET ANTITOXINES Nous avons signalé en commençant les analogies très étroites qui existent entre les diastases en général, et cer- taines toxines et antitoxines. Nous allons retrouver ces ana- logies au sujet de l'action de la chaleur. Mais nous avons d'abord à nous préoccuper du procédé de mesure. Au lieu de disséminer dans les chapitres j^récédents ce qui est relatif à ce sujet, il a paru meilleur de le condenser dans celui-ci, et c'est par là que nous allons commencer. 140. Méthodes de mesure. — Nous n'avons plus, au sujet des toxines et venins, les ressources trouvées dans l'étude des diastases. Nous ne savons pas ce que sont ces diastases, mais nous les connaissons par l'efTet qu'elles produisent sur un corps déterminé, le sucre, l'amidon, et nous prenons, pro- visoirement la mesure de cet efiet pour la mesure de la cause. Avec les toxines, cette dernière ressource nous manque. Nous les distinguons en gros les unes des autres par la nature des symptômes qui accompagnent leur action, mais nous n'avons pas de mesure entre ces symptômes, qui ne s'ajoutent pas comme des quantités arithmétiques, et se refu- sent, par conséquent, à toute numération. Le thermomètre, dont les indications sont physiquement des quantités mesurable^s, peut servir, mais seulement dans une certaine mesure, à apprécier la gravité des symptômes. Il en est de même de l'état du pouls, du nombre de mou- vements respiratoires, et des autres moyens physiques ou chimiques de diagnostic que la médecine met en œuvre. Mais on sait qu'il n'y a aucune proportionnalité entre les indications -20-2 CIIAIMTP.K XI (raiicmi iiislriiinciil et le degré d'atteinte de rorgaiiisine, qu'en particulier, au moment où celui-ci est le plus menacé et la mort imminente, il y a souvent contradiction entre la réa- lité et les apparences. On en est donc réduit à indiquer en gros, sans pouvoir la nombrer, la gravité des symptômes. Il n'v en a qu'un sur lequel on puisse tabler, c'est la mort de l'animal intoxiqué. Avec ce terme de com.paraison, nous allons retrouver quel- ques-unes des déductions relatives aux diastases. Des quan- tités de diverses dilutions d'un même toxique qui tuent dans le môme temps des animaux de même espèce, de même taille, de même poids, et de même état de santé apparent, peuvent être considérées comme contenant la même quantité de toxic|ue, et on peut, par conséquent, exprimer par des nombres leurs degrés divers de concentration en fonction de l'un d'eux pris pour unité. Si la mort n'a pas lieu dans le môme temps, mais dans des temps voisins, on peut aussi admettre, sans trop d'im- prudence, que les concentrations sont en raison inverse des temps nécessaires pour amener la mort. Mais il est dou- teux que cette loi soit encore vraie lorsque ces temps sont très différents, par exemple, doubles l'un de l'autre. On sait môme qu'il y a certains poisons qui, rapidement toxiques à un certain degré de concentration, sont tolérés et éliminés à des concentrations plus faibles. On sait aussi qu'il n'est pas indifférent d'inoculer, au même point ou en une seule fois, une certaine dose de toxique, ou de la fractionner en doses plus faibles qu'on inocule en des points différents, ou à di- vers intervalles. C'est que l'organisme inoculé n'est pas une masse inerte. Il réagit, se défend, et ses réactions dépen- dent du mode d'attaque. Elles varient avec lui : par contre, elles ne varient guère, d'un animal normal à un autre, quand le mode d'attaque est le même, et c'est sur cette quasi-cons- tance que nous pouvons tal)ler, de même que nous tablions sur la quasi-constance des réactions inconnues qui condui- INFUŒNCK DK J.A CHALKIR 20S sent à la coagulation d'un échantillon de lait pour apprécier la force de diverses présures. En représentant donc par Q la quantité d'action qui cor- respond à la mort d'un animal d'une espèce et d'un poids déterminés, nous pourrons encore appliquer la loi contenue dans la foruiule ou (I représente cette fois la concentration de la toxine, éva- luée comme nous l'avons dit plus haut, t la durée des phéno- mènes qui se déroulent du moment de l'intoxication à la mort, et a un facteur variable d'une toxine à l'autre, qui sera d'autant plus grand que la toxine amènera la mort sous un poids plus faible et dans un temps plus court, et que nous pourrons par conséquent considérer comme représentant la puissance de la toxine ou du venin mis en œuvre. Il est bien entendu qu'algébriquement, cette formule ne se tient pas debout. 11 n'y a aucune commune mesure entre la quantité du premier membre et celles du second. A propos des diastases, nous avions dans le premier membre une certaine quantité S — s de sucre hydrolyse ou d'amidon saccharifié , évaluée au moyen d'une unité que nous retrouvions au second membre. Ici Q est la quantité d'action ou de travail qui aboutit à la mort : elle n'est pas mesurable. Elle correspond pourtant, lorsque d et / varient peu, à une somme d'actions toujours la même, et cela nous suffit pour assurer l'exactitude de la for- mule dans ces conditions. Lorsque (f et t varieront davantage, il ne faudra plus considérer la formule que comme approxima- tive. Avec cette précaution nous pouvons faire un pas de plus. 141. Mesure des effets de la chaleur. — L'animal sur lequel nous étudions les effets des toxines étant un animal à température constante, nous ne pouvons pas faire ce que nous avons fait au sujet de la présure, mesurer les temps de mort de divers animaux inoculés à des températures ditférentes. Mais 20i CIIAIMTP.I-: XI nous |)()U\oiis, eoiiiiiic à ])r(»p()S de la présure, étudier les effets de la chaleur sur la toxine senle, avant de l'injecter dans les tissus. C'est ici que nous trouvons les ressemblances c|ue je signa- lais tout à l'heure. 11 en est pour les toxines comme pour les diastases, et les deux courbes de notre figure 13 qui donne une idée de l'action de la chaleur sur la diastase de l'urée peuvent aussi bien servir à caractériser l'effet de la chaleur sur les poisons sécrétés par le microbe de la diphtérie, celui du tétanos, ou sur les venins de serpents. A chacjue tempé- rature, il y a une certaine durée d'exposition que la toxine supporte sans faiblir, mais au delà de laquelle elle est un peu atteinte. Cette durée de séjour (jui la laisse intacte va en diminuant à mesure c[ue la température s'élève : c'est celle (|ui est représentée par la marche de la courbe a. A chaque température, à partir du moment où l'action d'affaiblissement est commencée, elle aboutit à une destruction complète en un temps d';iutant plus court que la température est plus élevée. De là, une seconde courbe, cpii s'abaisse encore plus rapide- ment (pic la première et qui pratiquement vient se confondre avec elle à une certaine Icmpévalui'e mortcUo^ celle à hujuelle une courte exposition annihile les propriétés mortelles de la toxine. Ce terme est naturellement moins net qu'à propos des dias- tases. Une toxine qui cesse de pouvoir tuer un animal, au bout d'un certain temps d'exposition à une certaine température, ne cesse pas par là brusquement d'être offensive et d'ame- ner des désordres parfois encore graves chez l'animal auquel on l'inocule. Mais l'expérience montre que ces désordres s'at- ténuent très vite au delà de la température mortelle, de sorte que celle-ci reste encore assez bien déhnie. Quelquefois les symptômes se perpétuent en changeant de nature. C'est alors un indice qu'il y avait dans la toxine chauffée deux toxines dif- férentes superposées, et (jue le chauffage permet de disso- cier, comme il nous permettra de dissocier l'amylase (jui liquéfie l'empois d'amidon et la dextrinasc qui le sacchari- iM'i.iKxci-: \)V. \..\ cil \i,i:i lî 205 fie. Passons en revue quelques exemples de ces actions di- verses. 143. diauffage de la toxine diphtérique. — J)ans leur jîremier mémoire sur la diphtérie^ Koux et Yersiu se deman- dent quelle est la nature du poison diphtérique, et s'il faut le rapprocher des diastases, ou bien des alcaloïdes qui résistent à l'action de la chaleur. Ils montrent que un liquide de culture fdtré, qui tue im cobaye de poids moyen quand on le lui in- jecte sous la peau à la dose de 1/8 de cent, cube, ne fait plus mourir des animaux de même espèce et de même taille quand on leur en injecte 1 ce. après chauffa,ee de 2 heures à 08". Le liquide n'est pourtant pas encore absolument inoffensif, car chez le cobaye il amène de l'œdème au point d'inoculation, et tue facilement encore les petits oiseaux. Le même liquide, porté pendant vingt minutes à 100°, peut être introduit à la dose de 313 ce. dans les veines d'un lapin sans lui causer aucun ma- laise immédiat, tandis qu'avant le chauffage, 0,o ce. en injec- tion sous- cutanée ou intraveineuse amenait sûrement la mort. Ce chauffage à 100% fait dans des tubes scellés et presque rem- plis, afin d'éviter que l'action de l'air vienne s'ajouter à celle de la température, n'amène dans le liquide aucun précipité ni même aucun trouble. La toxine est pourtant détruite en pres- que totalité. Je dis pres<{ue, parce que les animaux qui ont reçu dans le tissu sous-cutané ou dans les veines de fortes quantités de liquide chauffé, finissent toujours par succomber au bout d'un temps plus ou moins long, sans doute parce que certains de leurs éléments anatomiques finissent par con- denser les minimes quantités de toxine éparses dans le liquide chauffe et qui de la région inoculée ont passé dans la circula- tion générale. 143. Chauffage de la toxine tétanique. — ALM. Vaillard et Vincent ont soumis à la même méthode d'investigation le poison que Knud Faber avait découvert dans les cultures du bacille du tétanos, et (ju'il avait vu se détruire par un chauffage -206 CIlyVriTHE XI à ().')". Ils ont vu quiin liquide lilti'é, qui tue l'apidemcnt un eol);ive à la dose de 1/200 de cent. cul)e, est déjà considcra- hleuient all'aihli (juand on le cliaufle (mi vases clos pendant 10 minutes à 00", ou 20 minutes à ()2". Il met 4 à 5 jours à tuer un animal auquel on l'inocule à la dose de 1 cent, cube, alors (ju'il le tuait en deux fois moins de temps à une dose 200 fois moindre. Si la foi-mule que nous avons établie plus haut s'étendait encore à ce cas, la valeur a serait iOO fois plus petite après chauffage qu'avant. Un chaullage de 30 minutes à (Jo", en vases clos, rend le poison tétanique tout à fait inactif, et les cobayes, auxquels on en injecte 1 ce. et pins, n'éprouvent aucun trouble immédiat ou ultérieur. L'action de la chaleur est plus complète qu'à propos du poison diphtérique. 144. Mesure de l'activité dune toxine. — L'étude des toxines a pris une telle importance, que bon gré, mal gré, il a fallu, quelles que fussent les imperfections de la doctrine, ar- river à un moyen dévaluation. Plusieurs ont été proposés. Le plus simple est la définition de l'unité toxique telle qu'elle a été proposée par Roux et Vaillard pour la toxine tétanique, et dans laquelle le travail que nous avons représenté par Q est considéré comme proportionnel au poids de l'animal. Si on convient, comme à propos de la présure, d'une certaine durée d'action représentée par le temps écoulé entre le moment de l'inoculation et celui de la mort, la toxicité d'un venin, ou d'une toxine, sera représentée par le nombre de grammes ou de kilogrammes d'animal que l'unité de poids de cette toxine sèche pourra tuer dans le temps pris pour unité. Cette défi- nition est calquée, comme on voit, sur celle de la force d'une présure, et aurait la même sûreté si la proportionnalité entre la (juaniUc (V animal et la quantité de toxine était aussi bien démontrée qu'entre la quantité de lait et celle de présure. Quoi qu'il en soit, cette convention est commode, et fournit des chiffres qui sont intéressants alors môme qu'on ne les prend pas au pied de la lettre. Ainsi une toxine tétanique provenant INFLUEXCK DE LA CIIAr.ErR 207 d'une culture en bouillon possède, après IH à "20 jours, une puissance telle que 1/100 de milligTanime dé cette toxine pré- cipitée, desséchée et remise en solution dans l'eau, tue dans les délais normaux, auxquels on est oblige de laisser un peu d'élas- ticité, un cobaye de oOO er. Sa toxicité sera donc représentée par le rapport de ces deux cbilFres, c'est-à-dire par 50.000.000. Un cheval de 500 kilos meurt sûrement avec une dose de 6 milli- grammes. Ici, la toxicilé est représentée par 80.000.000 envi- ron. Avec une dose de 1/1000 de milligramme on tue une souris de 20 grammes. Yis-à vis de cette espèce de souris, la toxicité est de 20 millions. On trouverait des chitFres du même ordre pour la toxine diph- térique. Pour les venins ils sont à la fois plus variables et plus petits, même pour les venins les plus actifs. Ainsi d'après M. Cal- mette, il faut environ 0,25 mgr. de venin de /laja tripiulicuis pour tuer dans le délai convenu 1 kilogramme de lapin. Ici la toxicité est de 4 millions. Elle est de même, pour le lapin : de o.4o0.000 pour le venin ù'Hoplocephalus >) 800.000 » ûePseudec/iis » 2.50.000 » AQPeUasberus Le cobaye est plus sensible que le lapin, et il suffit par exem- ple de 0,15 mgr. de venin de vipère pour tuer, en 12 heures, 500 gr. de cobaye. Sa puissance est donc ici de 3.300.000 alors qu'elle était de 250.000 pour le lapin. Par contre, il y a des espèces moins sensibles. Yis-à-vis du chien par exemple, la toxicité du venin de cobra est de 650.000, tandis qu'elle est de 4.000.000 vis-à-vis du lapin La valeur de la quantité a varie donc d'une espèce à l'autre, mais elle peut aussi varier pour une même espèce suivant cer- taines influences, parmi lesquelles nous trouvons en première ligne celle de la chaleur. 145. Chauffage des venins. — MM. Phisalix et Bertrand, en chauffant une solution à 1/5000 de venin de vipère dans l'eau glycérinée, avaient vu que la puissance du venin diminuait -j(KS CII.MM l'I'.l': \l crantant [)liis (|iic la loin|)(''i'atiu'o (^st plus élevée, on la durée du chauffage plus longue à une même température. (î'est à partir de 75" (jue Taction devient manifeste. Un quart d'heure de séjour à celte température annihile presque la toxine : il suffit de 5 minutes à 80°. Calmette a repris ces expériences sur d'autres venins plus ac- tifs, (iclni de C()I)ra rr/yy^^/ perd sa virulence après 20 minutes à 90". Celui iyWo ploie phaliis est un peu plus résistant. Il est encore un peu toxique après 10 minutes entre 100 et 102° ; il ne devient inoffensif qu'après 15 minutes. Celui do PscudeiJiis est détruit entre 99 et 100" ; celui de vipère entre 95 et 91". Ces écarts sont minimes, mais ils deviennent plus considérables si on opère le chauffage sur des solutions plus diluées. Ainsi 1 mil- ligr. de venin de cobra, en solution au 1/10000, devient inoffen- sif pour le lapin après 10 minutes à 90". Avec le venin de vipère dilué, M. Calmette a retrouvé à peu près les chiffres de Phisalix et Bertrand, les petites différences qui persistent éfant de celles que peuvent expliquer les différences dans les conditions du chauffage. Je n'insiste pas pour le moment sur les différences d'effet pro- duites parle chauffage. Le toxine ou le venin qui ont cesse de pouvoir tuer l'animal inoculé ne sont pas pour cela devenus absolument inoffensifs, et amènent parfois un œdème plus ou moins volumineux. 11 faut savoir aussi (pi'ils peuvent encore tuer l'animal d'expérience, lorsqu'on augmente énormément la dose, ou bien lorsque cet animal n'est pas un animal normal, et a subi antérieurement une maladie ou une inoculation qui l'a affaibli dans une certaine direction, tout en le fortifiant dans une autre. 11 y a là des notions qui sortent un peu du terrain sur lequel nous devons rester dans ce livre, et que nous retrouve- rons ailleurs. Je me contente pour le moment de conclure que les effets de la chaleur sont les mêmes sur les diastases, les toxines elles venins. 11 y a une autre remarque à faire. Nous avons vu que toutes les diastases sont détruites avant l'ébullition. Voici que nous trouvons des venins qui résistent à 100", et nous trouverions i.M'Li i:.\(;i': di: la ciiaij-uu m) des cliith'cs encore plus élevés si nous nous adressions à des toxines végétales telles que Ydliritic et la ririnr, extraites de Ydinus jtrr(ntorui'< et du l'iein commun. Ces toxines végétales sont une transition vers les alcaloïdes végétaux, tels que la stry- chnine, la morphine, la quinine, dont les dissolutions résistent à l'ébullition et sont très peu altérables sous l'action de la cha- leur. L'activité de ces alcaloïdes est comparable à celle des toxines bactériennes. Il suffit de 3 milligr. de chlorhydrate de strychnine pour tuer un chien de Jo kilos, ce qui donne pour la puissance toxique de ce sel, mesurée comme nous l'avons fait plus haut, le chiffre de 5 millions. Le mécanisme de la mort est, en outre, comme nous le verrons, à peu près le même dans ces divers cas. 11 est donc impossible de séparer les toxines des alcaloïdes végétaux, et cette notion nous permet de ne pas nous préoccuper des différences relevées au sujet de l'action de la température. Nous verrons du reste qu'il y a des cas où les dias- tases les plus fragiles sujiportent rébullition, de sorte que, même de ce côté, les différences que nous avons signalées s'at- ténuent. L'essentiel est d'avoir montré que l'action de la chaleur a partout la même marche, quels que soient les degrés de l'é- chelle thermométrique sur lesquels elle se manifeste. 146. Sérums antitoxiques. — Xous n'en avons pas ter- miné avec ce sujet, et il nous reste à l'étudier pour ainsi dire à rebours, et en nous mettant cette fois du côté de l'organisme inoculé. Quand il ne succombe pas à l'intoxication, il sort de l'épreuve revêtu d'une qualité nouvelle, qu'on peut renforcer chez lui, par l'accoutumance, et qui aboutit à hi mitlu'idatisa- tion quand il s'agit des poisons, de même que l'accoutumance bactérienne aboutit à l'immunité. Nous n'avons pas à nous occuper des mécanismes divers qui commandent ce changement de propriétés cellulaires. Nous n'a- vons qu'à les envisager dans leurs résultats d'ordre chimique dont le plus curieux, le plus imprévu, et jusqu'ici le plus im- portant résulte de la découverte de Behring. C est l'apparition, dans le sang des animaux vaccinés soit par des cultures bacté- -_)|o ciiAi'iTiii-: XI rionnes, soil par leurs loxines, tle propriétés à la fois préven- tives et thérapeutiques. L'expérience est très nette avec la toxine tétanicpie. I^renons- cn une dont 1 inilligr. suffit poui' tuer une souris, uiélangeons- la avec seulement 1/100 de son volume du sérum provenant d un animal solidement immunisé contre le tétanos, et nous ver- rons que l'inoculation du mélange à une souris restera inoti'en- sive. Le poison semble donc neutralisé comme dans une vérita- ble réaction chimique, dans une véritable saturation, car si on ajoute moins de sérum, la toxine reparait d'autant plus active que la pi'oportion de sérum ajoutée est [)lus faible. Déjà, à cette limite, la puissance protectrice du sérum semble énorme. Nous allons tout de suite pouvoir l'évaluer en fonction de la puissance de la toxine. Vis-à-vis de la souris, nous avons vu ({ue la toxicité pour la toxine tétanique était de 20 millions. Si un certain volume de sérum neutralise 100 fois son poids de toxine, il peut préserver de la mort un poids d'animal repré- senté par 100 fois 20 millions ou par 2 billions. Ce mode de notation n'est pas tout à fait celui qui a été proposé par Behring-, mais il s'accorde, comme on voit, avec les principes généraux qui nous ont servi à l'évaluation de la puissance des diastases. Nous mesurerons donc l'activité d'un sérum par la quantité né- cessaire pour préserver 1 gramme d'à minai contre l'inoculation de la dose mortelle de la toxine correspondante. Ainsi, un sérum sera actif au dix millionnième lorsque 1 gr. de ce sérum suffira à immuniser 10.000 kilogrammes de souris, par exemple, ou 500.000 souris de 20 gr. Chacune de ces souris pourra être ren- due réfractaire à la dose de toxine mortelle par l'inoculation de 1/500.000 de cent. cube. L'activité des sérums ainsi mesurée est énorme. On obtient avec le cheval des sérums antidiplitéri- ques dont l'activité dépasse dix billions, et Roux a obtenu des sérums antitétaniques dont l'activité dépasse un trillion. Il y a nécessairement un peu de flottement dans ces chiffres, car, malgré les apparences, la neutralisation de la toxine n'a aucun des caractères d'un phénomène chimique. Buchner a vu qu'une toxine qui est neutralisée pour la souris est encore ac- INFLUENCK DK J.A CHALE TR 211 tive sur le col)ayc. Roux a vu que le mélange de toxine et de sérum, dans lc(|uel on a abaissé la proportion de sérum jusqu'à la limite qui le rend inolfensif pour le cobaye, n'est pas inoiien- sit" pour tous les cobayes inoculés, alors même qu'ils ont même apparence de santé et ont le même poids. Si on élève la propor- tion de sérum de façon à rendre ces mélanges sûrement inof- fensifs à la dose de 1 ce, ils ne le sont plus à la dose de 3 ce. Il n'y a donc pas saturation ou destruction de la toxine, et il semble que les efiets en soient seulement mastjués par une autre substance apportée par le sérum dans le mélani:e. C'est là l'hypothèse la plus généralement adoptée aujourd'hui comme explication. On admet une antitoxine antagoniste de la toxine, et un antivenin antagoniste du venin. Nous n'avons pas à nous préoccuper en ce moment de l'ori- gine de ces antitoxines chez l'animal immunisé. Pour les uns, elles dérivent des réactions des cellules normales des tissus ; pour les autres, elles ont surtout leur origine dans les leuco- cytes, et c'est cette dernière théorie qui a pour elle le plus grand nombre des faits observés. Les leucocytes sont très ri- ches en diastases diverses, précisément parce qu'ils ont des pro- priétés digestives et phagocytaires très énergiques, et plus on va, plus on voit que leur mode de réaction vis-à-vis des toxines solubles se confond avec leur mode de réaction contre les es- pèces vivantes c[ui sécrètent ces toxines. Mais nous devons nous borner pour le moment à ces notions générales, et revenir à notre objet qui est de nous demander si ces antitoxines existent et si elles sont assimilables aux diastases et aux toxines. l-éT. Action de la chaleur sur les antitoxines. — On n'a sur ce point que quelques renseignements épars, tirés de l'é- tude de l'action de la chaleur. Lorsqu'un liquide protecteur quelconque, soit contre une inoculation bactérienne, soit contre une injection de toxine ou de venin, perd sa puissance par un cliauffage à une certaine température, l'hypothèse adoptée pour expliquer son action avant chauffage conduit à conclure que l'action de la chaleur a détruit eu elle la -2\-2 CIIAIM'I'Iti; XI siihsiiiiico iniiimiiisaiilc aiilitu.\i(jMC ou auliveniincusc. .Nous \(>ri()iis hicutol, (jiiaïul nous aurons étudié l'aclion des maté- riaux i)r(''S('nls dans le licjuido sur les efiets de la diastase ou de la toxine ((ui y est contenue, que cette conclusion peut être tout à l'ait fausse, et qu'en modifiant la nature ou la propor- tion de certaines substances latérales à la diastase ou à la toxine, par exemple, des phosphates alcalins ou alcaliuo-ter- l'cux, la chaleur peut conduire aux mêmes résultats qu'en agis- sant sur la diastase ou h» toxine elle-même, mais nous accepte- rons pour le moment les faits avec l'interprétation qu'on leur a donnée. Il nous suffit, jusqu'à plus ample informé, d'avoir fait cette réserve. 148. Alexiiies de Bucliner. — Les alexiiies de Buchner sont plutôt des substances bactéricides qu 'antitoxiques, mais nous ne pouvons les faire sortir de notre cadre, les inocu- lations bactériennes agissant surtout par leurs sécrétions toxiipies. lîuchner a vu que ces alcxines se comportent, sur beaucoup de points, comme les diastases. Elles n'agissent que lorsqn'elles sont en présence des sels qui les accom- pagnent d'ordinaire. Elles faiblissent dès qu'on enlève ces sels par la diastase ; elles reprennent leur action lorsqu'on les restitue. Elles suspendent leur action, sans pourtant se dé- trnire. (juand on al^aisse la température. Elles la perdent quand on les chautfe à 55". Buchner a renoncé à les isoler et à caractériser par conséquent leur nature. Cependant, il les croit de nature albuminoïde. 149. Extraits leucocytaires de Jacob. — Dans ses re- cherches, iiuchner avait eu l'occasion de remarquer qu nn sérum inactif, au point de vue de l'action des alexines, deve- nait actif lorsqu'on y introduisait et qu'on y laissait macérer des leucocytes. Ce fait et le rôle important que ^Metchnikotf assigne aux globules blancs dans l'établissement de l'immu- nité, a conduit Jacob à étudier un « extrait leucocytaire » qu'il prépare de la façon suivante. Du sang, recueilli dans la caro- iM17 superposent des effets de dilution, et éventuellement des trans- formations chimiques produites sous l'influence des agents employés. Dans l'ensemble on dit qu'elles s'atténuent, que leur inoculation à des doses mortelles devient de plus en plus inotl'ensive, et qu'avec quelques précautions on peut mithri- datiser des animaux- avec des toxines atténuées, de façon à les rendre moins sensibles à l'action des toxines. Nous n'avons pas à entrer ici dans l'étude physiologique de ces faits. Il nous suffit de les considérer comme fournissant un moyen d'exa- miner et même d'évaluer les effets de la chaleur ou ceux de l'électricité sur les toxines mises à l'essai. 153. Action des courants continus. — MM. Smirnow, Kriiger, d'Arsonval et Gharrin ont fait agir des courants conti- nus sur diverses toxines bactériennes. M. Smirnow a opéré avec la toxine diphtérique, qu'il a fait traverser par des courants fai- bles longuement prolongés. Il se produit naturellement des dé- compositions électrolyfiques auxquelles M. Smirnow n'attache pas d'importance, mais qui sont pourtant redoutables parce que le liquide toxique contenant des chlornres, il se forme au pôle positif des hypochlorites et du chlore, corps vis-à-vis des- quels les toxines sont très fragiles. Les résultats fournis par l'inoculation à un animal de la toxine électrolysée, dépen- dent à la fois et du degré d'affaiblissement de la toxine et des effets oxydants des hypochlorites provenant de l'électrolyse. Il n'y a là aucun effet discernable de Télectricité. MM. D'Arsonval et Charrin ont fait de même traverser par le courant régulier d'un accumulateur de la toxine diphtérique et de la toxine pyocyanique contenues dans un tube en U portant dans sa courbure un tampon d'ouate hydrophile empê- chant le mélange des liquides des deux branches. L'intensité du courant était de 20 milliampères, sa densité de 10- milli- ampères par centimètre carré, et la différence de potentiel entre les deux électrodes de 20 volts. La durée du passage a été de 65 minutes. L'expérience terminée, on a recueilli séparément les liquides des doux branches. On a trouvé qu'ils contenaient ^18 ClIAlMTin'. \II tous deux uiu! toxine all'aiblie, et celle du pôle positif seinlilait même l'être moins ([ue l'autre pour la toxine diphtérique. Les deuv li(jni(les inoculés étant ditï'ércnts lun de l'autre, en ce qui concerne non seulement la toxine, mais aussi leurs autres éléments, il n'y ci encore rien à tirer de cette expérience au sujet des actions de l'électricité. L'action d'un courant intermittent à haut potentiel, fourni par une bobine d'induction de quantité, n'a pas été plus mani- feste sur de la toxine pyocyanique. Le courant passait toujours dans le môme sens dnns le tube, ,^■ràce à l'introduction dans le circuit de la bolïine d'un micromètre à étincelles. Au bout d'une demi-heure, à raison de 60 étincelles par seconde, la quantité totale d'électricité écoulée était de 7 coulombs. Il y en avait eu 78 dans l'expérience précédente. Ici, il y a encore eu atténuation de la toxine dans les deux branches, et MM. d'Arsonval et Charrin se sont sentis encouragés à essayer l'action des cou- rants de haute fréquence, en remarquant que la bobine avait diminué l'action chimique, mais augmenté ce qu'ils appellent Fébranlement moléculaire de la culture. Ils se sont servis pour cela d'un solénoïde traversé par la décharge oscillante d'un condensateur actionné périodiquement par un transformateui' à basse fréquence. Aux deux extrémités du solénoïde viennent s'attacher deux tils de platine qui plon- gent dans le tube en U contenant la toxine. Celle-ci se trouve dès lors traversée par des courants oscillants présentant environ 200.000 renversements par seconde. De ce traitement, la toxine leur a paru sortir très atténuée, et capable, lorsqu'on l'inocule à nn animal, de lui permettre de résister ensuite plus facilement i\ l'inoculation de la toxine neuve à dose mortelle. M. Phisalix a trouvé que le venin de vipère subissait aussi, sous l'influence du môme traitement, une atténuation qui en faisait un vaccin. L'action chimique est à peu près absente dans ces conditions. Mais l'intensité (7o0 milliampères) et la densité du courant (250 milliampères par cent, carré) sont beaucoup plus gran- des que tout à l'heure, et réchauilement a été tel qu'il aurait porté à l'ébullition en quelques minutes le liquide du tube en LXFLUENCI-: DE T/KLKCTIJICITh: Sl'll LKS DIASTASKS 219 U, s'il n'avait pas été combattu. L'a-t-il été assez ? Il semble que non, d'après les expériences de M. Marmier. 153. Expériences de M. Marmier. — Ce savant s'est servi du dispositif employé par MM. d'Arsonval et Charrin. Un courant alternatif passe dans le primaire d'une bobine Carpentier gi'and modèle. Le secondaire de la bobine est relié aux armatures extérieures de deux grandes jarres et à un micro- mètre à étincelles, entre les boules duquel on souffle l'arc. Les armatures intérieures de ces condensateurs sont reliées par nu solénoide. Des deux extrémités du solénoïde partent, en dérivation, deux fils amenant le courant aux deux extrémités du tube contenant la toxine. Le nombre des oscillations était d'en- viron 500.000 par seconde. Pour éviter l'élévation de température, on a introduit la toxine dans un tube étroit, et en verre mince, qu'on maintenait dans la glace ; ce n'était pas encore suffisant. Il fallait en outre in- terrompre fréquemment le passage du courant, de façon à per- mettre la difïusion dans la glace de la chaleur produite. M. Marmier a étudié par cette méthode des venins et des toxines. Le venin était un mélange de venins de Cobra, de Bothrops lanceulatiis de la Martinique, à'HopIocepha/us d'Australie et de Pseudechis jiorphi/nacus d'Australie. Ce mélang-e n'est pas mo- difié par le chauffage jusqu'à 90'^ ; mais, à partir de cette tem- pérature, il perd prog-ressivement de son activité. Ce venin fut soumis à l'action des courants à haute fréquence avec un potentiel explosif de 20.000 volts. Mais il avait une grande résistance, et, malgré cette force électromotrice considé- rable, il ne laissait passer, comme courant efficace, que 08 mil- liampères par cent, carré. Après 25 minutes il fut inoculé à des lapins et ne se montra nullement affaibli ou atténué. Une deuxième expérience, faite avec des courants plus in- tenses, aboutit au même résultat. Il a été fait de même plusieurs expériences avec la toxine diphtérique, en employant des courants dont les densités ont 2^0 CIIAlMTlir; MI varié do 1 10 à OOd milliainpèi'es par cent, carré. En prenant les pi'écaulioiis indiquées contre réchauffement, il ne s'est jamais produit le moindre abaissement de toxicité de cette substance, et c(da, malgré de .^-randes dépenses d'énerg-ie et des forces éloctromotrices qui ont atteint plus de 30.000 volts. 11 en a été de même pour la toxine tétanique. Concluons donc que même les courants à haute fréquence sont sans action sur les toxines et les venins, et qu'on ne connaît encore aucune influence de l'électricité sur ces substances et sur les diastases. C'est la conclusion à laquelle nous étions déjà arrivés au sujet des microbes. BIBLIOGRAPHIE G. A. Smirnow. Ueber die Beliandiung der Diphtérie mit Antitoxinen, die ohne VermitteJung de.s thierischen Organisnuis darstellbar sind. Bcrliner klinische Uoc/tcnscAri/^ 23 juillet 1894, p. 683. G. A. Smirnow. Ueber die Behandlung der Diphtérie mit kiinstlich darges- lellten Anliloxinen. Berliner klinische Wochenschrifl, 1895, p. G45 et 675. S. Xrûger. Ueber die chemische Wirkung der Elektrolyse auf toxische iind immuni-sirende Bacteriensubstanzen. Drutsclw viediciiiisclw Wochenurhrlfl, 23 mai 1895, p. 331. D'Aksonval et Charrin. Action des courants à haute fréquence sur les toxines bactériennes. Comptes rendus, Acniléinie des Sciences, 10 février 1896, et Comptes rendus, Société de biologie, 1896, pp. 96, 121, 153. Phisalix. Atténuation du venin de vipère par des courants à haute fré- quence. Comptes rendus. Soc. de bioloyie. 1896. p. 233. A. MAUMiia!. Les toxines et l'électricité. Ann. de l'Institut Pasteur, 1896, t. X, p. 409. CHAPITRE XIII ACTION DE LA LUMIÈRE SUR LES DIASTASES Nous avons vu, dans les chapitres qui précèdent, que l'action de la chaleur et de rélectricité se méhuige toujours, dans une mesure variable, de retiet de l'oxygène. Il en va être de même pour les elïets de hi lumière, d'ordinaire superposés à une oxy- dation. Pour rendre aussi méthodique que possi])le l'exposé de ces faits complexes, j'étudierai dans ce chapitre l'action simul- tanée de la lumière et de l'oxygène qui interviennent ensemble dans la grande majorité des cas, non seulement (piand on fait agir les diastases à l'air libre, mais encore souvent quand on les fait agir en vase clos, ou même en présence de l'acide carbo- nique. Il ne faut pas oublier, en effet, que la diastase étant très active sous un poids très faible, n'a pas besoin de beaucoup d'oxygène pour devenir inactive, et que celui qui reste dans un liquide qu'on n'en a pas complètement débarrassé par une ébul- lition dans* le vide, peut parfois être suffisant. 154. Expériences de Do^wnes et Blunt. — La première expérience ayant mis en évidence une action destructive de la lumière sur les diastases, est due à MM. Downes et Blunt, aux- quels on doit aussi d'avoir inauguré l'étude de 1 intluonce de la lumière sur les bactéries. Ces savants ont constaté qu'une macé- raiion filtrée de levure de bière devenait incapable d'intervertir le sucre après une exposition de durée suffisante au soleil. Quand on prend des dissolutions de sucrase plus pures, je veux dire plus débarrassées de matière organique étrangère que celle dont se servaient MM. Downes et Blunt, on trouve que leur fragilité à la lumière est très grande. En me servant de la sucrase de Yasporyilhis nif/rr ou d'une présure provenant de la macération 2^2 CIIAPiriiK Mil dans Vcun (l'une iim(|ueiiso IVaiclic, j'ai toujours vu (|ue[([ues heures d'expositiou au soleil enlever presque toute leur force à CCS dissolutions de présure ou de sucrase, et, en étudiant de plus près ce sujet, j'ai observé des faits curieux. Une dissolution de sucrase dans de l'eau qu'on a laissée ex- posée au soleil s'oxyde et s'affaiblit plus vite que si elle est faite dans de l'eau ayant séjourné à l'obscurité. 11 y a inéme plus. 11 suffit c[ue le flacon où l'on introduit la dissolution ait été exposé au préalable au soleil pour cjue raffaiblisse- ment y soit plus rapide que dans un flacon laissé à l'ombre. Voici quelques nomljres qui donneront une idée du phéno- mène. <)n a exposé, à 37°, o nùlligramnies d'une sucrase neutre et très pauvre en sels minéraux, provenant d'une cul- ture d'aspergillus, avec l8'',5 de sucre. L'eau et les flacons avaient été, au préalable, placés dans des conditions diverses suffisamment indiquées au tableau suivant. Les nombres con- tenus dans les deux dernières colonnes sont les quantités de sucre transformées au bout de 15 heures dans deux essais comparatifs mis en expérience en même temps. 1" essai '2* essai Liquide laissé à l'oliscurilé, tlacon à robseurilé.. O^-'^OGG 0j-'i',064 — au soleil, — à robseurilé. . 0 ,046 0 ,0i6 — à l'obscurité, — au soleil 0 ,040 0 ,0io Cette espèce d'emmagasinement de l'action solaire dans l'eau persiste encore après 24 heures de séjour de l'eau à l'obscurité, mais, au bout de 48 heures, il a disparu. Avec la présure, on peut constater des faits analogues, et c'est avec raison (ju'on recommande de conserver à la cave les bou- teilles noires où on vend les présures commerciales, et de ne les laisser jamais débouchées. Pendant la préparation de ces pré- sures, on observe un fait qui est sans doute en relation avec ce que nous venons de découvrir, c'est ce qu'on appelle la rctro- gradation. Une présure qui, au moment où l'on vient de la fa- briquer, peut, par exemple, coaguler 15.000 fois son poids de lait, ne peut plus en coaguler que 8 à 10.000 parties quelques ACTION DK LA M':\lli:P,i: Sril LKS niASTASES 223 semaines après. 11 y a probablement là, comme nous l'avons dit plus haut, un fait d'absorption lente de l'oxyiièjie dissous dans l'eau. Cette intervention de l'oxygène est, en effet, toujours gra- duelle : elle se fait plus lentement dans les liquides fortement chargés de sels, et c'est pour cela que^, pour la bien observer, nous avons été obligés de nous adresser, plus haut, à une su- crase aussi pure que possible. Mais elle n'est jamais absente, et il faut toujours se tenir en garde contre elle. M. Fernbach a confirmé depuis ces résultats au sujet de la sucrase, en y ajou- tant quelques faits nouveaux. Tout d'abord, la luniih-c solaire n'a aucune ac/ion sar la su- crase dans II' ride, quelle que soit la réaction du milieu. On a pu laisser des tubes exposés au soleil pendant le mois d'août tout entier, sans avoir vu leur a-ctivité diminuer. Une constatation analogue avait été faite par M. R.oux pour le poison de la diph- térie, sans que cependant l'expérience eût été prolongée pendant aussi longtemps. Il y a donc action de l'oxygène, et conformément à cette no- tion, l'expérience montre aussi que la destruction de sucrase est plus rapide dans un vase plat que dans un tube à essai où la surface exposée à l'air est restreinte. De plus, la résistance à l'action combinée de l'oxygène et de la lumière est plus grande dans un liquide alcalin que dans un liquide neutre, et dans ce dernier que dans un liquide acide. En exposant au soleil un li- quide diastasifère additionné (A) de 1/5000 d'acide acétique, (C) de 1/11.000 de soude, et (B) laissé tel quel, M. Fernbach a trouvé, pour la diminution centésimale de a, de ce que nous avons appelé (113) Yaetivifé, les chiffres suivants : B (neutre) C (alcalin) 36 0/0 32 0/0 ol » 45 » La nature de l'acide employé pour aciduler la liqueur semble n'avoir aucune importance. 155. Etudes de G-reen. — C'est ici le moment de revenir Durée de l'insolation A (acide) 2 h. 30' 00 0/0 4 h. » n » '2'2\ CIIAIMTIII'. Mil aux ('(niclusions do MM. lîrowu ci Morris, (jiic nous avons rencontrées au clin[)itrc lY, et qui attribuaient les variations ol>servées dans la (juantité de diastase des feuilles à des eauses physiologiques, à des actions de cellules vivantes. Nous avons vu qu'on ne s'expliqnait pas facilement ainsi pourquoi il y avait une diminution constante de la diastase après une période d'éclairement. Au contraire, ce phénomène s'expliquait Jjien par une action de la lumière. Green a cherché si l'expérience concordait avec cette manière de voir. Il a commencé par employer les mêmes procédés opératoires (]ue Brown et Morris. Les feuilles de P/u/sro/ns mh/aris étaient cueillies de bon matin et étendues sur des châssis, le pétiole plongeant dans l'eau. Chaque feuille comporte trois folioles assez grandes, dont chacune était couverte à moitié d'un papier noir jus(ju'à la nervure médiane. Puis le tout était exposé à la lu- mière. Le soir, on tuait rapidement les feuilles au moyen des vapeurs de chloroforme ; on les desséchait vers 35", et on mé- langeait avec des volumes égaux d'amidon solublc des poids égaux des parties éclairées et non éclairées, pulvérisées fine- ment. Après une exposition de ar la dernière. M. Green, qui n'a songé à incriminer que les matières albuminoïdes, bien moins abondantes pourtant, d'or- dinaire, que les matières gommeuses ou hydrocarbonées, se contente, pour étudier l'influence du suc cellulaire, de comparer les pertes dans une solution de diastase additionnée on non d'un peu d'albumine. Dans une expérience faite sur la salive, le lot sans albumine avait perdu 00 0/0 de sa diastase, et celui avec albumine seulement 18 0/0 comparativement au lot conservé le même temps à l'obscurité. La protection conférée par la présence de l'albumine n'est pas douteuse et elle aug- mente avec la proportion d'albumine présente. La protection produite par la chlorophylle est plus difficile à étudier, parce que les seuls dissolvants qu'on connaisse à cette substance^ l'alcool, la benzine, sont déjà, par eux-mêmes, tellement absorbants pour les rayons qui détruisent la diastase, que l'adjonction de chlorophylle ne produit aucun effet. Mais on peut aborder le problème par une autre voie dans laquelle M. Green a trouvé quelques-uns de ses résultats les plus intéressants. 15*7. Effet des diverses parties du spectre. — Jusqu ici, nous avons opéré sur l'ensemble des radiations de la source lumineuse, en y exposant les plaques de gélose nues, ou les diastases contenues dans un flacon à parois de quartz. Opérons comparativement dans un vase de verre qui arrête en grande partie les radiations ultra- violettes. Nous observerons une augmentation au lieu d'une diminution dans la quantité de diastase ; cette augmentation a été de 33 0/0 après un éclai- rement de 20 heures par l'arc de 2.000 bougies. x\u soleil, l'augmentation est plus faible mais sensible, à la condition pourtant qu'on ne pousse pas trop loin l'expérience, car lorsque l'exposition à la lumière, quelle qu'elle soit, dure trop long- temps, on finit toujours par aboutir à une destruction de la ACTION DE LA LUMIERE SUR LES DIASTASES 227 diastase. Toutefois, temporairement, il y a dans la lumière des radiations qui semblent la favoriser tout d'abord, si plus tard elles lui nuisent. Pour étudier la place qu'occupent dans le spectre visible ces radiations utiles, il n'y a qu'à éliminer les radiations nuisibles en se servant de flacons de verre pour contenir les diastases et cl fractionner les radiations visibles au moyen d'écrans colorés. M. Green s'est servi de ceux de Landolt. Le rouge était obtenu en superposant une solution d'hexaméthylpararosaniline à 30 milligTammes par litre à une solution à 10 0/0 de chromate neutre de potasse. Pour l'écran orangé, on superposait trois solutions, l'une de sulfate de nickel à 30 0/0, l'autre de chro- mate jaune à 10 0/0, la troisième de permanganate de potasse à 2 0/0. L'écran vert était fait d'une solution de chlorure de cuivre à 60 0/0 superposé à une solution de chromate neu- tre de potasse à 10 0/0. Le bleu était donné par du sulfate de cuivre ammoniacal, dilué jusqu'à ce que les radiations transmises atteignent la limite des radiations de l'écran vert. Enfin, les rayons infra-rouges étaient tamisés au moyen d'une solution d'iode dans le sulfure de carbone. Gomme ils inter- venaient avec toutes les autres solutions colorées servant comme écrans, il a fallu corriger de leur influence les effets observés au travers de ces écrans. Il est clair que cette correction est un peu incertaine, et même que l'ensemble de ces observations peut sembler mal défini. Les écrans ne laissent pas passer les radiations dans les proportions de leur mélange normal dans la lumière solaire, ou de leur mélange, du reste variable, dans la lumière de l'arc. Mais c'est d'une distribution de qualité le long du spectre, et non d'une distribution de quantité, dont nous nous préoccupons pour le moment. 158. Résultats de M. G-reen. — Voici les résultats de M. Green, résumés dans un tableau qui donne les longueurs d'onde extrêmes correspondantes aux divers écrans, et l'aug- mentation ou diminution centésimale de diastase salivaire, ob- servée pour une même durée d'exposition derrière ces écrans, -2'2H ClIAPITlîE XIII comparativement à un échantillon tout pareil conservé dans l'obscurité. Augmentation ou diminution Longueur d'onde centésimale Partie du spectre correspondante de la diastase Infra-rouge Su p. à 720 a -j- 10,8 Rouge. ..\ 7^20-040 ' -|- 53,5 Orangé 040-585 -j- 4,7 Vert.... 58.5-500 — 15,7 Bleu 500-430 + 20,8 De ces chiffres, nous pouvons tirer de suite une conclusion relative aux rayons ultra-violets. INous avons vu ([uh nu, ou derrière des lames de quartz, l'effet de toutes les radiations est destructeur. Nous voyons ici que les rayons infra-rouges et toute la partie visible du spectre est utile, sauf une bande dans le vert. Nous pouvons donc conclure que ce sont les rayons chimiques et ultra-violets qui sont surtout nuisibles. L'étude de la transmission au travers du verre aurait pu nous conduire à la même conclusion, qui est d'un autre côté d'accord avec ce que nous savons (V. chapitre XXII, t. I) sur les ra- diations nuisibles aux bactéries, et qui appartiennent aussi à l'extrémité la plus réfrangible du spectre. Laissons, pour le moment, de côté cette question de sur- production de la diastase sous rinfluence de certaines radia- tions. Nous y reviendrons (Chap. XX) en traitant de ce qu'on a appelé proenzymes ou prodiastases. Occupons-nous seulement des rayons nuisibles. La bande placée dans le vert doit d'abord attirer notre attention en nous ramenant à la chlorophylle qui, précisé- ment, n'absorbe pas cette bande nuisible, tandis qu'elle ab- sorbe tout ou partie des bandes utiles. Elle ne semble donc pas être, au moins dans la partie lumineuse, une protection bien efficace pour la diastase qui l'accompagne dans les cel- lules. Mais n'oublions pas que la chlorophylle absorbe puis- samment aussi les radiations chimiques. Elle peut donc servir de protection de ce côté, et en effet on constate que l'ex- trait diastasifère de feuilles de PhaseoliLs vii/garis, toujours ACTION ])i: LA LTMIKI?!' Sf T» Li:S niASïASES 229 un peu coloré en vert, est plus résistant à la lumière que l'extrait de malt et la salive. 1Ô9. Spectre d absorption des liquides diastasifères. — En somme, la diastase, môme la plus transparente^ a un spectre d'absorption, arrête au passage certaines radiations de préférence à d'autres. En prenant comme quantitatifs les nombres de Green, qui ne sont que qualitatifs, on peut tra- cer une courbe (fig. 17) traduisant les effets de cette absorp- tion. On voit qu'elle s'élève à partir de l'infra -rouge, atteint son maximum dans le rouge, s'abaisse dans l'orangé, devient SB M 30 io 0 X ^, / / s \ / \ / \ (' ■'"' "~^- -., 1 \ \ / Y *» \ / <. 3X1 \ S, / ^ y \ 7 i 6 8 6 J 6 g 6 f 6 Z 6 0 6 8 S 6 S « 5 2 5 0 u 8 jf 6 J, * 4 ^ f 0 S 9 \ Fis. 17. négative dans le vert, se relève un peu dans le bleu pour de venir bientôt négative dès qu'on arrive au violet et surtout à l'ultra-violet. Ce tamisage des rayons par la diastase s'ac- compagne d'une action chimique d'oxydation, à laquelle pren- nent évidemment part ceux qui sont absorbés. Il en résulte que une solution de diastase est plus ou moins protectrice pour une autre solution de diastase, placée à son arrière, dans le sens de la transmission de la lumière, ou autrement qu'une solution de diastase est plus transparente pour les rayons utiles et tamise une lumière plus favorable au développement de la diastase. C'est une conséquence que Green a vérifiée en se servant 230 CHAPITRE XIII (le cellules à deux compartiments accolés ruii derrière rauti'c et fermés par des lames de quartz. La diastase du premier compartiment A doit protéger celle du second B. En efl'et, dans une expérience,, la perte, par rapport à un échantillon identique conservé dans Tobscurité, a été de oO 0/0 dans le premier compartiment et de 6 seulement dans le second. On peut s'étonner qu'une diastase, qui est toujours en pro- portions minimes, exerce une protection aussi efficace. Mais ce n'est pas à la diastase seule qu'il faut l'attribuer. Pour le prouver, Green n'a eu qu'à comparer l'effet de la même salive, avant et après une courte ébullition qui y détruit la diastase. Dans le premier compartiment A (fig. 48) d'une cellule double, il met de la salive normale, et dans le premier com- partiment A' d'une autre cellule, de la môme salive bouillie. B' A Fiff. 18. En B et en B', derrière A et A' respectivement, il met de la salive normale, et cherche ce que devient la diastase de ces divers compartiments après 9 heures d'exposition à la lu- mière électrique. Comparativement à une diastase identique conservée le même temps dans l'obscurité, il trouve les chiffres suivants : en B, les rayons tamisés paf A ont donné une augmentation de 43 0/0 en B' » A' » 34 0/0 Ici, grâce sans doute à une moins grande intensité lumi- neuse, la perte constatée tout à l'heure derrière l'écran se transforme en gain. L'écran, en éliminant les rayons nuisi- bles, avait laissé passer les rayons utiles. Mais on voit qu'en A' la diastase bouillie et filtrée ne s'est pas comportée très ACTION DE LA LUMIERI'. SI 11 LES DIASTASES 231 différemment de la diastase non bouillie, et son effet, comme tamis, n'est pas uniquement dû à la diastase qu'elle contient, puisque, cette diastase disparue^ sinon comme matière, du moins comme diastase, il n'y a aucun changement nettement appréciable. L'effet semble donc dû surtout aux matériaux non diasta- siques contenus en solution. En effet, en comparant, par la même méthode, l'effet d'un écran de salive bouillie à celui d'un écran d'eau pure, Green a vu que pour la même durée d'exposition, de la salive normale, derrière le premier écran, avait gagné 24 0/0 et perdu derrière le second 94 0/0 de sa diastase. Nous voyons en résumé combien sont complexes et va- riables les conditions qui président au fonctionnement de l'action solaire sur les diastases. Nous n'avons pourtant pas encore étudié les accroissements produits par certaines radia- tions. En envisageant seulement celles qui détruisent la dias- tase, on voit à quelles influences légères elles obéissent par- fois. Nous avons à ajouter un dernier trait à ce que nous avons dit. M. Green a trouvé, au sujet des diastases, des faits ana- logues à ceux que l'on connaît depuis Draper, sous le nom d'inducf/o/i photochimique., et que j'avais relevés moi-même, dans mes études sur l'action chimique de la lumière solaire. La destruction provoquée par la lumière se continue après que l'éclairement a cessé. Ainsi la perte en diastase d'une solution d'amylase du malt a été de 42 0/0 après 10 heures d'exposition à la lumière électrique, par rapport à une solu- tion identique non éclairée. Ce qui restait des deux liquides fut abandonné à 1 obscurité pendant 6 semaines, au bout des- quelles la diastase toujours restée à l'obscurité était intacte, tandis que l'autre avait presque totalement disparu. Nous pouvons dire de suite que cet effet continuateur apparaît aussi pour l'augmentation produite par les rayons bleus. Dans les deux cas, les changements provoqués par l'éclaire- ment, et qui commencent pendant qu'il dure, continuent 232 CHAPITRE XIII après qu'il a pris fin. Et ceci augmente encore la complexité du plirnomène auquel préside l'action de la lumière, puis, que ce qui commence le jour peut se continuer la nuit. Ce sont des conclusions analogues à celles qui ont terminé l'é- tude de l'action de la lumière sur les bactéries, et plus nous irons, plus nous verrons que la dissociation entre les cel- lules vivantes et leurs diastases devient difficile ou impossible. BIBLIOGRAPHIE DowNES et Blunt. Pfocedinijs of the R. Society, t. XXVI, 1877 et t. XXVIII, 1878. DucLAUX. Microbiologie, 1883, p. 172. Eoux. Ann. de Vhulitut Pasteur, t. II, p. 629,1888. Fernbach. Ann. de VInstUul Pasteur, t. III, p. 473, 18S9. Reynolds Green. l'Idl. Tram, ofthe Royal Society, 1897, p. 167. DucLAUX, Ann. de l'Institut National agronomique, 1887. CHAPITRE XIV INFLUENCE DES ACIDES ET DES ALCALIS SUR LES DIASTASES Les influences en apparence distinctes des acides et des alcalis gagnent à être étudiées simultanément, parce quelles forment une chaîne continue. La barrière qu'on dispose pour les séparer et les distinguer est en effet bien artificielle. A quel moment une solution alcaline qu'on additionne de doses croissantes d'acide commence-t-elle à devenir acide ? Cela dépend du réactif employé. Un pnpier de tournesol ne mettra pas la barrière au même point qu'un papier à la phénolphta- léine, et, surtout s'il y a des phosphates, telle liqueur acide au premier sera encore alcaline pour le second. Cette remarque, qui simplifie notablement l'étude, a généralement échappé aux savants qui se sont occupés de ce sujet, et qui ont étudié les acides ou les bases séparément, depuis les doses les plus fortes jusqu'aux doses faibles et nulles. Leurs expériences se rejoignent donc par un bout. Nous n'avons qu'à les rappro- cher de ce côté, en tenant compte pourtant de ce que, mal- heureusement, les essais faits au-dessus et au-dessous de ce point ne sont pas comparables, n'ayant pas porté sur les mêmes diastases. leo. Moyens d'études. — Convenons d'abord d'un moyen d'étude et de classement. Pour apprécier l'influence de diverses doses d'acide ou d'alcali sur la marche de l'action, nous pren- drons naturellement des quantités égales de diastase. que nous ferons agir à la même température sur la même quantité de la substance qu'elles peuvent transformer, et nous pour- rons alors appliquer les moyens que nous avons indiqués (I93j pour mesurer a, c'est-à-dire : ou bien mesurer les temps 234 CIIAPITHK XIV nécessaires pour produire la même quantité d'action, auquel cas les valeurs de a sont en raison inverse de ces temps ; ou bien, en nous en tenant aux débuts du phénomène, mesurer les quantités d'action accomplies dans des temps éeaux: auquel cas les valeurs de a sont proportionnelles à ces quantités d'ac- tion. Ces précautions n'ont pas été prises par tous les expé- rimentateurs, dont les déterminations manquent parfois, de ce fait, de signification bien précise. Quand cela sera possible, nous les ramènerons à la précision, comme nous l'avons fait plus haut au sujet de Faction de la chaleur sur la sucrase, dans les expériences de Kjeldahl. 161. Action des acides. — Le sens général des phénomènes a été donné, dès l'origine de ces études, par les travaux de Kjeldahl sur la sucrase. En ajoutant des doses faibles et crois- santes d'acMe à une solution de sucre de cannes additionnée de sucrase^ ce savant a vu que l'hydrolysation se trouvait ac- tivée d'abord, ralentie ensuite par l'augmentation de l'acide jusqu'à un certain niveau, au delà duquel l'action s'accélérait à nouveau. Nous pouvons de suite faire abstraction de cette dernière partie du phénomène, dans laquelle c'est l'acide seul qui agit, ou du moins qui a le rôle prépondérant. La diastase est alors inactive ou à peine active. Il ne reste donc ti son compte que ceci : de faibles doses d'acide exaltent son action. De plus fortes l'atiaiblissent. Il demeure entendu que pour ces diverses doses, l'action de l'acide seul se superpose toujours éventuellement, à l'action de la sucrase, et que nous aurons à nous préoccuper de les distinguer. Cette observation faite sur la sucrase de la levure a une portée générale. Toutes les diastases qui se montrent plus ac- tives en présence des acides, même la pepsine qui en de- mande de grandes quantités, ont une dose optima qui leur convient le mieux. En deçà et au delà de cette dose, elles se montrent moins actives. Nous retrouverons, à jiropos de cha- cune des diastases ; l'étude de ces doses. Pour le moment, INFLUENCE DES ACIDES ET DES ALCALIS 235 nous ne nous occupons que de ce qu'il y a de général dans cette étude. 163. Action des alcalis. — Si maintenant, prenant une so- lution faiblement acide ou môme neutre de sucrase, nous y ajoutons des doses croissantes d'alcali, nous voyons que sa puis- sance diminue graduellement. J'ai vu qu'avec un millième de soude caustique, une solution de sucrase d'aspergillus devenait environ 25 fois plus faible. La courbe décroissante à partir de la dose d'acide optima continue donc à être décroissante après le passage par la neutralité, et comme le mot neutra- lité correspond à une zone qui peut se déplacer suivant le réactif choisi, ainsi que nous l'avons montré plus haut, nous pouvons conclure, dores et déjà, qu'il n'y a aucune disconti- nuité dans la courbe, et que le phénomène n'est pas troublé par le passage au zéro. Cette conclusion peut être corroborée par des mesures pré- cises, dues à M. Fernbach, qui a opéré avec de la sucrase d'aspergillus, en solution dans de l'eau additionnée d'une trace d'essence de moutarde, qui la protège contre l'invasion des microbes. Les expériences se faisaient en mélangeant des quantités égales de ce liquide avec des volumes égaux d'une solution de saccharose à 40 ou oO 0/0, et en laissant pendant 1 heure au bain-marie à 56°. Au sortir du bain-marie, les tubes étaient refroidis rapidement et additionnés d'un léger excès de potasse, qui suspendait toute action. Après 1 heure d'action, les quantités de sucre transformées ont parfois atteint 35 cen- tigrammes pour une quantité totale de 80 ou 100 centigrammes de sucre présente; on ne peut donc pas prendre les quantités de sucre interverties comme proportionnelles aux valeurs de rt, mais ce que nous demandons à l'expérience, c'est de dé- montrer seulement la continuité. Or elle résulte des nombres suivants. Le liquide initial avait, comme toujours, une certaine acidité due à l'acide oxa- lique produit par Ya^pergillus, et supportait l'addition de quantités mesurables de soude, étendue au 1/5000, avant de 236 CHAPITRE XIV bleuir un papier de tournesol très sensible. Jusqu'à l'essai 4, la réaction était sensiblement acide. A partir de l'essai 7 la réaction était faiblement alcaline. La marche des nombres, est régulièrement décroissante. N"' (l'ordre So ude ajoi des expériences 1 en ce. 0 2 0,5 3 1 4 1,5 5 2 6 2.S 7 3 8 3,5 Soude ajoutée Proporlion corres- Sucre interverti pondante de soude en centigrammes, en millionièmes. 0 3,3 6,6 9,9 13 16 19 23 3.-i,i 31.8 25,4 17,6 12,1 7,1 5,3 3,9 La marche de ces nombres est approximativement repré- sentée par la courbe de la fig\ 19, où la zone de neutralité est comprise en N, entre les deux lignes pointillées, qui la séparent de la zone d'acidité Ac, et de la dose d'alcalinité A/. On voit que la diminution du côté de l'alcali est plus lente que l'augmentation du côté de l'acide. Voyons d'abord ce qui arrive quand on augmente, au delà de la limite indiquée, la proportion de soude. L'action devient rapidement très faible, et on arrive bientôt à une dose telle que l'action est nulle, si longuement qu'elle soit prolongée. La diastase non seulement n'agit pas, mais se détruit peu à peu, car on ne la fait pas re- INFLUENCE DES ACIDES ET DES ALCALIS ^87 paraître en acidulaiit le liquide, pour peu que le contact avec l'alcali ait été prolongé. En tout cas, l'alcali arrête l'action. Aussi avons-nous vu MM. O'Sullivan et Tompson et M. Fern- bach se servir de la soude ou de la potasse pour arrêter brus- quement l'action de la sucrase. La liqueur prend tout de suite, vis-à-vis de la liqueur de Fehling, un titre qui ne varie plus, et qui correspond à la quantité de sucre interverti présente. Son degré polarimétrique continue à diminuer après l'addi- tion d'alcali qui arrête le phénomène diastasique, ainsi que l'ont observé MM. O'Sullivan et Tompson. La variation est même parfois notable : elle est d'autant plus lente que la dose ajoutée d'alcali est plus faible. Mais lente ou rapide, elle abou- tit au même point, et le terme auquel elle correspond alors est le même, qu'on l'évalue par la rotation polarimétrique lors- quelle est arrivée à l'état stable, ou par un dosage à la liqueur de Fehling, ou par une détermination cryoscopique, ces deux dernières épreuves pouvant suivre de très près l'addition de l'alcali. La diminution polarimétrique n'est donc pas due à une continuation dans l'action de la diastase, mais à la multi- rotation connue du dextrose, phénomène tout à fait indépen- dant de ceux que nous avons à étudier. 163. Maximum d'action dans le cas des acides. — Reve- nons maintenant aux acides, plus intéressants au point de vue théorique et au point de vue pratique, et suivons l'efTet produit sur la diastase par des doses croissantes. Nous allons voir que pour tous les acides, nous arrivons à un maximum, comme dans le cas de l'action de la chaleur. Nous avons seulement une précaution à prendre. L'acide, lorsque sa proportion dépasse un certain chiffre, ne se borne pas à augmenter l'effet de la diastase, il intervient pour son propre compte comme agent d'inversion, et il faut autant que possible séparer ces deux actions, si on veut se renseigner sur la première. Cette séparation n'est pas facile, pour des raisons théoriques que nous connaissons déjà. L'inversion par un acide, nous l'avons vu, ne dépend pas de la dose de su^ 238 CHAPITRE XIV elle ne dépend que la dose d'acide. L'inversion par la dias- tase dépend, au contraire, à la fois et de la dose de diastase et de la dose de sucre. Quand elles se superposeront, leur somme ne sera pas la somme des actions séparées, pnisque elles ne suivent pas la même marche. Le sucre disparaissant plus vite dans une liqueur où la diastase et l'acide agissent simultanément, la loi de l'action diastasique ne sera pas la même que dans un liquide où la diastase commanderait seule à la transformation de ce corps. On peut cependant admet- tre que tant que l'acide n'a qu'une faible part dans l'action totale, on peut l'évaluer de la façon suivante. 164. Métliode de mesure. — On fera toujours une expé- rience de comparaison : à coté du tube dans lequel on fait agir la sucrase et l'acide sur un poids déterminé de sucre, on en mettra un autre, destiné à mesurer la quantité de sucre inter- verti par l'acide seul, et contenant la même dose d'acide et la môme quantité de diastase bouillie. 11 faut se servir de diastase bouillie et non d"eau distillée, parce que le liquide diastasifère contient des éléments qui peuvent accélérer ou retarder l'action de l'acide, et qui, présents dans le premier tube, doivent aussi se trouver dans le second. En fait, M. Fernbach, qui a inauguré cette méthode, a toujours trouvé une diffé- rence de 1 à 2 centigrammes entre les résultats fournis par l'eau bouillie et par la diastase bouillie, comme si cette dias- tase contenait des substances légèrement retardatrices sur l'action de l'acide. Il a en outre opéré sur un liquide aussi neutre que possible. Enfin, comme il opérait en présence de 2 gr. 5 de sucre, les quantités de sucre interverti, quand elles ne dépassent pas 30 à 35 centigrammes, sont k peu près pro- portionnelles à la valeur de a pour la dose d'acide correspon- dante. 165. Résultats. — Cela posé, voici les chiffres trouvés pour quelques acides, dont les doses sont indiquées en millionnièmes, ou en milligrammes par litre. Les quantités Q de sucre sont, INFLUENCE DES ACIDES ET DES ALCALIS 239 en centigrammes, les quantités de saccharose interverti en une heure à la température de 06'', déduction faite de celle (jue l'acide intervertit à lui seul dans les conditions que nous venons de définir. ies d'acide Acide sulfurique Acide oxalique 2o U = = S9 Q = 41,6 SO 29 45,*7 400 29,1 4*7 200 26.3 43,5 500 13 36,2 1.000 0 21,1 2.000 » 3,7 4.000 » 0 On a marqué en chiffres gras les chiffres du maximum, ou ceux (jui le comprennent entre eux. Pour l'acide sulfurique ce chiffre est probablement inférieur à 25 millionièmes. A cette dose l'acide n'intervertit pas sensiblement de sucre pour son compte. Pour l'acide oxalique, une autre expérience a montré que le chiffre du maximum était voisin de 66 millionnièmes. Cette dose d'acide n'intervertit pas non plus le sucre pour sa part. Voici maintenant des acides pour lesquels les doses d'acide qui fournissent le maximum intervertissent pour leur part une dose de sucre mesurable, et qu'il faut retrancher du nombre fourni par le tube où la diastase et l'acide fonctionnent en- semble. Acide succiaique Q = 32,2 33,7 36 36,7 » 37,2 » 36, o » » 32,4 33,2 Doses d'acide 50 100 200 1.000 2.000 4.000 5.000 8.000 Acide tartrique Q = = 38,5 37 63,2 64,8 •2A{) CHAPITRE XIV Doses d'acide Acide lactique Acide acétique 100 O =30 y = 61,7 400 36,1 63,8 500 36,8 » 4.000 36,8 72,0 2.000 36,8 73,5 îi.OUO 37.8 73,3 10.000 33,7 73,2 20.000 32 73.3 50.000 » 50 ici, les maximums sont moins nets, car les doses d'acide qui les produisent intervertissent pour leur part une certaine quantité de sucre. Voici pourtant ce qu'on peut prendre comme doses d'efTet maximum Je mets à côté les quantités de sucre interverti, dans les conditions de l'expérience par ces doses d'effet maximum. Dose d'effet Sucre interverti ~ maximum par celle dose Acide sult'urique 23 0,0 Acide oxalique. Q6 0,0 Acide tartrique i 000 8,5 Acide succinique 2.000 4,3 Acide lactique o.OOO 12,2 Acide acétique i 0 . 000 6,3 On voit qu'il n'y a aucun rapport entre les doses d'effet maximum, et le pouvoir inversif de l'acide seul. On voit aussi que les doses defi'et maxiujum sont très variables avec les divers acides, et 400 fois plus fortes pour l'acide acétique que pour l'acide sulfurique. Si on veut ranger les acides étudiés, non d'après les doses pondérales d'effet maximum, mais d'après les nombres de molécules qui composent ces doses, on obtient le classement suivant : milligramme- molèculfs Acicle sulfurique 0,25 Acide oxalique 0,72 Acide tartrique 6,7 Acide succinique 17,0 Acide lactique 35,0 Acide acétique 166 iXPTLrKNCF. DKS ACIDKS RT DRS AT.CAI.IS -lil Les expériences ci-dessus, faites avec des liquides diastasi- fères diftereuts, ne sont pas iniuiédiatement comparables les unes aux autres. Comme elles n'étaient destinées qu'à nous don- ner la position du maximum, cela est indifTérent ; mais nous pouvons nous demander, maintenant que nous connaissons les doses d'effet maximum pour divers acides, si ces doses, mises en présence de la même dose de la même sucrase, se compor- teraient de la même façon, ou si chacune aurait son action par- ticulière. Pour le savoir, M. Fernbach a fait l'expérience ré- sumée dans le tableau suivant, où l'on trouve, dans la colonne A H- D, la quantité en centiurammes de sucre interverti par l'acide et la diastase, en A la quantité de sucre interverti par l'acide seul, et en D la différence, attribuable à la diastase agissant seule en présence de ces doses vari;i CIIAIMTHI': \l\' s de SO:' Sucre produit 0 0,U 10 0,47 20 0,49 25 0,48 30 0,43 35 0,^27 40 0,13 60 0,02 dOO 0.01 On voit que des iraces très faibles d'acide sulfurique activent sensiblement Faction de la diastase, mais que celle-ci décroit avec une grande rapidité^ à mesure que la proportion d'acide augmente. On trouve des résultats analogues pour les autres acides minéraux, cblorliydri(jue, azotique, phospliorique. Ces acides se montrent seulement un peu moins actifs, à doses égales, que l'acide sulfurique, et les acides organiques, formi- que, acétique, citrique le sont encore moins. Mais avec tous, il y a un maximum. De plus, ce maximum, comme pour la sucrase, ne correspond pas à un même degré d'acidité dans le liquide, et on peut se demander s'il n'entre pas en jeu, ici comme tout à l'iieure, des influences des matériaux autres que la diastase, apportés soit par l'empois d'amidon, soit par l'extrait de malt. L'amidon et son empois sont parfois faiblement acides. Il en est de même pour l'extrait de malt qui, en outre, apporte des phosphates. Si on ne neutralise pas ces liquides, leurs acides interviennent en même temps que l'acide ajouté : si on les neu- tralise, des déplacements de base peuvent changer, au moins en partie, la nature de l'acide dont on étudie l'influence, en le rem- plaçant par un acide plus faible. Quand on emprunte son amy- lase non au malt, mais à des sources d'ordinaire moins abon- dantes, à la salive par exemple, on a affaire à un liquide le plus souvent alcalin, et si on force la dose de salive pour compenser la dilution de sa matière active^ on sature une partie plus ou moins considérable de l'acide ajouté. C'est ce qu'a montré M. Bourquelot en cherchant comment se iXKLrKNci'. DKS AciDKS i:t I)i:s alcalis :>\:] comportait l'acide chlorhydrique sur la salive. Malheureusement, au lieu de prendre comme critérium de Taction la quantité de sucre formé, il a seulement mis en œuvre la réaction de la tein- ture d'iode après 24 heures et 48 heures, ce qui ne renseig-ne que sur la diastase décoagulante, dont l'action, nous le savons, n'est pas parallèle h celle de l'amylase. Il a pourtant trouvé, comme Kjeldahl, que, au-delà de la dose 50 millionnièmes de HCl, cet acide était nuisible à l'action. A cette dose même, l'effet accéléra- teur augmente avec la quantité de salive ajoutée, non seulement parce que la diastase augmente aussi^ mais parce que, en satu- rant en partie l'acide, la salive en ramène la proportion dans la zone des maximums d'effet. Avec ces faibles doses d'acidité, il faut toujours prendre garde à ces actions secondaires. Ghittenden et Smith ont trouvé comme moyenne du taux d'alcalinité dune quinzaine d'échantillons de salive le chiffre de 97 (en millionnièmes) exprimé en Na 0, C0^ C'est un chiffre voisin des doses actives d'acide, et par conséquent les liqueurs qu'on mélange sont à peu près équivalentes. Cette alcalinité normale gêne du reste l'effet de la salive sur l'empois, et, en la neutralisant, on augmente l'activité de la diastase. Enfin, pour la salive, nous pouvons relever une dernière cause d'erreur qui apparaîtra davantage dans le cas de la pepsine. Lorsqu'on mélange de faibles doses d'acide avec une matière albuminoïde, fd^rine, caséine, albumine, ce»t acide perd quelques-unes de ses propriétés. 11 ne réagit plus par exemple vis-à-vis de la tropéoline et de certains autres réactifs colorés comme il le ferait s'il était on solution dans l'eau. De plus, il se partage inégalement entre l'eau et la matière albuminoïde, et le titre acide, mesuré au moyen de la teinture de tour- nesol, par exemple, tombe au-dessous du niveau qui corres- pondait à la dilution de la même quantité d'acide dans la même quantité d'eau. Ces neutralisations apparentes n'ont pas beaucoup d'importance avec la pepsine, à cause de la gran- deur des doses d'acide qu'il faut faire entrer en jeu. Mais, avec l'amylase de la salive, elles peuvent conduire à des erreurs. Chittenden et Smith ont trouvé, comme moyenne de 8 déter- 2i6 ClIAPITI^i: \IV iiiiiiaiions, (luc la salive neutralisée au tournesol et filtrée pouvait ainsi absorber près de iOO millionniènies de son poids d'acide, qui n'est ni de Tacide saturé, ni de l'acide libre. Ce chiti're est, comme on voit, très élevé. Aussi en comparant la salive normale alcaline, la salive neutralisée, la salive dont les matières protéiques étaient gorgées d'acide, et enfin la salive qui contenait, en outre, un peu d'acide chlorhydrique en excès, Chittenden et Smith ont trouvé que l'action diasta- sique allait en augmentant de la première salive à la dernière, tant que la dose d'acide en excès dans celle-ci restait faible. Au delà on retombait dans le cas des expériences de Kjeldahl, et la diastase allait en s'afFaiblissant. Tous ces faits ont de l'importance, non seulement au point de vue théorique, mais aussi au point de vue physiologique du rôle de la salive dans l'estomac. Il est évident que le procès diasta- sique dans la bouche et surtout dans l'estomac est essentielle- ment variable, et non seulement qu'il y en a presque autant que dindividus, mais encore que celui du lendemain n'est pas né- cessairement copié sur celui de la veille. 168. Pepsine. — Ici les doses d'acide qui favorisent l'action de la diastase sont plus considérables qu'à propos de la sucrase et de l'amylase ; mais la marche de l'action est la même et passe encore par un maximum. Malheureusement, cette marche est moins facile à saisir que tout à l'heure. Nous indiquerons bien, quand nous étudierons la pepsine, une méthode qui permet d'évaluer la puissance de la diastase par la longueur d'un petit cylindre d'albumine coa- gulée qu'elle dissout dans l'unité de temps. Mais cette méthode n'a pas encore, à ma connaissance, été appliquée à l'étude de l'action des acides, et A. Petit, qui s'est le plus occupé de ce sujet, s'est contenté de la méthode qui consiste à évaluer l'action d'une pepsine en traitant par l'acide nitrique le résultat de sa digestion sur de la fd)rine fraîche. S'il n'y a pas eu action, l'acide nitrique ne donne rien. Si! y a eu simplement gélification de la fibrine, l'acide nitrique donne un précipité d'autant plus fort IXFMKXCK DES ACIDKS KT DKS AI.CAF.IS :>'.7 que la quantité de fibrine réellement digérée et dissoute est plus faible. S'il y a eu digestion véritable, le liquide reste limpide comme dans le cas où la fibrine est restée intacte, mais l'aspect du résidu empècbe toute confusion. M. Petit a essayé par ce procédé divers acides. Voici, comme exemple, une de ses expériences faites avec 0,10 gr. de pepsine et des doses d'acide chlorhydrique HCl exprimées en millionnièmes : Doses d'acide chlorhydrique. Résultats de l'action de l'acide nitrique. 1.000 Rien : La fibrine n'est pas altaquée. 2.000 Précipité. Latlaque est incomplète. Jî.OOO Pas de précipité. i.OOO Pas de précipité. y 000 Pas de précipité . 7.500 Précipité. L'attaque est de nouveau incomplète. 10.000 Précipité abondant. :20.000 Précipité très abondant. 11 y a donc ici encore une dose d'effet maximum voisine de 4 grammes d'acide chlorhydrique par titre. En opérant de la même manière avec d'autres acides, A. Petit a trouvé les nombres suivants, correspondant tous à la même dose de 10 centigrammes de la même pepsine. Cette fois, les doses sont exprimées en millièmes : Acides étudiés. Doses d'efiet maxim Acide chlorhydrique .3 à 5 — bromhydrique 2 à 5 — sulfurique 2,5 à 10 — phosphorique ordinaire 5 à 10 — lactique 20 à 40 — tartrique 40 — malique 20 à 40 — oxalique o à 10 — formique 10 — salicylique 0,5 à 2 — gallotannique 0,5 On voit combien sont variables les doses d'effet maximum, et on a même la surprise de voir des acides faibles, comme l'acide salicylique, agir à des doses moindres que l'acide chlor- hydrique et l'acide sulfurique. Mais il ne faut pas oublier 248 CHAPITRE XIV que ces doses (Teffct maximum ne sont pas du tout des doses de même effet, et «jue l'acide salicylique peut entraver, comme antiseptique, une action (ju'il avait d'abord favorisée comme acide. Ou pourrait relever dans cette étude bien d'autres l)izarreries. C'est ainsi que l'acide phosphorique or- dinaire agit à doses moyennes, tandis que l'acide pyrophos- phorique, aux doses de 5 à 40 millièmes, ne réussit pas à amener même une simple solution de la fibrine. L'acide butyrique, l'acide valérianique, sont dans le même cas. A côté de ces acides, les acides salicylique, gallotannique, bo- rique amènent à faible dose des digestions faciles. Nous au- rons à étudier ces eiïets à propos de certains corps neutres et certains sels qui les produisent aussi. Pour le moment, ce que nous devons relever, c'est l'existence d'un maximum tout à fait comparable à celui que nous avons observé à propos de l'effet de la chaleur. 169. Etude du maximum observé dans tous les cas. — Ici encore nous pouvons songer à l'interpréter. Toutes les expériences qui précèdent ont été faites en faisant agir simul- tanément, dans une même liqueur, la diastase, l'acide et la matière sur laquelle s'exerçait l'action. Essayons encore une fois de décomposer le problème, et de voir ce que donne- rait l'acide agissant séparément sur la diastase et sur la sub- stance que la diastase transforme. Nous y trouverons, peut- être, le secret de ce qui se passe quand les trois substances sont mélangées. Une partie de cette ventilation est déjà faite. Nous avons séparé, à propos de la sucrase, l'action de l'acide de celle de la diastase. iV propos de l'amylase, nous pouvons nous dis- penser de ce soin, car aux doses auxquelles ils agissent pendant la saccharification de l'empois, les acides sont in- capables d'agir par eux-mêmes. Nous savons d'ailleurs que s'ils intervenaient, ils fourniraient, non du maltose, mais du glucose. Reste l'action de la pepsine, dans laquelle l'acide seul a sur la fibrine une action incontestable. Mais la paren- INFLUENCE DES ACIDES ET DES AECALIS 249 thèse que nous devrions ouvrir pour étudier cette question serait trop longue. Nous la retrouverons quand nous exami- nerons, dans le chapitre prochain, le mécanisme général de la coagulation et de la décoagulation. C'est à ce mo- ment aussi que nous pourrons nous préoccuper de Taccé- lération que de petites doses d'acide impriment aux effets de la présure. Bornons-nous à remarquer pour le moment que tant pour la sucrase que pour Tamylase, Faction des aci- des sur le sucre ou l'empois peut être négligée, au moins pour les doses usuelles en présence des diastases. Mais nous avons à connaître l'action que l'acide exerce sur la diastase seule. Pour les mêmes raisons que plus haut, nous laisserons de côté les phénomènes de coagulation de la dias- tase qui peuvent résulter de ce contact. Nous n'envisagerons que les phénomènes chimiques, par oxydation ou autrement, qui peuvent prendre naissance. Dans cet ordre d'idées nous rencontrons tout de suite les expériences de M. A. Fernbach. IT*©. Expériences de M. A. Fernbach.. — Que se passe-t-il quand on acidulé ou quand on alcalinise une solution de sucrase, et qu'on laisse agir sur le mélange soit le temps, soit la chaleur, soit la lumière ? Il semble que pour ré- pondre à cette question il suffise de faire agir ce mélange sur du sucre, par comparaison soit avec un mélange récent, ou avec un mélange non chauffé, ou avec un mélange laissé à l'obscurité. Mais ces expériences ne seraient pas compara- bles, parce que la réaction acide du milieu ne serait pas partout la même. Il faut d'abord égaliser le titre acide de ces diastases diversement traitées, avant de les faire agir sur du sucre. Pour cela, le mieux est d'ajouter partout 1 0/0 d'acide acétique. Avec cet acide, la dose d'effet maximum est assez élevée pour que les petites différences d'acidité ou d'alcalinité introduites par l'expérience^, et qui ne dé- passent pas quelques millionnièmes, n'aient aucun rôle per- turbateur. Au voisinage du maximum, les variations sont faibles. De plus cette dose de 1 0/0 est très facilement me- 2;i0 CIIAIMTI'.K \l\ surable. Enfin l'acide à ce titre et îi la température de lex- périence (50") ne prend (prnne faible part à l'inversion dn saccharose. Il en intervertit ponr sa part environ 5 cenli- grainmes, (ju'on retrancliera dn nombre toujours beaucoup pins grand, obtenu dans Texpérience on la diastase et l'acide agissent simultanément. 1 7" 1 . Action de lacidité ou de l'alcalinité à la chaleur, sans oxydation. — Avec un même liquide diastasifère faible- ment acide, on fait trois mélanges contenant : A, 200 million- nièmes d'acide acétique ; B, rien; C, 00 millionnièmes de soude : ces trois liquides sont chaufies 24 heures à 56'^, dans des tubes vides d'air. Au bout de ce temps, on les essaie comparativement avec les mêmes liquides frais, avant chauf- fage. Les pertes sont : A 22 0/0 B 51 0/0 C 79 0/0 Il y a donc destruction à la chaleur, en dehors de toute oxydation apparente, et la sucrase résiste d'autant mieux à cet agent qu'elle est plus acide. A température plus basse l'action est beaucoup moins vive, alors même qu'on fait in- tervenir l'oxygène. Voici les pertes subies, après 48 heures d'aération à 35", par des mélanges d'une même quantité de diastase avec des doses variables d'acide et d'alcali, expri- mées en millionnièmes : Pertes 0/0 A 420 d'acide acétique . . 0 B 270 » 0 C neutre 5 D 75 de soude 20 E 150 » 40 L'alcalinité est donc toujours une cause de faiblesse, et cette conclusion est remarquable, car nous avons vu qu'au soleil, c'était au contraire la diastase acide qui se détruisait le plus vite. La perte subie par la diastase à la chaleur augmente na- turellement avec la durée d'exposition. Pour le démontrer INFI.UKNCK DKS ACIDES KT DES AECAEIS 251 on s'est servi d'une solution A de diastase, contenant 80 mil- lionnièmes de soude et un peu alcaline, l'autre B, contenant seulement 40 millionniènies, et neutre. Quatre tubes renfer- mant chacun o ce. de A, quatre autres renfermant 5 ce. de B, sont mis au bain-marie, à oO". Toutes les heures, on met dans un tube de chaque série 5 ce. d'eau sucrée et on dose le sucre interverti après 1 heure. On trouve les nombres sui- vants, pour les pertes subies^ le numéro d'ordre de chaque expérience indiquant le nombre d'heures pendant lequel cha(|ue tube est resté à 56*' avant d'avoir été mis en contact avec le saccharose. A B 1 5 0 2 16 6 3 20 8 4 28 10 On voit qu'avec le liquide le plus alcalin, l'oxydation com- mence plus tôt et qu'elle est plus énergique qu'avec le liquide neutre. On voit aussi que, une fois commencée, elle s'accélère, puis que au bout de quatre heures, elle est, dans les deux cas, bien supérieure à quatre fois ce qu'elle était dans la pre- mière heure. 173. Conclusion. — Les expériences n'ont malheureuse- ment pas été poussées plus loin, mais, si incomplètes qu'elles soient, on peut en tirer certaines conclusions. Nous voyons d'abord que, pour une dose d'acide acétique environ 50 fois plus faible que la dose d'effet maximum, la destruction, après 24 heures k 56", de la diastase par l'acide est déjà très sen- sible, alors môme que l'air n'intervient pas. En augmentant la dose, en aurait eu sûrement un effet plus grand, ou le même effet avec une moindre durée d'action. Avec les alca- lis, la destruction s'accomplit suivant les mêmes lois, mais d'une façon plus rapide. Avec ces notions, nous pouvons reve- nir sur quelques-uns des faits énumérés dans ce chapitre, et nous les expliquer. 9n9 CIIAl'ITIU: XIV Nous avons vu que la sucrasc n'agit pas dans un milieu légèrement alcalin. En réalité, nous savons qu'il n'y a pas de barrière fixe entre les milieux acides et les milieux alca- lins. Tout ce qu'on peut dire, c'est qu'à mesure que l'alca- linité augmente, Taction de la diastase devient de plus en plus faible. D'un autre côté, l'alcalinité croissante provoque la destruction de la diastase à toutes les températures, sur- tout à celle à laquelle se font les essais. Rien d'étonnant, dès lors, à ce qu'une action faible, et qui s'éteint vite, passe ina perçue. Avec les acides, au contraire, elle s'accélère, et sa marche peut être représentée par une courbe telle que celle de la figure 20 dans laquelle on compte les doses d'acidité dans le sens positif, à droite de l'origine, et les alcalinités à gauche, l'origine passant par le point variable qui correspond à la neutralité pour le papier réactif dont on se sert. La quantité Fig. 20. de sucre intervertie dans l'unité de temps augmente ainsi, à partir de la zone de neutralité, avec la dose d'acide, et le phénomène resterait probablement très régulier si la destruc- tion par l'acide n'intervenait pas. Cette destruction, faible pour de faibles doses d'acide, augmente avec ces doses : la quantité de sucre que pourrait hydrolyser la diastase qui reste, après un certain temps de contact, diminue à mesure que l'acidité augmente, et peut être représentée par une courbe à INFLUENCE DES ACIDES ET DES ALCAEIS 253 ordonnées décroissantes comme celle qui est dessinée sur la figure. Cette seconde courbe coupe la première et doit inévita- blement, comme on le voit, amener l'existence d'un maximum, figuré par la courbe pointilléc. On peut môme prévoir que la zone dans laquelle évolue ce maximum sera beaucoup plus étendue que pour la cbalour, à. propos de laquelle nous avons fait un raisonnement tout pareil. C'est que la chaleur est une pour toutes les sub- stances aux(]uelles on l'applique, tandis que l'elict des acides, n'est pas, comme nous l'avons vu, seulement un etl'et d'aci- dité. Chaque acide a ses allures spéciales, r.a façon d'activer l'effet de la diastase, sa façon de la détruire, et un maximum qui dépend de cette superposition de causes doit être plus flottant encore que celui que nous avons constaté à propos de la chaleur. L'expérience, comme on sait, est d'accord avec cette conclusion, et nous voyons en même temps com- bien devient compliqué, à mesure qu'on l'étudié davantage, le mécanisme d'action d'une diastase. Nous avons vu qu'elle était influencée par des causes infiniment petites, parfois impossibles à mesurer ; elle nous apparaît comme une fonc- tion complexe des conditions dans lesquelles elle se produit, si bien qu'une diastase peut être présente sans amener aucune transformation chimique. Nous retrouverons bientôt cette con- clusion : contentons-nous de faire remarquer l'importance que cette variabilité d'action peut avoir an point de vue de la vie intracellulaire, puisque la diastase peut trouver, pour des changements très faibles dans la réaction du protoplasma, des conditions qui tantôt exagèrent son action, tantôt l'anni- hilent, qui lui permettent de résister aux agents chimiques et physiques de sa destruction ou qui augmentent au contraire sa fragilité. •2U CHAPITRE XÎV BIBLIOGRAPHIE K.IELDAHL. Mi'dilelelser fra Carlsberg Laboralorift, t. I, 1881. DUCLA.UX. Microbiologie, 1883. FernbaCH. Annales de /'/nxlitul Pasteur, t. III, p 473 et 531, 1889. O'SULLlVAN et ToMPSON. Journal afchem. Societij, 1890. Leyser. Der Bayeriscke Bierbraiier, 1869, p. 30. E. BOURQUELOT. Journal de ph. et de chimie, t. X, 1881, p. 177. Chitthndkn et Smith. Ckemical Jews, i. LUI, 1886, p. 109. A. Petit. Recherches sur la pepsine, Paris, 1881. CHAPITRE XV PHÉNOMÈNES DE COAGULATION La mai'che générale de notre exposé nous conduit, après avoir étudié l'action des acides et des bases sur les diastases, à étudier celle des sels. Mais celle-ci est tellement complexe qu'elle ne peut être envisagée en bloc. Un même sel peut favoriser certaines diastases et en paralyser d'autres. Il peut activer ou ralentir l'action d'une môme diastase suivant sa proportion. Le détail serait donc infini, et nous ne pouvons éviter de nous y perdre qu'à une condition, c'est de renvoyer à l'étude individuelle de chacune des diastases l'indication de SCS sels adjuvants ou paralysants principaux, et de nous bor- ner à signaler ici ce qu'il y a de général dans l'ensemble de ces actions variées. Pour faire ce dernier travail avec utilité et profit, nous pou- vons revenir aux grandes divisions établies au début de ce livre entre les diastases. Nous trouvons d'abord devant nous les diastases coagulantes et décoagulantes. Avant de les étudier dans leur individualité, nous avons évidemment intérêt à nous demander, de plus près que nous n'avons eu à le faire jus- qu'ici, ce que c'est que le phénomène de la coagulation. Nous voyons se coaguler les substances les plus variées, la fibrine du sang, l'albumine de l'œuf, la caséine du lait, la gélatine, la silice, l'alumine, l'argile, les sels de fer, un grand nombre de sels minéraux et organiques, les gelées végétales, les sucs de plantes, bref un trop grand nombre de substances de compositions trop variées pour qu'on puisse voir dans ce phénomène une conséquence de leur constitution chimique. De plus, la différence de propriétés entre un corps coagulé et non coagulé nous apparaît comme étant surtout d'essence ■im CITAPITP.K W |»liysi(jii(\ et |)(>m'tant il y a des cas où il semble que des ac- tions cliiniiques eiitreid on jeu. Cherchons donc ce que peut être en Ini-niônie ce phénomène de la coagulation. Nous en tirerons ccrlainemeiit quelques lumières au sujet des influences qui le produisent. 173. Etude du phénomène de la coagulation. - Dans Ions les phénomènes de coagulation, nous trouvons une substance, liquide en apparence à une certaine température ou dans de certaines conditions de milieu, et qui, pour une faible dilie- rence dans cette température ou dans ces conditions extérieures, se prend peu à peu en masse plus ou moins solide, molle et élastique dans certains cas, plus ou moins friable dans d'autres, mais ayant pour caractère général d'englober une forte pro- portion d'eau ou du dissolvant enqiloyé. On peut voir tout de suite qu'une grande partie de cette eau, au moins, est retenue par le même mécanisme (fue dans une éponge, et parce que la masse coagulée s'est remplie de trabécules, de filaments enche- vêtrés retenant dans leurs mailles le liquide ambiant. Quand ces trabécules sont molles et extensibles, la masse a une con- sistance de gelée. Quand elles sont raides et cristallines, comme dans le cas du sulfate de quinine, le coagulum est plus facile à disloquer. Mais la séparation du liquide et du solide se fait avec le temps, même dans les coagulums les plus élas- tiques et les plus mous. Les coagulums de gélatine, de silice, de fibrine du sang-, de caséine du lait, se contractent peu à peu en laissant exsuder le liquide contenu dans leurs mailles, et on en retire une substance qui, à mesure qu'elle se des- sèche et se resserre, devient de plus en plus incapable de revenir à son état de solution initial, à celui dans lequel elle a été prise et saisie par le phénomène de coagulation. Voilà pour le gros du phénomène. Nous avons évidemment maintenant à entrer dans le détail et à nous démander comment nous pourrons suivre de plus près la matière en voie de coa- gulation. La première question à nous poser est la suivante: Il y a des solutions non coagulables. Il y en a, au contraire, imii:n().\ii:.m:s dk goagllatiox :.>o7 (|ui le sont très aisément. Y a-t-il, au point de départ, quelque eliose qui les diliérencie ? l'74. Solution et pseudo-solution. — Sur ce point, on ne saurait se lier aux; ;i[)pai'ences. On peut faire des solutions coa- gulables de silice ou de f;élatine aussi lim[)ides que des so- lutions de sel marin, qui ne se coagule pas. Par contre, des liquides coagulables peuvent se présenter sous des aspects très variés. Une solution à peine trouble crbydrate ferrique ou de caséine ne saurait, en apparence au moins, être comparée avec de l'eau tenant de l'argile en suspension ; et cepen- dant, quand on cbercbe quelles peuvent être les différences pbysi(pies essentielles de ces divers liquides, on n'en trouve pas, car ils peuvent se coaguler sous les mômes intluences, et même les tlocons d'argile, précipités par du cblorure de calcium ou de magnésium, peuvent, en se desséchant, prendre Taspect demi-transparent et corné qui caractérise la caséine sèche. Etudions d'al)ord ces flocons d'argile que leur insolubilité [)ermet d'observer plus longtemps. Une fois agrégés en masses molles plus ou moins volumineuses, ils peuvent inversement, lorsqu'ils sont délayés dans un liquide convenable, s'y diviser sous formes de masses invisibles à l'œil nu, mais encore saisis- sables au microscope. Dans toute cette partie du phénomène dont nous pouvons suivre le détail, il ne s'agit, en apparence au moins, que d'une dislocation, d'une pulvérisation de plus en plus fine de la masse originelle, de môme que le phénomène inverse, la coagulation de l'argile en suspension, est une agrégation progressive des matériaux microscopiques primitifs en masses de plus en plus volumineuses. Passons à la caséine maintenant. Dans du lait qui commence à s'aigrir, mais qui est encore parfaitement liquide, le microscope montre, comme je l'ai signalé, un fin précipité granuleux, prestjue insaisissable à SCS débuts, ne se traduisant que par l'aspect finement cha- griné du champ de la vision, mais aboutissant à des granula- tions très visildes. animées du mouvement brownien ai)solu- 17 :>58 CIIAlMTIÎh: XV meiil comme pour l'argilo. Faut-il admettre (juc le pliénomèiie de coagulation de la caséine change bi'usqneuiont de natui-e, au mouiont où nous commeneons à rajîercevoir, et à pouvoir juger de la façon dont il se produit? A partir de ce moment, il se traduit à nos yeux par des phénomènes de condensation moléculaire de plus en plus copieuse. Il ressemble alors à de l'argile qui s'agglomère et se dépose. Faut-il croire tpi'il a une autre essence avant le moment où il devient possible à étu- dier au microscope? Ce caractère de visibilité lui est exté- rieur; il ne dépend que de nous et de l'habileté de nos cons- tructeurs. Il n"a donc aucune iuijîortance dans l'espèce. Dès lors, nous voilà conduits à penser que cette condensation ré- gulière qui donne naissance à la coagulation, dans toute la région abordable pour l'œil, commence déjà avant que le microscope nous en ait averti ; mais, si légitime que soit cette induction, elle resterait un peu en l'air si nous ne pouvions la justifier par l'expérience. Cette expérience est subordonnée à la découverte d'un moyen qui nous permette de voir les molécules à un degré de gran- deur auquel elles sont encore absolument iuvisibles au micros- cope, qui ne montre nettement (£ue des objets dont la grandeur approche de un demi-millième de millimètre. Quand on en voit de plus petits, par exemple les cils de certaines bactéries, c'est à cause des phénomènes de ditfraction auxquels ils don- nent naissance. Quand ces objets, placés au-dessous de la limite de vision distincte au microscope, sont rangés réguliè- ment, les phénomènes de difl'raction se transforment en phé- nomènes de réseaux, et la visibilité de la masse résulte de jeux de la lumière. C'est ainsi qu'avec une structure en appa- rence très homogène, la nacre de perle peut manifester ses irisations caractéristiques. Dans cet ordre d'idées, nous devons à M. Morren d'abord qui l'a découvert, puis à M. Tyndall qui en a montré la délicatesse, un moyen de scruter la structure de la matière, à un moment où ses éléments sont encore loin d'être saisissables au microscope. C'est ce que nous avons déjà étudié dans le courant de cet ouvrage sous le nom de PHENOMENES DE COAGULATION 2oll Réaction dt- Ti/in/dll, mais sans en scruter suffisanmieiit les conditions et le mécanisme. 175. Réaction de Tyndall. — Introduisons avec M. Tyn- dall, dans uu tube liorizontal que peut traverser un jet puissant de lumière, un licjuide décomposable par cet agent, par exem- ple, du nitrite d'amyle ou de l'iodure d'allyle mélangés avec une trace d'acide cblorbydrique. « Pencb^nt quelque temps, dit M. Tyndall, on ne voit rien. L'action cbimique progresse sans doute, la condensation suit sa marche ; mais les molécules ne sont pas encore réunies en particules assez larges pour rétlécbir sensiblement les ondes lumineuses. La dimension de ces par- ticules ne pourrait sans doute être exprimée qu'en million- nièmes de pouce (en quarante-millièmes de millimètre), et pour former cbacune d'elles, il a sans doute fallu des multitudes de molécules. Aidée par ces considérations, la vision intellec- tuelle plonge plus profondément dans la nature atomique et nous montre, entre autres choses, combien nous sommes loin de voir se réaliser les espérances de Newton, qu'un jour viendrait où on pourrait voir les molécules au microscope. Pendant que je parle, vous voyez une délicate couleur bleue apparaître et auguienter dans le tube. Aucun bleu de ciel ne la dépasse en richesse et en pureté, et les particules qui la produisent sont encore très au-dessous de la zone d'action du microscope... Ce bleu est, à l'origine, aussi profond et aussi noir que le ciel vu des plus hauts sommets des Alpes ; mais il devient de plus en plus brillant, tout en restant bleu, jus- qu'à ce qu'enfin une teinte blanchâtre se mélange au pur azur. » A ce moment, les particules approchent du degré de gran- deur qui va les rendre visibles au microscope. Elles sont for- mées, dans l'expérience qui précède, de l'aggrégation des molécules de nitrite d'amyle ou de l'iodure d'allyle dissociées par l'action lumineuse, mais le phénomène est le môme toutes les fois que, pour une raison quelconque, physique ou chi- mique, des molécules s'agglomèrent de façon à donner des :>(i() CIIAIMI'lîl-; W [)ai'li(ul('s de grosseur ci'oissante. 11 n'est, par exemple, pas j-ai'C (le voii*, d;uis les pays de montagnes, un nuage commencer par une irisation multicolore qui embrasse une portion d'abord peu étendue du ciel, et qui correspond au nudange confus d'un grand nombre de particules aqueuses, d'abord individuel- lement invisibles, qui grossissent de plus en plus, de façon à pouvoir être aperçues au microscope d'abord, à Tu-il ensuite. Alors, toute irisation a disparu, sauf parfois sur les bords, et le nuage, réfléchissant indifTéremment tout(»s les radiations lumineuses qui tombent sur lui, est opaque par transparence et blanc par réflexion, tandis qu'à ses débuts, comme dans l'expérience de Tyndall, il est bleu par réflexion, et, par con- séquent, rougeàtre par transparence. C'est ainsi que le ciel est bleu pour la lumière réfléchie, et colore en rouge la lumière d'un astre à Ihorizon. ('/est ainsi que la fumée bleue d'une ciga- rette projette sur le sol ou sur le papier une ombre rouge. Ce n^est ptas tout. La lumière blanche d'un nuage n'est pas polarisée : celle du ciel bleu l'est partiellement mais non complètement, car le ciel le plus pur contient encore assez de vapeur d'eau à l'état globulaire pour qu'on puisse considérer sa couleur bleue comme se détachant sur un fond blanc. Pour savoir quel est l'état de polarisation de Ja pure lumière bleue que réfléchissent les particules dans la première période de leur coalescence, il faut étudier avec un prisme de Nicol la lumière émise par le tube de Tyndall. On s'aperçoit alors que cette lumière est complètement polarisée dans un plan per- pendiculaire à la direction du rayon lumineux lancé dans le tube, et cette polarisation distingue cette lumière à la fois de la lumière des corps fluorescents, et de celle que réfléchissent les molécules lorsqu'elles sont devenues assez grosses pour être visibles à l'd'il nu ou au mici'oseope. 176. Expériences de Picton et Linder. — Uevenons, avec ces notions, à l'étude de la coagulation, et demandons-leur de nous servir de guide au moment où nous sommes abandonnés par le microscope. Si un rayon lumineux, lancé à travers un li- piii:n().mkxi-:s di'. co.vc.ii.atiox -ka quide coagulable, eu apparence parfaitement limpide, et où le microscope ne découvre rien, y laisse une trace bhniàti'e dont la lumière est polarisée perpendiculairement à la trajectoire du rayon, il ne nous en faudra pas davantage pour aftirmer l'exis- tence dans ce liquide d'agrégats moléculaires. Or, les exemples de ce fait sont des plus communs, ainsi qu'on peut le voir dans les travaux de MM. Picton et Liudcr, qui ont spécialement étudié cette face de la question. Je citerai les solutions de sulfure d'antimoine résnltant de l'action de l'hydrogène sulfuré sur Je tartre émétique, celles d'hydrates de fer, de chrome et d'alumine ; la solution neuti-e de silice gélatineuse, celle d'hémoglobine oxygénée ou réduite ; les so- lutions de rouge de (îongo neutre ou acide ; les solutions de cellulose ou d'amidon, etc. Mais nous ne gagnerions rien à multiplier les exemples. Il vaut mieux essayer de relier ces phénomènes avec ceux qui précèdent pour montrer qu'ils for- ment une série continue. Or, ceci est facile. Une goutte de dissolution alcoolique de mastic, mélangée vivement avec de l'eau distillée, y détermine un trouble à peine apparent à l'oii- gine, mais qui rend le liquide j)lus ou moins bleu par rétlexion. Ce n'est pas le bleu pur de tout à l'heure, mais c'est encore un beau bleu de ciel. A ce moment pourtant^ ce liquide est encore parfaitement transparent, et rien n'y apparaît aux plus forts grossissements du microscope. En continuant à ajouter de la résine en solution alcooli(]ue. le bleu devient de plus en plus blanc, et, à un moment, on voit apparaître un fin pré- cipité granuleux, animé du mouvement brownien, qui se con- dense en particules de plus en plus grosses juscju'an moment où il devient un précipité véritable, visible à l'œil nu, comme liodure d'amyle de Tyndall ou la vapeur d eau de l'air: notre résine a passé p.ar tous les états d'aggrégation moléculaire, de- puis l'état invisible jusqu'à celui où elle se résout p/i pluie. Nous avons formé ici notre trouble bleuâtre à l'aide de substances qui étaient à l'origine en solution véritable dans l'alcool et n'agissaient pas sur le rayon lumineux, mais nous pouvons produire les mûmes effets en ajoutant à de l'eau dis- 262 CHAPITRE X\' tillée de lai'gihi suflisaiiiinciil fine, et la couleur ])leuc de cer- taines eaux est due à la niènie cause (|ue le bleu du ciel et des yeux azurés. Ce sont partout des milieux troublés par de très fins éléments en suspension. Nous avons donc ainsi reculé les limites de la région dans la- quelle nous pouvons étudier le mécanisme du phénomène, et partout, depuis la première apparition du trouble bleuâtre jusqu'au moment de la formation de masses visibles à Tœil nu, nous nous trouvons en présence du même fait, d'une coales- cence de molécules formant d'abord des particules, puis des agrégats plus volumineux, finalement des flocons ayant figure et étendue. A aucun moment nous ne trouvons de raison valable pour supposer que le phénomène change de nature ; à aucun moment, nous ne voyons intervenir une force nouvelle qui n'aurait pas agi jusque-là. Tout le procès de coagulation obéit en apparence d'une façon parfaite à la loi de la continuité. 177. Causes de la rupture d équilibre. — Demandons-nous maintenant ce qui le provoque à son point de départ, à son tout premier début, puisque nous voyons qu'une fois com- mencé, il se déroule en vertu de la continuité des forces qui lui ont donné naissance. Tournons-nous pour cela non plus du côté de la matière coagulable, mais du liquide qui la contient. Ce li- quide a aussi son rôle, et môme les variations les plus faibles dans sa composition, un léger degré de plus dans sa richesse en acides et en alcalis, dans sa température, peuvent provoquer ou empêcher la coagulation. Avec des traces de chlorure de calcium on coagule en quelques instants des solutions de sul- fure d'antimoine, de sihce, de l'argile en suspension, du lait ad- ditionné d'une trace infinitésimale de présure, etc., tous li- quides qui aurai(!nt indéfiniment conservé leur état homogène sans l'addition de ce sel. Le chlorure de calcium, les sels magnésiens, coagulent ainsi un nombre trop grand de substances trop variées pour qu'on puisse songer à rintervention d'un phénomène chimique. Ils in- terviennent souvent en proportions trop faibles pour qu'on PHENOMENKS 1)1-: COAOrEATIOX '2iy^ puisse croire qu'ils donnent des composés nouveaux. On no peut dès lors se représenter le phénomène (pic comme une rup- ture d'équilibre. Avant l'intervention du sel, la matière coagu- laJjle était répartie dans toute la masse du licjuide sous forme de molécules ou de particules plus ou moins grosses, que leur adhésion pour les molécules du liquide environnant soustrayait aux lois de la pesanteur. Le mélange restait homogène. Le sel présent, cet état d'équilibre entre la pesanteur et les forces mo- léculaires est troublé, et soit que l'adhésion entre le solide et le liquide ait diminué, soit, ce qui est pins probable, cj[ue la force d'attraction entre les particules du solide ait augmenté, celui- ci se réunit en agrégats de plus en plus volumineux, qui de- viennent visibles à l'œil nu et se précipitent. Quant aux forces moléculaires cjui entrent en jeu, on ne peut pas dire, si on accepte la classification usuelle, cjue ce sont des forces chimic[ues, car elles ne changent rien à la na- ture ni aux propriétés des corps auxcpiels elles s'appliquent, Ce ne sont pas non plus, à proprement parler, des forces phy- siques, puisqu'elles ne sont pas indépendantes de la nature chimique de ces corps. Les sels de chaux ne précipitent pas toutes les substances coagulables ; il y en a cjui sont surtout sensibles à l'action des sels ammoniacaux. Les sels de chaux précijîitent l'argile ; les sels d'ammoniaque la remettent en suspension. Mais si nous ne sommes en plein ni sur le do- maine de la physique ni dans celui de la chimie, nous sommes sur leurs limites communes, dans cette région qui comprend les actions tinctoriales et en général tous les phénomènes de surface, et que nous pourrons appeler la région des phéno- mènes (radhésion moléculaire. 178. Adhésions moléculaires. — Quand on met un solide en présence d'un liquide, quelque chose se produit sur la surface de contact, qui n'est ni un phénomène chimicjue, puisqu'il n'y a aucun changement de nature et de propriétés, ni un phéno- mène physique, car l'action tient compte de la nature chimique des corps en présence. Parfois le solide ne se laisse pas mouil- :>(ii. CIIAIMTP.I-, XV 1(M', cl ;il(trs c'est la surface du liijuido (jui se nioditie à son con- tact cl devient capaljle de produire des effets capillaires, ('/est le cas du mercure et du verre, de l'eau et des corps gras. Quand le solide se laisse mouiller, il retient et immobilise à sa surface une couche liquide (]ui se trouve soustraite, par une adhésion supérieure, à son adhésion pour le reste du liquide. Ce solide, retiré de l'eau, reste mouillé, et quand la couche d'eau qui le recouvre a une épaisseur très faible, cette eau n'a plus sa tension de vapeur normale pour sa température. Quand le ]i(]uide (jui baigne le solide n'est pas de l'eau pure et contient des sels en solution ou des matières en suspension, les mêmes actions superficielles interviennent : le corps plongé dans la liqueur se teint parfois à sa surface, oii dans toute son épaisseur, s'il est poreux, de la matière colorée ou du sel incolore que contient le liquide. En d'autres termes la couche liquide immobilisée au contact du solide a une concentration difïérente de celle du liquide ambiant. En d'autres termes encore la substance dissoute arrivée et maintenue au contact du solide immergé n'a plus sa solubilité normale pour la température du bain. Le phénomène est plus marqué si la substance dissoute et le corps qu'elle imprègne, sont tous deux des corps coagula- bles, car ces corps se précipitent facilement les uns avec les autres, c'est-à-dire les uns sur les autres. Mais des actions analogues se produisent entre presque tous les corps de la nature, et la force qui retient sur un filtre de l'argile tine en suspension, celle qui précipite sur un tissu mordancé une ma- tière colorante, colloïdale ou non, celle qui retient dans les pores d'un filtre Chamberland les menus éléments en suspen- sion dans un liquide, ou dans l'épaisseur de la terre arable cer- tains des éléments fertihsants du sol, toutçs ces forces, de phy- sionomies en apparence si diverses, appartiennent toutes au groupe des adhésions moh-cnlaircs. Elles sont délicates, subis- sent rinfluence d'actions parfois imperceptibles, et nous pa- raissentcapricieuses, parce que nous ne les connaissons pas bien. Suivons-les dans le phénomène de la coagulation. Ici, nous lMii:X(>MKXi;S 1)1-: COAGILATIoX 265 rcucoiifrons des phénomènes que nous avons déjà visés, et sur lesquels nous avons promis de revenii' avec les détails nécessaires. 179. Filtration des solutions non coagulables. — Prenons d'abord le cas en apparence très simple de la fdtration d'un li- (|uide au travers d'une cloison poreuse, par exemple d'un liltre (lliandjcrland. Co tiltre esf traversé d'une multitude de canaux capillaires irréguliers, creusés dans une substance qui a été col- loïdale avant cuisson, et qui, finement pulvérisée et remise en suspension dans l'eau, s'y comporte comme de l'argile. On peut s'attendre avec elle à de multiples phénomènes d'adhésion mo- léculaire, et l'expérience justifie cette induction. Etudions pour commencer la filtration de l'eau pure. Nous savons, parles phénomènes de capillarité, que cette eau tapisse tous les canaux dans lesquels elle circule d'une couche immo- bile, sur laquelle glisse le liquide qui fdtrc, et qui a naturel- lement la même composition chimique que lui. La seule modi- fication qu'elle ait subie est que son adhésion au solide l'a im- mobilisée. Elle est devenue solide au point de vue physique, elle s'est coagulée au contact de la paroi, mais chimi(piement c'est de l'eau pure. Cette identité de composition entre le liquide retenu au con- tact des parois et celui qui fdtre persiste encore parfois lor.sque l'eau contient des matériaux en solution. Mais, le plus souvent, les actions de surface, dans les canaux capillaires dont est percée la masse poreuse, s'exercent inégalement sur l'eau et la sub- stance en solution, si bien que la couche liquide immobilisée au contact des parois est tantôt plus, tantôt mohis concentrée que la solution qui filtre. Si le volume du filtre poreux est compa- rable à celui du liquide qui l'imprègne ou le traverse, il résulte naturellement de cette action des parois une différence de com- position entre le liquide filtrant et le liquide filtré. C'est ainsi que le noir animal ou le charJjon végétal absorbent certains sels dissous, et en appauvrissent les liqueurs avec lesquelles on les met en contact. Inversement, de la pAte de papier, délayée ^(i() CIIAPITRK XV dans une solution de sel marin, ,d)Soi'])e plus d'eau ([ue de sel. Mais cet ell'et de coneentralion passe inaperçu cpiand on lilti'e cette solution salée [)ai' un simple filtre de papier, ou ne se manifeste que sur les premières gouttes du liquide tiltré. Il en est de même pour l'effet de dilution ou de concen- tration amené par le filtre Chamberland sur les solutions qui le traversent, et le liquide qui passe ressemble bientôt complè- temeut au liquide introduit. C'est même à ce caractère de pou- voir filtrei' intégralement au travers de toutes les cloisons po- reuses, que nous reconnaîtrons les substances en solution véri- table. Elles ne peuvent être arrêtées par le filtre qu'en propor- tions très faibles. Le mécanisme de l'arrêt complet, quand il fonctionne, n'entre enjeu que dans d'autres conditions. 180. Filtration des solutions coagulables. — Pour 1 étu- dier dans un cas particulièrement simple, adressons-nous à un liquide contenant des éléments en suspension, par exemple des germes de microbes comme les eaux ordinaires, ou des matières ténues comme les eaux troubles, ou une résine précipitée comme de l'eau dans laquelle on a versé une goutte de teinture de mastic ou de benjoin, ou des coagulums en voie de formation, comme les liquides étudiés plus haut. Supposons, en d'autres termes, que la matière contenue dans le liquide à fdtrer soit à cette période de coalescence moléculaire, cjui va du mo- ment où les agrégats donnent naissance à la réaction de Tyndall, jusqu'à celui où ils sont directement visibles au mi- croscope. Supposons en outre qu'ils soient peu nombreux dans le liquide à filtrer. Dans ce cas, la paroi du filtre intervient en- core pour modifier le jeu des adhésions moléculaires, et arrête au passage, comme tout à l'heure, tout ou partie des éléments contenus. J'ai montré que les germes de microbes de l'eau or- dinaire ne sont pas retenus par le filtre à la façon du sable sur un tamis, et parce qu'ils sont trop gros pour en traverser les pores. Ceux-ci les avaleraient aussi facilement qu'un tunnel avale un train de chemin de fer fait pour y circuler : mais, en pénétrant dans ces canaux sinueux et irréguliers, les germes de l'eau PHENOMKNKS 1)K COAGULATION 2()7 viennent nécessairement fi'ùlcr la paroi, contre laquelle ils sont retenus par des actions de même nature que celles (pii agissent sur les sels en solution véritable. Us s'y immobilisent, et c'est de l'eau débarrassée de germes qui passe seule au travers de la bougie. Si Feau n'est pas très impure, les germes s'accumulent à l'orifice des méats, ne salissent la bougie qu'à l'extérieur, et, à Tintérieur, n'arrivent jamais jusqu'à la surface de sortie. Mais si Feau est sale ou trouble, il se forme autour de la bougie un dépôt organique plus ou moins glaireux, que nous allons retrouver en étudiant la filtration des matières albu- minoïdes. 