COLUMBIA LIBRARIES OFFSITE HEALTH SCIENCES STANDARD HX00022829 // y ' 'i^àî^^r^n ~\ TRAITÉ DE PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES ANIMAUX II PARIS. — IMPEIMERIE E. CAPIOilONT ET G' 6. EUE DES POITEVINS, ti IRAI 11^. DE PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES ANIMAUX CONSIDÉRÉE DANS SES RAPPOKTS AVEC LES SCIENCES NATURELLES, LA MÉDECLNE, LA ZOOTECHNIE ET L'ÉCONOMIE RURALE PAR G. COLIN PROFESSEUR A L'ÉCOLE VÉTÉRINAIRE D'ALFORT MEMBRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE « Sans les aaimaus la nature de Thomme serait encore plus incompréhensible. » (Buffox.) TROISIÈME ÉDITION CONSIDÉRABLEMENT AUGMENTÉE TOME SECOND Avec i3o figures intercalées dans le texte PARIS LIBKAIEIE J.-B. BAILLIÈRE et FILS 19, rue Hautefeuille, près du boulevard Saint-Germain 1888 Tous droits réservés. 1 I n/;,:,v l/. -Z- Digitized by the Internet Archive in 2010 with funding from Open Knowledge Gommons http://www.archive.org/details/traitdephysiol02coli TRAITE DE PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES ANIMAUX LIVRE CINQUIÈME DE L'ABSORPTIOiV On donne ce nom au phénomène très général qui consiste dans la pénétration des fluides ou des matières dissoutes à travers les tissus, pénétration qui a pour résultat de les associer momentanément au sang, à la lymphe ou au chyle. C'est la fonction qui, d'une part, fait entrer dans l'organisme la matière destinée à vivre ou à être utilisée d'une manière quelconque, et qui, d'autre part, reprend celle qui doit être expulsée. Elle est l'acte initial de l'importation et de l'exportation du matériel organique. L'absorption n'a pas, comme les autres fonctions, un appareil spécial. C'est une action disséminée qui peut être effectuée par toute la substance solide de l'orga- nisme, par tous les tissus et par leurs divers éléments anatomiques, sauf ceux qui sont à peu près imperméables. Les vaisseaux appelés absorbants, les chylifères, les lymphatiques, les veines, destinés à la réception et au transport des maté- riaux recueillis ne sont pas les agents spéciaux, immédiats de l'absorption. C'est parleurs éléments anatomiques qu'ils possèdent la faculté absorbante, et leurs parois en jouissent seulement au même titre que les autres tissus. Cette fonction s'exerce aussi bien sur les éléments de l'organisme que sur les matières étrangères. Elle est le complément de la digestion, la condition préli- minaire de la constitution des fluides nutritifs, l'un des deux actes essentiels de la nutrition. Elle ouvre les portes de l'économie à toutes les substances répa- ratrices préalablement fluidifiées, comme à tous les éléments des tissus qui rentrent momentanément dans la masse des liquides en circulation. Son étude comporte un grand nombre de points. Il faut examiner l'acte dans son expression la plus générale, ses caractères, ses conditions, les forces qui y président, sa nature intime, puis les particularités de l'absorption veineuse, lymphatique, effectuée sur la peau, les diverses muqueuses, dans les séreuses, le parenchyme des organes, etc. G. COLIN. — Physiol. comp., 3*^ édit. II. — 1 2 DE l'absorption. CHAPITRE XXVIII DE L'ABSORPTION EN GÉNÉRAL ET DE SON MÉCANISME Les substances lluides ou solubles déposées à. la surface des muqueuses, dans les séreuses, ou dans le tissu cellulaire, y disparaissent avec une certaine rapidité. Les molécules de ces corps traversent les tissus, entrent dans les vaisseaux de divers ordres, se mêlent aux liquides en circulation et sont entraînés avec eux dans toute l'économie. L'acte de la pénétration ou de l'introduction des particules étrangères dans les tissus, puis dans les vaisseaux, constitue ce que le physio- logiste appelle l'absorption. C'est un phénomène complexe : 1° les matières étrangères pénètrent dans la substance des tissus ; 2° elles sont versées dans les vaisseaux ; 3" mêlées au sang, au chyle ou à la lymphe ; 4° entraînées, à mesure qu'elles pénètrent, dans les voies delà circulation; 5" enfin elles sont souvent modifiées dans leur état moléculaire ou leurs propriétés. Ces divers actes, effectués successivement, sont susceptibles d'une analyse rigoureuse qu'il importe de faire avec soin. Aux yeux des anciens physiologistes, l'absorption n'était pas le résultat d'une propriété du tissu ou de l'élément anatomique; c'était une action opérée par les vaisseaux. On supposait à l'extrémité des radicules lymphatiques ou veineuses de petites ouvertures, des bouches douées d'une sensibilité spéciale, aptes à choisir parmi les substances offertes, à en saisir quelques-unes, et à en repousser d'autres. Mais l'existence de ces bouches absorbantes, sensibles, contractiles, jouissant d'une faculté élective, n'a jamais été démontrée. C'est une fiction ingé- nieuse de Hunter et de Bichat, sur laquelle il est inutile de s'arrêter. L'absorption est en réalité un phénomène plus simple, d'ordre physique, résul- tant des propriétés des tissus et des attractions moléculaires, qui se complique seulement en s'associant à d'autres actes de mutation et de transport. En effet, étant donné un tissu perméable quelconque et une substance soluble, il est facile de constater que le phénomène de l'absorption ou de la pénétration de la substance soluble dans le tissu peut s'accomplir sans l'intervention d'aucune autre action physiologique. La matière soluble pénétrera le tissu mort connue le tissu vivant, le tissu inerte comme le tissu sensible et contractile. Dans l'un et l'autre cas, il y aura imbibition, diffusion, osmose. Seulement, dans le tissu mort la matière absorbée demeurera au point où elle aura été apportée, et dans le tissu vivant elle sera entraînée par les courants vasculaires. Voyons donc d'abord ce qu'il y a de purement physique dans l'absorption, nous rechercherons ensuite ce que les conditions physiologiques ou vitales ajou- tent au phénomène. 1. — Imbibition, capillarité, osmose, diffusion. Au premier abord, il semble que la pénétration des fluides à travers les tissus soit un simple phénomène d'imbibition. Tous les tissus animaux sont plus ou moins perméables; ils absorbent l'humidité, se gonflent d'eau, même sans avoir IMBIBITION, CAPILLARITÉ, OSMOSE, IJIFFUSION. 3 été desséchés ; en un mut, il secoinpoitent connue les substances hygrométriques et les substances poreuses. Le fait de la perméabilité des tissus, qui est rendu manifeste par divers phéno- mènes de transsudation, est mis en évidence parles expériences de Lebkuchner. Des lambeaux de peau pris sur l'homme ou sur divers animaux, et arrosés d'une solution de prussiatede potasse, ont été traversés plus ou moins vite suivant leur épaisseur et en quelques heures. Des anses intestinales de lapin remplies de cette solution ont eu leurs trois tuniques traversées par le sel en huit ou dix minutes. Les membranes séreuses dans la cavité desquelles elle était versée bleuissaient à la surface externe, par le sulfate de fer, après un temps de même durée. De même, en lotionnant la peau de l'animai vivant avec cette solution, on la fait passer dans le tissu cellulaire sous-cutané ; en appliquant des sels divers, des poisons, sur les parois des artères ou des veines, on les fait parvenir dans le sang. La pénétration s'effectue indifféremment dans le tissu vivant et dans le tissu mort. Magendie, dans une série d'expériences qui ont paru très concluantes, s'était attaché à démontrer que cette pénétration est une imbibition, et que l'absorption n'est rien de plus que ce phénomène physique. Il a vu qu'elle s'opérait sur le tissu vivant comme sur le tissu privé de vie. D'abord, dans les tissus privés de vie, l'imbibition est incontestable. Magen- die ^ ayant fixé un tube de verre à chaque extrémité d'un segment de jugulaire dépourvu de branches collatérales, fit passer dans l'intérieur de cette portion de veine un courant d'eau tiède pendant qu'elle plongeait à l'extérieur dans un liquide légèrement acide. Au bout de cinq à six minutes, l'eau du courant, qui passait dans la veine, avait acquis une acidité très sensible. L'acide avait donc pénétré par imbibition à travers les parois de la veine pour venir se mêler au liquide que celle-ci contenait. La même expéjience fut faite avec un segment de la carotide d'un chien. L'im- bibition eut lieu également à travers les parois artérielles; mais elle fut beaucoup plus lente que celle des veines, dont les parois, plus minces, jouissent consé- quemment d'une plus grande perméabilité. L'imbibition eut lieu aussi sur l'animal vivant. Magendie mit à découvert, sur toute sa longueur, la jugulaire d'un jeune chien, et après l'avoir complètement isolée des parties voisines et dépouillée des petits vaisseaux qui rampaient sur ses parois, il glissa une carte au-dessous d'elle et étendit à la surface de la veine dénudée une dissolution concentrée d'extrait alcoolique de noix vomique. Quatre minutes s'étaient à peine écoulées depuis l'application de la substance vénéneuse, que les premiers effets de l'empoisonnement se manifestèrent. Le même résultat fut obtenu, mais seulement au bout de dix minutes, sur un gros chien, dont les parois veineuses étaient beaucoup plus épaisses. Enfin l'imbibition eut encore lieu à travers les parois des grosses artères. La noix vomique, appliquée sur la carotide d'un lapin, produisit des effets d'intoxication au bout d'un quart d'heure, et le sang qui se trouvait en contact avec la face interne de l'artère avait acquis l'amertume caractéristique de la noix vomique. 1. Magendie, ouc. cit., t. II, p. -277. 4 DE L ABSORPTION. Fédéra ayant injecté sur l'animal \ivant de la noix voniique dans un segment de la carotide compris entre deux ligatures, a vu l'empoisonnement se produirez la suite d'une imbibilion de l'intérieur vers l'extérieur du vaisseau. Il a constaté que le cyanure de fer et de potassium déposé dans les plèvres venait colorer en bleu le sulfate de fer injecté dans le péritoine, et réciproquement. Le même résultat a été obtenu ù travers les parois de la vessie, lorsque l'un de ces sels avait été injecté dans ce réservoir et l'autre dans la cavité péritonéale. L'encre intro- duite dans la plèvre a bientôt teint en noir le tissu de cette séreuse, celui du péri- carde, des lames fibreuses intercostales. Les substances employées en frictions se retrouvent en plus fortes proportions dans le tissu cellulaire sous-cutané que dans le sang. La flèche de Java, enfoncée dans les chairs, a bientôt communiqué à toutes les parties molles entourant la blessure, sur une épaisseur de plusieurs lignes, la teinte jaune brunâtre et la saveur araère du poison. Les tissus vivants ou morts sont également susceptibles d'être traversés par les gaz. A la longue, l'oxygène rougit le sang enfermé dans une mince vessie et l'acide carbonique le noircit. C'est, comme nous le verrons, à travers les minces vais- seaux du poumon et les membranes des vésicules pulmonaires, que, dans la respiration, l'oxygène atmosphérique vient agir sur le sang noir. Après leur dessiccation les tissus animaux jouissent également de la faculté de s'imprégner, de s'imbiber de liquides et de gaz. Les recherches de MM. Chevreul et Liebig le prouvent. Les cartilages, les tendons, le tissu jaune élastique desséchés absorbent 1,2, 3 fois leur poids d'eau, un peu moins de solution saline, d'alcool, etc., et cela avec une rapidité variable suivant la nature du tissu et celle du liquide. La pénétration des liquides, des solutions salines, des gaz, dans les tissus, par simple imbibition, explique différents phénomènes qu'on a l'occasion d'observer tous les jours. Les émollients, appliqués sur les tumeurs extérieures, arrivent de proche en proche à travers l'épiderme et le tissu de la peau à une grande profondeur dans les tissus enflammés. Les fomentations sur les parois abdomi- nales, les cataplasmes sur les lombes envoient certainement des particules médi- camenteuses à travers les couches musculaires jusqu'au péritoine et aux organes qu'il enveloppe. Dans le cadavre, les courants qui s'établissent du centre à la périphérie, notamment ceux qui ont pour point de départ le tube intestinal entraî- nent les produits fétides de la putréfaction commençante, d'abord dans les parties voisines, puis insensiblement dans les masses musculaires les plus éloignées, et avec ces produits liquides ou gazeux, les vibrions septiques et autres orga- nismes microscopiques. Ces courants d'imbibition et de difi'usion emportent par toute la masse du corps l'éther, les principes volatils de l'asafoetida. Us envoient le sel marin, le nitrate de potasse jusqu'au centre des masses soumises à la salaison. La pénétration des liquides, des gaz à travers les tissus animaux est donc un fait incontestable. Mais en quoi consiste cette pénétration? Est-ce un phénomène de capillarité, d'endosmose, de difi'usion, ou une résultante de ces divers phéno- mènes associés? C'est ce qu'il importe d'examiner. D'abord y a-t-il des actions capillaires dans l'absorption? On sait que tous les corps poreux, ou ceux dont les particules sont séparées par des espaces étroits, laissent, comme le font les tubes trèsjins, l'eau s'élever dans IMBIBITION, CAPILLARITE, OSMOSE, DIFFUSION. 5 leur int^'-rieui". Ce liquide monte dans le sucre, dans le tissu de l'éponge, dans l'argile sèche; l'huile s'élève dans la mèche de coton par capillarité. L'ascension dans le tube est en raison de son étroitesse ou en raison inverse du diamètre. Pendant que l'eau ne monte qu'à 30 centimètres dans un tube de 1/10^ de milli- mètre, elle pourrait s'éleverà 3 mètres dans un tube de 1 centième de millimètre, c'est-à-dire tranchir le plus grand trajet qui existe entre les deux extrémités du corps, sur un animal de la stature du cheval ou du bonif. La capillarité est favorisée par certains sels, diminuée par d'autres. L'eau chargée, par exemple, de chlorhydrate d'ammoniaque, de sulfhydrate de potasse, monte plus que l'eau pure. L'action capillaire décroît en général avec le degré de concentration des solutions salines : les solutions faibles de chlorure de sodium s'élèvent moins que l'eau distillée^ les solutions concentrées du même sel moins que les solutions faibles. Tous les liquides capables de mouiller les tubes ne s'élèvent pas également : l'alcool monte moins que l'eau, l'éther sulfurique moins que l'alcool. Cette action est inlluencée par la température. Ainsi, à une chaleur un peu forte, l'eau monte plus rapidement et plus haut dans les corps poreux qu'à une basse température, corps dans lesquels les phénomènes se passent comme dans les tubes capillaires. On sait que les liquides aptes à s'élever sont ceux qui mouillent les particules du solide et dont la surface, dans les tubes, forme un ménisque concave. Ces actions capillaires'sont dues aux attractions moléculaires. Le liquide s'élève dans un corps poreux ou dans un tube fin quand l'attraction adhésive exercée par le solide sur le liquide est supérieure à l'attraction cohésive des molécules liquides les unes sur les autres. La pénétration des liquides dans les tissus qui absorbent ne peut être attribuée à des actions capillaires, car, au point de vue histologique, les tissus n'offrent pas, si perméables qu'ils soient, la constitution des corps poreux. Les membranes ont des épithéliums dont les cellules se touchent exactement ou sont enduites de liquides visqueux formant revêtement continu. Il n'y a au microscope et à de forts grossissements ni espaces entre les cellules, ni pores ou fentes à ces cellules. Les substances à absorber doivent traverser des membranules dépourvues de pertuis ; elles doivent entrer dans ces cellules fermées, puis en sortir pour passer succes- sivement dans une série d'autres. Il n'y a là rien de comparable à ce qui se passe dans les tubes fins, dans les sables, le grès, la mèche de coton ou dans un corps poreux quelconque. Aussi est-il sans intérêt de rechercher si la capillarité aurait assez d'étendue pour amener dans les vaisseaux la substance à absorber et si elle pourrait établir à elle seule des courants dans la substance des tissus. La capillarité peut, sans aucun doute, favoriser le mouvement des liquides dans les vaisseaux lins, et surtout dans ceux du système lymphatique; mais lorsque son action se fait sentir dans les vaisseaux, l'absorption est eflectuée, la substance étrangère a pénétré le tissu; elle a franchi les parois vasculaires; il ne lui reste plus qu'à suivre les courants lymphatiques ou sanguins. La pénétration des fluides ou des substances dissoutes dans les tissus paraît mieux se rapporter à un phénomène d'osmose, dû lui-même à ce qu'on appelle la diffusion. 6 DE L ABSORPTION. Ou sait, dei)uis les ingénieuses recherches de Dutrochel, que si deux liquides de nature différente ou d'inégale densité sont séparés par une cloison animale, ils se mêlent en s'en\oyant réciproquement des parlicules à travers le diaphragme intermédiaire. Si le liquide le plus dense se trouve placé dans un tube fermé infé- rieurement par une membrane, et si ce tube est plongé dans un bain de liquide moins dense, de manière à ce que les deux niveaux soient sur la même ligne, on voit bientôt le niveau du liquide du tube s'élever au-dessus de celui du bain. Le liquide extérieur a donc pénétré dans l'osmomètre, et, d'un autre côté, le liquide de l'osmomètre a, en petite quantité, passé dans le bain extérieur. Il s'est établi conséquemment deux courants d'inégale intensité, l'un, plus fort, de l'extérieur vers l'intérieur appelé courant d'endosmose, l'autre, plus faible, en sens inverse, ou courant d'exosmose. Le premier sera traduit par l'élévation du niveau dans l'osmomètre, le second par le passage, de l'osmomètre dans le bain, d'une certaine quantité de prussiate de potasse, de gomme ou de sucre que l'on a ajoutés à l'eau de cet instrument. Or, dans l'économie, des conditions analogues cà celle-là sont réalisées . Deux sortes de liquides : d'une part, du sang, du chyle ou de la lymphe enfermés dans des vaisseaux, et d'autre part des fluides divers séparés des premiers par les membranes et par les parois vasculaires. Chaque vaisseau sanguin ou lymphatique est un petit osmomètre; l'ensemble des vaisseaux est lui-même un osmomètre ramifié mem- braneux et perméable, non pas seulement par une extrémité, mais par toute son étendue; chaque lacune à parois membraneuses pleine de liquide, chaque cellule même prise isolément est im petit osmomètre microscopique. Analysons donc l'osmose telle qu'elle s'elfectue dans les expériences du physi- cien, puis nous verrons si et comment elle s'opère dans l'organisme. Il y a osmose toutes les fois qu'il s'établit un échange de particules entre deux liquides séparés par une cloison perméable. Si donc dans le tube appelé osmomètre, fermé inférieurement par une membrane, se trouve une dissolution saline, et si ce tube est plongé par son bout inférieur dans un bain d'eau pure, l'eau, attirée vers la solution, pénétrera dans le tube, et élèvera le niveau de son contenu pendant qu'une petite partie de la solution s'échappera dans le bain extérieur. On appellera agent osmogène la substance vers laquelle se fait le plus fort courant. Le courant de l'extérieur vers l'intérieur sera le courant d'endosmose, le courant inverse sera appelé d'exosmose. Pour que les phénomènes osmotiques se réalisent, les deux liquides doivent être de nature différente, ou contenir des substances différentes, ou, si ces substances sont de même nature, les contenir en proportions inégales. En outre, les deux liquides, ou au moins l'un d'eux, doivent pouvoir adhérer à la cloison, la mouiller et être miscibles l'un à l'autre ou susceptibles de se mélanger. Il y a un simple courant quand l'un des liquides seulement peut traverser la membrane, et deux courants quand la cloison est perméable aux deux liquides. C'est le cas le plus ordinaire. En général, le courant le plus fort a lieu du liquide le moins dense vers le liquide le plus dense, de Teau vers les autres liquides, de l'eau vers l'alcool, vers les dissolutions salines, gommeuses; c'est le liquide dont la membrane absorbe la IMBIBTTION, CAI'ILLARITE, OSMOSE, DIFFUSION. 7 plus grande quantité qui marche vers Tautie; ainsi l'eau acidulée par l'acide chlorhydrique marche vers l'eau pure parce que la première imprègne plus faci- lement et plus fortement les membranes que la seconde. Le sens du courant unique et du courant le plus fort, lorsqu'il y en a deux, dépend de la nature des liquides et de l'état des cloisons qui les séparent. Les liquides très diffiisibles se portent du côté de ceux qui le sont peu; l'eau pure vers l'eau chargée de sels, l'eau pure vers l'eau gommeuse, sucrée, albumineuse, l'eau vers les acides étendus. C'est toujours le liquide pour lequel le tissu du dia- phragme a le plus d'aflinité. qui se porte vers le liquide pour lequel ce tissu en a le moins. Ainsi, comme les membranes ont plus d'affmité pour l'eau pure que pour l'alcool, pour l'eau pure que pour l'eau chargée de sel marin, c'est toujours l'eau qui se porte vers l'alcool ou vers la solution saline. D'après M. Béclard ', le sens du courant est déterminé par la différence de chaleur spécitique existant entre les deux liquides. Si cela est, on ne s'explique pas comment, en changeant la cloison, on intervertit le sens du courant. Le sens des courants peut changer par le fait de la membrane ou de la cloison qui sépare les deux liquides. Ainsi, à travers une membrane végétale, l'eau se porte vers les acides ; — à travers une membrane animale, c'est l'acide qui se porte vers l'eau ; — avec la membrane interne du gésier d'un gallinacé, l'alcool se porte vers l'eau ; — avec la plupart des autres, c'est l'eau qui se porte vers l'alcool. Cela tient, évidemment à ce que telle membrane est plus perméable à l'un des liquides qu'à l'autre, et même perméable à l'un d'eux seulement, et aussi à ce qu'elle a plus d'aflinité pour celui-ci que pour celui-là. Ainsi, la mem- brane interne de l'œuf laisse entrer l'eau et point sortir l'albumine, quoiqu'elle laisse sortir le sucre, le sel marin. La direction de ces courants est aussi modi- fiée quelquefois par le liquide qui peut mouiller la cloison ou en imbiber le tissu. La rapidité de l'osmose, ou racti\ité, l'intensité des courants, est, comme le dit M. Milne Edwards^, dans une savante analyse du mécanisme de l'absorption, subordonnée à l'intensité des puissances attractives qui déterminent le mélange des liquides réagissants et au degré de résistance que ces forces ont à vaincre pour faire passer ces liquides à travers la cloison. La nature du diaphragme séparant les deux liquides a une grande influence sur l'activité de ces courants. On a constaté qu'en général le courant est d'autant plus rapide que les membranes sont plus perméables, plus minces, et, au point de vue chimique, plus indifférentes pour les liquides. Cela résulte des expé- riences de Matteucci et Cima. Les courants sont plus actifs dans les membranes animales que dans toutes les autres ; ils le sont, dans la peau et les muqueuses, par exemple, plus de la face adhérente à la face libre qu'en sens inverse. La nature de la cloison peut même changer le sens des courants ; si l'osmo- mètre est fermé par une vessie, l'eau se porte vers l'alcool; s'il l'est par une lame de caoutchouc, c'est l'alcool qui se porte vers l'eau. Si l'alcool hydraté est enfermé dans une ampoule animale exposée à l'air, l'eau s'évapore et l'alcool se 1. Béclard, Physiologie liumaiiie, 6' édition, Paris 1869. 2. Milne Edwards, Leçons sur la physiologie et Panatomie comparée, t. V, p. là 200. 8 DE l'absorption. concentre ; s'il l'est dans une vessie de caoutchouc, l'eau y reste et l'alcool s'évapore. D'ailleurs, à travers des membranes données, les courants sont plus ou moins actifs, suivant le degré de perméabilité des membranes. Ils le sont peu si la per- méabilité de ces cloisons est diminuée, si leurs pores, leurs pertuis sont res- serrés par des matières astringentes comme le tanin, l'acide chromique, l'alcool, le sel marin. Il suffit que leur surface soit enduite ou leur tissu imprégné de certains liquides pour que la rapidité du courant en soit modifiée. L'acide sulf- liydrique sur les membranes ou dans les liquides donne lieu à un ralentissement marqué ; le carbonate de soude rend plus actif le courant de la même base. Au contraire, si le tissu est gonflé par l'acide chlorhydrique, le courant acquiert de la rapidité. La dessiccation, et surtout l'altération putride des membranes ani- males, ralentit les courants ou même les suspend d'une manière à peu près complète. L'inégalité dans la force des courants paraît d'une explication facile. D'après les physiciens, le liquide du fort courant est celui qui est attiré avec le plus d'énergie, soit par l'autre liquide, soit par son agent osmogène ou par les parti- cules constituantes delà cloison, ou, en d'autres termes, le liquide du fort courant est celui dont le pouvoir diffusif est le plus considérable. Il en résulte que, si d'un côté de la cloison on a de l'eau ou un liquide très diffusible, de l'autre des solutions concentrées d'albumine, de gomme ou de sucre, le courant d'eau vers les solutions sera fort, tandis que les solutions ne donneront vers l'eau (ju'un courant insignifiant, presque nul. En un temps donné, les quantités de liquide attirées vers la substance dite osmogène croissent proportionnellement à la concentration de cette substance. Le pouvoir osmogène d'un liquide ou d'un corps quelconque n'est pas exacte- ment en rapport avec sa densité ; néanmoins il croît, en général, avec elle comme avec la concentration des dissolutions salines. Le courant faible, effectué en sens inverse du premier, dure autant que celui- ci. Les deux continuent jusqu'à ce que les mélanges en deçà et au delà de la cloison soient devenus homogènes ou semblables l'un à l'autre, résultat qui peut n'être obtenu qu'après un laps de temps fort long. Dans le cas où des deux côtés se trouvent des substances très diffusibles, comme de l'eau et des acides, il y a deux courants très forts. L'eau attire forte- ment l'acide et l'appelle en grande quantité ; l'acide attire de son côté une grande quantité d'eau ; il y a presque égalité dans les échanges. Les agents physiques et les affinités chimiques peuvent exercer une grande influence sur l'activité des courants et sur l'ensemble des phénomènes osmoti- ques, particulièrement : la pression, le mouvement, la chaleur, l'électricité. La pression exercée sur l'un des liquides contribue beaucoup à le faire péné- trer à travers la cloison ; elle fait passer à travers celle-ci des substances qui ne peuvent la pénétrer dans les conditions ordinaires. Gima a vu, par exemple, la quantité de liquide qui traversait une membrane animale doubler, quadrupler décupler même par la pression de 30 à 40 centimètres de mercure. Toutefois l'accroissement de pression n'augmente pas d'une égale quantité la filtration de IMBIBITION. CAPILLÂRITI-. OSMOSE, DIFFLSION. 9 tous les liquides et sur loutes les incmbranes. Ainsi, la nn'ine augmentation agit plus fortement sur l'eaii iiue sopl>ci>. — Les corps ga- zeux, les liquides et les solides solubles ou capables de se transformer en com- posés solubles peuvent être absorbés avec une plus ou moins grande facilité dans l'organisme. Les gaz, comme on le sait, traversent aisément les membranes mêmes, pour se dissoudre dans les fluides en circulation. L'oxygène est absorbé par la mu- queuse pulmonaire chez tous les animaux à respiration aérienne, par la mem- brane interne des trachées chez les insectes ; il l'est par la peau chez les reptiles nus et beaucoup d'espèces inférieures. D'autres gaz indifférents ou toxiques, ceux des miasmes et des effluves, le sont également dans les voies respiratoires ; l'hy- drogène sulfuré l'est même par la peau; divers gaz le sont par la muqueuse gastro-intestinale, par le tissu cellulaire sous-cutané, par les surfaces trauraa- tiques, etc. L'absorption des gaz n'est, en général, facile que dans les voies res- piratoires en raison de dispositions organiques spéciales. Hors de cet appareil elle ne peut porter que sur les gaz solubles, sur ceux qui ont une grande afflnité chimique pour les matières constitutives des tissus ou des liquides, et encore sur de faibles quantités. D'ailleurs, elle éprouve des obstacles mécaniques et ne joue qu'un rôle physiologique peu important. Les liquides sont, de tous les corps, ceux (jui réunissent les conditions les plus favorables à l'absorption. Les plus absorbables sont les liquides non visqueux, capables de mouiller les tissus, ceux dont, par conséquent, les molécules ont entre elles une cohésion moins prononcée que la force d'adhésion des solides pour elles. Ce sont les liquides miscibles en toute proportion à ceux qui imprè- gnent les tissus, à ceux qui baignent les surfaces membraneuses et coulent dans les vaisseaux; ce sont enfin les liquides très diffusibles comme l'eau, l'éther, l'alcool, les acides dilués, etc. Ceux dont les molécules ont une grande cohésion ; CONDITIONS DE l' ABSORPTION. 17 ceux qui no mouillent pas les tissus, qui ne peuvent y adhérer ni les imbiber; les liquides non miscibles à ceux de l'organisme et peu ou point diffusibles, comme les huiles grasses, le mucilage, les gommes, sont pris avec dilTiculté; néanmoins l'absorption en est facilitée, dans une certaine mesure, tantôt par des dispositions anatomiques spéciales des membranes, tantôt par des liquides qui les étendent, les délayent. Celle des graisses Test par des liquides qui émulsionnent, par d'autres qui saponifient, par des matières qui, comme labile,les sucs alcalins, favorisent l'adhérence de la graisse aux surfaces, et rendent les membranes plus perméables. 11 en est de nature organique, comme les venins, le curare, qui peuvent être absorbés par certaines membranes seulement et non par d'autres, comme nous le verrons plus tard. Il est certains liquides visqueux dont l'absorption est très ralentie ou même entravée complètement par suite de la difficulté avec laquelle ils se mêlent au sang ou à la sérosité. Aussi la salive épaisse, la bave du chien enragé peut-elle être souvent portée impunément à l'aide de la lancette dans des scarifications de la peau et des tissus sous-jacents. La forme liquide est la véritable forme sous laquelle les matières étrangères doivent s'offrir pour pénétrer dans l'organisme et celle aussi que les matières vivantes doivent reprendre pour en sortir. Aussi les élaborations si compliquées de la digestion ont-elles pour but essentiel la liquéfaction ou la dissolution des principes constitutifs de l-'aliment, et ne sont-elles, en définitive, qu'un travail pré- paratoire de l'absorption. Il y a plus, ces élaborations ont encore pour but de donner à ces fluides un état moléculaire tel qu'ils soient osmotiques, aptes à traverser les parois des cellules, les parois vasculaires et les membranes diverses, état qui n'est pas nécessairement la conséquence de la forme liquide. Du reste, si l'état liquide donne aux corps une grande aptitude à être absorbés, les propriétés des divers liquides : miscibilité, diffusibilité, créent entre eux des différences énormes. Il y a loin, en effet, entre l'absorption si prompte de l'acide cyanhydrique et l'absorption lente des huiles k la surface de la muqueuse intes- tinale. Les substances solubles s'absorbent, pour la plupart, sans grande difficulté, à la condition que les dissolutions puissent mouiller les tissus, adhérer à leur sur- face et les imbiber comme le font les liquides. Les substances très diffusibles, les salines surtout s'absorbent très vite : le prussiate de potasse, par exemple, plus prompteraent encore que les sels de strychnine ; les solutions faibles plus facilement que les concentrées. Mais ces solutions ne s'absorbent pas toujours intégralement. Si, quand elles passent, les éléments du tissu ou les fluides qui les imprègnent exercent une attraction plus forte sur les molécules du menstrue que sur celles de la substance dissoute, c'est une solution affaiblie qui entre dans les vaisseaux, et la partie restante se trouve plus ou moins concentrée. Il y a, dans certaines limites, indépendance de l'eau par rapport au sel. d'un sel par rapport à un autre; l'eau peut se mouvoir indépendamment du sel, et le sel indépendamment de l'eau. Les corps offerts à un état insoluble, mais susceptibles de devenir solubles en présence des éléments de l'organisme, s'absorbent aussi. La magnésie introduite G. COLIN. — Physiûl. comp., 3'^ édit, II. — 2 jg DE L ABSORPTION. dans les voies digestives s'absorbe après avoir été dissoute par le suc gastrique, les substances résineuses s'absorbent lorsqu'elles ont subi l'action des alcalis de la bile et des fluides intestinaux ; les composés insolubles de plomb et de mer- cure, transformés en cblorures, passent après cette modification ; l'albumine, la gélatine et d'autres matières que Graham appelle colloïdes, ne s'absorbent qu'après avoir subi des modilications. Quant aux solides non solubles et non susceptibles de donner des composés solubles, la théorie indique qu'ils ne sont pas absorbables même à l'état d'extrême division; cependant, quelques faits semblent indiquer la possibilité de leur péné- tration. Nous devons les examiner rapidement. OEsterlen, il y a déjà longtemps, ayant fait avaler à des lapins, à des chiens et à des oiseaux du charbon très divisé, en a retrouvé les particules anguleuses à forme variée dans le sang de la veine porte et dans celui de la circulation géné- rale. Il a également retrouvé dans le sang le bleu de Prusse avalé par les mêmes animaux, sans qu'il y eût chez eux de lésions apparentes à la muqueuse intes- tinale. Après lui, Eberhard a cru également voir passer le charbon et le soufre, non seulement dans le sang, mais encore dans la lymphe. Briicke et Gl. Ber- nard sont arrivés aux mêmes résultats. Mais d'autres observateurs ne les ont pas confirmés. Donders et Mensonides n'ont retrouvé, d'une manière nette, que quelques granules d'amidon dans le sang des mésaraïques. Funcke n'a pas vu passer dans les cellules épithéliales des villosités les graisses solides réduites en fine émulsion. MM. Mialhe et Bérard n'ont letrouvé dans le sang ni le mercure ni le charbon administrés, le premier en frictions, le second associé aux aliments. Les mêmes résultats contradictoires ont été obtenus en ce qui concerne d'autres corps solides offerts à l'absorption, par exemple, des éléments figurés, tels que les globules du sang. Moleschott et Marfels ayant injecté dans l'estomac des grenouilles du sang de brebis ou de veau, ou du pigment choroïdien, ont retrouvé les globules sphériques des mammifères dans le sang du cœur, où ils se distin- guent très aisément des globules elliptiques des batraciens; ils ont également retrouvé le pigment choroïdien dans les chylifères mésentériques. On a dit, tout récemment, que le sang, avec ses globules, pouvait être absorbé même par les séreuses et à cause de cela on a cru pouvoir remplacer la transfusion par les injections sanguines dans le péritoine. Mais ces faits n'ont pas été confirmés. Donders, Bidder n'ont reconnu dans le sang de la grenouille ni un globule de mammifère ni un seul granule de pigment. Il est probable que, dans les cas où l'on a vu diminuer la quantité de sang injectée dans le péritoine, c'était par suite d'une résorption de sa partie aqueuse ou même d'une simple dispersion de ce liquide sur l'immense surface de la séreuse pariétale et viscérale. Dès l'instant que le fait de l'absorption des particules solides n'est pas établi, il n'y a pas lieu d'en chercher l'explication; mais s'il l'était, on devrait, selon toute apparence, l'expliquer par une pénétration mécanique. Les particules solides peuvent entrer : 1° soit en lésant par leurs pointes ou leurs angles les tissus et les vaisseaux superficiels; soit en profitant d'ouvertures béantes accidentelles; comme le font les particules du cinabre dans le cas de tatouage; 2° ou bien elles pénètrent la substance organique comme le font les substances diverses qui CONDITIONS DE L ABSORPTION. 19 entrent lians la matière sarcodiqiie des iiit'iisoires. Il peut se trouver, en effet sur la muqueuse intestinale, à un moment donné, un grand nombre de \iIlosités dépouillées totalement ou partiellement de leur épitliélium, villosités où la substance homogène mise à nu laisse entrer les fines particules, comme une glu laisse entrer dans sa masse, et à une certaine profondeur, les grains de pous- sière tombés à sa surface. La pénétration des particules solides dans les tissus et les vaisseaux n'est donc pas, selon toute apparence, un résultat normal de l'absorption, comme le dit M. Milne-Edwards qui a analysé avec tant de talent les phénomènes dont nous nous occupons en ce moment. Elle est un véritable accident dont l'étude mérite d'être reprise. En somme, et sauf ces exceptions à sens équivoque, la condition générale, essentielle qui rend les corps aptes à être absorbés, c'est qu'ils soient fluides, dissous ou susceptibles de se dissoudre en présence des éléments de l'organisme. Etat fies parties al>sorl)aiites. — Du côté de l'organisme, les con- ditions de l'absorption sont extrèaiement variées. En thèse générale, on peut dire que toutes les parties de l'organisme sont capables d'absorber. Toutes, en effet, sont perméables, toutes sont susceptibles d'inihi- bition. Les tissus vivants chargés de l'absorption, ceux de la peau, des muqueuses, des séreuses, les parois des vaisseaux ne sont point perméables à la manière des substances inertes par des porosités plus ou moins grandes ou par des interstices capillaires. Ce sont des expansions sans ouvertures, comme les lamelles ou les ampoules que peuvent donner les liquides visqueux. Le degré de perméabilité des tissus et particulièrement des membranes est très variable. Il est proportionné, dans chaque organe, à l'activité que l'absorption doit y posséder, à l'état et à la nature des matières qu'elle doit y recueillir. Dans cer- taines parties, la perméabilité est très grande; dans d'autres, elle est à peine mar- quée; ici elle favorise la pénétration des gaz. là celle des liquides et de certains liquides. En quelques points, elle est presque nulle, comme si des précautions avaient été prises pour mettre obstacle à toute espèce d'absorption. C'est dans la trame des organes, dans la partie cellulaire et vasculaire des tissus, que la perméabilité est à son maximum, car là rien ne protège les petites surfaces absorbantes, ni ne les soustrait au contact immédiat des substances offertes à l'absorption. Si celles-ci n'y sont pas toujours prises aussi vite qu'ail- leurs, c'est que les surfaces qui les recueillent sont restreintes, et que souvent il y a peu de vaisseaux pour les enlever. Mais sur les membranes qui, toutes, doivent être le siège d'une absorption plus ou moins active, celle des voies aériennes, de l'appareil digestif, des organes génito- urinaires, sur les synoviales articulaires, les séreuses splanchniques, enfin sur la peau, s'étale un revêtement épithélial ou un enduit visqueux, sorte de diaphragme destiné, suivant son épaisseur et ses propriétés, à regler, à graduer l'activité de l'absorption. Tantôt ce revêtement est si mince, si facile à traverser, comme à la conjonctive; au fond des dernières divisions bronchiques et dans les vésicules pul- monaires, qu'il ne met pas d'obstacle sensible à la pénétration des gaz et des matières liquides. D'autres fois, il est si épais, si dense, qu'il semble constituer 20 DE l'absorption. une barrièie presf|Lii' inliiuicliissable au passage do toutes sortes de matières. Et entre les deux extrêmes il y a une foule d'intermédiaires. Ainsi l'épithélium paviraenteux simple des membranes séreuses et des lins canaux excréteurs laisse passer, avec une extrême facilité, les fluides mis en rapport avec les surfaces qu'il tapisse. L'épithélium à cellules cylindriques disposées en une seule couche sur les membranes muqueuses de l'intestin grêle et du gros intestin, comme celui des voies respiratoires profondes, est extrêmement perméable; il ne s'oppose même pas au passage des graisses, pour peu qu'elle? soient divisées et associées à quelques liquides alcalins. Mais l'épithélium pavimenteux stratifié de la muqueuse buccale, du pharynx, de l'œsophage, celui des premiers estomacs des ruminants et des tardigrades, celui du gésier des oiseaux, n'a qu'une perméabilité obscure. Il se laisse bien pénétrer, à la longue, et laisse passer quelque peu de liquide dans les expé- riences endosmométriques. Néanmoins sur l'animal vivant il constitue un obstacle réel, presque insurmontable à l'absorption; aussi les liquides et les poisons, à moins qu'ils ne soient très diffusibles, ne sont pas absorbés d'une manière sen- sible par les membranes pourvues d'un pareil revêtement. C'est surtout à la surface extérieure du tégument cutané que les couches épi- théliales ont peu de perméabilité. L'épiderme de la peau, si épais et si dense chez certains animaux et dans plusieurs régions, se laisse difficilement traver- ser par les liquides. Les cellules qui le constituent forment plusieurs couches superposées ; celles des couches profondes sont sphéroïdes ou polygonales, pourvues d'un noyau et pleines de liquide; celles des couches superficielles se déforment, s'aplatissent, perdent leur fluide intérieur, leur noyau, prennent l'aspect de petites écailles unies entre elles par une matière amorphe. Par suite de cette stratification des cellules pavimenteuses, l'épiderme n'offre qu'une perméabilité très bornée; néanmoins il s'imbibe lentement des liquides non visqueux appliqués à sa surface; ses cellules se gonflent de proche en proche, les plus superficielles se disjoignent, enfin la substance à absorber vient se mettre en rapport avec les vaisseaux du derme. Nous verrons, en effet, que la peau des batraciens et celle des oiseaux, dont l'épi- derme est mince, absorbe avec rapidité; que celle du chat, du cheval, absorbe encore, mais avec plus de lenteur; qu'enfin la peau si bien cuirassée des lézards et des serpents finit par recevoir à travers ses écailles épidermiques les poisons que l'on met en contact avec elle. Les revêtements épithéliaux ou épidermiques sont des obstacles, non seulement en raison de leur épaisseur, de leur densité, mais encore à cause des matières étrangères ou des produits onctueux de sécrétion auxquels leurs couches super- ficielles s'associent; aussi doit-on chercher à les amincir, à les débarrasser des matières visqueuses ou grasses, et même quelquefois à les enlever quand il s'agit, en thérapeutique, de faire absorber des médicaments par la peau. Les épithéliums ainsi interposés entre les matières à absorber et les parties vasculaires et vivantes des tissus font l'office d'un filtre qui, en laissant passer ce qui est apte à entrer dans les voies de la circulation, retient les particules grossières ou insolubles. Ces épithéliums laissent probablement passer, à la fois, CONDITIONS DE l'aBSORPTION. 21 los lluides à travers les parois de leurs cellules et dans les espaces que ces cel- lules laissent entre elles. Les cellules épithéliales, étant déjà, pour la plupart, pleines de liquide, deviennent le siège de courants analogues à ceux de toutes les membranes dans les phénomènes ordinaires de l'endosmose. Les fluides mis en contact avec elles les traversent, les gonflent et s'en échappent pour se pro- pager dans les parties vivantes et vasculaires des tissus. Peut-élre leur mode d'action est-il identique à celui des spongioles radiculaires des plantes, dont la faculté absorbante est portée à un degré si remarquable. Leurs propriétés assez variables semblent donner une sorte d'action élective aux: membranes qu'elles recouvrent. On sait que les épithéliums sur la muqueuse des voies respiratoires laissent passer les venins et le curare, tandis qu'ils les arrêtent à la muqueuse intestinale. Le mucus est aussi, dans certaines limites, un obstacle à l'absorption. Il forme une couche de vernis liquide qui éloigne la matière à absorber du tissu absorbant. Le plus souvent il n'est que très difficilement miscible à l'eau, et parfois même il ne l'est pas à certaines matières. xVussi les membranes où le mucus est peu abon- dant sont, toutes choses égales d'ailleurs, celles dont le pouvoir absorbant est le plus énergique, et les muqueuses où il est en couches denses et épaisses, comme celles de l'estomac des solipèdes, n'ont ce pouvoir qu"à un degré faible ou nul. Les expériences endosmométriques ont montré qu'un venin liquide qui ne passe pas dans l'eau sucrée de l'instrument, tant que la muqueuse qui le ferme conserve intacte sa couche de mucus, s'y répand dès que cette couche vient à être enlevée. Les enduits muqueux sont évidemment destinés à restreindre l'absorption tout en protégeant les surfaces du contact trop immédiat des matières étrangères. Comme ils se gonflent, se délayent et sont insensiblement entraînés, ils se renou- vellent sans cesse avec plus ou moins de rapidité. Leur rôle limitatif n'a pas moins d'importance à la surface de la peau des animaux aquatiques qu'à la géné- ralité des membranes muqueuses. Toutefois il faut se rappeler que tous les mucus ne se ressemblent pas. Celui de l'intestin grêle, très miscible aux liquides, laisse à l'absorption une grande activité; mais le mucus de quelques autres membranes, comme celui de l'estomac des solipèdes, constitue une couche fort peu perméable. Dans certains cas, il semble donner aux membranes, comme le fait l'épithélium, une apparence d'action élective. La plupart des tissus animaux, qu'ils soient ou non vasculaires, peuvent, à titre de corps perméables, absorber avec plus ou moins d'activité. Ils le font d'autant plus énergiquement qu'ils se trouvent plus loin de leur point de saturation. Les expériences de M. Chevreul, celles de Liebig le montrent nettement. Les tissus desséchés reprennent vite, par l'immersion dans l'eau, tout ce qu'ils avaient perdu, et même plus, 100 de cartilage reprennent en vingt-quatre heures 231 d'eau pure; — 100 de tendon en reprennent 178; — 100 de tissu corné, 461. — Cent parties en poids de vessie de bœuf absorbent : 268 volumes d'eau pure, 133 volumes de dissolution concentrée de sel marin, 38 volumes seulement d'alcool. Ces tissus, sans distinction de nature, absorbent beaucoup plus d'eau que de tout autre liquide; ils absorbent moins de solutions salines que d'eau, et d'autant moins qu'elles sont plus concentrées. D'ailleurs, ils n'absorbent pas les disso- 22 DE l'absorption. lutions telles qu'elles se trouvent. En y prenant plus d'eau que de sel et sou- vent plus d'un sel que d'un autre, si la solution en renferme plusieurs en égale quantité, ils absorbent réellement des solutions plus faibles que celles qui leur sont offertes; aussi les restes de ces solutions sont très concentrés et les matières dissoutes ne s'y retrouvent plus à leurs proportions initiales. C'est ce que démontrent les expériences de Briicke, de Ludwig, faites sur les tissus privés de la vie. Il est probable que les tissus vivants agissent ainsi et modifient la concentration de toutes les dissolutions salines qui leur sont présentées. Dans l'organisme animal^ ce sont les tissus membraneux qui se trouvent par- ticulièrement disposés pour absorber. Les membranes sont des expansions le plus souvent très minces, molles, d'une grande perméabilité et d'une surface très étendue. Elles constituent, presque partout, les parties absorbantes pour les matériaux du dehors. Leur texture, leurs propriétés physiques sont modifiées à l'infini pour adapter leur perméabilité à la fonction qu'elles remplissent et à la nature des substances qu'elles sont chargées de recueillir. D'un animal à un autre animal, d'une partie d'organe à une autre partie, elles présentent des nuances anato- miques et fonctionnelles considérables qui se révèlent déjà dans les expériences osmométriques ; car on voit dans ces sortes de recherches les muqueuses gastri- ques du veau, de l'agneau, ne point se comporter comme celles du chien et du chat. Une particularité de structure qui crée d'énormes différences entre les tissus, quant à l'activité de leur pouvoir absorbant, c'est leur plus ou moins grande vascularité. Le vaisseau sanguin et le vaisseau lymphatique ajoutés à un tissu agissent de trois manières : 1° par leurs parois qui sont perméables et endos- motiques au même titre que le reste du tissu et qui multiplient les surfaces absorbantes; 2° par le liquide albumineux qu'ils renferment et dont le pouvoir osmogène plus ou moins grand a pour effet d'attirer les matières du dehors ; enfin par les courants qui emportent continuellement les matières introduites et ramènent sans cesse de nouveaux liquides dont le pouvoir osmogène n'est pas affaibli, courants qui, en emportant ce qui a pénétré, rendent à la diffusion une activité toujours renaissante. Ces vaisseaux se laissent pénétrer avec une grande facilité et très rapidement, car leurs parois ont de 1 millième à 1 centième de millimètre d'épaisseur, et les courants qui les parcourent emportent très vite les matières absorbées. La vascularité d'une partie règle, en général, son pouvoir absorbant, et toutes les fois que les épithéliums, les couches de mucus, ne sont pas disposés pour entraver la fonction, ce pouvoir est directement proportionnel à la vascularité. En somme, tous les tissus, qu'ils soient ou non vasculaires, peuvent absorber à la condition d'être aptes à s'imbiber des matières offertes. Mais s'ils ont une perméabilité très faible et s'ils ne possèdent pas de vaisseaux pour emporter ce qui les pénètre, leur faculté absorbante devient insignifiante. Voyons maintenant comment s'opère l'introduction des matières étrangères dans les tissus et les vaisseaux. Il nous sera facile de nous en rendre compte ANALYSE DU MÉCANISME DE l'aBSORPTION. 23 d'après ce que nous savons des phénomènes de la capillarité, de l'osmose et de la diffusion. 111. — Analyse du mécanisme de l'absorption. Le premier acte ou le premier élément du phénomène complexe de l'absorp- tion physiologique est un acte physique subordonné à l'état liquide des matières à saisir et à la perméabilité des parties. C'est la pénétration de ces matières dans la substance molle et humide du lissu. A première vue, cet acte initial est un simple phénomène d'imbibition qui parait dû au jeu des forces moléculaires, savoir : 1" à l'attraction adhésive de la matière étrangère pour le tissu et du tissu pour la matière étrangère; 2° aux forces moléculaires qui donnent lieu à la diffusion du liquide étranger dans le liquide qui imprègne le tissu ou qui remplit les vaisseaux. L'appeler un phéno- mène capillaire n'est point en donner une idée vraie, puisque la substance du tissu n'a pas d'interstices et de pores comme les corps inertes dans lesquels la capillarité s'exerce manifestement; lui donner le nom d'imbibition n'est pas en exprimer nettement la nature, puisque l'imbibition est le résultat des actions capillaires, d'un commencement d'osmose ou de diffusion; enhn le qualifier de phénomène osmotique, c'est dire plus qu'il n'est en réalité, sans en bien définir la nature, puisque l'osmose est une action compliquée à causes multiples. Disons seulement que c'est une pénétration du liquide ou de la matière dissoute, soit à travers les parois des cellules closes, soit dans la substance des fibres, dans leurs interstices, et enfin à travers les tuniques des vaisseaux. Ce premier acte, considéré attentivement, ne paraît pas devoir être toujours de même nature. Il est, si la substance doit pénétrer dans une muqueuse, d'abord un phénomène de diffusion, puisque cette substance doit, avant d'arriver au tissu membraneux, se mêler au liquide visqueux qui lui forme un revête- ment plus ou moins épais. Il est un acte d'osmose, si la substance doit passer, en commençant, dans des cellules épithéliales pleines de liquide; il est un phé- nomène capillaire, quand la substance s'introduit dans les interstices des fibrilles et des lamelles du tissu conjonctif, du derme des membranes; il rede- vient acte d'osmose, une fois que la matière a accès dans les vaisseaux. La péné- tration, si simple qu'elle paraisse, peut donc être, suivant les cas, un seul acte ou une série d'actes enchaînés. D'habitude, elle se fait en deux temps : un pre- mier, pendant lequel la matière étrangère pénètre les éléments anatomiques du tissu, un second qui correspond à son entrée dans les vaisseaux. En outre, elle en a un complémentaire qui est celui de l'enlèvement de la matière par les cou- rants sanguins ou lymphatiques. En d'autres termes, il y a d'abord absorption par les éléments anatomiques, puis absorption par les vaisseaux, enfin expor- tation des produits absorbés. Ces actes successifs ne sont pas si intimement liés qu'ils ne soient séparables. Le dernier est supprimé dans l'abdomen et dans les parties postérieures du corps par le fait de la ligature de l'aorte qui y suspend la circulation sanguine, et par celle du canal thoracique qui arrête les courants lymphatiques. Le dernier et l'avant-dernier le sont chez les animaux inférieurs, 24 DE l'absorption. sans système circulatoire ; aussi chez eu\ les produits absorbés ne font-ils que passer, de cellule en cellule, d'espace en espace, comme dans les végétaux les plus simples. Dans la généralité des cas, la pénétration de la substance étrangère à travers les tissus a ce caractère de complexité. Sur les muqueuses, les fluides traversent la couche de mucus, puis la couche d'épilhélium, la substance conjonctive du derme, et enfin les parois vasculaires. Cette pénétration est rapide et s'opère avec facilité aux muqueuses fines telles que la conjonctive, et la muqueuse des divi- sions bronchiques ténues ou des cellules pulmonaires, aux séreuses splanchni- ques, etc.; elle est lente aux muqueuses enduites d'un mucus épais et d'un épi- thélium pavimenteux stratifié; très lente aux tissus fibreux, aux cartilages et aux tissus cornés. Une fois que la pénétration de la matière étrangère dans le tissu de la mem- brane et du vaisseau est accomplie, l'absorption est effectuée à vrai dire. La matière est introduite dans les voies de la circulation et mélangée au sang, au chyle ou à la lymphe. Son enlèvement, dû à la circulation, est un acte complé- mentaire qui, en réalité, ne fait plus partie de l'absorption. Mais, parce qu'il lui imprime une activité graduée, et qu'il rend ostensibles la marche et les effets de la fonction, il en est regardé comme un élément, en physiologie animale comme en physiologie végétale. Par le fait de la diffusion de la matière absorbée dans le liquide des vaisseaux, supposé immobile, la matière serait insensiblement déplacée; elle se disperserait dans toute l'étendue de la masse fluide, comme la gouttelette de matière colo- rante versée au milieu d'une nappe de liquide incolore. Mais la circulation opère ce déplacement, cette dissémination, avec une grande rapidité, sans d'ailleurs porter préjudice à la diffusion. Elle l'opère avec une vélocité excessive dans les vaisseaux sanguins et avec lenteur dans les lymphatiques. Aussi elle en subor- donne la vitesse, et, par conséquent, l'activité, à sa propre rapidité. L'enlèvement des matières par la circulation, à mesure qu'elles entrent dans les vaisseaux, a pour effet de laisser au sérum du sang son pouvoir osmogène intact, et à la diffusion une activité toujours renaissante. Il est hors de doute que si le sérum restait sur place chargé des matières que son pouvoir osmogène a appelées, ce pouvoir d'attraction serait bientôt très affaibli, et que la tendance à la diffusion s'y atténuerait en raison des quantités de substances déjà diffusées, puisque le mouvement d'expansion du liquide introduit dans les vaisseaux perd de son intensité en raison directe de la masse admise. Lorsque cet acte complémentaire cesse de s'accomplir pendant la vie, dans les parties postérieures du corps, après la ligature de l'aorte abdominale, comme il cesse partout après la mort, l'absorption se réduit à une simple imbibition ou à une simple action, soit d'osmose, soit de diffusion. Mais, en s'effectuant pendant la vie, il ôte à l'imbibition le caractère qu'elle revêt sur le cadavre. C'est ce que Magendie a parfaitement remarqué en réfutant les objections faites à sa doctrine de Tabsorption par une pénétration toute physique des fluides à travers les parties vivantes. On conçoit fort bien, en effet, que les fluides que l'imbibition a fait entrer dans les tissus se trouvant emportés progressivement par les courants vasculaires ANALYSE DU MECANISME DE L ABSORPTION. 25 ne puisspQt ni gonfler ni ramollir ces tissus comme ils le font sur le cadavre. Dans tous les cas. les choses, à leur point de départ, se passent de la même manière. Pendant la vie comme sur le cadavre, Ja sérosité de l'arachnoïde, des plèvres, du péritoine, séchappe de la cavité de ces membranes. Dans le premier cas, les fluides en circulation l'emportent à mesure qu'elle sort: dans le second, les quantités sorties demeurent au milieu des tissus voisins, et se dispersent au loin. Pendant la vie, les liquides que l'appareil digestif reçoit : boissons, salive, suc gastrique, suc pancréatique et suc intestinal, s'échappent en partie et sont recueillis dans le torrent de la circulation. Si la résorption de certains liquides doit avoir, par son mélange avec le sang, quelques inconvénients, la nature, grâce à des précautions spéciales, la restreint autant que possible. Elle confine la bile, l'urine, les venins, dans des réservoirs étroits dont la surface est tapissée par une couche de mucus épaisse, isolante et continuellement régénérée. Aussi, par le fait de ces artifices, ces fluides ne sont pas, sauf dans quelques conditions morbides, résorbés en quantité assez grande pour devenir nuisiJiles. Enfin, l'absorption comprend, le plus souvent, un troisième acte consistant, soit en une modification de forme, d'état moléculaire, soit en des changements dans la composition chimique des substances saisies. C'est aussi un acte éventuel, extrinsèque, qui manque dans une foule de cas. Beaucoup de substances, eneflet, sont absorbées sans modifications appréciables dans leur état physique ni dans leur constitution moléculaire. L'eau, l'alcool étendu, les acides minéraux, la plupart des sels, les agents médicamenteux, les poisons, figurent dans cette catégorie: et c'est à cause de ce privilège même d'entrer sans modifications qu'ils jouissent d'une action spéciale, définie. Au contraire, les matières organiques, la fibrine, l'albumine, éprouvent des changements notables dans leur constitution moléculaire et leurs propriétés, et elles tendent à subir la transformation globulaire. Les attractions moléculaires, les affinités qui déterminent les phénomènes capillaires, osmotiques, et de diffusion, toutes ces forces qui agissent, lors du rapprochement, entre les molécules saisies et la substance du tissu ou des fluides, peuvent donner lieu à des actions chimiques analogues à celles que Graham a constatées dans ses études. Ainsi, par exemple, elles déterminent la réduction du bisulfate de potasse en sulfate neutre et acide suif urique: — la décomposition du sesquiazotate de fer en azotate basique et en azotate acide : — la décomposition de Tacétate d'alumine; — la combinaison des carbonates alcalins avec les matières albuminoïdes des tissus ou des liquides de l'organisme, etc. Il y a certainement au sein des tissus des actions moléculaires résultant des conditions nouvelles plus ou moins pro- longées dans lesquelles se trou vent les substances absorbées particule à particule, actions analogues à celles qu'on appelle catalytiques. L'absorption est donc un phénomène à la fois simple et complexe, suivant qu'on l'envisage réduit à son expression dernière ou associé à des actions connexes. Il s'offre, chez les plantes, dans sa plus grande simplicité. En effet, les radicelles sont plongées dans l'eau ou dans la terre imprégnée d'eau, tenant en dissolution les sels et les autres matières offertes à l'absorption. L'eau pénètre dans la cavité des cellules, à travers leurs parois parfaitement closes, et enduites d'une matière azotée, albuminoïde, douée, par conséquent, d'un certain 26 HE l'absorption. pouvoir osmogènc, cellules dont la cavité l'cnferme des sucs épais, colloïdes: elle passe de cellule à cellule, ou, en d'autres termes, après être entrée dans une première, elle en sort pour entrer dans une seconde, et ainsi de proche en proche. Dans l'animal, il en est à peu près de môme. L'eau ou les matières ahsorhéesaux surfaces rencontrent des cellules épithéliales en une ou plusieurs couches, cellules dans lesquelles elles entrent et desquelles elles sortent ))Our franchir finalement les membranes des vaisseaux ets'associer aux courants sanguins ou lymphatiques. Tout cela se réduit plutôt à un phénomène d'osmose et de diffusion qu'à des phénomènes d'imbibition et de capillarité; car toujours les liquides, au lieu de passer dans des pores ou des interstices de forme quelconque, entrent dans des cellules à parois pleines, continues, les gonflent, puis s'en échappent pour passer dans d'autres, et ainsi successivement, jusqu'au moment de leur entrée dans les vaisseaux, qui en eflectuent finalement le transport rapide et la dispersion. Ce phénomène d'osmose est analogue, par un côté, à ceux qu'on reproduit dans les conditions expérimentales. Il y a un courant de l'extérieur vers l'intérieur ; le liquide du dehors monte vers celui du dedans, dont il est séparé par une mem- brane perméable; il la traverse, et se mêle au liquide intérieur qui, en raison de ses sels, de ses éléments albumineux, colloïdes, possède un pouvoir osmogène assez marqué. Mais cette osmose physiologique a deux caractères spéciaux : d'une part, elle n'a qu'un seul courant sans contre-courant appréciable; d'autre part, elle s'accompagne d'une élaboration, d'une modification des matières absorbées. Ces deux caractères tiennent aux conditions dans lesquelles l'organisme place les parties à traverser et à la nature des matières saisies. Les forces moléculaires qui donnent lieu à la capillarité, à l'osmose, à la difl'u- sion, agissent ici et deviennent les causes efficientes de la pénétration de la matière étrangère à travers les tissus; mais les puissances vitales règlent l'introduction, la dirigent, en déterminent la vitesse par les conditions et les limites qu'elles assignent à l'action des premières. C'est par là que l'absorption, tout en restant phénomène physique, est,, jusqu'à un certain point, sous la dépendance des influences vitales. IV. - Vitesse de l'absorption, divees degrés d'activité. La vitesse del'absorption dépend de diverses conditions anatomiques etphysio- logiques qu'il importe de préciser : 1° du degré de perméabilité des parties qui absorbent, soit qu'elles se trouvent tout à fait dénudées, soit qu'un épithélium ou une couche de mucus en recouvre la surface ; 2" du degré de miscibilité de la substance avec les fluides qui imprègnent les tissus ou qui remplissent les vaisseaux ; 3° de sa difl'usibilité plus ou moins grande ; 4° enfin de la vélocité des courants qui l'emportent après son absorption. La perméabilité du tissu est la circonstance qui influe le plus sur la rapidité de l'absorption. Nous avons vu, en efl'et, avec quelle lenteur les fluides traversent le tissu de la peau recouvert de son épiderme, et avec quelle promptitude, au con- traire, ils pénètrent les membranes séreuses et les muqueuses minces, comme celles des bronches et des vésicules pulmonaires. Pour apprécier exactement le VITESSE DE L ABSORPTION. 27 temps nécessaire à rimbibition d'une membrane mince, Millier tendit sur le col d'un flacon, contenant une solution de cyanure polassique, la vessie d'une gre- nouille, et sur un autre la membrane réticulée du poumon de cet animal. Ayant appliqué sur la face libre de ces membranes une goutte de clilorure de fer, et renversé au même instant les deux flacons, il vit en moins d'une seconde se former une tache bleue dans le point touché par le sel de fer. Il n'avait donc fallu qu'une seconde pour que le cyanure traversât le tissu membraneux et vînt se combiner avec le sel ferrique. Or la couche mince qui sépare les réseaux vasculaires de la surface libre d'une villosité ayant une épaisseur moindre que celle delà membrane pulmonaire des batraciens, les villosités doivent s'imprégner pour ainsi dire instantanément des fluides mis en contact avec elles. Puis les courants sanguins peuvent, en les saisissant immédiatement, leur faire décrire un tour complet de circulation en moins d'une minute. Le degré de miscibilité delà substance à absorber avec l'eau, avec le mucus et les produits de sécrétion influe beaucoup aussi sur l'absorption. Les graisses non miscibles à l'eau sont absolument réfractaires. Ces graisses émulsionnées entrent plus facilement, parce qu'elles se mêlent mieux aux liquides qui mouillent les membranes: elles passent mieux aussi dans les expériences lorsque les membranes sont imprégnées de bile ou d'une solution alcaline. D'ailleurs, l'osmose n'a lieu qu'entre les matières miscibles et capables de mouiller les cloisons qui les séparent. La diffus ibili té crée deS différences énormes dans la rapidité de la fonction. Les substances peu ditïusibles, comme les albuminoïdes, sont peu aptes à l'absorp- tion. L'albumine soluble, qui aunpouvoirditfusif 8 fois 1/2 moindre que le sucre, 19 fois moindre que le chlorure de sodium, emploie à se diffuser un temps qui est à celui du sel marin : : 40 : "2,3. L'albumine non modifiée, qui, d'après Funke, est 10 fois moins diffusible que l'alburainose, doit s'absorber moins vite que celle-ci. La gomme, le mucilage, qui se diflusent moitié moins Tite que le sucre, s'absorbent aussi plus lentement que ce principe. La gomme arabique, par exemple, dont le pouvoir de difl'usion est à celui du chlorure de sodium : : 0,004 :1, passe probablement suivant un rapport analogue. Les substances dont la diftusibilité est très grande, comme l'éther, la nicotine, l'acide cyanhydrique, sont absorbées avec une rapidité extrême et produisent des eftets foudroyants. La vélocité des courants a aussi une influence notable. Les substances qui passent surtout par les vaisseaux sanguins agissent très vite, et moins celles qui suivent la voie des lymphatiques. La rapidité de l'absorption ne se mesure pas très facilement. On la détermine par divers moyens. S'il s'agit d'un poison, c'est par le temps qui s'écoule entre l'instant de l'administration et le développement des premiers symptômes d'intoxi- cation. Si on a aftaire à une substance reconnaissable dans le sang, le chyle, la lymphe ou les produits de sécrétion, c'est par le temps que cette substance met à devenir sensible dans ces liquides, dans l'urine, la salive, etc. Mais dans ces deux cas, la vitesse réelle est plus grande que celle qu'indiquent les symptômes ou les réactions ; car, sauf pour les poisons énergiques, comme l'acide prussique, dont les premières quantités suffisent au développement des effets toxiques, ceux-ci apparaissent seulement à compter du moment où les quantités absorbées 28 DE l'absorption. se sont additionnées dans des limites plus ou moins étendues. En ce qui concerne les substances ù déceler par les réactifs, leur présence n'est appréciable qu'à partir de l'instant où les fractions reçues successivement et disséminées dans une masse énorme de liquide forment un total assez considérable. Il faut donc, dans les deux cas, déduire du temps qui indique la vitesse apparente de l'absorp- tion, celui qui est employé pour ajouter au\ premières quantités de poison prises les quantités nécessaires au développement des effets toxiques, ou le temps qui s'écoule entre l'admission des premières molécules d'un sel et l'instant oii la masse de ces molécules devient assez grande pour être sensible aux réactifs. De plus, s'il s'agit de substances à éliminer, il faut défalquer encore le temps employé par le travail d'élimination. Mais en négligeant ces corrections et en prenant les faits tels qu'ils s'ob- servent, la \itesse de l'absorption se monti-ele plus souvent très grande, souvent prodigieuse. En effet, Fontana a constaté depuis longtemps qu'un pigeon mordu par une yipère, meurt si l'amputation du membre sur lequel le venin a été déposé n'est pas pratiquée au moins quinze secondes après la morsure : passé ce temps, l'ampu- tation ne peut sauver l'animal. Donc en quinze secondes le venin est absorbé et répandu dans les voies de la circulation. Ségalas a vu l'extrait alcoolique de noix vomique injecté dans les voies aériennes produire ses effets ordinaires en un espace de quinze secondes. Le sulfate de strychnine en dissolution, versé dans le bec de petits oiseaux, leur donne le tétanos en moins de vingt-cinq secondes, d'après mes propres observations. Le même sel, à la dose de 2o centigrammes dissous dans io grammes d'eau et injecté brusquement dans les bronches d"un chien, détermine un tétanos violent en quarante secondes, comme je l'ai constaté sur un animal très vigoureux. Nous avons vu l'acide cyanhydrique, injecté dans l'intestin grêle du cheval, déterminer la chute de l'animal au bout d'une minute à une minute et demie; il tue en IfJ à 20 secondes, presque d'une manière foudroyante, s'il est versé sur la conjonctive d'un petit animal. Mayer a retrouvé dans le sang, après deux à cinq minutes, le cyanure ferrico-potassique injecté dans les bronches d'un chien. J'ai constaté la présence du même sel dans ce liquide à la quatrième minute qui suivit son injection à la dose de oO grammes dans la trachée d'un cheval. La noix vomique injectée en dissolution à la dose de 32 grammes dans la plèvre du cheval développe le tétanos en trois minutes. Dans ces dernières cir- constances, si l'absorption paraît plus lente que dans les premières, c'est qu'une quantité un peu considérable de poison ou de sel doit s'accumuler dans le sang pour y devenir sensible et déterminer sur l'organisme des effets appréciables. Or, en moins d'une minute, il entre dans le torrent circulatoire une somme de strychnine suffisante pour donner le tétanos ; en trois à quatre minutes, il pénètre dans lamasse du sang assez de prussiate de potasse pour y être reconnaissable, quoique mêlé à vingt ou vingt-cinq litres de ce fluide. Sans doute au bout de quelques secondes il s'en trouve déjà dans les vaisseaux, mais en proportions trop minimes pour y être retrouvé. Partant de ces données parfaitement établies, il ne faut point s'étonner de l'inefficacité des cautérisations employées au bout de cinq à six minutes pour VITESSE DE l'absorption. 29 prévenir le? effets des virus inoculés dans les plaies. Il ne faut pas une période aussi longue que celle-là pour qu'une partie du principe virulent soit absorbée et fasse plusieurs fois le tour de l'arbre circulatoire. Néanmoins la logique indique qu'il ne faut pas négliger l'usage de ces moyens, même au bout d'un temps bien [•lus considérable ; car les virus mêlés à des mucosités épaisses, comme celui de la morve, ou à une salive visqueuse, comme celui de la rage, ne sont pas dans les meilleures conditions pour être totalement et rapidement absorbés, d'autant (ju'ils peuvent être enveloppés de sang extravasé et en rapport avec des parties contuses dans lesquelles les courants vasculaires sont ralentis ou momentané- ment suspendus. Du reste l'application du feu, celle des caustiques sur les par- ties dans lesquelles les virus ont été portés, l'excision de celles qui sont impré- gnées de ces principes morbides, peuvent encore être utiles en enlevant ou en détruisant ce qui n'a pu être saisi dès les premiers moments de l'inoculation. Mais ce sont là des points sur lesquels je ne dois pas insister ici. La vitesse de l'absorption, telle que les expériences la mettent en évidence, suffit à peine à expliquer l'extrême promptitude des effets produits par certains poisons, l'acide cyanhydrique par exemple. Comme cet agent subtil déposé sur la conjonctive tue en quelques secondes, ou en un espace moindre que celui qui serait nécessaire pour lui faire parcourir le cercle circulatoire, on est porté à penser qu'il peut aller frapper le système nerveux par une autre voie. Peut-être est-il porté au cerveau, ainsi que le croyait Bérard. par un reflux du sang de la conjonctive dans la veine ophthalnnque. et de là dans les sinus caverneux de la dure-mère, reflux déterminé par les mouvements respiratoires. L'activité de l'absorption peut être influencée par la circulation plus ou moins rapide, par le degré de plénitude du système vasculaire, par les sécrétions et l'état de leurs produits, par la pression, la chaleur, l'électricité. L'imbibition par capillarité, l'osmose, la diffusion, ne déterminent que des courants d'une extrême lenteur. Au moins c'est ce qui peut être facilement con- staté sur les plantes qui ont les radicules plongées dans les liquides colorés dont l'ascension se suit à l'œil nu^et se mesure exactement. Il faut le concours de la circulation pour imprimer un mouvement rapide aux matières saisies, pour les transporter vite et très loin des points où elles ont pénétré. La circulation agit d'abord en maintenant à un degré constant le pouvoir osmo- gène du sang dans les parties qui absorbent, car ce pouvoir diminue à mesure que ce fluide se charge de la matière étrangère. Elle conserve à la diffusion son énergie initiale, énergie qui tend à s'affaiblir à mesure qu'augmente dans le sang la quantité du liquide diffusé ; par conséquent elle tend à maintenir intacte, comme le dit Milne-Edv\"ards, la puissance de réception du liquide'. Tout ce qui accélère le cours des liquides dans l'ensemble de l'appareil circu- latoire, et particulièrement dans les systèmes capillaires des parties où s'elïectue l'absorption : les stimulations générales ou partielles, les frictions sur certaines parties du corps, telles que celles employées pour faire disparaître la graisse des 1. Milne Edwards, Leçons de physiol. et d'anat. comp.. t. V, p. 19(3. 30 lîE L ABSORPTION. réo'ioiis musculaires chez les atlilètes et les chevaux de course ; l'application des huiles essentielles ou de certains liniments, agissent favorablement en activant la circulation capillaire. Tout ce qui, au contraire, ralentit la circulation dans une partie, l'oblitération de quelques artères, les liens compressifs sur le trajet des veines, affaiblit l'absorption. Aussi l'application momentanée de liens circu- laires autour d'un doigt ou d'un membre peut-elle prévenir l'absorption des venins et des virus en attendant la cautérisation. Les lotions astringentes, les aspersions de liquides coagulants sur les plaies, tout en diminuant la perméabi- lité des tissus et en ralentissant la circulation capillaire, apportent des entraves à l'absorption. La suspension totale de la circulation rend l'absorption extrêmement lente. A la suite de la ligature de l'aorte postérieure qui arrête à peu près la circula- tion dans le train postérieur, l'antiar mis dans une plaie de la cuisse ne produit ses effets qu'après plusieurs heures, au lieu de les produire après quelques mi- nutes comme dans les conditions ordinaires. Le degré de plénitude du système vasculaire exerce sur cette fonction une action des plus remarquables, que les expériences de Magendie ont mise en évidence. Le savant physiologiste ayant injecté près d'un litre d'eau dans les veines d'un chien, mit dans la plèvre une faible dose d'une substance vénéneuse. Les effets du poison ne se manifestèrent que plusieurs minutes après l'époque à laquelle ils se montrent ordinairement. Dans une autre expérience, on injecta par les veines autant d'eau tiède que l'animal en put supporter, c'est-à-dire environ deux litres. Le poison resta sans effet. Au bout d'une demi-heure, aucun des symptômes qui, dans les circonstances ordinaires, apparaissent en deux minutes ne s'était encore fait remarquer. Une large saignée fut alors pratiquée, et les effets de l'agent toxique se développèrent à mesure que le sang coulait. Dans une troisième expérience, l'animal fut privé d'une demi-livre de sang, puis reçut le poison comme précédemment. Cette fois les effets, qui n'auraient du se produire qu'au bout de deux minutes, se firent remarquer avant la trentième seconde. Enfin, pour montrer que c'était bien la distension des vaisseaux et non le changement d'état du sang qui ralentissait l'absorption, Magendie fit une saignée à un chien, et lui rendit par les veines une quantité d'eau tiède égale au sang retiré des vaisseaux. Les effets de l'agent toxique furent aussi prompts et aussi intenses que dans les circonstances ordinaires. On conçoit, d'après cela, comment l'absorption cutanée devient d'autant plug active chez les batraciens plongés dans l'eau que ces reptiles ont perdu davantage par la transpiration à l'air libre. On comprend de même comment l'absorption est plus active par l'estomac, l'intestin, les voies respiratoires, chez les animaux à jeun et débilités par des pertes de diverse nature ; comment cette absorption s'active par le fait de la diète, de l'abstinence, de l'exercice, de la transpiration, abondante, des émissions sanguines, etc. C'est sur la connaissance de ces faits importants qu'est basé l'emploi des saignées et des moyens qui excitent les sécré- tions cutanéesj intestinales, urinaires, pour obtenir la résolution des œdèmes; VITESSE DE l'absorption. ' 31 dos liydiopisies, des inliltrations considérables, moyens dont les ellets doivent être salutaires, s'ils sont appliqués avec assez de mesure pour ne pas trop débi- liter l'organisme. Les divers états du sang, les modilications de sa composition chimique ont aussi une action incontestable. Le sang a d'autant plus d'aptitude à se charger d'une substance qu'il en contient moins. S'il est épais, il devient très avide d'eau; s'il manque de chloi'ure de sodium ou d'une autre matière minérale, il l'absorbe très activement. Au contraire il prend difficilement les substances qu'il possède déjà en grande quantité et dont il est saturé, car alors son pouvoir osrno- gène est affaibli, ainsi que son aptitude à faciliter la diffusion de ces mômes sub- stances, particularité d'oij découle, en thérapeutique, l'utilité de changer, au bout d'un certain temps, les agents médicamenteux. Dans certains cas, ses altérations lui font perdre la faculté de se charger d'oxygène. Nous verrons plus tard, en effet, que les globules du sang se comportent en raison de leur enveloppe mem- braneuse, comme les autres cellules à pouvoir osmotique variable. Les sécrétions peuvent, par elles-mêmes et par leurs produits, activer ou ralentir l'absorption. Le travail sécréteur déterminant un courant liquide de l'intérieur à l'extérieur est, par lui-même, une cause de ralentissement; mais comme il coïncide avec l'expansion des vaisseaux, avec l'accélération de la circu- lation, il peut l'activer comme cela paraît arriver à la peau. Toutefois par ses produits il entrave généralement les actes d'absorption. Il est clair que les ma- tières sébacées de la peau, surtout dans certaines régions, celles de l'entrée des cavités muqueuses, le mucus épais de l'estomac, le mucus intestinal des animaux à jeun, sont des obstacles à la pénétration des matières étrangères. Quelques produits seulement, comme la bile pour la muqueuse intestinale, favorisent l'ab- sorption ; d'autres, comme le suc intestinal, rendent solubles les huiles, les résines, le phosphore, l'iode ; quelques-uns, et notamment le suc gastrique, rendent solubles les bases, telles que la chaux, la magnésie, les alcaloïdes; enfin, les produits de la transpiration cutanée, par les chlorures qu'ils contiennent, rendent possible, d'après M., Mialhe, l'absorption du mercure en le convertis- sant en deuto-chlorure, etc. La pression atmosphérique et celles des corps extérieurs peuvent exercer une influence très marquée sur l'absorption. On sait que le mercure, qui ne passe pas à travers la peau tannée, la traverse si la pression exercée sur le métal est un peu forte, La filtration, qui est lente à la pression ordinaire, s'accélère beaucoup quand cette pression s'accroît; celle de certains liquides ne peut être obtenue même que par une pression exagérée : ainsi, la filtration de l'huile à travers les parois de la vessie, celle de l'eau à tra- vers les mêmes parois sous une pression de 12 pouces de mercure, celle d'une solution concentrée de sel marin sous une pression de 18 à 20 pouces, d'après les recherches de Cima. La pression exercée sur les liquides par les contractions intestinales devient très utile à l'absorption des substances peu endosmotiques, ce serait même sous son influence que, suivant plusieurs physiologistes, M. Béclard entre autres, aurait lieu l'absorption des matières grasses; Celle que développent les mouve- 32 DE l'absorption. ments du diaphragme i)ar rapport à l'abdomen, les contractions musculaires, la pression des gaines aponévrotiques de la peau, devient favorable à la résorption des infiltrations sous-cutanées et des épanchements divers. Tout ce qui augmente cette pression active plus ou moins la fonction qui nous occupe. Les frictions exercées lors de l'application des médicaments sur la peau deviennent très utiles sous ce rapport ; sans compter qu'elles agissent encore, comme nous venons de le dire, en accélérant la circulation capillaire, en déta- chant les couches superficielles de l'épiderme et en appliquant plus exactement la substance à la surface tégumentaire. On sait que les bandages sur les dilata- tions synoviales, sur les tumeurs molles, en activent la fonte. L'appareil à l'aide duquel Murray augmentait la pression extérieure favorisait ainsi l'absorption des médicaments. La diminution de pression retarde et peut même suspendre l'absorption. Les expériences de Barry ont fait voir que le vide incomplet des ventouses sur les plaies empêche l'absorption du venin de la vipère, delà strychnine, de l'upas, de l'acide cyanhydrique, tant que ces ventouses restent en place ; elles ont fait voir de plus qu'après l'enlèvement de ces ventouses l'absorption du poison peut encore demeurer suspendue pendant une demi-heure, une heure même et davan- tage. On conçoit, d'après cela, les avantages qu'on pourrait retirer de l'emploi d'un tel moyen pour prévenir les suites de la morsure du chien enragé, de l'inoculation des virus et des matières septiques. D'ailleurs, la succion, l'aspi- ration exercée sur les morsures des reptiles venimeux, agit de cette manière, et plus efficacement encore, en retirant au moins une partie de l'agent nuisible. Les bons effets de ce moyen, employé par les psylles égyptiens et les guérisseurs vulgaires, trouvent ici leur explication. La chaleur, dans certaines limites, favorise l'absorption en dilatant les tissus, en rendant les liquides étrangers plus miscibles à ceux de l'organisme et aux produits des sécrétions tégumentaires, en facilitant la diffusion ; elle rend l'im- bibition et l'osmose plus active, au point que, dans les expériences, on a vu doubler et tripler de 0 à 30 degrés les quantités d'eau qui pénètrent dans un osmoraètre plein d'une solution de gomme. Les corps gras appliqués sur la peau, les fomentations, les applications émollientes agissent beaucoup plus vite à une température un peu élevée qu'à une basse température. L'électricité influence aussi manifestement l'absorption. Bien que le galvano- mètre le plus sensible n'indique l'existence d'aucun courant dans les liquides de l'osmomètre ou du bain dans lequel l'instrument est plongé, les courants électriques favorisent l'irabibition et l'osmose. On sait que ceux de la pile entraînent souvent avec eux des particules d'eau avec des gaz résultant de la décomposition du liquide, et que, dans les expériences de Morin, ils font passer à travers les membranes des fluides qui ne peuvent point spontanément les tra- verser. Au reste, les phénomènes de l'osmose seraient dus en partie à l'électricité, d'après M. Becquerel. Mais jusqu'ici on n'a point tenté d'appliquer l'électricité à l'absorption des agents médicamenteux. Diverses substances appliquées sur les tissus ou associées aux matières à absorber influencent l'absorption. Tous les sels qui resserrent les tissus, tous VITESSE DE l'aUSORPTION. 33 ceux qui en coagulent les éléments et les produits de sécrétion la ralentissent : les sels de fer, le tanin, l'acide chroniique, les divers astringents; ils en modifient les conditions, resserrent les vaisseaux, les orifices des glandes, tous les passages accessibles aux matières étrangères. Les substances fluidifiantes la rendent au contraire plus prompte et plus facile. Ce sont là des notions connues qu'il est inutile d'étayer sur des expériences faites avec l'endosmomètre ou avec de simples portions de membranes prises sur le cadavre. L'activité de l'absorption, indépendamment des influences qui peuvent l'accé- lérer ou la ralentir, oll're des variations notables qui paraissent dépendre de con- ditions purement anafomiques. Elle est portée au plus haut degré dans les voies aériennes, puis dans l'intestin grêle, le tissu cellulaire, les membranes séreuses. Elle est à peine sensible dans le tissu des cartilages, des tendons, des ligaments ; elle l'est même très peu dans le tissu des nerfs et dans la substance assez vasculaire des centres nerveux, car il a été démontré que l'opium, la strychnine, l'upas, l'acide cyanhydrique, dépo- sés sur de gros cordons nerveux et sur la substance cérébrale, y restaient sans effet, ou ne déterminaient de faibles symptômes d'empoisonnement qu'après de longues périodes. L'activité de l'absorption est telle sur certaines membranes muqueuses, que plusieurs litres d'eau disparaissent des bronches d'un cheval en moins d'une heure. Quoique un peu moins prononcée dans l'intestin, elle enlève, dans une période de vingt-quatre heures, chez le cheval, plus de 6U litres de liquides, provenant soit des boissons, soit des sucs digestifs. Dans tous les cas, elle n'en- traine pas la disparition complète des poisons pendant le temps qui s'écoule entre leur ingestion et le moment où ils tuent. Aussi quand un chien meurt vingt à vingt-cinq minutes api'ès qu'on a injecté dans son estomac 6 à 7 grammes d'extrait de noix \omique délayée, le viscère garde encore de quoi empoisonner un autre chien de même taille. L'acide cyanhydrique, qui, injecté dans une anse d'intestin grêle, tue en quatre à cinq minutes, se retrouve encore après la mort en quantité appréciable danS' cette anse. La noix vomique, introduite dans l'une des plèvrts du cheval à la dose de 32 grammes et sous forme de dissolution aqueuse, se retrouve encore après la mort en proportion très notable dans ce sac séreux, et s'y fait reconnaître à son extrême amertume et à sa couleur. Il est une foule de conditions pathologiques qui peuvent influencer, très diversement, l'activité de l'absorption. On en connaît un certain nombre. Sur les sujets malades qui ne mangent pas, l'absorption est active partout, à l'exception de l'absorption gastro-intestinale, laquelle est manifestement affaiblie tant par suite du resserrement, de l'inertie de l'intestin, que de l'épaisseur et de la densité de la couche de mucus étalée sur la membrane absorbante. S'il y a de la fièvre, elle peut activer l'absorption, et, notamment, celle de l'eau, en raison de l'épaississeraent du sang. Elle doit l'accélérer à la peau pendant la période de réaction et l'affaiblir à celle du frisson. S'il y a adynamie, affaissement extrême, comme dans les maladies où le système nerveux est gravement atteint, elle peut languir par le fait du ralentissement de la circulation, ou paraître ralentie faute de la réaction nerveuse capable de révéler les effets de l'introduction des médi- s. COLIN. — Fhysiol. comp., 3^ édit. II. — 3 34 13 K l'absorption. caments dans le système sanguin. EnCin, dans le cas d'altération du sang, elle peut être également entravée et rendre îneHicaces les médications les plus ration- nelles et les plus énergiques. On sait que, par exemple, dans le choléra elle est à peu près nulle aux voies digestives. V. — Influence du système nerveux sur l'absorption. Jusqu'ici les physiologistes ont été partagés sur la question desavoir si l'absorp- tion est, dans certaines limites, subordonnée à rinfluence du système nerveux. Les uns ont piétendu que les nerfs n'ont pas d'action sensible sur cette fonction, les autres ont avancé qu'elle ne peut s'opérer en dehors de l'intervention ner- veuse. Ces deux opinions contradictoires sont également fausses : elles ne repo- sent que sur des expériences mal exécutées et mal interprétées. Il est clair que l'imbibition, la capillarité, l'osmose, la diffusion, qui sont des phénomènes purement physiques, ne dépendent pas de l'influence nerveuse, puisqu'ils s'accomplissent sur le cadavre comme dans les osmomètres inertes, fermés par des cloisons inorganiques ou par des membranes mortes ; mais les conditions de ces phénomènes: la perméabilité plus ou moins grande des mem- branes, l'état de leurs revêtements épithéliques, l'abondance de leur mucus, Tacti- vité des courants sanguins ou lymphatiques qui les parcourent dépendent incon- testablement d'actions vitales réglées par le système nerveux. Tout ce que nous verrons plus tard nous prouvera que le système nerveux, étranger aux actes phy- siques de l'absorption, tient néanmoins celte fonction sous sa dépendance, en réglant les diverses conditions de son activité. Voyons les faits. Christison et Coindet ont remarqué les premiers que l'acide oxalique injecté dans l'estomac agit moins vite après la section des nerfs vagues, que dans le cas on les nerfs sont intacts. Dupuy a constaté quela noix vomique, injectée dans l'es- tomac du cheval, après la section des nerfs vagues, ne produit plus d'empoison- nement. Les premiers ont conclu de faits observés sur le chien, qu'à défaut d'in- fluence nerveuse, l'absorption gastrique est ralentie ; et le second, que^ dans les mêmes circonstances, elle ne s'effectue pas chez les solipèdes. Or, ces deux con- clusions, en apparence fort logiques, ne sont nullement fondées. Voici ce qui se passe réellement sur le chien et sur le cheval. Après l'injection d'un poison dans l'estomac du chien ou d'un autre Carnivore, si la section despneumo-gastriquesaété faite préalablement, l'absorption s'effectue encore, mais elle peut être ralentie parce que le viscère paralysé, au lieu de chas- ser une partie de l'agent toxique dans l'intestin, le garde tout entier : l'absorption demeure donc alors limitée à l'estomac au lieu de s'étendre en même temps à l'intestin, comme cela a lieu dans les circonstances ordinaires. Mais, à la suite de l'ingestion du poison dans l'estomac du cheval dont les nerfs vagues sont coupés, les choses se passent tout autrement. Gomme, d'une part, ce viscère paralysé ne pousse rien dans l'intestin, et que, d'autre part, sa muqueuse ne peut absorber d'une manière sensible, il garde intacte la totalité de la substance délétère et aucun symptôme d'empoisonnement ne se manifeste. INFLIENCE r>r SVSTKMt: .NERVELX SLR l'aBSOHPTION. 3o En ellt't. loiuiiio ou k' voira plus complèfenieut au chapitre de labsurption gastrique, les substances toxiques ingérées dans l'estomac du chien, et rete- nues dans sa cavité par la ligature du pylore, tuent très rapidement, que les nerfs soient coupés ou qu'ils restent intacts, tandis que les mêmes substances restent sans effet dans Testomac du cheval dont le pylore est également lié, que les nerfs soient intacts ou qu'ils aient été préalablement réséqués. Si ces substances tuent le cheval dans les circonstances ordinaires, c'est que l'estomac, après les avoir reçues, les pousse par ses contractions dans rinieslia, où leur absorption s'effec- tue. Si, au contraire, elles ne tuent pas après la section des vagues, c'est que le viscère paralysé, ne pouvant les chasser dans l'intestin, les conserve dans sa cavité, où l'absorption n'a pas lieu normaleiiieiU d'une manière sensible. Il est donc évident, d'après ce qui se passe chez les carnivores, que les nerfs vagues n'exercent pas d'influence marquée sur l'absorption gastrique, mais il ne faut point inférer de ce fait que les nerfs soient sans action sur les phénomènes de l'absorption dans tous les autres cas. Après la section des vagues, les nerfs ganglionnaires nombreux qui arrivent à l'estomac, en serpentant autour des artères gastriques, peuvent suffire à exercer l'influence dont nous parlons. 11 fau- drait couper ces derniers avec les autres poiii- arriver à un résultat concluant : or la chose n'est possible que pour un moment, eu divisant transversalement les artères et en rétablissant la continuité entre les deux extrémités de chacune d'elles par un tube de verre ou un tube métallique dans lequel le sans continue- rait à circuler. Les autres expériences tentées pour mettre en évidence le rôle du système ner- yeux dans l'absorption ne sont pas plus concluantes que celles de Dupuv : il est facile de s'en convaincre, même par un examen très superficiel. Brodie ayant versé sur une patte antérieure d'un lapin un poison violent, après la section de tous les nerfs de cette extrémité, vit néanmoins l'empoisonnement se produire. CoUard de Martigny, après la section des nerfs et de toutes les par- ties molles d'un membre dont les artères et les veines étaient intactes, obtint le même résultat. Enfin Panizza, après la section de tous les nerfs de la langue et des lèvres, a constaté que l'acide cyanhydrique. appliqué sur ces parties, tue comme dans les circonstances ordinaires. Mais dans toutes ces expériences les nerfs des parois artérielles n'étaient point détruits. Quant à l'expérience tant vantée de l'éraulsine et de l'amygdaline. elle ne prouve rien en ce qui concerne l'absorption. Quelque incomplètes que soient les tentatives faites pour apprécier l'iuiluence nerveuse sur l'absorption, elles prouvent cependant que les nerfs cérébro- spinaux ne sont pas nécessaires à l'accomplissement de cette fonction ; mais elles ne jettent aucun jour sur la part d'action qui peut revenir aux nerfs gan- glionnaires. Dans le but de supprimer à la fois l'influence possible des nerfs cérébro-spi- naux et des ganglionnaires sur l'absorption, j'ai fait les trois expériences sui- vantes : Sur un premier lapin j'ai sectionné les nerfs du plexus lombo-sacré à leurs racines dans le canal rachidien et les deux splanchuiques dans la cavité abdomi- 36 DR l'absorption. nale, puis j'ai injeclé dans le tissu cellulaire del'une des pattes postérieures une solution de sulfate de strychnine. Les effets du poison se sont manifestés dans les délais ordinaires, c'est-à-dire les convulsions au bout de 8 cà 10 minutes, et la mort en moins d'une demi-lieure. Sur un second la moelle a été coupée, ainsi que les deux splanchniques au milieu de la région lombaire. Le curare introduit sous la peau d'un des membres postérieurs a tué au bout d'une heure. Enfin sur un troisième, après avoir isolé par des ligatures très serrées une anse d'intestin grêle, j'ai coupé tous les nerfs apparents dans son mésentère, puis serré fortement pour quelques minutes l'artère et la veine de cette anse dans une ligature, alin de supprimer momentanément le rôle de conduction de ces nerfs, après quoi la noix vomique a été injectée dans l'anse. L'intoxication a eu lieu comme dans les conditions normales. Pour peu qu'on réfléchisse à la nature intime des actes de l'absorption, on voit que l'intervention du système nerveux à leur égard doit être inliniment res- treinte. Celte intervention n'est nécessaire ni à la pénétration des substances étran- gères à travers les tissus, ni à leur entraînement par les courants vasculaires, la première action étant toute physique, et la seconde résultant du fait même de la circulation. Seulement les nerfs, en activant ou en ralentissant la circulation, et de plus en réglant la vitalité des parties organiques, influencent indubitablement l'absorption et lui impriment des modifications que les expériences ne peuvent mettre en relief, mais qui se traduisent par mille résultats divers dans les actes régulateurs de la résorption, soitdes fluides exhalés, soil des éléments constitutifs des organes. CHAPITRE XXIX DE L'ABSORPTION VEINEUSE L'introduction des matières étrangères dans les tissus vivants est l'acte initial de l'absorption. A ce premier acte s'ajoute une impulsion. Les molécules admises dans les tissus doivent être déplacées, enlevées, pour faire place à des molécules nouvelles. Les forces qui président à leur introduction déterminent un déplace- ment lent ; mais c'est par suite de l'entrée des molécules dans les vaisseaux, et par conséquent, de leur admission dans les courants sanguins et lymphatiques, qu'elles reçoivent la grande et définitive impulsion qui les dissémine dans toute l'économie. Sans doute, l'impulsion que les matières saisies reçoivent des forces molécu- laires, d'où résultent l'osmose, la diffusion, pourrait, à la rigueur, déterminer Fenlèvement, l'exportation et la dispersion de la matière. Elle y suffit dans les espèces inférieures, toutes de petite taille, aussi bien que dans les végétaux cellu- laires, où les produits absorbés passent d'utricule en utricule, de lacune en la- cune ; mais elle devient insuffisante dans les organismes plus élevés, et surtout dans les types supérieurs, où tous les transports de liquides se font à grande vitesse. ABSORPTION VEINEUSE. 37 Les vaisseaux chargés de l'exportation des produits absorbés ne peuvent donc être considérés comme les agent s immédiats de l'absorption : ils en sont seulement les auxiliaires, les organes complémentaires. L'absorption est effectuée parles éléments anatomiques avant que les vaisseaux interviennent; mais, dès qu'ils y participent, c'est à des titres divers. En effet, les vaisseaux agissent : l"au même titre que les tissus dont ils sont formés, et par les éléments anatomiques de ces tissus; 2° par l'attraction de leur contenu, doué d'un certain pouvoir osmogène ; et, sous ce rapport, ils font l'office de petits osmomètres dispersés en nombre infini dans la substance des membranes et dans l'épaisseur des organes, osmo- mètres membraneux et perméables dans une grande partie de leur étendue comme à leurs extrémités radiculaires ; 3° enfin, ils agissent en enlevant rapidement les molécules saisies, et, par conséquent, en maintenant constante la différence ini- tiale entre le liquide intravasculaire et le liquide extérieur, différence qui facilite une diffusion toujours active du second dans le premier. Les vaisseaux sont ainsi des organes d'absorption, de réception et de transport des matières destinées à entrer momentanément dans le torrent circulatoire. D'après ce quia été ditplus haut du mécanisme de la pénétration des matières étrangères dans les tissus, il est clair que tous les vaisseaux à parois minces doi- vent, quels qu'ils soient, jouir de l'aptitude à absorber, et l'expérimentation directe vabientôt en donner la preuve. Mais c'est surtout à leur origine et à cause même de la perméabilité' extrême que leurs minces parois y présentent, que les vaisseaux remplissent ce rôle. A ce point de vue, les veines et les lymphatiques se ressemblent. Toutefois, l'activité de l'absorption ne saurait être égale dans les deux ordres de vaisseaux. En admettant, des deux côtés, une égale perméabi- lité de parois, on peut, a /^rebr/, supposer que chaque ordre de vaisseaux absorbe en raison directe de l'étendue de sa surface radiculaire, de la masse du contenu et de la rapidité des courants. Pour toutes ces raisons, la prééminence semble appartenir aux vaisseaux sanguins, ainsi que l'expérimentation va le prouver. Il est clair que chez les animaux invertébrés dépourvus de lymphatiques, et chez les animaux supérieurs', dans les parties où les vaisseaux blancs font défaut, l'absorption est dévolue tout entière aux vaisseaux sanguins. L'absorption vei- neuse est donc une action plus générale que l'absorption lymphatique. En qualifiant d'absorption veineuse celle qui est effectuée parles vaisseaux san- guins^ les physiologistes emploient une formule qui n'est pas suffisamment rigou- reuse. Toutes les parties du système sanguin peuvent admettre, proportionnel- lement à leur perméabilité, les diverses substances absorbables, quelle que soit la direction des courants sanguins. Dès que les artères sont suffisamment divi- sées pour présenter de minces parois, elles absorbent, et le produit de leur absorption est poussé avec le sang vers les capillaires, puis vers les veines. Les capillaires, qui représentent un système d'une immense étendue de surface, absor- bent mieux encore ; ils peuvent être considérés comme la partie essentiellement absorbante du système vasculaire sanguin; aussi les petites veines ou les radi- cules veineuses continuent cette fonction jusqu'au moment où l'épaississement de leurs parois en annule la perméabilité. Tant que les anciens ne connurent pas les vaisseaux blancs, ils attribuèrent 38 BR l'absouftion. nécessairement Tabsorption aux veines ; et, à cet éi^ard, il ne pouvait alors s'éle- ver aucune contestation ; mais les physiologistes commencèrent à disputer sur la réalité de l'absorption veineuse lorsqu'ils eurent établi l'onice des vaisseaux blancs ; ils Unirent par lanier à peu près jusqu'au moment où Magendie etDellile la prouvèrent par des expériences décisives. Ce sont les suivantes : 1" Ces deux expérimentateurs, après avoir lié le canal tboracique à un chien, lui ont fait avaler une certaine quantité de noixvomique. L'empoisonnement a eu lieu dans les délais ordinaires, donc le poison a été pris par les veines et porté par elles seules dans le torrent de la circulation. Déjà Fontana avait vu le venin de la vipère causer la mort, bien que le canal Ihoracique eut été lié sur les ani- ~ maux mordus ; et E. Home avait constaté que, dans le cas où le canal tboracique est lié, la rhubarbe introduite dans les voies digestives s'élimine très bien par les urines. L'objection laite à cette expérience : que le système lymphatique a pu verser le poison dans les veines par quelque communication avec la sous-clavière autre que celle de l'insertion du canal tboracique, est sans valeur, puisque les communications supposées n'existent pas. 2° Ils ont mis à découvert une anse intestinale qu'ils ont liée à ses deux extré- mités et appliqué des ligatures sur tous les lymphatiques, puis les ont coupés en travers. Enfin, après avoir également lié et coupé les vaisseaux sanguins, à l'exception d'une artère et d'une veine, ils ont injecté dans cette anse de la noix vomique délayée. Au bout de six minutes, les effets de l'agent toxique se sont manifestés avec leur intensité ordinaire. Évidemment, dans cette circonstance, l'absorption a eu lieu par les veines et par les veines seules, car tous les lympha- thiques étaient liés et coupés; il ne pouvait en subsister aucun, puisque la tunique celluleuse des deux vaisseaux sanguins laissés intacts avait été enlevée. 3o Les mêmes expérimentateurs ont séparé du troncle membre postérieur d'un chien, au niveau de la cuisse, en laissant intactes l'artère et la veine crurales, dont la tunique celluleuse était enlevée, afin de détruire les lymphatiques qui pouvaient ramper autour de ces vaisseaux. Deux grains d'un poison très subtil, l'upas lieuté, furent enfoncés dans la patte. L'empoisonnement fut aussi prompt que si la cuisse n'eût point été séparée du tronc. Pour mieux s'assurer qu'il ne restait plus de lymphatiques autour des vaisseaux conservés, l'artère et la veine furent coupées en travers et leurs extrémités réunies par des tuyaux de plume. L'intoxication eut lieu comme dans les circonstances ordinaires. Si l'on compri- mait la veine lorsque les premiers effets de l'upas commençaient à se montrer, ils cessaient bientôt, puis ils réapparaissaient dès que les vaisseaux devenaient libres. De ces trois expériences, la dernière est passible d'une objection grave, à sa- voir : que le poison inséré dans une plaie peut être porté dans les veines blessées par les solutions de continuité nécessairement nombreuses, et non pas absorbé à la manière ordinaire. Les deux premières sont démonstratives à la condition d'être exécutées avec intelligence- Je les ai faites sur le cheval, où elles ne présentent pas de difficultés sérieuses. Après avoir lié le canal tboracique à un cheval et compris une anse intestinale entre deux ligatures très serrées, éloignées l'une de l'autre d'environ 1 mètre et ABSORPTION VEINEUSE. 39 demi, j"ai lié en masse leslyiiipiiiUiquesde cette anse et injecté dans sun intérieur une dissolution de 23 gramuies de cyanure de fer et de potassium. Au bout de six minutes, le sérum du sang des veines de Tanse interceptée prenait une teinte bleuâtre par son contact avec le persulCate de fer. Évidemment, dans cette cir- constance, le cyanure indiqué par le réactif avait été absorbé par les veines, car si quelques atomes de ce sel avaient été saisis par les cliylifères restés libres autour des vaisseaux sanguins, ilsn'auraient pu parvenir dans le système sanguin, puisque le canal qui devait les y verser était intercepté. J'ai, lié une anse intestinale à ses deux extrémités, et coupé en travers les lym- phatiques de cette anse, dans laquelle j'ai injecté ensuite 40 grammes d'extrait alcoolique de noix vomique délayée. Le sang de la veine demeurée libre a été recueilli au moyen d'un ajutage prolongé par un tube de caoutchouc qui versait ce sang à l'extérieur : il avait l'amertume caractéristique de la noix vomique, et les grenouilles qui y furent baignées pendant une demi-heure moururent empoi- sonnées avec tous les symptômes que détermine la strychnine. Ces diverses expériences établissent clairement que l'absorption s'opère, et très vite, parles veines. Il en est d'autres moins concluantes, qui conduisent à la même démonstration. Mayer ayant injecté du prussiate de potasse dans la trachée, retrouva ce sel dans le sang au bout de deux à cinq minutes. Le prussiate apparut dans le sang avant d'être reconnaissaljle dans le chyle : sa présence fut constatée dans le cœur gauche avant de Têtre dans le cœur droit. Panizza trouva également le sel dans le sang avant de le voir dans le chyle du canal thoracique et dans les lymphatiques du poumon. La promptitude avec laquelle la substance saline a pas.gé dans les voies de la circulation fait supposer que celle-ci y est arrivée par les veines. La question de temps est ici extrêmement importante; car, d'après Mayer, on re- trouverait, huit minutes après l'injection, le cyanure dans l'urine, dans la séro- sité du péritoine, des plèvres, dans la synovie des articulations, etc. Ségalas sépare par deux sections une anse intestinale du reste de l'organe : il lie les artères et les veines; en laissant libres les vaisseaux lymphatiques, puis il injecte dans cette anse une dissolution d'extrait alcoolique de noix vomique. La substance vénéneuse y demeure pendant une heure sans déterminer d'empoison- nement : résultat qui n'a rien d'étounant, puisque l'anse dont les \aisseaux san- guins sont liés est frappée d'inertie et de mort. Dans une autre expérience, il laisse à l'anse une artère libi'e, et fait couler à l'extérieur le sang de la veine qui peut charrier le produit de l'absorption. Le poison reste également sans eflet. On conclut de ce fait que non seulement les veines absorbent, puisque leur ligature empêche l'empoisonnement, mais encore qu'elles absorbent seules, puisque les lymphatiques restés libres n'ont pu se charger de la quantité de noix vomique suffisante pour tuer l'animal. Cette déduction n'est pas, comme on a pu le voir déjà, très rigoureuse; car, d'une part, les vaisseaux sanguins du mésentère sont tellement rapprochés chez le chien, qu'en les liant on lie en même temps les lymphatiques les plus considérables; d'autre part, il peut arriver qu'une petite quantité de poison soit absorbée par les vaisseaux demeurés libres, tout en res- tant insuffisante pour tuer en une heure. En attendant plus longtemps et en 40 DE L ABSOP.PTION. opérant sur le cheval, par exemple, où il y a une très grande quantité de lymjtlia- tiques dans un seul espace intervasculaire, on arrive à observer des phénomènes d'intoxication qui mettent en évidence l'absorption des lymphatiques. D'ailleurs, en expérimentant ainsi, môme sur le chien, avec un poison plus actif que la noix Yomique, comme l'acide cyanhydrique, par exemple, on tue les animaux. Du moins c'est ce que j'ai eu l'occasion de noter. On a constaté ce passage des substances salines dans les veines par un grand nombre d'expériences dues à Tiedemann et Gmelin, Magendie, Panizza et d'au- tres. Mais comme dans ces expériences on n'a pas toujours tenu compte du4;emps qui s'est écoulé entre le moment où le sel a été mis en contact avec la surface absorbante et celui où il a été retrouvé, on est en droit d'objecter que, dans ces divers cas, la substance pouvait être absorbée par les lymphatiques, qui l'au- raient ensuite versée dans le sang. Le résultat est ici entouré de trop de causes de complications pour qu'on puisse considérer ces dernières expériences comme rigoureuses. L'absorption de certaines matières colorantes dont on n'a pas reconnu la pré- sence dans les lymphatiques est généralement attribuée aux veines : ainsi, celle de l'indigo, qui, à la longue, bleuit le lait et l'urine ; celle de la garance, qui rougit les os, l'ivoire dentaire et d'autres tissus. Mais de ce que ces substances ne sont point vues dans le chyle ou dans la lymphe, il ne faut pas conclure que les veines seules les ont absorbées. Il peut très bien se faire qu'elles soient prises aussi par les vaisseaux blancs, mais en proportions trop minimes pour y être faci- lement reconnaissables. Les matières odorantes passent très vite dans les veines, sans qu'on puisse le plus souvent les reconnaître dans le chyle. Divers observateurs ont trouvé au sang l'odeur du musc, du camphre, de l'asa fœtida, de l'alcool, lorsque ces substances avaient été ingérées dans l'estomac et l'intestin. On s'assure de ce tait de la manière la plus évidente en injectant, dans une anse intestinale fermée, de l'acide cyanhydrique, après avoir adapté à une veine de cette anse un long tube de caoutchouc, qui sort de l'abdomen et conduit le sang à Textérieur. Ce sang répand alors, et pendant longtemps, une très forte odeur d'amandes amères. Cette odeur est encore très sensible lorsque l'acide est disséminé dans toute la masse du sang, car elle est déjà très prononcée dans celui de la jugulaire deux à trois minutes après qu'on a injecté l'acide dans l'intestin du cheval. Il en est ainsi de l'éther, de quelques essences et autres liquides d'une extrême diffusibi- lité, Flandrin, qui a tant contribué à rendre aux veines le rôle qui leur appar- tient dans l'absorption, trouvait au sang de l'intestin grêle une odeur légèrement herbacée; à celui du cœcum, un goût piquant, une odeur urineuse faible; enfin au sang des veines du côlon, ces derniers caractères au plus haut degré. Il était parvenu à distinguer parfaitement ces diverses espèces de sang qu'on recueillait dans des vases séparés. En examinant attentivement le contenu des veines intes- tinales, on croit reconnaître que le sang de l'intestin grêle n'a ni la même odeur, ni la même saveur que celui du cœcum et du côlon, et l'on s'explique cette diffé- rence en se rappelant que les principes aromatiques, certaines substances sapides, sont absorbés par les veines, et que les sucs versés dans le tube digestif sont eux- ABSORPTION VEINEUSE. 41 mêmes résorbés en plus ou moins grande partk'. Mais il faut noter aussi (ju'aus- sitôt après la mort les gaz intestinaux et les liquides transsudent à travers les membranes, et viennent imprégner le sang accumulé dans les veines. Enfin ces gaz et ces liquides peuvent encore se mêler au sang au moment où on le recueille, s'il coule à la surface des viscères, La présence du sucre dans le sang de la veine porte, observée par ïiedemann et Gmelin sur des animaux nourris de principes sucrés ou féculents, et par d'autres expérimentateurs, en différentes circonstances, est aussi une preuve de l'absorption veineuse. Enfin, il est encore une foule d'argumenls que les physiologistes invoquent pour démontrer la part que les veines prennent à l'absorption, arguments pour la plupart équivoques ou sans valeur réelle, que l'on peut citer pour mémoire. Ainsi, la présence du chyle dans le sang, sous l'aspect de stries blanchâtres, que Swammerdam, Glisson, ïiedemann, Gmelin et d'autres ont cru reconnaître, n'est qu'une illusion. Il n'y a pas de stries blanches dans le sang de la veine porte, et les globules blancs qui s'y trouvent en certaine proportion, comme dans le sang des autres veines et des artères, ont leur origine dans le système lymphatique qui les verse dans le système sanguin par le canal thoracique. Plus tard, il y aura à rechercher si une partie de ces globules blancs peuvent naître dans les radicules de la veine porte ou se former dans la rate. L'augmentation de la partie aqueuse du sang, constatée quelques heures après l'ingestion d'une grande quantité de boissons, n'est pas une preuve que l'eau est absorbée par les veines seules en dehors du concours des chylifères. Cette augmen- tation montre que l'hydratation du sang s'accroît, sans rien faire préjuger sur les voies de l'entrée ou de l'apport de l'eau. La présence dans le foie d'une forte proportion des substances minérales ou des poisons administrés par les voies digestives n'implique nullement que ces matières aient été absorbées par les veines et portées par elles dans la glande. Les poisons se trouvent là en très grande quantité, comme ils se trouvent dans tous les organes très vasculaires ; et ils s'y accumulent en grande masse, parce que le foie, de môme que les reins, se charge de leur élimination. Lorsque le cyanure de fer et de potassium, par exemple, est ingéré en très petite quantité dans l'intestin, il se retrouve bientôt dans la bile et le mucus des canaux excréteurs du foie, dans l'urine des reins et de la vessie. L'exiguïté, l'étroitesse du canal thoracique. que tant d'auteurs, depuis Haller, regardent comme un argument en faveur de l'absorption par les veines, ne prouve absolument rien. Le canal thoracique, si petit qu'il soit, peut, s'il est simple, donner passage chez le bœuf, en une période de vingt-quatre heures, à une cen- taine de litres de liquide, c'est-à-dire à une masse de chyle et de lymphe qui représente quatre à cinq fois celle du sang. L'illustre physiologiste du dernier siècle se fût moins inquiété de rechercher une autre voie pour le passage des boissons, s'il eût connu l'énorme quantité de liquide qui traverse en un jour la veine blanche du thorax. La prétendue incoagulabilité du sang de la veine porte, l'excédent du diamètre des veines comparées aux artères, l'absence des lymphatiques chez les inverté- 42 DD l'absorption. brés, l'induration si fréquente des ganglions mésentériques, sont des arguments qui ne prouvent rien en faveur de l'absorption exercée exclusivement par les veines. Ainsi, les veines absorbent, il n'y a pas à en douter. Les expériences rendent sensible, palpable leur action, en mesurent l'énergie et la rapidité. Il suffit de se rappeler la ricliesse des réseaux sanguins que les injections montrent si grande, pour se faire une idée de l'immensité des surfaces vascuiaires qui concourent à rendre cette absorption active ; il suffit de considérer la situation superficielle des lacis dans les muqueuses sans épithélium ou à épilliélium très mince comme aux petites bronches, aux vésicules pulmonaires, à la conjonctive, pour pressentir la facilité avec laquelle les liquides doivent y arriver. En raison de la rapidité de la circulation sanguine, elles enlèvent promptement et apportent au cœur, en quel- ques secondes, les matériaux qu'elles saisissent. Ce sont elles surtout qui portent dans la masse du sang ces poisons qui tuent presque aussitôt après leur application aux surfaces perméables. On suspend, en les liant, les phétmmènes'de l'empoison- nement. Elles absorbent partout, dans l'intestin comme dans le reste du corps, bien qu'aux voies digestives un système chylifère très développé jouisse d'une activité que ne possèdent pas au même degré les autres vaisseaux lymphatiques. Les veines prennent part aux absorptions intestinales et nutritives comme les lymphatiques, quoique dans des limites moins bien déterminées. Elles paraissent servir seules à la résorption des produits épanchés dans la substance cérébrale et dans l'œil ; elles concourent à la résorption du cal, à celle des tumeurs osseuses, des tumeurs molles dans lesquelles on voit peu de vaisseaux lymphatiques. Mais on conçoit que, dans ces circonstances, il est impossible de donner la preuve directe et indéniable de la participation des veines au travail delà résorption, puis- que les matières résorbées ne se distinguent pas des éléments constitutifs du sang. CHAPITRE XXX DE L'ABSORPTION PAR LES LYMPHATIQUES. L'absorption lymphatique, au point de vue de la physiologie comparée, est un phénomène moins général que l'absorption veineuse, puisque, d'une part, les vaisseaux de ce nom manquent dans les trois embranchements d'invertébrés, et que, d'autre part, chez les vertébrés, divers tissus, divers organes même en paraissent dépourvus. Mais, une fois que les vaisseaux blancs apparaissent, ils ne sont pas, comme les veines, chargés à titre accessoire de l'absorption : leur rôle devient spéciale- ment et exclusivement un rôle d'absorption. Annexe et affluent du système vei- neux, l'ensemble des vaisseaux blancs est construit tout exprès pour exécuter une fonction à laquelle le premier ne peut suffire. Les lymphatiques ont, comme les chylil'ères, un rôle complexe : ils absorbent d'abord la lymphe ou les matériaux à l'aide desquels ils constituent la lymphe, et, en même temps, ils prennent dans les tissus ou aux surfaces les substances étran- gères éventuellement oll'ertes à leur action. Comme les chyiifères, ils apportent ABSORPTION DE LA LYMPHE. 43 au sang des éléments réparateurs, sous la forme d'un liquide de transition qui doit être sanguifié par le fait de l'oxydation respiratoire. Examinons donc en premier lieu l'absorption de la lymphe, puis nous recher- cherons celle des autres matières qui peuvent être oflertes à Taction des lym- phatiques. I. — Absoeptiûx de la ly.aiphe. Les vaisseaux lymphatiques, découverts d'abord dans le foie par Veslingius, plus tard par Rudbeck et enfin par Bartholin dans les diverses parties de l'orga- nisme, forment un vaste système propre à tous les vertébrés (mammifères, oiseaux, reptiles et poissons\ constitué par des réseaux fins ou des radicules d'origine, des collecteurs, des ganglions et enfin par un ou deux troncs pour le déversement des liquides dans les veines. De ces diverses parties, les réseaux d'origine doivent seuls nous occuper ici. puisqu'ils sont les parties absorbantes du système, les autres demeurant affec- tées au transport et à l'élaboration des produits absorbés. Les réseaux qui paraissent la forme initiale la pins commune des lymphatiques. considérés au point de vue fonctionnel, simulent un immense épervier déployé dans l'eau et s'imprégnant partout du liquide où il est baigné. Ils sont formés par de larges canaux anastomosés entre eux, de manière à circonscrire des mailles irrégulières, occupées par les vaisseaux sanguins et par les éléments des tissus. Presque partout ils paraissent avoir des parois distinctes, sauf peut-être chez les reptiles oîi ils semblent constituer des cavités lacunaires, au milieu du tissu conjonetif. Mais ces parois, qu'elles soient simplement épithéliales ou conjonc- tives, ont deux caractères importants. Elles sont closes de toutes parts et jouis- sent, en raison d& leur minceur, d'une très grande perméabilité. En ce qui concerne le premier point, il y a bien quelques doutes, car divers anatomistes habiles. Briicke entre autres, prétendent qu'à l'origine les parois pro- pres manquent à ces vaisseaux qui. par conséquent, ne seraient à leur point de départ que de simples trajets ; mai^ l'Jiyiiothèse de Briicke. par cela seul qu'elle implique l'entrée possible dans les vaisseaux blancs de toutes les matières extrava- sées et des substances simplement divisées, est peu admissible. L'occlusion oblige toutes les matières à entrer, d'après les lois physiques del'osniose et de la diffusion. Quant au second, il n'y en a aucun ; la perméabilité des réseaux doit être très grande, que leur paroi soit amorphe, transparente, semée de noyaux, comme le dit Kôlliker. ou qu'elle résulte, ainsi que le soutient M. Robin % de la juxtaposi- tion de cellules épithéliales déformées par leur pression réciprocfue. Dansles deux cas, la paroi a une minceur extrême qu'on évalue à un millième de millimètre, soit le quart ou le sixième du diamètre d'un globule blanc. Elles restent encore très minces dansles vaisseaux qui naissent des parties réticulées, vaisseaux où le tissu conjonetif, les fibres élastiques et musculaires s'ajoutent à la paroi primitive. 1. Ch. Robin. Dictionnaire eyicyclop. des sciences médicales, art. Lymphatique. Paris, 1870, 2^ série, t. III, p. 387. 44 HE l'aiîsorptio.v. Enlin une troisième condition analomique donne aux réseaux une grande apti- tude à l'absorption. Ils sont extrêmement rapprochés des surfaces où les matières à absorber leur sont offertes. D'après M. Robin, les plus nombreux, dans les muqueuses, se trouveraient à deux centièmes de millimètre de l'épithélium, et, suivant Bélajeff, ceux de la muqueuse uréthrale, dont le pouvoir absorbant est remarquable, arriveraient à peu près au contact des cellules épitliéliales. D'où vient la lymphe, et comment entre-t-elle dans les vaisseaux lymphatiques? Il y a à peine un siècle, les physiologistes pensaient que les artères se termi- naient dans les tissus par deux espèces de branches : les unes assez larges pour admettre les globules rouges, formaient les capillaires sanguins et se continuaient avec les veines ; les autres plus étroites, ne laissant passer que le sérum, consti- tuaient les vaisseaux séreux ou les origines du système lymphatique. Dans cette hypothèse, la lymphe était simplement le sérum du sang, et elle passait directe- ment, par le fait de l'impulsion circulatoire, dans le système lymphatique. Il n'en est rien. La lymphe ou ses matériaux sortent bien en partie des vaisseaux sanguins, mais ces matériaux en sortent à travers les parois vasculaires, et c'est par absorption qu'ils rentrent dans les lymphatiques. Des deux parties du sang, celle qui est représentée par les éléments figurés ou parles globules demeure constamment intravasculaire; l'autre s'échappe en partie par diffusion, à travers les parois vasculaires, dans la trame des tissus, comme on le voit lors du développement de l'œdème ou de l'anasarque ; cette partie plasma- tique s'échappe d'autant plus abondamment que la quantité de sang est plus grande, sa tension plus forte et sa fluidité plus prononcée. Aussi, dans les expériences de Herbst, la quantité de lymphe s'accroissait en raison de l'augmentation de la masse liquide résultant de la transfusion du sang ou de l'injection de l'eau dans les veines. Le même effet s'est produit dans les miennes par suite de l'injection de grandes masses d'eau dans la trachée. Il se manifeste localement dans les organes sécréteurs qui appellent une grande quantité de sang, dans l'utérus pendant la gestation, autour des œdèmes, dans l'infiltration des membres, dans les engor- gements farcineux de ces parties, dans celui du testicule, etc. Partout la quan- tité de lymphe est proportionnelle à la masse plasmatique extravasée. L'augmentation delà lymphe a lieu alors dans des proportions qu'on ne saurait calculer sans donnéesexpérimentales, mais elle est grande si onenjugepar la tur- gescence des ganglions où arrivent les] vaisseaux lymphatiques des régions ma- lades et par la distension de ces vaisseaux. Elle est si abondante lors de l'infdtra- tion d'un membre postérieur, qu'on la voit couler en jet par la piqûre faite à leurs parois vers le milieu de la hauteur de la jambe. Les matériaux plasmatiques qui s'échappent par transsudation des vaisseaux sont destinés, en rentrant par osmose dans les vaisseaux blancs, à constituer la lymphe. Les deux actes de sortie et d'entrée sont corrélatifs, et ils peuvent être simulés sur le cadavre par l'injection hydrotomique du système sanguin qu'on voit suivie d'une extrême réplétion des lymphatiques. Sur un organe isolé, cette injection d'eau par les artères, après avoir rempli les lymphatiques, fait couler la lymphe par les extrémités ouvertes des vaisseaux, absolument comme s'ils por- taient des fistules. ABSOriPTION Dli: LA LYMPHE. 45 Si, dans les conditions physiologiques, il ne sort dos vaisseaux sanguins que des éléments plasmatiques non ligures, on ne voit entrer dans les lymphatiques que des éléments dissous, de même que, sur le cadavre, les injections colorées poussées dans les vaisseaux sanguins reviennent décolorées parles lymphatiques. ÎMais si. par le fait d'une pression capable de dilacérer les vaisseaux sanguins, les globules rouges en sortent, ils rentrent aussi en certaine proportion dans les vaisseaux blancs. KoUiker les a vus passer dans les lymphatiques de la queue des têtards de grenouille, lorsque la circulation s'embarrassait, et Ilerbst a pro- duit cet effet à un certain degré, en augmentant la pression sanguine par la trans- fusion. La congestion intestinale, l'hémorrhagie, le froissement de la rate pro- duisent le même effet partiel. Le plasma sanguin ne sortant pas de ses vaisseaux avec les proportions de ses divers éléments, la lymphe ne doit pas lui être chimiquement identique. Ce qui s'échappe des capillaires est moins chargé d'albumine que ce qui y reste, aussi la lymphe est-elle moins coagulable que le plasma. A ce plasma s'ajoutent des matériaux pris dans les tissus, dans les organes sécréteurs, dans les produits de sécrétion, ou des matières étrangères recueillies sur la peau, sur certaines muqueuses, etc. Tout cela est moditié en entrant dans les réseaux. Des globules s'y forment comme dans le chyle que la villosité pompe. La plasmine acquiert la propriété de se dédoubler en donmint de la fibrine, etc. Dès que les matériaux plasmatiques sont entrés par osmose dans les réseaux lymphatiques, la lymphe est constituée à leurs dépens, elle a, à compter de ce moment, sa fibrine qui la rend coagulable, son albumine, ses graisses saponifiées et enfin ses globules blancs de trois espèces qui. seront décrits plus loin ; car si on la recueille, comme je l'ai fait sur le cheval, au-dessous des ganglions ingui- naux, elle est déjà coagulable et chargée de globules. De ce que la lymphe a des sources multiples, savoir : le plasma extravasé, les produits de sécrétion, les produits de désassimilation, les matières du dehors, il s'ensuit qu'elle ne doit pas .offrir partout exactement la même composition. Celle de la séreuse ne doit pas être en tout semblable à celle de la muqueuse, celle du muscle à celle du foie, etc. ; c'est un produit dont les variations sont subordon- nées aux variations de ses facteurs. Mais elles sont si peu considérables qu'elles ne frappent pas, et l'homogénéité apparente se maintient en raison de l'unifor- mité du plasma qui est le facteur essentiel. Les ganglions que la lymphe doit, suivant la remarque de Mascagni, traverser au moins une fois avant d'arriver au canal, sont des organes à rôle très complexe, qui reçoivent la totalité de la lymphe, la filtrent, en ralentissent le cours, et lui permettent, par de nouveaux échanges entre ses éléments et ceux du sang, de se modifier à la fois dans sa constitution physique et ses propriétés chimiques. D'abord les afférents la répartissent dans toute l'étendue de la glande, soit qu'ils aillent la verser directement dans les efférents nés sur la limite des deux substances, soit qu'ils l'épanchentdans les alvéoles de la corticale servant de corps caverneux intermédiaire aux vaisseaux de Timportation et à ceux de l'exporta- tion. Là elle peut se modifier en raison de trois conditions nouvelles : i° par 46 1>E L ALSURl'TION. suite de sa (lis[K'rs.ioii un milieu (riinc luiilc de raii;iii\ lins. \i'rilaljle< lilières où ses éléments sont en rapport avec (rimnienses sm-faces; 2' par le fait de son contact avec les éléments propres des alvéoles qui sont ou des noyaux épithéliaux fixes capables de modilier la lymphe, comme le lonl les éléments analogues dans les glandes, ou des globules dont la lymphe s'empare peu à peu en les entraînant dans ses courants ; 3° enfin elle peut s'élaborer en empruntant au sang, dont elle est si rapprochée, des éléments qu'elle ne possède pas encore, éléments qui doi- vent sortir des capillaires sanguins avec une grande facilité et rentrer non moins aisément dans les lymphatiques ; car, comme nous l'avons vu, ces deux ordres de vaisseaux se touchent, le lymphatique même engaine souvent le sanguin, et dans leurs points de contact leurs parois sont réduites à une extrême minceur. On conçoit qu'il est fort difficile, sur un point si délicat, de présenter des for- mules à l'abri de toute contestation; cependant il en est un certain nombre qui me paraissent actuellement incontestables. En premier lieu, les ganglions ajoutent à la lymphe des principes fixes, un peu de fibrine, d'albumine et des sels, et ils lui enlèvent de son eau, car elle est plus char-^ée des premiers éléments en sortant de ces organes qu'elle ne l'était en y entrant. En second lieu, ils lui donnent une certaine quantité de globules, car elle en contient un peu plus au delà de ces glandes qu'elle n'en avait en deçà. Les dissidences, à cet égard, ne peuvent porter que sur la question de savoir si les globules sont formés dans les vaisseaux de la lymphe, comme ils le sont sans aucun doute dans les réseaux d'origine, ou s'ils naissent dans les alvéoles, et en sont simplement détachés et entraînés par les courants lymphatiques, à moins cependant qu'on n'admette les deux modes en même temps, ce à quoi je suis, pour mon compte, très disposé. Il est facile, dans les conditions physiologiques, devoir que la turgescence des ganglions est en rapport avec l'activité des lymphatiques, et que l'état du sang de la circulation générale se ressent de la surexcitation des ganglions. Toutes les fois en effet, que les parties d'où viennent les lymphatiques, tributaires d'un groupe de ganglions, fonctionnent très activement et fournissent une grande somme de matériaux, le groupe ganglionnaire se tuméfie, et, s'il est considé- rable, la quantité de globules ajoutés au sang devient très sensible. Ainsi, cela arrive, dit-on, sur la femme, vers la fin de la gestation, pour les ganglions pelviens et lombaires. De cette excitation physiologique qui résulte d'un apport plus con- sidérable de Ivmphe à une véritable irritation, il n'y a pas loin ; et des effets de la première à ceux de la seconde il n'y a que des degrés dans la quantité de glo- bules blancs produits et entraînés par la lymphe. Aussi, quand l'irritation gan- glionnaire est vive, elle donne lieu à la leucocytose, comme Virchovv ' l'a très bien établi. Dans les maladies, et au moment où il y a simple tuméfaction des ganglions, comme dans les affections farcino-morveuses, la leucocytose se produit vite et persiste à un degré variable, mai^ elle dépend autant de l'hypergenèse globulaire 1. Virchuw, Pfl//K//. ralluliiin^. l'-rililiuii. l*aiis, l«7-i. ABSORPTION DE LA LY.MI'IIE. 47 dans les vaisseaux des testicules ou des membres engorgés, quv de celle (jui a son siège dans les ganglions. On conçoit que la formation globulaire i«n'nne une activité proportionnelle à l'augmentalion de volume des ganglions, ;uigmentation qui s'élève au double, au triple du poids normal, et même plus, car j'ai vu les ganglions sous-glossiens, qui pèsent d'habitude 5 à 6 grammes, arrivera 120 sur le cheval morveux. A cette addition de globules et de* principes fixes paraissent se boiner les acquisitions de la Ijmphe dans les ganglions. Rien n'indique que dans les condi- tions normales elle y reçoive de la matière colorante du sang, comme l'ont dit un grand nombre d'observateurs. Mais il est évident que si les ganglions ont subi quelques violences physiques, l'hématine et les globules rouges peuvent passer dans la lymphe. La quantité de lymphe absorbée par Tensemble du système peut être déter- minée par la méthode des fistules appliquées, tout à la fois, au canal thoracique et au tronc lymphatique droit, dans les moments oi!i l'absorption intestinale est à peu près suspendue faute de matériaux. Elle peut Tètre encore en recueillant ces produits pendant la digestion, et en déduisant du chiffre total celui qui repré- sente approximativement la masse du chyle d'après les bases posées plus loin. "SY. Krause l'a évalué à plus du tiers du poids de l'animal. Mais, d'après de nom- breuses déterminations expérimentales qui me sont propres, je crois qu'il se trompe de plus de moitié, car la somme de lymphe que l'expérimentation indique représente au plus un septième du poids du corps. Dans diverses régions on arriverait à quelques estimations partielles si on me- surait l'aire de tous les vaisseaux dont le produit peut être déterminé. Voici pour quelques animaux, d'après mes recherches, le produit versé par un lymphatique du cou en une heure. Sur le mouton et le bœuf la fistule est établie à l'abouchement du vaisseau dans le tronc lymphatique droit : !'='■ cheval 22 grammes pour 21 li . : 528 2<= cheval 40 — — 960 3= cheval 50 — — 1200 4= cheval 16 — — 384 5« cheval 40 — — 960 6e cheval ■ 5ô — — 1320 7° cheval ondanl une lieuie, puis diminue d'une manière insensible ; le sel a été absorbé ici comme il l'a été dans l'intestin. Sur un second cheval, j'établis une (islule à un lymphatique voisin de la carotide, \ers le milieu du cou, et j'injecte dans le tissu cellulaire de la face, par une petite ouverture de la peau, 5 grammes de ferro-cyanure dissous dans 200 grammes d'eau ; une partie de la solution est poussée sous la parotide, et, pour accélérer la progression de la lymplie, on donne du foin à l'animal. A compter de la septième minute, le liquide recueilli par le tube prend, par le per- sulfate de fer, une belle teinte vert d'émeraude. Dès la quinzième minute, la teinte bleue devient très foncée ; elle conserve toute son intensité pendant la première heure, puis elle d(''croît, el à la lin de la troisième heure elle disparaît. A ce moment, la totalité de la dissolution a été absorbée. Ainsi, en sept minutes, le sel que nous avons déposé dans le tissu cellulaire facial, près des lèvres et des narines, a été absorbé, puis porté dans les ganglions sous-glossiens, de là dans les ganglions parotidiens et pharyngiens, de ceux-ci dans les petits, qui sont échelonnés sur les côtés de la trachée, enfin il est arrivé vers le milieu de l'encolure. Ce court délai lui a suffi pour effectuer un si long trajet. Ici, comme à l'intestin, nous avons deux temps confondus, celui de l'absoi'p- tion et celui du transport des produits absorbés. Quelle est leur durée respec- tive ? Est-il possible de dire combien il a fallu de minutes aux lymphatiques pour prendre le cyanure, et combien pour l'amener de la région des lèvres à la partie moyenne du cou ? Il est évident, d'une part, que, si nous déposons le sel très près de l'endroit où il doit être amené, et que si, d'autre part, nous activons la marche de la lymphe par les mouvements musculaires, nous réduirons considé- rablement la durée du transport. Les expériences suivantes vont, en effet, nous montrer que les deux phases du phénomène sont assez courtes. J'injecle sous la parotide d'un cheval et aussi en partie sous la peau de la face une solution de 4 grammes de ferro-cyanure pendant que l'animal mange. Gela fait, le sel paraît déjà très nettement, dès la cinquième minute, dans la lymphe, qui coule au milieu du cou. Les parties absorbées sont arrivées plus vite que dans l'expérience précédente, car leur trajet était réduit d'une étendue presque égale à la longueur de la tête, et elles n'avaient point à traverser le groupe des ganglions sous-glossiens. Sur un autre, où l'injection de 7 grammes de cyanure dans 150 grammes d'eau fut faite au même point, le sel parut plus vite encore, au bout de quatre minutes seulement. M. Milne Edwards fut témoin de cette expérience. Dans aucune de celles que j'ai faites depuis, le sel ne s'est montré avec plus de promptitude. Dans d'autres expériences, j'ai remplacé le prussiate de potasse par l'iodure de potassium, et les résultats ont été les mêmes. L'émétique et l'acide arsénieux, le sulfo-cyanure de potassium, que les chylifères avaient absorbés, ont été pris également par les vaisseaux blancs. Voilà pour l'absorption lymphatique dans le tissu cellulaire Elle n'est pas moins évidente à la surface des plaies. Ainsi, sur un cheval portant vers le sabot, au bourrelet et au paturon, une plaie vaste avec chute de peau, j'établis une fistule à un lymphatique satellite de la saphène, vers le milieu du plat de la cuisse, puis le pied fut plongé dans un ABSORPTIONS DIVERSES EFFECTIIÉKS PAU LES LYMPHATIQUES. 53 baquet contenant une solution étendue de ferro-cyanui-e de potassium; le sel apparut dans la lympiic à la vingtième minute. De tout ce qui précède, il résulte clairement que les lymphatiques, liicn (pTils soient, dans les circonstances ordinaires, seulement chargés de recueillir le plasma du sang, peuvent cependant, comme les chylifères, admettre les substances solubles qui leur sont offertes, les admettre rapidement et en grande quantité. Aucun doute ne peut plus subsister à ce sujet. Pour réfuter l'hypothèse d'après laquelle les lymphatiques n'absorberaient que secondairement, et dans le plasma épanché, les sels qu'ils contiennent, je fais l'expérience suivante : J'insère deux tubes métalliques dans les vaisseaux blancs de l'encolure, l'un du côté droit, l'autre du côté gauche; je mets à découvert la carotide et la jugu- laire, de manière à recueillir du sang très rapidement et de minute en minute, puis j'injecte dans le tissu cellulaire de la moitié droite de la face une solution de prussiate de potasse. A la septième minute, je vois apparaître le sel dans la lymphe du côté droit, oi'i l'injection a été faite, et aussitôt je recueille un échan- tillon de sang de la jugulaire droite, de la carotide, et enfin de lalymphe du côté gauche du cou. Or, le sérum du sang de la jugulaire droite venant des parties oi!i le sel a été déposé ne contient que des traces presque insaisissables de prus- siate. Le sang artériel et la lymphe du côté gauche n'en montrent pas du tout. Évidemment le sang artériel n'a pu donner au plasma le sel qu'il ne contient pas encore, et, s'il eût pu en donner, il l'eût fait à la lymphe du côté gauche comme à celle du côté droit. Si nous continuons à suivre notre expérience, nous verrons qu'à la dixième, à la douzième, à la quinzième minute, la lymphe provenant du côté de l'injection prendra une teinte de plus en plus bleue. Lalymphe de l'autre côté sera toujours dépourvue de prussiate, et le sang de la jugulaire droite n'en contiendra ni plus ni moins qu'au début. Cela est très concluant. Les matières colorantes sont aussi absoi'bées par les lymphatiques. L'indigo traité par l'acide sulfurique pst, dans mes expériences, arrivé du chanfrein aux ganglions sous-ma\illaires. La murexide, l'une des plus belles matières rouges que l'on puisse employer, a été parfaitement absorbée et son absorption apuétre suivie dans toutes les phases de son activité. 2 grammes de cette matière colorante en dissolution dans 3U0 grammes d'eau ont été injectés dans le tissu cellulaire de la face. La lymphe versée par la fistule a changé de teinte à partir de la dix- septième minute : de la teinte normale jaune d'ambre elle a passé à une couleur de plus en plus rougeâtre jusqu'à la fin de la première heure, puis elle est revenue à sa nuance primitive. Toutes les matières colorantes ne passent pas avec autant de facilité, même dans les lymphatiques de l'intestin, car on se rappelle que la plupart des obser- vateurs n'ont pas trouvé dans ces \aisseaux la rhubarbe, la gomme gutte, la cochenille; mais il est probable qu'elles passent en quantité faible, trop faible pour faire changer la teinte du liquide. Comme le sujet a peu d'importance, je n'ai pas cru devoir étendre mes recherches à un grand nombre de matières tinctoriales différentes. Ainsi voilà réhabilités les vaisseaux blancs que des expériences défectueuses et 54 DE l'absorption. de fausses déductions avaient voulu déposséder d'une partie considérable de leurs attributions. Ils sont bien et dûment remis sur la même ligne que les veines, avec lesquelles ils partagent, sans aucun doute, la fonction de recueillir les matières diverses offertes à l'absorption. Maintenant, une autre question se présente. Les lymphatiques peuvent-ils, dans quelques conditions et dans certaines limites, absorber les substances, non dissoutes, simplement divisées en particules ténues? Quelques faits bien observés montrent que des corpuscules solides peuvent être admis dans les lymphatiques, par exemple, le charbon porphyrisé, les parti- cules qui vont dans les ganglions bronchiques s'associer à des sels calcaires et y former des dépôts considérables, et enfln celles de cinabre insérées dans les couches superficielles du derme, lors de l'opération du tatouage. Mais, dans tous ces cas, il est probable que les particules anguleuses se sont frayé des voies, des solutions de continuité microscopiques. Cela n'est pas douteux pour les parcelles de cinabre retrouvées dans les ganglions axillaires des individus tatoués au bras : elles ont été aussi insérées directement dans les vaisseaux piqués, comme le mercure l'est par la petite canule implantée au hasard dans la couche dermique la plus superficielle. Dans les conditions pathologiques, les vaisseaux blancs prennent à diverses absorptions une part aussi considérable et aussi évidente que dans les cas ordi- naires; car, d'ailleurs, leur action pathologique n'est le plus souvent qu'une action physiologique exagérée. Ainsi, ceux du tissu cellulaire reprennent des masses de liquides albumineux dans les œdèmes, dans l'anasarque, l'infiltration des membres, dans les hydropisies de la gaine vaginale, des plèvres, du péri- toine, dans les kystes volumineux de l'ovaire, les grandes dilatations synoviales. On les voit alors arriver à un volume énorme, et demeurer pleins de liquide. La grande quantité qu'ils en amènent aux ganglions les met dans un étal de turges- cence remarquable et plus ou moins persistante. Leur action est aveugle et fatale : elle s'exerce sur les matières virulentes, septiques, qui sont produites en quelques points de l'organisme ou qui viennent de l'extérieur, et elle les dissémine partout. Ils prennent dans l'intestin du typho'ide, dans le poumon à inflammation gangreneuse, (tans les plaies de mauvais caractère, des matières septiques qui vont, avec celles que les veines ont recueillies, développer les accidents de l'infection putride. Lors du co'it impur, ils prennent le virus syphilitique et vont le déposer dans les ganglions inguinaux. Dans le cas de piqûre anatomique à la main ou de morsure envenimée, ils trans- portent visiblement un agent nuisible; car ils se tuméfient, deviennent sensibles, et vont bientôt provoquer une tuméfaction douloureuse de la glande où'ls dépo- sent la matière iri-itante. Ces modifications résultent, soit de l'action directe du virus, de la matière septique sur les vaisseaux qui l'ont saisi ou charrié, soit du travail de sécrétion qui engendre dans le vaisseau ou dans le ganglion les produits d'une irritation subséquente. Ils prennent, dans un grand nombre de cas, la partie séreuse du pus, et peut- être, avec elle, ses globules. Aussi les ganglions bronchiques se tuméfient dans le cas d'abcès, de vomique, de suppuration pulmonaire. Il en est de même des ABSORPTIONS DIVERSES EFFECTUÉES PAi; LI.S LYMPHATIQUES. 5d mésentériqucs, dans les allections typhoïdes de l'houiiue; — des sous-glossiens dans le cas de morve ou de collections des sinus; — de ceux de l'ars, de l'aine, dans les maladies du pied, les caries des libro-cartilages de la troisième pha- lange; — de ceux du bassin,. dans la métrite seplique ou purulente; — des sous-lombaires, dans le cas de champignon ou cordon testiculaire; — des sous- scapulaires, des prépectoraux dans le phlegmon de la région du garrot. Le pus qu'on trouve alors quelquefois dans les lymphatiques qui ont charrié et dans les ganglions qui ont reçu les produits de la suppuration, peut avoir été puisé dans les foyers, ou bien résulter du travail inllammatoire des parois vasculaires et de la substance ganglionnaire. Dans tous les cas, il produit ultérieurement, par son déversement dans le sang et sa dispersion dans l'organisme, divers accidents graves. La matière tuberculeuse insérée dans les plaies ou dans le tissu cellulaire sous-cutané parait aussi prise par les lymphatiques, non seulement ses parties séreuses et dissoutes, mais encore ses éléments figurés. Elle irrite tous les vaisseaux qui la recueillent, tumétîe tous les ganglions où elle se dépose : aussi son itinéraire est-il dessiné très nettement sans qu'aucune altération ne s'étende aux parties du système étrangères au transport du produit pathologique ; c'est ce que je crois avoir suffisamment établi ailleurs ^ Les sucs cancéreux sont aussi, suivant Virchow, charriés de proche en proche, loin du foyer primitif,' et ce serait par les lymphatiques qu'ils généraliseraient à la longue leur action envahissante. Enfin, dans une foule de cas, les globules du sang, et même une certaine quantité de sang en nature, peuvent passer dans les lymphatiques, soit aux réseaux d'origine, soit dans les ganglions ou dans la trame de quelques organes. Et ici il faut éliminer ceux où la présence du sang tient au reflux opéré à l'em- bouchure du canal thoracique ou du tronc lymphatique droit. Les cas les plus ordinaires de l'admission du sang dans les lymphatiques senties suivants : Il y a fort souvent, comme divers observateurs l'ont noté, mais non toujours, une lymphe rosée dans les vaisseaux blancs et les ganglions de la rate, sans que l'organe paraisse avoiréprouvé de froissements ou de contusions; et la teinte car- minée decette lymphe est due non àl'hématine dissoute, mais aux globules rouges. Dans le cas de déchirures musculaires, d'ecchymoses, de suffusions sanguines plus ou moins étendues dans les membres postérieurs, on trouve la lymphe des ganglions sous-lombaires plus ou moins rosée ; elle contient alors des globules rouges qui ont pénétré dans les vaisseaux blancs, probablement par des solutions de continuité à leurs parois. En tuant le cheval par la section de l'artère fémo- rale, on donne lieu à une coloration rosée des ganglions lombaires du côté de l'artère blessée. En froissant une anse intestinale entre les doigts, en appliquant seulement une ligature sur cette anse, on provoque une injection rosée des chy- lifères de cette anse et des ganglions auxquels ils se rendent. C'est d'ailleurs ce qui arrive dans le cas de hernie étranglée. L'injection est diffuse, et tous les gan- 1. G. Colin, Rapport sur unMém, de M. Vlllemin. Cause et nature de la tuherciUose, Bulletin de l'Académie de médecine, 1866, t. XXXII, p. 897.) 56 rtE l'absorption. glions sont rougis, comme on le sait, sur les animaux qui meurent de congestion intestinale violente, d'entérorrhagie ou d'affections charbonneuses. On voit donc, par les résultats expérimentaux le? plus nets et par les faits pathologiques les plus significatifs, que ks lymphatiques prennent une part évidente à l'absorption. Ils prouvent que les physiologistes de l'école de Hunter, de Cruikshank, qui leur attribuaient toute l'absorption, étaient aussi loin du vrai que Magendie et ses disciples, qui les destituaient de toute participation à cette fonction, sauf celle qui a trait à la collection des éléments de la lymphe. Les vaisseaux blancs partagent, sans aucun doute, avec les veines, ce travail si général et si important. Mais plusieurs questions majeures se présentent ici pour donner à leur parti- cipation sa physionomie, ses caractères, montrer en quoi elle ressemble à celle des veines, en quoi elle en diffère. D'abord, l'absorption lymphatique s'opère-t-elle avec une rapidité égale à celle des veines? Non, évidemment. La pénétration de la matière dans les éléments du tissu, constituant le premier stade de l'absorption, doit se faire à peu près avec la même vitesse des deux côtés; la pénétration dans le vaisseau est probablement d'une égale facilité pour la veinule et le capillaire lymphatique; car, dans les canaux d'un centième, d'un millième de millimètre de diamètre, les parois doivent être sensiblement, des deux côtés, d'une minceur et d'une perméabilité égales; et des deux côtés le pouvoir osmolique des liquides, sang et lymphe, être assez sem- blable, de sorte que le stade de la pénétration serait parcouru avec une rapidité peu différente dans le vaisseau lymphatique et le sanguin. Seulement la diffé- rence commence au moment où les produits absorbés sont entraînés dans le système sanguin avec une vélocité extrême, mais beaucoup moindre dans le lymphatique. Toutefois, dans le dernier système, ces actions sont encore très rapides, puisque Fiodure de potassium injecté dans le tissu cellulaire de la joue du cheval ne met souvent pas plus de quatre à cinq minutes pour entrer dans les lymphatiques, traverser plusieurs ganglions, et parvenir au milieu de la lon- gueur du cou du cheval. Donc la rapidité de l'absorption lymphatique, quoique plus grande qu'on ne l'admet généralement, parait bien moindre que celle des veines à cause delà diffé- rence dans la rapidité de l'enlèvement des produits absorbés. Mais, en réalité, elle peut être la même des deux côtés. La différence apparente lient à l'inégale vélocité du transport des produits absorbés. Aussi n'est-on pas en droit de dire, avec Mayer, que les veines ont l'avantage, parce que, dans certains cas, celui d'in- jection dans les voies aériennes, par exemple, la substance injectée apjiaraîtrait dans ces vaisseaux avant de se montrer dans les autres. L'activité de l'absorption lymphatique, comparée à la veineuse, est moindre aussi d'une manière générale; car, 1" dans un organe pris en masse ou dans une fraction d'organe, la quantité des vaisseaux sanguins, et, par conséquent, rétendue de leurs surfaces est de beaucoup supérieure au nombre et à la surface des lymphatiques; 2" dans cet organe aussi, le sang, emporté plus vite, est rem- placé immédiatement par de nouvelles quantités dont le pouvoir osmogène se ABSORPTIONS DIVERSES EFFECTUEES l'AK T.tS T.VMl'llATlQUES. liT trouve inaiiitcnu intact. Aussi, clans les expéiiences de Magendie et dans les miennes, si du poison est injecté dans l'intestin, ses effets sont très prompts et très intenses, les veines demeurant libres, et les lymphatiques interceptés ou le canal tlioracique lié, tandis que ces mêmes effets sont peu marqués et se font attendre plusieurs heures si les lymphatiques restent seuls libres, les veines étant liées ou ouvertes, ou encore à contenu immobile, comme dans le cas de ligature de l'aorte. Alors l'upas, la noix vomique, empoisonnent très lentement, comme l'ont vu Bischoff, Ludvvig, etc. En d'autres termes, lorsque les veines seules prennent le poison, elles en recueillent, dans un temps très court, assez pour tuer, tandis que les lymphatiques ne peuvent recueillir l'équivalent qu'en un temps beaucoup plus considérable. Il est vrai, toutefois, que la différence est très exagérée dans les expériences où le cours de la lymphe se ralentit par le fait de l'interruption du cours du sang. En somme, rinégalité»dans la participation des lymphatiques et des veines à l'absorption est probablement, comme le dit M. Milne Edwards \ plus le résul- tat de la différence de rapidité entre la circulation sanguine et la lymphatique que celui de différences dans la perméabilité et dans les propriétés osmotiques des deux ordres de vaisseaux. Vue dans son ensemble, la participation des lymphatiques à l'absorption que, depuis Magendie, on s'était habitué à compter presque pour rien, et que M. Milne Edwards dit encore très secondaire, est réellement fort étendue en raison de la masse liquide versée par le système des vaisseaux blancs dans le torrent delà cir- culation, masse dont chaque partie est, à un moment donné, beaucoup plus chargée de la substance à absorber que ne l'est une partie égale du sang lui-même. On peut se demander encore si les deux systèmes qui agissent parallèlement prennent les mêmes substances, ou si l'un n'absorbe pas particulièrement cer- taines d'entre elles, en laissant les autres à son congénère. Sans doute, il ne serait pas impossible que certaines substances entrassent plus facilement dans un des ordres de vaisseaux que dans l'autre, si les conditions de perméabilité des parois n'étaient pas identiques ; mais comme, suivant toutes les apparences, ces conditions ne sont pas sensiblement différentes de part et d'autre, rien n'autorise à admettre un choix, une élection, comme on le suppose dans le système de Bichat, Mes expériences assez variées, d'après la méthode des fistules, prouvent que ce que l'un prend. l'autre le prend aussi et au même moment, que nul n'a de privilège, et que, conséquemment, le système des affinités électives est, dans son expression générale, une pure fiction. En effet, par les fistules aux lymphatiques, j'ai recueilli des liquides chargés d'un ou deux sels à la fois, de ferrocyanure, d'iodure de potassium, de sulfocyanure de potassium, d'arséniate de soude ou de potasse, de matières colorantes, etc. Nous devons nous demander ici comment les ganglions se comportent à l'égard des matières autres que la lymphe, et notamment des matières insolubles ou des éléments organiques figurés qui peuvent éventuellement entrer dans les courants lymphatiques. 1. Milne Edwards, Leçons dephysiol, et d'anaf. comp., t. V, p. 196. 58 DE l'absokpïion. Le premier effet (h' ces matières, quelles qu'elles soient, dès l'instant qu'elles sont étrangères, est de provoquer une stimulation qui se traduit parla tuméfac- tion du ganglion, par une plus grande sensibilité à la pression, un peu plus d'in- jection sanguine, et par une liy|)ergenèse dfs élémenls ^dobnlaires ou nucléaires de la substance corticale. Il parait dû à ce que la matière étrangère s'est arrêtée en certaine proportion dans le ganglion, notamment dans sa substance périphé- rique. La masse granuleuse, accumulée dans les alvéoles, semble agir, comme on l'a fort bien dit, à la manière des fdtres composés de substances pulvéru- lentes : elle retient ainsi les corpuscules de cinabre du tatouage, quoique plus fins que les globules lymphatiques; elle arrête, à plus forte raison, les particules de charbon qui sont plus volumineuses, et les débris, les détritus emboliques qui peuvent provenir des plaies, des tissus malades; elle arrête aussi, dit-on, au moins momentanément et partiellement, les fines particules de graisse, et les globules purulents ^ Mais sur ce dernier point il y a des doutes. Les particules de graisse qui peuvent être en suspension dans la lymphe, comme elles le sont si abondamment dans le chyle, ne s'arrêtent ou ne stagnent momentanément dans le ganglion que parce que la lymphe s'y accumule en grande quantité, leur marche est ralentie et non suspendue; les globules de pus, qui ne sont pas plus grands que ceux de la lymphe, ne me semblent pas devoir être arrêtés quand ils se trouvent libres au milieu des courants lymphatiques, à moins que, par instants, en raison d'une _ adhésion temporaire aux éléments du ganglion, comparable à celle des globules blancs dans les capillaires sanguins. D'ailleurs, je crois avoir reconnu, dans mes expériences sur le mécanisme de la tuberculisation consécutive à la résorption locale de la matière tuberculeuse, que l'arrêt est paitiel et momentané. C'est parce que la quantité sortante de ces globules, dans un temps donné, est moindre que la quantité importée, qu'il y a augmentation de volume; celle-ci peut plus tard dériver aussi de Thypergenèse globulaire, et quelquefois de la suppuration diffuse ou de la formation de petits foyers purulents dans la substance du ganglion. L'arrêt des globules sanguins a les mêmes caractères : il tient à ce que l'expor- tation ne fait pas équilibre à l'importation ; les globules passent néanmoins en grande quantité, puisque, au delà du ganglion, la lymphe est colorée. Les venins, les virus, les matières putrides infectieuses provenant des plaies, des inoculations, des résorptions internes spontanées, paraissent s'y arrêter aussi, et d'autant mieux qu'ils sont chargés d'éléments figurés. Les matières colorantes, les sels, se comportent encore de la même manière: aussi les ganglions, comparables à de petits foies, peuvent-ils être médicamentés parles agents venus de loin : les sous-glossiens par les substances injectées dans les cavités nasales du cheval morveux; les ganglions superficiels par les prépara- tions déposées sur la peau. Tout porte à croire que l'arrêt ou la stase des matières étrangères divisées ou dissoutes n"a pas seulement lieu mécaniquement par les masses qui remplissent 1. D'après Virchow. Pafhol. colIuL, p. 1">2. le pus ne pourrait pas traverser les gan- glio/is. ATiSORl'TlON l'AK LES CIIYLIFKRES. 59 les alvéoles ou par les brides internes des petits lymphatiques ; car, s'il en était ainsi, les corps divisés, les éléments figurés seuls l'éprouveraient. 11 est probable que cet arrrt tient aussi à ce que les éléments épitliéliauv des alvéoles s'emparent des matières dissoutes suivant les lois comnuines à l'appropriation des matières étrangères par les cellules glandulaires C'est à la suite de ces admissions insolites que les ganglions s'hypertropliient, s'enllamment, suppurent, s'imprègnent, de matières crétacées, se tuberculisent, etc. La pathologie si obscure et si vaste du système lymphatique deviendra bientôt plus intelligible par l(>s lumières dont l'éclairera la physiologie. CHAPITRE XXXI DE L'ABSORPTION DU CHYLE ET DES DIVERSES ABSORPTIONS EFFECTUÉES PAR LES CHYLIFÈRES Les lymphatiques de l'intestin, particulièrement ceux de l'intestin grêle, outre leur rôle commun à tous les vaisseaux de cet ordre, sont chargés de recueillir une partie des produits sanguiliables de la digestion qui doivent constituer ce qu'on appelle le chyle. En raison de leur destination spéciale, ils offrent des dispositions particulières et un mode d'action qui méritent une étude attentive. Ces vaisseaux paraissent avoir été vus des anciens. Érasistrate, l'un des plus illustres représentants de l'école d'Alexandrie, avait aperçu des artères pleines de lait dans le mésentère de jeunes chevreaux encore à la mamelle. Galien avait également signalé, après Hérophile, des veines blanches qui, de l'intestin, se portent à des corps glanduleux du mésentère. Mais ce fut Aselli ^ qui, en 1622, découvrit à Pavie, sur un chien vivant, les vaisseaux chyli (ères pleins d'un fluide blanc comme du lait. Il les retrouva chez le chat, l'agneau, le porc, la vache, le cheval et plusieurs autres quadrupèdes, leur assigna pour fonction de pomper le chyle et leur donna le nom de vasa lactea, qui fut après lui longtemps en usage parmi les anatomistes. Aselli fit aboutir ces vaisseaux d'une nouvelle espèce au foie, que l'on regardait, depuis Galien, comme l'organe de la sanguification. Cependant, dès 1563, Eustachi avait trouvé sur le cheval le canal thoracique, dont il n'avait pas vu les rapports ni soupçonné les usages. Veslingius reconnut vaguement la liaison qui existe entre les vaisseaux lactés et la veine blanche du thorax signalée par l'anatomiste romain. Enfin, en 1651, Pecquet^ de Dieppe, établit clairement que les chylifères, au lieu de se rendre au foie, arrivent à une ampoule appelée par lui le réservoir sous-lombaire, la citerne du chyle, chte^-na chyli, qui devient le point de départ du canal thoracique, dont l'insertion a lieu généralement dans la veine sous-clavière. Dès lors on eut des idées nettes sur l'ensemble du système chylifère et sur le cours du chyle. Peu de temps après, 1. Aselli, De lactibus seu lacteis venis. Basilese, 1628. 2. Pecquet, Expérimenta nova anatomica qinbus incognitum hadenus chyli receptacii- lum, etc. Paris, 1651. 60 DE L ABSORPTION. comme nous le dirons plus tard, d'autres anatoinistes établirent les connexions de cet ensemble de vaisseaux avec le resie du système l\ui|ibati(|ue. L'ensemble des vaisseaux cbylifèros, sans lorinci- un appfu-eil distinct, soit anatomiquement, soit au point do \ne roncliounel, cunstitue une section bien délimitée du vaste système lympliatiquf;. 11 a son point de départ dans jdusieurs réseaux des parois intestinales. L'un, superficiel, sous-jacent à la tunique péri- tonéale de l'intestin, ressemble à celui de toutes les autres séreuses, et absorbe la lymphe des parois intestinales, la sérosité j)éritonéale : c'est le réseau des lymphatiques proprement dits, rattaché aux suivants par ses connexions anato- miques. Le second réseau intra-dermique appartient à la couche adhérente de la muqueuse, et le troisième, tout à t'ait superficiel, villeux et glandulaire, a ses mailles autour des follicules et à la base des villosités. Ses capillaires donnent des prolongements en caecum ou en cul-de-sac qui pénètrent dans toutes les villosités. Des trois réseaux anastomosés entre eux naissent un grand nombre de vaisseaux noueux, visibles à l'œil nu, marchant parallèlement aux vaisseaux sanguins, entre les deux lames du mésentère jusqu'aux ganglions qu'ils traversent pour donner, au delà, des conduits plus volumineux, aboutissant avec les lympha- tiques sous-lombaires à la citerne de Pecquet, point de départ du canal thoracique. L — Absorption du chyle Il faut, pour se faire une idée claire de l'absorption du chyle, voir comment les chylifères naissent dans les villosités, et de quelle manière les éléments ana- tomiques de ces petits organes sont disposés autour des vaisseaux absorbants. Les villosités qui hérissent la vaste surface muqueuse de l'intestin grêle ne sont pas de simples prolongements de la membrane interne; elles constituent de véri- tables organes spéciaux admirablement appropriés à la fonction absorbante. Le plus souvent visibles à l'œil nu, et d'une longueur de 1 à 2 millimètres, elles demeurent petites chez les herbivores et prennent leur maximum de développe- ment chez les carnivores jusqu'à acquérir, comme chez l'ours, un tiers ou un demi-centimètre de longueui'. Mais leur diamètre, variable de 1 à o dixièmes de millimètre, leur donne toujours un aspect grêle et filiforme, quoiqu'elles soient, suivant les espèces, cylindriques, coniques, en massue ou même foliacées. Leur nombre immense leur donne une importance que ne semble pas indiquer leur petitesse. On en compte sur l'homme, dir, M. Sappey \ une douzaine par milli- mètre carré, soit 10 millions pour l'ensemble de la muqueuse, dont la surface est évaluée, par cet habile anatomiste, à 1 mètre carré. D'après mes détermina- tions, ce nombre s'élèverait de 45 à do millions sur nos grands herbivores, le cheval et le bœuf, dont la muqueuse de l'intestin grêle a de 4 mètres 1/2 à 5 mètres 1/2 de surface moyenne. Elles font probablement plus que doubler la surface d'absorption, en imprimant à la fonction un surcroit d'activité. Comme tous les organes de perfectionnement, elles n'ont pas une existence con- stante. On les voit, dit-on, manquer chez l'éléphant;, où elles seraient remplacées 1. Sappey, Traité cVanotomie descriptive, t. III. ABSORPTION DU CIIYM:. fil par de lines laiiiellos \ Des saillies foliacées souvent liés grandes en tiennent lieu chez la plupart des oiseaux. A leur place se trouvent aussi, chez les batraciens, des plis d'une rare élégance dont je possède des |iré|)aralions in.jeetées. Prises pendant la digestion, sur ranimai vivant, ou ininiédiatenient après la mort, et vues à un grossissement de 100 diamèlres, même moindre, elles se montrent avec tous leurs éléments distincts, gonllées par le cliyle, imprégnées de gouttelettes de graisse. Souvent même alors leurs vaisseaux sanguins demeu- rent visiblement injectés. C'est à cet état qu'elles doivent être étudiées par les physiologistes. Sur le cadavre, elles paraissent homogènes, et sont déi)ouillées de leur revêtement. Leurs éléments constitutifs sont : 1° une envelo[)pe épithé- liale ; 2° un réseau vasculaire sanguin superficiel ; 3" une gangue amorphe, sar- codique ; 4° enlin un canal chylifère central. S.mûLET.D€L. Fjg. 133. /". ïaMOKOKEN. se Éléments anatomiques des villosités intestinales (*). La couche d'épithélium, qui enveloppe complètement et constamment la villo- sité, a environ 5 centièmes de millimètre. Elle est formée de cellules cylindri- ques appliquées perpendiculairement, et intimement unies de manière à ne laisser aucun espace entre elles. Cet épithélium, auquel les contours des cellules don- nent quelquefois l'aspect d'une mosaïque, est encore recouvert d'une couche de matière hyaline, comparable à la cuticule des plantes herbacées. Il est persistant et non sujet à une mue qui se renouvellerait à chaque digestion, comme quelques observateurs, Goodsir entre autres, l'avaient cru. Aussi, les matières destinées à 1. C'est une "erreur. J'ai eu l'occasion d'examiner la muqueuse de l'intestin grêle d'un bel éléphant des Indes mort au Muséum. Elle était couverte de villosités, mais très petites, les plus petites que j'aie jamais vues. {*) 1. Villosité avec son revêtement épithélial; les cellules d'épithélium vues de profil sur les bords, et par leur extrémité libre dans le reste de la surface. — 2. Vaisseaux sanguins de la villosité injec es et isolés de la trame de l'organe. — 3. Yillosité avec son é|iithélium, sa sabstauce homogène, ses vaisseaux sanguins, son canal chylifère central (demi-schématique). — 1. Villosité pleine de gouttelettes de graisse, prise à la période d'absorption. 62 UE l'absorption. passer dans lus vaissiiaux doivent d'abord traverser ce revêtement épithélial (jui n'a ni pores, ni fentes, ni autres solutions de continuité. Sous cet épithélium, dont les cellules sont pleines de mucus, se- trouve la substance liomogr-ne et aiiiorplie de )a villosité, probablemont surcodifjiie, semée de noyaux libres et de granulations graisseuses. Elle est coilléed'un élégant lacis de vaisseaux sanguins superficiels, très nombreux et très rapprochés qui s'injec- tent avec une grande facilité. Il en résulte que la matière à absoiber, une fois qu'elle a traversé répithélium, l'encontre ce réseau sanguin, où elle peut entrer partiellement avant d'arriver au vaisseau chylifère. C'est seulement au centre de la villosité, et dans le sens de son axe, que se trouve un canal chylifère simple, rarement divisé, irrégulièrement cylindrique, de 1 à 4 centièmes de millimètre de diamètre, par conséquent beaucoup plus large que les capillaires sanguins du réseau superficiel, et se terminant en c<£cum ou en cul-de-sac vers l'extrémité libre de la villosité. Il est blanc s'il est plein de chyle, et à contours obscurs. On ne le distingue pas sans grande difficulté et souvent, disent les micrographes, à moins qu'on n'emploie l'acide acétique et la soude. Brùcke le croit une simple vacuole, un simple trajet sans parois propres ; mais la plupart des observateurs, notamment KôUiker, y admettent une paroi propre, doublée même de fibres contractiles lisses, jouant un grand rôle dans la contraction de la villosité et dans la progression du chyle. Cette paroi ne serait, suivant quelques-uns, qu'une simple couclie épithéliale, comme celle des réseaux d'origine du système lymphatique. La villosité représente donc une radicule plongée dans les matières intestinales et en contact avec elles par toute l'étendue de sa surface. Or, comment ces matières arriveront-elles de la surface de la villosité à l'intérieur du canal chyli- fère, en traversant successivement l'épithélium, la substance homogène, et enfin la paroi du canal central, si tant est qu'il y en ait une ? Il faut qu'elles passent d'abord à travers la couche épithéliale dont l'épaisseur est d'environ 5 centièmes de millimètre, couche continue, dont les cellules juxta- posées et soudées exactement ne laissent entre elles aucun passage. Tout indique que ce revêtement épithélique est semblable aux autres et que, par conséquent, il faut assimiler le phénomène de l'absorption intestinale à celui de l'absorption par les radicules des plantes chez lesquelles la matière entre évidemment dans les cellules, à travers leurs parois closes de toutes parts. Ici, après avoir pénétré dans les cellules, elle en sort avant de s'engager dans la substance amorphe de la villosité. C'est ce qui arrive pour les liquides, les matières dissoutes, et pour la graisse qu'on voit très distinctement pendant la digestion, et en globules assez volumineux dans les cellules. Comme chaque cellule est pleine d'un fluide épais, visqueux, dont le pouvoir osmogène est considérable, elle appelle fortement les matières en solution dans le chyme. La matière, en traversant le revêtement épithélial de la villosité, parcourt donc déjà, à la rencontre du chylifère, un trajet de 5 centièmes de millimètre, soit la moitié ou le tiers de sa route. De ce revêtement, la matière à absorber passe dans la couche homogène ou sarcodique qui a, de la surface au centre de la villosité, de 3 à 5 centièmes de millimètre d'épaisseur ; elle rencontre les divisions capillaires où elle entre, en ABSORPTION DU CIIVLE. (KJ certaine (luaiililé, [tuisque les radicules île la veiiie-porle absuibenl eoîume les cliylil'èros, ou bien elle passe en partie dans les mailles de ce réseau sanguin el arrive bientôt à la paroi du canal cliylifère (pi'elle trav(.'rse. Elle a parcouru, en souMiie, un ti'ajet total de 1 à 2 dixièmes de millimètre, représentant le rayon de la villosité de grandeur moyenne. Au sein de ce [lefit appendice, la matière absorbée fait donc ti-ois étapes. Dans la première, elle traverse l'épitliélium ; dans la seconde, la couche amorplu; ; dans la troisième, la paroi du chylifôre. Le premier de ces stades serait encore subdivisible, car il faut que le liquide traverse la paroi de l'extrémité libre de la cellule épitbéliale pour entrer dans sa cavité ; 2" qu'il se mêle au contenu ; 3° qu'il s'en dégage en sortant à travers la paroi de l'extrémité adhérente. Ce passage successif des matières étrangères à travers les cellules épifhéliales, la substance homogène et les parois du chylifère ou des radicules veineuses, n'offre aucune difficulté si ces matières sont liquides, dissoutes, diffusibles. Mais il est peu intelligible, inexplicable même, de l'aveu des physiciens et des chi- mistes, Lehmann entre autres, en ce qui concerne les matières non dilfusibles comme le sont les graisses, les substances simplement divisées et non dissoutes. On sait déjà que l'absorption des graisses ne se fait pas dans les séreuses ni dans le tissu cellulaire. Elle ne peut s'opérer que dans des conditions spéciales, déterminées, comme dans l'intestin grêle où les villosités de l'appareil chylifère semblent particulièrement affectées à sa réalisation. Encore n'y a-t-elle lieu que lentement, en quantité limitée, et avec le concours préalable de la bile, du fluide pancréatique, des divers sucs intestinaux. En effet, les graisses qui ne sont pas miscibles à l'eau ne peuvent adhérer à la muqueuse qui est hydratée et mouillée, si elles ne sont associées à des liquides alcalins ; elles ne peuvent s'introduire dans les interstices capillaires des villosités ni y attacher leuj's particules si elles ne sont préalablement émulsionnées ou transformées en matière crémeuse. Mais ce n'est là qu'un préliminaire. L'émul- sion renferme de grosses gouttelettes et de très fines particules. Les plus ténues peuvent-elles entrer seules,' ou les plus grosses aussi bien que les premières ? Gruby et Delafond ont admis avec raison que les particules les plus ténues, dont le diamètre est estimé à 1 millième de millimètre, entraient seules. Brûcke et Kôlliker ont adopté leur opinion qui me parait très logique, car ces mêmes par- ticules se retrouvent dans le chyle avec les mêmes dimensions, et, d'ailleurs, avant d'arriver au chyle, elles se répandent à travers les cellules et au milieu de la substance amorphe de la villosité. Elles s'y accumulent dès le début de la digestion, et plus tard s'y trouvent accompagnées de gouttelettes inégales très volumineuses, résultant probablement de la fusion ou de la coalescence des pre- mières, à compter du moment où elles sont très rapprochées et soumises à une pression considérable. Quelque attention qu'on mette à observer la villosité prise sur l'animal vivant en flagrant délit d'absorption, et j'ai fait souvent celte étude sur des lapins à la mamelle, il est impossible devoir la graisse s'engager dans l'épithélium du petit organe et marcher à travers sa substance homogène. On l'aperçoit dans le chyme en fines particules ; on la voit dégagée du chyme, associée au mucus et adhérente (34 li^ l'absori'Tiua. à la \illosité, puis dans les cellules épithéliales et dans luul le reste de l'organ*,', en deçà, puis au delà de la cloison, mais jamais on ne la voit passer à travers cette cloison. II est certain que les graisses pénètrent dans la villosité, non comme matières dissoutes et diiïusibles, mais à titre de corps réduits en fines particules, comme les substances solides porphyrisées. Leur pénétration se fait donc suivant un mode spécial, exceptionnel, sans qu'il soit possible, comme le dit Lehmann, de dire d'après quelle loi pbysique. Sans doute, ce mécanisme serait intelligible si les dispositions insolites attri- buées par divers micrographes aux cellules épithéliales étaient réelles. Les parti- cules graisseuses entreraient aisément si les cellules avaient une ouverture en entonnoir à leur extrémité, comme le croyaient Gruby et Delafond, ou si, comme l'a prétendu Brûcke, les cellules étaient largement ouvertes aux deux bouts, ou tout au moins du côté de l'intestin, par suite de la destruction de leur paroi dans ces points, l'ouverture étant remplie par un bouchon muqueux ou sarco- dique perméable aux particules solides. Elles pénétreraient encore sans trop de difficultés si l'extrémité libre des cellules avait seulement, comme le disait Kôl- liker, des pores aboutissant à des canalicules qui se rendraient à l'autre extré- mité ; mais ces ouvertures larges ou étroites sont con>idérées comme fictives par beaucoup d'autres micrographes très habiles : la constitution générale de la cel- lule close partout porte à les rejeter. D'ailleurs, dans l'hypothèse de leur exis- tence, une foule de matières non solubles, seulement divisées, devraient être admises au même titre que la graisse, et alors on s'expliquerait difficilement comment, suivant la remarque de Donders, ces cellules supposées ouvertes pourraient se gonfler dans les dissolutions salines. L'occlusion de la cellule épithéliale admise, et elle me parait incontestable, c'est dans la nature et les propriétés particulières de ses parois qu'il faut cher- cher l'explication du passage des graisses réduites à l'état de fines particules. Or, la cellule, parois et contenu, peut bien se comporter comme une matière vis- queuse dans laquelle les grains de poussière entrent en se frayant des voies qui se referment à mesure, matière sarcodique, comme Milne Edwards^ incline à le croire, ou d'une nature analogue, peu importe, si les propriétés sont les mêmes. Sous ce rapport, les cellules du revêtement de la villosité se trouveraient dans le même cas que les cellules du foie, aussi d'apparence épithéliale, qui s'infiltrent de graisse en particules et en gouttelettes amenées par la veine-porte pendant la digestion, et même comme les cellules adipeuses où l'entrée de la graisse a lieu d'une façon successive et prolongée. Quoi qu'il en soit du mécanisme de leur pénétration à travers les parois épi- théliales, les particules de graisse, une fois admises, marchent peu à peu de l'extrémité libre vers l'extrémité adhérente ; elles semblent, dit Virchow, suivre des lignes ou des voies frayées, et, chemin faisant, se réunissent en gouttelettes de dimensions variées si elles sont nombreuses et pressées. Bientôt elles passent dans la substance homogène et sarcodique du petit organe, et de là parviennent 1. Milne Edvards, Le;'0?is sur rnnatoviie et la physiologie comparées, l. V. -Mi^ORI'TlON DU CnVLE. tio dans le canal clnlil'ri'o coulral qui s'en remplit, poussées de proche en proche tant par des particules de même nature et par d'autres matières absorbées que par les contractions de la villosilé. L'inliltration graisseuse de la villosité, qui eonimence avec la digestion intestinale, arrive bientôt à son maximum et rend l'organe turgide et opaque ; elle se [)rolonge tant qu'il reste des traces de graisse dans les résidus digestifs ; puis elle diminue, et, à un certain moment, tout a passé des cellules et de la substance amorphe dans les vaisseaux lactés. C'est une question non ent^ore résolue que celle de savoir si la graisse, qui est en gouttelettes dans les cellules épithéliales et dans la substance homogène de la villosité, passe à cet état dans le canal chylifère. La plupart des observateurs le croient, en se fondant sur cequeles gouttelettes se voient dans l'axe de la villosité avec les (ines particules, et sur ce que même la pression les ferait mouvoir dans le canal. Je pense que c'est là une pure illusion d'optique, et que ces goutte- lettes, qui paraissent dans le canal, sont réellement en dehors et autour de lui. Pour moi, il ne pénètre dans celui-ci que les très fines particules, car celles-là seules se retrouvent dans le chyle recueilli peu après son émergence des villosités comme dans le reste des lactés. S'il en pénétrait de volumineuses, elles devraient se fractionner promptement, à supposer qu'elles en aient le temps, avant d'être entraînées dans le courant lacté. En même temps que les graisses, préalablement fluidifiées sous l'influence de la chaleur interne, associées à la bile et aux autres fluides alcalins, et enfin éraul- sionnées, pénètrent dans les chylifères, elles entrent aussi, en certaine propor- tion, dans les veinules de la villosité. C'est une grave erreur de croire que, dans les divers éléments de la villosité, elles suivent un chemin différent de celui des autres produits delà digestion. Les chylifères ne sont pas faits tout exprès pour l'absorption exclusive des graisses, comme le croit Lehmaun; ils admettent les substances diffusibles, comme le font les veines, et celles-ci prennent parfaitement la graisse qui ne l'est pas : seulement l'admission se fait suivant des proportions qui ne paraissent pas les mêmes pour les deux ordres de vaisseaux, l'avantage demeurant aux chylifères en ce qui concerne les graisses. Dès lors, il est inutile de rechercher si les graisses entrent seulement par le fait de la pression, tandis que les autres matières entreraient par osmose ou par diffusion; car, à supposer que ces deux modes d'entrée soient distincts au fond, la pénétration exclusive des graisses dans les chylifères. et celle des substances diffusibles dans les veines n'en resteraient pas moins hypothétiques. On ne voit, en effet, pas bien pourquoi les graisses qui entreraient dans les chylifères par pression ne pénétreraient pas en même temps dans les veines par la même cause, ni pourquoi la diffusion, qui porte les autres matières dans les veines, les laisserait à la porte des chylifères. Du reste, à supposer que l'explication s'applique aux mammifères, elle ne va plus guère aux oiseaux chez lesquels, à raison du peu de développement des chylifères, les veines doivent absorber activement les graisses et la plus grande partie des produits utiles de la digestion, et elle ne va pas du tout aux invertébrés chez lesquels il ne reste que les veines pour recueillir la totalité de ces produits. Toutes les matières grasses animales et végétales sont absorbées sans distinc- tion avec plus ou moins de facilité, à la condition de pouvoir se liquéfier au-dessous G. coLix. — Physiol. comp., 3^ é.lit. Il- — •' 66 DE LABSORPTIO.V. de 40 centigrades. Les principes gras tels quela stéarine pure, lusihle seulement à une température plus élevée, sont réfractaires à l'absorption ; ils ne sont pris que par le fait de leur association k l'oléine et à d'autres principes qui abaissent le point de fusion des mélanges. Dans tous les cas, l'absorption en est limitée à une petite quantité au delà de laquelle elles sont éliminées en produisant quel- quefois la purgation. Ce sont elles qui communiquent au cbyle tous les degrés de l'opalinité et qui unissent par lui donner, chez les carnassiers, l'opacité et la blancheur du lait. Avec les graisses, les chylifères peuvent-ils prendre les matières albuminoïdes, le sucre, l'eau, les sels, en un mot les autres principes absorbables des aliments? Autrefois, personne ne songeait à en douter; mais, aujourd'hui, l'esprit de sys- tème est allé au delà du doute : à la négation et à la négation sans preuves. Ce que nous avons vu du mécanisme de l'absorption ne nous permet pas, en bonne logique, de supposer que les matières albuminoïdes, le sucre, l'eau, les sels qui entrent avec les graisses dans les cellules épithéliales des villosités, dans leur substance amorphe, s'en séparent juste à la surface des parois vasculaires, pour entrer, les unes dans le chylifère, les autres dans les veinules mésaraïques. Pourquoi un tel départ s'opérerait-il? Comment les matières qui sont entrées et qui ont marché ensemble intimement mêlées, seraient-elles obligées de se séparer au bout de leur route? Qu'est-ce qui peut faire croire que le chylifère, doué de la faculté de prendre la graisse, le principe le plus difficile à saisir, ne saurait admettre les matières les mieux dissoutes et les plus diffusibles? Que le chylifère prenne ces dernières en quantité moindre que les veines, parce qu'il est simple alors que le réseau vasculaire a de nombreuses branches, cela peut-être. La question se réduit à une affaire de proportion et non d'antagonisme. Il n'y a d'action élective ni de la part des chylifères ni de la part des veines, comme j'en donnerai ultérieurement la preuve. C'est très gratuitement que Bernard, Bouisson, Béclard, et leurs partisans sur parole, soutiennent que ces matières sont prises en majeure partie ou en totalité par les veines mésaraïques. La doc- trine des affinités électives, qu'ils font revivre, sans aucune preuve à l'appui et même contre toutes les preuves, doit être écartée en ce moment en attendant plus complète réfutation. Le sucre est très manifestement absorbé par les vaisseaux chylifères, et il compte au nombre des éléments normaux du chyle, comme je l'ai établi dès 1836, contrairement aux assertions de Bernard, qui, à cette époque, soutenait que le sang des veines sus-hépatiques était le seul liquide sucré de l'organisme. D'abord, il n'est pas étonnant que le sucre existe dans le chyle des herbivores, puisque ce principe immédiat est tout formé dans les aliments de ces animaux, et qu'il se produit en abondance dans leur intestin aux dépens des matières fécu^ lentes dont la quantité totale peut s'élever à près de 6 kilogrammes par jour pour un cheval rationné avec o kilogrammes de foin et 3'', 500 d'avoine. Le chyle de ces animaux en offre aussi, terme moyen, de 130 à 160 milligrammes pour 100 grammes, d'après les dosages que j'ai effectués à l'aide de la liqueur de Felhing. En outre, chez les carnassiers et les autres animaux exclusivement nourris de chair, le chyU , à toutes les phases de la digestion, contient du sucre dans la ABSORPTION DU CHYLE. 67 proportion moyenne de 120 à 140 milligrammes pour 100 grammes, dans tous les points où il est possible de le recueillir, au mésentère, à la citerne de Pec- quel et au canal thoracique. 11 résulte, chez eux, de la métamorphose de quelques principes de la chair, peut-être de Finosile. D'ailleurs, si l'on ajoute du sucre aux aliments dun herbivore ou d'un car- nassier porteur d'une listule qui a donné du chyle où l'on a dosé préalablement ce pi'incipe, on voit la quantité de sucre dont se charge le chyle augmenter pro- gressivement dans des proportions considérables ^ Ainsi, chez un chien nourri de chair, la quantité de matière saccharine s'éleva de 107 à 2ûo milligrammes deux heures après que l'animal eut avalé 1 litre de lait tenant en dissolution 40 grammes de glycose, puis elle revint insensiblement, sur la fin delà digestion, au chiffre initial. Sur un cheval nourri de foin et de paille, elle passa de loO à 214 milligrammes pour 100 grammes, une heure après l'ingestion de 200 grammes de glycose dans l'appareil digestif, et à2o9 milligrammes deux heures plus tard; après quoi elle revint aussi graduellement à son chiffre primitif. Il n'est pas inutile d'ajouter que l'activité, le ralentissement ou la suspension du travail digestif font considérablement varier la quantité de glycose dans le chyle. J'en citerai un exemple entre plusieurs. Un taureau sur lequel j'avais établi des listuies au canal thoracique, aux chylifères du mésentère et aux lym- phatiques du cou, dans un but de comparaison, présentait d'abord, dans le chyle, de 104 à 110 milligrammes pour 100; la quantité se réduisit à 84, puis à 66 milligrammes, lorsque l'allaiblissement fut extrême et la digestion très ralentie; enfin, au moment de la mort, il y en avait moins encore. Pour sauver la doctrine sans fondements que je combats, on me fit une série d'objections : d'abord, on nia l'existence du siicre dans le chyle; quand il ne fut plus possible de la nier, on dit qu'il y en avait seulement des traces; quand la quantité parut considérable, on prétendit que ce sucre était équivoque, non ferraentescible, une matière réduisant simplement les liqueurs cuivriques. Enfin, lorsque j'eus établi qu'il fermentait très bien en donnant comme les autres de l'acide carbonique et de l'alcool, on m'objecta qull venait du foie, du sang; et, pour donner quelque sérieux à cette objection, on fut obligé de soutenir, en fin de compte, que le chyle n'était qu'une lymphe intestinale provenant non des aliments, mais des tissus de l'intestin, lymphe à laquelle s'ajoutait uniquement un peu de graisse émulsionnée. De tels paradoxes ne demandent pas à être réfutés ici comme ils l'ont été dans mes publications sur la glycogénie. Il me suffit, pour en faire justice, de dire que, si dans le chyle il n'y avait pas de sucre, et que ce liquide fût mêlé, dans les parois intestinales, à une moitié, à un quart, à un dixième de lymphe sucrée, ce mélange ne renfermerait plus que la moitié, le quart, le dixième de la quantité offerte par la lymphe. Or, il en contient toujours au moins autant que ce dernier 1. G. Colin, De la formation du sucre dans l'organisme [Comptes rendus de l'Académie des sciences, 11 juin 1855). — De la formation du sucre dans l'intestin et de son absorp- tion par les chylifères [Bull, de VAcad. de méd. 1" avril 1856, t. XXI. p. 581). — De Vori- gine du sucre contenu dans le chyle [Comptes rendus de VAcad. des sciences, 28 juin 1858, et Journal de la physiologie de l'homme et des animaux). 68 DE l'absorption. liquide et souvent davantage. Nous verrons ailleurs quelle peut (Mre rorigine du sucre contenu dans la lymplie des diverses parties du corps. 11 est clair que les chylifères, absorbant les sels des dissolutions, doivent, à plus forte raison, absorber l'eau qui leur sert de véhicule, même en plus forte proportion que les sels; en d'autres termes, ils doivent en prendre une solution moins concentrée. L'eau seule est absorbée assez vite. 11 peut en dis[)araîlre, par Jour, cliez les solipèdes et les ruminants de forte taille, jusqu'à 80 kilogrammes, mais qui passent en partie seulement par les chylifères. L'absorption, quand elle porte sur de très grandes quantités de ce liquide, délaye outre mesui'e le chyle, le rond transparent, presque incoagulable, comme je l'ai vu souvent sur les vaciies abon- damment abreuvées, dont la digestion était troublée ou suspendue à la suite de souffrances causées par des opérations chirurgicales. L'aptitude des chylifères à absorber les divers éléments que nous venons d'énu- mérer se déduit de la présence de ces éléments dans le chyle ; elle se prouve péremptoirement par ce fait même. Mais à quelle source sont-ils puisés? La logique indique qu'ils doivent venir, d'une part, en grande partie des aliments, quoique divers observateurs disent le contraire, et dériver, d'autre part, des tissus intestinaux, puisque les vaisseaux blancs de l'intestin sont tout à la fois chylifères à titre spécial, et lymphatiques comme tous les autres vaisseaux du système de ce nom. C'est ce qu'il s'agit de démontrer avant de rechercher suivant quelles proportions les éléments du chyle sont puisés à ces deux sources. Je dis d'abord que les matériaux du chyle viennent des aliments et en viennent pour la très grande partie, car le chyle renferme tous ceux qui se trouvent dans ces aliments; il les renferme en raison de leur abondance. En effet, de quoi se compose l'aliment complet de nature végétale ou animale, l'œuf, le lait, la chair, le grain, le fourrage: 1° de matières azotées, fibrine, albu- mine, gluten; 2° de principes féculents et sucrés; 3" de corps gras; 4" enfin de matières minérales et salines. Or, on retrouve tout cela dans le chyle, sous des formes nouvelles résultant et des élaborations digestives et des actes intimes accomplis concurremment avec l'absorption. On y retrouve l'albumine, qui le rend coagulable par l'action delà chaleur; la fibrine, qui lui donne la propriété de se prendre spontanément en masse; le sucre qui le rend fermentescible et apte à réduire les liqueurs cuivriques, les graisses, le fer, le soufre, les alcalis, les sels divers dissous dans une plus ou moins grande quantité d'eau ; et, de même qu'il n'y a pas de différence radicale entre la chair et l'herbe, il n'y en a pas entre le chyle du carnassier et celui de l'herbivore : l'un et l'autre reprodui- sent un aliment identique quant à ses caractères essentiels et varié seulement quant à sa forme. C'est l'aliment métamorphosé et en voie de se sanguifier autant qu'il peut l'être avant l'oxydation pulmonaire. En mettant en parallèle l'espèce d'alimentation avec le chyle qu'elle donne, on peut aisément s'assurer qu'il y a entre ces deux termes, dont l'un est facteur et l'autre produit, une corrélation frappante. L'expérimentation démontre que ce liquide se présente sous trois formes ou sous trois aspects en rapport avec le con- tenu de l'intestin. Ainsi : jMNORPTroN nr ciiylr. 69 1"' Lo cliyle dt^s carnassiers, à leur régime ordinaire, des lierbivores ù la mamelle on de cenx qni usent d'aliments trèsrichesen graisse, est épais, opaque, et d'nno blancheur qui ne le cède pas à celle du lait; 2^ Celui des herbivores, dans les conditions habituelles, est jaunâtre, jaune verdàtre, très légèrement opalin, et a beaucoup d'analogie avec la lymphe un peu trouble. 3*' Enlln, le chyle dos animaux dont la digestion est depuis longtemps sus- pendue et dans l'intestin desquels il ne reste plus guère que des liquides, est limpide, transparent ; il a presque perdu sa coagulabilité en perdant sa hbrine. C'est une espèce de solution saline un peu albumineuse, que l'on peut recueillir dans le canal mésentérique des ruminants affaiblis par des mutilations graves et des pertes sanguines abondantes. Ces trois espèces de chyle peuvent se voir successivement, à de courts inter- valles, sur le même animal herbivore ou carnassier, s'il est placé tour à tour dans les trois conditions susdites. Au moment où l'intestin reçoit beaucoup de graisse, le chyle prend très vite l'apparence laiteuse: lorsque la graisse diminue, l'opa- cité s'efface; et, dès que les cor[)s gras et la matière protéique manquent en- semble, le contenu des chylit'ères n'est plus qu'une sérosité transparente peu ou point coagnlable. Gela prouve assez nettement que la constitution du chyle se fait surtout aux dépens des matériaux de provenance alimentaire. La part, d'origine plasmatique. recueillie dans les fluides extravasculaires des parois intestinales, ne peut qu'être très faible, et, dans aucun cas, elle ne semble assez forte pour modifier sensiblement la constitution de la première. On s'est avisé récemment de dire, car de quoi ne s'avise- t-on pas pour inno- ver : Le chyle n'est qu'une émulsion de matières grasses mêlées à la lymphe re- cueillie dans la trame des parois intestinales; il n'a pris aux aliments que des particules de 'graisse, tout le reste de ces aliments, librine, albumine, gluten, caséine, dextrine, glycose, matières extractives, eau, sels, a été laissé aux mésa- raïqnes; et si ce chyle a néanmoins tout cela, ce n'est pas aux aliments qu'il l'a emprunté, mais au plasma sanguin. On ne s'aperçoit pas que cet étrange para- doxe, qu'on énonce sans en chercher la preuve, est non moins en opposition avec les lois delà physique qu'avec les principes les plus élémentaires de la logique. Dire cela, en etfet, c'est ressusciter le système des aflinités électives, qui s'effon- dre de tous cotés, c'est supposer que les parois seules des veines sont perméables à tous les principes des aliments, sauf à la graisse. Il y a plus, c'est admettre que les chylifères ne peuvent prendre la fibrine, l'albumine, le sucre, l'eau, les sels, venant de l'intestin, tandis qu'ils prennent parfaitement ces mêmes prin- cipes venant du sang. On ne nous dit pas d'après quelle loi de physique molé- culaire le cliylifère, 'en présence d'albumine, de fibrine à double provenance, jouit de la merveilleuse faculté de faire le triage, de prendre celle venant du sang et non l'autre, le sucre du plasma, non celui de l'intestin, etc., quoique ces matières soient en même temps dans la substance de la villosité et au contact des parois vasculaires. D'ailleurs, on oublie que si le chyle était une simple émulsion de matières grasses dans le suc pancréatique, son existence serait subordonnée à celle de ces deux facteurs ; il n'y aurait plus de chyle quand le suc 70 DE l'absorption. pancréatique ne coule plus dans l'intestin ; il n'y en aurait plus dès que la graisse serait en proportion insignidante ou qu'elle viendrait à manquer, comme cela arrive si souvent chez l'herbivore. Or, ni l'une ni l'autre de ces deux espèces de relations ne s'observe : le chyle continue à se former et à se saturer de graisse, comme je l'ai surabondamment démontré (t. P"", p. 880), en l'absence du fluide pancréatique, et dans le second cas il est extrêmement abondant, bien qu'il soit dépourvu de graisse. Mais n'insistons pas trop. L'erreur a, pour certains esprits, plus d'attraits que la vérité. En somme, pour nous, les chylifères prennent tous les principes du chyle dans les aliments; ils les y prennent à la fois, déjà métamorphosés, et ils les métamorphosent encore en les associant à une certaine quantité de matériaux plasmiques que ces vaisseaux, à titre de lymphatiques, prennent dans les tissus des parois intestinales. Conséquemment, le chyle représente l'aliment, quant au nombre et à la nature de ses principes, l'aliment en entier, dans son ensemble, comme dans ses diverses parties. Ses nuances d'aspect, de composition , ne font que reproduire celles de son facteur. Nous verrons plus tard que le sang même est encore l'aliment, à une deuxième et plus complète métamorphose. Toute- fois, ce chyle ne représente pas la totalité de la masse alimentaire], puisqu'une partie de cette masse est absorbée parallèlement par les mésaraïques; mais celle qu'il renferme, quelle qu'en soit la quantité, est chimiquement complète. Il est actuellement inutile de se demander si le chyle, comme le croyaient les anciens physiologistes Boerhaave, et même encore Magendie, est pris tout formé dans l'intestin, et, par conséquent, simplement extrait du chyme par les vais- seaux absorbants. C'est comme si on croyait que le chyme est tout formé dans l'aliment parce que l'aliment le donne, que le sang est tout formé dans le chyle parce qu'il en est un dérivé. Ce sont là des produits de mutation. C'est par l'action des absorbants que le chyle naît des aliments absorbés, comme c'est par celle du tube digestif et de ses sucs que le chyme surgit de l'aliment. Ce sont d'autres actions, celle des capillaires, des ganglions, de certaines glandes, du poumon, qui feront sortir du chyle et de la lymphe le sang qui est la forme ultime de la matièi'e alimentaire. Nous avons vu, en effet, que, dans l'absorption, il y a une élaboration qui commence dans les cellules où sont reçues les matières avant leur entrée dans les vaisseaux, et qui se continue dans les systèmes capillaires; cette élaboration, qui a surtout pour but de modifier les matières protéiques et de produire des éléments figurés, a été même considérée par quelques physiologistes, Goodsir entre autres, comme un travail de sécrétion. Le travail morphologique qui fait le chyle comme liquide spécial et défini, pendant que l'absorption en recueille les éléments, commence à la surface de la villosité et se continue jusqu'au canal thoracique à travers les ganglions. On le suit dans les cellules épithéliales oîi les particules graisseuses microscopiques se convertissent en gouttelettes, puis se fractionnent de nouveau avant de sortir ; on le suit dans le parenchyme de la villosité et dans les parois du chylifère, oîi le fractionnement s'achève si exactement que toutes les gouttelettes disparaissent, remplacées par de fines particules. Enfin, il se complète dans les ganglions oi!i les produits de l'aliment sont mêlés à une certaine quantité de matériaux plas- ABSORPTION DU CHYLE. 71 miquos. C'est ici le lieu irexainiiKT cjueile part peuvent prendre ces organes à la constitution morphiqueet cliinii(|ue du liquide, point qu'on ne peut déterminer sans savoir quel est Télat du chyle avant son entrée dans les ganglions. Or, à ce sujet, l'histoire du chyle est encore semée d'erreurs que j'ai relevées pour la plupart S Le chyle, disait-on, est incoagulable en sortant des villosités, il ne présent-' pas de librine avant son entrée dans les ganglions, d'où il suit que la llhrine qu'on y trouve au delà leur a été donnée dans ces organes ou par ces or- ganes. Dans les ganglions il acquiert également, disait-on, des globules sanguins qui lui donnent la propriété de rougir au contact de l'air. Tout cela est erreur sur erreur. Le chyle pris dans les vaisseaux du mésentère, soit sur les solipèdes, soit sur les ruminants, par exemple, où il peut être recueilli en assez grande quantité est, dès qu'il sort de l'intestin, fibrineux, coagulable, chargé de globules blancs, argentins, dont les plus petits sont distincts des corpuscules de graisse; il ne change pas de teinte au contact de l'air. Si on n'y a pas trouvé de fibrine avant les ganglions, c'est qu'on le recueillait en fractions trop minimes pour le voir se coaguler. Si on l'a vu, avec des globules rouges, prendre une teinte rosée ou vermeille sous l'influence de l'oxygène, c'est qu'on l'avait obtenu mêlé à du sang provenant de la piqûre des petits vaisseaux du mésentère, ou pris, soit dans la citerne, soit dans le canal, où il s'opère un reflux sanguin pendant la vie et surtout au moment de la mort. Mais si le chyle a dbs globules et de la fibrine avant son entrée dans les gan- glions, en a-t-il autant qu'à sa sortie de ces organes, et ces globules ont-ils en deçà et au delà les mêmes dimensions et la même constitution ; si le chyle est coa- gulable dès les réseaux, l'est-il au même degré que plus loin? Voilà en quels ter- mes il faut poser les questions. Or, l'examen comparatif des échantillons de chyle pris en divers points, mon- tre que ce liquide a peu de globules et qu'il est peu coagulable en sortant de l'in- testin, comme dans tout le reste de son trajet antéganglionnaire ; qu'alors les globules, surtout les grands, y sont moins'nombreux, que les globules s'y mul- tiplient et s'y agrandissent, que la iibrine s'accroit et que la coagulabilité aug- mente pendant son passage à travers les ganglions. D'où il faut conclure que l'élaboration du chyle, commencée et réalisée dans les villosités, se continue dans tout le trajet du système chylifère et prend une nouvelle activité dans les glandes mésentériques. Il est hors de doute actuellement que le principal rôle des ganglions mésenté- riques est un rôle d'élaboration, plus encore au point de vue morphologique qu'au point de vue chimique. Ces organes, à formes et à situations variées, sont pour la plupart agglomérés chez les carnassiers, les cétacés, dispersés chez les ruminants, les pachydermes, les singes, l'homme, tantôt en série assez près de l'intestin, comme chez le bœuf, ou en haut du mésentère comme chez le cheval. Ils sont mous, à larges voies et d'une très grande expansibilité, par exemple dans les solipèdes, fermes, à tissu 1. Dans la première édition de ce livre (Paris, 1855-1856) et dans mes Recherches sur les fonctions du système lymphatique, 1858. 72 DE L'AliSOr.FTION. serré, et moins érectiles chez les ruminanls. Les lymphatiques y arrivent en divers points fins et très multipliés ; ils en ressortent peu nombreux et d'un volume considérable. Aucun chylif'ère, sur les 1200 que j'ai comptés chez le cheval, n'arrive au delà sans les avoir traversés. La loi de Mascagni, d'après laquelle nul vaisseau blanc n'arrive au canal thoracique sans avoir traversé au moins un gan- glion, leur est parfaitement applicable. Les eflérents qui émergent d'un hile ou d'un bord finissent par se réunir en haut du mésentère en un ou deux gros canaux (tronc intestinal antérieur et tronc postérieur) quise jettent dans la citerne. Exceptionnellement, comme on le voit chez les ruminants, ces branches, formées assez bas le long de la grande mésentérique, ont un trajet très grand à parcourir avant leur confluence à la citerne. Quelle est, en définitive, la nature de ces organes élaborateurs? Les uns les disaient, autrefois, d'après Malpighi, formés de cellules intermédiaires aux affé- rents et aux efférents; les autres, avec Albinus, Hewson, les supposaient de simples plexus de vaisseaux lymphatiques. Aujourd'hui, on sait qu'ils ont des éléments glandulaires annexés à un ensemble compliqué de vaisseaux comparable à un appareil érectile. La glande mésentérique, enveloppée de tissu cellulaire, a deux parties plus ou moins distinctes, histologiquement, suivant les animaux : l'extérieure corticale et la centrale ou médullaire. L'extérieure, d'apparence grenue, est composée de cavités alvéolaires polygonales, circonscrites par des cloisons incomplètes déta- chées de la membrane générale d'enveloppe. Ces cavités, de 2 à 3/10" de milli- mètre de diamètre et se rapetissant à mesure qu'elles s'éloignent de la surface, sont traversées dans tous les sens par des prolongements trabéculaires, par des vaisseaux, et pleines de corpuscules arrondis, libres, pressés les uns contre les autres, qui ont les dimensions, les formes, l'aspect pointillé et l'ensemble des caractères propres aux globules blancs dits leucocytes. Ce sont bien des globules lymphatiques pour Kolli,ker, Briicke, Donders; mais ils ne sont, d'après Ch. Ro- bin, que des épithéliums nucléaires, distincts des globules lymphatiques par certains caractères, comme l'absence d'expansions sarcodiques, la faible altéra- bilité, la faculté de se segmenter, de s'hypertrophier, celle de se resserrer sous l'influence de l'acide acétique, etc. Ces éléments, d'après les premiers observa- teurs, seraient des globules formés sur place et destinés à s'ajoutera ceux que le chyle a reçus dans les villosités, ils ne seraient, d'après Robin, que des épithé- liums destinés à modifier, à élaborer, molécule à molécule, les éléments chyleux en vertu du pouvoir que possèdent les épithéliums dans les organes glanduleux. Quoiqu'il y ait quelques légères différences entre ces globules et ceux du chyle, je ne crois pas qu'elles impliquent une différence de nature, et j'adopte provisoire- ment la première opinion, car leur passage dans le chyle des eflérents explique l'augmentation du nombre des globules dans le liquide qui sort des ganglions. La partie centrale ou médullaire du ganglion, plus pâle que l'autre, et quel- quefois blanche, très imprégnée de liquide, n'est constituée que par des vaisseaux lymphatiques formant plexus serré, par quelques vaisseaux sanguins soutenus les uns et les autres par des prolongements conjonctifs. Le nœud de la structure du ganglion, au point de vue physiologique, est de AnsonPT[ON UU CllYLE. 73 savoir si [les allV'rents se conliiiuciil (iii'cclemeiit avec les ciïérents et de quelle maiiirre la coiilinualion s'i'Hectne. Il est rvideut poui' tout le momie (|ue les adé- rents se ramilieut à la surfaee de la glande, puis de plus en plus en se rappro- cliant du eeuli'e; il l'est non moins(|ueles eiïérenls se dégagent ou se constituent, en a|)paience, à la limite de la substance corticale et de la médullaire, puis se rassemblent en grosses branches pour sortir par le bile quand il existe. Sur ces points, tous les anatomistes sont d'accord. Mais y a-t-il entre les premiers vais- seaux et les seconds un aboncbement simple ou une communication par l'inter- médiaire d'une sorte de petit système capillaire; Cb. Robin semble admettre la continuation, quoiqu'il ne le dise pas explicitement; de sorte, dans cette hypo- thèse, que les corpuscules placés en dehors des vaisseaux ne peuvent être enlevés l)ar les courants lymphatiques. KcHliker, au contraire, incline à laisser, entre les vaisseaux qui arrivent et ceux qui sortent, les cavités alvéolaires. Il croit, avec Ludwig et Noll, que les afférents, après s'être ramifiés, finissent par s'ouvrir dans les cavités des alvéoles. Pour lui, l'ensemble des cellules formerait une sorte de corps caverneux lymphatique, de réservoir comparable à celui des tissus érectiles dans lequel les aiïérents viennent verser leur apport, et les efférents puisent ce qu'ils exportent, c'est-à-dire le liquide venu de l'intestin mêlé aux corpuscules formés sur place. Et, en effet, ces alvéoles se remplissent de la matière que les injections poussent dans les afférents. Ces deux modes de communication, qui ne s'excluent pas, me paraissent pré- dominer, tour à tour, suivant les animaux. Si la communication directe ne semble pas exister chez les animaux qui ont les ganglions compacts, grenus comme les ruminants, elle existe manifestement chez le cheval et les autres solipèdes où les glandes ont très peu d'éléments non vasculaires; la continuation entre les affé- rents et les efférents y est presque visible à l'œil nu par des branches énormes dans lesquelles on voit passer même l'air insufflé. Dans tous les cas la communication existe. Si elle est directe, on ne voit pas comment les cor{iuscules, demeurés en dehors des vaisseaux, peuvent être entraînés. Si, au contraire, elle est indirecte, les cavités alvéolaires servent d'intermédiaire, et les courants doivent emporter, en les traversant, les éléments qui s'y trouvent. Quoi qu'il en soit, les autres dispositions accessoires des vaisseaux dans le gan- glion ne sont pas sans intérêt physiologique. Les sanguins qui, pour la plupart, suivent les cloisons des alvéoles, les traversent aussi en tous sens. Les lymphati- ques forment à beaucoup d'artérioles des gaines complètes comme à l'encéphale. Amesurequ'ils diminuent de diamètre, ils perdent les éléments deleurs tuniques et finissent par ne plus avoir qu'une mince lamelle de tissu cellulaire tapissée par la couche épithéliale. Cette minceur de parois leur ôte toute résistance à la dé- chirure, et leur donne une très grande perméabilité, par conséquent, une grande aptitude à laisser échapper leur contenu, comme à admettre par osmose les ma- tériaux extérieurs. Ces vaisseaux offrent encore des particularités remarquables qui influent sur la marche du chyle. Près des premières ramifications superficielles, ils donnent de larges canaux ou des sinus lymphatiques et de petites branches; ils ont, à l'inté- rieur, des trabécules ou des brides qui, se portant d'un côté cà l'autre, divisent 74 DE l'absorption. les cavités vasculaires, à peu près comme le font les brides dans les tissus vei- neux de l'encéphale. Ces brides entrecroisées contribuent évidemment à ralentir la marche des liquides, et à retenir les éléments figurés, les corps étrangers, à la manière des herbes ou des roseaux dans le lit d'un fleuve. De la structure des ganglions on peut déduire : 1° la facilité des échanges mo- léculaires entre les éléments plasmatiques intra et extra vasculaires du sang, échanges qui peuvent donner par exemple un peu plus de sels, d'albumine, de plasmine au chyle, comme au sang une certaine quantité d'eau; 2» la possibilité d'élaborations réellement glandulaires si les corpuscules des alvéoles sont des épithéliums nucléaires jouissant des propriétés de ceux des glandes : 3" la forma- lion active des globules si les corpuscules intra-alvéolaires sont bien des leuco- cytes, et s'ils entrent dans les vaisseaux blancs par suite d'abouchements de ceux-ci avec les alvéoles. Cette dernière fonction serait certainement la plus importante au point de vue de l'hématose si, comme le pensent Kolliker, Virchov\' et la plu- part des Allemands, une certaine proportion de globules blancs sont destinés à se transformer en corpuscules hématiques. Dans tous les cas, il ne faut pas, ainsi qu'on l'a fait trop souvent, regarder les ganglions comme les foyers exclusifs de la production des globules. La for- mation globulaire, comme le pense aussi Milne Edwards n'est pas localisée : elle a lieu dès les réseaux d'origine, que la substance conjonctive soit ou non doublée d'une couche épithéliale. C'est même dans les réseaux, vu leur étendue, qu'elle semble avoir le plus d'activité, car j'ai prouvé que le chyle, comme la lymphe, a des globules déjà fort nombreux avant d'avoir traversé les ganglions. En attendant que tous ces points, et surtout celui de l'active formation globu- laire, soient fixés avec la précision désirable, disons que le chyle, en traversant les glandes mésentériques, s'y modifie, y devient un peu moins aqueux en cédant un peu de son eau au sang à travers les parois vasculaires, un peu plus riche en fibrine et par conséquent plus apte à la coagulation, un peu plus chargé de glo- bules qui se sont formés aux dépens des matériaux plasmiques épanchés dans la masse grenue des alvéoles et même de ceux qui circulent dans les vaisseaux. On a voulu aussi assimiler les glandes de Peyer à des ganglions lymphatiques. Virchow les dit des glandes lymphatiques étalées. Leurs follicules, qui correspon- draient aux follicules ou aux alvéoles des ganglions, sont bien pleins de noyaux et de cellules à dimensions très variées ; les vaisseaux sanguins les pénètrent comme ils pénètrent dans les alvéoles des ganglions, et, d'après Briicke, les lym- phatiques s'y aboucheraient directement du côté de la cavité intestinale ; mais, ainsi que je l'ai déjà dit, cette assimilation paraît peu fondée. D'abord la commu- nication directe entre les lymphatiques et les follicules est supposée plutôt que démontrée ; les follicules sont clos et indépendants les uns des autres, au lieu de communiquer entre eux comme les alvéoles du ganglion ; leurs corpuscules ne sont pas identiques à ceux du chyle, et ne se comportent pas de la même ma- nière par les réactifs, Il sort bien des lymphatiques de la glande, mais il n'y en arrivepas qui puissent être considérées comme des afférents ; enfin, ces follicules ne sont jamais gorgés de chyle ou de fluide laiteux comme le sont les glandes mésentériques pendant la digestion. Leur contenu est toujours plus ou moins ABSORPTION OU CHYLE. 75 épais, visqueux, sans analogie d'aspect avec lo contenu des glaudes lymphatiques. Pour moi, quoiqu'ils aient, par leur disposition anatoinique, de l'analogie avec les ganglions, ils n'en ont point la fonction, pas plus que le pancréas n'a la fonc- tion des glandes salivaires pour avoir une structure commune avec elles. Gela résulte d'un ensemble de données expérimentales qui, à mes yeux, tient lieu de preuves directes. Et ma conviction n'est point ébranlée par ce fait que les glandes de Peyer se tuméfient, s'imprègnent de matières crétacées et deviennent tuber- culeuses à l'instar des ganglions. Étudions maintenant les phénomènes de l'absorption du chyle, l'état des villo- sités, des vaisseaux, des ganglions, de la citerne et du canal, au début, à la pé- riode de grande activité et au déclin de cet important travail. Ce qui traduit le début de l'absorption du chyle est le changement d'état des villosités. Ces petits organes se couvrent, et leurs interstices se remplissent chez les carnassiers, d'une matière pulpeuse qui est blanchâtre, crémeuse, si elle contient beaucoup de graisse. Ils se gonflent, deviennent opaques, blancs, à l'œil nu et au microscope, s'ils HOftt vus par réflexion. Leur substance est infdtrée de graisse sous forme de gouttelettes inégales et de particules très fines, graisse qu'on voit d'abord dans les cellules épithéliales, puis en même temps dans la substance homogène et la partie qu'occupe le chylifère. Cette turgescence s'accom- pagne de mouvements de totalité et de mouvements ondulatoires constatés par Gruby et Delafond, dus a la pression des fibres musculaires, autour du canal chylifère. Ils ont pour effet de froncer transversalement la villosité, de vider le petit chylifère ou au moins, d'exercer une pression favorable à la marche de son contenu. On peut le constater en examinant les villosités au moment où on les détache delà muqueuse d'un animal vivant ou venant d'être tué par effusion de sang. A la surlace externe de l'intestin, sur l'animal carnassier ou sur l'herbivore, dont les aliments sont riches en graisse, on voit, en y regardant de près, une belle injection blanche se dessiner sous la séreuse ; ce sont les chylifères du ré- seau superficiel déjà gorgés de chyle. Ils le sont plus ou moins suivant les anses et finissent par l'être d'une manière uniforme une fois que le chyme versé par l'estomac a pu se répandre dans toute l'étendue de l'intestin. Dans le mésentère, les vaisseaux qui, précédemment étaient affaissés ou ne contenaient qu'un peu de liquide clair, se gonflent ou deviennent blancs et opaques, comme s'ils étaient pleins de lait ; leur teinte tranche fortement sur la couleur rouge des veines et des artères ; leur dilatation rend les bosselures et les étranglements plus distincts. Les ganglions sont tuméfiés, et, à la moindre piqûre faiteà leur tissu, ils laissent fluer une grande quantité de suc lactescent, les afférents se distinguent très bien dans la tunique cellulaire. Leur teinte qui a peu changé chez les ruminants, oîi ils sont constamment gris et opaques, est blanche ou blanc-jaunâtre chez les chiens et même chez les chevaux qui digèrent de fortes rations d'avoine ; en un mot, ils sont à l'état de turgescence, saturés de tous les éléments du chyle, et par conséquent au maximum de leur activité fonctionnelle. De leur bord supé- rieur ou de leur bile, les branches afférentes sont aussi très distendues et comme variqueuses. La citerne de Pecquet, souvent invisible à l'état de non- digestion, a FiG. 13J. — Ensemble du système chylifère du chien*. (*) A A lactés du mésentère; BB groupe des ganglions mésentériques ; C citerne de Pecquet; DD cana thoracique ; E délation du canal à sou insertion ; F yeine cave antérieure ; G aorte ; H œsoptiage. ABSORPTION DU CHYLE. 77 ici doublé ou (l'iiilédc voluuie. Sa distension est énorme, surtout dans la partie antédiaphragniatique. Ses parois sont tellement distendues qu'une piqûre en laisse sortir le eh vie sous forme de jet très élevé. Enlin le canal est 1res dilalé sur toute sa longueur, et ses aflUienls, dont le dégorgement est devenu difficile, pré- sentent une dilatation exagérée. Une listule établie à l'insertion de ce conduit, donne issue à de grandes quantités de liquide jaune oi)alin ou tout à fait blanc, suivant la nature des aliments que Tanimal digère. C'est dans ces conditions que l'ensemble du système chylifère se détache avec une admirable netteté et qu'il fi'appe l'observateur qui l'avait à peine aperçu dans les intervalles de la digestion. C'est dans cet état, dont les ligures 134 et IS-ï don- nent l'idée, que les anatomistes de l'École d'Alexandrie l'ont reconnu sur les che- vreaux et Aselli sur le chien. Il s'y maintient pendant plusieurs heures, souvent pendant douze, dix-huit même. Chez les animaux à digestion très lente, on le voit persister, alors que l'estomac est depuis longtemps tout à fait vide, et par- fois une heure ou deux après la mort s'il y a du chyme en abondance dans l'in- testin. On peut en prolonger la durée en mettant, par une ligature sur le canal, obstacle au déversement du chyle dans les veines. A mesure que la digestion marche vers son terme et que la quantité de prin- cipes assimilables dans le chyle se réduit, la turgescence du système chylifère diminue dans toutes ses parties, les vaisseaux mésentériques se resserrent, les ganglions s'affaissent, la citerne se désemplit, le canal thoracique estmoins gonflé. Et s'il est ouvert, son produit est peu abondant, peu ou point lactescent. L'état du système chylifère pendant la digestion contraste donc, d'une ma- nière frappante, avec celui où il se trouve dans les intervalles de celte fonction, et ce contraste suffirait seul pour montrer le peu de fondement de l'opinion de ceux qui supposent que, pendant la digestion, il s'ajoute seulement à la lymphe un peu de graisse émulsionnée, car ce peu de graisse ne suffirait pas pour gonfler ou pour rendre turgides toutes les parties du système et augmenter dans des pro- portions considérables la somme des produits déversés. Toutefois le contraste est moins marqué chez les herbivores, dont la digestion intestinale est continue, que chez les carnivores où elle est intermittente, avec de longs intervalles entre les pé- riodes d'activité. Le travail de l'absorption du chyle chez les herbivores monogastriques s'établit aussitôt après le repas, car dès les premiers moments, l'estomac envoie des ondées de chyme dans l'intestin; et il a ceci de remarquable, si l'animal, avant le repas qui se digère, a été privé d'aliments, c'est que les chylifères entrent en activité les uns après les autres : d'abord ceux des premières anses, puis successivement de telle sorte qu'à un moment donné, cà côté d'un groupe de chylifères turgides, on voit le groupe suivant encore affaissé et vide. On a alors les deux états oppo- sés sous les yeux : au niveau d'une anse pleine, digestion et absorption actives ; au niveau de la suivante, encore état d'abstinence complète. D'ailleurs, au début, le liquide des lactés est 51air, un peu opalin ; il devient de plus en plus blanc et opaque. C'est seulement quand le chyme est abondamment répandu partout, comme au bout de cinq à six heures chez le carnassier, que l'injection du système chylifère est uniforme. Ellesemaintient jusqu'à la dixième, douzième, quinzième 78 DE l'absorption, heure et plus, après un repas dont la digcslion met tout ce temps à se l'aire. L'opacité du chyle peut se i)rolonger vingt, vingt-cinq, trente heures après le repas, si les résidus intestinaux demeurent chargés d'une notahle quantité d(! graisse. 11 y a plus, si l'animal est tué hrusquement, en pleine digestion, Fah- sorption peut se continuer encore, avec une certaine activité, pendant jjjusieurs •'^^S^!^^^^i^^^:^^S3i^^^y?T-^-:i'^ * •^-"»t""-^:r-..,3g^ftg^^^g^^s5:^ CJUCnCEIiAouan oiu t. /EflmoRCKZIV. se FiG. 135. — Aspect du système chylifère du chien pendant la digestion intestinale (*). (*) L'abdomen du chien est ouvert huit heures après uu repas de viande. On a appliqué préalablement une ligature à la partie antérieure du canal thoracique pour prévenir l'affaissement des lactés au contact de l'air. Les vaisseaux cliylilères A se dessinent sous forme de lignes blanches dans le mésentère et sont déjà visibles à la surlace de l'intestin. Ils se rendent aux ganglions mésentériques B, formant la masse connue sous le nom de pancréas d'Aselli. De celui-ci s'échappent de gros cfTérents C qui se rendent à la citerne D très gonflée. On a mis la citerne complètement à découvert eu enlevant le pilier gauche du diaphragme et n déplaçant le rein du même côté. ABSORl'TION DU CHYLE. 79 heures, et laisser le sjstèiuedaus une turgescence assez prononcée. Siunelislule au canal existe ù ce moment, la tension des liquides y est assez grande pour que leur écoulement [lersiste pendant une demi-heure, comme je l'ai vu, notamment sur le bélier. L'aspect blanchâtre des chylifères qui, avec leur turgescence, est le signe le plus saillant du travail de l'absorption intestinale, peut persister fort longtemps après que la digestion est achevée. Tant qu'il reste dans les résidus jaunes bruns de l'intestin grèle et dans le mucus épais qui couvre les villosités, une certaine quantité de graisse, même à la vingt-cinquième et la trentième heure après le repas, l'injection blanche persiste. La graisse est l'un des principes qui demeu- rent attachés avec le plus de ténacité aux matières intestinales. Il est possible de simuler l'absorption du chyle chez les carnivores, notamment par une injection d'eau et d'huile dans la première partie de l'intestin grèle. Alors, au bout de deux à trois heures, et à mesure que le mélange marche vers le cœcum, les chylifères s'injectent successivement d'une anse à l'autre, d'un liquide très blanc qui a l'aspect du chyle, sans en avoir la coagulabilité. On acquiert ainsi la preuve que l'eau entre parfaitement et en abondance dans les vaisseaux blancs en même temps que les graisses, ce que certains théoriciens déclarent impossible. On peut se demander si l'absorption du chyle s'opère avec une égale activité sur toute la longueur de l'intestin grèle. L'observation, d'accord avec les données anatomico-physiologiques, répond négativement. C'est dans la région moyenne que le travail s'effectue dans toute son ampleur, et c'est là que les chylifères sont abondants et larges. Au duodénum et à l'iléon, ce travail est faible, soit dans le premier sur une étendue de 1 décimètre sur le chien, de 3 à 4 chez le lapin et de 5 à 6 chez le bœuf; là, en effet, les matières ne font que passer vite et il y a peu de chylifères. A l'iléon, enfin, qui est resserré sur une longueur d'un mètre sur le cheval, sauf dans les moments oii les ondées de chyme sont chassées vers lecoscum, même aspect des chylifères. L'absorption du chyle ou de quelques-uns de ses matériaux s'opère-t-elle ail- leurs que dans l'intestin grèle, c'est-à-dire dans l'estomac et le gros intestin, et cette absorption est- elle subordonnée à la présence des villosités ? Chez les animaux dont l'intestin est tout d'une venue, comme chez les carnas- siers vermiformes, le chyme peut être recueilli d'un bout à l'autre du tube dont la muqueuse a presque partout des villosités. Elle doit avoir lieu encore chez d'autres dans toute sa longueur, quoique les deux parties de l'intestin soient distinctes,' si les villosités vont jusqu'à l'anus, ainsi queCuvier le dit delà loutre. L'absorption du chyle, à un certain degré, n'est pas douteuse dans le gros intestin. Les observations isolées d'Highmore, de Winslow, de Daubenton, peu- vent se vérifier tous les jours. Les lymphatiques du côlon m'ont toujours montré^ sur les chiens nourris de chair, un liquide opalin, oi!i la quantité de graisse émul- sionnée devait être considérable. Il en est de même chez ceux où l'on a poussé une injection d'huile dans l'intestin grêle. Les solipèdes qui avaient fait usage de tourteaux oléagineux ou simplement mangé beaucoup d'avoine, m'ont aussi montré, au moment où le gros intestin était chargé des résidus de ces aliments, 80 DE l'absorption. une injection opalescente très nette des vaisseaux du cœcum et de quelques par- ties du côlon, surtout au niveau des scissures artérielles et des chaînes ganglion- naires. Dans les conditions où les aliments sont pauvres en graisse, la simple turgescence des lymphatiques du ca.'cum et du côlon n'est qu'une présomption en faveur de leur participation à l'absorption chyleuse. Néanmoins là, comme dans les autres cas, l'absorption du chyle, à un certain degré, ne me paraît pas douteuse. Elle doit même avoir une grande importance dans le volumineux caecum des solipèdes et dans les vastes indexions de leur côlon, qui contiennent une grande proportion d'eau, de matières sucrées, albuminoïdes, même de graisse et de sels. Il est clair que la différence d'activité, au détriment du gros intestin, tient à l'absence à peu près complète de villosités dans cette section du tube digestif, lesquelles s'arrêteraient déjà sur l'honime au niveau de la valvule iléo- Ccecale. Mais il ne faut pas perdre de vue que si le pouvoir absorbant de la mu- queuse du gros intestin est réduit, il reste énorme, vu l'étendue de sa surface qui dépasse 7 mètres carrés, celle de l'intestin grêle demeurant à 4 mètres et demi. Quant à l'estomac, il doit aussi, chez les animaux où son pouvoir absorbant est considérable, prendre des matériaux du chyle, mais les graisses n'y ayant pas encore été soumises à faction des sucs intestinaux qui favorisent leur admission, ne sauraient passer dans ses lymphatiques en quantité assez grande pour donner au contenu de ces vaisseaux l'aspect du chyle opalin. Toutefois, Veslingius dit en avoir vu de tels dans les lymphatiques du pylore, et quelques auteurs, cités par Haller, ont fait la même observation dans l'ensemble du viscère. Le mécanisme de l'absorption du chyle ne diffère que par quelques particula- rités de celui de l'absorption lymphatique en général, et ces particularités déri- vent des conditions spéciales où se trouvent les matières à absorber et les origines des lactés. D'un côté, ces matières, soumises à des élaborations successives et nombreu- ses, ont été amenées k l'état le plus convenable à l'absorption par l'élévation de température, l'hydratation, les dissolutions, les changements moléculaires, les modifications de propriétés chimiques, puis elles sont mises en rapport avec des sucs alcalins, avec des tissus humectés de bile qui favorisent l'adhérence; enfin, elles sont brassées dans tous les sens, et promenées à la surface des villosités comme les vagues de l'Océan le sont, par le flux et le reflux, sur les plis du rivage. Les mouvements intestinaux sont considérés comme jouant un grand rôle dans l'absorption intestinale, par la pression qu'ils opèrent sur les matières de l'in- testin, pression produisant et déterminant des étranglements qui circonscrivent de petites ampoules elliptiques, ampoules, où la pression peut, dit-on devenir équivalente à 5 ou 6 centimètres de mercure, soit à 2 pieds d'eau. Mais à sup- poser que la pression s'élève à ce chiffre, elle ne doit être considérée que comme une condition favorable cà l'entrée des graisses, et non comme la cause détermi- nante et suffisante de cet acte. Il n'y a nulle comparaison à établir entre la péné - tration de la graisse dans la villosité et cette expérience de physique qui consiste à faire sourdre la graisse par une forte pression à travers des membranes; car, ABsoarnoN du chyle. 81 dans cette expérience, la pression produit des solinions de continuité, ou agran- dit les pores et y engage les particules ou les gouttelettes du corps gras, double effet qu'elle ne détermine pas dans les conditions physiologiques de l'absorption intestinale. (Juelle est la niasse des produits recueillis dans l'intestin pour la constitulion du cliyle, ou la quantité de chyle que le système lymphatique intestinal verse journellement dans le système sanguin? On a résolu cette question d'un trait de plume. Les uns ont dit, avec Tierordt : Elle est de 2'^'',o00 pour l'homme, soit le trentième du poids du corps; d'autres prétendent, avecLehmannS qui accepte une autre évaluation, qu'elle représente le cinquantième du poids du corps. Ceux qui ne voient dans le chyle que la graisse émulsionnée, sont obligés de réduire cette masse à un chitTre insigniliant. C'est à l'expérimentation qu'il faut demander ce chitïre, qu'elle seule peut donner. Si le système chylifère prenait la totalité des produits utiles de la digestion, il serait facile, en déduisant le chiffre de l'exportation intestinale de celui des apports en aliments, boissons et produits sécrétés, d'obtenir, par différence, la masse absorbée. Si même on connaissait la quantité de ces produits digestifs afférente aux mésaraïques, l'autre serait exactement trouvée par une simple soustraction. Voyons quelle est la différence entre le poids des ingestions intes- tinales et celui des déjections, cette différence nous servira de base à une déter- mination plus exacte. Chez un chien du poids de 20 kilogrammes, consommant généralement 1 000 grammes de chair et 300 grammes d'eau, il est rendu, terme moyen, 3U0 grammes de matières excrémentitielles. 1 000 grammes de ces ingesta ont donc été absorbés, et, en outre, 1 000 grammes de liquides versés par les sécré- tions, soit 100 grammes par kilogramme du poids de l'animal. Un mouton pesant oO kilogrammes, et consommant 2 700 d'aliments avec 1 OUO grammes d'eau, rend journellement 1 400 grammes de déjections intesti- nales : il absorbe donc 2 300, tant de principes fixes que d'eau, et, de plus, les produits de sécrétion, qut^ nous supposerons du poids de 4 000 grammes, soit: 126 grammes par kilogramme du poids vif. Pour faire la part afférente aux chylifères dans le produit total de l'absorption intestinale, il est nécessaire de recourir aux fistules établies aux chylifères. Sur un jeune taureau d'un an, un tube, adapté à un des chylifères satellites de la raésentérique, donnait 28 grammes par heure. En admettant que les autres vais- seaux fussent égaux à celui dans lequel était le tube, ils devaient fournir ensemble 280 grammes de chyle par heure, ou 6 72U grammes en vingt-quatre heures. L'ani- mal ne pesant pas plus de iOÛ kilogrammes, ne donnait, par conséquent, que le cinquième de la somme qu'aurait donné (36 600 un bœuf adulte de poids moyen. Un second taureau jeune du poids de 200 kilogrammes donnait, par l'une des huit branches chylifères, 80 grammes dans le même temps, soit, dans l'hypo- thèse de l'égalité de calibre et de débit entre elles. 640 grammes par heure pour l'ensemble, et 13 360 grammes dans une période de vingt-quatre heures. L Lehmantl, Chimie phijsioL, p. 1.56. G. coLts. — Physiol. comp., 3* édit. IT — o 82 DE l'absorption. Un troisième, ;\ peu près de mrme poids, donnait par une (istule établie très haut au canal chylifère, résultant de la jonction des diverses branches, à raison de 11 grammes par minute, ou 660 grammes par heure, soit : lo 840 grammes par vingt-quatre Jieures. Enfin, une vache très affaiblie, dont l'intestin fonctionnait cependant assez bien, fournissait, par l'un des cinq troncs chylifères mésentériques à peu près égaux, 279 grammes à l'heure, soit : 1 39o pour les cinq vaisseaux, ce qui porte le débit total à 32 litres et demi par vingt-quatre heures. L'énorme quantité de matières solides et liquides qu'ingèrent les ruminants explique cette abondance dans la production chyleuse. Notre vache, par exemple, consommait 13 kilogrammes de foin et au moins 30 kilogrammes d'eau. Son intestin recevait à peu près 52 kilogrammes de salive, o de suc gastrique, o de bile, 5 de suc pancréatique, 10 de suc entérique, le tout formant une niasse de 120 kilogrammes à résorber en grande partie. Si, de cette masse ingérée, l'animal ne rendait, que 12 à lo kilogrammes en excréments, il s'ensuit que lOo kilo- grammes devaient être absorbés. Les chylifères n'en ont pris que 32, d'après nos constatations, soit le tiers. Les deux autres ont dû passer par les mésaraïques. Acceptons ces résultats approximatifs en attendant que de nouvelles recherches en donnent de plus précis. Il nous serait impossible de déterminer quels sont, dans cette masse absorbée, les tributs respectifs de l'intestin grêle et du gros intestin. Le rapport, quel qu'il soit, doit varier suivant les animaux. Chez les ruminants, la part du gros intestin est minime; elle est beaucoup plus considérable chez divers pachydermes, les solipèdes surtout; car la muqueuse de cet intestin y dépasse en étendue celle du grêle dans le rapport de 7 à 4 pour le cheval, par exemple. Ces 7 mètres de surface, il est vrai, sans villosités, en font une voie complémentaire d'absorption OLi s'engage nécessairement une grande masse de matériaux dont l'admission ne réclame pas le concours des villosités. Le développement de ses vaisseaux blancs le fait pressentir. En effet, les aires transverses de ses oO à 60 lymphatiques, acco- lés aux artères, dépasse celle des 1 200 chylifères de l'intestin grêle ; car, d'après mes recherches, ce rapport serait comme 3 1/2 est à 2 1/2. D'ailleurs, il suffit, pour se faire une idée du grand compte qu'il faut tenir de l'absorption du gros intestin, de se rappeler que, chez les solipèdes, l'absorption des boissons qui y arrivent promptement y a lieu pour la plus grande partie. Avec l'eau, qui est manifestement absorbée en grande quantité, avec les graisses, qui le sont en proportion appréciable, doivent passer des matières albu- mino'ides, sucrées, des sels dont l'absorption est moins difficile que celle des graisses. C'est donc un véritable chyle que recueillent les vaisseaux blancs du gros intestin, chyle en proportion indéterminée, mais déterminable, plus aqueux et moins riche en matières fixes que le véritable chyle, celui de l'intestin grêle. II. — Absorptions diverses effectuées par les chylifères. Depuis deux siècles et demi que les lactés sont connus, il y a eu, parmi les physiologistes, de nombreux revirements d'opinion sur le rôle de ces vaisseaux, ABSORPTIONS DIVERSES EFFECTUÉES l'AR LES CHYLIFÈRES. 83 A peine Aselli les laisait-il connaître, qu'on leur donnait à eu\ seuls roflice d'absorber la totalité des produits utiles de la digestion. Puis, Flandrin, Magendie, s'appuyant sur des expériences incomplètes, leur laissaient la faculté d'absorber le chyle en leur retirant celle de prendre autre chose; Bichat, sans s'expliquer très nettement, leur attribuait le pouvoir de choisir, en vertu d'une sensibilité spéciale, parmi les matières qui leur sont olTertes. Naguère, on partageait entre eux et les mésaraïques le travail de l'absorption intestinale; et, aujourd'hui, ce n'est plus la moitié du rôle qui leur est laissé : on prétend qu'ils n'absorbent pas même le liquide connu sous le nom de chyle ; que leur participation se borne à prendre quelques particules de graisse destinées à blanchir, sur certains ani- maux, la lymphe des tuniques intestinales. On affirme qu'ils ne prennent ni les matières azotées dissoutes dans le suc gastrique, ni la dextrine, ni le sucre, ni les sels, ni les médicaments, ni les poisons, ni les matières colorantes ou odo- rantes. Après avoir sapé, en principe, la théorie des affinités électives, on en crée de nouvelles plus fantastiques et poussées jusqu'à l'absurde. Déjà j'ai montré ^ combien cette théorie est fausse en ce qui concerne la consti- tution du chyle proprement dit ; il me reste à prouver, comme je l'ai fait ^ en I808 et 1862, que les chylifères, contrairement à l'opinion de Magendie et de son école, absorbent à peu près toutes les matières qu'ils étaient supposés ne pouvoir saisir; et, chemin faisant, je signalerai les illusions dont les physiolo- gistes ont été dupes. En ce qui concerne l'ensemble des matières autres que les aliments, une dé- monstration est très nécessaire. On a douté et on doute encore généralement aujourd'hui de leur pénétration dans le système chylifère. « Les recherches les « mieux conduites, dit jM. Milne Edwards ^, ont prouvé que la plupart des ma. « tières étrangères, dont l'absorption a lieu dans l'intestin, ne se montrent pas « dans le chyle, et pénètrent directement dans les veines. » a Tous les faits les « mieux observés tendent à montrer, ajoute-l-il, page 179, que les vaisseaux « chylifères admettent certaines substances de préférence à d'autres, qu'ils « exercent sur les matières contenues dans l'intestin une absorption élective et « prennent dans le chyme, les corps gras, peut-être aussi les matières albumi- « noïdes, à l'exclusion des matières salines. » En effet, Haller n'y a pas retrouvé les sels de fer, Tiedemann et Gmelin ni les mêmes sels, ni ceux de plomb et de mercure, sauf dans quelques cas où ils en ont reconnu des traces. MM. Bou- chardat et Sandras n'y ont pas retrouvé non plus le cyanoferrure de potassium ; M. Chatin, ni l'acide arsénieux, ni l'émélique; et, cependant, Fodera, Lawrence, Coates, ont reconnu le cyanoferrure dans le canal thoracique, et Panizza des traces d'iodure de potassium. Moi-même, avant 18oo *, j'avais constaté, au bout 1. G. Colin, Recherches expêfiment. sur les fond, du système îymph., Mémoire inédit présenté à l'Institut. 2. Id-, De l'absorption effectuée par les vaisseaux lymphatiques et du système des affi- nités électives, lu à l'Académie de médecine, juin 1862 [Bull, de VAcad. de méd.i Paris, 1861-62, t. XXVII, p. 198, et Recueil de méd. vétérin. 1863, p. 519. 3. Milne Edwards, Leçons de physiologie et d'anatomie compare'es^ t. VIT, p. 177. 4. Traité de physiologie, première édition. Paris, 1856, t. 11, p. 13. 84 DE l'absorption. de huit minutes, le passage dans les chylitères du cheval du cyanol'eiTuve de potassium injecté dans l'intestin; mais, pour m'en être tenu alors aux vieilles traditions expérimentales, je n'avais pas fait ce qu'il fallait pour rendre la démonstration complète. Ce fut seulement en 1838 que, me révoltant contre la manière un peu méca- nique dont Magendie découpait les anses d'intestin, je cherchai et trouvai un pro- cédé plus sûr que le sien. Au lieu d'opérer comme le savant physiologiste, d'après un mode qui mène presque toujours à l'illusion et à l'erreur, je mis à découvert le canal thoracique et y insérai un tube d'argent. Lorsque le chyle vint à couler librement, j'administrai à l'animal un sel facile à reconnaître, le prussiate de potasse, l'iodure de potassium, l'émétique, l'acide arsénieux, etc., et je le cher- chai, de minute en minute, dans le produit de la fistule. Voici quelques-unes de mes expériences principales : Je fais avaler à un gros chien, dont le canal thoracique est ouvert, une solu- tion de 20 grammes d'iodure de potassium dans 200 à 250 grammes d'eau, et je recueille toutes les minutes le chyle dans une série de vases à réactifs; puis j'essaye chaque échantillon par le chlore et l'amidon. Si l'animal est en diges- tion, si le pylore laisse librement passer le liquide dans l'intestin grêle, si cet intestin imprime un mouvement un peu rapide aux ondées qu'il reçoit, la disso- lution saline est bientôt mise en contact avec les villosilés et saisie par les chyli- fères. Dès la dix-huitième ou la vingtième minute, le chyle, traité par l'amidon et le chlore, commence à offrir des stries violettes. Huit à dix minutes plus tard, la coloration devient sensiblement plus prononcée ; elle continue à augmenter d'intensité pendant une heure, une heure et demie, jusqu'au moment oîi le chyle prend une teinte bleue uniforme; puis elle demeure stationnaire, s'affaiblit à la longue pour disparaître au bout de six, huit, dix, douze, quinze heures. Ainsi, on voit à quel moment précis le sel commence à passer dans le chyle en quantité appréciable; on juge des progrès que fait l'absorption par l'intensité croissante de la teinte bleue du liquide ; on détermine le moment où cette absorption arrive à son maximum, le temps pendant lequel elle est stationnaire ; enfin, on la suit dans toutes les phases de son ralentissement jusqu'à la disparition des dernières traces appréciables du sel. Ce résultat est constant; il se reproduit dans tous les cas, avec les mêmes ca- ractères essentiels, sauf les variations infinies dues à l'état de l'appareil digestif. Le sel met un temps très long à se montrer si l'estomac, inerte, contracté et en- duit de mucus, le conserve dans sa cavité, — si ce sel se trouve mêlé à une trop grande masse d'aliments, ou bien s'il est poussé en faibles proportions dans un intestin resserré et sans contractions péristaltiques. Au contraire, il apparaît très vite et en grande quantité si l'estomac est dilaté, — si le pylore s'ouvre souvent, — si la marche des liquides intestinaux est accélérée. Et, à cet égard, les limites des variations sont fort étendues, au point que le même sel met à se montrer, dans certains cas, un temps double, triple, quadruple de celui qu'il emploie dans les conditions ordinaires. Aussi, ne faut-il pas s'étonner de ce que, dans les maladies où mille causes peuvent modifier l'état des organes, l'absorption est si incertaine et si mal réglée. ABSORPTIONS DIVERSES EFFECTUÉES PAR LES CnYLIFÈRES. 8o Ce qui vient île se passer chez le. cliien va se reproduire do la même manière chez les herbivores, soit qu'ils aient un estomac à plusieurs compartiments de vaste capacité, comme les ruminants, ou un estomac simple et à peu près dépourvu de la faculté absorbante. Je donne à un bélier, sous foniu' il^' lireuvage, 25 grammes d'iuijuiv ilu [lotas- sium dans oOd grammes d'eau, et je recueille, minute par minute, le clivle que verse le tube d'argent adapté au canal thoracique, en avant de la première côte. La dissolution saline que l'animal a avalée tombe en partie dans les trois pre- miers estomacs, où elle se mêle à une grande masse d'aliments, et en partie dans la caillette, qui jouit seule de la propriété d'aljsorber. C'est seulement cette der- nière fraction qui. en passant dans l'intestin grêle, peut être absorbée dans les premiers moments. Or. dès la dix-huitième minute, le chyle offrira des traces très appréciables d'iode: la proportion de sel augmentera très rapidement, et elle sera portée àson maxinuini au bout d'une heure à une heure et demie, après quoi elle demeurera longtemps stationnaire. Dix heures, quinze heures, dix-huit heures même après l'ingestion du sel, le chyle donnera, par l'amidon et le chlore, une coloration bleue très intense. Il continuera ainsi à bleuir tant que les premiers réservoirs gastriques chasseront vers l'intestin une certaine quantité de la disso- lution qu'ils tenaient en réserve. Même résultat encore chez les ruminants de haute stature, comme la vache et le taureau, quoique la dissolution se perde en partie dans les vastes estomacs et s'y mêle à une énorme quantité de matières alimentaires. Un taureau, dont le canal thoracique porte un tube d'argent, avale 200 grammes de prussiate de potasse dans un litre et demi d'eau tiède. Au bout d'une demi- heure, le chyle, traité par le persulfate de fer, prend une légère teinte bleue, qui indique la présence du prussiate. La coloration prend une intensité crois- sante dans les moments qui suivent, et elle arrive à son plus haut degré en une heure et demie. Elle se maintient sans changement pendant quelques heures, puis décroît et disparaît déjà à la hn de la sixième heure. Un autre taureau, de même taille que le premier, reçoit, au lieu de prussiate de potasse, 80 grammes d'iodure de potassium dans un litre et demi d'eau. Dès la vingt-cinquième minute, le chlore et l'amidon décèlent dans le chyle des traces d'iode. Ces traces demeurent très faibles jusqu'à la fin de la première heure, et elles n'augmentent qu'avec une extrême lenteur. C'est seulement à compter de la sixième que la coloration arrive à son plus haut degré. Elle conserve cette inten- sité pendant deux jours entiers, et, lorsqu'on tue l'animal, quarante-six heures après l'administration du breuvage ioduré, le chyle bleuit à peu près comme à la cinquième ou à la sixième heure. Voilà certainement un résultat bien curieux. Ces 80 grammes d'iodure de po- tassium, xersés dans les immenses estomacs d'un taureau, suffisent, en passant peu à peu dans l'intestin, à alimenter l'absorption pendant deux jours, et à satu- rer, pour ainsi dire, le chyle. Encore, au bout d'une si longue période, la totalité du sel n'a point été enlevée. Il en reste un peu dans les liquides du réseau, dans les matières de la caillette et dans la fiente du gros intestin ; de plus, une notable quantité d'iode s'est répandue dans les liquides et dans les tissus de l'économie. 86 DE l'absorption. On en trouve dans la sérosité de toutes les iiieuibranes séreuses, dans le liquide céphalo-rachidien et dans la plupart des produits de sécrétion. Il y en a dans le tissu cellulaire, dans les muscles, dans les diverses membranes. Le cerveau, la moelle épinière et l'œil même en sont imprégnés. L'absorption aurait donc pu encore en recueillir pendant longtemps. Ainsi le prussiate de potasse et l'iodure de potassium passent dans chyle et y passent en forte proportion ; mais ils ne sont pas les seuls. J'ai administré de la même manière l'émétique et l'acide arsénieux, les arséniates de potasse et de soude. Le chyle recueilli pendant plusieurs heures a été évaporé, dessé- ché, et le résidu essayé par l'appareil de Marsh : l'antimoine et l'arsenic ont donné sur des capsules de porcelaine les taches miroitantes qui décèlent leur présence. Dans les expériences qui précèdent, le sel ingéré en dissolution et sous forme de breuvage, a pu être absorbé, soit par les lymphatiques de l'estomac, soit par les chylifères de l'intestin grêle ou par tous à la fois. Il est bon de faire leur part respective en isolant complètement l'absorption gastrique de l'absorption intestinale, car les lymphatiques nés de réseaux fermés dans les tuniques de l'estomac ne sont pas dans les mêmes conditions physiologiques que les vaisseaux blancs émanés des villosités intestinales. J'écarte en ce moment l'absorption lymphatique de l'estomac, alui de ne pas me heurter à des complications inévitables, et je considère seulement celle de l'intestin, qui offre infiniment plus d'intérêt. Pour bien étudier celle-ci, avec ses caractères essentiels et ses nuances infinies, il ne faut pas s'adresser au premier animal venu. Un cheval, un chien, un porc, un lapin, ne conviendraient nullement. Chez ceux-ci, une simple incision aux parois abdominales pour atteindre une anse d'intestin et y injecter la dissolution saline appellerait l'air dans le péritoine, affaiblirait la pression qui doit être exer- cée sur les chylifères, et modifierait leur contractilité au point de ralentir consi- dérablement et même de suspendre pour un certain temps le travail de l'absorp- tion. Mais il n'en est pas ainsi chez le bœuf et le mouton; ces ruminants ont l'intestin enfermé dans un sac épiploïque à double parois, qui le soustrait au contact de l'air lorsqu'on fait une petite ouverture aux parois abdominales. De plus, comme ils ont leur duodénum en dehors du sac, on le met seul à nu vers son origine pour y injecter, par une ouverture de trocart, la dissolution saline. Nous choisirons donc nos victimes parmi les animaux de cet ordre. Sur un premier bélier, auquel j'ai préalablement établi une fistule au canal thoracique,je pousse dans le duodénum une dissolution de 10 grammes de prus- siate de potasse pour 300 grammes d'eau. Le chyle est recueilli minute par mi- nute dans de petits verres isolés, puis traité par le persulfate de fer et l'acide chlorhydrique. Dès la vingt-troisième minute, on y reconnaît des indices de la présence du sel. A la fin de la première demi-heure, il prend une teinte vert bleuâtre très sensible qui se fonce de plus en plus, et arrive bientôt à son maxi- mum d'intensité. Au moment de la mort, le sang de la circulation générale con- tient aussi du cyanure, mais beaucoup moins que le chyle. A un deuxième bélier, au canal thoracique duquel se trouve adapté un tube. ABSORPTIONS DIVERSES EFFECTUÉES PAR LES CHYLIFÈRES. 87 j'injecte, dans le duodénum, lU grammes de prussiatede potasse pour 100 grammes seulement d'eau froide. Dès la dixième minute, la teinte légèrement azurée que prend le chyle par l'action du sulfate de fer indique qu'il commence à se char- ger du sel injecté. A partir de la première demi -heure, la teinte bleu-ciel demeure stationnaire. Cette fois, l'absorption a marché très rapidement, car l'animal, dont la rumination était suspendue depuis vingt-quatre heures , avait l'intestin presque vide dans toute son étendue. !Mais elle peut se faire encore avec plus de célérité. J'ai injecté dans le duodénum d'un mouton, qui avait cessé de manger et de ruminer depuis deux jours, 10 grammes d'iodure de potassium dans un déci- litre 1/2 d'eau, et j'ai examiné sans interruption le chyle que versait à l'extérieur le canal thoracique, comme dans les expériences précédentes. Cette fois, dès la sixième minute, le papier amidonné, plongé dans le chyle additionné de quelques gouttes de chlore, commençait à bleuir. De la septième à la dixième minute, ce cbyle devenait de plus en plus violet par son contact avec les réactifs. Entin, à compter de la vingtième minute, il paraissait saturé d'iodure. ou plutôt il pre- nait une teinte bleue tixe qui persista sans changement dans les échantillons recueillis aux heures suivantes. Ainsi, six minutes peuvent sufiire à l'iodure de potassium poussé dans l'intes- tin grèle pour pénétrer dans les villosités, franchir l'espace qui sépare l'intestin des ganglions mésenteriques, traverser ces ganglions . arriver à la citerne de Pecquet, et de là, enfin, à l'abouchement du canal thoracique dans la sous-cla- vière ou dans la veine cave. Un tel trajet franchi en un temps si court a lieu de nous étonner quand nous songeons à cette lenteur extrême que les physiologistes attribuent à la marche des liquides dans le système lymphatique. Et cependant cette rapidité du trans- port des sels absorbés est en réalité plus grande encore que les expériences ne l'indiquent ; car avant que le sel se soit accumulé dans le chyle en quantité sufli- santepour devenir sensible aux réactifs, combien de particules ont été saisies et amenées à destination ! J'ai cherché aussi à déterminer plus exactement cette vitesse en isolant autant que possible le temps nécessaire à l'absorption du temps employé au transport des produits absorbés, et pour cela j'ai tenté de recueillir le chyle assez près de l'intestin en insérant un tube dans l'un des principaux lactés du mésentère ; mais l'incision faite au flanc, le contact de l'air avecl'intestin et avec une grande partie des chylifères, ont ralenti le travail de l'absorption au lieu de le précipiter. Sur le bélier, le chyle, parvenu au milieu de la hauteur du mésentère, n'a point paru chargé d'iode avant la cinquième ou la sixième minute. Une telle expérience n'a, au reste, pas une grande utilité. Vraisemblablement, la pénétration des sels dans les lymphatiques se fait aussi xite que dans les veines. Toute la différence entre les deux ordres de vaisseaux gît dans la célérité avec laquelle sont enlevées les particules absorbées. Les lymphatiques opèrent les transports à petite vitesse, car ils n'ont d'autre agent d'impulsion que la contractilité de leurs parois ; les veines effectuent les transports accélérés sous l'influence de la pompe cardiaque, qui. tout à la fois, foule le sang artériel et aspire le sang noir. 88 DE l'absorption. Il ne faudrait pas croire que l'absorption intestinale par les vaisseauv lactés se fasse toujours avec la rapidité que nous avons constatée dans la dernière expé- rience et dans plusieurs autres analogues. Elle est considérablement retardée lorsque l'intestin, au lieu d'être balayé comme l'était celui de notre bélier par une diète de quarante-huit heures, se trouve bourré d'aliments qui s'imprègnent de la dissolution et en ralentissent la marche- L'absorption est également ralen- tie quand l'intestin, vide et contracté depuis longtemps, a sa muqueuse collée avec elle-même, comme cela arrive souvent sur le cliien. Enfin, elle l'est encore, lorsque la dissolution saline, au lieu d'être promenée promptement, s'arrête dans une portion circonscrite ou revient sur ses pas, par l'effet de contractions anti- péristaltiques ; aussi, dans ces conditions, le chyle ne se montre-t-il chargé des sels introduits dans l'intestin qu'au bout d'une demi-heure et même d'une heure. C'est ce qui arriva un jour devant une réunion de savants, sur un mouton qui avait reçu, cinq à six heures avant l'expérience, une trop forie ration d'avoine. Aussi le chyle qui, d'après mes prévisions, devait contenir de l'iode de la sixième à la dixième minute, n'en offrit que vers la trente-cinquième. J'avais donné tant d'avoine au mouton pour en obtenir beaucoup de liquide, que la pâte intestinale avait soustrait la plus grande partie du sel à l'absorption. Bien d'autres causes plus ou moins saisissables peuvent encore contribuer à ralentir ou à affaiblir l'absorption par les chylifères. Magendie a déjà admirable- ment démontré l'influence de la réplétion vasculaire ; d'autres ont prouvé celle de la pression. Quelque chose d'analogue se fait sentir sur les vaisseaux blancs. Il y a une pléthore lymphatique comme il y a une pléthore sanguine; il y a un état d'atonie des vaisseaux blancs qui correspond à l'atonie des vaisseaux sanguins ; il y a des circonstances oi!i leur contractilité diminue, d'autres où elle s'exalte. Je ne m'arrête pas sur ces points. Quelle que soit sa rapidité, l'absorption intestinale peut être suivie pas à pas et presque de villosité à villosité, de chylifère àchylifère, tant sont variées les ressources de l'expérimentation. Si, par exemple, je viens à tuer un animal un certain temps après lui avoir fait prendre en breuvage une dissolution saline, je peux, en piquant successivement les vaisseaux du mésentère et en traitant par les réactifs les gouttelettes de chyle, voir jusqu'où le sel s'est avancé. Lorsque la solu- tion s'est répandue dans les deux ou trois premiers mètres, tous les lactés qui s'en élèvent et tous les ganglions qui leur correspondent donnent du chyle qui bleuit; au contraire, tous les ganglions placés en regard des parties où le sel n'est pas arrivé donnent du chyle normal. Le même résultat sera obtenu sous une forme plus saisissante si, au lieu d'un sel ou avec ce sel, j'emploie une matière colorante susceptible d'être absorbée. En donnant, par exemple, de la raurexide à un mouton, on teint en rouge toutes les glandes de Peyer et tous les ganglions des anses intestinales où elle a pénétré, pendant que les autres conservent leur aspect ordinaire. Chez le bélier, la dissolution marche dans l'intestin grêle avec une vitesse moyenne de deux à trois décimètres par minute, ou de dix à douze mètres à l'heure, et chez le cheval plus vite encore. Chez ce dernier, qui a douze à quinze cents chylifères, on peut, à quelques-uns près, compter ceux dans lesquels le sel apéné- ABSORPTIONS DIVERSES EFFECTUÉES ['AR LKS CIIYI.IFÈRI S. 89 tré. Je me suis quelquetbis amusé à cette l'utilité, qui prendra tout à l'heure une grande importance. Voilà donc nos chylirères qui absorbent le prussiate de potasse, l'iodure de potassium, l'émétique, l'acide arsénieux, la murexide. Peuvent-ils absorber plu- sieurs sels à la fois comme ils les absorbent isolément? J'ai donné à un fort chien, porteur d'une fistule au canal thoracique, et sur la lin de la digestion, une solution de 10 grammes de prussiate de potasse et 10 grammes d'iodure de potassium; l'iodure s'est montré dans le chyle dès la quatorzième minute, et il a continué à y passer pendant plus de trois heures ; néanmoins, le prussiate de potasse n'y a paru à aucun moment. Il semble donc qu'à quantité égale l'un des sels empêche l'autre d'être absorbé. J'ai donné les deux mêmes sels à un autre chien, en doublant la quantité de celui qui n'avait pas passé (10 grammes d'iodure de potassium et 20 grammes de prussiate de potasse). Cette fois les deux sels se sont montrés dans le chyle, mais plus tardivement, et l'iodure quatre minutes avant le prussiate. Ils ont continué à passer ensemble pendant plus de vingt-quatre heures, et, chose bien remar- quable, sur cette bête, qui était pleine, l'iode se répandit dans les liquides du fœtus sans y être accompagné par le prussiate. Ces faits sont bien singuliers ! Lorsque l'iodure et le cyanure sont donnés en égale proportion, le premier seul est absorbé, et il semble s'opposer à l'absorption de l'autre ; mais ils sont absor- bés tous les deux si je'double la quantité de celui qui, tout à l'heure, ne pouvaic l'être. De quoi peuvent dépendre ces curieuses particularités? Le physiologiste qui s'en tiendrait aux résultats bruts de l'expérience serait tenté de croire, quand il ne voit pas les deux sels arriver en même temps, que l'un a été absorbé avant l'autre. Cette interprétation pourrait n'être pas la vraie. Dans les expériences, l'iodure apparaît le plus souvent plus tôt que le cyanure, et il continue "à se montrer longtemps après, toutes choses étant égales d'ailleurs sous le rapport de la quantité des sels et des conditions dans lesquelles sont placés les animaux. Cela se conçoit. L'iodure se décèle plus facilement que le cyanure. Lorsque le chyle s'est chargé des premières particules des deux sels, les unes peuvent être mises en évidence et non les autres. Cependant elles sont vraisembla- blement en égale proportion. C'est pour la même raison que, sur la fin, l'un des composés paraît manquer dans le chyle, bien que l'autre persiste. Avec deux sels, j'ai essayé de faire absorber encore autre chose. Les chylifères, qui, d'après M. Bernard, n'admettraient pas le sucre, l'absorbent à merveille. Rien n'est plus facile à constater que l'addition de ce sucre à celui qui est propre au chyle. On commence par adapter un tube métallique au canal thoracique, et à recueillir un échantillon de liquide dont on dose la matière sucrée à l'aide de la liqueur de Fehling, puis on retire un nouvel échantillon quand on suppose que l'absorption du sucre administré doit être en pleine activité. On voit alors que le second contient une quantité de glycose supérieure d'un quart, d'un tiers, d'une moitié à celle du premier. Nos chylifères absorbent donc le cyanure ferrique, l'iodure de potassium, l'an- timoine, l'arsenic, le sucre, une matière colorante, soit isolément, soit associés à deux ou à trois. Comme en même temps ils prennent, si l'animal est en diges- 90 DE l'absorption. tien, des matières albuinineuses, de la caséine, de l'urée, des matières grasses, des sels de différente nature, cela fait déjà un total considérajjle. On pourrait cependant demander quelque chose de plus. J'ai souvent rélléchi à une belle expérience de de Saussure, aussi peu citée qu'elle mérite de l'être souvent^ expérience qui met en évidence de curieuses par- ticularités de l'absorption chez les plantes. De Saussure faisait dissoudre dans l'eau des quantités égales de dix substances diverses ; et lorsque les plantes qu'il y plongeait avaient absorbé la moitié du liquide, il déterminait ce qu'elles avaient laissé. De cette manière, il a vu que les plantes ont absorbé l'eau dans une plus forte proportion que les matières dissoutes; qu'elles ont pris de toutes les subs- tances sans exception, mais en proportions très inégales ; elles ont pris plus de sels alcalins, plus de sucre que de gomme. Ainsi, pendant que le polygonum absorbait 15 parties de chlorure de potassium, il en enlevait seulement 13 de chlorure de sodium, 12 de chlorhydrate d'ammoniaque, 8 d'acétate de chaux, 4 de nitrate de la même base. Les plantes paraissent donc choisir, et les deux espèces sur lesquelles il opérait ne choisissaient pas l'une comme l'autre. Après la section de leurs racines, elles ne choisissaient plus, mais prenaient les substances à plus forte dose et à peu près dans le même rapport que l'eau où elles étaient dissoutes. J'aurais \oulu répéter sur les animaux et dans des conditions physiologiques diverses l'expérience de de Saussure : enfermer dans des anses intestinales des solutions titrées de plusieurs sels, afin de voir si, au bout d'un temps donné, les sels seraient absorbés en proportions égales et dans les mêmes rapports que l'eau ; mais, pour cela, il m'eût fallu des connaissances analytiques que je n'ai pas, ou la coopération d'un habile chimiste! J'ai quelques raisons de croire que, dans l'éco- nomie animale, l'absorption reproduirait certaines particularités observées sur les végétaux. Quand, par exemple, l'iodure de potassium est donné à un ruminant sous forme de breuvage, les parties liquides qui passent dans l'intestin semblent se dépouiller très vite de leur iode. Celui-ci paraît absorbé en plus forte proportion que son véhicule. D'autre part, quand on injecte dans l'intestin du curare très étendu, l'eau disparaît et le poison reste. Les graisses, qui blanchissent si vite le chyle dans les conditions normales, ne sont point absorbées, s'il y a une irritation inflammatoire de la muqueuse intestinale, et tous les praticiens savent combien la digestion en est difficile dans une foule de maladies. Ces curieuses particularités de l'absorption s'expliquent jusqu'à un certain point par les divers états des muqueuses, les caractères du mucus et des épithéliums, ainsi que par les changements qui surviennent dans la contractilité des vaisseaux et dans la perméabilité de leurs parois. Elles résultent aussi en partie des pro- priétés inhérentes aux matières offertes à l'absorption, et de leur manière d'agir sur les tissus. Aussi n'y a-t-il pas lieu, pour en rendre compte, de faire intervenir ces mystérieuses affinités électives dont Bichat a tant parlé. D'ailleurs, ces pré- tendues affinités ne s'opposent pas à l'absorption des substances toxiques, ni sur les membranes, ni dans les tissus; et, fort heureusement, elles ne mettent pas obstacle à celle des agents médicamenteux qui, eux aussi, sont pour la plupart des poisons, à une dose élevée. Leur intervention ne paraît pas plus réelle aux lymphatiques qu'aux veines, car les premiers vaisseaux deviennent les complices ABSORPTIONS DIVERSES KFFECTUÉES PAR LES CIIYLIFÈRES. 91 des seconds dons le délit, comme ils en sont les auxiliaires dans le travail utile. Elles ne sont pas moins en défaut devant des quantités inlimes qu'en présence de grandes masses. L'absorption des matières colorantes par les chylileres est d'une constatation nioins facile que celle des sels, parce que, d'une part, beaucoup d'entre elles ne sont qu'imparfaitement dissoutes ou sont même totalement tenues en suspension, et que, d'autre part, elles passent à la fois en quantité trop minime pour changer la teinte du chyle. La commission de Philadelphie, qui a donné, par les voies digestives, l'indigo, la rhubarbe, la cochenille, n'a pas trouvé le chyle coloré par ces matières. Tiederaann et Gmelin, sur le cheval et le chien, n'ont pas vu se pro- duire de coloration du chyle par l'indigo, la garance, la cochenille, la rhubarbe, la gomme gutte ; et Magendie a obtenu les mêmes résultats négatifs. Deux faits suffisent pour démontrer la possibilité de cette absorption : celui de la coloration du chyle par la chlorophylle et la murexide. Si, en effet, après avoir recueilli du chyle sur une vache nourrie de paille de blé, on vient à lui donner, pendant un ou deux jours, de la luzerne verte ou du regain desséché de la même légumineuse, on voit, en comparant sur des masses assez considérables, le sérum du premier chyle à celui du second, que leur colo- ration est très différente : l'un est jaune et l'autre tire sur le verdâtre ou le vert d'absinthe. On est plus. vite fixé si on fait, en même temps, une fistule au canal tho- racique sur une vache au régime de la paille et une autre sur une vache nourrie de luzerne. Les chyles, au moment oîi ils sont recueillis dans des vases de mêmes formes et dimensions, se différencient nettement par leurs nuances respectives. J'ai fait plus de dix fois cette remarque, et elle me paraît démonstrative. En second lieu, si l'on administre en injection, dans l'intestin grêle, cette belle matière rouge que j'ai souvent employée, tant pour l'étude de l'absorption des plantes que pour celles des animaux, on voit que, le plus souvent, elle donne une légère teinte rose au chyle ; mais il faut procéder avec le plus grand soin pour la constatation du changement, de couleur, et ne pas la faire sur le chyle du canal thoracique oi!i le reflux peut amener assez de sang pour produire un changement de teinte équivalent à celui que donnerait l'absorption delà murexide. D'ailleurs, nous avons vu que cette matière passe très bien dans les lymphatiques, mieux même que dans les chylifères. L'absorption des matières odorantes par les chylifères est moins facile à démon- trer encore que celle des matières colorantes, parce que leur quantité est toujours minime dans les faibles échantillons de chyle que l'on prend dans la citerne. Aussi ne doit-on pas s'étonner que Flandrin, Magendie, Tiedemann et Gmelin, n'aient pas trouvé au chyle, pris dans la citerne, l'odeur du musc, de l'alcool, de l'es- sence de térébenthine administrés par les voies digestives. Je ne me suis pas occupé de ce point, persuadé que c'était poursuivre de la fumée, quoiqu'il me fût facile de chercher ces matières dans d'énormes quantités de chyle oi!i elles se seraient très probablement trouvées ; mais les partisans des vieilles idées n'auraient pas manqué de m'objecter que, vu le temps un peu long mis à recueillir ces masses de chyle, les matières odorantes avaient pu y être apportées par le sang à travers les parois vasculaires. 92 DE l'absorption. Diverses matières odorantes passent indubitalementdans ce liquide; celles qui lui donnent une odeur propre à chaque espèce : odeur de bouverie, de bouc, de chien, etc., et qu'on dégage par l'action de la chaleur. Seulement, on doit se demander si elles sont absorbées dans l'intestin ou formées dans le chyle même par suite d'élaborations ou de mutations chimiques, M. Wurtz pense que ces matières sont nombreuses, et qu'elles consistent en acides gras volatils qu'on par- viendra à isoler. Ainsi, les lactés peuvent absorber autre chose que du chyle, et prendre avec ce liquide, contrairement aux déclarations des doctrinaires, la plupart des substances solubles et diffusibles introduites dans rintestin. Mais une grave objection se présente ici au nom des partisans exclusifs de l'ab- sorption par les veines. Ils peuvent nous dire : Est-il bien certain que ce que vous trouvez dans les chylifères soit absorbé par eux et ne leur soit pas donné par le sang? Toutes nos démonstrations menaceraient ruine, si je n'étais en mesure de montrer que les matières absorbées pénètrent directement et de prime-saut dans les vaisseaux blancs. Il est bien vrai qu'une partie des substances absorbées par les veines et apportées dans la masse du sang s'échappent des vaisseaux avec le plasma, pour être reprises plus tard parles lymphatiques, mais cela ne saurait arriver dans nos expériences. On ne s'expliquerait guère comment, dans un espace de cinq à six minutes, un sel pourrait être absorbé par les veines, apporté au cœur, puis extravasé dans tousles tissus, et réabsorbé parles vaisseaux blancs. Il faudrait, dans cette hypothèse, faire intervenir trois actions successives : l'absorp- tion veineuse du sel, l'extravasalion de celui-ci au sein des tissus, et sa rentrée dans les lymphatiques; conséquemment, cette absorption, qu'on voudrait rejeter comme un acte immédiat, serait admise forcément comme un acte secondaire. Il y a là un non-sens et une contradiction flagrante. Ce qui prouve mieux que tous les raisonnements imaginables que les vaisseaux blancs effectuent une absorption directe et immédiate, c'est qu'on trouve les sels comme les poisons dans le chyle et dans la lymphe en même temps que dans le sang, et souvent même avant. En effet, lorsque j'ai poussé dans l'intestin d'un bélier une dissolution d'iodure de potassium, et que l'iode apparaît dans le chyle de la sixième à la dixième minute, il n'y en a encore aucune trace visible ni dans le sang artériel, ni dans la. lymphe du cou ou des autres parties. D'un autre côté, lorsque j'ai injecté le sel dans une anse fermée aux deux bouts, le chyle de tous les vaisseaux qui s'élèvent de cette anse bleuit comme aussi le contenu de tous les ganglions placés sur leur trajet; mais le chyle des lactés et des ganglions des autres anses ne présente pas la moindre trace de coloration. Ainsi, l'objection s'évanouit; les sels, les poisons, les matières colorantes que nous avons trouvés dans les chylifères ont été directement et primitivement absorbés par eux: elle tombe devant des preuves d'une valeur incontestable. Sans doute, si on attendait des heures, des journées, avant défaire la constatation de présence de ces matières, la question serait compliquée. A la part absorbée direc- tement pourrait s'ajouter une part plus petite provenant de la diffusion opérée par le plasma sanguin. Tout physiologiste tant soit peu judicieux se met à l'abri d'une telle complication. ABSORPTIONS TI VERSES EFFECTUEES PAR LKS OIYLTFÈRES. 93 Ne demandons pas trop aux lactés. Ils ne paraissent pas aptes à prendre les corpuscules solides, les corps simplement divisés, les globules résultant d'un travail organique, ceux du sang, du lait, etc. Evidemment, ils le peuvent conune les autres vaisseaux si ces corps entrent en se frayant des voies artificielles. Hors le cas de solution de continuité, on ne voit pas la possibilité d'une telle admis- sion. Les faits qui semblent l'indiquer sont, pour la plupart, mal établis et con- testés. Beaucoup même supportent si peu Texanien qu'on s'étonne de les voir l)iis en considération par les savants, et par exemple ceux sur lesquels Herbst se fonde pour admettre le passage des globules du lait dans le chyle : ils pourraient être acceptés si le chyle pur avait été recueilli avec soin par une fistule : mais ils sont inacceptables dès l'instant que, pour obtenir ce liquide sur le cadavre, on a disséqué et ouvert sur place le canal thoracique ; car la dissection de ce conduit sur l'animal encore chaud a pour conséquence inévitable la lésion du tissu adi- peux dont les gouttelettes se mêlent au chyle bavant de la plaie faite à ses parois, gouttelettes semblables aux globules de lait, et bien certainement confondues avec eux. Les chylifères ne possèdent donc pas de faculté élective : ils partagent avec les veines le pouvoir d'absorber les matières étrangères, salines, médicamen- teuses, toxiques, comme les produits utiles de la digestion; aucune absorption ne paraît leur être étrangère, aucune ne semble incompatible avec celle du chyle, dont les caractères sont si remarquables. En cela, l'expérimentation, dirigée avec art, concorde parfaitement, par ses données, avec les déductions tirées des lois physiques de l'osmose et de la diffusion. On voit maintenant, sans qu'il soit besoin d'insister sur ce point, pourquoi tant d'observateurs habiles n'ont pas réussi à constater le passage des sels, des médicaments, des poisons dans les chylifères. C'est que leurs moyens d'expéri- mentation étaient imparfaits, et qu'ils s'en servaient mal. Si, en effet, Magendie n'a pas, au bout d'un quart d'heure, constaté la présence du prussiate de potasse dans le chyle du canal thoracique, c'est que l'absorption du sel avait été retardée comme elle l'est souvent dans des limites plus étendues encore. Si, dans ses expériences, la noix vomique a tué les chiens dont le canal tho- racique était lié ou les chylifères coupés, ce qui n'implique nullement la non- participation des lactés à l'absorption, c'est que la quantité de poison prise par les veines seules a été suffisante pour déterminer la mort. S'il n'a pas vu le chyle coloré par la rhubarbe, s'il n'y a pas retrouvé l'odeur de l'alcool, cela peut tenir non à leur absence, mais à leur petite quantité dans ce liquide. Il les y eût trouvées en recueillant de grandes masses de liquide sur les animaux de haute stature. Si Ségalas n'a pas vu la noix vomique déterminer ses effets ordinaires dans des anses intestinales dont les chylifères seuls restaient libres, c'est que, dans ces anses préparées et à vaisseaux sanguins liés, l'hyperhémie de la muqueuse est tellement forte qu'elle met obstacle à l'absorption. Si, enfin, M. Chatin n'a pas retrouvé dans le canal thoracique l'antimoine, l'ar- senic administrés par les voies digestives, c'est qu'il n'y prenait et ne pouvait y 94 DE l'absorption. prendre, sur le cadavre, que des quanlilés insuffisantes pour la constatation de. présence de ces substances. En somme, ces expérimentateurs cherchaient dans des quantités minimes de chyle ce qui, le plus souvent, ne peut se trouver que dans de grandes ; ils cher- chaient au hasard, souvent avant que les matières y fussent entrées, ou alors qu'elles n'y étaient plus. Il ne leur a manqué qu'une chose pour découvrir la vérité : de petits tubes insérés au canal thoracique ou aux chylifères. A l'aide de ces tubes versant au dehors de grandes quantités de chyle, ils auraient constaté, de la manière la plus nette, l'absorption par les vaisseaux lactés de toutes ces substances qu'on les croyait incapables de prendre : ils en auraient vu le début, les progrès, la décroissance et le terme. CHAPITRE XXXII DE L'ABSORPTION DANS LES VOIES DIGESTIVES. La muqueuse des voies digestives constitue l'une des principales surfaces absorbantes de l'organisme et l'une des deux grandes portes d'entrée des ma- tières étrangères. Elle donne accès aux liquides et aux matières dissoutes. La muqueuse des voies respiratoires, la seule qui puisse lui être comparée par l'étendue de sa surface et l'importance de son rôle, n'admet normalement que les gaz et les vapeurs. Cette membrane, dont la surface totale peut, chez les herbivores, représenter une étendue double et même triple de celle de la peau, ne présente ni unifor- mité de structure, ni uniformité fonctionnelle. Dans certains points, elle n'est qu'une membrane de revêtement et de protection; dans d'autres, elle est surtout une expansion glandulaire, un organe de sécrétion; mais, dans la plupart de ses points, elle est à la fois affectée à des sécrétions très abondantes et à une absorp- tion des plus actives. Sa faculté absorbante, subordonnée à sa structure, varie suivant les régions. L'échelle qui en représenterait les divers degrés d'activité est en général celle-ci, dans l'ordre ascendant t 1° La muqueuse palatine, œsophagienne, celle de la panse, du réseau et du feuillet ; 2° La muqueuse linguale^ labiale, pharyngienne; 3° La muqueuse gastrique ; 4» Celle de l'intestin. L'absorption dans les parties de l'appareil digestif qui précèdent l'estomac est incontestable, quoiqu'elle soit peu marquée. Le fait de l'impression gustative démontre celle qui est effectuée par la muqueuse linguale tapissant certaines papilles ; les phénomènes d'intoxication observés lors de la projection sur la larigue ou dans la bouche de quelques gouttes de nicotine ou de tout autre poison violent, donnent la même démonstration; celui de l'inoculation de quelques ABSORPTION GASTRir,UR. 9o matières virulentes, à supposer qu'il soit indépendant de dénudations ou d'exco- riations, prouve encore cette absorption. Mais la faculté absorbante de la muqueuse buccale est très faible, et elle ne ï>'étend pas à toutes sortes de substances ; car, dans une série d'expériences encore inédites, je n'ai pas, jusqu'à ce jour, réussi à inoculer le charbon au lapin, au mouton, au taureau et au cheval, en badigeonnant la bouche de sang charbonneux. Considérons isolément les particularité de l'absorption dans l'estomac, puis dans l'intestin ; car elles ont une grande importance, tant au point de vue de la physiologie pure qu'à celui de la thérapeutique et de la toxicologie. I. — ABSORPTIOÎf GASTRIQUE. La muqueuse de l'estomac, chez tous les animaux où ce viscère est simple, semble dans de bonnes conditions de structure pour absorber. Elle est veloutée, très vasculaire, et ne possède qu'un épithélium mince. iVussi l'expérimentation y reconnaît-elle une faculté absorbante active ; pourtant, comme nous le verrons tout à l'heure, cette faculté s'affaiblit, et devient à peu près nulle, dans quelques espèces oîi ces conditions anatomiques sont réunies. L'absorption gastrique a paru se déduire si naturellement d'un grand nombre de faits relatifs à la digestion, à l'action des médicaments et des poisons, qu'on a à peine songé à en donner la démonstration et à en mesurer l'activité. Comme on avait vu que tous les animaux sont empoisonnés à la suite de l'in- gestion de substances vénéneuses, on pensait que l'intoxication résultait d'une absorption de l'eslomac. Cependant les substances parvenues à l'estomac pou- vaient, en arrivant à l'intestin, déterminer la mort, sans que la muqueuse gas- trique eût en rien contribué à leur introduction dans les voies de la circulation. Il devenait donc indispensable, pour démontrer l'absorption gastrique, en appré- cier l'activité et en déterminer les limites, d'empêcher les matières ingérées dans ce viscère de passer dans l'intestin. Or, c'est ce que nous avons fait par la ligature du pylore. Mais, avant d'employer ce moyen, nous avons voulu prendre un terme de com- paraison dans les effets qui se produisent lorsque la substance toxique injectée dans l'estomac peut librement passer dans l'intestin. A cet effet , nous avons injecté, par l'œsophage, o, 6, 7 grammes d'extrait alcoolique de noix vomique, selon la taille des chiens. Les phénomènes caractéristiques de l'empoisonnement n'ont pas tardé à se manifester, et la mort est survenue au bout de quinze, vingt, vingt-cinq, trente minutes^ suivant l'état de l'estomac et diverses circon- stances difticiles à apprécier. Ainsi l'empoisonnement est assez rapide lorsque l'agent toxique peut passer de l'estomac dans l'intestin. On va voir qu'il l'est presque autant lorsque cet agent ne peut sortir du réservoir gastrique. Nous avons injecté dans l'estomac d'un chien de taille moyenne, dont le pylore venait d'être lié, o grammes d'extrait alcoolique de noix vomique. Douze mi- nutes s'étaient à peine écoulées que l'animal avait l'œil fixe, se roidissait sur ses membres étendus et éprouvait des convulsions tétaniques au moindre bruit ou 96 DE l'absorption. au contact du doigt. Vingt minutes après l'injection, il expirait. A un autre chien de taille plus forte, à jeun depuis dix-huit heures, on injecte de même par l'œsophage et après que le pylore a été lié, 7 grammes de la substance véné- neuse. Au bout d'un quart d'heure, les phénomènes d'empoisonnement appa- raissent. La mort arrive vingt-cinq minutes après le moment de l'injection. Ces deux résultats montrent donc que l'absorption est très active dans l'estomac du chien, puisque la mort arrive à peu près aussi vite après la ligature du pylore que dans les circonstances ordinaires. La ligature du pylore n'est pas le seul moyen qui puisse empêcher les liquides injectés dans l'estomac de parvenir à l'intestin : la section des nerfs vagues, qui paralyse la visère, produit le même résultat, du moins chez certains animaux, pourvu qu'on ait donné à l'influx nerveux le temps de s'éteindre. Deux heures et demie après la résection des deux nerfs pneumo-gastriques, on a poussé par une ouverture à l'œsophage (3 grammes de noix vomique dans l'es- tomac d'un chien, puis appliqué une ligature au-dessous de la petite plaie, atin d'empêcher le rejet de quelques gouttes de liquide. Le tétanos s'est bientôt mani- festé, et dix minutes s'étaient à peine écoulées depuis l'injection du poison, que l'animal expirait. A l'autopsie, on retrouva dans le viscère une quantité de liquide vénéneux sensiblement égale à celle qui avait été administrée. Le pylore était resserré et l'intestin fortement revenu sur lui-même. A un autre chien, dont les nerfs vagues étaient coupés depuis vingt-quatre heures, on injecta, de la manière précédemment indiquée, 6 grammes de noix vomique dans l'estomac. Le tétanos apparut en moins d'une quart d'heure, et la mort arriva vingt-cinq minutes après l'injection. Les choses se passèrent de même lorsque les nerfs furent coupés et le pylore lié. Un chien, qui se trouvait dans ces conditions, mourut onze minutes après avoir reçu dans l'estomac o grammes de la substance toxique. Un second, dont l'estomac était excessivement rempli d'aliments, mit plus d'une heure à succomber à la suite de l'injection de la substance vénéneuse. L'estomac simple du lapin et du porc absorbe, comme celui des carnivores, avec beaucoup d'activité ; en voici la preuve. Un lapin, à jeun depuis vingt- quatre heures, eut les deux nerfs vagues réséqués vers le milieu du cou. Au bout de quelques heures, on lui injecta dans l'estomac, par une petite ouverture œsophagienne, 2 grammes d'extrait alcoolique de noix vomique délayé dans 20 grammes d'eau tiède. Les phénomènes de l'empoisonnement se manifestèrent en moins de dix-sept minutes, et l'animal mourut vingt-sept minutes après l'ad- ministration de la substance vénéneuse. Un porc de taille moyenne, à jeun de- puis dix-huit heures, reçut par l'œsophage 13 grammes d'extrait de noix vomique délayé dans 200 grammes d'eau. Il tomba comme foudroyé cinq minutes après l'injection. Ainsi, l'estomac simple du chien, du chat, du porc, absorbe avec énergie. Il sert donc à la fois à la chymification et à l'absorption : sa grande capacité, l'or- ganisation de sa muqueuse, les particularités diverses de son rôle dans la diges- tion expliquent ce fait incontestable. L'estomac simple des solipèdes est loin de ressembler sous ce rapport à celui des carnivores : il n'absorbe pas ou n'absorbe ABSORPTION GASTRIQUE. Ij7 que dans de 1res faibles limites à l'état normal. Voici [lar quelle séri(' d'expé- riences nous sommes arrivés, M. Bouley et moi, à cette démonstration. A un cheval, dont les deux nerfs vagues sont coupés vers le milieu du cou depuis douze heures, on administre par une petite ouverture œsophagienne :V1 grammes d'extrait alcoolique de noix vomique, c'est-à-dire la dose qui tue le cheval en une heure ou à peu près lorsque les nerfs vagues sont intacts. L'animal é|»rouve quelques légers tremblements dans la, journée. Au bout de vingt-quatre heures il est debout et parfaitement tranquille. On le tue, et on trouve dans son estomac des aliments délayés et une petite quantité de liquide. Le poison est donc resté sans elïet lorsque l'estomac paralysé ne l'a point chassé dans l'intestin. A un second cheval, qui jeûnait depuis deux jours, on fait la section des deux nerfs vagues avec perte de substance, et on ouvre la trachée afin de prévenir l'asphyxie. Quelques heures après, on injecte par l'œsophage 32 grammes d'extrait alcoolique de noix vomique. L'animal éprouve de légères secousses pendant la journée. Le lendemain, il est debout, dans un calme parfait, et ne présente aucun symptôme d'empoisonnement. On le tue alors, et on trouve que l'estomac, vide d'aliments, contient environ 500 grammes d'un liquide jaunâtre et alcalin. Cette fois, le viscère, étant privé d'aliments, présentait les conditions les plus favorables à l'absorption, et cependant la substance vénéneuse n'a point été absorbée. Celle-ci aurait-elle été altérée par le fait d'un si long séjour dans le viscère? L'expérience suivante va nous le dire. Un autre cheval très vigoureux est mis à la diète pendant quarante-huit heures. Après ce laps de temps, plus que suftisant pour que l'estomac se débar- rasse des aliments, on fait la section avec perte de substance des nerfs vagues. Sept heures après, on injecte dans l'œsophage la dose habituelle de poison. Le solipède n'éprouve aucune convulsion et ne présente aucun symptôme d'intoxi- cation dans .les seize heures qui suivent l'injection. On le tue pour examiner l'estomac et son contenu. Ce viscère, privé d'aliments, renferme 100 grammes d'un liquide jaunâtre, un peu trouble, tenant en suspension quelques parcelles de fourrage. Une partie de ce liquide filtré est administrée à un chien, qui suc- combe dans les convulsions tétaniques au bout de vingt-six minutes. Une autre partie du même liquide est donnée à un autre chien, qui meurt avant d'avoir reçu à peu près la même dose que le premier. Il est donc évident qu'après la section des nerfs vagues, la noix, vomique introduite dans l'estomac d'un cheval n'y est point absorbée. Il est non moins évident qu'elle y demeure sans altération sensible, puisque, au bout de seizeheures, elle jouit encore de toute son activité toxique. C'est là, sans contredit, un résul- tat remarquable et tout à fait imprévu, qui ne se produit pas chez les animaux carnivores, La paralysie de l'estomac, consécutive à la section des nerfs vagues, ne se produisant qu'au bout d'un certain temps, et demeurant toujours plus ou moins incomplète, n'est pas le meilleur moyen d'arriver à constater la non-absorption dans le réservoir gastrique, d'autant plus que la pression exercée sur le viscère par le diaphragme et les muscles abdominaux peut, à elle seule, pousser dans l'intestin, à travers le pylore à peine fermé, une certaine quantité de la substance R. COLIN, — Physiol. conip., 3' érlit. IT. — 7 98 '"I^ l.'AliSOIU'TION. toxique. 11 csl piX'iciiibk'. dans ce luit, de iii-iiliijurr la li,i:ature du pylore : c'est ce que nous avons lait. A un cheval privé d'aliments et de jjoissons dei)uis vingt-quatre heures, le pylore fut lié deux fois en avant de l'anneau musculeux qui le circonscrit, alin que les ligatures ne pussent glisser sur le duodénum et qu'une partie de la muqueuse intestinale ne vînt se mettre en rapport avec la substance vénéneuse. Gela fait, on injecta par l'œsophage la dose habituelle de noix vomique. L'animal n'éprouva aucune convulsion et ne manifesta aucun signe de tétanos pendant les dix-huit heures qui suivirent l'injection. Cette période expirée, on enleva les ligatures du pylore, et au bout de quinze minutes le clieval mourut dans les con- vulsions. A un autre cheval à jeun, le pylore fut lié comme précédemment. La noix vomique fut injectée par l'œsophage, et l'animal n'éprouva aucune convulsion. Il mourut trente-cinq heures après l'injection, des suites d'une violente périto- nite, sans offrir aucun symptôme d'empoisonnement. La substance vénéneuse se retrouva dans le réservoir gastrique, non altérée, car le liquide avec lequel elle était mêlée empoisonna plusieurs chiens. Ainsi, lorsque la noix vomique a été emprisonnée dans l'estomac par la liga- ture du pylore, elle n'est point absorbée et a conservé ses propriétés, car elle tue, si, au bout d'un certain temps, on enlève la ligature pour lui permettre de passer dans l'intestin. Néanmoins il arrive qu'à la suite de l'application d'un lien sur le pylore celui-ci s'engorge au point de retenir encore le poison lorsqu'on enlève ce lien. Dans ce cas, on s'assure que la substance vénéneuse s'est con- servée dans le viscère en l'injectant directement dans l'intestin, ou en l'adminis- trant à d'autres animaux. Ces premiers résultats sont décisifs; mais comme on pouvait objecter qu'une substance très soluble, qu'un poison très actif, seraient dans des conditions plus favorables cà l'absorption que l'extrait alcoolique de noix vomique, Bérard pro- posa de substituer à celui-ci le sulfate de strychnine. Il me fit injecter dans l'œsophage d'un cheval, dont le pylore venait d'être lié, o grammes de sulfate de strvchnine en dissolution. L'animal resta debout et sans aucun symptôme d'em- poisonnement pendant vingt-quatre heures, après lesquelles il fut sacrifié. Le liquide, séparé par expression des aliments que contenait l'estomac, fut recueilli. Il n'en fallut qu'une faible partie, la huitième à peu près, pour tuer un chien. Le reste fut injecté dans l'intestin grêle d'un cheval qui éprouva pendant toute la journée des phénomènes d'empoisonnement, et mourut pendant la nuit. Sans doute il n'eût pas survécu si longtemps à l'injection si toute la substance véné- neuse eût pu être séparée de la masse d'aliments renfermée dans l'estomac du premier cheval. Nous injectâmes de même dans l'estomac d'une jument, à jeun depuis vingt- quatre heures et dont le pylore venait d'être lié, 3 grammes de sulfate de strychnine en dissolution dans 200 grammes d'eau. L'animal n'éprouva aucun symptôme d'empoisonnement ni le jour de l'injection, ni le lendemain. Il fut sacrifié au bout de quarante-huit heures. Le liquide retiré du viscère, et pesant 8 kilogrammes, fut filtré, puis injecté dans l'œsophage d'un autre cheval^ afin ABSOIU'TIO.N GASTIUoUL;. i]\\ de voir s"il avait conserve ses propriétés. Ce second soli[iède, dont le pyloie était libre et les nerfs intacts, éprouva bientôt de violentes convulsions, et mourut trente-cinq minutes après Tinjection. Par conséquent le sulfate de strychnine, malgré son séjour de quarante-huit heures dans l'estomac du premier cheval, avait conservé toute son activité toxique. A un gros cheval entier, à la diète depuis deux jours, on injecte, après la ligature du pylore, 3 grammes de sulfate de strychnine dans l'œsophage. Le sel est dissous dans un litre d'eau. Le solipède n'ayant présenté aucun symptôme d'empoisonnement, est sacriiié au bout de vingt-quatre heures. On retire de l'estomac sept litres d'un liquide verdàtre, à peine visqueux et non acide, dont la dixième partie est injectée lentement par l'œsophage d'un chien qui meurt em- poisonné en un quart d'heure. Enfin on reprend le liquide poussé dans l'estomac de ce chien, et on l'injecte dans l'estomac d'un second animal de la même espèce. Celui-ci vomit une partie du véhicule toxique; néanmoins il en conserve une certaine quantité, et meurt au milieu des convulsions, après une période de quatre à cinq heures. A un autre cheval de grande taille et à jeun, on injecte par l'œsophage, le pylore étant lié, 4 grammes de sulfate de strychnine en dissolution. Le solipède, pendant les trente-neuf heures qui suivent l'administration de l'agent toxique, n'éprouve pas le plus léger symptôme d'empoisonnement. Au bout de ce temps, il meurt des suites de la péritonite, comme cela arrive par suite d'une simple ligature du pylore ou de l'intestin, sans qu'on ait rien injecté dans l'estomac. A l'autopsie, le réservoir gastrique est dilaté par dix-huit litres d'un liquide vis- queux sécrété depuis l'application du lien sur l'orifice pylorique ; car, après l'injection, l'œsophage avait été lié au-dessous de la ponction, de même que dans les autres expériences. Ce liquide filtré est employé aux expériences sui- vantes, qui montrent que le sel vénéneux en dissolution a conservé ses pro- priétés. On en injecte dans la jugulaire d'un cheval cinq décilitres, c'est-à-dire la trente-sixième partie de la quantité totale. L'animal tombe bientôt sur le sol, et meurt en moins d'un quart d'heure dans' de violentes convulsions. Il avait donc reçu à peu près 11 centigrammes de sel dans les jugulaires. Or, 10 centigrammes de sulfate de strychnine tuent le cheval en injection dans les veines. Le quart du liquide primitif est injecté par l'œsophage dans l'estomac d'un chien. Celui-ci, en moins de douze minutes, expire au milieu des convulsions. Enfin un trois-centième du même liquide est injecté lentement dans la jugu- laire d'un chien de taille moyenne, qui meurt au bout de trois minutes. M. Pérosino et ses collègues de Turin ont répété plusieurs de ces expériences avec la noix vomique et le valérianate de strychnine. Ils ont vu, comme nous, que les animaux dont le pylore est lié conservent pendant douze, vingt-quatre heures et plus, les substances toxiques dans l'estomac sans qu'il se manifeste aucun symptôme d'empoisonnement. Il n'y eut d'exception à ce résultat que dans les cas où le pylore, imparfaitement serré, laissait passer une partie de la substance dans Tintestin, et dans ceux où la ligature fut appliquée sur le duo- dénum, même à 14 centimètres loin de l'estomac, comme l'avouent ingénument 100 1>1^ L'Ali.îUliilJOX. les expérimentateurs italiens. En injectant dans le viscèi'C une dissolution de cyanure de fer et de potassium, ils ont vu qu'au bout d'un temps assez long l'urine contenait de légères traces de sel, c'est-à-dire l'indice d'une absorption à peine sensible. Nous avons aussi substitué le prussiate de potasse à la noix vomique et aux sels de strychnine, alin de voir dans quelles limites l'estomac pouvait absorber les substances qu'on force à faire un long séjour dans sa cavité. Pour arriver à des résultats concluants, il fallait: 1° lier le pylore en avant de son anneau musculeux; 2° l'étreindre exactement par des liens non susceptibles de se relâ- cher; 3" éviter, pendant les manipulations de l'expérience, de blesser la mu- queuse si délicate du sac droit, à travers les parois du viscère. On conçoit qu'il suffit de laisser libre, du côté de l'estomac, un pli de la muqueuse duodénale, d'érailler la muqueuse gastrique en serrant trop le lien, ou de rendre possible le passage de quelques gouttes de liquide de l'estomac dans l'intestin grêle, pour laisser une prise suffisante à l'absorption, et par conséquent pour entacher d'er- reur toutes les données de l'expérimentation. Nous injectâmes dans l'estomac d'un cheval, à jeun depuis plus de deux jours, et dont le pylore était lié, une dissolution aqueuse de 40 grammes de cyanure de fer et de potassium. Quatre heures après l'injection, l'urine rendue, traitée par le persulfate de fer, ne montra aucune trace de cyanure. Deux heures, quatre heures plus tard, et jusqu'au moment de la mort, elle n'en présenta pas davan- tage. Yingt-quatre heures après le cjmmencement de l'expérience, l'animal fut sacrifié, et l'autopsie en fut faite sur-le-champ avec beaucoup de soin. L'estomac fut détaché et enlevé, La ligature du pylore se trouvait bien placée et encore très serrée. Ce viscère contenait huit litres et demi d'un beau liquide épais, visqueux, un peu opalin et à réaction alcaline, qui devenait d'un bleu très foncé par l'action du persulfate de fer. Le contenu du duodénum renfermait quelques traces de cyanure ; mais les liquides du reste de l'intestin grêle, du ciecum et du côlon n'en offraient aucun vestige. Le sérum du sang de la jugulaire, de la veine cave, de la veine porte, la sérosité du péritoine, celle des plèvres, du péricarde, la synovie des articulations, l'urine de la vessie, des bassinets du rein, la salive, n'en contenaient pas. La surface de l'estomac et de l'intestin, le canal thoracique, les ganglions mésentériques, les épiploons, la muqueuse de la vessie, du rein, des uretères, le tissu du poumon, des muscles et des autres organes, furent mis en contact avec du persulfate de fer sans déceler les moindres traces du cyanure qui avait été injecté dans l'estomac. La même expérience fut faite de nouveau sur un autre cheval qui reçut dans l'estomac 50 grammes de cyanure. Le sérum du sang, extrait des veines pendant le premier jour, et l'urine des quatre premières heures, ne présentèrent pas de traces du sel injecté; mais l'urine, à partir de la cinquième heure, commença à montrer quelques petits flocons bleuâtres lorsqu'elle était traitée par le persul- fate de fer. L'animal étant mort trente et une heures après l'opération, fut exa- miné très attentivement. Le pylore était parfaitement lié, car le persulfate versé à l'intérieur du duodénum, près de la ligature, ne développait pas de teinte bleue. L'estomac contenait dix litres d'un liquide visqueux, opalin, donnant un préci- ABSORPTION Gastrique. 101 pité bleu très aboiulant. Sa muqueuse, à trois ou quatre travers de doigt du pylore, oIVrait une déchirure de 2 centimètres et demi, à rebords écartés et ecchy- moses, laissant à découvert le tissu cellulaire et les vaisseaux sous-muqueux. Le sérum du sang de la veine porte, celui de la veine cave, des jugulaires, etc., la sérosité rousse du péritoine, celle des plèvres et du péricarde, la muqueuse des bassinets rénaux, des uretères, de la vessie, le tissu du poumon, des ganglions mésentériques, ne montraient pas de traces de cyanure. La muqueuse des canaux biliaires faisait seule exception : elle prenait une teinte légèrement bleuâtre par l'action du persulfate ferrique. Ainsi, celte fois, l'estomac du cheval n'a pas été tout à fait imperméable. L'absorption y a puisé des traces de sel injecté. Mais la déchirure de la muqueuse a pu suflire pour laisser prendre aux absorbants les quelques atomes de cyanure retrouvés dans l'urine et sur la muqueuse des canaux biliaires. Il ressort évidemment de ce qui précède que l'absorption est à peu près insen- sible dans l'estomac du cheval, tandis qu'elle est très active dans celui du chien. Cette dilTérence très remarquable tient aux particularités d'organisation de la mu- queuse gastrique, et se trouve en rapport avec le mode d'action du viscère dans les solipèdes et les animaux carnivores. Chez les solipèdes, en effet, la muqueuse gastrique, dont l'étendue totale ne dépasse guère 40 décimètres carrés, est divisée en deux parties distinctes : l'une est mince, blanchâtre, peu vasculaire et recouverte d'un épithélium pavimen- teux qui lui donne tous les caractères de la muqueuse œsophagienne ; l'autre, qui est fort épaisse, très vasculaire et affectée à la sécrétion du suc gastrique, se trouve enduite d'une couche de mucus dense et très difficile à détacher. Or, pour la première, l'obstacle à l'absorption est incontestablement l'épithélium pavimen- teux, et, pour la seconde, la couche épaisse de mucus, couche qui n'a pas, à beaucoup près, la même consistance, la même cohésion et la même épaisseur chez les autres animaux. On a vu, dans des expériences endosmométriques, que certains venins ne passent pas à travers la membrane de l'instrument si son mucus est intact, tandis qu'ils passent, à compter du moment où le mucus est enlevé. Chez les carnassiers, au contraire, la muqueuse gastrique est partout très vasculaire, dépourvue d'épithélium pavimenteux et enduite d'une faible couche de mucus peu consistant et facile à détacher. Cette muqueuse dont la surface est, du reste, fort étendue, n'a rien dans son organisation qui mette obstacle à l'absorption. Le but physiologique d'une telle différence n'est pas difficile à saisir. Les ali- ments et les liquides, séjournant très peu dans le petit réservoir gastrique du cheval, ne pourraient y céder aux absorbants qu'une faible partie de leur masse. De plus, la petite surface muqueuse, qui est chargée de la sécrétion du suc gas- trique, ne saurait, en raison même de son exiguïté, sécréter et absorber active- ment tout à la fois, et peut-être les modifications de texture qui lui donneraient de l'aptitude à l'absorption seraient préjudiciables à l'exhalation du suc gastri- que. Au contraire, chez le chien, dont l'estomac est énorme relativement à la taille de l'animal et à la capacité de l'intestin, les phénomènes les plus impor- 102 l'E l'absorption. tants de la digestion se passent au sein de ce réseivuir. Les aliments y sont déjà assez profondément modifiés pour qu'une partie de leurs principes puissent y être absorbés sans passer dans l'intestin. En outre, les liquides s'y accumulent avec les aliments, et y font un séjour prolongé. Aussi, à cause de ces diverses parti- cularités, l'absorption devient utile dans l'estomac des carnivores. L'absorption stomacale ne présente pas la même physionomie chez les rumi- nants. Leurs premiers réservoirs gastriques, en raison de l'état de leur muqueuse, ne semblent pas devoir prendre une part notable à ce phénomène. Ils sont, en effet, tapissés par un tégument très dense, à épithélium pavimenteux, stratifié, épais, adhérent, peu perméable aux liquides. L'organisation de la membrane interne des premiers estomacs des ruminants n'est pas la seule condition indiquant que l'absorption ne doit pas être bien sen- sible à la surface de cette membrane ; le rôle départi à ces réservoirs implique de toute nécessité la négation d'une telle propriété. En effet, les aliments accu- mulés en quantité énorme dans la panse des ruminants doivent y être tenus en dépôt pendant un certain temps, puis revenir lentement à la bouche, éprouver une nouvelle trituration, et enfin passer dans la caillette et l'intestin grêle. Or. ce renvoi des aliments à la bouche ne peut se faire qu'autant que l'aliment est suffisamment délayé. Dès qu'il est desséché, il ne se fractionne plus en petites masses et n'est point susceptible de revenir à la cavité buccale. Pour prévenir la dessiccation des aliments dans des réservoirs dont l'immense surface dépasse de beaucoup celle de la peau, la nature les a tapissés d'un épithélium épais, qui engaine les papilles et s'insinue exactement dans leurs plus petits intervalles. Sans cet enduit, presque imperméable, cette sorte d'émail , le vase immense eut insensiblement perdu la partie fluide de son contenu. Les cellules de la panse des lamas et des chameaux ne conservent si longtemps l'eau qui s'y accumule que parce qu'elles sont tapissées par cette même couche épithéliale. De plus, là, les aliments n'ont point encore été suffisamment élaborés pour qu'ils puissent céder beaucoup de principes assimilables. Rien de ce que renferment les premiers réservoirs n'a encore éprouvé l'action transformatrice du suc gastrique. Ce serait donc un contre-sens physiologique qu'une absorption dans de telles conditions. Néanmoins, ce serait une erreur de croire que la muqueuse des premiers esto- macs est, par le seul fait de la présence d'un épithélium pavimenteux, totale- ment dépourvue de la faculté d'absorber. Il est probable qu'elle absorbe un peu, puisque la peau elle-même, malgré l'épaisseur de son épiderme, jouit de cette propriété à un faible degré. Les lymphatiques des premiers réservoirs gastriques et les ganglions qui se trouvent dans leu-rs scissures pourraient bien servir à cet usage. La caillette paraît être, à en juger par l'aspect et la nature de sa muqueuse, dans de bonnes conditions pour absorber. Cette muqueuse est épaisse, molle, très vasculaire, semblable, en tous points, à celle de l'estomac simple des carni- vores et à celle du sac droit de l'estomac des solipèdes ; de plus, elle offre des lames très longues, ineffaçables par la distension, destinées à augmenter consi- dérablement sa surface, qui est en moyenne, pour le bœuf, de 1 mètre 20 déci- mètres carrés, c'est-à-dire cinq fois plus grande que la muqueuse du sac droit ABSORPTION GASTRIQUE. [(ï.] de restomac du cheval. Toutefois, elle ne souiIjIi' pas absni-bor avec une très grande activité. Pciur apprécier la faculté absorbante de cet estomac, il importait de prendre une substance dont l'introduction dans les voies circulatoires se décelât avec faci- lité. L'extrait alcoolique de noix vomique, par l'action qu'il exerce sur le sys- tème nerveux et sur les muscles, permet à l'expérimentateur de reconnaître les premiers instants de l'absorption, de suivre celle-ci à tous ses degrés jusqu'à celui où elle lue. Par le temps qui s'écoule, d'une part, entre le moment de l'ingestion de la substance toxique et celui de ses premiers effets; d'autre part, entre l'apparition des premières convulsions et la mort, on a un moyen simple lie mesurer la vitesse de l'absorption. C'est ainsi que nous avons opéré, pour juger de l'activité de l'absorption dans la caillette des ruminants. Le pylore mis à découvert sur un taureau d'un an, et par une petite incision àcelorilice, nous avons injecté, dans le quatrième esto- mac, '^^l grammes d'extrait alcoolique de noix vomique délayée dans 300 grammes d'eau tiède. L'animal, après la ligature du pylore et la suture à la plaie de la peau de l'abdomen, fut relevé. Il demeura debout et parfaitement tranquille ■pendant les quatre heures et demie qui suivirent l'injection. A partir de ce mo- ment, il commença à éprouver de légères convulsions. Bientôt il devint très irritable, s'agita au mpindre bruit et offrit tous les symptômes de l'empoisonne- ment par la noix vomique. Vers la fin de la sixième heure, il éprouva une crise violente et tomba en proie à des convulsions terribles. Les battements du cœur s'élevèrent à plus de cent par minute et devinrent tellement forts qu'ils s'enten- daient à distance. L'animal mourut sept heures après rinjection. La substance vénéneuse, bien qu'elle eût séjourné si longtemps dans la cail- lette du jeune taureau, n'avait pas été totalement absorbée, et ce qu'il en restait n'avait point perdu ses propriétés, car ce qu'on en recueillit après la mort suffit pour empoisonner deux chiens par les voies digeslives. Le fait de l'absorption par la membrane interne de la caillette et de la non- absorption par celle des premiers estomacs mérite d'être pris en grande considé-- ration au point de vue de la théi'apeutique. Dès l'instant que les trois premiers estomacs n'absorbent pas sensiblement et que les liquides qu'ils reçoivent, s'ils ne sont en très grande quantité, ne passent dans le quatrième que très lente- ment, et au bout d'un temps assez long, ils restent sans effet avant de parvenir à la caillette. De plus, les fluides se mêlent avec les aliments et peuvent ainsi changer de caractère ou perdre une partie de leurs propriétés avant d'arriver au réservoir absorbant. Etant déterminé le titre de la faculté absorbante de l'estomac, cette faculté s'étend-elle à toutes les substances absorbables? Plusieurs s'absorbent très vite dans ce viscère : l'eau, chez le chien, comme Magendie l'a vu après la ligature du pylore; l'alcool, chez l'homme et divers ani- maux, d'après MM. Bouchardat et Sandras. La nicotine, dans une expérience, a tué rapidement un chien ; dans une autre, faite avec M. Gonbaux, cette sub- stance, à la dose de 1 centimètre cube, n'a produit que quelques légers symp- tômes, et la mort en neuf heures, le pylore et l'œsophage étant liés. On sait, 104 DE l'absori'tiox. depuis les expériences de Claude Bernard, que le curare n'est pas plus absorbé dans ce viscère que dans Tintestin. Le lait est hors de contestation. J'ai donné, en effet, à un premier cliien, 1 décigramme de ce poison associé à de la \iande ; 2 décigrammes sous la même forme à un second ; 3 décigrammes dans 20 grammes d'eau à un troisième; o décigrammes dans oO grammes d'eau ù un quatrième; enfin, à un dernier, 1 gramme 1/2 dans 60 grammes de liquide, portés au moyen d'une sonde. Il y a eu vomissement sur un seul, mais sur aucun il ne s'est manifesté le moindre symptôme d'empoisonnement. Si l'absorption gastrique présente de nombreuses variations d'activité suivant l'organisation de l'estomac des animaux, elle en offre de grandes aussi suivant les conditions physiologiques de la digestion et les cas pathologiques. Le prati- cien doit les étudier avec soin pour se rendre compte de l'action des médica- ments qu'il administre. Il est deux circonstances qui influent surtout sur l'activité de la fonction, la vacuité ou la plénilude du viscère, puis la persistance de ses mouvements péri- staltiques ou l'inertie de son plan contractile. Il est évident que, lors de la vacuité du viscère, les agents médicamenteux ingérés se mettent mieux en contact avec la muqueuse, et paraissent dans les conditions les plus favorables à l'absorption ; mais, à cet état, qui est celui du monogastrique à jeun, la faculté absorbante de l'organe est réduite pour trois raisons : 1° l'estomac est rapetissé, contracté; 2° sa muqueuse est enduite d'une épaisse couche de mucus ; 3° sa vascularité est diminuée ; enfin, le pylore, res- serré, retient ce qui est resté dans le réservoir : néanmoins, l'absorption est active encore alors, et il y a avantage sur le carnassier, le porc, l'homme, à admi- nistrer le médicament à jeun. Lorsque l'estomac est plein d'aliments, les conditions semblent moins favora- bles. L'agent médicamenteux est immédiatement étendu au milieu de la masse liquide, et dispersé dans la masse alimentaire, qui s'en empare comme le ferait une éponge. Mais, dans ce cas, la muqueuse est très étalée, très vasculaire, le pylore s'ouvre à tout instant, et les contractions de l'ensemble du viscère pous- sent dans l'intestin, avec les parties fluidifiées, des quantités plus ou moins con- sidérables du médicament ; aussi l'absorption s'en fait-elle à la longue. C'est la condition la plus convenable pour offrir des agents dont l'absorption peut avan- tageusement se faire avec lenteur, comme celle des toniques. Dans les deux cas, le résultat est le même, avec cette différence que, dans le premier, il se produit vite, et, dans le second, avec lenteur. J'ai vu, dans toutes les expériences thérapeutiques ou toxicologiques faites depuis plusieurs années , que l'absorp- tion gastrique, sur le chien, le chat, le porc, a lieu plus vite à jeun que pen- dant le travail de la digestion. Pendant la digestion, l'absorption de certains médicaments peut être favorisée par l'action du suc gastrique. Le fer, par exemple, donne, en se combinant avec l'acide de ce suc, des sels solubles; les alcaloïdes se transforment également en sels solubles et susceptibles d'être absorbés surplace ou dans l'intestin. Ce sont là des particularités d'un grand intérêt dont l'étude appartient aux ouvrages de matière médicale et de thérapeutique. ABSORPTION GASTRIQUE. \{):\ S'il y a indigestion, les choses se passent plus défavorablement que dans les cas normaux de réplétion considérable. Ici le médicament se disperse dans la masse alimentaire, et, comme les contractions du viscère sont ralenties ou suspendues ce qui est dans l'intérieur de la masse ne vient plus se mettre en contact avec les parois cfastriques, et rien ne passe dans l'intestin, puisque le pylore est resserré. Aussi les eflets de l'agent ingéré se font longtemps attendre, et sont souvent ù peu près nuls. Il est clair que si le médicament est oITert dans ces conditions au cheval, à l'âne, au mulet, dont l'estomac n'absorbe point sensiblement, on médicamente en vain. L'agent ingéré se conserve dans la masse pendant plusieurs jours absolument comme sur le cheval auquel on a lié le pylore. C'est ainsi qu'il faut expliquer pourquoi on administre si souvent en pure perte des médicaments aux solipèdes BOUS le coup d'une indigestion avec surcharge, du vertige abdominal, etc. Chez les ruminants, dans le cas d'indigestion avec surcharge d'alimenl s, dans celui de toute maladie qui suspend la rumination ou qui jette l'appareil digestif dans l'inertie, l'eflet du médicament est lent; néanmoins il n'est pas indéliniment retardé ni annulé; car ce médicament se dissout dans les liquides et passe avec eux dans la caillette, puis dans l'intestin, en l'absence de toute rumination. Toute- fois, il y passe si lentement que, au bout de plusieurs jours, d'une semaine même, on peut encore en trouver dans la panse, comme je l'ai vu sur le taureau auquel j'avais administré de l'iodure de potassium. On doit donc tenir compte de ces faits dans le traitement des maladies des ruminants, donner, en prévision des retards à l'absorption, des doses suffisantes de médicaments, et se rappeler qu'en les renouvelant elles laissent dans les premiers réservoirs des reliquats qui s'addi- tionnent. Le vétérinaire intelligent saisira toutes ces nuances que l'empirique grossier ne peut distinguer. Il est des matières animales virulentes dont l'absorption, dans l'estomac et le reste de l'appareil digestif, paraît s'effectuer chez certaines espèces et non chez d'autres, tantôt constamment, tantôt seulement par exception. M. Renault d'Alfort^ que j'aime à citer, parce qu'il était un expérimentateur consciencieux, a vu que des porcs, des chiens et des poules pouvaient manger pendant long- temps, à l'état cru, sans en éprouver aucun accident, les matières virulentes de la morve aiguë et du charbon; — que les chiens pouvaient aussi impunément avaler la salive des animaux enragés encore vivants ou venant de mourir. Au con- traire les deux tiers des chevaux qui avalèrent le virus de la morve devinrent morveux; la moitié des petits ruminants qui burent du sang charbonneux con- tractèrent le charbon; — et un tiers des poules qui mangèrent des débris de poules affectées du choléra des oiseaux de basse-cour périrent de cette maladie. Ces résultats contradictoires ne sont pas inexplicables. Certains animaux con- somment impunément des matières virulentes, s'ils ont peu ou point d'aptitude à contracter les maladies dont ces matières proviennent. D'autres les contractent quand l'aptitude existe, si ces matières tombent en partie, lors de la déglutition 1. Renault, Études expérim . sur les effets de l'ingestion des matières virulentes dans les voies digestives de Ihomine et des animaux. {Recueil de méd. ve'tér., 1851, p. 873-385). 1(16 r)E l'ausorption. forcée, dans les voies aéi-iennes où leur absorption se lait avec une extrême faci- lité. Quelques-unes de ces matières peuvent devenir réfractaires à l'absorption par le fait de leurs propriétés physiques ou bien perdre leur pouvoir contagifère par l'action du suc gastrique qui les dénature. J'ai \u, en effet, d'une part, que le chien, le chat, la chèvre, la brebis, le rat peuvent consommer impunément ù l'état frais et cru, même pendant longtemps, les débris les plus virulents des animaux septicémiques, d'autre part, qu'un grand nombre de lapins peuvent man- ger aussi des débris de même nature sans en rien éprouver, tandis que d'autres lapins en meurent^; mais sur ceux-ci, j'ai cru pouvoir rapporter l'inoculation aux voies aériennes dans lesquelles s'engagent facilement des particules virulentes pendant qu'on force les animaux d'expérience à avaler des substances qu'ils refusent avec obstination. Le chien, le chat, le porc, les oiseaux de basse cour-, quoiqu'ils jouissent d'après mes recherches, de l'aptitude à contracter à tout âge la pustule maligne, la tumeur charbonneuse et même dans la jeunesse, la fièvre charbon- neuse, se repaissent sans le moindre inconvénient des muscles, du sang et de tous les autres produits des herbivores morts du charbon, produits dont la virulence se conserve très longtemps dans l'estomac en présence du suc gastrique par exemple pendant 5, 10 même lo heures pour ceux de la septicémie. De ce que telle ou telle matière virulente est sans action dans l'estomac il ne faut pas en conclure que toutes doivent se comporter de la même façon. Les unes peuvent n'être pas absorbables et osmotiques, pendant que les autres le sont à des degrés divers. Il est possible que la virulence des unes soit neutra- lisée par le suc gastrique et non celles des autres. D'ailleurs, pour s'expliquer les différences d'action des agents virulents dans les voies digestives, il faut tenii- compte de l'état de ces agents (fluide, corpus- culaire, ou animé), des quantités ingérées, comme dans les cas d'ingestion de venins. Si un homme avale impunément le venin de trois vipères et un chevreuil celui de quatre de ces reptiles, d'après Redi, le pigeon peut être tué par l'ingestion du venin de huit vipères, ainsi que l'a vu Fontana dans ses célèbres expériences. De même si six grains de ticunas restent sans effet sur un lapin adulte, ces six grains avalés tuent des pigeons en une demi-heure et de jeunes lapins ou de jeunes cochons d'Inde au bout d'un quart d'heure ou d'une heure ". IL — Absorption intestinale. L'intestin n'est pas et ne peut être, quant à la fonction qui nous occupe, dans les conditions variables oi!i se trouve l'estomac. Il est essentiellement, malgré l'abondance de ses sécrétions, un lieu d'absorption active et continue. Aussi, pour donner à sa fonction absorbante la plus grande extension possible, il a, sur sa 1. G. Colin, Nouvelles recherches expérira. sur l'action des matières putrides et sur la septicémie. {Bull, de l'Acad. de médecine. 7,14 et 21 octobre 1873.) 2. Id., Uinrjestion de la chair provenant des bestiaux atteints de maladies charbon- neuses peut-elle communiquer^ ces affections à l'homme et aicx animaux? (Comptes rendus de VAcad. des sciences, t. LXVIII, p. 135.) 3. Fontana, Traité du venin de la vipère^ t. II. p. 89 et 307. AlîSOItlTION INTESTINALE. 107 muqueuse, des villosités en nuuibre inlini,elun systèuK! cliylilère qui a^il pural- Iclement à ses veines. Sans nous o(*cui>er ici des aUrii)utions dévolues à ses deux ordres de vaisseaux absorbants, nous devons recbeicher : l» si toutes ses parties absorbent; 2" quel est le degré d'activité de cbacune de ses sections; 3° quelles sont les substances aptes à y être absorbées. L'intestin grêle est incontestablement de toutes les parties du tube digestif celle où l'absorption s'opère avec le plus d'activité : l'organisation délicate de sa muqueuse, laprésencedes villosités, lamultiplicitéextrême de ces prolongements, lacilitent la pénétration des matières susceptibles d'être absorbées et leur trans- port au centre de la circulation. Quand on injecte directement l'extrait alcoolique de noix vomique dans une anse de cet intestin, l'animal, au bout de trois ou quatre minutes, est pris de convulsions, et en moins d'un quart d'heure la quantité de poison absorbé suffit généralement pour donner la mort. Le cyanure de fer et de potassium, au bout de cinq à six minutes, se retrouve déjà dans le sang des veines mésenlériques. L'acide cyanhydrique, qui pénètre les tissus avec tant de rapidité, tue en trois à quatre minutes, et communique son odeur au sang des diverses parties du corps en un temps égal à la moitié de ce court espace. Le ceecum absorbe aussi, mais avec moins de rapidité que l'intestin grêle. Il acquiert, sous ce rapport, une grande importance chez les espèces où il est très développé. C'est lui qui absorbe, chez les solipèdes, une grande partie des liquides qui ne séjournent pas dans l'estomac et traversent rapidement l'intestin grêle, c'est lui qui recueille aussi très probablement les principes assimilables dont le dernier s'est dessaisi, s'ils sont suffisamment modifiés pour concourir à la recons- titution des fluides nutritifs. Sa muqueuse, fine, souple, très vasculaire, à épi- thélium délié, réunit la plupart des conditions favorables à l'absorption. Nous nous en som'mes assuré par les expériences suivantes. On fit, sur un cheval à jeun depuis deux jours, une toute petite incision aux parois abdominales au-dessous de l'hypochondre droit, et par cette incision on retira la pointe du caecum, dans laquelle on injecta 32 grammes d'extrait alcoo- lique de noix vomique, préalablement étendu d'eau. Dix-huit minutes après l'in- jection, les convulsions et le tétanos commencèrent à se manifester, et huit minutes plus tard le solipède mourut. L'absorption fut cette fois très rapide, parce que le caecum contenait seulement six litres et demi de matières alimentaires très fluides. On injecta de même par la pointe du cfecum 32 grammes de noix vomique délayée. Vingt-deux minutes après, il se manifesta quelques convulsions : l'animal devint irritable, éprouva de violentes secousses musculaires, et mourut cinquante- quatre minutes après avoir reçu la substance vénéneuse. Le ca3cum, sur ce second animal, renfermait des aliments moins délayés que celui du premier. Cette seule circonstance suffit pour expliquer le ralentissement de l'absorption. Enfin on injecta dans le caecum d'un autre cheval 28 grammes de la substance précédemment employée. Au bout d'une heure, l'animal éprouva les symptômes habituels de l'empoisonnement et tomba; il mourut une heure quarante-huit minutes après l'injection, bien que le caecum contînt dix-sept litres de liquide et de matières alimentaires. 108 DE l'absorption. Ainsi l'absorption est très active dans le cœcum : mais il ne faudrait pas croire que son activité diminue lorsque le réservoir est rempli d'aliments plus ou moins délayés. L'absorption y est toujours aussi rapide; seulement les substances qu'on y injecte passent d'autant plus vite dans les voies de la circulation qu'elles se trouvent disséminées dans une plus petite masse de matières étrangères. Le côlon et le rectum jouissent aussi à un degré très prononcé de la faculté absorbante, car leur muqueuse a les mêmes propriétés que celle du caecum. Un cheval, auquel nous injectâmes dans le rectum, préalablement vidé, une dissolution aqueuse de 32 grammes d'extrait de noix vomique, eut des convulsions, tomba au bout d'une heure et mourût dix-sept minutes plus tard. Une suture avait été faite à l'anus pour prévenir l'expulsion de la substance vénéneuse. On sait que le laudanum à dose un peu forte tue s'il est donné par cette voie. Demarquay pré- tend que l'absorption y est même plus rapide que dans l'estomac : aussi les clys- tères chargés de substances toxiques peuvent-ils donner lieu à des accidents mortels. Quelles sont les substances susceptibles d'être absorbées dans l'intestin? Les matières nutritives, les sels, les médicaments, les poisons, les matières colorantes, odorantes, etc. Les diverses matières nutritives, azotées, sucrées, salines et autres forment une solution très étendue moins dense que le plasma sanguin et qui, en raison même de cette différence, a de la tendance à s'endosmoser facilement. Les sucs sécrétés ne modifient pas sensiblement cette densité et ne peuvent, par conséquent, changer beaucoup le degré de diffusibilité du mélange offert à l'absorption. Ces substances absorbables se partagent entre les chylifères et les mésaraïques suivant une proportion que nous ne connaissons pas exactement. Rien ne prouve qu'il y ait, comme Lebmann, Longet et Béclard le pensent, un groupe de subs- tances prenant la route des veines, et un autre celle des chylifères. C'est sans preuves sérieuses que les sels neutres, les acides organiques ou minéraux, les éthers, l'alcool, les huiles volatiles, les matières colorantes, les alcaloïdes, et en général toutes les substances très diffusibles, sont considérées comme le lot des mésaraïques, tandis que les substances d'une diffusion difficile entreraient dans les chylifères. Une étude attentive des faits montre que toutes ces substances entrent dans les deux ordres de vaisseaux. Ainsi, l'eau qui est absorbée en si grande quantité et qui accroît rapidement la masse du sérum du sang doit pénétrer à la fois par les deux voies, mais il est difficile de dire exactement pour quelle part les veines et les chylifères contribuent à cette augmentation. Comme celle-ci a lieu nonobstant la ligature du canal il faut bien admettre qu'elle est en partie le fait des veines, celle des chylifères, étu- diée ailleurs, étant hors de toute contestation. Les substances très solubles dans l'eau passent à la fois dans les deux ordres de vaisseaux. Longet dit bien que le sucre et les matières albuminoïdes pénètrent en plus grande quantité dans les veines que dans les chylifères, et il appuie cette opinion, en ce qui concerne les premières, sur des dosages de M. Béclard. Je doute que les analyses faites jusqu'à ce jour justifient suffisamment cette asser- tion. Dans tous les cas il est certain, pour moi, que les chylifères admettent une ABSUKl'nOiN INlIiSllNALK. l(Jt» nolabk' ()uaiUilé de siioie iiigén'". El la proportion dos iiialiôrcs albuininoïdes con- tenues dans le chyle me fait croire que les Inctés les absorbent non moins bien que les veines. Leur non-admission dans les vaisseaux blancs aurait pour consé- quence de rendre le chyle beaucoup moins riche que la lyuq)he en (ibrine et en albumine. Dans cette hypothèse, le premier liquide n'eu contiendrait même que par la lymphe intestinale à laquelle il se mêle. Il est un seul ordre de matières dont l'absorption ne parait pas, au premier abord, se partager entre les deux ordres de vaisseaux, ce sont les matières grasses ; mais les physiologistes qui s'en sont rapportés aux apparences n'ont donné aucune preuve de la réalité de l'absorption exclusive de ces matières par les chylitères. Outre que, au point de vue physiologique, la négation du partage est une absur- dité, il est des apparences et des arguments excellents en faveur du partage con- testé.Le sangdes mésaraïques, pendant la digestion, est plus ou moins lactescent; il contient delà graisse en proportion souvent très considérable. Elle s'y trouve comme dans le sang de la circulation générale, d'abord parce que le canal thora- ciqueraapportée,puis parce que les radicules de ces veines l'ont en partie absorbée. La quantité qui, dans les mésaraïques, est en excès sur celle de la circulation géné- rale, représente précisément la fraction absorbée par les veines. Elle est encore indéterminée, mais assez considérable, si on en juge par la différence de l'opa- cité ou de l'aspect lactescent : quelques analyses, à la vérité fort peu admissibles, donneraient à croire qu'elle dépasserait de trois ou quatre fois celle de la circu- lation générale. Mais, le passage du sang dans les systèmes capillaires se fait avec trop de rapidité pour que, en une fois, celui de la veine-porte se charge d'une grande quantité d'un principe dont l'absorption ne peut se faire qu'avec lenteur. L'état du foie et les changements qu'il subit pendant la digestion montrent aussi que les mésaraïques absorbent de la graisse. Son tissu s'imprègne peu à peu de matière éraulsive; il éprouve une turgescence qui est prononcée, surtout chez les animaux à la mamelle, et que les raicrographes ont, avec raison, rapproché de celle qui appartient au foie gras; ses cellules se remplissent de particules de graisse qui se réunissent pour former des gouttelettes. Dès l'instant que le fait du passage de la graisse dans un seul ordre de vaisseaux est lictif, il n'y a pas lieu d'en chercher l'explication. Celle qu'on en adonnée est inadmissible, comme le fait supposé qu'elle doit expliquer. Dire que c'est par une pression égale à o ou 6 centimètres de mercure que la graisse entre dans les chy- lifères, ce n'est rien dire, car cette pression contribuerait aussi bien à la faire entrer dans les mésaraïques que dans les lactés. Prétendre que ces matières ne pénètrent pas dans les vaisseaux rouges à cause de la tension du sang, c'est mécon- naître que cette tension ne s'oppose pas à leur pénétration chez les oiseaux où les mésaraïques absorbent forcément vu l'insuffisance des chylifères. D'ailleurs s'il en était ainsi, pourquoi la tension du sang ne s'opposerait-elle pas à la pénétration dans les mésaraïques et dans la généralité des veines, de toutes les autres sub- stances offertes aux absorbants. L'absorption des médicaments et des poisons s'opère dans l'intestin, particu- lièrement dans le grêle, avec une grande activité par les deux ordres de vaisseaux 11(1 DK L'aHSOHPTION. qui se partagent le travail. 11 n y a pour ces substances aucun privilège attaché ni aux veines ni aux cliylilères. C'est sans aucune espèce de fondement et de preuves que la plupart des physiologistes, et Longet entre autres, attrii)uent à peu près exclusivement aux veines la faculté de les prendre, La démonstration de ce fait est très facile. Si, après avoir établi une fistule au canal tlioracique, on injecte directement dans l'intestin une solution d'iodure de potassium, on peut trouver le médicament dans le chyle au bout de cinq, dix à quinze minutes, et le trouver en même temps dans le sang d'une mésaraïque. Il en est de même de l'émétique, de l'acide arsénieux, des arséniates de soude et de potasse. Leur passage dans les veines, leur dépôt partiel dans le foie, sont des faits établis. D'autre part, leur passage dans les chylifères est, je pense, depuis mes expériences publiées en 1861 et en 1863, un fait hors de contestation. En ce qui concerne les matières dont la présence en petite quantité dans le sang ou dans le chyle est difficile à établir, il n'y a qu'à constater leur absorption et la rapidité avec laquelle elle s'effectue. J'en cite quelques exemples. On sait que la nicotine tue rapidement si elle est versée sur la langue; elle tue moins vite dans l'estomac ou dans l'intestin. Sur un chien une dose de ce poison capable de tuer deux animaux de cette espèce, injectée dans l'intestin, a déterminé ses premiers effets apparents au bout de cinq minutes et la mort après trois quarts d'heure. Il est un certain nombre de poisons qui ne s'absorbent pas dans le tube intes- tinal. Redi avait déjà constaté l'innocuité du venin de la vipère introduit dans l'in- testin, et celle du poison dont les Javanais se servent pour envenimer leurs flèches. La Gondamine, Humboldt, avaient fait les mêmes observations en ce qui concerne le curare, observations que Bernard et d'autres ont vérifiées. Mais à quoi tient cette innocuité ? Est-ce à l'altération du poison ou à sa non- absorption ? Claude Bernard et Pelouze ont reconnu qu'il n'est pas altéré dans l'estomac. 11 ne l'est pas davantage dans l'intestin. Le curare est sans action parce qu'il ne saurait être absorbé par la muqueuse intestinale. Il est certainement diflicile d'expliquer pourquoi cette substance n'est pas endosmotique : elle se comporte comme les matières animales, les albumino'ides notamment, et d'ailleurs elle ne s'absorbe pas non plus sur la pituitaire, la conjonctive et d'autres muqueuses. Sous ce rapport elle ressemble au virus charbonneux qui, en certaine quantité, peut être impunément ingéré dans l'intestin, d'après les expériences de Renault et les miennes. La nullité d'action du curare s'observe même quand on administre des doses considérables de cette substance : i décigramme injecté dans l'intestin d'un chien n'a rien produit; — 3 décigrammes, avec 2o grammes d'eau, dans le duo- dénum d'un second chien, sont également demeurés sanseflet; — 5 décigrammes avec 20 grammes d'eau dans le duodénum d'un troisième, pendant la digestion, n'ont déterminé aucun symptôme d'empoisonnement ; — enfin 1 gramme et demi délavé dans 40 grammes d'eau, dose qui aurait suffi pour empoisonner ABSORPTION IMESTINALi:. lH vingt-cinq chiens, n'a délerniinc ni clïurts de voiuisseineiil, ni aucun svmptôme dMntoxicalion. Cependant, d'après Fontana, comme on l'a vu tout à l'heure, de doses fortes o à 10 grains, c'est-à-dire 20 à 50 centigrammes , tueraient le pigeon, le cochon d'Inde et de très jeunes lapins ; mais il est probable que, dans ses expériences, la solution versée dans la bouche tombait en partie dans les voies aériennes. Cette particularité est d'autant plus curieuse que, d'après Bernard, le curare l)eut s'absorber dans l'estomac de l'animal à jeun et dans le rectum. Elle paraît tenir à ce que ce poison, comme les venins, ne peut, sur l'animal vivant ainsi que sur le cadavre, traverser le tissu de la muqueuse. Et, à cet égard. les expé- riences faites au moyen de l'endosmoraètre ne laissent aucun doute. Il reste à savoir si l'imperméabilité de la muqueuse est due au mucus, à l'épithélium ou aux éléments propres de la membrane. Déjà les expériences endosmométriques ont appris que le mucus est un obstacle, car la membrane, tant qu'elle en est recouverte, ne laisse pas passer les venins, et elle leur donne accès dès qu'il est enlevé. L'épithélium est peut-être aussi un obstacle à ce passage, mais son rôle est moins bien défini que celui du mucus. La non-absorption d'une matière toxique ou virulente est un fait d'un haut intérêt. Elle nous porte à douter de la possibilité de l'absorption des miasmes, des effluves dissous dans la rosée, déposés sur les aliments, etc. comme de celle des ferments cbargés d'éléments figurés. L'intestin absorbe les matières colorantes : la garance, qui va teindre le lait, les os et divers tissus : — la gomme gutte. la rhubarde, qui foncent la couleur jaune de l'urine : — les principes colorants du campèche, de l'airelle, de la bet- terave : il absorbe les matières odorantes de l'ail, de l'oignon, de l'asperge, les Imiles essentielles, etc. Ces matières qui, dit-on, suivent « spécialement et presque exclusivement les veines intestinales, » me paraissent, comme tontes les autres, devoir se partager entre les veines et les cbylifères. Enfin les gaz introduits dans l'intestin avec les aliments, les boissons, ceux qui sont développés par suite de l'altération des matières alimentaires ou qu'on injecte expérimentalement, sont absorbés avec lenteur. La disparition graduelle de l'oxygène le prouve, ainsi que l'élimination, par les voies respiratoires, de l'hydrogène sulfuré injecté dans l'intestin. L'absorpiion dans l'intestin n'est pas également acti\e pendant la digestion et dans les courts intervalles de la fonction ou pendant l'abstinence? Il est clair que. lors de la digestion, l'absorption des liquides et des substances nutritives jouit de toute son activité. L'état des villosités et du système chylifère le montre suffisamment. Mais si. dans ce cas, des substances salines sont asso- ciées aux aliments, elles ne sont absorbées qu'avec lenteur, car elles se délayent dans une masse liquide énorme et ne disparaissent en totalité qu'avec la masse dans laquelle elles sont étendues. Aussi, si l'intestin est très rempli, les solutions salines ne sont reconnaissables dans le sang qu'après un délai assez considé- rable. Si. au contraire, la digestion intestinale est achevée depuis peu et si. par con- séquent, l'intestin grêle est presque vide sans être complètement aftaissé et 112 UE L'AbbUHl'TlON. contracté, rabsoiption se l'ail \it(,'. En cinq à six minutes un sel injecté dans l'intestin parait dans le chyle du canal thoracique, au lieu de s'y montrer seule- ment au bout de vingt ù trente minutes, comme dans le cas précédent. Enfin, si la digestion est achevée depuis fort longtemps, si l'intestin grélc est vide, resserré, contracté, sa muqueuse sèche, collée à elle-même, la marche du liquide ingéré se trouve ralentie et son absorption est rendue très difficile. Erichsen, en cherchant à formuler ces différences par des chiffres, est arrivé à des résultats intéressants que l'on ne doit cependant considérer que comme des approximations. C'est en utilisant un cas d'extroversion de la vessie sur un enfant, qu'il a fait la constatation suivante après l'ingestion du ferrocyanure de potas- sium : A jeun le sel ingéré s'est retrouvé dans l'urine une minute après cette ingestion ; — au moment du repas, au bout de trente à quarante minutes ; — une demi-heure après le repas, au bout de seize minutes; — une heure et demie après le repas, au bout de six à sept minutes ; — quatre heures après le repas, au bout de deux minutes. Conséquemment on peut dire que la condition la plus favorable à l'absorption d'une substance médicamenteuse, surtout si elle doit exercer, comme les pur- gatifs, les calmants, les astringents, une action topique sur la muqueuse, est la période de jeûne qui suit immédiatement la fin de la digestion. Néanmoins si la substance à absorber est très active, à dose faible, on ne voit pas de différence bien sensible dans la rapidité de l'absorption suivant ces divers cas. Il suit delà que, sauf dans la dernière circonstance, il y a avantage à médicamenter à jeun si l'on veut agir un peu vite, et qu'il n'y a aucun inconvénient à le faire pendant la digestion si l'on n'attend de l'agent médicamenteux que des effets lents et à longue échéance. Le pouvoir absorbant de la muqueuse gaslro-intestinale, qui porte sur tant de substances différentes, ne varie pas seulement suivant l'état de vacuité ou de plé- nitude et le degré de réplétion de l'appareil digestif; il se modifie sensiblement par le fait d'autres conditions, fort nombreuses, comme la vascularité de la muqueuse, son état de congestion ou d'irritation, l'abondance de ses sécrétions, la persistance des mouvements ou l'inertie des plans charnus. Il est même des cas oi!i, comme dans les affections cholériques, ce pouvoir devient tout à fait nul. Toutes ces modifications peuvent être pressenties, prévues, calculées même, jusqu'à un certain point, d'après ce que nous avons vu sur les lois générales et le mécanisme de l'absorption. L'absorption qui s'effectue sur une surface double de celle de la peau, pourvue de plusieurs dizaines de millions de villosités, et chez l'homme de huit à neuf cents valvules conniventes, a, par ses résultats, une très grande importance. Chez un cheval ou un bœuf qui ingère par jour 12 kilogrammes de fourrages secs, cédant à l'absorption 40 pour 100 de leur poids, puis 30 kilogrammes d'eau, et dans l'appareil digestif duquel il est versé': 42 kilogrammes de salive, 5 de suc gastrique, o de bile, 5 de fluide pancréatique et 10 de suc intestinal, en tout 114 kilogrammes dont 32 sont rejetés ; le reste, ou 82 kilogrammes, est absorbé par la muqueuse digestive. En répartissant cette masse, qui représente trois à quatre fois celle du sang, sur la totalité de la surface, on trouve que ABSORI'TION DANS L1';S YOIKS AÉHiKNNKS. 113 chaque mètre recueille, eu moyenne, 7 kilugraniuies et tlemi de matières solides ou liquides eu vingt-quatre heures. 11 y a nécessairement à cet égard des diflérences considérajjles suivant les espèces. Lehmann dit que chez les chevaux et les vaches il n'est absorbé que la moitié seulement de l'eau ingérée, tandis que chez le chien, le chat, l'absorption en prendrait les 17/20 de la quantité totale. On pourrait calculer la quantité de fécule transformée, de sucre, de matières albuminoïdes, de graisse, de sels, qu'un animal d'un poids donné peut absorber par heure ou par vingt-quatre heures. Déjà Lehmann ^ a donné quelques chid'res qui me semblent très inexacts. Il dit, par exemple, qu'en une. heure l'absorption gastro-iuteslinale, chez l'homme, peut prendre 430 grammes de sucre, 45 grammes de matières grasses et 100 grammes de matières albuminoïdes. Cependant cette absorption, qui rassemble une si grande masse de matériaux, se fait avec une certaine lenteur pour ne pas introduire dans le sang, en un temps très court, une grande quantité de matières étrangères et ne pas clion- ger très brusquement les proportions de ses éléments solides ou liquides. Elle est tellement réglée que, à mesure de l'apport, il y a départ de matériaux, et que, au moment où les derniers produits entrent, les premiers sont déjà sortis. CHAPITRE XXXIIl DE L'ABSORPTTON DANS LES VOIES AÉRIENNES La muqueuse de l'appareil respiratoire est, de toutes les membranes muqueuses, celle qui jouit au plus haut degré de la faculté absorbante. La première partie de cette muqueuse, qui tapisse les grands conduits aériens, cavités nasales, sinus, larynx et trachée, ne remplit guère qu'un rôle de sensi- bilité et de revêtement. C'est la seconde, étalée dans les bronches et les vésicules pulmonaires, qui jouit, grâce à sa finesse et à sa perméabilité, d'un incomparable pouvoir d'absorption. La muqueuse broncho-pulmonaire, essentiellement affectée à l'absorption de l'oxygène qui vivifie le sang, à l'exhalation de l'acide carbonique et de la vapeur d'eau, peut prendre en même temps tout ce qui est associé à l'air : l'oxyde de carbone, l'hydrogène sulfuré, l'hydrogène arsénié, la vapeur d'eau et de divers liquides, les miasmes, les effluves, les virus volatils, les parties volatilisées d'une foule de corps, les corpuscules solubles qui se trouvent en suspension dans l'air, enfin les substances qui pénètrent accidentellement ou que l'on porte dans les voies respiratoires. L'activité exceptionnelle et l'excessive rapidité de l'absorption dans les bron- ches et les vésicules pulmonaires reconnaissent quatre causes principales : 1° l'étendue immense de la muqueuse; 2° la minceur de cette membrane, dont les réseaux capillaires sont très superficiels ; 3° la disposition de l'épithélium 1. Lehmann, Précis de. cJtimie ph)jsiologique animale, p. 312. G. COLIN. — f'hysiol. conip.. 3^ étlit. II. — 8 114 ,DE l'absorption. réduit ù une seule couche de cellules cylindriques à cils vibratiles dans les petits tuyaux bronchiques, et à cellules polygonales aplaties dans les vésicules pulmo- naires ; 4" enfin, le jeu de la pompe ihoracique qui appelle d'un seul coup, lors de l'inspiration, les gaz, les vapeurs et les liquides à abs(n'ber dans l'ensemble des ramifications bronchiques et de leurs vésicules terminales. C'est sur les gaz que l'absorption pulmonaire paraît s'effectuer avec le plus de rapidité; car, outre l'inspiration qui tend aies amener d'emblée jusqu'aux par- ties terminales de l'arbre bronchique, la tendance à la dissémination de leurs molécules, favorisée par le calorique, les répartit en un instant sur toute l'éten- due de la muqueuse. Aussi, en quelques secondes, l'oxygène change la teinte du sang de l'animal asphyxié ; en deux ou trois inspirations de vapeur d'acide cyan- hydrique, un petit mammifère est foudroyé ; en quelques inspirations, le chimiste exposé à l'inhalation de l'hydrogène arsénié peut en absorber une dose toxique. On sait, par des accidents nombreux, avec quelle promptitude l'acide sull'hy- drique, le sulfhydrate d'ammoniaque, les gaz méphitiques des puits et des égouts, tuent les personnes qui les respirent. Toutes les vapeurs se comportent à peu près comme les gaz. Celles de l'éther, du chloroforme, produisent l'anesthésie en quelques minutes; celles des essences, des parfums de fleurs, témoignent, par la promptitude de leurs effets sur le sys- tème nerveux, de la rapidité de leur introduction dans le sang. Les vapeurs alcooliques dégagées du marc de raisin ou du vin transvasé peuvent produire une ivresse momentanée ; celles du sulfure de carbone déterminent des troubles diges- tifs et communiquent leur odeur aux déjections. Les substances volatilisables s'absorbent aussi de la même manière par les voies aériennes. L'iode, employé sous forme de teinture, dans le traitement des plaies ou des tumeurs, entre autant avec l'air inspiré que par la peau des régions oîi il est appliqué. Panizza Ta retrouvé dans le sang et l'urine des chevreaux qui en res- piraient les vapeurs. Le phosphore est souvent absorbé par les ouvriers qui le manipulent, au point de rendre leur haleine lumineuse dans l'obscurité. Le mer- cure, volatilisable à toutes les températures, détermine sur les mineurs qui le recueillent les accidents caractéristiques de l'intoxication mercurielle. On a vu les marins et les animaux (moutons, porcs, chats) d'un vaisseau anglais, chargé de mercure, qui s'échappa de ses barils, être atteints de ptyalisme, d'ulcérations buccales, de convulsions et de paralysies partielles. Les anciens, qui connais- saient une partie de ces faits, proposaient, comme moyen thérapeutique, l'inspi- ration des vapeurs de mercure projeté sur le charbon, ou de cinabre, dans les maladies vénériennes. Tous les jours on [emploie des fumigations diverses en vue d'indications variées. Les liquides, quoiqu'ils ne doivent pas normalement pénétrer dans les voies pulmonaires, y sont aussi très promptement absorbés. Les mouvements respira- toires les soumettent à un flux et à un reflux favorables à leur dispersion et à leur mélange avec les produits de sécrétion de la muqueuse; d'ailleurs, leur volatilisation rapide et partielle dans l'ensemble des cavités aériennes en fait absorber une partie sous forme de vapeurs. Goodwin a vu que deux onces d'eau injectées dans la trachée d'un chien y ABSOIU'TION DANS LES VOIES AÉIUI-NNES. 115 (■'taiuiil proui[>leinent absorbées. St'galas et Mayer ont l'ait des observations ana- logues, l'un sur le chien, l'autre sur des lapins. Les élèves vétérinaires de Lyon, au rapport de Goliier, ne purent tuer un cheval qu'en lui injectant trente litres d'eau par la trachée, et ils en versèrent quarante dans celle d'un autre animal de cette espèce avant de déterminer la mort par suffocation. Mais leur expérience était très défectueuse, car l'eau, versée rapidement et en grande quantité dans la trachée, est rejetée en forte proportion à mesure qu'elle arrive. S'il en était autrement, la respiration se suspendrait, une fois les canaux aériens pleins de liquide. Il faut, pour mesurer l'activité de l'absorption dans les voies respira- toires, proportionner l'injection de l'eau, en un temps donné, à la rapidité de son passage dans les vaisseaux absorbants, en ayant soin de laisser la respiration libre. C'est ce que j'ai fait dans les expériences suivantes : Après avoir fixé à la trachée d'un cheval, par une ouverture au centre de l'un des cerceaux, un tube de 1 centimètre de diamètre, j'ai versé dans ce conduit de l'eau tiède (de 30 à 35 degrés) : il en arrivait six litres par heure. L'animal eut le liane agité, la respiration profonde pendant les trois heures et demie que dura l'expérience. Il fut tué alors; la trachée et les bronches étaient vides, tout le liquide injecté avait disparu. Je versai de la même manière, dans les voies aériennes d'un second cheval, 25 litres d'eau en six heures, et je fis de deux en deux heures trois saignées qui enlevèrent 6 kilogrammes de sang. La muqueuse respiratoire absorba toute cette quantité de liquide sans que l'animal en parût très incommodé. Lorsque l'introduction de l'eau se fait trop rapidement, il se produit des trou- bles respiratoires et des modifications dans l'état du sang qui ne tardent pas à déterminer la mort, Ainsi, sur un gros cheval vigoureux, debout, je versai directement dans la trachée, par une ouverture assez large pour admettre le goulot d'une bouteille, de l'eau froide sortant du puits. Les bouteilles de la capa- cité de 75 centilitres se succédèrent sans interruption. Jusqu'à la vingt-qua- trième, il ne s'échappa rien, ni par la plaie, ni par les naseaux ou la bouche; le flanc était agité comme sur 'un cheval qui vient de courir : 55 à 60 respirations par minute. A la quarantième, l'animal commença à chanceler; à la quarante- deuxième, il tomba, laissant échapper par l'ouverture trachéale, la bouche et les naseaux, une grande quantité de liquide spumeux et roussàtre, et il mourut deux minutes après. A l'ouverture du thorax, le poumon ne subit aucune réduc- tion de volume; mais il était emphysémateux à un extrême degré; il présentait un peu d'infilration seulement dans les parties les plus déclives ; les bronches ne contenaient plus que de l'écume roussàtre et pas de liquide libre. Les qua- rante-deux bouteilles représentaient trente et un litres et demi. L'absorption de l'eau dans ces conditions se ralentit suivant une proportion que l'on peut déterminer. Ainsi, sur un cheval du poids de 450 kilogrammes, un ajutage étant adapté à la trachée, je versai dans ce conduit 16 litres d'eau froide, qui furent absorbés pendant les vingt-deux premières minutes; mais il ne me fut possible, pendant les soixante-trois minutes suivantes, d'en faire absorber que 12 litres, total 28 litres en deux heures, y compris les cinq minutes d'intervalle entre l'admi- 116 UE l'absorption. nistration de la première fracliou et celle de la seconde. A la suite de cette opé- ration, qui donne lieu à une a;,qtation considérable du liane et à une exagération du murmure respiratoire, il se développe une hydrohémie traduite })ar l'extrême pâleur des muqueuses. La facile absorption de l'eau par les voies respiratoires pourrait être mise à profit dans les cas où les liquides ne peuvent être adressés aux voies digestives. Aussi M. Duboué, en s'appuyant sur les faits dont je viens de parler, a-t-il pro- posé les injections aqueuses dans la trachée, pour délayer le sang épaissi des cholériques. Les autres liquides, tels que l'alcool faible, l'éther, l'essence de térébenthine, le vinaigre, disparaissent très vite des voies respiratoires. J'ai injecté deux litres d'alcool à 50 degrés centésimaux dans la trachée d'un cheval. Aussitôt l'animal eut des battements de flancs, sa marche devirit chancelante, et il tomba sur le sol. L'essence de térébenthine, injectée en petite quantité par la trachée, donne rapidement aux urines l'odeur qui caractérise l'élimination de cette substance. Il y a une exception pour les huiles grasses dont l'absorption n'est, comme on le sait, guère possible que dans l'intestin. J'ai vu une vache tomber subitement et comme prise d'accidents asphyxiques à la suite de la chute dans les voies aériennes par le larynx d'une très notable quantité d'huile, et j'ai pensé que cet effet tenait à ce que le liquide, en s'étalant sur la muqueuse, mettait obstacle à l'absorption de l'oxygène. Depuis, des élèves ayant répété sous mes yeux la même expérience, mais en introduisant l'huile dans une ouverture de la trachée et jus- qu'à la dose de 500 grammes, n'ont pas reproduit le résultat observé sur la vache : aussi je suis maintenant porté à l'attribuer au resserrement spasmodique de la glotte dû à la chute de l'huile dans cette cavité. Sur les chevaux, aucune gêne de la respiration ne s'est produite, et l'huile a été rejetée lentement, tant par l'ouverture trachéale que par le nez. Les matières en dissolution et les sels solubles s'absorbent aussi avec rapidité dans la trachée et les bronches. Magendie a constaté le fait depuis longtemps pour la strychnine, et d'autres physiologistes pour plusieurs sels en dissolution. Nous avons injecté, dans la trachée d'un cheval, et par une toute petite ou- verture, 12 grammes d'extrait alcoolique de noix vomique en dissolution dans 200 grammes d'eau. En moins de six minutes l'animal tomba sur le sol, et il mourut dix minutes après l'injection. Nous avons injecté de même, dans la trachée d'un second cheval, 12 gram- mes de la substance vénéneuse en dissolution. L'animal fut pris de convulsions et tomba lorsque les dernières portions du liquide arrivaient dans les voies aériennes : il mourut cinq minutes et demie après le commencement de l'injection. Enfin un troisième cheval, dont la trachée était ouverte et les nerfs vagues réséqués depuis quarante-huit heures, reçut la dose de poison précédemment employée; il ne tomba qu'au bout d'un quart d'heure, et mourut à la vingtième minute qui suivit l'injection. Le ralentissement que l'action du poison a éprouvé dans ce dernier cas doit être attribué, en grande partie, à l'engouement du pou- mon et à l'accumulation de mucosités dans les bronches, à la suite delà section des nerfs pneumogastriques. ABSORPTION DANS LES VOIES AÉRIENNES. 117 Les solutions de sulfate de stryclinine s'absorbent dans la trachée et les bronches avec une telle rapidité qu'elles tuent les petits animaux d'une façon fou- droyante. Un déoiitraninie de ce sel dans :) centimètres cubes d'eau, injecté dans la trachée d"un lapin, a déterminé la chute après 17 secondes et la mort au bout (le 1 minute [îri secondes. La même quantité dans la trachée d'un lapin plus jeune a tue eu moins d'une minute. Deuv décigrammes, encore dans la trachée d'un jeune chien, ont déterminé la mort en une minute et quelques secondes, c'est-à-dire avec une rapidité telle que le toxique semblait agir plus par impres- sion que consécutivement à l'absorprion. jMayer\ ayant injecté dans les poumons une dissolution de cyanure de fer et de potassium, retrouva ce sel dans le sang au bout de deux à cinq minutes. La présence du sel devint sensible dans le cœur gauche avant de l'être dans le creur droit, enlîn elle était évidente dans l'urine au bout de huit minutes. Lebkuchner- ayant poussé dans les voies respiratoires d'un chat du cuivre ammoniacal en dissolution, retrouva ce composé dans le sang de la carotide au bout de cinq minutes. Le sulfate de fer, injecté de la même manière, s'y retrouva après six minutes; enlin le prussiate de potasse ne mit que deux minutes pour apparaître dans le sang de cette artère. J'ai injecté dans la trachée d'un cheval une dissolution aqueuse de .50 gram- mes de cyanure de fer et de potassium. Le sang tiré de la veine jugulaire conte- nait ce sel dès la quatrième minute après l'injection. J'ai injecté de la même manière, dans la trachée d'un second cheval, 200 gram- mes d'eau tiède tenant en dissolution oO grammes de cyanure. Trois minutes et demie après, le sel se retrouvait dans le sang de la jugulaire, et huit minutes plus tard il se montrait dans l'urine que l'on recueillait par un tube fixé à l'ure- tère droit attiré au dehors vers la partie supérieure du flanc, entre le psoas et le péritoine." Pour porter dans les bronches des dissolutions salines, on a imaginé des appa- reils qui pulvérisent le liquide et le projettent dans la gorge sous forme de pluie fine. L'iodure de potassium administré de cette manière peut se retrouver dans l'urine au bout de cinq minutes, soit qu'il ait été absorbé seulement dans la bouche et l'arrière- bouche, soit qu'il ait pénétré réellement dans le larynx et la trachée^. L'absorption pulmonaire porte sur les matières putrides en dissolution, comme sur celles qui font partie des miasmes et des effluves. .oOO grammes d'eau putride filtrée injectés dans les bronches du cheval déterminent des battements de flanc, des symptômes d'intoxication, une prostration plus ou moins marquée. Deux litres de cette eau produisent, en moins de cinq minutes, des battements de flanc très violents, un jetage d'écume sanguinolente par les naseaux, des tremblements et la mort au bout de quelques heures"'. 1. Millier, Manuel de physiologie, 3'=édit. Paris, 1851, t. I, p. 186. 2. Bérard. oitv. cité. t. II, p. 616. 3. Voy. Béclard, Rapport sio' la thérapeutique respiratoire ou la voie bronchique com- parée à la voie gastrique {Bull. deVAcad. de méd., 1866-1867, t. XXXII, p. 504). i. G. Colin, Expériences sur Taction des matières putrides introduites dans Vorgani^^me {Bull, de CAcad. de méd., 16 mai 1871, t. XXXVI, p. 28-2). 118 DE L'AnSORPTlON. Certaines matières peu osmotiques, d'origine animale ou végétale, réfractaires à l'absorption gastro-intestinale, sont parfaitement absorbées dans les voies aériennes. Ainsi, 1 décigramme de curare délayé dans 10 grammes d'eau, injecté par la trachée d'un chien, a déterminé la chute du corps à la dixième minute et la mort à la quarantième. La même dose, avec 5 grammes d'eau, a pi'oduit les mêmes effets à la troisième minute et la mort à la septième. Dans ces expériences il faut, pour éviter la perte, porter directement le liquide dans la trachée. Il résulte des miennes, sur le vinaigre sternutatoire, que si le liquide est versé directement, comme on le conseille, dans les cavités nasales, il tombe presque en totalité dans l'arrière-bouche et se trouve dégluti au lieu de descendre dans les voies aériennes. Les matières colorantes peuvent aussi être absorbées par les voies pulmo- naires. Mayer, Seiler et Ficinus se sont assurés du fait en ce qui concerne l'indigo et le safran : il n'a aucune importance. Il en est de même des matières virulentes. Bien qu'elles n'agissent pas, pour la plupart, à la suite de leur ingestion dans le tube intestinal, elles donnent lieu cependant quelquefois à la contagion, si on les fait avaler de force au mou- ton, au chevreau, au lapin et autres petits herbivores. C'est alors qu'elles font souvent fausse route, et c'est par la partie qui en tombe dans les voies aériennes que s'opère l'inoculation rapportée à la muqueuse digestive par les expérimen- tateurs inattentifs. Toutes ces matières s'absorbent aussi très vite dans les sacs aériens du thorax et de l'abdomen des oiseaux. J'ai vu le sulfate de strychnine injecté dans ces sacs donner des convulsions aux passereaux au bout d'une minute et les tuer 30 à 40 secondes plus tard. Les particules solides en suspension dans l'air, les poussières métalliques, celles de charbon, de grès, portées avec l'air dans les dernières ramifications, bronchiques, peuvent y être absorbées, si elles se dissolvent dans les sucs muqueux ou si elles se convertissent en composés solubles. Celles même qui sont angu- leuses ou acérées peuvent se frayer des passages à travers la muqueuse délicate des vésicules, se fixer dans le tissu pulmonaire, ou encore passer dans les gan- glions. Les verts arsenicaux déterminent, sur les ouvriers qui les emploient, le coryza, des coliques et même un empoisonnement mortel. Les poussières de car- bonate de plomb inspirées en plus ou moins grande quantité par les cérusiers, parles peintres en bâtiment, produisent souvent des coliques dites saturnines, des douleurs arthritiques, des paralysies partielles. L'inhalation habituelle du poussier de charbon, dans les mines et dans les ateliers de mouleurs en cuivre, celle de la poussière d'émeri, des poussières siliceuses, dans les lieux où l'on polit les métaux, chez les porcelainiers, les aiguiseurs, etc., donnent lieu à des obstructions des fines divisions bronchiques et des vésicules pulmonaires, à des pneumonies caséeuses simulant laphthisie, ou elles détermi- nent tout au moins la dyspnée, l'asthme, etc. Il est clair que, dans la plupart des cas, ces poussières inertes ne passent qu'en très petite quantité dans les tissus, et qu'elles demeurent en grande partie dans les cavités bronchiques les plus ténues et dans les vésicules pulmonaires oij elles AnSOlîl'TiO.N DANS LIES VOIES AÉRIENNES. UU exercent une simple action mécanique et une irritation plus ou moins vive. Sous ce rapport, elles se comportent comme les poussières de coton et d'autres matières organiques, à la fois peu solublos et non susceptibles de se frayer des voies à travers les tissus du poumon. Ce qui arrive aux poussières, aux corpuscules insolubles, indique suffisamment le danger de rintroduction ou de la chute dans les bronches des matières médica- menteuses insolubles ou précipitables. Ici le danger est plus grand encore, caries substances insolubles, en grande quantité, déterminent dans les points du pou- mon où la pesanteur les amène, des pneumonies partielles très graves, parfois avec suppuration et gangrène. De là l'indication de ne jamais injecter dans les bronches que des médicaments susceptibles d'être intégralement absorbés. Les poussières provenant des produits mor])ides desséchés, des croûtes de varioleux, de moulons claveleux, etc., peuvent évidemment, en arrivant avecTair jusqu'aux parties les plus profondes des voies respiratoires, s'y dissoudre dans les mucosités et y être absorbées. On s'explique ainsi un certain nombre de faits de contagion à distance. Toutes les parties de la muqueuse des voies respiratoires ne jouissent pas, au même degré, de la faculté d'absorption dont nous venons de voir tant d'exemples. Les parties à l'entrée de ces voies sont certainement celles où cette faculté aie moins de puissance; néanmoins, dans les sinus, sur les cornets, sur les volutes ethmo'i- dales, elles absorbent l'iodure de potassium, le cyanoferrure de la même base, le curare, etc. ; aussi devrait-on, plus souvent qu'on ne le fait, chercher à les utiliser dans le traitement des aflections morvo-farcineuses. d'autant que les substances absorbées par ces membranes se rendent, par les lymphatiques, dans les ganglions sous-maxillaires plus ou moins tuméfiés. L'expérience suivante, que j'ai faite sur le lapin, prouve la rapidité de l'ab- sorption dans les parties supérieures des voies respiratoires. Après la ligature de la trachée, au milieu du cou et l'incision du canal au-dessous du lien pour laisser la respiration libre, une injection dans le nez de 3 centigrammes de sulfate de strychnine a déterminé dès convulsions et la chute du corps après 2 minutes 30 secondes et la mort à la fin de la dixième minute. La muqueuse des voies aériennes, dont la surface est immense, constitue donc, eu raison de sa grande activité d'absorption. îa principale, la plus grande des voies toujours ouvertes aux gaz, aux vapeurs et aux matières pulvérulentes sus- pendues dans l'air. En même temps qu'elle absorbe l'oxygène vivillant, elleadmet les gaz malfaisants, délétères, la vapeur d'eau, le miasme, l'effluve, le virus vola- til, représenté soit par des matières amorphes, soit par des éléments figurés. Les voies que cette muqueuse tapisse sont un gouffre où s'engloutissent tout ensemble, et les éléments sans lesquels la vie ne peut s'entretenir, et une foule d'agents funestes qui la menacent et souvent la tuent. Ces éléments divers y trouvent un accès d'autant plus sur qu'ils n'y sont point modifiés, comme dans les voies digestives, par l'action de divers liquides. 11 est très facile de s'assurer de l'entrée et du séjour momenlané d'un grand nombre d'organismes microscopiques dans les voies aériennes, en examinant le liquide qui tapisse ces voies. Dans ce vaste réceptacle, le mucus joue le rôle des 120 ' DE l'absouption. enduits visqueux dont on revêt rintôricur d'un aéroscojte : comme eux il retient les corpuscules apportés par l'air et, en outre, il oiïre à ceux qui sont animés un milieu apte à leur développement ou à leur culture. Les microbes de certaines bronchites, ceux de la pneumonie, du coryza, de l'angine gangreneuse, des cavernes tuberculeuses sont très probablement d'origine atmosphérique. Ils vivent dans l'appareil respiratoire parce qu'ils y trouvent un milieu favorable comme les microbes apportés avec les aliments et les boissons vivent dans l'appa- reil digestif. A certains moments leurs véhicules altérés peuvent, par l'inoculation, donner lieu à des affections mortelles, ainsi que je m'en suis assuré non seule- ment pour ceux des mammifères domestiques, mais encore pour ceux des animaux qui, comme le dauphin, respirent l'atmosphère maritime plus pure que celle des conlinents^ CHAPITRE XXXIV DE L'ABSORPTION SUR DIVERSES MUQUEUSES ET DANS LES VOIES GLANDULAIRES Elle s'y fait plus ou moins facilement suivant leur vascularité, l'épaisseur de leur épithélium et les propriétés des fluides qu'elles sécrètent. La conjonctive doit être placée en première ligne pour sa grande perméabilité. L'acide cyanhydrique qu'on y verse foudroie les animaux, les solutions de bella- done qui y sont appliquées déterminent vite la dilatation de la pupille. J'ai vu le sulfate de strychnine à la dose de 5 centigrammes, à la face interne des paupières du lapin, déterminer des convulsions avec chute du corps à la quatrième minute et la mort à la septième. Néanmoins la conjonctive ne paraît pas absorber toutes sortes de substances dissoutes. Il résulte de mes expériences qu'elle n'absorbe point le virus charbonneux. J'ai, en effet, soulevé les paupières, badigeonné leur surface d'un pinceau lin imprégné de sang charbonneux, ou maintenu à leur face interne des caillots de même nature sur des porcs, des moutons, des chevaux et des lapins, sans donner lieu au moindre accident. Il en a été de même des applications du virus septicémique et des matières tuberculeuses. Le curare ne paraît pas non plus absorbé par'cette membrane. Ayant introduit à l'angle nasal de l'œil d'un jeune chien un morceau de curare suffisant pour tuer deux animaux de cette espèce, puis maintenu les paupières rapprochées pendant plusieurs minutes, je n'ai vu se produire aucun symptôme d'empoisonnement. D'après Fontana, le venin de la vipère déposé sur les yeux ne tue pas; il donne lieu seulement, après quelques minutes, à une forte tuméfaction des paupières. La pseudo-muqueuse qui tapisse la cavité préputiale et recouvre la verge doit à son épithélium pavimenteux et à sa matière sébacée, peu miscible à l'eau, et à 1. G. Colin, De révolution des organismes microscopiques sur Vanimal vivant, dans le cadavre et les produits morbides (Mém. à l'Acad, des se. Extrait dans ies Comptes rendus, t.XGV, 1882, p. 1338). ABSORPTION DANS LE? VOIES GLANDULAlRIiS . 121 d'autres lii|uiiles, de se montrer assez réCractaire à l'absorption. Un cheval auquel jai tait frictionner la verge avec des feuilles deRhus toxicodendron, n'a présenté aucune trace de ces éruptions qui se produisent si souvent au\ mains des per- sonnes qui ne font que toucher à. ces feuilles. Cette muqueuse, qui est délicate et rosée chez les ruminants et les carnivores, V absorbe sans doute moins dinicilement. Mais elle paraît, comme la muqueuse intestinale, se refuser à l'absorption du curare. J'ai vu un chien conserver pen- dant quatre heures dans la cavité préputiale, dont l'ouverture avait été liée après l'injection. 1 décigi'amme de curare délayé. Il ne s'est produit aucun symptôme d'empoisonnement. Demarquay a constaté que, sur l'homme, le tégument du 'gland et de la face inlernedu prépuce n'absorbait lecyanoferrure de potassium qu'après une, quatre, huit heures, et même quelquefois pas du tout. Aussi, est-ce plutôt par la muqueuse lie l'extrémité de l'urèthre que par celle-là que doit se faire l'absorption du virus syphilitique dans les cas où il n'entre pas, soit par des parties dépouillées de leur épidémie, soit par des solutions de continuité. La muqueuse vaginale n'absorbe aussi qu'avec une certaine lenteur, car il faut attendre plusieurs heures pour retrouver dans l'urine des traces de cyanoferrure de potassium sur la jument dont le vagin a été tamponné au moyen d'une éponge chargée de la solution de ce sel. Demarquay est arrivé aux mêmes résultats en ce qui concerne la femme'. Le passage du cyanoferrure dans l'urine ne s'observait qu'après trois ou quatre heures. Dans quelques cas même il n'a pas été constaté. D'après mes expériences, une goutte de sang charbonneux portée au fond de la cavité vaginale des petites femelles herbivores, celle du lapin et du cobaye, peut déterminer un charbon mortel. La muqueuse utérine, peu après le part, est une surface douée d'une grande activité d'absorption, surtout au niveau des insertions placentaires indiquées par des ouvertures encore béantes ; aussi absorbe-t-elle les matières putrides qui résul- tent soit de la décomposition du délivre non éliminé, soit de ses produits de sécré- tion altérés et même des miasmes répandus dans l'atmosphère, puisque l'oritice utérin, longtemps béant, leur donne un libre accès. xAussi, est-ce dans ces conditions que se développent, comme on le sait, les graves accidents de la tîèvre puerpérale. D'ailleurs, dans une foule d'autres circonstances, la muqueuse utérine opère une résorption très évidente. Lorsque le fœtus ne peut être expulsé, il se momifie par suite de la disparition de ses parties molles et de ses fluides. Le sang épanché dans l'utérus, pendant le travail de la parturition, lesetïortset les manipulations de la délivrance, est aussi souvent repris, s'il n'est pas en très grande quantité. Au col, l'absorption a lieu toujours d'une manière très évidente. On sait, depuis longtemps, que la belladone peut y produire des effets généraux. Dans les voies urinaires, l'absorption est évidente à compter du bassinet oîi l'urine s'épaissit, si un calcul lui barre l'entrée de l'uretère. Plus loin, l'ab- sorption est plus manifeste encore en raison de l'accroissement des surfaces. A la muqueuse vésicale la faculté absorbante se prouve par la concentration progressive de l'urine et par l'empoisonnement que produit la strychnine injectée dans ce réservoir. Le fait d'intoxication a été constaté par Ségalas sur le chien et 122 DE l'absorption, sur le lapin. Sur l'homme, Demarquay^ a noté que riodure de potassium, en solution très étendue, injecté dans la vessie, s'est retrouvé dans l'urine tantôt au bout d'une demi-heure seulement, d'autres fois après trois, quatre, cinq ou six heures ; encore cela n'a eu lieu que dans la moitié des cas. Le curare injecté dans la vessie est sans action toxique. Cl. Bernard l'a cons- taté, et j'ai reconnu une fois l'exactitude de ce fait sur le chien en prenant la précaution de lier après l'injection, pour plusieurs heures, l'extrémité du canal de l'urèthre et l'entrée du prépuce. Le défaut d'action du poison ne tient pas à ce qu'il pourrait être altéré par l'urine, car celle-ci prend des propriétés toxiques. Lorsque, avant l'injection d'une solution saline, la vessie a été sondée, l'absorp- tion se fait plus vite que dans les conditions normales; elle a lieu alors très acti- vement dans les points que le contact de l'instrument a dépouillés de mucus et d'épithélium. Les canaux excréteurs des glandes, et les réservoirs qui leur sont annexés, jouis- sent aussi d'une faculté absorbante très active, mise en évidence par un grand nombre de phénomènes normaux ou pathologiques comme par les expériences. Lorsque les canaux salivaires sont liés ou qu'un calcul en obstrue la lumière, la partie aqueuse de la salive se résorbe et le mucus seul reste. Si on y injecte une solution d'iodure de potassium ou de cyanoferrure, ces deux sels se retrouvent bientôt, soit dans l'urine, soit dans les canaux des glandes opposées. La strych- nine et le curare, d'après Cl. Bernard, y produisent des phénomènes d'intoxica- tion plus vite pendant l'inaction des glandes que dans les périodes de sécrétion. Dans les canaux pancréatiques liés, la partie aqueuse du suc disparaît non moins vite que dans les canaux salivaires, et on n'y trouve bientôt plus qu'un mucus très épais. Il en est de même dans les voies biliaires. La bile qui arrive dans la vésicule est peu consistante, à peine visqueuse, peu foncée en couleur, comme on le voit en établissant des fistules sur les carnivores, les ruminants et les autres animaux pourvus d'une vésicule biliaire. Lorsque cette bile a séjourné pendant un certain temps dans son réservoir, elle se concentre, s'épaissit, devient très visqueuse, foncée en couleur, etc. Or, sa partie aqueuse a été résorbée, et peut-être avec elle ont disparu aussi quelques-uns de ses principes lîxes. Quand ce liquide ne peut plus suivre son cours normal, par suite de l'obstruction de ses voies, ou de la ligature des canaux, ou enfin par l'effet d'une cause quelconque, il est résorbé en plus grande quantité: ses sels, sa matière colorante, sont repris aussi bien que sa partie aqueuse; alors la bile, charriée avec le sang, va teindre en jaune la peau, les membranes muqueuses, plusieurs tissus et divers produits de sécrétion. Tous les jours l'expérimentation peut reproduire ces phénomènes en suspendant l'évacuation normale du liquide. Les mamelles sont le siège d'une résorption analogue, bien qu'elle s'opère sur des principes plus difficiles à absorber que ceux de la bile. Lorsqu'une femelle vient à être séparée brusquement de ses petits pendant que ses mamelles sont gorgées 1. Demarquay, De V absorption par les plaies {Mémoire de l'Acacl. de méd. 1867-68, t. XXXVII [, p. 424). ABSORPTION DANS LES MEMBRANES SÉREUSES. 123 de lait et que ces glandosjouissonf de toute leur activité fonctionnelle, il faut que le liquide disparaisse des sinus galactopliores. L'eau, les sels, le sucre, passent aisément dans les voies de la circulation ; mais la graisse, le caséum, ne peuvent y rentrer qu'avec lenteur. Néanmoins, à la longue, tout disparaît, et bientôt la glande elle-même se réduit aux minces proportions qu'elle présente pendant ses périodes de non-activité. Nul doute que beaucoup de substances médicamen- teuses ou autres injectées par les mamelles y trouveraient une voie facile |)nur pénétrer dans les vaisseaux. CHAPITRE XXXV DE L'ABSORPTION DANS LES MEMBRANES SÉREUSES Les membranes séreuses : les plèvres, le péricarde, le péritoine, la gaine vagi- nale, l'araclinoïde, les synoviales tendineuses et articulaires, les bourses muqueuses normales ou accidentelles, sont le siège d'une absorption très active qui, à l'état physiologique, porte seulement sur des produits versés dans leur cavité et non sur des matières étrangères. A première vue, ces membranes ne semblent pas organisées pour absorber avec une grande activité. Elles possèdent peu de vaisseaux sanguins, et sont tapissées par un épithélium pavimenteux simple à cellules aplaties et serrées. Mais elles sont lort minces; les réseaux capillaires sanguins sont abondants dans le tissu cellulaire sous-jacent, et elles possèdent en propre des réseaux lymphatiques fort rapprochés du revêtement épithélial, réseaux plus serrés dans le feuillet qui couvre les viscères que dans les lames pariétales. Les capillaires lymphatiques commu- niqueraient même avec la cavité de la séreuse par des orifices, des sortes de sto- mates que Ludwig dit avoir trouvés à la plèvre diaphragmatique du lapin, et Recklinghausen au péritoine. Ces vaisseaux, qui probablement jouent un rôle important dans l'absorption opérée par les séreuses, ne manquent pas dans les plus minces ; ils peuvent s'injecter, même dans l'endocarde, qui forme les valvules des orifices ventriculaires et artériels. Toutefois, ils manquent là oi!i la membrane est interrompue, comme à la surface des cartilages articulaires, et dans les points où elle est réduite à son épithélium, comme au feuillet pariétal de l'arachnoïde. La faculté absorbante des séreuses n'est pas très inférieure à celle des muqueu- ses spécialement disposées pour recueillir les matières étrangères. Elle s'exerce, comme on va le voir, sur tous les principes solubles injectés dans leur cavité. C'est principalement dans les grands sacs séreux que l'absorption est facile à démontrer, et que son activité est très évidente. Divers observateurs modernes s'en sont assurés pour la strychnine, l'acide oxalique, le prussiate de potasse, l'opium. Lebkuchner a vu le prussiate de potasse en dissolution injecté dans le péritoine se retrouver dans le sang artériel et dans l'urine au bout de six minutes. Nous avons constaté que l'extrait alcoolique de noix vomique étendu d'eau et injecté dans le péritoine détermine le tétanos et la mort beaucoup plus vite que lorsque cette substance est introduite dans les voies digestives. 124 DE l'arsorption. Ainsi, nous injectâmes dans le péritoine d'un premier clieval, par une petite ponction au milieu du flanc droit, 32 grammes d'extrait de noix vomique étendu d'eau. Neuf minutes après l'introduction du poison, tous les symptômes habituels de l'intoxication se manifestèrent, et l'animal tomba sur le sol ; il mourut dix- sept minutes après l'injection. La même dose de noix vomique fut poussée, de la même manière, dans la cavité péritonéale d'un second cheval de grande taille, qui éprouva des convulsions en moins de sept k huit minutes, et mourut dix-huit minutes après l'injection. Enfin, un troisième cheval, dans le péritoine duquel on fit pénétrer aussi 32 grammes de noix vomique délayée, mourut au bout d'un quart d'heure en proie à de violentes convulsions tétaniques. Chez les petits animaux l'absorption du sulfate de strychnine dans les séreuses paraît encore beaucoup plus rapide que chez les grandes espèces. Cinq centi- grammes de ce poison, en solution dans 3 grammes d'eau, dans le péritoine d'un lapin, ont déterminé des con^-ulsions avec chute du corps après 2 minutes et la mort 2 minutes plus tard. Chez un animal de la même espèce, 1 décigramme de curare sec pulvérisé, en instillation dans le péritoine a produit la chute du corps au bout de o minutes et la mort 3 minutes plus tard. Un centigramme du même poison sec dans cette séreuse a agi plus promptement encore sur le rat ; chute du corps à la troisième minute et mort à la sixième. Quoique Haller et Flandrin aient affirmé que l'eau s'absorbe promptement dans les plèvres et le péritoine, je ne puis adopter leur opinion. De petites quan- tités de ce liquide peuvent disparaître assez vite de ces séreuses, mais des quanti- tés un peu fortes ne paraissent enlevées qu'avec lenteur. En trois heures la plèvre d'un cheval n'a absorbé qu'un demi-litre d'eau sur deux litres que j'y avais injec- tés à la température du corps, mais il a pu arriver que, dans cette expérience, l'eau absorbée ait été remplacée par de la sérosité provenant d'une sécrétion surexcitée sous l'influence de l'injection. Les matières colorantes sont facilement absorbées dans les séreuses, car Flan- drin ayant injecté de la teinture de garance, de l'indigo en dissolution, de l'encre, dans le péritoine de plusieurs chevaux, vit ces substances disparaître en totalité ou en très grande partie ; mais il ne les trouva point dans les lymphatiques qui partaient de cette membrane séreuse. Mascagni, qui avait noté l'absorption des liquides colorés, longtemps après la mort, n'avait eu affaire qu'à un phénomène cadavérique sans importance. Recklinghausen, qui a injecté des liquides colorés dans le péritoine, dit avoir retrouvé les corpuscules colorants dans les lympha- tiques, auxquels il attribue des ouvertures béantes à la surface de cette séreuse. Le curare s'absorbe dans les séreuses. Moins de 1 décigramme de ce poison avec 6 grammes d'eau, a déterminé sur le chien les premiers symptômes d'in- toxication à la sixième minute, et la mort à la dixième. Enfin, les gaz peuvent être absorbés, mais avec une très grande lenteur, dans les cavités des membranes séreuses. Davy a noté que l'oxygène, à mesure qu'il y diminue, y est remplacé par d^s quantités équivalentes d'azote. La difficulté que les gaz éprouvent à y disparaître explique la persistance de certaines tympanites dues à des opérations chirurgicales. ABSORPTION DANS LliS MEMBRANES SÉREUSES. 12o L'absûi'plioii s'opère aussi à un certain degré dans les séreuses synoviales des articulations, comme le prouvent les injections iodées que l'on emploie dans les maladies de ces memhranes. Les phénomènes physiologiques ou uiorbides qui se rattachent aux lonclions des séreuses suffisent, sans le secours des expériences, pour démontrer claire- ment le pouvoir absorbant de ces membranes. L'absorption dans les séreuses est une conséquence nécessaire de l'exhalation d'une certaine quantité de liquide. Il est indispensable que le fluide qui baigne leur surface libre y soit repris dans les mêmes proportions qu'il y est versé. Dès l'instant que l'équilibre entre ces deux actes, l'exhalation et l'absorption, se trouve rompu, il se développe une hydropisie; la sérosité s'accumule en quantité énorme, et exige, par la suite, un travail de résorption extrêmement actif. En effet, celui-ci doit être considérable pour faire rentrer dans les voies de la circu- lation les masses énormes de liquides que renferment le péritoine et les plèvres à la suite de l'inflammation. La disparition plus ou moins complète des exsudations fibrino-albu mineuses qui accompagnent la pleurite, la péritonite, donne une preuve non moins remar- quable que la précédente du pouvoir absorbant des séreuses. On sait avec quelle rapidité ces dépôts plastiques diminuent d'épaisseur, s'organisent, et donnent lieu à des adhérences entre les organes et les parois de leur cavité, comme on le voit si souvent entre les poumons et les côtes, le testicule et la tunique vaginale, le foie et le diaphragme. La résorption du sang épanché dans les cavités des séreuses s'y opère aussi sans trop de difficulté. Le chirurgien et l'expérimentateur en ont sous les yeux de nombreux exemples. A la suite de la castration de la chienne, de la truie, de la vache, il tombe dans le péritoine une quantité de sang souvent assez considé- rable dont il* ne reste bientôt plus de traces. Après la ponction du rumen avec débridement, — à la suite de l'excision de l'épiploou hernie. — de la réduction de la hernie étranglée, ce fluide disparait de même assez promptement. Enfin, lorsque l'expérimentateur a donné lieu à une hémorrhagie en établissant une hstule, soit au conduit pancréatique, soit au canal biliaire, ou aux vaisseaux chylifères des animaux ruminants, on voit la résorption s'opérer en peu de jours, si l'hémorrhagie n'a pas déterminé une péritonite violente avec production de fausses membranes. Néanmoins les séreuses se refusent à l'absorption des matières grasses. Emmert et Ségalas ont retrouvé intacte, après huit à dix jours, l'huile qu'ils avaient injec- tée dans le péritoine ou les plèvres. La résorption à la surface des membranes séreuses est vraisemblablement opérée à la fois par les veines et par les lymphatiques. D'après les expériences de Magendie, elle aurait pour agents principaux les veines ; car la ligature du canal thoracique, et par conséquent l'interruption du cours de la lymphe, n'appor- tent pas de modihcationstrès sensibles aux eÛ'ets des substances mises en contact avec ces membranes. Il importe, au point de vue pratique, de se rappeler que la grande activité absorbante des séreuses peut donner lieu à des accidents, dans le cas d'injec- 126 DE l'absorption. tions de matières qui deviennent toxiques à laible dose. Déjà on eu a noté de graves, et même de mortels, à la suite des injections iodées dans les kystes de l'ovaire. On conçoit que les injections qu'on ferait dans les plèvres et le péri- toine pourraient mieux encore avoir de l'unestes conséquences si la quantité d'iode injectée était très considérable. CHAPITRE XXXVl DE L'ABSORPTION CUTANÉE Le tégument externe, qui a tant d'analogie d'organisation avec le tégument muqueux, est loin de se comporter comme ce dernier, par rapport aux liquides et aux substances solubles mis en contact avec sa surface libre. Son revêtement épidermique épais, stratilié, enduit de matière sébacée, peu miscible à l'eau, l'entoure d'une barrière d'un difficile accès à laquelle s'ajoutent, dans beaucoup d'animaux, des poils, des plumes, des écailles, des carapaces ou des coquilles. Ce tégument offre, dans la série animale, des variétés d'organisation nom- breuses qui ont la plus grande influence sur son aptitude à l'absorption. Chez les animaux inférieurs dont le corps est nu, la peau diffère en général très peu des muqueuses et elle peut fonctionner comme ces membranes, il en est ainsi chez divers helminthes, chez les vers terrestres, les mollusques, les batra- ciens. Chez les articulés qui ont le corps couvert de plaques, d'étuis cornés, calcaires ; chez les reptiles dont l'épiderme est écailleux ; chez beaucoup de mammifères, comme le rhinocéros, l'éléphant, où l'épiderme est à la fois très épais et enduit de matières onctueuses, l'aptitude à l'absorption est réduite à son minimum ou tout à fait annulée. Entre ces deux extrêmes il y a de nombreux intermédiaires, même parmi les animaux les plus rapprochés. Certaines espèces ont, comme celle du mouton, du lapin, la peau iine et à épidémie mince dans toute son étendue. D'autres, comme les oiseaux, l'ont plus mince encore, mais avec un épidémie que l'eau mouille difficilement. Quelques-uns ont la peau très vasculaire, comme le chien ; presque nue, comme le porc ; tout à fait nue, comme l'homme. Et le plus souvent sur la même espèce on trouve, de la partie inférieure des membres au dos, à l'aine, aux orifices naturels, tous les degrés d'épaisseur, de vascularité, de protection épidermique ou sébacée. De même que parmi les muqueuses les unes jouissent au i)lus haut degré de la faculté absorbante, tandis que d'autres sont à peu près imperméables, la peau, suivant les propriétés physiques de ses revêtements, fonctionne tantôt comme une membrane des plus perméables, tantôt comme un tégument que rien ne tra- verse. Et, entre ces deux extrêmes, il y a une foule de nuances intermédiaires. En général, la peau peut absorber les gaz, les solutions salines, diverses matières organiques solubles, même des corps gras, etc. Il faut donc examiner séparément ces absorptions dans les principaux groupes ABSORPTION CUTANÉE. 127 d'uuimaux, en évitant de conclure d'une espèce zoolugique à une aiilrc el d'une matière à une autre matière. Al>soi>i>tioii Iupart des animaux ou la peau qui olTre une Ibule de points non couverts par les poils, les plumes et autres productions de môme nature, jouit de la faculté d'absorber les corps gazeux, avec lesquels elle est en contact. Elle absorbe l'oxygène, comme la muqueuse des voies aériennes, mais à un degré inliniment restreint. Sous ce rapport, elle con- stitue un poumon étalé dont la surface est beaucoup moindre que celle de l'organe essentiel de l'hématose, poumon qui, comme l'autre aussi, exhale de l'acide car- bonique et une grande quantité de vapeur aqueuse. Ce fait complexe se prouve, comme nous le verrons au chapitre delà respiration, par l'asphyxie qui, à divers degrés, se produit consécutivement à l'application d'enduits imperméables à la surface cutanée. La peau absorbe également et très vite, les gaz délétères, notamment l'hydro- gène sulfuré. Chaussier et CoUard de Martigny ont vu, en effet, que de petits mammifères, tels que des lapins, et diversoiseauxduntle corps était enfermé dans de petits ballons pleins de ce gaz, la tête demeurant en dehors, périssaient en dix à douze minutes. C'est surtout chez les espèces inférieures, les batraciens, les mollusques et les zoophytes, qu'elle absorbe activement les gaz en dissolution dans l'eau, comme l'étude des phénomènes respiratoires le prouve amplement. Là, elle fonctionne d'ailleurs comme la muqueuse des branchies, et quelquefois tient lieu de tout autre appareil respiratoire. Aksot^ptioii lie l'esiii. — La pénétration des liquides par la voie cutanée est généralement moins facile que celle des gaz, car l'épiderme, dans une foule d'espèces, est enduit de matières non miscibles ou très peu miscibles à l'eau. C'est chez les animaux à peau nue, dans les classes inférieures, qu'elle s'opère avec la plus grande activité. La limace peut, d'après Nasse, absorber plus de 2 grammes de liquide en une demi- heure; le limaçon en absorberait même, en somme, plus de moitié de son poids ; car, d'après Spallanzani', un mollusque de cette espèce pesant l?»"" 9, arrive assez vite au poids de 31 ^""3. Les batraciens absorbent non moins promptement de très grandes quantités de ce liquide, soit dans l'eau, soit dans l'air très humide. W. EdAvards- a vu que des grenouilles préalablement exposées à l'air absorbent, pendant Timmersion, 1/18'' de leur poids par heure, et en quatre heures une quantité d'eau égale à environ le tiers de leur poids, soit 10 grammes pour les grenouilles du poids de 32 à 33 grammes. Il est probable que l'absorption cutanée est très active chez les animaux à peau nue, même parmi les espèces aquatiques supérieures, comme les carnassiers amphibies et les cétacés ; mais on conçoit qu'elle doive être limitée, soit par des enduits muqueux, soit par des matières sébacées difficilement miscibles à l'eau, afin que l'hydratation des tissus et des liquides de l'organisme ne dépasse pas le degré qui lui convient. En ce qui concerne l'homme et les animaux dont le corps peut être plongé 1. Spallanzani, Mémoires sur lu respiration, 1803, p. 137. 2. W. Edwards, Influence des agents physiques sur la vie. Paris, 1824, p. 98, 128 DE l'absorption. momentanément dans l'eau, la question n'est pas d'une solution simple, car pendant l'immersion, la Iranspiralion cutanée et la perspiration pulmonaire con- tinuent à s'efl'ectuer dans une pro|)ortion que l'on ne peut, déterminer exacte- ment, d'autant plus qu'au moment de la sortie du bain l'épiderme et le pelage des animaux sont chargés d'une certaine quantité de liquide. Pour l'homme, l'expérimentation est facile et susceptible de résultats dégagés de complications. Malheureusement, faute d'avoir expérimenté avec habileté, on n'est point encore parvenu à des données concordantes. Seguin^ est le piemier qui ait; soumis ce point à des investigations sérieuses. Dans trente-trois expériences, il a constaté que le corps plongé dans l'eau pen- dant un temps et à une température variables n'augmente jamais de poids, mais qu'il éprouve une diminution moindre que dans l'air. D'après lui, la moindre perte i-ésulte non de l'absorption d'une petite quantité d'eau, mais d'une dimi- nution de la perspiration pulmonaire et de la transpiration cutanée. Mais Dill, Madden, Berthold, Duriau, ont au contraire const:até dans beaucoup de cas une augmentation de poids. Elle a été, dans les expériences de Berthold, faites à 36° centigrades, de M grammes après un haia d'un quart d'heure, de 27 au bout de trois quarts d'heure, de 32 au bout d'une heure. Dans les expériences mieux conduites de F. Duriau -, les résultats ont été les suivants. Dans un bain à une température de 22 à 25" centigrades, il y a eu augmentation du poids du corps : de 16 grammes après un quart d'heure d'immersion, de 35 grammes après trois quarts d'heure, de 45 grammes après cinq quarts d'heure. Dans un bain un peu au-dessous de la température du corps, le poids demeure à peu près station- naire ; et à une température plus élevée, par exemple à 42°, il diminue dans une forte proportion et peut perdre en moyenne 378 grammes en un quart d'heure. Or, en admettant d'une part l'exactitude des pesées, et d'autre part la persistance tant de la perspiration pulmonaire qui est manifeste à toutes les tem- pératures, que de la transpiration cutanée, à des degrés divers, il faudrait conclure de ces expériences : 1° que la peau de l'homme absorbe l'eau dans le bain à une température de 20 à 25° ; 2° qu'elle l'absorbe encore à une température de 23 à 32°, à laquelle le corps est à peu près stationnaire, car alors l'équilibre ne peut tenir qu'à une compensation entre la quantité d'eau enlevée par la transpiration et la quantité absorbée ; 3° qu'enfin elle l'absorbe probablement même à une température de 40 à 42°, bien qu'il y ait une perte énorme, perte qui serait plus grande encore si une fraction n'en était compensée par l'eau absorbée. Quelque concluantes que paraissent ces expériences, leurs résultats étant sup- posés parfaitement exacts, elles ne prouvent pas, avec une certitude absolue, l'absorption de l'eau par la peau. En définitive, la légère augmentation de 45 grammes au plus en cinq quarts d'heure pourrait fort bien tenir, d'une part, à une simple imprégnation de l'épiderme dont la masse, pour l'ensemble du corps, est considérable si l'on songe à l'épaisseur réelle de cet enduit dont les phlyctènes donnent l'idée, imprégnation d'ailleurs manifeste a la plante des 1. Seguin. Annales de chimie, t. XC, p. 190. 2. F. Duriau, Recherches expérimentales sjw l'absorpt. et Vexhal. par le tégument externe. Paris 1850. ABSORPTION CUTANÉE. 129 pieds, au\ talons, etc. Une gaze sèche de cette épaisseiir et de cette étendue deviendrait très lourde si elle était imprégnée d'humidité. Il y a donc, pour éta])lir la quotité de l'absorption, des tentatives de ce genre à reprendre avec soin, sur l'homme, dans des conditions bien déterminées et par la méthode des pesées, car celles où l'absorption de l'eau se déduit de la diminution de la densité de l'urine ne sont pas concluantes. On ne peut espérer des résultats rigoureux sur les animaux parce que, d'une part, l'épiderme épais des grandes espèces, et leur pelage très hygroscopique, se chargent d'une quan- tité d'eau indéterminable, et que, d'autre part, les moyens de pesage ne sont pas, pour le cheval et le bœuf, d'une sensibilité suffisante. S'il faut des expériences nouvelles pour déterminer la quantité d'eau que la peau est susceptible d'absorber en un temps donné, celles que nous possédons, si imparfaites qu'elles soient, établissent sans conteste la réalité de cette absorp- tion. Dès l'instant que la perspiration pulmonaire et la transpiration cutanée persistent dans le bain, il faut nécessairement, pour que le corps y conserve son poids, que la peau absorbe une quantité d'eau équivalente à celle que les deux exhalations emportent. Et, s'il y a une augmentation de poids, elle indique que la quantité absorbée est supérieure à celle que les exhalations ont entraînée. Toutefois, il ne faut pas oublier que l'augmentation de poids résulte, pour une certaine part, de l'imbibition de l'épiderme et des autres productions épider- miques, imbibilion qui n'est point une absorption entière; mais qui en implique la possibilité. Absorption des dissolutions saiîsies et iuiuéi>ales. — On sait que les membranes peuvent remplir le rôle de dialyseurs, séparer les substances les unes des autres, admettre peu de sels, l'un d'eux seulement, alors qu'elles lais- sent passer une grande quantité d'eau. Gonséquemment, l'absorption de l'eau n'implique pas celle des sels tenus en dissolution dans ce liquide, suivant les proportions dans lesquelles ils sont dissous. Il faut donc examiner particulière- ment cette absorption. La peau nue des animaux inférieurs, des batraciens, par exemple, qui absorbe l'eau si activement, absorbe aussi très vite les dissolutions salines. Millier ayant maintenu les pattes de derrière d'une grenouille dans une solu- tion de prussiate de potasse, trouva, au bout de deux heures, que la lymphe sous-cutanée devenait bleue par l'action des sels de fer. J'appliquai sur toute l'étendue de la peau d'une grenouille, préalablement iixée sur une planchette, une dissolution aqueuse de 1 décigramme de sulfate de strychnine. Un quart d'heure s'était à peine écoulé depuis le moment de l'application de la substance vénéneuse, que l'animal éprouvait des secousses tétaniques. Au bout de vingt minutes il était mort. Cependant, il y eut encore, pendant un quart d'heure, quelques légers mouvements du diaphragme maxil- laire qui n'avait pas été touché par le poison. J'étendis, en une seule fois et en moins d'une minute, la même quantité de sulfate de strychine sur la peau d'un énorme crapaud. Les convulsions et la roi- deur tétanique commencèrent à se montrer au bout de quatre minutes, et dix minutes plus tard le batracien ne donnait plus aucun signe de vie. G. COLIN. — Physiol. comp., 3*^ édit. II. — 9 130 DE l'absorption. La même quantité de sel vénéneux en dissolution fut déposée sur la peau d'une salamandre aquatique, et à trois reprises dillérentes, de huit en huit mi- nutes. Les premiers signes de tétanos se manifestèrent à la sixième minute de l'expérience, mais l'animal ne mourut qu'après trois heures. Chez les mammifères, dont la surface absorbante est réduite par les poils et couverte, dans les intervalles, d'un épiderme plus ou moins épais, l'absorption a encore lieu. Vestrumb a vu qu'un chien plongé, par le train postérieur préalablement rasé, dans un bain chargédeprussiate de potasse, absorba ce sel qui se retrouva bientôt dans le sang. Je versai lentement sur la région dorso-lombaire d'un cheval, pendant cinq heures, une dissolution de 40 grammes de cyanure de fer et de potassium, en ayant soin de ne pas laisser dessécher la surface sur laquelle le liquide était versé. Au bout de quatre heures et demie, l'urine rendue par l'animal contenait des traces du sel, et quelques heures plus tard ces traces étaient encore plus sensibles. L'épiderme n'avait été nullement entamé, car on ne fit jamais de fric- tions en arrosant la surface avec la dissolution saline. J'étendis en dix fois sous le ventre et la poitrine d'un chat, dont les pattes étaient liées sur une planchette, une dissolution de 2 grammes et demi de valé- rianate de strychnine. Les lotions durèrent quatre heures. Il n'éprouva de symp- tômes d'empoisonnement qu'après dix heures, et mourut seize heures après le commencement de l'expérience. Dans ces derniers temps, on croit avoir donné des convulsions à un renard enfermé dans un hydrofère et soumis à des douches chargées de 1 à 2 grammes de sulfate de strychnine. Gela est possible, mais il eût mieuxj valu choisir un animal qui n'eût pas, autant que le renard, de propension à trembler dans un appareil tel que l'hydiofère. La peau des oiseaux, quoiqu'elle soit mince et qu'elle paraisse très perméable, absorbe avec lenteur et souvent avec de grandes difficultés. Dans une ancienne expérience, j'ai développé des convulsions chez un pigeon seulement trois heures après lui avoir versé sous les ailes et sous le ventre une dissolution de 1 gramme de sulfate de strychnine. Tout récemment, j'ai vu que, sur de jeunes moineaux pris dans le nid, alors que le dessous du ventre, de la poi- trine et des ailes, était encore dépourvu de plumes, l'application d'une solu- tion alcoolique faible de sulfate de strychnine produisait très difficilement des convulsions. Trois, six, dix, douze gouttes de la solution, appliquées sur les parties susmentionnées, ne produisaient pas la plus faible secousse, tandis que trois gouttes de la même solution versées dans le bec en déterminaient au bout de quatre à cinq minutes, puis la mort, souvent en moins d'un quart d'heure. Il est probable que la peau des oiseaux aquatiques est réfractaire à l'absorp- tion de l'eau; car le plumage, enduit d'une matière onctueuse, ne laisse pas le liquide arriver à la surface ; ou, s'il y arrive par places, il se trouve dans l'im- possibilité de traverser l'épiderme imprégné de la même matière. En ce qui concerne l'homme, dont la peau est nue et l'épiderme peu épais, il ABSOUl'TION CUTAMÉF-. 131 n'y a pas de doute. Un grand nombre de résultats établissent le lait de l'absor})- tioii des dissolutions salines, mais dans de faibles limites. Vestrumb ^ plonge le bras dans une dissolution de cyanure de fer et de potas- sium et de sel de nitre. Au bout de quarante-cinq minutes, les traces deprussiate se montrent dans l'urine. Après l'immersion des jambes dans une solution con- centrée de prussiate, il trouve le sel dans l'urine au bout d'une heure trois quarts. Après un bain de pieds de deux heures dans la solution de ces deux sels, ceux-ci se retrouvent tous les deux dans ce produit de sécrétion. Mais, chose singulière, beaucoup d'observateurs qui, au lieu de plonger seu- lement les bras ou les jambes dans l'eau chargée de sels, y plongent le corps entier, ne constatent point la présence des sels dans l'urine. Ainsi Duriau, après des bains de deux heures à 30", 32", renfermant 200 grammes d'iodure de potassium, — des bains d'une heure au cyanure de fer et de potassium, — des bains de deux heures contenant de 200 à 250 grammes- de carbonate de potasse, — des bains d'une heure à deux heures avec addition de 1 kilogramme de sulfate de magnésie, ne retrouve dans le produit de la sécrétion urinaire ni l'iode, ni le cyanure, ni le nitrate de potasse, ni le sulfate de magnésie. HomoUe n'y a pas retrouvé non plus l'iodure ni le cyanoferrure de potassium après un bain d'une heure et demie tenant en dissolution 100 grammes de ces sels. Hébert, après des bains de quatre heures chargés de 200 grammes de ces mêmes sels, n'y en t'rouve pas de traces. Parisot arrive aux mêmes résultats négatifs avec ces deux sels et avec le chlorate de potasse. Mais 0. Henry, après des bains de trois quarts d'heure ou d'une heure, chargés seulement de 6 à 10 grammes d'iodure de potassium, dit avoir reconnu des traces d'iode dans l'urine ; mais il n'y trouve pas le cyanoferrure mis dans le bain en égale quantité. Sereys et "Réveil, dans des bains de trente-cinq minutes à une heure à l'hy- drofère, qui projette l'eau avec une certaine force à la surface de la peau, ont vu l'urine présenter de l'iode, du cyanoferrure de potassium, de l'arséniate de soude. Le bain était chargé seulement de 8 grammes d'iodure de potassium, de 15 grammes de ferrocyanure et de 2 grammes d'arséniate de soude. L'iode a été retrouvé dans l'urine, à la sortie du bain, et pendant les vingt-quatre heures suivantes. Enfin , Demarquay '^ a trouvé des traces d'iode dans les urines d'individus qui avaient pris des bains d'une à deux heures chargés de 30 à 100 et 150 grammes d'iodure de potassium. De ce que, dans les expériences, on voit disparaître l'eau sans qu'on retrouve dans l'urine le sel que Feau tenait en dissolution^ ou bien de ce qu'on voit passer dans ce produit seulement l'un des deux sels d'une solution, on est porté à attribuer à la peau une faculté élective : c'est une erreur d'interprétation. Là, comme dans la généralité des cas, l'eau est absorbée plus facilement que les substances qu'elle tient en dissolution, et les sels passent, non pas dans les pro- portions oCi l'eau les contient, mais dans des proportions nouvelles subordonnées 1. Vestrumb, Archives de Meckel, t. "VII, p. 528. 2. Demarquay, Recherches sicr V absorption des médicainents {Mém. de l'Acad. de méd. Paris, 1867, t. XXVIII, p. 424). 132 HE l'absorption. à leur diffusibilité. Et puis, on est trompé souvent par des apparences. Quand, par exemple, on retrouve dans l'urine l'iode avant le nitrate de potasse du même bain, cela ne tient pas nécessairement à ce que l'iode y est arrivé le premier, mais à ce que sa présence s'y décèle par les premières fractions, tandis que la présence de l'autre ne peut l'être qu'après l'arrivée de fractions plus considé- rables. Il n'y a pas plus d'action élective à la peau qu'aux membranes mu- queuses, et pourtant les phénomènes de l'absorption offrent des particularités analogues à celles-là, même chez les plantes, comme les expériences de Saussure l'ont prouvé. La peau absorbe non moins évidemment beaucoup d'autres substances médi- camenteuses en dissolution. Leur absorption se prouve aussi sûrement par les effets généraux de ces substances qu'elle pourrait se prouver par l'analyse chi- mique, car il est une foule de ces matières qni agissent dès qu'elles passent en très minimes proportions dans le sang. Vestrumb et B. Stuart ont vu, par exemple, la rhubarbe mise dans le bain passer dans l'urine. Le premier a re- trouvé à l'air expiré l'odeur du musc et du camphre, mis dans l'eau de ce bain, ou appliqués sur la peau. Tous les jours, dans la pratique médicale, on voit le cataplasme laudanisé, la décoction de pavots, calmer non seulement les douleurs de la peau, mais celles des parties sous-jacentes. Une forte dose de laudanum a ainsi empoisonné, au rapport de M. Béclard, un auteur dramatique. L'infusion de tabac a pu, dans le bain, provoquer des vomissements et de la diarrhée. Toutefois, ces effets ne se produisent que dans des limites étroites, et ils ne sont pas constants; car, dans plusieurs expériences de HomoUe et de Duriau, les infusions de balladone et de digitale, de SOO grammes à 2 kilogrammes de feuilles, n'ont produit aucun changement dans l'état de la pupille ni dans les caractères des battements du cœur. Il suffit de cet ensemble de faits pour montrer que la peau absorbe les disso- lutions salines. Les expériences dans lesquelles cette absorption n'a pas été con- statée, prouvent qu'elles n'ont pas été faites, à ce qu'il semble, avec assez de soin: les bains ont pu être de trop courte durée, la quantité de sel employée insufhsante, la recherche du sel faite trop tôt ou trop tard, avant son apparition dans l'urine ou après son élimination complète. Elles prouvent, néanmoins, que l'absorption des sels en dissolution dans l'eau est extrêmement faible, et que, par conséquent, l'emploi des bains qui ont pour but l'introduction de ces agents médicamenteux est un moyen peu efficace, souvent même illusoire. Il est hors de doute que la matière onctueuse qui imprègne l'épiderme et peut former un vernis à sa surface, est la grande cause qui rend difficile l'absorption de l'eau et des dissolutions aqueuses. C'est cette matière très abondante chez les phoques, l'hippopotame, qui empêche l'eau de mouiller la surface cutanée, d'y adhérer, de gonfler et de ramollir l'épiderme, comme cela arrive cependant à la plante du pied, à la paume de la main de l'homme, et à la partie inférieure des membres de nos grands animaux. Mais, cette matière n'est point une barrière absolument infranchissable : elle laisse passer de petites quantités d'eau et de sels, surtout dans les points oi!i elle offre son maximum d'épaisseur, car c'est là qu'elle se trouve en moindre quantité. ABSORPTION CUTANÉE. 13o Ce n'est pas seuleiiiuiiL la peau de riiomnie et des iiiamiuitères, dunt l'épi- derme est mince, qui absorbe; la peau à épidémie corné, écailleux des reptiles tels que les lézards et les serpents, absorbe encore, comme le montrent les expé- riences suivantes : J'étendis sur la peau d'un gros lézard vert, et à plusieurs reprises, une disso- lution aqueuse de 25 centigrammes de sulfate de strycbnine. Au bout d'une beure et demie le reptile était paralysé. Ses membres, étendus et appliqués sur les côtés du corps, n'éprouvaient que de faibles secousses convulsives, soit spon- tanément, soit sous l'inlluence d'une excitation extérieure. La respiration était suspendue et la queue complètement privée de mouvement. Cet état se prolongea pendant quinze heures et l'animal mourut. J'appliquai de la même manière et à plusieurs reprises, pendant trois beures, uue dissolution de i gramme de sulfate de strychnine sur la peau d'une énorme couleuvre à collier convenablement fixée. Six heures après le commencement de l'expérience, le reptile, jusqu'alors très agité, se roula en plusieurs sens sur lui-même et devint immobile ; la peau était plissée, les côtes rapprochées et la respiration ralentie. L'animal, bien qu'on l'irritât, ne faisait aucun mouvement et conservait la position que l'on donnait à son corps sans souplesse. Il demeura dans cet état tétanique pendant trois jours et mourut. Ainsi l'épiderme épais et écailleux des lézards etdes serpents n'est point unobstacleinvincibleàl'absorption. Absorption des sels iiou dissous. — Les premières expériences sur ces substances, dues à Séguin, ont permis de constater que des quantités pesées de divers sels mis à la surface de la peau, sous des verres de montre, diminuaient sensiblement de poids; mais ces expériences ne sont pas suffisamment rigou- reuses, car le déchet des sels peut tenir aux changements dans la proportion d'eau dont ils sont chargés, à une température inférieure à 100'^. M. Roussin^ a appelé de nouveau l'attention sur ce point. Il s'est frotté et saupoudré la partie supérieure du corps avec de l'iodure de potassium, et a trouvé dans l'urine, sécrétée pendant les vingt et une beures suivantes, beaucoup d'iode. Il a revêtu, après dessiccation, une chemise imprégnée de solution d'iodure de potassium. Pendant les trois jours quelle a été portée, l'iode se montrait dans les urines. Ces faits n'ont rien d'étonnant. A supposer que pen- dant les manipulations de saupoudrement aucune particule d'iodure ne se soit introduite dans les voies aériennes, l'iode mis en contact avec la peau a dû être dissous par le produit de la transpiration et absorbé, comme à l'ordinaire, sous forme de solution et non pas, comme le pense l'auteur de ces expériences, à l'état solide et pulvérulent ou associé aux matières grasses. C'est, je pense, de la même manière qu'il faut interpréter les accidents signalés par Tardieu sur les individus porteurs de bas teints à la coralline, et par divers observateurs sur les personnes dont la peau s'est trouvée en contact avec des étoffes teintes au vert arsenical ^. 1. Z. Roussin, Empoisonnement par le vert de Schweinfib-fh et Nouvelles expériences relatives à l'absoiption [Ann. d'hyçj. Paris, 1S67). 2. Ambr. Tardieu, Mém. sur i empoisonnement par la coralline {Bull, de l'Acad. de méd. 1869, t. XXXIV, p. 48. et Arin. d'hyg.publ, t. XXXI, p. 257). 134 DE l'absorption. Il est clair qiio dos matières diverses, Airulentes ou autres, imprégnant des vêtements, ou adhérentes à des harnais, peuvent ainsi, à un moment donnée ramollies par la transpiration, par la sueur, devenir, surtout si la peau se dé- pouille de son épiderme par le frottement, le point de déjiart d'inoculations plus ou moins étendues. Al»sorptîoii fies matières diverses associées aux cori>s S'ras et à des lîIcs tl'atlliérer à la peani. — Si la peau absorhe avec quelque difficulté les corps solubles en dissolution dans l'eau qui mouille difficilement l'épiderme, elle absorbe beaucoup mieux celles qui sont associées aux graisses ou sous forme de pommade. A cet égard, les données de la pratique médicale rendent une démonstration expérimentale presque superflue. L'application de la pommade d'iodure de potassium est suivie, au bout de quelques heures, de l'apparition de l'iode dans les urines; celle de la pommade mercu- rielle donne lieu à de la salivation et souvent à d'autres accidents. La pommade stibiée peut provoquer la nausée et le vomissement sans le concours des frictions ; la pommade de belladone, la pommade d'atropine, produisent assez prompte- ment la dilatation des pupilles. La graisse qui s'applique exactement à la peau, qui pénètre l'épiderme comme elle pénètre les corps poreux, entraîne avec elle l'agent médicamenteux qui, une fois arrivé profondément, se dissout dans l'hu- midité des tissus et laisse peut-être le corps gras en chemin. Il est possible qu'elle pénètre dans les canaux des glandes sébacées, des glandes sudoripares, et qu'ainsi elle s'offre à des surfaces très étendues, d'une plus grande puissance d'absorp- tion que celles de l'extérieur. L'incorporation des substances médicamenteuses aux corps gras ou aux subs- tances miscibles à la matière sébacée, pourrait s'étendre avec avantage à d'autres agents qu'il conviendrait d'offrir à l'absorption cutanée. Divers liquides, miscibles à la matière sébacée et très aptes à traverser l'épi- derme, sont promptement absorbés. Dans cette catégorie se trouvent l'alcool, les huiles essentielles, le sulfure de carbone, la benzine, l'ammoniaque. L'éther, l'acide cyanhjdrique, s'absorberaient aussi s'ils n'étaient rapidement volatilisés, et on pourrait obtenir leur absorption en les maintenant sous de petites cloches telles que celles des ventouses. Tous ces liquides sont promptement enlevés chez les animaux à peau nue comme les batraciens. Une goutte de nico- tine, mise par exemple, sur le dos d'un crapaud, détermine après une minute et demie à deux minutes l'arrêt de la respiration, l'affaissement de l'abdomen, puis au bout de cinq minutes, l'extension des quatre membres et la mort appa- rente. Liîmites de raltsorptioii cutanée. — La peau absorbe donc incon- testablement, même dans les espèces où elle a un épiderme écailleux et corné, l'eau, les sels et autres substances tenues en dissolution; elle absorbe aussi très facilement les substances solubles associées aux graisses et même celles qui, déposées à l'état de siccité, sont susceptibles de se dissoudre insensiblement dans les produits de la transpiration ou de se convertir en composés solubles. Mais, cette absorption est, sauf dans les espèces inférieures à peau nue, très limitée, tant à cause de l'épaisseur et de la faible perméabilité de l'épiderme que ABSORPTION CUTANÉE. 135 pai suite de la non-miscibilité de l'eau et des solutions salines aux matières sébacées qui ajoutent une nouvelle barrière à celle de l'épiderme même. Aussi, quand le bain est de courte durée et qu'il contient peu de substances salines, l'ab- sorption de celles-ci est presque insensible ou nulle, d'où les résultats négatifs obtenus par un si grand nombre d'expérimentateurs, avec des matières dont l'ab- sorption est pourtant incontestable. En eO'et, cette absorption est tellement faible que les lotions très étendues à la décoction de tabac, que le bain de Gerlach, très chargé de cette décoction, et le bain de Tessier où la proportion d'acide arsénieux est considérable, ne donnent pas lieu, sur les moutons galeux qu'on y plonge entièrement, à des accidents indiquant une absorption tant soit peu sensible. Il en est de même pour les hommes qui font prendre ces bains aux animaux. J'ai vu, à l'Ecole d'Alfort, un berger qui, pour faire prendre, sous mes yeux, le bain arsenical à un troupeau galeux, y a tenu les mains et les bras plongés pendant cinq heures, sans éprouver "ultérieurement ni coliques, ni saveur alliacée. Cependant on a fait grand bruit, il y a quelques années, de l'empoisonnement d'une quarantaine de bêtes ovines par ce bain antipsorique; mais on en avait changé la formule et le sulfate de fer ou de zinc avait été remplacé, sans doute, par un autre sel susceptible de donner avec l'acide arsénieux un composé soluble d'une absorption facile. Dans tous les cas, cette absorption ne s'étend pas à une foule de substances telles que les venins, îes virus; car si elle pouvait en prendre les plus faibles quan- tités, l'inoculation de la rage, de la syphilis, de la morve, du farcin aurait lieu lorsque la peau demeure longtemps au contact de ces agents virulents. Or, à la condition que la peau n'offre ni plaie ni dénudation d'épiderme, on peut mani- puler sans inconvénient les débris imprégnés de diverses matières virulentes. Magendie a, en effet, touché impunément à la salive du chien enragé, et dans le cours de mes expériences et de mes éludes anatomiques, j'ai plongé cent fois les mains dans le sang des animaux vivants ou des cadavres charbonneux, morveux, farcineux, etc. Sans doute l'épiderme, la' matière grasse qui l'imprègne, sont des obstacles à cette absorption, mais ils n'en sont ni les seuls ni les plus efficaces, car l'épiderme, à la longue, s'imbibe et la matière onctueuse est modifiée ou entraînée par les alcalis du sang qui demeure souvent des heures entières en contact avec la main de l'opérateur ou de l'anatomiste. Nous ne connaissons par les raisons physiolo- giques ou physiques qui entravent, à la peau, mieux encore qu'à la muqueuse gastro-intestinale, la pénétration des matières virulentes. Particularités du mécaaiîsisie de l'alssorption cutanée. — La peau se trouve évidemment dans des conditions exceptionnelles par rapport aux substances à absorber. Elle est protégée par une barrière renaissante, qui est plus ou moins imprégnée de matière onctueuse dans ses couches superficielles, et c'est bien plus par cette matière non miscible à l'eau qu'elle est préservée que par l'épiderme lui-même. En effet, dans les parties où celui-ci est très épais mais sans enduit sébacé, comme à la paume des mains et à la plante des pieds de l'homme, elle absorbe mieux qu'ailleurs et elle absorbe encore chez les animaux tels que les serpents, les lézards où cet épidémie est écailleux, presque corné. 136 DE l'absorption. Mais, dans tous les points où existe l'enduit gras, soluble dans l'étlier et le chlo- roforme, l'eau ne mouille pas l'épidermc ; elle glisse à sa surface, comme on le remarque aisément pendant le l)ain mrme très prolongé. Toutefois, à la longue, cet enduit laisse passer le liquide, puisque, peu à peu, l'épidémie blanchit jusqu'à une grande profondeur, même dans les parties inférieures des membres oij il a une grande épaisseur, chez les animaux de la taille du bœuf ou du cheval. Les dissolutions salines le pénètrent aussi avec plus ou moins de lenteur. L'expé- rience du docteur Bloch rend ce fait sensible, car, si après avoir tenu soit la main, soit le pied dans une solution de sulfate de fer, on lave à grande eau et on essuie ces parties pour les immerger ensuite dans une solution de ferrocyanure de potas- sium, l'épiderme ne tarde pas à bleuir dans toute son épaisseur à mesure que le second sel arrive dans les strates oi!i le premier s'est précédemment engagé. Il est visible, dans cette circonstance, que l'imbibition épidermique se fait graduelle- ment, des couches superficielles vers les profondes; car la coloration est limitée à la surface après le bain de courte durée, et elle n'arrive aux couches internes qu'après un bain très prolongé. La marche de la solution saline à travers les diverses couches de l'épiderme se fait lentement et peut-être plus au début que ultérieurement, alors que ces couches sont humectées. Dans tous les cas, le second bain colore d'autant plus vite l'épiderme et avec plus d'intensité qu'il est pris à un intervalle plus rappro- ché du premier. Mais, la progression de la matière admise paraît se ralentir beau- coup et même se suspendre, une fois que de nouvelles quantités ne chassent plus les précédentes. En effet, douze, vingt-quatre, trente-six heures, et quelquefois même plus, après le premier bain, il reste encore de la solution dans l'épiderme. La partie la plus profonde continue probablement à avancer et à entrer dans les vaisseaux absorbants, la partie extérieure est emportée, soit avec les produits de la transpiration, soit par les progrès de l'exfoliation. Circonstances eiiiî favoa^îsent l'al>sori)tîon cutanée. — Parmi ces circonstances, les principales sont celles qui, en amincissant l'épiderme et en le débarrassant de la matière sébacée, ont ce double résultat de permettre un contact plus intime entre la substance à absorber et le tégument, et d'augmenter la perméabilité de son revêtement protecteur. Les lavages, et surtout les lavages alcalins qui enlèvent les squames et les cou- ches superficielles de l'épiderme, les produits desséchés de la transpiration, la matière onctueuse qui imbibe les couches restantes, ont une action assez frap- pante pour qu'il ne soit pas nécessaire de l'analyser. Cependant, ces lavages, en hydratant l'épiderme, peuvent, pour un moment, créer des diflicultés à la péné- tration des corps gras et des substances peu miscibles à l'eau. Aussi faut-il , quand on les emploie, attendre que la peau soit desséchée pour y appliquer des substances de cet ordre. Les frictions qui enlèvent ou qui divisent les couches épidermiques mortes, font adhérer les matières à la surface de l'épiderme et les incorporent même à une partie de ses strates, les poussent par la pression dans les orifices des glandes sébacées, des glandes sudoripares, dilatent les vaisseaux, accélèrent la circulation dans les couches superficielles, activent beaucoup l'absorption, surtout celle des ABSORPTION (JUTANÉE. 137 préparations clans lesquelles entrent les corps gras et les autres substances dont l'adhésion à la peau s'opère difficilement. Lebkucliner, après avoir frictionné à plusieurs reprises la face inférieure de l'abdomen d'un lapin avec une solution de prussiate de potasse, retrouva, peu de temps après, ce sel dans le sang et dans l'urine. L'acétate de plomb, employé de la même manière sur un animal de cette espèce, détermina des convulsions mor- telles en moins de vingt-quatre heures. Dans ce dernier cas, le tissu cellulaire souS'Cutané, soumis à l'action de l'hydrogène sulfuré, noircit par le plomb qu'il retenait. Les frictions ont ici très visiblement accéléré l'absorption. Dans d'autres expériences, il put constater l'absorption du chlorure de baryum, de l'ammoniure de cuivre, du camphre, de l'essence de térébenthine; mais souvent, en se servant de substances irritantes et de frictions énergiques, il détermina certainement une pénétration physique. Beaucoup de médicaments employés par cette méthode des frictions, dite iatra- liptique, produisent une action très manifeste, et souvent même assez rapide, eu égard à la faible perméabilité de la peau. Tous les praticiens savent que les préparations mercurielles employées en frictions sur la peau déterminent, à la longue, une salivation plus ou moins abondante, une action spéciale sur les ma- melles, et chez les ruminants des tremblements, une sorte d'infection mercu- rielle, qui peut aller, chez le mouton et la chèvre, jusqu'à Tempoisonnement. L'iode et ses composés s'absorbent également ; les frictions de pommade slibiée provoquent des efforts de vomissement sur les carnassiers ; l'essence de téré- benthine, employée de la même manière, agit sur les reins ; l'huile essentielle de la moutarde passe aussi probablement dans le sang et stimule les organes génito-urinaires. Quoique les corps gras pénètrent facilement l'épiderme et paraissent s'en- gager dans les conduits des glandes sudoripares, leur absorption par la peau est très restreinte. Si l'huile de croton tiglium en frictions peut purger le chien, comme on l'a prétendu, j'ai la certitude qu'elle ne produit pas ce résultat sur le cheval. Dans plusieurs expériences, des frictions de cette huile, à dose forte, sur le plat de la cuisse du cheval, continuées jusqu'à l'escharitîcation des cou- ches superficielles, n'ont pas même produit un commencement de purgation. L'association des médicaments à des matières qui pénètrent promptement les tissus ou qui agissent chimiquement sur l'épiderme, accélère aussi l'absorption cutanée. Les alcalis qui le ramollissent et le dissolvent rendent les voies plus accessibles. Le chloroforme rend l'absorption de l'atropine si prompte que, quelques minutes après son application, on peut constater la dilatation de la pupille. Quant à l'absorption par la peau dépouillée de son épidémie, elle se fait dans des conditions toutes nouvelles analogues à celles des muqueuses. Lorsque la barrière inerte est enlevée, le derme peut absorber à peu près tout ce qui lui est ofl'ert : sels, alcaloïdes, poisons, venins, matières virulentes, matières septiques, ce dont l'opérateur et l'anatomiste doivent bien se souvenir. L'emploi des médi- caments, dans cette condition, qui constitue ce qu'on appelle la méthode ender- mique, est suivi d'effets prompts. C'est un moyen excellent auquel on peut 138 DE l'absorption. recourir lorsque les voies digestives ne sont pas libres, et, surtout lorsqu'il s'agit de faire absorber des médicaments précieux, d'un petit volume. L'active absorption de la peau dépouillée de son épiderme peut donner lieu quelquefois à des accidents graves, comme le prouvent les effets de la canthari- dine. Elle pourrait même déterminer l'intoxication dans des délais assez courts. J'ai vu, sur le lapin, une solution de cinq centigrammes de sulfate de strychnine appliquée sur la peau dénudée de son épiderme dans une étendue de 10 cen- timètres carrés, produire des convulsions, au bout de 30 à 45 minutes, pendant plus de deux heures. C'est, sans aucun doute, par les dénudations de la peau, dues au frottement des harnais, souillés de matières virulentes, comme par les petites écorchures faites au contact des voitures, des râteliers et des mangeoires que s'opère sou- vent la contagion de la morve, du farcin et d'autres affections. On s'est demandé, dans ces derniers temps, si la peau a une action élective sur les substances qui lui sont offertes. D'après quelques observateurs, l'eau chargée de sels serait absorbée en plus forte proportion que les sels ou même sans en être accompagnée; et dans le cas oi!i elle en renfermerait deux, Tun pourrait être absorbé sans l'autre. Il y aurait là, dit-on, des preuves d'une action élective. Mais cela ne me paraît pas évident. Il faut des dosages exacts, que je ne vois faits nulle part, pour établir qu'un sel n'a pas été absorbé dans la même proportion que l'eau qui le tenait en dissolution; et, dans les cas où l'un des sels offerts n'a pas été retrouvé dans l'urine, c'est plutôt, ce me semble, en raison de sa faible quantité qu'en raison de son absence. Il est clair que si l'on a mis 2 ou 3 grammes d'arséniate de soude ou de potasse dans un bain de 100 litres d'eau et que si, en une heure, SO grammes de cette solution ont été absorbés, ces 50 grammes, représentant 2/1000 de la solution, n'ont pu faire entrer dans l'organisme que la 2/1000 partie des 3 grammes de l'arséniate, soit 1 milligramme et demi, laquelle portion serait bien difficile à retrouver, à supposer qu'après avoir été dispersée dans toute la masse du sang et de l'organisme, elle se soit rassemblée pour être tout entière éliminée par l'urine, et dans le moment pendant lequel ce liquide est recueilli. C'est trop souvent d'expériences aussi défectueuses, qui ne supportent pas l'examen , qu'on tire des déductions en apparence acceptables. L'action élective ne peut pas se déduire de ce que la peau se refuse à l'ab- sorption des venins, des virus ; car ces matières sont réfractaires à l'absorption sur la muqueuse gastro-intestinale, pour des raisons encore mal déterminées, qui ne paraissent pas se concilier avec les idées qu'on se fait des prétendues actions électives. En résumé, l'absorption cutanée est incontestable, mais elle est et elle doit être très faible, et c'est par l'épiderme et l'enduit sébacé qu'elle a ces caractères. Elle ne s'exerce sur l'eau et les substances que l'eau tient en dissolution que dans des limites très restreintes. Aussi ne faut-il pas se figurer que les bains minéralisés fassent entrer dans l'économie de bien grandes quantités de matières salines. Cette absorption peut acquérir une plus grande activité par le secours des fric- tions et des préparations qui augmentent la perméabilité de l'épiderme. Enthi ABSORPTION DANS LE TISSU CELLULAIRE. 139 elle ile\ient, dans le cas de destruction du revêtement épidermique, presque aussi énergique que celle des membranes muqueuses. CHAPITRE XXXVII DE L'ABSORPTION DANS LE TISSU CELLULAIRE ET LES AUTRES TISSUS Le tissu cellulaire ou conjonctif, qui est, comme les séreuses, le siège d'une sécrétion destinée à en humecter les éléments, doit aussi être apte à résorber les produits épanchés. Il absorbe ces mêmes liquides devenus abondants dans Tcedème, et son action se porte également sur le sang extravasé, comme sur une foule de matières qui peuvent être introduites dans sa substance. Le tissu cellulaire est évidemment perméable, et il l'est en plusieurs sens. Ses librilles rassemblées en faisceaux onduleux forment tantôt des lacis ou des réseaux, tantôt des lamelles presque homogènes et transparentes. Conséquem- ment, les matières,, dans sa substance, se frayent, à la fois, des chemins tant dans les interstices lacunaires qu'à travers les faisceaux et les membranules. Les vaisseaux sanguins, rares dans certaines parties, plus abondants dans d'autres, forment dans ce tissu des sortes de treillages bien disposés pour rece- voir les matières dont ils sont baignés. Les lymphatiques y constituent des réseaux fort riches, dont les parois homogènes paraissent de même nature que la subs- tance conjonctive. Ce sont en réalité ces deux ordres de vaisseaux, baignés de toutes parts de vapeurs et de liquides, qui effectuent l'absorption. En outre, ils ont peut-être pour auxiliaires un autre ordre de canaux, s'il est vrai, comme le pense Virchow, que les prolongements des cellules plasmatiques soient creux et anastomosés avec les lymphatiques véritables. Il s'agit maintenant de constater expérimentalement la réalité de l'absorption dans le tissu conjonctif, de juger de sa rapidité, de préciser ses agents et de voir sur quelles matières elle peut porter. Si, par une petite incision à la peau delà face d'un cheval, on injecte dans le tissu cellulaire sous-cutané une solution de ferrocyanure de potassium, on pourra, en établissant une fistule à l'uretère, en haut du flanc, reconnaître dans l'urine, au bout de huit à dix minutes, la présence du sel injecté. Mais pour mesurer plus exactement le temps nécessaire à l'absorption et juger de ses progrès, j'établis une fistule à un lymphatique satellite de la carotide sur les animaux destinés aux injections. Une fois que cette fistule donne bien, j'in- jecte dans le tissu cellulaire de la face, soit au chanfrein, soit à la joue, une solution de ferrocyanure ou d'iodure de potassium, et au bout de douze, dix, huit et même quelquefois de six minutes, le sel de la solution peut être cons- taté dans la lymphe versée par la fistule et recueillie de minute en minute. En injectant la dissolution dans le tissu cellulaire sous-jacent à la parotide, on voit le sel arriver plus vite à la fistule, même quelquefois au bout de quatre minutes seulement. 140 DE l'absorption. Indépendammenl du ferrocyanure et de l'iodure de potassium, j'ai \u dans mes expériences s'absorber très vite les arséniates de soude et de potasse, le sulfocyanure de potassium, l'émétique, etc. Cl. Bernard dit que plusieurs sels introduits dans le tissu cellulaire peuvent être absorbés, soit parallèlement, soit indépendamment les uns des autres. Il en a vu quelques-uns de solubles s'y montrer réfractaires <à l'absorption, les sels de fer et particulièrement le lactate. Je ne sais jusqu'à quel point ces formules générales sont acceptables ; mais, d'après ce que j'ai vu, le tissu cellulaire me paraît se comporter comme les autres parties absorbantes ; il prend ce qui est soluble, et aussi bien plusieurs sels ensemble qu'un sel isolé, pourvu qu'ils soient indifférents les uns aux autres, sans action astringente ou corrosive. Les matières colorantes s'y absorbent sans difficulté. J'ai vu dans mes expé- riences les solutions de murexide, injectées sous la peau de la face, donner à la lymphe recueillie au cou, une belle teinte rougeâtre à partir de la dix-septième minute après l'injection ; la coloration a augmenté d'intensité jusqu'à la fin de la première heure, puis elle s'est affaiblie et a disparu. L'indigo a été absorbé moins nettement, et s'est arrêté dans les ganglions sous-maxillaires. Les substances toxiques, même celles qui, comme le curare, ne s'absorbent pas dans l'intestin, sont absorbées dans le tissu conjonctif. Bernard l'a constaté dans un grand nombre d'expériences. J'ai vu aussi que l'absorption du curare se faisait plus ou moins vite suivant l'état du poison. Ainsi, un chien à qui j'in- jectai dans le tissu cellulaire de l'aine 3 décigrammes de ce poison dans 16 gram- mes d'eau, présenta les premiers symptômes d'empoisonnement à la sixième minute et mourut à la quatorzième. Un chat qui en reçut 2 décigrammes, égale- ment délayés, à la région de la cuisse, éprouva des convulsions dès la troisième minute et mourut à la sixième. Chez ceux qui reçurent le curare à l'état solide, l'absorption fut plus lente. 2 décigrammes dans le tissu de la région costale d'un chien ne déterminèrent leurs premiers effets qu'à la seizième minute, et la mort à la trente-deuxième. 1 décigramme au même lieu, sur un autre, commença seu- lement à agir à la trente-deuxième minute, et détermina la mort au bout d'une heure. Toutefois ces effets sont beaucoup plus rapides sur les petits animaux, les souris, le moineau. Un grain de curare sec du volume d'une petite tête d'épingle, inséré sous la peau d'un petit oiseau, donne lieu à des effets toxiques au bout de deux minutes, et la mort en trois à quatre minutes, rarement plus tard. Un grain un peu plus gros, inséré dans le tissu cellulaire de la cuisse d'un rat a déterminé les premiers symptômes d'empoisonnement au bout de quelques secondes et la mort après trois minutes. Les autres poisons s'y absorbent très promptement, soit en solution, soit même à l'état sec. J'ai vu souvent sur les moineaux une ou deux gouttes de solution de sulfate de strychnine donner lieu à des convulsions en une minute, et la mort à la troisième ou à la quatrième, alors que la même dose, dans le bec, ne commen- çait à déterminer ses premiers symptômes qu'au bout de quatre à cinq minutes. L'absorption dans le tissu cellulaire paraît un peu lente lorsque les substances offertes à ce tissu n'agissent sensiblement qu'à compter du moment oi!i de grandes quantités sont entrées dans la circulation. Il en est ainsi des anesthésiques ABSORPTION DANS LE TISSU CELLULAIRE. 141 employés en injections sous-cutanées. J'ai vu le chloral, par exem[)le, à la dose de 30, 40, 50 centigrammes par kilogramme du poids de l'animal endormir le chat seulement après 20 à 25 minutes et déterminer un sommeil de 32, 34, 3G heures et souvent la mort avant le réveil. Mais sur les petits animaux cet agent a eu des effets plus prompts. Il a endormi le la|>in après 15, le rat après 10, le moineau après 2 minutes. La rapidité avec laquelle les agents médicamenteux sont absorbés dans le tissu cellulaire paraît très grande dans une foule de cas où il suffit des plus petites quantités saisies pour produire les effets qu'on veut obtenir. Ainsi, en injectant seulement 25 centigrammes de pilocarpinedans le tissu cellulaire du cheval, j'ai vu, au bout de cinq à six minutes, les deux parotides, jusqu'alors inactives, don- ner 250 à 300 grammes de salive en un quart d'heure, et continuer à fonctionner pendant plus de deux heures. Tous les virus s'absorbent dans le tissu cellulaire, comme dans les plaies super- licielles de la peau. Le virus charbonneux donne lieu à un œdème plus ou moins vaste ; — le sep- ticémique a une irritation vive, sans œdème bien prononcé ; — celui de la péri- pneumonie à de vastes exsudats fibrino-albumineux. Ils peuvent s'y conserver avec leurs propriétés intactes pendant un certain temps, sans agir comme le fait celui de la septicémie sur le cheval ou l'âne, ou celui du choléra des poules sur le bœuf et sur le 'mouton ^ Ces agents, s'ils trouvent dans le tissu cellulaire des conditions favorables à leur régénération, s'y reproduisent, sinon ils s'y atténuent et s'y détruisent. Les matières insolubles, les substances finement divisées, les éléments figurés des liquides de l'organisme, peuvent y être pris, mais plutôt par une pénétration directe à travers des solutions de continuité des parois vasculaires que par une véritable absorption. M. Villemin a constaté que du tubercule inséré dans le tissu cellulaire sous-cutané provoque la tuberculisation du poumon du lapin. J'ai fait voir^ qu'en effet ce résultat se produit sur divers animaux, non par l'absorp- tion d'un virus associé à la substance tuberculeuse, mais par la pénétration directe des éléments de cette substance dans les vaisseaux lymphatiques, d'où ils sont ensuite transportés au poumon et à d'autres organes. En suivant, presque jour par jour, pendant des semaines et des mois cette absorption tuberculeuse qui est très lente, j'ai constaté que les éléments du tubercule , pris par les lymphatiques , suivaient un itinéraire rigoureusement déterminé; — qu'ils envahissaient d'abord le premier ganglion placé sur leur route, puis le second et successivement tous les autres du même côté du corps ; qu'ainsi, dans le cas d'inoculation à la jambe, le poplité devient le premier tuberculeux, puis le précrural, les pelviens, les sous-lombaires, les satellites de 1. J'ai démontré amplement cette conservation des agents virulents dans deux mé- moires à l'Institut. 1» Sta^ la localisation rfe* virus dans les plaies et sur leur mode de dissémination dans Vorganisme [Comptes rsjidus, 1883, t. XGVI, p. 1679. - 2» Rech. expërim. sur la conser- vation temporaire des virus dans Forganisme des animaux oii ils sont sans action {Comptes rendus, 1884, t. XCIX, p. 759). 2. Rapport à l'Académie de viédecine {BulL, 1867, t. XXXII, p. 897). 142 DE l'absorption. l'aorte, etc., ceux de l'autre muilié du corps demeurant parfaitement sains. Ces constatations faites d'abord sur les lapins, depuis 1867, et vériiiées un grand nombre de fois, se sont répétées depuis sur d'autres espèces. J'ai eu tout récem- ment l'occasion de les reproduire sur les animaux de l'espèce bovine^ Les huiles et les autres corps gras ne sont pas plus absorbés dans le tissu cel- lulaire que dans les séreuses ; ou s'ils le sont en faible partie, ils ne peuvent l'être intégralement. Les huiles irritantes y produisent des engorgements énormes. Ainsi Thuile de croton tiglium que j'ai injectée dans ce tissu, jusqu'à la dose de 2 gram- mes sur le cheval, n'a déterminé aucune action purgative. Les gaz s'absorbent dans le tissu cellulaire, comme on le sait depuis les expé- riences de Davy et de Magendie. Ceux qui y disparaissent le plus vite sont l'acide carbonique, l'oxygène et l'hydrogène; mais l'azote met des semaines à dis- paraître; l'air atmosphérique, même en quantité modérée, peut y résister à l'absorption pendant vingt ou trente jours. Il résulte des expériences de MM. Leconte etDemarquay^ que cette résorption s'accompagne d'une exhalation d'acide carbonique et des autres gaz du sang. Aussi les emphysèmes produits artificiellement peuvent-ils persister pendant plusieurs semaines sans réduction notable. Il en est de même dans les séreuses. 11 est clair que cette faculté absorbante du tissu cellulaire ;peut être mise à profit en thérapeutique, dans le cas où le tube intestinal obstrué se refuse à rece- voir les médicaments, comme dans ceux oii la déglutition est devenue impossible : mais il ne faut administrer par cette voie aucune substance irritante, insoluble ou susceptible de se précipiter, afin d'éviter l'œdème ou les suppurations sous- cutanées. Les alcaloïdes, les principes actifs de certains médicaments, isolés et purifiés, peuvent être avantageusement employés de cette manière et produire des effets prompts, La seringue de Pravaz permet d'en régler l'emploi avec toute la précision désirable. Dans les autres tissus, l'activité de l'absorption est en rapport, d'une part, avec la quantité de leurs éléments conjonctifs, d'autre part avec leur vascularité. La strychnine, le curare, introduits dans les muscles, tuent presque aussi rapidement que dans le tissu cellulaire. Ils tuent aussi très vite quand on les porte dans le tissu du foie, de la rate, ou lorsqu'on les dépose à la surface du cerveau. Le sulfate de strychnine, sur un hémisphère cérébral du lapin, a, dans une de mes expériences, déterminé des convulsions dès la première minute. Sur les tissus fibreux, il n'a agi que faiblement et avec une extrême lenteur. C'est ce qui explique pourquoi dans celles de Fontana le venin de la vipère a paru sans effet sur le péricrâne, sur la dure-mère, le périoste et même sur la moelle épinière. Dans le tissu des os et surtout à l'intérieur du canal médullaire, l'absorption est assez active. J'ai tué le lapin en lo minutes avec un petit grain de curare sec introduit dans le canal du tibia et maintenu par un petit obturateur. 1. G. Colin, Swr Id transmission de la tuberculose aux gra?ids ruminants {Extrait dans les Comptes rendus de tAcad. des sciences, t. XCIX, p. 884, p. 1057). 2. Leconte et Demarquay, Êrurfes chimiques sur l'action des rjaz injectés dans les tis- sus {Archives gén. de méd. octobre et novembre 1859). ABSORPTION PAR LES SOLUTIONS DE CONTINUITÉ. 143 CHAPITRE XXXVIII DE L'ABSORPTION PAR LES PLAIES ET LES AUTRES SOLUTIONS DE CONTINUITE 11 est facile de coinp rendre que les surfaces tégumentaires dépouillées de leur revêtement épithélial, le tissu cellulaire, les muscles dénudés, les surfaces acci- dentelles produites par les piqûres ou par les incisions, absorbent avec énergie. Ces nouvelles surfaces absorbent doublement par les parois intactes des cel- lules et des vaisseaux, que la substance vient directement toucher, ensuite par les blessures nombreuses faites aux vaisseaux sanguins ou lymphatiques. Elles fonc- tionnent donc en partie comme les surfaces ordinaires qui n'ont ni épiderme ni mucus, et en partie comme des surfaces criblées d'ouvertures. Aussi les plaies absorbent-elles avec une très grande activité, non seulement les gaz, les liquides, les substances solubles, mais aussi les substances insolubles sufiisamment divisées. L'absorption dans les plaies est nécessairement un phénomène fort complexe. Les matières qui leur sont offertes se divisent forcément en plusieurs parties. Celle qui entre dans les vaisseaux ouverts y est versée par une sorte de trans- fusion ; c'est la première saisie et la plus siirement absorbée. Une seconde partie entre par imbibition 'ou par osmose à travers les parois vasculaires. Une troi- sième s'attache aux tissus, aux éléments anatomiques et les imprègne pour un certain temps ; enfin une dernière part se mêle au sang ou à la lymphe extra- vasée pour être entraînée avec ces liquides en totalité ou en proportion variable, suivant 'que la plaie est plus ou moins saignante. Le mode de partage des matières offertes à l'absorption est subordonné à une foule de conditions relatives, les unes aux propriétés physiques, les autres à l'état des solutions de continuité. D'un côté, si les matières sont très miscibles au sang ou aux fluides qui imprègnent les tissus, si elles sont très diffusibles, leur dissé- mination ou leur répartition est rapide et tend à devenir uniforme ; au con- traire, si elles se mêlent difficilement au sang et sont peu aptes à pénétrer les tissus, comme la salive visqueuse, les divers mucus, elles \lemeurent longtemps dans les anfractuosités des plaies, dans le sang qui les baigne ; alors, la plus grande part peut être entraînée et la plus minime absorbée avec lenteur. D'un autre côté, suivant que la plaie a la forme d'une piqûre ou d'une fente, dont les parois se touchent, ou suivant que ses tissus sont contusionnés, elle peut retenir la totalité de ce qu'elle reçoit^ tandis qu'elle peut la rejeter si elle saigne abon- damment. Toutes les surfaces accidentelles n'absorbent pas au même degré. Il faut dis- tinguer les surfaces dénudées des plaies proprement dites, et les plaies saignantes des plaies sèches, confuses, anciennes et suppurantes. Les surfaces dénudées par l'enlèvement de l'épiderme, tel que le provoque Feau bouillante, le fer chaud ou le vésicatoire, se trouvent à peu près dans les condi- tions des muqueuses à épithélium mince, car ces surfacesjconservent encore une faible couche de cellules épithéliales en voie de formation, ce qu'on appelait 144 DE l'absorption. autrefois le corps muqueux de Malpighi. Elles prennent toutes les substances solubles, la strychnine, Tatropine, le cyanoferrure de potassium, l'iodure de potassium, les principes actifs du vésicatoire : les faits de la pratique en ont donné mille preuves. Les dénuilations qui résultent du frottement rude, d'une usure de l'épiderme, du grattage ou de l'excision des parties superficielles du derme, absorbent beau- coup mieux encore. Ce sont des surfaces où les sommets des papilles blessées ont des vaisseaux ouverts qui suintent un peu de plasma rosé. Si elles servent à des inoculations, celles-ci réussissent mieux que par tous les autres procédés d'inser- tion de la matière virulente. C'est ce que j'ai constaté maintes fois pour le char- bon, le cowpox et quelques autres virus. Les incisions superficielles et obliques, telles que celles produites par la pointe de la lancette, se prêtent d'autant mieux à l'absorption qu'elles sont plus superfi- cielles et que, par conséquent, la substance s'engage mieux entre l'épiderme et la couche papillaire du derme. C'est surtout lorsqu'elles ne saignent pas sensi- blement qu'elles permettent l'absorption intégrale et rapide du virus inséré, virus retenu et en quelque sorte protégé, jusqu'à absorption complète, par l'écaillé ou l'opercule épidermique que l'instrument a soulevé. Les incisions profondes, celles qui traversent le derme ou qui arrivent dans les tissus sous-jacents, donnent lieu à une effusion de sang qui entraîne la matière virulente ou qui l'englobe et la soustrait en grande partie à l'absorption. Les plaies confuses, irrégulières, avec écrasement, dilacération des bords, comme celles que produit la morsure d'un carnassier, ne favorisent point l'ab- sorption rapide de la matière déposée, mais elles la retiennent longtemps et lui permettent de passer peu à peu. Aussi sont-elles très dangereuses quand la matière qu'elles reçoivent est virulente. Les grandes plaies produites par l'instrument tranchant, pour l'excision d'une tumeur, pour une amputation, les plaies qui résultent de l'arrachement d'une par- tie de l'ongle, absorbent plus ou moins suivant leur âge et l'état de leur surface. Leur pouvoir absorbant, faible dans les moments où elles saignent, arrive à son maximum une fois que l'hémorrhagie est arrêtée ; il diminue un peu dès que l'exsudat plasmatique s'épaissit et tend à se convertir en une croûte, peu favorable à la diffusion des substances dissoutes ; il s'affaiblit davantage si cette plaie sup- pure, et plus encore si les produits de sécrétion s'y dessèchent en' la couvrant d'une couche protectrice. Dans ce dernier cas les plaies anciennes, bourgeon- nantes ou granuleuses se comportent comme certaines muqueuses peu aptes ou tout à fait réfractaires à l'absorption; elles peuvent être sans inconvénient mises en rapport avec les agents virulents ou au moins avec certains d'entre eux. Ainsi J'ai pu, à plusieurs reprises, badigeonner au sang charbonneux des lapins dont la peau portait de nombreuses plaies anciennes, à enduit moitié purulent, moitié desséché. Je cite depuis longtemps dans mes leçons ce fait remarquable. Bonnet, en se servant de la strychnine, n'a pu découvrir de différences entre ces divers états des plaies, quant à leur activité d'absorption : elles sont pourtant réelles et se prononcent si on se sert de substances moins actives que cet alca- loïde. ABSORPTION PAR LES SOLUTIONS DE CONTINUITÉ. 145 Enfin les piqûres plus ou moins profondes, bien qu'elles n'oiïrent à l'absorp- tion que des surfaces d'une faible étendue, l'assurent en retenant la matière intro- duite et en ne l'associant qu'à une petite quantité de sang ou de lymphe. L'ins- trument s'essuie sur les parois du trajet et y laisse la matière qui ne peut être entraînée par suite du retrait des bords du trajet creusé. Cette particularité rend dangereuses les piqûres avec insertion de matières putrides ou virulentes. On sait que celles que peuvent faire des parties microscopiques, comme les poils d'urticées, laissent cependant dans les tissus des quantités assez fortes de matières pour causer une vive irritation. Quelles sont les substances que les plaies peuvent absorber? Toutes les matières, gazeuses, liquides, dissoutes ou solubles, même celles qui ont la propriété de coaguler les éléments albumineux du sang ou des tissus, les gaz, les matières miasmatiques ou putrides de l'atmosphère, entrent par cette voie et contribuent d'abord à donner aux plaies un mauvais aspect, puis à déterminer les accidents de l'infection purulente. Les solutions salines, surtout si elles ne sont ni astringentes, ni coagulantes, passent promptement, car l'application d'un plumasseau imbibé de solution de ferrocyanure de potassium sur une plaie du garrot ou sur le tissu feuilleté de l'ongle, est suivie du passage prompt de ce sel dans l'urine. Les corps insolubles réduits en fines particules peuvent être absorbés dans une foule de plaies, ou être plutôt portés directement dans les vaisseaux sanguins ou lymphatiques blessés. En effet, à la suite du tatouage on retrouve des parti- cules colorantes dans les ganglions voisins des plaies. Après une insertion de matières, tuberculeuses dans une plaie sous-cutanée, on voit la série des gan- glions où se rendent les lymphatiques de cette plaie se tuméfier et bientôt s'im- prégner d'éléments tuberculeux. Les matières animales, les venins, les virus, surtout ceux qui sont pourvus d'éléments figurés, paraissent se comporter, jusqu'à un certain point, comme le font les substances simplement divisées. Une partie seulement de ces matières entre dans la circulation, l'autre demeure sur place, et détermine des effets locaux. C'est ce que démontrent très nettement mes expériences sur le charbon. En effet, si après avoir inoculé du sang charbonneux en plusieurs points différents, à l'aide de piqûres de lancette, j'excise, au bout de cinq à six minutes, les parties où l'in- sertion a été faite, le charbon général sans tumeurs se développe. Si, au con- traire, sur un autre animal où l'inoculation a été pratiquée de la même manière, je laisse intactes les piqûres, il se développe, indépendamment des accidents généraux, autant de tumeurs charbonneuses qu'il y a eu de piqûres faites. D'où il suit qu'en cinq à six minutes, il. a été pris aux points de l'inoculation assez de virus pour déterminer des accidents généraux, et que, même, après plusieurs jours, il en a été laissé assez dans ces mêmes points pour provoquer le développement des tumeurs'. D'ailleurs, à la suite de l'inoculation du cowpox, de la clavelée, les choses paraissent se passer ainsi. La plus grande partie, peut-être même la totalité du virus demeure à l'endroit de l'inoculation, car c'est à ce lieu même que se déve- loppe la pustule. Peut-être, aussi, y a-t-il partage entre les deux sortes d'élé= G, coLi.N. — Physiol. comp., 3'^ édil. II. — 10 146 DE l'absorption. inents : les (igurés dciiicurcnt au lieu de l'inoculation, el lu partie entièrement liquide est la seule que l'absorption enlève et dissémine. A la suite des piqûres d'animaux venimeux, abeilles, guêpes, frelons, moustiques, vipères, il paraît en être encore ainsi : ce qui reste du venin à l'endroit de l'ino- culation détermine une tuméfaction plus ou moins considérable. La partie qui passe dans le torrent de la circulation va produire les troubles nerveux, cardiaques, les altérations du sang, qui causent quelquefois la mort dans un court délai. Les matières absorbées dans les solutions de continuité suivent la double voie ■vasculaire. Une partie entre sans doute dans les veines, l'autre pénètre manifeste- ment dans les vaisseaux blancs. Aussi, à la suite d'une piqûre anatomique avec insertion de la matière septique, les lymphatiques du bras deviennent douloureux, et les ganglions axillaires se tuméfient. Après l'inoculation syphilitique survient une tuméfaction des ganglions inguinaux qui est plus ou moins tardive, suivant la lenteur du transport et la durée de la stase momentanée de la matière saisie. Certaines matières virulentes pourvues de microbes ou d'éléments figurés, tomme celle du charbon, en pénétrant dans les lymphatiques, stationnent par- tiellement sur tous les points du trajet qu'elles parcourent. Les étapes de leur marche sont indiquées par une chaîne de ganglions tuméfiés qui deviennent virulents avant qu'aucune autre partie de l'organisme n'acquière cette propriété. Aussi la porte d'entrée de ces agents peut-elle se découvrir dès qu'on parvient à reconnaître l'ordre suivant lequel les ganglions lymphatiques sont envahis ^ Les surfaces accidentelles, celles des plaies contuses ou exposées à l'air, absor- bent, en même temps que les matières étrangères, leurs propres produits de sécré- tion. Elles les résorbent tels qu'ils sont ou après une altération putride plus ou moins avancée. En cela elles se comportent à la manière des surfaces muqueuses. Comme elles ont des solutions de continuité nombreuses aux vaisseaux, les élé- ments figurés ou les globules du pus peuvent être résorbés avec les principes solubles; les premiers entrent mécaniquement, les autres, d'après les lois ordi- naires de la diffusion à travers les membranes. En outre, comme les tissus voi- sins des surfaces sont, surtout à la suite des contusions, imprégnés de liquides altérés; commeil y a du pus dans ces petits canaux affectés de lymphangite, de phlébite, les accidents connus sous le nom d'infection purulente, de septicémie, ont un point de départ plus complexe qu'on ne le pense généralement. L'absorption des matières putrides se fait assez activement par les plaies, et elle peut introduire par les plus petites une quantité suffisante de ces matières pour produire la septicémie et la mort. Ainsi, trois ou quatre gouttes de sang putréfié, inséré avec une lancette dans la peau d'un lapin, l'ont tué en moins de vingt-quatre heures. Une quantité plus faible du sang du premier lapin tué a déterminé la mort d'un second en dix-neuf heures. Une goutte seulement du sang du second, en quatre piqûres, a tué un troi- sième lapin en dix-sept heures. Une ou deux gouttelettes très petites,'ont tué des animaux de même espèce en onze à douze heures. Dans tous les cas, le sang putré- 1. G. Colin, Sia' le développement successif de foyers virulents pendant la période d'incubation des 7naladies charbonneuses [Bull, de l'Acad. deméd., 5 mars 1878, p. 199). ABSORPTION PAR LES SOLUTIONS DE CONTINUITÉ. 1 'l7 lié OU la sérosité péritonéale, ou un liquide quelconque en voie d"aUeration puliide, a produit sur les petits animaux une altération spéciale du sang, avec septicémie mortelle, qui est devenue inoculable parle sang des animaux morts et non pulré- liés. J'ai exposé ces résultats, avec détails, dans ma communication à l'Académie de médecine, sur les effets des matières putrides introduites dans l'organisme. Quelle est la rapidité de l'absorption à la surface des plaies? Il importe de le savoir avec précision dans le cas où il y a insertion de matière virulente. Cette rapidité est subordonnée, d'une part, aux qualités de la matière, notam- ment à sa plus ou moins grande dilïusibilité, d'autre part, ci l'état des surfaces auxquelles elle est offerte. Les poisons végétaux s'absorbent vile en raison de leur grande diffusibilité. On sait, d'après les récits des voyageurs, que les piqûres faites à la peau parles poils des feuilles de VL'rtica gigas font tomber immédiatement le cheval, et frappent de paralysie momentanée les membres de l'homme; les sucs des strychnos, le curare, déterminent, pour cette raison, leurs effets avec une extrême promptitude. Les matières virulentes, associées au sérum du sang ou à des produits de sécré- tion très miscibles aux fluides qui baignent les tissus (DU qui circulent, s'absor- bent très \ite. M. Renault, dans des études intéressantes, a fait voir que sou- vent, cinq minutes après l'inoculation, la cautérisation, l'ablation de la partie où le virus morveux, farcineux, a été déposé, n'empêche pas le développement de la morve, du farcin : preuve qu'en ce laps de temps si court l'absorption a déjà enlevé assez de virus pour engendrer la maladie. J'ai fait aussi à ce sujet des expériences qui. pour d'autres sirus, montrent une aussi grande et même quelquefois une plus grande rapidité d'absorption. Mais l'absorption ne se fait pas toujours avec cette vitesse, et pour une même matière virulente: car, suivant que la plaie est ou non saignante, suivant que Texsudat de ses bords demeure liquide ou qu'il se coagule, la matière éprouve plus ou moins de difliculté à entrer. D'ailleurs, il ne faut pas généraliser. Toutes les matières virulentes n'ont pas les mêmes propriétés osmotiques, le même degré de diffusibilité : la salive plus ou moins visqueuse du chien enragé ne peut, à cause de sa viscosité, passer aussi vite que les sérums virulents. D'un autre côté, toutes les plaies sont loin de se trouver dans des conditions également favorables à l'absorption. Celles qui sont mâchées, contuses, à bords meurtris, peuvent conserver longtemps la ma- tière contagifère à leur surface; leurs tissus peuvent même en demeurer impré- gnés plus longtemps encore sans que leurs vaisseaux froissés, à contenu coagulé, soient aptes à les prendre. Aussi peut-on, dans beaucoup de cas, cautériser avec succès un quart d'heure, une demi-heure, une heure, plusieurs heures, même un ou deux jours après l'inoculation ou la morsure ; et il ne faut pas négliger de le faire tardivement quand on ne l'a pu aussitôt après l'accident. Un grand nombre de faits pratiques démontrent qu'effectivement la cautérisation très tar- dive a prévenu assez souvent la contagion. Toutefois, en les comptant, il faut se rappeler que, pour quelques maladies, la rage, par exemple, tous les cas d'inoculation ne sont pas suivis de transmission rabique. Les virus, lorsqu'ils demeurent longtemps dans le lieu de leur insertion, peu- 148 DE l'absorption. vent, comme dans le cas de pustule maligne, être atteints par les cautérisations tardives qui les détruisent avec ceux dont la régénération a eu lieu au même point. Les éléments virulents entraînés même dans une zone plus ou moins étendue autour de leur point d'insertion peuvent être neutralisés avec les pre- miers, par suite de la dilTusion du caustique. D'ailleurs, cette destruction du virus, demeuré dans la plaie ou à sa périphérie, a toujours une certaine uti- lité, car elle prive d'un renfort plus ou moins considérable , la part que l'ab- sorption a enlevée, part qui peut se détruire, s'éliminer après sa dissémination ou être insuffisante pour déterminer des accidents. J'ai prouvé^ qu'en effet sur divers animaux, notamment sur le chien, la bactéridie entraînée hors du rayon de la pustule maligne périt le plus souventsans déterminer d'accidents généraux appréciables. C'est probablement aussi parce que le virus rabique absorbé en quantité minime se détruit ou s'élimine comme le virus charbonneux que, dans une foule de cas, le tiers, la moitié, ou plus, les morsures des animaux enragés ne sont suivies d'aucun accident. Pour mesurer la vitesse de l'absorption des virus dans les plaies, je me suis servi du sang charbonneux dont l'inoculation donne des résultats à prompte échéance. Le virus était inséré sous la peau de l'oreille, en une ou plusieurs piqûres obliques, à l'aide de la lancette chargée, à chaque piqûre, d'une même quantité de liquide. Au bout d'un certain nombre de secondes ou de minutes, l'oreille était amputée transversalement d'un coup de ciseaux à 1 centimètre au- dessous des piqûres. Il résulte de ces expériences que, dans la plupart des cas, l'absorption n'a pas eu lieu avant la troisième ou la quatrième minute, ou plutôt qu'avant trois ou quatre minutes, elle n'a pas pris une quantité suffisante de matière virulente pour reproduire la maladie. Néanmoins elle a pu être effectuée dans un cas après deux minutes trente secondes. Voici les résultats de vingt et une expériences faites dans les mêmes conditions : NATURE NOMBRE TEMPS ÉCOULÉ DU DES ENTRE l'inoculatio.\ et l'amputation RÉSULTATS VIRUS PIQURES DE l'oreille V. ch. 1 Amput. après 30 secondes. Pas d'effets. V. sept. » 30 secondes. Ne meurt pas. M. » 1 minute. Meurt au bout de 17 lieures. V. ch. 2 1 minute 30 secondes. Pas d'effets. Id. 2 2 minutes. Pas d'effets. V. sept. )) 2 minutes. Mort au bout de 18 heures. V. ch. 2 3 minutes. Pas d'effets. Id. 2 3 minutes. Pas d'effets. Id. 2 3 minutes. Pas d'effets. Id. 2 3 minutes, Mort au bout de 30 lieures. Id. 2 3 minutes 30 secondes. Ne meurt pas. Id. 2 3 minutes 30 secondes. Ne meurt pas. Id. 2 3 minutes 30 secondes. Ne meurt pas. Id. 2 3 minutes 30 secondes. Ne meurt pas. Id. 2 3 minutes 30 secondes. Ne meurt pas. 1. Analyse expérimentale de la pustule maligne et de l'œdème charbonneux [Bull, de l'Acad. de méd. 1880, p. 650)^ AliSORI'TION INTERSTITIELLE UU RÉSORPTION. 14'.) NATURE NOMBRE TEMPS ÉCOULÉ BU DKS ENTRE l'in'ucdlation et l'amputation RÉSULTATS viiu:s l'IMURKS DK l'oreille V. (II. ■) 4 minutes. Meurt au bout de 30 heures. Ui. 0 4 minutes 30 secondes. Ne meurt pas. Id. 4 minutes 30 secondes. Ne meurt pas. Id. 5 minutes. Meurt au bout de 24 heures. Id. 5 minutes. Ne meurt pas. Id. 5 minutes. Meurt au bout de 30 heures. Id. 5 minutes. Meurt au bout de 38 heures. Id. 10 minutes. Mort au bout de 26 heures. Id. 10 minutes. Mort au bout de 20 heures. Id. 10 minutes. Mort au bout de 28 heures. Id. 10 minutes. Mort au bout de 33 heures. Id. 10 minutes. Mort après 24 heures. Id. 10 minutes. Mort après 22 heures. Id. 10 minutes. Moi't après 23 heures. Id. 10 minutes. Mort après 21 heures. Id. 10 minutes. Mort après 31 heures 1/2. Id. 10 minutes. Mort après 24 heures 1/2. Id. 10 minutes. Mort après 30 heures. Id. 15 minutes. Mort après 6 jours. Id. 30 minutes. Ne meurt pas. Id. 30 minutes. Meurt après 24 heures. Id. 1 heure. Meurt après 24 heures. Id. 1 heures 30 m. Meurt après 24 heures. Id. 3 h. excision et cautéris. Ne meurt pas. Id. 6 6 h. excision et cautéris. Meurt après 48 heures. Id. 6 7 h. 1/2 excis. et cautéris. Meurt après 44 heures. 3 (cheval) 73 h. caiitér. objective... Charbon s'éteint. Anesse. 73 h. cautér. objective.. . Tumeurs ch. disparaissent. Ils montrent que l'absorption du sérum virulent n'atteint, pas la rapidité maximum de l'absorption d'autres matières. On se rappelle que, sur les petits oiseaux, j'ai constaté, au bout d'une minute, des convulsions à la suite de l'in- sertion de quelques gouttes de solutum de sulfate de strychnine dans le tissu cellulaire. Il y a mieux encore, puisque, d'après Fontana, l'amputation de la patte de l'oiseau où a eu lieu l'insertion du venin de la vipère ne prévient pas l'effet du poison si elle est faite plus de quinze secondes après cette inser- tion . CHAPITRE XXXIX DE L'ABSORPTION INTERSTITIELLE OU DE LA RÉSORPTION L'absorption interstitielle est celle qui s'opère dans la trame des tissus, soit sur leurs propres éléments, soit sur les fluides qui les pénètrent. Elle donne lieu, dans toutes les parties de l'économie, à un grand nombre de phénomènes variés, non moins remarquables à l'état normal que dans certaines circonstances accidentelles. Indiquons les principaux de ceux qui se manifestent dans le tissu 150 DE l'absorption. cellulaire, le tissu adipeux, les muscles, les os, les glandes, la peau et les mem- branes muqueuses. L'absorption des fluides qui remplissent les aréoles du tissu cellulaire est nécessairement liée à une exhalation continuelle avec laquelle elle doit toujours être en équilibre parfait. Elle devient très active, et par conséquent très sensible, lorsqu'elle fait disparaître rapidement les œdèmes des parties déclives, les infd- trations des membres, les engorgements produits par les sinapismes ou les fric- tions irritantes, l'emphysème plus ou moins étendu, le sang infiltré des ecchy- moses, etc. Son activité est telle, dans ces circonstances, qu'elle réintroduit dans les vaisseaux la fibrine, l'albumine, la matière colorante du sang, aussi bien que l'eau et les sels de la sérosité. Dans le tissu adipeux, elle n'est pas moins manifeste. Ses effets peuvent être facilement appréciés au tissu adipeux sous-cutané, à celui des interstices muscu- laires, des cavités des os. Lorsque l'amaigrissement survient, on voit diminuer, puis disparaître les pelotes de graisse qui existent au-dessus de la base de la queue, à la pointe des fesses, sur les côtes et au poitrail. La bosse simple du dromadaire, les deux bosses du chameau s'affaissent et deviennent flasques, la queue énorme du mouton de Barbarie s'amincit, la partie supérieure de l'encolure du cheval perd sa mollesse particulière, le pannicule graisseux sous-péritonéal des ruminants perd de son épaisseur et se réduit presque à rien, les masses adipeuses qui enveloppent le rein se réduisent à de minces proportions, les mésentères deviennent transparents et montrent leurs nerfs, leurs vaisseaux à découvert. Les rubans de l'épiploon des carnassieVs et des ruminants se rétrécissent ; la graisse du canal médullaire des os longs, des aréoles des os courts, disparaît en partie ; l'os acquiert de l'aptitude à blanchir et ne se laisse plus facilement traverser par ce qu'il conserve après la mort. Mais cette absorption demeure très lente en quel- ques points; elle respecte une partie de la graisse des scissures du cœur, des coussinets de l'œil, delà fosse temporale, de la base de l'oreille, du pourtour de certaines articulations, de la face interne du canal rachidien. Dans le système musculaire, elle détermine, sous l'influence d'une alimentation insuffisante, d'une abstinence prolongée, d'une maladie organique, une atrophie plus ou moins prononcée. Elle amène le même résultat après que les vaisseaux les plus considérables ont été oblitérés plus ou moins complètement par des cail- lots, lorsque les nerfs des muscles ont été déchirés, coupés en travers ou para- lysés par une cause quelconque. On en voit des exemples frappants au larynx des solipèdes, même sans qu'il y ait une gêne marquée de la respiration ; à l'enco- lure, lors de certaines déviations latérales qui simulent des luxations, aux mem- bres dont quelques nerfs lésés ont produit des paralysies partielles. L'absorption qui s'exerce sur le système nerveux, quoique peu active, devient fort sensible dans certaines circonstances. Elle détermine fréquemment l'atrophie de la couche superficielle des corps striés, lorsqu'il existe, comme on le voit si souvent chez le cheval, de volumineuses concrétions du plexus choroïde. Elle donne lieu à une dépression au niveau des exostoses de la face interne du crâne ; elle creuse dans la substance des hémisphères, chez le mouton, dont le cerveau renferme des cœnures, une cavité d'abord très petite, puis successivement agran- AfiSORrTlON INTERSTITIELLE OU RÉSORPTION. 151 dio, jusqu'à atteindre les proportions de celle d'un œuf; elle réduit ù l'état d'un mince cordon grisâtre le nerf optique du cheval frappé depuis longtemps de cécité. Enlin elle fait disparaître les épanchenients sanguins formés au milieu de la subs- tance cérébrale, soit par suite de la rupture spontanée de quelques vaisseaux, Boit par l'effet d'une cause traunialique, A la peau, cette absorption reprend la matière jaune de la bile déposée pendant la durée de l'ictère ; elle détermine un amincissement, puis une perforation au niveau des abcès superficiels ; elle ulcère les parties qui correspondent aux tumeurs farcineuses; elle rapetisse les bords renflés, calleux des crevasses et des autres solutions de continuité qui vont se cicatriser ; elle amincit les cicatrices et en réduit progressivement l'étendue. Aux membranes muqueuses, elle se traduit par les ulcérations de la pituitaire du cheval morveux; par celles des lames du feuillet chez les ruminants, dans quelques rares circonstances, par celle de la muqueuse intestinale dans l'entérite, qui complique chez la vache la tuberculisation avancée du poumon ou des gan- glions lymphatiques. Cette absorption entraine l'atrophie périodique des cotylé- dons utérins des ruminants pendant les intervalles de la gestation, et leur dispa- rition complète à la suite de la métrite, provoquée par le séjour prolongé dans l'utérus d'un fœtus mort ou de ses annexes. Dans les viscères, dans les glandes, elle s'exerce souvent avec activité. Elle fait passer l'induration rouge du poumon à l'état d'induration grise, puis détermine la résolution de cette dernière. Elle réduit les engorgements du foie, et produit souvent une atrophie partielle de cet organe, comme on le voit fréquemment au lobe droit du cheval. Elle creuse la substance du rein autour d'un calcul, fait disparaître le stroma de l'ovaire transformé en kyste, réduit à de minces propor- tions le tissu de la mamelle, lorsque la sécrétion du lait se suspend, atrophie cette glande sur les femelles que l'âge rend infécondes; flétrit et rapetisse, con- sécutivement à la castration par torsion, le testicule énorme du bélier et du tau- reau. Elle fait disparaître le thymus, la membrane pupillaire atrophiée, un ovaire et un oviducte, chez les oiseaux, les corps de Wolf des mammifères, la queue des têtards, des batraciens, leurs branchies et leurs arcs branchiaux. Dans les os, l'absorption interstitielle est aussi manifeste qu'au sein des parties molles et des tissus les plus vasculaires. Elle s'y exerce de plusieurs manières, dont il suffit de considérer les principales. C'est elle qui creuse, chez le fœtus, un canal médullaire autour des vaisseaux nourriciers des os longs, qui agrandit insensiblement ce canal jusqu'à l'âge le plus avancé. Elle contribue à la formation des sinus des os du crâne et de la face, amincit et perfore quelquefois les cloisons qui les divisent. Elle enlève le diploé des os du crâne pressés de dedans en dehors par un cœnure ou par une tumeur; elle déprime les vertèbres contre lesquelles battent des dilatations ané- vrysmales, perfore les os du nez, longtemps soumis à une pression énergique de la muserolle du licol; elle enlève la garance déposée dans le tissu de l'os, réduit le volume des exostoses, fait disparaître, après la consolidation des fractures, le cal intérieur et extérieur, c'est-à-dire le cylindre solide formé dans le canal mé- dullaire, au niveau de la fracture, et la virole qui circonscrit cette dernière; elle 152 DE l'absorption. réduit insensiblement la masse des os anciens dans les séquestres, enlève les élé- ments terreux des os dans le rachitisme, l'ostéosarcome, etc. Cette résorption s'exerce jusque sur les parties les moins vivantes. Elle aplatit la racine des dents caduques comprimées lors de l'évolution des dents nouvelles, elle les creuse en divers sens, comme on le voit aux incisives du bœuf et du che- val; elle use, de la base vers la surface libre, les molaires caduques de ces mêmes herbivores, et les réduit à l'état de disques plus ou moins minces. Enfin, c'est elle qui détermine la résolution des tumeurs molles, ou indurées, des engorgements tendineux, des épanchements sanguins. Elle joue par là un grand rôle dans les actions médicatrices, comme dans les phénomènes réguliers de la nutrition. L'absorption interstitielle a pour agents les veines et les lymphatiques ; les premières seules dans les parties où les lymphatiques n'existent pas , les pre- mières et les seconds à la fois dans la plupart des tissus et des organes. Mais il n'est pas possible de préciser la part qu'y prend chacune de ces deux espèces de vaisseaux. Maintenant que nous avons passé en revue les diverses absorptions effectuées par les vaisseaux sanguins et lymphatiques, et celles des diverses surfaces ou des tissus, il faut en étudier les produits : la lymphe et le chyle. CHAPITRE XL DE LA LYMPHE La lymphe est, comme le chyle, un liquide de transition dont l'histoire a été semée d'une foule d'erreurs. Pour s'en faire une idée exacte, il faut éviter de la prendre, comme on l'a fait, soit dans le canal thoracique où elle est mêlée à du chyle et souvent à du sang apporté par le retlux, soit dans les vaisseaux du cada- vre où elle s'altère vite, ou enfin à la surface de certaines plaies qui la donnent plus ou moins impure. On doit la recueillir en établissant une fistule à un lym- phatique superficiel. Il est plusieurs régions où l'emploi de ce moyen, que j'ai imaginé depuis long- temps, est très facile. C'est dans la partie moyenne du cou que les beaux lymphatiques satellites de l'artère carotide se prêtent admirablement aux études. On incise la peau, puis le mastoïdo-huméral en avant delà jugulaire, et parallèlement à cette veine, puis on attire en avant le sterno-maxillaire de manière ù découvrir la face latérale de la trachée et de la carotide. Alors on passe une ligature autour des lymphatiques accolés à l'artère afin de les gonfler, on en ponctionne le plus dilaté, et on y introduit, du côté de la tête, le bout d'un tube d'argent que l'on maintient en place par un nouveau fil noué circulairement. A peine placé et tenu dans une direction convenable, ce tube se remplit et la lymphe vient perler, en belles gout- telettes, à son extrémité libre. L'écoulement devient abondant si on donne à manger à l'animal ou si, par tout autre moyen, on provoque le mouvement des CARACTÈRES PHYSIQUES DE LA LVMIMIE. lo3 iiKiL'lioires; il se conlinuc pendant des heures et. des jours pourvu qu"on évite les déplacements du tube et la coagulation de la lymphe dans sa cavité. On peut, de même, sur les grands animaux, établir des fistules aux lympha- tiques qui sortent des ganglions, préscapulaires, à ceux qui, à la cuisse, suivent le trajet de la saphène, et à quelques autres. La lymphe donnée par ces fistules est, sauf les premières gouttes qui balayent le tube, absolument pure. On doit, si elle est destinée à des études microgra- phiques, l'examiner à l'instant même de son extraction, et, pour cela, on en reçoit directement les gouttes sur des lames de verre. Il a été possible, sur l'homme, de la recueillir dans quelques circonstances. Sœmmering, Nasse, Krimer, l'ont obtenue par la ponction des dilatations vari- queuses des lymphatiques superficiels; d'autres l'ont recueillie sur des plaies de l'aine, de la cuisse ou du pied qui avaient intéressé quelques vaisseaux blancs; mais il est probable que cette lymphe a dû être, dans la plupart des cas, altérée par l'irritation ou mêlée à des produits pathologiques. I. — Gaeactères et peopeiétés physiques de la lymphe. Ce liquide, au moment de son extraction, est à peu près dépourvu de viscosité s'il coule librement; dans le cas contraire, il prend l'aspect oléagineux, mais avec lenteur, et se prépare à la coagulation. Sa coloration sur les animaux solipèdes est jaune citron ou jaune ambré; sur le bœuf, le mouton, le porc et le chien, elle est très pâle, à peine citrine. Cette teinte est sensiblement uniforme dans toutes les parties du système lymphatique d'un même animal. Néanmoins, et particulièrement sur les chevaux, la lymphe de la rate et des ganglions lombaires est légèrement rougeàtre. Gela s'observe si la rate a subi quelques froissements au moment de la mort, ou s'il y a altération du sang comme dans les maladies charbonneuses. La lymphe a une teinte rosée quand elle provient de régions congestionnées, enflammées, ou qui sont le siège de contusions, de déchirures vasculaires. Cette teinte rougeàtre, toujours anor- male, indique la pénétration du sang ou de sa matière colorante dans le système lymphatique, La teinte citrine de la lymphe est, quant à son intensité, toujours en rapport avec celle du sérum sanguin ou delà sérosité des diverses membranes séreuses. Elle est plus prononcée sur les solipèdes que sur tous les autres animaux qu'il m'a été possible d'observer, et à peine jaunâtre chez les ruminants et les carnassiers dont le sérum sanguin est toujours très pâle. Elle me paraît due à la matière biliaire qui colore le sérum et toutes les autres sérosités, car la hmphe donne, par l'acide azotique, les mêmes réactions que ces liquides. L'hématine, que quel- ques chimistes et micrographes admettent dans la lymphe, n'a pu être trouvée que dans les cas où ce liquide était associé à une certaine quantité de sang. La nuance de la lymphe éprouve peu de variations. Elle m'a semblé plus pâle chez les jeunes animaux qu'à l'âge adulte, plus aussi chez les sujets anémiques et infiltrés que dans les conditions normales. Je l'ai vue devenir opalescente sur ^54 DE l'absorption. un cheval gras au bout d'une très longue abstinence. Au contraire, sa teinte ambrée m'a paru exagérée sur les animaux ictériques. Sa saveur est salée, légèrement alcaline, à peu près comme celle du chyle et du sérum du sang. Son odeur est peu marquée pendant la vie ; elle rappelle quel- quefois, sur le cadavre, celle des parties d'où elle a été tirée. Sa densité est de 1022 d'après Magendie, celle de son sérum n'est que de 1009 à 1010 d'après M. Lassaigne. Elle a été trouvée plus grande par d'autres obser- vateurs qui ont probablement recueilli ce liquide goutte à goutte, et éprouvant par conséquent une concentration marquée. La lymphe jouit d'une coagulabililé très prononcée : aussi ses caillots obs- truent-ils bientôt les tubes adaptés aux vaisseaux si ces tubes prennent des posi^ tions capables de ralentir l'écoulement du liquide. En moyenne, elle ne met qu'un quart d'heure pour se coaguler : mais son caillot continue à prendre de la consistance jusqu'à la vingtième et la trentième minutes, quelquefois même encore après. Mais la coagulation peut s'opérer en un temps beaucoup plus court, si la lymphe est en très petite quantité ou si elle progresse lentement. Au contraire, il est des cas, sur les animaux très affaiblis, notamment sur les bêtes bovines, où je ne l'ai vue s'opérer qu'à peine en une heure. Leuret et Lassaigne disent qu'elle peut se faire dans le vide, dans l'hydrogène, l'acide carbonique, comme au contact de l'air, fait que je n'ai pas eu l'occasion de vérifier. Elle ne s'opère pas sensiblement dans les vaisseaux, soit sur le cadavre, soit pendant la vie. La remarque en a été faite depuis longtemps, et elle est en géné- ral très juste. Les ligatures appliquées sur les lymphatiques pendant douze à vingt-quatre heures ne la produisent même pas, quoiqu'elle se fasse assez vite dans les tubes adaptés aux vaisseaux dès que l'écoulement du liquide vient à être o-êné : Virchow explique cette particularité en disant que la fibrine, incomplète- ment formée dans la lymphe, a besoin du contact de l'air pour s'achever. On pourrait tout aussi bien l'attribuer à ce que, dans les vaisseaux, la plasmine ne subit pas les modifications qui la rendent aptes à se dédoubler en fibrine et en matière albumineuse précipitable par le sulfate de magnésie. Néanmoins, à la longue, la coagulation se produit quelquefois dans les vaisseaux. J'en ai vu un exemple dans le canal thoracique où la lymphe n'avait pas été altérée par le reflux sanguin. La coagulabilité de la lymphe est une propriété qu'elle présente dans tous les points du système, à compter des plus petits vaisseaux d'où il est possible de la tirer. Je me suis assuré maintes fois qu'elle existe bien manifestement dans celle des lymphatiques des régions digitées, métacarpienne ou métatarsienne des solipèdes, comme aux joues, près des lèvres, où se trouvent de gros vaisseaux qui n'ont point traversé de ganglions ; cependant elle paraît un peu plus mar- quée dans celle qui a traversé les glandes. La lymphe rougeâtre de la rate et des ganglions lombaires la possède à un haut degré. Elle est aussi plus prononcée qu'à l'état normal dans le cas de fièvre intense, de morve aiguë, comme M. Delà- fond l'avait d'ailleurs très bien noté. Lorsque la lymphe paraît coagulée, son caillot ne renferme pas tout d'abord la totalité de la fibrine ; car si l'on vient à exprimer ce caillot à la quinzième, à la CARACTÈRES MICROSCOPIQUES DE LA LYMI'IIE, lo5 vingtième et même à la vingt-cinquième minute, il s'en forme dans le sérum un second d'une faible consistance. Sous ce rapport la lymphe se comporte exacte- ment comme le chyle. Une fois ce caillot achevé, il conserve pendant plusieurs jours ses dimensions initiales, reste adhérent aux parois du vase et n'éprouve aucune rétraction com- parable à celle des caillots sanguins; mais pour peu que le vase soit agité, il s'en détache, devient irrégulier, filamenteux et nage dans le sérum ; il se réduit alors à de très faibles proportions. On a dit à tort que ce caillot devenait écarlate par l'action de l'oxygène, du sel marin, du nitrate de potasse, et brun sous l'influence de Tacide carbonique. Ces changements ne se produisent que dans la lymphe chargée d'une certaine quan- tité de sang. Dans celle qui est pure, non seulement le caillot ne rougit pas, mais il pùlit, blanchit légèrement, car il rassemble et retient les leucocytes. II. — Caractères microscopiques de la lymphe. La lymphe prise sur le cadavre, comme sur l'animal vivant, présente une seule espèce d'éléments figurés, les globules blancs, et de très rares particules grais- seuses. Les globules blancs ou leucocytes, dont Hewson paraît avoir le premier cons- taté l'existence, sont 'semblables à ceux du chyle. Ils sont de trois grandeurs, comme ceux de ce dernier liquide. Les uns, dépassant en diamètre les globules sanguins, ont de o à 8 millièmes de millimètre, souvent davantage. Les plus nombreux, égaux à peu près à ceux du sang, ont 5 à 6 millièmes de millimètre, les petits ont seulement de 2 à 4 millièmes de millimètre, et même moins : c'est à ces derniers qu'on peut réserver la qualification de globulins. Ils sont blancs et argentins comme ceux des chylifères, sphériques, d'aspect pointillé, susceptibles d'éprouver des déformations qui se produisent et dispa- raissent à la manière des expansions sarcodiques des infusoires. En examinant la lymphe vivante et chaude au' moment même où elle sort des vaisseaux, on voit ces globules se déformer rapidement, donner un prolongement qui s'agrandit, change de figure, puis un second et souvent d'autres qui rendent le globule étoile, hérissé, prolongements qui peuvent disparaître aussi vite qu'ils se sont formés. Ils ne se produisent pas dans la lymphe recueillie depuis un certain temps. L'ad- dition de l'eau, tout en donnant lieu au gonflement des globules, fait cesser le développement des expansions, et même efface celles qui existaient. Pendant que ces changements s'opèrent, on voit un certain nombre de globules qui crè- vent : leur contenu s'échappe et leur paroi se crispe. Du reste, ces globules sou- mis à l'action de l'acide acétique, des solutions alcalines et des autres réactifs, se abmportent comme ceux du chyle. II est à noter que les mouvements amiboïdes et les déformations qui en sont le résultat momentané, s'observent surtout dans les leucocytes de grandes dimensions ; ces changements d'état et de formes sem- blent indiquer des manifestations vitales dont le but probable est la segmentation ou la reproduction par une sorte de scissiparité. Leur constitution ne diffère pas de celle desglobules du chyle. Leur enveloppe, 156 DE l' ABSORPTION. indiquée par un contenu sombre, est susceptible de se dissoudre et de se déchi- rer. Elle renferme un liquide probablement visqueux dont la quantité augmente ou diminue par suite des actions osmotiques effectuées à travers la paroi. Au sein de ce liquide se trouvent des granulations inégales plus ou moins rapprochées et plus ou moins apparentes dont l'aspect se modifie avec une grande facilité. D'un côté, sous l'influence prolongée de l'eau ou de l'acide acétique, cet amas de gra- nulations se fractionne nettement en plusieurs petites masses sphériques, assez distinctes, devenant libres dès que l'acide a dissous l'enveloppe, et se dissociant si l'on exerce sur elle une certaine compression. Comme l'acide acétique en donne un peu plus que l'eau, Gh. Robin se refuse à admettre leur préexistence. Pour- tant elles semblent bien être des granulations nucléiformes simplement aggluti- nées et dont les réactifs facilitent la désagrégation. Je les ai toujours vues plus ou moins distinctement sur les globules encore vivants examinés dans la lymphe, non additionnée d'un liquide, et à l'instant de sa sortie des vaisseaux; elles m'ont constamment paru distinctes à la période des expansions sarcodiques comme après : aussi, quand l'enveloppe cellulaire se rompt, le contenu se trouve souvent, mais non toujours, fractionné, car ses différentes parties se tiennent agglutinées en raison de leur compression antérieure ou de leur viscosité. C'est là un point important sur lequel il faudra revenir à propos des mutations suc- cessives éprouvées par les fluides blancs. Indépendamment de ces granulations irrégulières, il y aurait encore au centre du globule un et quelquefois deux noyaux admis par Henle, par Valentin. par Virchow, etc., niés par Bischoff', Ch. Robin et par d'autres. On les dit arrondis, réguliers. Ils seraient susceptibles de se diviser en deux ou trois noyaux secon- daires. Je suis loin de mettre en doute leur existence car je les ai vus souvent : seu- lement ils ne m'ont point paru bien distincts des autres granulations de la cellule. La structure des globules moyens n'a rien de particulier. Ils sont, comme les premiers, sphériques, à contours réguliers, pâles, et ils ont une enveloppe cellu- laire, un contenu granuleux dont les réactifs modifient l'aspect, comme ils le font pour les grands leucocytes. Enfin, les plus petits globules, auxquels il faut conserver le nom de globulins, sont ou de simples noyaux ou de très petites cellules en voie de développement. Un examen attentif porte à croire qu'ils sont, pour la plupart, des granules iso- lés, de la nature de ceux que renferment les grands leucocytes. J'ai vu tant de fois de semblables granules s'échapper à travers l'enveloppe déchirée des leuco- cytes, qu'il ne me reste pas de doute sur leur nature commune. Ils deviennent très nombreux dans la lymphe en voie d'altération, et semblent un résultat de la destruction des globules parfaits. Mais, d'autre part, leur existence dans la lymphe qui s'échappe des radicules donne à penser qu'un certain nombre sont des granules destinés à constituer ultérieurement des globules à enveloppe. D'oi!i il suit que probablement, dans un échantillon donné de lymphe, une partie de ces granules n'a pas encore servi à former des globules, tandis que l'autre provient de globules détruits. Quoi qu'il en soit, ces divers globules et granules ont les caractères de ceux que nous retrouvons dans le sang où ils sont apportés par le canal thoracique. CARACTÈRES MICROSCOriQUES DE LA LYMPHE. 157 Nôuninoins ils no me paraissent pas avoir déjà dans la lymphe le degré de visco- sité qu'ils acquièrent dans le sang, car au milieu du premier liquide ils ne se rassemblent guère en masses de 10, U^ et même plus, commeils le font dansl'autre. Leur quantité est indéterminée et ne peut s'évaluer que d'une manière approximative. A l'aide de l'appareil Nachet, j'ai cherché à l'apprécier sui' un assez grand nombre d'animaux, dans des conditions variées. Pour cela, au lieu de prendre la lymphe sur le cadavre où ses globules sont inégalement répartis, dès qu'il y a un commencement de coagulation, je l'ai recueillie sur l'animal vivant à mesure qu'elle s'échappait des tubes d'argent adaptés aux vaisseaux lym- jtiiatiques. En la recevant parfaitement liquide et en petites gouttelettes dans une cellule de 1 dixième de millimètre de profondeur, je comptais les globules à l'aide d'un quadrillé de 2 dixièmes de millimètre de côté. J'ai constaté ainsi que la proportion des globules variait énormément suivant les animaux, et suivant les conditions physiologiques ou autres dans lesquelles se trouvaient les sujets examinés. Sur le cheval, la lymphe des vaisseaux de fort calibre, satellites de la carotide, lymphe qui a traversé plusieurs ganglions, offre en moyenne 4, d, 6, 8 et jusqu'à 10 mille globules par millimètre cube dans les conditions les plus com- munes. Parfois ce chiffre s'élevait à 15, même à 20 mille et plus ; mais dans quelques cas il descendait à 3, même à 2 mille. Lorsque la lymphe 'progresse rapidement et se produit en abondance sous rintluence de l'action musculaire, comme cela arrive pour les vaisseaux venant de la tête pendant la mastication, la proportion des globules, loin de diminuer, se maintient à un chiffre élevé ou augmente considérablement. Dans ce cas, le travail musculaire et les actions chimiques qui l'accompagnent, semblent être une cause d'hypergenèse globulaire. Toutes les causes d'excitation, soit des ganglions, soit des vaisseaux lympha- tiques semblent, au bout de quelque temps, accroître le nombre des globules. Ainsi, après une injection de charbon porphyrisé, ou de cinabre dans le tissu cellulaire, j'ai vu la quantité -des globules doubler et même tripler. Sur un che- val j'en ai compté, après 4 à 5 heures ou le lendemain, jusqu'à 25 et 27 mille par millimètre cube, alors que les autres vaisseaux, ceux de la rate, n'en offraient que 6 à 7 mille. Dans le cas où une partie du système lymphatique emprunte ses matériaux à des engorgements, la lymphe est beaucoup plus chargée de globules qu'ailleurs. C'est ce que j'ai vu au liquide des lymphatiques satellites de la saphène sur un cheval dont le membre postérieur était le siège d'un empâtement de nature far- cineuse. Une forte proportion de globules dans là lymphe m'a paru coïncidel' avec leur abondance dans le sang. Au moins j'ai constaté nettement ce fait sur un de mes chevaux d'expérience. Dès que leur quantité dépasse de beaucoup la normalcj dans tous les points du système, il se développCj chez les animaux, comme dans l'espèce humaine, ces états qu'on appelle leucocytose, leucémie, leucocythémie, dont l'étude est surtout du ressort de la pathologie. Les états dontil s'agit sOnt très nombreut. L'un d'eux. 158 DE l'absorption. fort commun sur les solipèdes,est la leucocytose morveuse, dans laquelle j'ai reconnu deux, trois, quatre, cinq fois autant de globules blancs qu'à l'état nor- mal ^ Ils sont dus très probablement à des causes multiples, parmi lesquelles l'irritation des vaisseaux et des ganglions tient le premier rang. En effet, j'ai vu, en injectant du charbon porphyrisé, du cinabre ou seulement de l'iodure de potassium dans le tissu cellulaire que, au bout de quelques heures, les vaisseaux provenant du lieu de l'injection charriaient une lymphe extrêmement chargée de leucocytes et qu'en outre ces leucocytes se trouvaient en abondance dans le tissu conjonctif, oii la matière étrangère avait été introduite. La détermination du nombre des globules de la lymphe ne peut se faire, avec un peu de précision, que sur l'animal vivant, par la méthode des fistules. Elle pourrait être tentée aussi sur les sujets expirants; mais elle ne donne plus de résultats exacts sur le cadavre dont la lymphe est en voie de coagulation, caries globules qui ne s'attachent point aux parois vasculaires sont retenus, en grande quantité, dans les caillots tibrineux les plus légers. Ainsi, sur un cheval mort depuis 6 heures, pendant que la lymphe encore fluide du gros intestin montrait 8700 globules par millimètre cube, celle du trajet inguinal 4 430, il n'y en avait que 1 700 dans la lymphe des parois abdominales et 730 dans celle de la saphène, en grande partie coagulées. Je résume dans le tableau suivant les résultats de la numération des globules lymphatiques sur une douzaine de chevaux. Pour chaque sujet les globules ont été comptés dans un très grand nombre d'échantillons recueillis soit le même jour, soit pendant deux, trois jours de suite, même pendant une semaine. Quant aux rapports numériques qui peuvent exister entre les globules lym- phatiques de moyennes dimensions et les petits ou les grands, ils peuvent être facilement déterminés sur le cheval. Le plus souvent les grands se trouvent dans la proportion d'un quart à un tiers ; quelquefois les premiers représentent jus- qu'à une moitié des seconds ; dans certains cas seulement un sixième ou un hui- tième. Les proportions des globules déformés on pourvus de prolongements ami- boïdes relativement aux réguliers sont plus variables encore. Dans certains cas on en trouve seulement de 1 à 5 pour cent, dans d'autres il y a un douzième, un dixième et assez souvent le quart ou même le tiers. Ces globules déformés abondent dans certaines maladies oi!i le système lymphatique est intéressé, je les ai vus aux lymphatiques de la saphène sur un cheval à éléphantiasis dans la pro- portion de moitié, et par moment des deux tiers : leurs prolongements se trou- vaient plus longs et plus nombreux que dans les conditions ordinaires ; mais leur pointillé était peu prononcé. La proportion des globules de lymphe est indéterminée dans les maladies et ne peut s'évaluer que très approximativement. Elle s'accroît beaucoup dans quelques conditions voisines d'un état pathologique et dans certaines maladies du système lymphatique. Ainsi, on en trouve énormément dans les vaisseaux 1. Voir à ce sujet mes communications sur la leucocytose, Bulletin de V Académie de Médecine, t. V, 2" série, 1876, p. 18, 92 et 115. C.\R.\CTERES MiCUOSCOPIQUES DE L.\ LYMPHE. 1-iO tuméfiés sui- les chevaux atloinls de larcin, comme DelaCond l'a observé le pre- mier. Toutefois, comme dans les lympiiatiques des cordes farcineuses, il y a une irritation aboutissant très vite à la pyogénie, les globules lympiiatiques se modifient très sensiblement, et, à un moment donné, ils sont plutôt des noyaux d'épithéliums vasculaires que de véritables globules de lymphe. Finalement, ils deviennent des globules purulents que les plus habiles inicrographes alle- mands, Yirchow ' enlre autres, trouvent exactement semblables aux globules de la lymphe, au point qu'il serait impossible de les en distinguer. Nombre de-< tjlobulex de bjmpJie ipar millimètre carré). Z '^ 1 ■2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 DÉSIGNATION DES ANIMAUX INDICATION DES VAISSEAUX NOMBRE MOYEN MIN. MAX. Cheval vio-oureux 1. du cou. Id. Id. I. du cou. Id. Id. Id. 1. du cou. Id. 1. du cou. Id. Id. Id- Id. Id. 1. intestinale. 1. du cou. Id. Id. 1. du cou. Id. 1. du cou. 1. du cou. 1. du cou. Id. l. de la saphène. 1. du cou. lym. rég. mamm. 1., trajet ing. 1. du colon. 1. de la rég. lomb. 5265 8125 6325 13284 9150 25900 27075 6728 7208 4927 10786 5866 4610 1)912 9837 8075 11604 20500 14.525 7550 5157 7169 17951 21400 8257 11950 10841 9645 4450 4250 8725 8150 3850 )) 4500 6075 » 5375 3500 5500 4000 3150 5750 7000 6800 13000 13000 5400 3414 2394 5500 20000 6042 8950 7350 6950 » 9600 29.250 12125 •>■> 9175 7375 15150 9750 7750 7900 11700 9000 23000 23000 16000 12600 6900 1041 24000 22000 15350 10000 15150 14450 7325 » » Le même, 6 h. plus tard.. Le même, le lendemain. . . Cheval faible leucémique. . Le même, au début Le même ' Le même, le lendemain... Jument '. La même, le lendemain... Cheval hongre Id. Séjour Id. 3« jour Id. 4"= jour Id. . 5" jour Id. 6' jour Le même, après la mort.. . J ument La même, 2<= jour La même. 3° jour Cheval entier Le même, 2'^ jour Cheval entier Cheval hongre ' Id. 2"= jour. . . . Cheval hongre Le même, 2' jour Cheval à élépliantiasis .... Cheval hongre Le même Chien Les divers globules dont il vient d'être question ont été considérés comme des éléments produits exclusivement dans les ganglions, quoique J. Millier les ait 1. Yirchow. Patholoyie cellulaire. 1^* édit., 1860. p. 125 à B7. 2. Quatre heures après une injection de cinabre et de charbon porphyrisé dans le tissu cellulaire de la face. 3. Quelques heures après une Injection d'iodure de potassium sous la peau de la résion faciale. 160 DE l'MjSORI'TION. \'us dans la lymphe avant son entrée dans ces organes, ils se forment probable- ment dans tontes les parties du système et dès les réseaux d'origine, car je les ai trouvés déjà fort nombreux dans la lymphe de la région digitée, conséquem- ment bien au-dessous des ganglions brachiaux et des poplités. Mais les esprits à qui les théories plaisent plus que les faits n'en peréistent pas moins dans leurs anciennes opinions. Quant aux globules rouges admis encore tout récemment dans la lyin|)he par des observateurs de mérite, ils ne s'y rencontrent jamais si elle est pure, sauf dans celle de la rate, et je puis affirmer ce fait d'après des centaines d'observa- tions. Ceux qui s'y trouvent mêlés par accident y deviennent souvent dentelés et y éprouvent une réduction de diamètre que Ch. Robin évalue à 1 ou 2 millièmes de millimètre. Les fines particules de graisse que le chyle laiteux contient si abondamment font à peu près défaut dans la lymphe à l'état normal. On y en trouve cependant un certain nombre, surtout lorsqu'elle tend à devenir un peu trouble, sur les animaux gras, sous l'influence de la résorption adipeuse que provoque l'absti- nence ou une maladie fébrile. Les bactéries linéaires et les bactéries granuleuses peuvent se montrer dans la lymphe chez les septicémiques et les animaux atteints d'affections charbonneuses. Je les ai trouvées dans ces deux circonstances, et en assez grand nombre, sur divers animaux. Tout récemment quelques observateurs, peu familiarisés avec ces études, ont prétendu en voir dans la lymphe des chevaux affectés de la morve et du farcin. Ils ont évidemment pris des globulins et des granules disséminés pour des bactéries punctiformes, et s'ils ont réellement vu des bactéries filiformes c'est dans la lymphe altérée par la décomposition cadavérique, car sur les ani- maux morveux et farcineux vivants ou abattus depuis peu, la lymphe de diverses parties, notamment celle des engorgements du cordon testiculaire, de la région sous-glossienne, etc., ne m'a jamais offert la moindre trace de ces productions. Dans certaines conditions anormales ou pathologiques, la lymphe peut éprouver quelques modifications. Je l'ai vue devenir presque incoagulable et très pauvre en globules à la suite de saignées très abondantes. Elle peut être associée à une matière blanche caséiforme, chargée de nombreux granules et de leucocytes hypertrophiés dans des vaisseaux irrités. On y a trouvé, au voisinage du cancer, des cellules épithéliales, des cellules cancéreuses. Sur les chevaux à mélanose généralisée, j'y ai constaté la présence de corpuscules pigmentaires et même de grosses cellules de pigment tout à fait intactes. lIL — Caractères chimiques et composition de la LYMi»HEA La lymphe; qui provient du sang et qui y retourne, renferme la plupart des inatériaux plasmaliques du liquide essentiellement nutritif. Elle contient de 913 à 969 millièmes d'eau, soit une quantité moins variable que celle du chyle. Elle en offre le maximum dans les cas où elle marche très vite, et le minimum dans ceux où elle progresse avec lenteur. La fibrine s'y trouve dans la proportion ihoyenne de 1 à 3 millièmes à l'état CARACTÈRES CtilMIQUES ET COMPOSITION DE LA LYMPHE. 161 iiuriiial. Elle est plus élastique, plus tenace, moins soluble que celle du cliylc. Sa quantité augmente dans la lymphe qui a traversé les ganglions et surtout dans celle qui est parvenue au canal thoracique où le reflux peut apporter du plasma sanguin. Elle devient énorme, d'après les études de M. DelaCond^, sur les chevaux atteints de morve aiguë, et aussi, alors, la lymphe est beaucoup plus coagulable qu'à l'état normal. La fibrine de la lymphe, comme celle du chyle et du sang, paraît provenir du dédoublement spontané de la plasmine ou matière fibrinogène. Cette plasmine, ainsi qu'on l'a vu, se précipite quand on ajoute du chlorure de sodium pulvé- rulent à la lymphe recueillie sur une solution de sulfate de soude. Redissoute dans l'eau, la plasmine se divise en deux parties : l'une qui se coagule en fila- ments et représente la fibrine ordinaire, l'autre qui reste dissoute. Cette der- nière, qualifiée du titre de fibrine soluble, se distingue de l'albumine proprement dite, avec laquelle elle est confondue, en ce qu'elle se coagule par le sulfate de magnésie qui est sans action sur la véritable albumine. La fibrine est donc, dans la lymphe, à un état semblable à celui où elle se trouve dans le sang. Elle s'y forme, après l'extraction du liquide, par le fait du dédoublement delà plasmine, dédoublement effectué surtout au contact de l'air. L'albumine se trouve, dans la lymphe, en quantité variable de 22 à 67 mil- lièmes, ou dans un rapport qui oscille de 1 à 3. Cette quantité s'est trouvée dans les analyses de Wurtz toujours inférieure à celle qu'a donnée le chyle d'un même animal pris au même moment ; elle représente, terme moyen, la moitié de la. quantité contenue dans le plasma sanguin. Sous cette dénomination se trouvent comprises, outre l'albumine coagulable par la chaleur, l'albumine résultant du dédoublement de la plasmine, l'albumine coagulable par l'acide acétique et par l'alcool, l'albuminose ou peptone que précipitent les sels métal- liques, enfin la caséine que les chimistes ne dosent pas à part. Il serait fort inté- ressant de connaître les proportions relatives de ces diverses variétés. Sans recourir à des pesages minutieux, il est facile de voir que l'albumine et la caséine y sont moins abondantes que dans le chyle. L'albumine de la lymphe est toujours associée, d'après Nasse, à une notable proportion de soude. La proportion de graisse n'y varie pas moins que celle des éléments protéiques. Parfois, elle est inférieure à 1 millième ; mais elle peut s'élever à 2, 3 millièmes et plus. Si quelquefois la lymphe en a présenté davantage, c'est qu'elle a été recueillie à un état de pureté douteux, entraînant avec elle de la graisse des tissus ou de la graisse du chyle, lorsqu'elle a été tirée du canal thoracique. Cette graisse a ceci de particulier qu'elle s'y trouve saponifiée par les alcalis et par con- séquent dissoute, au lieu d'être tenue en suspension sous forme de fines parti- cules, comme dans le chyle. Il en résulte que la lymphe peut en contenir une grande quantité tout en demeurant transparente, néanmoins la graisse n'est pas toujours saponifiée en totalité ; dans la lymphe la plus limpide, on en trouve î. Delafond, Traité de pathologie générale des animaux domestiques, 2= édit. Paris, 1855, p. 582). 0. COLIN. — Physiol.comp., 3^ édit. II. — H 182 DE l'absorption. , quelques rares el liiies particules. Celles-ci deviennent fort nombreuses sur les animaux gras que l'on fait jeûner. J'ai constaté ce fait, nîême au trentième jour de l'abstinence, sur un cheval d'un embonpoint considérable. La lymphe renferme aussi du sucre fermentescible dont j'ai signalé le premier la présence normale et constante, dès 1855 ^ sur les carnivores comme sur les herbivores. Ce sucre s'y trouve, d'après mes recherches, dans la proportion de 1 à 1 millième et demi, ou, plus exactement, de 1 gramme à \ gr. 60 pour 1 kilogramme de lymphe. Wurtz a confirmé ce fait qu'on s'était plu à contester dans l'intérêt d'une théorie insoutenable. L'urée s'y trouve, d'après les analyses de Wurtz, sur le cheval, le bœuf et le chien, dans la proportion de 0,16 à 0,21 pour 1000, par conséquent supérieure à celle qui existe normalement dans le sang. L'acide formique, l'acide lactique y ont été trouvés également par ce savant chimiste" dans les nombreux échantillons que je lui avais remis. Les diverses matières extraclives y sont, d'après Lehmann, en quantité plus grande que dans le sang. Les sels de la lymphe sont : le chlorure de sodium, qui est le plus abondant, 4 à 6 grammes par 1000, le chlorure et les carbonates alcalins, le phosphate de chaux, les sulfates alcalins, etc. Lehmann y indique l'existence de sels ammonia- caux. La quantité absolue et les proportions relatives de ces sels ne sont point les mêmes que dans le chyle et dans le sang. L'alcalinité constante de la lymphe est due au carbonate de potasse, aux car- bonate et phosphate de soude qu'elle renferme en petite quantité. En somme, la composition de la Ivmphe que je résume dans le tableau sui- vant, oiî sont réunies la plupart des analyses données, est essentiellement mobile et variable, suivant les conditions où se trouve l'organisme, car elle tire ses matériaux du sang et des tissus, des produits de sécrétion dont la composition est également instable. Sous ce rapport, la lymphe ressemble au chyle dont les caractères sont subordonnés à la nature des aliments offerts à l'absorption intes- tinale. Il est hors de doute que ses variations principales doivent dépendre sur- tout de celles du sang et marcher parallèlement avec elles. Un certain nombre peuvent résulter de l'état général de la nutrition et des maladies. Gollard de Martigny en a signalé quelques-unes dérivées de l'abstinence. Wurtz en a trouvé de très notables sur un cheval privé d'aliments pendant un mois. Des études suivies dans cette voie offriraient un très grand intérêt. Mais, quelles que soient ses variations, la lymphe ne perd jamais ses attributs essentiels au point de vue de sa composition comme sous le rapport de ses carac- tères physiques et micrographiques ; elle conserve toujours ce qui en établit l'identité. D'ailleurs sa constitution demeure constamment à peu près semblable à celle du chyle, ce qui explique l'aptitude commune de ces deux liquides à renouveler le plasma sanguin ; le premier, qui dérive en grande partie du sang, 1. G. Colin, Dp. l'oriijine du sucre contenu dans le chijle {Comptes rendus de VAcad. des sciences , \mi\ 1855, et Journal de laphysiol. de l'iiomme et des animaux). — A. Wurtz, Note écrite du 22 mars 1858, citée par Longet, Traité de pJajsioL^ 1. 1", p. 448, 3^ édit. 2. Communication citée plus haut dans Longet, t. TH. MMMMAOK VOI.I.ISO.IlVdi o L^ T' L- CM » «O fN ^ -tl C t>' ■— 1 ~ o o o o .H -__,' Vivante, régime du fourrage. Lympha- tiques du cou. es 955.38 2.20 31.76 0.24 7.41 O o o o o O ; = Vivante, nourrie de foin et de paille. Lympha- tiques du cou 967.10 1.10 22.29 0.61 8.87 o o d o o 05 < ca < 5 > Lympha- tiques du cou. H «a 938.97 2.05 50.90 0.42 7.04 o o o o 00 z ïué après le repas. <3 .„ S -^ » to - 35 905.36 1.20 27 59 t faces. 5.85 o o d o o f— 1 t- ti Vivaut après 30 jours d'abstlocnce Lympha- tiques du cou. 3 ^ 913.52 0.08 77.26 0.68 8.45 o o d o o 6 CHEVAL Tué après 2i' heures de jeilne. X '3 o Z Isa 961.00 2.50 27.50 9.00 o o d o lO ^ jT Lympha- tiques du cou. 925.00 3.30 57.36 11.34 o o o o o «* se < Canal thoracique. t3 926.40 4.20 61 00 8.40 o o o o o 00 £ 5 ù Plaie aux lympha- tiques de l'aine. z H f^ ^ m S » O = O O 939.87 6.56 42.75 3.82 7.30 o o csi a _5 .« ui es Jg c 3_ Q, ÎMabchand ET COLBERT 969.26 5.20 7.46 2.64 15.44 o o d o o 1— ( «ri a Après la mort précédée d'abstinence Canal thoracique. Lhéhitier 924,30 3.20 00.02 5.10 8.25 o o d o o O a, CONDITIONS DANS LESQUELLES LE LlnUIDE . A ÉTÉ RECUEILLI 2 -_a ANALYSTES ■£ a5 > "S es X "S a ce 16-' DE l'AIîSORPTION. en redevient peu après l'un des facteurs, le second, quoique émanant de l'ali- ment, est un autre facteur du sang au même titre que le premier. Ils sont équi- valents eu égard à la sanguification. Le tableau suivant en donne la preuve au premier coup d'œil. Composition de la lymphe et du chyle pris simultanément sur le même animal. (Analyses de WuuTZ.) Eau , Fibrine.. . Albumine Graisse. .. Sels ANE tué eu pleine digestion. Analyses de Rees. Chyle. 902.37 .3.70 50.81 36.01 7.11 Lymphe, 965,36 1.20 27.50 ti-aces 5.85 TAUREAU vivant, en pleine digestion. Analyses de WoRTZ. Chyle. 929.71 1.96 59.64 2.55 6.12 Lymphe. 938.97 2.05 50.90 0.42 7.63 VACHE vivante. Analyses de WÛrtz. Chyle. Lymphe. 962.21 967.10 0.93 1,10 26.48 22.29 0,49 0.61 9,89 8.87 VACHE vivante. Analyses de WuiiTZ. Chyle. 951.24 2.82 38.84 0.72 6.36 Lymphe. 955 38 2.20 34,76 0.24 7,41 CHAPITRE XLI DU CHYLE On désigne sous ce nom le liquide puisé dans l'intestin, pendant la digestion, par les villosités, transporté par les vaisseaux lactés dans le canal tlioracique et, de là, versé dans le système sanguin général. C'est un liquide primordial, résultant des élaborations digestives, qui repré- sente, sous une forme définie et nouvelle, une fraction de la matière alimentaire. La première métamorphose de celle-ci donne le chyme, l'albuminose, les peptones ; la seconde donne le chyle, la troisième le sang, la quatrième les tissus, et la der- nière les produits de sécrétion et de désassimilation. Le chyle est le sang en voie d'évolution, un sang transitoire. 11 est clair que, dans les espèces inférieures où il n'y a pas de cavité diges- tive, ni par conséquent d'élaborations alimentaires, la matière réparatrice absorbée a, tout en entrant dans l'organisme, la forme qui la rend apte à servir à la nutri- tion. Dans les animaux plus élevés où la cavité digestive existe, mais sans vais- seaux, les produits de l'élaboration peuvent, à leur sortie de cette cavité, prendre la forme et le nom de chyle ; enfin, dans la généralité des invertébrés pourvus seulement de vaisseaux sanguins, les produits de la digestion, quoique pris DU CHYLE. i6î) directement par ces vaisseaux et immédiatement mêlés au sang, n'en constituent pas moins, chimiquement et pliysiologiqueinent, un véritable chyle. Chez les vertébrés ovipares pourvus de deux ordres de vaisseaux aptes à fonc- tionner parallèlement, les produits de la digestion entrent dans ces deux voies à la fois. Une partie de ces produits s'engage dans les veines mésaraïques, l'autre dans les chylil'ères. Quelles que soient leurs proportions relatives, leur forme en bloc, la figure de leurs éléments microscopiques, ils n'en sont pas moins iso- mères, de nature et de destination physiologique semblables. On doit donc entendre, par cette expression de chyle, l'ensemble des produits digestifs absorbés tant par les vaisseaux sanguins que par les lymphatiques; mais pour l'étude physique et chimique, il faut considérer seulement la partie prise par les vaisseaux chylifères et complètement isolée du sang, celle, en un mot, qui se présente à l'état de liquide blanc chargé de globules spéciaux. FiG. 136. — Appareil pour recueillir le chyle sur le bœuf (*). Pour obtenir du chyle à soumettre aux études micrographiques et chimiques, il y a plusieurs moyens à employer. Le procédé ordinaire consiste à prendre le contenu de la citerne de Pecquet sur les animaux que l'on tue en pleine diges- tion. Un second consiste à établir une iistule au canal thoracique, dont on recueille les produits pendant le travail de la digestion intestinale ; ces deux-là ne donnent que du chyle mêlé à une certaine quantité de lymphe. Enfin un troi- sième, que j'ai employé le premier, est celui de la fistule pratiquée au canal chy- lifère mésentérique des ruminants : il donne seul du chyle pur. Lorsqu'on veut obtenir du chyle par ce moyen, on couche le ruminant (bœuf, mouton, bouc) sur le côté gauche, et après avoir incisé les parois du flanc droit sur une étendue de 10 à 20 centimètres, suivant la taille des sujets, on ouvre le (*) L'intestin et les jros vaisseaux chylifères sont vus par transparence dans la cavité abdominale. Un tube d'argent, prolongé par une petite sonde flexible de caoutchouc, est fixé à l'un de ces vaisseaux ; au-dessous, une capsule dans laquelle tombe le chyle. 1B6 ">^ f- AUSOHI'TION. sac épiploïquo qui contient l'intestin, et on cherche les gros chylifères qui lon- gent l'artère mésentérique. Une fois qu'ils sont trouvés, on y applique une liga- gature qui en détermine très vite la distension. On incise alors le principal au-dessous de la ligature et on y engage un petit tube d'argent prolongé par un second de caoutchouc qui doit être amené au dehors. Le tube étant convenable- ment dirigé, de manière à ne pas former de coude avec le vaisseau , ne tarde pas à se remplir de liquide et à le verser à l'extérieur. Dans le cas où l'on n'a à recueillir du chyle que pour les études microscopiques. r)n peut se borner à le prendre sur les animaux sacrifiés en pleine digestion, dan? le .-anal cliylifèce que l'on aura fait gonder pur une ligature, ou sur les carni- \..^^•^ flMIl:^ \e> gr<>> LirtllItMllS i\^- lil r (Hn!,!:. Si, généralement, le chyle se montre dans les vaisseaux du mésentère sous l'aspect d'un liquide blanc, opaque, lactescent, il est loin de présenter toujours les mêmes caractères. Son aspect physique n'est pas ce qu'il a de plus caracté- ristique. Le chyle est d'un beau blanc, mat ou laiteuv chez les carnassiers tan qu'ils se nourrissent de chair; il l'est chez les rongeurs qui vivent de graines ou de fruits oléagineux, chez les herbivores, les carnivores et chez l'homme s'ils con- somment des aliments chargés d'une forte proportion de matières grasses, et enfin chez tous les jeunes mammifères pendant la lactation. Il devient également très blanc chez les taureaux, les moutons et les boucs que l'on réussit à nourrir exclusivement de chair. J'ai constaté ce fait dans plusieurs expériences. La lactescence du chyle s'observe encore sur les animaux carnassiers privés de pancréas, et sur les herbivores au régime des tourteaux, alors que le fluide pan- créatique coule à l'extérieur. Dans les conditions ordinaires, je l'ai vue assez marquée chez les carnassiers, même un ou deux jours après la dernière diges- tion, tant qu'il restait un peu de graisse dans l'intestin. La couleur blanche du chyle ne dépend donc point de la nature animale, végétale ou mixte des aliments ; elle est subordonnée à la proportion de graisse qu'ils contiennent. Le chyle la prend dès qu'il se montre dans les villosités et dans les réseaux de l'intestin. Sa couleur blanche peut présenter diverses nuances. Le blanc de lait est très pur chez la plupart des animaux à la mamelle et chez les carnivores exclusive- ment nourris de chair. Le blanc est moins intense quand l'opacité du liquide diminue, c'est-à-dire à mesure que la proportion de graisse se réduit et que celle de l'eau augmente ; ce blanc est légèrement safrané chez le poulain à la mamelle, et chez tous les solipèdes qui reçoivent de fortes rations d'avoine. Chez les rongeurs, lapins, cochons d'Inde, rats, le chyle est d'ordinaire sim- plement opaUn et sans opacité très marquée. Il prend le même aspect chez les carnassiers soumis à une alimentation végétale. 11 est à peine trouble et d'une teinte safranée, tirant sur celle du foin, ou rap- pelant celle du sérum du sang et de la lymphe chez les solipèdes nourris de fourrages. La paille le rend plus clair, comme le font les racines aqueuses ou PROPRIÉTÉS rUYSIQUES DU CHYLE. 167 los tiibc'i'cules lie [loinincs de terre. Mais l'avoine, le maïs et tous les résidus de graines oléagineuses le rendent opaque, au point de lui donner, s'ils sont con- sommés en grande quantité, l'aspect lactescent du chyle des carnivores. Le chyle des grands ruminants est jaune verdùtre, celui du moutoii et de la chèvre ne l'est pas sensiblement. Ces dilïérentes nuances jaunes et verdàtres tiennent à deux causes ; d'abord à ce que la lymphe intestinale, toujours plus ou moins colorée, s'est mêlée en cer- taine proportion au chyle dans les parois du tube digestif, ensuite au passage dans ce liquide des matières colorantes des aliments végétaux, principalement de la chlorophylle. .Vussi le sérum qfii tient en dissolution ces matières est-il .Jinbré sur les animaux qui \ivent i\u foin de prairies, et d'un vert absinihr ilic/ .^eu\ qui fout usage de luzerne sèche, dont la teinte verte est [Aui foncée Le chyle perd son opalinilé, devient lin^pide. transparent, tout en conservant une nuance jaune verdcitre sur les bétes bovines dont la digestion est suspendue par défaut de rumination, ou sur celles dont la panse ne contient plus, à la suite de l'abstinence, qu'une faible quantité d'aliments délayés, ou encore sur les bètes souffrantes qui, sans digérer, absorbent de grandes masses d'eau. Il la perd en- core, à un certain degré, chez les animaux dont la muqueuse intestinale, plus ou moins phlogosée, absorbe difficilement les matières grasses. La couleur du chyle, quelle qu'en soit la nuance, est fixe : elle ne change point au contact de l'air, ni même par le fait de la décomposition commençante: seu- lement l'opalinité se prononce à mesure que le liquide se refroidit et qu'il se coa- gule, et cela peut-être en raison de l'opacité que tend à prendre la fibrine sous l'influence de la coagulation, et de celle que les graisses acquièrent par un abais- sement de température. Dans aucun cas le chyle pur des parois intestinales, des lactés du mésentère, ne présente de teinte rosée ni n'en acquiert par son exposition ou son agitation à l'air. Tout ce que Reuss, Emmert, Tiedemann, Gmelin et la plupart des physiologistes ont dit ou répété de la coloration rosée, prise insensiblement par le chyle exposé au contact de l'air, repose sur des illusions et des erreurs d'obser- vation. Ce qu'ils ont avancé sur les variations que cette teinte vermeille éprou- verait suivant les points où ce liquide est pris et suivant la nature des aliments dont il provient, ne s'applique pas à du chyle pur. J'ai relevé ces erreurs dès la première édition de ce livre, et particulièrement dans un long travail sur le sys- tème lymphatique*. Si l'on trouve souvent dans le canal thoracique du chyle d'au- tant plus rosé qu'il se rapproche plus des sous-clavières, si on l'a vu encore un peu rosé dans le réservoir sous-lombaire, c'est que le sang reflue dans le canal, et même dans la citerne, au moment de la mort, et quelquefois pendant la vie. Si la teinte de ce chyle s'avive au contact de l'air, c'est uniquement parce qu'il con- tient une certaine quantité de globules sanguins dont le reflux l'a chargé. Ceux-ci peuvent être en fort grand nombre, quoique la teinte rosée soit très faible. Ils sont si bien la cause de la coloration vermeille que si l'on retire le caillot dans lequel ces globules sont emprisonnés, le chyle se retrouve blanc ou opalin. Mais 1. G. Colin, Rechei'ches expérimentales sur les fonctions du système li/mphatique, Mémoire présenté à l'Académie des sciences, avril 1858. 168 DE l'absorption. tel est l'empire de Terreur dont on a été bercé, quelle peut aveugler indéfini- ment même les hommes les plus éclairés : ainsi Longet déclare qu'il se gardera bien d'abandonner ses anciennes croyances. La laclescence et l'opacité du chyle dépendent uniquement de la présence de la graisse tenue en suspension dans ce liquide, sous forme de particules extrê- mement fines; elles sont d'autant plus prononcées, en effet, que la quantité de graisse est plus grande, et elles manquent quand l'analyse chimique n'indique pas de trace de cette substance. D'ailleurs, si l'on agite du chyle très blanc, non encore coagulé, avec deux volumes d'éther sulfurique, le mélange perd immédia- tement sa lactescence. Les globules ne me paraissent contribuer en rien à la blancheur du chyle, contrairement à l'opinion de Rees et de beaucoup d'auteurs : car, d'une part, le chyle sans graisse n'a pas de teinte opaline bien qu'il con- serve des globules, et, d'autre part, le chyle gras conserve son opacité sans modifications notables, bien que ses globules soient retirés avec le caillot ou précipités au fond du vase. Chez les vertébrés ovipares le chyle ne paraît pas offrir ces variations de blan- cheur et d'opacité qui correspondent à la quantité de graisse offerte par les ali- ments. Hevvson et Lauth l'ont trouvé clair chez les oiseaux, et Milne Edwards ^ pense qu'il est généralement tel chez tous les ovipares. Cependant G. Duméril l'a vu blanc sur une pie. Hewson sur le crocodile et Duvernois sur un trigono- céphale. Quant aux teintes ambrée, safranée, verdâtre, qu'il peut offrir à un certain degré, elles paraissent avoir deux causes, savoir : la présence de la matière jaune qui colore le sérum du sang, les sérosités diverses, et celle des matières vertes des aliments végétaux. Aussi ces teintes sont-elles constamment en rap- port, d'une part avec l'intensité de la teinte propre du sérum sanguin ou lym- phatique, d'autre part avec la coloration des aliments végétaux. L'odeur du chyle est peu marquée sur de petites quantités, mais très appré- ciable sur de grandes masses. Elle est variable suivant les animaux. Dans aucun cas elle ne m'a paru spermatique, quoi qu'en disent les auteurs. Elle rappelle l'odeur propre à l'animal ou à sa transpiration. L'action de la chaleur, portée à oO et à 100 degrés, l'exagère et la rend toujours très sensible. C'est l'odeur du chien dans le chyle de cet animal, celle du suint et de la toison chez le mouton, de la bouverie chez les bêtes bovines. Déjà Vauquelin avait reconnu l'odeur du chyle du cheval par l'addition de quelques gouttes d'acide sulfurique, et sa remarque s'applique à tous les animaux. Cette odeur est due à la présence d'acides gras volatils, assez nombreux, que Wurtz est parvenu à isoler sur des masses énormes de chyle de divers. animaux que j'ai mises à sa disposition. Les chan- gements de régime ne m'ont pas semblé la faire varier sensiblement sur la même espèce animale. La saveur du chyle est salée ; elle diftëre un peu suivant les espèces, mais pas assez pour qu'il soit possible de bien distinguer les provenances du liquide. Elle tient surtout au chlorure de sodium et aux sels alcalins. 1. Milne Edwai'ds, Leçons sur lapliysiol. et l'anat. comp., t. VII, p. 173. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DU CHYLE. 169 La Ihiidité et la consistance du chyle, au moment de son extraction, ne sont point invariables. En général, ce liquide, pris dans les vaisseaux, est moins épais, moins visqueux que le fluide mixte du canal thoracique. Il est plus chargé de principes salins vers la tin de. la digestion qu'au début, plus sur les carnassiers que sur les herbivores. Ces différences, d'ailleurs très légères, dépendent des proportions de la fibrine et de l'albumine, La densité de ce liquide est supérieure à celle de la lymphe, mais beaucoup plus faible que celle du sang. D'après Marcet, celle du sérum du chyle, dans le canal thoracique du chien, serait de 1021 à 1022 ; celle du chyle entier du tau- reau a été trouvée de 1013 par M. Lassaigne. Il possède, comme la lymphe et le sang, la propriété de se coaguler ou de se prendre en masse après avoir été extrait des vaisseaux. Cette faculté lui appar- tient dans tous les points du système chylifère ; entre l'intestin et les ganglions, dans les ganglions, entre ceux-ci et la citerne, comme dans la citerne même et dans le canal thoracique. Si on l'a cru incoagulable avant son passage dans les glandes mésentériques où l'on suppose qu'il prend sa fibrine, c'est qu'on n'en a pris dans ces points que des gouttelettes dont la coagulation n'est pas toujours facile à constater. Il résulte de mes expériences que^ contrairement à une opinion mise en vogue par les physiologistes allemands, le chyle est coagulable avant d'avoir traversé les glandes du mésentère. •Reçu dans line' éprouvette ou dans tout autre vase de faible capacité, il s'épaissit promptement sans devenir, à proprement parler, ni visqueux ni fdant ; Use trouble, son opalinité augmente ; il prend l'aspect d'une gelée qui se fige. Après dix à douze minutes, la coagulation est déjà avancée ; elle est plus pro- noncée à la A'ingtième, mais c'est seulement dé la vingt-cinquième à la trentième qu'elle s'achève. Alors le caillot est ferme, et il se maintient entier, bien qu'on incline le vase ou qu'on lui imprime de légers mouvements. Toutefois, à compter de ce moment, la consistance du caillot augmente, même pendant une heure ou deux, par suite de la coagulation très lente des dernières portions de la fibrine ; ce qui le prouve, c'est qu'en retirant le caillot au bout d'une demi-heure, le sérum, mis à part, donne un nouveau coagulum encore assez considérable. Du reste, le temps nécessaire à la coagulation complète varie suivant la prove- nance du chyle, le volume de la masse recueillie, la rapidité de l'écoulement, celle du refroidissement, la température ambiante, etc. Ainsi, le chyle se prend d'autant plus vite qu'il coule avec plus de lenteur, que les vases de réception ont plus de surface, qu'ils sont moins agités. Tout mouvement brusque détache le caillot, en voie de formation, des parois auxquelles il adhère, et le fait flotter au sein du liquide ; il fait perdre au caillot définitif son homogénéité. La coagulation, lente ou rapide, ne s'effectue pas uniformément dans toute la masse ; elle commence au fond, sur les parois latérales du vase et à la surface du liquide, à peu près comme la solidification de diverses substances fondues dans un creuset. Les premiers filaments fibrineux forment un lacis sur lequel se déposent des filaments nouveaux. Une fois qu'elle est achevée, le coagulum rem- plit complètement le vase, adhère à ses parois jusqu'au début de la décomposi- tion putride, sans subir de retrait analogue à celui du coagulum sanguin. L'agi- 170 DK L'AnSOHl'TION. tation seule du fliyle, ('Hoctiiéc surtout vers la lin de la. période de coagulation, détermine le détachement et le retrait du coagulum qui se réduit bientôt en une petite masse irrégulière et llottante dans le sérum. Ce que quelques observateurs ont dit de la séparation spontanée en caillot et en sérum, au bout de cinquante à soixante minutes, ne s'applique qu'au chyle pris dans les vaisseaux un certain temps après la mort, et à celui dont la coagulation est troublée par des secousses. La coagulabilité du chyle est souvent plus prononcée chez les herbivores, dont les aliments sont cependant moins riches en matières azotées ou flbrinogènes, que chez les carnassiers. Au moins, c'est ce (jue j'ai vu avec étonnement en com- parant le chyle du cheval, de l'riue, du taureau, de la vaciie à celui du chien on du chat, TiedemaiHi et (iuielin, eu taisant leurs oltserviitioiis sur le liquide mixie du canal thoracique, avaient déjà noté cette diilércnce qui leur ti paru très grande parce qu'ils prenaient, notamment sur le cheval, dans le canal thoracique, im liquide très chargé de lymphe et mêlé à une forte proportion de sang. Elle aug- mente parallèlement à l'activité du travail digestif et à la quantité de matières versées dans l'intestin. Au contraire, elle s'affaiblit quand la rumination est suspendue, et sur les animaux dont les matières intestinales sont très délayées, comme sur les sujets affaiblis à la suite de longues opérations chirurgicales. Alors le chyle des bètes bovines ou ovines ne contient plus que des traces de librine, d'albumine, il ne semble être que de l'eau tenant en dissolution quel- ques sels. La coagulation du chyle à l'intérieur des vaisseaux, où il peut être retenu exceptionnellement sous l'influence de causes mécaniques, se fait très lentement. Elle ne s'effectue pas encore dans les douze à vingt-quatre heures qui suivent la ligature du canal thoracique. Je ne l'ai jamais constatée non plus dans les chyli- fères, sur les cadavres d'animaux tués pendant la digestion. C'est par erreur que Gruikshank l'indique comme un phénomène ordinaire chez l'homme et les animaux. Il n'en est pas de même pour le contenu mixte de la citerne et du canal thoracique qui se coagule constamment sur le cadavre, et, d'autant mieux, qu'il s'est fait un reflux sanguin plus considérable, lors des dernières secousses de l'agonie. Toutefois, pendant la vie, la coagulation dans le canal thoracique ne se pro- duit pas en un ou deux jours, car si, après ce délai, on ôte la ligature placée près de l'insertion du conduit, le chyle coule comme auparavant. Si, néanmoins, un Coagulum fdamenteux s'y est formé, il se resserre et n'empêche pas le chyle de couler autour de lui. La coagulabilité du chyle, d'autant plus prononcée que le chyle se rapproche plus de son point de déversement dans le système sanguin, tient évidemment, comme celle du sang, à la présence constante d'une certaine quantité de fibrine ou de matière llbrinogène. Il est probable que cette matière n'est pas différente de celle que, dans le sang, Denis' a appelée plasmùie, laquelle se dédouble sponta- nément en donnant d'un côté de la fibrine, de l'autre une certaine quantité d'al- bumine. Si, en effet, on traite du chyle encore liquide par une solution de sulfate 1. Denis, Memoii-c sur icsa/tf/, 1859. nAUACTÈRES MICROSCOPIQUES DU CHYLE. 171 de soiido, ol qu'on y ajoiitc eiisuilo du sel marin pulvôrisr, la plasniine se préci- pite. Une t'ois redissoute dans l'eau, elle reprend ses propriétés primitives, donne un coagulum (ibrineux et laisse une partie albuminiforme, qui diffère, du reste, de l'alhumiiK» ordinaire en ce qu'elle est précipitahle par le sulfate de magnésie. 11. — Caractères microscopiquics du chyle. Rien n'est plus vaguement déterminé par les auteurs que la constitution micro- graphique du chyle. On décrit généralement dans ce liquide des globules blancs, des globules rouges, des gouttelettes de graisse, de (ines particules de la même substance, parce qu'on étudie le plus souvent un produit impur pris dans le canal ou dans la citerne, résultant du mélange du véritable chyle avec de la lymphe de diverses provenances et avec du sang apporté par le reflux de la sous-clavière. Le chyle pur, pris dans les vaisseaux blancs du mésentère ou versé par une fistule établie à ces vaisseaux par les procédés que j'ai fait connaître Mes 1853, ne con- tient d'autres éléments ligurés que des globules blancs de diverses dimensions et de fines particules de graisse. Il faut, pour les étudier tels qu'ils sont et s'en faire une idée exacte, examiner le chyle vivant, au moment même où il sort des canaux mésentériques, car si on le prend sur le cadavre, comme on le fait d'habi- tude, et si on l'étudié un certain temps après l'extraction, ces éléments sont altérés et déformés; ils perdent leurs véritables caractères. Les globules du chyle ou les leucocytes sont de dimensions variées. Les uns, plus volumineux que ceux du sang, ont un diamètre de 6, 7, 8 millièmes de mil- limètre chez les solipèdes et les ruminants, et un peu moins chez d'autres ani- maux. Les autres ont à peu près les dimensions des globules rouges du sang, ou deS à 6 millièmes de millimètre. Quelques-uns, plus petits, appelés globulins, ont environ le tiers ou la moitié des premiers, 2,3,4 millièmes de millimètre. Comme l'eau les gonfle rapidement, il faut éviter le mélange de ce liquide avec le chyle dans les études micrographiques. Ils ont une forme sphérique régulière et une surfece lisse. Mais cette forme s'altère assez vite, soit spontanément, soit par l'action de divers réactifs, et les changements qu'elle subit sont si prompts qu'ils peuvent être aisément suivis par l'observateur. En effet, quand on examine une goutte de chyle au moment de sa sortie d'un vaisseau mésentérique sur l'animal vivant, on voit les globules, d'abord à contours nets et circulaires , devenir irréguliers , bosselés à la surface. D'un point de leur périphérie se développe une saillie qui s'allonge plus ou moins et se termine en une pointe aiguë ou mousse; à côté ou à une certaine distance s'en détache une autre , puis une troisième , qui peuvent rapidement changer de dimensions et de figure. Tant que le chyle demeure liquide, comme pendant et même après sa coagulation, ce curieux phénomène se produit et donne naissance à ce qu'on a appelé les globules étoiles ou hérissés, globules dont quelques auteurs ont fait une espèce à part, et que d'autres ont assimilés à des êtres vivants, à 1. G. Colin. Bulletin de la Société impériale et centrale de méd. vétéri?}., octobre 1853 et Recueil de méd. vct., p. 1037. 172 DE l'absorption. des amibes. Ce sont là de pures modilications qu'éprouvent ou que peuvent éprouver tous les globules du chyle, et qui ressemblent ù celles des éléments sarcodiques dos espèces inférieures, telles que les acalèphes, les infusoires, sans impliquer aucunement l'animalilé des globules. Elles cessent, en général, une demi-heure ou une heure après l'extraction du liquide et ne se produisent plus dans la lymphe recueillie sur le cadavre refroidi. L'addition d'eau s'oppose à leur formation, et les efface si elles sont déjà développées. Je les ai observées sur tous les animaux dont j'ai examiné le chyle, et dans les conditions les plus variées. Dès qu'elles cessent de surgir, les globules reprennent leur forme sphérique et leur surface lisse. Néanmoins, plusieurs d'entre eux peuvent demeurer pendant longtemps déformés, elliptiques, mamelonnés, étoiles, même polyédriques, s'ils se trouvent groupés et soumis à une certaine pression réciproque. Il est à noter que la déformation et les mouvements amiboïdes des globules portent surtout ou presque exclusivement sur les plus volumineux, comme si ces gros leucocytes jouissaient d'une vitalité supérieure à celle des autres. Les globules du chyle sont blancs, brillants, d'un beau reflet argentin. Leur partie centrale, plus brillante que le reste, est formée par un noyau que Virchow dit quelquefois multiple. Autour de celui-ci se trouvent des granulations inégales, un peu sombres, qu'il est possible de compter, sur une face, à un fort grossis- sement. Elles donnent au globule un aspect pointillé, caractéristique. C'est à tort que beaucoup de micrographes très habiles les regardent comme le résultat d'une coagulation du contenu cellulaire déterminée par l'eau ou par d'autres réactifs. Je les ai toujours vues dans les globules sortant des vaisseaux lactés sur l'animal vivant, et au moment de la formation des prolongements sarcodiques; mais elles tendent à s'effacer si le globule se dilate, et à s'accentuer, au contraire, par l'ac- tion des liquides qui en coagulent le contenu, ou qui le crispent plus ou moins. Ces globules ont évidemment une enveloppe comme toutes les cellules, et un contenu. L'enveloppe, qui est très osmotique, paraît douée d'une résistance considérable, car, si elle se déforme, elle ne se déchire pas par la compression; elle résiste à la distension, à une putréfaction même assez avancée; cependant l'eau la déchire souvent en gonflant outre mesure son contenu, et, une fois déchirée, elle se crispe comme une membrane élastique ou contractile. Les globules de deuxième grandeur, ou d'un diamètre égal à celui des héma- ties, ont la même constitution que les grands leucocytes : une enveloppe trans- parente à surface légèrement visqueuse, un contenu pointillé, granuleux, suscep- tible de se désagréger si la membrane enveloppante vient à se rompre. Ils donnent moins d'expansions sarcodiques et des expansions plus petites que les globules de première grandeur. Les petits leucocytes, ou les globulins, qui ont la moitié ou le tiers des plus grands, 2, 3 à 4 millièmes de millimètre, ont un aspect moins brillant ; ils sont grisâtres, granuleux et paraissent avoir leur surface rugueuse, mais ils sont sphé- riques, réguliers, à contours, sans pointes ni mamelons. L'eau les gonfle comme les autres, l'acide acétique les resserre. Ce sont de simples noyaux libres pour un grand nombre d'observateurs; mais Ch. Robin les regarde comme des cellules plus petites, en se fondant sur ce que le corps de ces cellules devient souvent CARACTÈRES MICROSCOPIQUES DU CHYLE. 173 apparent par l'action des réactifs. Les deux opinions inc paraissent acceptables. Il est un certain nombre de globulins où, ellectivement, les réactifs rendent dis- tincte une paroi cellulaire, et d'autres qui ressemblent toujours à de simples noyaux, sans qu'il soit possible d'y provoquer l'apparence d'une enveloppe. Il en est même un assez grand nond)re qu'on peut regarder comme des granules sem- blables à ceux c{ui forment l'amas intérieur des leucocytes de première et de deuxième grandeur, granules qui ne seraient pas encore agglomérés ni envelop- pés, ou bien qui proviendraient de la désagrégation des premiers. Dans tous les cas, ils sont visqueux comme les globules parfaits, susceptibles de s'agglutiner entre eux et de s'accoler aux parois vasculaires. Les leucocytes sont donc des cellules à parois distinctes, dilatables, rétractiles, transparentes, à contenu granuleux, constituant une seule masse ou des fractions plus ou moins nombreuses et nécessairement agglutinées. Ils sont osmotiques, susceptibles de cbangements de forme, de volume. Nous aurons à revenir sur leur constitution, en étudiant la genèse des hématies. tes globules blancs, quelles que soient leurs dimensions, ont des propriétés remarquables. Ils peuvent changer de forme sous l'influence de la pression, et, par conséquent, traverser des détroits vasculaires d'un diamètre inférieur à leur diamètre moyen. Ils ont une certaine viscosité de surface qui les retient aisément à la face interne des vaisseaux, et les y fait adhérer parfois assez pour résister momentanément à l'impulsion des courants. Leur densité est plus grande que celle du sérum du chyle : aussi tendent-ils, quand ils n,e sont pas retenus par les filaments fibrineux, à tomber au fond des éprouvettes, et ils s'y rassemblent, en effet, si l'on ajoute au chyle, au moment où on le recueille, des réactifs capables de prévenir la coagulation de la fibrine. Dans le sang, ils se comportent aussi de la même manière, mais comme ils sont moins denses que les globules rouges, ils forment au-dessus d'eux une couche grisâtre. Sous l'influence de divers réactifs, les globules du chyle éprouvent diverses modifications dans le sérum propre de ce liquide, de même que dans celui du sang ; ils changent peu et se conservent longtemps, mais ils s'y gonflent, y acquiè- rent de la transparence, et leurs granulations deviennent plus distinctes. L'eau les dilate plus vite encore, rend leurs granulations plus distinctes les unes des autres, les groupe en un ou deux amas irréguliers, comparables à des noyaux, et finit par faire crever leur enveloppe. L'acide acétique les resserre d'abord en les assombrissant, puis il les dilate, rend leur partie périphérique pâle, presque transparente, donne à leur contenu l'aspect d'un croissant, d'un anneau résultant du rapprochement de trois ou quatre amas nucléiformes, et finit par dissoudre la cellule. Ces modifications, d'ailleurs assez variables, dues à l'acide acétique, prouvent, suivant Ch. Robin\ contrairement à l'opinion générale, que les glo- bules du chyle ont un contenu homogène, visqueux, parsemé seulement de fines granulations grisâtres, et que les noyaux s'y forment seulement par le fait des 1 . Ch. Robin, art. Lel'Cocytes, Did. encijcl. des sciences méd., Paris, 1869, 2= série, t. II, p. 235 et Dicf. de méd. de Littré, 16^ édit., 1886. 