181. Filtration des solutions de matières albuminoïdes. — En songeant au caractère visqueux, gélatineux, de la plupart de ces matières, en se rappelant cjue, même dans le blanc cFœuf agité avec de Feau, il existe encore des masses glaireuses presque impossibles à dissocier, on pourrait s'attendre à voir le filtre poreux arrêter au passage toutes ces substances, plus incapables en apparence de le traverser que les germes de microbes. Il n'en est rien. Le sérum du sang défibriné passe presque intégralement au travers d'une bougie Chamberland. L'albumine d'un blanc d'œuf délayé dans son volume d'eau y passe aussi en proportions, variables suivant la nature du filtre et la pression de filtration, et qui sont d'ordinaire com- prises entre le tiers et les deux tiers. Avec la caséine du lait, la proportion retenue sur le filtre est encore plus grande et atteint d'ordinaire, comme je Fai montré, les 7/8 de la caséine totale. Mais, quelle que soit la portion de matière sur laquelle il porte, l'arrêt se fait toujours comme tout à l'heure. En arrivant au contact de la paroi poreuse, la matière albuminoïde, lors- qu'elle est capable de contracter avec elle une adhésion molé- culaire, en tapisse la surface d'une couche désormais immo- bilisée. Cette action de tftiiiturc n'est pas immédiate : comme toutes les coagulations, elle demande quelques instants pour 0(i8 CIIAITIP.!'. W s'accomplir, cl il arrive parfois, surtout lorsqu'on filtre i-api- dement et sous forte pression, (pie les premières gouttelettes (lu li(iui(le (jui a traversé le filtre renferment plus do mati('re albuminoïdc que celles qui suivront, parce qu'elles n'ont pas eu le temps de se dépouiller autant sous l'action des parois. Mais cela dure peu, parce que les pores, une fois tapissés, se remplissent l)ientnt, en vertu de cette pr(q)riété des matières coagulables de se déposer aisémeid les unes sur les antres : si bien qu'il arrive bientôt ini mouient où le fdtre, obstrué de dépôts gélatineux, ne livre plus passage qu'à un liquide de composition constante (pii, dans le cas du lait, contient les sels solubles, le laclose, la portion de caséiue non coagulable, tandis que la portion coagulalde forme à la surfiice un man- chon plus ou moins épais, assez peu cohérent si la fdtration a eu lieu sous faible pression, plus compact si la pression a été forte. Ce manchon, comme les srj)/(i oiu/diiifjur.s au travers desquels se fait la dialyse, est perméable pour certaines sub- stances, et imperméable pour d'autres. A partir du moment où il est formé, il devient un fitre véritable, encore plus //// que le fdtre de porcelaine qui lui sert de support, et il peut servir à arrêter à son tour des éléments que le filtre de porcelaine eût peut-être laissés échapper, s'd avait été seul à agir. 183. Coagulation sur un coagulum déjà formé. — Le mo- ment est venu, en effet, de faire entrer enjeu cette action que je me suis contenté jusqu'ici de signaler en passant, cette propriété qu'ont les matières coagulables de se précipiter facilement les unes les autres, ou les unes sur les autres, ou les unes avec les autres, car tous ces aspects différents d'un même phénomène ne sont que les diverses formes de l'adhésion moléculaire qu'elles sont d'ordinaire capables de contracter ensemble. La gélatine précipite le tannin, les liqueurs gommeuses, la sdice gélatineuse. Je sais bien qu'on a voulu attribuer quelquefois aux précipités qui se forment ainsi le caractère de composés chimiques. Mais il entre, si je ne me trompe, dans la défini- tion d'un composé chimique, de renfermer des proportions imik.\()Mi:-m:s di: coaci latio.x :2(i'.i constantes ou à peu pi'ès constantes de ses divers éléments, et c'est ce qui n"a jamais lieu pour ces coagulums hétéi'ogènes. D'après Graliam, le précipité blanc et opaque qu'on obtient lorsque une solution d'acide silicique est graduellement ajoutée à une solution de gélatine en excès, contient 100 de silice pour 92 de gélatine. Celui qu'on obtient en introduisant la solution de gélatine dans un excès de silice soluble contient environ 100 de silice pour 56 de gélatine. Les divers tannâtes et gallo- tannates de gélatine qu'on a étudiés présentent la même varia- bilité dans leur composition, et d'une manière générale, la composition de ces précipités varie lorsqu'on change le mode de préparation. On a donc fait fausse route en voulant y voir des composés chimiques, et il est plus naturel de les envisager comme nous le faisons ici, comme des phénomènes de coagulation siuiultanée, dont le produit peut avoir une composition à peu près constante, lorsque les conditions de coagulation sont les mêmes, et variable lorsqu'on change ces conditions. Quoi ([u'il en soit de cette question que nous allons du reste retrouver sous une autre forme, nous trouvons, dans cette précipitation mutuelle des corps colloïdaux les uns sur les autres, une nouvelle force active qui peut superposer ses effets à ceux du filtre de porcelaine dans la filtration des liquides de l'organisme. C'est ainsi que des diastases, que la porcelaine eût laissées passer, se trouvent retenues par voie d'affinité capillaire dans la matière albuminoïdc formant man- chon ou vernis à sa surface. C'est précisément l'union intime et facile des diastases avec les matières alluiminoïdes, et en général avec les matières colloïdes, que nous avons utilisé pour les précipiter (action de l'alcool, du collodion, du phos- phate de chaux gélatineux) ; il n'est pas étonnant de les voir parfois retenues par le coagulum gélatineux, aniuial ou végé- tal, dont se couvre la surface du filtre. 183. Irrégularités dans tous ces phénomènes. — Jus- qu'ici nous avons fait une étude générale de l'action coagu- 270 ciiAnTiii'; xv lantc (lu lilti'c poreux sur les matières en solution ou en sus- pension dans un li(]ui(le, mais' le mot /xirfois^ cpii s'est intro- duit naturellement dans la phrase précédente, nous avertit que ce phénomène d'arrêt ou de coagulation est un phénomène contingent, comme tous les phénomènes d'adhésion molécu- laire. Les forces mises en jeu n'ont pas le degré de puissance des forces chimiques, avec lesquelles elles confinent pourtant quelquefois, et de minimes influences peuvent en troubler ou même en intervertir le jeu. La chose est aussi vraie pour les substances en solution véri- table (pie pour les matières en suspension. Le même corps absorbant et poreux n'agit pas de la même façon sur tous les autres corps, (ihevreul a vu la laine, la soie, le coton, plongés dans certaines li(]ueurs, absorber tantôt plus de sel dissous que de l'eau, tantôt plus d'eau que de sel, tantôt pas plus de l'un que de l'autre. J'ai vu le papier Berzélius ou le papier à filtre ordinaire, tachés avec une goutte de solution de cyanure rouge ou de perchlorure de fer, laisser le sel se diluer au centre de la tache et se concentrer sur les bords, tandis que les taches d'hy- permanganatc de potasse^ de teinture de tournesol, de sulfate d'indigo, sont plus colorées au centre que la périphérie, et même s'entourent quelquefois d'un liseré tout à fait incolore. Ceci nous amène au seuil des actions tinctoriales. L'indigo, le bleu de Prusse sont des matières colloïdales qui se fixent spon- tanément sur cei'taines substances. Quand celles-ci ne sont pas colorables directement, il suffit de les nwrdcmcer, c'est-à-dire, soit de modifier leur texture physique, soit de les recouvrir d'un vernis souvent imperceptible d'alumine, ou d'une autre matière colloïdale, pour qu'elles deviennent capables de décolorer leur bain de teinture. C'est même un des tourments du teinturier, que d'assurer partout l'uniformité de la teinte et d'éviter ces influences fugaces, irrégulières, si insaisissables qu'elles en deviennent parfois mystérieuses, qui produisent ce qu'il appelle des /fiches dans ses tissus : en ces points, et souvent sans qu'on puisse savoir pourquoi, l'adhésion moléculaire n'a pas agi de la même façon ou aussi puissamment qu'ailleurs. PHENOMENKS l)K CoAdULATION 271 Nous retrouvons partout cette vai'ial)ilité d'eft'ets. Il résulte, d'une manière générale, de ce que nous avons dit plus haut, que les substances qui donnent la réaction de Tyndall, lorsqu'elles sont diluées dans l'eau, ne peuvent pas passer au travers des filtres poreux. Telles sont, par exemj)le, d'après MM. Piéton et Linder. la solution de sulfure d'anlinioiiie résultaid de l'action de l'hydrogène sulfuré sur l'émétiqiie, la solution d'hydrate de fer avec un peu de perchlorure de fer, celles de silice, d'hémo- globine réduite, de rouges de Congo et de ]\[agdala ; mais là en- core il y a des renversements d'ctfets, provenant soit d'un chan- gement dans l'action, soit de la paroi du filtre, soit de la matière elle-même. L'hydrate de silice passe à travers la cloison poreuse et ne donne pas la réaction de Tyndall, quand il est en liqueur acide. Il donne cette réaction et reste sur le fdtre quand il est en solution neutre. Pour le rouge de Congo, c'est l'inverse : c'est en solution neutre qu'il traverse le filtre et est sans action sur un rayon lumineux. L'oxyhémoglobine, qui donne la réaction de Tyndall, passe fail)lement au début à travers une cloison poreuse, et ce n'est qu'ensuite que le liquide passe incolore. Cette oxyhémoglobine nous amène au seuil des matières albumi- noïdes, et nous n'avons plus aucune difficulté à comprendre que quelques-unes puissent passer au travers du filtre qui en arrête d'autres, que, dans un même liquide organique, il y en ait qui passent et d'autres qui ne passent pas. Vouloir les distin- guer par là, serait évidemment commettre la même faute que de faire doux espèces séparées de l'hydrate de silice acide ou neutre. Personne ne contestera cette conclusion, mais si on l'ac- cepte, pourquoi faire des espèces différentes des matières albu- minoïdes qui se coagulent sous des influences différentes? Dans les deux cas, les forces enjeu sont les mômes. Une bougie Ghamberland, plongée dans une solution d'hy- drate de silice^ dans de l'eau tenant une résine en suspension, dans du lait, commence par attirer, condenser cà son contact, et réunir en agrégations moléculaires de plus en plus volumineuses la silice, la résine, la caséine : elle les coagule. Peu à peu, ces masses deviennent confluentes, forment vernis ou manchon, et '11-2 CIIAIMTIII-; W à l'action ('oa,i;iil;uito do la pai'oi vient se superposer ractiou de la niatièi'e déjà coagulée, qui peut èli-e toute ditîerenlc de la preniièi'o : mais dans toutes deux la coagulation résulte d'une ru[)tui'e d'équilibre. Une petite (pumtité de sel de chaux préci- pite de même une solution de silice, de sulfate de quinine, de plasma sanguin, en y formant visiblement dans quelques cas les mêmes complexes moléculaires que plus haut, lesquels grossis- sent et finissent comme tout à l'heure par devenir visibles à l'œil nu. Peut-on, sur cet ensemble de faits, et sous prétexte (jue toutes ces actions sont parallèles et peuvent s'acconq:)lir simul- tanément, rapprocher la silice, la résine, la caséine, le sulfate de (juinine, la fibrine? On n'a pas plus le droit d'assimiler les matières qui précipitent sous l'action d'une même dose du même sel. (|ue de distinguer les matières cpii ne se coagu- lent pas de même sous l'action des mêmes réactifs. Car cela aussi peut arriver, sans que nous ayons le droit d'en être sur- pris, tant ces réactions de coagulation deviennent en appa- rence capricieuses lorsqu'elles dépendent de la présence ou de l'absence de quantités infinitésimales de matières dans la liqueur. Une solution contenant de '2 à 3 O/ï) de l'alumine soluble de AV. Crum est coagulée par quelques gouttes d'eau de source, et ne peut pas être versée d'un verre dans un autre sans se coaguler, à moins (ju'on n'ait lavé à plusieurs reprises avec de l'eau distillée le verre où on l'introduit. Com- ment après cet exemple, que nous retrouverons à propos de la coagulation du sang, et qu'on pourrait appuyer d'un grand nombre d'autres, distinguer deux matières albuminoïdes dont l'une se coagule, et l'autre non, dans des conditions en ap[)a- rence identi(]ues. 184. Soudures moléculaires. — Tout ceci nous dit bien que la coagulation n'est pas un phénomène comparable à la précipi- tation du sulfate de baryte ou du chlorure d'argent, ou même du phosphate ammoniaco-magnésien, bien que ces derniers préci- pités ressemblent un peu à ceux des matières albuminoïdes. Maison sont les ditférences ? A (juoi la coagulation doit-elle son PHÉNOMÈNES DK COAGULATION 273 caractère spécial? Pourquoi est-elle à la fois un phénomène banal et très particulier, banal en ce qu'il peut être provoqué parles causes les plus diverses, particulier en ce sens qu'il ne se présente que dans certaines substances, lesquelles ne semblent pas pouvoir subsister sans le présenter? Voilà des points essen- tiels sur lesquels la science ne nous dit rien, ou ne nous fournit que des réponses vagues et contradictoires. La plus nette en apparence est celle qui voit dans la coagula- tion un phénomène de soudure moléculaire. On sait ou on croit savoir depuis longtemps que les matières albuminoïdes ont un poids moléculaire très élevé, c'est-à-dire contiennent un très grand nombre d'atomes ; on pense aussi, surtout depuis les travaux de Graham, qu'elles ont aussi une grosseur moléculaire considérable, c'est-à-dire que leurs molécules peuvent se souder de façon à former des complexes volumineux. C'est par la grosseur de la molécule des colloïdes que Graham expliquait comment ces substances ne passent pas par les pores des mem- branes organiques et ne sont pas dialysables. Mais cette idée n'était évidemment pas nette dans son esprit. La preuve c'est qu'il croyait que ces substances colloïdes pouvaient entrer en solution parfaite comme les sels. Gomment comprendre dès lors que la grosseur des molécules fût différente dans une solution de gomme non dialysable et dans une solution de sel marin de même concentration. Pour que la grosseur des groupements d'une même quantité de matière fût beaucoup plus grande dans le cas de la gomme, il fallait évidemment que la matière fut autrement distribuée, et que l'homogénéité delà solution cessât d'être absolue, au moins dans l'un des liquides. Quoiqu'il en soit, cette soudure moléculaire une fois admise dans le liquide, on pouvait admettre qu'elle se continuait et pro- duisait des groupements de plus en plus volumineux à mesure que le liquide se coagulait, de sorte qu'à pousser les choses à l'extrême, toute la caséine d'un lait formait une molécule unique, résultant de la soudure de toutes les molécules, lors- que le lait s'était caillé. 18 -21 \ CHAPITRl': x^■ 185. Soudures physiques. —Toutefois, cette conception, très simple en apparence, n'expliquait pas tout le phénomène. Dans une solution saline qui cristallise, tous les éléments présents dans la liqueur se réunissent en masses de plus en plus volu- mineuses, et on peut, avec quelques précautions, assend^ler en seul cristal régulier tout l'alun contenu dans une liqueur. Per- sonne ne consentira pourtant à assimiler la coagulation et la cristallisation. Le mode d'union des éléments, de soudure si on veut, n'est pas le même. Les éléments d'un cristal se dissocient facilement et rentrent en solution : une matière coagulée est plus résistante, devient parfois tout à fait insoluble. La soudure qui en a réuni les particules semble être plus forte que les sou- dures cristallines, et, de là à l'envisager comme un phénomène chimique, il n'y avait qu'un pas, facile à franchir avec nos idées actuelles. 11 suffisait, par exemple, d'admettre que deux molé- cules se soudent, soit par leurs atomicités libres, si ce sont des chaînes ouvertes, soit avec élimination d'une molécule d'eau, si ce sont des chaînes fermées. Et c'est ainsi que s'est constituée l'explication la plus généralement acceptée des phénomènes de coagulation. Je pourrais me dispenser de la discuter, car elle est restée jusqu'ici purement hypothétique. Il n'est pas facile d'observer les effets du départ d'une molécule d'eau dans la soudure de deux molécules lorsque celles-ci sont déjà compliquées, à plus forte raison lorsque les deux groupements qui se soudent sont déjà des complexes moléculaires. Mais je voudrais pourtant montrer que, lorsqu'il s'agit des matières albuminoïdes ou plus généralement des corps colloïdes, tous les raisonnements dans le genre de celui qui précède sont viciés par une cause d'er- reur, l'oubli de l'un des caractères principaux de ce même corps colloïdal sur lequel on raisonne. Pour le faire, je prendrai un exemple dans un travail, très intéressant du reste, de MM. Linder et Picton sur quelques hy- drosulfures métalliques. MM. Linder et Picton ont observé que beaucoup de sulfures métalliques, quelle que soit la façon de les préparer, retiennent obstinément un peu d'hydrogène sulfuré en PHENOMENES DE COAGULATION . 27o excès, qui ne se laisse éliminer ni par les lavages, ni par un courant d'hydrogène, ni même quelquefois par la chaleur. Au moins dans ce dernier cas, rélimination de Thydrogène sulfuré en excès est souvent lente. C'est ainsi que du sulfure de mer- cure sec, chauffé dans l'hydrogène sec, n'avait pas encore perdu tout son hydrogène sulfuré au bout de 17 heures. MM. Linder et Picton n'hésitent pas à considérer cet hydro- gène sulfuré, si obstinément retenu, comme combiné avec le sulfure métallique, toutes les fois au moins que la proportion conservée est constante ou à peu près constante, et ils arrivent ainsi à admettre comme démontrée l'existence de composés dans lesquels, pour prendre l'exemple cité plus haut, il y aurait une molécule d'hydrogène sulfuré combinée avec 31 ou même 62 molécules de sulfure de mercure. Le lien de ces phénomènes avec ceux que nous étudions est évident. Le premier précipité obtenu est un sulfure (MS)''*,H-S où ni a une valeur relativement petite. Sous certaines influences, ce composé élimine de l'hy- drogène sulfuré, comme les matières albuminoïdes en se coa- gulant éliminent de Feau ; on a ainsi un nouveau composé (MS)",H"^S, où n est plus grand que m, et ainsi de suite. Avec le cuivre, l'hydrosulfure 7C/^S,H-S passe, sous l'action des acides, par des états successifs exprimés plus ou moins approximative- ment parles formules 9Gi, avec la même quantité de présure bouillie. Aucune ne se coagule. On les fait bouillir ensuite, et quand elles sont refroidies, on y in- troduit du phosphate de chaux : a se- coagule, h ne change pas. De là, une double conclusion : 1" en l'absence de sels de chaux, la présure ne coagule pas la caséine ; 2" la présure pré- pare la caséine à se coaguler sous l'action des sels de chaux. Plus tard, Soxhlet et Sôldner ont montré que le sel de chaux coagulant devait être un sel soluble, et que le phosphate triba- sique de chaux, msoluble, était sans action. Revenons maintenant au lait. J'ai montré que la puissance de la présure, coûtes choses égales d'ailleurs, augmentait quand on ajoutait au lait quelques millièmes de chlorure de calcium, et MM. Arthus et Pages ont fait voir, de leur côté, que dans un lait débarrassé de tous ses sels de chaux solubles par l'oxalate d'ammoniaque ou par le fluorure de potassium, la présure ne donne plus de coagulation. Le lait se comporte donc comme les solutions de caséine soluble de Hammarsten. Il y faut un sel de chaux soluble pour qu'il se coagule. 193. Interprétation de ces faits. — Voilà les faits. Voyons maintenant comment on les expli(]ue dans les théories admi- ses. On admet que la caséine, sous l'influence de la présure, se dédouble en deux substances ; l'une, formant le produit prin- cipal, ayant une composition très voisine de la caséine, très peu soluble, et qui se jîrécipite : c'est la paracaséine ; une autre plus soluble, plus pauvre en carbone et en azote (ne contenant d'après Koster, que 50, 3 0/0 de carbone et 13 0/0 d'azote) reste en solution et porte le nom d'albumine du sérum. Jus- qu'ici, sauf ces différences analytiques très incertaines, il n'y a pas d'idée nouvelle. L'explication n'est encore qu'un simple énoncé des faits observés. On ajoute que, en l'absence des sels de chaux, la caséine est incoagulable, mais qu'elle est COAGULATTON DK Î.A CASÉINE ±)\ transformée par la présure tic favori que celle-ci étant détruite par l'ébullition, le liquide refroidi devient capable de se coaguler sous l'action des sels de chaux. Enfin M. Arthus fait le dernier pas en disant que la parn caséine coagulée est une combinaison calcique insoluble. 194. Objections. — Une théorie, pour entrer dans la science, ne peut pas se borner à un simple énoncé, en lan- gage ordinaire, des faits observés. Il faut qu'elle conduise à des conclusions, vérifiables par l'expérience, et qui constituent des faits nouveaux. Celle-ci se prête immédiatement à une vé- rification. Si la caséine du lait se dédouble sous l'influence de la présure en une substance insoluble et une plus soluble, la coagulation doit conduire à une augmentation dans la quantité de matières solubles dans le sérum, et cette augmentation doit atteindre au moins le chiffre de l'albumine du sérum. Or, il est facile de se convaincre que cette augmentation est nulle. J'ai montré en effet, en filtrant le lait au travers d'un dia- phragme de porcelaine, qu'on peut ainsi en séparer la caséine en suspension, qui reste collée sur les parois du filtre par le mécanisme étudié au chapitre précédent. Les matières en solu- tion passent au travers du filtre. Or, en faisant cette expérience de fîltration sur du lait et sur le même lait coagulé, on constate les deux liquides ont exactement la même composi- tion dans les limites d'erreur de l'expérience, ainsi que le prouvent les chiffres suivants : 1'" expérience '2<î expérience Lail normal Lait emprésurè Lait normal Lait emprésuré Sucre de lait 5,o3 5,5.3 S,37 n,64 iMat. alb. soluble . . . 0,ou 0,57 0,37 0,36 Mat. minérales 0,54 0,52 0,56 0,40 Les chiffres relatifs à la matière albuminoïde en solution dans le sérum, avant et après emprésurage, sont les mêmes, et leur différence est, en tous cas, très inférieure à la quantité moyenne de ce qu'on dose dans tous les laits sous le nom d'albumine du 29^ (MI.\IMTI{|': XVI sérum, et qui dépasse (),o() O/O. La Uiéoiie du dédouljlemeut est donc en désaccord avec Texpérience. Quant à Thypothèse qui fait de la caséine un composé cal- cique, dont la chaux ne peut être empruntée qu'au chlorure de calcium ajouté pour provoquer la coagulation, elle reste une vue de l'esprit tant que son auteur ne l'aura pas appuyée sur lexpérience, en montrant d'ahord que le lait ne peut se coaguler par la présure lorsqu'il n'y a pas de sels de chaux. C'est une démonstration qui n'est pas faite. Ce qui est démontré, c'est que du lait additionné d'un excès d'oxalate ou de tluorure alcalin ne se coagule pas sous lintluencc des doses de présure qui le coagulent d'ordinaire. Mais nous savons que cet oxalate ou ce fluorure sont des sels antagonistes de la présure et peuvent masquer son action. Il faudrait n'en ajouter que la quantité nécessaire pour précipiter la chaux du lait et de la présure. Mais alors, au moins autant qu'on peut le voir dans les travaux de M. Arthiis, l'elt'et est nul, et pour avoir un résultat, il faut forcer la dose. M. Arthus se préoccupe peu de cette nécessité, ou du moins il se contente de faire remar- quer qu'on est de môme ohligé, en chimie analytique, de mettre un excès d'oxalate quand on veut précipiter de la chaux. Cela est possible, mais en chimie analytique cet excès n'a pas d'importance, tandis qu'il en prend dans l'étude de la coagu- lation. Un lait oxalalé n'est pas seulement du lait décalcifié, c'est une voiture à l'arrière de laquelle on a attelé un cheval pour rempècher d'avancer. Ce n'est pas tout. Après avoir montré que du lait et de la présure sans chaux ne peuvent pas réagir l'un sur l'autre, M. Arthus aura encore à faire voir que la teneur en chaux des divers coagulums formés est constante, en expliquant ensuite comment la caséine, corps acide dans son hypothèse, peut décomposer un sel aussi stable que le chlorure de calcium, pour lui prendre sa chaux. Nous avons vu tout à l'heure que l'acide chlorhydrique décomposait les caséines calciques, et à cela, il n'y avait rien à dire. Voici maintenant que c'est la caséine calcique qui se forme aux dépens du chlorure de COAGULATIOX ])V. I.A CASKIW: -2îKi calcium. De plus, tout à 1 heure, avec les acides, c^étaient les caséines calciques (jui étaient soluhles. Ici, avec la présure, ce sont les caséines calciques qui sont insolubles. A^oilà de quoi expliquer le scepticisme des chimistes en présence de ces affirmations contradictoires. Je crois donc pouvoir conclure (ju'aucune des théories pro- posées n'est acceptable. Mais les faits restent. Voyons s'ils ne forment pas un ensemble plus homogène, plus coordonné, en les étudiant comme des phénomènes de coagulation qu'en les considérant comme des phénomènes chimiques. Revenons pour cela à l'expérience intéressante de llam- marsten, répétée sur le lait. Du lait débarrassé de sel de chaux, et mis en contact avec la présure à la température la plus fa- vorable, ne se coagule pas. Il se coagule en quelques minutes si, à ce moment, on y ajoute du chlorure de calcium. On peut faire cette expérience autrement, comme l'a montré M. Arthus. On peut mettre le lait en contact avec du chlorure de calcium, il ne se coagule pas ; mais se coagule très rapidement alors quand on l'additionne de présure, et même, toutes choses égales d'ailleurs, le temps qu'il met à se coaguler avec la présure est d'autant plus court que la durée de son contact avec le chlorure de calcium a été plus longue. Si on admet que l'effet est dû à une combinaison préalable de la caséine avec la chaux du chlorure, il faut admettre aussi qu'il y a combi- naison, dans l'expérience de Hammarsten, de la caséine avec la présure. L'explication ne doit pas être là. Faisons alors ce que nous avons souvent fait ; examinons séparément l'action du sel et celle de la présure sur le lait, puis nous passerons à l'étude de l'action simultanée du sel et de la présure. 195. Action des sels de chaux sur le lait. — Nous con- naissons déjà l'action de la présure sur le lait Voyons celle du chlorure de calcium et des sels neutres alcalino-terreux. L'ex- périence apprend que tous ces sels, en proportions suffisantes, peuvent coaguler le lait à la température ordinaire, en don- nant un coagulum blanc, plus floconneux que celui de la pré- 29 i CllAlMTUK X\ l sure, retenant plus mal la matière grasse, laissant le liquide ])lus trouble ; mais leur action est en tous points comparable à celle de la présure : elle n'est jamais immédiate, exige tou- jours une durée de contact d'autant plus faible que la propor- tion du sel est plus grande. La dose du sel active dans un temps donné diminue à mesure que la température s'élève, comme pour la présure. Il n'y a pas de maximum, parce qu'ici la substance coagulante n'est pas atteinte par l'action de la chaleur, si bien que, à l'ébullition, la dose coagulante est mi- nime. Le sel étant alors moins abondant dans le liquide, le coagulum devient compact, plus cohérent et plus comparable à ceux que fournit, à l'ébullition, le lait coagulé par la pré- sure à la température optima. Yoici, pour quehjiies sels, les doses coagulantes en quelques minutes : Chlorure de calcium cristallisé : avec 12 0/0, coagulation à 15" 4 40« 0,.=5 100» Clilorure de stronliuiii : 8 1S° 4 50» 0,5 100« Chlorure de baryum : 8 15° 4 50» 0,5 1000 Nitrate de baryte : 20 80« 0,5 100» Nous retrouvons là des phénomènes en tout pareils à ceux qui président à la coagulation du sulfate de quinine et d'une foule d'autres sels d'alcaloïdes sous l'intluence des sels neu- tres. Nous reviendrons sur ce point dans la partie de cet ou- vrage qui sera consacrée à l'étude des matières albuminoïdes. Contentons-nous de remarquer ce parallélisme. Gomme le sulfate de quinine, qui quitte ainsi ses solutions en présence des sels, n'a subi aucune transformation chimique, nous voyons qu'il n"y a aucune raison d'admettre que la caséine est de- venue un composé nouveau. Ses propriétés physiques de solu- bilité ont seules été modifiées. C'est une des actions de coa- gulation que nous avons étudiées au précédent chapitre. COAGULATION l)K LA CASEINE 29o Les sels de magnésie et les sels neutres alcalins se comportent du reste comme les sels de chaux. 11 y a bien quelques dif- férences entre les coagulums. Ceux que fournissent les sels de magnésie sont plus transparents, et la différence d'aspect avec ceux des sels de chaux est à peu près celle qu'on remarque dans une émulsion d'amidon avant et après la gélatinisation. Cela témoigne d'une action sur la caséine analogue à celle que subissent, en s'hydratant et se gonflant, les matériaux du granule d'amidon. Avec les sels neutres alcalins, les doses actives sont plus fortes, à toutes les températures, qu'avec les sels alcalino-terreux. C'est ce que montrent les nombres sui- vants : Chlorure de magnésium : 30 0/0, coagulation à l.j" 0,5 1000 Chlorure de sodium : '66 15" 16 750 10 lOOo Chlorure de potassium : 40 65^ 20 100" Les nitrates et sulfates se comportent de même. Nous sommes donc là en présence d'une loi générale, qui est du reste d'accord avec ce que nous savons au sujet d'une foule d'autres phénomènes de coagulation. N'oublions pas que la caséine est non en solution, mais en suspension, c'est-à-dire dans un état d'union instable avec le liquide ambiant. Les sels neutres l'entrahient du côté de la coagulation, absolument comme les bases et un certain nombre d'autres corps l'en- trainent en sens inverse pour la solubiliser, ainsi que nous aurons l'occasion de nous en convaincre tout à l'heure. En résumé, les sels neutres, et en particulier les sels de calcium qui nous intéressent surtout dans l'espèce, se com- portent comme la présure vis-à-vis de la caséine du lait, et bien que le phénomène n'ait pas été étudié de près, ce qu'on sait de ses allures générales montre que la courbe qui les tra- duit et les résume a la même forme que celles que nous avoHs établies pour la présure. rî!)!") ciiAiMTr.i': XVI 196. Théorie des phénomènes. — Prenons comme exemple la courbe qui relie, à une température quelconque T, la quan- tité de diastase f/, le temps t de Faction. Elle est représentée, nous le savons, par une hyperbole DD' (fig. 21). adt = C, où a est ce que nous avons appelé l'activité de la diastase, et C une quantité constante. Cette courbe est asymptote à l'axe vertical des temps, et à l'axe horizontal des quantités de diastase, car nous savons que pour une quantité de diastase très voisine de zéro, le temps de l'action est très grand, et qu'il devient très court quand la quantité de diastase augmente beaucoup. La courbe relative à la coagulation par le chlorure de cal- cium, rapportée à la même échelle, aura aussi les allures dune courbe hyperbolique, asymptote à une certaine droite PP' tracée à une distance OP de l'origine égale à la plus petite quantité de sel qui peut provoquer, quand on lui en donne le temps, la coagulation à la température de l'expé- rience. Elle est aussi à peu près asymptote à l'axe horizontal, car les temps de coagulation deviennent de plus en plus COAf.ri.ATIoX I)!". LA CASl'INE -297 courts à mesure que la quantité de sel augmente. On peut donc lui attribuer les allures générales de la courbe SS'. Voyons maintenant ce qui résulte de la superposition des deux actions. Pour une quantité OC de présure, le temps de l'action estCA= /, et si la présure agit seule on a : C O « = — =-' dt t Q en désignant par Q une nouvelle constante Q = -• De même, si le sel agit seul, on a, le temps de l'action étant ^' == CB : , Q la valeur de Q étant la même dans les deux cas, si la loi de l'ac- tion des sels est la même que celle des diastases, puisque la quantité r/, de sel ou de diastase, la température T, et la quan- S — 5 tité d'action, que nous avons appelée -^ sont les mêmes. Si cette formule n'est pas exacte_, elle doit au moins être très approchée de la réalité. Il est naturel aussi d'admettre que, lorsque les deux actions se superposeront, elles ajouteront leurs puissances, on aura donc : a -4- « = - + -, = t t W t-^t' ce qui revient à dire que le temps de l'action, lorsqu'il y a su- perposition des deux causes coagulantes, est : t( Un voit que l'action est de durée plus courte qu'aucune des actions composantes, attendu que 6 f 5 1_ t~~ t-\-t' t' t-\-t' 2\)H CIIAIMTUK XVI Par exemple, si la présure coagule en 20 minutes et le sel en 30, on aura : 20.ao ,^ . . H = -— — = 12 minutes. 50 Ici, nous avons supposé que les deux actions qui se superpo- sent sont concourantes, telles par exemple, que la présure et les sels de chaux, ou encore les acides et la présure. Mais il peut se faire qu'on superpose à l'action coagulante de la présure une action décoagulante, comme celle de la caséase, ou encore comme celle des bases que nous apprendrons bientôt à connaî- tre. Le môme raisonnement nous permet, sinon d'écrire la loi de l'action qui ne peut sortir que de l'expérience, du moins d'en deviner le sens. On a, en effet, dans ce cas, à retrancher les deux quantités a et a, au lieu de les ajouter, et on a alors, en admettant que l'^ t : n {) {) t t w t—t Ici, le temps de l'action est : tt' t' — t et on a : ô t' t t' -t Donc, l'action coagulante est ralentie, et sa durée peut croître considérablement pour peu que /' soit voisin de t. Supposons, en effet, / = 20, /'=30, comme dans l'exemple ci-dessus. On a alors : 20.80 e=-^=6o. 10 Si ^^2o, t' ^ 30, on a de même B = 120, c'est-à-dire que la durée de la coagulation mixte devient double de ce qu'elle était tout à llieure, pour une variation de 20 à 25 ou de 1/5 COAGUJ.ATIOX l)K LA CASEINE -IW seulement dans la durée de coagulation par la présure, ou ce qui revient au même, dans la quantité de présure ajoutée. Il est bien entendu que si t' 1 » S » 2 » 7 » 3 » 6 » 4 .) 5 )> 5 » 4 » 6 )) 3 » 7 » 2 » 8 .) 1 » 9 » 0 » 10 » 302 CHAPITRE XVI leau distillée. Puis à ces mélanges il ajoute immédiatement une même quantité de présure Le tableau suivant donne dans ses deux premières colonnes la composition variable du mélange acide qu'on ajoute à 2 fois son volume de lait ; la troisième, les durées de coagulation ; la dernière colonne donne un nom- bre A sur lequel nous reviendrons tout à l'heure. Avec 10 ce. HCl et 0 ce. d'eau eoagtil. en i minutes A = 6,6 » 4 » 3.6 » 7 » 2.3 » Il » i.3 » 17 » 1.2 » 2a » 0.9 » 35 » 0.8 50 » 0.7 » 80 » 0.5 » 120 » — La présure employée dans cette expérience était évidemment très faible, puisqu'elle ne coagulait pas le lait en 2 heures, lorsqu'elle était seule ; mais on voit que son action était notable- ment accélérée par la présence de l'acide, et d'autant plus ac- célérée, que l'acide était en plus forte proportion. M. Arthus ne donnant pas la durée de la coagulation par la présure seule, il est difficile de calculer dans cette expérience le rapport - . On voit seulement que ce rapport, quel qu'il soit, décroit très vite à mesure qu'augmente la dose d'acide, et beaucoup plus vite que n'augmente la dose d'acide, de sorte que le phénomène total ne semble pas être seulement une superposition, une addition d'actions : les deux forces en jeu s'influencent et s'accélèrent l'une l'autre. 198. Effets divers de la superposition des forces dans la coagulation. — - Il n'y a, pour s'en assurer, qu'à comparer l'expérience avec la réalité dans une expérience plus complète que celle d'Arthus, où le rapport - pourra être connu. Nous prendrons pour cela une de mes expériences faites avec le COAGrLATÎON DK Î.A CASRTNK '^0^ chlorure do calcium, qui est un accélérant de la coagulation comme les acides Mais il importe tout d'abord de se deman- der théoriquement quel doit être l'efTet de doses croissantes de ce sel ajoutées à une même dose de présure, en supposant c[ue ces diverses actions coagulantes s'ajoutent sans s'influen- cer mutuellement. On peut y arriver de la façon suivante. Admettons, comme tout à l'heure, que l'efl^et d'une dose de sel, prise pour unité, ajoutée à une dose égale de présure, s'obtient en superposant les deux valeurs de a et a relatives aux deux coagulants dont on superpose l'action , r 0 Q a 4- a :=- -\-- t t. Si nous doublons la dose d de sels, nous aurons de même, en admettant que les actions se superposent sans s'influencer mu- tuellement a + 2 rt ^ - -t- 2 - t t' et, plus généralement, si nous prenons d pour unité, et si nous représentons par p la concentration, évaluée au moyen de cette unité tt Il en résulte que le temps de l'action sera, dans notre hypo- thèse : pt + /' et le rapport de cette durée d'action à la durée t pour la pré- sure seule sera : e t' \ 7 pt + t' \ -\-pL t' Si j'appelle R ce rapport, facile à évaluer par Fexpérience, on voit qu'il sera toujours plus petit que l'unité, et qu'il diminuera mi CHAPITRE XVÎ à mesure (jiie la concentration augmentera, suivant un loi qui aura la forme suivante : l+Ap où A' est une constante que l'expérience peut fournir, puis- qu'elle est le rapport entre les temps de coagulation de la pré- sure seule et de la présure additionnée de l'unité de concentra- tion du sel ajouté. Comparons maintenant avec l'expérience, qui a été faite en comparant les temps de coagulation d'un lait et du même lait additionné de doses variables, exprimées en million- nièmes ou en milligrammes par litre, de chlorure de calcium C«CP -|- GH'O cristallisé et pur. Le tableau ci-dessous donne les valeurs de R et les valeui's de A correspondantes, calculées en prenant pour unité de concentration la dose de 10 millioii- nièmes de sel. Doses de sel. Valeur de R. Valeur de A. 20 0.95 0.10 40 0.91 0.10 iOO 0.87 0.06 200 0.83 0.04 1.000 O.SO 0.04 2.000 0.41 0.03 4.000 0.30 0.0-2 10.000 0.21 0.015 On voit que l'accélération produite parle chlorure de calcium est très sensible : avec un gramme de sel cristallisé par litre, correspondant à un peu plus d'un demi-gramme de sel anhydre, le lait se coagule deux plus fois vite. On voit aussi que la loi que nous avons admise pour la superposition des effets coagulants n'est pas exacte. La valeur de A est peu variable, ce qui permet d'admettre que pour de légères variations dans la dose d'acide ou de celle de sel, il y a simplement superposition d'effets. Mais lorsque les doses varient beaucoup, les deux actions s'influen- cent Tune l'autre. On peut même voir qu'elles ne s'influencent pas de la même façon dans le cas des acides que dans le cas des sels. COAGULATION DF LA CASKINE 305 Dans rexpérience citée plus haut de M. Arthus, nous avons mis, dans la dernière colonne, la valeur de A calculée en par- tant, non du temps de coagulation du lait additionné seule- ment de présure, teuips que lauteur ne donne pas, mais du temps de coagulation du lait additiouné de 1 ce. dlICl, que nous savons se coaguler en 2 heures ; on voit que A augmente beaucoup avec la dose dacide, et qu'à la lin l'action se pré- cipite. Au contraire, on voit que A diminue à mesure qu'aug- mente la dose de chlorure de calcium dans notre seconde expérience de mesure, ce qui témoigne que si l'acide et le chlorure de calcium sont comparables dans leur action pour de petites doses, ils ne le sont plus pour des doses considé- rables. Avec l'acide, l'accélération est continue et augmente plus rapidement que la dose. Lorsqu'on ajoute au contraire un excès de chlorure de calcium, et qu'on arrive à des doses de 50 à 100 grammes par litre, c'est un ralentissement dans l'action de la présure qu^on observe au lieu d'une accé- lération, et nous tombons là dans un nouvel ordre d'actions dont nous avous donné plus haut la formule générale et qui correspondent aux valeurs de R plus grandes que l'unité. Au lieu d'étudier ces actions retardatrices avec les sels de chaux, où elles ne se produisent que pour des doses élevées, il vaut mieux les étudier avec les sels des métaux alcalins, avec lesquels elles sont la règle. De faibles doses n'influencent pas la présure, et le rapport 11 reste égal à l'unité jusqu'à une certaine dose de sel voisine en général de 1 gramme par litre, pour laquelle le retard commence. Le coagulum formé en présence de ces sels est moins opaque que le coa- gulum normal, et la caséine commence à être atteinte. 199. Etude des sels neutres. — C'est surtout avec les sels de magnésie que le caractère du coagulum se modifie, et ces sels sont à leur tour intermédiaires entre les sels de potasse et les sels alcalino-terreux. Ils accélèrent, comme les derniers, pour de faibles doses, l'action de la présure, et 20 ;UJ() ' CIIAPITRK XVI commencent à la ralentir ensuite pour des doses plus faibles que dans le cas des sels de chaux. Le taljleau suivant résume les résultats d'une longue série d'expériences à ce sujet. Les chilires de la première colonne horizontale sont les proportions, en millionnièmes, des divers sels de la première colonne verticale. Les chitVres placés à l'intersection des deux colonnes sont les valeurs correspondantes du rapport R dé- fini comme nous l'avons fait plus haut. 40 80 '200 400 1000 4000 8000 50000 100000 Nitrate de potasse 1,00 1,00 1,00 1,00 1,05 1,14 1,85 13,0 » Sulfate de potasse 1,00 1,00 1,00 1,00 » 1,40 1,75 » » Chlorure de potassium.. » 0,95 1.00 » 1,02 1,10 » » » Pliosphate de potasse... 1,00 1,00 1,00 1.04 x 2.00 4,00 0,60 0,4 Nitrate de soude. 1,00 1,00 1.00 1,03 1,10 1,47 2,00 >12 « Sulfate de soude 1,00 1,00 1,00 1,00 1,05 1,42 1,80 » >> Glilorure de sodium 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,20 1,37 3,4 3,0 IMiosphate de soude 0,94 » 0,87 1,07 » 2,00 5.50 » 3,0 Nitrate d'ammoniaque.. 1,00 1,00 1,00 1,00 r, 1,10 1,20 » » SuHu te d'ammoniaque.. 1,00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,02 1,05 » » Chlorhydrate d'ammon. 1.00 1,00 1,00 1,00 1,00 1,06 1,12 » » Nitrate de magnésie. ... 0,97 0,94 0,87 0,77 » 0,40 0,50 >33 » Sulfate de magnésie.... » » » » » » 0,90 2,2 4.3 Chlorure de magnésium » » » ;/ 0,56 0,43 0,54 4,.t » Nitrate de baryte 1,00 0,93 0,86 0,78 » 0,30 0,21 0,70 2,14 Chlorure de baryum.... 1,00 1,00 0,89 0,75 >> 0,12 » 0,45 1,60 Nitrate de slrontiane... 1,00 0,92 0,84 0,70 » 0,28 » 0,60 2,00 Chlorure de strontium.. » » » 0,71 0,50 0,21 0,23 0,50 1,20 Nitrate de chaux 0,94 » 0,83 0,75 » 0,20 0,15 » » Sulfate de chaux » « 0,94 0,91 0,83 » » » » Chlorure de calcium.... 0,91 0.87 0,83 » 0,.50 0,30 0,21 2 1 >10 On voit sur ce tableau quelle est la variété des effets pro- duits, en rapport avec la variété des combinaisons que per- met le jeu des deux courbes des figures 21 et 22. On peut re- marquer aussi que les phosphates de soude et de potasse ne se comportent pas de même, et que chacun d'eux a une al- lure différente de celle des autres sels de la même base. Nous avons vu plus haut que l'acide phosphorique ne se comporte pas non plus comme les autres acides. Nul doute qu'il n'imprime aux sels qu'il forme le cachet de son in- fluence. Lorcher, qui a recommencé récemment cette étude, l'a faite COAGULATION DE LA CASÉINE 307 à un autre point de vue et a interprété autrement ses résul- tats. Acceptant l'idée de ïlammarsten, d'Arthus et Pages, que la transformation de la caséine par la présure, et sa précipi- tation sont deux- phénomènes indépendants, il admet que les sels se partagent sous ce point de vue en deux groupes. Le premier influence l'action chimique de la présure sur la ca- séine, le second groupe influence la précipitation. Les sels de chaux: appartiennent au second groupe, les sels de ma- gnésie au premier. Il y a des sels qui appartiennent aux deux, et ce sont les plus nombreux : on peut même dire que le chlorure de calcium appartient au premier pour de fai- bles doses, au second pour de fortes doses. On ne voit donc pas l'avantage de faire des groupes aussi mal définis. De plus, la distinction entre l'action de la jirésure sur la caséine et la coagulation est, nous l'avons vu, tout à fait arbitraire, et l'expé- rience qui a donné cette idée peut être interprétée autrement. Il ne reste que ceci, que certains sels modifient la caséine et la rendent plus ou moins coagulable par la présure, ce qui rentre dans le cadre ordinaire des actions de coagulation. Nous retrouverons ces résultats de Lorcher à propos de la présure, mais il est nécessaire d'en dire un mot ici, car nous aurons besoin de ce que nous allons apprendre pour étudier dans le chapitre suivant la coagulation du sang. SOO. Résultats de Lôrclier. — Lôrcher a étudié l'action de divers sels pulvérisés et desséchés, introduits en poudre en proportions équimoléculaires dans du lait additionné de pré- sure, en arrêtant ses essais lorsque le lait, ainsi additionné de sel, perdait son aspect normal, et prenait un peu de cette transparence gélatineuse que j'avais observée dans mes ex- périences, et que j'ai signalée plus haut. Il a comparé les durées de coagulation du lait additionné de sel, avec le lait normal. Voici les résultats qu'il a observés, aussi brièvement résumés que possible. Les sels de métaux alcalins KOH, NaOH, Na-CC, K-CO\ NaHGO^ Na^SOS IvSO^ iNaAzO , KAzO% Na^'HPOS NaI,KI, ;{0.S CIIAlMTIil'. X\l NaBr, KBr, NaCl, KCl, retardent d'autant plus l'action de la présure qu'ils sout plus concentrés; c'est le résultat que nous connaissons, étendu à un plus grand nombre de sels. Tandis que Na4IP0* retarde, K-IIPO* accélère l'action de la présure, dit Lorcher. J'ai trouvé que c'était l'inverse pour de faibles doses. Le chlorure de lithium LiCl accélère d'abord et retarde en- suite. Les fluorures de sodium et l'oxalate de potasse retar- dent l'action de la présure et même notablement. Ceci montre que dans les expériences d'Arthus et Pages, le fluorure et l'oxalate employés comme décalcifiants n'agiraient comme tels que s'ils étaient employés à la dose strictement néces- saire pour précipiter toute la chaux présente; or c'est ce qui n'arrive jamais. Il faut toujours en introduire un excès, et dès lors le lait qui contient cet excès n'est plus un lait normal, il est devenu plus résistant à l'action de la pré- sure. Nous avons eu plus haut (194) à nous souvenir de ce fait. Quant aux sels alcalino-terreux, voici le résumé de leur histoire. La chaux et le baryum retardent l'action de la présure, Ba (AzO^)" l'accélère ; CaCl", BaCl", SrCP l'accélèrent d'abord et la retardent ensuite, comme nous l'avons dit plus haut. MgCl" commence par retarder puis accélère. ZnCl" fait l'inverse ; quant à CdCl" et AlCP, ils accélèrent de plus en plus, mais déjà là, il n'est plus question de sels neu- tres et l'acidité du produit se met de la partie. Nous retrouverons ces résultats de Lorcher à propos de la présure, de même que nous retrouverons à propos de cha- cune des diastases dont nous ferons l'histoire individuelle, l'étude de ses sels favorisants ou paralysants. Mais nous avons d'abord à examiner, à la lumière de ce que nous venons d'apprendre, les autres phénomènes de coagulation que l'on connait le mieux, celle de la fdjrine et celle de la pectase. COAGULATIOX !)K LA CASEIXI-: 309 BIBLIOGRAPHIE IIammarsten Ziir Kenntniss des Kaseins und der Wirkung der Labfer- ments. Festchrift, Upsal, 1877et Zeilschr. f. pkys. Cliemie,i. VU, 1883. G. Courant. Pfluger's Archiv., t. !.. 1890, DuCLAUX. Ann. de l' Institut agronomique, 1882, et Le lait, Paris, 1890. SOXHLET. Munch. med. Wochenschr, t. XL, 1^93. SoLDNER. Die Saize der Milcli und ilire Bezieluingen zu dem Verhalten der Kaseïns, Inaug. Dis. Erlangen, 1898. Arthus et Pages. Archicesde physiologie, t. II, 1890. p. 331 et 540. LôRCHER. Pfluger's Archiv, t. XLIX, 1890. CHAPITRE XVII COAGULATION DU SANG Résumons, avant d'aborder ce sujet diflicile, ce que nous venons d'apprendre au sujet de la coagulation du lait. On peut le faire en quelques propositions très simples. Il y a dans le lait de la caséine en solution et de la caséine en suspension. C'est cette dernière qui seule se coagule. Cette caséine en suspension se comporte comme de l'argile en suspension dans l'eau, et peut être précipitée sous les in- fluences les plus minimes, sans changer de nature, par une très légère modification de ses liens d'adhérence physique avec le liquide ambiant. Un grand nombre de sels peuvent provoquer ce dépôt à doses plus ou moins fortes. Parmi eux les sels de chaux sont au pre- mier rang. D'autres sels, les sels alcalins ou ceux de magnésie, ont, au contraire, la propriété de solubiliser la caséine en suspension et de la rendre par conséquent plus difficilement précipitable. Cette propriété, les sels de calcium la possèdent aussi quand ils sont employés à haute dose, par exemple le chlorure de calcium. La présure se comporte comme les sels de chaux, mais à doses beaucoup plus faibles. Il n'est pas encore démontré qu'elle soit impuissante à coagu- ler, à dose suffisante, un lait absolument privé de chaux. Mais ce qui est sûr, c'est qu'on ajoute à sa puissance en la faisant agir en présence d'un sel soluble de calcium, et qu'on l'affai- blit en lui supprimant la chaux, surtout quand on se sert pour cela d'un fluorure ou d'un oxalate alcalin qui, dissolvant la caséine pour leur compte, la rendent plus insensible à faction de la présure. COAGULATION DU SANG 311 Cette action de la présure est en efTet favorisée par les sels qui sont précipitants comme elle. Elle est en revanche contra- riée par les sels dissolvants, si bien qu'en présence de ces der- niers, la présure peut être tout à fait inactive. Mais cette con- cordance d'effets, de même que cet antagonisme, ont leurs lois, analogues aux lois de la composition des forces, et expliquant suffisamment bien les phénomènes pour qu'il soit, dans l'état actuel de la science, inutile d'en chercher d'autres. Toutes ces notions vont se retrouver à propos de la coagula- tion du sang dans laquelle nous allons rencontrer une présure, la plasmase, une caséine, la substance fibrinoplastique, l'in- fluence des.sels coagulants ou décoagulants, et en particulier l'influence si singulière des sels de calcium, de sorte qu'on pour- rait faire l'économie d'un chapitre nouveau en disant que les conclusions générales qui précèdent s'appliquent aussi à la coagulation de la fibrine. Mais comme elles diflerent sensible- ment de celles qui sont adoptées partout, et comme le sang dif- fère encore du lait en ce qu'il peut se coaguler spontanément dans certaines circonstances et pas clans d'autres, tandis c|ue le lait exige toujours une addition de présure, il y a intérêt à faire l'examen rapide de la question, en insistant non sur ce qu'elle a de commun avec celle de la coagulation par la pré- sure, mais sur ses différences. SOI. Constitution du sang. — Nous n'avons pas évidem- ment à faire ici l'histoire physiologique du sang. Nous n'en prendrons que ce qu'il en faut pour comprendre sa coagulation. On sait comment se comporte le sang sorti de la veine. Pre- nons comme exemple le sang de cheval, celui dont la coagula- tion est la plus lente et par là la plus facile à étudier. Aban- donné au repos et dans un lieu frais, ce sang laisse d'abord se déposer ses globules rouges, qui forment au fond du vase une couche plus ou moins épaisse. Au-dessus se déposent les glo- bules blancs, formant une couche mince, gris jaunâtre ou gris rougeàtre, que surnage un liquide un peu trouble. Ce liquide est le plasma, qui tient encore en suspension les plaquettes de 3h2 CHAPITRE XVII Hayom. Dans ce plasma se fait peu à peu un coagulum de fibrine, dont les filaments entremêlés et anastomosés retiennent le liquide et eu font une masse molle. Puis a lieu la rétraction. Les filaments fibrineux se contractent et expulsent un liquide parfois très limpide, jaune clair, lorsque l'expérience a été bien faite. C'est le sérum ou plasma défibriné. Ce sérum contient à son tour diverses matières qui ne nous intéressent pas pour le moment, et dont l'étude ne pourrait qu'introduire de la confusion clans notre exposé, que nous bornons au mécanisme de l'apparition de la fibrine. Cette fibrine est en poids très faible, représentant environ 1/200 du poids du sang. Nous l'avons assimilée physiquement, dans un des chapitres qui précèdent, à rcnchevôtrement de cris- taux de sulfate de quinine, qu'on provoque dans une solution saturée de ce sel, par l'addition de sulfate d'ammoniaque cristallisé. Nous y retrouvons la formation d'un tissu spon- gieux, emprisonnant une masse énorme de liquide. Nous ver- rons tout à l'heure que le dépôt de fibrine peut être aussi provoqué par l'action de certains sels, analogues ou identi- ques à ceux qui font cristalliser les solutions de sulfate de quinine. La ressemblance entre les deux phénomènes n'est pas douteuse, mais la coagulation du sang a un côté physio- logique qui n'existe pas chez l'autre, et que nous avons à dégager. Le sang circulant dans les vaisseaux ne se coagule pas dans les conditions ordinaires. Deux à trois minutes après sa sortie d'une veine, chez l'homme, il commence à manifester des si- gnes de coagulation, et il est pris en masse après 7 à 8 minutes. D'où vient cette différence entre le sang circulant et le sang sorti de l'organisme ? 202. Formation du dépôt de fibrine. — Demandons-nous d'abord comment se fait le réseau de fibrine. Part-il de certains des élémenls figurés du sang, auquel cas il faudrait chercher s'il n'a pas avec eux quelque relation génétique, ou bien est-il tout à fait indépendant d'eux ? On peut le savoir facilement en COAGULATION DU SANG 318 employant un procédé dû à Schimmelhusch. On étale le sang au sortir de la veine sur une lamelle dont on recouvre une cu- vette creusée dans un porte objet, et on examine au microscope. On voit, au bout de une à deux minutes, de petites aiguilles se produire çà et là, se tîxant aux parois du verre, et cela si bien qu'on peut, à Taide d'un filet d'eau, les débarrasser à ce moment des éléments non encore fixés, et en faire des préparations co- lorées. Ces aiguilles flexibles grandissent peu à peu, se croisent et se soudent à leurs points de croisement, mais à aucun mo- ment, ni à leur début, ni quand elles ont formé réseau, elles ne manifestent, d'après Eberth et Schimmelbusch, aucune prédi- lection pour telle ou telle place de la préparation, pour tel ou tel élément figuré. Elles sont également réparties sur toute la surface. On avait en particulier rattacbé la formation du réseau tibri- neux aux plaquettes de Hayem, beaucoup plus fragiles en de- hors des vaisseaux que les autres éléments figurés du sang, et qui, précisément, au bout de quelques minutes, s'étoilent, de- viennent visqueuses, crénelées, se garnissent de prolongements fibrineux, et sont en assez grand nombre dans le sang, environ 400.000 par millim. cube, pour qu'on ait pu considérer le ré- seau fibrineux comme une prolongation directe et un enchevê- trement des pointes de ces plaquettes. On peut, au contraire, montrer leur indépendance dans le procédé de Schimmelbusch, en colorant la fibrine par la méthode de Weigert. On traite par le liquide de Giam (T. I, 77 le coagulum durci par l'al- cool, et on décolore par l'aniline. Les plaquettes se décolorent ainsi complètement, pendant que les filaments de fibrine res- tent colorés, et on voit que le réseau est indépendant des pla- quettes. Il peut en outre se faire des coagulations dans des liquides où il n'y a pas de plaquettes. Les deux phénomènes de formation de la fibrine et de la destruction des plaquettes dans le sang sont donc simultanés, mais indépendants. Ce qui le prouve encore, c'est qu'ils se dissocient parfois : on trouve des coagulums avec des plaquettes intactes, et d'autres fois des plaquettes détruites dans un sang non encore coagulé. 314 CIIAPni'.l', Wll La même question ne se pose pas au sujet des globules blancs, qui sont en moyenne les éléments les plus résistants de l'organisme. Nous les verrons intervenir tout à l'heure, non par eux-mêmes, mais par leurs sécrétions. Concluons donc de ce qui précède que la fibrine du coagulum n'est pas une autre forme des éléments figurés contenus dans le sang. Elle était primitivement, sinon à l'état, liquide, du moins à l'état invi- sible, et la question est de savoir comment et pourquoi elle se solidifie hors des vaisseaux. On a cherché à ce phénomène des causes physiques. On a d'abord accusé le mouvement du sang : mais on accélère la sé- paration de la fibrine en agitant le sang en dehors de l'orga- nisme, en le battant par exemple au moyen d'un petit balai. On a dit aussi que c'était parce qu'il se refroidit qu'il se coagule : mais le coagulum se produit plus vite dans du sang maintenu à la température du corps, ou à une température supérieure. On ralentit au contraire sa formation en refroidissant le liquide, par exemple en le recevant, à la sortie de la veine, dans un vase refroidi et plongé dans la glace. On a enfin accusé l'influence chimique des gaz : le sang s'appauvrit à l'air de son acide carbo- nique et s'oxyde. Mais on ne gagne rien à recevoir le sang, dès sa sortie de la veine, sous une éprouvette pleine de mercure, dans laquelle il ne subit aucun échange gazeux. On peut aussi le recevoir dans un vase rempli d'acide carbonique, où il ne se coagule pas moins vite. Il faut donc en venir à des causes intérieures au sang, et dès lors le problème persiste : pourquoi ces causes intérieures n'interviennent-elles pas en dedans comme en dehors de l'organisme ? 303. Etude chimique du sang. — Cette question nous conduit à l'étude chimique du sang, ou du moins de celle des parties du sang qui donne la fibrine. Le pas le plus important de ce côté a été fait par Al. Schmidt et ses élèves de l'Ecole de Dorpat. Schmidt prend du sang de cheval, qui se coagule plus lente- ment que les autres, ou bien du sang de bœuf qu'on a reçu, au COAGULATION DU SANG 315 sorlii' de la veine, dans une solution saturée de sulfate de ma- gnésie. Il suffit de un volume de solution saturée pour trois volumes de sang-, et il faut agiter pendant la prise. Le sang, dans ces conditions, devient incoagulable, de plus, les globules; rouges perdent leur mollesse et l'élasticité qui leur permettait de passer au travers des pores d'un filtre, ils gagnent aussi, sans doute, de l'adhésion pour les fibres du papier, de sorte qu'on peut obtenir en filtrant un plasma salé incolore. Quelle que soit sa provenance, ce plasma est mélangé à un volume égal de solution saturée de sel marin. On obtient un précipité qu'on sépare du liquide, qu'on comprime entre des doubles de papier, et qu'on redissout dans une solution à 8 0/0 de sel marin : on filtre, on précipite à nouveau par une solution satu- rée de sel marin, et on recommence deux ou trois fois de suite. Le dernier précipité est comprimé entre des doubles de pa- pier Joseph, finement divisé, et mis en suspension dans de l'eau, dans laquelle il se dissout grâce aux traces de sel marin qu'il contient encore : le liquide est alors soumis k la dialvse en présence d'eau très faiblement alcaline. On peut aussi recevoir le sang dans 1/10 de son volume de solution contenant 0 gr. 7 de sel marin et 10 gr. d'oxalate de potasse par litre, qui permet de centrifuger les globules rouges. Le plasma obtenu est mélangé avec son volume d'une solution concentrée de sel marin, ce qui fournit une solution trouble qu'on centrifuge une demi-heure. On sépare le mieux possible la partie solide et on la dissout dans l'eau. On recommence la précipitation deux ou trois fois de suite, et on continue comme précédemment. On a ainsi une solution d'une matière albuminoïde qui se coagule à 56°, à peu près à la même température que le plasma sanguin. Elle contient encore un peu de sel, car quand elle en est privée, elle devient insoluble. Ce qui rend cette substance intéressante pour nous, c'est que la solution peut se conserver longtemps sans se coaguler, mais si on y ajoute un peu de coa- gulum sanguin, même lavé à l'eau, ou un peu de sérum expulsé 310 CHAPITRE XVII naturellement par ce coagulum, elle fournit de la fibrine typique. Nous pouvons, dès lors, passer sous silence les autres ma- tières alhuminoïdes du sérum, que nous retrouverons dans la partie de cet ouvrage consacrée à l'étude des matières alhumi- noïdes en général, à la condition de nous Ijorner à étudier, non pas les coagulations diverses dont le sang- peut devenir le siège sous linfluence de la chaleur, des acides, des sels, etc., mais la coagulation qui fournit les filaments élastiques de la fihrine. Nous avons, en effet, séparé du sang la substance qui la fournit. C'est ce que Schmidt a appelé le fibrinogène. Jusqu'ici, le parallélisme est parfait avec les phénomènes de la coagulation du lait. Le fibrinogène est la caséine du sang. La seule ditférence apparente est que dans le lait la caséine est à peu près seule, et que le coagulum la comprend presque toute entière, tandis que dans le sang, le fibrinogène ne forme qu'une faible partie des matériaux alhuminoïdes du sang. Il en constitue la partie la plus facilement précipitahle. Le parallélisme se continue en ce que la production de la fibrine aux dépens du fibrinogène rappelle tout ;i fait la coagu- lation du lait par la présure. Le fragment de coagulum ou les petites portions de sérum que nous avons été obligés d'ajouter dans la solution de fibrinogène se comportent comme une dias- tase. Pour savoir si cette explication est exacte, il faut chercher quels sont les liquides organiques capables de provoquer ainsi la coagulation du fibrinogène, et ensuite si, de ces liquides, on peut isoler par les méthodes ordinaires, une diastase coagu- lante. 204. Plasmase du sang. — C'est ce que Schmidt a fait le premier en précipitant le sérum ou le sang défibriné par 15 à 20 fois son volume d'alcool, et en laissant ensuite au repos pendant plusieurs mois. On filtre le précipité, et on le dessè- che sur l'acide sulfurique. En traitant par de l'eau tiède la poudre obtenue, on obtient un magma capable, sous un poids très faible, de coaguler le fibrinogène. Cette substance active COAGULATION DU SANG 817 perd ses propriétés quand on la chaulTe à 75" : c'est elle que Al. Schmidt. qui en a le premier étudié les propriétés, après Buchanan qui lavait découverte, a nommée fihrin-feruient. Comme dans cet ouvrage, nous proscrivons systématiquement le mot de ferment à propos des actions diastasiques, nous l'appellerons, avec Bourquelot, plasmase, puisqu'elle coagule le plasma. Il est bien entendu que cette plasmase, telle que nous ve- nons de la préparer, n'est pas pure ; elle semble môme beau- coup plus impure que les présures commerciales. On peut trouver au liquide qui la contient des propriétés variables au sujet de sa composition centésimale, de sa teneur en azote, de sa température de coagulation. Nous n'entrerons pas dans le détail des observations faites sur ce point par Gamgee, Léa, Grun, Halliburton. Nous nous bornerons à dire que prendre pour la diastase le liquide qui la contient, revient dans une certaine mesure à prendre pour de la sucrase le précipité formé par l'alcool dans de leau de levure. Il y a de la diastase dans le liquide, mais il y a beaucoup d'autres choses qu'elle. Le caractère diastasique de la plasmase de Schmidt résulte aussi de ce que son introduction dans un liquide organique non spontanément coagulable, par exemple, dans un liquide d'hy- drocèle, y provoque une abondante coagulation fibrineuse. Très peu résistante à la chaleur quand elle est en solution, la plasmase peut être chauffée au delà de 100" quand elle est à l'état sec. On l'a trouvée partout où on l'a cherchée dans les liquides capables de coaguler les solutions de fibrinogène. La plasmase est donc la présure de la coagulation sanguine. La ressemblance se continue en ce que la plasmase ne pré- cipite pas, à l'état de fibrine, toute la matière albuminoïde de la solution de fibrinogène, pas plus que la présure ne précipite toute la matière albuminoïde du lait, pas plus que le sulfate d'ammoniaque ne précipite tout le sulfate de quinine d'une solution. Il est clair que dans ce dernier cas, il serait absurde de conclure que le sulfate de quinine a subi une transforma- tion chimique en deux substances nouvelles, l'une qui se pré- M8 CHAPITRF. XVII cipite, l'autre qui reste dissoute. Nous avons vu que, pour la caséine, l'expérience nous a aussi empêché de conclure à un dédoublement. Ce que nous savons sur tous les phénomènes de coagulation qui ont été un peu étudiés, nous conduit à con- clure de même qu'il n'est pas nécessaire, pour comprendre la production de la fibrine aux dépens d'une partie du fibrino- gène, d'admettre qu'il y a eu dislocation de ce corps. Nous allons du reste trouver tout à l'heure un argument de fait, concluant dans le même sens. 305. Unité de la plasmase. — Avec ce que nous venons d'apprendre au sujet de la plasmase, nous pouvons tirer tout de suite une conclusion, c'est que c'est elle qui est l'agent actif dans toutes les matières diverses qu'on a trouvées douées de la même propriété qu'elle. Lorsqu'on nous dira qu'un coagu- lum fibrineux, qu'un précipité obtenu par un moyen quelcon- que coagule le plasma sanguin, nous ne conclurons pas qu'il est une plasmase, mais seulement qu'il contient de la plas- mase, qui, en sa qualité de diastase, se colle en général aux précipités qu'on produit dans le liquide qui la contient, et qui se redissout avec eux sans se confondre avec eux. Cette simple remarque nous dispense d'abord d'énumérer les substances nombreuses qu'une fausse interprétation des faits conduisait à assimiler à la plasmase. Nous admettrons, jusqu'à plus ample informé, qu'il n'y a qu'une plasmase comme il n'y a, sauf les réserves que nous ferons plus tard, qu'une seule sucrase et qu'une seule amylase. Il demeure entendu que nous ne con- fondrons pas avec la plasmase les acides et les sels capables de coaguler la fdjrine, pas plus que nous ne confondons avec la sucrase les sels ou acides minéraux capables d'intervertir le sucre. S06. Rectierche de la plasmase. — Cette manière de con- cevoir les choses nous permet maintenant de chercher la plas- mase dans les liquides ou solides qui en contiennent II suffît de voir si ces liquides ou ces solides coagulent une solution de COAGULATION DU SANG 319 librinogèiie, ou plus simplement du plasma, ou plus simplement encore un liquide d'hydrocèle non spontanément coagulable. Ce n'est pas_, en etïet, le fîbrinogène qui manque dans ce li- quide, c'est la plasmase, et par là nous voyons tout de suite que tous les liquides de l'économie n'en contiennent pas. Elle est pourtant très largement répandue, bien qu'on n'en trouve pas, en apparence au moins, dans le sang circulant ; mais il y en a dans le tissu des glandes, dans la chair musculaire, et dans presque tous les liquides physiologiques. Sa diffusion extrême est même sans doute une nécessité de nutrition. C'est elle qui arrête et immobilise au passage la partie de la fibrine du sang destinée à la nutrition de la cellule, et à cette lumière on voit mieux pourquoi toutes ces actions de coagulation doivent dé- pendre de mécanismes très délicats, prêts à fonctionner tantôt dans un sens, tantôt en sens inverse, suivant que la cellule a à reprendre ou à lâcher de sa matière organique. C'est une con- clusion analogue à celle que nous avons déjà rencontrée à propos de l'amidon. Cette plasmase est toujours mélangée à des liquides organi- ques albumineux et complexes d'où il est difficile de l'isoler. La méthode de Schmidt, dont nous avons parlé plus haut, sert sur- tout à montrer que c'est une diastase insoluble dans l'alcool, mais elle est médiocre comme procédé d'isolement. Si on laisse peu de temps le coagulum en contact avec l'alcool, on obtient une plasmase assez active, mais très impure. Si on laisse le contact durer plus longtemps, pour donner à la matière albu- minoïde le temps de se coaguler et de devenir insoluble, il arrive ce qui arrive toujours en pareil cas, la diastase devient aussi insoluble, et on n'a qu'une solution faible de plasmase. Or, il est important de ne pas opérer avec des solutions trop affaibhes de ce corps, lorsqu'on veut étudier ses propriétés. On s'expose à la méconnaître là où il y en a réellement, et voici, par exemple, une cause d'erreur dont ont été victimes la plu- part des savants qui ont étudié ce sujet. On met une solution de plasmase peu active en contact avec du filjrinogène, et on partage la solution en deux, dont une est additionnée d'un sel 320 CHAPITRE XVII quelconque, de calcium ou iVun autre métal, amenant la coa- gulation pai" lui-même à dose convenable. Il se produit alors, par le mécanisme général que nous avons étudié dans le cha- pitre précédent, une combinaison de forces entre la plasmase et le sel minéral, et le second échantillon se coagule alors que le premier reste intact. Comment interpréter Texpérience ? Elle l'a été de deux façons : Les uns ont dit : c'est le sel qui est l'élément coagulant. Les autres ont dit : non ! C'est que la solution organique ne contenait pas de plasmase, mais une substance différente, une pro-plasmase, que le contact du sel de calcium transforme en plasmase. Il est clair que si ces deux conceptions n'ont pas d'autre base que l'expérience qui y a conduit, ou des expériences de même ordre, elles sont tout à fait caduques, les faits qu'elles visent s'expliquant beaucoup plus rationnellement sans elles. SOT. Préparation de la plasmase. — Quoi qu'il en soit, quand Hammarsten a voulu préparer une solution de plasmase aussi active que possible, il a renoncé aux anciennes pratiques, et voici comment il a opéré. Son objectif, en vue d'une question que nous rencontrerons tout à l'heure, était d'avoir une plas- mase exempte de sels de chaux précipitables par l'oxalate de potasse. Il prenait du sang de cheval, qu'il centrifugeait, et séparait ainsi les globules. Le sérum était mélangé avec 0,3 0/0 d'oxalate de potasse. On séparait, par un nouveau passage à la centrifuge et par une tiltration sur papier épais, le précipité d'oxalate de chaux formé. Comme le sérum tiltré, malgré sa limpidité, pouvait encore contenir un peu d'oxalate de chaux, on retendait de deux à trois fois son volume d'eau distillée. Il se formait, au bout de quelques jours, un précipité floconneux de globulines, qui entraînaient par collage toutes les matières en suspension. On étend encore davantage d'eau le sérum tout à fait limpide obtenu par ces moyens, et on y produit, au moyen d'un peu d'acide acétique, un précipité de ce que Hammarsten appelle des globulines. Ce précipité entraine toute la plasmase. On le COAGin.ATION DU SANG 821 purifie en le dissolvant dans un peu d'alcali et en le précipitant à nouveau par l'acide acétique. Après deux ou trois de ces traitements, on redissout le dernier précipité dans de l'eau contenant un peu de NaCl pur. Ces solutions ne contiennent pas de chaux et sont très riches en plasmase. On peut encore provoquer la formation de ces gloljulines en soumettant à la dialyse le sérum oxalaté et filtré, sans l'éten- dre d'eau au préalable. La globuhne qui se sépare à mesure que le sérum s'appauvrit en sels est séparée, redissoute dans un peu de sel marin et refiltrée. Le liquide obtenu sert directe- ment aux recherches. Maintenant que nous en sommes arrivés à étudier le phéno- mène de la coagulation, procurons-nous aussi, nous verrons bientôt pourquoi, une solution de fibrinogène exempte de chaux. On reçoit pour cela le sang de cheval, au sortir de la veine, dans une solution acjueuse à 5 ou 6 0/0 d'oxalatc de po- tasse, en s'arrangeant de façon que le mélange, rapidement opéré, contienne seulement à la fin 0,3 0/0 d'oxalatc. On centri- fuge et on laisse le sérum pendant une vingtaine d'heures au voisinage de 0". Il s'y forme un précipité, qui le laisse parfaite- ment limpide, et prêt à servir comme solution de fibrinogène. Quand on veut en retirer ce corps, on précipite par un demi- volume d'une solution concentrée de sel marin, additionnée d'un peu d'oxalatc de potassium, et filtrée de façon qu'elle ne contienne aucune trace de chaux soluble ; on filtre pour séparer un léger précipité, et on ajoute de nouvelle solution salée, en volume égal environ au premier. Le fibrinogène se préci- pite, on le redissout dans une solution oxalatée de sel à G ou 8 0/0, on reprécipite par le sel marin et ainsi de suite trois fois. Le dernier précipité est comprimé entre plusieurs doubles de papier, et redissous dans l'eau légèrement salée. Ce liquide contient un excès d'oxalatc et précipite par un sel de calcium. C'est une solution de fibrinogène sans sels de calcium. 308. Mécanisme de la coagulation. — Mélangeons mainte- nant notre plasma ou notre fibrinogène, privés de sels de cal- 21 •AÛ-2 CIIAfMTl^.K XVII cium, avec une solution de plusmasc également sans sels de cal- cium. Nous observons une coagulation tout à fait normale, avec formation de fdaments fibrineux tout à fait pareils à ceux de la coagulation spontanée du sang. « On obtient, nous dit Ham- marsten, iï qui sont ducs ces expériences, une formation tout à fait typique de fdirine en l'absence de tout sel de calcium préci- pitable par les oxalates ». C'est une conclusion plus précise que celle que nous avons rencontrée au sujet de la présure, pour laquelle il est encore douteux que la coagulation soit possible en l'absence de sels de cbaux. Mais il est probable qu'en cherchant bien, on trouverait que les deux phénomènes sont du même ordre, et peuvent s'accomplir, sinon en l'absence totale et absolue des sels de chaux, du moins en l'absence de quantités visibles ou mesurables par les réactifs ordinaires. Car il reste la possibilité, qu'on ne peut pas exclure a prioH, que la coagulation du lait ou du sang soit un réactif du calcium plus sensible que tous les autres. N'oublions pas que le réactif le plus sensible de l'argent n'est pas le sel marin, mais Yasper- gilliis niger (T. I, 99). 209. Critique des anciennes interprétations. — En résumé, la présence d'un sel de chaux n'est pas nécessaire pour la coagu- lation, d'après Hammarsten, d'accord en cela avec Peckelharing-, qui avait observé avant lui le même fait. Il suffit de cette expé- rience pour renverser une théorie qui a longtemps eu cours, et dans laquelle la fibrine résultait de la combinaison avec la chaux du tîbrinogène du sang, de même que la caséine coagulée était un caséinate de chaux. Lilienfeld avait essayé d'appuyer sur un dosag-e la conclusion relative à la fibrine, en comparant sa teneur en chaux avec celle du fibrinogène. Il avait calciné pour cela environ 1 gr. 5 des deux substances, n'avait pas trouvé de chaux dans la seconde, en avait trouvé moins d'un milligramme dans la première, et c'était sur des chiflres pareils qu'il avait tablé. De plus, pour précipiter sa chaux, il avait fait une solution des cendres dans l'acide chlorhydricpie, dont on sait très bien que la présence COAGULATION DU SANG ;^2ri dans une liqueur peut masquer de petites quantités de chaux. Quand Hammarsten a recommencé cette mauvaise expérience, il a vu que du fibrinogène et de la fibrine authentiques con- tiennent le premier 0,054 0/0 de chaux, le second 0,05i), c'est- à-dire deux chiffres identiques. Mais ce n'est pas tout que de prouver l'inexactitude de cette théorie, on peut encore indiquer l'erreur d'interprétation qui l'a fait naître. Elle revient à ceci : un plasma oxalaté additionné de plasmase ne se coagule pas ; il se coagule quand on y ajoute du chlorure de calcium. Conclusion : la chaux s'est combinée au fibrinogène pour former le coagulum. Outre la difficulté de comprendre comment la fibrine pouvait enlever sa chaux à l'a- cide chlorhydrique, on oubliait dans cette conclusion quil y avait dans la liqueur, outre la plasmase coagulante, une infiuence décoagulante, ou plutôt hostile à la coagulation, celle de l'oxa- late. Dès lors il arrivait ce que nous avons vu p. 800, que la so- lution de fibrinase étant peu active, l'influence du sel décoagu- lant l'emportait. En ajoutant du chlorure de calcium, outre qu'on diminuait la quantité d'oxalate, on faisait intervenir une nouvelle influence coagulante qui finissait par l'emporter. Nous pouvons diriger une critique toute pareille du côté d'une autre théorie qui a encore cours, et qui est dans une certaine mesure indépendante de la précédente, bien qu'elle s'y rattache par un point. Elle admet que lors de la coagrulation, le fibrino- gène se scinde en deux parties, l'une qui reste en solution, l'au- tre qui se précipite à l'état de fibrine. C'est, comme on voit, la répétition de ce que nous avons vu pour la caséine, et ici en- core, nous ne trouvons aucune preuve expérimentale à l'appui de cette interprétation. Nous avons donné une preuve de son inexactitude à propos de la caséine ; on pourrait facilement en trouver une à propos de la fibrine, mais cela est inutile depuis que Hammarsten a relevé une cause d'erreur commune à toutes les expériences qui ont fait naître l'idée de cette dislocation. Voici par exemple une expérience de Lilienfeld. Il prépare une solution de fibrinogène par la méthode de Hammarsten, so- lution qui contient du sel marin. Cette solution ne se précipite 824 CHAPITRE XVII ni ne se coagule sous l'action du chlorure de calcium. De cette solution de iibrinogène on retire, en faisant agir l'acide acéti- que, un précipité qui, lavé, redissous dans une eau faiblement alcaline, précipite par le chlorure de calcium. Donc, dit Lilien- feld, ce second précipité n'est plus du fibrinogène, et résulte de sa dislocation. Pour que cette conclusion soit acceptable, il au- rait fallu additionner la seconde liqueur d'une quantité de sel égale à la première, ou enlever à la première le sel qui empê- che de la comparer à la seconde. Si on fait cette opération, on trouve que les deux liqueurs se comportent de même. Voilà un exemple des erreurs auxquelles des savants con- sciencieux sont exposés pour vouloir, contre toute apparence, prendre pour un phénomène chimique les phénomènes de coagulation, qui sont, comme je l'ai montré depuis longtemps, des changements d'état physique. Je reviens toujours à ma comparaison avec les phénomènes de teinture. Voici une ma- tière colorante en solution dans l'eau. E]lle teint l'eau, et on a l)eau y plonger une floche de coton, celle-ci sort imprégnée du bain colorant, et non pas teinle. Mettons dans ce bain du sel marin dans les mômes proportions que dans l'expérience de Lilienfeld. L'eau se déteint, le coton se teint. La matière colo- rante est restée la môme et, par un traitement convenable, pour- rait de nouveau abandonner le coton pour l'eau. Y a-t-il l'om- bre d'apparence de dédoublements chimiques successifs dans ces actions en apparence contradictoires, qui se comprennent au contraire très bien quand on les fait rentrer dans le cadre des adhésions moléculaires. SIO. Résumé. — Nous ne pouvons donc que répéter ici ce que nous disions à propos de la caséine. La fibrine n'est que le pas- sage à l'état visible d'une des matières albuminoïdes du sang, de celle qui est la plus voisine de l'état de suspension et la plus éloignée de l'état de solution, si on en juge par ce qu'elle se laisse précipiter le plus facilement par les sels neutres et les acides étendus. Cette coagulation peut être provoquée par la plasmasc comme celle de la caséine par la présure, et dans C0A(U1.A'II(»\ 1)1' SAXd 32o les deux cas, ce sont les sels de chaux qui aident le plus effica- cement l'action de la diastase. La ressemblance se continue en ce que, pour la fibrine comme pour la caséine, à côté des sels de chaux viennent se placer les sols de baryum et de stron- tium, qui ont encore, comme agents antagonistes, les sels des métaux alcalins et en particulier les oxalates. Ici encore la dose intervient. Les sels coagulants à faible dose peuvent être hostiles à la coagulation par la plasmase lorsqu'ils sont concen- trés. De même les sels qui précipitent à haute dose peuvent rendre la coagulation plus difficile à faibles doses. Nous avons vu tout à l'heure, dans l'expérience de Lilienfeld, le sel marin empêcher l'action précipitante des sels de chaux sur le fibrino- gène, et précipiter lui-même ce fibrinogène à doses plus éle- vées. De nombreux travaux ont été faits sur cette question, que nous ne passerons pas en revue. Avec la façon dont nous en- visageons ces phénomènes, ces travaux perdent presque tout intérêt. Nous les retrouverons d'ailleurs dans le Volume de cet ouvrage où nous étudierons les diverses matières albumi- noïdes. Pour le moment nous n'envisageons les sels minéraux que comme favorisant ou paralysant l'action de la plasmase, et nous résumerons brièvement l'ensemble des faits acquis en disant que généralement^ ils se comportent vis-à-vis de cette diastase comme vis-à-vis de la présure. SI 1. Origine de la plasmase. - Nous en aurions fini avec ce sujet, qui se simplifie beaucoup, comme on voit, dès qu'on le rapproche de l'étude de la présure, s'il ne nous restait à résoudre la question que nous nous sommes posée au com- mencement de ce chapitre. D'où vient la plasmase qui coagule le sang à la sortie de la veine, et qui est pourtant absente du sang circulant. Nous n'avons pas eu à nous poser cette question à propos du lait, qui ne se coagule jamais spontané- ment, sauf dans certaines conditions pathologiques. Le sang, au contraire, ne se coagule jamais physiologiquement dans les vaisseaux, et semble se coaguler physiologiquement sitôt qu'il en est sorti. Est-ce encore une question de plasmase, et, si 320 CHAPITRE XVll elle intervient, d'où sort-elle? Telle est la question que nous avons maintenant à résoudre. Précisons d'abord bien les données du problème. Les coagu- lations que nous allons étudier ne sont pas ces coagulations rapides et en bloc qu'on obtient par injection dans le sang cir- culant de certaines substances, telles que de létlier, ou encore du sang putréfié, chauffe, traité de diverses façons, et donnant des thrombus compactes et rouges dans lesquels les globules du sang sont déformés, gélatineux, soudés les uns aux autres. Il se peut que quelques-unes de ces coagulations soient dues à la plasmase, mais il peut arriver aussi qu'elles aient une au- tre origine, car le fibriuogène du sang n'est pas la seule ma- tière qui y soit coagulable. Nous ne sommes pas en ce moment en mesure de faire la ventilation de tous ces résultats, et je vise seulement ici ceux qui s'accompagnent de la formation de fibrine authenti(|ue, plus ou moins compacte, ramassée parfois en thrombus incolores, parce que, pendant c[u'elle se dépose et s'accroit, les globules rouges fdtrent au travers de ses mailles. Cette coagulation, indépendante de tout changement survenu dans les globules rouges, a été attribuée comme propriété spé- cifique au plasma, à la suite d'une expérience de J. Muller qui, après avoir reçu du sang de grenouille dans une solution de sucre, avait jeté le tout sur un filtre. Il en avait retiré ainsi un plasma incolore et coagulable spontanément. Donc, avait-il conclu, le plasma porte en lui-même les causes de sa coagu- lation. Mantegazza, qui a été le premier à rapporter la coagulation à sa véritable cause, avait objecté à cette expérience que les glo- bules blancs passaient à travers le filtre, et que le plasma de- venait incoagulable lorsqu'on les empêchait de passer. Cette idée d^attribuer la sécrétion de plasmase aux leucocytes a gagné de plus en plus de terrain dans la science. J'ai dit plus haut que le sang de cheval, refroidi dès sa sor- tie de la veine, laisse déposer au fond du vase ses globules rouges. Au-dessus sont les globules blancs, qui sont recou- verts d'une couche de plasma presque incolore. On peut décan- COAGULATION DV SANG .S27 ter ce plasma sans déranger la couche de leucocytes, racler délicatement cette couche et la séparer assez bien de celle des globules sanguins. Si on mélang-e alors au plasma incoagulable une émulsion de globules blancs et une émulsion de globules rouges, on voit que la première le coagule beaucoup plus rapidement que l'autre, et cette observation est d'accord avec ce qu'on voit quand on abandonne à lui-même, à une tem- pérature assez basse pour qu'il ne subisse pas de putréfaction, le sang" de cheval partagé par le repos en trois couches. La coagulation finit par se faire, et c'est au voisinage des globu- les blancs quelle commence. Ces leucocytes sont des éléments assez résistants quand le sang est maintenu à température convenable. On peut les con- server pendant quelque temps sans qu'ils perdent la propriété de se mouvoir à l'aide de leurs pseudopodes. Mais ils finissent par mourir, et c'est seulement au moment de leur mort que la plasmase se répand dans le liquide ambiant. Conformément à cette explication, on trouve c^ue la coagulabilité du sang d'un animal est d'autant plus rapide que ses globules blancs sont plus résistants. Le sang de l'homme se coagule, par exemple, en 3 ou i minutes, pendant que le sang des animaux à sang' froid, dont les leucocytes sont plus vivaces, ne com- mence guère à se coaguler qu'après un quart d'heure. On comprend de même qu'une macération filtrée de globules blancs agisse comme les globules eux-mêmes, et comme ces leucocytes sont répandus partout dans le corps, on comprend aussi qu'on puisse obtenir des coagulations avec des macéra- tions filtrées de divers organes. On trouverait que tous jouissent de cette propriété, si leur macération ne contenait que de la diastase coagulante, et ne renfermait pas aussi des diastases décoagulantes, ou divers sels qui peuvent, nous l'avons dit plus haut, masquer la réaction de la plasmase. Ceux avec les- quels l'expérience réussit le mieux sont les ganglions lym- phatiques, le thymus, le testicule et le muscle. Il y a aussi de la plasmase, en plus petite quantité, dans les globules rouges du sang. Rauschenbach en a trouvé dans une grande cjuantité :5-2s ciiAPrrp»K XVII th; pi'otoplasmas divers et Grohmann clans des végétaux et dans des mycéliums de champignons. SIS. Circonstances qui provoquent la mort des leuco- cytes. — L'cxosmose do la diastasc leucocytaire devenant ainsi une question de mort des leucocytes, nous devons envisager, €omme pouvant avoir une influence sur la coagulation, la phy- siologie de ces cellules. Elles sont, comme on le sait, réduites à des masses protoplasmiques, molles, dénuées de toute enve- loppe, et prenant par suite, lorsqu'elles sont au repos, une forme à peu près sphérique. Elles se comporteraient tout à fait comme des gouttelettes grasses en suspension dans l'eau si leur protoplasma était plus fluide et plus homogène. Leur forme n'est donc qu'à peu près ronde, mais cela suffit pour qu'on leur attribue une tension superficielle (T. I, 86), plus faible sûrement que celle qui arrondit les globules d'huile ou les globules de beurre dans le lait, mais du même ordre. Dans ces conditions, l'extension d'un pseudopode, c'est-à-dire une augmentation de la surface extérieure pour un même vo- lume, représente pour eux un effort, mais, par contre, le mou- vement de concentration autour de cette expansion protoplas- mique est aidé par la tension superficielle du leucocyte, que l'influence du liquide extérieur contrarie et aide ainsi à la fois. S 13. Influence de la tension superficielle du leucocyte. — Ce que cette tension superflcielle présente d'intéressant, à notre point de vue, c'est qu'elle peut varier notablement sous l'influence de forces très faibles, absolument comme les forces d'adhésion moléculaire dont elle est d'ailleurs une manifesta- lion particulière. De là une sorte de sensibilité de la surface du leucocyte, qui joue peut-être un rôle important dans sa sensi- bilité chimiotactique. De là aussi une influence de parois, ou plus généralement de contacts, sur laquelle nous devons nous arrêter un instant. Chevreul a montré (|ue l'eau chasse un corps gras de son contact avec certaines substances, par exemple avec le verre, COAGULATION DU SANG 3-29 et que, réciproquement, avec d'au'res corps, le corps gras chasse l'eau, en d'autres termes transforme en gouttelettes sphériques, douées d'une tension superficielle, l'eau étalée en nappe sur ces corps. En d'autres termes encore, des gouttelet- tes d'huile arrivant au contact de ces derniers corps baignés d'eau perdent à leur contact toute tension superficielle, s'étalent à leur surface en vertu d'un phénomène d'adhésion molécu- laire . C'est à des phénomènes analogues qu'on assiste souvent avec les leucocytes. Tant qu'ils circulent dans les vaisseaux, ils ne contractent aucune adhérence avec les parois. On les voit, dans les capillaires, coulant dans le voisinage du revêtement endothélial, et formant une sorte de gaine au courant plus rapide des globules rouges qui circule au centre du vaisseau. Malgré ce voisinage, il n'y a pas d'adhérence, et même le cor- puscule blanc peut, comme on sait, se glisser entre les cellules endothéliales et les tuniques vasculaires pour sortir du vais- seau ou y rentrer. Mais que dans ce sang en circulation, on in- troduise un corps étranger, un simple brin de soie par exemple, on le retire au bout de quelques instants couvert de leucocytes étalés à sa surface. M. Metchnikoff a montré que cet étalement est, d'ordinaire, une préparation à un procès de digestion ou de dissolution. Les leucocytes, riches producteurs de diastases variées, augmentent ainsi la surface par laquelle peut s'opérer la diffusion de ces diastases. Ceci nous explique plusieurs ordres de faits. On sait, par l'ex- périence de Frantz Glénard, confirmée et modifiée par Frédé- ricq, qu'en serrant une portion d'artère entre deux ligatures, et en coupant en dehors des ligatures, on a un cylindre de sang qui peut se conserver très longtemps sans se coaguler, alors qu'il est pourtant en repos, et soustrait à l'influence de l'orga- nisme. C'est que les leucocytes, baignés dans un liquide où ils conservent leur tension superficielle, leur forme, et où ils ne meurent que lentement, retiennent longtemps leur plasmase. Lorsqu'on reçoit du sang de cheval dans un vase, il ne se coagule pas, comme on sait, de quelques heures. Si on n:50 ciiAiMTiJi'; xvii jette à SM surface quelques gouttelettes d'eau, la coagulation coninieuce aux points mouillés et s'étend au reste de la masse. (Vcstquc la présence de Teau a modifié la tension superficielle et le pouvoir osmotique des leucocytes, et leur a fait exsuder leur diastase. La coagulation est aussi plus rapide quand on saupoudre la surface du sang d'une matière pulvérulente, char- bon, poudres minérales et végétales. Sur ces corps étrangers, les leucocytes rencontrés s'étalent, et, sans mourir toujours, abandonnent plus aisément leur plasmase. Dans le même ordre d'idées on peut, comme l'a démontré Freund, retarder beaucoup la coagulation de sangs très coagu- lables en les versant dans un vase dont les parois sont recou- vertes de vaseline ou encore d'huile ou de paraffine, et en le recouvrant en outre d'une couche de ces substances. On peut même, dans ces conditions, l'agiter avec une baguette de verre huilée sans qu'il y ait dépôt de filaments de fibrine. Lôwit a montré de son côté que, dans la coagulation du sang sous le microscope, le graissage du porte oljjet, avec de l'huile ou de la vaseHne, retardait beaucoup la dislocation des globules blancs. Mais si ceux-ci rencontrent quelque part sur la paroi huilée un point qu'ils puissent mouiller, et auquel ils adhèrent, la coagulation commence là, et s'étend à toute la masse. iNous verrons, à propos de la plasmase, que la coagulation en dehors des vaisseaux peut avoir une autre origine que celle que nous venons d'étudier. Il ne semble pas douteux, cepen- dant, que la plus grande partie, sinon la totalité de la plasmase qui provoque la coagulation du sang en dehors des vaisseaux, provient de la dislocation des globules blancs. Ceux-ci ne sont en équilibre, tant au point de vue de l'osmose que des adhé- sions moléculaires, qu'avec le plasma qui les entoure, sembla- bles du reste en cela aux globules rouges, qui sont aussi remar- quables par leur instabilité. Déjà dans le sérum, les globules blancs souffrent et se disloquent, et c'est précisément ce qui nous explique que la coagulation commençant en un point, se poursuive peu à peu, le plasma devenant peu à peu du sérum en déposant la fibrine sur les filaments déjà formés, et commen- COAGULATION DU SANG :ril çant dès lors la démolition de ses leucocytes. Mais cette pre mière question résolue en fait naître Une autre. Il y a constam- ment des leucocytes dans le sang, ils y sont même parfois très nombreux, et s'y renouvellent. 11 doit constamment y en avoir de morts ou de mourants, comment se fait-il que ceux-ci ne laissent pas sortir leur plasmase ? Et s'ils l'abandonnent au sang-, comment celui-ci ne se coagule-t-il pas ? 314. Plasmase du sang normal. — Il n'est pas facile de distinguer, dans du sang normal, la plasmase qu'il peut con- tenir normalement de celle que les bords de la plaie y ont introduite ou de celle qu'y déversent, presque dès sa sortie de l'organisme, les globules qu'il contient. Le fait même que du sang de cheval ne se coagule qu'avec lenteur et à mesure de la destruction des leucocytes, n'est pas une preuve qu'il n'y a pas de plasmase toute prête au sortir du vaisseau. Nous savons, en etl'et, par l'exemple de la présure et celui de la plasmase, qu'une diastase peut ne faire aucun acte de présence, lorsqu'elle est en très petite quantité. Mais nous avons, avec notre conception des phénomènes, un moyen de la révéler lorsqu'elle est peu abondante, c'est de l'aider avec un de ses adjuvants, par exemple avec un sel de calcium. Or, Uexpé- rience montre que la coagulation du sang de cheval, et même d'un sang quelconque est plus rapide quand on y intro- duit une solution très étendue d'un sel soluble de calcium. Concluons donc que le sang normal contient de petites quantités de plasmase, en quantité trop faible pour coaguler son fibrinogène dans les conditions physiologiques. Pour pous- ser la question plus loin, il faudrait étudier les thrombus des vaisseaux, c'est-à-dire entrer sur le terrain de la pathologie : ce serait sortir de notre cadre. Nous aurions encore une (|uestion à examiner, c'est de savoir si cette plasmase du sang normal y existe toute faite, ou bien si elle est mise en liberté, comme on l'a dit, par le sel de chaux qui nous a révélé sa présence, en d'autres termes, si elle est à l'état de prodiastase, proen- zyme, prothrombine, ou bien si elle est toute prête à agir. 332 CIIAI^ITI{|': XVII Mais c'est là uuc question générale, qu'on s'est posée aussi à propos de la présure, de la pepsine, etc., et que, fidèles au plan de ce livre, nous étudierons dans un chapitre à part. BIBLIOGRAPHIE A. ScHMiDT. Ueber den Faserstofï und die Ursachen seiner Gerinnung. Du Bois Reymond's Archiv, 1861, p. (382. A. SuHMiDT. Du Blutlehre, Leipzig, 1892. 0. Hammarsten. Untersuchungen liber die Faserstoffgerinnung. Upsala, 1875. J. Green. Journal of PJnjsiol, 1. VIII, 1887. RiNGER et Sainsbuky. M„ t. XI, 1890. Arthus et Pages. Archives de Plu/siologie. t. XXII, 1890. MantegAZZA. Moleschotl's Untersuchungen zur Naturlehre, t. 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Donc, séparés, le sel de chaux et la pectase sont sans action ; en revanche, la coagu- lation se fait en 35, 43, 57 et 60 minutes dans («), (é), (c), (//) non bouillis. Rappelons-nous, pour interpréter cette expérience, qu'elle ressemble à une expérience d'Arthus, de laquelle ce savant avait cru pouvoir conclure que la coagulation de la caséine et de la fibrine résultaient aussi de la formation dune combinaison cal- cique. Les objections sont les mêmes ici. Il n'y a aucun dosage cité à l'appui de la théorie adoptée. Il reste toujours difficile de comprendre comment la pectine, corps neutre, enlève sa chaux à l'acide chlorhydrique ou à l'acide sulfurique, d'autant mieux COAGULATION DE LA PECTINE 337 que nous avons vu plus haut ce même acide clilorhydi'ique en- lever la chaux à la pcctase ou à la pectine. S 1*7. A.ction des sels neutres. — Eu interprétant autrement rexpérience, nous retrouvons ce que nous avons dit à propos de la plasmase. La diastase est peu active et est incapalde, à elle seule, de coaguler la pectine, surtout en présence de l'oxalate en excès. Le sel de calcium vient l'aider avec sa puissance coa- gulante propre, et l'aide d'autant mieux c{u'il est en proportions plus fortes. C'est la loi générale que nous avons sigualce plus haut. La ressemblance entre les divers phénomènes de coagulation se continue en ce que les sels de baryum peuvent remplacer, pour la coagulation de la pectine, les sels de calcium, sans qu'il soit nécessaire d'invoquer la formation de pectates de jja- ryum. Quant à la magnésie, les faits (jue sig-nalent Bertrand et Mallèvre, et cjui leur semblent difficiles à interpréter, témoi- gnent que ces sels se conq^ortent avec la pectine comme avec la fibrine et la caséine, et la rendent plus difficilement coagulable, lorsc|ue leur proportion dépasse un certain degré. MM. Bertrand et Mallèvre ont donc rencontré l'action doulïle déjà signalée plus haut à propos de la caséine. Quant aux bases alcalino- terreuses, elles précipitent pour leur propre compte, sans pec- tase, quand leur proportion dépasse un certain chili're, et don- nent un coagulum doué d'une compacité différente, et plus ou moins atta(|uable par les acides que le précipité fourni par la pectase. 318. Action des acides. — Eu étudiant l'action des acides, nous allons encore trouver de nouveaux points de comparaison. Lu mélange de suc naturel de carottes jeunes, et très actif, est mélangé avec son volume d'une solution de pectine à 2 0/0, et additionné de quantités variables d'acide chlorhydrique que nous exprimerons en millionnièmes. Voici les temps de coagula- tion de ces divers mélanges : 22 :rAH CIIAPITRK XVI II Doses d'acide Temps de que coa; ^iilalion clilorliydriqiio. acide chlorliydri acide malique 0 -i8 mi nu les 48 miniilcs 100 52 - 52 — 200 55 — 52 — '.00 100 — 09 — 600 225 — 120 — 800 510 — 125 — 1000 1 200 — 240 — Si ou trace la coiirlje que représentent ces nombres, on trouve qu'elle est parfaitement l'égulière, et quelle ne montre aucun point singulier pour la dose d'acide chlorliydrique qui aurait privé de toute sa chaux la solution de pectine mise en oaivre, et qui est ici de 200 millionièmes environ. Concluons donc seule- ment que l'acide chlorliydrique et, en général, les acides retar- dent la coagulation de la pectine. ?sous pouvons tout de suite conclure, avec ce c|ue nous avons vu, qu'ils doivent l'empêcher ■si la solution de diastase est trop faible. Une petite dose de pec- tase peut passer inaperçue c|uand elle est dans un licjuide trop acide. On peut la faire apparaître soit en diminuant l'acidité, soit en ajoutant du chlorure de calcium, c'est-à-dire encore une fois en aidant une action trop faible par elle-même. C'est ce que nous avons vu à propos de la plasmase, c'est ce c[ue Ber- trand et IMallèvre constatent à nouveau avec la pectase.Dans ces liqueurs acides par l'acide chlorliydrique, où l'addition de chlo- rure de calcium détermine la formation d'un coagulum, on. ne voit du reste pas bien ce cjuc devient leur explication, et com- ment il pourrait se former une combinaison calcique de la pectine. Concluons donc qu'en résumé, les trois coagulations les mieux connues, celles de la caséine, de la tibrine et de la pectine, peu- vent se faire sans sels de chaux, mais que les sels de chaux les accélèrent notablement. La chaux nous apparaît donc comme un agent spécifique particulièrement actif dans les phénomènes de coagulation. 319. Conséquences pratiçLues. — Ce n'est pas tout: les faits COAGULATION 1)1-: LA PECTINE 339 qui précèdent ont (jucl(]iics conséquences utiles à tirer. Les aci- des fixes ne sont pas seuls à paralyser l'action de la pectasc ; les acides org'anic[ues le peuvent aussi ; ils sont seulement moins actifs. Le tableau ci-dessus donne les temps de coagula- tion pour des doses d'acide malique équimoléculaires à celles dacide chlorhydricjuc, à raison de LSi d'acide malicjue biba- sique pour 100 d'acide cidorhydrique. On voit que le retard est moins accentué avec cet acide. Dès lors, nous pouvons nous expliquer l'erreur dans laquelle Frémy était tombé, en constatant que la pulpe de certains fruits avait des propriétés coagulantes là où le suc de ces fruits restait inerte. Il avait cru à l'existence d'une pectase insoluble. Le suc des coings, des pommes et autres fruits acides coagule très faci- lement la pectine quand il est saturé, au moins en parlie, par un alcali étendu. BIBLIOGRAPHIE ÎRRTRAND et Mallkvre. Reclierches sur la pectase et la fermentation pec- tique. Bull. Soc. chim., t. XIII, 1895, pp. 77, 152 et t. XIV. GIIAPITRE XIX PROENZYMES OU PRODIASTASES Nous avons vu surgir, dans les chapitres précédents, une question intéressante que nous nous sommes promis d'étudier à part et de trancher s'il est possible. Quand un traitement quel- conque faisait apparaître dans un miheu des propriétés diasta- sit'ères absentes ou méconnues jusque-là, on a admis que la diastase qui s'y manifestait n'y préexistait pas, ou plutôt y préexistait sous une forme différente de sa forme active, qu'on a appelée procnzijinc ou prodiastaxe. Comme il y a beaucoup de diastases différentes, chacune d'elles a été pourvue d'un an- cêtre, naturellement différent de l'une à l'autre ; le nondjre des membres de la famille s'est ainsi trouvé doublé. On a eu d'a- bord une trypsine et une protrypsine, puis une pepsine et une propepsine, une présure et une proprésure, et ainsi de suite. Quel accueil faut-il faire à ces acquisitions nouvelles, et quelle place faut-il leur réserver ? La création d'un mot nouveau peut être utile dans la science comme moyen de classement, mais à la condition qu'on n'oublie pas qu'il n'est qu'une simple éti- quette en attendant l'inventaire des faits qu'il cou^re. C'est cet inventaire que nous sommes en mesure de faire maintenant. 230. Étude théorique des phénomènes. — La définition générale des prodiastases, telle qu'on peut la tirer d'une étude soigneuse des faits publiés jusqu'ici, est la suivante : Une pro- diastase est une diastase qui attend, pour agir, rintervention d'une action extérieure. On pourrait aussi dire qu'une prodias- tase est une matière non diastasique qui attend, pour se trans- former en diastase, l'intervention d'une action extérieure. Au fond, comme nous ne savons pas ce que c'est qu'une diastase, PROENZYMI-:S or PRODIASTASES 'Ml les deux déliiiitions n'en font qu'une, et la première est certai- nement plus simple. Quoi qu'il en soit, on reconnaît l'apparition de la diastasc à ce qu'elle commence à agir en suivant les lois que nous avons po- sées dans le chapitre YIII de ce Volume. Si nous revenons aux notations (jue nous y avons adoptées, nous pouvons dire que dans un liquide jusque-là inerte, nous voyons apparaître une action spécitique qui, à ses débuts au moins, obéit à la loi S — s = (!.(/. i OÙ S — s est la quantité d'action produite au bout du temps /, par une quantité de diastasc r/, dont Xactirité, en prenant ce mot dans le sens que nous lui avons donné (113), est repré- sentée par a. Nous pouvons faire ici une première remarque. Dans un liquide resté inerte pendant un temps quelconque, nous voyons, sous liniluence d'un certain traitement, appa- raître une action représentée par aj/J pendant le temps /. L'hypothèse de la prodiastase est qu'on y a fait apparaître la quantité d de diastasc qui n'y existait pas ; mais il y a une autre hypothèse que nous n'avons aucun droit de négliger a priori, c'est c|ue ce n'est pas erté ? Xon, évi- demment. La quantité de diastase n'a pas varié. Seulement elle était inerte et ne l'est plus. Prenons la même action par le bout inverse. Voici encore une solution daniylase ou de pectase qui reste inerte en mi- lieu trop acide. On y ajoute de lalcali en quantité convenable^ et l'amidon se saccharitie, ou bien la pectine se coagule. Dira-t-on qu'il y avait une prodntijlase, une propccUisc que l'alcali a remise en liberté ? Je pourrais évidemment poser la même question au sujet du chlorure de calcium, qui accélère l'action de doses faillies de présure, de plasmase ou de pec- tase, de façon à les rendre apparentes là où on pouvait croire à leur absence. Faut-il conclure de là qu'il les crée ? Nous pouvons donc affirmer qu'il y a une première venti- lation nécessaire dans tous les phénomènes (|ui ont fait con- clure à l'existence de proenzymes. C'est seulement lorsqu'on se sera assuré, par l'expérience, que les réactifs euqiloyés sont incapables de faire varier la puissance de la diastase étudiée, (ju'on sera en droit de leur attribuer l'apparition de cette diastase dans les milieux où on les a introduits. S 2 3. Variations dans la quantité libre de la diastase présente. — A cette première ventilation, il faut en ajouter une autre, sortant, comme la première, de l'interprétalion de faits connus. Je prendrai encore un exemple. Voici un préci- pité de phosphate de chaux produit dans un liquide diasta- sifère, et qui a entraîné avec lui toute la diastase. Dans ce mélange devenu inerte, dira-t-on qu'il y a vme prodiastase, en se basant sur ce fait que quelques gouttes d'acide, môme d'acide acétique, peuvent, en dissolvant le phosphate de chaux, remettre en liberté la diastase qu'il contenait ? On le peut, à la rigueur, en considérant, contrairement à toutes les apparences, l'adhésion de la diastase au phosphate de chaux comme une combinaison chimi(|ue que l'acide décomposei'ait. ]\hiis, avec cette interprétation, voici un certain nombre de faits qui se PJIOKXZYMES OU PRODIASTASI<:S 343, compliquent Ijeaucoup. Ce sont ceux qui sont relatifs à la fixation des diastases sur les matit'i-cs qu'elles doivent trans- former. Les plus probants sont ceux que MM. AN'urtz et Bou- chât ont trouvés à propos de la papaïne. Le suc de Carica papai/a donne, en se coagulant, nn liquide qui surnage un dépôt gélatineux. Du liquide on peut pré- cipiter, au moyen de l'alcool, une substance blanche, pulvé- rulente, capable de dissoudre la fibrine en liqueur neutre ou alcaline, et sans ([ue cette fibrine se gonfle. En liqueur acide, la librine se gonfle, mais elle se dissout aussi. Si donc la pa- païne n'est pas un mélange de trypsine et de pepsine, elle jouit à la fois des propriétés de ces deux diastases. Le dépôt gélatineux du suc, broyé dans l'eau, abandonne à celle-ci de nouvelle papaïne, parfois en quantité plus consi- dérable qu'il n'y en avait dans le liquide surnageant. Dans l'interprétation contre laquelle je m'élevais tout à l'heure, on peut dire que ce dépôt contient de la propapaïne, que feau transforme en papaïne. Mais prenons une solution de la dias- tase, et mettons-la en contact pendant quelques minutes, à la température ordinaire, avec de la fibrine aussi finement di- visée que possible ; exprimons les filaments et lavons-les pen- dant une demi heure sous un filet d'eau, et enfin 10 fois de suite, avec expression à chaque fois, avec de l'eau distillée, La dernière eau de lavage, mise en contact à iO" avec de la fibrine, n'en a pas dissous en 24 heures la moindre trace. Si on met, au contraire, les filaments de fibrine ainsi lavés en- digestion à 40" avec de l'eau pure, le lendemain tout est dis- sous à 1 pour cent près. L'eau^ qui transformait la propapaïne en papaïne au contact du coag'ulum du suc de la plante, laisse donc la papaïne re- devenir de la propapaïne au contact des filaments de fibrine ; et dans ceux-ci. .la transformation qui se fait à la température- ordinaire se défait à 40\ car si AVurtz avait cherché, il aurait certainement vu qu'il pouvait dissoudre encore de la fibrine nouvelle dans le liquide de digestion de la filjrine imprégnée,. 344 CHAPIÏI'»]': XIX et qu'il y avait, par conséquent, à nouveau de la papaïne libre. M. Wui'tz a f.iit la môme ex[)érience avec le même succès, en mettant de la fibrine divisée en contact avec une solution de pepsine, lavant ensuite à ij-rande eau, et en laissant cette fibrine pendant 48 beures au contact d'acide chlorbydrique à 4 millièmes. La fdjrine se dissout si bien que le liquide ne précipite plus par l'acide nitrique. D'autres expériences un peu moins nettes ont été faites avec la caséine impressionnée soit par la papaïne, soit par la pepsine. C'est que ces diastases ne sont pas de celles de la caséine. De l'ensemble de ses résultats, Wurtz tire la conclu- sion que les deux diastases se fixent à l'état insoluble sur certaines matières -albuminoïdes, contractant avec elles des combinaisons temporaires qui se dissocient après que l'action diastasique est produite. Tout s'explique évidemment mieux en voyant là non des combinaisons chimiques, mais des phé- nomènes de teinture dans le sens que nous avons toujours donné à cette expression. Il n'y a pas plus de raisons de dis- tinguer dans ce cas entre la diastase et la prodiastase qu'en- tre la couleur libre et la couleur fixée, la couleur et la pro- couleii)'. En résumé, nous devons encore faire sortir du cadre des pro- diastases toutes celles dont l'apparition dans un liquide résulte, non de ce qu'elles sont de nouvelle formation, mais de ce que, préexistantes, elles sont mises en liberté par les réactifs employés. Si on n'accepte pas cette délimitation, on est con- damné à dire que l'alcool, l'éther, le phosphate de chaux, le collodion, versés dans une liqueur diastasique, déterminent la formation de prodiastases que l'eau, les acides pour le phos- phate de chaux, l'éther pour le collodion, retransforment en- suite en diastases actives. Or, les cas qui relèvent de cette interprétation sont nombreux, et on peut même à leur sujet faire une remarque. Voici une substance qui, introduite dans un liquide, y amène, sans y produire de précipité ni amener un change- PROENZY^FES OU PRODIASÏASES .S45 ment de réaction quelconque, l'apparition ou l'augmentation d'activité d'une diastase, car les deux choses n'en font évi- demment qu'une. Est-on fondé à s'appuyer sur l'absence de toute action chimique visible pour dire : « la liqueur ne change en rien, et pourtant une diastase y apparaît ; donc celle-ci en était absente. Voici un liquide qui, à froid ou à l'obscu- rité, ne donne rien ; c[ui, à chaud ou à la lumière, sans c]ue rien y ait été ajouté de l'extérieur, manifeste une action dias- tasique : donc il y a eu une prodiastase détruite par la lu- mière ou par la chaleur. » Raisonuer ainsi serait oujjlicr que les diastases sont, comme on le voit bien à propos de l'ac- tion des acides sur la sucrase ou l'amylase, des réactifs plus sensibles que les réactifs chimiques, et distinguent fort bien entre des liqueurs que nos réactifs ou nos papiers colorés ne différencient pas. 333. Variations dans lélimination osmotique des diasta- ses cellulaires. — Lorsqu'on a fait cette seconde ventilation, et éliminé les faits c|ui s'expliquent mieux par les lois de l'adhésion moléculaire que par des productions ou des destruc- tions de prodiastases, il ne reste plus que les cas, plus com- pliqués en apparence, dans lesquels on s'adresse, pour avoir des diastases, non à des substances inertes comme le phos- phate de chaux, qui peuvent s'en charger artificiellement et s'en débarrasser, mais aux cellules vivantes cjui les produi- sent. C'est ici que l'idée de prodiastase, évidemment artifi- cielle par ailleurs, redevient naturelle. Il n'y a pas de dias- tase, dès l'origine, dans la cellule épithéliale du scutellum du grain d'orge. A un moment donné, on en voit apparaître subitement beaucoup. IX'est-il pas naturel de penser qu'au moment de la germination, il y en avait une réserve quelque part, sous une forme non active ? Voici un estomac dans le- quel on ne trouve pas, à certains moments, de pepsine ou de présure, et où il y en a beaucoup quelques minutes après. A quel état inactif, proenzymatique, étaient ces diastases avant d'apparaître dans la sécrétion ? 