174 DE L ABSORPTION. réactifs ou des altérations cadavériques. L'alcool en augmente le volume et l'as- pect granuleux ; le phospliale de soude, la glycérine les resserrent et en rendent la partie centrale plus brillante; l'ammoniaque y produit des lacunes et ne tarde pas à les dissoudre. La simple évaporation et les solutions concentrées les res- serrent en leur donnant l'apparence plus ou moins dentelée. La proportion des leucocytes dans le chyle est très faible, comme dans la lym- phe. Ou peut aisément les compter dans une gouttelette de ce liquide pris à sa sortie des vaisseaux, et c'est seulement alors qu'il faut chercher à en déterminer le nombre, car dans le chyle du cadavre et dans celui dont l'extraction a eu lieu depuis quelques minutes, ces globules s'étant attachés aux caillots ou aux fila- ments fibrineux paraissent fort peu nombreux. En établissant une fistule au canal thoracique d'un animal en digestion, listule avec tube d'argent, on peut recueillir le chyle par petites gouttelettes et en comp- ter les globules par le procédé Nachet, dont il a été question plus haut, à propos de la lymphe. On peut encore le prendre, soit dans la citerne, soit dans la par- tie antérieure du canal thoracique, sur les petites espèces , où il est presque impossible d'introduire un tube dans ce canal; c'est ce que j'ai fait sur une ving- taine d'animaux, savoir : plusieurs vaches, chiens, chats et lapins. Sur ces animaux, le chyle se trouvait nécessairement mêlé à la lymphe en pro- portion variable, suivant l'activité et les périodes du travail digestif. Il a présenté, en moyenne, par millimètre cube, de 3 à 12 000 globules sur le chien, de 4 à 8000 sur la vache, de 14 à 23 000 sur le chat et de 20 à 49000 sur le lapin, par conséquent beaucoup plus sur ces deux dernières espèces de petite taille que sur les grandes. Voici, du reste, un tableau qui indique les nombres obtenus Noynhve de globules dans le chyle du canal thoracique (par mill. cube). o == PROVENANCE .NOMBRE DÉSlGiNATION DES ANIMAUX DU MIX. MAX. 1 LIQUIDE MOY. Cheval hongre au foin et à la paille Citerne. 4500 „ 1, 2 Vache maigre fin de la digestion Canal thorac. 4225 3650 5200 ;-j Vache maisre en diL^estion Fist. au canal. 8824 6580 157.50 La même, 2'= jour de lexpérience Id. 7313 51.50 10881 4 Chienne vivante fin de la digestion Id. 12900 7250 19350 0 Chienne vivante 8h. après un léger repas. Id. 3380 2075 5250 6 Chienne immédiatem. après Toccisinn. . Canal thorac. 2927 1208 4906 / Chien immédiatement après la mort. . . » o205 3625 6780 8 Chien tué à la fin de la digestion ■» 6479 4750 8208 !» Chat tué en pleine digestion Citerne. 23062 » » 10 Chat tué à la fin de la digestion Canal thorac. 14541 12250 16832 11 12 Lapin en di^'estion Citerne. Canal thorac. 49500 31000 32250 22450 67000 40200 Lapin tué eu pleine digestion 13 14 1.T Id. Citeriie. Id. 37700 42500 49370 " ** Lapin tué Lapin tué en pleine digestion 16 17 Lapin en di^^estion Id. Id. 30000 49400 22600 27600 38000 712.50 Lapin tuherculeux tué en pleine digest. 18 19 Lapin, dit(estion languissante Id. Canal thorac. 20717 26400 13650 23000 21850 29950 Lapin tué en digestion CARACTÈRES MICROSCOPIQUES DU CHYLE. 175 dans mes ubsorvations, qui ont porté, coiniiie pour la lym[)lie, sur un très grand nombre d'échantillons. Les ('-oarts numériques entre les extrêmes sont énormes et d'une difficile explication. Les leucocytes existent dans toutes les parties du système chylifère, dans le chyle tiré des très petits vaisseaux des parois intestinales comme dans celui des gros lactés du mésentère ; ils se forment donc dès l'origine du système ; mais c'est dans les ganglions que leur formation acquiert son maximum d'activité. Là les noyaux sont extrêmement nombreux dans la partie corticale : ils se détachent des parois des vacuoles et paraissent, par leur accroissement, donner des glo- bules identiques avec ceux qui viennent des autres points du système lympha- tique. D'après KôUiker, ils se constitueraient surtout aux dépens des matériaux |)lasmatiques sanguins que la pression artérielle ferait transsuder dans les alvéoles du ganglion. Suivant d'autres, ils résulteraient de la prolifération des noyaux du tissu conjonctif. Le mécanisme de leur formation dans les réseaux d'origine et dans les gan- glions est encore peu connu. Il est à présumer, ainsi que le pense KôUiker, qu'ils prennent naissance, comme les autres cellules, par un noyau qui s'entoure d'une membrane. Une fois formés, la plupart ne sont pas destinés à se multiplier, ni l)ar inclusion, ni par xoie de scission. Néanmoins, le développement des expan- sions sarcodiques sur les globules vivants semble indiquer une tendance à la scission. Leur destination n'est pas sûrement déterminée. Un sait qu'ils vont se mêler au sang, mais on se demande s'ils s'y détruisent ou s'ils s'y transforment en globules rouges. Ces questions seront examinées au chapitre de la sanguifi- cation. Dans le chyle des oiseaux, des reptiles, on retrouve les globules, même plus gros que ceux des mammifères, et les globulins; ils y sont également visqueux, susceptibles de diverses déformations et de changements analogues à ceux dont il vient d'être question. Indépendamment des globules blancs dont nous venons de parler, on a signalé dans le chyle des globules incolores ou de petites cellules qui. portées dans le sang, absorberaieut les matériaux du plasma pour se transformer en globules san- guins. Quelques leucocytes paraissent, en effet, présenter les caractères que leur suppose G. Zimmermann, mais pourtant, en les examinant avec attention, on voit qu'ils ont, comme les autres, un contenu légèrement granuleux^ Ils ne doi- vent donc pas être, selon moi, distingués des globules ordinaires; Le fait de pré- senter un contenu presque transparent peut tenir à leur âge, à leur degré d'évo- lution ou aussi aux conditions dans lesquelles on les examine. La seconde espèce d'éléments figurés qu'on trouve dans le chyle est constituée parles fines particules de graisse en suspension dans le sérum. Ces particules^ trop ténues pour être considérées comme des gouttelettes, sont extrêmement nombreuses dans le chyle laiteux des carnivores et dans celui des animaux à la mamelle ; elles le sont beaucoup moins dans le chyle simplement opalin, et devien- nent rares dans le liquide presque transparent des herbivores. On les voit, à un fort grossissement, sous l'aspect d'un sablé très fin, disséminé régulièrement. '17G DE l'absorption. Elles sont égales entre elles, arrondies, de teinte foncée sur les bords, brillantes au centre lorsque le grossissement est porté à ses dernières limites. Leur finesse est incommensurable, dit-on, ou de moins d'un millième de millimètre. Elles sont animées dans le sérum d'un mouvement brownien très rapide. Ces particules graisseuses existent dans le chyle dès son entrée dans les réseaux. On a prétendu, sans preuves sérieuses, que leur quantité diminuait dans les gan- glions mésentériques. Elles deviennent réellement moins serrées dans le canal thoracique par suite du mélange du chyle avec une proportion considérable de lymphe qui en est dépourvue. Si Ton en croit H. Millier, elles auraient une enve- loppe de nature protéique, dont M. Milne Edwards admet aussi l'existence. L'acide acétique, ou les solutions alcalines ajoutées au chyle, rassemblent ces gra- nules en gouttelettes. D'après mes observations, l'addition d'éther sulfurique les fait disparaître en tant que fines particules, en même temps qu'elle enlève au liquide son aspect lactescent. L'évaporation de l'éther n'est point suivie de leur réapparition, mais de la formation de gouttelettes inégales dont les caractères sont très différents de ceux des fines molécules. Des particules semblables se voient en certaine quantité dans le sérum sanguin, lorsqu'il est opalescent, et même dans la lymphe un peu trouble des animaux gras soumis à une longue abstinence. Le chyle pur n'offre jamais, parmi ces fines particules, de véritables goutte- lettes. Les nombreux observateurs qui en ont admis l'existence ont été trompés en examinant du chyle recueilli sur le cadavre, chyle qui, en s'échappant à tra- vers la citerne incisée, entraîne une notable quantité de ces gouttelettes prove- nant du tissu adipeux adjacent. On peut trouver encore accidentellement, dans le contenu des chylifères, quel- ques autres éléments figurés, par exemple des bactéries articulées sur les ani- maux atteints de maladies charbonneuses, des bactéries granuleuses, des bactéries linéaires d'une seule pièce, et d'autres en chapelet sur les sujets septicémiques. C'est une observation que j'ai faite plusieurs foiS; surtout chez les ruminants. IlL — Propriétés chimiques et composition du chyle. Le chyle, quel que soit le point du système lymphatique intestinal où on le prenne, est, chez les herbivores comme chez les carnassiers, à toutes les périodes de la digestion, constamment alcalin. Il doit cette réaction aux carbonates sodi- que et calcique, et il la conserve même au début de sa décomposition. Ce liquide, exposé au contact de l'air ou agité dans un flacon d'une grande capa- cité, ne change pas sensiblement de couleur. L'oxygène n'y développe pas, con- trairement à l'opinion d'Emmerl, dont les partisans sont encore nombreux, de coloration rosée ou vermeille. Il rougit seulement plus ou moins lorsqu'il a été pris dans le canal thoracique oi!i il se trouve souvent associé à une petite quan- tité de sang. Si le chyle jouit, à un certain degré, de la faculté d'absorber l'oxy- gène, il n'éprouve, à son état de pureté, aucun changement par le fait de cette absorption. Les observations contraires, dues à Tiedemann et Gmelin, s'appli- PROPRIÉTÉS CHIMIQUES ET COMPOSITION DU CHYLE. 177 (luent au liquide mixle du canal ou de la cilerne chargé par le reflux d'une cer- taine proportion de sang. Les matières qui entrent dans sa constitution sont : l'albumine et ses différentes t'orines, la fibrine, la caséine, les matières grasses, la dextrine et le sucre, des acides gras volatils, l'urée, les matières extractives, le fer, des carbonates alca- lins, du chlorure de sodium, etc. Elles s'y trouvent en dissolution ou en suspen- sion dans une quantité d'eau qui oscille entre 902, 968 et 996 millièmes. L'albumine existe dans le chyle à différents états et en proportions très varia- blo=!, généralement de 20 à 70 parties pour 1000. Lorsque le chyle défibriné est porté à une température voisine de l'ébullition, il donne de petits grumeaux ou des flocons déliés qui représentent l'albumine coagulable par la chaleur. Si, •^près l'avoir dépouillé de ces grumeaux par la filtration, on le traite par l'acide acétique ou par deux ou trois volumes d'alcool, il donne un nouveau précipité blanc albumineux. Le liquide, séparé du précipité, étant soumis à l'ébullition, fournit des pellicules caséiformes ; enfin, traité par l'acétate de plomb, les sels de mercure et d'argent, il laisse déposer l'a'buminose ou les peptones. Ce principe azoté y est donc sous trois ou q' atre formes : 1° celle d'albumine coagulable par la chaleur; 2° d'albumine coagulable par les acides ou par l'alcool ; 3° de caséine donnant une pellicule par l'évaporation ; 4" d'albumine ju'écipitable par les sels métalliques ; celle-ci s'y trouve dans la proportion de 6 à 8 millièmes. La quantité de ce principe varie du simple au double ou au triple suivant les périodes de la digestion et la nature des aliments. Elle est très grande quand le contenu de l'intestin est épais et riche en matières azotées, faible lorsque ce con- tenu est très délayé ; au moins, c'est ce que j'ai constaté en jugeant des propor- tions de cette substance, soit parle volume du précipité albumineux que donnent les acides ou par celui du coagulum dû à l'action de la chaleur. Si quelquefois elle est faible pendant la digestion d'aliments riches en substances protéiques, c'est que le contenu de l'intestin est très délayé; si, enfin, la quantité d'albumine demeure assez considérable pendant la digestion des matières non azotées ou lors de l'abstinence, c'est qu'elle vient de la lymphe qui se mêle au chyle dans le canal thoracique, où la plupart des observateurs ont l'habitude de puiser le liquide employé à leurs recherches. La fibrine du chyle, molle, gélatineuse, est peu résistante; moins rétractile et moins élastique que celle du sang. C'est surtout dans le liquide des petits vais- seaux lactés qu'elle se montre telle. Dans le chyle qui a traversé les ganglions, comme dans celui de la citerne, elle est plus ferme, plus tenace qu'elle ne l'était à l'origine du système chylifère. Mais sa rétractilité est si faible que, dans le chyle coagulé, elle ne peut pas spontanément détacher le caillot des parois de l'éprou- vette ni le resserrer progressivement ; aussi, tant que le vase n'est pas agité, ce caillot conserve son volume primitif. Le lavage la débarrasse des globules et lui donne une blancheur que n'acquiert jamais la fibrine du sang. Les solutions salines la dissolvent beaucoup plus facilement que celle du sang. C'est une fibrine en voie de formation peu avancée, qiii résulte du dédoublement de la plasmine. G. COLIN. — Physiol. comp., 3'^ ùdit. If. — 12 178 DE LAliSORPTION. Elle existe, sans aucun doute, d'après mes observations, dès l'origine des lac- tés, et non pas seulement à compter des ganglions, comme divers observateurs récents l'ont affirmé. Mais sa quantité s'accroît, en général, à mesure que le chyle s'éloigne de sou point de départ, et surtout lorsqu'il arrive à la citerne de Pecquet. Cependant elle peut être quelquefois moins abondante dans le canal thoracique que dans les vaisseaux mésentériques, car M. Lassaigne en a trouvé une fois 2 millièmes dans le contenu de ceux-ci sur un taureau, ou le double de la quantité offerte par le liquide mixte du canal thoracique. Sa quantité oscille le plus souvent entre 1 et 3 millièmes. Elle descend bien au-dessous de ce chiffre si le contenu de l'intestin est délayé et" pauvre en matériaux plastiques. Rarement elle le dépasse. Ceux qui l'ont vue s'élever, comme Collard de Martigny, jusqu'à 4 à 5 millièmes, ont analysé non pas le chyle pur, mais le liquide mixte du canal thoracique que le reflux avait chargé de plasma sanguin. La caséine, dont Lehmann regarde la présence dans le chyle comme douteuse, me paraît toujours s'y rencontrer. Si, en effet, elle est autre chose que de l'albu- mine pauvre en alcalis et en sels, on ne saurait en nier l'existence dans le con- tenu des chylifères. Après la coagulation de l'albumine par la chaleur, le sérum donne un précipité par l'alcool ou par l'acide acétique, et une pellicule caséiforme par l'ébullition ; en outre, la pepsine ou l'infusion de muqueuse gastrique y pro- duit une coagulation granuleuse. Elle manque dans la lymphe du cheval, ana- lysée une fois par Geiger. Tous ces principes protéiques, isomères entre eux, fibrine, matière fibrino- gène, albumine, caséine, albuminose ou peptone , représentent ensemble de 20 à 60 millièmes de la masse du chyle. Leur proportion, en bloc, varie par consé- quent du simple au triple suivant les espèces, l'activité de l'absorption et la richesse de l'aliment ; elle peut descendre même à 3 ou 4 millièmes lorsque l'in- testin ne contient plus que des boissons, et avant le mélange du chyle avec la lymphe du canal thoracique. Quant aux proportions relatives de chacune d'elles, elles ne sont pas connues : on sait seulement que l'albuminose existe dans le chyle en quantité beaucoup plus grande que dans la lymphe. Les matières grasses du chyle sont de deux ordres. La plus grande partie est celle qui s'y trouve en suspension ou en émulsion sous forme de fines particules ; le reste est associé à des principes fixes et à des alcalis. Les graisses émulsives du sérum du chyle se dissolvent totalement dans l'éther qui les laisse déposer en couches plus ou moins épaisses par l'évaporation. Après leur première dissolution, elles offrent une belle teinte safranée analogue à celle du beurre. Redissoutes dans l'alcool bouillant, elles se précipitent par le refroi- dissement en flocons d'un beau blanc de neige, au milieu desquels se trouvent des cristaux en aiguilles. Leur point de fusion est entre 39 et 40, mais elles res- tent molles au-dessous de ce degré. Elles sont constamment neutres et saponi- fiables par les alcalis. M. Lassaigne les a trouvées telles dans les grandes masses de chyle mises par moi à sa disposition dès 1856. Wurtz est arrivé plus tard au même résultat sur des échantillons que j'avais recueillis sur divers animaux, et ce résultat est confirmé par les recherches récentes de M. Dobroslawine^ de rUOrRIETKS ClllMIOUES KT CdMrOSITJON DU CllVLIi. 170 SaiiU-JV'lL'rsbourg'. Loliniaiin- di(, à tort, ({irellcs ;i sont en partie saponiliées, et son erreur est généralement accréditée. Ces graisses paraissent azotées. Elles renfernienl de la stéarine, de la palniitine, de l'oléine et de la glycérine que j'ai vues isolées. Conséqucniment, elles ne changent pas de composition en se dépo- sant ullérieurenient dans les tissus animaux. La pi-oportion de ces matières varie dans des limites très étendues suivant la nature des aliments, les périodes et les degrés d'activité du travail digestif. Le foin et la paille n'en donnent au chyle du cheval et des grands ruminants, si la ration est faible, que l, 2, 3 millièmes, et quelquefois moins d'un millième, comme l'a vu Wurtz. Sur les bêtes bovines rationnées passablement en four- rages, Lassaigne"' en a trouvé 3, 4, 5 et 7 millièmes, soit, terme moyen, 4 à 5 grammes par kilogramme de chyle. Dans le chyle du cheval nourri d'avoine et analysé par Simon, leur proportion a été une fois de 3 et une autre de 10 mil- lièmes. Dans le chyle du chien nourri de viande, chyle très blanc, saturé de graisse, elle s'est élevée à 22 millièmes ou 22 grammes par kilogramme. C'est, je pense, un chiffre bien près du maximum. Nasse en a trouvé, il est vrai, 32 millièmes dans le chyle du chat, et Rees 36 dans celui de l'àne digérant de l'avoine et des fèves, mais il est à craindre que la dissection du canal thoracique sur le cadavre ait fait tomber des gouttelettes de graisse dans le liquide recueilli. Les dosages dus à Lassaigne et à Wurtz ayant porté sur des chyles recueillis par moi sur les animaux vivants 'à l'aide de tubes d'argent insérés dans le canal thoracique, s'appliquent seuls à des produits très purs auxquels n'a pu s'ajouter aucune matière étrangère. La graisse ne diminue pas dans le chyle à mesure qu'il s'éloigne de l'intestin. Rien ne prouve que, dans les ganglions, il en perde une partie destinée à être prise par les vaisseaux sanguins. Si ce liquide paraît moins émulsionné dans la citerne que dans le mésentère, c'est qu'à son arrivée dans le canal thoracique il se mêle à une grande quantité de lymphe fort pauvre en corps gras. Les graisses ne paraissent pas tout à fait conserver dans le chyle les propriétés physiques qu'elles avaient dans les aliments. Je les ai retirées en masses très considérables du chyle de divers animaux, desséché, puis traité par l'éther. Celles des chiens nourris de viande étaient pâles, de moyenne consistance, quoiqu'elles provinssent des muscles du cheval où la graisse est jaune et semi-fluide; celles des taureaux nourris de foin et de paille étaient jaunes et assez foncées ; enfin les graisses du chyle des mêmes herbivores nourris de tourteaux de lin ou de colza, avaient l'aspect du beurre assez ferme et jauni par le safran. Jamais, enfin, la graisse du chyle n'a reproduit exactement celle de l'aliment, aussi je ne m'ex- plique pas comment MM. Bouchardat et Sandras* sont arrivés à ce résultat, que 1. Dohvof,\a.\\ine, Notice SU)' les (jraisses du chyle (Bull, mensuel de la Société chi- mique de Paris, septembre et octobre 1870, p. 180). Ce jeune chimiste a employé dans ses reclierches au laboratoire de la Faculté de médecine de Paris, le chyle que j'avais recueilli sur les vacties et les taureaux. 2. Lehmann, Précis de chimie physioL, p. 154. 3. Lassaigne, Comptes rendus de l'Acad. des sciences, juillet 1856, t. XLIII. 4. Bouchardat et Sandras, Aiinuaire de thérapeutique, 1845. IgQ DE l'absorption. le ch\le donne de l'huile ou du suif tuivant que l'animal a mangé lun ou l'aulre de ces corps gras. Le liquide des lactés compte le sucre au nombre de ses éléments normaux et constants comme je crois l'avoir établi le premier ^ dès I800. Tiedemann et Gmelin avaient bien déjà trouvé des traces de sucre dans le liquide mixte du canal thoracique d'un herbivore dont les aliments sont riches en l'écule et en su- cre tout formé, qui se transforment l'un et l'autre en glycose. Lehmann ^ avait aussi affirmé qu'il s'y trouve dans cette circonstance, mais on ne savait pas si son existence était constante et s'il se montrait dans le chyle des carnassiers dont les aliments ne contiennent ni fécule, ni sucre. Or, j"ai fait voir que le chyle de l'herbivore renferme normalement du sucre dans la proportion moyenne de loO à 160 milligrammes pour 100 grammes de chyle, et celui des carnassiers dans la proportion de 120 à 140. Ce sucre, dont on a cessé de contester l'existence de- puis que les chimistes ont confirmé mes observations, ne réduit pas seulement les liqueurs cuivriques; il fermente et donne de l'acide carbonique et de l'alcool. Quant à la dextrine que contient le plus souvent le chyle de l'herbivore et du carnassier soumis à un régime mixte, elle se trouve dans le sérum dépouillé d'albumine et traité par l'alcool. Le précipité obtenu, repris par l'eau, donne la dextrine qui prend par l'iode une couleur violacée, et se transforme en sucre sous l'influence de la diastase salivaire. Les matières extractives n'ont encore été ni déterminées ni isolées les unes des autres. Lehmann ^ les dit plus abondantes que celles du sang. Les acides gras volatils qui donnent au chyle son odeur, dégagée surtout par l'ébullition, sont multiples. Wurtz, qui a eu l'occasion de les retirer des masses de chyle que j'ai mises à sa disposition, devait les faire connaître dans un travail particulier. Il y a trouvé aussi, comme dans la lymphe, de l'acide formique et de l'acide lactique. L'urée que Ton s'était habitué à considérer comme un produit de désassimi- lation, est un des éléments du chyle. Wurtz l'a trouvé d'abord dans le chyle du taureau, puis dans celui du chien ; sa quantité ne s'élève qu'à une fraction de millième, 0,12, 0,18. Elle provient plutôt de la lymphe mêlée au chyle que des matières absorbées dans l'intestin, car il est peu probable qu'elle se forme déjà, soit dans le chyle, soit à l'origine des lactés. Enfin, le chyle contient des matières salines et minérales : du chrorure de sodium entrés forte proportion, 5, 6, 7 millièmes, des carbonates alcalins, du carbonate calcaire, des sulfates de potasse et de soude, du phosphate de chaux en quantité beaucoup moindre, en tout 6 à 10 grammes par kilogramme. Les alcalis qui dominent parmi ces derniers sont, d'après Lehmann , combinés avec l'albumine, les acides gras, l'acide lactique, etc. Le fer y existe également, quoique divers analystes ne l'aient pas signalé. On le trouve dans le chyle mé- sentérique pur comme dans le liquide mixte du canal thoracique. C'est du chyle que le sang tire ses matières minérales. 1. G. Colin, De la formation du sucre dans l'organisme {Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 11 juin 185.^). 5. Lehmann, Chimie 2jhijsiolo(jifjue. p. 1.54. PROPRIÉTÉS CHIMIQUES ET COMPOSITION DT CHYLL'. l!^l Les autres substances signalées dans le chyle parTiedemann et Gmelin , Nasse,elc. , matière des globules rouges, hématine, etc., n'y existent pas. On les y a trouvées parce qu'on a pris, pour l'analyse, du chyle souillé par le reflux du sang des sous-clavières dans le canal thoracique. Voici, au reste, une série d'analyses faites par Wurtz, de chyles, que j'ai recueillis, sur divers animaux, par ma méthode des fistules, dans des conditions l)ien déterminées. Je les fais précéder de celles données antérieurement par les observateurs qui ont opéré sur de petites quantités prises après la mort, soit dans la citerne de Pecquet, soit dans le canal thoracique. Elles font voir que la composition du liquide est très variable, et que la quantité de la plupart de ses éléments, les protéiques, et les gras en particulier, varie dans des limites très étendues. Chyle de l'homme recueilli sur un supplicié, et analysé par Rees : Eau 901,80 Matières grasses 9,2 Fibriue traces. Matières estractives 9,8 Albumine 70.8 Sels et oxyde de fer 4.4 Chyle d'un chien nourri à la viande, analysé par AVurtz : Eau 909.93 Graisse 22,.37 FibriQB ' l.TT Urée 0.18 Albumine et congénères. 65,72 Chyle d'iuî chat, analyse donnée par Nasse : Eau 905,7 Graisse 32,7 Fibrine 1,3 Sels divers et fer 11,4 Albumine et mat. extract. 48,9 Chyle de cheval nourri d'avoine, analysé par F. Simon sur deux animaux : Eau Fibrine Albumine Hématoglobuline .... Graisse Matières extractives. Sels et oxvdes de fer. 1" 2« 928,00 916,00 0,80 0.90 46,43 60,53 traces 5,69 10.01 3,48 5.32 5,26 8.40 7,55 Clivle de l'àne pris dans la citerne, analyse de Rees : Eau 902,37 Matières grasses 36,01 Fibrine 3,70 Matières extractives 15.65 Albumine 3.5,16 Sels 7,11 Chyle d'un taureau après la rumination, analyse de Wurtz : Eau 929,71 Fibrine 1,96 Albumine et congénères, Matières grasses 2,55 sucre, urée 59.64 Sels 6.11 J82 DE L ABSORPTION. Les autres analyses, faites par Wurtz, du chyle de divers herbivores, recueilli à l'aide d'une fistule établie au canal thoracique, ligurent au tableau suivant. La dernière porte sur du chyle pris dans les vaisseaux du mésentère. Tableau de la composition du chijle des animaux herbivores provenant d'une fistule au canal thoracique, analysé par Wuui'z. :3 DÉSIGNATION il o il 1 -2 < ci VACHE noui'i'ie de foin et de paille. 1^' s 5^ et O n = ■a "5 Eau 963. ol 950.89 1.76 39. ■;4 929.71 1.96 59.64 951.24 2.82 38.84 962.21 0.93 26.48 968.27 0.93 20.37 996.51 U.16 3.0i 964.00 0.90 28.00 0.89 26.84 Albumine et congénères. . 0.20 .3.90 0.81 2.47 2.00 2.50 0.72 2.77 0.49 1.92 1.27 0.14 0.40 Sels solubles dans l'alcoôl. 8.94 » 6.70 Sels solubles dans l'eau . . . 4.64 4.33 3.61 3 . 39 7.97 Orée iudét. iadét. indét. iudét. indét indét. 0.12 " D'après sa composition, le chyle représente donc l'aliment métamorphosé par le travail digestif. II y a en effet dans ce liquide, comme dans l'aliment, quatre ordres de substances : 1° les matières azotées, fibrine, albumine, caséine ; 2" les matières grasses ; 3° les principes neutres hydrocarbonés, le sucre ; 4" les sub- stances salines et minérales, telles que le chlorure de sodium, les carbonates et phosphates alcalins, le fer. Il les renferme en proportion variable, comme la chair, le lait, l'œuf, le grain, l'herbe, 'qui sont des aliments complets. C'est donc la partie soluble de l'aliment transformée d'abord par suite des élaborations digestives, puis par le fait du travail de l'absorption. Quelque grandes que soient les variations du chyle considéré comme produit, il reste en rapport avec ses facteurs au point de vue de la constitution. Il conserve toujours, comme l'aliment, ses caractères essentiels. Quoique le chyle de l'herbivore ne ressemble pas exactement à celui du carnassier, il n'y a pas entre les deux de différence radicale; puisque, sauf les proportions, le bœuf tire d'une poignée d'herbe ce que le chien prend dans un morceau de viande. Le chyle, en reproduisant l'aliment, le rend métamorphosé. Tout en lui a une forme nouvelle. Ses matières azotées, devenues fibrine et albumine, lui donnent la faculté de se coaguler spontanément, et de se prendre en masse par l'action de la chaleur ; sa graisse divisée lui donne l'aspect d'une émulsion ; son sucre est devenu fermentescible. Il y a plus, ses éléments n'ont pas seulement pris de ITINÉRAIRE DU CHYLE ET DE LA LYMPllK. 183 nouvelles propriétés, ils ont revêtu de nouvelles formes. Une partie s'est cons- tituée à l'élat de cellules ou de gobules, dont on a vu plus haut les remarquables caractères. Lorsque l'analyse chimique sera poursuivie avec plus de soin qu'on n'y en a mis jusqu'à ce jour, elle retrouvera probablement dans le chyle une foule de ma- tières extractives, d'acides, de sels, d'alcaloïdes, d'essences, qui se trouvent dans les plantes si nombreuses que consomment les herbivores. Mais, si peu connue que soit la composition de ce liquide, nous en savons assez pour ne conserver aucun doute sur l'origine du chyle. Les quatre ordres de substances qu'il renferme, l'analogie de nature qu'il présente avec les divers ali- ments dont les animaux font usage, prouvent assez qu'il dérive de cet aliment. Il en provient par sa fd3rine, son albumine, comme par sa graisse, son sucre, ses matières extractives, salines, etc. Il est chyle par l'ensemble de ses principes et non par l'un d'eux. C'est pour les besoins d'une cause perdue, pour défendre des vues théoriques sur l'absorption et sur quelques autres actions obscures, qu'on a -voulu le donner comme une lymphe intestinale venant du sang, et à laquelle s'ajouterait une émulsion de matières grasses, La constitution du chyle le rapproche de celle du sang. Il est la forme inter- médiaire à l'aliment et au liquide nutritif achevé. C'est un sang rudimentaire, un sang sous une forme transitoire que la respiration doit, comme nous le ver- rons bientôt, faire passer à sa forme définitive. CHAPITRE XLII DE L'ITINÉRAIRE DU CHYLE ET DE LA LYMPHE Les fluides blancs absorbés par les lymphatiques ont un long trajet à parcourir avant de se jeter dans le' système sanguin qui lui sert de réservoir commun. Ce trajet peut se diviser en quatre étapes ou sections : 1° les réseaux ou les parties radiculaires ; 2° les vaisseaux collecteurs; 3" les ganglions; 4° enfin, le canal thoracique. Il s'agit de voir ici comment sont disposées ces quatre sections des voies lymphatiques. A leur origine, les vaisseaux blancs sont constitués, comme il a été dit plus haut, soit par des réseaux fins, soit par des capillaires arborisés tout à fait indé- pendants du système capillaire sanguin. Ces réseaux, dont il importe de se faire une idée très nette, existent dans la plupart des tissus. Ils sont irréguliers, à mailles de formes et de dimensions variées. Les capillaires lymphatiques qui les constituent ont, les plus petits, un diamètre de 4 centièmes de millimètre, beaucoup moins encore, dit-on, à la cornée et dans quelques autres points ; les plus grands atteignent le double ou le quadruple, soit 1 à 2 dixièmes de millimètre. Conséquemment ils peuvent, dans les parties les plus rétrécies, admettre plusieurs globules de front. Ils ont déjà une forme irrégulière avec des renflements, quoiqu'ils n'aient pas encore de 184 DE l'absorption. valvules. C'est surtouf dans quelques organes, le poumon notamment, que leur aspect variqueux est très prononcé. On les voit présenter, de distance en dis- tance, des prolongements en cul-de-sac, des sortes de ciccunis analogues à ceux qui se trouvent dans l'axe des villosités intestinales. La figure, la richesse et les dimensions des réseaux varient suivant les organes et les tissus. A la peau et aux muqueuses ils sont très superficiels et étalés à la base des papilles qu'ils ne pénètrent pas. Leurs mailles sont larges en certains points, étroites dans d'autres ; elles forment des anneaux autour des glandes comme autour des prolongements papillaires. Aux séreuses, même les plus minces, ils existent constamment en mailles étroites, arrondies, oblongues ou anguleuses en plus grande quantité dans le feuillet viscéral que dans le pariétal. Dans les muscles, ils sont à mailles larges, allongées, suivant le sens des fais- ceaux primitifs ; dans les glandes, ils circonscrivent les lobules et les canalicules excréteurs. Au rein, ils entourent les glomérules et les canaux urinifères. Par- tout ils sont entremêlés avec les capillaires sanguins, infiniment plus fins, qui pénètrent leurs mailles dans les sens les plus divers. Leur richesse est générale- ment proportionnée, comme le fait remarquer Ch. Robin, à celle des derniers ; car, en effet, ils ont d'autant plus de matériaux à recueillir que les parties où ils naissent reçoivent une plus forte proportion de sang. La situation des réseaux est manifestement subordonnée aux exigences fonc- tionnelles. A la peau et dans diverses muqueuses, bien qu'ils se mêlent aux ca- pillaires sanguins sous le corps de Malpighi, ils se tiennent sur un plan tout à fait externe. Leur réseau profond est fréquemment anastomosé avec le superfi- ciel. Dans les séreuses, ils sont, pour la plupart, sous-jacents à l'épithélium, et, par conséquent, peuvent recevoir vite les matières venant de la cavité ; ceux du tissu cellulaire profond rassemblent les matières qui ont échappé aux premiers. La répartition des lymphatiques, sous la forme de plans rapprochés des sur- faces, est évidemment la mieux appropriée à la fonction absorbante des mem- branes. Une dispersion régulière suffit au milieu des tissus où il n'y a que du plasma interstitiel à recueillir. Lorsque les réseaux sont remplacés par des radicules arborisées, comme cela arrive, d'après les observations de Kôlliker, dans la queue des têtards, ces fins canaux sont également indépendants et fermés à leurs extrémités. Au point de vue physiologique, ils ne diffèrent pas essentiellement des réseaux ordinaires. Quoiqu'il n'y ait plus de doute sur la disposition anatomique des réseaux et des radicules arborisées au point de départ des vaisseaux blancs, on ne sait pas, d'une manière très certaine, si ces réseaux ou ces radicules sont les premières origines des lymphatiques. Divers observateurs, notamment ceux de l'école alle- mande, inclinent à admettre que ces réseaux commencent soit dans les prolon- gements des cellules plasmaliques du tissu conjonctif, soit dans les lacunes de ce tissu et même dans les grandes cavités des séreuses. Mais leur continuité avec les prolongements des cellules plasmatiques n'est pas certaine, et l'existence d'une cavité dans ces prolongements n'est pas même bien prouvée ; leur abouchement dans les lacunes du tissu cellulaire par les fentes que laissent entre elles les cellules, leur communication avec la cavité des séreuses par des stomates capa- ITINÉRAIRE DL- CHYLE KT DE LA LYMPHE. l8o bles de donner passage à plusieurs globules, sont des laits très problématiques. Il est vrai que chez les vertébrés inférieurs, les batraciens par exemple, les ori- gines des lymphatiques sont do nature à faire croire à la possibilité de telles communications. 11 y a chez eux, dit Milne Edwards ', un vaste système de cavités irrégulières communiquant les unes avec les autres, et ressemblant plus à des méats interorganiques qu'à des vaisseaux ordinaires. Autour des veines existent aussi des méats analogues ou des sortes do gaines larges que Muller a trouvées pleines de lymplie. méats qui eomnuiniqueut avec des réservoirs plus vastes et avec les cavités lymphatiques. Mais cet ensemble de lacunes qui ont d'abord simplement pour parois la substance conjonctive et plus tard une couche épithé- liale et des membranes contractiles, n'est qu'un état imparfait dont, peut-être, les origines du système ne conservent que des traces chez les mammifères. S'il reste chez eux des aréoles irrégulières sans parois propres, comme paraissent l'être les vacuoles qui, dans la villosito, donnent naissance aux chylifères, elles sont limitées, circonscrites, sans communications ni avec les grandes cavités, ni avec l'extérieur: entin, elles constituent un ensemble clos à forme réticulée ou à forme radiculaire. Les réseaux, ou les radicules d'origine des lymphatiques, n'ont aucune com- munication avec les vaisseaux sanguins. Les matières injectées à une pression modérée, par les artères ou par les veines, ne passent pas habituellement dans les lymphatiques. Mais les communications s'établissent aisément par des solu- tions de continuité, tant les parois vasculaires sont minces ; une pression un peu forte, une secousse les produit, et. sur l'animal vivant, les embarras de la circu- lation peuvent y donner lieu. Kôlliker a vu, en effet, dans la queue des têtards, les globules sanguins passer sous l'influence de la gêne de la circulation, des vaisseaux sanguins dans les lymphatiques, probablement parle fait de déchirures aux parois vasculaires. R. "NVagner a constaté, en examinant au microscope le mésentère de petits mammifères, que la congestion intestinale donnait lieu à l'apparition d'un grand nombre de globules rouges dans les chylifères. Herbst a aussi fait surgir ces globules en très grande quantité dans la lymphe, en aug- mentant la pression sanguine par la transfusion. Normalement, ce qui passe des vaisseaux sanguins dans les lymphatiques y passe en traversant leurs parois et par une transsudation régulière, sans qu'aucune communication directe soit né- cessaire. Le système lymphatique est donc, dès son origine, un système indépendant qui ne peut rien recevoir directement du système sanguin, et dans lequel les liquides doivent aussi se mouvoir indépendamment des forces qui donnent l'im- pulsion au sang. Cependant comme le système lymphatique a, parmi ses rôles divers, celui de reprendre par endosmose ce que le sanguin a laissé échapper par exosmose, il a, avec ce dernier, des rapports qui méritent la plus grande attention. En effet, ses réseaux sont enlacés avec les capillaires sanguins ; ses mailles en sont traversées dans tous les sens. Il y a plus, chez les poissons et les batraciens notamment, 1. Milne Edwards, Leçons sur laphysiol. et l'anat. comp., t. IV, p. 462. 186 DK l'aBSORI'TIUN. comme aussi dans le rein et dans le poumon des mammifères, les capillaires lymphatiques sont adossés aux capillaires sanguins et aux artérioles. Dans les points où ils se trouvent juxtaposés, le lymphatique entoure à demi ou aux trois quarts le vaisseau sanguin. Là il y a plus qu'adhérence intime, car les parois accolées se confondent en une seule, et c'est à l'opposé que ces parois prennent des fibres élastiques et des fibres musculaires. Il en résulte qu'une partie du plasma sanguin peut, en vertu des lois de l'osmose, passer des capillaires et des artérioles dans les lymphatiques sans s'épancher, en passant, dans la trame des tissus. Dans les centres nerveux de l'homme, comme sur le bœuf, le mouton et les carnivores, les lymphatiques forment, d'après les observations de Ch. Robin \ une gaine complète aux capillaires sanguins les plus petits et aux artérioles, dont le diamètre ne dépasse pas 1/2 millimètre. Le tube sanguin est là inclus dans un large tube lymphatique, et entre la paroi externe du premier et l'interne du se- cond existe un espace plein de lymphe et de noyaux. Le tube lymphatique serait, dans ces conditions, d'abord simplement constitué par une substance homogène légèrement striée longitudinalement; il offrirait, d'après His, une couche épithé- liale à partir des points où il arrive à des dimensions considérables. La constitution des vaisseaux lymphatiques dans les réseaux ou les radicules d'origine n'est pas établie avec une entière certitude. D'après Brucke, ils seraient là sous forme de lacunes, de simples trajets sans parois propres ; suivant KôUiker, ils auraient une paroi amorphe, transparente, semée de noyaux à sa face interne; enfin, pour Ch. Robin, ils seraient simplement formés par une couche de cellules épithéliales exactement appliquées par leurs côtés de manière à ne laisser aucune ouverture. Mais, physiologiquement, cela importe peu ; car, dans tous les cas, la cavité est close soit par une paroi propre, soit par une condensation de la sub- stance dans laquelle la cavité est creusée; les trajets sont définis, délimités, ils servent à la lymphe exclusivement : la lymphe ne peut en sortir pour entrer dans ceux du sang, et le sang ne peut s'échapper des siens pour passer dans les autres. La lymphe dans les réseaux d'origine ne saurait être observée directement avec autant de facilité que le sang dans les capillaires. Son défaut de coloration, et la délimitation vague, souvent insaisissable des lymphatiques, rend de telles obser- vations un peu confuses. Elle peut, sans aucun doute, se mouvoir dans les ré- seaux suivant les sens les plus divers, sous des impulsions extérieures chan- geantes ; elle doit osciller librement jusqu'au moment où elle s'engage dans les petits vaisseaux qui émergent des réseaux, vaisseaux où les valvules commencent à apparaître dès qu'ils ont, disent les micrographes, un diamètre de 5 centièmes de millimètre. Une fois que des lymphatiques un peu volumineux se sont détachés des ré- seaux (his et invisibles, leur texture devient plus saisissable et plus complexe : à la paroi amorphe ou épithéliale s'ajoutent des fibres conjonctives, des fibres élastiques et musculaires qui forment bientôt des membranes nouvelles. Dès lors, 1. Ch. Robin, Reclœrdies sur quelques particularlte's de la structure des capillaires de V encéphale {Journal de la physiol., 1859, p. 537). ITINÉKAIllK DU (.IIIYI.E KT J)E LA LYMPHE. lS7 leur peimoabiliU'' diminue : luut on cuiiservuiil l'aptitude à rabsor[»tiun, ils prennent le caractère de tubes collecteurs chargés d'imprimer une impulsion éner- gique à la lymphe et de lui f;iire suivre une marche régulière vers les centres. C'est à compter des points où les canaux collecteurs deviennent visibles à l'œil nu que la marche des fluides blancs peut être observée avec une certaine facilité jusqu'aux ganglions, et de ceux-ci au canal thoracique ou au tronc lymphatique droit. Nous allons suivre ces lluides chez les solipèdes et les ruminants pris pour types. Commençons parles vaisseaux des extrémités. Dans les membres postérieurs, les lymphatiques commencent à devenir appa- rents sur les côtés des articulations phalangiennes. En dehors, il existe habi- tuellement deux vaisseaux qui s'élèvent du niveau de la première phalange, en suivant la direction de l'artère et de la veine plantaire. L'un d'eux, plus grand que l'autre, reçoit à diverses hauteurs plusieurs branches collatérales, dérivées pour la plupart, de la peau, des synoviales tendineuses et articulaires, puis il croise en avant du tarse, le tendon de l'extenseur antérieur des phalanges, la bride de renforcement de l'aponévrose tibiale, et arrive enfin se réunir aux nom- breux lymphatiques du plexus de la saphène. L'autre vaisseau externe, qui devient bien visible vers la partie moyenne du métatarse, se dirige en avant de la tubé- rosité externe et inférieure du tibia pour longer un instant la bride de renforce- ment de l'extenseur antérieur des phalanges, et devenir satellite plus ou moins éloigné de la veine saphène. En dedans de la même région, on voit s'élever aussi deux lymphatiques de 2 à 3 millimètres de diamètre. Le premier, déjà visible vers les grands sésamoïdes, s'accole à la veine plantaire interne, arrive avec elle en avant du tarse, passe sous les brides aponévrotiques et gagne la face interne de la jambe et de la cuisse. Le second, assez grand et très superficiel, demeure éloigné de la veine, bien qu'il vienne concourir à la formation du remarquable plexus qui suit le trajet de cette dernière. Ces vaisseaux, parvenus à la face interne de la jambe, sont accompagnés d'autres lymphatiques plus petits et très nombreux, qui s'élèvent de diverses hauteurs parallèlement les uns aux autres, soit immédiatement au dessous de la peau, soit entre les aponévroses et les mus- cles les plus superficiels. Us forment là, par leur ensemble, le plus beau plexus lymphatique sous-cutané qui existe dans l'économie. A mesure qu'ils montent à la face interne de la cuisse, on les voit augmenter de diamètre, devenir moins nombreux et se rapprocher de la saphène. Lorsque cette veine s'enfonce dans l'interstice compris entre le long et le court adducteur, ils se trouvent réduits à six ou huit branches du diamètre de plumes de corbeau, qui se glissent avec elle entre les muscles, et se ramifient bientôt dans les ganglions inguinaux profonds. Parfois il en est quelques-uns qui s'élèvent un peu plus que la veine et gagnent seuls le groupe ganglionnaire, ou accolés avec un filet détaché du nerf. Tous les lymphatiques superficiels nés sur les côtés du jarret et de la jambe ne restent pas étalés au-dessous de la peau et des aponévroses : il en est un cer- tain nombre qui s'engagent dans les interstices musculaires pour suivre le trajet des veines tibiales, antérieure et postérieure. Ceux-ci se réunissent aux lympha- tiques profonds, satellites de ces veines, et ne fardent pas à traverser, au-dessus 188 DE l'absorption. des condyles du fémur et en arrière de l'origine de l'extenseur du métatarse, un groupe de quatre à cinq ganglions arrondis, brunâtres et fermes, connus sous le nom de ganglions poplùés. kuàe\h de ce premier amas ganglionnaire, les vais- seaux, nés pour la plupart dans les muscles tibiaox postérieurs, le long vaste et ses congénères, se rassemblent en avant de l'artère fémorale, entre elle et la veine, de même que sur ses côtés ; ils s'élèvent, au nombre de six à buit, vers l'extrémité supérieure du fémur, et abordent les ganglions inguinaux profonds dans lesquels passent tous les satellites de la veine saphène. Les ganglions inguinaux profonds, au nombre^ de quinze à vingt sur les soli- pèdes, forment un groupe allongé sous l'aponévrose crurale, entre les deux adduc- teurs de la jambe,, immédiatement en avant de la veine et de l'artère fémorales. Les lymphatiques qui les traversent ne se distribuent point individuellement dans tous : les premiers qui s'y rendent se ramifient dans les ganglions infé- rieurs, et ceux qui viennent ensuite en font autant dans les ganglions de plus en plus élevés sur le trajet de la veine fémorale. Les ramifications des vaisseaux blancs y sont très larges et facilement perméables aux injections, car les petits lobes ganglionnaires sont mous, jaunâtres, plexiformes à la surface et ceiluleux à l'intérieur; disposition qui contraste avec celle des ganglions poplités dont la consistance, la densité et la teinte cendrée semblent indiquer une perméabilité peu prononcée, telle qu'elle existe du reste dans les ganglions placés les premiers sur le trajet des vaisseaux lymphatiques. Ils manquent chez les grands rumi- nants. Les vaisseaux des parois inférieures de l'abdomen, en dehors de la tunique abdominale, ceux du fourreau, du pénis et des enveloppes testiculaires chez le mâle, des mamelles chez la femelle, se portent en décrivant des flexuosités nom- breuses, vers les ganglions inguinaux superiiciels rassemblés en avant du pubis et près de l'orifice inférieur du trajet inguinal. Ils les traversent, puis se rassem- blent au delà du groupe en six ou huit troncs accolés les uns aux autres, et répar- tis inégalement en avant et en arrière des vaisseaux sanguins. Les plus petits, situés généralement en avant de ceux-ci, sont les plus nombreux. Les plus grands, du diamètre d'une plume à écrire, sont énormément développés sur les mâles entiers et les femelles qui allaitent; ils s'engagent tous ensemble dans le trajet inguinal et, parvenus à une certaine hauteur dans ce canal, ils s'unissent aux lymphatiques qui sortent des ganglions inguinaux profonds, se ramifient en par- tie dans ces derniers, pour se porter ensuite dans la cavité abdominale, en sui- vant la direction des troncs iliaques externes. Les lymphatiques d'une partie de la face antérieure de la cuisse, de la face externe et d'une certaine étendue de la croupe, se dirigent vers un petit amas ganglionnaire noyé dans le tissu fibro-graisseux de la partie antérieure de la cuisse, et k la surface du fascia-lata. Ce groupe, peu important chez les solipè- des, est remplacé chez le bœuf par un gros ganglion brunâtre, allongé, très dense, comme la plupart des ganglions de ce ruminant. Il correspond évidem- ment aux ganglions iliaques externes de l'homme, des singes et des carnassiers. Les lymphatiques qui l'ont traversé deviennent assez larges en s'accolant à une branche de la circonflexe iliaque et à sa veine satellite : ils remontent avec ces ITINÉRAIRE DU CUVLIi: ET DE LA LYMPHE. 189 llf , vaisseaux à la face interne du fascia, pénètrent dans la cavité abdominale, et abordent avec la circonllexo les ganglions sous-lombaires. Ainsi, la lymphe des extrémités posté- -^ ^.«5.^^.^^ rieures, rassemblée par des vaisseaux pro- fonds, satellites des artères et des veines et par une inlinité d'autres vaisseaux super- ficiels répandus surtout à la face interne des membres , traverse donc plusieurs groupes de ganglions avant de parvenir dans l'abdomen. Celle des vaisseaux pro- fonds de la partie inférieure des membres passe dans les ganglions poplités, puis de là dans les ganglions inguinaux de l'arcade crurale; celle des vaisseaux superficiels, du pied , de la jambe , d'une partie de la cuisse, se rend directement dans ces der- niers ganglions; celle des organes géni- taux externes, des mamelles, d'une partie des parois de l'abdomen, aborde les gan- glions inguinaux superficiels ; enfin la lym- phe de la face antérieure de la cuisse et d'une partie de la croupe vient traverser les ganglions précruraux, pour passer de là dans l'abdomen par les ouvertures que franchissent la circonflexe iliaque et quel- ques autres branches du tronc pelvien. Il faut maintenant suivre cette lymphe au delà des premiers ganglions, jusque vers le point de départ du canal thoracique, et en même temps voir le trajet de celle qui émane des parties profondes de la croupe, du bassin et des parois abdominales. Chez l'homme, les lymphatiques des membres abdominaux offrent dans leur ensemble une disposition analogue à celle qui existe chez nos grands herbivores do- mestiques. Le plexus superficiel de la face interne aboutit aux ganglions inguinaux qui sont multiples, comme le montre la figure 137, réduction de celle de Mas- Ife^^^^s^^^ cagni. Les vaisseaux blancs, qui naissent dans pi'^as?. -Lymphatiques superficiels du les muscles profonds de la croupe, autour membre inférieur, d'après Mascagni(*). (*) 1, 1, Ganglions inguinaux. i: ■^cii 190 DE l'absoiu'ïjon- de la queue, à l'extérieur du bassin, dans la cavité pelvienne, s'accolent aux artères et aux veines fessières, ischiatiques, iliaco -musculaires, ischio-sacrées, et parviennent, en suivant le même trajet que ces veines, dans les ganglions sous- lombaires; mais ils sont fort difficiles à suivre à travers les parties qu'ils traver- sent; d'autant que, n'ayant, jusqu'alors rencontré aucun ganglion, ils n'atteignent pas un diamètre bien considérable. Les lymphatiques sortant des ganglions inguinaux superficiels et profonds, après s'être rassemblés vers le haut de l'arcade crurale en deux ou trois troncs volumineux, suivent le trajet de l'artère iliaque externe et de sa veine satellite jusqu'au point oii elle se jette dans le tronc de la veine cave. Là ils se divisent dans les ganglions sous-lombaires avec les lymphatiques venus directement du bassin, ceux du cordon testiculaire, de l'utérus, des ovaires, et avec les vais- seaux émanés des ganglions cruraux. Ces ganglions sous-lombaires, très nombreux et d'un volume considérable, sont groupés sur les côtés de l'aorte et de la veine cave, et en dessous de ces vais- seaux, depuis l'extrémité antérieure du sacrum jusqu'au niveau de la grande mésentérique ; ils sont traversés par tous les lymphatiques qui viennent se ter- miner à la naissance du canal thoracique. Chez les solipèdes, le premier, en commençant d'arrière en avant, c'est-à-dire en suivant le cours [de la lymphe, est impair et placé sur la ligne médiane dans le sinus de l'angle formé par la séparation des deux iliaques internes : il reçoit principalement les lymphatiques qui accompagnent les artères sous-sacrées, et quelques divisions musculaires de la croupe. Le second ganglion, pair, comme la plupart des autres, situé immédiatement sur le côté de l'aorte, entre le tronc cru- ral et le tronc pelvien, reçoit les lymphatiques dérivés des ganglions inguinaux su- perficiels et profonds, et ceux des ganglions cruraux. Ces derniers vaisseaux se divisent avant de l'aborder, puis le pénètrent à son extrémité postérieure, et en sortent pour passer de là dans les ganglions plus rapprochés du réservoir sous-lom- baire. Le troisième ganglion volumineux de la région accolé à l'aorte, en avant de l'iliaque externe et à l'origine de la circonflexe, reçoit les branches qui sortent du pré- cédent et les trois ou quatre lymphatiques qui rampent autour de l'artère et de la veine circonflexe, vaisseaux dérivés des ganglions précruraux et des parois latérales de l'abdomen. Enfin, un nombre assez considérable d'autres sont disséminés sur les côtés de l'aorte, à sa face supérieure et en dessous de la veine cave. Leur volume, leur forme, leur situation respective et leur nombre n'ont rien de bien déterminé, et jamais ceux d'un côté n'affectent la même disposition que ceux du côtéopposé. Tous les ganglions, les uns jaunâtres, les autres plus ou moins rosés, sont, chez les solipèdes, excessivement mous et susceptibles de se gonfler à divers de- grés. Les plus grands montrent à leur surface et dans leur épaisseur les ramifi- cations des lymphatiques qui y arrivent et qui en sortent. Les moins grands, et surtout les plus rapprochés de la citerne, sont rosés, très mous, plexiformes au plus haut degré, et formés, à proprement parler, par des lymphatiques sinueux accolés ou pelotonnés ensemble. Aussi, quand ils sont distendus par lymphe ou par les matières à injection, ils doublent et même triplent de volume, en mon- trant nettement leur texture réelle. IThNÉRAIRE DU CHYLE ET DE LA LYMPUE. 191 Il est à remarquer, du reste, et ceci a une importance capitale sous le rapport de la progression de la lymphe, que les vaisseaux qui se rendent aux ganglions sous-lombaires ne s'y résolvent pas complètement en divisions ténues, desquelles naissent ensuite des branches de plus en plus grandes , comme on le voit dans la plupart des ganglions, et notamment dans ceux que les vaisseaux traversent pour la première fois. Les lymphatiques, en arrivant à ces ganglions, leur donnent des branches qui s'y divisent jusqu'à une extn' me ténuité, et d'autres qui les traver- sent en rameaux énormes, de telle sorte qu'une partie de la lymphe charriée par ces vaisseaux passe directement des afférents dans les efférents, sans traverser le parenchyme ganglionnaire. Aussi, les matières à injections, même les plus gros- sières, passent-elles avec facilité des vaisseaux de l'arcade crurale, par exemple, dans le canal thoracique. De même, l'air que l'on insuffle dans ces derniers ne tarde pas à distendre les ganglions, puis à passer dans la citerne et à parvenir dans le système veineux par l'intermédiaire du canal thoracique. On conçoit, d'après cela, la possibilité de tuer les animaux en poussant de l'air par les vais- seaux qui offrent une telle disposition. Chez les ruminants, les animaux carnassiers et les singes, les ganglions sous- lombaires ne présentent plus les mêmes caractères. Ceux du bœuf sont compacts brunâtres, bien circonscrits. Le premier, et le plus grand de tous, est aplati, discoïde, échancré en avant, au point d'où se détachent les efférents. Il occupe l'espace triangulaire laissé entre la circonflexe iliaque et le tronc crural. Les au- tres, situés en avant de celui-ci, autour de l'aorte et de la veine cave, reprodui- sent, sous de moindres proportions, les particularités distinctives du premier. Des ganglions sous-lombaires, de chaque côté, s'échappent deux ou trois grosses branches, qui se réunissent souvent en une seule, longue d'environ 10 à 12 centimètres, depuis son point de départ jusqu'à sa jonction avec l'origine du canal thoracique. Le vaisseau des ganglions droits passe au-dessous de la veine cave, entre elle et l'aorte, vient s'anastomoser assez souvent avec les branches du côlon flottant. et s'ouvre dans le canal thoracique au niveau de la deuxième vertèbre des lom- bes, immédiatement en arrière de la veine et de l'artère rénales droites. Le vais- seau des ganglions gauches, accolé à l'aorte, passe tantôt au-dessus d'elle, tan- tôt au-dessous, pour se terminer au même point que le précédent, avec lequel il se met en rapport dans une étendue de 2 à 3 centimètres. Parfois, les branches émanées des ganglions lombaires, au lieu de se rassembler en deux vaisseaux principaux, un de chaque côté, restent distinctes et marchent accolées en for- mant deux faisceaux, qui s'ouvrent dans la citerne au lieu ordinaire. Enfin, dans quelques cas, ces vaisseaux viennent s'aboucher dans une grosse branche, en arrière de la grande mésentérique, et apportent à la citerne la lymphe du côlon replié avec une partie du chyle de l'intestin grêle. Après avoir amené à la naissance du canal thoracique la lymphe des diverses parties des membres postérieurs, du bassin, des organes génitaux et des parois abdominales, il faut aller chercher celle des viscères digestifs, puis la conduire de même à ce qu'on appelle depuis longtemps le réservoir sous-lombaire. La lymphe des dernières parties du gros intestin, c'est-à-dire du rectum et du 192 Dli L ABSOIU'TION. côlon llotlant, est rassemblée par plusieurs vaisseaux qui sillonnent le mésen- tère de ces deux sections du tube digestif. Ceux du pourtour de l'anus passent déjà à travers deux ganglions placés à la base de la queue, de chaque côté du sphincter. Ceux de la partie antérieure du rectum se glissent, en décrivant des flexuosités, au-dessus de la branche horizontale de la petite mésentérique et vien- nent, au nombre de cinq ou six, traverser un petit amas ganglionnaire placé tout près du tronc de cette artère. Les lymphatiques nés des divers points du côlon flottant traversent, en sortant dos tuniques intestinales, les nombreux ganglions qui se trouvent à l'insertion du mésentère, entre les arcades artérielles et vei- neuses et la bande charnue du bord concave de cet intestin. Ils remontent en- suite entre les deux lames du mésentère, soit en suivant les vaisseaux sanguins, soit en serpentant dans leurs intervalles. Chemin faisant, quelques-uns de ces lymphatiques se jettent encore dans des ganglions arrondis, inégalement espacés sur le trajet des divisions de la petite mésentérique. La plupart se rassemblent vers l'origine de celte artère pour se réunir en plusieurs branches anastomoti- ques avec les divisions des ganglions sous-lombaires. Quelques-uns, notamment les plus antérieurs, s'unissent aux vaisseaux lymphatiques du côlon replié, et concourent ainsi à la formation de l'une des grosses branches intestinales qui s'ouvrent dans la citerne du chyle. Les lymphatiques du côlon replié et du caecum affectent une disposition fort remarquable. Ceux du côlon replié, nés pour la plupart dans le tissu de la mem- brane muqueuse, se dirigent tous vers les artères et les veines coliques près des- quelles ils traversent quelques petits ganglions disséminés à l'origine des bran- ches collatérales des artères coliques droite et gauche, puis se rendent à d'autres ganglions très nombreux, rangés en une double chaîne sur le trajet des grands vaisseaux, et à l'attache du frein péritonéal qui unit l'une à l'autre les deux parties de cet intestin. Les petits lymphatiques, à mesure qu'ils sortent des ganglions, se rassemblent pour former d'abord deux ou trois troncs qui longent les artè- res, leurs veines satellites et leurs nerfs. Ils reçoivent, sous des angles très aigus, les branches qui émanent successivement des diverses granulations de l'une des deux chaînes. Les branches qui naissent dans des points plus rapprochés de l'origine des artères coliques augmentent graduellement de diamètre et de lon- gueur, elles ne viennent se terminer aux grands vaisseaux lymphatiques qu'après avoir rampé près d'eux sur un trajet assez étendu. Bientôt, quelques-unes d'en- tre elles marchent parallèlement à ces derniers, et forment des troncs nouveaux qui, à leur tour, grossissent comme les autres par l'adjonction de ramifications collatérales. Enfin, vers la naissance des deux artères du côlon replié, les dix à douze lymphatiques qui les suivent parallèlement se plongent dans de nouveaux ganglions, et en sortent sous forme de grosses branches très courtes, dont la réunion à celles des vaisseaux de l'intestin grêle donne naissance aux deux troncs par lesquels la lymphe et le chyle sont versés dans le réservoir sous-lombaire. Les lymphatiques du cœcum se rassemblent, comme ceux du côlon replié, sur le trajet des deux artères caecales et de leurs veines satellites. Ils se plongent aussi dans deux chaînes ganglionnaires, et donnent naissance à de longs vaisseaux qui aboutissent au même tronc que ceux de l'intestin grêle. ITINÉRAIRE DU CHYLE ET DE LA LYMPHE. 193 Les vaisseauv blancs qui puisent dans l'intestin gnHo le chyle et la lymphe sont plus multipliés que dans aucune des autres parties de Téconomie. Après s'être dégagés du tissu des villosités dans lesquelles naissent, comme nous l'avons vu, leurs principales racines, ils traversent la muqueuse et la membrane charnue pour se rendre entre les deux lames du mésentère. Là, d'abord nombreux, et très petits, ils s'anastomosent les uns avec les autres, en diminuant de nombre et en prenant un diamètre plus considérable, sans jamais arriver à de grandes propor- tions. Parvenus à 1 ou 2 décimètres au-dessous des ganglions, ils sont réduits au nombre de quatre à cinq cents canaux rapprochés, pour la plupart parallèles entre eux et avec les vaisseaux sanguins. Dès qu'ils abordent les vingt-cinq à trente ganglions groupés vers la naissance des artères de l'intestin grêle et les quinze à vingt petits ganglions de l'iléon, ils s'y divisent, puis en sortent à l'état de grosses branches, dont l'ensemble concourt à la formation des deux troncs intestinaux dont nous avons déjà parlé. Ces chylifères ne traversent pas d'autres ganglions, car ceux que certains anatomistes décrivent au bord concave du petit intestin sont imaginaires. Les lymphatiques de l'eslomac se rassemblent vers les courbures du viscère. H en est un grand nombre qui vont se plonger dans les gros ganglions de la pe- tite courbure, entre le cardia et le pylore, entre l'extrémité de l'œsophage et la tubérosité gauche.- Les autres se dirigent vers les petits ganglions disséminés sur la grande courbure, à l'attache de l'épiploon spléno-gastrique. Tous se rassemblent sur le trajet des artères et des veines gastriques , remontent au niveau de la grosse tubérosité , vers le tronc de la cœliaque. Là ils s'anastomo- sent avec ceux qui dérivent de la rate et du foie', et se réunissent en plusieurs branches flexueuses, qui s'ouvrent directement, les unes dans le canal thoraci- que, les autres après s'être confondues avec le tronc antérieur des lymphatiques intestinaux. Ceux de la rate, nés les uns dans la profondeur du viscère, les autres à sa sur- face, se dirigent vers l'artère et la veine spléniques ; ils traversent plusieurs grou- pes de ganglions disposés sur le trajet de ces vaisseaux, à partir du milieu de la longueur de la scissure ; remontent au nombre de cinq ou six vers l'origine de l'artère en formant un peloton sinueux dont les divisions, anastomosées avec celles de l'estomac et du foie, s'abouchent, d'une part, dans le tronc antérieur des lymphatiques de l'intestin, et, d'autre part, dans un magnitique plexus commu- niquant directement avec le canal thoracique. Enfin, les lymphatiques du foie, observés pour la première fois par Yeslingius, forment un réseau très serré à la surface et un lacis dans l'intérieur du paren- chyme. Ils se rassemblent vers la scissure postérieure, se plongent d'abord dans un premier groupe ganglionnaire fort petit, puis dans un second groupe de gan- glions volumineux, arrondis, cachés entre le tronc de la veine porte et le pan- créas. Ruysch en a donné, pour le cheval, une ligure que Blasius et d'autres auteurs ont reproduite. Leur abouchement est commun à celui des vaisseaux de l'estomac et de la rate. Ces nombreux lymphatiques, dérivés des viscères abdominaux, concourent avec ceux des extrémités postérieures à la formation du canal thoracique qui G. cotiN. — Physiol. conip., 3^ édit. JI. — 13 194 DE l'absorption. conduit le chyle el la plus grande partie de la lymphe dans le système veineux. Considérons donc d'abord ce canal à son point de départ, avant de le suivre jus- qu'à sa terminaison. Au-dessus de l'aorte, au niveau du corps de la deuxième vertèbre des lombes, entreles deux piliers du diaphragme, les lymphatiques des extrémités postérieures et des viscères de l'abdomen, viennent s'ouvrir dans une ampoule très large, dite citerne du chyle, aplatie, irrégulière, qui prend une forme cylindrique et se dévie à droite en pénétrant dans la cavité thoracique. Cette ampoule, à parois fort minces, presque transparentes, adhère intimement en haut avec le ligament vertébral com- mun inférieur, en bas avec l'aorte, et sur les côtés avec les tendons d'origine des piliers diaphragmatiques. Elle reçoit en arrière les vaisseaux lymphatiques des ganglions lombaires, à gauche, les deux troncs terminaux des chylifères et des lymphatiques, tant du gros intestin que de l'estomac, du foie et de la rate, enfin, à droite, quelques petites branches provenant de ces trois derniers organes. Les vaisseaux lombaires, multiples à leur départ des ganglions qu'ils ont tra- versés en dernier lieu, finissent par se réunir de chaque côté, le plus souvent en une ou deux branches, dont la jonction avec la citerne a lieu tantôt directement, tantôt par l'intermédiaire du tronc lymphatique intestinal postérieur, ou même, dans certains cas, par ces deux modes réunis, car il est fréquent de voir le vais- seau lombaire droit s'ouvrir dans la citerne, tandis que le gauche s'abouche dans le tronc dont je viens de parler. Ce tronc lymphatique intestinal postérieur, qui résulte de la fusion d'une par- tie des vaisseaux du côlon et de l'intestin grêle, naît à gauche des divisions de la grande mésentérique, se porte en arrière de l'origine de cette artère, croise la direction de l'aorte, s'engage entre elle et la veine cave, en arrière de l'angle droit du pancréas, de l'artère et de la veine rénales droites, puis se recourbe de manière à décrire un arc à concavité antérieure, enfin s'insère au confluent de la citerne. Il arrive souvent que ce vaisseau, dont le diamètre moyen est de 1 cen- timètre à 1 centimètre et demi, se dilate un peu avant sa terminaison, de manière à former une ampoule ovoïde innominée, que l'on trouve fréquemment pleine de chyle ou de lymphe après la mort. Le tronc intestinal antérieur, habituellement plus considérable que le précé- dent, amène une partie du chyle de l'intestin grêle, et une certaine proportion de la lymphe du gros intestin, de l'estomac, du foie et de la rate. A partir de sa naissance, qui a lieu à gauche du faisceau de la grande mésentérique, il se dirige en avant de celle-ci, passe entre elle et la cœliaque, puis se recourbe brusque- ment en arrière, s'applique en dehors sur le pilier droit du diaphragme qui le sépare de l'aorte, croise, presque à angle droit, la direction du cordon splanchni- que du grand sympathique, passe au-dessus de la veine et de l'artère rénales droites, en arrière desquelles il s'abouche dans la citerne. Cette branche, longue de plus de 1 décimètre, depuis le point où elle reçoit les satellites de la cœliaque jusqu'à son insertion à droite de l'aorte et de la citerne, se trouve habituelle- ment renflée en avant de l'origine de la grande mésentérique. L'ampoule qu'elle offre en ce point, étant le confluent des vaisseaux de l'estomac, du foie et de la late avec ceux d'une partie de l'intestin, peut être considérée comme ITINÉRAIRE DU CIIYLE ET DE LA LYMPHE. 1 9o une citerne accessoire dont le volinne égale à peu près celui d'un œuf de perdrix. Enfin les petites branches sinueuses qui dérivent du voisinage de la cœliaquc s'ouvrent à gauche de la citerne par plusieurs orifices, et à 7 ou 8 centimètres en avant du conlluent des branches lombaires et intestinales. Le réservoir sous-lombaire, ou le réceptacle du chyle ainsi constitué est très grand, et d'une complication remarquable chez les animaux solipèdes. C'est une vaste cellule allongée, aplatie, accolée à l'aorte et au corps des deux premières vertèbres des lombes. Sa cavité , anfractueuse , diverticulée et divisée par des brides, se dilate à droite au niveau du confluent et en avant de ce point pour don- ner naissance au canal thoracique; elle se dilate, de la même manière à gauche, quand il y a là un second canal plus ou moins exactement semblable au premier. Les variétés de configuration qu'elle peut offrir sont fort nombreuses, ainsi que l'indiquent les figures des pages suivantes, qui représentent les principales. La ligure élégante que Ruysch a donnée du réservoir sous-lombaire du cheval ne reproduit ni l'état normal, ni aucune de ses variétés, car l'illustre anatomiste, peu familiarisé sans doute avec l'organisation des solipèdes, a pris une des grosses branches qui aboutissent au réceptacle du chyle pour ce réceptacle lui- même ^ Chez le bœuf, les afférents du canal thoracique n'ont pas la même disposition que chez les solipèdes. Les chylifères et les lymphatiques du gros intestin, dès qu'ils arrivent au mésentère, traversent des ganglions compacts , brunâtres, dont quelques-uns ont une longueur de 20 à 30 centimètres, puis en sortent peu nombreux, avec un diamètre considérable, se réunissent progressivement en un tronc volumineux, qui s'accole à l'artère et à la veine grande mésentérique, la seule qui existe. Ce canal, qui, à mesure qu'il s'élève, grossit par l'adjonction de nouvelles branches, passe avec la mésentérique à gauche de la partie antérieure du cœcum, de la première partie du côlon et de plusieurs anses d'intestin grêle, sous le pancréas. Arrivé en arrière du foie, il reçoit une branche considérable pourvue de plusieurs ampoules ovalaires, résultant de la fusion des lymphatiques de l'estomac, du foie et de la rate. Cependant quelquefois cette branche parvient directement à la citerne sans se réunir au canal dont nous parlons. Celui-ci, par- venu à 1 décimètre ou seulement à quelques centimètres de l'aorte, se divise en deux branches, l'une qui se dirige en arrière et reçoit, au bord supérieur de l'aorte, le tronc commun des vaisseaux lombaires ; l'autre, qui se glisse en avant, gagne le niveau du corps de la première vertèbre lombaire et vient, en se réu- nissant à la première, former une arcade ou une couronne autour de l'artère et de la veine rénales droites. De la partie antérieure de cette couronne, se détache, par un renflement plus ou moins prononcé, l'origine du canal thoracique Mais assez souvent il n'en est pas ainsi : la branche dérivée des estomacs, du foie et de la rate, se porte directement à la citerne ; la branche intestinale s'y porte aussi, en arrière de la précédente, après avoir donné un rameau rétrograde qui s'anastomose avec le tronc des vaisseaux lombaires, lequel suit le bord supérieur 1. Voyez cette planche dans Gerardi Blasii, Anatome animalhimi 1681, p. S18. 196 DR l'absorption. de l'aorte pour se joindre au conlluent des deux bi'anclics susdites. Ici encore, il y a une arcade autour de l'artère rénale droite. Chez les petits ruminants, la chèvre et le bélier, par exemple (fig. 138), la disposition d'ensemble des afférents de la citerne de Pecquet est à peu près sem- blable à celle qui existe dans le bœuf. Les vaisseaux sous-lombaires qui, à l'en- trée du bassin, forment deux branches, ne tardent pas à se réunir en un tronc très valvuleux, long de 1 décimètre, passant au-dessus de l'aorte pour se rendre à la citerne. Le canal chylifère, satellite de la mésentérique, arrivé à trois travers de doigt de l'origine de cette artère, se divise en six à huit branches parallèles accolées ensemble, qui se séparent en deux faisceaux, venant finalement s'ouvrir dans le réservoir sous-lombaire après avoir décrit une arcade autour de la veine et de l'artère rénales droites. Je ne sais si cette remarquable disposition est constante chez ces animaux. Fig. 138. — Canal thoracique simple des petits l'uminants. Chez les carnassiers, la réunion des vaisseaux sous-lombaires avec les chyli- fères et les autres lymphatiques des viscères abdominaux est peu compliquée. Tous ces vaisseaux s'abouchent isolément dans une ampoule ovoïde qui com- mence en haut de l'aorte dans la cavité abdominale, et se prolonge dans le thorax en avant du pilier droit du diaphragme. Le réceptacle du chyle y est même pro- portionnellement beaucoup plus développé que dans beaucoup d'autres animaux. Aussi peut-il y être facilement reconnu sans le secours des injections, en ouvrant tout simplement le thorax et l'abdomen d'un chien en pleine digestion. Il est si peu dilaté dans quelques espèces, que plusieurs anatomistes en ont nié l'exis- tence, mais il ne s'y trouve pas moins. Déjà, du temps de Haller, on l'avait reconnu dans le chien, le loup, le lion, l'ours, le phoque, le hérisson, le cheval, le bœuf, lé cerf, la chèvre et le porc. Voilà le chyle amené à l'origine du canal thoracique, mêlé à la lymphe des parties postérieures du corps et des viscères abdominaux ; il faut conduire ces deux fluides dans le système veineux, c'est-à-dire étudier leur trajet dans toute la longueur de la veine blanche du thorax, A partir du point de jonction des divers affluents de la citerne de Pecquet, le canal thoracique reste encore dilaté sur une certaine étendue, entre les deux piliers du diaphragme et en avant. Son renflement oblong, ovoïde, large de plus ITINÉRAIRE DU CHYLE ET DE LA LYMPHE. 197 de 2 centimètres, se dégage de l'espace compris entre l'aorte et le corps des ver- tèbres, se dévie à droite et vient se placer sur le côté de cette artère à son bord supérieur. Là, depuis la dernière vortèlire dorsale jusqu'à la sixième, c'est-à-dire jusqu'à l'origine du muscle sous-dorso-atloïdien, le canal tlioraciquedes solipèdes longe le bord inférieur de l'azygos et le bord supérieur de l'aorte, en dehors des artères intercostales droites, et complètement à découvert ; il reçoit, au niveau de chaque vertèbre de petites branches qui proviennent des ganglions disposés en une double chaîne dans le tissu adipeux interposé à la colonne dorsale et à l'aorte. Au niveau delà sixième vertèbre du dos, il s'éloigne un peu du rachis, se dirige vers la ligne médiane, passe au-dessous et à droite de l'azygos, dont il croise la direction, reçoit inférieurement des branches des ganglions œsophagiens et bronchiques, se place entre le sous-dorso-atlo'idien et l'œsophage, puis passe à gauche de ce conduit et de la trachée, se glisse entre les lames fibreuses qui s'élèvent du péricarde, à la base des gros vaisseaux, sous le milieu du long du cou. Là il devient tout à fait apparent du côté gauche, à travers les lames du médiaslin antérieur, y décrit un S, puis, vers la première côte, s'engage entre les ganglions lymphatiques, à la face interne des artères dorso-musculaire, cer- vico-musculaire, des veines correspondantes et du ganglion cervical inférieur du nerf grand sympathique. Il sort du thorax en dessous de l'œsophage, séparé de la première côte gauche par la veine vertébrale, puis se dirige en bas et vient s'ouvrir au sommet de la veine cave antérieure, en haut du point de réunion des deux veines jugulaires. Dans sa partie préthoracique, il est compris dans un espace triangulaire à base supérieure, circonscrit par deux lames fdjreuses qui, s'élevant de l'appendice trachélien du sternum, passent entre les deux veines jugulaires, pour se fixer aux apophyses trachéliennes des deux dernières vertèbres cervicales, à la face interne des muscles scalènes. Le canal thoracique, qui reçoit toujours vers son insertion jiliisieur-; lnanches FiG. 189. — Canal thoracique simple du cheval. des ganglions voisins, particulièrement de ceux du côté gauche, n'a pas un dia- mètre uniforme, ni des parois également épaisses sur toute la longueur. Sa cavité se rétrécit graduellement, depuis le diaphragme jusque vers le milieu de la ré- gion dorsale, s'agrandit un peu à l'endroit oij s'abouchent les vaisseaux des gan- 198 DE l'absorption. glions bronchiques, se resserre de nouveau entre les lames du médiastin antérieur, enfin se dilate \ers le golfe des jugulaires, de manière à donner à la portion ter- minale du conduit la forme d'une ampoule ovoïde, tantôt à peine prononcée, tantôt, au contraire, assez considéral)le pour atteindre le volume d'un œuf de perdrix. Les parois du canal, partout assez minces pour être presque transpa- rentes, sont renforcées à partir de la base du cœur par les lames fibreuses émanées du péricarde, et par un tissu de même nature. Aussi sa distension, à sa partie antérieure, est-elle très restreinte par ce revêtement protecteur. Le canal thoracique est loin de se montrer toujours tel chez les solipèdes que je viens de le décrire ; il y présente, sur son trajet et à son insertion, un grand nombre de variétés que nous devons passer en revue. Le canal simple se sépare quelquefois, sur un point de sa longueur, en deux branches qui, après avoir marché parallèlement, se réunissent bientôt pour re constituer le canal unique. Cette division s'opère habituellement au niveau de la base du cœur, c'est-à-dire à l'endroit où s'abouchent les vaisseaux des ganglion^ bronchiques et œsophagiens; elle forme un anneau dont l'ouverture n'a souvent pas plus de 1 centimètre de diamètre, ou une ellipse dont le giand axe a de 1 à 2 décimètres d'étendue. On la voit se produire une, deux et même trois foi? sur la moitié antérieure du canal, qui redevient simple à son insertion comme il l'était à son origine. Les espaces circonscrits par les bifurcations constituent ee qu'on appelait autrefois les insula. Le canal, au lieu de demeurer simple, devient fort souvent double dès son point de départ (fig. 140). Alors les deux canaux sont sensiblement égaux, ou FiG. 140. — Canal thoracique double des solipèdes (*). l'un est plus grand que l'autre. S'ils sont inégaux, c'est ordinairement le droit qui l'emporte sur l'autre ; cependant le contraire a lieu quelquefois. Dans tous les cas, les deux canaux sont isolés, l'un à droite, l'autre à gauche de l'aorte. En s'avançant vers l'entrée du thorax, ils restent complètement séparés, oii ils com- muniquent entre eux par une ou deux branches anastomotiques transversales plus (*) A. Le réservoir du chyle. — B. Les brauches souslombaiies. — C. La braaclie iiiéseutériqup aulé- euie. — D. La branche mésentérique postérieure. ITINÉRAIRE DU CHYLE ET DE LA LYMPIJE. 199 OU moins volumineuses, Parvenus à 2o, "iU et même quelquetois à 3 ou 4 centi- mètres de leur abouchement au golfe des jugulaires, les deux canaux se rappro- client et se confondent [en un seul. C'estgénéralement au niveau de la base du cœur que leur fusion s'opère. Jamais je n'ai vu sur le cheval les deux canaux rester distincts dans toute leur étendue et venir s'insérer isolément dans la veine cave. Ouelquefois lig. 141) il émane des ganglions de l'entrée du thorax un long canal qui marclie parallèlement au premier avec lequel il va se joindre par un cours rétrograde vers les piliers du diaphragme. FiG. 141. — Canal thoracique avec affluent rétrograde. Le canal thoracique. double dans la plus grande partie de son étendue et à partir du réservoir sous-lombaire, Unit parfois par devenir triple. Dans ce cas, le plus grand des deux canaux se divise en deux branches ; puis les trois canaux, après avoir parcouru un certain trajet, sie joignent ensemble au même endroit ou bien deux d'entre eux se réunissent d'abord en un seul, auquel le troisième \a s'aboucher à une dislance variable du confluent des premiers. Les variétés d'insertion sont peu communes chez les solipèdes. Généralement le canal est simple lorsqu'il s'ouvre dans la veine cave. Quelquefois, mais fort rarement, il est divisé en deux branches, longues tout au plus de 2 à 3 centimè- tres, qui s'insèrent isolément soit l'une au-devant de l'autre, soit sur la même ligne transversale, laissant entre elles un léger écartement, espèce d'arcade rap- pelant une disposition fréquente dans le chien, et déjà figurée par Blasius il y Q près de deux siècles. Le lieu où se fait l'insertion des deux canaux est invariable : c'est toujours en haut de la veine cave, précisément au point de jonction des deux jugulaires, ce qu'aucun anatomisie n'a indiqué avant moi. Jamais le canal ne se termine ni à l'axillaire gauche, ni à la réunion de cette veine avec la jugulaire correspon- dante, comme le dit Bourgelat. On ne le voit pas non plus s'ouvrir tantôt dans le tronc brachial gauche, et tantôt dans le tronc brachial droit comme l'avance Girard, ni enfin, soit dans l'un, soit dans l'autre de ces deux troncs, ainsi que l'indique M. Lavocat. Ces prétendues insertions sont purement imaginaires. Le canal thoracique des grands ruminants, une fois parvenu dans le thorax 200 DE l'absorption. par une ouverture spéciale du diaphragme presque distincte de l'arcade aortique, se place au-dessus et à droite de Taorte, entre elle et la colonne vertébrale. Là, quoique en dehors des artères intercostales correspondantes, il est complètement caché par une couche épaisse de tissu graisseux, dans laquelle sont enveloppés les nombreux ganglions sous-dorsaux. Vers la cinquième vertèbre dorsale, il reçoit un gros vaisseau lymphatique provenant des ganglions énormes qui existent sur le trajet de l'œsophage dans le médiastin postérieur, puis croise la direction de l'aorte et de l'œsophage, passe à gauche, gagne l'entrée du thorax s'ouvre en avant de la première côte, au-dessus du point de jonction de la jugulaire gauche avec la veine cave antérieure. Les variétés qu'il présente chez le bœuf sont nombreuses et fort communes. La disposition la plus rare est celle du canal simple dans toute sa longueur, telle que je viens de l'indiquer. Ce canal (figure 142), simple à son origine et dans la ÏIG. 1-L2. plus grande partie de son étendue, se bifurque souvent vers la base du cœur, ou seulement à 1 ou 2 décimètres de son insertion. De ses deux branches, l'une passe à droite de l'œsophage et de la trachée, l'autre se porte à gauche de ces parties, en suivant la direction ordinaire. A l'entrée du thorax, elles se termi- nent séparément, soit dans l'angle de réunion de la jugulaire et de l'axillaire cor- respondante, soit ensemble au confluent des deux veines jugulaires. Il arrive que l'une des branches du canal bifurqué se subdivise à son tour en deux plus petites, et que l'autre éprouve en même temps une semblable subdi- vision, de telle sorte que le tronc du ca- nal, d'abord unique, devient double, puis quadruple, et s'abouche conséquemment par quatre orifices distincts dans le système veineux. Si les branches du canal, au lieu de rester isolées, s'envoient des anastomoses transversales, il en résulte une complication (fig. 143) dont les solipèdes n'offrent pas d'exemples. Le canal thoracique est souvent double dans toute son étendue. Les deux Fig. 14.3. ITINÉRAIRE DC CHYLE ET DE LA LYMPHE. 201 canaux se détachent alors isolément de la citerne, suivent, l'un le côté droit, l'autre le côté gauche de l'aorte, décrivent une arcade à convexité inférieure, au niveau de la base du cœur, sur les parties latérales de la trachée, et viennent se terminer, soit très près l'un de l'autre, sur la même ligne transversale à la jonc- tion des deux jugulaires, soit l'un adroite, l'autre à gauche, sur chacune de ces deux veines, et non loin de leur jouetion avec les axillaires (lig. 144). Fiù. lU. — Canal thoracique double et à deux insertions du bœuf. Lorsqu'il nait deux canaux au réservoir sous-lombaire, ils s'anastomosent quel- quefois entre eux à plusieurs reprises par des branches sinueuses, contournées en diflërents sens, comme le montre la ligure 145. Puis, toutes ces branches se FJii. 145. — Canal thoracique double à branches anastomosées et ù insertions multiples. rassemblent dans le médiastin antérieur, et reconstituent un canal simple qui, vers son insertion, se subdivise de nouveau en quatre branches venant s'ouvrir isolément deux à droite et deux à gauche, au lieu ordinaire. Cette xariété est la plus remarquable et la plus compliquée de toutes celles qui s'observent chez les animaux domestiques. Le canal thoracique du porc, habituellement simple dans toute son étendue, se divise quelquefois à 3 ou 4 centimètres de son insertion en deux branches. qui ne tardent pas à se réunir en une ampoule ovoïde ; celle-ci, après avoir reçu 202 DE l'absorption' . les vaisseaux de la tête, de l'encolure et des membres, s'ouvre vers l'extrémité de la jugulaire gauche. Celui du cliien ressemble généralement beaucoup à ce qu'il (!st chez le porc. Cependant il offre parfois dans son trajet ou à son insertion de très nombreuses variétés. Rudbeck y a signalé une bifurcation au-dessus du cœur, une autre dont les branches s'anastomosent plusieurs fois entre elles. Swammerdamm et Sténon ont figuré des divisions anastomotiques nombreuses et irrégulières vers le milieu d'un canal simple à son point de départ. Ces anciens auteurs ont indi- qué et représenté des insertions doubles et triples de différentes formes. Enfin Bilsius a fait voir une arcade, ou plutôt un anneau très remarquable à l'insertion du conduit et à sa jonction avec les vaisseaux lymphatiques du cou et des mem- bres antérieurs, anneau plus ou moins analogue à celui que j'ai observé plusieurs fois sur le cheval, le porc et le chat. Nous reviendrons sur ce point à propos des modilications que peuvent apporter au cours du chyle et de la lymphe les diffé- rentes formes du canal thoracique. Le canal thoracique de l'homme, qu'il soit simple ou plexiforme, se termine à la veine axillaire gauche, tantôt par une seule branche légèrement dilatée, ou par plusieurs. On peut aussi quelquefois le voir double. Alors l'un des canaux se ter- mine dans l'axillaire gauche, l'autre dans la droite. Ses variétés ont été pour la plupart indiquées et figurées parles anciens anatomistes. Le canal thoracique a donc amené dans le système veineux le chyle mêlé à la lymphe des membres pelviens, de la partie postérieure du tronc, des viscères abdominaux, des parois abdominales et thoraciques, d'une partie du diaphragme, des poumons, etc. Il faut rechercher maintenant par quelle voie la lymphe des parties antérieures du tronc et des membres thoraciques vient se jeter dans les veines. Or, procédons toujours des parties périphériques vers les plus rappro- chées du confluent du système lymphatique. Les vaisseaux blancs des membres antérieurs s'élèvent des diverses régions du pied, à peu près de la même manière que ceux qui leur correspondent dans les membres abdominaux. Les plus inférieurs d'entre eux deviennent satellites des veines plantaires, et acquièrent un diamètre assez considérable à partir du genou. Ceux qui naissent en des points de plus en plus élevés prennent bientôt les pro- portions habituelles à la généralité des lymphatiques des membres. En avant du genou, on voit s'élever un ou deux vaisseaux qui suivent une divi- sion veineuse sous-cutanée, longent les muscles antibrachiaux, passent entre le mastoïdo-huméral et le sterno-huméral, puis deviennent profonds vers l'angle de l'épaule. De la partie interne du carpe il part deux ou trois beaux lymphatiques, qui suivent la direction de la sous-cutanée interne de l'avant-bras, et se glissent avec elle au-dessous des aponévroses les plus superticielles. Dès qu'ils arrivent vers la partie supérieure du radius, ils s'engagent entre le sterno-aponévrotique et le coraco-radial avec l'une des deux branches de la veine sous-cutanée interne, et vont se rendre aux ganglions du coude, placés en dedans de l'extrémité infé- rieure de l'humérus. Les lymphatiques profonds se rendent aussi aux mêmes ganglions, tout en sui- vant des routes différentes. Les antérieurs accompagnent, pour la plupart, l'artère ITINÉRAIRE DU CHYLP ET DE U UMPUE, 203 FiG. 146. — Canal tho- racique de 1" homme d'après Ch. Robin (*). (*) Réservoir de Pecquet ou citerne du chvie et canal tho- racique distendus par le mer- cure, avec les veines dans lesquelles se jettent les lympha- tiques (celles-ci ont été repré- sentées sans avoir reçu d'injec- tion). MM, trait indiquant la ligue médiane du corps, GG, ganglions lymphatiques lom- baires envoyant leur» efl'érenls dans le réservoir; P, \e réser- voir, plein de mercure, il resie un peu déprimé, d'une largeur qui peut varier de 5 à 17 milli- mètres d'un sujet à l'autre, s'il n'est pas représenté par un plexus ou un simple confluent de quatre à sis conduits; C, tronc venant des glandes lym- phatiques chylifères qui se jet- tent dans la citerne; LL, troncs lymphatiques se jetant dans le canal; ÏT, le canal thoracique, toruleux, placé à droite, passant à gauche, et renflé ici à son origine; BT, dilatation assez fréquente près de son abouche- ment; A, abouchement du ca- nal dans la veine sous-clavière gauche (S), après avoir décrit une courbe anguleuse ; J, veine jugulaire interne coupée, près de l'abouchement de laquelle a lieu celui du canal ; 0, lympha- tiques efférents venant des glandes axillaires ; QQ, autres venant de celles du cou; DD, deux des petits ganglions inter- costaux dont les etï'érents vont dans le canal ; U, N, lymphati- ques efférents des glandes lym- phatiques de l'épaule droite formant la gravée veine lym- phatique ; V, abouchement do celle-ci dans la veine sous-cla- vière droite (F) ; lymphatique efférent des ganglions du cou se jetant isolément (K) près de la jugulaire interne droite (I) ; Z, abouchement de la grande veine azygos derrière la veine cave supérieure ; XY, origines lom- baires de l'azygos; RR, la pe- tite azygos passant de gauche à droite, derrière le canal, pour se jeter dans la grande azygos. 204 DE L ABSORPTION. FiG. 147. — Lymphatiques du membre supérieur, d'après Mascagni (*). radiale antérieure et la veine correspon- dante, et parviennent à la masse ganglion- naire du coude en passant entre le long fléchisseur de l'avant-bras et l'humérus. L^ postérieurs deviennent satellites de la veine et de l'artère radiales postérieures, rejoignent les autres vers le niveau de l'articulation huméro-radiale, se rappro- chent de quelques vaisseaux groupés sur le trajet des divisions de l'artère épicon- dylienne. En ce point les lymphatiques sous-cutanés s'anastomosent avec les pro- fonds, prennent un assez fort diamètre et se rendent, au nombre de six ou sept prin- cipaux, dans les ganglions du coude. De ceux-ci sortent une dizaine de vaisseaux parallèles entre eux, croisant la direction de la veine humérale pour parvenir à un second groupe ganglionnaire situé à la face interne de l'épaule et près de l'inser- tion du grand dorsal. Chez l'homme les lymphatiques du membre supérieur commencent aux extré- mités des doigts. Ceux de la face posté- rieure de la main, de la tace interne de l'avant-bras et du bras, se portent vers l'aisselle . après avoir traversé un ganglion au pli du coude. Ils abou- tissent aux ganglions axillairc-s, puis aux sous-claviculaires , sous - scapulaires cl thoraciques correspondant aux divers groupes qui existent chez les animaux. La (igure 147 de Mascagni en donne une idée exacte. Les lymphatiques de la région infé- rieure du thorax, de l'ars et de l'angle de l'épaule, forment un magnifique plexus à la surface du sterno-huméral et du sterno- aponévrotique. Là ils se dirigent d'arrière en avant, parallèlement à l'axe du ster- num, et s'engagent au nombre de vingt- cinq à trente, entre le premier de ces deux muscles et lemastoïdo-huméralpour (*) 1, ganglions axillaires; 2, ganglions épitrochléens. ITINÉRAIRE DU CHYLE ET DE LA LYMPHE. 205 se rendre aux ganglions axillaires. Les plus antérieurs, disséminés vers l'angle de l'épaule, sur le dernier muscle que je viens de citer, sont asssez volumineux ; ils décrivent quelques sinuosités avant de s'engager dans les interstices muscu- laires. Les vaisseaux des membres antérieurs traversent donc d'abord les ganglions du coude qui correspondent aux ganglions poplités des membres abdominaux; ils se portent de là aux sous-scapulaires qui se groupent autour de l'origine de l'artère humérale et à l'insertion du grand dorsal. Aussi ces trois amas gan- glionnaires s'indurent et deviennent énormes à la suite des afTections graves du pied, notamment de celles qui s'accompagnent d'engorgements douloureux et de suppurations abondantes. Enfin les lymphatiques des membres anté- rieurs se réunissent à ceux de la tète et de l'encolure, dans les ganglions pré- pectoraux , avant de s'ouvrir, soit dans le tronc lymphatique droit, soit dans le canal thoracique, plus ou moins près de son insertion. Les vaisseaux de la tête deviennent déjà fort nombreux et assez apparents au- dessus des lèvres, au pourtour des ailes du nez et à la surface externe de la joue. Ceux des lèvres, qui forment un très beau plexus vers les commissures, s'élèvent sur la joue en se rapprochant, les uns du canal de Sténon et de ses vaisseaux satellites, les autres du bord inférieur du maxillaire. Ceux des cavités nasales, de la pituitaire, des naseaux se portent en dehors de la joue, forment immédiate- ment au-dessous de la peau, ainsi qu'entre le sous-cutané et le muscle alvéolo- labial, un réseau très remarquable, dont les branches se dirigent toutes vers les ganglions sous-glossiens, soit en s'accolant au canal de Sténon et à la veine glosso- faciale, soit en demeurant disséminées à la surface de la branche du maxillaire, où l'on en compte de douze à quinze depuis la symphyse jusqu'au niveau du muscle masséter. Les ganglions sous-glossiens, auxquels ils vont se rendre avec ceux de la partie antérieure de la langue et de la bouche, constituent deux groupes immé- diatement au-dessous de la peau dans l'espace intra-maxillaire, au niveau des scissures oi!i passent le canal de la parotide, la veine et l'artère glosso-faciales. Leurs granulations nombreuses, fermes, jaunes ou brunâtres, reçoivent chacune un certain nombre de petits lymphatiques qui, après les avoir traversées, se réunissent en plusieurs troncs plus volumineux, se dirigeant vers les ganglions pharyngiens. On en voit un, deux, trois, qui s'accolent à la branche glosso-faciale de la jugulaire et passent àla face interne du sphéno-maxillaire, puis trois ou quatre qui deviennent satellites du digastrique, en avant et en arrière de ce muscle. Les vaisseaux de la partie supérieure de la tête, de l'oreille et des régions voi- sines sont très ténus et difficiles à suivre. Ils se portent versun ganglion fort petit chez les solipèdes, enveloppé dans le tissu de la glande parotide, volumineux, allongé et ovalaire chez les ruminants. Ce ganglion très remarquable a été vu depuis longtemps, chez le bœuf, par Sténon ^qui l'avait appelé parotide con- globée, pour le distinguer de la glande salivaire, désignée alors sous le nom de parotide conglomérée. Ses efférents, très peu nombreux, se rendent aux gan- glions pharyngiens. Ceux-ci, placés en haut, sur les côtés du pharynx et en dehors des poches 206 DE l'absorption. gutturales, chez les animaux solipèdes, forment un grand nombre de granulations molles, jaunâtres, divisées en deux groupes, l'un au-dessus du pharynx, l'autre en arrière du larynx et sur les côtés des corps thyroïdes. Les vaisseaux qui y arrivent ou en émanent, et ceux qui relient entre elles les diverses granulations, forment en dehors des poches gutturales un très beau plexus, qui se distend à un haut degré, consécutivement à l'application d'une ligature sur le trajet des vaisseaux lymphatiques du cou, satellites de l'artère carotide. La lymphe de la tête, après avoir traversé les ganglions pharyngiens, est portée vers les ganglions de l'entrée du thorax, par un ou plusieurs vaisseaux qui longent la trachée et l'artère carotide, Ces vaisseaux, qui existent à droite et à gauche, sont souvent doubles, même triples à la partie supérieure de la trachée; ils se réunissent généralement, après un trajet de 1 à 2 décimètres, en un ou en deux canaux larges comme un tuyau de plume, appliqués sur le côté de la trachée, immédiatement en avant de l'artère carotide. Ils reçoivent sur leur trajet plu- sieurs branches collatérales, souvent très longues, qui émanent des petits gan- glions échelonnés sur les côtés de l'artère, et qui les relient entre eux. Lorsqu'ils parviennent à l'entrée du thorax, il se ramifient dans des ganglions allongés, couchés au-dessus et en avant du golfe des jugulaires. Quelquefois ceux du côté opposé s'ouvrent directement dans le canal thoracique, sans s'être ramifiés préa- lablement dans les ganglions; mais jamais les vaisseaux droits ne paraissent se terminer ainsi dans le tronc lymphatique correspondant. Les autres vaisseaux de l'encolure sont moins volumineux que les précédents, mais ils sont en nombre très considérable dans les parties profondes, surtout à la surface du mastoïdo-huméral, du splénius et du trapèze cervical. Les premiers, disséminés entre les muscles, se rassemblent en grande partie sur le trajet des divisions de l'artère cervicale supérieure et de sa veine satellite, pour se rendre aux ganglions qui existent à la face interne du mastoïdo-huméral , autour de la préscapulaire et de la branche ascendante de la cervicale inférieure. Les seconds, ou les plus superficiels, se dirigent de haut en bas, en croisant obli- quement l'axe de l'encolure. On les voit former, immédiatement au-dessous de la peau, un plexus remarquable à branches presque toutes parallèles et extrême- ment déliées. Deux ou trois d'entre elles seulement, qui descendent du bord supérieur de l'encolure vers la gouttière des jugulaires, se distinguent par un calibre considérable et deviennent le siège de ces cordes farcineuses dont la direc- tion est à peu près invariable. Les lymphatiques cervicaux superficiels et profonds ne pénètrent, pour la plu- part, dans le thorax qu'après avoir traversé deux ou trois groupes de ganglions placés en avant de l'épaule, sur le trajet de la préscapulaire et de la cervicale inférieure. Ces ganglions, assez volumineux dans le cheval, sont, dans le bœuf, plus nombreux et groupés en un chapelet qui suit tout le bord antérieur de l'épaule, depuis son angle articulaire jusqu'à son cartilage de prolongement. Une fois que les lymphatiques du cou ont traversé les ganglions dont noug venons de parler, ils se rassemblent avec ceux des membres antérieurs et d'une partie du thorax, qui ont eux-mêmes franchi les divers ganglions axillaires pour se jeter dans la dernière série constituée par les ganglions prépectoraux. Parmi ITINÉRAIRE DU CUYLE ET DE LA LYMPUE. 207 ceux-ci, les uns sont en dehors du thorax, les autres se trouvent renfermés dans cette cavité. Les plus antérieurs forment : 1° une masse arrondie située au des- sous de l'insertion du scalène, dans le sinus de l'angle formé par la jugulaire et la veine brachiale ; 2° un amas allongé au dessus de l'extrémité inférieure de la jugulaire, immédiatement en avant du golfe, et recevant de très gros vaisseaux qui émanent des ganglions axillaires, préscapulaires et les grands lymphatiques du cou. Les internes sont rassemblés en plusieurs masses à la naissance des artères cervico et dorso-musculaires, et en un amas allongé qui suit la face interne de la première côte. Ils reçoivent plusieurs vaisseaux satellites des veines dorsale, cervicale supérieure, divers lymphatiques du cœur et du médiastin, de gros vais- seaux provenant de la partie périphérique du diaphragme et satellites des artères thoraciques internes; enfin, à droite, un vaisseau considérable, qui accompagne le nerf phrénique de ce côté. C'est de ces ganglions, éminemment aréolaires et celluleux , que s'échappent des branches courtes et énormes, dont les unes for- ment, par leur réunion, le tronc lymphatique droit, tandis que les autres se joignent au canal thoracique, très près de son insertion, ou se terminent isolément au pourtour des deux grandes branches qui versent la lymphe et le chyle dans le système veineux. Les lymphatiques provenant de la moitié droite du diaphragme, de la plus grande partie des parois latérales de la poitrine, de la moitié droite de la tête, de l'encolure et du membre antérieur correspondant, après avoir traversé les ganglions prépectoraux externes ou internes, se rassemblent en trois ou quatre branches qui, à leur tour, se confondent pour former le tronc lymphatique droit. Celui-ci , long de 2 à 5 centimètres seulement , se trouve diamétralement opposé au canal thoracique, dont il égale souvent le calibre, tout en conservant des parois minces et parfaitement transparentes. Il s'ouvre habituellement à la jonc- tion des jugulaires, à côté du canal, par un oritice muni d'une double valvule semi-lunaire. Quelquefois une ou deux des branches qui concourent à le former décrivent des circonvolutions autour du tronc brachial correspondant ou de quel- ques-unes de ses divisions, avant de rejoindre les autres. Enfin il n'est pas rare de le voir s'anastomoser avec le canal thoracique par des collatérales volumi- neuses, puis se réunir avec lui de manière à s'insérer ensemble par un orifice simple au dessus du golfe des jugulaires. Les lymphatiques de la moitié gauche du diaphragme, la plupart de ceux des parois latérales gauchesMu thorax, ceux de la moitié gauche de la tête, de l'enco- lure et du membre antérieur du même côté, traversent également les ganglions prépectoraux correspondants, et se rassemblent en plusieurs branches qui se terminent souvent en totalité dans le canal thoracique, très près de son inser- tion, et quelquefois les unes dans le canal précité, les autres dans le tronc lym- phatique droit, et quelques-unes enfin sur l'un des points de la circonférence des deux orifices principaux. Les variétés qui existent à cet égard sont nombreuses, mais d'une importance physiologique assez minime. Telle est l'indication des voies que parcourent la lymphe et le chyle pour venir* se mêler au sang veineux. Les figures 148 et 149 sont destinées à rappeler l'en- semble du système lymphatique des solipèdes et des animaux ruminants. m DE L*ABSORPTION. T'ic. I iN. — Ensemble du système lympluilique des solipèdes. ITINERAIRE DU CHYLE ET DE L\ LYMPUE. 209 Fjg. 119. — Ensemble du système lymphatique des ruminants. a. COLIN. — Physiol, comp., 3* édit. II. — 11 210 DE l'absorption. Il suflit de jeter un coup d'ceil sur ces figures [)our voir comment les vaisseaux- blancs des diverses parties du corps se rassemblent pour amener leur contenu dans le canal thoracique et dans le tronc lymphatique droit, qui le versent dans le système veineux. Ainsi, pour les solipèdes (lig. 148), les lymphatiques des cavités nasales réunis à ceux des lèvres, des ailes du nez, forment sur la joue le plexus A, dont les bran- ches se portent aux ganglions sous-glossiens B. Ces branches, avec celles des autres parties de la tête, se rendent aux ganglions pharyngiens D, qui ont déjà reçu de petits vaisseaux provenant du ganglion parotidien G. Les mômes se ras- semblent sur le côté de la trachée en un ou deux gros vaisseaux E qui vont jus- qu'à l'entrée du thorax. Les lymphatiques superficiels de l'encolure, ceux d'une partie des membres et des parois pectorales se rendent aux ganglions F, G, H. — Les lymphatiques superficiels 71 des membres postérieurs arrivent aux ganglions inguinaux profonds Z. D'autres vont aux ganglions inguinaux superficiels X avec les vaisseaux des mamelles, des organes génitaux externes, etc. Ceux du même membre qui se sont portés dans les ganglions précruraux W parviennent isolément dans la cavité abdominale. Les vaisseaux des parois de l'abdomen arrivent, pour la plu- part, aux ganglions iliaques internes V et se dirigent, comme tous les précédents, vers les ganglions sous-lombaires U. Les vaisseaux du côlon flottant S, les chy- lifères de l'intestin grêle R, les lymphatiques du caecum 0, du côlon replié 0', ceux de l'estomac N et de la rate M, se joignent pour former les deux troncs P Q, lesquels aboutissent directement à la citerne. Le canal thoracique L, qui conti- nue celle-ci, vient s'ouvrir au point de réunion 1 des deux jugulaires, c'est-à-dire au sommet de la veine cave antérieure K, et non loin de la veine brachiale I. Les mêmes particularités essentielles se retrouvent dans le bœuf (fig. 149). A sont les ganglions parotidiens ; B, les ganglions pharyngiens; C, le vaisseau principal satellite de la carotide et de la trachée ; D, les ganglions prépectoraux ; E, les ganglions préscapulaires ; F, l'insej'tion du canal thoracique; G, la veine brachiale ou axillaire ; 1, la veine cave antérieure; J, l'azygos; K, les ganglions du médiastin ; L, l'aorte postérieure ; M, la citerne ; N, le tronc chylifère accolé à la mésentérique; 0, les chylifères et les ganglions qu'ils traversent; P, les branches sous-lombaires qui se rendent à la citerne ; Q, les ganglions sous-lom- baires ; R, le gros ganglion précrural; S, les ganglions inguinaux; ï, les vais- seaux satellites de la saphène. Dans l'homme, les lymphatiques et les ganglions de la tête, du cou et de la partie supérieure du thorax offrent, comme le montre la belle planche de Mas- cagni (fig. 150), une disposition compliquée, qui reproduit en partie celle que nous venons de trouver chez les grandes espèces. L'itinéraire des fluides blancs, considéré dans son ensemble, ofl're quelques particularités d'un très grand intérêt physiologique chez les vertébrés ovipares; Dans la classe des oiseaux on voit encore des ganglions, comme chez les mam- mifères, notamment au cou et au thorax, mais en plus petit nombre. On com- mence à y trouver quelques dilatations à parois contractiles, aptes à imprime!' une certaine impulsion à la lymphe. Un sinus situé dans le bassin, près de la queue, a des parois contractiles, des valvules et des cordages tendineux, il charrie ITJNERAIRE DU CHYLE F.T DE LA LVMl'UE. 211 L 4: FiG. 150. - Lymphatiques delà tète, du cou, de la partie supérieure du tronc et du cœur. d'après Ma5cagiu(*). ;-, 1, partie supérieure du canal thoracique : 2, son insertion ; 3, ly^P^^^'^f «^^ ^"nf n^rSV- 8 S- phatiques cardiaques; 3. sanglions aiillaires; 6, ganglions cer^icaus; ,, ganglions sous-occipitaux , 8, gan- glions sous-masillaires ; 9, lymphatiques des parois custale=. 212 DE l'absorption. son contenu dans les veines du bassin et la queue. Au lieu d'un seul canal, les oiseaux ont deux canaux thoraciques qui naissent par un plexus autour de l'aorte abdominale, et se terminent chacun dans la sous-clavière de son côté. Chez les reptiles, la disposition du système lymphatique offre de nombreuses singularités. En plusieurs points de l'économie, disent les auteurs d'anatomie comparée, la lymphe, comme on le voit dans les batraciens, se trouve dispersée dans des lacunes ou des vacuoles du tissu conjonctif. Généralement les canaux lymphatiques entourent de toutes parts les vaisseaux sanguins et leur envoient des fibres nombreuses. Ces canaux dans lesquels les vaisseaux sanguins sont enfermés et comme baignés communiquent avec les citernes et les cœurs lym- phatiques. L'une des citernes entoure l'œsophage et les gros vaisseaux du thorax, l'autre s'étend dans les intervalles des viscères abdominaux et y reçoit le chyle avec la lymphe de quelques autres organes. Quant aux cœurs, 'dont on doit la décou- verte à MûUer, ils sont, le plus souvent, au nombre de quatre, deux à l'épaule, deux à la cuisse, et remplissent le rôle d'agents d'impulsion, car leurs parois sont con- tractiles, à fibres musculaires striées. Ils reçoivent la lymphe par un certain nom- bre de canaux et la versent, les supérieurs dans la jugulaire, les inférieurs dans les veines delà région crurale et ischialique. Leurs contractions sont énergiques, mais non isochrones à celles du cœur ou aux mouvements du thorax. Chez les poissons, les lymphatiques forment de grands canaux superficiels ou des canaux profonds sans valvules dans les cavités viscérales. Ces lymphatiques engainent le plus souvent, comme l'a découvert Piusconi, les petits vaisseaux sanguins. Ils communiquent avec des dilatations ou des sinus contractiles à mou- vements rythmiques, comme celui qu'on voit à la nageoire caudale de l'anguille. Leur abouchement a lieu en plusieurs points dans les veines de la tête et notam- ment de la région caudale. Ils ne présentent sur leur trajet, de même que chez les reptiles, aucune trace de ganglions^. En somme, ce qui dans les poissons et les reptiles distingue, essentiellement les lymphatiques, ce sont les renflements plus ou moins nombreux qu'ils présen- tent, particulièrement sur les grenouilles, les lézards, les serpents, appelés cœurs lymphatiques pourvus de valvules, cœurs dont les pulsations activent la progression de la lymphe. M. Sappey ^ a décrit et figuré récemment ceux qu'on voit dans différentes espèces telles que la raie où leur rapprochement en cer- tains points donne aux lymphatiques des viscères l'aspect moniliforme. Ils me paraissent représenter, sous une forme amplifiée, les nodosités valvulaires des lymphatiques des vertébrés supérieurs, lesquelles remplissent, d'ailleurs, comme au mésentère des ruminants, le rôle de véritables cœurs à contractions rythmiques. C'est dans ces deux classes surtout que les lymphatiques, à leur origine, sont accolés aux capillaires sanguins, aux artérioles, qu'ils les embrassent dans la moitié, les deux tiers de leur circonférence, et même les engainent complète- 1. Voy., pour un exposé détaillé de ces curieuses dispositions du système lymphatique des vertébrés ovipares : MiJne Edwards, ouv. cité, t. IV, p. 462; Ch. Robin, art. Lympha- TiyuEj Diciionn. encyclopédique des sciences médicales, 2" série, t. III, Paris, 1870. 2. Sappey, Mém. sur les vaissaux lympli. des poissons. RÉPARTITION ET TENSION DES FLUIDES LYMPHATIQUES. 213 ment, de telle sorte que le vaisseau sanijuin passe dans l'axe du lymphatique, comme cela existe aussi, suivant les observations de M. Robin, dans l'encéphale des mammifères. CHAPITRE XLIII RÉPARTITION ET TENSION DES LIQUIDES DANS LES DIVERSES SECTIONS DU SYSTÈME LYMPHATIQUE Le système lymphatiqueestun ensemblede vaisseaux liésanatomiquement, mais complètement indépendants au point de vue physiologique. Ses parties forment autant de circonscriptions qu'il y a d'organes. Chacune fonctionne isolément sans influencer les autres. L'une quelconque d'entre elles peut absorber avec activité, se remplir modérément, se dilater outre mesure, retenir ou déverser son contenu, les autres demeurant presque inactives, vides ou affaissées. En outre, l'état d'une fraction du système, à un moment donné, peut être très différent de ce qu'il était avant, ou de ce qu'il va être après. C'est par l'observation de l'animal soumis à la vivisection qu'on arrive à constater ces divers états. Le système lymphatique a d'abord ceci de très particulier qu'il n'est, en aucun cas, complètement rempli. Ses différents vaisseaux n'ont jamais, tous à la fois, le degré de réplétion que quelques-uns d'entre eux présentent dans certaines cir- constances. La plupart sont seulement un peu affaissés sur eux-mêmes et à demi- reraplis de liquide. Les chylifères et les autres lymphatiques intestinaux, dont le nombre est si considérable, contrastent cependant très souvent par leur disten- sion avec l'état de tous les autres. Ce système est donc bien loin de ressembler à celui des vaisseaux sanguins qui contient toute la masse du sang. Le premier, en un temps donné, ne renferme qu'une faible partie des fluides qu'il doit charrier en une période de vingt-quatre heures ; et cette partie, quelle qu'elle soit, est versée dans les veines pendant qu'une quantité nouvelle de fluides de même nature pénètre à son tour dans sa cavité : aussi il passe, en un jour, dans les vaisseaux blancs une masse de lymphe et de chyle qui égale plusieurs fois la massedu sang. Le second système renferme, au contraire, en un temps quelconque, la totalité du fluide sanguin. Dans le premier se trouvent constamment un chyle nouveau et une lymphe nouvelle ; les fluides qui l'ont parcouru une fois ne le traversent plus une seconde. Dans le dernier, au contraire, c'est toujours le même sang qui décrit un cercle et revient mille fois suivre les voies qu'il a déjà suivies. Si la quantité de liquide que le système lymphatique contient dans son ensemble, à un moment donné, est indéterminable, celle de quelques-unes de ses parties peut être évaluée approximativement. Pendant le travail de la digestion intestinale, les chylifères doivent contenir une quantité de chyle égale à la moitié du sangque renferment les artères correspondantes. Lors de la gestation, les lym- phatiques des ligaments larges semblent représenter par leur ensemble une masse même supérieure à celle des artères. Aux membres ceux des plexus superficiels, •2i.'i DE l'absorption. dans une tranche quelconque, renferment aussi plus de liquide que les artères superilcielles de la môme tranche ; mais profondément la môme proportion ne subsiste plus. En se basant sur le rapport de capacité qui existe entre les deux ordres de vaisseaux, on pourrait admettre, par approximation, que les lympha- tiques ont un contenu égal à la moitié de celui des artères. D'après M. Sappey, qui s'est beaucoup occupé d'injections lymphatiques, ils auraient en effet dans les membres environ la moitié de la capacité des artères, et le quart de celle des veines. Ce rapport accepté pour l'ensemble du système conduirait à l'évaluation suivante. Sur un cheval de taille moyenne ayant 30 kilogrammes de sang , la moitié dans les artères et une partie des capillaires, l'autre moitié dans les veines et la seconde partie des capillaires, soit lo kilogrammes pour chacune d'elles ; le système lymphatique supposé égal à la moitié de la capacité des artères renfermerait 7 kil. 1/2 de liquide. Or, comme il peut verser aisément en vingt-quatre heures 60 kilogrammes dans les vaisseaux sanguins, il doit se vider totalement huit fois pendant cette période. A un moment donné, il n'y aurait donc que 60 millièmes de lymphe dans l'organisme, ou 60 grammes par kilogramme |du poids du corps. II est évident que les diverses tranches du cône représenté par le système lym- phatique doivent contenir d'autant plus de liquide qu'elles sont plus rapprochées des réseaux, mais on ne peut déterminer le rapport suivant lequel a lieu l'aug- mentation. Il faut s'en tenir aux données que nous fournit l'observation. Si le système lymphatique ne contient jamais, à la fois, une très grande quan- tité de fluides, ce n'est pas qu'il ait une faible capacité et que ses vaisseaux manquent de dilatabilité; car on sait, d'une part, que le nombre des vaisseaux blancs est immense, et, d'autre part, qu'ils sont susceptibles, en se dilatant, d'acquérir un très grand diamètre, au point de retenir deux à trois fois plus de liquide qu'ils n'en renferment habituellement. Le degré de plénitude de tous les vaisseaux lymphatiques, dans un temps donné, est assez difficile à apprécier. Magendie» prétend que, sur les animaux vivants, les lymphatiques des membres, de la tôte, du cou, contiennent très rare- ment de la lymphe; et que ceux de la région sous-lombaire, du foie, de la vési- cule biliaire, en contiennent plus fréquemment que les premiers. C'est une erreur. Le savant physiologiste n'a pu voir nettement la plupart de ces vaisseaux pleins de liquide parce qu'il les examinait sur de petits animaux : il les aurait toujours trouvés plus ou moins remplis s'il les eût étudiés sur les grands mam- mifères, tels que le bœuf et le cheval. Ces vaisseaux ne sont pas tantôt vides et tantôt pleins, comme il le pense ; ils ne se remplissent ni ne se vident par inter- valles. L'observation démontre qu'ils contiennent constamment de la lymphe ; ceux du cou, de la face interne de la cuisse, des ganglions préscapulaires en renferment toujours assez pour qu'on puisse en faire sortir des quantités appré- ciables en les piquant sur un point de leur trajet. Ceux de la région sous-lom- baire, de l'entrée du thorax, en sont mieux remplis que les premiers encore; enfin le tronc lymphatique droit, le canal thoracique, en montrent toujours une notable quantité. Les différences qui semblent exister, sous ce rapport, entre les 1. Magendie. oiw. cit., t. II, p. 223, 4^ édition. RÉPARTITION ET TENSION DES FLUIDES LYMPHATIQUES. 215 divers vaisseaux comparés entre eux, tiennent à ce que les uns comprimés parles muscles, les plans aponévrotiques, se dilatent peu, tandis que d'autres, plus libres, peuvent se gorger davantage; elles résultent tiussi, en partie, de l'inégale facilité avec laquelle ces vaisseaux se dégorgent dans le canal tlioracique ou dans ses principaux affluents; d'ailleurs les diverses parties du système sont assez indépendantes les unes. des autres pour que certaines d'entre elles puissent être très distendues pendant que d'autres, plus ou moins rapprochées de celles-là, restent presque affaissées ou se maintiennent à un degré moyen de plénitude. La principale cause de l'inégale réplétion des lymphatiques tient à l'inégale abondance des matériaux ofi'erts à l'action absorbante de ces vaisseaux. Dans les points où les éléments de la lymphe se trouvent en grande quantité, les vaisseaux sont pleins, même turgides ; là où ces éléments existent en proportion moindre, ils sont modérément remplis; ailleurs, dans les tissus peu vasculaires et secs, ils demeurent affaissés, presque vides. Sous ce rapport, le système lymphatique contraste avec le sanguin où la répartition tend à s'opérer uniformément sous l'inlluence d'un moteur central. Chaque groupe de lymphatiques absorbe plus ou moins, se gorge dans certaines limites, demeure dilaté ou affaissé pendant des périodes plus ou moins longues sans que la tension dans les districts voisins en soit influencée. On peut affirmer, en thèse générale, que les divers degrés de réplétion des lymphatiques traduisent soit le degré d'irrigation sanguine d'un organe, soit la quantité des produits liquides qui se trouvent sur les surfaces absorbantes, Aussi est-ce, d'une part, des organes très vasculaires ou d'une grande activité fonctionnelle, et, d'autre part, des parties baignées de liquides sécrétés ou venus du dehors que partent les lymphatiques les mieux remplis. La réplétion des vaisseaux blancs exprime, tout à la fois, l'activité nutritive, l'activité sécrétoire et l'activité absorbante. Cependant la réplétion, même outrée, des lymphatiques, peut ne pas être le fait de l'une de ces trois causes. Elle résulte quelquefois de la tuméfaction d'un groupe ganglionnaire, turnéfaction qui rend difficile le passage ou la filtration de la lymphe à travers les ganglions. En somme, les vaisseaux blancs ne contiennent pas seulement de la lymphe « dans des cas particuliers, » comme on l'a dit; ils en renferment constamment. Si l'observation ne le prouve pas assez nettement, il suffit, pour dissiper tous les doutes, d'insérer des tubes métalliques aux vaisseaux dont l'état est d'une consta- tation difficile. On voit, par ce dernier moyen, que la lymphe coule sans aucune interruption, pourvu qu'elle ne se coagule pas dans le tube et que celui-ci reste dans la direction du vaisseau ouvert. L'écoulement continu implique nécessaire- ment la présence permanente de la lymphe dans les vaisseaux blancs. Quoique le système lymphatique contienne constamment des liquides dans toutes ses parties, il se montre sous deux états différents : l'affaissement et la turgescence ; l'afl'aissement qui résulte de la diminution de la masse du sang et de la restriction apportée aux exhalations séreuses, cellulaires, etc.; la turges- cence, qui dépend de l'abondance des matériaux plasmatiques épanchés, des infiltrations cellulaires, des exhalations séreuses. 216 DE l'absorption. C'est surtout dans les glandes prises à itait qu'on constate ces deux états alter- natifs : d'un côté, l'affaissement, la constriction par les temps chauds; de l'autre, la turgescence par les ten:!ps froids. Dans les maladies scrofuleuses de l'homme, dans celles oi!i il y a hypergenèse de globules, dans la morve, le farcin, et toutes les fois qu'il y a introduction de matières septiques, la turgescence est, suivant les cas, étendue à tout le système ou limitée à un certain nombre de ganglions. Elle coïncide ordinairement avec une exagération de leur sensibilité. Le degré de tension de la lymphe ou la pression qu'elle supporte et qu'elle exerce, tant sur les parois vasculaires que sur la substance des ganglions, varie suivant les points du système et les conditions physiologiques ou pathologiques dans lesquelles se trouve l'organisme. Dans les réseaux, la tension doit être très faible, mais elle se montre déjàassez prononcée dans le.s premiers vaisseaux visibles à l'œil, pendant que l'absorption est active, car les liquides s'échappent avec une certaine rapidité des petits vais- seaux blessés nettement dans les parois intestinales. Elle l'est davantage dans ceux des plexus superficiels : on sait qu'il n'est pas rare, en faisant une saignée blanche à la région de la saphène, de voir couler en jet la lymphe des vaisseaux satellites de cette veine. Mais, à l'état normal et tant que le cours des liquides est libre, la tension de la lymphe dans l'ensemble de ses vaisseaux est faible. J'ai cherché depuis longtemps à la mesurer à l'aide de petits manomètres adaptés aux gros lymphatiques ; mais, comme il est fort difficile d'amener le tube manométrique dans un vaisseau par une voie collatérale, de telle sorte qu'une fois placé il n'apporte aucune gêne au cours du liquide et n'en accroisse pas la pression, je n'ai pas encore obtenu de résultats qu'il soit possible de con- sidérer comme à peu près exacts. Les auteurs donnent, d'après Ludwig et Noll, cette pression comme oscillant entre 14 à 26 millimètres de mercure ; mais les résultats obtenus par ces observateurs s'appliquent au tronc lymphatique droit, vers son abouchement dans la veine cave, où la pression est beaucoup plus forte que dans les lymphatiques de moyen calibre. Encore indiquent-ils une pression exagérée, puisque le manomètre était placé, non latéralement, pour laisser le courant libre, mais de façon à le barrer. Dans les parties centrales du système, la tension des liquides, essentiellement mobile et variable, arrive à son maximum par suite de la réduction croissante de l'aire vasculaire. Là, elle peut être mesurée exactement à l'aide d'un tube vertical coudé à l'extrémité, qui doit s'insérer au canal. Gomme ce tube peut atteindre le diamètre de 1/2 centimètre et plus, l'ascension due à la capillarité est négligeable. Voici quelques-uns des résultats obtenus, que j'ai relatés dans mon Mémoire de 1858 : Sur un premier taureau, le liquide du canal thoracique s'est élevé, dans le tube, aux hauteurs suivantes : A la fin de la 1" minute 0 "1^34 — 2« 0ni,60 — .3e 0in,85 — 4* 0m,94 — .5^ i18 DE l'absorption. lieux ^ Mais souvent , à la périphérie du ganglion hypertrophié, induré, devenu caséeux ou crétacé, nulle infiltration ne se montre, comme si, dans ce dernier cas, le passage de la lymphe n'éprouvait aucune gène. Il est à noter que la tension peut devenir énorme dans les vaisseaux collecteurs sans que, pour cela, l'absorption s'arrête. Lorsque la lymphe est arrivée avec peine près d'un ganglion turgide ou malade, la pression outrée qu'elle supporte agit comme le reflux et tend les valvules, la colonne se fractionne en une série de segments très courts qui s'appuient sur les rangs de valvules par lesquels ils sont limités. Il en résulte que les pressions ne s'additionnent point, et que les radi- cules, au lieu d'être chargées de la pression totale de la colonne, n'en supportent qu'une faible partie. Aussi peuvent-elles continuer à absorber et à se remplir, lors même que plus haut la progression des fluides est fortement entravée. Lorsque la marche des liquides est suspendue, par suite de l'oblitération acci- dentelle du canal thoracique ou de sa ligature, s'il est simple, ou sans anasto- moses avec le tronc lymphatique droit, on voit survenir promptement une ten- sion extrême de tout le système, surtout dans les chylifères. Au bout de quelques heures, pourtant, la turgescence semble arriver à des limites où elle se main- tient pendant douze à vingt-quatre heures. Si l'état se prolonge, les ganglions se tuméfient, s'infiltrent, surtout chez les solipèdes et les carnivores, oîi ils sont assez spongieux, puis l'absorption se ralentit et se suspend à peu près complè- tement. La tension des chylifères et celle de quelques autres parties du système, si grande qu'elle soit dans ces conditions, ne parait pas aller toujours jusqu'à pro- duire des ruptures. La ligature que j'ai pratiquée souvent et laissée en place pendant six à vingt-quatre heures n'a déterminé, sur la plupart des sujets, au- cune déchirure appréciable, tant la résistance des vaisseaux lymphatiques est grande et étonnante. Une fois, elle a déterminé une rupture dans le mésentère, suivie d'une vaste infiltration chyleuse. D'ailleurs, il est à noter que la tension, dans le cas d'obstacle opposé au déver- sement, ne croit pas d'une manière indéfinie. Les expériences manométriques m'ont prouvé que, au bout de plusieurs heures, elle n'est pas beaucoup plus considérable qu'après cinq ou six minutes. Et, en effet, sur un taureau dont le canal était lié depuis sept heures, le liquide ne dépassa pas la hauteur acquise dans les autres expériences au bout de cinq minutes. En somme, les liquides dans le système lymphatique sont soumis à des pres- sions inégales qui ne s'équilibrent point d'une section latérale à une autre. Elles vont croissant des extrémités radiculaires vers les centres, mais il ne manque à la tension d'une tranche quelconque, pour atteindre celle de la tranche placée plus près du centre, que ce qui peut y être ajouté par l'élasticité et la contracti- lité des parois vasculaires. C'est parce que cet appoint peut être donné successi- vement que les sections à moindre pression parviennent à chasser devant elles les sections à pression plus forte. 1. Voir sur ces points mes deux lectures. 1° Sur le développement successif de foyers virulents pendant la période d'incubation des maladies chai^bonneuses {Btcll. de VAcad. de Médec, t. VII, 2' série, 1878, p. 199, et t. YIII, 1879, p. 843). FORCES MOTRICES DU CHYLE ET DE LA LYMPHE. 219 CHAPITRE XLIV DES FORCES MOTRICES DU CHYLE ET DE LA LYMPHE Les vaisseaux lymphatiques, n'ayant pas de rapports de continuité avec les capillaires sanguins, ne peuvent transmettre aux fluides qu'ils contiennent aucune impulsion émanée directement des contractions du cœur ni de la réaction élas- tique des artères. La lymphe et le chyle doivent se mouvoir par l'action de forces spéciales qu'il faut distinguer en principales et en auxiliaires. La première force qui fait progresser les fluides dans les vaisseaux blancs résulte de la continuité de l'absorption. C'est une impulsion résultant du jeu des forces moléculaires qui font entreries liquides dans les vaisseaux, molécule à molécule, impulsion appelée a tergo qui suffit aux mouvements de la sève chez les plantes, mais qui ne peut, à elle seule, opérer le transport des fluides depuis les réseaux jusqu'à l'abouchement du canal thoracique dans le système veineux. Dans le végétal, les cellules et les vaisseaux sont constitués par un tissu dépourvu de contractilité ou de toute propriété analogue. Les liquides absorbés par les racines ne peuvent parvenir à toutes les parties de la tige, et tinalement aux feuilles, que par suite de la continuité de l'absorption, c'est-à-dire par le fait de l'impulsion que les molécules nouvelles donnent à celles qui sont déjà engagées dans les voies de la circulation. On sait, en effet, d'après les expériences de Dutro- chet, que la force qui détermine l'ascension de la sève a son point de départ à l'extrémité libre des radicules, dans ce qu'on appelle les spongioles; car si l'on coupe la tige en travers, sur un point quelconque de sa hauteur, la sève vient s'échapper à la surface de la section de la partie continue à la racine, et cette sève suinte également sur une section de la racine, pourvu que l'extrémité libre de celle-ci reste dans les conditions normales. Cette force a tergo, cette poussée qui résulte de l'entrée incessante des molécules nouvelles chassant les molécules anciennes peut, chez les plantes, produire des effets très intenses. Elle élève la sève à une très grande hauteur dans les tubes ajustés aux sections de ceps de vigne; elle exerce sur le mercure du manomètre une pression qui, dans les expériences de Haies ^, est arrivée à 32 pouces de mer- cure ou à 36 pieds d'eau ; quelquefois même elle peut, comme je l'ai constaté dans des expériences faites en 1863, arriver à faire équilibre à 1™,23 de mer- cure ou à oO pieds d'eau. Il lui faut une telle énergie pour faire passer les liquides de cellules à cellules fermées, de vaisseaux à vaisseaux, qui ne sont pas continus entre eux et dont les parois sont plus ou moins rigides, mais il est clair qu'elle n'a pas besoin d'une puissance aussi grande dans l'organisme animal. Quelle que soit l'intensité de cette poussée chez les animaux, elle doit être nécessairement proportionnelle à l'activité de l'absorption. Elle devient très l. Haies, Statique des végétaujc, expérience 36, p. 87. 220 DE l'absorption. considérable dans le système chylifère pendant la digestion et dans les autres lymphatiques toutes les fois qu'il y a des épanchements séreux ou plasmatiques très abondants, soit à la surface des membranes, soit au sein des tissus ; alors elle donne lieu à une extrême turgescence des vaisseaux ; mais lorsque l'absorp- tion se ralentit, faute de matériaux offerts, la force a tergo perd une grande partie de son énergie ; néanmoins elle doit être encore considérée dans ce cas comme la plus importante. Miiller semble la regarder comme suffisant à la pro- gression des fluides dans le système lymphatique. Mais une expérience très simple montre qu'elle n'est pas seule à la détermi- ner. En effet, lorsqu'une ligature est appliquée sur un vaisseau blanc plus ou moins plein, comme le sont habituellement ceux de l'encolure, on voit la lymphe disparaître de la portion de vaisseau comprise entre la ligature et les parties centrales, tandis qu'elle continue à distendre ce vaisseau entre les radicules et le point lié. Or, dans ce cas, le vaisseau n'a pu se vider au delà de la ligature par suite de la continuité de l'absorption, car les nouvelles quantités de lymphe admises n'ont transmis aucune impulsion à la colonne liquide placée au delà du lien. Cette colonne n'a dû se mouvoir que par l'action des parois vasculaires. Dès l'instant que l'impulsion a tergo n'a pas assez de puissance pour déter- miner, à elle seule, la progression du chyle et de la lymphe, d'autres forces doivent venir à son secours; ce sont celles qui résultent de l'élasticité et de la contractilité des parois vasculaires. Les parois des vaisseaux blancs jouissant à un haut degré de la faculté de revenir sur elles-mêmes par le fait seul de leur élasticité, développent la seconde force motrice. Cette faculté rétractile est manifeste dans plusieurs circonstances, après la mort comme pendant la vie. C'est elle qui fait sortir, sous forme de jet, à travers une piqûre, le liquide d'un vaisseau distendu à la suite de la ligature ; c'est elle qui détermine l'écartement des deux bouts d'un vaisseau coupé en travers, et qui ramène à leurs dimensions primitives ceux que la traction a momentanément allongés ; son jeu s'accroît d'autant plus que la distension des vaisseaux est plus considérable; il devient très borné, presque nul, si ces vaisseaux sont affaissés. La force de retrait due à l'élasticité des tuniques vasculaires est purementméca- nique; et c'est à cause de cela qu'elle persiste sur le cadavre, même su ries pièces conservées dans l'alcool. Elle appartient aux diverses tuniques, sauf à l'épithéliale, qui toutes trois renferment des libres élastiques. En effet, d'après Kôlliker, ces fibres se montrent : 1° dispersées longitudinalement dans la membrane réticulée qui double la couche épithéliale, surtout dans les vaisseaux des membres; 2° avec une direction transversale ou annulaire dans la tunique moyenne dite membrane élastique; 3° enfin disposées obliquement et longitudinalement à la tunique externe. Dans ces deux dernières, les fibres élastiques sont associées aux fibres musculaires. Elles sont plus nombreuses dans les gros vaisseaux collecteurs et dans le canal thoracique que dans les petits lymphatiques. L'élasticité des lymphatiques s'accroît progressivement lorsque les vaisseaux acquièrent des dimensions plus considérables, car à mesure que les vaisseaux se dilatent, en se rapprochant des parties centrales du système, leurs parois s'épais- sissent. Elle paraît plus marquée dans les lymphatiques des membres que dans FORCES MOTRICIÎS DU CllVLE ET DE l.A l.VMl'llE. lll ceux du ti'uuc, plus dans les superliciels que dans les prot'unds, à eause de la diiïérence d'épaisseur des parois toute au prolit des vaisseaux des membres et des superliciels; elle est également plus prononcée dans les ampoules voisines de la citerne, si minces qu'elles soient, que dans le canal Ihoracique. La rétractilité lente des vaisseaux lymphatiques n'est pas également accusée dans toutes les parties du système. En général, elle est d'autant plus sensible que les vaisseaux ont un moindre calibre; elle est plus forte dans les vaisseaux sinueux, entourés de beaucoup de tissu cellulaire, comme ceux de l'aine, du cou et de la région sous-lombaire, que dans ceux dont les parois adhèrent intimement aux parties adjacentes. Elle ne parait pas être en rapport direct avec l'épaisseur des parois vasculaires, car les branches lombaires et la citerne, dont les tuniques sont toujours excessivement minces, reviennent mieux sur elles-mêmes que le canal thoracique. Il y a cependant une exception à cet égard pour les solipèdes, dont la citerne adhère intimement à l'aorte et au corps des vertèbres lombaires. Enfin elle est plus ou moins marquée au canal thoracique suivant les animaux : très peu chez le cheval, oîi ce canal, fixé à l'aorte, à Tazygos et aux vertèbres, ne peut que s'aplatir sans se resserrer circulairement lorsqu'il est vide ; beaucoup plus chez les ruminants, où il est complètement entouré de tissu adipeux. La contractilité des parois des vaisseaux blancs produit une troisième force motrice du chyle et de la lymphe. Elle tient à la présence de fibres musculaires, lisses, transversales, dans la tunique moyenne et de faisceaux de même nature, obliques et longitudinaux dans la tunique externe, fibres et faisceaux qui com- mencent à se montrer sur les vaisseaux de deux dixièmes de millimètre. La contractilité qui se manifeste déjà dans les villosités, puis dans les petits vaisseaux des réseaux, devient très évidente dans les lactés du mésentère et dans les plexus sous-jacents à diverses membranes séreuses. On sait depuis longtemps, et Haller en avait fait la remarque, que les vaisseaux blancs dilatés reviennent promptement sur eux-mêmes en se débarrassant de leur contenu. Dès que le mésentère est étalé au contact de l'air, ses lactés, s'ils sont pleins de chyle, se vident brusquement et deviennent à peine visibles. Leur resserrement se produit encore même dans les cas où l'on a placé une ligature sur le canal thoracique; il est plus prompt et plus considérable sur le chien que sur le cheval et les ruminants. Lorsqu'une ligature est appliquée sur le milieu de la longueur des lactés du mésentère, la partie supérieure seule qui peut se vider se resserre au point de devenir filiforme; aussi les plus gros lactés du bœuf finissent par devenir presque imperceptibles. Il en est de même pour tous les lymphatiques du corps mis à découvert, quel qu'en soit le diamètre, mais ils se resserrent à un moindre degré dans les larges vaisseaux du diaphragme, par exemple, dont les parois sont très adhérentes aux parties adjacentes. L'air froid, le contact de l'alcool, des acides affaiblis, des divers irritants chimiques donnent lieu à un resserrement analogue, comme Haller et Schreger l'avaient déjà noté. Si les adhérences externes des lymphatiques sont détruites, le resser- rement est tel, que du diamètre d'un gros tuyau déplume ils arrivent à celui d'un fil très-fin, comme je l'ai maintes fois constaté en opérant sur les satellites de la carotide et de la saphène. Cette contraction s'étend même aux ganglions, surtout 222 DE l'absorption. à ceux qui sont plexiformes, comme les spléniques et les sous-lombaires du cheval. Ces contractions ne sont pourtant pas tellement apparentes qu'elles puissent être toujours constatées. Beaucoup d'observateurs habiles même n'ont pas réussi à les voir. Aussi Tiedemann et Schwann les ont-ils niées, parce que, disenl-ils, les lymphatiques de l'intestin et le canal thoracique n'ont pas éprouvé de mou- vements vermiculaires sous l'influence d'excitations mécaniques ou chimiques, et parce que même les valvules des lactés du lapin sont demeurées immobiles à l'examen microscopique du mésentère de ce rongeur. Mais elles sont d'une consta- tation facile chez les grands ruminants, comme je l'ai reconnu dès avant I808. Les vaisseaux lactés très volumineux chez ces animaux sur le trajet de la grande mésentérique étant mis ànu par l'incision d'une lame du mésentère, s'étranglent sur une longueur de 1 à 2 centimètres; du point resserré le chyle est poussé dans un point plus élevé qui se dilate. Au bout d'un instant, la partie jesserrée se gonfle, tandis que la partie précédemment dilatée se resserre à son tour pour s'agrandir de nouveau. C'est une suite de diastoles et de systoles comparables à celles des cœurs lymphatiques des reptiles, et analogues à ces grands mouve- ments qui produisent sur l'intestin des resserrements et des dilatations alterna- tives. Peut-être ce mode de contraction rhylhmique a-t-il lieu également sur les lymphatiques des autres régions de l'organisme, mais, jusqu'ici, je n'ai pas réussi à l'observer distinctement en dehors du mésentère. Il n'est pas douteux que cette contraction des vaisseaux lymphatiques soit subordonnée, comme celle des vaisseaux sanguins, à l'influence du système nerveux. Mais la démonstration de ce fait est difticile à donner, parce que la contraction et la dilatation des lymphatiques sont produites par des causes nom- breuses dont il faudrait supprimer l'action pour mettre en évidence celle des nerfs. Ainsi, lorsque, en un point quelconque du système, le cours des liquides est gêné, soit par suite d'un resserrement local exagéré des vaisseaux, soit par obstruc- tion des ganglions, les lymphatiques situés en dessous du barrage se gonflent énormément, surtout si les muscles et les autres tissus dans lesquels ils naissent, leur envoient par la compression exercée sur leurs réseaux d'origine, une très grande quantité de liquide. C'est ce que j'ai vu souvent sur la face du cheval, peu après la mort; — dans les ligaments larges de l'utérus gravide; — dans plusieurs points des parois abdominales. Ces expansions régionales résultent d'une absorption momentanément suractivée; d'une poussée trop énergique qui ne coïncident pas avec un départ assez rapide des liquides. Elles ne tiennent ni au relâchement des vaisseaux, ni à une dilatation active, comparable à celle qu'on attribue dans les vaisseaux sanguins aux nerfs appelés vaso-dilatateurs. Cepen- dant MM. Bert et Lafi'ont \ en ouvrant l'abdomen de petits animaux dans l'eau tiède, pour soustraire les chylifères à l'action de l'air et du froid, ont cru pou- voir rattacher les changements d'état de ces vaisseaux à l'action nerveuse. Ils ont \u que l'électrisation des nerfs du mésentère faisait rétrécir et disparaître les lactés et que, au contraire, l'électrisation des nerfs splanchniques les faisait dila- ter. En outre, ils ont constaté que les courants appliqués au bout périphérique li {Comptes rendus de VAcad, des sciences, t. XCIV, 1882, p. 739). FORCES MOTRICES DU CHYLE KT DE LA LYMPHE. 'l'Ti des vagues coupés ilonnent liou d'abord à la dilatation, puis au resserrement de ces vaisseaux. Ce qui rend difliciie l'interprétation de ces effets de l'électri- sation, c'est que celle ci, au lieu de borner son action aux vaisseaux, l'étend aux parois inteshnales qui, en se contractant, poussent des liquides dans le mésen- tère et donnent lieu à une dilatation des lactés, qui peut paraître active. Il fau- drait, pour être rigoureusement en droit de rattaclier la dilatation à l'action des nerfs, la voir se produire dans les vaisseaux vides, c'est-à-dire au moment oi!iils ne sont plus exposés à des causes intérieures et directes d'expansion. Au canal tlioracique les contractions ont pu être provoquées par les stimula- tions galvaniques. Millier les a vues faibles sur la chèvre, Yirchow et Kolliker sur des cadavres de suppliciés. Elles sont habituellement peu prononcées et très lentes sous rinlluence des excitations mécaniques. Dans les ganglions, la contractilité est extrêmement obscure; mais elle doit y l)ersister à un certain degré, puisque les vaisseaux qui y pénètrent conservent, sur une partie de leur trajet, les éléments musculaires de leurs parois; en outre, ces organes ont quelques libres contractiles disséminées, comme Kolliker l'a fait re- marquer, mais elles sont trop peu nombreuses pour qu'on puisse, avec Malpighi, considérer les ganglions comme des agents d'impulsion^ des cœurs lymphatiques. C'est dans les ampoules des batraciens, découvertes par Millier et appelées cœurs lymphatiques que la contractilité est très manifeste. Il y a dans ces organes des mouvements rythmiques, de véritables pulsations dont le nombre peut s'éle- ver à 60 par minute, mouvements qui ne sont ni isochrones entre eux, ni avec ceux du cœur sanguin \ La contractilité développe donc dans le vaisseau lymphatique une action dis- tincte de celle de l'élasticité. Tant qu'elle persiste sur le cadavre, elle donne lieu à des effets que la simple élasticité ne produit pas, surtout à un semblable degré. Ainsi, pendant la vie et sur le cadavre encore chaud, le lymphatique qu'on blesse se resserre plus vite, lance la lymphe plus loin que le vaisseau du cadavre à qui il ne reste plus que le ressort élastique, dont la persistance est indétinie, car Rusconi l'a constaté, après plusieurs années, sur des pièces conservées dans l'alcool. C'est aussi ce que Lauth avait vu dans ses études sur le système lym- phatique. Les trois forces motrices des fluides blancs ont chacune leur rôle ; elles agis- sent tantôt simultanément, tantôt d'une manière successive. L'impulsion a tergo peut très bien suftîre, au début de l'absorption, à pousser les liquides dans les vaisseaux vides; mais, en agissant seule sur ces canaux expansibles, elle en opé- rerait la distension avant de commencer à déverser leur contenu dans le système sanguin ; en outre, elle laisserait ces liquides immobiles dès que l'absorption viendrait à se suspendre. Avec le concours des deux autres, il ne peut en être ainsi. Dès qu'un peu de liquide est entré, la contraction le fait progresser vers le centre et lorsque le vaisseau est distendu, l'élasticité mise en jeu arrive à son maximum. La première force agit toujours; les deux autres entrent en action parallèlement tant que les vaisseaux conservent une plénitude moyenne, un état 1. Voyez pour les détails à ce sujet. Milile Edwards, t. IV, p. 466. 224 DE l'absouption. intermédiaire à la vacuité et à rextrême distension. Au contraire, dans les situa- tions extrêmes, ces deux dernières forces semblent s'isoler. Lorsqu'il y a dis- tension outrée, les fibres musculaires se paralysent, ou, s'il leur reste quelque force, celle-ci est impuissante, sans effet utile. C'est à ce moment qu'en revanche, l'élasticité mise en jeu arrive à sa plus haute puissance. Par contre, lorsque le vaisseau ne renferme qu'un mince lilet de liquide, les parois n'ont presque plus de tendance à s'affaisser davantage ; mais la contractilité seule suffit pourchasser le liquide vers les parties centrales. Toutes les fois qu'on vient à piquer, sur l'animal vivant, un lymphatique très distendu, on voit les deux dernières forces produire successivement chacune son effet. A l'instant même de la piqûre, le liquide est en grande partie lancé sous forme de jet, et il l'est par la force brus- que, instantanée, énergique, due à l'élasticité ; puis la portion que le jet n'a pas entraînée s'écoule lentement à mesure que le vaisseau s'affaisse : ce reste est chassé par la contraction lente du canal, dont le volume se réduit à celui d'un fil. Ainsi, impulsion a tergo résultant de l'absorption , contraction, puis réaction élastique des parois vasculaires, telles sont les trois forces essentielles qui meu- vent les liquides dans le système lymphatique. La première est la force initiale, qui les met en mouvement tant que l'absorption continue, mais qui cesse de les pousser une fois que cette fonction se suspend; la seconde, qui agit surtout lors de la réplétion moyenne, les chasse vers les centres dès que les vaisseaux com- mencent à se remplir : elle vide ces vaisseaux lorsque l'absorption s'arrête, em- porte les fluides qu'ils renferment au delà d'une ligature ou d'un obstacle quel- conque; enfin, la dernière où l'élasticité, sans effet sensible dans le vaisseau affaissé, arrive à sa haute puissance lorsque la distension extrême du vaisseau a presque annulé la contractilité : c'est la force qui, à son tour, devient essentielle dans tous les cas de gène considérable. Du reste, ces trois forces ont chacune une action merveilleusement appropriée aux conditions si variables dans lesquelles se trouvent les vaisseaux absorbants, affaissés dans certains points, demi-pleins dans les uns, turgides dans d'autres. En agissant tantôt parallèlement, tantôt séparément, elles peuvent graduer l'im- pulsion et la proportionner aux difficultés qu'éprouve momentanément et par- tiellement la progression des liquides. Toutefois, à quelque degré qu'elle puisse atteindre, cette impulsion ne suffit pas toujours à surmonter les obstacles placés sur le trajet des vaisseaux. Si, par exemple, la portion flottante de l'épiploon des solipèdes vient à se tordre et à se nouer sur elle-même, les vaisseaux blancs situés au-dessous du nœud continuant à absorber, sans pouvoir se désemplir, acquièrent le diamètre de gros tuyaux de plume et restent tels pendant un temps indéter- miné qui paraît fort long. A ces forces principales, développées par la continuité de l'absorption, par l'élasticité et la contractilité des parois vasculaires, s'en ajoutent d'autres acces- soires, qui sont : les contractions musculaires, les pressions extérieures, les mou- vements, les pulsations artérielles, le jeu du thorax, etc. Les contractions musculaires et le resserrement de certains tissus aident géné- ralement à la progression des liquides dans les vaisseaux blancs, quoiqu'ils la gênent dans quelques circonstances. FORCES MOTRICES DU CHYLE ET DK LA LYMPHE. IT-'^ L'intluencedes contractions intestinales sur les mouvements du chyle, signalée par Lieberkunh, se conçoit mieux qu'elle ne peut se démontrer. Elle s'exerce directement sur la partie du vaisseau qui est au centre de la villosité, laquelle est déjà contractile en raison des libies musculaires qui figurent au nombre de ses éléments. Ces contractions intestinales qui s'exagèrent sur les animaux dont l'ab- domen est ouvert sont certainement l'ane des causes qui. dans ce cas, donnent lieu à l'expulsion si rapide du chyle. Les pressions exercées sur les vaisseaux blancs, dans plusieurs parties, favo- risent notablement la progression de leur contenu. Celle des parois abdominales sur l'ensemble du système cbylifère et sur les lymphatiques des viscères abdo- minaux est une des plus remarquables. En effet, lorsqu'on adapte un tube à l'un des gros lactés mésentériques du taureau, on voit le liquide s'en échapper plus abondant si l'intestin est maintenu dans la cavité abdominale, que si on l'attire hors de la plaie. Les lactés, une fois vidés, se remplissent difficilement et avec une extrême lenteur, si l'intestin est privé de cette pression par une grande inci- sion aux muscles abdominaux, tandis qu'ils se gonflent de nouveau, dans ce cas. après l'application d'une suture. Après la mort, sur l'animal en pleine digestion. ils cessent de se remplir si l'abdomen est ouvert tandis qu'ils continuent à absor- ber une demi-heure ou une heure si ses parois sont intactes. Magendie avait déjà noté qu'en augmentant cette pression, on fait affluer plus vite le chyle dans la citerne. Fort souvent j'ai vu sur des chiens, des chevaux et des ruminants, por- teurs de fistules au canal thoracique, que les quantités de liquides versées aug- mentaient dès qu'une compression un peu forte était exercée sur le ventre. Ces fistules donnaient beaucoup plus sur l'animal couché que sur l'animal debout. De même, quand un tube est adapté aux lymphatiques du cou. il suft^t de pro- mener la main sur la région parotidienne et sur le trajet de la jugulaire, à de fréquents intervalles, pour doubler l'écoulement de la lymphe. Les mouvements qu'exécutent les parties accélèrent très sensiblement la marche de la lymphe. Pendant que l'animal mange, ou qu'il remue simplement les mâ- choires, la quantité de celle qui s'échappe des vaisseaux du cou est augmentée d'un quart, d'un tiers et même de moitié dans un temps donné. J'ai fait souvent cette observation sur les chevaux ou les ruminants, aux lymphatiques cervicaux desquels j'ai adapté des tubes métalliques. Il est clair que, dans ce cas, à l'in- fluence du mouvement s'ajoute celle d'un apport plus considérable de matériaux dans les muscles qui se contractent, et dans les glandes salivaires dont la sécré- tion est devenue très active. Les mouvements généraux produisent une accélération analogue dans l'en- semble du système lymphatique. Aussi le chyle et la lymphe coulent très abon- damment par la fistule du canal thoracique pendant que l'animal marche, qu'il court ou se débat sur place. A ces moments aussi, le chyle dépasse de beaucoup son niveau normal dans le manomètre adapté au canal thoracique. Enfin, les mouvements respiratoires exercent une grande influence sur la pro- gression des fluides blancs dans l'ensemble du système, principalement à ses parties centrales, la citerne sous-lombaire et le canal thoracique. C'est sur le canal thoracique et le tronc lymphatique droit, aboutissants communs de tous les vais- G. coLix, — Physiol. comp., 3' édit. IT. — 15 226 DE l'absorption. seaux blancs, que cette action se tait sentir, et de là elle s'étend, en s'affaiblis- sant, à leurs affluents; puis, de proche en proche, aux autres parties. Voici de quelle manière les choses se passent : Lors de l'inspiration, la tendance à la formation du vide dans le thorax déter- mine une sorte d'aspiration sur les affluents du canal, notamment sur la citerne, sur les branches sous-lombaires et intestinales; le canal se remplit et se dis- tend. Au moment de l'expiration, au contraire, les parois thoraciques et les poumons, en s'affaissant, exercent sur ce canal une pression qui accélère le cours de la lymphe et en pousse une forte ondée dans les veines. Cet effet devient pa- tent lorsque l'extrémité antérieure du conduit est mise à découvert, et surtout lorsqu'on y a fixé un tube qui fait couler les fluides blancs à l'extérieur. Dans le premier cas, on voit, à chaque expiration, et surtout à chaque expiration pro- fonde, la partie antérieure du canal se gonfler, et rebondir à la manière des artères, sous le doigt de l'expérimentateur. Dans le second cas, le jet de lymphe s'élève à une certaine hauteur, puis s'abaisse lors de l'inspiration pour s'élever de nouveau, et ainsi desuite. Les mouvements respiratoires déterminent ainsi dans le canal une suite de pulsations parfaitement isochrones avec eux-mêmes ; par là ils rendent l'écoulement de la lymphe saccadé, c'est-à-dire faible dans l'inspira- tion et plus fort dans l'expiration. Ces phénomènes, que j'ai observés sur le cheval et les grands ruminants, sont d'autant plus sensibles que la respiration est plus gênée et que l'animal fait des efforts plus violents. Les pulsations du canal sont parfois si prononcées, qu'elles se répètent dans un tube de caoutchouc adapté au tube métallique fixé au canal thoracique dans le but de recueillir le chyle et la lymphe. Si l'on a adapté un manomètre au canal, on constate, comme je l'ai fait plusieurs fois, que l'expiration donne toujours lieu à un mouvement ascensionnel plus ou moins étendu de la colonne liquide. Les divers actes qui exagèrent les mouvements respiratoires réagissent aussi sur la progression lymphatique. Ainsi, les efforts musculaires de la déglutition, de la rumination, du vomissement, ceux de l'expulsion de l'urine font couler plus vite la lymphe du cou, de l'abdomen, du bassin, etc. Il y a là une influence complexe de pression, de contraction musculaire et d'aspiration. En outre, le jeu du diaphragme, lié au mécanisme respiratoire, peut exercer, comme le pensait Haller, une influence sur la progression du chyle et de la lym- phe. Cet illustre physiologiste a prétendu que, lors de l'inspiration, les piliers contractés comprimaient l'origine du canal et poussaient son contenu vers les parties antérieures, tandis que, lors de l'expiration, les piliers relâchés laissaient revenir la citerne sur elle-même et lui permettaient de recevoir une nouvelle quantité de liquide qui serait chassée à son tour au moment d'une seconde ins- piration, et ainsi de suite. Pour lui, cette suite de contractions et de relâche- ments alternatifs des piliers aurait sur le chyle l'influence que la systole et la dias- tole du cœur exercent sur le sang. L'action des piliers n'est peut-être pas aussi importante que le pensait Haller; mais elle est réelle pour tous les animaux, tels que les solipèdes et les carnassiers, chez lesquels le canal thoi-acique pénètre dans la poitrine entre ces deux colonnes musculaires, et non pas en dehors du piliei" droitj comme cela arrive chez les grands ruminants. FORCES MOTIUCKS DU CHVLE ET DE L\ LViMPHË. 227 Les secousses communiquées au canal thoracique par l'aorte postérieure, la base du cœur, l'aorte antérieure, les troncs brachiaux et leurs nombreuses divi- sions, peuvent certainement accélérer le cours des fluides qu'il charrie, d'autant mieux que ces vaisseaux se trouvent en contact avec lui, et que plusieurs d'entre eux se glissent dans l'espace qui les sépare du tronc lymphatique droit. L'in- fluence de ces secousses me paraît très réelle; car chez les grands ruminants, les carnassiers et quelquefois même chez les solipèdes, le canal, avant de se ter- miner dans les veines, se contourne sur la cervicale inférieure gauche qu'il em- brasse dans un anneau étroit, quand il se termine par deux branches. Les pulsations artérielles produisent un effet analogue sur les vaisseaux blancs satellites des artères d'un certain volume. Quelques physiologistes ont même pensé que la nature avait, pour utiliser leur influence, groupé les troncs lym- phatiques dans le voisinage des vaisseaux sanguins ; mais il ne faut pas oublier que les grandes voies ménagées avec art servent aussi en grande partie aux veines et aux nerfs pour des raisons différentes. Enfin, l'aspiration que le cœur, en se dilatant, exerce sur le sang veineux, peut être encore considérée comme l'une des causes qui activent le cours des fluides dans le canal thoracique. Cette aspiration, qui se fait sentir dans le système veineux à des distances considérables du cœur, doit avoir une certaine énergie à l'insertion du canal, qui est fort rapprochée des oreillettes. Les forces motrices essentielles et accessoires qui concourent à la progression des fluides blancs étant connues, est-il possible de les évaluer isolément et dans leur résultante? Les données qui pourraient conduire à la solution du problème manquent ; les bases en sont si mobiles et si variables, qu'il paraît difficile de soumettre ces forces au calcul. Cependant une évaluation en bloc semble pouvoir être déduite des expériences manométriques. J'ai essayé plusieurs fois d'appliquer au système lymphatique les moyens qui permettent d'évaluer la force ascensionnelle de la sève ou la tension du sang dans les artères. Il résulte de mes tentatives que l'impulsion de la lymphe et du chyle représente seulement une pression de quelques centimètres de mercure dans tous les cas où aucune cause n'entrave la marche de ces liquides, tandis qu'elle peut faire équilibre à une colonne très élevée si cette progression ren- contre des obstacles. Aussi, quand le vaisseau est à demi-plein, comme dans la plupart des conditions, la lymphe coule sous une pression de moins d'un centi- mètre de mercure. La pression double, triple, quadruple, pour peu que le vais- seau se distende, elle augmente comme celle de la sève à mesure que l'intensité des obstacles va croissant ; elle peut devenir énorme sans que les parois lympha- tiques si minces cèdent et se rompent. Dans le canal thoracique, le manomètre indique qu'elle peut élever, comme nous l'avons vu précédemment, la lymphe ou le chyle à une hauteur de 30, 60, 85 centimètres, 1 mètre 08, 1 mètre 14^ même au bout de quelques minutes, ce qui équivaut presque à la moitié de la hauteur du sang dans le manomètre adapté aux artères. D'après Weiss, elle est égale, dans le canal, à 11 oU 12 millimètres de mercure quand elle est de 5 à 15 dans la jugulaire. Les parois lymphatiques^ si faibles qu'elles paraissent en raison de leur min- 228 DE l'absorption. ceur, sont organisées pour supporter cette pression. D'après Lauth, en efl'et, celles des vaisseaux de moyen calibre supportent sans se rompre, dans les injec- tions, une pression supérieure à celle de l'atmosphère, soit d'une colonne de mercure de 1 mètre à 1 mètre 33. Les parois des vaisseaux sanguins de même calibre, quoiqu'elles aient une épaisseur plus considérable, se rompent, d'après Sheldon, sous une pression égale seulement au quart de celle-là. CHAPITRE XLV DE LA DIRECTION DES COURANTS LYMPHATIQUES La lymphe dans les réseaux peut évidemment se mouvoir suivant les direc- tions les plus variées. L'impulsion a iergo qui, dans les racines des plantes, dirige forcément vers la tige la sève ascendante, tend ici à disséminer d'abord les liquides dans les réseaux et conséquemment à les remplir. Gomme ces réseaux sont parallèles aux surfaces de la peau, des muqueuses, des séreuses, la lymphe peut s'y disperser en suivant dans son ensemble une direction qui n'est plus forcément celle des molécules entrantes. Les particules qui arrivent en un point quelconque peuvent continuer leur trajet dans la direction initiale ou, en même temps, s'étaler en rayonnant vers toutes les parties d'un cercle qui aurait pour centre le lieu de leur entrée. Mais, en fin de compte, les molécules par- venues aux réseaux, poussées par les nouvelles introduites derrière elles, sont sollicitées à former un courant dans le sens des vaisseaux qui émergent des ré- seaux, et c'est à compter de leur entrée dans les collecteurs qu'elles peuvent prendre une direction constante. Il se passe là ce qui arrive pour les molécules d'eau d'une source, qui se rendent par infiltration dans un bassin ou une nappe. Elles peuvent s'y mouvoir d'abord en tous sens; la direction de leur mouvement ne devient fixe qu'à leur entrée dans le courant de déversement. Sous ce rap- port, il y a contraste entre les premiers courants lymphatiques et ceux des capil- laires sanguins. Dans ces derniers, l'impulsion artérielle force le sang à se diriger uniquement vers les veines : les veines seules sont efférentes, tandis que sont efférents, sans aucune distinction, tous les vaisseaux qui naissent des réseaux lymphatiques. La faculté que possèdent les particules liquides de se mouvoir en tous sens dans les réseaux a pour résultat de leur permettre de s'échapper par toutes les voies libres, proportionnellement à l'étendue de ces voies et aux facilités qu'elles trouvent à s'y engager. Mais une fois que les lymphatiques nés dans les réseaux acquièrent un dia- mètre de 3/10" de millimètre, et même bien avant de l'acquérir, dans l'intestin, d'après Briicke, la direction des liquides est rigoureusement fixée par suite de la présence des valvules, du petit nombre et du mode spécial des communications collatérales entre les vaisseaux voisins. Les valvules, dont on doit la découverte à Rudbeck, et la description complète DIRECTION DES COURANTS LYMPHATIQUES. 229 à Ruysch, sont, comme on le sait, des replis de la membrane interne que ren- forcent même des prolongements de la tunique moyenne et qu'une couche d'épi- thélium tapisse. Elles naissent deux à deux, en regard Tune de l'autre, et se trouvent échelonnées à peu près régulièrement, laissant entre leurs paires des espaces de 1/2 centimètre à 1 centimètre, et moindres dans les vaisseaux des membres que dans les lymphatiques profonds de la plupart des autres régions. Par le fait de leur disposition, elles laissent à la lymphe un passage libre ou l'inter- ceptent. Leur bord adhérent est tourné du côté des racines, leur bord libre re- garde les parties centrales du système. Tant que la lymphe marche vers le canal thoracique, elles sont appliquées à la face interne des vaisseaux; dès que son mouvement est gêné ou qu'il tend à devenir rétrograde, elles s'écartent des pa- rois vasculaires, se tendent en travers et, en s'affrontant par leur bord libre à la manière des écluses, barrent complètement le passage. La colonne liquide du vaisseau est ainsi divisée en petits segments, comme celle d'un canal où plu- sieurs écluses sont fermées. Elle offre des nœuds séparés par des étranglements ou plutôt par une série de dilatations ovoïdes régulières, qui lui donnent un aspect moniliforme très caractéristique. Le jeu des nombreuses valvules est donc le premier régulateur de la direction des courants lymphatiques dans les vaisseaux collecteurs. Il force invinciblement les liquides à progresser des radicules vers les parties centrales. Bilsius et quel- ques autres physiologistes le connaissaient bien peu, lorsqu'ils s'imaginaient que la lymphe pouvait monter du canal vers les petits lymphatiques chargés, disaient- ils, de la distribuer à toutes les parties du corps. Il est facile d'ailleurs de voir, tant sur l'animal vivant que sur le cadavre, jus- qu'à quel point les valvules seules mettent obstacle au reflux ou au mouvement rétrograde des liquides dans les vaisseaux collecteurs. Le lymphatique, distendu à la suite de la ligature, ne s'affaisse qu'avec une extrême lenteur au-dessus du lien, lorsqu'on vient à y pratiquer une ponction ; l'injection poussée vers les radicules est arrêtée dès que la matière a été introduite en quantité suffisante pour abaisser les valvules les plus rapprochées du point où elle pénètre. Nous verrons plus tard que celles des veines mettent au reflux un obstacle moins parfait. Mais dans les gros affluents de la citerne, dans ce réservoir, dans le canal thora- cique et le tronc lymphatique droit, les valvules ne fonctionnent pas aussi parfai- tement que dans les lymphatiques de moyen calibre. Aussi permettent-elles, dans ces parties du système, des mouvements oscillatoires et un reflux assez étendu. On n'en trouve presque pas dans la partie supérieure des deux gros troncs qui apportent le chyle et la lymphe à l'origine du canal : elles manquent même à l'insertion de ces deux affluents, et depuis leur jonction jusqu'au point où le canal parvient dans la cavité thoracique. Les premières qu'on trouve chez les solipèdes sur la longueur du canal sont à 1 ou 2 décimètres en avant du réservoir sous- lombaire; les autres se trouvent pour la plupart à son extrémité antérieure, et à partir du point où il croise la direction de l'aorte. Leur nombre est habituelle- ment de cinq ou six paires dans le canal simple ; il est plus considérable quand ce canal est double dans une partie de son étendue. Indépendamment de ces grandes 230 DE l'absorption. \alvules, il s'en trouve de très petites à l'insertion de tous les lymphatiques qui s'ouvrent sur le trajet du canal. Leur présence ne s'oppose point, du moins chez les animaux, à la rétrogradation des liquides, depuis Tinsertion du canal jusqu'à la citerne et à l'ahouchement des branches intestinales ou sous-lombaires : aussi les injections poussées d'avant en arrière pénètrent-elles parfaitement jusque dans ces dernières branches, quoique les anatomistes se plaisent à répéter le con- traire depuis des siècles. A l'insertion du canal thoracique il existe en outre deux valvules, au lieu d'une, comme on le dit généralement. Ces deux valvules, semi-lunaires, larges et très minces, sont placées en regard l'une de l'autre et fixées au canal par leur bord convexe : elles laissent entre elles une fente allongée, dont la direction est paral- lèle à l'axe de la veine cave. Il en existe deux tout à fait semblables, mais beau- coup plus petites, à l'orifice du tronc lymphatique droit. Ces valvules, bien qu'elles puissent s'appliquer exactement l'une à l'autre par leur bord libre, et même se chevaucher, ne s'opposent pas toujours à un faible reflux du sang des veines dans le canal chez les animaux solipèdes ; mais elles mettent à ce reflux un obstacle plus difficile à franchir chez les ruminants, le porc et les animaux carnivores, dont le canal contient rarement du sang. Enfin il paraît que chez l'homme, oîi il y a un grand nombre de valvules sur le trajet du canal thoracique, le reflux est encore plus difficile, car on en cite seulement quelques exemples comme des faits assez extraordinaires. La seconde cause du mouvement des liquides des réseaux vers les parties cen- trales et en même temps le second obstacle à leur reflux est purement dynamique. C'est cette impulsion a tergo qui éloigne sans cesse de leur point de départ les molécules nouvellement absorbées, impulsion dont on ne peut se faire une idée juste qu'en expérimentant sur l'animal vivant. En effet, quoique sur le cadavre dont les vaisseaux sont vides, on puisse insuffler, sans une forte pression, de l'air du canal thoracique dans les vaisseaux de diverses parties, comme Hunter l'a vu une fois, et quoi qu'il soit possible, comme je l'ai constaté souvent, de faire parvenir de cette manière de l'air dans les ganglions bronchiques, dans les prépectoraux, les sous-lombaires et dans le tronc lymphatique droit, on se trouve dans l'impossi- bilité de reproduire ces résultats pendant la vie tant qu'on n'emploie pas une force considérable. Dans ce cas, ce qui lutte activement, de concert avec la résis- tance passive des valvules, c'est la poussée du liquide, l'impulsion qui l'éloigné des radicules et le fait remonter constamment vers les parties centrales. Les anastomoses établies entre les vaisseaux blancs ne paraissent pas disposées de manière à modifier sensiblement la direction des courants lymphatiques. Elles ne ressemblent pas plus à celles des vaisseaux sanguins, au point de vue anato- mique que sous le rapport physiologique. D'abord elles sont rares ; les lympha- tiques marchent parallèlement en demeurant distincts : s'ils s'anastomosent, c'est qu'alors ils sont encore petits et près des réseaux d'origine ; mais à peine attei- gnent-ils 1 ou 2 millimètres qu'ils deviennent distincts en se côtoyant. Quand ils se joignent entre eux, c'est sous des angles très aigus, à sinus tournés du côté des racines; ils se jettent les uns dans les autres plutôt qu'ils ne se mettent en communication par des branches collatérales. Si, par exception, ils s'envoient DIRKCTIUN DES COURANTS LVMl'll ATIQUES. 231 des branches do celle iiiiLine, la lyiii[ilie n'y peut progresser que dans une seule direction : les valvules lui |»ernietlent de se porter d'un vaisseau droit, par exemple, dans un vaisseau gauche, sans qu'elle puisse jamais passer du second dans le premier. L'insufllalion, les injections mercurielles ou autres poussées des racines vers les grosses branches, montrent assez combien les anastomoses sont impuissantes à déterminer une diffusion étendue des fluides d'un vaisseau dans les vaisseaux voisins. Aussi, bien que les chylifères soient anastomosés vers la citerne avec les lymphatiques de l'estomac, du foie, de la rate, du gros intestin et avec ceux de la région sous-lombaire, on ne voit nullement, chez les solipèdes, par exemple, le chyle avant d'arriver au réservoir de Pecquet, se mêler à la lymphe souvent rougeâtre de la rate, ou à la lymphe citrine du gros intestin et de la région des lombes, etc. La disposition des anastomoses, peu favorable à l'établissement de courants latéraux, jointe .aux obstacles que les valvules opposent au reflux, a évidemment pour conséquence de rendre les régions lymphatiques indépendantes les unes des autres, ou d'isoler leurs circonscriptions vasculaires. Aussi la turgescence de l'une d'elles ne change rien ta l'état des circonscriptions voisines. Les vaisseaux d'une partie peuvent être distendus, ceux de la partie voisine demeurant à l'état normal. Les ganglions sous-glossiens droits peuvent être tuméfiés sur le cheval morveux sans que les gauches, distants seulement de quelques centimètres, chan- gent de volume! Il en est de même pour les ganglions lombaires droits par rap- port à ceux de l'autre côté. D'ailleurs, les deux moitiés latérales du système sont isolées. L'une peut être tuméfiée sans que l'autre s'écarte de l'état normal. Les faits pathologiques et les résultats des inoculations expérimentales le prouvent. S'il y a introduction de matières septiques, purulentes, tuberculeuses d'un côté de la ligne médiane, tout ce côté éprouve de la turgescence, devient sensible, ses ganglions s'hyper- trophient; le côté opposé reste étranger à ces changements^. Les ganglions, sans rien changer à la direction des liquides, contribuent cepen- dant à établir une solidarité indirecte entre des parties qui n'ont rien de commun entre elles par leurs vaisseaux blancs. Si l'un d'eux isolé ou un groupe se tumé- fie, en recevant de la lymphe altérée d'un organe malade au point de départ d'une absorption viciée, il finit par perdre une partie de sa perméabilité, et, dès lors, la lymphe stagne dans les parties saines qui envoient la leur à ce même ganglion ou groupe ganglionnaire. Un département lymphatique peut ainsi, en provoquant la turgescence ou l'obstruction d'un ganglion, réagir sur d'autres régions don- nant des affluents à ce même organe. En résumé, dans les réseaux d'origine, la lymphe peut osciller et se mouvoir dans tous les sens, cherchant sa voie d'émergence, fuyant d'un côté si sa sortie est gênée dans un autre sens. Dans les petits collecteurs émanant des réseaux, elle peut encore osciller un peu et revenir à son point de départ, grâce à l'état rudimentaire des valvules qui ne sont là que d'étroits plissements de la mem- 1. G. Colin, Rapport sur deux communications de M. Villemin ayant pour titre ■■ Cause et nature de ta tuberculose {Bulletin de VAcadéraie de Médecine, 1867, t. XXXII, p. 897)- 232 r)E l'absorption. brane interne. A l'extrémité centrale, les oscillations et le reflux sont encore pos- sibles, mais ils sont bornés par l'impulsion vigoureuse que les liquides y ont acquise. Partout ailleurs, dans les myriades de canaux collecteurs formant les plexus intermédiaires aux réseaux et au canal thoracique, les courants ont un« direction uniforme, constante de la périphérie vers le centre, direction aussi bien réglée qu'elle pourrait l'être par un organe d'impulsion analogue au cœur. CHAPITRE XLVl DE LA VITESSE DES COURANTS LYMPHATIQUES Le temps nécessaire à une molécule de lymphe pour arriver des réseaux à l'entrée du système sanguin, le trajet métrique que cette molécule parcourt en une seconde, sont des questions qu'il s'agit d'examiner. La plupart des physiologistes, se fondant sur des apparences trompeuses, se sont figuré ce mouvement comme étant d'une lenteur extrême. Magendie \ qui a semé de très graves erreurs dans la physiologie du système lymphatique, dit que si l'on a comprimé les vaisseaux blancs du cou, « de manière à faire passer la lymphe qui les distend dans la sous-clavière, il faut quelquefois plus d'une demi- heure avant qu'ils se remplissent de nouveau , et souvent ils restent vides. » Si une telle lenteur s'observe quelquefois, elle est tout à fait exceptionnelle : les expériences faites avec soin, montrent que, normalement, les courants lympha- tiques ont une certaine rapidité. En effet, si, après avoir mis à découvert un des vaisseaux lymphatiques accolés à la carotide d'un grand animal, on l'étreint d'un fil, il suffit d'une minute ou d'une demi-minute pour que le vaisseau préalable- ment aflaissé se distende et acquière le diamètre d'un gros tuyau de plume. Si en cet état on l'incise et si on y adapte un tube, il donne, en un temps très court, issue à de très notables quantités de lymphe. Celles-ci deviennent énormes dans le cas où la fistule est établie au tronc lymphatique, et surtout au canal thora- cique. Toutes ces expériences montrent que la lymphe, loin d'être stagnante, coule constamment dans ses canaux, avec une certaine rapidité. Les physiciens déterminent, comme on sait, la vitesse du mouvement des liquides dans les tuyaux en établissant le rapport entre la dépense et l'étendue de la coupe transverse. Or, comme il est facile de savoir quelle quantité de liquide passe dans un lymphatique dont on mesure le diamètre pendant l'écou- lement, on a ainsi les deux éléments nécessaires pour calculer la vitesse du chyle et de la lymphe. Chez le cheval de stature ordinaire, les lymphatiques accolés à la carotide et à la trachée, ont à peu près, vers le milieu du cou, 3 millimètres de diamètre tant que les liquides y coulent sans entraves, et ils en donnent termemoyen SOgrammes par heure. Conséquemment, puisqu'une colonne cylindrique de lymphe du poids 1. Magendie, Précis élément, de phijsioL, t. II, 4' édit., p. 224 et 225. VITESSE DES COURANTS LYMPUATIQUES. 233 de 50 grammes, sur un diamètre de 3 millimètres, a une longueur de 7™, 08, sa vitesse est de 11 centimètres 8 par minute ou de 2 millimètres par seconde. Comme le débit de ces mêmes vaisseaux éprouve des oscillations très étendues, qu'à certains moments il descend à 25 grammes, et monte à d'autres jusqu'à 80 grammes par heure, la vitesse se réduit à 6 centimètres par minute ou elle s'élève à 15. Sur le bœuf, les mêmes vaisseaux, un peu plus larges, sur 4 milli- mètres donnent 100 grammes par heure, ce qui porte la vitesse de la lymphe à 15 centimètres 1 par minute. En ce qui concerne les vaisseaux chylifères d'un calibre analogue, la vitesse moyenne se montre plus considérable. Le canal mésentérique principal du bœuf, satellite de l'artère du même nom, vers le milieu de la hauteur du mésentère, a un diamètre moyen de 4 millimètres, réduit à 3 dans l'état de distension ordi- naire, et il débite 360 grammes ou 360 centimètres cubes par heure, soit 6 grammes par minute. Comme 1 gramme de chyle représente une colonne de 3 millimètres de diamètre sur 141 millimètres de longueur, 6 grammes, produit d'une minute, égaleat une colonne de 846 millimètres, d'où il suit que la vitesse moyenne dans ce vaisseau est de 84 centimètres 1/2 par minute ou 14 milli- mètres par seconde. Nous voyons donc déjà que, dans des vaisseaux de même diamètre, la lymphe et le chyle peuvent se mouvoir avec des vitesses fort diverses. Le chyle marche, par exemple dans les canaux principaux du mésentère, six à sept fois aussi vite que la lymphe dans les satellites de la carotide. Et il doit y progresser avec une plus grande rapidité, parce que son absorption est iniiniment plus active que celle de la lymphe. En comparant la progression de ces deux liquides à celle de la sève ascendante mesurée par la marche visible de solutions colorées, je suis arrivé, en 1864, à constater qu'en une unité de temps la lymphe fait trente fois et le chyle 169 fois plus de chemin dans des canaux de 3 millimètres, que la sève dans des utricules et des vaisseaux microscopiques de divers ordres. La vitesse des fluides blancs dans l'ensemble du système croît, dans les sec- tions successives de même longueur, des réseaux vers l'insertion du canal thora- cique, car ce système représente, comme celui des veines, un cône dont la base est à l'origine et le sommet à l'insertion centrale. Si le rapport entre la somme des aires de tous les canaux d'origine d'une part, et celle du canal thoracique et du tronc lymphatique droit d'autre part était connu, on saurait par là, d'une manière générale, le rapport entre la vitesse initiale et la vitesse lors du déversement. C'est, sans aucun doute, dans le canal thoracique que la vitesse des liquides arrive à son maximum. Nous la calculons toujours en déterminant la dépense du conduit dans les cas où son aire transverse nous est connue. Voici quelques men- surations : Sur un petit taureau de quinze à seize mois, du poids de 250 kilogrammes, le canal thoracique simple offrait, avant d'être ouvert, sous le scalène, 6 millimètres de diamètre, le cours du liquide étant libre. 11 a donné, après la fixation du tube : 300 grammes par quart d'heure lorsque l'absorption était ralentie ; 550 grammes dans les moments d'activité, et en moyenne 450 grammes; conséquemment la 234 DE l'absorption. vitesse du liquide y était par minute au minimum de 71 centimètres, au maxi- mum de 1"',30, et en moyenne de 1",07. En comparant la progression du chyle dans les lactés, celle de la lymphe dans ses propres vaisseaux, à celle du liquide mixte du canal thoracique, on voit que le fluide de ce dernier se meut 9 fois plus vite que dans les lymphatiques du cou ayant 3 millimètres de diamètre, et environ une fois et demie plus vite que le chyle mésentérique dans un collecteur de même calibre, sur un animal de l'espèce bovine. Les autres moyens qui peuvent être employés à la détermination de la vitesse des courants lymphatiques me semblent donner des résultats moins exacts que la méthode du débit. Celle dont je me suis aussi servi en 1858 consiste à l'évaluer par le temps qui s'écoule entre le dépôt d'un sel dans un point des plexus lym- phatiques superficiels et son arrivée dans un autre, la distance entre ces deux points étant connue. Ainsi, soit du prussiate de potasse injecté dans une poche sous-cutanée au-dessus de la commissure des lèvres du cheval, les premières portions de ce sel arrivent en trois minutes au minimum à une listule préalable- ment établie au milieu du cou, à 60 centimètres du point de départ, distance prise en suivant la direction des vaisseaux. Or, en négligeant le temps néces- saire il l'absorption et la correction imputable à la diffusion du sel, on arrive à voir que la lymphe a seulement une vitesse de 20 centimètres par minute, tant à travers les réseaux d'origine, les ganglions, que dans les collecteurs de 2 à 3 mil- limètres de diamètre. Les résultats obtenus par le même moyen pour le chyle des ruminants concordent avec ces derniers ; ils donnent le chifi're qui représente la vitesse pour l'ensemble, laquelle est très faible dans les réseaux, et de plus en plus grande à mesure que le liquide entre dans des vaisseaux d'un calibre plus considérable, soit 20 centimètres par minute ou 3 millimètres et 1/3 par seconde. Veiss \ quelques années après mes recherches, a trouvé, en se servant de l'hémo- dromètre de Volkmann, que la vitesse moyenne était de 4 millimètres par seconde. Sa détermination est donc fort rapprochée de la mienne. Je ne parle pas des évaluations fantaisistes données d'un trait de plume par divers auteurs. Quoiqu'il ne nous soit pas possible d'appliquer à toutes les parties du système lymphatique les modes de mensuration que je viens d'indiquer, nous pouvons, d'après les lois de l'hydraulique, suppléer aux données de l'expérimentation. La vitesse pour l'ensemble du système étant représentée par 1, celle des liquides dans le canal thoracique le sera par 5. Aux réseaux d'origine, elle doit l'être par une très faible fraction de l'unité, car ces réseaux n'ont à verser dans les collec- teurs, en un temps donné, qu'une quantité égale à celle que les collecteurs eux- mêmes versent dans le canal thoracique et celui-ci dans les veines ; en d'autres termes, il faut que les quantités de liquide qui passentd'une section dans l'autre soient égales entre elles, quoique les quantités contenues dans ces sections suc- cessives soient très différentes. Le système lymphatique représente assez exacte- ment un cours d'eau offrant de distance en distance des flaques, et les réseaux d'origine lui servent plutôt de réservoir d'alimentation que de parties de courant. 1. Veiss, Airh. fin- path. anat. taid. physioL, t. XXII, 1862. Citation de M. Loiiget. VITESSE HES COURANTS LYMPHATIQUES. 23o Les liquides de ces réseaux peuvent éprouver des oscillations d'une certaine étendue, mais leur mouvement vers les collecteurs n'y est pas plus prononcé que celui de l'eau dans un vaste réservoir où puise une pompe aspirante : il ne sort de leur totalité en un temps donné pas plus de liquide qu'il ne s'en échappe du canal thoracique. La lymphe est donc à peu près stagnante dans les réseaux, et elle ne constitue réellement des courants qu'à compter des points où les collecteurs en émergent. L'accélération graduelle de ces courants résulte tout à la fois du rétrécissement, progessifdes voies et de l'intensité croissante des forces motrices développées par les parois vasculaires. Leur vitesse peu considérable, si on la compare à celle du sang, est nécessairement subordonnée à l'activité de l'absorption, car le système devant demeurer plus ou moins rempli, c'est le trop-plein qu'il laisse s'échapper, et en supposant son degré de dilatation constant dans un temps donné, la quantité qui s'échappe à son extrémité centrale sera égale à la quan- tité admise par l'extrémité radiculaire. Il ne faudrait pas croire que, dans tous les vaisseaux de même calibre, situés à égale distance soit des réseaux, soit du canal thoracique, la vitesse est la même. L'uniformité est possible pour les vaisseaux qui ont un point de départ commun dans les mêmes réseaux, car ils peuvent se mettre en équilibre entre eux comme les vases communicants; mais elle ne peut exister dès l'instant que les vaisseaux s'alimentent dans des réseaux distincts, isolés, appartenant à des organes diffé- rents. Ils sont, dans ce cas, absolument indépendants les uns des autres. La rapidité de leurs courants est alors subordonnée à l'activité de l'absorption et au jeu de la contractilité des parois, deux conditions qui peuvent varier d'un point à un autre. Ce qui le prouve, c'est que ces courants, dans les vaisseaux du mésentère, ont pendant la digestion, une vitesse huit à neuf fois plus grande que celle des vaisseaux du cou. Et dans les mêmes courants, leur vitesse va du simple au double, suivant que la production de la lymphe est à l'état normal ou accé- lérée. C'est faute d'un agent commun d'impulsion et faute d'anastomoses propres à faciliter les communications, que les diverses parties du système ne se mettent point en équilibre de pression et qu'elles conservent, les unes par rapport aux autres, une certaine indépendance. Dans quelques conditions, il est possible de comparer la vitesse des fluides blancs à celle du sang. En examinant au microscope, chez les poissons et les batra- ciens, les lymphatiques accolés aux capillaires sanguins, on voit, d'après Robin \ les globules sanguins se mouvoir dix à vingt fois plus vite que les globules lym- phatiques. D'ailleurs, dans les mêmes vaisseaux, les deux espèces de globules ne marchent pas également vite : les blancs, en raison de la viscosité de leur surface, progressent avec plus de lenteur et s'attachent souvent aux parois vasculaires. La vitesse des courants dans l'ensemble du système lymphatique ou dans quelques-unes de ses parties peut éprouver des variations considérables. Les plus communes sont dues à l'abondance ou à la rareté des matériaux offerts à l'ab- sorption, aux mouvements ou à l'inaction des parties, et à certaines modifications 1. Ch. Robin, art. Leucocyte, in Dict. cité. 236 DE l'absorption. dans la circulation sanguine ; dans tous les cas, ces variations se traduisent d'une façon très saisissable. Lorsque la vitesse de la progression s'accélère modérément, les vaisseaux con- servent un calibre moyen, comme cela arrive aux lymphatiques sous-cutanés dans les cas de frictions à la peau, à ceux de la tête pendant la mastication, à ceux des membres lors des grands efforts musculaires, de la marche ou de la course. Aussi, dans de telles conditions, le produit des fistules est-il accru du quart, du tiers et même de moitié. Quand, au contraire, la progression delà lymphe se ralentit, les vaisseaux deviennent très apparents, se gonflent dans toute leur étendue ; leur diamètre double, triple; leurs parois acquièrent une tension extrême ; enfin, les ganglions se tuméfient, s'infiltrent et, par contre-coup, l'absorption éprouve un ralentissement notable. C'est ce qui a lieu par le fait de l'hypertrophie ou de la tuméfaction des ganglions, qui est bientôt suivie de la bouffissure des parties et d'une infiltration plus ou moins marquée, comme on le voit aux membres, au fourreau, à la région testiculaire, dans les affections morveuses et farcineuses. On peut reproduire à un certain degré un état analogue, en liant sur l'animal vivant le canal thoracique avec le tronc lymphatique droit. En quelques heures, tout le système se trouve admirablement injecté : les réseaux les plus déliés sont devenus apparents, les vaisseaux atteignent des proportions qu'on n'aurait pas soupçonnées et qui permettent de se faire une idée nette de leur ensemble. Ces deux modifications peuvent être, dans les conditions ordinaires, géné- rales ou partielles. Elles sont étendues à l'ensemble si leurs causes portent sur l'organisme entier ou si elles agissent sur le canal thoracique; elles peuvent demeurer partielles dans les conditions pathologiques comme à l'état normal, en raison de l'indépendance des diverses parties du système les unes par rapport aux autres. Maintenant, les ganglions ont-ils quelque influence sur la vitesse des courants lymphatiques ? Peuvent-ils l'accélérer ou doivent-ils la ralentir ? Le ganglion, quelle qu'en soit la structure intime, doit ralentir les courants lymphatiques si la somme des aires de ses passages est plus grande que la somme des aires de ses afférents. La première est évidemment supérieure à la seconde, mais elle ne l'est pas autant qu'elle le semble, en comparant la coupe transverse des afférents injectés à celle du ganglion, car les parois des cellules et des canaux de ce dernier la réduisent très notablement. Si l'on admet qu'elle est à la seconde comme 1 1/2 est à 1, la diminution de vitesse s'exprimera par les mêmes chiffres. Le ralentissement des courants ganglionnaires est, à certains moments, bien plutôt le fait des obstacles à la marche des liquides que le résultat de l'agran- dissement des passages. Lorsque, par exemple, l'absorption intestinale com- mence à devenir active, les ganglions mésentériques, pendant un certain temps, laissent sortir moins de chyle qu'ils n'en reçoivent et arrivent ainsi à un état de tuméfaction considérable. Ce n'est qu'à compter du moment où la turgescence a atteint ses limites que les quantités qui sortent sont équivalentes aux quantités entrantes, et alors les voies sont considérablement agrandies. Si, dans ce cas, l'exportation finit par ne plus pouvoir s'équilibrer avec l'importation, les liquides VITESSE DES COURANTS LYMPHATinrES. 237 Stagnent dans les allerents, les dilatent outre mesure jusqu'aux réseaux, et entravent ultérieurement l'absorption. Mais une fois que l'apport diminue, le ganglion s'affaisse peu à peu, et il revient bientôt à ses dimensions initiales ou à celles qu'il présente dans les intervalles de la digestion. Les ganglions, en raison de leurs propriétés de tissu, ne sont pas sans influen- cer, par moments et dans certaines limites, les courants lymphatiques qui les traversent. D'une part leur élasticité, qui est très prononcée, tendant aies affais- ser, exerce sur la lymphe une pression qui s'ajoute à ses autres causes d'impul- sion. Si, par exemple, on fait une faible incision à un ganglion gonflé, le liquide s'échappe à travers l'ouverture et l'organe s'exprime, se resserre dans tous les sens. D'autre part, si on lie tous les afférents d'un ganglion gorgé de lymphe de manière à soustraire le contenu de celui-ci à l'impulsion dérivée de l'absorption, de l'élasticité et de la contractilité des parois vasculaires, la lymphe continuera à passer dans les afférents, et le ganglion sera bientôt complètement affaissé. L'écou- lement qui a lieu dans ce cas et le resserrement des ganglions sont principalement le résultat de l'élasticité, car ils se produisent assez longtemps après la mort. Les ganglions peuvent encore agir sur les courants par la contractilité dont jouissent les parois de leurs cellules et de leurs canaux, parois où existent une certaine quantité de fibres musculaires; mais leur action, sous ce rapport, est faible; elle ne permet pas d'assimiler ces organes à des cœurs lymphatiques plus ou moins analogues à ceux des reptiles. La vitesse du mouvement des liquides à travers les ganglions n'a d'ailleurs rien d'uniforme, car ces organes peuvent se trouver à trois états différents. Dans l'un, ils reçoivent plus qu'ils ne laissent échapper, et alors ils se tuméfient; dans le second, il y a équilibre entre l'apport et la dépense, et Forgane demeure stationnaire; dans un dernier, il laisse échapper plus qu'il ne reçoit, c'est la période d'affaissement. Sous ces trois états, leur action fort compliquée sur les courants se traduit par un ralenlissement plus ou moins marqué, favorable aux élaborations des liquides. Mais quel est le degré de ce ralentissement ? L'expérimentation nous montre qu'il ne va pas très loin, car si on injecte dans l'intestin une solution d'iodure de potassium, on retrouve l'iode au bout de 4 à o minutes dans le chyle donné par la fistule au delà des ganglions mésentériques, et si on porte comparative- ment la même solution d'un côté vers le pied, et de l'autre à la face, l'iode se retrouvera presque aussi vite au cou, après avoir traversé deux séries de gan- glions, ou'à la face interne de la jambe, où il sera parvenu sans avoir eu d^or- ganes semblables à traverser. Il n'en est pas toujours ainsi. Dans quelques circonstances, les ganglions sont tuméfiés ou indurés au point de donner lieu à un arrêt à peu près complet des liquides, et cela arrive notamment aux bronchiques, aux médiastinaux des rumi- nants tuberculeux, aux ganglions pleins de dépôts crétacés ou ayant subi d'autres modes de dégénérescence. Les voies de la lymphe y sont alors obstruées, sauf celles de la surface. Sans l'être tout à fait dans quelques ganglions, sur les che- vaux morveux et farcineux, elles le sont assez pour provoquer des infiltrations locales très caractérisées. 238 DE l'absorption. CHAPITKE XLVII DU DÉVERSEMENT DU CHYLE ET DE LA LYMPHE DANS LE SYSTÈME VEINEUX Nous connaissons les voies que parcourent les fluides blancs, les forces qui les meuvent et la vitesse de leurs courants. Il faut voir suivant quel mode se fait le déversement de ces liquides dans le système sanguin, avant de rechercher suivant quelles proportions ils sont apportés à la masse du sang. Si, après avoir mis à découvert le canal thoracique en avant de la première côte, on l'examine attentivement, on constate que, tout en restant plein, il se dilate et s'affaisse alternativement. A travers ses parois minces et presque trans- parentes, si elles sont bien dénudées, on croit reconnaître que le liquide se meut par saccades. Le doigt appliqué sur le conduit y perçoit une suite de légères secousses qui rappellent la diastole et la systole des artères. Dès qu'une toute petite ouverture est faite au canal, le liquide s'en échappe sous la forme d'un jet continu, tour à tour ralenti et accéléré. L'écoulement semble, par moments, se suspendre, puis il reprend avec une extrême rapidité. Si l'on vient à adapter un tube métallique à ce vaisseau avec un prolongement de caoutchouc, on remarque que l'appareil éprouve une légère agitation : le tou- cher y reconnaît un frémissement dû au cours du liquide; la partie flexible du tube, de même qu'une artère, éprouve une dilatation et un resserrement suc- cessifs toujours très prononcés sur les espèces de grande taille. Ce simple examen montre donc que les liquides sont apportés vers l'insertion du canal thoracique par un courant continu et saccadé. Le courant est continu pendant l'abstinence, les intervalles de la digestion, comme au moment de la plus grande activité digestive. Il éprouve des saccades régulières subordonnées non à l'action propre du canal, mais aux mouvements respiratoires ; il se (ralentit et s'affaiblit dans l'inspiration, s'accélère et se renforce dans l'expiration. Ces alter- natives s'affaiblissent ou s'exagèrent proportionnellement à l'étendue des mou- vements du thorax. Les mouvements respiratoires exercent donc sur les courants du canal thora- cique une influence diamétralement opposée, par leurs résultats, à celle qu'ils produisent sur le sang veineux. En effet, c'est au moment où l'inspiration appelle le sang veineux vers le cœur que, par une singulière opposition, le courant des liquides du canal thoracique se ralentit; c'est, d'autre part, lors de l'expiration que le sang est refoulé loin du cœur par ce qu'on appelle le pouls vemeux, et que, par contre, le contenu du canal, chassé vers les veines, précipite sa marche et s'échappe avec force. Ce singulier contraste, que j'ai noté dès mes premières expériences, me paraît s'expliquer de la manière suivante : Pendant l'inspiration, la tendance au vide aspire le sang qui se trouve hors du thorax et le fait affluer vers le cœur ; elle agit aussi sur le canal, le dilate et y appelle le contenu des vaisseaux extrathora- DÉVERSEMENT DU CHVLE ET DK LA LYMPHE. 239 ciques ; mais elle s'achève avant que le canal soit très rempli. Lors de rexpiration . la compression exercée sur les gros troncs veineux du thorax imprime un temji^ d'arrêt au sang et le fait même refluer vt-rs les parties périphériques ; cette com- pression, s'exerçant sur le canal rempli dans le temps précédent, pousse vers le cœur la lymphe que les valvules empêchent de retluer dans la partie abdominale ; lymphe qui s'échappe du côté central, où elle rencontre le moins de résistance. Cet antagonisme s'observe d'autant mieux que la respiration est plus labo- rieuse, et on le constate sur les branches non ouvertes, comme sur celles oiî le tube est inséré, sur le canal portant une très petite piqûre, ainsi que sur le canal intact. L'apport continu et saccadé des liquides à l'insertion du canal thoracique résulte du concours des forces impulsives que nous avons indiquées plus haut, savoir : la poussée a tergo, la réaction élastique des parois, leur contractilité. aidées des autres forces accessoires. La résultante de toutes ces forces n'aboutit à faire pénétrer les fluides blancs dans le système veineux qu'autant qu'elle exerce sur eux une pression supérieure à la tension du sang au point d'abouchement. Alors elle pousse les deux bords libres des valvules vers la veine, les écarte, et la lymphe tombe dans le saug. Nous avons vu que cette pression peut s'élever jusqu'à la moitié de celle du sang artériel. Quoique ces forces essentielles et accessoires, développées dans l'ensemble du système et additionnées à celles du canal, aient une résultante d'une grande intensité, elles ne suffisent pas toujours à mettre olistacle au reflux du sang dans les parties centrales du système lymphatique. Ce reflux, plus ou moins étendu suivant les animaux et le caractère des mouvements respiratoires, est-il empê- ché ou restreint par d'autres artifices que celui de la disposition des valvules terminales ? Haller et Cruikshank ont prétendu que l'insertion du canal à gauche avait pour but de le rendre plus difficile. D'après ces deux célèbres observateurs, la ten- dance au reflux serait moins prononcée, chez l'homme, à gauche qu'à droite, en raison d'une différence dans le degré d'ouverture des angles formés par les jugu- laires, les sous-clavières et la veine cave supérieure. Cette différence, suivant Haller, aurait une telle importance, que, dans le cas de transposition des viscères, celle-ci s'étendrait au canal thoracique. Si l'insertion à gauche a réellement un tel avantage chez l'homme, elle ne me paraît pas le présenter chez la plupart des animaux; car : 1° chez les carnassiers, le porc et les ruminants, l'angle formé entre la jugulaire, la veine brachiale et la veine cave antérieure a sensiblement le même degré d'ouverture d'un côté que de l'autre; 2° chez les ruminants, qui ont souvent deux canaux à peu près de même calibre, l'un s'ouvre à droite, exac- tement comme l'autre à gauche; 3° enfin, dans les solipèdes , où le canal est généralement simple à son extrémité antérieure, l'insertion n'a lieu ni à gauche ni à droite, mais précisément sur la ligne médiane, au sommet de la veine cave antérieure et au confluent des deux jugulaires. Du reste, dans les animaux où l'insertion du canal a lieu à gauche, celle du tronc lymphatique s'effectue à droite et supporte les prétendus inconvénients attachés à ce côté. Le lieu d'insertion du canal est choisi, à ce qu'il semble, bien plus pour assu- 240 DE l'absorption. rer et faciliter l'abord des liquides que pour opposer quelques obstacles au reflux du sang. Chez les animaux, le mode d'insertion adopté pour l'homme ne pouvait convenir. Chez tous ceux qui sont dépourvus de clavicules, et ils sont les plus nombreux, l'angle de l'épaule, au lieu d'être, comme chez nous, maintenu à une distance du thorax à peu près fixe, est alternativement projeté en avant, puis retiré en arrière, de telle sorte que la veine brachiale est tiraillée et même, à certains moments, aplatie sur la première côte, si bien que l'accès du chyle n'y serait pas toujours libre si elle recevait le canal comme la sous-clavière de Ihomme. Aussi l'insertion se fait ailleurs : chez les solipèdes, au sommet de la veine cave, à la jonction des deux jugulaires ; chez les ruminants, sur le côté interne de la jugulaire gauche; chez les carnassiers, au sommet de l'angle ren- trant compris entre la jugulaire et la brachiale. Le véritable obstacle au reflux sanguin dans le canal thoracique est consti- tué par les replis valvulaires garnissant l'extrémité antérieure et l'orifice du canal. Ces valvules opposées deux à deux, sur plusieurs rangs, près de l'ori- fice et à l'orifice même, peuvent, chez les ruminants, se tendre en travers et s'affronter si exactement qu'elles rendent le reflux du sang impossible ou extrê- mement limité ; elles fonctionnent avec moins de précision chez les carnassiers, où le reflux est plus sensible et s'étend même jusqu'à la citerne ; enfin, chez les solipèdes, oi!i la paire terminale subsiste seule, elles sont impuissantes à préve- nir le reflux, qui porte souvent le sang, en grande quantité, sur toute la longueur du canal et dans la citerne. On en a la preuve fréquente sur le cadavre, dans les conditions les plus variées. Le contenu du canal thoracique y est rougeâtre, et, dans les expériences, le produit qu'il verse est d'habitude sanguinolent, si on ne prend pas le soin de placer le tube très haut et de lier l'insertion du tronc lym- phatique droit par lequel entre alois le sang, pour revenir par les anastomoses dans le canal thoracique. Le reflux, malgré les précautions prises pour le conjurer, est donc souvent possible, dans des limites plus ou moins étendues, suivant les animaux ; il s'exa- gère dans les cas oîi la circulation est gênée et oîi le pouls veineux est produit par une affection du cœur. Nous avons observé, M. Bouley et moi, un cas de dégéné- rescence graisseuse de cet organe, accompagné d'une oblitération du canal, due à un caillot sanguin énorme et adhérent, développé par le fait d'un reflux outré. Le tronc lymphatique droit, qui reçoit la lymphe de la moitié correspondante de la tête, du cou, du thorax et celle du membre antérieur du même côté, la verse dans le système veineux, suivant l'un de ces trois modes, ou : 1° à l'op- posé du canal et dans la partie similaire ; ou 2° à côté et presque sur la ligne médiane; 3° ou enfin avec le canal, par un orifice commun. Le premier mode appartient à un grand nombre d'animaux, à l'homme, aux carnassiers, aux ru- minants ; les deux autres sont propres aux solipèdes. Le déversement qu'il effectue a lieu d'une manière continue et saccadée, mais il est moins influencé par le jeu du thorax que celui du canal thoracique; il est aussi moins contrarié par le reflux, qui est limité par deux valvules terminales semi-lunaires, auxquelles s'ajoutent d'autres paires placées à une certaine dis- tance du point d'insertion. QUANTITÉ DE FLUIDES VERSÉS DANS LE SANG PAR LES LYMPHATIQUES. 241 Le déversement opéré par le tronc lymphatique droit n'est indépendant que dans les cas où il n'y a pas d'anastomoses entre ce canal et le Ihoracique ; mais il est solidaire de l'autre, lorsque ces anastomoses existent, comme nous l'avons vu, notamment sur le cheval. II ne paraît pas exister, chez les mammifères, d'autres abouchements du sys- tème lymphatique avec le système sanguin. Panizza en a indiqué un chez le porc, par anastomose, entre le canal thoracique et l'azygos ; MïiUer et Wutzer un sem- blable et accidentel sur un homme. Je n'en ai jamais trouvé de traces dans mes dissections. On se rappelle celles qui, chez les oiseaux, existent entre le sinus sous-caudal et les veines caudales. Il y en a d'autres qui ne nous intéressent pas chez les reptiles et les poissons. Le chyle et la lymphe rassemblés de tous les points du système lymphatique sont donc versés dans les veines d'une manière continue, saccadée, par deux canaux au moins, le thoracique, le lymphatique droit, distincts-bu anastomosés, et par un plus grand nombre, lorsque le canal se dédouble ou donne plusieurs branches terminales. Ils ajoutent donc continuellement à la masse du liquide nutritif des éléments de rénovation. Nous allons maintenant rechercher en quelle proportion ils sont amenés dans les veines. CHAPITRE XLVIII DE LA QUANTITÉ DE FLUIDES VERSÉS DANS LE SANG PAR LE SYSTÈME LYMPHATIQUE Il est indispensable, pour déterminer la somme des liquides absorbés par les chylifères et les lymphatiques, de faire couler ces liquides à l'extérieur et de les recueillir pendant un temps plus ou moins considérable. Les observateurs qui ont tenté de lier le canal thoracique ou de le couper, Lovver, Duverney, Flandrin, Astley Gooper, Dupuytren, Magendie, n'ont ni songé à y établir des fistules permanentes, ni entrevu le parti qu'on pourrait tirer de cette opération. Dès 1833 \ j'ai commencé à fixer au canal thoracique de l'animal vivant un tube d'argent versant au dehors le chyle et la lymphe, tant pour déterminer leurs quantités dans diverses conditions physiologiques, leurs caractères, leurs pro- riétés et leur composition , que pour élucider les problèmes relatifs à l'absorp- tion des graisses, des sels, des poisons, à ceux de la glycogénie, etc. Voici de quelle manière l'opération s'effectue. Après avoir couché le cheval sur le côté droit et porté fortement en arrière le membre antérieur gauche, on incise la peau en avant de l'angle de l'épaule, sur le trajet de la jugulaire, dans une étendue de lo à 20 centimètres; on soulève ou l'on coupe en travers le mastoïdo-huméral, en ayant soin de lier les divisions bles- 1. G. Colin, Bulletin de la société centrale de médecine vétérinaire et Recueil de méde- cine vétérinaire, t. XXX, 1853, p. 1037. e. COLIN. — Physisl. comp,, 3* édit. II. — 16 242 DE i/absoiu'ïion. sées de la cervicale inférieure, ou de faire, entre deux ligatures, la section trans- versale de celte artère, si elle gêne trop ; enfin on divise le scalène tout près delà première côte, puis la lame aponévrotique sous-jacenlc, et on arrive sur le canal, au bord inférieur de l'œsophage, à la face interne de la première côte. Il faut alors le lier à son insertion, puis l'inciser au-dessus du point lié. On engage dans la boutonnière un tube à bourrelet du diamètre d'un gros crayon, et on l'y maintient à l'aide d'un 111 qui étreint sur lui, par un nœud bien serré, les parois du canal. Si alors le liquide qui s'écoule par le tube est jaunâtre, l'opération est terminée ; dans le cas oi!i il est coloré par le reflux du sang veineux, il faut lier, en outre, le tronc lymphatique droit. Sur le bœuf, l'opération est beaucoup plus facile. Après l'incision de la peau et du sous-cutané, il suflit de soulever le mastoïdo-huméral et d'inciser le scalène très mince avec l'aponévrose sous-.jacente, pour arriver sur le conduit dont la partie terminale est comprise entre l'artère cervicale inférieure et sa veine satel- lite. On le lie alors, on l'incise et on y lixe le tube comme chez le cheval. Il y a si peu de douleur pendant et après l'opération que l'animal se relève, se met à manger et à ruminer comme auparavant, en donnant des masses de chyle et de lymphe. Les délabrements sont si légers que la plaie peut se cicatriser en huit à dix jours, après l'enlèvement du tube et de la ligature. Sur le bélier, le chien, le porc, la fistule s'établit de la même manière, avec des variantes subordonnées aux différences anatomiques. Le manuel opératoire en est simple, mais seulement pour ceux qui en ont un peu l'habitude et une connais- sance parfaite de la région. Il offre des difficultés énormes si on n'a pas présentes à l'esprit les nombreuses anomalies de forme et de situation du canal, et il peut donner lieu à de grandes plaies, à des souffrances inutiles, enfin aux accidents les plus graves si on ne sait pas éviter la lésion des nerfs et des vaisseaux groupés à l'entrée du thorax. Le mode d'établissement de la fistule doit, du reste, varier suivant les études auxquelles elle doit servir. Si elle a pour but la détermination rigoureuse des quan- tités de chyle et de lymphe, il faut qu'elle soit accompagnée de la ligature du tronc lymphatique droit et de toutes les branches qui peuvent se trouver autour de celles où le tube est inséré; si elle est faite en vue d'études micrographiques ou chi- miques, il est plus convenable qu'elle porte seulement sur une branche du canal, toutes précautions étant prises pour éviter le reflux sanguin. Le choix des variantes est évidemment laissé à la sagacité de l'expérimentateur. Lorsque l'expérience, l'une des plus belles que puissent faire les physiologistes, est bien conduite, elle donne des enseignements nombreux et d'un haut intérêt. Quoiqu'il ne s'agisse ici que d'utiliser cette expérience à la détermination des quantités de chyle et de lymphe versées dans le système sanguin, nous allons voir combien est difficilCj pour chaque espèce animale, la solution de ce problème en apparence si simple. Chez le cheval, la fistule au canal thoracique ne donne jamais la totalité des des liquides blancs, même dans les cas oii il est simple, car^ par le fait de ses anastomoses avec le tronc lymphatique droit, son contenu se divise toujours au moins en deux parties : l'une coulant par la fistule, l'autre pénétrant dans le sang QUANTITÉ DE FLUIDES VERSÉS DANS LE SANG PAR LES LYMPUATIQUES. 243 pai' rintcrmédiairo dos anastomoses; aussi sur cet lu'ilii\urt' un n'uliLieiit généra- lement (jue des ilunnées incomplètes. C'est d'ailleurs celui de tous nos animaux doiiiestii|iies qui soulTre le plus de l'opération et qui, à cause de ses soutTrances, a les l'onclions digestives le plus troublées ; aussi doit-il être écarté toutes les t'ois qu'il s'agit de suivre l'expérience au delà de quelques heures. Lorsqu'on tient à déterminer, sur le cheval, la somme des produits versés par le canal thoracique dans le système veineux, il faut multiplier les vivisections jus- qu'au moment où le hasard offre un sujet ayant un canal simple à l'insertion et sans beaucoup d'anastomoses avec le tronc lymphatique droit, car en voulant lier ce tronc avec les branches communicantes, on fait des délabrements préjudiciables au succès de l'opération. On juge que le but est à peu près atteint lorsque le produit de la fistule est jaunâtre ou d'une teinte à peine rosée. Tant qu'on obtient du liquide sensiblement rougeàtre, il ne faut pas douter que le canal communique encore directement ou indirectement avec les veines qui, par le reflux, lui envoient une certaine quantité de sang. Enfin, lorsqu'on sacrifie l'animal, on doit injecter le canal, de la citerne vers l'insertion, pour constater son mode de terminaison et donner aux résultats expérimentaux leur exacte signification. On verra, dans le tableau suivant, que, sur le cheval donné sous le n° i, le chyle rosé témoignait d'un abouchement demeuré libre par lequel s'opérait le reflux, abou- chement qui, sans doute, amenait dans les veines une quantité de liquide supé- rieure à celle qui coulait au dehors, car la quantité versée par la fistule n'atteignait pas même un chiffre égal à celui delà masse du sang: elle n'était que de 39 grammes en vingt-quatre heures par chaque kilogramme du poids de l'animal vivant. Sur le deuxième cheval il en était de même, surtout pendant la première heure, alors que le gonllenient des tissus de la plaie ne comprimait pas fortenient les branches d'in- sertion ou d'anastomoses demeurées libres; sur le troisième, la quantité que la fistule détournait augmentait encore un peu par moments; enfin, sur le dernier, la masse presque double de chyle versé au dehors donnait à supposer que les voies collatérales n'en portaient plus guère dans les veines. En somme, l'écoulement peut être sur cet animal de -lOUO à 2000 grammes par heure dans les moments où l'absorption a une grande activité, soit de 14 à 42 kilogrammes pour une période de vingt-quatre heures. Il a des oscillations peu étendues : les maxima corres- pondent aux périodes de la plus grande activité digestive, les minima à celles du ralentissement de la chylificalion et de l'absorption des boissons. Ce produit, lors- qu'il s'élève à plus de 42 kilogrammes pour vingt-quatre heures, comme sur le quatrième cheval, représente le neuvième de la masse du corps, presque le double de la masse du sang, soit lOo grammes de chyle et de lymphe par chaque kilogramme du poids total de l'animal. C'est bien près du chiffre que nous trou- verons souvent sur d'autres espèces. 244 DE L ABSOUITION. 1" CHEVAL, cnvir jn 400 kilog:rammes. 3" CHEVAL, taille moyenne. QUANTITÉS 'âM QUANTITÉS lecueillies OBSERVATIONS recueillies OliSERVATIONS ►- :l. par lieui'e. i par heure. f;i-animes. g ramilles. 1 6-20 Debout. 1 685 Debout. 2 635 Id. 2 740 Mange. 3 536 Id. 3 7.50 Id. 4 538 Mançce. 4 735 Boit. 5 637 IdT 5 1055 » 6 734 Id. 6 1090 >i 7 877 Cesse de manger. 7 1235 •> 8 784 Id. 8 i].50 Mange. 9 675 Id. 9 975 » 10 581 Id. 10 950 » 11 590 Id. 11 870 )) 12 630 Id. 12 775 1) Total.. 7837 Tota 1. 11,010 2^ CHEVAL, po ids indéterminé. 4" CHEVAL. 1 272 Jiebout. 1 2107 Debout. 2 1060 .Mange. 2 1870 Mange. 3 840 Boit 7 à 8 litres. 3 1847 Id. 4 875 Mange. 4 1798 Id. 5 825 Id! 5 1825 Cesse de manger tt 818 Id. 6 1105 » 7 8 930 610 Mange. 9 935 BoitT Tota 1. lu, .552 10 840 Mange. 11 735 ), 12 715 " Total.. 9455 Tôt al.... 21,10 1 doublé. C'est donc parce que, dans les expériences sur les solipèdes, les volumineuses anastomoses entre le canal thoracique et le tronc lymphatique droit continuent à porter une grande partie de la lymphe et du chyle dans le sang, il devient le plus souvent impossible sur ces animaux de déterminer la proportion exacte de ces liquides. Sur les ruminants, comme de telles communications n'existent pas ou sont peu développées, le problème qui nous occupe offre moins de diflicultés. Si le canal y a deux, trois et même quatre branches terminales, elles sont plus accessibles et peuvent être liées. Mais c'est surtout lorsque le canal est simple à son insertion qu'on peut obtenir la totalité des fluides qu'il charrie. Voyons donc les divers cas qui peuvent se présenter. Si, comme cela arrive le plus souvent chez ces herbivores, le canal tiioracique QUANTITÉ DE FLUIDES VERSÉS DANS LE SANG PAU LES LYMPHATIQUES. 24S a plusieurs branches terminales, il faut se bornera insérer le tube dans celle qui tombe sons la main et à lier celles qui se trouvent en évidence. Plus tard, après la mort de l'animal, on injecte et on dissèque les insertions afin de comparer l'aire de la branche ouverte avec celle des branches qui ont continué à verser le liquide dans les veines. Le calcul donne approximativement le rapport entre la quantité obtenue et celle qu'on n'a pu recueillir. C'est seulement à Fautopsie qu'on trouve la raison des variations énormes dans le produit des listules sur des animaux de même taille et dans des conditions semblables. J'arrive aux exemples : Un premier taureau d'un an, petit, du poids de 185 kilogrammes, qui a con- servé sa tlstule en activité pendant quatre jours, a donné 7826 grammes dans les douze premières heures, soit 1.3 6o2 grammes pour vingt-quatre heures ou à peu près le douzième de la masse du corps, ou 84 grammes par kilogramme du poids de l'animal. Ce produit suffit pour indiquer que tout le liquide n'était pas versé à l'extérieur. Sur le taureau n° 2, du poids de 238 kilogrammes, la fistule versait à peu près la moitié du produit total, soit 21 kilogrammes en vingt-quatre heures, ou plus que l'équivalent de la masse du sang, masse qui, au dix-huitième de celle du corps, correspond à 14 kilogrammes. Ce petit ruminant, par la branche ouverte du canal, donne 84 grammes de chyle et de lymphe pour 1 kilogramme de soti poids. Le troisième taureau, de 260 kilogrammes, âgé de quinze à seize mois, donne par une bouche du canal un peu plus que le précédent, 26 kilogr. 864 grammes par vingt-quatre heures, ou 103 grammes par chaque kilogramme du poids vivant. C'est, à peu de chose près, déjà deux fois la masse du sang supposée égale au dix-huitième de la masse du corps. Le quatrième, pesant 260 kilogrammes, avait quatre branches de terminaison au canal thoracique, qui se trouve figuré page 201 ; les trois petites sont demeurées libres. La plus grosse seule versait son liquide au dehors. Elle en fournit encore ■13 704 grammes en douze heures, qui, doublés, donnent 27 408 pour la période de vingt-quatre heures, soit 106 grammes par kilogramme du poids vif. C'est le neuvième du poids du corps, et à peu près deux fois l'équivalent de la niasse du sang. Le cinquième, de dix-huit mois, pesant seulement 227 kilogrammes, donne, à raison de 30 kilogrammes, 142 grammes par période de vingt-quatre heures, ou 132 grammes par chac|ue kilogramme du poids vivant. C'est beaucoup plus que le double de la masse du sang supposée le dix-huitième de la masse du corps : chez celui-ci, les branches accessoires du canal devaient être déjà très petites, car la proportion des fluides blancs approche de son chiffre normal. Le sixième taureau, du poids de 253 kilogrammes, âgé d'un an et quelques mois, avait un canal à deux branches. La petite ayant été liée, tout le chyle coulait par le tube de la fistule. Aussi ce petit animal donna en douze heures 20833 grammes de liquide, soit 41 666 pour la période de vingt-quatre heures, ou le sixième de la masse du corps, et 164 grammes par kilogramme de l'ani- mal. Cela représente de deux à trois fois la masse de sang que l'on peut retirer en ouvrant les gros vaisseaux. Voilà quelle est, pour les bêles bovines jeunes, en voie de développement, la 246 DE l'absorption. proportion des fluides blancs versés par le canal thoracique dans le système, veineux. Voyons si, sur les bêtes adultes et vieilles, ils sont produits en quan- tités semblables. Une première vache vieille, dont le poids est évalué à 3oÛ kilogrammes, donne, par la principale des branches du canal (les petites restant libres), moins d'un litre par heure, 10 kilogr. 53o pour douze heures, soit 21070 pour vingt- quatre heures, le seizième de la masse du corps, ou 60 grammes de chyle et de lymphe par kilogramme du poids vif. La seconde, du poids de 400 kilogrammes, sur laquelle il y avait aussi plu- sieurs branches au canal, a donné par la fistule 14 900 grammes, soit pour vingt-quatre heures 29 kilogr, 800 grammes, ou 73 grammes par kilogramme du poids total de la bête. La troisième pesant 358 kilogrammes, avait un canal simple, mais avec branche latérale de déversement. Il donne de un litre à un litre et demi de liquide par heure, 16 448 grammes dans les douze premières heures, soit 32 896 gram- mes pour la période diurne ; ce qui représente 92 grammes par kilogramme du poids vif. La quatrième, petite, pesant environ 290 kilogrammes, d'une maigreur extrême, adonné près de quatorze litres en douze heures, ou 13765 grammes de chyle et de lymphe, soit 27 530 pour vingt-quatre heures, ou 95 grammes par kilogramme du poids vif ; le produit de la fistule s'est presque maintenu à ce chiffre pendant trois jours, grâce à la grande activité digestive que possédait cette bête. La cinquième, un peu moins maigre que la précédente, mal nourrie et du poids de 300 kilogrammes, a un canal terminé par trois branches visibles à gauche. J'en lie deux. Le tube placé dans la troisième donne un beau chyle, sans traces de globules rouges. Sa masse est de dix-neuf litres et demi en douze heures, soit 39 kilogrammes 140 pour la période de vingt-quatreheures, ce qui repré- sente le septième du poids du corps, plus de deux fois la masse du sang. Ce pro- duit, correspondant à 130 grammes par kilogramme du poids de l'animal, a été dépassé déjà sur le taureau ; mais nous allons le voir dépassé plus encore dans l'expérience suivante, qui a donné sûrement la totalité du liquide charrié par le canal thoracique. La vache qui a donné le produit le plus élevé était une bête dont le poids a été estimé 480 kilogrammes, car elle n'a pu être pesée exactement à la bascule comme la plupart des autres, vigoureuse, d'un appétit remarquable, avec un appareil digestif bien développé, comme celui des bêtes exclusivement entrete- nues pour la production du lait. Son canal simple a donné en douze heures qua- rante-sept litres et demi (47 kil. 693 gr.), recueillis sous mes yeux et pesés par moi de quart d'heure en quart d'heure. Cette énorme quantité représente, pour vingt-quatre heures, le chiffre prodigieux de 95 kilogrammes 386 grammes, près d'un hectolitre. La quantité de chyle et de lymphe apportée sur cette vache en vingt-quatre heures dans le système veineux égale donc le cinquième du poids du corps, et équivaut à trois fois et demie la masse du sang supposée égale à 27 kilogrammes ■§s Quantités Quantités ■a ij Quantités s.§ t. — s-s. recueillies par heure. OBSERVATIONS a -«1» lecueillies par heure. OBSERVATIONS recueillies par heure. OBSERVATION^ i" Taureau (185 kilogr.) 3' Taureau (260 kilogr.) .")'■ Taureau (227 kih.gr.) 1 770 Debout. 1 gr. 1215 1 gr. 1123 ■2 651 5 1060 2 1297 3 730 Mange. 3 1160 3 1240 Mange. 4 560 4 1 1 95 4 1265 5 775 5 11-15 5 1110 fi 590 Coi t. 6 J070 6 1103 7 635 T 1130 7 1168 S 610 Rumine. 8 1103 8 1320 Rumine. 9 630 Couché. 9 885 Couché, rumine. 9 1485 Id. 10 650 Mau^'C. 10 885 10 1380 Id. 11 620 11 900 11 1390 Couché. 13 635 Rumine. 12 679 12 1190 Id. 7.856 12.427 15.071 1 2" Taureau (358kiiogr.) 4= Taureau [260 kilogr.) 6= Taureau '253 kilogr.) 1 1068 Mange. 1 1460 Debout. 1 1825 Rumine. 0 981 Id. 2 1380 Jlaiige et rumine. 2 1678 Id. 3 723 3 1500 lîoit. 3 1595 Id. 4 765 Mange. 4 1310 Rumine. 4 1665 Boit 17 litres. 5 816 5 1330 5 1868 Mange. 6 798 Boit 13 litres. 6 1275 6 1650 7 ^12 Boit 6 litres. 7 1435 Rumine. 7 1645 Rumine. 8 768 8 960 Liquide laiteux. 8 1920 Couché. 9 1024 9 965 Rumine. 9 1300 Rumine. 10 1072 10 710 Debout. 10 1675 Mange. 11 1050 11 1054 Mange. 11 2100 12 963 12 325 Rumine. 12 1912 10.870 13.704 20.833 1''= Vache (estimée 350 kil.) c « Vache (358 kilogr.) 5" Vache (300 kilogr.) 1 900 1 1570 Debout. 9 1810 Mange. 0 1210 Mange. 2 1436 9 1450 3 1070 Liq. lactescent. 3 1490 9 1940 -1 1010 Couchée. 4 1567 Rumine. 9 1830 5 1005 Boit. 5 1431 9 1890 Rumine. 6 885 Couchée. 6 1295 Mange. 9 1560 7 870 7 1255 Boit 23 litres. 9 1730 Couchée. 8 775 Mange. 8 1230 9 1550 9 710 Couchée. 9 1175 M ange . 9 1690 Rumine. 10 730 10 915 Couchée. 10 1740 Mange. 11 760 11 1384 Se relève. 11 1170 Rumiue. 12 610 Se relève. 12 1700 12 1210 Couchée. 10.535 16.448 19.570 2^ Vache (iOO kilogr.) 4 ^ Vache ^ 290 kilogr.) 6' Vache (480 kilogr.) 1 1745 1 1500 Rumine. 1 5945 Couchée. 2 1560 2 1065 M auge. 2 5712 Relevée. 3 1095 3 1110 Id. 3 4831 Mange. 4 1270 4 1110 Id. 4 4403 IJ. 5 1190 5 1050 id. 5 4037 6 1130 6 1280 Boit 3 litres. 6 3622 7 1005 7 810 Mange. 7 3090 S 1050 8 930 Id. 8 3155 Boit 10 litres. 9 1055 Rumine. 9 1200 Id. 9 3220 10 1475 10 1140 Id. 10 3730 11 1130 11 1310 Couchée. 11 3260 12 1248 12 1260 Relevée. 12 2696 11.953 13.765" 47.701 248 DE l'absorption. ou au dix-huitième de la masse du corps. Elle correspond à 192 grammes de fluides blancs par kilogramme du poids de l'animal. Le tableau qui précède permet de juger au premier coup d'œil des produits donnés d'heure en heure par les fistules sur les douze bêtes bovines dont je viens de parler. Je me borne à ces douze sujets, et je n'y fait figurer, pour ne pas lui donner des dimensions excessives, que les résultats obtenus dans les douze pre- mières heures, quoique, sur la plupart des sujets, les produits aient été recueillis pendant plusieurs jours de suite. En récapitulant, on voit que nos quatre chevaux, nos six taureaux et nos six vaches ont donné les quantités suivantes de fluides blancs, en vingt-quatre heures, par kilogramme du poids de l'animal. Le 1" clie val 39 gramines 2" » 3" » 4' ; 105 Le !'■■■ taureau 84 2« 84 S" ,. 103 4« 106 ô« 132 6= 164 La 1 " vache 60 2« 75 3'^ 92 4' 95 ^•^ 130 6e 192 Pour compléter cet aperçu des apports du système lymphatique au système sanguin, il nous reste à voir ce que les fistules donnent sur les petites espèces. Rien n'est changé pour le bélier et l'agneau, qui se trouvent dans les conditions des grands ruminants. Le premier de 44 kilogr. 500, qui a le canal à embou- chures multiples, donne, par l'une d'elles, à raison de 2554 grammes par vingt- quatre heures, soit 57 grammes par kilogramme de poids vivant. Le second, de 37 kilogrammes, donne 5192 dans le même temps, ou 140 grammes par kilo- gramme du corps : l'agneau de 18 kilogrammes fournit dans la proportion de 2768 par période diurne ou 153 grammes par kilogramme, ce qui est bien près du maximum offert par les bêtes bovines. Quant au chien nourri de chair et con- sommant peu de liquide, la proportion des fluides charriés par le canal thora- cique doit être moindre que chez les herbivores. Ici, elle ne se trouve que de 2 384, soit 66 grammes par kilogramme du poids vivant. Yoici encore quelques déterminations expérimentales pour trente-sept ani- maux divers, sur lesquels des fistules ont été établies, el qui n'ont pas été com- pris dans les tableaux précédents (voy. p. 250). QUANTITÉ DR FLUIItES VERSÉS DANS LE SANG PAR LES LYMPHATIQUES. 249 J o z o « „• îj , z ?; 0 — 3 H ■c 'é 1- — g c £.5 ïl-ï o •S .5 %.■=■ - 0 a a. S"^ >■ ~ ■; z ^' z: < -•ï k-i •« r 'V < ■■^ K j; X 63 •4: ^ — - zi u: = D — ^ - ■^ =: ^ :3 U et U — iJ 3 0 r ^ — -■ .- — 'C — O i; — d — 0 a £. — ^ ~ "= O -3 0 1er 1 BÉLIE 130 R, 44'',500ï'- Debout. 1 BÉLIEF S''- 220 ,37 kil. Debout. A I "..NFAL" ir.ii IH kil. f 1 .Hii:.\. i.;o 3G kil. 2 lOS Ne mange pas. 2 215 Mange. - 9 1 2 lOo : 103 101- Id. Id. ; 19P 209 Id 3 103 126 3 60 5 i)3 Id. 0 239 ■■■ liln 0 G 8 6 9S Id. 6 216 r. lu; 0 :;: iVSfl 12 il s G 9 2 j96 On pourrait ainsi, en tenant compte des analogies de régime, calculer approxi- mativement, d'après les bases expérimentales que je trouve sur les animaux domestiques, les produits lymphatiques versés dans les veines des plus petits jusqu'aux plus grands mammifères. En admettant que chez l'homme à régime mixte, le produit lymphatique soit de 100 grammes par kilogramme, il serait de 7 500 grammes pour vingt-quatre heures, et, eiï portant ce produit à loO gram- mes par kilogramme pour l'éléphant, qui est herbivore, un animal de cette espèce, du poids de 2 000 kilogrammes, ne donnerait pas moins de 300 kilo- grammes ou de 6 hectolitres de fluides blancs en vingt-quatre heures. On voit, d'après les données qui ressortent d'une longue série de recherches résumées dans ce chapitre, combien peu étaient fondées les idées des phvsiolo- gistes, qui ne voyaient dans le système lymphatique que des quantités insigni- fiantes de liquides. Elles parlent assez clairement pour qu'il ne soit pas néces- saire d'insister sur tout ce qu'avait de faux la doctrine de Magendie et de son école sur l'ensemble des fonctions du système lymphatique. L'énorme quantité de chyle et de lymphe apportée par le canal thoracique dans le système sanguin nous fait entrevoir l'importance du rôle que les vaisseaux blancs doivent jouer dans l'organisme, la rapidité des mutations qui donnent naissance à ces liquides ; elle nous explique la possibilité d'un prorapt renouvellement du sang à la suite des saignées qui, en quelques jours, enlèvent l'équivalent de la masse en circu- lation. Mais c'est en étudiant les phénomènes généraux de la nutrition et des sécrétions que nous préciserons le sens des particularités dont il a été question plus haut. Dans la masse liquide apportée par le canal thoracique, quelle est la part de lymphe, quelle est la part de chyle ? Cette question n'est pas aussi facile à résoudre qu'elle peut le paraître. 250 DE L ABSORPTION. DKSIGNATtON DES ANIMAUX Cheval très petit (120 kilogr.) Jument de petite taille (fistule à 1 seule br.) Cheval de 300 kilo2:r Cheval de 330 kilogr Cheval de 400 kilogr. (1 seule br. ouverte). Cheval de taille moyenne (environ 400 kil). Cheval de taille moyenne(environ400 kil.). » ■^ -u z — 'S j= a. a tu gr. gr. 272 6528 '23i „ 360 8640 575 13800 572 13728 916 21984 788 18912 c a> o f' 3 3 " :]8,3:1 » 34,7 : 1 23,2:1 29,1 : 1 18,1:1 21,1:1 V a - çn c; s o £ = 5 " =- 2 bia • js — 54,40 » 28,80 43,12 34,32 54,96 47,28 Taureau de 18 mois (180 kilog.) Taureau jeune (200 kilogr.) ." Taureau de 16 mois (212 kilogr.) Vache vieille (275 kilogr., 1 seule br. ouv.). Taureau jeune (310 kilogr., 1 seulebr.ouv.). "Vache vieille, très maigre (325 kilogr.) Taureau jeune (339 kilogr., canal simple).. Vache (399 kilogr.. canal simple) Vache de petite" taille Vache petite, maigre Vache de petite taille (1 seule br. ouverte). Vache de taille moyenne Vache de taille moyenne, maigre Vache de taille moyenne (canal simple)... Bélier maigre (38 kilogr.) Bélier maigre (47 kilogr.) Bélier (52 kilogr.) Bélier (65 kilogr.), fiévreux, très souffrant. Bélier petit... ^. Bélier petit Bélier fort Chien très petit (6 kil. 800) Chien (17 kilogr.) Chien (20 kilogr.) Chien (21 kil. 885) Chien (39 kil. 160) Chien de taille ordinaire Chien de taille moyenne Chien petit Chien petit 800 19200 720 17280 670 16080 1584 38016 875? 21000 1810 43440 1323 31752 1745 41880 605 ,, 1287 ,1 894 ,) 1080 » 1410 n 3974 14,5 11,5 13,1 7,2 14,7 7,4 10,6 9,5 » 106,66 86,40 75,85 138,24 67,74 102,89 93,66 104,96 1 133 3192 :11,8 1 150 3600 :13,0 1 196 4604 :n,2 1 147 3528 :18,4 1 150 » „ 92 )) >, 220 » » 17 408 100 2400 120 2880 26 624 90 2160 108 » 50 ,) 37 » 18 » ;:16,6 ;: 7,0 :: 6,9 ;:35,0 :18,0 84.00 76,59 88,53 54,58 60,00 141,17 144,00 28,51 55,15 En ce qui concerne les carnassiers, une solution est possible, mais seulement dans des conditions telles que l'un des termes de la proportion change par le fait de la suppression de l'autre. Il est facile, après avoir recueilli la somme des deux pendant la période digestive, de recueillir seulement la lymphe lorsque la diges- tion est achevée, car, chez ces animaux, après la digestion, il reste si peu de chose dans l'intestin, en résidu solide et liquide, qu'à ce moment la quantité de chyle ajoutée à la lymphe est négligeable. Or, sur le chien, la fistule qui a donné un produit comme 3 pendant la digestion n'en donne plus après que comme 1 1/2 ou comme 1, d'où il suit que la lymphe n'entre que pour moitié ou pour un QL'ANTITÉ DE FLUIDES VERSÉS DANS LE SANG PAR LES LYMPHATIQUES. 231 tiers dans la masse du liquide mixte, l'autre moitié ou le plus souvent les deux autres tiers étant représentés par le chyle. Chez ces animaux, le rapport est aussi peu altéré que possible. Il faut très peu de temps, après la digestion, pour l'évacuation de l'appareil gastro-intestinal, et, pendant ce court délai, la masse du sang demeure assez abondante et assez riche pour que ses pertes en matériaux formateurs de la lymphe ne subissent pas de réduction notable. Mais cette proportion n'est que pour le carnassier. Il y en a une autre pour l'herbivore, qui absorbe une grande niasse d'eau avec ses aliments. En outre, chez lui, la détermination est diflicile, car la digestion intestinale et la chylilica- tion sont continues avec des exacerbations. On ne peut exclure le chyle qu'en laissant jeûner l'animal pendant plusieurs jours et, par conséquent, en appau- vrissant le sang qui, par suite, donne moins de matériaux formateurs à la lymphe ; encore ne suspend-on la digestion que chez le solipède, non chez le ruminant. D'ailleurs, par les boissons laissées aux deux, on entrelient l'apport du système chylifère. Toutefois, en tenant compte de la diminution du produit total dans les cas où la digestion se ralentit et se suspend autant que possible, et, en comparant ce chiffre réduit à celui qui représente l'apport simultané le plus considérable de chyle et de lymphe, on arrive à l'approximation suivante : chez les carnassiers, pendant la digestion, la lymphe est représentée par 1, le chyle par 2, et pour une période d'ensemble de vingt-quatre heures, où la chyli- lication est suspendue par moments, chyle et lymphe forment chacun une moitié du produit total. Chez l'herbivore, dont la digestion est continue, le produit moyen en vingt-quatre heures se compose de 2 de chyle et de 1 de lymphe. Une détermination plus rigoureuse exigerait des études nouvelles fort minu- tieuses. Les faits épars sur lesquels on a essayé de la baser sont d'une apprécia- tion difficile et conduisent à des erreurs manifestes ; d'ailleurs, ils se rapportent à des conditions pathologiques. Tout ce qu'ils semblent indiquer c'est une pro- duction lymphatique très active. On sait que la quantité de lymphe recueillie par Assalini à une plaie de la cuisse d'un garçon de onze ans s'élevait à près de 2 litres en vingt-quatre heures. Dans l'observation de Desjardins, la dilatation variqueuse des lymphatiques de l'aine d'une femme laissait échapper o litres et demi dans le même temps ; mais, dans ces cas, la production lymphatique était anormale et exagérée. Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il n'y a ni alternative entre l'apport des lymphatiques et celui des chylifères, ni antagonisme entre eux. Le passage alter- natif dans le canal d'une lymphe jaunâtre et d'un chyle laiteux observé par Haller s'applique à des conditions anormales qui se reproduisent sur l'animal ouvert vivant ; il tient à ce que la pression, les secousses chassent dans la citerne soit une ondée de chyle, soit une ondée de lymphe, suivant qu'elles s'exercent sur l'intestin ou sur les gros affluents lombaires de la citerne. L'alternance que l'on constate entre une période de non-digestion et une de digestion n'est qu'appa- parente. Si, après avoir obtenu un liquide clair comme de la lymphe dans le premier cas, on recueille, dans le second, un liquide opalin ou même tout à fait laiteux, cela n'indique pas que à la lymphe a succédé le chyle, mais seulement que le chyle, en s'ajoutant à la lymphe, a rendu le liquide du canal laiteux. Le 252 DE l'absorption. changement d'aspect, qui fait croire à cette succession, s'opère très lentement et par une transition insensible que j'ai observée, surtout chez les ruminants, à la ration desquels avaient été ajoutés des résidus oléagineux. Si l'animal n'a pas ruminé depuis longtemps, on voit couler du liquide jaunâtre à sérum transpa- rent, puis du liquide de plus en plus opalin, peu après que la rumination s'est établie et suffisamment prolongée, après quoi le liquide tend à reprendre son premier aspect. Quant à l'antagonisme signalé par Collard de Martigny, et qui donnerait lieu aussi à un apport alternatif de chyle et de lymphe, il m'a toujours paru une fiction. L'abondant afflux du chyle, pendant la digestion, n'a point pour consé- quence de réduire à très peu de chose le tribut des lymphatiques ; de même que le manque de chyle pendant l'abstinence n'accroît pas la production de la lym- phe, quoi qu'en ait dit cet observateur à qui de bons moyens d'expérimentation ont manqué, Pendant que les lactés apportent la plus grande quantité possible de chyle, les lymphatiques n'en continuent pas moins à se gorger de liquide et à donner beaucoup, comme les tîslules établies en divers points le prouvent. D'un autre côté, alors que les lactés sont presque vides, les lymphatiques ne sont pas plus remplis qu'à l'ordinaire ; ils ne donnent pas une quantité de lym- phe supérieure à celle qu'ils versent dans les conditions communes. Je m'en suis assuré sur des sujets qui souffraient d'une abstinence prolongée, notamment sur un cheval qui supporta pendant trente jours une privation complète d'ali- ments. La quantité de lymphe m'a toujours paru, sauf dans les cas oij elle pro- vient en grande partie de vastes foyers de résorption, proportionnelle à la masse de sang employée à l'irrigation de l'organisme. La grande proportion d'éléments apportés par les lymphatiques à la reconsti- tution du sang nous fait pressentir les effets fâcheux qui doivent résulter de la déperdition plus ou moins complète de ces matériaux ; l'expérience nous permet de suivre ces effets jusqu'à la rnortqui doit en être la conséquence très prochaine. Le jeune taureau, dont la fistule au canal demeura libre pendant quatre jours, ne parut d'abord pas souffrir de l'écoulement à l'extérieur du chyle et de la lymphe ; il mangeait et ruminait comme à l'ordinaire ; son appétit et sa soif n'avaient pas acquis de vivacité anormale. Mais, dès le troisième jour, l'animal demeure longtemps couché ; il mange peu et à de rares intervalles. Ses périodes de rumination sont courtes : une fois couché, il ramène la tête vers le flanc et le jarret, puis il s'assoupit. Au quatrième jour, la langueur est extrême ; il ne mange plus que quelques brins de fourrage et il les mâche mollement ; il a la conjonctive pâle, les oreilles froides, le poil hérissé. Dans le courant de cette journée, il s'étend sur le côté, comme le font les animaux très malades, et con- serve cette attitude pendant plus d'une heure sans faire aucun mouvement. Le chyle coule en si petite quantité qu'il se coagule fréquemment dans le tube, bien -qu'on en retire le caillot à de courts intervalles ; en un mot, le ruminant est épuisé. J'enlève le tube et les lils qui le maintiennent, et je ferme la plaie bla- farde après l'avoir détergée avec la teinture d'aloès. L'animal reçoit du vin et des infusions aromatiques ; le lendemain il mange de la farine et quelques brins de fourrage. En huit à dix jours il se rétablit. INTERRUPTION DU COURS DES LIQUIDES DANS LE CANAL THORACIQUE. 2o3 Le second taureau, un peu plus grand que le précédent, eut l'une des bran- ches du canal Ihoracique ouverte pendant huit jours. La totalité du produit de la listule fut recueillie seulement pendant dix heures, après quoi le tube fut enlevé. A partir du deuxième jour, et bien que les lèvres de la plaie fussent maintenues rapprochées, la lymphe et le chyle continuaient à s'échapper en déterminant à la partie inférieure du cou et au poitrail une inliltration considé- rable. L'animal mangeait et digérait encore passablement, mais il maigrissait à vue d'œil. En huit jours il avait perdu 4o kilogrammes de son poids initial. CHAPITRE XLIX DES EFFETS DE L'INTERRUPTION DU COURS DES LIQUIDES DANS LE CANAL THORACIQUE Connaissant la rapidité avec laquelle les fluides se meuvent dans les vaisseaux lymphatiques, les masses énormes de chyle et de lymphe que le système apporte dans le torrent de la circulation, les effets remarquables que leur déperdition, même partielle, produit sur la nutrition, nous devons naturellement rechercher ce qui résultera Âe l'interruption du cours du chyle et de la lymphe par un obstacle quelconque apporté à leur afflux dans les veines. Il est des cas pathologiques dans lesquels la compression, l'obstruction ou l'oblitération du canal semblent devoir apporter quelque lumière sur la question. On en a cité de nombreux exemples depuis longtemps. Cheston et Mascagni ont vu l'oblitération produite par de la matière calcaire ou par des végétations osséi- formes ; Nasse, Krimer, A. Gooper, par de la matière tuberculeuse ; Rust, par de la matière cancéreuse. L'inflammation, qui peut se développer, comme la lymphangite, par suite de l'apport de matériaux altérés, paraît avoir oblitéré le canal dans une observation -de Gooper et dans une d'Andral. L'oblitération peut se lier à une maladie du cœur. Dans d'autres cas. la cavité du conduit a été trouvée pleine, soit de matière blanche par Rokitansky, soit simplement par un caillot adhérent, comme dans le cas de dégénérescence graisseuse du cœur dont nous avons publié la relation M. Bouley et moi. Mais ce qui rend la signiflcalion de ces faits équivoque, c'est que l'état des \oies collatérales n'a pas toujours été bien constaté. Dans deux cas de Gooper, la partie supérieure du canal restée libre recevait des liquides, même des lym- phatiques de l'abdomen. Dans une des observations d'Andral, une branche col- latérale reliait les deux parties libres que séparait celle transformée en cordon libreux. Dans les autres cas, si l'oblitération était complète, on n'a connu ni sa date, ni déterminé jusqu'à quel point elle a contribué à la mort. Il n'est pas douteux que, dans le cas observé par nous, la mort n'ait été hâtée par cet état ; l'oblitération était déjà ancienne. Le caillot adhérent résultait sans doute du reflux sanguin du cœur, l'oblitération a été complète ; son ancienneté était évidente vers l'insertion, mais elle paraissait plus récente dans le reste du 254 DE l'absorption. conduit. Elle avait donné lieu ù une tuméfaction énorme des ganglions mésenlé- riques, à une infillration lymphatique au bassin et à la région des reins, aux scissures du l'oie, à l'entrée du thorax, enfin à une dilatation extrême et à un état variqueux des lactés commençant déjà sur les parois intestinales, lactés dont le contenu était épais et caséeux par places. L'oblitération avait provoqué même une tuméfaction considérable des ganglions prépecloraux et préscapulaires du côté gauche ; nul doute que cette oblitération avait contribué à hâter la mort de l'animal et qu'elle aurait pu seule la produire au bout d'un certain temps. Les faits de simple réduction dans le diamètre du canal thoracique ne peuvent résoudre la question, car il arrive toujours alors une certaine quantité de chyle et de lymphe dans le sang. Le ralentissement du cours des fluides produit seu- ment une dilatation du système chylifère et une tuméfaction des glandes mésen- tériques, comme Virchow l'a vu sur un individu où le canal était comprimé par une tumeur cancéreuse. Il peut, comme je l'ai observé sur une vache à névromes au voisinage de la citerne, entraîner une dilatation qui amène les chylifères au diamètre de plumes de corbeau et même de plumes d'oie, et donner à leurs parois une épaisseur considérable; alors la force de résistance accrue prévient la déchirure et l'infiltration. En outre, l'impulsion communiquée aux liquides est tellement forte qu'elle continue à les pousser à travers des tumeurs énormes, ainsi que je l'ai observé récemment encore sur un cheval qui avait, en haut du mésentère, sous la citerne et les piliers du diaphragme, une masse encépha- loïde du volume de l'estomac modérément plein. Les faits pathologiques ne dissipent donc pas tous les doutes sur la question de savoir si l'oblitération des voies lymphatiques centrales est mortelle par elle- même ou longtemps compatible avec la vie. En présence des incertitudes qu'ils laissent, il est plus simple et plus sûr de recourir à l'expérimentation que d'attendre des observations nouvelles. Depuis longtemps les physiologistes ont cherché à suspendre l'abord des fluides blancs dans le système sanguin. Lower, Duverney, Flandrin, Dupuytren l'ont tenté avec plus ou moins d'habileté. Lower ^, pour reproduire une blessure analogue à celle du canal thoracique observée sur l'homme et citée par Bartholin, coupa en travers le canal sur deux chiens. Ces deux animaux moururent des suites d'un épanchement de chyle dans les plèvres. L'expérience imaginée par ce physiologiste habile était mal instituée : elle n'apprit rien. Duverney^ fit mieux, sans cependant bien faire. Il eut l'idée de lier la veine sous-clavière près de l'insertion du canal, et les chiens ne moururent qu'au bout d'une quinzaine de jours. Son expérience ne pouvait avoir aucune signification précise, car, de quelque manière qu'elle fût faite, la ligature n'était pas suscep- tible d'empêcher la lymphe et le chyle de se mêler à la masse du sang. Appliquée entre le canal et la partie périphérique de la veine, cette ligature n'apportait aucun changement au cours du liquide ; placée entre l'insertion du canal et le 1. Lov^'er, Traciatus de corde. 2. Duverney, Mémoires de l'Académie des sciences, 1675. INTERRUPTION DU COURS DES LIQUIDES DANS LE CANAL TIIORACIQUE. 255 cœur, elle avait pour résultat de faire refluer ce liquide avec le sang jusqu'au point où une anastomose entre la sous-clavière et les veines voisines lui permet- trait de reprendre son cours vers le cœur. L'expérience eût mieux rempli son but par deux ligatures, l'une en deçà, l'autre au delà de la terminaison du canal, et encore elle eût entraîné pour complication fâcheuse une gène extrême, sinon une suspension du cours du sang veineux dans le membre antérieur gauche. Flandrin^ dont le nom tient une place honorable dans les fastes de la médecine vétérinaire, et l'un de nos prédécesseurs à l'École d'AIfort, comprit que, pour interrompre sûrement le cours du chyle et de la lymphe, il fallait lier le canal thoracique lui-même près de son insertion. Ce professeur lia ce canal sur dix chevaux, soit avec des fils cirés, soit avec des (ils de plomb. La plupart de ces animaux furent tués quinze jours après l'opération, et l'on trouva autour du canal lié un engorgement considérable qui se propageait dans la poitrine. L'un d'eux fut conservé deux mois et demi; son canal s'était cicatrisé et la ligature était tombée. Les expériences de Flandrin sont loin d'être complètes. Cet expé- rimentateur s'est assuré que le canal n'était pas double sur les deux premiers de ses chevaux, mais il ne paraît pas avoir recherché si cette disposition se trou- vait chez les autres. Il ne dit pas si le canal était oblitéré sur tous^ ou si sa cavité s'était rétablie au niveau de la ligature. Pour le dernier même, dont le canal était cicatrisé et la ligature tombée, il nous laisse ignorer si cette cicatrisation con- sistait dans l'oblitération du conduit vers son insertion, ou si, ce qui est fort différent, elle tenait à la réunion des deux parties que la ligature avait dû sépa- rer et au rétablissement possible de la lumière de ce canal. Dupuytren répéta plus tard, et sur le cheval même, les expériences précé- dentes : il lia le canal thoracique à plusieurs chevaux dont les uns moururent au bout de cinq à six jours, tandis que les autres guérirent. Chez les premiers les injections ne passaient point de la partie postérieure du canal dans les veines* chez les seconds, les matières injectées s'arrêtaient au niveau du point lié et par- venaient dans le système veineux par des branches collatérales qui s'ouvraient dans la sous-clavière. En conséquence, il était à croire, d'après cela que la mort d'une partie des animaux employés aux expériences tenait à ce que le chyle et la lymphe ne pouvaient plus arriver dans les veines, et, d'autre part, que la guéri- son des derniers résultait du rétablissement du cours de ces fluides par des voies collatérales. Enfin, Astley Cooper, sur la fin du siècle dernier, et assez récemment Leuret et Lassaigne, firent des tentatives analogues sur le chien. Les animaux auxquels le premier fit la ligature du canal moururent du deuxième au dixième jour, et quelques-uns à la suite de la rupture du canal : un seul se rétablit grâce à une communication qui existait entre le canal lié et un canal supplémentaire resté libre du côté opposé; Quant à l'expérience que Leuret et Lassaigne répétèrent sur un seul chien, elle est très incomplète. Le Carnivore qui en fait le sujet gué- rit à la suite de la ligature du canal et prit même de l'embonpoint : il fut tué } . Fiandrin, Expérietices sui' L'absorption des vaisseaux lymphatiques dans les animaux {Journal de médecine, \. LXXXVII, 1790i. 2o6 DE l'absokption. cinquante-huit Jours après l'opération. Les expérimentateurs, l'ayant ouvert, acquirent « la certitude que le canal était unique et qu'il avait été bien lié un peu en avant de la première côte ; » ils remarquèrent, en outre, que ce canal, ainsi que la citerne, contenait une petite quantité de chyle. Malheureusement ils ne disent pas si le canal était oblitéré à l'endroit où la ligature avait été appli- quée, ou bien si sa cavité s'était rétablie. Faute de cette indication, on ne sait si le chyle et la lymphe de leur chien continuaient à arriver dans les veines, ou si ces fluides se trouvaient dans l'impossibilité d'y parvenir. Néanmoins ils tirent de leur expérience cette singulière conclusion que le chyle absorbé dans l'intestin a passé des chylifères dans les racines de la veine porte ; d'ailleurs, ils ne s'in- quiètent nullement de la voie que la lymphe a dii suivre pour arriver dans les vaisseaux sanguins. J'ai tenu, à mon tour, à élucider la question par des recherches expérimen- tales sur diverses espèces d'animaux et dans des conditions variées. Ces recher- ches me paraissent dès maintenant donner des résultats décisifs. Sur un premier taureau, la ligature fut appliquée au canal qu'on avait tenu antérieurement ouvert pendant quatre jours. L'animal se rétablit parfaitement. Au bout de six à sept semaines, je le tuai et trouvai le canal oblitéré sur une étendue de 5 à 6 centimètres du point qui avait été lié ; il était simple, mais de sa partie demeurée libre partaient des branches qui allaient s'ouvrir dans les veines, à l'abouchement ordinaire du tronc lymphatique. Cette première expé- rience ne prouve donc rien, comme je l'ai dit dans la première édition de ce livre. Sur deux vaches, j'ai lié le canal, en cherchant à comprendre dans la ligature toutes les branches terminales, et je les tuai au bout de vingt-quatre heures. Sur les deux, les chylifères et le canal s'étaient rompus : les deux lames du mésen- tère s'étaient écartées et elles circonscrivaient une vaste infiltration chyleuse ; les ganglions raésentériques, les sous-lombaires étaient très gonflés, l'infiltration se prolongeait autour de la citerne et de la région postérieure du canal. Il en a été de même sur un bélier. Dans ces trois cas, la ligature avait certainement interrompu le cours du chyle et de la lymphe ; l'interruption avait produit la dilatation, la déchirure et l'infil- tration. Nul doute que les animaux seraient morts des suites de l'accident si on les eût conservés assez longtemps. Sur un taureau de dix-huit mois, la ligature faite avec beaucoup de soin a donné lieu à la perte de l'appétit, et au bout de neuf jours à la mort. Les fluides blancs n'arrivaient plus dans les veines. J'ai répété ensuite la même opération sur trois chiens. Le premier est mort le surlendemain avec symptômes d'asphyxie. Le canal s'était rompu entre le cœur et l'entrée du thorax, et une énorme infiltration s'était produite en ce point, comprenant les vagues, le phrénique, l'origine des récurrents. Le troisième et le quatrième sont morts du 20* au 25" jour, après avoir refusé les aliments presque pendant tout ce temps. Chez les deux, les canaux se trouvaient indurés et obli- térés vers l'insertion, et les liquides injectés ne passaient point dans les veines. Ceux-ci sont morts comme meurent les animaux inanitiés. La vie a pu se pro- longer plus que chez les herbivores, parce qu'ils n'ont presque point mangé, et INTEURICTION DU COURS DES LIQUIDES DANS LE CANAL TUORACIQUE. "io/ (luo la petite quantité de rliyle n'a [uis déterminé la ruptui'e et l'inlilti'atiun. Il est clair que la ligatun^ ne peut avoir des conséquences invariables. Si le canal, après la ligature, conserve des branches libres, s'il est double, s'il s'anas- tomose en arrière du point lié avec le tronc lymphatique droit, les fluides blancs continuent à arriver dans le système sanguin ; il ne se produit ni rupture ni infil- tration, et l'animal peut guérir. Si, au contraire, le canal est simple, ou si toutes ses branches sont liées à la fois, il faut que l'animal succombe promptement. Il meurt vite si, par le fait d'une digestion active ou d'une absorption intestinale abondante comme chez l'herbivore, la rupture se produit dès les premiers moments et donne lieu à une infiltration très étendue. Il ne périt qu'après un plus long délai, s'il cesse de digérer, et ne donne que de minimes quantités de chyle insuffisantes pour porter la distension du système chylifère au degré qui opère la rupture. Dans ce dernier cas, l'absorption effectuée par les veines ne suffit à la reconstitution du sang que pendant quelques semaines. Les physiologistes, qui seront tentés de répéter ces expériences, devront se rappeler que la ligature, pour suspendre complètement l'abord du chyle et de la FiG.151(*). FiG. 152f*). Anastomoses compliquées entre le canal thoracique et le tronc lymphatique droit. lymphe dans les veines, doit porter sur toutes les branches si elles sont isolées, et sur leur ensemble si elles se trouvent réunies. Ils n'oublieront pas que, sur beaucoup de sujets, les dispositions du canal thoracique et du tronc lympha- tique sont souvent telles qu'elles rendent l'expérience impossible. Les figures loi et lb2 donnent, au premier coup d'œil, la raison de ces difficultés expé- men taies. (*) A, canal thoracique. B, tronc lymphatique droit. (**) C, D, anastomoses établies entre eux près de leur insertion. G. COLIN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — r LIVRE SIXIEME DE L,A RESPIRATIOX La digestion a préparé les matériaux étrangers destinés à reconstituer lefluide nutritif; l'absorption les a recueillis et entraînés dans les vaisseaux avec d'autres substances qui faisaient déjà partie de l'organisme ; une troisième fonction impor- tante va donner à tous ces éléments hétérogènes des propriétés nouvelles, les associer intimement au sang, et imprimer à celui-ci les qualités sans lesquelles il ne peut entretenir la vie, ni servir à la nutrition et aux sécrétions. Cette dernière fonction, qu'on appelle là res/jfratio'n. est commune aux plantes et aux animaux, et elle se trouve d'autant plus immédiatement nécessaire à la vie que les animaux occupent un rang plus élevé dans l'échelle zoologique. C'est une de celles dont la suppression momentanée détermine rapidement la mort : aussi les anciens physiologistes en faisaient-ils une des trois fonctions vitales. La respiration s'effectue, dans le règne animal, suivant un grand nombre de modes qui peuvent se rapporter, en dernière analyse, à deux types généraux, ceux de la respiratio-n disséminée et de la respiration localisée. L'existence de l'un ou de l'autre de ces deux types est subordonnée à la présence ou à l'absence d'un système vasculaire plus ou moins complet, ou, ce qui est la même chose, àl'exis- tence ou à la non-existence d'une circulation plus ou moins parfaite. En effet, comme l'a si bien établi G. Cuvier, toutes les fois que le fluide nutritif, disséminé dans toutes les parties, n'est pas enfermé dans un système de vaisseaux qui puisse l'amener au contact de l'air, il faut que cet air aille le chercher partout pour se mettre en rapport avec lui. Au contraire, toutes les fois que le sang est contenu dans des vaisseaux qui peuvent le porter en totalité à la rencontre de l'oxygène, la respiration se concentre en un point de l'économie, dans un organe spécial dont la disposition varie à l'infini suivant les classes d'animaux, suivant le milieu dans lequel ils sont appelés à vivre et l'état de l'air qui doit agir sur les liquides nutritifs. Cette fonction, qui consiste essentiellement en une absorption d'oxygène et une exhalation d'acide carbonique, n'exige pas nécessairement un organe ou un appareil spécial, car les échanges gazeux peuvent, à la rigueur, s'effectuer dans une foule de points différents. Son organe où son appareil, quel qu'il soit, se réduit en dernière analyse à une surface membraneuse chargée à la fois de l'ab- sorption et du dégagement des gaz. C'est la peau ou une muqueuse tapissant des trachées ou des cavités pulmonaires, si la respiration doit se faire dans l'air, — ou des branchies et des canaux aquifères, si elle doit s'opérer dans l'eau. La respiration diffuse qui s'opère sur toutes les surfaces est d'abord exté- DIVERSES FORMES DK l'APPAUEIL RESPIRAT0IU15. 25^ rieiire. La peau absorbe l'oxygène à l'état gazenv ou en dissolution dans l'eau ; les parois de la cavité digestive, comme chez les polypes, peuvent aussi remplir le même office. Alors le tégument est le plus souvent pourvu de cils vibratiles qui amènent et renouvellent l'eau aux surfaces. Si la peau est épaisse ou incrus- tée de productions solides qui s'opposent à l'absorption, elle porte en quelques points des appendices expansibles, rétractiles, llottants, tubuleux, à rôle mul- tiple, affectés à la respiration. Cette respiration tégunientaire persiste encore, à un certain degré, lorsque les organes spéciaux apparaissent, et elle ne s'efface pas, même dans les tjpes les plus élevés. Elle peut être à la fois extérieure et intérieure, comme chez les spongiaires, où elle s'opère dans des cavités irrégu- lières où l'eau circule librement. FiG. 153. — Arbre respiratoire de Tholo- Fig. 154. — Appareil respiratoire de la mante thiirie, d'après Tiedemann (*). religieuse, d'après Marcel de Serres (**). Les organes spéciaux de la respiration, dès qu'ils apparaissent, se présentent sous la forme d'appendices ou de cavités tapissées par des membranes humides capables de se mettre en contact, sur une grande étendue, avec le fluide vivifiant. Déjà chez les holothuries, dont le tégument est plus ou moins coriace, il y a (*) a, organe respiratoire ouvert dans le cloaque b; c, bouche ; d, tentacules; e, sac contractile uni à l'eu- semble du système respiratoire; f, organes génitaux; q, intestin. (**) ,a, c, d, e, f, g, h, i, trachées des palpes maxillaires, des mâchoires, des palpes labiaux, de la lèvre inférieure, des mandibules, des antennes et des yeux; l, tronc interne des trachées artérielles; m, tronc interne de ces trachées; il, troue des trachées pulmonaires; p, trachées de la première paire de pattes; q, r, s, etc., trachées des diverses parties de l'abdomen, des organes génitaux et des pattes. 260 DE LA RESPIRATION. dans toute retendue du corps un ensemble de canauv et de canalicules à parois contractiles analogues aux trachées des insectes. Ces canaux qui communiquent avec le rectum sont chargés de recevoir Teau et de l'expulser. Chez les insectes, la respiration disséminée s'opère dans un vaste système de trachées, composé d'un nombre variable de conduits ouverts à la surlace du corps et subdivisés en une infinité de branches dans toutes les parties de la tète, du thorax, de l'abdomen, dans les pattes, les ailes, les antennes, etc. Ces ca- naux (fig. 154), plus ou moins exigus, reçoivent, suivant leurs formes,la dénomi- nation de trachées pulmonaires, vésiculaires,. artérielles, tubuleuses. Ils demeurent distincts les uns des autres ou s'anastomosent entre eux, conservent toujours un très petit diamètre ou se dilatent en certains points pour constituer des vésicules aériennes réparties régulièrement sur les côtés du thorax et de l'ab- domen. Leurs orifices, connus sous le nom de stigmates, forment soit des ouver- tures libres bordées d'un cercle plus ou moins saillant, soit des bouches garnies de valvules, de plaques criblées ou de cils très fins destinés à mettre obstacle à la pénétration des matières étrangères autres que l'air atmosphérique. Ces trachées reçoivent l'air en nature, par suite du resserrement et du relâchement alternatifs de l'abdomen coïncidant avec le jeu des stigmates. La respiration localisée, qui correspond à une circulation à peu près com- plète, s'effectue dans l'eau par des branchies, et dans l'air, par des poumons. Ses deux formes sont : la respiration branchiale et la respiration pulmonaire . La première s'opère par des productions extérieures ou intérieures, disposées en lames minces ou en filaments déliés qui renferment des vaisseaux sanguins. Ces branchies forment des membranules flottantes et plissées chez les lombrics, des folioles découpées chez les oursins, des feuillets nombreux et rapprochés dans divers mollusques bivalves, des lames minces dentelées à leur bord libre dans la plupart des poissons osseux. Elles se présentent sous l'aspect débranches ramifiées ou de pinceaux chez les annélides, de houppes flexibles, d'arbuscules, de panaches, chez quelques mollusques, certains têtards de batraciens (fig. 155) Fig. 155. — Larve de triton avec ses branchies extérieures. et divers poissons. L'eau qui tient en dissolution Tair nécessaire à l'hématose est amenée au contact de ces branchies par un mécanisme extrêmement varié suivant les animaux. Dans les poissons (fig. 156), ce liquide pénètre par la bouche dans le pharynx, et vient passer entre les lames des branchies qu'il écarte pour s'échapper à travers la fente qui est en arrière de l'opercule. [ La respiration pulmonaire, qui est constamment aérienne, appartient essen- tiellement aux animaux supérieurs. Les vésicules aériennes des acalèphes hydro- DIVERSES FORMES DE l'aPPAREIL RESPIRATOIRE. 2P.1 Statiques, les cavités respiratoires des arachnides pulmonaires, sont un ache- minement vers l'organisation caractéristique des poumons. Ceux-ci constituent, dans les mollusques, de simples cavités tapissées par le tégument aminci et devenu plus vasculaire. Ils forment deux vessies dont les parois offrent de petites cellules incomplètes chez les batraciens, un grand sac oblong à parois également cellulaires chez les serpents, et un double sac cloisonné avec des cellules nom- breuses dans les tortues. Enlin, ils se présentent sous la forme d'organes spon- gieux à cellules petites et multipliées à l'inlini chez les mammifères et les oiseaux ; de plus, chez ces derniers, ils se prolongent dans les cavités des os par des tubes membraneux et dans l'abdomen par de grands sacs à parois transparentes. FiG. 156. — Appareil branchial d'un lirocliet, d'après .M. E. Blanchard. La respiration aquatique par les branchies et la respiration aérienne par les poumons s'exécutent, chez certains animaux tels que les batraciens, la première dans le jeune âge, et la seconde dans les périodes ultérieures. Alors le têtard de la grenouille possède aux premières phases de son développement des branchies extérieures libres et frangées; plus tard il a des branchies renfermées dans une FiG. 157. — Branchies internes et poumons d"une larve de grenouille. cavité sous-jacente à la peau et fixées à des arcs branchiaux mobiles fig. 157}. Pendant que cet appareil transitoire fonctionne, les poumons se développent, et une fois que le reptile a subi ses métamorphoses, les branchies s'atrophient et les poumons entrent en action. 