346 CHAIMTIIK XIX CcUc (jucstioii est évidciiimeiil très intéressante ; mais on peut voir tout de suite qu'on y peut répondre autrement que par riiypotlièse d'une diastase de réserve, n'ayant besoin, comme une troupe armée au moment d'une bataille, que d'être démas({uée pour pouvoir agir. Comme les diastasos peuvent produire des efTets très mesurables sous des poids inapprécia- bles, on a toujours le droit d'attribuer celles qui apparaissent, même le plus inopinément, dans la vie cellulaire, à des sécré- tions nouvelles, qui ne sont pas hors de proportion avec la puis- sance des cellules, étant donné surtout que celles-ci manifes- tent, au moment de la sécrétion, une activité particulière. Il y a donc là un problème à résoudre, qu'on peut poser ainsi : Existe-t-il, dans une cellule diastasigène, en dehors de la diastase prête à agir, une substance, actuellement distincte de la diastase, et ayant besoin de subir un changement chimicjue quelconque pour devenir de la diastase ? Voyons si ce problème a été résolu et comment il a été résolu pour quelques diastases. 234. Proprésure et présure. — La question a été étudiée,^ surtout à j)ropos de la présure, par Ilammarsten, lîoas, Ar- thus, Lôrcher et d'autres savants. C'est le travail de Lorcher que nous résumerons surtout, parce qu'il est le dernier et le plus explicite. Lorcher prépare sa présure par un procédé déjà employé par Ebstein et Grutzner. Après avoir tendu l'esto- mac sur la ligne de la petite courbure, on l'étalé sur la main, la muqueuse en dessous ; on tond la tunique musculaire avec un rasoir^ on étale la poche sur du papier à filtre, la muqueuse en dehors, et on fait sécher à douce température, ce qui ne demande (pie quelques heures. On enlève le papier et on coupe la tunique en petits morceaux qu'on conserve dans un flacon bien bouché. Pour l'usage, on en prend un fragment, on le broie finement dans un mortier, et on fait un extrait glycérine avec la poudre fine obtenue. C'est ici qu'un éclaircissement manque. Cet extrait est- il dé- barrassé, par filtration ou autrement, de tout débris cellulaire PROENZYMES OU PRoDlASTASES 347 ou de toutes grauulations protoplasmiques ? Est-ce un liquide limpide, ou un liquide tenant en suspension des corps solides ? Lorclier n'en dit rien, et pourtant la question est importante ; voici pourquoi : Pour Lorclier, l'extrait glycérine contient à la fois de la pré- sure et de la proprésure, différant de la présure en ce qu'elle n'est pas prête à agir, et qu'elle a besoin, pour cela, d"un con- tact d'une heure, environ, avec une solution étendue d'un acide. De sorte qu'on peut faire avec cet extrait l'expérience suivante : Du lait, additionné de 1/10000 d'acide chlorliydrique, puis de 1 20 de son volume d'extrait glycérine, se coagule en 17 mi- nutes ; il se coagule, au contraire, en 2 minutes si on y ajoute les mêmes quantités d'acide et d'extrait, après les avoir laissés en contact pendant 2 heures l'une avec l'autre. Donc, conclut Lorclier, il y a dans l'extrait une substance qui ne deviendrait présure qu'au contact d'un acide. Cette conclusion n'est solide que si l'extrait ne contient aucune substance en suspension. 11 peut bien alors se faire que les matières dissoutes v soient modifiées lentement par l'acide. Si, par exemple, comme cela est possible, la diastase est le pro- duit d'une hydrolysation provenant d'une cause extérieure ; si elle a la faculté de se détacher d'une substance mère {Mutter- st(l)slanz), par adjonction d'une molécule d'eau ou autrement, avant de pouvoir commencer à agir, l'action de l'acide s'expli- quera sans peine, et même on pourra remarquer avec intérêt que si on range les acides, comme l'a fait Lôrcher, suivant leur degré de puissance pour la production de cette présure, l'ordre est à peu près le même, sauf pour l'acide sulfurique et l'acide azotique, que l'ordre dans lequel ils se présentent d'après leurs constantes (rinversion (lOO). Mais si l'extrait contient des granulations ou des débris cel- lulaires, toutes ces déductions tombent, et on s'explique fort bien que la présure accolée aux granulations ou adhérente aux cellules puisse être mise en liberté par l'acide ajouté, et aller aider, après ce contact, la présure contenue en dissolution :{'i8 ciiAPiTi\i': XIX dans Textrait glycérine de L(")rcher. (J,'est alors une opération analogue à celle qu'on réalise constamment en teinturerie dans les bains de dégorgeage : un tissu teint, et qui n'abandonne que peu ou pas de sa couleur à l'eau, en cède davantage sous l'action d'un alcali, d'un acide, sans qu'on prétende pour cela qu'il y a dans le tissu une procoideur dilférente de la couleur elle- même. On est d'autant moins autorisé à repousser cette explication que l'extrait employé par M. Lorcher était très peu actif. Il ne coagulait que 20 fois son volume de lait en 23 minutes. Les présures industrielles coagulent o.OOO fois leur volume de lait dans le môme temps, et sont par conséquent 2o0 fois plus fortes. Dans un liquide aussi peu actif que celui de Lorcher, la plus petite quantité de matière en suspension peut faire varier beaucoup la force. Ce qui invite en outre à des réserves, c'est qu'on n'a pas trouvé de ditférences bien sensibles de propriétés entre la pro- présure et la présure. Boas avait crn pouvoir les distinguer en ce que la présure était plus facilement attaquable par les alcalis que la propré- sure. (( On alcalinise, disait-il, une solution de présure, et on la divise en 2 parties dont l'une reçoit un peu de chlorure de calcium, l'autre rien. La première coagule le lait, l'autre le laisse liquide. Donc, conclut-il, la proprésure a résisté à l'al- cali ». Pour accepter cette conclusion, il faut admettre que l'alcali a détruit toute la présure, car s'il l'a seulement affai- blie, elle peut, on le sait, rester inaperçue tant qu'elle n^est pas aidée par l'action du chlorure de calcium, et l'expérience s'interprète alors facilement d'elle-même, sans cette complica- tion de présure et de proprésure. Telle est, en effet, la con- clusion de Lorcher, qui. sur ce point, est en désaccord avec Boas. Enthi K tempérer a cru aussi trouver une différence de résis- tance à la chaleur. Il chaulfe un suc stomacal à 70", c'est-à- dire ti une température qu'il suppose mortelle pour la présure. Ce suc devient, en ellet, incapable de coaguler le lait, mais il PROENZY.MES or PRODIASTASKS 3W lo coagule quand on ajoute du chlorure de calcium. CCst la même expérience et le même raisonneuieut que tout à l'heure avec cette différence qu'ici, rex[)ériencc n'est pas exacte, car, d'après Lorcher, l'action de la température est la môme sur la présure et la proprésure, ce qui s'accorde mieux, il faut le reconnaître, avec l'idi-e <]u"il n'y a qu'une présure qu'avec celle qui en voit deux, l'une née, l'autre encore à naître. On peut du reste remarquer que ces petites différences à l'action des agents chimiques ou physiques, alors même qu'on en relèverait de Lien nettes, en opérant avec plus de soin qu'on ne l'a fait jusqu'ici, n'auraient de valeur prohante qu'autant quelles porteraient sur des suhstances à l'état de solution. Nous savons, en eti'et, que les diastases sont plus résistantes à la chaleur et à d'autres agents quand elles sont précipitées sur des corps solides que quand elles sont en solution dans l'eau. Concluons, en résumé, que rien n'autorise jusqu'à plus ample informé l'introduction dans la science d'une proprésure, tous les faits qu'on considère comme démonstratifs de l'existence de cette suhstance pouvant être interprétés plus simplement en dehors d'elle. 3S5. Fropepsine et pepsine. — ?Sous trouvons des faits du même ordre à propos de la pepsine. Langley a vu qu'un suc gastrique artificiel, préparé au mo>en de la muqueuse, perd toute sa puissance en moins d'une minute quand on le neutralise et qu'on le porte à 37" avec 5 millièmes de soude. Un peut le ramener au hout de ce temps à son acidité normale, sans voir reparaître son pouvoir digestif. Au con- traii-e, il a vu que des macérations ou même des extraits ai|ueux de la muqueuse de l'estomac d'un animal, récem- ment tué et ayant faim au moment de la mort, pouvaient ré- sister à un long- séjour à l'étuve, en contact avec la même proportion de soude, sans suhir aucune diminution dans leur activité. Il en a conclu qu'il y avait dans ces estomacs une substance plus résistante que la pepsine à l'action des alca- lis, et qu'il a appelée pepsinogène ou propepsine. 350 CIIAPITIll': XIX L'cxpérionoe a appris en outre que celte propepsine est aussi plus résistante que la pepsine à l'action des acides, et qu'il en est de même en solution neutre. On admet qu'elle se transforme en pepsine au contact de l'air. Comme d'un autre côté le procédé opératoire (jui permet de découvrir la pro- pepsine dans la muqueuse d'un animal inanitié, montre au contraire, dans l'estomac d'un animal tué en pleine diiies- tion, un grand excès de pepsine, mais toujours mélangée à un peu de propepsine, on s'est demandé si les cellules sé- crétaient vraiment de la pepsine, et non pas seulement de la propepsine qui deviendrait de la pepsine après sa sécrétion. Cette interprétation est très compliquée, et nous pouvons avec ce qui précède, lui en substituer une autre plus simple et tout aussi bien d'accord avec les faits. La pepsine lixée sur le protoplasma de la cellule pendant la période de repos résiste beaucoup mieux à cet état, à tous les agents (alcalins, acides, etc.) qui peuvent lui nuire. Mais c'est de la pepsine ^ que O'Sullivan a retrouvés depuis avec diverses levures, et dont il a habilement tiré la conclusion que l'interversion du sucre, pour ces levures, est lin phénomène intracellullaire. Puis la (piantité de saccharose détruit va en augmentant rapidement ; sitôt qu'il n'y a plus de sucre le poids sec de plante diminue, ce qui indique, ou bien que cette plante se brûle par sa respiration, ou bien qu'elle se vide par exosmose dans le liquide. Les deux phénomènes se passent à la fois, et on remarque en particulier que le liquide sons-jacent s'enrichit de plus en plus en matière organique. 11 semble bien d'après cela que la sucrase se dialyse en même temps que le reste des matériaux de la cellule, et nous arrivons en somme à cette conclusion qu'il en passe d'autant plus à l'extérieur de la cellule que celle-ci est plus vieille et plus 239. Marclie de la production de sucrase. — Remar- quons que nous ne sommes encore qu'à la surface du phéno- mène. Nous n'évaluons que la sucrase qui a transsudé dans le liquide. Nous n'avons aucune idée de celle qui peut exister, au moment de l'essai, dans les cellules du végétal. Il est clair qu'il faut aussi envisager celle-ci. Elle n'est pas facile à saisir. Pour la séparer par diffusion, en se mettant à l'abri de Fin- lervention des microbes , il faudrait dépenser beaucoup de temps et de peine. Le moyen le plus sur qu'ait trouvé M. Fernbach pour la dissoudre est de broyer les cellules à la molette sur un plan de verre douci, jusqu'au moment où on obtient une sorte de pommade homogène dans laquelle le microscope ne montre que des débris cellulaires. C'est la méthode qui a servi depuis à lîuchner pour extraire de la levure la diastase alcoolique. Le produit du broyage est mis en suspension dans l'eau distillée, avec une trace d'essence de moutarde destinée à prévenir son altération, jeté sur un filtre et lavé. On n'est pas absolument sûr, nous le savons, d'en- traîner ainsi au travers du filtre toute la diastase présente, et il ne suffît pas de constater que celle qu'entraînent les liqui- SECRÉTIOX CELT.ULAIUK DES DIASTASKS 3G3 des de lavage diminue de plus en plus pour pouvoir conclure qu'il n'en reste plus lorsque le lavage est suffisamment pro- longé. Nous savons qu'il y a des cas où une diastase fixée sur un élément poreux est presque insoluble ; mais nous sommes bien obligés de négliger cette cause d'erreur et de ne consi- dérer comme préexistante que la diastase que nous dissol- vons ainsi. Le reste tombe dans le royaume encore inconnu des prodiastases que nous avons étudiées dans le précédent chapitre. Voyons ce que donnent, étudiées par cette méthode, dix cultures à'aspcr(jillns , aussi identiques que possible, faites dans des fioles à fond plat, renfermant chacune 100 ce. de liquide Raulin, avec 4 gr. 44 de sucre. Au bout de 40 heu- res, on retire deux fioles contenant deux cultures identiques si l'expérience est bien faite. La première sert à déterminer le poids du végétal, l'autre à déterminer la sucrase du liquide €t des cellules. Voici les chiffres trouvés à divers intervalles de temps, comptés à partir de la mise en train de la cul- ture. Inlervalles Sucre Sucrasedii Sucrase des Total Poids de 0 consommé liquide cellules plante ip. 40 h. 0,92 2 58 60 0,63 92 ip. 24 h. de plus 2,37 7 47 30 1,26 39 » 2i » 3,7.i o 45 îiO i,78 -28 » 2i » 4,44 10 44 34 4,63 32 » 24 » » » 13 33 49 1,01 30 Ici, nous voyons de suite combien nous avons eu raison de tenir compte de la sucrase des cellules, qui dépasse tou- jours notablement, surtout au commencement de l'expé- rience, la sucrase du liquide. Si bien qu'en tenant compte des deux, nous arrivons à une conclusion tout à fait opposée à celle de tout à l'heure. C'est au début de la culture que la (juantité de sucrase est maximum. Seulement elle est à ce moment confinée à l'intérieur de la cellule. A mesure que la culture vieillit, la quantité de diastase diminue, sans doute par suite d'un phénomène d'oxydation, auquel nous savons 301 CHAPITRE XX (jii'cllc est toujours exposée, surtout dans un liquide qui devient de moins en moins acide. Imi même temps la quantité Q du tableau ei-dessus, c'est-à-dire le rapport entre le poids de sucrase totale et le poids de plante vivante, va en diminuant notablement, pour rester à peu près constant à la fin de la culture. Dans l'ensemble, la notion que nous venons d'acquérir ne s'accommode guère, il faut l'avouer, de l'existence de pro- diastases. C'est au début de l'action, dans les cellules les plus jeunes, que la diastase est produite en quantités plus abon- dantes, et si on admet qu'il se forme en même temps des prodiastases destinées à se transformer plus tard en diastases, cette transformation devrait ou augmenter ultérieurement le poids de la diastase, ou accompagner sa destruction de telle sorte que la quantité totale soit à peu près constante, ce qui est une explication bien compliquée en présence de cette autre : il ne se forme pas de prodiastases. S33. Sxxcrase des levures. — Jusqu'ici, nous nous som- mes contentés de comparer deux diastases de môme provenance. Nous ne sommes pas autorisés, a priori ^ à comparer de piano de même une sucrase de levure avec la sucrase de Yaspcryil- lus. Comme notre méthode nous impose l'obligation de mettre cette diastase dans les conditions de température et d'acidité du milieu qui lui sont le plus favorables, nous avons d'abord à voir si ces conditions sont les mêmes pour les deux dias- tases. Pour la température, les différences n'ont pas été relevées par M. Fernbacb, mais au sujet de lacidité, il y en a de cu- rieuses. La diastase de Yasper(jillus est celle sur laquelle ont été faites les expériences résumées au chapitre XIV (165). Avec l'acide acétique, la dose d'effet maximum est pour elle d'environ 1 p. 100. Elle est au contraire de 1 p. 5000, c'est- à-dire 50 fois moindre pour la diastase extraite d'une levure de bière provenant de Tantonville, ou d'une levure de vin de Champagne. Elle est de I p. 2000 avec une levure de pale-ale SECRKTIOX CKI.LII.AIRK DES DIASTASES 3()5 ou avec le saccharomijces Pas/or ia/ius. De plus, les diastases que ces levures laissent se dilîuser dans leau de macération passent sans pertes sensibles au travers d'un filtre de porce- laine poreuse, tandis que la sucrase à'aspcrgillus est fortement retenue et subit une perte notable par fdtration. Bref, il semble que toutes les sucrases ne soient pas identiques entre elles, et que le genre sucrase compte plusieurs espèces. 334. Sucrase du liquide et sucrase des cellules. — Voyons maintenant comment se fait la sécrétion dans le monde des levures, ('e que nous avons appris plus haut au sujet de Yasj)erijillus prouve qu'il faut tenir compte à la fois de la su- vcrase exsudée dans le liquide, et de celle que contiennent les •cellules. Cette dernière n'est pas aussi facile à saisir que dans le cas de Yaspergillus. Le broyage des cellules de levure est long- et difficile, comme nous aurons l'occasion de le constater quand nous étudierons la zymase de Buchner. M. Fernbach a l^référé épuiser ses levures par une série de macérations suc- cessives. Après avoir fait une première culture dans du moût de bière, on décante le liquide, on rajoute de l'eau stérile sur le dépôt de levure, on aspire le mélange dans un tube qu'on vide d'air pour éviter les phénomènes d'oxydation, et qu'on abandonne à létuve à 30-' ou 3o'\ Au bout de quelques jours, on décante le liquide, on le remplace à nouveau par de l'eau distil- lée, et ainsi de suite, jusqu'à ce que le dernier liquide de lavage lie contienne pas ou presque pas de sucrase. Les liquides de pre- ]nière et parfois de seconde macération sont plus riches que le liquide de culture, parce que dans l'eau distillée la cellule de levure s'épuise et défend moins son contenu. Voyons maintenant quels sont les résultais obtenus. Je serai obligé d'entrer à ce sujet dans quelques détails, parce que les nombres fournis par M. Fernbach me semblent comporter des conclusions un peu différentes de celles qu'il a tirées. 235. Influence de la vie aérobie et anaérobie. — Voyons d'abord comment se comporte une même levure pendant sa vie 306 GHAPITIIK XX aérobic et sa vie anaérol)ie, M. Fcnibacli a cultivé la levure de Tantonville en profondeur (série I) dans des vases entière- ment remplis par le moût, et en surface (série II) dans des vases à fond plat contenant le même moût. Aj)rès des interval- les indiqués en jours dans le tableau qui suit, on retirait de létuve 2 des vases d'une môme série, dont l'un servait à déterminer le poids de levure, et l'autre à la macération des- tinée à fournir la sucrase. Le tableau donne les chiliVes trouvés pour la sucrase du liquide, la sucrase des cellules, la somme de ces deux quantités, et le rapport Q de cette somme au poids de cellules vivantes, après divers intervalles exprimés en jours. Durée Poids de Sucrase du Sucrase des Série de l'exp. levure liquide cellules Somme Q I 2 0,071 S.5 7.3 13.0 182 3 0,108 8,6 •19,5- 28,1 260 4 0.142 10,0 29.3 39.3 277 5 0,135 ll,o 32,1 43,6 323 6 » 13,9 29,0 42,9 318 II 2 0.1 oO 17 27,4 44,4 296 a 0,160 19 26,6 43,6 298 5 0,143 23 24,6 47,6 332 7 0,121 22 21,8 43.8 362 9 » 2S,3 19,9 43,2 373 On voit par ces nombres, qui sont d'accord avec d'autres que je ne transcris pas, que la distribution de la sucrase se fait dès l'origine, avec cette levure, plus également entre les cellules et le liquide que dans le cas de Yaspergillus. A mesure que la cellule vieillit, elle abandonne aussi plus facilement sa sucrase. Mais ce qui apparaît surtout dans ce tableau quand on examine la colonne Q, c'est que cette levure est, à poids égal, un producteur de sucrase environ 10 fois plus puissant que Yaspergilhts. Enfin, il n'y a pas de difïérencc bien notable en- tre la vie aérobie et la vie anaérobie. Les chiffres se tiennent à peu près au même niveau dès que les poids de levure sont com- parables. Peut-être cependant y a-t-il un peu plus de puissance dans la prodction de diastase pendant la vie aérobie. Suppo- SKCUÉTIOX CELLULAIRE DES DLVSTASES SVÙ sons que cette diastase soit un poison, une toxine, comme celle que sécrètent certains bacilles, nous voyons tout de suite com- bien ces notions prennent de l'importance. 236. Influence des diverses espèces de levures. — Di- verses races de bacilles appartenant à la même espèce se mon- trent inégalement virulentes. Voyons si nous trouverions des- faits analogues pour dive'rses races de levures cultivées dans le même milieu, du moût de bière. Voici les résultats obtenus dans des cultures en profondeur, étudiées au moment où tout le sucre avait disparu de la liqueur. On a opéré partout sur 50 ce. de moût, mais ce moût n'était pas toujours le même. On a indiqué, pour chaque expérience, le poids de maltose consommé, le poids de la levure, la sucrase du licjuide et des- cellules, la somme de ces deux sucrases, et son rapport au poids- de cellules vivantes au moment où tout le sucre était con- somme. Maltose Poids de Sucrase Sucrase consommé levure du liquide des cellules Somme Q L. de Tanton ville. . . 3,1-2 0,133 H,3 32,1 43,6 32a L. de pale-ale . 5,12 0,198 8,-2 ILl 19,3 97 S. pastorianus. . . . 3,26 0,073 10,9 6,4 17.3 230- Les expériences ne sont pas absolument comparables, et cela pour deux raisons. D'abord elles n'ont pas été faites sur le môme moût. Puis M. Fernbacb a remarqué, avec la même race de levure, des inégalités inexpliquées dans la production de la diastase. Malgré cela on peut conclure, des différences considérables que met en évidence la colonne Q du tableau, que diverses races de levures, cultivées dans un même milieu, produisent des quantités de sucrase différentes, ce qui ne veut pas dire pourtant que ces différences sont spécifiques. SST. Influence du milieu. — Le moment est venu de se demander quelle influence a le liquide de culture sur la sécré- tion de la diastase. Dans le moût qui nous a servi jusqu'ici, la sécrétion de sucrase est inutile, puisqu'il n'y a que du maltose 368 CHAPITRE XX à consommer. C'est une preuve de plus que la sécrétion d'une diastasc résulte d'un procès physiologique, indépendant, dans une certaine mesure, des besoins éprouvés. Mais j)eut-étre (pie cette inutilité de la sucrase en modifie la sécrétion. Voyons •comment se comportent les levures de Tantonville et de palc- ale, quand on les ensemence conqiarativement dans du moût de bière, contenant du maltose, et dans un mont artificiel formé G\\ faisant une décoction de touraillons d'orge et en l'addition- nant d'une quantité de saccharose égale à celle du maltose du moût. Le tableau suivant, construit sur le môme type que ceux qui précèdent, nous donne les résultats de l'expérience après 4 jours de culture faite sur 50 ce. de liquide. Sucre Poids de Sucrase du Sucrase des Lrviire de Tantonville consommé levure liquide cellules Somme Q .Maltose 3.5G O.'202 8,.o 18,9 27,4 t'25 Saccharose 3,03 0.0G5 0,8 0,9 1.7 2G Levure de pale-alc. Maltose 3.73 0, 166 4, .5 17.7 22,2 13 ; Saccharose 3.'il 0.098 0,o G 0.3 3 Ces nombres nous montrent à leur tour deux choses. La pre- mière est que la réserve que nous avons faite plus liant était légitime, puisque la levure àc palr-ale, qui est au-dessous delà levure de Tantonville dans le moût de bière, se met à son niveau ici, comme producteur de diastase. La sécrétion est donc une fonction du milieu. Le second fait qui apparaît dansée tableau est que le besoin de sucrase dans l'eau de touraillons sucrée n'a pas fait apparaître la sécrétion. Le fait est assez intéressant pour qu'on le suive. L'infériorité de l'eau de touraillon sucrée tient-elle à sa nature, ou à celle du sucre qu'elle contient? Pour le savoir, faisons une expérience avec de l'eau de touraillons maltosée : nous trouvons qu'on ne gagne à peu près rien au cbangement du sucre. C'est donc que l'eau de touraillons est impropre à la production de la diastase. Et en effet, en la remplaçant par de l'eau de levure, obtenue de la môme façon, c'est-à-dire par décoction avec de la levure SECRETION CELLULAIRE DES DIASTASES 369 ordinaire, on voit que celte eau de levure se comporte à peu près comme du moût de bière. Or elle contient la même cjuan- tité d'azote que leau de touraillons. Concluons donc c|ue c'est la qualité de l'azote fourni à la levure qui a de Tinfluence sur la sécrétion de la diastase, et non sa ciuantité. Et en etlet, cette même eau de touraillons, si défavorable à la formation de la sucrase, devient au contraire éminemment propre à sa produc- tion, si on l'additionne de peptone. Voici deux expériences dans lesquelles on a cultivé de la levure de Tantonville dans de l'eau de touraillons à 2 0/0, additionnée de 2 Oy'O de peptone et, dans nne expérience (A), de maltose, dans l'autre (lî) de saccharose; au bout de i) jours, on a trouvé les résultats qui suivent : Sucre Poids Sucrase Sucrase Sucrase o cons. de levure du liquide des cellules totale 3.86 0i,'Mr,4 16,3 42,9 59.2 38 4.44 0 .140 n.8 4-2.5 48,3 3ii Et nous retrouvons ici, tant avec le maltose qu'avec le sac- charose, des chifîres égaux ou même supérieurs à ceux que nous avons, relevés au sujet du moût de bière. Concluons que cette sécrétion de diastase est surtout nne question d'alimentation azotée. Il serait curieux de savoir ce cjue donneraient de sucrase des levures telles que le saccharoiirijcr.'i pastorianus, ou encore la mycolevure, cjui s'accommodent fort bien des liquides mi- néraux, lorsqu'on les cultive en ne leur donnant que de l'am- moniacjue sous forme d'azote. Peut-être les verrait-on tomber alors au niveau de Ya.yjergilius, de même que celui-ci monte- rait peut-être au niveau des levures si on lui fournissait des aliments azotés. Quoi qu'il en soit, il est intéressant d'avoir rattaché la pro- duction de la sucrase, c'est-à-dire en somme, l'élément capital de la nutrition hydrocarburée des levures dans les milieux à saccharose, à la nature de son aliment azoté. Cela montre com- bien sont unis dans la nature ces deux modes de nutrition que nous ne séparons que pour la commodité de l'étude, et qu'il 24 370 CHAPITRE XX faut s'haljituer à ne jamais considérer comme indépendants l'un de l'autre BIBLIOGRAPHIE A. FernBACH. Annales de l'InslUul Paateur, t. III, p. 473 et 531 : t. IV, p. 1 et 631. CHAPITRE XXI PARALYSANTS DES DIASTASES Ce quo nous avons appris dans les chapitres précédents au sujet de Tactiondes sels sur les diastases peut se résumer de la façon suivante : Lorsqu'on ajoute, à un niélan,^e d"une diastase et de la ma- tière sensible à son action, un sel minéral ou plus aénéralemenl un corps quelconque, ce corps peut jouer un rôle dans l'action ■en modifiant l'un des corps réagissants, soit la diastase, soit la matière cjue la diastase transforme. Il peut aussi intervenir par lui-même, sans modifier d'une façon sensible les corps en présence. Ainsi, dans l'action de la sucrase sur le saccharose, on ne voit parfois aucune trace d'action de la petite quantité d'acide xijouté sur la substance active ni sur la substance passive. S38. Accélérants et paralysants. — ]Mais le plus souvent le sel ajouté intervient pour imprimer soit à la diastase, soit à la substance passive, une transformation qui gène ou facilite l'ac- tion. Cela est surtout évident dans les actions de coagulation, où les transformations sont surtout de l'ordre physique et se tradui- sent par des changements de solubiHté. Un sel qui coagule la diastase la rend moins active ; un sel cjui précipite à lui seul le caséum le rend plus sensible à l'action de la présure qui le pré- cipite aussi. Un sel qui dissout la caséine en suspension dans le lait normal, le rend plus rebelle à la coagulation par la pré- sure, et peut le rendre incoagulable, de même que l'injection dans le sang de peptones ou d'autres substances peut y empê- cher la formation d'un caillot au sortir de la veine. L'action d'une diastase sur sa substance passive peut donc •être accélérée ou empêchée par l'action de nouvelles forces 372 CHAPITJ'J': XXI dont on peut à l'avance prévoir le jeu en les étudiant séparé- ment sur les corps, sur le mélange desquels on les fait agir. Certains sels, comme nous l'avons vu, rendent la caséine plus soluble ; ils agissent sur elle comme la caséase ou la trypsine. De même que la caséase est un obstacle à l'action de la pré- sure, de même ces sels sont un obstacle à la coagulation. On sait de même, parles travaux de Dastre, de Marbaiv et Denys, que certains corps neutres, tels que le cldoroforme, peuvent pro- duire de A'éritables digestions analogues, sinon identiques, aux digestions pliysiologiques, et donner par exemple des peptones avec la fibrine du sang. Ces faits étendent le cbamp de cette notion, acceptée dans la science, qui ne voit dans les dias- tases qu'un agent plus puissant que les autres pour réaliser certaines transformations pbysiques ou cliimiques. De sorte que l'action complexe qui apparaît dans ces conditions perd un peu de son caractère mystérieux et peut devenir l'objet d'une formule générale. Nous avons suffisamment étudié les actions salines adjuvantes des diastases. Nous avons maintenant à nous occuper de celles qui les contrarient ou les arrêtent. Nous allons trouver dans cette voie des faits du même ordre que ceux que nous avons constatés, mais inverses. Aux sels activants en grande masse, nous allons pouvoir opposer des sels retardateurs en grande masse aussi, et, à côté des sels de chaux, si puissants sur les phénomènes de coagulation qu'ils agissent en proportions presque intinitésimales sur l'action de la présure, nous allons pouvoir placer des substances qui entravent si nettement, et à doses si minimes, l'action des diastases, que nous ^lourrons les mettre au niveau de ce que sont les antiseptiques pour les microbes. Pour les distinguer, nous leur donnerons le nom de paralysants. Nous évaluerons l'iidluence de ces sels comme nous avons appris à le faire plus haut, c'est-à-dire en prenant le rapport des temps de quantités égales d'action en présence du sel et en son absence. Ce rapport, que nous avons l'habitude de désigner par R (S39), était plus petit que l'unité avec les sels accélé- PARALYSANTS DKS DIASTASES 373 ratcurs. Il sera [)lus grand que rLinité avec les substances retardatrices. Nous avons déjà eu quelques exemples de ce fait, car, à propos de la présure, par exemple, la plupart des sels, même ceux qui sont accélérateurs à faibles doses, deviennent retardateurs à des doses plus considérables. 339. Les paralysants dune diastase peuvent être des accélérateurs d'une autre diastase. — Montrons d abord que les diastases n'ont pas les mêmes amis ni les mêmes ennemis. Nous avons vu quels puissants adjuvants de la présure étaient les sels de cbaux et de baryte. Voyons comment ils se compor- tent avec la sucrase. J'ai étudié le cblorure de calcium et le cblorure de baryum à ce point de vue, et voici les rapports R pour des doses évaluées on millionnièmes. Dose ^^^ l'résure Sucrase de sel CaCls baCls CaCÎi ''" Bâcî?" -i.OOJ R =. 0.30 0,1 -> 7.40 0,90 8.000 0,31 .. H. 50 0,90 Ainsi, aux doses indiquées, le chlorure de calcium accélère l'action de la présure et retarde notablement celle de la sucrase. Il est vrai qu'à des doses plus fortes, comme nous l'avons vu, le chlorure de calcium retarde aussi l'action de la présure. Quant au chlorure de baryum, qui dépasse en puissance le sel de calcium dans son action sur la présure, il devient son anta- g-oniste avec la sucrase. Ces faits démontrent que l'action des sels n'a rien du caractère spécifique qu'on leur a longtemps attribué. Elle a tout au plus un caractère spécial que nous devions signaler dans la partie de ce livre consacrée à des études générales, en renvoyant à l'étude individuelle des diver- ses diastases l'examen des faits particuliers. S40. Résultats da M. "W. v. Moracze-wski. — On trouve des résultats du même ordre dans un travail de M. Moraczewski, travail très copieux, mais malheureusement trop décousu pour qu'on puisse en tirer des conclusions générales. M. Moraczewski HTi CIIAPITIIK XXI y p;irl de cctt;> idée préconçue que l'action des diastases en général doit être favorisée ])ar l'action des sels de chaux. Il essaie, et ne trouve pas de preuves de son hypothèse. On croit que dès lors il va l'abandonner. Point : il y persiste en disant que si elle n'a pas été justifiée par l'expérience, elle n'a pas non plus été renversée. Il suffit pourtant de lire son mémoire pour conclure qu'elle a été à la fois vérifiée et ren- versée, vérifiée dans certains cas, renversée dans d'autres ; en d'autres ternies, qu'elle n'a aucune valeur générale, et c|ue, comme je l'avais démontré, les sels de chaux peuvent être tan- tôt des accélérants, tantôt des paralysants des diastases. L'action accélératrice résulte nettement des nombres fournis par M. Moraczewski pour : l'amygdaline et l'émulsine, la lipase et l'huile d'olives, la présure et le lait. L'action est douteuse pour la caséine et la trypsine, l'empois d'amidon et la salive ou la diastase de l'orge. Pour le sucre de cannes et la sucrase, il trouve c[u'elle est accélératrice pour de faibles doses, retardatrice pour de fortes doses. La présence des sels de chaux est au contraire nettement retardatrice pour la caséine et la pepsine. Je ne parle, bien entendu, cjuc des expériences qui sont nette- ment comparatives au point de vue auquel je me place, c'est-à- dire dans lesquelles on a essayé comparativement l'action de la diastase seule et additionnée d'un peu de chlorure de cal- cium. Quant aux essais dans lesquels on a fait intervenir, outre le chlorure de calcium, des corps tels que les oxalates, les fluorures, le savon, que M. Moraczewski considère seulement comme des décalcifiants, tandis que nous savons (|ue ce sont des paralysants des diastases, l'action devient tellement com- plexe qu'on comprend que M. Moraczewski se soit perdu au milieu de ses résultats contradictoires, et ait pu considérer sa thèse comme intacte, à la suite d'expériences qui avaient parle tantôt pour elle, tantôt contre elle. 241. Influences variées de l'acide carbonique. — Nous allons trouver un exemple analogue, mais plus saisissant, dans. PARALYSANTS DES DIASTASES 375 l'étude des influences variées que peut exercer l'acide carbo- nique sur l'action d'une même diastase ou de diverses dias- tases. Nasse avait déjà vu que l'acide carbonique augmente dans une large mesure l'activité de la sucrase, lorscjue Baswitz, étu- diant de même l'action de ce gaz sur la diastase de l'orge, cons- tata ce fait imprévu que certaines variétés d'amidon, celui du maïs, du riz, ne donnent que des traces de sucre sous Faction de la diastase en l'absence de l'acide carbonique, tandis qu'ils su- bissent leur transformation normale en présence de ce gaz. D'autres amidons se comportent de même, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'acide carbonique. Kjeldalil ayant montré ensuite qu'une légère acidité est né- cessaire à l'action de la diastase, Soxhlet s'empara de ce fait pour expliquer les résultats de Baswitz, et dit que si les ami- dons de riz ou de maïs ne sont pas sensibles normalement à l'action de la diastase, c'est qu'ils sont alcalins. L'acide carbo- nique fait des bicarbonates de leurs l>ases et donne au milieu la légère acidité nécessaire ; cette conclusion théorique a été établie solidement, au point de vue expérimental, par Schier- beck. Voilà donc un cas dans lequel le secret du pouvoir pa- ralysant ou accélérateur est connu. Il se résout dans une ques- tion d'acidité ou d'alcalinité. De plus, nous voyons que tous les amidons ne se ressemblent pas au point de vue des diasta- ses. C'est une notion que nous aurons bientôt à rappeler. Schierbeck a fait autre chose. Goldsmith avait vu que l'acide carbonique, qui accélérait, d'après Baswitz, l'action de la dias- tase de l'orge sur certains amidons, gênait au contraire celle de la salive parotidienne du cheval, et Ebstein avait trouvé la même chose pour les diastases de la muqueuse stomacale,, du pancréas, du foie, des muscles, du sang, de l'urine. Il en avait conclu à une ditférence d'action de l'acide carbonique sur les diastases végétales, qu'il favorise, et sur les diastases- animales, qu'il gêne. Schierbeck, en opérant avec de la salive mixte filtrée, montre que pour l'amidon de riz, de pomme de terre, de sagou, de- 376 CHAPITRE XXI salep, la pi'ésciicc de l'acide cai-houique exerce une action favo- rable. xA-vec l'amidon de blé seul elle est retardatrice. Mais c'est que cet amidon est acide. Si on Talcalinise léi^èrement, il se comporte comme les autres. Si on acidulé les autres, ils se com- portent comme l'amidon de blé. Les différences que présen- taient les divers amidons vis à-vis de l'action de l'acide carbo- nique leur sont donc en quelque sorte extérieures. Ce n'est pas de ditterences dans l'action de l'acide carbonique qu'il faut par- ler, c'est de différences dans le degré d'acidité ou d'alcalinité des divers amidons. Il faut pour l'action une certaine dose d'acidité. Si elle n'est pas atteinte normalement, l'acide carbonique aide à l'atteindre. Si elle est dépassée, il aide à s'en éloigner, et par là à ralentir l'action. Pour des amidons au même degré d'acidité ou d'alcalinité, la diastase de l'orge, celle de la salive et celle du pancréas agissent de même. On ne peut donc pas parler de séparer les diastases animales des diastases végétales. Mais il y a plus, et nous pou- vons expliquer de la même façon les contradictions qui peuvent exister entre divers savants au sujet de l'influence, tantôt favo- rable, tantôt défavorable, de l'acide carbonique sur la trypsine pancréatique ou sur la sucrase de la salive ; c'est toujours une question d'acidité ou de neutralité qui entre en jeu. Nous aurons à revenir sur le détail dos phénomènes à propos de chacune des diastases. Pour le moment^ nous pouvons nous contenter de cette conclusion générale. 342. Paralysants de la présure. — Arrivons mainte- nant à l'étude des paralysants. 11 en est dont l'action se ratta- che à leur caractère alcalin, et qui, dès lors, agiront de même sur la présure et sur la sucrase, qui redoutent toutes deux les alcalis, ainsi que nous l'avons vu. Avec la caséine, ces alcalis ne se contentent pas de rendre la présure inactive, en l'oxydant peu à peu ; ils rendent le lait plus transparent en transformant en caséine dissoute la caséine en suspension, et par là rendent la coagulation plus lente ou même arrivent à l'empêcher. Nous PARALYSANTS DES DIASTASES 377 allons trouver trace de cette action en étudiant le carbonate de soude et le borax. Avec 2 p. 1.000 de ces deux sels, le lait reste intact à froid. Avec 1 p. 300, à une température de 35" environ, il perd peu à peu son opacité, et sa transparence^ mesurée par un moyen quelconque, par exemple par le lactoscope Donné, augmente régulièrement avec le temps, et à peu près avec la même vi- tesse, lorsque les deux sels sont employés en proportions équi- valentes. Elle augmente plus rapidement si l'on cbanffe davan- tage. On la produit en quelques minutes dans du lait additionné de 1 p. 3.000 de carbonate de soude, et chauffé à 115°. En for- çant, à toutes les températures, les doses des deux sels, on obtient un liquide visqueux, colloïdal. La caséine y a été com- plètement transformée. Ces effets ont déjà été constatés avec les sels neutres (19S), et s'y accompagnent d'un retard à l'action de la présure. Il en est de même ici. Avec 1 p. 1.000 de borax à 37°, la coagula- tion devient quatre fois plus lente, et seize fois avec 2 p. 1.000 de ce sel. L'acide borique qui, comme on sait, n'est pas un acide franc et agit comme une base vis-à-vis de certains papiers réac- tifs, se comporte comme le borax. Il augmente la transparence du lait où on l'introduit, et retarde aussi l'action de la présure. La coagulation devient cinq fois plus lente avec 1 p. 2.000 d'a- cide borique, et vingt fois plus lente avec 1 p. 1.000. On voit que l'acide borique est un paralysant plus actif de la présure que le borax. Nous comprenons, avec cela, le rôle de ces corps lorsqu'ils sont employés pour empêcher le lait de se coaguler. L'acide borique paralyse l'action des présures produi- tes par les ferments de la caséine. Comme c'est le plus souvent le ferment lactique qui se développe dans le lait, et qui le •coagule, non parce qu'il y introduit de la présure, mais parce qu'il le rend acide, le borate de soude, qui y amène de l'acide borique et un alcali, sera souvent plus efficace, parce qu'il com- bat à la fois deux causes de coagulation. Mais aucun de ces corps n'empêche d'une manière absolue le lait de se cailler, à moins qu'on ne l'emploie à des doses qui transforment la ca- 378 CHAPITRE XXI seine, et iio periiiettciit plus tle douiiei" le nom de l;ii[ au li(juidc où on Ta inli'odnii. 243. Faralysaiits de la sucrase. — Les hases exercent,, nous l'avons vu, un effet l'etai'datcnr ti\''s puissant sur les effets de la sucrase^, comme sur ceux de la présufe. Avec 1 p. 1.000 de soude, l'action de la sucrase devient 25 fois plus faible, et ici encore la nature chimique de la base semble s'effacer derrière son caractère d'alcali. On peut, par suite, s'attendre à voir les sels alcalins exercer aussi un effet retardateur. Voici, pour représenter l'action de quel(]ues-uns d'entre eux, choisis pour leurs propriétés antisep- tiques, les valeurs de II déterminées par le même moyen que plus haut. Proportions en millionnièmes. 1.000 2.000 4.000 5.000 8.000 Arséniate de soude 4,0 » » 7,2 » Borate de soude 4,4 2,5 5,6 » 9,3 Salicylate de soude » 1,0 1,3 » » On voit que les deux premiers sels sont des paralysants très, actifs de la sucrase ; le dernier^ considéré comme le plus anti- septique des trois, est au contraire à peu près sans action. Dans tous les cas l'effet est retardateur, à cause de la prédominance de l'alcalinité de la liqueur. Cette alcalinité elle-même exerce une influence complexe, d'abord celle de la base agissant comme base, puis celle qui provient de ce que le liquide basi- que, restant exposé quekjues heures à l'action de la chaleur, s'oxyde ou plutôt laisse sa diastase s'oxyder plus rapidement cjue si elle était en solution acide. Cette oxydation de la sucrase se traduit aux yeux par un phénomène apparent. Quand on dis- sout la diastase dans de l'eau distillée sucrée, le liquide reste limpide pendant sa transformation. Quand on prend de l'eau ordinaire, il se produit un trouble au bout de quelques minutes, et le liquide brunit ensuite très sensiblement à l'œil. Quand on voit ce brunissement, on peut être sûr que la diastase s'est oxydée et est en grande partie détruite. PARALYSANTS DES DIASTASES 379 344. -A^ction des divers agents antiseptiques. — Nous envisag-ei'ons en dernier lieu quelques substances qui ont été proposées pour leur action antiseptique. Voici d'abord trois sels minéraux toxiques, dont l'action est évaluée de même cjue plus haut : Proportions de sels en millionnièmes. 100 200 400 100 200 Bichlorurc de mercure » 1.03 1,04 1,25 1,40 Nitrate d'argent 4.26 1,30 1,25 0,70 » Cyanure de potassium » 16,20 44,00 62,00 » Le bichlorure de mercure agit faiblement sur l'effet de la sucrase. Le nitrate d'argent le retarde d'abord, l'accélère en- suite, probablement par suite de l'acidité qu'il communique à la liqueur. Mais le cyanure de potassium est un paralysant très puissant, agissant à la dose de 100 millionnièmes et très actif à dose de LOOO. On voit pourtant que, quelle que soit sa puis- sance, il ne supprime jamais complètement l'action de la sucrase. Voici maintenant les résultats de l'étude d'un certain nombre de substances organiques. Le sulfate de quinine est un paralysant de la sucrase. Son effet est représenté par le nombre 1,1 pour une proportion de loO millionnièmes, et par le chiffre de 3,3 pour une proportion de 300. Il exerce donc un effet sensible, même à dose homœopa- thique. L'alcool, au titre de 10 p. 100, exerce aus.si sur la sucrase un effet retardateur mesuré par le chiffre 1,3, et par conséquent assez faible. Les aldéhydes, et surtout l'aldéhyde formique, sont des paralysants beaucoup plus puissants. Huant au chlo- roforme, à Téther, aux essences de wintergreen, de vespetro, de tanaisie, de cannelle, que j'ai étudiées en les mettant en excès dans les liqueurs^ de façon à ce qu'il en reste des gouttes sur- nageantes, leur action est faible et ne diminue cjue d'environ 1/10 au maximum l'activité de la sucrase. Il y a donc des substances fortement antiseptiques pour cer- tains microbes et qui sont des paralysants très faibles de cer- 380 CIIAPITHK XXI taincs diastases. Par contre, il y a des paralysants très puissants ITr,l': X\I sucre, 1)1 lis faiJ)lemcnt actif, on s'explicjue à merveille que la réaction (|ui produit des quantités croissantes de substances paralysantes s'arrête avant d'être complète. Ucmarquons en passant que l'éther et l'alcool ne sont pas très actifs, et c'est pour cela que nous avons eu avantage, au chapitre VIII de ce livre, lorsque nous avons pris contact avec ces faits, à éliminer l'aldéhyde benzoïque au moyen de l'éther (105), quand nous avons voulu montrer que cette aldéhyde était un obstacle : nous l'avons en somme remplacée par de l'éther, substance moins active. On trouve des faits analogues avec l'émulsine et la salicine. Ainsi, d'après Fischer, il y a 88 0/0 de la salicine qui se dé- double quand on expose à 35" une solution contenant 3 0/0 de salicine et 0,125 0/0 d'énmlsine. Le chitl're tombe à 85,5 0/0, quand on ajoute au départ I 0/0 de glucose, et à 69,1 0/0, avec 1 0 0 de saligénine. Aussi, la réaction normale reste toujours incomplète. Piria avait cru le contraire, mais Tammann a montré d'où venait l'erreur. Tiemann et Haarmann, qui ont étudié l'action de l'émulsine sur la coniférine, n'ont trouvé quelle était parfois complète que parce qu'ils éloignaient l'alcool coniférylique formé. Quand on ne prend pas cette précaution, la réaction aboutit à un terme. Il en est de même, d'après Tiemann et Reimer, pour la réaction de l'émulsine sur l'acide vanillique, et d'après Rochleder et Schwarz avec l'esculine : Will et Korner ont de même trouvé que la réaction de la myrosine sur le myronate de potasse est incomplète, et tel semble être le cas général pour ces hydro- lisations qui donnent des produits actifs, odorants et parfois, toxiques. Elles s'éloignent ainsi par d'autres points des réac- tions diastasiques digestives dont nous les avions déjà sépa- rées. ••• 24*7. Lois de ces réactions. — Voilà donc toute ime série d'actions diastasiques dont il est bon de chercher la loi. Nous la connaissons déjà en partie. Nous avons vu que la quantité — A^ de salicine, par exemple, décomposée pendant le temps A/,. PARALYSANTS DES DIASTASKS 385 était la diûérence de la quantité a.d.\t décomposée parla quan- tité ff d'émulsine ayant, dans les conditions de l'expérience, l'activité a, et de la quantité : nad ^ A/ S représentant l'etlet retardateur, pendant le même temps ^t de la proportion — ^ des produits de décomposition de la sali- cine, déjà formés, à leur quantité totale possible. On a donc : 1 — n —Ill\a.d.\f S / et la réaction s'arrête avant son terme lorsque l'expression entre parenthèses devient nulle, c'est-à-dire lorsque : 1 — n = 0 S d'où : C'est donc lorsque n sera plus grand que l'unité, c'est-à-dire lorsque les produits de la décomposition interviendront pour une part plus grande que celle de leur poids, pour le double par exemple de leur poids, comme produits empêchants, que l'action de la diastase sera assez affaiblie pour qu'elle s'ar- rête à moitié chemin de son œuvre. Nous avons trouvé que cette hypothèse était vérifiée pour l'émulsine, agissant sur la salicine et la coniférine, c'est-à- dire que, pour ces substances, l'action empêchante était indé- pendante de la proportion de diastase. Mais il ne faut pas tomlier dans le défaut que j'ai signalé (104) précisément à propos de l'étude de ces lois, ni croire que parce qu'une formule est vérifiée, les hypothèses qui ont conduit à cette formule le sont aussi. Il y a sûrement plusieurs hypothèses pouvant conduire à l'état d'équilibre que nous avons signalé et vérifié par l'expc- ;;H6 CIIAIM'I'I.!': XXI licnce. Pour ne pas soiiii' du cadi'c diuis le(|uel nous avons tenu les nôtres, il se peut (juc n ne soit pas constant pendant toute la durée de la réaction ; (ju'il aille en croissant à me- sure qu'elle se ])oursuit ; qu'il ne soit pas aussi indépendant que nous l'avons dit de la quantité de diastase, etc. Tous ces points-là peuvent faire l'objet d'une dissection soignée, maiutenant que nous avons une formule précise qui per- met de comparer la théorie avec l'expérience, et c'est là sur- tout l'intérêt de la formule que nous avons établie : elle conserve au phénomène sa courbe logarithmique. Si l'ex- périence est en désaccord avec cette conclusion, il faudra chercher pourquoi, et par exemple si n n'est pas constant, ainsi que nous l'avons écrit. Notre formule indique que la transformation aboutit à une limite fixe, indépendante de la quantité de matière. Si cela ne se vérifie pas toujours, il faudra chercher où a lieu l'écart. 248. Expériences de Tammann. — Le seul savant qui, à ma connaissance, ait fait des expériences sur ce sujet est Tammann, qui avait une méthode de travail tout à fait ditle- rente : déterminer des nombres, et les publier tels quels, en leur laissant le soin de chercher leur voie et leur loi. Peut- être cette méthode n'est-elle pas la meilleure quand on étu- die des questions aussi compliquées et aussi hérissées de cau- ses d'erreur connues et inconnues que celle des diastases. Le respect qu'on a pour les nombres peut empêcher de chercher et de voir les circonstances qui les faussent, et si Tammann avait accordé plus d'attention aux foruies parfois bizarres de ses courbes, il aurait peut-être relevé des causes d'erreur qui laissent quelque incertitude à ses résultats. Mais il a d'un autre côté tant multiplié ses expériences qu'on peut les contrôler les unes par les autres. Je donnerai tout de suite, en le réduisant un peu, le tableau dans lequel il résume celles qu'il a faites au sujet de Faction de l'émulsine sur la salicine. Voici les proportions de salicine décomposées, dans une solution renfermant, pour 100 ce, 30.007 gr. de sali- PARALYSANTS DES DIASTASES 387 ciiie, et additionnée des quantités d'émulsine indiquées en mil- lig, dans la première coloune du tableau. L'expérience a été arrêtée lorsque deux essais successifs, à quelques heures d'in- tervalle, montraient que la transformation était arrivée à peu près à son terme. On a opéré à diverses températures, indi- quées en tète des colonnes indiquant les limites atteintes. La mesure se faisait en dosant la quantité de sucre formée par la méthode de Soxhlet. Du poids de sucre trouvé, on con- cluait la proportion de salieine transformée, et ce sont ces- proportions centésimales qui sont inscrites au tableau : Emulsine 0" ITo ÎC)" 35» '.60 ÔilJ 6-2o 7.1D SOO 6G,l 78,0 82,6 8S,0 9 5,0 9i.5 90,0 69,5 250 66,1 78.0 82.6 88,0 91.5 85.0 77.7 66,0 1^3 66,0 78,0 82,6 88.0 9i,i 73,4 67.7 46.4 62,5 51,8 60.0 66.0 73 5 85,0 69.5 62.9 41.3 31,2 46..5 52.0 55,0 60.0 75,0 66.0 39,4 26,4 15,6 32,5 39,5 46,5 92,0 64 0 55, t 32.2 17.0 7,8 18,0 29,1 39,2 46.5 3'kO 33,2 )) » 3,9 11,6 22,0 3i,0 2i.5 24,0 • 19,3 » )) Ce tableau va nous servir de schéma pour une revue gé- nérale des lois de celte espèce particulière d'actions dias- tasiques. 249. Influence des quantités de diastase. — On voit que^ toutes les fois que la quantité de l'émulsinc employée par M. Tammann dépasse le trentième environ du poids de la sa- licine, la limite atteinte à toutes les températures est indépen- dante de la quantité de diastase, comme nous l'avons admis ; cela est vrai pour toutes les autres actions étudiées, et nous- sommes évidemment là en présence d'une loi générale. Seulement cette loi n'est plus vraie lorsque la quantité de diastase tombe au-dessous d'une fraction déterminée du poids- de la substance à transformer. La limite, à toutes les tempé- ratures, s'abaisse avec la proportion de diastase. A quoi cela est-il dû ? A des causes d'erreur ou à la nature même du phé- nomène ? Les causes d'erreur sont qu'aux températures bas- ;{88 ClIAPITRK XXI SCS, l'aclion est très leute, et que rexpérience n'a peut-être pas été poussée assez longtemps pour qu'on soit assuré que la limite atteinte n'aurait pas été dépassée. A haute tempéra- ture, la destruction de la diastase est rapide, et on ne peut plus faire aucune comparaison avec notre formule, qui sup- pose que la quantité de diastase ne varie pas pendant la ré- action. Mais quand il s'agit de choisir entre ces hypothèses, les chiffres bruts de Tammann ne sont d'aucun secours. C'est là un point qui exige de nouvelles recherches, faites avec la préoccupation d'éliminer les causes derreur, et non pas de les laisser confondues avec le phénomène naturel. S50. Influence de la température. — On voit en outre, dans ce tableau, que la limite atteinte dans la réaction aug- mente avec la température jusqu'au degré qui correspond à peu près à la température optima et diminue ensuite. Il eût été in- téressant de rechercher s'il y avait correspondance exacte en- tre la température optima et celle du maximum d'action, c'est- à-dire si le degré thermique pour lequel l'action était le plus rapide était aussi celui pour lequel la limite de l'action était le plus élevée. Tammann se contente de signaler que la cha- leur affaiblit les dia-stases, et que lorsqu'une réaction a atteint son maximum à haute température, on n'élève pas ce maxi- mum en abaissant un peu la température, tandis qu'on élève au contraire, en chauffant, le niveau maximum atteint par une réaction faite à une température inférieure à celle du maxi- mum. Enfin, il cite les chiffres suivants, déterminés par Fischer, pour les limites atteintes, à différentes températures, par des liqueurs contenant, par 100 ce, 62,5 gr. d'émulsine et des poids moléculaires égaux de salicine, d'amygdaline, de coni- férine et d'arbutine. 0 12 30 46 60 Salicine 0,28igr.... 07,0 7i.l 85,0 9i,0 presque rien Amjgdalinc 0,456 gr. 17.4 37.,.o 01.5 85,0 53,0 Goniterine 0,377 gr.. 40,0 40,0 41,3 43,5 41,7 Arbutine 41,0 4;io 51,7 b3,5 42,7 PARALYSANTS DES DIASTASES 389 La niarclie générale des courbes qui traduisent ces chifîres et qui se coupent, comme on voit (fig. 24) indique une sen- sibilité très inégale des diverses diastases à l'action de la chaleur, mais la température du maximum d'action semble être pour toutes au voisinage de dC. C'est à cela que se bornent jusqu'ici les renseignements m 90 80 70 60 50 M 10 0 ^^-^ ^ ^^ .^^ Jr^^ ^ /^ \ '^ > /^ y. ^ — — ^ -1— ^ •-~ '^o'ii/erÙK y ^v^ — y /^ ,^fi/y.r/'irp T W ZO 30 UO So 60 /, et la liqueur c au même degré de dilution; a et b ne contiennent pas de sucre, c n'en contient que la quantité apportée par l'extrait de malt, et qui se retrouve à la fin de l'expérience. Yis-à-vis de l'iode, les réactions sont les suivantes : a Bleu par très peu d'iode, violet brun par un excès ; h Rouge clair par très peu d'iode, rouge brun foncé par un excès ; c Mêmes teintes que dans Teau pure ; La partie a conserve donc encore un peu de bleu initial. L'iode, versé en petites quantités, va aux parties de la liqueur qui l'attirent le plus, et les colore en bleu. Puis la liqueur passe au violet par addition de rouge ; Le liquide />, formé de matières plus solubles, rougit d'a- bord, et devient rouge brun par un excès d'iode. Il se com- porte comme les érytlirodextrines. Enfin c a la même réaction que les achroodextrines. Nous aurons à nous souvenir tout à l'heure que nous avons trouvé ici des érythrodextrines et des achroo-dextrines sans maltose. Pour le moment, nous ne nous préoccupons que de l'interprétation à donner aux colorations- produites par l'iode, et nous pouvons conclure ceci, c'est que l'iode traduit seulement les progrès du travail de dissolution des masses en suspension qui constituent l'empois. Ces masses sont très hétérogènes, parce qu'elles ont des états de coagula- tion ou de compacité très inégaux dans le granule d'amidon. L'action de l'eau les égalise un peu. Le traitement de Musculus comporte une sélection qui rend plus homogène le résidu con- servé. Le traitement de Poitevin arrive au même résultat en dégradant le tout jusqu'au terme dextrine, qui n'est pas dé- passé. Presque tout ce qui était à un niveau supérieur se réunit sur cette marche. Mais il reste encore des parties en retard, et ce sont elles qui colorent encore en bleu le liquide a, étudié plus haut. En se servant, au lieu de malt chauffé, de malt ordi- naire, ou encore des acides, on abaisse d'une marche le niveau LIQUEFACTION Ï)K LK.MPUIS D AMIDON 403 auquel on réunit les parties inégalement résistantes du granule d'amidon ou de l'empois. Mais là encore l'arrivée est graduelle. En d'autres ternies, d'un bout à l'auti-e du phénomène de la saccbarifîcation reparaissent les inégalités du point de départ, provenant soit de ce que les divers amidons ne se ressem- blent pas, soit de ce que les diverses parties d'un même granule ne se ressemblent pas davantage. Mais il est entendu, dores et déjà, qu'il n'y a aucune relation entre la saccbarifîcation elles variations de la teinte de l'iode, puisque nous venons de pro- duire toutes ces variations sans qu'il y ait eu formation de maltose. L'iode traduit les cbangements d'état physique, le maltose est le résultat d'une transformation chimique, et il ne suffît pas que ces deux phénomènes s'accompagnent constam- ment dans l'industrie pour qu'on ait le droit de les supposer connexes. 35*7. Ce que c'est qu'une dextrine. — Dans notre concep- tion, le mot dextrine est facile à définir. Tout amidon devenu soluble donnera une dextrine de cet amidon. C'est-à-dire que théoriquement tout amidon aura sa dextrine, et que si, comme il est probable, ces divers amidons ont entre eux des difi'érences de constitution chimique ou d'arrangement moléculaire, comme celles qu'on sait exister chez les sucres, il y aura autant de dex- trines que d'amidons. Les seules ditférences qui seront efi'acées, et encore incomplètement, dans les dextrines, seront les diffé- rences de compacité, de degré de coagulation des divers ami- dons. Je dis : encore incomplètement, et voici pourquoi. C'est qu'il ne nous est pas possible, actuellement, de séparer complètement les dextrines, tout à fait solubles, que je viens de définir, des dernières portions non encore entièrement solubilisées du grain d'amidon. Rien n'avertit qu'il y en a encore. Les change- ments dans le pouvoir rotatoire qui peuvent résulter de leur présence sont faibles, et pour les interpréter, il faudrait con- naître le pouvoir rotatoire de la dextrine pure, Or, quand on essaie de purifier cette substance, en la précipitant, par exem- iOi CIlAPiniK XXII j)lo, par l'alcool, on se heurte à cette loi générale que nous avons si souvent signalée, et qui veut (|ue quand un coagu- luin se forme dans un liquide, il entraine avec lui à la fois les sul)stances solides et une partie plus ou moins considérable des substances encore en solution, qui, si elles avaient été seules, seraient restées dans le liquide pour la dose de précipitant employée. Ce sont ces mélanges, difficiles ou même parfois im- possibles à dissocier, qui ont fait introduire dans la science tant d'amylodcxtrines, de dextrines a, [3, y o, etc., de malto- dextrines, et d'autres substances mal définies, acceptées par les uns, rejetées ou disloquées par les autres, et dont nous nous arrogeons tout de suite, en vertu de notre interprétation des phénomènes qui les considère comme des mélanges, le droit de ne pas parler. Cette même interprétation nous conduit à accepter Texistence d'une dextrine n'ayant pas de pouvoir ré- ducteur parce qu'elle ne contient pas de maltose. Nous allons voir que nous sommes d'accord en cela avec les constatations de MM. Brown et Morris, dont les conclusions, après avoir été fortement contestées à l'origine, s'implantent en ce moment de plus en plus solidement dans la science. Mais avant de revenir à notre interprétation des phénomènes de la saccharifi- cation delà dextrine, nous avons à passer en revue les explica- tions variées qui ont cours aujourd'hui. Ce sera l'objet du pro- chain chapitre. BIBLIOGRAPHIE DuCL.\UX. Ami. de ch. et de pliijs. 4° s., t. XXV, p. 472. IIarz. Apotheker Zeilnny, 189o, p. 260. Brown et Héron. Journal of Ike chem. Soc, 1879, p. 611. MUSCULUS. Bull. Soc. chini., t. XXII, p. 26, 1874. POTTEVlN. Comptes Rendus, 25 avril 1898. CHAPITRE XXIIl THÉORIES DE LA SACCHARIFIGATION S58. Phénomènes généraux. — Lorsque au lieu de dis- séquer le phénomène de la saccharification, comme nous avons essayé de le faire dans le chapitre qui précède, on laisse la réaction abandonnée à elle-même, comme elle Test dans les conditions ordinaires, elle passe par une série de phases qu'il faut connaître, si on veut bien se rendre compte de l'origine et des raisons d'être des explications qu'on en a fournies. Mettons-nous donc en présence d'un brassin, ou plus simple- ment, pour éviter les complications qui résultent de l'exis- tence d'une enveloppe du grain et de la formation de la drè- che, d'une empois à 10 0/0 d'amidon mélangé avec une quan- tité convenable de farine de malt ou d'extrait de malt. Portons le tout à température convenable, et voyons ce qui va s'y passer. Trois choses se produisent avec une grande régula- rité, si les circonstances restent les mêmes. 1" Le mélange se fluidifie et se clarifie en quelques instants, 2, 3, 4 minutes, suivant la température. On n'y voit plus na- ger, au bout de ce temps, que quelques pellicules flottantes^ qui, du reste, persistent jusqu'à la fin, et appartiennent évidem- ment aux parties les plus cellulosiques du grain d'amidon. C'est le premier eflet de l'amylase du malt. 2° Soumis de temps en temps à l'épreuve de la liqueur d'iode, le liquide, qui se colorait d'abord en bleu, se colore ensuite en violet, qui devient de moins en moins foncé, et vire au rouge, puis au jaune. Finalement la teinte ressemble à celle que donnerait la môme quantité d'iode dans l'eau pure. Xous retrouvons là la succession de teintes que nous avons visée dans notre dernier chapitre, et que nous avons considérée 406 CHAIMTRE XXI II comme révélaiil surfont la désagrégation graduelle du grain (l'amidon, son passage de l'état colloïdal à l'état licjuidc, et non, comme on le dit d'ordinaire, la dégradation, la disloca- lion de sa molécule chimi(jue. 3' Le pouvoir rotatoire du mélange décroit et le pouvoir ré- ducteur croit rapidement jusqu'à une certaine limite^ variable avec la température, mais toujours la même, à la condition •que la dose d'amylase ne soit pas forcée. A partir de cette limite, le phénomène devient très lent, et il faut des heures et des jours pour ce qui exigeait jus(jue-là des minutes. Si on prend, un pen arbitrairement, il est vrai, pour un état d'équilibre cette limite rapidement atteinte et lentement dépassée^ on peut, en dosant les cjuantités de dextrine et de maltose produites, traduire par une équation la transformation subie par l'amidon jusqu'à ce moment. La formule brute de l'amidon est G'-H-"0'". La formule brute de la dextrine est la môme : celle du maltose en diffère par l'addition d'une molécule d'eau H'O, et peut par consé- quent être écrite C'"H"'0'\ Quand une molécule de dextrine devient une molécule de maltose, l'équation de transformation est, en appelant r/ la molécule de dextrine, e la molécule d'eau, 311 la molécule de maltose. (J -\- e = m A chaque molécule d'amidon ou de dextrine qui se trans- forme en maltose correspond la fixation d'une molécule d'eau. Il en résulte que le nombre de molécules d'eau fixées est tou- jours égal au nombre de molécules de maltose produit, et le nombre de molécules d'amidon entrées en jeu égal à la somme •des molécules de dextrine et des molécules de maltose. 359. Théories de Payen et de Musculus. — Cela posé, nous ■pouvons préciser le problème dont les chimistes cherchent depuis si longtemps la solution. Pour quelques uns, et Payen était du nombre, la molécule -d'amidon devient une molécule de dextrine sans rien eaener THEORIES DE LA SACCHARIFICATION 407 ni rien pei-dre, par un changement de position des atomes constituants, qui sont les mômes et en môme nombre dans l'une et dans l'autre : c'est un simple phénomène à'isouK'na. C'est ensuite cette dextrine qui donne peu à peu du maltose en se comJnnant avec une molécule d'eau. Pour d'autres, l'amidon ne peut se transformer en dextrine sans donner en môme temps du maltose : c'est un dédouble- ment avec hydratation. Les deux phénomènes de production de dextrine et de maltose, au lieu d'ôtre successifs et indépen- dants comme le pensait Payen, sont simultanés et solidaires. La molécule d'amidon est composée d'un ensemble de feuillets qui se détachent et s'isolent ; les uns sont des feuillets de dex- trine, les autres deviennent du maltose en s'hydratant : c'est là la théorie de Ycffcmlleini'nt., de la iVislocalloii de la molé- cule d'amidon : elle devient un pohjmrre qui se M. OSuUivan. Il est vrai que cet appui n'était pas formel, qu'O'Sullivan semblait même peu partisan de la théorie de la dislocation : mais les faits bien observés qu'il apportait se conciliaient si bien en apparence avec cette théorie qu'ils lui servirent de passe-port pour un ,t:rand nombre d'esprits. 360. Tiiéorie d'O Sullivan. — O'Sullivan a étudié la sac- charification en maintenant plus constante qu'on ne l'avait fait avant lui la température pendant la durée du phénomène. Il a constaté qu'à chaque température correspondait un état d'équilibre particulier, rapidement atteint, lentement dépassé, et que, de la température ordinaire à 70", limite supérieure d'activité de la diastase, il y avait trois de ces états d'équi- libre. A ces trois états, il en a ajouté depuis un quatrième^ dont il n'a pas bien précisé les conditions de température, et l'ensemble de ses résultats peut être traduit par les for- mules scliématiques suivantes, écrites avec la convention faite plus haut : Au delà de 08-70" Ga + ^' = w + or/ (1) De 64" à G8-70'^ G« + 2e = 2m -f- 4^/ (2) Vers 64 ? (Sa + 3^- = ^m -f- 3^/ (3; Au dessous de 63" Cm -f- 4^- = \m + %( (4) Ces formules forment une série régulière, et nous font assister au progrès de l'hydratation et à l'augmentation de la proportion de maltose, à mesure que la température s'abaisse au-dessous de 70". Dans leur ensemble, elles traduisent d'une façon très nette, en apparence, l'hypothèse du dédoublement^ de reffeuillemenl de la molécule d'amidon en feuillets dont les uns sont des feuillets de dextrine, et dont les autres, en nombre égal à celui des molécules d'eau saisies, sont des^ feuillets de maltose. Comme c'est toujours la même quantité 6« d'amidon qui entre en jeu, il parait naturel de considérer la formule (C'-H-''0'")'' comme représentant la molécule d'ami- don, pouvant subir les quatre modes simples de dislocation représentés dans les formules qui précèdent. 410 CIIAI^ITRK XXIII 361. Objections. — A cela on pourrait répondre que cette simplicité est peut-être apparente. Les nombres des équations ci-dessus sont encore entachés d'une cause d'erreur qui tient à ce que Ton ne savait pas bien, en 1872, ce qu'il fallait de maltose pour décolorer l'unité de volume de la liqueur de Fehling, ou pour précipiter l'unité de poids d'oxyde de cuivre. La correction, quand on l'introduit, enlève aux équations ci- dessus un peu de leur belle simplicité de lignes. IMais mettons ces différences au compte des causes d'erreur et des incerti- tudes du procédé ; admettons que toutes les dislocations observées par M. O'Sullivan ont la formule simple indiquée par ses équations. Contentons-nous de remarquer qu'on ne pourrait établir sur elles une théorie que si elles étaient cons- tantes, et se retrouvaient les mêmes, toutes les fois qu'on se met dans les conditions indiquées pour les obtenir. Elles embrassent l'échelle entière des températures usitées pendant la saccharitication. Les savants qui se sont occupés de ce sujet auraient donc dû retomber constamment sur l'une ou sur l'ciutre, suivant le degré thermométrique atteint. Or, c'est ce qui n'est pas. Prenons seulement les travaux où on «'est préoccupé de maintenir constant et où on a bien spécifié le chiffre de la température. Marcker trouve à 60" une équa- tion tout à fait ditïérente de l'équation (4) d'O'Sullivan^ et qui €ist : 4« 4- 3e = '3ni -h d Au dessus de Go", il trouve aussi une équation difféi'cnte de l'équation (2) ia + 2e = 2m + 2^/ De même Brown et Héron, qui ont publié récemment un travail très soigné sur l'action de la diastase, disent formelle- lement qu'à (30'\ température où ils auraint dû retrouver la dernière équation d'O Sullivan, ils n'ont trouvé aucun point d'arrêt correspondant à cette proportion de maltose et de dex- THi:ORII<:S DE LA SACCHARIFICATION iil trine. La réaction continue raj)idement, et ne s'arrête qu'à un état d'équilibre correspondant à l'équation. lOrt + 8^ = Hw + -2^/ De même à 75-70°, au lieu de l'équation (1) d'O'Sullivan, ]\IM. lîrown et Héron trouvent : JOrt + 3^' =Sm + !(/ Je ne parle pas des modes de dislocation diiïérents qu'ils ont obtenus en faisant varier l'alcalinité de la diastase em- ployée. On voit que nous sommes déjà loin de la conception simple de Musculus. Il ne s'agit plus d'un simple dédouble- ment de la molécule d'amidon : il faut en accepter plusieurs, •correspondant chacun à un état d'équilibre. On n'a pas le •droit de rejeter arbitrairement les résultats d'O'Sullivan, pour n'accepter que ceux de IMarcker ou de Brown et Héron. Bien cju'ils n'aient pas été obtenus par les mêmes savants, du moment qu'il ont été bien observés, tous ces modes de dis- location doivent exister en puissance, d'après la théorie de Musculus, dans la même molécule d'amidon, et comme ils sont irréductibles, il faut qu'une molécule d'amidon, pouvant se plier à la fois aux équations d'O'SulHvan, de Miircker, et de Brown et Héron contienne 6x 10 =(30 molécules a, c'est-à- dire soit écrite (C'"H-*'0"')''". C'est beaucoup. D'un autre côté on ne peut pas songer à substituer à cette molécule compli- quée et volumineuse 60 molécules indépendantes et iden- tiques, car alors il y aurait à se demander comment, étant identiques, elles ont dans les mêmes conditions des sorts si différents. ' En résumé, les deux théories qui ont été proposées pour expliquer la transformation de l'amidon en maltose et en dextrine sousl'inlluence du malt expliquent toutes deux certains "[phénomènes de la saccharification, et en laissent d'autres dans une ombre discrète. Payen, cpii avait vu la dextrine dominer dans le mélange au commencement de la réaction, et le sucre y augmenter peu à peu, avait cru et dit que l'amidon devait U2 cKArrrr.i': xxiii d'ahoi-tl donnor de la dextriiie, par un procès disomério, puis celle-ci du iiialtose par un procès d'hydnitatioii, entièrement in- dé[)cndant du premier. Il n'avait pas expliqué pourqnoi on avait presque toujours, sinon toujours, un résidu irréductible de dextrine, et pourquoi ce résidu persistait à ne pas vouloir s'hydrater ; ou plutôt, il en avait donné une explication qui plus tard n'a pas été reconnue fond(''e. Musculus, de son côté, ne disait rien de la variabilité du rapport entre la dextrine et le sucre pendant la durée du phé- nomène. C'est à la réaction terminée, prise au moment où la transformation y est devenue très lente, que s'attaquait ^luscu- lus, et il montrait alors deux choses, en apparence inconcilia- bles avec la théorie de Payen : 1'^ que le sucre et la dextrine étaient dans un rapport iixe et simple ; 2'^ que la dextrine formée restait inattaquable, alors môme qu'on renouvelait les doses de diastase. Sur le premier point, Musculus s'était trompé ; le rapport n'est ni fixe ni simple. Il varie avec la température, surtout de Gi à 70", au voisina.ae du degré de chaleur aucjuel la diastase se détruit ou perd toute action. A une môme température, il varie avec la quantité de diastase ajoutée, avec son degré d'a- cidité ou d'alcalinité, probablement aussi avec la nature de l'amidon ou le mode de préparation de l'empois. Si des obser- vateurs aussi consciencieux et aussi habiles (]ue M. 0' Sullivan d'un côté, MM. Brown et Héron de l'autre, n'ont pas obtenu les mêmes résultats en saccharifiant de l'empois de fécule à la même température, c'est peut-être parce que MM. Brown et Héron employaient proportionnellement plus de diastase cjue M. 0' Sullivan, peut-être aussi parce que ce dernier faisait son empois avec de la fécule ordinaire, tandis que MM. Brown et Héron se servaient de fécule préalablement jnacérée en pré- sence de potasse ou d'acide chlorhydrique faibles. Mais ce n'est pas seulement l'idée de la fixité du rapport qui a été atteinte, c'est aussi l'idée de sa simplicité. Non seulement les nombres apparents dans les formules de 0 "Sullivan ne se retrouvent pas chez les autres expérimentateurs, ce qui conduit THE(»RII-:S J)l-: LA SACCHAl^IFIGATION 413 à n'y voir que des cas particuliers et contingents, mais il y a encore un défaut grave dans léchafaudage théorique construit sur ces formules. C'est qu'elles nont cju'une existence conventionnelle. Les dosages qu'elles traduisent ne sont pas ceux de la réaction ter- minée, mais ceux de la réaction au moment où elle se ralentit. Pour les établir, M. 0' Sullivan doit en outre s'astreindre à ne pas dépasser une certaine proportion de diastase ; il est obligé d'interrompre la réaction au bont de 10 ou 20 minutes après le commencement, sans quoi elle continue et aboutit à d'autres rapports entre le maltose et la dcxtrine. Les conditions dans lesquelles il faut se mettre pour obtenir cette prétendue simplicité des rapports sont donc très étroites et très mal définies, et, en réalité, le phénomène de la dislo- cation ou de la dissociation de la molécule d'amidon semble être un phénomène continu, dans lequel c'est un peu artificiel- lement cju'on provoque ou qu'on suppose des phases, trcst un plan incliné ; ce n'est pas une rampe d'escalier. Si on veut y voir, ce dont on a toujours le droit, un acte d'efi'euillement, de dislocation d'une molécule complexe, il faut se représenter la molécule d'amidon comme un gros livre dont certaines feuilles se déchirent les unes après les antres pour devenir du maltose, pendant qne celles (jui restent intactes deviennent de la dex- trine. Il se peut que, pendant qu'on lacère le livre, il y ait dans l'instrument employé des groupements de lames, qui res- pectent quelques-unes des feuilles du livre pendant qu'elles en effeuillent d'autres, simulant ainsi des dissociations en pro- porlions simples ; mais, dans l'ensemble, cette simplicité est toujours fictive, et il faut que la théorie de la dislocation fasse son deuil de cet argument qui, au contraire des arguments solides, s'est évanoui quand on a cherché à le serrer de près. 262. Dextrines résiduelles. — L'un des étais de la théorie de Musculus est donc devenu bien fragile. Voyons maintenant celui qui s'appuie sur l'existence de dextrines inattaquables par la diastase. Celui-ci semble, au premier abord, très solide. 414 CIIAIMTIÎI': XXIII 11 est corhiiu ([uil reste d'ordiiiairc, dans toute sacehai-ificatioiiy un résidu de dexti'ine ({ue l'ainylase, présente et encore active, ne réussit pas à transformer eu nialtose_, comme le voudrait la théorie de l*aycn Ce n'est pas, comme on l'a dit, le maltose déjà formé qui empêche la l'éaction de continuer : car si on rajoute de l'empois d'amidon (lâO), il se forme de nouveau maltose sans que la dextrine préexistante disparaisse. On peut du reste isoler ces dextrines résiduaires, en les précipitant par l'alcool. Séparées du maltose qui les accompagnait, et remises en présence du malt f/((ii.s les condilions de température où elles avaient été prod ailes, elles résistent : ou du moins il y en a qui résistent, car l'expérience ne réussit pas toujours, et présente une part d'imprévu, due sans doute à des différen- ces, souvent insaisissables, dans la constitution et la réaction des milieux, mais dont, comme nous l'avons vu, l'action n'est pas pour cela négligeable. JN'insistons pas pour le moment. Tout ce qu'il faut pour la thèse de Musculus, c'est cju'il y ait des dextrines inattaquables par de nouvelle diastase dans les conditions mêmes où elles se sont formées, et il y en a de telles. Mais 0' Sullivan a fait voir que si on abaissait, même légère- ment, la température au-dessous de celle à laquelle elles se sont formées, ces dextrines, loin d'être inattaquables, se dislo- quaient facilement en maltose et en dextrines nouvelles, atta- quables elles-mêmes à plus basse température, de sorte que nous retrouvons là cette continuité, ce plan incliné que nous signalions tout à l'heure au sujet de la dislocation de la molé- cule d'amidon. L'augmentation dans la quantité de maltose, et le changement dans la qualité de la dextrine, à mesure que la température s'abaisse au-dessous de 70'\ peut être rattachée à ce fait que les dextrines sont d'autant moins facilement atta- quables que la température s'élève davantage. Nous ne savons pas encore si cette résistance à l'attaque dépend ou de ce que les dextrines sont plus stables, ou de ce que la diastase est affaiblie et hésite davantage à attaquer, dans le mélange amylacé, les portions d'amidon les plus résistantes. Ce que THEORIES DE LA SACCHARIFICATIOX 415 nous savons déjà nous iucline vers celte interprétation, mais oublions-la pour nous placer simplement en face des faits : ils nous disent ceci. Les diastases résiduaires 5^/, 4^/, 3d, 2d, des écpiations d'O'Sullivan, ne sont pas, comme on aurait pu le croire d'après les conditions de leur formation, des édifices inattaquables par la diastase, puisqu'il suffit d'abaisser la tem- pérature pour les attaquer, inégalement il est vrai. Cette pre- mière constatation est défavorable à la théorie de Musculus. Il y en a une seconde, favorable à cette théorie en ce qu'elle est contraire à la théorie de Payen, c'est qu'il n'y a pas qu'une dextrine, il y en a plusieurs. Dans les résultats de O'Sullivan, la dextrine oc/ (260), résidu de son équation (1), se comporte à peu près, sous l'influence du malt et de la température, comme le ferait l'amidon 6a k une température plus basse de 1 ou 2" ; la dextrine 4c/, de l'équation (2), ne donne que le tiers de son poids de maltose au-dessous de 63" ; celle de l'équation (4) se disloque au contraire régulièrement et se transforme presque intégralement en maltose, sans qu'on puisse observer dans la réaction aucun point d'arrêt sensible, aucun stade bien défini. Il y a donc dextrine et dextrine, du moins en ce qui concerne l'influence de la diastase aux diverses températures, et la façon dont elles se dissocient. Continuons à appliquer la théorie de la dislocation à l'interprétation de ces ditférences, nous pour- rons dire que chacune de ces dextrines forme elle-même, comme la molécule d'amidon initiale, un livre à feuillets iné- galement labiles ; les plus gros de ces livres, les plus grosses de ces molécules étant celles des dextrines formées à haute température, celles qui proviennent de l'élimination du nombre minimum de molécules de maltose de la molécule complexe amylacée. Et, dès lors, nous avons à nous demander si ces dif- férence de grandeur moléculaire, dans les dextrines diverses, n'auraient pas une autre traduction que leur façon de se com- porter vis-à-vis de l'amylase. Si nous n'en trouvons pas, nous aurons à nous retourner d'un autre côté et à voir si ces diffé- 416 CIIAPITRI-: WIII reuccs (rciret ne liendi'nient pas, par hasard, non à la doxtrino, mais à la diasfase. 363. "Popriétés de la dextrine. — Malheureusement la dextrine est encore mal connue : on a pourtant sur elle (juel- que renseignements qui ne sont pas sans importance. En premier lieu son pouvoir rotatoire : il est à peu près le môme pour toutes les dextrines, et voisin de 202" pour la raie D. <^ela est bien singulier si les molécules des dextrines sont aussi inégales que peut nous le faire supposer la théorie de la dislocation, appli(juée aux faits que nous envisagions tout à l'heure. Surtout avec nos idées actuelles sur la relation entre le pouvoir rotatoire et la stéréochimie de la molécule, il est singulier que des molécules aussi dissemblables amènent des rotations égales sur le plan de polarisation de la lumière. C'est ce qui résulte pourtant des expériences concordantes d'O'Sullivan, sur des dextrines purifiées du maltose qu'elles- contenaient par des précipitations alcooliques multipliées, de celles de M. Etfront, dans lesquelles on se débarrassait du maltose par une fermentation lactique, de celles de M. lîrown avec ses collaborateurs. Héron, Morris, Millar. Dans aucun cas, on ne pouvait accuser le procédé d'élimination du mal- tose d'attaquer sensiblement les dextrines, et celles-ci, isolées, se comportaient de même dans le polarimètre. Elles se comportaient aussi de même quant à leur pouvoir réducteur sur la liqueur de Fehling' qui était nul, ou à peu près nul, dans les expériences d'O'Sullivan comme dans celh^s d'Eil'ront. .le sais bien que d'autres chimistes, Lintner et Dull, Ost, Scheil)ler et Mittelmcier, contestent ce fait : mais comme toute dextrine mal purifiée réduit la liqueur de Fehling-, et que cette purification est difficile ; comme, en outre, à mesure qu'elle progresse, le pouvoir réducteur du mélange diminue, la logique commande d'accorder plus de créance aux savants qui attribuent à la dextrine pure un pouvoir réducteur nul ou très faible, qu'à ceux qui, comme Musculus et Gruber, par exemple, ne sont pas arrivés à préparer des dextrines ayant THEORIKS DE EA SACCIIARIFICATK »X 417 un pouvoir réducteur inférieur à 10 0/0 de leur poids de glu- cose. 11 faut ajouter, du reste, que l'argument tiré du pouvoir réducteur des dextrines, en faveur de leur unité, est également bon, que ce pouvoir réducteur soit nul, comme le pensent O'SuUivan et EO'ront, ou égal à 10, suivant Musculus et Gruber. •Il suffit qu'il soit le même pour des dextrines diverses pour qu'on soit autorisé à conclure que les différences relevées par la théorie de la dislocation ne sont pas clairement écrites dans la constitution de la molécule. Un troisième argument d'assimilation est meilleur : c'est celui qui résulte de la détermination du poids moléculaire par les méthodes cryoscopiques, introduites dans la science par M. Raoult. En faisant congeler de l'eau dans laquelle on a dissous de la dextrine, et en mesurant la température de for- mation de la glace, on a un abaissement au-dessous de 0°, qui est le même pour différentes substances solubles, lorsque les poids de ces substances, dissoutes dans l'unité de poids du dissolvant, sont proportionnels aux poids moléculaires de ces substances. On peut donc, en comparant la dextrine au mal- tose dont le poids moléculaire est bien connu et égal à 342, avoir une idée du poids moléculaire de la dextrine, cjui devra être bien plus grand, le double si une molécule de dextrine donne deux molécules de maltose, le décuple si elle en donne 10, le centuple si elle en donne 100, et ainsi de suite. Or Brown et Morris, en opérant sur des dextrines purifiées, mais provenant de saccharifications interrompues plus ou moins près de leur début, de façon à fournir des dextrines de moins en moins complexes, ont trouvé à celles-ci, quelle que fût leur origine, un poids moléculaire à peu près constant et voisin de 6.000, ce qui correspond environ à 18 molécules de maltose. Dans une expérience indépendante, MM. Lintner et DuU ont trouvé, pour une érythrodextrine dont le pouvoir rota- toire était de 196'^, et le pouvoir réducteur de un environ, un poids moléculaire de 5.800, ce qui est à peu près le même chiffre. Il est vrai que les mêmes savants ont trouvé un chiffre de 1.900 pour une achroodextrine, mais cette dextrine avait 27 418 CTIAPITIII': XXIII 1111 pouvoir réducteur de Kl, contenait cmiroii, par conséquent, environ 1() 0/0 de nialtose, si la dcxtiine n'a pas de pouvoir réducteur. Cette reinarqne permet, comme je l'ai montré, d'at- iribuer ral)aissement moléculaire observé à la présence du maltose qui, sous le même poids que la dextrine, contient 18 fois plus de molécules et agit par conséquent, au point de vue cryoscopique, comme 18 fois son poids de dextrine. En résumé, la concordance entre tous ces résultats sur des dextrines pures doit frapper Tattention, et nous faire admettre que les diverses dextrines, qui se comportent en apparence d'une façon différente vis-à-vis de la diastase, ont pourtant des poids moléculaires égaux, supérieurs, mais non très su- jîérieurs à celui de la molécule du maltose. Etudiées par les méthodes qui nous renseignent le mieux sur leur structure et leur volume moléculaire, les dextrines nous apparaissent donc identiques. Elles ne nous semblent différentes qu'au regard de l'action qu'elles subissent de la part de la diastase, et nous sommes par suite tout naturelle- ment conduits à nous demander si ces différences ne tiennent pas à ce que la diastase n'est pas toujours identique à elle- même. 364:. Influence de la température sur les propriétés de la diastase. — Juscju'ici la production des diastases diver- ses nous a paru subordonnée à des conditions de tempé- rature : cherchons donc de ce côté, et tout de suite nous trouverons dans la science un fait curieux, découvert par O'Sullivan, confirmé par Brown et Ileron, c'est que si on chauffe au préalable une solution d'extrait de malt, à une température supérieure à celle où on le fait agir sur l'ami- don, la proportion de dextrine et de maltose produits déj^en- dra non de la température d'action sur l'empois, mais de celle à lac|uelle a été portée antérieurement la diastase, de sorte que ce n'est pas, comme nous pourrions le croire avec ce qui précède, la température à laquelle elle se produit qui détermine la quantité et la c|ualité de la dextrine, c'est la THEOUIKS J)K LA SACClIAlllI'lCATION 411) lempératurc maxima à la(|ucllc a été portée la dissolution f. ISû lOJ, 132 130 tas /B6 tS! 17t> % ^T> |- ^ t6?> 166 U/i loi 16» 15» loi' loi ti9 /Si' 1 ilvV ■w. r \\ \ \. \ ^^ 1 1 V ^^ 0 . \ 1 N j [ ! 1 ■ X 1 ! 1 1 ! 1 — r i 1 ■' \ N ! i i , ^-<>v j f 1 ! _ 1 1 i ! r~— i-~— p v i i \ ! j \, 1 1 v \ \^ 1 F^ 1 1 ' {-— :b A 1 1 ! l._ r Fig. 25. — Coui'bos de transformation de l'amidon dans diverses conditions à 40-50». A. Extrait non chauffé : B. Extrait cliauffé à 60» : C. Extrait cliauffé à 6C» D. Extrait chauffé à 6G", rendu un peu alcalin ; E. Extrait chaulTé à 160° rendu très alcalin. courbe se confond presque avec une ligne droite. La forme logarithmique est plus accusée pour les transformations D et E, faites avec de la diastase alcalinisée, et moins actives. La courbe C, fournie par une diastase chauirée à GC est un peu moins régulière. Dans l'ensemble, ces courbes s'éche- lonnent bien les unes sur les autres, et rien n'y indique que Tiii:(nui:s dk [.a s.vcciiarifigation 421 les dextrines auxquelles elles aboutissent soient aussi diffé- rentes entre elles qu'on pouvait le croire avec les notions que nous avons énumérées plus haut. Tout ceci montre que nous sommes probablement dans le vrai en n'accordant au- cune créance à l'échafaudage compliqué par lequel on repré- sente la saccharifîcation de l'amidon. Il doit y en avoir un plus simple que nous allons avoir à rechercher. Avant d'aborder l'étude de la dextrinase, nous avons une dernière remarque à faire. Les dextrines produites au dessous de 63" se ressemblent tellement qu'elles peuvent être considé- rées comme identiques. II n'y a différences sensibles qu'entre celles qu'on obtient entre 04" et 70°, c'est-à-dire dans les limi- tes étroites de température comprises entre celle où la coagu- lation de l'extrait de malt est déjà rapide, et celle où il est détruit. Si donc il est utile de chercher à se faire une idée des causes qui amènent ces ditférences entre ces dextrines, il faut pourtant éviter de leur donner trop d'importance : elles traduisent l'effet d'une cause qui va en s'alfaiblissant pen- dant qu'elle avit, et qui se trouve de ce fait dans les plus mauvaises conditions d'étude. BIBLIOGRAPHIE PayeN et Persoz. A un. de ch. el ds p'njs.. 2° S., t. LUT, p. 73, et LVI, p. 337. Payem. Ibidem, 5- S., t. IV, p. 286 et t. VU, p. 382. MuscuLUS. Ibidem, H' S., t. LX, p. 203 et 4^' S., t. VI, p. 177. O'SULhlYAJs. Journal of Ihe chem. Societi/, 1872, p. .579 et p. 125, 1876. Browx et Heuox. /'/., p. 596, 1879. BiowN et MORRrs. Id., p. 527, 1S85. Brown, Morris et Millar. /(/., p. 115,1897. Lintxer. Zeilsc'ir. f. d. gesammle lirauwe^en, p. 255, 1895. Osï. Chem. Zeitunrj, p. 1510. ISt'ô. DUCL,\UX. Ann. de l'fmlilul Pasteur, t. IX, p. 125, 1895. LiXTNER et Dui-L. Zeilsr/ir. f. anijeivandle C'iem'>e, p. 263, 1892. CHAPITRE XXIV MARCHE DES PHÉNOMÈNES DANS LE BRASSAGE La discussion que nous venons de faire des diverses théories proposées au sujet de la saccbarification nous a mis en main les éléments d'une autre explication ou plutôt d'uue autre inter- prétation des phénomènes. C'est elle que nous allons mainte- nant exposer dans ses traits généraux, renvoyant aux chapitres spéciaux pour l'étude du détail, des justifications, et des pro- cédés de dosage. 265. Liquéfaction de l'empois. — Xous sommes déjà bien renseignés sur ce qui est relatif à la liquéfaction de l'empois. C'est le fait d'une diastase particuli-Te, à laquelle nous conser- vons son nom ancien et consacré d'amylase, mais en bornant son action à la fabrication des dextrines. Cette amylase est mélangée dans l'extrait de malt à la diastase saccharifiante ou dextrinase. On l'en distingue et on l'en sépare en profitant de ce cjne l'amylase est plus résistante à la chaleur. Elle persiste encore cà H()\ alors que la dextrinase est détruite, et on peut ob- tenir par suite un extrait de malt qui dissont l'empois sans y produire de maltose. Brown et Héron ont vu aussi que l'acide salicylique, qui à dose très faible, arrête brusquement la sac- cbarification d'un empois additionné de malt, est beaucoup plus impuissant à en empêcher la liquéfaction et la dextrinification. Comme nous ne connaissons une diastase que par ses effets et que les expériences ci-dessus dissocient les effets diastasiques- du malt, nous avons donc le droit d'y voir deux diastases ditle- rentes. 266. Amidon soluble. — Avec de l'extrait de malt chauffée ; MARCHE DES PHÉNOMÈNES DANS LE BRASSAGE 423 à 80 ou 85", 011 peut donc liquéfier un empois, c'est-à-dire faire disparaître les grosses difi'érences de cohésion qui y persistent^ après cliautTage du g'rain d'amidon. On préfère d'ordinaire préparer autrement les empois destinés à l'étude, en profi- tant dune observation de Noegeli d'après laquelle le traite- ment de l'amidon cru, à froid, par de l'acide chlorhydrique à 7,3 0 0 d'acide commercial, rend les granules capables de se dissoudre ensuite, lorsqu'ils ont été débarrassés d'acide, dans de l'eau chaude sans donner d'empois. L'opération ne demande qu'une dizaine de jours de contact. Avec 12 O/O d'acide, Brown et Morris ont vu qu'il ne fallait plus que 24 heures. Ce chang'ement de propriétés se fait sans aucun changeinent dans la structure ni dans l'action sur la lumière polarisée. Cet amidon, comme celui qu'on peut obtenir par l'extrait de malt cbautlé à 80", se sépare avec le temps de ses solu- tions concentrées, ou immédiatement de ses solutions éten- dues, additionnées d'alcool, sous forme d'une substance blan- che, un peu pâteuse parfois, mais qu'un lavage à l'alcool suivi dune dessication rend tout à fait friable. Les particules ainsi déposées sont sans action sur la lumière polarisée, La matière se colore fortement en bleu par l'iode, ce qui prouve que ce n'est pas encore de la dextrine ; elle est presque insoluble dans l'eau froide, elle entre en suspension dans de l'eau à CO-'-TO". Quand elle est pure, elle est tout à fait sans action sur la liqueur de Fehling. On l'obtient d'autant plus sûrement à cet état, qu'on a limité davantage l'action de l'acide sur l'ami- don cru. Quant à son pouvoir rotatoire, il a été très soigneuse- ment déterminé par MM lirown, Morris et Millar, il est [a]o = 202'', c'est-à-dire exaclemcnt le même que celui de la dextrine. 2G'7. Mesure des pouvoirs rotatoires. — Disons tout de suite à ce sujet que la plus grande confusion règne dans les- livres et mémoires savants au sujet des pouvoirs rotatoires. 424 CltAPITHK XXIV parce (]uo l'on ne s'entend pas crordinairc sur la façon de les observer, ni sur la i'éi;ion du spectre à laquelle ils se rappor- tent. Avec des substances comme du tartrate de potasse ou du sucre, qu'on peut préparei' purs, cristallisés et anhydres, on peut en dissoudre un poids déterminé clans de l'eau, et, en mesurant la rotation pour une région déterminée au spectre, avoir, sans ambiguïté, le pouvoir rotatoire pour cette région. De même, on peut, lorsque le pouvoir rotatoire d'une solu- tion de ces corps est connu, savoir à quel poids de matière il se rapporte, en évaporant un volume déterminé de liqueur, ou en prenant sa densité et en recourant aux tables. Avec l'amidon soluble, les dextrines, le nialtose, il serait trop long- d'extraire, de purifier et de peser la quantité de ma- tière active dans une liqueur dont on connaît la rotation. USullivan a montré qu'il était beaucoup plus court et tout aussi précis de déterminer la densité de la liqueur, et d'en dé- duire le poids du corps dissous au moyen d'un coefficient, déterminé une fois pour toutes, et qui, pour les dextrines et le maltose, a la valeur assez constante 3,86. Ceci veut dire qu'une solution, ayant pour densité à 15"o, rapportée à l'eau à 4°, comme on le fait d'ordinaire, le chiffre 1,00380, con- tient 1 0/0 de dextrine ou de maltose ; une solution de densité 1,038G en contient 10 0/0 et ainsi de suite. Le poids de nui- tière contenue dans un litjuide se trouve donc facilement en prenant les chiffres des millièmes dans la densité déterminée comme nous venons de le dire, et en divisant par 3,80. Ce facteur n'est pas constant, et diminue un peu à mesure que la concentration augmente. Il n'est pas non plus le même pour les divers corps. Mais il importe de remarquer que les petites différences qu'il présente, ou les petites erreurs qu'on peut commettre à son sujet, sont sans importance, lorsqu'il s'agit, non pas de nombres absolus, mais de nombres compa- ratifs. Ce facteur est en effet alors un diviseur commun pour toutes les mesures faites et leur laisse leurs rapports : il im- porte seulement qu'il soit connu et indiqué, de façon que si deux savants n'emploient pas le môme facteur, le lecteur soit MARCHK ])KS PII1':N( (MK.XK S DANS LI-: r.PiASSAGK -4^5 prévenu de la ditférence et puisse ramener les deux séries de nombres à une même unité. Voilà donc une première difficulté élimiuée. Due seconde résulte de ce que tous les polarimètres ne permettent pas des lectures pour la môme région du spectre. Je ne veux pas, bien entendu, entrer ici dans l'examen de cette question très compliquée ; je me bornerai à dire que certains polarimètres, ceux de Milsclierlich, de Wild, de Jelett- Cornu, de Laurent, opèrent avec la lumière du sodium, et donnent des rotations angulaires mesurées en degrés d'arc. On les exprime en les désignant par [a]„. D'autres polarimètres, ceux de Soleil, de Veutzke-Scheibler, celui dont se servait Biot, utilisent, non la raie D, mais le jaune moijcn, le complément de la teinte se/i- sible ou teinte de transition de Biot, et les rotations mesurées sur cette teinte sont désignées par [a]j. Il n'y aurait à cela au- cun inconvéuient si cette teinte existait dans le spectre avec la sensibilité qui la rend si précieuse. Mais il n'en est pas ainsi, il faut la produire avec une plaque de quartz, taillée perpendi- culairement à l'axe ; de sorte que quelle que soit la graduation de ces instruments à teinte sensible, les lectures faites sont ex- primées eu fonction de la rotation du quartz qu'ils contiennent, €t quil faut uu calcul de réduction pour les transformer en rotations angulaires. Pour les substances dont la dispersion rotatoire est la même que celle du quartz, on peut se dis- penser à la rigueur de cette réduction, et les chitfrcs restent comparables ; mais il ne le sont plus quand la dispersion rota- toire est différente, et il faut alors cbercber la rotation an- gulaire [a];. Il n'y aurait, d'après ce que nous venons de dire, aucun rapport fixe entre [aju et [a]j, si cbaque substance avait sa loi de dispersion rotatoire. Heureusement, Arndsteu, Stefan, Lan- dolt ont montré que le sucre de cannes se comportait exacte- ment comme le quartz, et en comparant avec le sucre de cannes le maltose, les dextroses et les produits dbydrolysation de l'amidon, MM. Browu, I\Iorris et Millar, duu cùté, Landolt de l'autre, ont vu que ces corps se comportaient comme le 4-26 CllAl'ITHI-: XXIV sucre de cannes, tout en étant un peu plus dispersifs, si bien que tandii que pour le sucre de cannes, on a : [a],==ra]j : 1,107, on a pour le maltoise et les dextrines : [aj,. = [a], : 1,111. Dans tout ce qui va suivre, nous prendrons, sans le dire,, pour [a]j la valeur déterminée avec le coefticient 3,8(3, comme nous l'avons dit plus haut : les nombres ainsi obtenus resteront comparal)les. Si nous voulons avoir des pouvoirs rotatoires absolus, il faudra chercher quel est pour, le corps envisagé, le facteur qui permet de passer de la solution au poids du corps dissous. Pour le maltose par exemple, en solution à 5 0/0, ce facteur est 3.934. 11 en résulte que le pouvoir rotatoire spéci- fique du maltose [a]„ peut être conclu de la mesure faite pour [a^j par la formule : et comme on a [a]j = 150,5, [a]„ = 138,05. Le facteur que nous avons pris égal à 3,934 varie un peu' avec la concentration. Pour simplifier et en restant dans les limites ordinaires des phénomènes de saccharitication, nous le supposerons constant, et nous partirons des nombres sui- vants : Amidon solnble 202.0 216o Dexlrine non réiluclrice 202,0 216 MuUose i;«,0 130 MARCHE DES PHÉNOMÈNES DANS LE BRASSAGE 4-2T 268. Dextrinifîcation de l'amidon soluble. — Cela posé^ revenons à l'amidon sokible. Sa transformation en dextrine se fait, comme on voit, sans aucun changement dans le pouvoir ro- tatoire, et cette notion s'accorde bien avec celle que nous avons antérieurement acquise, qu'il n'y a pas là de transfor- mation chimique, de changements moléculaires : c'est seule- ment une sokibilisation d'éléments primitivement en suspen- sion, c'est-à-dire, avec ce que nous avons vu au sujet de la coagulation (l'73) une diffusion des molécules, qui se répar- tissent également dans toute la masse du liquide au lieu de former des aggrégats plus ou moins volumineux. Comme ces molécules ne changent pas, et qu'il y en a le même nombre traversé par le rayon lumineux sous la même épaisseur, le pouvoir rotatoire doit rester invariable. La variation des teintes produites par l'iode nous avertit seule des changements qui surviennent pendant la transfor- mation ; elle nous avertit aussi que cette transformation est g-raduelle, que l'action ne se fait pas partout avec une égale rapidité, même dans l'amidon soluble, qui est pourtant plus homogène de constitution que l'amidon à l'état d'empois, et que, avec ce dernier, il peut y avoir des pellicules colorables par l'iode, alors que déjà la saccharification d'une partie de la dextrine est commencée. Mais ne regardons pas pour le moment au-dessous du terme dextrine, et bornons-nous à remarquer ceci, c'est que du moment que l'iode est le seul réactif qui nous permette de juger du progrès de la dextrini- fîcation, rien ne nous dit jusqu'à quel niveau la réaction sera sensible. Du moment que la teinte bleue est une réac- tion de coloration, elle dépend non seulement de la nature des corps qui la subissent, mais aussi de la nature du milieu dans lequel elle se produit, et rien ne nous dit qu'il n'y aura pas encore de l'amidon soluble ou même de l'amidon en pellicules gélatineuses, perdues au milieu d'un excès de dex- trine, lorsque le mélange ne se colorera plus par l'iode. En fait, nous verrons tout à l'heure que la dextrine est une subs- 428 CIIAPITI'.I': XXIV taucc liéléi'ogènc. Mais nous pouvons le [)réyoir de suite, avec notre façon d'interpréter le phénomène. 269. Dextrine non réductrice. — Ilomouèiie ou non, la dextrine est le terme autjucl s'arrête l'action de la diastase décoag-ulante,^ramylase, et aurjuel commence l'action de la diastase saccharifiante^ la dextrinase. Noire conception comporte, par conséquent, l'existence d'une dextrine non réductrice. C'est elle que nous avons vu apparaître dans l'ex- périence de Poitevin. Son existence a été longuement con- testée. Furstenberg-, Mulder, Musculus, Brucke ont préparé par divers moyens des dextrincs non réductrices, pendant que Trommer, Kemper, Musculus et Gruber lui attribuaient des pouvoirs réducteurs plus ou moins marqués. O'Sullivan a en partie concilié ces opinions contradictoires en montrant que le maltoso, Ijien que soluble dans l'alcool, se précipite obsti- nément avec la dextrine quand on emploie ce réactif, et qu'il faut des précautions particulières pour obtenir une dextrine non réductrice. La fermentation elle-même ne fait pas disparaître tout le maltose, et on ne réussit pas mieux en oxydant le maltosc présent par le chlorure de cuivre et la sonde caustique par le procédé de Bondonneau ; c'est le procédé de Wiley que MM. Brown et Morris ont trouvé le plus sûr. On commence par purifier autant que possiljle la dextrine par une série de précipitations par l'alcool, de façon à y réduire au mini- mum la quantité de maltose, et on y ajoute ensuite un petit excès d'une solution contenant des poids égaux de cyanure de mercure et de soude causti(]ue. Puis on chaufi'e jusqu'à ce que la réduction soit complète. On refroidit, on filtre pour séparer le mercure réduit, on acidifie avec l'acide chlor- hydrique, on fait passer de l'hydrogène sulfuré pour préci- piter le léger excès de sel mercuriel ; on filtre, on ajoute de l'ammoniaque ; on évapore à consistance de sirop, on redis- sout dans l'eau chaude ce qui est liquide ; on fdtre et on ^lAiiciii-: DKS piii-:x()Mi:m:s dans lk rrassaCtI-: 429 précipite par Falcool. On obtient ainsi de la dexti-ine ayant un pouvoir rotatoire normal et pas de pouvoir réducteur. 370. Analyse des mélanges de dextrine et de maltose. — Prenons maintenant cette dextrine comme point de dé- part d'une nouvelle série de transformations qui en feront du maitosc. Ici, nous le savons, il y a hydratation. La clex- trinase est une diastase hydrolysante, et la formule la plus simple de son action est : Nous avons môme vu plus haut que la formule était pro- bablement plus compliquée, et qu'en tenant compte des poids moléculaires, la formule qui semblait le plus d'accord avec l'expérience était : ce qui donne 3.832 pour poids moléculaire de la dextrine. Nous savons aussi que ce dédoublement, avec hydratation a une marche progressive, et la question se pose pour nous de savoir comment nous en apprécierons le progrès. Nous avons deux moyens pour cela, que nous allons contrô- ler l'un par l'autre. Le premier est de mesurer la diminution du pouvoir rotatoire, qui, dans une transformation partant de la dextrine pure, et alîoutissant au maltose pur, partirait de [a]j = 210 pour arriver à [y.]j = 150, donnant ainsi une échelle suffisamment longue et suffisamment précise pour l'é- tude de l'action. Le second est de mesurer le pouvoir réduc- teur. La dextrine pure a, comme nous venons de le voir, un pouvoir réducteur nul. Quant au maltose, des expériences précises ont montré que 62 parties de ce corps réduisent autant de liqueur de Fehling que 100 parties de dextrose. De sorte cju'une solution de maltose pur, si on évaluait le corps dissous au moyen de la liqueur cuprique, semblerait ne contenir que 62 0/0 de son extrait sec de sucre réduc- teur calculé en dextrose. 430 CHAPITRE XXIV Ouaiul on évalue cet extrait au moyen de la densité de la li(|U(Hir et du facteur ,*],8(), connue nous l'avons fait plus haut, ce facteur est un peu trop faible, et par suite le chiffre de 02 doit être réduit à Gl. De sorte, qu'en résumé, lorsque nous aurons évalué la quantité de matière en solution dans nu moût par la densité de ce moût et le facteur .'Î,7, p. 508. CHAPITRE XXV MARCHE DE LA TRANSFORMATION DES DEXTRINES Ce que nous avons appris, dans le chapitre précédent, ao sujet de la maltodextrine peut, qu'and on n'envisage que le fait, débarrassé de toute interprétation théorique, être résumé ainsi : Dans une sacchariiication à peine commencée, il y a déjà une dextrine qui, sous l'action du malt, peut se transfor- mer intégralement en maltose. A ce moment encore, il y a ou il peut y avoir coloration du mélange par Tiode, ce qui té- moigne de l'existence de certaines parties du grain d'amidon non encore transformées. Dès l'origine, nous trouvons donc une hétérogénéité très grande, et nous devons nous deman- der si cette hétérogénéité ne persiste pas tout au long de la saccharifîcation, si bien que, celle ci terminée, nous ne serions pas en présence d'une masse homogène damidon, arrivée, par voie de dislocation ou d'effeuillement, à une seule dextrine variable suivant les cas et à du maltose, mais au contraire en présence d'une série régulière de matières amylacées plus ou moins résistantes, subissant simultanément, mais indé- pendamment les unes des autres, le même mode de dégrada- tion, et dont les plus labiles ont déjà subi leur transfor- mation, lorsque d'autres la poursuivent encore. L'état final serait donc un état moyen, constant lorsque les conditions extérieures sont constantes. C'est ainsi que la grosseur moyenne des matériaux qui restent sur un crible et la propor- tion de ce qu'il laisse passer restent les mêmes, lorsque c'est le même mélange initial qu'on y verse. 274. Moyens d'étude. — Voyons donc si nous trouvons trace de cette hétérogénéité dans le résidu d'une saccharifîca- 440 CHAPITRE XXV iioii. Il est clair que nous n'en trouverons pas du côté du mal- tose qui, autant qu'on peut le voir, est le même partout, a le même poids moléculaire, et donne la même maltosazone. Mais, si nos idées sont justes, nous devons être plus heureux du côté des dextrines. Et de plus, comme l'expérience de la maltodcxtrine nous a appris qu'elles sont d'autant plus so- lubles dans l'alcool qu'elles proviennent de parties plus fa- cilement attaquables du grain d'amidon, nous pouvons es- sayer de voir si, en fractionnant au moyen de précipitations par l'alcool les produits d'une saccharification à son terme, nous n'aurions pas, dans nos divers précipités, des dextrines di lie rente s. La question est de savoir comment nous apprécierons ces différences, .et nous allons pour cela revenir à l'image du crible, dont nous nous sommes servis tout à l'heure. Ces dextrines, dans notre hypothèse, sont des mélanges de maté- riaux dont les uns sont plus gros que les trous du crible et y resteront, et dont les autres, plus petits, passeront au tra- vers. Si la proportion de ceux qui passent est partout la même, les dextrines résiduaires nous apparaîtront identiques. Elles nous sembleront différentes si elles laissent des résidus inégaux, et surtout si la proportion de résidu va en croissant ou en décroissant de l'une à l'autre, suivant l'ordre de pré- cipitation par l'alcool. Ceci est une image, mais voici les faits auxquels elle cor- respond. Nous avons dit plus haut que, d'après Brown et Héron, lorsqu'on fait une saccharification entre 40 et GO", on arrive rapidement à un état d'équilibre après lequel l'ac- tion devient très lente. C'est celui qui est caractérisé par l'équation : 10«4-8e =8m-i-2d Les constantes qui correspondent à cet état d'équililn-e sont [a]j = 162'', 6 et R r= 80,9 ce qui donne pour la com- position du mélange : Mallose 80,9 Dcxtrine 19,1 MARCHE DK LA TRANSFORMATION DES DEXTRIXES 441 Toutes les saccliarifications qui, poui' une raison quel- conque, se sont arrêtées à un niveau plus élevé que la précé- dente comme pouvoir rotatoire, et ont par suite donné pro- portionnellement moins de maltose, peuvent regagner ce ni- veau par un traitement à 50" avec de l'extrait de malt frais. Voilà notre cril)le. Les dextrines correspondant à ce mode de transformation ne peuvent pas le traverser. En revanche, toutes les autres dextrines peuvent être amenées par le malt à donner du maltose, d'un côté, et de l'autre, ces dextrines résiduaires qui restent sur le crilde. Si dans cette dégrada- tion, elles donnent les mêmes proportions de maltose et de résidu, elles seront identiques, ou du moins la méthode ne nous fournira aucune raison de les croire différentes. Si elles donnent des proportions inégales de maltose et de dextrine résiduaire, on sera autorisé à les croire différentes, et à les ranger en séries dans l'ordre de leur compte vite. S*75. Expériences de Brown et Morris. — C est ce qu'ont fait avec beaucoup de soin M.M. Brown et Morris, dont il im- porte de bien comprendre le mode opératoire et les conclu- sions. Nous les schématiserons un peu en supposant que la saccharificalion, pour tomber au niveau caractérisé par l'é- quation ci-dessus^ passe, en partant de l'amidon soluble, par 7 échelons intermédiaires, caractérisés chacun : 1" par l'é- quation de la transformation, écrite avec les conventions adoptées; 2" par la valeur de [a], ; 3" par la valeur de R, qui est la teneur en maltose du mélange correspondant. On peut en conclure tout de suite la quantité de dextrine. Au lieu d'é- crire ces quantités, qui sont les compléments à JOO de la va- leur de R, on a inscrit dans la colonne P la quantité de mal- tose fournie théoriquement par 100 p. de la dextrine rési- duaire de chaque équation, lorsqu'on la traite par le malt à oO'\ de façon à l'amener au niveau de l'équation 8. Ainsi, par exemple, dans l'équation 3, il y a 69,1 de dextrine rési- duelle qui, amenée au niveau définitif, n'aurait laissé que 19,1 -de résidu. Il y en aurait donc eu 50 parties transformées en 442 CIIAinTRE XXV maltosc ayant fourni o2,7 de ce corps, soit en reiidemeiU,. 75,4 0/0 de la dextrine de réquation 3. Nuiiiéios Eiiuntions ['^]j R P 0 Amidon soluble 21G,0o 0 84,4 1 lOa + e = m + 9^/ 209,0« 10, i 8i>,L 2 dO« + 2« = "Lm + M. 202,2» 20,8 7l),2: 3 10a 4 3e = 3/n + 7^/ 19o,4o 30,9 73,4 4 dOf + 4s = 4m -j- 6<'i 188,7» 41,3 70,4 5 i(Vi 4- Pie =- 5m 4- Srf l«-'l" ^'--^ ^J'^'"^ 6 lOa 4- <3s = 6m + '"^ '"'•'.'J" ^''^ ^-'^■ 7 10a + 7« =: 7m + 3r/ 169,0» 71,0 3o,2; 8 -10/ + 8s = 8;/i -f 2^/ l(;2,6o 80,9 09,0> Cette table va nous être très précieuse, parce qu'elle nous: permet de savoir : V à quel niveau à peu près tombe une saccbaritîcation dont nous aurons mesuré le pouvoir rota- toire ; 2" ce qu'il y a do maltose produit ; 8" quel est le de- gré de complication de la dextrine résiduelle et ce qu'on est fondé à en attendre de maltose, lorsqu'on la traitera par da malt nouveau vers 50". Cela posé, voici le détail d'une expérience dans laquelle on s'est attaché à éviter autant que possible les pertes. On a fait une saccharification avec une diastase très, active, en arrêtant l'opération lorsque l'iode donnait le maximum de coloration pour les érythrodextrines. On a analysé alors le résidu, c'est-à-dire qu'on a déterminé les valeurs de [a]j, II, et P. Elles étaient à peu près celles de notre équation n" 2, et on aui'^ait pu dire, en envisageant les choses en bloc, que cette équation représente le phénomène. Mais il est facile de voir qu'elle ne représente rien de réel, et qu'elle ne donne que des résultats moyens. 11 y a des transformations plus avancées et des transformations moins avancées. C'est ce dont on peut se convaincre en étudiant les dextrines. Pour cela, on a évaporé un volume déterminé de liquide à consistance de sirop, et fractionné les produits en précipitant avec de l'alcool de forces croissantes. Chacun de ces fraction - nements, pesé, a été étudié à part. Le tableau suivant donne MARCHE DE LA TRANSFORMATION DES DEXTRINES 441^ pour chacun d'eux, d'aljord la teneur en alcool du liquide qui l'a produit, la proportion de matière initiale qui s'y trouve con- tenue, son pouvoir rotatoire [a]j et sa richesse R en maltose^ enfin, la valeur de P, c'est-à-dire la quantité de maltose four- nie par 100 parties de la dextrine correspondante, traitée à 50'^ par du malt frais. La fraction IV est la partie restée en so- lution dans la liqueur mère, à la fin de l'opération. En tête du tableau figurent les nombres relatifs à la liqueur initiale i Alcool xMat. solide [c.]j R P Liqueur iniiia'e » 100 202,-2 20,3 73 Fraction 1 46,00/0 4;!,9 209,1 8,0 60,8 ,) 11 59,::5 23.1 203,9 10,o 70,8 » III 7.^,0 !0,6 202,1 22,9 87,7 » IV )) 22, 't 193,0 40,0 93,9 Ces nombres, étudiés de près, conduisent à diverses consé- cjuences. On voit d'abord qu'il n'y a pas eu de pertes, la somme des 4 fractionnements arrivant au chill're 100 de la matière solide de notre liqueur initiale. On trouve ensuite qu'en faisant la moyenne des valeurs de [a]j^ de R et de P, en tenant compte des poids divers des fractionnements auxquels se rapportent les nombres, on re- trouve à peu près les nombres de la liqueur initiale, ainsi que le montrent les chitï'res suivants : Liqueur initiale 202.2 20.3 7.^ Moyenne des 4 fractions 203,0 19,6 73,3 ce qui montre que la méthode de traitement et de fractionne- ment n'a modifié en rien les dextrincs présentes, qui ont con- servé en se précipitant les propriétés qu'elles avaient dans la liqueur initiale. On voit enfin que, conformément à ce que nous avions prévu, la dextrine de la première saccharification était un mé- lange de dextrines diverses, d'autant plus voisines de lamy- lodextrine qu'elles étaient plus difficilement précipitables. 444 CTIAPITRI-: XXV par Ville ool. Va\ somme, nous al)Outissons à du maltose, iden- tique dans tous les cas, et non pas à une dextrine, mais à une f//i/r/(U)(/e de dextrines. C'est ce qui a toujours lieu. Dans l'expérience précédente, nous avons arrêté l'action avant qu'elle ne tut terminée. Nous aurions obtenu des résultats du même ordre dans toutes les saccharifications qui, pour une cause quel- conque, restent à un niveau supérieur à celui de l'équation 8, en particulier à celles qui s'arrêtent avant, parce que la dias- tase a été aiïaiblie par le chauti'age. Quant à cette équation 8, elle-mèuie, nous savons, par ce que nous avons vu plus haut au sujet de l'amylodextrine et de la maltodextrine, qu'elle est aussi artificielle que les autres. De sorle qu'en résumé, nous pouvons étendre à tous les degrés du phénomène de la sac- charifîcation les conclusions que nous venons de tirer. Il est bieu entendu qu'on peut, à la rigueur, interpréter ces phénomènes en disant que les stades si divers par lesquels passe la dextrine sont des degrés d'effeuillement d'une dex- trine unique, assimilant en quelque sorte celle-ci à un artichaut dont on enlèverait peu à peu toutes les feuilles. Mais avec seulement cent feuilles il faut cent équations qui, toutes, sont théoriquement réalisables, et il n'y a aucune raison de s'arrê- ter à ce chiffre de cent. De plus, dans cette explication, on n'explique pas pourquoi, à un moment quelconque de l'opé- ration, les artichauts sont inégalement effeuillés, et si on ac- cepte ce fait, il faut expliquer pourquoi reiïeuillement se fait avec des vitesses variables sur des artichauts qu'on suppose identiques ; or si on accepte les vitesses variables, la théorie de l'elfeuillcment devient inutile. Il suffit d'admettre que dans une saccharification, les dextrines s'hydrolysent d'un seul coup, sans effeuillement, comme le sucre, mais avec des vitesses iné- gales. Il faut seulement se souvenir que chaque molécule de dextrine, si on admet son poids moléculaire de 5.800 envi- ron, donne 18 molécules de maltose de poids moléculaire 342. 376. Action de la cïialeur sur la saccliarification. — C'est ici le moment de revenir sur une question que nous n'a- MARCHE DE LA TRANSFORMATION DES DEXTRIXES 443 vous pu aborder lorsque nous avons étudié, dune façon géné- rale, l'action de la chaleur sur les diastases. La dextrinase chautïëe suljit en eii'et une action spéciale, qui a paru longtemps inexplicable, et qui cadre au contraire si bien avec notre in- terprétation des phénomènes qu'elle va nous fournir un ar- gument de plus en faveur de son exactitude. Nous avons vu, dans le chapitre XXIII, que la proportion de maltose dans le liquide saccharifîé diminue à mesure que la température s'élève. Nous avons vu aussi les équations par lesquelles O'SuUivan, Marcker, Brown et Héron ont essayé de représenter les proportions de dcxtrine et de maltose formées à diverses températures. Mieux renseignés maintenant, nous pouvons dire qu'en elles-mêmes, ces équations n'ont aucune signification. Elles ne correspondent à aucun phénomène réel, et ne sont pas assez nombreuses pour représenter la multitude d'états intermédiaires qui existent théoriquement et pratique- ment entre l'amidon et le maltose. La plus importante d'entre elles, celle qui donne le gros du phénomène toutes les fois que la saccharification se fait au- dessous de 60", est celle que nous avons souvent écrite : qui al)outit au mélange Maltose 80,9 Dcxtrine -19,1 100,0 pour lequel [a]j r= 162"3. On peut, en prélevant à divers intervalles une prise d'essai, où on arrête l'action, soit en faisant bouillir rapidement, soit en y ajoutant de l'acide salicylique, constater, en mesurant le pouvoir rotatoire ou le pouvoir réducteur, que l'action marche à peu près suivant la loi logarithmique. Il faut seulement, dans la mesure du pouvoir rotatoire, se rappeler que le mal- tose, au moment où il se forme, se comporte comme le sucre, et possède la multirotation. Il faut lui laisser le temps de re- prendre son pouvoir rotatoire normal. 446 CHAPITRE XXV A mosuro (jue la saccharification se fait à plus haute tempé- rature, la rotation (.léfiuitive du liquide et la proportion de mal- tose diminuent. Les courbes prennent donc des formes de plus en plus écrasées. La figure 25, p. 420 reproduit les courbes du mémoire de MM. Brown et Héron. On voit que de 40" à CO" la transformation est très rapide et faiblement influencée par la température ; à G0° la courbe devient plus irrégulière et l'état d'écjuilibre obtenu est plus incertain. Les deux cour- bes supérieures, les plus régulières de toutes, correspondent à du malt chauffé et rendu légèrement alcalin, mais elles don- nent très bien l'image du phénomène qu'on observe quand on fait une saccharification vers 75". Le pouvoir rotatoire di- minue très peu pendant la saccharification, et il ne se forme que 20 à 25 0/0 de maltose. En outre, dans ces conditions, l'état d'équilibre est plus lentement atteint qu'à température plus basse. Nous retrouvons donc l'affaiblissement par la olia- leur que nous avons constaté pour d'autres diastases. Il se traduit seulement ici par deux symptômes au lieu d'un : il y a ralentissement de l'action, et de plus elle n'aboutit pas au même point à haute et à basse température. Cette compli- cation a semblé fort troublante. Comment comprendre, en effet, que la diastase du malt, quelle qu'elle soit, n'ait pas les mêmes propriétés à deux températures différentes, sou- vent très voisines, et qu'elle puisse, elle aussi, être disloquée, ■effeuillée par la chaleur avant de périr. Beaucoup d'explications ont été données de ce fait. On a admis que cette diastase était un mélange de plusieurs diasta- ses donnant chacune des quantités de dextrine et de maltose différentes, et dont celles qui donneraient plus de maltose se- raient plus fragiles sous l'action de la chaleur. On a admis aussi, ce qui commence à être un peu mystique, que c'était une seule et même diastase qui perdait peu à peu ses propriétés à mesure qu'on la chauffait plus haut, ce qui revient à dire qu'une propriôté chimique d'un corps qu'on considère par hypothèse comme défini peut se fractionner et subir une série ■de dégradations successives. Toutes ces explications cher- MARCHE DE LA TRANSFORMATION DES DEXTRINES 447 chaient du coté dos variations de la diastase, parce qu'elles se refusaient à chercher du côté des variations de la dextrine : or si, comme nous Tavons montré, il y a dans un empois li- quéfié par l'amylase des dextrines très inégalement résis- tantes, on comprend qu'une diastase affaiblie par la chaleur puisse, sans changer de nature ni de propriétés, être incapa- l)le d'hydrolyser les unes, tout en continuant à hydrolyser celles qui correspondent aux maltodextrines, et qui sont les plus voisines de l'état de maltose. En d'autres termes, l'action de la chaleur sur la diastase du malt nous permet de faire, par une autre méthode, indépendante <:le la première, et aboutissant à la môme conclusion, cette ana- lyse des diverses dextrines d'un même moût, que nous avons laborieusement faite avec MM. Brown et Morris, et nous résu- merons ce qui précède en disant que jusqu'à 60°, les diverses dextrines d'un môme amidon se comportent à peu près de même. Il y en a qui s'hydrolysent à fond, d'autres qui sont plus résistantes, et 1/5 environ, dans le cas de l'amidon em- ployé par MM. Brown et Morris, 1/3 dans les expériences de M. O'Sullivan, résistent et conservent leur état. La propor- tion serait différente dans les mêmes conditions de traitement, avec d'autre amidon ou le même amidon autrement traité, ho- mogénéisé par exemple avec l'acide chlorhydrique A mesure qu'on chauffe et qu'on affaiblit, en masse, la dias- tase saccharifiante, la proportion de dextrines qu'elle est inca- pable d'amener au niveau de la saccharification diminue de plus en plus en plus. Finalement peuvent seules s'hydrolyser les dextrines les plus solubles dans l'alcool. Si on chauffe da- vantage, même celles-ci résistent, et alors la seule diastase encore en action est la diastase décoagulante, dont nous avons admis le mélange avec la première, l'amylase. On pour^ait évidemment pousser à bout l'unification et ad- mettre qu'il n'y a qu'une seule diastase, capable à la fois de ^iquéfier l'empois et de saccharifier l'amidon; ce serait rejeter les différences d'action qu'elle produit sur les différences de résistance à la liquéfaction d'abord, à la saccharification en- 4i8 CIIAPITRK XXV suite, des diverses parties de reinpois. Deux raisons s'opposent à ce qu'on aboutisse à cette simplification extrême. En premier lieu, antant qn'on pent le voir, les phénomènes de coagulation et de décoagulation ne sont pas accompagnés de la fixation ou du départ d'une ou plusieurs molécules d'eau. Cette condition leur enlèverait l'élasticité et la réversibilité qui les rend si précieux pour la physiologie de l'organisme. Il y a au contraire sûrement dédoublement et hydrolysation dans la transformation de la dextrine en maltose. Or, jusqu'ici, rien ne nous donne le droit d'admettre qu'une même diastase puisse produire des actions si diflerentes, et plus nous entrons dans l'étude de ces corps, plus nous constatons leur spécialisation. En second lieu, s'il n'y avait qu'une seule diastase décoagu- lante et hydrolysante, on ne comprendrait pas qu'elle ne su- perpose pas toujours ses effets dans la môme proportion, et que, par exemple, comme l'ont observé MM. Brown et Héron, dans la saccharification d'un même empois à diverses tempé- ratures, il n'y ait pas parallélisme entre l'action de l'iode et le degré de saccharification. Or, c'est ce qui n'a jamais lieu, même à des températures très voisines. Ainsi par exemple, à 66", toute réaction de l'iode cesse lorsque le pouvoir rotatoire de la liqueur tombe entre 188 et 189°, ce qui correspond à peu près à 42 0/0 de maltose. A 60", au contraire, l'iode donne encore fréquemment la coloration des érythrodextrines lorsque la rotation est tombée à 165 ou 166", ce qui correspond à 75 0/0 de maltose, c'est presque le double. Au contraire, avec l'hypothèse de deux diastases, dont l'une, celle dont l'iode tra- duit grossièrement l'action, résiste mieux que l'autre à la cha- leur, ces différences se comprennent sans peine. 37*?. Action de la ctialeur sur les différents amidons. — Non seulement l'explication que nous venons de présenter, rend mieux compte que les autres des circonstances essentiel- les de l'important phénomène de la saccharification^ mais elle permet encore de classer certains faits auxquels la foi en l'unité de l'amidon donnait un caractère un peu exceptionnel. ^FAUCIIR DK LA TIlAXSFor.MATK ».\ I)i:S DKXTHIXKS '. W Nous avons relevé (134 et 135) entre les divers amidons, des différences d'ordre chimique, suffisantes pour expliquer les différences dans l'actiou qu'ils subissent de la part de diverses diastases. Nous avons vu aussi que, dans les expériences de Lintner, l'amidon de diverses plantes résiste très inégalement à l'action du malt à diverses températures, lorsqu'il n'est pas gélatinisé à l'avance. Je n"ai pas trouvé d'expériences compa- ratives faites sur ce point avec de l'amidon gélatinisé. En voici une faite par M. Poitevin, et iuéditc. On a fait des em- pois d'amidon de diverses plantes en gélifiant à une tempé- rature de 9o°-10(), maintenue pendant une demi-heure, 5 gr. de divers amidons dans 100 ce. d'eau. On a ensuite fait à 5G", avec la même quantité de la même diastase, la saccharifica- tion de ces empois. On a trouvé, quand l'opération a été ter- minée, les chiffres suivants pour la proportion de maltose for- mée par 100 d'amidon. Amidon de malt 91 » pomme de terre 80 » de riz (ri Ce qui témoigne d'inégalités très grandes entre les divers amidons, et explique comment des observateurs habiles et consciencieux, travaillant dans les mêmes conditions expéri- mentales, mais avec des amidons différents, ont pu al)outir à des nombres différents. M. Poitevin a étudié de la même façon les diverses parties d'un môme grain d'amidon, ou, plus généralement de l'amidon d'une même plante. Nous avons vu (256) que, en précipitaut par l'alcool un liquide où il avait liquéfié un empois sans la voir saccharifié, il avait séparé des érythrodextrines et des achroodextrines authentiques, celles-ci plus solubles dans l'alcool que les premières. Il avait donc partagé son empois liquéfié en 3 parties, a^ b, c, de plus en plus distantes de leur état initial. Or, ces 3 parties, ramenées au mêuie degré de concentration, ont été traités pendant quatre heures à 03" par 2 ce. d'extrait de malt, et ont donné, pour 100 de 430 CHAPITRK XXV dextrine mise en œuvre, les proportions de maltose sui- vantes : a 71 b 8-2 c 9o Il résulte de là que les portions de l'empois qui se trans- forment le plus facilement en dextrine sont aussi celles qui donnent le plus facilement du maltose. L'expérience suivante montre, en outre, qu'elles correspondent aux jDarties de l'a- midon qui se laissent le plus facilement dissoudre lorsqu'on fait agir la diastase sur les granules non gélatinisés. L'amidon de froment, traité à 63" par l'extrait de malt, est partiellement dissous ; en décantant plusieurs fois le li- quide et procédant à de nouvelles digestions, on peut arri- ver à un résidu qui représente seulement 8 à 10 pour 100 de l'amidon primitif et qui est formé, comme on sait, de ses couches extérieures. Deux empois préparés, l'un avec l'amidon entier, l'autre avec la même quantité d'amidon résiduel, et traités dans des conditions identiques par la diastase, ont donné en maltose r L'amidon eiUier. ' 75 0/0 de son poids. L'amidon r-csiduel 44 » Nous retrouvons donc, dans l'amidon initial, les mêmes différences de résistance que celles que nous avons constatées à propos des dextrines. 278. Action de la chaleur sur la dextrinase. — Nous sommes donc bien autorisés maintenant à chercher, dans la matière elle-même soumise à l'action de la diastase, l'expli- cation d'une partie au moins des effets de la chaleur sur le phénomène de la saccharification. Nous bénéficierons ainsi de l'habitude que nous avons prise^ lorsque nous avons voulu nous rendre compte de l'action de la température sur un phénomène complexe, de l'étudier d'abord sur chacun des. MARCHE DE LA TRANSFORMATION DES DEXTRINES 451 corps qui le subissent. Poui' obéir à ce progranimc, nous avons maintenant :i étudier l'action de la chaleur sur la diastase elle-même. Sur ce point encore, notre interprétation des phénomènes est tellement nette que nous pourrons être brefs, ^'ous sa- vons que la chaleur détruit peu à peu toutes les diastases ; elle commence par les affaiblir, soit qu'elle les oxyde, soit qu'elle les coagule, soit qu'elle produise les deux elfets à la fois. Elle se comporte de la même façon sur l'amylase et la dextrinase. Elle respecte cependant beaucoup moins la se- conde que la première, qui se trouve encore active, quoique affaiblie, à une température où l'autre est détruite. Mais, si nos idées sont justes, l'affaiblissement ou la des- truction de la dextrinase doit se traduire par un effet plus complexe que pour Famylase, qui ralentit seulement son action, tandis que la dextrinase affaiblie doit non seulement se ralentir, mais encore donner, dans une saccharification ordinaire, d'autant moins de maltose qu'elle est plus affai- blie. De sorte qu'en somme, en saccharifiant, même aux températures les plus favorables à la pToduction du mal- tose, avec une diastase chauffée au préalable à une tempéra- ture plus élevée, nous devrons nous rapprocher, comme effets, de la saccharification faite à cette température plus élevée, puisque la diastase emporte avec elle, dune façon indélé- bile, nous le savons par ailleurs, l'affaiblissement produit par la chaleur. Or, c'est cette conséquence dont témoignent les expé- riences de Brown et Héron, dont les résultats peuvent se résumer ainsi. Lorqu'on représente graphiquement, sur une courbe, la marche de l'action, comme nous l'avons fait,^ (fig. 2o, p. 420), on voit que les courbes se relèvent et s'écra- sent de plus en plus à mesure que la température s'élève. Celle de la saccharification à 66" a une forme tout à fait différente de celle de la saccharification à 60". Mais si on fait une sac- charification à 60" avec de la diastase préalablement chaulféc 20 minutes à 66°, la courbe de la saccharification se confon- 452 CIIAPITRK XXV (Ira presque exactement, non pas avec la courbe de 60", mais avec la courlje de 0G\ Voilà un résultat qui a [laru long- temps singulier et paradoxal, et qui résulte nettement, comme on le voit, de notre théorie des phénomènes. 279. Marclie générale de l'action. — Si nous voulons en résumer les traits essentiels, nous arrivons à ceci. 11 y a dans le malt deux diastases, une diastase liquéfiante, ou décoagu- lante, Tamylase, qui est peut-être voisine de la cytase ou diastase dissolvante des parois cellulaires. Cette amylase trans- forme l'amidon gélatinisé en une substance soluble dans l'eau, insoluble dans l'alcool, passant au travers des filtres poreux, et se distinguant en cela de l'amidon initial : c'est la dextrine. Mais les états intermédiaires entre l'amidon et la dextrine sont nombreux, parce que les divers amidons et les diverses parties d'un même grain d'amidon résistent très inégalement à la liquéfaction. L'iode ne donne, au sujet de ces ditfé- rences que des notions très vagues, et elles existent dans des liquides où l'iode ne dit plus rien. C'est sur ce mélange de dextrines inégalement résistantes et inégalement solubles dans l'alcool que s'exerce l'action de la diastase saccharifiante, la dextrinase, qui les dédouble et en fait du maltose. Cette action, toujours identique foncière- ment avec les diverses dextrines, marche pourtant avec des vitesses inégales, et est terminée pour certaines d'entre elles, lorsqu'elle commence à peine pour d'autres. Avec les moûts de brasserie ordinaires, ces actions inégales s'arrêtent à un niveau moyen qui, à chaque température, se retrouve avec des variations insignifiantes dans des expériences conduites de la même façon, avec la même diastase, le même malt et le même amidon. Tout se passe, par conséquent, avec ces saccharifîcations complexes comme avec l'émulsine et la salicine (l06), c'est-à- dire que la transformation ne s'achève pas. En ajoutant de nouvelle diastase, on ne recule que très faiblement la limite atteinte. Ce n'est pas en effet la diastase qui manque, car en MARCHE DE LA TRANSFORMATION DES DEXTRINES 453 ajoutant de nouvel empois d'amidon, la saccharification re- commence, pour s'arrêter au même niveau, ainsi que l'ont montré une observation ancienne de Payen, puis les mesu- res plus précises de MM. Moritz et Glendinning (120). Si l'action s'arrête, c'est que la diastase est devenue impuissante. Cette impuissance a ici une double origine. Elle tient d'a- bord, comme dans le cas de l'cmulsine, à l'intluence paraly- sante des produits de la réaction, qui se réduisent ici au maltose. Mais nous avons vu que ce maltose a bien l'action que nous lui attribuons. Quand on le fait disparaître au moyen de la fermentation alcoolique, une partie de la dex- trine résiduaire se saccharifîe, mais seulement une partie, c'est ce dont témoigne l'expérience journalière des distille- ries de grain. Nous avons vu aussi, dans l'expérience de M. Lindet (105), qu'on pouvait reculer la limite de la saccha- rification en éliminant le maltose au moyen de l'acétate de phénylhydrazine. Mais ce n'est pas le maltose qui peut rendre compte à lui tout seul de l'arrêt de la réaction. La preuve, c'est qu'il la laisse se continuer et arriver à bout avec l'amylodextrine et la maltodextrine. L'influence prépondérante, dans cette voie, appartient non à la diastase, mais à la matière qui subit son action. Les dextrines les moins attaquables, celles qui sont consfamment en retard, finissent par résister à la fin de l'action à la diastase déjà atïaiblie par le maltose, et c'est pour cela que l'action s'arrête brusquement, la puissance allant en diminuant et la résistance en augmentant. Le point d'arrêt de l'action, celui que nous avons carac- térisé par la constante n dans nos formules générales, résulte donc ici d'influences plus complexes que dans le raisonne- ment qui nous a fourni nos formules, où nous le suppo- sions dû uniquement à l'influence paralysante des produits de l'action diastasique. Il est facile de voir que les formules générales n'en continuent pas moins à s'appliquer à la sac- charification de l'amidon, avec cette réserve pourtant que n ne sera constant que si toutes les circonstances dont nous 454 CHAPITRE XXV avons vu qu'il dépendait sont constantes aussi. C'est parce que tel était le cas dans les essais de MM. Moritz et (llen- dinninc que nous avons pu nous servir à ce moment de ces expériences pour établir la formule g'énérale qui nous a été si utile dans ce long" exposé. Mais il était nécessaire, en le terminant, de faire au sujet de la formule de l'action de la dextrinase les réserves qu'on vient de lire. Nous en trouverons d'autres quand nous étudierons la maltase. BIBLIOGRAPHIE ■Rrown et Morris, Jnnr»nl nf the chem. Soc., t. XLVII, p. 52-?, 1885. Brown eLHRRON, Id., l. XXXV, p. Û96. 1879. POTTKVIN, Comptes rendus, 25 avril 1898. LiNDET, Id., 4 mars 1880. :Moritz et GlendINNING, Journal o( the chem. Soc, p. 689, 1892. CHAPITRE XXVI GENRES ET ESPÈCES DANS LES DIASTASES Ici se présente une question dont l'examen doit logiquement terminer ces études générales. Toutes les diverses diastases, dont chacune est caractérisée, non pas par sa nature, que nous ne connaissons pas, mais par ses propriétés, sont-elles for- mées d'espèces dont tous les individus se ressemblent, ou au contraire de genres dont chacun contient deux ou plusieurs espèces, différentes par quelques particularités de leur fonc- tionnement? Et si nous relevons de ces différences dans les conditions physiques ou chimiques de l'action, quelle est leur signification ? Nous avons déjà rencontré cette question lorsque nous avons parlé (l'î'O) des travaux de M. Fernbach sur la sucrase de Vaspr/'f/i/Jffs niger, et sur la sucrase des levures. Xous avons vu que ces sucrases ne se ressemblaient pas. Il ne faut pourtant pas compter parmi leurs différences qu'elles se dif- fusent avec des rapidités inégales hors de la cellule qui les a produites. Cela peut tenir aux propriétés de la paroi cel- lulaire autant qu'à celles de la diastase. Nous ne comptons que les différences présentées par les solutions aqueuses des dias- tases, et lorsqu'on les voit avoir chacune sa dose de prédi- lection d'acide ou d'alcali, sa température optima, sa façon de supporter l'action des antiseptiques, on est bien obligé de reconnaître qu'en apparence au moins, elles sont différentes. Mais ce que nous avons appris, dans le courant de ces études, doit en revanche nous mettre en garde contre une conclusion trop hâtive. Nous avons vu que si la qualité de l'action est toujours la même pour une même diastase, la quantité d'action ne dépend pas que d'elle, mais dépend 450 CHAPITRE XXM aussi clos circonstances adjuvantes ou déprimantes présentes dans la liqueur, température, action des acides, des bases, des sels activants ou [)aralysants. Nous avons vu aussi que les diastases sont parfois plus sensibles à ces influences que les autres réactifs chimiques, de sorte qu'il ne suffit pas de ne pas trouver la cause d'une irrégularité pour dire qu'elle n'est pas naturelle et constitue une singularité atlri- buable à la diastase. Lorsqu'on tient compte de toutes ces influences, on arrive à conclure que la difTérenciation ou l'identification de deu.v diastases est un problème des plus difliciles, sinon impossible à résoudre pour le moment. Quelques mots à ce sujet seront une excellente préface aux travaux entrepris dans cette direction, et un moyen d'en simplifier la critique. S80. Etude théorique du problème. — Voici deux liquides diastasifères d'origine diverse, contenant par exem- ple tous deux de la sucrase, l'une provenant d'un asp/'rgillus, l'autre d'une levure. Quel moyen avons-nous de savoir si la diastase est la même dans l'un et dans l'autre ? Ils sont, en général, de forces inégales, et la première idée qui vient est de les ramener, par concentration ou dilution, à avoir la même ac(irit('\ dans le sens que nous avons donné à ce mot, c'est-à-dire à hydrolyser, dans les mêmes conditions et sous le même volume, la même quan- tité de sucre. Après quoi, les deux liqueurs étant ég-alisécs, on les soumettra à l'action de diverses températures ou de difl'érents réactifs. Si elles se comportent toujours de la même façon, si les courbes des phénomènes qu'elles produi- sent restent superposées, dans les limites variables des causes d'erreur connues, on dira que leurs diastases sont identiques. Sinon, on les jugera différentes. Ce programme, très logique et très bien ordonné, serait très réalisable si on savait ce que c'est qu'une diastase, si on pouvait la préparer à l'état pur et l'isoler de tout ce qui l'accompagne dans le liquide diastasifère. Il le serait en- GENRES ET ESPECES DANS LES DIASTASES 437 core, quoùjiio plus difficilement, si ces matières présentes restaient inertes pendant les actions variées qu'on met en jeu pour faire les expériences de comparaison. ]\îais comme elles interviennent sûrement et d'une façon parfois très ac- tive, comme on est en général très mal renseigné sur la qualité, la (piantité et même le sens de leur intervention, il est impossible de faire le départ de ce qui leur revient et de ce qui revient ù Taction de la diastase dans chacun des liquides, et il est aussi périlleux de dire que les deux diastases à comparer sont ditférentes lorsque leurs courbes d'action ne restent pas collées l'une sur l'autre, que de dire qu'elles sont identiques lorsque ces courbes coïncident. On peut même aller plus loin. Nous avons, en égalisant nos solutions à comparer, fait coïncider les deux courbes sur un point, et nous avons admis que des actions égales, pour ce point, correspondaient à des quantités égales de diastase. Au fond, cette hypothèse est absolument gratuite. Pour qu'elle soit acceptable, il faudrait que, dans les deux cas, l'effet observé uniquement soit imputable à la diastase. Or, c'est ce dont on n'est jamais sûr, alors môme qu'on a égalisé dans les deux liquides toutes les circonstances sur lesquelles on est renseigné, degré d'acidité, température, etc. A côté du degré d'acidité, il y a la nature de l'acide qui joue un rôle sur lequel on n'est jamais renseigné, parce que l'acide qu'on ajoute agit sur les sels qui accompagnent toujours la diastase, et amène des déplacements d'acide qui ne sont pas néces- sairement les mêmes dans les deux liqueurs. Ces sels agissent en outre par eux-mêmes, se comportent différemment sous l'influence de la température, donnent à la diastase qu'ils accompagnent des degrés de résistance variables vis-à-vis de l'action de la chaleur, interviennent fatalement dans toutes les expériences de comparaison pour une part variable, qui n'a de chances d'être la même que si les deux diastases ont la même provenance, etc. De sorte, qu'en résumé, notre méthode de recherches, si correcte d'apparence, aboutit en réalité à un flottement inévitable des résultats. Je n'ai pas 458 CHAPITRE XXVI besoin d'insister davantage pour montrer le degré de créanco qu"il faut accordeL' aux conclusions des quelques mémoires que nous allons passer en revue, et où a élé abordée et résolue dans des sens divers la question de la comparaison des diastases de même nature, mais de diverses origines. 381. Études de M. J. Laborde sur l'amylo-maîtase. — M. Laborde a étudié une espèce d'un genre nouveau dV/.s- <'0)ni/c(-tr>i^ Voiirotiopsis (kiyoïù., qui se dévelo{)pe à la surface de Tempois d'amidon sous forme de taches de couleur rouge sang plus ou moins pourpré, et qui peut vivre sur un grand nombre de milieux, parce qu'elle peut sécréter un grand nom- l)re de diastases. Elle peut rendre assimilables l'amidon, la dextrine, le maltose, le lactose, le trchalose et certains giuco- sides. Elle produit donc de l'amylase, de la dextrinase, de la maltase, de la lactase, de la tréhalase et de l'émulsine. Lorsqu'on la fait vivre sur de l'amidon, elle le dédouble jus- qu'à le conduire jusqu'au terme glucose. C'est ce que font aussi ■ Vaspcrgilliis nlgcr et le pénicillium glaucum. La saccharitica' iion produite par ces moisissures ou par leurs diastases diffère donc de celle que produit le malt ou la diastase du malt, en ce que le terme maltose se trouve dépassé. Ce qui indique, dans notre interprétation des phénom-'-nes, que la diastase du malt est un mélange d'amylasc et da dextrinase, tandis que la dias- tase de Ycurotiopsis Gai/ofii, de Vaspei'f/iflus nigerel du prnicil- liiim (jlaiicum est un mélange damylase, de dextrinase et de maltase. M. Laborde préfère admettre pour ces trois moisissures une diastase spéciale, capable de saccharifier l'amidon en donnant de la dextrine et du glucose, sans passer par le terme inter- médiaire maltose, et capable aussi d'hydrolyser ce maltose, produit d'une diastase unique en son genre, celle du malt. Il donne de cette opinion deux raisons expérimentales que nous devons discuter, dans un chapitre précisément consacré à la spécification des diastases. 11 montre d'abord qu'en faisant agir, dans les mômes condi- GENRES ET ESPECES DANS LES DLVSTASES 459 lions physiques el chimicjnos, dos volumes égaux d'une solution diastasifère sur des poids égaux d'amidon ou de maltose, on trouve, avec les trois moisissures étudiées, que le poids d'ami- don saccharifié dépasse toujours le poids de maltose dédoublé. 11 en conclut que le maltose est [)lus résistant que l'amidon, et que dès lors on devrait pouvoir saisir la présence de ce terme de transformation pendant la saccharitication de l'amidon, si la transformation n'aboutissait pas de suite et sans transition su terme glucose. Et comme cela n'arrive dans aucun cas, il n'y a pas d'après lui trois degrés pour conduire du niveau amidon au niveau glucose, il n'y en a qu'un : il n'y a pas trois diastases superposant leurs effets, il n'y en a qu'une, l'amylo- maltase. Comme M. Laborde reconnaît que ses moisissures contien- nent en outre de la maltase, puis(iu"clles hydrolysent le mal- tose, on peut se demander si la complication d'une diasfase nouvelle est bien justifiée par les arguments apportés en sa faveur. En réalité, les expériences ci-dessus ne sont pas compa- rables, et, quelles qu'aient été les précautions prises, rien n'as- sure que la marche de la maltase dans le li(}uide contenant du maltose ait été la même que celle de la maltase dans le liquide iimylacé. Pour voir si le maltose venu de l'extérieur n'était pas plus résistant que le maltose produit au moment môme par la diastase, M. Laborde a disposé, pour chacune des plantes étu- diées, trois expériences dans lesquelles, en présence de la même quantité d'empois d'amidon, il a fait agir : 1 un volume n de diastase du malt ; II le volume a de diastase du malt -h le volume h de diastase de la plante ; III le volume ù de diastase de plante. Dans I, il ne se fait que du maltose, dans lll que du glu- cose, dans II un mélange des deux sucres. L'expérience ainsi <^onduite montre que la quantité de glucose formée en II, non seulement reste inférieure au maltose produit dans I, ce chaud. Mayer l'a fixée exactement à 30". Au dessous l'action diminue et se suspend presque complètement à 0". La pepsine des animaux à sang- froid se comporte autre- ment. Murisier a vu le premier, et lloppe-Seyler a vérifié après lui que les sucs gastriques artificiels, préparés au moyen des muqueuses gastriques de la grenouille, du brochet, de la truite, conservaient leurs activités même à zéro. D'a|)rès Iloppe-Sey- 1er, le suc gastrique de brochet a son optimum d action à 20", et agit plus énergiquement à 15" qu'à 40°. Mais ces chiffres ne sont probants que lorsqu'on les envi- sage en gros. Au fond, ils ne signifient pas grand chose, parce que les expériences faites ne sont pas comparatives. La mesure GENRES ET ESPECES DANS LES DIASTASES 463 de l'activité d'une pepsine est, comme on pourra s'en con- vaincre en se rapportant au chapitre consacré à cette diastase, infiniment moins précise que celle d'une présure ou d'une su- crase. La dose optimum d'acide qui convient à l'albumine, n'est pas la même que pour la fibrine. Les nombres qn'on rap- proche ont été obtenus par divers expérimentateurs qui n'opé- raient pas dans les mêmes conditions, etc. Si on veut pouvoir conclure quelcjue chose de précis, au sujet des différences qui peuvent exister entre des pepsines d'origine diverse, il faut se borner à l'étude des mémoires faits spécialement en vue de cette comparaison. Encore faut-il prendre d'autres précautions. Klug avait mon- tré qne la pepsine retirée de l'estomac du chien était plus ac- tive, surtout en solutions étendues, que celle de porc et de bœuf. Le maximum, avec ces deux dernières, avait lieu pour une concentration de 0,1 de IICl 0/0, et de 0,01 0/0 pour la pepsine de chien. 11 en avait tiré la conclusion qu'il y avait probablement plusieurs pepsines. L'argument n'était guère probant, car il ne suffit pas, pour différencier deux pepsines, de montrer qu'elles n'agisseut pas également au même degré de concentration. On peut même se demander sur quoi on peut appuyer une pareille différencia- tion, et se mettre à l'abri des inégalités de concentration ori- ginelle des pepsines qu'on compare. Il faudrait commencer par les amener au même degré de concentration, c'est-à-dire, par exemple, diluer la plus forte ou concentrer la plus fai])le, jusqu'à ce qu'elles digèrent la même quantité de fibrine dans des liqueurs contenant des doses égales du môme acide Mais c'est admettre comme nous l'avons dit, c]ue les doses de pepsine qui produisent le même effet dans les mêmes condi- tions sont égales, et par conséquent, admettre que la diffé- renciation, qu'on cherche ailleurs, n'existe précisément pas pour la réaction qui sert de terme commun aux mesures. Cette objection peut, il est vrai, être faite à propos de toutes les diastases, pour lesquelles l'unité d'action exercée est sup- posée correspondre à l'unité pondérale de la dia stase active. AU CHAPITRE XXVI JMais clic est plus grave pour la pepsine (pTailleurs, parce que le terme de comparaison est plus mal défini. Avec la sucrase, on fait des comparaisons avec le sucre, corps bien défini, don- nant d'autres sucres bien définis aussi, et on n'a plus à se préoccuper que de la dose d'acide, facile à mesurer. Avec la pepsine la marche de l'action est plus difficile à suivre, car on ne connaît bien ni son point de départ ni son point d'ar- rivée. Ce point de départ n'est en outre pas unique, et rien ne nous dit que la pepsine procède de la même façon avec la fil^rine, l'albumine, la caséine et les autres matériaux qu'elle peut digérer et dont chacun peut servir de terme de comparaison. Mais nous pouvons tirer de cette variété de matières disges- tibles par la pepsine un moyen de comparaison, autre que celui dont nous avons discuté (280) la valeur. Nous pouvons chercher si, en rangeant diverses pepsines dans un certain ordre d'après leur rang d'attaque d'une certaine substance, en présence d'une certaine dose d'un certain acide, cet ordre reste le même quand on change la substance, la dose et la nature de l'acide. De même pour la température et les autres actions physiques et chimiques qu'on peut faire intervenir dans le phénomène de digestion. Si toutes les pepsines sou- mises à ces variations se comportent de même, on pourra les considérer comme identiques : sinon, il y aura des raisons de les considérer comme différentes. 285. Expériences da M. Wroblewski. — Ce vaste pro- gramme n'est encore qu'ébauché. Voici à ce sujet quelques résultats de M. Wroblewski. Ce savant s'est préoccupé de comparer la pepsine de porc avec la pepsine d'estomac d'en- fants morts nés, et n'ayant pas_, par conséquent, absorbé d'a- liments. On retirait la pepsine de porc, au moyen de la gly- cérine, de la pepsine commerciale de Witte, et comme elle était plus concentrée que l'autre, on l'amenait « presque au môme degré d'action que la pepsine d'enfant ». M, Wro- GKNRES KT ESPKCES DAXS LES DIASÏASES 465 Ijlewski aurait été bien inspiré de nous dire comment il obte- nait ce résultat. Quoi qu'il en soit, ces deux pepsines étaient mélangées à 10 fois leur volume d'eau acidulée au même degré par des acides divers, ('e degré était 1/20 de la solution normale. Dans chacun des mélanges, maintenu à la température or- dinaire, « attendu, dit l'auteur, qu'il ne s'agit que d'expé- riences de comparaison », on ajoutait la même quantité de tibrine carminée de Grutzner. Celte fibrine, qui a fixé la cou- leur sous forme de laque, l'abandonne au liquide quand elle se dissout, et on peut, en mesurant la rapidité avec laquelle le liquide se colore, juger de la rapidité avec laquelle la fibrine se dissout. On peut aussi noter le moment où toute trace visible de librine a disparu dans chacun des essais. On trouve ainsi trois choses : La première est que tous les acides au même degré de con- centration ne s'équivalent pas vis-à-vis de la même pepsine. 11 y en a qui activent son action plus que d'autres. La seconde est que l'ordre dans lequel ils amènent l'appa- rition d'un commencement de couleur dans le liquide n'est pas celui dans lequel ils font disparaître toute la fibrine ajoutée. En d'autres termes, l'action qui commence le plus vite n'est pas toujours celle qui finit le plus tôt. Il inter- vient donc des forces retardatrices inégales. Enfin, le troisième fait est que l'ordre dans lequel se ran- gent les acides pour produire le premier et le second effet, est différent pour la pepsine de porc et la pepsine d'enfant Telles sont les conclusions qui résultent du tableau sui- vant, dans lequel j'ai condensé les trois tableaux publiés par M. Wroblewski. On a séparé la pepsine de porc de la pep- sine d'enfant. Pour chacune d'elles, la lettre C représente le commencement de l'action, c'est-à-dire, la première appari- tion d'une teinte rose dans le mélange jusque-là incolore. La lettre F est la fin, c'est-à-dire, la dissolution complète de la fibrine. En face de chaque acide se trouve son rang, parmi les 12 acides employés, le premier rang appartenant 30 466 CHAPITRE XXVI au plus actif. Quand il uy a pas tle chiUre, c'est que l'acide était incapable de produire lactiou corresi)ondante. Pepsine de porc Pepsine d'enfanl Acide oxalique il 11 » clilorhydrique S2 2 2 2 » nilri(|iie 3 i^ 3 (> )) phospliorique 4 5 4 4- » tarlriqiie o 6 5 5- » lactique 6 4 6 3 » citrique 7 7 9 8 » malique 8 10 7 10 » i'orniique *.) 9 8 7 » paralactique 10 8 10 9 » sulfurique Il 12 11 » » acétique » Il » » On voit que l'acide oxalique tient partout le premier rang- et se montre supérieur à l'acide clilorhydrique. En se rap- pelant que les oxalates retardent ou empêchent la coagula- tion, en vertu de leur action sur les sels de chaux, on se trouve conduit à penser que dans la dissolution de la fibrine, qui est un phénomène de décoagulation, l'acide oxalique doit jouer le même rôle, en faisant passer à l'état insoluble et par conséquent inerte, les sels de chaux qui semblent aider à la cohésion du coagulum ol)tenu, et ainsi l'acide oxa- lique agirait à la fois comme acide et comme précipitant des sels de chaux. Avec la caséine il se comporte comme avec la fibrine. L'acide chlorhydrique et l'acide nitrique se trouvant au premier rang, il est curieux de voir l'acide sulfurique occu- per un des derniers, et être dépassé dans un cas par l'acide acétique, qui, d'ordinaire, est à peu près inactif. Entre les acides se manifestent du reste des différences qui ne sont pas inscrites dans le tableau. C'est ainsi que certains acides, par exemple Tacide tartrique, dissolvent la fibrine sans la gonfler, en présence de la pepsine, tandis que l'acide lac- tique et l'acide paralactique la gonflent beaucoup avant de la dissoudre. GENRES ET ESPÈCES DANS LES DIASTASES 467 Mais ce qui nous intéresse surtout, ce sont les dilierences entre les deux pepsines. On voit qu'au regard des ditférences des acides, elles sont très atténuées. L'ordre des acides est à peu près le même en ce qui coucerne le commencement C de l'action. Au sujet de la fin, l'ordre n'est pas le même entre les acides, parce que, comme nous l'avons vu, les vitesses ne restent pas dans l'ordre du début. Mais les interversions se font à peu près dans le môme ordre. La plus curieuse est celle de l'acide nitrique, qui conserve son 3e rang pour la pepsine de porc, et passe du 3' au 6« pour la pepsine d'enfaut. Inversement l'acide lactique, placé au milieu de la série dans les colonnes C, remonte dans la colonne F, et à peu près de la même quantité. La question est de savoir ce que valent ces différences. M. NVroblewski incline à croire qu'elles témoignent de diffé- rences entre les pepsines. J*our nous ranger à son avis, il faudrait des détails qui nous manquent et qu'il n'a pas songé à donner. 11 opérait avec 10 ce. d'une solution d'acide vi- ginti-normale, contenant, par conséquent, léquivalent envi- ron 0,0025 d'acide sulfurique. Que contenaient de sels miné- raux, les quantités de pepsine qu'il faisait agir en volume de 1 ce, et le centimètre cube de fibrine colorée par le car- min sur lequel il opérait ? Quels étaient les déplacements d'acide possibles dans ces conditions, et qui, dépendant à la fois de l'acide étudié et des sels minéraux de la pepsine mise en œuvre, pouvaient introduire dans les expériences des différences extérieures à la pepsine et qu'on reportait tout entières sur elle ? C'est ce qu'on ne sait pas. Ceci invite à suspendre tout jugement formel au sujet de la signification des expériences de Wroblewski. Rappelons en terminant leur résumé, qu'elles ont été faites à la température du labo- ratoire, et par conséquent, en dehors des conditions du fonc- tionnement des diastases digeslives de l'estomac. 'Wroblewsky a essayé de combler cette lacuue eu cherchant comment se comporte, à 40", l'acide acétique, si inerte à la température ordinaire. 11 a constaté que la pepsine de porc ne digérait .4()8 CHAPITRE XXVI complètement la fibrine qu'en 2 heures, tandis que la pep- sine d'enfant n'y mettait <]ue 20 minutes. La différence est grande, mais sa signification reste encore incertaine : s'il y avait des lactates d'un côté, des chlorures de l'autre, l'acide acétique ne se comportait pas de même, et c'est peut-être à cela, et non à la pepsine, qu'il faut rapporter la ditfé- rence des résultats. Ajoutons, pour terminer ce sujet, une notion (jue nous dé- velopperons dans le chapitre consacré à la pepsine, mais qui doit figurer ici : il semble, comme à propos de l'amidon, qu'on ait fusionné ensemble, sous le nom d'action de la pep- sine, l'action de deux diastases, l'une décoagulante, et en quelque sorte opposée à la fibrinase, l'autre hydrolysante ou au moins dissolvante et faisant des peptones. Entre divers mélanges de ces deux diastases, on comprend que l'expé- rience pourrait relever des différences d'effet total qu'il ne faudrait pas interpréter comme des différences de nature, mais comme des différences dans la proportion du mélange. Et voilà encore une raison, ajoutée aux précédentes, de nous re- fuser pour le moment à aucune conclusion ferme au sujet de l'existence de genres et d'espèces dans le monde des dias- tases. La science n'est pas encore mûre pour aborder cette question et la résoudre. BIBLIOGRAPHIE Ferxbach. Ann. de l'Inslilul Pasleut; 1S90. r.ABOUDE. /(/., 1897, p. 1. Hanriot. Comptes rendus, t. ('XXIV, p. 779, 1897. Mayer. ZeUschr. f. Biologie, t. XVII, p. 351. Klug. Pfluijer's Archie., 1895. Wroblewski. Zeilschr. f. pitys. Chemie, t. XXI, 1895, p. 1. DEUXIEME PARTIE ÉTUDE PARTICULIÈRE DES DIVERSES DIASTASES Nous en avons fini avec ce qui, dans l'état actuel de la science, peut entrer dans l'histoire générale des actions diastasicjues, et résulte de leur étude comparée. Il nous reste à faire l'étude individuelle de chaque diastase, c'est-à-dire de son origine, des lois de son action, des modifications qu'elle subit sous l'influence des divers agents physiques et chimiques, des antiseptiques qu'elle redoute, etc. Il n'y a qu'un point que no is réserverons, celui de son rôle physiolo- gique, parce qu'il faudrait y faire entrer des éléments que nous ne possédons pas et dont l'introduction nous entraîne- rait trop loin. L'étude de la digestion, par exemple, double- rait presque la dimension de ce volume, et en troublerait l'ordonnancement. Nous ne pourrons l'aborder utilement que dans un des volumes suivants, lorsque nous connaîtrons mieux à la fois les questions microl)iennes et diastasiques qui se superposent dans le canal intestinal. En nous en tenant pour le moment au plan général que je viens de tracer^ nous rencontrerons, à propos de chacune des diastases, des notions déjà acquises, celles précisément pour lesquelles la diastase nous a servi d'exemple dans l'ex- posé général, auquel nous renverrons sans scrupule. Il reste encore, comme on va le voir, pour chaque diastase, assez de détails particuliers qu'il est nécessaire de réunir et de coor- donner. Nous ferons cette étude sans nous astreindre à Tordre suivi dans notre énumération du chapitre II. Nous 470 DEUXIEME PARTIE commencerons par les diastases dont les fonctions sont les mieux connues, celles qui transforment les hydrates de car- bone, pour faire bénéficier de ce que nous apprendrons sur elles les diastases des matières albuminoïdes ou en général des matières azotées, dont nous connaissons moins bien le mode d'action. Nous commencerons par la diastase la pins importante au point de vue industriel, l'amylase de l'orge. CHAPITRE XXVII AMYLASE S86. Observations préliminaires. — L'étude de Taniv- lase était simple il y a quelques années, lorsqu'on désignait exclusivement sous ce nom la diastase liquéfiante et saccha- rifiante de l'orge, celle qu'avaient découverte et isolée Payeu et Persoz. Toutes les fois qu'on découvrait dans la salive, dans le sang^ dans les plantes, une diastase donnant à l'em- pois d'amidon la propriété de ne plus bleuir par l'iode, ou de réduire la liqueur de Fehling, on l'assimilait instinctive- ment à la diastase de l'orge. Ouand O'Sullivan fît entrer définitivement dans la science la découverte de Dubrunfaut, que le sucre provenant de la saccharification de la farine d'orge par le malt n'était pas du glucose, mais du maltose, on a pu se demander si toutes les diastases saccharifîantes connues se comportaient de même, et Cuisinier a été le premier à montrer l'existence d'une dias- tase saccharifiant l'amidon comme celle de l'orge, mais poussant la saccharification jusqu'au terme glucose. Il lui avait donné, à raison de ce fait, un nom particulier, celui •de glucase, et on a vu depuis que cette glucase est très ré- pandue, tant dans le monde animal que dans le règne végétal. D'un autre côté, l'étude plus approfondie des transforma- tions de l'empois, avant toute saccharification, soit sous l'in- fluence de la diastase de l'orge, soit sous l'influence de la glucase de Cuisinier, ont conduit à y voir l'action d'une diastase liquéfiante, commune aux deux, qui, dans cette in- terprétation, se trouvent formées d'un mélange de la diastase liquéfiante que nous avons appelée amylase, et d'une autre 472 CHAPITHE XXVIl diastasc conduisant la dcxtrine jus(ju'au terme maltosc dans un cas, jusqu'au terme glucose dans l'autre. JXous verrons, dans le chapitre XXIX, les raisons qu'il y a à admettre que cette dernière, la glucase de Cuisinier, est un mélange de dextrinase qui conduit la dextrine au terme maltose, et de maltase qui conduit le maltose au terme glucose. Pour le moment, la seule conclusion que je veuille tirer est celle-ci : comme la ventilation de ces trois diastases n'est faite que dans un très petit nombre de cas, et comme, dans la plupart des importants travaux faits sur ce sujet, toutes ces diastases ont été confondues, nous sommes bien obligés de les con- fondre dans cet exposé. Tout en continuant à appeler amy- lase la diastasc liquéfiant l'amidon, dextrinase la diastase qui transforme la dextrine en maltose, maltase la diastase qui transforme le maltose en glucose, nous conviendrons de compter comme identiques à la diastase de l'orge les autres diastases saccharitiantes qui n'en ont pas été distinguées, et il demeurera entendu que de ce côté, il reste un travail de classement à faire. Ces réserves faites, nous pouvons entrer dans l'étude des diverses sources de la diastase de l'orge ou de ses cong'-é- nères. 287". Amylase des plantes. — Nous avons déjà fait (5) un bref historique de la découverte de l'amylase. Rappelons seulement que la première observation d'une diastase dans l'orge, faite dans des conditions qui la mettaient à l'abri de l'intervention des microbes, est celle de Dubrunfaut qui, en 1823, a vu qu'en mélangeant, à de l'empois d'amidon, un peu de farine de malt délayée dans de l'eau tiède, et en exposant le tout pendant un (piart d'heure à une tempéra- ture voisine de 60", l'empois se liquéfiait et donnait un sucre fermentescible. Il a vu aussi, en 1831, que finfusion de malt agit comme le malt en farine. La substance active est donc soluble dans l'eau. C/est seulement en 1833 que cette substance du malt fut AMYLASE 473 isolée par Payen et Persoz, en précipitant par l'alcool une macération faite à froid d'orbe germé. Us lui donnèrent le nom de dlaslase. La diastase est donc insoluble dans lal- cool, et de cette propriété nous avons fait un frécpient usage. Payen et Persoz ne se bornèrent pas à l'étude de lorge germé, et constatèrent l'existence de la diastase dans lavoine, le blé, le maïs et le riz en germination, ainsi que dans les- tubercules de pommes de terre en végétation. Depuis, les découvertes dans cette voie se sont tellement multipliées qu'il est impossible de les suivre. C'est surtout depuis que Kossmann et Krauch ont signalé la présence de l'amylase et de la dextrinase dans les feuilles et les jeunes pousses, que les travaux ont alîondé. Baranetsky retire de la diastase des tubercules de pomme de terre en repos, Kjeldahl de l'orge non germé, ce qui prouve que sa présence est indépendante de l'acte végétatif. Brown et Morris en ont trouvé dans les jeunes embryons d'orge et de diverses gra- minées, Green dans les graines diin grand nombre de plantes. Dans les recherches que nous avons résumées (ch. lY) au sujet de la migration de l'amidon, Brown et Morris achè- vent de prouver que cette diastase est un agent physiologi- cjue de première importance. Au sujet de la ditTérenciation des diverses diastases du règne végétal, voici ce qu'on sait jusqu'ici. La diastase de Forge et du blé, de même que de la plupart des autres gra- minées, ne donne que du maltose. On a au contraire un mé- lange de maltose et de glucose avec le maïs (van Laër), la graine de ^oya hispida (Stingl et Morawski), la gomme ara- bique (Béchamp), les feuilles de divers végétaux (Brasse,. Brown et Morris), le Polijporus sulfureus (Bourquelot et Hé- rissey), certains mucors (Musculus et Gruber), le Pénicillium fjlaucum, V AsperijiUus iti(/er et Y Aspcrgillus orizx^ le hacillus orthohuhjlicus (Grimbert), le granulobacier butylicum et sac- charobulijlicum de Beyerinck, et diverses espèces de vibrions. Cela montre que la diastase la plus étudiée, celle de l'orge^ ne semble pas la plus répandue. 474 CHAPITRE XXVII 288. Amylase dans le règne animal. — Leuchs découvre en 1831, cUuis la salive, une diastase de môme nature que celle de l'orge, et en 184o, Miahle fait pour cette diastase animale ce cjue Payen et Persoz avaient fait pour la dias- tase végétale : il la précipite et l'isole par le moyen de l'al- cool. Il n'est pas encore bien démontré que cette diastase soit une sécrétion physiologique, et ne soit pas due aux microbes qui peuplent la cavité buccale et s'enfoncent par- fois très avant dans les conduits excréteurs des glandes. Ce qui autorise ce doute, se sont précisément les résultats que Cl. Bernard a obtenus en cherchant dans cette voie. En isolant certaines salives au moyen de fistules, il trouve que la salive parotidienne est inactive. Il en est de même pour la sécrétion des glandes sublinguales et sous-maxil- laires. Comme il constate que la salive mixte, telle qu'on la trouve dans la bouche, liquéfie d'abord et saccharifie ensuite l'empois d'amidon ; il en conclut cjue cette propriété lui est conférée par la salive des glandes buccales, qu'il n'avait pas étudiée à part parce qu'il est impossible de l'isoler. Rien n'est évidemment moins sûr que cette déduction ; elle ne serait valable qui si on était assuré d'avoir éliminé les ac- tions microbiennes. Cl. Bernard n'y avait naturellement pas songé, et il n'est d'ailleurs pas facile de désinfecter la bouche de façon à en chasser les microbes, et à en éliminer en outre la diastase dont la muqueuse est imprégnée. Mais on peut tourner la difficulté. Il faut d'abord éviter une cause d'erreur. Lorqu'on mé- lange de Fempois d'amidon à de la salive, il faut éviter de recourir à l'action de l'iode pour juger de la marche de l'ac- tion. L'iode ne colore pas lamidon en présence de la salive, à moins qu'il ne soit en grand excès, et de l'iodure bleu d'amidon se décolore môme quand on y môle de la salive. On est donc exposé à croire que l'action diastasique a dé- passé le terme des érythrodextrines et est arrivée à donner des achroodextrines, lorsqu'elle n'est pas encore commencée. AMYLASE 47a Il faut donc evcliisivoment avoir recours à la li<{ucur do Fehling-. Avec ce réactif, nous voyons disparaître quelques- unes des singularités relevées dans l'action de l'iode. Nous constatons toujours que, seule, la salive mixte est active. Mais elle le devient de moins en moins à mesure qu'on se soumet à une salivation plus prolongée après s'être bien lavé la bouche. Cl. Bernard avait remarqué lui-même que, dans certains cas de sialorrliée pathologique, de stomatite mercu- rielle, par exemple, la salive agissait très peu sur l'amidon. 11 est vrai que même lorsqu'on se rince fréquemment la bouche, surtout après les repas, toute trace de diastase ne disparaît pas dans la salive. Mais on a le droit d'attribner ces résidus à l'imprégnation des cellules épithéliales ou aux leucocytes nombreux qui viennent mourir dans la bouche. De sorte qu'on a le droit de douter qu'il y ait dans la salive de la diastase physiologique. Le véritable siège de la sécrétion d'amylase, et par con- séquent de la digestion de l'amidon est le pancréas. C'est ce que Bouchardat et Sandras ont montré les premiers en t84o. Une macération pancréatique ou un fragment de tissu de pancréas liquéfient l'empois, le saccharifient. L'amidon cru peut même être attaqué. Cette sécrétion d'une diastase diges- tive de Tamidon dans le règne animal n'est pas toujours con- finée au pancréas. Krukenberg, L. Frédéricq en avaient trouvé dans le foie des céphalopodes. Bourquelot a montré, en se mettant à l'abri de l'ingérence des microbes, que, chez les céphalopodes, il y avait de la diastase non seulement dans le liquide sécrété par le foie, mais aussi dans l'or- gane qu'on prend pour le pancréas. Il n'y en a ni dans les glandes salivaires, ni dans l'intestin spiral, ni dans la paroi de l'intestin, et la digestion des aliments amylacés se fait dans l'estomac. A l'action des diastases physiologiques vient ^e superposer, ici comme ailleurs, l'action des diastases des microbes présents à chaque instant dans le canal intestinal, et que nous allons retrouver tout à l'heure. Ces diastases restent mélangées 470 ClIAPITHK XXVI I aux matières (lu'elles ont produites, sont absorbées avec elles. On ne sait pas si elles sont détruites dans l' organisme. On en trouve dans le sang : peut-être sont-elles absorbées par certains leucocytes. Dans tous les cas, elles ne le sont pas complètement, car elles ont nne voie d'élimination, l'urine. Magendie et Cl. Bernard ont montré qu'il existe normale- ment dans le sang une diastase saccbarifiant l'amidon. Il y en a aussi en très faible quantité dans le foie, où Dastre ne l'a pus aperçue parce qu'il la faisait agir au voisinage de 0\ mais où Dubourg en a trouvé. 11 s'est même assuré qu'il était difficile d'en débarrasser cet organe, même par des lavages répétés. Bécbamp en a signalé dans l'urine normale et pathologique. Toutes ces diastases ont ceci de commun que dans leur action sur l'amidon, elles ne s'arrêtent pas au terme maltose, et qu'elles vont jusqu'au glucose. On pour- rait croire par conséquent qu'elles ditièrent de la diastase de l'orge et de la diastase pancréatique. Mais le pancréas sécrète aussi de la maltase, comme l'ont montré Brown et Héron d'abord, von Mcring ensuite. Beaucoup de microbes, de même, en saccbarifiant l'amidon, ne s'arrêtent pas au terme maltose, de sorte qu'amylase et maltase peuvent se rencontrer ensemble dans l'organisme et s'éliminer par les mêmes voies. Ce qui invite à ne pas voir dans les diastases hépatiques ou urinaircs, chez les animaux supérieurs, des sécrétions du foie et du rein, c'est que leur quantité dépend du régime alimentaire. Dubourg a vu que les carnivores et les herbivores n'éliminent par les urines que des quantités très faibles d'amylase, tandis ([ue les animaux soumis à un régime amylacé en excrètent au contraire de notables pro- portions. Chez un lapin suivi pendant plusieurs jours et sou- mis à un régime herbacé, la quantité maximum de sucre réducteur produit par l'urine de 24 heures s'est trouvée de 12 gr. tandis qu'elle est montée à 40 grammes avec un ré- gime amylacé. Avec un régime herbacé prolongé pendant quelque temps, on peut faire disparaître à peu près complètement la diastase AMYLASE 477 du sang, du foie et du rein. Il faut donc conclure que cette diastase leur vient de l'extérieur, et n'est pas une sécrétion physiologique : c'est une excrétion. S89. Amylase des microbes. — Les variations de cette excrétion traduisent surtout les variations énormes que l'acte digestif suijit dans le canal intestinal, suivant la nature et la quantité des microbes présents. Autant qu'on peut le voir, en elTetj les variations des sécrétions physiologiques, lorsqu'on en prend le total par 24 heures, sont toujours faibles chez l'animal en l)onne santé. Seules, les actions microbiennes du canal digestif peuvent varier beaucoup d'un jour à l'autre et même d'un repas à l'autre, puisqu'elles dépendent de la nature de l'aliment. Le nombre des espèces micro- biennes qui peuvent liquéfier un même empois est considé- rable. J'ai montré que Vaspfn'gillus niycf et le penicilliiini fjlaucum produisent en abondance une diastase saccharifiant l'amidon. Atkinson et Busgen l'ont rencontrée dans Yasper- gillus oi'yzœ, Kosmann dans quelques Hyménomycètes et dans quelques Lichens. Fermi en a trouvé en grande quan- tité dans les cultures sur gélatine et sur bouillon du bacille du charbon, des Bacilles de Koch, de Prior, de Fitz, du ha- cillus ramosus, sxbti/is et megaterium. Il y en a moins dans le bacille de la septicémie du lapin, le bacille typhique, le bacille diphtérique. Il n'y en a pas chez le bacille pyocya- nique, les micrococcus piodigiosiis^ Y oïdium alhicans^ le sla- phgl. pgogp.iv's citreus. On pourrait allonger beaucoup ces listes. On peut conclure de tout ceci que la diastase sacchari- fiantc de l'amidon est extrêmement répandue, mais inégale- ment distribuée dans le monde des microbes. Les plus intéressants au point de vue industriel sont évidemment ceux qui en produisent le plus, et qui, dès lors, deviennent capables de saccharitier les dextrines, devant les- quelles les diastases du malt s'arrêtent d'ordinaire. Gayon et Dubourg ont fait voir les premiers, avec netteté, que quel- ques mucorées, comme le miicor allernans ou le niucor race- 478 chapitre: XXVII jHosus, pouvaient fournir une levure capable de saccliarifier la dextrine et d'en faire du maltose. Comme elle fait en même temps fermenter ce maltose, l'obstacle à la saccharilication disparaît à mesure qu'il se forme, et la dextrine se trans- forme plus ou moins complètement en alcool. Tout récem- ment M. Galmette a fait connaître un autre végétal, qu'il a retiré d'une levure chinoise employée à faire fermenter le riz, et qu'il a appelé Aint/Ioint/cf^s' Rouxli. Cet ainylomijces^ ensemencé dans de l'empois d'amidon, arrive à le transfor- mer presque intégralement en alcool, parce qu'il en fait tout d'abord de la dextrine, puis un sucre fermentescible. D'une comparaison entre Vasjjeryilii/s- orizie du Kôji, le mucor altenians de M. Gayon, et Ycuiiylomyces Rouxil de la le- vure chinoise, M. Sanguinetti a conclu que ce dernier se ran- geait entre les deux autres, au point de vue de son pou- voir saccharifiant. Il n'est pas besoin de pousser plus loin cette énumération pour être ramenés à notre conclusion de début : c'est que tout ce que nous savons sur ce point est encore bien confus et par là bien caduc. Nous sommes conduits, faute de documents, à mettre dans un même cadre des diastases probablement très différentes, non seulement parce quelles aboutissent à deux termes aussi distincts que le maltose et le glucose, mais encore parce que les unes s'attaquent à des dextrines que les autres laissent inaltérées. Dans notre interprétation, ces dextrines peu ou pas attaquables proviennent des parties cellulosiques du grain d'amidon, et les diastases de XainijUtmyces Hoitjii, qui les liquéfient, se rapprochent des cytases. Or, à ce niveau, la science se perd encore dans des sables mouvants. Acceptons donc franchement ce qu'il y a de forcément artiticiel dans notre classement, et comme, parmi toutes ces diastases, c'est celle de l'orge qui est la plus importante, occupons -nous d'elle de préférence. 390. Amylase du malt. — C'est en général du malt qu'on retire le mélange damylase et de dextrinase qu'on appelle la AMYLASE 479 diastasc. Il faut commencer par la dissoudre en faisant une macération avec ce malt broyé ou moulu. M. Eliront a montré que cette opération exigeait plus de précautions qu'on n'en met d'ordinaire. Pour avoir l'infusion la plus active, il faut opérer au voisinage de 40". Entre 15° et 35" d'un côté, entre 45 et 55* de l'autre, on dissout à peu près la même quantité de dias- tase, mais on n'en dissout que les 4/5 de ce que donne le traitement à 40°. Au delà de 00", la perte devient encore plus sensible, à cause de l'action prolongée de la chaleur. Le temps joue aussi un rôle. Quant on opère à la tempéra- ture ordinaire, avec du malt broyé, il faut une quarantaine d'heures de contact pour avoir une infusion possédant le maxi- mum d'activité. A 45", il ne faut que 10 heures si on n'agite pas, et 3 si on agite. Tous les malts d'ailleurs ne se ressem- blent pas, et on retrouve là les inégalités, soit dans la produc- tion, soit dans la difl'usibilité, que nous avons signalées dans toutes les cellules diastasifères. Une fois cette infusion préparée, il y a plusieurs moyens d'en th'er la diastase qu'elle contient. Voici celui qu'a proposé M. Dubrunfaut en J864. On ajoute au liquide filtré son volume d'alcool à 90", et on obtient ainsi un premier précipité très azoté et faiblement actif, qu'on sépare par une liltration. On ajoute au liquide limpide un nouveau volume d'alcool à 90", et on obtient un nouveau précipité floconneux qui, recueilli et isolé, offre le maximum d'énergie de la matière active. Cette matière renferme 8 p. 100 d'azote. Ce procédé est à peu près celui de Payen. Lintner, qui a fait de la diastase de l'orge une très longue étude, propose le procédé suivant. On fait digérer pendant 24 heures une partie de malt frais ou desséché à l'air dans deux à quatre parties d'alcool à 20". En se servant, comme on le fait d'or- dinaire, de malt touraillé, les infusions sont moins actives. On met à la presse pour exprimer le liquide, et on ajoute à celui-ci le double de son volume d'alcool absolu. Il se fait un précipité de flocons blanc-jaunàtres qui ne tardent pas à tomber au fond du vase. Il est inutile d'employer à cette pré- i.SO CIIAPITKK XXVII i'ipitation une plus graude proportion d'alcool ; on n'augmou- toiait pas beaucoup le rendement, et ce qu'on précipite alors ost constitué uniquement par une substance gommcuse inerte. Dès que le liquide est devenu clair, on le jette rapidement sur un filtre, on enlève le produit, on le triture dans un mor- tier avec de l'alcool absolu, et on filtre à nouveau et de suite. Finalement on lave à l'éther et on dessèche dans le vide sur l'acide sulfuriquc. Ce dernier lavage permet d'obtenir la diastasc sous la forme d'une poudre légère presque blan- che ; s'il était incomplet, la préparation se foncerait sous l'action de l'air et prendrait une consistance cornée nuisible à son emploi. On peut encore redissoudre cette poudre dans l'eau et la précipiter ensuite par l'alcool absolu comme il vient d'être dit ; on la débarrasse ainsi de queUjues matières étrangères qui sont devenues insolubles pendant la première précipitation. Mais on perd aussi un peu de diastase coagulée et devenue insoluble, et il n'y a pas profit à répéter cette manipulation, car on diminue le rendement de la diastase sans augmenter son activité. Nous savons même qu'au delà d'une certaine limite la perte dépasse le gain. On a fait diverses tentatives pour obtenir une diastase chi- miquement pure, soit en modifiant le procédé de Lintner, soit en faisant subir au produit des purifications ultérieures ; ces tentatives n'ont pas donné de bons résultats. Payen et Persoz avaient ouvert cette voie en conseillant, avant d'ajouter l'alcool à la macération de malt, de chauti'cr celle-ci à 70° ; ils croyaient précipiter ainsi les matières albu- minoïdes proprement dites : mais, d'après Lintner, de la dias- tase préparée par précipitation à l'aide de l'alcool, et soumise à ce traitement, donne un produit qui ne possède plus que le 1/8 environ de l'activité de la diastase primitive. On a également proposé, pour purifier la diastase, de la dis- soudre dans l'eau et de précipiter les matières albuminoïdes par le sous-acétate de plomb. Le liquide filtré, débarrassé du plomb par l'hydrogène sulfuré, puis filtré à nouveau, et enfin AMYLASR 481 additionné d'alcool on (|uantité suffisante, donnerait un produit plus pur. Mais là encore, d'après Lintner, le bénéfice de l'opé- ration est tout à fait aléatoire. On voit que toutes ces méthodes sont un peu incertaiues, et c'est en gros qu'il faut les prendre et les juger. Les comparai- sons qui en ont été faites sont trop peu précises. On s'est borné en général à chercher ce que les diverses infusions obtenues donnaient de maltose lorsqu'on les faisait agir sur un excès d'amidon à l'état d'empois ou d'amidon soluble. On n'a pas tenu compte des variations d'acidité qui peuvent influencer notablement le résultat, de la nature et de la proportion des sels retenus ou éliminés par les divers procédés de préparation. On ne s'est parfois pas incjuiété de l'ingérence des microbes, dangereux surtout parce cju'ils donnent avec l'amidon non pas d'ordinaire du maltose, mais du glucose, dont le pouvoir ré- ducteur est plus grand que celui du maltose, dans le rapport de 100 à Gl, et le pouvoir rotatoire beaucoup plus faible, de sorte que la cause d'erreur reste notable, qu'on se serve de la liqueur de Fehling- ou du polarimètre pour apprécier la c|uantité de sucre produit. Enfin, lorsqu'on se sert des anti- septiques pour éliminer les actions microbiennes, on s'expose à gêner ou à activer, suivant les cas, l'action de la diastase normale. Pugliese croit même que la maltase (glucase de Cuisinier) accompagne la dextriuase dans le malt et la salive. Ce n'est guère d'accord avec les résultats concordants des chimistes an- glais O'Sullivan, Brown, Héron, etc., qui n'ont jamais trouvé de désaccord entre l'expérience et la théorie, quand on admet qu'il n'y a de formé que du maltose ou de la dextrine. Quoi qu'il en soit, Pugliese propose de se débarrasser de la maltase en profitant de ce cju'elle est plus facilement coagulable par l'alcool que la dextriuase. On s'en aperçoit à ce que, en pré- cipitant par la phénylhydrazine acétique le produit de la réaction diastasique, on n'observe au microscope que des cris- taux de maltosazonc et pas de glucosazone. Pour purifier le précipité d'une partie au moins des sels 31 482 CHAPITRE XXVII qu'il contient, Pugliese sature le liquide, avant la précipitation par l'alcool, avec de l'acide étendu jusqu'il coloration rouge du papier lacmoïdc. Les phosphates secondaires deviennent ainsi des phosphates primaires, moins facilement précipitables par l'alcool. On prépare donc, d'après Pugliese, l'amylase du malt de la façon suivante : On sature l'extrait de malt avec de l'acide sulfurique étendu jusqu'à disparition presque complète de la coloration bleue sur papier lacmoïde sensible. On porte en- suite pendant 3 à 4 minutes dans un bain chauffé à 70°. On refroidit rapidement et on filtre. On mélange le liquide filtré à six ou huit fois son volume d'alcool à 94". On réunit le pré- cipité sur un filtre, on le lave à l'alcool, puis à l'éther, et on le dessèche sur l'acide sulfurique. 991. Amylase des organes foliacés. — Nous avons vu, au chapitre IV, que, dans les organes foliacés et dans les tiges, il se fait parfois des migrations d'amidon aussi abondantes que dans les graines en germination. On peut donc se demander pourquoi on ne s'adresse pas plus souvent aux feuilles pour préparer de la diastase. Cest cjue les liquides de macération de ces organes en contiennent d'ordinaire très peu, si peu cju'on a longtemps douté de sa présence, comme nous l'avons vu, et attribué la dissolution évidente de l'amidon dans cer- taines cellules à tout autre chose qu'à l'action d'une diastase. Wortmann a, par exemple, prétendu que l'amidon était physio- logiquenient transformé par le protoplasme vivant, en dehors de toute action diastasique. Jentys a cherché pourquoi Wortmann n'avait pas trouvé de diastase dans les feuilles ou les tiges, et a vu que cela tenait à un certain nombre de raisons, dont la principale, la seule qui nous intéresse ici, est qu'il y a dans les feuilles des ma- tières tanniques dont l'action, après broyage, sur la diastase et sur l'amidon, empêche la manifestation du phénomène dias- tasique. Le tanin empêche d'abord l'action de l'iode sur l'amidon, AMYLASE -48:{ •et les acides gallique, qiiercitanniqiie, catéchique, pymcaté- chiqiie, la vauilline, la phlorog-luciiic se comportent comme lui. 11 y a plus : de la diastase ajoutée à des extraits de feuille préparés par macération dans l'eau pure devient inactive, pro- bablement parce qu'elle est coagulée ou précipitée par les matières tanniques de cet extrait. De sorte qu'on peut ne trou- ver aucune activité, après broyage, à des liquides qui, en place dans la cellule, peuvent être très actifs. Toutes ces notions sont importantes, on le devine, en phy- siologie végétale. Pour nous, elles ont l'intérêt de montrer que toute recherche de diastases est aléatoire, parce que nos procé- dés d'extraction sont très imparfaits. 292. Influence de l'amidon. — Tournons-nous maintenant du côté de l'amidon, nous allons voir apparaitre de nouvelles causes d'incertitude. Nous avons suffisamment insisté, dans le courant de ce livre, sur les inégalités dans la constitution physique des différentes couches qui constituent un granule d'amidon, et sur les inéga- lités de résistance à l'action de la diastase qui en résultent. Pour simplifier un exposé déjà bien compliqué, nous n'avons fait aucune allusion aux différences chimiques que la science commence à deviner, et qui semblent devoir prendre de plus en plus d'importance. Je veux parler des pentosanes qu'on trouve en plus ou moins grande abondance dans les amidons les plus purifiés, et que, d'après King et Wiley, la diastase de l'orge n'attaque pas, pas plus d'ailleurs que celle de Yaspcrgil- lus orizœ. Peut-être y a-t il de ce côté l'explication d'une foule de faits que la science a enregistrés sans pouvoir encore les classer. Prenons cet amidon tel qu'il est. Quand nous voulons l'étu- dier, nous commençons par l'isoler, et nous pouvons nous dire tout de suite qu'une fois arrivé ainsi entre nos mains, il ne subira nécessairement pas les mêmes réactions que lorsque chacun de ces grains était enfermé dans sa cellule. Ce qui le prouve, c'est que la dissolution des granules crus, que nous 48i CIIAFITRK XXVII réalisons péniblement dans nos flacons, est un phénomène courant dans la vie végétale. Le phénomène physiologique de la dissolution et de la trans- location de l'amidon doit donc être étudié in, situ^ et nous avons vu les résultats intéressants qui nous ont été fournis à ce sujet par Brown et Morris (chap. IV). Mais l'expérience n'est pas facile dans ces conditions, et il serait intéressant de cher- cher quelle peut être, en dehors de l'être vivant c|ui les a four- nis, l'action d'une diastase sur l'amidon qu'elle est physiolo- giquement destinée à transformer. 393. Action de lamylase sur l'amidon d'orge non géla- tinisé. — A la suite dune discussion ouverte depuis long- temps dans la science au sujet de la nature des sucres préfor- més dans le malt, discussion que nous retrouverons plus tard cfuand nous nous occuperons de la fabrication de la jjière, M. Ling a étudié l'action de l'amylase sur l'amidon d'orge. Il prépare sa solution d'amylase en épuisant pendant 21 heures 200 gr. de malt finement broyé avec GOO gr. d'alcool à 20 0/0. On filtre au bout de ce temps et on obtient, par l'ad- dition d'un litre et demi d'alcool à 90°, un précipité qui, jeté sur un filtre, puis lavé à l'alcool à 95", est redissous immédia- tement dans 200 ce. d'eau. On voit que s'il n'y a pas eu de perte, 1 ce. de cette solution correspond à 1 gr. de malt, mais la correspondance est un peu fictive, tant à raison des pertes d'amylase sous l'action de l'alcool, que de l'impossibité où on est de faire passer en solution la totalité de la dias- tase du malt. L'amidon d'orge est préparé au laboratoire, pour qu'on soit sûr de sa provenance. On en met 5 gr. pour 4o ce. d'eau, et on ajoute 3 ce. de solution d'amylase. On agite de temps en temps et on filtre au bout de 3 heures. Dans deux expériences faites de la même façon avec deux amylases différentes, on a trouvé 0,175 0/0 et 0,161 0/0 de maltose. Tels sont les chiffres qui, dans les conditions de l'expérience, correspondent à 10 gr. d'amidon et à 10 gr. de malt, s'il était possible d'admettre que A.MYLASK iSo r.niiylasc du malt nait sur ramidon du malt comme l'amylase que nous eu avous retirée agit sur l'amidon d'orge. Ou peut affirmer que le chitlre que nous trouvons est infé- rieur à la réalité, car les circonstances de Faction naturelle sont évidemment plus favorables que celles de notre expérience. 11 y a donc plus de 1,()8 et de l,7o ()/() d amidon transformés en maltose en 3 heures par la macération à fi'oid du malt_, c'est-à- dire qu'on a, d'après M. Ling, le devoir de faire attention, lorsqu'on étudie les sucres préformés du malt, à ne pas les pro- duire par la macération f|u'on destine seulement à les séparer. Nous retrouverons plus tard cette conclusion. 11 y en a pour le moment une autre qui nous importe davantage, c'est que l'amylase peut agir sur l'amidon cru. Il va sans dire que ce que M. Ling appelle amylase est le mélange d'amylase dissolvante et de dextrinase saccharifiante qui fait la valeur industi-ielle de l'orge germé. Il est probable qu'on pourrait en dire autant dans tous les autres cas, soit qu'il s'agisse de graines, de feuilles ou de tiges, et dès lors nous sommes autorisés à conclure qu'il n'y a pas à chercher, pour expliquer les migrations de l'amidon cru, en dehors des diaslases que nous connaissons, bien que ces diastases agissent faiblement entre nos mains sur l'amidon cru, et se montrent surtout actives quand on leur fournit l'ami- don gélatinisé et à l'état d'empois. 994. Influence du mode de gélatinisation. — En pour- suivant méthodiquement l'étude des causes qui peuvent in- fluencer l'action si délicate de la diastase sur l'amidon, nous en rencontrons une qui a été généralement considérée comme négligeable, mais dont lirown et Héron ont montré la puis- sance, celle du traitement de gélatinisation, qui peut à lui seul, et avec les mêmes quantités d'amidon et d'eau, donner des empois plus ou moins faciles à attaquer. Brown et Héron ont vu, en effet, que les plus légers change- ments dans la façon de purifier et de dessécher l'amidon modi- fient sensiblement la viscosité de l'empois. Si pour le purifier, 486 CHAPITRE XXVII on le lave à la [)otasse et à l'acide, l'empois est moins visqueux: que ptir les autres modes de traitement. L'amidon desséché doucement et à basse température donne un empois moins vis- queux, toutes choses égales d'ailleurs, que l'amidon desséché rapidement à chaud. Brown et Héron ont fait avec des quanti- tés égales d'amidon, à l'état sec^ des empois à 3 0/0 avec trois- amidons ainsi traités. Le n" 1 avait été desséché à 50" lors- qu'il était encore humide, et laissé ensuite 24 heures à 100". Le n" 2 avait été desséché dans le vide à la température ordinaire, et laissé ensuite 24 heures au bain d'air à 100". Le n" 3 avait été desséché dans le vide à une température ne dépassant pas 30". Les empois faits, on mesurait leur viscosité en cherchant le poids nécessaire pour entraîner au travers de chacun d'eux un petit disque de verre. Les nombres trouves ont été, en prenant pour terme de comparaison le premier de ces ami- dons : No 1 ■. 1,00 No 2 2,31 No 3 3,29 On voit que c'est l'amidon séché à la température ordinaire et non chauffé ensuite qui donne l'empois le plus dur, c'est-à- dire celui dans lequel la masse solide est la plus uniformé- ment répandue et la plus cohérente. Cela montre de quelles circonstances, inappréciables en apparence, dépend la fermeté du coagulum, et par suite sa résistance à la diastase liqué- fiante. A toutes les causes de différence que nous venons d'cnumé- rcr, il faut encore ajouter celles qui tiennent à ce que les empois sont, dès l'origine, plus ou moins alcalins, ainsi que nous l'avons vu. Si nous ajoutons maintenant que la saccharification de cet empois, pour bien marcher, doit être faite en présence d'une dose dacide très faible, très voisine par conséquent des doses d'alcali que l'empois contient éventuellement, on com- prendra toutes les contradictions qui ont pu se produire à pro- pos de l'absence de l'amylase ou de sa présence dans tels oa AMYLASE 487 tels liquides. Quand on en trouvait, c'est qu'il y en avait ; mais quand on n'en trouvait pas, il ne fallait pas conclure tout de suite qu'il n'y en avait pas. 295. Diastase salivaire. — Nous pouvons trouver de suite un exemple de ce fait dans l'étude de la diastase salivaire, au sujet de laquelle on a longtemps discute. De l'empois d'amidon légèrement acidulé par de l'acide cblorhydrique peut se saccha- rifier quand on y ajoute de la salive filtrée, et mise à l'abri de l'ingérence des microbes. Mais le même liquide peut ne plus rien donner si on augmente la quantité de salive. C'est que celle-ci est alcaline, et peut saturer l'acide quand elle est em- ployée en trop forte proportion. C'est ce qu'a montré M. Bour- quelot. Un empois normalement alcalin peut ne donner aucune saccbarification avec une salive qui aurait agi sur un empois^ plus acide. Si en outre on se sert de teinture d'iode, la cause d'erreur que nous avons signalée (3 88), intervient aussi, et en somme, cette étude, qui parait simple, est entourée de diffi- cultés expérimentales suffisantes pour expliquer toutes les con- tradictions rencontrées. En somme, il semble bien qu'il y ait toujours une diastase saccbarifiante dans la salive, mais en proportions variables, qui font douter de son origine phy- siologique, et les doutes que nous avons déjà exprimés sur ce point sont confirmés par ce fait, découvert par Smith, que la salive parotidienne du cheval, recueillie purement dans le canal de Sténon, ne contient pas plus d'amylase que la salive parotidienne humaine (288). 296. Action de la clialeur. — Nous savons que l'étude de l'action de la chaleur est triple ; il faut savoir comment se comportent vis-à-vis de cet agent : 1" la diastase seule ; 2' l'amidon seul ; 3" le mélange de diastase et d'amidon. Nous avons suffisamment étudié les deux derniers points dans les chapitres XXIV à XXVI, où nous avons étudié la saccbari- fication en général. Nous n'avons qu'un mot à ajouter au sujet de l'action de la chaleur sur la diastase elle-même, ou plutôt,. 488 CHAPITRE XXVII sur les liquides qui en contiennent. Voici ce qu'ont observé à ce sujet MM. Brown et Héron. Lorsque de l'extrait de malt est graduellement chauffé, il commence à se coaguler à 46". Si on maintient cette tempéra- ture, la coagulation atteint son maximum en lo ou 20 minutes, et cesse ensuite. Si on continue à chauffer, il apparaît une coa- gulation nouvelle qui atteint à son tour un maximum. Ce sont exactement les mômes phénomènes qu'on observe en chauf- fant une solution de sulfate de quinine ou de phosphate de chaux. A chaque coagulation partielle correspond un affaiblissement de la diastase, et, réciproquement, on n'observe jamais de mo- dification de la diastase qui ne s'accompagne d'une coagula- tion. A 80-81", point auquel toute action diastasique a disparu, la presque totalité de la matière alljuminoïde coagulable s'est précipitée. SQT. Action des acides, — C'est à Kjeldahl qu'on doit les premières recherches suivies sur l'influence de la dose et de la nature de l'acide sur la saccharifîcation. 11 s'est servi, pour cela, d'une liqueur d'essai préparée de la façon suivante : 250 gr. d'amidon sont transformés en empois et traités par 200 cent, cubes d'extrait de malt vers 7o° ; par conséquent k une température à laquelle l'amylase, la diastase liquéfiante, est seule active. La liquéfaction se fait rapidement. Après une digestion de 20 minutes, le liquide est bouilli pour détruire la diastase ajoutée, puis refroidi et étendu d'eau jusqu'à 4 ou 5 litres environ. On obtient ainsi une liqueur dans laquelle l'amidon a subi un commencement de saccharifîcation, et dont le pouvoir réducteur est voisin de 10. Pour la faire servir à étu- dier faction de la diastase dans différentes conditions, il suffira de tenir compte de ce qu'elle contient de matière sucrée ; l'ac- croissement de la quantité de sucre donnera la mesure de l'ac- tion de la diastase saccharifiante pendant la durée de l'expé- rience. Lorsque cette liqueur a été filtrée, elle est claire, et par conséquent d'un emploi plus commode que l'empois. AMYLASE 489 A 8 portions de 100 cent, cubes de la liqueur d'essai, Kjel- dahl ajoutait différentes quantités d'acide sulfurique normal au 1/40, et les traitait ensuite pendant 20 minutes, entre 57 et 59", par 0,75 cent, cube d'extrait de malt. Voici les accroissements du sucre dans ces 8 portions, mis en regard des proportions d'acide sulfurique (SO^), évaluées en milligrammes par litre. ProporUons Accroissement du sucre 0 0,44 10 0,47 20 0,49 25 0,48 30 0,43 33 0,27 40 0,13 60 0,02 100 0,01 On voit que la prop>ortion optima d'acide sulfurique est voi- sine de 20 milligr. par litre : au delà, l'action diminue très vite à mesure que la proportion d'acide augmente. D'autres acides inorganiques, les acides cblorhydrique, azo- tique, phosphorique, se conduisent comme l'acide sulfurique, avec cette différence toutefois que leur action est un peu plus faible. D'après Mayer, les acides organiques tels que les acides formique, acétique, lactique, butyrique et citrique ont une in- fluence encore plus faible, mais cependant de même ordre. Il est bien entendu que ces nombres ne sont pas des nombres absolus. Ils sont relatifs aux conditions du milieu un peu spécial dans lequel opérait Kjeldahl. Il ne faut donc pas s'étonner que d'autres savants aient trouvé d'autres nombres en agissant sur de l'empois. D'autres acides, comme l'acide borique, l'acide cyanby- drique, sont sans action sur la diastase. Il en est de môme pour l'acide sulfhydrique d'après Fermi et Pernossi ; pour l'acide carbonique d'après Baswitz. L'acide sulfureux, d'après llein- zelmann,se comporte comme les acides forts, accélère en faibles proportions, retarde ou annihile l'action en proportions plus grandes. L'acide salicylique, d'après Brown et Héron, se montre /.no CHAPITRE XXVII aussi ti'ès actif, à faillie dose, quand on lind'oduit dans un malt à saccharifior ou en voie de saccharifîcation. Voici qui donne une idée de ce qui se passe. On a fait un empois d'amidon à o 0/0, qu'on a additionné de 1/20 de son volume d'extrait de malt, et on a observé le temps t au bout duquel le liquide de- venait limpide, et le temps /' auquel avait disparu toute trace d'amidon soluble colorable en bleu par l'iode. En opérant com- parativement avec l'empois naturel et additionné de doses croissantes d'acide salicylique, exprimées en millionnièmes, ou en milligTammes par litre, on a trouvé les nombres sui- vants : Doses d'acide t V 0 3 min. 6 min. 1 3 » 6 » 10 3 » 7 » 20 3 » iO » 35 3 » 90 » 40 3 » 120 » 50 Pas d'action Pas d'action Il faut en conclure que la diastase liquéfiante n'est pas sen- sible à la présence de l'acide salicylique tant que celle-ci ne dépasse pas 50 milligr. par litre, mais qu'à ce niveau-là la liquéfaction est arrêtée et par suite tous les phénomènes ulté- rieurs. La disparition de l'amidon soluble est, au contraire, d'autant plus lente que la quantité d'acide salicylique est plus grande. 998. Action des bases. — 11 suffît de bien peu d'alcali pour arrêter l'action de la diastase. D'après Duggan, elle est réduite à 26 0/0 de ce qu'elle est en milieu neutre quand on ajoute 20 milligr. par litre d'hydrate de soude. Les carbonates, alcalins sont aussi des paralysants, mais nioins actifs. Le carbo- nate de soude ne commence à agir qu'à la dose de 500 milligr. par litre. Quant aux bicarbonates, ils sont inactifs. Ceci nous rappelle ce que nous avons vu au sujet de l'acide carbo- nique. AMYLASE 49t 399. -A-ction des sels. — Les sels acides ou alcalins so comporteront évidemment à la façon des acides et des alcalis. Quant aux sels neutres, nous pouvons nous attendre à trouver leur action assez variable suivant leur nature et leur proportion. C'est surtout Kjeldahl qui a étudié leur influence, par la mé- thode que nous avons signalée plus haut. Il comparait Taug- mentation du sucre dans la liqueur additionnée de sel, à celle qui se produisait pendant le môme temps à la môme tempéra- ture, dans la môme liqueur non additionnée, et prenait le rap- port des deux augmentations. Ce rapport aurait été ce qufr nous avons appelé jusqu'ici le rapport H, si les augmentations^ avaient été toutes deux mesurées au début de l'action, à un moment où elles n'avaient pas encore dépassé 10 à 15 0/0 du sucre possible. La saccharification ayant été poussée plus loin les rapports ne sont qu'approximatifs : avec 5 gr. par litre crarséniate de soude R = 0,20 5 » de sel marin 0,90 1 » azolate de plomb 0.20 1 » sulfate de zinc 0,20 1 » sulfate de protoxyde de fer 0,20 Liquide saturé de sulfate de chaux 0,.S8 J'avais trouvé de mon côté que 1 0/0 de chlorin>e de calcium diminue de moitié l'activité de la diastase, et que le bichlorure de mercure à 1/1000 la rend très faible. D'après Kjeldahl^ l'alcool, à la dose de 9,3 0/0, la réduirait aussi à moitié. A côté de ces sels paralysants aux doses indiquées, EfTront en a placé d'autres, activant l'action de la diastase. Leur ac- tion a été étudiée de deux façons : 1" On a laissé la diastase au contact du sel avant de la faire agir sur l'empois ; 2" on a ajouté le sel au mélange de diastase et d'empois. Dans les deux cas- on a comparé les quantités de sucre formées pendant le môme temps. Les deux méthodes donnent le môme résultat pour l'aspara- gine, le phosphate d'ammonium, l'acétate d'aluminium. Ce- sont des accélérateurs Avec le phosphate de calcium et l'alun, il y a des différences suivant la méthode employée. Il entre 492 CIIAP1TRI-: XXVII évidemment eu jeu, dans ces essais, nue (|ae:3tion de précipita- tion qui les rend très contiug'ents. Quoi qu'il en soit, voici les résultats curieux de quel(]ues essais faits avec de la diastase agissant sur de l'empois additionné de doses variables de divers sels. Maltose p 100 d'amidon Sans rien 8,63 avec 7 gr. par litre de POMPAzH' 51,62 5' » (VO'-)HVCii 46,12 2,5 » alun ammoniacal 56,30 2,5 » alun (le potassium 5i,32 2,3 » acctale d'aUiminiuiii 62, 40 0,2 » asj)aragine 37,00 0,3 » )) 61,20 Les différences considérables qui existent entre le cbiffre ini- iial et les cbitfres suivants tiennent peut-être à ce qu'il est in- tervenu dans ces essais des variations d'acidité, amenant des effets dans lesquels l'influence de l'acide et celle du sel restent confondues. Ebstein, Scbuitze et Liutner ont observé que les pliosphates, sulfates et nitrates des alcalis et terres alcalines, c'e môme que les aluns, favorisent l'action de la diastase lorsqu'ils sont en faibles proportions, et la gônent ou rempêclient en proportions plus fortes. Ici encore, tant d'influences se superposent, celle du sel, celle de l'acide ou de la base, celle de la coagulation éventuelle, que les résultats bruts sont presque sans signi- fication. D'après Wassilieff, l'alcool, l'élber, le chloroforme, l'iodure de méthyle, le sulfure de carbone, le benzol, le phénol, le terpène, la strychnine, la morphine se montrent indifférents à de faibles doses. La formaldéhyde est au contraire très active, d'après Low et Poitevin. 300. Chaleur de transformation de l'amidon en mal- tose. — J'arrive en terminant à une question très intéres- sante, que je n'ai pu traiter dans la partie de ce livre réservée CHAPITRE XXVIII SUCRASE La sucrase nous a si souvent servi d'exemple dans la pre- mière partie de ce livre que nous pourrions considérer sou histoire particulière comme écrite. Mais il est néanmoins utile de lui consacrer, comme aux autres, un chapitre à part, dans lequel entreront tout naturellement des faits qui n'ont pu trouver place ailleurs. 301. Sucrases microbiennes. — Comme nous l'avons vu, c'est dans une levure que Dôhereiner et Mitscherlich ont rencontré pour la première fois une matière soluhle dans l'eau et capable d'intervertir le saccharose. Berthelot nous a appris en 1860 à précipiter cette diastase au moyen de l'alcool, et on a cru que toutes les levures en contenaient, et que c'était là la condition indispensable de la fermentation alcoolique du saccharose, jusqu'au jour où Roux découvrit une levure non inversive, c'est-à-dire faisant fermenter le sucre de cannes sans que le liquide présentât la moindre- trace d'interversion. Le monilia canditia est aussi dans ce cas, et en l'étudiant, on s'est aperçu que s'il ne laisse pas exsuder sa sucrase dans le liquide ambiant, il n'en contient pas moins à l'intérieur de son protoplasma. Il suffit de broyer les cellules pour qu'elle entre en solution. On a vu depuis (119) que beaucoup de levures se comportaient de même, c'est-à-dire qu'elles ne laissaient pas exsuder de sucrase. et que pourtant il y avait du sucre interverti dans le liquide qu'elles faisaient fermen- ter. Chez elles, l'interversion se fait encore dans le proto- plasma, et non à l'extérieur ; mais le sucre interverti, une SUCRASE 49D fois produit à l'intérieur de la cellule, peut se difTuser à l'ex- térieur, soit que la paroi soit pour lui plus perméable que celle du monilia candida, soit que la production l'emporte sur la consommation. On voit en résumé qu'une foule de cas sont possibles sui- vant que la sucrase et le sucre interverti sont produits en plus ou moins grande quantité^ plus ou moins ditfusibles. Nous sommes autorisés à croire cependant que toutes les levures qui font fermenter alcooliquement le saccharose com- mencent par le dédoubler, intérieurement ou extérieurement, en dextrose et lévulose ou, suivant la nomenclature de Fischer, en l'Aglycose et ^/-fructose. Comme contre-partie de cette notion, nous trouvons des levures ne produisant pas de sucrase, et incapables de faire fermenter le sucre de cannes. Ainsi le Saccharomyces apicu- latus Reess, le S. memhranœfac'iens Hansen, le S. octosporus Beyerinck. Le monde des moisissures présente des exemples tout pa- reils. Parmi celles qui produisent de la sucrase on peut citei : YAspergillus niger, Yan Tieghem, le Pénicillium glaucum, Link, le Pénicillium Duclau.rii Delacroix, le Mucor racemosus. D'autres moisissures ne sécrètent pas de sucrase : Mucor inu- cedo^ circinelloïdes, spinosus^ Van Tieghem, erectus Bainier, slolonifer. De Bary a trouvé de la sucrase chez une Pezize, le Sclero- tinia sclerotiorum Libert. Il n'en existe pas dans le suc du Pohjporus sulfureus Bulliard. 303. Sucrases végétales. — Le sucre de cannes étant un aliment de réserve chez la plupart des plantes qui le pro- duisent, ne peut gu«Nre coexister dans les cellules avec une sucrase qui le transformerait. Dans la betterave ce sucre doit être utilisé au moment de la floraison et de la fructification. C'est à ce moment-là qu'apparaît la sucrase, dont la produc- tion ne semble pas, jusqu'ici, avoir une localisation spéciale, et qui parait se produire dans toutes les cellules du tissu. ;;oo ciiapithp: xxviii C'est à ce moment aussi, et non avant, qu(^ ces cellules pri- vées cVoxygène peuvent faire fermenter alcooliquement le su- cre dont elles sont gorgées, comme l'ont montré les expé- riences de Pasteur. L'expérience ne réussit pas avec une betterave en état de repos parfait, avant qu'il n'y ait de la sucrase dans les cellules. Le sucre étant un aliment très répandu, la sucrasc doit être très fréquente dans les plantes : elle n'a pourtant été signa- lée que rarement. Kossmann l'a rencontrée dans les bour- geons et les feuilles, Bécliamp dans les fleurs des Robinia- •pst'udoacaclu. Van Tiegliem dans le pollen de (juclcjnes plan- tes, Kjeldabl dans l'embryon de l'orge germé. 303. Sucrases animales. — Le sucre de canne n'est pas non plus directement assimilable par les animaux. Injecté dans les veines ou dans les artères, il passe presque intégra- lement dans les sécrétions. Il est au contraire assimilé ou brûlé s'il arrive par l'une cjuelconque des extrémités du ca- nal digestif. Le curieux est que, d'aucun côté, la diastase qu'il rencontre et qui le transforme n'est normale. La salive de clieval, recueillie par Harald Goldsmith au moyen d'une canule stérilisée, introduite dans le canal de Sténon, et reçue dans un vase stérile, ne contient ni amylase, ni sucrase. Il semble en être de même, au moins en ce qui concerne la sucrase, pour la salive de l'bomme, d'après Bourquelot. De la salive fraicbe provenant d'un individu dont la bouche est saine, filtrée au travers de la terre poreuse, peut rester indé- finiment en présence d'une solution de sucre de cannes stérilisée sans y amener d'interversion. La seule cause d'er- reur dans ces expériences est le fdtrc poreux qui peut avoir retenu la diastase. Mais l'origine microbienne tant de la su- crase que de l'amylase de la salive n'en semble pas moins certaine. La cjuestion se résout de la même façon pour la sucrase du canal digestif, toujours peuplé de microbes, parmi lesquels il y a toujours des ferments de sucre, actifs producteurs de su- SUCRAS i-: :ioi crase. Il suffit de laisser quelques instants une solution de sucre candi dans une anse d'intestin serrée entre deux ligatures pour qu'elle devienne capable de réduire la liqueur de Feh- liug. Il semble que ce soient seulement les microbes qni in- terviennent avec leurs diastases, ou celles dont ils ont fini par imprégner les leucocytes ou la muqueuse du canal diges- tif. On a relevé la présence de ces sucrases en quelque sorte exogènes dans l'intestin du chien, du lapin, des oiseaux, des poissons, des grenouilles, d'un grand nombre d'insectes. Bour- quelot n'eu a pourtant pas trouvé dans le tube digestif des mollusques céphalopodes. Il n'en a pas non plus trouvé dans le liquide sécrété par le foie de ces animaux. Dastre n'en a signalé aussi que dune faeon très douteuse, dans le foie des vertébrés. La sucrase physiologique, c'est-à-dire sécrétée dune façon normale par les cellules et les tissus des animaux, semble donc être une substance très peu répandue^ beaucoup moins que les autres diastases digestives. 304. Préparation de la sucrase. — Force est donc de s'adresser, quand on veut en avoir, soit aux mucédinées, soit aux levures. C'est à ces dernières qu'on a eu recours juqu'ici, et on peut se servir des méthodes générales que nous avons indiquées. Barth recommande de bien épuiser par l'eau de la levure, soigneusement desséchée au préalable et délayée ensuite avec de l'eau à 40°. On précipite par l'alcool, on redissout dans leau et on recommence à plusieurs reprises le même traitement. On lave une dernière fois, à cinq ou six reprises, avec l'alcool absolu, et on sèche dans le vide. Il est probable que ce long contact avec lalcool est plus préjudi- ciable qu'utile. Amthor introduit dans cette préparation la pratique de pul- vériser, en la broyant avec de la poudre de verre, la levure sèche dont on se sert, de façon à lacérer les parois cellulaires ; on peut alors réduire le volume d'eau employée à l'extraction, et obtenir une solution de sucrase plus active. S02 CHAPITRE XXVIII O'Sullivaii et Tompson emploient une autre méthode pour rendre les parois cellulaires plus perméables à la diastase intérieure. Ils laissent la levure se macérer et se digérer elle- même pendant un ou deux mois à la température ordinaire. Lorsquelle est assez pure au début, elle peut supporter ces conditions d'existence sans se putréfier. Elle se liquéfie : il s'en sépare un liquide épais et transparent qui la surnage, et à la surface duquel peut parfois se développer une couche légère de bactéries. L'acide acétique qui se forme, ainsi que je l'ai montré, dans ces conditions d'autodigestion, lui sert de protection contre les ferments des matières albuminoïdes, et le liquide exsudé par la levure contient de plus en plus de sucra se. Il contient malheureusement aussi une forte proportion des matières contenues à l'origine dans le protoplasma des cel- lules. Dans une expérience, le résidu épuisé ne formait que 23 0/0, à l'état sec, du total du poids sec contenu dans la levure initiale. Plus des 3/4 de la matière solide de cette le- vure étaient donc passés en solution, c'est dire que la dias- tase, qui s'est dissoute aussi, n'est pas seule dans le liquide. On ajoute de l'alcool jusqu'au moment où le titre est devenu de 47 0/0. Dans l'expérience dont j'ai parlé, 56,5 0/0 du poids de la levure initiale sont restés en solution dans cet alcool étendu, ce qui prouve à quel degré avait été poussée l'autodigestion de la levure. Dans ce licpiide^ il ne reste pas de sucrase, et elle est toute cencentrée dans le précipité, qu'on recueille sur un filtre et qu'on lave à plusieurs reprises avec de l'alcool à 47 0/0. En le redissolvant dans l'eau, on trouve qu'une partie reste insoluble ; c'est ce que O'Sullivaii et Tompson appellent matière albuminoïde de la levure. Elle contient environ 15 0/0 d'azote ; mais elle ne retient pas de sucrase, qui passe tout entière en solution. Le liquide obtenu contient, déduction faite des cendres, une quantité de ma- tière soluble représentant environ 5,8 0/0 du poids sec de la levure initiale. On peut donc affirmer, par ce qu'on sait par ailleurs, que la sucrase qui y est contenue est très loin d'être SUCRASE 503 pure : et cette remarque suffit pour ruiner toutes les con- «équcnces théoriques tirées de l'étude expérimentale de ce liquide. O'Sullivan et Tompson, en le soumettant à des essais variés, y ont trouvé une série de produits de décomposition qu'ils n'ont aucun droit de rattacher à la sucrase, et qui proviennent des matières hydrocarhonés ou gommeuses, ap- partenant probablement à la série du pentane, qui sont restées •en solution en même temps que la sucrase. La méthode compliquée de OSullivan et Tompson, si elle fournit des sucrases très actives, les fournit donc aussi très impures. Quand on veut les avoir à un état de pureté beau- coup plus grand, il faut recourir au procédé que j"ai indiqué ■en 1883. On prend pour source de sucrase, une culture cVas- pergilliis niger sur du liquide Raulin. Quand cette mucédinée a poussé en couche épaisse et qu'elle a épuisé le sucre de la liqueur, on fait écouler celle-ci, ou on la siphonne, et on la remplace par de l'eau, dans laquelle le mycélium de la plante se macère. 11 finit par devenir, au bout de 24 ou 48 heures, mou et fragile. Les expériences de Fernbach (S30) nous ont renseigné sur ce qui se passe dans ces conditions. 11 suffit de jeter le liquide sur un filtre pour avoir une liqueur très pauvre en matière minérale et organique, incolore, et pour- tant très riche en sucrase. Cette sucrase est, il est vrai, mé- langée à une foule d'autres diastases, mais elle est seule à pou- voir agir sur le saccharose, et par là est facile à différencier et à étudier. 305. Lois de l'action. — Les lois de l'action de cette «ucrase ont été suffisamment développées dans la première partie de ce livre pour qu'il soit nécessaire d'y revenir. On trouvera à la p. 134 l'étude de l'action diastasique, à la p. 165 celle de l'influence de la température, au chapitre XIV, l'étude de l'influence des sels paralysants ou accéléra- -teurs. 4306. Clialeur de transformation du saccliarose en 50 i CIIAPITRK XXVIII sucre interverti. — MM. IJrown et Pickering ont fait poin- te saccharose la tlétermiiiatiou directe de la chaleuf d'hy- drolysation, par la méthode qui leui- avait déjà servi an sujet de l'amidon (300). Leur sucrase élail empruntée à de la levure de bière, qu'on desséchait à basse température sur des briques poreuses et qu'on broyait ensuite avec de l'eau qu'on filtrait juscju'à ce qu'elle fût dune transparence par- faite. Quand l'action a été poussée assez loin dans le calori- mètre, on ajoute un peu d'ammoniaque pour l'arrêter, et on mesure ce qu'elle a fourni de sucre hydrolyse. Deux expériences concordantes ont fourni le chiffre de 11,21 petites calories par gramme de sucre interverti, c'est un chiffre environ 5 fois plus grand que pour l'amidon. Il correspond à 3.834 calories par gramme-molécule de saccha- rose. Une solution à 10 0/0 de ce corps subirait, pendant le temps de l'action, s'il n'y avait pas de pertes de chaleur, une élévation de température de 1°,!. Il y aurait une ])etite correction à faire à ce chiffre, tenant à ce que le dextrose et le lévulose formés dans la réaction ne sont pas lihérés sous la forme stable qui correspond à leur pouvoir rotatoire normal, mais sous la forme instable que traduit leur multi-rotation. Le dextrose arrive à cet état stable en dégageant de la chaleur, le lévulose en absorbe au contraire. En tenant compte de tout, on trouve le chiffre de 13,34 pour la chaleur de conversion dans les formes instables qui sont celles de la fin de l'hydrolysation, c'est à-dire pour la chaleur d'inversion du saccharose. L'élévation de tempé- rature d'une solution à 10 0/0 de saccharose serait donc de 1,3 dans les conditions théoriques que nous supposions plus haut, et des mesures plus précises que celles (|ui ont été faites jusqu'ici trouveraient peut-être trace, dans la forme de la courbe d'hydrolysation, de ce développement de chaleur. Dans l'espèce, il est négligeable, la plupart des mesures sur lesquelles nous nous sommes appuyés pour établir les lois, ayant été faites à la température du maximum d'action. SUCRA SE 505 BIBLIOGRAPHIE KOSSMANX. Complet rendus, LXXXI, 187->, p. 40G. BécHâmp. Mém. Acad. sciences, XXVIII, 1884, p. 347. Vax Tikghem. Bull. Soc. bot. de France, XX XIII, 188fi, p. 216. KjeldahL. Comp. rend, des travaux du lab. de Carlsbenj, I, p. 194 du résumé français. U. Gayox. Comptes rendus, LXXXVI, 1878, p. 5?. BOURQUELOT et Graziani. Bullct. de la Soc. mijc. de France, YIII, 1802, p. 147. De Bary. Bol. Zeit., 1886, n°» 2:i-'-i7. Harald Goldschmidt. Zeitschr. /'. plnis. Chemie, t. X, 1886, p. 273. BoURQUELOT. Soc. de Bio/ofjie, 188.'), p. 73. Dastre. Archiv. de Physiol., 18S8, p. 69. BoURQUELOT. Comptes rendus, t. XCV, p. 1174, 1882. BarTH. Ber. d. d. chem. Gesells, t. Xi, p. 474. AMTHOR. Zeitschr. f. antjew. Chemie, 1892, p. 319. O'SULLIVAX et TOMPSOX. Journal of rhem. Soc, 1820, p. 834. DucLAUx. Chimie biologique, Paris 1883, p. 161. Browx et PiOKERiNG. Joum. of the chem. Soc, p. 783, 1897. CHAPITRE XXIX MALTASE, TRÉHALASE ET LACTASE Je réunis dans ce chapitre l'étude de trois diastases encore mal connues, la nialtase, le tréhalase et la lactase, dont la première dédouble le maltose et la seconde le tréhalose. Ces deux sucres sont des bioses, isomères du sucre de canne. Seu- lement, au lieu de donner en se dédoublant du dextrose et du lévulose, ils donnent du dextrose seulement. Le pouvoir ro- tatoire reste donc de même sens pendant l'interversion, et tombe de a^ = 138", pour le maltose et a^ = 198" pour le tréhalose, au chiffre de 52"4 pour le dextrose. Quant à la lactase, elle dédoulîle le lactose en dextrose et galactose. Le pouvoir rotatoire du dextrose est le même que celui du lactose, mais celui du galactose (80", 7) est beaucoup plus grand. La rotation d'une solution de lactose soumise à l'action de la lactase augmente donc beaucoup. 