11 est un batracien du golfe du Mexique, l'axolotl, pourvu de poumons et de 262 DE LA RESPIKATION. branchies chez lequel ces dernières fonctionnent presque constamment. Elles forment, sur les côtés du cou, des houppes qui s'agitent dans l'eau à des intervalles plus ou moins rappro- chés et qui suffisent habituellement à l'oxygénation du sang, de sorte que les poumons agissent seulement dans de rares circonstances, une fois l'animal hors du liquide ou à sa sur- face. Chez les protées dont les bran- chies ne s'atrophient jamais, elles conservent aussi l'aptitude à fonc- tionner après que l'appareil pulmo- naire est entré en action, de telle sorte que l'animal peut, tour à tour, respirer dans l'air et dans l'eau, et par conséquent absorber soit l'oxy- gène libre, soit l'oxygène en disso- lution. Rien n'est plus varié dans le règne animal que la disposition des orga- nes respiratoires. Mais ils ne sont, au fond, constitués que par des sur- faces humides, en relief ou en creux, chargées de mettre l'air en rapport avec le fluide nutritif. Un appareil d'irrigation ou de ventilation s'y trouve annexé pour appeler les fluides vivifiants et les expulser, renouveler l'air et l'eau aux surfaces oii s'effec- tue l'hématose. L'appareil chargé de ce mécanisme respiratoire n'est formé d'abord que de cils vibratiles qui agitent l'eau à la surface du corps ; ce sont plus tard des muscles du tégument, des chambres bran- chiales ou pulmonaires, des appen- dices locomoteurs voisins des organes respiratoires. Les deux grands types de respira- tion se partagent très inégalement les espèces animales. La respiration aquatique appartient aux infusoires, aux rayonnes, aux mollusques, aux crustacés, aux poissons; l'aérienne est celle ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 263 de quelques mollusques, des arachnides, des insectes, des reptiles, des oiseaux et des mammifères. Ce rapide coup d'œil jeté sur les divers modes de respiration, arrivons à l'étude détaillée des nombreux phénomènes de cette fonction et de leurs divers résultats, c'est-à-dire à l'examen : 1° des actes mécaniques de la respiration; 2° de ses phénomènes chimiques; 3° des modilications qu'éprouve le sang dans les organes respiratoires, et 4'^' de l'action nerveuse sous l'influence de laquelle s'opèrent tous ces actes. CHAPITRE L DES ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION Cliez la plupart des vertébrés à respiration aérienne, le poumon est enfermé dans une cage ou dans une chambre distincte de celle qui contient les viscères abdo- minaux. Les parois mobiles et dilatables de cette cavité sont disposées de manière à déterminer, par leurs mouvements, une aération ou une ventilation continue de l'organe affecté à l'hématose. Les actes qui donnent lieu au renouvellement de Tair, qui l'appellent dans le poumon, l'expulsent de cet organe, constituent le mécanisme respiratoire. Ils consistent dans Vinspiration, Vexpiration, et l'as- sociation de ces deux mouvements. Leurs agents appartiennent à trois espèces distinctes : les premiers, ou les os du thorax, sont passifs; les seconds, ou les muscles moteurs de ces os, sont actifs; entin les derniers, c'est-à-dire les nerfs, sont les régulateurs du jeu de tous les autres. I. — De L'iîfSPISATIOX. \Jinspiration est cet acte qui consiste dans la dilatation simultanée des narines, du larynx et du thorax, destinée à faire affluer dans les poumons la masse d'air nécessaire à l'hématose. Son mécanisme fort compliqué exige une analyse minu- tieuse que nous allons faire, en commençant par la poitrine dont le jeu détermine, presque à lui seul, l'introduction de l'air dans les poumons. Lors de l'inspiration, le thorax s'agrandit suivant son diamètre transversal par le mouvement des côtes, suivant son diamètre longitudinal par la contraction du diaphragme, et le poumon, en se dilatant, à son tour, mais passivement, attire l'air extérieur dans les bronches et les vésicules pulmonaires. Il faut voir successi- vement la part que prennent à ce premier acte les parois costales, le diaphragme et le poumon lui-même. 1° Dilatation transversale du thorax. Le thorax des mammifères constitue une cavité conoïde, à sommet antérieur tronqué, à base postérieure et oblique, cavité plus ou moins aplatie latéralement. Sa dilatation transversale se fait par l'écartement des parois latérales qui s'éloignent 264 DE LA RESPIRATION. l'une de l'autre suivant un double mouvement angulaire, le premier ayant pour centre l'extrémité antérieure de la cavité, le second son bord supérieur ou dorsal ; elle résulte du mouvement imprimé aux côtes et à leurs cartilages de prolonge- ment par divers muscles insérés sur ces arcs résistants, flexibles et élastiques. Les côtes qui, avec différents muscles, forment les parois latérales de la poi- trine, représentent des arcs courbés sur eux-mêmes suivant le sens de leurs faces et celui de leurs bords. Leur courbure essentielle, constante, est celle qui rend leur face interne plus ou moins concave; leur courbure accessoire et très variable est celle qui donne une certaine concavité à leur bord antérieur. Les degrés de ces courbures varient dans des limites assez étendues suivant les régions du ihorax et les espèces d'animaux. En général, la première côte est la plus courte, la moins incurvée et la moins inclinée sur le rachis ; les suivantes augmentent progressivement de longueur jusque vers la région moyenne de la cavité thoracique, s'inclinent davantage sur la tige rachidienne et se courbent de plus en plus sur leurs faces et leurs bords. A partir du milieu de la longueur du thorax, elles se raccourcissent insensible- ment jusqu'à la dernière, tout en conservant à peu près le maximum d'incurvation. Les côtes paraissent d'autant plus courbées que les animaux ont le thorax plus court, et d'autant plus droites que cette cavité est plus allongée. Ainsi elles sont très courbées, au point de former presque des demi-cercles dans les cétacés, la baleine par exemple ; elles le sont encore beaucoup plus chez les morses, les phoques, le lion, l'ours, certaines races de chiens, divers insectivores tels que le hérisson, la taupe, plusieurs rongeurs comme le rat, le castor, le lièvre et le lapin. Elles sont peu courbées chez les carnassiers, qui ont, comme le renard, le thorax allongé et déprimé sur les côtés, chez le porc, le sanglier, et surtout chez la plupart des ruminants. Ceux-ci, le bœuf, le buffle, le mouton, la chèvre, ont la moitié antérieure delà poitrine très étroite, aplatie, par suite de la faible incurvation des premières côtes et de leur parallélisme avec le plan médian. La concavité interne de ces arcs osseux ne commence à devenir bien prononcée qu'à partir des dernières sternales Aussi est-ce seulement à sa partie postérieure que la cavité thoracique acquiert un grand diamètre transversal, par l'effet de la forte incurvation des côtes et de Ja projection en dehors de leur partie inférieure. L'étroitesse et la largeur de la poitrine ne tiennent pas seulement au degré d'incurvation des côtes, elles dépendent aussi, en grande partie, de leur inclinai- son sur le rachis, de la longueur et du mode de jonction des cartilages avec le sternum. En effet, le degré de courbure étant le même, les côtes rendront le thorax d'autant plus large qu'elles seront moins verticales, c'est-à-dire qu'elles s'éloigneront davantage du plan représenté par le médiastin. C'est ainsi, par exemple, que les dernières côtes du lièvre et du lapin, sans être plus courbées que les autres, rendent la partie postérieure du thorax très large, en s'élevant beaucoup pour se rapprocher delà direction horizontale. Le développement et la direction des cartilages costaux influent notablement sur les dimensions trans- versales de la cavité. Les mammifères de grande taille, l'éléphant, le rhinocéros, les bœufs, les chevaux, ont les cartilages des côtes sternales très courts et très ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 265 inclinés latéralement sur le sternum, de manière à rendre le thorax très étroit au niveau de cet os. La plupart des carnassiers, au contraire, le lion, l'ours, les phoques, ont des cartilages fort longs aux côtes sternales, insérés presque à angle droit sur le sternum et continuant, pur leur incurvation, celle des côtes corres- pondantes, ce qui rend la poitrine très large en bas et en avant, tout en lui don- nant, dans ce point, une forme presque cylindrique. La longueur du thorax est proportionnée à la longueur même de la région dor- sale, c'est-à-dire au nombre des vertèbres de cette région et à celui des côtes ; elle dépend encore de la largeur de ces arcs et de l'étendue des espaces inter- costaux. On sait que le dromadaire, le chameau, le lama, n'ont que douze côtes, mais très larges et très espacées; le bœuf, le cerf, le daim, le mouton, la chèvre, treize dont la largeur est aussi très considérable; la girafe, le dauphin, le cachalot, le porc, le sanglier, quatorze; l'hippopotame et la baleine quinze; le cheval et les autres solipèdes dix-huit; plusieurs rhinocéros dix-neuf; et l'éléphant vingt. L'étendue longitudinale du thorax, sans être exactement pro- portionnée au nombre des arcs costaux, est néanmoins dans un certain rapport avec ce nombre. On ne saurait nier que le thorax soit plus court chez le bœuf et les autres ruminants que chez les solipèdes et divers pachydermes, tels que le rhinocéros, l'éléphant et l'hippopotame, dont la dernière côte est fort rapprochée de rilium. Cette étendue augmente un peu par l'agrandissement des derniers espaces intercostaux et la projection en arrière des dernières côtes, comme on le voit chez le dromadaii'e, le lièvre, le lapin et beaucoup d'autres animaux dont la dernière, dirigée en arrière par son extrémité inférieure, forme, avec les vertèbres lombaires, un angle plus ou moins aigu. Les côtes, dont le nombre, la forme, les dimensions, les courbures varient dans des limites si étendues, éprouvent, lors de l'inspiration, deux mouvements simul- tanés, l'un par lequel elles sont portées en avant, l'autre qui les projette en dehors ; de plus, un certain nombre d'entre elles, à partir de la région moyenne du thorax jusqu'à son extrémité postérieure, en éprouvent un troisième qui les élève et tend aies rapprocher de la direction horizontale. Elles jouent de telle sorte qu'en se portant en avant et en dehors, leur face externe tend à devenir antérieure, et leur bord postérieur à devenir externe, pendant que leur extrémité sternale s'élève un peu et s'éloigne de la ligne médiane. Mais ce jeu n'est pas uniforme dans les sternales et les asternales, dans les premières, les moyennes et les dernières. Les côtes sternales sont évidemment les moins mobiles en raison de leurs dimensions, de la fixité de leurs deux extrémités et de leurs connexions avec les masses musculaires des rayons supérieurs des membres thoraciques. Elles ceignent la région du thorax la plus étroite, celle qui renferme le cœur et qui éprouve le moins de changement dans sa capacité. Les côtes asternales, plus longues, libres à leur extrémité inférieure, tout à fait dégagées des attaches des membres, offrent le maximum de mobilité, d'autant qu'elles ont pour moteurs, indépendamment de leurs muscles propres, le diaphragme et les muscles abdominaux. La première côte est la plus courte, car elle n'a pas, dans les solipèdes, la moitié delà longueur de celles du milieu du thorax: c'est la moins courbée suivant ses 266 DE LA RESPIRATION. faces et ses bords, la plus large, la plus renflée à ses deux extrémités ; c'est elle qui a le cartilage le plus court et les articulations les moins mobiles. Sa tête est profondément enclavée entre les deux premières facettes vertébrales, et son car- tilage est intimement uni au sternum et à celui de la première côte opposée. Cette côte, enfin, qui donne attache au scalène, au grand dentelé, à l'angulaire de l'omoplate, au transversal, devient par sa fixité, à peu près complète, un point sur lequel agissent les muscles qui impriment des mouvements de totalité au thorax. La seconde côte est un peu plus longue, plus étroite, plus courbée que la pre- mière; elle est moins renflée à ses extrémités; son cartilage qui s'allonge un peu et acquiert une certaine flexibilité, se joint à elle sous deux angles, l'un à sinus antérieur, l'autre à sinus interne. La troisième, la quatrième, la cinquième, la sixième et la septième augmentent progressivement de longueur, de même que leurs cartilages; leur extrémité sternale s'éloigne de plus en plus de la ligne médiane et élargit ainsi la partie inférieure du thorax. La huitième et la neu- yième arrivent au maximum de longueur chez les solipèdes, que nous prenons ici pour types de description; les suivantes diminuent progressivement d'étendue jusqu'à la dix-huitième, dont l'étendue dépasse très peu celle de la première. Celles-ci acquièrent une inclinaison en dehors et en arrière de plus en plus pro- noncée, de sorte qu'un plan vertical qui couperait la poitrine en travers, en par- tant de la tête d'une des dernières côtes, viendrait rencontrer, non pas l'extré- mité inférieure de la même, mais celle de la précédente et souvent celle d'une autre encore plus antérieure. La mobilité des côtes va donc croissant de la première à la dernière. Elle augmente d'avant en arrière dans les côtes sternales en raison : 1° de l'allonge- ment graduel de ces arcs osseux et de leurs cartilages de prolongement; 2° de leur incurvation de plus en plus marquée ; elle croit dans les côtes asternales à mesure qu'elles se dégagent de leurs rapports avec les membres et qu'elles pré- sentent des cartilages de plus en plus souples et flexibles. Néanmoins le déplace- ment que peuvent effectuer les diftërentes côtes n'a pas une étendue croissante d'avant en arrière; il se trouve, dans les deux tiers postérieurs du thorax, assez exactement proportionnel à leur longueur. L'observation démontre, en effet, que les côtes asternales moyennes sont celles qui éprouvent la projection la plus étendue en avant et en dehors. Les suivantes se déplacent de moins en moins jusqu'à la dernière, qui, chez les solipèdes, s'élève et s'abaisse un peu par son extrémité inférieure, tout en conservant sensiblement le même degré d'éloi- gnement par rapport à l'angle externe de l'ilium. Quels que soient, du reste, le degré de mobilité de chacune des côtes, l'éten- due et le sens du déplacement qu'elles éprouvent, ces arcs, en se projetant en dehors et en avant, s'écartent de manière à agrandir les espaces inter- costaux et à éloigner l'un de l'autre les deux hypochondres. Le fait devient sensible sur les chevaux émaciés, à peau fine, dont les espaces intercostaux sont fortement creusés, surtout quand la respiration est profonde et gênée. Il devient non moins manifeste sur le chien, qui respire avec une extrême difficulté après la section des nerfs vagues ou seulement des laryngés inférieurs. Pour démontrer et ACTES MÉCANlyUES UE LA HESl'IRAÏION. "il)? mesurer cet écartement, je me suis servi d'un petit appareil qui consiste en deux tiges métalliques pouvant s'implanter perpendiculairement surdeux côtes. L'une (le ces tiges porte à son extrémité libre une traverse étroite dirigée suivant l'axe de la cùte; l'autre porte une aiguille graduée, coudée àangledroit et dirigée transversalement à l'axe des côtes. Or, la première tige étant implantée dans une côte et la seconde dans la côte suivante, on voit, lors de l'inspiration, les deux tiges s'écarter, puis se rapprocher lors de l'expiration. L'aiguille qui passe sur la traverse montre que l'écartement s'élève à plusieurs millimètres et quelquefois jusqu'à un demi-centimètre. Pour rendre ces oscillations plus sensibles, on place les tiges sur deux côtes qui en laissent une ou deux dans l'intervalle. Alors l'écar- tement, doublant ou triplant, suivant le nombre des espaces intercostaux compris entre les deux parties de l'appareil, devient très manifeste. L'application successive de celui-ci en divers points démontre : 1° que l'écar- tement augmente d'avant en arrière jusqu'à l'antépénultième espace intercos- tal ; 2° qu'il est à son maximum aux onzième, douzième, treizième, quatorzième espaces, et moindre dans les trois derniers ; 3° enfin que, pour un espace donné, l'écartement est à son minimum vers le rachis et va en croissant jusque vers l'extrémité inférieure de la côte, c'est-à-dire vers l'hypochondre. Mais toutes ces nuances ne peuvent être appréciées sans le secours d'une minutieuse expérimen- tation répétée plusieurs fois et sur des animaux, placés dans des conditions diverses. Il est facile de comprendre comment le mouvement éprouvé par les côtes, dans l'inspiration, agrandit le diamètre transverse de la poitrine. Borelli en a donné une explication saisissante en disant que des arcs inclinés sur un plan circons- crivent, entre eux et ce plan, des espaces d'autant plus considérables que leur inclinaison diminue davantage. Mais la dilatation du thorax, envisagée dans son ensemble, est plus compliquée que ne semble l'indiquer le tliéorème de Borelli. Elle s'effectue de telle sorte que les parois thoraciques éprouvent un double mou- vement angulaire. D'une part, les parois costales s'écartent d'un côté à l'autre, comme le feraient les brandies d'un compas placé horizontalement, la charnière en avant. D'autre part, et en même temps, elles s'écartent comme les branches d'un autre compas placé verticalement, la charnière en haut, sur la ligne des vertèbres. Elles s'éloignent l'une de l'autre de telle façon que les parois costales, représentant les deux côtés d'une ellipse, ces deux côtés se courbent davantage vers le milieu, et, par conséquent, agrandissent plus ou moins son diamètre transverse. En somme, le jeu des côtes, qui consiste essentiellement en une double pro- jection de ces arcs en avant et en dehors, est loin d'être uniforme pour toutes. Ses variations principales établissent une division nette entre les deux moitiés du thorax. L'antérieure, circonscrite par une ceinture complète, formée en haut par les vertèbres, en bas par le sternum et latéralement par les côtes sternales, engagée entre les rayons supérieurs des membres thoraciques et les masses mus- culaires qui les joignent au tronc, se dilate très peu. La postérieure, tout à fait dégagée de connexions avec les membres, circonscrite seulement en partie par les côtes asternales très mobiles et fermée inférieurement par le diaphragme, 268 DE LA RESPIRATION, réunit au plus haut degré les conditions de dilatabilité : c'est elle aussi qui prend la plus grande part aux changements de volume éprouvés par le thorax dans la respiration, A part cette diiïérence essentielle, le mouvement des côtes est le même dans toute l'étendue de la poitrine. Celles-ci paraissent se projeter simul- tanément en avant et en dehors, et non d'une manière successive, comme l'avait prétendu Haller. 11 n'en est pas de même du thorax de l'homme : celui-ci forme une cage fixée vers la partie supérieure du tronc, élargie transversalement et déprimée du ster- num aux vertèbres. Les membres supérieurs, loin d'en ceindre une moitié comme chez les mammifères, s'y trouvent attachés sur une étendue assez res- treinte. De fortes clavicules les tiennent à distance des parois costales dont ils ne peuvent gêner le jeu. Ici, la cage s'agrandit en trois sens : 1" de l'entrée vers le diaphragme ; 2° d'un côté à l'autre comme chez les mammifères ; 3° et surtout par le diamètre vertébro-sternal qui change à peine chez les mammifères. En outre, elle est mue en masse, soulevée vers la tête, dans les inspirations véhé- mentes par l'action de quelques muscles cervicaux dont la fonction respiratoire s'annule chez les quadrupèdes. La forme particulière du thorax, les courbures, les degrés de mobilité des côtes, les variétés dans la configuration des muscles donnent lieu chez l'homme à des modifications dans le mécanisme de l'inspira- tion qu'il serait trop long de rappeler ici. D'ailleurs, tantôt la dilatation se fait presque entièrement par le jeu du diaphragme, les parois costales se soulevant à peine, tantôt elle a lieu par les côtes inférieures ; d'autres fois enfin par les côtes les plus élevées. Parmi les muscles qui meuvent les côtes, il en est qui s'attachent à toutes ou à la plupart d'entre elles et qui servent constamment à l'inspiration ; d'autres, qui se fixent à quelques-unes seulement et ne servent qu'aux inspirations pro- fondes, dans certaines conditions qui ne sont pas ordinaires. Les premiers sont : les sus-costaux, les intercostaux, l'intercostal commun, le petit dentelé antérieur; les autres sont : le grand dentelé de l'épaule, le scalène, le grand dorsal de quel- ques animaux. Les sus-costaux sont, de tous les muscles moteurs des côtes, ceux qui contri- buent de la manière la plus évidente à l'inspiration. Ces petits muscles, qui, chez les solipèdes, occupent la partie supérieure des quatorze derniers espaces, sont plutôt des faisceaux de renforcement des intercostaux externes que des mus- cles spéciaux ; mais ils ont ceci de particulier que l'une de leurs attaches, c'est- à-dire l'antérieure, est absolument fixe, car elle a lieu aux apophyses transverses des vertèbres dorsales. L'obliquité de leurs fibres et leur insertion, au bord antérieur comme à la face externe de la côte qui suit leur origine, ont pour con- séquence inévitable d'entraîner cette côte en avant et de lui faire éprouver un léger mouvement de semi-rotation. Ces sus-costaux, quoique petits, sont dans des conditions assez avantageuses, le centre de leur insertion étant à 6 ou 8 cen. timètres de la tête de la côte qu'ils meuvent, le bras de levier de leur puissance a une longueur qui dépasse la moyenne que les bras de cette force ont générale- ment dans l'économie animale. Les sus-costaux, ayant chacun un point d'attache fixe, quel que soit l'état des x\CTES MÉCANIQUES DE LA RESI'IHATION. 269 côtes et des aiitics muscles du thorax, pourraient, à ia rigueur, agir indépendam- ment les uns des autres, si l'action isolée de quelques-uns d'entre eux était nécessaire : mais rien ne tait supposer que certains de ces muscles agissent lorsque les autres sont dans le relâchement. Leur absence dans les trois pre- miers espaces intercostaux s'explique par le peu de mobilité des premières côtes, surtout à leur partie supérieure. Les intercostaux, distingués en externes et en internes, sont généralement considérés comme les agents essentiels des mouvements des côtes ; mais les phy- siologistes n'ont pu parvenir à se mettre d'accord sur leur mode d'action. Les uns, avec Borelli et Haller, les font tous deux inspirateurs ; les autres, avec Hamberger, regardent les externes comme inspirateurs, les internes comme expirateurs ; quelques-uns, à l'exemple de Magendie, pensent qu'ils sont alter- nativement inspirateurs et expirateurs. Les intercostaux externes, toujours plus larges que les espaces qu'ils concou- rent à fermer, car ils se propagent à la face externe des côtes, après s'être atta- chés sur leurs bords, sont plus épais vers l'extrémité supérieure des arcs costaux que vers leur partie inférieure. Leurs libres sont toutes obliques de haut en bas et d'avant en arrière, et leur surface extérieure est recouverte d'une couche apo- névrotique dont les libres propres ont aussi la même direction. Ces intei'costaux n'ont pas, comme les muscles précédents, une attache fixe : leurs deux attaches sont mobiles, mai's inégalement, l'antérieure moins que la postérieure. L'inégale mobilité des deux côtes sur lesquelles se fixe un intercostal, et l'iné- gale longueur des leviers que ces deux os donnent à la puissance intermédiaire ont pour conséquence de rendre le mouvement de la seconde côte plus étendu que celui de la première. En effet, il est évident, d'une part, que la côte anté- rieure est moins mobile que la postérieure, et, d'autre part, que le bras de levier offert à la puissance de l'intercostal est moins long pour la côte antérieure que pour la postérieure, puisque les fibres s'insèrent plus près de l'articulation vertébro-costale sur la première que sur la seconde. Or, dans de telles condi- tions, la seconde doit être entraînée vers la première ; elle doit effectuer vers celle-ci la plus grande partie du mouvement dérivé de la contraction du muscle intercostal. A première vue. le concours des intercostaux dans l'inspiration se conçoit dif- licilement, puisque, pendant qu'elle s'effectue, les espaces remplis par ces mus- cles augmentent sensiblement de largeur, Cependant leur contraction, au moment de cet acte, est évidente s'ils sont mis à découvert sur l'animal vivant et observés surtout pendant les inspirations très étendues. On les voit alors se tendre : leurs fibres éprouvent le trémoussement caractéristique de la contraction ; leur face externe, concave dans le relâchement, tend à devenir plane. Cela est surtout manifeste sur le cheval, dans les points où ces muscles ne sont pas cachés par le grand dentelé de l'épaule et le grand oblique de l'abdomen. Pour comprendre comment la contraction de ces muscles coïncide avec le moment de l'élargissement des espaces intercostaux, il faut considérer que leurs fibres très obliques ont leurs extrémités à leur maximum d'écartement quand elles sont relâchées ou lors de l'expiration. Dès qu'elles se contractent, elles ten- 270 DE LA RESPIRATION, dent à porter en avant la côte sur laquelle s'attache leur extrémité postérieure, et en la portant en avant elles l'élèvent, en l'élevant elles la projettent en dehors. L'extrémité inférieure ou sternale de la fibre se rapproche alors de l'extrémité supérieure ou vertébrale, et cette fibre tend à devenir plus perpendiculaire aux bords des côtes. C'est grâce à l'obliquité de leurs fibres que les intercostaux peuvent rapprocher leurs extrémités pendant que les côtes s'écartent, et c'est en raison de la courbure et du mode d'articulation de ces os qu'ils peuvent se porter en dehors, s'élever et s'éloigner les uns des autres pendant que les muscles sem- blent tendre seulement à les tirer en avant et à les rapprocher. Milne Edwards me paraît avoir le premier expliqué ainsi le rôle inspirateur de ces muscles, rôle sur lequel, depuis les disputes de Haller et de Hamberger, les physiologistes n'ont pu s'entendre, car, aujourd'hui encore. Beau, Maissiat et Longet en font des expirateurs. Les intercostaux internes, généralement considérés comme les congénères des externes, doublent ceux-ci dans toute l'étendue des espaces intercostaux. Ils sont minces en haut, dans les points où les externes offrent la plus grande épaisseur, plus épais en bas où les externes sont minces ; ils ferment presque à eux seuls la partie inférieure des espaces laissés entre les côtes et leurs cartilages de prolon- gement. Leurs fibres sont obliques en sens inverse de celles des autres, c'est-à- dire de haut en bas et d'arrière en avant ; elles agissent conséquemment sur des leviers dont le bras de la puissance est plus long à la côte antérieure qu'à la pos- térieure. Haller a rassemblé un grand nombre d'arguments pour démontrer que ces muscles agissent dans l'inspiration et que leur action est identique à celle des intercostaux externes. Tout porte à croire qu'ils ne peuvent avoir un rôle différent de celui de ces derniers. On les voit se tendre, et leurs fibres se redres- ser pendant l'inspiration, lorsqu'ils sont mis à découvert. Bérard a vu sur un malade, dont le grand pectoral était atrophié, l'excitation galvanique, appliquée sur l'intercostal interne, faire monter vers la première côte le cartilage et l'ex- trémité inférieure de la seconde. Milne Edwards les regarde aussi comme des inspirateurs dans la partie qui correspond aux cartilages costaux, mais ils devien- draient selon lui des expirateurs dans toute la partie des espaces circonscrite par la portion osseuse des côtes, c'est-à-dire dans la plus grande partie de la cage thoracique. Le petit dentelé antérieur ou dorso-costal est un autre muscle inspirateur dont le rôle est des plus évidents. Né par une large aponévrose au sommet des apophyses épineuses des vertèbres dorsales, il descend à la surface de l'ilio- spinal et de l'intercostal commun, puis se divise en sept ou huit dentelures char- nues, assez minces, qui s'insèrent à la surface des côtes, de la sixième à la trei- zième, un peu au-dessous du bord externe de l'intercostal. Ses fibres et ses digitations elles-mêmes, étant fortement obliques de haut en bas et d'avant en arrière, agissent presque perpendiculairement sur les côtes qu'elles tirent en avant. Leur direction très avantageuse et leur long bras de levier donnent à la puissance qu'elles déploient une intensité plus grande que ne semble l'indiquer leur développement assez peu considérable. Quand ce muscle est mis à décou- vert sur l'animal vivant, le cheval par exemple, on le voit se mouvoir sensible- ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 271 ment, lors do liiispiralion, sans qu'on puisse constater nettement si ce mou\c- ment dépend de sa contraction ou s'il est le résultat de celui des côtes. Tout ce qu'on peut voir alors c'est que sa tension devient très forte et que les bords d'une taillade superlicielle faite en travers de ses fibres s'écartent un peu dans les inspirations véhémentes. Cependant Sibson l'a vu se contracter sur l'àne et sur le chien. Il est à noter que ce muscle, proportionnellement plus développé que le dentelé postérieur, chez le chien, commence à se fixer plus intimement sur les côtes que dans les grands quadrupèdes, car la première dentelure s'attache à la quatrième. On conçoit, du reste, que dans aucun il ne s'étende sur les premières côtes, si peu mobiles et couvertes par les implantations du grand dentelé de l'épaule dans les points où il devrait prendre les siennes. Le scalène doit être rangé dans le groupe des muscles inspirateurs, bien que chez un grand nombre d'animaux, notamment les grands mammifères, il ne con- tribue aucunement à la dilatation du thorax. Dans les solipèdes, il procède des quatre dernières vertèbres cervicales et vient se terminer à la première côte, dont la mobilité est insignifiante : aussi ne peut-il chez ces animaux, lorsqu'il a son point fixe supérieur, que servir à fixer davantage cette première côte et con- tribuer au mouvement de projection du thorax en avant ; mais pour beaucoup de mammifères il en est bien autrement. Chez le bœuf, parmi les grands ruminants, il y a en réalité'deux scalènes : l'inférieur, à peu près semblable à celui des soli- pèdes, se termine au bord antérieur delà première côte; le supérieur, très long, élargi intérieurement, descend à la surface externe de l'angulaire de l'omoplate et du grand dentelé de l'épaule, et vient enfin se fixer à la quatrième côte sur laquelle il agit principalement, car ses attaches aux trois premières sont nulles ou peu intimes. Chez le chien ce muscle est énorme; sa partie charnue, aplatie, s'étend sous l'épaule au bord inférieur du grand dentelé, jusque vers le milieu du thorax, et s'attache aux première, deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième côtes, puis elle se continue au delà par une aponévrose mince insérée sur la septième, la huitièfne et souvent sur la neuvième. Evidemment, dans de telles conditions, le scalène est un inspirateur puissant en raison de son volume, de la fixité absolue de ses attaches antérieures, de sa direction presque perpendi- culaire aux côtes, et enfin de la longueur considérable des bras de leviers que lui offrent ces arcs osseux, bras de leviers qui dépassent la moitié de la distance exis- tant entre les vertèbres dorsales et le sternum. On conçoit parfaitement la très grande utilité de cet inspirateur énergique pour les côtes antérieures, les plus difficiles à mouvoir, et pour lesquelles l'ac- tion des intercostaux et du dentelé antérieur eût été insuffisante. On comprend, de même, l'avantage que ce muscle tire de la longueur si considérable des bras offerts à sa puissance par des leviers du troisième genre. Les sus-costaux, les intercostaux, le petit dentelé antérieur et le scalène for- ment la série des muscles essentiellement inspirateurs. Ils s'adjoignent, à titre d'auxiliaires, et dans quelques circonstances particulières, deux autres muscles dont le rôle principal est étranger à la respiration ; ces deux muscles sont le grand dentelé de l'épaule et le grand dorsal. 272 DE LA RESPIRATION. Le grand dentelé, qui s'épanouit à la surface des neuf premières côtes chez les solipèdes et les ruminants, doit évidemment, quand son point fixe est à l'épaule, attirer en dehors les côtes sternales si difficiles à mouvoir. 11 peut d'autant mieux produire ce résultat qu'il est d'un volume énorme, et que la grande distance entre les articulations vertébro-costales et ses insertions lui donne des bras de leviers d'une longueur peu commune. Sans doute il ne peut prendre part à l'ins- piration que pendant la station verticale, alors que les membres, solidement appuyés sur le sol, donnent de la fixité à ses attaches scapulaires. L'intervention de ce muscle est certainement un très utile auxiliaire des puis- sances inspiratrices chargées de mouvoir les côtes, dont le jeu exige les plus grands efforts. Peut-être joue-t-il un rôle plus important que d'habitude quand la respiration devient si profonde et si pénible, chez les grands animaux qui se tiennent debout, les membres antérieurs écartés, pendant le cours de certaines affections de poitrine. Quant au grand dorsal, il ne peut concourir à l'inspiration que chez certains animaux, tels que le bœuf, chez lequel il prend des attaches spéciales sur l'avant- dernière et la dernière côte, à la condition toutefois que son point fixe sera au membre antérieur appuyé sur le sol. A part cette circonstance, il contribue à l'expiration, soit qu'il ait un point fixe à l'épine dorso-lombaire ou à l'humérus, et il produit cet effet en déprimant légèrement les côtes sur lesquelles il passe. Chez l'homme d'autres muscles servent encore d'auxiliaires aux inspirateurs dans les cas où la dilatation du thorax devient très laborieuse. Le sterno-cleido- mastoidien surtout agit, comme je l'ai vu sur des agonisants, pour soulever le thorax en masse vers le cou ; le trapèze cervical, l'angulaire de l'omoplate se con- tractent aussi pour soulever l'épaule et rendre ainsi plus libre l'élévation des côtes supérieures. 2o Dilatation longitudinale du thorax. En même temps que le diamètre transverse du thorax s'agrandit, dans l'inspi- ration, par le jeu des côtes et de leurs muscles moteurs, le diamètre antéro- postérieur de cette cavité augmente par la contraction du diaphragme. Ce large muscle constitue une cloison mince, aponévrotique à son centre, charnue à sa circonférence, et fermant complètement en arrière la cavité thora- cique. Ses piliers, plus ou moins développés suivant les animaux, se présentent sous la forme de deux énormes faisceaux musculaires qui partent de la partie inférieure du corps des vertèbres lombaires et viennent se terminer vers le milieu du centre aponévrotique. Sa zone périphérique, entièrement musculeuse, se fixe à la face interne de la dernière côte, aux hypochondres et à la face supérieure de l'appendice abdominal du sternum. Enfin, sa partie aponévrotique, connue sous le nom de centre phrénique ou tendineux, réunit les piliers à la partie charnue périphérique. Son obliquité, généralement très marquée, est plus ou moins consi- dérable suivant les animaux, mais elle ne peut rien faire préjuger sur la capacité du thorax, car elle dépend des rapports de longueur qui existent entre le sternum et la région dorsale; elle est très grande quand l'étendue de la région dorsale ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 273 dépasse de beaucoup celle du sternum, comme on le voit dans les solipèdes ; elle se réduit, au contraire, à son minimum lorsque ces deux parties arrivent, ainsi que dans le chien et le renard, à des proportions peu diflérentes. Les deux lois opposées que Ton a établies à cet égard n'ont ni Tune ni l'autre aucune valeur, car elles manquent toutes deux de bases réelles et anatomiques. Le diaphragme en état de relâchement est fortement porté en avant et très convexe à sa face antérieure. Lors de l'inspiration, il se contracte, devient moins bombé du coté du thorax, se retire en arrière et refoule dans ce sens les viscères abdominaux : en un mot, il augmente la capacité du thorax en diminuant celle de l'abdomen; mais son action, toute simple qu'elle paraît, comporte diverses particularités dont l'analyse doit nous arrêter quelques instants. Le premier elîet de la contraction des fibres charnues du diaphragme est de diminuer la courbure de cette cloison et de tendre à la rendre parfaitement plane. Fontana et Haller croyaient môme que ce muscle pouvait alors quelquefois deve- nir convexe du côté de la cavité abdominale. Ici l'observation n'est pas tout à fait d'accord avec les déductions rationnelles qui découlent delà disposition anatomi- que propre à cette cloison. Non seulement alors le diaphragme ne devient pas convexe du côté de la cavité abdominale, mais il n'arrive pas même à décrire une surface plane. En effet, il suffit d'examiner attentivement le diaphragme d'un cheval, d'un bœuf ou d'un mouton dont les parois abdominales ont été incisées, pour voir que ce muscle, pendant la respiration ordinaire, les efforts les plus violents, ne par- vient jamais à effacer complètement la concavité de sa face postérieure, cepen- dant, à certains moments, ses contractions acquièrent une énergie extraordinaire et poussent avec violence les viscères à travers l'ouverture de la cavité. C'est là un fait incontestable dont j'ai pu maintes fois vérifier l'exactitude sur plusieurs animaux d'espèces différentes. Sa cause parait être, en partie du moins, dans la résistance opposée par les viscères abdominaux et dans les connexions établies du côté du thorax, entre le diaphragme, la veine cave postérieure et le médiastin, La résistance opposée par- l'estomac, l'intestin et les autres viscères de l'abdo- men est évidemment très considérable, surtout quand ces organes sont distendus, et en particulier chez les ruminants, dont les réservoirs gastriques ont une masse et un poids énormes ; mais elle n'est pas la seule, car sur l'animal auquel on a ouvert le ventre et refoulé en arrière l'estomac et l'intestin, le diaphragme ne peut encore devenir rectiligne; il se rapproche seulement beaucoup plus de cette direction que dans les conditions normales. D'ailleurs, la concavité de la face diaphragmatique du poumon qui persiste constamment, même sur l'organe insuf- flé en dehors de la cavité thoracique, force le diaphragme, d'après les lois de la pression atmosphérique, à conserver une incurvation semblable. Peut-être aussi la veine cave postérieure, tendue entre le cœur et le centre phrénique, contribue- t-elle à restreindre la projection en arrière de la partie moyenne de la cloi- son. Toutefois si elle concourt à un tel résultat, ce ne peut être que dans de faibles limites. La nature n'a pu être assez imprévoyante pour opposer un frein si peu résistant aux mouvements de l'un des muscles les plus énergiques de l'économie. G. COLIN. — Physiol. comp., 3*^ éJit. ^ II. — 18 274 DR LA RESPIRATION. La contraction du diaphragme ne détermine pas, dans Ions les animaux, un agrandissement uniforme du diamètre antéro-postérieur du thorax. Il est à cet égard, même parmi nos espèces domestiques, des dillerenccs remarquables qui résultent principalement du mode d'insertion de ce muscle à la face interne des hypochondres et des côtes asternales. Chez le cheval, les autres solipèdes, de même que chez les carnassiers et la plu- part des mammifères, le diaphragme est modérément refoulé vers le thorax, et inséré directement sur les hypochondres et la dernière côte ; il remonte, par sa périphérie, très peu au-dessus de l'articulation des côtes avec leurs cartilages de prolongement. Chez le bœuf, la disposition de ce muscle diffère sensiblement de celle qui lui est habituelle dans la plupart des autres animaux. Outre qu'il y est fortement poussé du côté du thorax, et très convexe à sa surface antérieure, il s'insère, par sa circonférence, sur la dernière et l'avant-dernière côtes, sur l'hypochondre et l'extrémité inférieure des côtes asternales, bien au-dessus de leur articulation avec les cartilages de prolongement, surtout au niveau des postérieures. Néan- moins l'insertion du diaphragme sur l'avant-dernière côte ne part que du niveau de l'extrémité libre des apophyses transverses des vertèbres lombaires. Cette disposition remarquable est telle : 1° que le dernier espace intercostal, très large dans tous les ruminants, ne correspond ni à la plèvre ni au poumon, si ce n'est tout à fait à la partie supérieure ; 2" que l'avant-dernier est encore en rapport seulement avec le diaphragme, sur une hauteur de 20 à 2o centimètres, à partir de l'hypochondre ; 3° que l'antépénultième est aussi fermé par ce muscle sur une hauteur de 2 décimètres, et ainsi en diminuant pour les espaces plus antérieurs. La partie centrale delà cloison, qui est à peu près à l'extrémité infé- rieure des piliers ou à l'ouverture œsophagienne, est si reportée en avant, qu'elle devient tangente à un plan vertical qui correspondrait à |la sixième, ou tout au moins à la septième côte, et qui couperait la cavité thoracique en deux moitiés de même longueur, La saillie si prononcée que le diaphragme fait dans |la cavité thoracique peut être facilement constatée sur l'animal vivant, en engageant le bras à travers une fistule pratiquée au rumen, et à l'aide de laquelle le doigt, parvenu au cardia, peut aisément toucher à la sixième côte. Lorsqu'elle s'exagère, par suite du développement énorme que le rumen acquiert dans la météorisation,elle réduit tellement la capacité du thorax, qu'elle entraîne souvent l'asphyxie. Il est à noter qu'elle n'est pas le résultat du volume que prennent les réservoirs gastri- ques des animaux dès qu'ils font usage d'aliments solides, car elle existe déjà pendant la vie fœtale. Dans le dromadaire, le diaphragme n'est plus disposé comme chez le bœuf, mais à peu près comme dans le cheval; seulement ses piliers, excessivement forts et très allongés, comme ils le sont, du reste, dans notre grand ruminant domes- tique, descendent très bas au milieu du centre phrénique. Quelles que soient ses variétés de forme et d'insertion, le diaphragme, lors de l'inspiration, tend à devenir rectiligne par le fait de la contraction de ses piliers et de sa zone périphérique, mais il n'arrive jamais à elTacer complètement sa courbure, et reste toujours à un niveau supérieur au bord libre des hypochondres. ACTES MÉCANIQUES DE LA UESPIRATION. 275 En se porlaiit en bas et en arrière, il retbuleles viscères intestinaux dans ce sens, fait descendre le ventre, et remplit plus ou moins ce qu'on appelle le creux du liane cliez les grands mammiCères. Le mouvement que son action communique à l'abdomen est si marqué chez un certain nombre d'animaux, que plusieurs auteurs ont donné à la respiration de ceux-ci l'épitliète à' abdominale, la croyant produite principalement par le jeu du diaphragme. (Juelques physiologistes prétendent aussi que ce muscle est, chez l'homme, l'inspirateur par excellence et qu'il peut remplacer tous les autres. Je ne sais jusqu'à quel point cette manière de voir est exagérée en ce qui concerne l'espèce humaine, mais j'ai la certitude qu'elle est bien loin de la vérité chez les animaux, car dans les expériences oiî je supprime le jeu de ce muscle, par la section des nerfs phréniques, la dilatation du thorax continue à s'opérer sans grands efforts et presque au degré ordinaire. La contraction du diaphragme aurait pour effet, suivant quelques observateurs, outre l'agrandissement antéro-postérieur du thorax , l'écartement des dernières cotes, et, par conséquent, la dilatation transversale delà cavité thoracique à sa partie postérieure. Ce dernier résultat mérite d'être examiné avec quelque attention . Galien, après avoir pai'alysé les intercostaux, les dentelés et les autres muscles moteurs des côtes, a vu le diaphragme, lors de l'inspiration, porter en dehors les dernières côtes et élargir ainsi la partie postérieure de la poitrine. Vésale dit également que le diaphragme, par sa contraction, détermine l'écartement des der- nières côtes asternales. Enfin, de nos jours, Magendie et Duchenne', entre autres, reproduisent la même assertion, qui aie mérite, avant tout d'être très paradoxale. Duchenne (de Boulogne), négligeant avec raison l'expérience de Galien, qu'on venait de modifier de la façon la plus singulière en coupant les grands dentelés, les pectoraux, les scalènes, et en incisant les six derniers intercostaux dans toute leur longueur avec la plèvre correspondante, a provoqué de violentes contractions du diaphragme sur les animaux vivants ou récemment tués, en excitant les nerfs phréniques par des courants électriques. Ainsi, ayant mis en rapport avec chaque nerf phrénique d'un chien vivant les rhéophores d'un appareil d'induction à cou- rant très intense, il a vu les côtes de la moitié supérieure du thorax s'élever et se porter en dehors, à tel point que le diamètre transversal de la poitrine devint en arrière à peu près une fois plus grand qu'auparavant. Pendant tout le temps que le courant passa dans les nerfs phréniques, les muscles abdominaux se con- tractèrent violemment, d'une manière non interrompue, et les hypochondres demeurèrent modérément soulevés. Sur des chiens et des chevaux qu'on venait de tuer, l'électrisation des nerfs phréniques, préalablement dénudés, déterminait, avec la contraction du diaphragme, l'élévation des côtes postérieures, leur pro- jection en dehors, le soulèvement des parois abdominales, en un mot l'agrandis- sement du diamètre transverse de la poitrine au niveau des dernières asternales. L'auteur de ces expériences en a conclu que la contraction du diaphragme a pour résultat, outre l'agrandissement du diamètre antéro-postérieur de la poi- 1. Duchenne (de Boulogne), Recherches électro-physiologiques, etc., sur le diaphragmé^ p. 15, Paris, 1853 ; et Physiologie des mouvements, Paris, 1867. "27(1 Di: LA RESPIRATION. ti'iiie, rélai'gisseiiienl de la i)artie poslcrieure de celle cavité par l'élévation et la projection en dehors des dernières côtes asternales. Il s'est fait illusion. Le phé- nomène qu'il a constaté, après Galien, Vésale, Magendie et d'autres encore, a été mal interprété : il n'est pas et ne peut pas être l'ellét immédiat de la contrac- tion du diaphragme. Déjà Borelli, dont la manière de voir a été adoptée par Haller, a démontré mathématiquement que le diaphragme, en se contractant, doit seulement agran- dir le diamètre longitudinal de la poitrine, et tendre à resserrer la partie posté- rieure de cette cavité. Borelli a raison : le diaphragme qui se contracte aug- mente l'étendue du thorax suivant le sens cervico-abdominal; il resserrerait en même temps la partie postérieure de cette cavité, s'il agissait seul, indépendam- ment des autres puissances respiratoires; mais il ne peut produire ce dernier résultat à cause de l'union simultanée des divers inspirateurs et de la réaction des viscères abdominaux. Lorsqu'on fait passer un courant électrique par les nerfs diaphragmatiques d'un animal vivant, le courant fait contracter évidemment le diaphragme, mais il n'empêche pas les muscles inspirateurs de se contracter en même temps et d'élever les côtes ; il paraît même, peut-êlre par une action réflexe, exercer une influence notable sur ces derniers, car dans les expériences on a vu, lors de la convulsion du diaphragme, les côtes s'élever et se porter en avant sur toute la longueur du thorax. Or, dès l'instant que les autres inspirateurs se contractent simultanément avec le diaphragme, et que même ils se contractent parfois avec plus de force, il n'est pas très rationnel d'attribuer à ce diaphragme le mouvement exécuté par les dernières côtes. En second lieu, sur l'animal mort dont l'abdo- men est ouvert et les viscères abdominaux retirés de leur cavité, la contraction énergique du diaphragme ne produit plus ni l'élévation des dernières côtes, ni leur projection en avant, preuve évidente que ce mouvement des côtes n'est nul- lement l'effet immédiat de la contraction du muscle. L'élévation des dernières côtes et l'élargissement de la partie postérieure de la poitrine, lors de la contraction du diaphragme, tiennent, sur l'animal vivant, à deux causes, dont la première est l'action normale ou l'action surexcitée des autres muscles inspirateurs, la seconde la réaction des viscères abdominaux qui, étant refoulés en arrière et en dehors, tendent à écarter les hypochondres et la partie inférieure des dernières côtes. Ce double effet dérive sur le cadavre de la seule réaction, sur les hypochondres et les dernières côtes, des viscères abdo- minaux refoulés. Aussi est-il moins sensible sur le dernier que sur l'animai vivant, de l'aveu même des expérimentateurs. Il serait même presque insigni- fiant sur le cheval, si je m'en rapportais à mes propres expériences, dans les- quelles les contractions convulsives du diaphragme étaient provoquées seule- ment par l'irritation simple des nerfs phréniques. La preuve qu'il en est bien ainsi, c'est que, une fois le ventre ouvert et les viscères abdominaux enlevés, les plus violentes contractions du diaphragme, non seulement ne portent plus les côtes postérieures en avant et en dehors, mais les tirent en dedans et rétrécissent un peu la base du thorax. Si les auteurs qui ont attribué au diaphragme une part considérable dans l'élargissement de la poitrine avaient un peu réfléchi à ces ACTES MÉCANIQUES DE L\ RESPIRATION, 277 diverses considérations, ils auraient senù le néant d'uiio opinion qu'on regrette de voir défendue par de judicieux pliysiologistes. L'agrandissement du diamètre longitudinal du thorax par la projection du dia- phragme en arrière, lors de l'inspiration, ne saurait être exactement mesuré, car il varie sui\ant le caractère de la respiration, les espèces d'animaux, et [larait dif- férer au centre du muscle de ce qu'il est au niveau de ses zones de plus en plus excentriques. Mais, à part ces nuances peu importantes, cet agrandissement prend une grande part à l'ampliation totale qu'éprouve le thorax lors de l'inspi- ration, comme on peut en juger par l'étendue des mouvements de l'abdomen sur un grand nombre d'animaux, tels que le cheval, par exemple, dont le flanc repro- duit exactement toutes les modilications apportées au rhythme de la respiration. Cependant il ne faudrait pas croire qu'en raison de l'importance de son jeu, le diaphragme ne puisse cesser d'agir sans apporter une gène considérable dans Taccomplissement des phénomènes mécaniques de la respiration. En effet, Galien. qui le premier eut l'idée de paralyser ce muscle par la section des nerfs phré- niques, avait déjà remarqué qu'après cette section la respiration continuait avec de très légères modifications ; et beaucoup d'expérimentateurs, parmi les moder- nes, ont fait des observations analogues. Ayant aussi pratiqué sur le cheval la résection des deux nerfs diaphragmatiques au bord inférieur des scalènes, je me suis assuré : 1° que la respiration n'est sensiblement ni plus lente, ni plus accé- lérée que dans les circonstances ordinaires: 2" que les mouvements des parois latérales du thorax ne s'exagèrent que dans des proportions à peine sensibles: 3° enfin que le flanc se creuse et que le ventre s'élève dans l'inspiration, tandis que le creux du flanc se remplit, et que sa corde devient saillante dans l'expira- tion, dernières remarques déjà faites par les anciens physiologistes. .4. ptiori. on aurait cru que le jeu des parois costales dût être considérablement augmenté pour parer au défaut de dilatation du thorax, suivant le sens antéro-postérieur. En somme, la contraction du diaphragme ne soulève pas les côtes postérieures et n'augmente pas le diamètre transverse delà poitrine; mais elle refoule les viscères abdominaux, et les viscères refoulés, en réagissant, soulèvent les hypo- chondres et les dernières côtes, les écartent comme ils écartent l'une de l'autre les parois latérales de l'abdomen. Tout récemment, et en présence de la réfutation qui précède, M. P. Bert', s'appuyant sur de nombreuses expériences, soutient encore que la contraction du diaphragme soulève les dernières côtes et agrandit le diamètre transverse du thorax dans sa seconde moitié. Il obtient ce résultat et en donne les tracés gra- phiques sur un chien qui vient d'être tué par la section du bulbe et dont il gal- vanise les phréniques ; mais la preuve qu'il n'est pas dû à la contraction même du diaphragme, c'est qu'une fois l'abdomen ouvert et les viscères attirés en dehors, on a beau, en galvanisant les phréniques, mettre le diaphragme en con- traction, les côtes ne se soulèvent plus, elles rentrent plutôt en dedans. Les hypochondres, avec les dernières côtes, cessent alors d'être soulevés et écartés, parce que les viscères abdominaux que refoulait le diaphragme contracté ne 1. P. Bert. Leçons sur laphysiol. comp. de la respiration, Paris, IS'O, p. 'àbi et 355. 278 Î^E LA RESPIRATION. sonl plus là pour réagir sur la ceinture cartilagineuse. Il me semble donc <|uc M. P. Bert, en voulant réfuter mon opinion, l'a confirmée pleinement. Chez les grands mammifères, la dilatation du thorax n'a lieu que dans le sens transversal et dans le sens antéro-postérieur ou cervico-diaphragmatique. Il n'y a pas d'agrandissement sensible dans le sens du diamètre vertébro-sternal ; mais l'ampliation en ce sens, qui est si prononcée sur l'homme, a encore Heu à un faible degré, à ce qu'il semble, chez quelques singes et divers carnassiers, no- tamment au niveau de l'appendice xyphoïde du sternum. Pendant que la cavité du thorax s'agrandit d'un côté à l'autre par le jeu des parois costales, et d'avant en arrière par suite de la contraction du diaphragme, le poumon se dilate aussi et aspire dans sa cavité une quantité plus ou moins considérable d'air atmosphérique. Le mécanisme de sa dilatation et celle des canaux qui amènent l'air dans cet organe mérite d'être étudié avec quelques détails. D'abord le poumon remplit exactement la cavité des plèvres, et occupe dans le thorax la totalité de l'espace que lui laissent le cœur, la trachée, l'œsophage et les gros vaisseaux. Il ne laisse entre lui et la face interne de la double cavité pleurale qu'un espace infiniment petit, contenant un peu de sérosité destinée à humecter sa surface, celles des parois costales, du diaphragme et du médiastin, de sorte qu'on peut dire qu'il se trouve en contact avec les parois de la cavité qui le renferme. Le fait est démontré par une expérience très simple, facile à exécuter sur un grand mammifère, et qui consiste à mettre la plèvre à découvert dans un espace intercostal, en enlevant les deux muscles qui la recouvrent. On voit ainsi très distinctement le poumon en contact immédiat avec la membrane séreuse, et, en enlevant avec précaution des segments d'une ou de deux côtes, préalablement isolées de la plèvre à l'aide du doigt, on s'assure, sur une plus grande étendue, de la réalité de ce contact. Le même moyen, appliqué sur le cadavre en plusieurs points du thorax, conduit à une semblable démonstration. Le contact établi entre le poumon et les parois de la cavité thoracique est im- médiat. Il n'y a ni air, ni aucun autre gaz entre le viscère et la face interne des parois pectorales. L'erreur de Galien et des anciens physiologistes, qui croyaient à la présence de l'air dans le sac des plèvres, a été mise en évidence depuis long- temps par cette expérience de Haller, dans laquelle le thorax, ouvert sous l'eau, ne laisse pas échapper la moindre bulle de gaz. La dilatation que le poumon éprouve lors de l'inspiration dérive de la dilata- tion même du thorax. Ce viscère creux, qui remplit exactement tout l'espace non occupé par les autres viscères pectoraux, sans laisser le moindre vide entre sa surface externe et la surface interne de la cavité, doit toujours rester en con- tact avec les parois de celle-ci, et par conséquent les suivre lorsqu'elles s'écar- tent. Or, au moment oi!i la cavité thoracique s'agrandit, la cavité du poumon se dilate, il y a tendance à la formation d'un vide dans son intérieur; l'air et la vapeur qui s'y trouvent se raréfient, et aussitôt l'air extérieur pénètre dans les cavités nasales, le larynx, la trachée, les bronches et les vésicules pulmonaires, pour rétablir, ou plutôt pour maintenir l'équilibre entre la pression extérieure et la pression intérieure. C'est là un simple phénomène physique, qui s'accomplit ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 279 dans l'organisme absolument comme dans les machines inertes. Les anciens obser- vateurs l'avaient bien compris. Aussi Boyle comparait-il le thorax à un soufflet renfiMMuant une vessie dont l'ouverture communique avec la tuyère. Le soufflet en se dilatant gonfle la vessie ; il la vide en s'allaissant. Cette dilatation du poumon"est donc passive; mais on se demande si l'organe n'y prend pas quelque part en vertu de sa propre activité. Les anciens croyaient, et plusieurs observateurs modernes croient encore à une faculté par laquelle le poumon contribuerait activement à l'ampliation de sa cavité. On cite à l'appui plusieurs faits dans lesquels le poumon aurait continué à se dilater, bien que la poitrine fut largement ouverte, soit par l'incision du diaphragme, l'enlèvement du sternum, ou de quelques muscles intercostaux; mais ces faits ne paraissent pas parfaitement observés et appréciés à leur juste valeur. Lorsque le thorax est ouvert largement d'un seul côté, sur un animal dont les deux plèvres ne communiquent pas ensemble par de petites ouvertures au mé- diastin, le poumon correspondant à l'ouverture s'affaisse et cesse de se dilater à chaque inspiration, mais celui du côté opposé continue à fonctionner; déplus ce dernier, dont l'action s'exagère en raison même de l'étendue et de la rapidité qu'acquièrent les mouvements du thorax, se dilate plus que d'habitude, et refoule le médiastin du côté du poumon affaissé, de manière à agrandir le sac pleural dont la cavité est demeurée intacte. Lorsque, au contraire, la cavité thoracique n'est ouverte que dans une étendue très limitée, le poumon correspondant ne s'affaisse pas complètement ; l'air s'engouffre par l'ouverture à chaque inspira- tion et en est repoussé avec violence en certaine quantité à chaque expiration, et souvent avec une petite partie du poumon qui vient faire hernie à travers la plaie. Il arrive même, comme je l'ai vu plusieurs fois sur le cheval, que le thorax ait de chaque côté une ouverture grande comme la main, sans que les poumons s'affaissent immédiatement. Les animaux parviennent alors souvent à se tenir debout et à entretenir pendant cinq, dix minutes et plus, une respiration de- venue extrêmement pénible. Dans ces circonstances, les poumons continuent à se dilater, non pas en vertu d'une faculté expansive qui leur soit propre, mais bien parce qu'ils se maintiennent en rapport ou en contact immédiat, dans une partie de leur étendue, avec les parois du thorax. Ils s'affaissent à mesure que l'air envahit la cavité des plèvres, et qu'il s'interpose entre le viscère et la face interne de ces membranes. Enfin, dans les cas où le thorax est très largement ouvert, les poumons s'affaissent complètement et se trouvent dans l'impossibilité absolue de se dilater d'une manière sensible, comme Haller en avait déjà fait la remarque. Les poumons, ne jouissant d'aucune propriété expansive qui leur soit inhérente, se dilatent donc passivement lors de l'inspiration ; ils ne font que suivre, grâce à l'extensibilité de leur tissu, les parois thoraciques à mesure qu'elles s'écartent, et c'est par la pression atmosphérique exercée de dedans en dehors que cette extensibilité du tissu pulmonaire est mise en jeu. Le poumon, bien qu'il soit en contact immédiat avec les parois costales, dia- phragmatique et médiastine, ne conserve pas, en se dilatant, exactement les mêmes rapports avec les parties qu'il touche ; il se meut, il glisse plus ou moins sur elles, de telle sorte qu'un point quelconque de la surface pulmonaire corres- 280 DE LA RESPIRATION, pond successivement à divers points des parois thoraciques. Le fait de ce dépla- cement est rendu manifeste à l'aide d'une expérience très simple, qui consiste à enlever, sur une étendue de 1 à 2 décimètres, les muscles qui remplissent quel- ques espaces intercostaux, et même, si l'on veut, un segment d'une ou de deux côtes, dont la face interne a été préalablement isolée de la plèvre. La trans- parence de la membrane séreuse permet alors devoir le poumon glisser avec une certaine rapidité à la face interne des parois thoraciques. Au moment de l'inspi- ration, le bord postérieur de l'organe se porte en arrière et s'enfonce entre la dernière côte et le diaphragme. Son bord inférieur descend dans l'espace com- pris entre le diaphragme et Thypochondre, puis, lors de l'expiration, ses bords se dégagent des creux dans lesquels ils s'étaient enfoncés. Les vaisseaux pulmo- naires superficiels donnent à l'observateur des points de repère qui lui permet- tent de juger de l'étendue et du sens des déplacements. D'ailleurs si on introduit entre les parois costales et le poumon un stylet inflexible croisant la direction des côtes, on voit l'extrémité libre de ce stylet, dont la pointe est tournée en avant, monter et descendre en décrivant un arc de cercle dont il est facile de mesurer l'étendue. Le mouvement opéré par le poumon sur les parois internes du thorax est faci- lité par le poli, l'humidité des surfaces, que la sérosité et un peu de vapeur entre- tiennent. Il est très marqué à la région diaphragmatique, au niveau des dernières côtes et au-dessus des hypochondres. Lors de l'inspiration véhémente, le bord postérieur du viscère vient se mettre tout à fait en contact avec le point de jonction de la dernière côte avec le diaphragme ; le bord inférieur de cet organe descend et vient de même s'appliquera la réunion de la partie périphérique du diaphragme avec l'hypochondre et l'extrémité inférieure des côtes asternales. Au contraire, lorsque l'expiration s'effectue jusqu'à ses dernières limites, le bord postérieur du poumon, s'éloigne beaucoup de la dernière côte, ou, en d'autres termes, abandonne le sinus de l'angle costo-diaphragmatique ; le bord inférieur s'élève de même, de telle sorte que le diaphragme vient s'appliquer, dans une étendue très appréciable, sur les parties des parois costales que le viscère a abandonnées. Ces derniers changements sont plus étendus sur les grands ruminants que sur le cheval et les animaux carnivores. Ils deviennent, ainsi que tous les autres, très bornés sur les sujets dont le poumon adhère en plusieurs points aux parois thoraciques. Sur l'homme, cette locomotion du poumon existe à un haut degré, d'après les observations de J. Cloquet, au point que, d'après ce savant, dans les grandes respirations les plèvres costales et pulmonaires peuvent glisser l'une sur l'autre dans une étendue de 13 à 16 centimètres à la base de la poitrine. La part que prennent à l'inspiration le thorax et le poumon nous étant connue, cherchons à déterminer celle des organes qui amènent l'air au foyer de l'hématose. Pendant que le thorax se dilate et que le poumon agrandit ses innombrables cavités pour appeler l'air extérieur, les ouvertures des cavités nasales, le larynx et les bronches se dilatent aussi pour donner passage au fluide qui va pénétrer dans les cellules pulmonaires. Le jeu de ces parties, si accessoire qu'il paraisse, n'en est pas moins admirable jusque dans ses plus minces détails. L'entrée des cavités nasales, appelée narines dans la plupart des animaux, et ACTES MÉCANIQLES nE LA RESPIRATION. 281 connue sous le nom de naseaux dans les solipètles, se présente sous des formes extrêmement variées, suivant les espèces. Elle est constituée par deux ouvertures qui sont étroites et peu dilatables chez les animaux incapables de supporter des courses prolongées et rapides, tandis qu'elles sont larges et susceptibles d'une am- pliafion considérable chez les animaux coureurs, à respiration très étendue. Ces deux ouvertures sont constamment béantes et disposées de manière à ne pouvoir jamais se fermer, si ce n'est chez les phoques, les cétacés et l'hippopotame, dont la respiration doit se suspendre sous l'eau. Chez les solipèdes les naseaux se dilatent très sensiblement lors de l'inspiration : l'aile interne se soulève, se porte un peu en dedans et se rapproche ainsi de l'aile interne de la narine opposée ; l'aile externe remonte et se projette en dehors ; enfin les deux commissures s'éloignent l'une de l'autre. Elles exécutent ces mouvements par l'action du transversal du nez, du pyramidal des naseaux, du petit sus-maxillo-nasal, et de la branche antérieure du sus-naso-labial. L'interne est mue principalement par le premier de ces muscles, l'externe par le second et le quatrième ; la fausse narine l'est par le troisième. Cette dernière, propre au cheval, à l'àne, au mulet, à l'hémione, au couagga, au dauw et au zèbre, forme une cavité analogue à un cornet placé entre l'épine nasale et le biseau du petit sus-maxillaire, cornet dont le fond est en haut et l'entrée un peu au-dessus de la commissure interne des ailes du nez. Elle se di- late à peine dans les inspirations ordinaires, mais son entrée s'élargit sensible- ment, et sa paroi externe forme un relief conique, un peu courbé, très saillant dans les inspirations profondes, principalement sur les animaux affectés de la pousse et sur ceux qui flairent ou qui hennissent; sa dilatation est presque per- manente dans le tétanos, et devient considérable après la section des nerfs va- gues. Alors si la tête est convenablement relevée, on voit son entrée s'agrandir un peu ; le doigt s'y trouve à l'aise, et la paroi interne s'éloigne de la cloison cartilagineuse à chaque inspiration, tandis que le contraire a lieu à chaque expi- ration. La projection en dehors de la paroi interne de cette fausse narine se voit très bien encore quand on a fendu la paroi externe en deux lambeaux maintenus écartés. Nous verrons plus tard que la fausse narine, qui est fixée aux prolonge- ments cartilagineux et muqueux des cornets, se gonfle aussi dans l'expiration, lorsque l'expulsion de l'air à travers les naseaux est rapide ou gênée par une cause quelconque. La dilatation des naseaux est isochrone avec celle du thorax ; la première ne semble point précéder la seconde, comme on pourrait le croire au premier abord. Son étendue est parfaitement en harmonie avec celle delà cavité thoracique : elle est peu considérable dans les inspirations ordinaires, augmente à mesure que la respiration devient profonde ou qu'elle s'accélère ; enfin cette dilatation continue à s'effectuer sur les chevaux dont la trachée est ouverte, sur ceux dont ce conduit est complètement fermé, bien qu'alors elle soit tout à fait inutile. On sait, depuis les expériences de Legallois, que le jeu des narines persiste aussi un certain temps chez les animaux dont la moelle allongée a été coupée en travers, en arrière de l'origine des pneumogastriques, comme sur la tête séparée du tronc. La section d'un nerf facial paralyse la narine correspondante, celle des deux nerfs de la sep- 282 I^''^ LA RESPIRATION. tième paire les paralyse toutes deux, et les laisse dans l'état d'aflaissement qu'elles présentent sur le cadavre. La dilatation qu'éprouvent les narines, lors de l'inspiration, n'apporte aucun chan'^ement dans le diamètre des cavités nasales que l'air doit traverser avant de parvenir au pharynx et au larynx. Ces cavités, ayant leurs parois osseuses, ne peu- vent ni s'agrandir, ni se resserrer: l'inspiration ne fait quemettre en mouvement la colonne d'air qui les remplit, et renouveler partiellement celui qui est empri- sonné dans les circonvolutions des cornets, des nombreuses volutes etlimoïdales et dans les cavités des sinus ; l'air des sinus est appelé vers les parties profondes de l'appareil respiratoire, puis remplacé à mesure et lentement par l'air venant du dehors. Le fait de ce déplacement est rendu manifeste sur le cheval et le bœuf par la trépanation des sinus frontaux ou des sinus maxillaires. Pour bien l'ap- précier, on détache un petit disque osseux au-dessus des sinus, de manière à laisser intacte, ou à peu près, la fine muqueuse qui correspondait au fragment d'os enlevé : alors à chaque inspiration la membrane se déprime ou devient con- cave en dehors. Si l'on n'a pu réussir à conserver la muqueuse, on rabat sur l'ouverture de trépan le lambeau de peau qui est attiré vers la cavité du sinus dans l'inspiration, puis légèrement soulevé et refoulé dans l'expiration. Enfin, si le lambeau cutané n'est ni assez mince, ni assez souple pour ressentir nettement le déplacement effectué dans les sinus, on place vers l'ouverture une plume extrêmement fine à barbules flottantes, ou un petit pinceau de duvet, qui sont attirés encore dans l'inspiration et repoussés au mouvement opposé. Le phéno- mène est aussi manifeste k l'ouverture pratiquée au milieu de la corne d'un bœuf qu'à celle de la partie inférieure du sinus frontal, surtout si l'on expéri- mente sur les animaux dont la respiration a été gênée par la section des nerfs vagues ou par une autre cause. Le pharvnx, que traverse la colonne d'air appelée dans les poumons, doit être naturellement maintenu dilaté hors de l'inspiration. Si sa cavité est un peu rétrécie par le gonflement de la muqueuse, comme dans Tangine, par le fait de l'engorgement des parties adjacentes, par la réplétion des poches gutturales, le passage de l'air est gêné, quand la respiration s'accélère, et il donne lieu à un bruit particulier, plus ou moins intense. Cet air, une fois parvenu dans la cavité pharyngienne, ne passe point dans la bouche, dit-on, à cause de l'abaissement du voile du palais et de l'application de son bord libre, chez plusieurs animaux, à la base del'épiglotle ; mais il n'a nulle tendance à passer dans la cavité buccale, et il se dirige seulement vers les parties profondes de l'appareil respiratoire, où sa tension et moindre et sa pression dimi- nuée, car il n'y vient pas, lors même que le voile du palais est relevé. Au con- traire, dans cette circonstance, si la bouche est ouverte, l'air extérieur qui y pénètre est attiré vers le pharynx comme celui des cavités nasales, et va de même concourir à l'hématose. Tout le monde sait que la plupart des carnassiers, le chien, le loup et beaucoup de ruminants respirentpar la bouche et par les narines, après une course rapide ou pendant des exercices pénibles. Le cheval et les autres solipèdes dont les muscles élévateurs du voile du palais sont peu développés, les fosses nasales très larges et les naseaux extrêmement dilatables, respirent rare- ACTES MÉCANIQUES DE LA UESPinATION. 283 mont do cette manière; néanmoins cela leur arii\e en quelques circonstances, notamment lors de lacompiession ou de la section des neii's pneumo-gastriques. Le larynx prend part à Tinspiration parla dilatation active de la glotte et par un mouvement do totalité presque insensible dans les circonstances ordinaires, mais très marqué pour peu que la respiration devienne pénible. L'ouverture de la glotte, c'est-à-dire la fente allongée qui se trouve comprise antérieurement entre les deux cordes vocales et postérieurement entre les deux aryténoïdes, est plus étroite, abstraction faite de la forme, que la trachée-artère. Si elle se rétrécit d'une manière continue par suite du gonflement inflammatoire de ses parties molles, de leur inliltration, ou de la compression exercée sur l'or- gane par l'engorgement des parties adjacentes, si elle perd plus ou moins com- plètement la faculté de se dilater par l'effet de l'atrophie partielle des muscles laryngiens très fréquente dans les solipèdes, par celui de la compression ou de la section, soit des récurrents, soit des nerfs vagues, il en résulte pour le passage de l'air une gêne considérable qui se traduit pendant les marches rapides et les exercices un peu pénibles par un sifflement particulier connu sous le nom de cornage. Cette ouverture étroite a donc besoin d'être agrandie à chaque inspira- tion, et elle l'est eflectivement.il suffit, pour s'assurerde la dilatation, d'enlever, sur le cheval, la lame fibreuse qui ferme l'échancrure inférieure du cartilage thyroïde, de manière à apercevoir le bord inférieur des cordes vocales et la fente oblongue qu'elles circonscrivent. Par cette expérience on voit, pour peu que la respiration devenue pénible exagère le jeu du larynx, que le ruban vocal et l'aryténoïde d'un côté s'éloignent du ruban vocal et de l'ai'ythénoïde opposés. L'inverse se produit nécessairement lors de l'expiration. Quant au mouvement de totalité, il est rendu sensible par la gêne que la section d'un nerf pneumo- gastrique apporte à la respiration. Alors, chaque fois que l'ouverture de la bouche s'agrandit et que les naseaux se dilatent, le larynx s'abaisse ou s'éloigne de la base du crâne. Au contraire, lorsque la cavité buccale se ferme un peu et que les naseaux se rétrécissent, le larynx s'élève. Cet organe s'abaisse donc dans l'ins- piration, s'élève dans l'expiration, et ses mouvements de totalité sont isochrones à ceux de la bouche, des naseaux et de la glotte. Le jeu du larynx s'étudie à merveille sur le chien dans diverses conditions que l'expérimentateur réalise facilement. Le plus simple consiste à ouvrir large- ment la bouche d'un animal de cette espèce qui va périr par suite d'une hémor- rhagie. On voit alors jouer, à la fois, le voile du palais et le larynx. Le voile du palais maintenu soulevé à 2 ou 3 centimètres de la base de la langue se meut très sensiblement dans sa moitié postérieure. Il s'élève et s'abaisse alternativement. Son bord libre se rapproche de l'arcade palatine à chaque inspiration et s'en éloigne à chaque expiration. Le larynx est très apparent; à chaque inspiration l'épiglotte fortement rabattue en avant s'abaisse d'avantage par l'action de Ihyo- épiglottique, les cordes vocales et les aryténoïdes sont très écartés et la glotte est agrandie dans tous les sens. Chez l'homme cette respiration laryngienne a été observée sur des individus qui s'étaient coupés la partie antérieure du cou ou qui avaient perdu la plus grande partie du nez. Il serait curieux de savoir si l'aire de la glotte ainsi dilatée acquiert l'étendue 284 DE LA KESPJRATION. de celle de la traoliéo, ou, en d'autres termes, s'il peut passer en un temps donn('' autant de fluide par l'ouverture du larynx qu'il en passe en un temps égal par un segment de trachée de même longueur. Très probablement ces quantités sont les mêmes pour des segments du tuyau respiratoire de longueur semblable, seule- ment la vitesse du courant doit être accrue dans les parties rétrécies et ralentie dans les parties dilatées. Lorsque les muscles dilatateurs de la glotte sont paralysés par la section, ou par l'atrophie des récurrents, le jeu du larynx est notablement modifié : l'inspi- ration devient pénible et bruyante ; mais l'expiration reste facile. Lors de l'inspi- ration les lèvres de la glotte se rapprochent par l'appel de l'air vers le poumon, et lors de l'expiration elles s'écartent par la pression de l'air expulsé. Cette paralysie donne lieu à ce qu'on appelle le cornage chez les solipèdes, état dysp- néique très fréquent chez le cheval, mais beaucoup plus rare chez les autres espèces et chez l'homme où on l'a observé aussi quelquefois à la suite de la com- pression d'un pneumo-gastrique ou d'un laryngé intérieur. L'air, après avoir franchi l'ouverture laryngienne, arrive au tube trachéal dont la longueur et le diamètre ne paraissent pas subir de variations considérables, si ce n'est par l'action de causes étrangères au mécanisme de la respiration. La trachée, lors de l'inspiration, livre un large passage à l'air. La disposition anatomique, la résistance et les propriétés de ses cerceaux la tiennent constam- ment béante, et ne lui permettent pas de se déprimer ou de s'affaisser sur elle- même par la pression atmosphérique, au moment où la tension des fluides intérieurs est diminuée, comme elle le serait nécessairement si ses parois étaient membraneuses. Le plan charnu qui existe à sa partie postérieure ne peut jouer aucun rôle dans l'inspiration, parce qu'il est disposé de manière à réduire le dia- mètre du tube dès qu'il vient à se contracter. Quant aux bronches, il est certain qu'elles se dilatent lors de l'inspiration, et d'autant plus qu'elles sont plus déliées; mais leur dilatation, étrangère aux fibres charnues qui entrent dans leur structure, est purement passive, comme celle du poumon dont le volume s'agrandit à mesure que la cavité^ qui le contient aug- mente de capacité. Tel est le jeu des différentes parties qui prennent part à l'inspiration; il ne nous reste plus, pour achever l'analyse de cet acte, qu'à rechercher les change- ments de forme éprouvés par le thorax, l'étendue métrique de la dilatation suivant les différents diamètres delà cavité et la quantité d'air qui a été introduite. Les modifications de forme que le thorax subit en se dilatant sont à peine sen- sibles dans la respiration calme de la plupart des animaux. Le cône déprimé latéralement, qu'il représente chez les solipèdes et les ruminants, devient plus bombé dans le même sens, surtout vers le milieu et vers la partie postérieure ; sa base oblique s'élargit à mesure que les côtes asternales se portent en dehors, et que les hypochondres s'écartent l'un de l'autre ; enfin, de convexe qu'elle était d'abord, elle devient à peu près plane lorsque la contraction du diaphragme a atteint ses dernières limites. L'agrandissement des deux diamètres de cette cavité peut être apprécié approxi- mativement par divers moyens. Celui du diamètre transverse se mesure assez bien ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 285 [m- une longue aiguille métallique implantée perpendiculairement vei's le tiers inférieur de la onzième ou de la deuxième côte, aiguille graduée en regard de laquelle on maintient, à une faible distance de la poitrine, une tige verticale appuyée sur le sol par un petit support. Dès que l'animal est immobile, l'expéri- mentateur voit, par l'étendue de l'oscillation de l'aiguille, quelle est la somme du mouvement de l'une des parois latérales du thorax. En doublant cette somme, on obtient exactement l'augmentation totale du diamètre transversal de la poi- trine. Cette augmentation, qui est moindre en avant et en haut de la région costale, représente tout au plus, pour chaque côté, 3 à 4 centimètres dans la respi- ration calme du cheval; elle s'élève à peine à un chiffre double, quand la respira- tion est gênée, et elle ne le dépasse presque jamais. Sur le cheval couché (en décubitus latéral) j'ai mesuré le soulèvement des parois costales du côté libre à l'aide d'une aiguille implantée perpendiculairement dans une côte et d'une règle graduée indiquant les excursions de la pointe de l'aiguille. Lorsqu'il s'agit de constater le soulèvement des côtes la règle graduée est tenue perpendiculairement à ces côtes, c'est-à-dire dans le même sens que Taiguille. On la tient suivant le grand axe du thorax s'il s'agit de mesurer l'éten- due de la course de la côte d'avant en arrière ou d'arrière en avant. J'ai trouvé ainsi que le soulèvement des côtes du cheval couché est de 4 à o centimètres au niveau du dernier tiers de la paroi thoracique ; celui des dernières oscille encore entre 3 à 4 centimètres. Quant à l'agrandissement du diamètre antéro-postérieur, il est beaucoup plus considérable, surtout suivant une ligne tirée du centre phrénique du diaphragme au niveau de la première côte; mais il l'est peu ou point suivant une autre ligne tirée de la première à la dernière. L'augmentation du diamètre longitudinal, par le fait de la projection du dia- phragme en arrière, ne peut guère être mesurée que sur les animaux dont l'ab- domen est ouvert. Alors, en faisant passer par l'appendice xiphoïde une tige parallèle au diaphragme et appuyée en haut sur l'articulation de la dernière côte avec le rachis, on peut, à l'aide d'une règle graduée, voir de quelle étendue le muscle se rapproche de la tige dans l'inspiration et de quelle étendue il s'en éloigne dans l'expiration. Or, on trouve, par ce procédé, que chez le cheval l'agrandissement moyen du diamètre antéro-postérieur du thorax équivaut à une longueur de 10 à 12 centimètres. Un second procédé consiste à mesurer l'amplitude des oscillations du dia- phragme chez les ruminants à travers une listule faite au premier estomac, en arrière de la dernière côte, fistule assez grande pour que l'opérateur y engage aisément la main ; mais celui-ci n'est pas susceptible d'une grande exactitude. Les mouvements du diaphragme ont pour résultat de faire descendre et remon- ter alternativement les parois abdominales. Ces oscillations mesurées dans mes expériences sur le cheval m'ont paru avoir une amplitude moyenne de 5 à6 cen- timètres. Quant à l'appréciation des changements que le diamètre longitudinal du thorax éprouve suivant une ligne droite tirée de la première à la dernière côte, elle est extrêmement facile. Elle s'obtient à l'aide d'une tige métallique graduée, coudée 286 DE LA RESPIRATION. sur elle-même à angle droit et implantée sur l'angle externe de l'iliuin, de manière que sa partie libre horizontale vienne passer en dehors de la dernière côle. Sur le cheval ce petit appareil montre que la dernière côte, qui se porte très peu en dehors à chaque inspiration, ne se projette pas sensiblement en avant, de telle sorte qu'elle reste presque toujours à la même distance de l'angle externe de l'ilium : elle s'en éloigne au plus de 1 à 2 centimètres chez les chevaux poussifs. Sur le chien, dont la respiration est rendue profonde après un léger exercice consécutif à la section d'un nerf vague, la dernière côte se projette fortement en avant, comme on'le voit du reste très bien sans le secours d'instruments de pré- cision. Il résulte donc de ces faits que le diamètre antéro-postérieur du thorax, mesuré de la première à la dernière côte, n'éprouve dans l'inspiration aucun changement sensible chez le cheval, tandis qu'il diminue notablement chez le chien. Sur l'homme on a essayé diversement de mesurer l'agrandissement de la cir- conférence ou quelquefois du diamètre transversal du thorax. Valentin et Simon ont trouvé qu'à la hauteur des mamelles l'agrandissement, dans l'inspiration, était de 1/8 à 1/10 de la circonférence. M. Hutchinson l'a évalué en moyenne à 7 cent. 1/2. C'est, relativement à la taille, une augmentation plus forte que chez les grands herbivores. D'ailleurs chez l'homme, comme on l'avait déjà remarqué du temps de Haller, l'ampliation du thorax n'a pas lieu d'une manière uniforme dans les deux sexes, à tous les âges et chez tous les individus. Dans l'enfance, la dilatation de la poi- trine a lieu surtout par le diaphragme, les côtes se soulevant à peine ; c'est la respiration dite abdominale. Chez l'homme adulte, la respiration est costale, inférieure et abdominale; la dilatation est très marquée dans la moitié inférieure du thorax. Chez les jeunes filles, vers l'époque de la puberté, et chez la femme la respiration se fait surtout par la dilatation de la moitié supérieure de la poi- trine, ou suivant le type appelé costo-supérieur. Parmi les animaux comparés de genre à genre ou d'espèce à espèce, ou voit aussi, en y regardant de près, des variations analogues. Les animaux à viscères digestifs, très développés, comme les solipèdes, les ruminants, le lapin, présen- tent une respiration abdominale très marquée ; les animaux à ventre petit, comme les carnassiers, respirent beaucoup par la partie postérieure du thorax. Il est clair qu'en raison de la disposition de la ceinture scapulaire aucun quadrupède ne peut présenter la forme costo-supérieure qui appartient à la partie féminine de notre espèce. La quantité d'air qui entre dans le poumon dilaté à chaque inspiration est assez difficile à déterminer en ce qui concerne les animaux ; néanmoins elle peut être précisée, même avec quelque rigueur, sans qu'il soit nécessaire de recourir à des procédés et à des calculs compliqués. Un premier moyen à employer consiste à adapter exactement à la trachée, coupée en travers, un tube llexible, mais non susceptible de s'affaisser, pourvu d'un robinet sur un point de sa longueur, et pouvant être engagé par son extré- mité libre sous une cloche graduée, pleine d'air, maintenue sur une cuve à eau. L'appareil étant ainsi disposé, et après qu'une expiration vient d'être effectuéCj on ferme le robinet et l'on fait arriver rapidement l'extrémité du tube sous la ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 287 cloche ; puis on ouM'e ce robinet, quon ferme subiteiueut au^^Uùl riiispiratiua achevée; après quoi le tube, retiré de dessous la cloche, est maintenu ouvert pour permettre à l'animal de respirer librement. En répétant un certain nombre de fois cette opération, à des intervalles plus ou moins rapprochés, on obtient séparément les quantités d'air introduites à chaque inspiration, et leur somme donne la moyenne. Dans mes anciennes expériences j'avais trouvé que l'inspi- ration moyenne du cheval introduit dans les poumons de 1 litre à 1 litre et demi d'air ramené à la température de -|- i^ degrés centigrades et à la pression de 0",76. Cette détermination m'a paru au-dessous de la vérité et j'ai tenté de la rendre plus exacte, mais je n'ai pu encore y parvenir, faute d'un spiromètre construit sur le principe de ceux qui ont été employés pour l'homme. En me fondant sur ce qui se passe chez l'homme, où, par parenthèse, il n'y a pas encore, malgré le nombre des instruments et des observateurs, de données concordantes, on peut calculer approximativement le volume d'air appelé à chaque inspiration. Si l'on admet, avec Davy. Dumas et Longet que l'homme inspire en moyenne un tiers de litre, le poids de Ibomme supposé de 7o kilo- grammes étant le Ô*" du poids moyen du cheval supposé de 4o0, on obtient 6 tiers de litre ou 2 litres pour chaque inspiration moyenne du cheval. En ad- mettant avec d'autres physiologistes un demi-litre pour l'homme, on aurait 3 litres pour le cheval. D'autre part, le calcul basé sur la masse d'oxygène con- sommée en une heure par le cheval donnerait environ H litres d'air pour une inspiration moyenne. Il est clair que dans les ins[iirations ou les expirations for- cées et très prolongées, les quantités introduites ou expulsées sont beaucoup plus grandes. En acceptant 3 litres et demi pour la quantité maximum que l'homme peut chasser eu une très énergique expiration, le cheval en chasserait 21 litres. L'inspiration ordinaire serait donc à l'inspiration forcée à peu près chez l'homme : : 1 : 10. L'accroissement absolu de capacité du thorax dans l'inspiration étant évalué, il est facile de savoir ce qu'il représente relativement à la capacité pulmonaire. Il résulte de mes observations que le poumon du cheval insufflé au degré de l'inspiration achevée renferme de 3o à 40 litres d'air qu'on peut en faire sortir par la compression et recueillir sous une cloche. A chaque inspiration il reçoit donc un quinzième de sa capacité ; et comme il y a une dizaine de respirations par minute chez ce quadrupède, il faut une minute et demie pour que les quan- tités successivement introduites égalent la masse d'air qu'il contient h. un mo- ment donné, après l'inspiration. En admettant que. eu égard au rapport de taille, la capacité pulmonaire de l'homme soit de 6 litres, il faudrait à ce dernier un peu plus de dix-huit inspi- rations de un tiers de litre chacune pour amener dans l'organe une masse d'air nouveau équivalente à celle qui s'y trouve normalement. Or. pour cela une mi- nute suffit. Il résulte de ces faits que l'air contenu dans les voies aériennes ne se renou- velle que par fractions minimes, soit par douzièmes ou par quinzièmes, et que, par conséquent, cette proportion étant supposée la plus rapprochée de la vérité, il ne se trouve jamais dans ces voies qu'un mélange d'une partie d'air pur pour 288 DE LA RESPIRATION. douze ou quinze parties d'air déjà vicié. Et comme la t'iaction appelée à chaque inspiration ne se répand pas uniformément dans toute l'étendue de l'arbre tra- chéo-bronchique, le mélange ne saurait être homogène d'une extrémité à l'autre. A l'entrée des bronches, la proportion d'air pur est plus grande qu'à leur fond et dans les vésicules pulmonaires. A l'intérieur de celles-ci même le mélange ne peut se faire que par une sorte de diffusion et avec lenteur. C'est ce qui explique pourquoi on trouve plus d'acide carbonique dans l'air des vésicules que dans celui des bronches. II. — De l'expiration. Le thorax, après s'être dilaté pour faire affluer dans le poumon une nouvelle quantité d'air, revient sur lui-même pour en chasser une quantité à peu près égale qui a servi à l'hématose, en se chargeant de vapeur d'eau et d'acide car- bonique. Ce deuxième acte, diamétralement opposé au premier, constitue ce qu'on appelle Y expiration. Il s'effectue par le concours des parois du thorax, du diaphragme, du poumon et des autres parties de l'appareil respiratoire. Son exécution se traduit par une réduction des deux grands diamètres du thorax et plusieurs phénomènes dont nous.allons présenter l'analyse. 1° Rétrécissement du thorax suivant le sens transversal. Les parois latérales du thorax, qui s'étaient écartées l'une de l'autre au mo- ment de l'inspiration, se rapprochent lors de l'expiration ; les côtes, qui s'étaient portées en dehors et en avant, reviennent en arrière et en dedans ; les muscles, qui s'étaient contractés, se relâchent, et d'autres puissances, jusqu'alors inac- tives, entrent en action pour concourir à diminuer la capacité de la cavité tho- racique. Le jeu des côtes dans l'expiration est beaucoup plus simple que celui de ce?; arcs osseux lors de la dilatation du thorax. Les côtes, au moment de l'inspira- tion, avaient été déplacées ; l'articulation de leur tubérosité avec les vertèbres s'était un peu tordue ; leur cartilage de prolongement avait éprouvé un commen- cement de torsion ; les lames fibreuses intercostales elles-mêmes avaient acquis une tension particulière. Or, dès que les puissances musculaires, qui ont déter- miné ces changements, cessent d'agir, toutes ces parties, plus ou moins élasti- ques, tendent à revenir à l'état dans lequel elles se trouvaient primitivement, et elles y reviennent en effet, pour ainsi dire, sans le concours des muscles. Ceux- ci n'interviennent qu'à titre d'agents complémentaires et régulateurs destinés à réduire la cavité du thorax au delà des limites auxquelles l'élasticité de ses parois pourrait la ramener. Aussi, peut-on regarder l'expiration comme un acte en grande partie passif, une sorte de retour du thorax à un état neutre qu'il tend à conserver sans aucun effort. Pendant ce deuxième acte, les côtes exécutent un mouvement inverse en tous points à celui qu'elles ont éprouvé dans l'inspiration. Leur face externe, qui était devenue un peu antérieure, et leur bord postérieur, qui s'était légèrement dirigé ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 289 en doliors, reprennent leur situation première. La cote se projette en arrière et en dedans ; elle se rapproche de la ligne médiane, l'arc qu'elle forme, en augmentant son inclinaison par rapport au plan vertical qui diviserait le thorax en deux moitiés, réduit l'espace compris entre elle et ce dernier. Ces cotes se rapprochent les unes des autres ; on les voit glisser sous la peau d'avant en arrière, et les espaces intercostaux devenir moins creux. L'appareil dont j'ai parlé montre que ces espaces se rétrécissent d'une manière notable. Les carti- lages de prolongement, qui avaient été un peu tordus à leur union avecles côtes et un peu redressés sur le sternum, reprennent d'eux-mêmes, en vertu de leur propre élasticité, la direction qu'ils tendent à conserver ; enlin, les deux hypo- chondres, qui avaient été portés en dehors, élevés sensiblement, rendus plus convexes à leur face externe, se rapprochent l'un de l'autre, s'abaissent et per- dent de leur incurvation. Tout cela se produit spontanément par le fait de l'élas- ticité des côtes, de leurs cartilages, de leurs liens articulaires, dès que les puis- sances inspiratrices ont cessé d'agir. Quelques physiologistes, à l'exemple de M. Bert, admettent que l'abaissement des parois costales dans l'expiration n'est pas dû à leur élasticité, mais à celle du poumon qui les entraînerait par son propre retrait. Ils fondent leur opinion sur ce fait que, dans le cadavre, la ponc- tion des parois llioraciques donne lieu à un soulèvement des dernières côtes, lequel indiquerait une tendance diamétralement apposée à l'abaissement. Il est possible que la tendance du poumon à s'affaisser contribue à abaisser les parois costales au dessous du point où leur élasticité seule les ferait descendre, mais il me paraît certain que la première moitié, peut-être même les deux premiers tiers de l'abaissement tiennent à l'élasticité de ces parois. Dans tous les cas, l'expiration n'est qu'en partie passive. Des muscles parti- culiers la complètent, surtout si elle est profonde. Les muscles qui concourent à l'abaissement des côtes, à leur rapprochement, à leur projection en arrière et en dedans, sont : le petit dentelé postérieur, l'in- tercostal commun, le ^transversal des côtes, le triangulaire du sternum et les muscles abdominaux. Ils ont cela de particulier qu'aucun d'eux n'agit sur toutes les côtes ; le transversal et le triangulaire exercent leur action sur les côtes ster- nales, le petit dentelé et les muscles abdominaux sur les côtes asternales. Le petit dentelé postérieur, assez développé dans les solipèdes où il est formé de six dentelures triangulaires insérées à la face externe des six dernières côtes, a ses attaches fixes au sommet des apophyses épineuses des vertèbres dorsales postérieures et des premières lombaires. Les fibres contractiles de ses digitations sont à peu près perpendiculaires à la ligne médiane, et légèrement obliques de haut en bas, d'arrière en avant, relativement à Taxe des côtes. Gomme leurs insertions costales sont plus bas que celles du dentelé antérieur, elles trouvent sur ces arcs un bras de levier plus considérable que ces dernières. Leur contrac- tion tend à tirer les côtes en arrière et aussi à les porter en dehors, mais elle les porte seulement en arrière, les autres muscles expirateurs mettant nécessaire- ment obstacle à la projection en dehors. Le dentelé postérieur n'est constitué, chez le bœuf, que par quatre digitations insérées sur les quatre dernières côtes qui laissent entre elles des espaces très larges. Il n'a plus dans le chien que deux G. COLIN. — Physioi. comp., 3* édit. II. — 10 290 DE LA RESPIRATION. digitations au niveau des deux derniers espaces. Son action expiratrice est plus évidente pour ces deux derniers mammifères qu'elle ne l'est en ce qui concerne le cheval. L'intercostal commun est un très long muscle, fort développé chez les carnas- siers, les solipèdes et les ruminants, qu'il faut considérer comme expiraleur. Étendu d'une extrémité du thorax à l'autre, en travers des côtes et au niveau de leur quart supérieur, il se compose d'une succession de languettes libres et ten- dineuses inférieure ment, lesquelles sont toutes obliques de bas en haut et d'avant en arrière. La première se fixe à l'apophyse transverse de la dernière vertèbre cervicale, et la dernière, unie à l'ilio-spinal, va s'attacher aux apophyses trans- verses des vertèbres lombaires. Ses dix languettes antérieures sont plus larges, plus fortes et mieux isolées que les dernières qui sont étroites et peu distinctes. Elles sont toutes disposées de telle sorte qu'à partir de leur origine à une côte elles passent sur une, deux, trois côtes plus postérieures pour s'attacher à celle qui vient ensuite. Chacune d'elles prend son origine au bord postérieur d'une côte par des fibres tendineuses et va s'insérer au bord antérieur d'une autre par des fibres charnues mêlées à quelques fibres aponévrotiques. Dans la première édition de ce livre je l'avais considéré dubitativement, mais à tort, comme inspirateur. A compter de la seconde, après des observations nombreuses et diverses expériences, je ne conservé plus de doute sur son rôle d'expirateur. Sur un grand nombre de chevaux, dont la respiration était gênée, bruyante, j'ai vu à travers la peau : 1° le muscle se gonfler et s'aplatir alternati- vement, et le sillon, qui le sépare de l'ilio-spinal, se creuser, puis se combler. Après l'avoir mis à découvert sur une étendue de 20 à 25 centimètres, j'ai aisé- ment constaté, d'une part, que, dans l'inspiration, alors que les côtes s'élèvent et se portent en avant, le muscle s'affaisse, s'élargit et semble se rapprocher de l'ilio-spinal par le fait même de son aplatissement ; d'autre part, que, dans l'expi- ration, pendant que les côtes s'abaissent et se portent en arrière, le muscle se rétrécit, se gonfle, se tend et durcit en s'éloignant légèrement du bord externe de l'ilio-spinal. C'est un expirateur puissant qui paraît se contracter à peine ou ne pas se contracter dans les expirations ordinaires, mais qui agit avec une grande énergie dans l'expiration qui suit les efi"orts ou qui accompagne les cris, les gémissements, par exemple, pendant que les animaux ont à subir quelque opération chirurgicale. Le transversal des côtes, étendu obliquement du milieu de la première côte sternale à la face latérale du sternum, vers l'articulation du quatrième cartilage avec cet os, doit déprimer ou abaisser l'extrémité inférieure des deuxième, troi- sième et quatrième côtes sur lesquelles il passe, et cela en raison surtout de la fixité de ses deux attaches terminales^ Cependant, en tenant compte des adhé- rences qu'il contracte à la surface des côtes ou des cartilages qu'il croise oblique- ment, on serait tenté de lui attribuer une action diamétralement opposée à celle que je viens de rappeler. Le triangulaire du sternum est l'expirateur par excellence de la partie anté- rieure du thorax. Né sur toute la longueur de la face supérieure du sternum par des faisceaux charnus recouverts d'une forte couche aponévro tique, il remonte à ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 291 la face interne des cartilages de prolongement de toutes les côtes sternales qui suivent la première, et s'insère sur ces cartilages par autant de dentelures isolées. Ce muscle qui a, de môme que tous les autres expirateurs, l'une de ses attaches terminales absolument fixe, rapproche les cartilages et les eûtes de la ligne mé- diane ; il transforme ces arcs en leviers du troisième genre, dont le centre de mou- vement est à l'articulation vertébro-costale, la puissance à l'insertion de chaque dentelure, et la résistance en dessous. Son action est d'autant plus favorisée que ses insertions sont plus supérieures ; elle s'accroît d'avant en arrière d'une manière très sensible, en raison de l'allongement de ses digitations, et devient extrême- ment énergique chez le chat, le chien et la plupart des carnassiers, dont les cartilages costaux antérieurs sont très allongés. Le grand oblique, le petit oblique et le transverse de l'abdomen complètent la série des muscles expirateurs dont l'action a pour effet de diminuer la cavité du thorax suivant le sens transversal. Leur rôle dans l'expiration est actif à tous les degrés de raffaissement des parois thoraciques sur elles-mêmes. Parmi les muscles de l'abdomen, le grand oblique est celui qui agit le plus directement sur les côtes asternales et qui prend la plus grande part à l'expira- tion. Son action devient extrêmement manifeste, pour peu que la respiration du cheval soit profonde. Elle se traduit par le développement d'une légère saillie, qui s'étend depuis l'extrémité postérieure du sternum jusque vers la dernière côie, et qui remonte insensiblement au dessus du bord libre de l'hypochondre, tant que dure l'expiration. Cette saillie, très apparente à travers la peau des animaux maigres, est formée par le bord inférieur de la partie charnue du muscle, bord qui éprouve une ascension assez considérable vers les attaches supérieures et fixes du muscle, en laissant au-dessous de lui les cartilages costaux. Dans l'inspira- tion, au contraire, il redescend, sa saillie s'efface, et l'hypochondre disparait, comme on le voit du reste en mettant les muscles à découvert. Le grand oblique d'un côté et celui du côté opposé, agissant toujours ensem- ble, constituent, par leur réunion sur la ligne blanche, une véritable sangle dont la contraction tend à faire remonter les viscères abdominaux, puis à rapprocher les deux hypochondres, et conséquemment à diminuer le diamètre transversal du thorax. Bien que ces deux effets semblent en contradiction l'un avec l'autre, car l'élévation des viscères abdominaux sollicite les hypochondres à s'éloigner pen- dant que la contraction provoque le rapprochement de ces parties, le rapproche- ment a lieu dans des limites très étendues : la projection du diaphragme en avant et en haut agrandit assez l'espace qui reçoit les viscères. Le petit oblique prend aussi une part active à l'expiration, mais moins conai- dérable que celle du précédent. Son aponévrose, qui prend seulement quelques attaches à la face interne des cartilages des dernières côtes asternales, est dispo- sée peu favorablement pour agir directement sur les côtes: aussi ce muscle con- tribue-t-il à l'expiration, surtout en élevant la masse intestinale. Sa contraction est indiquée par l'augmentation du relief que forme le milieu de sa portion char- nue, ou de ce qu'on appelle communément la corde du flanc, et par la tension que celle-ci éprouve au moment de l'expiration. Le transverse, ou lombo-abdominal, qui s'implante à rextrémité des apophyses 292 DE LA RESPIRATION. transverses des vertèbres lombaires et à la face interne des cartilages de toutes les côtes asternales, est admirablement disposé pour relever la masse des \iscères abdominaux et rapprocher les deux hypochondres l'un de l'autre. Sa contraction est extrêmement favorisée, en ce sens qu'elle agit sur l'extrémité inférieure de toutes les côtes asternales. Quant au sterno-pubien, il ne contribue guère à l'expiration qu'en soulevant les viscères abdominaux. La disposition qu'il affecte et les adhérences qu'il con- tracte à son origine sur les dernières côtes sternales et les premières asternales ne lui permettent guère d'agir directement sur ces arcs osseux. Les muscles abdominaux prennent donc, en se contractant, une part considé- rable à la réduction du diamètre transverse de la poitrine. La tunique fibreuse épaisse qui les renforce à l'extérieur concourt au même résultat en vertu de l'élasticité dont elle jouit au plus haut degré. Ces diverses puissances, en soule- vant les viscères intestinaux et en les refoulant vers le diaphragme, deviennent aussi les agents principaux du resserrement longitudinal du thorax. Tous les muscles que nous venons d'indiquer n'agissent pas et n'ont nul besoin d'agir dans les expirations ordinaires, puisque l'élasticité des parois thoraciques et du poumon suflit à les produire, mais ils se liguent pour effectuer les expira- tions profondes, prolongées, saccadées; ils règlent l'expiration du cri, du gémis- sement, de la plainte, du chant ; ils la rendent irrégulière, entrecoupée, la divi- sent en plusieurs temps, ce que ne ferait point l'élasticité des parois thoraciques et du tissu pulmonaire. Ainsi, dans le soufflet, l'élasticité donne lieu à un affais- sement lent et régulier, et la main sur les panneaux produit un affaissement sac- cadé, interrompu, avec secousses très nombreuses. Abstraction faite de ces modifications, on peut dire que l'expiration s'opère en deux temps. Dans le premier, elle est commencée passivement par le jeu de l'élasticité des parois thoraciques et par la tendance du poumon à s'affaisser. Dans le second, elle s'achève par la coopération des muscles expirateurs. 2° Resserrement du thorax suivant le sens antéro-postérieur. Lors de l'expiration, la cavité thoracique diminue de diamètre d'avant en arrière par le jeu du diaphragme, par la réaction des viscères de l'abdomen et l'intervention des muscles abdominaux. Le resserrement qu'elle éprouve dans ce sens est beaucoup plus considérable que celui qui résulte du rapprochement des parois costales. Le diaphragme, à l'instant initial de son relâchement, ne décrit plus qu'une très légère concavité du côté de l'abdomen; il est aussi plan qu'il peut l'être, mais sa contraction ayant cessé, sa concavité postérieure augmente insensible- ment, à mesure que le muscle se reporte en avant, et elle arrive à son terme dès qu'il a effectué un mouvement d'une étendue égale à celui qu'il avait exécuté en sens inverse dans l'inspiration. Le diaphragme relâché, pendant qu'il effectue son oscillation d'arrière en avant et de bas en haut, conserve une tension assez considérable ; il n'est point flasque comme beaucoup d'auteurs le pensent' et comme on pourrait le croire de prime abord. Sa tension, qui existe du reste sur ACTES MECANIQUES DE LA RESPIRATION. 293 le cadavre dont le thorax n'est point ouvert, est facile à constater chez les rumi- nants, en engageant le bras dans une large fistule au rumen, et chez fous les animaux dont l'abdomen est plus ou moins largement ouvert : elle résulte de l'appui que donne à la cloison la face postérieure des poumons et de la pression qui lui est transmise par les viscères abdominaux. Le mouvement qu'éprouve le diaphragme relâché, dans l'expiration, ti^nt à deux causes qui lui sont tout à fait étrangères, savoir, le retrait du poumon et la réaction des viscères abdominaux qui reprennent leur situation et leur volume primitif. Il tient aussi, surtout chez les solipèdes, à la rétraction du tissu jaune élas- tique qui tapisse sa face antérieure. En etïet. le poumon qui s'aifaisse sur lui-même on vertu de l'élasticité propre de son tissu et de ses divers éléments constituants, dès que les parois costales se rapprochent l'une de l'autre; le poumon, appliqué immédiatement à la surface antérieure de la cloison diaphragmatique, l'aspire en quelque sorte, avec une grande énergie, et l'entraîne avec lui à mesure qu'il revient sur lui-même, et cela parce qu'il n'y a entre eux, ni air, ni aucun autre gaz. Alors la vitesse de la projection du diaphragme en avant est subordonnée à la rapidité de l'affaissement de l'organe pulmonaire. D'autre part, les viscères abdominaux qui. lors de l'inspiration, ont été plus ou moins déplacés, leurs gaz qui ont éprouvé une compression plus ou moins consi- dérable, réagissent avec une certaine énergie et refoulent le diaphragme en avant. Les aponévroses, la tunique abdominale, qui avaient été sensiblement distendues, réagissent aussi sur la cloison par l'intermédiaire des viscères. Enfin, les muscles abdominaux, par leur contraction et la pression atmosphérique sur les parois inféi'ieures de l'abdomen, ajoutent encore à cette réaction passive pour porter la tprojection antérieure du diaphragme à ses dernières limites. Il est à remarquer outefois que ces dernières causes peuvent cesser d'agir sans que le jeu du dia- phragme en soit profondément modifié, car tous les expérimentateurs savent que les animaux dont l'abdomen est largement ouvert, et sur lesquels la plupart des viscères sont retirés de cette cavité, continuent à respirer très régulièrement. Néanmoins, sur le cheval debout, dans de telles conditions, le diaphragme, qui est fortement tiraillé par le foie et par l'estomac, éprouve une très grande diffi- culté à se projeter en avant. Lorsque le diaphragme est fortement projeté en avant parles viscères abdomi- naux distendus outre mesure, comme dans les cas de tympanite chez les grands ruminants, il peut devenir tout à fait immobile. Dans ce cas, par suite de l'effort de dedans en dehors que les viscères exercent sur les hypochondres et sur les dernières côtes, le jeu des parois costales est très entravé : l'animal s'asphyxie dans une sorte d'expiration prolongée. 3" Retrait du poumon et resserrement des autres parties de l'appareil respiratoire. Le poumon, dont la dilatation a été purement passive dans l'inspiration, revient sur lui-même, lors dé l'expiration, par le triple effet de sa propre élasticité, delà contraction du tissu musculaire des ramifications bronchiques, et enfin du jeu 294 DE LA RESPIRATION. des parois thoraciques. Sa participation à ce dernier acte est donc mi-passive et mi-active. L'élasticité du poumon, c'est-à-dire la force avec laquelle cet organe tend à revenir sur lui-même après avoir été dilaté, joue un grand rôle dans l'acte com- plexe de l'expiration. Cette élasticité, que tous les physiologistes connaissent, est portée à un degré qui ne se trouve peut-être dans aucun des organes de l'écono- mie animale ; elle appartient à tous les éléments du poumon, à l'enveloppe séreuse, aux bronches, depuis les plus grandes jusqu'au plus déliées, aux vaisseaux, et aux vésicules pulmonaires. C'est elle qui détermine l'affaissement du poumon plein d'air et abandonné à lui-même, la trachée restant libre; c'est elle qui, sur le cadavre et l'animal vivant, produit le même résultat dès qu'on vient à ouvrir la cavité thoracique, La pression atmosphérique, comme Bérard le fait remar- quer avec beaucoup de justesse, demeure tout à fait étrangère à ce phénomène dans les trois circonstances où il s'opère, car la trachée étant ouverte, la pres- sion intérieure est parfaitement égale à la pression extérieure. L'élasticité du tissu pulmonaire, si puissante qu'elle soit, ne peut, sur l'animai vivant, et dans les conditions normales, affaisser le poumon au delà de certaines limites assez restreintes. L'affaissement s'arrête dans les expirations profondes dès que le diaphragme a été refoulé en avant autant que possible, et que les parois costales sont aussi rapprochées que le comportent leur élasticité et la contraction de leurs muscles ; en un mot, il a pour bornes les limites extrêmes du rétrécisse- ment de la cavité thoracique. Cette élasticité rapprocherait davantage ces parois si elles étaient souples comme celles de l'abdomen et susceptibles de se déprimer entièrement par la pression atmosphérique. On croit généralement que l'obstacle à l'affaissement complet du poumon tient au vide ou à l'absence de gaz entre le poumon et les parois de la cavité qui le l'enferme. Cette opinion n'est fondée qu'en partie, car des liquides et des gaz peuvent exister dans le sac des plèvres, sans que pour cela le poumon revienne complètement sur lui même. Tous les jours on voit, d'un seul côté ou des deux côtés à la fois, des épanchcments pleurétiques considérables qui ne s'opposent pointa l'accomplissement des actes mécaniques de la respiration. La sérosité occupe les parties déclives delà cavité thoracique, le poumon surnage en raison de sa légèreté spécifique, et demeure en contact, par sa partie supérieure, avec les parois costales ; et, tant que les progrès de l'épanchement lui laissent un volume suffisant à l'hématose, il continue à fonctionner avec plus ou moins de facilité. De même quand on a injecté jusqu'à un litre d'air dans la cavité thoracique d'un cheval, par une ouverture très oblique, au niveau d'un espace intercostal, le pou- mon correspondant ne revient pas complètement sur lui-même ; cet organe ne réduit son volume que dans les proportions rigoureusement nécessaires pour loger dans la plèvre un litre d'air à la tension qui le met en équilibre parfait avec la pression atmosphérique extérieure et intérieure. Une fois cette réduction opérée, le poumon ne s'affaisse plus ; il continue à fonctionner comme auparavant, bien que, dans une grande partie de son étendue, il y ait de l'air entre lui et les parois de la cavité. On s'en assure en mettant à découvert la plèvre sur une certaine fraction d'un espace intercostal. ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 295 Carson, qui a mesuré la force élastique du poumon, a trouvé qu'elle est plus que sulTisante pour supporter une colonne d'eau de 30 à 45 centimètres sur le bœuf, le mouton et le chien de grande taille. Cette force doit être un peu plus grande, car elle n'est mesurée dans les expériences du physiologiste anglais qu'au moment où elle a déjà perdu une partie de son intensité par un commencement de retrait du tissu pulmonaire. Néanmoins, M. 13ert me paraît l'exagérer quand il la mesure à l'aide d'un n)anomèlre adapté à la trachée, après avoir forte- ment insufflé l'organe, alors qu'il fait équilibre à 80 ou à 90 centimètres d'eau. Le poumon, dans les inspirations ordinaires, ne se dilate jamais autant qu'il le fait par l'insufflation portée au point de produire l'emphysème. L'élasticité du poumon tend non seulement à affaisser l'organe, mais encore à attirer les parois thoraciques en dedans; elle joue, par conséquent, unrôleconsi- dérable dans l'expiration, mais elle n'est pas ordinairement, quoi qu'en dise M. Bert, « l'agent exclusif de l'expiration. » Ce n'est pas elle qui amène à sa dernière limite l'affaissement du thorax. On s'aperçoit bien, eneflet, sur soi-même qu'une fois l'expiration achevée naturellement, un effort des puissances expiratrices affaisse encore beaucoup la poitrine et chasse une notable quantité d'air que l'af- faissement spontané du poumon n'aurait pas expulsée. La contractilité des fibres musculaires sous-jacentes à la muqueuse des bronches doit prendre une part plus ou moins considérable au retrait que le pou- mon éprouve lors de l'expiration. Ces fibres, continuation de celles de la trachée, forment une couche épaisse et facile à voir dans les plus grosses divisions du tube aérien, mais deviennent nécessairement de moins en moins nombreuses à mesure qu'on se rapproche des divisions ultimes. Reisseissen, qui les a décrites avec soin, les a suivies, à l'aide d'instruments grossissants, jusque dans les tuyaux bronchiques très tins, dans les parois desquels on n'apercevait plus de cerceaux cartilagineux ; Wedemeyer a vu ces libres se contracter, sous l'influence du galvanisme, sur les bronches du chien et du cochon d'Inde, mais leur con- traction était assez lente ; C. Williams, en électrisant le poumon affaissé, a constaté une élévation très notable de l'eau dans le manomètre adapté à la trachée; enfin, Longet s'est assuré que la galvanisation des nerfs vagues pro- voque des contractions manifestes dans les parois bronchiques. Depuis^, l'expé- rience a été répétée, et elle a prouvé, d'une part, que le tissu pulmonaire et les bronches sont contractiles ; d'autre part, que cette contractilité est sous la dépendance des nerfs pneumogastriques. Le fait de la contraction du plan musculaire des bronches, lors même qu'il n'aurait pas été constaté, ne saurait être mis en doute. Mais les physiologistes n'ont pu découvrir jusqu'ici si cette contractilité est mise en jeu d'une manière régulière à chaque expiration, ou si elle agit seulement lors des expirations pro- fondes ou saccadées. Toutefois, il est certain qu'elle intervient pour opérer l'ex- pulsion du mucus et des produits morbides qui s'exhalent des bronches ou qui se font jour à travers ces conduits. Probablement c'est par suite de la paralysie de ces libres que les mucosités stagnent en si grande quantité dans les tuyaux aériens des animaux auxquels on a réséqué les nerfs pneumogastriques, mucosités dont l'accumulation contribue, pour beaucoup, à hâter le développement de l'asphyxie. 296 ut LA RESPIRATION. Eiîlin, la pression exercée sur le poumon par les parois costales qui reviennent sur elles-mêmes en vertu de leur élasticité, et par le diaphragme sur lequel agis- sent directement les viscères et indirectement les muscles abdominaux, con- court puissamment à réduire l'organe pulmonaire au volume sous lequel il se présente au terme de l'expiration. Cette pression auxiliaire et étrangère pouvant être opérée avec rapidité et graduée suivant les circonstances, joue un grand rôle dans la respiration accélérée, et devient ainsi peut-être plus utile que l'élasticité, qui n'agit qu'avec une certaine lenteur : elle contribue seulement à l'affaisse- ment du poumon quand cet organe ne peut plus guère revenir spontanément sur lui-même par le fait des adhérences qu'il contracte avec les parois thora- ciques, de l'induration de son tissu et des dépôts calcaires ou plastiques dont il est souvent le siège chez les grands ruminants. 11 faut encore ici admirer ces combinaisons dans lesquelles plusieurs forces sont disposées pour agir dans le même sens et se suppléer réciproquement quand l'une d'elles est frappée d'inertie. La trachée éprouve peut-être quelques modifications dans sa forme et son dia- mètre lors de l'expiration. Le plan musculaire à libres transversales qui existe à sa partie postérieure entre peut-être en contraction pour rétrécir la lumière de ce conduit. Cependant on n'a pu voir encore, d'une manière distincte, ces fibres se contracter soit spontanément, soit sous l'influence des excitants mécaniques ou gahaniques. Je les ai mises à découvert, sur le cheval vivant, en incisant le tissu cellulaire et les lames fibreuses qui réunissent les extrémités des cerceaux de la trachée préalablement portée en dehors et un peu tordue sur elle-même, mais je n'y ai point aperçu de contractions isolées ou isochrones avec l'expiration. L'ap- plication d'un compas d'épaisseur en divers points de la région cervicale de la trachée du même animal ne m'a indiqué aucun changement bien appréciable dans ses différents diamètres. Mais on conçoit que ce plan puisse se resserrer sans qu'il en résulte une diminution sensible du diamètre extérieur du conduit; le rétrécissement pouvant s'opérer seulement au dépens de l'espace celluleux laissé entre la partie postérieure des cerceaux et la couche musculaire. Quoi qu'il en soit, à cet égard, la nature du plan implique nécessairement une contraction dont les circonstances et le rhythme n'échapperont pas toujours aux investiga- tions des physiologistes. * Le larynx, au moment de l'expiration, éprouve, dans sa totalité, un léger mou- vement d'ascension qui devient très marqué pour peu que la respiration soit pro- fonde et difficile. L'ouverture de la glotte se resserre par le rapprochement des cordes vocales et des aryténoïdes, ainsi qu'on s'en assure par le secours de l'expérience dont j'ai déjà parlé. La colonne d'air qui passe à travers la trachée et le larynx est mue avec vitesse, et avec une très grande force, comme le montrent le sifflement qui se fait entendre dès qu'on a pratiqué une petite ouverture à la trachée, et la réjection des corps étrangers, même assez lourds, introduits accidentellement dans les voies respira- toires. Cette colonne, une fois parvenue au pharynx, s'engage entièrement dans les cavités nasales, si le voile du palais est abaissé et la bouche fermée, puis elle s'échappe par les naseaux revenus sur eux-mêmes. Si son impulsion est très- ACTF.S MECANIQUES DR LA RESPIRATION. 297 énergique, elle soulève en masse la fausse narine avec les parties qui correspon- dent à l'espace laissé entre le sus-nasal et le biseau du petit sus-maxillaire. De plus, comme l'ouverture des naseaux est alors ù son rétrécissement extrême une partie de l'air rebrousse chemin, s'engoullVe danslec'ul-de-sacdela fausse narine, et le dilate très sensiblement, surtout si le passage du fluide expiré est encore diminué par le pincement que peut exercer sur les naseaux la main ou l'instru- ment de torture connu sous le nom de lord-nez. Enlin, si la bouche est béante et le voile du palais plus ou moins relevé, une partie de la colonne d'air du pharynx s'échappe à travers cette cavité au moment même où les mâchoires se rapprochent; mais il semble qu'il ne sort point par là une quantité d'air aussi considérable que celle qui y a pénétré au moment de l'inspiration. Ce tluide peut du reste sortir par la bouche en certaine proportion, bien que cette cavité soit tenue à peu près fermée; alors il soulève en passant les joues et les commissures des lèvres, si ces parties sont frappées d'atonie ou de paralysie. Ainsi l'expiration est un acte complexe qui résulte ; i" du relâchement des muscles inspirateurs, c'est-à-dire du diaphragme et des muscles des parois cos- tales; -2° de l'élasticité des parois thoraciques ou des côtes, de leurs cartilages de prolongement, de leurs ligaments articulaires et des lames fibreuses jaunes des espaces intercostaux; 3° de la réaction des viscères abdominaux comprimés et plus ou moins déplacés ; 4° du jeu de plusieurs muscles des parois costales, tels que le dentelé postérieur, le triangulaire du sternum ; o" enfin de l'intervention à la fois active et passive des muscles abdominaux. III. — Rhythme de l'ixspiration et de l'expiration. L'analyse isolée de l'inspiration et de l'expiration étant faite sous le rapport du mécanisme, il nous reste à étudier ces deux actes dans leur succession régulière, à voir quels sont les phénomènes appréciables qui traduisent leur accomplisse- ment normal, et les variations-qu'ils éprouvent suivant les conditions physiologiques diverses dans lesquelles les animaux se trouvent placés. Cette étude est indispen- sable pour fixer le terme de comparaison auquel on doit rapporter les modifications si nombreuses qui résultent des lésions morbides des organes respiratoires. Le rhythrae normal des mouvements respiratoires est assez difficile à saisir sur le cheval en repos, parfaitement calme, dont les formes sont arrondies et les saillies musculaires masquées par la graisse. Alors les côtes ne se dessinent point sous la peau, les espaces intercostaux ne se creusent pas sensiblement ; le flanc n'a pas de concavité bien marquée, sa corde se met peu en relief; les hypochon- dres et les dernières côtes ne se délimitent point à leur réunion axec les parois abdominales ; il faut un léger exercice de quelques instants pour donner aux mouvements respiratoires une étendue qui permette à l'observateur d'en saisir toutes les particularités; mais sur les animaux à peau fine, dont les muscles sont nettement dessinés , et sur tous les sujets sans embonpoint , ils sont bien caractérisés. Dans l'inspiration-, les parois thoraciques se soulèvent tout d'une pièce; les 298 DE LA RESPIRATION. côtes deviennent plus apparentes, s'écartent les unes des auties en se portant en avant; les sillons intercostaux se creusent légèrement; la corde du flanc s'aplatit et s'efface; la concavité de cette région augmente à peine; le ventre descend, se porte en dehors et s'élargit ; la dépression qui existe au niveau du grasset, entre la cuisse et la partie fuyante du flanc, diminue sensiblement. Dans l'expiration, les parois thoraciques s'abaissent en masse; les côtes revien- nent en arrière, se rapprochent les unes des autres, perdent de leur relief et s'effacent en quelque sorte plus ou moins complètement; les dépressions inter- costales perdent de leur profondeur; il se forme sur la ligne de l'hypochondre une saillie longitudinale qui n'est pas produite par le cercle cartilagineux lui- même, mais par la partie charnue du grand oblique de l'abdomen; cette saillie au-dessous de laquelle se trace une dépression assez marquée remonte tant que dure l'expiration ; la corde du flanc se détache, se tend, se projette en dehors en éprouvant un léger mouvement ascensionnel; le ventre remonte et se rétrécit; enfin le creux du grasset se prononce davantage. L'inspiration et l'expiration n'exigent pas, pour leur accomplissement, un temps égal de part et d'autre. La première, qui est la plus courte, ne semble guère demander plus de la moitié du temps que la seconde met à s'effectuer. Cepen- dant, d'après une ou deux mensurations à l'aide d'un pnéographe, Rodet croit avoir reconnu que l'inspiration est seulement d'un quart plus brève que l'expira- tion. Chez l'homme la première serait à la seconde :: 1:1 1/2, d'après quelques observateurs ; mais le rapport entre l'une et l'autre varie suivant les animaux et une foule de conditions. La production de la voix et les efforts donnent lieu à des écarts énormes. Chez le chanteur l'expiration peut durer dix fois et plus que l'inspiration. Il en est de même, chez l'animal, dans le braiement, le beugle- ment, etc. Comme les instruments mesurent mieux les secondes et les fractions de seconde que les sens les plus exercés, il faut en accepter les indications. »\AA/WVW\AAAAAAAAA/\A/W\AA/\AAA/\AA/WV\AAAil WlAMAAAAAAif^^ FiG. 159. — Graphiques de la respiration chez divers mammifères (*). On admet généralement un intervalle entre l'inspiration et l'expiration, ou une pause très courte, surtout si la respiration n'est pas très lente. Vierordt et Ludwig en ont même reconnu deux, l'une qui succède à l'inspiration, l'autre plus marquée qui suit l'expiration, et ils les ont mesurées à l'aide de leur kymographion ; mais (*) 1, chien ; 2, lapin ; 3, chat. ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 299 les instruments donnent des indications si peu sûres, que M. Bert^ croit démon- trer à l'aide du sien qu'il n'y a aucune espèce de pause soit dans l'inspiration, soit dans l'expiration. Los tracés le prouvent, dit-il, et aussi ceux qu'a obtenus M. Marey. J'en donne un pour exemple ((i^^ 159), que le lecteur appréciera s'il le peut; pour moi, je m'en tiens provisoirement à mon ancienne opinion, à savoir, qu'un intervalle ou une pause très courte semble se faire remarquer, surtout chez les grands animaux, entre l'inspiration et l'expiration. Dans l'état de calme parfait, toutes les respirations ne sont pas d'égale durée et d'égale ampleur. Girard a noté que, entre cinq, six, sept respirations de même étendue, il s'en opère une beaucoup plus profonde chez le cheval. Les choses se passent toujours ainsi à l'état normal, avec cette différence que, sous l'influence des efforts ou de l'exercice, les mouvements respiratoires deviennent plus étendus, mieux accentués et se succèdent avec une plus grande rapidité. Le rhythme des mouvements respiratoires est profondément modifié, chez les solipèdes, dans ce qu'on appelle la pousse, dont la cause paraît consister le plus généralement en un emphysème pulmonaire. Cette altération se traduit en gé- néral par une interruption plus ou moins sensible de l'expiration, qui se fait en deux temps fort distincts, entre lesquels il y a un arrêt ou un soubresaut parti- culier. Ainsi, lors de l'expiration, l'hypochondre, après avoir effectué la moitié de son abaissement, s'arrête, rebondit légèrement, puis descend de nouveau jusqu'à sa limite ordinaire. De même, le flanc, après être arrivé vers le milieu de son affaissement, s'arrête, éprouve un léger soubresaut, puis achève son mou- vement. Lorsque l'altération est portée jusqu'à ses limites extrêmes, elle devient manifeste à l'inspection isolée des côtes, des hypochondres,du flanc, delà partie inférieure de l'abdomen et des naseaux. Le flanc est plus ou moins retroussé; sa corde se dessine fortement, et son creux se remplit d'une manière sensible dans l'expiration ; le soubresaut devient très marqué et se produit très souvent à la fois dans l'inspiration et l'expiration. Le mouvement des parois abdomi- nales se communique aux muscles de la face antérieure de la cuisse; le fascia lata se porte en dehors et s'affaisse alternativement ; la secousse éprouvée par les parois costales est sensible dans toute leur étendue; les muscles de la croupe, au niveau du ligament sacro-ischiatique, sont soulevés dans l'expiration et dé- primés dans le mouvement opposé; l'anus est alternativement refoulé en arrière et reporté en avant par un mouvement saccadé et interrompu ; le corps entier de l'animal participe même quelquefois à la secousse produite par les muscles affectés à la respiration. Les naseaux reflètent dans leur jeu les moditicalions éprouvées par celui des parois thoraciques et abdominales. Leur dilatation, qui est extrême et permanente, augmente encore beaucoup dans l'inspiration : l'aile interne d'un naseau est fortement rapprochée de celle du naseau opposé ; et, lorsque le froid condense la vapeur qui s'échappe des cavités nasales, on la voit distinctement sortir en deux bouffées, séparées par un temps d'arrêt très court. Les changements apportés au rhythme de la respiration s'expliquent assez bien 1. P. Bert, ouv. cit., p. 335. 300 DE LA RESPIRATION. par la nature de la lésion qui paraît habituellement donner lieu à la pousse. Comme l'emphysème pulmonaire est la cause la plus fréquente de celle-ci, et comme cet emphysème vésiculaire, paifois fort difficile à reconnaitre de prime abord, diminue tellement l'élasticité du poumon que cet organe éprouve une grande peine à s'affaisser, on conçoit qu'il faille, du côté des puissances expira- trices, des efforts assez considérables pour en réduire le volume au degré conve- nable. Or, dans l'expiration, après que les parois thoraciques ont commencé à revenir sur elles-mêmes en vertu de l'élasticité dont jouissent leurs parties con- stituantes, si la résistance du poumon arrête leur abaissement, et même si elle les repousse, il faut qu'un redoublement de l'action musculaire vienne achever l'expiration, et ce redoublement est très prononcé dans plusieurs muscles, sur- tout au grand oblique qu'on voit se contracter au moment où l'abdomen remonte pour refouler le diaphragme. De là les deux temps de cet acte et le soubresaut qui les sépare. Le type de respiration qui caractérise la pousse, ne doit cependant, au point de vue physiologique, être considéré que comme l'exagération du type normal, car l'expiration se fait toujours en deux temps, le premier court, le second pro longé : après le début de l'affaissement des parois costales, le poumon, dont le-.- gaz sont comprimés, tend à rebondir, puis son retrait s'achève sous la pressio i des puissances musculaires additionnées aux effets de l'élasticité du thorax. Dans la pousse spasmodique due à des causes autres que l'emphysème et carac térisée par des mouvements saccadés, le soubresaut de l'expiration fait défaut. D'ailleurs c'est une pousse intermittente dont les accès ne durent, en généra!, que quelques heures ou des fractions de journées. l.a vitesse avec laquelle s'effectuent et se succèdent les mouvements respira- toires varie beaucoup suivant les animaux et les conditions diverses dans les- quelles ils peuvent se trouver. Néanmoins chaque espèce animale a, dans le calme parfait, un nombre de respirations à peu près invariable. D'après les auteurs vétérinaires \ le nombre des inspirations en ce qui con- cerne les animaux domestiques, est, pour le cheval jeune de 10 à 12 par mi- nute ; le cheval adulte, de 9 à 10; le jeune bœuf, de 18 à 20; le bœuf adulte, de 1.") à 18 ; l'agneau, de 16 à 17; le mouton, de 13 à 16 ; le jeune chien, de 18 à 20 ; le chien adulte, de 15 à 18. Pour les animaux sauvages que j'ai pu observer dans le calme le plus parfait j'ai compté 10 respirations au rbinocéros; 7 à 10 à l'hippopotame hors de l'eau; 3 à 4 au même pachyderme sous l'eau; 23 au buffle de Valachie; de 18 à 22 au lama et à Talpaca; 10 à 11 au dromadaire ; 8 à 10 à la girafe; 22 à 24 à l'yach; 16 à 17 au cerf; 16 à 18 au daim ; 12 à 15 à la panthère ; 14 à 15 au jaguar ; 12 à 13 au lion. Le nombre des respirations varie dans des limites très étendues, suivant la taille des animaux, l'âge, l'espèce et les conditions diverses où peut se trouver l'individu, comme l'état de repos ou d'activité musculaire, les efforts, les im- 1. Rainard, Traité de pathologie et c/e thérapeutique générales vétérinaires. Lyon, 1840, 2 vol. in-8. — Delafond, Traité de pathologie générale comparée, 2' édit. Paris, J855. ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 301 pressions morales, la veille, le sommeil, le travail digesliC, une foule d'états {ta- thologiques et île circonstances extérieures. De même que la circulation, la respiration, quant à sa vitesse, est générale- ment subordonnée au volume des animaux. Les grands animaux respirent très lentement, les petits très vite. L'éléphant, le rhinocéros, l'hippopotame, le dro- madaire, le cheval, sont ceux qui olFrent, parmi les mammifères, le nombre minimum de mouvements respiratoii-es. Les petites espèces respirent plus sou- vent, le lapin 50 à 60 fois, le rat, la souris 100, 200 fois et souvent plus, au point que l'on a peine à compter ces mouvements. Toutefois la proportionnalité dont il s'agit n'est pas exacte, car, suivant la remarque fort juste de M. Bert, à égalité de taille, le carnassier respire moins vite que l'herbivore. Les oiseaux ont la respiration plus lente que les mammifères. Parmi les ani- maux de cette classe, les grosses espèces, comme l'a fait observer Burdach, sont aussi celles qui respirent le plus lentement. Le casoar de la Nouvelle-Hollande respire 2 ou 3 fois, le marabout 4 fois, le condor 6 fois, le moineau et le serin 90 à 100 fois par minute. Chez les poissons, M. Bert a noté un rapport analogue, mais non constant. Il doit en être ainsi, puisque, d'une part, la circulation s'accélère en raison de la réduction de la taille, et que, d'autre part, d'après MM. Regnault et Reiset, la consommation d'oxygène s'accroît à mesure que les espèces deviennent plus petites. Dans une même espèce, la respiration a son maxinum de rapidité pendant le jeune âge; elle se ralentit à mesure que l'animal grandit et se rapproche de l'âge adulte. On a noté cela depuis longtemps pour les animaux domestiques ; M. Bert a étendu cette observation à divers animaux, même aux poissons. Ainsi, pour l'homme, M. Quetelet a compté 44 respirations après la naissance. 26 à cinq ans, 20 de quinze à vingt ans, 16 à trente ans. Sous l'influence du sommeil, il se produit sur les animaux comme sur l'homme un ralentissement de la respiration connu depuis longtemps, et qui a pour consé- quence de diminuer la consommation d'oxygène et la production de la chaleur animale. La diminution observée est d'un sixième, d'un quart et même d'un tiers, suivant l'âge des sujets. J'ai noté sur le lapin que le ralentissement de la respiration pendant le sommeil est progessif. Sur un jeune sujet de cette espèce il y avait, par minute, 24 respirations au début et 16 seulement une demi-heure plus tard. Dans quelques cas il y a une accélération au lieu d'un ralentissement. Ainsi j'ai compté 30 à 34 respirations sur un chien d'un mois endormi, alors que son frère de même âge, éveillé respirait seulement 25 fois. Suivant la position du corps, ce nombre varie ; il est moindre sur l'homme couché que sur l'homme debout : mais il n'en est pas de même pour tous les animaux. Ceux qui ont l'abdomen volumineux, comme les grands ruminants, respirent même quelquefois plus souvent couchés que debout, en raison de la compression exercée sur le thorax par les viscères abdominaux. Ainsi sur dix vaches grasses, couchées et ruminant après un repas copieux, j'ai compté 32, 50, 40, 33, 35, 50, 33, 42, 40, 28 respirations à la minute. Pendant le décubitus, dans une situation forcée, comme celle des animaux entravés pour une opération 302 DE LA RESPIRATION. chirurgicale, le womè/'e normal peut doubler et même tripler. Sur une série de chevaux dans cette situation, il y avait 2U, 25, 27, 30, 31 respirations au lieu de 9 à 10 qui est le nombre habituel pendant la station. Le nombre des mouvements respiratoires peut être diminué ou accru sous l'in- fluence de la volonté. L'homme le fait varier sans difficulté dans des limites très étendues. C'est une fantaisie qui ne parait pas venir à l'idée des bêtes. Cependant la suspension des mouvements qui s'observe chez les animaux plongeurs paraît, au moins en partie, volontaire. On croit savoir qu'elle peut durer longtemps : cinq minutes, un quart d'heure et même plus, chez la baleine, d'après les obser- vations de Scoresby. La température exerce une influence très marquée sur le nombre des mouve- ments respiratoires dans tous les animaux; son élévation l'augmente; son abais- sement le diminue. Cela est surtout sensible chez les animaux qui s'engourdis- sent, comme les reptiles, et chez les mammifères hibernants. L'hibernation est peut-être de toutes les conditions physiologiques celle qui fait le plus varier le nombre des mouvements respiratoires. Prunelle, Saissy et d'autres l'ont déjà noté. J'ai vu plusieurs fois par les temps chauds le hérisson déroulé et agité respirer 40 à oO fois par minute ; roulé en boule; 18 à 22 fois. Engourdi modérément, sa respiration tombe à 12, à 8, alors que sa température est à 10 sous le ventre au centre de la boule. Dans une torpeur très complète, ce nombre descend à 5, 4, 2 et même à peine à 1 par minute. Ensuite, au réveil, il monte très vite à 50, à 90, même, jusqu'à réchauffement, puis il revient à son chiffre habituel. L'accélération indique la vitesse du réchauffement, comme nous le verrons en étudiant les phénomènes de la chaleur animale. L'exercice augmente le nombre des mouvements dans une proportion considé- rable. Un cheval en repos, respirant 10 fois par minute, fit au pas un trajet de quelques centaines de mètres, et dès qu'il s'arrêta, il respirait 28 fois dans le même temps. Au bout de quelques minutes sa respiration était revenue au chiffre ordinaire. Lancé au trot pendant cinq minutes, il avait en s'arrêtant 32 respira- tions, puis 40 seulement trois minutes après, 33 plus tard encore. Soumis à une course de cinq minutes au galop, il respirait en s'arrêtant 65 fois et 60 fois à la minute suivante. J'ai compté même, sur un autre cheval, au moment de l'arrêt, après une course au galop, 96 respirations à la minute. Le cheval attelé à une lourde voiture, qu'il traîne avec une certaine lenteur, ou à un véhicule moins pesant qui lui permet une allure modérément rapide, n'a pas la respiration très accélérée, car le rhythme de cette fonction doit être com- patible avec le développement des efforts musculaires ; mais dès que le solipède vient à s'arrêter, la respiration s'opère avec une vitesse presque égale à celle du cheval après une course rapide. Il en est à peu près de même pour le bœuf qui, en traçant un sillon, respire lentement, et se met à haleter aussitôt que sa marche se suspend. En général, l'exercice accélère la respiration proportionnellement aux efforts qu'il exige, lin cheval qui traînait une voiture vide sur un sol horizontal avait 86 respirations à la minute, puis 100, 110 à la même voiture chargée^ Mais il ne l'accélère pas proportionnellement à sa durée. Au bout d'un temps assez ACTES MECANIQUES HE LA RESPIRATION. 303 court l'accélération arrive ù ses limites, qui ne sont plus guère dépassées. En comptant, par exemple, les respirations d'un cheval de voiture dans un trajet d'une lieue à une lieue et demie, je vois après 3 à 4 kilomètres le cheval respi- rer 70 à 80 fois, puis seulement 3 ou 4 lois de plus après 6 kilomètres. Le bœuf attelé à un lourd véhicule arrive à 70, ù 75 respirations après un trajet de 1 kilomètre. Un mouton en ruminant paisiblement respire 15, IG, 17 fois par minute; peu après il ploie la tête contre ses pattes comme pour s'assoupir, sa respiration descend à 14 par minute, et soudain un bruit étranger qui le tire de sa quiétude lui cause une telle émotion qu'il arrive subitement à respirer 45 fois dans l'es- pace pris pour unité. Ce ruminant, après une course de quelques instants, res- pire jusqu'à 110 et même 140 fois par minute. Les mêmes variations s'observent à l'égard des animaux sauvages. Un lion couché au soleil et déjà un peu excité respirait 40 fois par minute, quand un coup donné à la porte^de sa loge attira son attention : aussitôt il eut 70 respira- tions. Un lama, qui avait 20 respirations étant couché, en eut 40 dès qu'on l'eut forcé àse relever. Les carnassiers en général et les animaux très timides paraissent être plus exposés à ces sortes de variations. La respiration est accélérée dans des proportions énormes par la chaleur atmosphérique sur certains animaux, particulièrement sur ceux dont la peau est couverte de fourrures ou d'épaisses toisons. Elle devient haletante chez l'ours blanc exposé au soleil dans les ménageries, sur le mouton en voyage pendant l'été ou parqué dans des terres arides. Lorsque toutes les causes d'accélération sont réunies, mouvements rapides, efforts violents, température élevée, la vitesse arrive promptement à son maxi- mum, et il se produit des accidents, en partie asphyxiques, qui peuvent déter- miner la mort. L'air qui s'engage dans les voies respiratoires au moment de l'inspiration, et qui en est expulsé lors de l'expiration, produit dans le larynx, la trachée, les bronches et le poumon, des'bruits particuliers dont les caractères sont faciles à reconnaître en appliquant l'oreille à la partie inférieure du cou et sur les côtés de la poitrine. Au niveau du larynx, il est perçu un souffle, dit laryngien, effectué en deux temps, l'un plus long correspondant à l'inspiration ou au moment delà dilata- tion de la glotte, l'autre plus court correspondant à l'expiration ou à l'instant du resserrement de l'ouverture. Le souffle trachéal qui se fait entendre sur les côtés, de même qu'à la partie inférieure du grand conduit aérien, et depuis lelarynx jusqu'au poitrail, est assez intense pour être perçu très distinctement, même lorsque la respiration est aussi calme que possible. Il se produit en deux temps séparés par un très court inter- val. Dans le premier, qui coïncide avec l'inspiration, ce souffle est faible ; dans le second, qui répond à l'expiration, il est plus fort et plus prolongé. Il rappelle assez bien, par les nuances de son intensité, le bruit que l'air produit en entrant dans les narines ou en sortant de ces cavités pour peu que la respiration s'accé- lère. Sa force augmente considérablement à mesure que la respiration se pré- 304 DE LA RESPIRATION. cipite et qu'elle devient pénible; elle s'accroît de même en raison de la difficulté que l'air éprouve à traverser le larynx ou les cavités nasales; enfin elle reste assez grande lorsque la trachée est ouverte sur un point de sa longueur. tvEff/Vtn'/ÎClîEr/rsf NICOLCr, DÎL: FiG. 160. — Régions auscultables de la poitrine du cheval (*) Le bruit qui se produit au sein du poumon a deux nuances ou plutôt deux degrés d'intensité, que l'oreille appliquée sur les parois thoraciques peut distin- guer sans grande difficulté. Tout à fait en arrière de l'épaule des grands qua- (*) Cette figure montre les quatre régions du thorax du cheval. La plus élevée n'est pas auscullable. Les trois autres, auscultab es, doivent être distinguées de haut en bas : supérieure à marquer. S; — moyenne, Mj — inférieure, I. C'est ainsi qu'il faut rétablir les lettres que le dessinateur a déplacées. ACTES MHCANIQUKS DE LA RESPIRATION. 305 diTipôdt's, et au niveau du tiers 8U[)éi'ieiu' des côtes, c'est-à-dire sur la ligne de la bronche |uincipale et do la naissance des bronches secondaires, il est plus Tort qu'en aucun autre point des parois costales : c'est le imiriiuire broncliique. Sur tout le reste de l'étendue des parois du thorax, il est beaucoup plus faible : c'est le niurnuire vésiculaire. Ces deux nuances ne sont pas absolument distinctes l'une de l'autre, car partout le murmure respiratoire se produit simultanément dans les bronches et les vésicules pulmonaires. Le murmure vésiculaire, perceptible dans les points oii les parois thoraciques ne sont pas recouvertes par l'épaule, par les muscles du rachis et ceux du ster- num, a son maximum d'intensité, sur les solipèdes, dans la région moyenne du thorax, à compter du bord postérieur de l'épaule jusqu'à la dixième côte. A ce point, les parois costales sont dégagées de leurs connexions avec l'épaule; elles correspondent à la partie la plus épaisse du poumon et au trajet de la grande division bronchique assez rapprochée du bord supérieur de l'organe respiratoire. De là ce bruit s'affaiblit progressivement et perd de sa netteté, d'une part, à mesure qu'on se rapproche de la dernière côte, et, d'autre part, à mesure qu'on descend vers l'hypochondre. La diminution d'intensité du murmure respiratoire vers les parties postérieures et inférieures du thorax résulte de l'atténuation progressive des bronches et de l'amincissement graduel du poumon. Quant à la moindre netteté de ce murmure sur toute la ligne de l'hypochondre et des dernières côtes, elle est la conséquence de la transmission aux parois thoraciques des bruits pro- duits dans les viscères abdominaux. L'intensité du murmure respiratoire éprouve normalement des variations assez étendues qui dérivent de l'état des animaux, de leur âge, et surtout de la lenteur ou de la rapidité avec laquelle s'effectue la respiration. Aussi, pour se faire une idée exacte de ce bruit et en saisir toutes les nuances, convient-il d'exa- miner les animaux après les avoir soumis graduellement à des exercices qui accé- lèrent les mouvements respiratoires. Ce murmure est un bruit faible, un souffle doux, prolongé, plus intense dans l'inspiration que dans l'expiration. Il tient évidemment aux vibrations de l'air dans les canaux aériens, et surtout à celles des fines divisions bronchiques et des vési- cules pulmonaires dont les parois membraneuses sont plus ou moins tendues. Son mécanisme ne paraît pas différer de celui du bruit plus intense qui est per- ceptible à distance lorsqu'on insuffle le poumon retiré de la cavité thoracique. Quelques auteurs, Chomel et Beau notamment, l'ont regardé à tort comme le résultat du retentissement du souffle glottique ou laryngien, et ils ont cru le prouver en disant, avec Laennec, que, chez les animaux à long cou, le murmure respiratoire est peu perceptible en raison de la distance du larynx au poumon. Mais, d'une part, chez le cheval à long cou et chez le dromadaire à cou plus long encore, le murmure s'entend parfaitement, et, d'autre part, il est encore percep- tible sur les animaux dont la trachée est ouverte, et sur ceux chez lesquels l'air ne passe plus dans le larynx par suite du tamponnement des naseaux ou de la partie supérieure de la trachée, la partie inférieure étant ouverte. C'est ce que Delafond a parfaitement établi dans des expériences dont j'ai été témoin. La respiration, envisagée sous le rapport de sa rapidité, du mode de succession 11. COLIN. — Physiûl. comp., 3^ édit. II. — 20 306 DE LA RESPIRATION. de ses mouvements et de plusieurs autres particularités, oiïrc diverses nuances très faciles à distinguer les unes des autres. Elle est lente, lorsque, dans un temps donné, le nombre des inspirations et des expirations est peu considérable; accélérée^ lorsque ce nombre dépasse de beaucoup le cliilïre normal. Elle est égale, si, à part les variations habituelles, les inspirations ont toutes à peu près la même étendue; irrégulière, quand des inspirations courtes alternent sans ordre avec des inspirations et des expirations prolongées. On l'appelle entre- coupée, si le premier ou le second de ces actes se fait en deux temps, comme dans le cas d'emphysème pulmonaire ; courte, si la dilatation du thorax et l'af- faissement de cette cavité sont très restreints ; profonde, si, au contraire, ces mêmes mouvements sont très étendus; haletante, si, étant très précipitée, elle s'accompagne d'un léger bruit ; sifflante, lorsqu'elle donne lieu à un bruit particulier plus ou moins aigu, comme celui du cornage du cheval; ronflante, lorsque ce bruit est sourd et prolongé, à peu près tel que le chat le fait entendre en quelques circonstances; plaintive, quand le bruit est ^expression de la souffrance, etc. IV. — Diverses formes du mécanisme respiratoire chez les vertébrés Les actes par lesquels l'air est amené dans les voies respiratoires, puis éliminé dès qu'il a servi à l'hématose, offrent de très grandes différences parmi les ani- maux vertébrés. Nous allons successivement examiner les principales chez les oiseaux, les reptiles et les poissons. Le thorax des oiseaux possède une structure qui rend son jeu sensiblement différent de ce qu'il est dans les mammifères. Les côtes de ces animaux sont entièrement osseuses; elles se composent de deux parties inégales articulées entre elles, en formant un angle à sinus antérieur. La partie supérieure la plus longue se joint solidement aux vertèbres dorsales, et porte en arrière un petit prolongement, par lequel elle s'appuie sur la côte suivante ; la partie inférieure s'articule avec le bord latéral du sternum : celui-ci, aplati de dessus en dessous et très large, donne à la fois une grande étendue à la partie inférieure du thorax, et une vaste surface d'implantation aux muscles des ailes. Les muscles abdomi- naux, les releveurs des côtes, les intercostaux, le scalène et le triangulaire du sternum, opèrent la dilatation et le resserrement des parois de cette cavité, qui n'est séparée de celle de l'abdomen que par une cloison diaphragmatique rudimentaire. Les poumons des oiseaux n'occupent que la partie supérieure de la cavité thoracique; ils sont immédiatement appliqués à la face interne des parois cos- tales et sur le corps des vertèbres dorsales. Leur surface extérieure criblée de petites ouvertures, est creusée de sillons plus ou moins profonds dans lesquels se moulent les segments vertébraux des côtes; de plus, elle laisse presque à découvert en haut et en bas les principales divisions bronchiques. Ce poumon, autour duquel il n'y a pas de plèvre, ne peut aucunement jouer sur les parois thora- ciques, ni descendre jusque sur le sternum au moment de sa plus grande expan- sion, car il est séparé du compartiment inférieur du thorax par une cloison ACTi:S MECANIQUES DE LA RESPIRATION. 3U7 m libro-inusculaii'c qui ;>ï'teiul transversalement de la l'ace interne des eûtes droites à la lace correspondante des côtes opposées ; il ne peut pas davantage se porter lioaiicoup du côté de l'abdomen, retenu dans ce sens par une deuxième cloison de même nature. Les deux cloisons qui tapissent le poumon en bas et en arrière] constituent deux diaphraguies qui prennent une part notable k l'expansion et au resserre- ment de Torgane pulmonaire. Le diaphragme inférieur, qui est très développé dans certains oiseaux, l'autruche par exemple, où Perrault l'a décrit, constitue une tente tapissant toute la face inférieure du poumon, aponévro- tique à son centre, et pourvue, à sa circonférence, de faisceaux char- nus disposés en bandelettes insé- rées à la face interne des côtes. La contraction de ceux-ci a évidem- ment pour résultat de tendre la cloison, c'est-à-dire de la rendre aussi plane que possible, et, par conséquent, d'abaisser le poumon dont la face inférieure concave y adhère intimement. Le diaphragme postérieur que Cuvier ^ a décrit dans l'autruche, et Duvernoy dans le canard, forme une cloison oblique qui sépare la cavité tlio- racique de la cavité abdominale. Il se llxe : inférieurement et dans la partie moyenne, au sternum, aux côtes et aux muscles abdomi- naux; latéralement, à la paroi in- terne de la grande cellule aérienne qu'il concourt à former, supérieu- rement autour de l'œsophage et à la colonne vertébrale par de très petits tendons. Ce dernier, qui se lixe aussi à la circonférence du foie et au péricarde, est formé par des fibres aponévrotiques et des faisceaux charnus plus ou moins apparents. Son action porte principalement sur les sacs aériens qui entourent.les viscères abdominaux. Enfin, ce qui complète l'appareil respiratoire et le diflérencie des autres verté- brés, c'est un Taste système de cellules membraneuses groupées dans le thorax FiG. 161. — Sacs aériens des oiseaux 1. Cuvier, Legom danatomie comparée, t. VII, p. 210. (*; l.l, estrémaéiutérieure des sac9 cervicaux; 2, sac iaterclaviculaire; 3 et 4, sacs intra-thuraciques 5, sac abdominal (Sappey). 308 DE LA RESPIRATION. et l'abdomeii, et de tubes coiiniuiirKjiuint avec les cavités médullaires des os, cellules et tubes pleins d'air, dans lesquels ce lluide se renouvelle de inème que dans les poumons. Les sacs aériens, dont la découverte est due à Harvcy, sont au nombre de neuf : un impair dit interclaviculaire, deux cervicaux, quatre tboraciques et deux abdominaux. Ils communiquent, d'une part avec les bronches, de l'autre, avec les canaux qui se rendent dans les os; en outre, sur quelques oiseaux, plusieurs d'entre eux s'étendent au loin sous la peau. L'air qu'on insuffle parla trachée dilate considérablement le thorax, éloigne le sternum de la colonne vertébrale, distend la cavité abdominale, et fait arriver les sacs à un volume très considérable, surtout dès qu'on vient à enlever les muscles abdomi- naux. Les plus postérieurs atteignent alors, chez les pigeons, la grosseur d'un œuf de poule ; chez l'oie et le canard ils dépassent même celle du poing. Quant aux prolongements tubuleux qui portent l'air dans l'intérieur de plu- sieurs os, ils ne sont pas moins remarquables que les cellules dont il vient d'être question. Ces prolongements, observés pour la première fois par Camper, exis- tent non seulement dans la cavité médullaire de l'humérus, mais encore dans les aréoles spongieuses du coracoïde, du sternum, des vertèbres, et, en général, de tous les os sans moelle, qui acquièrent sur le squelette une extrême légèreté et une grande blancheur. Celui de l'humérus amène l'air par une large ouver- ture dont l'entrée est garnie d'une multitude de petites brides osseuses : il établit entre cet os et le poumon une communication si libre, que les oiseaux peuvent respirer par l'humérus ouvert, bien que la trachée soit liée, ou les narines complètement obstruées. Divers expérimentateurs se sont assurés que le coq pouvait vivre ainsi plusieurs heures, et le canard plusieurs jours. Cependant, le même résultat ne s'obtient pas sur tous les oiseaux, notamment sur ceux de petite taille et qui ne sont pas encore arrivés à Fàge adulte. Je n'ai pu faire res- pirer le pigeon de cette manière : le tissu spongieux de l'humérus donne une telle quantité de sang que bientôt l'ouverture de l'os s'en trouve obstruée. Du reste, il est des oiseaux chez lesquels l'humérus ne contient pas d'air, et aucun os n'en reçoit dans le jeune âge, d'après les recherches de M. Sappey \ Cet admirable appareil respiratoire des oiseaux fonctionne suivant un méca- nisme qui difîère beaucoup de celui que nous avons examiné en ce qui concerne les mammifères. Dans l'inspiration, la dilatation du thorax s'opère suivant le sens du diamètre vertical ou vertébro-sternal de cette cavité. La dilatation transversale, si étendue dans les mammifères, est ici très faible. Lorsque la première s'effectue, l'angle que la partie supérieure et la partie inférieure des côtes forment entre elles s'ouvre plus ou moins, et le sternum s'abaisse en s'éloignant de la colonne ver- tébrale, surtout par son extrémité postérieure qui est très mobile. Ce double mouvement paraît être en partie passif et en partie actif : passif, par le relâche- ment des muscles abdominaux ; actif, par la contraction de plusieurs muscles, qui sont les scalènes, les élévateurs des côtes, les intercostaux et le triangulaire du sternum. 1. Sappey, Redœrclies sur ['appareil respiratoire des uiscauj.', Paris, 1847, in-8. ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 809 Les sralènes tirent forlenient en avant les deux premières cotes, qui sont très mobiles et dont l'extrémité inférieure ne s'articule point avec le sternum; ils meuvent les autres dans le même sens, en raison des attaches qu'ils prennent à leur surface par une très mince aponévrose. Les élévateurs des côtes qui occupent seuls la partie supérieure des espaces intercostaux peuvent, par suite de la fixité absolue de leur attache aux vertèbres, prendre une grande part au redressement des angles que forment entre elles les deux parties de chaque côte. Les intercos- taux, quoique très minces et compris dans le court espace qui existe entre le prolongement costal transverse et la jonction des deux segments costaux produi- sent un ell'et analogue à celui des précédents. Entin, le triangulaire du sternum, qui était expirateur dans les mammifères, concourt ici à l'inspiration en portant en avant les articulations par lesquelles se joignent les deux segments des côtes, articulations situées toutes sur une ligne postérieure à l'attache sternale et fixe du muscle. Ges muscles, assez grêles, du moins dans nos oiseaux domestiques, me paraissent aidés dans leur action inspiratrice par le grand dentelé, le costo- scapulaire, qui peuvent prendre un point fixe sur le scapulum, dont la mobilité est très restreinte, et par le dentelé antérieur, qui trouve, pour tirer sur les pre- mières côtes, une attache suffisamment solide au sternum et au coracoïde. La dilatation du thorax, opérée suivant le diamètre vertical par les muscles précités, ne suffit pas à produire la dilatation du poumon; la première contribue même fort peu à la seconde, car le poumon maintenu en haut de la cavité, ne peut descendre spontanément dans la partie inférieure qui seule est agrandie. Il faut donc que le diaphragme inférieur abaisse un peu cet organe. Or, ce dia- phragme, adhérent à la face inférieure et convexe du poumon, tend par sa con- traction à devenir rectiligne; mais comme, d'une part, il est excessivement faible dans la généralité des oiseaux, et, comme d'autre part, son abaissement est fort restreint, l'expansion qu'il produit dans l'organe respiratoire est assez bornée. Il en résulte nécessairement que la dilatation du thorax profite surtout aux cel- lules aériennes. Au moment de Tinspiratibn, l'air doit donc arriver dans le poumon et dans les quatre sacs intrathoraciques, mais non dans les autres couverts de parties molles. Ceux-ci, au contraire, savoirles cervicaux, rinterclaviculaire et les abdo- minaux, loin de se remplir comme les premiers, s'aflaissent dans l'inspiration et leur contenu afflue en partie dans le poumon. Lors de l'expiration, c'est l'in- verse : les sacs thoraciques se vident et les autres se remplissent, sauf peut-être ceux de l'abdomen dont la dilatation est gênée par la contraction des muscles de cette cavité. Cet antagonisme entre les deux séries de sacs, signalé par Per- rault et Méry, est, suivant M. P. Bert-, rendu manifeste par l'emploi des instru- ments enregistreurs. Mais, cet antagonisme ne me paraît pas aller aussi loin que le disent Campana et divers physiologistes. Lors de l'inspiration l'air extérieur doit être appelé à la fois dans les thoraciques et les abdominaux, seulement beaucoup plus dans les premiers que dans les seconds, puisque le thorax s'agran- dit largement, tandis que l'abdomen éprouve un simple relâchement. Au 1. V. Ben, ouvr. cité, ^.3-23. 310 DE LA RESPIRATION. moment de l'expiration Tair doit être chassé à la fois de ces deux groupes, puisque, simultanément, le thorax et l'abdomen se resserrent. L'interclavicu- laire et les cervicaux qui, à l'extérieur, n'ont rien pour les dilater ni les resserrer se trouvent seuls dans des conditions spéciales. L'expiration dans les oiseaux s'opère essentiellement par la contraction des muscles abdominaux. Lorsque ces muscles agissent, ils relèvent le sternum et le rapprochent de la colonne dorsale; ils ferment les angles que forment entre elles la partie vertébrale et la partie sternale des côtes ; en un mot, ils diminuent le diamètre vertical de la poitrine dans une proportion égale à celle de son agrandissement lors de l'inspiration. En même temps, ces muscles relèvent les viscères abdominaux, les poussent en avant et compriment les cellules aériennes qui entourent ceux-ci. Cette contraction des muscles abdominaux coïncide avec le relâchement des scalènes, des releveurs des côtes, des intercostaux, du trian- gulaire du sternum et du diaphragme inférieur, qui remonte et redevient forte- ment convexe à sa face pulmonaire. Le rapprochement qui s'effectue entre le sternum et la colonne vertébrale, le léger retrait que le poumon éprouve sur lui- même, et la compression des sacs aériens de l'abdomen, par l'action des muscles abdominaux, au moment de l'expiration, ont pour effet de chasser à l'extérieur une partie de l'air contenu dans les cellules et dans le poumon lui-même. Or, comme l'air des cellules ne peut sortir sans passer une seconde fois dans l'organe pulmonaire, il doit dans son trajet y servir encore à l'héma- tose. Il y a donc, chez les oiseaux, pendant l'inspiration, un double courant dans le poumon. D'un côté, l'air extérieur y afflue par la trachée ; de l'autre, l'air inté- rieur des sacs couverts de parties molles ou sacs extrathoraciques. Pendant l'expiration, l'air en sort et il y arrive des sacs thoraciques. D'où il suit qu'il y a constamment de l'air nouveau en circulation à travers le poumon. Aussi l'héma- tose doit-elle y être très active et continue. Elle peut aussi s'opérer dans les sacs et les canaux aériens, mais à un faible degré, car la membrane transparente qui en forme les parois est très peu vasculaire. Quant au renouvellement de l'air dans les cavités médullaires ou les spongio- sités des os, son mécanisme est assez difficile à saisir. Guvier^ pense que le fluide pénètre dans les cavités des os lors de l'inspiration, par suite de la ten- dance à la formation du vide au sein des poumons et des grandes cellules, et qu'il en sort moins facilement lors de l'expiration « au moyen de l'impulsion communiquée par l'air chassé des cellules voisines et par l'effet des change- ments de température. » Mais c'est là un point accessoire qu'il n'est pas aisé de déterminer rigoureusement, surtout sans le secours de l'expérimentation. Dans les expériences il est assez difficile de bien se rendre compte du fonc- tionnement des cellules aériennes. En examinant l'abdomen dénudé de la poule, on croit voir que les cellules, en arrière des côtes et du sternum, se dépriment un peu au moment de l'inspiration et qu'elles se gonflent lors de l'expiration, notamment lorsque l'animal jette un cri. Si on adapte un tube en arrière des 1. Cuvier, Lecojis d'cmato-mie comparée, 2' édit., t. VII, p. 207 et 212. ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 311 cotes à une cellule abdominale, on voit que l'air y est alternativement attiré et refoulé. Si l'extrémité libre de ce tube plonge dans l'eau, le liquide s'y élève pendant l'inspiration et il y descend pendant l'expiration. Conséquemment lors de l'inspiration il doit y avoir appel de l'air vers les cellules, puisque la pression y diminue — et lors de l'expiration tendance à l'expulsion, puisque la pression y augmente. En etlet, au moment où l'extrémité libre du tube aflleure le liquide on voit des bulles d'air s'en écbapper à chaque expiration. En tout cas la circu- lation de l'air parait très facile dans les tubes qui l'apportent aux os, car si on insultle de l'air par la trachée d'un coq, dont le cou est coupé vers le thorax, il sort en grosses bulles, notamment par les tubes qui montent dans les vertèbres cervicales. Le mécanisme de la respiration des reptiles va se présenter sous un aspect dilïérent de celui qui est propre aux mammifères et aux oiseaux, mais il n'est pas identique dans tous les groupes dont se compose cette classe de vertébrés. Les sauriens, tels cjue les lézards, le crocodile, qui ont un sternum et des côtes, meuvent les parois du thorax d'une manière analogue à celle des mammi- fères et des oiseaux. Leur poumon se dilate 'et s'affaisse alternativement par l'action des parois thoraciques et abdominales. Les modifications qui résultent, dans ces animaux, de la configuration du sternum, de la forme des côtes, de leurs connexions diverses et de l'absence du diaphragme, ne sont pas encore bien déterminées. Les serpents, qui ont des côtes sans sternum, respirent suivant un mécanisme fort simple. Lors de l'inspiration, les parois costales s'éloignent l'une de l'autre; les côtes qui étaient inclinées, en arrière, se portent en dehors et en avant, de manière à former un angle presque droit avec lacolonne vertébrale ; enfin elles s'écartent sensiblement les unes des autres. Par suite de ce mouvement, qui est le résultat de la contraction de plusieurs muscles étendus des vertèbres aux arcs costaux, la cavité commune est agrandie et le poumon dilaté passivement. Lors de l'expiration, les parois costales droites se rapprochent de celles du côté opposé par l'action de muscles analogues à ceux de l'abdomen et par celle d'autres muscles étendus de la face interne des côtes à la face inférieure des vertèbres ; les espaces intercostaux se rétrécissent, et les côtes reviennent à leur première inclinaison sur le rachis. La cavité qui renferme le poumon et tous les viscères, diminuant de capacité, resserre l'organe respiratoire et le force à se débarrasser d'une partie de l'air contenu dans son intérieur. Il est à remarquer que, en raison de l'extrême mobilité des côtes et du nombre de leurs muscles, l'inspiration peut, dans les serpents, agrandir considérable- ment le diamètre transversal de la poitrine, et que l'expiration est susceptible de réduire cette cavité à de très faibles proportions. Aussi le corps de ces reptiles peut-il alternativement se gonfler et se rapetisser d'une manière étonnante, comme on le voit sur les serpents irrités. Leurs expirations deviennent par mo- ment si profondes, notamment sous l'influence de certains gaz délétères, que les côtes droites viennent chevaucher par leur extrémité libre sur celles de l'autre côté. Ce sont ces expirations profondes et saccadées qui donnent lieu au siffle- ment dont le timbre est si connu. 312 DE LA BESPIRATION. Le jeu des parois costales a encore ceci de très particulier aux serpents, qu'il est restreint, en ce qui concerne la respiration, aux seules parties correspondant au poumon. Sur toute la longueur de cet organe, les côtes s'écartent et se rap- prochent alternativement, tandis que dans la partie postérieure du corps elles restent à peu près immobiles. Ainsi, sur une vipère de 70 centimètres, ayant 150 paires de côtes, le poumon, dans sa partie trachéale et vésiculeuse,a 22 cen- timètres de longueur, et répond aux 58 premières paires de côtes qui fonction- nent dans la respiration ordinaire; la partie tout à fait membraneuse de cet organe, aussi longue que la première, répond aux 54 côtes suivantes qui n'agis- sent que pour la respiration profonde de l'animal irrité ; enfin les 38 dernières, placées au delà de l'extrémité postérieure de l'organe respiratoire, restent étran- gères aux actions mécaniques de la respiration. Les côtes des serpents concourent toutes indistinctement à la progression par des mouvements semblables à ceux de l'inspiration et de l'expiration, comme nous l'avons dit ailleurs. Les batraciens, qui n'ont pas de côtes, ou seulement des rudiments très courts de ces os, ne peuvent dilater le thorax par un mécanisme analogue à celui des mammifères, des oiseaux et des reptiles pourvus de côtes et de sternum ou de côtes sans sternum. L'inspiration, dans ces animaux, a lieu par une sorte de déglutition, et l'expiration est opérée par la contraction des muscles abdomi- naux. Ainsi, chez les grenouilles et les crapauds, l'air, au moment de l'inspiration, s'introduit dans les narines et passe dans la bouche, qui s'agrandit par l'abais- sement d'un large hyoïde et d'une cloison musculaire placée entre les deux branches du maxillaire, puis cet air est chassé de là dans la glotte et les deux poumons vésiculeux, dès que l'hyoïde et le muscle intramaxillaire se relèvent pour diminuer la capacité de la cavité buccale : il ne peut alors s'échapper à travers les narines, qui se ferment par le jeu d'une petite valvule, et de plus par l'application de la langue à leur orifice interne. L'expiration, au contraire, résulte de la pression exercée sur les sacs pulmonaires par les muscles abdomi- naux. On conçoit, d'après cela, que la respiration se suspende chez les batra- ciens dès que la bouche est maintenue béante, et que, dans cet état, l'asphyxie soit inévitable, comme on le sait du reste depuis longtemps. De même on com- prend que cette fonction continue à s'opérer, en apparence, sur les animaux dont l'abdomen est ouvert et les poumons attirés hors de cette cavité, à la condition toutefois que la bouche et les narines restent libres. Seulement, dans ce dernier cas, l'élasticité du poumon étant insuffisante pour affaisser convenablement cet organe, lors de l'expiration, il se maintient à un certain degré de distension; mais son affaissement ne tarde pas à s'effectuer, d'après Dugès, si l'on vient à ouvrir la glotte. Les tortues, dont le poumon est contenu dans une cavité à parois solides et immobiles, ne peuvent respirer suivant le mécanisme le plus ordinaire. Leurs pou- mons, qui établissent une transition entre la forme spongieuse, propre aux verté- brés supérieurs, et la forme vésiculeuse particulière aux batraciens et à plusieurs autres! reptiles, offrent une disposition qu'il est indispensable de connaître pour comprendre le mécanisme respiratoire de ces animaux. Ces organes occupent, ACTES MÉCANIQUES DE LA RESPIRATION. 313 à eux seuls, touti' la partit' supérieure de la cavité de la carapace dont Tétage inférieur est rempli par h- cdHir, les viscères digestifs, génitaux eturinaires. La trachée, qui se biturque immédiatement en arrière du larynx, envoie à chacun d'eux une trachée secondaire ou une luonche se prolongeant à peu près sur toute l'étendue de leur bord interne et inférieur. Chaque trachée secondaire porte du côté du poumon correspondant une série d'ouvertures dont les plus grandes, situées en regard des principaux compartiments pulmonaires, se trou- vent bordées d'un petit pavillon cartilagineux ; enfin chaque poumon est divisé par des cloisons transversales en cinq grandes poches dans la tortue grecque. Sur les parois de ces poches existent de larges cellules incomplètes, et au fond de celles-ci des cellules plus petites, subdivisées à leur tour en cellules plus étroites encore, à peu près comme le sont les cellules aquifères du rumen et du réseau des dromadaires. Les tortues ne respirent pas, comme on l'a cru pendant longtemps, par une déglutition analogue à celle qui s'opère chez les batraciens. Ces animaux effec- tuent bien des mouvements de la gorge qui ressemblent à ceux de la déglutition, mais qui n'envoie pas d'air dans la trachée, et lorsque celle-ci est coupée en tra- vers, comme dans l'expérience faite par Panizza, l'air alternativement aspiré et exhalé par le bout inférieur met en mouvement les barliules d'une plume. En •outre, la respiration continue, comme l'a vu M. Bert, sur l'animal bâillonné ou dont la trachée -est ouverte. L'air parait appelé dans le poumon par un muscle inspirateur, tendu entre la carapace, le plastron et les membres postérieurs. Il en est chassé tant par la réaction élastique des portions libres de cet organe, que par les muscles abdominaux et par une expansion fibreuse pourvue de fibres musculaires rayonnantes situées sous le plastron. Lorsque la respiration devient un peu étendue, le cou et les pattes se dégagent de dessous la carapace pour donner plus de champ à la dilatation de l'organe pulmonaire; puis ces mêmes parties, ainsi que le dit Dugès, se reportent de nouveau sous la carapace et de- viennent, au moment de l'expiration, les auxiliaires des muscles de l'abdomen. Les actes mécaniques delà respiration, si variés parmi les animaux qui vivent dans l'air, doivent se montrer sous un type tout particulier chez ceux qui respi- rent cet air en dissolution dans l'eau. Ils n'ont, en effet, dans les poissons qu'une analogie vague avec ceux des mammifères, des oiseaux et des reptiles. L'appareil respiratoire des poissons se compose généralement de deux cavités situées sur les côtés de la tète et en arrière de la bouche avec laquelle elles com- muniquent. Dans chacune de ces cavités se trouvent des arcs osseux fixés en bas à l'hyoïde, en haut à la base du crâne. Ces arcs, isolés les uns des autres et plus ou moins mobiles, portent sur leur convexité deux feuillets membraneux etvascu- laires, découpés en lames étroites ou en petites franges plus ou moins déliées. Enfin, cet appareil est recouvert par un opercule formé de cinq pièces et lais- sant en arrière une ouverture qui fait communiquer directement la cavité bran- chiale avec l'extérieur. Le jeu de cet appareil est extrêmement simple: il comprend deux temps qui correspondent, l'un à l'inspiration, l'autre à l'expiration. Dans le premier, la bouche s'ouvre, les cavités buccale et pharyngienne se remplissent d'eau; les 314 DE LA KESPlttATION, arcs branchiaux s'écartent et se projettent, en dehors; les feuillets des bran- chies s'éloignent les uns des autres, les opercules se soulèvent; dans le second, la bouche se ferme, les arcs branchiaux se rapprochent, les opercules s'abais- sent, et l'eau qui a passé entre les branchies écarte leurs feuillets, puis s'écoule à l'extérieur par la fente operculaire. A l'aide de ce mécanisme, l'eau chargée d'oxygène vient se mettre en contact avec les nombreux xaisseaux des branchies; cette eau, sans cesse renouvelée, s'étale sur une" grande surface, car, dans la carpe, qui a, de chaque côté, quatre branchies divisées en huit feuillets, le fluide oxygéné se met en rapport avec trente-deux surfaces, et son contact est encore multiplié par les cent trente-cinq franges que Duverney a comptées à chaque feuillet, lesquelles forment un total de 2 160 découpures. L'appareil respiratoire branchial, qui n'est pas susceptible de fonctionner complètement à l'air libre, ne permet pas au poisson de vivre longtemps au sein de l'atmosphère. Les parties accessoires de cet appareil continuent bien alors à agir régulièrement : la bouche s'ouvre et se ferme alternativement, les arcs branchiaux s'écartent et se rapprochent ; les opercules s'élèvent et s'abaissent, mais les branchies, dont l'eau peut seule écarter les feuillets, les lames ou les franges, restent immobiles : ces feuillets et ces franges se tiennent appliqués les uns sur les autres. Or, ce défaut de déploiement ou de développement des surfaces branchiales à l'air libre est, d'après les expériences de M. Flourens\ la cause de l'asphyxie prompte du poisson maintenu hors de l'eau. La mort n'est, suivant ce savant physiologiste, nullement le résultat de la dessiccation des branchies, car elle survient toujours bien avant que celle-ci se soit produite. Chez certains poissons l'appareil branchial peut fonctionner longtemps hors de l'eau et permettre une absorption d'oxygène suffisante à l'entretien de la vie pendant plusieurs heures et même des journées ou des nuits entières. On sait que l'anguille peut passer une nuit sur l'herbe humide des prairies avant de revenir dans l'eau. J'en ai possédé plusieurs qui sortaient de leur bassin le soir et qui le matin se retrouvaient vivantes sur le pavé sec ou dans la poussière de la cour. J'ai vu une perche prise le matin dans la Seine vivre à sec au fond d'un panier jusqu'à quatre heures du soir : son appareil operculaire se soulevait régu- lièrement une douzaine de fois par minute à une température voisine de 0. La muqueuse des branchies n'est donc pas dépourvue delà faculté d'absorber l'oxy- gène à l'état aériforme. Tels sont, avec leurs principales variantes, les actes par lesquels l'air est amené dans les organes respiratoires, puis éliminé dès qu'il a servi à l'hématose. Ces premières opérations, mécaniques par leur résultat immédiat, étaient faciles à suivre et à analyser dans tous leurs détails, mais celles qu'il nous reste à exa- miner sont d'une nature moins accessible à nos investigations : leur étude, qui comporte des détails nombreux et diversifiés, va nous initier à la connaissance d'un ordre nouveau de faits et de résultats. 1, Flourens, Mémoires cranatomie et de physiologie comparées. Paris, 1844, p. 75. PUÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA RESPIRATION. 315 CHAPITRE LI PHÉNOMÈ.NES CHIMIQUES DE LA RESPIRATION Les actes que nous venons d'étudier ont pour but d'amener Tair dans les organes respiratoires, et de l'expulser à mesure qu'il a servi à l'hématose. Ils effectuent l'aération ou la ventilation de l'appareil respiratoire. Ceux que nous devons maintenant analyser résultent de l'action de l'air sur le sang : ce sont des actes moléculaires qui consistent dans l'absorption, la dissolution des gaz, diverses combinaisons chimiques et des échanges entre les fluides mis en présence. Ils se traduisent par des modifications de l'air et du sang qu'il faut d'abord cons- tater. I. — Changements éprouvés par l'air dans la respiration Avant que l'on connût les résultats essentiels des rapports établis entre l'air et le sang dans le poumon, on se faisait de singulières idées sur la nature intime et le but de la respiration. Les anciens croyaient que cette fonction, si impor- tante et si immédiatement nécessaire à la vie, rafraîchissait le sang, dont la chaleur avait sa source ou son foyer dans le cœur, et cette opinion eut cours jusqu'aux temps" modernes, oii elle fut encore défendue par Descartes et par Helvétius. Après la découverte de la circulation, on prétendit que l'air amené dans les organes respiratoires servait à déplisser les vaisseaux du poumon et à faciliter ainsi le passage du sang des cavités droites dans les cavités gauches du cœur. Mayow, en 1674, reconnut dans l'air un principe auquel il donna le nom de nitro-aérien, qui rougit le sang, entretient la respiration et la chaleur ani- male, principe qui rouille le fer et sert à la combustion ; Blacke vit que l'air s'épuise par la respiration et se charge d'acide carbonique ; enfin Lavoisier eut la gloire de démontrer que l'air, mis en contact avec le fluide nutritif, lui cède un de ses éléments, qu'il appela Voxygène, lequel se combine avec le carbone et l'hydrogène du sang pour former de l'eau et de l'acide carbonique. La respira- tion devint alors, aux yeux de l'illustre chimiste, une véritable combustion, point de départ de la chaleur animale. A dater de cette découverte, la respiration a été analysée dans la plupart de ses détails avec une grande précision. L'air atmo- sphérique qui s'introduit dans les cavités du poumon, où il se met en rapport avec le sang, en est éliminé après avoir subi une élévation de température, une raréfaction plus ou moins considérable, perdu de l'oxygène et reçu en compen- sation de l'acide carbonique, quelque peu d'azote, de la vapeur d'eau et éven- tuellement, certains produits volatils exhalés par la muqueuse pulmonaire. L'élévation de température dérive du contact de l'air avec les parties qu'il tra- verse, de son mélange avec celui qui se trouvait déjà dans le poumon, et des combinaisons effectuées au sein de cet organe. L'air, à mesure qu'il pénètre dans les voies respiratoires, tend évidemment à se mettre en équilibre de température avec l'air déjà introduit et les surfaces qu'il touche : il s'échauffe nécessairement si, en entrant, il se trouve à un degré inférieur à celui du corps ; il se refroidit. 316 DE LA RESPIRTATION. au contraire, s'il entre à un degré dépassant celui du poumon. Aussi, à sa sortie de l'appareil, sa température varie dans des limites assez étendues. A la tempé- rature ambiante de 0, l'air, à l'entrée des cavités nasales, est à 18, à 22. A 9 ou 10 degrés au-dessous de 0, il marque 16 à 20 à l'entrée des narines, 32 à 33 dans la partie moyenne de la trachée. A l'entrée des bronches, il n'est, dans ces (*) A, cloche renfermant l'animal en expérience; HC, appareil fournissant l'ovigène qui passe Jes bal- lons 12 dans ia cloche ; 19 el 20 appareil d'absorption du gaz acide carbonique. PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA HESI'IRATION. 31/ milieux ;i liuî^si' tciiiitératiiro, qu'à 3, 4 degrés au-dessous des parties les plus ('lunules de réconumie. A 0 on dit avoir [ioum' sur riiniiuuc 311 ;i l'air expiré qu'on pi'éteud séparer exactement de l'air inspiré. L'air qui pénètre daus le pouuiou contient près de 21 parties d'oxygène, un peu plus de 79 parties d'azote, avec 4 à o dix-millièmes d'acide carbonique, et une proportion variable de vapeur d'eau. Lorsqu'il est rejeté des cavités respira- toires, il n'a plus que 14 à 15 parties 1/2 d'oxygène, mais il est chargé d'une forte proportion d'acide carbonique 4 parties 1/3 et de vapeur d'eau; il a acquis un léger excédent d'azote et perdu de son volume, car au bout d'une heure, sa masse, respirée par un seul ou par plusieurs animaux, diminue d'un centième, d'après les expériences de Despretz. Cet air rejeté peut être représenté, d'après yi. Gréhant, comme un mélange d'un tiers d'air pur et de 2/3 d'air vicié au degré de celui qui reste dans l'organe après l'expiration. Le mélange rejeté con- tenant lo centièmes d'oxygène suppose 1 tiers d'air pur, à 21 d'oxygène et 2 tiers d'air vicié à 3 1,2 ou à 4 0/0 seulement de ce gaz. Pour apprécier les altérations éprouvées par l'air, dans la respiration, on a employé divers procédés. Lavoisier et Séguin se servaient d'une simple cloche de cafiacité connue, pleine d'air, où un petit animal était maintenu pendant un temps déterminé, cloche dans laquelle un alcali absorbait l'acide carbonique à mesure qu'il était exhalé. Allen et Pepys expérimentaient sur l'homme, il y a un demi-siècle, à l'aide de deux gazomètres : le premier, à eau, fournissant l'air des inspirations, et le second, à mercure, recevant l'air des expirations. Dulong mettait en usage un appareil renfermant les animaux, et où l'on pouvait mesurer exactement les volumes d'oxygène absorbé et d'acide carbonique exhalé. MM. Regnault et Reiset ^ ont fait leurs belles expériences au moyen d'un appa- reil fort compliqué, formé : 1° d'une cloche qui loge l'animal; 2° d'un conden- sateur d'acide carbonique; 3° d'une série de ballons fournissant l'oxygène. Pel- tenkofer a employé une chambre de 12 mètres cubes 1/2, où l'air arrive et d'où il sort mesuré au moyen de compteurs à gaz. Tous ces appareils, plus ou moins parfaits, ont l'inconvénient de ne pas isoler les altérations de l'air dues à la res- piration de celles qui résultent des fonctions de la peau et du tube digestif. Celui de MM. Andral et Gavarret consistant en trois ballons qui reçoivent les pro- duits de l'expiration sert à doser l'acide carbonique. La détermination des altérations de l'air dans la respiration a été faite, en ce qui concerne l'homme, divers animaux domestiques, les oiseaux, les reptiles et quelques invertébrés. Pour rendre les comparaisons plus faciles entre les divers animaux, quant aux quantités d'oxygène absorbé, d'acide carbonique et d'azote exhalés, on a rapporté ces quantités à 1 kilogramme du poids vif des animaux mis en expérience. L'air perd «le l'oxygène. — Lavoisier et Séguin en 1789, avaient estimé qu'un homme à jeun et en repos consomme par heure de 24 à 26 litres d'oxygène, pesant 34?'',o à 38^'', 3, et que, dans d'autres conditions, il peut en absorber jusqu'à 91'''', 2; mais leurs évaluations étaient entachées d'erreur, et 1. Regiiault et Reiset. Annales de chimie et de ph/j-iic/ue, t. XXVI. 318 DE LA RESPIRATION. l'on peut réduire au chiffre de 20 à 23 litres par licure la consommation moyenne d'un homme de taille ordinaire. En ce qui concerne les mammifères, on n'a expérimenté jusqu'ici que sur un petit nombre d'espèces. En prenant une moyenne d'après les données fournies par les divers expérimentateurs, on peut évaluer aux chiffres suivants la consom- mation d'oxygène en vingt -quatre heures pour : Le cheval, à 4250 litres. Le bœuf, à 3800 L'homme, à 600 Le mouton (50 kilogrammes), à 600 Le chien (20 kilogi-ammes), à 386 Le chat, à 90 Le lapin, à ''O Le cochon d'Inde, à 20 D'après cela, on voit que le cheval consomme une masse d'oxygène équi- valente à celle que contiennent 21 250 litres ou 21 mètres cubes 1/4 d'air; le bœuf, une masse de ce gaz contenu dans 19 mètres ; le mouton, dans 3 mètres ; le chien, dans près de 2 mètres, etc. Comme l'air sortant des poumons ne se dépouille que de 5 centièmes de cet oxygène; il en résulte que le cheval, vicie au titre de l'air expiré, 95 mètres cubes de ce fluide ; le bœuf, 85; le mouton, 12. Mais, comme l'air commence à devenir malsain lorsqu'il est dépouillé seule- ment d'un centième d'oxygène remplacé par un centième d'acide carbonique, il s'en altère à ce degré des masses quatre à cinq fois aussi grandes que celles dont il est question plus haut. Soit 430 mètres cubes pour le cheval, 384 mètres pour le bœuf, etc. Les quantités d'oxygène consommées par heure et par kilogramme de substance vivante sont, pour : grammes. Le cheval 0,553 (d'après M. Boussingault). Le bœuf 0,460 Id. Le mouton 0,774 (d'après M. Barrai). Le porc » ( — M. Boussingault). Le lapin 0,883 ( — MM. Regnault et Reiset). Le chien 1,183 Id. La poule 1,035 Id. Le canard 1.850 Id. Le moineau 9,595 Id. Le bec-croisé 10,975 Id. Leverdier 11,371 Id. La grenouille 0,090 Id. Le hanneton 1,019 Id. La quantité d'oxygène enlevée à l'air varie énormément de classe à classe et d'espèce à espèce. Pour les animaux sur lesquels on a expérimenté jusqu'ici, les oscillations de cette quantité sont comprises entre 1 décigramme et 10 grammes par kilogramme et par heure, ou entre 1 et 100. Toutes choses égales, les oiseaux sont ceux qui en consomment le plus; les mammifères et les insectes viennent ensuite, puis, et à une grande distance, les reptiles et les mollusques. Elle est d'autant plus grande proportionnellement dans les diverses classes et PnÉNOMÈNES CUIMIQUES DE LA RESPIRATION. 319 espèces, que la taille des animaux est plus petite. Ainsi, le chien consomme 2 fois, le cochon d'Inde 3 fois, la souris 22 fois autant d'oxygène que le cheval. Parmi les oiseaux, la tourterelle en consomme 3 fois 1/2 et le moineau 8 fois autant que la poule, quoiqu'il n'y ait pas entre ces oiseaux de diU'crences de taille énormes. La raison de cette consommation croissante d'oxygène, à mesure que le volume du corps se réduit, tient, suivant MM. Regnault et Reiset, à la déper- dition de chaleur croissante à mesure que la masse du corps diminue, déperdi- tion qui exige une production plus intense de calorique. Mais ce n'est là qu'une des raisons du fait, car, d'une part, l'accroissement de la consommation d'oxy- gène n'est pas exactement proportionnelle à l'augmentation de la surface du corps, et, d'autre part, cette consommation reste plus active, d'après M. Bert, chez les petits, quoiqu'ils soient maintenus dans une atmosphère à température très élevée qui exige peu de caloriUcatioa animale. La raison majeure de cette consommation si active d'oxygène chez les petites espèces, est que la machine y est montée pour fonctionner plus activement et plus vite, se mouvoir, digérer, respirer, se développer plus vite. Elle croît à mesure que l'individu approche de l'âge adulte, puis diminue à un âge avancé, surtout chez Thomme oi!i la réduction de la capacité respiratoire est très considérable dans la vieillesse. Dans l'espèce humaine, elle est plus active chez l'homme que chez la femme, chez les garçons que chez les jeunes filles. Scharling, MM. Andral et Gavarret l'ont constaté, et la différence s'explique par celle du développement des organes respiratoires. Cette consommation s'accroît sous l'influence d'une foule de causes et dans de nombreuses conditions, proportionnellement à l'activité fonctionnelle de l'animal. L'exercice musculaire e^t une des conditions qui influencent le plus la con- sommation d'oxygène. Déjà Lavoisier et Séguin avaient cru trouver que l'homme qui s'exerce à élever un poids à une certaine hauteur use presque trois fois autant d'oxygène que le même individu dans l'inaction. Prout, Vierordt, Liebig ont constaté aussi une plus grande consommation d'oxygène dans ces condi- tions. Lassaigne l'a vue sur le cheval presque doublée après une course rapide. D'autres expérimentateurs ont obtenu des résultats analogues sur de petits ani- maux ; Newport a même reconnu que le bourdon peut user vingt-sept fois plus d'oxygène pendant le vol que dans l'état de repos. La très grande activité musculaire des petites espèces est très probablement l'une des causes principales qui font que les petits animaux absorbent 8, 10 et même 20 fois plus d'oxygène que les grands. Cet accroissement dans la consom- mation d'oxygène par le fait de l'activité musculaire s'expliquera mieux quand nous analyserons les actes de la nutrition dans les organes. Il fait comprendre pourquoi les animaux qui travaillent réclament une nourriture plus abondante pour couvrir leurs pertes, et pourquoi le travail les fait maigrir vite, alors qu'ils ne sont pas abondamment nourris. Sous l'influence du travail digestif, la consommation d'oxygène s'accroît d'une manière très notable. MM. Regnault et Reiset l'ont vue augmenter dans la pro- portion de 27 à 3o sur le lapin, de 30 à 6o sur le chien, de 10 à 15 sur la poule. La difl'érence a été trouvée plus grande encore entre l'animal en digestion et celui qui souffre d'une abstinence prolongée. L'inanition fait descendre davan- 320 HE LA RESPIRATION. tage cette quantité d'ovygène absorbée, par exemple de 39 à 9 sur les grenouilles, d'après les observations de Marchand. L'engourdissement ou la léthargie des hibernants réduit dans des proportions énormes l'absorption de l'oxygène. Saissy a trouvé que le lérot et le hérisson engourdis absorbent, le premier, 34 fois, et le second 40 fois moins de ce gaz que pendant la veille, par les chaleurs de l'été. MM. Regnault et Reiset ont vu la consommation d'oxygène, par la marmotte, diminuer d'un tiers lorsque l'ani- mai cesse de manger pour se préparer au sommeil, et descendre pendant l'en- gourdissement complet à un chiffre 29 fois moindre que celui de la veille, de telle sorte qu'entre l'animal éveillé et le même animal engourdi la différence est plus grande qu'entre le chien et la grenouille. La léthargie des animaux à méta- morphoses a le même résultat : la chrysalide du ver à soie, suivant MM. Re- gnault et Reiset, absorbe dix fois moins d'oxygène que la larve. On voit donc, d'après tout ce qui précède, que la consommation d'oxygène n'est pas proportionnelle au poids des animaux, puisque 1 kilogramme de substance vivante absorbe une quantité de ce gaz variable de 1 à 10, même de 1 à 20 parmi les animaux à sang chaud, quantité d'autant plus grande que ce kilogramme appartient à un animal plus petit. Aussi, entre individus de diverse stature et dans diverses conditions, la consommation de l'oxygène est réelle- ment en rapport, non avec le poids de la substance, mais avec son activité fonc- tionnelle , comme le dit si judicieusement Milne Edwards, et il est probable que si l'on pouvait, dans l'animal, isoler le muscle du tendon, de la peau, des glandes, etc., on trouverait, à égalité de poids, des différences corrélatives à celles de l'activité de chacun de ces éléments. L'oxygène absorbé dans la respiration est destiné à la combustion du carbone et à celle de l'hydrogène. Il se trouve dans l'acide carbonique environ pour les quatre cinquièmes chez les mammifères, les six septièmes chez les oiseaux. Le cinquième qui manque à l'acide carbonique chez les premiers, et le septième chez les seconds, sont employés à la combustion de l'hydrogène ou à la formation de l'eau ; mais le rapport entre l'oxygène consommé et l'acide carbonique produit paraît varier d'espèce à espèce, surtout suivant la nature de l'alimentation et l'état de digestion ou de jeûne. Ainsi, suivant MM. Regnault et Reiset, si l'on représente par 1 000 le poids de l'oxygène soustrait à l'air, on en retrouve 745 chez le chien et 919 chez le lapin employés à la formation de l'acide carbonique. La quantité de ce gaz affectée à la combustion du carbone atteint son maximum chez les herbivores et les frugivores ; elle est au minimum chez les carnassiers dont les aliments sont moins carbonés, et chez les individus, quel qu'en soit le régime antérieur, dès qu'ils sont soumis à une abstinence prolongée. L'air se charge tracicle carl»oiiîciiie. — En même temps que l'air perd de l'oxygène, il reçoit en échange de l'acide carbonique dont on détei'mine plus facilement la proportion que celle du premier gaz. La quantité d'acide carbonique versée dans l'air par les organes respiratoires, représente environ 4 centièmes et 1/3 de l'air expiré. On la détermine par des procédés divers, soit en prenant, pour l'analyser, un échantillon d'air dans le milieu conliné où a été tenu le sujet en expérience, soit en faisant arriver les PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA RESPIRATION. 321 piûduits de rexi)ii'ation dans les ballons disposés de manière à les recueillir intégralement. Elle se trouve toujours dans un certain rapport avec celle do l'oxygène absorbé, mais dans un rapport variable, car une portion plus ou moins forte de Toxygène est destinée à la combustion de l'hydrogène et peut-être à des actions chimiques spéciales. D'après les recherches les plus exactes, notamment celles de MM. Regnault et Reiset, on retrouve dans l'acide carbonique les 74 centièmes de l'oxygène absorbé chez le chien et la marmotte, les 79 centièmes chez les moineaux, les 85 centièmes chez l'homme, les 89 centièmes chez le canard, les 91 centièmes chez le lapin, les 97 centièmes chez le cheval et le bœuf, les 98 centièmes chez les poules, et enfin la totalité et même plus chez le mouton, de telle sorte qu'on semble obligé d'admettre, chez cet herbivore, qu'une faible partie de l'oxygène des aliments s'ajoute à l'oxygène de l'air pour concourir à la formation de l'acide carbonique exhalé dans les voies respiratoires. La production de l'acide carbonique , comme l'absorption de l'oxygène cà laquelle elle est subordonnée, n'est pas également active dans toutes les classes animales et dans toutes les espèces. Elle est aussi plus ou moins abondante sui- vant la taille des animaux, les conditions physiologiques ou extérieures dans lesquelles ils peuvent se trouver. En ce qui concerne les espèces de mammifères qui ont fait l'objet de recher- ches un peu étendues, voici à quel chiffre on peut évaluer la production moyenne de l'acide carbonique par heure et par jour : Par heure. Par 24 heures. Le cochon d'Inde 1/2 litres. 12 litres. Le chat et le lapin 2 48 Le chien ]0 2-iO L'homme 16 384 Le mouton 20 480 Le porc 45 1080 Le bœuf 200 4800 Le cheval 200 4800 Les chiffres donnés pour chaque espèce ne peuvent concorder exactement, puisque les expérimentateurs n'opèrent pas sur des individus de même poids, de même âge et dans des conditions identiques. Ainsi, pour l'homme, Lavoisier, Séguin et M. Dumas estiment la production de l'acide carbonique, par heure, à 13 litres, Scharling à 17 litres, MM. Andral et Gavarret à 20 litres ; Davy l'avait même portée à 28 litres, soit en moyenne 18 litres représentant 95%4de carbone brûlé ou 219 grammes pour une période de vingt-quatre heures. Pour le cheval, M. Lassaigne a trouvé sur un individu 172 litres, sur un autre 219, et M, Bous- singault 187, soit en moyenne 200 litres représentant 111 grammes de carbone, soit en vingt-quatre heures 4 800 litres d'acide carbonique et 2 664 grammes de carbone. Par kilogramme et par heure, les petits mammifères, tels que la marmotte, le lapin, le chien, donnent en moyenne de 1 gramme à ls',20 d'acide carbonique; d'après MM. Regnault et Reiset, le mouton [^'^,[0, l'homme 0s'',43 à 0^^,60, la vache 0s'',61, le cheval 0°',77 à Os',8. Mais les oiseaux en donnent davantage : la poule l^^Sô, le canard 2s%12, les moineaux, les verdiers, le bec-croisé de 10 G, coLM. — Physiol. comp., 3'= édit. IL — 21 322 DE LA RESPIRATION. à 11 grammes. Les insectes en produisent autant que les mammifères ; les rep- tiles, tels que les lézards, grenouilles et les salamandres, huit à dix fois moins. Sa production est d'autant plus active que la taille est plus petite. D'après Letellier, dont les recherches ont été exécutées sous la direction de M. Boussin- gault, la souris, proportionnellement à sa taille, produit huit fois plus d'acide carbonique que le cochon d'Inde et vingt et une fois plus que le cheval. Le même observateur a vu des oiseaux du poids de 28 grammes produire relativement trois fois plus d'acide carbonique que d'autres du poids de 159 grammes. Voici pour les animaux domestiques les résultats détaillés obtenus, à ce sujet, par Lassaigne et M. Boussingault. Lassaigne \ en opérant sur des animaux placés successivement dans une boxe de capacité connue et parfaitement fermée, est arrivé aux résultats suivants qui peuvent se résumer ainsi : Un cheval produisait en une heure 219 litres 72 centilitres d'acide carbonique, contenant en volume 219 litres d'oxygène, et en poids 118 grammes 57 centi- grammes de carbone ; ce qui donne pour une période de vingt-quatre heures un total de 5 273 litres d'acide carbonique produit, et de 2 845 grammes de carbone brûlé. Un autre cheval exhalait par heure 355 litres d'acide carbonique à la température de -|- 15° et à la pression ordinaire, équivalant à 187^'', 10 de car- bone brûlé, soit pour vingt-quatre heures 8 521 litres d'acide carbonique pro- duit, et 4 490 grammes de carbone brûlé. Un bélier, un taureau, une chèvre, un chevreau et un chien ont donné les quantités d'acide carlwnique ci-après : ANIMAUX Volume de l'acide carbo- nique produit eu une heure. Poids de l'acide produit en une heure. Poids du carbone brûlé en une heure. Poidsdu carbone brûlé en 24 heures. Cheval litres. 219,72 271,10 55,23 21,48 11.60 i8;3i grammes. 434,82 536,77 109,35 42,53 22,96 36,25 grammes. 118,57 146,51 29,83 11,60 6,25 9,88 grammes. 2815,68 3516,24 715,92 278,40 150,00 237,12 Taureau Bélier de 8 mois Chèvre de 8 ans Chevreau de 5 mois — Chien de chasse M. Boussingault ^ est arrivé à des résultats analogues à ceux qui précèdent, à l'aide d'une méthode indirecte c[ui consiste à analyser comparativement, d'une part, les aliments consommés, d'autre part, les déjections et les produits de sécrétion éliminés par un animal dont le poids reste sensiblement invariable pen- dant le cours de l'expérience. De cette manière, on rassemble les données qui permettent de conclure, par différence, la quantité de carbone rejetée par la respiration et la transpiration. Évidemment le procédé est plus complexe que 1 . Lassaigne, Journal de chimie médicale, 1816, t. II, p. 751, 3'= série ; 1849, t. V, p. 13 et 253. 2. Boussingault, Économie rurale, t. II, p. S79. rnENOMENES CHIMIQUES DE LA RESPIRATION. 323 les autres. Il conduit ù des déterminations que le savant chimiste exprime par les chillVes suivants : ANIMAUX Cheval Vache laitière Porc de 5 mois Porc de 9 mois Mouton :)00 550 0-2.; 60 ■20 Carbone bn'ilé en 2i heures. grammes. 2540 2271 ~360 670 153 Oiygèiie consomme. litres. 1724 1224 670 1240 408 Oxygène exprimé eu air atmosphérique. litres. 22495 20144 3190 5905 1943 Aux divers âges, celte production n'est point uniforme. Ona calculé que, dans l'espèce humaine, il se produit par heure et par kilogramme du poids du corps Os'', 92 d'acide carbonique sur le petit garçon, 0,58 sur le jeune homme, 0,o[ sur l'adulte. La production d'acide carbonique varie dans des limites très étendues suivant que l'animal est régulièrement alimenté, qu'il jeune ou souffre d'une abstinence plus ou moins prolongée, qu'il est dans l'inaction ou qu'il travaille. Elle augmente ou diminue suivaiit l'âge de l'animal, l'état de veille ou de sommeil, de santé ou de maladie, suivant les heures de la journée, la température ambiante, etc. Déjà Lavoisier avait constaté, sur l'homme, que la digestion active considéra- blement la consommation d'oxygène, et par conséquent la production d'acide carbonique. Depuis, tous les expérimentateurs ont noté cet accroissement et cherché à le mesurer. Scharling l'a trouvé égal à un quart ou à un tiers de la production normale. Yingt-quatre à trente heures après le repas, E. Smith et Pettenkofer ont reconnu une réduction d'un quart, MM. Regnault et Reiset, d'un tiers sur le lapin, et de près de moitié sur des poules, M. Boussingault a trouvé aussi une réduction de moitié dans les mêmes conditions sur la tourte- relle, réduction qui s'est maintenue au même taux dans les quatre à cinq jours suivants. Bidder et Schmidt ont vu également sur le châtia production de l'acide diminuer de plus d'un tiers du cinquième au dix-septième jour de l'abstinence. J'ai constaté directement une diminution non moins forte sur le cheval et sur d'autres animaux soumis à l'abstinence prolongée, en évaluant la quantité de carbone contenue dans la masse de substance vivante que le corps perdait par chaque période de vingt-quatre heures. La quantité d'acide carbonique exhalé diminue plus encore sous l'influence de l'abstinence que la quantité d'oxygène absorbé : aussi est-on en droit de conclure qu'alors la proportion d'hydrogène brûlé est plus forte que pendant la digestion. La nature de l'alimentation influe sur l'abondance de l'exhalation carbonique. Avec l'alimentation végétale, elle est accrue, comme on le voit sur le bœuf et le cheval, oi!i presque tout l'oxygène absorbé est employé à la combustion du car- bone ; sur le lapin, la poule au régime végétal, la totalité de l'oxygène absorbé a été quelquefois convertie en acide carbonique, et le fait a paru constant sur le 324 DE LA RESPIRATION. mouton, OÙ mèine Facide carbonique a présenté une quantité d'oxygène supé- rieure à celle fournie par l'air, ce qui ferait supposer que les aliments ont dû donner l'appoint de gaz comburant. Avec l'alimentation animale l'exhalation d'acide carbonique éprouve une réduction moyenne de près d'un quart, de sorte que, dans ce cas, une quantité considérable de l'oxygène enlevé à l'atmosphère est employée à la combustion de l'hydrogène. MM. Regnault et Reiset ont cons- taté ce fait, notamment sur le chien et sur la poule nourris de viande. Il explique pourquoi la caloritication devient plus active par l'usage des aliments de nature animale, car la combustion de l'hydrogène produit beaucoup plus de chaleur que celle du carbone. Les graisses, les matières amylacées données seules, au lieu d'augmenter la quantité carbonique, la laissent, d'après E. Smith, au même taux que pendant l'abstinence. L'exercice musculaire est une des conditions qui ont le plus d'influence sur la production de l'acide carbonique. Déjà Lavoisier et Séguin ont vu qu'elle fait plus que doubler chez l'homme qui se livre à un travail modéré, entraînant une accélération du pouls et des mouvements respiratoires. Un grand nombre d'expé- rimentateurs ont constaté ce fait sur l'homme. Lassaigne ^ a trouvé aussi dans ce cas qu'elle peut même doubler sur le cheval. Ne^vport a vu sur des insectes qu'elle devient par cette cause de 25 à 27 fois plus grande que dans l'inaction. Toutefois, l'exercice n'a cet effet qu'autant qu'il ne s'approche pas trop de la limite oîi commence la fatigue. Le travail excessif très pénible fait baisser la production de ce gaz. Il importe de tenir compte de ce résultat intéressant dans l'interprétation de l'usure rapide des produits de la digestion ou des propres matériaux de l'organisme chez les animaux qui travaillent. ANIMAUX Volume d'acide carbonique à Û 76 Poids Carbone brûlé en Carbone bnilé en produit en 1 heure. de ce gaz . une heure. M heures. litres. grammes. grammes. grammes. Cheval (avant l'exercice).. 172,66 341.69 93.-38 2241,12 Le même (après l'exercice). 376,91 745,90 203,63 4887,12 Cheval f avant l'exercice).. 346,33 685,38 187,10 4490.40 Le même (après l'exercice). 381,44 754,88 206,40 4945.68 Le sommeil qui ralentit la respiration et la circulation, en faisant baisser la chaleur animale, diminue la production de l'acide carbonique d'un quart, quel- quefois d'un tiers sur l'homme, d'après Scharling; de près d'un tiers sur les oiseaux, d'après M. Boussingault. Il la réduit aussi sur les reptiles et les insectes. Il peut se faire qu'à cette influence du sommeil s'ajoute celle de l'obscurité, car Bidder et Schmidt disent avoir constaté que la perte de la vue sur les animaux inanitiés rend, pendant le jour, l'exhalation de l'acide carbonique aussi faible que pendant la nuit. On sait d'ailleurs, par ce qui arrive sur les animaux au 1, Lassaigne, Journal de chimie médicale, 1849, p. 253. PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA RESPIRATION. 325 régime de rengraissenient, que toutes les déperditions sont considérablement réduites par le fait de l'obscurité. Le sommeil hibernal ou l'hibernation doit diminuer de beaucoup la production d'acide carbonique, car nous avons vu que, dans cet état, le nombre des mouve- ments respiratoires est excessivement réduit et la production de calorique très faible. MM. Regnault et Reiset l'ont trouvée sur les marmottes engourdies vingt lois moindre que pendant la veille. Elle a paru à d'autres expérimentateurs très faible aussi sur les nymphes de divers insectes. Sous l'influence de cet état de torpeur, une forte proportion de l'oxygène absorbé est employée à la combustion de l'hydrogène, car .o6 centièmes de ce gaz seulement se retrouvent alors, d'après Lehmann, dans l'acide carbonique. Aux différentes heures de la journée, la production de l'acide carbonique a paru varier dans des limites assez étendues. Ces variations, qui rappellent celles qu'on observe chez les plantes, ne tiennent point aux mêmes causes. Elles s'ex- pliquent par la diversité des situations de l'organisme et dépendent probablement du jeûne, de la digestion, du repos, de l'exercice et du sommeil. Scharlinganoté une diminution très marquée le matin, alors que l'individu se trouvait à jeun. M. Boussingault a constaté que la tourterelle qui exhale 94 centigrammes d'acide carbonique pendant le jour, n'en donnait plus que o9 pendant la nuit. Il est à présumer que ces variations horaires se feraient remarquer sur les grands ani- maux, si leur respiration pouvait être étudiée aussi minutieusement que celle des petites espèces, Diverses conditions extérieures font aussi très notablement varier la production d'acide carbonique. L'abaissement de température l'accroît dans des proportions considérables. D'après Letellier. le cochon d'Inde, qui produit de l'acide carbo- nique dans la proportion de un demi et à la température de 38 à 40°, en donne deux à celle de l.o à 20, et trois à 0. Les mêmes variations ont été constatées sur de petits oiseaux. L'augmentation a été pour l'homme d'environ 1/6"= avec un abaissement de 24'' à 0. Mais sur les animaux à sang froid l'inverse a lieu, ce qui s'explique par la torpeur dans laquelle le froid les fait tomber. Ils brûlent très peu de carbone à une basse température et deux ou trois fois autant à une tem- pérature qui porte leur activité vitale à son maximum. On estime qu'en hiver la production moyenne de l'acide carbonique est augmentée d'un cinquième ; mais sous l'influence d'une chaleur forte, elle éprouve une baisse considérable. L'état desiccité ou d'humidité de l'air, la pression barométrique ont paru aussi à quel- ques expérimentateurs exercer sur le phénomène une influence qui n'est pas suffl- samment déterminée. Une atmosphère artificielle dans laquelle la proportion d'oxygène est doublée ou triplée, ne rend pas, d'après MM. Regnault et Reiset, plus active la production d'acide carbonique : seulement la substitution de l'hydrogène à l'azote a pour résultat de rendre plus active la combustion du carbone, ce qui est provoqué, dit-on, par l'action réfrigérante du gaz hydrogène. Divers états morbides changent la proportion de l'acide carbonique exhalé. Les maladies inflammatoires avec réaction fébrile intense ne l'augmenteraient pas, si l'on en croit Lehmann, et la réduiraient même d'une manière progressive. Cepen- 326 DE LA RESPIRATION. dant il me semble qu'on doit admettre alors une augmentation, quoique les résul- tats des expérimentateurs ne soient pas d'accord. Horn l'a notée au début des lièvres éruptives. Elle s'est élevée sur l'iiomme jusqu'à 1/3 de la production nor- male pendant les accès de fièvre intermittente, de 1/4 dans la méningite, de 1/6 dans le rhumatisme articulaire d'après Hervier et Saint-Lager. Lassaigne l'a trouvée dans la proportion de 48 à 74 dans le tétanos du cheval. Au contraire, il y a diminution dans les maladies qui accusent une dépression, un ralentissement des actions vitales, dans les fièvres avec altération du sang, dans les maladies des organes respiratoires qui donnent lieu à une gêne de l'hématose. Ainsi Hervier et Saint-Lager ont noté une réduction considérable à une certaine période de la rougeole, de la variole, une réduction de plus de moitié dans la fièvre typhoïde ; Malcolm d'un quart à un tiers dans le typhus grave de Tespèce humaine ; Han- nover de un sixième, un cinquième, un tiers dans la phthisie à divers degrés: Lassaigne a constaté sur le cheval morveux une réduction d'un quart, sur le cheval à hydrothorax une réduction des trois quarts, comme l'indiquent les chiffres suivants obtenus dans les intéressantes recherches de ce regrettable et savant professeur. ANIMAUX Volume d'acide carbonique à 0,76 produit en 1 heure. J'oids de ce gaz. Carbone brûlé en une heure. Carbone brûlé en 24 heures. Cheval à hydrothorax Cheval à tétanos litres. 94,41 570,40 281,52 grammes. 186,63 1126 557,12 grammes. 51,00 307,06 152,09 grammes. 1224,00 7382,00 3650,16 Cheval morveux Dans le choléra, où l'abaissement de température est si considérable et la dépres- sion des forces si profonde, Doyère a vu l'exhalation de l'acide carbonique se réduire proportionnellement à la gravité de la maladie, au point que l'air expiré Unissait par ne recevoir que 1 pour 100 de ce gaz au lieu de 4, comme dans les conditions normales. Li'aîr reçoit de l'azote. — Les premiers observateurs ont cru, avec Lavoisier, que la proportion d'azote demeurait invariable dans l'air respiré. Mais BerthoUet, Despretz, MM. Boussingault, Regnault et Reiset ont fait voir que l'air sort ordinairement des poumons avec une quantité d'azote un peu plus forte que celle de l'air inspiré. L'exhalation d'azote a été constatée non seulement par l'analyse de l'air, mais encore par la méthode indirecte de M. Boussingault sur le cheval, la vache, le porc, les oiseaux, etc. Elle a lieu constamment, d'après MM. Regnault et Reiset, sur les animaux dont l'alimentation habituelle est maintenue ; mais elle cesse si le régime est changé brusquement, si les animaux sont soumis à l'abstinence, s'ils hibernent et enfin s'ils souffrent pour une cause quelconque. Alors, au lieu d'une exhalation d'azote, PHÉNOMÈNES CHIMIQrES DE LA RESPIRATION. 327 il peut y avoir une absorption de ce gaz en quantité égale ù celle qui normalement est exhalée. L'exhalation d'azote est toujours faible; elle équivaut d'après MM. Regnault et Reiset, terme moyen, à moins d'un centième du poids de l'oxygène consommé. M. Boussingault l'a trouvée sur la vache et le cheval de 3 à 4 millièmes de ce poids. Elle n'a pas dépassé dans ses expériences le chiiïre de 3 à 5 grammes et demi en vingt-quatre heures sur de jeunes porcs dont l'accroissement était assez rapide. Elle est plus abondante chez les herbivores et les frugivores que chez les carnas- siers, bien que ceux-ci trouvent dans leurs aliments une proportion d'azote de beaucoup supérieure à celle qui existe dans les substances végétales. Cependant Lehmann affirme qu'avec la nourriture animale il s'exhale plus d'azote qu'avec l'alimentation végétale. On la voit s'effectuer dans un mélange d'oxygène et d'hv- drogène aussi bien que dans l'air atmosphérique, d'où il faut conclure que le gaz exhalé a sa source dans les actions chimiques dont le sang et les tissus vivants sont le foyer incessant. L'azote exhalé est emprunté à la matière alimentaire : on ne saurait admettre que dans la respiration il s'opère à la fois, comme le croyait W. Edwards, une absorption et une exhalation de ce gaz, lesquelles au lieu de se compenser exactement deviendraient, suivant les cas, tour à tour prédominantes. Li'aîi» se sattire de vapeiix» d'eaii. — En parcourant les voies respira- toires; l'air qui s'échauffe à un degré voisin de la température propre de l'orga- nisme se charge d'une grande quantité de vapeur d'eau, Sa capacité de saturation qui était très faible à zéro augmente rapidement, au point qu'il peut à -j- 36 dis- soudre sept à huit fois plus d'eau qu'à zéro pris pour terme de comparaison. Quoique l'air, comme l'a reconnu Moleschott, ne sorte pas toujours complètement saturé, on pourrait, en admettant la saturation, calculer la quantité d'eau qu'il emporte en une période de vingt-quatre heures, quantité que Dalton trouvait, d'après cette base, égale pour l'homme à environ 5 à 600 grammes. La quantité de vapeur d'eau versée dans l'air par le poumon a été évaluée chez l'homme par Lavoisier et Séguin à 7o2 grammes en vingt-quatre heures, repré- sentant d'après leurs calculs le tiers delà quantité totale qu'ils supposent enlevée par les deux transpirations réunies. D'après Barrai qui l'a déterminée à l'aide de la méthode indirecte, elle serait d'environ 63o grammes ou la moitié du pro- duit des deux exhalations. Elle s'est trouvée de o40 grammes dans les expériences de Valentin,qui a recueilli directement dans des condensateurs la vapeur exhalée. Mais on ne l'a pas encore déterminée, jusqu'ici, pour les animaux. L'abondance de la transpiration pulmonaire est subordonnée à l'état hygro- métrique de l'air, à sa température et à diverses conditions physiologiques. On sait, d'après les expériences de AY. Edwards, sur les batraciens et les petits mammifères, que l'état de l'air la fait osciller de 1 à 10 et même de 1 à 20. L'exercice l'active dans de fortes proportions, le jeûne la réduit de 37 pour 100, d'après les observations de E. Smith, et peut-être plus encore sur le cheval d'après les résultats d'expériences dont je parlerai en traitant de la nutrition et de la transpiration cutanée. La vapeur dont se charge l'air expiré provient en grande partie de la volati- lisation des fluides qui imprègnent la muqueuse des vésicules pulmonaires, des 328 DE LA RESPIRATION. bronches, de la trachée etdes cavités nasales, et de ceux qui se trouvent répandus àla surface libre de cette membrane. Elle dérive aussi, peut-être pour une fraction minime, de la combustion de l'hydrogène du sang. Cette hypothèse, proposée par Lavoisier et Laplaee, s'appuie sur ce que tout l'oxygène absorbé n'est pas employé à la formation de l'acide carbonique. Sans doute ce serait une grave erreur de croire, avec Lavoisier, Dulong, Des- pretz, que presque toute la vapeur aqueuse dont se charge l'air expiré provient de la formation de l'eau aux dépens de l'oxygène atmosphérique et de l'hydrogène du sang, car la quantité d'oxygène absorbée qui ne se trouve pas dans l'acide carbonique est insuffisante à la production de l'eau éliminée par la perspiration pulmonaire. Mais, d'un autre côté, ce serait aller trop loin que de nier d'une manière absolue, comme semblent le faire Magendie, MûUer et Bérard, la for- mation d'une certaine quantité de vapeur aqueuse aux dépens de l'oxygène de l'air et de l'hydrogène du sang. L'activité qu'acquiert la transpiration pulmonaire à la suite d'une injection d'eau dans les veines, et la persistance de cette trans- piration pendant les courts moments que les animaux peuvent passer dans un milieu dépourvu d'oxygène, ne sont pas des preuves sérieuses d'une non-combus- tion de l'hydrogène du sang. Ces deux faits, auxquels on attache tant d'impor- tance, prouvent tout simplement, selon moi, que la plus grande partie de la vapeur exhalée dans les voies respiratoires provient de l'eau du sang ; ils ne portent aucune atteinte à l'hypothèse d'après laquelle une certaine proportion de cette vapeur résulterait de la combustion de l'hydrogène du sang par l'oxygène de l'air. Cette combustion, que la plupart des physiologistes semblent repousser, comme tout à fait dénuée de fondement, me paraît extrêmement probable, d'au- tant plus que sans elle on s'expliquerait difficilement ce que devient l'hydrogène des matières dont le carbone a été brûlé par la plus grande partie de l'oxygène enlevé à l'air. D'ailleurs les recherches de M. Boussingault^, faites sur divers animaux domestiques, établissent que la respiration élimine, en une période de vingt-quatre heures, 2o grammes d'hydrogène pour le cheval, 20 grammes pour la vache, et 3 grammes pour un jeune porc. Or, comme les 200 grammes d'oxy- gène nécessaires k la combustion de ces 25 grammes d'hydrogène ne forment que 225 grammes d'eau, il est de toute évidence que cette faible quantité représente seulement une partie du liquide en vapeur dont se charge l'air dans les voies respiratoires. Le reste dérive incontestablement des vaisseaux du poumon et de la muqueuse qui tapisse les cavités aériennes. Outre ces gaz et la vapeur d'eau, l'air expiré se charge de matières organiques volatilisées, surtout aux surfaces bronchique, pharyngienne, nasale, buccale, ma- tières qui colorent en jaune l'acide sulfurique traversé par un courant d'air expiré. On y a signalé la présence de l'ammoniaque, de l'acide urique et même de divers sels contenus dans le sang et les produits de sécrétion. Ainsi, dans la respiration, l'air perd 4 à 6 centièmes de son oxygène, reçoit en échange une quantité un peu moindre d'acide carbonique, une minime quantité d"azote, et en s'échauffant se sature à peu près complètement de vapeur aqueuse. 1, Boussingault, Oiivr. cité, t. II, p. 388, PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA RESPIRATION. 329 Le tableau ci-dessous permet de résumer, en un coup d'iril, les résultats des OXYGKiN'E CONSOMMÉ CARBONE BRU LÉ ACIDE CARBONIQUE :3 t- ~ V3 JS _c ™ j= .S '5 Qj a •a -* d. '-^ yî 5 Q- wiM \rx ■a 'S a 5 'H. 1 =3 ^ 3 "rt ^1 _o — j: 1 3 ~. g ~ .2 M a. ~" ■- a O, 3 5 ~T3 3 O s gf. litres. litres. litres. g'-- g!-- gr. gr. lities. litres litres. Cheval... -IdO.OOO fl5,591 177,13 4251,60 13,272 95,02 2286,00 5,080 177,18 4282,33 0,393 Vache . . . 450,000 78,800 147,75 3456,00 M, 040 77,42 1858,00 4,128 141-,40 346o,75 0,320 Au.- 130,000 31,495 59,05 1417,30 13.577 31.67 762.00 5,080 59,06 1427,52 0.393 Porc 7.=),000 3i.,4/,4 64,58 1350,00 29,698 34,89 837,30 11,166 C5,0S 1562,12 0.867 Mouton . . 45,000 20,400 38,25 918.00 29,314 14.32 343,75 7,638 26,72 641,17 0.593 Chien.... 20.000 S, 4 il 16,57 397,86 28,392 6,31 156.42 7.621 12,15 291,76 0,607 Chat 3,500 1,431 2,89 69,36 28,475 1,13 27,12 7,748 2,12 50,88 0,605 Lapin. . . . 3.500 1,128 2,13 51,80 21,192 1,05 23,20 7,200 l;97 47,38 0,562 Poule.. . . 1,000 0,517 0.97 23.28 2',,S40 0,28 6,72 6,720 0,52 12,63 0,520 actions chimiques de la respiration sur chacun de nos animaux domesticiues.Les quantités d'air inspiré, d'oxygène consommé, de carbone brûlé et d'acide carbo- nique produit y sont calculées approximativement, d'aprèsles données expérimen- tales les plus exactes, pour une heure, et pour une période de vingt-quatre heures. Voyons maintenant les modifications que le sang éprouve parallèlement à celles-là. II. Mutations éprouvées par le sang dans la respiration Par le fait de ses rapports avec l'air dans le tissu pulmonaire, le sang éprouve divers changements physiques et chimiques. Il absorbe de l'oxygène, dégage de l'acide carbonique, de l'azote et de la vapeur d'eau, change de couleur, pendant que les proportions et les propriétés de plusieurs de ses éléments se modifient. Voyons donc comment s'effectuent les acquisitions, les pertes de ce liquide, et les changements dans sa constitution intime. Le sang- se cliarg-e tl'oxj-g'èBse «iiiî se substitue à wiie partie fie son acide carlïouiciue. — La pénétration de l'oxygène dans les vaisseaux des vésicules pulmonaires doit être, sans contestation, regardée comme le phé- nomène initial de la respiration, et celui qui entraîne à sa suite la plupart des des autres. On a beaucoup disserté jusqu'ici sur le mode d'admission de ce gaz dans le fluide nutritif à travers les parois vasculaires, sur la question de savoir s'il se met en rapport avec le sang par suite d'une absorption ou d'une pénétra- tion physique résultant d'une affinité spéciale. Rien n'est plus simple et moins difficile à saisir que ce premier acte de l'hématose. Nous savons, par ce qui a été dit ailleurs, que les gaz séparés par une membrane humide la traversent chacun de leur côté et viennent se mêler l'un à l'autre jusqu'à équilibre parfait de 330 DE l'A RESPIRATION. répartition. Nous savons, de même, qu'un gaz séparé, d'un liquide par une cloison membraneuse la pénètre et vient se dissoudre dans ce liquide, s'il y est soluble. L'acide carbonique enfermé dans une vessie humide a bientôt disparu, remplacé par de Tair plus ou moins pur. Le sang veineux et noir quiremplitune vessie ne tarde pas à prendre une teinte vermeille à mesure que l'oxygène exté- rieur parvient à traverser les parois épaisses du réservoir. II en est absolument de même dans le poumon. L'oxygène atmosphérique, séparé du sang seulement par les parois extrêmement déliées des vaisseaux qui se ramifient à la surface de la muqueuse des vésicules aériennes, traverse ces membranules minces et humides; il se mêle au sang, avec lequel il a une grande afiinilé, ainsi que beau- coup d'autres gaz. Cette aftinité est démontrée par la teinte vermeille que prend le sang noir exposé au contact de l'air, et surtout de l'oxygène pur; elle l'est encore par cette expérience de Magnus dans laquelle le sang absorbe un dixième de son volume d'oxygène, s'il est agité avec ce gaz. Il a donc là absorption réelle d'oxygène, non pas absorption dans le sens attaché autrefois à ce mot par les vitalistes, qui admettaient des bouches absorbantes douées d'une sensibilité élective, etc., mais il y a pénétration physique, endosmose, puis mélange et com- binaison du gaz avec le sang. L'absorption de l'oxygène qui peut déjà, sans doute, s'effectuer à un certain degré dans les bronches dont la muqueuse est fine, a son siège essentiel à la terminaison des divisions bronchiques dans ce qu'on appelle les vésicules pul- monaires. On sait que les dernières ramifications bronchiques se terminent en culs-de-sac, avec ou sans dilatation, culs-de-sac dont la face interne porte, d'après les obser- vations de Mandl, de petits replis circonscrivant des alvéoles microscopiques comparables aux cellules du poumon des batraciens ou à celles du réseau des ruminants. La membrane qui tapisse les culs-de sac et leurs cellules est cons- tituée par des fibres de tissu conjonctif et de tissu élastique qui soutiennent les vaisseaux étalés à sa surface libre, où ils forment même des reliefs. Cette mem- brane est couverte d'un épithélium pavimenteux, non interrompu, à couche simple, dont les cellules ont un peu plus d'un centième de millimètre de dia- mètre. Les gaz, pour entrer dans les vaisseaux ou pour en sortir, n'ont donc qu'à traverser la couche épithéliale et la paroi du capillaire qui est aussi d'une minceur extrême, et en saillie à la surface libre de la muqueuse. Peut-être même, chez les mammifères, comme cela paraît exister chez les oiseaux, les reliefs des capillaires ne sont-ils pas couverts d'épithélium afin de rendre plus facile l'accès de l'oxygène dans le sang. L'oxygène atmosphérique, pour arriver au sang, doit donc traverser une mem- brane mince, humide et couverte d'une couche épithéliale, membrane sans porosités, qui, par conséquent, ne ressemble pas aux cloisons à travers lesquelles les physiciens voient s'opérer les mélanges gazeux. La pénétration de l'oxygène à travers la muqueuse pulmonaire n'est pas une absorption simple, effectuée comme dans les autres conditions communes. L'oxygène injecté dans les plèvres, dans le tissu cellulaire, les séreuses, n'y dis- parait qu'avec une extrême lenteur, et ici sa disparition est brusque, instantanée. PHÉNOMÈNES CHIMIQUES DE LA RESPIRATION. 331 A-t-elle ce caractère par suite de l'échange opéré entre l'oxygène qui entre et l'acide carbonique qui sort? Gela est peu probable, puisque l'admission de l'oxygène n'est pas nécessairement liée au départ de l'acide carlionique, et que les quantités de gaz qui so substituent l'une à l'autre sont très variables. FiG. 163. — Moule d"un groupe de culs-de-sac respiratoires d'après Littré et Robin ('). Il ne paraît pas y avoir diffusion de gaz et échange simple de particules entre lui et l'acide carbonique comparables à ce qui a lieu entre les fluides élastiques soumis à des pressions égales et séparés par un diaphragme inorganique et poreux, échange dont les volumes, d'après la loi de Graham, sont en raison inverse des racines carrées de la densité des gaz. En effet, si les phénomènes se passaient dans le poumon, comme dans les expériences de laboratoire, les quantités d'oxygène qui entrent dans le sang et celles d'acide carbonique qui s'en déga- gent devraient être dans des rapports constants : pour un volume d'oxygène absorbé, il y aurait 0,85 d'acide carbonique exhalé, Or, d'après les recherches de MM. Regnault et Reiset, ce rapport varie de 0,62 à 1,04. D'ailleurs l'oxygène qui va entrer est libre, et l'acide carbonique qui "va sortir est en dissolution ou en combinaison : conséquemment les deux gaz ne sont pas soumis à une égale pression. Ils peuvent tendre à se mêler par l'action des forces qui président à la (*) a, bronche; b, c, d. subdivisions bronchiques terminales; g, canal commun à trois culs-de-sac respira- toires; e, f, h, i,j, k, culs-de-sac respiratoires. 332 DE LA RESPIRATION. diffusion; mais leur mélange ne s'effectue pas d'après la loi à laquelle sont soumis les gaz libres séparés par une cloison organique. L'oxygène de l'air dans cet acte initial de la respiration après avoir traversé la membrane des vésicules se dissout, dit-on, dans le sérum comme il le ferait dans l'eau, puis il passe aux globules et s'attache à leur matière colorante, de telle sorte que le sérum reprend sans cesse l'aptitude à en dissoudre de nou- velles quantités pour remplacer celles qu'il donne à l'hémoglobine, ce germe se comporte comme s'il était appelé vers le sang par une véritable affinité chi- mique. Sa tension dans l'air n'est pas la cause unique de son passage dans le sang, car, d'après les recherches de M. Bert il continue à s'absorber jusqu'à épuisement à peu près complet lorsque les animaux respirent dans une atmos- phère confinée, pourvu qu'on évite l'asphyxie en retirant l'acide carbonique au fur et à mesure de sa production. Mais la pression atmosphérique, suivantses degrés, en augmentant ou en diminuant la tension de l'oxygène, active ou ralentit l'ab- sorption de ce gaz. Aussi d'api^ès M. Bert ', le sang en contient d'autant moins qu'on s'élève davantage sur les montagnes ou dans les aérostats. Les seuls chan- gements de tension ont les mêmes résultats que les variations de pression, car, en augmentant ou en diminuant dans un air confiné les proportions d'oxygène on produit les mêmes effets qu'en augmentant ou en diminuant la pression de une ou plusieurs atmosphères. D'ailleurs, l'oxygène est absorbé par le sang comme l'est tout autre gaz soluble, leprotoxyde d'azote, l'hydrogène, l'acide sulfhydrique, etc. : son entrée coïncide avec la sortie de l'acide carbonique, mais elle n'est ni la cause, ni la conséquence de cette dernière. L'oxygène avant d'arriver au sang se dissout probablement dans le liquide dont la membrane limitante est imprégnée, et ses molécules marchent de proche en proche dans le tissu et dans le liquide, comme le font toutes les substances dissoutes que l'absorption entraine. Il se comporte dans la membrane des vésicules pulmonaires comme à la peau, au tissu cellulaire et à toutes les autres parties oîi il est susceptible d'absorption. Seulement à travers la muqueuse pulmonaire il marche très vite, puisque cette membrane jouit, en raison de sa minceur, d'une extrême perméabilité. L'absorption de l'oxygène par la muqueuse pulmonaire, par la peau, les séreuses, n'est pas un fait exceptionnel dépendant d'une organisation particulière ou de propriétés spéciales. Tous les tissus, les muscles, les glandes, le cerveau, peuvent, comme Spallanzani l'a constaté, absorber de l'oxygène, même en pro- portion assez considérable. Cet ingénieux expérimentateur dont les observations ont été confirmées par G. Liebig, Matteuci et d'autres, a vu que ces tissus res- pirent par eux-mêmes, indépendamment du sang dont ils peuvent être impré- gnés, car exsangues ou gorgés de liquides, ils absorbent sensiblement les mêmes quantités d'oxygène. lia vu aussi que l'absorption de ces gaz par les tissus est en rapport avec sa proportion dans le milieu et avec l'élévation de la température. D'après M. Bert, le tissu musculaire est celui qui respire avec le plus d'activité, les tissus de l'animal à sang chaud respirent plus que ceux de l'animal à sang l. Bert, Pression barométiiqzie, Paris, 1878. PHÉNOMÈNES CrilMIQUES DR LA RESPIRATION. 333 froid. Leur respiration s'accompagne d'un dégagement d'acide carbonique sans rapport constant avec l'oxygène absorbé ; il y a même absorption d'acide car- bonique dans les milieux très chargés de ce gaz. Et dans ces divers tissus, l'ab- sorption de ce gaz est sans aucun rapport constant avec l'exhalation de l'acide carbonique. L'absorption de l'oxygène s'effectue sur une surface qui est immense, à en juger par le nombre infmi des divisions bronchiques et des cellules pulmo- naires, surface que Haies ^ porte, dans le veau, d'après des calculs compliqués, à 289 pieds carrés; lesquels représentent, suivant mes recherches personnelles, une étendue égale à près de cinq fois et demie celle de la peau du cheval. D'après M. Marc Sée^ cette surface absorbante serait encore plus étendue. Il résulte de ses calculs basés sur le nombre des vésicules pulmonaires supposé de 809 millions et demi, leur surface devant être de 0"'", 125, que la surface res- piratoire de l'ensemble de ces vésicules doit être de 81 mètres carrés ou égale à 54 fois la surface du corps évaluée dit-on en moyenne à 1 mètre 5 carré. Cette détermination donne presque le triple de celle de Haies pour le veau (3 2 mètres). L'art admirable qui a présidé à la construction du poumon a eu pour but essen- tiel de multiplier cette surface, afin de mettre, en un instant, une masse énorme de sang en rapport avec l'air, en ne laissant entre les deux fluides que le plus faible intervalle possible. On sait, par les phénomènes ordinaires de l'oxydation, que l'action de l'air s'exerce sur les surfaces et non dans la profondeur des corps oxydables. Cette absorption est facilitée par la minceur extrême et la perméa- bilité très grande de la muqueuse des parois vasculaires ; enfin elle a lieu d'une manière continue, suivant la judicieuse remarque de Mûller, tant dans l'inspira- tion que dans l'expiration, car il y a toujours dans l'intérieur du poumon une très grande quantité d'air. L'inspiration et l'expiration ne correspondent nulle- ment à des alternatives d'absorption et de non-absorption, Le premier acte apporte, à des intervalles réglés, une certaine quantité d'air pur qui s'ajoute à la portion de cette masse chassée lors de l'expiration. L'oxygène peut ainsi péné- trer sans cesse à travers les Vaisseaux, et agir sur le sang qui traverse avec rapi- dité et sans interruptions le système capillaire du poumon. Sous quel état l'oxygène absorbé vient-il s'associer au sang, s'y dissout-il simplement ou y contracte-t-il quelque combinaison plus ou moins instable ? L'oxygène est incontestablement soluble dans le plasma sanguin ; mais, comme l'a démontré Berzelius, il ne se dissout dans le sérum qu'en très petite quantité, et d'après les expériences de M. Dumas, la fibrine, l'albumine, n'augmentent point la faculté dissolvante du liquide à l'égard du gaz vivifiant. C'est aux glo- bules que le sang doit la propriété de le dissoudre et de le retenir momentané- ment, aussi il s'en charge proportionnellement à la quantité de ces petits organes et il cesse de s'en approprier dès qu'ils ont perdu leur aptitude fonctionnelle. Les globules isolés du sérum remplacé, soit par une solution de sulfate de soude^ soit par de l'eau sucrée^ conservent aussi bien que dans leur véhicule ordinaire 1; Haies, La statique dés végétaux et celle des animaux, trad. française de Buffonet de Sauvages. Paris; 1779; p. 200. 2. Bull, de l'Acad. de 7)îédecine, t. XV, 2* série, 1886. p. 267. 334 DE LA RESPIRATION. la faculté de s'emparer de l'oxygène et de le retenir ; on les \oit alors rougir au contact de l'air et opérer les échanges de gaz. Ils sont réellement les éléments respiratoires indépendants et mobiles du liquide nutritif. Néanmoins le plasma est un dissolvant intermédiaire quileur amène leur provision de gaz, et il retient seulement, d'après Pernet, 1/25'^ de la quantité totale absorbée, soit deux volumes pour 100. Les chlorures et quelques autres sels affaiblissent son pou- voir d'absorption. Dans tous les cas, le sang le mieux oxygéné n'est pas saturé d'oxygène; il peut encore, dans les conditions expérimentales, en absorber huit à dix volumes. L'oxygène n'est pas simplement dissous dans le sang. Ce gaz est engagé apparemment dans une combinaison instable avec les globules ou quelques-uns de leurs éléments constitutifs, combinaison qui lui permet tout à la fois d'y demeurer fixe pendant le cours du trajet artériel, et de s'en séparer pour opérer les actions comburantes ou de dédoublement qui se passent principalement dans systèmes capillaires. Cette combinaison est d'ailleurs assez peu fixe pour que,, sous l'influence de l'ébullition, du vide pneumatique ou de la présence d'un autre gaz, l'oxygène se dégage sinon en totalité, au moins en très forte pro- portion. L'oxygène fixé aux globules paraît surtout associé à un de leurs éléments, la substance albuminoïde, rouge, soluble dans l'eau et cristallisable appelée hémo- globine. Cette matière, qui a une grande affinité pour l'oxygène, donne à leau dans laquelle on la dissout la propriété d'en absorber une assez forte proportion, et, chose remarquable, l'oxygène absorbé par cette solution s'en dégage comme celui du sangpar le vide et l'ébullition ; d'ailleurs, l'oxyde de carbone sesubstitue à l'oxygène qu'avait absorbé la matière colorante et contracte avec elle une com- binaison stable qu'une nouvelle quantité d'oxygène ne peut détruire. Quoi qu'il en soit, il paraît hors de doute que l'oxygène est en partie simple- ment dissous dans le sang et en partie uni assez intimement ou combiné avec les éléments constitutifs de ce liquide, cela à un degré tel qu'il faut à la fois l'action du vide, de l'ébullition, ou la présence d'autres gaz pour le mettre en liberté. La partie combinée est, d'après Fernet, cinq fois plus considérable que la partie simplement dissoute. La quantité d'oxygène dont se charge le sang, à chacun de ses passages dans le système capillaire du poumon, est déterminable par l'analyse comparative de ce liquide avant son entrée et après sa sortie du poumon. Depuis les recherches de Magnus, on s'est servi de moyens perfectionnés pour la mesurer. Les pompes à gaz imaginées par Ludwigont permis de faire le vide très rapidement, etde doser chacun des gaz dégagés par l'intervention de la chaleur et de certains agents chimiques. Dans 100 volumes de sang artériel, L.Meyera retiré 14 volumes 1/3 d'oxygène et deux équivalents d'acide carbonique, ramenés tous les deux à la température de 0 et à 1 mètre de pression. Ludwig est arrivé à peu près aux mêmes résultats; 15 volumes d'oxygène dans 100 volumes de sang artériel. Quelques observateurs en ont trouvé un peu plus, notamment Bernard qui s'est servi de l'oxyde de carbone pour mettre en liberté l'oxygène. D'après lui, le sang des artères contient, terme moyen, 18 à 20 volumes d'oxygène pour lOO. Le PHÉNOMÈNES CUIMIQUES DE LA RESPIRATION. 335 sang veineux ne renferme que la moitié de la quanlité offerte par le sang vermeil, soit 8 volumes pour 100. Solschenow, par des procédés plus parfaits encore, est parvenu à retirer 20 voUinies d'oxygène de 100 volumes de sang artériel du chien et 12 volumes de ce gaz dans 100 de sang veineux du même animal : ce sont là les proportions que M. Bert considère comme les moyennes ordinaires. Mais dans le sang artériel ù l'état normal elles oscillent entre 14 et 24 volumes. Dans tous les cas elles sont au-dessous de celles qui correspondent à la saturation du sang telle qu'on peut l'obtenir en dehors des vaisseaux. D'ailleurs les quantités d'oxygène peuvent varier beaucoup dans le sang artériel comme dans le sang veineux. On avait annoncé qu'elles diminuaient dans le sang artériel à mesure que ce liquide s'éloigne du poumon et du cœur gauche ; le fait n'a pas été sufli- samment établi et vérifié. Celte quantité augmente par le fait de la respiration dans un milieu très oxygéné, d'après les expériences de M. Bert '. Sous l'influence de diverses conditions physiologiques, cette proportion peut être modifiée. On a trouvé, par exemple, plus d'oxygène dans le sang de l'animal à jeun que dans celui de l'animal en digestion, probablement parce que dans le premier cas une moindre quantité de ce gaz est employée aux combustions inters- titielles ; le sang des divers animaux et des divers organes a paru aussi inégale- ment oxygéné, mais sur ces divers points les données exactes et comparatives font encore défaut. Sur les jeunes animaux, M. Bert n'a trouvé que 7 à 9 volu- mes d'oxygène au' sang artériel, et aussi moins qu'à l'état sain dans certaines maladies. La simple accélération des mouvements respiratoires a pour résultat d'augmenter, d'une part, la proportion de l'oxygène du sang, et d'autre part, de diminuer celle de l'acide carbonique. Le fait a été constaté par M. Bert^. Cet habile expérimentateur a montré que sous l'influence des pressions atmosphé- riques faibles ou fortes, ces proportions variaient dans des limites extrêmement étendues Ainsi, quand la pression diminue, la quantité du gaz diminue aussi, mais le sang perd relativement plus d'oxygène que d'acide carbonique. A des pressions de 36 centimètres, environ 1/2 atmosphère, le sang artériel peut, au lieu d'être chargé de 20 volumes d'oxygène, n'en contenir que 9 à 12. Il en perd en moyenne 13 pour 100 de sa proportion normale, à la pression de o6 centi- mètres, — 21 à celle de 46 centimètres, — 43 à la pression de 36 centimètres, et 50 à celle de 26 centimètres. Au contraire, à des pressions supérieures à celle de l'atmosphère, la quantité d'oxygène augmente un peu, ainsi que celle de l'azote. Cette augmentation est forte pour une ou deux atmosphères ; mais elle se ralentit beaucoup à mesure qu'on dépasse ce chiffre, comme s'il y avait, ainsi que le dit M. Bert, un point de saturation de l'hémoglobine difficile à dépasser. D'ailleurs cette saturation n'est point nécessaire à l'accomplissement des actes physiologiques, car d'après M. Bert, si dans les conditions expérimentales le sang se charge de 30 volumes d'oxygène l'animal devient malade, et il meurt à 3o volumes. A cette dose il serait toujours toxique, et agirait à la manière d'un poison convulsivant. Lors de l'asphyxie et à mesure que le sang noircit, la masse de l'oxygène artériel diminue au point qu'elle se réduit à 1 volume pour 100, soit 1. P. Bert, oiivr. cité, p. 127. 2. Bert, La pressio?i barométrique, Paris, 1878, p. 466, 652. 33(5 DE LA RESPIRATION. du io* au 2U'^ de la quantité normale. Au contraire, lorsque, comme l'a fait voir M. Bernard, la grande rapidité de la circulation ne laisse pas au sang artériel le temps de noircir à son degré ordinaire, il passe dans les veines avec la plus grande partie de l'oxygène dont il s'est chargé dans le poumon. Les diverses particularités qui se rattachent à l'absorption de l'oxygène et au passage de ce gaz dans le sang, montrent que le liquide nutritif respire pour son propre compte comme pour celui des tissus. Il est extrêmement probable que l'oxygène en dissolution dans le sérum, et l'oxygène fixé à l'hémoglobine exerce à un certain degré son action comburante sur les éléments carbonés et hydrogé- nés de ce liquide, et que, par conséquent, dans les artères le sang tende insensi- blement à noircir par le fait de la production de l'acide carbonique. Ce dernier gaz se forme effectivement dans le segment d'artère, oi!i les ligatures l'empri- sonnent : mais le sang n'y noircit pas seulement alors, par les emprunts que lui font les parois vasculaires, car dans les éprouvettes ce même sang artériel perd peu à peu de sa rutilance. D'après les recherches d'Estor et Saint-Pierre, qui n'ont pas été confirmées, l'oxygène serait si rapidement employé par le sang artériel aux combustions respiratoires que dans le court trajet du centre à l'ar- tère crurale il aurait déjà subi une perte d'un tiers. L«e i^auî^- ilég-aj^e de l'acîtle cai:*S)OHi^iés. Dans les atmosphères conlinées où, par les artifices de l'expérimentation, l'oxygène est remplacé à mesure qu'il s'épuise, la tension énorme de l'acide carbonique ambiant maintient, dans le sang et dans les tissus, une proportion croissante de ce gaz acide. Celle-ci a été trouvée quelquefois de 116 volumes pour lOÛ dans le sang artériel et de 120 pour le sang veineux \ Les combustions intra-organiques qui donnent naissance à l'acide carbonique et à l'urée sont ralenties à des températures très basses, car alors les animaux épuisent moins l'oxygène d'une atmosphère coniinée qu'ils ne le font aux tem- pératures moyennes. A ces dernières, elles peuvent, dans l'atmosphère confinée devenue mortelle, faire arriver l'acide carbonique à la proportion de 17 à 18 cen- tièmes. Mais cette somme de gaz n'a pas été produite uniformément ; car, dans l'unité de temps, l'animal qui consomme de moins en moins d'oxygène exhale de moins en moins d'acide carbonique. La durée de la vie dans l'atmosphère confinée est nécessairement en raison inverse de l'espace laissé à l'animal. Un moineau du poids de 30 grammes vit une heure et quart dans un litre d'air qu'il a rendu mortel en lui enlevant 17 à 18 centièmes d'oxygène remplacés par 14 à 16 centièmes d'acide carbonique. Pour un kilogranime de ce petit oiseau et par litre d'air, la durée de la vie ou plutôt du temps nécessaire pour rendre l'air mortel serait, d'après M. Bert, de 2 minutes, — de 6 minutes pour un oiseau plus grand. La durée de la vie pour le cochon d'Inde et le lapin serait, par kilogramme et par litre d'air, de 12 minutes. Le chat nouveau-né vivrait 4 fois aussi longtemps dans ces condi- tions que le chat adulte; la durée de la vie serait réduite de moitié parle fait de l'agitation de l'animal. 11 y a à cet égard des variations tenant à une foule de causes intérieures et extérieures. Ainsi le rat vit un peu plus longtemps que le cochon d'Inde et le lapin. 11 emploie, d'après mes observations, 15 minutes par kilogramme pour rendre mortel le litre d'air. Cette asphyxie dans l'air confiné diffère des autres par quelques particula- rités. Le malaise qu'elle provoque se fait sentir graduellement et ne parait pas très prononcé, parce qu'il coïncide avec un engourdissement progressif. 11 y a de bonne heure accélération de la respiration et des mouvements du cœur ; légère élévation de la température extérieure , inquiétude , agitation , transpiration abondante, puis ralentissement du flanc, torpeur, résolution musculaire, com- mencement d'anesthséie, refroidissement, dilatation des pupilles, et mort sans convulsions. A l'autopsie tous les tissus sont injectés et mous, les cavités car- diaques très dilatées. Faite au moment même de la mort apparente, elle montre l'irritabilité musculaire, l'excitabilité des nerfs très affaiblie. Le cœur a cessé d'agir, et si ses ventricules éprouvent encore de faibles contractions, elles ces- sent plus tôt que dans les asphyxies à marche rapide. L'asphyxie qui tient à la privation totale d'air comprend plusieurs variétés distinguées suivant qu'elle se produit dans le vide, dans l'hydrogène, l'azote, 1. Bert. Pvessio)i barométrique, p. 1001 362 DE LA RESPIRATION. les divers gaz irrespirables et par le fait de la strangulation, de la submersion, de la ligature et du tamponnement de la trachée. Dans le vide et dans les milieux dépourvus d'oxygène, cette asphyxie est assez lente chez les animaux inférieurs. Quelques insectes, d'après Biot, peuvent y vivre jusqu'à une semaine, les colimaçons plusieurs jours, selon Spallanzani, les grenouilles plusieurs heures, mais les mammifères et les oiseaux n'y vivent pas au delà de quelques minutes. Dans le vide, la inort est plus rapide que dans- les milieux non oxygénés, en raison des troubles dus à la brusque suppression de la pression atmosphérique, Aspliyxîe par occlusion tles voies aériennes. — L'aspihyxie qui résulte de la strangulation ou de l'obstruction des conduits aériens s'opère avec plus ou moins de promptitude, suivant que les voies de l'air sont simple- ment resserrées ou complètement fermées, et ainsi elle peut, quand il n'y a pas privation complète d'air, se rapprocher de l'espèce précédente. Lorsque la trachée est obstruée brusquement, la mort arrive en un temps très court, mais variable suivant les espèces. Les animaux ne semblent d'abord rien ressentir de particulier pendant cinquante à soixante secondes ; mais après ces premiers instants, ils dilatent fortement les naseaux, ouvrent la bouche, font des efforts violents pour se relever s'ils sont couchés, s'agitent vivement, éprou- vent des angoisses inexprimables, déploient toutes leurs forces pour mettre en mouvement les parois de la poitrine ; les hypocondres s'écartent l'un de l'autre, les côtes s'élèvent et arrivent aux limites de leur projection en avant ; en un mot, le diamètre Iransverse du thorax s'agrandit outre mesure, sans que cette cavité se dilate réellement. En même temps que s'opère ce simulacre d'inspiration, la pression atmosphérique déprime l'abdomen et pousse les viscères abdominaux contre le diaphragme, dont le relâchement tient lieu d'une contraction violente. Au bout de trois, quatre, cinq, six minutes d'efforts inouïs, les mouvements respiratoires cessent chez le cheval et le chien, les membres s'agitent convulsi- vement, puis s'étendent, comme cela arrive au moment de la mort que l'on détermine par effusion de sang, enfin l'animal ne donne plus aucun signe de vie. La mort survient de cette manière pour les espèces que je viens de nommer, le plus souvent de la quatrième à la cinquième minute, d'après mes expériences : elle ne peut être instantanée, car le poumon du cheval renferme toujours en moyenne de 20 à 25 Utres d'air. Ainsi, un cheval auquel j'avais obstrué la trachée vers le milieu du cou éprouva les secousses de l'agonie à la quatrième minute. A 4 minutes 1[2, les naseaux ne se dilataient plus; la langue était pendante, les pupilles dilatées. A la fin de la sixième minute, la trachée étant rouverte, il n'y eut plus de rappel des mouvements respiratoires, la carotide demeura flasque, affaissée ; elle ne laissa échapper qu'un peu de sang noir, en nappe, sans la moindre saccade. Sur un second, la mort arriva à la fin de la cinquième minute, sur un troisième, après 4 minutes 40 se- condes. Il fut impossible, par l'insufflation artificielle, pratiquée rapidement, de rappeler l'animal à la vie. La résistance n'a pas été plus grande sur d'autres animaux. Un taureau dans les mêmes conditions que les solipèdes avait, à la lin de la sixième minute, la ASPHYXIE. 363 Ijouche ouYtM'te, la langue peiidaiito, les muqueuses pâles. Une vache phthisique présenta les signes de la mort dès la fin de la quatrième minute. Un bélier dont la trachée fut tamponnée périt au bout de 6 minutes et demie, un second après 7 minutes. La désobstruction des voies aériennes ne les rappela pas à la \ie Le chien ne vit guère plus longtemps dans les mêmes conditions. Sur un pre- mier, après 6 minutes et demie d'obstruction, les biiillements et les mouvements respiratoires avaient cessé. A compter de la huitième minute, l'insufflation, pra- tiquée méthodiquement, ne put le rappeler à la vie, Un second, qui eut la trachée liée, tomba 2 minutes et demie après. A la fm de la troisième minute, les mou- vements convulsifs avaient cessé. A la cinquième il paraissait mort. A 5 minutes lo secondes, la ligature fut enlevée; la respiration se rétablit sans secours étranger; 2 minutes après l'animal était relevé. Un troisième ne donnait plus aucun signe de vie après 4 minutes et demie; le lien ne fut pas enlevé. Sur un cjuatrième, la respiration, les bâillements, les mouvements généraux, avaient cessé à la cinquième minute. A la sixième, la trachée fut désobstruée et l'insuf- flation établie méthodiquement pendant près d'une demi-heure, mais cette opé- ration ne provoqua aucun mouvement respiratoire ou autre. A l'autopsie on trouva un emphysème considérable. Le lapin meurt plus vite encore que le chien. Un premier, auquel la trachée avait été liée, to\nba après 2 minutes. Le corps était flascfue et sans mouvement à la troisième minute. Après 5 minutes l'insufflation fut sans résultat. Un autre tomba 1 minute et demie après la ligature. Tous mouvements respiratoires avaient cessé après 3 minutes et demie. La respiration artiticielle établie à ce moment ne put le rappeler à la vie; elle détermina un emphysème considérable. Les gallinacés n'ont pas montré plus de résistance à l'asphyxie que les mam- mifères domestiques. Un coq qui eut la trachée liée éprouva des secousses et un hérissement de plumes au bout d'une minute et demie. La crête à ce moment brunissait déjà. A la tin de la cinquième, les mouvements étaient tout à fait abolis, la trachée fut déliée,, mais l'animal ne revint pas à la vie. Un autre, à tra- chée oblitérée par une pince à pression continue, parut mort à la sixième minute. On ôta la pince, l'animal se releva et se rétablit. Un quart d'heure après il avait repris ses allures ordinaires. Le même, plus tard, eut de nouveau la trachée pincée. A la cinquième minute, tous les mouvements avaient cessé ; à la septième, la trachée fut désobstruée, et la respiration artificielle établie; mais cette fois le coq était bien mort. Dans l'espèce d'asphyxie dont il est ici question, le malaise résultant du non- renouvellement de l'air ne se manifeste souvent qu'au bout de 1 à 2 minutes, car la réserve contenue dans les poumons contribue encore, pendant quelques instants à l'hématose. Les 20, 30 litres d'air et plus qui restent dans le poumon du cheval, quand la trachée est liée après l'inspiration ou même après l'expiration, fournissent encore de l'oxygène pour quelques tours de circulation pulmonaire. Dans cette variété d'asphyxie les troubles de la circulation ne se produisent pas aussi rapidement que par le fait de la submersion. Le cœur, par suite des eflbrts très violents que fait l'animal, éprouve des contractions saccadées qui se suspendent par mom^ents. Le nombre de ses battements double et même triple. 364 DE LA RESPIRATION. sur le cheval, en quelques minutes. Le sang des artères blessées est lancé d'abord à une grande dislance, puis il n'est plus chassé que faiblement et par intermit- tences très irrégulières. Celui des artères noircit très \ite. Aussi si on opère sur les oiseaux à caroncules, comme les gallinacés, on voit la crête devenir violacée en une demi-minute ou une minute, et ses changements de teinte réalisent, sous une forme saisissante, l'expérience par laquelle Bichat montrait la rapidité de l'artérialisation puis de la désoxygénation du sang. Si on ouvre rapidement le thorax, aussitôt que les mouvements respiratoires se suspendent, on trouve le cœur énormément distendu, surtout dans ses cavités droites, et les veines caves gonflées outre mesure. L'organe est sous le coup d'une paralysie commençante par le fait de son extrême distension. Les systoles les plus énergiques ne chassent qu'une faible partie du contenu des ventricules dans les systèmes artériels. Bientôt même elles sont impuissantes à entretenir la circulation générale. Aussi, en quelques minutes, la presque totalité du sang s'ac- cumule dans le système veineux; le foie devient énorme, les reins noircissent ; la muqueuse intestinale, chez les carnassiers, s'injecte comme dans les congestions les plus violentes. C'est, sans contredit, dans cette forme, d'asphyxie qu'il semble le plus facile de rappeler les animaux à la vie, car le poumon est simplement le siège d'une stase sanguine; ses vésicules et ses bronches sont parfaitement libres. Cependant quelque célérité qu'on mette b l'emploi des moyens propres cà rétablir l'hématose, on échoue dans la majorité des cas. La respiration artificielle par insufflation nasale, buccale ou trachéale, — celle qu'on opère par l'écartement et le rappro- chement des épaules, par le soulèvement et l'affaissement alternatifs des hypo- chondres, ne m'ont rien donné dans une foule d'expériences, même sur les sujets où ces moyens étaient employés, à compter d'une minute et demie, 2 minutes ou 3 minutes après l'arrêt des mouvements du thorax. Il en a été de même de l'électrisation de l'ensemble du corps, des muscles du thorax et du diaphragme par les nerfs phréniques. Il y a quelquefois rappel spontané à la vie quand les voies respiratoires sont désobstruées très promptement, comme après 2, 3, 4 minutes d'oblitération, mais alors encore ce rappel n'est souvent que de courte durée. Après 2 ou 3 respira- tions, plus ou moins amples, tous les mouvements cessent d'une manière définitive. Le grand obstacle au rétablissement du mécanisme respiratoire est, dans cette forme d'asphyxie, comme dans les autres, l'arrêt de la circulation. En vain l'air est appelé dans le poumon par quelques inspirations même véhémentes ou poussé dans cet organe il ne peut artérialiser que le sang immobilisé dans le sys- tème capillaire du poumon. Ce sang stagne là ; il ne va pas stimuler les organes ; celui de toutes les autres parties ne vient point à son tour dans le poumon, puis- que les frémissemements, les secousses des ventricules sont impuissantes aie faire marcher dans ses vaisseaux. Le rappel à la vie n'est possible qu'en regard de la persistance delà circulation. Or la circulation est suspendue, quoique le cœur agisse, et elle l'est parce que les contractions de cet organe sont trop faibles pour mettre en mouvement l'énorme quantité de sang qui distend les cavités cardia- ques et les gros troncs vasculaires. ASPHYXIE. 365 Les lésions de cette asphyxie se réalisent avec une grande rapidité parce qu'elles dérivent des troul)les et de l'arrêt de la circulation : injection de toutes les muqueuses, — luméfactioii énorme du foie, — distension excessive du système ïeineux abdominal ; — congestion intestinale arrivant sur certains animaux, comme le cheval, au début de l'hémorrhagie ; — suffusions autour des ganglions mésentériques. Le poumon a seulement quelques pétéchies et son état congestif n'a rien d'excessif. A celles-là s'en ajoutent quelques autres si l'asphyxie est due à la compression de la gorge, à l'arrêt d'un bol ou d'une masse alimentaire dans le pharynx, en un mot aux diverses formes de la strangulation, de la pendaison. Dans ces cas, les lésions des récurrents, des vagues, celles qui résultent du tiraillement et des secousses éprouvées par le bulbe, expliquent les fréquents insuccès des secours donnés en temps utile. Dans le tableau suivant, qui résume une cinquantaine d'expériences, se trou- vent indiqués les moments de la chute des animaux, de la mort à compter du début de l'obturation de la trachée, etc. Les indications relatives aux grands ani- maux, notamment au cheval, sont précieuses en ce qu'elles se rapprochent beau- coup de ce qui doit se passer sur l'homme. Asphyxie par oblitération de la trachée. Nos 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 ANIMAUX MOMENT DE LA MORT OBSERVATIONS Cheval entier vi^,. Cheval vig. 8 an.. Cheval IMort à 6 m. Mort à 5 m. 30. Mort à 4 m. 50. Mort à 5 m. Mort à 6 m. 30. Mort à 6 m. - Mort à 5 m. 30. Mort à 4 m. Mort à 5 m. 30. Mort à 6 m. Mort à 5 m. Mort à 5 m. Mort à 5 m. Mort à 5 m. Mort à 5 m. Mort à 7 m. Mort à 4 m. Mort à 5 m. lu. Mort à 5 m. Mort à 4 m. Mort à 7 m. ;\lort à 6 m. Mort à 5 m. Morte à 7 m. Mort à 6 m. Mort à 8 m. Mort à 7 m. Morte à 5 m. Mort à 7 m. Morte à 6 m. Plus de puis. art. à 6 m. Thorax ouv. à 6 m. pi. deb. du cœur. A la 5" m. insuffl. pulm. sans résuit. Thorax ouv. à 8m. pi. de cont. card. Thor. ouv. à 7 m, plus de m. vent. Plus de pouls. A la 6^ m. plus debatt. du cœur. A la 5" m. plus de batt. du cœur. A 5 m. 30 plus de pouls. A 6 m. plus demouv. du cœur. A 5 m. plus de pouls. A 5 m. plus de pouls. Tombé à 2 minutes. Tombé à 3 minutes. Tombé à 2 m. 30. Tombé à 4 m. » Tombé à 3 m. Tombé à 3 minutes. )) Tombé à 3 minutes. Tombé à 4 minutes. Tombé à 3 minutes 1/2. Tombée à 2 minutes. Tombé à 3 minutes. Cheval Cheval Cheval , Cheval faible Cheval Cheval Cheval faible Cheval Cheval Cheval hongre. .. Cheval hongre. .. Cheval entier Cheval entier... . Cheval entier Cheval entier Cheval 15 ans Cheval entier Jument Cheval hongre. . . Cheval entier Jument Cheval entier Cheval hongre . . . Cheval entier Jument Cheval hongre Jument. . . .■ 366 DE LA RESPIRATION. Nos 31 33 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 78 ANIMAUX Misaient de la mort OBSERVATIONS Cheval entier Jument 18 ans.. . . Cheval entier 15 a. Cheval hongre. . . Cheval entier 15 a. Jument Mort à 4 m. 1/2. Morte à 6 m. 1/^. Mort à 7 m . Mort à 6 m. Mort à 8 m. Morte à 4 m. 1/2. Morte à 6 m. 1/2. ^Mort à 5 m. Morte à 13 m. Mort à 9 m. Mort à 11 m. Mort à 9 m. Mort à 15 m. Mort à 6 m. 45. Morte à 4 m. Mort à 7 m. Mort à 6 m. 30. Mort à 7 m. Mort app. à 5 m. Mort à 6 m. 30. Mort à 3 m. Mort à 3 m. Mort à 5 m . Mort à 3 m. 30. Morn à 3 m. Mort à 3 m. Mort à 7 m. Mort à 3 m. Mort à 3 m. Chute à 1 m. 50. Mort à 4 m. 1/2. Délié à 1 m. 30. Délié à 2 m. Délié à 2 m. Mort à 2 m. Mort à 2 m. 30. Mort à 2 m. 15. ;\Ior't app. à 1 m. 30. Mort à 2 m. 30. Mort à 5 m. Mort app. à 6 m. Mort à 6 m. Mort à 2 m. Tembée à 2 minutes 1/2. Tombé à 4 minues. » Tombé à 3 minutes. Tombée à 1 m. 10 s. Tombée à 1 minute !/-•'. Tombé à 3 minutes. Tombée à 5 minutes. Tombé à 2 minutes. Tombé à 5 minutes. Tombé à 4 minutes. Tombé à 4 minutes. A la 7e m. respir. artif. sans résuit. Trach. désobs. à 5 m. se rétablit. A la 8= m. resp. artif. uans résultat. A3 trach. désobs. ne se ranime pas. Tombé à 1 m. 1/2. Trach. désobs. à 5 m. ne seran.pas. Insuffi, pulm. sarii- résultat. Trach. désobs. ne se ranime pas. A 4 m. thorax ouv. qq. cont. ventr. » Ouvert à 4 m. 20 batt. du cœur. Tombé à 45 s. ouv. à 4 m. h. d. cœur. Trach. ouv. à 2 m. 30, se ranime. Th. ouv. à 5 m. cœur bat. Se rétablit. Ne se ranime pas. Se rétablit. A 3 m. th. ouv. batt. des ventricules. Ouvert à 3 m. 30 batt. des ventr. Th. ouv. à 2 m. 30 cœur bat. Th. ouv. à 2 m. 30 cœur bat. Ouvert à 3 rir. 15 batt. des ventr. Trach. déliée à la 5Mn. ne se ran. pas Trach. déliée à 5 m. se ranime. A 7 m. respir. art. sans résultat. Tombé à 1 m. Jument Cheval hongre. . . * Jument * Cheval entier. . . * Cheval entier. . . * Cheval entier. . . * Cheval entier. . . Taureau Vache Bélier jeune Bélier jeu ne Chien à jeun Chien adulte Chien Chat 2 mois Lapin Lapin Lapin Lapin.- Lapin adulte Lapin (strang.). . Lapin 3 mois Laprn Lapin Lapin . . Rat (strang.) Rat (strang.) Rat (strang.) Rat (strang.) Rat (strang.) Rat (strang.) Rat '^ Rat... Coq adulte Coq de 10 mois. .. Coq Pigeon Asphyxie i>ar submersion. — Cette asphyxie, quoiqu'elle résulte comme la précédente de la non-pénétration de l'air dans les voies respiratoires, en diffère à plusieurs égards : 1° par l'expulsion rapide et, conséquemraent, par la non-utilisation de l'air en réserve contenu dans l'appareil respiratoire; 2° par l'entrée, dans cet appareil, d'une certaine quantité d'eau qui, réduite en écume, met encore obstacle à l'emploi du résidu aérien et, de plus, entrave le rétablis- sement des actes respiratoires, dans le cas où l'animal sort du liquide avant l'extinction de la vie. Elle se complique aussi des troultles circulatoires et des (*) Sur les 5 animaux, 39 à 43, marqués d'un astérisque, l'oblitération s'est trouvée incomplète. ASPHYXIE. " 'Î67 pliénomènes nerveux qui résultent de l'impression de l'eau sur le larynx et à la surface du corps. Aussi elle tue dans des délais plus courts encore que l'asphyxie par privation d'air. Lorsqu'un animal non plongeur est brusquement submergé, il s'agite vivement et cherche à revenir à la surface, à se dégager du liquide dont le contact paraît, comme à l'homme, causer une impression pénible. Dès le début de ses efforts, il laisse ordinairement échapper par le nez une fusée de bulles d'air suivie à inter- valles variables d'une seconde et même d'une troisième. Les mouvements de cer- tains d'entre eux, du chien par exemple, si violents qu'ils soient, sont très bien coordonnés pendant 1 minute à 1 minute et demie. Après ce stade de réaction plus ou moins violente, les mouvements se ralen- tissent et perdent de leur énergie, le corps chavire quelquefois à la manière d'un bateau; il s'incline sur le côté ou se renverse sur le dos, la tète tantôt relevée, tantôt en bas ; puis descend lentement vers le fond de l'eau, les pupilles se dila- tent, l'instinct de conservation s'éteint, l'anesthésie se développe avec tous les signes delà mort apparente. Beaucoup d'animaux, notamment les rats, arrivent à cet état et sont au fond de l'eau en moins de 2 minutes ou tout au plus de la deuxième à la troisième minute. Pendant la période de réaction il est difticile, en présence des efforts violents que l'animal exécute, de se rendre compte des mouvements du thorax. La pre- mière fusée de'buUes d'air qui s'échappe du nez, semble indiquer une expiration qui a pu être précédée de l'introduction d'une certaine quantité d'eau dans les voies respiratoires, et que l'animal cherche immédiatement à rejeter. Ces pre- mières bulles sortent le plus souvent dans le courant de la première minute, quelquefois dans les 15 ou 30 secondes qui suivent l'immersion, ou après 40, 50 secondes et plus. Une nouvelle bordée s'échappe! minute, 1 minute et demie, 2 minutes plus tard et assez souvent une troisième immédiatement avant la chute au fond de l'eau et la cessation des mouvements généraux. Quel que soitle moment précis de l'entrée de l'eau dans les voies respiratoires, il est certain qu'elle a lieu en plusieurs fois dans les moments correspondants à la réjection de l'air, lors des inspirations isolées, irrégulières, convulsives, dans les intervalles desquelles le thorax semble absolument immobile, seulement par les cavités nasales chez les animaux à voile du palais très long, en même temps par la bouche chez ceux dont le voile palatin ne ferme pas exactement la commu- nication entre cette cavité et le pharynx. Aussi, chez ces derniers, l'infdtration pulmonaire est plus considérable que chez les autres. L'aspiration de l'eau a lieu de très bonne heure et non pas seulement comme on le croit dans les derniers moments, car si on ouvre la trachée d'un animal retiré après 1 minute ou 2 d'im- mersion, on voit de l'eau réduite en écume, qui monte et descend dans le canal. L'écume, dès ce moment, remplit les bronches et envahit les vésicules pulmo- naires ; aussi de très bonne heure le poumon est le siège d'un emphysème œdé- mateux qui continue à s'accentuer jusqu'à l'instant de la mort. Les contractions spasmodiques de la glotte et du pharynx peuvent restreindre l'aspiration et la déglutition de l'eau ; mais elles ne les entravent jamais complètement, surtout chez le chien. 11 en résulte que les voies respiratoires, indépendamment de l'eau 368 DE LA RESPIRATION. en écume, en conservent à l'état liquide qu'on peut voir sortir en tenant la tête dans une situation déclive. Bien avant la mort et avant même la chute de l'animal au fond de l'eau, les troubles fonctionnels de l'état aspliyxique sont réalisés. Si on retire le chien, le le chat, après les deux premières minutes d'immersion, alors que l'agitation cesse, l'animal a les parties superficielles du corps pâles, presque exsangues, le thorax resserré, son système musculaire est flasque et dans un état de résolution com- parable à celui du dé])utde l'anesthésie par l'éther ou le chloroforme. Le chien tremble, titube, trébuche et tombe comme une masse inerte; il peut se remettre lentement ou bien, après s'être rétabli en apparence, succomber au bout de quelques heures. Si on le tue après la constatation de son état à sa sortie, on trouve les congestions viscérales, les voies aériennes obstruées par l'écume, les suffusions, les pétéchies du poumon, l'infiltration spumeuse de cet organe qui crée un grand obstacle à l'hématose. Dans le cas où l'animal est retiré de l'eau à un moment très avancé de l'aiTes- thésie, il demeure immobile, étendu sur le sol, avec l'aspect du cadavre : seule- ment il respire et bâille, à des intervalles plus ou moins éloignés pendant cinq ou dix minutes, et le plus souvent il périt, après ces délais, sans secousses ni con- vulsions. Toutefois, à compter du moment de la mort apparente, le cœur a encore des mou- vements perceptibles pendant 4, S minutes, quelquefois plus. S'ils ne le sont pas au toucher ou à l'auscultation, ce qui est le cas ordinaire, ils peuvent l'être par une petite incision à un muscle intercostal ; mais le sang artériel est alors abso- lument noir, et il coule faiblement, sans saccades appréciables. Les animaux non plongeurs ne me paraissent vivre sous l'eau qu'un temps tout au plus égal à celui qu'ils vivraient dans l'air avec la trachée obturée. Les rats surmulots adultes que j'ai plongés dans l'eau y sont morts en une minute et demie, deux minutes, deux minutes et demie, rarement plus tard. Si, après ce temps, ils étaient retirés du liquide, ils faisaient quelquefois de légers mouve- m-ents, sans toutefois revenir à la vie. Les chiens tombent au fond du liquide de la deuxième à la troisième minute, cessent leurs mouvements d'ordinaire à la quatrième, et ne donnent plus aucun signe de vie. L'un d'eux, retiré après trois minutes et demie d'immersion, était flasque, avait la bouche ouverte, la langue pendante, les muqueuses pâles ; l'insufflation pulmonaire et les fi'ictions conti- nuées.pendant une demi-heure, ne le rappelèrent pas à la vie. L'homme qui est demeuré sous l'eau plus de quatre à six minutes ne peut probablement plus être rappelé à la vie, à moins qu'il n'ait éprouvé, dit-on, une syncope en se noyant. Les animaux plongeurs, par suite de quelques dispositions anatomiques, peu- vent passer sous l'eau, sans périr, quelques minutes de plus que les autres. Ils ont, pour la plupart, notamment les phoques et l'hippopotame, de grandes dila- tations à la veine cave où stagne le sang noir, un sphincter musculeux autour de cette veine à son passage à travers le diaphragme, sphincter dont la contrac- tion limite probablement le retour du sang noir au cœur et au poumon et le retient dans le système veineux des parties postérieures du corps; les phoques ont: en outre, dit-on, la faculté de comprimer leurs carotides dans la région ASPHYXIE. 369 hyoïdienne pour limiter l'abord du sang à l'encéphale; leurs narines, comme celles de l'hippopotame, sont disposées en anneau et se ferment exactement pen- dant toute la durée de l'immersion. Il y aurait aussi chez les cétacés, autour de l'aorte et à la base du crâne, des plexus artériels dont les usages ont été rattachés à la faculté de plonger. Quelle qu'en soit la raison, le privilège dont jouissent les plongeurs est incon- testable. Ces animaux se jettent sous l'eau volontairement, s'y meuvent sans inquiétude et ne cherchent souvent à en sortir pour respirer qu'après plusieurs minutes. J'ai vu souvent l'hippopotame du Jardin des plantes ne ramener le nez à la surface du liquide qu'à des intervalles de trente à trente-trois secondes. Gratiolet aurait compté, ce que j'ai peine à croire, quinze minutes entre deux inspirations. M. Bert affirme avoir vu le phoque demeurer immergé pendant dix minutes. La baleine, d'après Scoresby, ne vient respirer qu'à des intervalles de cinq à dix minutes, et peut se tenir sous l'eau de quinze à vingt minutes pour manger, même une demi-heure lorsqu'elle a été blessée. Mais, à part ces exceptions, les autres animaux plongeurs ne résistent à l'as- phyxie, sous l'eau, qu'un temps de bien peu supérieur à celui que peuvent y passer les espèces ordinaires. J'ai eu l'occasion d'expérimenter à plusieurs reprises sur une poule d'eau ; elle plongeait volontiers et se tenait au fond d'un bassin, sans se débattre, pendant plusieurs minutes; mais passé deux minutes et demie, elle faisait des efforts inouïs pour sortir du liquide. Après avoir résisté à des submersions de trois minutes à trois minutes et demie, elle périt à la suite de celle qui allait à près de quatre minutes. W. Edwards ' avait déjà noté que cet oiseau ne peut plonger au delà de trois minutes. Dans les expériences récentes de M. Bert ^, le rat d'eau n'a résisté que deux minutes cinquante, le goéland, le râle d'eau, quatre minutes et demie, la sarcelle et l'oie sept à huit minutes, et le canard onze minutes. Il est bien établi que les hommes qui ont acquis la plus grande habileté à plonger ne peuvent se tenir sous l'eau au delà de trois minutes. Le moment précis de la mort dans l'asphyxie par submersion n'est pas d'une détermination facile, car, d'une part, la mort est apparente avant d'être réelle et d'autre part, les grands appareils de l'économie meurent d'une manière succes- sive et à des intervalles variables. D'abord il y a perte de connaissance et insensibilité, suppression des actes réflexes indiquant la mort du système nerveux; mais ce système est simplement anesthésié; puis il y a arrêt des mouvements respiratoires qui peuvent néan- moins se rétablir si l'animal est tiré de l'ean avant que les mouvements généraux deviennent impossibles ; enfin c'est la circulation ou plutôt l'action affaiblie du cœur qui cesse en dernier lieu. En cela l'enchaînement est manifeste. La mort des centres nerveux est le début, le phénomène initial de l'asphyxie, celui dont tous les autres dérivent. Dès que le système nerveux est tué les sensations s'éteignent, les mouvements généraux cessent, puis ceux du mécanisme respira- toire et longtemps après ceux du cœur. Cette mort, dans l'ensemble de l'orga- nisme et dans chacun de ses principaux appareils, survient d'autant plus vite que 1. Mihie Edwards, t. II, p. 586. 2. P. Bert, oz^v. aïe, p. 534. G. COLIN. — Physiol. comp., 3° édit. II. — 21 370 DE LA RESPIRATION. la taille des animaux est plus réduite : la souris meurt avant le rat, celui-ci avant le chat et le chien, comme on peut le voir, par un coup d'œil sur le tableau qui termine ce paragraphe. Le rappel à la \'ie des sujets asphyxiés par submersion a été considéré comme possible même longtemps après la réalisation apparente de l'asphyxie. On a prétendu y avoir réussi après un quart d'heure, une demi-heure, trois quarts d'heure, une heure de submersion. Il me paraît, d'après ce que j'ai observé sur les animaux, qu'on s'est fait illusion à cet égard, surtout parce que les indi- vidus noyés ont lutté longtemps à la surface de l'eau avant de plonger d'une manière définitive. Dansles nombreuses expériences du tableau suivant, les ani- maux ont été retirés de l'eau, 2, 3, 4, 5 minutes après le début de lasubmersion, immédiatement après la manifestation des signes deJamort ou très peu delemps après. Chez la plupart, abandonnés à eux-mêmes, il n'y a pas eu de rappel spon- tané ; chez les autres j'ai tenté ce rappel par la respiration artificielle, par l'élec- trisation, les stimulations diverses et sans aucun succès ; sauf dans de rares cir- constances, alors que la mort était simplement apparente et datait de quelques secondes. Ces expériences dont j'ai eu l'occasion de donner les résultats à l'Aca- démie de médecine, m'ont montré qu'il n'y a rien à espérer dès que la submer- sion s'est prolongée au delà de 4, 5 à 6 minutes. On a prétendu, depuis longtemps, que la syncope éprouvée par les noyés éten- dait considérablement les délais dans lesquels le rappel à la vie est possible. Si elle joue à cet égard un rôle utile chez l'homme, je ne pense pas qu'elle en ail un chez les animaux oij d'ailleurs je n'ai jamais eu l'occasion de la constater telle quelle s'observe dans notre espèce. En tout cas l'état produit parle chloral et les anesthésiques n'a eu sur le chat et le lapin aucune influence, quant à la prolongation des délais dans lesquels le rappel à la vie est possible. La syn- cope n'en a vraisemblablement pas davantage à moins quelle ne se produise dès le début. Elle constitue d'ailleurs un élément de l'asphyxie, puisque toujours après 1, 2 ou 3 minutes de submersion les battements du cœur, sans être sus- pendus, ne sont plus perceptibles au toucher, ni à l'auscultation. L'inefficacité de la respiration artificielle, dans la presque totalité des cas, montre assez la gravité de l'état du cœur. Cette respiration, par insufflation d'air dans la trachée, que le physiologiste emploie tous les jours sur les animaux décapités et qui entretient l'action du cœur pendant des séries d'heures, même des journées entières est ici, sauf de rares exceptions, sans effet utile. L'organe dans sa partie droite est paralysé, par le fait de son extrême réplétion et il est stupéfié par le sang noir qui l'imprègne; il ne lui reste plus que cette fraction de contractilité appartenant aux muscles du cadavre dans les moments qui suivent la mort, contractilité impuissante à développer la force qui doit lancer le sang dans le système artériel. Le cœur est, en somme, dans l'état des muscles du squelette qui ne peuvent ni soutenir l'animal debout, ni même imprimer une énergique secousse à un membre^ Si la respiration artificielle a si peu de succès quand elle est opérée par une insufflation directe dans la trachée, à plus forte raison doit-elle en avoir de pro- blématiques lorsquelle est opérée par insufflation dans le nez ou dans la bouche. ASPHYXIE. 