307. Maltase. — Dès qu'à la suite des travaux d'O'Sulli- van, il a été bien démontré que l'extrait de malt ne donnait avec l'amidon liquéfié que de la dextrine et du maltose, et que ce dernier sucre a été bien différencié du glucose, l'ex- périence a montré qu'on n'en trouvait pas toujours, et que quelquefois, la transformation de l'amidon aboutissait à du dextrose. Cuisinier a observé le premier cjue des extraits aqueux, faits à 35" avec du maïs ou de l'orge non germé, ne dissolvaient pas toujours l'amidon, mais transformaient en. dextrose tout ce qu'ils en retiraient. Il distinguait donc deux diastases, l'une qui dissolvait l'amidon gélatinisé, et en faisait du maltose et de la dextrine, et une autre, qu'il avait appelée glucase, et qui aboutissait uniquement au glucose ou dex- MALTASE, TREIIALASE ET LACTASE 507 trose. Nous avons vu (387) que cette seconde diastase est même très réj)andue dans le monde végétal. On Ta aussi rencontrée chez les animaux. Brown et Héron ont constaté sa présence en 1886 dans le suc pancréatique et l'intestin grêle du porc. IMering-, eu 1881. dans le pancréas du chien, lîourquelot, en 1883, dans le pancréas et l'intestin grêle (lu lapin en digestion. C'est la sécrétion de la région, moyenne de rintestin grêle qui eu contient le plus. En 1889, Dubourg a montré que le sang et l'urine contiennent aussi une diastase amenant au terme dextrose l'hydrolysation de l'amidon, et le fait a été confirmé depuis. Béchamp avait, avant lui, signalé la présence d'une diastase à laquelle il donnait pour origine le rein, et qui semble identique non à la dextrinase, mais à la maltase. Dubourg a vu qu'elle n'est pas sécrétée par le rein, car il y en a toujours plus dans une faible quantité d'urine que dans un rein entier. De plus si on soumet un lapin à un régime herbacé pendant une pé- riode assez longue, la maltase persiste dans l'urine et dispa- rait dans le rein. Comme il y en a dans le sang, on peut penser que c'est de là qu'elle dérive, et que le rein est son émonctoire. Du moment qu'elle est dans le sang, on a le droit de chercher si par hasard elle ne proviendrait pas du foie, où d'après Dastre, il se fait un sucre réducteur qui pourrait être dû à la maltase de l'organe. Il peut se faire aussi qu'elle y soit apportée toute faite par le sang. On peut se faire une idée sur ce point, en cherchant si la quantité de maltase sécrétée par jour varie avec l'alimentation, chez un animal maintenu en bonne santé, ou si elle reste invariable. Dans ce dernier cas, on pourra admettre qu'elle provient d'une sécrétion. Dans le premier, il deviendra plus probable qu'elle vient de l'intestin et de la masse alimentaire. Or, c'est ce dernier cas qui se réalise. La présence de la maltase semble liée au régime amylacé. Les carnivores et les herbivores n'en éliminent que très peu dans leur régime ordinaire, tandis qu'ils en donnent beaucoup quand ils man- Régime amj ■lacé R( pgitne herbacé I.Oo gr. 0,62 i ,;!-2 1,93 traces id. l.lo 0,37 :i08 ciiAPiTiih: XXIX geiit des féculents. Voici les quantités de dextrose qu'on trouve après avoir laissé 24 heures, à 50°, des poids égaux de sang-, de foie, d'urine, et le rein entier d'un lapin soumis au régime amylacé et au régime herbacé. 10 ce. de sang 10 gr. de foie. Rein entier. . . 10 ce. urine. . Le changement dans l'alimentation diminue donc à la fois, et notablement, la maltase du sang, du foie, du rein et de l'urine. En se rappelant alors que la maltase existe aussi dans le pancréas et l'intestin, on peut conclnrc à son origine alimentaire. C.ette conclusion a de l'importance, car elle explique peut-être la nature du sucre du diabète, où Du- bourg a toujours trouvé du glucose, jamais du maltose. Enfin, il y en a aussi dans le monde des microbes. Bourquelot en a découvert dans VAspergillm uir/er et le PcnkUUum glau- cum. Lintner avait observé en 1802 que de l'extrait de levure de Inère pouvait transformer le maltose en dextrose, et E. Fis- cher avait confirmé cette observation. Ceci prouvait qu'il y avait dans cet extrait une diastase différente de la sucrase^ voisine de la glucase de Cuisinier. Une étude plus soigneuse a montré que ces deux diastases, la sucrase et la maltase, ne sont pas constamment mélangées dans toutes les levures. C'est ainsi que Bcyerinck ayant mon- tré qu'une levure par lui découverte, le Schizosacrharoniyces octosporus^ faisait fermenter le maltose, mais non le sucre de cannes, Fischer et Lindner ont trouvé qu'une macération de cette plante broyée n'avait aucune action inversive sur le sucre, tandis qu'elle transformait très rapidement le maltose, tant en la présence qu'en l'absence du chloroforme. Elle ])o\\- vait aussi dédoubler dans les mêmes conditions le a-méthyl- glucoside dont nous avons parlé (98). Au contraire le Sac- charomycps marxianus^ qui, d'après llansen, fait fermenter MALTASK, TREIIALASE ET LACTASE o()!> le saccharose, mais non le inaltose, ne contient pas de maltasc et ne dédouble ni le maltose ni le a-méthylglucoside. 308. Préparation de la maltase. — Malheureusement le sacc/i. ûc/ospo/-t/s. qui pourrait fournir la maltase la plus pure, est très difficile à cultiver. Il croit très lentement dans le moût de bière. 11 faut donc emprnnter la maltase à des sources plus impures, et on ne l'en a pas encore isolée. Quand on veut l'étudier, il faut choisir le maïs, qui, d'après Cuisinier et Gedald, en contient plus que d'amylase et de dextrinase. D'après Morris, cette maltase est même la dias- tase spécifique du maïs, et elle n'existe pas, ou il n'y en a (]ue des traces dans les autres semences farineuses. llohmann conseille le sérum sanguin comme agent diasta- sique pour la préparation du glucose au moyen de l'amidon. Lintner et Krober préfèrent prendre une simple macération de levure et la faire agir sur une solution de maltose. Quel que soit le mélange de diastases de la levure, il n'y a que la maltase qui agit. Dans le mode d'interprétation adopté tout le long de ce livre, la maltase est pour nous l'agent d'hydrolysation et de dédoublement du maltose, et quand nous voyons, comme dans les expériences de Dubourg, la diastase du sang et de l'urine dissoudre l'amidon à l'état d'empois, même l'amidon à l'état cru, et s'attaquer aux dextrines, nous devons croire qu'elle est mélangée d'amylase et de dextrinase. Cette in- terprétation est du reste plus conforme aux faits que celle que Dubourg a adoptée, et qui revient à croire une même diastase capable d'amener l'amidon au terme glucose. On voit, en effet, dans cette hypothèse, cette diastase s'arrêter longue- ment au terme maltose qui est assez rapidement atteint, et ne passer ensuite que péniblement au terme dextrose. Cette station à mi-chemin serait un exemple unique parmi les diastases. Au contraire, s'il y a mélange d'une amylase, d'une dextrinase et d'une maltase, dans lequel les deux premières prédominent, les phénomènes s'expliquent très facilement. Xous allons 510 CHAPlTRr: XXIX voir cette iiiômc iiitei-prétation expliquer facilement des faits sur lestjuels on avait voulu établir des différences entre lesv diverses maltases. 309. Influence des quantités de maltase. — Montrons d'abord que la maltase, ainsi que nous venons de la définir, se comporte comme les autres diastases, et pour cela faisons- la agir sur du maltose. MM. Lintner et Krober ont mélangé, à 100 ce. d'une solution contenant 5 gr. 352 de maltose, 0,5 gr.,. 1, 2, et 4 gr. de poudre de levure. Ils ont trouvé, pour les quantités de dextrose produites au bout de 2 beures à 40% les chiffres suivants : Avec 0 gr. 5 de levure 1,634 de dextrose soit 30 0/0 1 gr. » 3,0 i8 » S.0 0/0 2 » 3,9 iO » 71 0/0 4 » 4,78 't » 87 0/0 La courbe qui passe par ces quatre points se confond presque avec une ligne droite sur presque la moitié de son parcours, c'est-à-dire que tant que la proportion de maltose transformé ne dépasse pas 50 0/0, la quantité de dextrose produite est proportionnelle aux quantités de diastase. On trouve aussi qu'elle est à peu près proportionnelle au temps. Nous pourrions emprunter un exemple analogue à Dubourg^ mais comme en faisant agir ce qu'il appelle l'amylase de lu- rine sur l'empois d'amidon, ce savant s'est arrêté au terme maltose, c'est en somme la dextrinase dont il a étudié l'ac- tion et non la maltase. 310. Influence de la température. — Lintner et Krober ont étudié l'action de la température sur la maltase de la levure en mettant, à 10, 20, 30, 40 et 50'\ une solution à 5 0/0 de maltose en contact avec un extrait de levure obtenu en laissant digérer pendant 15 heures, 15 grammes de levure dans 300 ce. d'eau. On ajoutait 20 ce. de l'extrait filtré à 150 ce. de la solution de maltose, et on cherchait, soit par la diminution du pouvoir rotatoire, soit par l'augmentation MALTASE, TRÉHALASE ET LACTASE 511 (lu pouvoir réducteur, soit par le poids de dextrosazone for- mée, le total de Faction à ces diverses températures. Ils ont trouvé pour la proportion de dextrose dans 100 ce. de la liqueur, les chifTres suivants : à 10» 30» 400 50o 0,G00 i.ou.-î 1,475 d,8i2o 0,373 Il y a donc un maximum d'action entre 40 et 50", plus voisin sans doute de 40°, si on se rapporte à la forme de la courbe. Une autre expérience a en ell'et montré qu'à 45% l'action était déjà plus faible qu'à 40'\ La courbe ci-jointe (fig-. 26) construite comme les courbes analogues, c'est-à-dire en supposant l'action maximum re- io iO iO Jtû 50 60 ^ Fie. 26 présentée par 100, montre une grande régularité d'allures et une forme analog-ue à celles que nous connaissons déjà. La chute au-delà de la température optima est plus brusque qu'ailleurs, mais ceci s'accorde bien avec ce qu'on sait de la fragilité de la maltase. La courbe qui résume les résultats obtenus par Dubourg- dans son étude sur l'amylase de ol2 CHA1MT1{K XXIX Furiiie est })lus irrégulièi'c avant le maximum, et de plus ce maximum est très dillerent de celui de la coui'he de Lintiier et Kro])er. D'après Geduld, la maltase du maïs a un o[)(imum d'action encore plus éloigné que celle de l'urine, et placé entre 57 et (30°. De ces différences on a voulu conclure à des différences entre les mallases. Nous avons fourni (S80) contre cette conclusion deux ordres d'arguments. Nous sa- vons d'abord, en g-énéral, que la température optima d'une diastase quelconque ne dépend pas que d'elle, et est large- ment influencée par la nature et la composition du liquide qui la tient en dissolution. Puis nous pouvons remarquer, en en- trant dans le détail, que Dubourg- qui, comme nous l'avons vu, s'arrêtait au terme maltose, comme le plus rapidement atteint, pour juger l'action de sa diastase, n'étudiait en réalité pas l'action de la maltase, mais celle de la dextrinase qui y était mélangée, dans notre interprétation, et qui a précisément son maximum d'action à un niveau plus élevé (jue la maltase. 311. Influence des matières présentes au moment de laction. — Cette question a été longuement étudiée par Dubourg-, mais on ne sait quelle confiance il faut accorder à ses déterminations, pour les raisons que nous venons de dire, car, s'il a eu recours à des dosages de maltose pour évaluer les progrès de l'action, c'est en somme à la dextri- nase que se rapportent les résultats qu'il a trouvés. Malgré l'incertitude au sujet de la diastase à laquelle ils s'appliquent, nous allons donner ces résultats. Dubourg a rangé en tableaux les sels qui sont sans action, ceux qui retardent l'hydrolyse à la dose de 1/100, et ceux qui à cette dose arrêtent le phénomène. Pour ceux qui se contentent de le retarder, il a indiqué un chiffre représentant la quantité de sucre formé, rapportée à celle que donnait un matras témoin placé dans les mêmes conditions, sauf l'absence de l'antiseptique. Ces rapports sont tous plus petits que l'unité, et ne doivent pas être confon- dus avec ceux qui nous ont déjà servi à évaluer l'action des MALTASE, TJIKIIALASK KT LACTASE 513 antiseptiques. Ces derniers étaient les rapports des temps nécessaires pour produire une même quantité d'action. Les données fournies par Dubourg- ne sont pas suffisantes pour qu'on puisse faire la traduction de son système de numéra- tion dans le nôtre. Il faut donc prendre ses chiffres tels quels. 319. Action des acides et des bases. — DubouiÇ' a vu tous les acides minéraux et organiques, à Texceptiou de l'acide arséniéux et de l'acide borique, entraver complètement Faction de la diastase à la dose de 1/1000. Sur ce point_, il est d'accord avec Bourquelot qui a vu que, à des doses dé- passant 2/10000, l'acide sulfurique paralysait la diastase ; mais à des doses inférieures, 20 à iO milligrammes par litre, il la favorisait au contraire. Les alcalis ont donné le môme résultat que les acides à la dose de 1 1000. Peut-être qu'en cherchant de plus près de ce côté, on aurait vu des maximums intermédiaires dans l'ac- tion. De l'ensemble on peut conclure que ce sont les liquides neutres faiblement acides qui conviennent le mieux à la diastase, quelle qu'elle soit, étudiée par M. Dubourg. 313. Action des sels. — Voici d'abord la liste des sels cpii, à la dose de 1/100, n'ont pas modifié la marche du phé- nomène : puis viennent ceux qui l'ont retardée à la même dose, chacun avec le chiffre qui donne le rapport entre la quantité de sucre produite dans les mêmes conditions en présence de l'antiseptique et en son absence. SELS QUI N ONT PAS Chlorure de sodium. Chlorure de calcium. Chlorure de potassium. Chlorliydrate d'ammoniaque. Sulfate de soude. Sul'ale de magnésie. Sulfate ferrique. Sull'ale d'ammoniaque. Ilyposulfite de soude, lodure de potassium. d'action a d/lOOe. Émétique. Lactate de chaux. Phosphate de soude. Phosphate de potasse. Phosphate d'ammoniaque, ïartrate de soude. Tarlrale de potasse. Tartrate d'ammoniaque. Sel de Seienette. 33 X)14 CIIAPITUE XXIX SKLS nl'I HKT\H Oxalale (l'amiiioiiiaque 0,70 Oxalate de palasse 0.70 Nitrale de potasse O.JiB Acétate de potasse 0,47 Chlorate de potasse 0,81 IJorate de soude 0,61 liiiodure de mercure 0, iH Bisulfite de soude 0,18 -K.NT A i/100'. Sulfile de soude . 0,8.> liicarhonate de soude. . 0,81 Carbonate de soude. . . . 0,03 Carbonate de potasse . 0 Oo Carbonate d'ammoniar uc . 0,17 Salicylate de soude . . . . 0,08 Salicylate d'amnioniaq 10 ... . . 0,13 SELS Ql'l RETARDENT COMPLÈTEMENT A 1/100'' Sulfate de zinc. Acétate de zinc. Chlorure de zinc. Sulfate ferreux. Sulfate de cuivre. Acétate de plomb. Sous-acélate de plomb. Crème de tartre soluble. Les trois aluns. Acétate mercureux. Oxalate acide de potasse, 314. Action des alcaloïdes. — Les alcaloïdes ont été employés à la dose de l/IOOO^ AI.CALOiriES SANS ACTION RLTARDATRICE A l/lOOOo. Thébaine. I Caféine. j Digitaline. Papavérine. 3Iorphine. A'ératrine. Caféine. Xarcoline. Santonme. Cubébine. Nicotine. Les alcaloïdes suivants retardent, mais faiblement Cinclionine. Codéine. . . . Aconitine . . Picroloxine. 0,84 0.69 0,78 0.47 Sulfate de quinine 0,83 Atropine 0,79 Strychnine 0,82 Tous ces composés ont été introduits en solutions alcoo- liques dans l'empois d'amidon. 315. Action des alcools et des aldéhydes. sais suivants ont été faits à la dose de 1/100". Les es- Alcool métliylique 0 77 Alcool éthylique d ,00 Alcool propylique 0,88 Alcool iso "— 1.00 Alcool butylique 0,86 Alcool amylique 0,8 i Alcool allylique 0,76 Glycol...'. 0,66 Glycérine 1 ,00 Piiénol 0,74 Aldéhyde 0,00 Acétone 0,48 L'alcool ordinaire, l'alcool isopropylique, la glycérine sont ■donc sans action. MALTASE, TREHALASE ET LACTASE 515 L'aldéhyde se montrant au contraire très active, Fexpé- rience a été reprise à doses diverses ; voici les coefficients obtenus : A la dose de t/lOO" 0,00 — l/200e 0,71 — l/3o0'> 0,82 — l/500e 0,89 — l;1000e 1,00 Dubourg- ne dit pas quelle était cette aldéhyde, mais ce ■devait être Taldéhyde éthylique. 316. Action des essences. — A la dose de 1/100% les essences n'ont pas enrayé l'action de l'amylase ; il faut excep- ter toutefois l'essence d'amandes amères et les essences de cannelle. Ce dernier fait concorde avec les expériences de M. Chamberland, dans lesquelles il a établi que l'essence de •cannelle était un excellent antiseptique. 31*7. Action du bichlorure de mercure. — Le sublimé est aussi un agent antiseptique très actif, bien qu'on l'intro- duise dans un liquide aussi chargé de matière organique ■que l'est l'urine. Voici pour lui les coefficients trouvés : A la dose de t/1000« 0,00 — 1/I500e 0,00 — l/2000e 0,00 — V^SOOe 0,02 — i/3000e 0,0o — 1/3500'' 0,09 — l/4000e 0,14 Il y a donc très peu d'amidon saccharifié, alors que l'em- pois est pourtant fluidifié presque en totalité. Même observa- tion avec le thymol avec lequel il y a transformation presque totale de l'empois en produits solubles, alors qu'il n'existe encore que des traces de sucre réducteur. Ces faits que nous avons déjà observés à propos de l'amylase et de la dextri- nase, sont d'accord avec notre interprétation qui voit dans 510 CIIAPITUK XXIX la diastase étudiée par iJuljourg un mélange de trois dias- tases dont chacune conserve ses propriétés dans le mélange. 318. Action du chloroforme. — Ajoutons, pour terminer ce qui est relatif à ce sujet, que, d'après Lintner et Krober, le chloroforme gêne notaiïlement l'action de ce que nous pouvons appeler, cette fois sûrement, la maltase. De celle de leurs expériences qui se rapproche le plus des conditions d'une expérience de mesure, on peut conclure que le coeffi- cient d'action, tel que nous l'avons déterminé ci-dessus, est représenté par 0,2 pour une solution saturée de chloroforme. Cette action du chloroforme explique pourquoi Bourquelot n'avait pas réussi à trouver de la maltase dans la levure, où il y en a pourtant. C'est que, pour empêcher la macération de levure d'être envahie par les microbes, il y avait ajouté du chloroforme. C'est en se servant de thymol ou de toluène que Lintner, Fischer, Rohmann ont au contraire réussi. Ce qui témoigne une fois de plus que les diastases ont leurs para- lysants spéciaux, de même que les microbes ont leurs anti- septiques particuliers. 319. Réversibilité de l'action de la maltase. — 11 nous reste, pour terminer l'étude de la maltase, à parler d'une pro- priété à laquelle nous avons déjà fait allusion, et qui lui fait jusqu'ici une place à part dans le monde des diastases. C'est que son action est réversible ; c'est ce qui résulte d\m beau travail de M. A. Croft Ilill, dont nous allons résumer les points essentiels. Tout ayant de l'importance dans cette question, nous de- vons d'abord dire un mot de la façon dont M. Hill a 2ii*éparé sa maltase. Il s'est servi d'une bonne levure de fermentation basse, ve- nant de Berne, broyée dans un mortier avec de l'eau distillée, lavée trois fois par décantation, filtrée ensuite, et étendue en couches minces sur des briques poreuses qu'on expose dans le vide en présence de l'acide sulfurique. La poudre blanche MALTASi:, TRKIIALASE KT LACTASE Ml obtenue est Ijroyéo, tamisée au travers d'une fine mousseline, et enfermée en couche mince entre deux doubles de mous- seline, dont on coiffe rouvci-ture d'un bocal qu'on introduit dans nne étuve chauffée à 40". On chautfe ensuite de façon à atteindre de ([uart d'heure en quart d'heure GO", 70", 90", 100", et on maintient cette dernière température pendant un nou- veau quart d'heure. On laisse ensuite la poudre refroidir sous l'exsiccateur, on la pèse et on la broie dans un mortier avec 10 fois son poids d'une solution contenant un millième de soude, on ajoute un peu de toluène, et on laisse reposer 3 jours environ à la température ordinaire. On filtre d'abord au papier, puis sur nne bougie Chamberland stérilisée. On obtient ainsi un liquide limpide, jaune pâle, neutre ou faiblement acide, contenant environ 0,52 0/0 de cendres et de 2,45 à 3,15 0/0 de matière solide. Avec 1 ce. de ce liquide agissant à 30" sur 20 ce. d'une solution à 2 0/0 de maltose, on hydrolyse environ 20 0/0 de ce sucre en 40 minutes. Nous pouvons en partant de ces chiffres, calculer ce que nous avons appelé (ll3). l'activité (( de la matière solide de cet extrait. On voit en effet que pendant cette période de début, la quan- tité d'action est proportionnelle au temps, et qu'en comptant 30 millig'. de matière dissoute dans 1 ce. d'extrait, ces 30 mil- ligrammes hydrolysent en 1 minute 10 millig. de maltose, soit 1/3 de leur poids. L'activité de cette matière est donc faible, comparée à celle des autres diastases. La maltase est en outre très sensible à la réaction de la liqueur vis-à-vis des papiers colorés. C'est en liqueur neutre qu'elle fonctionne le mieux. Un peu d'acide amène une préci- pitation accompagnée de la perte d'activité. Un léger excès d'alcali détruit la diastase. Il en est de même de l'alcool en présence de l'eau. Toutefois on a pu abandonner de la levure sèche ou de l'extrait sec pendant 3 jours dans de l'alcool ab- solu, sans leur enlever leur puissance. M. Hill s'est assuré aussi, par des moyens un peu compli- qués, qu'il est inutile de décrire, que cette maltase est gênée comme' les autres diastases, par les produits de son action. 518 CHAPITRE XXIX Elle s'arrête donc à un certain niveau variaJjle avec la tem- pérature, avec la proportion de nialtose originel. Mais à ces- notions communes à beaucoup d'autres diastases, M. llill a ajouté celle-ci que l'action est réversible. L'bydrolysation d'une solution de mallose s'arrête à une certaine limite sous l'influence de la maltase. Si on fait agir cette maltase sur une solution de glucose où la proportion de sucre dépasse cette limite, un peu de glucose redevient du maltose jusqu'aa moment où la limite est de nouveau atteinte par cette action rétrograde. Ce sont, ainsi que nous l'avons dit ( 1 1 1 ), les mêmes- phénomènes que dans le cas de l'éthéritîcation. 320. Procédés de dosage de M. Hill. — La démonstra- tion de ce fait est tellement importante que nous devons en- trer dans quelques détails sur les procédés de mesure qui ont servi à l'établir. Il y a deux moyens analytiques princi- paux qui peuvent servir à distinguer et à doser les mélanges de glucose et de maltose, c'est la mesure des pouvoirs rota- toires et celle des pouvoirs réducteurs. Du maltose au glucose, le pouvoir rotatoire [a],, passe de 138° à 52°5. Il diminue donc et d'une quantité assez grande pour que l'on puisse, même avec des liqueurs étendues, do- ser le maltose et le glucose dans un mélange, à la condition de se servir de polarimètres assez sensibles. Dans l'espèce,, cette méthode est plus précise que le dosage au cuivre. Celui-ci est basé sur ce que des poids égaux de glucose et de maltose ne réduisent pas la môme quantité de la liqueur de Fehling. Malheureusement, la proportion des quantités réduites est variable, et dépend de la composition des liqueurs, de la durée et du mode de chaulTage, etc. De là, dans l'em- ploi de ces méthodes de dosage, des précautions indispensa- bles, parfois minutieuses, et dont nous devons dire un mot. Tous les dosages de sucre par les liqueurs cupriques souf- frent d'un défaut commun : ils disent bien quand deux solu- tions sucrées, faites avec des sucres purs, sont identiques,, mais quand elles sont différentes, les quantités de 'cuivrer MALTASE, TREIIALASE ET LACTASE 510' réduit par des volumes égaux de solution ue sont nullement proportionnelles aux richesses en sucre de ces solutions. On ne peut guère compter sur cette proportionnalité que lorsque les compositions sont très voisines, et il résulte de là une première obligation, c'est que la solution à doser doit être- rendue aussi pareille que possible, soit par dilution, soit par évaporation, à la liqueur qui a servi à établir le titre de la liqueur de Fehling-. Encore dans ce cas, quand on veut de la précision, est-il préférable de chercher quels sont les volumes des deux liqueurs qui saturent la même quan- tité de liquide de Fehling", plutôt que les quantités de liquide de Fehling" qui sont réduites par des volumes égaux des deux liqueurs à comparer. Cela est surtout utile dans le cas qui nous occupe, lorsqu'il y a dans la liqueur un mélange de deux sucres. Kjeldahl a montré que deux sucres mélangés ne conservaient chacun son pouvoir réducteur normal que lorsque la quantité totale de cuivre réduit par leur mélange est identique à celle qui a été réduite dans les expériences de titrage des solutions de chacun de ces sucres. Cette con- dition n'est remplie que lorsqu'on opère toujours avec la même quantité de liqueur cuprique. Voilà pour ce qui est de la solution sucrée ; voici mainte- nant ce qui est relatif à la liqueur cuivrique. Nous avons vu qu'avec la liqueur de Fehling ordinaire, employée dans les- conditions où elle l'est par MM. O'Sullivan, Brown et Héron, le pouvoir réducteur du maltose est de 61, alors que celui du. glucose est égal à 100. C'est-à-dire que, dans les conditions que nous av'ons indiquées, il ne faut que 61 parties de maltose pour réduire autant de liqueur de Fehling que 100 parties de glucose. La différence est sensible, mais on peut Taug- menter par un procédé proposé par Pavy, et qui consiste à mélanger la liqueur de Fehling avec une solution d'am- moniaque. Le pouvoir réducteur du dextrose augmente, celui^ du maltose diminue, si bien que, comparé à celui du dextrose, il tombe alors au voisinage de 38, et la marge pour le do- sage des mélanges est alors de 62 unités, au lieu d'être de 520 CHAPITRE XXIX 39 comme avec la liqueur de Fehling" ordinaire. 11 y a donc bé- néfice. Mais ce n'est pas tout. La marge ainsi élargie n'est pas de largeur constante : elle varie avec le mode opératoire, avec la durée du chauffage, avec le soin qu'on met à exclure loxy- gène de l'air, etc. Voici comment M. Ilill a opéré. La liqueur cuivrique est faite en mélangeant 30 ce. d'une solution de sulfate de cuivre pur à 69 gr. 278 par litre ; 30 ce. d'une solution contenant par litre 340 gr. de tartrate double de potasse et de soude, et 103 gr. 2 d'hydrate de soude ; 250 ce. d'une solution d'ammoniacjue (D = 0,992) et en ajou- tant de l'eau jusqu'au volume de 500 ce. On introduit 20 ce. de cette solution et 20 ce. d'eau dans un petit ballon d'environ 120 ce. qu'on ferme par un jjouchon à deux trous. L'un est mis €n communication avec la burette contenant la solution sucrée, à l'aide dun tube deux fois recourbé à angle droit, pour que la l)urette ne soit pas dans la verticale du ballon qu'on chauU'e. L'autre permet de renvoyer à l'extérieur la vapeur d'eau et l'ammoniaque que dégage ce ballon. On porte et on maintient à l'ébullition le liquide qu'il contient au moyen dune petite flamme. 30 secondes après le commencement de l'ébullition, on y verse la ([uantité de solution sucrée qu'où croit nécessaire pour sa décoloration, en donnant à l'écoulement une durée de une minute: on maintient encore deux minutes l'ébullition, et on laisse reposer. De deux choses l'une : ou le liquide est encore bleu, ou il a passé au jaune. On recommence une expérience avec un dixième de cent, cube de solution sucrée en plus dans le premier cas, en moins dans le second, et on s'arrête au chiffre qui donne une décoloration et qui, augmenté de 0,1 ce, laisse au liquide une teinte bleue. Faite avec des solutions également concentrées de glucose CML^'O" et d'hydrate de maltose C'=II--0", II-O, purifiés et desséchés à 110", cette expérience fournit des chiffres qui sont entre eux comme 38 et 100. Le rapport augmente un peu quand on fait durer l'ébullition quatre minutes au lieu de trois. 11 faut donc se tenir exactement dans les conditions indiquées ci-dessus, tant en faisant le titrage de la liqueur MALTASE, TREIIALASE ET LACTASE 521 de Fehliug ([u'en faisant le dosage d'un sucre ou d'un nié- lang-e de sucres dans une solution. Quand on opère avec soin, les indications fournies par le polarimètre et la liqueur cuprique concordent à un centième près, et se corroborent l'une l'autre. 3S1. Démonstration de la réversibilité. — Cette con- cordance n'est pas inutile pour donner créance au fait curieuv qu'on oljserve lorsqu'on met en contact à 30°, un peu de la solution de diastase que nous avons appris à préparer plus haut avec une solution de glucose un peu concentrée. Voici, comme exemple, les chitïres relevés par M. llill pour un liquide contenant pour 100, 39,24 gr. de glucose, 20 ce. de la solution de maltase, le tout additionné d'un peu de toluène. Le tableau ci-dessous donne la durée de l'expérience, éva- luée en jours, le pouvoir rotatoire [a],, de la liqueur à divers intervalles, son pouvoir réducteur évalué en prenant celui du g'iucose ég'al à 100, enfin les proportions centésimales de glucose transformé en maltose évaluées en A, d'après l'aug- mentation du pouvoir rotatoire, en lî, d'après la diminution du pouvoir réducteur, en C, d'après leur moyenne. Durée Pouvoir rotatoire Pouvoir réducteur Pi roportion de maltose de rexpérience A B G 0 52»,S 100,5 0 0 0 5 jours So»,0 97,7 3,0 3,S 3,2 14 » 580,3 9ri,8 7.4 6,8 ",1 28 » 42 » 70 .) 60«,3 620.7 G3»,6 9'kO 92.5 90,0 40 13 10 12 15 10,0 12..5 li,o Le pouvoir rotatoire augmente d'une façon notable, le pouvoir réducteur diminue aussi beaucoup, et les deux phé- nomènes témoignent tous deux d'une transformation gra- duelle du glucose en maltose, sous linfluence d'un liquide cjui transforme d'un autre côté le maltose en glucose. Ce même liquide jjouilli se montre inerte : il y a donc une dias- tase en jeu. Pour plus de sûreté, M. llill a traité par la phénylhydrazine 522 ClIAPITRK XXIX acétique le mélange de sucres provenant de la transformation dont nous avons donné les éléments, et a séparé de la glu- cosazone en excès une osazone plus soluble, qui avait les propriétés et les caractères cristallins de la maltosazone. La liqueur de contrôle, où la diastase avait été intnxluite après chaufTage, n'a rien fourni. La transformation du glucose en maltose n'est pas douteuse. D'après la marche des nombres, traduite graphiquement dans la courbe supérieure de la figure 27, la transformation semble bien suivre la loi logarithmique, et être limitée,, comme beaucoup d'autres transformations diastasiques. La limite vers laquelle elle tend visiblement correspond à envi- 30 Jours ^ 10 ZO 30 M> SO 60 70 ron Jo 0/0 du glucose transformé en maltose, dans une so- lution qui en contenait 40 0/0. Dès lors, se pose une ques- tion : Qu'arriverait-il si, à la môme température, on soumettait à l'action de la même quantité de maltase une solution con- tenant, en mêmes proportions, du maltose au lieu de glucose. A faire cette expérience, M. liill a rencontré une difficulté, c'est qu'à ce degré de concentration, le maltose précipite la diastase. Mais on peut tourner la difficulté : comme on est sûr que la maltase transforme le maltose en glucose, on peut gagner du temps en la faisant agir sur une solution à 40 0/0 de sucre dont les 3/4 sont formés de glucose et le dernier quart de maltose, et voir comment marche l'action, si elle rétrograde du côté du glucose, ou si elle avance du cùté du maltose, et dans ce dernier cas, à quel niveau elle s'arrête^ MALTASE, TRÉHALASE ET LACTASE 525 La seconde courbe de la figure 27 donne, sans qu'il soit besoin d'indiquer les nom])res qu'elle traduit, la réponse à cette question. On voit que la transformation du maltose en glucose se poursuit de façon que le liquide s'enrichit en glu- cose, et cjue, lorsque la réaction devient très lente, la li- mite atteinte correspond au moment où le liquide, qui conte- nait à l'origine 25 0/0 de son sucre total à l'état de maltose, n'en contient plus qu'une cjuantité formant 16 0/0 de son sucre total, c'est-à-dire, que les deux courbes finiraient par se rejoindre ou être asymptotes à une même ligne. On peut donc dire avec M. Ilill que l'on arrive au même point d'équilibre, soit qu'on parte d'une solution de glucose ou d'une solution de maltose de même concentration. M. Ilill, dans son intéressant mémoire, n'effleure même pas- la question de savoir si ces deux actions opposées sont dues à la même diastase ou à deux diastases différentes. Peut- être considère-t-il comme évident qu'il n'y a qu'une diastase, et le fait qu'on arrive à la même limite dans les deux sens- confirme cette interprétation. Le raisonnement que nous avons fait plus haut (131) conclut dans le même sens, et nous considérons comme démontré qu'il y a au moins une diastase capable de produire deux actions non pas opposées, mais inverses : une liydrolysation ou une analyse sur des solutions concentrées de maltose, une déshydratation ou une synthèse sur des solutions concentrées de glucose. 333. CoQditions du pliénomène de la réversibilité. — S'il en est ainsi pour la maltase, il est probable qu'il y a aussi des actions inverses avec d'autres diastases, et on peut alors se demander pourquoi on ne les a pas encore aperçues. M. Hill a trouvé une première réponse à cette cjuestion en étudiant de plus près le phénomène qu'il venait de découvrir. En revenant à la formule fondamentale que nous avons trouvée ( 106) pour l'action des diastases, on voit que pour des liqueurs contenant environ 40 0/0 de sucre, la valeur de n est facile à calculer. On a en effet : 52 i CHAPITIÎI': XXIX S 100 = 1,20 S — s S't quand on part d'une solution de maltose dont il reste 16 0/0 non hydrolyse. Lors(|u'on opère avec des liqueurs moins concentrées, la limite de l'aclion s'élève, et voici les chifTres trouvés par M. llill, avec les valeurs de n dans chaque cas : Maltose hydrolyse Valeur de n Solution à 40 0/0 84 0/0 1,20 20 •)0,3 1,10 10 i>i,3 1,0() 4 98 1,02 2 i»0 1.01 Dans les solutions diluées, l'hydrolyse est pratiquement complète, et ^I. Hill s'est trouvé récompensé ici du soin (ju'il a mis dans ses expériences, car avec des méthodes de dosage moins précises, il n'eût pas hésité à attribuer à des causes d'erreur tout nombre témoignant de la persistance de 1 0/0 de maltose dans une licjuenr où il y en avait eu 99 0/0 d'hydrolyse. Le phénomène, s'il est le même avec d'autres diastases, ne devient manifeste que pour des solu- tions concentrées, qui ne sont pas usuelles. On voit en outre que n augmente avec la concentration et à peu près dans la même proportion qu'elle, (hi peut en conclure théoriquement que, dans l'espèce, l'influence du facteur S — v, c'est-à-dire l'influence des produits de l'action diastasique est insensible, et (jue, dans ce cas, la formule de l'action diastasique est la suivante : — Av = 7n [1 — /J (S — s)] M, •où p est une nouvelle constante dont la valeur est -. Cette formule est encore trop mal assurée pour qu'on ait le droit de tabler sur les conséquences théoriques qui en dé- coulent. Contentons-nous de remarquer que nos réserves sur la constance de n sont justifiées, et qu'il y a des choses MALTASE, TRÉllALASE ET LACTASE 52^ intéressantes à trouver sur la relation entre // et S. Si n varie peu avec S, on a les actions diastasiques ordinaires où II est toujours voisin de 1, et où l'action se termine cons- tamment. Si II varie beaucoup, l'action s'arrête d'autant plus tôt qu'on opère en solutions plus concentrées, et il y aura alors à voir si l'action est réversible. 393. Hydrolysation et synthèse cellulaires. — Il nous reste une dernière question à examiner. Les richesses sac- charines pour lesquelles il y a des actions inverses avec la maltase ne sont pas rares dans les sucs cellulaires; et il se peut que les diastases qui président à l'interversion du saccharose ou à la dislocation de l'amidon soient les mêmes que celles qui édiiient le sucre cristallisable ou les granules d'amidon. D'ailleurs, il n'est pas nécessaire que les solutions soient concentrées, et du moment qu'une solution de glucose à 2 0/0 transforme en maltose 1 0/0 seulement de son sucre, soit seulement 200 milligrammes par litre de jus, il suffit que ce maltose formé disparaisse de l'organe qui l'a produit, soit pour aller dans un autre organe, soit pour être brûlé, soit pour être immobilisé sur place dans une synthèse nou- velle, pour que l'action inverse recommence et transforme ainsi en maltose la presque totalité du glucose présent. Là est peut-être le secret de la formation de sucre candi dans les racines de la betterave, de l'amidon dans les tubercules de la pomme de terre, etc. Nous n'insisterons pas davan- tage, (^e qui précède suffit pour qu'on puisse se rendre compte de l'importance de la découverte de M. Ilill et des espé- rances qu'elle fait naître, tant dans le domaine de la chi- mie que dans celui de la physiologie. 324. Trétialase. — ]\[. Bourquelot a désigné sous ce nom une diastase dédoublant le tréhalose en glucose, et qui a été découverte pour la première fois dans Vaspergilliis nigei', puis dans le pénicillium glancum^ le volvaria speciosa^ le poly pa- rus sulfiweus, le niorchella escitlenta et le pjeziza acetabu- 526 CHAPITRE XXIX lum. Le ti'éhalosc étant, comme ce savant l'a montré, très fré- quent parmi les champignons, et pouvant être attaqué par diverses espèces de microbes, il est probable (pie la tréhalase est aussi très répandue. Bourquelot et Gley l'ont trouvée dans l'intestin grêle du lapin tué en pleine digestion. Il n'y en avait pas dans le pancréas. On n'en trouve pas non plus dans le sérum du chien et du cheval, ni dans l'urine humaine. Il est probable qu'elle est d'origine microbienne, comme la mal- iase étudiée ci-dessus, mais quelle est produite en quantités plus faibles et peut-être plus variables, le tréhalose n'étant pas, en somme, très répandu dans le monde végétal ou ani- mal. On sait qu'il se transforme facilement en mannite, et que même les champignons qui en contiennent doivent être étudiés frais, La tréhalase est détruite à 64° en solution aqueuse. L'ac- tion des acides sur elle est la même que sur la maltase. 335. Lactase. — Depuis que j'ai signalé, en 1887, une levure faisant subir au lactose une fermentation alcoolique véritable, le nombre de ces levures a beaucoup augmenté. Adametz, Kayser, Steckhofen, Weigmann, Winkler, Qvist, Marpmann et d'autres ont appris à connaître plusieurs espèces de Blastomycètes^ auxquelles Ilansen conteste, on ne voit pas pourquoi, leur caractère de levures, alors qu'elles font fer- menter le saccharose. A ces espèces il faut sans doute ajouter la levure étudiée par Fischer et Thierfelder, qui transforme intégalement le sucre de lait en alcool et en acide carbo- nique, et le Lactomijces inflan'< de Bochicchio. Dans la fabri- cation du Kumys et du Kélir, il y a aussi des levures du lactose qui interviennent. Toutes ces levures, si elles se comportent comme les le- vures du saccharose ou du maltose, doivent sécréter une dias- tase capable de dédoubler le lactose en ^/-glycose et ^/-galac- tose.Elle n'y a pas été recherchée par des moyens appropriés : c'est dans les grains de Kéfir que Fischer l'a découverte. Un lavage à l'eau n'enlève que de la sucrase : mais en dessé- MALTASE, TREIIALASE ET EACTASE 527 chant à l'air et en broyant avec de la poudre de verre, on obtient une lactase dédoublant le sucre de lait. Il est pro- bable qu'avec les autres levures du lactose, cette lactase n'est pas non plus dilFusible en dehors de la cellule, et c'est pour cela qu'on ne l'a pas rencontrée dans les liquides de macération de ces levures. BIBLIOGRAPHIE Maltase. Cuisinier. La sucrerie indigène et coloniale, XXVII, p. 226 et 241. BROWNet HÉRON. Ann. d. Ch. et Pkarm., COIV, 1880, p. 228. De Mering. Zeitsckr. f. pUys. Ckemie, 1881. BOURQUELOT. Journ. de Fanât, el de la phyùol., 1886, p. 162. BOURQUELOT et Herissey. Bu/1, de la Soc. vnjr.ol. de France, t. XI, p. 235, 1895. DUBOURG. Ann. de l'Institut Pasteur, 1889. LiXTNER. Zeitsckr. f. ges. Brauwesen, 1892, p. 106. E. Fischer. Bei-ichte d. d. cheni. Geselds, t. XXVII, p. 298S, 1894. E. Fischer et E. Lindner. Id., t. XXVIII, p. 984, 189Ô. Beyerin'CK. Centralbl. f. Bacteriol, t. XII, n» 2, 49. Geduld. Chein. Centralb., 91 b, 323. BOHMANN. Ber. d. d. chem. Gesells., t. XXVIII, p. 36-54, 1892. Morris. Prored. of the Royal Soc., 1895, t. XLV. I.INTNER et Krober. Id., t. XXViII, p. 1050, 1895. A. CROFT HILL. Journal of tke client. Soc, août 1898, p. 634. Tréhalase. BouRQUKLOT. Compt.rend., séance du 17 avril 1893. BOURQUELOT. Société de biologie, séance du 17 juin 1893. BOURQUELOT et Gley. Société de biologie, séance du 13 juillet 1895. Lactase. DUCLAUX. Ann. del'/nstitut Pasteur, t. I, p. 173, 1887. Hansen. Cliemisches Centralbl, t. LXXXVIII, p. 1209. Fischer et ïhierfelder. Ber. d. d. chem. (lesells, t. XXVII, p. 1031. BOCHIOCHIO. Chemiker Zeitung,i. XVIII, Rep. 108. FISCHKR. Ber. d. d, aliem. Gese/ls., t. XXVII, 1894, p. 2481. CHAPITRE XXX DIASTASE Gl.YCOLYTIQUE (^1. Bernard a vu le premier que si on abandonne du sang- à lui-même, la quantité de sucre qu'il contient au sortir de la veine diminue peu à peu, et finit par devenir nulle au bout d'un temps assez long-. Que devient ce sucre ? est-il dédoublé en deux groupements plus simples, et dans ce cas, quels sont ces groupements? est-il oxydé dans la partie aldéliydique de sa molécule, de façon à perdre la propriété d'agir sur la liqueur de Fehling ? est-il au contraire (car cette hypothèse a le droit d'entrer en ligne de compte) transformé par synthèse en une substance, sucre ou autre, n'agissant pas sur ce réactif ? Yoilà ce que nous ne savons pas encore, malgré les travaux dont cette question a été l'objet. Tout ce qu'on peut dire, et encore avec quelques réserves, c'est qu'il y a encore ici l'action d'une diastase. 336. Travaux de Lépine. — C'est M. Lépine, de Lyon, qui a le premier donné cette interprétation du phénomène, à la suite d'expériences dans lesquelles il a cherché à en préci- ser les conditions. Je n'ai pas à parler ici des rapports qu'il lui a assignés avec la glycémie ou le diabète pancréatique : je ne me préoccupe que des arguments mettant en jeu l'interven- tion d'une diastase. Le plus probant résulte de l'étude des effets de la chaleur. La destruction du sucre dans le sang in vitro est d'autant plus rapide que la température est plus élevée, jusqu'à un certain maximum au delà duquel elle diminue pour devenir ensuite nulle. Le sang- chauffé pendant quelques instants à 35-56" se coagule et perd la propriété de détruire le sucre qu'il contient, DIASTASE GLYCOLYTIQUE 529 lorsqu'on le ramène à la température du maximum d'action, qui est de 40" environ. C'est là l'argument principal. Pour les autres, qui, indivi- duellement sans grande valeur, finissent pourtant par faire dans leur ensemble un faisceau respectable, ils se groupent très bien lorsqu'on rapproche, comme Arthns l'a fait le pre- mier, la diastase glycolytique de la plasmase du sang cjue nous étudions plus loin. Ces deux diastases ont, en effet, môme origine. Lépine avait vu cjue cette diastase glycolytique était fixée sur les globules Idancs, d'où elle passait par diffusion dans le sérum. En centrifugeant du sang, et en lavant les globules avec de l'eau salée physiologique, cette eau prenait des pro- priétés glycolytiques. Seulement, il attribuait au pancréas la production de cette diastase, il croyait cju'elle existait et fonc- tionnait dans le sang circulant. Les globules blancs n'en se- raient cjue les détenteurs intérimaires. 3S7. Travaux d'Arthus. — Arthus montre au contraire que pas plus cjue la j)lasmase, la diastase glycolytique ne fonctionne dans le sang en circulation. Ses arguments sur ce jîoint sont calqués sur ceux qu'on peut j)eut faire valoir jiour la jilasmase. On trouve dans l'urine et clans les transsudats toutes les diastases qu'on sait exister dans les tissus : amylase, j:)ejDsine, présure, trypsine. Or, le transsudat j)éritonéal du cheval ne dé- truit jias son sucre. La glycolyse ne s'y jiroduit que quand on y" ajoute du sang, ou du sérum. L'urine ne contient pas non jilus de ferment glycolytique. On peut le constater, soit en y ajoutant du sucre, soit en y tremjiant quekjues fdaments de filu'ine qui ont la proj^riété de fixer les diastases j^ar un véri- table j:>hénomène de teinture. La fibrine j^longée dans du sang ou du sérum, transporte avec elle le jDouvoir glycolytique dans les transsudats sucrés où on l'introduit ensuite, et elle est ren- due inactive par un chauffage à 60". Or, après un bain d'urine, même jirolongé, elle ne devient j)as active. La nature du bain mO CHAPITRE XXX n'y est j)our rien, car si on a injecté dans les veines d'un ani- mal du séi'uin ou du sang contenant de la diastase glycoly- 1i(juc, l'urine de cet animal prend et communique à la librine des propriétés glycolytiques. 328. Origine de la diastase glycoly tique. — Il n v a clone pas de diastase glycolytique dans le sang en circulation. Il y en a après que le sang a un peu séjourné en dehors des vaisseaux. La question se pose donc comme pour la plasmase, et nous avons à rechercher si elle ne se résout pas de la même façon. Prenons avec Arthus un tronçon de jugulaire de cheval, lié à ses deux bouts et rempli de sang. Suspendons-le verticale- ment pendant 24 heures pour que les globules se déposent bien, et divisons-le par deux nouvelles ligatures en trois tron- çons : le tronçon inférieur contenant uniquement des globules rouges; un tronçon moyen comprenant la partie supérieure des globules rouges, les leucocytes et les couches inférieures du plasma; le tronçon supérieur contenant les couches supérieures du plasma. En ajoutant ces trois liquides à du transsudat péri- tonéal de cheval, nous verrons que la couche des globules rouges se montrera inactive, celle du plasma très peu active. La couche moyenne, au contraire, sera très active : or, elle ne contient que les globules blancs en sus de ce que contiennent séparément chacune des deux autres. L'expérience est jolie et bien faite. D'autres faits en ap- puient d'ailleurs la conclusion. Je ne relaterai pas ceux dans lesquels M. Arthus fait intervenir les agents décalcifiants tels que l'oxalate de potasse. Nous avons vu que ces phénomènes, qui semblent simples, sont au contraire très compliqués. Mais en voici de plus probants. L'eau, qui favorise la destruction des globules blancs et la diffusion de la plasmase, favorise aussi celle de la diastase glycolytique. L'addition d'eau au sang qui contient des glo- bules blancs, active la coagulation et la glycolyse, tandis cju'elle DIASTASE GLYCOLYTIQUE 531 la retarde dans les liquides organiques dépourvus d'éléments figurés. Enfin, si la glycolyse est due à une diastase que les leuco- cytes n'exsudent qu'au moment de leur mort, la disparition du «ucre se devra faire lentement d'abord, dans un sang' qui sort de la veine, et plus rapidement ensuite_, à mesure que la diastase deviendra plus abondante; or, c'est ce que confirme l'expérience suivante où on a trouvé, pour la proportion en millièmes du sucre dans le sang, les nombres que voici. Les pertes se rapportent à des temps égaux. Sucre Pertes Au sortir du vaisseau 1,61 » Après lo minutes à 40o i,HO 0,01 » 30 )) » l,o8 0,02 » 4o » » 1,50 0,08 » 60 » » 1,35 0,15 » 73 » » 1,16 0,19 La glycolyse va donc en aug-mentant, comme nous l'avions prévu. M. Lépine qui ne conteste pas le fait, l'attribue à ce que, dans les premiers moments après la saignée, la glycolyse est masquée par la production simultanée d'une petite quan- tité de sucre aux dépens du glycogène qui se trouve toujours dans le liquide sanguin. Mais on peut se demander comment cette formation de sucre aux dépens du glycogène a pu être débarrassée à son tour de la complication due à la glycolyse. Le parallélisme que nous signalons entre la production de la plasmase et celle de la diastase glycolytique parle au contraire nettement en faveur de l'interprétation de M. Arthus. 339. Btude de la diastase. — Il resterait, maintenant que nous savons à quelle source on peut puiser la diastase glyco- lytique, à la dissoudre par macération des globules blancs, et à savoir en quoi elle transforme le sucre qu'elle fait dispa- raître. Ce sujet n'a pas encore été abordé, et nous n'avons au sujet de l'action de la diastase que quelques renseignements 5;{2 CHAPITUK XXX incomplets dont il nous faut pourtant dii-e un mot, pour les préciser dans ce cprils ont encore de vague. Nous avons vu que, dans les diastases les mieux connues jusqu'ici, la quantité de matière transformée, à une certaine température et dans des conditions données, ne tlépendait (jue de la quantité de diastase présente, et non point de la (juan- tité de matière à transformer. C'est seulement dans l'interver- sion par les acides c|ue la quantité de matière transformée, toutes choses égales d'ailleurs, augmente avec la quantité de matière à transformer, et même lui devient proportionnelle, si bien C|ue dans l'action de la sucrase, ce sont les qinin/itcs de sucre interverti qui décroissent en proportion géométrique, lorsque les temps croissent en progression arithmétique, tan- dis que dans le cas des inversions par l'acide sulfurique, ce sont les proportions de sucre interverti qui suivent la loi loga- rithmique. La différence apparaît nettement quand on étudie l'action à ses débuts, lorsqu'elle est encore proportionnelle au temps. En doublant la (juantité de matière soumise à l'action d'une môme quantité de diastase, on constate que la quantité trans- formée ne varie pas. Si on attend plus longtemps, on constate que la loi ne se vérifie plus pour des temps égaux, et pour une raison facile à saisir. C'est que l'action se ralentit pour la solution la moins j'iche alors qu'elle marche encore activement pour l'autre. Celle-ci a donc l'air de prendre l'avance; mais c'est là une illusion contre laquelle ne se sont peut-être pas suffisamment mis en garde les savants qui ont discuté sur la marche de la disparition du sucre sous l'influence de la dias- tase glycolytique. On trouve pourtant quelques exemples de cette loi dans les nombres fournis. Ainsi M. Hédon a étudié les pertes subies après 2 heures à 40" par du sang additionné de glucose. Il a trouvé dans un cas une perte de 18 0/0 avec un sang contenant en tout 3 millièmes de sucre, et 13 0/0 avec le sang d'un autre animal contenant 4,2 millièmes de sucre. Les chitfres sont dilierents lorsqu'on les prend comme des proportions cen- DIASTASE GLYCOIATIQT E ;i;{3 tésimales, mais s'identifîoiit lorsqu'on les ramène à être dos chiffres absolus, et on trouve alors que, dans ces deux cas, il s'est détruit la même quantité de sucre (18x3 = 54; 13 X 4,2 ==51,(3). Enlin, deux autres des nombres de M. llédon vérifient aussi très bien la loi de proportionnalité de l'action au temps, tant qu'elle est à ses débuts. Du sang- normal, con- tenant 2,8 millièmes de sucre, a été mis à 40". Après 2 heures et 4 heures, on a cherché les pertes subies, elles ont été de 0,44 et de 0,88, c'est-à-dire exactement doubles l'une de l'autre. Il est vrai c|u'avec d'autres sangs, et dans d'autres condi- tions, ces lois précises ne se retrouvent plus, mais c'est peut- être qu'on ne les a pas recherchées. En attendant qu'on fasse à ce sujet des mesures plus précises, nous pouvons tirer de ce qui précède un argument contre un point doctrinal intro- duit par ^I. Lépine dans cette partie de la science. En étudiant comparativement le pouvoir glycohjtique du sang diabétique et du sang normal, M. Lépine a trouvé que le premier était moindre que le second, et il en a conclu que si le sucre s'accumulait dans le sang diabétique, c'est qu'il n'y était pas détruit avec une vitesse aussi grande que dans le sang- normal. Or, ce qu'il appelle pouroir (jlijcohjtiquc n'est pas mesuré par la quantité absolue de sucre que peut détruire dans un temps donné, et à une température donnée, un litre de sang par exemple, mais par la proportion de son sucre que le sang- fait disparaître. Comme le sang dial)étique contient plus de sucre que le sang normal, la cjuantité absolue qu'il en détruit peut être et est en effet quelquefois plus grande, mais la pro- portion reste plus faible que dans le sang normal. Toute la cjuestion est donc de savoir si c'est la perte pour cent de sucre dans un temps donné, ou la valeur absolue de cette perte qui doit entrer en ligne de compte. Ce que nous savons au sujet des diastases c[ue nons connaissons le mieux nous incline vers cette dernière opinion. Pour nous amener à nous préoccuper, non de la quantité, mais de la proportion, et à rapprocher 534 CHAPITRE XXX ainsi la diastasc i^lycolytiquc, non des autres diasiases, mais de l'action inversive ou saccharifiante des acides, il faudrait, des arguments nouveaux qui n'ont pas encore été produits, et cette ojjjection d'ordre chimique vient s'ajouter à celles qui ont été opposées à M. Lépine sur le terrain physiologique. BIBLIOGRAPHIE Lépine. Lyon médical, 1889, p. 619 et 1890, p. 83. — Comptes rendus, 8 avrit 1890. Lépixe et Barral. Comptes rendus, 23 juin 1890, 23 février, 22 juin et 25 mai- 1891 et Bévue de médecine, t. XII, 1892, p. 486-187. Arthus. Mém. de la soc. de biologie, 1891, p. 65. LÉPINE et Barkal. Id., 1891, p. 271 et 1892, p. 220. HÉDON. Travaux de physiologie de ri'nicersité de MonlpeUier, 1898, p. 141. CHAPITRE XXXI LIPASE C'est Cl. Bernard qui a le premier montré que le suc pan- créatique, agité avec de l'huile ou des graisses fondues, donnait avec elles des émulsions stables, dont l'acidité allait en aug- mentant par suite de la mise en liberté de quantités croissantes- d'acides gras. Il avait ainsi confondu en une seule deux ac- tions très différentes, l'émulsion et la saponification de la graisse. 330. Emulsion. — J'ai montré que lémulsion était un phé- nomène de l'ordre physique, c'est-à-dire dépendant uniquement de conditions physiques, dont la plus importante est la tension superficielle. L'eau et l'huile ne s'émulsionnent pas mutuelle- ment parce que leurs tensions superficielles sont très diffé- rentes. Lorsqu'on les agite ensemble, même avec violence, et longuement, on divise bien la matière grasse en gouttelettes^ mais ces gouttelettes restent grosses, remontent par suite faci- lement à la surface dès que le mélange est laissé en repos, se fondent les unes dans les autres, et bientôt reparaît l'état d'é- quilibre primitif. Si à ce moment on ajoute dans l'eau l'un quelconque des réactifs neutres qui permettent d'abaisser sa tension superficielle au niveau de celui de l'huile surnageante^ la moindre agitation suffit à produire une emulsion blanche et fine, analogue à celle des globules de beuri-e dans le lait. On peut arriver au même résultat avec quelques gouttes d'une solution de soude, qui fait un savon alcalin avec les- portions d'acides gras libres que toute matière grasse contient d'ordinaire. Quand il n'y a pas d'acides libres, une courte agi- tation provoque la saponification superficielle des. globules 53() CHAPITRE XXXI gras (lui se forment. Or, les plus faibles traces de savon suffi- sent à tliminnei- beaucoup la tension superficielle de l'eau, et sitôt qu'elle a atteint le niveau voulu, l'éniulsion fine et blancbe se forme, comme dans le cas précédent. Seulement, les globules gras finement divises, dont le mé- lange homogène avec le liquide ambiant forme rémulsion, n'en restent pas moins soumis à l'action de la pesanteur qui tend à les pousser h la surface ou à les faire descendre au fond, suivant le signe de la difTcrence de leur densité avec celle du liquide ambiant, de sorte qu'il n'y a qu'une émulsion entre deux liquides de môme densité qui soit, une fois faite, indéfiniment persistante. La différence des densités peut donc provoquer la séparation du liquide émulsionné. mais sans faire cesser l'émulsion, c'est-à-dire la division en fines gouttelettes, parce que, entre ces gouttelettes réunies au fond ou à la sur- face, persistent des lames du liquide émulsif de même tension superficielle qu'elles. Ces lames interposées peuvent à leur tour disparaître par écoulement de haut en bas, ou de bas en haut, sous l'influence des forces mêmes qui ont provoqué la séparation des deux liquides. Elles le font d'autant plus difficilement que le liquide agité avec de l'air devient plus mousseux, c'est-à-dire que les surfaces laminaires qui séparent les bulles d'air ont plus de résistance transverse et resseudjlent plus, sous ce point de vue, à des lamelles de caoutchouc. Il s'agit là d'une propriété différente de celle qui se traduit par la tension superficielle. On peut faire avec du savon et de l'eau, et avec de l'alcool et de l'eau, deux liquides ayant même tension superficielle, et qui ne se ressembleront pourtant pas comme liquides mousseux, car la dissolution de savon se laissera facilement souffler en bulles, et la solution d'alcool donnera au contraire des surfaces moins élastiques et moins extensibles que l'eau pure. L'émulsion sera donc d'autant plus stable que le liquide émulsif, celui qui sépare les unes des autres les gouttelettes du liquide émulsionné, donnera, agité avec de l'air, des mous- ses plus persistantes. LiPASE :i;{7 Dans tout cela, on le voit, il n'y a place pour aucune pro- priété ni pour aucune transi'orniation chimique dans les deux licpiides en cmulsion réciproque. L'émulsion est donc un phé- nomène physique qui peut bien faciliter la saponification en multipliant les surfaces de contact, mais qui n'a rien de com- mun avec le dédoublement du corps gras. Disons tout de suite pour fixer les idées au sujet de l'aug- mentation de surface résultant de l'émulsion, que 1 cent, cube de graisse, mis au contact de 1 cent. c. d'eau dans un tube de 1 cent, carré de section peut, réduit seulement en goutte- lettes de 1 centième de millimètre de diamètre, en fournir environ 500 millions ayant une surface totale d'environ 15 dé- cimètres carrés, soit environ 1.500 fois la surface de contact initiale. 331. Saponification. — La saponification est un dédouble- ment avec hydratation. Les corps gras sont, presque tous, des éthers de la glycérine, et reconstituent en se saponifiant l'al- cool triatomique et l'acide gras dont ils proviennent. Ainsi, on a pour la stéarine, par exemple : CTP (C'«ff =0Y + 3IP0 = (C^H^) (OH/ + 3(G'«LF*'0^) Du corps gras neutre, on voit donc sortir, par dédouble- ment, un corps neutre, la glycérine, et un acide gras dont le dosage peut renseigner sur la marche du phénomène. Cl. Ber- nard avait vu l'huile émulsionnée par le suc pancréatique devenir acide, et cette découverte avait été sanctionnée par une analyse de M. Berthelot. Comme on n'obtenait rien en employant du liquide pancréatique chauffé, comme en outre Cl. Bernard montrait que les chylifères ne devenaient blancs et laiteux qu'au niveau où le suc pancréatique pouvait se mélanger à la masse dans laquelle ils puisaient, la conclu- sion de Bernard fut qu'on avait affaire à un ferment digestif •des graisses, et cette notion est restée dans la science. J'ai montré en effet que l'émulsion à elle seule suffit à assurer la pénétration des matières grasses dans les lympha- 538 CHAPITRE XXXI liqiios en les soustrayant aux actions d'adhésion moléculaire qui les maintiendraient au contact des parois, et les amène- raient bientôt à former bouchon sur tous les oritices capillai- res. C'est surtout à l'état d'émulsion, c'est-à-dire sans avoir subi de transformation chimique préalable, que les aliments gras sont versés dans le sang. Là ils éprouvent, ou du moins ils peuvent éprouver une action nouvelle de même nature que la saponification pancréatique, et due à une diastase pro- bablement identique à celle du pancréas. M. Hanriot, qui l'a découverte, lui a conservé le nom de lipase, proposé par M. Bourquelot. En AUemag-ne, où on la rapproche, je ne sais. pourquoi, de la pepsine, on l'appelle stéapsine. 333. Reclierches de M. Hanriot. — Pour éviter l'action complexe d'une saponification superposée à une émulsion, M. Hanriot a employé une matière grasse soluble dans l'eau^ la monobutyrine de la glycérine, qui avait déjà servi à Ci. Bernard et à Berthelot pour étudier l'action du suc pancréa- tique. En dissolvant cette liutyrine dans du sérum sanguin^ on constate facilement (ju'elle se dédouble, même en solution légèrement acide, et que rien ne se produit dans l'eau pure, même additionnée d'un peu de carbonate de soude. Cette activité du sérum s'affaiblit considérablement quand on l'a chauffé à 60'\ elle cesse quand on le porte à OO'*. De faibles- quantités de sérum peuvent décomposer des quantités rela- tivement considérables de butyrine, à la condition qu'on sa- ture de temps en temps l'acide mis en liberté. Nous avons donc affaire à une diastase qui préfère les milieux alcalins, neutres ou lég''M'ement acides, et il y eu a en circulation dans le sérum sanguin. La même réaction permet de la chercher dans les divers tissus de l'organisme. Le sang-, le pancréas, le foie en con- tiennent abondamment. Les muscles^ le corps thyroïde, la rate, les capsules surrénales, le testicule, l'urine, la lymphe n'en contiennent que des quantités insignifiantes. LIPASE 539 333. Lipases végétales. — M. llanriot a aussi cherché par la même méthode la lipase clans les graines oléagineuses en train de germer. Dans cette voie, il avait été précédé par Green et par Siegmuud. Green avait obtenu, en faisant macérer des graines de ricin en germination dans une solution de sel marin à 5 0/0, addi- tionnée d'un peu de cyanure de potassium qui servait d'anti- septique, un liquide qui, débarrassé du sel par dialyse, et ajouté à une émulsion d'huile de ricin maintenue à 40", la rendait très nettement acide au bout de quelque temps. Ce même liquide, porté à l'ébullition^ restait inactif. Siegmund avait fait des observations semblables sur d'au- tres graines, colza, pavot, ricin, chanvre, lin, et même maïs. Gérard et Camus ont de même trouvé de la lipase dans le penkiUium ylaiicum et raspfrfjilliis niger. Nul doute que cette diastase ne soit, comme les autres, extrêmement répandue. 334. Extraction de la lipase. — Cette diastase peut se préparer par l'action de Talcool sur les liquides qui en con- tiennent, et de préférence avec les sucs ou macérations pan- créatiques ; mais elle n'a pas été isolée des autres diastases qui se précipitent en même temps qu'elle. Il arrive même qu'elle semble se perdre dans la série des opérations, soit qu'elle soit plus fragile que ses congénères, soit qu'il y ait eu erreur dans la recherche, tenant à ce qu'on a longtemps confondu l'émulsion et la saponification. Si le suc pancréatique émul- sionne facilement les graisses, il n'en est pas de même pour les mélanges diastasifères dissous dans l'eau, et, du moment qu'ils sont peu émulsifs, la lipase qu'ils peuvent contenir risc|ue de passer inaperçue. Il faudrait recommencer cette ré- cherche en prenant comme réactif non pas des graisses inso- lubles, mais de la butyrine. 335. Dosage de la lipase. — C'est donc avec les liquides naturels contenant de la lipase qu'il est le plus facile d'opé- rer. Pour étudier les lois de l'action et arriver à un procédé 540 CIIAPITP.K XXXI do dosaee, MM. Ilanriot et (l;\inus so sont servis surtout de sérum de cheval, ({ui s'est révélé le plus actif des sérums et qu'il est facile de se procurer en abondance. Lorsqu'on le conserve en vase clos, son activité reste longtemps la même. •Comme un simple dosage acidimétrique permet de mesurer la quantité d'action, son étude est relativement facile. Maintenant d'abord constantes la température et la durée d'action, MM. Ilanriot et Camus ont cherché rinflnenco des quantités de lipase en faisant agir des quantités variables de «érum sur de la monobutyrine, et ils ont trouvé les nombres suivants, représentant le nombre de ce. de liqueur alcaline nécessaires pour ramener, après divers intervalles, la neutralité initiale. 0,5 sérum 1 ce. i,o ce. 2 ce. 20 minutes G It 16 22 1 heure 12,5 25 37 48 1 h. ;-50 m. 20 36 m (r2 2 licurcs 30 54 73 60 La marche de ces nombres en ligne verticale s'accorde, i2 ciiAPn iiK XXXI fi'c est un chillVe réel, ou peut eu tirer uuc couclusioii. Les cinq litres de sérum d'un homme de taille moyenne, pour- raient, s'ils avaient cette activité vis-à-vis des graisses alimen- taires, saponifier pendant la durée d'une digestion une quantité de stéarine dépassant 500 gr. ; c'est beaucoup plus que n'en apporte un repas, si copieux qu'il soit. Les corps gras résis- tent à cette action puissante parce qu'ils sont émulsionnés et ne se laissent attaquer que par leur surface. 338. Différences des lipases de diverses origines. — Nous avons vu (383) que M. Ilanriot avait cherché à dis- tinguer les lipases de diverses origines. Comparant celle du pancréas et celle du sérum, il a montré que si elles ont la même activité en milieu alcalin, c'est-à-dire si elles décom- posent dans le même temps, à la même température, la même quantité de monobutyrine, cette identité ne persiste pas lors- qu'on laisse le milieu s'acidifier sous l'influence de l'acide formé, ou quand la température change. Il a de même com- paré le sérum de cheval au sérum d'anguille, celui-ci étant environ 5 fois plus actif que celui de cheval. Ces sérums, une fois égalisés par dilution du plus fort, restent à peu près au même niveau quand on les laisse fonctionner en milieu qui s'acidifie ou en milieu qu'on neutralise constamment. IMais nous avons contesté le jjien fondé de ces déductions, et montré que, pas plus pour la lipase que pour les autres diasta- ses, on ne pouvait tirer aucune conclusion précise de cet ordre de faits. 339. Influence des acides et des bases. — Nous avons dit plus haut que la lipase ne supportait pas des doses d'acide un peu considérables, et qu'elle préférait les milieux neutres ou un peu alcalins. Nous pouvons donc nous attendre à ce que les alcalis vont se comporter vis-à-vis d'elle comme les acides en présence de la sucrase, c'est-à-dire qu'après avoir favorisé son action jusqu'à une certaine dose, ils vont la re- tarder pour des doses plus fortes. M. Ilanriot a commencé LIPASE u43 Vctudo de cette question en ajoutant des quantités croissantes de carljonate de soude à des mélanges de 1 ce. de sérum et de 10 ce. d'une solution de monobutyrine, et en cherchant ce qu'il y avait de butyrine saponifiée après 21) minutes. Il n'indi- que pas la température, qui était sans doute de 2o°. Voici les activités trouvées dans une de ces expériences. Carbonate en mgr. 0 2 4 0 8 iO 13 20 Aclivité de la liiiase 22 33 40 4i 46 o2 74 86 L'activité devient donc 4 fois plus grande en présence de 2 gT, par litre de carbonate de soude. BIBLIOGRAPHIE Cl. Bernard. Leçons de physiol. expérimentale, t. TI. DUCLAUX. Ann. de Cli. et de Phys. t. XXI, 1871. Hanriot. Soc. de biologie, 1896 et 1897, passim, Gree.n. Philosopliical Iransactioni;, t. LXXVIII, p. 39, 1887. SiEGMUND. Sitzangsher d. Wiener. Akad. d. Wissens, 1890, et Monalshefle f. Chemie, l. Xf, p. 27>. Gérard. Comptes rendun, lô février 1897. L. Oamus. Soc. de biologie. 1897, p. 192 et 230. Haxriot et Camus. Id. 1897, p. 124. ClIAriTUE XXXII URÉASE La découverte de la diastase qui hydrolyse l'urée est due à Musculus. Elle a suivi de près la découverte par Pasteur et l'étude faite par van Tiesjhem de microljes transformant l'urée en carbonate d ammoniaque. Mais elle procède d'un tout autre ordre d'idées. Musculus trouve qu'en filtrant l'urine épaisse et trouble rendue par des malades atteints de catarrhe de la vessie, après l'avoir additionnée d'un peu d'alcool pour qu'elle n'obstrue pas les pores du filtre, il reste sur celui-ci un mucus (pi'on peut redissoudre dans l'eau, et qui donne à celle-ci la propriété d'hydrater l'urée. La matière qui se dissout se précipite par l'alcool, devient inerte à l'ébuUition, et même à 80°. Précipitée et desséchée, elle conserve son pouvoir longtemps et peut produire un effet très sensible sous un poids très faible. Musculus n'hé- site pas à l'assimiler à la diastase de l'orge. Il établit d'ail- leurs à son sujet quelques notions que nous retrouverons tout à l'heure et qui sont très exactes. La question n'a été reprise depuis lui que par M. Miquel, qui l'a beaucoup développée. Dans la pensée de Musculus, c'était du mucus vésical que Furéase provenait. M. ]Miquel a mon- tré que c'était, au contraire, une sécrétion commune à di- vers microbes pouvant faire fermenter l'urée, et rendre alca- lines les liqueurs dans lesquelles ils se développent. Ces microbes, dont M. Miquel a décrit plusieurs espèces, ne sont pas tous au même niveau comme producteurs d'uréase, et il faut naturellement choisir les plus actifs quand on veut avoir une solution de cette diastase. On rencontre un ob- stacle dans ce fait que le microbe producteur est gêné dans UREASR • 545 son fonctionnement par l'alcalinité produite. Il faudrait donc saturer celui-ci au fur et à mesure. On peut encore laisser macérer le microbe dans son liquide de culture. On peut en- suite filtrer ce liquide sur une bougie Chamberland, qui l'ap- pauvrit seulement un peu. L'uréase peut en être précipitée par Talcool ; mais il faut la laisser aussi peu que possible en contact avec ce réactif, car elle est très sensible à son in- fluence. 340. Lois de l'actiori de l'uréase. — De l'ensemble des nombres fournis par M. Miquel, on peut conclure que l'u- réase suit, dans son action, les lois générales des diastases. Mais il manque partout une vérification précise, et même on peut croire parfois que ces lois ne sont pas vérifiées. C'est ainsi, par exemple, que la décroissance dans les quantités d'urée transformée dans l'unité de temps, an lieu d'être régu- lière et de suivre la loi logarithmique, semble passer par un maximum dans quelques-unes des expériences de M. Miquel. jMais celte irrégularité tient à ce que ce savant ne maintenait pas la température constante pendant toute la durée de la réaction. D'autres irrégularités et singularités tiennent peut- être aux propriétés particulières de cette diastase, qui semble être plus sensible qu'aucune autre à certaines influences banales. C'est ainsi, par exemple, qu'une simple dilution dans l'eau l'affaiblit beaucoup. En l'étendant, par exemple, de son vo- lume d'eau, on devrait réduire à 50 0/0 son activité par unité de volume. On la réduit en réalité à 40 et 30 0/0. M. Miquel ne donne pas les raisons de ce déchet, qu'il attribue parfois à une oxydation, mais il montre, par ailleurs, que l'uréase est peu oxydable. Une nouvelle bizarrerie, tout aussi inexpli- quée, est celle-ci : L'uréase jeune, c'est-à-dire nouvellement produite, est toujours moins résistante vis-à-vis des agents extérieurs, dilution, chaleur, oxygène, antiseptiques, qu'une uréase qu'on a conservée pendant quelques semaines ou quel- ques mois, dans un flacon bouché, ou en présence d'un gaz 35 5i6 CIIAPITHI-: XXXII inerte. Tout cela donne à l'étude sur ruréasc quelque cliose- de tlottant. L'étude de ces pliéuomènes curieux eût été une préface fort utile à toutes les recherches sur l'uréase. M. Miquel ne l'ayant pas faite, on ne peut hasarder à ce sujet que des con- jectures. En voici une qui est d'accord avec tout ce que nous savons sur ce sujet. Elle consiste à admettre que dans le liquide qui la contient, l'uréase est d'abord à l'état de disso- lution, et se coagule peu à peu ensuite, soit sj^ontanément, par suite de l'action du temps, soit en vertu de phénomènes d'oxydation se produisant sur d'autres parties du liquide. A l'origine, cette diastase dissoute est très sensible aux agents extérieurs. A mesure qu'elle se coagule, elle devient de plus en plus insensible, de plus en plus résistante, et voilà toute une catégorie de phénomènes, je ne dirai pas expliqués, puis- que l'interprétation est hypothétique, mais d'accord avec cette interprétation. En voici une autre. L'addition à la solution d'urcase de telle ou telle substance étrangère pourra empêcher, ou activer an contraire, ce phénomène de coagulation, et rendre par là la diastase plus ou moins sensible aux influences extérieures. Si la sensibilité augmente, la substance ajoutée sera à la fois un agent paralysant de la diastase et un agent destructeur. Si la sensibilité décroît, la diastase se détruira moins vite en présence de la matière ajoutée, qui sera conservatrice et par là accélératrice. En d'autres termes, nous devrons retrouver les mêmes faits que nous avons déjà observés à propos des autres diastases. Seulement ils seront un peu plus com- plexes, en ajiparence plus paradoxaux et plus difficiles à dé- Ijrouiller à cause de l'introduction de ce facteur nouveau : la fragilité de la diastase jeune, l'inaltérabilité relativement plus grande de la diastase vieillie. Nous allons avoir l'occasion de rencontrer des exemples de ces deux cas. 341. Action de la clialeur. — En voici un premier exem- ple à propos de l'action de la chaleur. M. Miquel fixe à 50" la UREASE 547 température du maximum d'action ; mais il cite des expé- riences dans lesquelles ce maximum est placé nettement .vers 60". Peut-être y a-t-il une influence des matières présentes, comme avec les autres diastases. Ce qu'il y a de sûr, c'est que, déjà à cette température de oO", la diastase commence à souffrir des effets do la chaleur. Quand elle est cliaulfée seule et sans urée, elle faiblit déjà à 3o ou 40". La présence de l'urée lui donne un peu de solidité, comme il arrive eu général pour les diastases. Il faut noter ici que cette aug- mentation de résistance se produit sans qu'il y ait formation de précipité ou même d'un trouble quelconque dans la li- queur. Peut-être l'effet d'affermissement produit par le temps dépend-il aussi d'une coagulation graduelle dans la solution d'urée, coagulation qui peut se faire, comme nous l'avons- vu, sans devenir visible. Le froid, lorsqu'il arrive à la congélation, affaiblit aussi les liqueurs, surto.ut les solutions jeunes. Au voisinage de zéro, l'action est négligeable, à moins que le liquide ne soit agité au contact de l'air, ou exposé en grande surface à son action. 343. Action des acides. — Musculus avait déjà vu, non seulement que les acides entravaient l'action de l'uréase, mais même arrivaient à la détruire. Ainsi, en la laissant séjourner pendant 10 à 15 minutes dans de l'acide chlorhydrique à 4/1000', et en saturant ensuite cet excès d'acide, on trouvait qu'elle avait disparu. Miquel a repris ce sujet de l'influence des corps étrangers, sur lequel il a multiplié les expériences. Malheureusement, au lieu de mesurer les temps nécessaires pour la production d'une même quantité d'action, ce qui fournit, comme nous l'avons vu, le meilleur moyen de me- surer l'action accélératrice ou retardatrice d'une substance, il a mesuré les quantités d'action produites dans le môme temps. Pour faire la traduction des effets d'un système de mesure dans l'autre, il faut n'opérer que sur les chiffres re- cueillis au commencement de la réaction, c'est-à-dire, pen- dant la période où la quantité d'action croit proportionnel- 548 CIIAPITRK X.WII lemciit au temps. Nous ferons cette traduction, pour ré- sumer les résultats de M. lAîiquel, partout où elle sera pos- sible, et nous indiquerons le résultat obtenu par la valeur de ce que nous avons appelé jusqu'ici le rapport U, c'est-à- dire le rapport des temps nécessaires pour produire une même quantité d'action en présence et en l'absence de la substance ajoutée. Quand elle sera accélératrice, ce rapport sera plus grand que l'unité ; plus petit cpiand elle sera retardatrice. 343. Action du sucre et de la glycérine. — Afin de mettre un peu d'ordre au milieu de la foule de résultats va- riés que M. Miquel a fournis dans ses mémoires, nous con- viendrons, en outre, d'opérer sur des diastases jeunes, au moment où elles sont le plus sensibles aux agents dont nous voulons apprécier l'influence. 11 sera entendu qu'à mesure qu'elles veillissent, cette influence va en diminuant de plus en plus, et peut même changer de sens. Voici par exemple l'action du sucre. Dans une expérience, M. Miquel prend une solution d'uréase âgée de 11 jours, et la mélange avec un quart de son volume d'une solution à 20 0/0 de sucre, puis y ajoute 8 0/0 d'urée pure, et place le mélange 24 heures à 48-50°, en même temps qu'une solution d'uréase non étendue, additionnée aussi de 8 0/0 durée. De temps en temps on fait une analyse et on olitient les chiffres suivants pour la quantité d'urée disparue dans un litre de chacune des solutions : Témoin sans sucre. Liqueur sucrée. Apiès 1 lieure lo, l 19,5 » 2 » 19,6 31,o » 3 » 19,6 50,-2 » 24 » 19,2 oO,0 On voit deux choses sur ce tableau : La première est que malgré la dilution qui n'a laissé dans le second liquide que les 4/5 de la diaslase contenue dans un volume égal du premier, la seconde série de chiffres dépasse la première. Il semble donc que l'addition de sucre augmente U RE A SE oi» beaucoup l'action de Turéase. En interprétant ses résultats, M. Miquel aurait certainement en le droit de dire qu'il y avait dans le liquide une pro-uréase, que la solution sucrée transformait en uréase. Le second fait à remarquer est que, dans la première série de chiffres, le maximum est très inférieur à celui de la se- conde série et était atteint déjà, ou à peu près, au bout de la première heure, tandis qu'il n'était pas atteint en deux heures dans l'essai en présence du sucre. Il y a donc eu de la diastase détruite dans le premier cas, car nous savons que lorsque l'etfet de la substance ajoutée est accélérateur ou re- tardateur de l'action, sans toucher à la diastase, il ne modi- fie pas la valeur du maximum atteint. Dès lors, nous con- cluons que l'addition du sucre a eu surtout pour effet de pro- téger la diastase contre l'action de cette température de 48- o()% ({ui lui est funeste. Le sucre n'est donc peut-être pas un adjuvant ou un accélérateur de l'action, c'est un protec- teur de la diastase. Il ne semble pas la protéger d'une façon absolue, puisqu'il ne lui permet pas de dépasser environ 5 0/0 de carbonate d'ammoniaque dans un liquide à 8 0/0 d'urée. Mais en retardant son oxydation ou sa coagulation, il la rend plus puissante. La glycérine joue un rôle analogue, mais un peu plus effacé, autant qu'on peut en juger par les nombres malheu- reusement peu précis des mémoires de M. Miquel. Par contre, le sirop de glucose est sans action. 344. Action des antiseptiques sur luréase. — Ici, pour abréger, je ne donnerai qu'un seul chiffre, le rapport R cor- respondant à la proportion indiquée de l'antiseptique. Par exemple, pour le sel marin on trouve que la quantité durée disparue par litre, en une heure, à une température non indiquée, mais (]ui doit être de 48-00", est de7,4 gr., dans une solution à 6,2o 0/0 de NaCl, et de 8,2 dans la solution té- moin, non salée. Ces nombres sont assez éloignés des chiffres obtenus au bout de 4 heures (22,1 et 24,3 gr. respectivement) 550 C1IAPITI\E XXXII poui' qu'on puisse assurer (ju'au bout d'une heure, l'aciion était encore à ses débuts ; dès lors on peut admettre Pour apprécier l'effet de ces diverses opérations sur les cellules de levure, M. II. Will, de Munich, a étudié le produit à différents stades. Après le broyage, il a trouvé au microscope qu'il y avait -31 0/0 de cellules intactes, 31 0/0 de cellules altérées, 38 0/0 DIASTASE ALCOOLIQUE OU ZYiMASE 553 d'enveloppes de cellules, c'est-à-dire de cellules vides plus ou moins lacérées. Après la première compression, il y avait 21 0 0 de cellules intactes, 40 0/0 à un état intermédiaire, ayant perdu leurs vacuoles, et sensiblement altérées, 39 0/0 d'enveloppes cellu- laires. Après la deuxième compression, c'est-à-dire dans le tiàteau restant k la tin de l'opération, il n'y avait plus que 4 0/0 de cellules intactes, 13 0/0 à un état intermédiaire, 26 0/0 alté- rées, 57 0/0 d'enveloppes vides. Ce dernier cliiflre n'est pas toujours facile à déterminer avec exactitude, à cause des gru- meaux compacts qui se forment. On voit pourtant, d'après ces •chiffres, que le broyage, et encore plus la compression, vident un grand nombre de cellules. Le liquide obtenu, troublé par les matières en suspension, devient, après passage sur un filtre à plis, un liquide opales- cent, de densité 1,04 ; on le conserve dans l'eau glacée. Ce qui nous intéresse dans son étude, c'est que, mélangé à une solution •de saccharose à 30 ou 40 0/0, il y provoque, au bout de quel- ques luinutes, un dégagement dacidc carbonique, lent d'abord, mais qui s'accélère ensuite au point de former une mousse qui peut atteindre plusieurs centimètres de hauteur. Quand tout a cessé, on trouve de l'alcool dans le liquide. On a contesté à l'origine que cela fût suffisant j^our affirmer une fermentation alcoolique. On a dit que les quantités d'alcool trouvées étaient faibles, qu'elles pouvaient provenir de l'action de microbes, le liquide de broyage n'étant ni stérile, ni stéri- lisable par la chaleur. E. Buchner a répondu à ces objections •en préparant des liquides plus actifs, et en évaluant ce qu'ils donnaient d'alcool et d'acide carbonique. Il est revenu pour cela à l'ancienne méthode de Lavoisier : apprécier l'acide carbonique en pesant le vase à fermentation avant et après le dégagement, et l'alcool par les procédés ordinaires. En opérant ainsi avec 180 ce. de suc de levure, mis on présence de 20 gr. de saccliai'ose et de 2 0/0 d'acide arsé- iiieux à l'état d'arsénite de potasse, MM. Buchner et Rapp :i.;G CHAPITRK XXXIII ont trouvé, dans une expéiiencc, 8 gi'. 9 d'alcool et 8 gr. 9 daeidc carbonitiue ; dans une autre, 8 gr. d'alcool et 8 gr. 1 d'acide carljoni(|ue. Il restait encore, à la fin de l'opération, un peu de sucre non fermenté, diflicile à apprécier et à distin- guer des matières réductrices apportées par le suc de levure. Dans une expérience où tout le sucre avait disparu, on a obtenu, avec 26 gr. de saccharose, 12 gr. i d'alcool et 12 gr. 2 d'acide carbonique. Ces chilt'res sont assez grands pour enlever tous les doutes. De plus, on voit cjuc les poids d'alcool et d'acide carbonique sont approximativement égaux. On peut donc dire que la zymase d'Ed. Buchner réalise, en ([uel(]uc sorte plus schémati- quement cjue le globule de levure, la réaction écrite dans la formule classique : G6fj,2Q6 ^ 2G=H'0 + 2C0^ 180 gr. 92 gr. 88 gr. C'est une dislocation du sucre qui se produit, avec dégagement de chaleur. 347". La fermentation est due à une diastase. — De quelle nature est l'élément du liquide qui provoque cette dislo- cation ? Il est en solution dans l'eau. Il est précipitable par l'alcool. Si, après avoir obtenu ce précipité, on le sèche rapi- dement dans le vide, on lui trouve, après l'avoir redissous dans l'eau, les mêmes propriétés qu'au liquide primitif, un peu atténuées par l'opération, comme cela arrive pour les autres diastases. De plus, la matière active se détruit par la chaleur : en chauflant le suc de levure, on voit s'y produire, déjà vers 35 ou 40", un précipité floconneux abondant, et dès qu'il commence, la zymase est atteinte. Un suc de levure chauffé à l'ébullition a perdu toutes se» propriétés, et on ne les retrouve plus dans le précipité. Comme les autres diastases encore, la zymase sèche supporte l'action de la chaleur beau- coup mieux que lorsqu'elle est humide. Enfin, la disproportion entre la quantité d'action et la quantité de matière active, bien DIASTASK ALCOOLIQUK OU ZYMASE 557 que moins gTande qu'avec d'autres diastases, existe néanmoins ici, de sorte qu'on a le droit de croire à ce premier exemple d'une diastase amenant une fermentation avec dégagement gazeux. On peut affirmer que cette notion est une acquisition capitale de la science. Comme bien on pense, M. E. Buclmer et ses collaborateurs ont procédé à une étude soigneuse des propriétés de cette diastase nouvelle. Voici les premiers résultats qu'ils ont obtenus. 348. Dialyse et filtration poreuse. — Lorsqu on remplit de cette solution de zymase un boudin de papier parchemin, et qu'on plonge le tout dans une solution sucrée à 35 ou 40 0/0_, on trouve que ce tube se couvre de bulles gazeuses sur sa sur- face extérieure. Mais il ne faudrait pas en conclure c]ue la diastase s'est dialysée dans la solution sucrée ; c'est l'acide carbonique, formé à l'intérieur du suc, qui se dégage sur sa surface extérieure. C/cst absolument comme avec la levure. La zymase du suc de levure ne semble pas plus dialysable au travers du papier parchemin c[u'elle ne l'était au travers de la paroi cellulaire. Du suc de levure a été maintenu pen- dant 17 heures, à 0°^ en couche de 2 centimètres de hauteur, en présence de dissolutions diverses, employées sous un vo- lume de o litres : eau distillée, solution physiologique de sel marin, liquide contenant, pour le même volume, 5 gr. de })hosphatc neutre de potasse, 2 gr. de sel marin, 2 gr. de sulfate de magnésie, et 1 gr. de sulfate de chaux. On a com- paré, au bout de cet intervalle, les sucs dialyses avec un vo- lume égal du même suc conservé le même temps à la même température. Tous donnaient la même quantité d'alcool et d'acide carbonique en présence de la même quantité de sucre. La dialyse n'avait donc pas atteint sensiblement leur matière active. Ceci donne une confirmation nouvelle du fait qu'on connais- sait déjà, que la fermentation alcoolique est un phénomène 558 CIIAPITRK XX. Mil iutracollulairo. L'étude de la zymase permet d'eu donner une autre déuionstralion. Ou sait que la levure, introduite dans une solution sucrée, se fait, lorsque les conditions sont favorables, une réserve intérieure de glycogène, qu'elle consomme ensuite. Le glyco- gène est donc une matière sucrée que la levure peut trans- former en alcool et en acide carbonique. Cependant A. Koch et Hosœus ont montré que diverse* levures, une levure de Frohberg-, une levure de distillerie et une levure de bière, étaient incapables de faire fermenter une solution de glycogène additionnée de sels nutritifs. C'est que le glycogène n'est pas dialysable, ne peut pas entrer dans la cellule de levure, et comme la zymase n'en peut pas sortir, les deux matières sont en présence, mais séparées par un nnu% et incapables d'agir lune sur l'autre. Mais mélangeons la solution de glycogène avec le suc de levure, nous avons un dégagement d'acide carbonique. Ceci ne veut pas dire que la diastase qui agit sur le glycogène est identique à celle qui agit sur le saccharose, mais seulement que, dans un cas comme dans l'autre, la fermentation est intracellulaire. Au sujet de la filtration poreuse, on peut prévoir que la zymase de Buchner se comportera comme le font en général les diastases, c'est-à-dire qu'elle sera absorbée en plus ou moins grande proportion, dépendant à la fois de la nature du liquide, de celle du filtre, de la quantité de liquide qu'on y fait passer, etc. L'expérience a montré en effet que le suc de levure s'ap- pauvrit en zymase par filtration ; c'est pour cela qu'il n'avait pas été possible de stériliser par filtration les liquides très faibles, préparés au début des études. Avec les liquides plus actifs qu'on a maintenant, il est avantageux de leur faire subir une première filtration sur un filtre à terre d'infusoires, dont les mailles, assez larges, retiennent les éléments les plus volumineux, et amènent une première épuration qu'on trans- forme en stérilisation par un passage au travers du filtre Chamberland. DIASTASE ALCOOLIQUE OU.ZYMASE 5oi> 349. Conservation du suc de levure. — Nous avons dit que le suc de levure devait être conservé au froid. La zymase qu'il contient semble en eifet avoir une très grande fragilité^ alors môme qu'on la préserve de l'ingérence des microbes par la filtrafion ou par l'addition d'antiseptiques. Elle ne résiste même pas à un long" séjour à la glacière. Il semble qu'elle se détruise en partie par oxydation, car elle se conserve un peu mieux lorsqu'elle est saturée d'acide carbonique, ou mise en présence d'un peu de sucre, au contact duquel elle dégage un peu de ce gaz. Mais il y a une autre raison de sa destruction rapide : M. Bucliner l'attribue à sa digestion par la trypsine de la levure. Il est certain, comme nous le verrons, que la levure fabrique une caséase ou une trypsine, capable d'amener certaines ma- tières albuminoïdes au même état de dislocation que les dias- tases du pancréas, et d'en tirer de la leucine et de la tyro- sine. Un liquide de macération de la levure, abandonné à lui- même à l'abri de l'air, après stérilisation par filtration po- reuse, donne un dépôt de tyrosine, comme l'a montré Fern- bacb. On comprend qu'il puisse résulter de l'action de cette diastase, soit une digestion de la zymase, soit au moins une transformation qui en paralyse l'action. On comprend aussi que si c'est cette cause qui intervient, il n'est pas commode de l'annihiler, les deux diastases étant sensibles aux mêmes influences. MM. Buchner et Rapp ont pourtant résolu partiellement ce problème par divers moyens. D'abord, pour éviter les diffi- cultés qui résultent^ pour l'étude, de ce cju'il est impossible de conserver longtemps un suc actif, et qu'il faut sans cesse préparer des sucs frais, différents les uns des autres, ils ont réussi à conserver le suc en le desséchant. Voici comment ils opèrent. On commence par concentrer aussi rapidement que possible dans le vide le suc frais. A mesure que la concentration aug- mente, l'action de la trypsine est de plus en plus gênée. L'opé- ration se fait à 20 ou 2'5°, dans un ballon où on a introduit quel- riOO GHAIMÏHE XXXIII qiics gouttes triiuile, autant pour éviter l'oxydation que pour briser la mousse. Au bout d'une demi-heure, quand le liquide est devenu sirupeux, on l'étalé en couclie mince sur des lames de verre, lavées à l'ctlier pour assurer partout une égale adhé- rence, et on achève de dessécher, soit dans le vide, soit dans l'air. Au bout de 24 heures, la lame est couverte d'un enduit sec qu'on gratte, qu'on pulvérise et qu'on sèche parfaitement dans le vide sec. On obtient ainsi, en partant de oOO ce. de suc, 70 gr. d'une poudre jaunâtre, rappelant l'albumine desséchée, et ayant une agréable odeur de levure. Cette poudre se redis- sout intégralement dans l'eau, et, ramenée à la concentration qu'elle avait dans le liquide initial, montre à très peu près la même activité que le suc primitif. Elle la perd peu à peu avec le temps, mais en somme, le procédé de conservation à sec est très notablement supérieur à la conservation dans le suc. 350. Action de la chaleur. — Nous avons dit que la zy- mase, comme les autres diastases, était plus sensible à l'action de la chaleur quand elle était en dissolution dans l'eau qu'à l'état sec. Ed. Buchner a fait à ce sujet une constatation inté- ressante. C'est que la zymase à l'état sec, à l'intérieur du globule de levure, résiste mieux à la chaleur que le globule lui-même, de sorte qu'on peut la retrouver prête à agir, en humectant la masse, tandis que la vitalité de la cellule a disparu. Il a fondé sur cette observation, non un procédé nouveau d'isolement de la sucrase, mais un moyen de préparer une poudre capable de produire, par voie purement diastasique, les mêmes effets que la cellule vivanttî. Il commence par laver la levure et par la presser, pour lui enlever l'excès d'eau. Puis il l'étalé en couches très minces sur des plaques de porcelaine ou de métal é maillé, et la laisse se dessécher à la température ordinaire. Il la chauffe ensuite à une température comprise entre 50 et 100°, mais il n'indique d'une façon plus précise ni la température qu'il ne faut pas dépasser, ni le minimum de teneur en eau qu'il faut atteindre. Cette levure séchée, broyée, DIASTASR ALCOOIJOUE 01' ZYMASE 5(U peut remplacer avec avantage la levure de panitlcatiou, si on l'ajoute à la farine clans la proportion de 8 à 10 0/0 ; c'est beaucoup, et, à cette dose, on pourrait accuser la pratique d"ètre une pratique de falsification. Ce qui serait intéressant, ce serait de pouvoir faire servir cette poudre à des fermenta- tions véritables de vin ou de bière. Il serait curieux de com- parer ces boissons faites par une diaslase à celles qui provien- nent de la fermentation ordinaire, et de voir les dilférences qui peuvent résulter de rabsence de la glycérine, de l'acide succinique, et des autres sous-produits de r'action cellulaire que la zymase ne peut pas fournir. En tous cas, la persistance de la propriété diastasique de la cellule, lorsque la vie cellulaire a disparu, est un argujnent de plus en faveur de la zymase. On voit aussi que cette mé- thode permet de rechercher l'existence de zymases analogues dans d'autres microbes, par une méthode expérimentale plus facile que celle qui exige un broyage et une dilacération de cellules, parfois impossibles à réaliser. 351. Action sur les divers sucres. — 1\IM. Buchner et Rapp ont examiné à ce pohit de vue les plus importants des sucres naturels. Ils ont vu cjue le maltose, le saccharose, le d-glucose et le d-fructose fermentent avec une égale rapi- dité, les deux premiers évidemment parce qu'ils trouvent aussi^ dans le suc de levure, les diastases qui les dédoublent. Le raffinose fermente plus lentement. C'est un trisaccharide qui doit se dédoubler en sucres avant de fermenter. Le d-ga- lactose et le glycogène fermentent encore plus lentement que le raffinose. Le lactose et le 1-arabinose ne fermentent pas. On voit cjue les sucres fermentescibles par le suc de levure ne sont pas absolument les mômes que les sucres fermentes- cibles par la levure. Les diflerences peuvent tenir à des dif- ficultés de pénétration dans le globule, comme nous l'avons va pour le glycogène, et on n'a pas pour le moment les élé- ments nécessaires pour pousser plus loin cette comparaison. Ilemarquons pourtant que les sucres infermentescibles par le 30 562 CIIAPITRK XXXIII suc, comme le lactose et rai'abinose, sont aussi iufermcntcsci- l)les pour la levure. Quelques essais préliminaires semblent indiquer que la zyuiase acit lentement sur l'empois d'amidon, et en dégage de l'acide carbonique. Peut-être y a-t-il, mélangée à la zymase, un peu d'amylase et de dextrinase donnant du glucose. Tous ces sucres, pour être attaqués, doivent être en solution concentrée, voisine au moins de J5 0/0 et pouvant s'élever à 30 et 40 0/0, niveau auquel la levure reste inerte. On ne sait pas eucore bien pourquoi ces fortes concentrations sont néces- saires. 35S. Rendement en zymase. — Remarquons, avant de quitter ce sujet, que les meilleurs procédés d'extraction sont sans doute loin de retirer de la levure toute la zymase qui y est disponible. Des nombres que nous avons donnés ci- dessus, on peut conclure que la zymase totale retirée de 1 kilog. de levure peut donner, en AO heures et à 12", au maximum 00 à 70 gr. d'acide carbonique, aux dépens d'une cjuantité double de sucre. Ce kilogramme de levure pourrait facilement dans le même temps faire fermenter 40 à 50 ki- logrammes de sucre, et fournir au minimum 20 kilogr. d'a- cide carbonique, c'est-à-dire 300 fois plus que la zymase. On peut dire, il est vrai, que la levure ne contient pas dès l'ori- gine, et toute formée, la zymase dont elle dispose pendant la fermentation, et qu'elle la fait peu à peu. Comme il est probable que la zymase ne se détruit pas plus en agissant que ne le font les autres diastases, et qu'à l'intérieur du protoplasma elle est bien à l'abri de l'oxygène, une masse de levure, récoltée et traitée après qu'elle vient de produire une fermentation, devrait contenir toute la zymase qu'elle a fabri- cjuée pendant sa vie active. Comme on en retire peu, c'est que les procédés d'extraction sont encore imparfaits. Il ne faudrait donc pas juger de l'importance industrielle que pourra prendre la découverte de Buchner par celle qu'elle a maintenant. DIASTASE ALCOOLIQUE OU ZYMASE 503 353. Influence de l'arsénite de potasse. — A propos de cette diastase, comme à propos dos autres, nous retrouvons l'influence favorisante ou dépressive de quelques substances. La plus curieuse est celle de l'acide arsénieux, employé à l'état de sel de potasse ou de soude. Une proportion de 2 0/0 d'acide arsénienx favorise de la façon la plus nette l'action de la zymase. Je ne donne pas dans ce cas de chiffres pour la valeur de ce que nous con- naissons sous le nom de rapport R, parce que, d'après les ré- sultats de lîuchner;, ce rapport R est variable. De plus, il présente quelques singularités encore inexpliquées. L'arsénite, qui favorise nettement l'action du suc frais, gône au contraire Faction du suc obtenu au moyen d'une levure qu'on a aban- donnée à elle-même pendant quelques jours à la température de 5-10° avant de la mettre en œuvre. Même effet sur du suc de levure qu'on a soumis pendant quelque temps à la dialyse. Enfin, ce qui est encore plus curieux, c'est que l'action de l'arsénite dépend de la nature des sucres. Elle gêne la fer- mentation du d-glucose, du galactose et des sucres qui, en se dédoublant, ne fournissent que du d-glucose, tels que le maltose et le glycogène. Elle favorise au contraire, et dans des conditions en apparence identiques, la fermentation du saccharose, celle du sucre interverti, mélange équimoléculaire de d-glucose et de d-fructose, ou encore celle d'un mélange de saccharose et de glucose. Il semble donc qu'il suffise de mélanger à du d-glucose un autre sucre fermentescible, pour que l'action de l'arsénite devienne favorable, de nuisible qu'elle était. Le d-fructose fermente lui-même un peu plus lentement, en présence de l'arsénite, lorsqu'il est seul que lorsqu'il est mélangé à du d-glucose. Mais l'effet est moins marqué. Ces singularités ne peuvent pas s'expliquer par une oxydation de l'acide arsénieux, car l'arséniate de potasse est sans action favorable ou nuisible. Ce sont peut-être là des phénomènes comparables à ceux que Bertrand a relevés au sujet de la présence du manganèse dans les cendres des oxydases ; mais ce rapprochement n'est pas une explication. 504 CIlAPlTlîl': XXXIIl 354. Influence d'autres substances. — Le carljonafc de potasse à la dose de 0,G 0 0 favorise l'action de la zymase. 11 eu est de même du sidfate, du nitrate, du chlorure et de l'azoïmidate d'ammonium à la dose de 2,2 0/0 ; en élevant la dose, l'effet utile diminue, puis disparaît. Cependant, à la dose de G, 7 0/0 le sulfate d'ammonium n'est pas encore gênant. Le fluorure d'ammonium est 1res défavorable ; à la dose de 0,55 0/0, il arrête toute action et amène même nn trouble considérable dans la liqueur. Le toluène a souvent été employé par M. Buchner et ses collaborateurs ponr se mettre à l'abri des microbes dans les expériences. A la dose de 1 0/0, il est en effet un antiseptique microbien puissant, et non seulement il ne gêne pas, mais il semble parfois favoriser l'action de la zymase. Les acides semblent avoir un effet retardateur. 11 en est au moins sûrement ainsi pour l'acide acétique à la dose de 0,0G et de 0,13 0/0. La zymase est donc une diastase qui préfère les milieux neutres ou de préférence un peu alcalins. BIBLIOGRAPHIE E. Buchner. Ber. d. d. c\em. Gesells, t. XXX, 1897, pp. 117, 1110, 2C6S. E. Buchner et Rapp. h'., t. XXXI, 1898, pp. 209, 1084, 1090 et 1531. CHAPITRE XXXIV OXYDASES Les diastases que nous avons étudiées jusqu'ici sont des- tinées surtout à présider à des actes digestifs, à rendre solu- bles et fissiniilables des substances que leur structure physique ou chimique empêche d'être ahmentaires : ce sont des dias- tases digestives. Les oxydases semblent être, au contraire, comme on va le voir, des diastases de respiration. Leur carac- tère essentiel, celui qui leur fait une place à part, est de permettre à Foxygène atmosphérique de se porter rapidement à la température ordinaire, et dans des conditions qui restent physiologiques, sur des corps que, sans les oxydases, il n'at- taquerait que plus lentement. On peut donc les considérer comme des agents de transport de l'oxygène, et elles font tout de suite penser aux globules du sang-, ou plutôt à l'hé- moglobine des globules. Nous pouvons donc les appeler dias- tases de respiration. 355. Oxydation respiratoire. — Il faut remarquer pour- tant que la distinction que nous faisons est un peu artifi- cielle et que, souvent, la fonction nutritive el la fonction respiratoire sont tellement confondues qu'on ne peut les sépa- rer. Tel est le cas chez les microbes, surtout chez les anaéro- bies, pour lesquels, dans nos idées actuelles, le besoin d'oxy- gène est le principe même de l'acte nutritif. Lorsqu'on voit des levures, si avides d'oxygène dans leur vie aérobie, avoir l'air de s'en passer dans leur vie anaérobie, et pourtant produire des actes de comlnistion comme ceux qui se tradui- sent par un dégagement ajjondant d'acide carbonique, on est porté à se demander si ce n'est pas précisément parce 666 CHAPITRE XXXIV qu'elles peuvent enipruiiter ce gaz oxygène au sucre qu'elles le décomposent, s'en nourrissent et en sont en même temps- les ferments. Ce que nous disons des cellules microbiennes, nous pourrions le dire des cellules de nos tissus. Leur respi- ration et leur nutrition sont difficiles à distinguer l'une de l'autre. Ce qui sépare ces deux fonctions dans les animaux un peu élevés en organisation, c'est qu'elles semblent avoir des organes distincts. Mais, en allant au fond des choses, cette distinction s'efïace. Le poumon et le canal digestif sont seulement des organes préparatoires fournissant l'un l'oxy- gène, l'autre la matière alimentaire à un état tel que les tissus puissent les utiliser, et c'est au point où ces matériaux de diverse? origines se confondent, c'est-à-dire dans la cellule, que se confondent en un phénomène unique la respiration et la nutrition. Cette nutrition^ quelle que soit sa complexité, s'accompagne toujours de la combustion de certaines substances qui sont stables à la température ordinaire, et qui pourtant sont dé- truites par la cellule vivante. Cette combustion est-elle le résultat de ce qu'on appelait autrefois l'action vitale, c'est-à- dire d'un ensemble de forces organiques ou inorganiques, que seule la vie pouvait discipHner et faire concourir à un but? Ou bien, au contraire, est-elle réductible à une force unique, capable de fonctionner en dehors de la cellule et de l'orga- nisme ? 11 y a quelques années, la science était vitaliste, et aurait répondu oui à la première question. Aujourd'hui, elle a dû changer d'avis. Elle répond non à la première question et oui à la seconde, depuis qu'elle sait faire respirer de Ihy- droquinone et de l'acide pyrogallique. Il n'est pas sans intérêt de voir comment elle est arrivée à connaître et à préparer un corps capable de porter l'oxygène de l'air sur un autre corps et den tirer de l'acide carbonique, c'est-à-dire de présider à une combustion sans y prendre part lui-même, de sorte que, théoriquemeni, la quantité de matière qu'il peut comburer est hors de proportion avec son poids- et surtout avec ce qu'il contient d'oxygène. Une oxydase n'est^ OXYDASES 567 en effet, pas une substance qui, comme l'eau oxygénée, l'acide chromique, l'acide hypermanganique, cède à d'autres corps son oxygène, et devient inerte quand elle est desoxydée. Elle est un agent de transport de l'oxygène, emprunté à une source quelconque, sur un corps qui devient le siège d'une oxydation définitive. Si elle détient l'oxygène pendant ce transport, et le cède par suite à la substance oxydable, il faut cju'elle ait le pouvoir de renouveler, sa provision à ce point de vue. Un sel de fer ou de manganèse qui se désoxyde au contact de la matière organique et qui se réoxyde au contact de l'air est une oxydase. Il y a donc encore ici des actions chimiques qui produisent le même effet que la diastase, mais, ici encore, la diastase se montre plus active que les forces de la chimie minérale, et peut agir dans des conditions phy- siologiques. 356. Reclierches de Schmiedeberg. — C'est Schmiedeberg qui a le premier cherché le mécanisme de l'oxydation dans le sang et les tissus. Il introduisait pour cela, dans la circu- lation, des suljstances qui devaient satisfaii-e à quatre condi- tions : 1° Elles devaient être à peu près inaltérables à l'air à la température du corps, et être facilement oxydables dans l'organisme; 2° leur formule chimique et celle de leurs pro- duits d'oxydation devaient être assez connues pour qu'on soit sûr du point de la molécule sur lequel se portait l'oxydation ; 3" ces substances et leurs produits d'oxydation devaient être étrangers à l'organisme, pour ne pas s'y confondre avec les éléments normaux ; 4" substance et produits devaient être faciles à isoler et à doser exactement. Certains corps de la série aromatique remplissent suffisamment ces quatre condi- tions, Schmiedeberg a choisi l'alcool benzylique, CIF. CH-OII, qui, en s'oxydant, donne de l'acide benzoïque CIP.CO-^II, et l'aldéhyde salicylique C^IP-OILCOII, qui donne par oxydation de l'acide salicylique C^ir'.OH.CO'H. Il a vu tout de suite que ces substances, mises en contact avec du sang artérialisé, s'oxydent, l'alcool benzylique faible- 508 CHAPITRE XXXIV iiKMit, et raklébydc salicyliquc pas du tout. Si, au contraire, on fait circuler du sang" contenant ces produits à travers des organes isolés d'animaux fraicliement tués, l'oxydation devient Y>onv les deux corps assez active. Ceci confirmait d'anciennes expériences faites dans une autre direction, et prouvait (|ue le siège des oxydations oi'ganiques n'est pas dans le sang, mais dans les tissus. SBT. Recherclies de Jaquet. — Ces expériences ont été notablement étendues et précisées par Jaquet, qui a montré que le poumon était l'organe de choix pour les entreprendre. On le place dans une étuve à 35" et on y artérialise le sang au moyen de la respiration artiticielle. Avec les autres organes, le maintien de la provision d'oxygène dans le sang ne peut se faire que par la circulation artificielle et des appareils plus compliqués. Pour donner un exemple des résultats, je dirai qu'un poumon de bœuf, dans les vaisseaux duquel on avait injecté 800 ce. de sang défibriné, contenant 1 gr. d'alcool benzylique, a donné en 5 heures 185 mgr. d'acide benzoïque. Un rein de cochon a donné dans les mêmes conditions, et par circulation artificielle de sang contenant 1 gr. d'alcool benzylique, 100 mgr. dacide benzoïque, et avec 1 gr. d'aldéhyde salicylique, 120 mgr. d'acide salicylicjue. Le sang n'est pas indispensable pour cette oxydation. Après avoir injecté dans un poumon de cheval 1 gr. 5 d'alcool benzylique, dissous dans 1.500 ce. de sérum, et fait la respiration artificielle pendant 4 heures, Jaquet a trouvé 323 mgr. d'acide benzoïque. En remplaçant le sérum par la soluiion physiologique de sel marin, on a trouvé en 4 heures 212 mgr. d'acide benzoïque. L'oxygène libre est donc lui aussi un puissant oxydant, pourvu qu'on l'amène au contact de la cellule, et il n'est pas nécessaire que celle-ci soit normale. On peut la soumettre à l'action de toxiques puissants comme la quinine ou l'acide phénique, la congeler d'abord pour la dégeler ensuite, bref altérer de son mieux tout ce qui est chez elle action vitale OXYDASES 509 et siniclnre organique. On fait baisser un peu sa puissance oxydante, mais on ne la fait pas disparaître. Jaquet est même allé plus loin. Il a trouvé qu'un poumon, laissé 12 à 14 jours dans l'alcool à 7o 0/0, rincé ensuite avec la solution physiologique de sel marin, a donné encore 33 mgr. d'acide salicylique par respiration artificielle en présence de 1 gr. 1 d'aldéhyde salicylique dissoute dans 1.500 ce. de solution physiologique de NaCl. En réduisant l'organe en bouillie cju'on durcit dans l'alcool, qu'on sèche ensuite, qu'on reprend alors avec une solution tiède de chlorure de sodium, et qu'on mélange à du sang, on a encore une oxydation ma- nifeste. Enfin, non seulement la configuration histologique de la cellule n'est pour rien dans l'affaire, mais ce n'est même pas sa matière solide qui est en jeu. On peut laver avec la solution physiologique de sel marin la pulpe de l'organe haché, soumettre cet extrait à l'action centrifuge pour le débarrasser de ses éléments histologiques ; cet extrait^ mélangé à du sang, oxyde encore l'aldéhyde salicylique. On peut même ne pas le mélanger à du sang et l'aérer en le faisant couler en couche mince sur la surface interne d'un tube de verre chauffé à 33". Dans une série de cincj expériences faites de cette façon avec des extraits de poumons ou de reins et 1 gr. d'aldéhyde salicylique, Jaquet a obtenu 11, 21, 48, o3 et 8'6 mgr. d'acide salicylique. Jaquet avait cru que le sang, même artérialisé, était in- capable d'oxyder l'aldéhyde salicylique. Salkowski avait ob- tenu au contraire de l'acide salicylique en pulvérisant au eontact de l'air du sang maintenu à 40-42", et mélangé d'un millième environ d'aldéhyde salicylique. Abelous et Biarnès arrivent au même résultat en laissant à l'étuve à 37" du sang- soumis à l'influence d'un courant d'air. L'alcalinité du sang n'est pour rien dans le phénomène ; les globules rouges ni l'hémoglobine non plus. Mais l'action est beaucoup moins rapide qu'avec les tissus. Il y a donc une substance solublc daus l'eau qui provoque ces oxydations, et cette substance siège dans le sang et sur- 570 CHAPITRE XXXIV tout dans les tissus. L'expérience montre qu'elle est insoluble dans l'alcool, et qu'elle est détruite à l'ébullition. Donc, conclut Jaquet, le principe actif des oxydations dans le corps animal est une diastase. La conclusion était importante et inattendue. Les expériences de Jaquet n'en disaient pas plus long. Comment agissait cette diastase? Il semblait bien qu'elle servait d'agent de transport à l'oxygène de l'air, mais ce n'était pas prouvé; Jaquet ne citait sur ce point aucune ex- périence de contrôle, et la science a dû se contenter, pendant quelques années, de cette notion, que l'oxydation dans les tissus était un pbénomène diastasique. 358. Expériences antérieures. — x\u moment où elle a été produite, l'affirmation de Jaquet avait eu quelques pré- cédents qui n'avaient guère frappé l'attention, tant à cause de leur incertitude que du peu d'importance apparente des phénomènes à propos desquels ils avaient été produits. On sait, par exemple, depuis bien longtemps, dans les phar- macies, que la teinture de gaïac se colore en bleu en présence- de cerïains corps, les acides, les gommes, les farines, les tissus de certaines plantes, etc. Celte coloration ne se produit qu'en présence de l'air et peut se faire aussi sous l'influence de certains corps oxydants, le chlore, l'iode, l'acide azotique et azoteux, le permanganate de potasse, le ferricyanure de potassium, l'ozone, etc. Schonbein, rassemblant dans un énoncé unique les faits observés avant lui, avait cru pouvoir dire que le bleuissement de la teinture de gaïac était dû à une combinaison avec l'ozone. Tous les corps qui le pro- duisent apportent de l'ozone avec eux, ou au moins ont le pouvoir d'en emprunter à lair, en décomposant son oxygène neutre en ozone et antozone. Nous retrouvons donc à ce niveau l'idée d'une substance, commune à plusieurs corps et à plusieurs végétaux, servant d'agent de transport à l'oxy- gène. Planche et Schonbein avaient vu que cette propriété disparaissait quand on faisait bouillir la substance qui la possédait. Mais cela ne suffisait pas pour faire naître l'idée OXYDAS ES 571 d'une diastase, et rien no disait d'ailleurs que le phénomène fût partout le résultat d'une oxydation, ni que celle-ci fût autre chose qu'une oxydation simple, de la part d'une sub- stance qui céderait son oxygène à une autre, et qui, le perdant par la chaleur, serait incapable de faire après l'ébullition ce qu'elle faisait avant. Cette notion d'une diastase s'était pourtant précisée dans un travail d'un chimiste de Tokio^ Hikorokuro Yoshida, qui avait étudié la formation de la laque japonaise. Cette laque est faite avec le suc laiteux du Rhus vernicifera, qu'on étale à la surface des objets, et qui, abandonné au contact de l'air humide, se transforme en une niasse noire insoluble dans l'eau bouillante, l'alcool, non attaquable par les aci- des étendus. En précipitant ce suc frais par l'alcool, il en avait retiré une substance blanche qu'il avait assimilée à une diastase, parce que, sans elle, le suc ne se laquait pas,^ et qu'en l'ajoutant au suc dont on l'avait retirée, on lui res-' tituait ses propriétés. Poursuivant cette très heureuse idée, il avait vérifié aussi que la matière noire de la laque était plus oxydée que celle du latex, et de là il avait conclu à l'existence d'une diastase oxydante. Malheureusement, rien de tout cela n'était prouvé. On n'était plus ici dans les conditic4îis théo- riques des expériences de Schmiedeberg, où on sait d'où l'on part et où l'on arrive : ni le latex, ni la laque ne sont connus chimiquement, et l'augmentation de la proportion d'oxygène dans la dernière peut être tout aussi bien attribuée à l'élimination d'un coips moins oxygéné par l'action dias- tasique, ou bien à une hydrolisation qui, introduisant dans la molécule le corps le plus oxygéné de la nature, l'eau, y augmente par là la proportion d'oxyg^'-ne, qu'à une oxydation véritable. En outre, cette oxydation était-elle le fait d'un corps qui se désoxyde, ou à un transporteur d'oxygène. C'est ce que les expériences du savant japonais ne disaient pas. Les recherches de M. Lindet, faites en 1883 sur les causes du noircissement du cidre, ont laissé aussi indécise la ques- tion de savoir si cette coloration, qui est un effet d'oxydation. 572 CHAPITIIK XXXIV ■est duo à iiiio diastasc, et il faut en vonii' aux recherches de M. G. Bertrand pour trouver hi solution nette et précise de ce proljlcme. 359. Recherches de M. G. Bertrand. — Ces recherches ont porté sur le latex du R/u/s succedanra, qui sert aussi à la- -(pier. Ce suc est une crème épaisse, qu'on peut garder long- temps intacte, cpiand on la conserve en vases clos et bien bouchés. Mais, dès qn'elle arrive à l'air, elle brunit et se re- couvre en peu d'instants d'une pellicule résistante, d'un noir intense, qui protège le reste du latex. Pour obtenir un enduit •cohérent et résistant, il n'y a qu'une précaution à prendre, celle de laisser l'objet recouvert du latex dans une atmosphère humide. Quand on l'abandonne simplement à l'air, la couche devient visqueuse et rougeàtre, et l'opération est manquée. On peut, en ajoutant à ce latex 4 à o fois son volume d'al- cool, y produire un précipité qu'on sépare en jetant sur une toile fine. On le délaie à nouveau à plusieurs reprises dans l'alcool en filtrant à chaque fois, jusqu'à ce que le liquide de lavage ne se trouble plus par addition d'eau. Tous les liquides alcooliques sont réunis, distillés dans le vide, et agités ensuite, d'abord jivec de l'eau, puis avec de Féther. L'eau enlève un peu de glucose, des sels minéraux ; l'éther enlève un liquide huileux épais, insoluble dans l'eau, soluble en toutes propor- tions dans l'alcool, l'éther, le chloroforme, le benzène, émet- tant des vapeurs irritantes qui en rendent le maniement diffi- cile. Cette substance se comporte vis-à-vis des réactifs, en par- ticulier du perclîlorure de fer ou de l'acétate de plomb, comme •certains phénols polyatomiques. C'est le laccol. Ce laccol en solution alcoolique, et précipité par l'eau, donne une émulsion blanche analogue au latex de la plante •qui l'a fourni. Mais cette émulsion se conserve à l'air sans altération apparente. Mélangeons-la au contraire avec une pe- tite quantité du précipité alcoolique du latex, elle commence de suite à brunir. Sa coloration passe rapidement au brun noir, surtout si on acite au contact de l'air. Il n'v a aucune OXYDASES ri75 coloration eu raljsencc d'oxygène. De plus, si on fait bouillir, avant de l'ajouter à l'éuiulsiou, la solution aqueuse du préci- pité alcoolique du latex, rien ne se j^roduit. Ce groupe de faits démontre donc : 1" que ce précipité est ou contient une diastase ; 2" que cette diastase amène une oxydation. Nous voilà donc conduit à l'étude de cette diastase, que M. G. Bertrand a appelée laccase. C'est une substance blanche et amorphe, très soluble dans l'eau, donnant des solutions flui- des, même lorsqu'elles sont à 20 ou 2o 0/0 ; et cela est sin- gulier, car cette laccase est formée, en presque totalité, d'un mélange de deux gommes, l'arabane et la galactane, qui^ liv- drolysécs par des acides dilués, donnent de l'arabinose et du galactose. Aucune de ces deux substances, lorsqu'elles est pure, ne jouit de propriétés oxydantes. Il faut donc que, dans la laccasC;, il y ait en outre une diastase. Mais on ne sait sous quelle forme. Comme il y a un peu d'azote, on peut, en admet- tant que cet azote soit albuminoïde, calculer à combien d'al- bumine il correspond, et en admettant que la diastase soit de la matière albuminoïde, dire au maximum ce qu'il y en a dans la laccase. Un échantillon de laccase, ainsi analysé par M. Bertrand, avait la composition suivante : Hiimidilé (dosée à l^Qo) 7,40 p. 100 Gomme (arabano et galactane) 84,95 Laccase (Az — 0,40 p. 100) 2.o0 Cendres o,17 Cette substance n'agit ni sur l'amidon, ni sur la pectine, le saccharose, ramygdaline, le myronate de potassium ou la librine. La seule diastase qu'on y trouve est la diastase oxy- dante. 330. Caractères de l'oxydation produite par la lac- case. — 11 nous reste à étudier les caractères de cette oxy- dation, c'est-à-dire à savoir sur quoi elle porte et quels sont ses produits. xV cette étude le laccol se prête mal ; son manie- ment est difficile, à cause de ses propriétés rubéfiantes. 574 CHAPITUI-: XXXIV CoiniDc il est insoluble dans l'eau, on ne peut l'attaquer qu'à l'état d'émulsion. Enfin on ne sait pas bien qu'elle est sa cons- tilulion ni celle de sa coml>inaison avec l'oxygène. On ga- gnera à revenir aux pratiques recommandées par Schmiede- berg et à s'adresser, comme Fa fait M. Bertrand, à des phénols polyatomiques, solubles dans l'eau comme la laccase, et possé- dant une composition et une constitution bien connue. C'est surtout avec l'hydroquinone que les résultats sont nets. L'expérience, dont on peut varier le dispositif de diverses manières, revient à mettre en contact, dans un ballon, un volume déterminé d'un mélange d'hydroquinone et de solu- tion de laccase avec un volume d'air bien connu : on accélère ■ l'action en agitant constamment. Le liquide commence à se colorer de suite et se fonce de plus en plus. Au bout d'une heure environ, il se forme un précipité cristallin, vert mé- tallique, qui augmente rapidement. C'est de la quinhydrone, combinaison de l'hydroquinone en excès avec la quinone pro- duite pendant la réaction, et dont le liquide présente du reste l'odeur forte et caractéristique. Dès lors, la nature de la réaction n'est pas douteuse. Les hydrogènes phénoliques de l'hydroquinone ont passé à l'état d'eau, et il s'est fait de la quinone, conformément à l'équation bien connue C«H«0" -4- 0 = CJiVO' + IPO Le rendement dépasse parfois 80 0/0. Quant à l'oxygène fourni, il est sûrement emprunté à l'air, car d'un côté il n'y a pas d'action quand l'oxygène manque, de l'autre on cons- tate la disparition de ce gaz dans l'atmosphère du gallon, enfin on peut s'arranger pour que le volume d'oxygène entré en combinaison dépasse notablement celui que contenait la laccase mise en œuvre ; celle-ci n'agit donc pas à la façon des oxydants de laboratoire, qui ne peuvent céder que l'oxygène qu'ils contiennent. Tout ce qui reste indécis, c'est si la dias- tase absorbe pour son compte l'oxygène de l'air pour le céder ensuite à l'hydroquinone, ou si c'est sur l'hydroquinone qu'elle OXYDASES 57o le fixe directement et d'emblée. Mais cette question de méca- nisme a pour le moment peu d'importance. Avec l'acide pyrogallique, l'action de la laccase donne un autre phénomène. Il se forme au contact de l'air un précipité, formé d'une poudre sublimable en belles aiguilles rouge orangé, c'est la purpurogalline découverte par A. Girard. Mais ici, il est moins facile d'écrire l'équation de la réaction. On n'est p-HS très bien renseigné sur la constitution chimique de la purpurog-alline, et comme le rendement est faible, il est difficile de dire s'il y a oxydation simple, ou dédoublement suivi d'une oxydation, ou tout autre phénomène. Mais ce qui est intéressant, c'est que dans ce cas, non seulement il y a de l'oxygène absorbé, mais encore il est remplacé par de l'a- cide carbonique. Un exemple donnera bien le sentiment du phénomène. Une solution de 1 gr. de pyrogallol dans 60 ce. d'eau a été agitée au contact de l'air, sans addition aucune pendant 24 heures, et pendant 5 et 6 heures avec 0 gr. 1 de laccase, contenant, d'après l'analyse de plus haut, moins de 2,5 mgr. de diastase. Voici les résultats au point de vue des gaz absorbés et dégagés. Oxyg. abs. C03 dégagé co> 0 -l" Sans rien (2i heures). 0 ce. o 0 0 i" Laccase (5 heures). 23 o 13 ce. 7 0,59 l*' Laccase (6 lieures). 29 3 16 4 0,o6 Voilà le premier exemple connu d'une transformation dias- tasique avec échanges gazeux, analogue à un phénomène respiratoire. M. Bertrand en a trouvé d'autres. Avec l'acide gallique, le volume d'oxygène absorbé est un peu plus faible, mais le rapport de l'acide carbonique produit à cet oxygène consommé est plus élevé qu'avec l'acide pyrogallique. Pen- dant les quatre premières heures, alors que le ferment est très actif, il est de 0,75. Il est encore de 0,60 après une quinzaine d'heures ; avec la Russula fœtens il s'élève à 0,88 dans la première partie de l'expérience. 57G GIIAPITIÎK XXXIV Le taniii donne des chilIVes diilerenU, et semble s'oxyder sans qu'il y ail de dédoublement préalable en acide gallique. Les absorptions sont faibles, et le rapport respiratoire ne monte pas au-dessus de 0,40. Mais il nous suffit d'avoir dé- montré qu'il y a des corps qui peuvent subir une combustion à l'air, dans des liquides que leur neutralité permet de con- sidérer comme des liquides physiologiques, et dans des con- ditions qui rappellent d'autant plus la respiration des ani- maux et des plantes que nous verrons tout à l'heure la laccase exister dans un grand nombre de tissus. 361. Constitution des corps oxydables par la laccase. — Mais nous avons d'abord à terminer l'étude de la laccase au point de vue chimique. Tous les corps que nous venons de soumettre à l'étude appartiennent à la série aromatique, et ceux qui sont les plus attaquables sont ceux qui fournissent le plus facilement des dérivés quinoniques. Les plus sensibles con- tiennent dans leur noyau au moins deux des groupements OH ou AzIP situés, les uns par rapport aux autres, soit en posi- tion or/ho^ soit en ^^osition para. Les isomères en meta, ou bien les composés analogues, mais avec un seul groupement OH ou AzH', sont peu ou ne sont pas oxydables. Ainsi pour prendre un exemple dans le groupe qui contient l'hydro- quinone. Ainsi avec le pliénol ordinaire on a eu 1 ce. 4 d'O aljsorbé en 18 Iieures. o la pyrocatécliine ou diphénol ortlio 17 4 » » « la résorcine ou diphénol mêla 0 6 » » « l'hydroquinone ou diphénol para 32 0 » » et ce qui est curieux, c'est que ces substances se rangent dans le même ordre suivant leurs pouvoirs d'agents développateurs en photographie, comme l'ont montré les frères Lumière. M. Bertrand a étudié beaucoup d'autres corps, triphénols, hexaphénols, acides-phénols, amido-phénols, aminés cycli- ques, et a trouvé que leur oxydabilité suivait la règle géné- rale que nous venons d'énoncer. H est important de remar- quer que cette notion est plus précise que celles qu'on a au OXYDASES 577 sujet des antres diastases. Elle se résume en ceci : la laccase peut oxyder un ,i;i'and nombre de corps, mais ces corps ap- partiennent tous à la série aromatique, et parmi les liroupe- ments variés que permet cette série, le groupement orlho et le groupement para sont plus instables que le groupement au'' la. A cet enseignement curieux, M. Bertrand en a ajouté un autre qui ne l'est pas moins. 363. Etude des cendres de la laccase. — Nous avons vu plus haut que la laccase précipitée par Talcool est, ainsi que c'est d'ordinaire le cas, très riche en cendres. Ces cendres sont en outre très riches en manganèse ; il y en a entre 2 et 3 0/0 du poids des cendres. Or, en soumettant une solution aqueuse de cette laccase à une précipitation fractionnée par l'alcool, M. Bertrand obtint deux nouveaux échantillons dont l'un était plus actif, l'autre moins actif que la laccase primi- tive. Le plus actif était celui qui contenait le plus de manga- nèse. C'est ce que montre le tableau suivant, où l'échantillon primitif se trouve encadré entre les deux autres. Les chiffres de la seconde colonne sont les volumes d'oxygène absorbés, en une heure et demie, par 50 ce. d'une solution d'hydroqui- none à 2 0 0, en présence de 0 gr. 2 de l'échantillon supposé sec. Les chiffres de la troisième colonne sont les proportions centésimales de manganèse : Echantillon no 1. — no 2. — n» 3. Y avait-il là une simple coïncidence, ou bien l'activité de la diastase dépendait-elle de sa richesse en manganèse ? C'est une question que nous avons déjà effleurée (93), mais qui est trop importante pour que nous n'entrions pas à son sujet dans quelques détails. Pour savoir à quoi s'en tenir, on peut essayer d'éliminer tout le manganèse de la laccase. 3Iais cela n'est pas facile 37 0. ahs Manganèse 0/0 19,1 ce. 0,lo9 1 V5 «J 0,12(3 10,G 0,098 578 CHAPITRE XXXIV sans altri'er la diaslase. M. Berirand a lieui'cuseniciit pu re- tirer de la luzerne une laccase peu active, contenue dans un suc tiès pauvre en manganèse, et qui prenait de l'activité quand on l'additionnait d un sel de ce métal. Cette laccase, obtenue aussi par l'action de l'alcool sur le suc de la plante, ne contient qu'une proportion de manganèse inférieure à 20 millionnièmes ; elle ne donne, dans une solution d hydro- quinone, même après deux ou trois jours d'agitation continue au contact de l'air, qu'une coloration rouge accompagnée d'une très faible absorption d'oxygène. L'absorption devient notable, et il y a en deux heures apparition des cristaux de quinhydrone, quand on ajoute au mélange 1 milligr. de man- ganèse à l'état de sulfate. Comment agit ce manganèse ? L'expérience apprend qu'il n'est remplaçable d'une manière efficace par aucun autre mé- tal, pas môme par le fer. D'un autre côté l'expérience montre aussi que si la laccase, sans manganèse, n'a qu'un pouvoir oxydant très faible, le manganèse sans laccase est aussi presque inactif. C'est le mélange de ces deux corps qui aug- mente leur activité dans une proportion notable, et dès lors, nous retrouvons là, sous une autre forme, des phénomènes analogues à ceux que nous avons constatés au sujet de la pré- sure, où du chlorure de calcium et de la présure amènent^ bien plus vite ou en bien plus faibles proportions, lorsqu'ils sont réunis, la coagulation que chacun d'eux est presque im- puissant à faire, lorsqu'il est isolé. Cette notion générale s'éclaire d'un jour nouveau à propos de la laccase, quand on songe que le manganèse est, dans beaucoup de circonstances, un agent de transport de l'oxy- gène, qu'il peut puiser dans l'air et porter sur les corps oxy- dables. M. Bertrand a donc eu l'idée d'étudier les sels de ce métal. En recommençant avec eux les mêmes expériences qu'avec la laccase, c'est-à-dire en les agitant dans un ballon clos, en présence d'un volume connu d'air, avec une sohition d'hydroquinone, il a vu que tous les sels manganeux em- ployés lixent l'oxygène libre sur Ihydroquinone, le pyrogal- OXYDASES o7î> loi, le paramidophéiiol, la résine de gayac. Il y a même for- mation de quiuhydrone avec l'iiydroquinonc. Dans tous ces- cas, le sel manganeux agit en portant loxygcne du i>allou sur la substance oxydable. Mais tous les sels ne se compor- tent pas de la même façon. En cherchant ce que donnaient, après 24 iieures d'agitation, eu présence de 1 gr. d'hydro- quinone dissous dans 100 ce. deau, des doses équiatomiques de divers sels manganeux, contenant toutes 0 gr. 100 de manganèse, on trouve les chilfres suivants pour l'oxygène absorbé : Avec l'azotalede manganèse, de i.o ce. » sulfate t,6 » clilorure i,,S » foi-miate 7,4 )) benzoate 1.^,3 » acclale 13,7 » salicjlate 16,:5 » laclate •17,6 » gluconate 21,6 » succinale 2i>,i Les sels les plus actifs sont donc comparables à la lac- case pour leur puissance oxydante, et nous avons avec eux l'avantage, de pouvoir nous expliquer comment ils agissent. Une solution d'hydrocjuinone, mélangée à du protoxyde de manganèse finement pulvérisé, donne au contact de l'air à la fois du bioxyde de manganèse et de la quinone. On peut s'expliquer le phénomène de plusieurs façons : soit admettre que les deux corps s'oxydent à la fois en se partageant une molé- cule d'oxygène libre 0", et en la dédoublant en deux atomes non saturés qui se portent l'un sur le protoxyde de manga- nèse, l'autre sur l'hydroquinone. On peut aussi admettre plus simplement que le protoxyde de manganèse qui, comme on sait, s'oxyde facilement au contact de l'air, cède d'une façon continue l'oxygène qu il absorbe ainsi à l'hydroquinone. 11 y a enfin une troisième interprétation que nous retrouve- rons au dernier chapitre de ce livre, et sur laquelle je n'in- siste pas pour le moment. Quoi qu'il en soit, l'expérience :i,SO CIIAPITRK XXXIV montre aussi que le bioxyde de manganèse se réduit en pré- ssncc de Tliydroquinone dans un liquide acidulé. La condilion d'une aciion continue et régulière est donc la présence d'un sel manganeux dont la base puisse être considérée à la fois comme libre et combinée : comme libre, pour qu'elle puisse s'oxyder à l'air comme le protoxyde de manganèse ; comme combinée, pour que la forme stable du sel en présence de l'hydroquinone soit le sel de protoxyde. A ce point de vue, on comprend que les sels les plus actifs soient les sels disso- ciables à acides faibles, lactate, gluconate, succinate, qui oc- cupent les derniers rangs de la série ci-dessus. Il y a peut- être dans la laccase un acide encore plus faible et un sel plus dissociable, exaltant l'action du manganèse. Là est l'idée nouvelle apportée par le travail de M. G. Ber- trand. C'est la première fois qu'on peut ramener à un phéno- mène chimique simple l'action d'une diastase, et montrer que l'élément essentiel est non pas la matière organique, qu'on avait surtout étudiée juscpi'ici, mais bien la partie minérale. Il pourrait se faire de même que l'élément essentiel des dias- tases coagulantes soit la chaux, dont nous avons vu linter- Yention puissante dans les phénomènes de coagulation. Mais après avoir fait ce pas en avant, il faut bien se dire qu'on n'explique pas tout. Il reste curieux que ce sel de manganèse de la laccase ne soit capable d'oxyder facilement que les com- posés phénoliques dont nous avons donné plus haut la cons- titution, et soit à peu près sans action sur les autres. 363. Reclierclie de la laccase. — Les réactions que nous venons d'étudier permettent de rechercher la laccase dans les sucs végétaux et animaux. Mais on peut se servir pour cela d'une réaction plus simple et très sensible, c'est la coloration bleue cpie prend la résine de gaïac par oxydation. Le bleu qui se forme dans ces conditions est, d'après Doeb- ner, le résultat de l'oxydation de l'acide gaïaconique. c'ir-Hy -h 0- = Cr"iP"0'' 4- 2rpo OXYDASES 58t Il perd sa couleur par une oxydation plus avancée, ou bien encore par réduction. Dans ce dernier cas on peut le régénérer par une oxydation nouvelle, et dans l'autre cas, non. L'oxydation peut se faire de diverses manières. Schôn- bein, par exemple, a observé le bleuissement de la teinture en y mélangeant de la diastase ordinaire et de l'eau oxygénée. 11 ne faudrait pas conclure de cette expérience à l'existence d'une oxydase dans la diastase ordinaire. Il n'y avait d'oxyda- tion que la quantité correspondante à l'eau oxygénée, dont la diastase mettait en liberté l'oxygène disponible. Il paraît y avoir dans les végétaux des substances cédant aussi sponta- nément leur oxygène à l'acide gaïaconiqne et le colorant en bleu. Dans ce cas encore, il n'est pas nécessairement ques- tion doxydases. Il faut, théoriquement, que l'oxydation obser- vée provienne de l'oxygène de lair, et qu'on puisse constater une absorption de ce gaz. C'est ce qui n'a pas toujours été fait, et il n'est pas assuré par conséquent que toutes les fois qu'on a observé le bleuissement de la teinture de gaïac, il y ait eu des oxydases. Enfin, pour bien comprendre le carac- tère parfois un peu illusoire de la réaction, il faut savoir que la teinture de gaïac se colore spontanément en bleu, lorsqu'elle est exposée à l'air pendant un temps suffisant. C'est un nou- vel exemple de ce fait qu'une diastase ne fait en général qu'exalter un phénomène qui peut se produire plus lentement sans elle. Il faudra donc n'attril)uer de signification qu'aux réactions qui seront à la fois rapides et intenses. Si, en outre, on a la précaution d'opérer toujours avec une dissolution ré- cente d'acide gaïaconique dans l'alcool, on pourra faire usage de ce réactif avec quelque assurance, si on n'oublie pas les réserves et les précautions dont doit être accompagné son emploi. En versant dans le liquide, où on veut rechercher la lac- case, quelques gouttes de la solution alcoolique d'acide gaïa- conique, on obtient une émulsion blanche qui se colore bien- tôt en bleu, et qui de là, si la laccase est abondante, passe lentement par suroxydation, au vert et finalement au jaune r)82 CHAPITRE XXXI V p;\le. Cette réaction est si commode qu'elle permet d'opérer «ur les tissus végétaux; ou animaux €ux-mêmes. En badigeon- nant avec de la teinture de gaïac une section fraîche, on voit apparaître une couleur bleue sur les régions occupées par la laccase. 364. Diffusion de la laccase. — On trouve ainsi que la laccase existe chez une foule de végétaux et d'animaux. M. Portier, qui a examiné sous ce point de vne un grand nombre d'espèces dans la série animale, en a trouvé partout, irrégulièrement distribuée dans les organes, plus abondantes en moyenne dans ceux où la circulation est rapide et la res- piration active. G. Bertrand en a trouvé dans un grand nom- ])re de parenchymes même incolores, les tubercules du dalhia, de la pomme de terre, le rhizome du balisier, les racines de la l)etterave et du navet, la tige de l'asperge, les pommes, les poires, les coings, etc. Elle est surtout abondante dans les organes en voie de développement rapide, et où les actes res- piratoires sont actifs. A mesure qu'un organe vieillit, il ne fournit qu'une diastase de moins en moins active. Lorsqu'il €st très âgé, il est parfois difficile d'en extraire de la laccase. Mais on en tronve encore dans les coupes de l'organe, et dans le suc qu'il fournit. En somme, cette diastase est extrême- ment répandue, et il semble qu'il y en ait partout où une cellule respire Bertrand et Bourquelot en ont trouvé aussi dans beaucoup s., t. Xlf, 1897. A. Girard. Comptes rendus, t. LXIX, p. 865, 1869. DOEBNER. Archives de pharmacie, t. CCKXXIV, p. 614, 1896. BkH'JRAND et-BouUQUELOT. Société de biul., p. ,579, 1895. BouKQUEt.oT et Bertrand. CumpUs rendus, t. CXXf, p. 783, 1895; t. CXXIII, p. 260, 315 et 423, 1896. Portier. Les Oxydases, Paris, Steinlieil. Bertrand. Ann. agronomiques, t. XXIII, p. 385, 1897. GouiRAND. Comptes rendus, t. CXX, p. 877. Maktinand. Id., t. CXX, p. 1426. BOUFFARD et Semichon. Revue de viticulture, t. IX, p. 589. Laborde. Comptes rendus, t. CXXI, 1898. LiNDET. /d., t. CXX, p. 370. BoUTRuux. M, t. CXX, p. 924. Pawlewlsky. Ber. d. d. chcm. Gesells., 1897, t. XXI, p. 1313. CHAPITRE XXXV PRÉSURE Après avoir étudié individuellement, dans les chapitres pré- cédents, les diastases dont on connaît le mieux l'action, parce^ qu'on sait en général quelle est la constitution de la substance à laquelle elles s'adressent et de celle à laquelle elles abou- tissent, nous arrivons aux diastases des matières albuminoïdes pour lesquelles nous n'avons aucun de ces deux renseigne- ments et dont l'étude est par là beaucoup plus difficile. En revanche cette étude nous touche de plus près, car c'est celle du fonctionnement intérieur de toutes les cellules de nos. tissus. Non seulement elle nous renseig-ne sur notre physio- log'ie profonde, mai;^ encore elle se rattache de près au mé- canisme d'action pathologique des toxines et des venins, dont l'étude, dans ce qu'elle a de chimique, servira de couronne- ment à ce livre. S"?!. Présure animale. — On sait depuis un temps immé- morial que la macération faite à l'aide de la caillette du veau, ou en général des mammifères en lactation, est capa- ble, lorsqu'elle est mélangée à du lait à température conve- nable, d'en amener la coagulation. Le liquide se transforme peu à peu en une masse blanche, qui se rétracte ensuite sur elle-même, expulse le sérum et se réduit à un gâteau plus ou moins ferme, pouvant prendre la forme des vases dans, lesquels il s'égoutte sous ou sans pression. Ce gâteau donne, par des traitements variés, les diverses espèces de fromage {ca.seus formaticus^ d'où fromage). On peut produire artificiellement et plus rapidement, sous l'action des acides, un coagulum de même aspect et ayant les PRESURE 591 iiK'iues pi'opriétés rétractiles. Ces deux coagulums ne se res- semblent pas chiiiiiquement. Le phosphate de chaux, qui reste en suspension dans le coaguhun fourni par la 2)i-ésure, se dissout plus ou moins dans l'autre, et s'en va avec le sérum^ de sorte que les cendres laissées par la calcination ne sont^ dans les deux gâteaux, ni les mêmes, ni en même quantité. On a pourtant confondu longtemps la coagulation par la pré- sure et la coagulation par les acides. Cela était d'autant plus facile que dans les coagulations industrielles, les deux phé- nomènes se superposent d'ordinaire. Par exemple, dans la fabrication du fromage de Brie^ qui exige une coagulation très lente, faite avec très peu de pré- sure, les ferments lactiques prennent possession du lait dès la sortie du pis, et le caillé est notablement acide, par suite de la fermentation subie par le lactose, au moment où on le dis- tribue clans les formes. La coag-ulation est donc d'ordinaire à la fois une coagulation diastasique et une coagulation acide. C'est seulement lorsque l'étude des phénomènes a été portée dans les laboratoires que l'on a vu (Selmi) qu'un lait pouvait se coaguler par la présure en conservant sa réaction neutre ou amphotère. En prenant pour guide cette coagulation du lait sans chan- gement de réaction, on a vu que la présure, très abondante dans l'estomac des jeunes mammifères, existe aussi dans leur intestin. A mesure que l'animal grandit, elle devient de moins en moins abondante dans l'estomac : la pepsine, au contraire^ rare ou absente aux premiers âges, devient de plus en plus prépondérante. Ce n'est évidemment pas une suppléance qui s'établit. Les deux sécrétions sont distinctes à l'origine et sont distinctes à la fin, mais elles n'ont pas la même activité aux diverses époques de la vie. Les présures les plus employées sont les présures de veau et de mouton. Les vachers qui se servent de l'une et de l'au- tre estiment que lorsqu'elles s'équivalent vis-à-vis du lait de vache, elles ne s'équivalent pas vis-à-vis du lait de brebis, ce qui conduirait à voir entre les présures des différences :iî>2 CllAPlTRK XXXV analogues à celles (jue nous avons relevées entre les pep- sines. Mais les conditions d'expérience des vachers sont telle- ment défectueuses qu'il faut attendre une étude précise sur €etle question. 373. Présures végétales. — Un grand nond)rc de sucs végétaux ont la propriété de coaguler le lait comme la pré- sure. Tel est le suc du figuier. D'après Bouchardat et Sandras, 5 grammes de fleurs d'artichaut suffisent à coaguler 100 gram- mes de lait à '2o" ou 30", et le coagulum, au lieu d'être ferme, est toujours gélatineux, ce qui semble indiquer la présence de la caséase. Enfin, quelques auteurs accordent, si d'autres refusent, au jus frais du (j(iHu))i ver/ini la propriété de coa- guler le lait. Leurs résultats différents s'expliquent peut-être par ce fait que les diastases, chez cette plante, n'apparaissent qu'à de certains moments de la végétation, comme la sucrase de la betterave. Cependant Green assure que le (/aliuin vcnim L. est encore très employé dans l'Ouest de l'Angleterre pour hAter la coagulation du lait. On se sert, pour le même objet, d'après Linnée, en Lapo- nie, et dans les Alpes italiennes, d'après PfefTer, des feuilles du piiiguicula viilgaris L, ou grassette, ce qui semble indi- quer la présence d'une présure dans cette plante. Bouchardat et Quevenne en ont signalé aussi dans les fonds d'artichaut, et le fait a été conlirmé par Ad. Mayer et par Baginski. Ce dernier en a rencontré aussi dans le suc de carica papcuja, où Wurtz et Bouchut avaient déjà signalé l'existence de la trypsine. Nous verrons en effet, quand nous étudierons cette substance, que son association avec la présure est très fré- quente dans le monde vivant. Chittenden a retrouvé la même association dans l'ananas. On trouve aussi de la présure dans les graines. Lea en a retiré des graines de Whitania coagiilans, arbuste de la fa- mille des Solanées, dont le fruit est une capsule contenant un grand nombre de petites semences. De ces semences on peut extraire soit par la glycérine, soit par une solution moyenne- PRESURE 593 ment coiicenlréc de sel marin, une présure dont l'activité est à peu près la même que celle de la plupart des présures com- merciales. Récemment, (Ireen a rencontré la présure végétale dans les semences du Datura stramonium, du Pisum sativum, du Lu- /jiiitfs Jiirsutus et du Ricinus coinmuitis : pour les deux pre- mières plantes, dans les graines à l'état de repos, et pour les deux dernières, dans les semences en germination. Dans le Ricin et le Lupin cette présure est associée à de la trypsine. Le « Naras » (Aca/it/tosio/os horrifia), plante de l'Afrique du Sud, renferme aussi de la présure dans le péricarpe, la pulpe et le suc de ses fruits mûrs. A l'inverse des plantes citées ci-dessus, il n'y en a pas dans les semences. On peut donc, sans attendre des informations nouvelles, dire que la présure est extrêmement répandue. C'est une conclusion que nous retrouvons souvent, et qui tient à ce que les moyens d'élaboration mis en œuvre dans la digestion ani- male et végétale sont infiniment moins nombreux que les types ou les genres de cellules. C'est là un point acquis, sur lequel nous ne reviendrons plus. 373. Présures microbiennes. — La coagulation spontanée du lait se fait toujours en licpiide acide, par suite de l'inva- sion rapide du lait par les ferments lactiques. C'est Pasteur qui a remarqué le premier, dans ses études sur les gêné rations dites spontanées, qu'un lait coagulé spontanément dans un ballon était resté neutre aux papiers réactifs. J'ai fait voir ensuite que l'effet était dû à une présure sécrétée par tous les microbes qui peuvent attaquer la caséine, et qui ne la dissol- vent qu'après l'avoir d'abord amenée à l'état de coagulum mou. Il serait à la fois inutile et long d'entrer ici dans le détail des espèces pouvant fournir de la présure, et nous ne pouvons que répéter à ce sujet, avec plus de force, ce que nous avons dit à la fin du paragraphe précédent. Il suffit de dire que la présure qu'on tire de cette origine est d'ordinaire beaucoup plus mélangée de caséase que celle qu'on retire des grands 38 594 CHAPITRE XXXV animaux, de sorte que c'est celle-ci qu'on utilise d'ordinaire pour la préparation de la présure commerciale. 3 '74. Préparation de la présure commerciale. — On la re- tire surtout de l'estomac du mouton et du veau en lactation, mais on la rencontre aussi chez les autres mammifères, et même chez les oiseaux et les poissons. D'après M. Ilansen, les esto- macs d'animaux où on n'en trouve pas, lorsqu'on les prend à l'état naturel, en fournissent quand on les a mis à macérer quelque temps avec de l'acide chlorhydrique étendu. C'est ce qui a lieu avec les estomacs de brochet et de saumon. Nous avons examiné ce point de la question quand nous avons parlé des prodia stases (ch. XIX). On emprunte d'ordinaire cette présure à la caillette de veau. Elle y est sécrétée par la muqueuse stomacale. Je me suis assuré qu'elle imprégnait, déjà pendant la vie et surtout après la mort, la tunique musculaire externe, qui peut alors coaguler le lait comme les muqueuses, mais avec moins de rapidité. Elle se répand aussi dans un autre sens, mais cette fois -ci par voie de sécrétion, dans la masse alimentaire, où elle se mélange à celle qu'y produisent les microbes dont le lait a apporté les germes avec lui. Les grumeaux coagulés que renferme l'estomac d'un jeune veau peuvent donc servir, eux aussi, de source de présure ; mais il vaut mieux les rejeter,, et ne se servir que de la présure contenue dans la muqueuse stomacale. Il n'est pas nécessaire que l'estomac soit celui d'un animal en lactation. J'ai préparé une présure très active avec la caillette d'un veau de quatre mois, tétant encore, mais très peu et à de longs intervalles, et surtout nourri d'herbe fraî- che. La caillette du mouton de boucherie, pris à Paris, ne renferme d'ordinaire pas de présure, et on n'en trouve pas- davantage dans les autres estomacs du môme animal. On peut donc, si l'on veut, faire servir à la préparation de la présure autre chose que des caillettes de veau très jeune. Mais celles ci la renferment toujours plus pure, plus débarras- PRESURE 595 sée de pepsine et d'autres diastases, et sont toujours à préférer. Pour en retirer la présure, on commence par les vider de tous les grumeaux qu'elles renferment, et on les lave à grande eau. On les gonfle ensuite et on les conserve alors pendant quelques semaines. La dessiccation a pour eflet de coaguler, ou au moins de rendre insoluble, une matière muqueuse gluante qui rend visqueuses et mousseuses les macérations d'estomac frais, et dont les proportions sont très réduites avec l'estomac sec. Cette matière gélatineuse existe surtout en abondance dans la région de l'estomac qui avoisine le pylore, où la muqueuse de l'estomac présente un aspect particulier. On sépare cette partie, et le reste, coupé ou non en petits morceaux, constitue la matière première d'où l'on retire les solutions concentrées de présure employées dans la prépara- tion des fromages. Pour ces présures industrielles, la grande question est d'é- puiser le plus possible de leur présure les cellules de la mu- queuse stomacale. On y arrive par une macération dans de l'eau ordinaire, mais il faut la faire à 30° ou 35°. A plus basse température, il faut aider à l'action par celle des acides mi- néraux étendus, ou des dissolutions salines moyennement concentrées. D'après M. Soxhlet, ce sont les dissolutions de 3 à 6 p. 100 de sel marin qui conviennent le mieux pour cela : on prend deux à trois estomacs, pesant environ à l'état sec, lorsque la portion voisine du pylore a été retranchée, de 60 à 80 grammes, et on les met macérer pendant cinq jours, à la température ordinaire, dans un litre d'eau contenant 5 p. 100 de sel marin. Au bout de ce temps, on a une solu- tion pouvant coaguler, en 40 minutes, à 35°, environ 10.000 fois son volume de lait, et l'on peut en doubler et même en tripler la force en y faisant macérer une nouvelle quantité de muqueuse stomacale. 11 arrive fréquemment que pendant sa préparation ce liquide devient un peu putride par suite de l'apparition des ferments. Pour éviter cette fâcheuse intervention, Soxhlet recommande d'ajouter au liquide ci-dessus 4 p. 100 d'acide borique, et d'y 500 CHAPITRE XXXV introduire rostomac en petits morceaux de 1 centimètre carré. On agite fréquemment pendant les cinq jours que dure la macération, on ajoute ensuite de nouveau 5 p. 100 de sel marin, et on filtre. On obtient ainsi une très bonne et très active présure commerciale. De ces dissolutions concentrées, on peut, si on veut, retirer la partie active en recourant à l'un des moyens de précipita- tion que nous connaissons. Ce qui serait plus intéressant serait d'en amener la purification. Les présures commerciales sont toujours mélangées de pepsine ou de caséase, dont il n'est pas facile de les séparer. Pour obtenir la présure la plus pure possible, Ilammarsten recommande le procédé sui- vant. On commence par faire macérer la mu(]ueuse comme à l'ordinaire dans de l'eau acidulée avec de l'acide chlorhy- driqne. On neutralise ensuite l'infusion, et on l'agite à di- verses reprises avec du carbonate de magnésium, qu'on re- nouvelle jusqu'à ce que la pepsine soit précipitée. Le liquide tïllré, encore très actif sur le lait, est précipité par l'acétate de plomb, et le précipité, délayé dans de l'acide sulfurique très étendu, est jeté sur un filtre. Le liquide limpide qui coule de l'entonnoir est reçu dans une solution de savon de stéa- rine. La présure se précipite avec les acides gras. Ceux-ci délayés dans l'eau et agités avec de l'éther, se dissolvent et sont éliminés. La présure reste dans l'eau, et on peut la re- précipiter par l'alcool. Rien n'assure, bien entendu^ qu'elle soit pure. Cependant, on peut remarquer qu'elle ne fournit pas les réactions des matières albuminoïdes. Comme toutes les diastases, elle est d'autant plus fragile qu'elle est plus pure. 375. Action sur le lait. — L'action de la présure sur le lait dépend de divers facteurs. Le temps de la coagula- tion, pour une quantité donnée de lait, dépend de la quantité de présure et de la température. L'influence de la quantité de présure a été étudiée p. 162. PRESURE 597 Nous avons vu que les temps de coagulation sont, toutes choses égales d'ailleurs, en raison inverse des quantités de présure employées, ou bien en d'autres termes que le pro- duit de la quantité de présure par le temps de coagulation est un nombre constant. Nous avons vu aussi que cette loi, qui se vérifie assez exactement pour des doses moyennes de présure, ne se véri- fie plus, quand il y a trop ou trop peu de diastase. Cela tient à des causes sur lesquelles il est nécessaire d'insister un moment. Quand on exagère la dose de présure, le temps de la coa- gulation devrait devenir de plus en plus court. Or cette coa- gulation dépend d'un nouvel arrangement moléculaire qui exige toujours pour s'accomplir un temps minimum, qui n'est jamais très petit. Cela est vrai non seulement pour le cas des coagulations, de quelque nature qu'elles soient, mais aussi pour des précipitations salines comme celles du sulfate de quinine et des alcaloïdes par les sels des métaux alcalins. Quelle que soit la dose de sel précipitant, la réac- tion n'arrive jamais à être instantanée. La durée de la coagu- lation ne peut donc diminuer indéfiniment quand on aug- mente de plus en plus la dose de présure, de sorte que voilà une première raison générale pour que la loi ne se vérifie plus pour des doses de présure trop élevées. De plus, la présure employée dans les expériences est de la présure commerciale qui contient des substances variées. Tant que sa proportion ne dépasse pas 1 oOOO dans le lait, l'influence des matériaux qu'elle apporte (sel marin, acide borique, borax) est négligeable. Elle ne lest plus quand la proportion de présure atteint 1/300 et au-dessus. Le mé- lange qui se coagule n'est plus du lait, et, en etfet, on trouve que le coagulum reste mou, ne devient pas consistant, ne se colle pas aux parois du vase. Je rappelle que pour évaluer la durée de coagulation d'un lait additionné de doses variées de présure, on cherchait le moment où on pouvait renvei'- ser le lait caillé dans un tube d'environ 2 cent, de diamètre 51)8 CHAPITRE XXXV sans qu'il s'en écoule une goutte. Ce critérium fnit défaut quand il y a excès de présure. Voilà une nou\elle cause d'indécision à ajouter à la première, et il n'y a pas à s'éton- ner que, de ce côté, la loi se vérifie mal ou pas du tout. Une autre cause l'empêche aussi de se vérifier pour des doses très faibles de ]irésure, c'est cpie, autant qu'on peut le voir^ les phénomènes de coagulation dépendent d'une pre- mière impulsion cjui ne peut pas rester au-dessous d'un cer- tain minimum. Dès qu'il est commencé, le phénomène con- linue, mais il peut ne pas commencer, et il peut y avoir une diastase coagulante dans un liquide sans cpi'il y ait coagu- lation. Seulement pour le montrer, à propos du lait, il faut éviter l'ingérence des infiniment petits qui sont capables de sécréter de la présure. On y arrive en stérilisant ce lait par la cha- leur, ce cjui, il est vrai, le rend moins facilement coagu- lable, mais ne l'empêche pas d'obéir à Faction de la présure, quand on en ajoute une dose un peu plus grande que dans le lait normal. Pour la présure, on la stérilisera par filtra- tion poreuse. Il en reste un peu dans le filtre, mais peu quand on opère en solution étendue. Or, il suffit qu'il en jiasse pour que l'expérience soit probante. En faisant ainsi l'expérience, on voit que du lait dans le- quel on a fait passer, par exemple, 1/1000 de présure Han- sen ne se coagule pas à la température ordinaire, quelcjue temps qu'on lui donne pour cela, tandis qu'il se coagule quand on le porte à la température optima de coagulation. On pourrait sans doute, en diminuant la dose à cette tem- pérature optima, conserver le lait liquide indéfiniment, alors pourtant qu'il contiendrait un peu de présure. Ce lait se coa- gulerait pourtant sous lintluence d'une très petite cjuantité de sel de calcium, joignant son effet à celui de la présure préexistante pour donner à la coagulation l'impulsion initiale dont elle a besoin. Le sel de chaux, dans un lait additionné intentionnellement ou naturellement de cette dose infinitési- male et inactive de présure, serait une présure, et serait une PRESURE 599 présure en sa qualité de sel de chaux. Là est peut-être une des causes qui donnent aux sels de chaux, dans les phéno- mènes de coagulation, une action prépondérante. Mais je n'in- siste pas davantage. Je me contente de conclure que la loi relative aux temps de coagulation ne se vérifie plus pour ces quantités infinité- simales de présure, et que, par conséquent, pas plus pour des doses très petites que pour des doses très grandes, les écarts de la loi ne doivent nous étonner. MM. Camus et Gley, qui ont vérifié l'inactivité de la pré- sure au-dessous de 15°, disent que la diastase a pourtant agi, car ce lait additionné de présure, n a besoin, pour se coagu- ler, que d'une dose d'acide lactique inférieure à celle qui est nécessaire pour coaguler du lait normal. Ils en concluent que la diastase a commencé à agir à cette basse température, et a amené le dédoublement de la matière albuminoïde. La partie de l'interprétation relative au dédoublement ne découle nullement de l'expérience, qui s'interprète beaucoup plus simplement par les principes que nous avons posés aux §§ 196 à 198. Avant de terminer Fétude de l'influence de la quantité, il faut remarquer la disproportion énorme qui existe, quand il s'agit de la coagulation du lait, entre l'effet apparent produit et le poids de l'élément actif. Une présure concentrée, pré- parée par Soxhlet, et qui coagulait 50.000 fois son poids de lait, à 35°, en quarante minutes, ne contenait pas plus de 8,1 p. 100 de matière organique en solution. Celle-ci agis- sait donc sur 600,000 fois son poids de lait ; or, elle n'était certainement pas formée de diastase pure, et n'en contenait peut être pas la moitié de son poids. Il faudrait donc évaluer à plus du double l'activité spécifique de la diastase pure, et quintupler, au moins, le chiffre obtenu pour arriver au vo- lume de lait qu'aurait pu coaguler un volume de cette pré- sure, si on lui avait donné le temps nécessaire. On dépasse ainsi le chiffre de cinq millions. En basant ces calculs, non plus sur le poids du lait, mais sur celui de la caséine, (iOO CIIAPIT11I-: xxxv dont \o l.iit confient environ 5 p. 100, cela donne encore le cliinVe de 250.000 pour le rapport entre le poids de ca- séine coagulée et le poids de diastase active. C'est un cliiflVe (jui, tout inférieur qu'il soit à la réalité, est encore supérieur à celui (ju'on relève pour toutes les autres diastases. 376. Influence de la température. — Nous avons aussi rencontré, au cours de notre exposé théorique, l'étude de l'effet do la température sur les temps de la coagulation du lait additionné de présure. La table et la courbe du § 183 donnent les temps de coagulation, à diverses températures, d'un môme mélange de présure et de lait, et indiquent net- tement un minimum de temps ou un maximum d'action pour les environs de 41". On retrouverait cette même température optima en étu- diant autrement le phénomène, en cherchant les quantités de présure nécessaire pour coaguler dans le même temps une même quantité de lait. La température optima est donc, à la fois, celle du maximum de la quantité de lait coagulée dans le même temps et avec la même quantité de présure, celle du minimum de temps avec la même quantité de lait et de présure, et celle du minimum de présure pour la coa- gulation dans le même temps de la même quantité de lait. Rappelons (l36) que cette température optima résulte de la superposition de deux effets: J" Un effet accélérateur, dû à la température, qui s'adresse au mélange de présure et de lait, et qui active la réaction ; 2" Un efï'et retardateur, dû à la coagulation, à l'oxydation, ou à la destruction de la dias- tase sous l'action de la chaleur, effet qui croît rapidement avec la température, et coupe toute la partie ascendante de la courbe qui représente le premier eii'et, et qui est à droite de la température optima. De sorte qu'au-dessous de cette température la présure ne souffre pas, et reste seulement incrie. P]lle peut, par exemple, lorsqu'elle est restée ineffi- cace pendant plusieurs jours sur un lait au-dessous de 15°, le coaguler en quelques minutes quand on chautïe le mélange PRESURK (iOI à Ï0\ Au coiitiaii'c, î\ droite tlu maximum, la présure souffre d'autant plus que la température est plus élevée et que la durée d'exposition est plus grande, si bien qu'une présure qui n'a pas agi à 55" peut rester inerte aussi quand on ra- mène le mélange à 40" ; elle est détruite, et cet elfet dépend naturellement, non seulement de la température, mais aussi des conditions du chauffage, de la nature du liquide, de ce qu'il contient d'acide ou d'alcali. On trouve, dans un travail de MM. Camus et Gley, quel- ques chiffres pouvant préciser, dans le cas particulier de la présure, ces notions générales. Ces savants ont vu, par exemple, que la présure se détruit à température plus basse lorsqu'elle est en solution neutre qu'en solution acide. La destruction par la chaleur est surtout rapide lorsqu'on ajoute à la présure, au moment de la chauffer, un peu d'eau distil- lée, dont on ne s'explique pas l'action autrement que par l'oxygène qu'elle apporte dans la présure. De faibles quan- tités d'eau distillée laissées en contact avec la présure pen- dant deux minutes à -40", la laissent très affaiblie, lorsqu'on apporte ensuite le mélange dans du lait tenu à la même température. Voici, pour une expérience, les rapports R des temps de coagulation pour une présure non additionnée d'eau et pour la même présure additionnée de quantités diverses d'eau distillée : 1 vol. de p résure + [jo vo 1. eau R=l,"2 » i/o n 1.8 » :5/o » 3,0 » 4/0 » 3,5 » 1 » 5,3 Cette action nuisible de l'eau distillée sur la présure neutre s'atténue à mesure qu'on descend au-dessous de 40°, et finit par disparaître. Il n'y en a par exemple presque plus de trace à 34°, après deux minutes do contact. Mais elle repa- raîtrait pour une durée plus longue. Nous retrouvons ici ce que nous savons au sujet de l'influence superposée de la température et de la durée d'exposition. Il faudrait d'ailleurs 602 CIIAPITRI-: XXXV se garder de croire que toutes les présures se comporteraient comme celle qu'ont étudiée MM. Camus et Gley, qui, précisé- ment, neutralisent la leur avec du carbonate de soude. En neu- tralisant avec ce sel^ au lieu de servir de soude caustique, on ne sait trop ce qu'on fait, à cause de la présence de l'acide carl)onique, et il est probable que celle de MM. Ca- mus et Gley devait être un peu alcaline, après que l'acide carbonique avait disparu. Ajoutons qu'en cbaufFant la présure à sec, après évapora- tion dans le vide, ces savants ont vu que que leur présure acide, chauffée un quart d'heure entre 132 et 138", est sortie à peu près inaltérée de l'épreuve. 377. Force d'une présure. — L'étude que nous venons de faire nous permet d'évaluer par un chilTre conventionnel ce qu'on appelle dans l'industrie la force rVime présure. On appelle ainsi le nombre de litres de lait qu'un litre de pré- sure peut coaguler en 40 minutes à la température de 35°. On a choisi cette température parce qu'elle est celle du lait sortant du pis de la vache. Il aurait mieux: valu, théorique- ment, choisir la tenqoérdture optima, car, puisqu'elle est un maximum ou un minimum, leifet varie peu pour de petits changements à droite ou à gauche de ce maximum. Mais il aurait Fallu chauffer le lait pour faire l'essai, et pratique- ment sa température normale est préférable. On trouve des présures dont la force exprimée au moyen de cette unité est de 10000, c'est-à-dire, dont 1 cent, cube coagule dans les conditions indiquées 10 litres de lait. L'évaluation de la force d'une présure est du reste facile. Après avoir chauffé du lait à la température voulue, on l'additionne d'une dose connue de présure, et on cherche combien il met de temps à se coaguler. Supposons qu'il y mette 23 minutes pour une dose de 1/5000 de présure. D'a- près la loi établie plus haut, il aurait fallu y introduire, pour qu il se coagule en 40', les - = - de la quantité de présure PRESURE C)03 qu'il a reçue, soit 1/8000. La force de cette présure est donc de 8000. Cette méthode est couramment employée pour la comparaison des présures commerciales. Les dissolutions de présure présentent une particularité curieuse, c'est qu'elles subissent, après leur préparation, une rétrogradation qui dure environ deux mois, au bout desquels la force reste à peu près constante. Cette rétrogra- dation est plus prononcée avec les dissolutions concentrées qu'avec les présures faibles. Aussi, quand on prépare les présures industrielles, tàche-t-on d'arriver du premier coup à des liquides coagulant de 15 à 18.000 fois leur poids de lait. D'après les expériences de M. Soxhlet, ces solutions perdent 30 p. 100 de leur force dans les deux premiers mois, dans les premiers jours assez vite, plus tard plus lentement, et deviennent ensuite constantes pendant huit mois. Il faut, sans doute, attribuer ce fait à une oxydation. Le fait, men- tionné quelquefois, que la perte est plus prononcée pour les présures concentrées que pour les autres, semble en désac- <;ord avec cette explication ; mais je ne le crois pas exact, et j'ai toujours vu une dissolution étendue d'une présure quel- -conque s'affaiblir plus vite que la solution concentrée. 37*8. Influence de la nature du lait. — Il est clair que la force, ainsi mesurée, ne Test que relativement au lait avec lequel la mesure a été faite. Les faibles ditférenccs que l'a- nalyse chimique révèle entre les bons laits naturels suffisent pour qu'ils se comportent différemment vis-à-vis d'une même diastase. Suivant qu'ils seront plus ou moins riches en sels de chaux solubles, qui accélèrent la coagulation, ou en sels de métaux alcalins qui la retardent, ils présenteront avec la même dose de la même présure des durées de coagula- tion différentes. Suivant qu'ils seront devenus plus ou moins acides au moment de l'essai, ils obéiront plus ou moins vite à l'action de la diastase. Les observations faites dans les fromageries semblent con- lîrmer ces conclusions. On y observe fréquemment que du mi CHAPITRE XXXV lait, même récollé dans des conditions convenables et en apparence toujours les mêmes, ne se comporte pas toujours de même vis-à-vis de la présure, même à 24 heures de dis- tance. On sait aussi qu'il y a une dilïérence entre le lait du printemps et ccdui de Fautomne. Mais les différences relevées ne l'avaient pas été dans des conditions scientifiques, jusqu'au jour où j'ai montré, en 1883, qu'en maintenant constantes la température,, la dose de présure, et en opérant sur le lait de la môme ferme, chez des animaux au pàturai^e, le lait de deux traites, séparées par des intervalles de 2i heures, ne présentait jamais la môme durée de coagulation. L'étude des influences qui peuvent amener ce résultat nous ramène à un sujet déjà traité au point de vue général, et que nous devons reprendre dans ce cas particulier. S^Q. Influence des sels présents dans le lait. — Nous avonSj dans la première partie de ce livre, pris la présure comme exemple d'étude de l'action des antiseptiques, ou plus gé- néralement des matériaux divers présents dans le lait en voie de coagulation. En regard des données que nous avons fournies à ce moment (ch. XVI), et auxquelles nous renvoyons, nous avons à en mettre d'autres, plus récentes, et plus systémati- ques, dues à Lôrcher. Au lieu de comparer l'action de quantités pondéralement égales de divers sels, Lorcher a comparé, comme Pfleiderer l'avait fait avant lui pour les acides, l'action de quantités molé- culairement égales de divers sels sur la coagulation du lait. Il a donc fait, avec ces sels débarrassés autant que possible de leur eau de cristallisation, des solutions dans du lait, conte- nant 1, 1/10, 1/50 du poids moléculaire du sel, et c'étaient ces solutions qui, mélangées à d'autre lait, servaient à faire les dilutions nécessaires. Dans chaque cas, on mesurait le temps de la coagulation du lait normal, qui était malheureuse- ment un peu court, 8 à 10 minutes, ce qui faisait tomber la durée du phénomène dans la zone où il n'y a déjà plus de proportionnalité inverse entre la quantité de présure et le PRESURE 605 temps de la coagulation. Il aurait mieux valu se tenir au voi- sinage de 30 minutes pour la durée de la coagulation. A côté de la durée de coagulation du lait normal, Lorcher donne le retard ou l'avance dû à la présence du sel, dont la pro- portion est évaluée en millièmes du poids moléculaire. Pour ramener les chilFres donnés aux mêmes unités que dans le reste de ce volume, nous supposerons que le poids moléculaire indiqué à côté de chacun des sels mis en œuvre est évalué en milligrammes. Lors donc qu'un sel sera introduit à la pro- portion indiquée par le chifi're 1, par exemple, cela voudra dire que le nombre de milligrammes représenté par son poids mo- léculaire, sera dissous dans un litre de lait. Par exemple^ pour le sulfate de soude Na-SO* (142), il y aura 0 gr. 142 par litre de sel dissous pour la concentration 1, 0 gr. 71 pour la concentration 5, et ainsi de suite. Cela dit, voici les résultats de Lorcher, distribués en plu- sieurs groupes. La coagulation avait lieu à 3o". I. Groupe des métaux alcalins. 1" Alcnlis NaOH (40) et KOH (56) ; Concenlralions 1 2 tO Valeur de R (sodium). .. . 1,-4I t,6S coag. en flocons — (polassium).. 1,8-2 2,24 id. 2° Carbonates alcalins Na=CO' (106) et K-CO^ (138) ; Concentralions 12 4 10 Valeur de R (sodium) 1,21 l.i3 1,86 Pas de coag. — (potassium)... l.OJ 1,36 2,29 id. 3^ Bicarbonate de sodium NaHCO' (84) ; Concentrations... 1 2 10 20 ^00 Valeur de R 1.05 1,10 2,11 3,67 Pas de coag. 4° Sulfates alcalins Na^SO* (142) et K-SO' (174) ; Concentrations 1 10 20 100 500 Valeur de R (sodium).... 1,28 1.43 1,50 2,28 6,6 — (potassium).. 1,21 1,43 1,50 2,58 >10 5° Nitrates alcalins NaAzO^ (85) et KAzO' (101) ; 60() CllAlMTUE XXXV Conceiilralions 10 20 100 500 Valeur (le R (so(liiim).. . 4,11 1,17 i,90 43 eiiv. — (potassium).. 1,06 1,17 1,83 42 env. 6" Phosphates alcalins Na-IIPO' (142) et K^llPO'^ (174) ; Concentrations 1 S 10 100 Valeur de R (sodium). .. . 1,17 1,33 3,00 Pas de coag. — (potassium).. 0,88 0,G1 0,oO 0,39 On remarquera que le phosphate de soucie retarde notable- ment la coagulation, tandis que le phosphate de potasse l'accé- lère. Il faut remarquer que le premier est un peu alcalin vis- à-vis de la phénolphtaléine et le second un peu acide. 7» lodures alcalins Nal (loO) et Kl (166) ; Concentrations. ...: 10 20 40 100 500 Valeur de R (sodium) 1,"28 l,i3 l,lu 2,43 Pas de coag. — (i.olassium).. 1,21 1,43 1,64 2,22 32 env. 8" Bromures alcalins NaBr (103) et KBr(119) ; Concentrations 10 20 40 100 500 Valeur de H (sodium).... 1,03 1,12 1,24 1,70 6 env. — (potassium).. 1,18 4,50 1,70 5,47 42 env. 9" Chlorures alcalins SaCl (08,0) et KCl (74,5) ; Concentrations 10 20 100 500 lOOO Valeur de R (sodium).... 1,24 1,24 1,43 2.64 4.17 — (potassium).. 1,06 1,06 1,41 3,35 4,78 Le chlorure de lithium se sépare un peu de ses congénères pour se rapprocher des sels de magnésium : il accélère d'a- bord, et retarde ensuite. Voici les chiffres : Concentrations 1 5 10 20 100 1000 Valeurs de R 0,94 0,9i 0,97 0,97 1,12 5 env. 10» Fluorures et oxalates NaFl (42) et K-G'O' (166) ; Concentrations 1 2 10 400 Valeur de R (fluorure). . .. 0 » 2,7 Pas de coag. — (oxalate) 2,4 8,3 52,5 Pas de coag. On voit combien on faisait erreur quand on supposait que le fluorure et l'oxalate n'ag'issaient que pour précipiter la PRESURE 607 chaux dans le lait, et qu'on pouvait en ajouter impunément un petit excès. En réalité, ces sels sont très hostiles à la pré- sure, dès que leur proportion dans le lait dépasse ce qui s'en immobilise dans le précipité insoluble de chaux formé. Les carbonates alcalins eux-mêmes sont moins actifs que le fluorure de sodium et loxalate de potasse. Puis viennent les bicarbonates. Des sels neutres, les sulfates sont ceux qui agissent le plus fortement aux plus faibles concentrations. Grutzner a remarqué le même fait au sujet des digestions pepsiques. Les iodures et les bromures dépassent aussi les chlorures à ce point de vue. Dans l'ensemble on voit en outre que le potassium et le sodium diffèrent peu. Pourtant, pour des concentrations un peu fortes, le potassium se montre plus nuisible que le sodium. Voyons maintenant le groupe des métaux alcalins. II. Groupe des métaux alcalino-terreux. lo Terres alcalino-terreuses Ca(OHf (74) et Ba(OH)' (171). Concentrations 1 2 10 Valeur de R (calcium).... 1,18 1,S0 4,7o — (baryum)... 1,2.5 1,50 3,00 La strontiane est intermédiaire entre la baryte et la chaux. 2" Nitrate de baryte Ba(AzO')'' (261) ; Concentrations 2 10 20 100 300 Valeur de R 1,00 0,T.j 0,02 OM 0,94 3° Chlorures CaCP (111), SrCl- (159 j et BaCP (208) ; Concentrations 1 2 10 20 100 500 Valeur de K (calcium)... 0,75 0,69 0,34 0,19 0,29 3,o0 — (strontium). 0,88 0,75 0,44 0,38 0,56 1,50 — (baryum)... 0,82 0,75 0,40 0,25 0,19 1,44 Nous retrouvons là rinfluence accélératrice des sels de chaux et des sels homologues employés à de faibles doses : à des doses plus élevées, ils deviennent tous retardateurs. III. Sels de magnésium et d'autres métaux voisins. 1° Chlorure de magnésium MgCl' (9oj et chlorure de zinc ZnCP (136). r.()8 CHAPrrnK xxxv Coiir(Mitr;iliniis Valeur de U (inagnésiuin). . — (zinc) i 'i 10 20 100 1,52 1.42 1,00 o,:n 0,21 0,78 0,73 0.07 0,57 2,68 Les deux sels évoluent eu sens inverse quand la conceu- h-ation a ui; mente. 2° Chlorure de cadmium CdCl' (183) et d'aluminium AlCP (139,9j. Concentrations 0,1 0,o 1 5 10 Valeur de U (cadmium).... 0,97 0,9't 0,87 0.62 0,:iO — (aluminium) . 0.9 i 0,87 0,75 0,50 0,41. A des doses plus fortes, il se fait une coagulation immé- diate en g-ros flocons. On remarquera que ces sels agissent à des doses très faibles, mais ils ne sont plus neutres aux réac- tifs colorés. 3" Sulfate de magnésie MgSO* (120) et nitrate de baryte Ba(Az0^7- (261). Concentrations 1 2 10 100 500 Valeur de R (magnésium).. 0,94 0,87 0,62 0,87 7,50 — (baryum) 1,00 0,9i 0,7o 0,57 » Il ne ressort rien de bien net de tous ces essais au point de vue de rinfluence des poids moléculaires. Non seulement des poids égaux de divers sels homologues se comportent difï'éremment, mais encore des nombres égaux de molécules de ces sels ont des actions diverses. Au point de vue pratique, nous voyons pourtant que de très petites variations dans la composition des cendres d'un lait peuvent influencer la durée de coagulation à la même température et avec la même quan- tité de la même présure. Ce n'est pas évidemment là la seule influence en jeu. La caséine du lait doit avoir aussi son rôle, suivant que son état de suspension est plus ou moins accusé. Nous savons, en effet, qu'il peut y avoir des degrés sous ce rapport. Mais de ce côté, la science n'a encore réuni aucun renseignement précis. 380. Action des antiseptiques. — M. de Freudenreich a étudié spécialement l'action de quelques antiseptiques. Il a PRESURE 609 trouvé que l'eau chloroformée, le thymol détruisent la pré- sure au bout d'un temps très court. La glycérine n'exerce au- cune atteinte. Quant à l'aldéhyde formique, Poitevin avait vu en 1894, qu'ajoutée au lait, elle retardait sa coagulation. Voici les nombres qu'il a trouvés pour les rapports R des temps de coagulation entre le lait antiseptisé et le lait normal. Les doses de formol indiquées sont des grammes par litre : Formol R 0.8 1,7 1 2,0 1,6 QO M. de Freudenreich a trouvé des chilFres analogues. On voit combien il faut peu de formaldéhyde pour empêcher la coa- gulation. La présure maintenue au contact de solutions un peu concentrées de formol devient inactive. BIBLIOGRAPHIE J.-R. Green. Ann. of. Botanij, VIT, 1893, p. 112. Ad. Mayer. Die Lehre von den chem. Fermente 1882, p. 6. Lea. Chem. iXeioi, XLVIIL P- 261, 1883. J.-R. Green. Proc. Bon. Soc. XLVIII, p. £91. Camus et Gley. Archives de Phijsio/., n" 4, cet. 1897. DucLAUX. Microbiologie. Paris, 1883. Lorchkr. Pfluçfcr's Archiv., t. LXIX, p. 141, 1897. Pottevin. Ann. de l'Institut Pasteur, t. VIII, 1894. De Freudenreich. Annales de micrograpliie, sept. 1897. 39 CHAPITRE XXXYI CASÉASE A l'étude de la présure se rattache tout naturellement l'étude de la caséase, qui détruit et liquéfie le coaguluui que la présure a formé. Cette caséase a surtout été ren- contrée jusqu'ici dans le monde des microbes. Chez ceux qui peuvent vivre facilement dans le lait, et y consomment la caséine, la caséase est toujours mélangée de présure, et cjuand on précipite par l'alcool une de leurs cultures, on a d'ordinaire un mélange des deux diastases. Pour les avoir plus pures, il est bon de se servir d'une culture dans du bouillon. Le précipité obtenu par l'alcool est redissous dans l'eau, et voici ce qu'on observe quand on mélange ce liquide à du lait frais à une tenqiérature de 20 ou 25 degrés. • 381. Action de la caséase. — Le lait ainsi traité se coagule, mais le coaguluui n'a jamais l'aspect ferme et l'opacité qu'il présente lorsqu'il est produit sous l'action de la présure. De plus, il se liquéfie peu à peu, et, au bout de 2 à 3 heures, le lait est devenu un liquide d'aspect louche, ayant la demi-transparence de la corne, surnagé par les globules gras qui s'en séparent plus vite que du lait naturel. Il est devenu presqu'intégralement tiltrable au travers dune paroi de porcelaine, qui ne laisse passer que le 1/10 environ de la caséine du lait normal. Une nouvelle addition de pré- sure ne le coagule plus. Enfin, les acides, même aidés de l'action de la chaleur, n'y déterminent qu'un précipité faible ou même nul. Bref, la caséine y a perdu l'état de demi-coa- gulation qui lui est naturel et auquel elle doit la plupart de ses propriétés. Elle est liquéfiée,, et ses réactions sont CASEASE 611 les réactions confuses des peptones. On peut dire quelle a subi un travail digestif, et nous verrons en eflet tout à riieure que ce travail est le même que celui qui se fait sous l'action du pancréas chez les animaux supérieurs. 382. Caséase des ferments de la caséine. — Voilà la marche générale du phénomène. Mais ses actes successifs dépendent à la fois de la température et de la proportion dans laquelle la présure et la caséase sont mélangées dans la culture microbienne utilisée. Voici par exemple ce qu'on obtient en faisant arriver dans du lait, après filtration au travers d'une paroi de porcelaine, le mélange de diastases provenant d'un microbe, particulièrement actif comme pro- ducteur de caséase, et que j'ai décrit sous le nom de Tyro- thvix tennis. Il est voisin du bacillus sublilis^ mais ne lui est pas identique. Si nous ajoutons tout d'abord une faible quantité de cette diastase à du lait, ce lait se coagule comme avec la présure de veau, mais en donnant un caillot moins opaque. De plus, ce caillot, au lieu de rester ferme et cohérent, va devenir de plus en plus gélatineux et finira par se résoudre tout entier en un liquide transparent, un peu opalescent encore, ressemblant à du sérum un peu louche. Si, après coagulation, on rajoute, par filtration au travers de la cloison poreuse, de nouvelle diastase, et si l'on agite bien de façon à mélanger le tout intimement, la transfor- mation du coagulum est plus rapide. Si, sur un deuxième échantillon de lait identique au premier, on fait passer en une seule fois tout ce qu'on a ajouté en deux reprises au premier, il arrive fréquemment qu'ici la coagulation n'a plus lieu, que le lait se décolore en restant liquide, et on trouve qu'il n'y met ni plus ni moins de temps que lorsqu'il a subi une coagulation préalable. La formation du caillé n'entrave donc pas la redissolution de la caséine, mais à la condition que ce caillé soit complètement imprégné de son liquide digestif, car lorsqu'il est en grumeaux solides, qui doivent (;i2 CIIAIMTR1-: XXXVI cti'c attaqués de rextérieur, sa li(|uéfaclion devient uatiircllc- nieiit ])eaucoiip plus lente. Cette décoloration ilu lait, sans coagulation préalable, se produira plus facilement, si, d;ins la diastase qu'on y in- troduit, la caséase est en excès sur la présure. Enfin, elle dépendra aussi de la température. La présure a besoin, comme nous le savons, d'agir au-dessus de 20° ; au-dessous, elle reste inerte. La caséase peut agir à toutes les tempéra- tures, bien qu'elle préfère celles qui sont voisines de 30 à 35°. Si donc le lait est au froid, cette dernière agira seule, avec plus de lenteur, mais avec une très grande sûreté. Elle ne semble même pas avoir besoin, pour manifester son action, d'être en quantités bien grandes, lorsqu'on lui laisse le temps comme facteur. Quand on en ajoute une quantité suffisante, l'action peut devenir très rapide. La présence de la présure passe ina- perçue, et quelques minutes suffisent à la décoloration du lait, et à sa transformation en un liquide opalescent où il n'y a plus de caséine. Si on veut avoir une idée plus nette de l'action de la caséase seule, il n'y a qu'à la faire agir sur un coagulum fait avec, de la présure. A ce point de vue, il n'y a pas d'exemple plus net et plus parlant à l'œil que ce qui se passe pendant le procès de maturation du fromage de Brie. 383. Caséase dans le fromage de Brie. — Ce fromage provient de lait coagulé très lentement, à température assez basse, et avec peu de présure. Dans ces conditions, le lait devient de plus en plus acide, et les dernières portions de sérum qui s'en écoulent à la fin de l'égouttage sont tellement chargées en acide lactique qu'elles finissent par corroder les plaques de plomb dont sont recouvertes les tablettes d'égouttage dans quelques fromageries. La masse ainsi égouttée est trop acide pour que les ferments de la caséine s'y implantent facilement. Elle forme, au con- traire, un champ tout préparé pour les mucédinées, surtout CASKASE (il 3 pour un peniciUium qui est acclimaté dans les fermes, où les spores sont répandues partout, et (pii, se développant à la surface de la pâte, brûle peu à peu son acide lactique. Avant que l'acidité n'ait totalement disparu, on voit appa- raître entre les ilôts superficiels du pfnici/iiian une couche rou.seàtre et des taches variées, formées par des microbes qui ont été séparés par M. G. Ilo^u'er, et qui tous sont producteurs de caséase et aérobies. Cette caséase, produite à la surface, pénètre peu à peu le gâteau en progressant d'une façon ré- gulière vers les couches centrales. De sorte que l'on a d'or- dinaire, dans un fromage non complètement niùr, une partie centrale blanche et opaque, comprise entre deux couches plus transparentes et plus molles, qui elles-mêmes confinent à la pellicule extérieure formée par les enchevêtrements my- céliens du pénicillium et par les cultures microbieinies. La portion opaque du centre est celle où la caséase n"a pas encore pénétré, ou bien est empêchée d'agir par l'acidité encore trop grande. Les couches de bordure sont celles où la caséine est passée de l'état de coagulum à l'état de solution plus ou moins parfaite, et a repris par là une homogénéité de constitution qui lui permet de se laisser traverser par les rayons lumineux. C'est le même phénomène que lorsque la mousse se résout en eau. Dans les fromages à pâte ferme, l'action est moins nette et se rapproche de celle que nous avons signalée plus haut à propos du Tyrothrix te/niis. Ce sont les ferments présents à l'origine dans le lait qui déposent dans le coagulum et dans la pâte, pendant le temps qu'ils y vivent, la caséase, dont l'action, si lente qu'elle soit, amènera peu à peu avec le temps, la solubilisation de la caséine et la transparence correspondante de la pâte. Peut-être y a-t-il pourtant, dans le lait lui-même, une petite quantité de diastases préexis- tantes. C'est une opinion qui a été soutenue, mais n'a pas encore, à ma connaissance, été prouvée d'une façon suffisante. M. de Freudenreich avait attribué aux ferments lactiques le rôle prépondérant dans la maturation des fromages durs 614 CHAPITRE XXXVI comme le fromage d'Emmenthal. Un travail récent de- MM. Chodat et HofTmann-Bang- vient de montrer que là encore, ce sont des microbes producteurs de caséase et fer- ments de la caséine qui interviennent. Le nombre des microlies capables do coaguler le lait et d'en redissoudre plus ou moins facilement le coagulum est du reste extrêmement considérable. Il faut pourtant distinguer ceux qui coagulent le lait en vertu de l'acidité qu'ils amènent, en vivant d'ordinaire aux dépens du sucre de lait. Ceux-là ne liquéfient pas d'ordinaire le gâteau qu'ils forment et qui devient de plus en plus cohérent à mesure qu'augmente la dose d'acide. Les seuls producteurs de présure, c'est-à-dire d'une diastase coagulant le lait en milieu neutre ou légèrement alcalin, sont aussi, en même temps, producteurs de caséase. Mais tous n'ont pas la même activité. Les .ferments propres de la caséine sont au premier rang. Les moisissures, en général, peuvent aussi sécréter de la caséase, mais en pro- portions plus faibles que les Tyrothrix. Les levures elles-mêmes, peuvent vivre dans le lait, le coaguler, redissoudre le coa- gulum, et donner de l'ammoniaque aux dépens de la caséine. Mais leur action est en général lente et variable d'une espèce à l'autre, comme l'ont montré les résultats de M. Boullanger. 384. Caséase des levures. — M. Boullanger a ensemencé dans du lait un certain nombre de levures pures, et a vu avec quelques-unes d'entre elles une coagulation se produire, sans variation d'acidité, ce qui témoignait de la sécrétion d'une présure. Puis, le coagulum s'est dissous, et le liquide a pris l'aspect demi-transparent qui correspond à la disso- lution complète de la caséine. Puis il a jauni d'abord, et bruni ensuite sous l'influence des produits ulmiques résultant de l'action sur le sucre de lait de l'ammoniaque produite par la levure vivant aux dépens de la caséine. Au bout de 14 mois, on a analysé le contenu des divers ballons, et on a trouvé que les diverses levures ne s'étaient pas du tout comportées de même. Le sens général de leur- CASEASE 015 action avait été le suivant. Elles avaient utilisé la caséine comme source d'azote, et peut-être bien aussi comme source de carbone, après l'avoir solubilisée au moyen de caséase, pour lui permettre de pénétrer à l'intérieur de la cellule et du protoplasma. A cette caséine solubilisée, elles avaient fait subir une désagrégation plus ou moins profonde jusqu'à en amener une partie à l'état d'ammoniaque. On a suivi ces phénomènes en comparant ce qu'il y avait, au début et à la fm, de caséine totale, de caséine en suspension, de caséine en solution, d'ammoniac[ue. La dimi- nution dans la quantité de caséine totale pouvait servir de mesure, grossière il est vrai, de l'intensité de Faction nutri- tive de la levure pendant la culture. La diminution dans la quantité de caséine en suspension donnait une mesure de l'intensité d'action de la caséase, la quantité d'ammoniaque une mesure du degré auquel avait été portée la destruction de la matière alimentaire. M. BouUanger a vu que tous ces stades du phénomène total n'étaient pas en proportion les uns des autres. Certaines levures, comme celle de Frouberg, sécrètent relativement beaucoup de caséase en donnant peu d'ammoniaque. D'autres, comme la levure de la brasserie de Lœwenbrau, font l'inverse. L'ordre des levures, suivant la quantité d'ammoniaque produite, n'est pas non plus le même que l'ordre suivant les quantités de caséine consommées. C'est que toutes ces actions sont indépendantes, quoique étant toutes des phénomènes de nutrition. Chaque levure a sa façon d'ordonnancer les siennes. MM. Hahn et Geret sont arrivés depuis, par une autre voie^ à des résultats analogues. Ils ont montré que ce travail de dissolution de la matière albuminoïde est dû à une ou plu- sieurs diastases, qu'on trouve dans le suc de levure obtenu comme nous l'avons vu à propos de la zymase alcoolique. Ce suc, abandonné à lui-même à 37°, fournit un précipité albuminoïde qui se redissout peu à peu, puis se reproduit au bout de 6 à 8 jours, mais sous une autre forme. Ce sont alors, non pas des masses amorphes et muqueuses, mais des. Gif) CllAPlTUE XXXVI cristaux de tyrosine. De plus, en évaporant le liquide au bout de 2 à i semaines, on voit s'y déposer des cristaux de leu- cine. Pareille observation avait été faite par M. Fernbach sur de l'extrait de levure obtenu par son procédé (230) et conservé stérile pendant plusieurs mois. Il y a donc une véritable dégradation de la matière al- buminoïde, qu'on peut suivre en déterminant à divers moments de l'expérience la quantité de matière albuminoïde encore pré- cipitable par la chaleur, et la quantité d'azote c[ui reste en so- lution dans le liquide bouilli. La première diminue et la se- conde augmente. Les chitïres trouvés témoignent d'une véri- table digestion de la matière albuminoïde du globule de levure, sous l'influence d'une diastase qui devient inerte lors- qu'on chauffe le suc de levure à 60". La température la plus favorable pour cette digestion est de 37 à 50". Mais les sucs de toutes les levures ne se ressemblent pas sous ce rapport, et de même qu'ils ne contiennent pas tous la même pro- portion de zymase, de môme ils se digèrent plus ou moins vite. La proportion de zymase ne varie même pas comme la puissance digestive. Ainsi, sur deux levures de grains pres- sées, contenant toutes deux la diastase digestive de la ma- tière albuminoïde, l'une d'elles, très active sous ce rapport» ne contenait que très peu de zymase. 38S. Diastase dissolvant la gélatine. — M. Lindner a le premier attiré l'attention sur ce fait, observé depuis long- temps, que certaines levures, ensemencées sur de la géla- tine, au lieu d'y former des colonies denses et à contours bien différenciés de la masse de gélatine, peuvent s'y entourer d'une auréole de matière liquéfiée, et même amener parfois la liquéfaction de la masse. M. Boullanger a observé le même fait sur les levures cju'il a étudiées, et, de plus, a vu que celles qui solubilisaient le mieux la caséine, c'est-à-dire sécrétaient la caséase la plus active, étaient aussi celles qui mettaient le moins de temps à liquéfier la gélatine dans laquelle on les cultivait. CASKASE (il 7 "NVill a depuis repris ce sujet et a comparé entre elles 27 races de levures au point de vue de la vitesse avec la- quelle elles déterminaient la liquéfaction de la gélatine, et de l'influence qu'avaient sur ce phénomène la température et les conditions de la culture. Il a opéré sur du moût houblonné, additionné de 10 0/0 de gélatine, et stérilisé par deux cbaufTages à 100°, espacés de 24 heures. Il a constaté que, dans ce milieu, les levures se comportaient de façons très différentes. Le temps au bout duquel la liquéfaction commence varie beaucoup suivant la température et suivant la race de levure. Il varie de 18 à 100 jours à 20", et de 45 à 240 jours à 13". A 20», c'est le Saccharomyces anomal us:, de Hansen, et la levure Logos qui liquéfient le plus vite ; ce sont les Saccharomijces Pasto- rianus I, S. cerevisiœ I, S'. ellipso'uJeus II, de Hansen, qui vont le plus lentement. D'une manière générale, les levures les plus actives sous ce rapport sont les levures hautes et les plus avides en oxygène. 386. Conclusion des faits qui précèdent. — Nous ve- nons de sortir en apparence du cadre dans lequel devait rester ce livre, consacré exclusivement à l'action des diastases, puisque nous avons abouti à une dislocation de la matière albuminoïde qui se traduit par des produits de décomposition aussi avancée que la leucine et la tyrosine. On a cru pen- dant longtemps que ces acides amidés étaient des résidus microbiens. Mais la chaîne de faits que nous venons d'établir montre qu'ils peuvent être aussi des produits de l'action de diastases. Les ferments de la caséine en donnent en abon- dance : les levures se comportent à ce point de vue comme les ferments de la caséine, et, dans le protoplasma de ces cellules de levure, nous avons trouvé une diastase qui, agis- sant en dehors de toute influence cellulaire, fait de la leucine et de la tyrosine aux dépens de la matière albuminoïde. On en trouverait sûrement de toute pareille dans les bacilles 018 CHAPITRE XXXVI fermouls de la caséine. Et nous avons à tirer de là deux conclusions. La première, c'est que voici une diastase qui, pour être logiquement placée après la présure coagulante, en est pour- tant J)icn ditïérente en ce qu'elle disloque profondément la substance à laquelle elle s'attaque, et lui faisant subir,, presque à elle seule, un procès complet de digestion. La seconde c'est que, si nous voyons bien qu'il s'agit ici d'une action diastasique, nous ne savons pas s'il n'y en a qu'une ou s'il y en a deux ou plusieurs superposées. La question présente une certaine importance, car si elle était élucidée, elle nous conduirait à assimiler ou à. séparer la caséase, la trypsine, la diastase qui liquéfie la gélatine, et un certain nombre d'autres diastases moins connues, disloquant plus ou moins profondément les matières albuminoïdes. Il est probable que la fibrine, la caséine, l'albumine coagulée, ont cbacune leur diastase décoagulante distincte, comme leur diastase coagulante. Puis, il est possible qu'amenées à l'état de peptone, elles soient toutes tributaires d'une même diastase tryptique qui les disloque. Mais cela n'est pas dé- montré, et nous sommes obligés de faire séparément l'étude des diverses diastases que nous connaissons. Nous venons de voir que chaque race de levure a ses allures, allures qui ne sont pas d'ailleurs fixes et qui dépen- dent des conditions de la culture. Mais M. Will, dans le tra- vail que nous venons de résumer, n'a pas visé un point que l'observation de M. Boullanger, rappelée tout à l'heure^ rendait intéressant. Doit-on conclure, de ce qu'il y a un cer- tain parallélisme entre l'action individuelle des diverses le- vures sur la caséine et sur la gélatine, que la diastase qui dissout la gélatine est de la caséase ? SST. Travaux de Fermi. — La question est d'autant plus, urgente à résoudre que dans une série de travaux, Fermi donne la diastase qui dissout la gélatine comme identique à la trypsine, et propose même de substituer la mesure des- CASEASE ni» quantités de gélatine liquéfiée à celle des quantités de fibrine dissoute, lorsqu'il s'agit d'évaluer la quantité de trypsine dans^ lin liquide organique ou un milieu de culture. La méthode de mesure devient alors assez simple. On fait une gélatine à o ou 10 0/0 dans une solution de thymol ou d'acide phénique ; el on en verse des volumes égaux dans des tubes à essai, où on la laisse refroidir. Quand la prise a eu lieu, on verse à la surface le licjuide à soumettre à l'épreuve, après y avoir ajouté une trace de poudre de charbon, qui tombe dans la gélatine liquéfiée jusqu'au niveau où celle-ci est encore solide, et permet de mesurer la marche de l'action dissolvante. La simplicité n'est malheureusement pas tout dans une mé- thode, et celle-ci présente de nombreuses imperfections. La plus grave est c[ue les deux milieux qui doivent agir l'un sur l'autre ne sont mis en contact que par une surface sur laquelle rien n'assure le renouvellement continu de Faction. Il ré- sulte de ce fait divers inconvénients que nous aurons à appré- cier quand nous étudierons la méthode de Mette pour la me- sure des quantités de pepsine. Un autre inconvénient est qu'il faut nécessairement se placer, pour faire ces essais, à une température inférieure à celle de la fluidification spontanée de la gélatine, et par conséquent inférieure aussi à celle du maximum d'action des diastases. On est obligé aussi de neu- traliser d'une façon aussi parfaite que possible le liquide qu'on veut étudier au point de vue de sa diastase, à cause de l'ac- tion liquéfiante des acides ou des alcalis sur la gélatine. Il faut aussi se mettre en garde contre la présence possible du ta- nin, qui existe dans la plupart des sucs végétaux, et rend la gélatine plus résistante. M. Fermi signale toutes ces difficultés et ces obstacles. Mais il néglige d'aborder le principal, qui est en quelque sorte le postulat de sa méthode : à qui ou à quoi appartient l'action qu'on mesure ainsi ; est-ce à une trypsine, analogue à la diastase pancréatique ? est-ce à une diastase ? est-ce môme toujours à une diastase ? Il ne suffit pas, pour résoudre ce problème, de montrer qua \r20 CHAPITRE XWM les extraits pancréatiques de l'homme, du chien, du bœuf, du pigeon, de loie liquéfient facilement la gélatine : il y a dans le pancréas d'autres diastases (|ue la ti-ypsine. Le seul moyen d'assimilation eut été de montrer que ractioii de ces' extraits de pancréas sur la gélatine fournit, comme avec les matières albuminoïdes, de la leucine et de la tj^rosine, et cette preuve semble impossible à faire, s'il est bien démontré que la gé- latine est incapable de fournir aucun de ces résidus amidés. En étudiant l'afiaiblissement que subit la trypsine sous di- verses influences, Fermi apporte lui-même quehpies argu- ments qui empêchent de l'assimiler à la diastase fluidifiant la gélatine. Ainsi il trouve que, soumise à la température de 50°, la trypsine ne peut plus dissoudre la fibrine, mais peut -encore liquéfier la gélatine. Il en est de même pour la tryp- sine maintenue 6 jours dans de l'eau distillée ou thymolisée, ou pour la trypsine agissant en présence d'une fail)le dose d'acide acétique. Ceci conduit à distinguer deux diastases diflerentes ou, au moins, empêche de les confondre jusqu'à plus ample informé. Comme M. Fermi a constamment tal)lé sur leur identité, comme il a en outre souvent négligé de faire ses essais en double, l'un sur le liquide diastasifère, l'autre sur le même liquide bouilli, de façon à voir si l'action observée était ou non une action diastasique, il est difficile de faire dans la science une place à ses résultats. 388. Identité de la caséase, de la trypsine et de la diastase liquéfiant la gélatine. — Nous n avons donc en résumé aucun argument sérieux pour distinguer ces trois diastases, toutes trois du reste assez mal connues. Nous n'en avons pas non plus pour les confondre. Il en sera ainsi tant qu'on ne sera pas mieux renseigné sur la nature des produits auxquels elles donnent naissance. Si chacune d'elles est composée d'une diastase peptonisante et d'une diastase disloquant la peptone formée, suivant l'hy- pothèse que nous avons émise plus haut, les trois diastases CASEASE G24 peptonisantes ou liquéfiantes doivent nous apparaître aussi dis- tinctes que la présure qui ne coagule que le lait et ne coagule pas le plasma, et la plasniase qui coagule le plasma et ne coagule pas le lait. Il se pourrait alors que la seconde diastase, aboutissant à la leucine et à la tyrosine, fût la même partout. Xotrc ignorance à ce sujet n'est qu'une conséquence de l'im- perfection de nos connaissances sur les matières albuminoïdes. Si les progrès qui restent à faire sous ce rapport nous amè- nent à confondre les peptones de caséine et de fibrine, la caséase et la trypsine se confondront aussi. Elles resteront séparées si la caséine et la fibrine dissoutes, malgré leur res- semblance de composition et de propriétés, nous apparaissent comme appartenant à des types dittérents, tels par exemple que les pentanes et les hexanes que nous commençons seule- ment à distinguer, après les avoir longtemps confondus. Quant à la diastase fluidifiant la gélatine, l'histoire des levures et les analogies signalées par M. lîoullanger la rap- prochent de la caséase. Il y a une autre raison. Les bacilles du lait, très actifs producteurs de caséase, sont aussi très liqué- fiants de la gélatine. Le Tyrothr'tx tennis et le lîacillus .si/b- niis, qui sont de la même famille, occupent sous ces deux points de vue un des premiers rangs. Fermi signale une dias- tase fluidifiant la gélatine dans les 12 espèces suivantes : bacille du charbon, vibrion de Koch, bacille de F. Prior, Mi- crococciis prodif/iosits, Micrococcus ascoformis, Bacilhis ramo- sus^ Bacilhis pyocyancKS, bacille de Miller, Bacilliis riwyate- l'iuni, BacUlus subfilis, spirille du fromage, Tricophyton ton- sin-ans. L'ordre de ces êtres comme agents fluidifiants est à peu près le même que comme agents producteurs de caséase. C'est pour toutes ces raisons que nous avons rapproché de cette dernière diastase la diastase de Fermi, à laquelle nous n'avons pas à donner de nom, tant que nous ne sommes pas surs de son existence. 389. Caséase du pancréas. — J'ai découvert dans le pancréas une diastase produisant les mêmes eflets que la 622 CHAPITRE XXXVI caséase. Le suc pancréatique en contient, mais comme il est difficile à recueillir et à conserver intact, on peut faire l'ex- périence avec le tissu du pancréas lui-même. On sacrifie un animal en digestion, on découvre son pancréas le plus rapi- dement possible, on incise avec de fins ciseaux, qu'on vient de flamber, une portion de cet organe, qu'on porte aussitôt, avec une pince, flambée aussi, dans un matras Pasteur ren- fermant du lait stérilisé. On évite Tinfluence des germes de l'air en opérant rapidement et en tenant le col du matras tout près du point où Ton a fait l'excision de l'organe. Quant au pancréas, on pourrait craindre qu'il ne renfermât aussi des germes, en songeant que l'organe est parcouru tout entier par des vaisseaux assez volumineux, débouchant dans une portion de l'intestin où il y a toujours des microbes : ces mi- crobes pénètrent en effet assez loin dans les conduits pan- créatiques. On évite leur intervention en réséquant le mor- ceau vers l'extrémité de la glande. En le laissant macérer dans du lait, on aperçoit les mêmes phénomènes que ceux que nous avons décrits plus haut à propos des diastases mi- crobiennes, et elles aboutissent encore à une dissolution com- plète de la caséine du lait. Cette caséase, qui se manifeste si nettement dans cette ex- périence, est-elle identique à la trypsine de Kuhne, qui existe aussi dans le pancréas ? ou bien y a-t-il dans le pancréas un mélange des deux diastases digestives de la caséine et de la fibrine ? C'est une question qui est impossible à résoudre pour le moment. 390. Lois de l'action de la caséase. — Il ne nous reste plus, pour terminer ce sujet, qu'a dire le peu qu'on sait au sujet de l'action de la caséase, qui n'a pas été étudiée systé- matiquement, comme les autres diastases, parce que la me- sure de son action est difficile. On ne peut l'apprécier en ce moment que par ses caractères extérieurs, par l'accroissement de transparence, par exemple, qu'elle produit dans le lait, CASEASE 023 ou encore par rciugineiitation de la quantité de la caséine filtrable au travers de la porcelaine. Pour des mesures un peu grossières, la première méthode suffit. Si on veut par exemple étudier Finfluence des doses de diastase, il suffira de mélanger à une môme quantité de lait des doses diverses de caséase, de mettre ces mélanges au bain-marie, dans des tu])es à essais de même diamètre. Le lait se décolore peu à peu, surtout si l'on a eu le soin de le prendre écrémé, et l'on tâche d'arriver pour les divers tubes au même degré de transparence, voisin de celui du liquide dans lequel était dissoute la caséase employée. On se met ainsi suffisamment à l'abri des causes d'erreur produites par les dilutions différentes des divers mélanges. En opérant ainsi avec un liquide, riche en caséase, prove- nant dune culture de Ti/rothrix tennis, j'ai trouvé que la décoloration de la masse demandait 15 minutes avec 1 volume de lait, et 1 volume de liquide diastasifère. 4.5—2 — 1 — 90—3 — 1 — Il n'y a pas proportionnalité inverse entre les temps et les quantités de diastase, mais la variation est de même sens que pour la présure. Quant à la température, je me suis assuré que l'activité de la diastase augmente d'abord quand la température s'élève, •et décroit ensuite. C'est encore comme pour la présure. Mais le maximum m'a semblé être plus bas que pour cette dernière diastase, et se rapprocher de 30°. En revanche, la caséase €st encore active aux températures basses où la présure n'a- git pas, et se manifeste encore vers 4" ou 5". BIBLIOGRAPHIE DUCLAUX. Mémoires sur le lait. Ann. de Vlnslilul uni. ayronomiqne, 1882, et Le lail. Paris 189i. 624 CHAPITRE XXXVI E. BOULLANGER. Aun. de Vlnslitiil Pasteur, t. X, p. 59'^. HahN. lier. d. deuhck. chem. Gesells, t. XXXI, 1898, p. 200. Geret et Hahn. Id. t. XXXr, 1898, paRe20a. P. LiNDNER. Mikroscopische Betriebscontrolle in den GahrungsgeAverben. WiLL. Zeilschr. f. d. fjes. Branw, t. XXI, 1898. Cl. Fermi. I fermenti peptici, Gioni. de /?. accdd. di iitediziud di Toriun, 1890, n°s 1 et 2. Fermi et Pernossi. Zeilschr. f. Hiki. t. XVIII. 1894, n» 1 et Centrabl. f. Bacl. t. XV. p. 229. De Freudenreich. Ann. de micrographie, 1897. ChodaT et Hofman-Bang. Bulklin de l'Herbier Boissier, sept. 1898, t. VI. CHAPITRE XXXVII PEPSINE Dans ce qui va suivre, nous n'étudierons la pepsine qu'au point de vue chimique, réservant pour plus tard rexamen de son rôle dans la digestion. La pepsine est la diastase de l'estomac qui agit, avec le concours des acides du suc gastrique, sur les matières albu- minoïdes pour les liquéfier d'abord, les transformer ensuite. Quand on cherche à préciser -cette définition, à dire plus exactement ce qu'est la pepsine et à quelles transformations elle préside, on rencontre des difficultés qui tiennent surtout à l'imperfection de nos connaissances au sujet des matières albuminoïdes. Une courte revue sur ce point est un prélimi- naire obligé de nos études sur la pepsine. 391. Notions sur les matières albuminoïdes. — 11 y a sûrement un très grand nombre de matières albuminoïdes. Le raisonnement et l'expérience nous imposent cette conclu- sion. Le raisonnement d'abord. Il y a dans le monde végé- tal une foule de sucres différents par leur composition, et, dans les sucres de même composition, il y en a de diffé- rents par leurs structures chimiques. Il y a une foule d'ami- dons, présentant, en dehors des différences chimiques qui peuvent exister entre eux comme entre les sucres, des diffé- rences physiques d'agrégation. L'analogie conduit à penser que, dans le monde animal, il y a de même une foule de matières albuminoïdes dans les tissus si variés des divers or- ganismes. L'expérience est d'accord avec cette manière de voir. Lors- qu'on soumet à l'action d'un même réactif, par exemple, du 40 (;-2(i ClIAPITRl-: XXXVIl suc gastrique naturel ou artiticiel, un tissu complexe, fùt-il même aussi homogène en apparence qu'un fragment de muscle, on voit, par exemple, (jue les sarcoprismes sont beau- coup plus vite attaqués par le suc gastrique que les disques intercalaires. Le suc j^ancréatique, de son côté, s'attaque tout d'abord à la substance interlibrillaire, et effiloche en long le fragment musculaire que le suc g"astrique a tronçonné en large. Si on prend des substances plus différenciées, les différences d'action sont plus grandes. J'ai montré, par exemple, que la caséine n'est que très lentement attaquée par le suc gastrique, tandis qu'elle est rapidement dissoute par le suc pancréatique. La fibrine, au contraire, surtout celle du sang, est entièrement digestible dans l'estomac, pourvu qu'elle n'ait pas été trop desséchée ou trop coagulée avant le traitement. Nous sommes donc conduits à croire à l'existence d'un nombre considérable de matières albuminoïdes, différentes entre elles par leur composition chimique et leurs modes de dislocation. Nous pouvons môme nous les représenter, si nous le voulons, mais avec un peu d'arbitraire, comme for- mées de ce qu'on appelle en chimie un noyau commun, por- tant un nombre plus ou moins grand de chaînes latérales dif- férentes. Mais quand il s'agit de donner un corps à ces con- ceptions et à les préciser, la science doit se déclarer impuis- sante. Ce n'est pas qu'il n'ait été fait dans cette direction un effort très grand et très soutenu. La bibliographie relative aux matières albuminoïdes compte plusieurs centaines de mémoires, dont quelques-uns signés de très grands noms. Si le problème n'est pas résolu, c'est qu'il est très difficile. C'est aussi^ à mon avis, qu'il a été abordé par un côté où il n'y avait guère à espérer de solution, parce qu'on y faisait de la physique croyant faire de la chimie. Je m'explique. J'ai déjà insisté à plusieurs reprises, dans le courant de cet ouvrage, sur les questions de cohésion physique qui mo- difient l'état d'un corps en suspension dans l'eau ou dans un PEPSINE 627 dissolvant quelconque. Si cette cohésion est plus forte entre les molécules du dissolvant et celles du corps qu'entre les molécules de ce corps lui même, le corps reste indéfiniment en suspension : c'est le cas de l'argile fine dans de l'eau distillée. Si^ au contraire, la cohésion entre les molécules du corps augmente, ou si l'autre diminue, il y a agrégation de molécules, coagulation, et l'expérience nous apprend que les forces les plus faibles peuvent amener de ces agrégations moléculaires dans des émulsions jusque-là très stables. Cela posé, l'erreur dans laquelle on est tombé, à propos des matières albuminoïdes, a consisté à prendre ces phéno- mènes de coagulation physique pour des précipitations chi- miques. Les matières albuminoïdes, lorsqu'on les dilue dans Teau, peuvent y entrer en solution véritable, ou en simple suspension. La façon dont elles se comportent ne dépend pas que d'elles, du degré de dessiccation ou de coagulation qu'elles ont atteint, de la cohérence que leur ont donné les traitements divers auxquels on les a soumises. Elle dépend aussi du milieu ambiant, de sa température, de la quantité et de la nature des substances salines qu'il contient. Une addition d'un sel convenable change les rapports de cohé- sion entre le liquide et la matière albuminoïde présente ; elle peut l'augmenter et, par conséquent, faire disparaître un dépôt ; elle peut le diminuer, et au contraire faire apparaître des flocons et un précipité dans un liquide primitivement ho- mogène ou même limpide. En ajoutant de nouveau sel dans un liquide où une première addition a épuisé son action, on peut faire apparaître un nouveau précipité. Mais on n'a au- cune raison d'admettre que ce second précipité est différent du premier. Il peut l'être, mais ne l'est pas nécessairement, ainsi que je l'ai montré en prouvant qu'appliqué à une so- lution de sulfate de quinine, ce mode d'expérience et de rai- sonnement permettait de scinder ce corps si bien défini en plusieurs substances, distinctes en apparence par leur mode de précipitation ou de coagulation par les sels neutres, et pourtant identiques. J'ai fait la même démonstration pour irlH ClIAPITr.!-: XXXVII la précipitation du phosphate bibasiquc de chaux au moyen de la clialcur et des alcalis, et je crois pouvoir en conclure que ces réactions de coagulation ne méritent aucune confiance comme moyen de séparation des espèces chimiques qui sont présentes dans une liqueur, et qu'en s'adressant exclusive- ment à elles pour la ditférenciation des matières albumi- noïdes, il n'y avait aucun progrès possible, car d'un côté, un même précipité sous Faction de ces réactifs physiques pou- vait contenir des matières albuminoïdes difierentes, et de l'autre deux précipités consécutifs dans la même liqueur pou- vaient contenir des matières identiques. Les différences que les matières albuminoïdes présentent certainement entre elles se trouvaient mélangées et troublées de différences artifi- cielles qui étaient une cause permanente d'erreur ou d'illu- sion. Pour n'en citer tout de suite qu'une, la ])lus apparente, nous avons vu que les mêmes solutions salines qui précipitent les matières albuminoïdes précipitent aussi les gommes, le glycogène, certains hydrates de carbone. Or le mélange de tous ces corps azotés et non azotés est constant dans le monde vivant. Dans les végétaux ce sont les corps ternaires qui do- minent ; dans les animaux ce sont les corps quaternaires, mais de môme qu'il est difficile d'obtenir un produit végétal, fût-ce l'amidon, exempt d'azote, il est de même impossible de trouver une sécrétion animale, fût-ce l'albumine, pri- vée de substances hydrocarbonées. Précipitons par un sel de l'albumine diluée, nous précipiterons avec elle ce qu'elle contient de substances ternaires, et si, plus tard, analysant ce mélange, nous y trorivons des hydrates de carbone, nous n'aurons pas plus le droit de les rattacher à la molécule albu- minoïde que de considérer les souliers d'un noyé comme faisant partie de son squelette. Prenons un exemple que nous aurons à utiliser tout à l'heure. Young trouve que la méthode de précipitation par les sels s'applique de la même façon aux matières albumi- noïdes et aux hydrates coUoïdaux de carbone, et comme il ne s'aflVaiifhit pas des idées régnantes, il se borne à conclure que les solutions salines peuvent aussi servir à séparer ces hydrates de carbone les uns des autres. C'est ainsi qu'il arrive à faire trois érythrodextrines I, II et III, la dernière donnant avec l'iode une réaction toute pareille à celle du glycogène, qui est précipitable aussi, mais pas pour les mêmes proportions de sels. L'inuline est aussi précipitée par les sulfates de magnésie et d'ammonium, ce dernier étant plus actif que l'autre. L'idée que nous avons développée dans ce livre nous permet de ne tenir aucun compte de ces distinctions. Elle est en revanche parfaitement d'accord avec l'ensemble des résultats de Young, quand il trouve que les achroodex- trines sont beaucoup moins facilement précipitables que les érythrodextrines, et quand il conclut qu'il n'v a aucune com- binaison entre la matière colloïde précipitée et le sel précipi- tant, ni aucun rapport entre le poids moléculaire du sel ou sa solubilité et son pouvoir précipitant. Comme nous l'avons plusieurs fois répété, ce ne sont pas des relations chimiques qui entrent en jeu, ce sont des phénomènes d'adhésion molé- culaire. J'ajoute, comme renseignement général dont nous aurons aussi à nous souvenir, que de même qu'on peut précipiter au moyen de sels des matières albuminoïdes en solution, on peut aussi redissoudre, par des actions salines antagonistes, une matière albuminoïde précipitée ou coagulée. On sait, par exemple, depuis longtemps, que de la fibrine, fraîchement extraite du sang par battage, est soluble dans certaines solu- tions salines, à la condition de n'avoir pas été trop coagulée par les traitements qu'elle a subis. La fibrine sèche et dur- cie, la fibrine vieille, la fibrine bcfuillie sont inattaquables dans ces conditions. C'est là un fait général dans l'histoire des coagulations. Dans ces dissolutions apparentes de fibrine, on peut précipiter en tout ou en partie, par un excès de sel ou par la chaleur, la matière albuminoïde, mais sans pouvoir tirer de ces phénomènes aucune conclusion ni contre ni pour son homogénéité. 630 CHAPITRE XXXVIÎ Nous Hous contenterons pour le moment de ces générali- tés ; nous n'entrerons dans cette étude que dans le volume consacré aux matières albuminoïdes. Mais, pour pouvoir faire utilement l'étude de la pepsine, nous avons à donner quel- ques détails au sujet de la peptonisation et des peptones. 39S. Feptonisation. — A ce sujet, j'aurai à rappeler ce que nous avons vu dans ce volume au sujet de l'amidon. Pour l'utilisation alimentaire de cette substance, il faut deux actions superposées, une solubilisation, produite par la dias- tase que nous avons appelée amylase, et une saccharification, produite par la diastase que nous avons nommée dextrinase. La doctrine qui me semble le pFus étroitement liée à l'en- semble des faits connus, consiste à voir dans la pepsine léqui- valent exact de l'amylase du malt pour l'amidon, et dans la peptone l'équivalent du mélange de dextrine et de maltose. Sur ce mélange, le pancréas opère pour amener des disloca- tions d'ordre chimique, comme la diastase alcoolique de la levure opère sur le sucre pour le disloquer en alcool et en acide carbonique. La peptonisation par la pepsine, et la saccharification par le malt marchent, en efifet, du même pas, partent toutes les deux d'une matière première coagulée et plus ou moins co- hérente, commencent par lui donner la faculté de se dissoudre ou au moins de s'émulsionner dans l'eau, puis la dégradent, diminuent son volume moléculaire, et finissent par aboutir, à moins qu'on ne prenne des précautions spéciales, à des mélanges dont on connaît les éléments dans un cas, c'est la dextrine et la maltose, dont on ignore les éléments dans l'autre, et on les confond alors dans le mot de peptone. Tous les termes intermédiaires de la réaction, parapeptones, amphi et hémipeptones, albuminoses de premier et de second rang, sont, dans cette conception, les équivalents exacts des bataillons de dextrines diverses qu'on avait interposées, dans la saccharification, entre le point de départ et le point d'ar- rivée, et dont nous venons de voir réapparaître quelques mem- PEPSINE 6ni bres dans les travaux de Young. C'est comme si, dans un remoulage de gruanx de blé, on donnait un nom spécial aux matières inégalement pulvérisées qu'on peut trouver à des distances inégales du centre de la meule. Dans cette transition entre la matière albuminoïde et la peptone, il y a probablement un moment où une hydrolysa- tion intervient. Mais on ne sait où. A en juger par ce qui se passe pendant la saccharifîcation de l'amidon, où la liqué- faction est un changement d'état physique et où l'hydrolysa- tion semble n'intervenir que pour la transformation de la dextrine en sucre, nous aurions avec les matières albumi- noïdes deux actions distinctes, bien que s'accomplissant par- fois simultanément : une liquéfaction, une hydrolysation. La coagulation et la décoagulation étant des phénomènes phy- siques, s'accompliraient sans l'adjonction d'aucune molécule d'eau. J'ai montré, en efïet, qu'il en était ainsi à propos de la caséine, en prouvant qu'entre la caséine qui ne passe pas au travers des parois d'un filtre en porcelaine et la caséine coagulée, il n'y avait pas de différence de poids attribuable au changement d'état. Il est vrai que Schmidt, en dessé- chant côte à côte et dans le même bain-marie, du plasma du sang de cheval coagulé, et du plasma non coagulé, jus- qu'à poids constant, a vu que le sang coagulé donnait une différence en plus de 1/2 0/0 dans l'extrait sec, ce qu'il a attribué à une absorption d'eau pendant la coagulation. Mais il y a tant de matières dans le plasma que l'interprétation de ce résultat peut rester, à bon droit, douteuse. A la liquéfaction succède, sans doute, un dédoublement de la njolécule, avec adjonction dune ou plusieurs molécules d'eau. Le poids de la molécule, tel qu'il est donné par l'a- baissement du point de congélation, va en diminuant. Ici en- core, comme k propos de la dextrine, les poids moléculaires, dans la liqueur dans laquelle s'accomplit la transformation, peuvent passer par tous les degrés intermédiaires entre le point de départ et le point d'arrivée. Si a est le poids molé- culaire de la matière albuminoïde initiale et p le poids mo- 632 CHAPITRE XXXVII léculaire de la peptone finale, au moment où il y a n molé- cules de la première et ri molécules de la seconde, le poids moléculaire moyen m du mélange est donné par l'équation : 7ia -\- n'p m = - n -f n et varie_, comme on voit, de a à p pendant la transformation en passant par tous les degrés intermédiaires, sans qu'on soit jamais autorisé à prendre m pour le poids moléculaire d'une substance homogène, existant en nature dans le liquide. Bref, nous retrouvons tout ce que nous avons dit à propos de la transformation de l'amidon, et il n'est pas nécessaire d'insis- ter davantage. 393. Feptones. — Nous avons pourtant à définir le mieux possiljle le point que nous considérons comme terminal de l'action de la pepsine. La pej^tone sera, théoriquement, pour nous, la matière albuminoïde solubilisée et peut-être hydro- lysée : ce qui implique, théoriquement aussi, que chaque ma- tière albuminoïde a sa peptone. Les diverses peptones pour- ront avoir des termes communs, comme les divers gluco- sides, décomposés par l'émulsine, ont pour terme commun le glucose. Elles ont aussi des termes différentiels, sans quoi les matières albuminoïdes dont elles proviennent seraient iden- tiques. Mais tout cela est encore de la théorie. Pratiquement les divers individus de la famille des peptones nous sont en- core inconnus, et nous ne savons un peu que les proprié- tés de la famille. Les peptones sont solubles dans l'eau, et leurs solutions ne se coagulent ni sous Viniiuence de la chaleur, ni sous l'in- lluence de l'acide nitrique. Elles sont optiquement actives et donnent une rotation gauche. Elles montrent une indifférence complète vis-à-vis des di- vers sels neutres. Même le sulfate d ammoniaque, qui préci- pite si facilement les matières albuminoïdes en suspension et PEPSINE 633 leurs produits intermédiaires de transformation avant d'a- boutir à la peptone, est sans action sur les solutions de peptones. A l'état pur, les peptones peuvent prendre la forme de poudres amorphes, à couleur de miel, de goût amer, et ex- trêmement hygroscopiques. Mélangées à de l'eau, quand elles sont tout à fait sèches, elles s'y dissolvent avec dégage- ment de chaleur. Elles résistent aux agents précipitants des matières albu- minoïdes et des albumoses, et ne se précipitent que sous l'influence de l'alcool absolu. En solution neutre, elles don- nent, avec le tanin, un précipité soluble dans un excès, et avec les acides phosphotungstique et phosphomolybdique, de même que par le bichlorure de mercure, des précipités permanents, La réaction la plus caractéristique des peptones est la réa-ction du hiuret. 394. Réaction du biuret. — Lorsqu'on alcalinise une solution d'albumine, et qu'on y ajoute goûte à goutte une so- lution de 2 0/0 de sulfate de cuivre, il n'y a pas de précipité d'oxyde de cuivre en présence de la matière organique, et le liquide devient violet. Il faut que la quantité de cuivre intro- duite soit proportionnée à la quantité de matière albumi- noîde présente, car si on en met trop, la couleur violette est remplacée par la couleur bleue des sels de cuivre. Le nom de cette réaction lui vient de ce qu'elle apparaît dans les mêmes conditions avec un dérivé de l'urée, le biuret, qui donne pourtant une couleur plus pourpre, tournant presque au rouge. Tel est aussi le cas lorsqu'on s'éloigne de la ma- tière albumiuoïde initiale et qu'on se rapproche de la pep- tone. Peut-être le fait est-il dû à la mise en évidence, sinon en liberté, d'un groupement analogue à celui de l'urée CO = (AzH-)- dans l'hydrolysation de la molécule albumi- noïde. Peut-être aussi est-il dû à ce que dans la peptone, il y a, mélangés^ les produits d'une dégradation plus avancée. En tout cas, on peut rapprocher cette réaction de celle de 634 CIIAPITIU-: XXXVII Millon pour les matières albuminoïdes, où le groupe tyrosine joue un rôle, et on juge par la couleur du mélange du degré de peptonisation. Nous pouvons, avec ces éléments d'appréciation, revenir à l'étude de la pepsine. 395. Pepsines végétales. — La source à laquelle on emprunte d'ordinaire la pepsine est l'estomac des animaux. Mais si on appelle pepsines les diastases qui ont la propriété de dissoudre la fibrine en liqueur acide, on trouve qu'elles sont extrêmement répandues dans la nature. On désigne, depuis Ellis, en 1763, sous le nom de plantes insectivores, un certain nombre de plantes, représentant envi- ron 350 espèces appartenant à des genres très variés, et qui, comme les plantes sans chlorophylle, semblent avoir besoin, pour leur nutrition, de matière organique toute faite. Elles se la procurent par un mécanisme très curieux. Elles possè- dent des glandes nectarifères, capables d'attirer les insectes par leur saveur ou par leur odeur, et défendues par un sys- tème d'organes contractiles qui fonctionnent automatiquement dès que l'insecte, par sa présence, a apporté l'irritation né- cessaire. Autour de l'insecte ainsi emmaillotté ou emprisonné se fait une sécrétion particulière, en général acide, qui tue et digère l'animal, dont la tunique chitineuse persiste seule. Nous dirons donc que cette sécrétion contient de la pepsine. Il est clair qu'en concluant ainsi, nous admettons que la digestion n'est pas microbienne. Il est clair aussi qu'on a bien pu se tromper quelquefois dans la série des observations qui ont conduit à classer une plante comme plante insectivore, et attribuer au végétal la sécrétion digestive acide qui était le fait des microbes envahissant les tissus de l'insecte. Mais s'il y a en quelques erreurs de détail, les faits n'en sont pas moins exacts dans leur ensemble. La plante insectivore la plus connue dans nos climats est le Drosera rotundifolin, dont les tentacules préhenseurs sé- crètent un liquide visqueux, neutre dans les conditions ordi- PEPSINE H35 naires, devenant acide aussitôt que l'irritation provoquée par l'insecte a amené la rétraction. A l'état neutre, il est tout à fait sans action. Acide, il se comporte comme la pepsine, avec laquelle il semble identique, comme l'a montré Hansen. On peut extraire la diastase des feuilles de Drosera au moyen de la glycérine et lui faire digérer la fibrine en présence d'une faible quantité d'acide chlorhydrique libre. D'après Darwin, le suc de Drosera^ qui dissout la fibrine, lalbumine et le tissu musculaire, est sans action sur la cel- lulose, l'amidon et la graisse. Je choisis dans la liste, dressée par Darwin, des substances que dissout ou respecte ce suc, et dans laquelle il y a certainement des erreurs d'expérience, dues à ce que Darwin ne se préoccupait pas assez de l'inter- vention des microbes. Mais ce que je prends de cette liste témoigne de l'analogie du suc de Drosera avec le suc gas- trique. Darwin a vu aussi que des excitations mécaniques faites avec un fragment de bois ou de verre, ou encore les excita- tions chimiques d'une goutte de solution gommeuse ou sucrée, pouvaient provoquer tout au plus la rétraction des tentacules, mais non la sécrétion pepsique. Pour celle-ci il faut la pré- sence d'une substance azotée. Il semble donc qu'il y ait adap- tation véritable, et ce qui confirme cette idée, c'est que des Drosera, nourries avec de la viande, se portent mieux et poussent davantage que celles qu'on prive de cette nourriture azotée. , Les Dionœa muscipiila du nord de l'Amérique et les Nepen- thes des tropiques mettent en jeu, dans le même but, un autre mécanisme. L'urne à couvercle du Nepenthes, qui atteint 20 à 30 centimètres de hauteur sur (î à 8 centimètres de diamètre, peut recevoir des proies volumineuses que la fermeture auto- matique du couvercle fait tomber dans le liquide de l'urne. Ce liquide, produit par des glandes qui occupent le tiers inférieur des parois de l'urne, est sécrété d'une façon con- tinue, mais à l'état neutre. L'irritation amenée par les mou- vements de la proie saisie provoque la sécrétion d'un acide 036 CÎIAriTl'.K XXXVII qui rond le suc actif. En cela, le suc de ces plantes insec- tivores se distingue du suc de carica papaya ou de figuier, qui n'agissent qu'en milieu neutre ou alcalin. Nous disons que ces derniers contiennent de la papaïne, tandis que les autres contiennent de la pepsine. 