371 La masse d'écume qui remplit les voies aériennes d'une extrémité à l'autre consti- tue évidemment un grand obstacle à la réussite de ce moyen. Rien ne prouve jus- qu'ici que le s[)iropliore de M. Woillez puisse donner mieux que tous les autres modes de respiration artilicielle. Il dilate et resserre en vain la poitrine: dès que la circulation est arrêtée, le sang dispersé et immobilisé dans les dilFérentes parties du corps, ne peut point subir l'action de l'oxygène; il reste noir et con- serve ses propriétés stupéfiantes. Celui que contiennent les capillaires du poumon seul s'artérialise, mais en pure perte,, puisqu'il est retenu sur place. Ce sang du poumon, si bien oxygéné qu'il soit par l'insufflation, ne peut en rien modifier le système nerveux qui, arrosé de sang noir, a été le premier frappé demort, comme il l'est par les anesthésiques à dose excessive ou par certains poisons. Aussi, me semble-t-il très rationnel, tout en cherchant à revivifier le sang par la respiration artificielle, de recourir immédiatement aux moyens tendante ranimer l'activité du système nerveux, activité qui ferait renaître celle de tous les organes. Malheureu- sement alors, le système nerveux ne répond plus aux excitations ordinaires ; il se borne à transmettre aux muscles, pour quelques instants, les stimulations élec- triques, à peu près comme le feraient tous les tissus conducteurs de l'électricité. Les lésions de cette forme d'asphyxie ont quelque chose de particulier par l'état des parties superficielles du corps et par-celui des organes respiratoires. L'anémie des parties extérieures : peau, réseaux veineux sous-cutanés, muscles extérieurs est un fait constant qui a pour conséquence l'engouement et la turges- cence des parties centrales, notamment la distension extrême du système veineux abdominal et des cavités du cœur. Cette anémie contribue, pour une large part, au refroidissement considérable éprouvé par les couches superficielles du corps. La présence de l'eau et de l'écume dans les voies aériennes constitue la princi- pale lésion interne. L'écume plus ou moins fine obstrue les vésicules pulmonaires ; les bronches de tous calibres, la trachée, le larynx, le pharynx et les cavités nasales. Elle résulte du battage de l'air avec l'eau, le mucus, et un peu de sang qui augmente sa cohésion. Elle se déplace difficilement pour laisser passer l'air, et n'est entraînée ou résorbée qu'avec une extrême difficulté. Le chien surtout en rend beaucoup, pendant une demi-heure et trois quarts d'heure quand on par- vient à le ranimer. L'eau y est associée aussi à l'état liquide en forte proportion, car j'ai pu en recueillir 40, 50, 60 grammes sur des chiens de taille moyenne. Le tissu pulmonaire est à la fois saturé de sang, d'eau, d'écume. Il est emphysé- mateux et œdémateux, s'affaisse incomplètement, laisse échapper par l'incision un liquide spumeux, rosé, dont la quantité, au bout de quelques heures n'est pas moindre de 2 à 300 grammes sur des chiens de taille moyenne, soit environ un centième du poids du corps. Le cœur est dilaté, peut être plus que dans toutes les autres formes d'asphyxie^ à tel point qu'il fait effort sur le péricarde, néanmoins son oreillette gauche est souvent peu volumineuse et le ventricule de ce côté presque vide. Les veines caves sont distendues au maximum ^ La distension outrée de cet organe est bien une des causes principales de la paralysie cardiaque, car si le thorax est ouvert li Bull, de l'Académie de Me'decine, t. \', 2' série, 1876, p. 751. 372 DE LA RESPIRATION. avant l'extinction complète des frémissements du cœur, les mouvements de l'or- gane reprennent de l'énergie sous l'influence d'une émission sanguine. J'ai vu dans un cas sur le chat, la saignée ranimer les contractions après 25 minutes, à compter du début de l'asphyxie. Quant aux autres lésions, elles sont, pour la plupart, communes à toutes les asphyxies. Il y a congestions internes excessives, turgescence du foie, de la rate, des reins, replétion du système de la veine porte. La vessie a retenu son con- tenu. Le sang est noir, grumeleux, liquide, ou incomplètement coagulé en masses diffluentes ; son sérum est devenu rougeâtre par la dissolution d'une partie de l'hémoglobine, etc. Dans le tableau suivant sont indiqués, avec les moments de la mort apparente ou réelle, les résultats obtenus par le simple repêchement, la respiration artifi- cielle, les excitations galvaniques, etc. Asphyxie par submersion. ANIMAUX Ghien terrier, ad. àjeun. Chien adulte, en digest. Cliien à jeun Chien en digestion Chien de chasse Chat adulte Chatte adulte Chat âgé de 3 mois Chat de 3 mois Chat de 3 m. 1/2 en dig . Chatte adulte chlorairs. Lapin adulte Lapin de 3 mois Lapin de l'année Lapin en digest. anest. Lapin '. Lapin pes. 1700 gram. . Lapin de 3 mois Lapin Rat surmulot Rat Rat , Rat surmulot adulte. . . Rat surmulot adulte. . . Rat surmulot Rat albinos Rat albinos Rat surmulot = ... Rat albinos Rat adulte Rat adulte Rat albinos Rat albinos Rat albinos jeune Rat adulte Rat albinos Rat albinos (eau à 35). Rat surmulot Rat surmulot MOMENT DE LA MORT 3 m. 30 s. Mort app. ap. 4 m. Mort app.ap.2m.l/2 Mort après 5 m. JMort après 4 m. Après 3 m. Mort app. ap. 2 m. Mort à 3 m. Mort après 3 m. Mort après 3 m. Meurt ap. 3 m. 1/2. Mort ap. 4 m. 1/2. Mort après 8 m. Mort après 3 m. Mort ap. 3 m. 30. Meurt ap. 5 m. Mort ap. 1 m. 1/2, Mort ap. 3 m. Mort ap. 2 m. Mort app. ap.2m.l5 Mort app. ap. 1 m. 35 Mort ap. ] m. 15. Mort app. ap. 4 m. Mort app. ap. 1 m. Mort app. ap. 3 m. 30 Mort app. ap. 2 m. 30 Mort ap. 2 m. 30. Mort après 3 m. Mort après 3 m. Mort ap. 3 m. 20. Mort ap. 2 m. 50. Mort ap. 3 m 25. Mort ap. 1 m. 30. Mort ap.2m. 30. Mortap. 2 m. 30. Mort ap. 3 m. Mort ap. 1 m. 30. Mort ap, 1 m. 40, OBSERVATIONS Les mouv. ont cessé après 2 m. Retiré ap. 4 m. ne se ranime pas. Ret. ap. 3 m. ne se ranime pas. 5 m. ap. la mort, cont. fib. d. vent. Resp. artif à la 5*= m. s. résultat. Ret. ap. 3 m. ne se ranime pas. Ret. ap. 2 m. se ranime. Ret. ap. 3 m . ne se ranime pas. Retiré ap. 3 m. ne se ranime pas. Qq.mouv. hors de l'eau ret. ap. 3 m. Tiré de l'eau ne se ranime pas. Tiré de l'eau ap. 4m. neseran.pas Ne se ranime pas. Ne se ranime pas. Elect. ap. 4 m. sans résultat. Electr. sans résultat. Ret. ap. 3 m. ne se ranime pas. Retiré, ne se ranime pas. Ret. ap. 2 m. ne se ranime pas. Ret. ap. 6 m. ne revientpas. Ret. ap. 1 m. 1/2, se ranime. Ret. après 2 m. ne seran. pas. Ret. ap. 3 m. 30, ne se ran. pas, Ret. de l'eauap. 3m, ne se rev.pas Ret. ap. 4 m. élect.ne rev. pas. Elect. ap. 4 m. ne se ranime pas. Quelq. mouv. resp. ne se ran. pas Retiré, ne se rétablit pas. Ret. ap. 4 m. ne se ranime pas. Ret. ap. 1 m. 30 ne se ran. pas. Simples cont. fib. des vent. Poitr. ouv. 3» minute. ASPHYXIE. 373 é _o Z 40 41 4-2 43 41 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 ANIMAUX MOMENT DE LA MORT 1 OBSERVATIONS Hat sui'imilol Rat albinos, 5 mois.... Rat surmulot p. adulte. Ratalbin.p. adulte Souris .Mort ap. I m. 30. Mort ap. 2 m. 32. .Mort ap. 2 m. Mort ap. 2 m. 45. Morte ap. 1 m. Morte ap. 1 m. Morte ap. 1 m. Morte ap. 1 m. 30. Morte ap. 1 m. 30. Morte ap, 1 m. Morte ap. 2 m. 30. Mort ap. 2 m. Mort à 1 m. 30, Mort ap. 1 m. 15. Morte ap. 5 heures. Morte ap. 9 heures. Ret. de l'eau fin de la 3° m. Tombé au fond après 1 m, tombé au fond à 1 m. 1/2. Ret. ap. 1 m. élect. neseran. pas. Ret. ap. 2 m. ne se ranime pas. Ne se ranime pas. Ne se ranime pas. Ouvert aussitôt, le cœur bat. Retiré aussitôt, ne revient pas. Ouv. le cœur bat. Th. ouv. à 2 m. plus de batt. Elect. après 2 m. sans res. Souris Souris Souris Souris Souris Souris jeune I^Ioineau jeune Moineau Pio-eon Grenouille Grenouille Tortue Asphyxie i»ai* raréfaction «le Fair. — C'est celle qui se produit à des hauteurs considérables, sur les montagnes et dans les aérostats. Elle est nécessairement compliquée des effets qui résultent de la diminution de la pres- sion atmosphérique et de l'abaissement de la température. Lorsque l'homme fait l'ascension d'une montagne, il éprouve généralement, à partir d'une altitude de 4000 mètres un malaise plus ou moins prononcé : oppression, respiration pénible, fatigue générale et particulièrement des membres qui l'oblige à s'arrêter à tout instant pour reprendre haleine, céphalalgie, ver- tiges, bourdonnements d'oreilles, palpitations, défaillances, nausées, vomisse- ments, épistaxis, saignement des gencives, somnolence, besoin irrésistible de dor- mir tellement prononcé que parfois on s'endort même en marchant. La peau pâlit dans l'ensemble du corps, les lèvres bleuissent, les veines superficielles se gon- flent, le pouls s'accélère et dévient petit. Ce malaise, dit mal de montagne, est tantôt passager, d'autrefois d'une durée de plusieurs heures, même de plusieurs jours. A des hauteurs plus grandes 7, 8, 9 mille mètres dans les ballons, le malaise s'accentue d'avantage, la face devient violacée, la vue se trouble, l'oppression est extrême, la tendance au sommeil devient invincible ; la faiblesse, voisine de la paralysie est si prononcée que les bras se soulèvent avec peine pour se por- ter à la bouche ou déplacer un objet; il y a insensibilité, perte de connaissance, assoupissement, hémorrhagies nasale, pulmonaire et autres. Les mêmes effets ont été observés sur les animaux, notamment sur les che- vaux, les mulets qui servent de montures dans les ascensions sur les montagnes. On les a constatés quelquefois sur les chiens, les oiseaux, dont les ascension- nistes se font accompagner. Ces animaux ont la respiration haletante et plain- tive ; ils cherchent à s'arrêter et à se coucher ; ils tremblent et s'abattent lourde- ment si on refuse de les laisser en repos. Il faut les frapper sans cesse pour les contraindre à avancer. Ils ne peuvent, sans grands efforts, porter les fardeaux qui ne les fatiguent pas dans les plaines et aux basses altitudes. Quelquefois, dit 374 DE LA RESPIRATION. M. Boussingault, on en voit tomber sur les hautes montagnes des Andes dans un état voisin de l'asphyxie. Les mules s'abattent quelquefois et meurent en gra- vissant les hauteurs. Les pigeons, dans l'ascension de Glaysher, jetés hors du ballon, ne se soutenaient que difficilement à 5 000 mètres. A 6 400, ils tourbil- lonnaient en descendant et, à 8 000, tombaient comme des corps lourds. L'un d'eux mourut dans sa cage, probablement asphyxié. Au delà de 8 000 mètres, dans les aérostats, les phénomènes asphyxiques les plus caractérisés peuvent se produire concurremment avec ceux qui résul- tent de la diminution de la pression atmosphérique. L'aéronaute devient inca- pable d'aucun effort ; il peut à peine mouvoir ses membres et se déplacer, tombe dans l'assoupissement, perd connaissance, sa sensibilité s'émousse et s'éteint, sa bouche se remplit d'écume sanguinolente, et il peut mourir dans des délais assez courts. Mais à des altitudes moyennes de 3 à 4 .oOÙ mètres, l'homme et les animaux s'habituent à vivre sans trop de peine. L'homme se livre à des exercices pénibles, à la course et à la danse. Sur les hauts plateaux du Mexique, les che- vaux traînent de lourds fardeaux. Les taureaux y sont très aptes aux combats dans lesquels les nouveaux venus n'ont aucun succès. Néanmoins ces animaux y souffrent beaucoup plus qu'au niveau de la mer par les fortes chaleurs. Au Mexique, déjà à 3000 mètres, les chiens nouvellement importés ne peuvent point chasser le lièvre, que leurs petits, acclimatés, poursuivent cependant avec avantage. Aux altitudes limites pour l'habitat de l'homme et des animaux, tous subis- sent des modifications fonctionnelles qui se traduisent à la longue par des acci- dents ou des états morbides plus ou moins graves. Au Mexique, d'après Jour- dannet, l'anoxyhémie est un fait ordinaire dont la physiologie donne parfaitement la raison. Dans les Andes, les Indiens à large poitrine et les lamas résistent assez bien à l'influence de l'altitude, mais tous les autres en sont impressionnés. La fatigue les expose souvent à des conséquences très graves. Ils ne peuvent porter d'aussi lourds fardeaux ni parcourir d'aussi longs trajets qu'au niveau de la mer ; le surmenage a pour eux des effets désastreux. En 1817, on a vu périr dans une traversée des Andes, à 4 300 mètres, plus de mille chevaux et de quatre mille mulets. Une partie de ces animaux suffoquaient, s'ils étaient chargés et contraints à des marches précipitées. Les plus forts étaient ceux qui périssaient le plus vite. Certains accidents ont paru assez communs sur eux ; ainsi, les hémorrhagies nasales sur les mulets ; — les vomissements de sang, signalés par de Humboldt sur les bœufs pourchassés à des hauteurs de 6 à 7 000 mètres ; — les indiges- tions sur les solipèdes, avec météorisation plus ou moins prononcée'; — les ver- tiges, la lipothymie, qu'on attribue à l'anémie cérébrale ; — les affections des voies respiratoires et les convulsions, l'épilepsie, les paralysies, qui abrègent l existence des petites espèces; — les hémorrhagies des centres nerveux qui, dit-on, les tuent subitement, derniers accidents qui rendent la limite des neiges perpétuelles inhabitable pour le chat et le chien. Les troubles fonctionnels et les accidents qui se produisent dans les ascen- sions ne commencent à se manifester qu'à partir de 3 à 4 000 mètres ou à une 1, LigLiistin. Journal de méd, vUcrin, miUt., t. III, ASPHYXIE. 375 pression barométrique de 4U à 45 centimètres : ils se font sentir plutôt dans les régions tempérées que sous les tropiques, car le froid contribue à les faire naître et à les aggraver. C'est à la zone des neiges perpétuelles qu'on commence à les voir se dessiner, c'est-à-dire à 2 700 mètres dans les Alpes, et à 4800 dans les Andes. Très probablement ces troubles et ces accidents ne se font pas sentir au même degré chez les espèces qui séjournent ou qui s'élèvent momentanément aux plus hautes altitudes habitées. Ils paraissent devoir être peu sensibles chez les ani- maux domestiques qui passent une saison sur les plateaux du Thibet, à o 000 mè- tres, chez les lamas, les vigognes, qui vivent en troupes à la même altitude dans les Andes, chez le condor, qui s'élève, dit-on. par moments, à la hauteur de 7 000 mètres, où la pression barométrique est réduite à 32 centimètres. Tous les effets produits sur l'organisme par le séjour momentané ou prolongé dans les hautes régions de l'atmosphère sont dus évidemment d'abord à la faible proportion d'oxygène contenue dans l'air, puis à la diminution de la pression atmosphérique. Le litre d'air qui, au niveau de la mer, à la pression 76, con- tient 0s'",32 d'oxygène, n'en contient plus , au sommet du mont Blanc, à 4 800 mètres et à la pression de 42 centimètres, que 0s^l8, environ 12 cen- tièmes au lieu de 21. }iour l'unité de volume, c'est-à-dire un peu plus de moitié de la quantité normale. A l'altitude de 7 300 mètres, par 30 centimètres de pression barométrique. 8 pour JOO. Au delà d'une certaine hauteur, l'oxygéna- tion du sang devient insuffisante et sa décarbonisation imparfaite : il y a une asphyxie commençante et, finalement, une asphyxie complète compliquée des troubles qui résultent de la diminution de la pression atmosphérique. D'après M. Bert, la diminution de pression n'agirait, d'une part, qu'en diminuant la tension de l'oxygène respiré ou en rendant difficile son absorption par le sang, et, d'autre part, en entravant le dégagement de l'acide carbonique. D'après lui, le sang artériel se chargerait d'oxygène en proportion décroissante avec l'altitude. Le sang qui, au niveau de la mer, absorbe 20 volumes d'oxygène pour 100, n'en aurait plus que 18 volumes à la pression 62, altitude 1 600 mètres ; — 16 vo- lumes à la pression 48, altitude 3 600; 14 volumes à la pression 46, alti- tude o 100 ; — - 12 volumes à la pression de 33, altitude 6 600 ; — 10 volumes à la pression 26, altitude 8 600. Cette insuffisante oxygénation du sang doit nécessairement restreindre parallèlement la consommation de ce gaz par les tissus. Aussi, dit M, Bert, dans l'ascension sur les montagnes ou en ballon, tout diminue avec la consommation de l'oxygène : la production de l'acide car- bonique, de la chaleur animale et de l'urée, et tout fléchit avec elle : force mus- culaire, puissance du cœur, activité cérébrale. De là : fatigue, épuisement au moindre effort, torpeur, engourdissement, tendance au sommeil, et, plus tard, perte de connaissance, syncope, etc. Aussi, pour prévenir et combattre ces effets, M. Bert a proposé les inspirations d'oxygène pur emporté par les aéro- nautes et les ascensionnistes dans de petits ballonnets. Mais il est douteux que ce moyen puisse être utilisé à partir des altitudes de 8 à 9 000 mètres, au mo- ment oij l'aéronaute, engourdi, assoupi, devenu insensible, ne songe plus à 1. P. Bert, o?) 1 1.30 1.30 2 1 1,30 30 s. 30 s. 1 1.2U 1 l OBSERVATIONS 2.15 0 î 2.1/2 Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Meurt à 9 minutes. Meurt a 4 m. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Meurt. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Mouv. resp. ne meurt pas. Ne meurt pas. Meurt à 10 m. Ne meurt pas. Meurt à 1 m. 30 s. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Meurt à 4 m . Meurt à 4 m. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Meurt à 10 m. Meurt à 6 m. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Meurt à 5 m. Ne meurt pas. Meurt à 32 m. Meurt à 11 m. Meurt à 6 m. Meurt à 2 m. Meurt à 5 m. Ne meurt pas. Meurt à 5 m. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Convuls. meurt le lend. Ne meurt pas. Ne meurt pas. Mouv., resp. arrêtée à 7m. 1/2. Meurt à 32 m. Meurt à 38 m. Meurt à 4 m. Meurt à 8 m. 380 DE LA RESPIRATION. DÉSIGNATION LES ANIMAUX 6 souris Lapin Lapin Poule Moineau. , . . Lapin Lapin (tub.). Moineau. . . . Rat jeune. . . Rat adulte. . Rat jeune. . . Rat jeune. . . Rat jeune. . . Rat jeune. . . Chat Chat Moineau Lapin 2 grenouilles Rat Rat Y-, w C Q DURÉE MOMENT t: Lh (le iïl H du séjour la chute < minutes minutes 16 10,400 1,1/2 1/2 16 10,400 15 1,1/2 16 10,400 7,15 1 14 11,020 » » 14 11,020 5 2 14 11,020 4 1 14 11,020 4 2 12 11,630 2,1/2 1) V-1 11,630 5 » 12 11,630 6 » 12 11,630 4 2 11 11,950 4 2 Ll 11,950 4,1/2 2 11 11,950 4,10 2 11 1],«50 3 2 11 11,950 6,10 3 10 12,280 2 » 10 12,280 » 1/2 10 12,280 15 » 8 12,950 2 1 8 12,950 2 1 OBSERVATIONS Meurent à 1 m. 1/2. Ne meurt pas, air renouvelé. Meurt à 7 m. 1/2. Arrêt des mouv. resp. Meurt à 5 m . Meurt à 4 m. Meurt à 4 m. Meurt à 2 m. 1/2. Meurt à 5 m . Ne meurt pas. Meurt à 4 m. Meurt ap. 4 m. Meurt à 4 m. 1/2. Meurt à 4 m. 10 s. Ne meurt pas. Meurt à 6 m. 10 s. Meurt en 2 m. Meurt. Ne meurent pas. Meurt à 2 m. Rappelé à la vie à 2 m. La rapidité avec laquelle se produit l'asphyxie par strangulation, submer- sion, etc., indique assez la nécessité de prompts secours si l'on veut rappeler à la vie les individus arrivés à la période dans laquelle la sensibilité et les mouve- ments ont cessé. Il va sans dire qne tout espoir de succès est perdu une fois que les mouvements du cœur sont éteints. L'asphyxie, due à la présence dans l'air d'un excès d'acide carbonique, peut- résulter de la viciation d'une atmosphère confinée par la fermentation, la combus- tion du charbon, certaines actions chimiques du sol, et même par la respiration d'un trop grand nombre d'animaux. Dans les conditions expérimentales, elle tend à se produire dès que l'air renferme 2 ou 3 centièmes d'acide carbonique; elle devient inévitable et assez prompte s'il en contient 20 à 30 centièmes, quelle que soit d'ailleurs la proportion d'oxygène. La tension du gaz carbonique devient alors si forte dans l'air qu'elle met obstacle au dégagement de l'acide carbonique contenu dans le sang. Quant à l'asphyxie dans les gaz délétères, elle doit être considérée comme une sorte d'empoisonnement. L'oxyde de carbone qui accompagne le plus souvent l'acide carbonique en détermine une fort remarquable. Ce gaz, une fois absorbé, se substitue à l'oxygène dans la matière colorante des globules et forme avec elle une combinaison que l'oxygène n'a pas le pouvoir de détruire. Il chasse bien ce dernier de sa combinaison avec l'hémato-cristalline, mais dès qu'il en a pris la place il ne peut plus la quitter, ainsi que Bernard l'a parfaitement établi. Un centième de ce gaz suffit, d'après les expériences de Leblanc, pour rendre l'air aussi asphyxiant qu'il peut l'être avec 30 à 40 centièmes d'acide carbonique. L'asphyxie dans l'air chargé de certains gaz très délétères, tels que l'hydro- ASPHYXIE. 381 gène sulfuré, le sulfhydrate d'ammoniaque, l'hydrogène arsénié, ne constitue en réalité qu'un simple empoisonnement qui dilïère des autres en ce que le poison est à l'état gazeux et qu'il est absorbé par les voies aériennes. Les actes chimiques de la respiration, les échanges gazeux, l'absorption de l'oxygène, l'exhalation de l'acide carbonique, ne sont pas gravement modifiés. On sait, depuis les expé- riences de Chaussier, de Nysten, de Thénard, qu'il serait intéressant de répéter et de varier, qu'un 1 500* de cet hydrogène sulfuré dans l'air respiré tue un oiseau, un 1 '800^ un chien, l/2o0 un clieval. L'hydrogène arsénié est mortel aussi à très faible dose. Quel que soit le mode de l'asphyxie, les animaux y résistent inégalement sui- vant leur âge. leur taille et leur espèce. Les jeunes animaux s'asphyxient moins facilement que les adultes, comme Boyle, Méry et d'autres l'ont constaté. Buffon avait observé que de petits chiens peuvent séjourner à plusieurs reprises dans du lait tiède, et jusqu'à une demi- heure chaque fois, sans y mourir, Legallois^ a reconnu que, sur de jeunes lapins asphyxiés par submersion, la sensibilité persistait [d minutes le premier jour, 10 minutes le cinquième, 4 minutes le dixième. 3 minutes le quinzième. 2 minutes le vingtième et le vingt-cinquième, 1 minute et demie seulement le trentième. Les bâillements se continuaient pendant 27 minutes le premier jour, 16 le cinquième, o le dixième, 4 le quinzième, 3 le vingtième et le vingt-cin- quième, 2 et demie le trentième. "\Y. Edwards a reconnu, par de nouvelles expé- riences, que tous les mammifères ne doivent pas, sous ce rapport, être placés sur la même ligne. Ceux qui naissent avec les paupières ouvertes, le corps couvert de poils, et qui jouissent dès les premiers instants d'une grande liberté de mouve- ments, comme les petits des solipèdes et des ruminants, se refroidissent assez difficilement et s'asphv-xient avec promptitude. Au contraire, ceux qui naissent les paupières fermées se refroidissent aisément et s'asphyxient avec plus de len- teur : le lapin et les carnassiers se trouvent compris dans ce dernier groupe. La résistance des jeunes sujets a été attribuée, par la plupart des physiolo- gistes, à ce que, dans les premiers temps de la vie, le sang peut, grâce au trou de Botal et au canal artériel encore libres, passer des cavités droites dans les gauches ou du système veineux dans l'artériel sans traverser le poumon. Mais cette hypothèse est peu admissible, puisque la résistance persiste alors que les passages s'oblitèrent. Elle a sa cause dans les différences des propriétés vitales du jeune sujet comparé à l'adulte, différences très marquées dans les principaux tissus : longue persistance de l'irritabilité du muscle, de l'excitabilité du nerf, des mouvements du cœur, des actions réflexes chez les très jeunes animaux. (Juant à la raison d'une telle persistance des propriétés des tissus, d'ailleurs bien moindre chez le lièvre velu que chez le lapin nu, chez l'oiseau que chez le mammifère, elle nous est inconnue. Peut-être résulte-t-elle, comme le pense M. Bert, de ce que les tissus du jeune animal consomment moins d'oxygène que ceux de l'adulte. Il est à noter que les petites espèces succombent plus vite que les grandes à 1. Legallois, Expériences sur le principe de la vie. Paris 1812, p. 79. 382 DE LA RESPIRATION. tous les genres d'asphyxie. Probablement c'est parce que chez les premiers toutes les actions s'effectuent plus vite que chez les secondes. Les petits animaux se développent plus vite dans l'œuf ou dans l'utérus, arrivent plus vite à l'âge adulte ; leur respiration, leur circulation, leurs mouvements, sont plus rapides; en un mot, ils vivent et meurent plus vite que ceux de grande taille. La résistance à l'asphyxie, toutes choses égales d'ailleurs, diminue à mesure que les animaux se débattent, car alors ils consomment plus vite l'oxygène de la réserve pulmonaire et produisent, dans les muscles en action, une grande quan- tité d'acide carbonique. On sait, en effet, que le sang apporté dans le muscle en action y perd, d'après Ludwig et Bernard, 12 volumes d'oxygène, au lieu de 8 volumes, comme en l'état de repos. Les troubles fonctionnels qu'entraîne l'asphyxie ont une certaine uniformité dans tous les cas où cet état se développe promptement. D'abord calme, l'animal ne tarde pas à éprouver de l'anxiété, un malaise inexprimable. Sa respiration devient profonde et ample ; il dilate largement les narines et la bouche, semble faire des efforts violents pour sortir d'une situation pénible ; éprouve des mou- vements convulsifs d'autant plus violents que l'asphyxie est plus brusque, comme elle l'est à la suite de l'occlusion de la trachée ou de la submersion ; ses mu- queuses prennent une teinte livide ; il tombe pesamment sur le sol ou au fond de l'eau et s'y débat quelques instants ; l'intelligence s'obscurcit ; les sensations deviennent confuses ; l'animal n'a plus conscience de ce qui se passe autour de lui ; il est plongé dans une sorte de torpeur. Les mouvements respiratoires sont de plus en plus rares ; les battements du cœur plus faibles et par moment irré- guliers, tumultueux; ils sont insensibles lors des efforts musculaires ; le jet des artères est faible et très inégalement saccadé ; le sang de ces vaisseaux dès la lin de la première minute devient très noir ; les mouvements généraux s'affaiblissent et ne tardent pas à cesser; les piqûres faites à la peau provoquent difficilement des réactions ; enfin le thorax devient immobile ; les naseaux s'affaissent ; les pupilles se dilatent; la bouche demeure entr'ouverte ; la langue pendante; les membres souples et flasques ; les sphincters se relâchent, quelquefois, laissant échapper l'urine et les matières fécales. La succession de ces troubles est régu- lière; elle s'effectue dans un ordre tel qu'on peut reconnaître à l'asphyxie rapide une première période de calme avec un simple malaise, puis une période con- vulsive, et enfin une période de résolution ou d'anesthésie qui aboutit à la mort. Dans les asphyxies lentes comme le sont celles dues à l'épuisement graduel de l'oxygène dans une atmosphère confinée, il ne se produit pas de secousses violentes ou de convulsions. Après le moment où les animaux inquiets cherchent l'air à travers les fissures de leur prison, viennent la somnolence, l'engourdisse- ment, le refroidissement de la peau et des extrémités qui rappellent les pro- dromes de l'hibernation. Dans l'asphyxie lente due à l'acide carbonique, il paraît y avoir une anesthésie qui supprime les sensations pénibles et éteint les instincts de conservation qu'on voit se traduire si énergiquement lors de la strangulation ou de la submersion. Dans tous les cas, si l'animal est ouvert aussitôt que les mouvements du cœur cessent d'être perceptibles, on voit subsister quelques frémissements dans les ven- ASPHYXIE. 383 triciilt's; et alors qu'ils ont disparu, les oreillettes sont encore palpitantes. Toutes les cavités do cet organe, les droites surtout, sont extrêmement remplies de sang noir : le foie est très volumineux, les intestins injectés, les muscles de couleur sombre et peu excitables. 11 s'est produit pendant la période aspliyxique dans l'état du sang, dans les propriétés des tissus ou le fonctionnement des organes, quelques modilications importantes. L'air demeure en réserve dans les poumons a continué à se dépouil- ler de son oxygène, au point de n'en plus conserver que des traces. La provision d'oxygène contenue dans le sang s'est rapidement épuisée en grande partie, sans que ce liquide se soit chargé d'une proportion très considérable d'acide carboni- que, sauf dans le cas où l'élimination de ce gaz est devenu mécaniquement impossible ; sa coagulabilité s'est affaiblie ainsi que son aptitude à absorber ulté- rieurement l'oxygène. D'après Preyer, l'hémato-cristalline altérée se sépare en partie des globules et vient se dissoudre dans le plasma. Les muscles sont deve- nus moins contractiles, les nerfs moins excitables et les centres nerveux moins aptes à provoquer des actions réflexes ; les sécrétions se suppriment ; la tempé- rature du corps baisse, etc. Suivant les conditions dans lesquelles s'est produite l'asphyxie, le développe- ment de cet état a dû s'opérer avec quelques variantes. Si l'animal s'est asphyxié dans une atmosphère confinée dépouillée progressi- vement de son oxygène et saturée à mesure d'acide carbonique, l'oxygénation du sang est devenue de plus en plus faible pendant que le liquide s'est de plus en plus chargé d'acide carbonique né dans les tissus. L'acide carbonique de l'air n'est pas intervenu directement ; le sang ne l'a pas absorbé ; mais cet acide car- bonique ambiant s'est opposé, comme l'a fait voir Bernard, au dégagement de celui qui a pris naissance dans l'organisme, dégagement possible seulement lors- que le gaz a dans le sang une tension plus grande que dans l'atmosphère. Dans ces cas, il y a tout à la fois oxygénation imparfaite du sang et insuffisante élimi- nation d'acide carbonique. Mais, dans d'autres conditions, les deux causes asphyxiantes peuvent se sépa- rer. Si l'animal a péri dans un milieu dépouillé d'oxygène, comme dans l'azote, l'hydrogène, l'oxygénation seule a fait défaut et l'acide carbonique a pu s'exhaler librement à mesure qu'il était produit. Entin, s'il a été placé dans une atmos- phère très riche en oxygène et chargée de 30 à 40 centièmes d'acide, il a dû y succomber surtout par suite de la non-élimination du gaz délétère. Maintenant quelle est la cause de ces troubles variés, de ces modilications dans les propriétés des éléments. Et comment la mort résulte-t-elle si rapide- ment de ces perturbations? Autrefois on croyait que l'asphyxie résultait du plissement des vaisseaux pul- monaires qui, devenant à peu près imperméables au sang, ne permettaient pas à ce fluide de passer des cavités droites dans les cavités gauches du cœur. Les par- tisans de cette opinion pensaient que le poumon, sans être totalement affaissé, n'était pas assez dilaté pour maintenir ses vaisseaux à leur calibre normal ; ils citaient la célèbre expérience de Vésale, répétée plus tard par HookCj expé- rience dans laquelle on voyait les mouvements du cœur reprendre une nouvelle 384 DE LA. RESPIRATION. activité, et la circulation se rétablir dès que, sur un animal dont la poitrine était ouverte et le poumon revenu sur lui-même, on poussait de l'air dans cet organe de manière à le distendre el à entretenir une respiration artificielle. Haller par- tagea ces idées. Goodwyn le premier s'en alïVancliit : il attribua la mort par asphyxie à la suspension des mouvements du cœur, par suite du défaut de sti- mulation du sang noir sur cet organe. Plus tard Bichat établit que le plissement des vaisseaux du poumon dans l'asphyxie est imaginaire, et que ce plissement, à supposer qu'il existe, ne peut être un obstacle k la circulation pulmonaire ; enfin, il démontra que le sang noir est impropre à entretenir l'excitation et la vie de tous les organes. Bichat reconnut que pendant l'asphyxie le cœur continue à se contracter, et que la circulation persiste, comme le prouvent l'inspection directe de cet organe, les pulsations artérielles, la force et le caractère saccadé du jet qui s'échappe des artères ouvertes. La circulation s'opère même encore pendant quelques instants après que la poitrine a été ouverte pour déterminer l'affaissement du poumon, et alors le sang passe dans les vaisseaux sinueux de cet organe, comme il passe dans ceux de l'estomac et de l'intestin devenus flexueux par la vacuité de ces viscères. Si les différents organes de l'économie cessent de fonctionner, si le cerveau cesse de percevoir les impressions, si les centres nerveux sont frappés d'inertie, si les muscles ne peuvent plus se contracter, si, en un mot, chaque partie de l'organisme est mise dans l'impossibilité d'agir, ce n'est pas faute de recevoir du sang, mais c'est faute de recevoir le sang vermeil, oxygéné, qui seul possède la propriété de les stimuler et d'entretenir leur vitalité. En effet, d'après Bichat, le cœur, continuant à se contracter, envoie à tous les organes du sang qui a perdu ses qualités vivifiantes et qui, peut-être, est devenu délétère. Ce sang va asphyxier, en quelque sorte, ou frapper de mort toutes les parties, en pénétrant leur tissu et en se mettant en contact avec chacune de leurs fibres et de leurs molécules. Le cerveau, qui paraît ressentir le premier son influence funeste, cesse bientôt d'agir, et par suite plus de sensations, de perceptions, d'opérations intellectuelles ; les nerfs ne remplissent plus leur office de conduc- teurs : les muscles se paralysent ; le cœur lui-même, tout en envoyant le fluide délétère aux divers organes, le projette dans ses propres vaisseaux, qui le met- tent en rapport avec chacune de ses fibres ; il s'asphyxie ainsi lui-même pro- gressivement en asphyxiant toutes les autres parties ; aussi son action, qui s'at- faiblit peu à peu, ne tarde pas à s'éteindre ; mais cette extinction survient la dernière, alors que la vie a déjà abandonné tout le reste de l'organisme. L'enchaînement de ces différents phénomènes est parfaitement saisi par Bichat, Les centres nerveux, éprouvant tout d'abord l'impression stupéfiante du sang noir, cessent d'agir, comme le prouve la perte des' sens et des facultés intellec- tuelles. Ces centres ne distribuent bientôt plus aux muscles l'influx qui les met en jeu, et dès lors les mouvements généraux et les mouvements respiratoires se suspendent. Ces mêmes centres, desquels dépend plus ou moins directement la contractilité rhythmique du cœur, cessent d'exciter les mouvements de cet organe, et le cœur, dont le tissu déjà imprégné de sang noir n'est pas suffisam- ment stimulé, s'affaibit insensiblement, et enfin cesse de battre. ASPHYXIE. 383 Il y a donc dans l'asphyxie générale, comme le dit l'illustre physiologiste, asphyxie partielle de chaque organe: de telle sorte que s'il était possible d'en- \oyer du sang noir à un certain nombre de parties, celles-ci s'asphyxieraient seules, pendant que les autres continueraient ù agir. Seulement, si le sang noir frappe d'inertie un organe important dont l'action ne puisse se suspendre sans entraîner la suspension de celle des autres, la mort ne tarde pas à avoir lieu. Bichat en donne pour preuve cette ingénieuse expérience qui consiste à faire communiquer, à l'aide d'un tube, la carotide d'un animal (qui s'asphvxie, par occlusion de la trachée) avec la carotide d"un autre chien, de manière à envover du sang noir au cerveau de ce dernier. Alors, on voit, après avoir pris Les pré- cautions nécessaires pour éviter une congestion cérébrale, se manifester les phé- nomènes qui amènent le trouble, puis l'abolition des fonctions du cerveau ; enlin la mort survient consécutivement à cet état, si on ne rétablit dans les vaisseaux de la tète le cours du sang artériel. Ainsi, c'est le sang noir qui, distribué à toutes les parties, en fait cesser promp- tement l'action, faute de pouvoir l'entretenir. Mais pourquoi ce sang, qui perd en quelques secondes sa teinte vermeille en traversant les systèmes capillaires, perd-il en même temps la propriété de stimuler et de vivifier les organes? Est- ce parce qu'il est désoxygéné ou parce qu'il est saturé d'acide carbonique ou encore pour ces deux raisons à la fois? Il est extrêmement probable, d'une part, que le sang asphyxié cesse d'entretenir la vie des éléments et des organes parce qu'il ne possède plus, en quantité suffisante, le principe gazeux qui donne lieu à ces actions incessantes d'où résultent une combustion et une transformation perpé- tuelle de la matière vivante. Les expériences de Brown-Séquard, d'accord avec celles de Bichat, semblent en eft'et prouver que le sang oxygéné injecté dans les centres nerveux et dans le cœur ranimeleur action suspendue. D'autre part, il ne paraît pas douteux que le sang chargé d'un excès d'acide carbonique n'exerce sur les tissus une action stupéfiante, délétère, concourant au même résultat que le défaut de stimulation. Castell a observé que le cœur des grenouilles, qui peut battre plusieurs heures dans' l'air, ne bat pas plus de dix minutes dans l'acide carbonique, et beaucoup moins dans ce gaz que dans l'azote ou l'hydrogène. Ce sang, ainsi modifié, semble donc exercer sur le système nerveux une action ana- logue à celle des anesthésiques. L'asphyxie que nous venons d'étudier, quant à ses conditions, à son mode de développement et à ses caractères, est un état rapidement mortel dont l'animal peut sortir si la respiration dans l'air libre se rétablit à temps, soit spontané- ment, soit à l'aide de secours étrangers. 11 s'agit de savoir à quel moment précis la mort peut être conjurée. Lorsque l'asphyxie s'est produite dans lair confiné, soit par insuffisance d'oxy- gène, soit par excès d'acide carbonique, ou lorsqu'elle résulte de l'oblitération des voies aériennes, il s'écoule entre les derniers mouvements respiratoires et la mort réelle un intervalle d'une demi-minute, une minute, rarement plus, pen- dant lequel la vie ne se révèle que par les mouvements du cœur à peine percep- tibles. A ce moment,, si l'asphyxié est remis au grand air ou si l'accès de ce fluide est rétabli dans les voies respiratoires, il se fait quelques inspirations d'abord B. coLiîi. — Physiol. comp., 3^ édit. II. — 25 386 DE L\ RESPIRATION. faibles, puis plus profondes, les pulsations cardiaques et artérielles prennent de la force, la sensibilité renaît, Tanimal reprend connaissance ; la teinte violacée de ses muqueuses change ; il revient comme par enchantement à son état normal. Mais, quand l'asphyxie a eu lieu dans leau, l'animal revient moins facilement à la vie. Il a inspiré dans les derniers moments une certaine quantité de liquide qui, en se mêlant à l'air, a rempli la trachée et les bronches d'une abondante écume. Aussi, les quelques inspirations spontanées qu'il fait souvent en sortant de l'eau peuvent-elles demeurer sans résultat. La circulation de l'air ne se réta- blit au fond des bronches qu'autant que les inspirations se répètent suffisamment pour balayer les mucosités. La position donnée au sujet en facilitant la réjection de l'eau et de l'écume; les frictions en ranimant la circulation et en activant l'absorption pulmonaire ; enfin les mouvements de soulèvement et d'affaissement alternatifs opérés sur les parois costales par l'intermédiaire des bras ; l'insuffla- tion de l'air par le nez, par la bouche ou la trachée, avec des précautions pour éviter l'emphysème, peuvent utilement être employés pour rappeler à la vie l'as- phyxié, à la condition que les mouvements du cœur persistent, si faibles qu'ils soient. Une fois qu'ils ont cessé, tous les secours sont inutiles. Ce moment fatal arrive, comme nous l'avons vu, au bout de quatre à cinq minutes pour la plupart des grands animaux, et probablement aussi pour l'homme. CHAPITRE LUI DE L'INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LES PHÉNOMÈNES DE LA RESPIRATION Les actes nombreux que nous venons d'exposer successivement s'opèrent par l'intervention combinée de plusieurs nerfs, qui dérivent, les uns de l'encéphale, les autres de la moelle épinière ; mais le principe de leur association admirable provient d'un centre unique, dont la destruction suspend immédiatement le jeu de toutes les parties de l'appareil respiratoire. Ces nerfs sont le facial, le pneu- mogastrique, l'accessoire de Willis, plusieurs branches du plexus brachial, le phrénique, les intercostaux et les nerfs lombaires ramifiés dans les muscles de l'abdomen. Ils président à l'action des narines, du larynx, des parois thoraciques, des parois abdominales et à celle du poumon. Examinons d"abord le rôle spécial de chacun de ces nerfs avant de rechercher le point de départ de leur influence collective, et essayons de préciser exactement la part qu'ils prennent aux actes mécaniques, puis aux phénomènes chimiques de la respiration. Le jeu des narines dans la respiration ordinaire, celui des nicàchoires et du voile du palais dans la respiration pénible, pendant laquelle la bouche livre pas- sage à une certaine quantité d'air, dépendent du nerf de la septième paire, que Bell a appelé le respirateur de la face. Ce nerf moteur, anastomosé avec le tri- facial, le pneumogastrique et le glosso-pharyngien, envoie des ramifications à diverses parties de la face, notamment aux muscles des ailes du nez, à ceux des lèvres, des joues, du voile du palais et au muscle digastrique, abaisseur de la INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SL'R LA RESPIRATION. 387 iHàchoireinlerieiiro. Sa section, t^oit luisiiu'il s'i-cliappi' du tiuii stylo-m^toïdien, soit à son arrivée sur le bord postérieur du maxillaire, paralyse les muscles qu'il anime. Alors les ailes du nez s'allaissent et se rapprochent comme elles le sont sur le cadavre, elles ne se dilatent plus à chaque inspiration ; les lèvres deviennent pendantes, les joues flasques; par suite, la respiration est rendue difficile et un peu bruyante; Tanimal est menacé d'asphyxie, si on le soumet à une course rapide ou à un exercice pénible ; ses joues, soulevées par l'air qui s'échappe en partie par la bouche lors de l'expiration, se réappliquent souvent avec bruit sur les arcades molaires pendant l'inspiration. Cet état des naseaux et des joues s'ob- serve quelquefois pendant les derniers moments de certaines maladies des soli- pèdes, et il devient, dans ce cas, d'autant plus remarquable que la dilatation passive et bruyante des narines s'effectue au moment de l'expiration. La section du facial, faite d'un seul côté, permet à l'observateur de comparer le jeu des parties du côté du nerf intact avec l'état d'inertie des parties opposées. Du reste, cette section, qu'elle ait lieu sur un seul nerf ou sur les deux à la fois, apporte à la respiration une gêne plus considérable chez les solipèdes dont les ailes du nez sont souples et très mobiles, et chez la brebis principalement, que chez les ani- maux qui ont ces parties fermes, rigides, peu susceptibles de s'atfaisser, et qui respirent aisément par la bouche, comme les carnassiers par exemple. L'écartement des mâchoires, lorsque l'animal respire par la bouche ou lorsqu'il bâille, n'est pas aussi évidemment sous la dépendance du facial que la dilatation des naseaux, non plus que l'élévation du voile du palais dans les mêmes conditions ; néanmoins, comme le digastrique reçoit un filet de la septième paire, et que le voile du palais en reçoit aussi du même nerf, il est incontestable que l'abaisse- ment de la mâchoire et l'élévation du voile palatin sont en partie influencés par le respirateur de la face. Mais comme ces deux effets résultent aussi de l'inter- vention d'autres paires, ils ont encore lieu après la section du facial. Les mouvements des ailes du nez, de la bouche et du voile du palais, ont cela de remarquable qu'ils persistent en plusieurs circonstances dans lesquelles ils n'ont aucune utilité. Ils s'opèrent avec leur rhythme ordinaire lorsque la trachée, ouverte ou coupée en travers, reçoit directement l'air extérieur et lui donne pas- sage dans les mouvements d'inspiration et d'expiration ; ils continuent également sur les animaux que l'on asphyxie par occlusion de la trachée; enfin on les voit s'effectuer avec une certaine régularité après la section de la moelle épinière, en arrière de l'occipital, de même que sur la tête des animaux décapités, quoique dans ces deux derniers cas tous les autres mouvements respiratoires soient suspendus. Le jeu du larynx, en ce qui concerne la respiration, est sous la dépendance de plusieurs nerfs ; il tient aux laryngés supérieurs et aux récurrents, relativement au mouvement de la glotte ; à des ramifications du facial et des nerfs cervicaux pour ce qui a trait aux mouvements de totalité de cet organe. Le larjugé supérieur, dérivé du pneumogastrique devenu mixte par ses anasto- inoses avec le spinal, parait prendre une très faible part aux mouvements partiels du larynx. La plupart de ses divisions sont destinées à la membrane muqueuse laryngienne, à laquelle elles donnent la sensibilité ; quelques-unes d'entre elles se rendent au crico-thyro'ïdien et à l'aryténoidien. Sa section, d'après les expé- 388 UE LA RESPIRATION. riences de Longet, donne un peu de raucité à la voix, mais n'apporte aucun obstacle à l'introduction de l'air dans les voies aériennes. Les laryngés inférieurs ou récurrents, dont Galien a tant célébré la découverte, se distribuent à tous les muscles dilatateurs et constricteurs du larynx, excepté au crico-thyroïdien, puis s'anastomosent avec les laryngés supérieurs par une branche assez forte chez les animaux, notamment chez les solipèdes et les ruminants. C'était par une erreur, relevée depuis longtemps par une foule d'anatomistes, que Magendie considérait ces nerfs comme spécialement destinés aux muscles dilata- teurs du larynx. Bien que, depuis Galien, divers expérimentateurs aient pratiqué la ligature ou la section des récurrents, l'influence de ces nerfs sur les mouvements respiratoires du larynx avait échappé à Vésale, à Riolan, à Haller et à d'autres physiologistes habiles qui, cependant, avaient reconnu leur rôle dans la production de la voix, Legallois^ le premier observa que les récurrents président à la contraction des muscles laryngiens et aux mouvements par lesquels la glotte se dilate à chaque inspiration ; il fit voir que la section des nerfs vagues produit sur la glotte le même effet que celle des récurrents. Cet ingénieux expérimentateur ayant détaché, sur des lapins, des chats et des chiens très jeunes, le larynx de l'os hyoïde et des parties adjacentes, de manière à mettre l'organe complètement à découvert, a vu que, à l'état normal, l'ouverture du larynx exécute des mouvements qui corres- pondent régulièrement à ceux du thorax. A chaque inspiration la glotte s'élargit et offre un large passage à l'air entre les cordes vocales et l'es aryténoïdes, et au contraire, à chaque expiration, cette fente se rétrécit, au point, dit-il, de se fermer presque entièrement. Dès que les récurrents ou les nerfs vagues viennent à être coupés, les cordes vocales et les aryténoïdes se rapprochent et demeurent immobiles, la glotte présente l'aspect d'une fente étroite dont les dimensions restent à peu près invariables. Par suite de ce rétrécissement permanent et très prononcé, l'air éprouve une très grande difficulté à pénétrer dans les voies aériennes au moment de l'inspiration ; mais il s'en échappe assez aisément, lors de l'expiration, en écartant passivement les rubans vocaux paralysés. C'est donc en paralysant les muscles dilatateurs du larynx que la section des récurrents apporte une gêne considérable à la respiration, gêne qui peut aller jusqu'à la suffocation. En effet, Legallois ayant coupé ces deux nerfs sur de jeunes chiens, sur des chats, des lapins, des cochons d'Inde âgés de quelques jours, a vu la respiration devenir extrêmement pénible, s'accompagner de tous les phénomènes .d'une asphyxie lente, et la mort survenir en une demi-heure, une heure, rarement plus tard. Mais, sur des animaux moins jeunes, la suffocation est de moins en moins considérable à mesure qu'on se rapproche de l'âge adulte ; déjà, à l'âge de trois mois, la section des laryngés ne fait plus périr le chien. Toutefois il est des espèces qui en souffrent plus que d'autres, en raison de la conformation particulière de leur larynx. Dans tous les cas, la dyspnée devient extrême et va jusqu'à la suffo- cation, notamment chez les chats, si on les tourmente ou si on les force à courir 1. Legallois, Expéi'iences sur le principe de la vie, 1812, p, 187 et suiv, INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LA RESPIRATION. 389 pendant quelques instants. La sulTocation cesse et la respiration reprend ses carac- tères normaux, si on ouvre la trachée, comme le propose Legallois, preuve évi- dente que l'obstacle au passage de l'air réside dans le rétrécissement de la glotte. Ce rôle des récurrents et les phénomènes qui résnllent de leur section sont parfaitement exposés dans tous leurs détails et interprétés avec une admirable sagacité par Legallois. Seulement le jeu des dilTérentes parties du larynx dans l'état normal, et les modillcations qu'y apporte la section des nerfs, peuvent devenir, notamment chez les solipèdes, sensibles à la vue et au toucher par le procédé que j'ai imaginé, et qui consiste à pratiquer, sans délabrements, une fenêtre au larynx, en enlevant la lame membraneuse de l'échancrure thyroïdienne, procédé infiniment préférable à rexpérience compliquée et sanglante de Legallois. Plusieurs physiologistes modernes, tout en commentant Legallois, se sont mon- trés moins judicieux que lui; ils ont cru que la paralysie du larynx entraînait une occlusion complète de la glotte, sinon dans tous les cas, au moins dans la plupart. C'est là une erreur capitale dans laquelle personne n'aurait dû tomber. En effet, d'une part, sur le cadavre, soit avant, soit pendant la rigidité, la glotte n'est pas fermée ; il reste entre les cordes vocales, et surtout entre les deux ary- ténoïdes, une fente assez large : pourtant tout est paralysé. D'autre part, sur l'animal vivant, au moment de l'expiration, les deux lèvres de la glotte ne se touchent pas, non plus que les deux aryténoïdes, bien que les muscles dilatateurs soient relâchés. Or, ce qui s'observe dans ces deux circonstances se voit aussi très nettement après la section des deux récurrents, particulièrement sur le che- val dont on a ouvert le larynx par l'excision de la membrane qui ferme l'échan- crure située au bord inférieur du cartilage thyroïde. La glotte se présente alors sous la forme d'une fente triangulaire à base postérieure, c'est-à-dire étroite, entre les rubans vocaux, et plus large entre les aryténoïdes. Son aire conserve constamment les mêmes dimensions qu'après la mort, ou une étendue que j'ai trouvée égale en moyenne à o centimètres carrés, soit à peu près la moitié de celle qu'elle offre normalement pendant l'inspiration. En conséquence, l'air atmo- sphérique peut encore très bien parvenir dans les voies aériennes et en être éli- miné, chez les solipèdes dont les laryngés inférieurs sont coupés. Néanmoins, comme à chaque inspiration il n'en peut pénétrer que la moitié, ou à peu près, de ce qui y arrive à l'état ordinaire, cette quantité est insuffisante à l'hématose, si le nombre des mouvements respiratoires n'est pas augmenté. De là, la gêne de la respiration, le bruit qu'elle fait entendre, le danger plus ou moins imminent de suffocation, surtout dès que les animaux sont soumis à un exercice pénible ou à une allure un peu rapide, ainsi qu'on le voit sur les chevaux appelés corneurs, et chez lesquels il y a, le plus communément, lésion des récurrents, et atrophie des muscles d'un côté du larynx, On conçoit, du reste, que la gêne de la respi- ration, à la suite de cette section, soit plus ou moins considérable, suivant la conformation du larynx et les dimensions de la glotte dans l'état de relâchement. En elTet, cette ouverture est, comme le dit Legallois, plus grande dans certaines espèces que dans d'autres, plus grande encore, proportionnellement, à l'âge adulte que vers l'époque de la naissance, pour des animaux de même espèce. J'ajoute que cette ouverture n'a chez tous ni la même forme, ni les mêmes pro- 390 DE LA RESPIRATION. portions en avant et en arrière. Gliez tels animaux, les carnassiers par exemple, les cordes vocales sont minces, souples, et la partie de la glotte comprise entre les ar^lénoïdes est fort petite. Chez les solipèdes, au contraire, la partie inter- aryténoïdienne de la glotte, dont l'occlusion n'est jamais possible, olfre une grande étendue. Enfin, chez les jeunes sujets, outre que le larynx est étroit, ses cartilages sont épais, mous, ses membranes très vasculaires, disposées à la tur- gescence, d'où résulte une insuffisance assez prononcée dans le passage de l'air pour déterminer l'asphyxie en quelques heures et même en un temps beaucoup plus court. Ainsi, lorsque l'influence des laryngés inférieurs est anéantie, la glotte con- serve d'une manière permanente, purement passive, un certain degré d'ouverture qui, dans la plupart des animaux d'un âge un peu avancé, suffit au passage de l'air et devient compatible avec la vie. Il est par conséquent inutile de recher- cher, avec plusieurs auteurs, comment l'air parvient à s'engager dans le larynx à chaque inspiration et à en sortir au moment de l'expiration. Il n'y a pas ici de porte à ouvrir : la porte est ouverte, mais moins qu'à l'état normal. Quant aux mouvements de totalité du larynx, ils sont soumis à l'influence des nerfs qui se distribuent aux muscles extrinsèques de cet organe fixés à l'hyoïde et au sternum. Ces mouvements de totalité, à peu près insensibles dans la respira- tion ordinaire, à laquelle ils ne sont nullement nécessaires, deviennent très pro- noncés dans la respiration pénible qui s'accompagne de bâillements fréquents ou simplement de l'ouverture de la bouche à chaque inspiration. Ils consistent en un abaissement lors de l'inspiration, et en une élévation correspondant à l'expi- ration. Ils ne s'effectuent plus après la section de la moelle allongée en arrière de l'occipital, tandis que les mouvements partiels, ceux des cordes vocales et des aryténoïdes, continuent encore pendant un certain temps, du moins sur de jeunes chiens, comme je l'ai observé plusieurs fois. Cette différence s'explique très bien par la différence d'origine des nerfs sous la dépendance desquels se trouvent ces deux ordres de mouvements. Il est à présumer que les mouvements de totalité du larynx entraînent dans l'inspiration un mouvement particulier de dilatation du pharynx en harmonie avec l'élévation du voile du palais. Tout porte à croire que ces mouvements du pharynx, utiles au passage de l'air dans la respiration laborieuse, sont influencés d'une part par le rameau pharyngien émané du spinal et de la paire vague, de l'autre par les ramifications que les récurrents envoient aux muscles pharyngiens. Mais, ce sont là des détails accessoires, arrivons aux nerfs qui tiennent sous leur dépendance le jeu des parois thoraciques. Les nerfs qui président à la contraction des muscles moteurs des côtes sont d'abord les intercostaux ramifiés dans les muscles de ce nom, dans les sus-costaux, dans l'intercostal commun, les petits dentelés, le transversaire des côtes, le trian- gulaire du sternum, puis les nerfs thoraco-musculaires et l'accessoire de Willis. L'intervention des intercostaux formés de filets sensitifs et de filets moteurs, se déduit si rationnellement de leur mode de distribution, qu'il serait superflu de la démontrer par la voie expérimentale, comme Galien l'a fait du reste sur de petits animaux. Elle s'exerce à la fois sur les muscles inspirateurs et sur les expirateurs ; INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LA RESPIRATION. 391 caries nerfs dorsaux, qui fouruissent les divisions intercostales, se distribuent dans tous indistinctement, de même que dans les muscles spinaux, le sous-cutané du thorax, dont l'action est étrangère aux mouvements de la poitrine. Les tho- raco-musculaires peuvent, jusqu'à un certain point, se ranger dans la même caté- gorie, notamment le principal d'entre eux, désigné par Gh. Bell sous le nom de nerf respiratoire externe du thorax. Ce dernier, que j'ai irrité plusieurs fois sur des moutons vivants, provoque eflectivement des contractions énergiques du grand dentelé de l'épaule dans lequel il se distribue ; mais il m'a été impossible de voir nettement si les rides du muscle contracté produisaient plutôt l'élévation des côtes que l'adduction de l'épaule. Entin, le nerf spinal ou respiratoire supé- rieur du tronc, d'après les idées de Bell, serait un auxiliaire puissant de ceux qui viennent d'être nommés. Il est incontestable que chez l'homme le sterno-cléido-masto'idien, en raison de ses attaches au sternum et à la clavicule, peut prendre une très grande part aux mouvements de totalité du thorax lors de l'inspiration, et à ceux: de l'épaule sus- ceptibles de les favoriser. Très probablement aussi, ce muscle, appelé masto'ido- huraéral dans les animaux, peut, par suite de son insertion accessoire au sternum, concourir à projeter en avant le thorax et à le fixer, notamment chez les carnas- siers, où la poitrine jouit d'une très grande mobilité; mais rien n'indique qu'il soit, non plus que le trapèze dorsal, disposé de manière à servir sensiblement à la respiration chez les ruminants, les solipèdes et en général chez tous les mam- mifères ongulés de haute taille. Ch. Bell' dit pourtant que le masto'ido-huméral, auquel il annexe le sterno-maxillaire, entre « dans une action violente sur l'âne, dont la respiration est très accélérée, et que cette action cesse aussitôt que l'on pratique la section du nerf. » Il prétend avoir constaté sur cet animal que la con- traction des muscles du cou, du larynx et de l'épaule, alors en rapport avec le spinal, n'est plus possible, en ce qui concerne la respiration, une fois que ce nerf est coupé; toutefois il ajoute que ces mêmes muscles conservent la faculté d'exé- cuter leurs mouvements volontaires habituels. J'avoue ne pas concevoir comment le sterno-maxillaire et le mastoïdo-huméral peuvent jouer clans les mouvements respiratoires du thorax le rôle que leur assigne le savant physiologiste. La section de la branche externe du spinal, pratiquée sur le cheval au niveau de l'atlas ne m'a fait reconnaître aucune modification appréciable dans les mouvements du thorax, aussi bien lorsque la respiration devient difficile que dans les circons- tances ordinaires. Les mouvements de l'épaule ont d'ailleurs conservé leur liberté la plus entière, puisque les paires cervicales ramifiées dans le mastoïdo-huméral et dans les autres muscles de l'encolure restaient parfaitement intactes. L'influence du spinal sur les mouvements respiratoires du tronc est donc très problématique en ce qui concerne les grands animaux. Elle est tout à fait nulle dans les oiseaux, oi'i ce nerf n'a pas de- branche accessoire et oi!i d'ailleurs le mastoïdo-huméral manque, d'après Bell; double particularité qui se retrouverait aussi dans le cha- meau, suivant le même observateur. Enfin les phréniques complètent la série des nerfs spécialement affectés aux 1. Ch. Bell, Exposition du système natuvel des nevfs du corps humain, traduit de l'anglais, par J. Geaest. Paris, 1825, p. 127, 392 DE LA RESPIRATION. mouvements respiratoires du thorax. Leur rôle est depuis fort longtemps établi par les recherches d'un grand nombre d'expérimentateurs. Galien, en pratiquant la ligature de ces cordons nerveux, avait déjà reconnu qu'ils président à la con- traction du diaphragme, et le fait a été confirmé par Lower, S^vammerdam, Haller et divers auteurs modernes, qui ont indiqué les modifications apportées par leur paralysie au rhythme de la respiration. Lorsque l'un des nerfs phréniques est mis à découvert et coupé sur un animal vivant, on voit se produire aussitôt un soulèvement brusque de l'abdomen, indi- quantune convulsion du diaphragme. Celle-ci devient très manifeste si l'abdomen est ouvert et si les viscères abdominaux sont éloignés de la face postérieure de la cloison. La contraction convulsive se répète cà chaque irritation nouvelle, pourvu que le tissu du nerf n'ait pas été trop fortement lésé, car la pression exercée sur lui, à l'aide de pinces, suffit pour lui enlever, comme à tous les autres cordons nerveux, la propriété de transmettre au muscle l'effet de l'excitation produite en un point antérieur au point lésé. L'application d'un courant électrique continu à l'un des deux phréniques rend permanente la contraction du diaphragme, et finit par déterminer l'asphyxie. Comme l'irritabilité du nerf se conserve souvent pen- dant plus d'une demi-heure après la mort, il est facile de reproduire ces phéno- mènes dans tous leurs détails. La ligature ou la section de l'une des branches d'origine du nerf phrénique étalées à la surface du scalène ne produit pas d'effet sensible. Celle de l'un des nerfs paralyse nécessairement la moitié correspondante du diaphragme ; la section des deux à la fois frappe d'inertie la totalité du muscle. Toutefois, même dans ce dernier cas, la respiration n'en est pas considérablement troublée, si ce n'est dès le principe, par suite des douleurs et des mouvements violents que provoque l'opération. Lower a noté, il est vrai, qu'elle devient chez les chiens analogue à celle du cheval poussif, ce que je n'ai point observé pour ma part : elle ne m'a semblé sur les solipèdes ni plus pénible, ni beaucoup plus profonde après la sec- tion des deux nerfs qu'elle ne l'est habituellement. Les chevaux respirent alors douze à quinze fois par minute, au lieu de dix comme à l'ordinaire ; encore l'ac- célération légère peut-elle être attribuée à la souffrance produite par l'opération. Les côtes ne paraissent pas éprouver un déplacement outré; seulement le flanc se creuse sensiblement à chaque inspiration. J'ai remarqué que le cheval, dont les nerfs phréniques sont coupés, dilate encore très bien la poitrine, la trachée étant hermétiquement fermée, phénomène regardé comme impossible par divers auteurs dans de telles conditions, et qui s'accomplit ici, grâce à la projection des viscères abdominaux du côté du thorax, à l'instant de l'élévation des parois costales. La contraction des muscles abdominaux, qui prend une si grande part à l'expi- ration et à plusieurs actes intimement liés aux mouvements respiratoires, dépend à la fois des nerfs intercostaux et des nerfs lombaires. Les premiers donnent sur- tout des ramifications au grand oblique et au transverse, les seconds au petit oblique et au grand droit. Le petit oblique seul paraît ne recevoir de nerfs que des paires lombaires, tandis que les trois autres en reçoivent, en proportion iné- gale, de celles-ci et des paires dorsales. INFLUENCE PU SYSTÈME NERVEUX SUR LA RESPIRATION. 393 L'inthience du lat-ial, df l'accessoire de Willis, des nerfs vagues, des phré- niques, des thoraco- musculaires, des paires dorsales et lombaires sur les actes mécaniques de la respiration est donc extrêmement simple et susceptible d'une analyse exacte. Celle des pneumogaslriques sur les fonctions du poumon, et par- ticulièrement sur les phénomènes chimiques de la respiration, ne peut être aussi facilement appréciée que la première. La plupart des puysiologistes qui, autrefois, avaient observé les effets de la section des nerfs vagues, rapportaient à un trouble des fonctions pulmonaires les phénomènes d'asphyxie qui suivent de près ou de loin cette opération. Legallois, le premier, reconnut que Teflet immédiat de la cessation de l'influence des pneumogastriques consiste dans la paralysie des muscles dilatateurs de la glotte, et par conséquent en un obstacle mécanique au libre passage de Tair à travers les voies aériennes, et il fit voir que ce résultat est tout à fait identique à celui qui dérive d'une simple section des nerfs récurrents, car dans l'un et l'autre cas une ouverture pratiquée à la trachée fait disparaître la dyspnée et prévient la suffocation. De plus, Legallois vit que la section des nerfs vagues a d'autres résultats que la paralysie de la glotte, puisque l'ouverture faite à la tra- chée, si large qu'elle soit, n'empêche point la mort de survenir au bout de plu- sieurs jours; il observa que l'engouement progressif du poumon, l'accumulation des mucosités, dans les tuyaux bronchiques, déterminent une asphyxie lente qui, en se compliquant des troubles de la circulation et de la digestion, ne tarde pas à entraîner la mort. Ce n'est donc pas seulement en mettant obstacle à la dilatation de la glotte et au libre passage de l'air que la section des nerfs vagues détermine la mort, c'est encore, et surtout, par les lésions matérielles qu'elle produit au sein du poumon, par les modifications qu'elle apporte au rhythrne des mouvements respiratoires, enfin par les troubles qu'elle provoque dans l'action du cœur. Il ne peut s'élever le moindre doute sur la multiplicité des effets de la section des pneumogastriques, et sur la part de chacun d'-eux à la mort qui suit toujours, sans exception et dans un délai plus ou moins prolongé, la cessation de l'influence exercée par ces nerfs. Toute la difficulté consiste à montrer l'évolution successive de ces effets, leur filiation, leur importance respective, et enfin à établir le mode suivant lequel ils contribuent à une mort inévitable. Cette difficulté est immense en présence de la confusion que les physiologistes ont jetée sur la question: mais l'observation attentive des phénomènes qui se manifestent quand l'intervention des pneumo- gastriques est complètement éteinte va nous éclairer plus sûrement que les disser- tations des auteurs qui, depuis Galien, ont répété l'expérience si simple de la section des nerfs vagues. Cette section, faite sur le chien, le lapin, le cheval, avec toutes les précautions nécessaires pour éviter la compression et le tiraillement des nerfs, n'apporte pas immédiatement de troubles dans le rhythme respiratoire. L'animal éprouve une douleur légère à l'instant de la division des nerfs ; aussitôt après, les battements du cœur se précipitent, et plus tard les mouvements respiratoires se ralentissent en devenant plus étendus. Au bout de quelques minutes, la dilatation des na- rines s'exagère quelque peu, l'inspiration s'accompagne d'un très léger bruit, 394 DE LA RESPIRATION. une vague inquiétude semble s'emparer de l'animal qui frappe du pied, se dé- place fréquemment, baisse et relève alternativement la tête, en étendant l'enco- lure, comme s'il éprouvait un resserrement ou une compression à la gorge. Insensiblement l'anxiété de l'animal semble se dissiper, son agitation se calme ; il se tient debout et immobile; la respiration devient de plus en plus lente et ample, tandis que les battements du cœur augmentent de fréquence tout en per- dant de leur force. Néanmoins' les choses ne se passent pas toujours ainsi. Si les nerfs ont été pinces à plusieurs reprises, s'ils ont été tiraillés avant d'être isolés et coupés, si l'animal est contraint à des efforts pour se dégager des mains de l'opérateur, s'il est soumis à une course de quelques instants, aussitôt la circu- lation se trouble, la respiration devient bruyante, profonde, pénible; la dilatation des narines arrive à ses dernières limites ; le déplacement des côtes est porté à l'extrême; la bouche s'ouvre à chaque inspiration; l'animal secoue la tête, frappe du pied, éprouve une angoisse inexprimable, et semble sous le coup d'une asphyxie imminente ; quelquefois alors il tombe et meurt en une demi-heure ; mais aussi très souvent il se remet peu à peu, et paraît dans le même état que l'animal dont les nerfs ont été coupés sans compression, ni soumis à la moindre traction. Il importe donc d'effectuer la résection des nerfs sans exercer sur eux une irritation plus ou moins vive; car celle-ci, qu'elle dérive d'une compression ou d'un tiraillement, devient une cause nouvelle de troubles plus violents que ceux qui résultent de l'interruption de l'influx nerveux. Si cette cause s'ajoute à la première, comme il arrive souvent chez les animaux à encolure courte, dont les nerfs sont difficiles à dégager de leurs connexions avec les parties adjacentes, la dyspnée est portée promptement à ses dernières limites, et la mort survient presque aussitôt après la section. Haller, Legallois et d'autres expérimentateurs ont observé cette terminaison funeste sans voir qu'elle tenait à une cause parfai- tement distincte de l'interruption de l'influence nerveuse des pneumogas- triques. L'irritation portée sur les nerfs vagues est tellement bien une cause spéciale de troubles dans les phénomènes de la circulation et de la respiration que, après la section, il suffit de tirailler le segment inférieur pour faire naître aussitôt une dyspnée intense susceptible de donner lieu à la suffocation. D'ailleurs, sans lier ni couper les nerfs, on peut, en faisant passer par l'un d'eux un courant galva- nique continu, troubler si fortement la circulation, et en particulier l'action du coeur, que la mort arrive en un laps de temps très court. D'un autre côté, si après la section d'un pneumogastrique ou des deux on fait passer un courant galvanique un peu fort dans le segment supérieur du nerf, il se produit une excitation de la moelle allongée dont l'effet est de suspendre sur- le-champ la respiration, soit dans l'inspiration, soit dans l'expiration. C'est ce qu'ont démontré les recherches de Traube, de Rosenthal \ de Cl. Bernard et Bert. L'excitation du bout central du laryngé supérieur produit un semblable résultat, donné aussi, d'après Schiff, par l'excitation des nerfs sensitifs. En 1, Rosenthal, Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 15 avril 1861, t. XLIl, p. 5'4. INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LA RESPIRATION. 395 outre, cette excitation, quand elle est assez forte {)Our faire cesser la respiration, suspend tous les mouvements généraux. Pour mieux suivre les effets de l'interruption de l'influx nerveux des pneumo- gastriques, et pour isoler ceux qui portent sur le poumon et le cœur de ceux qui tiennent au rétrécissement de la glotte, il convient d'ouvrir largement la trachée, comme Legallois eut l'heureuse idée de le faire dans ses expériences. Par là on prévient la dyspnée et on la fait cesser, si déjà elle s'est manifestée ; de plus on prolonge de quelques jours la vie des animaux ; mais à cela se borne l'influence de la trachéotomie : la respiration ne continue pas moins à se ralentir en deve- nant de plus en plus profonde ; la circulation s'accélère comme à l'ordinaire, et le développement des lésions matérielles et fonctionnelles du poumon suit sa marche accoutumée; cependant les premières arrivent, grâce à la trachéotomie, à un degré qu'elles atteignent rarement sans son intervention : aussi sont-elles alors plus facilement appréciables, et susceptibles de mieux refléter les troubles auxquels la cessation de l'influence nerveuse a donné lieu. Dans tous les cas, la section des nerfs vagues a pour résultats constants : 1° de rendre la respiration de plus en plus profonde et rare ; 2° de précipiter les con- tractions du cœur en affaiblissant leur énergie ; 3° de restreindre à des propor- tions graduellement décroissantes l'activité des phénomènes chimiques de la respiration; /i° d'abaisser peu à peu la chaleur animale; 5° enfin d'amener le poumon à un état tel que les opérations de l'hématose finissent par ne plus pou- voir s'y opérer. Le ralentissement de la respiration, ou, en d'autres termes, la diminution progressive du nombre des mouvements respiratoires, dans un temps donné, après la section des nerfs vagues, a été noté par Legallois, Dupuy, Broughton, Mayer et d'autres encore. Ce dernier a constaté qu'un âne, qui avant l'opération x'espirait 17 fois par minute, ne respirait plus que 7 ou 8 fois dans les derniers jours qui suivirent la section. J'ai aussi observé les mêmes résultats dans de nombreuses expériences sur les solipèdes. Dès les premiers jours, si la dyspnée est peu marquée ou si elle est prévenue par la trachéotomie, le nombre des res- pirations est bientôt réduit à 6, et même à 5 par minute. En même temps que la respiration devient de plus en plus rare jusqu'à des limites au delà desquelles elle cesse de se ralentir, les battements du cœur s'ac- célèrent dans une proportion croissante assez considérable, ainsi que Valsalva, de Blainville et Dupuy en ont fait la remarque très intéressante. Mayer a compté sur un âne, dont les pulsations normales étaient au nombre de 34 avant l'opé- tion, de 70 à 120 pulsations depuis le moment de la section jusqu'aux approches de la mort. Nous avons vu aussi, dans nos expériences, les battements du cœur s'élever chez le cheval de 90 à 100, alors que la respiration n'était plus que de 7,6 et même 5 par minute. Longet a constaté que dans les mêmes condi- tions, le pouls du chien, au lieu de rester à 60 ou à 70 comme à l'état normal, arrivait au chiffre moyen de 150. L'accélération des battements du cœur ne s'accompagne point, si ce n'est dans les premiers moments, d'un accroissement d'énergie : au contraire, ces battements deviennent de plus en plus faibles, ce qui explique la diminution croissante de la tension artérielle déjà signalée par 396 DE LA RESPIRATION. Legallois ; de plus, les contractions cardiaques finissent par perdre leur régula- rité, comme Lower et d'autres auteurs l'ont noté. Le ralentissement de la l'espiralion, l'accélération et l'afiaiblissement des con- tractions du cœur coïncident avec le développement de deux lésions graves, savoir : l'engouement du poumon et l'accumulation du mucus dans les bronches, lésions dont l'effet est de rendre de plus en plus difficiles les actes de l'héma- tose. L'engouement du tissu pulmonaire, reconnu déjà par Chirac, par Duverney et surtout par Legallois, semble résulter à la fois, d'une part, du trouble et de l'affaiblissement qu'éprouve l'action du cœur ; d'autre part, de la perte d"une partie de la vitalité du tissu pulmonaire, consécutivement à l'interruption de l'in- fluence nerveuse des pneumogastriques. Dans tous les cas, il se traduit par une sorte de congestion pulmonaire permanente, par une infiltration séreuse et plas- tique du tissu interlobulaire, de la muqueuse bronchique, et plus tard par une induration commençante, surtout dans la partie déclive de l'organe ; il devient ainsi un obstacle considérable à l'accomplissement des phénomènes de la sangui- fication. Toutefois il importe de noter que cet engouement, très peu sensible dans les premiers temps qui suivent la section, n'arrive à un degré bien prononcé qu'au bout de quelques jours. Nous avons vu plusieurs fois le poumon du cheval, douze à \ingt heures après la section, présenter seulement les caractères qu'il offre d'habitude sur tous les animaux sacrifiés sans effusion de sang. L'exhalation abondante des mucosités dans les bronches et leur accumulation dans ces conduits est un résultat que de Blainville et Legallois ont signalé comme constant sur divers animaux, qui finissent même par rejeter un peu de mucus jaunâtre par la bouche, les narines, et par la trachée quand elle est ouverte. Cette accumulation de mjicus écumeux tient à ce que ce produit de sécrétion n'impressionne plus la muqueuse bronchique dont la sensibilité est éteinte et à ce qu'il cesse d'être éliminé après la paralysie des fibres charnues des bronches. Elle apporte nécessairement une gêne considérable à la pénétration de l'air dans les petites divisions bronchiques et dans les vésicules pulmonaires, et par con- séquent devient l'un des principaux obstacles à l'hématose régulière. Je dois dire cependant qu'il y a encore très peu de mucosités écumeuses dans les voies aériennes du cheval dix, quinze, vingt heures même après la section. Ces muco- sités ne deviennent abondantes que dans les derniers moments, ou bien chez les animaux qui, ayant pu manger ou boire, ont reçu quelque peu d'eau ou des par- celles d'aliments dans les voies aériennes, comme cela arrive constamment par suite de la non-occlusion de la glotte au moment de la déglutition. Les muco- sités sont en très forte proportion si on a laissé des aliments et de l'eau à la disposition des animaux, car les substances solides et les liquides tombent en grande quantité dans la trachée, non seulement à cause de la dilatation de la glotte à l'instant de la déglutition, mais encore par suite de l'obstruction de l'œsophage. Dans ce cas, les parcelles alimentaires tombées dans les bronches excitent une abondante exhalation de mucus, et deviennent un nouvel obstacle à la libre circulation de l'air, elles augmentent conséquemmentla dyspnée, et enfin donnent lieu à une irritation qui se termine fréquemment par la gangrène de la muqueuse bronchique. Delà des complications graves qui entachent d'erreur les INFLUENCE DU SYSTÈME NEIU'ELX SUH LA RESPIRATION. 397 données expérimentales et les inductions que l'on en tire : aussi importe-t-il beaucoup d'éviter do pareils dangers auxquels Dupuy et tant d'autres n'ont pas soustrait les chevaux, les laj)ius, les cochons d'iude. Le rétrécissement de la glotte, Tengouement du poumon, l'embarras de la circulation pulmonaire, l'obstruction partielle des bronches envahies par les mucosités, la rareté des mouvements res[tiratoircs après l'interruption de l'in- fluence des nerfs vagues, expliquent les phénomènes qui en sont la conséquence, c'est-à-dire l'imperfection de l'hématose et l'abaissement de la température du corps. L'artérialisation du sang ne peut plus se faire d'une manière complète, à cause des obstacles nombreux qui s'opposent au libre accès de l'air dans les voies res- piratoires et au conflit de ce fluide avec le sang : aussi, comme le dit Legallois, la couleur du sang artériel perd -elle peu à peu son éclat pour prendre une teinte de plus en plus sombre ; néanmoins, l'artérialisation continue jusqu'à la mort en devenant de plus en plus imparfaite. De Blainville, Sédillot ont cons- taté, ce qui est parfaitement exact, que le sang des artères conserve une teinte assez vermeille un, deux, trois jours après la section des nerfs vagues. Dupuy- tren s'était trompé en affirmant que l'hématose cesse une fois que l'influence des pneumogastriques se trouve interrompue. Cette opération n'a cependant pas lieu dans les derniers moments, alors que la gêne de la respiration est à son comble, et chez les animaux dont la glotte, paralysée, est réduite au point de ne plus laisser passer qu'une très petite quantité d'air, mais dans ces conditions l'as- phyxie est bientôt complète. Le ralentissement et l'imperfection de l'hématose, si peu prononcés qu'ils soient, coïncident nécessairement avec une moindre consommation d'oxygène, et une moindre exhalation d'acide carbonique. Provençal, en expérimentant sur des lapins et des cochons d'Inde, a constaté déjà depuis longtemps ce double effet de la section des pneumogastriques; il a vu que l'absorption de l'oxygène et l'exhalation du gaz acide carbonique cessaient même aux derniers moments de la vie. Lassaigne^, dans des expériences faites sur les solipèdes, a confirmé ces résultats intéressants. Il a trouvé qu'un cheval dont la respiration brûlait, avant la section des nerfs, 121 grammes de carbone en une heure, en consommait après seulement 76. Quoique Valentin ait cru constater, en 1857 ^, qu'après la section des nerfs vagues, les animaux étant trachéotomisés, la quantité d'oxy- gène absorbée était plus considérable qu'à l'état normal, avec une diminution seulement dans l'exhalation de l'acide carbonique, je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'arrêter à son opinion. Sans le secours des analyses chimiques, il est facile de voir, par le ralentissement de la respiration et la teinte du sang, que la consommation d'oxygène doit être réduite et pour plusieurs causes, au nombre desquelles il faut compter la difficulté que ce gaz éprouve à parvenir au sang à travers les parois des vésicules pulmonaires, dont la cavité est souvent remplie de mucosités. D'ailleurs les liquides introduits dans les voies aériennes sont, de même, absorbés plus lentement et plus difficilement qu'à l'état normal. J'ai vu 1. Recherches inédites^ 1850. 2. Valentin, cité par Longel, 1. 1, p. 808. _ 398 1>E LA HESI^IRATIOX. qu'une dose de noix vomique, injectée dans la trachée, et susceptible de déter- miner normalement le tétanos en cinq à six minutes, ne produisait le même résultat qu'au bout de quinze à vingt minutes, l'injection étant faite douze à vingt-quatre heures après la section des nerfs vagues. Longet a aussi observé ce ralentissement de l'absorption, ralentissement qui dépend de la présence des mucosités dans les bronches, de l'engouement du poumon, et de l'embarras qu'éprouve la circulation de cet organe, Dupuy s'était trompé en niant la persis- tance de l'absorption pulmonaire dans de telles conditions. Les modifications qui surviennent dans l'état du sang, consécutivement aux troubles respiratoires produits par la section, restent à déterminer. On a dit, il est vrai, que ce fluide se coagulait alors pendant la vie dans les cavités du cœur, dans les gros vaisseaux pulmonaires, qu'il contenait plus de fibrine, que la proportion de plusieurs de ses éléments était changée. On est allé jusqu'à dire qu'il devenait délétère, qu'il prenait une teinte vermeille dans les veines, et d'autres absurdités qu'il est inutile de relever. Quant à la température du corps, elle baisse sensiblement et d'une manière graduelle, faute d'une combustion respiratoire assez active. L'abaissement de la chaleur animale a même fait penser à certains auteurs que les animaux dont les nerfs vagues étaient coupés mouraient de froid ; mais c'est là une hypothèse que l'on ne saurait justifier, attendu que le refroidissement, quoique manifeste, n'est pas très considérable. Il est difficile de dire quelle est la part exacte de chacun de ces effets dans la mort consécutive à la section des nerfs vagues. Souvent, quoique le plan charnu des bronches soit paralysé, il y a peu de mucosités stagnantes, et quoique la circulation pulmonaire n'ait pas son activité normale, il y a peu d'engouement, peu d'hépatisation et d'emphysème, mais l'animal n'en meurt pas moins. Alors la mort est due particulièrement, ce me semble, à deux causes : le ralentisse- ment extrême de la respiration et l'affaiblissement de l'action du cœur, l'une donnant lieu à une hématose insuffisante, l'autre à une irrigation sanguine incomplète, surtout dans les centres nerveux. Dans tous les cas, les différents effets qui résultent de la section des nerfs vagues ne sont pas longtemps compatibles avec l'entretien de la vie. Legallois a vu que cette opération tue en 6 à 18 heures les lapins âgés de un à quarante jours. Bichat a observé que les chiens n'y survivent que quatre à cinq jours. Ces animaux périssent pour la plupart du second au quatrième jour, d'après Longet. Enfin, les chevaux trachéotomisés ne dépassent guère cinq à six jours, et encore faut-il qu'ils soient assez vigoureux; néanmoins, Dupuy en a vu aller jusqu'au neuvième jour : le fait est exceptionnel. Mais, ici, il faut distinguer la section simple de la résection ou section avec perte de substance. Après une simple sec- tion de l'un des nerfs vagues, les deux bouts du nerf demeurant rapprochés, la cicatrisation peut se faire sans difficulté et la fonction se rétablir. Puis le réta- blissement effectué, le vague opposé peut être coupé à son tour et se rétablir de la même manière. Fontana, Bichat, Magendie, Sédillot ont vu que la section d'un seul nerf n'est pas toujours mortelle, et je l'ai observé moi-même sur le bélier; INFLUENCE DU SYSTEME NERVEUX SUR LA RESPIRATION. 399 Maintenant que nous avons vu dcltMininer, un à un, les effets que la suspens- sion de rinlluence dos nerfs vagues produit sur les pliénoinènes respiratoires, il nous est facile de mettre en évidence le rôle normal de ces nerfs dans les dilfé- rents actes de la respiration. D'abord, 4niisque la suppression de Tinflux des nerfs vagues paralyse le larynx et met la glotte dans l'impossibité d'arriver à son degré habituel de dila- tation, ce sont ces nerfs qui président à la contractilité des muscles laryngiens, au jeu de la glotte, et qui, par conséquent, assurent un libre accès à l'air dans les voies respiratoires , première condition indispensable à une sanguification complète. Deuxièment, puisque les mucosités exhalées dans les bronches, et les sub- stances étrangères qui s'y introduisent accidentellement n'y déterminent plus aucune impression et cessent d'être éliminées, après la section des pneumogas- triques, ce sont ces nerfs qui président à la sensibilité de la muqueuse trachéo- bronchique, et à la contraction du plan charnu sous-jacent à cette membrane. En effet, après la section d'un nerf vague, la contractilité des bronches qui est faible et lente s'éteint peu de temps après dans le poumon correspondant ; le tissu musculaire des bronches s'alrophie : néanmoins les mouvements vibratiles des épithéliums persistent. Probablement c'est par la branche spinale qui préside déjà à la contractilité du larynx, du cœur et de l'œsophage que le vague règle la contractilité des bronches. Troisièmement, comme le poumon s'engoue et devient de moins en moins perméable à l'air, comme la circulation pulmonaire s'embarrasse de plus en plus, une fois l'intervention des pneumogastriques éteinte, ce sont bien ces nerfs qui, par leur influence sur le cœur, sur la circulation générale, et en particulier sur la vitalité du tissu pulmonaire, donnent au cours du sang son rhythme nor- mal et aux propriétés des tissus du poumon les caractères sans lesquels elles ne peuvent assurer l'intégrité parfaite du conflit de l'air avec le fluide nutritif. Eniin, dès l'instant qu'après la section, les mouvements respiratoires devien- nent de plus en plus rares, quoique les battements du cœur se multiplient pro- gressivement, on ne saurait refuser aux pneumogastriques une part importante au maintien de l'harmonie admirable, et des connexions intimes établies entre la respiration et la circulation. Ce rôle ainsi précisé, nous pouvons aisément apprécier l'intervention des nerfs vagues dans les phénomènes chimiques de la respiration, et reconnaître, d'une manière évidente, que cette intervention est indirecte ou préliminaire, si je puis me servir de cette expression. En effet, les vagues assurent un libre accès à l'air en entretenant et en réglant la dilatabilité de la glotte ; ils maintiennent libres la cavité des divisions bron- chiques dans lesquelles l'air doit passer pour arriver aux vésicules pulmonaires et s'y renouveler continuellement; ils président à la conservation des propriétés qui rendent le tissu pulmonaire perméable à l'air et au sang ; ils entretiennent une circulation libre et active qui renouvelle sans cesse le contact du fluide nutritif avec l'oxygène atmosphérique ; mais leur rôle se borne là et se réduit à fixer les conditions statiques et dynamiques de l'hématose. Ces mêmes nerfs 400 DE LA RESPIRATION. n'ont pas d'influence directe sur l'absorption de l'oxygène, ou, en d'autres termes, sur la pénétration de ce gaz à travers les membranes qui le séparent du sang : cette pénétration endosmotique se fait d'elle-même tant que l'air arrive au fond des vésicules, et tant que celles-ci conservent des parois perméables; ils n'aug- mentent ni ne diminuent l'affinité de l'oxygène pour le sang; ils ne changent rien au mode suivant lequel l'oxygène, une fois dans les vaisseaux, s'associe aux éléments du fluide nutritif ; enfin ils ne peuvent nullement influencer l'exhalation de l'acide carbonique, ni exercer une action quelconque sur la nature des com- binaisons subséquentes de l'oxygène avec le carbone et l'hydrogène du sang, ou des tissus, non plus que sur les mutations successives de ceux-ci. Toutes ces opérations dernières sont purement chimiques ou physiques, elles s'effectuent inévitablement dès que l'influence nerveuse en a préparé les conditions organiques et vitales. Ce qui démontre qu'il en est bien ainsi, c'est que l'artérialisation du sang, c'est-à-dire la substitution de là teinte vermeille à la couleur sombre, l'absorp- tion de l'oxygène et l'exhalation de l'acide carbonique, s'opèrent lorsque ce fluide est au contact de l'air, et même lorsqu'il en est séparé par une membrane mince et humide, quoique privée de vie. Au reste ce qui le prouve, pendant la vie, c'est qu'une fois l'influence des pneumogastriques éteinte par la section, il suffit d'ouvrir largement la trachée pour qu'il y ait hématose complète tant que les lésions du poumon, les troubles généraux de la circulation ne sont point encore parvenus à un degré trop élevé. Enfin ce qui complète la démonstration, c'est l'expérience par laquelle on entretient l'hématose à l'aide d'une respiration artificielle chez les animaux décapités, ou chez ceux dont on a coupé à la fois la moelle épinière et les pneumogastriques. Alors, après la section des vagues et celle de la moelle en arrière de l'occipital, les mouvements généraux cessent aussitôt, à part ceux des naseaux qui persistent encore pendant quelques minutes. Dès que le sang qui s'échappe d'un petit tube adapté à la carotide est devenu noir, on lui rend et on lui conserve sa teinte vermeille pendant une demi-heure, une heure même et plus, en poussant constamment de l'air par un gros soufflet dans la trachée. Cette respiration artificielle , dans de semblables conditions, entretient souvent la respiration du cheval pendant plusieurs heures d'après mes expériences; elle les entretiendrait même cinq à six heures, suivant Legallois, sur de petits animaux décapités. Lors donc que l'influence des nerfs vagues est éteinte, si l'hématose devient de plus en plus imparfaite, si l'animal éprouve une asphyxie tantôt rapide et brusque, tantôt extrêmement lente, cela tient d'abord aux obstacles qui s'oppo- sent au conflit intégral de l'air et du sang, savoir au rétrécissement permanent de la glotte, à l'engouement du poumon, à l'accumulation de mucosités dans les bronches; cela tient ensuite, ou plutôt en même temps, aux troubles graves de l'action du cœur, de la circulation générale et à la suspension du travail digestif. Les différents nerfs dont nous venons d'examiner isolément le rôle dans les actes de la respiration jouissent chacun d'attributions spéciales : ceux-ci prési- dent au jeu des naseaux, des diverses parties de la face ; ceux-là aux mouvements du larynx, des parois costales ou du diaphragme. Mais ces nerfs quoique nom- INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LA RESPIRATION. 401 breux et d'origine différente, forment un ensemble, un système particulier dont les parties sont intimement liées entre elles pour fonctionner avec une harmonie parfaite. Ils tirent leur i)rincipe d'action d'une source commune, d'un point du système nerveux dont la destruction supprime d'un seul coup la totalité du méca- nisme respiratoire : c'est par le secours de l'expérimentation que ce siège du principe des mouvements de la respiration est déterminé. Dès les temps antiques, Galien avait reconnu par des expériences qui révèlent un esprit supérieur, que la section de la moelle, suivant le niveau auquel elle est faite, peut arrêter immédiatement la respiration, déterminer la mort ou sus- pendre seulement l'action d'une partie des muscles respirateurs ; détruire par exemple le jeu des parois costales en laissant subsister celui du diaphragme, sup- primer ensemble le jeu des parois costales et du diaphragme en conservant celui de quelques muscles du tronc et des muscles de la face. Lorry a vu que la section de la moelle entre la deuxième et la troisième vertèbre cervicale détermine la mort immédiate. Legallois a observé aussi que la section de la moelle, en avant de la région lombaire, suspend l'action des muscles abdominaux en laissant subsis- ter celle de tous les autres ; que la section de cette moelle, faite en avant de la région dorsale, paralyse les muscles des côtes et ceux de l'abdomen. Il a vu que la section au milieu de la région cervicale paralyse le diaphragme, les muscles thoraciques et abdominaux, de telle sorte que le jeu des muscles de la face seul est maintenu. 'Enfin il a reconnu que la section de la moelle allongée, si elle est faite au niveau de l'origine des nerfs vagues, suspend à la fois le jeu des narines, du thorax, des muscles abdominaux et du diaphragme, en un mot, celui de toutes les puissances de la respiration. Aussi le mécanisme respiratoire dépend, selon lui, «d'un endroit assez circonscrit de la moelle allongée, lequel est situé à une petite distance du trou occipital et vers l'origine des nerfs pneumogastriques ; car, si l'on ouvre le crâne d'un jeune lapin, et que l'on fasse l'extraction du cer- veau, par portions successives, d'avant en arrière, en le coupant par tranches, on peut enlever de cette manière tout le cerveau proprement dit, et ensuite tout le cervelet et une partie dé la moelle allongée sans que la respiration cesse ; mais elle cesse subitement lorsqu'on arrive à comprendre dans une tranche l'ori- gine des nerfs vagues ^ » Les résultats entrevus en partie par Galien, ceux que Legallois avait établis encore un peu vaguement, sont précisés avec une admirable clarté par les expé- riences modernes du savant physiologiste que j'aime à citer si souvent. « La moelle allongée est, d'après Flourens, dans toutes les classes, l'organe pre- mier moteur ou le principe excitateur et régulateur des mouvements respira- toires ; elle est encore, dans toutes les classes, l'organe immédiatement producteur, par ses nerfs, des mouvements respiratoires particuliers de la face ou de la tête; elle est enfin tout à la fois, dans les poissons, l'organe premier moteur et l'or- gane immédiatement producteur de tous les mouvements de respiration. » La moelle épinière, au contraire, est un simple conducteur qui transmet aux nerfs respiratoires qui n'émanent pas directement de la moelle allongée l'excitation 1. Legallois, Expériences sicr le principe de la vie, p. 37. G. COLIN. — Physiol. comp., 3° édit. II. — 26 402 DE LA RESPIRATION. dérivée de cette dernière : aussi quand on divise la moelle épinière sur un point quelconque de son étendue, tous les nerfs qui s'en détachent au-dessus de la section continuent à agir, et tous ceux qui s'en détachent au-dessous cessent leur action. Voilà pourquoi la section faite au niveau de la première vertèbre dorsale laisse subsister le jeu du diaphragme, des muscles du cou et de l'épaule animés par des nerfs qui naissent de la région cervicale, tandis qu'elle abolit le jeu des muscles costaux animés par les nerfs nés en arrière de la solution de continuité, sur le segment dorsal du cordon rachidien. De même si l'opération est prati- quée successivement sur des points de plus en plus postérieurs de la région dor- sale, le jeu des muscles dont les nerfs viennent des points antérieurs à la section continue, et celui des muscles intercostaux ou autres qui reçoivent leurs nerfs du segment en arrière, est frappé de paralysie. Mais ce n'est pas de toute l'étendue du bulbe rachidien que dérive le principe excitateur et régulateur du mécanisme respiratoire. Les expériences de Flou- rens nous apprennent que c'est d'un point ou plutôt d'un segment de cette partie, commençant avec l'origiue de la paire vague et finissant à quelques lignes en arrière : c'est d'un segment si court, « d'un point unique, qui a quelques lignes à peine, que la respiration, l'exercice de l'action nerveuse, l'unité de cette action, la vie entière de l'animal, dépendent. » La destruction successive, tranche par tranche, de la totalité du cerveau, du cervelet, des tubercules quadrijumeaux et de la partie antérieure de la moelle allongée, jusque immédiatement en avant de l'origine des nerfs pneumogastriques, laisse subsister tous les mouvements res- piratoires de la face, du larynx, du thorax et de l'abdomen; la section de la moelle allongée, à quelques lignes au delà de la naissance des vagues, n'arrête que ceux qui dépendent des nerfs dérivés de la moelle, en arrière de la solution de continuité; il laisse persister ceux des narines, de la bouche et du larynx; mais la section du segment compris entre les limites précédemment indiquées les anéantit tous à la fois et sur-le-champ. D'après les dernières expériences de Fiourens\ le nœud vital est formé de deux moitiés ayant chacune 2 millimètres 1/2 au sommet du V, de telle sorte que la section, pour produire immédiatement l'arrêt des mouvements respira- toires, doit porter sur une largeur de o millimètres et atteindre le noyau gris ou central du bulbe. Les résultats si remarquables de la section du nœud vital ont cependant reçu une nouvelle interprétation. Quelques expérimentateurs, avec Brown-Séquardet Schiff, ont prétendu que ce n'est pas par la destruction de cette partie, mais par l'irritation de la moelle due à la destruction même que la respiration se trouve arrêtée. En effet l'excitation de la moelle allongée peut entraîner des troubles divers de la respiration, et, si elle est forte, la cessation de tous ses mouvements. On a prouvé: 1° que l'excitation par un courant galvanique du bout central du nerf vague coupé suspend la respiration, tantôt dans l'inspiration en tétanisant le dia- phragme et les autres muscles dilatateurs du thorax, comme Traube et Rosen- thal l'ont observé, tantôt dans l'expiration en relâchant le diaphragme, et en 1. Fiourens, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1858. INFUT.NCE DU SYSTEME XERVEUX SUR LA RESPIRATION. 403 tétanisant les muscles constricteurs du thorax, comme M. Bert^ l'a vu plusieurs fois ; que l'excitation du laryngé supérieur, des nerfs des narines peut produire les mêmes effets: 3° qu'enlin ces excitations, si elles sont fortes, entraînent la mort par sidération des centrés et presque sans mouvements convulsifs. Dans le cas où elles restent modérées, elles ralentissent simplement les mouvements res- piratoires, et, chose remarquable, les accélèrent si elles deviennent très faibles. En outre, certaines excitations faibles, telles que le pincement du nez ou la compression du larynx, peuvent donner lieu, par une action réflexe, à l'arrêt momentané des mouvements respiratoires. Mais, tout bien considéré, ces faits se concilient avec ceux des vivisections de Flourens. Les excitations galvaniques très intenses de la moelle allongée peuvent suspendre son action, comme le fait la destruction du nœud, et au même titre que la stimulation galvanique du cœur par le nerf vague suspend l'action de cet organe contractile. Dans tous les cas, les résultats de la destruc- tion du nœud vital sont incontestables. Je les ai reproduits sur le cheval, le chat et le chien. Ainsi, sur un jeune cheval de deux semaines, après avoir enlevé les parties antérieures du frontal et du pariétal, j'ai excisé par couches successives les hémisphères cérébraux et le cervelet, puis les tubercules bigéminés, de manière à ne laisser intacte que la moelle allongée, en prenant toutes les précautions possibles pour ne pas la léser, ni l'ébranler. Le petit solipède, à la suite de cette mutilation, qui entraîne, quoi qu'on fasse, une perte de sang assez considérable, continua à vivre encore pendant vingt-deux minutes : il respirait profondément, mais avec un peu d'irrégularité, de huit à quinze fois par minute, c'est-à-dire à peu près comme à l'état normal; d'ailleurs il exécutait des mouvements géné- raux, des déplacements spontanés des membres assez étendus. Sur d'autres animaux, j'ai procédé inversement, atin de séparer seulement la moelle allongée de la moelle épinière, soit par une section simple, soit par une section accompagnée de celle des nerfs vagues, soit par la décapitation. Un premier cheval eut la moelle coupée transversalement entre l'occipital et l'atlas. Aussitôt tous les mouvements généraux cessèrent, et les mouvements res- piratoires du tronc se suspendirent : ceux de la face continuèrent. Les naseaux se dilatèrent vingt fois pendant la minute qui suivit la section, dix-huit fois dans la seconde, trois fois dans la troisième; il n'y eut plus de mouvements dans ces parties dès le commencement de la quatrième minute. A chaque dilatation des naseaux, la bouche s'ouvrait légèrement, mais ce n'étaient pas de véritables bâillements. Un second cheval, dont la moelle fut divisée de même au niveau du trou occipital, eut douze inspirations faciales à la première minute, douze à la deuxième, cinq à la troisième, quatre à la quatrième, deux à la cinquième. Dans ces conditions, ce ne sont pas seulement les mouvements de la face, c'est-à-dire ceux des naseaux et de la bouche qui persistent, ceux du larynx con- tinuent aussi avec leur rhythme habituel. Après avoir pratiqué une petite ouver- ture au bord inférieur du cartilage thyroïde, je coupai la moelle épinière au 1. P. Bert, ouv. cité, p. 433-497. 404 DE LA RESPIRATION. niveau du trou occipital. Les mouvements respiratoires de la face continuèrent pendant cinq minutes. Le doigt, introduit dans la glotte, permettait de sentir les lèvres de cette ouverture s'écarter toutes les fois que les naseaux se dilataient, et se rapprocher toutes les fois qu'ils s'affaissaient. Le jeu delà glotte, isochrone à celui des naseaux, cessa en même temps que ce dernier. Le jeu des naseaux con - tinue, mais celui de la glotte est aboli après la section de la moelle, qui s'accom- pagne de la section des deux nerfs vagues. Le premier persiste même à peu près aussi longtemps que si la moelle seule était divisée. Après la décapitation, la respiration de la face continue moins longtemps que dans les deux circonstances précédentes. Un premier cheval, décapité assez len- tement, n'eût, une fois la tête complètement séparée du tronc, que huit mouve- ments inspiratoires des naseaux. Un second animal de la même espèce, décapité en trois secondes, respira par les naseaux onze fois dans la minute qui suivit l'opération, et une fois seulement une minute plus tard. La respiration faciale des moutons décapités n'a pas persisté plus de deux minutes, et s'est opérée avec lenteur; il y a eu des mouvements de l'hyoïde et du larynx en harmonie parfaite avec ceux des ailes du nez : cette respiration ne survit qu'une minute à une minute et demie chez les chiens adultes, dont la bouche effectue en général de quatre à huit bâillements dans ce court intervalle; elle survit moins encore chez les petits rongeurs, comme les rats et les souris, qui font dix à douze bâil- lements en trente à quarante secondes, après lesquelles le jeu de la face s'arrête complètement. La respiration faciale des animaux très jeunes persiste après la décapitation beaucoup plus longtemps que chez les animaux adultes, et sa durée décroît fort rapidement, comme l'a démontré Legallois, à mesure qu'on s'éloigne du moment de la naissance. Voici quelques exemples, extraits de mon journal d'expériences, qui le prouvent. Un chien, âgé de trois jours et décapité, fit treize bâillements dans la première minute qui suivit la décapitation, deux à la deuxième, deux à la troisième, un à la quatrième, un à la cinquième, un à la sixième, un à la sep- tième, deux à la huitième, un à la neuvième, deux à la dixième et un à la onzième; en tout, 27. Un autre chien de trois jours et de la même portée fit, à la suite de la décapitation, trente et un bâillements pendant la première minute, un à la deuxième, deux à la troisième, deux à la quatrième, un à la cinquième, deux à la sixième, un à la septième, un à la neuvième, un à la onzième, un à la quinzième, un à la dix-septième, un à la vingt et unième, un à la vingt-troi- sième et un dernier à la vingt-quatrième. Enfin, sur un chien qui n'avait pas encore douze à quinze heures, la respiration faciale, sur la tête séparée du tronc, s'opéra pendant un temps encore plus considérable que sur les sujets précédents. Cette fois les bâillements ne commencèrent que trente secondes après la décapi- tation ; ils furent petits et répétés vers la fin de la première minute; ils conser- vèrent le même caractère à la deuxième, à la troisième, à la quatrième, et furent alors accompagnés de fréquents déplacements de la langue qui sortait de la cavité buccale et y rentrait alternativement. Il y eut ensuite un bâillement à la septième minute, un à la neuvième, un à la onzième, un à la treizième, un à la quatorzième, un à la dix-septième, un à la dix-neuvième, un à la vingtième. INFLUENCE DU SYSTEME NERVEUX SUR LA liESPlRATION. 405 un à la vingt-deuxième, un ù la vingt-troisième, un à la vingt-cinquième, un à la vingt-septième, un à la vingt-neuvième, un à la trente et unième, avec pro- jection de la langue hors de la cavité buccale, un à la trente-troisième, un à la trente-cinquième avec quelques mouvements des mâchoires, et enOn un dernier à la trente-septième minute. Sur d'autres petits carnivores de un, deux, trois jours, à la vingtième minute, et même plus tard, alors que les bâillements avaient cessé, l'irritation exercée sur la moelle allongée à l'aide d'un stylet provoquait des bâillements étendus et des mouvements de la langue ; mais la destruction de cette partie abolissait immédiatement la respiration faciale. Voici, au reste, dans le tableau suivant le résumé de ces expériences, en ce qui concerne les animaux dont on a divisé la moelle épinière ou auxquels on a tranché la tête. DÉCAPITATION Nombre Nombre Durée totale des ANIMAUX AGE ou des inspirations des inspirations nasales ou des bâillements. SECTION DE LA MOELLE nasales. bâillements. Cheval.. adulte. Décapitation. 12 Indéterm. 2 minutes. Che-val.. id. Section de la moelle. 41 id. 3 Cheval. . •id. id. 35 id. 5 Cheval.. id. id. 37 id. 4 Cheval.. id. id. 37 id. 4 Cheval.. id. S. de la moelle et des vagues. Mouton. 5 mois. Décapitation. 6 id. 1 m. 50 s. Brebis.. 5 mois. id. 5 id. I m. 30 s. Chien. . . adulte. id. Indéterm. 7 1 minute. Chien... 1 an. id. id. 6 2 Chat.... adulte. id. id. 3 1 Souris. . id. id. id. 12 0 m. 30 s. Souris. . id. id. ' id. 13 Cm. 30 s. Chien.. . 3 jours. id. id. 22 11 m. 10 s. Chien... id. id. id. 46 24 m. 15 s. Chien. . . id. id. id. 24 7 minutes. Chien. .. id. id. id. 25 8 Chien.. . id. id. id. 30 26 Chien... Ijour. id. id. 38 37 Chien. . . id. id. id. Indéterm. 26 Chat. . . . id. id. id. 12 13 Chat..., id. id. id. 10 12 Souris. . très jeune. id. id. 21 1 Souris . . très jeune. id. id. 23 2 Ainsi c'est bien au bulbe rachidien ou à la moelle allongée que réside le prin- cipe excitateur et régulateur des mouvements respiratoires ; car le jeu des puis- sances affectées à la respiration cesse dès qu'elles ne sont plus en communication avec cette partie centrale, et si toutes ces puissances n'en sont pas à la fois sépa- rées, celles qui restent en rapport avec elle continuent à agir pendant que les autres, qui en sont isolées, tombent dans l'inertie; tels les naseaux, la bouche, le larynx, qui fonctionnent avec harmonie à la suite de la décapitation ou d'une simple section en arrière de l'occipital, alors que les parois costales, le dia- phragme, les muscles abdominaux ont suspendu leur action. 406 UE LA RESPIRATION. Les mouvements respiratoires, distincts les uns des autres par les muscles qui les effectuent, par les nerfs qui transmettent à ces mômes muscles l'influence excitatrice du premier moteur, par la diversité d'origine de ces nerfs, les mouve- ments respiratoires, susceptibles d'être isolés les uns des autres, abolis un à un ou tous ensemble, s'unissent et conspirent, suivant les expressions de M. Flou- rens, avec un ordre merveilleux à l'exécution du mécanisme de la fonction ù laquelle ils sont affectés. Le principe de leur association, de leur harmonie, de leurs connexions réciproques si intimes, est le même que le principe qui les excite et leur donne leurs caractères respectifs. Charles Bell avait essayé, avant que la science fût fixée sur la centralisation du premier moteur et régulateur des agents respiratoires, de rattacher tous les nerfs affectés aux muscles de la respiration à une partie distincte de celle qui, sur le trajet de la moelle épinière et de la moelle allongée, donne naissance aux autres nerfs sensitifs et moteurs. L'habile observateur avait été frappé aussi de cette harmonie, dont nous connaissons maintenant la source. Dans l'acte de la respiration, on voit, dit-il, une succession de mouvements réguliers s'étendre à une grande partie de la machine animale ; on reconnaît d'un coup d'œil qu'elle forme une nouvelle espèce d'activité, et que cette nouvelle énergie doit venir d'une source dilïérente de celle du pouvoir locomoteur. Si l'on considère les mouvements simultanés de l'abdomen, du thorax, du col, de la gorge, des lèvres et des narines, il devient évident qu'ils doivent dépendre des nerfs qui possèdent les mêmes pouvoirs, et que ces nerfs doivent avoir un centre commun, afin qu'ils puissent être excités simultanément, également, et donner une impulsion uni- forme aux muscles de la respiration.» De plus, il avait compris que le méca- nisme respiratoire doit dériver d'une impulsion, d'une excitation automatique et involontaire qui, dans une foule de circonstances, peut s'associer à des actes volontaires. Or, en se basant sur des recherches anatomiques et des données rationnelles et expérimentales, Ch. Bell avance qu'il y a, sur la longueur de la moelle allongée et de la moelle épinière, un cordon latéral intermédiaire au cor- don supérieur affecté à la sensibilité, et au cordon inférieur préposé au mouve- ment, cordon latéral d'où dérivent, selon lui : 1° les nerfs vagues; 2« le facial, ou nerf respiratoire de la face; 3° l'accessoire, ou nerf respiratoire supérieur du tronc; 4° le phrénique, ou nerf respiratoire interne; 5° le nerf respiratoire externe, ou le principal des thoraco-musculaires. Le glosso-pharyngien est aussi annexé à cette série. Ces cordons nerveux se distingueraient des autres en ce qu'ils auraient une racine simple, émanée du faisceau latéral du bulbe rachidien ou de la moelle épinière, et en ce qu'ils seraient dépourvus de ganglions à leur origine. Suivant Bell, les muscles de la respiration agiraient, d'une part, involontaire- ment ou d'une manière automatique sous l'influence des nerfs respirateurs pré- cités, et ils agiraient d'autre part, volontairement sous l'influence des nerfs de la sensibilité et de la motricité générales, soit pour modifier le rhythme de la respiration, soit pour concourir à des actions étrangères à la respiration. Par suite de cette double source d'innervation, la plupart des muscles respirateurs pourraient être privés de la faculté d'agir pour le mécanisme de la respiration, tout en conservant l'aptitude à remplir leur rôle relatif à d'autres fonctions. INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LA RESPIRATION. 407 Le systèmo ingénieux do Kell a été depuis longtemps sapé dans ses bases. Il ne saurait être admis, ni au point de vue de l'anatomie, ni à celui de la physio- logie. Rien ne démontre qu'il y ait, sur chaque cùté de la moelle allongée et de la moelle épinière, un faisceau spécialement alfecté à la naissance des nerfs res- piratoires. Ceux-ci n'ont pas réellement un mode d'origine dillérent de tous les autres. Chaque nerf respiratoire en particulier ne jouit pas d'une spécialité d'ac- tion absolue. Le facial, qui règle le jeu des narines, des lèvres, des joues dans le mécanisme respiratoire, anime aussi la contraction de ces mêmes parties pour la préhension des aliments, la mastication, la phonation, l'expression; il n'est point remplacé dans ces derniers actes par les divisions émanant d'autres nerfs. Le vague n'est pas seulement respiratoire par ses divisions laryngiennes, tra- chéales, pulmonaires, il est encore moteur pour le cœur et Testomac. Le spinal préside à la contraction du sterno-maxillaire, du mastoïdo-huméral, du trapèze cervical, aussi bien quand ces muscles concourent aux mouvements généraux de la tête, des membres antérieurs, que lorsqu'ils agissent pour la respiration. Le respirateur externe du tronc, ramifié dans le grand dentelé, est confondu avec les autres divisions du plexus brachial et offre le même mode d'émergence que ces dernières; il n'a d'ailleurs pas d'attributions distinctes de celles des thoraco- musculaires émanés du plexus. Le phrénique a des racines motrices et des racines sensitives, comme ceux des paires desquelles il se détache. Entin on ne saurait démontrer, a l'aide de l'analyse expérimentale, que les muscles de la respiration agissent involontairement, sous l'influence des nerfs précités, tandis qu'ils agi- raient volontairement, soit pour la respiration, soit pour la locomotion générale, sous l'influence d'autres nerts. Elle ne démontre pas davantage que ces muscles puissent être privés de la faculté de concourir à la respiration pendant qu'ils pourraient servir encore aux mouvements généraux, et réciproquement. Ce qui établit l'unité d'action des puissances respiratoires, l'harmonie, la corrélation intime qui existe entre elles, ce n'est point cette prétendue spécialité d'origine dont nous venons de parler, mais c'est l'influence motrice et régulatrice de la moelle allongée. On tend à admettre aujourd'hui dans la moelle allongée, dans la moelle épinière, comme dans les diverses parties de l'encéphale, des centres d'activité distincts et indépendants. L'un de ces centres du bulbe serait à l'origine des vagues, et il agirait d'une façon rhythmique. On pourrait leur en donner de multiples, puisque ces nerfs contribuent à régler plusieurs fonctions distinctes, la respira- tion, la circulation cardiaque, et, comme la respiration influence la circulation et s'y trouve liée par d'étroites sympathies, on incline à voir des relations intimes entre les centres respiratoires et ceux de l'action du cœur. On dit, et la propo- sition va de soi : ces centres agissent rhythmiquement; ils agissent aussi alternati- vement. Ces assertions sont admissibles à titre d'images des actes physiologiques, comme les tracés donnés par les appareils enregistreurs. Elles peuvent entrer dans le courant des explications pour une valeur conventionnelle, non pour une valeur réelle et intrinsèque. Nous verrons bientôt que de telles explications sont données pour la circulation, quand il s'agit de rendre compte du rhythme de l'action du cœur. 408 DE LA RESPIRATION. Le mécanisme respiratoire, régi par le bulbe rachidien, s'exécute sans le concours de la volonté, et cependant la volonté a sur lui une inQuence incontes- table ; elle peut l'accélérer ou le ralentir , l'exagérer ou l'affaiblir ; elle peut môme le suspendre pendant un certain temps, au delà duquel son intervention n'a plus d'empire. L'influence de la volonté, quand elle se fait sentir, émane des lobes cérébraux et est portée par le bulbe rachidien dans la moelle épinière, qui la répartit entre les différents nerfs respiratoires. Quelques physiologistes, Marshal- Hall entre autres, lui attribuent une action continue qu'elle ne paraît pas avoir, de telle sorte qu'une fois les pneumogastriques coupés et les hémisphères céré- braux détruits, la respiration serait immédiatement abolie; mais il n'en est pas ainsi. Déjà Flourens, par des expériences faites sur des pigeons et des lapins, a reconnu contrairement à l'assertion du savant observateur anglais, que les mou- vements respiratoires survivent au retranchement combiné des nerfs vagues et des lobes cérébraux. J'ai constaté le même fait sur le cheval. Seulement l'animal ainsi mutilé ne vit plus longtemps, surtout si l'on n'a pas pris la précaution de lui ouvrir la trachée pour prévenir les effets de la paralysie du larynx : sa respi- ration est excessivement ralentie et irrégulière, comme cela arrive, du reste, toutes les fois que l'on a pratiqué l'ablation d'une grande partie de l'encéphale. Les mouvements respiratoires se modifient dans quelques actes spéciaux, tels que le bâillement, la toux, l'ébrouement, qui paraît être pour les animaux l'ana- logue de l'éternuement dans l'espèce humaine. Enfin ils se mettent au service d'une foule d'actions différentes. Ils jouent^ comme nous l'avons vu, un rôle important dans la production des efforts, de la voix, et de plusieurs manifesta- tions expressives ; ils concourent au vomissement, à la rumination, à laparturi- tion, à l'expulsion de l'urine, etc. Ils sont alors mis en jeu, soit par l'influence delà volonté, soit par suite des actions nerveuses réflexes. Dans ce dernier cas, les organes qui ont besoin d'auxiliaires, en réclament le secours par leurs nerfs spéciaux, et aussitôt les centres règlent la nature et les limites de l'intervention, puis, avec une rapidité électrique, ils en départissent le principe excitateur aux nerfs qui animent les muscles de la respiration. Ainsi l'admirable mécanisme respiratoire, tout en remplissant son rôle, coopère à l'accomplissement d'une foule d'actions diverses qui, sans lui, seraient difficiles et souvent même im- possibles. C'est l'athlète puissant qui prête main-forte oi!i son assistance est nécessaire. LIVRE SEPTIÈME DE LA CIRCULATION Le fluide nutritif est formé aux dépens des matériaux que l'absorption a recueillis dans les voies digestives, sur les diverses surfaces et dans la trame des tissus ; la respiration lui a imprimé les modifications qui le rendent propre à stimuler les organes et à leur donner les éléments de nutrition et de sécrétions. Il faut maintenant que ce fluide, renfermé dans des canaux nombreux et ramifiés à l'infini, soit soumis à une impulsion spéciale, régulière, permanente, qui le transporte dans toutes les parties et le ramène ensuite dans les organes respi- ratoires où il reprend les propriétés qu'il a perdues par le fait du travail nutritif et secrétoire. Or c'est par la circulation que s'effectue ce mouvement incessant, cette répartition générale du fluide contenu dans le système vasculaire. Jetons, tout d'abord, un coup d'œil d'ensemble sur ce vaste système avant d'étudier le mécanisme et les lois de son action. CHAPITRE LV CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA CIRCULATION ET SUR LE SYSTÈME VASCULAIRE Le système vasculaire, réduit à son expression essentielle et élémentaire, a pour office de prendre les matériaux du fluide nutritif en divers pojnts de l'orga- nisme, de porter ce fluide au contact de l'air qui le vivifie, et enfin de le distri- buer à toutes les parties du corps. Aussi dans le végétal, ce système est-il formé de deux séries de voies continues entre elles : les premières, chargées de porter la sève, des racines où elle est absorbée, aux feuilles où elle s'élabore ; les secondes, destinées à prendre cette sève dans les feuilles et à la répartir dans les tissus auxquels elle est nécessaire. De même, dans l'animal, si compUqué qu'il soit, il constitue, en dernière analyse, un ensemble de voies que le fluide nutritif par- court, des parties où il est puisé à celles où il est vivifié au contact de l'air, et enfin de celles-ci à tous les tissus où il est employé à l'assimilation et aux sécrétions. Mais, dans les animaux, la disposition générale, la configuration, la structure et les rapports de ses différentes parties sont extrêmement variées. Chez les plus simples, le système vasculaire semble formé seulement par les interstices ou les 410 nE LA CIRCULATION. lacunes plus ou moins irrégulières de la trame organique , car partout les matériaux sont recueillis, partout ils sont exposés à l'action de l'oxygène et employés aux actions vitales. Alors ce fluide dispersé, pour ainsi dire, dans des lacunes sans parois propres et distinctes, baigne toutes les parties et n'a pas encore de courants réguliers et bien déterminés. A un degré plus élevé, ces voies ne forment plus de trajets interstitiels sans régularité ; elles se dessinent nette- ment, acquièrent des parois spéciales, distinctes, et le fluide les parcourt dans un sens déterminé. Plus tard, le système vasculaire, tout en restant continu à lui-même, se fractionne en plusieurs sections : dans l'une, les matériaux du fluide nutritif se rendent des parties où ils sont recueillis à celles où ils sont mis en rapport avec l'air ; dans une autre, ils sont vivifiés par la respiration, charriés vers tous les organes, et dans une dernière, ils reviennent de nouveau subir l'ac- tion de l'air, pour reprendre leurs propriétés premières. A ce moment déjà, le fluide nutritif éprouve un mouvement circulaire complet. Or, pour suivre une marche régulière et invariable, pour se porter à l'organe respiratoire, puis de celui-ci à toutes les parties, et parcourir successivement les diverses sections d'un même cercle, ce fluide est renfermé dans des canaux contractiles qui lui impriment une impulsion en un sens déterminé. Suivant leurs formes et leur structure, ces canaux constituent les artères, les capillaires et les veines. De même, suivant leur situation, leur nombre et les mille détails de leur organisa- tion, les réservoirs connus' sous le nom de cœurs donnent à la circulation des caractères très diversifiés, dont nous allons exposer d'une manière générale les plus remarquables, en les rattachant à un certain nombre de types bien caractérisés. Le système vasculaire se montre déjà nettement, sous une forme élémentaire, parmi les animaux les plus simples. Les hydres, les actinies, les méduses, pos- sèdent, de même que quelques infusoires, des cavités réticulaires plus ou moins rameuses, dans lesquelles se meut un fluide particulier ; ces cavités sont des pro- longements du tube digestif, des canaux appelés gastro-vasculaires dans lesquels paraît pénétrer Feau chargée de matières nutritives, et où elle se meut soit par les contractions des parois, soit par suite de l'agitation des cils vibratiles. Dans les éçhinodermes, comme les holothuries, les astéries et les oursins, le système vasculaire se circonscrit en prenant un développement remarquable. Il se compose chez eux d'un grand nombre de vaisseaux dont les uns se ramifient autour du canal intestinal, les autres dans lea appendices locomoteurs, et les derniers dans la peau. Ces canaux offrent entre eux des différences assez sen- sibles pour qu'on puisse en rapporter une partie à la catégorie des artères et l'autre à celle des veines. Les plus considérables forment des troncs volumineux, à parois évidemment contractiles qui, en certains points, offrent des sinus ou dilatations analogues à de véritables cœurs. Là le fluide nutritif, qui commence à se caractériser par une couleur particulière et des globules plus ou moins nom- breux, est porté alternativement des organes respiratoires aux différentes parties, et de celles-ci aux organes respiratoires; il éprouve donc déjà, dans de certaines limites, le mouvement circulatoire qui deviendra si manifeste et si régulier parmi les animaux supérieurs. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE SYSTÈME VASCULAIRE. 411 Dan? renil)ranclieinoiit dos articulés, le système vasculairf^ est formé, soit par un ensemble de canaux, partout continus entre eux et ù parois propres, soit par des vaisseaux qui, en certains points, sont interrompus, et se continuent avec des sinus ou des lacunes plus ou moins étendues. Chez les insectes, il se compose d'un long canal médian, étendu d'une extré- mité du corps à l'autre, divisé par des étranglements et des replis valvulaires en une série de petits compartiments, et à l'intérieur duquel le sang éprouve une série d'oscillations provoquées par la contraction des parois de ce conduit, qui doit être considéré comme le réservoir central et l'agent d'impulsion du fluide nutritif. Ce canal, que les premiers observateurs croyaient complètement fermé, fournit en plusieurs points de son étendue de très petites divisions qui vont se ramilier dans les viscères. En outre, il oftre à son extrémité céphalique, qui est simple ou divisée, et sur ses parties latérales, plusieurs petites ouvertures valvu- laires par lesquelles s'échappe et rentre le fluide nutritif. Celui-ci, poussé par les contractions du canal ou du vaisseau dorsal, sort par ses ouvertures et va former, dans l'abdomen et les diverses parties, des courants réguliers dirigés du centre à la périphérie, puis ce même fluide revient par d'autres courants, parallèles aux premiers, de la circonférence au centre, c'est-à-dire des parties au vaisseau dor- sal. Il y a donc, chez ces animaux, une véritable circulation simple, que les observations de Carus et de ^\'agner ont constatée. Seulement il reste à savoir si les voies que parcourt le fluide sorti du vaisseau dorsal sont de simples trajets sans parois propres, ou de véritables vaisseaux. Les autres articulés, notamment les annélides et surtout les crustacés, ont un système vasculaire assez complet, dans lequel on distingue un cœur, des artères et des veines. Le cœur, qui est une simple dilatation plus ou moins circonscrite, se trouve placé sur le ti-ajet du sang artériel. Il lance celui-ci dans toutes les parties par des vaisseaux aortiques qui, au lieu de se terminer par un système capillaire, s'abouchent dans des lacunes ou des sinus sans parois spéciales. De ces lacunes, le sang est apporté aux branchies par des vaisseaux particuliers, puis, une fois quïl a siibi dans celles-ci l'influence vivifiante de l'oxygène, il revient au cœur. Ce n'est donc encore là qu'une circulation simple, où le sang poussé par le cœur dans toutes les parties du corps revient de lui-même à cet organe d'impulsion, après .avoir traversé l'appareil branchial ou pulmonaire. La forme du cœur, sa situation relative, la disposition des artères qui en émanent et des veines qui s'y rendent, n'ont, au point de vue physiologique, qu'une importance accessoire. L'embranchement des mollusques offre un appareil circulatoire encore plus complexe, et qui se rapproche davantage de la forme particulière à ce système chez les animaux vertébrés. Le cœur, placé sur le trajet du sang artériel, se com- pose généralement d'un ventricule et d'une oreillette; il donne naissance à une ou deux aortes par lesquelles le sang est distribué aux diverses parties du corps. De celles-ci il est amené aux branchies par des veines qui, avant de pénétrer dans ces organes respiratoires, oftrent quelquefois une ou deux dilatations contractiles considérées comme des cœurs pulmonaires. Après avoir traversé les branchies, le sang est ramené par deux veines dans le cœur aortique ou dans son oreillette, 412 DE LA CIRGDLATION. lorsque ce cœur en est pourvu. Le cœur aortique projette donc le sang dans toutes les parties où il doit servir à la nutrition et aux sécrétions ; il ne le distribue ni partiellement, ni en totalité aux organes respiratoires. Le fluide, en sortant des artères, s'épanche dans la grande cavité viscérale et dans de nombreuses lacunes avant de rentrer dans les organes respiratoires, car chez ces invertébrés le sys- tème circulatoire est incomplet dans sa section veineuse, comme l'ont constaté MM. Milne Edwards, de Quatrefages, R. Owen, etc. D'ailleurs, chez les mollusques dits phlébentérés, comme chez la plupart des rayonnes, les produits de la digestion sont dispersés dans presque toutes les parties du corps par les canaux gastro-vasculaires , qui paraissent servir tout à la fois à la circulation et à la respiration ' . Dans l'embranchement des vertébrés, le système circulatoire se complique encore, mais sa complication est graduelle des poissons aux reptiles, des reptiles aux oiseaux et aux mammifères. Les poissons ont tous un système vasculaire complet. Ils possèdent un cœur simple à une seule oreillette et à un seul ventricule. Ce cœur, placé sur le trajet du sang veineux, lance le fluide dans les branchies par un vaisseau qui se divise bientôt en deux branches, dont les ramifications s'étalent dans l'appareil respira- toire. Des dernières ramifications du vaisseau qui a conduit le sang aux branchies naissent des artères de plus en plus grandes, dont la réunion forme une aorte par laquelle le sang, devenu artériel, est distribué à toutes les parties, desquelles il revient par les deux veines caves antérieures, la veine cave postérieure, la veine porte hépatique et la veine porte rénale, dont l'abouchement commun a lieu dans l'oreillette du cœur, par un sinus plus ou moins développé. Chez les poissons, le système vasculaire n'est donc pas plus compliqué que chez les mollusques et les crustacés ; et il ne se distingue de celui des invertébrés que parce qu'il se trouve sur le trajet du sang veineux au lieu d'être sur le trajet du sang artériel ; il lance le sang noir dans les branchies au lieu de lancer le sang rouge dans toutes les parties du corps. Dans les reptiles, l'appareil circulatoire montre, d'une manière progressive, tous les degrés intermédiaires au système vasculaire des animaux qui précèdent, et à celui des mammifères et des oiseaux. Le cœur de ces vertébrés n'est plus exclusivement, ni sur le trajet du sang artériel, comme chez les mollusques et certains articulés, ni sur celui du sang veineux, comme chez les poissons, mais il est à la fois sur le trajet des deux sangs ; il reçoit en même temps du sang noir et du sang rouge, et il envoie aussi de l'un et de l'autre. De plus, les deux fluides se mêlent, soit dans un cœur à une seule oreillette et à un seul ventricule, soit dans un cœur à deux oreillettes ou à deux ventricules à cloisons intermédiaires percées, soit enfin dans des vaisseaux artériels anastomosés avec des vaisseaux veineux, de telle sorte que, généralement, les organes respiratoires et les diverses parties du corps reçoivent un mélange de sang veineux et de sang artériel. Ainsi, dans les batraciens, il y a une oreillette simple divisée en deux loges par une cloison incomplète, et un ventricule unique. L'oreillette reçoit le sang des 1. Voyez à ce sujet Milne Edwards, Leçons de pftys. et d'anai. comp., t. III. CONSIDÉRATIONS GENERALES SUR LE SYSTEME VASCULAIRE. 413 poumons et celui des autres parties. Le ventriculelance, par une aorte qui se divise, le mélange du sang artérialisé et du sang noir dans l'organe respiratoire et dans toutes les parties. Chez les serpents et les tortues, il y a une oreillette droite. recevant le sang des veines caves, et une gauche recevant celui des veines pulmo- FiG. 164. ^ La circulation du poulpe (*). FiG. 165. — Système vasculaire des poissons osseux (**). naires, un ventricule à deux compartiments séparés }iar une cloison percillée, à travers laquelle les deux fluides peuvent se mêler; l'aorte simple ou double et l'artère pulmonaire émanées de ce ventricule charrient encore un mélange de sang noir et de sang rouge. Dans les crocodiles, les deux ventricules sont séparés l'un de l'autre, de même que les deux oreillettes, de telle sorte que dans le cœur (*) a, cœur :b, aorte ascendante; c, Teines qni portent le sang dans les cœurs pulmonaires; (f, cœurs pulmonaires; e,j vaisseau afférent des branchies; f, veine branchiale; ^, bulbe des vaisseaux branchio- cardiaques. (Cuvier, Règne animal.) (**) a, oreillette ; è. ventricule du cœur; c, origine renflée ou bulbe de l'artère pulmonaire; /(, artère branchiale d .nnant une division t. à chaque arc bianchial et portant le sang veineuî dans l'appareil respi- ratoire ; k, veines branchiales formant par leur réunion l'aorte /; «, branche dorsale de l'aorte; o. brauche sons-vertébrale de cette artère; e. tronc et sinus des veines de la tète; f. troncs des veines des organes loco- moteurs ; g. tronc des veines gastriques, intestinales, hépatiques et génito-urinaires ; d. grand sinus veineux formé par la réunion de toutes ces veines à leur abouchement dans l'oreillette. > Cuvier, Régne animal.) 414 DE LA CIRCULATION. il n'y a pas de mélange entre les deux sangs. Mais comme, d'une part, chaque PiG. 166. — Système circuiatcire du chien (*). ventricule donne naissance à une aorte, et que le droit fournit de plus une artère neure ; cale supérieu.^ , , . , _,„ — . , , , . ^ . raie; ^. vésico-prostatique ; Z, bulbeuse ; M. veine cave postérieure; iV, veine porte; P, veine cave antérieure; Q, veine jugulaire ; R, artère pulmonaire; 5, veine pulmonaire. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE SYSTÈME VASCULAIRE. 415 pulmonaire; comme, d'autre part, l'aorte émanée du ventricule droit et charriant du sang noir s'anastomose avec l'aorte pleine de sang artériel et dérivée du ven- tricule gauche, il en résulte que le fluide porté aux parties est mixte ; seulement l'anastomose entre ces deux vaisseaux ayant lieu après que l'aorte pleine de sang artériel a fourni les carotides, les axillaires et les iliaques, la léte et les membres reçoivent du sang artériel pur, et les viscères un mélange des deux fluides. Entin dans les oiseaux et les mammifères, il y a un cœur à deux oreillettes complètement séparées l'une de l'autre par une cloison, et deux ventricules, qui ne communiquent point ensemble. Ce sont, à proprement parler, deux cœurs complets accolés entre eux, qui contiennent l'un du sang veineux, l'autre du sang artériel. L'oreillette droite reçoit le sang noir de toutes les parties par les veines caves, le ventricule lance le sang dans le poumon, où il va subir l'influence de l'air. L'oreillette gauche reçoit le sang vivitîé, artérialisé, dans le poumon, et le ventricule du même côté le distribue par l'aorte à toutes les parties de l'orga- nisme. Il y a, par conséquent, un cœur qui est à la fois sur le trajet du sang veineux et du sang artériel, mais ces deux fluides ne se mêlent point : tout le sang artériel est envoyé aux parties, tout le sang veineux est distribué au poumon. Il y a deux circulations complètes et distinctes, une grande pour l'ensemble de l'organisme, et une petite pour le poumon. Tout le sang qui va aux diverses parties de l'économie a traversé le poumon, où il s'est artérialisé, et tout le sang qui vient de ces parties ne peut y retourner sans s'artérialiser de nouveau en pas- sant par l'organe respiratoire. C'est là le degré le plus élevé de la complication du vaste système circulatoire dans le règne animal. Ce coup d'œil rapide sur les principaux types du système vasculaire nous suf- fira pour comprendre les grandes variétés du mécanisme de la circulation. Il faut, pour se faire une idée exacte des particularités infinies de ce système dans les diverses classes d'animaux, recourir aux magnifiques travaux de Guvier, de Milne Edwards, Duvernoy, et à ceux de Audouin, Dugès, Martin Saint-Ange, Dujardin, E. Blanchard, de Quatrefages, de Lacaze-Duthiers, etc. Voyons comment on est arrivé à la connaissance du mouvement circulatoire du sang dans ce vaste appareil. Les anciens, sans connaître la circulation, savaient que le sang est en mouve- ment dans ses vaisseaux, et même qu'il est porté du cœur aux diverses parties de l'organisme. Erasistrate connaissait très bien les mouvements du cœur, sa dias- tole et sa systole, les pulsations des artères ; mais il croyait que les veines seules contenaient du sang. Les artères, selon lui, étaient pleines d'air qu'elles attiraient en vertu d'une aspiration active, et cet air venait de la trachée et du poumon à travers les cavités gauches du cœur. Galien remarqua que, contrairement à l'opi- nion de ses devanciers, les artères contiennent du sang aussi bien que les veines. Néanmoins il crut que ces premiers vaisseaux contenaient un sang chargé de prin- cipes subtils, d'esprits ou de pneuma, et que c'était pour mieux retenir ceux-ci qu'ils avaient des parois épaisses et très résistantes. Galien croyait que le chyle était porté au foie où il se convertissait en sang, de là dans les cavités droites du cœur, puis en partie dans le poumon et en partie dans les cavités gauches à tra- vers les prétendues porosités de la cloison intermédiaire aux deux ventricules. Il 416 DE LA CIRCULATION. savait, et il le répète souvent, que le cœur envoie du sang au poumon et à toutes les parties du corps ; mais il pensait que ce sang leur était distribué à la fois par les artères et les veines. En plusieurs endroits de ses ouvrages, il dit que le cœur attire et chasse tour h tour le sang, suivant qu'il se dilate ou qu'il se resserre ; il insiste même beaucoup sur la disposition et le jeu des valvules sigmoïdes placées à l'entrée de l'aorte et de la veine artérielle, valvules auxquelles il assigne pour usage de s'opposer à ce que le sang, une fois parvenu dans ces vaisseaux, revienne au cœur lors de la dilatation du viscère. D'ailleurs il sait que les artères et les veines communiquent entre elles par des anastomoses, et qu'elles laissent filtrer à travers leurs parois les éléments sanguins destinés à la nutrition des parties. Galien connaît donc nettement la progression du sang dans ses vaisseaux, mais il n'a pas encore l'idée du mouvement circulaire ou de la circulation complète de ce fluide ^ A l'époque de la renaissance des lettres, les idées de Galien commencèrent, aux yeux de quelques observateurs, à perdre de leur prestige. Dans un livre de disputes théologiques publié en loo3, Michel Servet^, se fondant sur l'absence des prétendues communications entre les cavités droites et les cavités gauches, affirme que le sang doit traverser les vaisseaux du poumon pour passer des pre- mières dans les secondes. Cette simple déduction tirée d'un fait anatomique a été appelée la découverte de la circulation pulmonaire, et le mérite en a été rap- porté à Servet. Mais l'attribution de ce mérite au pauvre théologien est très con- testable. D'une part Servet ne dit pas qu'il a reconnu et qu'il signale le premier la non-communication entre les cavités droites et les cavités gauches ; d'autre part, dans ses voyages en Italie, il a pu entendre les maîtres indiquer le fait et la déduction qui en découle. En effet Colombo qui professait alors l'anatomie et la physiologie à Padoue, mentionne très clairement la circulation pulmonaire dont certainement il n'est pas allé chercher l'idée dans' un livre sur la trinité, brûlé, sauf un seul exemplaire, l'année même de sa publication, quelques mois avant son auteur. Mais les historiens inattentifs l'ont relégué au second plan, parce que ses œuvres n'ont été publiées que longtemps après sa mort ^. Un peu plus tard, Césalpin signale de nouveau la petite circulation, c'est-à-dire le passage du sang des cavités droites du cœur dans l'artère pulmonaire, de celle-ci dans les veines pulmonaires, par lesquelles il i-evient aux cavités gauches. De plus il découvre, en la nommant, la circulation générale, car il dit que le sang du ventricule gauche est distribué aux différentes parties du corps par l'aorte, et qu'il revient de celles-ci au cœur droit par les veines. Il était arrivé à reconnaître que, dans les veines, le sang marche de la périphérie vers le centre ou des parties vers le cœur, par le gonflement que la compression détermine sur une veine entre les parties et la ligature, et non entre la ligature et le cœur. Ainsi l'idée de la circulation était connue et exprimée par les auteurs qui 1. Vovez Galien, De usu partium. lib. VI, cap. IX, X. XI, XII, XIII, XIV, XV, XVI et XVIL 2. Servet, Christlanismi restitutio. Viennse Allobrogum, 1553. 3. Voir à ce sujet une savante dissertation de A. Chereau, Bull, de l'Académie de Médecine. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LE SYSTÈME VASCULAIRE. 417 viennent d'être rappelés. Elle était même avant eux indiquée vaguement en 1552 par don Francisco de la Reyna, hippiatre espagnol, dont Touvrage paraît avoir été peu répandu. Celui-ci dit que les veines naissent du foie et les artères du cœur. que par les unes le sang se m€ut de haut en bas, et par les autres de bas en haut, de telle sorte qu'il « progresse en tournant ou en décrivant un cercle. » Mais ces idées nouvelles, opposées aux idées anciennes, n'étaient ni développées suf- fisamment, ni appuyées sur des considérations anatomiques et expérimentales ; elles ne pouvaient rivaliser avec les doctrines acceptées jusqu'alors avec respect sur l'autorité de Galien : aussi elles firent peu d'impression et furent bientôt oubliées. Entîn Harvey parut. Instruit à une école déjà célèbre où les idées des adver- saires de l'antiquité avaient du se faire jour, il fixa son attention sur l'admirable structure du cœur, sur la disposition des valvules placées à l'origine de l'aorte, de l'artère pulmonaire et sur les valvules des veines que venait de découvrir son maître, Fabrice d'Aquapendente : ses méditations le conduisirent à l'immortelle découverte de la circulation du sang. Harvey, dont le livre ^ fut publié pour la première fois en 1628, réfute les idées des anciens et examine successivement l'action du cœur, celle des artères, des veines et le mode suivant lequel le sang se meut dans ces vaisseaux. Il établit que le cœur éprouve deux mouvements alternatifs, l'un de diastole, et l'autre de systole. Par le premier, qui est passif, l'organe se dilate pour recevoir le sang des veines ; et par le second, qui est actif, il se contracte pour chasser ce fluide dans les artères. 11 fait voir que la contraction des ventricules succède à celle des oreil- lettes, et qu'il y a un antagonisme entre l'action des premiers et celle des secondes. Les deux oreillettes se contractent ensemble et chassent dans les ven- tricules le sang qu'elles contiennent, puis les deux ventricules se resserrent à leur tour et lancent dans les artères le sang qu'ils viennent de recevoir. Pendant que les oreillettes se contractent, les ventricules se relâchent, et lorsque les ven- tricules opèrent leur systole, les oreillettes éprouvent leur diastole. Au moment de la contraction des oreillettes, les valvules auriculo-ventriculaires s'abaissent pour laisser passer le sang dans les ventricules; et au contraire, lors de la con- traction des ventricules, ces mêmes valvules se relèvent pour empêcher le sang de refluer dans les premières cavités. En se contractant, le cœur se tend, se rac- courcit, éprouve une légère torsion spiroïde sur lui-même, et enfin, en venant frapper les parois de la poitrine, donne lieu au choc et au bruit particulier per- ceptibles au toucher et à l'auscultation. Harvey reconnaît tous les détails de ce mécanisme en examinant le cœur des animaux vivants, et surtout celui des ver- tébrés à sang froid. Le grand observateur analyse ensuite les phénomènes de la circulation dans les artères, les capillaires et les veines ; il constate que la pulsation artérielle est due à l'ondée sanguine chassée dans l'aorte par le cœur et qu'elle est isochrone avec la systole ventriculaire ; il démontre que le cours du sang dans les artères a lieu du centre vers la périphérie et que, dans les veines, il s'opère au contraire de la 1. Harvey, Exercitationes anatomicas de motu cordis et sanguinis circulatione, 1628. G. coLin. — Physiol. comp., 3° édit. II. — 27 418 DE LA CIRCULATION. périphérie vers le cœur. Les rapports de la circulation générale avec la circulation pulmonaire sont signalés, la vitesse du sang est calculée. Enfin dans le travail d'Harvey, tous les grands traits, toutes les particularités importantes de la fonc- tion sont indiqués. Il n'y manque que la démonstration objective : elle fut donnée peu de temps après la mort du grand homme par Malpighi et Leuwenhoeck, qui, à l'aide du microscope, purent voir le passage du sang des artères dans les veines. La gloire de la découverte du cours du sang revient donc à Harvey. Si d'autres avant lui ont eu une idée vague de la circulation, Harvey le premier s'en est fait une idée précise et complète ; il en a déterminé le mécanisme admirable dans son ensemble et dans tous ses détails ; il a reconnu les particularités de l'action du cœur, des artères et des veines; en un mot, il a saisi, àlui seul, tous les traits d'une fonction qui,, jusqu'alors, avait été une énigme pour les grands esprits del'antiquité et pour les plus habiles observateurs de la Renaissance. Les vérités qu'il venait de révéler au monde trouvèrent des adversaires, inspirés, les uns par un respect et une foi trop sincères aux dogmes des anciens, les autres par l'envie qui pour- suit toujours les grandes découvertes. Et, lorsque l'évidence fit taire les ennemis de Harvey, ils voulurent rapporter le mérite de sa découverte à des auteurs qui n'y avaient jamais pensé. Harvey ne leur répondit rien. Seulement il descendit dans la lice pour réfuter avec une rare dignité les objections de Riolan, qui tenait un rang éminent parmi les anatomistes de son époque. Le temps et le ridicule firent justice du reste (1). CHAPITRE LYl DE L'ACTION DU COEUR ET DU COURS DU SANG DANS LES CAVITÉS DE CET ORGANE Le mouvement du sang, dans le système vasculaire, dérive uniquement, chez les animaux inférieurs, de la contraction plus ou moins énergique des parois des vaisseaux; mais il tient essentiellement, chez les animaux plus parfaits, à l'im- pulsion puissante quelle cœur communique à ce fluide. Dans les deux cas, la cause du mouvement réside dans la contraction des réservoirs ou des canaux qui contiennent le sang; seulement dans le premier elle s'exerce partout, et dans le second elle est surtout limitée à la partie centrale du système. La différence fon- damentale qui existe entre ces deux modes de circulation résulte de la dissémi- nation ou de la centralisation de la puissance qui fait mouvoir les fluides. Le sys- tème lymphatique et le système sanguin des vertébrés nous montrent ces deux types fonctionnant parallèlement, chacun suivant des lois spéciales : le premier représentant l'appareil vasculaire le plus simple, et le second l'appareil porté à son plus haut degré de complication. Le cœur des vertébrés supérieurs est placé à la fois sur le trajet du sang vei- 1. A'oyez, pour de plus amples détails, Floureiis, Histoire de la découverte de la circu- lation du sang. Paris, 1851. ACTION DL" CŒL'R. 419 neux et sur celui du sang artériel, précisément au point où les deux circulalion>, la petite et la grande, s'entrecroisent, tout en demeurant distinctes et isolées. 11 est formé de deux cœurs unis intimement, agissant ensemble, mais n'ayant entre eux aucune communication. L'un reçoit et lance du sang veineux, l'autre reçoit et chasse du sang artériel. Le premier reçoit le sang noir de la grande circula- tion, et l'envoie à la petite; le second, au contraire, reçoit le sang rouge de la petite circulation, et l'envoie à la grande. Le conir droit appartient à la circula- tion générale par son oreillette, et à la circulation pulmonaire par son ventri- Fjg. 167. ^ Schéma du cours du sang (* . cule ; le gauche appartient à celle-ci par son oreillette, el à celle-là par son ven- tricule. Ils sont tellement disposés, que le sang noir ne peut se mêler au sang rouge, et que le fluide sorti de l'un d'eux n'y peut revenir qu'après avoir par- couru le cercle des deux circulations, c'est-à-dire après avoir traversé deux séries d'artères, deux systèmes capillaires et deux séries de veines (fig. 167). Exami- nons le rôle de cet organe complexe, c'est-à-dire les mouvements du cœur, les phénomènes dont ils s'accompagnent, l'impulsion qu'ils communiquent au sang, et l'action nerveuse sous l'influence de laquelle ils s'opèrent. I. Des mouvements du cœue. Le cœur, considéré dans son ensemble, éprouve deux mouvements, l'un passif, par lequel il se dilate pour recevoir le sang que lui apportent les veines ; l'autre actif, par lequel il se contracte et lance dans les artères le sang qu'il vient de recevoir : le premier est la diastole, et le second la systole; mais chacun de ces deux mouvements ne s'opère pas en même temps dans les oreillettes et dans les ventricules. Les deux oreillettes se dilatent ensemble, et pendant leur dilatation les ventricules se contractent, puis, à leur tour, les deux ventricules se dilatent au moment où les deux oreillettes se contractent : en d'autres termes, la diastole des oreillettes coïncide avec la systole des ventricules, et réciproquement, la systole (*) A. venlricule droit: B, oreillette droite; G, artère pulmonaire; E, veine cave ; D, ventricule gauche; C, oreillette gauche ; F, aorte; H, veines pulmonaires. 420 DE LA CIRCULATION. des cavités auriculaires est isochrone avec la diastole des cavités ventriculaires. Il faut déterminer les caractères et le mécanisme de ces deux actes avant de rechercher suivant quel ordre ils se succèdent. Il est facile, en mettant à découvert le cœur d'un reptile, d'un poisson ou d'un mammifère qui vient de naître, de voir comment s'effectuent les mouvements de totalité du cœur et ceux de ses oreillettes et de ses ventricules. Sur le vertébré à sang froid dont le cœur a des parois minces et des contractions lentes, on observe : i" que l'oreillette simple ou double se resserre dans tous les sens, et pâlit un peu pendant que le ventricule se dilate ou se gonfle, suivant ses différents diamètres, alors il y a systole de l'oreillette et diastole du ventricule : la première se vide, le second se remplit ; le sang qui se trouvait dans la cavité auriculaire passe dans la cavité ventriculaire : c'est là le premier temps de l'action totale du cœur. Ensuite le ventricule plein de sang se contracte, se raccourcit dans toutes les directions et pâlit ; il lance son contenu dans les artères ; au même moment, l'oreil- lette se dilate en se remplissant du sang que lui apportent les veines ; il y a systole du ventricule et diastole de l'oreillette : c'est là le second temps d'une révolution complète du cœur, et cette révolution une fois achevée se reproduit indéfiniment avec régularité. Sur le mammifère, immédiatement après la naissance, les mêmes phénomènes, moins le changement de couleur des parois du cœur, deviennent aussi distincts. Les deux oreillettes se contractent ensemble, pendant que les deux ventricules se dilatent simultanément, puis les deux ventricules opèrent leur systole pendant que les deux oreillettes effectuent leur diastole ; il y a Unité parfaite dans l'action des deux ventricules, et unité semblable dans celle des deux oreillettes. Ce rhythme conserve ses caractères pendant une période assez longue, soit sur l'animal ouvert vivant, soit sur l'animal auquel on a tranché la tête, ou simplement fait la section de la moelle épinière au niveau des condyles de l'oc- cipital. Ce premier aperçu nous fait pressentir qu'il y a dans le cœur deux parties distinctes : une supérieure formée par les oreillettes, et une inférieure formée par les ventricules ; il nous fait supposer que ces deux parties sont indépen- dantes, puisque l'une se contracte pendant que l'autre se relâche ; mais il nous indique aussi que les deux oreillettes doivent présenter une texture qui les rende solidaires l'une de l'autre, et que les deux ventricules doivent également se lier entre eux d'une manière intime. Or l'inspection anatomique démontre claire- ment que la masse musculaire des oreillettes est tout à fait isolée de la masse musculaire des ventricules par des zones fibreuses intermédiaires, situées au pourtour des orifices auriculo- ventriculaires, et qu'en un mot, ces deux parties représentent deux organes distincts superposés, deux doubles sacs, dont le supé- rieur communique largement avec l'inférieur. Les deux oreillettes qui doivent se contracter et se dilater ensemble ont des fibres communes, qui entourent l'oreillette droite, de même que la gauche, et qui concourent à la formation de la cloison séparant ces deux poches; de plus, chacune d'elles possède quelques fibres propres, mêlées, entrecroisées avec les communes. Leurs parois sont minces et douées d'une force de contraction peu considérable, car elles n'ont d'autre office que de recevoir le sang apporté par ACTION DU CŒUR. 421 les veines, puis de le pousser dans les ventricules où ce lliiitle parviendrait sans leur secours. Les ventricules qui constituent la partie principale du cœur et celle qui imprime au sang l'impulsion sous l'influence de laquelle il parcourt le cercle des deux cir- culations, les ventricules ont aussi deux espèces de libres : ils ont des fibres com- munes qui établissent l'unité, la simultanéité de leur contraction et de leur relâ- chement; ils ont des fibres propres, et le gauche en a un plus grand nombre que le droit, carie premier doit lancer le sang dans tout le corps, tandis que le second ne doit le chasser que dans le poumon. Ces tlbres ne forment point des plans distincts, superposés; elles sont entrecroisées les unes avec les autres en divers sens. Toutes sont disposées en anses obliques et contournées, dont la convexité répond à la pointe du cœur, et dont les deux extrémités, ou au moins l'une d'elles, se fixent aux zones fibreuses qui circonscrivent les ouvertures auriculo-ventricu- laires. Les fibres communes ou unitives entourent les deux ventricules, et entrent dans la composition de la cloison interventriculaire. Les fibres droites se dirigent toutes en avant pour descendre vers la pointe du cœur, et les fibres gauches se dirigent au contraire toutes en arrière, pour se porter vers le même point. Une partie d'entre elles passent du ventricule droit sur le gauche, ou du gauche sur le droit, en traversant les scissures spiro'ides qui séparent les deux ventricules ; d'autres, après avoir concouru à la formation d'un ventricule, pénètrent dans la cloison avant de revenir dans les parois de l'autre : enfin quelques-unes passent d'un ventricule sur l'autre, et viennent se terminer aux colonnes mousses, sur lesquelles s'implantent les cordages des valvules mitrale et tricuspide. Les tlbres propres appartiennent exclusivement, les unes au ventricule gauche, et ce sont les plus nombreuses, les autres au ventricule droit ; les premières, de même que les secondes, font partie du septum interventriculaire. Les fibres communes aux deux ventricules, et les fibres propres à chacun d'eux, ont une même direction d'ensemble ; elles se portent toutes de la base du cœur vers la pointe, autour de laquelle elles se contournent en tourbillonnant avant de revenir à l'intérieur. Ces fibres changent plusieurs fois de situation, depuis leur point de départ jusqu'à celui de leur terminaison. Les unes, superficielles pendant un certain trajet, deviennent bientôt moyennes et plus tard tout à fait profondes. De même, les profondes à leur origine deviennent moyennes, et enfin superfi- cielles. Cet entrecroisement remarquable, cette sorte d'intrication, se fait princi- palement au niveau des scissures spiroïdes, car c'est là que les fibres communes ou propres, après avoir enveloppé les ventricules, entrent dans la composition de leur septum. Un tel arrangement a pour but de permettre aux deux ventricules d'agir ensemble, de se resserrer dans tous les sens et de donner à chacun d'eux une force proportionnée à l'étendue de chacune des deux circulations : il fait des deux ventricules, suivant l'heureuse comparaison de Winslow, deux sacs musculeux renfermés dans un troisième de même nature. L'indépendance dans laquelle se trouvent les fibres des oreillettes par rapport à celle des ventricules, et la disposition de ces fibres dans les deux parties cons- tituantes du cœur, expliquent donc très bien, d'une part, pourquoi les oreillettes peuvent se relâcher pendant que les ventricules se contractent, et réciproquement ; 422 DE L.\ CIRCULATION. d'autre part, elles montrent pourquoi les deux ventricules agissent ensemble, et les deux oreillettes aussi. La structure de l'organe est admirablement appropriée à son mode d'action. Mais poursuivons l'analyse des mouvements du cœur. Pour étudier l'action du cœur, Galien détachait cet organe de la poitrine d'un animal vivant, ou se bornait à le mettre à découvert en soulevant une partie du sternum. Vésale, Haller, Bichat, enlevaient un côté du thorax, et en cela ils ont été imités par les observateurs modernes, qui ont étendu leurs recherches en dehors du cercle des animaux à sang froid. Divers procédés plus méthodiques peuvent être employés dans ce but, et leur choix est subordonné aux constata- tions que l'on se propose. S'il s'agit d'étudier les mouvements du cœur pendant un temps assez long sans trop gêner la respiration, on peut : 1° Se borner à pratiquer une petite ouverture au thorax au niveau du cœur en enlevant une partie d'un intercostal pour voir et palper partiellement cet organe. 2° Ou à fendre le sternum d'un jeune porc sur la ligne médiane, dans la partie correspondant au cœur, en ayant soin de décoller les deux plèvres sans les ouvrir et de maintenir à distance suffisante les deux moitiés de l'os. 3° Ou à faire une fente aux parois abdominales, sur la ligne blanche, puis une autre au diaphragme, toutes deux assez grandes pour laisser passer lé bras et la main qui va explorer les ventricules, de la base à la pointe, les oreillettes, l'ori- gine des artères, et même, si l'on veut, l'intérieur des cavités et leurs valvules. 4° Si on a l'intention d'obtenir une immobilité complète de l'animal et d'ob- server les mouvements du cœur ralentis, on tue l'animal par la section du bulbe, on établit l'insufflation pulmonaire, la respiration artificielle par le procédé de Hooke et de Lower, et l'on fenêtre le thorax comme précédemment, ou même on enlève une grande partie des parois costales gauches en respectant toutefois les cartilages costaux sur lesquels bat la pointe du cœur. S° Enfin si on se propose de constater avec précision différentes particularités de l'action du cœur, la forme des pulsations, la coïncidence du choc avec la systole ventriculaire et de représenter ces particularités par des tracés, on se sert d'instruments spéciaux, notamment du cardiographe de M. Marey qui fonc- tionne aujourd'hui entre les mains de la plupart des expérimentateurs. Ces divers procédés peuvent être employés tour à tour quand on se propose d'examiner minutieusement l'action du cœur dans tous ses détails, car ce que l'un ne permet pas de constater assez nettement est mieux mis en évidence par les autres. Ils donnent tous leur contingent d'indications, et des indications qui demandent à être contrôlées les unes par les autres. J'ai employé les quatre premiers de ces procédés, particulièrement dans mes études sur les grands animaux antérieures à 18o5. Les principaux résultats qu'ils m'ont donné m'ont permis de fixer, dès cette époque, divers points impor- tants, alors controversés, de la physiologie du cœur. Ils sont indiqués, pour la plupart, sommairement, et à leur place, dans le second volume de la première édition de ce livre. Je dois rappeler cette date pour prouver que je ne les ai point empruntés à mes contemporains. l.Ce volume a paru en septembre 1855 comme le constate la mention du dépôt légal. ACTION DU C»:Ull. 423 Pour analyser l'action du cœur et se lairo une idée exacte de chacun des élé- ments dont elle se compose, il convient de prendre l'organe au moment d'une pause ou lorsqu'une révolution vient de linir. La révolution qui va commencer s'opère dans l'ordre suivant : 1° systole des oreillettes coïncidant avec le relâ- chement ou la dilatation des ventricules ; 2" systole des ventricules coïncidant avec le relâchement des oreillettes, puis, après la pause pendant laquelle toutes les cavités tombent dans l'inertie, le jeu de l'organe recommence dans le même ordre. 424 DE LA CIRCULATION. Systole des oreillettes. La systole ou la contraction des oreillettes marque le début d'une révolution du cœur. Au moment où elle commence, les deux cavités auriculaires se trouvent remplies, la droite par le sang venu des veines caves, la gauche par celui des veines pulmonaires : la première, toujours la plus volumineuse, est très tendue; la seconde ne l'est qu'à un moindre degré. Cette systole s'observe soit à gauche, le bord inférieur du poumon étant sou- levé de manière à mettre à nu les deux auricules, soit à droite où la masse des oreillettes est visible dans presque toute son étendue. Elle a lieu en même temps pour les deux, par suite de la présence de fibres communes aux parois de ces deux cavités. C'est un resserrement brusque, instantané qui s'opère simultané- ment dans tous les points du croissant formé par les deux poches contractiles. Pendant que cette contraction s'effectue, le croissant diminue de longueur et sa concavité tend à se redresser; l'auricule droit est attiré en arrière, le gauche en avant ; la partie supérieure des deux poches s'affaisse vers la base des ventricules et leur bord inférieur remonte en glissant sur la scissure coronaire ; ses décou- pures deviennent plus accusées. Les faisceaux musculaires de toutes les parties se rident en divers sens, et la surface d'abord très bombée, à peu près unie, se déprime, se creuse de sillons irréguliers plus ou moins profonds. Ses caractères ont été assez mal déterminés parles physiologistes, tantôt parce qu'on lui a attribué, chez les mammifères, les particularités qu'elle présente chez les reptiles, tantôt parce qu'on l'a étudiée dans des conditions tout à fait anor- males qui lui impriment de grandes modifications. C'est au moment où l'on en- gage le bras dans la poitrine d'un grand mammifère par une petite ouverture aux parois abdominales et au diaphragme, ou bien quand on fenêtre très rapidement le thorax, et avant l'affaissement du poumon qu'on peut s'en faire une idée exacte. Quoique cette systole soit rapide et brusque comme l'éclair, elle a peu d'éner- gie, surtout loin des auricules ; elle presse très peu le doigt introduit dans la cavité auriculaire, chasse faiblement le sang dans les ventricules, et ne le pro- jette qu'à une petite distance à travers une piqûre faite aux parois ; sous ce rap- port elle est loin de ressembler à la vigoureuse systole des ventricules. On le conçoit en raison de la minceur de leurs parois et de leurs connexions avec les grosses veines, qui résistent plus ou moins au mouvement de retrait dont l'effet est d'attirer vers la base des ventricules les orifices de ces vaisseaux. Dans tous les cas, on ne saurait douter de sa réalité. Si Magendie et, plus récemment, Bouillaud l'ont niée, c'est comme je l'ai fait remarquer \ que ces expérimentateurs se sont placés pour l'observer dans les conditions où elle se réduit à son minimum, savoir sur les animaux à poitrine ouverte et à circulation pulmonaire entravée par le fait de l'affaissement du poumon et de l'asphyxie rapide qui en est la conséquence. L'oreillette droite est alors si distendue qu'elle 1. Du fonctionnement des oreillettes du cœur, Bulletin de l'Académie de mifdecine. T. 3, 2« série, 1874, p. 482. ACTION DU COEUR. 425 se trouve à peu près paralysée par la tension excessive du sang qu'y chasse le système veineux. En se contractant, les oreillettes projettent une partie de leur contenu, chacune dans le ventricule correspondant dont l'orifice supérieur est alors béant et les valvules abaissées ; mais elles ne se vident jamais entièrement. Si la circulation n'est point gênée elles poussent les deux tiers, peut-être les trois quarts de leur contenu dans les ventricules ; toutefois, dès que la circulation est entravée par l'ouverture du thorax ou par toute autre cause, elles se resserrent à peine et con- servent la plus grande partie de leur sang; souvent même alors elles deviennent presque immobiles, sauf à l'auricule et vers les dentelures de leur bord inférieur. Dans certains cas, les oreillettes, lors de la systole, se débarrassent delà tota- lité de leur contenu : c'est lorsque l'animal devient anémique par suite d'hé- morrhagies abondantes, ou bien lorsqu'il perd beaucoup de sang pendant qu'on fenêtre le thorax. J'ai vu, en effet, sur un fœtus de jument à terme, tiré du sein de la mère à travers une ouverture à l'abdomen, les deux oreillettes devenir transparentes pendant la systole, puis reprendre leur teinte rougeâtre au moment de la diastole, absolument comme cela s'observe sur les batraciens et autres ani- maux à sang froid. Les deux oreillettes ne se resserrent point au même degré. La droite est tou- jours celle qui s'affaisse le moins. Il est facile de s'en assurer en les explorant à travers une ouverture au diaphragme, et sans qu'il se produise un affaissement du poumon. Sur les animaux dont la respiration est entretenue artificiellement, le même fait est non moins évident ; enfin sur les très jeunes chiens ou les jeunes lapins dont le thorax est fenêtre après la section du bulbe, on peut voir assez longtemps l'oreillette droite se vider à moitié, alors que la gauche se resserre au point de devenir pâle à chaque systole; mais dans ce cas l'oreillette gauche se vide d'autant plus aisément qu'elle reçoit une très faible quantité de sang. Il en est encore ainsi sur les petits animaux que l'abstinence a rendus presque exsangues. Dans certaines conditions expérimentales où la circulation pulmonaire est très entravée, l'oreillette gauche, presque vide, semble suspendre son action tandis que la droite, très remplie, continue à se contracter régulièrement sans toutefois chasser, à chacune de ses systoles, de notables quantités de sang. La systole des oreillettes n'a d'autre résultat que d'achever la réplétion des ventricules. Avant cette systole les ventricules relâchés recevaient déjà du sang qui y coulait par la seule impulsion des veines. Mais sans elle les ventricules ne se remplissent pas moins, comme Magendie l'a observé dans diverses conditions expérimentales. J'ai vu, en effet, pendant des heures entières, les ventricules se remplir facilement, alors que les oreillettes ne reviennent pas sensiblement sur elles-mêmes ; le ventricule gauche notamment se remplit encore très bien lorsque le doigt, étendu dans l'oreillette correspondante, empêche celle-ci de se resser- rer. Il est clair néanmoins que leur contraction est nécessaire pour rendre l'ac- tion du cœur complète et régulière. Le resserrement des oreillettes ne résulte pas seulement de leur contraction. Il est en partie produit mécaniquement, d'une part par la pression opérée en haut du péricarde lorsque le cœur effectue son mouvement ascendant, et d'autre 426 DE LA CIRCULATION. part par la pression que leur fait supporter le poumon pendant l'expiration. Ce resserrement a encore un auxiliaire dans l'élasticité de leurs parois, élasticité qu'elles doivent à une couche de tissu élastique, dont l'épaisseur est considé- rable à gauche, chez les grands mammifères. Dans les expériences oiî les oreillettes cessent d'être soutenues et pressées par le péricarde excisé ou largement ouvert, elles se distendent outre mesure et ne se resserrent plus comme à l'état normal. La contraction des oreillettes, quel qu'en soit le degré, est toujours plus brève que celle des ventricules et, chez les grands animaux dont la circulation est assez lente, elle finit toujours avant que cette dernière commence, de telle sorte qu'il y a entre elles un intervalle appréciable pour l'observateur attentif. Mais chez les petits animaux ou lors d'une accélération de la circulation, l'intervalle n'est plus sensible, et même souvent la systole du ventricule commence avant que celle de l'oreillette soit achevée. En somme : 1° la contraction de l'oreillette marque, après la pause, le début d'une révolution du cœur; 2° cette contraction s'opère simultanément dans les deux oreillettes pendant le relâchement des ventricules ; 3° elle est peu éner- gique et ne donne pas habituellement lieu, surtout dans la droite, à un efface- ment de la cavité auriculaire ; 4° c'est elle qui achève de remplir les ventricules; 5° elle finit d'ordinaire avant que celle des ventricules commence, mais l'inter- valle de ces deux contractions successives cesse d'être appréciable dès que la circulation s'accélère au point que les deux systoles empiètent l'une sur l'autre. Systole venti'iculaire. A la contraction brève, faible et aphone des oreillettes succède la contraction plus longue et très énergique des ventricules. Celle-ci déplace le cœur en masse, le projette à gauche sur les parois costales, donne lieu à un choc plus ou moins violentj à un bruit plus ou moins perceptible et lance le sang dans les systèmes artériels. Pendant qu'elle s'effectue le cœur change de forme et de direction dans le péricarde ; il devient plus mousse, tend à s'arrondir, durcit et se ride à la surface. C'est une action dont on ne peut se faire une idée exacte si l'on n'en étudie pas à part les divers éléments. LiC cœur diminue de volume da^n<^ tous les sens. — Il est clair que le double sac représenté par les ventricules doit éprouver un resserrement plus ou moins considérable pour chasser son contenu dans les artères. Mais ce resserrement s'opère-t-il dans tous les sens, d'une manière uniforme, ou dans une partie de l'étendue de l'organe et va-t-il jusqu'à l'effacement des cavités ventriculaires ? On voit très nettement sur le cœur des batraciens, des serpents et des poissons que la systole ventriculaire consiste dans un resserrement effectué suivant tous les diamètres de l'organe à la fois? mais cela est bien moins évident sur le cœur des mammifères et des oiseaux, où l'organe relâché s'était déformé par son propre poids et d'autant plus aisément que le poumon se trouvait plus affaissé. Néanmoins, en se servant d'un compas d'épaisseur dont les branches sont tour ù ACTION DU COEUR. 427 tour placées d'avant en arrière, puis d'un côté à l'autre, de la scissure coronaire vers la pointe, et enlin de haut en bas on s'assure que la réduction a lieu dans tous les sens. C'est suivant le diamètre antéro-postérieur que le resserrement est le plus prononcé chez les solipèdes, les ruminants et la plupart des grands ani- maux, car c'est dans le sens de ce diamètre et particulièrement dans son rayon antérieur que la masse ventriculaire s'était le plus agrandie pendant le relâche- ment ; alors la face antérieure du cœur se rapproche plus du septum que ne le fait la face postérieure, en raison de ce que la paroi antérieure du ventricule droit forme une sorte de valve qui vient s'appliquer sur la face convexe du sep- tum, tandis que la paroi postérieure et la totalité du ventricule gauche se res- serrent circulairement. Le resserrement est aussi plus marqué à droite qu'à gauche, car la face droite du cœur s'éloigne plus delà branche du compas placée de côté que la face gauche ne s'éloigne de la branche correspondante. C'est dans la partie moyenne que la réduction a le plus d'étendue; elle est proportionnel- lement moins marquée au niveau de la scissure coronaire et faible vers la pointe. La réduction suivant le grand axe, ou de la pointe vers la base, niée par Vésale, Borelli et beaucoup d'autres qui croyaient même à un allongement dans ce sens lors de la systole, a été reconnue par Haller sur le cœur des batraciens oi!i elle est très évidente et sur celui du chat oîi elle est moins prononcée. Je l'ai consta- tée très nettement sur les jeunes animaux, dont le cœur bat longtemps, sans res- piration artilicielle, après la section du bulbe, comme aussi sur le mouton, le porc et même sur le cheval, lorsque le cœur peut se désemplir complètement à chaque systole. Elle résulte, à la fois, d'une légère ascension de la pointe vers la base et d'une descente à peine sensible de la base vers la pointe. Ce raccourcis- sement n'est pas appréciable sur le cheval dont le péricarde est intact. Il s'ac- compagne, suivant l'observation de Harvey, d'un léger mouvement spiroïde ou de torsion apparent surtout vers la pointe, constaté depuis sur l'homme dans des cas d'ectopie par Cruveilhier et Follin: mais cette torsion, assez accusée sur les petites espèces, est fort peu marquée sur les grands animaux. Il faut bien se garder, pour juger exactement de la réduction des diamètres du cœur, de considérer les animaux couchés sur le côté et lors de l'affaissement du poumon, car dans cette situation la masse ventriculaire, par le fait de la pesan- teur, se déprime fortement d'un côté à l'autre à chaque période de relâchement. Il en résulte qu'au moment de la contraction son retrait antéro-postérieur est énorme et son retrait transverse presque nul, au point que parfois dans ce der- nier sens on semble voir, au niveau de la scissure spiroïde, un élargissement plutôt qu'une réduction. Un examen attentif de l'organe, fait le compas à la main, dans les diverses positions qu'on peut donner à l'animal, montre constamment la réduction maximum dans le sens antéro-postérieur et la réduction la plus faible dans le sens transversal. Mais la diminution n'est pas régulière dans chaque sens. C'est par son rayon antérieur correspondant au ventricule droit que le premier diamètre se réduit le plus. C'est aussi sur la partie correspondant au ventricule droit que porte la diminution la plus marquée suivant le sens trans- versal. Si l'animal est soutenu sur ses quatre membres, dans l'attitude ordinaire, la pointe du cœur en bas, on voit, notamment sur le porc etle chien d'une part, 428 DE LA CIRCULATION. que le resserrement antéro-postérieur est comme 2 1/2 en avant, comme 1 en arrière, et d'autre part que le resserrement transverse, très considérable anté- rieurement, devient presque nul au niveau des scissures spiroïdes et de nouveau appréciable au bord postérieur. Dans tous les cas, la masse ventriculaire prend une forme plus arrondie, plus globuleuse, surtout chez les animaux où le cœur est très court : aussi la main qui saisit l'organe, comme pourl'étreindre, éprouve' t-elle une sensation qui semble indiquer plutôt un effort d'expansion qu'un res- serrement. La diminution de la masse ventriculaire est telle que le cœur, pris à la iln de la systole, figurerait un cône inclus de toutes parts dans un autre plus grand représentant l'organe lors de la diastole; cônes qui laisseraient entre eux un intervalle très grand en avant, un peu moins grand à droite, très faible en arrière, presque nul à gauche et au niveau des scissures spiroïdes. Ainsi : 1" la masse ventriculaire pendant la systole éprouve un resserrement en tous sens, mais inégal, très marqué en avant et à droite; 2° la pointe monte vers la base et la scissure coronaire descend vers la pointe. C'est une erreur de croire, comme on l'a supposé pour expliquer la production du choc systolique, que le diamètre transverse s'agrandit lors de la contraction ventriculaire, I.Ë LA CIRCULATION. tous les cours de physique et de physiologie, ni M. Poiseuille, ni personne n'a semblé s'apercevoir qu'elle était radicalement fausse. Passons maintenant à l'application de la méthode qui vient d'être exposée ; voyons à quels résultats elle conduit, et cherchons à recueillir les enseignements qui en découlent. Pour mesurer la pression du sang artériel et la force impulsive du cœur, je me suis servi ^ d'un instrument analogue à celui de Haies. Il consiste en un tube de verre de 3 mètres de hauteur et de 1 centimètre 1/2 de diamètre, fixé sur une règle graduée; son extrémité inférieure est unie par un anneau de caoutchouc à un robinet de cuivre légèrement aminci et recourbé de manière à pouvoir s'adapter à des artères de différents calibres. Lorsqu'on veut en faire usage, on engage le robinet dans le vaisseau préalablement isolé sur une certaine étendue, et on l'y maintient à l'aide d'une ligature. A peine l'appareil est-il placé, que le sang s'y élève avec rapidité, et arrive bientôt à un niveau qu'il ne dépasse plus. L'ascension du liquide est tellement prompte, qu'on a tout le temps nécessaire pour prendre les hauteurs, car il ne commence à se coaguler qu'à partir de la cinquième à la huitième minute, et il ne faut pas la moitié ni même le tiers de cette période pour noter le niveau de la colonne sanguine et juger de ses variations. Le niveau du sang qui a pénétré dans l'hémodynamomètre éprouve une agita- tion presque continuelle ; il s'élève et s'abaisse alternativement. Un examen attentif de ses oscillations fait savoir qu'elles sont doubles, que les unes corres- pondent aux battements du cœur, et que les autres sont en relation avec les mouvements respiratoires. Les premières sont peu étendues et très fréquentes; les secondes sont moins nombreuses et d'une amplitude très variable, suivant que la respiration est plus ou moins profonde. Ces dernières, sur lesquelles nous aurons encore à revenir, principalement au sujet du cœur droit et de la circulation pul- monaire, deviennent très considérables dès que l'animal s'agite, ou lorsqu'il se livre à des efforts musculaires un peu énergiques. Ces oscillations observées par le physicien Haies, et mieux étudiées par M. Poiseuille, peuvent être facilement mesurées. Celles qui dépendent des con- tractions du cœur n'ont que de 1 à 5 centimètres d'étendue ; celles qui se lient aux mouvements respiratoires ont au moins 1 décimètre, à l'état normal, pendant le calme le plus parfait, c'est-à-dire à peu près le vingtième de la hauteur totale de la colonne sanguine ; mais elles arrivent au double, au triple et au quadruple de cette amplitude, sous l'influence de l'agitation et des grands efforts muscu- laires. Au moment des efforts que l'animal exécute pour changer de position, déplacer les membres, se coucher ou se relever, se débarrasser de ses liens, se soustraire à la douleur, etc., la hauteur du sang augmente d'un cinquième, d'un quart, d'un tiers de son chiffre moyen, soit de 30, 40, 50, 60, 70 centimètres ; conséquemment, cette augmentation exprime celle de la force supplémentaire déployée par le cœur. 1. G. Colin, De la détermination expérimentale de la force du cœur. Comptes rendus de V Académie des sciences, 26 juillet 1858, et Annales des sciences naturelles, 4« série, t. IX. FORGE DU CŒUR. 469 Le mécanisme des oscillations se comprend sans ditlicultt's. En ce qui concerne celles dérivées de l'action du cœur, on voit clairement que la pression du sang artériel doit augmenter au moment où le contenu du ventricule gauche est poussé dans le système aortique déjà plein, et au contraire qu'elle doit diminuer immé- diatement après, par suite du passage d'une notable quantité de liquide dans les vaisseauv capillaires. D'autre part, il paraît conforme aux lois de la physique d'admettre que, sous l'influence de l'inspiration, le sang est moins comprimé dans l'aorte, et plus fortement attiré vers les oreillettes, tandis que pendant l'expiration il est à la fois plus comprimé dans les gros vaisseaux et dans les diverses cavités du cœur. La pression du sang artériel et la force du cœur se montrent avec des degrés divers d'intensité, suivant les espèces animales, l'âge, la vigueur des sujets et une foule d'autres circonstances : mais c'est surtout l'énergie des individus et l'état de réplétion des vaisseaux qui leur impriment les modifications les plus sensibles. En opérant sur des chevaux dont les uns étaient pleins de force et les autres usés par l'âge, les fatigues et les privations, j'ai noté des différences de pression très étendues. Ainsi le sang artériel s'élevait dans l'hémodynamomètre, tenu ver- ticalement. Sur un cheval très vigoureux 2". 70 Sur un autre, encore très fort 2". 27 Sur un troisième, de moyenne énergie S^.Oï Sur un quatrième, déjà vieux 1",91 Sur un cinquième, très maigre l^.Sô Sur un sixième, presque usé 1°,78 Sur un septième, assez faible l^.'O Sur un huitième, dans le même état 1".62 Sur un neuvième, extrêmement affaibli l^.ÔO Chez les animaux dont la pression sanguine est diminuée par des saignées suc- cessives, la force déployée par le cœur diminue proportionnellement à leur abon- dance. Haies l'a démontré, et toutes mes expériences confirment les résultats de cet ingénieux physicien. J'ai vu, en effet, que la colonne sanguine de l'hémody- namomètre, d'abord à 2". 27, descendait à 2 mètres, 1™,40, 0,80, et enfin à 42 centimètres, après des émissions successives. Nous étudierons ces particula- rités à l'article de la circulation artérielle. En appliquant à chaque animal le procédé dont je me suis servi pour le cheval, on arriverait à déterminer le chiffre de la force impulsive du cœur dans les diverses espèces. Mais l'opération est longue et difficile, en ce qui concerne la mensuration de la surface interne du cœur, l'organe pris au degré de réplétion qu'il présente au début de la systole sur l'animal vivant. Haies \ qui suppose pour l'homme une pression artérielle semblable à celle des animaux, trouve que la force du cœur dans notre espèce peut être évaluée à ol livres o. Il l'a trouvée de 35 livres 62 sur un mouton, et de 33 livres 6 sur un chien qui en pesait cin- quante-deux. 1. Haies, ouv. cité, p. 36, 44, 47. 470 DE LA CIRCULATION. La force du cœur dans les divers animaux est sans doute en rapport direct, toutes choses égales d'ailleurs, avec le poids de l'organe. Or, ce poids varie beaucoup, non seulement d'une espèce à une autre espèce, mais même d'un individu à un autre individu, dans une espèce donnée. En effet, les pesées du cœur que j'ai faites comparativement à celles du corps montrent que, parmi nos seuls animaux domestiques, le poids de cet organe représente de la 76""^ à la SOS""^ partie du poids du corps, c'est-à-dire une fraction variant du simple au quadruple. Ainsi : Le cœur du cheval pèse de la lOS^ à la 171* partie du corps de l'âne du bœuf gras — du bélier — du porc — du chien — du chat — lOS-^ à la l?!-^ 174" à la 265« 159" à la 283'= 16S' à la SOS-^ 76= à la 173' 117' à la 253" Il en résulte que, pour un kilogramme du poids du corps : gr. gr. Le cheval a de 5,82 à 9,62 de cœur. L'âne 9,82 à 9,23 — Le bœuf 3.77 à 5,72 — Le bélier 3,53 à 6,28 — Leporc 2,29 à 6,10 — Le chien 5,90 à 13,05 — Le chat 3,95 à 8,54 ~ Le tableau suivant donne pour une soixantaine d'animaux le poids du cœur comparé à celui du corps. Il est extrait de ceux qui m'ont servi à établir les moyennes indiquées ci-dessus : Tableau du poids du cœur comparé au poids du corps. Nos d'ordre ANIMAUX POIDS DU CORPS POIDS DU C OE U R RAPPORT du CŒUR AU CORPS 1 2 3 4 5 Cheval grammes. 211,000 303,000 313,000 321,000 333,000 1,89c 2,410 1,822 2,270 2,450 1 : 111 1 :125 1 :171 1 : 141 1 :135 Cheval de 16 ans tué par eff. de sano' Cheval hongre tué par eff. de Cheval hongre 12 ans tué par Cheval hongre 13 ans tué par eff. de sang FORCE DU COEUR. 471 Nos d'ordre ANIMAUX POIDS DU coars POIDS DU C ÛE U R RAPPORT du CUEUK AU CORPS 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 2i 22 23 24 25 26 37 28 29 30 31 32 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 Cheval tué par eff. de sang Jument id. Jument 12 ans id. .... Cheval entiei' grammes. 349,000 366,000 384,000 394,000 400,000 448.000 455^000 471,000 496,000 50i;000 97,000 101,000 104^000 135,000 140,000 675,000 780,000 860,000 980,000 1.040.000 177,000 410.000 18,000 19.260 5l!000 55,500 16,300 42;000 39,000 29,100 44,400 23;800 44,700 44.400 .33.900 35.420 39.500 46.000 91.000 7.500 11.. 550 12.700 14,200 16,200 20,760 21,885 36,000 39.500 2,305 2,747 3;240 3,770 51,240 20;i50 2,815 3,784 4.070 3.442 3,230 2,605 2,715 2,637 3.0.50 4;030 3;490 3,505 4.045 3,7.50 810 725 853 1.247 816 2,547 2,890 3,335 4.155 4.672 680 1.732 87 68 230 210 110 225 1.50 155 192 165 281 192 175 162 200 165 300 62 100 110 103 134 271 144 272 273 11 14 17 16 337 155 9 15 ♦ 9 39 1 : 108 1 : 140 1 : 143 1 : 149 1 :131 1 : 111 1 : 130 1 :134 1 : 122 1 : 133 1 : 119 1 :]39 1: 121 1 :108 1 : 171 1 :265 1 : 269 1 : 257 1 : 238 1 : 222 1 :260 1 : 236 1 : 206 1 : 283 1:221 1:264 1: 148 1 : 186 1 :264 1 : 187 1 : 231 1: 144 1: 159 1 :231 1 :193 1 : 218 1 : 190 1 : 278 1 :303 1 : 120 1:115 1 : 115 1 : i;37 1:120 1:76 1 :151 1 : 132 1 144 1:209 1 : 196 1:190 1: 235 1: 152 1 : 130 1 : 312 1 : 252 1 : 452 1 :88 Jument 14 ans Cheval 12 ans Cheval entier 16 ans Cheval entier Cheval entier Cheval Ane Anesse Ane Ane Anesse . . ... Bœuf o'ras. . . Bœuf gras Bœuf gras Bœuf gras Bœuf gras Taureau jeune Taureau jeune Bélier jeune Bélier 6 ans Bélier Bélier 4 ans Mouton jeune ... Mouton adulte Mouton. . . Bouc Chèvre Brebis Brebis Chèvre Porc jeune Porc femelle Porc trichine Porc gras Chien de rue . . Chien terrier Chien de Terre-Neuve Chien lévrier de Piussie Chien d'arrêt Chien de garde Chien de basse-cour Chat Chat ... . Chat Chat , Lion Hvène ....... Lapin adulte Lapine pleine Lièvre 472 DE LA CIRCULATION. Force iiiiiMilsîve du coeur droit. — Le ventricule droit, moteur du sang dans la petite circulation, est loin de déployer la force de son congénère. Comme il n'a à faire progresser le sang que dans le circuit pulmonaire, une énergie égale à celle de l'autre serait inutile. Il s'agit de voir ce que représente sa puis- sance de contraction comparée à celle du cœur aortique. A première vue on peut constater l'énorme différence qui existe entre les deux ventricules sous le rapport de l'impulsion qu'ils communiquent au sang. Si sur un animal à thorax ouvert on implante deux mêmes trocarts, l'un dans le ven- tricule droit, l'autre dans le gauche, le jet de sang donné par la canule du ven- tricule gauche est beaucoup plus élevé que le jet de la canule du ventricule droit. Cette nouvelle détermination, quoique fondée sur les mêmes principes que la première, présente des difficultés particulières. Le manomètre qui s'adaptait aisément à une artère extérieure, sans troubler la circulation, doit être mainte- nant introduit dans le thorax et fixé au tronc de l'artère pulmonaire. Conséquem- ment, l'opération entraine quelques perturbations dans la respiration et l'action du cœur, perturbations dont on doit tenir compte pour se rapprocher autant que possible de la vérité absolue. L'instrument dont je me suis servi à cet effet se compose de deux parties. La première est un tube de cuivre de 0™,70 de long sur 8 millim. de diamètre; l'une de ses extrémités arquée, effilée et taillée en bec de plume, doit pénétrer dans la crosse de l'artère pulmonaire; l'autre, coudée à angle droit, s'adapte, au moyen d'une virole de caoutchouc, à une seconde partie constituée par un tube de verre fixé sur une règle graduée. Ce manomètre est introduit, sur l'animal couché, dans le thorax par une ouverture aux parois abdominales et au dia- phragme, et son extrémité est maintenue dans l'artère pulmonaire par la main droite de l'opérateur. Le tube gradué étant tenu verticalement, un aide lit les hauteurs du sang à chaque systole, et un autre les inscrit à mesure. En moins de deux minutes on obtient 60 à 80 indications, et on retire l'appareil ou bien on en fait écouler le sang qui s'épaissit, si l'on veut continuer l'expérience. Il importe, pour arriver à des données exactes, d'opérer rapidement et d'éviter les mouvements violents de l'animal, la compression du cœur et l'introduction de l'air dans le thorax. Pour obtenir par ce procédé la force du cœur droit, il suffit de trouver la hauteur à laquelle le sang s'élève dans le tube manométrique et la base de la colonne sanguine ou l'étendue de la surface interne du ventricule droit. La hauteur à laquelle s'élève le sang dans le manomètre adapté à l'artère pul- monaire est peu considérable, car la tension du liquide des minces artères du poumon est faible. Sur 20 chevaux dans différentes conditions, la hauteur du sang de l'artère pulmonaire n'a jamais dépassé 1"',20, lors des plus grands efforts ; en moyenne, elle a été de 40 à 50 centimètres, soit le cinquième ou le quart de la hauteur du sang aortique. Des 20 solipèdes sur lesquels les expériences ont été régulièrement faites, 13 sont demeurés calmes, et 7 se sont agités ou se sont livrés à des efforts plus FORCE DU C(EUR. 473 OU moins énergiques, mais de courte durée. Voici les minima et les maxima des hauteurs du sang dan? les deux séries : Première série. Cheval maigre 24 à 43 Cheval faible U à 22 Cheval de vigueur moyenne 35 à 02 Cheval vieux et émacié. ;J0 à 36 Cheval faible 17 à 32 Cheval entier, de vigueur moyenne 16 à 61 Jument âgée et faible 16 à 29 Cheval de trait 33 à 59 Cheval usé 19 à 31 Cheval de petite taille 40 à 48 Cheval hongre de 16 ans 12 à 36 Cheval de 18 ans 18 à 37 Jument de trait 13 à 52 Deuxième série. Cheval peu vigoureux 30 à 92 Cheval maigre 40 à 70 Cheval de grande taille, vigoureux 60 à 80 Jument de trait 21 à 119 Cheval hongre 22 à 88 Cheval vigoureux 25 à 116 Ane 35 à 113 Dans toutes ces expériences, comme on a enregistré pendant une ou deux minutes les oscillations successives, les chiffres obtenus indiquent les hauteurs correspondant aux diastoles et aux systoles du cœur. Voici comment elles se pro- duisent dans les conditions les plus ordinaires sur le même animal : Hauteurs de la colonne sanguine dans le manomètre adapté à Vartèi^e pulmonaire. 44 centimètres. 47 centimètres. 110 centimètres. 41 centimètres, 33 37 113 26 44 47 111 45 32 • 27 112 25 44 34 115 46 34 27 117 24 48 48 118 46 31 30 113 24 46 45 112 40 26 40 116 24 42 43 114 39 29 32 112 24 47 44 113 41 39 46 50 28 49 25 30 39 29 24 56 24 26 38 La hauteur de la colonne sanguine étant obtenue, il faut trouver sa base par la mensuration de la surface interne du ventricule droit. Cette surface s'est trouvée 474 DE LA CIRCULATION. de 660 centimètres carrés sur le cheval qui offrait 565 pour celle du ventricule gauche. Conséquemment, une colonne sanguine de 50 centimètres de hauteur sur 660 de base, pesant 33 kilogrammes, nous devons admettre que la puissance impulsive du ventricule droit est de 33 kilogrammes. Cette puissance est un peu plus du quart de celle que nous avons trouvée au ventricule gauche. Dans les cas où le sang s'élève seulement à 25 centimètres, la puissance déployée est réduite de moitié, soit à 16 kilogrammes; elle est plus que doublée par rapport à son intensité moyenne lorsque le sang s'élève à 1",20. La grande différence que nous trouvons entre la force du ventricule droit et celle de gauche s'explique par les différences d'épaisseur qu'on remarque entre l'un et l'autre et par l'inégale étendue du champ des deux circulations. Le ven- tricule droit, dont les parois ont à peine le tiers de l'épaisseur de celles du gauche, n'a point à déployer une grande force pour lancer le sang dans le poumon, tandis que le ventricule gauche, à parois si épaisses, doit opérer des systoles très éner- giques pour chasser le sang jusqu'aux extrémités du corps. La puissance de ces deux organes ou de ces deux appareils d'irrigation doit être proportionnée à l'étendue des canaux dans lesquels chacun d'eux met les fluides en mouvement, ainsi qu'à la somme de résistances à vaincre de part et d'autre ; et c'est, en effet, ce que l'expérimentation et le calcul démontrent. La puissance de contraction du ventricule droit, outre sa faible intensité, se caractérise par sea oscillations nombreuses et plus ou moins étendues, suivant l'état de la respiration. Elle fléchit dans l'inspiration, par suite de la facilité que le sang trouve alors à pénétrer dans les vaisseaux pulmonaires ; elle augmente dans l'expiration pour une raison opposée, et surtout pendant les eflbrts violents. Conséquemment, ses oscillations fréquentes et brusques montrent que son inten- sité varie d'une seconde à l'autre, double ou triple, par le fait des modiflcations apportées au rhythme des mouvements respiratoires. Mes expériences à l'aide du manomètre coudé ne laissent aucun doute à cet égard. Quelques résultats obtenus par Bernard au moyen du cardiomètre introduit dans le cteur droit, montrent aussi que, d'une systole à l'autre, la force déployée varie; en effet, il l'a trouvée dans des systoles très rapprochées exprimée par 40, 45, 50, 60, 70. On conçoit que la force à déployer par le cœur, pour lancer son ondée dans l'aorte, ne soit pas toujours la même ; elle doit croître en raison de la tension du sang dans l'artère. Si cette tension est forte, il faut que la systole soit très éner- gique pour soulever les valvules et faire place à l'ondée expulsée. Alors la systole dure plus longtemps. Si la tension est faible, la systole est plus facile et s'opère avec une grande rapidité. On voit, d'après ce qui précède, que les deux ventricules, tout en fonctionnant ensemble, diffèrent tant par l'inégalité de leurs forces respectives que par l'inégale étendue des oscillations de ces forces. Pendant que celle du ventricule droit double ou triple sous l'influence des mouvements respiratoires exagérés et des efforts, celle de gauche, dans les mêmes conditions, ne fait qu'augmenter d'un cinquième, d'un quart, ou au plus d'un tiers. Quelques physiologistes, se basant sur l'intensité de l'impulsion que le cœur communique au sang, ont tenté d'évaluer, d'une manière absolue, le travail méca- FRÉQUENCE DES BATTEMENTS DU CfEUR. 475 nique de cet organe. Vierordt croit avoir trouvé que le cœur de l'homme effectue, par seconde, un travail de 0'^,020 pour le ventricule gauche, et de 0*^,015 pour le droit, soit, pour les deu\ ensemble, un travail capable d'élever en une seconde un poids de 35 grammes. Le travail total du cœur, en vingt-quatre heures, serait, d'après ces calculs, l'équivalent de celui d'une pompe qui, pendant le même temps, élèverait à la hauteur de 1 mètre 3024 litres d'eau. En résumé, la force impulsive développée par la systole du cœur, mesurée à l'aide des deux manomètres que j'ai décrits, est, terme moyen, de trois à quatre fois aussi grande pour le ventricule gauche que pour le droit. Pendant que, sur le cheval de taille ordinaire, celle du premier ventricule s'élève de 115 à 120 kilo- grammes, celle du second n'est que de 29 à 33. Cette force est en rapport, dans chacun des deux cœurs, avec l'épaisseur si différente de leurs parois et avec l'étendue du champ des deux circulations. La force systolique des ventricules varie d'intensité d'un instant à l'autre et sous l'influence de plusieurs causes. Ses variations les moins marquées sont liées aux mouvements d'inspiration et d'expiration : les plus étendues dépendent des divers efforts et des obstacles qui peuvent être apportés au cours du sang. Elle diminue dans les systoles qui coïncident avec la dilatation du thorax, et augmente dans celles qui correspondent à son resserrement. Au moment des violents efforts musculaires, la force du ventricule gauche s'accroît d'un cinquième, d'un quart, d'un tiers et même d'une moitié de son intensité moyenne. Celle du ventricule droit s'élève alors au double et parfois au triple de son chiffre normal. Le mano- mètre montre clairement que les efforts, quels qu'ils soient, déterminent une gêne beaucoup plus prononcée dans la petite circulation que dans la circulation générale. C'est pour cette raison qu'ils sont infiniment plus pénibles pour le cœur pulmonaire que pour le cœuraortique. Aussi tendent-ils à y produire l'anévrysme et à occasionner l'oppression, les palpitations dès que l'amincissement des parois est devenu un peu sensible. VII. — FRÉQUENCE DES BATTEMENTS DU CŒUR Le nombre des contractions que le cœur effectue en un temps donné est très variable, suivant les espèces animales, les âges, et une foule de conditions nor- males ou pathologiques. L'étude de ces variations a une grande importance, tant pour le physiologiste que pour le praticien, mais les lois auxquelles elles sont subordonnées ne sont point très saisissables. En ce qui concerne les animaux comparés entre eux, on peut dire que le nombre des battements du cœur est en raison inverse de la taille : les petits donnent le maximum de fréquence et les grands le maximum de lenteur; mais il n'y a, à cet égard, qu'une relation très générale et très vague, car, parmi les mammifères, le nombre des pulsations est souvent le même sur des espèces qui pèsent deux ou trois fois autant les unes que les autres, et lorsque le volume du corps augmente du double ou du triple de l'unité, le nombre des pulsations ne se réduit que dans une proportion beaucoup plus faible. 476 DE LA CIRCULATION. Voici le nombre des pulsations parmi les mammifères on il a été déterminé. Les animaux sont groupés par ordre de taille. Éléphant, d après mes observations 25 à 28 Chameau, id 15 k 32 Girafe, d'après M. Dubois d'Amiens 66 ?? Cheval, d"api"ès les auteurs vétérinaires 36 à 40 Bœuf, id 45 à 50 Mulet, id 46 à 50 Tapir, d'après M. Dubois 44 » Ane, d'après les auteurs vétérinaires 46 à 50 Porc, id 70 à 80 Lion, d'après M. Dubois 40 » Lionne, d'après mes observations 68 » Tigre, d'après AL Dubois 64 « Mouton, d'après les auteurs vétérinaires . 70 à 80 Chèvre, id 70 à 80 Panthère, d'après M. Dubois 60 » Louve, id 96 >< Hyène, id 55 » Chien, d'après les auteurs vétérinaires 90 à 100 Chat, id 120 à 140 Lapin, id 120 à 150 Marmotte, d'après Saissy 90 » Hérisson, id 75 » Loir, id 175 » Souris, d'après M. Dubois 120 « Pour les oiseaux on a trouvé : Oie, Prévost et Dumas 110 Poule, id 140 Pigeon, id 136 Moineau, d'après mes observations 138 Chez les reptiles et les poissons : Anguille, d'après Fontana 24 Carpe, id 20 Grenouille, d'après M. Dubois 80 Salamandre, d'après Fontana 77 Ainsi parmi les mammifères, de l'animal le plus grand au plus petit, de l'éléphant à la souris, le nombre des pulsations ne varie que dans le rapport de 1 à 6, tandis que le poids du corps varie de 1 à 100000, celui de la souris étant supposé de 20 grammes et celui de l'éléphant de 2 000 kilogrammes. En prenant le nombre des pulsations de l'homme, 6o à 70, pour type, on voit qu'en le dou- blant on atteint l'extrême de la fréquence des petites espèces, et qu'en en prenant le tiers on a, à peu près, l'extrême lenteur des animaux de grande taille. L'influence de la taille se fait sentir dans une même espèce entre les diverses races et les divers individus, comme entre les grandes et les petites espèces. Les fortes races de chiens ont le pouls plus lent que les petites. Il n'est pas jusqu'aux insectes où cette influence se fasse sentir, car Newport a compté moins de con- tractions au vaisseau dorsal sur les grandes larves de sphynx que sur les petites. La fréquence des battements du cœur est, pour la plupart des espèces, en FREQUENCE DES BATTEMENTS DU COKUR. 4/7 raison inverse de Tàge ; les jeunes sujets, dès la vie embryonnaire, ont les batte- ments beaucoup plus nombreux que dans la suite. Dans l'espèce humaine pen- dant la vie fœtale, dès qu'ils sont perceptibles à l'auscultation du ventre de la mère, ils sont en moyenne de 135 à 145, mais ils peuvent descendre à 90 et monter à 180. Dans les premiers jours qui suivent la naissance et dans le cours de la première année de l'enfant, ils se maintiennent à environ 13.j d'après les observations deNaegelé, deVoikmann, de Quetelet. Dans les deuxième, troisième et quatrième années, ils descendent à iiO, dans la cinquième à 100, dans la sep- tième à 8o, à 80 au moment de la puberté, puis de 80 à 70 à l'âge adulte. Dans la vieillesse avancée, ils remontent jusqu'à 7o. Les variations subordonnées à l'âge ont été peu étudiées chez les animaux. Bourgelat a trouvé de o5 à 6o pul- sations au poulain, et Girard 56 à la génisse. Si elles étaient chez les animaux proportionnelles à celles de l'homme, il faudrait à peu près dans chaque espèce doubler le nombre de l'âge adulte pour avoir celui de la naissance ou de la vie fœtale. Toutes les causes d'excitation normales ou anormales qui agissent sur l'ensemble de l'économie, et en particulier, soit sur la circulation, soit sur la respiration, augmentent la fréquence des contractions du cœur : l'exercice vient en première ligne. Ainsi, sur un cheval léger dont les pulsations, au repos, étaient de 40, leur nombre s'éleva à 55 après 5 minutes de marche, à 78 après 5 minutes de trot, à 98 après 5 minutes de galop. Sur un autre cheval de trait le cœur a donné au repos 41 pulsations: 50 après 5 minutes de traction à une voiture chargée; 90 après 10 minutes du même exercice. L'augmentation dans les deux cas peut donc arriver à environ une fois et demie le chiffre normal. Sur l'homme, une accélération analogue a été constatée dans les mêmes con- ditions. L'individu observé par Bryan Robinson, qui avait 73 pulsations au repos, en présentait 78 après une marche lente de quelques instants, 100 après une marche d'une heure, 140 à 150 à la suite d'une course rapide. L'agitation, les cris agissent comme l'exercice et augmentent aussi, dans une proportion énorme, les contractions du cœur. Sur l'enfant, d'après Trousseau, ils en portent le nombre de 112 à 180. Les émotions, la joie, la peur et toutes les causes qui accélèrent les mouvements respiratoires produisent le même effet. Aussi le praticien qui va explorer le pouls des animaux timides doit-il éviter de les effrayer et ne commencer à compter les pulsations qu'après les avoir suffi- samment rassurés. La situation du corps, l'attitude les font varier très sensiblement. Leur nombre est au minimum sur l'homme couché ; elles augmentent de 4 ou 5 sur l'homme assis et encore d'autant sur l'individu debout, de sorte qu'il y a dans l'attitude verticale 10 à 12 pulsations de plus que pendant le décubitus. On a noté que cette différence entre les deux positions pouvait aller jusqu'à 18 sur les malades adultes et à 25 sur les enfants. Pendant le sommeil, elles se ralentissent, tant par le fait du décubitus que par celui de l'engourdissement des sens. Il en est ainsi sous l'influence de l'absti- nence, et après l'ingestion de l'eau ou de certaines boissons non excitantes, et de 478 DE LA CIRCULATION. la torpeur hibernale où les effets du sommeil s'ajoutent à ceux de la privation d'aliments. L'abaissement de la température extérieure les ralentit plus encore. Saissy a vu, par exemple, le pouls de la marmotte, qui est de 90 pendant la veille, descendre à 12 ou à 10 pendant la léthargie. Il tombe même à 8, d'après Prunelle, quand la torpeur est très complète. Dans l'effort, au moment même de sa production, alors que la glotte se ferme et que le thorax comprime le poumon et le cœur, le nombre des battements de ce dernier diminue et leur intensité s'affaiblit au point que le choc et les bruits cessent d'être perceptibles : quelquefois même alors les battements s'arrêtent un instant. Weber en suspendant volontairement sa respiration , par un effort prolongé, a réussi à déterminer une véritable syncope. Aussi Milne Edwards pense que l'arrêt volontaire des mouvements respiratoires peut ainsi produire la mort. Mais les efforts répétés, ceux qui se succèdent avec une certaine rapidité, chez les animaux traînant de lourds fardeaux, donnent lieu à une accélération des battements comparable à celle qu'on observe pendant la marche ou la course. Il est diverses circonstances extérieures qui diminuent la fréquence du pouls : le froid, l'immersion dans l'eau froide et surtout quelques médicaments tels que la digitale et la vératrine. Au contraire, la chaleur extérieure, la diminution de pression atmosphérique accélèrent les contractions du cœur. On a vu sur l'homme le pouls monter à 145 dans une étuve chauffée à 48 degrés, à 160 dans un milieu à 65° centigrades. La plupart des troubles morbides, notamment ceux qui sont accompagnés d'une vive réaction fébrile, augmentent le nombre des battements cardiaques. Les inflammations aiguës le doublent fort souvent. Il est bien peu de maladies qui le diminuent ; dans cette catégorie se trouvent divers étals nerveux oi^i la suscepti- bilité du système est affaiblie. Quelques conditions anormales l'augmentent ou le diminuent d'une manière très notable; parmi elles on peut citer la décapitation ou la section de la moelle allongée, l'asphyxie, les hémorrhagies mortelles et les injections de différentes substances dans les veines. La section de la moelle produit sur-le-champ une accélération considérable des battements du cœur, suivie bientôt d'un ralentissement graduel. A partir de deux secondes après cette section en arrière de l'occipital, j'ai compté sur un cheval, à la carotide préalablement mise à découvert, 30 pulsations à la première minute, 30 à la seconde, 32 à la troisième, 33 à la quatrième, 38 à la cinquième, puis de 36 à 48 dans les minutes suivantes. J'ai constaté la même progression sur les animaux décapités, à quelques légères différences près, relatives à l'espèce, et surtout à l'âge des animaux. Sur un cheval dont on ferma hermétiquement la trachée, au moment où ma main pénétrait dans la poitrine et venait s'appliquer sur le cobur, j'ai compté 27 pulsations à la première minute, 34 à la seconde, 36 à la troisième, 66 à la quatrième, 74 à la cinquième, 47 à la sixième, 48 à la septième; puis elles furent remplacées par les mouvements fibrilaires qui ne produisaient plus aucun changement dans la capacité des cavités du cœur, ni aucun déplacement de cet organe. FRÉQUENCE DES BATTEMENTS DU COEUR. 479 Chez Jos animaux auxquels ou ouvre les artères, pour déteruiiuei' une liénioi- rhagie promptement. mortelle, les battements du cœur, comme Haies l'avait remarqué, ne tardent pas à devenir [)lus nombreux et à s'accélérer graduellement jusqu'à l'instant de la mort, ou plulôt jusqu'à celui oi'i ils se suspendent, car l'animal continue à exécuter des mouvements convulsifs et des mouvements res- piratoires une à deux minutes après la suspension des contractions eiïectives du cœur. Un cheval dont la carotide était ouverte eut, pendant la première minute, 77 pulsations cardiaques, 77 pulsations à la deuxième, 82 à la troisième, 98 à la quatrième, 121 à la cinquième, 115 à la sixième et 116 à la septième. Gomme les pulsations artérielles sont peu distinctes dans les derniers moments, il est convenable, pour en déterminer le nombre et en apprécier l'énergie, d'appliquer la main sur le cœur par une ouverture faite d'avance aux parois abdominales et au diaphragme. Enfin, à la suite de l'injection de substances étrangères dans les veines, les contractions cardiaques diminuent subitement de nombre, puis au bout d'un certain temps, après être arrivées à leur minimum de lenteur, s'accélèrent peu à peu et reviennent plus tard à leur chilfre normal, si la substance injectée n'est pas susceptible par sa nature ou sa qualité de donner lieu à des troubles graves. L'émétique, l'ipécacuanha, les sulfates de fer, de cuivre, le chromate de potasse, le sublimé .corrosif, l'alcool, l'opium, les teintures stimulantes, produisent constamment cet effet, comme nous l'avons vu dans nos expériences. Ainsi deux secondes après l'injection de 10 grammes d'émétique en dissolution dans 100 grammes d'eau, un cheval eut 31 pulsations à la première minute, 26 à la seconde, 29 à la troisième, 23 à la quatrième, 30 à la cinquième, 29 à la sixième. Le maximum 85 se fit remarquer à la troisième heure, puis la fréquence des battements diminua d'une manière progressive. Quelles sont les lois de ces variations? Nous les connaissons peu, quoique divers physiologistes croient les avoir trouvées. D'après M. Marey, ce qui règle la fréquence ou la lenteur des battements du cœur est la pression du sang dans le système artériel. Plus cette pression est faible, plus les contractions du cœur deviennent fréquentes. Il est certain, comme le dit M. Marey, que le nombre des pulsations car- diaques, en un temps donné, croît en raison inverse de la pression artérielle et le fait est à peu près constant dans le cas d'émissions sanguines. Haies avait vu sur le cheval le nombre des pulsations augmenter après chacune des saignées faites à cet animal et tous les jours en sacrifiant les chevaux, les bêtes bovines ou ovines, les chiens, on voit les battements du cœur se précipiter à mesure que le système vasculaire se désemplit. Il semble alors que le travail du cœur se répète d'autant plus qu'il devient plus facile. Le fait principal sur lequel est fondée la loi, réclame une interprétation. La fréquence des contractions cardiaques est-elle bien l'effet et non la cause de la diminution de la pression artérielle. D'abord les coïncidences entre la grande fréquence des pulsations et les très faibles pressions artérielles ne sont pas cons- tantes, même dans le cas d'hémorrhagies; La vitesse du pouls ne croit pas avec l'abondance de l'évacuation, puisqu'on saigne dans la pléthore et dans les mala- 480 DE LA CIRCULATION. dies pour ralentir le pouls autant que pour en diminuer la force. Ensuite il est beaucoup de cas où les pulsations cardiaques sont précipitées en présence d'une pression artérielle non réduite, et même augmentée. Sur le che\al, par exemple, j'ai constaté maintes fois qu'au moment des etlorts, les pulsations se précipitent pendant que la pression artérielle augmente dans des proportions considérables. Après la course ou un exercice violent, j'ai noté le même fait. Il y a donc 1° des cas où l'accélération tient aune diminution de pression résultant de la réduction de la masse du sang; 2° d'autres où la diminution de pression semble résultei' d'un affaiblissement des systoles cardiaques; 3" d'autres encore comme ceux de l'exercice et des efforts où l'accélération se lie à un plus grand déploiement de forces dans l'action du cœur; 4° enfin, dans une foule de circonstances, les exci- tations directes ou réflexes du cœur sont les causes qui précipitent l'action de cet organe. Du reste, si, dans les conditions physiologiques, l'accélération des battements du cœur est inversement proportionnelle à la taille des animaux, cette accélé- ration ne paraît pas dépendre de différences notables dans la pression artérielle. Si cette même accélération, dans les conditions pathologiques, est en raison directe de l'intensité de la fièvre, elle paraît dépendre des degrés d'excitation du système nerveux en masse et particulièrement des causes qui modifient l'inner- vation du cœur. Si la fréquence des battements est en rapport avec la vivacité des animaux, c'est que, vraisemblablement, le cœur, à titre de muscle, doit se contracter plus vite chez ceux dont les mouvements sont presque incessants comme chez les petits mammifères et les petits oiseaux ; mais cette relation est tout à fait étran- gère à la pression du sang dans les vaisseaux. Enfin, si cette fréquence est subordonnée à celle des mouvements respiratoires, cette nouvelle relation n'en indique pas plus la cause que la précédente. Est-ce l'accélération des mouvements respiratoires qui provoque celle des mouvements du cœur, ou, au contraire, la seconde qui devient la cause de la première? 11 me semble qu'on l'ignore. Peut-être même ni l'une ni l'autre n'est cause ou effet, par rapport à sa congénère, et toutes les deux sont le résultat d'une action ner- veuse régulatrice. Vni. — INFLUENCE DIT SYSTÈME NERVEUX SUR LES MOUVEMENTS DU CŒUR- L'organe central de la circulation se meut, d'une manière incessante, suivant le rhythme qui, maintenant, nous est connu ; il se meut dès les premiers temps de la vie embryonnaire et règle dès lors le cours du sang ; il n'interrompt jamais son action pendant toute la durée de la vie et la prolonge même pendant un cer- tain temps lorsqu'il vient à être séparé du reste de l'organisme. Ce sont les caractères intimes de la nature de cette admirable action qu'il faut examiner Le cœur, que l'on a souvent défini un muscle creux, jouit de la plupart des propriétés communes à tous les autres muscles ; mais son rôle spécial en fait un organe musculaire à part, régi par des influences plus nombreuses et infini- ment plus complexes que celles dont dépend l'action de la généralité de ceux INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LES MOUVEMENTS DU COELU. 481 de la vie animale ou de la vie organique. Sa sensibilité, son excitabilité, sa motricité ont des caractères spéciaux qui n'appartiennent à aucun autre organe contractile. Le cœur, si impressionnable, si prompt à s'affecter de toutes les sensations vives de l'économie et à éprouver le contre-coup de la plupart des troubles qui se produisent en dehors de lui, n'est cependant pas doué d'une sensibilité exquise : il paraît même à peine sensible à l'action des irritants de diverse nature. Harvey avait déjà reconnu la presque insensibilité du cœur humain, car il avait pu toucher celui d'un jeune homme, à travers une plaie ancienne du sternum sans que le blessé s'en aperçût. Il en est de même pour les animaux. Cet organe est à peu près insensible à sa surface externe, à sa face interne et dans l'épaisseur de son tissu, comme le prouvent les expériences les plus variées. J'ai fait une ouverture de trépan, au sternum, ou à une des côtes correspondant cà la région cardiaque, et lorsque l'animal est redevenu parfaitement calme, j'ai touché le cœur avec le doigt ou avec une petite tige, sans que l'animal parût s'apercevoir du contact du corps étranger. x\près avoir fait à la ligne blanche et au dia- phragme une ouverture propre à donner passage à la main, j'ai palpé successi- vement le cœur au niveau des oreillettes et des ventricules, d'abord en dehors du péricarde, puis à l'intérieur de cette enveloppe, je l'ai pincé en divers endroits, piqué dans tous les sens, lacéré en plusieurs points, sans provoquer une douleur manifeste. Mon doigt s'est promené à l'intérieur des ventricules et des oreillettes, a pressé les colonnes charnues, les tendons des valvules, les valvules elles- mêmes, aux orifices auriculo-ventriculaires et artériels, sans donner lieu à une sensation pénible évidente. J'ai fait descendre dans les cavités droites de l'organe, par la veine jugulaire, des balles de plomb, des billes de marbre, de petites boules de verre; j'y ai fait parvenir des sondes très lisses, des tiges souples d'osier munies d'un petit renflement à leur extrémité, sans que l'animal parût en être affecté. Ces irritations diverses, qui n'éveillent point la sensibilité du cœur, ne modi- fient pas non plus, du moins d'une manière marquée, les caractères de ses mouvements ; mais elles les accélèrent plus ou moins, même sur les animaux décapités, ou sur ceux auxquels on fait la section du bulbe. Les courants élec- triques de faible intensité, à secousses, comme ceux d'induction, appliqués direc- tement sur l'organe produisent cet effet. Ceux, même d'intensité considérable, qui doivent les arrêter commencent par les accélérer. La compression surtout provoque ce résultat dû, sans doute en grande partie, à la gêne qu'elle apporte au cours du sang, dans les cavités cardiaques. De ce que le cœur n'est pas ou n'est que très peu sensible à l'action des sti- mulants extérieurs, il ne faut pas lui supposer une insensibilité absolue. Cet organe a, comme beaucoup d'autres, une sensibilité spéciale qui est mise en jeu seulement sous l'influence de certains stimulants : une sensibilité analogue à celle des organes muqueux ou cutanés ne lui servirait à rien, puisqu'il n'est point destiné à se mettre en rapport avec les agents extérieurs. Lacontractilitéducœurn'a pas les caractères de celle de tous les autres muscles. Elle aune physionomie spéciale qu'elle tient surtout de son caractère rhythmique, G. coiiN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 3L 482 DE LA CIRCULATION. persistant même sur l'organe détaché et sur ses morceaux pendant un temps plus ou moins long. En efl'et, les contractions peuvent continuer pendant i>lusieurs heures dans le cœur détaché des poissons et de divers reptiles, comme on l'avait déjà observé à l'époque de Haller. Elles durent plus longtemps, d'après les observations de Castell, dans l'oxygène que dans l'air, plus dans l'air que dans l'acide carbonique, plus sur le cœur des animaux tués pendant l'hibernation que sur celui des animaux tués dans les conditions ordinaires. Cette contraclilité peut être provoquée ou réveillée par les stimulations mécaniques, le simple contact d'un corps étranger, d'un liquide, d'un excitant, d'un courant électrique, par l'oxygène. C'est ce que les expérimentateurs peu- vent constater tous les jours. Elle s'éteint par l'action de diverses substances appliquées à sa face interne, celle de l'opium notamment, par celle de l'acide carbonique. L'upas antiar l'aflaiblit promptement et ne tarde pas à l'éteindre : aussi il paralyse le cœur avant que les mouvements respiratoires et généraux soient suspendus. Différents sels, le sulfate de cuivre, le sublimé, l'acide arsé- nieux, mis en contact avec le cœur ou injectés dans les veines, affaiblissent très vite ou même font cesser ces contractions ; la digitale les ralentit ; mais le curare, qui paralyse les muscles volontaires, en agissant sur leurs nerfs, ne les arrête pas. Comme dans les autres muscles, cette propriété de la fibre est subordonnée à l'intégrité du tissu, à l'abord du sang chargé d'oxygène, à l'influence des nerfs et à l'accomplissement des actions chimiques de la nutrition. Le sang l'entretient et la met en jeu de deux manières : il agit en masse sur la surface interne de l'organe par une sorte de contact, car Haller a pu l'éteindre dans une moitié de l'organe, en y interceptant l'abord de ce liquide et la laisser subsister dans l'au- tre qui continuait à en recevoir. Le sang agit ensuite sur le tissu, sur la fibre qui le reçoit par les vaisseaux, car Ericksen et Schiff ont paralysé l'organe en liant les artères coronaires. Le sang noir ralentit ses mouvements comme le font les exci- tations électriques des nerfs vagues. On constate aisément le fait dans les expé- riences où la vie est entretenue, par la respiration artificielle. L'influence ner- veuse est non moins nécessaire à l'entretien de cette propriété et à sa mise en jeu. C'est elle qui en gradue l'énergie, qui en détermine le rhythme et les autres caractères. Haller et les partisans de la doctrine de l'irritabilité avaient cru que la contrac- tion rhythmique du cœur était indépendante de l'influence nerveuse. L'illustre physiologiste avait vu le cœur battre après la décapitation, Tablation de l'encé^ phale, la destruction de la moelle, la section des nerfs vagues ; il avait vu, comme Galien, les battements continuer avec leur rhythme ordinaire sur le cœuf arraché de la poitrine d'un animal vivant. L'irritation du cerveau, de la moelle épinière, des pneumogastriques, des nerfs cardiaques, par les moyens habituels, ne lui avait montré ni une accélération de ses mouvements, ni leur réapparition, une fois qu'ils avaient cessé. D'après ses idées, le cœur, pour agir, n'avait besoin que d'un stimulant ; le sang apporté dans les oreillettes excitait leur contraction, puis ce sang, versé dans les ventricules, provoquait de même leur systole ; l'ex- pulsion du stimulus permettait la diastole ou le relâchement qui appelait une INFLUENCE DU SYSTÈME NERYEIX SLR LES MOUVEMENTS UU ClËUR. 483 nouvelle quantité de sang et une nouxelle contraction. Les laits que lu science a acquis depuis l'époque de llaller montrent que cette opinion n'est pas l'ondée et quela contractilité , tout en demeurant inhérente au muscle, est réglée, quanta sou exercice par le système nerveux. Or, le cu-ur reçoit deux ordres de nerfs : 1° des lilets du pneumogastrique; 2° des nerfs ganglionnaires; les premiers ayant leur principe d'action dans une partie del'encépliale, les autres en eux-mêmes et dans la moelle épinière. Voyons donc comment, d'une part, la moelle allongée et les vagues, d'autre part la moelle épinière et les nerfs ganglionnaires peuvent agir sur le cœur. D'abord le cœur tire-t-il de l'encéphale ou de l'une de ses parties le principe excitateur et régulateur de ses mouvements? une foule de faits et de données expérimentales semblent résoudre cette question par la négative. Les fœtus anencéphales se développent régulièrement, et le cœur règle leur circulation, de même que, dans les circonstances ordinaires. Les animaux aux- quels on a détruit le cerveau et le cervelet survivent très longtemps à cette muti- lation, comme nous l'avons vu en étudiant les fonctions du système nerveux. Enfln ceux que l'ona privés de la totalité de l'encéphale, c'est-à-dire du cerveau, du cervelet et de la moelle allongée ne meurent pas immédiatement ; la circula- tion continue à s'effectuer chez eux pendant un temps assez long, quoique la res- piration soit suspendue, et elle persiste davantage si Ton établit une respiration artificielle. Cependant Budge, se basant sur la suspension des mouvements du cœur et sur la paralysie de cet organe, par l'action d'un courant électrique à tra- vers le bulbe rachidien, a donné ce bulbe comme la source de l'activité si remar- quable du cœur; sou opinion tombe d'elle-même devant les résultats, soit de la décapitation, soit de la section combinée de la moelle au niveau de l'occipital et des pneurao-gastriques, opérations qui détruisent les rapports entre l'encéphale et l'organe central de la circulation. Les faits suivants démontrent clairement que les contractions du cœur ne sont point sous la dépendance immédiate de l'encéphale. A un premier cheval je lis la section de la moelle allongée au niveau des con- dyles de l'occipital, aussitôt l'animal tomba; les mouvements respiratoires et les mouvements généraux cessèrent sur-le-champ. J'établis une respiration artificielle à l'aide d'un gros soufflet adapté à la trachée. Quinze minutes après la section il y avait 42 battements du cœur par minute: le sang jaillissait encore avec force par un petit tube fixé à l'artère carotide. A la trentième minute les pulsations étaient encore appréciables, quoique très affaiblies; elles ne cessèrent de se faire sentir que vers la cinquantième minute qui suivit la section de la moelle. A un second cheval je pratiquai à la fois la section de la moelle au niveau de l'occipital et la section des deux pneumogastriques et des deux filets cervicaux du grand sympathique, afin de supprimer toutes les grandes communications entre le cerveau et le cœur, puis j'établis une respiration artificielle. Les batte- ments cardiaques continuèrent à s'effectuer pendant les vingt-quatre minutes que l'animal survécut à cette section combinée et à entretenir la circulation, comme le montrait le jet de sang qui s'échappait par saccades d'un petit tube adapté à la carotide. 484 IJE LA CIHCULATION. Sur un troisième cheval, pour isoler complètement le cœur de l'encéphale, je séparai la tête du tronc, après avoir lié les deux carotides vers le milieu de l'enco- lure. Le thorax, ouvert quelques instants après la décapitation, laissa en évidence les mouvements du cœur. Ceux-ci paraissaient très forts et au nombre de 80 à 82 pendant les dix premières minutes. Les contractions des ventricules se conti- nuèrent jusqu'à la seizième minute, et celles des oreillettes jusqu'à la trente-qua- trième, en conservant une force et une fréquence assez considérables ; elles étaient encore appréciables à la soixante-huitième minute. J'ai, de même, décapité un grand nombre de jeunes chiens et de jeunes chais nés depuis un, deux, trois ou quatre jours, Les battements du cœur ont persisté de une heure et quart jusqu'à trois heures et demie après l'opération. Ils ont con- tinué dans les mêmes conditions trois heures et quart dans la couleuvre, quatre heures sur le barbillon, trente-deux heures sur la salamandre et de trente à trente- six heures sur la grenouille. Le tableau suivant donne, pour les espèces que je DURÉE MOMENT NUMÉROS AGE OÙ ANIMAUX battements le cœur est mis OBSERVATIONS d'ordre des animaux du cœui" à découvert h. min. 1 Cheval. adulte. 1 1 2'= minute. 2 Ane. adulte- ] 18= — 3 Chien. adulte. ^> 6 5= — 4 Chien. adulte. » 12 8-^ — 5 Chat. adulte. >. 22 5= 6 Chien. 1 an. >. 32 7= — 7 Chat. 3 mois. » 35 10» — 8 Chien. 3 jours. 1 30 23= — 9 Chien. 3 jours. 3 » 15' — iO Chien. 3 jours. >. 40 4« — 11 Chien. 3 jours. 2 30 35" — 12 Chien. 3 jours. 3 40 35= — 13 Chien. 1 jour. 2 » 3« - 14 Chat. 1 jour. 3 15 20» - 15 Souris. très jeune. „ 22 6= — 16 Souris. très jeune. » 31 10= — 17 Souris. très jeune. » 20 6= — 18 Couleuvre. adulte. 3 17 14= — 19 Grenouille. adulte. 34 » 5« — 20 Grenouille. adulte. 36 >. 3= heure. viens de nommer, une idée de la persistance de ces mouvements et de leur nom- bre aux divers moments qui suivent la décapitation. Mais, si, après la décapitation ou la section du bulbe, les mouvements du cœur persistent, en conservant leur rhythme, ces mouvements ont perdu de leur éner- gie ; bientôt ils ne lancent plus le sang qu'à une petite distance et ne lui donnent qu'une faible tension dans les artères. Le bulbe d'où naissent les pneumogas- triques, quoiqu'il ne soit pas le centre unique d'où émane le principe excitateur et régulateur des mouvements du cœur, doit pourtant exercer sur eux quelque influence. Laquelle? Peut-être arriverons-nous à la découvrir en étudiant ce qui se passe lorsque, par suite de la section des vagues, elle cesse de s'exercer. INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LES MOUVEMENTS DU CŒUR. 48î) Or, la section des deux nerfs vagues ou même celle d'un seul détermine deux effets très remarquables : 1° elle accélère les mouvements du cœur; 2" elle les affaiblit progressivement. L'accélération des battements du cœur à la suite de l'interruption de l'influence des nerfs vagues se produit aussitôt après l'opération, et augmente à mesure que cette influence s'éteint, puis elle atteint bientôt un degré qu'elle ne dépasse plus. Le fait constaté par Yalsalva, par Petit, par Mayer et par la plupart des expé- rimentateurs, est d'autant plus remarquable qu'il co'incide avec un ralentisse- ment considérable des mouvements respiratoires, mais il est très difficile à expliquer. On ne saurait rationnellement l'attribuer à la difficulté que le sang éprouverait à traverser le poumon, puisqu'il arrive avant le développement des troubles de la circulation pulmonaire ; il tiendrait plutôt à la nécessité dans laquelle se trouve le cœur de se contracter d'autant plus souvent, qu'à chaque contraction il lance une moindre quantité de sang dans les artères. L'affaiblisse- ment des contractions cardiaques est très prononcé, comme on peut en juger en appliquantla main à la surface de l'organe, à travers une ouverture faite aux parois abdominales et au diaphragme; il peut de même être apprécié exactement, au moyen du cardiomètre adapté à une artère d'un certain calibre, cardiomètre dans lequel, d'après les observations de Bernard, le mercure ne s'élève plus qu'à une faible h'auteur. L'affaiblissement des contractions cardiaques paraît être le résultat le plus important de la section de ces nerfs, et il peut se comprendre en admettant qu'une partie de l'activité du cœur, dérive de la moelle allongée et se transmet par l'intermédiaire des nerfs vagues ; ceux-ci, une fois divisés, ne com- muniquent plus cette partie de force active et les mouvements cardiaques per- dent plus ou moins de leur énergie habituelle. E. Wœber, Budge et, depuis, beaucoup d'autres expérimentateurs ont constaté qu'en galvanisant la moelle allongée, soit directement, soit par l'in- termédiaire du bout central d'un nerf vague, on arrête sur-le-champ les mou- vements du cœur, l'organe- demeurant relâché et flasque. Ils ont vu aussi qu'en galvanisant les nerfs vagues on produit le même résultat. Ces deux faits sont très exacts, et on peut les reproduire aisément. M. Mandl et moi, en opérant à l'aide de l'appareil à induction, nous avons vu, sur le cheval, que le courant, d'abord faible, réduit les battements à 30, à 20, à 10, à o par minute, puis que ce courant, suffisamment intense, les arrête tout à coup et tue l'animal. Le cœur est alors flasque et en diastole, comme il Test sur les grenouilles, à la suite de la division de la moelle allongée, et aussi comme il l'est sur les animaux au moment des secousses convulsives qui se manifestent vers la fin des hémorrha- gies mortelles. Il est à noter que, dans le cas d'électrisation du bulbe, si l'on vient à couper les vagues, les battements du cœur qui étaient arrêtés se rétablissent, et que, dans celui d'électrisation de ces nerfs, les battements reprennent d'eux-mêmes au bout d'un certain temps, quoique le courant soit maintenu. De ces faits inté- ressants on a cru pouvoir conclure que la moelle allongée exerce sur le cœur. par l'intermédiaire des nerfs vagues, une influence non excito-motrice, mais négative, modératrice, ou mieux, une action qui donnerait lieu au relâchement de l'organe à la suite de chacune de ses contractions. D'après plusieurs physio- 486 HE LA CIRCULATION. logistes, M. Schiff entre autres, le bulbe rachidien serait le loyer d'origine de tous les nerfs vaso-moteurs, sans exception, ou tout au plus à l'exception de ceux des viscères abdominaux ; il réglerait l'action du cœur comme celle des autres parties du système vasculaire; en outre, il serait le centre des actions réflexes sur l'ensemble des vaisseaux du corps. Owsjannikow a même cru préciser exac- tement ce centre par des sections transverses du mésocéphale. 11 a vu, en section- nant l'isthme au niveau des tubercules bigéminées, que la pression du sang dans les vaisseaux n'éprouvait pas de modification sensible, tandis que les sections faites immédiatement en arrière donnaient lieu à une augmentation de pres- sion. Déjà, k 1 millimètre en arrière de ces tubercules, la lésion de l'isthme était suivie d'un abaissement considérable de pression et ainsi au delà de ce point jusqu'à 4 à 5 millimètres en avant de la pointe du calamus, par conséquent, dans la partie correspondant au plancher du ventricule du cervelet. Tant que cette portion du bulbe restait intacte et en continuité avec la moelle épinière, les excitations des nerfs sensitifs ou mixtes provoquaient des actions réflexes sur les vaisseaux de toutes les parties du corps. Mais, une fois la section faite en arrière de la limite postérieure de cette région, les excitations n'étaient plus suivies d'actions réflexes sur les vaisseaux. Quoique les résulats des vivisections soient à peu près exacts, on n'est pas absolument fondé à en conclure que le centre ou les centres vaso-moteurs soient tous confinés dans le bulbe au point indiqué. Ces centres, s'ils existent réellement, sont probablement échelonnés, comme le pense M. Brown-Séquard, sur toute la longueur de la moelle et du bulbe, d'oîi ils laisseraient échapper des fdets naissant à la manière de tous les nerfs rachidiens. L'action du bulbe sur le cœur ne s'exerce pas seulement par les nerfs vagues, elle se fait aussi par les nerfs ganglionnaires ; d'ailleurs les vagues n'agissent sur cet organe que par une partie de leurs fibres qui se grou- pent en nerfs distincts, par leurs propriétés, mieux encore que par leur disposi- tion anatomique. L'un de ces nerfs qu'on propose d'appeler nerf inhibiteur, nerf d'arrêt, modé- rateur ou dépresseur se détache tantôt directement du pneumogastrique, tan- tôt du laryngé supérieur, marche confondu quelquefois avec le vague, ou seul sur le trajet de la carotide, puis il traverse le ganglion cervical inférieur avec lequel il s'anastomose ou dont il reçoit des racines ; enfin , il se perd dans le plexus cardiaque et pulmonaire. Sa section ou l'excitation de son bout inférieur n'a aucune influence sérieuse sur la pression du sang artériel ni sur le nombre et la force des battements du cœur. L'excitation du bout central fait baisser la pression et ralentit le pouls. L'électrisation du nerf entier donne lieu aussi à la dilatation de tous les vaisseaux de l'abdomen dont les viscères se congestionnent pendant que ceux des autres parties du corps s'anémient. La moelle allongée, qu'elle ait ou non un centre cardiaque ou encore un centre vaso-moteur pour l'ensemble des vaisseaux, agit très manifestement sur les mouvements du cœur par l'intermédiaire du pneumogastrique. Les courants d'induction faibles qui passent par ces nerfs ralentissent les mouvements de cet organe ; les courants forts les suspendent brusquement dans la diastole. Lors du ralentissement, la pression augmente; elle baisse rapidement pendant l'arrêt. La moelle allongée INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LES MOUVEMENTS DU CŒUR. 487 peut recevoir, non seulement les excitations portées directement sur ces nerfs, elle peut être influencée par celles qui portent sur d'autres nerfs anastomosés avec eux, Bernstein en a donné la preuve en déterminant l'arrAt diastolique du cœur par l'électrisation des nerfs mésentériques, arrêt qui se produit absolument comme si l'électrisation était appliquée au vague, dans un point quelconque de son trajet. La moelle peut également, par action réflexe, agir de la même façon quand les excitations portent seulement sur les extrémités des nerfs. En efl'et, Goltz a constaté qu'une percussion vive sur l'intestin de la grenouille arrête le cœur en diastole, à la condition que l'organe reste en communication avec le bulbe par les pneumogastriques intacts. D'ailleurs, les irritations et les sec- tions de difl'érents nerfs ganglionnaires en communication avec les filets du vague qui vont au cœur peuvent produire les mêmes effets que les irritations et les sec- tions portant sur les vagues eux-mêmes. En somme, le bulbe agit sur le cœur par le nerf pneumogastrique et par le lilet dépresseur qui en émane ; ces deux nerfs dits d'arrêt sont en action perma- nente pour ralentir l'action de cet organe qui reçoit la stimulation d'autres nerfs. Et la preuve qu'on donne de cette action est l'accélération du pouls observée constamment à la suite de la section du pneumogastrique. D'autres causes, ou si on veut, d'autres conditions de l'organisme agissent comme le fait la section du vague. Ainsi , la diminution de la pression artérielle donne lieu à l'accélération du pouls dont il a été question plus haut. Au con- traire, l'augmentation de pression donne lieu à un ralentissement comparable à celui que déterminent les courants d'induction. L'irrigation des centres nerveux et celle du cœur, par le sang noir, produit un ralentissement plus considérable encore, et finalement l'arrêt, comme on peut le voir dans les expériences sur la respiration artificielle. L'action du bulbe, si importante qu'elle soit, est moins immédiatement néces- saire à l'entretien de l'action du cœur que celle qui s'exerce sur le mécanisme respiratoire. Ce qui le prouve péremptoirement c'est la persistance des mouve- ments de l'organe moteur du sang, avec leur rhythme régulier pendant un quart d'heure, une demi-heure ou plus chez les jeunes mammifères décapités , et des journées entières chez les batraciens, dans des conditions semblables. D'autre part, l'action du cœur persiste pendant plusieurs jours avec une simple accélération, sans le secours de la moelle allongée, chez les animaux dont les vagues sont sectionnés , pourvu que la trachée ouverte laisse entrer l'air nécessaire à la respiration. Maintenant, quelle est l'influence de la moelle épinière sur le cœur? Est-ce de ce centre nerveux qu'émane, par l'intermédiaire des nerfs ganglionnaires, le prin- cipe de l'activité du moteur du sang? Legallois ' le croyait, d'après le résultat d'expériences devenues célèbres. Ce physiologiste ayant observé : 1" que la des- truction d'une portion de la moelle afi"aiblit beaucoup la circulation ; 2° qu'elle ne tarde pas à devenir mortelle ; 3" enfin que la destruction de la totalité de cette moelle est subitement et constamment mortelle, quels que soient l'espèce et 1. Legallois, Expériences sur le principe de la vie, p. 48 à 150. 488 DE LA CIRCULATION. l'âge des animaux, en conclut que le cœur emprunte ses forces de tous les points de la moelle épinière, sans exception, et cela par l'intermédiaire des filets du grand sympathique. D'après lui, la destruction complète de la moelle épinière arrête subitement la circulation à tous les âges et chez tous les animaux. Les contractions cardiaques qui subsistent après cette opération sont pour lui des mouvements sans force, analogues à ceux des autres muscles après la mort. Or, Ijegallois se trompe. Au lieu de détruire tout d'abord la moelle épinière sur toute sa longueur, il la coupe à l'occiput, étudie les effets de cette première opé- ration, puis il décapite ses lapins âgés de un jour, de dix jours, de vingt jours, et enfin ce n'est qu'après vingt, trente, cinquante minutes même, qu'il détruit le cordon rachidien sur les animaux dont les mouvements sont déjà extrême- ment affaiblis. Sa méthode, très défectueuse à mon sens, le conduit à des déduc- tions erronées et illusoires. Cheval adulte Ane adulte Chien d'un jour Chatd' un jour Couleuvre Grenouille (no 1 (no 2 (no 13 (no 14 (no 18 (no 19 du tableau du tableau du tableau du tableau du tableau du tableau précédent). précédent). précédent.) Nombre j des minutes 1 "^ de l'expérience, f n ient). a o têî o c z8^ précédent). piécédent). <ù 13 c o 9'?, '' S 2 = S -3 -a c o ■3 o c >< a o ti * o ^ ■fis l§ = Nombre ^ des minutes | " de l'expérience, j a o m ^ s = •a ill. ^1 = ■? S 8 7e 82 2 126 32" 17 66^ 7 77 5° 45 9 80 4 63 37 16 68 3 16 80 20 44 15 25 6 67 42 24 69 9 21 67 60 42 31 20 11 18 47 21 70 7 26 59 85 41 35 19 24 28 52 19 71 13 27 47 120 37 26 12 57 11 72 10 32 48 180 26 » 27 28 62 18 73 3 37 30 6 h" 32 „ 28 25 67 38 74 10 43 21 7 38 » 30 10 72 29 75 14 48 21 8 42 ,, 32 8 82 27 « » 58 20 8 1/2 40 » 36 27 87 22 >, » 63 17 9 42 » 38 28 92 27 » ,) 68 4 10 39 „ 39 64 97 20 ,) » 73 6 22 39 » 42 20 102 13 » 1, 78 4 30 4 » 44 11 107 19 » » 138 2 31 7 ;; 46 49 20 18 112 117 15 11 ,j » " » » 1) ;; " 60 2 " » " " » " » " D'une part, il est inexact que la destruction totale de la moelle épinière déter- mine subitement la mort et arrête sur-le-champ la circulation. Wilson Philipp a constaté qu'après cette mutilation les carotides restaient pleines de sang et bat- taient avec force pendant un temps assez long. Flourens^ a observé qu'à la suite de cette destruction totale de la moelle, soit seule, soit combinée avec celle de l'encéphale, la circulation s'entretient sur des mammifères et des oiseaux pen- 1. Flourens, Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux, 2"^ édit. Paris, 1842, p. 214. INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LES MOUVEMENTS DU CŒUR. 489 dant un temps plus ou moins long-, suivant Tàge des animaux et suivant qu'on établit ou non une respiration artilicielle. Ainsi, sur un lapin adulte, la moelle épinière, la moelle allongée et la masse cérébrale furent successivement détruites d'arrière en avant et l'insufflation établie; les carotides battaient encore avec force au bout d'une heure, et l'artère crurale ouverte laissait échapper par jets un sang vermeil. Sur un petit chien de sept à huit jours, les lobes cérébraux, le cervelet, la moelle allongée furent enlevés et la moelle épinière détruite à l'aide d'un stylet d'acier, et la circulation persista pendant quarante minutes après cette opération. Sur de petits chiens et de petits chats qui venaient de naître, la destruction complète du système cérébro-spinal laissa persister la cir- culation de une heure à une heure et demie; enfin, les mêmes résultats furent obtenus sur des cochons d'Inde, des poules, des canards, des pigeons, avec quelques légères variations relatives à l'âge et à l'espèce des animaux. Les expériences que j'ai faites sur de jeunes animaux m'ont conduit à des résultats semblables aux précédents. La destruction de la moelle épinière seule ou la destruction de cette moelle avec celle de l'encéphale a laissé persister la circulation pendant un temps assez considérable; les artères ont continué à battre très sensiblement, et à laisser couler du sang par jets saccadés dès qu'elles étaient ouvertes; enfin, lorsque le cœur cessait d'entretenir le cours du sang dans les vaisseaux, il exécutait encore des contractions dont la durée a été sou- vent de plusieurs heures. Un petit chien âgé de trois jours fut décapité après ligature préalable des carotides, afin de prévenir une abondante hémorrhagie, puis la moelle épinière fut aussitôt détruite avec un long stylet d'acier. Les artères continuèrent à battre ; la poitrine ouverte au bout d'un quart d'heure laissa voir les battements du cœur qui conservèrent assez de force jusque vers la trentième minute. A ce moment, les contractions des ventricules cessèrent, mais celles des oreillettes persistèrent pendant trois heures vingt et une minutes. Sur un chien de un jour dont la moelle épinière fut détruite de même après la déca- pitation, les mouvements .du cœur durèrent deux heures vingt minutes. Sur un chat de même âge ils ne cessèrent qu'après deux heures neuf minutes, et sur un dernier ils ne s'éteignirent qu'à la fin de la troisième heure. Mais, de ce que les mouvements du cœur persistent dans ces conditions on n'est pas en droit d'en conclure que la moelle est sans influence sur le fonction- nement de cet organe. En effet, lorsque la moelle est séparée du bulbe par une section au niveau du trou occipital, on voit la pression artérielle baisser et le pouls se ralentir. En cet état, comme l'a constaté Bezold, si l'on vient à stimuler la moelle par l'électricité, les contractions cardiaques deviennent plus fréquentes et la pression artérielle plus forte. L'expérimentation a montré, entre les mains de divers physiologistes, que c'est par l'intermédiaire du ganglion cervical inférieur et du premier thoracique que cette action de la moelle épinière sur le cœur doit s'exercer. Ce ganglion, en communication avec la moelle par divers filets anastomotiques, reçoit par eux l'influence de celle-ci et l'envoie au cœur par des rameaux appelés, depuis les travaux de Gyon et de Ludwig, nerfs accélérateurs. L'électrisation directe de ces nerfs précipite, en effet, les mouvements du cœur dans une proportion considé- 490 DE LA CIRCULATION. rable. Quelques-uns des nerfs dits accélérateurs s'associent au vague, chez la grenouille, et leur action paraît mise en évidence par l'accélération due aux cou- rants électriques appliqués aux vagues après la suppression du rôle des autres obtenue à l'aide de la nicotine. Une fois les ganglions cervicaux inférieurs enle- vés, l'électrisation de la moelle n'a plus d'influence sur la pression artérielle et sur la fréquence du pouls. Il n'est guère possible, actuellement, de trancher la question de savoir s'il y a dans la moelle un ou plusieurs centres moteurs du cœur, ni celle de savoir s'il y a dans cet organe des centres moteurs vasculaires multiples et distincts. Schiff n'en admet là aucun, ni pour le cœur ni pour les divers départements vasculaires de l'organisme. Elle est certainement un foyer simple ou multiple d'origine des nerfs des vaisseaux, un centre unique ou une agglomération de cen- tres d'actions réflexes de ces nerfs. Elle est probablement à la fois centre d'action et conducteur ; centre d'action par chacun de ses tronçons et pour les nerfs qui s'échappent à leur niveau : son action paraît directe, caries hémisections faites, une fois la moelle séparée du bulbe, donnent lieu, comme nous le verrons bientôt, à une paralysie vasculaire et à une élévation considérable de la température du côté correspondant. Les hémisections du bulbe, d'après Schiff', paralysent éga- lement les vaisseaux de la tête et de la totalité du corps dans la même moitié. En somme, la moelle épinière agit sur le cœur puisque, d'une part, si elle est séparée du bulbe, les mouvements de l'organe se ralentissent et la pression arté- rielle baisse, et que, d'autre part, si, en cet état d'isolement, on l'électrise, les pulsations s'accélèrent et la pression augmente. C'est par le ganglion cervical inférieur et le premier thoracique que sont établies les communications entre elle et l'organe central de la circulation. Les ganglions dont il s'agit reçoivent l'influence de la moelle parles rameaux anastomotiques et ils l'envoient au cœur par les rameaux périphériques dits nerfs accélérateurs. L'électrisation, soit de la moelle, soit des ganglions, soit de leurs filets périphériques, a des résultats uni- formes : l'augmentation de la fréquence du pouls et de la pression artérielle. Ainsi, ce n'est donc ni de l'encéphale, ni de la moelle allongée (qui règle les mouvements respiratoires et donne naissance aux pneumogastriques), ni enfin de la moelle épinière, que dépendent uniquement et immédiatement les mouvements du cœur; car cet organe continue à se contracter, avec son rhythme normal, et avec assez de force pour entretenir la circulation, bien longtemps après la des- truction de toutes ces parties centrales du système nerveux. Dès l'instant que les mouvements du cœur subsistent avec leur rhythme après qu'il a cessé d'être en rapport avec les centres nerveux, il faut que le système ganglionnaire joue un rôle important dans l'innervation de cet organe. Ses nerfs ne sont pas de simples conducteurs d'une influence excitatrice; ils doivent être aussi des cen- tres d'une action propre, analogue à celle que les nerfs du grand sympathique exercent sur l'intestin, l'utérus et la plupart des muscles de la vie organique. L'irritation de ces nerfs, qui n'avait semblé produire aucun effet sur le cœur dans les expériences de Haller, de Fontana et de Bichat, a déterminé cependant, 1. Vulpian, Le<;ons nir Vappareil vaso-moteur, 1. 1, p. 261. INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LES MOUVEMENTS DU CCEUR. 491 aux yeux de plusieurs observateurs, des changements sensibles dans les mouve- ments cardiaques. Do Humboldf ayant fixé des armatures aux nerfs du cœur du chien et du renard, immédiatement après que l'organe venait d"être retiré de la poitrine, a vu, àcliaque contact des métaux, les battements devenir plus rapides et plus forts. Burdach, en touchant ces mêmes nerfs avec de la potasse caustique sur des lapins qu'on venait de tuer, a vu de même les battements cardiaques s'accélérer d'une manière sensible ; enfin, d'autres ont constaté des résultats analogues : mais il ne faut pas y attacher une grande importance , d'autant qu'après la mort, ces contractions très irrégulières et de courte durée augmen- tent ou diminuent de force s'accélèrent ou se ralentissent souvent saus cause appréciable. La destruction des ganglions cervicaux inférieurs, desquels émanent les prin- cipaux filets des plexus cardiaques, ne détermine pas de troubles graves dans l'action du cœur. Je l'ai faite sur des chevaux, en établissant des fistules au canal thoracique, sans qu'il en soit résulté, au moins dans les premiers moments, d'autres troubles dans la circulation, que ceux qui se manifestent à la suite des souftrances ordinaires de l'opération. Si Brachet ' . après avoir excisé ces ganglions et les filets qui en émanent, a vu les mouvements du cœur s'arrêter sur-le-champ, c'est que, très probablement, il n'avait pas pris les précautions nécessaires -pour respecter les pneumogastriques, laisser les plèvres intactes et prévenir l'affaissement du poumon, et par conséquent une mort brusque par asphyxie : tous accidents faciles à éviter en expérimentant sur les animaux soli- pèdes. D'ailleurs, sur un àne décapité dont la poitrine était ouverte, l'abla- tion de ces ganglions et par suite la section de tous les filets cardiaques qui en émanent a laissé subsister les contractions des oreillettes pendant plus d'une demi-heure. La destruction du ganglion cardiaque, lorsqu'il existe, ne suspend pas plus les battements du cœur. Brachet qui les a vus s'arrêter subitement , aussitôt après l'excision de ce ganglion, dont l'existence est d'ailleurs fort contestable, ne s'est point aperçu qu'il tuait ses chiens par le fait de l'affaissement du poumon qui suit l'enlèvement d'une côte et l'ouverture de la plèvre. Mais son erreur n'a trompé que ceux qui, en matière d'expériences, se contentent des résultats bruts, sans s'inquiéter ni de leur valeur, ni des moyens par lesquels ils ont été obtenus. Enfin, l'anéantissement de toutes les connexions du cœur avec les centres ner- veux, les ganglions et les nerfs étrangers à sa substance, n'arrête point ses mou- vements et ne modifie pas leur rhythme. Le cœur isolé, séparé même des gros vaisseaux et de ses oreillettes, bat encore pendant un certain temps, ainsi que le savaient déjà les anciens, et comme s'il recelait en lui le principe de son activité si remarquable : il agit alors à la manière de l'intestin privé de son mésentère, de l'utérus, extrait de l'abdomen. Les nerfs ramifiés à sa surface, et disséminés dans son tissu, suffisent à entretenir encore ce reste de contractilité. 1. Brachet, Recherches expérimentales sur les fonctions du système nerveux ganglion- naire. 2*édit., p. 160. 492 DE L\ CIRCULATION. Il y a, en effet, dans le tissu du cœur de nombreux filets nerveux qui présen- tent à leurs extrémités de petits ganglions dits de Remak. Ces ganglions, situés principalement dans la cloison des oreillettes et à la base des ventricules, parais- sent jouer le rôle de centres d'innervation et de coordination, de telle sorte que rhythme des mouvements du cœur pourrait persister tant que l'activité de ces petits centres ne serait point épuisée. Sur le cœur détaché, il subsisterait dans les parties en communication avec les ganglions, et il perdrait sa régularité dans les parties détachées de ces petits organes. On est allé plus loin. Dans cet ensemble de nerfs et de petits ganglions cardia- ques, on a cru trouver un système excitateur et un système modérateur des mouvements. Et cela, dit-on, serait prouvé par l'expérience suivante : Un lien placé sur le sinus veineux d'une grenouille arrête les contractions dans la tota- lité du cœur. Si alors on détache le ventricule du reste de l'organe, il se remet à battre pendant que l'oreillette, demeurée adhérente au sinus, reste dans l'inac- tion. Le prétendu système modérateur aurait pour centre les ganglions de l'oreil- lette; mais c'est là une hypothèse mal assise qui ne peut encore prendre place dans la science. Ainsi, les mouvements du cœur survivent à la destruction de chacune des parties de l'encéphale et de l'encéphale entier ; ils survivent à la destruction de chacune des régions et delà totalité de la moelle épinière, comme à ladestruc- lion simultanée de tout le système cérébro-spinal, à la section des nerfs vagues, à l'ablation des ganglions d'oîi émanent les nerfs cardiaques, et à celle de ces nerfs eux-mêmes en dehors de la substance du cœur. Mais ils n'en sont pas moins sous la dépendance de ces diverses parties du système nerveux. En pesant une à une les données de l'expérimentation, puis en les appréciant collectivement et dans leurs rapports intimes ; enfin, en tenant compte des modifications que les mouvements du cœur éprouvent par l'intermédiaire du système nerveux, dans une foule de circonstances normales ou morbides, on arrive à reconnaître que l'action du cœur, comme celle de tous les organes mus- culaires, est subordonnée à Tmfluence nerveuse. D'abord elle dépend de l'encéphale, et en particulier de la moelle allongée, puisque, d'une part, les impressions morales modifient la force et la vitesse de ses mouvements, et que, d'autre part, l'irritation ou la destruction de ces parties les affaiblit d'une manière sensible. En second lieu, elle dépend de la moelle épinière, commele prouve leur affai- blissement lors de la destruction de cette partie du système cérébro-spinal. Enfin elle dépend des pneumogastriques qui transmettent au cœur l'influence de l'encéphale, de la moelle allongée et des nerfs ganglionnaires qui, à la fois, lui apportent l'influence de la moelle épinière et leur dispensent celle qui peut dériver de leur propre activité. Cette dépendance est évidente, quoiqu'elle ne soit pas immédiate comme celle du mécanisme respiratoire, par rapport à la moelle allongée et celle des muscles du squelette relativement à la moelle épinière. A mesure qu'elle s'éteint par la destruction successive des centres nerveux et des cordons qui transmettent au cœur l'influence de ceux-ci, les mouvements cardiaques perdent graduellement CIRCL-LATION ARTÉRIELLE. 493 de leur énergie, la circulation devient de plus en plus languissante, et finit par se suspendre. Les moyens d'innervation du cceur sont donc multiples et ils paraissent l'être, comme le dit Longet, à cause de l'importance de la fonction que l'organe rem- plit et des rapports nombreux qui lient celle-ci aux autres. La raison de l'admirable rliythme cardiaque est, à ce qu'il semble, dans les nerfs et les ganglions qui enlacent et pénètrent de toutes parts l'organe, nerfs et ganglions qui jouissent d'une sorte d'autonomie, puisque, dans le fœtus, le cœur fonctionne régulièrement avant que ses connexions se soient établies avec les centres, et que sur l'adulte son action se continue, bien que ses relations avec les centres soient détruites. Toutefois, il est clair que l'activité de son petit système nerveux est empruntée au système général et que c'estpar cette dernière qu'elle s'entretient et se ravive. Si elle ne persiste pas longtemps sur le cœur détaché c'est que la vitalité de ses petits centres nerveux ne peut s'entretenir, comme le dit M. Vulpian\ sans une excitation et une nutrition qui se suspendent avec l'abord du sang dans leur tissu. CHAPITRE LVII DE LA CIRCULATION ARTÉRIELLE Le système artériel forme un vaste ensemble de canaux d'irrigation étendu entre le cœur et les capillaires. Il naît par deux troncs, l'un au ventricule gauche, l'autre au ventricule droit. La première fraction constitue le système général ou aortique, la seconde le système artériel pulmonaire. Dans les deux, le sang se meut simultanément sous l'influence des mêmes causes, et sa progression offre les mêmes caractères. Étudions successivement les forces qui meuvent le liquide dans les artères et les diverses particularités de son cours, I. — Forces motrices du sang dans les artères. Le sang se meutdans les artères du centre vers la périphérie ou du cœur vers les capillaires, par l'action de trois forces distinctes et inégales, la première due à la systole ventriculaire, la seconde à l'élasticité des tuniques artérielles, la troisième à la contractilité de ces mêmes tuniques. [o Foi*ce iiupiilsive du cœur. — Avant la contraction des ventricules, le système artériel n'est plus en communication avec le cœur. Les valvules sig- moides soumises à la pression de la colonne sanguine artérielle sont abaissées, et ferment exactement l'oritice de l'aorte et de l'artère pulmonaire. Au moment delasystoleventriculaire, l'ondée sanguine projetée avec une grande force soulève 1. Vulpian, Leçons sur Vappo.)'eil_^caso-mûteur. Paris, 1875. 494 I>E LA ClKCULAÏlOxN. valvules, les écarte, les applique à la face interne des parois vasculaires et sur le fond des fosses ovalaires creusées à la base des ventricules; c'est alors que le sang passe librement de la cavité ventriculaire dans le système artériel. L'impulsion énergique développée par chaque systole meut à la fois l'ondée projetée et le sang qui remplit déjà le vaisseau. Harvey et Spallanzani la regar- daient à peu près comme la seule cause de la circulation artérielle. C'est évidem- ment la principale et la plus énergique, puisque, comme nous l'avons vu, elle fait équilibre à la pression d'une colonne d'eau de 2 à 3 mètres de hauteur. Elle a pour caractère d'être intermittente et saccadée, bien qu'elle doive donner lieu à un mouvement continu. L'impulsion systolique du cœur est la force motrice initiale du sang, celle qui donne del'uniformitéàla circulation et en détermine la vitesse, celle qui contribue pour la plus grande part à régler la tension artérielle. Chaque ondée que cette impulsion fait entrer dans les artères déjà pleines, les dilate et pousse devant elle le sang provenant des ondées antérieures ; elle accélère le mouvement de ce liquide en lui donnant un mouvement saccadé. 2° Force imiiiilsîve tliie à l'élasticité «les i)a,i^ois a.i^téi^ielles< — L'élasticité dont jouissent les parois artérielles développe la seconde force motrice du sang dans la partie du système vasculaire qui nous occupe. Cette propriété appartient à la tunique moyenne qui est constituée par un tissu fibreux jaune, semblable à celui du ligament cervical, de la tunique abdominale des grands mammifères et des ligaments des griffes des carnassiers. Elle est extrê- mement prononcée dans les grosses artères, car la tunique moyenne de l'aorte n'a pas moins de 6 à 8 millimètres d'épaisseur sur le cheval, et une épaisseur proportionnelle dans les artères d'un moindre calibre. Les fibres circulaires qui la forment sont rameuses, articulées et disposées en lamelles nombreuses entremêlées de fibres musculaires. Elles contiennent peu d'eau, sont insolubles dans l'acide acétique, très solubles dans les acides minéraux, et leur solution n'est précipitée ni par l'alcool ni par le ferrocyanure de potassium. Les artères sont élastiques dans tous les sens. L'extension de leurs parois se fait circulairement et longitudinalement; c'est surtout dans ce dernier sens qu'elle est très prononcée sur les artères très longues et un peu flexueuses, aussi à la carotide voit-on les incurvations résultant de l'inclinaison du cou devenir beaucoup plus étendues à chaque pulsation. Et, dans les cas où cette artère est coupée en travers, ses deux bouts étant fermés, par des ligatures, l'élongation est si grande qu'elle remet en contact, lors de la pulsation, les deux parties qui s'étaient très éloignées l'une de l'autre un instant auparavant. L'élasticité a pour effet d'exercer une pression constante sur le sang qu'elle pousse vers les capillaires, dans les intervalles des systoles ventriculaires. Elle gradue la capacité du système artériel d'après la quantité de sang qu'il doit con- tenir, et la réduit sur les sujets qui éprouvent d'abondantes déperditions san- guines; Lorsqu'une portion d'artère est circonscrite par deux ligatures, elle en fait sortir le sang avec une certaine force par une petite blessure. C'est elle surtout qui, après la mort, pousse dans les capillaires et de là dans les veines la presque totalité du contenu du système artériel. Sur le cadavre^ elle opère dans CIRCULATION ARTÉRIELLE. . 41)5 les grosses artères une rétraction énorme qui ne va cependant pas jusqu'à obli- térer leur cavité. Cette propriété est mise en jeu par la force du cœur qui, à chaque ondée san- guine chassée dans l'aorte, augmente la dilatation de tout le système artériel. Elle tend à agir en même temps que la force systolique, puisqu'elle lutte contre la dilatation; mais elle ne produit réellement son effet qu'une fois l'ondée logée dans l'aiHère et, par conséquent, après que le coup de piston de la pompe car- diaque a été donné. L'élasticité n'ajoute pas seulement une force motrice à celle qui dérive de l'impulsion du cœur; elle modifie, en outre, l'effet de cette dernière dont l'ac- tion est interrompue: elle tend, comme le disent les physiologistes, à transfor- mer un mouvement intermittent en un mouvement continu, et cela d'autant plus qu'on se rapproche davantage du système capillaire; néanmoins elle ne lui ôte pas tout à fait son caractère saccadé, qui est manifeste quand le jet de sang s'échappe d'une artère blessée, ou lorsque le liquide pénètre dans un tube de verre adapté à une artère. Dans des vaisseaux dépourvus d'élasticité, la marche du sang artériel serait presque intermittente; elle s'arrêterait ou au moins se ralentirait considérablement d'une systole à l'autre, comme Haies et Hunter l'ont très bien fait remarquer. Bérard a dit. avec raison, que l'élasticité développe une force d'emprunt. Elle n'agit en effet qu'autant que l'artère a été dilatée par l'ondée sanguine lancée par le cœur, et elle agit d'autant mieux que la dilatation est plus considérable. Weber prétend qu'elle crée entre la tension du sang artériel et celle du sang veineux une différence qui favorise la marche du premier vers le second. M. Marey ajoute qu'elle a pour effet d'augmenter la quantité du sang qui peut passer du cœur dans les artères. Cela est clair, puisque, d'une part, elle permet à la cavité des artères de s'agrandir, et que d'autre part, en la resserrant brus- quement, après chaque systole ventriculaire, elle exerce une poussée favorable à la marche centrifuge du liquide. Il est incontestable d'ailleurs que les effets de l'élasticité s'additionnent à mesure qu'on s'éloigne du cœur, de telle sorte que le caractère saccadé du mouvement du sang s'affaiblit en raison directe du trajet parcouru ; il devient à peu près régulier, uniforme au voisinage des systèmes capillaires. Dans ce qu'on appelle l'élasticité des artères il y a deux parts bien distinctes à faire : l'extensibilité et la rétractilité. La première favorise l'action du cœur en permettant l'agrandissement de la capacité artérielle, ou de l'entrée d'une nouvelle ondée sanguine, la seconde ajoute à cette action impulsive du cœur une nouvelle impulsion purement mécanique qui tend à faire monter le sang vers les extrémités du système^ puisque l'occlusion de l'orifice aortique se produit immédiatement après chaque systole ventriculaire^ Si les artères étaient dépour- vues d'élasticité elles fonctionneraient comme des tubes inertes, rigides et laisse- raient couler, ainsi que le démontre M. Marey, une moindre quantité de sang. En somme, les deux premières forces motrices du sang dans le système arté- riel sont intimement associées La force de projection développée par la systole cardiaque est, comme le dit Milne Edwards, partagée en deux, l'une fait avancer 496 DE LA CIRCULATION. l'ondée, l'autre dilate l'artère; celle-ci met en jeu l'élasticité des parois arté- rielles, laquelle agit sur l'ondée et sur la totalité du contenu, une fois l'impul- sion du cœur suspendue. 3° Force impulsive et régrula.ti>ice «lue à la. couti*a.ctilitc tles artères. — Il n'est pas douteux aujourd'hui que les artères soient contractiles à divers degrés, suivant leur calibre. Toutes présentent en effet des fibres mus- culaires, ou libres-cellules, dans la constitution de leurs parois. Ces libres, indi- quées et décrites très nettement pour la première fois par Henle, forment presque entièrement la tunique moyenne des petites artères et de celles dont le diamètre ne dépasse pas 2 ou 3 millimètres. Elles s'y trouvent disposées en plusieurs feuillets. Dans les artères d'un calibre un peu plus considérable, elles s'associent à des lamelles défibres élastiques. Ce n'est que dans les plus grosses, dont la tunique moyenne est énormément renforcée par le tissu élastique, que la pro- portion des libres musculaires devient très faible. D'ailleurs elles paraissent plus abondantes, d'après la plupart des micrographes, dans les mésentériques, les carotides, les artères des membres, etc., que dans beaucoup d'autres d'égales dimensions. La contractilité des parois artérielles niée par Bichat, Magendie et d'autres observateurs, ne peut plus être contestée. Elle est manifeste dans les petites artères, et encore assez marquée dans celles de moyen calibre. Déjà dans les anciennes expériences de J, Hunteret de Parry, on trouve des preuves de cette contractilité. Hunter a vu, en effet, que l'aorte, l'humérale, la fémorale du cheval tué par hémorrhagie se resserrait notablement. Après avoir mesuré peu de temps après la mort les artères ainsi resserrées tant par ce fait de l'élasticité que par celui de la contractilité, il les distendait et les mesurait de nouveau, et toujours dans ce dernier cas où leur affaissement résultait seule- ment du jeu de l'élasticité, elles se trouvaient moins resserrées qu'auparavant- D'après lui, la contractilité prédomine dans les petites artères et l'élasticité dans les grandes ; toutes reviendraient sui- elles-mêmes dans le sens transversal en vertu de la première, et ce serait par la seconde que s'opérerait leur retrait dans le sens de la longueur. Dans les expériences de Parry, faites sur des brebis, cet observateur a aussi constaté un resserrement beaucoup plus prononcé immédiatement après la mort qu'au bout de vingt-quatre heures, car peu de temps après la mort les artères se trouvaient resserrées tant par leur élasticité que par leur contractilité, tandis que vingt-quatre heures plus tard, la contractilité ayant cessée d'agir, le retrait dérivait uniquement de l'élasticité; or ce dernier devait être moindre que celui qui représentait la somme des deux. D'après les mensurations de Parry, la con- tractilité donnerait un retrait d'une étendue à peu près égale à celle de l'élas- ticité. La contractilité des artères peut être provoquée sous l'influence d'un grand nombre d'excitations de nature diverse. Le froid, qui est un astringent énergique les fait resserrer à un haut degré ; les excitations mécaniques produites par l'instrument tranchant pendant les opérations chirurgicales, les piqûres, le râclement des parois ; divers agents chimiques, l'alun, l'acétate de plomb, l'eau CIRCULATION ARTÉIUELLK. 497 alcoolisée, l'ergotine, la teinture d'aconit paraissent produire cet effet au bout d'un certain temps. Les courants galvaniques Faibles les resserrent aussi, et au contraire les forts courants les dilatent. Dans les niésentériques de la grenouille, Wedemeyer a noté un resserrement égal au quart, à la moitié, au deux tiers du diamètre. Weber a même vu ces artères se réduire au sixième de leur diamètre, au point que le cours du sang s'y arrêtait. Le galvanisme produit encore cet efl'et sur les artères paralysées à la suite de la section de leurs nerfs moteurs, comme sur les parties détachées du corps et sur le cadavre peu de temps après la mort. Les stimulations physiologiques ou morbides provoquent de même cette con- traction, qui se manifeste souvent par la pâleur et l'affaissement des tissus; elles exercent une action très marquée sur les petites artères ; mais elles se font à peine sentir sur les grandes. Au début de l'inflammation, Brucke, Paget, Lebert, ont constaté un resserrement des artérioles coïncidant avec une dilatation moyenne des capillaires, puis une dilatation de ces mêmes artères de laquelle résulte un apport plus considérable de sang dans les capillaires embarrassés. Les contractions des artères, comme celles des canaux dont les tuniques sont formées de muscles de la vie organique, se produisent longtemps après l'exci- tation qui les provoque : elles sont lentes et faibles. Tout porte à croire qu'elles n'ont rien de bien régulier. Cependant Schiff, sur les oreilles du lapin, les a vues présenter uii caractère rhythmique à peu près semblable à celui des contractions des veines de l'aile des chauves-souris observées par Wharton Jones etVirchow. Ce rhythme, d'après ces observateurs, n'est en rapport ni avec celui du cœur, ni avec celui de la respiration ; il est plus lent que le premier, plus rapide que le second. Le vaisseau se resserre par places, s'étrangle en quelque sorte et demeure ainsi resserré et en repos pendant quelques instants avant de se dilater au même point, et de se contracter un peu plus loin. Le resserrement ou les resserre- ments successifs ne marchent pas d'un point vers un autre suivant le mode péristaltique, comme dans l'intestin et les canaux excréteurs des glandes, l'ure- tère par exemple. Ce mode de contraction est à peu près celui que j'ai constaté le premier dans les gros vaisseaux lactés du mésentère des ruminants. La contraction se voit encore aisément sur tous les petits vaisseaux, artérioles et veinules, de la membrane interdigitée des batraciens que l'on irrite loca- lement. La puissance contractile des artères s'épuise, momentanément, plus vite que celle de beaucoup d'autres organes musculaires. Si l'on stimule une première fois une artère, elle se resserre puis revient assez promptement à son ampleur initiale. Une seconde, quelquefois même une troisième excitation, suivant de près la pre- mière, peuvent encore provoquer leur resserrement, mais ensuite ces excitations successives et rapprochées demeurent sans effet ; Thompson, Hastings et, depuis, beaucoup d'observateurs ont constaté ces particularités. La contractilité des artères est subordonnée, comme celle de toutes les parties musculaires, à l'influence des nerfs. Les artères reçoivent partout des fdets ner- veux sympathiques, notamment celles qui se rendent aux organes involontaires, aux viscères, et d'autres fdets du système cérébro-spinal constituant ensemble ce o. COLIN. — Physiol. comp., 3" éiiit. II. — 32 498 DE LA CIRCULATION. qu'on appelle, depuis les recherches de StilUng, les nerfs moteurs des vaisseaux ou les vaso-moteur;;. En les étudiant avec soin, dans ces derniers temps, on a \ii ou on a cru voir qu'ils formaient plusieurs plexus aux parois artérielles : l'un à la surface, très développé dans les artères viscérales, un second dans l'épaisseur de la tunique externe et un dans la couche musculaire de la tunique moyenne: ces nerfs auraient, suivant quelques observateurs, de petits ganglions sur leur tra- jet et ils se termineraient tantôt par des pointes, tantôt par des plaques. L'exci- tation de ces nerfs provoque la contraction des artères auxquelles ils se distri- buent. Ainsi la galvanisation des nerfs sympathiques de la sous-maxillaire fait, comme l'ont montré les expériences de Schiff et de Cl. Bernard, resserrer les artérioles de cette glande; celle du filet sympathique produit le même effet sur les vaisseaux de l'oreille et en réduit l'héraorrhagie (Budge). La galvanisa- tion des sciatiques de la grenouille fait contracter les artères de la patte au point FiG. 172. — Petits vaisseaux de la membrane interdigitée de la grenouille contractés par places, d'après ^Vharton Jones. d'y suspendre souvent la circulation. D'autre part, la section des nerfs moteurs vasculaires a pour conséquence le relâchement des vaisseaux et l'élévation de la température dans les parties où ils se distribuent. Cette paralysie se produit à l'encolure et à la tète, comme le démontrent les effets delà section du grand sympathique dans la région du cou. Elle se manifeste dans les vaisseaux de la partie inférieure de la langue après la section de l'hypoglosse, dans ceux de l'oreille à la suite de la section des nerfs auriculaires (Brown-Séquard). Pour toutes les artères les résultats de la section des vaso-moteurs sont les mêmes. La section paralyse et produit la dilatation de toutes les divisions, qui reçoivent les nerfs coupés ; puis l'électrisation du bout inférieur de ces nerfs fait immé- diatement contracter ou resserrer ces divisions qui étaient précédemment relâchées. L'influence nerveuse qui fait contracter les vaisseaux parait émaner des centres, particulièrement de la moelle épinière. Waller a vu que l'irritation de la moelle à la partie inférieure du cou ou entre la deuxième et la troisième ver- CIRCULATION ARTÉRIELLE. 499 tèbre cervicale, fait contracter les vaisseaux de roreille, tant que le liiet cervical du grand sympathique est intact, et qu'elle cesse de produire cet effet si Ton a coupé les racines des nerl's cervicaux qui mettent en communication la moelle avec le sympathique. Depuis ses observations, on a cherché et on cherche encore des centres vaso-moteurs dans l'encéphale et dans la moelle épinière. Les uns ne les veulent que dans le bulbe rachidien et dans la protubérance, les autres les voient dans la moelle épinière et dans des régions circonscrites de cette moelle. D'après certains expérimentateurs les ganglions joueraient aussi l'office de petits centres. Il ne faut pas attacher à ces déterminations trop d'importance. Tous les points d'origine réels des nerfs sont, si on veut, des centres et on peut ainsi en trouver un grand nombre. Les vaso-moteurs de la tète et du cou qui proviennent en partie du ganglion cervical supérieur aboutissant du tllet sympathique cervi- cal, dérivés de la moelle au niveau des deux premières vertèbres dorsales peuvent être considérés comme ayant leur centre en ce dernier point. Les moteurs vas- culaires du membre antérieur paraissaient avoir le leur aux origines du ganglion cervical inférieur, et à celles du plexus brachial. Les vaso-moteurs des membres abdominaux qui viennent de la moelle avec les nerfs du plexus crural, ceux de l'abdomen qui émanent des régions dorsale et lombaire de la moelle ont proba- blement des centres correspondants, si ces centres existent. Ce qui porte à le croire, c'est que la section des racines du plexus brachial donne lieu à la dilatation des vaisseaux du membre antérieur et à l'élévation de la température de ce membre. De même la section des racines du plexus lombo-sacré relâche les vaisseaux et échauffe toutes les parties du membre postérieur. L'influence nerveuse qui préside à la contraction des artères s'exerce souvent suivant le mode des actions réflexes. Les émotions qui font pâlir le visage, celles qui donnent le frisson à l'ensemble de la peau, paraissent le prouver On dit que le pincement de l'oreille d'un lapin réagit sur l'autre, que l'immersion d'une main dans l'eau froide fait resserrer les vaisseaux de l'autre main. Tout le monde sait que l'application d'un corps froid sur la nuque diminue ou arrête l'hémor- rhagie nasale, que l'ingestion de grandes quantités d'eau froide peut supprimer les menstrues, provoquer l'avortement, etc. La contractilité des artères doit jouer un double rôle : elle peut à la fois servir d'auxiliaire à l'action impulsive du cœur, et régler la quantité de sang distribuée aux organes. Le premier de ces deux offices est de peu d'importance, surtout dans les grosses artères et même dans celles d'un moyen calibre : mais le second est capital. Les artères, en se resserrant plus ou moins , graduent la quantité de sang qui doit alimenter chaque département vasculaire. Si elles se tiennent dila- tées, elles y permettent un apport considérable de liquide ; si elles se resserrent, elles le diminuent. Leur degré de resserrement restreint l'afflux sanguin vers les systèmes capillaires et le proportionne aux besoins fonctionnels de la nutrition et des sécrétions. Par là les circulations locales ou partielles peuvent prendre des caractères propres qui, jusqu'à un certain point, les rendent indépendantes de l'action du cœur. C'est surtout dans les viscères et dans toutes les parties du domaine de la vie organique que la contractilité artérielle jouit du privilège de donner une sorte d'autonomie aux circulations partielles. Les artères viscérales 500 DE LA CIRCULATION. ont des nerfs moteurs en abondance et elles jouissent, comme je l'ai démontré ', d'une sensibilité manifeste, tandis que celles des organes de la vie animale en sont à peu près dépourvues. Comme cette sensibilité est le régulateur de la con- tractilité, j'en ai conclu que les artères viscérales devaient jouir au plus haut degré de cette dernière propriété et l'utiliser dans la plus large mesure. D'ailleurs la contractilité contribue, pour sa part, avec l'élasticité, à faire varier la capacité de l'ensemble du système artériel et à la mettre en rapport avec la quantité de sang qui doit être logée dans cette section de l'appareil circulatoire. Après les émissions sanguines abondantes, ou les hémorrhagies qui vont causer la mort, elle participe beaucoup au resserrement de toutes les artères et, au moment d'une concentration du sang dans les organes profonds, elle joue un grand rôle dans la constriction des artères superficielles, notamment de celles de la peau. La contractilité artérielle n'influence pas seulement le cours du sang dans la première section du système vasculaire. Gomme elle réduit la quantité de sang dans cette section, elle peut avoir pour résultat de congestionner les capillaires et de remplir outre mesure les veines. Enfin, elle exerce une grande influence sur la pression ou la tension du sang artériel, qui croît nécessairement à mesure que les artères se resserrent. Elle agit de cette façon sur le cœur dont les systoles doivent augmenter d'énergie pro- portionnellement à l'intensité de la pression du sang. La contraction des artères, pour résister à l'expansion que tend à produire l'impulsion donnée au sang par le cœur, doit être à peu près continue ou s'effec- tuer par secousses rapprochées et comme tétaniques. Elle donnerait lieu à des systoles comparables à celles du cœur, si elle avait le caractère intermittent que lui supposait Sénac au siècle dernier et que Bouilland inclinait à lui accorder pour appuyer l'analyse du pouls dont il sera bientôt question. Les deux forces motrices du sang dans les artères, savoir : la force à action intermittente développée par les contractions du cœur, puis la force continue résultant de l'élasticité et de la contractilité des artères, impriment à ce fluide un mouvement non interrompu pendant la systole et la diastole du cœur. « Dans le premier temps, ainsi que le dit Bérard, le sang marche dans les artères, poussé par le cœur, qui resserre ses ventricules : c'est le moment du pouls, c'est le moment oii le sang s'échappe par saccades d'une artère ouverte. Dans le second temps, les trois valvules des orifices artériels sont ramenées vers l'axe du vais- seau ; c'est le moment oii l'écoulement cesse d'être saccadé ; c'est l'intervalle d'une pulsation à une autre ; le sang marche poussé par la réaction élastique du vaisseau. » Ces forces associées agissent en quelque sorte à la manière d'un res- sort, suivant l'heureuse comparaison de M. Vulpian ^ « ressort qui se trans- forme du centre à la périphérie : élastique à l'origine ; bientôt à la fois élastique et musculaire, pour devenir complètement musculaire dans les dernières ramifica- tions du système. » 1. G. Colin, De la sensibilité des artères viscérales {Comptes t-etidus de l'Académie des sciences, 1" septembre 1862). 2. Vulpian, Leçons sur l'appareil vaso-moteur, p. 32.5. CIRCULATION ARTKRIKLLK. 501 II. — TENSION DU SANG DANS LES ARTÈRES. La tension ou la pression du sang artériel se mesure par la hauteur ;\ laquelle elle fait élever le liquide dans un tube vertical adapté à une artère, ou bien par la hauteur de la colonne de mercure à laquelle elle fait équilibre dans un tube recourbé en U, également fixé à une artère par l'une de ses extrémités. Le premier procédé, dont le second n'est qu'une variante moderne, a été ima- giné par Haies \ et employé avec succès par cet ingénieux expérimentateur. Haies, ayant mis à découvert l'cfrtère crurale d'une jument couchée sur le dos, ouvrit ce vaisseau à quelques centimètres au-dessous du pli de l'aine, y introduisit et y fixa un tuyau de cuivre recourbé, auquel était ajusté un tube de verre de 3 mètres de longueur (voyez p. 467). Aussitôt après, le sang s'éleva dans ce tube, maintenu verticalement, jusqu'à la hauteur de 8 pieds 3 pouces anglais, puis il éprouva des oscillations qui élevaient et abaissaient alternativement son niveau de quelques pouces. Sur un cheval hongre plus vigoureux que la jument, le sang s'éleva jus- qu'à une hauteur verticale de 9 pieds 8 pouces. Il s'éleva à 9 pieds 6 pouces dans ce même tube adapté à la carotide d'une seconde jument. La hauteur de la colonne sanguine fut de 6 pieds 5 pouces à la carotide d'un mouton, de 4 pieds 2 pouces à l'artère crurale d'un daim, et de 6 pieds 8 pouces à la crurale et à la carotide de deux chiens. M. Poiseuille a mesuré cette pression à l'aide d'un tube en U à demi rempli de mercure, dont une des branches (coudée à l'angle droit et pleine d'un solu- tum de carbonate de soude pour prévenir la coagulation du sang), s'adapte à l'artère ; le niveau du mercure dans la seconde branche s'élève proportionnelle- ment à la pression du sang dans la première, mais à une hauteur treize fois et demie moindre que celle du sang dans le tube de Haies, soit à une hauteur de 140 à 182miUimètres. L'étendue des oscillations comprises entre les hauteurs minima et les hauteurs maxima se partage en deux quand il s'agit d'établir les pressions moyennes. L'hémomètre de Magendie où le sang arrive dans le réservoir de mercure, pour faire monter le métal dans un tube qui s'y trouve adapté, fonctionne de la même manière. Quoique ces instruments fort simples donnent des indications suffisamment exactes, il est passé de mode aujourd'hui qu'il ne faut plus s'en servir, sous pré- texte que la colonne sanguine ou le mercure monte et descend un peu trop sous l'intluence de la systole et de la diastole du cœur. Aussi sont-ils remplacés par d'autres manomètres compliqués annexés à des appareils enregistreurs comme le kymographe de Ludwig, celui de Fick et d'autres construits sur le même principe. Le premier est formé, comme l'instrument de Poiseuille, d'un tube en U contenant du mercure ; sa petite branche s'adapte à l'artère; dans l'autre se trouve un flotteur surmonté d'une aiguille dont la pointe porte un pinceau qui oscille avec le mercure et trace des lignes sinueuses sur un cylindre tournant 1. Haies, Hœmastatique ou statique des animaux, traduit par de Sauvages. Paris, 1780, p. 40. 502 DE LA CIRCCLATION. adapté à l'appareil. Mais, quel que soit l'instrument employé, on obtient la tension moyenne du sang, ses maxima et ses minima, ses oscillations dépendant des mouvements du cœur, des mouvements respiratoires, des efforts, etc. D'abord, cette tension n'est point uniforme dans tous les animaux et chez tous les individus d'une espèce donnée. Haies l'a trouvée, comme on l'a vu, de 8 pieds 3 pouces à 9 pieds 8 pouces anglais sur le cheval. En me servant de son mano- mètre j'ai vu qu'elle varie sur ce solipède dans des limites plus étendues encore, de 1™,60 à 2"", 70, suivant la réplétion du système vasculaire, la vigueur des sujets, l'état de leur respiration, les efforts qu'ils peuvent faire, etc. Dans les expériences de Poiseuille, elle a été égale à la pression d'une colonne de mer- cure de 146 à 182 millimètres, et dans celle de Volkmann elle a varié de 110 à 214. Sur le chien, elle a oscillé de 141 à 179 dans les expériences de Poiseuille, et de 104 à 172 dans celles de Volkmann. Ce dernier observateur a trouvé sur le mouton une tension de 177 à 206 ; sur le veau, de 133 à 177 ; sur le porc, de 88; sur le lapin, de 90 ; sur le coq, de 171 ; sur le pigeon, de 1.57; sur la cigogne, de 161 ; sur les grenouilles, de 18 à 84. C'est cette tension qui rend uniforme et régulière la répartition du sang dans les diverses parties du système artériel et qui, toutes choses égales d'ailleurs, a pour effet de rendre la quantité de sang distribuée aux organes proportionnelle au diamètre de leurs artères. Le tableau suivant, qu'il serait facile d'étendre, donne une idée de cette répartition pour quelques parties importantes. Dans la dernière colonne, le chiffre du sang est exprimé par une portion de celui de l'aorte supposé égal à 100. Aire des principales artères du cheval. DÉSIGNATION DES ARTÈRES Aorte primitive Aorte antérieure Tronc brachial droit Tronc brachial gauche... Carotide Humérale Artère pulmonaire Bronchique Aorte postérieure Cardiaque gauche Gastriques réunies Splénique Hépatique Mésentérique antérieure. Mésentérique postérieure Rénale droite Iliaque interne Tronc crural Grande testiculaire Utérine Diamètre intérieur. niillim. 40 29 25 22 9 12 41 4 34 10 9 19 8 10 21 19 3 3 Aire exprimée en millim. 1253,5 660,4 490,6 379,9 63,5 113,0 1314,6 12,6 907,0 78,5 43,5 50,2 63,6 283,38 50, S 78,5 846,0 283,3 7,0 7,0 Rapport de l'aire des artères comparée à celle de l'aorte. 100 52 30 20 15 9 101 1 74 6 3 4 5 22 4 6 27 22 0,5 0,5 CIRCULATION ARTÉRIELLE, 503 Le degré de réplétion du système vasculaire a, sur la pression du sang arté- riel, une influence des plus considérables que Haies a indiquée et mesurée. Pour cela, il notait d'abord la hauteur du san« dans son manomètre, faisait une sai- gnée do quantité connue, prenait de nouveau la hauteur du liquide, après quoi une nouvelle saignée et une nouvelle mensuration, jusqu'à épuisement. Les hau- teurs du sang décroissaient après chacune des émissions successives; mais elles ne descendaient point à la tin au-dessous de 2 pieds anglais. Il en a été ainsi dans toutes mes expériences dont je citerai deux seulement. Numéros des mensurations. Quantité de sang extraite avant chaque mensuration. Quantité totale de sang extraite avant chaque mensuration. Hauteur du sang dans l'hémodynamo- mètre. grani. 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1,000 1.000 2,000 4,000 6,000 8,000 10,000 12,000 14,000 16,000 17,000 18,000 19,000 20,000 21 ,000 22,000 23,000 24,000 25,000 2,270 2,140 2,095 2,020 1,850 1,845 1.420 0,970 0,770 0,700 0,800 0,725 0,660 0,540 0,525 0,515 0,430 0,420 Numéros des mensurations. Quantité de sang extraite 'avant chaque mensuration. Quantité totale de sang extraite avant chaque mensuration. Hauteur du sang dans l'hémodynamomètre. Pendant le calme. An moment des efforts. 1.. I 3.. \t \ ^'• \ 13. 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 2,000 1,000 1,000 2,000 4,000 6,000 8,000 10,000 12,000 14,000 16,000 18,000 20.000 21,000 22,000 2,020 1,925 1,850 1,675 1,545 1,350 1,200 0,690 0,660 0,540 0,530 0,500 0,440 1,695 0,920 0,820 0,630 Dans la première, faite sur un cheval très vigoureux et couché, le sang s'éle- vait avant toute déperdition à 2"", 27. Son niveau baissait de 13 centimètres après une première saignée de 2 kilogrammes, puis de S centimètres après une S04 DE LA CIRCULATION. seconde saignée de même quantité. Il descendait à 42 centimètres après la dix- septième émission, alors que l'animal avait perdu en somme 25 kilogrammes de liquide. Dans une autre expérience sur un cheval entier, de trait, du poids de 400 kilo- o-rammes, la colonne sanguine qui, avant les saignées, s'élevait à 2™, 02, descen- dait à 44 centimètres lorsqu'on eut tiré à l'animal 22 kilogrammes de sang en douze émissions successives. Le second tableau de la page précédente donne les hauteurs régulières du sang pendant le calme et les hauteurs observées au mo- ment des efforts musculaires. Dans une série d'autres expériences la pression s'est montrée décroissante à mesure que le système vasculaire s'est désempli, sans que toutefois la diminution fût, comme Haies l'avait observé déjà, proportionnelle à la somme des évacua- tions. Le fait aune très grande importance en thérapeutique, et il explique l'in- fluence salutaire de la saignée lorsqu'il s'agit de combattre les congestions, les hémorrhagies et tous'les états morbides qu'engendre la pléthore avec une pres- sion sanguine exagérée. Il est clair qu'en augmentant la masse du liquide en circulation on accroît la tension que nous venons de mesurer. Un certain temps après le repas, lorsque l'absorption a apporté une grande somme de matériaux dans le système vasculaire, cet accroissement est notable et se traduit par des modifications dans l'état du pouls et la force des contractions du cœur. La transfusion d'une certaine quantité de sang ou même d'eau tiède produit rapidement le même effet. La tension du sang dans les artères croit aussi par suite de l'énergie avec laquelle le cœur y pousse le fluide, et cette énergie est beaucoup plus considé- rable sur les sujets vigoureux que sur ceux débilités par le travail, l'âge et les privations. A cet égard toutes mes expériences donnent des résultats concordants. Sur le cheval énergique le sang monte souvent à plus de 2 mètres 1/2 ; il reste fréquemment au-dessous de 2 mètres sur les animaux faibles ou usés. Elle diminue toutes les fois que l'énergie des systoles cardiaques est affaiblie, comme par exemple après la section des vagues, l'emploi de la digitale, l'injection de diverses substances dans les veines, l'usage des purgatifs à haute dose, du nitrate de potasse, etc. Ce sont là des modifications dont l'importance est grande au point de vue de la thérapeutique. Elle devient plus forte si des obstacles sont apportés à la marche du liquide et à sa répartition uniforme dans les diverses parties du système. Ainsi elle augmente si l'accès du sang est difficile dans quelques organes où il doit en aborder de grandes quantités, car alors la fraction que ces organes devraient rece- voir s'ajoute à la masse destinée aux autres. De même si, dans un département vasculaire à artères multiples et en communication entre elles, une ou deux artères viennent à se resserrer ou à s'obstruer, la tension doit nécessairement croître dans les autres. Aussi en liant un certain nombre d'artères dans le mé- sentère de l'intestin grêle, on provoque aisément l'hyperhémie dans les points dont les artères sont demeurées libres. On conçoit par là comment la compres- sion de quelques artères intestinales, en faisant refluer le sang dans les autres, provoque des congestions et même des hémorrhagies dans les portions dont les CIKCULATION ARTÉRIELLE. 505 artères demeurent accessibles. Peut-être chez le cheval dont la grande raésenté- rique se remplit de caillots provoqués par la présence de sclérostomes, l'hyper- hémie et les raptus de l'intestin grêle sont-ils dus souvent à celte cause. La tension artérielle s'accroît encore chez un animal dès qu'on vient à lier une artère un peu volumineuse, l'aorte postérieure, les fémorales, parce qu'alors la quantité de sang augmente en réalité dans les départements libres. L'inflamma- tion produit un elTet analogue. Au contraire, si la perméabilité vasculaire d'une partie devient plus grande, le sang qu'elle appelle en abondance diminue la ten- sion dansle reste. On conçoit par là l'action des révulsifs cutanés ou autres quand il s'agit de diminuer la tension du sang, dans le cas de congestion, sur un organe important, le cerveau, le poumon, par exemple. La contractilité des artères a une influence énorme sur la pression artérielle, en raison de son rôle au point de vue des variations qu'elle imprime à la capa- cité de l'ensemble du système artériel ou de ses différentes parties. Lorsque, par suite d'une impression quelconque, directe ou réflexe, les artères se resserrent, surtout dans leurs petites divisions, sur les confins du système capillaire, la dimi- nution de la capacité vasculaire et la gêne qui en résulte pour la marche du sang obligent le cœur à des efforts plus énergiques que dans les conditions opposées : la pression sanguine intra-artérielle croît en raison directe d'une part de la con- traction artérielle, d'autre part de la force des systoles du cœur. Il est possible, dans les conditions expérimentales, de démontrer que la con- traction tonique des artères suffit, à elle seule, pour augmenter la pression du sang dans toute l'étendue du système artériel. En effet, sur des animaux dont la respiration est suspendue, soit par l'action du curare, soit par la section du bulbe, on voit les variations se produire comme à l'état normal, et pour montrer qu'elles peuvent être indépendantes de l'action du cœur, on entretient artificiel- lement la circulation sans le secours de cet organe. C'est du moins ce qui paraît résulter des expériences de Traube et de Hering. Les divers états de la circulation capillaire influent plus qu'on ne pense sur la tension artérielle. Si le sang traverse aisément les systèmes capillaires dilatés, cette tension diminue et les artères demeurent molles et dépressibles. Dans le cas où le système capillaire est resserré ou seulement embarrassé en une région un peu étendue, les artères se désemplissent moins aisément, deviennent plus tendues. Ainsi par l'effet du froid qui agit sur l'ensemble de la peau, par l'im- mersion rapide du corps, par l'action de la douche à basse température, le resser- rement brusque des capillaires superficiels augmente considérablement la tension artérielle et provoque souvent des contractions cardiaques énergiques, de véri- tables palpitations, des raptus dans les vaisseaux de l'encéphale. L'engouement d'un système capillaire un peu important peut produire un effet analogue. Au contraire, la dilatation des capillaires sous l'influence d'une douce chaleur, en les rendant très accessibles au sang, produit un effet diamétralement opposé au précédent. D'un autre côté, les variations dans l'intensité de la poussée que le sang exerce sur les parois artérielles réagissent sur le cœur. Si la tension est très forte dans les artères, la systole ventriculaire est plus prolongée en même temps qu'elle est 506 DE LA CIRCULATION. plus laborieuse ; la projection du sang dans l'aorte étant plus pénible, se fait avec plus de lenteur. Au contraire, lorsque la tension artérielle est faible, la sys- tole ventriciilaire est plus faible et elle fait, en un temps très court, entrer l'ondée dans l'aorte. Quoique l'augmentation de la durée des systoles cardiaques ait été contestée dans ce cas, comme dans la plupart des autres, d'après les tra- cés que donnent les appareils enregistreurs, elle me paraît certaine à l'inspection directe de l'organe dans les vivisections; d'ailleurs, en thèse générale, l'allonge- ment des systoles me paraît prouvé par ce fait dont j'ai été souvent témoin, des systoles s'opérant en deux secousses inégales, la seconde destinée à compléter l'évacuation non achevée par la première. J'attache à ce fait une très grande importance, car il me porte à croire que l'ondée sanguine lancée, même par une systole en apparence simple, peut l'être réellement en deux parties non séparées ou sous une forme saccadée. Les mouvements respiratoires font varier notablement la tension du sang arté- riel. L'inspiration l'affaiblit, car, par la tendance au vide qu'elle produit dans le thorax, elle diminue la pression exercée sur le cœur et sur les deux troncs aor- tiques. L'expiration l'augmente, puisqu'elle affaisse le poumon sur le cœur et sur les gros vaisseaux. Aussi, quand on examine avec attention les mouvements du sang dans le tube de Haies, on voit que ses oscillations y sont de deux sortes, les unes en rapport avec les mouvements du cœur, les autres avec les mou- vements respiratoires. Il n'est nul besoin d'appareil enregistreur pour les cons- tater et les mesurer. Les oscillations synchrones avec l'ampliation ou le resser- rement du thorax sont peu marquées si la respiration est calme ; elles acquièrent de l'amplitude proportionnellement à l'exagération de ces mouvements. Dans tous les cas, comme il y a successivement accroissement et diminution, les diffé- rences se compensent. C'est au moment des efforts violents que la pression artérielle éprouve l'aug- mentation la plus considérable. Alors, comme la glotte est fermée, l'air du tho- rax presse fortement et sur le cœur et sur les grosses artères. Il suffit d'un simple déplacement de l'animal, comme Haies l'avait déjà vu, pour élever sensiblement la colonne sanguine dans le manomètre. Le déplacement d'un pied, l'action de se débattre augmente la hauteur de la colonne sanguine de 20, 30, 50 et même 60 centimètres, c'est-à-dire parfois de plus d'un quart. C'est dans ces conditions que les palpitations surviennent, que les anévrysmes se rupturent. La difficulté que le sang éprouve à entrer dans l'aorte peut même être telle qu'elle entraîne un arrêt momentané dans l'action du cœur, arrêt que j'ai noté plusieurs fois, comme divers expérimentateurs. L'accroissement de pression résultant des efforts violents est très bien sup- porté par les parois artérielles tant qu'elles conservent leur épaisseur et leurs propriétés normales, car elles offrent à l'expansion une résistance énorme. Win- tringham a constaté que les plus épaisses,;celles de l'aorte, de l'iliaque, de la crurale ne se déchiraient que sous une pression de 4 atmosphères, soit l'équivalent de celle d'une colonne de sang de 38 à 39 mètres. Leur rupture n'exige pas une pression si forte sur les cadavres qu'on injecte, ni sur l'animal vivant. On voit parfois l'aorte se déchirer à son origine, sur le cheval, sous l'influence des efforts très violents. CIRCULATION ARTÉRIELLE. 507 Diverses modifications dans l'état de l'organisme peuvent faire varier la pres- sion artérielle en réagissant, soit sur le cœur, soit sur les vaisseaux par l'inter- médiaire du système nerveux. Ainsi depuis longtemps Magendie a constaté que l'excitation d'un nerf sensitif l'augmente en même temps qu'elle accélère les bat- tements du cœur, et Bernard a, plus tard, vérifié le fait qui n'est point contesté. Les impressions qui donnent lieu au resserrement des petits vaisseaux aboutis- sent au même résultat, môme dans des circonscriptions assez restreintes du sys- tème vasculaire. On dit s'en être assuré, par exemple, à la suite de l'ingestion de la glace qui détermine subitement une augmentation de pression par suite du resserrement des petites artères du système abdominal. La tension du sang artériel a été considérée pendant longtemps, à partir des recherches de Poiseuille, comme étant uniforme dans toutes les parties du sys- tème, quelle que soit leur distance du cœur. En effet, tant qu'on expérimente sur des artères d'un certain calibre on la trouve sensiblement égale dans toutes. Cependant Volkraann, et plus récemment Bernard ont cru la voir diminuer d'un vingt-cinquième et souvent d'une fraction plus considérable dans les artères très éloignées du cœur, comme, par exemple, celles du pied. M. Marey a également constaté cette décroissance de pression à mesure que les artères s'éloignent du cœur et il a vu quelle est d'autant plus faible que les capillaires sont plus res- serrés. Mafs, la diminution constatée n'a été ni en rapport avec la distance entre le cœur et le point observé, ni avec l'atténuation du vaisseau. Aussi, suis-je porté à l'attribuer souvent à des causes étrangères, telles que la dénudation du vais- seau, la lésion des collatérales, etc., qui ont un effet plus marqué sur les petites que sur celles d'un grand calibre. Quoi qu'il en soit, à cet égard, les oscillations subies par la pression artérielle sous l'influence de l'action du cœur, des mouvements respiratoires et des efforts s'affaiblissent d'autant plus qu'on se rapproche davantage des capillaires. Leur étendue se restreint à mesure que le cours du liquide perd son caractère saccadé. Dans le système artériel pulmonaire la tension du sang est, comme nous l'avons déjà vu en déterminant la force impulsive du cœur, beaucoup moindre que celle du sang aor tique. Butner, en 1853, l'a trouvée égale au tiers de cette dernière chez le chien, au quart chez le lapin, au cinquième chez le chat, mais cet expéri- mentateur, qui coupait les nerfs vagues, ouvrait largement le thorax et établissait une respiration artificielle pour déterminer les pressions, ne pouvait obtenir des résultats exacts. En 1864, par un procédé qui consiste à adapter un mano- mètre à l'artère pulmonaire, en passant par une petite ouverture de l'abdomen et du diaphragme, sur l'animal vivant, je l'ai mesurée dans les conditions les plus variées ^ Le sang de l'artère pulmonaire , sur treize animaux de vigueur moyenne, s'est élevé aux hauteurs suivantes dans les moments de calme parfait : Sur le premier, à 0«',32; sur le deuxième, à 0'°,33; sur le troisième, à0°',36; sur le quatrième, à 0™,37 ; sui- le cinquième, à 0'",43 ; sur le sixième, à 0'",48 ; 1. G. Colin, Recherches expérimentales sur la circulation pidmonaire et sur les diffé- rences d'action qui existent entre les cavités droites et les cavités gauches du cœur [Comptes rendus de V Académie des sciences, 5 décembre 1864). 508 DE LA CIRCULATION. sur le septième, à U'^jS'i; sur le huitième, à 0"',o9; sur le neuvième, à O^jGl. Conséquemment, la tension moyenne du sang dans l'artère pulmonaire est, sur le cheval, tout au plus le quart ouïe cinquième de celle du sang aortique. Ce qui distingue essentiellement cette tension, c'est son extrême mobilité et les variations très étendues qu'elle éprouve sous l'influence des mouvements respi- ratoires et des efforts. D'abord le mécanisme respiratoire l'accroît ou la diminue sans cesse, lui fait éprouver des oscillations qui correspondent, par leur étendue, à l'ampleur des mouvements du thorax. Déjà, dans le système aortique, la pression augmente lors de l'expiration et diminue dans l'inspiration, quoique les parties centrales de ce système éprouvent seules l'influence de la dilatation ou du resserrement de la poitrine. Il n'est donc pas étonnant que le système des vaisseaux pulmonaires, tout entier confiné dans le thorax, au sein d'un organe tour à tour dilaté et res- serré, ressente à un plus haut degré l'influence de ces alternatives d'ampliation et de resserrement. Lors de l'inspiration, le sang circule dans des vaisseaux dilatés et se trouve à son minimum de tension; au moment de l'expiration, il progresse dans des vaisseaux affaissés, resserrés, sinueux ; sa tension y arrive au maximum et elle exige, de la part du cœur droit, une projection plus éner- gique. Cependant les oscillations subordonnées aux mouvements respiratoires ne sont pas toujours très prononcées, et notamment dans le cas où la respiration est accélérée, d'autant que l'influence exercée par chaque temps de la respiration sur la tension du sang ne s'éteint pas immédiatement, ou, en d'autres termes, que la diminution de pression produite par l'inspiration se prolonge sur l'expi- ration, et réciproquement. Dans tous les cas, ce qui prouve péremptoirement que les différences de pres- sion subordonnées aux mouvements respiratoires sont réelles, c'est leur exagé- ration très marquée par le fait des efforts, exagération dont les nuances sont nettement accusées par le manomètre. Dès que ces efforts viennent à se produire, on voit, en effet, la hauteur du sang s'élever subitement dans le tube manomé- trique. De 30 centimètres, par exemple, elle atteint 40, 50, 60, 80 centimètres, 1 mètre, 1"',15, l'",20, soit la moitié et plus de la hauteur du sang aortique. Elle ne se maintient à ce degré qu'un instant ou bien pendant de longues pé- riodes suivant le caractère ei la durée des efforts. Voyez, page suivante, un exemple de ce dernier cas que je mets en regard des oscillations du sang arté- riel, sur un cheval très vigoureux. En résumé, la pression du sang dans le système artériel pulmonaire est, en moyenne, à peu près égale au cinquième de celle du sang des artères aortiques.Elle est extrêmement influencée par les mouvements du thorax et par les causes diverses qui modifient le rhythme de la respiration. Ainsi, elle diminue au mo- ment de l'inspiration et augmente lors de l'expiration d'une manière très mar- quée. Par le fait des efforts, elle peut atteindre et même dépasser un chiffre double de celui qui représente son intensité normale : dans ces conditions, elle égale le tiers et jusqu'à la moitié de celle du sang aortique. Au delà de ces limites, elle ne serait plus compatible avec le degré de résistance des minces parois artérielles du poumon, surtout au niveau de leurs petites divisions, dans CIRCULATION ARTÉRIELLE. 509 les lobules et les dernières ramifications bronchiques. C'est là qu'a lieu, en effet, la rupture des artérioles sous l'inlluence des efforts qui élèvent la pression du sang à son maximum. OSCILLATIONS OSCILLATIONS du san: ; artériel de la grande circulation. du sang artériel de la circulation pulmonaire. luèlres. m. m. m. mètres. m. m. m. 2,34 2,36 2,20 2,25 1,00 1,17 1,17 1,13 2,38 2,20 2,30 2,36 1,02 2,39 2,36 2,20 2,25 1,17 1,18 1,05 0,97 2,26 2,15 2,20 2,36 2,30 2,33 2,25 2,35 1.00 1,05 1,15 1,05 1,14 0,97 2,34 2,20 2,30 2,25 1,16 2,20 2,36 2,33 2,35 1,10 1,20 1,05 1,13 2,30 2,20 2,25 2,25 1,00 1,05 1,15 0,96 2,31 2,37 2,35 2,36 1,16 2,32 2,20 2,33 2,25 1,17 1,19 1,01 i|oo 2,18 2,38 2,25 2,37 1,00 1,05 1,13 1,13 2,30 2,20 2,34 2,25 1,02 1,03 2.20 2,34 2,25 2,37 1,17 1,45 2,30 2,20 2,33 2,25 1,17 1,05 1,11 1,17 2,34 2,37 2,25 2,36 0,32 2,20 2,30 2,35 2,25 1,18 1,17 1,13 0,16 2,33 2,34 2,34 - 2,33 2,25 2,34 2,36 2,25 1,19 1,05 1,02 0,30 0,47 2,35 2,20 2,25 2,37 1,00 1,17 1,13 0,48 2,20 2,34 2,33 2,25 1,10 0,60 1,17 1,00 1,15 0,69 1,00 1,16 1,03 1,15 0,66 0,60 1,17 1,00 1,10 0,53 1,00 1,15 1,14 1,01 0,38 0,39 1,19 1,05 i;i3 0,54 1,18 0,97 0,39 1,00 1,05 1,13 0,51 1,19 1,18 0,97 0,30 - 1,00 1,05 1.13 0,39 1,19 1,15 0,94 ],13 0,27 0,46 1,00 1,05 0,92 0,26 Les variations de la pression artérielle qui dépendent si souvent, au moins en partie, de modifications dans l'action du cœur en déterminent à leur tour dans l'action de cet organe. Dans beaucoup de cas, ainsi que nous l'avons vu, la dimi- nution de pression donne lieu à une accélération du pouls, tandis que son accrois- sement ralentit le pouls dans des proportions plus ou moins fortes. Ces inversions s'observent assez souvent dans les conditions physiologiques aussi bien que dans les cas pathologiques. Toutes ces variations peuvent être indiquées et mesurées assez exactement à l'aide du manomètre de Haies dont je me suis toujours servi. On prétend qu'elles le sont, et avec plus de précision, avec Fhémomètre de Magendie, le mano- mètre différentiel de Cl. Bernard, celui de Ludwig, le kymographe de Fick, le manomètre compensateur de Marey. Ces divers instruments qui sont d'un bel 510 UE LA CIRCULATION. effet dans les cours ne aie paraissent pas devoii' donner d'indications plus sures que les baromètres de salon, substitués au simple tube de Torricelli, n'en donnent pour la pression atmosphérique. En somme, la pression du sang dans les artères est, quant à son intensité et à ses grandes fluctuations, subordonnée à quatre conditions essentielles : 1° à la quantité de liquide contenue dans le système \asculaire ; 2° à l'énergie des con- tractions du cœur ; 3" au degré de contraction ou de resserrement des artères, surtout des plus petites ; 4° enfin, à l'ensemble des résistances apposées à la pro- gression sanguine. ni. — Vitesse du sang artériel. La rapidité avec laquelle se meut le sang dans les artères est beaucoup plus grande que dans toutes les autres parties de l'appareil circulatoire, mais il n'est pas facile de la mesurer exactement. Volkmann, le premier, a essayé de la déterminer à l'aide d'un instrument assez simple, composé d'un tube en U plein d'eau que l'on adapte à une artère, tube dans lequel le sang, par le jeu de deux robinets, peut arriver et progresser. La marche du liquide peut y être suivie pendant quelques secondes. Elle a été, en moyenne, de 25 à 35 centimètres par seconde dans les grosses artères du chien. Vierordt, à l'aide d'un autre hémodromètre, a trouvé une vitesse moyenne de 26 centimètres pour la carotide. Ludwig, en se servant d'un tube pourvu de deux boules dans l'une desquelles se trouve de l'huile que le sang chasse dans l'autre, a obtenu aussi des données intéressantes sur ce point. A l'aide de ces appareils que l'on a variés et multipliés, on a pu constater de curieuses particularités du cours du sang artériel. On a vu que la vitesse n'est pas uniforme dans toutes les parties du système ; qu'elle est plus grande dans certaines artères que dans d'autres de même calibre et également éloignées du cœur : qu'ainsi elle peut se trouver accélérée dans la carotide pendant qu'elle est ralentie dans la crurale, et réciproquement. On a vu qu'elle est indépendante de la pression du sang et même du nombre des pulsations, car elle n'augmente pas avec le degré de la première et le nombre des secondes. Elle paraît s'accroître un peu lors de la systole du cœur^ et même, d'après M. Marey, elle est plus grande au début de la systole, avant la pulsation de l'artère, que dans le moment qui suit et après l'occlusion des valvules sigmoïdes. On a cru la voir s'accélérer au moment de l'inspiration et de la contraction musculaire, et se ralentit* une fois que l'impulsion du cœur tend à s'éteindre, lors de l'expiration et du relâ- chement des muscles. Elle est modifiée dans les différentes artères parles résis- tances qu'elles offrent, vers leurs extrémités} au passage du sang, résistances en rapport avec l'élargissement ou le rétrécissement des voies, et avec les divers degrés d'obstruction des capillaires. Le sang marche vite dans les artères des Organes dont les petits vaisseaux capillaires sont larges et libres ; il marche plus lentement daris celles qui aboutissent à des capillaires rétrécis et embarrassés. Et, comme les différentes parties du système capillaire sont, jusqu'à un certain point, solidaires les unes des autres, si le cours du liquide est libre dans quelque CIRCULATION ARTÉRIELLE. 511 grande fraction, il est facilité par suite dans les autres. Si, par exemple, il coule librement dans le système vasculaire intestinal ou dans celui des membres, sa marche devient plus libre dans la tête et dans différents viscères, de même que dans un système d'irrigation, une écluse, une vanne levée en un point facilite le dégorgement des canaux les plus éloignés. Il résulte de ces influences réci- proques des départements vasculaires les uns sur les autres que si dans l'un d'entre eux la circulation est gênée , elle s'embarrasse ailleurs. Ainsi , par exemple, dans les obstructions, dans les congestions intestinales, la circulation cérébrale devient moins facile. Dans les cas oii elle est gênée à la peau et aux parties superlicielles par le froid, elle devient moins libre à la tète ; elle reprend sa liberté dans l'appareil digestif si elle peut être activée à la peau, et dans les muscles par le fait de l'exercice ou des frictions. On conçoit fort bien qu'indépendamment des résistances plus ou moins grandes offertes par les capillaires et capables de ralentir à divers degrés la vitesse du sang, les artères puissent agir dans le même sens. En vertu de leur contractilité, elles se resserrent pour rétrécir les passages et augmenter la ten- sion sanguine. Comme leur contractilité est très marquée dans celles qui ont beaucoup de nerfs, il est clair que les artères viscérales, dont j'ai démontré la sensibilité, sont celles où le cours du sang doit être le plus influencé par cette cause. A certains moments, celles de l'estomac, du foie, du pancréas, des reins ont besoin de recevoir beaucoup de sang, à d'autres elles ne doivent en admettre qu'une petite quantité. C'est, en grande partie, par leur contractilité que l'afflux sanguin y est réglé dans la mesure des besoins fonctionnels. La vitesse du sang ne peut être uniforme dans toutes les parties du système artériel. Il est démontré, en physique, que la quantité de liquide qui passe dans les diverses sections d'un tube plein est partout la même. Or, comme les sec- tions du système aortique sont de plus en plus larges à mesure qu'elles s'appro* client des capillaires, la vitesse des courants doit se ralentir à mesure qu'ils s'éloignent du cœur. Mais on n'a pas, jusqu'ici, de données précises qui permet- mettent de fixer le chiffre de ce ralentissement. Dans le même segment de vais' seaux, cette vitesse est plus grande au centre ou dans l'axe du courant que près des parois vasculaires, Diverses causes peuvent s'ajouter aux précédentes pouf diminuer encore la rapidité des courants qui abordent à des organes délicatS; Dans les artères recti- lignes, comme l'aorte, la carotide, les crurales, elle est à son maximum. Mais elle se ralentit dans les branches qui naissent sous des angles plus ou moins ouverts et surtout dans celles qui affectent une disposition transverse ou rétro- grade 1 cela doit arriver notamment aux artères intestinales. Les flexuositésj les anastomoses collatéralesj les plexuSj les réseaux qui existent en divers points, comme sur le trajet des artères cérébrales^ ont évidemment pour but de ralentir la vitesse des courants, de les équilibrer elitre eui et d'amortir les saccades, les secousses dues à des causes très diverses; La vitesse du sang artériel, comme sa pression, diminue dans les artèreâ élevées et augmente dans celles qui se trouvent déclives. Il en résulte qiie le même vaisseau blessé ne laisse pas échapper, dans toutes les situations du corps ou 512 DE LA CIRCULATION. des membres, des quantités égales de sang. Ainsi, j'ai vu sur un cheval l'artère métatarsienne ouverte au-dessous du jarret donner les quantités suivantes par un tube métallique qui en maintenait l'ouverture libre en une minute : le pied à l'appui, 263 grammes de sang ; dans la minute après, le pied étant fortement relevé, 192 grammes, différence 73 grammes. Un peu plus tard, l'artère, en une minute, donnait le pied à l'appui 295 grammes, le pied levé 177 ; diffé- rence 118 grammes. Le même cheval, après avoir perdu une quantité assez con- sidérable du sang, donnait par la même artère, en une minute, couché sur le côté, le pied sur le sol, 172 grammes de sang, et 84 le pied en l'air, perpendi- culairement au sol, différence 88 grammes ; puis 107, le pied sur le sol, et 40 le pied en l'air , différence 67 grammes. En somme, la position donnée à une partie du corps peut réduire d'un tiers, même de moitié et plus la quantité de sang qui passe dans une artère telle que la métatarsienne d'un solipède. Cette parti- cularité explique pourquoi, en plaçant en situation élevée les régions sur les- quelles on pratique des opérations sanglantes, l'hémorrhagie se réduit dans de fortes proportions. IV. — Dilatation et locomotion des artères. Par suite de la projection intermittente du sang dans le système artériel, les artères se dilatent à chaque systole ventriculaire, puis reviennent sur elles-mêmes dès que le cœur se relâche ; elles éprouvent dans les deux moments de l'action du cœur quelques déplacements constituant ce qu'on a appelé leur locomotion. La dilatation des artères se fait en deux sens, suivant le diamètre et suivant l'axe du vaisseau ; elle est à la fois transverse et longitudinale. Cette dilatation que Harvey a indiquée a été considérée comme à peu près nulle par Bichat, et niée par divers physiologistes. Elle est peu sensible, parce que l'ondée sanguine qui pénètre dans l'aorte n'augmente que d'une faible proportion le contenu total du système artériel. Sur un cheval dont les artères s'injectent très bien par 12 à 15 litres de matières solidifiables, chaque systole ne lance que les deux tiers ou les trois quarts du contenu ventriculaire, soit 666 à 750 grammes de sang représentant le vingtième de ce que l'ensemble des artères peut renfermer. Or, l'agrandissement qui devrait en résulter pour une artère du diamètre de l centi- mètre, comme la carotide, ne serait pas même de 1/2 millimètre, en supposant qu'il n'y eût pas de dilatation dans le sens de l'axe ni d'écoulement du côté des capillaires ; la part de ces deux circonstances étant déduite, l'augmentation transverse doit être très faible. D'ailleurs, comme le sang se meut dans les artères par tranches successives, l'ondée qui entre dans l'aorte et qui suffit pour la remplir sur une grande largeur pousse, pour s'y loger, l'ondée qui l'a précédée La dilatation de l'artère est démontrée par l'appareil de Poiseuille, qui con- siste en une boîte composée de deux moitiés susceptibles de s'appliquer exacte- ment l'une sur l'autre après qu'on a fait passer entre elles une artère. Lorsque l'appareil est rempli d'eau, le liquide lors de chaque systole s'élève dans un tube fin qui y est adapté, puis il descend dans le moment d'après. D'après lui, la dila- tation moyenne serait d'un 22" du diamètre du vaisseau. Flourens a mis en CIRCULATION ARTÉRIELLE. 0l3 évidence cette dilatation en entourant l'aorte, sur plusieurs petits animaux, d'anneau\ luises t'orniés d'une lame d'acier extrêmement mince ; les deux extré- mités de l'anneau, qui se touchaient lors du resserrement de l'artère, s'écartaient l'une de l'autre à chaque pulsation. Cette dilatation est d'ailleurs si légère que, sans laide de moyens de précision, il est difficile de la constater. Je ne l'ai pas vue nettement au tronc de l'artère pulmonaire et de l'aorte des chevaux vivants auxquels j'ai ouvert le thorax et enlevé le péricarde. Néanmoins elle est indiquée alors par un soulèvement, une tension des parois artérielles moins apparents chez les petits animaux que chez les espèces de grande taille. Je ne l'ai pas sentie d'une manière bien distincte sur ces mêmes artères, en engageant la main dans la poitrine, à travers une ouverture du diaphragme, ni sur l'aorte abdominale et le renflement de la grande mésentérique du cheval. Alors, pour éviter toute illu- sion, il importe que les doigts ne fassent qu'effleurer légèrement les tissus, sinon le vaisseau déprimé tend à reprendre sa forme sous l'influence de l'effort impulsif du sang et semble donner la sensation d'une dilatation. La dilatation longitudinale des artères, si faible qu'elle soit, est plus appa- rente que la dilatation transverse ; néanmoins, d'après Yolkmann, elle serait moindre que cette dernière sur des échelles de même longueur. Si, dans une artère donnée, elle paraît plus considérable, c'est parce qu'on compare souvent l'élongation éprouvée sur une étendue de plusieurs décimètres à l'agrandisse- ment d'un diamètre qui a moins d'un centimètre. Dans tous les cas, elle a pour résultat de provoquer une certaine incurvation des artères droites dont les extré- mités sont fixes et d'augmenter les inflexions des artères déjà sinueuses. Dès l'instant que la dilatation résulte de l'admission d'une nouvelle ondée sanguine dans le système artériel déjà plein, il est clair que son étendue sera proportionnelle au volume de cette ondée. Conséquemment, elle doit éprouver de nombreuses variations subordonnées aux caractères des contractions du cœur. L'artère, en même temps qu'elle se dilate et se resserre, éprouve aussi une élongation et un raccourcissement alternatifs. Un tube de caoutchouc déjà plein d'eau, et fermé à l'une de -ses extrémités, s'allonge un peu tout en se dilatant transversalement lorsqu'on y pousse avec force une nouvelle quantité de liquide. L'allongement des artères a été exagéré par la plupart des auteurs, d'après ce qu'on a vu dans des circonstances où ces vaisseaux n'ont plus leurs connexions normales. Sans doute, comme l'a dit Bérard, l'artère du moignon d'un membre amputé peut alternativement sortir de la plaie et y rentrer, car, à chaque con- traction du cœur, le sang, faisant effort sur le point lié, peut le pousser un peu vers la périphérie, si là le vaisseau n'est plus retenu par des adhérences intimes avec les parties adjacentes. Sans doute aussi, suivant l'observation de Flourens, la carotide « mise à nu et dégagée des parties voisines » laisse voir avancer et reculer tour à tour un trait coloré empreint à sa surface. Dans ces conditions anormales, l'élongation est considérable, le déplacement est très marqué, parce que les adhérences qui maintiennent le vaisseau en place sont détruites; mais il n'en est plus de même si l'on examine les artères conservant leurs rapports et leurs moyens d'union. Que l'on considère l'aorte se bifurquant pour former les troncs iliaques à l'entrée du bassin, sa bifurcation ne se rapproche ni ne s'éloigne a. coLiM. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 33 514 DE LA CIRGDLATION. de la cavité pelvienne. Que l'on implante une longue aiguille sur les vertèbres lombaires au niveau de l'origine, soit de la grande, soit de la petite mésenté- rique, ou de la circonfiexe iliaque, il sera difiicile de noter un déplacement sen- sible des parties de l'aorte correspondant au point de repère. L'élongation esl même à peine marquée dans des artères de grandes dimensions et peu soute- nues par les parties adjacentes ; elle ne paraît pas très évidente sur les artères du mésentère rendues rectilignes, ou sur celles du gros côlon du cheval qui ont plus de 1 mètre 1/2 de longueur. On ne voit pas un point donné de ces artères se porter au delà ni revenir en deçà d'une petite tige implantée dans la table sur laquelle on a étalé les intestins avec leurs mésentères. Quelque difficiles à cons- tater qu'ils soient, l'élongation et le raccourcissement alternatifs des artères n'en sont pas moins réels; ils résultent nécessairement de la dilatation et du resser- rement de ces vaisseaux. Les artères, en même temps qu'elles éprouvent quelques variations, suivant leur diamètre et leur longueur, se déplacent-elles un peu, subissent -elles une locomotion sensible? Weitbrecht et Bichat ont beaucoup exagéré l'étendue de ce déplacement. Ce dernier regardait la locomotion de l'artère comme la conséquence nécessaire du redressement des courbures opéré par le sang que le cœur pousse à chaque contraction dans le système artériel. Lors de la systole des ventricules, les artères, en se dilatant, éprouvent un déplacement général, et, dans le temps suivant, « moins pleines de sang, elles reviennent un peu sur elles-mêmes, et toutes reprennent la place qu'elles avaient perdue pendant le temps de la loco- motion. » La plupart des physiologistes qui ont admis celle-ci se sont basés sur ce qu'on observe dans les parties flexueuses des artères. Mais ici encore on a conclu de ce qui se passe sur des artères déplacées, privées de leurs adhérences et non soutenues, à ce qui doit avoir lieu dans les conditions diamétralement opposées, c'est-à-dire dans les conditions normales. On dit généralement que les courbures artérielles se redressent plus ou moins au moment de chaque pulsa- tion. Le redressement a paru évident à la crosse de l'aorte et en divers points où les artères sont flexueuses. Bichat et, depuis lui, beaucoup de physiologistes l'ont considéré comme un fait général commun à toutes les courbures artérielles. Sur ce point encore on s'est souvent fait illusion. D'abord le redressement de la crosse de l'aorte, signalé par W. Hunter et par Sénac, n'a pu être constaté, à supposer qu'il soit réel, que sur les animaux dont le thorax était ouvert et le péricarde totalement ou partiellement excisé ; or, dans ce cas, le cœur qui n'est plus sou- tenu, se rapproche du sternum, par son propre poids, chaque fois qu'il se relâche, et c'est ainsi qu'en vertu d'une sorte de traction exercée sur les grands vaisseaux, il allonge et redresse un peu la courbure de l'aorte primitive. En second lieu les artères, auxquelles on fait décrire artificiellement des sinuosités en les tiraillant et en les déplaçant, après avoir plus ou moins détruit leurs adhérences ne tendent pas à devenir rectilignes à chaque pulsation ; au contraire; leurs courbures deviennent plus prononcées; elles se forment dans les points où elles n'existent pas si les artères ne sont pas tendues, ou si elles sont libres comme celles de l'épiploon. Il en est de même aux longues artères mésentériques que l'on replie sur elles-mêmes, à une artère coupée en travers, libre dans une certaine étendue. CIRCULATION ARTÉRIELLE. ol5 liée auprès de la st'clion et incrméo. Dans les artères normalement flexueuses comme celle des replis éi^ipiaiques, le phénomène est très marqué; il Test encore à la carotide interne du cheval, au-dessus des poches gutturales, mais il est tout à fait nul à l'artère spermatiqiie légèrement dégagée de ses enveloppes, sur le trajet du cordon testiculaire. Je n'ai pas vu que, comme l'a noté Flourens, les courbures successives et inverses de l'une des artères des sillons de la panse des ruminants se changeaient alternativement les unes dans les autres. Cependant un léger redressement des courbures artérielles s'opère quand, par le lait du pli ou de la courbure même, le calibre du vaisseau est rétréci, ou bien encore lorsque la courbure est très brusque comme celle de l'artère poplitée de l'homme assis. Aussi la tendance au redressement, jointe à la dilatation, donne- t-elle lieu à un mouvement oscillatoire du pied si un genou est croisé sur l'autre. Ce mouvement est à peine sensible dans les artères dont les parois sont disposées {tour demeurer flexueuses, et surtout lorsque les flexuosités sont maintenues par des adhérences intimes avec les parties voisines. Du reste, l'allongement que les artères éprouvent au moment de la pulsation semble exclure l'idée du redresse- ment, car la distance entre le cœur et chaque partie étant fixe, l'artère qui s'étend entre ces deux points doit tendre à se courber, si elle est droite, ou à se courber davantage, si elle présente déjà une certaine incurvation. V. — De la pulsation aetérielle ou du pouls. Lorsque le doigt vient à comprimer légèrement une artère qui repose sur une partie suffisamment résistante, comme un os, un cartilage ou une articulation, il perçoit la sensation d'un choc plus ou moins fort qui se répète à chaque batte- ment du cœur. Le pouls est donc la secousse, le choc que l'artère pressée fait éprouver au doigt à l'instant où elle reçoit l'ondée sanguine lancée par le cœur. Il est dû, comme nous le verrons tout à l'heure, à l'effort que le vaisseau fait pour revenir à sa forme cylindrique, et à l'accroissement de pression qui résulte de l'entrée d'une nouvelle quantité de sang dans le système artériel. Le pouls se produit incontestablement à toutes les artères, indépendamment de toute compression ou déformation, puisque, à chaque battement, le vaisseau se dilate, mais sa dilatation est si faible qu'elle n'est perçue dans la plupart des cas ni à la vue ni au toucher : les artères dans les plaies, les artères mises à nu n'ont pas de battement bien sensible. Les sinueuses seulement dont les courbures s'agrandisssentontun pouls perceptible, la tibiale postérieure près de la malléole interne de l'homme et quelques autres chez les animaux. Il faut, pour que le pouls se fasse sentir, que l'artère soit suffisamment com- primée par le doigt, sur une partie résistante, comme la face interne du radius de l'homme et des carnassiers, le contour du maxillaire chez les grands animaux, l'extrémité supérieure de l'humérus chez le bœuf, ou sur des masses musculaires tendues et rapprochées des os, comme à la fémorale des petits animaux, du encore sur des cartilages comme à l'auriculaire postérieure des mammifères, même de l'éléphant où toutes les artères, sauf celle-là se soustraient à l'explo- ration. 516 DE LA CIRCULATION. Sur les artères mises à nu, dans les conditions expérimentales ou accidentelles, le pouls peut ne pas être perceptible dans une foule de cas. Arihaud en a fait la remarque sur les artères du mésentère de divers animaux, et Parry sur la caro- tide du bélier; les battements apparaissent dès que l'encolure inclinée donne de Tincurvation à la carotide et dès que le mésentère, abandonné à lui-même ou légèrement replié, rend aux divisions de la mésentérique leur inflexions nor- males. L'exactitude de cette observation se vérifie aisément sur la carotide du cheval dont l'encolure est longue, et sur les deux grandes artères du côlon replié du même animal. Dans toutes ces circonstances cependant l'artère se dilate et se resserre alternativement ; mais sa dilatation et son resserrement alternatifs ne sont pas assez étendus pour devenir toujours appréciables à la vue. Les anciens, qui ne connaissaient pas la circulation, ne pouvaient se faire d'idées justes sur la cause et le mécanisme du pouls. Rufus d'Éplièse^ avait noté la coïncidence entre le battement de l'artère et le battement du cœur; il avait même remarqué que l'artère bat quand elle se remplit et le cœur quand il se vide. Galien avait attribué la pulsation à une force pulsifique imaginaire propre au cœur, et transmise par les tuniques artérielles ; il appuyait son opinion sur ce que les parois de l'aorte étant liées autour d'un tuyau de plume introduit dans cette artère, les battements cessaient en arrière de la ligature et dans tous les points placés bien au delà, quoique la circulation n'y fût point interrompue; mais l'expérience de Galien répétée par Vieussens, par Flourens, par Magendie, n'a point donné le même résultat ; les pulsations ont continué à se faire sentir dans les parties situées au delà de la ligature, pourvu que le sang, piit y arriver à travers le tuyau. Harvey reconnût le premier que l'impulsion éprouvée par le sang sous l'influence des contracti?)ns du cœur est la cause réelle des bat- tements, il vit que la ligature appliquée sur une artère peut, en y interrompant le cours du sang, faire cesser le battement dans les parties au delà du lien ; enfin il eut l'occasion d'observer que, dans un cas d'ossification de l'aorte, les pulsations n'en continuaient pas moins dans les artères nées au-dessous de la région ossifiée. L'illustre physiologiste ne s'était donc point trompé sur la nature du battement artériel. Ce qu'on a appelé la théorie du pouls a fait le sujet d'études minutieuses dans ces derniers temps, surtout à compter de l'emploi du sphygmographe qui permet d'obtenir des tracés indiquant les formes diverses de ce phénomène complexe. D'abord, par une simple analyse objective, Bouillaud' a cru pouvoir par- tager la pulsation en quatre temps comparables à ceux de la révolution du cœur; le premier est la diastole de l'artère, le temps du choc principal coïncidant avec la systole des ventricules ; — le second est un court repos isochrone avec le repos succédant à la systole ventriculaire; — le troisième serait une systole de l'artère accompagnée d'un second choc coïncidant avec la diastole ventriculaire; — le quatrième est un long repos isochrone au long repos des ventricules du 1. Rufus d'Éphèse, Traité sur le pouls, traà. de M. Daremberg. (OEuvres, par Darem- berg et Ch.-E. Ruelle. Paris 1879, p. 219.) 2. Bouillaud, Nouvelles recherches sur V analyse et la théorie du pouls {Comptes rendus de VAcadémie des sciences, 27 septembre 1873 CIRCULATION ARTÉRIELLE. 517 canir. Lo partage delà pulsation artérielle on quatre temps est admissible, mais avec certaines restrictions : la systole de l'artère paraît être le retrait élastique des parois plutôt que la contraction des libres musculaires ; tout au plus, elle peut être le résultat du retrait additionné de la contraction musculaire et le second choc, à peine prononcé, est la secousse qui rend le pouls dicrote. En somme, dans cette manière de voir, les artères auraient une systole rhylli- niique propre et il y aurait, en réalité, dans les vaisseaux, un pouls diastolique fort dû au cœur lançant ses ondées sanguines, puis un pouls systolique faible propre à l'artère et résultant de son resserrement. A l'aide du sphygmographe on obtient de nouveaux éléments de l'analyse du pouls à l'état normal et dans les conditions physiologiques. Celui de M. Marey, dont voici la figure, s'adapte parfaitement au bras au moyen de petites courroies ^Ln FiG. 173. — Sphygmographe de M. Marey. FiG. 17J:. — Le même en place. modérément serrées. Son ressort sur l'artère radiale, à la place du doigt explo- rateur est soulevé comme lui à chaque pulsation et les mouvements transrais à un levier s'inscrivent par une pointe sur la bandelette de papier que fait marcher un mécanisme spécial. Les tracés qu'on en obtient, représentent une série de collines dont chacune indique une pulsation cardiaque et artérielle. Dans toutes il y aune ligne ascen- dante qui correspond à la dilatation de l'artère et à l'entrée de l'ondée sanguine lancée par le cœur. Un sommet indiquant la limite de l'impulsion, une ligne descendante marquant le retrait du vaisseau et l'écoulement du sang vers les g-f!^ DE LA CIRCULATION, systèmes capillaires. La ligne d'ascension est d'autant plus haute et plus verti- cale que la systole cardiaque est plus énergique, ou en d'autres termes que l'augmentation de pression s'opère avec plus de rapidité, la ligne de descente toujours incurvée est en pente d'autant plus douce que la réaction de l'artère est plus lente et plus faible. Cette ligne de descente est irrégulière et bosselée à cause FiG. 175. — Une forme du pouls à l'état normal. du second choc ou du second faible battement qui rend le pouls plus ou moins dicrote. L'inspection des tracés donne de nombreuses indications sur les formes du pouls : si la ligne qui passe sur les sommets est droite et à un même niveau, elle indique des pulsations égales en force ; — si les collines sont à des distances égales, il y a intervalles de même durée entre les pulsations. Les sinuosités de la ligne ascendante indiquent une systole saccadée; — une forte bosselure sur la ligne descendante signale un dicrotisme très prononcé; — des ondulations multiples traduisent un pouls plus que dicrote ou rebondissant. Le sphygmo- graphe qui amplifie la dilatation et la rétraction de l'artère avec les modifications dont le pouls est susceptible place sous les yeux de l'observateur ce que son tact imparfait ne saurait lui faire constater ; mais l'interprétation des tracés le met souvent dans un grand embarras d'autant plus que ces tracés donnés par le même sujet, dans le même moment, ne se ressemblent pas, pour peu que la position du bras change ou que la constriction opérée par l'instrument ne soit pas uniforme. D'ailleurs, au point de vue pratique, il y a peu à attendre du sphygmographe chez les animaux, à cause des difficultés de son application à la région maxil- laire, sur la glosso-faciale où le pouls est généralement exploré. Le pouls perçu aux grosses artères coïncide exactement avec la systole ventri- culaire, par conséquent avec le choc ou le battement du cœur. On s'en assure en appliquant un doigt sur la région du cœur, ou directement sur cet organe par une ouverture faite à un espace intercostal et un doigt de lautre main sur la carotide. A l'aide des appareils enregistreurs, le synchronisme de ces deux batte- ment est constaté avec plus de précision encore. Mais, d'après M. Marey, le pouls tout en coïncidant avec la systole cardiaque, se produirait seulement à la fin de cette systole, alors que les valvules sigmoïdes sont complètement soulevées. Le pouls se produit-il simultanément dans toutes les parties du système arté- riel ou, en d'autres termes, coïncide-t-il avec la systole ventriculaire dans les artères les plus éloignées comme dans les plus rapprochées du cœur? Au toucher et sans le secours d'instruments on croit constater un isochro- nisme parfait, par exemple, entre les pulsations de la carotide et celle de la CIRCULATION ARTERIELLE. 519 radiale, entre la pulsation de la glosso-faciale et celle de la fémorale, et s'il y a un retard pour les artères éloignées il n'est point perceptible. Ce retard est admis par beaucoup de physiologistes, Weitbrecht l'a indiqué, et Weber croit avoir trouvé qu'entre la systole du cœur et le pouls de la pédieuse il est égal à un septième de seconde. Le pouls s'affaiblit nécessairement à mesure qu'on s'éloigne du centre, propor- tionnellement à la réduction du volume de l'artère. Haller dit qu'il n'est plus appréciable lorsque le vaisseau se réduit à un diamètre de un tiers de millimètre. Mais dans la pratique il cesse d'être perceptible bien avant que les artères soient arrivées à un tel degré d'atténuation. Il peut offrir un grand nombre de modifications quant à sa fréquence, à sa force, à son rhythme. Les unes dépendent seulement du cœur, d'autres tiennent à la fois au mode des contractions cardiaques et à l'état des artères ; un certain nombre se lient à divers états de l'ensemble du système vasculaire. FiG. 176. — Pouls fréquent. FiG. 177. — Pouls lent. Sa fréquence et sa rareté dépendent évidemment du nombre des systoles ven- triculaires en un temps donné ; sa vitesse et sa lenteur, qui sont choses diffé- rentes des premières, résultent du temps plus ou moins considérable que chacune des systoles met à s'effectuer ou, en d'autres termes, de leur brièveté ou de leur longueur. La fréquence du pouls est dans un certain rapport avec la tension arté- rielle. Lorsque celle-ci descend beaucoup au-dessous de son chiffre normal, comme après les émissions sanguines très abondantes, le pouls devient fréquent, mais faible. Haies en avait fait la remarque dans ses expériences, et tous les jours on constate la même particularité en sacrifiant les animaux par hémorrhagie. Il prend le même caractère sur les sujets très affaiblis, vers la fm des maladies, alors que la tension artérielle est très diminuée. La force et la faiblesse du pouls ne tiennent pas seulement à l'énergie plus ou moins grande développée par le cœur à chaque contraction. Le pouls est ou paraît fort lorsqu'une ondée sanguine, lancée vigoureusement, entre dans les artères modérément pleines et capables d'éprouver une ample dilatation qui soulève for- tement le doigt. Il est faible lorsque les systoles manquent d'énergie, chassent de petites ondées, et aussi quand le système artériel ne contient plus qu'une 520 DE LA CIRCULATION. minime quantité de sang, comme dans les derniers moments de la vie, et sur les animaux épuisés par d'abondantes évacuations sanguines. Le pouls peut devenir, dit-on, fort par places, par exemple, lorsque l'artère est stimulée. Haslings a cru voir celui de la carotide du cheval plus énergique à la suite de l'application de l'ammoniaque sur ce vaisseau. Il peut s'affaiblir dans les parties situées au-dessous des poches anévrysmales, et même y disparaître si les parois de l'anévrysme sont très élastiques. Le pouls est dur, sans ampleur, quand la tension artérielle est très augmentée et que, par conséquent, la distension des artères approche de ses dernières limites, par exemple dans l'effort violent ou lorsque des obstacles considérables existent au passage du sang dans les capillaires de quelques organes volumineux et très vasculaires. Il faut évidemment que, dans ce cas, les contractions du cœur soient très énergiques pour faire entrer les ondées sanguines dans l'aorte arrivée à son maximum de réplétion. Si le manomètre de Haies est alors adapté à la carotide, la colonne sanguine s'y élève à une grande hauteur, mais ses oscil- lations ont peu d'amplitude. C'est là une particularité que Cl. Bernard a notée et que j'ai maintes fois observée sur le cheval. Mais, dès qu'une abondante saignée affaiblit la tension artérielle, le pouls perd de sa dureté, devient ample et paraît plus fort par suite de l'étendue plus grande de la dilatation de l'artère. De même, le pouls devient plus large et l'artère plus souple une fois que les capillaires des parties malades reprennent leur perméabilité. Le pouls large et ample coexiste avec une tension artérielle moyenne. L'artère est alors dépressible, et à chaque pulsation le doigt est soulevé avec force. FiG. 178. — Pouls dicrote. Le pouls rebondissant ou dicrote, caractérisé par deux chocs successifs ou deux pulsations inégales pour une seule systole cardiaque, est fort commun. Déjà dans les conditions ordinaires ou sous l'influence de l'exercice, on voit souvent la pul- sation devenir légèrement rebondissante. Mais, c'est surtout lorsque la tension artérielle diminue qu'elle acquiert nettement ce caractère. M. Marey l'attribue a ce que les systoles cardiaques, effectuées avec rapidité, lancent une ondée qui dilate une première fois l'artère en y pénétrant et une seconde fois en revenant sur ses pas, par suite de la difficulté qu'elle éprouve à conserver sa vitesse initiale près des capillaires oii la résistance est considérable. Milne Edwards pense qu'il peut tenir à la réaction élastique des parois artérielles, le premier battement étant l'effet de la systole du cœur et coïncidant avec elle, le second serait produit par la réaction du vaisseau et répondrait au début de la diastole ventriculaire. Bouillaud le considère comme étant dû au premier choc coïn- cidant avec la diastole de l'artère et au second choc répondant à sa systole. La CIllCULATION AUTERIKLLE. 521 plupart des pliysiologistes s'accordent avec M. Marey à le regarder comme le résultat de l'oscillation du sang entre les systèmes capillaires et le cœur, oscil- lation plus ou moins prononcée suivant la distance à laquelle les artères se trou- vent du cœur, très peu dans l'aorte, beaucoup dans les artères longues et dans les artérioles. Ce qui paraît s'expliquer le mieux c'est le retard de la pulsation à mesure qu'on s'éloigne du cceur, relard qui fait coïncider le commencement du retrait des grosses artères avec la (in de la distension des petites. La pression du sang devenue plus forte dans celles-ci détermine un reflux vers celles-là, de sorte que le retrait des gi'osses artères se fait en deux temps séparés par une seconde dilatation. En somme, dans le dicrotisme, il y a un premier choc ou un pre- mier battement du à la systole du cœur, un deuxième choc ou un deuxième battement qui serait déterminé par la tendance du sang à reculer vers les ven- tricules. La pulsation dicrote est plus nettement dédoublée dans le jeune âge qu'à un âge très avancé, plus dans la plupart des affections fébriles qu'à l'état normal, et encore quand la pression artérielle est descendue au-dessous du degré ordinaire, comme dans un assez grand nombre d'états morbides. Si l'expérimen- tation sur l'animal vivant ne devait point donner lieu à des troubles dans l'action du cœur, je dirais que le dicrotisme me paraît tenir à un dédoublement de la systole cardiaque. Il importe beaucoup au praticien d'apprécier ces diverses modifications du pouls dont les principales seulement viennent d'être énumérées et surtout de reconnaître leur valeur séméiologique qui est du ressort de la pathologie. Plu- sieurs d'entre elles peuvent être mises en évidence et enregistrées au moyen des sphygmographes. VL Bruits artériels. Dans les grosses artères rapprochées du cœur, la colonne sanguine peut pro- pager le bruit systolique et le bruit des valvules sigmoïdes. Mais, en outre, les FiG. 179. — Pouls de systoles saccadées. artères volumineuses sont le point de départ de bruits propres très légers, qui s'exagèrent et se modifient dans les maladies. Ils consistent en un murmure faible, sourd, tantôt bref et semblable à un bruit de choc, tantôt prolongé, doux comme un souffle. Ces bruits ou ces souffles s'entendent peu à l'état normal, et ils ne sont guère perceptibles qu'à l'aide du stéthoscope. Ils sont assez forts dans la carotide, plus sourds et plus doux dans la crurale, plus brefs et moins intenses dans les petites artères. Déjà ils ne s'entendent plus dans celles dont le diamètre égale celui 522 DE LA CIRCULATION. d'une plume de eoibeau, ou môme d'une plume de poule ou d'oie, comme la "losso-faciale du cheval, du bœuf dont la situation est tout à lait superlicielle. Ils prennent de la force chez les jeunes animaux et les sujets maigres, s'exagè- rent, d'après la remarque de Beau, chez les individus dont le pouls est fort et bref, surlout dans le cas de pléthore excessive, chez les anémiques, les chloro- tiques, les fébricitants, les individus très nerveux, dans le cas d^ rétrécissement de l'orifice aortique, d'insuffisance des valvules sigmoïdes, etc. Le souffle artériel est bref, intermittent; il coïncide avec le premier bruit du cœur, par conséquent avec le choc de cet organe et la diastole de l'artère, il cesse avant le second bruit. Les mouvements respiratoires n'en altèrent nullement les caractères. On les voit se modifier quant à leur intensité, à leur timbre, et alors, suivant leur analogie avec des bruits connus, ils reçoivent des dénominations qui font croire à des bruits nouveaux surajoutés : bruit de râpe, bruit sibilant, bruits musicaux, etc. Dans les conditions expérimentales, si l'on vient à appliquer l'oreille directe- ment sur une grosse artère, comme la carotide du cheval, ou par l'intermédiaire du stéthoscope, sans déprimer le vaisseau, on n'entend rien ou seulement un souffle à peine perceptible. Si, ensuite, avec le bord du pavillon de l'instrument, on comprime le vaisseau, de manière à en rétrécir le diamètre, le bruit de souffle s'accuse très nettement et d'autant plus que le rétrécissement vasculaire se pro- nonce davantage. Alors le sang passe d'une partie rétrécie dans une partie dilatée, d'une partie où la pression est forte dans une où elle est moindre ; il doit pro- gresser plus vite dans la première que dans la seconde. D'après M. Marey, ce passage rapide du sang du point où la vitesse est accrue dans le point suivant où la pression sanguine est diminuée, est la cause essentielle du souffle artériel. Le souffle ou les souffles artériels paraissent quelquefois s'entendre à travers des couches épaisses de parties molles et à une grande distance. Ce que Laennec appelait souffle placentaire, et qu'il croyait produit par les vaisseaux ombilicaux à leur entrée dans le placenta, est dû, d'après Bouillaud, aux grosses artères du bassin, iliaques, crurales, comprimées par la masse utérine qui tombe profon- dément dans le bassin, aux derniers temps de la gestation. On l'entend très dis- tinctement sur la femme en divers points du bas-ventre, disent les médecins. Mais, jusqu'ici, je n'ai rien constaté d'analogue sur les grandes femelles domes- tiques pleines. On a attribué le souffle ou les souffles des artères au choc du sang sur les parois vasculaires, aux frottements de ce liquide sur leur membrane interne, frottements qui seraient accrus parle rétrécissement, la contraction des artères, par certaines modifications dans l'état de leurs surfaces. Quelques physiologistes les ont rapportés à un volume excessif des ondées lancées par le cœur, et à d'autres causes encore dont l'action est peu intelligible. Leur mécanisme n'est pas clairement établi. Weber les a vus se produire dans des tubes à parois élas- tiques que la compression rétrécissait dans quelques points, et, depuis, on les a donnés comme le résultat du passage du liquide d'un point comprimé ou rétréci dans une partie dilatée où la tension devient moindre. MM. Marey et Chauveau CIRCULATION ARTÉRIELLK. K23 ont. défendu la thèse de Weber, d'après leurs observations sur des appareils de caoutchouc; niais il reste à démontrer que le mode de production des bruits artériels dans l'organisme ne dillèrc pas de ce mode dans des tubes de gomme élastique. De ce qu'un souffle se produit dans un tube de caoutchouc à l'endroit où une compression est exercée, de ce que ce souflle même naît dans l'artère que l'on déprime à l'aide d'un corps étranger, on n'est point autorisé à conclure que les souflles physiologiques et pathologiques, aient un mécanisme uniforme, car ce bruit, comme tout autre, peut dépendre de causes très différentes. On ne voit pas, en effet, comment la pléthore, la fièvre, l'anémie, les insuffisances valvu- laires créent des conditions identiques, ni même comment aucun de ces états réalise celui qui, dans le tube de caoutchouc, engendre le souffle, à savoir le rétrécissement suivi d'une brusque dilatation. VII. — Influence des divers modes de division des artères et des ANASTOMOSES SUR LA CIRCULATION ARTÉRIELLE. Il est des dispositions anatomiques qui paraissent sans influence sur le cours du sang artériel : ainsi la division d'une carotide en deux branches au lieu de trois, la présence de deux artères rénales au lieu d'une, la naissance de la thy- roïdienne par un tronc commun avec la laryngienne. Il est aussi à peu près indif- férent que, chez les solipèdes, par exemple, l'artère bronchique naisse séparée de l'œsophagienne ou réunie avec elle, que celle-ci parte de l'aorte directement ou d'une intercostale, que la gastrique naisse seule ou réunie à la splénique, la spermatique en avant ou en arrière de la petite mésentérique, l'ovarienne de l'aorte ou de la mésentérique supérieure, la petite testiculaire de l'aorte, du tronc crural ou de la circonflexe iliaque, l'artère utérine du tronc aortique ou du tronc crural, la prépubienne de l'iliaque externe ou d'une musculaire de la cuisse. Mais, beaucoup d'autres dispositions ont sur le cours du sang une influence incon- testable. Il est clair aussi que la ramification successive, l'atténuation des artères desti- nées à des organes ou à des tissus délicats a pour but et pour résultat un ralen- tissement considérable des courants sanguins, car la division successive élargit considérablement les voies que le liquide traverse. Ainsi, à l'estomac et à l'in- testin les artères se bifurquent déjà avant d'arriver aux courbures par lesquelles elles abordent ces viscères; puis elles se divisent à leur surface, traversent leur tunique contractile et forment un réseau serré à la face externe de la muqueuse avant de pénétrer dans son épaisseur. Les artères cérébrales et rachidiennes se disposent en un magnifique réseau dans la pie-mère avant d'envoyer des ramifi- cations fines à la pulpe des centres nerveux ; la carotide interne forme sou- vent des réseaux admirables entre les parois du crâne et les méninges; l'artère spermatique décrit un grand nombre de flexuosités avant d'arriver au paren- chyme du testicule. Enfin, les artères, avant de devenir capillaires, se subdivisent toujours de la même manière dans un même organe; ce sont des arborisations régulières pour l'intestin grêle, des arborisations à branches sinueuses pour le 524 IIK LA CIRCULATION. côlon replié, des treillages dans la pituitaire, des boucles au testicule, des étoiles dans le tissu du foie, etc. Les flexuosités des artères apparaissent partout où ces organes doivent éprou- ver des déplacements étendus ou des changements considérables de volume : à la linguale, pour se prêter au mouvement de protraction de la langue; aux labiales, pour se mettre en rapport avec les divers degrés d'ouverture de la bouche; à l'abdominale antérieure, à l'abdominale postérieure, à la circonflexe, pour se mettre en harmonie avec les changements de volume du ventre ; à la spermatique, pour permettre les migrations du testicule ; à l'ovarienne, à l'utérine, pour rendre faciles l'ampliation de la matrice, l'élongalion des ligaments larges de ce viscère ; aux artères gastriques des ruminants, des solipèdes et de la plupart des animaux, dans un but analogue. De plus, les flexuosités, les courbures, en multipliant l'étendue des surfaces élastiques, transforment plus complètement le mouvement saccadé dû à l'action du cœur en mouvement uniforme et régulier. Elles sont extrêmement utiles, sous ce rapport, aux centres nerveux qui doivent être à l'abri des chocs et des secousses. Les anastomoses ou les communications établies entre diverses artères pro- venant soit d'un même tronc, soit de troncs plus ou moins éloignés, ont une influence très remarquable sur la circulation artérielle ; elles permettent à un organe de recevoir encore du sang lorsque le vaisseau qui lui apporte ce fluide est comprimé ou oblitéré ; elles établissent des voies de dérivation qui rendent son cours plus régulier, plus uniforme, et facilitent son abord dans les parties où le système vasculaire est moins rempli, et dans celles où la pression de la masse sanguine est diminuée. Les anastomoses les plus multipliées ont lieu par des divisions collatérales plus ou moins considérables émanées d'artères voisines. Elles sont en nombre presque infini dans les artères destinées aux muscles des différentes parties du corps, entre les deux carotides, entre la thoracique externe et l'interne, entre les deux grandes artères du côlon replié, les deux gastriques, entre l'artère œso- phagienne et les artères de l'estomac. On en voit, en très grand nombre, dans les membres au niveau des articulations, qu'elles entourent de manière à assu- rer un libre passage au sang dans toutes les situations où les rayons peuvent se trouver. D'autres anastomoses sont disposées en arcades comme celles de l'artère duo- dénale avec la première division que la grande mésentérique envoie à l'intestin grêle, celles des divisions de l'intestin grêle entre elles, de la colique droite avec la colique gauche. Les branches plus ou moins volumineuses qui les forment marchent l'une vers l'autre en décrivant une courbe dont la partie convexe donne naissance à un grand nombre de divisions. Elles font communiquer dans les parois intestinales la cœliaque avec la grande mésentérique, celle-ci avec la petite; elles établissent une communication entre la circulation du foie, de la rate, de l'estomac et celle de l'intestin, puis entre celle de l'intestin grêle et celle du CcBcum et du côlon. Leur importance est ici de premier ordre pour régulariser le cours du sang dans des parties successivement vides ou pleines, distendues à divers degrés, inégalement actives, parties dont les éléments sont susceptibles de CIRCULATION ARTÉRIELLK. , 525 devenir, sous rinilucnce de causes nombreuses, le siège de congestions actives, d'inflammations, etc. Par leur intermédiaire, des parties fort éloignées les unes des autres pourraient recevoir du sang si un certain nombre de ces artères venaient à s'oblitérer. Ainsi, ce fluide arriverait encore à l'iléon, qui est à 20 ou 30 mètres du pylore, pourvu que l'artère duodénale restât libre, toutes les autres étant oblitérées à une certaine hauteur. Les anastomoses par inosculation ou celles des artères qui, marchant en sens inverse, viennent s'ouvrir à plein canal l'une dans l'autre, diffèrent peu des pré- cédentes et ne sont pas moins nombreuses. L'atloïdienne rétrograde dans laquelle le sang circule de la partie supérieure de l'encolure vers l'inférieure et la vertébrale dans laquelle il marche de bas en haut ; l'abdominale antérieure qui charrie ce fluide d'avant en arrière et l'abdominale postérieure qui le trans- porte d'arrière en avant; les intercostales où il va de haut en bas et les branches de l'asternale où il va de bas en haut; les collatérales internes du coude avec une division de la radiale postérieure, la communicante de Willis avec la cérébrale postérieure, l'épiploïque gauche avec l'épiploïque droite, une branche de la fémoro-poplitée avec une division rétrograde de la tibiale postérieure, nous en donnent des exemples. Les anastomoses par convergence dans lesquelles deux artères qui portent le sang suivant la même direction, viennent à se réunir en une seule, sont plus rares. Les deux artères palatines se joignent ainsi pour franchir le trou incisif et se séparent ensuite, les cérébrales antérieures pour former la mésolobaire, les divisions de l'occipitale, pour donner naissance à l'artère impaire de la moelle épinière. Enfin, les artères forment quelquefois entre elles des anastomoses fort compli- quées, comme aux réseaux admirables des artères cérébrales des ruminants, à ceux des artères de l'orbite de ces animaux et des carnassiers, réseaux que Duver- ney a décrits avec une grande précision. Chez le bœuf, les artères qui forment ces réseaux se divisent en une infinité de branches entrelacées au pourtour de la fossette pituitaire du sphénoïde. Leurs divisions, fréquemment anastomosées entre elles, constituent une sorte de couronne qui, en avant, touche aux deux trous optiques, et se prolonge en arrière à la face supérieure de l'apophyse basi- laire de l'occipital sur une longueur totale de 6 à 7 centimètres. Elles se trou- vent toutes en dehors de la méninge, baignées par le sang du sinus coronaire ou sphénoïdal, dans la cavité duquel elles sont étalées : aussi y présentent-elles l'aspect de brides fibreuses, lisses, tapissées extérieurement par la membrane interne des veines et tout à fait semblables aux brides fibreuses des tissus érec- tiles. Ce réseau, signalé déjà par Galien, manque dans beaucoup d'animaux, mais chez ceux où il n'existe pas, les flexuosités et les nombreuses anastomoses des artères cérébrales en tiennent lieu : elles modèrent, comme on l'a dit depuis longtemps, l'impulsion du sang qui aborde àl'encéphale ; leur présence me parait être la raison principale de la rareté des hémorrhagies cérébrales chez les qua- drupèdes. Des réseaux analogues, dont la connaissance est due à Duverney, se voient dans l'orbite du chat et du bœuf. Dans ce dernier, le réseau orbitaire pro- viendrait de l'artère sourcilière. 526 DE LA CIRCULATION. Les artères des membies de quelques animaux fournissent dans certains points de leur étendue des branches nombreuses rassemblées en faisceaux et plus ou moins anastomosées entre elles. Ainsi, chez les paresseux, l'axillaire est entourée, sur le trajet du bras, par un amas plexiforme d'artères plus petites desquelles se détachent les divisions musculaires. Ce plexus se continue même, chez le fourmilier didactyle, autour des artères radiale et cubitale. Chez le lamantin, il tient lieu d'une artère de l'avant-bras et descend jusqu'au niveau du carpe. De même, l'artère fémorale est entourée de semblables plexus chez ces animaux remarquables par la lenteur des mouvements, et de plus, dans les fourmiliers, elle serait entièrement remplacée par le plexus lui-même qui des- cend très bas sur le trajet de la jambe. Les artères intercostales des cétacés offrent un développement considérable, entre la plèvre et les muscles intercostaux, sur les côtés de la colonne vertébrale ; elles décrivent un grand nombre de flexuosités et se pelotonnent sur elles-mêmes ; Les divisions qu'elles envoient dans le canal rachidien, par les trous de conju- gaison, propagent ces flexuosités dans toute l'étendue de la face supérieure de la moelle épinière. Les artères caudales des mêmes animaux constituent également un remarquable plexus sous la queue. Enfin, les artères des viscères digestifs et de la vessie natatoire de divers poissons forment aussi des réseaux ou des plexus plus ou moins compliqués'. Ces diverses dispositions des artères ne sont point un luxe anatomique sans utilité ; elles jouent un rôle important dans les phénomènes de la circulation artérielle. Les anastomoses entre les artères voisines et entre les artères éloignées, quels que soient leur nombre et leur diamètre, ont pour premier résultat d'établir une solidarité intime entre toutes les parties du système, qui se convertit ainsi en un immense réseau dans lequel le sang est apporté à un même point par des voies différentes, par suite de communications nombreuses. La circulation arté- rielle se régularise et la tension du sang tend à devenir uniforme, car si son afflux trouve des obstacles en certaines divisions artérielles, il revient à celles-ci et aux parties auxquelles elles se rendent, par des voies anastomotiques. Si, par exemple, l'arrivée du sang est gênée dans les artères gastriques, il afflue à l'esto- mac en plus grande quantité par l'artère œsophagienne, par la pylorique et la duodénale; de même si un certain nombre de divisions de l'intestin grêle sont comprimées, l'anse sur laquelle elles vont se distribuer reçoit par d'autres divisions ce que ne lui apportent pas les premières. Si les deux artères carotides sont liées, le sang aborde encore à la tête et au cerveau par les vertébrales et les anastomoses que celles-ci contractent au niveau des deux premières vertèbres, avec l'atloï- dienne rétrograde. Valsalva a effectivement pratiqué cette double opération sur le chien sans qu'elle ait déterminé la mort. Lorsque l'artère principale d'un mem- bre, l'humérale, la fémorale^ sont oblitérées par des caillots adhérents, la circu- lation, quoique affaiblie, n'en persiste pas moins dans les parties inférieures de 1. Voyez à ce sujet G. Cuvier et Duvernoy, Leçons d'ànatomit cofiiparée, 2° êdit., t. VI, p. 122, 131, 137, 140, 143, 167. — Mûller, Mdniœl de phi/siolof/ie, 2« édit., Paris, 1851, t. I", p. 183. CIRCULATION ARTÉRIELLE. 5'i7 ce membre. Enliii, quand l'aorte postérieure elle-même présente, en un point de son étendue, un coaguluin très d(Mise qui en terme la lumière, comme on le voit fréquemment sur le cheval, en avant de la naissance des troncs iliaques, le bassin et les membres postérieurs reçoivent encore du sang, et toutes les divi- sions aortiques placées en arrière du point intercepté restent constamment pleines de ce lluide. Evidemment, il laut alors que les voies anastomotiques apportent ce que ne fournit pas le vaisseau principal. L'abdominale antérieure conduit le sang à l'abdominale postérieure, de celle-ci à la prépubienne et au tronc crural ; l'asternale, les lombaires le versent dans la circontlexe iliaque et dans les artères postérieures qui communiquent avec les antérieures. Ces petites artères, sans même se dilater beaucoup, peuvent laisser passer une grande quantité de sang bien supérieure à celle qui les traverse normalement; car la tension sanguine étant moindre dans les parties postérieures, le sang des artères dont nous parlons y afflue avec une grande vitesse. Ces artères, de même que celles qui sont ouvertes, donnent passage, en une unité de temps, à une masse de liquide incomparablement plus grande que dans les circonstances ordinaires. Mais, il ne faudrait pourtant pas s'exagérer le roledes petites artères anastomotiques appelées à remplacer accidentellement, les artères volumineuses; on ne saurait admettre que Tabdominale antérieure, l'asternale el les lombaires, par exemple, puissent fournir au train postérieur assez de sang pour l'entretien de la nutrition et de la contractilité des masses musculaires énormes des membres abdominaux. Les oblitérations apparentes de Taorte sont ordinairement incomplètes ; le caillot, très dense, est en contact immédiat avec la face interne du vaisseau revenu sur lui-même après la mort, mais il s'en éloigne quand le vaisseau se dilate, et le sang passe autour de la masse tibrineuse à surface lisse et sans adhérence avec la tunique interne de l'artère, du moins dans la plus grande partie de son ■étendue. Les oblitérations complètes, en avant des troncs iliaques, ne s'observent peut-être jamais, ou, si elles ont lieu, elles doivent entraîner la mort des extré- mités postérieures comme les ligatures de l'aorte déterminent leur paralysie. Quant aux plexus et aux réseaux admirables, ils ont pour double effet de ralentir la vitesse du sang, en augmentant le calibre de toutes les divisions éma- nées d'une même artère, et ensuite d'affaiblir l'impulsion de ce fluide, en l'em- ployant à modifier les nombreuses flexuosités des vaisseaux. Ils paraissent, comme le dit Milne Edwards, soustraire les parties aux chocs que les batte- ments du cœur produisent dans les grosses artères, car chez les poissons, dès que le réseau respiratoire est développé, le pouls cesse de se faire sentir sur tous les points du système artériel situés au delà de ce réseau. Une grande vitesse et Une forte impulsion du sang pourraient nuire surtout à l'intégrité des fonctions cérébrales, notamment chez les animaux qui. comme beaucoup de ruminants et la plupart des carnassiers, ont l'encolure très courte : aussi ces animaux sont- ils souvent pourvus de réseaux admirables à la partie inférieure de l'encéphale. Gomme ces réseaux possèdent beaucoup de nerfs, ils doivent^ suivant la remarque du savant naturaliste, jouir d'une contractilité très prononcée et servir de régulateurs à la circulation cérébrale. La direction des courants sanguins est nécessairement modifiée par les anas- 528 UK LA CIRCULATION. tomoses. Ainsi, dans celle de l'atloïdienne rétrograde avec la \ertébrale. il y a un courant qui marche de la tête vers la partie inférieure de l'encolure, et un autre de l'encolure vers la tête ; dans l'anastomose de l'abdominale antérieure avec la postérieure, il y a un courant du thorax vers le bassin, et un second du bassin vers le thorax. A l'anastomose d'une division de la fémoro-poplitée avec une branche de la tibiale postérieure, il y a un courant descendant et un courant ascendant, etc. Pourtant il n'y a pas de choc au point où les deux courants se joignent, cette jonction n'a pas même de siège précis : les artères toujours pleines reçoivent une nouvelle quantité de ce fluide à chaque contraction du cœur, et une quantité égale à celle-là s'échappe par les divisions qu'elles donnent en divers points de leur étendue. La marche du sang artériel, qui, normalement, a lieu, des grosses branches vers les petites, ou du centre vers la circonférence, s'y l'ait souvent en sens inverse sous l'influence des anastomoses. Quand on coupe une artère quel- conque, le sang s'échappe par ses deux extrémités divisées. A la fémorale, ])ar exemple, le sang dans le segment inférieur, progresse du pied vers le bassin, et dans le segment supérieur du bassin vers le pied. A la carotide divisée, un cou- rant s'établit du cœur vers la tête et un autre de la tête vers le cœur; mais tou- jours, comme on le sait, le courant centrifuge prédomine, et de beaucoup, sur le courant centripète. L'absence des valvules dans le système artériel permet alors à ces courants des petites divisions vers les grandes, de s'établir aussi faci- lement que les courants normaux des grandes artères vers les capillaires. CHAPITRE LYIII DE LA CIRCULATION CAPILLAIRE Le sang, pour passer des artères dans les veines, doit traverser des vaisseau \ extrêmement déliés formant ce qu'on appelle les capillaires. Avant de rechercher les caractères de son cours dans ces petits vaisseaux, il convient de rappeler leur disposition, leur structure et leurs propriétés. Les artères, en se subdivisant à l'infini dans les tissus, donnent des ramifica- tions qui deviennent invisibles à l'œil nu avant de former les très fins canalicules auxquels on réserve le nom de capillaires. Ceun-ci sont très déliés dans le tissu nerveux, dans les muscles et le poumon, oi!i leur diamètre a été évalué cà quel- ques millièmes de millimètre; ils sont un peu plus larges dans les muqueuses, où ils peuvent atteindre 1 centième de millimètre; leurs dimensions sont plus grandes encore dans le tissu des os et de quelques autres parties. Tous ces petits vaisseaux forment dans les artérioles et les veinules, des réseaux à mailles serrées dans les parties qui consomment beaucoup de sang, soit pour leur nutrition, soit pour les sécrétions, et des réseaux à mailles larges dans celles dont la nutrition est peu active. Ainsi, des réseaux très serrés se trouvent, d'après Millier, au pancréas, à la choroïde, à l'iris, au rein, au foie, à t ClhCULATlON CAI'JLI.MUL:. 529 la peau et aux muqueuses. Là, leurs mailles n'ont suuvont pas i)lus tlétendue que le diamètre d'un capillaire : elles sont très larges dans les cartilages, les os et les parties libreuses. L'aspect et les formes des réseaux varient, comme leurs dimensions, suivant les tissus. Dans le tissu conjonctif, les séreuses, les parties libreuses, les membranes tégumentaires, leurs mailles sont régulières, polygo- nales, d'une largeur de 3 à 5 Ibis celle du diamètre des vaisseaux. Dans le tissu adipeux, les mailles entourent les vésicules; dans les glandes elles circons- crivent les granulations; elles s'allongent dans les muscles suivant la direction des libres. Leur disposition est très variée à la choroïde, à la rate et à quelques autres organes et elle doitl'ètre pour faciliter la distribution régulière du [)las- ma aux éléments anatomiques. Les injections fines montrent, en elîet, que ces vaisseaux forment des treillages arrondis autour des lobules, des acini glandu- laires, des alvéoles du poumon, — des cônes autour des papilles cutanées ou muqueuses — des cylindres à l'extérieur des faisceaux musculaires, — des sortes d'arborisations, de guipures étalées, dans la peau, les muqueuses et les autres membranes. Dans tous les cas, les capillaires ne pénètrent jamais les élé- ments anatomiques, ni la libre, ni la cellule; ils les entourent simplement, les enlacent, les côtoient, sïnsinuent dans leurs interstices, et c'est là une particu- larité qu'il ne faut pas perdre de vue dans l'étude de la nutrition et des sécrétions. Dans les,réseaux capillaires, quelle qu'en soit la forme, tous les canaux n'ont pas un diamètre uniforme. Les uns permettent à plusieurs séries de globules de marcher de front ; d'autres n'en laissent passer qu'une seule file ; quelques-uns même, d'après Krause, Doyère, de Quatrefages, seraient trop fins pour admettre des globules et ne laisseraient pénétrer que du plasma. Dans la cornée, ils auraient ce caractère ; mais Kolliker regarde ceux-ci comme des capillaires san- guins resserrés et presque oblitérés. Les réseaux capillaires n'existent pas seulement dans les parties qui ont des vaisseaux visibles à l'œil nu ; ils se montrent même dans celles qui sont tout à fait transparentes, comme les séreuses, la conjonctive, la cornée lucide. Indépendamment des capillaires proprement dits, il paraît y avoir entre les artères et les veines, des tubes plus larges, non réticulés, établissant des commu- nications plus directes et plus faciles entre les deux ordres de vaisseaux; mais ceux-ci manquent dans les parties dont les systèmes capillaires sont très déliés. L'absence de ces communications directes, dans un grand nombre de tissus et d'organes, y rend plus faciles les obstructions dues aux embarras de la circulation. Une des questions les plus controversées de l'histoire des capillaires est celle de leur structure. Dans les fines artérioles devenues invisibles à l'œil nu et déjà plus ténues que des cheveux, il existe une tunique à libres élastiques et à fibres contractiles, puis une membrane interne, toutes les deux fort distinctes; mais au delà et dans les canaux qui forment les réseaux ou les capillaires véritables l'artériole se dépouille de ses couches fibreuses et contractiles ; il ne reste au capillaire qu'une membrane hyaline, transparente, homogène, semée de granu- lations allongées, quelquefois saillantes à l'extérieur, ressemblant aux noyaux des faisceaux musculaires, noyaux peu nombreux dans les plus fins et multipliés dans les gros capillaires. En dedans de cette membrane, où à sa place se trouve, s, cotiN. — Physiol. comp., 3' édit. !!• — 3i 530 DE LA CIRCULATION. d'après les recherches les phis récentes d'Auerbach, Éberth, etc, une couche épithéliale formée de cellules, tantôt polygonales, tantôt à contours festonnés. Ces cellules sont pavimenteuses. pourvues d'un noyau, d'un contenu granuleux, protoplasmique; elles sont unies ensemble par une matière intercellulaire qui en fait une membrane regardée par les uns comme absolument continue et par les autres comme pourvue de pores ou d'ouvertures analogues aux stomates des épithéliums végétaux, aussi n'est-il plus permis d'admettre que les petits canaux sanguins soient des tubes sans parois ou de simples trajets creusés dans la trame des tissus. Bailleurs leur structure se moditie par l'addition de nouveaux éléments à mesure que les capillaires se rapprochent des artérioles et des vei- nules et c'est à cause de ces modifications même qu'on les a distingués en plu- sieurs ordres. Dans tous les cas les parois des capillaires sont rétractiles et élastiques, et leur élasticité tient lieu de la contractilité dans les points où celle-ci n'existe pas encore. Il ne faut pas oublier, au point de vue physiologique, que si telle est la structure des capillaires dans les parties les plus éloignées des deux grands sys- tèmes vasculaires, les dernières artérioles et les premières veinules, ou l'ensemble des petits vaisseaux qui circonscrivent les réseaux, possèdent plusieurs tuniques et des tuniques contractiles. Aussi, à cause de cela, ces petits vaisseaux, qui doi- vent être physiologiquement considérés comme des capillaires, jouent un rôle important dans les phénomènes de la circulation. Ce sont ces petits vaisseaux à plusieurs tuniques qui peuvent surtout imprimer de nombreuses modifications au mouvement du sang dans leur intérieur. Les réseaux à minces parois et à perméabilité extrême opèrent surtout l'irrigation sanguine , et facilitent les échanges entre le sang et les éléments des tissus. I. — CARACTÈRES DE LA CIRCULATION CAPILLAIRE. Le cours du sang dans les petits vaisseaux peut être facilement étudié à l'aide du microscope dans les parties transparentes, comme la membrane interdigitée ou la langue des batraciens, la queue des têtards, les nageoires des poissons, les ailes des chauves-souris, le mé- sentère des petits mammifères. Il suffit pour cela de fixer convenablement les parties que l'on veut examiner entre des lames de verre. Depuis Mal- pighi , la plupart des observateurs qui se sont occupés de physiologie se sont donné le spectacle de cet intéressant phénomène. On arrive, dit-on, au même résultat aujourd'hui en examinant les vaisseaux de la rétine sur l'homme ou sur un animal par les ombres que les globules projettent sur la couche des bâtonnets. A l'aide d'un grossissement peu considérable, on voit les parties transparentes sus-indiquées sillonnées par un grand nombre de petits courants dirigés dans FiG. 180. — Réseau capillaire (*). (*) a, artériole; 6, veinule; d, capillaires. ClliLULATIUN CAIMLLAIHE. 331 tous les sens et en conuiumication les nns avec les antres (dg. 180). Les glo- bules sanguins s'y nuiuvent avec une grande vitesse, tantôt sur plusieurs rangs, tantôt sur une seule lile ; ils se rapprochent ou s'éloignent, se heurtent en plu- sieurs points, semblent ici se mouvoir en toute liberté, être là gênés et contraints de s'arrêter ou de changer de direction La direction des courants capillaires a lieu des artères vers les veines ; elle est assez régulière dans les vaisseaux volumineux, mais ne l'est plus dans les capillaires déliés, disposés en réseaux, et le microscope en amplifie l'irrégula- rité. Ces courants sont convergents ou divergents, même opposés ; les causes les plus légères en modifient le sens ; un léger obstacle, une excitation très faible peuvent les intervertir très brusquement. En général le sang afflue vers les points où la pression est faible, il s'éloigne de ceux dans lesquels elle augmente. La rapidité des courants, subordonnée à la fois à celle de la circulation géné- rale et à Tétat des capillaires observés, a paru plus grande du côté des artérioles que vers les radicules des veines. Elle est souvent plus prononcée dans un vais- seau que dans un autre fort rapproché du premier ; et dans les diverses sections d'un même vaisseau elle est ici plus, là, moins considérable, suivant le degré d'expansion ou de resserrement des petits canaux. Cette vitesse paraît très grande au microscppe, parce qu'elle est amplifiée dans le même rapport que le grossis- sement, soit 100 à 130 fois dans les observations ordinaires sur les parties trans- parentes. Elle est en réalité très faible, environ de 1/2 millimètre par seconde, d'après les observations de Weber et de Valentin, faites sur les parties trans- parentes des batraciens. Cela résulte de la largeur du système capillaire, qu'on dit être de 300 à 800 fois plus grande que celle de l'aorte à son origine. Le degré d'expansion des capillaires exerce sur cette vitesse une grande influence. Lorsqu'il y a une dilatation considérable due, soit au relâchement des parois capillaires, soit à un accroissement de la tension du sang artériel, les globules peuvent passer sur doubles ou triples files parallèles et circuler facile- ment : dans ce cas, leur progression s'accélère. Quand, au contraire, il y a res- serrement, les globules marchent en simples séries avec moins de rapidité, sou- vent avec difficulté, comme s'ils étaient comprimés. Parfois leur constriction arrive à un tel degré que, dans quelques points, ils cessent d'admettre des glo- bules pour ne plus laisser passer que de minces filets plasmatiques. Ces particu- larités que Wharton Jones a très bien constatées paraissent en contradiction avec les lois de l'hydraulique ; mais, ainsi que le fait observer Milne Edwards, la con- tradiction n'est qu'apparente. La dilatation qui accélère le cours du liquide ne porte que sur une fraction souvent insignifiante du système capillaire ; elle devrait, pour donner lieu à un ralentissement, porter sur la totalité ou au moins sur une grande partie de ce système. Dans tous les cas, comme les organes ont chacun leur système capillaire plus ou moins indépendant de l'ensemble, la circulation peut y offrir, au même moment, tous les degrés d'accélération ou de ralentisse- ment qui ne tiennent pas à l'influence du cœur. Dans l'organe qui est inactif, les capillaires resserrés laissent passer difficilement le sang ; dans celui qui fonc- tionne, qui sécrète activement, ils sont largement dilatés et le laissent couler en' 532 DE LA CIRCULATIOIN. grande quantité, parfois si vite, qu'il n'a pas le f.ein[)s de se dépouiller de son oxygène et de sa teinte vermeille. Tous les globules placés au même point ou au même niveau n'ont pas, dans les capillaires, une marche d'égale vitesse. Ceux de la périphérie ou du voisinage des parois progressent lentement ; les globules en dedans des premiers marchent plus vite; ceux du centre du courant ont la vitesse maximum. D'après Poiseuille^ les globules les plus rapprochés des parois y seraient retenus par une couche de sérum que son adhérence avec le vaisseau rend presque immobile. Dans cette couche stagnante de sérum se tiennent beaucoup de globules blancs; lorsque les globules rouges y pénètrent, ils s'y arrêtent ou ne s'y meuvent que par intervalles et avec lenteur. Mais ce sont particulièrement les globules blancs qui se com- portent de la sorte. Ils ont, ainsi que l'ont appris les observations d'Acherson, de W. Jones, la propriété d'adhérer aux parois vasculaires, comme celle de s'agglutiner soit entre eux, soit aux corps que le sang peut tenir en suspension. La couche de sérum qui isole le courant de globules de la paroi capillaire a, du reste, une épaisseur variable et peut-être un degré d'adhérence qui n'est pas toujours le même. Elle paraît d'autant plus épaisse que la vitesse des courants est plus considérable, et elle finit par se réduire presque à rien lorsque la marche des globules est sur le point de s'arrêter. Rien n'est variable comme l'état de la circulation dans les capillaires et les petits vaisseaux qui en font l'office. S'ils sont dilatés, relâchés, le sang y afflue en abondance; il y a injection, gonflement du tissu, teinte rosée, apparence de congestion, élévation de la température ; et dans les glandes, sécrétion active; à la peau, transpiration abondante; s'ils sont, au contraire, resserrés, les tissus pâlissent, leur masse diminue, leur température baisse, leur sensibilité devient obtuse, leurs actions nutritives et sécrétoires languissent. Ces états, subordonnés le plus souvent à l'influence nerveuse, ont pour but de régler l'activité des tissus et des organes. La circulation capillaire, quant à sa vitesse et à sa régularité, est nécessaire- ment très influencée par les diverses modifications que peut éprouver l'action du cœur. Elle est, en général, d'autant plus rapide que les contractions de cet organe sont plus énergiques et plus rapprochées. Elle se ralentit si ces contractions deviennent plus ou moins faibles. Dans tous les cas, l'action du cœur ne fait pas sentir son intermittence sur les capillaires : le mouvement saccadé du sang ne va pas, à l'état normal, au delà des artères. Mais, dès que la circulation devient languissante, comme dans les derniers temps de la vie, le mouvement prend le caractère saccadé et intermittent : les globules ne marchent que lors des systoles, ils s'arrêtent ensuite et même rétrogradent ou oscillent un moment, puis repren- nent leur marche vers les veines. Ces particularités, observées par Haller, Spal- lanzani, Wedemeyer, Thompson, se manifestent dans les parties dont on entrave la circulation par la ligature soit de l'aorte, soit des veines, ou par l'application d'un lien autour d'un membre. 1. Poiseuille, Reche)'clies 'sw les cuuies du mouvement du saiig dans tes capillaireé [Mém. des sav. étrang., t. VII, 1835). CIRCULATION CAPILLAIRE. 533 Les divers états du système artériel iiifliiencent également la circulation capil- laire. La contraotion des artères, déterminée dans beaucoup de circonstances, sur une très grande étendue, en augmentant; la tension du sang, rend cette cir- culation plus rapide. Leur relâchement atonique dû, par exemple, à la section des vaso-moteurs, y donne lieu à un ralentissement considérable et à une stase congestive comparable ù celle qui s'observe dans les phases préliminaires de rinllammalioii. IL — FORCES MOTRICES DU SANG DANS LES CAPILLAIRES. Le mouvement du sang dans les capillaires résulte de l'impulsion du cœur, de la réaction élastique des artères, delà contractilité des artérioles voisines des réseaux et peut-être aussi de la contractilité propre des capillaires. De ces diverses forces, celle du cœur est certainement la principale; les autres sont additionnelles et destinées à imprimer aux courants sanguins de très nombreuses moditications. L'impulsion du cœur, que Harvey et Spallanzani regardaient comme la seule force motrice du sang dans les vaisseaux, est bien évidemment la puissance capi- tale de la progression de ce fluide dans les capillaires. La circulation capillaire est active^ rapide, lorsque les contractions du cœur sont énergiques; elle est sac- cadée, intermittente, lorsque ces contractions, affaiblies, ne s'eiTectuent qu'à de rares intervalles ; elle devient oscillante sur les animaux très affaiblis ou mou- rants ; enfin, elle se suspend presque immédiatement après la mort. Il est vrai» cependant, que la circulation capillaire continue encore quelques instants, chez les batraciens, après l'interruption du cours du sang dans l'artère principale d'un membre , et qu'enfin elle a lieu chez les animaux inférieurs dépourvus de cœur. Mais ces particularités ne nous permettent pas d'admettre que la circula- tion capillaire est indépendante de l'impulsion du cœur. En effet, si le mouvement du sang persiste pendant un certain temps dans la membrane interdigitale de grenouilles auxquelles on vient d'enlever le cœur ou de lier toutes les artères du membre postérieur vers le bassin, ce mouvement, lent, irrégulier, bientôt éteint, dérive de ce que les artères, pleines de sang au moment de leur ligature ou de l'ablation du cœur, reviennent sur elles-mêmes en vertu de leur élasticité et se vident de la plus grande partie de leur contenu, qu'elles poussent dans les capil- laires et dans les veines, comme cela arrive, du reste, au moment de la mort et quelque temps après sur tous les animaux. Enfin, si la circulation des animaux inférieurs s'opère sans l'intervention du cœur, il y a certaines parties du sys- tème vasculaire qui, par la contractilité dont elles jouissent, impriment aux liquides une impulsion équivalente à celle du cœur. A l'impulsion énergique développée par le cœur s'ajoute incontestablement celle qui résulte de l'élasticité et de la contractilité des artères. La réaction élas- tique qui s'opère à la suite de la systole du cœur, en augmentant la tension du sang artériel, le pousse uniformément vers les capillaires ; de plus, la contraction plus ou moins forte des petites artères dont les parois présentent beaucoup de fibres musculaires accroît l'impulsion à divers degrés, suivant les circonstances. 534 DE LA CIRCCLATION'. L'élasticité artérielle régularise le déversement du fluide sanguin dans les capil- laires, fait perdre au courant le caractère saccadé et intermittent qu'il a encore dans les artères. La contractilité, à son tour, en donnant à la poussée du sang vers les petits vaisseaux une énergie subordonnée aux besoins de la circulation, contribue, pourune large part, à rendre les divers départements vasculaires, jus- qu'à un certain point, indépendants les uns des autres. Ces trois causes additionnées : impulsion cardiaque, élasticité et contractilité artérielle, en soumettant le sang à une pression considérable dont nous avons vu précédemment le degré et les variations, suffisent à le faire progresser dans les capillaires. C'est par la pression à laquelle ce liquide est soumis qu'il entre dans le système capillaire, ne pouvant rétrograder dans les artères, à cause de l'occlusion des valvules sigmoïdes et des poussées successives vers la périphérie résultant des systoles cardiaques. C'est par cette même pression qu'il parcourt toute l'étendue des petits vaisseaux et qu'il pénètre dans les veines chargées de le ramener à son point de départ. Évidemment, la pression du sang, à son entrée dans les capillaires, est encore à peu près celle qu'il supporte dans le système artériel ; mais elle doit rapide- ment décroître en raison de l'excès de capacité des petits vaisseaux par rapport aux grosses artères. Aussi l'impulsion qui en dérive s'atténue d'une manière progressive. Elle s'affaiblit encore par le fait des frottements des petites colonnes sanguines sur les parois vasculaires, de l'adhésion de ces colonnes de globules avec le sérum plus ou moins visqueux qui enduit l'épithélium sous forme de couche immobile. D'ailleurs cette pression éprouve des fluctuations incessantes. Elle augmente par l'action de toutes les causes qui compriment les vaisseaux ou qui les resserrent, par la contraction du muscle, par le froid, etc. Elle diminue par le fait de la chaleur qui les relâche etles dilate, sous l'influence des agents qui provoquent l'atonie de tous les tissus contractiles à un degré quelconque, etc. La contractilité dont on suppose doués les capillaires a été considérée comme une cause du mouvement du sang dans les vaisseaux; mais cette contractilité est- elle réelle? Et dans l'affirmative, quelle part peut-elle prendre à la circulation? Bichat, qui soutenait que le sang, une fois parvenu dans les capillaires, était soustrait à l'action impulsive du cœur, faisait jouer un grand rôle à la contracti- lité organique insensible de ces vaisseaux. Pour lui, cette contractilité était l'uni- que cause du mouvement du fluide sanguin dans les vaisseaux intermédiaires aux artères et aux veines ; l'impulsion unique et uniforme du cœur s'arrêtait aux systèmes capillaires. D'après ses idées, la contractilité, mise en jeu avec plus ou moins d'intensité, imprimerait une foule de modifications au cours du sang dans les diverses parties ; elle rendrait à elle seule la circulation plus rapide à la peau lors d'une transpiration abondante, d'une irritation vive, dans les glandes, au moment de l'hypersécrétion, et enfin plus accélérée dans tels tissus que dans tels autres pour les besoins de la nutrition. Bichat, sans avoir suffisamment prouvé la contractilité des capillaires, en fait donc une force motrice puissante; mais sa grande erreur est d'atti'ibuer à elle seule le mouvement du sang dans les petits vaisseaux. Les modernes s'accordent peu sur l'existence de la contractilité des capillaires. CIRCULATION CAPILLAIRE. 535 Magendie et Poiseuille la nient formellement, en s'appiiyant sur des expériences peu concluantes; d'autres l'admettent sans pouvoir s'entendre sur ses carac- tères. L'observation microscopique fait voir clairement que les capillaires sont susceptibles d'éprouver tour à tour un resserrement et une expansion plus ou moins considérables, de manière à devenir, à certains moments, assez larges pour laisser passer plusieurs globules de cliamp, et à d'autres assez étroits pour n'en admettre qu'un seule fdc. Ainsi le froid et les irritations mécaniques déter- minent un resserrement lent, qui, à la vérité, porte principalement sur les fines artérioles et les premières veinules fonctionnant d'ailleurs comme les véritables capillaires. Elle se comprend dans ces petits vaisseaux, parce qu'ils ont plusieurs tuniques et des fibres musculaires lisses, mais elle s'explique plus difficilement dans les autres. En effet, on ne voit pas bien comment les parties centrales du système capillaire , réduites à des parois simplement épithéliales , pourraient éprouver des alternatives de contraction activeet de relâchement, à moins que le contenu protoplasmique des cellules épithéliales, que la paroi même de ces cel- lules ne jouisse d'une contractilité sarcodique tenant, à un certain degré, lieu de la contractilité musculaire. En tout cas, les contractions que Éberth, Stricker et d'autres ont cru observer sur les animaux inférieurs, sur les larves de batra- ciens, doivent être peu marquées, si elles sont réelles. M. Vulpian ne les a jamais vues dans ses nombreuses recherches sur les grenouilles ; mais elles ont pour équivalents, ou à peu près, les resserrements dus à des causes diverses et qui se lient à ceux des autres parties du système vasculaire. Quoi qu'il en soit, à cet égard, comme les artérioles et les veinules les plus ténues qui confinent les vérita- bles capillaireSj'sont manifestement Contractiles, elles semblent dispenser ceux-ci de l'être, et le résultat définitif est sensiblement le même. La contraction des petits vaisseaux n'est ni péristaltique, ni rhythmique; elle peut s'opérer sur une grande étendue à la fois, sur une région entière ou sur un point circonscrit, donner lieu à un rétrécissement à la suite duquel est une dila- tation. Cette contraction peut être mise en jeu très rapidement, au point de faire pâlir les tissus, de les rendre presque exsangues en un instant, comme cela arrive à la peau sous l'impression brusque du froid ou par le fait d'une émotion un peu vive. Elle s'affaiblit et s'épuise également très vite : aussi à la contraction succède un relâchement d'autant plus considérable et plus prolongé que le resserrement a été porté plus près de ses limites. La contractilité des capillaires du plus grand diamètre ou de ceux qu'on pour- i-ait appeler les capillaires artériels et veineux, est sous la dépendance du système nerveux et elle peut, comme celle des artères, ressentir manifestement l'influence de ce système. Il a été prouvé, il y a long-temps, que la galvanisation des filets du sympathique qui se rendent à la sous maxillaire fait resserrer, sinon les capil- laires, au moins les petits vaisseaux de cette glande. La galvanisation du filet cer- vical fait contracter aussi très visiblement les vaisseaux de l'oreille du lapin, et en restreint l'hémorrhagie s'ils sont blessés. On admet que les vaso-moteurs peuvent faire resserrer les petits vaisseaux jusqu'à effacement de leur cavité, par 1. Vulpian, Leço7is sur l'app. vaso-moteur, t. I^^, p. 73, 536 DE LA CIRCULATION. conséquent, jusqu'à réalisation de l'anémie des tissus, anémie qui entraînerait quelquefois la suspension de l'action ou la paralysie des tissus et, conséculivement, des organes, C'est de cette façon, dit-on, que serait déterminée parfois l'arrêt des mouvements du cœur et de certains autres organes contractiles. Souvent cette influence s'exerce par action réflexe. Les émotions, par exemple, font pâlir le visage de l'homme, quand elles donnent lieu ù une contraction des petits vais- seaux du derme; elles le font rougir, au contraire, si elles provoquent un relâ- chement. Peut-être les corps froids appliqués sur la région du cou arrêtent-ils l'épistaxis en donnant lieu à une action réflexe de ce genre. La contraclilité des capillaires joue un rôle analogue à celle des artères. D'abord elle laisse les voies larges ou les restreint, suivant qu'il faut augmenter ou diminuer l'irrigation sanguine des tissus; puis elle ajoute une impulsion sup- plémentaire à celle que le sang a reçue dans le cœur et qui est déjà très affaiblie à l'entrée des petits vaisseaux. Elle donne au système capillaire la fonction d'un cœur périphérique. Étant resserré ou à l'état de systole, il entrave le passage du sang; dilaté, au contraire, il le rend plus facile. Ainsi il règle l'abondance et la vitesse de l'afflux sanguin dans les diverses parties, et, sous ce rapport, son rôle devient extrêmement important dans les actes de la nutrition et des sécrétions. La contraction des petits vaisseaux n'augmente pas seulement l'impulsion du sang; elle modifie la rapidité de sa marche. Dans un capillaire isolé, le resserre- ment accroît peut-être la vitesse; les globules qui marchent avec lenteur, sur plusieurs rangs, semblent devoir progresser plus vite une fois qu'ils se placent à la file les uns des autres. Mais dans un petit système, celui d'un organe isolé, tel que le rein, le foie, le resserrement doit diminuer le débit des artères dans les veines, et la dilatation doit forcément l'accroître. En d'autres termes, la masse du sang qui, en un temps donné, passe à travers un petit système capillaire, se réduit dans le même rapport que le calibre des vaisseaux. La couche stagnante du plasma paraît devoir, en etlét, ralentir d'autant plus la marche du liquide que les canaux deviennent plus ténus. Ainsi, daprès Poiseuille, si un vaisseau de 1 centième de millimètre laisse, en un temps, donné passer 16 volumes de liquide, un vaisseau de 1 deux-centième n'en laissera plus passer dans le même temps qu'un seul volume. Pour les vaisseaux d'un calibre donné, le ralentissement croît avec la longueur, d'où il suit que l'écoulement est en raison inverse de l'étendue des canaux ^ Si le débit des capillaires est en partie subordonné au calibre de ces vaisseaux, ce débit, à son tour, contribue largement à régler celui des artères. Aussi la tension du sang artériel diminue et le pouls devient fréquent dès que le sang passe en grande quantité des capillaires dans le système veineux, ou, en d'autres termes, dès que le débit des petits vaisseaux approche de son maximum. Le cours du sang dans les capillaires est encore influencé par une foule de causes extérieures dont l'action est beaucoup moins sensible ou nulle sur la cir- culation, soit artérielle, soit veineuse. Parmi ces causes, les unes resserrent, les autres dilatent les petits vaisseaux, et c'est par suite du resserrement, ou de la 1. Poiseuille, Recherches sur le mouv. des liq. dans les tubes de i^etit diam. {Mem. des sac. éfrcmg., t. IX). CIRCULATION CAPILLAIRE. 537 dilatation plus ou moins prononcée et plus ou moins durable que la circulation capillaire est modifiée. L'air froid que Cullen regardait comme l'un des astringents les plus éner- giques, l'eau froide, la glace rétrécissent très rapidement les petits vaisseaux, font pâlir les parties, y diminuent l'abord du sang et y rendent son mouvement plus lent et plus difficile. Parfois même ces agents arrêtent le cours du liquide dans un certain nombre de petits vaisseaux. Poiseuille pensait qu'ils augmentaient l'épaisseur de la couche de sérum et son adhérence avec les parois capillaires. Diverses excitations physiques, les piqûres notamment, les resserrent pour un instant ; les astringents, tels que l'alun, l'acétate de plomb, en diminuent le dia- mètre d'une manière plus ou moins durable. Mais une fois que ces agents cessent d'agir ou même après que leur action a un peu duré, il se pj-oduit une réaction caractérisée parle retour des vaisseaux à l'état normal, et souvent par une dila- tation exagérée, car la contractilité s'épuise dès qu'elle a été un peu prolongée, et le relâchement est d'autant plus étendu et plus durable que la période de res- serrement a été plus longue. On sait, en effet, que les phlegniasies des muqueuses des voies respiratoires sont d'autant plus violentes que Faction du froid sur elles a été plus soutenue. D'autres causes produisent un effet inverse. La chaleur dilate considérablement les petits ^vaisseaux et diminue probablement l'adhérence de la couche de sérum avec les parois vasculaires. Aussi elle accélère beaucoup la circulation dans les capillaires. Les rubéfiants, les sinapismes, produisent un résultat analogue. Le chlorure de sodium les dilate promptement, mais comme il agit chimiquement sur les globules, il les fait adhérer aux parois et peut donner lieu à des embarras circulatoires. Le nitrate de potasse, l'iodure de potassium qui exagèrent, dit-on, la dilatation, rendent le cours du sang plus facile. Divers agents chimiques associés au sang pourraient ralentir le cours de celiquide, sans modifier l'état des vaisseaux capillaires. Ainsi le chlorure de sodium, le sul- fate de potasse, le sulfate de soude, les carbonates alcalins produisent cet effet dans les tubes très lins,' d'après Poiseuille. Mais il n'est pas sur qu'ils agissent de la même manière sur les vaisseaux. Les différents états du sang doivent aussi, sans doute, exercer une influence sur la circulation capillaire. L'augmentation dans la quantité des globules, en rendant ce liquide plus dense et plus apte à adhérer à la couche immobile de plasma, ralentit quelque peu son cours dans les très petits vaisseaux. Les divers états chimiques du sérum exercent peut-être une action analogue, car Poi- seuille a vu dans les tubes capillaires passer certaines solutions plus vite que d'autres. Quelques conditions physiologiques ou morbides peuvent apporter encore de très notables changements dans l'état des systèmes capillaires. Ainsi, lors du frisson qui marque le début de la fièvre ou qui résulte de certaines émotions, le système capillaire périphérique semble resserré, et les artères doivent être très remplies. Au contraire, lors de la réaction, alors que la chaleur revient à la peau, le système capillaire des téguments se dilate et s'injecte fortement. Il est clair que la pâleur, le refroidissement des parties tient à l'affaissement des capillaires, 538 DE LA CIRCULATION. à la diminution de l'abord du sang, au ralentissement de son cours, tandis que le gonflement, l'expansion des tissus, la coloration du tégument, l'élévation de la température résultent d'un afflux sanguin plus considérable et, partant, d'une accélération dans le cours du liquide. Ces alternatives de pâleur et d'injection des systèmes capillaires se reproduisent dans tous les organes sous l'influence du repos ou du travail fonctionnel. La muqueuse de l'estomac, le tissu des glandes salivaires, du pancréas, sont pâleg lors de l'inaction ; ils rougissent quand ces parties arrivent à la période de sécré' tion . L'irritation qui aboutit à l'iiypérémie et à l'état inflammatoire dilate les vais- seaux capillaires. Dès le début de cet état, ces vaisseaux renferment une grande quantité de sang; mais on ne sait pas bien si l'afflux exagéré dont ils sont le siège est la simple conséquence de leur dilatation, ou si elle résulte d'un accrois- sement d'impulsion donnée au liquide par la contraction des artérioles voisines des capillaires. Dans tous les cas, après la période congestive, la marche du sang se ralentit, s'embarrrasse et finit par s'arrêter. Sous l'influence de ce qu'on appelle l'inflammation, l'état des capillaires, de leur contenu et les propriétés de leurs parois se modifient. Les globules tendent à adhérer entre eux, le plasma à se coaguler, les cellules épithéliales des parois à se désagréger; aussi, dit-on depuis les observations de Cohnheim, que les globules blancs s'échappent à travers ces parois, soit par des solutions de continuité, soit par le mécanisme sarcodique dont il sera question à propos de la nutrition et des sécrétions. CHAPITRE LIX DU COURS DU SANG DANS LES VEINES Le sang que le cœur a lancé dans les artères et de là dans les capillaires doit être ramené à son point de départ, en suivant un trajet inverse à celui qu'il a déjà parcouru : c'est par les veines que ce retour s' effectue et que se complète l'itinéraire de la circulation. Examinons donc les caractères de la progression du fluide nutritif dans le système veineux, et les forces sous l'influence desquelles il y est mis en mouvement. L — CAEACTÈRES DU COURS DU SANG DANS LES VEINES. Le sang qui, dans les artères, se meut du centre vers la circonférence, du cœur vers les capillaires, progresse au contraire, dans les veines, de la circonfé- rence au centre, des capillaires vers le cœur. Césalpin ^, le premier, reconnut ce fait en considérant que les veines superficielles, comprimées par le doigt ou par une ligature, se gonflent au-dessous de l'obstacle, c'est-à-dire entre lui et les parties d'où le sang est ramené. Plus tard, Harvey le démontra par la disposi- 1. Césalpin, Quœstionum peripaf., lib. V. Venise, 1593. , COURS DU SANG DANS I.FS VEINES. 539 tion des valvules dont lo l)ord libre est touriK'' vers le cœur, valvules qui s'ap- pliquent contre les parois des vaisseaux quand le sang marclie vers cet organe, et qui, au contraire, se tendent en travers pour lui barrer le passage dès que ce fluide tend à rétrograder du centre vers la circonférence. Enfin, il suffit de couper en travers la jugulaire d'un animal vivant, pour voir que le segment supérieur verse du sang, tandis que linlérieur n'en laisse pas écouler, preuve évidente que le fluide qui marche dans cette veine va de la tête vers le cœur et non du cœur vers cette dernière. Les cas dans lesquels le sang des veines semble progresser du centre vers la périphérie seront appréciés plus tard. La vitesse avec laquelle le sang se meut dans les veines est beaucoup moins grande que celle du mouvement de ce tluide dans le système artériel. La diffé- rence entre ces deux vitesses tient à la diflërence même qui existe entre la capa- cité des veines et celle des artères. Il est facile de voir, d'après l'examen le plus superficiel du système vasculaire, que presque partout les veines sont plus nom- breuses que les artères, et que, dans toutes les parties, les premières ont un dia- mètre bien supérieur à celui des secondes. Ainsi, chez les solipèdes,aux membres antérieurs, outre les veines satellites des artères, il y a sur le trajet de l'avant- bras une sous-cutanée antérieure et une interne; aux membres postérieurs, une veine superficielle à la face interne du jarret, de la jambe et de la cuisse ; au tronc, une sous-cutanée thoracique, une azygos. Dans les parties où une seule veine correspond à une artère, comme la glosso- faciale à l'artère du même nom, la jugulaire des solipèdes à la carotide, les divisions des veines pulmonaires à celle de l'artère homologue, les branches intestinales de la veine porte à celles de la grande et de la petite mésentérique, les veines surpassent toujours les artères sous le rapport du volume. La différence, telle qu'on peut l'obtenir en comparant ces deux ordres de vaisseaux, très dilatés par le sang sur les animaux vivants ou sur les cadavres par les injections, a été évaluée par plusieurs physio- logistes. Borelli a prétendu que les veines, dans leur ensemble, avaient quatre fois la capacité des artères, et Haller seulement un peu moins du double du xolume de ces dernières. L'aire de la jugulaire du cheval, vers le milieu du cou, est quatre fois celle de la carotide au même niveau ; cette aire, dans le droma- daire, est encore proportiellement plus considérable, car elle est de 16 centimètres carrés. Mais les rapports changent très notablement suivant les régions de l'éco- nomie et suivant que les veines sont plus ou moins rapprochées de leur abouche- ment aux oreillettes du cœur. L'aire des veines dépasse d'autant Iplus celle des artères que les premières sont plus rapprochées des systèmes capillaires ; elle diminue à mesure que les vaisseaux avancent vers le cœur, car toujours le tronc veineux qui dérive de la fusion de plusieurs branches a une lumière plus petite que la somme de la lumière de ces branches. Enlin, une fois que les deux veines caves sont constituées, l'aire de ces vaisseaux dépasse fort peu celle des deux troncs aor tiques correspondants. Il résulte de ces dispositions anatomiques : 1° que le cours du sang doit être plus lent dans les veines que dans les artères ; 2° qu'il doit être de moins en moins lent à mesure que le sang se rapproche de l'organe central de la circula- tion. Or, en admettant que la capacité des veines soit généralement à peu près g40 I5E LA CIRCULATION. double de celle des artères, il est évident que la vitesse du sang dans le système veineux sera moitié moindre que celle du sang artériel. Ces deux vitesses devien- dront peu différentes l'une de l'autre dans les gros troncs, car il faut, de toute nécessité comme nous le démontrerons plus tard, que dans un temps donné les veines pulmonaires apportent à l'oreillette gauche autant de sang que l'artère pulmonaire en emporte du ventricule droit. Il faut de même que les veines caves versent dans le cœur autant de sang que l'aorte antérieure et la postérieure en reçoivent. La détermination exacte de la vitesse du sang dans les différents points du sys- tème veineux, et l'appréciation rigoureuse du rapport qui existe entre elle et celle du san"- artériel, ne peuvent être établies expérimentalement. Les quantités de sano- obtenues par des sections de veines et d'artères qui se correspondent n'ap- prennent absolument rien à cet égard, puisque l'abondance de Técoulement san- guin dépend de la pression éprouvée par les fluides dans leurs vaisseaux respec- tifs, pression infiniment plus forte dans les artères que dans les veines. Néan- moins cette détermination a été tentée par divers expérimentateurs. Volkmann a cru pouvoir évaluer la vitesse dans la jugulaire du chien à 22 centimètres par seconde, un autre à 3 centimètres dans le tronc de la veine porte, à 1 centi- mètre 1/2 dans les veines sus-hépatiques. Si ces évaluations étaient exactes, la vitesse moyenne du sang veineux varierait de la moitié, aux 3 cinquièmes delà vitesse du sang artériel. Elle serait de 3 à 45 fois plus grande que dans le système capillaire. La progression du sang dans les veines est régulière, continue, sans intermit- tences sensibles, à moins de circonstances exceptionnelles. Les reines mises à découvert surl'animal vivant, la jugulaire, les mésaraïques,par exemple, n'éprou- vent pas de dilatation et de rétrécissement alternatifs; elles ne donnent au doigt qui est appliqué à leur surface aucune marque de pulsation: leurs courbures, leurs sinuosités diverses conservent constamment le même aspect; et ne montrent rien d'analogue aux mouvements des flexuosités artérielles. Cependant le carac- tère saccadé du mouvement du sang est encore quelquefois sensible, à un faible degré, dans les veines. C'est lorsque le mouvement intermittent dû à l'action du cœur n'est pas tout à fait transformé dans les capillaires en mouvement continu et ré-^ulier. Knig a en effet reconnu, à l'aide de leviers formés par des filaments de cire fixés à la peau, que sur l'homme dont la circulation est un peu surexcitée, les veines superficielles du front et de la main donnent des pulsations sensibles isochrones à celles du cœur et des artères. Ces pulsations rudimentaires, quand elles sont appréciables, doivent être considérées comme le résultat, non encore éteint, de l'action saccadée du cœur; elles sont étrangères aux pulsations beau- coup plus fortes, dues au reflux dont nous rechercherons tout à l'heure le mé- canisme. Mais la progression du sang veineux devient forcément saccadée dans les parties centrales du système, par suite de la contraction des extrémités des veines caves et de l'aspiration opérée sous l'influence du mécanisme respiratoire. Ce point mérite un instant d'attention. Chez les solipèdes, la veine cave antérieure, après avoir reçu la cervico-mus- culaire et la veine dorsale, forme un gros tronc couché sous la trachée qui prend COUHS DU SANG DANS LES VEINES. 541 des [larois rougeùtres et musculaires 8 ù lU centimètres a\ant d'entier dans le péricarde; et surtout dans celte poche où elle s'élargit et se courbe à la manière d'un col de cornue. Le sinus qu'elle forme, à partir du point où apparaissent les libres musculaires rouges, a environ 15 centimètres de longueur et il s'unit à l'oreillette au niveau d'un raplié circulaire; ses libres sont rassemblées en fais- ceaux obliques, entrecroisés, qui s'arrêtent presque tous à l'anneau doublant le raphé circulaire. Or ce sinus jouit, sur toute son étendue, d'une contraction régulière, rhythmique. que Wallœus^ paraît le premier avoir constatée sur le chien, et Sténon sur le cheval. D"après mes observations ", les mouvements pul- satileset rhythmiques sont en nombre égal à ceux du cœur : la systole du sinus coïncide avec celle de l'oreillette et la diastole du premier avec la diastole de la seconde. C'est par exception, et dans le cas où les battements du cœur deviennent irréguliers, que l'isochronisme entre les pulsations du sinus et celles des oreil- lettes disparaît momentanément. Les pulsations du sinus de la veine cave supérieure ne dépendent ni des secousses du cœur, ni des contractions de l'oreillette; elles ne tiennent pas da- vantage au retlux du sang du cœur dans la veine. En appliquant soit une liga- ture, soit une pince à pression continue à l'insertion du vaisseau, on les voit persister avec leur intensité et leur caractère ordinaires ; néanmoins, dans ce cas, elles s'affçiiblissent et s'arrêtent une fois que la veine cave est arrivée à son degré extrême de dilatation . La systole du sinus, si énergique qu'elle soit, ne donne lieu qu'à une légère réduction du diamètre de la veine, elle n'eu efface jamais la lumière : aussi le courant sanguin qu'elle pousse vers le cœur y coule tout d'un trait et sans inter- mittences. Au moment de cette systole, le sang éprouve dans toute la longueur de la veine cave un mouvement ondulatoire accompagné d'un reflux dirigé du cœur vers l'entrée du thorax; mais ce reflux est faible et étranger à ce qu'on appelle le pouls veineux. Les contractions rhythmiques de la veine cave supérieure paraissent avoir pour usage de faciliter et de régulariser l'abord du sang dans le cœur ; elles semblent surtout utiles chez les animaux quadrupèdes dans les moments où ils tiennent la tête inclinée vers le sol pour y prendre leur nourriture, car alors le sang qui monte vers le cœur, contre les lois de la pesanteur, dans les veines où il a l'ha- bitude de descendre, a besoin d'une impulsion additionnelle. Quant à la veine cave postérieure, dépourvue de sinus ou de dilatation termi- nale, elle n'est contractile qu'au niveau de l'anneau dit de Wallœus qu'elle porte à son insertion sur une étendue égale au dixième de son trajet, entre le cœur et la face antérieure du diaphragme. Des mouvements pulsatiles analogues existent à la veine cave supérieure, à l'in- férieure, aux veines pulmonaires et aux autres troncs veineux d'un certain volume chez les batraciens. Ces mouvements, sur lesquels nous n'avons pas à nous 1. Wallœus, Episi. ad BarthoUnum, 1660, inséré à la fin de YAnat. de Bartholin. 2. G. Colin, Sm;- les mouvemefits pulsatiles et rhythmiques du sinus de la veine cave supé- rieure chez les mammifères {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 2.3 septembre 1S62, et Aniialesdes sciences naturelles). 542 DIi: LA CIKCULATION. arrêter, ont été nolés par Spallanzani et étudiés avec soin par Flourcns ^ Indépendamment des pulsations du sinus de la veine cave supérieure et de l'in- sertion delà veine cave inférieure, en nombre égal à celles du cœur, il y aurait encore, si l'on en croit Allison et Wharton Jones, sur le chien, le chat, le bœuf, dans les veines pulmonaires et quelques autres, des contractions répétées 8 à 10 fois par minute. Je parlerai de celles-ci tout à l'heure. Il est cà remarquer que la marche du sang dans les veines est loin d'olTrir, pour tout le système, l'uniformité caractéristique de la circulation artérielle. Le mouvement du sang veineux, moins immédiatement dépendant de l'impul- sion du cœur que celui du sang artériel, peut être accéléré dans une veine et ralenti dans une autre très voisine, isolée de la première ou en communication avec elle par des anastomoses. Ainsi, la circulation peut être gênée dans les veines superficielles d'un membre et parfaitement libre dans les profondes : alors les unes gonflées et tendues, laissent se dessiner leurs réseaux sous- cutanés, tandis que les autres, satellites des artères, conservent leur volume normal. De même le cours du sang peut être ralenti et gêné dans les veines de la tête, ou dans celles de Tintestin, de l'estomac et des autres viscères digestifs, quand l'ab- domen est ouvert, sans que le reste du système participe à cet état. Enfin, s'il arrive que le mouvement de ce fluide soit difficile dans une partie du trajet d'une veine, il n'en conserve pas moins une certaine liberté en d'autres points. Ces variétés dans la tension, le degré de plénitude des veines, la rapidité du mouvement des fluides qu'elles charrient tiennent à l'action d'une foule de causes, et surtout à celle des résistances diverses que les forces motrices du sang veineux ont à vaincre. II. — FORCES MOTRICES DU SANG DANS LE SYSTÈME VEINEUX. Le sang qui arrive dans les veines continue à s'y mouvoir en vertu desimpul= sions initiales et successives qu'il a reçues dans les sections précédentes de l'ap- pareil circulatoire. Il y progresse par la résultante de la force du cœur, de l'élas- ticité, de la contractilité des artères et des capillaires. En outre^ il est soumis à l'impulsion qui dérive des parois veineuses elles-mêmes, aidée de l'action éventuelle de diverses causes qui seront ultérieurement indiquées. L'impulsion puissante produite par les contractions du cœur est sans aucun doute la cause principale du mouvement du sang dans les veines, comme elle l'a été dans les artères et les capillaires. HarVey la regardait comme suffisante polir ramener le liquide à son point de départ; Quoiqu'elle soit nécessairement très afl'aiblie au delà des capillaires, elle est encore assez éilergique pour faire pro- gresser le sang dans les veines. Sharpey a vu, en efl'et, qu'il suffit d'une pres- sion de 9 à 13 centimètres de mercure pour faire passer, sur un chien qu'on • 1. Flourens, Expériences sur la force de contraction propre des veines principales de la grenouille [Annales des sciences naturelles, 1833). COUUS DU SANG DANS LES VEINES. 543 vient de tuer, du sang déiibriné de l'aorte dans la veine cave, et même pour le faire couler en jet assez fort si cette veine est blessée. Oi', une telle pression est bien inférieure à celle que le sang sui>porlc dans le système artériel. C'est bien à tort que Bicliat et d'autres physiologistes tmt nié formellement la transmission au sang veineux de la force impulsive du cœur. Le système vascu- laire, pris dans son ensemble, représentant un cercle dont l'origine et la terminai- son sont au cœur, ne peut, une fois plein et distendu, recevoir continuellement du sang à l'une de ses extrémités sans en rapporter aussi continuellement par l'autre; le cœur lui-même ne peut chasser dans le système artériel que ce qui lui revient par le système veineux. L'action de cet organe s'étend fatalement à toutes les parties du cercle vasculaire, comme si les artères, les capillaires et les veines étaient des tuyaux inertes. Il y a là un simple phénomène d'hydrodyna- mique qui se conçoit sans le secours d'une démonstration. Ce qui montre bien cette action du cœur sur la marche du sang veineux, c'est que dans certains cas où les voies capillaires sont très libres, les pulsations cardiaques rendent saccadé le jet des veines ouvertes. Mais, il est clair que cette impulsion cardiaque déterminant la diastole et le déplacement des artères, la saccade du jet sanguin s'est affaiblie dans les capil- laires et au delà ; elle ne produit pas ordinairement de pulsations veineuses et ne meut point le sang noir avec la vélocité qui caractérise la locomotion du sang artériel. La force impulsive communiquée au sang par le retrait élastique des artères sur elles-mêmes et par leur espèce decontractilité, s'ajoute incontestablement à la première et doit s'étendre comme elle sur tout le reste du trajet que le sang parcourt avant d'être ramené à son point de départ. C'est cette force qui, après la suspension des battements du cœur, la ligature du tronc aortique, etc., pousse dans les capillaires et dans le système veineux la plus grande partie des fluides actuellement contenus dans les artères, d'oii résulte conséquemment cette vacuité des artères du cadavre signalée déjà par les premiers observateurs de l'antiquité. La participation des artères au mouvement du sang veineux est encore rendue manifeste par une expérience de Magendie. Si on lie circulairement la cuisse d'un chien, en laissant hors du lien l'artère et la veine crurales, on voit en ouvrant celle-ci, que le sang noir continue à s'en écouler pendant un certain temps, bien qu'une compression exercée sur l'artère suspende dans la veine l'abord du sang et annihile l'action du cœur au delà du point intercepté; l'écou- lement s'afTaiblit à mesure que l'artère se vide, et quand il s'arrête, on le rétablit et on lui rend peu à peu son abondance première en cessant la compression exercée sur elle. J'ai vu, sur le cheval, après la ligature de l'aorte postérieure au niveau de la grande mésentérique, là saphène et les veines fémorales, ouvertes, donner du sang jusqu'au moment oij l'aorte et ses principales divisions arri- vaient à leur degré habituel de resserrement cadavérique. La saphène, sur laquelle on venait de passer le doigt depuis le jarret jusqu'au niveau de l'ou- verture pour en faire sortir le sang, se remplissait de nouveau. Sans doute^ dans ces conditions, une certaine part d'action doit être attribuée aux capillaires et aux veines, mais la principale revient aux vaisseaux artériels. 544 ^^ LA CIRCULATION. Les capillaires contribuent aussi, dans une certaine mesure, difficile à démon- trer et à préciser, à la progression du sang veineux. Leur participation doit être ici nécessairement très obscure, puisqu'elle est déjà peu caractérisée en ce qui concerne le mouvement du sang dans leur intérieur. D'après Bichat, les capil- laires, par le resserrement insensible dont il les croyait le siège, verseraient cons- tamment dans les veines une nouvelle quantité de sang et communiqueraient à la masse totale contenue dans ces dernières un mouvement non interrompu. L'in- tervention des capillaires a été niée par Poiseuille, d'après les résultats de l'expé- rience suivante : une anse d'intestin de cheval, extraite de l'abdomen par une petite plaie, est liée à ses deux extrémités avec les anastomoses vasculaires ; l'hémodvnamomètre ayant été fixé au segment inférieur d"une veine de l'anse, le sang s'v éleva à la hauteur de 30 centimètres, mais il descendit à celle de 1 cen- timètre seulement, une fois que les artères furent ouvertes et que la seule impul- sion des capillaires agissait sur le sang des veines. Évidemment, lorsque les artères sont ouvertes, si les capillaires exercent une pression sur leur contenu, cette pression tend aussi bien, comme le fait observer Bérard, à pousser le sang vers les artères que du côté des veines ; de plus, comme les capillaires ces- sent de recevoir du sang, il n'est pas étonnant qu'ils cessent d'en chasser beau- coup du côté des veines. Ces premières forces, qui agissent en arrière dans le système veineux, ne sont pas seules à concourir à la progression du sang noir; il en est encore d'autres qui y prennent une part notable ; la plus remarquable parmi celles de cette deuxième série dérive des parois des veines et fait sentir son action à la fois sur toutes les parties du système. Les parois veineuses, beaucoup plus minces que celles des artères, sont foi"- mées essentiellement par une tunique interne, mince, pellucide, et par une mem- brane externe d'aspect fibreux, qui possède une grande résistance, une extensi- bilité très marquée et une rétractilité manifeste, due partout à l'élasticité et en quelques points à une véritable contractilité. Dans toute l'étendue du système, les veines sont susceptibles d'une extension considérable, suivant leur longueur et leur diamètre ; partout aussi elles jouissent de la propriété de revenir sur elles-mêmes, c'est-à-dire de se raccourcir et de se rétrécir, mais cette propriété est spécialement exagérée dans certaines veines, comme à la jugulaire des grands animaux, à cause de l'étendue et de la variété des mouvements de l'encolure, aux axillaires, aux veines du fourreau des solipèdes, à la splénique des ruminants. Elle est, au contraire, très limitée dans les veines dont la surface externe est très adhérente aux parties environnantes, comme aux veines des sinus rachidiens, à l'azygos, aux veines hépatiques , enfin , aux brachiales et au golfe des jugu- laires qui sont fixées circulairement, comme l'a fait voir Bérard, à l'entrée du thorax, de manière à demeurer toujours béantes. C'est par suite de cette rétrac- tilité que les veines s'affaissent à mesure qu'elles se désemplissent et qu'elles finissent par se réduire à un diamètre très exigu en plusieurs circonstances, comme on le voit si souvent aux veines sous-cutanées. La force de rétraction des veines, plus prononcée sans doute dans les petites divisions que dans les grosses branches, doit prendre quelque part à l'impulsion COURS DU SANG DANS LES VEINES. 545 (hi sang noir. J'en donne pour preuve expérimentale les résultats de la ligature de Taorte. Si, après avoir lié ce vaisseau vers les mésentériques, on examine les veines superlicielles du membre postérieur, la saphène et ses branches afférentes, on voit que le sang continue à y marcher [leiidant un certain temps par suite de sa projection des artères dans les systèmes capillaires ; de plus, on remarque, et ceci est le point important, (jue les veines ne se laissent point distendre outre mesure parle sang (pfelles reçoivent; en revenant sur elles-mêmes, elles en chassent une bonne partie vers les grosses divisions du bassin et de l'abdomen. Dans tous les cas, il ne faudrait pas s'exagérer l'influence de cette rétraclilité que mille faits montrent généralement très faible : les veines se gonflent et lais- sent refluer le sang vers les parties déclives ; une portion de veine, pleine de sang et comprise entre deux ligatures, se vide lentement par une blessure si elle est peu distendue sur l'animal vivant comme sur le cadavre ; une veine ouverte après la mort et pleine de sang encore fluide se vide fort incomplètement si elle est maintenue dans une direction telle que les fluides ne soient pas sollicités à se déplacer en vertu de leur propre poids ; le système veineux reste, après la mort, gorgé des fluides dont se sont débarrassés les artères et les systèmes capillaires. De plus, par leur contraction, les veines peuvent encore accroître l'impulsion du sang. Leur contractilité dans l'ensemble du système ne saurait être niée. Déjà nous l'avons vue très marquée au sinus de la veine cave supérieure et à l'anneau terminal de la veine cave inférieure. Elle existe encore dans tout le reste du système vasculaire, non plus avec un caractère pulsatile et rhythmique, mais avec le caractère lent, insensible qu'elle offrait dans les artères et dans les petits vaisseaux capillaires. En effet, d'après tous les micrographes, les. veines, à compter des plus petites, présentent dans leurs tuniques moyennes des fibres musculaires lisses, annu- laires, associées aux fibres conjonctives et aux flbres élastiques ; elles en ont encore souvent, comme on l'a vu dans l'épaisseur de la tunique interne des veines utérines et intestinales. Il n'y a d'exception que pour les veines du pla- centa, des os, de la substance cérébrale, des sinus cérébraux et rachidiens. En outre, dans la tunique externe de quelques veines, comme les sus-hépatiques, la splénique, la rénale, l'azygos, il y a des lacis de fibres contractiles. Elles for- ment, sur les solipèdes et les ruminants, une couche blanchâtre surajoutée, d'une énorme épaisseur, dans la veine cave postérieure au niveau de la scissure du foie, couche qui s'étend en s'amincissant, d'une part, jusqu'au niveau des rénales, de l'autre, jusqu'au centre phrénique et autour des divisions sus-hépa- tiques. Elles renforcent aussi les parois de la veine porte du bœuf, depuis l'an- neau du pancréas jusque dans les parties profondes de la scissure inférieure. Cuvier a trouvé un renforcement de ce genre à la veine cave postérieure de l'autruche, et Duvernoy à la veine porte du squale. Grâce à ces éléments musculaires, il n'est aucune veine qui ne soit plus ou moins contractile et conséquemment capable d'ajouter une certaine impulsion au sang qu'elle charrie. En effet, Verschuir, Hastings avaient déjà vu les veines se contracter sous l'influence d'irritations mécaniques ou chimiques ; Nysten avait provoqué par le galvanisme des contractions dans l'azygos et la veine cave. 0. COLIN.— Physiol. corap., 3"^ édit. II. — 35 546 Dfc; LA CIRCULATION. Kôlliker a vu sur la jambe de l'homme prise immédiatement après une amputa- tion, la saplicne, la tibiale postérieure se contracter sous rinfluence d'un courant d'induction, au point d'expulser leur contenu et de se réduire à l'état de cordons blanchâtres. On sait, d'ailleurs, que par l'action du froid toutes les veines super- ficielles, particulièrement celles de la peau, se resserrent au point de devenir à peu près invisibles. La contraction produite dans la plupart des veines par les éléments muscu- laires lisses de la tunique moyenne paraît être généralement une contraction lente, très différente de celle qui appartient au sinus de la veine cave supérieure et à l'anneau terminal de la veine cave inférieure. Elle a autant pour but de régler le calibre des veines, de le proportionner aux quantités de liquide à con- tenir que d'accroître l'impulsion du sang noir. Cette contraction ne donne pas lieu, comme celle du sinus de la veine cave, à une pulsation ; elle n'a aucun caractère rhythmique. Néanmoins, par exception, sur quelques animaux, comme aux ailes des chauves-souris, Wharton Jones et Vircliow ' ont observé qu'elle se manifestait sous la forme d'ondulations très peu étendues, très lentes et très régulières, plus rares que les mouvements du cœur, mais plus fréquentes que ceux de la respiration. Le premier de ces observateurs en a compté 8 à 10 par minute, et il a vu qu'elle réduisait le calibre du vaisseau d'un quart ou même davantage. Il ne les a pas constatées dans les autres veines superficielles. La diastole des oreillettes, par l'espèce d'aspiration qu'elle produit sur le sang des gros troncs veineux, prend aussi une certaine part à la progression du sang noir. Wedemeyer, après avoir lié la jugulaire du cheval et adapté au-dessous de la ligature un tube recourbé dont l'extrémité libre plongeait dans l'eau, a vu immédiatement après chaque pulsation du cœur, l'eau s'élever à la hauteur de quelques pouces dans ce tube et redescendre ensuite. J'ai fait une petite ouver- ture soit à la jugulaire vers la première côte, soit à une des grosses veines à leur entrée dans le thorax, et j'ai vu aussi qu'après chaque pulsation une petite quan- tité d'air s'engouffrait avec bruit dans le vaisseau dont les parois étaient ouvertes. Le même phénomène s'observe aussi quelquefois sur le cheval quand le canal thoracique est coupé en travers à son insertion dans le système veineux. La dilatation du thorax, lors de l'inspiration, exerce sur les oreillettes du cœur, sur les grosses veines qui y aboutissent, et, de proche en proche, sur tout le reste du système une action aspiratrice analogue à la première, mais plus énergique et moins répétée. Haller avait déjà noté en plusieurs circonstances que des veines rapprochées du cœur pâlissent en s'affaissant au moment de l'inspira- tion, tandis qu'elles se gonflent lors de l'expiration. Haies, en adaptant un tube à la jugulaire de plusieurs animaux, a pu voir le niveau du sang dans ce tube vertical osciller beaucoup suivant l'état de la respiration et le développement des efforts. Magendie, en fixant du côté du cœur une sonde à la jugulaire, a vu l'air aspiré à chaque mouvement d'inspiration. Enfin Barry, ayant enfoncé dans la jugulaire un tube recourbé dont l'extrémité inférieure plongeait dans l'eau ou dans un fluide coloré, a constaté aussi que ce liquide monte dans le tube à chaque li Virchow, Pathologie cellulaire, 1'^ édit. Paris, 1860, p. 100. COUKS DU SANG DAiNS LES VEINES. 547 FiG. 181. inspiration cl en descend à cliaiiue expiration. J'ai réputé cette expérience très simple avec un tube recourbé dont les deux branches, longues chacune de 40 centimètres, formaient entre elles un angle de 30 degrés. La jugulaire étant liée, Tune des brandies du tube l'ut introduite dans une ouverture faite à la veine au-tlessous de la ligature et poussée jusqu'à l'entrée du thorax ; l'autre branche, verticale et graduée, plongeait dans un llacon [ilein d'eau. Alors on voyait à chaque inspiration le niveau du liquide du tube monter de 2, 3, 4 ou d centimètres, puis redescendre de la même quantité à chaque expi- ration. Dans les inspirations véhémentes et dans les elïorts violents, les oscillations avaient une am- plitude de beaucoup supérieure à celles-là, comme de 8 à 10 centimètres. En examinant avec soin les déplacements du liquide, on pouvait distinguer dans le mouvement oscillatoire total deux autres mouvements : l'un faible, dépendant des batte- ments du cœur: l'autre, plus étendu, dérivant des mouvements respiratoires. Le liquide s'élève à chaque diastole des oreillettes et à chaque inspi- ration ; il s'abaisse, au contraire, à chaque systole des oreillettes et à chaque expiration. Il importe de remarquer que ces effets ne sont bien manifestes qu'autant que le tube descend dans la jugulaire jusqu'à l'entrée du thorax, sinon la veine, vide au-dessous de la ligature, s'affaisse par la pression atmosphé- rique et transmet très mal au tube l'action du cœur et de la poitrine. L'action aspirante du thorax sur le sang veineux, lors de l'inspiration, donne lieu souvent, si les veines sont ouvertes pendant les opérations chirurgicales, à l'introduction d'une plus ou moins grande quantité d'air. Cet accident, dont les conséquences sont graves, souvent mortelles, se produit avec une extrême facilité vers le golfe des jugulaires, à l'origine de la veine cave antérieure, à l'insertion du canal thoracique ; il peut avoir lieu encore à la jugulaire ouverte au milieu du cou si l'opérateur cesse brusquement la compression de la veine après le coup de flamme, car alors le sang du segment supérieur s'échappe par la plaie, et le segment inférieur éprouvant une expansion appelle l'air avec plus ou moins de force. Il en est encore ainsi quand on introduit un entonnoir vide dans cette veine pour pratiquer des injections médicamenteuses. L'air qui entre dans le vaisseau s'y engouffre avec bruit, rend le sang du cœur spumeux, et, porté sous forme de petites bulles dans les petits vaisseaux du poumon, il crée des obstacles souvent insurmontables au passage du liquide dans les cavités gauches. De là la mort presque instantanée si la quantité d'air est un peu considérable. Wepfer, Méry ont, les premiers, constaté ces faits dont les chirurgiens de ce siècle ont observé de nombreux exemples. La zone d'aspiration du thorax s'étend assez loin chez l'homme. On a vu, pen- dant des opérations chirurgicales, l'air entrer par des veines du milieu du cou, de la partie supérieure du bras et même par la faciale, au niveau du bord infé- 548 DE LA ClHCliLATlON. rieur du maxillaire ; mais dans la partie reculée de celle zone la (|uantilé d'air qui peut être aspirée est faible et ordinairement insuiïisanle pour donner lieu à la mort. Si l'inspiration appelle le sang veineux vers le thorax, l'expiration, par contre, crée un obstacle à son entrée dans la poitrine ; elle refoule même ce liquide avec une grande énergie au moment des efforts. Tout le monde suit qu'alors les veines du cou, de la face, des tempes se distendent par le sang qui y stagne. Les accès de toux, chez les enfants, congestionnent la face, comme le fait souvent le rire à tous les âges. La double action du thorax sur le sang veineux, l'appel, lors de l'inspiration, et le refoulement lors de l'expiration se mesurent très bien à l'aide du manomètre de Poiseuille. Cet instrument contenant une dissolution de bicarbonate de soude étant adapté par une de ses branches à la partie inférieure de la jugulaire, on voit, lors de l'inspiration, le liquide attiré descendre dans la branche libre de 7 à 9 centimètres et remonter de 6 à 8 au moment de l'expiration. Lors des efforts, il peut descendre de 25 centimètres pendant l'inspiration et remonter de 15 dans l'expiration. L'action exercée par les mouvements respiratoires sur le sang noir ne porte pas seulement sur les gros troncs veineux du thorax et sur les veines voisines de cette cavité ; elle s'étend au loin et de proche en proche, puisque le vide ne peut se former dans le système veineux, et que le sang situé vers l'organe central doit être suivi par les quantités qui se trouvent en arrière des premières. Ce fait, nié par Poiseuille, m'est démontré par l'expérience suivante faite sur le cheval : Après avoir lié la jugulaire vers le milieu du cou, de manière à soustraire le sang du segment supérieur à l'action aspiratrice directe du cœur et du thorax, j'ai ouvert ce segment et j'y ai adapté l'hémodynamomètre dont je me suis servi pour les artères. Or, le sang qui, lors d'un effort violent, s'était élevé à une hau- teur de 90 centimètres, descendit bientôt à 80, puis à 48. Une autre fois, après une ascension de 1 mètre, il descendit à 50 centimètres. Evidemment, c'est dans ce cas par les anastomoses de la jugulaire avec les vertébrales, les cervi- cales supérieures que l'influence du cœur et du thorax se fait sentir sur le con- tenu de cette veine. Les puissances diverses qui concourent à la progression du sang ont souvent pour auxiliaires les mouvements des artères, ceux des muscles, la pression des téguments qui recouvrent les veines superficielles, et celle des parties de toute nature qui entourent ces vaisseaux. L'influence des battements artériels que l'on a considérée comme très importante n'est pas susceptible d'une démonstration péremptoire. La raison que Ton a donnée de son utilité n'a pas une valeur incon- testable, car, si les veines accompagnent généralement les artères, c'est peut-être plus pour profiter des routes que la nature a su si habilement tracer aux vais- seaux que pour .laisser aux premières quelques avantages des pulsations des secondes. La pression des téguments et des autres parties est extrêmement utile en prévenant, jusqu'à un certain point, la dilatation extrême des veines et en s'opposant ainsi à la stagnation du sang dans leur intérieur ; son influence devient manifeste par le gonflement que montrent les veines superficielles dénu- COURS DU SANG PANS LES VEINES. 549 dées Pt les mésentériques, la spléniquo, quand les viscèivs abdominaux sont soustraits à la [iression des parois du ventre. Enfin, la contraction musculaire a sur la progression du sang veineux une iniluence très marquée et complexe. D'une part, lorsqu'un muscle ou un groupe de muscles se contracte, il se gonlle et comprime les veines situées entre lui et les aponévroses ou la peau : il en exprime, par conséquent, le sang avec une certaine force, et, une fois que la con- traction cesse, le liquide afllue rapidement des radicules vers les parties vascu- laires qui s'étaient affaissées. D'autre part, toutes les veinules de l'intérieur du muscle, comprises entre les faisceaux, les fascicules, étant également comprimées, le sang qui ne peut guère refluer vers les capillaires, à cause de l'obstacle opposé par les valvules, s'échappe vivement du côté central. Dès que le relâchement survient, la veine vidée se remplit et elle expulse son contenu lors d'une nouvelle contraction, comme cela arrive pendant la marche pour les membres et pendant la mastication pour les muscles des mâchoires, de telle sorte qu'en un temps donné la quantité de sang qui traverse les muscles est beaucoup plus grande qu'à l'état normal. En effet, la jugulaire donne plus de sang pendant la mastica- tion, et la saphène pendant la marche, que dans les temps de repos. En outre, ce sang est chassé de ces vaisseaux avec plus de force : aussi le mouvement des mâchoires renouvelle souvent l'hémorrhagie sur les animaux à phlébite et à thrombus: Dans le cas où les veines sont liées, en un point de leur trajet, la tension de leur contenu s'accroît considérablement par le fait des contractions musculaires. Ainsi j'ai observé sur le cheval que, si le sang s'élève à une hauteur de 80 à 8o centimètres dans le manomètre vertical de Haies, la tète et l'encolure étant immobiles, il monte à 150, 160 et même à 173 centimètres si on force l'animal à mouvoir les mâchoires pendant un quart ou un tiers de minute. L'intensité de la résultante de toutes les forces qui concourent à la progres- sion du sang veineux est beaucoup moindre que celle des forces motrices appli- quées au sang artériel. Elle est si faible que le moindre obstacle, la plus légère compression sur le trajet des veines suffit pour donner lieu à la stagnation et quelquefois à l'arrêt de leur contenu. La tension du sang veineux est en rapport avec cette faible impulsion. Cette tension que Haies croyait très considérable, parce que, pour la déter- rainer, il arrêtait le cours du liquide dans la jugulaire, est en réalité très faible. Magendie l'a trouvée à la jugulaire, pendant les moments de calme, égale à celle que donnerait une colonne de o à 7 millimètres de mercure. Elle a paru un peu plus forte à Volkmann et à Ludwig, soit de 9 à 21 millimètres de mercure ou du 18^ au 6® de la pression du sang artériel. Dans mes expériences, faites en introduisant le manomètre dans une collatérale de la jugulaire, le courant san- guin de celle-ci demeurant libre, elle a été égale à celle d'une colonne de sang de 5 à 10 centimètres, ou tout au plus de 7 millimètres de mercure ; elle a été de 10 à 30 centimètres dans les divisions principales de la mésaraïque du cheval. D'après Volkmann, elle diminuerait progressivement des radicules vers les parties les plus rapprochées du cœur. Ainsi elle serait déjà dans la jugulaire moitié moindre que dans la faciale. Ce dernier observateur a cru voir que cette pression 550 DE LA CIRCULATION. diminuait des petites veines vers les grandes. Ainsi de 44 millimètres qu'elle était dans les petites veines de l'encolure elle tombait à 21 dans le tronc de la jugulaire. La tension n'est point uniforme dans les différentes veines de même calibre. Elle est faible partout où ces vaisseaux sont affaissés, et elle augmente en raison de leur degré de réplétion, lequel dépend en grande partie des obstacles au retour du liquide vers le cœur. Une fois que les veines sont liées, elle devient énorme. Dans ce cas, Haies a vu le sang de la jugulaire monter à plus de 4 pieds dans son tube adapté à la jugulaire de la jument, à 5 pieds 9 pouces sur le mouton, et de 5 à 8 pieds sur le cbien. J'ai vu souvent aussi, sur le cheval, le sang monter dans le manomètre à 1 mètre et demi et même à 2 mètres au moment des efforts, ou presque à la hauteur du sang artériel. Cette tension excessive, due à la ligature ou à un obstacle quelconque, a pour résultat, d'une part, de reproduire les hémorrhagies dans le cas de thrombus ; d'autre part, de provoquer l'épanchement du plasma à travers les parois vasculaires, ou l'infiltra- tion plus ou moins étendue. La résistance des parois veineuses prévient alors leur rupture, et l'on sait qu'elle est très grande, car, d'après Haies \ la jugulaire du chien peut supporter, sans se rompre, une pression de 5 atmosphères ou d'une colonne d'eau de 165 pieds anglais. La veine porte, d'après Wintringham, résisterait à une tension de 6 atmosphères. D'ailleurs, la tension du sang n'augmente pas seulement dans les veines où existent des obstacles à la circulation, tels que caillots, ligatures, elle s'accroît encore dans celles qui communiquent avec les premières ou qui doivent en charrier une partie du sang. Ainsi, Magendie a vu la tension d'une jugulaire augmenter d'un quart, dès qu'on venait à lier celle du côté opposé. L'action de la pesanteur peut augmenter aussi très sensiblement la tension du sang dans quelques parties du système veineux. Si le sang doit monter, pour se rendre au cœur, il marche lentement et stagne, comme on le voit, à la main qui se gonfle et s'injecte si elle est pendante, tandis qu'il coule plus vite s'il des- cend, comme cela arrive à la main levée qui pâlit. On doit tenir grand compte de ces particularités dans la position à donner aux parties malades et surtout aux parties congestionnées ou enflammées. Le mouvement du sang dans les fortes veines peut donner lieu à un bruit doux que l'on a appelle souffle veineux. Il est perceptible à la jugulaire, à la crurale, à l'aide du stéthoscope. On l'entend d'une manière continue ou par inter- mittences lors de la diastole des ventricules, surtout pendant les inspirations profondes, et on le fait cesser en comprimant fortement le vaisseau. Il pa- raît dû, dit-on, au passage du sang d'une partie rétrécie dans une partie plus large. Ce souffle se distingue du souflle artériel, qui est intermittent et synchrone avec le choc du cœur, ou la pulsation artérielle. Le cours du sang veineux est modifié, sous le rapport de sa direction et de sa vitesse, par la présence des valvules et par les anastomoses que les veines éta- 1. Haies, Hœmastatique Exp., XXII, p 173. COURS DU SA^G DANS LES VL.INES. 551 blisscnt entre elles. 11 l'est aussi d'une manière très remarquable sous l'inlluence des mouvements respiratoires. Les valvules veineuses, découvertes en 1574 par Fabrice d'Aquapendente, jouent un rôle important dans la circulation du sang noir. Cependant elles ne sont point indispensables, car elles manquent en beaucoup de points du système veineux. On n'en trouve pas, en ell'et, dans le tronc des veines caves antérieure et postérieure, dans celui de la veine porte depuis l'anneau du pancréas, dans les veines sus et sous-bépatiques, dans les veines pulmonaires ^ Elles existent dans les veines sous-cutanées, dans celles du tronc, des membres et des viscères. Gbez le cbeval j'en ai compté sept rangs à la jugulaire, de deux cbacun, et non de trois, comme on le dit dans les traités sur l'anatomie des animaux domestiques, depuis le golfe jusqu'à la jonction de la faciale avec la glosso-faciale ; six rangs dans celle-ci, à partir de l'extrémité de l'épine maxillaire; buit rangs dans l'hu- méi'ale, dix dans la veine de l'ars, quatorze dans la radiale interne superficielle; dix-sept dans la sous-cutanée tboracique, dont l'extrémité antérieure est souvent comprimée entre l'épaule et les parois costales. On en trouve vingt-trois dans la saphène, six dans la fémorale; il y en a même dans le cheval à l'entrée de l'éraulgente, dans laquelle on a admis un reflux particulier, d'abord un large repli semi-lunaire libre en avant et placé sur le même plan que la paroi de la veine cave, puis, plus en dehors encore, une ou deux valvules assez larges. Elles sont fort nombreuses dans les veines sinueuses du fourreau, dans les veines abdominales, etc. ; beaucoup moins dans les cardiaques, les ovariennes, les utérines, les gastriques, la splénique, la grande et la petite mésaraïque. Ces replis demi-circulaires de la membrane interne, disposés le plus souvent deux à deux et très rarement trois à trois, ont leur bord adhérent convexe tourné du côté des capillaires et inséré sur une partie qui devient saillante, sous forme de bourrelet, quand le vaisseau est très dilaté ; leur bord libre regarde vers le cœur. Dans les circonstances ordinaires, c'est-à-dire lorsque le cours du sang s'opère librement vers le cœur, dans la veine modérément remplie, les valvules sont très rapprochées de ses parois internes, ou même en contact avec elles. Au contraire, lorsque le sang éprouve quelque difficulté à progresser vers le centre et que la veine se distend, les valvules s'éloignent des parois, s'inclinent l'une vers l'autre, se rapprochent et forment ainsi des cloisons qui s'opposent, dans certaines limites, au reflux du sang des troncs vers les radicules. La rétro- gradation n'est généralement pas empêchée d'une manière absolue, car les val- vules d'une même paire viennent rarement se mettre en contact l'une avec l'autre par leur bord libre, au point de fermer entièrement la lumière du vaisseau elles laissent presque toujours au centre un léger écartement par lequel une petite quantité de sang peut refluer vers les radicules. Il est à noter que les valvules sont très grandes au point où une branche s'abouche dans un tronc où à la jonction de deux ou d'un plus grand nombre de grosses veines. Souvent alors elles se présentent sous la forme de grandes lames 1. Haller en indique dans les veines pulmonaires du .ihien et du mouton, Mayer dans celles du bœuf, Lauth dans celles de l'homme. Je n'ai pu jusqu'ici en reconnaître l'existence. 552 DE LA CIRCULATION. semi-lunaires qui se détachent des éperons résultant de la jonction des deux veines, comme on en voit de très beaux exemples à la réunion des deux jugu- laires et des humérales avec la veine cave antérieure. Ces lames se trouvent là si longues, chez le cheval, par exemple, que les liquides poussés dans la jugu- laire ne passent pas immédiatement et avec facilité dans les brachiales ; ils n'y refluent qu'après une certaine distension de la veine cave antérieure. Les valvules quand elles existent dans les anastomoses des veines, alîectent une disposition telle que le sang peut passer d'une veine dans l'autre, ou marcher dans une môme veine suivant deux directions opposées. Ainsi la mammaire, si volumineuse chez la vache, a le bord libre de ses valvules dirigé vers le thorax dans sa partie antérieure, et vers le bassin dans sa partie postérieure ; d'où il résulte que dans la moitié antérieure le sang marche d'arrière en avant pour se porter à la thoracique interne, tandis que dans sa moitié postérieure il va d'avant en arrière se joindre au courant de la veine crurale. La même chose se produit pour l'anastomose des abdominales antérieure et postérieure, pour les intercos- tales ouvertes en haut dans l'azygos, en bas dans la thoracique interne. Dans le mésentère du bœuf on voit, sur une longue arcade de la mésaraïque, les val- vules de l'extrémité antérieure de l'arcade montrer leur bord libre en avant et les valvules de l'extrémité opposée présenter ce bord en arrière. Aussi le sang y suit-il deux directions inverses. Cette curieuse disposition se voit sur les petits ruminants comme sur le bœuf. Les valvules, outre l'obstacle qu'elles opposent au reflux du sang vers les points d'oîi il vient, ont encore pour usage, dans certaines veines, notamment celles des membres, d'atténuer l'influence que la pesanteur exerce sur le cours du sang noir. En effet, il est évident que le sang des veines du pied, pour s'élever verti- calement au niveau des veines de l'abdomen, doit vaincre la résistance produite par la pression de la colonne sanguine qui lui est supérieure, laquelle a, chez les grands quadrupèdes, souvent 1 mètre et demi de hauteur, c'est-à-dire une pres- sion égale au septième de l'atmosphère. Or, dès que la circulation éprouve quel- que gêne et qu'il y a tendance au reflux, la colonne totale se fractionne en petites colonnes secondaires dont chacune s'appuie sur un rang de valvules abaissées. L'impulsion si faible du sang veineux n'a donc, en bas, qu'à vaincre la résistance de la petite fraction qui lui est immédiatement supérieure, et ainsi successive- ment, au lieu d'avoir à lutter contre la résistance totale. Voilà pourquoi les val- vules sont si nombreuses dans les veines des membres, notamment des grands animaux. Mais cet usage n'appartient pas essentiellement à celles d'autres veines, comme les jugulaires, où elles s'opposent surtout au reflux que tendent à y pro- voquer les mouvements respiratoires. Cependant elles soutiennent le sang et mettent obstacle à son retour vers la tête quand celle-ci est abaissée vers le sol pour y prendre des aliments. Bien que les valvules mettent obstacle au reflux et à la rétrogradation du sang vers les radicules des veines, ce reflux peut se produire, dans certaines limites, d'abord aux veines caves qui n'ont pas de valvules, et de proche en proche sur les autres plus éloignées du centre où les replis valvulaires, en s'abaissant, ne ferment pas complètement la lumière des vaisseaux. Ce phénomène, sur COURS DU SANG DANS LES VEINES. 553 lequel il faut s'arrêter un instant, constitue ce qu'on appelli." le pouls veineux. Le pouls veineux résulte du reflux qui s'opère dans les veines, du centre vers la circonférence, lorsque le sang éprouve de la difdculté à arriver au cœur. Il s'observe fréquemment sur les animaux couchés, dont la position rend la respi- ration pénible, sureaux qui ont les membres liés et sur lesquels on pratique des opérations chirurgicales ou des expériences, notamment s'ils font des efforts violents pour se soustraire à la torture. Il s'observe dans les maladies du cœur, tant pendant le décubitus que pendant la marche. Nous l'avons vu^ extrêmement prononcé, l'animal étant debout, dans un cas de dégénérescence graisseuse de cet organe. M. Delafond l'a observé dans la péricardite. Je l'ai également noté sur un cheval à pleurésie avec épanchement. Il m'a paru même très caractérisé sur plusieurs chevaux d'attelage arrêtés brusquement k la suite d'une course, J'ai constaté un autre pouls veineux, synchrone avec les battements du cœur, sur une vache qui ne présentait aucune lésion cardiaque ou pulmonaire apparente. On le voit encore dans les derniers moments de la vie sur les animaux expi- rants dont la circulation pulmonaire s'embaiTasse. Il se fait remarquer principalement à la veine jugulaire, chez les grands ani- maux, depuis le point où elle se dégage de dessous l'épaule jusque vers la paro- tide; rarement il s'étend aux deux branches qui forment cette veine, c'est-à-dire à la faciale-ef à la glosso-faciale; Haller l'a vu quelquefois se propager jusqu'aux veines iliaques ; mais je ne l'ai jamais noté bien distinctement au tronc delà veine cave postérieure, à celui de la \eine porte, ni à leurs principales branches, sur les animaux dont l'abdomen était largement ouvert. Le mouvement ondulatoire par lequel il se traduit s'étend avec une certaine lenteur de la partie centrale de la veine vers son extrémité périphérique, et il s'accompagne d'un léger soubresaut, d'une dilatation du vaisseau sensible à tra- vers la peau et perceptible au toucher, dilatation qui n'a pas, comme Bichat en fait la remarque, la violence d'une pulsation artérielle. Ce mouvement s'effectue à chaque expiration; il est fort si elle est énergique, faible dans le cas contraire, brusque ou prolongé, régulier ou saccadé, suivant que la respiration présente ces caractères. Quoique toujours isochrone avec les mouvements respiratoires, on le voit cesser par moments, puis réapparaître, sans que la respiration éprouve des moditications appréciables. Le mécanisme de ce phénomène est fort simple. Au moment de l'expiration, les parois thoraciques, revenant sur elles-mêmes, affaissent le poumon ; celui-ci à son tour exerce une compression sur les veines caves pleines de sang ; ces veines se dépriment et leur contenu reflue en partie dans celles qui se trouvent hors du thorax. D'abord c'est un véritable reflux qui s'opère aisément dans les gros troncs dépourvus de valvules : mais bientôt ce n'est plus qu'un simple ébranlement de la colonne liquide, qui est refoulée en masse vers les capillaires, comme peut l'être le contenu d'un tube incomplètement rempli que l'on incline brusquement. Alors, le sang, au lieu de marcher vers le cœur, est subitement 1. H. Bouley et G. Colin, Dégénérescence graisseuse du cœur du cheval, avec obstruc- tion consécutive du canal thoraciqne et du système chylifère {Bulletin de la Société' cen- trale de médecine vétérinaire , 1863, p. 968]. 554 DE LA CIllCULATION. repoussé en bloc vers les radicules du système veineux. Aussitôt que l'expiration cesse, le liquide reprend plus rapidement son cours centripète. Ce reflux n'est donc pas une circulation inverse ou rétrograde analogue à celle qu'on a imaginée pour le système de la veine porte, et dont nous parlerons tout à l'heure. Il est facile de se rendre compte de la possibilité d'un tel phénomène, en se rappelant, d'une part, que les gros troncs veineux, celui de la veine cave anté- rieure, du golfe des jugulaires jusqu'à l'oreillette, et celui de la postérieure, de cette oreillette jusqu'aux iliaques, sont dépourvus de valvules; d'autre part, que les valvules, dans les veines où elles existent, ne mettent pas un obstacle absolu au retour momentané du sang vers les points d'où il vient. Tous les jours, en poussant de l'injection dans la jugulaire, de la tête vers le cou, l'autre jugulaire, les veines du membre thoracique jusque vers le carpe, la veine cave postérieure, les iliaques etc., se remplissent souvent fort bien, soit sur les animaux tués par effusion de sang, soit même sur ceux dont le système veineux est plus ou moins gorgé. La première cause du pouls veineux, c'est-à-dire la pression du poumon sur le cœur et les gros vaisseaux au moment de l'expiration, est donc toute méca- nique. Ellen'est paslaseule. Le reflux dépend aussi des contractions des oreillettes, qui repoussent vers les veines une partie de leur contenu, et suspend, ainsi mo- mentanément, l*abord de ce fluide dans leur cavité. Bichat, qui avait nettement reconnu, sous ce rapport, l'influence de la systole des oreillettes, croyait que, dans certaines circonstances, le pouls veineux pouvait être produit uniquement par l'action du cœur. J'ai observé, en effet, plusieurs fois sur le cheval, qu'après la section de la moelle, en arrière de l'occipital, et par conséquent après la sus- pension complète des mouvements respiratoires, le pouls veineux de la jugulaire restait fort sensible pendant quelques instants. En combinant ces deux influences, on arrive à établir rationnellement qu'il y a deux pouls veineux, l'un, plus fort, dépendant des mouvements respiratoires et isochrone avec l'expiration, l'autre, plus faible, à peine sensible, dérivant des mouvements du cœur et coïncidant tantôt avec la systole des oreillettes, tantôt avec celle des ventricules. Ce pouls veineux cardiaque est, comme l'autre, plus appréciable sur l'animal couché que sur l'animal debout; il persiste même dans le cas où la circulation est très accélérée, comme dans les derniers moments de la vie. En l'étudiant sur le cheval, dont la jugulaire était à découvert, en même temps que la carotide, j'ai vu que les pulsations veineuses étaient exacte- ment en même nombre que celles de l'artère. L'isochronisme des premières avec les secondes n'était point parfait : On voyait la jugulaire se soulever et son ondulation commencer avant de sentir le choc de la carotide. Suivant les cas j'ai compté de 4 à 8 pulsations veineuses cardiaques pour un mouvement respi- ratoire. Il en a été de même sur le bœuf dans des conditions semblables. Un troisième pouls veineux peut s'observer sur le cheval et quelques autres animaux dans des conditions diverses, notamment pendant la mastication, lors- que la tête s'abaisse pour prendre des aliments sur le sol. On voit, dans ce cas, une ondulation descendante, par conséquent inverse de celle des pouls précé- dents, se produire sur le trajet de la veine, ondulation isochrone aux coups de COURS DU SANG DANS LF.S VEINES. 555 dents ou au rapprochement des mâchoires. L'ondulation se répète de 70 à 80 fois par minute et elle ne masque pas les ondulations du pouls veineux respiratoire, hien qu'elles soient liabituell(Miient Fort peu apparentes sur l'animal debout. Le pouls veineux systolique peut s'observer sans difliculté dans un grand nombre de veines mises àdécouvert, je l'ai vu souvent, même dans celles du pou- mon, sur les animaux où la circulation persiste après l'ouverture du thorax, et l'arrêt complet des mouvements respiratoires, surtout chez ceux qui ont perdu peu de sang et chez lesquels, à cause de cela, il y a gêne de la circulation et stase du sang dans le système veineux. Ce pouls de reflux des veines pulmonaires ne doit pas être confondu avec un autre qui dérive de la contraction de leur partie terminale et dont il sera question tout à l'heure. La stase et l'ébranlement qu'éprouve le sang des veines centrales au moment de l'expiration, en s'étendant de proche en proche, déterminent un gonflement sensible dans les sinus cérébraux et rachidiens. C'est à ce gonllement que sont dus l'un des mouvements du cerveau et un mouvement analogue que Magendie a observé dans la moelle épinière. D'après ce que nous venons de voir sur la possibilité du reflux du sang dans les veines, il est facile de comprendre comment, dans certaines conditions où la circulation est gênée, ce liquide passe d'une partie du système dans une autre par les anastomoses. Celles-ci ont précisément pour but de faciliter le retour du sang au cœur, en le faisant accidentellement passer par d'autres voies, quand les plus directes sont interceptées. Les plus remarquables sont établies entre la veine cave supérieure et l'inférieure, entre les veines caves et la veine porte. Si, par exemple, la veine cave postérieure est comprimée par des tumeurs, comme il s'en développe quelquefois dans la cavité abdominale, le sang peut en partie revenir au cœur i voy. la fig. de la page 060) : 1° par les veines des parois de l'abdomen, par l'abdominale postérieure, l'abdominale antérieure, la sous- cutanée thoracique, la mammaire, l'asternale; 2° par les veines du rachis et par l'azygos dérivée de celles-ci, veines qui prennent toutes, par suite de leur desti- nation supplémentaire, un développement plus grand qu'à l'état normal. Si c'est la veine porte qui est le siège de l'obstruction produite soit par des caillots, soit par une compression périphérique, le sang revient au cœur par diverses voies dont les principales sont : 1° les anastomoses du système de la porte avec les veines hémorrhoïdales ; parles anastomoses entre les veines gas- triques de ce système et les œsophagiennes qui sont affluentes de la veine cave ; .3° par l'anastomose que j'ai signalée entre les veines du lobe droit du foie des solipèdes et l'asternale; 4" enlin peut-être par les communications capillaires que Retzius a trouvées dans le tissu cellulaire sous-péritonéal. Dans la plupart des régions du corps, les communications établies entre les veines superficielles et les profondes, entre celles d'un côté et celles du côté opposé, atténuent les effets qui résultent de compressions et d'oblitérations partielles. Ce sont là des points que l'anatomie descriptive permet de bien éclaircir pour chaque espèce animale. 556 DE LA CIRCUUTION. III. — PARTICULARITÉS DE LA CIRCULATION VEINEUSE. Le cours du sang noir offre dans plusieurs parties de l'organisme, telles que les centres nerveux, les viscères digestifs, les tissus érectiles, des modifications remarquables qui méritent de fixer l'attention du physiologiste. 1. Cours du sang dans les veines de Tencéphale et de la moelle épinière. Les vaisseaux qui sont destinés aux centres nerveux affectent les dispositions les plus propres à modérer les effets de l'impulsion du sang artériel et à pré- venir la compression que pourrait exercer le sang veineux. Les artères qui arrivent à ces parties décrivent des flexuosités avant de pénétrer dans le crâne, puis, parvenues à destination, s'y divisent et s'y anastomosent pour former sous le cerveau le cercle de Willis, et chez plusieurs espèces, les réseaux admirables pré- cédemment indiqués; enfin, elles se subdivisent à l'infini dans l'épaisseur de la pie-mère et ne pénètrent la substance encéphalique qu'après avoir atteint un haut degré de ténuité. Les veines y présentent une disposition encore plus remar- quable. Les radicules émanées des capillaires des parties profondes se réunissent en veinules assez fines, étalées et anastomosées dans les plexus choroïdes : celles des couches superficielles parviennent à la pie-mère et y forment un riche réseau; puis toutes, avant de sortir du crùne, s'ouvrent dans des réservoirs connus sous le nom de sinus, lesquels sont constitués par des replis de la méninge fixés soli- dement aux os du crâne et susceptibles d'une ampliation qui ne doit pas dépasser certaines limites. Le sinus longitudinal étendu de la crête ethmoïdale jusqu'à la tente du cervelet, et compris entre les deux lames du repli falciforme, reçoit d'abord le sang des plexus choroïdes du cerveau par des veines fasciculées qui traversent, dans les solipèdes, une petite ouverture arrondie à l'extrémité posté- rieure du corps calleux, et en second lieu, il reçoit sur toute la longueur du bord interne des hémisphères, un grand nombre de veinules renfermées dans de petits tubes arachnoïdiens, veinules dérivées de la pie-mère des lobes cérébraux. Les sinus transverses, assez étroits, logés dans l'épaisseur d'une partie de la tente du cervelet, communiquent avec le premier et reçoivent des veinules du cerveau et du cervelet; enfin, le sinus coronaire ou sus-sphénoïdal qui entoure la glande pituitaire, devient l'abouchement des veines des plexus choroïdes du cervelet, et de celles de la pie-mère qui recouvre les parties inférieures de l'encéphale. Par suite de cette singulière disposition, dès qu'une veinule perd sa ténuité, elle se rend aux plexus choroïdes, si elle est interne, ou à la pie-mère si elle est externe. Là, tout à fait en dehors de la pulpe nerveuse, elle peut acquérir un peu plus de volume, puis une fois qu'elle a atteint un certain diamètre, s'ouvrir dans les sinus qui communiquent tous ensemble. De ceux-ci s'échappent : 1° la veine satellite de la carotide interne, qui sort du crâne par le trou déchiré ; 2° la veine du conduit pariéto-temporal ; 3'^ celle du trou condylien ; 4" enfin, la satellite de la cérébro-spinale, qui sort par l'une des deux perforations supérieures de l'atlas, lesquelles vont se dégorger dans la jugulaire. COUHS DU SANG DANS LES VlîlNES. 557 On conçoit très bien que ces dispositions remarquables aient pour résultat de prévenir les elYets qui résulteraient de la stagnation du sang dans les veines encépbaliques et de leur gonllenient, lorsque la circulation veineuse est embar- rassée ou que le pouls veineux devient très fort. Dans ces deux conditions, si les veines cérébrales étaient disposées comme celles des autres organes, leur gon- llement produirait une compression de l'encépbale incompatible avec l'exercice régulier de ses fonctions ; mais comme tous ces vaisseaux s'ouvrent dans les sinns avant d'avoir acquis un volume cousidéiable, et que les sinus à parois libreuses, résistantes, fixées aux os, ont une ampliation limitée, la stase du sang dans leur intérieur ne peut pas baintuellement exercer de compression fâcheuse. Enfin, les communications établies entre ces sinus permettent au sang, s'il est en excès dans l'un, de passer dans les autres et de s'y mettre en équilibre. De plus, la nuiltiplicité des veines qui emportent dans les jugulaires le contenu des sinus, assure à ce tUiide un déversement facile, toujours libre, même lorsque le cours du sang est gêné ou interrompu dans l'une d'elles. Les divers sinus veineux du crâne sont, comme les gros troncs veineux les plus rapprochés du cœur, le siège d'un soulèvement et d'un affaissement alter- natifs dépendant des mouvements respiratoires, qu'il est facile de reconnaître eu perforant, à l'aide du trépan, les os du crâne au niveau du sinus falciforme. Alors en appliquant l'extrémité du doigt sur la paroi externe de ce dernier, on sent qu'il se gonfle à chaque expiration, et, au contraire, qu'il se déprime ou s'af- faisse à chaque inspiration. Il se gonfle dans le premier temps par suite de l'arrêt momentané et du reflux du sang dans les veines : il s'affaisse dans le second par le rétablissement du courant sanguin vers le cœur et par la déplétion qu'il éprouve. Si l'on fait une petite ouverture à ce sinus, lesang s'en échappe par un jet sac- cadé, faible pendant l'inspiration, plus fort pendant l'expiration, Ce fluide s'en écoule en masse et d'une manière intermittente dès qu'on vient à agrandir l'ou- verture. Néanmoins, ainsi que Kellie l'a remarqué, les sinus étant soustraits à la pression atmosphérique, ne peuvent se vider sur les animaux tués par hémorrhagie. Peut-être retirerait-on de bons effets d'une saignée faite de cette manière au sinus falciforme dans les affections cérébrales ; elle pourrait être arrê- tée par l'application d'un petit disque de liège à l'ouverture du trépan et renou- velée à volonté. Indépendamment de ces deux mouvements isochrones avec les mouvements respiratoires, les sinus veineux éprouvent encore un léger affaissement à chaque diastole des oreillettes, et un faible soulèvement à chaque systole de ces mêmes cavités; mais ces derniers, beaucoup plus nombreux que les autres, sont trop faibles pour être appréciés nettement. Il est probable qu'ils deviendraient sen- sibles immédiatement après la section delà moelle allongée, au niveau de l'occi- pital, tant que les battements du cœur conserveraient une certaine force, puisque alors la suspension du mécanisme respiratoire ferait cesser les premiers. La circulation dans la moelle épLnière est modifiée suivant les mêmes lois que celle de l'encéphale. Le sang est apporté à cet organe par la cérébro-spinale, par les rameaux de la vertébrale, au niveau des trous de conjugaison des vertèbres cervicales, par ceux de toutes les intercostales, de toutes les lombaires et des 558 DE LA CIRCULATION. sous-sacrécs qui forment, dans l'épaisseur de la pie-nièrc, celles du côlo droit avec celles du côté gauche, de nombreuses anastomoses et une chaîne continue en communication avec les artères encéphaliques, chaîne dont les divisions éia- lées à la surface du cordon rachidien ne pénètrent sa substance qu'après avoir acquis une ténuité extrême. Le sang qui revient de cet organe est charrié par des ■veinules très déliées qui se rendent au réseau delà pie-mère dès qu'elles acquiè- rent un certain diamètre. De là, elles vont se dégorger dans deux grands sinus, placés, l'un à droite, l'autre à gauche en dehors de la méninge et à la partie infé- rieure du canal vertébral. Chacun de ces sinus, étendu d'une extrémité du rachis à l'autre, est élargi au niveau de la partie moyenne des vertèbres et rétréci en regard des trous de conjugaison; il a des parois peu extensibles, solidement fixées aux vertèbres et au ligament vertébral commun supérieur, et sa cavité est dépourvue de replis valvulaires. Ces sinus, qui antérieurement communiquent avec ceux de l'encéphale, se dégorgent successivement dans la cérébro-spinale, dans la vertébrale, dans les sous-dorsales, dans l'azygos, les lombaires et les sous-sacrées, par des branches détachées au niveau des trous de conjugaison. Par ces nombreuses voies de déversement, le sang noir peut aisément reprendre son cours vers le cœur, sans éprouver de stase nuisible à la moelle. Les sinus vertébraux dans lesquels le sang se rassemble avant de sortir du canal rachidien, éprouvent aussi, comme ceux du crâne, un gonflement et un affaisse- ment alternatifs subordonnés aux mouvements respiratoires : aussi, la moelle épinière s'élève et s'abaisse tour à tour, par suite de leur distension et de leur déplétion. Si ces sinus sont blessés sur Tanimal vivant, ils donnent une énorme quantité de sang, surtout lorsque la respiration est gênée, comme je l'ai vu plu- sieurs fois sur de grands ruminants. 2. Du cours du sang dans le système de la veine porte. La veine porte, dérivée de tous les organes digestifs renfermés dans l'abdo- men, estomac, intestin, rate et pancréas, offre ceci de très remarquable, qu'après s'être constituée en un tronc volumineux, elle va se diviser dans le foie, y abou- tir à un système capillaire, duquel naissent des veines de plus en plus grandes destinées à reprendre le sang de la veine porte et à le verser dans la veine cave postérieure, lors de son passage dans la grande scissure hépatique antérieure. Seule, parmi toutes les veines, elle est pourvue de deux systèmes capillaires, l'un à son origine, l'autre à sa terminaison. Dans l'une de ses moitiés, le sang progresse des capillaires et des branches vers le tronc; dans l'autre, ce fluide marche du tronc vers les branches et les capillaires. Dans sa première moitié, la circulation a lieu comme celle des autres veines ; dans la seconde, elle se fait comme la circulation artérielle. Ce système remarquable représente ainsi un arbre complet ayant un tronc très court, ses racines dans les viscères digestifs et ses branches dans le foie. Dans les solipèdes, la veine porte est formée : 1° par la veine rectale et les quatre ou cinq veines du côlon flottant qui se réunissent pour former la petite mésaraïque ; 2° par les deux grosses veines du côlon replié, les deux veines du COURS DU SANG DANS LES VEINES. 559 cœcum, les seize à di\-liiiit branches de rinlcsliii girlc de la réunion desquelles résulle la grande niésaraïque ; ',]° par la splénique, qui rassemble les divisions de l'estomac et de la rate ; 4° enfin, par de petites branches pancréatiques et épi- ploïques. Dans les ruminants, elle est constituée par la réunion de toutes les branches intestinales rassemblées en une seule mésaraïque, des deux grandes veines du rumen, de la grosse veine du feuillet et des veines de la caillette ; enfin d'une seule splénique. Dans les carnassiers, elle dérive d'une très petite mésa- raïque, delà grande mésaraïque, et enfin, d'une gastro-splénique dont la dispo- sition rappelle celle des animaux solipèdes. Tontes ces veines, en même nombre que les artères, dont elles suivent exacte- ment le trajet, afîectent la disposition de ces dernières. Ainsi, les branches pro- \enant du rectum s'anastomosent avec celles du côlon flottant, celles-ci avec les branches du côlon replié; les branches du cœcum avec celles de l'intestin grêle; enfin, ces dernières avec des divisions gastriques, de telle sorte que, si dans cer- taines d'entre elles, la circulation est gênée, le sang peut passer là oi!i il progresse librement. Le cours du sang dans le système abdominal s'opère sous l'influence des forces qui mettent en mouvement ce fluide dans toutes les autres veines de l'économie. De plus, dans la partie hépatique de la veine, c'est-à-dire depuis le tronc, qui traverse l'anneau du pancréas jusqu'au système capillaire du foie, la couche mus- culeuse du- tronc de la veine porte ajoute une nouvelle impulsion à celle que le fluide possédait en arrivant à ce point central du système. Cette couche, qui com- mence à apparaître sur la grande mésaraïque et sur la splénique, vers leur jonc- tion au tronc, devient de plus en plus épaisse et distincte à mesure que celui-ci s'approche de la scissure postérieure du foie, et y acquiert dans les solipèdes et les ruminants une épaisseur considérable. Cependant, le tronc de la veine porte, ainsi renforcé, ne saurait être considéré comme faisant l'office d'un agent puis- sant d'impulsion. Il ne m'a pas semblé qu'il fût le siège de contractions rhyth- miques spontanées sur le chien , où il est à découvert dans une grande éten- due, ni sur le cheval, ouverts vivants. Il n'a éprouvé qu'un resserrement lent et et très équivoque, par suite de l'action de l'alcool ou d'un acide concentré. L'ap- plication d'un courant galvanique, immédiatement après la mort, a seule produit sur le cheval une contraction manifeste, lente et prolongée dans les cas oii la veine n'était pas trop distendue ni tiraillée par le poids des intestins déplacés. Kôlliker et Virchow ^ ont vu des lambeaux de ces veines détachés du cadavre d'un supplicié et soumis à l'excitation électrique, se contracter encore plus de deux heures après la mort. Suivant ces mêmes observateurs, la contractilité ne serait pas limitée au tronc où les fibres musculaires sont bien évidentes; elle aurait lieu aussi dans les branches, car ils ont noté que la mésaraïque, près de l'iléon, s'était resserrée du quart de sa lumière. La contractilité de la partie centrale de la veine porte, niée par Bichat, doit être regardée, si faible qu'elle puisse être, comme une cause auxiliaire du mou- vement du sang dans ce petit système. Très probablement, la pression exercée 1 KôUilier, et Vircliow, Archives (fénérales de médecine, février 1855, p. 198. 560 DE LA CIHGULATION. sur les viscères abdominaux par le diaphragme et les parois abdominales, les mouvements des muscles, ceux des intestins et de l'estomac, la distension des viscères, doivent favoriser cette impulsion, comme le pensait l'illustre pliy- siologiste que je viens de citer. La pression des parois abdominales sur la veine porte est, d'après Poiseuille \ égale à celle d'une colonne d'eau de 5 à 7 centimè- tres à l'état normal, et de 14 à 21 centimètres au moment des ellorts. 11 suf'lit, pour se convaincre de son utile coopération, devoir avec quelle rapidité les divi- sions spléniques, gastriques et intestinales se goniïent et deviennent variqueuses une fois que les parois abdominales enlevées n'exercent plus leur pression habi- tuelle sur les viscères digestifs. Cette pression doit osciller par le fait des mou- vements respiratoires. On a trouvé, dans des expériences manométriques, que celle du sang de la veine porte augmente pendant l'inspiration et diminue pen- dant l'expiration. De là il doit résulter que la vitesse du sang dans cette veine est plus grande dans le premier temps que dans le second. Le mouvement de reflux qui s'opère dans le système veineux général sous l'influence des mouvements du cœur et du mécanisme respiratoire, ne paraît guère possible dans celui de la veine porte. Ce mouvement qui, dans le premier, s'affaiblit à mesure qu'on s'éloigne du cœur et que les vaisseaux diminuent de diamètre, cesse d'être appréciable dans les petites veines, bien avant que celles-ci aient atteint les capillaires. Or, à supposer que le reflux du sang de la veine cave se fasse sentir jusque dans les veines sus-hépatiques un peu volumineuses, il doit certainement cesser avant les capillaires qui unissent celles-ci à la veine porte ; à plus forte raison ne doit-il ni se propager à ces capillaires, ni s'étendre au delà. En effet, l'inspection directe ne montre là aucun indice de reflux, comme Bichat en avait déjà fait la remarque. Cependant, de nos jours, on ne s'est pas contenté d'admettre l'existence si contestable de ce simple reflux commun au reste du système vasculaire à sang noir, on a prétendu que le sang de la veine pouvait progresser en sens inverse de son cours habituel, c'est-à-dire éprouver une véri- table circulation rétrograde. D'après Cl. Bernard ^ qui est l'auteur de cette conception, le sang de la veine porte, après avoir traversé le système capillaire du foie et avoir été amené dans la veine cave postérieure par les veines sus-hépatiques, refluerait dans le tronc de la veine cave en arrière de la scissure antérieure du foie, et de là dans la veine rénale, oii il servirait à la sécrétion urinaire. Ce courant rétrograde aurait lieu pendant la digestion seulement, et la circulation reprendrait sa direction nor- male pendant l'abstinence. Ainsi s'expliqueraient, suivant lui, la rapidité avec laquelle les boissons se trouvent éliminées par les urines et certaines particula- rités relatives au mode d'action de diverses substances vénéneuses introduites dans les voies digestives. On conçoit très bien que le sang des viscères abdominaux, une fois parvenu à 1. Poiseuille, Recherches sur les causes du mouvement du sang dans les veines, Paris, 1830. 2. Cl. Bernard, Union médicale, 19 et 24 septembre 1850. — E. Littré, note addition- nelle sur la circulation hépatico-rénale, in MuUer, Manuel de physiologie, Paris, 1852, 2e édit., tome I, p. 792. COURS DU SANG DANS LES VEINES. 561 la veine cave, puisse éprouxer dans le tronc do cette veine un rellux tel (jue celui du sang de la veine elle-nirine; on conroit que ces deux sangs mêlés puissent refluer assez loin dans la partie abdominale de la veine cave, dans la partie libre des rénales, dans la partie supérieure des iliaques. C'est là un phénomène propre à toutes les veines un peu considérables et dont nous nous sommes assez occupés précédemment pour qu'il soit inutile d'y revenir. Mais ce reflux doit être, comme celui de toutes les autres parties du système veineux, régulier et subordonné aux mouvements du cœur et au mécanisme respiratoire; il doit se faire pendant la digestion comme pendant l'abstinence, s"elïectuer en masse, dans des limites restreintes, s'affaiblir et s'éteindre à mesure qu'on se rapproche des radicules ténues du système veineux. Tout cela n'a rien d'étonnant, rien de particulier, puisque les choses se passent dans l'abdomen comme dans les autres parties de l'organisme. Dire que, lors du travail digestif, le sang de la veine porte change son cours habituel et progresse en arrière vers les reins au lieu de se diriger vers le cœur; dire que ce sang, repoussé dans la portion abdominale de la veine cave, s'engage dans le tronc des émulgentes, de là dans leurs racines, pour rétrograder jusque dans les capillaires du rein et y fournir des matériaux à la dépuration urinaire ; dire enfin que les fibres musculaires du tronc de la veine cave sont destinées à porter le sang en arrière au lieu de le faire progresser vers l'organe central de la circulation, c'est élever autant d'hypothèses invraisemblables, illogiques et entièrement dénuées de preuves sérieuses. En effet, pourquoi le sang de la veine porte refluerait-il dans les veines pen- dant le travail digestif, et pourquoi reprendrait-il son cours normal pendant l'abs- tinence? Si cette circulation rétrograde, hépatico-rénale, comme on l'appelle, a lieu lors de la digestion, elle doit s'effectuer d'une manière permanente chez les animaux qui, comme les ruminants, digèrent constamment. S'il y a réellement un courant qui porte le sang veineux dans le rein, il faut qu'il s'opère non-seule- ment dans le tronc de la rénale et de ses principales branches, mais encore dans les plus petites, et jusque dans les capillaires; sinon, il ne saurait y servir à la sécrétion de l'urine; car ce n'est pas le sang que renferment les gros vaisseaux qui peut être employé à cet office. Or, comment pourraient se mouvoir dans une même veine deux courants opposés : d'abord, celui du sang dérivé des artères et revenant au cœur; puis, celui du sang qui, de la veine porte, se dirigerait vers le système capillaire du rein? Ces deux courants seront-ils simultanés ou suc- cessifs? S'ils sont simultanés, comment pourra-t-il se faire qu'une partie des fluides de la veine marche en un sens, et l'autre partie en sens opposé ? S'ils sont suc- cessifs, quelles seront les causes de leur alternance, les lois de leur succession ? Les partisans de l'opinion contre laquelle j'ai été le premier à m'élever' n'ont pu l'étayer jusqu'ici que sur des considérations vagues, sur des expériences ambiguës et des arguments embrouillés, souvent sans rapport avec l'idée qu'ils voulaient défendre; mais il serait inutile de les suivre ici sur un terrain quej probablement, ils ne tarderont pas à abandonner. 1. G. Colin, Recueil de médecine vétérinaire, t. X, 3« sériej p. 955. G. COLIN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 36 562 ut LA CIRCULATION. Le sang de la veine porte, pour se rendre au cœur, doit-il toujours et entière- ment traverser le système capillaire du foie, ou, en d'autres termes, y a-t-il des communications directes entre le système de la veine porte et celui des veines de la grande circulation? La plupart des anatoraistes modernes s'accordent à dire que la veine porte est dépourvue de valvules et que, par conséquent, le sang peut y progresser dans tous les sens sous l'influence des causes susceptibles de modifier la circulation de ce petit système. Bichat, Eéclard et les auteurs vétérinaires les plus récents y nient l'existence de ces replis. Cependant, depuis fort longtemps, les valvules de cette veine ont été indiquées et décrites. G. Bauhin ^ en signale à l'extrémité des mésaraïques, Colombus cité par Bartholin ^ en fait une mention vague au point de vue physiologique, Perrault ^ décrit et figure celles du tronc de cette veine dans une vache de Barbarie, Higmore a représenté celles de la veine splé- nique du bœuf et du chien, Blasius * a reproduit ces figures , Haller ^ a indiqué celles des rameaux mésaraïques et de la veine splénique du cheval. Enfin, Bourgelat ^ a décrit aussi celles des branches principales de la veine porte de ce dernier quadrupède. Ces valvules sont fort belles et très larges en plusieurs points dans les soli- pèdes, les ruminants domestiques ; mais elles sont peu nombreuses et assez petites chez le chat, le chien, l'hyène et le lion, parmi les carnassiers. On les trouve sur- tout dans la division mésaraïque qui provient du rectum et dans les autres veines, vers leur jonction au tronc principal du système. Chez le cheval, j'en ai compté deux ou trois rangs dans les gastriques, vers leur extrémité centrale ; six ou sept dans la splénique, à partir de la pointe de la rate; le dernier rang, qui est com- posé de trois grosses valvules, se trouve tout à fait à la jonction de cette veine avec le tronc de la porte; deux ou trois rangs vers l'extrémité, centrale delà grande veine du côlon replié; trois rangs dans l'une des cœcales; cinq ou six rangs dans les branches de la petile mésaraïque provenant du côlon flottant; et enfin, douze à quinze rangs dans la petite mésaraïque, depuis le point oîi elle tra- verse la tunique du rectum jusqu'à son anastomose avec la grande mésaraïque. Il n'y en a dans les branches de l'intestin grêle qu'à leur embouchure, et aucune trace dans leurs grandes arcades anastomotiques, où le sang peut à la fois se diriger en avant et en arrière. Chez le bœuf, où elles sont très grandes et également disposées par paires, j'en ai trouvé neuf rangées dans la gastrique droite qui longe la grande scissure supérieure du rumen ; cinq ou six rangées dans la gastrique gauche de la scissure longitudinale inférieure du même réservoir, et plusieurs dans les collatérales pos- térieures que ces veines reçoivent des scissures transverses; neuf dans la veine de la grande courbure du feuillet ; six dans la veine intermédiaire au réseau et 1. Gasp. Bauhini, anatomc, Basileœ, p. 355, 356. 2. Barthoiin, Instit. Anat , trad. du Prat. Paris, 1617. 3. P&vvAnli^ Mémoires pour servir à l'histoire des animaux, ^a.vh, 1676. 4. Blasius, Anatome animalium. Amsterdam, 1681, p. 334 et 361. 5. Cuvier, Leçons d'anat. comp., 2« édit., t. VI, p. 280. 6. Bourgelat, Précis anatomique du corps du cheval, 4° édit., 1807, p. 308. COURS DU SANG DANS LES VEINES. 563 au feuillet; trois dans la veine de la grande courbure de la caillette; quatre dans celle du duodénum ; deux dans la splénique; quatre dans le tronc prin- cipal de la mésaraïque ; deux à quatre rangées dans les collatérales de cette dernière. Les replis valvulaires peu nombreux dans la veine porte, relativement aux autres veines, sont tellement distribués que, d'une part, ils tendent à mettre obstacle au rellux du sang du tronc dans ses afférents, tels que la petite, la grande mésaraïque et la splénique ; d'autre part, à rendre difficile le passage de ce fluide d'une grande branche dans une petite, et des principales, les unes dans les autres ; enfin, leur multiplicité vers les points où le système de la porte va contracter des anastomoses avec les radicules des veines hémorroïdales appartenant à la veine cave postérieure, rend aussi difficile que possible le passage du sang d'un sys- tème dans l'autre. Néanmoins, il n'y a pas dans tout cela des obstacles invin- cibles à ces communications. La matière à injection poussée dans l'une des branches de l'intestin grêle passe dans toutes les autres, arrive au tronc qu'elle remplit, et se dissémine de là dans toutes les parties du système, au point que souvent les arborisations des parois intestinales sont injectées jusque vers leurs radicules les plus ténues que l'œil puisse apercevoir. Seulement, les branches rectales ne se remplissent jamais jusqu'à leur origine, et la matière ne parvient pas dans les anastomoses. Les choses se passent ainsi chez les ruminants comme chez les solipèdes, certains carnassiers, comme le chien, le chat et le lion, et le système s'injecte de même, mais moins bien, si on pousse les matières du tronc vers ses afférents. Il y a donc, malgré les valvules, possibilité du passage du sang d'une veine à toutes les autres du même système. Reste à voir si la totalité ou une partie de ce fluide pourrait revenir au cœur sans traverser le système capillaire du foie. Or, cela est possible s'il y a des anastomoses directes entre la veine porte et la veine cave, soit, dans le foie même, soit en dehors de cet organe. Ce retour indi- rect peut avoir une immense utilité lorsque le tissu hépatique a perdu de sa per- méabilité sous l'influence de divers états morbides, ou lorsque le tronc de la veine porte est le siège d'une phlébite purulente qui paraît y mettre obstacle au cours du sang. Les anastomoses entre la veine porte et la veine cave dans le tissu du foie ont été admises depuis fort longtemps par quelques anatomistes célèbres. Bauhin signale particulièrement une anastomose considérable, susceptible de recevoir une grosse sonde, et établissant une continuité entre la veine porte et la veine cave; G. Bartholin', qui en fait mention, la figure dans son livre; Th. Bar- tholin^ reproduit cette figure et en donne une autre oiî plusieurs grandes anas- tomoses sont très nettement représentées. Enfin, M. Bernard ^ a décrit sur le cheval et le mouton, ces voies anastomotiques dont les modernes paraissaient avoir perdu le souvenir. D'après lui, plusieurs branches de la veine porte, au moment où elle pénètre dans la scissure inférieure du foie, se dirigent à la 1. G. Bartholin, Ouvr. cit., p. 98 et 103. 2. Th. Bartholin, Anatomia, etc. Lugd. Batav., 1651, p. 85, 88 et 407. 3. Claude Bernard, Comptes rendus de V Académie des sciences, 3 juin 1850. 864 DE LA CIRCULATION. surface du tronc de la veine cave, y forment un réseau, puis se divisent en deux ordres de rameaux : les uns qui continuent à se diviser et à devenir ca- pillaires, les autres, qui, au contraire, conservent un calibre considérable et vont s'aboucher dans le tronc de la veine cave, de telle sorte qu'une par- tie du sang de la veine porte peut passer immédiatement dans cette dernière veine et revenir au cœur sans être obligé de traverser le système capillaire hépatique. De telles anastomoses me paraissent être des fictions. J'ai injecté plusieurs foies de solipèdes et de ruminants pour les mettre en évidence. La matière poussée par la veine porte, si elle était grossière, ne parvenait pas ou ne parvenait qu'en petite quantité dans la veine cave, faute de pouvoir traverser les capillaires : elle serait arrivée aisément dans cette dernière s'il y avait eu des communications directes entre les deux troncs vasculaires. J'ai ensuite injecté successivement la glande par la veine porte et par la veine cave, de manière à remplir tous ses vais- seaux, puis j'ai détruit par de longues manipulations tout le parenchyme afm de mettre à nu les vaisseaux. Alors, j'ai pu suivre avec soin les branches de la porte qui forment un réseau à la surface du tronc de la veine cave et dont un grand nombre se trouvent accolées à ses parois, mais j'ai reconnu très nettement que toutes se divisaient peu à peu et devenaient capillaires : aucune d'elles ne s'ouvrait directement dans le tronc de la veine cave. Les grandes ouvertures qui se voient à l'intérieur de celle-ci sont les orifices des veines sus-hépatiques émanées du sys- tème capillaire. Conséquemment, le sang de la veine porte, pour se rendre à la veine cave, doit entièrement traverser les capillaires du foie. Cependant, chez le cheval, une partie du sang amené au foie, par la première de ces veines, peut se rendre dans le système veineux général, sans être obligé de suivre la fdière des capillaires. Ce sang, parvenu vers la région moyenne de l'or- gane, est charrié par un ou plusieurs vaisseaux qui se dirigent vers le ligament du lobe droit du foie, glissent entre ses deux lames, s'y divisent souvent et viennent enfin s'anastomoser à plein canal avec la veine asternale droite, laquelle commu- nique elle-même d'une part avec la circonflexe iliaque, et d'autre part avec les intercostales correspondantes. Cette anastomose que j'ai découverte se voit très bien dans l'épaisseur du ligament du lobe droit. Ordinairement, elle se compose de branches qui, remplies de sang ou de matière à injection, offrent le diamètre d'une plume de corbeau ; quelquefois elle est constituée par une seule veine du volume d'une plume d'oie. Dans tous les cas, on l'injecte fort bien en poussant de la matière, même assez grossière, par une des racines de la veine porte, matière qui se propage assez loin dans la veine asternale. Par l'intermédiaire de cette anastomose remarquable, une partie du sang de la veine porte, dispensée de traverser le système capillaire hépatique, se rend dans l'asternale, de là dans la thoracique interne, et enfin, dans la veine cave antérieure, d'oi"i elle est versée dans le cœur droit. Les anastomoses que je signale ici n'ont rien de commun avec ces canaux biliaires et ces vaisseaux sanguins arborisés que l'on voit souvent sur une grande étendue du ligament hépatique droit du cheval, lorsque la subs- tance glandulaire du lobe de ce côté est entièrement détruite dans une certaine étendue vers son extrémité, accident que j'ai observé fréquemment sur les soli- COURS DU SANG DANS LES VEINES. 56S pèdes, et dont riiomme offre aussi des exemples, car Ferrein et Haller ' ont vu des canaux hépatiques et des veines sortir de la substance du foie, se porter assez loin dans l'épaisseur du ligament où ils se terminaient après s'être capillarisés. Un second ordre de communications permet à une petite partie du sang de la veine porte de passer dans le système veineux général : ce sont les anastomoses établies entre les racines rectales de la petite raésaraïque et les racines des veines FiG. 182. — Anastomoses variqueuses des veines superficielles (D'après Benjamin Anger). anales ou héraorrhoïdales. Cuvier et Duvernoy 2 signalent cette communication comme générale et extrêmement développée chez les vertébrés ovipares. Néan- moins, elle l'est très peu dans nos espèces domestiques. Les injections que j'ai poussées dans l'ensemble du système abdominal par l'une des branches de l'in- 1. Millier, Manuel de physiologie. Paris, 1851, 2= édit., 1. 1, p. 364. 2. Cuvier, Leçons d'anal, comp., t. VI, 2e édit,, p. 264. 566 DE LA CIRCULATION. testin grêle l'ont rempli à peu près exactement ; mais l'injection n'est jamais allée au delà du point où les racines de'la petite mésaraïque traversent la tunique mus- culeuse du rectum pour constituer la veine du méso-rectum. Au delà de ce point, les racines sont ténues et forment un réseau entre la muqueuse et la membrane charnue; or, c'est seulement par les divisions de ces racines que la petite mésa- raïque se met en continuité avec les veines anales appartenant au système des veines caves. Conséquemment, la communication est étroite, et impropre à donner passage, du moins à l'état normal, à une quantité considérable de sang; d'autant plus que de nombreuses valvules se trouvent précisément rassemblées dans les branches de la petite mésaraïque par lesquelles les deux systèmes veineux s'ouvrent l'un dans l'autre. Une troisième espèci; de communication est établie entre la veine porte et le système vasculaire général à sang noir. Les ramifications antérieures des veines gastriques se continuent avec les branches postérieures de la veine œsophagienne qui côtoie le cardia, suit l'œsophage entre les deux lames du médiastin et vient s'ouvrir dans l'azygos, au point où celle-ci s'incurve pour se jeter dans l'oreil- lette droite. A l'aide de ces anastomoses, qui peuvent se dilater à la longue sous l'influence de causes diverses et donner lieu à d'autres dilatations superficielles, le sang du système de la veine porte trouve des voies pour revenir au cœur, comme cela est nécessaire dans le cas de phlébite des parties centrales de cette veine avec obs- truction du tronc, cas dont j'ai déjà parlé au sujet de l'absorption *. Toutefois, il importe de noter qu'à l'état normal elles sont insuffisantes pour donner issue à tout le sang que les artères cœliaques et mésentériques distribuent aux organes digestifs. En effet, j'ai constamment vu mourir, au bout de quelques heures, les chevaux et les chiens auxquels j'avais lié le tronc de la veine porte, immédia- tement avant son entrée dans la scissure hépatique. Le sang apporté par les artères distendait énormément tous les vaisseaux, s'extravasait dans les mésen- tères, s'infiltrait entre les tuniques intestinales et venait s'exhaler à l'intérieur de l'intestin. Je n'ai pu, également, prolonger au delà de quelques heures la vie des chiens chez lesquels un tube fixé au tronc de la veine porte versait dans l'une des émulgentes, et de là dans le tronc de la veine cave, le sang des viscères digestifs. Dans les cas de ligature ou d'obstruction de la veine cave postérieure, les anastomoses entre cette veine et la porte sont également insuffisantes pour ren- voyer au cœur le sang qui ne peut plus y être ramené par la première. Les expé- riences que j'ai faites ne laissent aucun doute à cet égard. Après la ligature du tronc de la veine cave, en arrière des reins, pour ne pas entraver la sécrétion urinaire, l'animal peut vivre quelques jours, quelques semaines et même très longtemps, bien que la veine s'oblitère à partir de la ligature jusqu'aux troncs iliaques. Ainsi, sur un chien dont la veine cave demeura liée pendant quatre jours, l'oblitération se produisit des reins jusqu'au bassin. Il y eut infiltration 1. G. Colin, Recherches sw l'inflammation et roblitération de la veine porte chez les animaux. [Bulletin de la Société centrale de méd. vétérin., 8 novembre 1860.) COURS nu SANG DANS LES VEINES. 567 des membres postérieurs et la mort n'arriva que le dix-neuvième jour. Sur un lapin, un mois après laligature, tous les effets de l'interruption du cours du sang dans la veine cave avaient disparu : il n'y avait ni inliltration des meml)res, ni ascite. La circulation s'était rétablie par la dilatation de branches collatérales formant une sorte de réseau admirable qui unissait le tronçon antérieur de la veine à son tronçon postérieur; en outre les veines mammaires avaient éprouvé une dilatation considérable. Sur d'autres, où les collatérales ne s'étaient pas beaucoup dilatées, la dérivation du sang de la veine cave s'opérait par les cir- conflexes iliaques, les asternales et l'azygos dont on connaît la disposition. Ces voies de dérivation, en se dilatant, suffisent pour conjurer des accidents en appa- rence inévitables, Tascite et Tcedème des membres postérieurs. L'oblitération de plusieurs affluents de la veine cave peut rendre la dérivation insuffisante et laisser, par conséquent, les inliltrations se produire dans une large mesure *. Quant aux communications très fines que Retzius a signalées dans l'espèce humaine entre les veines du côlon et des branches de la veine cave, elles ne paraissent pas exister chez nos animaux domestiques, du moins chez le cheval et le chien. L'habileté du savant anatomiste qui les a vues ne permet pas de douter de leur existence, bien qu'elles soient extrêmement déliées et injectables seule- ment cà l'aide de matières très pénétrantes. Toutefois, je dois faire observer qu'il peut s'oftrir aux yeux de l'observateur plusieurs causes d'illusion à cet égard. ■ Quand on pousse une injection ténue dans la porte, par l'une des branches intes- tinales, le système tout entier se remplit, le foie prend un aspect magnifique si l'injection a une couleur qui tranche sur la teinte hépatique, la matière traverse le système capillaire, où parfois elle se décolore, puis elle arrive dans la veine cave postérieure par les veines sus-hépatiques. De là, si la veine cave est liée en avant du diaphragme, elle reflue dans la partie abdominale, les émulgentes, les lombaires jusqu'aux sinus rachidiens, aux iliaques, etc. Le cours du sang dans la veine porte peut-il être modifié par la rate que l'on a depuis longtemps considérée comme un diverticulum ? C'est là une question sur laquelle on a beaucoup disserté, sans avoir pu jusqu'ici lui donner une solution précise. On sait, depuis longtemps, que le volume ou l'état de turgescence de la rate peut varier dans de très grandes limites. Haller a noté le gonflement de cet organe à la suite de la ligature du tronc de la veine porte ; Boyer, cité par Bérard, dit que la rate se distend rapidement si l'on comprime la veine splénique, et s'affaisse lorsque la compression cesse. Lieutaud a prétendu que cet organe diminue de volume pendant que l'estomac est plein d'aliments, et qu'il se gonfle dans les intervalles de la digestion, lors de la vacuité du réservoir gastrique; Home a avancé qu'il devenait plus volumineux par suite du passage dans son intérieur des fluides absorbés dans le réservoir gastrique. M. Goubaux a reproduit cette dernière opinion d'après des expériences faites sur le chien et le cheval. Enfin, on a signalé diverses conditions dans lesquelles le volume du viscère change très 1. G. Colin, Recherches expérimentales sur le mode de développement des infiltrations et des hijdropixies passives : Bulletin de l'Acad. de méd., t. VIII, 2e série, 1879, p. 1-283, 1327. 568 DE LA CIRCULATION. sensiblement. Ce volume augmente sous l'influence des courses rapides, des accès de fièvre intermittente ; il devient énorme chez les animaux ruminants qui meurent du sang de raie, etc. Le fait des variations du volume de la rate s'explique aisément dans la plupart des circonstances où il a été observé. La rate se congestionne après la ligature de la veine porte, comme tous les autres organes digestifs qui, dans cette cir- constance, ne peuvent plus se débarrasser du sang qu'ils reçoivent; elle se con- gestionne plus que les autres à cause de la dilatabilité de ses vaisseaux et des propriétés érectiles de son tissu; elle se gonfle lors de la compression de la veine splénique, pour la même raison; elle devient plus volumineuse sous l'influence de la course par suite de la difficulté que le sang veineux éprouve, de même que dans tous les autres efforts, à revenir aux cavités du cœur; enfin elle se tu- méfie quand l'abdomen est ouvert, attendu que, dans cette circonstance, les vaisseaux des viscères, soustraits à la pression des parois abdominales, se dis- tendent et ne réagissent plus avec leur énergie habituelle sur le sang qu'ils con- tiennent. La rate, d'un tissu mou, aréolaire, très expansible, se prête aisément à ces variations. Il suffit de pousser de l'air dans la veine splénique du cheval pour voir l'organe doubler et bientôt tripler de volume. Sa longueur peut être alors portée de 50 centimètres à 70, et son volume, de 1 à 5 décimètres cubes. Dès qu'on cesse l'insufflation, la rate s'affaisse et revient sur elle-même en vertu de son élasticité. Pendant la vie ou immédiatement après la mort, elle paraît jouir d'une contractilité spéciale que plusieurs observateurs ont mise en jeu à l'aide de l'électricité, contractilité due à des fibres musculaires signalées par divers micrographes. Mais, quant aux changements de volume qui seraient en relation avec la pléni- tude ou la vacuité de l'estomac, la digestion ou l'abstinence, l'absorption des boissons, etc., ils ne sont nullement démontrés. On ne sait pas encore si la rate est plus volumineuse pendant le travail digestif que dans ses intervalles : si elle est plus gonflée quand l'absorption des liquides s'effectue que dans les circons- tances opposées. Rien de précis ne se trouve à cet égard dans les auteurs, et, pour ma part, je n'ai, jusqu'à ce jour, saisi aucune relation entre le volume plus ou moins considérable de cet organe et l'état des animaux ouverts vivants ou immédiatement après la mort. Tout ce que j'ai pu voir, c'est que les variations dans le volume de la rate sont moins grandes qu'on ne le pense généralement pour des animaux de même espèce et de même taille ; elles sont même peu mar- quées entre les sujets tués par effusion de sang et ceux que l'on sacrifie sans hémorrhagie. 3. Cours du sang dans le système veineux pulmonaire. L'absence de valvules sur le parcours et à l'orifice des veines pulmonaires permet au sang noir d'osciller facilement et de refluer jusqu'aux capillaires du poumon : aussi l'ensemble des vaisseaux pulmonaires doit-il être considéré comme un réservoir dans lequel les liquides peuvent se mouvoir en tous sens. Quoique les veines pulmonaires n'aient pas de parois sensiblement plus épaisses COURS DU SANG DANS LES VEINES. 569 que les autres veines de m^'iiie calibre, elles paraissent très nettement contrac- tiles et contractiles à un degré plus prononcé que les autres veines de diverses parties du corps. Sur le chat à poitrine ouverte, la respiration arlilicielle étant établie, j'ai vu, trois quarts d'heure après la mort la partie terminale des veines pulmonaires très gonflée éprouver une pulsation manifeste. Au premier abord cette pulsation semblait être due à un reflux du sang du ventricule gauche dans ces veines. En examinant attentivement ces pulsations j'ai constaté : 1° que le nombre des contractions de ces veines est égal à celui des contractions de l'oreil- lette gauche ; 2" que les pulsations des veines pulmonaires ne sont pas isochrones avec les systoles auriculaires; 3^ que les deux espèces de contractions se suivent de très près ; celle des veines précédant toujours celle de l'oreillette ; 4° que la systole de ces veines est limitée à la partie voisine de l'insertion, c'est-à-dire à la partie pourvue d'anneaux musculaires; 5° que les veines pulmonaires continuent à se contracter après l'extinction des mouvements de l'oreillette gauche. Trois quarts d'heure après la mort, il y avait 75 pulsations des veines pulmonaires et autant de l'oreillette. Dix minutes plus tard les contractions de l'oreillette étaient éteintes quoiqu'il y eut 48 contractions des veines pulmonaires. Vingt- cinq minutes plus tard les contractions de l'oreillette étaient rétablies et elles devenaient isochrones à celles des veines pulmonaires, 16 à la minute. Les veines pulmonaires paraissent avoir, dit-on, généralement, une moindre capacité que les artères du même nom. Il en résulte que, dans les premières, le sang doit circuler un peu plus rapidement que dans les secondes contrairement à ce qui a lieu dans le système de la grande circulation. D'ailleurs, elles sont alimentées par des vaisseaux capillaires d'une ampleur supérieure à celle de la plupart des autres parties de l'économie, capillaires, qu'on suppose, sans preuves suffisantes, imperméables, une fois la respiration suspendue. L'ensemble de la circulation pulmonaire a quelque chose de particulier sous le rapport de la vitesse ou du temps que l'ondée sanguine met à passer du ventri- cule droit dans l'oreillette gauche. Gomme les deux ventricules doivent avoir un débit égal, puisque l'un alimente l'autre, et qu'en définitive le gauche ne peut recevoir que ce que le droit lui envoie, les ondées ne sauraient avoir dans la petite et dans la grande circulation une vitesse uniforme. Si l'ondée du système pul- monaire marchait aussi vite que celle du système aortique, elle serait de retour avant cette dernière. Il faut de toute nécessité que si le trajet de la petite circu- lation est trois à quatre fois plus court que le trajet de la grande, une ondée san- guine dans le poumon, mette trois à quatre fois autant de temps pour parcourir un espace de longueur donnée qu'une pareille ondée dans le système aortique. En d'autres termes, quoiqu'une ondée sanguine mette, pour parcourir les vais- seaux pulmonaires, le même temps qu'une semblable ondée pour parcourir le système aortique, la première marche trois à quatre fois moins vite que la seconde, puisque celle-là, dans l'unité de temps, a un espace à franchir trois à quatre fois plus court que celle-ci. C'est à tort que des physiologistes d'un grand mérite ont donné la circulation pulmonaire comme beaucoup plus rapide que la circulation générale. La circulation pulmonaire est nécessairement très influencée par les mouve- 570 DE LA CIRCULATION. ments respiratoires, les ell'orts et les divers états du poumon. L'inspiration qui dilate les vaisseaux et diminue la tension du sang la ralentit ; l'expiration qui rétrécit ces vaisseaux et les efforts qui tendent à les rétrécir, tout en augmen- tant la tension artérielle, l'accélèrent. Ces modifications réagissent forcément sur la circulation générale. 4. Du cours du sang dans les tissus érectiles. Les tissus érectiles du corps caverneux du pénis et du clitoris, du canal de l'urèthre, du bulbe du vagin, du mamelon, des caroncules du coq, du dindon et des autres gallinacés, donnent lieu à quelques importantes modifications dans la progression du sang. Ces tissus sont constitués par des brides fibreuses, légèrement élastiques et entre-croisées dans tous les sens, de manière à laisser entre elles des espaces irréguliers ou des cellules tapissées par la membrane interne des veines et com- muniquant les unes avec les autres. Les artères, divisées à l'infini, apportent le sang dans ces cellules, et les veines l'y reprennent, de même que si les cellules érectiles représentaient un système capillaire. A certains moments, sous l'influence de diverses excitations, ces tissus se dilatent, se gorgent de sang et acquièrent une rigidité considérable ; puis, lorsque les causes de l'érection cessent d'agir, ils reviennent sur eux-mêmes, perdent leur tension, et la plus grande partie des fluides qui remplissaient leurs mailles rentre dans le torrent de la circulation. Le mécanisme de l'érection est encore imparfaitement déterminé. Les uns attribuent cet acte à un relâchement atonique des artères comparable à celui qui résulte de la section des filets du sympathique — d'autres à une dilatation active des artères qui apporteraient une quantité de sang supérieure à celle qu'elles charrient dans les conditions où les tissus érectiles sont affaissés. Mais, il est clair que si l'apport d'une grande quantité de sang est nécessaire pour réaliser l'érec- tion, la rétention de ce sang dans le tissu est plus nécessaire encore. Or, cette rétention ne peut s'effectuer que par les veines. La réplétion des tissus érectiles paraît dépendre, du moins pour les principaux d'entre eux, de la compression momentanée exercée sur les veines de ces tissus par des muscles spéciaux. On la produit sur le cadavre par l'insufflation des veines du corps caverneux, par l'in- jection de ces veines ou des artères, soit avec des matières solidifiables, soit au moyen de procédés hydrotomiques. Quand elle est complète, les fluides accu- mulés dans le corps caverneux ont, d'après les expériences de Miiller, une tension susceptible de faire équilibre à une colonne d'eau de 2 mètres de hauteur, c'est- à-dire à peu près égale à celle du sang artériel. La turgescence des tissus érectiles peut se modifier avec une très grande rapi- dité, grâce à la multiplicité et à l'amplitude des veines qui émanent de ces tissus, veines à parois minces dans lesquelles existent des valvules nombreuses, disposées, du reste, comme dans les autres parties du système vasculaire à sang noir. VITESSE DU SANG DANS L.\ CIRCULATION. 571 CHAPITRE LX ACTIVITÉ DE L'IRRIGATION SANGUINE, VITESSE DE LA CIRCULATION Maintenant que nous savons de quelle manière le sang se meut dans le cœur, les artères, les capillaires et les veines, il nous reste à apprécier l'abondance de sa répartition et la vitesse avec laquelle il parcourt le grand cercle vasculaire. Il semble, à première vue, qu'on puisse aisément calculer la masse de sang que le cœur, en un temps donné, lance dans le système vasculaire. Et en effet, la solu- tion du problème n'exige que deux termes : le nombre des contractions cardiaques et la quantité de liquide envoyée par chacune d'elles dans les vaisseaux; mais si le premier est connu, le second ne l'est pas avec une suffisante précision. La capa- cité des ventricules, déjà d'une détermination difficile, ne donne pas la masse des ondées sanguines, car nous ne savons pas exactement à quel degré ils se remplissent, nia quel degré ils se vident dans les systèmes artériels, attendu que leur contenu se divise, lors de la systole, en trois parties inégales, l'une entrant dans les artères, l'autre refluant dans l'oreillette, et la dernière qui demeure dans la cavité ventriculaire. Si l'on se contente d'une approximation, on trouve vite la quantité de sang que débile le cœur par minute et par heure. En admettant, avec Harvey, que chaque systole du ventricule gauche chasse environ 2 onces ou 65 centimètres cubes de sang, on aurait, pour l'homme, à 70 pulsations par minute, 4500 centi- mètres cubes ou 4 litres 1/2 de sang chassé dans le système aortique; Haies disait 5 litres. Milne Edwards, qui suppose l'ondée de 80 centimètres cubes, trouve 6 litres 1/2. Vierordt, qui la porte à 120 grammes, arrive à environ 8 litres 1/2. Le chiffre le plus faible, celui de Harvey, 4 litres 1/2 par minute, donnerait 6480 litres de sang chassé par le cœur dans l'aorte en une période de vingt-quatre heures. Or, comme la masse du sang de rhom.me, si nous l'estimons 1/14'' du poids du corps supposé de 65 kilogrammes, n'est que de 4642 grammes, la masse entière de ce liquide passe dans le cœur en une minute, et elle doit y passer 1440 fois en vingt-quatre heures. La masse totale du sang qui traverse le cœur dans cette période représente donc environ 100 fois le poids du corps. Pour les animaux, les mêmes calculs peuvent donner des approximations très rapprochées delà vérité. Un cheval du poids de 450 kilogrammes, s'il a 1/14* de sang, soit 32 kilogrammes, a, d'après mes mensurations, une capacité ventricu- laire égale à environ 1 litre; mais, comme le cœur ne peut se dilater autant pen- dant la vie qu'au moment où il est pris sur l'animal expirant et comme, d'autre part, il peut ne pas chasser l'intégralité de son contenu, admettons qu'il lance seulement dans le système artériel les deux tiers de sa capacité, soit 666 grammes. En 1 minute 6 secondes, s'il se contracte 38 fois à la minute, il projettera 48 ondées représentant la totalité de la masse du sang. D'où il suit que cette masse y passera 1296 fois en vingt-quatre heures, et qu'en tout 41 472 kilo- 572 DE LA CIRCULATION. grammes de sang le traverseront en un jour, soit une masse- égale à 92 fois le poids de l'animal. La substance du corps est donc ainsi, en vingt-quatre heures, arrosée par 92 fois son poids de sang. C'est une irrigation extrêmement abon- dante. Un autre moyen de mesurer la vitesse de la circulation a été imaginé par Héring, et perfectionné par Vierordt. Il consiste à injecter dans la jugulaire d'un animal une solution de ferrocyanure de potassium et à déterminer le temps qui est nécessaire à cette solution pour paraître dans le sang de l'autre jugu- laire. La solution injectée dans une veine fait nécessairement, avec le sang auquel elle est mêlée, un tour complet de circulation avant de paraître dans l'autre; elle descend dans le cœur droit qui la pousse dans le poumon, d'où elle revient dans le cœur gauche qui, à son tour, la lance dans le système artériel, d'où elle passe enfin dans les capillaires généraux et les veines. Or, sur le che- val, Héring a vu, dans 18 expériences, que le cyanure de fer et de potassium injecté par une jugulaire mettait seulement de 20 à 30 secondes pour paraître au point correspondant de la jugulaire opposée. Dans ses expériences, comme il n'essayait le sang que de cinq en cinq secondes, l'apparition du sel ne pouvait être indiquée qu'à quelques secondes près, mais dans celles plus récentes de Vierordt, le sang étant recueilli d'une manière continue, de seconde en seconde, sur un disque tournant avec une vitesse uniforme, le moment de l'arrivée du sel a été déterminé avec toute la précision désirable. Quoique l'exactitude du procédé de Héring soit à peu près admise, elle n'est pas parfaitement établie. D'une part, la diffusion peut porter le sel un peu plus loin, en un temps donné, que le courant circulatoire; d'autre part, comme le fait remarquer très judicieusement Milne Edwards, la partie centrale des courants capillaires qui marche très vite doit apporter la solution au terme du circuit avant que le sang des parties extérieures de ces courants, qui adhère aux parois vasculaires, parvienne à ce terme. 1\ en résulte que, dans le temps indiqué par l'expérience, une partie seulement de la masse du sang, peut-être la moitié ou les deux tiers, traverse les systèmes capillaires avec la rapidité constatée, tandis que l'autre met un temps beaucoup plus long à parcourir le même trajet. D'ail- leurs, tous les cercles vasculaires n'ont pas la même étendue. Ceux qui ont leurs capillaires à l'extrémité des membres, chez les quadrupèdes, sont beaucoup plus grands que celui des jugulaires et par conséquent exigent un temps plus long pour être parcourus. Toutefois, il n'est pas facile d'apprécier exactement la valeur des effets dus à la diffusion et au retard des parties périphériques dans les courants capillaires. Aussi, faut-il accepter provisoirement, et à titre d'ap- proximation, les résultats donnés par le procédé que nous étudions. La vitesse indiquée, pour un tour de circulation, par le procédé de Héring, n'est pas la même pour tous les animaux. Elle serait, d'après les recherches de cet expérimentateur et celles de Vierordt, de : 7 secondes pour le lapin ; 14 se- condes pour la chèvre; 10 secondes pour le chien; 27 secondes pour l'homme; 31 secondes pour le cheval. Ce qu'il y a de très remarquable dans les résultats de ces observateurs, c'est qu'il faut, chez tous les animaux, un nombre à peu près uniforme de battements VITESSE DU SANG DANS LA CIRCULATION. 573 du cœur ou de systoles pour faire parcourir à la totalité du sang un tour complet de circulatiou. Ce uonihrc serait de 26 à 28. Et, comme ce nombre s'ellectue dans un délai d'autant plus court que la taille des animaux est plus faible, on comprend très bien pourquoi le tour de circulation est d'autant plus rapidement parcouru que les animaux sont plus petits. Si les résultats dont il s'agit sont exacts, si en 27 systoles le cœur chasse la totalité du sang en circulation, chacune d'elles représente 1/27^ de la masse totale du liquide, que Vierordt évalue pour l'homme à 5 kilogiainmes ou au douzième du poids du corps. Chaque systole chasserait 1/353'^ ou 1/383'' du poids du corps, soit environ 185 grammes de sang chez l'homme, et 1185 grammes chez un cheval de 450 kilogrammes ayant 32 kilogrammes de sang, 1/14^ de son poids. Mais ces chiffres sont manifestement exagérés, et en les réduisant de moitié on se rapproche assez de la vérité. Dans les expériences de Héring et de Vierordt, la vitesse de la circulation a paru varier suivant diverses conditions. Lorsque sur le cheval exercé le nombre des battements du cœur s'élevait au double et presque au triple du chiffre nor- mal, cette vitesse au lieu de doubler et de tripler ne présentait, sur la normale, qu'un accroissement d'un cinquième ; d'où il suit que lorsque le nombre des systoles double ou triple, leur valeur ou la masse de sang qu'elles lancent se réduit presque à la moitié ou au tiers du chilfre ordinaire. Et, particularité plus curieuse qu'il ne faut pas accepter sans faire ses réserves : sur les animaux dont le nombre des pulsations arrive de 90 à 100 par le fait de la réaction fébrile due à une maladie inflammatoire, l'expérience du sel injecté indiquait que le tour de circulation, au lieu de se faire en une trentaine de secondes, en exigeait plus de quarante et que, par conséquent, la vitesse de la circulation sur le sujet fiévreux, au lieu d'être accrue, comme on le pense, était diminuée d'un tiers. La promptitude avec laquelle agissent certains poisons peut aussi servir à juger de la rapidité de la circulation, quoiqu'elle ne permette pas de la mesurer. Lorsque divers agents sont injectés dans le cœur, par la jugulaire, ils manifestent leurs effets en quinze, vingt, vingt-cinq secondes, et même plus tôt chez les petites espèces. Ce court délai suffit au sang pour les porter de la jugulaire dans les cavités droites, de celles-ci dans le poumon et du poumon dans l'aorte, enfin dans les artères coronaires et le système capillaire du cœur, oii ils agissent alors sur les éléments contractiles et les nerfs de l'organe. Or, les expériences de Blake ont fait voir que les sels minéraux, l'acide arsénieux, la strychnine, injectés dans la jugulaire du cheval, produisaient leurs effets, par exemple, la chute du corps, le tétanos en seize à dix-sept secondes et sur le chien en douze secondes, sur le lapin en quatre à cinq. J'ai obtenu aussi, par le sublimé corrosif, en solu- tion très étendue, une action aussi prompte, presque foudroyante. Quelques physiologistes ont pensé que la rapidité avec laquelle le sang s'échappe des artères blessées ou que la quantité de sang versée en un temps donné par une artère de diamètre connu pouvait aussi servir à déterminer la vitesse de la circulation. C'est une grande erreur. Déjà Wallœus, dans une de ses lettres à Bartholin, fait observer que le sang coule plus vite d'une artère blessée qu'il ne marche dans une artère intacte, par 574 DE LA CIRCULATION. la raison que, dans le premier cas, il n'a pas à vaincre la résistance des fluides qui sont devant lui et qui doivent lui céder la place, Bichat dit aussi qu'il s'écoule d'une artère divisée une quantité de sang supérieure à celle qui y passe dans le même temps pour se porter aux capillaires, et que, par conséquent, « il ne faut pas prendre pour mesure de la vitesse du sang le jet des artères ouvertes. » Millier partage la même opinion, qui me paraît très juste. Les expériences que j'ai faites à cet égard, sur les animaux solipèdes et sur quelques ruminants, prouvent que la quantité de sang qui s'échappe d'une artère divisée est infiniment supérieure à celle qui y passe à l'état normal; elles démontrent ainsi que le sang, lorsqu'il n'a plus à vaincre la résistance que lui opposent les frottements et les portions de fluide placées en avant de lui, acquiert une vitesse infiniment supérieure à sa vitesse ordinaire. Dans ces expériences, le sang de la carotide et de la fémorale a été recueilli, minute par minute, jusqu'au moment de la mort. Dans un certain nombre d'entre elles, l'artère, librement ouverte, versait du sang par ses deux extrémités; dans d'autres, l'extrémité supérieure ou l'inférieure seule versait ce fluide. Dans la première série (voy. p. S77), la carotide, ouverte longitudinalement sur une étendue de 5 à 6 centimètres vers le milieu de l'encolure, laissait échapper et le sang poussé par le cœur et celui venu des anastomoses par voie rétrograde. En un espace de sept à dix minutes, cette artère a donné passage à la totalité du sang qui peut devenir libre par une hémorrhagie mortelle. Elle versait en moyenne un peu plus du tiers dans la première minute, le quart dans la seconde, la septième partie dans la troisième, la dixième partie dans la qua- trième, la vingtième dans la cinquième, la trente-troisième dans la sixième, la centième dans la septième, la cent onzième dans la huitième. Dans la deuxième série (voy. le tableau, p. 577), la carotide, ouverte comme précédemment par une incision longitudinale vers le milieu du cou, étant liée immédiatement au-dessus de l'ouverture, ne donnait écoulement qu'au sang poussé du cœur vers la blessure. En huit à neuf minutes, l'émission s'achevait et donnait une masse de sang variable de la quatorzième à la vingt-troisième partie du poids du corps. Son abondance décroissait, à très peu de chose près, suivant le même rapport que dans les cas où l'artère donnait le sang par ses deux extrémités. Dans la troisième série (voy. le tableau, page o78), la carotide ouverte était liée au-dessous de l'ouverture, c'est-à-dire du côté du cœur, de sorte qu'elle ne donnait plus que le sang venu de ses anastomoses supérieures. En une durée moyenne de vingt à vingt-cinq minutes, elle versait une masse de sang égale de la dix-huitième à la vingt-huitième partie du poids du corps, c'est-à-dire une quantité inférieure à celle qui est versée par la carotide librement ouverte. L'écoulement suivait une progression décroissante régulière, telle qu'à la première minute il s'écoulait la dixième partie de la masse totale ; à la cinquième, la dou- zième partie ; à la dixième, la vingt-quatrième partie ; à la quinzième, la quarante- troisième partie ; à la vingtième, la cent quarante-deuxième partie. Enfin, dans la quatrième série (voy. le tableau, page 578), l'artère fémorale est ouverte 4 ou 5 centimètres au-dessous de l'arcade crurale, et en une durée VITESSE DU SANG DANS LA CIRCULATION. 575 moyenne de six minutes, elle donne une masse de sang qui représente de la treizième à la \ingt-cinquieme partie du poids du corps. Mais l'hémorrhagie, extrêmement abondante dans les premiers moments, laisse couler plus de la moitié de la masse totale dans la première minute ; la cinquième partie dans la seconde; la dixième, dans la troisième; la seizième, dans la quatrième; la trente- troisième, dans la cinquième; la^ cinquante-cinquième, dans la sixième; ce qui est sensiblement difl'érent du résultat donné par l'incision de la carotide. L'intei'prétation des résultats fournis par les expériences dans lesquelles on détermine la quantité de sang qui passe par une artère ouverte prouve que cette quantité est beaucoup plus considérable que celle qui y passe à l'état normal. En effet, comme la carotide, dont l'aire est dix-huit fois plus petite que celle de l'aorte primitive, laisse passer, une fois blessée, le tiers de la masse totale, l'aorte primitive devrait, dans le même temps, en laisser passer dix-huit fois autant, c'est-à-dire une quantité six fois égale à la masse totale, ce qui est matérielle- ment impossible, attendu que le cœur n'en reçoit ni n'en chasse autant pendant une minute dans le système artériel. De même, comme il passe en une minute dans la fémorale ouverte plus de la moitié de la masse susceptible d'être obtenue par hémorrhagie, il devrait en passer, dans le même temps, une quantité égale à la première par l'autre fémorale, ce qui, avec le produit des carotides, repré- senterait pour ces quatre artères seulement une masse supérieure à celle qui est donnée par les émissions mortelles. La proportion si grande des fluides qui passent dans une artère blessée est un fait extrêmement remarquable, digne de toute l'attention des physiologistes, bien qu'il n'ait pas, comme moyen de mesurer la vitesse de la circulation, la valeur qu'on a pu lui attribuer. Ce fait s'explique par l'accroissement de vitesse qu'é- prouve le sang sous l'influence des trois causes suivantes : 1° la suppression de la résistance opposée au courant artériel par le sang contenu au delà du point blessé et dans le système capillaire ; 2° la diminution de la pression supportée par les fluides au niveau de la solution de continuité vers laquelle la réaction élastique de tout le système pousse le sang qui tend à se mettre en équilibre de pression, et qui se meut alors en se dirigeant de toutes parts vers ce point blessé ; 3° enfm l'accélération des mouvements du cœur qui, dans cette circonstance, devient très grande au bout d'un certain temps; mais cette dernière cause a peu d'influence, puisque dans les premiers moments de l'hémorrhagie l'accélération est peu sensible, et que d'ailleurs le cœur ne lance dans les artères que le sang rapporté par les veines, en quantité notablement réduite. En somme, c'est par trois moyens seulement que nous pouvons évaluer la rapi- dité de la circulation; savoir : la valeur des ondées systolaires du cœur, le temps que les sels injectés mettent à décrire un cercle complet, et, enfm, le délai néces- saire à la manifestation des effets des poisons injectés dans les veines. Mais l'un seulement, celui de Héring, permet d'évaluer la vitesse moyenne des molécules sanguines dans un cercle vasculaire donné. Ce cercle, formé d'une section arté- rielle où la vitesse est de 260 millimètres par seconde, d'une section veineuse oii elle est deux ou trois fois moindre, et d'une section capillaire dans laquelle elle n'est plus que d"un demi-millimètre, est donc parcouru par un courant dont la 576 DE LA CIRCULATION. vitesse moyenne nous sera connue si nous déterminons l'étendue de ce cercle. Or, sur le cheval, le cercle de la circulation pulmonaire et celui de la tête, par la carotide et la jugulaire, peuvent avoir environ 3 mètres 1/2. Comme ils sont parcourus en une demi-minute, la vitesse moyenne peut être estimée à 116 mil- limètres par seconde ou à 7 mètres par minute. Mais comme tous les cercles vasculaires n'ont pas, à beaucoup près, la même étendue, toutes les molécules sanguines ne mettent pas le même temps à taire un tour complet de circulation. En effet, le système vasculaire se compose d'une infinité de cercles, qui sont d'autant plus longs qu'ils appartiennent à des parties plus éloignées du cœur. Ainsi le cercle des vaisseaux du cœur est le plus petit, ceux des vaisseaux de la tête, de l'estomac, du foie, de la rate, sont plus grands, puis les cercles de l'intestin, des viscères de la cavité pelvienne, et enfin les plus étendus sont ceux des pieds antérieurs et postérieurs. Les molécules sanguines qui, parties du ventricule gauche, s'engagent dans les artères coronaires, ont tout au plus un trajet de 2 ou 3 décimètres pour arriver aux capillaires, puis un trajet égal au premier pour revenir par les veines cardiaques à l'oreillette droite. Les molécules qui pénètrent dans l'artère bronchique n'ont au plus à franchir qu'un espace de 40 ou 50 centimètres pour parvenir à la partie postérieure du poumon et autant pour revenir au cœur. Celles qui vont au rein ont un trajet artériel de 1 mètre, entin celles qui se rendent au pied de derrière ont à par- courir un trajet artériel de plus de 2 mètres 1/2, et par conséquent les molécules sanguines de la même ondée, sorties ensemble du cœur, n'y reviennent pas toutes à la fois ou après un laps de temps égal : celles qui s'engagent dans les petits cercles peuvent être de retour à l'organe central avant que les autres aient par- couru le tiers, la moitié, les trois quarts du leur; les premières peuvent par là recommencer un second tour de circulation avant que les autres aient achevé le leur. Quant à déterminer l§s vitesses relatives de la grande et de la petite circu- lation, on ne le peut guère actuellement. Puisque, dans des temps égaux, les quantités de sang chassées par le cœur gauche, dans le cercle général, sont égales à celles que le cœur droit chasse dans le poumon, les molécules sanguines doivent marcher plus vite dans le grand cercle que dans le petit. Tandis qu'une moitié de la masse du sang parcourt le cercle pulmonaire d'une étendue de 1 mètre, l'autre moitié, dans le même temps, doit forcément parcourir le cercle général qui en a5 à 6. En d'autres termes, la relation du débit entre les deux cœurs est telle que dans le temps qu'emploie une ondée pour passer de l'entrée de l'artère pulmonaire à l'orifice des veines du même nom, une ondée égale à la première passe de l'entrée de l'aorte à l'orifice des veines caves. Si le cercle moyen du système aortique a, je suppose, quatre fois l'étendue du cercle pulmo- naire, la vitesse des molécules devra être, dans le premier, quatre fois aussi grande que dans le second. C'est ce que j'ai établi avec les développements que le sujet comporte, en 1864 K D'ailleurs, ce n'est pas seulement par l'inégalité de 1. G. Colin, Recherches expérimentales sur la circulation pulmonaire et sur les différences d'action qui existent entre les cavités droites et les cavités gauches du cœur. [Compte rendus de V Académie des sciences, 5 décembre 1864.) VITESSE DU SANG DANS LA CIRCULATION. 577 vitesse que les deux circulations se dill'érencient. La pulmonaire, outre sa len- teur, est rendue très irrcgulière par le jeu du thorax, (jui la modcre ou la préci- pite altornativeiiient. Le caractère saccadé de ses courants est surtout exagéré [lar le lait des ell'orts. même les moins violents, Ti*aii!K>fu$«ioii. — En terminant l'analyse de la circulation, disons quelques mots de l'opération par laquelle on lait passer dans les vaisseaux d'un animal du sang provenant d'un autre aninuil de même espèce ou d'espèce dillérente. Après la découverte du cours du sang, la transfusion fut tentée par un grand nombre d'expérimentateurs sur l'homme et les animaux. D'abord on lit passer dans les veines d'un chien le sang d'une brebis, et dans celles d'un cheval le sang de plusieurs agneaux, sans qu'il en résultât d'accidents, puis on injecta dans les veines de l'homme, soit le sang veineux, soit le sang artériel de divers animaux. Les procédés que l'on peut employer pour effectuer cette opération sont nom- breux : leur perfection a une importance capitale dont il faut bien se pénétrer lorsqu'on veut se servir de la transfusion comme moyen thérapeutique. Le plus ancien de ces procédés, imaginé par Lower, consiste h adapter, à l'aide d'un tube, la carotide d'un animal à la jugulaire de celui auquel on veut faire passer du sang. Il devient d'une grande simplicité, si l'on se sert dans ce but d'un tube de caoutchouc de plusieurs décimètres de longueur portant à chacune de ses extrémités un petit tube métallique, l'un destiné à s'engager dans la caro- tide de l'animal qui doit fournir le sang, l'autre à pénétrer par la simple ouverture d'une lancette dans la veine de celui qui doit recevoir le fluide. Pour opérer la transfusion, on commence par adapter le tube à la carotide du premier sujet, et on le laisse se remplir de sang avant de l'introduire dans la veine du second, afin que l'air qui se trouvait dans ce tube ne soit pas poussé dans les veines. Le petit appareil, une fois lixé, l'impulsion communiquée au sang delà carotide pousse rapidement ce fluide dans la veine du deuxième animal qui, en un temps très court, en reçoit de grandes quantités. La promptitude de cette transfusion oblige à l'interrompre de temps en temps, en retirant rextrémité du tube engagée dans la jugulaire ; mais alors il faut avoir soin, avant de le remettre en place, de faire tomber le caillot qui, souvent, peut être entraîné par la seule force impulsive du sang. C'est de cette manière que j'ai plusieurs fois transfusé, en quantités considérables, le sang d'un animal à un autre animal de même espèce ou d'espèce différente. Un second procédé, dû àKing, contemiiorain de Louer, consiste à faire passer le sang, non plus d'une artère dans une veine, mais d'une veine dans une autre veine, en réunissant, par exemple, au moyen d'un tube, la jugulaire de celui qui doit donner le sang à la jugulaire de l'animal destiné à le recevoir. Alors, pourvu • que l'une des extrémités du tube soit tournée vers les capillaires sur le sujet qui donne le sang, et l'autre extrémité vers le cœur sur celui qui reçoit ce fluide, la transfusion s'opère d'elle-même avec lenteur. Enfin, par un dernier procédé, le sang est retiré des vaisseaux, puis injecté immédiatement après, à l'aide d'une petite seringue. Mais, comme le sang se coagule prompteraent. il arrive souvent que la fibrine a pris, en partie, l'état solide avant que l'injection soit achevée: et comme, d'autre part, l'instrument G. coLiH. — Physiol.comp., 3'^ édit. II. — 37 "4» S ."^ o «> a» « M — ntitéii écoul us les •emièr ondes. 3 ^« aS Offl o ■" 05 — ' in o o r- G^ i-~ ic lO CO-;«fNr- OlOGOf~0500 GO<»COin<>Ji— 100050003 O O O lO CO lO . m O O O i^ ->-^000r— ifX .OOiOOOiCiOO ~'0 ï.0i0003OC0r~iO0005t~ ftCi— lOCNOO-DICiiO-^l^iO I— 1 -H .-H — >-( rH in o o o o o ic o iC o t. 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= de la masse du corps. En ce qui concerne les animaux domestiques, je n'ai pas cru devoir penser à 586 DE LA NUTRITION. l'application de toutes les méthodes indiquées pour déterminer la quantité de sang de chacun d'eux. J'ai constamment employé la mélhode directe, celle de l'extraction du sang, tantôt par la carotide et la jugulaire, tantôt par l'artère et la veine fémorales, enfin par la lésion des gros vaisseaux à l'entrée de la poitrine. Les tableaux suivants (pages 587, 588, etc) renferment les résultats que j'ai obtenus sur des sujets dans des conditions variées et spécifiées. Ils me semblent devoir offrir, en dehors de leur intérêt physiologique, quelque intérêt au prati- cien qui veut régler convenablement les émissions sanguines dans chaque espèce, prise dans telle ou telle condition déterminée. Les variations dans la qualité du sang sont extrêmement nombreuses. Les principales dépendent de la classe à laquelle appartiennent les animaux, de leur âge, de leur activité physiologique et des conditions où ils peuvent être placés. En ce qui concerne les variations dépendant des classes et des groupes secon- daires, on possède peu de documents. D'après Welcher, les poissons n'ont que 1 à 2 pour 100 de sang ; la grenouille, le lézard, parmi les reptiles, en auraient 5 à 6, les petits mammifères et les petits oiseaux, 8. Dans mes expériences, les oiseaux en ont donné 3 à 5 pour 100, et les mammifères domestiques 3 à 6, savoir : 3 sur le lapin et le chat, 4 sur le porc et le mouton, 3 sur le bœuf, 5 à 6 sur le chien et le cheval. La masse du sang éprouve des variations quantitatives, chez un même animal, suivant diverses conditions physiologiques ou morbides. Les principales tiennent à l'alimentation et à l'abstinence, à l'obésité, etc. Burdach a dit, mais sans preuves suffisantes, que les animaux dont le corps est imprégné de sucs ont plus de sang que ceux dont la constitution est sèche ; que les bêtes à cornes vivant d'herbes humides en ont plus que les rongeurs qui vivent d'aliments secs et boivent peu, que les amphibies en ont une quantité plus grande que les mam- mifères ordinaires, ceux-ci que les oiseaux ; mais les faits ne confirment pas toutes ces propositions. L'absorption digestive donne lieu, évidemment, à une augmentation pério- dique de la masse du sang ou à une légère pléthore qui se traduit par des signes non équivoques. Le jeûne et surtout l'abstinence un peu prolongée, produisent un effet inverse. La réduction a été constatée par divers observateurs et notam- ment par Chossat sur les pigeons ; elle a paru forte à Collard de Martigny sur les jeunes lapins ; mais si la réduction absolue n'est pas douteuse, puisque le sang perd une partie de sa masse comme tous les autres éléments de l'organisme, la diminution relative est contestable. Celle-ci, que Valentin, Heidenham et Panum n'admettent pas, m'a paru aussi à peine sensible ou tout à fait nulle sur les animaux d'un embonpoint considérable, dans toute la période de l'abstinence. Un cheval, même après trente jours d'abstinence, m'a donné une masse de sang égale au douzième du poids du corps, ou un chiffre qui est rarement atteint dans les conditions normales. Mais cette proportion doit être exceptionnelle. L'engraissement, l'obésité diminue, dans une proportion considérable, la quantité de ce liquide. C'est sur les porcs, les moutons gras que la réduction m'a paru surtout sensible. M. Boussingault a trouvé 7 pour 100 de sang sur les PROPRIETES ET COMPOSITION DU SANG. 587 oies maigres et 4 pour 100 sur les grasses, soit 1/14« sur les premières, et 1/25^ sur les autres. Les divers états de l'organisme, physiologiques ou morbides, font notable- ment varier la proportion de la masse sanguine. La pléthore l'exagère, les états qui se lient à l'anémie, à la chlorose la réduisent ; les maladies fébriles pro- duisent aussi ce dernier eiïet, mais je n'ai pas trouvé, sur deux chevaux sacrifiés pour cause d'affections douloureuses du pied, un chiffre inférieur à la moyenne. Dans quelques cas on constate des différences énormes dont il est difficile d'en- trevoir la cause. Ainsi, des chiens de taille presque semblable et dans les mêmes conditions essentielles, ont donné, l'un 1/14, l'autre 1/18, un troisième 1/21 de sang. De deux brebis de même âge et de même poids, à un kilogramme près, également grasses et à jeun depuis 12 heures, la première a donné 2337 grammes de sang, la seconde 3360. Des écarts de même genre et fort nombreux se remarquent dans les tableaux qui résument mes recherches. Quoiqu'il ne soit pas possible de calculer exactement l'influence de toutes les conditions qui modifient la proportion du sang et de dire au juste, en présence d'un animal, qu'il doit avoir telle ou telle quantité de ce liquide, il faut se baser sur les données de l'expérimentation pour régler les émissions sanguines dans la pratique médicale. Si, par exemple, on saigne le cheval, il faut se rappeler que, en moyenne, ce solipède a 5 à 6 kilogrammes de sang pour 100 kilogrammes du poids du corps, soit un 18-, il peut en avoir jusqu'à un 13'^ ou n'en posséder qu'un 23e. D'après cela, la même saignée de 5 kilogrammes qui dans le premier cas enlève le cinquième de la masse du sang, en soustrait seulement le septième dans le second et en emporte plus du quart dans le dernier. La quantité desangquipeut être extraite, toutd'un trait, sans que lamort s'en- suive est nécessairement subordonnée à celle que renferme le système vasculaire. Elle est considérable. Haies, dans ses expériences, a vu mourir un cheval après la soustraction d'une masse de sang égale au 25® du poids de l'animal. Dans les miennes, la mort est arrivée après une perte égale du 25* au 12^ du poids du corps sur le cheval et le chien; du 35° au 18" chez le mouton ; du 39® au 19" chez le porc ; du 46® au 15® chez le chat ; du 44® au 23® chez le lapin ; du 32^ t . — Grands ruminants. Veau flamand. 50 j. . . . Veau flamand, ob j . . . . Veau cotentin, 3 mois. Vache, maigre Vachfi, maigre, 8 ans.. Bœuf durliam, 2 ans. . . Bœuf breton, 5 ans. . . . Bœuf limou in, 5 ans.. Bœuf cotentin,. 6 .m s... Bœuf durli.-norm. 2 ans. Moyennes, Poids Poids du corps. du sang. Vaiss.ducou. 142,000 6.500 Id. 150,000 5,500 Jd. 190,000 8,000 Carotide. 303,000 12,-00 Carotide. 361,000 16.800 M. de la poilr. 