396. Pepsines microlbiennes . — On ne connaît pas de microbe sécrétant de la pepsine à l'extérieur, c'est-à-dire capable de donner à son liquide de culture ou de macération la propriété de digérer la fibrine en milieu acide. Au contraire, nous verrons qu'il y a beaucoup de microbes capables de sécréter de la trypsine. Est-ce pour cela que les digestions et putréfactions de la matière organique azotée se fout d'ordi- naire en milieu alcalin ? Ou bien est-ce au contraire parce que la dislocation microbienne donne de l'ammoniaque que les microbes producteurs de pepsine ont dû céder la place à d'autres ou changer leurs habitudes ? C'est là une question que nous n'aborderons pas. Tout ce que je veux faire remar- quer, c'est que, dans son ensemble, le protoplasma d'une es- pèce inférieure ne peut être donné comme acide ou alcalin. Il y a, ou il peut s'y former, pendant la digestion, des vacuoles ou des régions plus acides ou plus alcalines que le reste du pro- toplasma. De sorte que dans le corps d'un infusoire un peu volumineux, il peut y avoir un estomac temporaire dont le contenu est acide comme celui des grands animaux, et dont la diastase active, au lieu d'être sécrétée par des cellules dif- férenciées, vient du protoplasma lui-même. En d'autres ter- mes, il y a des digestions intracelhilaires qui n'en sont pas moins des digestions de sécrétion, comme celle des animaux supérieurs. Pour ne parler ici que des digestions en milieu acide, Engelmann a vu des grains de tournesol bleu devenir rouges dans la Stijlonychia, le Paramecimn aurelia, et une espèce d'amibe. Seulement, comme il croyait le fragment noyé au milieu du protoplasma, c'est au protoplasma lui-même, dans son ensemble, qu'il attribuait la réaction acide observée. PRPSTNE 637 MctchnikofT a montré au contraire que les grains de ma- tière colorante étaient entourés, dans le corps de la Stylonychia et de la Vorùcdla convallaria, par une vacuole dont le con- tenu était seul acide, tandis que le reste du protoplasma était alcalin, et Le Dantec a observé plusieurs faits du môme ordre avec des Stentors, des Paramécies, des Amphileptus^ des Leucophrys, des Euplotes. M. F. Le Dantec a proposé depuis de remplacer la teinture de tournesol par une matière colorante plus sensible, l'ali- zarine sulfoconjuguée, poudre brune qui se dissout dans l'eau, et donne une liqueur roug-e-brun, qui vire au violet en présence des alcalis, et au jaune en présence des aci- des. On voit alors que l'eau qui remplit une vacuole, au moment où elle se forme chez une amibe, est l'eau extérieure qui devient acide peu à peu, sans même que la vacuole contienne une substance nutritive. Le phénomène est encore plus net avec les infusoires à tourbillon, ou les infusoires capteurs, qui se montrent en outre très différents les uns des autres pour l'activité qu'ils impriment au phénomène. Krukenberg a réussi du reste à retirer de la pepsine de certains plasmas de Myxomycètes. Il la considérait comme devant rester inactive dans le milieu alcalin qui l'avait fournie. Mais si, dans ce milieu, il se forme des vacuoles, la pepsine peut temporairement et sur certains points devenir active. En remontant dans la série animale nous allons voir j)eu à peu le mécanisme de la digestion se transformer et se modifier. SQ"?. Pepsines animales. — Remarquons d'abord que cette digestion intracellulaire des protozoaires persiste chez tous les animaux supérieurs. Pendant le sommeil hibernal chez les marmottes, et chez certains gastéropodes hibernants, dans les animaux soumis artificiellement ou naturellement à l'inani- tion, dans les larves des insectes pendant les transformations en insectes parfaits, dans les œufs dans lesquels une évolution vitale s'accomplit, il n'y a pas de sécrétions dig'estives à pro- prement parler, et pourtant des transformations très actives se 038 CHAPITRE XXXVII produisent qui ne peuvent provenir que d'un phénomène de digestion intracellulaire. Dans beaucoup de ces transforma- tions, les leucocytes jouent un rôle actif, comme Font montré les travaux inspirés par MetclmikofT ; mais, là encore, c'est une digestion intracellulaire qui entre en jeu. MetchnikofFa vu lui-même, dans une larve de Triton tœniatus^ que quelques- uns des macrophages présentaient à côté d'un grain rouge de tournesol une vacuole remplie de granules bleus de la même substance, ce qui témoigne de la localisation du suc digestif dans la cellule elle-même. Dans l'animal supérieur en activité normale, la vie dans la profondeur des tissus s'accomplit évidemment par le même mécanisme^ et soit sous l'influence des leucocytes qui pénè- trent partout et apportent partout leur mécanisme de diges- tion, soit sous l'influence de diastases sécrétées par les cel- lules normales des divers tissus, il y a une foule d'actions intracellulaires, de digestions locales qui s'accomplissent en vertu de sécrétions autres que celles du canal digestif. C'est pour cela qu'on trouve les diastases actives sur tous les points de l'organisme. C'est ainsi que Brucke, Kuhn, Cohnheim ont trouvé de la pepsine, de la pyaline dans une foule d'or- ganes qui n'ont rien à faire avec le travail de la digestion, les muscles, le poumon, le cerveau. On a le droit, il est vrai, d'admettre que, dans ces organes, les diastases trouvées vien- nent de la circulation, qui les a elle-même puisées dans l'esto- mac et les intestins, et qui les porte dans les tissus absolument comme elle les transmet à l'urine, où on les a aussi trouvées et où elles n'ont rien à faire. Mais si on fait ce raisonnement sur un animal hibernant, il faut admettre que lorsqu'il s'en- dort et que son appareil digestif ne fournit plus de pepsine, il vit pendant des mois sur les pepsines d'excrétion des derniers jours de sa vie active. Il faut admettre que chez l'imago d'un insecte, ce sont les diastases résiduaires de la larve qui fonc- tionnent d'une manière si active. Il est, du reste, démontré que même la pepsine et le ptyaline de l'urine ne proviennent pas nécessairement du canal digestif. Grutzner et d'autres PEPSINE 639 savants ont vu qu'il n'y avait pas parallélisme entre la pepsine de Turine et celle du canal digestif ; que dans l'u- rine les diastases diminuent après les repas, au moment où elles sont les plus abondantes dans le canal intestinal, et augmentent ensuite. C'est l'urine du matin qui est la plus riche en diastases. Concluons donc que la sécrétion de dias- tases diverses, et surtout de diastases des matières albumi- noïdes, est sinon démontrée, du moins très probable dans les cellules des tissus ; que, par conséquent, la digestion in- tracellulaire des êtres inférieurs persiste à tous les degrés de l'échelle, et que le perfectionnement provient de ce que, à cette sécrétion interne, vient se superposer, chez les plus perfectionnés d'entre eux, une sécrétion externe localisée dans une région qui devient jieu à peu le canal digestif. Dans les Hydroméduses, la localisation du travail digestif de la fibrine n'est pas encore nette, bien que, d'après Kruken- berg, des fdaments de cette substance soient facilement digérés. Dans les Actinies, la localisation est plus apparente. Lorsqu'il introduisait dans la cavité gastrovasculaire de ces êtres un tuyau de plume rempli de fibrine, il n'y avait disso- lution qu'au contact des filaments mésentériques de Tanimal. Il n'a trouvé de diastases ni dans l'enduit muqueux de l'Actinie, ni dans les liquides de sa cavité gastrovasculaire. Chez les Turbellariés, et dans diverses espèces de Tuniciers, M. Metchnikoff a trouvé, outre la digestion intracellulaire des aliments, des sécrétions digestives intestinales. Chez tous les autres animaux, Echinodermes, Annélides, Arthropodes, Mollusques, et chez tous les Vertébrés, ce qui disparaît, c'est la digestion intracellulaire de la matière alimentaire, qui est soumise, dans un organe particulier, à une digestion extracel- lulaire. Cette digestion est l'œuvre de cellules étalées à la surface interne du canal ou se développant en glandes. Nous ne parlerons ici que de celles qui fournissent une pepsine dans le sens donné plus haut à ce mot. Krukenberg en a trouvé dans les mollusques, et a noté que chez ceux qui n'en présen- 640 CHAPITRE XXXVIl taient pas, il n'y avait pas non plus de sécrétion acide. Par contre, chez ceux qui, comme VHciix jjomalia., ont un contenu intestinal toujours acide, la trypsine manque toujours. Cet acide est, du reste, le produit de glandes spéciales, versant leur sécrétion dans l'intestin. Cette sécrétion prend beaucoup d'importance chez les Prosobranches ; chez le Doliuin galea la richesse en acide est très considérable. D'après Trôschcl, la sécrétion fraîche contient entre 2,18 et 4,25 0/0 de son poids d'acide sulfurique, et entre 0,4 et 0,6 0/0 d'acide chlor- hydrique . Les poissons ont tous un estomac acide, capable de digé- rer l'albumine. Nous avons vu (284) ce qu'il faut penser des différences de leur pepsine avec celle des animaux à sang- chaud. Il en est de même chez les vertébrés supérieurs : mais ici, nous devons insister un peu plus en arrivant à l'homme. 398. Suc gastrique chez l'homme. — La réaction acide du suc gastrique de l'homme et des animaux supérieurs a été attribuée dès 1824 par Proust à l'acide chlorhydrique. Mais bientôt des doutes se produisirent à ce sujet, et on attribua l'acidité à la présence de l'acide lactique. La longue discussion qui s'est étabhe à ce sujet semble avoir été close par un travail de Bidder et Schmidt, qui, déterminant le total des bases présentes dans un suc normal, et le total du chlore, ont trouvé un excédent de ce dernier corps qu'ils n'ont pu compter que comme acide chlorhydrique. Ces savants se servaient de teinture de tournesol pour apprécier l'acidité ou l'alcaHnité. Comme il y avait des phosphates dans leur suc gastrique, l'acidité n'eût pas été la même et eût été plus forte si on l'avait mesurée avec la phtaléine du phénol, qui sem- ble un réactif plus physiologique, c'est-à-dire traduisant mieux que la teinture de tournesol les acidités ou les alcalinités auxquelles les cellules sont sensibles. Il y a donc peut-être quelque chose à revoir dans le travail de Bidder et Schmidt, au point de vue des nombres, mais non au point de vue de pi: PSI NE (Vil la conclusion, qui semble solide. On compte qu'en moyenne le suc gastrique contient de 2 à 3 millièmes d'acide chlorhydriquc. Il laisse 4 à 5 millièmes de résidu lixe, composé de sels mi- néraux et de matières organiques, parmi lesquelles la pep- sine, la présure et la sucrase. A^'orm-Muller a trouvé qu'un suc gastrique normal, s'écoulant dune fistule chez l'homme, n'intervertissait pas le sucre de cannes. Rien ne dit ine matière albuminoïde. On sait maintenant (ju'il y en a plusieurs, inégalement résistantes aux diverses dias- tases, et chaque cellule contient celle qui est inattaquable ou qui est peu attaquable pour ses sécrétions. -401. Fréparation de la pepsine. — Spallanzani allait chercher avec de petites éponges retenues par un fil, le suc gastrique dans l'estomac des animaux à jeun ou en digestion. Depuis de Beaumont (1834), on utilise aussi les malades por- teurs de fistules stomacales, et Blondlot a appris, en 1843, à faire aux animaux des fistules artificielles qui ont rendu de grands services pour l'étude de la digestion. Quand il s'agit de préparer la pepsine, on utilise de préfé- PKPSINE Oio rencc la muqueuse gastrique des animaux d'abattoir, surtout du porc. Pour assurer sa sortie des cellules, on soumet celles-ci à une autodig-estion préalable dans un endroit chaud. Brucke mélange pour cela la muqueuse finement hacliée avec un peu d'acide phosphorique à 37'^ pendant une huitaine de jours. Au bout de ce temps, la peptonisation de la ])ouillie est telle que la saturation de l'acide n'entraîne plus aucun pré- cipité. On ajoute alors de l'eau de chaux. Le précipité de phosphate de chaux entraine la pepsine, et la retient si Jnen qu'on peut laver la masse avec de l'eau pour en séparer les produits solubles de la digestion préalable, sans qu'il y ait de perte sensible de diastase. On redissout ensuite le précipité dans l'acide chlorhydrique étendu, et on soumet à la dialyse en remplaçant fréquemment l'acide qui se diffuse dans le liquide ambiant. Quand toute trace de sel de chaux a été ainsi éliminée, on élimine par le même moyen le reste de l'acide, et on précipite par l'alcool, en séparant par fdtration le pré- cipité aussi vite que possible. On peut aussi précipiter par une solution alcoolique de cholestérine, laquelle, en se pré- cipitant, entraine la diastase. On jette sur un filtre, on lave à l'eau d'abord, à l'alcool ensuite. La cholestérine se dissout seule et la pepsine reste sur filtre. Dans les deux cas, on la sèche pour la conserver, ou on la redissout pour l'usage. Cette pepsine est naturellement un peu affaiblie par son contact avec l'alcool pendant le traitement. Kuhne a enseigné à préparer, par un autre moyen, une diastase plus active. Le produit de l'autodigestion de l'estomac de porc en présence d'un peu d'acide chlorhydrique est additionné de sulfate d'am- moniaque jusqu'à formation d'un précipité abondant qui en- traine la pepsine. Ce précipité est soumis à la presse, et on lui fait subir une autodigestion nouvelle en le dissolvant dans de l'eau additionnée d'acide chlorhydrique : on recommence la précipitation qui donne un produit moins abondant que le précédent. On arrive, après plusieurs opérations identiques, à un dernier précipité qui ne contient plus guèj'e que de la pepsine. On la sépare par dialyse du sulfate d'ammoniaque 646 CHAPITRE XXXVII qu'elle a retenu, el qui est Iieaucouj) plus difïusible qu'elle^ et eiiliii ou la précipite par Falcool, avec lequel il faut la laisser le moins possible en contact. M. Petit a obtenu une pepsine commerciale très active, pouvant liquéfier en 7 heures 500.000 fois son poids de fibrine du sang', au moyen d'estomacs de porc, de caillettes de veau et de mouton, qu'on lave à grande eau, et dont on sépare la muqueuse par raclage au moyen d'un couteau à lame arrondie. On hache cette muqueuse et on la met macérer dans quatre fois son volume d'eau distillée, à laquelle on ajoute 5 p. 100 d'alcool. On agite fréquemment, on filtre après quatre heures de macération, et on évapore dans des- vases à grande surface, à une température inférieure à 40°. M. Petit trouve que la pepsine est aussi soluble dans l'eau alcoohsée à 5 p. 100 que dans l'eau acidulée ou dans la glycérine ; à cette dose, l'alcool n'entraine aucune peinte du produit. Sundberg emploie une méthode un peu différente. 11 fait macérer avec du sel mariu, en nature, la muqueuse broyée, et il ajoute ensuite assez d'eau pour dissoudre ce sel. Au bout de deux ou trois jours de contact, le mélange est filtré, le liquide filtré est débarrassé de son sel par dialyse, et il reste ainsi un liquide, très pauvre en matières albuminoïdes^. que la forte salure de l'eau a empêché de se dissoudre, et riche en pepsine. Pour la purifier encore, on la précipite en l'additionnant de phosphate disodique d'abord, de chlorure de calcium et d'un peu d'ammoniaque ensuite. Le précipité de phosphate calcique est filtré, lavé à l'eau, dissous dans l'acide chlorhydrique, et dialyse jusqu'à disparition des sels. On peut varier encore davantage les procédés, et, à ma connaissance, aucune comparaison n'a été faite pour savoir quel est le meilleur. On peut dire, en général, que ceux dans lesquels la coagulation est faite par l'alcool entraînent une perte plus grande que les autres. Mais comme, dans tous, on opère un peu à l'aveuglette, il est difficile de les classer. On les juge d'ordinaire d'après les réactions que donne le PEPSINE 047 produit définitif, et on les considère comme satisfaisants lors- que celui-ci ne pi'écipite plus que faiblement ou pas du tout par les réactifs des matières albuminoïdes. Il y a là une indication que la pepsine n'est pas elle-même une ma- tière albuminoïde. Mais le sujet n'a pas été étudié de plus près. 402. Acidité du milieu. — Les solutions de pepsine laissent la fibrine et l'albumine intactes lorscpi 'elles sont neutres. Pour les rendre actives, il faut les additionner d'acide, en proportions variables suivant la nature du corps à digérer. S'il s'figit, par exemple, de fibrine, on compte qu'il suffit de un millième d'acide chlorhydrique, il en faut deux ou trois pour l'albumine coagulée. Mais ces chiffres n'ont rien d'absolu. Petit trouve qu'il faut, au contraire, plus d'acide pour dissoudre la fibrine que pour dissoudre l'albu- mine. C'est qu'il y a fibrine et fibrine. De la fibrine bouillie est plus résistante que de la fibrine brute ; récemment pré- parée, elle est plus résistante que lorsqu'elle a vieilli. Con- servée dans l'eau, elle est moins résistante que conservée dans un liquide alcoolique. Sa résistance dépend, en somme, de son degré de coagulation et de rétraction. Ce qu'il y a à signaler, dans tous les cas, c'est la diffé- rence entre l'action de l'acide et celle de la pepsine. En milieu acide, non additionné de pepsine, la fibrine fraiche se gonfle et se gélatinise de façon à se répandre dans le liquide et à y devenir quasi-invisible. Mais elle n'est pas dis- soute et se précipite quand on sature l'acide. Il suffit alors d'ajouter un peu de pepsine pour que tout se dissolve et que la liqueur ne précipite plus par les alcalis. De même^ l'albumine cuite, taillée en morceaux à angles vifs, peut séjourner plusieurs heures sans éprouver de changements dans une solution à 2,4 millièmes d'acide chlorhydrique. En ajou- tant alors de la pepsine, on voit les angles devenir transpa- rents, s'écréter, et tout, ou à peu près tout, se dissoudre. Le rôle de la pepsine semble très net dans ces expériences,. fiiS CIIAIMTRI-: XXXVII puisqu'il semble qu'elle soit nécessaire pour produire des peptones, au sens que nous avons donné à ce mot en com- mençant ce chapitre, c'est-à-dire des substances dissoutes ne précipitant ni par l'acide nitrique, ni par les alcalis. Mais l'expérience apprend qu'ici, comme partout, cette diastase n'est qu'un moyen plus puissant que les autres, et plus physiologique, de produire le phénomène auquel elle préside. Nous avons vu que la fibrine, surtout la fibrine du sang- non cuite, l'albumine, la caséine, peuvent perdre leur état solide ou demi-solide dans les solutions de certains sels neutres, sel marin, nitrate de potasse, etc. Avec de la fibrine cuite, la dissolution est plus longue, mai^ elle finit par se produire, ce qui témoigne quelle n'est pas due à une dias- tase (]uelconque, que la fibriue aurait rapportée du sang dont elle provient. C'est Limbourg qui a montré, le premier, que cette dissolution aboutissait à la production de peptones vé- ritables. Denys et Marbaix ont observé depuis des phénomènes analogues sous l'action du chloroforme, du borax, de l'urée. Dastre a montré qu'un grand nombre de solutions salines jouissaient de la même propriété. Les acides étendus, à des doses inférieures à leurs doses optima, en présence de la pepsine, donnent aussi le même résultat. La peptonisation, c'est-à-dire ce que nous considérons comme la solubilisation complète de la matière albuminoïde, peut donc être produite, ou au moius commencée, par des moyens très variés, dont la pepsine acidulée semble le plus actif et le plus puissant. 403. La pepsine est-elle une diastase simple ? — Ceci nous conduit à nous demander s'il n'y a cju'une seule diastase dans la pepsine, ou s'il y en a deux, comme dans la diastase du malt, où nous avons pu distinguer une amylase, dissolvant l'amidon, et une dextrinase Ihydrolisant et le transformant en maltose. Le parallélisme entre la pepsine et la diastase du malt semble comj)let. Nous avons vu, par exemple, que l'addition du malt dans un empois amène une liquéfaction très rapide de la masse, PEPSINE (Ul) et sans aucune production de nialtose. Nous avons aussi, avec la pepsine, une solubilisation très rapide des filaments de fibrine en suspension dans un liquide acidulé, et même, comme avec la diastase du malt, le pouvoir solubilisant semble hors de proportion avec le pouvoir peptonisant. Dans un essai de Petit, une pepsine qui, en douze heures, à 50% ne peptonisait que GOO fois son poids de filjrine dans un milieu à 4 millièmes d'acide chlorhydrique^ en dissol- vait, dans les mômes conditions : 1.200 fois son poids en 1 lieure 2.400 — l — 10 minutes 4.800 - 1 — 15 — 9.600 — \ — 4o — 19.200 — 2 — 10 — Ici, nous ne trouvons môme plus les lois ordinaires de l'action diastasique. Les quantités d'action, représentées ici par les quantités de fibrine dissoute, croissent beaucoup plus rapidement que les temps, au lieu de croître moins rapidement, comme dans les autres cas. Il semble que la liqueur, qui a dissous de la fibrine, devienne de plus en plus capable d'en dissoudre de nouvelle, et ajoute son action propre à celle de la diastase qui a dissous les premières portions. Mais le phénomène n'est pas fini quand la dissolution est opérée, il commence à peine, et, comme avec l'amidon, il y a une foule de termes intermédiaires entre la fibrine dis- soute et la fibrine peptonisée. Meissner avait cru pouvoir établir trois termes de transition. Le premier, qu'il appelait peptone a, est précipitable par l'acide nitrique et le ferrocyanure de potassium en solution acide. La peptone ,3 ne se trouble pas par le premier de ces réactifs, mais précipite par le second. La peptone y ne précipite plus ni par l'un ni par 1 autre et représente la fin de la réaction. Depuis, cette classification à physionomie simple a été 630 CHAPITRE XXXVII beaucoup compliquée. Les termes intermédiaires entre la matière albuminoïde initiale et la matière peptoniséc ont été appelés du terme commun d'albumoscs, dans lequel on a échelonné des produits variés. Nous retrouverons cette ques- tion lorsque nous parlerons des matières albuminoïdes. Pour le moment, nous les considérerons comme l'équivalent des dextrines varices qu'on intercalait entre l'amidon dissous et le maltose, et auxquelles nous avons dénié toute existence réelle, n'y voyant que des mélanges à des degrés divers de dislocation. Nous en ferons de même ici. Ces albumoses diverses, les parapeptones, les dyspeptones, qu'on a imagi- nées, représenteront pour nous de la matière albuminoïde en voie de dislocation et d'évolution vers le terme peptone. La matière albuminoïde sur laquelle on opère, même l'al- bumine, même la fibrine du sang, est au moins aussi hétéro- gène que l'amidon sur lequel agit la diastase. De même que les amidons de diverses plantes ne se ressemblent pas dans leur procès de dextrinitication ou de saccharilîcation, de même les librines de divers animaux ne se ressemblent pas au point de vue de leur peptonisation. Dans chacune de ces substances qui sont plus ou moins hétérogènes, il y a des particules, parfois des fragments qui résistent plus long- temps que les autres à l'action de tel ou tel liquide de digestion artificielle et qui se comporteraient autrement dans^ un autre. Bref, l'unité générale du phénomène s'accom- mode très bien d une infinie variété dans le détail, et si on veut établir un vocabulaire où on trouve des termes pour définir tous les cas possibles, ce sont des centaines de mots- qu'il faudra créer. Combien il eût été plus profitable qu'au lieu de se perdre dans ce dédale, et de dichotomiser à l'infini, les savants éminents qui se sont occupés de cette question eussent étudié le phénomène de la peptonisation en lui-même. S'ac- compagne-t-il ou non d'une hydrolysation? On le croit ; on n'en est pas sûr. D'après les analogies avec la solubilisation de l'amidon, il est proba])le, comme nous l'avons dit, que la. PEPSINE Goi liquéfaction de la fibrine est un simple changement d'état physique, n'exigeant l'adjonction d'aucune molécule d'eau. La peptonisation, c'est-à-dire la transformation en une sub- stance soluble dans l'eau, non coagulable par la chaleur, ni précipitable par l'acide nitrique ou les alcalis, semble au contraire une hydrolysation. De môme, on ne sait à quel niveau de dislocation cor- respond la peptone. Kuhne prétend qu'on n'y trouve ni acides amidés, ni leucine^ ni tyrosine. Hoppe Seyler, appuyé sur ce point par Hirschler, est d'un avis opposé. Neumeister estime qu'il y a eu, dans les mélanges étudiés par lloppe- Seyler, un mélange de diastases. Je partage son avis. Je n'ai jamais trouvé ni leucine, ni tyrosine, dans des digestions artilicielles faites avec de la pepsine, La seule diastase qui disloque assez la molécule albuminoïde pour en retirer ces corps est jusqu'ici la trypsine, et peut-être aussi la caséase. 404. Etude de l'action peptonisante. — En déiinissant momentanément le terme peptone par les quelques réactions que nous avons énumérées et qui, il faut le remarquer, sont des réactions de coagulation, par conséquent des réac- tions en quelque sorte extérieures à la molécule, nous pou- vons pourtant considérer ce terme comme la fin de la réaction et étudier les lois relatives à la durée du phénomène. Cher- chons d'abord comment varie cette durée avec la quantité de pepsine. Sur ce point capital, nous n'avons que des expériences indécises, qui nous disent bien, il est vrai, que la durée de la peptonisation diminue à mesure qu'augmente la quantité de pepsine, mais qui n'affirment pas nettement la proportion- nalité inverse que nous avons constatée à propos d'autres diastases. Petit, seul, dit formellement, mais en passant (408), que la transformation de la fibrine est deux fois moins longue quand on double la dose de pepsine. Si les savants n ont pas vérifié avec plus de soin sur la pepsine cette relation de proportionnalité inverse, qui est si manifeste dans le cas {\:r2 ClIAlMïrvI': XXXVII do la présure, c'est pour deux raisous. La première est que la fin de la réaction n'est pas facile à saisir et exige des tâtonnements multipliés. La seconde est que lorsqu'on double la dose de pepsine pour savoir si le temps de la peptonisation deviendra deux fois plus court, on est obligé de retoucher la dose d'acide chlorhydrique, dont la dose optima dépend, comme d'autres expériences l'ont montré, de la dose de pepsine. 11 n'y a donc pas que deux variables dans les expériences sur la relation entre la quantité d'action et sa durée, il y en a trois, et cela complique les phénomènes. On sait naturellement encore moins si la marche du phé- nomène est logarithmique, comme avec les autres diastases mieux connues. Ce qui semble assuré, c'est que la transfor- mation devient de moins en moins rapide et que les produits qu'elle forme en^ gênent la marche. Pour quelques-uns d'entre eux, nous l'avons vu, elle s'arrête avant d'être ter- minée, et donne un résidu qu'on a appelé dyspeptone avec autant de droit qu'il y en aurait à appeler dysmaltose le résidu de dexti-ine qu'on trouve dans les bières. 405. Action de la température. — La pepsine tirée de l'estomac des animaux à sang froid (grenouilles, poissons, etc.) reste assez active au voisinage de 0". Celle des animaux supérieurs est inactive à cette température. C'est à 50", d'après Petit, qu'a lieu le maximum d'action : à 10", la pepsine est quatre fois moins active qu'à 50". Pour Hammarsten, au contraire, cette température de 40" est la température optima. Il n'y a pas à s'étonner de ces divergences, qui dépendent lie la nature de la substance soumise à la digestion, de la quantité d'acide, de la nature et de la proportion des sels présents. Petit a vu que la pepsine pouvait agir jusqu'à 80". 406. Activité d'une pepsine. — En résumé, les lois de l'action de la pepsine sont trop peu connues pour que nous puissions déterminer avec précision Yacfivité d'une pepsine^ en donnant à ce mot le sens que nous lui avons attribué V p 4 P 8 P p 3:2 1^ p' p' ;>' />' ^ i 8 10 3^ Pl'.psl^'^: G3» au cliapifre IX. Mais, s'il ne s'agit que de comparei- entre elles les activités de deux pepsines difïerentes, ou ractivité d'une môme pepsine dans difïerentes conditions, nous avons un certain nombre de méthodes fournissant d'assez bons résultats. 40'7. Méthode de Brucke. — Elle revient à ceci : étant données deux pepsines p et p' , d'activités pas très dilTérentes^ ce dont un essai préliminaire et grossier avertit de suite, voici ce qu'il faudra faire si on veut les comparer. On en fera plusieurs dilutions en progression géométrique, par exemple: et : et dans chacune de ces dilutions, on ajoutei-a un millième d'acide chlorhydrique. Puis on y introduira un même poids de tijjrine fraîche, ou un fragment d'albumine d'o-uf cuite et découpée à l'emporte-pièce. En mettant le tout à une température convenable, et en agitant fréquemment les échantillons, on voit bientôt entre quels termes des deux séries s'établit le parallélisme. Si c'est par exemple entre le troisième, le quatrième terme de la première série, et le cinquième, le sixième terme de la seconde, c'est que : P p' P p' 11 ^ / r L = '- ou - = -, d où p = \p.  10 8 3i ^ ^ La pepsine j/ Q.st donc quatre fois plus active que la pepsine/;. Cette méthode, qui revient à comparer les quantités d'action au bout du même temps, et à admettre que les (juantités d'action sont proportionnelles aux quantités de diastases, n'a qu'un défaut, c'est qu'elle prend pour base la durée de la dissolution, et non pas celle de la peptonisation. Rien n'assure que les deux actions soient proportionnelles f)54 CIIAPITIIR XXXYII l'uno à l'autre, ni môme qu'elles marchent dans le môme sens. 408. Méthode de Petit. — Petit a employé une autre mé- thode pour essayer l'activité d'une pepsine. D;ins des vases contenant chacun 25 ce. d'eau acidulée avec 3 inillièmes d'a- cide chlorhydrique, et 5 gr. de fihrine fraîche, il ajoute des quantités de pepsine allant de 0 gr. 10 à 0 gr. GO. Puis il ex- pose le tout à 50°, en agitant toutes les demi-heures, jusqu'à solution complète de la fibrine, puis toutes les heures, jusqu'à peptonisation. « Une bonne pepsine, dit-il, ne devra plus donner de précipité par l'acide azotique après 12 heures de chauffage dans les flacons cjui en contiendront 25 à 30 centi- grammes, et après 6 heures dans les flacons qui en contien- dront le double ». C'est la relation de proportionnalité inverse que nous avons signalée plus haut. Si nous voulons la tra- duire en chiffres, nous dirons cju'une bonne pepsine, dans le sens donné par Petit à ce mot, peptonise, en 6 heures, dans les conditions sus-indiquées, cent fois son poids de fibrine. Prenons cette pepsine comme terme de comparaison et son activité, que nous représenterons par 100, comme unité ; nous voyons que nous pourrions évaluer, avec ces conventions, la force d'une pepsine comme nous avons évalué la force d'une j)résure. Malheureusement, après avoir ainsi solidement établi les bases d'un calcul, Petit n'a pas fait bénéficier de ce progrès les expériences qu'il a faites sur l'action des sels, et que nous allons résumer maintenant. Tous ces essais ont été faits par le procédé que je viens de décrire, mais en notant, non pas les temps au bout desquels l'action était terminée, mais le caractère plus ou moins com- plet de l'action au bout du môme temps. Aussi sommes-nous obligés d'indiquer en gros les résultats, au lieu de les préci- ser par des nombres : quelques-uns ont déjà été signalés plus haut (168). PEPSINE Goo 409. Action des bases. — Eu présence de rammoniaque, du carbonate de sonde, et en général des substances alca- lines, l'action de la pepsine est nulle. 410. Action des acides. — Les doses d'acide cblorhydriqne les plus favorables à la peptonisation, d'après M. A. Petit, sont de 1 à 3 millièmes pour l'albumine, de 2 à o millièmes pour la fibrine ; mais nous avons vu plus haut que cette diffé- rence était relative aux conditions dans lesquelles il opérait, €t ne devait pas avoir de caractère général. En moyenne, M. Petit prend un millième et demi pour la digestion de l'al- bumine et trois millièmes pour la fibrine. C'est à cette dernière que se rapportent les essais faits sur l'action des autres aci- des. Nous allons les résumer en donnant pour chacun d'eux les proportions pour lesquelles l'effet produit est maximum. Acide sulfurique De o à 10 millièmes. — brom hydrique Id. — phosphoriqiie randicinal PO^H* /(/. — liliospliorique vitreux Aucun effet de o à 60 mil. Ri-sullat curieux. — acétique Aucun effet de 2,5 à 40 udliièmes. — butyrique /d. id. — valérianiijue Id. id. — formique Effet nia.xiiiium pour 10 millièmes. — lactique — pour 20 millièmes. — tartrique — de 10 à 40 millièmes. — cilri(iue — de 20 à 40 rail, action faible. — malique — id. id. — succinique Aucun effet de 10 à 40 millièmes On voit que l'acide cblorhydriqne du suc gastrique peut être remplacé par des acides très divers, mais qu'il est néan- moins un des plus actifs, sinon le plus actif. Remarquons pourtant que ces recherches ne disent probablement pas le dernier mot sur la question. M, A. Petit semble avoir négligé l'influence du temps, ou du moins ne dit pas s'il en a tenu compte, et il resterait à savoir si les substances marquées comme inactives ou peu actives n'arriveraient pas à produire leur plein effet, si on leur donnait le temps nécessaire pour cela. (;:i(; ciiapitrI': xxxvii 411. -A^ctiou des sels. — M. A. Petit s'est proposé ensuite (l'étudier linflueiice de divers sels sur une digestion peptique, accomplie, en présence de 3 millièmes d'acide chlorhydrique et de •") centigrammes de pepsine, sur une dose de fd>rine très inférieure à celle (|uc cette quantité de pepsine aurait pu dissoudre. Le tableau suivant résume les résultats ol)tenus. On a séparé autant que possible les doses qui restent sans action, de celles qui retardent l'action et de celles qui l'en- travent complètement, pendant le temps consacré aux expé- riences. Doses Doses Doses inactives, qui retardent, qui arrêtent. millièmes. millièmes, millièmes. Glilorure de sodium 10 à >S0 » 160 Bromure de potassium 10 à 80 » » lodure de potassium 10 à 80 » » Prussiate jaune de potasse. ... 10 à 40 » » Sulfate de magnésie 10 à IGO » » Chlorhydrate d'ammoniaque. . . 10 à iO » » Sulfate de cuivre 10 à iO » » — de zinc 10 à 40 » » Acétate de soude » 4 8 à 40 Phosphate de soude 4 10 20 Tartrate de potasse et de soude. 10 20 40 Salicylate de soude » 4 8 Kmétique 2 4 S Bichlorure de mercure 2 à 4 8 à 12 Ki à 20 Protochlorure de fer 2 à 40 » » Sulfate de fer 2 à 20 » » Lactate de fer 2 >> » Tartrate de fer et de potasse. . . 2 4 10 à 20 On voit que le cblorure de sodium diminue un peu les efTets de la pepsine. Les doses qui produisent cet effet doivent être d'autant plus grandes que la dose de pepsine est plus grande, résultat qui s'observe, d'ailleurs, aussi pour les autres sels, mais l'effet retardateur du chlorure de sodium semble cer- tain. D'autres sels agissent comme lui. Pourtant l'effet de quelques-uns de ceux qui sont portés au tableau précédent tient peut-être à ce que l'acide chlorhydrique, en saturant leur base, met en liberté un acide moins énergique que lui. On remarquera la faiblesse de l'action produite par le bi- PEPSINE )m7 chlorure de mercure, qui est si puissant dans d'autres cas. Les sels de plomb et d'argent semblent se comporter comme lui. A la suite de ces corps, M. A. Petit en a étudié d'autres très divers, dont on peut résumer l'action de la façon sui- vante : Le sulfate d'atropine, le chlorhydrate de morphine, le ni- trate de pilocarpine, le sulfate de quinine, le sulfate de stry- chnine, à des doses supérieures aux; doses médicinales, sont sans action sur la digestion peptique. Il en est de même des essences de térébenthine, d'anis, de bergamote, de lavande, à des doses de 200 à 800 gouttes par litre. L'essence d'amandes amères, l'éther, la benzine sont sans action à la dose de 20 gouttes par litre ; à la dose de 40 gout- ies, ces liquides paralysent l'effet de la pepsine, et l'arrêtent presque à 80. Le sulfure de carbone agit dans le môme sens avec une puissance pkis grande encore. Le brome, à 20 ou 40 gouttes par litre, arrête complète- ment l'effet ; l'iode est moins actif. Ceci nous conduit aux antiseptiques, dont on peut résumer les effets dans le tableau suivant, construit comme celui de plus haut : Doses Doses inactives. qui retardent. millièmes. millièmes. Acide sulfureux ^ à ; j 8 à 10 — borique 10 à 20 y> — arsénieux ."> à 20 » — phcniqiie » 20 à 100 — salicylique 0,."> 1 à 2 — gallotannique » 0,5 à 4 — beazoïque 2 i à 20 Ciilorul )) 10 à 100 On remarquera l'inefficacité de l'acide borique et de Fa- cide arsénieux. En revanche, les paralysants de la pepsine sont le brome et l'iode, sans doute par un phénomène d'oxy- dation, le chloral, l'acide salicylique, Facide gallotannique, et à un moindre degré, l'acide benzoïque et le phénol. Enfin, en ce qui concerne l'action de l'alcool, M. Petit a g:j8 chapitre xxxvii vu qu'une solution de pepsine, amenée à contenir 20 O/D d'alcool, ne perd aucune de ses propriétés digestives, et qu'au contraire de ce qui se passe quand la proportion d'alcool est assez forte pour qu'il y ait coagulation, des liquides alcooli- ques contenant de la pepsine en solution, comme les élixirs médicinaux de pepsine, gardent leur pepsine intacte pendant de longues années. L'alcool qui la conserve gêne son action sur les matières albuminoïdes en milieu acide, mais la laisse reparaître dès qu'il est convena])lement dilué. Wroblewski, qui a repris avec d'autres dispositifs les expé- riences de Petit, a observé, dans ses expériences de compa- raison de diverses pepsines, que le chlorhydrate de caféine accélère la digestion de toutes les substances essayées, fibrine crue ou cuite, tibrine carminée, albumine coagulée. Mais il faut qu'il soit en proportions de 0,1 à 0,5 0/0 11 en est de même du reste pour la digestion trypsique. Les chlorhydrates du théobromine, la codéine ont aussi une action favorable. Par contre, les chlorhydrates de coniine, de quinine, de strychnine, de narcéine ont une action fâcheuse de plus en plus marquée ; à l'état de base l'atropine, la coniine, la morphine, la vératrine ont une action de plus eu plus dé- favorable, la codéine, la théobromine et la caféine une action favorable de plus en plus grande. Les infusions de café et de thé, d'après Schulz-Schulzens- tein, agissent au contraire pour retarder la digestion peptique,, tandis que la caféine l'accélère. BIBLIOGRAPHIE Ducr.AUX. Comptes rendus, t. XCIV, p. 7S6, 1882, et Annales de VlnslUid nijro- uoniique, 1882. DucLAUX. Sur la coagulation du sulfate de quinine. Annales de l'Inslitut Pnsleur, t. VI, p. 657. Haxskn. Arberten o. d. bot. Institut zu Wùrzburg, t. III. Darwin. Les plantes insectivores. Le Dantec. Aun de Vlnslilut Pnskur, t. IV, p. 776, et V, p. 163. PEPSINE 659 MetchxikoFF. Pkysiuloijif d'IIci-mniin, 1870, t. V, p. 349. Bruckk. Sitzunysber. d. Wiener Akad., t. XLIII. KuHXE. Verkaiidl. d. Natar-tned. Vereins zu Heidelbercj, t. II. COHNHEIM. Virchow's Archive, t. XXVIIF. Krukknbp:rg. Grundzuge einer vergleiclienden Physiologie der Verdauung, Heidelbergl88a. Mktchxikoff. Zoolog. Anzeiger, I, 1878, p. 387, et Arb. des Zool. Insliliits en Wien. t. V. TrOSOHEL. Pogg. Ann., t.XClll. p. 614, 1853. BiDDER et SCHMIDT. Die Verdauiings Safle and der Stoffivechsel 1852. WORM-MULLER. Pflager's Archir. t. XXXIV, 1884, p. 576. Heidexhain. Pfluger's Arckiv. t. XVIJI, 1878, p. 169, et t. XIX, 1879, p. 148. Kahn. 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C'est la trypsine que Kuhne a isolée du suc pancréatique ou des macérations du pancréas. 412. Leucine et tyrosine. — Il existe entre la pepsine et la trypsine une autre diilerence qui sera bien plus impor- tante que la première quand elle sera bien démontrée. Nous avons dit plus haut que la pepsine arrêtait son action au terme peptone. La trypsine pousse plus loin la dégradation de la matière albuminoïde qu'elle digère, et donne des acides amidés, dont les plus importants sont la leucme et la tyro- sine. Cette dernière, très peu soluble dans les liquides neutres ou un peu alcalins, se dépose d'ordinaire à froid, sous forme de cristaux aiguillés, irradiant dans deux directions opposées autour d'un point à la façon d'un double panache. La leucine se dépose aussi parfois à froid, lorsqu'elle est abondante, mais on la trouvera plus facilement d'ordinaire, en concentrant la liqueur, sous forme de disques ronds portant parfois des cercles concentriques, et empiétant les uns sur les autres comme des pièces de monnaie versées sur une table. Comme nous ne connaissons pas encore la constitution de la matière albuminoïde, il est difficile de dire par quel méca- nisme s'en détachent ces deux corps dont l'un, la leucine, est l'acide amidé de l'acide caproïque normal : TRYPSINE ET PAPAL\E 6()I CH^CH^CH^CH^CH(AzIl-).CO^II et appartient par conséquent à la séi'ie grasse ; dont Tantre, la tyrosine, appartient au contraire à la série aromatique, car c'est l'acide paraoxyphénylamidopropionique ^ ^^ \CH\CH(Azn ).CO^H La séparation de ces deux molécules complexes et formant des édifices stables s'accompagne sans doute d'un phénomène d'hydrolysation, et on admet qu'il porte sur des chaînes laté- rales de la molécule d'albumine, ce qui ne change pas beau- coup les propriétés de ce corps. Quoi qu^il en soit, si cette dislocation latérale se fait, on voit quelle est beaucoup plus profonde que celle à laquelle préside la pepsine, cl que la trypsine se range entre les diastases hydrolysantes, comme la sucrase et la maltase, et les diastases qui imposent à la molécule des groupements nouveaux, comme la zymase. Ce qu'il y a d'intéressant, au point de vue physiologique, c'est que cette tyrosine et cette leucine sont, comme l'urée, qui est aussi un acide amidé, des substances peu propres ou impropres à l'alimentation des tissus, et s'éliminant par les voies naturelles, l'urine, par exemple, ou les excréments, qui en contiennent d'assez grande quantité. On en trouve aussi dans le foie, le pancréas, et beaucoup de liquides organiques. 4L3 Trypsines microbiennes. — Les procès de putré- faction de la matière albuminoïde en fournissent aussi beau- coup, et comme rien n'est plus difficile à éviter que l'inter- vention des microbes dans les milieux neutres ou alcalins où on fait des digestions pancréatiques, on a pu attribuer jusqu'ici la leucine et la tyrosine rencontrées dans ces milieux à la décomposition que le protoplasma microbien fait subir à sa matière alimentaire. On pouvait aussi se demander si ces matériaux de démolition ne provenaient pas du suc ou de la macération pancréatique mis en œuvre, et qui en contiennent GG2 CIIAl'ITRE XXXVllI toujours en dissolution. On a rencontré trop souvent cette leiicine et cette tyrosine, et dans des digestions pancréatiques trop variées, pour qu'on puisse faire intervenir partout cette explication. Il demeure donc probable que leur production est une action diastasique propre à la trypsine, et la distin- guant ainsi très nettement de la pepsine. Quand donc on rencontrera de la leucine et de la tyrosine dans une culture microbienne, ou plus généralement dans un liquide organique en voie de décomposition, il ne faudra pas mettre tout de suite hors de cause l'action d'une diastase. On ne pourra pas davantage attribuer exclusivement à la trypsine la formation de ces produits. Il y a sur ce point une ventila- tion à faire, qui n'est pas encore commencée. Tout ce qu'on peut dire, c'est que les microbes qui enva- hissent la matière azotée lui font tout de suite un milieu alcalin, dans lequel ils la liquéfient et le transforment. Ils doivent donc sécréter des diastases analogues ou identiques à la trypsine. Pour le savoir, il faudrait faire pour eux ce que nous avons vu faire par Ilahn avec la levure de bière. Eu broyant les cel- lules avant de les soumettre à la compression nécessaire pour en retirer la zymase de Bucliner, lïahn a obtenu un suc qui, abandonné à lui-même pendant quelques heures à 37"^, donne un précipité muqueux de matière albuminoïde. Ce précipité disparait peu à peu, et il est remplacé par un précipité plus blanc et plus fm, formé exclusivement de cristaux de tyro- sine. Dans le liquide surnageaut, on trouve de la leucine. Simultanément, on voit augmenter la quantité d'azote qui reste en solution dans le liquide lorsqu'on coagule par l'ébul- lition ce qui y reste de matière albuminoïde. Le poids de cette matière albuminoïde intacte diuiinue donc. Toift cela témoigne d'une digestion de plus en plus complète, sous Tin- fluence d'une diastase que ses propriétés rapprochent de la trypsine. Ajoutons que ce suc de levure, additionné de quelques gouttes de chloroforme, et versé sur de la gélatine phéniquée solidifiée dans un tube à essai, dissout le coagulum, ce qui TRYPSINE ET PAPAÏNE 6G3 iémoig-ne de l'existence d'une diastase dissolvant la gélatine. J\ous avons déjà étudié cette question, et conclu que cette dias'tase était peut-être identique à la trypsine, peut-être dif- férente. Hahn a découvert par le même moyen de la trypsine chez d'autres microbes, par exemple, dans ceux de la fièvre ty- phoïde et de la tuberculose. Ce ne sont sûrement pas les seuls. 414. Trypsines animales. — Cette trypsine existe dans le pancréas, dont l'action digestive est restée longtemps con- fondue avec celle de l'estomac. C'est Cl. Bernard qui a com- mencé à l'en séparer, en 1855. Il a été suivi dans cette voie j)ar Corvisart, en 1858. Danilewsky a le premier enseigné, en 1862, à séparer, du suc ou des macérations pancréatiques, les diverses diastases qui y sont contenues, et qui sont au moins au nombre de quatre, une sucrase, une amylase, une trypsine et une lipase. Paschoutin a donné, en 1873, un moyen d'isoler ces diastases les unes des autres, ei Kou- drewstsky a montré leur indépendance en prouvant que leur sécrétion était commandée par des nerfs différents. Chez les vertébrés à sang chaud, l'origine de la trypsine est donc tout à fait distincte de celle de la pepsine. Chez les poissons, déjà, le pancréas et le foie commencent à se con- fondre. Chez les mollusques, l'organe qu'on a successivement appelé des noms impropres de foie et d'hépatopancréas four- nit, d'après Krukenberg, une lipase, une amylase, une pep- sine, et souvent aussi une véritable trypsine. La réaction de la masse intestinale n'est plus, comme chez les animaux supé- rieurs, variable régulièrement d'un point à l'autre, et cons- tante en chaque point. Elle semble un peu capricieuse et li- vrée au hasard, se faisant tantôt sans acide et sous l'influence de la trypsine, tantôt avec sécrétion d'acide et sous l'influence de la pepsine. Chez V Hélix pomatia, où la digestion est tou- jours peptique, la trypsine manque. On n'a guère de notions précises sur ce qui se passe chez (ilil CIIAIMTIIK XXXVIII les animaux encore moins élevés eu organisation, Quand on arrive aux microbes, on en rencontre beaucoup qui liquéfient la viande ou la fibrine en milieu neutre ou alcalin, et qu'on doit croire capables de sécréter de la trypsine. On a aussi considéré comme producteurs de trypsine ceux qui liquéfient la gélatine. Mais, il semble, nous l'avons vu, que ce soit une assimilation tout à fait arbitraire. 415. Trypsines végétales. — Nous allons nous heurter aux mêmes incertitudes au sujet de l'assimilation à la trypsine de certaines diastases végétales qui lui ressemblent en ce qu'elles sont capables de dissoudre la fibrine en milieu neutre ou alcalin. Tel est le cas pour la papaïne, extraite, comme nous l'avons dit, du suc de Carica pdpaija, et étudiée surtout par AVurtz. Sidney Martin a vu que le jus de la plante donne avec la fibrine des acides amidés, ,^t cependant, il ne consent pas à assimiler la papaïne à la trypsine, sous prétexte que les produits intermédiaires ne sont pas les mêmes. Si cela était bien démontré, le prétexte serait des plus valables, mais cette distinction et cette difïerenciation des produits intermédiaires repose sur des réactions tellement incertaines et tellement difficiles à interpréter que le doute est permis, et qu'on peut, jusqu'à plus ample informé, réunir la trypsine et la papaïne. Le suc du figuier présente aussi la propriété de dissoudre les matières albuminoïdes, aussi bien en milieu acide qu'en milieu alcalin, et peut, par conséquent, être considéré comme contenant à la fois de la pepsine et de la trypsine. ^lais cette trypsine est-elle identique à celle du pancréas ? Donnc-t-ello des acides amidés en agissant sur la fibrine ? C'est une ques- tion qui n'a pas encore été assez étudiée pour qu'on puisse lui donner une réponse. 416. Méthodes de préparation de la trypsine. — G est d'ordinaire du suc pancréatique ou des macérations de la glande qu'on la retire. Le suc pancréatique a été peu utilisé jusque dans ces dernières années, à cause de la difficulté TRYPSIM-: I:T PAPAINE 6fi5 qu'il y avait à établir sur un chien ou sur un auire animal une fistule pancréatique permanente, et fournissant constam- ment un suc normal, non altéré. Des perfectionnements de technique, proposés à peu près simultanément par Pavlolf et par Heidenhain, permettent d'arriver à un résultat meilleur, et en nourrissant l'animal comme a appris à le faire Vassi- lieff, on peut le maintenir loui^temps dans un état de vie nor- male, tout en détournant à l'extérieur la presque totalité des- sécrétions de son pancréas. Lorsqu'on veut opérer avec le suc pancréatique ainsi ob- tenu, comme source de trypsine, il faut savoir que la sécré- tion augmente après le repas de l'animal^ et atteint son maxi- mum de quantité entre une heure et deux heures après. Mais l'activité du liquide ne varie pas dans le même sens, et son pouvoir digestif semble même en raison inverse de l'abon- dance de la sécrétion. D'après M. YassilietT, ce pouvoir est du reste aussi variable en qualité, c'est-à-dire, par exemple, que la trypsine et l'amylase du suc ne sont pas toujours sécrétées en mômes proportions. Il se fait plus de trypsine et moins d'amylase quand on remplace nn régime mixte de pain et de lait par un régime de viande, et la variation est de sens inverse quand on revient au régime primitif. Cette variation est du reste inégale avec les divers animaux, liec- ker a trouvé que l'eau saturée d'acide carbonique, en bois- son, était un moyen d'augmenter la sécrétion de suc pan- créatique. Ce suc pancréatique normal est un liquide un peu épais, limpide, incolore, de réaction légèrement alcaline, équivalente à celle de 2 à 4 millièmes de soude. Il contient plus de 10 0/0 de matières solubles et coagule abondamment par la chaleur. Il a surtout été employé tel cjuel par les observa- teurs c|ui avaient réussi à se le procurer. Quand on veut étu- dier ses diastases, on s'adresse de préférence aux macérations- pancréatiques faites par les procédés ordinaires dans 1 eau chloroformée, salicylée, ou dans la glycérine, pour réduire €66 CHAPITRE XXXVIII au minimum linfluencc, toujours présente, des diastases mi- crobiennes. Kuhne a recommandé la pratique suivante. On dessèche un pancréas en le déshydratant d'abord dans de l'alcool de plus €n plus concentré, puis dans léther, qui le prive en outre de matière grasse. L'org-ane ainsi desséché se conserve long- temps. Pour l'usage, on en broie une partie, qu'on laisse h digérer pendant quelques heures, à 37% avec de l'eau conte- nant un millième d'acide salicylique. Les diastases se dis- solvent, et aussi les produits de digestion de la glande. Tout cela se précipiterait en même temps si on ajoutait de l'alcool à la macération filtrée. Il vaut mieu.K laisser la di- gestion se continuer jusqu'à ce que les produits deviennent plus solubles. On ajoute pour cela deux miUièmes de soude, et on laisse reposer une semaine. Au bout de ce temps, on ajoute du ^sulfate d'ammoniaque en poudre fine, jusqu'à ce qu'il se forme un précipité, ou plutôt un trouble fin qui en- traine toute la trypsine. On jette sur un filtre et on lave avec une solution concentrée de sulfate d'ammoniaque. En rcdissolvant par de l'eau légèrement alcaline ce qui est resté sur le filtre, on a une solution de trypsine qui peut être très active, mais qui n'est pas pure ; elle contient encore du sulfate d'ammoniaque et de la matière organique. Si on veut la purifier, on précipite à nouveau cette solution par l'alcool. On recueille le précipité, on le lave, par dialyse, de son sel, dont on enlève les dernières parties en agitant la liqueur avec un peu de carbonate de baryte ; on filtre, et on précipite à nouveau par l'alcool. On obtient, en desséchant le précipité, une poudre blanche, amorphe, soluble dans l'eau, donnant des liquides qui se troublent avant l'ébullition ^n perdant tout pouvoir digestif : c'est donc bien une dias- tase. Mais ce n'est pas encore évidemment de la diastase pure. 417. Mesure de l'activité d'une trypsine. — Les moyens qui nous ont servi pour mesurer l'activité d'une TRYPSINE ET PAPA I NE 667 pepsine peuvent, à la rigueur, nous servir encore ici. Il y n pourtant cette différence que, dans les digestions pep- ticjues, la fibrine se gonfle assez pour (pi'on puisse la consi- dérer comme répartie dans toute la masse du liquide, et par suite toute la masse de la pepsine comme agissant à la fois. Il n'en est pas de même dans les digestions trypsiques. La fibrine conserve sa consistance, et n'est jamais attaquée que par la surface. Or, le rapport de la surface au volume n'est pas constant, même dans des fils cylindriques, et de plus ni toute la diastase ni toute la fibrine n'agissent l'une sur l'au- tre à la fois. De là deux causes d'irrégularité qu'on a essayé de faire disparaître. La première méthode qui peut conduire à ce résultat est la méthode de Grutzaer ou méthode de la fibrine colorée. On colore de la fibrine, réduite en filaments aussi fins que possible, avec une solution ammoniacale de carmin. On lave ensuite à l'eau froide et on conserve pour l'usage. Quand 72 ciiAPrrnK xxxviii lioiinirmes pour l'acide clilorliycli'ique et les acides miné- raux, d'après Kuliue. Le chiffre est plus élevé pour les acides organiques. L'action augmente d'intensité quand l'acidité baisse, et aui;- mentc encore quand le milieu devient alcalin. Nous avons vu que la proportion d'alcali la plus favorable était de 3 à 4 millièmes de carbonate de soude. On peut môme aller jusqu'à 1 0/0 ; au delà, laction faiblit à nouveau. En somme l'alcali- nité est moins défavorable que l'acidité. 433. Action des sels. — Dans les digestions trypsiques, pour se préserver de l'influence des microbes, on a fait in- tervenir des antiseptiques divers, fluorure de sodium, borax, chloroforme, thymol, en opérant un peu au hasard, et sans se demander si les éléments ajoutés augmentaient ou dimi- nuaient l'action à étudier. Le borax, le cyanure de potassium, les sels à réaction alcaline la favorisent ; les sels de mercure, de cuivre, l'acide salicylique semblent la contrarier. Mais je ne connais à ce sujet aucune expérience précise méritant d'être relatée. La digestion trypsique est influencée par la présence des alcaloïdes. Voici le résumé des expériences de Wroblewski. Caféine favorise Nicotine id. Coniine id. Atro|)ine favorise faililemcnt Morphine einpèclie faiblement Véralrine — fortement (In retrouverait évidemment, à propos de la trypsine, les mêmes phénomènes d'antagonisme et de suppléance que nous avons relevés à propos des autres diastases. C'est ce qui résulte de faits encore incomplètement connus, relatifs à ce que M\L Denys et Marbaix ont étudié sous le nom de digestion chloroformique. 433. Digestion clilorcforniique. — Du sang de chien, de TRYPSINK I:T PAPAÏNE 673 chat, de lapin, do poi'c, extrait aseptiquement et abandonné plusieurs jours à rétuve, ne montre au bout de ce temps aucune trace de peptoneS;, quand on y essaie la réaction du biuret après en avoir précipité tout ce qui est coagulable par l'action de la chaleur. Ce môme sang- fournit au contraire abondam- ment la réaction des peptones quand on Fa additionné, au sortir de la veine, d'un peu de chloroforme. Le sérum chloroformé dissout du reste très facilement la fdjrine en mi- lieu très faiblement acide, neutre, ou de préférence alcalin, ce qui rapproche son action de celle de la trypsine ; et ce qui augmente les ressemblances, c'est que, dans le liquide digéré, on trouve outre les peptones, de la leucine et de la tyrosine. Toutes les fibrines ne s'équivalent pas. La fibrine de lapin exige environ 24 heures pour se dissoudre. Celles du chien, du chat, de l'homme ne demandent que quelques heu- res. On pourrait croire qu'elles apportent elles-mêmes leur diastase, en vertu d'une faculté analogue à celle que Wurtz et Bouchut ont trouvé à la papaïne, voisine précisément de la trypsine. Mais ces mômes fibrines, dans de l'eau distillée chloroformée, restent intactes. Il leur faut le sérum, et dans le sérum ses sels, car dans du sérum ou du sang débarrassé d'al- bumine, elles se dissolvent aussi facilement que dans le sérum normal. On peut même remplacer les sels du sérum par un mélange moins complexe, tels que le chlorure ou l'acétate de sodium. De là résulte que de la fibrine fraîche se dissout dans de l'eau salée chloroformée. Voilà donc une action, ressemblant sous plusieurs points de vue à l'action trypsique, et accomplie, en apparence au moins, en l'absence de toute espèce de diastase, absolument comme il arrive que le sucre peut s'intervertir en l'absence de toute sucrase. Faut-il dès lors considérer le chloroforme et le chlorure de sodium, ou le chloroforme et les sels du sérum, comme possédant après leur mélange une puis- sance chimique qu'ils n'avaient pas auparavant ? Ou bien faut-il admettre que leur effet est simplement adjuvant, et que, comme les sels de chaux dans les phénomènes de coa- 43 6Ti CHAPITRE ?(XXVIII g'ulation, ils se bornent à rendre visible une action présente^ et qui ne se serait pas manifestée sans eux, celle de la por- tion de diastase que la fibrine aurait emportée en se préci- pitant du liquide dont on la retirée ? On pourrait déci- der la question en cherchant comment se comporte la fibrine bouillie. MM. Denys et Marbaix ont constaté qu'il n'était pas nécessaire de la faire bouillir, qu'il suffisait de la chauffer 10 à 20 minutes entre 60 et 62" pour qu'elle reste intacte dans l'eau salée chloroformée, où elle se dissout lorsqu'elle est à l'état frais. Ceci semble résoudre la ques- tion et témoignerait en faveur de l'existence d'une diastase ; mais cette même fibrine chauffée reste aussi intacte dans le sérum, où on sait qu'il y a une diastase dissolvante indé- pendante de celle qu'y apporte éventuellement la fibrine. C'est donc une question de contraction et de densité du coagu- lum qui entre en jeu. En regard de ces faits, il faut en placer d'autres, en appa- rence contradictoires, qui compliquent le problème. C'est ainsi, que seules la fibrine et l'hémoglobine se laissent peptoniser par le chloroforme en présence des sels. Les albumines du sérum, la substance du foie, du cerveau, du rein sont tout à fait réfractaires. Rappelons les inég'alités ([ue présentent aussi, à ce point de vue, les diverses fîbrines. Nous en conclurons (pie ces phénomènes, très intéressants, ne sont pas encore suffi- samment expliqués. Peut-être a-ton confondu, et placé au même plan, au point de vue des arguments à en tirer, des^ phénomènes de décoag'ulation ou de liquéfaction simple, ana- logues à ceux par lesquels la pepsine commence son action, avec des phénomènes de dislocation moléculaire comme ceux auxquels aboutit la matière albuminoïde donnant des corps^ xanthiques et des acides amidés avec la trypsine. C'est une question qui réclame de nouvelles études. TRYPSINE ET PAPAINE 675 BIBLIOGRAPHIE Cl. Bernard. Leçons sur les liquides de l'organisme. Danilew.skY. Ârchiv. f. patk. Auat., XXV, p. 279, 1862. PâSGHOUTINNE. Archiv. f. Anal, et Phijiiiol., p. Si9, 1873. KouDREWETSKY. Contribution à la physiologie de la glande sous-stomacale. Thèse (en Russe) Petersbourg, 189(3. KrukenbeRG. Grundzuge ciner vergleichenden PIiijsioL der Verdmiung. Hei- delberg, 1882. Hahn. Ber. d. deutsch. chein. Gesells, t. XXXI, 1898, p. 200. Vassilieff. Arch. de méd. expérimentale de St-Pétersbourg, t. II, p. 219, 1893. Becker. Ibid., p. 432. Grtjtzner. Archiv. f. d. gesaminle PliysioL, t. VIII, p. 453, 1874. Gehr[G. Ibid., t. XXXVIir, 1886. Mette. Contribution à l'étude de Tinnervation delà glande sous-stoma- cale. Thèse (en Russe) 1889. Sghulz. Zeitschr. f. pligs. chemie, t. IX, 1885, p. 577. Arthus. Soc. de biologie, 1894, p. o9l. AVroblewsky. Zeitschr. f. phjisiol. Chemie, t. XXI, 1895. De Marbaix et Dexys. La Cellule, t. VI, p. 1890. CHAPITRE XXXIX PLASMASE Nous avons étudié la coagulation du sang dans un des cha- pitres qui précèdent, en vue d'étudier le mécanisme auquel elle obéit, et de montrer surtout qu'il est indépendant de la présence des sels de chaux. Nous avons maintenant à étudier la diastase qui préside à ce phénomène. C'est celle qu'en Allemagne et parfois aussi en France, on ctpi^eWe //b/i/i-fcrment . Ce nom bizarre est en outre en désaccord complet avec notre nomenclalure : nous l'avons remplacé par celui de fdnùnase ou plutôt de plasmase, parce qu'il s'agit en somme de la coagu- lation du plasma. Nous allons étudier la plasmase en tant que diastase, c'est-à-dire chercher, comme nous l'avons fait pour les autres, ses origines, ses propriétés, et les condi- tions physiques et chimiques qui en favorisent ou en gênent l'action. 424. Flasmase des tissus. — Nous avons vu que la source principale, sinon la soûle, à laquelle le sang empruntait la plasmase en se coagulant, était la masse des leucocytes. C'est que nous avons surtout opéré avec du sang de manmiifères. Lorsqu'on s'adresse à d'autres vertébrés, on rencontre des faits très curieux, mis en lumière par M. Delezenne. Le sang d'oiseau, par exemple, recueilli par une plaie faite aux tissus ou par la section d'une veine, se coagule très vite, et parfois avant cju'il ne soit tombé sur le sol. Au lieu de le laisser écouler sur une blessure à vif, allons le chercher dans la veine au moyen d'une canule, une simple canule salivaire que nous aurons bouillie, sécliée, flambée, et que nous intro- duisons dans le vaisseau en évitant le plus possible tout con- PLASMASE 677 tact avec la plaie. Recevons le sang dans des verres à expé- rience qne nous aurons aussi lavés avec soin, lîouillis dans l'eau distillée, lavés, séchés, et maintenus à l'abri des pous- sières. Dès que le sang est recueilli, ces verres sont recou- verts pour éviter toute chute nouvelle de poussières. L'expé- rience faite dans ces conditions prouve que le sang d'oiseau (poule, canard, dinde, oie, pigeon) peut rester plusieurs jours sans se coaguler. 425. Coagulation du sang d'oiseau. — La marche de la coagulation dans ce cas n'est pas en opposition avec ce que nous avons vu, mais présente pourtant quelques caractères particuliers qu'il faut signaler. Le liquide qui sort de la canule n'a rien de la demi-lluidité qu'on observe toujours dans le sang qui sort des vaisseaux : il est tout à fait litpiide. De plus, au lieu de s'étaler et d'adhérer sur les parois du verre, c'est à peine s'il s'y arrête. Une fois réuni au fond et re- froidi, la chute des globules commence de suite ; d'abord les globules rouges qui se réunissent au fond, puis les globules blancs qui forment à la surface du dépôt rouge une couche grise très nette. Au-dessus se réunit un plasma presque trans- parent, jaune orangé chez le canard, jaune clair chez la poule, blanc d'ivoire chez le pigeon et la dinde. Le sang reste en cet état plusieurs heures. Puis on voit le plasma perdre insensiblement sa limpidité et sa transparence ; de fines tra- vées de coagulation partent de la zone la plus inférieure, celle qui est en contact avec la couche de leucocytes. Ce sont donc encore ceux-ci qui fournissent la plasmase. Mais ou bien il y en a très peu, ou bien il y a en même temps une autre substance qui en contrarie les effets, puiscjue ceux-ci sont très lents à se produire. De plus, on voit apparaître alors, comme dans toutes les actions lentes, l'influence accéléra- trice des substances étrangères, qui sont ici les parois du vase de verre. Comme elles ont été bien nettoyées et mises à 1 a- bri des poussières, il n'y a plus de centres de coagulation. C'est toute la surface de la paroi qui agit, et c'est par elle que. C78 CHAPITRE XXXIX tout naturellement, la coagulation commence après que la couche en contact avec les leucocytes s'est coagulée. Puis les travées de tibrine envahissent la masse. La couche de globules rouges est la dernière à former caillot. On voit par là que les globules blancs ont toujours une ac- tion prépondérante. Si on les élimine dès l'origine par une centrifugation énergicjue, la coagulation dure beaucoup plus longtemps. Sans nous inquiéter pour le morflent de ce qui arriverait si on pouvait extraire tons les leucocytes du sang avant qu'aucun n'ait pu mourir et laisser exsuder sa dias- tase, nous pouvons dire que la plasmase qui coagule le sang dans les conditions de cette expérience provient uniquement d'eux. Mais alors, comment se fait-il, s'ils en sont si pauvres, que le sang se coagule si vite au sortir de la veine. Pour le savoir, recevons le sang, recueilli avec les précautions cjue nous avons dites, clans des verres dont nous aurons sali le fond en y frottant légèrement un fragment de tissu d'oiseau, de nms- cle, par exemple. Le sang s'y prend très rapidement en masse. On obtient le même résultat par l'addition d'une seule goutte du suc obtenu par l'expression d'un fragment de tissu, ou d'une macération de muscle dans la solution phy- .siologique de sel marin. Il y a donc dans les tissus de l'oiseau une source de plasmase beaucoup plus puissante que dans SCS leucocytes, et si le sang de la saignée d'un oiseau se ■coagule si vite, c'est par suite de son contact avec les bords avivés de la plaie, c'est-à-dire en somme, d'une action exté- rieure. De l'extrait de muscle de chien ou de lapin activent, le dernier à peine, et le premier, très peu, la coagulation du sang d'oiseau. Yoici les chiffres comparatifs. On a fait des extraits de muscles dans la proportion de 1 gr. pour 2 ce. d'eau salée physiologique, et on en a ajouté 1 goutte à 4 ce. de sang, ce qui fait environ 1/80. Yoici les durées de coagulation comptées à partir du moment de la prise. PLASMASE G79 Sang normal 3 jours et demi Sang avec muscle d'oiseau 1 minute et demie. » » de chien 2 jours et demi. » » de lapin 3 jours. iNous voyons donc que chez les oiseaux, où le sang est de lui-même ti-ès lentement coagulable, il y a beaucoup de plas- mase, en dehors de lui, dans les tissus. Au contraire, chez le chien ou le lapin, où les leucocytes sont beaucoup plus ri- ches en plasmase, celle-ci est au contraire peu abondante dans les tissus. 496. Coagulation du sang des reptiles, des batraciens et des poissons. — Le sang' des reptiles, des batraciens et des poissons se comporte en tout comme le sang des oiseaux. S'il est recueilli avec les précautions nécessaires pour que l'expé- rience ne soit troublée par rien d'extérieur, le sang de ces animaux reste liquide pendant plusieurs jours, mais il se coa- gule très vite si on le met en contact avec du suc ou de l'ex- trait des tissus de l'animal qui Ta fourni. 437. Coagulation du sang des mammifères. — Il y a donc lieu d'établir une distinction entre le sang de ces verté- brés et celui des mammifères, chez lesquels le sang, quelles que soient les précautions prises pour le recueillir, se coagule toujours dans un délai qui n'excède pas 13 à 20 minutes. Il est curieux de remarquer ici que, chez les mammifères, les globules rouges sont dépourvus de noyau, tandis que chez tous les vertébrés à globules nucléés, la coagulation se fait au contraire avec une extrême lenteur, lorsque le sang est sous- trait au contact des tissus. M. Delezcnne a même poussé plus loin ce rapport singu- lier. Chez les endjryons de mammifères, au stade de déve- loppement qui correspond à l'existence exclusive d'hématies nucléées dans le sang, la coagulation se fait comme chez les vertébrés à globules nucléés. Il y a là une relation dont le sens général nous échappe encore. Résumons en attendant les no- O.SO CIIAPITIIK XXXIX lions que nous venons d"ac(]uérir dans cotte formule très sim- ple : Le sang' de tous les vertébrés à globules rouges nucléés présente une résistance extrêmement marquée à la coagula- tion sj)ontanée ; la prise en caillot est, au contraire, presque immédiate chez les mammifères dont les globules rouges sont dépourvus de noyau. La distribution de la plasmase semble donc être très diffé- rente suivant les organismes, et les faits précédents ont de l'importance en ce qu'ils témoignent qu'un état d'équilibre inslable, comme l'est celui du sang circulant, peut être obtenu par des forces très inégalement distribuées. La c[uestion va se compliquer encore, car nous allons voir qu'il y a sur diffé- rents poinis de l'organisme non seulement une force coagu- lante, mais encore, une force décoagulante ou empêchant la coagulation, celle que nous étudierons dans le prochain cha- pitre sous le nom de thrombase. Etudions pour cela les faits qui ont été découverts en cherchant s'il y avait chez les êtres vivants d'autres causes de coagulation du sang que celles qui proviennent dos leucocytes. * 428. Recherches de Lilienfeldt. — Ce que nous venons de dire au sujet du pouvoir coaguhint du suc ou de l'extrait de divers tissus nous dispense d'entrer dans le détail des liqui- des organiques ou des organes dans lesquels on a découvert de la plasmase. Il est clair c{u'il doit y en avoir partout, tan- tôt visible, tantôt masquée par la thrombase. Mais il y a des points sur lesquels elle semble particulièrement abondante, et Lilienfeldt a montré que les noyaux cellulaires en contenaient beaucoup. Il est nécessaire de donner ici sur la constitution intime de ces noyaux des renseignements que nous ferons aussi courts que possible, devant les reprendre et les discuter dans une autre partie de cet ouvrage. L'extrait aqueux des leucocytes contient une substance, qui formait la partie principale du noyau de la cellule, et que Lilienfeldt a appelée nucléohistone, à raison de cette origine. PLASMASE 681 On la précipite au moyen de l'acide acétique de l'extrait aqueux, centrifugé et filtré de façon à être débarrassé de tout débris solide. On reprend par la soude faible, et on recom- mence la purification. Après avoir été lavée avec de l'eau acidulée par l'acide acétique, puis par falcool-étlier, puis desséchée, la nucléohistone est une poudre blanche, insoluble dans les acides, solublc dans les alcalis faibles et dans l'eau. On la trouve dans tous les noyaux cellulaires. Lilienfeldt a démontré sa présence dans les leucocytes du thymus, clans les cellules de la rate, du testicule, dans les spermatozoïdes et dans la tunique épithéliale de l'inlestin. Traitée par les alcalis, les acides étendus, ou l'eau bouil- lantCj elle se scinde en deux, en donnant la leuconucléine et riiistone, cette dernière déjà découverte par Kossel en trai- tant par Facide chlorhydrique étendu les corpuscules rouges du sang" des oiseaux. La leuconucléine a des réactions très nettement acides, contient des phosphates, puisqu'on y trouve environ 5 0/0 de phosphore, et donne, lorsqu'on la traite par l'alcool un peu alcalin, de l'albumine et en outre de l'acide nucléique, qui contient 10 0/0 environ de phosphore, ce qui indique qu'il a retenu les phosphates de la leuconucléine (191). Peut-être ceux-ci sont-ils des phosphates acides. Peut-être l'acide nu- cléique est-il acide lui-même. En tout cas il se comporte comme un acide encore complexe et peut subir, quand on le traite par des acides forts, d'autres dislocations dans le détail des- quelles nous ne le suivrons pas. L'histone de la nucléohistone a, au contraire, des propriétés basiques, et se combine avec les acides. L'ammoniaque la précipite de sa combinaison avec l'acide chlorhydrique et la redissout ensuite. Pour donner une idée de la proportion de ces deux corps^ il suffira de dire que, d'après Lilienfeldt, les lymphocytes contiennent 68,8 0/0 de leuconucléine et 8,7 0/0 d'histone. 429. Action coagulante de la nucléine. — Cela posé^ 682 CHAPITRE XXXIX ce qui nous intéresse, c'est (juc les solutions de lenconucléine se comportent comme des solutions de plasmase, et peuvent provoquer la coagulation soit du sang, soit des solutions de fibrinogène. Quand il n'y a pas de sels de chaux, le mélange de la plasmase au fibrinogène ne donne pas une coagulation typi- que, mais seulement un précipité qu'on peut séparer en fd- trant, et qui, redissous dans une solution faible de soude et additionné d'un peu de chlorure de calcium, donne de la fibrine typique. Lilienfeldt voit dans cette expérience une preuve que la fibrine est un sel de chaux. Nous ne pouvons pas, avec ce que nous avons vu au chapitre XV, accepter cette interprétation, qu'il n'est pas nécessaire d'aller chercher aussi loin pour un fait aussi simple : il suffit de se rappeler cette notion courante, que la forme d'un précipité dépend de la nature du milieu dans lequel il se produit. L'acide nucléique, produit de dislocation de la lenconu- cléine, se comporte comme elle, ce que nous pourrions inter- préter en disant qu'il a retenu la plasmase qui y était con- tenue. Mais il faut prendre garde que ses propriétés acides y sont peut-être pour quelque chose. Lilienfeldt a montré en effet que les solutions de fibrinogène sojàt précipitées par l'a- cide acétique, et que le dépàt qu'elles forment, lavé, et redis- sous dans la soude étendue, peut, en présence d'un sel de chaux, donner un dépôt de fibrine. Ce sont là des faits analogues à ceux qu'on pourrait cons- tater avec de la sucrase plus ou moins acide. Quand l'acide €st en petites quantités, c'est la sucrase qui intervertit le sucre; quand l'acide est plus jouissant ou en plus fortes proportions, c'est lui qui agit, et la sucrase devient inactive. On est averti du changement d'action parce que l'influence de la température n'est pas la même, ni non plus la loi du phénomène. Lilienfeldt n'a pas songé à cette interprétation des phénomènes qu'il a observés, et dans les documents que fournit son travail, il n'y a rien qui puisse permettre de se faire une opinion à ce sujet. Contentons-nous donc de dire que la lenconucléine PLASMASE 683 provoque la coagulation de la fibrine, et contient par consé- quent de la plasmase. 4.30. Action antagoniste de l'histone. — J.'histone a des propriétés nettement antagonistes de celles de la leuconu- cléine, et empêche la coagulation du sang à la fois in vitro et dans l'organisme En nous rappelant qu'elle a été décou- verte dans les globules nucléés du sang des oiseaux, et en rapprochant de ce fait les conclusions de Delezenne que nous rappelions tout à l'heure, on voit que la non coagulabilité du «ang des oiseaux, la résistance particulière de la couche des globules rouges, tient à ce que la plasmase des leucocytes est tenue en échec par la thrombase des noyaux des hémocytes. En ajoutant un peu de plasmase du suc cellulaire, on fait pencher la balance d'un coté. En ajoutant des sels neutres doués de propriétés antagonistes de celles de la plasmase, on pourrait faire pencher le fléau en sens inverse, et nous retrouvons encore ici cet état d'équilibre dynamique des forces en jeu, sur lequel nous avons si souvent appelé l'at- tention. Nous pouvons du reste produire à volonté ces divers états d'équilibre. La nucléohistone, combinaison des deux subs- tances antagonistes, coagule les solutions de fibrinogène ou le plasma de cheval, lorsqu'on l'ajoute en faibles quantités. Elle retarde au contraire la coagulation lorsqu'on en met davantage. Elle ferait peut-être l'inverse dans un autre 11- 21. WoOLDRIDGE. Du Bois Beijmond's Archiv, 1886, p. 397. Hazebrook. Zeitschr. f. Biol, t. XVIII. AuTHUs. Reche.'-ches sur la coagulation du sang, Thèse de Paris, 1890. CHAPITRE XL THROMBASE De même que la caséine coagulée par la présure a sa diastase décoagulante et dissolvante, la caséase, de même la fibrine produite par la plasmase a ce qu'on pourrait appeler aujourd'hui son anti-corps, une diastase décoagulante, non encore nommée parce qu'on ne sait pas si elle est simple ou multiple, et à laquelle nous donnerons le nom provisoire de thrombase, parce qu'elle redissout les coagulums ou thrombus formés dans les vaisseaux. Ce qui reste indécis, c'est si ces thrombus ont toujours la même origine et ne sont jamais composés que de la partie du sang la plus aisément coagu- lable, celle qui donne le réseau fibrineux bien connu. Il est probable que le sang contient plusieurs matières albuminoïdes diverses qui n'ont pas les mêmes diastases coagulantes ou décoagulantes, mais tant que ce n'est pas démontré, nous con- fondrons sous le nom de thrombases toutes celles qui amènent un procès de décoagulation. Une étude rapide va nous mon- trer que le cadre que nous venons ainsi de créer est un peu artificiel et hétérogène. 43*7. Thrombase de l'extrait de sangsue. — C'est Haycraft qui a signalé le premier l'existence, dans les sécré- tions buccales de la sangsue, d'une thrombase capable de s'opposer à la coagulation du sang par mélange in tritro, en dehors de l'organisme. Il la prépare en laissant en digestion, pendant plusieurs jours, avec de l'alcool, des têtes de sangsues médicinales coupées environ au tiers de la longueur de l'animal. On fait ensuite sécher ces fragments, qui se durcis- sent, et on les réduit en poudre. Il suffit de laisser infuser un THROMBASE G8î) peu de cette poudre dans l'eau distillée pour avoir une liqueur qui, liltrée, possède des propriétés anticoagulantes très énergiques. Il sulfit d'ajouter à 10 ce. de sang- quelques gouttes de Textrait obtenu eu faisant macérer une téie de sangsue dans 2 à 3 ce. d'eau, pour que le mélange reste liquide pendant plusieurs jours. Remarquons ici que le moyen employé pour découvrir l'existence d'une thrombase n'a jamais été de lui donner à redissoudre un caillot de fibrine, mais uniquement de l'op- poser à la plasmase qu'on sait toujours exister dans le sang. Quand un sang ne se coagule pas, on dit qu'il contient de la thrombase. Quand il coagule plus lentement que le sang- normal, on dit qu'il en contient peu, et pas du tout quand il se coagule dans le temps normal. Là- dessus, il importe de dire deux choses. La première est que ce moyen ne nous dit pas si l'une ou l'autre des diastases est présente ou absente, mais seulement laquelle l'emporte. Nous retrouvons là ce que nous avons dit au sujet des sels. Il y a des sels coagulants, tels sont par exemple les sels de calcium. Il y en a qui décoagulent ou empêchent la coagulation : tels sont les sels de magnésie ou de soude. Quand ils sont présents ensemble dans un lait ou dans du sang, leur action résultante sur la coagulation dépend de leurs proportions. Il en va de même avec la plasmase et la thrombase du sang. C'est la plus forte cpii l'emporte, mais il peut y avoir de la plasmase dans un sang qui ne se coagule pas, ou de la thrombase dans un sang qui se coagule. Tel est même d'ordinaire le cas, comme nous le verrons, et l'équilibre du sang est non pas un équilibre de repos, un équiliiire statique, mais un équilibre de mouvement, un équilibre dynamique. Le second point à faire remarquer est que, avec cette mé- thode d'observation, c'est faire une hypothèse que d'attribuer à une force antagoniste les variations d'activité de la plas- mase, elles pourraient tout aussi bien s'expliquer en faisant de ce que nous appelons thrombase une sorte de substance an- 44 G90 ClIAPITHI' XL lise[)ti(]U(' (le la [)lasiiiase, analogue par exemple à ce que sont les alcalis pour la sucrase et l'amylase, qu'en attribuant à cette thi'ombase les propriétés dune diastase. Cette remarque est imporlante, parce qu'on peut la renouveler avec les toxines et les antitoxines, et qu'elle met en évidence un mirage général de mots auquel il est prudent pour le moment de ne pas se laisser prendre. Ce qui rapproche encore la tlirombase des antitoxines, c'est que l'extrait de sangsue, soumis à une ébullition prolongée, conserve toutes ses propriétés. Bosc et Delezenne ont montré qu'il faut un long" chauffag"e à 140° pour détruire complète- ment ses propriétés anticoagulantes. Au-dessous, elles ne font que s'alî'aiblir. Le principe actif ne ressemble donc pas, au point de vue des effets de la chaleur, aux diastases ordinaires. Dickinson a essayé de l'isoler, mais il n'a pu l'obtenir que mélangé à du pigment ou à des matières albuminoïdes, dont il pré- sente obstinément les réactions. L'extrait de sangsue agit inditféremment sur tous les sangs (cheval, mouton^ chien, lapin, chat, cobaye, etc.). Mais il est sang action sur la présure, et ne modifie ni la coagulation du lait, ni celle de la myosine musculaire. Ce n'est pas seulement in vilro que cette thrombase em- poche la coagulation du sang : c'est aussi i/i vivo. Lorsqu'on l'injecte dans la circulation, le sang qu'on retire d'une veine, après l'opération, est incoagulable. L'effet ne dure pas long- temps. Le sang reprend bientôt sa coagulabilité, et la reperd à la suite d'une nouvelle injection. Il n'y a donc pas ac- coutumance, c'est comme pour les sérums antitoxiques. Nous verrons bientôt, en étudiant les effets de la peptone, l'im- portance de cette remarque. •438. Thrombase de l'histone et de la cytoglobine. — On connaît deux autres substances qui ressemblent à l'extrait de sangsues, et dont nous dirons, conformément à notre THROMBASE 691 •convention, et jusqu'à plus ample informé, qu'elles contien- ïient de la thrombase : c'est l'histone et la cytoglobine. Kosscl a appelé liistone une substance qu'il a rencontrée dans les globules rouges du sang des oiseaux et que Lilienfeld a retrouvée, comme nous l'avons vu, dans les leucocytes, les glanglions lymphatiques, le thymus, etc. Tous ces éléments sont nucléés, et l'histone est considérée comme dérivant des noyaux cellulaires, où elle serait en combinaison avec une nucléine, donnant une nucléo-histone. C'est Lilienfeld qui a montré les propriétés anticoagulantes de cette histone, mé- langée au sang in vitro. On ne sait pas bien s'il faut distinguer de l'histone une autre substance, la cytoglobine, retirée par Al. Schmidt des globules rouges, des leucocytes, du foie, de la rate, des ganglions h mphatiques, et qui possède aussi le pouvoir d'empêcher la coagulation du sang m vilro. L'histone n'est probablement pas une substance pure ; la cytoglobine est très probablement une substance très impure. Nous ne les retenons du reste ici que comme peuve que dans les organes il peut y avoir des diastases décoagulantes aussi bien que •dans le sang. 439. Action anticoagulante de la peptone. — Nous allons voir que certains organes peuvent produire de la throm- base dans certaines conditions. Schmidt-Mulheim et Albertoni ont établi, les premiers, indépendamment l'un de l'autre, que la peptone, en injection intra-veineuse chez un animal, suspend chez lui la coagulation du sang et de la lymphe, à la dose de 20 à 30 centigr. de peptone ordinaire par kilo- gramme d'animal, c'est-à-dire à la dose minima de 0 gr. 5 pour un lapin de moyenne taille. Le sang de l'animal injecté peut rester liquide plusieurs jours en dehors des vaisseaux, «t ce qu'il y a de singulier, c'est que cette dose de peptone €st absolument sans action quand on la mélange in vitro avec les quelques cent, cubes du sang d'une saignée. Il faut, pour obtenir un effet dans ces conditions, augmenter notable- {y.)'2 ciiAnTP.i': xl ment l;i dose de peptone, et se roppi'ocher de celles auxijuelles les sels de soude, le sucre ou d'autres substances sont aussi capables d'empêcher la coagulation. C'est donc le passage au travers de l'organisme qui exalte les propriétés de la peptone. Dès lors, on a le droit de se demander par (]uel mécanisme. 11 pourrait se faire que ce soit par voie purement cliimi([ue. Il semble, au premier abord, que l'action soit plus complexe et qu'un mécanisme physiologique entre en jeu. 11 existe, en effet, des animaux réfractaires à celte action, et on peut ren- dre réfi'actaires ceux qui ne le sont pas, c'est-à-dire les im- muniser. iVlbertoni a montré que le lapin et le mouton sont norma- lement réfractaires à l'action de la peptone, c'est-à-dire que l'injection de cette substance n'empêche pas le sang de ces animaux de se coaguler. Schmidt-Mulheim a montre de son côté qu'une première injection de peptone à un animal sen- sible à son influence peut lui conférer l'immunité, si bien que le sang- de cet animal, revenu après un certain temps à sa coagulabilité normale, reste coagulable après une nou- velle injection, à la condition que celle-ci ne soit pas faite trop longtemps après le moment où la coagulabilité normale a reparu dans le sang\ ce qui revient à dire, à la condition qu'on n'ait pas laissé trop de temps entre l'inoculation pré- ventive et l'inoculation d'épreuve. Enfin, Fano a complété les ressemblances qu'on peut re- lever avec Taction des virus et des sérums, en montrant que le sang' du lapin, animal réfractaire à l'injection de peptones, devient incoagulable quand on transfuse à l'ani- mal du sang- d'un chien récemment soumis à une injection de peptone. Ce sang- de chien peptone contient donc de la thrombase. Ce qui le montre mieux encore, cest que ce sang de chien peptone, mélangé à la moitié de son volume de sang coagulable de lapin, donne un mélange qui reste liquide. Tout ceci peut s'interpréter de plusieurs façons, comme ÏHR0M13ASE 693 nous l'avons vu (437). La plus en faveur a consisté à ad- mettre ([uc la peptone ne contient pas, ou ne contient qu'en très faible quantité, elle-même, une thrombase, mais qu'elle peut provoquer, chez certains animaux sensibles comme le chien, la formation d'une thrombase qui passe dans le sanu" de l'animal, et l'empêche de se coaguler. Le lapin est inca- pable de réagir en donnant de la thrombase, mais son sang n'est pas réfractaire à l'action de cette diastase. Ces analogies ont éveillé l'attention des savants. Pollitzer, Grosjean ont montré que dans le mélang-e complexe et hété- rogène qui porte le nom commercial de peptone, la partie la plus active était ce qu'on appelle la propeptone, c'est-à-dire celle qui est la moins éloignée de la matière albuminoïde qui sert de point de départ : mais cette notion reste vague. La matière active est-elle une propeptone ? Ou bien se précipite- t-elle en môme temps que les propeptones, uniquement parce que celles-ci sont les premières à se précipiter ou à ne pas se redissoudre, suivant qu'on opère par des précipitants ou par des dissolvants ? On ne le sait. Ce qui est plus sur, c'est que les carnivores sont surtout sensibles aux effets anticoa- gulants de la thrombase : les herliivores, comme le lapin et le mouton, sont en général réfractaires. Enfin, un dernier point curieux, signalé par Schmidt-Mul- heim, c'est que la peptone n'agit qu'à la condition d'entrer assez brusquement dans le courant circulatoire. En injection lente, elle n'empêche pas le sang de se coaguler, mais elle conserve ses propriétés immunisantes, c^est-à-dire, qu'elle peut préserver le sang des effets d'une injection brusque. 440. Origine de la thrombase. — Tous ces faits soule- vaient un problème. La thrombase produite semble résulter d'une sécrétion. Dans quel organe se forme-t-elle ? C'est Contejean qui a commencé à étudier ce problème, suivi par Glcy et Pachon, Starling, etc. C'est Delezenne qui a apporté les expériences les plus probantes. Nous n'en retien- drons qu'une, qui les résume toutes, en montrant que chez cm CHAPITRI': XL un animal à qui on a extirpé ]e i'oic, et chez lequel on a rétabli, par une fistule d'Eek, une communication artificielle entre la veine porte et la veine cave, de façon à ne pas troubler le régime circulatoire de la masse intestinale, le sang* reste coagulable, bien que les caillots qu'il fournit soient un peu mous, après injection dans la veine fémorale d'une forte dose de peptone de Witte, montant à 0 gr. GO et même 0 gr. 75 par kilogramme d'animal. Des doses plus faibles suffisent à rendre incoagulable le sang d'un animal normal. Le foie ayant été le seul organe supprimé dans rexpérience ci-dessus, il devient difficile d'attribuer une action quelcon- que à l'ensemble des autres organes. Ceci nous dit bien que le foie a un rôle tout à fait pré- pondQj'ant, sinon unique, dans la formation de la substance anticoagulante, mais ne nous renseigne pas sur le méca- nisme de la production. Le foie sécrète-t-il pour cela une substance nouvelle^, ou bien fait-il subir à la peptone une absorption élective qui changerait ses propriétés ? Delezenne semble avoir résolu la question en soumettant le foie à une circulation artificielle, et en montrant que le liquide qui en sort possède des propriétés anticoagulantes qu'il n'avait pas à l'entrée. Sur un chien, tué par piqûre du bulbe, on extrait rapide- ment le foie, on l'exprime du sang qu il contient, et on le fait traverser, au moyen d'une canule dans la veine porte et d'une autre canule mise dans la veine cave près de l'em- bouchure des veines sus-hépatiques, par une solution de pep- tone de Witte au 1/10, dans de l'eau salée à 7 p. 1000, main- tenue à 38°. On fait passer assez rapidement la solution, ou bien^ après l'avoir injectée jusqu'à ce que l'organe soit modé- rément distendu, on l'y laisse séjourner quelques minutes. Dans tous les cas, en mettant en contact avec du sang fraî- chement extrait de la fémorale d'un autre chien, le liquide de l'entrée et celui de la sortie, on constate que le premier ne ralentit sensiblement pas la coagulation, tandis que le retard peut être de plusieurs heures avec le licjuide à la sortie, et TIIROMBASE 605 d'autiuit plus grand que la proportion de ce liquide ajouté est plus grande. Il y a des différences suivant les conditions dans lesquelles l'injection est poussée et retenue ; le foie d'un animal à jeun semble aussi beaucoup plus actif que le foie d'un animal en pleine digestion. Mais partout il y a manifestement appari- tion à la sortie d'une substance décoagulante qui n'existait pas à l'entrée. De plus cette substance, ajoutée in vitro au sang des animaux habituellement employés dans les labora- toires, même au sang- du lapin, qui est réfractairc à l'injec- tion directe de la peptone, le rendent plus ou moins incoagu- lable. Nous pouvons donc, si nous acceptons l'interprétation conventionnelle proposée plus haut, dire que le foie sécrète de la thrombase sous l'influence de la peptone, et qu'il n'en sécrète pas dans les conditions ordinaires. Mais je répète une fois de plus que cette interprétation est purement conventionnelle, et ne s'imposerait que si on arri- vait à retirer du sang peptone ou du liquide de lavage du foie une substance dissolvant un coagulum de sang normal. Or, c'est ce à quoi Delezenne n'est pas encore arrivé, malgré ses eflorts. Tout ce qu'il a pu faire, c'est de montrer, en opérant sur des liquides particulièrement actifs, qu'on pouvait retirer, du précipité de matières albuminoïdes fourni par différents réactifs, une substance soluble dans l'eau, et con- servant ses propriétés anticoagulantes malgré l'ébullition. Ceci rapproche le principe formé par le foie de la matière active des tôtes de sangsues, matière qui, nous l'avons vu, résiste aussi à un chauffage prolongé à 100". Nous allons trouver une analogie nouvelle, celle du sérum d'anguille. -441. Tlirombase du sérum d'anguille. — Le sérum des murénides (anguilles, murènes, congres) est toxique, et Mosso, qui a étudié cette propriété, a aussi remarqué que le sang des animaux intoxiqués par ces poisons ne se coagule pas. Dele- zenne a étudié ce phénomène et constaté que le sérum d'an- guille se comportait en tout comme la peptone. e'.lf) CHAPITRE XL Ou obtient le sérum eti recuoillaiil le sang qui s'écoule aprrs décapitaiion de Tanimal. On le laisse se coaguler, et on décante le liquide, qu'on soumet à la centrifugation pour le débarrasser de ses éléments figurés. Ce sérum, employé à l'état frais après avoir été dilué dans une solution physiolo- gique de sel marin, accélère, au lieu de la ralentir, la coagula- tion du sang de chien avec lequel on le mélange, et d'autant plus qu'on en met davantage. On pourrait donc dire qu'il apporte de la plasmase, si on ne savait que cette accélération peut provenir de tout autres causes. Ce qui nous intéresse surtout, c'est qu'introduit dans les veines d'un chien à la dose de 2 à 3 centièmes de cent, cube par kilogr. d'animal, il empêche la coagulation du sang de l'animal. A des doses plus faibles, il n'y a qu'un retard marqué ; à des doses plus fortes, il y a souvent mort rapide, et le sang de l'animal autopsié est incoagulable. Le sérum, en injection dans le tissu cellulaire sous-cutané et dans les séreuses, se comporte encore comme la peptone en ce qu'il n'a aucun effet sur la coagulation. On constate encore que le lapin jouit d'une sorte d'immunité naturelle, attendu ([ue le sérum d'an- guille ne diminue que très faiblement la coagulabilité de son sang. Enfin l'analogie avec la peptone se poursuit en ce que le sang d'un animal soumis à une injection de sérum d'anguille suspend in vitro la coagulation d'un sang normal de chien ou de lapin. 449. Origine de la thromtoase. — Ici, encore, comme l'a montré Delezenne, l'origine de cette thrombase est dans le foie. L'injection de sérum d'anguille, dilué dans la propor- tion de 0,5 à 1 0/0 avec une solution physiologique de sel marin, au travers d'un foie récemment extirpé et lavé, per- met d'en extraire de la thrombase. 10 à 20 gouttes du li- quide sortant de l'organe, ajoutés à 10 ce. de sang, sufti- sent à en retarder la coagulation pendant plusieurs jours. La circulation artificielle du môme sérum dilué au travers d'autres organes (intestin, rate, rein, muscles, pancréas, cerveau) ne TIIROMBASE 697 donne que des résultats négatifs. Les liquides de circulation artificielle dans ces organes, au lieu de retarder la coagula- tion du sang, se comportent comme les liquides qu'on en ex- trait directement, c'est-à-dire la précipitent. C'est donc le foie qui seul parait sécréter de la thrombase sous l'influence du sérum d'anguille, et on vérifie, en effet, que chez un animal auquel on a extirpé son foie, l'injection de sérum d'anguilles dans les veines n'exerce aucune action modificatrice sur la coa- gulation, à la condition que les doses ne soient pas excessives. 443. Thrombase des extraits d'organes. — Ileiden- hain a montré que certains extraits d'organes (muscles d'écre- visse, foie et intestin de chien) retardaient aussi la coagula- tion du sang et de la lymphe lorsqu'on les injectait dans les veines d'un animal. Contejean a multiplié ces exemples. Nous avons vu au chapitre précédent qu'il y a de ces extraits qui peuvent au contraire coaguler le sang dans les vaisseaux. La quantité d'extrait, le mode de préparation peuvent leur donner des propriétés inverses. Les extraits de Contejean, dont l'injection intraveineuse empêche la coagulation du sang, accélèrent tous au contraire cette coagulation in rilro. Delezenne a montré que le mécanisme de leur action orga- nique était le même que celui de la peptone. Il a opéré surtout sur l'extrait de muscles d'écrevisse, pré- paré suivant la méthode d'IIeidenhain. On tue l'écrevisse par l'eau bouillante. Le muscle est deshydraté par l'alcool absolu, dans lequel on le laisse plusieurs jours. Puis on le sèche et on le réduit en poudre, qu'on reprend par l'eau bouillante pour en faire un extrait. Il suffit d'ordinaire d'injecter à un chien une quantité de cet extrait correspondant à 40 ou 50 centig. de muscles par kilogr. d'animal pour rendre son sang incoagulable, et cet efïet persiste pendant quelques heures après l'injection. Le plasma qu'on retire de ce sang retarde également la coagulation d'ue sang normal auquel on l'ajoute en faible proportion, alors que l'extrait primitif en accélère toujours la prise en masse. o mi nu les 2 jours ;i m. ;iO s. 40 lieures 4 111. 1^ h. 4 ni. 3 h. 30 m 698 CIIAPITPil- XL Ce chîuigciiient de propriétés peut ôtfe encore produit par circulai ion artificielle au travers du foie lavé. L'extrait cpii sort de cet organe, après y avoir séjourné seulement cinq mi- nutes, retarde la coagulation du sang, et d'autant plus qu'on y en ajoute davantage, tandis que c'est l'inverse pour l'extrait avant circulation dans le foie. Ici, pour fixer les idées, je don- nerai quelques nombres, empruntés à une expérience de M. Delezenne, et donnant les temps de coagulation du sang mélangé de 1/10, 1/13, 1/20 et 1/iO de son volume d'ex- trait, avant circulation dans le foie_, et après circulation clans, cet organe. Avant circul. Après circul. 1/10 d/l3 1/-20 1/40 La circulation artificielle d'extraits de muscles d'écrevisse au travers d'autres organes (intestin, rein, rate, muscles) ne change rien aux propriétés de l'extrait. Enfin tous ces phé- nomènes ne sont pas particuliers aux muscles d'écrevisses : on les retrouve avec beaucoup d'autres organes d'autres ani- maux, l'extrait de foie, d'intestin, de poumon de chien, par exemple. En résumé, la poptone, le sérum d'anguilles, les extraits^ d'organes, prennent des propriétés anticoagulantes en cir- culant au travers du môme organe, dont le mécanisme d'ac- tion semble être le même dans tous les cas, et aboutir au môme produit, car l'une quelconque de ces substances peut conférer l'immunité contre les effets anticoagulants de toutes les autres. i\ous avons dit que Schmidt Mulheim avait vu, chez un ani- mal dont le sang avait été rendu incoagulable par la peptone, une nouvelle injection ne plus produire le même effet, lors- qu'elle était faite quelques heures après le retour du sang à sa coagulabilité normale. Delezenne a trouvé qu'il pouvait s'établir des suppléances, et qu'on peut immuniser un animal THROMBASE 69» contre les effets anticoagulants de la peptone par une injection préalable d'extrait de muscles d'écrevisse, ou inversement. D'autres substances, de nature très variée, jouissent des mêmes propriétés que le suc d'organes. Albertoni a montré que tel est le cas pour la pepsine et la pancréatine, Salvioli pour la diastase de l'orge, Dastre et Floresco pour la sucrase, Delezenne pour rémulsine, Salvioli pour un certain nombre de toxines microbiennes, Wall et Albertoni, pour le venin de vipère. Toutes ces substances sont plus ou moins actives, et leur effet n'est pas toujours le même. Elles produisent, en général, des effets anticoagulants à de faibles doses, et accé- lèrent au contraire la coagulation quand on en ajoute davan- tage. Mais au point de vue de leurs effets sur la coag-ulation du sang-, elles peuvent être rangées dans un même groupe, quand visiblement elles font partie, au point de vue chimique,, de groupes tout à fait différents. 444. Ttirombase chez des colloïdes artificiels. — On pourrait croire qu'elles ont emporté de l'organisme où elles ont pris naissance une substance commune, une tlirombas-e identique leur donnant des propriétés du même ordre. Mais^ Halliburton et Pickering ont trouvé des propriétés coagulantes- et anticoagulantes à deux colloïdes de synthèse analogues à des matières albuminoïdes, et préparés suivant la méthode de Grimaux, l'un en traitant l'acide métamidobenzoïque par le perchlorure de phosphore, et l'autre l'anhydride de l'acide aspartique par l'ammoniaque à 170". Injectés à faibles doses, en solutions aqueuses à 1 ou 2 0/0, dans la jugulaire d'un animal dont quelques minutes après on retire du sang par- la carotide, elles retardent la coagulation de ce sang, et l'accélèrent à doses plus fortes. Ici, l'expérience réussit avee le lapin, le chien, le chat, le rat, le cobaye. Le lapin blanc fait seul exception. Ces colloïdes perdent leurs propriétés- lorsquils sont conservés longtemps dans l'eau. Il se fait alors soit une décomposition^ soit une coagulation. Mais il suffit qu'ils les possèdent pour que nous soyons autorisés à con- 700 CTÏAPITP.I- XL cliiro quo le pouvoir coagulant ou décoagulaut peut résulter de toute autre chose que de la présence actuelle de la plasmase ou de la tlirombase dans le liquide qui en est doué, et si jamais Foccasion a été bonne de supposer dans une liqueur l'existence d'une profibrinase ou d'une prothrom- base, c'est certainement ici. 445. Origine de la tlirombase. — Le mystère disparaît quand on cherche, comme le fait M. Delezenne, comment apparaît, dans le passage au travers de l'organisme, la pro- priété décoagulante. Il a vu d'al)ord, confirmant en cela des données plus anciennes, que le mélange in vitro de sang normal et d'une quelconque de ces substances jouissant de propriétés décoagulantes (peptone, sérum d'anguilles, extrait de muscles d'écrevisse, diastase, émulsine, toxines du staphylo- coque et du pyocyanique, ricine, venin de vipère) amenaient une leucolyse très active des globules blancs contenus dans le sang, et par suite une hypoleueocytose très marquée lorsqu'ils étaient injectés dans les vaisseaux. Le parallélisme entre l'action sur le sang mort et l'action sur le sang circulant existe lorsque les mélanges sont faits à peu près dans les mê- mes proportions, c'est-à-dire lorsque la dose mélangée au sang in vitro est la même que la dose injectée dans le sang de l'or- ganisme, en comptant que ce sang pèse environ i/12 ou 1/13 du poids de l'animal. L'hypoleucocytose qu'on observe chez l'animal vivant ne résulte peut-être pas uniquement de cette action leucoly- tique. Comme l'injection de ces produits dans les veines amène une dilatation générale des petits vaisseaux et un ralen- tissement du courant sanguin, il se peut qu'il y ait des leuco- cytes qui émigrent dans les tissus ou qui s'arrêtent dans les capillaires. Mais il y a sûrement une destruction notable de leucocytes. Cette destruction produite par les injections de peptone et des substances analogues est tout à fait comparable à celle qui se fait dans le sang coagulé spontanément, où il TIIIIOMBASE 701 y a, d';iprès Ileyl, 70 h 80 (I/O clos globules détruits, et 50 à GO 0/0 dans le sang défibriné par le battage. Il doit donc y avoir dili'usion dans le liquide des diastases contenues dans ces globules, à savoir au moins de plasmase et de tliroui- base. Ces deux- diastases antagonistes peuvent, comme nous l'a- vons remarqué plus haut, être présentes ensemble dans le même liquide, et pourtant ne pas pouvoir se manifester toutes deux. par des efi'ets extérieurs. 11 y en a toujours une qui l'emporte, soit parce qu'elle est plus abondante, soit qu'elle soit plus favorisée par les conditions de température ou de milieu. Pour eu revenir à la notation adoptée au chapitre IX, chacune d'elles, pendant un temps /, peut donner une quantité d'action représentée par aj/J, et seule se manifestera à l'exté- rieur celle pour laquelle ce produit sera le plus grand. A l'extérieur de l'organisme, ce sont les propriétés coagulantes qui apparaissent. Après passage dans l'organisme, celles-ci sont affaiblies et dépassées par les propriétés anticoagulan- tes, et ce que nous avons appris, c'est que le foie joue un rôle dans l'action. Il n'est pas nécessaire pour cela qu'il sécrète de nouvelle thrombase, et ce qui semble en effet montrer qu'il n'y a pas sécrétion, c'est que le foie, soumis à une circulation artificielle au moyen d'un liquide contenant de la peptone ou du sérum d'anguille, n'en fait un liquide décoagulant (ju'à la condition qu'il ne soit pas trop lavé au préalable, et ajjandonne un peu de sang au liquide qui s'écoule. Dans ces conditions, la peptone agit évidemment sur les leucocytes de ce sang et met en liberté leur plasmase et leur thrombase. Mais pourquoi la thrombase apparait-elle seule ? Parce que le foie retient, neu- tralise la plasmase, et en effet, si on fait passer à travers un foie bien lavé, jusqu'au moment où les eaux de lavage de- viennent incolores, un mélange de thrombase et de plasmase emprunté par exemple à du sang défibriné, ou a du sérum sanguin, on constate que ces liquides, coagulants à l'entrée, sont décoagulants à la sortie. Rien ne nous renseigne sur le 702 CHAPITRE XL mécanisme de l'arrêt de la plasmase. Y a 1-il fixation sur les éléments du tissu ? Y a-t-il un changement de réaction acide ou alcaline du liquide, du môme ordre que celui qui se mani- feste lorsque le sang se coagule ? On ne le sait, mais ce qui €st sûr, c'est que le foie change l'ordre et la puissance d'ac- tion du mélange de diastases qui le traverse, et met au premier rang celle qui se tenait au second. 11 modifie les valeurs de a ou de d de façon que le produit ad pour le thrombase soit supérieur au produit «r/pour la fibrinase. Il faudrait, pour savoir ce qui se passe, séparer les deux diastases dont nous admettons l'existence dans une foule de liquides organiques. Malheureusement, l'étude de ces dias- tases est à peine commencée ; nous avons vu que l'on a très peu de renseignements sur la plasmase. Sur la thrombase, Delezenne l'a retirée, péniblement et sans aucune garantie de pureté, des extraits après circulation dans le foie, en profitant de ce qu'elle résiste à l'action de la chaleur. On coagule le liquide en chautfant, et on filtre. Le dépôt albumineux doit retenir une grande partie de la thrombase. Il en reste pour- tant, à laquelle on trouve les mêmes propriétés que la throm- base de l'extrait de sangsue. Elle agit iudifréremment sur le sang de tous les animaux ; elle s'altère rapidement à l'air, mais conserve ses propriétés si on l'additionne de quelques gouttes de chloroforme. Elle résiste à une ébullition prolon- gée. Wertheimer et Delezenne ont montré qu'elle traverse difficilement le filtre placentaire, et que le sang de la mère peut être rendu incoagulable par une solution de peptone injectée dans les veines, alors que celui du fœtus conserve sa coagulabilité. Tous ces documents sont encore épars. Ils sont surtout bons à signaler à cause des analogies qu'ils éveillent entre les substances coagulantes ou toxiques d'un côté, et les substan- ces décoagulantes ou préventives, de l'autre. Nous allons voir que le parallélisme le plus parfait existe si on admet que toute action toxique se caractérise par une coagulation et l'existence ou l'arrivée d'une présure, d'une pectase, d'une THROMBASE 703 plasmase dans le projoplasma cellulaire. Alors, la caséase, la ihrom])ase de ces diasfases coagulantes seront préventives si elles arrivent avant, ou curatives si on les y amène lors- que la coagulation est déjà commencée. C'est une notion qui forme le lien commun des derniers chapitres de ce livre. BIBLIOGRAPHIE Haycraft. Proc. Royal Sociely, t. XXXVf, ft Archiv. fïir exp. Patliol. u. Phar- mnkol, t, XVIII, p. 209, 1884. Bosc él Delezenxe. Comptes rendus, 14 sept. 1896. DrCKiNSON. Journal of Pliysiology, t. XI, p 566. KosSEt. ZeiUckr. f. plujs. Chemie, t.VHI, p. 508, 1883-84. LlLlENFELD. 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Les seuls arguments qui permettent de les assimiler aux dias- tases sont d'abord la disproportion entre la cause active et l'effet produit, puis l'action de la chaleur qui, après avoir fa- vorisé l'activité de la substance, la contrarie à partir d'une certaine température, et la fait ensuite disparaître à un ni- veau, souvent voisin de celui auquel s'évanouissent les actions diastasiques. Mais le premier argument s'affaiblit quand on songe qu'il peut y avoir, comme nous le montrerons au der- nier chapitre, des actions chimiques, d'apparence diastasique, qui, une fois amorcées, peuvent se continuer d'elles-mêmes, et manifester ainsi naturellement cette disproportion qui nous étonne. Une allumette qui met le feu à un quartier n'est pas une diastase. Quant au second argument, il s'affaiblit aussi, quand on songe que ces températures, mortelles pour les actions diastasiques, sont parfois uniquement des tempéra- tures de coagulation du liquide organique qui contient la diastase, et que le chauffage d'une solution albumineuse de bichlorure de mercure peut lui enlever toute toxicité, alors que pourtant le sublimé corrosif n'est pas une diastase. Il faut donc être prudent dans toutes ces assimilations. D'un autre côté, la plupart des phénomènes de cet ordre ont été étudiés surtout au point de vue physiologique, et en par- AGGLUTININES 705 ticulier dans leurs rapports avec le phénomène de liniuiunité. Or, si nous voulions aborder cette question, ce serait un nouveau livre qu'il faudrait écrire. Nous la retrouveions, avec les progrès quelle aura faits à ce moment, dans un des derniers volumes de cet ouvrage. Je ne veux, aujour- d'hui, dans ce volume consacré aux diastases, que donner quelques orientations, en étudiant les plus connues de ces actions encore oliscures, et en les faisant bénéficier de ce que nous avons appris dans les chapitres précédents. 