350,000 14,000 Id. 630,000 15,000 Id. 815,000 28,000 Id. 1030,000 84,000 Id. 1110,000 36,000 17,650 528,100 Rapport Quantité de sang par kil. du corps Observa- du sang au poids du corps. tions. 3 m m — . 1 : 21,84 45,77 §•0 3 — 1 : 27,27 36,66 1 : 20,00 43,15 o ~ 1 : 39,28 25,45 s 2 « m 1 : 42,00 23,80 i " 1 1 1 : 29,10 34,35 1 : 30,29 33,00 <">".§ 1 : 30,83 33,43 I-) 1 : 29,92 23,42 Solipèdes. SEXE, RACE, ETAT DES ANIMAUX. Poulain de 10 jours Ane maigre , Anesse assez grasse, 16 ans . . . Cheval hongre maigre, 14 ans Cheval de trait maigre, 12 ans Chetal hofigre.. ..■.;.:..:..<...., Cheval hongre. , ' Cheval hongre, 18 ans Cheval hongre, 15 ans. Cheval hongre Cheval entier Jument maigre, 12 ans Cheval entier, 16 ans Cheval de trait, maigre. 16 ans Jument^ 13 ans Cheval entier. . : Cheval hongre > . . , . Jument, 9 ans. Cheval, 12 ans. .,.;..; Jument, 16 ans Cheval entier, 14 ans •. Cheval hongre, 16 ans Cheval, après 30 jours d'abstinence Jument, -13 ans CliÊval entier, 14 ans ■ . . Cheval hongre, 15 ans I . . . Jument Cheval entier, maigre, 16 ans Jument Cheval entier, 14 ans Cheval hongre Jument, 13 ans J\iment maigre, 14 ans , . Cheval entier Cheval entier. . . Cheval entier Cheval, 16 ans Cheval hongre, 14 ans Jument, 13 ans Cheval hongre Jument, 12 ans Cheval entier, 15 ans . . Cheval bien musclé, en digestion Cheval entier, 13 ans Cheval entier Çhojtal ientier.". . ".' Cheval hongre Cheval, 12 ans Jument Jument Jument, 13 ans , . . . Jument en bon état, 13 ans. Cheval entier, 12 ans ,. . Jument, embonpoint moyen. 5 ans. ....... Cheval de trait, mal de pied,. ; . Cheval de i6 ans. . • Cheval de 16 ans Cheval entier, embonpoint moyen, H ans Jument de. 16 ans '. Cheval, demi-sang, eu bon état, à jeun Cheval de 14 ans Cheval de trait, musclé, de ■vigneuf moy., en dig. Cheval anglais, morveux Cheval entier, embonpoint moyen, 10 ans Chevalde trait, bon état, à jeun, 12 ans Cheval entier, embonpoint ordinaire. / Cheval entier, musclé, de vigueur moy. en digest, Cheval de trait, assezinusclé, castré 8 j. avant.. , Cheval maigre, 7 ans Cheval de trait, bien musclé, vigoureux. . . . ; Cheval entier, 18 ans . .• . Cheval de trait, en bon état, mal de pied. . . . , Cheval, embonpoint ordinaire.. ;...', Cheval entier, très-musclé, gras.. Cheval entier, musclé, gras, mal'd» reins, -ÎCans Cheval de trait léger, très-vigoureux, 12 ans. . Cheval très-musclé, boiteux, en digestion.. . . 'Moyennes. Poids du corps. 20,000 104,000 140,000 200,000 21 i ,000 220.000 226,000 248,000 275,000 284,000 290,000 292,000 298,000 303,000 306,000 308,000 314,000 316.000 320,000 321,000 321,000 325,000 325,000 332,000 332.000 333,000 336,000 337,000 337,000 337,000 340,000 341,000 344,000 349.000 355,000 '62,000 363,000 363,000 367,000" 368,000 370,000 371,000 373,000 375,000 380,000 384,000 389,000 389,000 390,000 397,000 400,000 400,000 403,000 406,000 406,000 408,000 409,000 410,000 413,000 415,000 422,000 435,000 442,000 445,000 448,000 456,000 457,000 457,000 470,000 470,000 493,000 501,000 518,000 530,000 530, ooa 532,000 564,000 361,000 Poids du saû» 980 4,494 7,115 11,500 12,700 13,210 9,616 13,5G5 14,125 18,035 20,955 16,000 15,395 15,672 15,609 18,839 13,115 15,590 17,241 15,320 16,415 16,825 27,000 21,710 16,725 16,090 18,580 17,500 18,435 17,816 23,925 19,160 21,500 18,500 17,570 18,200 20,983 16,320 19,860 17,795 16,607 19,862 20 500 16,565 20,505 22,157 20,060 22,882 21,040 18,650 16,210 19,839 17,780 22,000 22,000 22 977 23!395 14,500 16.205 27,400 17,985 26,500 36,000 25,500 33,300 •30,300 28,600 26,500 28,375 32,000 33,818 26,500 31,000' 25,600 23,600 30,100 42,370 20,003" Kapport du sont,' tiii «orpsj :'i:2o,4o •.1:23,14 ;i:i9,06 :i:i7,39 :i:io,53 :i:'i6,c5 :i;23,50 :i:i8,26 :i:i9,46 :i:i5,74 :i:i3,83 :i:i8,25 :l -19,35 :ri9,3:i : 1:19,60 :i:i6,35 :i -23,94 :i:2o,27 :i:i8,56 ;i:2o,95 :i -19,55 :i:i9,3i :i:i2,03 :l -15,29 :i:i9,85 •1-20,69 :i:i8,08 :l -19,25 :i: 18,26 :i: 18,92 :i:i4,2i :i:i7,79 :i:i6,oo :i:i8,86 •1:20,20 '1:19,88 ■1:17,29 •1-22,24 :i:i8,42 :i:2o,79 •1-22,88 •1-18,67 =i: 18,19 -1:22,70 •1:18,53 •1:17,33 ■1:19,39 ■i:i7,oo :i:i8,53 :i:2i,28 :i:24,67 •1:20,16 :l -22,60 -1:18,45 •i:18,45 :i;n,75 •i:17,48 •1-28,27 =1-25,48 = 1-15,14 M:23,45 •i: 16,41 =i:l2,27 -1-17,45 •1:13,45 •1:15,04 :i:i5,97 :i:i7,24 :i:i6,56 :i: 14,08 :i:i4,57 :i:i8,9o :i:ie,7o :i:2o,7o •1-20,70 :i:i7,67 :i:i3,3i :i:i8,4i O'iaritii*! do sang par kil; dii corps; 49,00- 43,21 50,75 57,50 00,47 00,04 42,54 5*,73 51,36 63,50 72,25 54,79 51,66 51,72 51,00 61,16 41,76 49,'33 53,87 47,72 51,13 51,76 83,07 65,39 50,37 48,31 55,29 51,92 54,70 52,86 70,36 58,18 62,79 53,00 49,49 50,27 57,80 44,95 54,11 48,35 44,88 53,53 54,95 44,17 53,96 57,70 51,56 58,66 53,95 46,97 40,52 49,59 44,11 54,18 54,18 56,31 57,20 35,36 39,23 66,02 42,61 60,92 81,44 57,30 74,33 66,44 62,59 ■57,98 60,37 €8,08 68,59 52,89 59,84 48,30 48,30 56,57 75,12 • 54,35 Vaisseaux CaroUde. Id. Fécioîalo. Fémorale. au poitrail. Id. Carotide. au poitrail. Id. aij poitrail. Carotide. Fétnorale. Carotide. .t. — Petits runilnantfl. u Poids Poids Rapport du saog Quantité de sanfT -a 2; . SEXE, RACE, AGE, tTAT DES A.NIMaL'X. du corps. du sang. au corps pour 1 k. du corps. Vaisseaux ouverts. gr. gr- gf- 1 Chevreau femelle, 5 jours. , . 1,855 80 ::l:23,18 43,12- Vaiss. du cou. 2 Chevreau mâle, 1 jour 2,473 133 ::l:18,59 53,78 Id. Id. ! 3 Bélier, 1 an 1/2, v. d'être op. i8,000 , 420 ::1:44,44 23,33 li Brebis de 5 aiis, grasse. . . . 1 5 Mouton maigre, à jeun . ... 25,500 1141 ::l:22,35 44,74 Id. \ 6 Bélier, 15 à J 6 m. v. d'êtreop. 19,260 860 "::l:22,39 44,65 Id. l 7 Bélier adulte maigre, ayant j été opéré ...".. 28,700 920 ::i:3i,i9 32,05 Id. 1 8 Brebis de 7 mois, en hon état. 32,000 1268 :: 1:25,23 39,93 Id. 1 9 Brebis grasse, de 3 ans .... 38,000 1780 ::l:21,34 46,84 Id. 10 Brebis de 2 ans, grasse, -à 11 laine soyeuse 39,000 41,000 1381 1739 ::l:28,95 :; 1:^3,57 35,41 42,41 Id. ïd. Brebis grasse, 5 ans 12 13 Brebis de 22 mois 45,000 1612 ::1:27,91 35,82 Id. Brebis angto-mérinoS; soyeuse, U grasse, 6 ans 47,000 48,000 2590 1917 ::1;18,14 :: 1:25,03 55,10 39,75 Id. Id. Bélier nnglo-mérinos, 4 ans.. 15 Brebis assez grasse, 3 ans 1/2. 49,000 2065 :;1:23,72 42,14 Id. 16 Brebis assez grasse, 3 ans. . . 49,000 2170 :: 1:22,58 44,48 Id. 17 Brebis asss^ grasse, adulte. . . 50,500 1724 :: 1:29,29 34,13 Id. 18 Brebissoyeuse,pl.de50j ,7a. 51,000 2042 :: 1:24,97 40,03 Id. 19 Mouton anglo-mérinos, 5 ans. 52,000 2360 ::l:22,03 45,38 Id. j 20 Mouton. , 53,000 1992 :: 1:26,55 37,58 Id. j 21 Mouton assez gras, 6 ans. . . . 53,000 1890 ::l:28-,04 35,66 Id. 1 22 Bélier anglo-mérinos adulte. ■embonpoint moyen . 53,000 2790 ::1:18,99 52,64 Id 23 Bélier anglo-mérinos adulte. . 54,000 2170 ::i:24,88 40,18 Id. 24 Brebis seyeuse, 2 ans, 9 mois, 25 assez grasse «... 54,000 1955 :: 1:27,62 36,20 Id Brebis soyeuse, 6 ans, 9 mois, assez grasse 55,000 2588 ::l:21,25 "47,05 Id. 26 Bélier adulte ay. servi aux op. 55,000 1570 :;i:35,03 28,54 Id. 27 Brebis soyeuse, 6 ans 1/2'^ assez grasse 55,000 2252 ::i:24,42 40,94 Id. 28 Brebis mérinos crois., pleine de 50 jours, 7 ans 1/2 .- . . 55,500 2310 :: 1:24,02 41,62 Id. 29 Brebis assez grasse,* 8 ans.. , 56,000 2465 :: 1:22,71 44,01 Id. 30 Brebis en bon'étati pleine de 31 ■50 jours, 7 ans .56,000 2460 ::l:22,76 43,92 Id. Brebis anglo-mérinos, bon état, pleine de 47 jours^ 8 ans . . 56,000 2365 ::l:22,67 42,23 Id. 32 Brebis en bon état, pi. de50 j. 56,700 2580 ::1:21,97 45,50 Id. -33 Brebis assez grasse, 6 ans. . . 57,000 2223 ::i:25,64 39,00 Id, 34 Brebis en bon état, p.l. de 2 m,. 58,700 2720 :: 1:21,58 46,33 Id. 35 Brebis angl.-mér.,, grasse, 4 a. 59,200 2420 ::i:24,46 40,88 Id. 36 Brebis grasse, 5 ans 1/2. . . . 60,000 2337 ::i:2'5,67 38,95 Id. 37 Brebis .grasse, 5 ans ....... 61,000 3036 ::i •.20,08 , 49,77 Id. 38 Brebis en bon étet, 5 ans, ! . pleine de 5 mois ' 61,000 2320 ::i:26,28 38,03 Id. 39- Brebis anglo-mérinos, 10 ans, très-gr.TSse 62,000 3400 ;:l:18,23 ■■ 54,83 Id. 40 Brebis mérinos soyeuse, pleine i 1 de 2 mois, 7 ans 1/2 63,000 2985 ::i:2i.io 47,38 Id. ' 41 Brebis -«n bon état, pleine de ■ i ; 42 64,000 2910 ::1:21,99 45,47 Id. Brebis adulte, pleine de 50 j. ■Moyennes. ..... 65,500 2350 ::1:27,87 35.87 Id. 47,826 2007 ::'l:24,G0 41,70 590 DE LA NUTRITION. •1. — Chiens. 3 4 o 6 7 8 9 10 11 li 13 U io 16 17 18 19 20 21 22 23 24 48 49 50 bl b2 33 b4 3b 56 57 58 39 60 61 62 63 64 63 66 67 SEXE, RACK, AGK, ETAT DES ANIMAUX Jeune chien Chien de 1 mois Chien de 1 mois Chien de 6 a 7 mois, eu digestion Chien King-Charles, jeune, maigre, en dig Chien de 6 mois, en digestion Jeune chien, bichon, à jeun depuis 24 h.. Chien de b à 6 mois Chien E.ing-Charles, très gras, en digest. . Chien vigoureux, maigre, en digestion . . . . Chien de 3 mois, en digestion Chienne de 5 mois, à jeun Chien très maigre, ayant servi à espér. . . . Chien ." Chien anglais, gras, en digestion Chien de rue, adulte, en digestion Chien de rue adulte, petite taille Chien terre-nenve, jeune, très gras Chienne adulte, maigre eu digestion Chien jeune, maigre, en digestion Chien de rue, en bon état, en digestion. . . . Petit chien. . . . , Chienne-pie, très maigre, bon état Chien de rue, jeune Jeune chien, en digestion Chien en bon état, à jenn Chien épagueul, 1 an, vigoureux, eu digest. Chien de rue, vigoureux, à jeun Chien épagneul, 2 ans, en digestion Chienne très grasse, 2 à M ans, en digest. . . Chien barbet, en digestion Chien de rue, à jeun Chien épagneul, très vif, en digestion Chien adulte, maigre, en digestion Chien-loup, en bon état Jeune chien, terre-neuve Chienne de petite taille, grasse Chien adulte, gras, en digestion Chien de 1 an environ Chien de rue Chien loup-loup, très maig., en dig Terrier adulte, mâle, en bon état Chien de 3 mois Chien caniche, maigre en digestion Chien loup-loup, malade, à jeun dep. 8 j. . Chien en bon état, en digestion Chienne maigre, 2 ans, en digestion , Chien de b mois Chien matin, maigre, adulte Chien de chasse Chien maigre, à fistule gastrique, en dig. . Chien de ctiasre, 2 ans, bon état Chieu de chasse, en bon état Chien terrier, vigoureux, en digestion Chien d'arrêt, adulte, maigre Chien de berger, àjeun Chien de berger, adulte, très vigoureux. . . Chien adulte, en bon état ChiendelOmois, en digestion Chien matin Chien de berger, vieux, bon état, en dig. , Chien de chasse, bon état Chien de basse-cour, 1 à 2 ans, ay. souff. . Jeune chien, en bon état Chien de chasse, musclé, non gras, en dig. Chienne adulte, en digestion Chien ayant souffert Chien de garde, crâne ouv. dep. plus. seni. Chien épagneul, 8 j. d'abstinence Poids du corps. 0,"40 1,37C 1,823 1,9)0 2.130 3,830 4,300 4,563 4,600 4,620 4,723 4,737 4,940 3,000 3,102 3,130 3,163 5,420 6,034 6,200 6,320 7,U30 7,130 7,282 7,320 7,800 7,912 8,100 8,200 8,383 8,330 8,714 8,863 9,500 9 323 9,327 9,370 10,400 10,640 10,820 11,400 11,300 11,700 11,800 12,430 12,700 13.323 14,449 14,703 13,860 16.000 16,034 16,350 16,-30 16,930 17,000 17,000 17.250 17,530 17,500 17,830 17,900 18,000 18,363 18,300 18,300 18.330 Poids du sang. 100 113 110 70 200 233 190 200 220 273 317 3i-0 230 302 300 283 305 302 277 373 330 420 230 350 602 380 300 312 330 335 503 430 360 463 320 507 307 370 373 640 320 637 607 620 700 830 612 823 809 1,035 1,020 1,050 1,034 1,020 1,020 1.030 796 1,180 905 1,000 1,050 872 1.120 1,400 1,363 740 1,100 770 Rapport du sang au corps. Quantité de sang par kil. du corps. I Vaisseaux ouveris. gf. 1 : 16,44 60,81 Vaiss. du cou. 1 : 13,70 63,69 Id. 1 : 13,82 63,01 Id. 1 : 17.36 37,39 Id. 1 : 30,42 32.86 Fémorale. 1 : 19,23 31, 9i- Id. 1 : 18,29 34,63 Id. 1 : 24,02 41,62 2 art. fémorales. 1:23 43,48 Id. 1:21 47,61 Art. et vein. fémor. 1 : 17,18 58,31 Vaiss. du cou. 1 :13 66,63 Jugul. et carot. 1 : 14,32 68,82 Carotide. 1 : 20 30 Vaiss. du cou. 1 ; 16,89 59,19 Art. fémorales. 1 : 14,7) 38,23 Id. 1 : 18,12 33,17 V. entrée du thorax. 1 : 17,77 56,27 Fémorale. 1 : 18,05 .=io,57 Id. 1 : 19,77 30,37 Vaiss. du cou. 1 : 16,14 61,94 V. entrée du thorax. 1 : 17,71 36,45 1 : 13,32 64,41 Fémorale. 1 : 28,20 33,46 Id. 1 : 20,42 48,95 Id. 1 : 12,09 82,80 Jngul. et carot. 1 : 19,36 31,91 Art. Fémorales. 1 : 13,60 64,23 Id. 1 : 13,43 64.71 Vaiss. du cou. 1 : 23,15 43,21 Fémorale. 1 : 13,14 63,24 Vaiss. du cou. 1 : 16,60 60.22 Jugul. et carot. 1:19 32,63 2 jugul. et 2 car. 1 : 24,20 41,31 Vaiss. du cou. 1 : 19,14 52,24 Id. 1 : 18,26 54,73 1 : 18,77 53,22 Id. 1 : 18,78 33,21 Id. 1 : 16,78 59,36 Carot. et jugul. 1 : 18,08 33,28 Vaiss. du cou. 1 : 16,62 60,15 2 fémorales. 1 : 20,80 48,03 Vaiss. du cou. 1:17,89 33,87 1 : 18,94 32,78 Id. 1 : 18,87 ■' 52,99 Fémorale. 1 : 16,83 ! 39,32 2 fémorales. i : 14,97 66,77 Entrée de poitriue. t : 20,75 48,18 1 : 16,13 61,91 Fémorale. 1:17,86 33.99 Vaiss. du cou. 1 : 13,93 72,73 V. entrée du thorax. 1 : 13,54 64.31 Vaiss. du cou. 1 : 13,23 63,62 Fémorale. 1 : 13:30 64,48 Vaiss. du cou. 1 : 16,01 62,38 Vaiss. du thorax. 1 : 16,40 60,96 2 jugul. et carot. 1 : 14,98 6H,74 Id. 1 : 21,33 46,83 Id. 1 : 14,40 69.41 Fémorale. 1 : ly,06 32,46 Id. 1 : 17,33 36,98 Id. 1 : 16,76 59,65 Id. 1 : 20,47 48,85 Id. 1 : 15.98 62,56 Carotide. 1 : 12.83 77,77 Carot. et jugul. 1 : 13,43 74,32 V.con et eut. thorax. 1 :25 40 Vaiss. du cou. 1 : 16.81 59,43 Carot. et jugul. 1 :2i,09 41,50 Carotide. PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DL' SANG. oltl 100 101 102 103 StXK, RACE, AGE, ÉTAT DES ANIMAUX GhieD braque, vieux, assez maigre». Jeuue cliieu de chasse, à jeun Cliieu burdclais, tigré, musclé, adulte Chieu épagueul, adulte, gras Chieu de montagne, en bon état Chieu matin Chien gritTon. maigre Chieu épagueul, 6 ans, maigre, en digest.. . Chien épagueul, très maigre, en digestion. Chien de chasse, très gras Chienne épagneule, grasse, allait. 7 petits. Chien épagueul, assez gras Chien épagueul, eu digestion Chien maigre, à jeun Chien de chasse, gras, à jeun Chienue de garde, mal du vagin Chien épagueul, bieu musclé, en digest... Chienne Chieu de garde, eu bon état, à jeun Chien de chasse, très musclé Chieu dogue-, très vieux, en digestion Chien adulte, maigre, en digestion Chienne en bon état, à fist. du can. thorac. Terre-neuve, vieux, bonne santé, en dig... Chienne adulte, vig., maigre, en digest. . . Chien adulte, vigoureux, en digestion Chienne terre-neuve, très grasse, stérile.. Chien de 4 aus, bon état, eu digestion Chien màtin-dogue, eu digestion Chieu de Jterre-neuve, gras. Chieu de basse-cour, très vieux, à jeun. . . . Chienne grasse, eu digest., tube à la carot. Chienue terre-neuve, grasse, fist. can. thor. Ghieune Foids du corps. 19,000 19,000 20,000 20,500 20,500 20,850 20,860 21,320 21,400 2l,8So 22,000 22,100 23.300 22,500 22.650 23,823 24,300 ,6,900 7.210 29,300 Poids du sang. 2fl î6o 30.337 32,020 32.537 34.740 33,000 35,000 35,300 33,700 35,900 36,000 36.700 39.160 40,000 .Movennes 1,500 1,350 1,170 600 1,333 810 1,460 1,320 1,370 832 1,235 1,470 1,442 1,285 1,150 1,825 1,300 1,649 1,910 1,700 1,730 1,637 2,370 2,137 î,240 1.900 1,400 1,750 2,410 1,700 1,813 2,3(i0 1,660 1,420 5. — Porcs, Porc jeune, en bon état, opéré Porc de 4 â 5 mois, opéré la veille Truie jeuue Porc trichine Porc jeune, tué après les opérations Verrat, tué après les opérations Porc jeune Porc jeune, en bon état, tué ap. les opérât. Porc jeune, opéré Truie jeune, opérée Truie de 3 à 4 mois, demi-grasse, opérée. , Porc • Porc femelle, jeune, tué ap.eip.sur cerveau Porc femelle Porc en bon état Porc trichine Verrat en chair, maigre, opéré J'orc trichine en digestion Movennes 6. Jeune chat de 1 m. ap. 6 j. d'abstinence Chat de 2 mois Jeune chat, bon état, à jeun depuis 24 h Chat eu digestion Jeune chat, ap, 12 j. d'abstinence 12.600 21,033 24,000 24.000 29.177 30,500 31,440 33,620 33.900 34,200 35,420 39,500 44.200 44,200 46,000 39,500 57,500 94,600 36.499 Chats. 360 463 1.370 1,370 1,395 Rapport du sang au corps. 12,65 14,07 17,09 34,16 13,37 25,74 14,28 16,15 15,62 23,09 17,81 15.03 16,13 17,30 19.69 13,05 18,69 16,31 14,24 17,23 17.20 18,53 13.31 13,22 15,30 18,42 25 20,17 14.81 21,11 19,85 14,68 23.59 28.16 18.12 Quantité de sang par kil. du corps. 470 1 26.80 335 1 39.31 63S 1 37,6 't 1,220 1 19,67 777 1 37.55 630 1 46,92 1,240 1 25,35 1,220 1 27,33 1.530 1 22,13 1,440 1 23,75 1,440 1 24,59 1,680 1 23,31 1,670 1 26.46 1.320 1 29,07 1,863 1 24,66 1,680 1 23,51 2,123 1 27.08 4,100 1 23.07 1,399 1 28,23 Il 1 32,72 30 1 13,43 38 1 36.03 38 1 36.30 30 1 46,30 78,94 71,03 58.50 29,26 74.77 38,63 69,98 61.91 64,01 39,84 56,13 66,5 î 61;88 57,11 50,77 76,60 33,49 61,31 ■^0,19 58,02 38,15 53,96 74,32 65,61 64,48 54.28 40,00 49.57 67,50 47,33 50.36 68,11 42,39 35,50 30,86 37,30 25,43 26,58 30.83 26,63 21,31 39,44 36,28 43,13 42,10 40,63 42.53 37,78 34,38 40,54 42,33 36,95 43,34 Vaisseaux ouverts. Carot. et jngul. Gar. jug. et cœur. Carot. et jugul. Fémorale. Carotide. Fémorale. 2 fémorales. Fémorale. Vaiss. du thorax. Yaiss. du cou. Art. Fémorales. Yaiss. du "ou. Id. Fémorale. Id. Crurale. Garotide. Vaiss. du cou. Carot. et jugul. Vaiss. du thorax. Id. Id. Carotides. Vaiss. dn thorax. Id. Carot. et jugul. Vaiss. du thorax. Id. Id. Id. Carotide. Id. Id. Vaiss. du cou. Entr. du thorax. Id. Id. Vaiss. du cou. Entr. du thorax. Id. Id. Id. Id. Id. Entr. du thorax. Entr. du thorax. Id. 37,20 30,55 I Vaiss. du thorax. 64,79 jV du cou et d. thor. 27,73 I Entr. du thorax. 27,73 ! Vaiss. dn thorax. 21,30 ; Id. 592 DE LA NUTRITION. SEXE, RACE. AGE, ETAT DES ANIMAUX Pokls du corps. Poids du saiiK. ©. — Chats {Suite). Chat de taille nioy. ap. 3j j. d'abstiueuco. Jeune chat, en digestion Chat très maigre, ap. 1 1 j. d'abstinence. . . Chatte de 3 mois, en digestion Chatte jeune, maigie Chat en digestion Chat adulte ap. 22 jours d'abstinence Chat Chat jeune, gros Chat adulte en digestion Chat en digestion Chatte tigrée Chat sous l'eau 3 rain., tué 1 h. Ii4 ap. . . . Chat adulte, à jeun depuis 2i h Chatte adulte Chat après 10 j. d'abstinence Chat eu bon état Chat adulte très vigoureux, gras, en dig.. Chat vigoureux, gras, a jeuu Chat très gras Chat très gras ap. 29 j. d'abstinence Chat adulte, assez gras, en digestion Moyennes. l.ilO 32 1,510 55 1,523 33 l,58i 54 1.890 70 2, ICI 81 2,176 65 1 2,183 50 2,360 70 : 2,370 85 1 2.472 82 2,575 60 2,600 112 2,745 55 2,928 48 2,942 100 •3,080 130 3.458 98 3.590 90 3,850 130 4,153 91 4,831 191 2,267 16,46 Oiseaux. Poulet Poulet en digestion Poulet Poulet à jeun Poulet Poulet Poulet, expérience sur digestion Jeune coq Poulet Poule, un an environ, bon état.. Poule adulte Poule Poule Poule Jeune dinde Oie grasse , Dindon Movennes. . . t 386 16 oOO 23 700 37 706 31 813 33 870 39 930 40 .1,031 50 1,120 20 1,550 43 l,6o0 67 1,907 67 1,930 43 1.960 70 3,060 Ho 3,839 119 4,030 110 8. Rats. Rat très faible, malade Rat panaché, en digestion Rat femelle, panaché, malade. ...... Rat panaché Rat panaché, femelle, adulte, bon état Rat panaché, en digestion Rat mâle, panaché, adulte Rat panaché, en digestion Rat adulte, gras, en digestion Rat panaché, adulte Rat aJulte, gras, en digestion Rat mâle, adulte, très bon état Rat panaché, bon état, vigoureux Rat à jeun, mâle, vigoureux, adulte. . . Rat adulte, gras, eu digestion Movennes 82 2.30 113 4 120 6.30 125 3.90 140 3,30 141 4 130 J 161 1) 162 6 177 7,80 178 6.30 228 8.40 229 8.70 230 S 235 8 Rapport du sang au corps. i-,06 1 : 46,13 1 : 29,33 1 : 27.00 1 : 26,67 1 : 33,47 1 : 43,70 1 : 33,71 1 : 27,88 1 : 30,14 1 : 42.91 1 : 23,21 1 : 49.90 1 : 61,00 1:29,42 1 : 23,69 1 : 35,28 1 : 39,88 1 : 29.61 1 : 45,63 1 : 23,29 1 : 34,91 i : 24,12 1 : 21,73 1 : 18,90 1 : 22,77 1 : 24,63 1 : 22,30 1 : 23,25 1 : 21,02 1 :o6 1 : 34,44 1 : 24,62 1 : 28,46 1 : 44,88 1 :28 1 : 27.81 1 : 32,43 1 : 36.81 28,93 1 : 33,63 1 : 28,70 1 : 18.46 1 : 32,30 1 : 23,43 1 : 33,23 1 : 30 1 : 26.83 1 . 27 1 1 1 1 1 :46 1 , 29.3 22,60 27,38 27,10 26,32 29 22 Quantité de sang par kil. du corps. g''- 22,611 36,42 21,66 34,09 37,03 37.48 29,37 22,82 29,66 35,86 33,17 23.30 43,07 20.03 16,39 33,99 42,20 28,34 23.06 33,76 21,91 39,53 31,06 41, 46 32, 43, 40,: 44,1 43,1 47, i 17, 29, 40, 33, 22. sîi. 33, 30. Vaisseaux ouverts. Ll. Vaiss. du cou. Art. fémorales. Vaiss. du cou. V. entrée du thorax, ,\rt. crurale. Art. fémorales. V. entrée du thorax. V. entrée du thorax. Jd. Id. Vaiss. du cou. Vaiss. du thorax. Vaiss. du cou. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Carot. etjugul. Vaiss. du cou. Id. Carot. etjugul. Vaiss. du cou. Vaiss. du cou. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Vaiss. de la cuisse. Vaiss. du cou. Vaiss.de la cuisse. Vaiss. du cou. Id. Id. Vaiss. de la cuisse. PROPRIETES ET COMPOSITION DU SANG. 593 SEXE, RACE, AGE, ÉTAT DES AMMALX Poids du Poids du corps. saug. n''- gr. Rapport du saiifï au corps. (Juaiititc de sang par kil. du corj s. Vaisseaux ouvei ts. ». Lapiii.s. l 1 Lapin de 2 mois - Lapiu de i mois 3 Lapin Lapin jeune, en digestion Lapin à cerveau découvert. Lapin de 3 mois Lapin de o mois Lapiu vigoureux, eu digestion Lapin, expérience sur la digestion Lapin à jeun Lapin tué 12 h. ap. inocul. charbouueuse. Lapin jeune, très vigoureux, eu digestiuu. Lapin jeune, en digestion Laiiiu presque adulte Lapine vieille, stérile, en digestion Lapiu jeune, tué 4 lieures après repas. . . . Lapin jeune S Lapin jeune, en digestion â Lapin jeune, en digestion 0 Lapin de 6 mois 1 Lapiu tué ap. 24 h. d'abstinence Lapine Lapin, en digestion Lapin, adulte, gale des oreilles Lapin en digestion ; 26 Lapin tué 13 h. i/2 ap. inoc. charbonneuse 27 Lapin adulte, en digestion 28 Lapiu à jeuu depuis 20 h 29 j Lapin en digestion 30 Lapine, fauve, adulte 31 ! Lapin adulte, asphyx. sous mach. pneuni 32 I Lapine vieille, stérile, en digestion 33 ; Lapin bien musclé, en digestion 34 l Lapin bien musclé, en digestion 35 j Lapin expérience sur la digestion 36 i Lapine adulte, 1 an, en digestion 37 I Lapine adulte, 1 au_, bon état 38 j Lapin en digestion . . . , , 39 j Lapin, expérience sur la digestion., 40 ! Lapine adulte, très grasse, en digestion. . 41 I Lapine adulte,Siérile,tr. grasse, endigestiun 42 I Lapine 43 I Lapine adulte, stérile, très grasse, en dig Movennes l,04o 'i5 1 r23,22 43.06 l,07o 35 1 : 30,70 32,61 1,430 60 i : 24,16 41.37 1,470 45 1 : 32,66 30,61 1,470 57 1 : 25,78 38,77 1,473 33 1 : 44.78 22,32 1,805 60 1 : 30,08 32.24 2.-110 67 1 : 31,49 31,75 2,110 60 1 : 35,16 28,43 2.!o0 85 1 : 25.29 39,53 2,1 90 84 1 : 26,07 38,35 3,2o0 70 1 : 32,14 31,11 2,260 75 1 : 30,13 33,18 2,270 90 1 : 25,22 39,53 2,370 70 1 : 33,85 29,53 2,420 60 1 : 40,33 24,79 2,420 92 1 : 26,30 38,01 2,370 80 1 :32, 12 31,12 2,600 80 1:32,10 30,76 2.630 83 1 : 30,94 32,32 2,670 75 1 : 35,60 28,08 2,750 100 1 : 27.50 36,36 2.890 98 1 : 29,48 33,91 2,920 117 1 : 24,96 40,06 2,928 130 1 : 22,46 44,52 3,000 103 1 : 28,57 35 3,030 110 I : 27,54 39,63 3,050 100 1 : 30,30 32,78 3,070 123 1 : 24,93 40,06 1 3,335 110 1 : 30,31 32,98 3,350 65 1 : 51,53 19,40 3,3i0 130 1 : 25:92 38,57 3,390 100" 1 : 33,90 29,32 3,400 100 1 :34 29,41 3,420 93 1 :36 27,77 3,566 116 1 : 30,74 32,52 3,587 122 1 : 29,40 34,01 3,650 125 1 : 29,20 34,24 3,760 100 1 : 37,60 26,59 3,800 120 1 : 31,66 34,21 4,280 140 1 : 30,57 32.71 4,500 120 1 37,50 26,66 4,660 80 1 : 58,25 31,65 17,16 32,92 Vaiss. du cou. Id. Id. Id, Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Id. Carotides. Vaiss. du cou. Id. Carot. et jugul. Vaiss. du cou. Id. Fémorale. 2 jugul. et carot. Vaiss. du cou. Id. Id. Id. au 18*^ chez quelques oiseaux. Suivant que les animaux d'une même espèce sont d'une taille plus ou moins élevée, la quantité absolue de sang dont la sous- traction tue, varie dans le rapport de 1 à 2, 3 etc. Ainsi cette quantité a été de 11 kilog. 1/2 pour un petit cheval du poids de 200 kilogrammes ; — de 16 à 19 kilogrammes pour des chevaux de 400 kilogrammes ; — de 26 à 33 pour d'autres de 500 kilogrammes. Un chevreau, un agneau du poids de 2 kilo- grammes, meurent d'une perte de moins de 100 grammes, tandis qu'il en faut une de 2 à 3 kilogrammes pour tuer les gros moutons. Un jeune chien succombe aussi à une perte de 100 grammes, alors que de très gros chiens ne périssent qu'après une effusion de plus de 2 kilogrammes. Il importe, pour éviter de se faire des illusions à cet égard, d'évaluer toujours aussi exactement que 6. COLIN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 38 594 DE LA NUTKITION. possible le poids des animaux que l'on traite par les émissions sanguines, La mort qui survient à la suite des déperditions portées d'un seul coup aux chiffres sus-indiqués, a lieu au bout d'un temps assez court. En une minute, la carotide ouverte peut donner écoulement au tiers de la masse du sang, la fémo- rale à la moitié et même plus. Tous les vaisseaux du cou, coupés en travers, sur le mouton, donnent même en une minute, quelquefois en trente secondes, les deux tiers de la quantité totale qui peut être obtenue. Il ne faut souvent pas plus, sur le cheval, de dix minutes à la carotide ouverte et de six minutes à la fémorale pour verser à l'extérieur la totalité du sang susceptible d'être extraite. Les vaisseaux du cou blessés tous ensemble, sur le mouton, peuvent la verser en une minute et demie, tout au plus en 4 à 5. A compter de l'instant oi!i l'iié- morrhagie vient à s'arrêter spontanément, l'animal ne vit plus, dans les convul- sions, que cinq à dix minutes. Il est à remarquer, comme l'a prouvé Piorry, qu'on peut pousser les émis- sions, d'un seul coup, sans tuer les animaux, presque aux chiffres qui repré- sentent la proportion moyenne du sang. Ainsi un chien s'est rétabli après avoir donné en une seule saignée une quantité de sang égale au 20^ du poids du corps. Mais il ne faudrait pas croire qu'un semblable résultat puisse être obtenu dans tous les cas, car tel animal qui peut supporter une perte d'un 20% s'il a un 13^ de sang, succomberait probablement s'il n'en avait qu'un 16^ ou un 18^ II. ~ Propriétés physiques du sang. ^Couleur, otleiir, saveur, densité. — Le sang est un liquide incolore ou faiblement coloré, dans un grand nombre d'espèces inférieures. Les natura- listes l'ont trouvé sans coloration sensible dans plusieurs groupes de mollusques et d'insectes, — lactescent et bleuâtre dans divers gastéropodes, — jaune orangé dans les échinodermes, le ver à soie, la chenille du saule, — verdâtre dans cer- tains orthoptères, — brun chez la généralité des insectes coléoptères. Il est rouge déjà chez les annélides et les planorbes, et il conserve cette couleur dans tous les animaux vertébrés, avec quelques légères nuances. Le sang des mammifères et des oiseaux est d'un rouge vif dans les cavités gau- ches du cœur, le système artériel aortique et les veines pulmonaires ; il est d'un rouge brun plus ou moins foncé dans les cavités droites du cœur, le système veineux général et Fartère pulmonaire. Cette couleur devient uniformément sombre pour le sang veineux et le sang artériel, lorsque la respiration cesse de s'opérer, même pendant un temps très court. Celle du sang artériel est plus vive dans les ruminants, et en particulier dans le bœuf que dans les solipèdes^ le porc et les carnassiers^ Elle devient plus vive dans l'anémie et d'un rouge vineux dans les cas où la proportion des globules blancs est très considérable. La graisse émulsionnée la modifie comme le ferait l'addition d'une petite quantité de lait. Cette teinte paraît quelquefois bleuâtre, irisée dans le sang un peu gras qui com- mence à se coaguler. Le degré de coloration du sang a été généralement attribué aux proportions PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG, 595 relatives d'oxygène et d'acide carbonique dont les globules sont chargés. Le pre- mier donnerait la riitilance, le second la leinle sombre. Dans ces derniers temps on a pensé que la teinte Ycrmeille pouvait tenir à une forte concavité des deux faces des globules et la teinte foncée à un gonflement qui rendrait ces faces con- vexes. La concavité produite par la contraction résulterait de l'action de l'oxygène, des sels alcalins, de l'eau sucrée ; elle rendrait les globules très aptes à réfléchir la lumière, tandis que la distension outrée par l'eau, l'acide carbo- nique, les acides étendus aurait pour conséquence de diffuser les rayons lumi- neux. Dans tous les cas, divers agents chimiques avivent la teinte du sang : le nitrate de potasse, le sulfate de magnésie, tandis que d'autres la rendent plus sombre. Le sang a une odeur peu prononcée, qui rappelle celle de l'animal ou des produits delà transpiration, odeur bien sensible dans le sang du chien, du chat, du bouc, des bêtes bovines, soumis à l'ébullition ou mêlé à son volume d'acide sulfurique. Elle paraît due à des acides gras volatils. Sa saveur est légèrement salée, sa réaction alcaline. Il a une densité supérieure d'un vingtième à celle de l'eau, variant chez l'homme de 1 045 à 1 075. D'après Lehmann : terme moyen, elle est évaluée à 1 050. Suivant J. Davy, celle du sang du bœuf et du porc est 1 060, du mouton 1 050 à 1 058, du chien 1 050, de l'agneau 1 046 à 1 033, du veau 1 ,043. Elle est plus faible chez les poissons et les reptiles. Coag'tilaliilité, — Le sang extrait de ses vaisseaux ne conserve pas long- temps sa fluidité; il se coagule assez rapidement et prend l'aspect d'une gelée très ferme, assez élastique. Ce changement d'état s'opère plus ou moins vite suivant les animaux et les conditions dans lesquelles il peuvent se trouver. Le sang des petits oiseaux, du pigeon, de la poule, se coagule en une ou deux minutes, celui du lapin, du mouton, du chien en quatre à cinq minutes, celui de l'homme en quatre à six minutes, du bœuf en huit minutes, du porc, du cheval en 15, 25, 30 minutes, etc. Elle s'achève cinq, dix minutes plus tard alors que toute la fibrine est constituée. Il y a à cet égard quelques variantes qui dépendent de l'état des animaux, des conditions extérieures et des quantités sur lesquelles on opère. Les observateurs ne donnent pas de chiffres concordants, parce que les uns notent la coagulation au moment où la masse du sang est prise en gelée, et les autres seulement à l'instant oii cette gelée est devenue très ferme. La distinction entre les divers degrés est d'ailleurs diftîcile. Ainsi, en recueillant une éprouvette de sang de mouton en quinze secondes, on voit qu'une minute et demie ou deux minutes au plus après l'extraction le caillot est formé et même assez ferme, car si, à ce moment, on renverse l'éprouvetteil ne s'en échappe point ni ne s'ébranle sensiblement. La coagulation du sang a lieu très vite à la température ordinaire ; elle s'accé- lère sous l'influence de la chaleur jusqu'à-}- 40 degrés centigrades. Le contact de l'air ou de l'oxygène la favorise, c'est pourquoi elle s'accélère si le sang s'étale en nappe ou s'il coule en mince lilet dans un vase très large. Néanmoins elle s'opère encore assez promptement dans le vide et dans divers gaz ou mélanges gazeux. Le sang artériel se coagule plus vite que le veineux : aussi, chez les solipèdes, le premier donne beaucdup moins de caillot blanc que le 596 t>E LA NUTRITION. second ou même n'en donne pas. Le sang des sujets jeunes, pléthoriques, est aussi beaucoup plus coagulable que celui des animaux âgés. Celui des animaux atteints de maladies inllammatoires met quelquefois deux ou ti'ois fois autant de temps à se coaguler que le sang normal : aussi donne-t-il alors beaucoup de couenne dans l'homme et un caillot blanc énorme sur le cheval. Le sang des chevaux morveux se prend de même avec lenteur ; celui des animaux typhiques et charbonneux est peu coagulable et son caillot mou se résout vite en bouillie sur le cadavre. Diverses circonstances extérieures la rendent plus difficile. Le froid la retarde. A quelques dixièmes de degré au-dessus de zéro, elle ne s'elfectue pas ; le sang demeure liquide, si, en sortant des vaisseaux, il peut descendre à cette tempé- rature avant le moment où peut se faire sa coagulation. L'acide carbonique la ralentit et rend le caillot mou, les acides minéraux et organiques la retardent. Les alcalis, la potasse, la soude à la dose de 1 à 2 millièmes, le carbonate de soude rendent le sang incoagulable, probablement en mettant obstacle au dédou- blement de la plasmine ; divers agents toxiques semblent agir d'une manière analogue. Quelle que soit sa rapidité ou sa lenteur, la coagulation est progressive. Le sang est d'abord visqueux, puis il se prend en gelée molle, tremblante, qui devient de plus en plus ferme. Elle a lieu avec uniformité en môme temps au centre et dans tous les points de la périphérie ; mais le phénomène ne se pro- duit pas de la même manière sur tous les animaux. Dans la plupart, comme l'homme, les ruminants, les carnivores, le caillot paraît homogène ; il est rouge dans toute son épaisseur ou il présente seulement, en haut, une légère couche jaunâtre, une couenne constituée par de la fibrine dépouillée presque entièrement de globules rouges. Le sang des solipèdes a un mode de coagulation excep- tionnel. Son caillot se forme en deux parties très distinctes : l'une supérieure, jaunâtre, l'autre inférieure, d'un rouge plus ou moins foncé, représentant habi- tuellement à peu près la moitié de la masse totale. Entre ces deux caillots, ou à la partie inférieure du jaune, il y a une couche blanche plus ou moins dis- tincte constituée par les leucocytes. La formation de la couenne ou la séparation des deux caillots n'est pas égale- ment facile ni également rapide dans toutes les conditions. Dans l'espèce humaine il ne se forme pas de couenne sur les individus pléthoriques. Mais dès que la quantité de globules diminue comme chez les anémiques, les femmes enceintes, les tuberculeux, il s'en produit une plus ou moins épaisse; elle devient plus abondante dans le sang d'une deuxième ou d'une troisième saignée et présente une grande épaisseur pendant le cours des maladies inflammatoires qui diminuent la coagulabilité du sang. Sur le cheval, la séparation des deuK caillots met en général de 18 à 25 minutes à s'achever. C'est à compter de la deuxième à la cinquième que les premières couches du caillot blanc se dessinent. A la cinquième ou sixième minute, l'épaisseur de la couche blanche a déjà un demi-centimètre d'épaisseur. Dans une éprouvette de 15 à 16 centimètres de hauteur, la séparation marche assez vite pour que la couche de caillot blanc augmente de 1 centimètre par minute. Sur la fin elle se ralentit de moitié. En PROPRIETES ET COMPOSITION DU SANG. 597 12 à 15 minulos elle est le plus souvent aclievée. Dans quelques cas la sépa- tion marche avec plus ou moins de lenteur. Ainsi sur un cheval morveux, après 5 minutes, le caillot blanc avait 7 centièmes de la hauteur totale de la colonne sanguine — après 8 minutes, 17 centièmes ; — 10 minutes, 24 cen- tièmes; — 12 minutes, 27 centièmes ; — 15 minutes, 32 centièmes ; — 18 mi- nutes, 37 centièmes; — 20 minutes, 40 centièmes; — 25 minutes, 42 centièmes; — enfin après 30 minutes, 47 centièmes. Sur d'autres animaux, quelquefois sur les chevaux poussifs, la séparation ne commence qu'au bout d'un quart d'heure, une demi-heure et plus, et demeure si incomplète qu'cà peine y a-t-il un caillot blanc. Le sang artériel, du reste, en fait autant ; en général, il eh donne très peu, quelquefois pas. Voici, au reste, un tableau qui indique pour 10 chevaux la marche de la sépa- ration des deux caillots. La hauteur croissante du caillot blanc y est exprimée en millimètres, de minute en minute. "es ~â 3 a 2 mill. "3 ^ ■S "^ * u >i £ aj 3 ^ > o ^3 0. o g « mill. i «> =3 .S -s |. 9e cheval .— morveux. ^1 minutes. m'ill. mill. mill. mill. mill. mill. m;ii. l'-e.. )i 1 » „ » „ ■ „ „ )) » 2'... » 2 )) 3 ,) „ 1) » 3=... » 7 „ » 10 » „ 5 .5 4^.. 5 15 » » J7 5 ^, 10 „ 10 5=... 10 25 2 5 24 8 10 23 2 20 6^.. 17 35 5 JO 30 10 17 31 7 26 7°. . . 25 45 15 17 42 30 25 40 15 33 8«... 30 60 21 27 47 40 30 45 22 41 9«... 37 65 27 30 52 50 36 50 29 51 10=... 44 75 34 37 60 55 43 55 35 60 11°.. . 50 83 40 45 65 60 47 58 41 68 l2^.. 55 90 47 50 7-2 75 54 61 47 70 l3^.. 60 95 53 55 76 78 58 63 51 71 l4^.. 65 00 5-7 6'J 80 80 63 63 55 72 15\.. 70 100 61 02 85 80 66 64 58 73 16'... 75 L03 65 65 85 82 67 65 61 74 17=... 80 LOS 70 65 87 83 68 66 63 74 18=... 82 73 67 87 83 68 67 67 75 ]9«... 85 ^ , 75 88 83 70 68 71 75 20=... 85 ^ , 77 90 84 72 69 75 76 21=.., 87 78 90 84 71 69 77 76 22=... 90 , 80 91 84 70 79 76 23=... 80 92 85 72 81 77 24=... , , 82 93 85 , , 73 83 25=... 83 , . 86 75 85 26=.,. 87 78 87 ' Les proportions relatives des deux caillots, une fois la coagulation achevée, sont très variables dans le sang des solipèdes. Le tableau suivant peut en donner une idée pour les conditions les plus communes. Les observations qu'il résume ont été faites à l'aide de mon hématomètre centésimal. Les causes de la coagulation sont loin d'être déterminées, malgré les études nombreuses dont elles ont été l'objet. Ce phénomène ne tient pas h un change- 598 DE LA NUTRITION, Tableau indi'fuant la qurnUilë de caillot rouge en centièmes de la masse recueillie. N°' D ORDRE 8 9 10 II 12 13 14 15 16 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34 35 36 87 38 39 40 41 42 43 44 45 46 DESIGNATION DES ANIMAUX Cheval de 12 ans, vigoui'eiix, musclé Cheval entier, très musclé. Jument très vigoureuse Cheval entier, de trait Cheval noir, très vigoureux Cheval gras, petit Cheval vieux, Jument vigoureuse, vieille Cheval gras, musclé Jument hianche, maigre Cheval gris, entier Cheval maigre Cheval vieux, maigre Cheval vieux , Jument grasse, très vigoureuse Cheval entier, de gros trait Cheval entier, de trait Jument grise, grasse. Cheval hongre noir, gras Cheval gris, musclé.'. Cheval vieux, maigre , Cheval vieux (saignée faite à — 2° centigr.) Cheval vieux, encore gras ". Cheval vieux, faible Jument de trait, vieille, usée , Cheval morveux , Cheval à maladie de pied , Cheval à eaux aux j ambes Cheval à emphysème pulmonaire - . . Cheval castré la veille Cheval affecté du charbon 5 heures avant la mort Cheval de trait, émacié Cheval hongre, anémique Cheval vieux, faible , Cheval légèrement galeux Cheval gras " „ Cheval morveux, maigre Cheval poussif ." , Cheval de 12 ans Mule vigoureuse de 20 ans Cheval de 6 ans, souffrant des extrémités , Cheval boiteux Cheval couvert de poux Jument débilitée Cheval de trait de 1 4 ans, Cheval à gale généralisée ancienne CENTIEMES 48 46 58 51 45 43 46 55 44 43 46 51 50 50 53 48 50 51 46 50 46 56 43 43 40 48 41 45 37 45 45 36 36 12 55 47 46 48 44 46 38 44 41 36 52 36 ment d'état spontané de la fibrine, car la fibrine n'existe pas dans le sang. Elle se forme dans ce liquide, d'après Denis, par suite du dédoublement de la plas- mine : d'une part, en fibrine concrète qui se solifîe en fdaments entrecroisés à mesure qu'elle se forme ; d'autre part, en fibrine soluble qui se maintient à l'état de dissolution dans le sérum du sang. Le dédoublement est très rapide chez le mouton, les oiseaux, plus lent chez les solipèdes; il commence, suivant les espèces, une demi-minute, une minute rROPRTErÉS ET COMPOSITION DU SANG. 599 OU deux après rexlraetion ; mais il ne s'achève qu'en un quart d'heure, vingt minutes et uièmc plus encore. Si l'on vient à retirer ou à exprimer le caillot formé pendant les premières minutes, le sang en donne un second, comme nous l'avons vu déjà pour le chyle et la lymphe. Ce dédoublement est retardé par les acides organiques ou minéraux étendus ; il est empêché par l'action du sulfate de soude, par les plus faibles doses d'alcalis, un millième, par exemple. Les causes du dédoublement de la plasmine, et partant de la coagulation, ne sont pas bien connues. Les uns les voient dans l'action d'une substance propre aux globules et associée à l'hémato-cristalline, substance appelée globuline par Denis et précipitable sous forme de matière blanche amorphe, lorsqu'un courant d'acide carbonique passe dans une solution faible de cristaux du sang; mais cette explication tombe devant ce fait que la lymphe et le chyle, dépourvus de glo- bules rouges, se coagulent parfaitement. Quelles que soient ses causes, toutes les fois que le dédoublement se trouve ralenti comme dans les maladies inflam- matoires et dans les états du sang appelés anémie, hydrémie et quelques autres, le sang se maintient longtemps fluide, et la précipitation des globules peut se faire très complètement. Alors il se forme une couenne épaisse dans le sang de l'homme et un caillot blanc énorme chez les solipèdes, ou plutôt il y a dans les deux sangs un caillot librineux très abondant, car la couenne et le caillot blanc sont parties similaires qui devraient recevoir une dénomination commune. Il n'est pas facile d'expliquer comment le dédoublement de la plasmine ou la conversion de la matière iibrinogène en fibrine ne s'effectue qu'à compter du moment oi!i le sang est extrait des vaisseaux. On dit bien que les parois vascu- laires vivantes maintiennent l'état liquide en neutralisant l'action coagulante attribuée à la globuline ; on fait bien jouer, sous ce rapport, un rôle important au chlorure de sodium, à l'acide carbonique, à l'ammoniaque, qui contribuent à tenir la fibrine en dissolution, et retardent la coagulation ; mais, quoique le premier de ces corps soit fixe et que le dégagement des deux autres soit empê- ché, la coagulation ne s'en fait pas moins dans le sang extrait des vaisseaux. La rapidité ou la lenteur du dédoublement de la plasmine sont les deux cir- constances qui ont le plus d'influence sur le mode de coagulation. Dans les cas les plus ordinaires, la rapidité du dédoublement a pour conséquence une coagu- lation prompte en caillot homogène. Dans les autres, au contraire, le dédouble- ment ralenti permet à la couenne de se former ou au caillot de se diviser en deux parties. En effet, si la conversion de la matière fdjrogène en fibrine s'opère très vite, la coagulation rapide du liquide ne laisse pas aux globules le temps de se précipiter, et ceux-ci demeurent dispersés dans la totalité du coagulum, qui est alors sans couenne. Mais, si cette conversion est ralentie, comme dans les mala- dies inflammatoires, les globules, avant que le sang se prenne en gelée, peuvent descendre en vertu de leur pesanteur spécifique dans les couches inférieures, et laisser la zone supérieure décolorée sous forme de couenne. Si, enfin, le sang demeure très longtemps fluide, comme chez les solipèdes, les globules qui pèsent 1 088 alors que le plasma ne pèse que 1 Ooû, les globules abandonnent la moitié supérieure du caillot, et descendent totalement dans la moitié inférieure, d'oii la distinction nette entre le caillot blanc et le caillot rouge, le premier 600 DE LA NUTRITION. n'étant que l'exagération de ce qu'on appelle la couenne dans le sang humain. On conçoit, d'après cela, que toutes les circonstances capables de ralentir la coagulation : la diminution de la fibrine, des globules et des principes fixes du sang, l'existence d'un état inflammatoire, etc., favorisent chez l'homme la pro- duction de la couenne, et chez les solipèdes la séparation du caillot blanc d'avec le rouge. Aussi la couenne est-elle très épaisse et le caillot très abondant chez les individus anémiques, hydrohémiques, les sujets débilités, les femelles sur les derniers temps de la gestation, et chez les animaux sous le coup d'une phlegma- sie portant principalement sur un organe volumineux ou très vasculaire. Dans tous les cas, la couenne épaisse ou le caillot blanc abondant, résultent à la fois d'une coagulation ralentie et d'une précipitation plus rapide des globules. La plupart des explications qu'on a données de la coagulation du sang hors des vaisseaux sont des variantes de celles de Denis. A. Schmidt prétend que la matière fibrinogène formée parle plasma s'associe, dans cet acte, à la globuline ou à la paraglobuline qui s'échappent par transsudation des hématies ou des leu- cocytes, et qu'elle se mêle, en outre, à un ferment d'origine atmosphérique. Heynsius suppose que la matière coagulante est exclusivement donnée par les globules rouges ; d'autres croient qu'elle dérive d'une altération des globulins ou des corpuscules, les uns arrondis, les autres irréguliers, qu'on voudrait, sous le nom d'hématoblastes, considérer comme des globules en voie de formation. Enûn, certains observateurs admettent que l'acide carbonique, associé à l'hé- moglobine, se dégage des globules, se dissout dans le plasma et y convertit la fibrine liquide en fibrine concrète. Ce qui semblerait appuyer la manière de voir d'après laquelle la matière coa- gulante est dégagée des hématies, des leucocytes ou des autres éléments figurés du sang, c'est que, d'une part, on obtient la coagulation du sérum, en y ajou- tant des globules, et d'autre part que les globules lavés, puis traités par l'eau, donnent un liquide qui se coagule spontanément. Néanmoins, le plasma fdtré, alors qu'il est encore liquide, et par conséquent dépouillé de ses globules, con- serve la faculté de se coaguler ; il se coagule encore, bien que ses leucocytes restent longtemps intacts et ne paraissent rien lui céder et enfin, dans les cas où il est mis à l'abri de l'air ou plongé dans des milieux d'où il ne peut tirer aucune espèce de ferment. Le caillot qui vient de se former, tout d'une pièce ou avec une couenne, n'est pas homogène. Ses diverses tranches horizontales ont d'autant moins de fibrine et d'autant plus d'hématies qu'elles sont plus rapprochées du fond du vase, aussi est-il ferme et rétractile en haut, tandis qu'il devient mou et friable inférieure- ment. Dans la couenne, la fibrine est débarrassée presque entièrement de globules rouges, mais elle retient une quantité énorme de globules blancs qui lui donnent souvent l'aspect mat e^purulent. Dans le caillot des solipèdes, divisé en deux parties, la blanche est constituée par la plus grande fraction de la fibrine, dont le réseau emprisonne une quantité considérable de sérum; la partie rouge formée par les hématies n'a presque pas de fibrine, et retient un cinquième de sa masse de sérum. Entre la blanche et la rouge se trouve une couche mince, épaisse de plusieurs millimètres, et formée de leucocytes. Il en résulte que, chez PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 601 ces animaux, le coaguluin a trois, étages : le supériiMir lilirineux, le moyen, à globules blancs, et l'inférieur, à globules rouges. L'ordre de leur superposition est en rapport avec leur densité spécifique. Ces trois couches sont d'autant plus distinctes et mieux séparées que la coa- gulation s'est faite avec plus de lenteur. Aussi elles le sont parfaitement dans le sang recueilli à une basse température ou tenu immédiatement après son extraction dans des mélanges réfrigérants. La séparation des deux caillots est d'autant plus parfaite que le sang a été recueilli plus vite et moins agité. Elle se fait très bien dans une éprouvette si le jet de sang est considérable et coule sur les parois. Au contraire, elle a lieu incomplètement si le sang bave, s'il tombe avec bruit au fond du vase, en mince lilet ou en jet saccadé, intermittent, s'il est agité, ou enfin reçu dans un vase élargi. Aussi, dans les études hématométriques, faut-il tenir grand compte de ces particularités, si Ton veut olitenir des données comparatives de quelque valeur. Une fois que le sang est complètement coagulé, son caillot commence à se rétracter uniformément, s'il est homogène, et dans sa partie blanche seulement, si la coagulation s'est opérée suivant le mode propre aux solipèdes. Par suite de ce resserrement, le caillot blanc abandonne les parois du vase dans lequel il s'est moulé; son extrémité supérieure devient concave et s'enfonce dans le sérum, si elle n'a pas été associée à des bulles d'air. Le retrait continue pendant long- temps ; il ne s'achève en général cpi'après Tingt-quatre à quarante-huit heures, et même plus. Mais, à cet égard, il y a de grandes variations suivant les espèces. Dans le sang des oiseaux, des carnassiers, des petits ruminants, dont la coagu- lation est prompte, le retrait du caillot commence aussitôt après sa formation; dans celui des solipèdes,. il ne débute qu'au bout de plusieurs heures, et s'arrête d'autant plus promptement qu'il a débuté plus tôt. Il est achevé dans le sang du chien, du mouton, alors qu'il n'est effectué qu'à demi sur le cheval. Le retrait est moins marqué dans le sang de la splénique, des sus-hépatiques que dans celui des autres vaisseaux; il est peu prononcé dans les maladies typhoïdes. virulentes, dans l'infection putride, et souvent nul dans la morve, mais il est très marqué dans les affections inflammatoires, notamment la pneumonie, la pleurésie, etc. Une fois le retrait arrivé à ses limites, le sérum expulsé représente environ le tiers de la masse totale du sang. Conséquemment, il est au cail- lot : ■- 1 : 2 ; mais cette proportion varie beaucoup. D'après mes observations sur les ruminants, le sérum peut représenter quelquefois plus de la moitié de la masse. Le coagulum qui a expulsé la sérosité n'a pas éprouvé de changements notables ; seulement les stries de fibrine sont devenues plus onduleuses ou plus plissées qu'au début. On a trouvé que le caillot du sang de l'homme, arrivé à sa contrac- tion extrême, renferme encore environ 20 pour 100 de sérum, ou le cinquième de sa masse. Ce n'est pas seulement dans le cas où le sang est extrait de ses vaisseaux qu'il se coagule ; il peut aussi passer à l'état solide dans l'organisme, après la mort et même pendant la vie. soit dans ses vaisseaux, soit dans les parties où il est extravasé. 602 DE LA NUTRITION. D'abord, sur le cadavre, la coagulation s'opère avec facilité, absolument comme en dehors de l'organisme, dans les ca\ités du cœur, les artères et les veines. Sur les solipèdes, il se forme des caillots divisés en deux parties, jaunes en haut et noirs dans les points déclives. Le sérum s'échappe de ces caillots con- tractiles comme il le fait dans les éprouvettes, mais l'osmose l'emporte à mesure hors des vaisseaux et le verse dans le péricarde, les séreuses, ou le dissémine dans la trame des organes. Pendant la vie, le sang se coagule dans les vaisseaux liés, dans les artères om- bilicales et dans les veines enflammées. 11 se coagule assez souvent dans les dila- tations anévrysmales, dans l'anévrysme verraineux de la grande mésentérique du cheval, dans les veines sinueuses du corps caverneux, du fourreau, dans la saphène chez les solipèdes, sous forme de noyaux elliptiques lisses, dans l'aorte posté- rieure, près des iliaques, sous forme de cylindres très volumineux ; enfin, à l'état de masses filamenteuses sur les cordages tendineux et les valvules du cœur. Sa coagulation a lieu d'une manière confuse dans les parties où le sang s'épanche : parties contuses, ecchymosées, foyers apoplectiques, cavités séreuses, estomac, intestins, utérus, vessie, oîi il peut constituer des masses considérables. Dans ces divers cas, si les caillots se sont formés vite, ils sont mous et retiennent les globules ; s'ils se sont formés avec lenteur, ils se trouvent pâles, fibrineux, sou- vent stratifiés, et leurs diverses couches offrent un aspect varié. La présence dans les vaisseaux d'un corps étranger, même peu volumineux, provoque la formation de ces caillots. Le sang se coagule autour de ce corps qui se recouvre ultérieurement d'autres couches fibrineuses : ainsi agissent les hel- minthes, les embolies, les rugosités des parois, les produits de l'inflammation, même les globules agglomérés. La raison ou les raisons du maintien de la fluidité du sang dans les vaisseaux ne sont pas bien déterminées. Brûcke a prétendu que cette fluidité était entre- tenue par l'intervention de l'endothélium vasculaire, et il a appuyé son opinion sur ce fait, que le sang demeure longtemps liquide pendant la vie dans les seg- ments de vaisseaux où il est retenu par des liens qui ne lèsent pas les parois, tandis qu'il se coagule, au moins en partie, si l'épithélium a été lésé. Mais, dans le cas de lésion épithéliale, il y a une irritation et un exsudât qui peuvent être des causes directes de coagulation. IIL — Eléments figurés du sang. Le sang, qui est de tous les produits de l'organisme, le plus complexe, est formé de deux parties distinctes, d'un fluide appelé plasma et de corpuscules solides ou de globules très petits. Ces corpuscules sont de deux espèces : les uns, appelés globules sanguins, globules rouges ou hématies sont propres à ce liquide, les autres ou les globules blancs, de diverses grandeurs, sont communs au sang et aux liquides du système lymphatique. Oiolndes routes. — Les globules sanguins ou les hématies, vus d'abord dans le sang de la grenouille par Swammerdam, Malpighi et Leuwenhoeck sont PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 603 des corpuscules sphériques, elliptiques ou discoïdes, suivant les animaux où on les examine. Chez les maniinifèros, ils ont la forme de disques ou de lentilles légèrement biconcaves, disques brillants au centre si leurs faces sont éclairées et sombres dans le cas contraire. Ils se montrent pour la plupart isolés tant que le sang demeure liquide, mais ils ont une grande tendance à se rassembler en masses irrégulières ou à s'agglutiner par leurs faces de manière à simuler des piles de pièces de monnaie. Chez les caméliens, dromadaire et lama, chez les oiseaux, les rep- tiles et la plupart des poissons, ils sont elliptiques. C'est seulement dans quelques espèces de cette dernière classe qu'ils reprennent la forme sphéro'i'dale. La forme des globules peut se modifier par le fait de l'évaporation et des actions osmotiques.Ils deviennent, en dehors des vaisseaux, dentelés, étoiles, déchiquetés par l'évaporation ou l'action des sels alcalins; mais ils ne paraissent pas se déformer ainsi pendant la vie. L'aplatissement de leurs faces diminue et ils tendent à devenir bombés quand ils absorbent l'eau ou les liquides extérieurs. Leur diamètre, mesuré par un grand nombre d'observateurs, est loin d'être uniforme dans tous les animaux. Il est à son minimum chez les mammifères, particulièrement chez les ruminants, augmente un peu chez les carnassiers et chez l'homme, devient plus considérable chez les oiseaux, les reptiles et atteint son maximum chez les batraciens; conséquemment les globules, parmi les vertébrés, grandissent à mesure que l'organisation se dégrade. Il n'y a aucun rapport cons- tant entre la taille des animaux et le volume de ces corpuscules : ils sont, chez la souris et la musaraigne, aussi grands que chez le cheval. Cependant, d'après la remarque de Gulliver, l'éléphant et la baleine parmi les mammifères, Tau- truche et le casoar parmi les oiseaux, sont les espèces qui offrent, dans leur classe, le globules les plus volumineux. Peut-être comme le fait observer Milne Edwards, leur diminution de volume est-elle en rapport avec les besoins de la respiration et la rapidité des mouvements. On a calculé, sur l'homme, que les globules contenus dans 4 litres 1/2 de sang, représentaient une surface de 2 800 mètres carrés. Cette surface absor- bante ne serait pas moindre de 14 000 mètres pour la somme des globules d'un bœuf ou d'un cheval de taille moyenne. Voici, pour quelques espèces, les dimensions données'par les observateurs Le chevrotain 1/500^ de millimètre. La chèvre 1/250= — Le lama 1/247= — Le dromadaire 1/233= — Le mouton 1/209= — Le cheval 1/181« — Le chat IjViS* — Le bœuf... 1/168' — Le pr.rc 1/166" — L'àne 1/157= — Le lapin 1/142» — Le chien 1/139-= — L"homrae 1/L26c — La baleine 1/222= — L'éléphant 1/100» — 604 DE LA NUTRITION. Parmi les oiseaux ils ont dans : Le pigeon 1/143» di^ millimètre. La pintade et le faisan 1/142° — Le paon 1/141» — Le coq 1/136^ — Le cygne 1/108= — De toutes les mensurations faites, il résulte que le diamètre moyen, chez les mammifères, est de 1/130 à 1/160 de millimètre. Le grand diamètre moyen chez tous les ovipares est beaucoup plus grand ou 1/59 à 1/105 chez les oiseaux, 1/50 chez les reptiles, 1/43 chez la grenouille, 1/33 chez la salamandre, 1/16 chez le protée et 1/44 chez plusieurs poissons. Conséquemment parmi les vertébrés, du chevrotain au protée, le diamètre des globules varie dans le rapport de 1 à 30 et le volume dans celui de 1 à 50. Le volume des globules, dans un même animal, peut varier suivant les âges et les conditions physiologiques. Pendant la vie embryonnaire ils ont un diamètre presque double de celui de la vie extra-utérine. Ils paraissent un peu plus grands dans les cas où la proportion d'eau est très accrue dans le sang. La constitution du globule sanguin est un point de fine micrographie sur lequel les observateurs les plus habiles n'ont encore pu tomber d'accord. Pour quelques- uns le globule est une cellule libre qui, com-me toutes les autres, a une enveloppe, un contenu et un noyau. Pour d'autres, Virchow notamment, c'est une cellule, une simple vésicule sans noyau dont l'enveloppe contient une matière filante rouge. Ce serait seulement, suivant Briicke, un petit amas de matière sarcodique sans membrane limitante ni noyau. Néanmoins chez les vertébrés ovipares, notamment chez les oiseaux, les glo- bules paraissent avoir un noyau que l'eau rend visible, et ce noyau, d'après M. Ranvier, est pourvu d'un nucléole simple ou multiple. Quoiqu'il soit difficile de prouver, d'une façon irréfutable, la réalité de l'enve- loppe globulaire, l'existence de cette membrane est extrêmement probable. Elle paraît mince, transparente, extensible, élastique, pour permettre aux globules de céder aux pressions et de revenir ensuite à leur configuration. L'acide acétique la rend gélatineuse, et invisible, mais l'iode la rend de nouveau apparente. En traitant les globules par des dissolutions salines concentrées, puis par l'eau, on en extrait le contenu en la laissant intacte, pâle et décolorée. Les solutions alcalines éten- dues et l'acide acétique la réduisent à l'état de gelée ou de matière visqueuse, qu'on isole par le lavage des cristaux d'hémato-cristalline et qu'on peut purifier par l'alcool et l'éther. Sa composition, d'après Lehmann, est celle des matières albuminoïdes moins le soufre. Le contenu du globule ou sa substance entière, s'il n'y a pas de membrane limitante, est une matière semi-fluide, visqueuse, composée de globuline et d'hémato-cristalline, ou, en d'autres termes, d'une matière amorphe blanche et d'une matière colorante séparables l'une de l'autre quand on fait passer un cou- rant d'acide carbonique dans la solution qui les contient, Pi*oi>riétés des globules. — Les globules rouges ont plusieurs proprié- tés remarquables. Leur densité, égale à 1 088, ou de 58 millièmes supérieure à PKOrRIÉTÉS ET COMPOSITION UU SANG. 605 =^110 celle du plasma, explique pourquoi ils se précipitent vers les parties inférieures du caillot; elle augmente à mesure qu'ils perdent de l'eau par l'évaporation ou par les actions osinoti(iues. Divers agents leur font éprouver des modilications très appréciables. L'eau en augmente l'épaisseur et tend à les rendre sphériques ; elle dissout leur matière colorante et l'entraîne dans le liquide ambiant ; aussi sous son induencc, les globubules pâlissent et deviennent à la longue incolores. Dans cet état, la teinture d'iode en fait réapparaître les contours. L'acide acé- tique étendu les rend aussi très pâles; l'acide acétique concentré les fait même disparaître en rendant le sang brunâtre et visqueux ; l'alcool, la teinture d'iode les rapetissent; l'évaporation les ride, les rend étoiles. A la suite de la congéla- tion, ils se déforment et leur contenu se dissout dans le sérum. La potasse leur donne une teinte brune; cet alcali, comme les solutions étendues de carbonate ou de sulfate de soude, en opère promptement la disso- lution. L'acide carbonique les brunit, les rend mous, visqueux, très aptes à se déformer et à s'agglutiner entre eux. Quelques gaz, tels que l'oxyde de carbone, jouissent delà propriété de se combiner intimement à leur substance, de telle sorte qu'ils ne peuvent ensuite être ramenés à leur état initial. Ces corpuscules traversent pour la plupart les filtres, mais ils perdent cette faculté par l'action du sulfate de soude et du nitrate de potasse. La proportion des globules rouges dans le sang est très considérable. Lorsque ce liquide a été défibriné, ils se précipitent et représentent environ la moitié de la masse totale. Défalcation faite du sérum qu'ils retiennent dans leurs interstices, sérum dont la quan- tité est de 1/5 à 1/4 de la masse des globules, celle-ci représente, terme moyen, 51 pour 100 de sang ou 510 pour 1 000, et d'après Schmidt, elle oscille entre 400 et 540 millièmes; aussi en jaugeant le dépôt qui s'opère dans le sang défibriné ou en mesurant le caillot rouge des solipèdes, on obtient approximativement la quantité de globules à l'état frais, et ce moyen que le physiologiste et le praticien peuvent aisément em- ployer, les dispense de l'intervention du chimiste; il donne d'ailleurs à l'esprit une idée plus juste de la proportion des corpuscules que leur chiffre à l'état sec. On arrive à ce résultat dans la pratique, quand il ^'^- l^^-— Hématomètre cGntésinicil (*) s'agit du sang du cheval et des autres solipèdes en se servant d'éprouvettes graduées qu'on appelle hématomètres. L'hématomètre centésimal que j'ai gradué dès 1868, d'après de nombreuses observations donne -70 (*) fi3. P. Pléthore. — 38, AC, anémie commençante. — 33, AA, anémie avancée, — 23, AË, anémie e.xtrème. 606 DE LA NUTRITION. au premier coup d'œil les proportions relatives du caillot rouge ou globu- laire et du caillot blanc plasmatique ou à peu près dépourvu de globules. A l'état habituel, le caillot globulaire inférieur correspond à 50 divisions de l'échelle ou à environ la moitié de la hauteur totale de la colonne sanguine. Il y a pléthore quand le caillot rouge s'élève un peu au-dessus de .50, comme à o3 et 55. Il y a, au contraire, réduction globulaire d'un quart ou anémie commen- çante lorsque le rouge ne s'élève qu'à 38. Il y a à 33 une réduction globulaire d'un tiers et anémie avancée ; — à 25 réduction globulaire de moitié et anémie extrême. Les indications de cet instrument n'ont leur valeur approximative qu'à une double condition : 1° si le sang est recueilli rapidement en jet sur les parois latérales de l'éprouvette ; 2° s'il se sépare en ses deux parties et commence à se coaguler sans être agité même légèrement. La quantité des globules s'obtient également par le lavage sur un filtre et la dessication, qui fait perdre à ces corps les 3/4 de leur poids. C'est presque toujours à l'état sec qu'elle est indiquée par les chimistes. Enfin, en les comptant au microscope, dans des quantités déter- minées de sang, ou a cru pouvoir estimer leur nombre chez l'homme de 4 à 5 millions par millimètre cube de sang. Leur numération approximative s'opère assez aisément à l'aide du capillaire artificiel de M. Malassez ou du petit appareil de MM. Hayem et Nachet, dont il a été déjà question à propos des globules du chyle et de la lymphe. Ces instru- ments plus ou moins utiles dans les recherches des laboratoires sont d'un emploi peu facile entre les mains du clinicien. Les indications qu'ils donnent peuvent être remplacées avec une suffisante précision, en ce qui concerne les solipèdes par celles d'un héraatomètre comme celui dont je me sers depuis longtemps. M. Malassez évalue le nombre des globules, par millimètre cube, à 3 mil- lions 1/àchez le marsouin, à 10 millions chez les caméliens, à 18 millions chez la chèvre. Ce nombre se réduit de beaucoup dans le gang des vertébrés ovipares. Il ne serait plus en moyenne que de 3 millions chez les oiseaux et de 700 mille à 2 millions chez les poissons. A l'état sec, la quantité moyenne des globules indiquée par les chimistes est, pour 1000 de sang : Dans la chèvre « .. .>..., ; 80 Dans la bi'ebis 92 Dans le bœuf ; 121 Dans l'homme ; ; . * 137 Dans le chien ;.,.;.;... i . ; i ; ; . . 1 -28 Dans le porc ; i . . : 145 Dans les oiseaux ;.;; : — 121 à 150 tjne foule de conditions normales et pathologiques la font osciller dans des limites très étendues ; les plus importantes sont relatives aux classes, aux espèces, a l'âge, au sexe, à l'état de l'alimentation et aux maladies. Suivant les classes, les différences sont considérables. D'après MM. Prévost et Dumas, les vertébrés à sang chaud donnent, terme moyen, de 86 à 157 millièmes de globules, — les vertébrés à sang froid, de 63 à 94 ; — les oiseaux, de 121 à 150 — les mammifères de 86 à 130. PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 607 Suivant les espèces, les dilTérences sont extrêmement marquées. Parmi les mammifères le lapin, le mouton, la chèvre sont ceux qui ont le saug le plus pauvre en globules, quant à leur poids. Le porc celui qui Fa le plus riche; en général, les herbivores ont moins de globules que les omnivores cl les carnassiers. L'influence de l'âge est très notable. Le jeune fœtus a beaucoup plus de glo- bules que le mammifère après la naissance ; le jeune animal en voie de dévelop- ment en a une plus faible quantité que l'adulte ; du moins c'est ce que Denis, Nasse et Poggiale ont constaté en comparant le sang du veau à celui du bœuf, des jeunes lapins à celui des lapins adultes, du poulet à celui du coq. Mais, à partir d'un certain âge, comme de 1 à 3 ans sur le bélier, leur proportion reste sensiblement la même. Les femelles ont moins de globules que les mâles, la femme en a, par exemple, i/o" de moins que l'homme. Dans les analyses de MM. Andral, Gavarret et Delafond, les taureaux ont donné 107 millièmes, les vaches 102 millièmes, les béliers 100 millièmes, les brebis 90 millièmes. Dans toutes les espèces, les individus vigoureux, musclés, énergiques, sanguins, en ont plus que les individus mous, lymphatiques. A cet égard, la dilïérence au profit des premiers peut s'élever au chiffre 20 millièmes. Le travail digestif augmente la quantité de ces corpuscules comme celle de tous les principes fixes du sang ; l'abstinence la réduit le plus souvent, mais non toujours; l'hibernation l'amènerait, d'après Vierordt, au tiers du chiffre normal. La gestation qui rend les femelles lymphatiques diminue de 10 millièmes la quantité des globules chez les brebis et de 16 millièmes chez la femme ; après le part, elle remonte au chiffre normal. Les saignées, surtout si elles sont abon- dantes, donnent lieu à une diminution énorme, comme Tackrach l'avait observé depuis longtemps. MM. Gavarret et Delafond ont trouvé sur un cheval qui fut saigné tous les jours pendant une semaine, 104 de globules après la première saignée, 97 après la seconde, 83 après la troisième, 6o après la quatrième, 51 après la cinquième, 44 après la sixième, 38 après la septième. On a observé sur les petits animaux une réduction de moitié après des émissions suffisamment abondantes pour détermiher la mort. Une foule d'états morbides font varier le chiffre des globules. La plupart le descendent. Dans l'anémie, la chlorose, la leucémie, qui sont des maladies fort communes dans l'espèce humaine, ce chiffre arrive de 127 à 65, 50, 47 et même cà 28, d'après Andral et d'autres observateurs. Dans la cachexie aqueuse ou la pourriture des moutons, qui est une sorte d'anémie très fréquente, Nasse a vu ce chiffre tomber de 92 à 10. Je Tai vu arriver au quart de la normale sur un cheval où l'anémie semblait à ses dernières limites. Nasse a constaté encore qu'il descendait de 117 à 43 millièmes sur le cheval morveux; mais, d'après mes observations, ce fait est loin de se produire constamment. Une légère diminution a été constatée par Becquerel et Rodier dans la plupart des phlegmasies. Elle est plus marquée dans les maladies chroniques où le travail digestif est languissant, l'alimentation insuffisante, dans les intoxications palu- diques, la fièvre puerpérale, la dysenterie. Et dès que le chiffre descend sur l'homme à 80, l'anémie se caractérise par la pâleur de la peau, les palpitations, etc. Globules blaues, leucocytes.— Au milieu des globules rouges se trou- 608 DE LA NUTRITION. vent disséminés des globules blancs ou leucocytes semblables à ceux que nous avons déjà trouvés dans le système lymphatique. Ils sont régulièrement dispersés dans le sang qu'on examine avant la coagulation, et au contraire souvent rassem- blés en petites masses dans le liquide qui se coagule. Ces amas se trouvent par- ticulièrement dans la couenne, à laquelle ils donnent un aspect grisâtre, ou chez les solipèdes, au point d'union du caillot blanc avec le noir. Ces globules sont brillants, argentins, sphériques, à contours nets, à surface mamelonnée, et se distinguent facilement des hématies. On en voit de trois dimen- sions. La plupart sont plus grands que les globules rouges, d'autres ont à peu près le même diamètre que ceux-ci, quelques-uns sont plus petits. M. Robin estime qu'ils ontchez l'homme 8 à 9 millièmes de millimètre, et Kolliker 10 mil- lièmes. Sur les solipèdes et les grands ruminants ils sont un peu plus gros, car ils mesurent de 10 à 12 millièmes de millimètre ; conséquemment, ils sont plus gonflés dans le sang qu'ils ne l'étaient dans le système lymphatique. Néanmoins, d'après quelques observateurs, ils seraient beaucoup plus petits chez les singes et les oiseaux que chez l'homme. Leur quantité est extrêmement variable. Sur l'homme on en compte normale- ment 1 pour 300 globules rouges ; mais cette proportion peut doubler ou tripler chez quelques espèces ou quelques individus. On la trouve très considérable pen- dant la vie fœtale; mais elle diminue peu après la naissance, sur les animaux à jeun, sur ceux qui sont soumis à une longue abstinence, etc. Au contraire, elle augmente à lasuitede la saignée, de l'administration des purgatifs, sous l'influence des maladies générales, des lésions de la rate, du foie et surtout de celles des ganglions lymphatiques. Les leucocytes sont en proportion énorme sur les chevaux morveux et farcineux, d'après les observations de M. Delafond, dont j'ai reconnu souvent l'exactitude ^ Ils m'ont paru aussi fort nombreux sur les chevaux morts à la suite de la pneumonie et sur les moutons affectés de c-ichexie aqueuse. Dans la leucémie de l'homme, où il y a évidemment hypergenèse de globules blancs, ils deviennent si nombreux qu'on pourrait, d'après Virchow, en compter 1 sur 50, sur 20 et même 1 sur 3 rouges. Alors leur nombre s'accroît propor- tionnellement à l'activité physiologique ou morbide du système lymphatique ou de ses annexes. Ils dérivent incontestablement de ce système, au moins pour la plus grande partie, et la qualification qui leur conviendrait le mieux serait celle de cellules ou de globules lymphatiques. Il importe de se rappeler, quand on cherche à en déterminer la quantité, qu'ils ne sont pas uniformément répandus dans toutes les parties du système vasculaire. En efl'et, M. Robin^ en a trouvé beaucoup plus dans le sang des veines sus-hé- patiques que dans tous les autres ; moins dans l'oreillette droite, moins encore dansla splénique,lamésentérique, etc. Chez l'homme, le chat et le chien, les sus- hépatiques en présentaient tantôt 1 sur 150, tantôt 1 sur 20 globules rouges. Dans tous les cas, leur proportion ne peut être exactement déterminée sur le cadavre ni dans le sang coagulé, puisqu'ils se rassemblent ordinairement en petites masses, soit à la surface, soit au milieu des caillots, de telle sorte que 1. G. Colin. SiD- la leucocytose morveuse. Bull, de iAcoA. de méd. 1876, p. 19 et p. 115. 2. Robin, Leçons sur les humeurs normales et morbides, p. 54. PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 609 cerlaines parties du sang examiné en contieiinoiil ljeaucuu[» tandis que d'autres en sont à peu près totalement dépourvues, La constitution des globules blancs est dans le sang ce qu'elle était dans la lymphe. Ces corpuscules ont une enveloppe membraneuse mince, transparente, extensible et élastique que l'addition de l'eau au sang rend plus visible, enveloppe susceptible de se déchirer en laissant échapper son contenu. Néanmoins pour certains micrographes cette membrane n'existerait pas. Le protoplasma qui cons- titue la masse du globule serait à nu et ce serait lui seul qui éprouverait les mouvements amiboïdes dont il a été question ailleurs. Les plus petits ne paraissent posséder qu'un seul noyau arrondi et brillant, et les gros plusieurs noyaux ou un amas de granulations que l'acide acétique fractionne et rend plus manifestes. Ces globules, examinés dans le sang vivant, sont contractiles comme s'ils étaient formés d'une substance de nature sarcodique. Ils changent sponta- nément de forme, donnent à leur surface des prolongements qui peuvent se déformer et disparaître. Leur viscosité leur permet de s'agglutiner entre eux, d'adhérer à la face interne des parois des capillaires, sur les éperons des petits vaisseaux. Leur consistance molle leur donne la faculté de prendre des formes variées et de s'étirer dans les étroits passages du système vascuiaire. Quelquefois, parmi les leucocytes, se trouvent de grandes quantités de granu- lations blanches très petites, qui ne semblent pas différentes des granules qu'on voit sortir de l'enveloppe déchirée des leucocytes ordinaires. J'en ai vu souvent de telles sur les animaux affectés de la morve, du farcin, du charbon, etc. Ces globules jouent un rôle important dans la constitution du sang. Warthon Jones a émis l'idée que leur noyau devenait un globule rouge, et les Allemands, Virchow entre autres, adoptent l'idée de cette transformation, que je défends depuis longtemps ei que mes recherches sur le système lymphatique rendent extrêmement probable. Avec les hématies et les globules blancs il y a aussi dans le sang des corpuscules ou des granules de nature encore indéterminée. Les uns, appelés jadis, globulins ont été considérés soit comme des globules en voie de formation, des globules jeunes ou à l'état embryonnaire, soit comme des glo- bules en voie de destruction. D'autres ou peut-être les mêmes ont été appelés microcytes. Il en est de très petits que M. Ranvier croit être de simples granules fibrineux. Particules grraisseiises. — On trouve aussi dans le sang, surtout pen- dant la digestion du lait, des substances animales et de tous les aliments oléa- gineux, de très fines particules sombres, visibles seulement à un fort grossissement. Ce sont des particules de graisse que quelques auteurs supposent entourées d'une enveloppe protéique. Elles sont animées d'un mouvement brownien très vif. L'éther les fait disparaître et, en s'évaporant, les remplace par de petites gouttelettes de graisse. En un mot, elles ont tous les caractères des granulations graisseuses du chyle ; et, bien certainement, leur origine est en grande partie dans le système chylifère. Quelques observateurs naïfs les ont considérées, avec les petits granules blancs, comme des éléments figurés fort importants, des microzymas, jouant un ^rand rôle dans les affections virulentes. Dans quelques conditions pathologiques, le sang se charge d'autres éléments G. coLix. — Physiol, comp., 3' édit. IT. — 39 610 DE LA NUTRITION. figurés, par exemple de bactéries simples ou articulées sur les animaux char- bonneux, septicéraiques. et même de cellules ou de granules de pigment, sur les sujets affectés de mélanémie. Ces derniers éléments n'ont qu'un intérêt secon- daire au point de vue physiologique. Coustitntiou cliimitiue tles grlol>iilcs. — La composition chimique des hématies est fort compliquée, et elle a ceci de remarquable qu'elle fait des globules des organites à part, différant du plasma, tant par leurs matières pro- téiques que par leurs substances minérales et salines. Mais elle n'est point encore établie avec toute la précision désirable. D'après divers chimistes, notamment Berzelius et Schmidt, le globule ou plutôt son contenu semi-fluide résulte du mélange de deux matières : l'une, la globuline incolore, insoluble dans le sérum, mais soluble dans l'eau, coagulable par la chaleur; l'autre, l'hémato-cristalline ou matière colorante. La première, qui existe aussi dans la plupart des tissus dérivés de cellules, peut être séparée de la seconde à l'état de dépôt blanc, amorphe, lorsqu'on fait passer un cou- rant d'acide carbonique dans une solution étendue de cristaux du sang. Ce dépôt, suivant Schmidt, est insoluble dans les alcalis et les acides, et se redissout par l'action d'un courant d'oxygène. Les deux substances associées constituent l'héma- tosine, l'hématine ou hémato-cristalline, soluble dans l'eau pure, insoluble dans l'eau albumineuse chargée de sel marin, comme dans le sérum normal du sang. Sa solution n'est précipitable ni par le sublimé, ni par le sous-acétate de plomb, mais elle donne par la chaleur un coagulum albumineux. Cette matière, cristallise en prismes de couleur amaranthe, dont le volume peut augmenter ou diminuer sous l'influence de divers réactifs. D'après Lehmann, elle ne serait pas constituée dans le sang, mais y prendrait naissance à la suite de la triple action de l'oxygène, de l'acide carbonique et de la lumière sur les globules. Ses cris- taux, que Teichmann dit avoir obtenus incolores, disparaissent sous l'influence de la dessiccation comme de l'humidité. Aujourd'hui les chimistes, après une foule de variations, considèrent la matière colorante des globules, sous le nom d'hémoglobine, comme un produit distinct susceptible d'être isolé par divers moyens — par l'eau ajoutée en grande quantité au sang — par la vapeur d'éther ou de chloroforme — par les courants induits ou les décharges électriques, — par les acides de la bile associés au sodium, la congélation, etc. L'hémoglobine obtenue par l'un ou l'autre de ces moyens, passe, rapidement, en raison de son avidité pour l'oxygène à l'état d'oxyhémoglobine ; elle se coagule par la chaleur comme l'albumine, cristallise facilement; se dissout dans l'eau, est précipitable par l'alcool, etc. On prétend maintenant que c'est en s'altérant ou en se décom- posant qu'elle donne les matières colorantes cristallisables appelées hémine ou hématine. L'héraine s'obtiendrait parla chaleur et l'acide acétique cristallisable. Ses cristaux traités par l'ammoniaque, puis par l'eau donneraient l'hématine. Mais le physiologiste ne doit voir en tout cela qu'une même matière très alté- rable que les réactifs et les modes de préparation dégagent et isolent sous des formes variées. La matière colorante des globules peut passer à l'état d'hématoïdine en pre- nant un équivalent d'eau et en perdant son fer. A ce nouvel état elle cristallise PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 611 en aiguilles, on prismes tétraèdres ou riiombuïdaux d'un rouye vit'. Elle est inso- luble dans l'eau et l'alcool, mais soluble dans l'ammoniaque. C'est, à ce qu'il semble, un produit de Taltéiation de la matière colorante proprement dite, produit qu'on trouve souvent dans l'ovaire, les épanchemenls cérébraux, etc. ; elle conserve sa teinte rouge quoiqu'on la dépouille de son fer. Le fer des globules est à un état encore indéterminé. Berzelius disait à l'élat d'oxyde, Engelhart à l'état métallique et combiné à la matière rouge comme le phospboi'e et le calcium. Divers cliimistes pensent que ce n'est pas à lui qu'est due la couleur rouge de l'hématosine, et M. Boussingault a défendu cette opi- nion \ car Schérer croit avoir enlevé à cette substance tout son fer sans lui retirer sa couleur. Le? globules renferment, outre les matières protéiques des matières grasses phosphorées, de la margarine, de l'oléine, de la cholestérine, etc., de 0,2 à 0,3 pour 100, des matières extractives indéterminées, des phosphates et des sels potassiques eu proportions très supérieures à celles des mêmes sels dans le séru.m. Ils contiennent, dix fois plus de phosphates et dix fois plus de potasse que le plasma, mais beaucoup moins de chaux, de magnésie et de soude que le sérum; enfin, ils ont de 0,6 à 0,9 pour 100 d'oxyde de fer. Ils renferment la totalité de la matière colorante, des graisses phosphorées et des sels de potasse. En somijie, dans 1000 parties de globules, il y a suivant Lehmann : Eau 688,00 Acide phosphorique 1,134 Globuliae 282,22 Potassium 3,328 Hématosine 16,75 Sodium.. 1,052 Matières extractives 2,60 Phosphate de chaux 0,114 Matières grasses. 2,31 Phosphate de magnésie 0,073 Chlore...". 1,686 Oxygène libre... ." 0,667 Acide sulfurique 0,066 D'après cela on voit que le globule, par ses matières protéiques comme par ses matières minérales, a une constitution propre et qu'il ne se comporte pas comme une cellule qui admettrait ou rejetterait simplement les matières du sérum , Au reste, les globules n'ont pas exactement la même constitution dans les deux sangs. Ceux de l'artériel ont, d'après Lehmann, plus d'hématosine et de sels, mais moins de principes solides et de graisse que ceux du sang veineux. Les premiers sont en outre, comme nous l'avons dit, chargés d'une plus grande quan- tité d'oxygène et d'une moindre proportion d'acide carbonique que les seconds. IV. — Éléments plasmatiques du sang. En défalquant de la masse totale du sang les éléments figurés dont il vient d'être question, la partie liquide qui reste constitue le plasma. Le plasma ou la lymphe du sang est donc la partie homogène, amorphe de ce fluide, le véhicule à composition chimique compliquée qui tient en suspension les globules. C'est un liquide distinct, anatomiquementet physiologiquement. Il se forme en dehors 1. Boussingault, Comptes rendus de l'Académie des sciences, mai 1872. 612 I>E LA NUTRITION. du système sanguin aux dépens des fluides du système lymphatique, et s'échappe sans cesse à travers les parois vasculaires pour donner aux tissus les matériaux de la nutrition et des sécrétions, tandis que les éléments figurés doivent vivre dans les vaisseaux et y accomplir leurs fonctions. On peut facilement l'ohtenir avec le sang du cheval et des autres solipèdes en recueillant ce liquide dans une éprouvette maintenue à une basse température comme entre 0 et 5 ou 6, même à une température plus élevée. Lorsque après 10, ou 15 minutes les globules se sont précipités à la partie inférieure de l'éprouvette, le plasma qui les surnage peut être décanté et conservé longtemps fluide. C'est le moyen que les chimistes, suivant notre exemple, se sont décidés à employer pour éviter les manipulations autrefois en usage. La coagulation, dès qu'elle est achevée, enlève au plasma ses caractères. Elle lui soustrait sa fibrine qui, auparavant, était en dissolution. Conséquemment, ce qu'on appelle le sérum du sang n'est plus que le plasma dépouillé d'une partie de sa plasmine, ou de celle qui était susceptible de se convertir en fibrine. Ses principes constituants sont : l'eau, la plasmine ou matière fibrinogène, l'albumine, la caséine, les matières grasses, le sucre, la matière colorante jaune, des matières extractives et minérales. Esm. — C'est un élément du sang qui représente une masse considérable. Il y en a, chez les solipèdes et les grands ruminants, de 68 à 69 pour 100 dans les globules, 80 pour 100 dans le sang pris en bloc et 90 dans le plasma; chez le veau, la chèvre, le mouton, le lapin, il s'en trouve normalement beaucoup plus. Les vertébrés à sang froid ont le sang plus aqueux que les vertébrés à sang chaud, les mammifères plus que les oiseaux, la femme plus que l'homme. La quantité d'eau est un peu plus forte dans le sang veineux que dans l'artériel ; elle paraît varier un peu dans les veines des diverses parties du corps, et dimi- nuer notamment dans celles des organes sécréteurs. Elle doit osciller constam- ment, dans des limites très étendues, sous l'influence des sécrétions qui enlèvent des éléments et de l'absorption qui en restitue. Les deux transpirations cutanée et pulmonaire, les abondantes sécrétions salivaire, biliaire, intestinale et uri- naire sont celles qui jouent à cet égard le rôle le plus important. La plupart des maladies augmentent la proportion de l'eau, notamment celles qu'on appelle hydrohémiques. Ainsi Nasse l'a vue s'élever jusqu'à 95 pour 100 chez les moutons affectés de cachexie aqueuse, et Andral et Delafond à 86 chez des che- vaux atteints de morve chronique. L'alimentation pauvre, la diète, l'hibernation, les purgatifs la réduisent notablement. Dans le choléra, sa diminution est telle que le sang devient épais, poisseux, et qu'il ne peut traverser sans une extrême difficulté les systèmes capillaires. Les matières essentielles qui existent dans la lymphe du sang sont les matières protéiques : elles représentent, à l'état sec, 8 pour 100 de la masse totale du sang. A l'état frais ou hydratées, leur quantité est d'environ moitié de cette masse, soit 50 pour 100. Plasmine et fibrine. — Sur cette masse ou ces 80 millièmes de matières protéiques, 26 représentent la plasmine ou matière fibrinogène. Cette plasmine, comme l'ont établi les remarquables études de Denis, s'isole de la manière sui- PROPRIETES ET COMPOSITION DU SANG. (313 vante : après avoir reçu le sang dans une solution de sulfate de soude qui en maintient la lluidité, on ajoute du sel marin en poudre qui précipite la plasmine sous forme de matière blanche, pâteuse. Celle-ci dissoute dans 10 à 20 parties d'eau donne, au bout de quelques minutes, d'une part, une substance qui se coagule en présentant les caractères ordinaires de la fibrine, d'autre part une matière qui demeure fluide et mêlée à l'albumine. La première est la fd^rine con- crète, la seconde la fibrine soluble. Cette dernière, qui ne prend }tas spontané- ment comme l'autre la forme solide, peut se coaguler par l'action du sulfate de magnésie qui ne coagule point l'albumine proprement dite. La totalité de la plasmine représente 25 millièmes de la masse du sang, mais, sur ces 25, 3 seule- ment se convertissent en librine : les 22 autres conservent la forme liquide et constituent la fibrine dissoute. Ainsi il y a dans le plasma sanguin 25 millièmes de plasmine donnant 3 à4 mil- lièmes de fibrine concrète, 21 à 22 parties de fibrine dissoute, coagulable par le sulfate de magnésie ; il s'y trouve aussi 52 millièmes d'albumine coagulable par la chaleur et les acides. Dans tous les sangs la plasmine ne donne pas la même quantité de fibrine : le sang du foie, celui du rein en donnent peu ; aussi ces sangs sont-ils peu coao-u- lables dans les conditions ordinaires. Ce qu'on appelle la fibrine ne se présente donc pas dans le sang à l'état fibril- laire; c'est une substance qui s'y trouve sous une autre forme. Elle n'y apparaît qu'au moment de la coagulation, en dehors de l'organisme ou à l'intérieur des vaisseaux, dans des conditions déterminées ; elle y prend naissance par le fait d'un dédoublement et devient solide aussitôt qu'elle se forme. Cette matière pro- duite spontanément ou obtenue dans la plasmine redissoute, présente des carac- tères constants. Elle est à l'état de filaments sinueux, rassemblés en faisceaux parallèles ou entrecroisés. D'après les recherches de Mulder, elle contient une petite quantité de soufre et de phosphore. Elle est insoluble dans l'eau pure, mais lentement soluble dans l'eau acidulée, dans les alcalis. Elle donne, avec le sel de nitre, le sel marin, des composés solubles. Au contact de l'air, elle absorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbonique. La fibrine, dans les deux sangs, n'a pas les mêmes propriétés. Celle du sang veineux se dissout lentement dans une solution de chlorure de sodium au dixième • celle des artères y est insoluble; mais la première perd cette propriété si on l'expose à une température de 80 à 100 degrés. La quantité de fibrine que peut donner le plasma sanguin est assez variable, sans l'être pourtant dans des limites très étendues. Elle est de 2 millièmes chez le chien, de 2 millièmes et demi à 3 chez l'homme, de 2 et demi à 3 et demi chez le mouton et la chèvre, de 3 à 4 chez le bœuf, de 4 chez le cheval, de 4 à 5 chez le porc, le lapin, la poule, le pigeon. En général, elle augmente à mesure que la quantité des globules diminue et, par conséquent, en raison directe de l'appau- vrissement du sang. C'est ce que Hunter, Tackrach, Andral, Gavarret et Delafond ^ ont noté à la suite des émissions sanguines. Ainsi, sur un cheval 1. Andral, Gavarret et Delafond, Recherches sur la composition du sang de quelques animaux domestiques {Annales de phys. et de chimie, t. V, 3' série). 614 Rlî LA NUTRITION. auquel on retira 6 kilogrammes de sang, chaque jour, pendant une semaine, la quantité de fibrine s'est élevée de 3,1 à 7,6.. Ce dernier chiffre correspond à rabaissement des globules à 38 millièmes. Il est \rai que sur cet animal l'aug- mentation du chiffre de la fibrine a pu résulter du développement d'une pneu- monie dont on a constaté les lésions à la fin de l'expérience. La fièvre de réaction et les pldegmasies diverses augmentent à peu près cons- tamment et dans une énorme proportion la quantité de fibrine. Le sang du chien qui, à l'état normal, donne 2 mill. 1 de fibrine peut en donner 4 millièmes dans les phlegmasies intenses. Celui de l'homme, qui en a 2 ou 3, en fournit alors, terme moyen. 5 à 6, et même jusqu'à 10 et 12 dans la pneumonie. Le sang de la vache qui en a 3 peut en montrer jusqu'à 13, soit le double et le quadruple de l'état normal. Toutes les phlegmasies ne déterminent pas un accroissement de fibrine également prononcé : les pulmonaires et celles des séreuses sont celles qui en donnent le plus. La fièvre typhoïde, les maladies éruptives ne produisent qu'une légère augmentation ; les maladies cérébrales et méningiennes n'en déter- minent même pas de sensible. La pyémie, les carcinomes, les applications irri- tantes sur la peau, le traumatisme et quelques autres causes produisent le môme résultat que les maladies inflammatoires. L'augmentation de fibrine ou l'hypérinose n'est pas la cause, mais bien cer- tainement le résultat du travail inflammatoire, car cette hypérinose débute avec le travail phlegmasique et en suit les progrès ; elle ne le précède jamais. L'hypé- rinose, comme la plupart des autres dyscrasies, a son point de départ en dehors du sang. Ici, il est dans les parties enflammées. L'augmentation a lieu aux dépens de l'albumine du sang, qui donne une grande masse de plasmine et celle-ci une grande proportion de fibrine. Ainsi, dans le rhumatisme, au lieu de 26 millièmes de plasmine, le sang en a présenté 41, et jusqu'à 56, dans le cas de pneumonie. La fibrine, née dans les parties enflammées, est prise par les veines et les lym- phatiques, puis conduite dans le torrent circulatoire ; néanmoins, il n'y a pas de rapport entre la quantité de fibrine apportée ainsi et le degré de vascularité des parties, car suivant, la remarque de M. Bouillaud, les séreuses articulaires qui ont peu de vaisseaux donnent les quantités maxima de fibrine que puissent pro- duire les parties enflammées. Sa proportion ne change pas sensiblement dans la chlorose des femmes, dans la cachexie aqueuse des moutons ; elle diminue dans la pyémie. Ses propriétés se modifient dans beaucoup de cas ; elle devient molle, gélatineuse dans la fièvre puerpérale ; perd sa coagulabilité dans les affections charbonneuses ; elle demeure, d'après mes observations, molle, tremblotante pendant longtemps sur les chevaux morveux ou farcineux, et sur beaucoup de sujets dans des conditions imparfai- tement déterminées. Albumine. — Pendant longtemps on a considéré comme albumine la tota- lité de la matière protéique du sérum que la chaleur et les acides peuvent coa- guler. Mais sur les 60 à 70 millièmes de cette matière, 21 à 22 sont représentés par de la plasmine qui ne se convertit pas en fibrine : le reste seulement cons- titue l'albumine proprement dite ou la serine de quelques auteurs. Les deux substances peuvent être isolées sans difficulté. Lorsque la plasmine précipitée l'HOPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 615 par le clilofure de sutliuiii en [)oudre a été redissoute dans 10 à 20 volumes d'eau ot qu'elle a donné quehiues niilliènies de fibrine solide, elle peut être coa- gulée par le sulfate de magnésie, qui laisse à l'état liquide l'albumine propre- ment dite. Celle-ci ne représente que 40 à 50 millièmes de la masse totale du sang. L'albumine, d'après quelques chimistes, ne serait pas simplement dissoute dans le plasma ; elle y présenterait, suivant Mialhe, la forme granulaire, et ce serait à cette forme qu'elle devrait la propriété de ne pas s'échapper à travers les parois vasculaires. Cette substance est moins avide d'oxygène que la fibrine et ne dégage pas d'acide carbonique; elle est combinée à la soude et à une quantité de soufre moindre que dans la fibrine. La quantité d'eau qu'elle contient représente 85 à 87 centièmes, tandis que la fibrine en contient seulement 80. Elle demeure soluble quand on vient à la séparer des substances salines auxquelles elle est normale- ment associée. 11 y a un peu plus d'albumine dans le sang veineux que dans l'artériel. Schmidt en a trouvé dans le sang veineux des chevaux 66 millièmes pendant la diète, et 150 millièmes après un bon repas. Sa quantité augmente dans les fièvres inter- mittentes et quelques affections telles que le choléra ; mais elle diminue dans la plupart des maladies quand celle de la fibrine augmente, comme si celle-ci se formait aux dépens de celle-là. Elle diminue, d'après Becquerel et Rodier, dans toutes les phlegmasies proportionnellement au chiffre de l'accroissement de la fibrine. Dans les maladies du cœur elle baisse aussi, quoiqu'il n'y ait pas d'aug- mentation du chiffre de la fibrine, et alors l'hydropisie se produit très facilement ; elle éprouve une réduction également considérable dans la maladie de Bright, au point d'arriver à 45 millièmes; en même temps elle se modifie de manière à sortir des vaisseaux et à s'épancher dans le tissu cellulaire ou les séreuses. Quand on a retiré le coagulum du sang et filtré le sérum, il se forme par une nouvelle ébullition du liquide, additionné d'acide acétique, un précipité de caséine. Lehmann dit que cette caséine peut être considérée comme de l'albumine pauvre en alcalis et en sels. Stass, Panum, N.Guillot, Leblanc l'ont trouvée dans le sang des nourrices, dans celui de l'homme et de divers animaux, notamment du bœuf, de la chèvre, du porc et du chien. Sa quantité augmente sur la fin de la gestation et pendant l'allaitement; elle diminue pendant le cours des maladies inflammatoires. Il me parait fort probable que cette caséine provient au moins en partie du chyle, car j'en ai signalé la présence constante dans ce liquide chez les grands animaux. Matières suasses. — Elles se trouvent dans le sang sous différents états, et en assez forte proportion. Les unes y sont en nature et tout à fait libres, comme dans le chyle; les autres y sont dédoublées et transformées en acides libres ou associées aux alcalis ; enfin il en est qui sont combinées en certaine pro- portion avec le phosphore, comme la matière grasse des centres nerveux. Elles existent partie dans le sérum, partie dans les globules. La graisse non modifiée qui existe en plus ou moins grande quantité dans le sérum du sang y est surtout abondante pendant les périodes delà digestion intes- tinale, particulièrement chez les animaux carnivores. Elle donne au sérum, plu- 616 DE LA NUTRITION. sieurs heures après le repas, une teinte légèrement opaline, et peut même quel- quefois le rendre lactescent. Cette graisse libre ne fait pas réellement partie constituante du sang, elle ne reste mêlée à ce fluide que jusqu'au moment où elle peut être, soit dédoublée et associée aux alcalis, soit déposée dans le tissu adipeux, ou enfin détruite par la combustion respiratoire. Elle provient en grande partie de l'intestin où elle a été puisée parles chylifères et par les veines mésaraïques. En outre, elle dérive des tissus dans les cas où il y a une résorption très active, chez les animaux d'un certain embonpoint, soumis à l'abstinence. L'oléine, la stéarine, la margarine s'y trouvent libres ou combinées à la soude. La matière grasse appelée sérolilie et découverte par Boudet ne paraît être, d'après Gobley, qu'un mélange de ces matières avec de la cérébrine; elle est remarquable par sa blancheur, par sa cristallisation en aiguilles et la propriété de dégager de l'ammoniaque à la distillation. La cérébrine, matière grasse phosphorée, signalée par M. Ghevreul dans le sérum et dans la fibrine, existe en proportion plus grande encore dans les glo- bules. M. Frémy la croit une substance complexe ; elle cristallise en lamelles brillantes, insolubles dans l'alcool froid ; elle renferme de l'azote, du soufre, du phosphore, et ne peut être saponifiée par les alcalis. La cholestérine, graisse saponifiable, fusible seulement à une température de plus de 130 degrés, soluble dans l'alcool bouillant et cristallisable en lames rec- tangulaires nacrées, existe en faible proportion. Elle paraît être associée aux matières protéiques des globules. Sa présence dans le sang a été constatée par Denis, Boudet et d'autres chimistes. On en a trouvé la quantité accrue dans quelques maladies. Enfin, il existe quelques acides gras volatils en combinaison avec les alcalis, combinaison que détruit l'acide sulfurique. Dans le sang de la chèvre, c'est de l'acide caproïque. Des acides analogues existent probablement chez les animaux-, où le sang développe une odeur prononcée lorsqu'on le chauffe avec l'acide sul- furique, celui du mouton, du bœuf et du chat, par exemple. Ils existent déjà, ainsi que je l'ai dit plus haut, d'après ^Yurtz, dans le chyle de divers animaux. La proportion totale des matières grasses du sang doit varier sensiblement, surtout suivant l'état de la digestion et le degré d'embonpoint ou de maigreur des animaux; mais elle n'a pas encore été bien étudiée en ce qui concerne nos espèces domestiques. Nasse indique pour 1000 parties de sang : 1,3 de graisse dans le cheval, 2 dans le bœuf, 1,6 dans le veau, 1,1 dans la brebis, 1,9 dans le porc, 2,2 dans le chien, 2,7 dans le chat. Cette proportion augmente quelques heures après le repas. Déjà Thompson avait remarqué que le sérum des veaux, tués de trois à six heures après le repas, est opalin, tandis qu'il reste clair sur les veaux tués à jeun. Elle devient très grande et rend le sérum opalin à la suite de l'ingestion des aliments riches en graisse ; c'est surtout chez les oiseaux gras qu'elle peut atteindre le chiffre le plus élevé. Lehmann a trouvé 6 millièmes de cette substance sur un cheval au régime ordinaire, et 3 millièmes et demi sur un cheval dont les aliments en étaient dépourvus. Il y a piarrhémie dans les cas où la proportion de graisse est de beaucoup supérieure à la normale. Alors on en trouve 5, 6 millièmes, jusqu'à 12 d'après Lecanu. Cet état tend à se développer PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 617 dans le diabète, le choléra, la fièvre typhoïde, diverses inflammations aiguës et à la suite de certains empoisonnements. J'ai noté souvent que la quantité de graisse devient énorme sur les chevaux gras souftVant de maladies très différentes et qui exigent une diète sévère. Alors le sérum devient trouble, lactescent, et la surface des nappes de sang qui tombent sur le sol prend un aspect irisé. Dans les maladies fébriles, d'après Becquerel et Rodier, la proportion de l'une de ces graisses, la cholestérine, peut doubler; elle devient plus considérable encore dans l'ictère, les maladies de la rate, les fièvres de marais, etc. La proportion totale des matières grasses est plus grande dans le sang veineux que dans l'artériel ; elle est deux fois aussi forte dans les globules de la veine porte, que dans ceux des autres veines. D'après Lehraann, elle serait moindre dans le sang à sa sortie du foie que dans le sang à son entrée dans ce viscère. Matières diverses. — Le sucre dont Bernard a signalé la présence dans le sang hépatique est, comme l'ont démontré les recherches de C. Schmidt et de M. Figuier \ un principe constitutif normal et constant du sang de la circulation générale chez l'homme et la plupart des animaux. Ce fait, quoiqu'il ait été nié, est incontestable ; je l'ai vérifié souvent, à l'aide des liqueurs cuivriques ou de la fermentation, en ce qui concerne le sang de toutes les espèces domestiques dans les conditions les plus variées. La proportion de ce principe varie suivant les espèces, l'état de la digestion et la nature des aliments. D'après Becker, le sang en contient 0,043 pour 100 sur le lapin à jeun, 0,109 sur le lapin nourri d'avoine, 0,o84 sur le même animal au régime des carottes. Il résulte de mes expériences 2 que sa quantité, plus grande chez les herbivores que chez les carnassiers, aug- mente sur la fin de la digestion intestinale, et qu'elle devient très considérable sous l'influence d'une alimentation oi!i les matières féculentes et sucrées abon- dent. Ainsi, chez les chevaux d'un embonpoint moyen, j'en ai trouvé, pour 100, de O'^lOOà 0,230, soit en moyenne 0,130. Chez les chevaux maigres et mal nourris, ce chiffre peut descendre à 0,070 et même à 0,030. Il s'en trouvait encore jusqu'à 0,133 chez le chien assez gras, après douze à quinze jours d'ab- stinence, 0,078 sur un cheval, après une privation d'aliments de trente jours, et 0,139 sur un chat, après une abstinence de même durée. La matière glycogène que l'on considère comme un analogue de la cellulose peut exister dans le sang en assez grande quantité, surtout à sa sortie du foie. Elle s'y trouve notamment sur les animaux qui reçoivent beaucoup de fécule et de sucre avec leurs aliments. D'après Ch. Robin ^ cette matière se comporte dans le sérum comme la graisse et peut lui communiquer une certaine opalinité. Différentes matières produites dans les organes parle travail de la nutrition ou des sécrétions se voient aussi dans le sang, en proportion plus ou moins consi- dérable : parmi elles il faut compter la créatine, la créatinine, l'inosite, l'urée. La créatine, matière neutre qui cristallise en prismes rectangulaires, soluble dans l'eau, et la créatinine dérivée de la première, ont été vues par Marcet et 1. Figuier, Comptes rendus de V Académie des sciences, 1855. 2. G. Colin, ISSouveau coup d'œil sur les phénomènes de la glycogénie animale {Recueil de méd. véter., 1864, p. 999). 3. Ch. Robin, Leçons sur les humeurs normales et morbides, p. 94. 618 DE LA NUTRITION. Verdeil dans le sang de quelques animaux. Elles y sont à l'état libre et provien- nent de l'action ou de l'usure du tissu musculaire. L'urée, qui paraît se former principalement dans les tissus albumineux, existe constamment dans le sang à l'état normal. Sa quantité évaluée à 0,016 pour 1000 devient très considérable à la suite de l'extirpation des reins chargés de son éli- mination. Elle augmente, d'après les recherches récentes, dans la néphrite, la maladie de Bright, les affections articulaires, les maladies typhoïdes. La leucine, l'hypoxanthine qui prennent naissance dans le foie, la rate, les poumons, passent aussi dans le sang à l'état de liberté et s'y maintiennent en faible proportion. Cette dernière substance y a été trouvée par Virchow et Scherer dans les cas de maladies de la rate et de leucémie. Elles s'éliminent par la sécré- tion urinaire et la transpiration cutanée. Outre la matière colorante rouge propre au globules, le sang renferme une matière colorante jaune signalée d'abord par ]\DL Ghevreul, Lecanu et Boudet dans le cas d'ictère. Cette matière, propre au sérum, est très abondante sur le cheval, moins sur le bœuf, le mouton et les carnassiers. Elle est soluble dans l'eau, l'alcool, l'éther, et inaltéra])le dans les acides. Quelques gouttes d'acide azotique la décèlent en donnant une coloration verte, puis successivement bleue, violacée et jaune. La plupart des chimistes la regardent comme identique à la matière colorante de la bile. F. Simon la croit un dérivé de l'hématosine dont elle aurait la composition; elle contient d'ailleurs du fer comme cette dernière. Cependant, il ne me paraît pas impossible qu'elle vienne des aliments, car le sérum du chyle est déjà coloré en jaune comme celui du sang. Peut-être cette matière est-elle la même que celle qui teint la lymphe, la sérosité du tissu cellu- laire et des membranes séreuses, l'urine, etc. Dans tous les cas, sa proportion augmente dans l'ictère, la plupart des pneumonies, des gastro-entérites, etc. Matières minérales et salines. — Il entre, dans la constitution du sang, 6 à 8 millièmes de sels. Les uns sont des sels minéraux d'origine étran- gère, le chlorure de sodium, le chlorure de potassium, les sulfates de soude et de potasse, les phosphates alcalins, les carbonates de soude, de chaux et de magnésie ; les autres sont des sels organiques à base minérale, lactates, oléates, margarates, urates, hippurates de soude, dont les acides, ont pris naissance dans l'organisme. Tous ces sels existent dans le plasma ou dans les globules à l'état de simple dissolution, ou en combinaison avec les matières protéiques. Ils y jouent un rôle important au point de vue delà nutrition et des sécrétions. D'après Becquerel et Rodier, pour 1000 parties de sang humain, il y a 3,5 de chlorure de sodium, 2,8 de sels solubles,0,3 de sels insolubles; conséquemment, le chlorure de sodium représente, à lui seul, la moitié des substances minérales du fluide nutritif. Les proportions relatives de ces sels ne sont pas constantes ; elles varient suivant la nature de l'alimention, les âges, les conditions physiolo- giques ou pathologiques où se trouvent les animaux. D'abord la masse totale des sels oscille de 5à8 millièmes chez les individus en bonne santé; d'après Becquerel et Rodier, celle du sel marin entre 2,5 et 4,5. Les carbonates deviennent très abondants sous l'influence de l'alimentation végé- tale : ceux de soude et de potasse prédominent chez les herbivores ; les phos- PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 619 pliâtes, au contraire, l'emportent chez les carnassiers. Les premiers et les seconds sont à peu pri's (Mi ésale quantité chez les omnivores. Verdeil s'est assuré, sur le chien, (pie la prédominance des t>hosphates a lieu sous l'inlluence de l'alimen- tation animale, et celle des carbonates par le l'ait du régime végétal. L'addition du sel marin aux aliments fait, d'après Poggiale, monter sa quantité de 4,4 à 6,4. L'abstinence l'ait descendre la masse totale des sels à 3 et môme à 2 mil" lièmes, soit au tiers ou au quart de la proportion normale. Chez les oiseaux, la substitution de l'orge au froment change à la fois le chiffre total des sels et leurs proportions relatives. Suivant les âges, les proportions changent sensiblement. Poggiale a trouvé moins de sels dans le sang des jeunes chiens et des jeunes chats que dans celui des adultes. Au contraire, il en a trouvé plus dans le sang du veau que dans celui des animaux adultes de son espèce. Le premier en a offert 11,2, la vache, 9,9, et le bœuf 8,7. Le tableau suivant, qui résume les analyses de Nasse, montre, pour chaque groupe de sels, les variations de proportions relatives aux espèces domestiques. ANIMAUX SELS SOLCBLES SELS INSOLUBLES Phosphates alcalins. Sulfates alcalins. Carbonates alcalins. Chlorure de sodium. Chaux. Acide phosphorique et sulfurique. Cheval Bœuf Veau Mouton Chèvre.. .... Porc Chien Chat Oie Poule 0,814 0,468 0,957 0,39.5 0,402 1,362 0,730 0,607 1,130 0,945 0,213 0,181 0,269 0,348 0,265 0,189 1,197 0,210 0,090 0,100 1,104 1,071 1,263 1,498 1,202 1,198 0,789 0,919 0,824 0,350 4.659 4,321 . 4,864 4,895 5,175 4,281 4,490 5,274 4,246 5,392 0,107 0,098 0,130 0,107 0,110 0,085 0,117 0,136 0,120 0,134 0.149 0,141 0,127 0,157 0,152 0,247 0,221 0,285 0,158 1,045 Les deux sangs ne paraissent pas en contenir la même quantité. Il y en a plus dans le sang artériel que dans le veineux, plus dans le sang de la veine porte que dans toutes les autres. Sous l'influence des maladies, la proportion de quelques- uns d'entre eux se modifie. Leur quantité totale augmente dans le typhus, la dysenterie, la maladie de Bright, l'hydrohémie ; elle diminue dans les maladies inflammatoires. Le phosphate de chaux augmente dans l'anémie, la fièvre typhoïde, la phthisie; le cholate de soude dans l'ictère, la pneumonie. On voit apparaître l'urate de soude chez les arthritiques, les goutteux et les albuminuriques, les sels ammoniacaux, le carbonate, le lactate d'ammoniaque, dans les cas d'urémie, de choléra et de quelques autres affections graves. Le rôle de ces matières salines est important. Les carbonates et phosphates de soude donnent au sang sa réaction alcaline et augmentent son aptitude à dissoudre l'acide carbonique; les chlorures, sulfates et phosphates alcalins servent de dissol- vants aux sels calcaires et magnésiens, qui doivent servir à la nutrition des os, ainsi 620 DE LA NUTRITION. qu'aux oxalates, aux u rates, dont ils facilitent l'élimination. La plupart d'entre eux donnent au plasma la propriété de conserver aux globules leur intégrité qu'ils perdent en se gonflant dans l'eau pure. Leur excès contracte ces corpuscules ; leur réduction les gonfle. Ce sont des éléments empruntés aux aliments, aux bois- sons ou produits dans les tissus par le fait des actions nutritives. Ils s'en vont par la transpiration, les sécrétions intestinales et la sécrétion urinaire. Enfin, le sang contient des métaux, particulièrement du fer, métaux apportés par les aliments, les eaux, et même les poussières qui pénètrent dans les voies aériennes. Le fer est associé à la matière colorante des globules : à l'état métallique, d'après Mulder, Berzelius ; d'oxyde, suivant Engelbart, Dumas ; de sel, d'après Liebig et quelques autres. Le sang, d'après Nasse, donne 7 dix-millièmes d'oxyde de ce métal dans le cheval, 7 dans le bœuf, 6 dans le veau, 5 dans la brebis, 7 dans le chien et le porc. Suivant les analyses de Lecanu, 100 parties d'hématine donne- raient dans le bœuf 12 parties de peroxyde, c'est-à-dire à peu près 8 grammes et demi de fer métallique. En admettant qu'il y ait, comme l'indique Nasse, 0,786 d'oxyde de fer sur 1000 parties de sang dans le cheval, je trouve qu'un animal de cette espèce, dont les vaisseaux renfermeraient 25 kilogrammes de sang, aurait 19^'", 65 de peroxyde de fer, représentant 1 :-!§', 626 de fer métal- lique \ Quoique cet élément soit fixé aux globules, la quantité de ceux-ci n'est pas toujours en rapport avec celle du fer contenu dans le sang. Poggiale a trouvé moins de ce métal dans le sang de la poule et du pigeon que dans celui de divers autres animaux où ce liquide est plus pauvre en globules. Schmidt est arrivé, de son côté, aux mêmes résultats. Le fer existe aussi dans le plasma san- guin en assez forte proportion, M. Boussingault a montré qu'il y est attaché à la fibrine et à l'albumine, comme il est dans les globules, associé à l'hémoglobine. La fibrine en renferme un septième de la quantité contenue dans les globules. Mais l'albumine en possède beaucoup moins. Les autres matières minérales ou métalliques trouvées dans le sang, apportées par le chyle ou prises directement par les capillaires, sont : le cuivre, le plomb, trouvés chez l'homme et divers animaux par Millon ; le fluor, signalé par Wilson dans le sang du bœuf, le manganèse, la silice, observés par Enderlin, Henneberg dans le sang des oiseaux. Les métaux sus-indiqués paraissent être, comjTie le fer, fixés à la matière constitutive des globules. De plus, le sang est chargé d'une masse considérable d'oxygène, d'acide carbo- nique et d'azote, représentant, comme il a été dit plus haut, 600 volumes pour 1000 de liquide, de sorte que, sur un cheval ayant 25 litres de sang, la masse totale des gaz serait égale à 15 litres. Voici, du reste, d'après de Nasse, un tableau qui résume la composition du sang dans les espèces domestiques : 1. Pour obtenir en grand ce fer j'ai fait évaporer et calciner le sang de plus de 200 chevaux. Il ne reste plus qu'à réduire l'oxyde associé aux autres produits de la cal- cination. PROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU 5ANG. 621 _ ,- ~ _ ?( _ _ ,- _ rN (^ "N i~ 1 ^ - -_^ i.o in_ ;2_ w c;> *— < 77 ce i--_^ -* T: ~ 5 ' -T -rT X ■*" (N o ; 2 o v-;f ■^ Z '~Z — *~ •- * ce — < TX 1 '~ ~^ _ — — — S .- I -, _, ._- ?j _ _ X _- 1 ce .- î^ i n ^ '>* ?j -^ '^ ■X. —f^ ■;o ro t "—< - -. ^^ -M x_^ -1 — . ~ z d O — T —T o" rT ■» — « ; iT d — T — ' ;" — ■ — ' ;" — " oc ^ " z , * "T^ l~ -, ^ '>> . X t^ ?J j ^ ^ T< r: 1- X — X X X ^ ^ '-l '-"_ ^_ c; ■^ r^ ^ -^ I- ; 3V d 3 af L-T cn" crT — T — T ; ;■ —T — r ■~ : — ~ d~ :; s ÇO -- l^ ■^ l- ^ 1- '>> C: ,:-, z ~ 1^ ^ l- X "; — ?' ~ ^ < " -1 =: C ' = ^ - * ' ^ X — ( •s. ^ - i- .- - _, j- X X ,_ ~ r _ _ :, ^ t>^ — l^ - c^ — - C. C^ X ~ -H ^ r- — r- X u~ ~ r~ -N -N tN — ( ^ ^ ^ »H -^ — ^ o — ~ rNi rs tr ~ X X i- — 5v» ~ T ?) .__ _l o Cî ~^~~ - c^ o 55 X H 5v( 2^ > ■„ ~^ ï^^ c: V ~v ?i 3^ w_ ^ ■-<__ - ^^ - X ir O îc ~; _. t^ : i^ ~ _ _ _ _ X s — "■ ^ ^H V* — ^ i* ^ f ^ -^ 7? ^ ^ ■" X^ '^^ r-^ ~ c; 3^ >» X ^ -( -^ o u ;" 3^" -~z u-T r-< s" ~ ^ „H _r — " ;~ — ' — ~ - ' > X o u- -- L- —1 — l" : X -H '-^ •— 1 _, X rf X ^ — : ■-£ O 53 ;5< '— X I^ S ^^ î 5^ :d 1- t, ^-, ^^ ^ P -T" ^^ o ë C^ i-H ce rr CN( O ^ ^ ,—4 -^ ^ ^ * :^ - a ci 5^ -«r > _ ~^ _ — .- tr — ^ o r: X X ; ■?< ^ I- ^ '--_^ Tr X^ ? 1 — ( cè^ t-_^ ^ — <_ O i:^" t-' i~-" 5<" 7 -^ d' ^^ '^ — " ; — ^ ; s 0 X —1 ^, X r; _, c; -^ ::; ~j (?< o !^ t^ CM ^ c ?T •« -^. r- — 3< o (N i-t ■^ CN o_ ^ c rt ' -^ 3^ G<( o c > O lT o o O " ;j X Ij " — ïr ~ — __ X ~; 2 te! o L~ C5 r^ \T r^ X 5 ^-^ C" ^ i—H u" c; "^ c^ CN^ r~_ ^ I-- ■^r r-^ ?1 O ~ ;; rf L-T ^ ?r s" — o ^^ x^ r cT d' ^ ~ ^ ^ ~ 1^ ^^ 5^ Ci Tj< -j co (?) o — _, _ G^ ^- -j G^ Ci ? (N o lO X -H -H 1 3 ^r "-"v '^.- CN, c- X^ (?) C; w x^ ?» O 5 o 1 X :c" -T^T cn" _p — d" ^"^ d^ o" d~ O O —1 r- = f- ^^ ; o Z ^ ^ ^ ; 5. O ^ o J3 b "S o O 3 -^ z :^ y :^ o -^3 .Ci .5 o Ci q O -a Q 'S o 2 c y J: ~ p 3 Ci >< "s _ 3 — ■£ ■J y: ^ "îl _o ?^ ;2 o C ci r r^ _C 'Z. rz ^ X 'o 'ô ~" ~ :j: <; -^ —' xr. — a ~-' < < c/: 622 DE LA. NUTRITION. V. — Modifications qui peuvent être apportées a la composition DU SANG. Le fluide que nous venons d'étudier, d'une manière générale, éprouve des modifications nombreuses sous le rapport de sa quantité, de la i)roportion de ses éléments et de la constitution de ces derniers. Une partie de ces modilications tiennent à l'état des fonctions, notamment à celuide la digestion, des sécrétions, et sont compatibles avec l'entretien de la santé la plus parfaite; les autres deviennent le point de départ, plus ou moins éloigné, de divers états morbides, ou sont la conséquence de la maladie. Lamasse du sang augmente aux dernières périodes d'une digestion qui fournit aux absorbants une grande quantité de principes nutritifs et de liquides; elle augmente de même chez les animaux qui passent d'un régime de privations à un régime abondant, com.me chez les herbivores sauvages au retour de la belle saison, les chevaux et les bœufs mis au pâturage au printemps, les moutons qui paissent sur les chaumes couverts d'épis, les oiseaux granivores vers la fin de l'été, etc. Il se développe alors ce qu'on appelle la pléthore ou la polyhémie. Sa masse diminue chez les animaux qui s'épuisent par le travail, l'insuffisance de l'alimentation, l'abstinence plus ou moins prolongée : cette réduction constitue une des formes de l'anémie. Toutefois l'abstinence ne produit pas constamment les mêmes effets. Chez certains animaux, elle diminue rapidement la masse du sang. D'après Collard de Martigny, elle la réduirait sur le lapin aux 6 dixièmes le troisième jour, aux 4 dixièmes le septième, et aux 2 dixièmes le onzième. J'ai noté souvent une réduction analogue, mais moins prononcée sur le chien et la chat, réduction qui se produit très lentement sur les animaux musclés et gras; car, après une abstinence de trois à quatre semaines, elle n'est pas toujours sensible; il n'y en avait aucune, par exemple, sur un cheval gras le trentième jour d'une abstinence complète, puisque la masse du liquide représentait à ce moment le douzième du poids du corps. Si, en général, l'abstinence diminue la quantité des globules et de l'albumine, elle peut quelquefois l'augmenter. Magen- die a constaté ce dernier résultat sur un cheval après vingt-quatre jours d'absti- nence, Prévost et Dumas sur une tortue, après une abstinence de cinq mois. Sur le cheval que j'ai fait jeûner pendant trente jours, la quantité d'eau a diminué et celle des matériaux organiques du sérum s'est notablement accrue. Mais ils faut remarquer qu'ici la soustraction de l'eau du sang donne lieu à une augmen- tation relative des matériaux solides. Sous l'influence des émissions sanguines, la proportion des matériaux fixes du sang, surtout celle des globules, diminue rapidement. Dans les expériences de Prévost et Dumas, elle est tombée, sur le chat, de 118 à 93 millièmes après trois saignées faites dans l'espace de sept minutes. Sur un cheval, dans celles d'Andral, Gavarret et Delafond, elle est descendue de 104 à 38 milUèmes, après sept saignées faites à vingt-quatre heures d'intervalle ; celle de la fibrine, au contraire, est demeurée stationnaire ; elle a même augmenté sur la fin. Dans ces cas, suivant les observations de Vierordt, la mort survient, chez les lapins et rROPRIÉTÉS ET COMPOSITION DU SANG. 623 les chiens, quand le chilîre des globules tombe à 52, même seulement à 68 pour 100 du cliinVc normal. Immédiatement après la naissance, le sang des animaux est plus riche en glo- bules qu'il ne le sera plus tard : le fait a été constaté par Denis et Poggiale, sur de jeunes chiens. Pendant l'allaitement, le jeune animal a moins de glo- bules que l'adulte. Nasse en a trouvé 100 millièmes sur le veau et 120 sur le bœuf. De plus, le sang des jeunes sujets est, d'après mes observations, très riche en globules blancs, en tins granules graisseux, et presque constamment de teinte opaline. Dans la vieillesse, la proportion d'eau augmente, celles des glo- bules et des autres matériaux fixes diminue. Pendant la gestation, chez la femme, d'après Becquerel et Rodier, et chez les femelles domestiques, les brebis notamment, suivant M. Gavarret, la proportion des globules diminue, mais elle remonte à un chiffre très élevé quelques jours après le part. Le sang recueilli pendant la gestation se coagule avec lenteur et donne une couenne très épaisse. Le sexe modifie plus ou moins l'état du sang. Chez la femme, le sang est moins dense, plus aqueux, plus pauvre en globules rouges. Andral, Gavarret et Delafond ont trouvé aussi plus de globules sur le taureau que sur la vache, plus sur les béliers que sur les brebis ; mais leurs observations comparatives ne sont pas assez niultipliées pour donner un rapport moyen suffisamment exact; d'ail- leurs, ce rapport n'aurait toute sa -valeur que dans le cas où les animaux des deux sexes seraient entretenus dans des conditions semblables. Les maladies inflammatoires, notamment les pneumonies, les pleurésies, modi- iient considérablement l'état du sang. Elles donnent lieu surtout à une augmen- tation du chiffre de la fdjrine qui monte de 3 à 4 millièmes, proportion normale, à 6, 8 et même 10 millièmes ; l'augmentation est faiule sur le chien et très forte sur les ruminants. En même temps, il se produit une diminution dans la quantité de l'albumine. Le sang, quoique plus fd^rineux alors, se coagule avec moins de rapidité que dans les conditions ordinaires; aussi donne-t-il, chez l'homme, une couenne très épaisse, et chez les solipèdes un cadlot blanc très volumineux. Dans ce cas aussi, il peut présenter des globules blancs en quantité énorme. Dans lespyrexies, dans les fièvres putrides, typhoïdes, la quantité de fibrine diminue et les propriétés de ce principe semblent modifiées de telle sorte que les caillots sanguins deviennent mous et peu rétractdes ; celle de l'albumine diminue alors aussi presque toujours, mais la proportion des globules demeure normale ou à peu près. La leucémie, due à des états morbides de la rate, desglanglionslymphatiques, est caractérisée par une énorme quantité de globules blancs, sans que les pro- portions de la plupart des autres éléments du sang soient modifiées. On dit avoir trouvé, dans le sang des leucémiques, de l'hypoxanthine, des acides for- mique, acétique et lactique. Dans les divers états diathésiques, tels que ceux des chiens qui éprouvent des épistaxis, la plasticité du sang est diminuée plutôt par suite d'une modification dans les propriétés de la fibrine que par le fait d'une réduction dans la quantité de ce principe. Dans le cas de morve, la coagulation est diminuée aussi, et il y a 624 DE LA NUTRITION. presque toujours liypergenèse de globules blancs. Sous rinfluence du charbon, le sang, vers la fui delà maladie et sur le cadavre, est à peine coagulable, et son caillot ne tarde pas à se réduire en bouillie. Il en est de même sur les animaux surmenés, pris de chaleur pendant l'été. Hunier avait déjà noté cette particularité sur les daims forcés à la course et morts de fatigue. Dans l'albuminurie, les maladies du cœur, les hydropisies, la proportion d'al- bumine baisse constamment, et cela doit être, puisque ce principe s'échappe en abondance avec la sérosité ou avec l'urine. Le sang, sous l'influence du choléra, qui paraît avoir son analogue chez les oiseaux, perd une forte proportion d'eau ; ses globules s'agglutinent entre eux, adhèrent aux parois des capillaires, perdent en partie la faculté de se charger d'oxygène et d'abandonner l'acide carbonique. Dans la mélanémie, le sang se charge de corpuscules rouilles ou brunâtres plus petits que les globules rouges. Ils sont différents des corpuscules pigmentaires, et semblent être, d'après M. Robin, des granules de graisse associés à la matière colorante jaune du plasma. Le sang, dans l'infection purulente que l'on observe à la suite des maux de garrot, d'encolure, des vieilles pneumonies avec foyers purulents, se coagule souvent avec lenteur, et se montre chargé d'une forte quantité de globules blancs. Ceux-ci forment alors, d'après mes observations, entre le caillot fibrineux et le caillot noir une nappe blanche, opaque, visible à l'œil nu, et constituée par des leucocytes. Dans le cas de morve, soit latente, soit confirmée, la couche à leucocytes qui surmonte le caillot rouge, au lieu d'être égale au 80'' ou au 70^ de celui-ci, comme à l'état normal, représente en épaisseur le 35', le 18s le 12^ même le dixième de ce caillot rouge. Chez l'homme, dans des maladies assez diverses, le rhumatisme articulaire, la goutte, l'urémie, on a trouvé beaucoup d'urée, de l'urate de soude, de l'acide urique, des produits ammoniacaux. Enfin, dans diverses affections contagieuses, ce liquide se charge d'organismes microscopiques^ vibrions septiques, bactéries, bactéridies, micrococcus, granules mouvants, organismes qui se trouvent notamment dans les maladies septicé- miques, charbonneuses. Toutes ces modifications et une foule d'autres éprouvées par le sang dans les conditions pathologiques ont leur raison dans le mode de renouvellement de ce liquide. Le sang est l'intermédiaire entre les matières du dehors et les matières constituantes de l'organisme; il se charge d'importer tous les produits de la digestion et des diverses absorptions, ceux qu'il recueille lui-même et ceux que lui amène le système lymphatique; d'autre part, il prend, pour les déposer ou les exporter, une foule de produits normaux ou morbides nés dans les tissus, dans les glandes, sous l'influence des actions nutritives, sécrétoires, etc. Ce qu'il a d'essentiel et de propre se trouve donc éventuellement mêlé à une foule de matériaux inutiles. GENÈSE, USURE ET RENOUVELLEMENT DU SANG. 625 CHAPITRE LXII DE LA GENÈSE, DE L'USURE ET DE LA RÉGÉNÉRATION DU SANG Le sang est un liquide en voie incessante de mutation ; il se forme, se renou- velle se détruit avec rapidité, suivant un mode et des lois qu'il s'agit de déter- miner. Foi*uia,tioii îles éléiiicat** tlii isaiig. — Pendant la vie fœtale, comme nous le verrons à l'étude de la génération, le sang se constitue de toutes pièces dans ses vaisseaux ou dans les méats qui deviendront des vaisseaux. D'après quelques auteurs, Vogt entre autres, les cellules du feuillet angioplastique du blastoderme perdent leur enveloppe et donnent un noyau qui sert à la constitu- tion des globules ; suivant Lebert, les cellules organo-plastiques éprouvent inté- gralement cette conversion en globules, sans perdre leur enveloppe. Au début, ces corpuscules sont incolores ; mais ils prennent peu à peu une teinte jaune et finalement, deviennent rouges; l'hémoglobine n'est donc pas inhérente à leur constitution. Leur noyau, primitivement simple, se divise en deux ou en un plus grand nombre de noyaux secondaires, puis le globule s'étrangle et se divise en deux autres, comme Kôlliker l'a constaté sur le fœtus humain et sur celui de la brebis, Remak sur le porc et le poulet. Cette multiplication fissiparedes globules cesse à peu près une fois que le foie est régulièrement constitué. A compter de l'organisation du foie, les globules se développent pour la plupart suivant un autre mode. Le noyau apparaît d'abord, il s'entoure d'une membrane dans laquelle s'accumule de la matière colorante, après quoi le globule prend la forme discoïde et perd son noyau. Les globules ainsi constitués ont les caractères de ceux de l'adulte. Il est probable, comme le pensent Prévost, Dumas, Kôlli- ker, etc., que ces globules typiques prennent naissance dans le foie même et peut-être, ainsi que le suppose Remak, particulièrement dans les lymphatiques de cet organe dont le rôle est des plus importants pendant la vie fœtale. Il est à remarquer que les globules primordiaux ne disparaissent qu'à partir du moment où les globules typiques sont devenus très nombreux. Néanmoins les premiers, caractérisés par la présence d'un noyau, ne disparaissent guère qu'au moment de la naissance : encore ne disparaissent-ils pas tout à fait, puisque Kôlliker en a vu un certain nombre chez les jeunes chiens et les jeunes chats, pendant les premiers jours de l'allaitement. En somme, les globules du fœtus appartiennent à deux formations distinctes : les premiers ou les embryonnaires, très grands, se multiplient par fissiparité ; les seconds, plus petits et à noyaux, se rapprochent de ceux de l'adulte. Ils ont cela de commun que, au début de leur évolution, ce sont des cellules incolores. La matière rouge n'y apparaît que plus tard et comme un produit d'un travail de sécrétion ou d'assimilation des parois cellulaires. o. COLIN. — Physiol. comp., 3* édit. II. — 40 626 IJIi l-A NLTlUilON. Dans le jeune âge, d'après M. ttanvici-^ il se formerait des globules à l'inté- rieur de canaux ou de véritables vaisseaux sans communication aucune avec le système vasculaire. Cet histologiste a constaté le fait sur les jeunes lapins, dans les taches laiteuses ou les amas de cellules du grand épiploon, cellules vaso- forraatives où les globules sanguins se montrent avant quelles arrivent à consti- tuer, par leurs prolongements ramifiés, de véritables capillaires. Pendant la vie extra-utérine, les globules se forment suivant un nouveau mode et avec des caractères spéciaux. D'abord ils ne semblent plus, comme pendant la vie embryonnaire, se constituer, en général, dans les vaisseaux sanguins : la plupart au moins viennent du dehors. Ils auraient même tous, d'après quelques micrographes, une provenance étrangère : les uns se constitueraient dans quel- ques organes comme le foie, la rate; les autres résulteraient d'une métamorphose des corpuscules apportés par le système lymphatique. Dans tous les cas leur évolution chez l'adulte, abstraction faite de son siège, ne paraît pas différer essentiellement de leur évolution chez le fœtus. Gomme chez celui-ci, les globules sont d'abord blancs ou incolores et se remplissent d'hémoglobine à la dernière phase de leur développement. On peut penser que sur l'adulte ils ont principa- lement pour point de départ les cellules blanches ou globules du système lym- phatique. C'est une opinion que j'ai formulée il y a longtemps, d'après les résultats de mes études sur le chyle et la lymphe, et qui aujourd'hui compte un grand nombre de partisans. Voyons donc, d'abord, comment et dans quels organes se forment les globules blancs que l'on trouve, à la fois, dans le système san- guin et dans les vaisseaux lymphatiques. Les globules blancs que le système lymphatique apporte continuellement et en grande quantité dans les vaisseaux sanguins paraissent, comme nous l'avons déjà dit, se développer en divers points de l'organisme, savoir : dans les réseaux lymphatiques d'origine, dans les ganglions et dans les divers organes dits lym- phoïdes, comme la rate, le thymus, les capsules surrénales. D'après M. Robin, ces globules blancs n'ont pas d'organes producteurs spé- ciaux. La présence d'un blastème homogène et fibrineux dans la trame des organes ou à la surface des tissus est la seule condition nécessaire de leur déve- loppement. Ils peuvent naître, par conséquent, aussi bien dans les cavités des cellules épithéliales, dans les cellules des glandes sans canaux excréteurs que dans les vaisseaux. Suivant d'autres observateurs, parmi lesquels se trouvent les représentants les plus distingués de l'École allemande, Remak, Virchow, KiiUiker, Brucke, ces globules auraient des foyers de production d'importance inégale, d'une activité plus ou moins considérable. Le premier de ces foyers est constitué par les immenses réseaux d'origine du système lymphatique, car la lymphe et le chyle pris très près des réseaux, ou avant leur passage dans les ganglions, renferment déjà des globules blancs, ainsi que je l'ai établi dès l'époque de mes premières observations sur le système 1. Ranvier, Du développement et de iaccroinsement des vaisseaux sanguins- Archives de Physiol. ,181^. GENÈSE, USURE ET RENOUVELLEMENT DU SANG. 627 lymphatique, alors que l'opinion d'après laquelle ces globules naîtraient exclu- sivement dans les ganglions était en grande faveur, d'ailleurs les leucocytes ne manquoiU pas dans la jymplio et le chyle des ovipares dépourvus de gan- glions. Le second foyer, et peut-être le plus actif de tous, est représenté par l'ensemble des ganglions lymphatiques. Dans ces organes, la lymphe est très chargée de globules blancs ; après les avoir traversés, elle en présente une quantité bien plus grande qu'avant d'y entrer; elle en offre une proportion exagérée toutes les fois que ces organes tuméfiés fonctionnent avec plus d'activité qu'à l'état normal. Pourtant cet office des ganglions a été contesté et même nié formellement. M. Robin assure que les micrographes ont pris les épithéliums nucléaires des ganglions pour des leucocytes, épithéliums qui, selon lui, ont un volume uni- forme moindre que celui des globules blancs, ne présentent pas d'expansions sarcodiques, et possèdent un noyau qui n'est pas attaqué par l'acide acétique; mais cette confusion est peu admissible de la part des micrographes les plus habiles qui ont vu dans les ganglions une quantité énorme de leucocytes. Ceux- ci, abondants surtout dans la substance corticale, sont bien pour Kulliker, Brucke, Donders des éléments du ganglion, lesquels se détachent et passent dans le chyle ou la lymplie. Ils se produisent en très grande quantité, comme le fait remarquer Yirchow. quand il y a une irritation ganglionnaire isolée, ou une irritation liée soit à la scrofule, soit à certaines maladies, telles que le phlegmon, Térysipèle, capables de développer une leucocytose plus ou moins prononcée. La rate, soit par son ensemble, soit seulement par ses corpuscules dits de Malpighi, serait aussi, pour un grand nombre de physiologistes, un foyer pro- ducteur de globules blancs équivalant, sous ce rapport, aux ganglions lympha- îiques; mais le rôle de cet organe est fort contestable et il n'est établi que sur des faits à signification équivoque dont voici les principaux. Le sang retenu dans le tissu de la rate a offert à Donné une quantité énorme de globules blancs à tous les degrés d'évolution. Le sang veineux de cet organe, sur le cheval, a toujours paru à Funke plus chargé de globules blancs que le sang de la circulation générale; dans un cas, ils représentaient le tiers ou le quart de la totalité des globules. Kolliker, Gray, Virchow ont fait des observa- tions analogues. Vierordt a trouvé sur un décapité dans le sang splénique un globule blanc pour cinq rouges. Hirt dit même avoir compté trente fois plus de leucocytes dans le sang, sortant de la rate, que dans le sang afférent. Dans le cas d'hypertrophie splénique, la proportion des globules blancs augmente, et, d'après M. Milne Edwards, à tel point que le sang en prend un aspect laiteux. Enfin, suivant Kolliker, on trouve dans la rate des jeunes animaux toutes les formes de globules blancs et des globules en voie de multiplication fissipare. Ces faits toutefois ne sont pas absolument démonstratifs. Les cyclostomes qui manquent de rate n'ont, d'après M. Robin, ni plus ni moins de leucocytes que les autres poissons. Les mollusques et les articulés, qui sont aussi dépourvus de rate, n'ont d'autres globules que les leucocytes. Chez les animaux auxquels on a extirpé la rate, les globules blancs se trouvent par rapport aux hématies dans 628 DE LA NUTRITION. les pi'opoi'lions normales. M. Robin l'a vu sur un cliien, et je n'ai pas observé de dilï'érence sensible à cet égard sur un assez grand nombre de ces animaux dératés dès la première semaine de la vie. Ainsi, en somuie, quoiqu'il y ait des probabilités en faveur de la production des leucocytes dans la rate, le fait de cette production n'est pas absolument certain. Enfin, suivant Virchow et Brucke, les organes adénoïdes des muqueuses, les glandes de Peyer, les divers follicules clos de la muqueuse intestinale, les amyg- dales, la thyroïde, le thymus, seraient encore des équivalents fonctionnels des glandes lymphatiques, quant à la production des leucocytes. Le tissu conjonctif lui-même, suivant une hypothèse peu probable, constituerait aussi un immense foyer producteur de globules blancs qui, d'après les partisans de cette suppo- sition, seraient de simples noyaux détachés du tissu et entraînés dans les réseaux lymphatiques. Ici on doit être très réservé. Plusieurs des organes supposés for- mateurs de globules blancs sont des glandes ; leur contenu n'est pas exacte- ment semblable aux leucocytes, et, le serait-il, qu'il faudrait rechercher par quel mécanisme il peut passer dans les vaisseaux. Quel que soit le siège ou le lieu de production des globules blancs, ces corpus- cules naissent plus ou moins abondamment selon les conditions physiologiques. Il y a évidemment hypergenèse globulaire pendant la digestion, dans les réseaux de la muqueuse intestinale et dans les ganglions mésentériques. Ainsi, d'après Donders et Moleschott, le nombre des globules deviendrait, sur le lapin, de quatre à dix fois plus considérable après qu'avant le repas. Il quadruplerait seulement sur l'homme, d'après les observations de Hirt. Il y a hypergenèse plus marquée encore ou leucocytose pathologique, dans le cas de scrofule, de morve, de farcin, de charbon, de maladie typhoïde, d'infection purulente, de lésions de la rate, des ganglions lymphatiques. La leucocytose, qui se développe après les saignées abondantes, n'est qu'un fait relatif, car lorsque les émissions ont soustrait une grande quantité de globules rouges, les globules blancs, qui continuent à être apportés par les lymphatiques dans le système sanguin, paraissent se multiplier, quoique, en réalité, leur augmentation résulte de la simple réduction du nombre des hématies. J'ai donné ailleurs, d'après mes études relatives au système lymphatique, sur les leucémies et les leucocytoses des animaux, des détails qu'il serait trop long de rappeler ici ^ Les globules blancs étant produits, se transforment-ils en globules rouges ? Dans l'affirmative, quel est le lieu, quel est le mode de cette transforma- tion? Il y a peu d'années encore, tout le monde admettait vaguement la conversion des globules blancs en hématies. Cette métamorphose s'opérait insensiblement, disait-on, par le fait de la respiration, et elle résultait du développement d'une couche de matière colorante autour du globule chyleux ou lymphatique. Mais, vu les différences considérables de structure entre le globule blanc et le rouge, la mutation supposée ne peut être aussi simple ni aussi facile qu'on l'a pensé. 1. Bulleti7i de C Académie de médecine. 4 janvier 1876, 24 janvier même année et 1" février. T. V, 2= série, p. 18, 92 et 115, GENÈSE, USUKE ET RENOUVELLEMENT DU SANG. 629 D'après divers observateurs, à la tête desquels se placent Nasse, Schultze, Donné, Virchow, K()llikei', cette conversion est un fait possible et même facile. Pour moi, j'y crois d'autant mieux que sa négation impliquerait l'inutilité du travail important qui s'opère dans les chylifères et les lymphatiques. Voici sur quoi peut se fonder celte opinion : Les globules blancs se développent vite, puisque, ù la surface du derme irrité, ils apparaissent en moins d'une heure dans les produits de sécrétion. Ces globules paraissent très susceptibles de muta- tions. Au début, ils n'ont souvent qu'un seul noyau; quelques heures plus tard, ils en présentent plusieurs. Leur membrane enveloppante se déforme, donne des prolongements amibo'ides qui changent vite de situation et d'aspect. On peut concevoir la conversion du leucocyte en hématie de plusieurs manières ; soit que, comme le pense Warthon Jones, son noyau, en devenant libre, constitue le point de départ du globule rouge, soit que sa masse entière se métamorphose, ou mieux encore que ses parcelles, ses granulations deviennent isolément des noyaux de globules. Vraisemblablement l'hématine s'y produit sous l'influence de l'oxygène et aux dépens de la matière albumino'ide intérieure, les noyaux dis- paraissent, peut-être même l'enveloppe, le globule s'aplatit et devient disco'ide. 11 n'est pas certain que tous les globules blancs soient aptes à éprouver cette conversion. Peut-être, comme le pense Milne Edwards, y en a-t-il une partie qui, après /ivoir vécu, avortent et disparaissent, tandis que d'autres achèvent de se développer et se transforment en globules hématiques ; les premiers seraient des globules blancs permanents, les seconds des leucocytes transitoires ou des larves de globules sanguins. Il est vrai toutefois qu'on ne voit pas, chez les mammifères, ces derniers offrir les états intermédiaires entre le leucocyte et l'hématie. Où. s'opère cette métamorphose que Kôlliker regarde comme certaine? Pro- bablement elle peut s'effectuer partout, mais particulièrement dans les systèmes capillaires de certains organes, de diverses glandes vasculaires, telles que le foie, la rate, etc. Il n'est pas impossible que le foie, qui est un organe d'hématose chez le fœtus, reste un organe de sanguification chez l'adulte, organe dans lequel s'achèverait la transformation des leucocytes en hématies commencée dans l'en- semble du système vasculaire. Les preuves de cette localisation manquent sans doute. Lehmann, qui a examiné comparativement le sang sortant du foie et le sang sortant de la rate, a trouvé, dans le premier, 8 centièmes de globules de plus que dans le second. Moleschott a bien constaté, en outre, sur la grenouille, que, q, la suite de l'ablation du foie, le nombre des globules rouges, relativement à celui des blancs, diminue considérablement ; mais il est clair que l'extirpation d'un organe aussi volumineux et aussi vasculaire que le foie doit, indépendam- ment de tout autre effet, agir comme la saignée, et, à ce titre, diminuer d'une manière absolue et relative la proportion des globules hématiques. La rate, cet organe énigmatique, a été aussi considérée comme l'un des foyers de la transformation des leucocytes en hématies, et ceux qui ont voulu en trouver les fonctions n'ont pas craint de lui en attribuer plusieurs à la fois. Déjà Hewson et Springs avaient admis là une formation de globules rouges, et Gerlach, Schaffner, se sont rangés à cette opinion ; Nasse, Schultze et Donné croient 630 l'K LA NUTIMTION. aussi à une simple transformation dans cet organe des globules blancs en jrlo- bules hématiques. Toutefois, les résultats de rexpérimentation sont loin de venir à l'appui de cette hypothèse, et, d'ailleurs, ils manquent de concordance. D'un côté, Lehmann, Béclard, croient le sang sortant de la rate moins chargé de globules que celui de la circulation générale ; Gray affirme même, d'après ses expériences faites sur le cheval, que le sang, à sa sortie de cet organe, a seule- ment la moitié des globules que contient le sang afférent. Aussi ces derniers observateurs voient dans la rate non un organe producteur, mais un organe destructeur des globules rouges, d'autant qu'après son extirpation, le sang deviendrait plus riche en hématies. Il y a plus, la rate a été considérée comme produisant alternativement des globules blancs et des globules rouges, les pre- miers pendant la digestion, les seconds pendant l'abstinence, parce que cinq à six heures après le repas, l'organe se gonfle, dit-on, et que le sang se montre très chargé de leucocytes, tandis que, pendant l'abstinence, la proportion de ces leucocytes se réduit très notaljlement. Quoique, dans l'opinion de divers physiologistes très habiles micrographes, la transformation des globules blancs en globules sanguins ne puisse s'effectuer, l'ensemble des considérations précédentes doit nous la faire admettre et lui attribuer une très grande part dans l'important travail de la genèse du sang, En même temps que les globules rouges paraissent se produire par la méta- morphose des globules blancs, des hématies peuvent se constituer directement, par un travail spécial analogue à celui qui s'effectue pendant la vie intra-utérine. Mais où ce travail s'opère-t-il ? Est-ce dans toute l'étendue du système vasculaire ou seulement dans quelques-unes de ses fractions et dans quelques organes spéciaux ? Les meilleurs observateurs de l'époque inclinent à placer en dehors du système vasculaire général la genèse directe des hématies ; ils veulent la loca- liser comme celle des leucocytes. Dans ces idées, le foie serait un foyer hématopoïétique des plus importants. On en donne pour preuves la proportion énorme de globules rouges qui en sortent et les formes de ces globules. Lehmann a trouvé dans le sang sus-hépa- tique deux à trois fois autant d'hématies que dans le sang de la veine porte. Sur le cheval, 1 000 parties de sang sus-hépatique ont donné 317 de globules, et 1000 parties de sang de la veine porte 141 seulement. Mais cette différence peut tenir à des causes autres que celles d'une formation globulaire, car le sang sus-hépatique a présenté 680 millièmes d'eau et celui de la veine porte .770 mil- lièmes, de sorte que la richesse globulaire du premier peut être purement rela- tive et dépendre d'une moindre hydratation du fluide nutritif. De plus, comme le fait remarquer M. Sée ', le mode d'expérimentation employé pour obtenir les sangs comparés est vicieux. On les a recueillis après la mort à la suite de l'ap- plication de liens qui le font stagner plus dans une partie que dans l'autre et lui permettent de se concentrer inégalement. D'ailleurs, le sang hépatique, s'il contient plus de globules rouges, en renferme aussi plus de blancs que celui de la veine porte, le double, le quadruple même, globules qui peuvent provenir de 1. Sée. Leço7is de pathologie expérimentale sia- le sançj et les anémies, p. 30. GENÈSE, USURE ET RENOUVELLEMENT DU SANG. 631 la rate, {)iiisqiie le sang do la spléniquc^ se rend dans la veine porte au-dessous du foie. D'autre part, on donne à l'appui de l'hypothèse d(î la formation des hématies dans le foie, ce fait que beaucoup de globules rouges sortant du foie sont petits, à peine déprimés, réfractaires à l'action de l'eau et semblables, en un mot, à des globules de nouvelle formation ; mais la signification de ce fait est équi- voque. Il n'y a donc que des probabilités en faveur d'une formation de globules héma- liques dans le foie ou de leur achèvement dans cet organe. Cette probabilité assi- milerait les fonctions du foie de l'adulte à celles de cet organe pendant la vie embryonnaire. La rate a été considérée aussi comme jouant quelque rôle dans le travail obscur de la sanguilication. Ses alvéoles pleines de sang où les artérioles finissent et où les veinules commencent ont paru des cavités disposées favorablement pour l'élaboration des globules. On trouve dans ces alvéoles, indépendamment des globules blancs, des globules rouges, petits, résistant fortement à l'action de l'eau et présentant les caractères des globules de formation récente. Mais on ne peut dire si ces petits globules sont de formation spéciale où s'ils sont le résultat d'une transformation des leucocytes. D'ailleurs, d'après quelques observateurs, la diminution des globules rouges dans le sang de la veine splénique indiquerait une destruction, non une formation de globules dans la rate. Les foyers de formation globulaire ne sont donc pas déterminés. Quoiqu'on tende à admettre aujourd'hui que les globules viennent des parties en dehors du système vasculaire sanguin, je ne vois pas que cette opinion soit suffisamment appuyée, car, lors même qu'on trouverait à cette formation des foyers spéciaux tels que le foie et la rate, il demeurerait probable qu'elle s'accomplit dans les systèmes capillaires de ces organes. Si elle s'opérait en dehors des vaisseaux, il resterait à rechercher comment les globules deviennent intravasculaires. A cet égard on possède déjà des données importantes qui permettent de considérer la formation des globules sur place, aux dépens du plasma ou du protoplasma comme à peu près certaine. Le fait du développement des globules dans les cel- lules des taches laiteuses du mésentère est très significatif; il semble montrer qu'un des modes d'évolution du sang de la vie fœtale persiste pendant la vie extra-utérine ; de plus, il paraît prouver que les éléments figurés peuvent naître directement dans des blastèmes, sans être engendrés par d'autres éléments semblables ou par des cellules. Quant au mécanisme suivant lequel se constitue le globule blanc et le rouge, il est absolument inconnu. Il le serait moins, peut être, si on trouvait dans le sang les globules de ces deux espèces à divers degrés de développement. Les globulins, vus depuis longtemps par la plupart des observateurs, sont peut-être des globules en voie de formation, mais qu'ils aient le tiers ou la moitié des globules ordinaires, qu'ils reçoivent les noms de microcytes ou d'hématoblastes ils ne diffèrent pas essentiellement des grands ni par leur constitution, ni par leurs propriétés. Il faut en excepter toutefois les granulations de la fibrine et les granules accompagnant les leucocytes, et résultant de leur dissociation. D'ailleurs 632 DE LA NUTRITION. on ne sait si ces petits globules, très abondants à certains moments, sont bien des globules en voie de formation et non des globules qui s'atrophient avant de se dissoudre ou d'achever leur existence d'une manière quelconque. En ce qui concerne la formation ou le point de départ des autres éléments du sang ou du plasma en masse, il n'y a pas de doutes sérieux ; ces éléments viennent de source étrangère : la fibrine, l'albumine, la caséine, le sucre, se constituent en dehors des vaisseaux sanguins ; une grande partie en est apportée par le système lymphatique, l'autre est prise directement par l'absorption opérée parles capillaires. L'albumine se constitue manifestement dans le système chylifère aux dépens de l'albuminose absorbée dans l'intestin, et elle est apportée abondamment et directement par les vaisseaux lymphatiques dans les vaisseaux sanguins. La fibrine ou plutôt la matière fibrinogène, la plasmine, se produit également aux mêmes points. On disait, il n'y a pas longtemps encore, que la fibrine n'était pas complètement formée dans le chyle, qu'elle y était molle, peu rétractile. En réalité, dans le chyle, la plasmine se dédouble difficilement : elle paraît avoir besoin de l'action de l'air, qu'elle éprouve dans le sang, pour donner rapidement ce qu'on appelle la fibrine. Celle-ci se forme aussi aux dépens de l'albumine dans les tissus, par exemple dans le poumon et dans toutes les parties irritées; les lymphatiques la prennent insensiblement pour la verser, à mesure, dans le système sanguin d'oii elle sort aussi sans cesse avec les autres matériaux du plasma. Les autres matières dont se charge le sang ont le plus souvent, comme les précédentes, une origine étrangère. La créatine, la créatinine produites dans les muscles, l'urée, l'acide urique, les urates nés partout consécutivement aux actions respiratoires, la leucine, la tyrosine, l'hypoxanthine, l'inosite trou- vées dans la pulpe de la rate peuvent y passer également ; enfin, dans ce qu'on appelle les dyscrasies, il est probable aussi que les matières qui, à un moment donné, vicient le sang, prennent leur point de départ au sein des tissus. On voit donc, par ce qui précède, que les éléments du sang ont deux sources. Ils peuvent, d'une part, être pris directement par les vaisseaux sanguins ou pro- duits dans les vaisseaux; d'autre part, ils peuvent être formés en dehors du système sanguin dans des organes spéciaux et apportés au sang par le système lymphatique. Cette dernière source est la prédominante. Les éléments figurés peuvent être formés de toutes pièces ou résulter d'une métamorphose de ceux du chyle ou de la lymphe. Celte double origine, ce double mode de formation devient évident, soit qu'on étudie la genèse du sang, de l'embryon à l'animal adulte, soit qu'on la considère de l'animal dégradé à l'animal des classes supé- rieures. La nature a souvent plusieurs moyens pour arriver à un même résultat et des moyens qui peuvent se suppléer : elle les emploie suivant les cas simulta- nément ou successivement; ici celui dont elle se sert le plus est certainement la métamorphose des fluides blancs. Ces liquides préparés en si grande quantité, chargés d'eau, de fibrine, d'albumine, de graisse, de sucre, de matières extrac- lives, de fer, de sels divers, ont tout ce qu'il faut pour constituer le fluide GENÈSE, USURE ET RENOUVELLEMENT DU SANG. 633 nutritif. Leurs éléments ligures même, iormés surtout de matières protéiques, peuvent vivre longtemps dans le sang avant de s'y transformer en globules rouges. Enfin, ces lluides sont tels par leurs propriétés qu'ils peuvent à la rigueur subsister à l'état de mélange avec le sang sans subir de transformation bien profonde, car, en somme, lorsque, après des saignées très abondantes, le sang parait reconstitué, il n'est réellement qu'une lymphe et un chyle rougis par ce qui restait de sang dans le système circulatoire. Et ce mélange peut, comme le liquide normal, subvenir à tous les besoins de l'organisme. Ce n'est pas à dire pourtant que le sang puisse être formé en bloc par une métamorphose spéciale de la lymphe, lymphe qui rougirait déjà dans ses vaisseaux en s'assimi- lant de l'hémoglobine perdue par les hématies échappées des vaisseaux à la suite des leucocytes. Usure «les éléments tUi sa.u^. — Le sang est un liquide instable dont les éléments sont en voie de formation et de destruction incessantes. Mais il ne s'use point en masse ; certains de ses éléments disparaissent vite, d'autres ont une plus longue existence. Tout ce qui appartient au plasma peut se détruire avec une extrême rapidité; au contraire^ les éléments figurés qui ne sortent pas des vaisseaux ont une longévité plus considérable. La quantité des pertes éprouvées par le sang en une période de vingt-quatre heures, la soustraction de matériaux effectuée aux dépens de ce liquide par les différents tissus qui respirent et se nourrissent ainsi que par les organes est énorme. Ainsi, sur un cheval de taille moyenne pesant 400 kilogrammes, les sécrétions digestives lui enlèvent approximativement 42 kilogrammes de salive, 5 de suc gastrique, 5 de bile, 5 de suc pancréatique, 10 de suc intestinal, total 67 kilogrammes, soit plus de deux fois le poids du sang et le sixième de la masse du corps. Si on ajoute à cela 12 kilogrammes d'urine, 8 kilogrammes de produits de transpiration, 2 à 3 kilogrammes de carbone destiné à remplacer ce qui a été brûlé dans l'ensemble de l'économie, en tout 90 kilogrammes, on ne s'étonne pas de voir arriver dans le torrent circulatoire une centaine de kilo- grammes de chyle, de lymphe et de divers produits absorbés pour compenser les déperditions éprouvées par le sang. Mais, tous les éléments sanguins ne s'usent pas également vite, et conséquem- ment n'ont pas tous une régénération également prompte. L'eau qui leur sert de véhicule s'en va avec une vitesse excessive, emportant avec elle les matières salines. Les glandes salivaires à elles seules, en enlèvent 15 à 20 kilogrammes pendant le repas d'un cheval ou d'un grand ruminant ; la peau, les muqueuses respiratoires ou digestives, les reins, en soustraient aussi de grandes quantités en de très courtes périodes. Aussi les chylifères et les lymphatiques en versent-ils des masses énormes dans le torrent circulatoire : l'absorption fait équilibre à l'exhalation ; elle répare les pertes à mesure qu'elles s'opèrent. Le sang perd ses sels en grande proportion, et il en reçoit des quantités équivalentes ; il perd ensuite pour la nutrition, les sécrétions du tissu cellulaire, celles des membranes séreuses, beaucoup d'albumine, et le système lymphatique lui rapporte beaucoup de cet élément précieux, sujet à tant de métamorphoses; il cède peu de fibrine et en reçoit peu ; enfin il ne paraît éprouver que des pertes insensibles de globules : 634 DE LA NUTlUïrON. aussi ces corpuscules précieux, dont la formation est si obscure, se renouvellent- ils avec une extrême lenteur. En dehors des conditions ordinaires, par exemple lorsque la digestion est sus- pendue, pendant l'abstinence de longue durée, l'hibernation, le plasma s'use vite encore, puisque le travail nutritif persiste et que beaucoup de sécrétions con- servent une grande activité. Ses pertes alors sont compensées, non plus par les apports du système chylifère, mais seulement par ceux des lymphatiques de l'en- semble du corps. Les éléments figurés ou les globules, bien qu'ils soient aussi des éléments transitoires, ne se détruisent qu'avec lenteur. Il est impossible de dire quelle est la durée de leur existence, Gomme ils se produisent lentement, ils doivent se détruire avec lenteur. Les blancs dont la genèse est la plus rapide sont vrai- semblablement ceux dont la vie est la plus courte. Ceux qui ne se transforment pas en hématies paraissent s'atrophier en partie et en partie se détruire par rup- ture de leur enveloppe, rupture qui laisse libres le contenu et ses granulations. Les globules rouges vivent selon toute apparence assez longtemps. Dans quelques conditions, pendant l'abstinence par exemple, ils pâlissent et se déforment, comme Schultze et Nasse l'ont remarqué. Alors, sur la grenouille, sui- vant Donders et Moleschott, ils deviennent transparents et semblent se réduire à leur partie centrale. En moins d'un mois la moitié éprouve ces modifications. Toutefois les globules de mammifères introduits dans les vaisseaux de ce batra- cien s'y maintiennent pendant une quinzaine de jours. Dans certains cas ils semblent se détruire avec rapidité, surtout si l'organisme n'est pas en état de faire face aux besoins de la réparation. J'ai vu des herbivores maigres devenir anémiques en quelques jours ou en une semaine au plus, anémiques, non pas seulement par réduction considérable de la masse totale du sang, mais encore par réduction de la quantité des globules. La destruction des globules qui est probablement une conséquence de leur fonctionnement actif doit s'opérer dans le système vasculaire, puisque ces cor- puscules n'en sortent pas avec le plasma ; elle n'est pas le résultat direct, immé- diat de la nutrition ou des sécrétions, puisque ces organites ne concourent pas en bloc à ces deux actes qui usent si vite tous les matériaux plasniatiques du liquide. Elle paraît se faire plus activement dans certains organes, notamment dans ceux où naissent les matières pigmentaires et où se préparent des matières colorantes, comme à la rate et au foie, de sorte que ces organes jduent à la fois le rôle de producteurs et de destructeurs de globules, rôle qui est, à divers degrés d'ailleurs, celui de toutes les parties. Mais on a certainement exagéré ce qui paraît se passer dans quelques-uns, notamment dans la rate, car, d'après Funke, le sang qui sort de ce dernier organe loin d'avoir toujours moins de globules rouges que le sang afférent, en a quelquefois plus. Si les globules sanguins pouvaient sortir des vaisseaux, leur mode de destruc- tion deviendrait apparent dans quelques points. Herbst dit bien que sous l'influence d'une pression accrue dans le système sanguin par la transfusion, les globules rouges deviennent abondants dans la lymphe, et Kôlliker affirme que ces globules passent dans les lymphatiques de la queue des têtards lorsque la cir- GENÈSE, USURE FT RENOUVELLEMENT UU SANG. fi35 ciilation est embarrassée; mais dans ces circonstances, 'c'est probablement par des solutions de continuité microscopiques que le passage s'effectue. Dans tous les cas, les globules qui passent d'un système vasculaire dans l'autre ne sont pas pour cela destinés à se détruire plus \ite; ils reviennent promptement dans le réservoir commun. Ceux qui tombent dans les tissus, par suite d'épanchements sanguins, s'agglutinent entre eux et s'entourent d'une couche albumineuse ou encore se transforment en granulations pigmentaires. S'il était prouvé, comme on tend à l'admettre aujourd'hui, qu'il y a dans les conditions physiologiques, une diapédèse des hématies, s'effectuant concurremment avec celle des leucocytes on comprendrait très bien la destruction des éléments figurés du sang. Mais où sont les preuves de cette sortie des globules rouges à la suite de celle des glo- bules blancs qui s'ouvrent des passages à travers les parois vasculaires, passages reformés aussitôt après leur percement? En somme, le sang s'use de deux manières : 1° par ce qu'il cède aux tissus pour la nutrition, la calorillcation et les sécrétions; 2° par ce qui se transforme ou se détruit directement dans ses vaisseaux. Les éléments plasmatiques se détruisent suivant le premier de ces modes, les figurés suivant le second. Il n'y a à ce sujet rien d'obscur. Reiiouvelleineiit des uia^térianx: cIh sa,ngr. — Les éléments cons- titutifs du sang, pour maintenir ce liquide dans un certain équilibre de composi- tion, doivent se renouveler proportionnellement à leur usure respective. Cette rénovation est extrêmement rapide pour le plasma et elle est nécessairement lente pour les éléments figurés qui ont une stabilité relative. La rénovation a lieu directement par l'absorption que les vaisseaux sanguins effectuent dans les tissus, aux surfaces des cavités closes, et enfin dans l'appareil digestif. Elle a lieu indirectement par l'apport continuel dans le système veineux des masses de chyle et de lymphe que les vaisseaux blancs sont chargés de recueillir, La part relative de ces deux moyens n'est pas exactement déterminée, puisqu'il est impossible d'évaluer exactement le produit de l'absorption veineuse; mais celle des deux fractions du système lymphatique est énorme, soit pour les grands soli- pèdes et ruminants de 50 à 100 kilogrammes en vingt-quatre heures, représen- sentant au maximum deux à trois fois la quantité de sang que contient, à un moment donné, le système sanguin. La masse du sang, si elle a été réduite dans de fortes proportions par une hémorrhagie spontanée ou par des saignées abondantes, revient très vite à son chiffre normal ou à peu près. Les fortes saignées faites presque coup sur coup pour combattre la pneumonie et d'autres affections congestives ou inflammatoires graves sont suivies d'une réparation rapide, parfois étonnante. Girard ayant tiré à une jument de taille moyenne 10 kilogrammes de sang le premier jour, 10 le deuxième, 8 le troisième, 8 le quatrième, 7 le cinquième, 9 le sixième, recueillit encore à l'ouverture du cadavre, après cette dernière saignée, 5 kilogrammes de liquide, en tout 57 kilogrammes. Un autre cheval de forte taille donna le premier jour 15 kilogrammes, 12 et demi le troisième, 13 le cinquième, 11 le septième et, après la mort qui suivit cette dernière, 4 et demi, en somme 56 kilogrammes. Comme la quantité de sang obtenue sur ces deux animaux représente environ 636 DE LA NUTRITION. deux fois celle qui devait être contenue dans les vaisseaux au début do rexpérience, il faut en conclure qu'en six à sept jours il s'est formé une masse de sang équiva- lente à celle existant au début. Et cette quantité s'est reconstituée dans de mau- vaises conditions, puisque l'abondance et la rapidité des émissions ont dû entraver et finalement suspendre le travail digestif. Piorry a vu que, sur le chien, les choses se passent ainsi. Le carnassier saigné abondamnient donne le lendemain, même à la diète, 10 à 11 onces de sang, et plusieurs jours après de nouvelles quantités. Quelques faits plus anciens devenus classiques prouvent que sur l'homme la régénération du sang n'est pas moins active. Ainsi, au rapport de Haller, un jeune homme perdit en dix jours 75 livres de sang, soit plus de la moitié du poids du corps. Si ce jeune homme avait 10 livres de sang ou un quinzième du poids du corps, son sang en masse se serait renouvelé environ sept fois en dix jours. Un hémorrhoïdaire en perdait 5 livres par jour pendant deux mois, soit en somme 310 livres, ce qui suppose une régénération répétée trente et une fois, soit une fois par chaque période de quarante-huit heures Une jeune tille perdit 200 livres de sang en quatorze mois par des saignées et la menstruation, etc. Si la rénovation du sang n'était point rapide, l'organisme ne supporterait pas ces saignées répétées tant de fois, dans de courts délais, aux époques où les émis- sions sanguines sont en faveur. Louis XIII saigné 47 fois en une année, Gousinot médecin du roi saigné 64 fois en 8 mois pour un simple rhumatisme prouvent que, fort heureusement, l'homme ne se laisse pas trop aisément tuer par les armes de la thérapeutique. Si, après ces émissions abondantes, le sang se reconstitue, en masse, assez vite, sa reconstitution ne porte pas, d'une manière égale, sur tous ses éléments. Andral, Gavarret et Delafond ont vu, sur un cheval vieux qui subit sept fois, à vingt-quatre heures d'intervalle, une saignée de 6 kilogrammes, en tout de 42 kilo- grammes, le chiffre de l'eau monter de 802 à 894, celui des matériaux solubles du sérum descendre de 90 à 60 et des globules de 104 à 38. L'eau se remplace donc très facilement, même au delà du chiffre normal, puis la fibrine dont le chiffre ne baisse pas, les matériaux solubles du sérum moins facilement que l'eau, les globules moins que les matériaux fixes du sérum. Néanmoins la régénération sanguine a des limites en un temps donné. Si le cheval supporte, comme l'ont vu Gohier et Delafond, une saignée de 2 kilogrammes par jour, répétée pendant un mois à six semaines, de telle sorte que la perte totale représente, pour ce laps de temps 75 à 80 kilogrammes, il peut périr assez vite ainsi que l'a constaté Girard si la saignée diurne est de 8, 10, 15 kilogrammes, par exemple le sixième jour, même le quatrième après des émissions dont la somme s'élève à une cin- quantaine de kilogrammes. On voit, d'après ce qui précède, qu'en somme, il y a une très grande différence entre le renouvellement du plasma sanguin et celui des globules. Le plasma, ou la solution fibrino-albumineuse qui sert de véhicule aux hématies, s'use vite et se répare vite : il s'use vite, car il est l'élément de toute sécrétion et de toute nutrition ; il se répare vite, car le tluide mixte qui résulte du mélange du chyle avec la lymphe est un plasma complet auquel il ne manque absolument rien, et qui vient continuellement se déverser dans le torrent circulatoire. Les globules, GENÈSE, USURE ET RENOUVELLEMENT DU SANG. 637 au contraire, ont une lixilc remarquable au sein du liquide dans lequel ils nagent; ils constituent la partie réellement stable de la masse sanguine. Le sang se comporte donc connue les parties solides, les tissus de l'économie. C'est un liquide organisé, vivant, qui jouit de la faculté d'assimilation et de désassiniilation, un liquide qui se l'orme, se détruit et se renouvelle, se compose et se décompose sans cesse. 11 est vivant par son plasma et par ses éléments figurés, et chacun de ceux-ci vit à sa manière; chacun a son mode de formation, de régénération, de destruction, comme chacun a une fonction spéciale, déter- minée. Aussi divers physiologistes, forçant un peu les analogies, ont-ils voulu considérer le sang comme un tissu dont les éléments anatomiques, au lieu d'être liés entre eux ou associés, sont libres et flottants dans un milieu liquide. Cette vue est fondée, jusqu'à un certain point, car les éléments figurés du sang, glo- bules rouges et leucocytes sont baignés de plasma comme le sont les cellules, les libres et les autres éléments anatomiques des tissus, plasma qui est leur milieu nutritif commun. D'abord le plasma est vivant : c'est une sorte de blastème qui sert de matière première à la constitution de tout le reste. L'absorption en recueille les matériaux et en ajoute sans cesse de nouveaux; le travail de la nutrition et des sécrétions lui en prend continuellement. Dans les vaisseaux, il fournit des' matériaux aux leucocytes e,t aux hématies, et il en reçoit de ces corpuscules. Entre eux et lui s'opèrent des échanges incessants de gaz, de matières protéiques, de sels. En dehors des vaisseaux il offre aux éléments des tissus ce que réclament l'assimila- tion et la sécrétion. Il est vivant dans les vaisseaux et en dehors des vaisseaux : c'est la matière de toutes les formations organiques intra et extravasculaires. Le leucocyte vit plus ostensiblement que le plasma. Dès les réseaux capillaires ou dès les foyers glandulaires dans lesquels il prend naissance, il se comporte comme la cellule : il absorbe, grandit ; son noyau, son contenu se modifient ; sa paroi se contracte, s'étend, donne des prolongements, ou bien c'est son contenu, sa substance protoplasmatique, demi-solide qui les donne, s'il est vrai, comme le prétend Wharton Jones, que ce globule soit dépourvu d'enveloppe. Ce leucocyte paraît être un élément transitoire, éphémère obligé de se détruire rapidement en versant dans le plasma la totalité de sa substance qui est, d'après Schmidt essen- tiellement fibrinogène. iVvant de se détruire il opère entre lui et le liquide ambiant de nombreux échanges et tout porte à croire qu'en se dissociant, par petites masses, par granules,' il devient le point de départ des hématies ou l'un des matériaux de leur constitution. Quant aux hématies, elles représentent le type le plus élevé de la cellule vivante et libre. Elles ont une nutrition des plus actives, prennent dans le plasma des éléments suivant des proportions définies, et en rejettent; elles y puisent, par exemple, les phosphates alcalins et laissent les chlorures dans le sérUm; elles se chargent des graisses phosphorées et laissent les autres autour d'elles; elles se saturent d'oxygène et abandonnent la presque totalité de l'acide carbonique au sérum. Elles élaborent la matière colorante, transportent partout l'oxygène, le cèdent aux tissus, l'échangent avec rapidité contre l'acide carbonique résultant des actions chimiques. Sans elles le sang ne peut stimuler, nourrir les organes, 638 DE LA NUTRITION. ni entretenir la chaleur animale. C'est par elles que ce liquide joue le rôle si complexe que nous allons étudier dans la nutrition et les diverses sécrétions. Ainsi, en somme, le sang, quoiqu'il représente un liquide en voie de mutation perpétuelle, tant dans son ensemble que dans chacun de ses éléments, se main- tient dans chaque espèce à l'état de liquide d'une composition définie. Il s'y main- tient parce que, d'une part, les lois de sa formation et de son renouvellement sont fixes; d'autre part, parce qu'il jouit de la faculté de se débarrasser, par les sécrétions, de tous les matériaux nuisibles ou seulement superflus que l'absorp- lion lui a apportés. CHAPITRE LXIII DE LA DISTRIBUTION DU SANG ET DES MATÉRIAUX NUTRITIFS AUX DIFFÉRENTS TISSUS Le saijg dont nous venons d'étudier la constitution et les propriétés est la matière première aux dépens de laquelle se forment et se régénèrent les élé- ments de l'organisme. Voyons donc, d'abord, comment il est distribué aux par- ties proportionnellement àj leurs besoins fonctionnels et comment ces parties s'en emparent. Le système vasculaire, pris dans son ensemble, présente, comme nous l'avons vu, un vaste appareil d'irrigation qui pénètre à peu près partout, pour y porter le fluide vivifiant, l'aliment complet de la substance vivante. Mais, pendant qu'il le verse en grande masse à la peau, aux muqueuses, aux glandes et aux muscle^- qui en consomment beaucoup, il ne le donne aux séreuses, aux tendons et à d'autres tissus qu'en quantité minime : à certaines parties même il ne semble point le fournir d'une manière directe, par exemple, aux cartilages, aux tissus dentaire, épidermique et corné. Grâce à la contractilité dont jouissent ses parois, surtout dans les artérioles rapprochées des capillaires, il peut, par sa propre activité, augmenter ou restreindre l'irrigation sanguine dans les tissus, et par conséquent l'apport des matériaux nutritifs. La contraction de ses parois, lors- qu'elle se produit, resserre les voies, réduit la quantité de liquide importé, tend à anémier plus ou moins les tissus : leur relâchement ou leur dilatation rend au contraire l'irrigation plus abondante. Toutefois, même dans les tissus les plus vasculaires, tels que le foie, le pou- mon, les villosités intestinales, les capillaires ne se mettent point en contact avec toutes les fibres ou toutes les cellules. Les îles de substance organisée, circons- crites par les mailles des réseaux capillaires, renferment des fibres nerveuses, musculaires, des amas de cellules glandulaires qui, non seulement sont sans vaisseaux, mais sans rapport dans un grand nombre de points avec les vaisseaux. Les éléments les plus favorisés ne le sont que par le contact des capillaires, puisque la cellule, le tube nerveux, la fibre contractile ont des dimensions telles qu'elles ne peuvent admettre les divisions vasculaires les plus ténues. Il s'agit donc de rechercher comment le sang ou les sucs nutritifs émanés du sang peu- DISTRIBUTION DU SANG ET DES MATERIAUX NUTRITIFS. 639 vent se distribuer aux éléments ou aux parties de tissus dépourvus de vaisseaux sanguins. Dans le tissu coiijonctif, où des groupes considérables de cellules et de subs- tance intermédiaire amorphe manquent de vaisseaux, les sucs nutritifs paraissent se disperser au moyen des prolongements des cellules anastomosés entre eux, prolongements fms que beaucoup de micrographes, Virchow entre autres, consi- dèrent comme tubuleux. Dans les tendons, oi'i la gaine générale cellulo-lîbreuse et les gaines des faisceaux secondaires sont seules vasculaires, la substance propre du tendon, dépourvue de capillaires, n'a encore, pour la distribution des sucs, que les prolongements creux des corpuscules tendineux analogues à ceux des cellules conjonctives. Dans les fibro-cartilages, tels que les ménisques de Tarticulation fémoro-tibiale où les vaisseaux manquent, ceux ci sont remplacés encore par un ensemble de canaux réticulés et anastomosés entre eux. Dans la cornée recevant seulement des vaisseaux sanguins à la périphérie, il existe des FiG. 185. — Réseau des cellules d'un fibro-cartilage (*). FiG. 186. — Canalicules et corpuscules osseux (**). canalicules spéciaux pour tout le reste de la membrane. De même dans les os, les prolongements des corpuscules dits étoiles , dans les dents les tubes de l'ivoire, dans la corne les tubes de réception des papilles, comme le canal médul- laire dans la plume, dans le poil, sont, à ce qu'il semble, autant de conduits do sucs nutritifs, conduits qui remplissent le rôle de vaisseaux sans communica- (*) a, fibres avec cellules fusiformes anastomosées entre elles; b, réseau de cellules avec canaux plus larges. (*') canal vasculaire d'un os de uouvelle formation recevant les canalicules qui ,eniauent des corpuscules étoiles (Vircliow). 640 DE LA NUTRITION. tions avec ceux qui transportent le sang ; ils paraissent charrier des sucs dérivés du plasma et jouant le même rôle que le plasma filtrant directement à travers les parois capillaires. Enfin, lorsque ces voies supplémentaires manquent, la dissémination des sucs s'effectue encore par infiltration diffuse. Elle s'opère de la sorte dans le tissu épithélique du corps muqueux de Malpiglii, ou par osmose, de cellule à cellule, comme chez les plantes non vasculaires. Ainsi, quoique les vaisseaux ne puissent aboutir à tous les éléments indivi- duels de l'organisme, cellules ou fibres, ils fournissent néanmoins à tous, d'une manière médiate, les matières nutritives. Par leur contractilité, ils règlent l'ap- port de ces matériaux, et s'ils viennent à s'oblitérer en quelques points par le fait de l'embolie, des troubles nutritifs se produisent, caractérisés par des modifications anatomiques et fonctionnelles du tissu dans une région plus ou moins étendue. Il est hors de doute que le sang distribué aux parties ne sort point de ses vais- seaux sous la forme de sang, c'est-à-dire avec ses éléments figurés. Le système capillaire est constitué par des voies délimitées et closes ; ses divisions les plus ténues ont des parois propres sans ouvertures visibles aux grossissements ordi- naires. L'étude microscopique de la circulation capillaire démontre, de la manière la plus évidente, que les globules sanguins restent toujours distincts les uns des autres, et qu'ils passent constamment des artères dans les veines, sans jamais sortir de leurs canaux. La partie fluide qui sert de véhicule à ces corpuscules, ou le plasma, peut seul s'échapper des vaisseaux, à travers les porosités invisibles de leurs parois, s'infiltrer dans l'épaisseur des tissus et baigner chacun de leurs éléments. C'est, en effet, cette solution d'albumine, de fibrine et de sels, qui va donner aux solides organiques les matériaux de leur nutrition. Et avant de les dis- tribuer au dehors, cette solution a fourni aux éléments figurés ceux qui leur conviennent. Le plasma est le milieu nutritif intravasculaire par toute sa masse, avant de devenir milieu extravasculaire par une partie de cette masse. Il cons - titueunbain, une atmosphère liquide dans laquelle nagent tous les éléments solides. Sa densité sert d'abord à maintenir les globules dans leur forme et leur volume, et à restreindre la diffusion de leur substance. Ce plasma, d'une fluidité parfaite, réunit d'une part toutes les conditions qui le rendent apte à sortir des vaisseaux, et d'autre part il contient tous les maté- riaux que peut réclamer le travail nutritif des parties. Il renferme, ainsi que nous l'avons déjà vu, d'abord l'albumine et la fibrine, les deux principes protéiques par excellence, qui servent à la nutrition de la plupart des solides de l'organisme, et cela étant associées à des sels neutres sous forme d'albuniinates ; il contient les graisses, et enfin les matières salines et minérales solubles ; en un mot, c'est le sang lui-même moins les globules. Les tissus albumineux, comme le cerveau, la moelle épinière, les nerfs ; les tissus fibrineux, tels que les muscles ; les par- ties gélatineuses, comme les ligaments, les tendons, y trouvent les éléments essen- tiels de leur formation ; les os, leur phosphate calcaire; les vésicules adipeuses, leur graisse, etc. Très probablement, les matériaux du plasma ne changent ni de constitution moléculaire ni de propriétés pour sortir des capillaires sanguins : l'albumine est, au moment où elle traverse les parois des vaisseaux, ce qu'elle DISTRIBUTION DU SANG ET DF.S MATÉIUAUX NUTRITIFS. 641 était à leur intérieur, et elle est encore, après sa sortie, ce qu'elle était aupara- vant ; de même la librine, en dissolution ou à l'état de plasniine, passe sous cette forme ù travers les parois des capillaires et la conserve encore pendant un cer- tain temps. Rien n'autorise à admettre ces prétendus changements d'état que certains auteurs, qui se fondent sur des expériences endosmométriques gros- sières, croient nécessaires pour expliquer la transsudation de la liqueur du sang à travers les parois vasculaires. Peut-être, dans tous les tissus, le plasma ne sort pas des vaisseaux sans avoir éprouvé certaines modilications ; peut-être, dans certains d'entre eux, est-ce l'albumine qui s'échappe, dans d'autres la plasmine, dans d'autres encore les matières grasses, les sels, etc., et cela en vertu d'afliuités inconnues exercées par les matériaux des tissus sur ceux du fluide nutritif?Dans tous les cas, l'excédent du plasma, qui s'est extravasé, et qui n'est pas employé à la nutrition ni aux sécrétions, rentre dans le torrent de la circulation ; il est repris par les lym- phatiques au sein de la plupart des organes, et par les vaisseaux sanguins eux- mêmes dans les parties qui n'ont pas de vaisseaux blancs, ou chez les animaux inférieurs qui en sont dépourvus. Les éléments plasmatiques sortent évidemment des parois capillaires, tant sous l'influence d'une pression assez considérable que par suite des attractions qui donnent lieu aux phénomènes osmotiques. Il s'éta- blit entre les vaisseaux et les tissus des courants de diffusion dont nous avons déjà parlé en traitant du mécanisme de l'absorption. La partie globulaire du sang qui, sous sa forme propre, ne peut sortir des vaisseaux, ne demeure pas pour cela étrangère au travail de la nutrition. Les glo- bules qui se sont chargés d'oxygène dans le poumon le cèdent aux tissus dans les systèmes capillaires, en échange de l'acide carbonique résultant des actions chi- miques, et par là ils remplissent un rôle des plus importants, puisque, par une insuffisante quantité d'oxygène et par un excès d"acide carbonique, la vie de cer- tains éléments, des nerveux et des musculaires, s'éteint presque instantanément. En outre, comme les globules effectuent avec le plasma des échanges continuels de matières azotées, de matières grasses, salines ou minérales, ils participent ainsi très activement à la nutrition. En effet, cette fonction devient imparfaite et languissante chez les sujets dont le sang est pauvre en globules. Une fois le plasma sanguin sorti des vaisseaux, il imprègne la trame orga- nique, baigne chaque cellule, chaque libre, et en pénètre la substance; mais tous ses principes constituants ne sont point pourtant assimilés ; les éléments de chaque tissu choisissent dans ce fluide ce qui leur convient ; ils se l'appro- prient et abandonnent le reste. L'affinité qui existe entre les éléments de chaque tissu et ceux du sang règle le choix que les solides organiques exercent sur les fluides dont ils sont baignés de toutes parts. Chaque cellule ou chaque fibre, dérivée elle-même d'une cellule, attire à elle et s'assimile les principes de même nature que celle de sa propre substance ou de son contenu, ou si ces principes ne se trouvent pas tout formés dans le sang, elle attire ceux qui peuvent leur donner naissance, par suite de métamorphoses plus ou moins compliquées. Ainsi, la fibre conjonctive s'empare des éléments constitutifs du tissu cellulaire, la fibre musculaire prend ceux des a. COLIN. — Physiol. comp., 3* édit, II. — 41 642 DE LA NUTRITION. muscles, la libre nerveuse ceux des nerfs. Plus rarement la partie vivante attire à elle, pour se les assimiler, des matériaux qu'elle ne renlerme pas encore. L'os, à l'état cartilagineux, s'empare du phosphate et du carbonate calcaire avec autant d'activité au moment où il n'en est pas encore imprégné qu'il le fait plus tard : les parties fibreuses qui s'ossifient exercent sur les matières minérales une attrac- tion analogue ; entln, certaines parties, comme les cellules adipeuses, se remplissent d'une matière tout à fait diiïérente de celle qui entre dans la composition de leurs propres parois. En jetant un coup d'œil sur la constitution chimique propre aux divers tissus, on voit ce que chacun d'eux prend au fluide nutritif. La substance nerveuse, disposée sous la forme de tubes creux, s'empare sur- tout de matières albuminoïdes, de graisse, de phosphore, de soufre, de sels. Le muscle prend de la plasmine en forte proportion, de l'albumine, plus une matière extractive vaguement déterminée, des chlorures, des phosphates et des lactates de soude , de potasse et de chaux; le tissu des glandes s'approprie l'albumine et une certaine quantité de graisse ; le tissu cellulaire, les membranes séreuses, le tissu iibreux blanc, le tissu fibreux jaune, la peau, les cartilages et les os, se nourrissent d'une matière qui s'obtient artificiellement sous forme de gélatine, de chondrine ; enfin les os s'emparent à la fois de cette matière dérivée de l'albumine et d'une grande masse de carbonate, de phosphate de chaux et de magnésie. Ainsi, ce que chaque élément prend est destiné à se convertir en substance de même nature que la sienne; ce que saisit la fibre nerveuve se' transforme en sub- stance nerveuse, ce qui est enlevé par le cartilage devient matière cartilagineuse. De la sorte, chaque tissu peut se développer avec plus ou moins de rapidité, et s'il prend d'autres matières ou s'il les transforme d'une façon insolite, il perd sa forme caractéristique et éprouve une véritable dégénérescence. CHAPITRE LXIV DE LA GENÈSE ET DE LA MULTIPLICATION DES ÉLÉMENTS SOLIDES DES TISSUS Nous venons de voir comment les matériaux du sang sont répartis à tous les tissus et pris par ceux-ci en raison de leurs affinités. Il faut maintenant étudier leur mode de transformation, rechercher comment les cellules, les fibres, les par- ties amorphes naissent dans ces matières, s'y développent, s'y multiplient et y maintiennent leur constitution propre. La nutrition qui consiste, tout à la fois, dans la construction, l'entretien, la réparation de l'édifice organique est, sans aucun doute, l'une des fonctions les plus compliquées de l'être vivant, végétal ou animal. Son analyse comporte une foule de détails qu'il faut maintenant passer en revue. Ce qui frappe, tout d'abord, dans l'ensemble des phénomènes de cette grande . fonction, c'est, d'une part, le plan suivant lequel se façonne l'édifice animal et, MULTIPLICATION DES ÉLÉMENTS SOLIDES DES TISSUS. 643 (l'aiilrc [)urt, la variété, lo nombre des pièces qui se l'orment avec les matériaux les plus simples, toujours les mêmes, tirés de l'aliment, puis convertis en sang ou en lUiidos [)lasmi(pi('s. Tout est réglé dans ce plan et dans son exécution. Lors de révolution de l'embryon, dans I'omiI' ou dans l'utérus, c'est par une sorte de création, (pie surgissent, aux dépens des granules vitellins, les cellules, les libres, les globules sanguins, en un mot les divers éléments constitutifs des futurs organes et appareils. Plus tard, pendant tout le cours de la vie extra- utérine, aux dépens du sang s'accroissent ou se reconstituent ces divers éléments. Chaque partie, chaque tissu a sa place marquée, ses limites indiquées, son heure d'ap- parition, ses phases de développement, comme si une force intelligente façon- nait la matière suivant un plan rigoureusement tracé à l'avance jusque dans ses plus petits détails. Evidemment, cette physionomie du travail de formation organique nous montre que les forces chimiques qui engendrent les solides aux dépens d'un fluide homogène, ne sont que des puissances de second ordre, les- quelles exécutent, dans un sens rigoureusement déterminé, ce qui est réglé par des forces d'un ordre différent. L'édifice animal, comme les constructions inanimées, s'élève au dépens de matériaux qui, pour être utilisés, doivent prendre des formes et acquérir préa- lablement des propriétés déterminées. Ces matériaux passent pour la plupart à l'état de ce'Uules qui s'unissent entre elles telles qu'elles se sont constituées ou après avoir subi certaines mutations. Leur agrégat, en nombre immense, donne lieu à un tout dont les parties sont intérieurement liées et solidaires les unes des autres. Comment se forment ces cellules dont l'agrégation donne sinon tous les tissus au moins la plupart d'entre eux? Dans l'œuf il est manifeste que les premières formations cellulaires dérivent des granules et des sphères du vitellus, et que ces formations servent à consti- tuer les feuillets blastodermiques dont il sera question plus tard. Mais, une fois les éléments vitellins épuisés, les cellules des formations subséquentes semblent provenir de la prolifération des anciennes. Les physiologistes sont encore loin d'être d'accord sur le mode de formation et de multiplication des éléments cellulaires. Dans les idées de Schleiden et de Schwann, qui n'ont plus guère de partisans, la cellule naîtrait de toutes pièces au sein d'un liquide appelé blastème. Le nucléole serait sa première pièce solide. A sa surface, la matière plasmatique, homogène ou granulée en se dépo- sant formerait un noyau. Autour du noyau, et à une certaine distance, se constituerait une membrane et celle-ci se remplirait d'un contenu de nature variée, suivant le degré de développement et la destination ou le rôle de la cellule. La théorie de la genèse de la cellule dans le blastème a été contestée de bonne heure. L'existence d'un blastème, dans les interstices des éléments anatomiques, distinct du plasma, échappé des parois vasculaires est fort peu intelligible, car blastème et plasnia doivent être, à ce qu'il semble, mêlés et confondus ; d'ail- leurs le développement de la cellule n'est pas toujours successif et effectué dans l'ordre admis. Reichert a fait voir que la formation du nucléole est postérieure 644 DE LA NUTRITION. à celle du noyau et Vogt a montré que la paroi cellulaire peut se co)istituer en même temps que le noyau, quelquefois avant ce noyau. Gh. Robin, qui a constamment défendu la théorie du développement des cel- lules dans les blastèmes, s'est attaché à préciser les cas oii elle parait admissible. Il pense que les blastèmes sont dislincts du plasma sans cesse exhalé par les vaisseaux capillaires ; ce seraient des plasmas modifiés et élaborés par les cellules précisément en vue des formations nouvelles ; et il les considère aussi comme distincts du protoplasma qui, d'après lui, ne serait jamais qu'un contenu cellu- laire. Ces blastèmes seraient, en fin de compte, des liquides intercellulaires, interfibrillaires, chargés de granulations qui serviraient à la genèse des cellules de deuxième formation, c'est-à-dire de celles qui se forment à partir du moment où tous les éléments vitellins sont épuisés. Le blastème, pour ce micrographe, est l'intermédiaire entre la génération cellulaire qui existe et celle qui existera. Il est en partie intracellulaire et en partie extracellulaire. Les éléments anato- miques se forment dans l'un comme dans l'autre et quel que soit le lieu de leur naissance ou de leur évolution, les éléments nouveaux ne dérivent pas, selon lui, directement des anciens ; les seconds ne se détachent pas des premiers à la ma- nière des produits de la génération, ils naissent à leur côté, hors d'eux ou à leur intérieur sans qu'ils aient eu ensemble des rapports de continuité. Mais depuis longtemps déjà, la plupart des physiologistes inclinent à considé- rer la genèse des cellules comme analogue à celle des êtres vivants. Les cellules devraient toujours dériver d'autres cellules comme l'animal dérive d'un œuf ou d'un ovule microscopique. Il n'y aurait jamais de formation cellulaire dans un liquide ou une substance quelconque non cellulaire : des cellules de l'œuf procé- deraient toutes les cellules de l'embryon, et des cellules du fœtus toutes celles qui se constituent pendant le reste de la vie, tant à l'état normal que dans les conditions pathologiques. Dans cette seconde théorie que Virchow défend depuis longtemps, il n'y a pas de blastème suivant le sens attaché à ce mot par Schlei- den, ou le liquide provenant des vaisseaux ne joue pas le rôle de blastème ; il n'y a pas de création de nouvelles cellules dans un milieu non cellulaire ; la cellule ne dérive que de la cellule par une production endogène ou une scission ; la cel- lule animale pourvue d'une paroi, d'un contenu etd'unnoyau se comporte comme un être complet, vivant, apte à se nourrir et à se reproduire ; son noyau est l'élément le plus important au point de vue de la multiplication C'est en lui que se manifestent les premières modifications de la cellule qui prolifère ;ces modifi- cations sont suivies de celles de la membrane, d'où résulte la formation de cel- lules nouvelles. Mais, en définitive, toutes viennent de celles de l'œuf; les cellules épithéliales proviennent des cellules du réseau de Malpighi, celles-ci du derme ; les cellules des liquides, les corpuscules muqueux, purulents même, sont des dérivés des cellules des parties solides, comme le tissu conjonctif, le muqueux, etc. ; enfin les cellules des produits pathologiques sont des dérivés, plus ou moins altérés, des cellules régulières ou normales. Ainsi, d'après les partisans exclusifs de la théorie cellulaire il n'y a pas de genèse de cellules, c'est-à-dire pas de formation primordiale de cellules en dehors de la présence de ces organismes microscopiques. Tout le travail apparent MULTIPLICATION DES KLÉMENTS SOLIDES DES TISSUS. 645 tle formalion se n'-duit ;\ une prolit'ération. La cellule préexistante en produit d'autres suivant les modes dits endogène, de scission, de gemmation. Ainsi : 1° Dans une cellule achevée le noyau, à un certain moment se creuse d'un sillon de plus en plus profond qui linit par être une solution de continuité com- plète. Les deux moitiés du noyau générateur deviennent chacune un noyau complet qui s'entoure d'une membrane. Deux cellules résultent ainsi de cette division qui peut se répéter dans celles-ci, et ainsi successivement dans les sui- vantes un grand nombre de fois. C'est là la formation de cellules par scission. '1° On a donné le nom de production endogène des cellules ou de génération intracellulaire à un mode caractérisé par la formation, d'une cellule à l'inté- rieur d'une cellule plus ancienne et plus grande. Ce mode assez fréquent chez les plantes, s'observe rarement dans les tissus animaux et même jamais, sauf peut- être dans les productions blastodermiques. Ch. Robin le nie, même dans ce der- nier cas, parce que les cellules de seconde génération ne sont ni anatomiquement ni physiologiquement semblables aux cellules mères. Les cellules de seconde génération naîtraient selon lui dans l'intérieur des cellules anciennes absolument comme elles naissent dans les espaces intercellulaires aux dépens du protoplasma ou d'un blastème. sans émaner, sans procéder de la sulistance de la cellule mère. 8° Une cellule hypertrophiée ou non, régulière d'abord, donne une ou plusieurs saillies ou prolongements comparables à ceux des leucocytes. Ces prolongements se rétrécissent, s'étranglent à leur base et tinalement se séparent. D'aliord pleins ils se creusent d'une cavité, s'amplilient plus ou moins, un noyau se forme à leur intérieur. C'est là le mode de genmiation qui s'observe surtout pendant la vie embryonnaire et à tous les âges chez les types inférieurs du règne animal. Néanmoins toutes les cellules ne semblent pas se constituer suivant l'un des modes dont il vient d'être question. Un certain nombre d'entre elles paraissent se former dans un milieu amorphe, homogène ou semé de granulations et de noyaux. Ce milieu se fractionne par des lignes non par des intervalles ou des solutions de continuité, lignes qui circonscrivent des masses régulières ou des corps de cellules adhérents'les uns aux autres, comme dans les productions cor- nées ou épithéliales. Les cellules sont là représentées par des corps pleins sim- plement délimités par des lignes, non par des espaces, ni par des parois, sauf quelquefois à la fin de l'existence de ces éléments anatomiques. Dans ce dernier cas des solutions de continuité remplacent les lignes qui indiquent la circons- cription des cellules. D'autre fois les cellules sont représentées par des cavités, de formes, de dimensions déterminées pourvues ou non de noyaux, mais sans parois propres, sans enveloppe comme dans les cartilages. Un liquide peut apparaître plus tard comme aussi une membrane. D'ailleurs la totalité de la matière vivante ne s'organise point en cellules. Dans les liquides une grande partie des éléments nutritifs demeure à l'état amorphe, en dissolution ou en suspension, sous forme de granules. Les matières intercellulaire, interfibrillaire, hyaline, amorphe ou plus ou moins granulée qui sont peut-être à la fois des exsudats cellulaires et du protoplasma se main- tiennent à cet état en vue d'un rôle spécial. 646 DE LA NUTRITION. En étudiant avec soin les formations cellulaires pendant la \le embryonnaire et pendant la vie extra-utérine on voit qu'elles se rapportent à des types réelle- ment distincts des uns des autres. Lorqu'elles sont représentées par des corps pleins sans autre délimitation que des lignes, et dépourvus de parois et de cavités on ne sait au juste à quel système de genèse il faut en rattacher l'origine. La substance qui se fractionne pour constituer ces petits corps semble devoir être regardée comme un protoplasma ; et une fois que chaque fraction de cette sub- stance s'entoure d'une paroi ou d'une enveloppe, la matière emprisonnée qui reçoit dès lors le nom de contenu de cellule, peut-elle encore conserver le nom de protoplasma? La substance génératrice de la cellule, si elle est modifiée ou employée à une autre destination, peut-elle être remplacée, régénérée par la cellule et considérée ainsi plus tard comme un produit et un contenu de celle-ci. L'évolution de la cellule si rapide qu'elle soit n'en a pas moins des phases dis- tinctes. En effet, toutes les parties de cet élémentanatomiquene se constituent pas au même moment. En général à un premier stade apparaissent les noyaux, — à un second se délimite par des lignes ou des interstices la substance ou le corps de la cellule; — à un troisième et dernier se forme la paroi ou la membrane qui serait, suivant les uns, une partie absolument distincte et surajoutée, suivant les autres, le résultat de répaississement ou de la coagulation delà matière constitutive de la cellule. Un grand nombre de cellules sont nues dans la première partie de leur existence et enveloppées seulement dans la seconde. Quelques-unes peuvent demeurer constamment dépourvues de parois. D'autre part, les modes d'évolution de la cellule ne sont pas, aux divers âges, absolument uniformes. Au début de l'organisation^ le mieux caractérisé est celui de la formation aux dépens des matériaux du vitellus. Plus tard, quand il ne reste plus d'éléments vitellins à employer, les nouvelles cellules paraissent se former tantôt par les anciennes en filiation directe, endogène ou exogène, c'est- à-dire par prolifération intra ou extracellulaire, tantôt seulement en leur pré- sence, à leur image, sur leur modèle, sans qu'il y ait, comme le dit Ch. Robin, de lien génésique entre les premières et les secondes. Parmi les formations cellulaires, il en est qui sont définitives et d'autres pu- rement transitoires. Celles-ci ne représentent que le stade initial d'autres élé- ments plus compliqués ou de formes variées. 11 en est qui doivent évoluer en fibres nerveuses, musculaires, ligamenteuses, élastiques. Les cellules qui doivent devenir libres nerveuses, par exemple, sont, en vue de leur destination, allon- gées dès le début et se soudent bout à bout ; d'abord sans cavité, elles se creusent ; leur noyau s'atrophie et disparaît ; même souvent, en devenant fibres, elles montrent des prolongements qui résultent non de la prolongation de la substance initiale, mais de l'addition de substance nouvelle à l'extrémité de ces prolongements. Mais, de même que tout n'est pas cellule dans l'organisme, tout ne dérive pas nécessairement de la cellulle. Quoique celle-ci soit bien l'élément anatomique le plus répandu, elle n'est pas sûrement l'élément d'où dérivent certains tissus comme ceux des dents, des os, certains dépôts tels que le test de divers ani- maux. Toutes ses parties, d'ailleurs, ne s'additionnent point nécessairement. Il MULTIPLICATION DES ÉLÉMENTS SOLIDES DES TISSUS. 647 est un trrand nombre de noyaux libres qui ne doivent jamais être inclus dans des cellules. Il est des noyaux inclus qui restent constamment dépourvus de nucléoles, — des cellules qui restent à l'état de corps cellulaires non isolés, sans paroi ni cavité, comme les cellules nerveuses ; — d'autres qui naissent sans noyau ou dont le noyau, présent au début, disparait bientôt. La cellule, quelque soit son mode de genèse et d'évolution, vit évidemment ù la fois d'une vie qui lui est propre et d'une vie qui lui est commune, avec toutes les autres et avec l'agrégat total de l'organisme. Elle vit en même temps pour soi et pour le tout dont elle fait partie. Ce qui caractérise la vie dans chaque cel- lule, est ce qui caractérise la vie dans l'ensemble, la faculté de se développer, de s'entretenir, de se reproduire et. pour cela, celle de recevoir, de rejeter certains matériaux, de recevoir, de raodilier, d'élaborer ces matériaux, d'en tirer des produits variés, d'effectuer des échanges nombreux, incessants. Enfin ce qui en fait le trait le plus important, c'est un travail particulierimposé à chacune en vue du fonction- nement de l'agrégat général, de l'être collectif. Les unes ne doivent vivre comme cellules que le temps nécessaire à leur métamorphose en d'autres éléments qui ne peuvent se constituer d'emblée. Les autres doivent vivre longtemps, indéfi- niment, sous leur forme initiale pour produire des matières diverses : la salive, la bile, le lait, le sperme, ou concourir dans un sens déterminé à la vie de l'en- semble. Toutes, en un mot, constituent des instruments microscopiques à rôle défini et réglé en vue d'une évidente finalité. La vie des cellules, sous le rapport de la nutrition, se manifeste avec tous les traits essentiels de la vie générale. Leur genèse, leurs phases évolutives corres- pondent aux âges de la vie de l'être collectif. Les cellules, en outre des modifi- cations de forme et de volume qu'elles éprouvent, subissent des mutations dans toutes leurs parties. Le noyau peut devenir clair, fluide, s'envelopper d'une membrane, se couvrir de granulations, se creuser d'une cavité, acquérir le nucléole dont il était d'abord et pendant longtemps dépourvu. Le contenu peut changer d'état et de nature, cesser d'être homogène et transparent, devenir grenu, la paroi prendre des teintes variées, devenir striée, se détruire en partie ou en totalité. Enfin ces éléments microscopiques peuvent, suivant les cas. s'atrophier ou s'hypertrophier, éprouver des dégénérescences. Toutes ces modifications sont réglées et marquent les âges de la cellule. C'est dans le premier de ces âges que la cellule, à l'éclat dit embryonnaire, est surtout apte à la prolifération et à subir les métamorphoses les plus variées. Elle con- serve encore cette aptitude à l'état adulte. Le noyau la possède à un haut degré. Les métamorphoses des éléments cellulaires ont pour but la constitution d'autres éléments anatoraiques ou de divers tissus qui, au premier abord, n'ont rien de commun avec les cellules. Celles-ci peuvent simplement s'aplatir, se souder entre elles, perdre leur noyau, devenir granuleuses, se remplir de pigment, si elles doivent constituer des revêtements membraneux, des mem- branes épithéliques ou des étuis cornés. Si elles doivent devenir fibres, elles s'al- longent presque indéfiniment, par addition de nouvelle substance à leurs pôles, leur cavité s'efface, leur noyau disparaît. Si ces fibres doivent devenir conjonc- tives, lamineuses, élastiques, nerveuses, le corps cellulaire qui s'est formé autour 648 DE LA NUTRITION. du noyau s'accroît en longueur et non en s'étirant; il reste plein ou secrcuse. Dans le muscle, le noyau de la cellule, d'abord sphérique, devient ovoïde, puis fusiforme; les cellules s'étirent, se soudent bout à bout, cessent d'être sépara- bles à un certain moment; mais la multiplicité des noyaux, leur disposition sériale, témoigne toujours de l'origine cellulaire des fibres. Les cellules, indépendamment de la propriété de se reproduire et de se trans- former en éléments diversifiés, en possèdent d'autres en rapport avec le rôle qu'elles doivent jouer. Elles ont chacune leur forme de nutrition ou d'assimi- lation. Les unes admettent et s'assimilent des matières azotées, des graisses; les autres des pigments. Celles qui fabriquent des produits dits de sécrétion donnent soit le mucus, soit la diastase salivaire, la pepsine, le sucre, la bile ou tout autre liquide plus ou moins composé, et pour effectuer ces élaborations, elles ad- mettent, elles retiennent certains matériaux à l'exclusion d'autres qui leur sont offerts en bloc par le plasma sanguin. Le rôle départi à chaque cellule ou, si l'on veut, sa fonction, est toujours net- tement déterminé. Pour les uns, le rôle est mécanique. Ici c'est celui de la téna- cité, de la résistance, comme dans les tendons, les ligaments; — là c'est l'élas- ticité, comme dans les tuniques artérielles, les productions cartilagineuses. Dans le système nerveux, ce rôle est la sensibilité, l'excitabilité; — dans la glande, la sécrétion de tel ou tel produit. Ce rôle étant donné, il est difficile de dire s'il appartient à toutes les parties de la cellule ou spécialement à la paroi, au noyau, au contenu protoplasmatique. C'est la cellule qui imprime ses propriétés aux liquides et aux tissus et qui les rend aptes à des fonctions déterminées. Les cellules libres et flottantes appe- lées hématies communiquent au sang la propriété d'absorber l'oxygène, de le céder aux tissus, de le débarrasser de l'acide carbonique. Les cellules à sperma- tozoïdes donnent au liquide séminal les filaments auxquels il doit ses propriétés fécondantes; celles qui reçoivent les noms de myéloplaxes, ostéoplastes, etc., donnent au tissu médullaire, au tissu osseux, l'aptitude à l'extension suivant des modes dont il sera bientôt question. Tout ce qui caractérise la cellule au double point de vue anatomique et phy- siologique, à partir de sa genèse jusqu'à ses diverses transformations, lui appar- tient dans la plante comme dans l'animal Elleest, dans les deux règnes, l'instru- ment primordial et fondamental qui se constitue, se multiplie, se métamorphose et fonctionne suivant des modes sinon identiques, du moins analogues. Les deux grands modes de formation cellulaire, celui de la cellule par la cellule et celui de la genèse dans les liquides amorphes appelés protoplasma, plasma, cambium, loin de s'exclure, paraissent devoir marcher de pair chez la plante comme chez l'animal. Dans la première, le liquide organisable est, tout à la fois, contenu cel- lulaire et liquide intercellulaire. C'est, par exemple, dans l'arbre, entre les couches corticales et les couches ligneuses, qu'il paraît être le siège de ces for- mations nouvelles qui s'ajoutent, d'une part, à l'aubier, et, d'autre part, à l'écorce. On voudrait en nier l'existence indépendante et le rôle, parla raison qu'entre l'écorce et le bois, il y a, au lieu d'un interstice plein de cambium, une couche cellulaire dite génératrice composée de jeunes cellules qui lient les deux MULTIPLICATION DES ÉLÉMENTS SOLIDES DES TISSUS. 649 parties conslitulivi's do l'arbre. Mais les résultats des expériences qui consistent à insérer des lames d'or ou de platine entre le liber et le corps ligneux s'expli- quent dinicilement dans l'Iiypotlièse de la négation d'un liquide organisable. En effet, si c'est uniquement i)ar prolifération et transformation que les cellules delà coucbe génératrice donnent les éléments dos couclies ligneuses, on ne voit pas pourquoi celles-ci ne se forment pas en dedans de la lame comme en deliors. La formation de ces couches, seulement à la face externe de ces lames, semble in- diquer qu'elle a lieu par le lluide visqueux versé par les vaisseaux du liber, fluide jouant le rôle du protoplasma qu'on voit, dans d'autres parties des plantes, se creuser des cavités cellulaires et s'appliquer, sous forme de couche azotée ou de doublure, à l'intérieur des parois cellulaires '. Ainsi la cellule, comme on l'a dit déjà, est l'élément actif de l'organisme, l'or- gane par lequel s'effectuent, en dernière analyse, les actions vitales de forma- tion, de sécrétion, de sensibilité et de mouvement. C'est, dans certaines condi- tions et à l'aide de certains matériaux, une partie apte à fonctionner par elle- même, comme un organe complet et indépendant. L'être, dans son ensemble, n'est qu'un agrégat de cellules fonctionnant d'après certaines lois qui mettent en harmonie les actions individuelles : les fonctions ne sont que des actions cellu- laires additionnées et diversement combinées. Le travail nutritif, qui se traduit par la genèse des cellules, par leur multi- plication, les moditications dont elles deviennent le siège, enfin par leur trans- formation en d'autres éléments anatomiques, doit être envisagé à un autre point de vue. La formation des cellules, des libres, ne donne lieu qu'au façonnement des matériaux destinés à la construction de l'édifice. Ces matériaux, à mesure qu'ils se préparent à leur place marquée, doivent s'associer, s'agencer pour donner les tissus musculaires, fibreux, cartilagineux, osseux, etc. Puis ces tissus doivent constituer les organes, les appareils, le squelette, les viscères creux, les glandes, etc. Considérée à ce point de vue, la nutrition est régie par des lois rigoureuses qui déterminent la forme des organes, leur situation précise, leurs connexions, leur composition chimique, etc. Parla première, chaque partie se développe avec une configuration particu- lière, invariable, dans des proporlions limitées, et en conservant avec les autres des connexions définies. Par la seconde, chaque partie se produit et s'entretient avec des matières de nature déterminée. La forme que prend la matière qui s'organise, en passant de l'état fluide à l'état solide, ne paraît nullement dépendre de causes analogues à celles qui donnent lieu aux modes si variés d'agrégation et de cristallisation des substances minérales ; elle porte à la fois et sur la partie prise dans son ensemble, et sur ses éléments les plus petits. La forme globulaire, la plus simple de toutes, se des- sine avant que les matériaux du sang se convertissent en tissus, car il se déve- loppé spontanément des globules dans le chyle, dans la lymphe et dans le plasma 1. C'est la tlièse que j'ai défendue dans mon travail de physiologie végétale. Recherches expérimenfales sur Vaccroissemenl des arbres. Comptes rendus de l'Acad. des se 1868 t. LXY, p. 654. 650 DE LA NUTRITION. sanguin. La forme vésiculaire ou cellulaire est, pour ainsi dire, la forme typique de la matière qui s'organise, aussi bien chez les plantes que chez les animaux. Elle appartient au tissu adipeux, aux épithéliums de la peau, des muqueuses, des membranes séreuses, et se retrouve dans les éléments de certains tissus, comme les cartilages, ^les os. La forme de libre creuse ou pleine, dérivée de la précédente, est celle de la substance des nerfs, du tissu cellulaire, des tendons, etc. Elle est déterminée d'une manière précise et invariable pour chaque tissu. La fibre du nerf ne ressemble pas à celle du muscle, celle du tissu cellulaire à celle du tissu nerveux. De même, la cellule adipeuse diffère des cellules propres aux glandes, et dans les glandes, celle de chacune a des caractères particuliers. Les cellules épithéliales ont aussi des caractères diversifiés suivant la nature des membranes quel'épithélium tapisse. Les micrographes distinguent parfaitement celles qui constituent l'épithélium de la peau des autres cellules épithéliales des muqueuses et des séreuses. Les variations morphologiques vont même si loin que, dans un organe tel que l'estomac, une partie de la muqueuse a un épithé- lium qui diffère totalement de celui de l'autre partie. La forme des organes, pris dans leur ensemble, n'est pas moins constante et moins bien déterminée que celle des parties primaires. Chaque muscle a sa con- figuration propre qu'il conserve toujours. Chaque os, chaque viscère est dans le même cas, avec quelques variations sans importance. Les parties les moins vivantes, celles mêmes qui dérivent plutôt d'un travail de sécrétion que de nutri- tion, ont une forme rigoureusement déterminée. Voyez, par exemple, la plume de l'oiseau. Son tuyau a sa courbure toujours disposée de la même manière, ses barbules inégales, ses couleurs si variées, mais d'une association si uniforme. Ne serable-t-il pas que tout, dans cette production, soit exécuté d'après un modèle invariable, où chaque coup de pinceau a sa place marquée ? Considérez les parties les moins importantes de l'économie, les écailles d'un poisson, la coquille d'un mollusque, le pelage d'un mammifère sauvage : la forme, l'étendue, les rapports, les teintes de chaque détail semblent souvent fixés comme s"il s'agissait des organes les plus essentiels à la vie. Tout, dans l'organisme, est soumis à cette loi d'après laquelle chaque partie a sa forme déterminée, par l'ensemble comme parles plus petits détails, son heure de développement, ses phases d'évolution. Rien n'est laissé indécis, abandonné en quelque sorte aux caprices des forces qui travaillent en mercenaires à la con- struction des machines vivantes. Il n'est pas jusqu'aux aberrations, connues sous le nom de monstruosités, qui n'aient aussi leur législation spéciale. La loi d'après laquelle la situation des parties est déterminée ainsi que leurs rapports et leurs connexions, n'est pas moins remarquable. Elle fixe la place exacte, et mesure l'espace oiî chaque organe, chaque fraction d'organe doit évo- luer, de telle sorte que le muscle, par exemple, prend toujours naissance et s'in- sère aux mêmes points, reçoit des rameaux de nerfs déterminés. Aussi, ce muscle a-t-il toujours le même rôle et s'associe-t-il toujours aux mêmes combi- naisons d'actions locomotrices. Dans l'encéphale, les paires nerveuses naissent toujours dans le même ordre et à la même place, pour sortir par les mêmes pertuis et parcourir les mêmes trajets, hors du crâne, car une interversion MULTIPLICATION HES ÉLÉMENTS SOLIUES DES TISSUS. 651 dans roi'igiiKM'ntraînorait des modirications dans les propriétés et dans le lùle fonctionnel. 11 n'est pas jusqu'aux situations presque indilléi'entes qui ne soient livées, sauf de très rares exceptions. Le foie, qui est ù droite comme le cœur est à gauche, pourraient sans inconvénient se trouver du côté opposé, ainsi que le prouvent les faits, d'ailleurs très rares, de transposition. Mais tout cela est aussi exactement réglé que dans la plante Test l'insertion staminale, ici épigynique, là hypogynique ou périgynique. La loi de composition est, dans le travail delà nutrition, non moins évidente que les précédentes. Chaque partie y est soumise, d'une manière rigoureuse et invariable. L'os, le muscle, la fibre nerveuse, le parenchyme de la glande, le tissu delà peau et des membranes, se forment toujours aux dépens des mêmes élé- ments. L'os, à sa première phase d'évolution, est nniqueux ou cartilagineux, puis il devient osseux; sa trame organique est toujours formée delà même sub- stance, et cette trame s'imprègne toujours aussi des mêmes sels ; le cartilage, le tendon, la libre musculaire, la fibre nerveuse, se constituent aux dépens d'élé- ments invariables. Jamais, à l'état normal, l'os ne se nourrit de la matière con- stitutive du muscle, le muscle de celle du nerf. De même, nous verrons plus tard chaque glande fabriquer un produit spécial, mais jamais l'une d'elles ne donnera le produit qu'une autre est chargée de séparer. Le rhythme du travail nutritif a des caractères spéciaux aux diverses phases de la vie fœtale et de la vie extra-utérine ; il en a d'autres qui appartiennent à •chaque tissu, à cliaque organe. Pendant la vie embryonnaire, ce travail jouit d'une extrême activité, surtout dans les parties nécessaires au développement des autres et dans celles qui doivent entrer en fonction de très bonne heure, soit avant, soit seulement après la naissance. Mais il y a formation simple, assimilation prompte sans désassi- m dation corrélative bien manifeste pour le plus grand nombre des organes. Néanmoins, le phénomène de la décomposition fait disparaître quelques parties transitoires à mesure qu'elles cessent d'être utiles, creuse peu à peu le canal médullaire des os longs, etc. Plus tard, après la naissance, le mouvement d'as- similation reste longtemps prépondérant et donne lieu à un accroissement ra- pide. On voit la résorption active seulementdans quelques organes'; elle fait peu à peu disparaître le thymus, amincit les parois des vaisseaux ombilicaux, creuse les sinus des os de la tête, agrandit le canal médullaire des os. A l'âge adulte, l'équilibre s'établit entre l'activité de l'assimilation et celle des déperditions, de telle sorte que l'organisme reste à peu près stationnaire. Enfin, sur le déclin de la vie, les phénomènes de la décomposition tendent à prédominer sur ceux de l'assimilation, et insensiblement l'amaigrissement général fait des progrès, le système musculaire s'atrophie, etc. L'activité de la nutrition, qui semble, jusqu'à un certain point, en rapport avec le degré de vascularité des tissus, est beaucoup plus grande dans les muscles, le tissu adipeux, que dans les cartilages, les ligaments, les tendons, les os, le cerveau, la moelle épinière. Tout le monde sait avec quelle rapidité la graisse se dépose dans les tissus, diminue et disparaît sous l'influence des ma- ladies ou seulement de l'abstinence. Les muscles s'amaigrissent aussi à un haut 652 DE lA NUTRITION. degré dans los affections qui conduisent au marasme, tandis que dans les mêmes conditions les os, les cartilages, les tendons, les centres nerveux semblent tou- jours conserver le même volume. Leslois qui président à la conversion des fluidesen solidesorganiques, devien- nent uniformes pour toutes les variétés du travail nutritif ; elles paraissent être, pour l'accroissement, la reproduction et la régénération des parties, ce qu'elles sont pour leur formation et leur entretien. L'accroissement des solides s'effectue aux: dépens des parties tluides, que la circulation dissémine dans tous les points de l'économie. Ces fluides donnent naissanceà des cellules à l'intérieur desquelles se trouve un noyau qui n'est lui- même qu'une cellule plus petite. L'agrégation de ces cellules, leur allongement, la formation de nouvelles cellules à l'intérieur et à l'extérieur de celles déjà développées, les métamorphoses qu'elles sont susceptibles d'éprouver, sont les moyens que la nature emploie pour accroître la masse des parties vivantes, de même que pour en créer pendant la vie embryonnaire. Plus tard, nous étudie- rons avec plus de détails les belles observations qui ont été faites à cet égard. La reproduction des tissus divisés ou détruits s'opère aussi, soit aux dépens du fluide plastique, tibrino-albumineux, exhalé à la surface des solutions de conti- nuité, soit par la prolifération des éléments anciens. La régénération des parties détruites, celle des tentacules des gastéropodes, des pattes des crustacés, de la queue des salamandres, met en évidence, comme le font les autres phénomènes nutritifs, l'unité du mode d'après lequel s'organise la matière vivante. Dans tous les actes du travail nutritif, on voit donc intervenir deux ordres de forces : des forces vitales qui tracent le plan, assignent les limites, les formes, les rapports, et tous les autres caractères des parties ; des forces chimiques qui opèrent l'arrangement moléculaire et les transformations des principes aux dépens desquels se constituent les tissus. Les premières déterminent l'ordre d'évolution de chaque partie, hâtent le développement des organes qui doivent fonctionner de bonne heure, arrêtent celui des parties dont le rôle transitoire ou momentané est accompli ; elles règlent l'évolution des dents, des produclions cornées ou épidermiques, la mue périodique, la chute des bois des ruminants, la disparition des cartilages épiphysaires, et une foule d'autres particularités plus ou moins importantes. Les forces chimiques font le reste ; elles exécutent leurs opérations dans un sens rigoureusement déterminé par les premières : tout se borne pour elles à remplir un rôle dont les moindres détails sont réglés à l'avance. Considérée dans son ensemble, la nutrition est influencée par plusieurs causes qui agissent d'une manière plus ou moins directe, à la longue, ou avec une cer- taine rapidité. Les plus remarquables tiennent au climat, au régime, à l'hérédité, à l'exercice, etc. Ainsi le climat exerce sur elle une action puissante, continue, qui donne aux animaux et à leur diverses races des caractères très saillants, et cette action porte sur la taille, les formes, le développement proportionnel des parties, notamment sur celles qui ont le moins d'importance. Sous les plus froides latitudes, comme dans les régions équatoriales, les animaux domestiques con- servent une petite taille ; il n'acquièrent tout leur développement que dans les STATIQUK CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 653 régions tempérées. Dans les pays chauds le tissu cellulaire est peu abondant, le pelage clair, la peau de plusieurs espèces est nue, Dans les pays froids les ani- maux ont une fourrure épaisse et Une : la chèvre a un duvet lin qu'elle perd dans les lieu\ tempérés ; l'éléphant antédiluvien avait dans les régions du Nord la peau couverte de poils, et il l'a complètement nue sous les latitudes où il vit actuellement. Les pays humides produisent des animaux massifs, leur donnent des formes empâtées, une constitution lymphatique, et rendent les productions pileuses abondantes et grossières. Le régime, suivant qu'il est pauvre ou abondant, réduit ou développe la taille ralentit ou accélère l'accroissement ; il allonge l'intestin, augmente la capacité des réservoirs digestifs et l'étendue de la muqueuse qui les tapisse, si le carnas- sier reçoit les aliments de l'herbivore ; il donne une prédominance excessive au système adipeux, s'il est très abondant ; il rend les animaux rachitiques, s'il ne fournit pas une quantité suffisante de matières minérales au système osseux. L'exercice développe le système musculaire, restreint la production de la graisse, enfin l'hérédité ou la transmissibilité, par la voie de la génération, des modifi- cations imprimées à l'économie, influence profondément ce travail. Par son secours et par celui des agents divers que l'homme peut utiliser, les lois de la nutrition sont modifiées d'une manière étonnante. On augmente considérable- ment la taille des races domestiques ; on change les proportions du squelette. Au point de vue de la consommation, les parties qui sont sans utilité, comme la tète et les extrémités, se rapetissent ; les masses musculaires prennent un volume énorme ; la toison des bêtes ovines devient plus serrée et plus fine ; les cornes disparaissent ; l'évolution des dents a lieu avant le temps fixé par la nature ; la disparition des épiphyses est bâtée ; en un mot l'animal arrive plus promptement à l'âge adulte que s'il était resté dans les conditions ordinaires. Enfin le travail de la nutrition, suivant qu'il s'accélère ou se ralentit dans tel ou tel système, dans telle ou telle partie, peut modifier considérablement les formes générales et les proportions du corps. On sait que dans les races bovine et porcine précoces le tronc prend un développement rapide et que, comme le fait remarquer Baudement\ la poitrine y acquiert une ampleur considérable liée à un grand volume des muscles et du tissu adipeux, tandis que les membres tendent à se raccourcir et à se rapetisser. Aussi le développement exagéré du tronc qui caractérise les races destinées à produire la viande entraine-t-il, s'il a lieu dans le jeune âge, une réduction notable dans celui des extrémités. CHAPITRE LXV STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION Le travail morphologique qui a pour objet la genèse, la multiplication, la régénération des cellules, des fibres et des autres éléments anatomiques a pour facteurs des actions chimiques nombreuses que le physiologiste est intéressé à étudier. Ces actions consistent soit dans des modifications de l'état moléculaire 1. Baudement, Annales des sciences naturelles, 4' série, Zoologie, t. XV, 1861. 654 DE LA NUTRITION. des matières nutritives, soit dans des phénomènes d'hydratation, de deshydra- tation, d'o^ydation, de dédoublement de combinaisons, de dissociation, de décomposition, d'une analyse extrêmement difficile, actions qui ont toutes pour résultat ce qu'on appelle l'assimilation et la désassimilation. Les matériaux dans lesquels s'accomplissent ces actions ont une composition partout à peu près uniforme. Ils sont apportés à l'organisme par l'aliment com- plet qui passe à de l'état de chyle et de sang avant d'arriver à l'état d'éléments anatomiques ou de tissus. Dans l'œuf ils n'ont pas une autre nature puisque cet œuf offre à l'embryon ce qui est nécessaire à la constitution de toutes ses par- ties. Cet œuf n'est, en définitive, qu'un aliment complet élaboré qui sert d'emblée à la constitution des tissus, sans passer par les états intermédiaires : Dans l'œuf oii l'organisme se crée et dans l'organisme achevé les matières qui jouent le rôle le plus important, le rôle capital, sont les matières azotées ou albu- minoïdes. Or on sait que ces matières représentées dans le sang par l'albumine, la plasmine, la globuline, la fibrine ont une composition à peu près identique. Chacun de ces principes, traité par la potasse, donne une matière homogène, transparente, jouissant de propriétés nouvelles, tout en conservant la composi- tion des principes dont elle dérive. Cette matière, connue sous le nom de pro- téine, est associée à une certaine quantité de soufre et de phosphore. Or, comme les tissus dérivent du sang, il faut rechercher comment ces deux principes peu- vent donner naissance aux solides organiques. La protéine dont la formule est représentée par 48 atomes de carbone, 72 d'hydrogène, 12 d'azote et 14 d'oxygène, doit être considérée comme le point de départ de toutes les formations organiques, et pour qu'elle éprouve sa con- version en tissus musculaire, fibreux, cartilagineux, elle n'a besoin que de fixer de l'oxygène atmosphérique ou les éléments de l'eau. 'Ainsi, d'après les analyses dues àMulder et à Scherer\ le tissu cartilagineux, constitué par la chondrine, la corne, les poils et les autres productions épidermiques, tout en conservant la proportion de carbone et d'azote des substances protéiques, fixeraient, en plus quelques atomes d'hydrogène et d'oxygène. Les tissus gélatineux comme ceux des tendons, des tuniques artérielles fixeraient, toujours en conservant le chiffre de leur carbone, quelques atomes d'hydrogène, d'oxygène et d'azote. Ces changements décomposi- tion se trouvent indiqués par les nombres du tableau suivant, emprunté à Liebig. PRI>'CIPES IMMÉDIATS Eï TISSUS CARBO.NK AZOTE HTDBOGÈ.Nli OXViiÉNE 48 48 48 48 :i8 48 48 48 J-2 12 12 12 12 12 15 14 72 72 72 72 80 76 82 78 14 14 14 14 20 16 18 15 Albumine Fibrine Poils, corne Tissus çélatineux Tissus tibreux jaune des artères 1. Liebig, Chimie organique appliquée ù la physiolorjle animale, p. 124. STATIQUE CUIMinUE DE LA NUTRITION. 655 Ces matières albuminoïdes que l'organisme des végétaux a préparées passent, comme nous l'avons vu en traitant de la digestion, dans celui des herbivores sous forme de peptones ou de composés d'une dillusion et d'une absorption faciles. Et elles reparaissent sous une nouvelle forme dans les liquides nutritifs de l'animal pour se métamorphoser une troisième fois en devenant éléments anatomiques des tissus. Leur nombre, en tant qu'espèces ou variétés, est très considérable. Elles peuvent probablement dériver les unes des autres. Il en est au minimum d'oxydation connue la musculine qui s'assimilent facilement et d'autres oxygénées comme l'osséine, lachondrine qui sont beaucoup moins assimilables. Elles diflè- rent par leur degré de solubilité, leur plus ou moins grande aptitude à la préci- pitation et à la coagulation ; mais converties en albuminales alcalins ou en protéine elles deviennent incoagulables par la chaleur et solubles dans les acides dilués. Hoppe Seyler d'après leur solubilité et quelques autres propriétés en a fait des groupes assez nombreux: Pies albumines proprement dites, comme celles de l'œuf et du sérum du sang solubles dans l'eau et non précipitables par les acides très dilués, 2° les globulines, comme la vitelline, la myosine, les matières librinogènes, insolubles dans l'eau, solubles dans les acides dilués qui les converti- sent en synlonine, 3° les-fibrines doni les caractères sont très connus, 4° la caséine et les autres albuminates alcalins, .5° la syntonine, 6° la substance amyloïde, 7° les peptones. Ces matières albuminoïdes sont susceptibles d'éprouver des modifications nombreuses en dehors de l'organisme, comme dans l'organisme. En s'oxydant elles donnent naissance à des acides très divers, notamment aux acides acétique, formi- que, butyrique, benzoïque, à l'ammoniaque, diverses aldéhydes. Dans certaines conditions déterminées leur décomposition produit la leuciueetla tyrosine, recon- naissables par leurs propriétés physiques et la forme de leur cristaux. Par le fait du travail d'assimilation ces matières azotées donnent une foule d'éléments liquides, amorphes ou figurés dans le sang, le chyle, la lymphe, les sérosités, un grand nombre d'éléments de tissu, le musculaire, le tendineux, l'élastique, le cartilagineux, etc. Elles peuvent, comme l'expérimentation le prouve, engendrer des corps gras, même du sucre. En effet, Pettenkofer a vu des chiens nourris de chair dépouillée de graisse, arriver à un certain degré d'obésité. Dans chacun des tissus quelles contribuent à constituer, les matières albumi- noïdes éprouvent des modifications, et des transformations spéciales. Chaque espèce d'élément anatomique les assimile àsa manière, aussi bien au point de vue chimique que sous le rapport histologique. Celui de tous les systèmes qui en emploie la plus forte masse est évidemment le musculaire. Ce tissu est imprégné d'un suc de nature essentiellement albumi- noïde qu'on appelle le plasma musculaire et chaque élément du muscle, la fibre, le sarcolemme, le tissu connectif, les lames aponévrotiques,les tendons, dérivent des albuminoïdes. Le plasma des muscles obtenu par la pression et à une basse température immédiatemment après la mort est un liquide coagulable à la manière du plasma sanguin, liquide dont le caillot laisse échapper du sérum. Il contient la myosine. Dans l'extrait aqueux les chimistes ont trouvé un albuminate 656 DE LA NUTRITION. alcalin et plusieurs matières albuminoïdes distinctes mêlées nécessairement aux produits de désassimilation ; créatine, \anlhine, inosite, sels, avec plusieurs ferments. Le système nerveux en emploie une certaine quantité associée à la cholestérine, et à d'autres principes. Aussi il donne par le fait de son activité de l'urée en assez forte proportion. Le tissu cartilagineux, les tissus fibreux, osseux, con- nectifs en emploient aussi et leur font subir les modifications d'où résultent la chondrine, l'osséine, la gélatine, etc. La chimie ne nous a pas encore appris comment la mucine si abondante dans les tissus du fœtus, dans les glandes sali- vaires de l'adulte, dans les tendons, etc., dérive des albuminoïdes, ni comment la gélatine des os, des tissus fibreux, des dents, comment la kératine de l'épidermc des poils, des crins, de la laine, des ongles et des sabots dérivent des modifica- tions de ces mêmes matières, modifications qui ont pour but l'assimilation, tan- dis que d'autres opérées dans la désassimilation aboutissent à la production des matières cristallisables rejetées par différentes voies d'excrétion. Les matières albuminoïdes, en s'assimilant, ne paraissent pas toujours con- server leur état de matières azotées ou protéiques. L'expérimentation prouve quelles peuvent donner, sans doute par dédoublement, des graisses, du sucre, de l'inosite, puisque les animaux à l'engrais déposent plus de corps gras dans leurs tissus qu'ils n'en tirent des aliments et qu'ils fabriquent du sucre avec des substances dépourvues d'hydrates de carbone. C'est là un fait important qui montre l'aptitude des matières nutritives à se suppléer dans certaines limites. Il faut remarquer aussi que les matières azotées provenant d'une première dé- sassimilation comme celles qui se trouvent dans les muscles et qui passent dans les extraits aqueux ne paraissent pas dépourvues de la faculté de servir encore à titre de matériaux nutritifs. La créatine, l'inosite et les autres substances que la cuisson des muscles fait passer dans l'eau sont encore, probablement, à un titre indéterminé, des matières alimentaires, quoiqu'elles soient, presque à mesure de leur entrée, éliminées par la sécrétion urinaire. Les matières albuminoïdes qui sont toutes oxydables, lorsqu'elles sont sura- bondantes, préservent les graisses de la combustion ; elles leur permettent de s'accumuler à titre de réserves en vue des besoins éventuels de l'organisme. Il est possible, par le secours de l'expérimentation et de l'analyse chimique, de déterminer le mode de circulation dans l'organisme de l'azote qu'y apportent les albuminoïdes alimentaires. M. Reiset, dans ses savantes recherches, a vu qu'à une première période de l'alimentation pendant laquelle les moutons diminuaient de poids, l'animal prenait 28 centièmes de l'azote des aliments et rendait les 72 autres avec les déjections solides ou liquides. Les 28 centièmes qui ne se retrouvaient point dans les déjections ne pouvaient alors avoir été fixés dans les tissus, car l'animal avait un peu perdu de son poids : ils avaient dû s'éliminer à l'état gazeux par la respiration. Les 72 autres centièmes représentant l'azote non absorbé, non assimilé et l'azote qui après sa désassimilation s'éliminait sous forme 1. J. Reiset, Recherches pratiques et expérimentales sur Tagronomie. Paris, 1863, p. 72 et suiv. STATIQUE CHIMIQUK DE LA NUTRITION. 637 (111100, dacique uikiuo. Dans uir' socoiido période pendant laquelle les moutons commençaient à augmenter de poids et à s'engraisser, l'organisme ne rejetait plus que 57 centièmes de l'azote élémentaire avec excréments et urine, les 47 autres étaient partie exhalés et partie retenus dans les tissus. Dans une troisième période Î5G centièmes seulement passaient dans les déjections et dans une qua- trième 49 centièmes M. Reiset conclut de ces résultats que la force d'assimila- tion pour l'azote va croissant avec les progrès du développement et de l'engrais- sement et que. en moyenne, pour 100 d'azote mis en circulation par les aliments, 13,7 se fixent sous forme de chair, de graisse, de produits divers, 28 sont exhalés par la respiration, el 58,3 s'éliminent avec les résidus digestifs et les urines. Cette dernière fraction représente la partie non absorbée de l'azote et la partie désassimilée. Par la désassimilation ces matières, en s'oxydant ou en se dédoublant, donnent, comme on le sait depuis longtemps, l'urée : mais, d'après les chimistes les plus éminents, elles ne la donnent pas directement ; elles passeraient d'abord à l'état d'acide urique, hippurique, de leucine, tyrosine, créatine, créatinine etc., et eu même temps mettraient en liberté une certaine quantité d'azote à l'état gazeux dont le dégagement a été démontré dans les célèbres expériences de MM. Regnault et Reiset. En tous cas les produits ultimes de la désassimilation des matières azotées sont éliminées à l'état d'urée, par la sécrétion urinaire, à mesure qu'ils sont formés L'homme en donne 30 à 33 grammes en 24 heures, et trois ou quatre fois autant avec le régime animal qu'avec l'alimentation non azotée. Les principes hydro-carbonés ou hydrates de carbone représentés par le sucre, les gommes, les fécules, la pectine, la cellulose et qui arrivent dans l'orga- nisme en grande masse ne s'assimilent point à la manière des albumino'ides, puisqu'ils n'entrent pas dans la constitution des tissus animaux et ne s'y assi- milent que pour un temps très court en raison de leur rôle relatif à la produc- tion de la chaleur. L'amidon, qui est digestible en totalité, parvient au sang et aux tissus sous la forme de dextrine et de sucre. La cellulose, si abondante dans les aliments des herbivores, se transforme aussi en glycose comme les amylacés. Ils se divisent en trois parts : l'une qui brûle ou se dédouble, l'autre qui se convertit en graisse, comme le prouvent les expériences sur les abeilles et les animaux à l'engrais, enfin une troisième qui, d'après Payen et Liebig servirait à la production des substances azotées. Pendant la période de croissance ces hydrates de carbone paraissent surtout donner de la chair, tandis que, à l'âge où le déve- loppement est achevé, ils contribuent plutôt à la production de la graisse. Les graisses, si elles ne sont pas offertes toutes formées à l'organisme par les aliments, y prennent naissance aux dépens des matières féculentes et sucrées, car Persoz, a constaté que l'oie à l'engrais amasse dans ses tissus une quantité de graisse s'élevant au double de celle qui est offerte par les aliments. On sait d'ailleurs que les féculents en donnent au porc une grande masse. D'après Liebig ce serait en perdant l'oxygène que la fécule et le sucre éprouveraient cette trans- formation. Les corps gras dont la composition est si compliquée paraissent, en s'assimi- o. COLIN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — -li 658 DE LA NUTRITION. lant, se modifier pour prendre dans chaque animal des caractères spéciaux. L'huile la plus fluide donne le lard chez le porc, le suif dur chez les ruminants, et c'est déjà dans le chyle, comme je l'ai constaté avec M. Bérard, que la modifi- cation s'effectue en grande partie. Leurs variétés peuvent tenir au nombre et à la proportion des acides qui entrent dans leur composition et à la quantité de glycérine qui s'y trouve associée. Elles s'expliquent moins bien dans l'hypothèse suivant laquelle ces corps résulteraient de la combinaison d'un radical triato- mique avec un acide gras monoatoraique. Les corps gras peuvent encore dériver, d'après Liebig, des matières albumi- noïdes dédoublées en acides gras et en produits azotés, car, inversement, ces matières albuminoïdes seules paraissent contribuer, pour une bonne part, à l'engraissement. Leur désassimilation qui s'opère par oxydation ou combustion donne, disent les chimistes, à peu près deux fois et demie autant de chaleur que les amylacés. La désassimilation des matières grasses et hydro-carbonées les transforme en produits assez simples, parmi lesquels, en dernier lieu, figurent l'eau et l'acide carbonique. Les corps des trois grandes séries de matières nutritives, susceptibles d'oxyda- tion, de dédoublement et de transformations diverses ne se bornent pas à rem- plir chacun leur rôle spécial : ils se suppléent dans une certaine mesure. Les ma- tières azotées, d'une part, s'assimilent et d'autre part, dans une certaine proportion, servent de combustibles; en excès elles paraissent contribuera l'engraissement. Les hydro-carbonées permettent aux premières de se consacrer entièrement à leur fonction essentielle en donnant tout le combustible nécessaire et, de plus, en se métamorphosant en corps gras, elles mettent le combustible en un état qui le rend apte à une longue conservation dans des lieux de dépôt pour les besoins futurs et éventuels de l'organisme ; enfin les graisses, en outre de ce rôle de combustible, seraient des éléments précieux pour la constitution des liquides et des tissus où les matières azotées jouent le rôle capital. Les matières minérales à des états variés jouent un rôle des plus importants dans la nutrition. Le soufre, le phosphore sont intimement associés à l'albu- mine, à la fibrine, et en font partie intégrante. Le fer est en solution dans le plasma sanguin, dans le chyle, aussi bien qu'attaché à la matière colorante des globules. Les sels alcalins partout abondants, doivent donner leur réaction au sang, à la plupart des liquides et des tissus. Les carbonates, les phosphates ser- vent à constituer les pièces solides de l'organisme, le squelette, le test, les coquilles. D'autre sels, notamment le chlorure de sodium si abondant dans le liquide nutritif, deviennent éléments constants de tous les produits de sécrétion. Ces matériaux, par leur solubilité, se répandent, se diffusent partout; il s'asso- cient, se combinent entre eux et aux matières organiques. Sans cesse en circula- tion ils se fixent et deviennent matériaux stables, quelquefois d'une durée indéfinie en passant à l'état de combinaisons insolubles. D'ailleurs, les matières minérales s'adaptent à des rôles divers ; les sels dits organiques dont la dissociation est si facile, servent par leurs acides combus- tibles à l'entretien de la chaleur animale. Quel que soit leur office, elles STATIOUE CHIMKJUK DE LA NUTRITION. 659 s'échangent, comme les autres matériaux de la nutrition ; elles sortent sans cesse, proporlionuellemeiità leur importation. Avec cet ensemble de matériaux sur lesquels nous venons de jeter un cou|i d'oeil l'organisme a de quoi se construire, s'entretenir et se réparer. Il les em- ploie en les conservant en partie à l'état sous lequel ils entrent et en les modifiant parle fait d'une série d'actions chimiques compliquées, oxydations, ou combus- tions lentes ou rapides, hydratations, déshydratations, dédoublements, fermen- tations, etc. Ce laboratoire organique fonctionne avant d'être constitué, c'est même par son fonctionnement qu'il se crée, mais ses opérations ne sont pas toutes connues ni toutes également susceptibles d'analyse. Les plus simples paraissent être celles qui aboutissent directement à la conversion des principes du lluidenutritif en tissus. Les tissus animaux produits par suite des mutations des principes du sang, c'est-à-dire de la fibrine et de l'albumine, sont plus oxygénés que les principes desquels ils dérivent. En se formant, ces tissus s'emparent, disent les chimistes, des éléments de l'eau, et certains d'entre eux fixent de l'azote et de l'hydrogène dans les proportions de l'ammoniaque, On peut donc se rendre compte du tra- vail intime delà formation organique : 1° par la fixation de certains éléments en proportions définies sur les principes qui passent de l'état fluide ou de la forme sanguine à celle d'un tissu quelconque ; 2° par la soustraction d'éléments faisant partie constituante des principes qui se métamorphosent; 3° enfin, par le dédou- blement de ces principes. Les phénomènes si importants de la respiration ont évidemment pour but essentiel de faire parvenir dans le sang l'oxygène atmosphérique nécessaire à l'accomplissement de ces mutations diverses, et de débarrasser le fluide nutritif des divers produits résultant de l'action de l'oxygène sur les principes du sang et des tissus. En eff'et, l'oxygène absorbé par le sang à son passage dans les capillaires du poumon, va se mettre en contact, dans le système capillaire général, avec les principes protéiques qui sortent du torrent circulatoire pour être bientôt assimilés à la propre substance du tissu oi!i ils se déposent. Le gaz oxygène, en vertu de son affinité pour le carbone et l'hydrogène, contracte avec les éléments du sang et des solides organiques des combinaisons variées. Par suite la composition des principes immédiats du tissu change. La soustraction d'un certain nombre d'atomes à la somme de certains éléments fait prédominer ceux des éléments que l'oxygène a respectés. Dès lors, l'équilibre est rompu ; la composition moléculaire une fois modifiée, les principes pren- nent des propriétés nouvelles, et par ces mutations incessantes ils ne tardent pas à revêtir une forme incompatible avec leur vitalité normale ; ils donnent naissance à des produits dont le sang se débarrasse peu à peu par la voie des sécrétions dépuratives, notamment par celle des organes urinaires. Quunt à expliquer pourquoi les mêmes principes protéiques, les mêmes élé- ments du sang se transforment en produits si variés par le travail de lanutrition, c'est une tâche fort difficile. D'abord il suffit que le groupement moléculaire d'un corps change pour que celui-ci revête une autre forme et prenne de nou- velles propriétés. Et souvent même ces changements, quoiqu'ils se produisent sous nos yeux, ne peuvent être appréciés que par le résultat, comme le dédou- 660 DE LA NUTRITION. bleraent de laplasmine, dans le sang tiré des vaisseaux, dédoublement qui'donne naissance à la fibrine. Dans beaucoup de cas ils ne semblent impliquer aucune modification dans la composition des matières qui les subissent, et, sous ce rap- port, ils ont leurs analogues en dehors de l'organisme : on sait, en eflet, que certains produits, tout en conservant la môme composition chimique, peuvent se convertir en d'autres produits ayant de nouveaux caractères et de nouvelles propriétés. Les chimistes citent par exemple, l'acide cyanurique qui, dans un vase fermé, sans l'intervention d'aucun corps étranger, se transforme soit en acide cyanique. soit en cyamélide, et réciproquement. De môme l'aldéhyde, qui est un liquide inflammable ayant une grande affinité pour l'oxygène, ne tarde pas à se décomposer en deux autres produits, l'un solide et l'autre liquide, pos- sédant chacun des propriétés spéciales et offrant néanmoins l'un et l'autre la composition chimique du principe dont ils dérivent. Si, déjà, une simple modification dans l'état moléculaire d'un corps lui donne des propriétés nouvelles, une modification dans les proportions suivant lesquelles ses éléments sont combinés, doit, à plus forte raison, le transformer plus complè- tement ; or, les oxydations à divers degrés, les dédoublements sont des causes incessantes de ces mutations. L'oxygène apporté partout avec le sang devient le grand transformateur, la fée qui métamorphose toutes les matières vivantes, liquides ou solides, pour les approprier à leur destination,les fixer ouïes déplacer. C'est sous son influence que, dans la plante comme dans l'animal, s'accomplissent les actions nutritives les plus importantes. II préside à la germination comme à l'incubation ; fait passer les matières insolubles à l'état soluble ; produit la cha- leur. Sous son influence, pendant l'incubation, l'albumine donne à la fois nais- sance au sang, aux muscles, aux os, aux plumes, en un mot, à toutes les parties de l'animal ; celles-ci se forment toutes, dès ce moment, aux dépens d'un principe unique dont les mutations, quant à l'ensemble et aux détails, donnent une image saisissante de celles qui doivent s'opérer pendant toute la durée de la vie, Le travail chimique de la nutrition est fort complexe. Commencé dans l'intes- tin pour rendre soluble les matières qui ne sont point endosmotiques, dissoudre la fibrine, l'albumine, changer celle-ci en albuminose, convertir en peptones toutes les matières protéiques; il se continue dans les vaisseaux absorbants, dans les organes respiratoires, dans les systèmes capillaires, s'achève enfin dans le plasma épanché, au contact de la cellule et de la fibre, dans l'élément lui-même qui doit s"user et se détruire par le fait de son propre fonctionnement. Ce travail, considéré dans son ensemble et au point de vue des résultats, comprend deux ordres de phénomènes parfaitement distincts : les uns, par les- quels la matière étrangère se convertit en substance vivante pour faire partie du sang ou des tissus ; les autres par lesquels la substance de ce sang ou de ces tis- sus cesse de vivre et sort de l'économie ; en d'autres termes, il ya dans la nutri- tion un acte d'assimilation et un acte de désassimilation ou de décomposition. Le travail d'assimilation, généralement le plus manifeste, semble même s'effec- tuer seul pendant la période de formation ; il conserve pendant toute la durée de l'accroissement, une prééminence marquée sur l'autre, du moins dans la plupart des tissus. Il augmente alors, suivant une proportion rapide, la masse STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 661 du sang, le volume du squelette, des muscles et des autres partie du corps, excepté celles dont le rôle transitoire est accompli, comme le thymus, lés corps de Wolf, la veine et les artères ombilicales ; mais, une fois que l'organisme est parvenu à son développement complet, ce phénomène d'assimilation perd sa prééminence à mesure que l'animal avance en âge ; il linit par n'avoir plus assez d'activité pour réparer les pertes de l'économie. Le travail de décomposition s'opère aussi d'une manière incessante et paral- lèlement au premier. Il est toujours extrêmement rapide dans les liquides : c'est par lui que sont enlevés au sang l'eau des sécrétions, la graisse qui brûle ou qui se dépose dans les tissus, l'albumine, la fibrine, que s'assimilent les mnscles et les divers tissus^ les éléments des produits de sécrétion. Ce travail enlève les couches intérieures des os et agrandit peu à peu le canal médullaire, creuse les sinus de la tête, use et déprime les racines des dents caduques, réduit peu à peu le volume du cal, fait disparaître les exostoses. creuse la surface des os soumis à la pression d'un anévrysme, résout les tumeurs anciennes, rapetisse les cica- trices. C'est celte décomposition qui, sous l'influence de l'alimentation insuffi- sante, de l'abstinence, de la maladie, détermine l'amaigrissement et le marasme, résorbe la graisse déposée par tout le corps, atrophie le système musculaire et met bientôt la machine animale dans l'impossibilité de fonctionner. Ces deux actes sont intimement liés l'un à l'autre , le second est même une conséquence nécessaire du premier. Les métamorphoses incessantes qu'éprouvent les principes constitutifs des liquides ou des tissus finissent bientôt par altérer tellement leur composition, que ces principes perdent leur propriétés normales et l'aptitude à remplir leur rôle. Ces tissus ou plutôt ces principes constitutifs des tissus auquels l'oxygène a enlevé insensiblement du carbone et de l'hydro- gène, ces principes enfin, qui eux-mêmes ont été oxydés à divers degrés, ces- sent peu à peu de réunir les conditions requises : ils sont convertis en urée, en acide urique, en acides cholique, choléique, puis séparés du sang par les reins, le foie, et, finalement, expulsés de l'organisme, dont ils ne peuvent plus faire partie. Parle fait de cette décomposition, les matières altérées et transformées sont isolées du reste pour être éliminées définitivement : elles constituent ce que les anciens physiologistes appelaient les matériaux usés, comme si la fibrine, l'albumine, la graisse, les sels, étaient susceptibles, en servant pendant un certain temps à la formation d'un organe, d'éprouver une usure réelle. Dans ce travail, obscur en apparence, chaque élément venu du dehors joue son rôle défini ; chacun a son emploi momentané, réglé par des lois qu'il nous est permis pour la plupart d'entrevoir. Ainsi le principal de ces rôles, dans les actions nutritives, revient à l'albumine telle qu'elle se trouve dans le sang. Elle forme une grande partie du plasma de ce liquide, de celui du chyle, de la lymphe, entre dans la composition des globules, prend part à la formation du tissu con- jonctif, du tissu glandulaire, du tissu nerveux, et se transforme en syntonine dans le tissu musculaire, dont la masse représente presque la moitié du poids total du corps. Ce principe existe dans les produits de sécrétion qui ne doivent pas être éliminés, comme les sérosités, les liquides de l'œil, et le lait destiné à l'alimentation des jeunes animaux. Il est probable, comme le dit Lehmann, 662 DE LA NUTRITION. qu'elle se convertit, en fibrine dans le sang, en chondrine dans le cartilage, en mucus à la surface de certaines membranes et dans divers parties du fœtus. Le dernier terme de ses modifications est l'urée, l'acide urique, hippurique, qui deviennent des produits excrémentitiels. Les hydrates de carbone, dextrine, sucre, inosite, apportés en si grande abon- dance avec les aliments, se transforment continuellement, se détruisentet s'élimi- nent à mesure qu'ils pénètrent, comme s'ils ne devaient point faire partie de l'organisme. Ils servent à l'entretien de la chaleur animale, en donnant de l'eau et de l'acide carbonique. Les graisses peuvent résister à l'action de l'oxygène, se déposer momentanément dans les tissus ; mais, en définitive, elles brident ou s'éliminent après s'être converties en acide acétique, butyrique, etc. Les matières salines et minérales ne sont pas moins indispensables que les substances organiques. Il faut du fer pour la constitution des globules sanguins, des carbonates et des phosphates pour la solidification des os, des alcalis pour saponifier les graisses, favoriser l'oxydation des matières organiques, des sels alcalins et à acides organiques, avides d'oxygène, capables de se transformer en carbonates. Le chlorure de sodium, si abondant dans le sang, les tissus, oîi les cellules sont en grande quantité, et dans les produits de sécrétion, est l'un des plus nécessaires ; il s'y maintient en proportion déterminée et constante (4 à 5 grammes par litre), soit que l'économie en reçoive en excès, soit qu'elle n'en tire pas du dehors pendant l'abstinence. Il dissout les substances albuminoïdes, et peut pré- cipiter la syntonine de leurs dissolutions acides, Le tableau suivant indique la proportion de ces matières dans les divers aliments. Silice, Acide phosphorique, Chaux des aliments d'une vache pleine, âgée de 4 ans, pesant 600 kilogr. Betteraves. Paille Foin Somme . . . Ivil. 108 18 30 832 1260 1936 66,6 6b 1, i 373.6 gr- 49,9 42,9 107,6 1091,6 200. S8,2 107.0 242,0 Silice, Acide phosphorique. Chaux des produits rendus par cette vache. Excrém.secs Lait Urine (extr.) Sortis Entrés Différence pour 4 jours Différence par jour. kil. 13,80 24,7-2 i-,60 -i J. "^ =3 3 g = .2 •5 2 'T. "^ — - ï ta o c/î '" gr- gr. g""- 1711 1112,1 102.0 123 » 34,4 1932 » 1112,1 136,4 1091,6 200,4 + 20,0 — 64,0 + J.1 — 16,0 gr- 184,8 29,0 19,3 233,6 407,7 L'eau doit entrer en masse énorme, car elle est un élément de tous les solides, comme elle est un élément du sang, du chyle, de la lymphe et des divers pro- duits de sécrétion : c'est le véhicule de tout ce qui entre comme de tout ce qui sort. Il en faut, avec chaque kilogramme d'alimentsupposésec, de 2 à3 kilo- grammes au mouton et au cheval; 4 à F) au bœuf,5 à G à la vache,? à 8 au porc. STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 663 Il n'est pas jusqu'aux substances de passage, éliminées presque àleur entrée, et à certains produits de dénutiition qui nedoivent remplir quelque office, comme les acides dans les muscles, dans la rate, les capsules surrénales, lesquels, en se combinant avec des phosphates, donnent lieu à des sels acides très abondants dans le sang. Lorsque l'organisme est constitué, son ensemble se compose d'environ 50 centièmes d'eau et d'autant de matières sèches, sur lesquelles il y a 15 à 16 centièmes de matières azotées, 25 à 30 centièmes de graisse, et le reste de sels ou de matières minérales. Au point de vue purement chimique, on peut dire que les matériaux néces- saires à l'organisme sont apportés par l'air, les aliments et les boissons. S'il y a accroissement du corps, une partie de ces matériaux sont retenus ; si l'état est stationnaire, les matériaux importés se retrouvent en quantité équivalente dans l'air expiré, les déjections solides ou liquides ; s'il y a dépérissement, l'expor- tation est supérieure à l'importation. Quoique le travail de la nutrition comprenne toujours les mêmes actes chi- miques essentiels, il présente, surtout au point de vue des résultats, des diffé- rences essentielles dans trois conditions, savoir : 1° lorsque le corps est station- naire, sans augmentation ni diminution appréciables ; 2° lorsque la masse s'accroît pqr le développement de toutes les parties ou par l'engraissement ; 3° lorsque son poids diminue, les pertes n'étant qu'imparfaitement réparées. Dans le premier cas, les acquisitions de l'organisme sont égales à ses pertes ; dans le second, il y a, par le fait de la prédominance des apports sur les déperditions, formation de nouveaux éléments musculaires, osseux, adipeux et autres; enfin, dans le dernier, il n'y a plus que des apports insuffisants ou nuls ; la désassimi- lation prend le dessus ; les tissus s'usent ; la masse du corps se réduit dans une proportion plus ou moins considérable. Il faut considérer à part et successive- ment chacun de ces trois cas. 1. Nutrition à l'état d'équilibre. Si nous considérons d'abord un animal complètement formé, adulte, dont le poids demeure sensiblement stationnaire, la balance de la nutrition est en équi- libre ; ce qui entre dans l'organisme compense exactement les pertes. Dans cet état, voici ce qui se passe : En ce qui concerne l'homme, l'équilibre entre les entrées et les sorties est indiqué, d'après Vierordt, dans les deux tableaux suivants : Entrées. CARBONE HYDROGÈNE AZOTE OXYGÈNE TOTAL Oxyo'ène inspi ré 64,18 70.20 146,82 » » 8,60 10,26 20,33 1) 18,88 » 744,11 28,34 9,54 162,85 744,11 120,0 90,0 330,0 2818,90 32,00 Graisses Eau Sels 281,20 39,19 18.88 944.84 4134,11 664 DE LA NUTRITION. Sorlien. EXCRÉTIONS Eau Carbone Hydrogcno AlOtr IKygi'ne Sels TOTAL Respiration. . . Eau 330 660 1700 128 » 248,8 2,6 9,8 20,0 3,3 3,0 32.89 15,8 3,0 » 651,15 7,2 11,1 12,0 263,41 26 6 1229,9 669.8 1766,0 172,0 296,3 Urine Fèces Eau formée. . . 2818 281,2 39,19 J8,8 944,86 ■61 4134,0 Les apports nécessaires à la nutrition de l'homme adulte sont à peu près réa- lisés avec 1 kilogr. de pain et 300 gi*. de viande, car 1 kilogr. de pain renferme, d'après Payen, 300 gr. de carbone et 10 gr. d'azote ; 300 gr. de viande donnant 30 gr. de carbone et 9 gr. d'azote. L'animal, c'est le cheval adulte que nous prenons pour terme de comparaison, perd par la respiration 2 200 grammes de carbone, 20 à 25 kilogrammes d'eau par la transpiration pulmonaire et cutanée, la sécrétion urinaire, 100 grammes d'azote dans ses déjections diverses ; enfin, environ 600 grammes de matières minérales et salines. Or, cet animal doit trouver et prendre dans ses aliments ou ses boissons une masse de matière équivalente à la quantité perdue : il la trou- vera effectivement dans 7 kilogrammes et demi de foin et 2 kil. 2 d'avoine. Les 2 200 grammes de carbone seront fournis par la fécule, le sucre, la gomme, la graisse ; les 100 grammes d'azote par le gluten, l'albumine, la caséine; les 600 grammes de sels par le fourrage et la boisson ; enfin, les 20 kilogrammes d'eau par celle-ci, et en partie par le fourrage, s'il est donné à l'état vert. S'il s'agit d'une vache laitière de la taille du cheval qui, outre les déperditions équivalentes à celles du solipède. produit 12 à 15 litres de lait renfermant jus- qu'à 2 kilogrammes de matières protéiques, grasses, salines et autres à l'état sec : elle devra donc, pour conserver son poids, trouver, par rapport à la ration du cheval, un excédent de 13 kilogrammes d'eau et de 2 kilogrammes de ma- tières nutritives supposées sèches. Dans le cas où notre animal travaillerait, ses pertes en ! carbone, en azote, en eau, pouvant augmenter d'un tiers ou même de la moitié du chiffre des pertes normales, il devrait recevoir un supplément de ration égal au tiers ou à la moitié de celle qui l'entretient dans l'inaction ; de plus, comme la capacité et les forces de son appareil digestif sont limitées, il faut que ce supplément lui soit offert en aliments de facile digestion et très nutritifs sous un petit volume. L'équilibre, dans ces conditions diverses, n'est donc obtenu qu'autant que la restitution des matériaux parles ingestions est égale quantitativement et quali- tativement aux dépenses ou aux pertes. En outre, il ne suffit pas que la somme de carbone et d'azote se trouve dans la ration, il faut qu'elle y soit sous certaines STATIQUE CniMIQUE DE LA NUTRITION. 665 formes et dans certaines matières. Le carbone doit y être offert, non par la cel- lulose, mais par la fécule, par le sucre, la gomme, d'une absorption facile. S'il l'était sous forme de matières albuminoïdes, il faudrait de celles-ci une quantité énorme. En outre, si l'animal travaille, ce combustible doit être pris en partie dans les matières grasses, dont l'oxydation produit autant do chaleur que celle de 2 parties et demie de fécule ou de sucre. En somme, dans les conditions normales, chez l'animal adulte qui conserve sensiblement le même poids, la nutrition est stationnaire. Les aliments et les liquides ingérés dans l'organisme remplacent exactement ce qui est éliminé par les déjections, les sécrétions diverses, la transpiration cutanée, l'exhalation pul- monaire ; aussi, il doit se trouver dans la somme de ces produits chassés de l'économie une quantité de carbone, d'oxygène, d'hydrogène, d'azote, de soufre, de phosphore, de sodium, de potassium, de fer, etc., précisément égale à la quantité de ces mêmes corps introduits par les aliments et les boissons. Les belles recherches analytiques de M. Boussingault donnent de cette loi une dé- monstration péremptoii'e. Le savant expérimentateur opérait sur des animaux adultes, entretenus à un régime uniforme et dont l'état stationnaire avait été préalablement constaté par des pesées faites pendant un mois. Ces animaux étaient enfermés dans des stalles dont le sol, convenablement disposé, per- mettait de recueillir sans perte les fèces et les urines; les aliments et les liquides consommés étaient pesés et analysés, et, d'un autre côté, les excréments, l'urine, le lait, étaient soumis aux mêmes épreuves. La différence entre la somme des matières ingérées et la somme des produits recueillis exprimait celle des pro- duits delà transpiration cutanée, pulmonaire, et de la combustion respiratoire. D'après ces expériences, on voit : lo que les déjections renferment, pour le cheval et la vache, de 23 à 27 grammes d'azote de moins que les aliments ; 2° qu'il manque à ces déjections 2 46o grammes de carbone pour le cheval, 2 221 pour la vache, 153 pour le mouton, ou la somme brûlée parla respiration. Dans cet état d'équilibre parfait entre les acquisitions et les pertes que fait l'organisme, la somme des principes perdus par le sang, les muscles, les os, est remplacée par une somme égale des mêmes principes, extraits des aliments et des boissons dans le travail de la digestion. L'albumine, la fibrine, la caséine des aliments remplacent l'albumine, la fibrine qui ont été enlevées aux tissus ; la graisse de ces aliments remplace celle que le tissu adipeux a fournie à la com- bustion; le sucre, les gommes, la fécule, renouvellent la masse des matières briilées pour la production de la chaleur animale ; enfin, l'eau et les sels des substances ingérées se substituent à l'eau et aux sels perdus par la sécrétion uri- naire, la transpiration cutanée, pulmonaire, les exhalations intestinales. Quant aux matières minérales elles jouent, dans le travail de la nutrition, un rôle très important, surtout en ce qui concerne les jeunes animaux, chez lesquels l'ac- croissement en général, et particulièrement l'ossification, jouissent d'une grande activité. Il en est de même à l'égard des femelles adultes pendant la gestation et tant que dure la sécrétion du lait. Sans une dose suffisante de ces matières, la mère ne peut subvenir aux besoins de la nutrition du fœtus et de la lactation ; sans elle, l'ossification chez les jeunes animaux ne suit pas sa marche régulière ; 66fi DE LA NUTRITION. il y a tendance manifeste au rachitisme. Cette insuffisance de matières minérales amène aussi, à la longue, des altérations des os et détermine des troubles graves chez les animaux adultes, comme l'ont montré les recherches dont j'ai parlé à l'article du Régime. L'équilibre établi, à l'âge adulte, entre la masse de matière que s'assimile l'organisme et celle qu'il perd, n'est possible que dans des condi- tions de régime parfaitement réglées et en harmonie avec le rhythme du travail nutritif. Il n'a lieu ni pendant la période de la vie employée à l'accroissement ni pendant celle de la détérioration de l'économie; il est rompu toutes les fois qu'il y a engraissement ou amaigrissement, le premier sous l'influence d'une alimen- tation abondante, le second par le fait de l'alimentation insuffisante, de l'absti- nence, du travail excessif, de la maladie ou d'autres causes analogues. Les trois tableaux suivants, qui résument les expériences de M. Boussingault, donnent, pour le cheval, le mouton et la vache, la balance des apports et des pertes dans une période de vingt-quatre heures. Les compensations ne sont pas absolument exactes, mais elles se rapprochent, de celles qui peuvent être effec- tuées dans un état de parfait équilibre. Eau . . . Foin.. .. Avoine. . Somme. Poids à l'élat tiumide. Poids à l'état M A T I P: R E ELEMENTAIRE DANS LES ALIMENTS Aliments consommés par le cheval en 24 heures gr- gr. gf. gr. gr. o'". ; 16000 ,) » » 1) » 7500 6465 2961 323 2502 97 2270 25770 1927 8392 977 123 707 42 d938 446 3209 139 Produits rendus par le cheval en 24 heures Urine Excréments Somme Somme de la ma- tière des aliments. Différence Sens de la différence 1330 14250 302 3525 109 1364 11 180 191 446 34 1329 1363 3209 38 78 15580 25770 3827 8392 1473 .3938 2465 116 139 10190 4565 255 1846 23 13 582 672 110 575 685 672 13 + EAU REÇUE PAR LE CHEVAL EX 24 HEURES. kil. Avec le foin 1,035 Avec l'avoine 0,448 Bue directement 16,000 Eau entrée 17,483 EAU RENDUE PAR LE CHEVAL EN 24 HEURES. kil. Avec l'urine 1,028 Avec les excréments 10,725 Eau sortie 11,7.53 Eau enti'ée 17,483 Eau sortie par la transpiration pulmonaire et cutanée 5,730 STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 667 Poids' Poids à l'cHat i\ l'état humide. sec. MATIliRI-: li;i,i:MENTAIUE DANS LC3 ALIMKNTS, Carbone, Ilydfo- L-ono. O.wsonc. Azi-itC. !t terres. .ilime7i(s consommés par la vache en 24 heures. Pommes de terre. Regain de loin. . Eau Somme. ST. gr. ?■•• sv. gr. ^r. 15000 4170 1839 242 1831 50 7500 63 lô 2974 354 2204 152 60000 » » )) » » 82500 10485 4813 • 596 4035 202 1 s . 208 632 50 Produits rer^dus par la vache en 24 heures. Excréments 1 28413 Urine I 8200 Lail 8539 Somme Somme de la matière des ali- ments Différence Sens de la di.fférence. . . 4515^ 82500 4000 961 tl5 37348 6112 10485 4373 1712 261 628 2601 4813 2212 208 25 99 332 596 264 1508 254 321 2083 4035 1952 92 37 46 890 480 384 55 175 202 27 919 890 29 Eau reçue par la vac/ie en 24 heures. lui. Avec les pommes de terre. . . . 10,830 Avec le regain . 1,185 Bue directement 60,000 Eau entrée 72,015 Eau rendue par la vache en 24 heures. , kil. .A.vec les excréments 24,413 Avec l'urine 7,239 Avec le lait 7,388 Eau sortie 39,040 Eau entrée 72,015 Eau sortie par la transpiration pulmonaire et cutanée. . . . . 32,975 Poids à 1 etHt humide. Poids à l'état sec. MATIÈRE ÉLÉMENTAIRE DANS LES ALIMENTS. Carbone. Hydro- gène. Oxygène. Aliments consommés par le r.wufon en 24 heures. Eau bùe. Foin... . 1276,0 gr. 1) ?■'■' gr. 1) gr. 0 887,2 767,3 : 355,3 [ 39,1 303,9 14,5 51,6 54,5 Produits rendus par le rnouto/i en 24 heures. Excréments. Urine Somme des produits. Dans les aliments. . . Différence . 971,7 476,7 412,0 64,2 181,3 20,4 21,8 2,5 146,7 13,1 7,0 6,2 55,2 22.0 n 476.2 767,3 201,7 355,3 24,3 39,1 159,8 303,9 13,2 14,5 77,2 56,1 » j) -153,6 — 14,8 -144,1 —1,3 +21,1 668 DE LA NUTRITION. Poids à l'élat humide. Poids à l'état sec. MATIÈRE ÉLÉMENTAIHR DA.NS LES ALIMENTS Carbone. Hydro- gène. Oxygène. Azote. Sels et terres. Aliments consommés en 24 heures par un porc âgé de neuf mois, pesant 60 Itilogr. I ?'•• I gr. I gr. I gr. 1 gr. 1 gr. 1 gr. Pommes de teiTe..| 7000 | 1687 | 742,3 | 97,8 | 754,1 | 25,3 | 67,5 Déjections rendues par le porc en 24 heures Excréments Urine Principes rendus. Principes reçus.. . Différence 1300 3050 4350 7000 208 63 271 1687 57,4 7,6 65,0 74-2,3 677,3 8,1 1,0 48,9 16,3 9,1 97,8 65,2 7.54,1 9,2 6,9 16, f 25,3 9,2 84,4 6,2 90,6 6", 5 23,1 D'après les recherches de M. Mûntz\ un cheval d'omnibus parcourant en 24 heures 15 à 16 kilomètres avec une ration du poids de 18 733 grammes com- posée de paille, foin, avoine, maïs, son et féveroUes, reçoit en ; Eau 2S9098'' Matières minérales I ,063 Matières azotées 1 ,595 Matières grasses 0 ,451 Amidon et analogues 6 ,284 Sucre 0 ,1.51 Matières protéïques. 0 ,129 Cellulose brute 3 ,132 Substances indéterminées 3 ,018 Cette ration, pour 1 kilogr. du poids du corps, est de : Matières azotées 2s'', 91 Matières grasses 0 ,82 Extraits non azotés 17 ,48 Cellulose brute 5 ,71 En admettant que l'animal soumis à l'usage de celte ration d'entretien et de travail n'augmente ni ne diminue sensiblement de poids, les quantités de ma- tières azotées, de graisse, de matières hydrocarbonées, qui sont assimilées, repré- sentent à peu près les quantités des mêmes matières désassimilées et rejetées à l'extérieur. La détermination quantitative et qualitative des unes équivaut à la même détermination en ce qui concerne les autres. Ces matières rejetées se divisent en deux groupes : 1" les azotées et les minérales, qui passent dans les déjections intestinales, et les urines et, de là, dans le fumier ; 2« les hydro- 1. Recherches sur V alimentation, etc, in Annales de llnslituf arp-onomiffne, n« 2, 1877-1878. STATIQUE COmrOUE DE L\ NUTRITION. 669 carbonées, qui sont versées an dehors par la peau et les poumons comme résidus de combustion, sous forme d'acide carbonique et de vapeur d'eau. D'api'ès M. Miinlz la moitié ou même seulement les 5/12 de cette ration représentent la ration d'entretien, et l'autre moitié la ration de travail. Or, un cheval dans l'inaction, avec la moitié de la ration totale chiffrée plus haut, digé- rait et assimilait pour 100 d'aliments ingérés : Graisse 78,9 Amidon et analogues 83,4 Matières azotées 65,0 Cellulose brute 59,1 Substances indéterminées 36,5 Les quantités de matières nutritives assimilées, par kilogramme de poids vif, ont varié suivant les individus. Pour deux chevaux dans l'inaction et recevant seulement la ration d'entretien, elles ont été : I"' CHEVAL. 2= CHEVAL. Matières azotées is%26 0^^,88 Corps ternaires 9 ,28 7 ,48 Graisse 0 ,33 G ,46 Lorsque le cheval travaille, le mouvement nutritif double d'activité à tous ses degrés. L'animal consomme ou peut consommer deux rations d'entretien et même une fraction en sus représentée par le douzième des deux réunies. Alors l'expérimentation démontre qu'il n'y a pas excès dans les apports, car si on vient aies réduire, l'amaigrissement commence et la perte des forces s'accentue. Seu- lement pour que cette ration de travail ajoutée à l'autre puisse être ingérée et digérée, elle doit avoir un petit volume et être d'une élaboration facile. D'autre part, elle doit, pour produire le maximum d'effets utiles, avoir une action exci- tante et tonique, tant sur l'ensemble de l'organisme que sur l'appareil digestif. Or tous les équivalents mis sur la même ligne, d'après l'analyse, sont loin de posséder le même degré de digeslibilité et le même pouvoir dynamique. 