446. Agglutination, — Je commence par un phénomène dans lequel nous allons voir apparaître des actions analo- gues à celles des premières diastases que nous ayons étudiées, les diastases coagulantes ; c'est le phénomène de l'aggluti- nation. Pour le simplifier, je le débarrasserai autant que possible de tout l'appareil physiologique qui l'entoure d'or- dinaire, et des autres phénomènes (dissolution des bacilles ou des leucocytes) qui l'accompagnent quelquefois dans l'or- ganisme. J. Bordet, qui l'a fait sortir de l'étude de ce que nous rencontrerons bientôt sous le nom de « Phénomène de Pfeiffer », a montré qu'on pouvait l'observer dans des tubes à essai, en dehors de l'organisme. C'est sous cette espèce que nous allons d'abord l'envisager. Voici comment on peut faire avec les vibrions cholériques. On fait une culture d'un de ces vibrions sur gélose, et on délaie cette culture de vingt-quatre heures dans G à 8 ce. d'une solution physiologique de sel marin. On obtient une émulsion trouble, où les bacilles conservent leur mobilité. Mélangeons cette solution avec une très petite quantité de sérum provenant d'un animal solidement immunisé contre l'inoculation intrapéritonéale du bacille qui a servi à la cul- ture, on voit, au microscope, au bout d'un temps très court, parfois de quelques secondes, les bacilles devenir d'abord im- mobiles, puis perdre leur distribution uniforme dans le champ de la préparation pour se réunir en amas plus ou moins volumineux. Ces amas deviennent eux-mêmes confluents, et 45 70G ClIAPITPvK XLI on voit, à V(vi\ nu, le mélanine d'abord troul)le s'éclaircir, et se remplir de flocons qui tombent en se rétractant de plus en plus au fond du vase. Ce phénomène d'agglutination est suivi plus tard d'un autre phénomène de dissolution et de dislocation des vibrions : nous l'étudierons tout à l'heure. Bornons-nous pour le moment à ce phénomène de l'agglutination qui peut, en effet, comme nous le verrons, en être tout à fait séparé. Dans son enseml)le comme dans ses détails, il nous rappelle ce que nous avons vu et décrit, dans le chapitre consacré aux phénomènes de coagulation, sous le nom de coalescence des molécules d'un corps qui se coagule. Il est clair que c'est un phénomène de coagulation qui s'accomplit sous nos yeux, en vertu d'un changement dans les lois d'adhésion entre les corps des ba- cilles et le liquide qui les contient. Ce n'est pas sous cet aspect relativement simple que le phénomène s'est présenté tout d'abord aux esprits. On a été surtout frappé de son côté physiologique. On a cru que l'im- mobilisation des vibrions, que nous avons sig-nalée, correspon- dait à leur mort, et cela avec d'autant plus de raison appa- rente que l'agglutination précédait, faite in vitro, la disloca- tion des vibrions, et leur dissolution apparente dans le liquide ambiant. De plus, Gruber et Durham avaient montré que cette ag-g'lutination .avait un caractère spécili(j[ue, que le bacille de la fièvre typhoïde et le hacteriujn coli, mis in vilro en présence de leurs sérums respectifs, se comportaient comme le vibrion cholérique, mais qu'aucun de ces trois vibrions, sensible au sérum d'un animal immunisé contre lui, n'était sensible au sérum d'un animal normal ou d un animal im- munisé contre les deux autres. Par là, la réaction devenait Il la fois une réaction spécifique des divers vilîrions ou des divers sérums et une réaction d'immunité. Elle semblait donc n'avoir en rien le caractère banal des réactions de coagulation. 447. L'agglutination est une coagulation. — Exami- AGGLUTLMNES 707 lions cette question qui a de l'importance. Boivlet a montre le premier que la propriété qu'ont les microbes de s'agglutiner dans CCS conditions n'est pas une propriété vitale, car ils la possèdent encore après leur mort. Des vibrions cholériques, tués par le chloroforme, s'agglutinent comme des vibrions vivants. Widal et Sicard ont vu ensuite qu'il en était de même pour les bacilles typhiques tués par la chaleur ou par quelques gouttes de formol. Van de Velde a montré qu'on ne changeait rien au phénomène de l'agglutination en mé- langeant aux cultures du bacille d'Eberth du thymol, du chloroforme, de l'éther, du bichlorure de mercure, ajoutés à dose antiseptique. La cellule morte était donc aussi bien agglutinablc que la cellule vivante. L'immobilisation des vibrions cholériques au début du phénomène n'est donc pas nécessairement un phénomène de mort, et nous verrons bientôt en efïet qu'il n'en est pas un. En revanche, la formation des amas et la rétraction qu'ils subissent rappellent tout à fait les phénomènes qui accom- pagnent l'apparition des coagulums de fibrine, et comme il est impossiJjle d'expliquer par des attractions mutuelles ces ^mas qui se forment au début (car de quel droit un de ces bacilles deviendrait-il un centre d'attraction plutôt qu'un autre bacille?) on se trouve conduit à penser qu'il y a, ré- pandue dans le liquide, une matière coagulable pour laquelle les points où, par suite d'une circonstance fortuite quel- conque, la coagulation débute, deviennent des centres de coagulation et de rétraction, comme nous l'avons vu dans le cas de la fibrine. Il y avait donc à chercher si le mélange d'une goutte de sérum préventif avec une goutte de solution filtrée de la culture n'amenait pas un phénomène de coagulation. Ce pas important, dans l'étude théorique de' l'agglutination, a été réalisé par Kraus. Widal et Sicard, Lévy et Bruhns, avaient bien fait apparaître le pouvoir agglutinant dans le sérum d'animaux inoculés avec des cultures filtrées de bacille ty- phique, mais l'interprétation de ces expériences restait plus 708 CUAlMTlîl-: XLI (louloiise que celle de Kraus qui, eu uiélan,i;'eant un sérum actif avec des cultures filtrées de vibrion cholérique, de bacille typbique et de bacille de la peste, a montré qu'il s'y formait un coagulum aussi spécitiquc que l'agglutination, c'est-à-dire, par exemple_, que le sérum dun animal immunisé contre la péritonite cholérique coagulait une culture filtrée de bacille cholérique, mais pas une culture tiltrée de bacille typbique. 448. Matière agglutinatole. — Laissons pour le moment cette question de spécificité sur laquelle nous reviendrons tout à riieure, et étudions de plus près, avec M. M. Nicolle, la coagulation des cultures filtrées de microbes par les sérums correspondants. Ce savant a opéré avec le vibrion choléri- que de Massaoua, le bacille typbique et le bac/ crin m coli. Commençons par ce dernier. En immunisant un lapin contre le hacteriiini coli, M. iNi- colle a obtenu des sérums qui, étudiés par la méthode que nous indiquons plus loin, sont actifs au chiffre de lo.OOO, c'est-à-dire qu'une goutte de sérum peut agglutiner en deux heures 15.000 gouttes de culture vivante de h. coli. Faisons avec cette culture une macération prolongée, de façon à épuiser de leur contenu les corps des microbes. Filtrons sur un filtre Chamberland pour avoir un liquide à la fois stérile et limpide, et mélangeons à 10 gouttes de ce bouillon filtré une goutte de sérum, nous observerons à 37", au bout de quelques heures, la formation de grains floconneux telle- ment analogues d'aspect, de couleur, et de consistance, aux amas microbiens obtenus dans les mêmes conditions avec des cultures non filtrées, qu'on est exposé à les confondre : môme on voit, par places, des granulations accolées qui ressem- blent à des bacilles. Ces amas se forment plus lentement qu'avec les cultures non filtrées. On ne les observe bien qu'au bout de quinze ou vingt heures. Mais on ne saurait demander à la ressemblance AGGLUTININES 709 d'aller jusqu'à Tidentité avec des liquides aussi différents qu"uue culture entière et la môme culture fdtrce. Voici qui va compléter sur certains points la ressemblance. Ajoutons à notre bouillon tiltré une culture d'un microbe quelconque (bacille typhique, bacille de la psittacose, pro(eus). Puis, à ce mélange qui reste trouble, ajoutons du sérum spécifique, toujours dans la proportion de 1/10. Nous ver- rons se former des amas plus volumineux que tout à 1 heure, et qui, avec le bacille de la psittacose et le bacille typhique, morphologiquement semblables au h. coli, ressemblent tout à fait aux amas d'une culture de h. colL agglutinée par son sérum spécifique. Les mêmes bacilles morts se comportent de même. On peut aussi les remplacer par des poudres tînes, du talc, par exemple : l'agglomération se fait de méme_, et nous pouvons conclure que dans les conditions ordinaires de l'expérience, les bacilles sont entraînés passivement dans un coagulum d'une matière qui est sortie d'eux, mais fonctionne en dehors d'eux. Nous voilà donc débarrassés de toute préoccupation phy- siologique dans notre étude du phénomène. Nous avons deux liquides, un bouillon de culture filtré et son sérum spéci- fique qui, inertes lorsqu'ils sont isolés, se coagulent lorsqu'ils sont mélangés en certaines proportions. Nous pouvons in- terpréter le phénomène en disant que l'un contient une diastase coagulante, et c'est très probablement le sérum ; que l'autre contient une substance coagulable, et c'est proba- blement la macération de microbes ; à moins pourtant que ce ne soit l'inverse, car, a priori, rien ne nous avertit du mode de distribution. Etudions donc séparément ces deux li- quides, en cherchant comment ils se comportent lorsqu'on les fait agir l'un sur l'autre après avoir soumis l'un d'eux à diverses influences. 449. Etude du liquide de culture. — Les cultures de B. coli se comportent à très peu près de môme, quel que soit le milieu sur lequel elles ont été faites. L'agglutination 710 CHAPITRI': XLI est seulement d'autant plus rapide et plus facile que la cul- turc a été plus abondante. Prenons alors une culture sur bouillon de viande légèrement alcalin. Nous constatons que l'agglutination conserve tous ses caractères extérieurs tant qu'on n'a pas chauffé à plus de 80° le liquide de culture. A 00°, elle devient moins rapide, et de moins en moins jus- qu'il 130°, moment où le liquide se trouble seul par chauf- fage et où l'étude devient plus difficile. En somme, la matière active de la culture est très résistante à la chaleur. Les conclusions sont les mêmes pour les autres bacilles étu- diés par M. Nicolle. Elles ont été retrouvées dans d'autres cas par d'autres savants. On peut donc les considérer au moinsy comme assez générales. Un froid de — 6° appliqué à la culture, ne change rien non plus aux conditions de l'agglutination. Cette même substance, si résistante à la chaleur et au froid, est aussi très stable à la lumière et h l'insolation. Elle supporte aussi très bien la dessiccation, l'action de diverses substances chimiques et des antiseptiques, ainsi que nous l'avons vu. Enfin, elle est solublc dans l'alcool, et même dans l'éther, d'après M. Nicolle. \]n filtre épais qui avait servi à filtrer des cultures jeunes de b. coli, a été séché à l'étuve, puis mis en macération dans de l'alcool absolu et dans l'éther, qui, tous deux évaporés, ont laissé un résidu. Ce résidu, dissous dans un bouillon légèrement alcalin, a donné, après un mélange avec 1/10 de sérum actif, au bout d'un temps assez long, il est vrai, des amas très nets, très analogues à ceux qu'on observe avec des cultures simple- ment filtrées. Les propriétés sont les mêmes avec les trois bacilles étu- diés, et il est clair qu'elles concourent à montrer que s'il y a une diastase en jeu, elle ne provient pas du liquide de culture, dont la matière active n"a aucune des propriétés que nous avons reconnues aux dia stases. En revanche, elle ressemble aux matières anticoagulantes que nous avons étu- diées dans le dernier chapitre, et aux matières immunisan- tes que nous retrouverons dans le prochain. AGGLUTININES 711 450. Etude du sérum. — Le sérum actif a été beaucoup moins étudié. On sait seulement que son activité augmente avec la température jusqu'à 55° et même 60". Au delà elle persiste, mais en s"afïaiblissant : Vagg-lutination est moins nette et moins prompte. On sait aussi que sa matière active résiste à la dessiccation. On sait, enfin, qu'elle se fixe sur les précipités qu'on produit dans les liquides qui la contien- nent. Si on se contente de ces quelques notions pour conclure à l'existence d'une diastase, l'ensemble du phénomène apparaît nettement. Les vaccinations successives auxquelles a été sou- mis l'animal immunisé ont développé dans son sérum une diastase particulière, capable de coaguler une matière que le microbe laisse exsuder, et qu'il apporterait sûrement dans l'organisme vacciné sil pouvait y faire une nouvelle appari- tion, ou même qu'il y apporte pendant un commencement de développement, s'il est capable d'en subir un. Cette explication vise évidemment les phénomènes de l'im- munité. Si cette matière est toxique, le sérum l'annihile en la coagulant. S'il la coagule à l'extérieur du bacille qui l'a fournie, il y a chances pour qu'il la coagule aussi à l'inté- rieur, et rende de ce fait sa vie plus difficile. On voit poin- dre ici l'immunité toxique et l'immunité microbienne. Mais, de ce côté, la question nous échappe un peu. Etudions-la seu- lement au point de vue chimique, et avec ce que nous avons appris dans le courant de ce livre. Constatons d'abord qu'il y a une sorte de contradiction apparente entre l'idée de diastase que nous nous sommes peut-être un peu hâtivement faite, et l'idée de spécificité, telle qu'elle résulte des faits que nous avons exposés plus haut. S'il faut une diastase spécifi<]ue pour cha- cun des bacilles capables de subir le phénomène de l'agglu- tination, c'est-à-dire une diastase incapable d'agir sur d'au- tres matières que celles que fabrique ce bacille, nous sor- tons du cadre des faits connus, qui montrent au contraire que les diastases sont en quelque sorte des ouiils communs, et for- 712 CHAPITRE XLI ment une petite collection où les diverses cellules puisent à leur gré. 451. Diffusion de la substance agglutinante. — ]^]tu- dions pourtant sans prévention cette prétendue diastase agglu- tinante, et comme nous la savons très développée dans le sang' et le sérum d'un animal vacciné^ cherchons si nous ne la trouverions pas dans d'autres humeurs. Nous avons sur ce point un travail bien fait de Widal et Sicard, qui ne porte malheureusement que sur le bacille ty- phique, mais qui nous donne un renseignement que nous aurons à retenir : c'est que la réaction agglutinante existe dans le sang du typhique, non pas seulement quand il est convalescent, guéri, et qu'il possède de ce fait une certaine immunité, mais dès les premiers jours de la maladie, et pendant la période d'infection. C'est une démonstration qui est due à M. Widal, et qui, on le comprend, a une grande importance pratique, puisqu'elle permet de faire un diagnostic assez sûr de la maladie dès le début, et d'instituer de suite le traitement approprié. Or, MM. Widal et Sicard ont constaté que cette substance agglutinante, si abondante dans le sang, ne passe guère dans les humeurs de l'organisme. Dans l'urine, la réaction agglu- tinante ne se fait que d'une façon inconstante, apparaît ou disparait, parfois d'une heure à l'autre, sans qu'on puisse saisir la raison de ces variations. La bile humaine donne la réaction une fois sur deux. Il n'y en a pas avec les diverses salives, le liquide des vésicules séminales, le liquide céphalo- rachidien. Les larmes et l'humeur aqueuse la présentent quelquefois. La réaction agglutinante peut aussi passer, mais d'une façon inconstante, du sang de la mère dans celui du fœtus. Achard et Bensaude, puis Thiercelin et Lcnoble ont obtenu une réaction très marquée avec, le lait de nourrices atteintes de fièvre typhoïde. Bossaert a fait la même constata- tion pour le lait d'une chèvre immunisée contre le choléra. En somme la répartition semble inconstante. Seules les séro- AGGLUTININES 713 sites péricardique, pcritonéale, pleurale, et celle des vésica- toires présentent une réaction constante^ voisine parfois de celle du sérum sanguin. Ici se pose la cpiestion intéressante de savoir si cette réac- tion est spéciale au sang des animaux immunisés. Des divers renseignements publiés sur ce sujet, il résulte qu'elle existe en effet chez les animaux neufs, mais qu'elle est très faible, et ne porte pas sur la totalité des microbes soumis à son action. Si faible qu'elle soit, cela lui enlève un peu de sa spécificité, et nous voilà tout de suite conduits à nous demander si elle est vraiment spécifique. 453. La réaction agglutinante est-elle spécifique ? — Elle ne le serait que si chaque sérum actif ne pouvait agglutiner que les cultures ou les produits de culture du microbe contre lequel l'animal fournisseur de sérum est immunisé, et si cha- que culture microbienne n'était agglutinable que par le sérum des animaux immunisés contre ce microbe. A l'origine, dans la ferveur de la découverte, on a cru que tel était le cas. Dur- ham, par exemple, après avoir essayé sur 19 échantillons de bacilles typhiques, de provenances variées, l'action d'un sérum provenant d'un animal immunisé contre l'infection typhique, n'avait trouvé entre eux que des difTérences insignifiantes, portant surtout sur le temps que l'agglutination mettait à se faire, tandis que l'agglutination était impossible avec des cul- tures d'autres microbes. Beaucoup d'autres constatations ana- logues avaient suivi. Mais on a relevé aussi des faits concluant en sens inverse, tant du côté des sérums que du côté des mi- crobes. Aussi le sérum de cheval normal et non immunisé agglu- tine énergiqucment des émulsious de vibrions cholériques, un peu moins bien des cultures de Vibrio Metchnikovi^ de bacille typhique, de h. coli, de bacilles du tétanos, et assez nette- ment encore des cultures de streptocoque. D'un autre côté MM. Metchnikoff et Bordet ont vu qu'un vibrion cholérique qui s'agglutinait rapidement sous l'iiitluence du sérum d'un 714 CHAPITRE XLI cheviil vacciné contre le choléra, ne subissait plus que très incomplètement sou action après avoir été injecté à un cheval sous la peau, et retiré de l'exsudat, qui était devenu puru- lent, après phagocytose complète. Gruber indique lui-même d'autres faits infirmant sinon la loi de spécificité, du moins son caractère absolu, et, dès lors, voici notre cadre qui s'a- grandit, et nous nous rapprochons de ces phénomènes de coagulation qui sont aussi un peu spécifiques, sans l'être d'une façon complète. Cest ainsi que la présure est la diastase spé- cifique de la coagulation de la caséine, mais elle ne coagule pas toujours la caséine, et la caséine peut être coagulée par d'autres substances qu'elle, les acides, les sels de chaux, etc. Nous pourrions dire la même chose pour la plasmase et la fibrine. Cherchons avec cette lumière. La présure est capable de coaguler tous les laits ; la plasmase tous les liquides conte- nant du fibrinogène : il doit donc, suivant toute apparence, y avoir d'autres phénomènes d'agglutination que ceux qui s'exer- cent entre un microbe et le sérum correspondant. L'un des plus curieux est celui qui a été découvert par M. Bordet. Da sérum de lapin, mélangé à du sérum de cobaye tenant en sus- pension des globules rouges, les agglomère en amas bien dé- finis, qui apparaissent comme autant de points rouges dans un liquide limjîide. Le sérum de cheval agglomère de même les globules rouges de cobaye ou de lapin, le sérum de rat les globules du lapin et vice ver.'^a, le sérum de chèvre les globules de cobaye. Le sérum de poule agglomère aussi les globules de rat et surtout de lapin avec une énergie vraiment surprenante. Comme dans le cas des vibrions, cette action agglutinante est due à des matières qui résistent à un chauf- fage à 55° ; enfin voici qui complète la ressemblance. Le sé- rum de cobaye n'a vis à-vis du sang défibriné de lapin qu'une puissance agglutinante très médiocre. Il en a au con- traire une très forte lorsqu'on l'emprunte à un cobaye qui a reçu cinq ou six injections successives de sang de lapin dé- fibriné dans le péritoine. Il y a donc de ce côté là aussi^ AGGLUTININES 715 comme avec la thrombase, comme à propos des matières préventives ou des immunisines, une vaccination, une sorte de faculté créée, mais l'enseignement que cette expérience nous apporte, c'est que cette faculté n'est pas créée de toutes pièces, elle est l'exaltation d'une capacité fonction- nelle préexistante, absolument comme le pouvoir agglutinant considérable du sérum des animaux vaccinés est une exalta- tion notable d'une faculté existant déjà dans le sérum de l'a- nimal normal. Or de ce coté, nous avons des références. Du lait, comme nous l'avons vu, pourrait ne pas se coaguler,, môme s'il contenait de la présure^ à la condition d'en conte- nir très peu. Il se coagulerait alors, si on y ajoutait une substance non spécifique, du cblorure de calcium ou un acide. Du sang" circulant contient de la plasmase, mais ne se coa- gule pas : il peut se coaguler, sans addition nouvelle de plasmase, si on y ajoute des sels minéraux. Bref, nous retrou- vons là les notions que nous avons développées à propos de l'action des divers sels sur les diastases, et nous n'avons qu'à rappeler leur infinie délicatesse pour voir qu'elles se plient sans peine à l'interprétation des faits relatifs à l'agglutina- tion. 453. Agglutination par des substances cliimiques. — Elles conduisent à une autre conclusion qui se trouve vérifiée par l'expérience. La coagulation du lait, celle de la fibrine, peuvent être produites par d'autres actions que des actions- de diastase. L'alumine soluble, l'argile en émulsion se coa- gulent sous l'influence de traces impondérables de sels en solution ou même en suspension. Malvoz a de même vu que le formol, l'eau oxygénée, l'alcool fort, agglutinent les ba- cilles typhiques à la manière du typhus-sérum. 11 est vrai que la concentration du réactif doit être assez grande. L'acide acétique par exemple, d'après Bossaert, n'agglutine pas le V. de Deneke et certains vibrions cholériques à la dose de 50 0/0 ; il les agglutine à la dose de 10 0/0, et ne les- agglutine plus à la dose de 1 pour mille. Mais le sublimé - 7-y 716 CllAlMTIÎI- XLI commence déjà à produire une agglutination à la dose de 3 pour mille dans le mélange d'émulsion typhique et de solution de bichlorurc ; la safraninc et la vésuvine agissent de même à la dose de 1/2000. On ne })eut plus guère in- voquer ici d'action spéciri([ne, et pourtant on rencontre encore des diflcrenciations qui semblent avoir ce caractère. Ainsi la safranine donne déjà des amas à la dose de 1/10000 dans une émulsion de bacilles typhiques, et n'en donne pas dans une émulsion de b. coli, même à doses 10 fois plus grandes, et un sérum inactif, additionné de safranine, se comporte comme du sérum de typhique vis-à-vis du bacille d'Eberth et du ba- cille du colon, c'est-à-dire qu'il agglutine très bien et très vite les cultures typhiques, tandis qu'il reste à peu près inactif sur les cultures de b. coli. La spécificité de l'action n'a donc rien du caractère étroit et absolu que nous lui avions supposé. On peut faire des dis- tinctions et des diagnostics entre des microbes très voisins avec des substances variées, spéciales à chacun des microbes, mais non spécifiques. On peut mcnïe opérer avec la même «abstance qui, suivant la température ou son degré de dilu- tion, agira sur tel microljc \)\\\)r, activement que sur tel au- tre très voisin. Le même microbe ne sera pas toujours sen- sible à la même influence. D'un côté comme de l'autre, du côté du sérum comme du côté des microbes, les forces en jeu peuvent changer, et le résultat rester le même. Le sérum spécifique conserve pour- tant une incontestable supériorité. Mais une supériorité d'ac- tion ne constitue pas une spécificité, surtout dans un phéno- mène qui se passe aussi évidemment en dehors du corps du microbe que le fait celui-ci. C'est une coagulation simple, un -changement d'état physique résultant d'un changement, qui peut être minime, dans les conditions d'équilibre de forces préexistantes, et c'est là une conclusion que nous aurons à rappeler dans le dernier chapitre de ce livre, car elle est très importante au point de vue théorique. Il y a une dernière remarque à faire. Nous avons pris le AGGLUTININES 717 mot ai;i;lutiiiines dans sou sens le plus vague, et non dans le sens que lui a donné Gruber. C'est que rien ne nous assure que la substance agglutinante et la substance agglutinable soient les mêmes partout dans les expériences qui précèdent, ^otre mot d'agglutinines n"a pas d'autre sens que celui qu'au- rait le mot coagulines, si on rangeait sous ce nom la présure, la plasmase, la pectase, les sels de chaux, de mercure, etc. Tout ce que j'ai voulu montrer, c'est que l'agglutination est un phénomène de coagulation qui n'a pas encore été assez étudié pour qu'on puisse savoir si elle contient, ou non, un élément spécifique. Cette conclusion, bien entendu, est surtout doctrinale, et n'enlève rien de leur importance aux déductions pratiques qu'on a tirées de l'étude de l'agglutination. Nombreuses sont déjà les maladies dans lesquelles on a trouvé que le sérum de l'individu malade, guéri, ou immunisé, est agglutinant pour le microbe qui l'a envahi. On a même mesuré la puis- sance agglutinante en partant de ce que nous venons de dire, et voici comment opèrent MM. Widal et Sicard, par exemple. 454. Mesure du pouvoir agglutinant. — On commence par mélanger une goutte de sérum actif à 10 gouttes dune cul- ture jeune du bacille correspondant, et on examine au micros- cope une goutte du mélange. Avec un peu d'habitude, ou juge, à la marche et à la rapidité de l'agglutination, si le sé- rum est fort, faible ou moyen. Suivant le cas, on fait des dilutions plus ou moins fortes du sérum et de la culture jeune jusqu'à ce qu'on ait obtenu une dilution qui ne donne pas de centres agglutinatifs après 2 heures, terme aussi conventionnel ici qu'il la été pour les autres diastases. Stern propose que ces 2 heures soient passées à 37^ Widal et Sicard jugent cette complication inutile. On de- vine que cette mesure est un peu élastique, et se prête peu à l'appréciation des nuances ; elle n'en rend pas moins de grands services, parce que les nombres qu'elle fournit varient 718 CHAPITRE XLI entre dos limites très éloignées, tantôt inférieures à 100, tantôt dépassant 10.000. BIBLIOGRAPHIE BORDET. Ann. de l'Institut Pasteur, p. 496, 1895, et p. 208, 1896. Oruber et DuRHA.ivr. Munch. med. Wocli. 31 mars 1896, p. 285. WlDAL et SiCARD. Ann. de Vlnsliiut Pasteur, mai 1897. Van deVelde. Acnd. Royale de Belgique, 27 mars 1897. KraUS. K. K. GeseUschafl der Aerzle in Wien 30 avril 1897, et Wiener Idin Wo- chenschr. n" 3i, p. 736, 12 août 1897. DURHAM. Journal of pnthol. and baclerioloçiy, juillet 1896. KOLF.E. Deutsche med. Wock, 1896, p. 152. BORDET. Ann. de l'Institut Pasteur, t. XII, oct. 1898. Salimbeni. Id. t. XI, p. 277, 1897. Malvoz Id. t. XT, p. 582, 1897. BOSSAERT. /(/., t. XII, 1898. CHAPITRE XLII LYSINES Je désignerai, pour abréger, sons le nom de I//sines, ce qu'on appelle d'ordinaire substances bactéricides ou microbicides, ou encore, mais bien plus improprement, substances antisep- tiques^ dans toutes les .études sur l'immunité. Ces substances ont des origines très diverses, des natures certainement très différentes. Elles ont pour caractère commun de détruire les microbes par simple contact, ou au moins de les empêcher de pousser dans les milieux les plus appropriés. Le nom vague de lysines convient bien à leur nature vague, et dis- paraîtra naturellement de la science lorsque létude de ces corps se sera approfondie. Voici l'expérience où la nature de ces lysines se révèle le mieux. 453. Phénomène de Ffeiffer. — On introduit dans la cavité péritonéale d'un cobaye, fortement vacciné contre l'ino- culation d'un des vibrions cholériques, une émulsion d'une cul- ture de ce vibrion dans du bouillon. On peut aussi se servir d'un cobaye neuf ou normal, à la condition d'injecter dans son péritoine, en même temps que Témulsion des vibrions, une petite quantité de sérum d'un autre cobaye immunisé contre ce vibrion. En retirant 10, 20, 30 minutes après Tin- jection une goutte du liquide péritonéal de l'animal ainsi traité, on voit que presque tous les vibrions mobiles sont remplacés par des granules immobiles et ronds. Ce chan- gement de forme est on ne peut plus apparent. On n'observe jamais dans ces conditions les phénomènes d'agglutination que nous avons examinés au chapitre précé- dent, et qui dépendent, nous l'avons vu. des relations de ca- 720 CIIAPirilK XLll pillarité entre le liquide et les corps qui y sont suspendus. Cependant le cliangement de forme que nous relevons ici dépend aussi, autant qu'on peut le voir, d'actions capillaires. Un bacille oblong- ou courbé ne doit, comme nous l'avons Yu dans le premier volume de cet ouvrage, sa forme spé- ciale ([u'à la rigidité de son enveloppe. Si pour une raison quelconque cette enveloppe devient molle et plastique, le microbe doit s'arrondir en vertu des mômes forces de ten- sion superficielle (Tome I, 68) qui arrondissent une goutte d'huile dans l'eau. Ainsi la transformation d'un vibrion cho- lérique en granules témoigne que son enveloppe, assez molle d'ordinaire, s'est encore ramollie dans l'expérience de PfeifPer. Cette induction est confirmée par ce qu'on observe ensuite. On voit, en effet, peu à peu, ces granules se désorganiser, et se délayer dans le liquide ambiant_, si bien qu'ils finissent par disparaître. Ils étaient encore vivants, ou du moins un grand nombre d'entre eux, quand ils étaient à l'état de gra- nules. Une goutte de liquide péritonéal, ensemencée à ce moment sur une gélose nutritive, y donne une foule de colo- nies. Mais ce nombre de colonies diminue à mesure que se fait la transformation glaireuse des granules, et devient nul au bout d'un certain temps. Nous venons donc d'assister à une véritable dissolution, à une véritable dislocation d'un vibrion cholérique. Pfeiffer a. constaté des faits analogues avec des animaux vaccinés contre le bacille de la fièvre typhoïde, et depuis lui les exemples se sont multipliés. Dans chacune de ces expériences, il est intervenu une lysine, et comme toutes ces actions sont spéci- fiques, c'est-à-dire, comme le sérum d'un animal immunisé contre le choléra ne peut rien contre le bacille typhique, comme le sérum d'un animal immunisé contre la fièvre ty- phoïde ne peut rien contre le vibrion ou les vibrions choléri- ques, nous sommes conduits à admettre autant de lysines ([u'il y a de microbes. Or, comme ces lysines sont, suivant toute apparence, des diastases dissolvantes ou décoagulantes, l'idée d'en attribuer une à chaque espèce microbienne est LYSINi:S 721 encore une fois en contradiction complète avec ce que nous avons appris dans le courant de ce livre, où nous avons vu un petit nombre de diastases suffire aux actions les plus variées. 454. Forces diverses en jeu dans le phénomène. — (]eci nous invite à regarder de près dans le phénomène de Pfeiffer, et à faire la ventilation des actions diverses qui s'y trouvent superposées. Dans son ensemble, et en laissant de côté la question de spécificité à laquelle nous reviendrons tout à l'heure, il est tout à fait analogue aux phénomènes que nous avons examinés dans divers chapitres de notre pre- mier volume, et qui se rapportent à l'état de souffrance qu'on impose à une bactérie quelconque en la changeant de milieu. On sait qu'elle en souffre quelquefois jusqu'à périr. Nous avons vu que le simple transport d'une eau dans une autre de composition légèrement différente, suffit à tuer les bacté- ries les moins résistantes de celles que contient la goutte d'eau qu'on ensemence. Les plus résistantes se contentent, comme premier effort, de résister à la mort. Puis, quand elles se sont acclimatées, quand elles ont mis leur protoplasma en rapport d'osmose ou de composition avec le nouveau liquide, elles commencent à pulluler, et, à partir de ce moment, re- peuplent activement le liquide d'une espèce mieux appro- priée à le supporter. Rappelons à ce sujet les curieuses cons- tatations de Hankin sur les eaux de la Jumna et du Gange, où on voit une eau courante être aussi bactéricide qu'une solution de sublimé, et perdre ce pouvoir après une courte ébullition, sans qu'aucun précipité, sans que rien d'apparent explique ce changement de propriétés. Il semble difficile de voir là des actions de diastases. Ce sont des actions d'osmose ou d'oxydation, ce sont des actions de coagula- tion par voie chimique ou physique, comme celles que pro- duisent les antiseptiques ou la chaleur : ce ne sont pas des actions de la nature de celles que nous étudions dans ce livre. Il y a une autre remarque à faire, relative, non à l'es- •i(3 722 CIIAPITIIK XLII scncc du phénomène, mais à une espèce de fantasmagorie qui résulte de son interprétation. On met, par exemple, en expé- rience deux eaux, chacune enfermée dans un matras, et en- semencées toutes deux avec le même nombre des mêmes microbes. A des intervalles de temps variables, on prend une gouttelette de chacun de ces matras, et on l'ensemence sur plaques de gélatine. On voit que, dans toutes deux, le nombre de microbes commence par décroître. Il tombe, par exemple, de 10.000 à 25 dans Tune, puis il augmente à nou- veau, et devient innombrable. Ou bien, il tombe parfois à zéro, et ensuite se relève, ce qui ne veut pas dire (jue les bactéries sont mortes quelques heures, puis ont revécu, mais seule- ment que lorsque au sortir de l'eau, on les a semées sur gé- latine, elles n'étaient pas encore assez fortes pour supporter ce nouveau changement de milieu, et n'ont consenti à se dé- velopper sur gélatine que lorsqu'elles ont été mieux acclima- tées dans l'eau où on les avait introduites. Parfois, enfin, le chiffre des colonies sur gélatine, tombé à zéro au bout d'un certain temps de séjour des bactéries dans l'eau, reste à ce chiffre, et on en conclut légitimement que l'eau a tué les^ bactéries qu'on y avait introduites. Mais ce dont on n'a pas le droit, et ce qu'on fait cependant journellement, c'est de tra- cer un fossé entre cette eau et sa voisine, en disant que Tune est bactéricide, et que l'autre ne l'est pas. Elles le sont toutes deux : l'une l'est seulement un peu plus que l'autre. La transition est continue, et si, pratiquement, il faut faire une différence entre les deux_, de même qu'il faut faire un gagnant dans une course de chevaux, théoriquement, il n'y a pas de différences essentielles entre les forces mises en jeu dans les deux cas. En dehors de ces composantes possibles, l'une physique et objective, l'autre subjective, du phénomène de PfeiH'cr, et dont il faut tenir compte dans son interprétation, il y a une troisième action, d'ordre sûrement chimique, et par là déjà plus spécifique, celle qui se traduit par la gélatinisation de l'enveloppe d'abord, par la digestion ou au moins la dislo- LYSINES 723 cation du protoplasina ensuite. Ici, c'est certainement une diastase qui intervient, qui, en amollissant la membrane d'en- veloppe, libcrc les actions capillaires, et leur permet de donner au protoplasma la forme spliérique, qui, ensuite, en liquéfiant la membrane, permet à ce protoplasma de se dis- socier, ou même en dissout les éléments. 11 se peut qu'il y ait pour tout cela une seule diastase ; il se peut qu'il y en ait deux, il se peut qu'il y en ait plusieurs Mais, pour acqué- rir sur ce point quelques lumières, il faut étudier le phéno- mène de Pfeiffer, et en général les actions où interviennent les lysines, en séparant les phénomènes qui sont d'origine dif- férente et ne doivent pas être confondus. 455. Pliénomène de Ffeiffer «in vitro», — Commençons par lui enlever ce qu'il semble avoir de physiologique, en ce qu'il s'accomplit dans la cavité intrapéritonéale. M. Met- chnikotf a vu bientôt, en l'étudiant, qu'on pouvait le réali- ser in vitro, en empruntant une goutte de lymphe périto- néale à un cobaye neuf, qui n'a subi aucune injection préa- lable, et en. la mélangeant avec une faible quantité d'émulsion de vibrions et de sérum préventif. On assiste, en faisant du tout une goutte pendante, à la transformation des vibrions en granules comme dans le péritoine, et à la dissolution de quelques-uns d'entre eux, si la quantité ensemencée n'est pas trop grande. Il est vrai que la majorité, après s'être transfor- mée en boules, reprend sa forme de vibrions et même sa puissance de multiplication, ce qui prouve, en passant, ce que nous avons dit plus haut, que le vibrion transformé en gra- nules reste quelque temps vivant sous cette forme. L'action nocive continue pour lui dans le péritoine. 11 en triomphe dans la goutte pendante ; mais ceci n'empêche pas les forces en jeu d'être les mêmes partout. La ressemblance est encore plus grande avec le mode opératoire recommandé par J. Bordet, qui remplace la goutte de lymphe péritonéale par du sérum frais d'un animal nor- mal. On laisse tomber sur une lame une goutte de l'émul- 724 CIIAPITRI-: XLII sion obtenue eu délayant par exemple, une culture de vi- brions cholériques, âgée de 24 heures, dans 6 ce. d'une solu- tion physiologique de sel marin. Dans cette goutte on intro- duit environ le contenu d'une anse de platine de choléra-sé- rum. Il suffît alors de mélanger une gouttelette de ce li- quide à une gouttelette de sérum neuf pour voir se dérouler tout le phénomène de Pfeiffer, y compris l'agglutination étu- diée au précédent chapitre. On observe l'immobilisalion, puis la réunion en amas, puis, si le choléra-sérum est frais et ajouté à dose suffisante, la formation de granules. Voilà une exjîérience qui élimine complètement l'organisme, elle n'exige que trois facteurs : le sérum frais, le sérum d'un ani- mal immunisé contre le choléra, et le vibrion. Examinons successivement leur importance. 456. Rôle du claoléra-séruin. — Le plus important en apparence est évideiYimcnt le choléra-sérum, et pour savoir quel rôle il joue, il n'y a qu'à le supprimer, et à chercher ce que devient le phénomène. On trouve que les vibrions ne sont modiiiés que très partiellement, ou même pas du tout dans leur forme. Mais cela ne les empêche pas de mourir. Sur ce point, les découvertes faites sont bien antérieures à la première constatation du phénomène de Pfeiffer. Nous n'a- vons qu'à rappeler les recherches de Fodor, et surtout de Nuttall. et Nissen, qui ont montré que le sang de divers ani- maux était bactéricide pour nn grand nombre de microbes ; celles aussi de Buchner qui a fait voir que le sérum pur, débarrassé de tout élément cellulaire, avait un pouvoir bac- téricide égal à celui du sang. Depuis, ces exemples se sont tellement multipliés qu'il n'y a plus aucun doute. Que conclure de ce fait dans notre interprétation des phé- nomènes ? C'est que, dans l'expérience de Bordet faite avec du sérum ordinaire, l'absence du phénomène de PfeiÛer doit nous faire conclure à l'absence de la diaslase dissolvant l'en- veloppe, mais que la mort des vibrions sans changement apparent de forme témoigne de la présence de ces forces LYSINES 72.> que nous rappelions tout-à-l'heure, et qui président à la des- truction des microbes transportés dans un milieu qui n'est pas le leur ou celui auquel ils sont habitués. Mais ces forces ne sont pas spécifiques, ou plutôt n'impliquent aucun élément spécifique : elles sont banales, et la preuve, c'est que cette action bacléricide des sérums, comme celle du bouillon et de l'eau, s'exerce, je ne dirai pas inditteremment, sur les divers microbes, mais, si elle est variable de l'un à l'autre, elle est Sensible sur chacun d'eux ; du reste elle n'est pas toujours la même sur la même espèce. Pfeiffer a remarqué que l'or- ganisme neuf possède un pouvoir bactéricide faible, mais ca- pable de détruire divers vibrions choléricjues, surtout lors- que ceux-ci, cultivés longtemps sur des milieux artificiels, ont perdu toute accoutumance aux milieux et aux liquides organiques. Nous sommes là très loin des actions spécifiques. En résumé, le phénomène de Pfeiffer comporte une part d'actions que nous avons appelées banales, c'est-à-dire dans lesquelles il n'apparait aucune relation de spécificité bien nette. Mais il semble comporter aussi une part d'action spéci- fique qui se traduit par l'aspect donné à la dissolution du vibrion, et aussi par une relation étroite entre la nature du sérum et celle du vibrion vis-à-vis duquel on l'emploie 45*7. Rôle du sérum normal. — Remplaçons, en effet, dans l'expérience de tout à l'heure, le sérum ordinaire par du sérum d'animal vacciné. En d'autres termes supprimons, dans l'expérience de Bordet, le sérum normal. Nous verrons que si le sérum de vacciné est frais, il immobilise d'abord les vibrions cholériques, les réunit ensuite en amas compacts, puis les Iransforme en boules absolument comme dans le phénomène de Pfeiffer. De plus, et chose essentielle, il se montre surtout actif sur l'espèce de vibrions cholériques contre laquelle a été vacciné l'animal auquel il a été em- prunté. 11 est un peu moins actif sur quelques espèces voi- sines de vibrions cholériques, et sans action sur les autres vibrions ou les autres microbes. 726 CIIAPITIVK XLII Cnci règle, dans ses tt-aifs généraux, la question que nous nous é'àons posée tout à l'heure. Il demeure entendu : 1° Au sujet du sérum normal, qu'il contient des lysines ; partant il transforme en granules certains vibrions de la préparation ; 2" Au sujet du sérum de vacciné, qu'il contient, outre les lysines banales, des lysines spécifiques beaucoup plus actives que le sérum normal ; 3" Au sujet du vibrion, qu'il y en a beaucoup de sensibles aux lysines banales des deux scrums, mais que le plus sensible au sérum de vacciné est le vibrion qui a servi à la vaccination. Le sérum de vacciné diffrre du sérum normal sous un autre point. Si on les chauffe à 5o° environ, ils perdent tous deux leurs lysines, cessent d'être bactéricides, et deviennent au contraire de bons milieux de culture. Mais le sérum de vacciné reste préventif : c'est ce que Frankel et Sobernheini ont monirc les premiers pour le choléra- sérum, et ce qui a été confirmé depuis pour une foule d'autres scrums préventifs et thérapeutiques. C'est dans la présence de cette matière préventive que réside sa spécificité, et celle que nous avons constatée tout à l'heure au point de vue l^actéricide n'est en quelque sorte qu'une délégation de la première. C'est ce qui résulte des curieux résultats suivants de M. Bordet. 458. Travaux de J. Bordet. — Mélangeons à du sérum préventif chaufTé à fiO", c'est-à-dire ayant perdu ses lysines, n'ayant conservé que sa substance préventive, du sérum nor- mal frais et non chaufïé, qui, lui, est faiblement bactéricide : le mélange devient fortement bactéricide, et ses lysines sont spé- cifiques, c'est-à-dire qu'il se comporte comme du sérum de vacciné non chaufTé. La substance préventive, ce que nous pourrions appeler Vimmuni>!.inc du sérum préventif chauffé a donné la qualité spécifique aux lysines du sérum normal, ou plutôt a beaucoup augmenté leur puissance de ce côté, car nous savons qu'elles en avaient déjà une faible. Mélangeons de même du sérum normal, chaufTé à 60", et n'ayant plus aucune puissance bactéricide, avec du sérum LYSINE s 727 de vacciné non chauffé. Le mélange reprend toutes les pro- priétés du sérum de vacciné. Mais ici le résultat est moins imprévu que dans l'expérience qui précède, et dans laquelle nous voyons deux sérums, l'un le sérum neuf, peu bactéri- cide par lui-môme, l'autre le sérum vacciné chauffe, rendu non bactéricide, retrouver par leur mélange des propriétés bactéricides énergiques et en outre spécifiques. Il est évidemment très curieux de constater l'apparition d'un fort pouvoir bactéricide par le mélange de deux liquides qui en étaient l'un très peu pourvu, l'autre totalement dé- pourvu. Rappelons-nous pourtant que ce phénomène n'a plus le droit de nous surprendre. Nous en avons étudié la théorie (198) et nous en avons rencontré souvent des exenî- ples. Le chlorure de calcium est, par exemple, un accé- lérant très actif de l'action de la présure, et l'accélération augmente plus rapidement que la dose. .Des doses de présure et des doses de chlorure de calcium qui, individuellement, sont sans action sur du lait, peuvent le coaguler lorsqu'on les mélange. De même ^^our les acides et diverses diastases. Séparés, les liquides sont sans action; mélangés en certaines proportions, ils en ont une positive ; mélangés en d'autres proportions, ils en ont une négative. J'insiste d'autant plus sur cette analogie qu'elle est sûre- ment moins superficielle qu'elle le parait. Supposons un mélange de diastases agissant sur une substance sur laquelle une de ces diastases peut agir, mais n'agit que faiblement en raison des conditions du milieu. C'est, par exemple, un mélange neutre de présure, d'amylase et de sucrase agissant sur de la farine de châtaignes^ qui contient à la fois du sucre et de l'amidon. Cet amidon reste intact. Arrive un peu d'acide. Le globule est corrodé. Le sucre est encore intact. La dose d'acide augmente, le globule d'amidon n'est plus attaqué, c'est le sucre qui est atteint. Si c'est le globule d'amidon dont nous souhaitons la disparition, nous appel- lerons spécifique tout mélange qui la produira, et nous voyons que, dans cette expérience, l'énergie dans l'action et la spéci- 7^8 ClIAPrniK XJ.II licite sont apportées par une substance qui, non seulement n'est pas spccilique, mais qui peut être quelconque, à condi- iion qu'elle soit acide, et que sa dose soit proportionnée à son activité. Or, il y a sûrement des actions de cette nature en jeu dans toutes les réactions des liquides organiques, sérums, exsudais, humeurs, sécrétions. Presque toutes, sinon toutes, renferment des phosphates, c'est-à-dire les sels les plus curieux et les plus physiologiques de la chimie minérale. Ils sont à la fois colloïdaux comme la fibrine, et dialysahles comme le sel marin ; leur acidité et leur alcalinité varient selon les milieux et la nature des bases qu'ils saturent (383). Les phosphates de chaux donnent naissance, dans des con- ditions convenables, à un phosphate plus basique qui se précipite, et à un sel plus acide qui res!e en solution, etc. liref, il n'y a aucune opération, physique ou chimique, faite sur une solution de phosphates, qui ne puisse amener sur eux des changements de réaction suffisants pour intluer sur l'action des diastases que peut contenir le liquide. Et nous retrouvons ici l'argument que nous avons produit en commençant ce chapitre. Si chaque sérum préventif est absolument spécifique, si, par exemple, comme dans le cas du choléra-sérum, chacun d'eux n'est capable de faire subir le phénomène de Pfeiffer qu'à l'espèce particulière de vibrion cholérique qui a servi à la vaccination de l'animal produc- teur de sérum, il nous faut autant de spécificités, c'est-à-dire dans l'interprétation adoptée, autant de diastases spécifiques qu'il y a d'espèces de vi])rions cholériques. Cela fait déjà beaucoup, et de plus, comme tout semble se passer à peu près de la même façon pour les autres microbes pathogènes, nous voyons apparaître d'abord une multiplicité extrême des diastases, puis une spécificité pour chacune d'elles, spé- cificité contre laquelle proteste tout ce que nous savons le mieux. L'interprétation que je propose réduit beaucoup le nombre de ces diastases, en montrant que l'on peut produire des actions en apparence spécifiques avec des combinaisons LYSINE s l'2{r variées d'actions banales. En particulier, si dans le sérum normal, il y a déjà l'ébauche d'une action spécifique, en ce sens qu'il peut immobiliser, transformer en granules arron- dis certains vibrions d'une culture, toute cause, quelle qu'elle soit, même non spécifique, qui exaltera cette action, aura un caractère spécifique. Or, il suffit, nous l'avons vu, (454) qu'il l'augmente de très peu pour lui donner ce ca- ractère. 459. Origine des lysines. — Nous voilà donc conduits à chercher l'origine de ces lysines, banales ou spécifiques, puisque, dans notre conception, les unes et les autres ne se distinguent plus nettement, et doivent être en germe quelque part. M. Metchnikolf, qui avait déjà attribué les lysines banales, mises en évidence dans les études sur le pouvoir bactéricide du sérum, à la dissolution de leucocytes qui se fait dans ce liquide dès qu'il est extrait de l'organisme, montra qu'il en est de même dans les faits curieux décou- verts par Pfciffer. Il fit voir que le phénomène de PfeifFer peut être observé en dehors de l'organisme, en mélangeant une émulsion de vibrions avec un peu de sérum préventif, et une goutte de lymphe péritonénle contenant des globules blancs. Il fit voir aussi que l'injection de sérum préventif et de vibrions dans une région où il n'y a pas de leucocytes, dans un œdème artificiel par exemple, ne produit pas de transformation en granules. M. Bordet fit voir de son côté que cette transformation, facile à observer aVec le sérum préventif frais d'un cobaye vacciné, ne se faisait pas avec du liquide d'œdème provenant du même animal, et qui est pourtant en quelque sorte du plasma complet. C'est que dans ce liquide d'œdème il n'y a pas de leucocytes, tandis que le sérum est resté en contact avec eux et leurs produits de macération. Ce sont donc les leucocytes qui fournissent, en se dissol- vant dans le sérum du sang de vacciné, la diastase d'apjia- rence si spécifique transformant les vibrions en granules. 730 CHAPITRE XLII Si nos idées sont exactes, cotte diastase doit être normale on banale. Si elle n'apparait pas ou n'apparaît que faiblement ^ans le sérum normal, c'est qu'elle y est trop diluée. Mais en allant la chercher et l'observer dans les leucocytes, on doit pouvoir l'y retrouver. MetchnikofT a constaté, en effet, qu'en inoculant dans le péritoine d'un cobaye neuf, non immunisé, une dose non mortelle de vibrions cholériques, de façon à observer les péripéties de la lutte lorsqu'elle tourne en faveur de l'animal, il y a, comme avec l'animal vacciné, une destruction initiale de leucocytes, répandant leurs diastases dans le liquide ambiant. Mais la quantité en est faible, le phénomène de Pfeiffer n'apparait pas, et les vibrions libres nagent dans le liquide pendant une heure et plus, après quoi de nouveaux leucocytes apparaissent, qui ont eu le temps de se faire à la situation nouvelle créée par l'injection^ et qui commencent à englober les vibrions, Ku bout de cinq à six heures, il reste encore dans le liquide quelques vibrions mobiles et non déformés^ tandis qu'un grand nombre de ceux qui sont dans l'intérieur des leucocytes sont à l'état de granules ronds. Il s'agit pourtant ici des leucocytes d'un animal neuf. Mais la lysine dite spécifique est chez eux à un état de concentration qui lui permet de se manifester. On a pu reconnaître depuis que les autres microbes (B. ty- phique, B. coli, pyocyanique, B. de Friedlander, Ilog-cho- léra, choléra des poules, microbes de M. Danysz), reconnus -susceptibles de se transformer en granulations en dehors des cellules chez les animaux vaccinés, peuvent également subir, chez des animaux neufs, la même modification. Mais ils ne la sul)issent alors que là où la matière bactéricide est la plus concentrée, c'est-à-dire dans les phagocytes. Con- cluons donc que la vaccination ne fait pas naître de toutes pièces l'élément spécifique du sérum de vacciné dans le phé- nomène de Pfeiffer, elle se contente soit d'en augmenter la cjuantité, soit de favoriser sa mise en évidence, et elle pro- duit cette action à l'aide d'une su])stance qui résiste à 55", LYSIXKS 731 et même à 60", et qui, de ce fait, n'est peut-être pas une diastase. Ajoutons, pour accentuer encore le parallélisme, que le sérum neuf peut lui-même, d'après Pfeiffer^ déterminer une transformation au moins partielle en granules des vibrions cholériques, lorsque ceux-ci sont atténués et peu résistants. Nous pourrions étendre beaucoup plus le champ de notre argumentation, montrer, par exemple, que les matières tlites spécifiques, développées par la vaccinalion chez une espèce animale, et ne s'adrcssant en apparence qu'à la bactérie qui erficielle entre le liquide et les matières qu'il tient en suspension, et il y peut y en avoir entre un liquide et des mati-^res minérales. Les lysines dépendent sur- tout de phénomènes d'osmose amenant des dislocations dans im protoplasma vivant. 7:{^ CIIAI^ITIIK XLIl Nous avons dit, dans le courant de ce livre, que tout ce qui était en suspension dans un liquide organique était soumis à ces forces. Nous avons étudié, à propos de la coagulation du sang, les effets auxquels pouvaient donner lieu les change- ments de forme ou la dislocation des leucocytes. Nous avons dit que les globules du sang étaient eux-mêmes des éléments en équilibre dans le plasma, et que de petits changements dans la tension superficielle ou dans les qualités osmotiques du liquide ambiant pouvaient les déformer. On savait par Pasteur que les cultures de bacilles du char- bon amenaient l'agglutination des globules. D'un autre côté, les expériences de Daremberg avaient appelé l'attention sur la destruction de globules qui accompagnait parfois le mé- lange de deux sangs, beaucoup plus stables individuellement. On savait aussi, par Buchner, qu'un sérum donné possède, parfois énergiquement, la propriété de détruire les hématies d'un autre animal. Tel le sérum de lapin sur les globules de cobaye. Buchner avait montré aussi que ce pouvoir giobulicide disparait comme le pouvoir bactéricide, à cette singulière température de 55° qui voit la disparition de toutes les dias- tases que nous savons être d'origine leucocytaire. A cette température l'agglutinine persiste comme dans le sérum des vaccinés. Ainsi nous avons vu que le sérum frais de poule agglutine, puis détruit les globules de lapin. Chauffé à 55", il les agglomère tout aussi fortement, mais il ne les détruit plus. Les hématies restent intactes, et le liquide ambiant ne se colore pas. Ce parallélisme a conduit M. Bordet à se demander si, en injectant à plusieurs reprises, à des animaux neufs, du sang^ défîbriné provenant d'une espèce ditf<''rente, on n'exalterait pas la puissance des aggiutinines et des lysincs de son sérum vis-à-vis de l'espèce de globules injectés, comme cela a lieu pour les vibrions cholériques, et l'expérience lui a mon- tré que le parallélisme se poursuivait sur ce terrain nouveau. Voici les résultats qu'il a trouvés, mis dans un ordre tel LYSINES 7:53 qu'ils l'ésumeut à la fois l'histoire du sérum globulicide et du sérum Ijactéricide qu'on trouve chez les vaccinés. Après cinq ou six injections de 1 ce. de sang défîbriné de lapin, le sérum de cobaye présente les caractères suivants : 1° Mis en contact avec du sang* défîbriné de lapin, il agglo- mère les globules avec une grande énergie. Par exemple, une partie de ce sérum agglutine très fortement les globules rouges contenus dans 15 parties de sang défd^riné de lapin ; 2" Les globules, d'abord agglutinés par ce sérum, présen- tent ensuite des phénomènes de destruction rapide. Si l'on mélange, par exemple, une partie de sang défîbriné de lapin à deux ou trois parties de sérum actif, le mélange devient rouge, clair et limpide au bout de deux ou trois minutes. Au microscope, on ne voit plus dans le liquide que des stromas de globules, plus ou moins déformés, très transparents et assez diffîcilement visibles. 3" Ce sérum actif de cobaye, chautfé à 55" pendant une de- mi-heure (ou même vers 60"), perd la propriété de détruire les globules de lapin, mais il reste puissamment agglutinant ; 4" Si à un mélange de sang défîbriné de lapin et de ce sé- rum préalablement chaufTé à 55", on ajoute une certaine quantité de sérum frais de cobaye normal (qui n'a reçu au- cune injection quelconque) ou de lapin neuf, on fait appa- raître au sein du mélange, dans leur intégrité, les phéno- mènes de destruction. Le mélange devient limpide et rouge au bout de quelques minutes. Chose assez remarquable, l'ex- périence réussit aussi lorsque au mélange de sang défîbriné de lapin neuf et du sérum actif de cobaye chauffé, on ajoute du sérum frais du même lapin. Les globules de ce lapin sont donc devenus sensibles à la lysine ce même lapin, cela sous l'influence d'une substance étrangère et provenant du cobaye soumis aux injections de sang défîbriné ; b° Il va sans dire que les phénomènes ci-dessus mention- nés ne se produisent pas si, au lieu d'employer du sérum de cobaye vacciné par des injections fréquentes de sang défî- briné de lapin, on se sert de sérum de cobaye neuf. Le sérum 73i CIIAPITUI' XLII de cobaye neuf n'est que faiblement agglomérant pour les globules de lapin, et son action destructive sur ces élémenls peut être considérée comme nulle ; 6" Le sérum actif de cobaye traité n'exerce aucune influence sur le sang' défibriné provenant d'un cobaye neuf. Il est éga- lement dénué d'action vis-à-vis des globules rouges de pi- geon. Il agglomère fortement les globules de rat et de souris, mais ceux-ci sont agglomérés énergiquement aussi par le sé- rum de cobaye neuf. Toutefois, le sérum actif est, vis-à-vis de ces globules, supérieur au sérum neuf en ce qui concerne la propriété destructive. Cependant la destruction qui s'eli'ectue dans un mélange du sérum actif et de globules de rat ou de souris est considérablement moins complète et moins prompte que celle des liématies de lapin additionnées du sérum. Il y a donc ici, comme plus haut, apparition de ce que nous avons appelé avec quelques réserves la spécificité. Je laisse de côté certains détails, importants au point de vue de l'immunité, et que le cadre de ce livre nous oblige à négliger pour le moment ; ce qui précède suffit à montrer combien l'histoire du sérum antihématique est calquée sur celle du choléra-sérum. Il suffirait, pour que les pages ci- dessus décrivissent dans leurs principaux traits les propriétés de ce dernier sérum, de remplacer dans celle-ci le mot « glo- bules » par le mot '.< vibrions », et les termes « destruction des globules » par l'expression « transformation granuleuse du vibrion ». 461. Immunisines. — Nous pourrions encore appuyer cette comparaison, ou plutôt cette quasi-identification, dune autre toute pareille entre le pouvoir bactéricide et le pouvoir préventif dun sérum, entre ses lysines et ce que nous appel- lerons ses immunisines. Ces 'deux pouvoirs, un peu schémati- quement représentés par les noms de ces substances, sont dis- tincts, nous l'avons vu. Un sérum préventif chaullé à ()0" perd tout pouvoir bactéricide et conserve sa puissance préventive. jMalgré celte dilTérence, lysines et immunisines se compor- LYS INES 785 teiit de la morne façon. Sans entrer dans le détail des actions, ce qui nous conduirait à nous répéter, nous pouvons dire que le sérum de vacciné emprunte ses immunisines aux leucocytes qui viennent y mourir, et que, inoculé chez un animal neuf, il apporte ces immunisines d'abord aux humeurs de l'animal vacciné, où du reste elles ne séjournent pas longtemps, et où elles sont ensuite absorbées par les leucocytes. Chez ceux-ci, les lysines normales sont exaltées dans leur action et dans leur puissance, absolument comme dans le mélange de sé- rum normal et de sérum préventif. Elles y prennent aussi le caractère de spécificité sur lec[uel nous avons insisté plus haut, et de même qu'une goutte de sérum préventif vaccine contre l'invasion du microbe le sérum normal, de même une injec- tion de sérum préventif vaccine l'animal contre le microbe pathogène qui a servi à vacciner l'animal fournisseur de ce sérum. Ceci est bien démontré pour les immunisines qui protè- gent contre l'invasion microbienne. Pour les immunisines qui protègent contre les poisons microbiens, la démonstration n'est pas aussi nette. On voit pourtant apparaître des relations du même ordre que celles que nous avons signalées. C'est ainsi que MM. Freund et Grosz ont montré les relations qui existent entre les forces qui président à la coagulation du sang et au pouvoir toxique d'un sérum. Mais ces notions sont encore vagues, et il y a un obstacle plus grand, c'est que pour les développer, il faudrait sortir de notre cadre et étu- dier la cellule en elle-même, et non pas seulement comme nous lavons fait dans ce livre, ses sécrétions diastasiques. Déjà, avec les sérums préventifs, nous voyons apparaître la cellule en tant que cellule. Les leucocytes ne se contentent pas de perfectiomier leur outillage de résistance au contact du sérum préventif, ils s'habituent à son action chimiotacti- que, et arrivent non seulement à ne pas souffrir du contact d une culture ou d'une injection du vibrion qui l'a fournie, mais encore à accourir plus rapidement au point envahi, à commencer la lutte plus tôt et avec de meilleures armes. 7;{() CIIAPITIll' XLII Rappelons-nous ce que nous avons dit au déliut de ce chapi- tre au sujet des faibles différences qui peuvent exister entre une eau ou un sérum l)actéricide et une eau ou un sérum non bactéricide. Il en est de même dans l'organisme. Dans une bataille entre deux armées, la victoire peut tenir à quelques minutes gagnées ou perdues, à la présence d'une compagnie de soldats en plus ou en moins sur un point décisif. Cette influence sur la cellule est physiologique et sort de notre domaine, que nous avons dû borner aux faits qui ne dépendent que des lois physiques et chimiques. Nous aurions encore davantage à nous en écarter en abordant le domaine des antitoxines ou des contre-poisons des venins. Ici^ il semble que le rôle de la cellule soit prédominant. 11 l'est encore davantage *dans les questions de vaccination, où la cellule blanche, le leucocyte, semble se revêtir de propriétés nouvel- les, persistantes, différentes en cela de celles qui lui commu- niquent une injection de sérum préventif, et qui disparaissent au bout de quelques jours lorsqu'à été épuisée la provision d'immunisines. Mais cela, c'est la question de l'immunité pas- sive, de l'immunité active, c'est-à-dire, en somme, de l'immu- nité. Il faudrait presque recommencer un nouveau livre pour la traiter. Il nous reste pour terminer celui-ci à faire en quel- que sorte la synthèse des faits qu'il contient. Ce sera notre dernier chapitre. BIBLIOGRAPHJE Pfeiffer. Zeitsch. f. Hyij., t. XVriI, p. 187, 1894. MetchN'IKOFF. /l«/i. de C/nslilut Pasteur, t. VIII, p. 716, 1894. Pfeiffer. Deutsche med. Woch., n» 48, 1891. DOMBAU. Id., n°9, 1895. MetôhnikOFF. Ann. de i/aslilat Parleur, t. IX, p. 369, 1895. BORDET. Id., t. IX, p. 432, 1895, et t. X[, 1898. Fk/VENKEL et SOBERNHEIM. ////;/., Rundschau, 1894. Freund etGaosz. Cenlrabl. f. iiin. Med., :21 sept. 1895. CHAPITRE XLIII CONCLUSIONS GÉNÉRALES Le moment est venu de faire une synthèse générale des notions que nous avons rencontrées dans ce livre. Lés diastases qui y ont été étudiées appartiennent à des types bien différents. Les unes coagulent des substances dissoutes ou en suspension, d'autres liquéfient à nouveau ces coagu- lums formés, ou les empêchent de se faire. Il y a des dias- tases qui, en glissant une molécule d'eau au milieu d'une molécule complexe, la partagent en deux ou trois molécules plus siuiples, comme un coin de fer fend un tronc d'arbre. Celles-ci ont pour antagonistes d'autres diastases qui peuvent reconstituer ce tronc d'arbre en unissant à nouveau ses élé- ments dissociés. Il y a ensuite le groupe des diastases qui portent de l'oxygène sur les corps auxquels elles s'adressent : celles-ci, quand elles empruntent l'oxygène à l'air, sont simplement oxydantes ; quand elles l'empruntent à un corps (|ui le retient plus ou moins fortement, elles sont désoxy- dantes pour ce corps et oxydantes pour un autre. Enfin, nous avons, comme dernier type connu jusqu'ici, les diastases qui disloquent complètement un composé chimique, et se comportent vis-à-vis de lui comme un pétard dans une mu- raille. Telle est par exemple la zymase de Buchner, qui transforme le sucre en alcool et en acide carbonique. 462. Anatomie chimique de la cellule. — Cette dias- tase se comporte comme la levure de bière, et nous avons soulignée, toutes les fois cjue nous l'avons rencontrée, cette analogie entre les diastases et les cellules microbiennes. Ce que les unes peuvent faire, les autres le peuvent aussi, 47 738 CHAPITllR XLIIl et l'étrangeté apparente de cette identité d'action entre quel- que chose de vivant et quelque chose de mort disparait en partie quand on apprend que tout ce que nous pouvons ap- peler manifestation vitale d'un microbe se fait par l'intermé- diaire d'une dia stase, qui peut en être extraite et fonctionner en dehors de lui. C'est ainsi que nous pouvons en extraire une substance qui respire pour la cellule, une autre qui digère pour elle ses aliments, et ainsi de suite. Gomme nous savons, par le premier volume de cet ou- vrage, que la cellule microbienne ne diffère pas foncièrement de la cellule des animaux supérieurs, nos conclusions d'au- jourd'hui ont une portée générale, et les diastases nous apparaissent comme les agents essentiels du fonctionnement de nos tissus. A ce point de vue, elles ont détrôné la cellule. Ce que la cellule conserve^ et qu'on n'a pas pu lui enlever jusqu'ici, c'est la direction de cet ensemble de forces, qu'elle aménage de façon à être un organe à la fois très plastique et très résistant. Elle a à sa disposition un certain nombre,, l^robablement un grand nombre de serviteurs qu'elle fait concourir à son entretien, à son bien-être, à son besoin de multiplication, à tenir son rang et à jouer son rôle dans le monde, à se défendre de la mort. Bref, chaque cellule vivante nous apparaît en quelque sorte comme la cour d'un prince indien, avec sa hiérarchie, son cérémonial immuable et ses domestiques nombreux et tous spécialisés. Voilà donc qu'aj)rès avoir ramené la connaissance de l'être vivant à la connaissance de la cellule^ la science en arrive à chercher la connaissance de la cellule dans celle de ses unités actives. Cette cellule, qu'on a si longtemps douée de l'unité, nous appantit à son tour une machine compliquée où interviennent, parfois harmoniquement, parfois avec des froissements ou des heurts, des forces d'origine très diverse, dont les plus importantes semblent être les actions diastasi- ques. Nous venons de voir, en effet, qu'elles peuvent faire à peu près tout ce que peuvent faire les cellules vivantes, quelles qu'elles soient. Arrêter au passage les aliments con- CONCLUSIONS GENERALES 739^ veiiables en les coagulant ; se délivrer de ce qui est devenu inutile en le liquéfiant et lui permettant de s'écouler ; faire respirer la cellule, fabriquer du simple avec du complexe comme dans toutes les digestions, ou refaire du complexe avec du simple comme dans tous les phénomènes de syn- thèse organique, toutes ces fonctions capitales de la vie de la cellule sont du ressort des diastases. Ceci donne de Tintérôt à leur mode d'action. Gomme les domestiques du rajah dont nous parlions tout à l'heure, elles sont bien distinctes dans leur rôle, mais elles peuvent pour- tant être comparées quant au signe et à la grandeur de l'action qu'elles accomplissent. Y en a-t-il de très actives, d'autres qui le sont moins, d'autres même qui sont passives,, et ont besoin d'une énergie étrangère pour se mettre en mouvement? C'est ce dont on peut se faire une idée en les- comparant au point de vue thermochimique. •463 . Signe thermochimique des actions diastasiques. — Celte question, très importante, n'a pas été étudiée pour toutes les diastases_, mais nous pouvons quand même la résoudre un peu en gros, à l'aide des documents existant déjà dans la science. C'est ainsi que nous pouvons assurer, par exemple, que la zymase de Buchner, qui décompose le sucre en alcool et en. acide carbonique, dégage beaucoup de chaleur dans son action, environ 34 grandes calories pour ce que nous avons- appelé un gramme-molécule de glucose, c'est-à-dire pour le poids d'une molécule de glucose exprimé en grammes. Le dégagement de chaleur est encore sensible pour les diastases oxydantes. C'est ainsi que la chaleur de combustion de l'acide oxalique est d'environ 60 calories, celle de trans- formation de l'hydroquinone en quinone voisine de G calories. Ceci nous rapproche des chaleurs d'hydratation du sucre qui est d'environ 3,8 calories pour le sucre interverti (306), et de 0,8 calorie pour l'amidon soluble (300). La liquéfac- tion de cet amidon donne aussi, suivant toute probabilité^ 740 CIIAPITRI-: XLIIl jiinsi que nous l'avons vu, un dégagement de chaleur encore plus faible. Ainsi, les actions diastasiques que nous connaissons le mieux dégagent des quantités de chaleur très variables, mais mais elles en dégagent toutes. Elles accomplissent toutes un Iravail positif. C'est sans doute là une condition de leur action, .le no veux pas dire par là qu'il ne peut pas y avoir des ac- tions diastasiques qui consomment de la chaleur. Ainsi, il est possible qu'il y ait une diastase, antagoniste de la zymase de Buchner, qui refasse du sucre aux dépens de l'alcool et de l'acide carbonique, c'est-à-dire qui préside à une synthèse analogue à celle qui se fait chez les végétaux chlorophylliens. Mais cette diastase, pour agir, doit em- prunter une énergie étrangère, la demander par exemple à la lumière et à la chaleur solaire, absorbées et utilisées par l'intermédiaire de la chlorophylle. 464. Actions réversives. — Le même mode de rai- sonnement nous conduit à conclure que, seules, pourront être réversives, comme la maltase, les diastases dont l'action s'accompagnera d'un dégagement de chaleur faible ou nul. S'il est faible, on pourra espérer l'atfaiblir assez en changeant les conditions de l'action, la concentration des liqueurs, la température, la qualité ou la quantité des sels présents, pour qu'il devienne nul ou même négatif. S'il devient né- gatif, ce sera l'action inverse qui deviendra positive, et la réversibilité pourra en résulter. Au moins est-ce en général dans ces conditions qu'on observe les phénomènes de réver- sibilité là où on les connaît au point de vue thermique, et il n'y a pas de raisons de croire qu'il en soit autrement à propos des diastases. Comme confirmation de cette manière de voir, nous pou- vons remarquer que partout où nous l'avons rencontrée, Taction de la maltase, la seule diastase douée de la réver- sibilité, s'est montrée très lente et se laissait dépasser par les autres diastases avec lesquelles elle était naturellement CONCLUSIONS GKXKRALES 741 niélangéo. Cela se comprcMul bien si on remarque (juVlle est faible, étant sur la limite tbermique où son action peut devenir inverse. ^165. Mode d'action des diastases. — A cette première notion s'en rattache à son tour une antre, relative au mode d'action des diastases. La manière la plus simple et la plus naturelle de se le représenter est de se figurer la diastase comme une matière subissant elle-même l'action qu'elle produit, puis la faisant subir à ses dépens à la substance sur laquelle agit. Aiusi une diastase hydrolysante, comme la sucrase, commencerait par s'hydrolyser elle-même, puis [)ns- serait à une molécule de saccharose la molécule d'eau qu'elle se serait attachée d'une façon instable. Une oxydase absor- berait l'oxygène de l'air, et le transmettrait ensuite à une molécule d'hydroquiuone. Et ainsi pour les autres. Cette manière de comprendre l'action diastasiqne peut avoir pour elle certains arguments. Elle explique que la diastase ne se détruise pas en agissant, puisqu'elle se reconstitue sans cesse ; elle explique aussi que les diastases oxydantes, la laccase, la tyrosinase, soient facilement oxydables. Mais cette expli- cation ne vaut plus applicpiée à la maltase. On ne se repré- sente pas bien cette maltase fournissant tantôt de l'eau au maltose pour en faire du glucose, et tantôt reprenant cette eau au glucose pour en refaire du maltose. On ne voit pas bien non plus la zymase de Buchner commençant par de- venir elle-même de l'alcool et de l'acide carbonique pour porter ensuite ce mode de dislocation sur le sucre. Il y a une autre façon de se représenter l'action d'une diastase. Mais elle exige quelques développements. 466. Diastases minérales. — L'essence d'une diastase, d'après ce que nous avons vu, et en laissant de côté quel- ques notions évidemment secondaires, telles que leur des- truction sous l'influence de la chaleur, est celle-ci : une diastase est une substance qui, en poids très faible, préside l-i'-Z CHAPITRE XLIII à une transformation cliimique impoi-tante sans y prendre part, et de façon à se retrouver prête à agir quand cette transformation est terminée. Or, à ce point de vue, une goutte d'acide sulfurique est une diastaso, on ce qu'elle peut intervertir théoriquement des quantités illimitées de sucre. Tous les acides sont dans le même cas. Beaucoup de sels, uous l'avons vu, beaucoiqi de substances neutres peuvent agir comme la pepsine ou la présure : or, on ne voit pas bien tous les acides ayant la faculté de prendre une molécule d'eau à l'eau ambiante et de la céder ensuite à une molécule 'de saccharose, comme le voudrait l'explication que nous combattons. On ne voit pas bien non plus un sel de calcium se coagulant pour se décoaguler ensuite au contact du lait en le coagulant. Il faut chercher une autre explication. Remarquons pour cela que ce même acide sulfurique qui est, à sa façon, une diastase, préside aussi à des actions in- Terses ; il peut, dans une éthérification, provoquer la forma- tion d'un éther jusqu'cà ce que la proportion de cet éther ait atteint une certaine limite, et hydrolyser, c'est-à-dire dé- composer cet éther, quand la proportion est dépassée. D'un autre côté, dans une foule d'actions réversibles, accomplies •sous l'influence de ce qu'on appelait autrefois un corps exer- ^^ant seulement une action catalytique ou action de présence, par exemple dans la fabrication du chlore par le procédé Deacon, l'état d'équilibre peut être réalisé en son absence, mais n'est atteint que beaucoup plus lentement. Enfin, on sait aussi que le même fait se réalise dans des actions c[ui ne sont pas réversibles, et c|ui sont seulement des réactions d'équi- libre, en ce sens que l'état stable atteint ne peut l'être que dans une direction, mais non en sens inverse, ce qui rappro- che évidemment ces phénomènes des actions de diastases. Par exemple, la lumière produit sur l'acide iodhydrique une ■dissociation, sur les solutions de chlorure d'or une décompo- sition qui est limitée et non réversible. Or, M. Lemoine, d'un côté, M. Foussereau, de l'autre, ont montré que la lumière n'était qu'un moyen d'arriver rapidement à cet état d'équili- CONCLUSIONS GENERALES 743 Lre qui aurait été atteint plus lentement sans son action, à la même température. Partant de là, nous pouvons dire que de môme l'action d'une diastasc ne fait que réaliser plus vite un état d'équi- libre, résultant seulement des forces chimiques du corps sur lequel elle agit, état qui, réversible ou non, se serait réalisé sans elle, à la môme température, mais dans un temps parfois beaucoup plus long*. Par exemple, dans le procédé Deacon, la réaction qu'on cherche à produire est la réaction 2HC1 4- 0 -- tPO + 2C1 •qui est réversible et aboutit à un certain état d'équilibre. On hâte la formation de cet état d'équilibre, sans en changer la limite en ajoutant un composé solide de cuivre, qui se retrouve théoriquement inaltéré à la fin de l'opération et peut en re- commencer une nouvelle. Ce sel de cuivre est une diastase. 467. Conditions de milieu, — Il est bien entendu que je suppose que les conditions de milieu sont les mômes en pré- sence et en l'absence de la diastase, et ceci nous amène tout de suite à penser à ces acides, à ces bases, à ces sels, à tou- tes ces conditions latérales dont l'action nous semblait si problématique lorsque nous les envisagions comme adjuvan- tes ou paralysantes de la diastase, et qui se dépouillent un peu de leur mystère quand nous comprenons qu'elles font partie de l'action totale au môme titre que la diastase elle- môme. Tout ce que peut faire une diastase peut se faire en de- hors d'elle, nous l'avons vu : le lait peut se coaguler, le sucre s'intervertir au contact des acides, la teinture de gaïac s'oxyder seule à l'air, le sucre donner de l'alcool et de l'acide carboni- que à la lumière, etc. Même il y a des cas où l'action que nous avons appelée latérale joue un rôle prédominant, si bien qu'on pourrait soutenir que la diastase ne fait que venir à son aide. Nous avons vu, par exemple, qu'en liqueur neutre la su- crase n'agissait presque pas sur la saccharose. Ce saccharose 744 CHAPITl'.K XIJII s'intervertit au contraire en présence d'une trace d'acide, sans sucrasc. Quand on fait à la fois agir la sucrase et un acide, quelle est l'action qui aide l'autre? Elles s'aident toutes deux, et le sucre s'intervertit en un temps beaucoup plus court (pie la moyenne des temps qu'il eût demande dans chacune des licpieurs séparées. De môme pour les oxydases. L'iiydroqninone peut être oxydée par des sels, même minéraux, de manganèse, ainsi que nous l'avons vu. L'action s'exalte quand on ajoute de la lac- case, qui est presque inactive qujind on la prive de ces sels. N'est-ce pas ici la laccase qui aide l'action du manganèse plutôt que le manganèse l'action de la laccase ? De même encore, l'acide oxalique étendu s'oxyde lente- ment au contact de l'air : il s'oxyde beaucoup plus vite à la lumière, et même une solution insolée une première fois est ensuite plus oxydable à l'obscurité qu'une îiolution non inso- lée. L'action de la lumière est encore ici une diastase, et elle peut assez imprégner la molécule pour que celle-ci en su- bisse l'excitation alors qu'elle a cessé d'agir. Je reviendrai, dans un mémoire spécial, sur ces phénomènes curieux, dans lesquels on peut voir une action diastasique indépendante de tonte diastase, c'est-à-dire de toute sujjstance autre que celle qui subit l'action ; c'est celle-ci qui la contient en puissance dans rarrangement de la molécule. C'est ainsi qu'une plaque photographique exposée est une plaque imbibée sur certains points de diastase lumineuse. Concluons seulement^ pour le moment, ainsi que nous en avons le droit, que le mode de transformation diastasique, quel qu'il soit, fait partie à l'avance des propriétés de la substance qui le subit. Il y est au moins en puissance, comme les autres propriétés chimiques, qu'il faut aussi l'expérience pour révé- ler. Ici l'expérience révélatrice, c'est la constitution d'un mi- lieu favorable, dans lequel la diastase entre au même titre que les autres corps qui en font partie, et quand nous ver- rons apparaître une action diastasique dans un milieu inerte jusque-là, nous n'aurons pas le droit de dire a prion que c est CONCLUSIONS GENERALES lio- la diastase qui a augmenté ou qui a apparu. Il se pourra aussi que ce soit quelque chose d'autre cjue la diastase. Ces considérations justifieraient, si c'était nécessaire, les détails dans lesquels nous sommes entrés au sujet de ces influences latérales qui viennent favoriser ou contrarier l'ac- tion des diastases. En réalité, elles ont la même importance que les diastases, et c'est très arbitrairement qu'on leur attri- bue un rôle subordonné. On pourra dire^ il est vrai, qu'entre les diastases et les aci- des, les sels, il y a cette différence que la cellule crée ses. diastases tandis qu'elle reçoit ses sels de l'extérieur. Mais elle ne les reçoit pas tous tels qu'elle les utilise, elle les travaille et les modifie. Les phosphates de chaux ne sont pas, par exemple, dans la plante à l'état où ils sont dans le sol, et d'ailleurs il y a des influences latérales que la cellule crée elle-même, par exemple, le tanin. La cellule intervient donc activement sur tous les facteurs du phénomène, et il n'y a aucune raison de les hiérarchiser à ce point de vue. Ils sont tous les représentants de certaines capacités fonctionnelles que la science n'a pas encore appris à débrouiller, mais dont elle percera certainement un jour le mystère. Il faut remarquer en effet que toutes ces études nous font sortir du domaine nécessairement complexe des choses de la physiologie pour nous ramener sur le terrain plus débrous- saillé de la chimie. C'était beaucoup d'avoir ramené en quel- que sorte la science de l'homme à celle de la cellule, devant laquelle on s'est arrêté longtemps. Mais cette cellule est un mécanisme complexe. Nous sommes en train en ce moment d'eu démonter les rouages pour bien comprendre son jeu, et ici nous découvrons que ces rouages sont commandés par des forces chimiques. Ce que nous voyons aussi, et de plus en plus nettement, c'est l'infinie complication du mécanisme. La cour du roi in- dien, dont nous évoquions en commençant l'image, ne donne qu'une faible idée de ce microcosme qu'est la cellule vivante, où la spécialisation est poussée à son comble, où le nombre 746 CHAPITRE XLIII des serviteurs égale celui des besoins, et où, comme consé- quence, il y en a qui chôment pendant que d'autres travail- lent. En revanche, chacun s'éveille lorsque le moment est venu d'entrer en action. Voilà pour le fonctionnement phys'io- logique. Qu'il survienne maintenant un événement imprévu, un ennemi venant de l'extérieur, la cellule n'est pas désem- parée, et ce sont encore les forces physiologiques et anté- rieures au danger qui agissent. Chez les animaux inférieurs, la cellule a une plasticité qui lui permet d'organiser la résis- tance avec ceux de ses éléments normaux qui sont les plus aptes à servir de moyens de défense. C'est une maison blo- quée qui se défend. Chez les animaux supérieurs, où le per- fectionnement a rendu la cellule plus délicate, il y a un corps de police chargé de pourvoir à tous les besoins imprévus, et, ici encore, ce sont des forces physiologiques, antérieurement existantes, qui, exaltées par l'usage, par l'appropriation de plus en plus parfaite à une besogne, entrent en lutte avec l'ennemi venu de l'extérieur. C'est là la conception profonde de MetchnikofT. Chez ces leucocytes, chez ces phagocytes nous avons trouvé des dias tases en abondance, et le travail de Bordet nous a montré que même celles qui semblaient le plus spécialisées, les diastases les plus spécifiques existaient à l'état de serviteurs endormis jusqu'au moment où il fallait agir. Cette prévoyance univer- selle qui a mis d'avance dans la cellule les moyens de con- server tous les biens et le remède éventuel à tous les maux est évidemment, dans son essence, une œuvre moins compli- quée que nous nous le figurons. Nous ne voyons en ce mo- ment que l'infini détail, et c'est lui qui nous étonne. Lorsque nous connaîtrons les lois qui le commandent, nous nous éton- nerons moins, mais nous admirerons davantage. FIN TABLE DES MATIÈRES Préface. PREMIÈRE PARTIE ÉTUDE SYSTÉMATIQUE DES DIASTASES Chapitre I". — Notions générales. i. Alimentation de la cellule vivante par l'extérieur. ... 1 2. Nutrition intérieure de la cellule 2 3. Alimentation chez les cellules des ferments 4 4. Nutrition chez les cellules des ferments 6 ë. Découverte de la première diastase 7 6. Classement général des diastases 9 7. Diastases de coagulation et de décoagulation 10 8. Diastases d'hydratation et de déshydratation 10 9. Diastases d'oxydation et de réduction 11 10. Diastases de décomposition et de recomposition 12 11. Comparaison des diastases avec les ferments figurés. . . 13 12. Disproportion entre l'effet et la cause 14 13. Les diastases ne se détruisent pas en agissant lo 14. Ralentissement graduel de l'action diastasiquo 17 lo. Analogies entre les diastases et les toxines ....... 18 Bibliographie 20 Chapitre II. — Diverses familles de diastases. 16. Principes de la classification adoptée dans ce livre. ... 21 17. Diastases coagulantes et décoaguianles 22 18. Matières albuminoïdes. Présure 23 39692 748 TABLE L)1':S MATI]':iVI^:S 19. Plasmase 23 20. Caséase 2a 21. Fibrinase 23 22. Trypsine 24 23. Papaïne 2i 24. Pepsine 24 25. Matières ternaires et liydratcs de carbone 25 26. Pectase 25 27. Cjtase 26 28. Matières amylacées 27 29. Diastases hydrolysantes des matières alljuminoïdes. . . 28 30. Uréase 29 31. Diastases hydrolysantes des matières amylacées, amylase 30 32. Inulase 30 33. Diastases hydrolysantes des sucres 31 34. Diastases des bisaccharides. Invertine ou sucrase .... 31 33. Mallase 31 36. Tréhalase 32 37. Lactase 32" 38. Diastases hydrolysantes des ghicosides 32 39. Emulsine 33 40. Myrosine 35 41. llhamnase 36 42. Diastases des glycérides. Lipasc 3& 43. Diastases oxydantes 38 44. Laccase 39 45. Tyrosinase ^^ 46. Diastases désoxydantes. Philothion 40 47. Zymases ■ • 41 48. Autres diastases moins connues 41 Bibliographie 41 Chapitre III. — Sécrétion des diastases dans les graines. 49. Sécrétion des diastases dans l'orge en germination . ... 43 50. Dissolution de la cellulose 46 51. Dissolution de l'amidon 47 52. Parasitisme de l'embryon 49 53. Aliments préférés de l'embryon 51 54. Action de l'embryon sur l'amidon 52' 55 Influence des sucres sur la sécrétion 53 56. Sécrétion de la cytase 54 TABLE DES MATIERES 7i9 57. Diaslases normales du grain d'orge 56 58. Mesure des quantilés de diastase 56 59. Sécrétion de diastase en dehors du scutellum 58 Bibliograiihie 60 Chapitre IV. — Sécrétion des diastases dans les organes foliacés. 60. Résumé des faits acquis 61 61. Diastnse des fouilles 65 62. Mesure de la quantilé d'amidon 66 63. Etude delà diastase 68 6i. Mesure de la quantité de diastase 69 65. Variations périodiques de l'amylase 71 66. Nutrition de la cellule 73 67. Diastases des glucosides 75 68. Localisation de l'émulsine et de Tamygdaline 76 69. Localisation de la myrosine 78 Bibliograiihie 80 Chapitre V. — Causes qui influent sur la sécrétion des diastases. 70. Diaslases de rnspergillus glanais 84 71. Diastases du pcnicillinm glaucum 86 72. Digestion chez les animaux supérieurs 88 73. Sécrétions gastriques 90 74. Sécrétions pancréatiques 91 75. Expériences de Cl. Bernard 92 Bibliographie 93 Chapitre VI. — Préparation des diastases. 76. Préparation de la solution de diastase 94 77. Etat des diastases en solution 95 78. Précipitants des diastases 98 79. Précipitation par l'alcool 99 80. Méthode de von Wittich 102 81. Méthode de Gohnheim 103 82. Méthode de Brûcke 104 83. Méthode de Danilewski 105 750 TABLE DES MATIERES 84. Les diastases sont-elles dialysables 10& 85. Composition des diastases 108 86. Amylase 109 87. Papaïne 109' 88. Sucrase 109 89. Emulsine 110 90. Pepsine 110 91. Recherches de Wroblewski 111 92. Recherches de G. Bertrand 113 93. Rôle des cendres 115 Bibliographie Hd Cliapitre VII. — Individualité des diverses diastases. 9i. Causes d'erreur, ingérence des microbes 117 9o. Collage des diastases 118 96. Multiplicité des diastases produites par un même microbe 119 97. Séparation des diverses diastases 120 98. Travaux de M. E. Eischer 12^ 99. Genres et espèces dans les diastases 126- Bibliograpliie 128^ Cliapitre VIII. — Lois générales de l'action des diastases. 100. Comparaison avec l'action des acides 129^ 101. Conditions d'une étude précise des diastases 134 102. Expériences de MM. 0' Sullivan et Tompson 134 103. Expériences de Duclaux 136 104. Expériences de Dubourg 137 lOo. Réaction des produits formés sur l'action de la diastase . 138 106. Formule provisoire 142 Bibliographie 147 Cliapitre IX. — Mesure des constantes. 107. Etude de la constante n 148^ 108. Influence des produits de l'action 149 109. Influence de l'hétérogénéité de la matière qui se transforme 149 110. Influence de la température 150 m. Réversibilité des phénomènes diastasiques 150 112. Mesure de la constante m 152: TABLE DES MATIERES 751 113. Influence de la quantité de diaslase 155 114. Généralisation de ces résultats 157 115. Vérifications expérimentales 159 116. Influence de la quantité de sucre 159 117. Influence de la quantité de diastase 160 118. Etude delà présure 162 119. Expériences de 0' Sullivan 16i 120. Expériences de Moritz et Glendinning . 167 121. Diastases réversibles 168 Bibliographie 169 Chapitre X. — Influence de la température sur les actions diastasiques. 122. Influence de la température sur la constante a 172 123. Présure 174 124. Sucrase 176 125. Température optima 179 126. Variations dans la température du maximum d'action. . 180 127. Action de la chaleur sur les diastases seules 182 128. Résultats de M. Miquel 183 129. Température mortelle 185 130. Expériences de MM. 0' Sullivan et Tompson 186 131. Expériences de M. Lorcher sur la présure 186 132. Action de la chaleur sur la substance soumise à l'action de la diastase • . . 188 133. Etude du lait 188 134. Etude de l'amidon 189 135. DifTérences entre les divers amidons 192 136. Interprétation du maximum observé k propos de l'action des diverses diastases 193 137. Influence de la destruction de la diastase pendant l'action qu'elle produit 195 138. Comparaison de divers échantillons d'une môme diastase . 196 139. Influence de la dessiccation 198 Bibliographie 200 Chapitre XI. — Influence de la chaleur sur les toxines et antitoxines. 140. Méthodes de mesure 201 141. Mesure des effets de la chaleur 203 752 TAULE DKS M ATI K RE S 112. ChaulTage de la toxine diphtérique 205 143. Chauffage de la toxine tétanique 20o 144. Mesure de l'activité d'une toxine 206 145. Chauffage des venins 207 146. Sérums antitoxiques 209 147. Action de la chaleur sur les antitoxines 211 148. Alexines de Buchner 212 149. Extraits leucocytaires de Jacob 213 150. Extraits leucocytaires de Lowit 213 loi. Extraits leucocytaires de Schattenfroh 213 liiùliogrnpliii' 215 Chapitre XII. — Influence de l'électricité sur les diastases. 152. Action des courants continus 217 153. Expériences de M. Marmier 219 Bihliographie 220 Chapitre XIII. — A.ction de la lumière sur les diastases. 154. Expériences de Downes et Blunt 221 155. Etudes de Green 223 156. Protection de la diastase contre la lumière, dans la feuille vivante 225 157. Effet des diverses parties du spectre 226 158. RésullaLs de Green 227 159. Spectre d'absorption des liquides diastasifères 229 Bibliographie 232 Chapitre XIV. — Influence des acides et des alcalis sur les diastases. 160. Moyens d'étude 233 161. Action des acides 234 162. Action des alcalis 235 163. Maximum d'action dans le cas des acides 237 164. Méthodes de mesure 238 165. Résultats 238 166. Expériences de MM. O'SuUivan et Tompson 241 167. Amylase • 243 168. Pepsine 244 TARLE DES MATIKRES 7o3 169. Etude du maximum observé dans tous les cas 248 170 Expériences de M. A. Fernbach 219 171. Action de l'acidité ou de l'alcalinité à la chaleur sans oxy- dation 250 172. Conclusions 251 Bibliographie 254 Ctiapitre XV. — Phénomènes de coagulation. 173. Etude du phénomène de la coagulation 256 174. Solution et pseudo-solution 257 170. Réaction de Tyndall 259 176. Expériences de Picton et Linder 260 177. Causes de la rupture d'équilibre 262 178. Adhésions moléculaires 263 179. Filtration des solutions non coagulables 265 180. Filtration des solutions coagulables 266 181. Infiltration des solutions de matières albuminoïdes. . . . 267 182. Coagulation sur un coagulum déjà formé 268 183. Irrégularités dans tous ces phénomènes 269 184. Soudures moléculaires 272 185. Soudures physiques 274 186. Phénomènes de teinture 277 Bibliographie 280 Chapitre XVI. — Coag-ulation de la caséine. 187. Expériences de llammarsten 281 188. Expériences de G. Courant . . 282 189. Réactifs colorés des phosphates 284 190. Expériences de M. Houdet 283 191. Interprétation des résultats de G. Courant 285 192. Coagulation par la présure 289 193. interprétation de ces faits 290 194. Objections 291 195. Action des sels de chaux sur le lait 293 196. Théorie des phénomènes 296 197. Comparaison de la théorie avec l'expérience 301 198. Effets divers de la superposition des forces dans la coagu- lation 302 199. Etude des sels neutres 305 48 754 TABLE DES ^FATIERES 200. Résultais de Lorcher 307 Bibliographie 309 Chapitre XVII. — Coagulation du sang. 201. Constitution du sang 311 202. Formation du dépôt de fibrine 312 203. Etude chimique du sang 314 204. Plasmase du sang 316 203. Unité de la plasmase 318 206. Recherche de la plasmase 318 207. Préparation delà plasmase o20 208. Mécanisme de la coagulation 32i 209. Critique des anciennes interprétations 222 210. Résumé 324 211. Origine de la plasmase 323 212. Circonstances qui provoquent la mort des leucocytes . . 328 213. Influence de la tension supei'ficielle du leucocyte 328 214. Plasmase du sang normal 331 Bibliographie 332 Chapitre XVIII. — Coagulation de la pectine. 215. Caractère diastasique de la pectase 334 216. Mécanisme de la coagulation 335 217. Action des sels neutres 337 218. Action des acides 337 219. Conséquences pratiques 338 Bibliographie 339 Chapitre XIX. — Proenzymes ou prodiastases. 220. Etude théorique des phénomènes 340 221. Variations dans l'activité de la diastase présente .... 341 222. Variations dans la quantité libre de la diastase présente . 342 223. Variations dans l'élimination osmotique des diastases cel- lulaires 343 224. Proprésure et présure 346 223. Propepsine et pepsine 349 22G. Proplasmase et plasmase 331 .227. Proamylase et amylase 353 BiMiograpkif 334 TABLE DES MATIERES 755 Chapitre XX. — Sécrétion cellulaire des diastases. •228. Méthode opératoire 357 229. Procédés de mesure 3S8 230. Expériences de A. Fernbacli 3o9 231. Marche de la sécrétion de sucrase 361 232. Marche de la production de sucrase 362 233. Sucrase des levures 364 234. Sucrase du liquide et sucrase des cellules 363 235. Influence de la vie aérobie et anaérobie 365 236. Influence des diverses espèces de levures 367 237. Influence du milieu 367 Bibliographie 370 Chapitre XXI. — Paralysants des diastases. 238. Accélérants et paralysants 371 239. Les paralysants d'une diastase peuvent être des accélé- rants d'une autre diastase 373 240. Résultat de W. (3. Moraczewski 373 241. Influences variées de l'acide carbonique 374 242. Paralysants de la présure 376 243. Paralysants de la sucrase 378 244. Action des divers agents antiseptiques 379 245. Paralysants produits par l'action diastasique 380 246. Paralysants de l'émulsine 381 247. Lois de ces réactions 384 248. Expériences de Tammann 386 249. Influence des quantités de diastase 387 2o0. Influence de la température 388 Bibliographie 390 Chapitre XXII. — Liquéfaction de l'empois d'amidon. 251. Amylase et dextrinase 392 '252. Action de l'iode comme réactif 393 253. lodure d'amidon 394 254. Disparition de la teinte bleue donnée par l'iode 398 255. Expériences de Musculiis 398 256. Expériences de Pottevin 400 7:j() 'ÏAVAA-: Di:s matières 2o7. Ce que c'est qu'une dextrine 403 Bibliographie 404 Ciiapitre XXIII. — Théories de la saccliarification. 258. Phénomènes généraux 40o 259. Tliéories dePayen et Musculus 406 260. Théories de O'Sullivan 409 261. Objections 410 262. Dextrines résiduelles 413 263. Propriétés de la dextrine 416 264. Influence de la température sur les propriétés de la dias- tase 418 Biblionraphie 421 Cliapitre XXIV. — Marche des phénomènes dans le brassage. 265. Liquéfaction de l'empois 422 266. Amidon soluble 422 267. Mesure des pouvoirs rotatoires 423 268. Dextrinification de l'amidon soluhie 427 269. Dextrine non réductrice 428 270. Analyse des mélanges de dextrine et de maltose 429 271. Saccharification de l'amylodextrine de Naegeli 431 272. Saccharification de la maltodextrine 431 273. L'amylodextrine et la maltodextrine sont-eiles des corps définis 435 Bibliographie 437 Chapitre XXV. — Marche de la transformation des dextrines. 274. Moyens d'étude 439 275. Expériences de Brown et Morris 441 276. Action de la chaleur sur la saccharification 444 277. Action delà chaleur sur les difi'érents amidons 448 278. Action de la chaleur sur la dextrinase 450 279. Marche générale de l'action 454 Bibliographie 454 TABLK DKS MATII-:RKS Chapitre XXVI. — Genres et espèces dans les diastases. 280. Etude théorique du problème 4o6 281. Etudes de M. Laborde sur l'amylomaltase 4o8 282. Comparaison des amylomaltases 460 283. Etudes de M. Ilanriot sur la lipase 461 284. Comparaison des pepsines 462 28o. Expériences de M. Wroblewski 464 Bibliographie 468 DEUXIEME PARTIE ÉTL'DE PARTICCLIÈRE DES DIVERSES DIASTASES Chapitre XXVII. ~ Aniylase. 286. Observations préliminaires 471 287. Amylase des plantes 472 288. Amylase dans le règne animal 474 289. Amylase des microbes . 477 2 30. Amylase du malt 478 291. Amylase des organes foliacés -482 292. Influence de l'amidon 483 293 Action de l'amylase sur l'amidon d'orge non gelatinisé. . 484 29V. Influence du mode de gélatinisation 48o 290. Amylase salivaire 487 296. Action de la chaleur 487 297. x\ction des acides 488 298. Action des bases 490 299. Action des sels 491 300. Chaleur de transformation de l'amidon en malloso. . . . 492 Bilj/in(jraphie 496 Chapitre XXVIII. — Sucrase. 301. Sucrases microbiennes 498 302. Sucrases végétales. . . * 499 758 TABLE DES MATIERES 303. SucrasGs animales S60 304. Préparation de la sucrase SOI 305. Lois de l'action 50a 306. Chaleur de transformation du saccharose en sucre inter- verti. . . • 503^ Biblioyraphie 503^ Chapitre XXIX. — Maltase, tréhalase et lactase. 307. Maltase 50& 308. Préparation de la maltase 309 309. Influence des quantités de maltase 510 310. Influence de la température . 510- 3il. Influence des matières présentes au moment de l'action. . 512; 312. Action des acides et des bases 513 313. Action des sels 513 314. Action des alcaloïdes 514 315. Action des alcools et des aldéhydes 514 316. Action des essences 515 317. Action du bichlorure de mercure 515- 318. Action du chloroforme 516 319. Réversibilité de l'action de la maltase 516 320. Procédés de dosage de M. Hill 518- 321. Démonstration de la réversibilité 521 322. Conditions du phénomène de la réversibilité 523 323. Hydrol^-sation et synthèse cellulaires 525 324. Tréhalase 525- 325. Lactase 526 Bibliographie 527' Ch.apitre XXX. — Diastase glycolytique. 326. Travaux de Lépine 528- 327. Travaux d'Arthus 529 328. Origine de la diastase glycolytique 530» 329. Etude de la diastase 531 Bibliographie S3t Chapitre XXXI. — Lipase. 330. Emulsion S35 331. Saponification 53T TABLE DES MATIERES "o» 332. Recherches de M. Ilanriot 53» 333. Lipases végétales o39 334. Extraction de la lipase 539" 335. Dosage de la lipase 539 336. Influence de la température 540' 337. Mesure de l'activité S'il 338. Difïérences des lipases de diverses origines 54^ 339. Influence des acides et des hases o42 Bibliograijhie 543- Chapitre XXXII. — Uréase. 340. Lois de l'action de l'uréase 545 341. Action de la chaleur o'i6 342. Action des alcalis o47 343. Action du sucre et de la glycérine 548 344. Action des antiseptiques 549 345. Antiseptiques énergiques 551 Bibliographie 55i' Chapitre XXXIII. — Diastase alcoolique ou zymase. 346. Travaux de Ed. Buchner 354 347. La fermentation est due à une diastase 5j6- 3*8. Dialvse et filtration poreuse 557 349. Conservation du suc de levure 559 350. Action de la chaleur 560 351. Action sur les divers sucres 561 352. Rendement en zymase 562 353. Influence de l'arsénite de potasse 563 Bibliographie 56 1 Chapitre XXXIV. — Oxydases. 355. Oxydation respiratoire 565 356. Recherches de Schmiedeberg 567 357. Recherches de Jaquet 568 358. Expériences antérieures 570' 359. Recherches de M. G. Bertrand 572 360. Caractères de l'oxydation produite par la laccase .... 573. 361. Constitution des corps oxydables par la laccase 57G. 7(iO TABJ.K JJKS MATII-MIKS 362. Klude des cendres de la laccase 577 3()3. Recherche de la laccase 580 364. Dillusionde la laccase oSS 36'). Autres diastases oxydantes 582 366. Tvrosinase 583 367. Diastases de la casse du vin 583 368. Coloration du cidre 587 369. Coloration du pain bis 588 370. Conclusions 588 Bibliographie L88 Chapitre XXXV. — Frésure. 371. Présure animale 589 372. Présures végétales 591 373. Présures microbiennes 593 374. Préparation de la présure commerciale 594 375. Action sur le lait 596 376. Influence de la température 600 377. Force d'une présure 602 378. Intluence de la nature du lait 603 379. Influence des sels présents dans le lait 604 380. Action des antiseptiques 608 Bihliocjraphic 609 Cliapitre XXXVI. — Caséase 381. Action de la caséase. . 610 382. Caséase des ferments de la caséine 011 383. Caséase dans le fromage de Brie 612 384. Caséase des levures 614 385. Diaslase dissolvant la gélatine Ci6 386. Conclusion des faits qui précèdent 017 387. Travaux de Fermi 618 388. Identité de la caséase, de la trypsine, et de la diaslase dis- solvant la gélatine C20 389. Caséase du pancréas 621 390. Lois de l'action de la caséase 622 Bibliographie 623 TABLE DKS MATIERES 761 Chapitre XXXVII. — Fepsine. 391. Notions sur les matières albuminoïdes 62o 392. Peptonisation 630 393. Peptones 632 394. Réaction du biuret 633 395. Pepsines végétales 634 396. Pepsines microbiennes 636 397. Pepsines animales 637 398. Suc gastrique chez l'homme 6U 399. Présence de l'acide lactique 641 400. Sécrétion de la pepsine et de l'acide chlorhydrique. . . . 641 401. Préparation de la pepsine 614 402. Acidité du milieu 6t7 403. La pepsine est-elle une diastase simple ■? 018 404. Etude de l'action peptonisante 63 1 405. Action de la température 632 406. Activité d'une pepsine 652 407. Méthode de Brucke 653 408. Méthode de Petit 634 409. Action des bases 655 410. Action des acides 635 411. Action des sels 636 Bibliographie 658 Chapitre XXXVIII. — Trypsine et papaïne. 412. Leucine et tyrosine 660 413. Trypsines microbiennes 661 411. Trypsines animales 663 415. Trypsines végétales 66'i 416. Méthodes de préparation de la trypsine 664 417. Mesure de l'activité d'une trypsine 666 418. Etude delà méthode de Mette 668 419. Procédé d'Arthus 670 420. Action de la chaleur 671 421. Action des acides et des alcalis 671 422. Action des sels 672 423. Digestion chloroformique 672 Bibliographie 673 7G2 TAlîLE DKS MATIERES Chapitre XXXLX. — Plasmase. 424. Plasmase des tissus 676 425. Coagulation du sang d'oiseau 07 7 126. Coagulation du sang des reptiles, des batraciens et des poissons 679 427. Coagulation du sang des mammifères 679 428. Recherches de Lilienfeldt 680 429. Action coagulante de la nucléine 681 430. Action antagoniste de l'histone 683 431. Propriétés de la plasmase 684 432. Préparation d'un plasma pur 684 433. Action de la chaleur 685 434. Action de la dilution 685 435. Action des gaz 685 436. Action des sels neutres 686 Bibliographie 687 Chapitre XL. — Thrombase. 437. Thrombase de l'extrait de sangsue 688^ 438. Thrombase de l'histone et de la cytoglobine 690' 439. Action anticoagulante de la peptone 691 440. Origine de la thrombase 693 441. Thrombase du sérum d'anguille 695 442. Origine de la thrombase 696 443. Thrombase des extraits d'organes 697 444. Thrombase chez les colloïdes artificiels 699^ 445. Origine de la thrombase 700 Bibliographie 703- Chapitre XLI. — Agglutinines. 446. Agglutination 705^ 447. L'agglutination est une coagulation 706 448. Matière agglutinable 708 449. Etude du liquide de culture 709 450. Etude du sérum 711 451. Diifusion de la substance agglutinante 712 4o2. L^ réaction agglutinante est-elle spécifique? 713 TABLE DES MATIERES 763 4o3. Agglutination avec les substances chimiques 715 4oi. Mesure du pouvoir agglutinant 717 Bibliographie 718- Chapitre XLII. — Lysines. 403. Phénomènes de Pfeiffer 71î> 404. Forces diverses en jeu dans le phénomène 721 455. Phénomène de Pfeiffer in vitro 723^ 4o6. Rôle du choléra-sérum 724 437. Rôle du sérum normal 725^ 438. Travaux de J. Bordet 72& 439. Origine des lysines 729 460. Agglutinines et lysines des globules rouges 731 461. Immunisines 734 Bibliographie 736- Chapitre XLIII. — Conclusions générales. 462. Anatomie chimique de la cellule 737 463. Signe thermochimique des actions diastasiques 739 464. Actions réversives 740 463. Mode d'action des diastases. . 741 466. Diastases minérales 741 467. Conditions de milieu 743- FIN TABLE ANALYTIQUE Agglutination, 705 ; — son carac- tère, 706, 713 ; — par des sub- stances chimiques, 715. Agglxjtinines, 70i ; — dans le cho- léra-sérum, 705 ; — dans les liqui- des de culture, 709. Alexines, 213. Amidon, constitution, 62 ; — dosage dans les feuilles, 66 ; — sa disso- lution dans l'orge 47, 484 ; — action de 1:1 chaleur 188, 418 ; — action de l'iode, U93 ; — sa saccharilication, 405 ; — influence du mode de géla- tinisation, 485. Amidon soluble, 398 : — de Mus- culus, 399 ; — de Nœgeli et Lint- ner, 423 ; — de Pottevin, 400 ; — son pouvoir rotatoire, 423, 426 : — sa dextrinitication, 427. Amylask, composition, 109, 111 ; — sécrétion dans l'orge, 43 : — dans les feuilles, G5, 71, 482 ; — dans les plantes, 472 : — chez les animaux, 474 ; — chez les microbes, 477 ; — dans le malt, 478 ; — dans la salive, 487. — Lois de l'action, influence des quantités, 160. 166 ; — action des acides, 24?, 488 ; — des bases. 490 ; — de la chaleur, 487 ; — des sels, 491 ; — chaleur d'hydrolysa- tion, 151, 492. — Distinction avec la dextrinase, 332. AMYLOCELLrLOSE, 396 ; sa distinc- tion avec la granulose, 397. Amylodextkine, 431. Amylomaltases, 4.58 : — leur com- paraison, 460. Antitoxines. Méthodes de dosage, 210 ; — action de la chaleur, 211. Caséase, 610 ; — microbienne, 61 1 : — des levures, 614 ; — du pancréas, 621 ; — comparaison avec la tryp- sine et la diastase dissolvant la gélatine, 620 ; — lois de l'action, 622. Caséine. Son extraction, 281 ; — ses propriétés, 285 ; —coagulation par la présure, 289. Cellule. Nutrition intérieure, 2, 6, 73. Coagulation, 256 ; — de la caséine. 281 ; — du sang, 321 ; — de la pec- tine, 333 ; — a(,'tion des sels, 293; — théorie des phénomènes, 293. Cellulose, Sa dissolution dans l'or- ge, 46. Chaleur. Action sur les transfor- mations diastasiques, 171 ; — tem- pérature optima, 179 ; — mortelle, 185 ; _ ses variations, 180 ; — ac- tion sur la diastase seule, 182 ; — sur la substance qu'attaque la diastase 188 ; — sur les diaslases sèches, 198. Cytase, 26 ; sécrétion dans l'orge germé, 54. Dextrinase, 392 ; — action de la chaleur, 450. 706 TABLE ANALYTIQUE Dextrines, 403 ; — résiduelles, 413, 439 ; — leurs propriétés, 416 ; — influence de la température, 418, 445; — pouvoir rotatoire, 426 ; — pouvoir réducteur, 428 ; — étude des dextrines de saccharification, 441. DiASTASES. Découverte par Payen et Persoz, 8 ; — classement, 9 ; — hydratantes et déshydratantes, 10 ;— oxydantes et désoxydantes, 11 ; — d'analyse et de synthèse, 12 ; — comparaison avec les cellules de ferments, 14 ; —avec les toxines, 18 ; — ne se détruisent pas en agis- sant, 15. — Etat en solution, 96 ; — dialyse, 106 ; — composition, 108 ; — rela- tion avec la composition des corps sur lesquels elles agissent, 122, 576; — genres et espèces, 126, 196. — Préparation par l'alcool, 99 ; — méthode lie von Wittich, 102; — de Cohnheim, 103 ; — de Brucke, 104 ; —de DanileAvski, 105; — leur séparation, 120. — Sécrétion dans l'orge, 43 et 58 ; — dans les organes foliacés, 61, 68, 224 ; dans VaspergU/ns, 84, 3C0 ; — dans le pénicillium, 86 ; — dans les levures, 364 ; — dans l'estomac, 90; — dans le pancréas, 91. — Lois de l'action, 129 ; — influence des quantités, 156, 161 ; — du temps, 163 ;— des produits de l'action, 150 ; — de la température, 172 ; — de l'électricité, 217 ; — de la lumière, 222 ; — des acides et des alcalis, 234 ; — des paralysants, 871 ; — réversibilité de l'action, 151, 169 ; — de l'acide carbonique, 374. — Mesure des quantités ; amylase, 56,69; sucrase, 358; - lipase, 539; — agglutinines,717; — présure, 602. — Genres et espèces de diastases, 455. DiASTASE Gr.YCOLYTIQUE, 528 ; — ses ori:ines, 530 ; — lois de l'action, 532. DiASTÂSE LIQUÉFIANT LA GÉLATINE, 616. E Electricité. Action sur les toxines, 217; — courants continus, 218 ; — courants alternatifs, 219. Emulsine, 33 ; — sa localisation dans les feuilles, 76 ; — composi- tion, 110 ; — lois de l'action, 113 ; — sels paralysants, 3S1 ; — in- fluence delà température 386,388; — des quantités de diastase, 387. Emulsion. Ses conditions physiques, 535. F Fibrinase, voir Plasmase, 23. Filtration poreuse, 266 ; — des substances coagulables, 267 ; — des matières albuminoïdes, 268. G Granulose, 396. Ixulase, 80. lODURE d'amidon, 394. Laccase, voir Oxydases. LâCTAse, 32, 526. Lipase, 36, 535 ; — du sérum et du pancréas, 451, 53S ; —végétale, 539 ; — lois de l'action, 589 ; — in- fluence de la température, 540 ; — des acides et des bases, 542. Lumière. Action sur les diastases, 221 ; — influence des diverses ra- diations, 226. Lysines, 718 ; — du choléra-sérum, 718. TABLE ANALYTIQUE (07 M Maltâse, 31, 566; — préparation, 509 ; — lois de l'action, 137, 510 ; — influence de la température, 510 ; — des acides et des bases, 513 ; dessels, 513; — desalcools, 514 ; — — du bichlorure de mçrcure, 515 ; réversibilité de l'actiorf, 516. Maltodextrixe, 434. Maltose. Pouvoir rotatoire et réduc- teur, 426, 430. Matières albuminoides, 625. Myrosine, 35 ; — sa localisation dans les crucifères, 78. Présure, 23, 590; —animale, 590 : — végétale, 593 ; — microbienne, 593; préparation, 594 ; — lois de l'ac- tion. 162, 596 ; — influence de la quantité, 1B3 : — de la température, 174, 186, 600 : — de la lumière, 222 ; — action sur le lait, 289, 596, 603 ; — influence des sels, 305, 604; des sels paralysants, 376, 608 ; — force d'une présure, 602. Proenzymes ou prodiastases, 310; — proamylase, 353 ; — propepsine, 349 ; — propapaïne, 343 ; — propré- sure, 346 ; — propepsine, 34!J. O Oxydases, 38 ; — laccase, 39 ; — sa composition, 113, .577 ; — dans les tissus, 567 ; — dans les végé- taux, 571, 582 ; — étude des cen- dres, 577 ; — tyrosinase, 40, 583 ; — oxydase de la casse du vin, 585 ; — du noircissement du cidre, 587 ; —du pain bis, 588. Papaixe, 24 ; — composition, 109. Paraly'sants des diastases, 371 ; — produits par la diastase elle- même, 380 ; — lois de l'action, 384. Pectase, 25, o34 ; — influence des sels, 337 ; — des acides, 337. Pectine, préparation, 335. Pepsine, 24 ; — composition, 110 ; — diverses pepsines, 462 ; — végéta- les, 634 ; — microbiennes, 636 ; — animales, 637 ; — action des aci- des, 247. Peptoxes, 630, Phéxomèxe de Pfeiffer, 718. Pouvoirs rotatoires. Mesure, 423. Philothiox, 40. Phosphates du lait, 282. Plasmase, 23, 316 ; — préparation, 320 ; — son origine dans le sang, 325. Saccharificatiox. Théorie de Payen, 406 ; — de Musculus, 406 ; — de O'Sullivan, 409 ; — de Duclaux, 452. Sang. Sa constitution, 310 ; — sa coagulation, 312. Saponification. Sa nature, 537. SucRASE. Des microbes, 498 ; — des végétaux, 499 ; — des animaux, 500 ; préparation, 501 ; — compo- sition, 109. — Etude de la sécrétion, 357 ; — dans Vaspergillus)iiger,3Q0 ; — dans les levures, 364 . — Lois de l'action, 134, 151, 165 ; — influence de la température, 176, 186 ; — de la lumière, 222 ; — des acides, 235 ; — des alcalis, 250 ; — des sels, a78. — Chaleur d'hydrolysation, 503. T Thrombase, 688 ; — de l'extrait de sangsue, 688; — de l'histone et de la cytoglobine, 690 ; — de la pep- tone, 691 ; — du sérum d'anguille, 695; — des extraits d"organes,697 ; — des colloïdes artificiels, 699, ; — ses origines, 693, 696, 700. Toxines. Méthodes de dosage, 201, 206 ; — action de la chaleur, 203 ; — sur la toxine diphtérique, 205 ; 768 TABLE ANALYTIQUE — sur la toxine tétanique, 205 : — V — sur les venins, 207. Tréhalase. 525. Venins. Action de la chaleur, 207 TuYPSiNE, 24. _ de l'électricité, 218. ■^ z Uréase, 29, 544 ; — lois de l'action, 545 ; — influence delà chaleur, 183, Zymase. 41, 553 : — préparation, 554; 546 : — des acides, 547 ; — du su- — action sur le sucre, 556, 561 : — cre et de la glycérine, 548 : — des action de la chaleur, 56j : — de antiseptiques, 519. l'arsénite de potasse, 563. Laval. — Imprimerie parisienne L. BARNÉOUD & C'". y