11 en est qui réparent les pertes en donnant de l'énergie, d'autres qui les réparent en fa- tiguant les animaux et en les rendant mous. Ceux que réclament les animaux à l'engrais sont loin, le plus souvent, de con- venir aux animaux, dont le rôle est de déployer des efforts de traction ou de vitesse. Aussi les différentes substitutions d'un aliment à un autre, basées sur l'équivalence chimique seule, ne sont-elles pas absolument rationnelles au point de vue physiologique. Et telle de ces substitutions qui peut convenir à un animal à l'engrais ou à un animal inactif, peut devenir préjudiciable à un animal qui travaille. La convenance de la substitution est établie surtout par les lé- sultats constatés dans la pratique. Si les animaux employés à des services un peu pénibles ne reçoivent pas la ration de travail, ou s'ils ne la digèrent ni ne l'assimilent complètement, ils maigrissent prorapteraent, car ils prennent dans leur propre substance ce qui ne leur est point donné par l'alimentation. Ainsi M. Muntz a vu que le cheval d'om- 670 RE LA NUTRITION. nibus, qui faisait son service oi'dinaireavec la moitié de la ration totale indiquée plus haut, c'est-à-dire avec la ration d'entretien seulement, perdait par jour 12 à 14 kilogr. de son poids initial ; mais cette perte énorme, constatée seulement pour une période de deux jours, porte, pour une bonne partie, sur le lest de l'ap- pareil digestif: quoiqu'elle paraisse très forte, elle est en réalité beaucouji moindre. Les choses se passent alors comme dans le cas de l'alimentation insuffisante dont il sera bientôt question. En ce qui concerne l'homme adulte faisant un exercice modéré, la ration d'en- tretien et de travail est de 10 à 20 grammes d'azote, 310 à 330 grammes de carbone contenus dans 1 kilogr. de pain, et 300 grammes de viande con- sommés en 24 heures. D'après M. de Gasparin, il faudrait pour l'homme 12 gr. 5 d'azote en ration d'entretien et autant en ration de travail, avec 263 grammes de carbone pour la première et seulement 43 grammes du même corps pour la seconde. Il faut noter cependant que l'organisme ne fait pas toujours, à beaucoup près ,les dépenses que semblent indiquer ces rations. L'homme, comme l'animal, pour exécuter un travail donné, fait de violents elîorts, s'échauffe et transpire abondamment; il a besoin d'un supplément de nourriture considérable, sans lequel il maigrit ; mais s'il exécute ce travail avec aisance et sans grands efforts, il n'exige qu'un faible supplément alimentaire. Celui-ci est réduit dans la même proportion que les pertes. On voit, en effet, le paysan se livrer à un labeur sou- tenu presque avec son alimentation ordinaire, mais mieux digérée et assimilée qu'elle ne l'est dans l'inaction. 2. Nutrition avec assimilation prédominante. Pendant l'évolution embryonnaire, presque tous les matériaux nutritifs sont empruntés à l'œuf ou à la mère, et ils sont à peu près intégralement employés à la formation des éléments anatomiques. La désassimilation est alors rudimen- taire et les combustions respiratoires sont extrêmement faibles. Dans le germe, la prédominance de l'assimilation persiste à un degré qui va s'affaiblissant, et elle a pour but le développement plus ou moins rapide de l'organisme. Dans cette nouvelle condition que nous avons maintenant à examiner, celle de l'accroissement de la masse du corps, soit sur les animaux qui se développent, soit sur ceux qu'on engraisse, il y a excès d'acquisitions, hypergenèse d'élé- ments, formation de nouveaux tissus et mise en réserve de matières com- bustibles. L'accroissement, dans quelque espèce qu'il soit considéré, ne peut avoir lieu que par suite d'un apport de matériaux supérieur au chiffre des dépenses. Depuis le moment de la naissance jusqu'à celui de son complet développement, l'animal fixe plus de matière qu'il n'en laisse échapper, et cet excès des sub- stances qui entrent sur celles qui sortent, en s'ajoutant à la masse initiale, donne lieu à un accroissement plus ou moins rapide. Cet accroissement possède le STATIQUE CHIMIOUE DE LA NUTRITION, 671 maximum d'activité dans les premiers temps de la vie, et en particulier pendant la période de l'allaitement; il devient de moins en moins rapide à mesure qu'on s'approche de l'âge adulte. Les observations faites par divers agronomes, en ce (pii concerne les principales espèces domestiques, donnent à ce sujet des indi- cations intéressantes. En [trenant l'espèce humaine j)our point de départ, on trouve que l'enfant est peut-être de tous les animaux, celui dont la croissance s'opère avec le moins de rapidité. S'il naît avec un poids de 3 kilogr., il lui faut une année, d'après les observations de Quételet, pour arriver au triple de ce poids, qui est quadruplé à la lin delà troisième année, quintuplé à la cinquième, décuplé à la treizième, deux fois décuplé à la trentième. Le triple du poids que l'enfant met une année à acquérir, le chien l'acquiert en une semaine. Le décuple auquel cet enfant n'arrive qu'à 13 ans, peut être acquis en moins d'un mois par le carnassier, et et dans des délais plus courts encore par de petits animaux à évolution exlrê- mement rapide, comme les rongeurs et les passereaux. Des poulains pesant en moyenne, à la naissance, 51 kilogrammes, augmen- tent, d'après les expériences de M. Boussingault, pendant un allaitement de trois mois, dans le rapport de 100 à 278, par conséquent, par jour et par tête, de 1 kilogr. 04. Depuis le sevrage jusqu'à l'âge de six mois, l'accroissement n'est plus que de 0 kilogr. 6 ; il est de 0 kilogr. 5 vers la troisième année, et, plus tard, il descend à peu près à 0 kilogr. 3. Ces résultats sont exprimés dans le tableau suivant avec leurs divers éléments ; Date de la naissance Poids lors de la naissance Époque du sevrage Poids lors du sevrage Jours d'allaitement Acer, total pendant raliaitement. Accroissement par jour Poids du 11 novembre 18 42-. Age lors de la pesée précédente. Gain pendant cette l'' période. . . Gain par jour Pesée du 22 mai 1844. Pesée du 24 septembre 1844 Pesée du 13 avril 1845 1-' juillet 1845 Age lors de la pesée précédente. Gain total depuis le sevrage Gain par jour l'" POULICHE. 2= POULICHE. 3" POULICHE. 25 mai 1842. 12 juin 1842, 12 juin 1842. 50 kil. 5P,50. 51\50. 20 août 1842. 7 sept. 1842. 7 sept. 1842. 134 kil. 130 kil. 161 kil. 87 jours. 87 jours. 87 jours. 84 kil. 78\05. 109\05. 0',97. 0\90. P,26. 180 kil. 163 kil. 195 kil. 5 mois 18 jours, . 5 mois 5 mois. 46 kil. 33 kil. 34 kil. 0S57. 0S.58. 0S55. 410 kii. 395 kil. 438 kil. 460 kil. 449 kil. 497 kil. 483 kil. 465 kil. 520 kil. 470 kil. 500 kil. .548 kil. 3 ans 32 jours. 3 ans 15 jours. 3 ans 15 jours 336 kil. 370 kil. 387 kil. 0\32. 0\36. 0'',38. L'accroissement des grands ruminants suit sensiblement la même progression que celui des solipèdes. Les expériences de MM. Boussingault et Perrault mon- trent qu'il jouit; pendant la durée de l'allaitement, de son maximum d'activité, et qu'à partir de cette époque il se ralentit d'autant plus qu'on se rapproche davantage de l'âge adulte. Pendant l'allaitement, les veaux, qui consomment, terme moyen, de 9 à 10 litres de lait, augmentent par jour de 1 kilogr. 13; — depuis le sevrage jusqu'à trois ans, de 0 kilogr. 72. 672 DE LA NUTRITION. -S -a o - — ^ — flj u5 c _ — Cu 3 — " ~ -. o t- OJ re 3 r/ O yj o i; — NUMÉROS > çS o -3 çn _o o "^.2, -3 ^ -a ^ ■- rt 3 "S O ci 3 ■g = « = ? » n » Id. 5 5,2.") 1,05 » » » » Id. 8 8.80 1.10 52,00 6,50 5,40_ 5,9r 0,15 Race du pays. 3 3,60 1,20 21, .50 7,17 0,17 Id. Moyenne 1,11 9,71 8,. 57 0,21 RAC1£ DL ' POITOU RACE ANGLAISE MÉTIS RATIONS ÉODIVALENTES PAR JOHR 1 AGE .— ^-^^ ..•*«.-^ --.——> —^ '--^^-. ^---^_ — Poids moyen. Augment. diurne. Poids moyen. Augment. diurne. Toids moyen. Augment. diurne. Seigle. Son. Pommes dé terre. kil. jours. kil. kil. kil. kil. kil. kil. kil. kil. 1 1,30 0,305 1,20 0,188 1,25 0,222 » » .1 20 7,40 0,202 4,96 0.235 5,70 0,235 » » » .!.0 16,15 0,329 12.00 0,310 12,75 0,3.55 1,00 2.08 4,80 100 32,60 0,384 27,53 0.389 30,55 0,386 1,13 2,35 5,43 150 49,00 0,492 47,00 0,6.50 49,80 0,.584 1,74 3,62 8,36 200 71,10 0,174 80,50 0,247 78,00 0,288 1,90 3,95 9,13 250 79,80 0,174 92,85 0,248 89,40 0.210 2.10 4.37 10,09 300 88,.50 0,192 105,25 0,247 99,90 0,198 2,.30 4,78 10,65 4.00 108,75 0,142 130,00 0,155 119,70 0,196 500 123.00 0.1.55 145,70 0,1.56 139,30 0,168 600 138,.50 0,075 161,30 0,175 156,10 700 146.00 0,026 196,85 0,146 800 148.60 0,013 191,50 0,180 900 149,90 0,015 209,50 1000 150,40 6. COLIN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 43 674 DE LA NUTRITION. Les animaux caniassiers domestiques dépassent les précédents par la rapidité de leur croissance. Quoiqu'ils naissent souvent en grand nombre dans la même portée et que, par conséquent, leur part de lait soit souvent très réduite, ils ne laissent pas que d'éprouver chaque jour une augmentation considérable. J'ai constaté dans mes expériences que dix chiens d'une seule portée, nés avec un poids total de 5 029 grammes, arrivaient à la fin du premier mois à peser 21 215 grammes, c'est-à-dire plus que le quadruple de leur poids initial. En ce qui concerne le lapin, la rapidité de l'accroissement varie beaucoup suivant l'état de la mère et les soins qu'elle donne à ses petits. J'ai constaté plu- sieurs fois que le poids initial doublait en 10 jours, — triplait en 18, — qua- druplait en vingt-trois, — sextuplait à la fin du premier mois, et qu'il arrivait à la fin du deuxième à 15, même à 16 fois le poids initial. La rapidité du développement des petits mammifères est dépassée de beau- coup par les oiseaux, notamment par ceux de petite taille. J'ai vu que le merle, 8 à 10 jours après sa sortie du nid, où il ne passe pas trois semaines, arrive au poids de 75 à 80 grammes, c'est-à-dire presque au poids moyen de l'adulte, qui est d'une centaine de grammes. En un mois il fait le chemin que l'homme met 20 ans à franchir. Les jeunes rossignols au nid, sur lesquels j'ai pu expérimenter sans que la mère les abandonnât, avaient leur évolution d'une rapidité égale, sinon supérieure à celle des merles. D'autres petits chanteurs de cette espèce, nés depuis 48 heures, et pesant ensemble 10 gr. 8, soit 2 gr. 7 chacun, acqui- rent individuellement, huit jours après, le poids moyen de 14 grammes, de sorte qu'ils augmentaient chaque jour d'une quantité supérieure à la moitié de leur poids initial. *■ Il est clair que l'accroissement si rapide des jeunes animaux exige qu'ils con- somment, relativement à leur poids, beaucoup plus de nourriture que les adultes. Le veau du Gatinais, par exemple, absorbe environ 10 litres de lait par jour, donnant 1 kil,. 13 de chair ; — le jeune porc consomme, toujours d'une manière relative, le double de ce qu'absorbe le porc adulte ; — les poulets trois fois plus pour 100 que les poules ou les coqs. D'ailleurs, cette nourriture doit renfermer, en quantité suffisante, les éléments nécessaires à l'augmentation de poids simultanée de toutes les parties de Torganisme. Or, les auteurs dont je rapporte ici les travaux ont constaté qu'il faut à un veau, dont l'accroissement diurne est de 0 kil., 96, 7 lit., 17 de lait, et à un porc qui augmente par jour de 0 kil., 24 une quantité proportionnelle de ce liquide, c'est-à-dire 1 lit., 7. Le cheval, le bœuf, la vache, consomment, en général, pendant l'accroissement, 3 kil, 08 de foin pour 100 kilogrammes de poids vivant ; mais il y a à cet égard quelques variations qui dépendent de l'âge des animaux, du travail et des produits que l'on veut en retirer. M. Boussingault, après avoir rassemblé les données de plusieurs expérimentateurs, trouve que 100 kilogrammes de poids vivant de bétail exigent, par tête et par jour, 3 kil., 08 de foin pour les animaux ,en pleine croissance, — 3 kil. ,15 pour les jeunes taureaux, — de 2 kil.,73à3kil.,12pour les vaches laitières, — 2 kilogrammes pour des bœufs d'attehige, et seulement 0 kil., 75 pour le simple entretien des animaux qu'on ne fait pas travailler et qui ne donnent pas de lait. On a trouvé aussi que 100 kilogrammes de foin STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. b/0 donnaient lieu à une augmentation de 7 kil.,34 pour les poulains, — de 6 kil.oO pour les veaux de quarante jours à deux ans. De même on a constaté qu'il fallait, en moyenne, pour produire oD kilogrammes de porc, 208 kilogrammes de seigle, ùu 240 kilogrammes d'orge, ou 1 000 kilogrammes de pommes de terre. Il est de toute évidence que la somme de lait, de foin, de céréales, ou de pommes de terre, nécessaire pour produire une augmentation déterminée de chair, doit renfermer : 1" la quantité de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, d'azote et de matières minérales qui entre dans la constitution de la quantité de chair ù obtenir ; 2° les autres éléments appelés à remplacer ceux que les déjections et les sécrétions diverses expulsent de l'économie. C'est encore ce que les analyses établissent d'une manière incontestable. Elles ont permis de déterminer, d'un côté la quantité des éléments assimilés, et de l'autre celle des éléments rejetés. Ainsi, pour un accroissement diurne de 120 grammes, le porc, d'après M. Boussingault fixe 1(3 grammes de carbone et 4 grammes 8 d'azote. Il brûle, dans le même temps, 661 grammes de car- bone et 4 gr., 4 d'azote. Un autre, pour une augmentation de I6o grammes par jour, devait fixer 22 grammes de carbone, 6 gr., 6 d'azote et brûler 3ol grammes de carbone. Il est évident aussi que le travail de la nutrition, pour donner lieu à un accroissement-rapide doit exiger une alimentation surabondante. Une ration de croissance en rapport avec les forces digestives imprime à ce travail une surac- tivité d'autant plus grande que l'animal est plus jeune et elle permet, dans de court délais, l'élévation de la taille, ainsi que le façonnement des races précoces de bœufs, de moutons, de porcs etc. Dès les premiers jours qui suivent la naissance, l'impulsion nutritive peut arriver à son maximum d'énergie. On sait que les chiens, les lapins de portées peu nombreuses se développent beaucoup plus vite que ceux dont la part de lait est réduite en raison du nombre des co-partageants. J'ai vu un chien, né seul, doubler de poids au bout de cinq jours, — tripler le huitième, — quadji'upler le onzième, alors que ses yeux commençaient à s'ouvrir, — quintupler le treizième, — sextupler le seizième. 11 arrivait à huit fois son poids initial le dix-huitième jour, — à neuf fois le vingt-troisième, — àdix foisle vingt-sixième, — à onze fois le trentième, — à vingt fois le soixantième, conséquemment, dans les deux premiers mois, son augmentation diurne moyenne était égale au tiers du poids le jour de la naissance. De trois en trois jours, il ajoutait à son poids celui qu'il avait au moment de la naissance. Dans les portées peu nombreuses, les jeunes lapins croissent plus xite aussi que je ne le disais tout à l'heure. Les petits pesant oO grammes à la naissance, triplent le douzième jour. — quintuplent le vingt- quatrième. Ils pèsent souvent à la fin du premier mois huit fois leur poids initial, — vingt fois à la fin du deuxième, — vingt-cinq fois à la lin du troisième. Le jeune chien peut donc, en une semaine, éprouver un accroissement proportionnel égal à celui de l'enfant en une année. Pendant la première période de l'allaitement la suractivité de la nutrition, chez les petits, tient à l'abondance de la sécrétion lactée de la mère et cette abondance ne s'entretient que par une grande consommation d'aliments ou par 676 DE LA NUTHITION. le lait d'un amaigrissement progressif de celle-ci. Si l'alimentation est très copieuse la mère peut augmenter de poids en même temps que les petits. J'ai vu une chienne de 28 kilogrammes et ses petits augmenter ensemble de 4 620 grammes en sept jours. Cette augmentation représente une quantité de chair produite, de part et d'autre, égale au sixième de la masse de la mère. L'alimentation abondante, en rendant la croissance plus rapide, ne produit pas, à beaucoup près, une élévation de la taille également considérable dans toutes les espèces et dans toutes les races. Elle grandit beaucoup les bœufs, les moutons et les porcs, mais moins les chevaux, moins encore les chiens et les individus de l'espèce humaine. Aussi, les animaux de certaines espèces ou de certaines races restent-ils petits dans les localités et dans les conditions où d'autres tendent à prendre des proportions gigantesques. La suractivité acquise par la nutrition, sous l'influence d'une abondante et riche alimentation, a cependant des limites quelle franchit rarement et de très peu. Avant de les atteindre, la croissance a ses périodes de ralentissement, ses moments d'arrêt, même de recul. Elle les a extrêmement marquées et de longue durée dans les conditions les plus communes de la vie sauvage, surtout en hiver ou dans les autres saisons où l'alimentation des herbivores devient plus ou moins insuffisante. Le développement rapide est un résultat qu'on cherche à obtenir souvent chez les animaux à cause de ses avantages économiques, car si un animal met un an ou deux de moins pour atteindre son développement complet on a gagné un ou deux ans de rations d'entretien. Mais ce développement rapide rend les sujets lymphatiques, les dispose à l'obésité, fait naître diverses prédispositions morbides. Il doit aussi tendre à abréger la vie, puisque la longévité des espèces animales est en raison directe de la durée de l'accroissement. Une foule de causes peuvent activer ou ralentir la nutrition pendant la crois- sance. A partir d'un certain âge et non au début, l'exercice, le travail modéré exercent sur elle une influence salutaire. Le travail, les efforts agrandissent le thorax, développent les poumons, les muscles, rendent ceux-ci énergiques, augmentent l'appétit et la puissance digestive par une nécessité physiologique impérieuse, puisqu'une seconde ration souvent égale à celle d'entretien doit être élaborée, assimilée et désassimilée. Par contre, le travail combat l'obésité use et tend à faire disparaître les matériaux de réserve, la graisse dont l'accu- mulation devient nuisible au fonctionnement de l'appareil locomoteur et au jeu de divers organes. S'il est certaines maladies qui laissent prendre, après elles, une vive impulsion à ce travail d'assimilation pendant ou après la croissance, la plupart enrayent ce travail, soit momentanément, soit d'une manière durable. Les maladies chroniques sont surtout préjudiciables sous ce rapport. Elles donnent lieu à une perte de temps irréparable une fois que la soudure des épiphyses limite l'allongement des os ; elles rendent rabougris, chétifs, les jeunes sujets quelles frappent et elles en réduisent la longévilé. L'engraissement qui constitue le second résultat de la prééminence du travail d'assimilation sur celui de décomposition, va se montrer avec des caractères STATIQUE CHIMIQUE DE L\ NUTRITION. 677 essentielleincnt dilïôrents de ci'u\ ciui ap[tartieniuMit à l'accroisseinent. Dans celui-ci, il y a une augmentation de poids ou de masse pour toutes les parties de l'économie; le squelette, le système musculaire, la peau, les viscères, etc. Dans celui-là, le système adipeux se développe suivant des proportions considé- rables, sans que les autres parties de réconomie, ou du moins la plupart d'entre elles, éprouvent une augmentation proportionnelle. Mais ces deux états sont compatibles l'un avec l'autre ; l'accroissement et l'engraissement peuvent marcher de front depuis le moment de la naissance jusqu'à l'âge adulte. L'engraissement dérive de deux conditions essentielles : la première, est que l'alimentation fournisse, outre les matériaux nécessaires à la réparation des pertes incessantes de l'économie, les éléments de la graisse; la seconde, est que la force d'assimilation de l'organisme puisse convertir en substance vivante une quantité de matière supérieure à celle qui est éliminée. Aussi, cet état de la nutrition exige-t-il, d'une part, qu'une ration supplémentaire ou de production soit ajoutée à celle que réclame l'entretien de l'organisme ; d'autre part, que les déperditions résultant du travail, de la lactation , etc. , soient suffisamment réduites, afni de rendre d'autant plus prédominantes les acquisitions faites au profit de cet organisme. L'abondance et la valeur nutritive de l'alimentation sont les conditions préli- minaires de l'engraissement. Au bœuf, il faut donner l'équivalent de 4 à S kilo- grammes de foin pour 100 kilogrammes du poids du corps, et l'on obtiendra de cette ration d'entretien et de production, sur un animal de taille moyenne, une augmentation diurne de 7o0 à 1 000 grammes. Le kilogramme de chair et de graisse produit en vingt-quatre heures exigera l'équivalent de 20 kilogrammes de foin. Les aliments que consomme l'animal pour arriver à un certain degré d'em- bonpoint doivent renfermer non seulement le carbone, l'hydrogène et l'azote, qui sont rendus sous forme d'acide carbonique, d'eau et d'urée, mais encore, soit la graisse en nature, soit les principes dont cette substance peut dériver par le fait de métamorphoses spéciales. Or, l'organisme trouve le plus souvent dans les aliments une certaine quantité de matières grasses. Le foin des graminées, des légumineuses, l'avoine, le maïs, les tourteaux des plantes oléagineuses en renferment des proportions plus ou moins considérables. Ces matières grasses sont modifiées dans l'intestin, sous le rapport de leur constitution, et absorbées par les chylifères qui les portent dans le sang. De là, elles peuvent être déposées dans les tissus, employées à la forma- tion du lait et à la combustion respiratoire. Les graisses contenues dans les matières alimentaires jouent le rôle capital dans l'engraissement. Les recherches expérimentales exécutées en Allemagne ont prouvé que dans la proportion d'une partie pour deux de matières azotées, elles produisent un engraissement très rapide. Leur présence accroît même l'assimilation des matières albuminoïdes au point de doubler l'eflet nutritif de ces matières. Mais les graisses n'existent pas toujours en quantité suffisante dans les aliments ; elles ne se trouvent qu'en proportions minimes dans le blé, le seigle, 678 DE LA NUTRITION. le riz, la pouiine de terre, beaucoup de fruits, diverses racines, et celte faible quantité, fùt-elle entièrement absorbée, ne représenterait pas la graisse qui est éliminée par lalactation, la sécrétion biliaire. Il faut donc que, chez les animaux qui s'engraissent ou qui donnent du lait sous Finlluence d'un régime pauvre en matières grasses, la graisse soit formée dans l'économie aux dépens des autres matériaux alimentaires. Or, les observations de divers naturalistes ont appi-is que les abeilles nourries exclusivement avec du sucre produisent de la cire; celles de M. Boussingault ont montré que les animaux entretenus avec des aliments féculents, ou azotés, mais pauvres en principes gras, fixent dans leurs tissus une quantité de graisse bien supérieure à celle que les aliments cèdent au travail digestif. D'après cela, on est naturellement conduit à admettre que la graisse s'est formée dans l'organisme par la transformation des autres principes alimentaires. Liebig pense que la fécule, le sucre, la gomme, en perdant une partie de leur oxygène, se métamorphosent en matières grasses, de la même manière que dans la sève des plantes oléagineuses, l'huile se substitue au sucre vers le moment où les graines arrivent à la maturité. Cette opinion paraît d'autant plus vraisemblable, que le sucre, dans certaines fermentations, donne naissance à des acides gras. M. Boussingault prétend, en outre, que les matières azotées, l'albumine, la caséine, concourent au même titre à la formation de la graisse, car l'albumine, dans certaines conditions, donne naissance à un principe très analogue, sinon identique, à l'acide butyrique. On sait, du reste, que les aliment azotés, quoique associés à très peu de graisse, conduisent cependant les animaux à un degré considérable d'embonpoint. Si l'on réfléchit à l'ensemble des circonstances qui favorisent l'engraissement, comme une nourriture abondante et très substantielle, le repos, l'obscurité, etc., on s'explique, d'une manière satisfaisante, les modifications par lesquelles le travail nutritif le provoque ordinairement. D'une part, les produits que l'absorp- tion fait entrer dans l'économie sont plus que suffisants pour compenser les pertes ; la respiration, peu active, consomme une petite quantité de ces produits non azotés, dont l'excédent peut se convertir en graisse ; la respiration trouvant ses combustibles dans les principes non azotés, respecte les principes azotés, qui peuvent être ainsi intégralement employés à la nutrition ou au développement du système musculaire et des autres tissus. De cette manière, l'accroissement peut marcher de pair avec l'engraissement, et lorsque le premier est achevé, les substances protéiques elles-mêmes peuvent encore, aussi bien que les autres, concourir à la formation de la graisse. Les observations faites sur l'engraissement des animaux établissent qu'il y a un certain rapport entre la quantité d'aliments consommée et la quantité de graisse produite. Seulement, comme elles ont souvent trait à des sujets dont la croissance n'est pas achevée, l'augmentation de poids porte à la fois sur le tissu adipeux et sur les autres parties de l'économie qui se développent simultanément, suivant des proportions inégales. En ce qui concerne l'espèce bovine, un agricul- teur anglais a trouvé que des bœufs de deux ans mis à l'engrais et entretenus avec des aliments variés, augmentaient par jour de 0 lui., 43 à 0 kil.,94, et en cent dix-neuf jours, de SI à 112 kilogrammes. Pour ces animaux, 180 kilogrammes STATIOrTî CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 679 (le foin ou leur ôquiviileiil ilmiiiaient une augmentation de[ioitls vivant (le4 kil.,4 à (î kilogrammes. L'augmentation de poids a été de 14 à 22 kilogrammes pour 100 du poids initial des ruminants soumis au régime de l'engraissement. L'engraissement des bèfes bovines a une limite qui est atteinte, en général, au bout de 3 à 4 mois. Si l'animal, en bon état, au début, pèse par exemple, 600 kilogrammes il n'arrive guère, l'engraissement achevé, qu'à 7.o0. Son gain total est égal à 1/4 du poids initial ou à 2.5 pour 100. Le porc, qui possède une très grande aptitude à l'obésité, se charge d'une quantité de graisse supérieure à celle qu'il trouve dans son alimentation. D'après les recherches de M. Boussingault, un jeune porc du poids de 6o0 grammes au moment de la naissance, et recevant dans l'espace de huit mois 6 kil.,740 de graisse avec ses aliments, en donne 1.5 kil.,480 après cette période; par consé- quent, 8 kil.,740 de plus qu'il n'en a reçu : cet excédent a dû nécessairement provenir des autres principes de l'alimentation. Neuf porcs ont donné, au bout de quatre-vingt-div-huit jours, un excédent de 43 kilogrammes de graisse sur la quantité de cette substance prise avec les aliments consommés. Le porc, parvenu à un état d'embonpoint avancé, offre, en moyenne, de 30 à 3o pour 100 de graisse. L'engraissement des autres animaux domestiques, de même que celui du porc, démontre, avec la dernière évidence, que toute la graisse qui s'accumule dans le tissu adipeux ne provient pas de celle des aliments. M. Persoz et M. Boussingault, par des expériences faites sur les oies et sur les canards, ont constaté que ces palmipèdes, dans un espace assez court, fixent une quantité de graisse à peu près double de celle qui est offerte par les aliments. M. Boussingault a pris onze oies de même âge, et d'un poids sensiblement le même. Cinq d'entre elles ont été tuées pour servir au dosage de la graisse; les six autres, pesant ensemble 20 kil.09, ont été pendant trente et un jours soumises au régime du maïs, dont elles ont consommé ensemble 71 kil., 89 contenant 5 kil., 032 de graisse. Au bout de ce temps, les six oies ont éprouvé une augmentation totale de poids de 11 kil., 02. D'après la composition des oies maigres prise pour terme de comparaison, les six autres, qui devaient avoir 1 kil.,7o2 de graisse initiale, en ont acquis pen- dant l'expérience 8 kil., 264, c'est-à-dire 3 kil., 190 de plus qu'il n'en existait dans les aliments. Chaque oie a trouvé 27 grammes d'huile dans son ma'is ; elle en a rejeté 3 avec les excréments, mais comme elle en a acquis par jour 41 grammes, elle a du nécessairement en former 17 aux dépens des autres principes alimentaires. L'excédent de poids, indépendant de la graisse, et acquis par les oies, tenait à l'accroissement du système musculaire. Il faut, pour arriver à saturer l'organisme de graisse, un temps variable suivant les espèces, les races et l'état initial des sujets soumis au régime de l'engraissement. Le porc, dont l'aptitude à l'engraissement est excessive, peut, en trois mois, arriver à un embonpoint moyen, et en quatre ou cinq atteindre le degré le plus élevé de l'obésité. Dès la fin de la première année ou vers le milieu de la seconde, qui est à peu près le moment où la croissance est achevée, il peut arriver à cet état. Le bœuf en quatre ou cinq mois, gagnant 1 kilogramme par jour, accroît sa masse initiale de 20 à 25 pour 100. Mais les volailles, et surtout 680 DE LA NUTRITION. les petits oiseaux, atteignent le maximum de l'engraissement en un temps beaucoup plus court : la caille, le rouge-gorge nous en donnent la preuve, A ce moment, la graisse peut représenter 35 à 38 pour 100 du poids du corps, sur le porc et même sur le mouton. Il est donc incontestable, d'après toutes les données acquises sur l'engraisse- ment, que l'organisme s'assimile, outre la graisse contenue dans les aliments, une quantité notable de graisse formée aux dépens des matières sucrées, fécu- lentes, ou des principes azotés. Conséquemment^ la formation de la graisse est un phénomène commun aux plantes et aux animaux, et lion pas un phénomème propre aux premières, comme certains auteurs l'avaient prétendu. Le transport et le dépôt dans les tissus de celles qui proviennent des aliments n'a rien d'obscur. Les graisses, plus ou moins divisées et émulsionnées dans l'appareil digestif passent dans la veine porte et les chylifères, elles rendent le sérum du sang opalin, le chyle laiteux ; par le sang, elles sont ensuite dispersées dans tout l'organisme ; il suffit de quelques heures à ce liquide pour s'en débarrasser en grande partie et perdre son opalinité. Enfin, du sang elles passent dans les cellules du foie, oii leurs gouttelettes restent souvent distinctes et peuvent être comptées, surtout dans les cellules dites adipeuses préparées spécialement pour leur servir de réceptacles. Elles gonflent alors ces cellules dont l'aspect change par le fait d'une extrême réplétion. Et, en cas d'insuffisance de ces petits réservoirs, il s'en constitue de nouveaux aux dépens des matières albuminoïdes. La graisse qui se fixe dans l'organisme a des lieux particuliers d'accumulation quelque peu variables suivant les animaux. Bien quelle infiltre presque tous les tissus, muscles, os, elle se rassemble sous la peau, pour former un pannicule ou une doublure très épaisse, notamment chez les pachydermes, à la face interne des parois abdominales, dans les mésentères, les épiploons, autour des reins, etc., et dans certains organes, comme le foie qui en éprouve une véritable stéatose. La faible vascularité du tissu adipeux indique suffisamment qu'il est peu vivant et que son entretien occasionne peu de dépenses à l'organisme. Les éleveurs et les zooteclmiciens ont cà étudier, surtout au point de vue économique et gastronomique, la question de l'engraissement pour la solution de laquelle les données de l'observation, de la pratique agricole doivent servir de guide. Les anciens, notamment parmi les agronomes latins, nous ont fourni de précieux enseignements. Us poussaient les raffinements de l'art d'en- graisser à un point qui n'est guère dépassé aujourd'hui. Varron^ nous le prouve en nous montrant comment, dans des volières ingénieusement disposées, les grives et les merles, recevaient le millet pilé et les figues, avec des baies de lentisque, de myrthe et de lierre, pour aromatiser leur chair en la rendant savou- reuse et excitante. 3. Nutrition avec excès de désassimilation Maintenant que nous avons vu les résultats de la prédominance du travail d'assimilation sur celui de décomposition, il faut examiner ceux qui caractérisent 1. Varron. Livre III, art. V. STATIQUE CniMIQUE DE LA NUTRITION. 681 VC'Vàl inver^o de la nul rit ion, c'est-îi-dire la prédominance du travail de destruc- tion sur celui d'assimilation ; deuxième état qui dérive de l'abstinence prolongée, d'une alimentation insuffisante, de déperditions excessives, de diverses maladies, d'une extrême vieillesse, etc. Si les pertes éprouvées par la combustion respiratoire, la transpiration et les excrétions diverses, ne sont pas réparées aux dépens des matières alimentaires, ou si elles ne le sont qu'en partie, l'organisme se détruit peu à peu, le corps diminue progressivement de poids jusqu'au moment où l'état des organes devient incompatible avec l'entretien de la vie. Alors la masse du sang se réduit, la graisse accumulée dans les tissus disparaît peu à peu, le système musculaire s'atrophie et la masse de la plupart des organes éprouve une réduction plus ou moins considérable. L'abstinence à laquelle on soumet les animaux permet de suivre, dans toutes ses phases, cette altération du travail nutritif. Le travail de la nutrition est tellement réglé dans l'organisme animal que si l'alimentation n'apporte plus exactement, en quantité et qualitativement, ce qui est nécessaire pour combler le déficit qui se produit sans cesse, la masse du corps éprouve une réduction représentant très exactement la différence entre l'apport et la dépense. Si l'apport est nul, la réduction sera énorme, comme nous le verrons tout à l'heure. Dans ces conditions, l'appoint des matériaux ou leur totalité, est empruntée, à l'organisme: l'animal dévore en réalité sa propre substance, l'emploie au même usage, et la détruit tinalement de la même manière que la substance alimentaire venue du dehors ; alors l'absorption interstitielle supplée l'absorption intestinale à laquelle les matériaux du dehors cessent d'être offerts ; elle réclame exactement à chaque partie une contribution proportionnée à sa masse : au système muscu- laire la fibrine et l'albumine destinées à réparer le plasma du sang ; aux tissus blancs l'albumine seulement ; au tissu adipeux ce qui doit entretenir la chaleur animale, aux viscères, aux glandes, à la peau, aux os eux-mêmes, des éléments très divers qu'elle rapporte ensemble et mêlés. En même temps l'oxygène opère sur place les diverses combustions qui maintiennent la température du corps à peu près à l'état normal. Conséquemment, les phénomènes de la nutrition pendant l'abstinence ne présentent rien d'exceptionnel et d'insolite. Ces phénomènes qui ont, dans les circonstances ordinaires, une faible activité et marchent de front avec ceux de l'alimentation, sont ici exagérés, isolés et les matériaux qui se détiuisent ne sont point remplacés. Au fond, la nutrition s'opère sur un plan imiforme. Si la matière vivante qui se détruit est plus que compensée par la matière extérieure, il y a accroissement ; si elle l'est exactement, il y a équilibre ou état stationnaire ; si elle est incomplètement remplacée, il y a amaigrisse- ment et atrophie; enfin, lorsqu'elle ne l'est pas du tout, comme dans l'absti- nence, l'usure arrive vite à son terme. Bien qu'il y ait, en réalité, chez les animaux privés d'aliments, une véritable nutrition intérieure, celle-ci n'a plus exactement son cachet normal. Dans la nutrition ordinaire, il y a un double courant, l'un apportant à l'organisme les matières du dehors, l'autre entraînant à l'extérieur les matières que la vie a usées. Le premier est irrégulier et intermittent; il a des périodes de ralentisse- 682 BE LA NUTRITION. ment et des temps d'arrêt plus ou moins prolongés. Le second, au contraire, est continu et irrésistible ; diverses causes peuvent le ralentir, aucune n'est capable de l'arrêter. Dans la nutrition, lors de l'abstinence, le courant qui devrait apporter les matières du dehors est remplacé par un simulacre. La propre substance de l'organisme tient lieu d'aliments : elle est empruntée à toutes les parties ; puis elle leur est restituée sous une nouvelle forme avant d'être détruite et éliminée. Il en résulte que les organes se restaurent aux dépens de la masse commune. L'édifice menacé de ruine répare ses brèches avec ses matériaux mêmes. L'examen des résultats donnés par l'abstinence est nécessaire pour étayer ces propositions et caractériser toutes les particularités relatives à la dénutrition. Ces résultats ont été constatés dans mes expériences sur un grand nombre d'animaux solipèdes, bêtes bovines et ovines, porcs, chiens, chats, lapins, rats et oiseaux, (tels que coq, dindon, canard et moineaux), les uns jeunes, les autres, adultes placés dans des conditions, tantôt uniformes, tantôt variées, afin de rendre possible une appréciation comparative de l'influence de l'espèce, delà taille, de l'âge, de l'embonpoint, de la maigreur etc., sur le travail de désassimilation qui, à un certain moment, compromet l'existence et à un autre détermine fatalement la mort. Toutes ces expériences, dont je citerai ici les principales, étaient nécessaires pour mettre en évidence les aspects divers de la dénutrition et montrer les dangers que cet état crée à des moments qu'il importe de connaître. Tout d'abord, je ferai remarquer que la plupart des expériences dont on a tiré des conclusions générales, portent sur des animaux de petite taille et quelles sont très loin d'indiquer ce qui se passe sur les grands et dans l'espèce humaine. Pour trouver la grande loi des déperditions dues à l'abstinence il faut déterminer la proportion suivant laquelle elles s'effectuent dans les principaux groupes d'animaux et dans les espèces comprises entre les maxima et les minima de la taille, car, comme nous le verrons, il y a des différences énormes entre les pertes des grands animaux et celles des petits. Sous ce rapport j'examinerai successivement ce qui se passe sur le cheval, les grands ruminants, le mouton, le porc, le chien, le chat, le lapin, le rat, entin sur les oiseaux de basse-cour, et sur quelques autres. Un premier cheval, du poids de 405 kilogrammes, bien musclé et assez gras, en expérience, par les fortes chaleurs de l'été, supporta la privation complète d'aliments pendant trente jours, en consommant seulement en moyenne chaque jour 1 400 grammes d'eau. Il perdit seulement, en tout, 80 kilogrammes, ou 2 666 grammes par chaque période de vingt-quatre heures, soit 6 grammes 1/2 par kilogramme de poids vif. Sur le solipède dont il s'agit les déperditions étaient réduites au minimum, soit par jour à un 151" du poids du corps ou 6 grammes 1/2 par kilogramme. Il demeurait calme, n'était soumis à aucune excitation, ni extérieure, ni intérieure. La température de juillet ne rendait pas nécessaire une calorification active. Mais, sur les suivants, les pertes, par des causes diverses, ont pris de plus grandes proportions. Elles se sont élevées à mesure que la température baissait ou que l'animal se trouvait excité par l'exercice, la fièvre ou un état morbide un peu grave. STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 683 Un second cheval, poney de très petite taille, pesant 163 kilogrammes ou un tiers du poids moyen des animaux de celte espèce fut, en novembre, soumis à une abstinence de 19 jours. Il perdit en somme 39 kilogrammes ou à peu près le quart de son poids initial, au lieu d'un cinquième, et ()ar période de vingt- quatre heures, 2 0o7 grammes ou la 79" partie du poids du corps. Sa perte diurne était donc sensiblement double de celle du premier ou, 12 grammes 1/2 par kilogramme, au lieu de 6 grammes 1/2. Ce cheval était morveux. Un troisième, du poids de 3ol kilogrammes, un peu malade aussi, perdit en 18 jours d'abstinence, 89 kilogrammes, soit à peu près 5 kilogrammes par vingt-quatre heures ou la 70'^ partie du poids du corps. Il dépensait plus- que le poney, probablement parce qu'il était très maigre. Celui-ci encore perdait, comme on le voit, le double du cheval dont le jeune avait duré un mois. Un quatrième cheval, énorme, morveux, avec fièvre, pesant 504 kilogrammes, perdait le premier jour 20 kil. 200, — le deuxième 13kil. 800, — le troisième It) kilogrammes, — le quatrième 15 kil. 500, en tout, pour ces quatre jours, 65 kd. 500. Sa perte absolue diurne de 16 kil. 375 était donc de 1/31® du poids du corps, ou de 32 gr. 49 par kilogramme. C'est la plus forte que j'aie constatée, et je pense quelle est rarement atteinte. Un autre, eniin, de 193 kilogrammes, souffrant d'une légère opération chirur- gicale perdait 8 kil. 350 par vingt-quatre heures, dans les deux premiers jours ou trois fois autant que deux des précédents et six fois 1/2, autant que le premier ou 43 grammes par kilogramme au lieu de 6 gr. 5, mais cette perte des deux premiers jours est constamment de beaucoup plus élevée que celle des jours suivants et elle ne doit pas être comparée à la moyenne obtenue dans les cas d'abstinence de longue durée. Les grands ruminants peuvent perdre dans la même proportion. Une génisse d'un an pesant 146 kilogrammes, diminuait dans les premiers jours de 4 kil. 250 en vingt-quatre heures, 1/34^ du poids du corps, soit 29 grammes par kilo- gramme. Entre la perte diurne de 6 gr. 1/2 et celle de 43 grammes par kilogramme, c'est-à-dire entre une perte comme 1 et une perte comme 6 1/2 qu'éprouvent les solipèdes et les grands ruminants, tous les intermédiaires doivent se trouver pour les animaux de grande taille. Les pertes du mouton m'ont paru tenir presque exactement le milieu entre les pertes minima et maxima de ces premiers herbivores. En voici un exemple donné par un mouton du poids de 30 kilogrammes qui vécut 22 jours sans aliments ni boissons à une tempé- rature constante de 15 à 16 degrés. Sa perte totale a été de 12 kil. 850 ou de 42 centièmes et sa perte moyenne diurne de 1/51'^ du poids du corps ou de 19 grammes 1/2 par kilogramme près de 3 fois celle de notre premier cheval. 684 DE LA NUTRITION. Teftes d'un mouton de 30 kil. jicndant une abstinence de 22 jours. Jours de l'abstinence. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 Poids chaque jour de l'abstinence. 30\ 28 ,536 27 ,500 26 ,800 26 ,050 25 ,600 25 ,200 21 ,650 24 ,200 23 ,900 23 ,450 23 ,100 22 ,700 22 ,400 21 ,850 21 ,300 20 ,900 20 ,450 19 ,994 19 ,750 19 .300 18 ,200 17 ,150 Pertes moyennes. Pei-te diurne absolue. 14645' 1036 700 750 450 400 550 450 300 450 350 400 300 550 550 400 450 456 244 450 1100 1050 Mort. 584»', 09 Perte diurne parkil du poids de chaque jour. 488',80 36 ,30 25 ,45 27 ,98 17 ,27 15 ,62 21 ,82 18 ,25 12 ,39 18 ,82 14 ,92 17 ,31 13 ,21 24 ,55 25 ,17 18 ,77 21 ,53 22 ,29 12 ,20 22 ,78 56 .99 57 ,69 Perle diurne par kil. du poids initial. 48e',80 34 ,53 23 ,33 25 ,00 15 ,00 13 ,33 18 ,.33 15 ,00 10 ,00 15 ,00 11 ,66 13 ,21 10 ,00 18 ,33 18 ,33 13 ,33 15 .00 15 ,20 8 ,13 15 ,00 36 ,66 35 ,00 24«',45 19*S46 Le porc qui, en raison de l'abondance de sa graisse est dans d'excellentes conditions pour vivre à ses dépens pendant l'abstinence, la supporte très bien, même dans le jeune âge et assez longtemps pour employer à sa nutrition non seulement les 40 centièmes de sa masse, mais même plus de la moitié de cette masse. Celui qui fait le sujet du tableau suivant l'a soufferte 32 jours (abstinence sans boissons), à une température à peu près constante de 15 à 16 degrés, en perdant par jour l/o8' du poids du corps. Sa perte totale excédant la moitié fut de 53 centièmes. Pertes d'un porc pendant un jeûne de 32 jours. Jours Poids du corps Perte absolue Perte diurne par kil. Perte diurne de par chaque jour de du poids par kil. jeûne. déjeune. chaque jour. de chaque jour. du poids initial. 1 15\370 2070S'' 134s%67 1348',67 2 13 ,300 600 45 ,11 39 ,03 3 12 ,700 500 39 ,37 32 ,53 4 12 ,200 300 24 ,59 19 ,51 5 11 ,900 290 24 ,36 18 ,86 6 11 ,610 160 13 ,78 10 ,40 7 11 ,450 400 34 ,93 26 ,02 8 11 ,050 100 9 ,04 6 ,.50 9 10 ,950 450 41 ,09 29 ,27 10 10 ,500 300 28 ,57 19 ,51 STATIQUE CniMIOUE DE LA NUTRITION. 685 Jours Poids du corps Perte absolue Perte diurne par kil. Perte diurne de par chaque jour de du poids par kil. jeuue. déjeune. chaque jour. (ie chaque jour. du poids initial 11 10 ,200 200 11 ,76 13 ,01 12 ] 0 ,000 166 16 ,60 10 ,80 l:j 9 ,834 234 23 ,79 15 ,22 11 9 ,000 120 12 ,50 7 ,80 15 9 ,480 280 29 ,53 18 ,21 1(5 9 ,200 » , „ „ 17 9, 200 100 10 ,86 6 ,50 18 9 ,100 200 21 ,97 13 .01 19 8 ,900 300 33 ,70 19 ,51 20 8 ,r,oo 180 20 ,93 11 ,71 21 8 ,420 120 14 ,25 7 ,80 22 8 .300 70 8 ,43 4 ,55 23 8 ,230 160 19 ,68 10 ,40 24 8 ,070 120 14 ,88 7 ,80 25 7 ,950 300 37 ,73 19 ,51 26 7 ,650 100 13 ,07 6 ,50 27 7 ,550 200 26 ,49 18 ,01 28 7 ,350 80 17 ,89 5 ,27 29 7,270 200 27 ..50 13 ,01 30 7 .070 120 16 ,97 7 ,80 31 6.950 50 7 .19 3 ,25 32 6 ,900 50 7 .29 3 ,25 33 6 .850 " > « 266^^25 25 ,43 17«',32 L'activité de la dénutrition chez les chiens et les autres carnassiers est com- parable à ce quelle est chez les herbivores et les omnivores, tous soumis, au même régime par Tautophagie. Le chien ne change pas en réalité de régime par le jeune qui doit lui être, ce semble, plus supportable qu'aux solipèdes et aux ruminants. Néanmoins, contrairement à l'opinion accréditée, il ne vit guère plus sans aliments que les animaux dont il vient d'être question et quelquefois il ne vit même pas autant, dans des conditions qui paraissent identiques des deux côtés. Voici quelques exemples des résultats du jeune chez les animaux de cette espèce. Un chien épagneul, en bon état est privé d'aliments, mais avec de l'eau à sa disposition, pendant 9 jours, après lesquels il est tué. Il pèse au début, 18 ooO grammes. Ses pertes sont : PERTE ABSOLUE. PERTE PAR KIL. Le 1" jour de 880e' 47e',42 Le 2e — 400 21 ,56 Le 3e — 330 17 ,78 Le 4e — 350 18 ,86 Le .5e -^ 290 15 ,63 Le 6e — 260 14,01 Le 7e — 240 12 ,93 Le 8e — 2.50 13 ,47 Le 9e — 230 12 ,45 Perte totale 3,230 174 ,12 Perte movenne diurne absolue 359 18 ,70 686 DE LA NUTRITION. Ce chien, pour user ses 40 ù 50 centièmes avait encore de 12 à 18 jours à vivre. Il pouvait supporter, en somme, jusque 28 jours déjeune. Un autre chien d'arrêt, du poids de 22 kil. 200, est soumis à une abstinence de 15 jours, en recevant de l'eau, après lesquels on le remet à son régime. Il perdit : Le 1" jour 2008'' ou 9 millièmes. Le 2e jour 280 12 — Le 3e et le 4« jour (ensemble) 950 42 — Le 5e et le 6e jour (ensemble) 650 29 — Le 7e et le 8» jour (ensemble) 100 41111 1/2. Le 9e jour 220 10 millièmes. Le 10e jour.' 450 20 — Le lie jour 400 is — Le 12'- jour 200 9 — Le 13e jour 200 9 — Le lie jour 250 11 — Le 15e jour 300 13mm 1/2. Perte totale, 4 200, soit 189 millièmes, par différence, entre le poids du premier et celui du quinzième jour. Perte diurne moyenne 280 grammes ou 1/79^ du poids initial et 1/64 du poids réduit au quinzième jour. Deux autres chiens sont soumis à l'abstinence complète, c'est-à-dire privés de boisson en même temps que d'aliments et laissés dans une niche ouverte, à la température de décembre. L'un, terre-neuve du poids de 32 kil. 450, perd : Le 1" jour., . . . , , 800 ou 24 millièmes, 5. Le 2e jour 550 17 millièmes. Le 3« jour 780 24 — Le 4e jour 520 16 — Total 2,650, soit 81 millièmes, 5. en moyenne par jour 664, ou 20 millièmes (20 grammes par kilogramme du poids initial). Le froid a donc augmenté les pertes dans une proportion considérable. On sait en effet qu'il rend l'abstinence dil'ficilement supportable. Enfin un quatrième chien, terrier, de petite taille, très gras, soumis à l'absti- nence complète (d'aliments et de boissons) tenu, du commencement à la fin, à la température extérieure de décembre dans une niche isolée est mort après 14 jours 1/2 de ce jeûne. Le tableau suivant résume l'expérience. Pcrto diurne absolue. l'crtc par kilog. du poids de chaque jour. Perte par kili du poids inilia! 4058-- 52»' ,22 528%22 370 50 ,34 47 ,71 225 32 ,23 29 ,01 205 30 ,34 26 ,43 220 33 ,58 28 ,36 151 23 ,85 19 ,47 12!) 22 ,53 16 ,63 117 21 ,40 15 ,08 140 26 ,16 18 ,05 120 23 ,03 15 ,47 35 6 ,87 4 ,51 » » • STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 687 Pcrtca d'un chirn ) 1/2. Jours Poids de l'abstinence. de chaque jour. !"■ 77556' 2e 7350 3° 6980 4'-- 6755 5e 6550 6e 6330 79-lOe 5725 llc-12= 5467 13e 5350 14e 5210 15e 5090 15e l'2 5075 Moyennes 184»%82 29 ,32 235^85 Sur d'autres animaux, les choses se sont passées à peu près comme sur le cheval, les ruminants, le porc, les chiens. Un chat énorme et très gras, pesant 5 838 grammes, séquestré dans un \aste panier exactement fermé, n'a reçu ni aliments, ni boisson pendant vingt-neuf jours. Au bout de ce temps, il avait perdu 1 733 grammes, ou un peu plus du tiers de son poids, soit 59 grammes 7 décigrammes par chaque période de vingt- quatre heures. En conséquence, il consommait 10 grammes 22 de sa substance par chaque kilogramme de sa masse, au lieu de 6 grammes 58 comme le cheval. Moyennant cela, sa température n'éprouva pas un abaissement de plus d'un demi-degré. A l'autopsie, je trouvai beaucoup de graisse encore sous la peau, dans les interstices musculaires ; il y en avait 100 grammes, tant sur les parois internes du ventre que dans les mésentères. Les cellules du foie en présentaient de grosses gouttelettes. Le sang conservait ses caractères normaux : il contenait 139 milligrammes de sucre'pour 100, ou sensiblement la proportion ordinaire. La substance hépatique n'en avait pas moins de 2 grammes 800 milligrammes pour 100. Tout se passait donc là comme chez le cheval. Un autre chat, du poids de 3 300 grammes, tenu enfermé sans aliments ni boissons à une température constante de 15 degrés, a vécu 30 jours, en perdant 1 480 grammes, bien près de moitié, ou en moyenne par jour 49 gr. 3, soit 44 gr. 8 par kilogr. du poids initial. Un troisième chat adulte, du poids de 3 180, aussi sans aliments ni boissons, n'a vécu que 23 jours en perdant par vingt-quatre heures 46 gr. 5, en tout 1 070 grammes, environ le tiers de son poids initial, sans que rien ne parut expliquer sur celui-ci une moindre résistance à l'autophagie. Mais, un chat plus jeune, privé aussi d'eau, est mort après 10 jours, en no- vembre, avec une perte de 53 grammes par jour, et en somme de 608 grammes pour un poids initial de 1700 grammes, encore le tiers du poids, usé plus vite, cette fois, en raison de l'âge. Ce jeune chat, a détruit en 10 jours la provision que le précédent n'a employée qu'en 23. 688 DE LA NUTRITION. C'est particulièrement sur le lapin que toutes les variations des pertes par l'abstinence ont pu être étudiées avec précision, surtout à cause de l'exactitude des pesées qu'il est difficile d'atteindre pour les très grands animaux. Voici pour 25 individus de cette espèce, de divers âges et dans des conditions variées, les résultats obtenus. Ils sont rangés dans l'ordre croissant de la durée du jeûne. On notera, d'une part, que les plus fortes pertes sont celles des ani- maux jeunes, et, d'autre part, que ces pertes pour les animaux soumis à une abstinence de courte durée, sont très supérieures à celles d'une abstinence pro- longée aboutissant à la mort. Pertes par Vah$tinence chez les lapins. No» 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Age. Adulte 5 mois 2 mois 5 mois Jeune Jeune Très jeune Adulte Adulte Presque adulte... Jeune Adulte Adulte Jeune Jeune Jeune Jeune Adulte Jeune Jeune Presque adulte.. . Presque adulte.. . Adulte Adulte Poids Durée de l'abst. Perte diurne Perte diurne initial. Jours. absolue. eu millièmes. 5760^^ 1 75'^ 13 2915 1 80 27 7.52 1 135 179 3985 2 160 40 1920 2 117 60 423 2 3/4 44 104 348 31/2 33 98 4325 4 114 26 3410 3 2/3 139 41 2700 5 137 50 1335 5 1/2 86 64 3440 7 96 26 3590 9 96 29,5 1625 9 66 40,5 1885 10 77,5 41 1825 10 70,5 38,5 1865 10 1/2 74,7 40 4015 11 114,5 27,75 1907 12 64,7 33,5 1777 14 54 . 30,5 2290 161/2 70 30,5 2965 29 55,7 18,5 4540 30 59 13 4220 36 64 15 La plus longue abstinence d'aliments et de boissons que j'aie observée jusqu'ici sur le lapin, est résumée dans le tableau suivant. L'animal qui l'a supportée était musclé et gras. Il a été tenu dans un local à température constante de 15 à 16 degrés. Pertes, par une abstinence de 36 jours (lapin). Poids Perte Perte diurne de absolue pour 1 kil. Jours. chaque jour. parjour. chaque jour. 1 4220B' 90»^ 21,32 2 4130 158 38,25 3 3972 62 15,60 4 3910 42 10,74 5 3868 38 9,82 6 3830 265 69,19 7 3565 105 29,45 Perte diurne pour 1 kil. du poids initial. 21,32 37,44 14,69 9,95 9,004 62,79 24,88 STATIQUE CHIMIQUli DE LA NUTRITION. 689 Jours 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 2^ 26 27 28 29 30 31 32 • 33 34 35 36 37 Perte moyenne diurne Poids Perte Perte diurne Perte diurne de absolue pour 1 U. pour 1 liil. chaque jour. par jour. chaque jour. du poids initial 3460^' 77«r 22»--,25 18sr,24 3383 33 9 ,75 7 ,81 3350 105 31 ,34 24 ,88 3245 80 24 ,65 18 ,95 3165 62 19 ,58 14 ,69 3103 48 15 ,46 11 ,37 3055 65 21 ,73 15 ,40 2990 50 16 ,72 11 ,84 2940 65 22 ,10 15 ,40 2875 63 21 ,91 14 ,92 2812 62 22 ,04 14 ,69 2750 45 16 ,36 10 ,66 2705 55 20 ,33 13 ,03 2650 50 18 ,86 11 ,84 2600 50 19 ,23 11 ,84 2550 65 29 ,41 15 ,40 2485 50 20 ,12 11 ,84 3435 55 22 ,58 13 ,03 2380 55 23 ,10 13 ,03 2325 45 19 ,35 10 ,66 2280 55 24 ,12 13 ,03 2225 42 18 ,87 9 ,90 2183 53 24 ,27 12 ,55 2130 52 24 ,41 12 ,32 2078 66 31 ,76 15 ,68 2012 52 25 ,84 12 ,32 1960 57 29 ,08 13 ,50 1903 38 19 ,96 9 ,00 1865 58 31 ,09 13 ,74 1807 » » » urne 67,02 27 .77 15 .88 On remarquera que les pertes éprouvées par les animaux, dans la période où l'excès du lest de l'appareil digestif est éliminé, sont parfois extrêmement irré- gulières et que leurs oscillations ne s'expliquent pas entièrement par le travail des combustions et des séci^étions. Une des causes supplémentaires de ces grands écarts est relative à l'expulsion de l'urine qui, chez le lapin, peut n'être effectuée qu'à plusieurs jours d'intervalle ou après une accumulation de loO, même de 200 grammes et plus. Les rats et les souris, parmi les mammifères, sont de ceux qui perdent le plus par l'abstinence; aussi périssent-ils dans des délais très courts, souvent même en 24 ou 48 heui^es, surtout s'ils sont exposés à l'influence du froid. Les jeunes, notaiument, n'ont aucune résistance. Ils perdent souvent en 24 heures, propor- tionnellement à leur masse, 10, 20, 30 fois et plus que les grands animaux, le cheval et le bœuf, par exemple. Le chiffre élevé de leurs pertes est eu rapport avec l'énorme consommation d'oxygène et la non moins grande production d'acide carbonique observées chez ces animaux. C'est parce que ces pertes sont énormes que la provision de matériaux sus- ceptibles d'entretenir l'autophagie est épuisée en un temps extrêmement court. D'ailleurs, cette provision disponible est proportionnellement moindre que chez l'adulte. Elle ne représente le plus souvent que 20, 25 et à peine 30 pour 100 de o. coLiiN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 44 690 DE LA NUTRITION. la masse du corps. Jamais, chez eux, elle ne s'élève comme chez Tadulte à 50, ni même à 40 centièmes. Aussi, dans les conditions ordinaires, l'abstinence, même seulement l'alimentation insuffisante, deviennent, pour les rongeurs qui dévas- tent les champs, des moyens prompts et très sûrs de destruction. Pertes de 30 rats par V abstinence cValimenls et de boissons. Poids Durée Perte Perte N°* initial de la -vie totale diurue des rats. des rats. en heures. absolue, en. millièmes. Observations. 1 2958f 192 lOSB"- 47,5 Temp. + 15. 2 218 96 48 55 — 3 195 120 53 55 — 4 175 116 63 74 — 5 168 108 51 67 — 6 157 132 52 60 — 7 152 108 45 65 — 8 150 84 52 100 — 9 143 117 40 57 — 10 142 60 44 293 Exp. à un froid intense. 11 138 44 33 130 Temp. basse. 12 106 228 38 36,5 Temp. + 15. 13 102 56 27 109 Temp. basse. 14 98 117 36 73,5 Temp. moyenne. 15 95 59 25 105 — 16 77 286 .35 39 — 17-18 (ens.). 152 36 15 66,5 — 19 75 72 26 115,5 — 20 65 45 17 139 Exp. à un froid intense. 21 .55 16 10 272,5 — 22-26 (ens.). 157 54 48 127 27-30 (ens.). 113 48 26 105 L'abstinence entraîne chez les oiseaux des pertes proportionnellement beau- coup plus considérables que chez les mammifères, comme on peut le prévoir d'après la suractivité qui caractérise les fonctions de ces vertébrés. D'ailleurs, elles sont encore en rapport avec la taille, et si elles tuent les petits en deux ou trois jours, même dans des délais plus brefs, elles permettent aux grands de vivre 30, 40 jours et plus, ou aussi longtemps que les mtimraifères. En voici quelques exemples : Une oie grasse, du poids de 4800 grammes, privée d'aliments, mais recevant de l'eau à discrétion, vécut quarante- quatre jours, au bout desquels elle avait éprouvé une perte totale de 2 475 grammes, ou la moitié de son poids primitif. La perte diurne moyenne fut donc de 56 grammes 27, soit 11 grammes 72 par kilogramme du poids vif. Dans les trente-cinq premiers jours, la température du corps fut maintenue à 41 degrés centigrades ; l'avant-dernier, elle se trouva à 40 degrés. Après la mort, je fis la statistique suivante : 1" La peau, les muscles et le sang pesaient 986^^ 2o Les viscères , 254 3" Les os 419 5" Les plumes et les produits cornés 179 5" La graisse libre .; 446 Perte 41 Total 2325 STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 691 Ainsi, la graisse libre représentait encore, après la mort, le cinquième du poids du corps ; le système musculaire n'était point trop atrophié ; enfin, le foie conservait du sucre dans la proportion de 2 grammes 4 centigrammes pour 100. Abstinence cVune oie (jrasse. Perte diurne Perte diurne Jours. Poids. Perte absolue. moyenne absolue. par kilogr. 1er 48005' (Poids init.) » » » 6e 4290 510»' 102»%.. 21s'-,25 13e 3970 820 45 ,7 10 ,63 17e 3865 105 26 ,25 6 61. 21e 3642 223 55 ,7 14 ,41 25e 3490 152 38 ,.) 10 ,43 28e 3305 195 65 ,» 18 ,62 31e 3200 105 35 ,» 10 ,59 35e 3080 120 30 ,» 9 ,27 41e 2615 465 77 ,5 25 ,16 44e 2325 290 97 ,« 37 ,09 Le coq, la poule, le dindon, qui n'ont pas une provision adipeuse de l'abondance de celle de l'oie, perdent plus en un temps donné, car il faut plus de muscle que de graisse pour produire la même quantité de chaleur. Ils meurent aussi dans des délais' moins longs que le palmipède dont l'embonpoint est arrivé à son extrême limite. Le coq de l'expérience suivante vécut seulement 17 jours sans aliments ni boissons, en perdant plus de la moitié de son poids. Pertes d'un coq soumis â une abstinence de il jours. Jours. Poids de chaque jour. Perte absolue par jour. Perte diurne pourl kil. du poids de chaque jour. Perte diuriie pour i kil. du poids initial, 1 1770«' 155S' 875',57 87ï--,57 2 1615 80 49 ,53 45 ,19 3 1535 ' 45 29 ,31 25 ,42 4 1490 45 30 ,20 25 ,42 5 1445 37 25 ,60 20 ,90 6 1407 35 24 ,87 19 ,77 7 1372 37 26 ,96 20 ,90 8 1335 35 26 ,21 19 ,77 9 1300 35 26 ,92 19 ,77 10 1265 42 33 ,20 23 ,72 11 1223 48 39 ,24 27 ,11 12 1175 43 36 ,59 24 ,29 13 1132 55 48 ,58 31 ,07 14 1077 50 45 ,49 28 ,25 15 1027 54 52 ,57 30 ,50 16 973 71 72 ,97 40 ,10 17 902 65 72 ,06 50 ,84 18 837 1 )) » 19 836 n )) )) iTPnnes. .... 53,06 42^^81 SOï-- En regard de ces deux premiers sujets, voici les pertes éprouvées par quelques autres : Oiseaux. Perte d iurne P( srte diurne . moyenne absolue. moy. en raillièmes. Observations. " ST^-- ,5 12 178 39,5 47 9,5 56 33,5 53 30 23 16,5 55 33,5 39 27 7?"' en 18 '' 217 7 ] U- 1/2 160,5 8 166,5 11,5 153 692 DE LA NUTIllTION. Poids initial. Oie 48006 Dinde 4500 Oie 4920 Canard 1670 Coq 1777 Poule malade 1373 Poule 1640 Coq 1490 2 moineaux (ens.). 43 Moineau 29 2 moineaux (ens.)- 48 3 moineaux (ens.). 75 La revue qui vient d'être passée nous montre que les animaux peuvent sup- porter l'abstinence pendant un temps très variable, entre 1 et 43 jours, et qu'ils la supportent en perdant par jour une partie de leur poids comprise entre 7 et 280 millièmes, c'est-à-dire entre 1 et 40 \ La perte est à son minimum chez les grands animaux, et elle croît à mesure que la taille baisse, sauf dans l'espèce humaine, oi!i cette perte paraît moins forte que ne le comporte la taille, car Merlati, du poids initial de 61 kilogr,, ne per- dait pendant les quatre premières semaines, en moyenne, que 361 grammes par 24 heures, ou à peu près 6 grammes par kilogr. du poids du corps. Celte perte représente la somme de matériaux que l'animal emprunte à sa substance et qu'il fait servir à l'accomplissement des différentes fonctions. Voyons comment il l'emploie, en analysant, ce qui s'est passé sur quelques-uns de nos sujets d'expérience : D'abord, notre cheval du poids de 405 kilogr. qui, sans aliments pendant un mois, absorbait 1 litre 4 d'eau par jour, subit une réduction totale de 80 kilo- grammes ou de 2665 grammes par chaque période de vingt-quatre heures ; en somme, tout juste un cinquième de sa masse initiale. Comme les animaux soumis à l'abstinence peuvent perdre presque les trois cinquièmes de leur poids, celui- ci en avait encore deux à user. Sa provision était donc loin d'être épuisée. Ce cheval a employé, pour son alimentation intérieure, une ration journalière de 2666 grammes de chair et de 1400 grammes d'eau. C'est pour chaque kilo- gramme de poids vif une ration de 6 grammes 58 centigrammes de chair et de 3 grammes 45 centigrammes d'eau. En admettant que, dans la chair consommée, la graisse entre pour un quart, la ration diurne de cet animal sera représentée par : 787s%41 de carbone, 115 ,77 d'hydrogène, 75 ,05 d'azote, 21 ,15 de sels. 1. G. Colin, Des effets de Cabstmeiice et de V alimentation insuffisante chez les animaux {Bull, de la Société centrale de méd. vétér., 1862-1863). STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 693 Si ce clieval eût été noui'ri comme d'habitude, il efit consommé aisément 7 500 grammes de foin et 2 270 grammes d'avoine, représenlaiit, d'après les analyses de M. Boiissingaiilt ; 3,938"- de carbone, 416 d'IiydrogL'iie, 139 d'azote, 672 de sels. Mais, déduction faite de la partie de cette ration non absorbée et rejetée par les excréments, il n'aurait, reçu en réalité que : 2,574»'' de carbone, 266 d'hydrogène, 61 d'azote, 97 de sels. Gonséquemment, le cheval à la diète usant 2 666 grammes de sa chair par jour, soit un quart de graisse et trois quarts de muscle, dépensait seulement à peu pi^ès le tiers du carbone, la moitié de l'hydrogène, le cinquième des sels qu'il eîit pris dans sa ration exlérieui^e, et sensiblement la même quantité d'azote : il vivait dqnc avec beaucoup d'économie. Avec cette somme de matériaux em- pruntés à sa substance, la température prise tous les jours se maintenait à l'état normal, à un degré près ; la masse du sang n'était pas notablement réduite, proportionnellement au poids total du corps. Ce sang analysé par M. Wurtz n'avait subi de réduction que dans le chiffre de ses globules ; ses matériaux plas- tiques étaient même en proportion supérieure à la moyenne de l'état normal. La lymphe devenait riche en matériaux albumineux et en sels. Au bout de trente jours, la résorption qui avait usé le cinquième du poids initial du corps avait laissé encore de quoi entretenir la nutrition pendant longtemps. Le corps pesait 335 kilogrammes ; il restait une forte couche de graisse dans l'abdomen, pesant, avec quelques masses de la poitrine, 14 kilogrammes ; enfin les diverses parties représentaient : Le sang 27,000s'- La peau et les sabots 16,000 Les os et cartilages , 45,000 Les muscles et les tendons , 159,000 La graisse libre. - 19,700 Les viscères 25,570 Les matières gastro-intestinales 26,250 Perte 6,480 Total 325,000 Mais chez les animaux maigres, les choses ne se passent pas exactement de la même manière. Je laisse d'abord à la diète un cheval maigre, mais "^ vigoureux. Au bout de quelques jours, l'animal a la physionomie changée, le poil terne, le flanc creux ; 694 DE LA NUTRITION. il perd ses forces, se tient debout avec peine; sa marciie est chancelante ; il se couche sur le sternum et bientôt sur le côté. La peau et les extrémités se refroi- dissent; les sueurs surviennent, puis les convulsions de l'agonie. La vie ne peut s'entretenir longtemps, faute d'éléments pour la reconstitution du sang, la com- bustion et la calorification. A l'autopsie, on trouve un sang pauvre, sans sucre, à sérum clair et dépourvu de graisse, un foie noir dont les cellules n'ont ni sucre, ni matière grasse. Les muscles sont filandreux et flasques, et à la place de la graisse on ne voit plus qu'un peu de tissu infdtré de sérosité jaunâtre. La moelle des os elle-même a été remplacée par une matière visqueuse citrine. Si je soumets de même à l'abstinence des chiens et des chats amaigris, au lieu de vivre, comme les autres, quatre, cinq, six semaines, ils se refroidissent promp- tement et meurent en dix ou douze jours, souvent dans un plus bref délai. Un poulet ou une dinde sans graisse arrivent au terme de l'inanition en trois ou quatre jours. Il est clair, d'après cela, que, toutes choses égales d'ailleurs, la durée de la vie chez les animaux à la diète est proportionnelle à leur provision intérieure ca- pable de remplacer les aliments. Aussi la nature prend-elle des précautions pour prémunir les animaux sauvages contre les suites forcées de l'abstinence. En été et en automne, les animaux profitent de l'herbe abondante pour s'imprégner d'une graisse qui deviendra leur supplément de ration quand le sol aride ne leur offrira qu'une chétive pâture. Les chameaux prennent des bosses graisseuses énormes. Ceux que Pallas a vus dans les steppes de l'Asie réduits, en hiver, à brouter des roseaux desséchés, perdent leurs bosses et deviennent d'une in- croyable maigreur. L'ours, avant de se retirer, pour s'y engourdir, dans les fentes des rochers, a pris de l'embonpoint avec le miel, les raisins, les fruits sucrés qu'a mûris l'automne. Ce n'est pas en se léchant les pattes, comme le disait Aristote, qu'il se nourrit durant sa torpeur, mais bien en léchant sa graisse, ses muscles et la substance de tous ses organes. De même, la marmotte, le hérisson, le loir, la chauve-souris, pourraient-ils hiverner, s'ils ne s'étaient bien engraissés avant de s'endormir? C'est grâce à l'excès et à la qualité de la matière organique emmagasinée qu'ils ne meurent ni de froid ni de faim. La durée de la vie chez les animaux n'est pas seulement proportionnelle à la masse des matériaux en réserve ; elle est aussi en rapport avec la lenteur avec laquelle ces matériaux sont consommés. Nous avons vu plus haut un cheval gras vivre un mois sans aliments, conser- ver son sang à l'état normal et sa température, moyennant une perte diurne de 2666 grammes. Et, au bout de ce temps, après lequel il fut tué, il avait encore beaucoup de graisse, avec des muscles volumineux : le faible chiffre de sa dé- pense était devenu la condition principale de sa longévité. Un autre cheval de trait, fortement musclé et passablement gras, qui pesait 24 heures après le dernier repas, 508 kilogrammes, en perdit 64 en quatre jours seulement, savoir : 17 le premier, 16 le deuxième, 16 le troisième et 15 le quatrième. Il mourut le cinquième, bien plus épuisé que ne l'était celui de l'expérience précé- dente au bout de trente jours. Eh bien, ce cheval, qui se consumait si vite, de- venait morveux ; il avait la fièvre. Au lieu de brûler 6 grammes par chaque kilo- STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 695 gramme de son poids, il on brûlait 31, c'est-à-dire cinq (ois autant que le cheval sain. Avec ce qu'il déi)cns;i eu quatre jours, l'auli-e efit vécu près de trois semaines. Un tel contraste entre le cheval sain, dont les fonctions s'exécutent avec calme et le cheval sous le coup d'une excitation morbide, est frappant. Les deux ani- maux vivent de la même manière, aux dépens de leur substance; mais l'un con- somme une ration intérieure cinq fois égale à celle de l'autre. C'est là un fait d'une haute signification. Si nous décomposons la ration de notre cheval malade, d'après les données chimiques, et en admettant que la graisse se détruise dans la proportion de 1 pai-tiepour 4 parties de muscle, nous verrons que cet animal usait par jour : 4,1866'' de carbone au lieu de 787 596 d'hydrogène au lieu de 115 470 d'azote au lieu de 75 135 de sels au lieu de 21 9,600 d'eau au lieu de o.OOO Cette énorme consommation s'explique par le fait de l'excitation fébrile. Un cheval en repos qui, d'après les analyses de M. Lassaigne, brûlait 2241 grammes de carbone, n'en usait pas moins de 4 887, c'est-à-dire plus du double, sous l'inHuence de l'exercice. La fièvre accroît la dépense du combustible pris à l'in- térieur comme le travail accroît celle du combustible emprunté aux aliments ; le résultat chimique est le même dans les deux circonstances. Il est évident, du reste, que chez l'animal dont la combustion avait pris une si grande activité, les exhalations pulmonaires et cutanées devaient être fort abondantes pour res- treindre l'élévation de la température; il ne l'est pas moins, d'autre part, que les sécrétions biliaire et urinaire chargées d'évacuer les produits hydrocarbonés et azotés non détruits par la respiration, devaient, de leur côté, entraîner une forte proportion de matières fixes. On voit, d'après cela, qu'il y a une énorme différence entre le cheval sain et le cheval en proie à une excitation fébrile. L'un est le foyer calme oi!i la com- bustion s'effectue avec lenteur, l'autre est le foyer ardent oij l'oxygène a un accès trop facile. Dans le premier, la vie peut s'entretenir longtemps, dans le second, elle est vite épuisée. Ce qui est arrivé à notre cheval malade se reproduit dans une foule de cas. On est frappé souvent de la rapidité avec laquelle certains sujets maigrissent, ils semblent fondre à vue d'œil; en quelques semaines, en quelques jours, ils deviennent méconnaissables : l'économie se dévore avec une promptitude effrayante. Les chiens, les chats, les oiseaux qu'on prive d'aliments ou qui ne peuvent plus manger, après certaines mutilations, maigrissent d'une manière infmiment plus rapide que ceux qui sont soumis à une simple abstinence. Les oiseaux sur- tout dépérissent avec une promptitude étonnante. En huit jours, j'ai amené une oie qui avait subi une petite opération à un degré de marasme bien plus avancé que chez celle qui mourut après une diète de quarante- trois jours. En moins d'une 696 DE LA NUTRITION. semaine, des pigeons sans graisse sont alors réduits à l'état de squelettes : leurs muscles pectoraux perdent les neuf dixièmes de leur épaisseur; ils deviennent, du côté de Tabdomen, miuces comme dos feuilles de papier. Il ne suffit donc pas, pour que l'abstinence puisse être longtemps supportée, que l'animal possède une abondante réserve de matériaux ; il faut qu'elle soit dé- pensée avec lenteur ou très économiquement. S'il l'use trop vite, il ne peut la supporter au delà de quelques jours. Dans le jeune âge, alors que les fonctions sont très actives, la diète fait maigrir avec une grande rapidité. Les enfants ne la supportent pas, surtout s'ils sont très vifs, disait Hippocrate. Les jeunes chiens séparés de leur mère perdent toute la graisse de leur foie en moins de quarante-huit heures. Les petits oiseaux qui voltigent sans cesse vivent souvent à peine une ou deux journées, s'ils ne prennent pas de nourriture. Aussi la na- ture, dans sa prévoyance infinie, prend soin d'éloigner toutes les causes d'exci- tation à l'égard des animaux qui doivent vivre longtemps de leur provision inté- rieure. Elle fait d'un animal à sang chaud presque un animal à sang froid ; elle le pousse dans un repaire à l'abri des alternatives trop marquées de la tempéra- ture, ralentit la respiration, la circulation et les exhalations de toutes sortes; elle le plonge dans la torpeur et paralyse tous ses mouvements. Par cet artifice, qui affaiblit, tout à la fois, les excitations du dehors et celles du dedans, elle fait vivre un petit mammifère pendant toute la mauvaise saison avec ce qu'il userait aisément en un mois, s'il était actif et éveillé. J'ai beaucoup étudié le hérisson, surtout pour comparer les déperditions de la veille avec celles de la période d'engourdissement. D'abord, si le hérisson n'est pas engraissé avant de s'endormir, il ne peut passer l'hiver. J'ai fait perdre à deux de ces animaux leur embonpoint, et bien qu'ils se fussent engourdis après, ils moururent au bout d'un mois. La petite quantité de combustible qu'ils avaient conservée ne pouvait les entretenir davantage. Mais le hérisson, qui a un pannicule graisseux épais et des épiploons bien garnis, est en mesure de passer du mois de novembre au mois de mars sans rien prendre. A son réveil, il lui reste encore quelque chose, car il a besoin d'être prémuni contre les jours froids qui peuvent se prolonger d'une manière intempestive. Étant éveillé, un hérisson du poids de 1 035 grammes perd par jour 8 gr. 6. C'est 8 gr. 3 par kilogramme de poids vif. Au bout de sept semaines, il est réduit, en mangeant quelquefois, au poids de 965 et dès lors il s'engourdit pour se réveiller au bout de quatre mois environ. Durant son sommeil de cent douze jours, il perd en somme 230 grammes, ou presque le quart de sa masse, soit 2 gr. 05 par chaque période de vingt-quatre heures. Par suite de son sommeil, sa perte journalière se trou- vait donc réduite juste au quart de ce qu'elle était pendant la veille. C'était une économie considérable. Si l'animal eût dépensé engourdi ce qu'il dépensait éveillé, il eût en un mois consommé ce qui lui a suffi pour quatre; par consé- quent, avant la fin de décembre, il eût épuisé la provision qui devait le nourrir et le chauffer jusqu'à la fin de mars. Ce qui arrive au hérisson arrive également à la marmotte, au loir, à la chauve- souris, à tous les animaux dits hibernants. Quelque chose d'analogue se produit encore chez tous les reptiles et les invertébrés. En voici un exemple : STATIQUE CDIMIQUE DE LA NUTRITION. 697 Chacun sait que l'escargot des haies et des vignes, à l'approche des froids, se cache dans des excavations humides, retire tout son corps au fond de sa coquille et en ferme exactement la porte au moyen d'un opercule solide sécrété par la peau ; il est ainsi préservé de l'action directe de l'air, de sorte qu'il respire et transpire seulement par les pores de son enveloppe calcaire. Cinquante escar- gots à coquille exactement close et bien essuyée pesaient ensemble 904 grammes. Du 12 novembre au 1" mars, ou en cent neuf jours, ils perdirent 42 grammes, soit 0 gr. 38 par chaque période de vingt-quatre heures. Au printemps, lorsqu'ils eurent fait sauter leur opercule, ils perdirent 1 gr. 15 par jour, c'est-à-dire trois fois autant que pendant l'engourdissement. C'est donc aussi par économie de nourriture et de combustible que l'escargot se calfeutre si exactement en hiver. En fermant sa porte il peut vivre trois mois avec la substance qu'il eut usée en un s'il l'eût laissée ouverte. Ne voit-on pas entre le cheval calme, qui use seule- ment 2 kilogr. 1/2 de sa substance par jour, et le cheval fiévreux, qui en bride 15 à 16, le même rapport qu'entre le hérisson engourdi et le hérisson éveillé, ou entre l'escargot dont la porte est fermée et celui dont la porte est ouverte ? Combien d'autres rapports trouverions-nous encore entre ces phénomènes et une foule d'autres, si nous voulions en chercher. Entre l'homme éveillé et l'homme endormi, il y a quelque chose du contraste qui existe entre l'hibernant actif et l'hibernant engourdi. Je me suis pesé fort souvent avant de m'endormir et à mon réveil afin de comparer les pertes du sommeil à celles de la veille, et j'ai constaté d'énormes différences. Ainsi lorsque je perdais, endormi, 28, 30, 35 grammes par heure, mes déperditions, une fois levé, arrivaient à 50, 60, 80 grammes; elles s'élevaient à 100, à 130, si je venais à m'occuper de dissections ou d'opérations ; enfin elles atteignaient le chiffre de 200 grammes sous l'in- fluence d'une promenade un peu rapide. Le sommeil est donc réparateur à double titre, et par lui-même et parce qu'il réduit, dans une proportion considérable, le chiffre des déperditions. Le malade qui ne dort plus est bien vite épuisé ; le malheureux qui souffre du froid et de la faim a grand avantage à dormir. Ici, comme en beaucoup d'autres choses, l'observation a devancé la démonstration scientifique. Voyez aussi ce qui se passe chez les animaux à l'engrais. L'oie, immobile dans sa cage étroite et obscure, a bientôt le foie gras qu'elle ne prendrait jamais en liberté. Le bœuf acquiert difficilement de l'embonpoint s'il se donne trop de mouvement dans une étable éclairée et aérée, ou bien s'il y est inquiété par les insectes. Il faut fermer la porte, boucher les fenêtres, adoucir la température, provoquer l'assoupissement, la torpeur, éloigner, en un mot, tous les genres d'excitations capables d'activer les pertes de l'organisme. Lors donc qu'un animal est soumis à l'abstinence, le travail de la nutrition s'eiïectue, au fond, d'une manière analogue à celle de l'état normal. Le sang se reproduit aux dépens des tissus et ceux-ci vivent aux dépens du sang, comme dans les circonsiances ordinaires ce sang et ces tissus se reproduisent et vivent de matières venant du dehors. La substitution se conçoit sans difficulté. Il im- porte peu que dans le travail chimique de la combustion, les matières carbonées ou hydrogénées soient puisées dans l'intestin ou empruntées au tissu adipeux et 698 DE LA NUTRITION. aux muscles. Seulement si ces matières sont du sucre et de la fécule, il en faut deux parties et demie pour i)roduire autant de chaleur qu'une partie de graisse. Si c'est du muscle, il en faudra une masse énorme. En effet, comme un kilo- gramme de graisse contient six fois autant de carbone que 1 kilogramme de muscle, on conçoit que le poids delà ration intérieure consommée pendant l'ab- stinence soit très variable. Si un animal gras dépense, en un temps donné, un kilogramme de graisse et 2 kilogrammes de muscle, un animal maigre, de même taille et dans les mêmes conditions, dépensera forcément S kilogrammes de chair musculaire dépourvue de matière grasse : les deux rations seront équiva- lentes. La ration inférieure de l'animal soumis à l'abstinence est donc bien réelle- ment composée, comme celle de l'animal dans les conditions ordinaires, d'ali- ments plastiques (fibrine et albumine) et d'aliments respiratoires représentés par la graisse. Elle est d'autant moindre, quantitativement, que la graisse y prédo- mine davantage. Voilà pourquoi chez l'hibernant, chez l'animal qui doit souffrir delà faim, la provision alimentaire est formée surtout par de la graisse. Elle devrait être six fois plus grande, si elle était représentée par de la chair mus- culaire. L'animal soumis à l'abstinence n'a pas seulement l'alimentation intérieure du carnassier, il en a encore les excrétions. La bile, l'urine versant au dehors des produits métamorphosés que la respiration ne peut détruire davantage, res- semblent alors, chez les herbivores, à la bile et à l'urine des carnivores. L'urine du cheval cesse d'être trouble et de déposer d'abondantes masses de carbonates calcaires et magnésiens; elle devient acide et se charge d'acide urique. Tant que, dans ces conditions, l'absorption et la calorification trouvent des matériaux en quantité suffisante, la température se maiurient, le sang conserve sa constitution. C'est ce qui peut arriver pendant unmois sur le chien, le cheval même, pendant sept semaines sur l'oie, plus ou moins sur le hérisson. Mais, dès que la résorption cesse de recueillir la somme de matériaux nécessaire, et que, sur place, l'oxygène n'en trouve pas assez, la masse du sang diminue de moitié et même des deux tiers, le liquide s'appauvrit, surtout en globules et en fibrine, perd ses facultés stimulantes; son sucre disparaît; la lymphe et les cellules du foie se dépouillent de ce principe. Par suite, les sécrétions se tarissent, les sen- sations deviennent obtuses, les mouvements se ralentissent et la température baisse. Finalement l'animal meurt; il meurt physiologiquement de la même ma- nière qu'à la suite d'une longue maladie, et, sans doute, pour des raisons analogues. 11 y a donc dans l'abstinence deux périodes distinctes : l'une où l'animal se nourrit régulièrement aux dépens des matériaux qu'il puise en lui-même, l'autre pendant laquelle il cesse de trouver dans sa propre substance des matériaux suf- fisants pour entretenir sa température et renouveler son sang. Celle-ci a pour terme fatal la mort qui, d'après les belles recherches de Chossatt, arrive, en général, pour les animaux à sang chaud une fois que la perte totale s'élève à 40 1. Chossat, Recherches expérimentales sur Vinanition. Paris, 1843, in-4°. STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 699 centièmes du poids initial du corps, ù 20 centièmes seulement chez les animaux jeunes. Les vertébrés à sang froid, en raison du peu d'activité de la calorification mettent, pour arriver à ce délicit, un temps vingt-trois fois plus long que les mammifères et les oiseaux. L'abstinence donne lieu à des modifications fonctionnelles et matérielles très importantes, qu'il faut indiquer. Voici les principales : La respiration éprouve un ralentissement considérable chez tous les animaux. Le nombre de ses mouvements se réduit d'un quart, môme d'un tiers, comme Chossat l'avait déjà noté sur les pigeons. Ces mouvements perdent de leur ampleur et semblent se rapprocher ainsi de ce qu'ils sont pendant le sommeil. Aussi il y a une moindre absorption d'oxygène et une moindre exhalation d'acide carbonique. Cet acide qui, à l'état normal, est, en poids, supérieur à l'oxygène absorbé, descend, d'après les chimistes allemands, au-dessous de celui-ci et d'autant plus que l'abstinence se prolonge davantage. Ces modifications indi- quent un ralentissement des actions chimiques, qui a pour but d'économiser les matériaux combustibles du sang et des tissus. Le sang, d'après quelques observateurs, devient plus aqueux, moins albumi- neux, perd une certaine proportion de ses globules; mais ces modifications n'ar- rivent que très tard et sont très peu marquées sur les animaux dans de bonnes conditions pour supporter l'abstinence. La calorification, comme les autres fonctions, se modifie pendant l'abstinence. La réduction qu'éprouvent les oxydations et les autres actions chimiques doit avoir évidemment pour conséquence une moindre production de chaleur animale, mais l'abaissement de la température dans l'inanition reste pendant longtemps très faible, presque insignifiant. Si l'animal est vigoureux, bien musclé et riche en graisse, sa température se maintient, à un degré et quelques fractions près, à son chiffre normal, ce que j'ai constaté un grand nombre de fois, notamment sur le cheval, le chien et le lapin. Seulement, dans les derniers jours, elle baisse fortement, comme Chossat l'a vu sur les pigeons. Le refroidissement nocturne normal, correspondant à la période de sommeil, est surtout très accusé chez les petits mammifères et les oiseaux. Celui qu'on observe l'avant- dernier jour et le dernier, fait descendre généralement la température à 24 ou 2o. Aussi le mammifère et l'oiseau, dans leurs derniers moments, sont-ils transformés, à demi, en animaux à sang froid. Si on les sacrifie alors, on voit que les contractions du cœur et l'irritabilité des muscles persistent fort longtemps bien au delà des limites où elles s'éteignent dans les conditions ordinaires. Quoique, dans l'inanition, la température se maintienne à la normale, la pro- duction du calorique est très restreinte ; aussi l'animal ne supporte que très dif- ficilement le froid. Sa vie est abrégée d'un tiers, de moitié et plus, s'il est tenu dans un milieu voisin de 0. De petits oiseaux, des mammifères de la taille du rat ou de la souris, périssent en hiver, par privation d'aliments, dans de très courts délais. Le chien même, qui vivrait en été un mois, meurt en hiver au bout de deux semaines. D'ailleurs, à ces basses températures extérieures, les pertes de l'organisme augmentent dans d'énormes proportions. 700 DE LA NUTRITION. Les sécrétions et les excrétions éprouvent aussi de nombreuses modifications, dont beaucoup n'ont pas été suffisamment étudiées. Du côté de l'appareil digestif, celles de la salive, des mucosités intestinales, sont très réduites. La sécrétion biliaire persiste avec une certaine abondance et transformesur lafin,lelestintestinal du porc, par exemple, en véritable méconium, de Taspect de celui du fœtus. Les sécrétions cutanées des carnassiers sont fétides. L'urine, devenue acide dès le début, se charge d'une quantité d'urée qui repré- sente la somme des matières albuminoïdes détruites. Aussi, on s'est attaché au dosage de ce principe pour déterminer approximativement la proportion des ma- tières protéiques mises hors de service par la combustion ou les dédoublements. Voit a trouvé que l'urée diminue à mesure que l'abstinence avance, de telle sorte quesiun chien, nourri de viande, donne pendant qu'il est alimenté 180 grammes d'urée, après un jour seulement d'abstinence, il n'en donne plus que 60. Au bout de huit jours, la quantité tombe de 60 à 10, c'est-à-dire au sixième de la quantité initiale. Cette réduction progressive si rapide indique, d'après cet expérimentateur que l'albumine du sang, non celle des tissus, éprouve une ré- duction proportionnelle, car, suivant lui, l'urée dériverait surtout de l'albumine du sang. Dans tous les cas, cette réduction du chiffre de l'urée n'indique pas une diminution parallèle du chiffre des matériaux organiques détruits, car la perte diurne du poids du corps peut se maintenir à peu près uniforme, quoique l'urée continue à baisser. L'augmentation de la quantité d'urée a été constatée à une période avancée de l'abstinence, coïncidant avec la disparition à peu près complète delà graisse. Ce fait remarquable indique, sans aucun doute, que les combustions, après l'usure de la graisse, portent à peu près exclusivement sur les matières albuminoïdes. Je ne reviens pas ici sur les exhalations pulmonaires dont il a été traité à propos delà respiration. Ces exhalations doivent être réduites en même temps que celle de l'acide carbonique et dans une énorme proportion. La transpira- tion pulmonaire s'effectue aux dépens de l'eau empruntée aux tissus, à mesure qu'ils sont détruits, et de celle qui résulte de la combustion des principes hydro- génés. Aussi, grâce à cette eau devenue libre et à celle qui se forme, l'animal peut-il supporter l'abstinence avec privation de boissons presque aussi longtemps qu'avec des liquides. En outre, les tissus qui restent fournissent l'appoint. Ils se déshydratent, d'une façon remarquable à première vue, si l'abstinence est très prolongée. Le matériel de l'organisme, au point de vue anatomique et histologique, éprouve des modifications assez nombreuses par le fait d'une désassimilation poussée au delà de la normale. Tous les tissus tendent à se dessécher, notam- ment les muscles ; une partie de leurs capillaires se resserrent ou s'oblitèrent ; leurs principes extractifs disparaissent en grande partie; aussi ils se dépouillent, dans une large mesure, de leurs propriétés nutritives. Tous les organes tendent à s'atrophier, mais dans une proportion inégale, que Chossat a essayé de déter- miner en comparant le poids des parties, chez les animaux dans les conditions normales, avec celui des mêmes chez ceux qui arrivaient au terme de l'inani- tion. STATIQUE CUIMIOUE DE LA NUTRITION. 701 D'après Chossat, les pertes subies par les parties suivantes ont été : pour le sang, de 75 pour 100 du poids initial de ce liquide; la rate de 71 ; le pancréas de t)4, le foie de 132, le cœur de 44, l'intestin de 42, les muscles extérieurs de 42, la peau de 33, le squelette de 16 et les centres nerveux de 2 pour 100. Seule- ment, comme le terme de comparaison était lU'is sur des oiseaux qui ne pou- vaient pas être absolument semblables de tous points à ceux qu'on soumettait à l'inanition, et comme, d'autre part, les pertes se chiffraient en quantités très minimes, 7 grammes poui" le sang, 5 pour les os et des décigrammes pour le système nerveux, des erreurs ont dû se glisser dans ces déterminations. Les expériences de Bidder et Schmidt ont donné des résultats analogues, sans être beaucoup plus précis. Un chat du poids de 2572 grammes, soumis à l'abstinence pendant dix-huit jours, fut réduit à 1241 grammes. Il perdit conséquemment plus de la moitié de son poids, soit, d'après les expérimenta- teurs, 927 grammes d'eau, 205 grammes de carbone et 30 grammes d'azote. La perte s'est répartie de la manière suivante pour 100 du poids initial de chaque partie, ce poids initial supposé égal à celui des mêmes parties sur un autre animal : Sang 93 Pancréas 85 Graisse 80 Rate "2 Muscles et tendons 66 Foie , 59 Axe cérébro-spinal • ... 37 Poumons 25 Estomac, intestins .- 30 Os 14 Reins 6 Les pertes constatées sur les pigeons, par Chossat et sur un chien, par Bidder et Schmidt, ne doivent pas être considérées comme donnant une formule géné- rale applicable à tous les animaux. Elles varient, dans des limites assez étendues, d'une part suivant les espèces animales, d'autre part suivant l'âge des sujets, l'état dans lequel ils se trouvaient au début de l'abstinence et la durée de celle- ci. Chez tel individu, le sang n'éprouve pas de réduction bien notable; chez tel autre, il reste une grande quantité de graisse non résorbée, etc. Yoici, pour le cheval, le porc et le lapin, trois tableaux comme spécimens des nombreuses réductions que j'ai constatées. Mais il ne faut pas y attacher une trop grande importance, car les animaux que l'on met en regard l'un de l'autre, pour établir la quotité des pertes, ne sont jamais exactement comparables. Ils peuvent dif- férer beaucoup par le poids du squelette, la musculature, les viscères, la masse du sang, etc. Il faudrait, pour avoir des termes de comparaison un peu exacts, opérer sur un grand nombre de sujets aussi semblables que possible, et mettre en parallèle seulement les moyennes obtenues. 702 DE LA NUTRITION. Cheval de 405 kil. Cheval réduit à 32.; kil. Perte totale de 40:! kil. après abstin. de 30 jours. en centièmes. Sang 26'',500 Peau et sabots 22 ,500 Muscles 198 ,000 Graisse libre 10 ,000 Squelette 61 ,500 Cerveau et moelle épinière 0 ,845 Cœur 3 ,200 Poumons 4 ,800 Foie 6 ,000 Rate 1 ,200 Pancréas 0 ,325 Reins 1 ,500 Estomac et intestins vides 18 ,000 Lest de l'estomac et de l'intestin. 39 ,000 Parties non pesées et pertes 8 ,630 Porc de ,29 kil. 177. Sang 777«' Peau 2941 Muscles et annexes 13693 Squelette 3292 Graisse libre 2800 Cerveau et moelle 134 Cœur 178 Poumons 254 Foie 905 Rate 79 Pancréas 56 Reins. 142 App. génit. fem 303 Estomac et intestins vides 1582 Lest gastro-intestinal 725 Pertes 27S0OO n J7 ,800 20,8 159 ,000 19,6 19 ,700 » 45 ,000 26 0 ,825 2,3 2 .630 17,8 2 ,970 38,1 5 ,300 11,66 1 ,008 16 0,268 17,0 0 ,845 41,6 11 ,600 35,5 26 ,250 32,7 5 ,804 » Porc de 15 k. 370 Pertes réduit à 6 k. 830. en centièmes. 2628' 35,9 1062 31,4 2278 68,4 1635 5,7 4.52 69,3 105 ■» 52 44,5 92 31,2 205 56,8 7 82,9 5 82,7 45 39,1 40 74,8 425 48,9 75 80,3 On a calculé le rapport entre ces deux animaux, en tenant compte de la différence de leur poids. Lapin gras mort après absl. de 36 jours. Lapin gras. Poids initial 4220 Pertes Poids 4200 gr. réduit à 1807. en centièmes. Sang 137^'^ Peau 432 Estomac et intestins Aides 220 Lest de l'appareil digestif 430 Muscles et annexes 1745 Squelette 392 Graisse libre 510 Cerveau et moelle 18 16 277 160 190 630 360 » 17 88 35 27 58 63 08 100 05 Lapin gras. Poids initial 1220 Perle: Poids 4200 gr. réduit à 1807. en centièn 10 10 » 1-2 5,3 55 16 10 30 142 72 42 3 04 53 22 19 13 15 10 33 30 » » 66 30 M STATIQUE CHIMIQUE DE LA NUTRITION. 703 Lapin gras mort après abst. de 36 jonrs. Yeux Cœur Poumons Foie Rate Reins (ens.) Utérus, vessie Urine Déchets, pertes Total 4200 1807 Sur le lapin mort, on n'a pu prendre que le sang du cœur et des gros vaisseaux. L'alimentation insuffisante, qui n'est en définitive qu'une abstinence par- tielle, fait éprouver au travail de la nutrition des modifications analogues à celles que la diète produit. Pendant que les matériaux venus du dehors sont consommés, l'organisme prend en lui l'appoint de la nourriture. Gomme il faut, pour l'exercice des fonc- tions et l'entretien delà chaleur animale, une certaine somme de matières orga- niques, l'animal tire de lui-même ce qui manque à la ration. Si celle-ci est d'un tiers, d'une moitié inférieure à ce qu'elle devrait être, l'appoint pris dans l'économie est équivalent au chiffre du déficit. Aussi l'amaigrissement est il en raison directe du degré d'insuffisance de l'alimentation. Chez le bœuf, qui tra- vaille dans ces conditions, le système musculaire éprouve des pertes énormes ; chez la vache laitière et toutes les femelles qui nourrissent des petits, les dépôts adipeux employés à la lactation réduisent d'un sixième, d'un quart même, le poids du corps en une période assez courte. Dans de toiles conditions, l'exis- tence est menacée et la mort peut survenir à la longue, comme à la suite de Tabstinence. L'organisme est alors une place assiégée dont la résistance peut être calculée avec une rigueur mathématique : elle tient en raison directe de ce qu'elle peut fournir, et en raison inverse de ce qui est réclamé ; ou, en d'autres termes, elle résiste d'autant plus que son approvisionnement est considérablCj et que celui-ci est dépensé avec moins de rapidité. Il en a été déjà ainsi pour l'abstinence, et nous veiTons que les deux états peuvent être facilement ramenés à la même formule physiologique. L'alimentation insuffisante tient à une foule de causes qui ont, en définitive, des effets de même nature. Il y a insuffisante alimentation lorsque l'appareil digestif ne peut plus tirer des aliments, même les plus riches, l'équivalent des pertes. Les affections de l'estomac et de l'intestin, l'entérite violente, la tuber- culisation intestinale, ont souvent ce résultat, qui se traduit par un amaigrisse- ment presque aussi rapide que celui de l'abstinence complète. Ainsi un lapin paraplégique, à tuberculisation intestinale, du poids de 5 kilogr. 20, tout en rece- 704 DE LA NUTRITION. \'ant sa ration ordinaire, perdait en 16 jours presque le tiers de son poids initial. , Le le"- jour 86«' Le 2e — 84 Le 3« — 200 Le 4e — 200 Le 5e — 80 Le 6e jour augm. de 230 Le 7* jour perd 260 Le 8e — 150 Le 9e — 120 Le lOe — 80 Le lie _ 6 Le 12e _ 85 Le 13e _ 75 Le 14e __ 90 Le 15e _ 85 Le 16e — 85 Perte totale ISIO^ Sur un porc de l'12kilogr., affecté de la maladie aphtheuse et mangeant à peine le quart de sa ration, à de longs intervalles, la perte de poids fut en 22 jours de 13 kilogr. ou de 590 gr. par 24 heures, ou la 189^ partie du poids initial du corps, soit 5 gr. 4 par kilogr., à peu près la perte minima diurne du cheval Sur un jeune "taurillon du poids de 144 kilogr., souffrant de l'intestin, il y eut 26 kilogr. de perte en 15 jours, ou à peu près le sixième du poids initial, vSoit 12 grammes en 24 heures par kilogramme du poids du corps, par conséquent presque le chiffre de la perte due à l'abstinence. Dans beaucoup de cas analogues, la dénutrition ou la désassimilation acquiert même une intensité qui dépasse celle de la désassimilation pendant l'abstinence. II en est ainsi dans les paraplégies des petits animaux, qui s'accompagnent de fièvre et de diarrhée. La fièvre, en activant les combustions et l'état diarrhéique, en opérant une spoliation considérable, élève sensiblement le taux de la perte diurne. L'impulsion qu'ils donnent au travail destructeur le conduit bien au- delà des limites de l'amaigrissement. Aussi la réduction du poids du corps, au lieu de s'arrêter aux 40 centièmes, tombe à 50, à 55, à 60 et même au delà. Le marasme général, l'atrophie de la plupart des organes, arrivent à un degré que ne peut atteindre l'abstinence seule. Pendant que l'animal meurt d'inanition en conservant la graisse infiltrée dans le tissu des os, et intacte dans le canal médul- laire, l'animal, émacié sous l'influence de certaines maladies chroniques, a ses os et ses autres organes complètement dépouillés de tissu adipeux. Dans le plan de la nature, l'alimentation insuffisante est, par moments, pour beaucoup d'animaux, un accident fort ordinaire. Tous les herbivores des régions tempérées, et surtout ceux des climats froids, souffrent de la disette pendant l'hiver, lorsque la végétation suspendue ne laisse plus sur le sol que de chétifs débris. Forcés de se contenter souvent de quelques touffes d'herbes, de plantes STATIQUIÎ CHIMIOUE DE LA NUTIUTION. 705 desséchées et fanées, d'écorces et de minces arbustes, ils usent pour compléter leur insuffisante ration, la provision de e^raisse qu'ils ont amassée pendant la Ix'llo saison ; ils maii,'rissent alors, et sans doute quelques-uns périssent avant le retour du i)riiilonips. Les carnassiers eux-mêmes passent par des périodes de l)énurie, dont ils ont plus ou moins à souffrir. C'est pour se soustraire aux inconvénients de cette insuffisante alimentation qu'un grand nombre d'espèces de toutes les classes, mammifères, oiseaux, poissons, insectes même, éprouvent des migrations connues de tous les natura- listes. Les uns se contentent de descendre des montagnes dans les plaines, on la température plus douce n'a pas entièrement suspendu la végétation, et c'est à cela que se bornent ordinairement les déplacements des herbivores. Quelques antilopes africaines, chassées des plaines arides par la sécheresse, s'en vont en grandes troupes vers les régions où le sol est couvert de verdure. Les martes, les hermines, leslemmings, quittent à certains moments les froides montagnes de la Scandinavie pour se disperser dans les plaines voisines. Mais les oiseaux surtout effectuent des déplacements plus lointains. Il faut que les palmipèdes du Nord, les oies, les grues, marchent, à l'entrée de l'hiver, vers les régions tempé- rées, où les étangs, les marais et les cours d'eau ne sont point couverts de glace. Il faut que l'hirondelle, quand l'air se dépeuple d'insectes, s'en retourne dans les pays chauds-; que la bécasse fuie les hautes montagnes, de bonne heure cou- vertes de neige, pour se répandre dans nos forêts et nos plaines. Il y a là une fatale nécessité à laquelle l'animal menacé de la famine ne peut se soustraire. Il doit partir, qu'il soit bon ou faible voilier, qu'il aime ou non les longs et rapides déplacements. Le rossignol, qui nous était arrivé à la floraison de l'aubépine, est contraint de partir sans bruit en septembre, bien qu'il y ait encore des larves dans nos bocages; la fauvette de nos buissons, le petit rouge- gorge, bien engraissé, s'expatrient à la même époque, au risque de devenir en route la proie des rapaces ; la caille, lourde et enveloppée dans son manteau de graisse, doit trouver la force de traverser la Méditerranée. Les mauvais voiliers s'en tireront de leur mieux. La poule d'eau et le râle feront une partie de leurs étapes à pied ; les pingouins, les manchots, aux courtes ailes, émigreront h la nage, tant qu'ils trouveront des cours d'eau pour les transporter. Mais si quelque faible, quelque malade, quelque produit d'une tardive couvée n'obéit point, malheur à lui; il voltigera isolé, de canton en canton, comme le font un petit nombre de cailles et de mésanges, en danger de mourir de faim. Le héron, qui aura voulu rester fidèle à ses marais, y passera de longues journées à se mor- fondre, en attendant que sa proie se dégage de la vase à demi-glacée, et ainsi de bien d'autres. Quant à ceux qui ne peuvent changer périodiquement de patrie, comme l'ours, le lent hérisson, la lourde marmotte, la taupe, les loirs et tant d'autres pour lesquels l'hiver est une saison de famine, il ne reste qu'une ressource : s'engourdir, afin de ralentir l'activité des pertes et de faire durer plusieurs mois une provision que la veille userait en quelques semaines. Nos animaux domestiques, que la prévoyance de l'homme devrait soustraire aux inconvénients de la disette, eu souffrent néanmoins fort souvent, surtout dans les pays où l'agriculture est arriérée, dans ceux où la provision d'hiver est G. COLIN. — Physiol. comp,, 3^ édit. II. — 45 706 DE LA NUTRITION. naturellement ou forcément restreinte. Ils se trouvent dans les mêmes condi- tions que les animaux sauvages qui n'émigrent point. Si un bœuf pèse 500 kilogrammes au commencement de novembre, il est réduit à400àla lin d'avril. Des cinq paires de bœufs à l'clable, il n'en reste plus, en réalité que quatre au prinlemps. i es quatre paires restantes auront mangé la cinquième : c'est la reproduction vivante du songe de Pharaon. Sans doute, au printemps, les fourrages nouveaux répareront les pertes éprouvées pendant l'hiver; mais ce qui remplace les 100 kilogrammes perdus aurait été ajouté au poids initial, s'il n'avait pas éprouvé de réduction. La perte, au point de vue économique, n'est pas réparée. L'alimentation insuffisante est préjudiciable à l'organisme, sous plusieurs rapports. Elle l'est aux sujets débiles, aux femelles qui allaitent; surtout aux jeunes animaux. C'est, en effet, dans le jeune âge, que l'alimentation exubérante devient le grand levier du développement de l'individu et le principal agent de l'amélioration des races. Tous les éleveurs savent que, pour produire des animaux de belle venue, il faut les laisser longtemps à la mamelle, et leur fournir en abondance, dès qu'ils peuvent manger, une nourriture substantielle et choisie. C'est en grande partie par elle qu'on réalise aujourd'hui ces merveilles dont le secret est demeuré inconnu des temps anciens. En nourrissant parcimo- nieusement le bétail, on ne façonne que des races chétives qui portent l'em- preinte ineffaçable d'un travail organique incomplet, languissant, et souvent interrompu. Voyez, en effet, ces jeunes ruminants qu'on sèvre au bout de quelques semaines, avant que leurs débiles organes aient acquis la force de digérer l'herbe et les fourrages grossiers. Tout en quittant la mamelle de leur mère, ils mai- grissent, leurs flancs se creusent, leurs muscles s'amincissent, et la graisse à peine déposée se résorbe. A ce moment déjà, ils usent une partie de leur substance pour compléter une ration qui ne suffit pas, non comme quantité, mais faute d'être assez complètement élaborée. Chez eux, tout souffre d'une manière plus ou moins évidente, depuis la surface de l'être jusque dans la pro- fondeur du plus caché des organes. Le poil se hérisse et devient terne, la peau sèche, les interstices musculaires se creusent ; tout ce qu'il y a de mou s'affaisse, se résorbe; le foie se rapetisse et noircit. Quelques organes semblent seuls continuer leur évolution à ce moment d'arrêt, de détérioration précoce. Le squelette, dont l'accroissement se fait en grande partie aux dépens des matières minérales, semble moins souffrir que le reste. Seuls, l'estomac et l'intestin se dilatent très sensiblement, car leur expansion mécanique est indépendante de l'activité du travail nutritif. Pour peu que cet état de choses se prolonge, l'équilibre qui devrait exister dans le développement relatif des dit- férents systèmes organiques est bientôt rompu: le système cellulaire etle lympha- tique prennent le dessus; les germes de la débilitation se développent; la faculté •de résistance aux causes morbifiques s'affaiblit, et souvent l'animal devient subi- tement la proie des parasites et des helminthes : ceux-ci achèvent ce que l'insuffi- sance de la nourriture avait préparé. Mais, dans les conditions les plus communes, ces périodes de pénurie, si STATIQUE CIllMIOUE DE LA NUTRITION. 7U7 préjudiciables aux jeunes sujets, ne sont pas de longue durée; elles sont suivies dr inoincnts d'abondance, pendant lesquels le dommage éprouvé par l'économie se répare dans certaines limites. L'accroissement se fait ici, chez les animaux domestiques, comme chez les animaux sauvages, par intermittences, par saccades. En été, l'herbivore prend de la taille et de l'embonpoint; il engraisse; puis riiiver venu, il use une partie de sa substance musculaire, de sa graisse, pour compléter son insuffisante ration, en attendant des temps meilleurs. L'évolution est, en somme, entravée d'une manière plus ou moins considérable, car dans les temps d'arrêt et même de dépérissement le travail de l'ossification continue et, une fois les épiphyses soudées, l'élévation de la taille devient impossible. Si, dans ces conditions, le travail excessif, la maladie contribuent à la détérioration de la machine, l'atrophie fait des progrès effrayants, et bientôt arrive le moment où l'organisme ne peut plus rien céder : il n'y a plus, dès lors, de réparation pos- sible. Cette extrême atrophie s'observe sur les animaux employés aux dissections, comme dans les amphithéâtres où s'étalent les derniers restes des misères physi- ques de l'humanité. Voilà comment s'opère, d'une manière générale, la nutrition lorsque le travail de désassimilation n"est pas exactement compensé par le travail d'assimilation. Dans ce cas, comme dans tous les autres, les produits des mutations éprouvées par les tissus, c'est-à-dire l'eau, l'acide carbonique, l'urée, l'acide urique, l'acide choléique, sont éliminés par les voies respiratoires, par la peau, les reins, le foie, qui sont autant de portes ouvertes aux produits de la dissolution des parties organisées. Tous dérivent de l'action fatale de l'oxygène qui a pénétré dans l'économie, où il esta la fois l'élément de la vie et celui de la destruction. Ainsi s'opère le travail de la nutrition, considéré dans son ensemble, sorte de lutte perpétuelle entre l'assimilation et la destruction, la composition et la décomposition, comme si la vie devait résulter d'un antagonisme incessant et réglé entre les forces qui édifient et celles qui détruisent. Aussi le corps animal est-il bien réellement comparable au vaisseau des Argonautes, dont les avaries continuelles étaient réparées à mesure. Mais, il est impossible de savoir quel est le temps nécessaire à la rénovation complète de toutes les parties de l'éco- nomie, c'est-à-dire le temps au bout duquel l'admirable vaisseau de l'organisme ne conserve plus aucune des pièces qui le constituaient primitivement. Tout ce qu'on a dit à cet égard ne repose sur aucun fondement réel, et très probable- ment les bases manqueront toujours à une pareille détermination qui, du reste, n'a pas une grande importance. Mais, on peut, jusqu'à un certain point, déter- miner la part d'usure éprouvée par les diverses parties de l'organisme, dans un temps donné, Il est clair, comme il a été dit plus haut, qu'elle doit porter sur les matériaux liquides, aussi bien que sur les tissus. Le sang se détruit en bloc et dans chacun de ses éléments, et si au terme de l'inanition il représente encore un dix-huitième du poids du corps, réduit de moitié, il a dû éprouver lui-même une réduction de oO pour 100, réduction en masse, inégalement répartie sur les matières plasmatiques et les globules. 708 UE LA NUTIIITION. En somme, ce qui se passe pendant l'abstinence et lors deralimenlation iiisul- lisante nous montre l'un des côtés de la nutrition, celui de l'usure ou de la désas- similation : usure par la combustion, le dédoublement des matériaux, leur conversion en produits qui seront éliminés avec l'air, la transpiration et l'urine. Comme nous avons antérieurement cherché à reconnaître les mutations que subit la matière pour s'organiser, se transformer en sang, en cellules, en libres et en divers tissus, nous devons nous demander maintenant comment elle perd sa forme, comment elle change d'état et finalement se détruit. Cette désassimilation se fait plus ou moins rapidement suivant les espèces, suivant l'âge des animaux, les conditions de repos ou d'activité dans lesquelles on les place. Chez les jeunes animaux oi!i l'assimilation est très rapide, l'usure l'est dans la même proportion. Déjà Chossat avait noté, sur les tourterelles, que la perte diurne était dé 81 millièmes dans le jeune âge, de 59 à l'âge adulte et de 85 plus tard : aussi, tandis que les premières mouraient au bout de trois jours, les vieilles résistaient jusqu'au treizième jour. J'ai vu plusieurs lapins privés de leur mère au moment de la naissance, résister seulement trois jours, des chats dans les mêmes conditions quatre jours, un chien d'une semaine est allé jusqu'au neu- vième jour, et des chats à la veille du sevrage ont supporté une abstinence de douze jours. Les adultes seuls vont jusqu'au vingt-cinquième, au trentième jour et plus. L'animal maigre, anémique, affaibli, résiste très peu; le gras peut sup- porter, comme je l'ai noté pour l'oie, une abstinence de plus de quarante jours, car sa graisse préserve de l'usure les matières azotées du muscle et des autres tissus. Le travail de désassimilation qui réduit la masse de toutes les parties solides et liquides de l'organisme est surtout digne d'étude dans le système muscu- laire où il donne des produits très variés, aussi bien sous l'influence du travail que par le fait de l'alimentation insuffisante et de l'inanition. Là, il trouve, sauf la graisse, peu de matières hydro-carbonées susceptibles, par leur combustion complète, de donner de l'eau et de l'acide carbonique, mais il peut s'exercer sur une masse énorme de matières azotées ou d'albuminates qui s'oxydent incomplè- tement ou se dédoublent pour former la créatine, la créatinine, la leucine, l'acide urique, l'urée, etc. Il le fait pendant longtemps, puisque, d'une part, les muscles représentent près des 2/5°^ du poids du corps, souvent davantage, et que. d'autre part, le tissu musculaire peut céder la moitié, même jusqu'aux 70 cen- tièmes de sa substance. L'usure du muscle, sous l'influence de l'inanition, a-t-elle lieu comme par le fait de la contraction et en donnant des produits identiques? Gela est probable. Les corps albumineux en dissolution dans le suc qui imprègne les faisceaux pri- mitifs, la syntonine, la myosine, doivent peu à peu s'y convertir en créatine, créatinine et acide urique, cependant avec une moindre activité, puisque ces dérivés sont en moindre proportion pendant le repos que lors de la contrac- tion du muscle. La xanthine, l'hypoxanthine, dont la composition diffère peu de celle de l'acide urique, ont probablement la même source; l'inosite, ce sucre non fermentescible et sans action sur les liqueurs cuivriques, est encore un NrTniTION DANS LES DTVF.RS TISSUS. 709 produit probable du dôdoubloment des matières azotées du tissu musculaire; l'acide lactique à son tour s'engendre aux dépens de l'inosite ou de la matière glycogène, par suite d'une fermentation spéciale. L'usure des muscles, quoiqu'elle soit très active pendant l'abstinence, est bien moindre que par suite de l'exercice. Aussi la quantité d'urée éliminée par les reins diminue-t-elle alors dans une proportion considérable. Déjà sur l'homme, après vingt-quatre heures d'abstinence, la quantité d'urée est réduite pres- que de moitié; chez le chien, elle se réduit au quart, à la fin de la première semaine, et au quinzième à la fin de la troisième. Les produits ultimes des oxydations et des dédoublements opérés dans les muscles sont donc l'acide carbonique et l'urée que le sang emporte pour exhaler le premier à la peau ou dans le poumon et verser le second dans le parenchyme des reins. La quantité de ces produits baisse chaque jour, h mesure que les maté- riaux de l'organisme s'épuisent. Dans tous les cas, l'abstinence ne porte pas cette usure aussi loin que certaines maladies accompagnées de fièvre hectique. Les pertes de l'organisme pendant l'abstinence, telles que nous venons de les voir, ne représentent évidemment que le minimum de la dépense. Les pertes normales et habituelles sont exprimées par la somme d'acide carbonique et d'urée qui s'éliminent chez l'animal dont la ration maintient stationnaire le poids du corps. Comme un homme de taille moyenne élimine en vingt-quatre heures 21 grammes d'azote sous forme d'urée et 230 grammes de carbone, il doit trouver au moins l'équivalent dans l'aliment consommé pendant cette période. Les pertes faites par un cheval de 400 kilogrammes au repos peuvent être com- pensées par une ration de 7 kilogr. 2o0 de foin. Si l'animal travaille, il lui en faut davantage, soit d'après les estimations de M. de Gasparin, 47 grammes d'azote pour 100 kilogrammes du poids du corps. Suivant M. Boussingault, l'azote nécessaire à l'entretien de 100 kilogrammes de cheval ou de bœuf se trouvent dans 200 à 225 grammes de matières albuminoïdes ; conséquemment il faut 1 kilogramme de ces matières à un cheval de 500 kilogrammes et 1200 gram- mes à une vache du poids de 600 kilogrammes. On voit, d'après cela, qu'au point de vue de l'application, la question de la nutrition est une question d'analyse et de balance qui doit tenir une grande place parmi celles dont s'occupent l'éleveur et le zootechnicien. CHAPITRE LXVI DE LA NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS Ce qu'il y a de plus merveilleux dans le travail nutritif, n'est pas le change- ment chimique par lequel un principe caractérisé se transforme en un autre principe jouissant de propriétés nouvelles ; c'est le résultat même de la trans- formation, l'ordre suivant lequel celle-ci s'effectue, l'organisation particulière du produit et le rôle qu'il devient apte à remplir. Rien n'est en effet plus étonnant 710 DE LA NUTRITION. que de voir, dans l'éconoinie animale, tant de parties si différentes par leur situation, leur aspect, leur texture, leur composition et leurs propriétés, se for- mer, s'accroître, s'entretenir et se renouveler aux dépens du même fluide. C'est de ce liquide générateur que naissent la substance dure de l'os et de la dent aussi bien que la pulpe molle du cerveau et de la moelle épinière, la matière opaque de la choroïde, et la substance diaphane du cristallin, la membrane incolore, et le poil ou la plume reflétant les couleurs les plus variées ; la libre qui sent et la libre qui se contracte ; le nerf qui préside à la sensibilité et celui qui détermine le mouvement, celui qui est affecté par la lumière et celui qui perçoit les vibrations sonores. C'est de lui que dérivent le suc gastrique dis- solvant, la bile acre et le mucus, la synovie, la sérosité sans propriétés irritantes, le venin qui tue, le fluide séminal qui donne la vie, le lait qui nourrit. Enfin c'est à ce liquide que chaque partie organisée emprunte ce qui est nécessaire à sa nutrition et à sa sécrétion, comme c'est à lui que chaque partie rend ce qu'elle a usé ou ce qui ne lui convient plus. Les diverses parties de l'économie, pour se former, empruntent au sang une masse de matériaux proportionnelle à leur poids respectif, mais, une fois consti- tuées, elles lui soustraient une quantité d'éléments en rapport, soit avec la rapi- dité de leur accroissement et de leur rénovation, soit avec l'abondance de leurs sécrétions. Le système musculaire, par exemple qui, à lui seul, représente la moi- tié du poids du corps, absorbe sans doute à peu près autant que toutes les autres parties réunies. Les autres tissus mous, d'une vascularité analogue, lui enlèvent probablement chacun une quantité d'éléments proportionnelle à leur poids ; mais les parties peu vasculaires, comme les os, les cartilages, les tendons, les liga- ments, lui en soustraient moins que les premières. C'est pour juger approxima- tivement de la somme de matériaux nécessaires à la constitution et à l'entretien de chaque organe, que j'ai pesé les diverses parties du corps de nos espèces domestiques et de quelques animaux sauvages. Les résultats de ces pesées se trouvent dans les tableaux suivants : Le tissu cellulaire, que l'on a longtemps considéré comme l'élément généra- teur de beaucoup d'autres, se développe d'après les recherches de Schwann, sous la forme de cellules ovales qui apparaissent dans le plasma. Ces cellules à noyaux s'allongent peu à peu, se découpent longitudinalement en fibres paral- lèles les unes aux autres, sur la longueur desquelles persistent, pendant un cer- tain temps, le noyau des cellules primitives. Mais, suivant Virchow, les cellules nouvelles résultent uniquement de la prolifération des cellules plus anciennes, et ne se divisent point en fibrilles : elles s'allongent simplement, deviennent fusiformes, quelquefois étoilées, et se dispersent dans une substance intercellu- laire, amorphe, très abondante, qui constitue la plus grande partie du tissu. Un certain nombre de ces cellules sont anastomosées entre elles et paraissent cons- tituer un ensemble de canaux destiné à conduire les sucs nutritifs dans les points éloignés des vaisseaux capillaires. Les fibres de ce tissu sont de deux espèces : les plus nombreuses, cylindriques, pleines, à contours lisses, décrivent des ondulations et se rassemblent en faisceaux entrecroisés ou en lamelles plus ou moins étendues; les plus rares, enroulées autour des premières, présentent sur NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 711 CHEVAL PE TRAIT ADULTE, PESANT 501 KILOCUAMMES. PVIUIE5 l)C C0I\P5. -Sang Peau Corne des sabots. . . . Muscles et annexes. . Os et cartilages frais. Os et cartilages secs. Encéphale Moelle épinière Langue ■ . . . Larynx . . Trachée OEsophage Parotide droite Parotide gaucho Maxillaire droite. . . Maxillaire gauche. . . Sublinguales (cnsem.) Corps thyroïdes (cns.) Cœur Poumons roius des parues. Kil. 29,500 30,135 2,7C0 227,900 Gl,9i5 45,100 0,627 0,280 1,200 0,290 0,572 D,i20 0,202 0,210 0,042 0,047 0,025 0,030 3,750 4,340 Rapport des' parues au corps. 1G.98 1G,()2 181,52 2,19 8,08 11,10 779,04 1789,28 417,50 1727,58 875,87 1192,85 2480,19 2385,71 11928,57 10059,57 20040,00 10700,00 133^60 115,43 PARTIES DU conrs. Foie Pxate Pancréas Rein droit. . Rein gauche Capsules surr. (eus.). . Vessie vide Pénis, scrot., fourreau Testicule droit Testicule gauche Estomac vide Intestin grêle vide. . . Ceecum vide Côlon replié vide Cùlon llottant et rcct. . Matières de l'estomac. Mat. de l'intestmgrcle ilatières du ctccuni. . . Matières du cùlon. . . . POIDS des pallies lui. 6,020 0,985 0,322 0,777 0,777 0,051 0,140 1,725 0,145 0,163 1,190 4,775 2,258 5,600 3,900 5,510 4,925 0,342 2^,790 RAPPORT des purlios au corps. ■ 75,07 508,02 1555,90 644,78 044,78 9823,52 3578,57 290,43 3455,17 3073,61 421,00 104,92 221 87 89',46 129,51 90,92 101,72 78,99 20,20 JUSII^NT DE TR.VIT LÉGER ADULTE, TRF.IZG ANS, PESANT 400 KILOGRAMMES. P.iRTlES DU COUPS. Sang Peau Corne des sabots. . . . Muscles et annexes. . Os et cartilages frais. . Os et cartilages secs. Encéphale Moelle épinière Langue Larynx Trachée.. . Œsophage Parotide droite Parotide gauche. Maxillaire droite. . . . Maxillaire gauche. . . Sublinguales (ensem. ) Corps thyroïdes (ens.) Cœur des parties. 19,836 18,500 2,375 183,500 57,700 36,800 0,672 0,309 1,025 0,250 0,566 0,317 0,172 0,179 0,044 0,047 0,021 ■0,024 3,050 lUPl'OllT des pui-tii-: uucorpï. 20,16 21,62 155',33 2,17 6,93 10,86 595,23 1294,49 390,24 iooo;oo 706,71 1264,98 2325,58 2234,63 9099,90 8510,63 19047,61 16666,66 131,14 Poumons. Foie. . . . . . . . Rate . . . . Pancréas • . . . , Rein droit Rein gauche Capsules surr. enscm). Vessie vide Utérus, ovaires, vagin. Estomac vide. ........ Intestin grêle Ciecum vide Côlon replié vide. . . . Côlon flot, et rect. vides. Matières de l'estom-ac. Mat. de l'intestin grêle. Matières du ceecum . . . Matières du côlon. . . . parties. lui. 5,350 5,225 0,967 0,308 0,715 0,704 0,065 0,120 1;285 4,350 4,400 2,600 0,700 4,500 2,605 8,800 7,900 44,900 BiPPORT dos parties au corps, 74,76 76,55 413,65 1298,70 559,44 568,18 6153,84 3333,33 311,28 296,29 - 90,90, 153,84 59,70 S8,S8 153,55' 45,45 50,63 8,90 712 DE LA NUTRITION. BÉLIER DE QUATRE ANS, PESANT 55 500 CR. i'auties du corps. Peau Corne lies sabols et de ^ la tète Muscles et annexes . . . Os et cartilages frais.. Os et cartilages secs. . Encéphale ]\Ioelle épinière Langue, larynx, Ira- '■* chée, œsophage. . . Parotides (ensemble).. Maxillaires (enscmb.). Cœur Poumons Foie Rate Pancréas : Pleins (ensemble). . . . Testicules (ensemble). ! Estomac vide ' Intestins vides. ..:... Mésentère et ganglions. Jlalicrcs de l'estomac. Matières de l'inleslin.. l [ CHIENNE CRAQUE ADULTE, PESAÎIT 12 70OCI{. ^ LEVRIER DERl'SSlt, h A.NS, PESANT 20 7G0 GR. l'OlDS des parties. Isil, J0,350 1,690 19,200 5,810 /i,0/i5 0-,13G 0,053 0,Zi02 0,0i8 0,032 0.210 0,917 0,G62 0,058 0,104 0,136 0,416 ,1301 1,160 0,237 8,639 1,413 rM'i'onT dos pallies a» corps. 5,36 32,84 2,83 ' 9,55 13,72 408,08 1047,16 138,05 1156,25 1734',37 264,28 60,52 83,83 533,65 956,89 408,08 133,41 40,77 47,84 234,17 6,42 39,27 PORC JEUNE, PESANT 29177 GRAMMES. PART1L5 Cu cours. Peau Corne des ohglons. . Sang Muscles et annexes. . Os et cartilages frais. Os et cartilages secs. Graisse libre Encéphale. • . .' Moelle épinière Langue^, larynx. Ira chée, œsophage. . Parotides (ensemble). Maxillaires (ensemb.) Sublinguales (ensem.) Cœur Poumons Foie Rate Pancréas Reins (ensemble). . . Utéruset ovaires. . . . Estomac vide Intestin vide JMalicres de l'estomac Matières- de l'intestin POIDS miTùiiT des c es parties parties. QU corps. Isil. 2,941 9,92 0,030 972,50 0,777 37,55 13,259 2,20 3,292 8,86 2,220 13,14 2,800 10,42 0,101 288,88 0-/J33 88i,15 0,269 108,46 0,138 211,42 0.020 1458,85 0,007 4108,14 0,178 103,91 0,254 114.87 0,905 32,23 0,079 369,32 0,056 521,01 0,142 205,47 0,303 96,29 0,335 87,09 1,247 23,39 0,725 1 40,24 Sang du Cœur et des gros vaisseaux. . . . Peau Muscles fet annexes. . . Os et cartilages frais. . Os et cartilages secs. . Graisselibre Encéphale Jloelle épinière Langue, larynx, tra- , chée, œsophage... . Parotides (ensemble).. Maxillaires (ensemb.). Cœur Poumons... Foie Rate Pancréas Reins (ensemble) .... Estomac vide. ... ... Intestin vide Matières de l'estomac et de l'intestin. . . . 0,110 1,525 6,022 1,723 1,218 0,785 0,082 0,017 0,162 0,086 0,013 0,110 0,310 0,568 0,040 0,050 0,086 0,124 0,381 0,185 115,45 8,32 2,10 7,37 ,10,42 16,17 154,87 745,05 78,39 147,67 976,92 115,45 40,96 ^ 22,35 317,50 254,00 147,67 102,41 33,33 68,64 Peau. Muscles et annexes..*. Os et cartilages frais.. Os et cartilages secs. . Graisse libre Encéphale Moelle épinière Langue et larynx. , . Trachée OEsophage Parotides (ensemble). . Maxillaires (ensemble). Cœur." Poumons . . Foie. .- . Rate ". ■ Pancréas. . . '. Reins (ensemble). . . . Vessie et prostate. . . . Testicules (ensemble). Estomac vide. ' Intestin vide. Matières dej'estomac et de l'intestin. . . . Kil. 1,350 15, 12,260 1, 2,038 7, 2,050 10, 0,3^0 61, 0,092 225, 0,027 768, 0,118 1 175, 0,033 629, 0,067 309, 0,010 2070, 0,014 1482, 0,271 76, 0,371 55, 0,897 23, 0,177 117, 0,085 244, 0,209 99, 0,055 577, 0.036 576, 0,133 156, 0,460 45, 0,097 1 214, NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 713 LIONNE, rnSANT 51 I^Q GRAMMES. PARiics Di; COUPS. Peau Muscles cl annexes. . . Os et cartilages frais. . Us et cartilages secs. . Graisse libre Encéphale. Moelle cpinicre Langue, larynx, tra- chée, œsophage. . . . Gl. parotides (ensemb).. Gl. maxillaires (ens.). Glanàes molaires Cœur Poumons Foie Haie Kcins (enseinblc). . . . Capsules surr. (ens.). . Pancréas Utérus,'"ovaires, vessie Estomac vi'ile Intestin vide dos parties. kil. 5,028 28,240 8,57i G, 070 0.300 0,200 0,053 0.785 0,020 0,03i O.OOi 0,337 0.595 2,000 l 0,115 j 0,402 I 0,016 0.073 0,095 0,536 1,244 KAi'i'onr des parties ua corps. 10,19 1,81 5,97 8,44 170,80 256,20 883,44 65,27 2502,00 1507,05' 12810, Ool 152,04 ; 86,11 ; 25,02 ; 445,56 : 127,46 ; 3202,50 ; 701,92 : 539,36 : 95,59 : ûl,18 iivi;ne nAvÉE, pesam 20 150 grammes. .inTiEs DU conrs. EIÉVHE ADULTE, PES.VNT 3422 GHAMMES. Sang du cœur et des , gros vaisseaux Peau Muscles et annexes. . ■ Os et cartilages frais. . Os et cartilages secs. . Encéphale Moelle épinière Langue, larynx, o:so- ])hagc, tracliéc. . . . Gl. parotides(ensemb.). Gl. maxillaires (ens, i . Gl. sous-zygom. (ens.). Gl. de Harderus Cœur Poumons Foie •r.ate Pancréas Peins (ensemble) Mésentère et ganglions. Utérus et ovaires Estomac vide Intestin vide Contenu de l'estomac. Contenu de l'intestin . . 15 220 1,677 294 212 12 G 22 10 39 C2 135 2 8 20 7 40 21 138 127 270 228,13 15',55 2,04 11,63 16,14 285,16 570,33 155,54 342,20 1711,00 684,40 1140.66 87,74 55,19 25,34 1711,00 427,75 171,10 488,85 85,55 162,95 24,75 26,94 12,67 Sang du cœur et des gros vaisseaux Peau Muscles et annexes. . Os et cartilages frais. . Os et cartilages secs. . Graisse libre Langue et larynx. . . . Trachée OEsophage Gl. parotides(ensemb.). Gl. maxillaires (ens.). Cœur Poumons Foie Rate Pancréas Pleins (ensemble) . . . , L'térus, ovaires, vessie Estomac vide Intestin vide . Matières de l'estomac Matières de l'intestin nAfi'OiiT des parties Qvi corps. 0,100 2,500 8,900 3,137 2,250 2,915 0,125 0,030 0,060 0,016 0,016 0,155 0,286 0,488 0,035 0,029 0,140 0,019 0,233 0,309 0,200 0,100 201,50 7,87 2,26 G, 42 • 8,95 G,91 161,20 671,66 335,83 1259,37 1259,37 130,00 70,45 ■ 41.29 575,71 694,82 143,92 1060,52 ; 86,48 ; 54,60 ; 100,75 : 201,50 POULE ADULTE, PESANT 13G2 GRAMMES. Peau et plumes. . , , . Muscles et annexes^. Os et cartilages frais. Graisse libre Os et cartilages secs. Encéphale.- .Moelle épinière Langue Larynx et trachée. . . Yeux Poumons Cœur Œsophage, jabot. . . Gésier vide Intestin vide Foie . . . Rate.-. Pancréas Reins Ovaire et oviductc. . . Contenu du gésier. . . Contenu de l'intestin 339 637 154 59 107 4 3 4 10 8 19 32 41 48 o 3 15 7 14 15 1: 5,G& 1: 2,13 1: 8,84 1: 23,08 1: 12,72 1:340,50 1:454,00 454,00 681,00 1: 340.50 136,20 1:170,25 71,68 42,56 33,21 28,37 1:454,00 454,00 90,80 1:194,57 97,28 90,30 714 DE LA NUTRITION, leur trajet des noyaux bien distincts, et offrent des contours obscurs qui don- nent à supposer qu'elles sont creuses. Ces derniers finissent d'après quelques micrographes, par perdre les noyaux qui les distinguent. Le développement de ce tissu commence à s'effectuer dès les premiers temps de la vie embryonnaire ; il continue pendant toute la durée de la vie fœtale ; plus tard, il devient un phénomène très général dans le travail delà cicatrisation et de la reproduction des tissus : alors le tissu cellulaire formé peut, en se modi- fiant légèrement, donner naissance au tissu fibreux et au séreux, dontles éléments sont analogues, sinon à peu près identiques, à ceux du tissu générateur. Ce tissu paraît de nature albumineuse. Il donne de la gélatine par la coclion, et se dissout à la longue dans l'eau bouillante, surtout avec addition d'un acide ou d'un alcali. Le tannin ou le bichlorure de mercure le transforme en un composé imputrescible. La nutrition des muscles, qui emploie, à elle seule, à peu près la moitié de la masse totale du sang, offre, dans son ensemble, quelques traits remarquables propres à la différencier de celle des autres tissus. Les fibres musculaires, d'après les recherches des micrographes, notamment celles de Valentin, dérivent de cellules qui se sont allongées, tout en conservant leur contenu et le noyau de leurs parois. Leurs faisceaux sont généralement lisses dans les muscles de la vie organique et striés transversalement dans ceux de la vie animale. Les faisceaux primitifs ont une enveloppe ou sarcolemme de nature conjonctive et un contenu où les noyaux apparaissent sous l'influence de l'acide acétique. Les fibrilles, qui dérivent probablement de cellules fusiformes très allongées, sont striées, et présentent de fins granules au niveau des stries. L'acide acétique fait pâlir les faisceaux et les dilate, en rendant les stries plus apparentes; l'acide chlorhydrique les rompt en segments transverses très courts. Leur subs- tance constitutive, appelée syntonine, se dissout dans l'acide chlorhydrique étendu et dans les alcalis ; leurs noyaux sont plus réfractaires et de nature spéciale ; enfin les granules semblent constitués par de la graisse. Le sarcolemme n'est point apte à se convertir en gélatine par l'ébullition, comme le fait le tissu cellulaire commun. D'après Lehmann, le liquide opalin et acide qui imprègne le muscle contient de la graisse, de l'albumine, de la caséine, de la créatine, de l'inosite, des acides lactique, acétique et formique, qui semblent en partie résulter du travail de déssassimilation, enfin des phosphates et des sels potassiques. Dans les muscles lisses des viscères, les fibres sont formées par des cellules longues, fusiformes, à noyau homogène, que l'acide acétique rend très apparent. Elles sont alors constituées par la syntonine soluble dans l'acide chlorhydrique et précipitable en flocons dans le liquide neutralisé. Le suc de ces muscles est acide, chargé de matière albumineuse et d'un peu de créatine. Lorsque le muscle s'accroît, il se forme de nouvelles fibres et de nouveaux fascicules entre les fibres et les fascicules anciens, comme Schwann l'a vu pour la matrice, pendant la gestation. Dans le jeune âge, les muscles sont pâles, mous, peu énergiques; mais peu à peu leur consistance augmente et leur couleur se fonce : d'abord ils paraissent plus gélatineux, leur tissu semble moins pénétré de fibrine, les divers muscles NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 715 sont peu distincts et un peu grêles ; plus tard, les masses musculaires prennent du volume, leurs saillies se dessinent, les membres s'arrondissent. A l'âge adulte, la libre est (lexueuse ; elle durcit et devient coriace à mesure que les animaux vieillissent, surtout s'ils sont employés à des travaux pénibles ; mais tous les muscles n'ont ni la même couleur ni la même consistance dans une espèce donnée. Les peauciers, le sterno-huméral, le sterno-aponévrotique, le demi- tendineux, le demi-membraneux, sont moins rouges que la plupart des autres; ceux des pattes du coq et de plusieurs gallinacés ont une teinte assez vive, tandis que ceux du bréchet et du tronc sont très pfdes. Les psoas, le pectine, le biceps, sont d'une texture extrêmement délicate; au contraire, le mastoïdo- huméral, le splénius, la plupart des muscles cervicaux, ceux de Tavant-bras, de la jambe, ont une consistance et une dureté qui tiennent en grande partie aux lames aponévrotiques qui les recouvrent, aux intersections qui sillonnent leur substance et aux tendons qui les terminent. Ces organes sont loin de prendre les mêmes caractères dans tous les animaux. On les voit très pâles chez le lapin et très rouges chez le lièvre, moins colorés, en général, chez les herbivores que chez les carnassiers, moins chez les animaux gras, chez les sujets dont l'accroissement a été rapide, que chez ceux qui sont maigres et qui ont travaillé. La nutrition de ces organes acquiert de Tactivité par le fait d'un exercice modéré, qui donne, du reste, à la chair des animaux un goût plus agréable que chez les sujets élevés dans une inaction à peu près absolue. Les progrès de l'âge, les travaux excessifs, une alimentation insuffisante, diverses maladies, telles que la phthisie des bêtes bovines, déterminent, à la longue, une atrophie générale du système, poussée souvent à un degré extrême sur les vieilles vaches laitières. Les pressions extérieures, les lésions des nerfs produisent souvent une décoloration et une atrophie notables de quelques muscles, comme celles des droits de la tête et de plusieurs muscles laryngés du cheval. L'état de vacuité de l'utérus, après la parturition, détermine Famincissement des faisceaux musculaires, des ligaments larges et de la membrane contractile du viscère; l'inanition diminue le poids du cœur comme celui des muscles du squelette. La composition chimique du muscle varie, d'ailleurs, suivant les espèces, l'âge et l'état des animaux, dans des limites très étendues. Sur certains sujets, ce tissu contient beaucoup de graisse, de principes solubles ; sur d'autres, il en est presque dépouillé, au point que sa faculté nutritive en est considérablement affaiblie. Le tissu élastique, que l'on considère comme un dérivé du tissu conjonctif, résulte d'une modification dans les propriétés des parois des cellules qui s'épais- sissent et perdent leur contenu : ces fdDres, au lieu de demeurer parallèles, deviennent spiralées et inégalement sinueuses, fréquemment anastomosées entre elles. Leur matière constituante résiste à une ébullition très prolongée ; elle demeure inaltérable dans l'acide acétique, qui rend invisible le tissu cellulaire ; mais elle donne par l'acide sulfurique étendu, de la leucine au lieu de gélatine. C'est donc une matière distincte de celle du tissu conjonctif. Le tissu fibreux blanc ou jaune est constitué par des libres dérivées de cellules 716 DR LA NUTRITION'. qui se sont allongées ou qui ont pris la disposition fusiforme. En outre, les cor- puscules plus ou moins ramifiés qui existent dans ces tissus paraissent être dos des cellules en communication les unes avec les autres, et qui ont probablement pour office la distribution des sucs nutritifs, car les tendons, souvent d'un volume considérable, n'ont de vaisseaux sanguins que dans leur gaîne générale et dans les gaines secondaires ou tertiaires qui enveloppent les faisceaux ou les fascicules. Néanmoins ces parties se cicatrisent, sans trop de difficulté, dans cer- taines circonstances. Toutes les parties fibreuses prennent peu à peu de la consistance, acquièrent de la ténacité et deviennent de moins en moins réductibles en gélatine par l'action de l'eau bouillante. Il y a une très grande différence, sous ce rapport, entre les tendons du fœtus et ceux de l'animal adulte, entre les artères ombilicales, si faciles à déchirer, et les vaisseaux artériels d'un animal arrivé à son complet développe- ment. Les tissus fibreux s'ossifient quelque fois en plusieurs points, soit normale- ment, soit accidentellement. Leur ossification est normale dans les tendons des muscles des pattes de beaucoup d'oiseaux, surtout parmi les gallinacés, dans ceux des muscles du cou et du dos de certains oiseaux, et elle y commence de très bonne heure. Elle est accidentelle en d'autres points, comme on le voit dans les poches anévrysmales, dans la dilatation ovoïde de la grande mésentérique du cheval, le tendon terminal du moyen fessier, celui du fléchisseur profond des phalanges, au niveau du carpe et de la région digitée, dans la corde du ligament cervical, près de la nuque et au-dessus du garrot, dans l'aponévrose du fascia-lata et dans la couche élastique qui recouvre les ischio-tibiaux, dans la dure-mère rachidienne du chien, etc. Mais ces tissus ne se transforment jamais en tissu musculaire, de même que le second ne se convertit pas en la substance des premiers. La bride fibreuse qui, chez le cheval, forme quelquefois un petit faisceau musculaire à la face interne du coude, représente l'un des supinateurs du carnassier, mais n'est nullement un ligament transformé en muscle. Le ligament sésamoïdien supérieur ou sus- penseur du boulet, dans l'épaisseur duquel on trouve, chez les solipèdes et les ruminants, des fibres charnues, représente les interosseux du pied des carnas- siers ; mais il est tel à tous les âges de la vie fœtale et de la vie extra-utérine. D'autres muscles sont, de même, réduits chez certains animaux à l'état de simples ligaments ; mais ce changement d'état entre dans le plan général de l'organisa- tion et ne dérive d'aucune métamorphose opérée pendant la vie. Les cartilages qui paraissent dépourvus de vaisseaux propres, ou qui en possèdent très peu, et dont la nutrition s'effectue aux dépens des fluides char- riés par les vaisseaux de leur enveloppe fibreuse, sont constitués par une subs- tance homogène, transparente, lorsqu'elle est réduite en lames minces. Au milieu de cette gangue amorphe, se trouvent disséminées des cavités inégales, irrégu- lièrement sphéroïdales ou elliptiques qui, elles-mêmes, sont remplies de cellules à diverses phases d'évolution. Valentin et Schwann prétendent que la substance homogène se forme la première, et qu'ensuite les cellules s'y développent et s'y agrandissent en donnant naissance aux cavités, à l'intérieur desquelles sur- KL'TIUTIÛN DANS LES DIVERS TISSUS. 717 gissent ultérieuieineal d'autres cellules. Dans les premiers tem[is de la vie fœtale les cavités des cartilages sont très nombreuses; mais, plus tard, elles le devien- nent beaucoup moins, tout en acquérant dos proportions supérieures à celles qu'elles avaient primitivement. Les tibro-carlilages, tels que ceux qui forment les ménisques de l'articulation fémoro-tibiale ou temporo-maxillairc, quoiqu'ils renferment une quantité considé- rable de tissu fibreux, sont aussi, d'après quelques observateurs, absolument dépourvus de vaisseaux. Ils sont parcourus seulement par des canaux cellulaires très lins et anastomosés comme dans les tendons. La ligure donnée plus haut, page 649, les représente sur les ménisques de l'articulation fémoro-tibiale. Au point de vue chimique, la constitution de ces parties est extrêmement curieuse. Lorsque le cartilage est soumis à une ébullition prolongée, sa subs- tance intercellulaire se dissout et se transforme en chondrine : sa matière cellu- laire demeure insoluble. Le libro-cartilage, au lieu de donner de la chondrine fournit une sorte de gélatine que le tannin précipite difficilement. Les divers réac- tions auxquels on le soumet tendent à démontrer que la substance homogène, les cellules et les noyaux ont chacun une composition propre. Le travail nutritif parait extrêmement obscur dans ces tissus : aussi, lorsqu'ils ont été usés ou détruits partiellement, ils ne montrent le plus souvent aucune marque évidente de régénération. Il est fort commun de voir, sur le cheval, des sillons profonds creusés dans les cartilages diarthrodiaux, sur les surfaces arti- culaires de l'astragade, de l'extrémité inférieure du tibia, de la rotule, de la tro- chlée fémorale, même sur les surfaces de l'articulation huméro-radiale. Alors, la destruction partielle ou totale des cartilages est accompagnée d'une transfor- mation éburnée des surfaces osseuses. Néanmoins, lorsque les cartilages se rompent, ce qui est assez rare, ou lorsqu'ils sont divisés, ils se cicatrisent par l'intervention de leurs enveloppes fibreuses, s'ils en sont pourvus. La nutrition, en changeant de caractère dans les cartilages, par le failde l'âge, y détermine une ossification partielle ou quelquefois presque complète. La cloi- son nasale s'ossifie peu à peu, pour prolonger la lame médiane de Tethmoïde ; les cartilages laryngiens du cheval et des ruminants, ceux de la trachée, celui du scapulum, sont fréquemment le siège d'ossifications qui débutent sous forme d'îles dont le diamètre augmente progressivement. Enfin, les cartilages costaux et les fibro-cartilages de l'os du pied du cheval sont souvent envahis par une ossi- fication toute particulière et bien connue. Mais dans toutes ces conditions, les cartilages et les fibro-cartilages commencent par devenir vasculaires, et ce n'est qu'à partir de l'apparition des vaisseaux que le travail d'ossification s'établit, comme dans les os qui passent de l'état cartilagineux à l'état osseux proprement dit. Le travail de formation, d'accroissement et de nutrition des os est fort com- plexe, parce que, à une de ses périodes, il résulte d'une transformation de tissu et à une autre de l'intervention d'éléments étrangers. Au début, l'ossification peut s'opérer dans ce qu'on appelle le tissu muqueux. et, un peu plus tard, dans le cartilage : dans les deux cas, on a affaire à des élé- ments cellulaires qui doivent se modifier. Lorsque le cartilage de l'embryon va 718 DE LA NUTRITION. s'ossilier. ses éléments prennent de l'extension, ses noyaux se fractionnent ; il apparaît des groupes cellulaires entourés d'une membrane dont les prolonge- ments internes séparent les cellules les unes des autres. Une fois, d'après Vir- chow, que les groupes se sont très multipliés, les cellules comprimées perdent leurs caractères primitifs, se plissent, s'étirent par places, et se transforment en corpuscules osseux qui demeurent pourtant toujours de véritables cellules. C'est par petits îlots, et dans les noyaux dits d'ossification, que ce travail s'effectue. Alors le noyau contient de nombreux vaisseaux sanguins qui s'irradient progres- sivement du point déjà ossifié à ceux qui s'ossifieront plus tard. Dans ce travail les cellules du cartilage se transforment donc simplement en cellules osseuses ou en corpuscules étoiles. Elles peuvent également, dit-on, se transformer en cel- lules médullaires qui, après avoir passé par cette seconde forme, ne perdent pas leur aptitude à devenir des cellules osseuses ou des corpuscules étoiles. Le dépôt des sels calcaires est, jusqu'à un certain point, une opération indépendante du tra- vail de mutation cellulaire. Ces sels existent déjà, en amas considérables, autour des groupes de cellules de cartilage, avant la formation des corpuscules étoiles. Et une fois que ceux-ci se constituent, il reste dans leurs interstices une substance fondamentale, homogène, dépourvue de vaisseaux, qui doit s'imprégner de sels. Dans ces phénomènes successifs de la conversion du cartilage en os, les cel- lules du cartilage paraissent donc devenir des cellules osseuses ou des corpus- cules étoiles dont la cavité et le noyau se conservent ; la partie hyaline homogène du cartilage devient substance intermédiaire, et s'imprègne de sels qui substituent à la souplesse du tissu cartilagineux la dureté et la grande résis- tance propres au tissu osseux. D'après cela, l'os ne semble donc pas se dévelop- per dans un blastème. C'est un tissu de transformation, comme dans l'arbre le tissu ligneux dérive du tissu herbacé, Son développement se fait au début par le cartilage, comme plus tard il se continuera à la fois par les disques épiphy- saires et parle périoste, et toujours il conserve le caractère d'une transformation Celle-ci s'étend même à la nature chimique du tissu, car la chondrine qui exis- tait dans le cartilage se change en osséine ou en gélatine. Pendant que débute le travail de l'ossification, le corps de l'os est plein ; les éléments du cartilage ou du tissu osseux sont appliqués sur les vaisseaux. Mais, bien avant qu'il soit achevé, l'os se creuse d'un canal qui doit s'agrandir pen- dant longtemps : c'est par résorption que cette cavité se forme ; suivant les his- tologistes, c'est par transformation du tissu osseux en tissu médullaire. La vie de l'os, dès le début, est entretenue par les vaisseaux sanguins qui le parcourent en tous sens, anastomosés d'une part avec ceux du périoste, et de l'autre avec ceux du tissu médullaire. Les prolongements des corpuscules étoiles qui parais- sent creux ou tubuliformes, peuvent encore servir au transport des sucs nutri- tifs, car ils paraissent communiquer avec les cavités des cellules et avec la cavité médullaire. Une fois formés, les os s'accroissent dans tous les sens : en largeur, par l'ad- dition de nouvelles couches à la surface des parties déjà existantes; en longueur, par la juxtaposition d'autres couches entre le corps de l'os et ses extrémités épi- physaires ; leur canal médullaire s'agrandit par la résorption progressive des NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 719 couches les plus internes. C'est ce que font entrevoir quelques expériences de DuhamcP de J. Hunter -, et ce que démontrent les recherches de M. Flourens'. L'accroissement des os en diamètre dérive manifestement delà superposition de nouvelles couches à l'extérieur de celles qui existaient [uimitivement. L'anneau d'argent dont Duhamel entoura l'os d'un jeune pigeon se retrouva plus tard dans le canal médullaire : les anneaux de (il de platine que M. Flourens a engagés, SOUS le périoste de plusieurs os, sur le chien, le lapin, le cochon d'Inde, ont été bientôt recouverts d'une mince couche osseuse, puis de couches de plus en plus épaisses, et enfin se sont retrouvés à l'intérieur du canal médullaire. Les petites lames d'or ou de platine insérées de même sous le périoste ont été peu à peu recouvertes et ont fini par arriver dans le canal- Enfin la garance donnée à de jeunes animaux, a teint leurs os à l'extérieur et par couches distinctes. Un porc âgé de six semaines reçut, pendant un mois, de la garance avec ses aliments; puis il fut remis pendant les six semaines suivantes à son régime primitif et tué. Les os des membres sciés transversalement laissaient voir autour du canal médul- laire une première zone blanche, formée primitivement, une seconde zone rouge à l'extérieure de la première, formée pendant le régime de la garance, et une troisième, blanche, tout à fait excentrique produite pendant les six semaines qui suivirent l'usage de la matière colorante, Un autre anim.al âgé de deux mois, fut soumis-à l'usage de la garance pendant trente jours, puis remis au régime ordinaire et enfin plus tard à l'usage de la manière colorante. Ses os oftraient alternativement deux couches blanches et deux couches rouges, correspondant chacune, les blanches au régime ordinaire, les rouges à celui de la garance. La signification des résultats donnés par la garance n'a, malgré les objections de Serres, de Brullé et de Doyère, rien d'équivoque. D'une part, les couches rouges sur l'ensemble de l'os, sont bien des couches de nouvelle formation pro- duites pendant l'usage de la matière colorante. D'autre part, les couches rouges que le microscope fait voir àla face interne des canalicules, ne sont pas nécessaire- ment des couches colorées par imbibition, car les canalicules, vus sur la coupe, présentent des couches qui indiquent une formation successive de zones concen- triques, dont les plus internes sont les plus récentes ; or, celles-ci peuvent très bien, comme les couches sous-périostiques, correspondre à l'alimentation colorée. En même temps que des couches nouvelles s'ajoutent successivement en dehors des couches primitives, celles-ci se résorbent ou disparaissent les unes après les autres. La couche la plus ancienne ou la plus rapprochée du canal médullaire, disparaît la première, puis^ après celle-là, la couche placée un peu en dehors. Lorsque l'anneau de platine dont on a entouré l'os est retrouvé dans le canal médullaire c'est que tout ce qui était formé au moment de l'application de l'an- neau a disparu, et tout ce qui est en dehors de l'anneau s'est formé à partir du moment où celui-ci a été appliqué ; conséquemment, l'os primitif, l'os ancien a été résorbé pendant que s'est formé l'os nouveau, 1. Duhamel. Mémoires de l'AcacL des sciences de lîil à 1743. 2. Hunter, Œuvres complètes, traduction française de Richelot, l. I, p. 291; t. IV, p. 409. 3. Flourens, Théorie expérimentale de la formation des os. Paris, 1847, in-8 avec fig. 720 DE LA NUTRITION. L'accroissement en longueur s'effectue par le développement de couches nou- velles entre le corps de l'os et les épipliyses de ses extrémités, c'est-à-dire dans la couche cartilagineuse qui unit le corps aux épiphyses, Hunter, ayant prati- qué deux trous sur lalongueur d'un tibiade porc, retrouva ces deux trous, quand l'animal fut arrivé à son développement complet, à la même distance l'un de l'autre qu'au moment où ils furent percés et remplis de grains de plomi». Flourens a implanté des clous d'argent sur le tibia de jeunes lapins ; ces clous sont toujours restés à la même distance que primitivement, quoique la longueur totale de l'os eût augmenté d'un tiers, Tout l'accroissement en longueur s'est fait entre le clou et l'extrémité de l'os, car, entre chaque clou et la lame cartila- gineuse de l'épiphyse correspondante, la distance primitive a doublé, triplé ou quadruplé, suivant la durée de l'expérience. Une autre preuve de ce mode d'ac- croissement en longueur est donné par le régime de la garance, que l'on fait suivre par le régime ordinaire avant de sacrifier les animaux. Flourens a vu la partie moyenne de l'os teinte en rouge, et aux extrémités, vers les cartilages épiphysaires, une couche blanche formée après la cessation du régime de la matière colorante. Cet accroissement continue tant que les cartilages épiphy- saires persistent, même il cesse une fois qu'ils ont disparu. Pendant l'accroissement, il y a dans les os formation et destruction parallèles. Le développement d'une couche nouvelle s'accompagne de la destruction d'une couche ancienne ; l'os se renouvelle complètement, la matière qui le formait pri- mitivement disparaît peu à peu, à mesure qu'elle est remplacée par une matière nouvelle, la forme seule se conserve ; seulement, comme la formation prédomine sur la destruction, l'os augmente sensiblement de volume et de poids. Dans ce travail de formation, le périoste et le tissu médullaire jouent un rôle capital, que les expériences nous permettent d'apprécier avec exactitude. Duhamel avait été conduit, d'après ses propres observations, à considérer le périoste comme l'organe générateur de l'os. L'ossification progressive des lames du périoste suffisait, dans son opinion, à l'accroissement en diamètre des os. Flourens est arrivé à établir expérimentalement que la formation de l'os a lieu dans cette membrane. Il a réséqué sur le chien un segment de côte en con- servant le périoste au niveau de la partie détruite : les extrémités de la côte ayant été maintenues à distance, le périoste s'est tuméfié et épaissi ;il s'est déve- loppé dans ce périoste, devenu comme cartilagineux, un ou plusieurs petits noyaux bien distincts et sans rapport de contiguïté avec les extrémités de la côte. Peu à peu les noyaux ont pris de l'extension; ils ontcomblé l'espace résultantdela résec- tion, en un mot, reconstitué la portion osseuse détruite et rétabli la conti- nuité entre les deux bouts de l'os costal. Les os longs dont la membrane médul- laire a été détruite sont morts, et un os nouveau, de même forme que l'ancien, a été reproduit |par le périoste laissé intact ; l'extrémité scapulaire de l'humérus, l'extrémité inférieure du radius, enlevées, se sont régénérées. A la suite de ces opérations, le périoste s'est tuméfié et a montré dans son épaisseur des noyaux osseux dont l'accroissement graduel a reconstitué les parties détruites. Enfin le périoste détruit se régénère, et, aprè? s'être régénéré, il reproduit les portions d'os enlevées ; c'est lui aussi qui, d'après Flourens, forme le cal : « Quand un os NUTHITION DANS LES DIVERS TISSUS. 721 est fractuié, le périoste commence par se tuméfier, se gonfler, envoyer des pro- longements entre les bouts d'os rompus, et ceci est pour le périoste le premier pro- grès; le second progrès est de s'attacher à ces bouts et de s'unir à la membrane médullaire, puis il paraît dans le périoste un ou plusieurs noyaux osseux ; ces noyeux osseux se développent, s'étendent, touchent de chaque côté à chaque bout d'os rompu, et la fracture est remise. » Conséqueinment, le cal se formerait de la même manière que les couches osseuses destinées à accroître l'os en longueur ou en largeur. Il est incontestable que le périoste remplit un rôle important dans le travail formateur de l'os, puisque, une fois détruit, l'os meurt totalement ou dans ses couches superficielles seulement ; mais il ne me semble pas encore bien démon- tré que la formation de la substance osseuse ait lieu dans l'épaisseur même de cette membrane, car le tissu osseux peut s'organiser en dehors de celle-ci et aux dépens des matériaux fournis par les nombreux vaisseaux qui, de la face interne du périoste, pénètrent dans l'os. Mais comment le périoste contribue-t-il à la formation des feuillets osseux qui enveloppent successivement les parties anciennes ? Est-ce simplement en four- nissant du sang ou du blastème? Est-ce en donnant une couche proliférante ou enlin, en se transformant, comme quelques-uns Tont pensé, en substance osseuse à mesure qu'il se régénère ? Pendant le jeune âge et tant que l'accroissement de l'os jouit d'une grande acti- >ité, le périoste est épais et très vasculaire ; il présente à sa face interne une couche molle, proliférante, de nature cellulaire ou conjonctive, qui me paraît comparable au cambium intermédiaire à l'écorce et au corps ligneux des arbres Cette couche est continue à la fois au périoste" et à l'os ; elle a une substance intercellulaire homogène et des éléments très petits en voie de prolifération mêlés à quelques corpuscules étoiles, constitués récemment. Si Ton met sous ce périoste une lame métallique, il se forme en dehors de cette lame une cou- che d"os qui prend peu à peu la structure normale ; si l'on détache une bande- lette de périoste tenant aii reste par l'une de ses extrémités et si on l'enroule autour d'un muscle ou d'une région musculaire, elle donne aussi à sa surface interne une lamelle osseuse. Si même on la transporte, comme l'a fait M. Ollier, en un point où elle puisse se greffer : à l'aine, au milieu du bras et de la cuisse, elle donne encore des productions osseuses. Enfin, si l'on résèque le cubitus ou le radius, un métacarpien, un métatarsien, en respectant le périoste, il repro- duit l'os à peu près avec sa forme et ses dimensions normales. Dans tous ces cas ce n'est pas le périoste qui se convertit en os c'est sa couche profonde, ce sont les cellules de cette couche qui éprouvent la conversion osseuse. D'après M. Ollier ^ cette couche interne représenterait un blastème sous-périostal formé d'une matière liquide avec des cellules, des noyaux et de fines granulations. En l'enlevant par le raclage, on rend le périoste, tant qu'il n'est pas reconstitué^ impropre à la reproduction de l'os et en disséminant ses débris détachés on obtient partout la formation de granulations osseuses. i. OWiér, Rech. sur la prod. artific. des os (Journal de la physiol. de l'homme, 1859). G. COLIN. — Physiol. comp., 3* édit. II. — 46 722 DE LA NUTRITION. La part que [)rend la membrane ou plutôt le tissu médullaire à la formation ou à la nutrition de l'os se rapporte aux couches internes : elle tient aux vais- seaux nombreux dispersés dans l'épaisseur de ces couches. Aussi, lorsque ce tissu est détruit par suite de l'introduction d'un corps étranger dans la cavité interne de l'os, celui-ci meurt, et le périoste, demeuré intact, forme un os nou- veau qui enveloppe complètement l'os ancien. A l'intérieur de l'os nouveau appa- raît un nouveau tissu médullaire qui résorbe peu à peu l'os ancien, devenu libre et tout à fait privé de vie. Ce rôle de résorption que la substance médullaire rem- plit manifestement, aussi bien à l'état normal que dans diverses conditions acci- dentelles, ne la rend pas impropre à former ou à reproduire l'os en diverses cir- constances. L'expérimentation apprend, en effet, comme l'a fait voir M. Flourens, que, si l'on détruit totalement le périoste d'un os, celui-ci meurt, sinon en totalité, du moins dans les couches extérieures, et que la membrane médullaire produit un os nouveau à l'intérieur de l'os ancien. Le périoste et le tissu médullaire, tout en jouant chacun leur rôle respectif dans l'évolution et la régénération de l'os, sont liés par une connexité fonction- nelle intime : ils sont solidaires l'un de l'autre et en mesure de se suppléer dans une foule de cas. D'abord on les voit agir parallèlement, chacun de son côté, dans le travail de la consolidation des fractures. Pendant que le tissu médullaire organise, durcit, puis résorbe le cal interne, le périoste organise, solidifie et finalement résorbe le cal externe, et cela au moment oîi le tissu de l'os ancien n'éprouve aucune modification appréciable et ne prend aucune part sensible au travail de régénération. Il en est ainsi encore lorsque le tissu médullaire est remplacé par une lame fibreuse faisant l'office de périoste interne. En effet après la trépa- nation du crâne on voit, sur les animaux dont l'accroissement est déjà avancé, se former en dedans du crâne un cercle osseux ou une auréole sur la dure-mère pendant qu'il s'en produit une semblable au dehors et les deux, en resserrant leur ouverture, finissent par fermer celle du trépan. Mais le plus souvent l'os ancien, par les bords de l'ouverture ajoute son tribut d'éléments nouveaux à ceux du double périoste et l'ouverture, rapidement rétrécie, se trouve bientôt fermée. Le tissu médullaire, dans beaucoup de cas, semble avoir,par rapport au périoste, un rôle prépondérant. Si, commeje l'ai fait plusieurs fois sur le chien, l'agneau, le mouton, le taureau, on introduit, par une ouverture étroite de foret, un stylet métal- lique dans le canal d'un os long on constaté, après quelques semaines, que l'os est le siège d'un triple travail : 1" d'une hyperplasie dans l'intérieur du canal dont les produits de plus en plus denses représentent l'analogue du cal interne dans les fractures; 2° de la formation de couches solides nouvelles à l'extérieur de l'os, rappelant le cal externe ou les plaques surajoutées à l'os dans le cas d'irri- tation du périoste ; 3" enfin du gonflement, de l'expansion de la partie ancienne de l'os. Dans ce cas la solidarité des divers éléments essentiels et annexes de l'os sur laquelle Gosselin\ a tant insisté, trouve une démonstration irréfutable. La solidarité fonctionnelle est mise en jeu à des degrés inégaux et parfaitement 1. Goeselin, Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, art. Os, Paris, 1879, tome xxY. NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 723 distincts. Si l'initation du tissu médullaire est faible, comme dans le cas où un FiG. 187. — Tibia de taureau avec stylet FiG. 188. — Tibia du même animal, côté fm dans le canal médullaire (*). opposé, pour terme de comparaison. Stylet fm est engagé par une simple ouverture (fig. 187) il se forme seulement des (') A, stylet; B, proJuctious osseuses nouvelles dans le canal médullaire; B, plastron sous-péiiostique. 724 DE LA NUTRITION. masses osseuses dans le canal et un plaslron dans le périoste sans que les parois I / i> I '^ M :^y"iniÀ W,'W'> Éh i FiG. 189. — Tibia boursoufflé à la suite de Fjg. 190. — Tibia du même animal côté l'introduction d'un stylet dans le canal opposé, médullaire (*). du canal se boursoufflent et s'Iiypertrophient. Mais lorsque le stylet introduit par C) A, ouverture supérieure; B, ouverture inférieure. NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 725 une extrémité de l'os parcourt louti' retendue du canal et laisse sortir sa pointe à l'autre extrémité, l'irritation est plus violente, et indépendamment des produc- tions osseuses nouvelles intramédullaire et sous-périostique, il y a un boursou- flement et un épaississement énorme de l'os dont le corps devenu fusiforme dépasse de beaucoup en diamètre le corps de l'os opposé pris pour terme de comparaison. A leurs divers degrés ces modifications dans l'état de l'os (lîg. 187 et 189), par suite de l'irritation du tissu médullaire, ne consistent pas dans un déplacement d'éléments déjà formés, elles résultent d'une addition considérable d'éléments de nouvelle formation comme le montre l'excès de poids de l'os irrité sur le congé- nère pris pour terme exact de comparaison. Elles ne montrent pas seulement la solidarité entre le tissu de l'os et les tissus médullaire et périostique, solidarité établie par les connexions vasculaires ; elles montrent, ou au moins elles semblent montrer que le rùle du tissu médullaire, contrairement à l'opinion commune, a de la prépondérance sur celui du périoste, car l'irritation de celui-ci est loin de pro- voquer des formations nouvelles équivalentes à celle dont il vient d'être question. Dans le cas où l'os est malade à l'intérieur, on peut par l'évidement, que Sédillot a si souvent pratiqué', enlever les couches internes, jusqu'à trans- formation de l'os en une véritable coque. Et l'os se conserve, se régénère par la face interne, à l'aide des matériaux provenant du périoste. C'est ainsi qu'on a pu guérir des lésions graves du tibia, du calcanéum, des condyles du fémur. En somme, il est démontré : 1'^ que l'accroissement des os en diamètre dépend de l'addition de nouvelles couches à l'extérieur des couches anciennes ; 2" que leur accroissement en longueur tient à la juxtaposition de couches analogues développées aux extrémités, dans l'épaisseur des cartilages épiphysaires ; 3" qu'il y a dans la cavité médullaire résorption progressive des couches anciennes. Les phénomènes de la nutrition dans les couches osseuses formées et dans les os dont le développement est achevé sont assez obscurs ; ils ne peuvent être mis en évidence comme ceux de l'accroissement. Cependant, certains faits sont de nature à en donner une idée vague : d'abord le travail nutritif est plus actif dans les os des jeunes animaux que dans ceux des adultes ou des vieux sujets. On sait que les os des premiers sont plus mous, plus faciles à diviser et plus riches en vaisseaux : aussi se colorent-ils avec une rapidité étonnante sous l'in- fluence de la garance. Duhamel a vu des os devenir couleur de chair en vingt- quatre heures, d'un rose vif en trente-six heures et d'un rouge intense en trois jours M. Flourens a constaté qu'il suffit de trois à cinq heures pour donner une coloration sensible aux os de jeunes pigeons et de vingt-quatre pour les teindre complètement dans toutes leurs parties les plus déliées, sans que les tendons, les ligaments, les cartilages ni aucun des autres tissus de l'économie prenne la moindre teinte rougeâtre; au contraire, en dix-huit à vingt jours, c'est à peine si les os des vieux pigeons acquièrent une coloration appréciable. Il est très pro- bable, par conséquent, que, dans le jeune âge, le plasma sanguin est plus abon- damment distribué à la trame osseuse qu'il ne l'est plus tard ; en outre il est 1. Sédillot, De l'évidement sous-périosté des os. 2^ édition. Paris, 1867. 726 DE LA NUTRITION. certain que ce plasma se convertit plus rapidemment en substance osseuse àcette première période que dans les âges subséquents. Quoi qu'il en soit, les os, en vieillissant, augmentent de consistance, de dureté et de pesanteur spécilique ; leur vascularité diminue considérablement, ainsi que la quantité et le diamètre des canalicules osseux servant d'étuis aux vaisseaux ; leur surface change d'as- pect : les lignes y deviennent plus saillantes, les rugosités plus âpres, les exca- vations plus profondes; la cavité médullaire s'agrandit beaucoup, les cellules des os courts s'élargissent, l'ampleur des sinus augmente, la forme de certains os du crâne et de la face se modifie. La nutrition des os emploie une quantité considérable de matériaux plastiques; elle exige d'abord une subtance azotée insoluble dans l'eau froide, et à laquelle on a donné le nom d'osséine, substance qui se réduit en gélatine par l'action de l'eau bouillante, et présente constamment les mêmes caractères à toutes les périodes de l'ossification, à tous les âges de la vie et dans tous les animaux. Elle exige ensuite, pour un certain nombre d'espèces, une autre matière azotée, blanche, transparente et très soluble dans les acides ; enfin, d'après les intéres- santes recherches de M. Frémy\du phosphate, du carbonate de chaux, du phosphate magnésie, du phosphate ammoniaco-magnésien, du chlorure de calcium, en faible quantité, et des sels solubles, sulfates, phosphates, fluorures alcalins. Ces divers sels ne sont point combinés, mais simplement mélangés à la matière organique. Si les sels nécessaires à la constitution du tissu osseux ne sont pas offerts, en quantité suffisante par l'alimentation, la croissance est entravée ; il se mani- feste des tendances au rachitisme que Chossat a vu se développer complètement sur les pigeons. Le même observateur a, en outre, observé que les pigeons nourris au blé riche en phosphate de magnésie, mais pauvre en chaux, mou- raient, à 8 ou 10 mois diarrhéiques, avec des os minces et très fragiles. Le ra- chitisme dont les degrés sont fort nombreux peut arriver au point de rendre les os flexibles comme les cartilages. Mais il suffit d'un faible degré de cet état pour que des os se courbent comme ceux de l'avant-bras du lapin, ou ceux de la plu- part des rongeurs comme chez le basset à pattes torses (fig. 191). D'après les analyses de M. Frémy, les os renferment en général une quantité de phosphate de chaux qui s'élève tout au plus à 64 pour 100, — à 10 pour 100 de carbonate calcaire, et à 2 centièmes de phosphate de magnésie. Leur compo- sition est à peu près identique dans toutes les classes de vertébrés, et parmi les animaux les plus éloignés les uns des autres, sous le rapport de leur organisation de leur régime et des régions oîi ils sont appelés à vivre; elle est la même dans l'homme, le lion, l'éléphant, le veau, le lapin, le cachalot, l'autrucheet la tortue, etc. Néanmoins, les os des herbivores contiennent plus de sels calcaires que ceux des carnivores ; ceux des oiseaux ont un peu plus de ces sels que les mam- mifères carnivores ; ils ne renferment plus qu'une très faible quantité d'élémefats calcaires dans les poissons cartilagineux. Dès que les os commencent à se former, ils off'rent la constitution chimique 1. Frémy, Recherches chimiques sur les os (Annales de chimie et de physique, 3"= série, t. XLIII, jaavier 1855, p. 47). NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 727 qu'ils tlûivonl conserver pondant tout le reste do la vio. Les points osseux qui apparaissent dans les cartilages du fœtus ont tout d'abord les mômes sels, et ceux- ci sont associés daus les mômos proportious qu'à l'ago adulte avec la FiG. 191. — Membre ant. d'un lapin de descen- dance rachitique (avant-bras en faucille). FiG. 192. — Membre antérieur d"un lapin de conformation ordinaire. matière organique dont la quantité demeure également à peu près invariable. Les parties osseuses de nouvelle formation, le cal, dès qu'il est arrivé à l'état solide, présentent aussi la composition normale ; enfin les différentes couches con- 728 DE LA NUTRITION. centriques des os, c'est-à-dire les plus rapprochées du périoste et les plus voi- sines du canal médullaire, ou les couches qui viennent d'(*tre formées et celles qui sont à la veille d'être résorbées, sont chimiquement identiques: seulement la substance spongieuse a plus d'osséine et moins de sels que la substance compacte. Dans le travail de l'ossification, il se forme donc un os solide à la place de l'os cartilagineux. La gélatine, qui ne précipite ni par l'alun ni par l'acide acé- tique et le sulfate de plomb, remplace la chondrine qui, au contraire, est préci- pitée par ces réactifs, et immédiatement, dans chaque point où naît le noyau osseux, se trouvent déposés tous les sels précédemment indiqués. Chacun de ses points a ses vaisseaux, ses canalicules, ses corpuscules osseux caractéristiques, et constitue dès lors un os parfait. Toute la partie qui reste cartilagineuse con- serve sa chondrine, ses cavités avec leurs cellules, sa proportion fort minime de substances minérales. Les cartilages épiphysaires eux-mêmes se maintiennent tels jusqu'à l'âge adulte, où ils disparaissent complètement. Les différences d'aspect, de dureté ou de fragilité que les os présentent sui- vant les animaux et aux divers âges de la vie, paraissent donc tenir à la consti- tution physique de ces parties, c'est-à-dire au degré de densité de leur substance compacte, aux proportions du canal médullaire, à l'épaisseur de ses parois, à la quantité de sang ou d'eau qui peut imprégner leur tissu et non à leur compo- sition chimique, qui reste identique avec elle-même, comme le montre le tableau suivant, extrait du mémoire de M. Frémy ; Nom des animaux et des os analysés. Cendres. Fœtus (sexe masculin, '1 mois), fémur. 61,7 Homme de 40 ans — fémur. 64,2 Femme de 97 ans fémur. 64,9 Momie égyptienne (femme) fémur. 65,0 Chienne fémur. 62,1 Jeune lionne fémur. 64,7 Morse 63,1 Lapin 66,3 Éléphant des Indes. 66,8 Rhinocéros de Java 65,3 Veau mort-né fémur. 64,4 Veau de 5 mois fémur. 69,9 Vieille vache fémur. 71^3 Bœuf humérus. 70,4 Taureau fémur. 69,3 Agneau fémur. 67,7 Mouton fémur. 70,0 Chevreau fémur. 68,0 Cachalot 62.9 Aigle 70,5 Poulet 68,2 Dindon 67,7 Tortue de terre (carapace) 64,0 Crocodile 64,0 Brochet 66,9 Raie (cartilages) 30,0 Phosphate Phosphate Carbonate de chaux. de magnésie. de chaux. 60,2 » >, 56,9 1,3 10,2 57,0 1,2 9,3 58,7 1,7 5,9 59,0 1,2 6,1 60,0 1,5 6.3 53,9 1,5 9,3 58,7 1,1 6,3 62,2 1,2 5,6 60,0 2,3 5,2 59,4 1,7 5,2 61,2 1,2 8,4 62,5 2,7 7,9 61,4 1,7 8,6 59,8 1,5 8,4 60,7 1,5 8,1 62,9 1,3 7,7 58,3 1,2 8,4 51,9 0,5 10,6 60,6 1,7 8,4 64,4 1,1 5,6 63,8 1,2 5,6 56,0 1,2 10,7 58,3 0,5 7,7 64,2 1,2 4,7 27,7 traces. 4,3 NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 729 Il est quelques parties de l'organisme, telles que l'épiderme, les épithéliums, la corne, les poils, les plumeset les dents, dont la formation et le renouvellement tiennent à la fois de la nutrition et des sécrétions. Ces parties, complètement pri- vées de vaisseaux et de nerfs ne paraissent le siège d'aucun travail moléculaire et interstitiel qui leur soit propre, et leur accroissement résulte de l'addition de nouvelles couches qui se développent entre les couches anciennes et les parties vivantes d'où elles tirent leurs éléments formateurs. En elles, la nutrition va se montrer sous un aspect qu'elle n'avait dans aucun des tissus que nous avons rapi- dement passés en revue. L'épiderme de la peau et Tépithélium des muqueuses sont constitués par plu- sieurs couches de cellules réunies les unes aux autres, d'une manière plus ou moins intime. Dans les couches profondes ou de formation récente, les cellules régulières, pleines de liquide, ont un noyau bien distinct, et beaucoup d'entre elles renferment de la matière colorante. Dans les couches superficielles, les cellules à parois plus épaisses semblent avoir perdu leur contenu ; beaucoup ne conservent plus leur noyau, et la plupart ont pris une configuration différente de celle qu'elles possédaient dans le principe. Les premières forment à la peau ce qu'on appelle le corps muqueux de Malpighi ; les secondes constituent l'épi- derme proprement dit. Aux muqueuses, le nombre des couches de cellules épi- théliales est généralement peu considérable ; quelque fois même il n'y en a qu'une seule, et les cellules qui la forment, étant faiblement unies entre elles, se disso- cient ou se désagrègent avec une extrême facilité. La formation de'l'épiderme et des autres produits épithéliques est extrêmement simple. Suivant les partisans de la doctrine de Schleiden et de Schwann, dans le blastème exhalé par les vaisseaux du derme, des noyaux se forment en grand nombre, puis s'entourent d'une membrane, et les cellules épidermiques se trou- vent achevées. Au contraire, d'après Virchow, on ne voit jamais ni blastème, ni noyaux libres : les cellules nouvelles sont produites par la division, la scission des cellules précédemment formées, tant qu'elles demeurent molles, et celles-ci l'ont été, soit par des cellules antérieures soit par le tissu conjonctif avec lequel elles se trouvent en contact. Dans les points oi!i des pressions, des frottements sont exercés, la prolifération devient très active; le noyau des cellules encore molles se divise, puis la cellule a de nouveaux noyaux, les nouvelles cellules ne tardent pas à se diviser à leur tour. La peau devient ainsi calleuse. Dans les couches extérieures, les cellules sont aplaties et sans noyaux ; grandes dans les moyennes et avec un noyau très distinct, mais dans les protondes, elles restent petites et cylindriques. Nulle part on ne voit de démarcation entre le réseau de Malpighi et l'épiderme ; le premier est destiné à se convertir insensiblement en épiderme. Cette formation s'effectuant continuellement, le nombre des couches cellulaires augmenterait dans une proportion illimitée, si les couches superfi- cielles ne devaient pas se détruire. Mais comme il s'use à l'extérieur une couche de cellules en même temps qu'il s'en développe une autre à la surface du tégument, l'épaisseur totale de l'épithélium reste à peu près invariable. Les feuil- lets, naguère profonds etrécents, deviennent bientôt superficiels et anciens, rem- placés par d'autres qui, à leur tour, ne tarderont pas à être amenés à l'extérieur. 730 DE LA NUTRITION. Les cellules épitliéliales, une fois formées, ne conservent pas toujours leurs caractères primitifs : elles éprouvent dans la série de leurs âges successifs des changements très appréciables, qui portent principalement sur leur forme et leur contenu. Dans le principe, elles sontspliéroïdales et gonflées par des liquides, même par du sang, si l'on s'en rapporte à l'assertion de Henle. Peu à peu elles deviennent polygonales en se serrant les unes contre les autres ; leurs parois s'épaississent ; leur noyau devient moins distinct et disparaît même dans un certain nombre ; enfin leur contenu se perd. Une fois arrivées à la surface, elles s'enlèvent, réunies en petites lames furfuracées. Tous ces changements sont étrangers auxvaisseaux, puisque l'épiderme et lesépithéliumsensont dépourvus; ils tiennent à l'action des agents extérieurs. Les différentes formes que prennent les cellules épithéliales en s'organisant,les divers caractères de leur contenu, ne s'auraient s'expliquer d'une manière satis- faisante. Rien ne donne la raison pour laquelle on voit se développer ici l'épithé- lium pavimenteux, là l'épithélium à cylindre, plus loin l'épithéliura vibratile. Rien ne nous montre la cause du développement de cellules pigmentaires en cer- tains points, de leur absence en d'autres points très voisins des premiers. Les forces vitales s'enveloppent d'un mystère aussi impénétrable dansles productions les plus simples que dans les plus compliquées ; mais elles conservent ici, comme partout, les caractères d'après lesquels elles organisent la matière en vue d'une destination définie et rigoureusement déterminée. Les épithéliums pavimenteux de la peau, de la muqueuse buccale, œsopha- gienne, de celle de l'estomac d'un certain nombre d'animaux, jouissent d'une fixité que n'ont pas les épithéliums de l'intestin grêle, des conduits excréteurs des glandes, dont la mue est, pour ainsi dire, continuelle ou opérée à de fréquents intervalles ; ils se constituent aux dépens d'une substance gélatineuse, associée, d'après les analyses de M. Prémy, à environ 3 centièmes de matières minérales, comme on le voit surtout chez les reptiles dont l'épiderme, épaissi, est devenu écailleux. Aussi l'on doit admettre que, dans le travail de formation des cellules épithéliales, au sein du plasma qui s'est échappé du réseau des capillaires mu- queux, les éléments non utilisés à la constitution des cellules sont résorbés insensiblement par les vaisseaux dont ils émanent. Le tissu corné qui forme des enveloppes résistantes au pied des animaux, des armes à certains d'entre eux, des ornements à quelques-uns, se produit par un mécanisme analogue à celui qui donne naissance à l'épiderme, dont la corne n'est qu'une simple modification physique. Ce tissu est constitué d'après les observations de Gurlt' et celles de Delafond^, par des tubes cylindriques légèrement évasés à leur origine pour emboîter les papilles du tissu sécréteur. Ces tubes, vides dans une grande partie de leur étendue, remplis souvent vers leur extrémité libre d'une substance spon- gieuse, sont parallèles les uns aux autres, formés de couches concentriques résultant de la superposition de cellules épithéliales plus ou moins déformées, 1. Henle, Analomie générale, t. I, p. 289 et suiv. 2. Delafond, Recueil de médecine vétérinaire, t. XXII. NLTIUTION DANS LES DIVERS TISSUS. 731 unies par une matière anuirplie, coinine le sont les cellules épidermiques. La corne des sabots du cheval et des autres animaux, celle des appendices frontaux des ruminants présente celte structure simple avec quelques modilicalions dans la forme, le diamètre, l'arrangement des tubes et le degré d'altération des cellules qui entrent dans leur constitution. Quoique, à première vue, le tissu corné dillère du tissu épidermique, il a, comme lui, une texture cellulaire. En le traitant par la soude ou un autre alcali concentré, on le ramollit et on rend ces cellules distinctes, quelquefois près- ' "^ \. " ^^ ^ " e g-^ XSSe>^ Fjg. 193. — Coupe traiisverse de la paroi du sabot du cheval (*). que transparentes, cellules qui, suivant les cas, sont arrondies, aplaties, polygo- nales, etc. Elles se trouvent unies entre elles par une matière intermédiaire, amorphe, plus ou moins abondante. Au point de vue histologique, la corne du sabot a une organisation analogue à celle des os. Ses tubes, destinés à loger les papilles vasculaires, remplacent les canalicules osseux et servent à charrier les fluides nutritifs, même dans les points oi^i la papille cesse de se prolonger ; ils se rétrécissent par des formations inté- rieures emboîtées les unes dans les autres comme celles que l'on voit sur la coupe des canalicules osseux; enfin, dans ses couches sont disséminés des cor- (*) A, un des tubes oorués encore rempli par sa papille injectée ; B, un des tubes débarrassé de sa papille — Autour des tubes stries circulaires indiquant des couches emboîtées et portant un semis de corpuscules, rappelant ceux du tissu osseux. 732 DE LA NUTRITION. puscules qui rappellent, jusqu'à un certain point, ceux du tissu des os, et distincts des corpuscules de pigment. Aussi me semble-t-il que le tissu corné est l'analogue du tissu osseux dépouillé de ses sels et devenu souple par l'action d'un acide. J'ai déjà indiqué ces vues ^ que je me propose de développer ultérieurement d'après des préparations récentes. Les productions cornées, quelles que soient leur forme et leurs propriétés physiques, sont composées d'une matière hygrométrique, flexible, élastique, insoluble dans l'eau, soluble dans les acides et dans les alcalis, matière dont la nature est la même que celle des substances protéiques, c'est-à-dire de l'albumine, de la fibrine et de la gélatine, comme l'ont fait voir les analyses de Scherer et de M, Fremy. Cette matière, isomérique à celle qui forme la trame organique des os, est associée, à de la graisse, des sels, du soufre, et à des traces de fer. D'après Lehmann, outre la substance agglutinative, la corne serait constituée par trois substances différentes, celle des cellules, peu soluble dans les alcalis, celle du contenu des cellules et du noyau, assez soluble, enfin celle des granules réfractaires à la dissolution. Cette distinction me paraît fondée, car l'étude micros- copique de la corne montre dans ce tissu plusieurs substances inégalement per- méables, et se colorant diversement parle carmin, même dans ce qu'on appelle les lames kéraphylleuses. La corne se forme et s'accroît comme l'épithélium des muqueuses et l'épiderme cutané, à la surface externe de la peau, plus ou moins modifiée dans son aspect, son épaisseur et son degré de vascularité. Au pied des solipèdeset des ruminants, la peau, arrivée à la naissance de l'ongle ou du sabot, se renfle et se dispose en un bourrelet circulaire, épais et hérissé de volumineuses papilles coniques ; au- dessous de ce bourrelet, sur toute l'étendue de la face antérieure de la troisième phalange, le tégument aminci offre une infinité de petites lamelles parallèles les unes aux autres, dont la face externe est dépourvue de prolongements papillaires ; enfin, à la face inférieure de cet os, le tégument reprend des papilles semblables à celles du bourrelet. De même, la cheville osseuse du frontal qui supporte chaque corne est recouverte d'un prolongement cutané très vasculaire, riche en papilles; la peau qui produit la châtaigne des solipèdes, les ergots d'un grand nombre de mammifères ongulés, a, au-dessous de la corne, la structure veloutée et papillaire qui, en définitive, n'est que l'exagération de la structure que cette membrane offre dans tout le reste de son étendue. Ce sont ces portions tégumen- taires modifiées qui deviennent les organes générateurs de la corne : elles n'ont pas, dans leur épaisseur, de glandes particulières chargées de fournir la matière cornée. Les vaisseaux laissent seulement exhaler à leur surface le plasma dans lequel se développent spontanément les cellules cornées, et ces cellules, par l'ordre de leur évolution successive, par l'agencement forcé que leur impriment les papilles ou les lamelles du tissu vivant, prennent, suivant les points, la forme de tubes, ou conservent celle de lames, de plaques, d'écaillés irrégulières. Le mécanisme de cette formation, exactement le même que celui des épithéliums, n'en diffère que par plusieurs particularités accessoires. 1. G. Colin, Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, 1867, p. 212. NUTRITION DANS LES DIVERS TISSDS. 733 Sur le pied des solipèdes, par exemple, toutes les parties du tégument, en rapport avec le sabot, jouissent de la propriété de fournir le plasma qui se transforme en matière cornée : c'est ce que les opérations les plus simples démontrent tous les jours. Dès qu'une partie du tissu sous-jacent à l'ongle a été mise à découvert, elle se tapisse d'une couche de matière jaunâtre, molle, dont l'épaisseur et la consistance augmentent graduellement, matière cornée de nouvelle formation, destinée à remplacer provisoirement celle qui a été enlevée. Mais toutes les parties du tégument sous-corné ne prennent point une part égale et uniforme à la production de la corne nouvelle, et par conséquent, à celle de l'ongle dans l'état normal. Les expériences de MM. Renault et H. Bouley ont montré que les parties pourvues de papilles, c'est-à-dire le bourrelet, le tissu villeux de la sole et de la fourchette possèdent seules la propriété de donner naissance à la corne fibreuse, pourvue de tubes, tandis que les parties lamelleuses, sans papilles, comme le tissu podophylleux. ne produisent qu'une corne homo- gène sans fibres et sans tubes, bien qu'elle soit, comme la première, constituée par des cellules. Ainsi, le bourrelet donnerait naissance à la paroi dont les couches profondes, lamelleuses, proviendraient du tissu podophylleux qui tapisse la face antérieure de la troisième phalange. Le tissu villeux qui recouvre la face inférieure de cet os et du coussinet plantaire sert à la formation de la sole et de la fourchette. Dans le travail générateur de la corne, les parties tégumentaires sous-jacentes à l'ongle ne paraissent nullement jouer le rôle d'organes de sécrétion ; elles ne préparent point dans leur tissu la matière cornée; cette matière n'y est formée ni par des follicules ni par des glandules ; elle se produit à leur surface soit par les cellules du derme, soit aux dépens du plasma exhalé par les capillaires, comme l'épiderme se produit à la surface du derme dans le plasma qui s'échappe des vaisseaux de ce dernier, comme la substance osseuse se forme à la face interne du périoste aux dépens des matériaux dérivés des vaisseaux de cette membrane fibreuse. Toutes les parties de la surface extérieure du tégument sous-corné y concourent proportionnellement à leur degré de vascularité. Aucune d'elles n'a, à cet égard, de privilège exclusif. Les papilles doivent y prendre part, de même que les lamelles, et ces parties proéminentes partagent cette pro- priété avec les espaces interpapillaires et inteiiamellaires qui en jouissent d'une manière incontestable ; car la formation de la corne s'opère encore sur les surfaces où les papilles et les lamelles ont été excisées, et avant qu'elles se soient régénérées. Seulement, ces appendices servent, en outre, de moules à la matière cornée, comme on l'a dit avec tant de justesse. Ce sont les papilles qui donnent à la corne la forme tubuleuse, ce sont elles qui déterminent le nombre, la direction, la forme des tubes, de même que la papille du bulbe pileux entraîne la forme du poil et sa cavité centrale ; de même encore que la proé- minence osseuse du frontal, tapissée par un prolongement dermoïde, donne forcément à l'étui corné la forme d'un tube conique ; enfin, ce sont les lames podophylleuses qui font reproduire à la corne, en dedans du sabot, la dispo- sition qu'elles affectent elles-mêmes. L'accroissement des productions cornées s'effectue sans interruption dans 734 I>E LA NUTRITION. celles dont l'usure est continuelle, et il se continue seulement jusqu'à une cer- taine limite dans celles qui ne doivent pas éprouver d'usure bien sensible ; il a lieu, comme dans l'épiderrae, par une formation de substance cornée à la surface du tissu générateur, de telle sorte que les parties les plus profondes sont les plus récentes; mais la disposition des parties vivantes apporte quelques modifications au sens de cet accroissement. Dans le sabot des soli[)èdes, raccroissemenl de la paroi a lieu du bourrelet vers le bord inférieur du pied ; car si une ligne trans- versale est tracée près du bourrelet, elle descend peu à peu et finit par arriver au bord inférieur de la paroi. A ce moment, toute la corne qui, dans le principe existait depuis la ligne jusqu'à la partie inférieure du pied, se trouve usée, et toute celle qui est supérieure à la ligne s"est formée pendant l'usure de la pre- mière. La corne de la sole et de la fouichette s'accroît aussi de haut en bas, c'est-à-dire de la face adhérente \ers la face libre ou inférieure. Si l'usure du sabot compense exactement l'accroissement, l'enveloppe cornée conserve ses proportions normales. Si, au contraire, le sabot ne peut s'user suffisamment, comme chez les animaux privés d'exercice, condamnés à une inaction absolue, ou chez ceux dont l'ongle est protégé par le fer, le sabot s'allonge et prend peu à peu des proportions qu'il n'acquiert jamais dans les conditions où la nature a placé les animaux. La rapidité de la croissance de la corne est à peu près exactement connue pour le cheval. Un trait fait à un ou deux centimètres du bourrelet, ou une pointe courte implantée à ce niveau descend, terme moyen, de 1 à 2 centi- mètres par mois : aussi le pied étant paré, à mestire qu'il s'allonge, le trait ou la pointe parvient au niveau du fer en 10 à 12 mois tout au plus. C'est ce qui est arrivé sur deux chevaux de trait commissionnaires de l'Ecole, sur lesquels j'en ai fait l'expérience. Il m'a semblé que cette pousse n'était point uniforme, qu'elle avait des périodes de ralentissement et d'accélération comparables à celles, de la pousse des poils et autres productions analogues. D'ailleurs cette croissance de la corne du sabot n"est pas uniforme dans tous les points, ni dans toute l'épaisseur des couches. La paroi semble pousser plus vite au contour externe de son bord inférieur qu'à son contour interne joignant la sole. Aussi dans le cas où un fer étroit est appliqué en retrait du contour externe on voit, au bout de quelques semaines, la paroi descendre en envelop- pant le bord externe du fer. Sous le fer, la croissance est moindre, comme si elle était entravée par la pression. Il en résulte que, en quelques semaines, ce fer se trouve encastré dans une rainure de plusieurs millimètres de profondeur. Nous avons vérifié ce fait en 1867 dans des expériences exécutées avec MM. Magne et Baillet pour répondre à des questions d'expertise posées par le tribunal de la Seine. La rapidité de la croissance des cornes frontales est d'une détermination facile. Elle se mesure, chez les bêtes bovines par la longueur du premier cône, produit en trois ans et pour les années suivantes, en se rapprochant de la base, par l'étendue des intervalles que circonscrivent les anneaux. Cette croissance, subordonnée à l'activité de la nutrition, peut être très lente dans certaines races à développement hâtif, car beaucoup d'entre elles, à évolution rapide, sont remar- quables par la brièveté de ces productions. NUTUITIUN DANS LES DlYEUS TISSUS. 73o Il est à noter, que les |)ro(iuctions cornées, des pieds, du bec ou du lioiU peu- vent changer de teinte de la jeunesse à l'âge adulte où à un âge plus avancé. L'étui corné des mandibules des oiseaux est dans ce cas.Celuidesjeunes merles mâle qui est d'abord châtain ou brun comme celui des femelles, devient, vers 0 à 0 mois, loul à fait jaune, alors que disparaissent les dernières traces de la livrée du plumage. Et il demeure tel jusqu'à la lin de l'existence. Les productions cornées éprouvent quelques variations sous le rapport de leurs [tropriélés physiques et de leur accroissement aux divers âges de la vie. Elles api»araissent dès les premiers mois de la vie fœtale sur le cheval et les ruminants, d'abord sous forme ilune substance pâle, jaunâtre, très molle, ayant beaucoup d'analogie avec la corne de nouvelle formation qui se produit à la sur- face des tissus dénudés. Le pigment noir ne s'y montre pas dès le début ; mais liés qu'il s'y fait observer, les parties du tégument sous-jacentes à la corne noire possèdent la même couleur dans leur couche superticielle ; au niveau des parties colorées, les cellules qui se forment se remplissent de corpuscules pigmentaires. Les cornes frontales des ruminants se développent seulement après la naissance, à partir du moment où une saillie de Tos du front se dessine pour soulever la peau, jusqu'alors couverte de poils. La portion du tégument qui enveloppe la proéminence se raoditie; ses papilles s'hypertrophient, et bientôt cette portion se trouve recouverte d'un petit cône de matière cornée tenant lieu d'épiderme et de poils. A mesure que l'animal avance en âge, le support osseux augmente de volume, et il se forme à la surface du tégument modifié qui le recouvre de nouvelles couches qui chassent devant elles les plus anciennes. Aussi, la corne frontale résulte-t-elle réellement d'une succession de cornets emboîtés les uns dans les autres, cornets dont le premier est à la pointe, et le dernier, ou le plus récent, en contact avec le support osseux. Ainsi, l'accroissement de la corne ne procède pas seulement, comme on l'a dit, du bourrelet qui existe à sa base, il s'opère simultanément dans tous les points du tégument qui tapisse le support osseux ^ La corne quoique dépourvue de vaisseaux et de nerfs n'en est pas moins une partie vivante. Elle se nourrit par imbibition. Les liquides qui lui viennent des parties vasculaires la pénètrent par endosmose, entretiennent sa flexibilité, sa souplesse, son élasticité, sa demi-transparence, le brillant de sa surface. Sans que l'espèce de nutrition qui en résulte cesse de s'effectuer, les productions cornées deviennent ternes, opaques, cassantes et constituent à la longue des corps étran- gers dont l'organisme doit se débarrasser par le fait d'une usure irrégulière ou d'une disjonction. La régénération des parties cornées détruites s'effectue aisément si les tégu- ments sous-jacents sont intacts ; elle peut même se faire encore si ces téguments ont été détruits euv-mêmes, du moins en partie, dès que leur reproduction préa- lable a pu s'opérer. Les poils de différentes sortes qui se trouvent à la peau, ceux qui existent à la 1. Yoy. Duverney, Observations sur la végétation des cornes. Œuvres anatomiques, 1. 1, p. 569. — Numann, d'Utrecht, Considérations anatomo-physiologiques sur les cornes frontales de l'espèce bovine {Bibliothèque vétérinaire, 1847). 736 OE LA NITRITION". muqueuse buccale de plusieurs rongeurs, à la muqueuse intestinale des solipèdes, enfin, ceux qui se développent accidentellement sur la conjonctive et sur d'autres membranes muqueuses, ont, par leur mode de formation, d'accroissement, et par leur nature, la plus grande analogie avec la corne et les productions épitbé- liales. Ils sont formés d'une couche corticale extérieure très dense, d'aspect fibreux, et d'une substance médullaire centrale, spongieuse, granulée. La pre- mière constitue une sorte de tube très fin dans la cavité duquel la seconde est déposée. Toutes les deux résultent de l'agrégation de cellules plus ou moins modifiées, cellules très allongées dans la couche extérieure, et à peine déformées dans la partie médullaire où se trouve, quand les poils sont colorés, une cer- taine proportion de cellules pigmenlaires. En effet, si le poil est traité à chaud par l'acide sulfurique, la substance corticale se divise en fibres plus ou moins longues qui se fractionnent en plaques à noyau représentant les cellules déformées. Cette substance tout entière, à l'exception de ses noyaux, est soluble à la longue dans la potasse. Les cellules de la substance médullaire sont très distinctes sans le secours des réactifs. La base du poil, incluse dans un follicule, se trouve implantée sur une papille conique, analogue à celles qui se voient au bourrelet et au tissu villeux de la face plantaire du pied des animaux ongulés. C'est ce bulbe, énormément développé à la base des longs poils de la moustache du cheval, du lion, de l'hyène, du chat, qui devient l'organe sécréteur du poil, et qui fournit à cette production les matériaux d'accroissement et de régénération. La formation et l'accroissement des poils a lieu aux dépens du plasma exhalé dans la cavité folliculaire. Les cellules qui en naissent s'allongent et s'unissent très intimement pour former la couche corticale ; elles se modifient moins dans la partie centrale ou médullaire, au milieu de laquelle les cellules pigmentaires sont parfaitement reconnaissables. Les substances qui constituent chimiquement la production pileuse sont assez nombreuses : la principale d'entre elles, de nature protéique, paraît être isomère avec celle de l'épiderme, de la corne, avec l'osséine, et enfin avec la fibrine et l'albumine, dont elle se distingue cependant, d'après Scherer, par un léger excès d'azote et d'hydrogène. Le reste, d'après les analyses de Vauquelin, est une huile blanche et une huile brunâtre, auxquelles on a attribué les diverses nuances de ces productions ; du phosphate et du car- bonate de chaux, de l'oxyde de manganèse, de l'oxyde, du sulfure de fer, de la silice et du soufre ; maison n'a pas encore examiné comparativement les produc- tions pileuses dans les animaux, où elle se montrent avec tant de caractères différents. M; Chevreul a trouvé la laine brute de mérinos composée ainsi qu'il suit : matière terreuse qui se dépose dans l'eau avec laquelle on la lave, 26,06 ; — suint soluble dans l'eau froide, 32,74 ; — graisses particulières, 8,57 ; — tnatière terreuse fixée par la graisse, 1,40 ; — laine proprement dite, 31,23. L'accroissement des poils dérive de la juxtaposion de nouvelles cellules à la partie incluse dans le follicule, de telle sorte que chaque segment d'un poil est d'autant plus récent qu'il est plus éloigné de l'extrémité libre. Cet accroissement est continu, mais rapide ou lent suivant les conditiorts. Ses matériaux étant fournis plus abondamment dans telles circonstances que datis telles autres, on NUTRITION DANS LliS DIVERS TISSUS. 737 voit chez quelques animaux, le mouton notamment, le diamètre du brin de laine offrir des inôgalitôs considi-raljles : ainsi, toute la |»artie du brin qui s'est lormée pendant une maladie ou pendant une [)ériode d'insullisanK! alimentation est plus étroite que celle qui est au-dessus et plus étroite aussi que la partie produite ultérieurement. La même particularité, si elle se l'eproduil [dusieurs l'ois, donne l'image de ces cercles, alternativement en relief et en creux, que présente le sabot des chevaux atlectés de Courbure. O FiG. 194. — Laine du moulon {*). @ @ BATTUEf * FiG. 195. — Poils du chat (**). Quelquefois les crins du cheval, à la queue et même à l'encolure, semblent formés de segments alternativement minces et épais, articulés entre eux comme les segments des équisétacées. Les segments minces peuvent se répéter 5, 6 fois et plus sur la longueur du même crin, soit à des intervalles à peu près égaux, soit tantôt plus près, tantôt plus loin du follicule que de l'extrémité libre. Cet accroissement, une fois parvenu à un certain degré, parait s'arrêter, comme on le voit surtout aux longs poils des paupières, aux cils et aux mous- taches du chat, à celles du cheval, ainsi que divers observateurs, Duverney entre autres, en ont fait la remarque. Au contraire, la tonte l'accélère à tel point (*) A, B, C, D, brins vus de profil; F, coupes transverses de ces brins. (**) A, B, C, poils vus (le profils ; D, E, F, coupe de ces poils avec leur canal médullaire (Alcan). G. COLIN. — Physiol. conip., 3^ édit. II. — ■*' 73g DE LA NUTRITION. qu'en six semaines à deux mois, sur certains animaux, tels quele lapin, les poils rasés sont revenus à la longueur des poils demeurés intacts. La pousse des pre- miers a été de 2 centimètres 1/2, 3 centimètres et quelquefois davantage, pendant que celui des seconds n'a été à peine que de 2 ou 3 millimètres. Les parties du poil qui sont formées, bien qu'elles n'aient ni vaisseaux ni nerfs, ne sont pas tout à fait dépourvues d'une sorte de vitalité obscure que plusieurs faits semblent démontrer. Tout le monde sait que, dans beaucoup de maladies, le poil du cheval devient terne et piqué, et qu'il reprend peu à peu, avec le retour de la santé, sa souplesse et son brillant, tant par suite des change- ments apportés à la sécrétion des produits qui entretiennent sa souplesse et son brillant que par la modification probable des courants établis dans sa cavité médullaire. Dans certains cas, le poil perd sa résistance, devient cassant ; il se brise, par exemple, à une certaine distance de la peau lorsque des cryptogames ont envahi la cavité de la portion intrafolliculaire. On sait que ces parties peuvent éprouver d'assez brusques changements de coloration ; leur blancheur, produite quelquefois en un temps très court, dépend, dit-on, de la présence d'une très grande quantité d'air dans leur tissu; leurs couleurs diverses, dues aux pigments des cellules de la substance corticale, sont indépendantes, suivant Lehmann, des proportions de fer ou d'autres substances minérales qu'ils peuvent contenir. La coloration des poils éprouve des variations remarquables, suivant les parties du corps, les âges de la vie et les saisons. Chez les chevaux, les porcs, les bœufs, les chiens tachetés de noir et de blanc, les poils sont noirs dans les places oii la surface externe de la peau est noire, et ils ont d'autres couleurs sur tous les points qui ne sont pas noirs. Le pigment noir apparaît dans le poil comme dans la corne, au niveau des points ou la surface dermoïde est elle-même recouverte de pigment. Chez certains animaux, au lieu d'offrir une teinte uniforme dans toute leur longueur, ils se montrent sous des nuances différentes aux divers points de leur étendue, ce qui s'explique parles différences de teintes des pigments qui se forment aux diverses périodes de l'accroissement. Plusieurs d'entre eux portent dans leur jeune âge un pelage différent de celui qu'ils devront avoir plus tard, comme on le voit pour le faon, le marcassin, les jeunes porcs, entretenus par grandes troupes dans quelques parties de l'Amérique ; d'autres, et le nombre en est considérable, prennent, en vieillissant, une robe un peu différente de celle qu'ils avaient à l'âge adulte, comme on le voit sur les chevaux gris clair, qui finissent par devenir presque blancs, et sur ceux de certaines robes, chez lesquels apparaissent de nombreux poils blancs aux tempes et au voisinage des yeux. Enfin beaucoup sont remarquables par les changements de couleur que la robe éprouve suivant les saisons : on cite à ce sujet le lièvre variable, des contrées du Nord ; le renne, qui est brun en été, blanchâtre en hiver ; le cerf de nos pays, dont le pelage brun perd son brillant en automne : le cerf de Virginie, qui devient cendré en hiver, de brun jaunâtre qu'il était auparavant ; le daim, qui abandonne sur la fin de la belle saison son pelage fauve, tacheté dé blanc, pour une robe brune uniforme. Nos animaux domestiques eux-mêmes n'ont pas leur pelage d'hiver d'une nuance exactement semblable à celle de leur NUTRITION DANS LES DIVERS TISSUS. 739 robe d'été ; néanmoins, quelques espèces entretenues dans les ménageries, notamniont celles qui viennent des contrées chaudes, conservent un pelage d'une nuance invariable '. La plupart des productions pileuses éprouvent une mue périodique au retour de la belle saison, aussi bien chez les animaux domestiiiucs que chez les espèces qui vivent à l'état sauvage ; celles qui ne tombent point sont, sur les solipèdes, les crins de la queue, de la crinière, du toupet, les poils des lèvres, des ailes du nez, de la [tlus grande partie de la face et ceux de l'extrémité inférieure des membres, à partir du genou et du jarret. Cette mue périodique peut être prévenue par une tonte opérée périodique- ment. Les chevaux qu'on prend l'habitude de tondre en hiver ne semblent plus éprouver leur mue habituelle, et c'est probablement par le fait de cette opération que le mouton fait exception à la règle ordinaire à la généralité des mammifères ; car, au rapport de Roulin^, la laine des moutons américains, qui ne sont pas tondus au moment convenable, se feutre, se détache par places et se trouve bientôt remplacée par un poil court, brillant, analogue à celui de la chèvre, et qui, pour toujours, tiendra la place de la laine. Le travail de formation, de croissance et de renouvellement des poils est mo- difié à un haut degré par les influences extérieures, surtout celles qui tiennent au climat. Plusieurs espèces propres aux contrées chaudes, comme l'éléphant, l'hippopotame, le rhinocéros et les tapirs, ont la peau nue ; d'autres espèces, qui vivent dans ces mêmes contrées, ont le pelage moins long, moins serré que les analogues qui habitent les régions du Nord. Le bœuf américain qui, sur les hautes montagnes, est couvert d'un poil serré très long, n'a plus qu'un poil rare et fin dans les plaines voisines de l'équateur, et s'y trouve même quelquefois à peu près nu. Le porc, dont les soies sont si rares et si rudes, acquiert sur les Andes un poil crépu, serré et même parfois, à la base de celui-ci, « une espèce de laine. » Les races de chevaux ont, dans les pays humides, des poils longs et grossiers aux extrémités, de la bourre en Sibérie et dans le nord de l'Asie, des poils plus courts, plus fins dans les contrées chaudes, ce qui, du reste, est en parfaite harmonie avec l'état des productions cornées. La plupart des modifications relatives au développement, à la chute, à la re- production des poils, aux variations que peuvent éprouver leurs propriétés phy- siques, dépendent du degré et du mode de vitalité de la peau en général et du bulbe en particulier. Les changements produits avec rapidité dans la partie du poil déjà formée résultent sans doute des modifications que subissent les sécré- tions cutanées et de l'imprégnation de la substance du poil par les fluides qui paraissent parvenir et se déplacer dans sa partie centrale ou médullaire. Les changements de couleur dans une partie du poil peuvent tenir à ce que, pen- dant une certaine période de l'accroissement, il se forme dans le bulbe plus ou moins de cellules pigmentaires, ou de ce que le poil fixe ou non des matières grasses colorées. 1. Voy. Et. Geoffroy Saint-Hilaire et Fr. Cuvidr, Histoire naturelle des mammifères. Paris, 1820-18i2. 2; Roulin, Mémoires des savants étrangers, 1825, t. VI, p. 319. 740 DE LA NUTRITION. Les plumes, si remarquables par la variété de leurs formes et de leurs cou- leurs, sont produites suivant un mode analogue à celui des poils, mais beaucoup plus compliqué. Dans les premiers temps de sa formation, la plume est incluse tout entière dans un follicule cutané, oblique et fermé. A l'intérieur du follicule existe une gaine allongée, tapissée par deux membranes striées et renfermant une pulpe molle, demi-fluide, aux dépens de laquelle doivent se former successivement les diverses parties de la plume. Peu à peu la gaine et son contenu s'allongent, cette gaine perce l'épiderme, devient exubérante à la surface de la peau ; bientôt elle s'ouvre à son tour pour laisser sortir la pointe de la plume ; celle-ci croît continuellement à sa base par addition de nouveaux éléments qui se juxtaposent à ceux dont la formation est plus ancienne. Quand la tige qui supporte les barbes a acquis toute sa longueur, le tuyau se forme, acquiert de la consistance et une longueur de plus en plus considérable ; lorsqu'il vient à se rétrécir à sa base, la pulpe, jusqu'alors très vasculaire, se resserre, perd sa teinte rougeàtre, devient jaune ; sa partie fluide disparaît, laissant au centre du canal une membrane transparente divisée par des cloisons transversales en une série de larges cel- lules, A ce moment, la gaine est unie à la face externe du tuyau, et le dévelop- pement de la plume est achevée L'évolution de la plume, assez compliquée quant à la forme, est au fond à peu près semblable à celle des poils. Schwann a vu que les matériaux dérivés de la pulpe s'organisent en cellules dont les plus extérieures s'allongent et se trans- forment en fibres, alors que les plus intérieures, celles de la substance médul- laire de la tige, conservent même leur noyau pendant un certain temps. Les plumes, de même que les poils, éprouvent une mue périodique dont les caractères offrent quelques variations parmi les diverses familles d'oiseaux : il y a d'abord une première mue dans le jeune âge, qui substitue le plumage carac- téristique de l'espèce au plumage de livrée ; puis il y a, chaque année, en au- tomne et au printemps, un renouvellement d'un certain nombre de plumes, quelquefois même de la presque totalité de ces productions, comme on le- voit sur nos oiseaux de basse-cour. La régénération des plumes, spontanément tombées, s'opère comme celle des plumes arrachées aux diverses époques de leur développement : il se forme d'abord une nouvelle gaine et une nouvelle pulpe, puis la plume s'y produit et s'y accroît absolument comme celle qui l'avait pré- cédée. La régénération devient rapide comme la pousse du poil coupé, aussi l'oie, le canard plumé par la ménagère ont repris en quelques mois des plumes de la longueur de celles qu'on leur a arrachées. Au moment de ces mues et dans leurs intervalles, la couleur du plumage change très notablement, comme les naturalistes en ont fait depuis longtemps la remarque. En hiver, dit A^istote^ le merle devient roux, de noir qu'il était ; la grive, qui, en été, porte des taches autour du cou, prend vers la saison froide • 1. Voy. Fr. Cuvier, Mémoires du Muséum, 1826, t. XIII; Dutrochet, Mémoires anato- miqiies et physiologiques sur les végétaux et les animaux. Paris, 1837, t. II. 2. Aristote, Histoire des animaux, livre IX, p. 637 et suiv. NITUITION DANS LES DIVERS TISSUS. 741 la couleur de l'étournoau ; la huppe a aussi le plumage changeant, comme le té- moignent les vers d'Eschyle; le lagopède, fauve en été, devient blanc en hiver. De même aussi beaucoup d'oiseau\ prennent, à l'âge adulte ou dans la vieillesse, un plumage dilliTont de celui qui leur appartenait d'abord : le jeune cygne, d'abord gris dans sa jeunesse, devient d'une blancheur remarquable ; le goëland à manteau noir, qui, dans le jeune âge, est tacheté, devient blanc; le grèbe huppé ne prend sa huppe noire qu'à un certain âge ; le pygargue, l'autour deCayenne, plusieurs vanneaux, le petit plongeon, les mouettes et beaucoup d'autres oiseaux éprouvent de tels changements dans le plumage, que souvent on a pris pour des espèces différentes des individus aux divers âges de la vie. Les dents sont d'autres productions qui, sous beaucoup de rapports, se rap- prochent de la corne, des poils et des plumes. Elles se développent chacune dans un follicule qui. primitivement, s'ouvre à la surface de la muqueuse buccale, et qui, plus tard, se ferme complètement. Ce follicule porte sur son fond une papille molle, pulpeuse, diversement configu- rée, très riche en vaisseaux et en nerfs, papille destinée à former la substance éburnée ou tubuleuse de la dent, qui se moule exactement à sa surface. Toute la face interne du follicule est tapissée d'une pellicule mince ou membrane émail- lante qui offre des saillies et des creux analogues à ceux que présentera la dent une fois formée : c'est cette couche membraneuse qui est affectée à la production de l'émail. Lors de la formation de la dent, la pulpe donne naissance, de dedans en dehors, à des couches de substance éburnée, qui répètent exactement la con- figuration extérieure de la pulpe ; en même temps la surface interne du follicule verse, à l'extérieur de la masse d'ivoire, des couches d'émail dont l'épaisseur augmente d'une manière progressive. Les micrographes pensent que la partie principale de la dent dérive des cellules à noyaux et à nucléoles, dont la pulpe dentaire est composée dès le principe. L'ivoire de la dent, dérivé de la papille, est formé de petits tubes ou de fibres tubuleuses à peu près parallèles les uns aux autres, et ouverts, d'une part, dans la cavité dentaire, d'autre part, en dessous de la couche d'émail. Ces fibres, sou- vent divisées vers leur extrémité périphérique, laissent entre elles des espaces remplacés par une] substance intermédiaire dans laquelle se montrent quelques corpuscules rayonnes, analogues à ceux des os, mais moins bien caractérisés. L'émail est constitué seulement par de petites aiguilles tubuleuses, prisma- tiques, disposées en plusieurs couches perpendiculaires à la surface externe de l'ivoire, à peu près comme les filaments du velours sur la trame de ce tissu. Noms des parties de la dent. Cendres. Dent d'un bœuf (ivoire) 74,8 Dent d"un bœuf (émail} 9(3,9 Dent d'un bœuf (cément" 67,1 Enfin le cément, disposé en couches plus ou moins épaisses, en dehors des ra- cines, dans leurs intervalles, en divers points de la partie libre, et dans la cavité encore plus ou moins remplie'de pulpe, paraît avoir, d'après les observations de Phosphate Phosphate Carbonate de chaux. de magnésie. de chaux. .70,3 i,3 2,2 90,5 trace. 2,2 60,7 1,2 2,9 742 DE LA NUTRITION. Retzius, la texture intime de la substance osseuse; il a, comme l'os, des canali- cules et des corpuscules étoiles. Ces trois parties constitutives de la dent ont, d'après les analyses de Las- saigne, de Berzelius et de M. Frémy, à peu près la même composition chez les animaux que chez l'homme. Ce dernier savant a reconnu, comme ses prédé- cesseurs : 1° que l'émail des dents, sans analogie avec la substance osseuse, ren- ferme seulement 2 à 3 centièmes de matière organique, .3 à 4 centièmes de car- bonate calcaire, une forte proportion de phosphate de chaux, du fluorure de calcium, de la magnésie et des sels alcalins ; 2° que l'ivoire est à peu près sem- blable aux os, dont il diffère seulement par un faible excédent de phosphate de chaux et de magnésie ; 3° que le cément a, dans le bœuf, par exemple, exacte- ment la même composition que l'os. FiG. 196. — Têle de lapin à incisives démesurément allongées et contournées, par pousse continue, sans usure correspondante. L'accroissement de la dent a lieu, de même que celui des poils, de la base vers l'extrémité libre, mais il ne s'effectue que dans des limites assez restreintes. Dans les incisives et les canines, dont la racine simple est cylindrique ou légère- ment conoïde, les parties de nouvelle formation ne changent point la forme pri- mitive de la dent. Dans les molaires, au contraire, la configuration de la partie enchâssée se modifie très sensiblement. Chez les solipèdes, la dent, au lieu de conserver à sa base la forme primitive d'un prisme quadrangulaire, cannelé sur ses faces, se découpe en trois ou quatre racines coniques creuses recevant cha- cune un prolongement de la pulpe. Dans ces trois espèces de dents, dont la ra- cine se rétrécit à son extrémité, la pulpe est progressivement resserrée et éprouve une sorte de compression qui, à la longue, devient un obstacle à l'accroisse- ment : aussi celui-ci finit par s'arrêter, bien que l'usure continue. Il n'y a NUTIUTION DANS LES DIYEKS TISSUS. 743 d'exception à cet égard que pour les incisives des rongeurs, particulièrement des lapins, incisives dont l'accroissement continue pendant toute la durée de la vie, comme l'ont démontré les recherciies de M. Oudet', et cela, en raison du dia- mètre uniforme de l'incisive dans tous les points de sa longueur. Cet accroissement est extrêmement rapide car, si, comme je l'ai fait, on scie sur le cociion d'inde, le lapin et le rat soit les incisives supérieures, soit les inférieures, à ras de la gencive, ces dents, au bout de quelques semaines, se retrouvent aussi longues qu'elles l'étaient avant la section. Le renouvellement des dents s'opère par la formation d'un nouveau germe ou d'une nouvelle capsule, de même structure que celle qui avait donné naissance à la dent caduque. Cette capsule, placée en arrière de la dent primitive pour les incisives, en dessous pour les molaires, prend peu à peu du développement, et à mesure que la dent nouvelle qu'elle contient augmente de volume, la pulpe et la FtG. 197. — Mâchoire inférieure de sanglier (*). racine de la première éprouvent une compression qui en détermine l'atrophie graduelle. Une fois que la dent nouvelle a acquis une certaine longueur, elle sort de sa capsule percée et vient se montrer à l'extérieur, soit en perforant la maxil- laire et la muqueuse buccale, comme le font les incisives, soit en soulevant par sa face libre la dent ancienne, qui ne tarde pas à tomber, comme cela a lieu aux dents molaires Cependant, ce mode d'éruption des dents nouvelles n'est pas le même chez tous les animaux. Chez l'éléphant, par exemple, qui n'a, à la fois, que quatre molaires de chaque côté, deux en haut, deux en bas, les molaires nou- velles se développent en arrière des anciennes, qu'elles poussent obliquement en avant à mesure qu'elles arrivent au niveau de la table de frottement, et leur 1. Oudet, De raccroissement continu des incisives chez les rongeurs et de leur repro- duction. Paris, 1850, in-S». (*) Pour montrer les deux dentitions en présence, la seconde se préparant au remplacement de la première, d'après E. Rousseau. 744 DE LA NUTRITION. éruption est tellement réglée qu'il n'y a jamais plus de quatre molaires pour les deux muclioires du même côté*. La dent, quoiqu'elle soit privée de vaisseaux et tout à fait insensible, n'en est pas moins une partie vivante. Les tubes ou les canalicules de l'ivoire, signalés pour la première fois par Leeuwenhoeck, sont des conduits destinés à trans- mettre des sucs de la pulpe dans toute l'étendue de l'organe : le fait de leur co- loration par la garance prouve leur perméabilité. Ils s'ouvrent dans la cavité de la pulpe et arrivent jusqu'aux canaux du cément dans les points où l'ivoire n'est pas recouvert par l'émail, aux racines par exemple. Le suc qu'ils contiennent est transparent et de nature encore inconnue. D'ailleurs, dans le cas de carie, si la lésion s'arrête, les canalicules dentaires se remplissent par la substance appelée dentine, et le tissu de l'ivoire devenant plus dense, moins perméable, offre une plus grande résistance à l'action des agents destructeurs. Il peut même se former, dans la cavité centrale de la dent, de petites masses ou de petits osse- lets de dentine qui témoignent aussi de la vitalité des éléments constitutifs de la dent^ INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX SUR LA NUTRITION. Le système nerveux exerce une influence plus ou moins manifeste, mais toujours incontestable sur les divers actes de la nutrition, soit pendant la durée de l'évo- lution ou du développement des organes, soit lorsque les parties n'ont plus qu'à demeurer stationnaires. Pendant la vie embryonnaire, l'intervention nerveuse dans la nutrition est, au début, extrêmement obscure, puisque le travail de formation s'établit et fait de rapides progrès avant que les centres nerveux et leurs parties périphériques soient constituées. Ce travail semble suivre ses phases ordinaires dans les cas où le cerveau et les autres parties encéphaliques manquent plus ou moins complè- tement ; mais alors il peut être subordonné à l'action de la moelle épinière, des nerfs qui en émanent et à celle du grand sympathique. Mais, comme dans ces conditions le travail formateur marche parallèlement au sein d'un grand nombre de parties ou dans la plupart des organes, aussi bien que dans le système nerveux lui-même, et que d'ailleurs il est déjà très avancé au moment où le système nerveux paraît apte à agir, on doit admettre que pendant les premières périodes de l'évolution organique, les actions nutritives ne sont pas encore intimement subordonnées à l'intervention nerveuse. L'influence du système nerveux sur la nutrition ne paraît pas directe. Elle semble s'exercer par l'intermédiaire de la circulation. Les nerfs, en réglant la contraction des vaisseaux, augmentent ou diminuent leur capacité, rendent plus 1. Consultez, pour les détails sur ce point, G. Cuvier, Leçons d'anatomie comparée, 2e édit. Paris, 1836-1846. — Fr. Cuvier, Des dents des mammifères. Paris, 1825. — E. Rousseau, Analomie comparée du système dentaire. Paris, 1834. — Oudet, Recfierc/ies anatomiques, physiologiques et microscopiques sur les dents. Paris, 1862. 2. Voyez à ce sujet les intéressantes études de M. Magitot, Du développement et de lu structure des dents humaines, 1857; Recherches sur la carie dentaire. Paris, 1866, etc. INFLUENCE T)U SYSTÈME NERVEUX SUR LA NUTRITION. 745 OU moins rapide et considérable l'aijport des matériaux nutritifs dans les tissus. Ils excitent même plus ou moins le travail nutritif par l'intermédiaire de son stimulant et de son aliment, en outre ils le facilitent par la plus ou moins grande rapidité avec laquelle ils débarrassent les tissus des matériaux que la désassimilation rend inutiles. Les éléments nerveux sont les premiers, dans certaines conditions, à éprouver des modifications nutritives très remarquables. Lorsque les nerfs sont coupés, ces modifications s'opèrent avec une grande rapidité, dès le second jour même, d'après les observations de M. Ranvier. Les noyaux des segments de la gaine de Schwann se gonflent et finissent par interrompre la continuité du cylindre-axe. Vers le sixième jour, la myéline se trouble, les noyaux de la gaine de Schwann se multiplient ; le protoplasma devient granuleux, la myéline se résout en goutte- lettes, sa gaine se resserre et le cylindre-axe disparaît ; par suite le nerf perd vile sa motricité, puis sa sensibilité. Les troubles de la nutrition du nerf ne se produisent pas dans tous les points du cordon coupé. Le bout qui tient à la moelle conserve sa texture et ses pro- priétés ; le périphérique les perd toutes. Si, comme Waller l'a vu le premier, on sectionne les racines supérieures ou sensitives du nerf, le segment central de ces racines s'altère, tandis que le segment périphérique tenant au ganglion conserve intactes sa -texture et ses propriétés, de même que le reste des fibres sensitives jusqu'à leur terminaison dans les organes. Si on coupe la racine sensitive en dehors du ganglion le bout central attaché à celui-ci reste intact, tandis que le périphérique s'atrophie en perdant ses propriétés. Dans ces deux cas, comme tout ce qui tient au ganglion conserve sa texture et ses propriétés, le reste s'a- Irophiant, on en conclut que ce ganglion est le centre nutritif ou trophique des fibres sensitives. D'autre part, si on sectionne la racine inférieure ou motrice les troubles se produisent dans un autre sens : le segment de racine qui tient à la moelle reste sain, c'est-à-dire conserve sa texture et ses propriétés, tandis que le segment périphérique tenant seulement au ganglion les perd. Aussi on en conclut que le centre nutritif des filets moteurs est dans la moelle. La non acti- vité du nerf, son inertie fonctionnelle ne paraissent jouer aucun rôle appréciable dans ces résultats. C'est, à ce qu'il semble, par le défaut d'excitation du travail nutritif, de la part du ganglion, pour les fibres sensitives, et de la moelle, pour les fibres motrices, que se produisent l'atrophie des fibres et la perte de leurs propriétés. La section du trijumeau, dans le crâne, donne lieu, comme l'ont appris les expériences de Magendie, à des troubles nutritifs graves : l'inflammation de l'œil, le trouble des humeurs, l'injection de la conjonctive, l'ulcération de la cornée, cela à compter de vingt-quatre heures après l'opération, et pendant les cinq ou six jours qui suivent. Cependant, il n'est point sûr que ces troubles soient bien, en totalité, la conséquence de la section de la cinquième paire, car si en couvrant l'œil on le soustrait à l'irritation qui résulte des frottements, de l'action des poussières, de la diminution de la sécrétion des larmes, la cornée conserve à peu près sa transparence et son intégrité. D'ailleurs, si la section est faite entre le ganglion et la protubérance annulaire, elle ne produit pas les mêmes effets qu'en deçà du ganglion de Casser ; seulement, au premier point, d'après 746 DE LA NUTRITION. Longet, elle n'entraîne pas la section du filet sympathique provenant du ganglion cervical supérieur par l'intermédiaire du rameau carotidien. La section du filet cervical du sympathique ou l'ablation du ganglion cervical supérieur donne lieu, comme on le sait depuis les observations de Pourfour du Petit, au resserrement de la pupille et à des troubles dans la nutrition de l'œil. Cette section sur le dindon produirait d'après Legros et Scliiff, dans le délai do six à dix jours la décoloration et l'atrophie des caroncules. Cependant M. Brown- Séquard n'a pas vu d'atrophie appréciable se produire au cou et à la tête dans ces conditions. Je n'en ai pas noté non plus sur des animaux, chiens, béliers que j'ai conservés plusieurs mois après ces opérations. Il peut se faire, néanmoins, que, à la longue, les troubles de la circulation dus à ces sections, contribuent à déterminer les atrophies faciales assez communes dans l'espèce humaine. Celles qu'on voit se produire dans les cas de névralgies de longue durée pourraient aussi dépendre, comme le pense M. Vulpian, ^ de lésions des centres nerveux. Les lésions nerveuses qui entraînent la paralysie, à un degré quelconque, portent une atteinte plus ou moins grave à la nutrition des muscles. Ainsi lors- qu'il survient, chez les enfants, dans le cas d'affections à forme convulsive, une hémiplégie, on voit, à la longue, s'établir et persister des différences notables entre le développement des parties droites et celui des parties gauches du corps. Le côté malade ne se développe pas au même degré que l'autre ; les muscles y acquièrent moins de volume et y demeurent flasques ; les os qui peuvent être mesurés facilement, comme ceux des phalanges, restent plus grêles ; la peau de ce côté même est plus mince et plus délicate, ses poils sont plus fins que du côté sain. Dans les cas de lésions nerveuses circonscrites qui entraînent la dégénéres- cence, on voit souvent, pour peu que l'affection soit ancienne, les muscles animés par les nerfs paralysés, devenir mous, flasques, se décolorer, en un mot s'atro- phier à un certain degré. L'altération est sensible aux muscles cervicaux, chez les solipèdes qui ont eu l'encolure fléchie latéralement ; elle l'est également et peut-être plus encore aux muscles du bras, de l'avant-bras, de la cuisse, lorsque quelques divisions du plexus brachial ou du lombaire ont été gravement lésées. Après la section de ses nerfs, le muscle privé de la faculté d'obéir aux exci- tations venues des centres nei)erd pas immédiatement sa contractilité. Il peut la conserver quelques jours et se contracter énergiquement sous l'influence d'une stimulation mécanique, galvanique ; mais peu à peu cette contractilité qui, au début, pouvait être mise en jeu à travers la peau ne l'est plus que par des exci- tations portant directement sur son tissu ; elle se conserve ainsi, en s'affai- blissant, pendant des mois, presque des années, jusqu'au moment oii l'atrophie s'empare des fibres. On a constaté que cette atrophie commence très vite chez le lapin, le cochon d'Inde, par exemple, après deux, trois semaines. Elle se traduit par la diminution de volume, la décoloration, la flaccidité du tissu. Les noyaux à l'intérieur du sarcolemrae se gonflent et se multiplient, les faisceaux musculaires se rapetissent, la striation tend à s'effacer et à être remplacée par des granulations 1. Vulpian, Leçons sur Vappareil vaso-moteur, t. II. INFLUENCE DU SYSTÈME NERVEUX ÏUR LA NUTRITION, 747 graisseusesouprotéiques; à lalongue des faisceaux disparaissent et le tissu conjonctif devient plus abondant ; les vésicules adipeuses s'accumulent dans les faisceaux et dans leurs interstices. Néanmoins ces modifications peuvent disparaitre si elles ne sont pas anciennes, dans le cas où l'influence nerveuse se rétablit par la réu- nion des bouts du nerf divisé. C'est surtout lorsque la paralysie porte sur des nerfs volumineux, comme le sciatique, le fémoral antérieur que les lésions musculaires se produisent dans de grandes proportions et s'accompagnent de troubles nutritifs variés. S'il s'agit du sciatique, le membre traîne sur le sol, l'extension des plialanges est impossible, l'appui se fait sur les parties antérieures de la région digitée qui se blesse, saigne et s'ulcère, le membre entier s'œdématie. les ongles tombent quelquefois, même les phalanges et les métatarsiens. M. Brown-Séquard qui. l'un des pre- miers a constaté ces derniers effets, a montré qu'ils sont conjurés si le membre est soustrait à la pression, aux percussions, aux frottements sur le sol, pressions et frottements que l'animal ne cherche pas à éviter ou à amortir à cause de l'in- sensibilité du pied. J'ai vu, sur un cheval, dans un cas de paralysie du fémoral antérieur qui portait le membre postérieur fortement fléchi en avant, la hanche abaissée avec appui sur la pince, le boulet en avant, les muscles rotuliens affaissés, mous, flasques d'un jaune pâle. Ces muscles ne pesaient plus ensemble que 2 210 gr. pendant que ceux du côté opposé, demeurés parfaitement sains, pesaient 5 425 gr. : différence 3 213 gr. Les muscles paralysés avaient donc perdu plus de la moitié de leur poids, mais ils n'étaient pas tous atrophiés au même degré ; le muscle du fascia-lata l'était fort peu et il conservait sa consistance normale ; le long adducteur au contraire, l'était au plus haut degré, il se trouvait réduit à un tiers de son poids, car il ne pesait plus que 113 gr. au lieu de 380 comme son homologue de l'autre membre. Ces atrophies musculaires peuvent dépendre de lésions plus éloignées. MM. Gharcot, Roger, etc. ont constaté que, dans la paralysie atrophique, les cornes antérieures de la substance grise de la moelle étaient lésées et qu'un cer- tain nombre de leurs cellules se trouvaient atrophiées, même détruites. Dans l'atrophie musculaire progressive, on a également noté des lésions médullaires. M. BroAvn-Sequard a reproduit expérimentalement sur les petits animaux les ulcérations de la peau, les vastes eschares qu'on a observées dans l'espèce humaine, consécutivement à certaines lésions de la moelle. Les troubles de la nutrition des muscles et, en fin de compte, l'atrophie de ces organes, paraissent bien résulter du défaut de l'influence nerveuse, car l'inertie fonctionnelle à laquelle ces troubles ont été attribués ne donne point les résultats de la section des nerfs : elle rend bien les muscles mous, ralentit leur accroissement, jamais elle ne les atrophie, au delà d'un certain degré, surtout dans les courts délais qui suffisent à la réalisation de l'atrophie pftir cause nerveuse. L'influence du système nerveux sur la nutrition des divers tissus et des divers organes n'est pas toujours aussi évidente que sur celle de la nutrition des muscles, soit parce que le travail nutritif est souvent très lent, soit parce que les nerfs des organes ont un rôle complexe dont toutes les parties peuvent être à la fois troublées ou supprimées. 748 DR LA NUTRITION. Quand il s'agit, par exemple, de voir si les nerfs vagues président à la nutrition du poumon, leur section, faite dans ce but, a des elfets multiples qui s'addi- tionnent et réagissent les uns sur les autres : stase sanguine dans le poumon, œdème plus ou moins prononcé, emphysème, modification de la sécrétion muqueuse, chute des aliments et des liquides dans les bronches, paralysie des vaso-moteurs. L'attribution de chacun de ces effets à sa cause offre certaines difficultés. Si on veut constater cette influence sur le rein, le testicule et quelques autres glandes, on n'arrive pas à des résultats aussi nets que pour les glandes salivaires. La section des nerfs rénaux entraînant des délabrements considérables, l'expo- sition de l'organe au contact de l'air, des froissements, la néphrite à un certain degré, il est fort probable que les modifications dans l'aspect, la couleur, la consistance du tissu rénal ne dérivent pas seulement d'un défaut d'excitation nerveuse nutritive. L'atrophie du testicule est un résultat beaucoup plus vrai- semblablement dîi au défaut de stimulation nerveuse de l'organe. Quelquefois les lésions nerveuses portent manifestement atteinte à la nutrition dans un ensemble de parties fort différentes. Dans ce qu'on appelle chez l'homme le mal perforant, l'insensibilité de la région inférieure du pied, le travail d'ulcé- ration ont coïncidé avec des lésions nerveuses, et aussi des lésions artérielles. La section des nerfs plantaires, opérée des deux côtés sur le cheval, dans le but de faire cesser la douleur et la boiterie, détermine quelquefois le décollement et la chute du sabot, accidents imputables aussi à la violence des percussions que l'animal ne cherche plus à amortir, faute d'en avoir conscience. On sait, par des observations nombreuses sur les grands animaux, que la résection des nerfs des membres donne lieu à des atrophies multiples, qu'elle ralentit le travail de la cicatrisation des plaies et leur donne de la tendance à la gangrène. Étant admise l'influence des nerfs sur la nutrition, il faut cherchera quelle partie des centres ils l'empruntent. D'abord, il est certain que les nerfs tirent leur activité trophique des centres, puisque, en cela, comme en tout le reste de leurs fonctions, ils n'ont aucun pouvoir par eux-mêmes ; ils sont de simples conducteurs. Mais l'activité qu'ils empruntent à ces centres vient-elle de points déterminés, localisés ou est-elle empruntée, comme la sensibilité et la motricité des nerfs rachidiens, à un ensemble d'éléments comparables à ceux des cordons supérieurs et inférieurs de la moelle. Les racines motrices et les fibres de même nature, qu'elles restent isolées ou qu'elles entrent dans la constitution des nerfs mixtes, empruntent leur activité nutritive à la moelle épinière puisque elles s'atrophient une fois qu'elles cessent d'être en communication avec elle. D'autre part, la racine sensitive et les fibres de même nom, semblent emprunter la leur aux ganglions, puisque après la sec- tion le bout qui tient au ganglion conserve son intégrité comme le reste du nerf jusqu'à sa terminaison, tandis que le segment attaché cà la moelle s'atrophie et perd ses propriétés physiologiques. En ce qui concerne les paires nerveuses encéphaliques, d'après Waller, les fibres sensitives auraient aussi leurs centres dans les ganglions situés sur leur RÉGÉNÉRATION DES TISSUS. 749 trajet et les motrices dans la protubérance annulaire et la moelle allongée. Les nerfs du système sympatiruiuo auraient leurs centres trophiques dans les ganglions de ce système et peut-être aussi dans le mrscncéplialc. D'après M. Brown Séquard, ceux-ci pourraient avoir au contraire quelque influence sur la nutrition de l'encéphale s'il est vrai que la section du sym[)atlii(pie dans la région du cou donne lieu, à la longue, à une réduction de voluniedansla moitié correspondante des centres encéphaliques. CHAPITRE LXVII DE LA RÉGÉNÉRATION DES TISSUS Le travail par lequel se forment et s'entretiennent les diverses parties de l'orga- nisme peut, en se modifiant dans certaines conditions normales ou accidentelles, reproduire les parties détruites et opérer la réunion de celles qui ont été divisées. Tout en conservant alors ses caractères essentiels, il donne lieu à des phénomènes remarquables dont l'étude peut jeter de vives lumières sur le mécanisme de la formation primitive des tissus et des organes. Chez les animaux inférieurs, la régénération des parties détruites s'effectue dans des limites infiniment plus étendues que chez ceux qui occupent les rangs élevés de la série zoologique. Le polype, divisé en deux moitiés, donne naissance à deux polypes dont chacun reproduit la moitié qui lui manque. La planaire, fractionnée en plusieurs segments, donnelieuà autant de planaires dont chacune régénère ce qui lui fait défaut pour constituer un individu complet. Les annélides, divisées transversalement, peuvent rendre un assez grand nombre des anneaux enlevés. Les astéries reproduisent leurs rayons ; les mollusques, une partie de leur tête ; les crustacés, les arachnides, leurs pattes ; les lézards et les salamandres, leur queue, une partie des doigts. Chez les poissons il y a encore une régénération possible de parties à structure complexe, telles que les nageoires. Broussonnet a vu les diverses nageoires, pectorales, ventrales, dorsales et caudales se reproduire, avec leurs nombreux rayons, à la condition toutefois que les os, leur servant de support, étaient conservés. Cette reproduction se faisait dans Tordre suivant : 1° enveloppe membraneuse ; 2" cartilages ; 3° os segmentés en rayons à peu près comme à l'état normal. J'ai eu l'occasion de constater cette reproduction intégrale sur de jeunes cyprins dorés, mutilés dans un aquarium où ils étaient mêlés à des axolotls. Rien ne manquait à ces nageoires régulièrement reconstituées. Mais chez les oiseaux et les mammifères, la régénération extrêmement bornée, ne porte plus que sur des parties simples et tout à fait élémentaires, comme sur des parties plus ou moins grandes d'os, de muscles, de nerfs, de peau, etc., soit à la suite d'une destruction spontanée, soit par le fait d'une lésion acci- dentelle. Dans le tissu osseux, la régénération s'effectue avec assez de rapidité. Lorsque 750 DE LA NUTIUTIUN. les bois des ruminants sont tombés, le tubercule frontal où la séparation s'est effectuée offre une surface grenue qui laisse exsuder une lymphe coagulable. Bientôt cette surface se recouvre d'une peau noirâtre qui se continue avec celle du bourrelet circonscrivant la base du tubercule. Au-dessous de cette peau de nouvelle formation, à la face interne de laquelle se développerait, d'après Cuvier, un périoste très vasculaire, il s'élève un prolongement osseux, d'abord mou, dont la consistance augmente graduellement. Ce prolongement s'accroît très-vite, se divise pendant que la peau qui le recouvre suit un accroissement proportionnel et qu'elle se recouvre de poils semblables à ceux des autres parties du corps. Une fois le bois arrivé à son développement complet, la peau se fendille, se détache en lanières qui se dessèchent et finissent par tomber, en laissant à nu un ornement, dont la substance a exactement la constitution chimique de tous les autres os, bien qu'il n'en ait pas l'aspect ni les autres caractères extérieurs. Mais plus tard cette excroissance osseuse, mise à découvert, se ramollit au point où s'arrête le bourrelet cutané, et elle tombe vers la fin de l'hiver ; puis il se forme des bois nouveaux qui prennent déjà en avril de 1 à 2 décimètres, et au commencement de juin 3 à 4 décimètres de longueur; ces bois, au mois d'août, se dénudent complètement, un peu plus tôt ou un p^ plus tard, suivant l'âge, l'espèce des animaux et les conditions de leur existence. Les mâles qui ont subi la castration conservent toujoursles bois qu'ils possédaient alors, comme F. Cuvier en a fait l'observation sur le renne. La mortification, par suite, l'exfoliation et la chute complète de la peau qui recouvre le bois pendant toute la durée de la croissance, résultent, d'après Cuvier, de la compression et de l'oblitération des vaisseaux par les saillies osseuses développées à la base du bois, au niveau du bourrelet. Mais la chute delà peau n'est point la cause prochaine ou éloignée de la chute du bois, car celui-ci peut, sans tomber, demeurer dénudé pendant plusieurs années, même pendant toute la vie de l'animal ; cette cause réside uniquement dans le travail de ramollissement qui, à la fin de l'hiver, s'établit au niveau du bourrelet cutané entre le bois et le tubercule frontal qui le supporte, travail analogue jusqu'à un certain point, à celui qui opère la séparation d'une partie mortifiée de celles qui demeurent vivantes. La reproduction des parties osseuses, accidentellement détruites, s'opère aussi, dans certaines limites, avec assez de facilité. Les expériences de M. Flourens ont appris que, sur de jeunes animaux, des portions de côtes, la tête de l'humé- rus, l'extrémité inférieure du radius se reproduisent, pourvu que le périoste soit laissé intact ; elles ont montré que ces parties se régénèrent même, mais avec plus de lenteur, après la destruction du périoste ; car celui-ci doit, dans ce dernier cas, se régénérer d'abord pour opérer la reproduction de l'os. Les os longs dont la membrane médullaire a été détruite, meurent, et autour de l'os ancien privé de vie, le périoste produit un os nouveau. Enfin, lorsqu'un os est fl'acturé,le périoste et le tissu cellulaire environnant se gonllent, laissent exsuder autour de la fracture un plasma qui s'épaissit, devient cartilagineux, puis osseux, tandis que dans le canal médullaire un pareil épanchement s'effectue et éprouve les mêmes transformations. Le cal provisoire, ainsi constitué, permet aux extrémités osseuses de se réunir à leur point de contact, puis, cette réunion KÉGÉNÉRATION DES TISSUS. 751 définitive consolidée, le cal provisoire, tant externe qu'interne, se résorbe peu à peu, pour rendre à l'os sa configurai ion primitive, si toutefois la coaptation des parties a été parfaite. Tous ces phénomènes de régénération des os sont remarquables en ce que le travail par lequel ils s'opèrent est essentiellement le même que celui de l'ossifi- cation normale ou de la formation primitive des os ; car toutes les parties osseuses de nouvelle formation passent par les phases de l'ostéogénie fœtale et acquièrent tout à fait les propriétés physiques, la composition chimique, la structure intime qui appartiennent au tissu osseux'. La régénération des parties osseuses détruites ne s'opère pas seulement dans les points où le périoste a été conservé ; elle a lieu aussi dans ceux où le périoste a été enlevé avec la partie d'os qu'il recouvrait. Dans le cas de trépanation, comme dans ceux d'ablation d'une moitié de frontal ou de pariétal, les ouver- tures se rétrécissent et se ferment à la longue par un triple travail ostéogène : 1° par les bords de l'ouverture qui bourgeonnent comme les lèvres d'une plaie de tissus mous ; '2° par ceux de la plaie du périoste qui marchent vers le centre de l'ouverture ; 3° enfin par le tissu cellulo-fibreux qui unit la paroi interne du crâne à la méninge. J'ai vu de nombreux exemples de ce mode complexe de régé- nération dans mes expériences sur le cerveau. La régénération des vertèbres à l'arc supérieur s'effectue à peu près de la même façon. Les deux lames vertébrales enlevées, avec l'apophyse épineuse, pour la dénudation de la moelle se sont reconstituées par la base ; elles ont marché à la rencontre l'une de l'autre et ont fini par se rejoindre. Un rudiment d'épine s'y est ajouté sur les jeunes sujets. Dans tous ces cas le périoste a joué son rôle ordinaire. Détruit dans une certaine étendue, il s'est reproduit pour régénérer les parties osseuses enlevées. On sait que sa puissance ostéogène se conserve, d'après les expériences de Flou- rens, bien qu'il soit déplacé et d'après celles d'Ollier, lorsque, après son déplace- ment il a réussi à se greffer dans une région quelconque, c'est à dire à y contracter des connexions vasculaires. Mais si les os, ou de grandes portions d'os, peuvent se régénérer, il n'en est pas de même des articulations qui sont des parties fort complexes. Jusqu'ici, dans les cas chirurgicaux et dans les expériences physiologiques, on n'a pas réussi à reconstituer les surfaces articulaires, cartilages, synoviales et ligaments repré- sentant à peu près les articulations normales, néanmoins les extrémités des os, mises en jeu parles muscles, ont donné quelques fausses articulations. Les cornes frontales, les ongles, les sabots, les châtaignes et les ergots des solipèdes, les poils, les plumes, l'épiderme, détruits ou arrachés, se reprodui- sent aisément. La matière épidermique, exhalée à la surface du derme, y prend très vite l'organisation propre aux couches détachées; les tissus sous-cornés, mis à nu, se recouvrent promptement d'une couche nouvelle, très molle, consti-^ tuée par les mêmes éléments que la corne ancienne ; le poil et la plume arrachés 1. Voyez à ce sujet Cuvier, Analomié comparée, t. I^ p. 125. — Flourens, oiw. cit., p. 6, 37, 50, 66 et suiv* — Lebert, De la formation du cal {Annales de la chirurgie, 18i4, t. Xj p. 129, etc.), et Physiologie pathologique. Paris, 18i5. 752 DE LA NUTRITION. ne tardent pas à être remplacés par un nouveau poil ou une nouvelle plume formée dans le follicule ancien demeuré intact. On sait que les oiseaux palmipèdes pi-ivés de leur duvet et de leurs petites plumes, même de celles des ailes, parles mains de la ménagère, s'en retrouvent pourvus dans des délais assez courts, bien que l'arrachement violent de ces productions lèse à un certain degré et même fortement les follicules. Lors de la mue, la reproduction est souvent plus rapide encore. Le merle qui, en automne de sa première année a souvent la tête et le cou entièrement nus, montre sa tête entièrement regarnie au bout de deux à trois semaines. Si le follicule est mutiléj la plume peut se reproduire sous une forme irrégulière et incomplète avec une fausse direction, et peu de solidité d'implantation. J'ai vu un merle maltraité par des chats pendant les premières semaines, arriver à l'âge d'un an sans qu'aucune des grandes plumes des ailes, souvent reproduites, aient pu se maintenir en place. Aussi l'oiseau est-il demeuré incapable de voler, même de s'élever un peu au-dessus du sol. Tous les tissus qui ont éprouvé une perte de substance peuvent la réparer, et tous les tissus divisés peuvent se réunir par l'intermédiaire d'un tissu de nouvelle formation plus ou moins analogue, sous le rapport de la texture et des propriétés, à celui des parties qu'il réunit. Dans cette circonstance, comme dans le travail ordinaire de la production des tissus, les éléments nouveaux naissent directement des anciens ou se développent dans le plasma. S'ils naissent directement des anciens, c'est par une prolifération des éléments de ceux-ci, particulièrement du tissu conjonctif, prolifération dont le mécanisme a été exposé, d'après Virchow, au chapitre de la nutrition en général. S'ils naissent dans un blastème représenté par la lymphe plastique échappée des lèvres de la plaie, c'est par un mode plus intelligible encore. Dans ce liquide jaunâtre, coagulable, que les vaisseaux resserrés laissent suinter, les cellules et les vaisseaux semblent se développer de la même manière que dans l'albumine de l'œuf lors de l'incubation. Si la plaie suppure, sa surface, recouverte de bourgeons charnus, donne moins vite les éléments régénérateurs; et elle les donne d'une façon un peu différente de celle qui caractérise la réunion immédiate. Dans le tissu cellulaire, la puissance de reproduction est portée à son plus haut degré, comme le démontre l'observation de tous les jours, aussi la cicatri- sation y est-elle très facile. Dans les séreuses, qui sont cependant si peu vascu- laires, elle y jouit d'une activité non moins remarquable, mise en évidence par les adhérences qui s'établissement fréquemment entre les feuillets correspondants du péritoine, de la plèvre, et au niveau des plaies qui intéressent le sac de ces membranes. Les tissus fibreux blancs et jaunes, quoique analogues sous plusieurs rapports avec le cellulaire et le séreux, réparent plus difficilement leurs pertes, comme on le voit par la lenteur de la cicatrisation des plaies que l'opérateur fait aux expansions tendineuses du pied des animaux; néanmoins, la cicatrisation des tendons fléchisseurs coupés transversalement se fait encore assez vite, bien qu'il y ait un écartement considérable entre les parties divisées. ' Divers tissus, tels que les ligaments, les muscles et les nerfs, réparent leurs RÉGÉNÉRATION DES TISSUS. 7o3 pertes accidentelles par l'intermédiaire de parties nouvelles qui n'acquièrent jamais la structure et les propriétés de ces tissus. Ainsi, la muqueuse de la langue, souvent divisée chez le cheval, avec la moitié supérieure de l'organe, par l'action de la longe ou par celle de liens passés dans la bouche, ne présente point sur sa cicatrice les papilles qui se voient ailleurs. La muqueuse des canaux salivaires, biliaire, pancréatique, cicatrisée à la suite de fistules, et même de section transversale complète du conduit, ne semble pas offrir exactement les mêmes caractères au niveau de la cicatrice que dans le reste de son étendue. La muqueuse utérine des ruminants, dans les points où des cotylédons ont été accidentellement détruits, montre des cicatrices luisantes sans follicules. Enfin, nulle part on n'a constaté la régénération des papilles, des villosités ni des follicules dans les parties de muqueuse détruites. Cependant, nous verrons que la muqueuse utérine de certains animaux se trouve, à cet égard, dans des condi- tions tout à lait exceptionnelles. Le tissu de la peau, de même que celui des muqueuses, ne se régénère point par des parties similaires. Ses cicatrices diffè- rent des autres parties du tégument par leur aspect, leur couleur, leur degré de vitalité; le pigment ne s'y montre pas, si ce n'est au bout de longues années, et on n'y voit ni follicules sébacés, ni productions pileuses. La peau modifiée du bourrelet et du tissu villeux du pied reproduit pourtant ses papilles lors- qu'elles ontété excisées ou détruites parles caustiques, et ces papilles nouvelles jouissent, comme celles qu'elles remplacent, de la propriété d'engendrer la substance cornée. Les muscles divisés se réunissent par un tissu qui n'a rien de contractile, c'est-à-dire par une sorte de tissu fibreux blanc qui forme une véritable intersec- tion si le muscle est coupé en travers, intersection qui ne modifie en rien la fonction du muscle; en aucun cas, il ne semble se former dans son épaisseur des fibres musculaires pour rétablir la continuité des fibres divisées. La substance des centres nerveux, enlevée en certaines proportions, ne se reproduit pas avec ses caractères normaux, bien que les plaies s'y guérissent aisément et que les solutions avec perte se remplissent d'une matière de nou- velle formation; mais le tissu du nerf paraît, jusqu'à un certain point, suscep- tible de se régénérer. D'abord, il n'est pas douteux que les nerfs divisés trans- versalement et d'une manière complète, se réunissent même quand il y a perte de substance, pourvu toutefois que les bouts se trouvent assez rapprochés l'un de l'autre. Tiedemann, après avoir coupé toutes les branches du plexus brachial du chien, dans la région axillaire, a vu la sensibilité et le mouvement se rétablir peu à peu dans le membre paralysé, si bien, qu'au bout de vingt mois, l'animal pouvait se servir de ce membre comme auparavant. Schvvann a noté que les grenouilles auxquelles il avait coupé les nerfs sciatiques vers le milieu de la cuisse, pouvaient, au bout de quelques mois, sauter aussi bien que dans les conditions normales. ^N'aller \ dans ses études remarquables dont les résultats ont été confirmés par un grand nombre d'expérimentateurs, a prouvé que, lors de la cicatrisation du nerf, il y a régénération des fibres 1. Waller, Comptes yendits de l'Acad. des sciences, 1851. G. COLIS. — Physiol. comp., 3* édit. [I. — 48 754 DE LA NUTRITION. nerveuses. Après la section, le nerf, qui est devenu le siège d'une altération profonde, appelée dégénération, revient à sa constitution primitive et le tissu de nouvelle formation, qui réunit les deux bouts, prend tous les caractères et acquiert toutes les propriétés des fibres nerveuses; il se forme dans le tissu cica- triciel des tubes nerveux, grêles au début, variqueux plus tard, qui se continuent avec ceux des bouts du nerf. A ce moment, le nerf redevient apte à transmettre de la périphérie aux centres les impressions sensitives et de ceux-ci aux muscles les incitations motrices ; en un mot, sa fonction est rétablie par suite de la régéné- ration de son tissu. Nous nous sommes déjà expliqués sur ce point en traitant des fonctions nerveuses. La régénération des organes entiers, ou des parties à éléments plus ou moins complexes, ne s'observe que dans les animaux inférieurs. On a annoncé il y a quelques années le fait de la reproduction de la rate sur les rongeurs à la suite de «on extirpation complète, mais le fait n'est point exact. Peyrani l'a nié avec raison, d'après des expériences sur le mulot et le lapin, et plusieurs années avant lui j'avais reconnu que, sur les chiens dératés, sous les yeux du professeur Bérard, même dans les premiers mois de la vie, l'en- semble des vaisseaux et des nerfs demeurant attaché à l'épiploon, il n'y avait aucune régénération de l'organe. Ce résultat m'a paru si naturel et si prévu que je n'ai pas jugé utile de le publier. Après l'ablation partielle, quoiqu'on en dise, la portion restante ne régénère pas le tout. Ce qui fait croire à une régé- nération dans ce cas, c'est que la partie non extirpée, remise dans l'abdomen, recevant encore la plupart des vaisseaux spléniques, se gonfle un peu plus qu'elle ne l'aurait fait dans la rate intacte; et cela se conçoit bien dans une partie qui jouit des propriétés des tissus érectiles. D'ailleurs, l'augmentation de volume de la partie non extirpée est en même temps le résultat de l'accroissement, si l'on a opéré sur un jeune animal. En somme, ce que j'ai vu dans mes expé- riences inédites me porte à nier formellement toute régénération totale ou partielle de la rate. Certaines parties d'organes plus ou moins complexes sont susceptibles de régé- nération, quoique l'organe en masse ne puisse se reconstituer. Dans l'œil, la conjonctive, la cornée peuvent quelquefois se reproduire sur une certaine étendue. Le cristallin tout entier, avec sa forme, sa transparence peut aussi, d'après divers expérimentateurs, se régénérer, lorsqu'il a été enlevé, à la condition que la capsule cristallinienne a été conservée. Dans les centres nerveux, la régénération des parties enlevées est moins évi- dente. Après l'ablation des circonvolutions cérébrales ou de la couche externe des hémisphères, dans une étendue plus ou moins considérable, sur les oiseaux, le chien, je n'ai pas vu dans le tissu nouveau de cellules ni de fdjres nerveuses; Chez les poules sur lesquelles j'ai pratiqué l'ablation des lobes cérébraux, il n'y a pas eu un commencement de régénération même après plusieurs mois. Cependant on dit avoir constaté sur le pigeon, privé de son cerveau depuis plusieurs mois, dans la masse blanche formée à sa place, des cellules nerveuses et des fibres à double contour. Dans la moelle épinière, les tissus de cicatrices paraissent se charger d'éléments RÉGÉNÉRATION DES TISSUS. 755 nerveux. Après sa section, M. Brown-Séiiuard a vu reparaître le mouvement et la sensibilité en arrière de la section, ce qui semble indiquer ou la transmission des courants sensilifs et moteurs à travers les cicatrices ou la réapparition des cellules et des fibres entre les deux segments. En tout cas la cicatrisation des cordons médullaires supérieurs et inférieurs, se lait promptement et est suivie du retour à la sensibilité normale et à l'excitabilité, ainsi que je Tai noté plusieurs fois dans mes expériences sur le chien et le porc. Mais chez les animaux inférieurs, même chez les vertébrés ovipares, des parties dune certaine étendue et fort hétérogènes peuvent se reproduire en bloc, après leur destruction. La nageoire coupée du poisson se régénère souvent: la queue du jeune lézard ou de la salamandre se reconstitue avec ses os, ses muscles, ses nerfs, après son excision, comme un grand nombre d'expérimentateurs l'ont noté: les pattes des salamandres se reproduisent avec leurs rayons distincts, leurs articulations, leurs doigts, ainsi que Spallanzani l'a constaté dans de nombreuses expériences, non point avec une régularité parfaite, mais sous une forme qui rap- pelle la normale. M. Philippeaux ', répétant ces expériences, a vu que la régé- nération du membre antérieur cesse de s'opérer si le rayon scapulaire se trouve compris dans la résection. Les greffes animales, les restaurations du nez, des paupières, des oreilles donnent encore des exemples curieux de la régénération des parties osseuses, vasculaires et nerveuses. Lorsqu'un lambeau de peau détaché du front et du bras vient combler une brèche du nez ou des paupières, les vaisseaux de ce lambeau ne se mettent en communication avec ceux de la partie que par l'intermé- diaire de tissus de nouvelle formation, et une fois la communication établie on peut détruire la continuité entre le lambeau et la partie qui l'a fournie. Lorsque l'ergot du coq est greffé sur la crête du même animal, lorsque le testicule d'un oiseau pendant la castration tombe dans le péritoine, il s'établit des connexions vasculaires dans les points de contact, et la partie déplacée continue à vivre iudétiniment, absolument comme le rameau ou l'œil dans les grefl'es végétales. Ce qu'il y a de très remarquable dans ces greffes dont la nature donne des exemples quand le fœtus et ses annexes tombent dans la cavité péritonéale, c'est que les parties ainsi déplacées ne continuent pas seulement à vivre par les vais- seaux qui les mettent en rapport avec de nouvelles régions ; elles suivent leur évo- lution commencée, si elle n'est pas achevée : l'os rudimentaire prend sa forme typique, le périoste produit des couches osseuses, les épiphyses se soudent comme si les parties conservaient leur situation et leurs connexions normales. C'est ce que Bert a reconnu dans ses recherches sur les greffes animales, notamment celles de la queue du rat. Dans ces derniers temps on a cru obtenir des greffes de parties très complexes; Des dents fraîchement arrachées ont été transplantées, dit-on, avec succès, dans des alvéoles vides. L'os a pu se resserrer directement sur elles, et la gencive s'y appliquer comme à l'état normal. Mais est-il sur que la pulpe ait repris ses 1. Philippeaux, Comptes rendus de l'Acad. des sciences. H mars 1867. 756 DE LA NUTRITION. connexions avec les restes du follicule ? L'œil avec ses muscles, ses nerfs moteurs, son nerf optique, immédiatement après avoir été extrait, aui-ait pu, d'après divers opérateurs, être grefte dans une orbite transformée en plaie simple et récente. On s'est fait sans doute illusion, car après quelques semaines \'oû\ transplanté prenait un aspect cadavérique indiquant la perte de sa \italité. Tous ces faits prouvent que les éléments jouissent d'une existence indi- viduelle, d'une activité propre, qui se maintient et donne toute la série de ses elTets à la condition que, par des connexions vasculaires quelconques, ces éléments reçoivent les matériaux nécessaires aux actions vitales qu'ils sont aptes à accomplir. Il se pourrait que certains éléments anatomiques déplacés par une cause quel- conque ou introduits par inoculation dans divers tissus sur des sujets étrangers conservassent l'aptitude à \ivre et à proliljérer dans leur nouvel habitat. Les divers éléments figurés du tubercule sont peut être dans ce cas, comme je l'ai dit il y a fort longtemps. On ne sait rien de précis de l'influence que le système nerveux peut exercer sur la régénération des tissus et la reproduction des parties détruites. ïodd affirme qu'après la section des nerfs à la base de la patte des salamandres, il n'y a plus de régénération des rayons terminaux. D'autre part le travail de la cicatrisation s'accomplit dans les formes et les délais ordinaires, chez les individus paralysés. Celui de la formation du cal, dans les membres abdominaux, d'après quelques observations de MM. Ollier et Ranvier ne serait point entravé par la section des sciatiques. Mais il importe de remarquer que, dans ces derniers cas, l'influence nerveuse n'est pas complètement éteinte et qu'elle peut être entretenue par des nerfs spinaux de provenance diverse comme par les rameaux sympathiques sa- tellites des artères. LIVRE NEUVIÈME DES SÉCRÉTIOXS Quelques organes de réconomie jouissent de la faculté de former, aux dépens du sang, des produits très variés, destinés, soit à maintenir en équilibre la cons- titution normale de ce fluide, soit à jouer un certain rôle dans l'accomplis- sement des fonctions. L'acte qui donne naissance à ces produits, et qui les sépare du sang, porte le nom de sécrétion. 11 faut envisager ses caractères géné- raux avant de Tétudier dans chacune des parties où il s'effectue. CHAPITRE LXYIII DES SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL La sécrétion, réduite à ses phénomènes essentiels, constitue un acte qui a beaucoup d'analogie avec la nutrition, mais qui en diffère cependant sous plu- sieurs rapports. Dans l'acte de la nutrition, chaque tissu attire des matériaux de même nature que les siens, et leur donne la forme propre à ses divers élé- ments. Dans l'acte de la sécrétion, le tissu glandulaire ne s'empare point exclu- sivement de matériaux semblables aux siens; car il n'y a ni identité, ni même analogie de composition entre l'organe sécréteur et le produit sécrété. D'ailleurs, ces deux actes sont tellement distincts l'un de l'autre, qu'ils s'opèrent à la fois sans se confondre, dans chaque organe sécréteur ; en effet, la glande fabrique, aux dépens du plasma sanguin, des éléments semblables à ceux dont elle est déjà composée, et de plus elle forme aux dépens de ce même plasma des produits nouveaux destinés à être éliminés. La sécrétion est un acte complexe qui résulte du concours de trois agents: le sang, la glande et le système nerveux. L — Dtr RÔLE DU SAîs^G DANS LA SÉCRÉTION. Le fluide sanguin distribué aux organes sécréteurs leur donne tous les élé- ments nécessaires à la confection des produits sécrétés. Son plasma, c'est-à-dire sa solution librino-albumineuse et saline épanchée hors des vaisseaux et mise en dehors de la circulation, sert à la sécrétion comme il a servi à la nutrition. 7o8 DES SÉCRÉTIONS. Une partie de ses éléments est séparée du reste, puis métamorphosée en un produit spécial, \ariable suivant l'espèce d'organe où il se forme ; mais ce plasma ne contient pas tous les principes qui se retrouvent dans les fluides sécrétés. Il renferme, par exemple, la cholestérine, qui doit être éliminée par le foie; les graisses et la caséine, que doivent séparer les mamelles; l'urée, que sépare le rein ; la matière colorante jaune qui teint le fluide des séreuses, du tissu cellulaire ; et enfin toutes les matières minérales et salines qui font partie intégrante des produits de sécrétion. Peut-être renferme-t-il beaucoup d'autres principes que l'analyse chimique n'a pu encore y découvrir à cause de leur faible quantité, 11 ne faudrait pas croire pour cela que le sang doive contenir tout ce que séparent les organes glanduleux; il ne renferme ni le mucus, ni le lait, ni le sperme, ni la bile; car ces produits complexes dérivent de métamorphoses qui s'accomplissent dans les glandes. D'ailleurs, s'il les contenait tout formés, il ne serait lui-même qu'un mélange hétérogène impropre à entretenir la vie. Le sang, distribué aux organes sécréteurs, est évidemment identique à lui- même dans toutes les parties du système artériel. Depuis longtemps on a vu le néant de cette opinion des anciens, d'après laquelle le sang serait plus aéré près du cerveau, plus écumeux au voisinage des glandes salivaires, plus chargé de graisse et de principes acres vers le foie, de sels vers le rein. Ce fluide est toujours, à un moment donné, semblable dans les diverses parties du système artériel ; mais comme sa composition et la proportion de ses éléments varient suivant une foule de circonstances, il devient par là une cause de modifications sensibles dans les résultats du iravail sécrétoire. Ainsi, ce fluide contient moins d'eau à la suite d'une transpiration abondante et d'un repas composé de fourrages secs ; il possède plus de graisse pendant la digestion, plus d'urée sous l'in- fluence d'un régime azoté, plus ou moins de fer, de phosphates, de carbonates, de lactates, suivant la nature et l'abondance de l'alimentation ; enfin, il peut, par le fait d'un traitement, se charger d'alcool, d'huiles essentielles, d'alcaloïdes végétaux, de mercure, d'iode, etc., dont l'élimination est réservée aux organes sécréteurs. Les matériaux des fluides sécrétés, de même que ceux des tissus, proviennent du sang artériel à son passage dans le système capillaire; mais ils peuvent quelquefois aussi dériver du sang veineux, comme le foie de tous les animaux et les reins des ovipares nous en donnent un exemple. Alors le sang veineux est distribué dans les capillaires de ces glandes de la même manière que le sang artériel ; son plasma, qui a la même nature que le plasma du sang vermeil, s'échappe également bien à travers les parois vasculaires, et peut éprouver des métamorphoses semblables à celles qu'éprouve celui du sang artériel. Toutes les dissertations des anciens physiologistes sur la question de savoir si le sang veineux peut ou non servir aux sécrétions, sont sans portée ; car le plasma sanguin employé au travail sécréteur est le même dans les deux sangs, et il s'échappe à travers les capillaires dans lesquels il passe de l'état artériel à l'état veineux. Le sang agit diversement sur les organes sécréteurs suivant le degré d'exci- SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 759 lation que leur communiquent l'abondance et la rapidité de son afflux, enfin, suivant sa composition actuelle, .\insi, lorsque la masse sanguine est considé- rable, toutes les sécrétions sont plus actives, et lorsqu'elle est diminuée par le fait de l'abstinence ou de toute autre cause, elles deviennent languissantes. Quand le sang est porté en abondance à la muqueuse gastrique, à la muqueuse intestinale, à la peau, les exlialations de ces membranes augmentent d'activité. Dès que sa pression est accrue, soit dans un organe sécréteur tel que le rein, soit dans l'ensemble de l'économie, elle tend à rendre la sécrétion plus abon- dante. Haies a fait voir, en elTet, que la distension outrée des vaisseaux par l'injection do l'eau rend les sécrétions cellulaires, séreuses, si abondantes, qu'en quelques heures l'animal devient hydropique \ Mais il ne faudrait pas regarder l'excès de pression sanguine comme une cause efficiente de la sécrétion. La sécrétion de la salive, par exemple, s'opère tantôt en présence d'une pression sanguine très faible, tantôt, comme Ludwig l'a constaté, lorsque la tension de la salive dans ses canaux excréteurs dépasse de beaucoup celle du sang dans la carotide. Il est vrai que ces rapports de tension ne peuvent être exactement déterminés, puisque les manomètres ne s'adaptent pas aux artérioles dans lesquelles, au moment du travail sécréteur, la tension du sang est augmentée en raison directe de la dilatation vasculaire. D'ailleurs, la congestion, l'hyperhémie dans diverses glandes peut se produire à un haut degré sans que le funetionnement de ces organes s'exagère et sans même qu'il soit mis enjeu. Le rôle du sang est en somme très complexe. Ce liquide est: 1° l'excitant des cellules et de tous les autres éléments anatomiques de la glande: 2" Il est le véhicule, l'agent d'importation de tous les matériaux du travail glandulaire ; 3° il apporte l'oxygène qui opère les combustions et enlève l'acide carbonique. C'est le sang artériel qui stimule, non le veineux, car d'après Cl. Bernard sur l'animal curarisé la sécrétion qui s'opère lors de la respiration artificielle se suspend dès que la respiration est arrêtée et que le sang est devenu noir. Lorsque des principes étrangers sont introduits dans le sang, l'activité des organes sécréteurs redouble pour en déterminer l'évacuation ; les voies aériennes donnent issue aux spiritueux; la muqueuse intestinale aux gaz fétides; la muqueuse gastrique au prussiate de potasse ; le rein aux résines, à la cantha- ridine, au nitre ; les glandes salivaires au mercure, etc. Le mode suivant lequel les artères distribuent le sang aux organes sécréteurs peut avoir une influence réelle sur le travail de la sécrétion. Il est à croire, comme on le pense généralement, que la longueur et les flexuosités des artères testi- culaires, la brièveté des artères rénales, ne sont pas sans importance ; mais on ne sait en quoi peut consister l'intluence de telles dispositions. II. — Du EÔLE DES GLAXDES DA^'S LES SÉCEÉTIONS. L'une des actions les plus merveilleuses de l'organisme est, sans contredit, celle qui forme aux dépens d'an même fluide un grand nombre de produits très 1. Haies, Statique des anin/îaujc, exp. XIV. 760 DES SECRETIONS. diflérents les uns des autres par leurs propriétés physiques, leur constitution chimique, et le rôle qu'ils sont appelés à remplir dans Taccomplissoment des fonctions. Pour se faire une idée du mode suivant lequel s'opère ce travail intime de la sécrétion, il importe tout d'ahord de saisir ce qu'il y a d'essentiel et de général dans la texture des organes sécréteurs. Sans cette connaissance préalable, il est impossible de concevoir nettement ni le mécanisme des sécrétions, ni même les conditions dans lesquelles elles peuvent s'effectuer. Il est dans l'organisme un très grand nombre de parties qui jouissent de la faculté de sécréter. La peau, les muqueuses, les séreuses, le tissu cellulaire, les vésicules adipeuses, les glandes salivaires, le foie, le pancréas, les reins, les testicules, les mamelles, le poumon, les corps thyroïdes, le thymus, la rate, les capsules surrénales, sont les agents de sécrétions très variées. Ces parties qui paraissent très différentes les unes des autres par leur texture, avaient été divisées autrefois en trois groupes comprenant, le premJer, les exhalants, le second, les follicules, et le troisième, les glandes ; néanmoins elles ont toutes, en dernière analyse, une organisation commune qui devient évidente quand on les considère dans les divers degrés de la série animale, ou lorsqu'on étudie au microscope leurs éléments essentiels. L'organe sécréteur le plus simple est la lamelle mince et transparente du tissu cellulaire, libre sur toutes ses faces, et continuellement humectée du fluide qu'elle exhale. Cette membranule, très mince, qu'elle soit constituée par une matière amorphe, ou qu'elle résulte de la réunion de fibres ou de cellules, peut, en se modifiant, donner naissance à tous les autres organes sécréteurs. Que cette membranule soit repliée sur elle-même de manière à constituer une petite vési- cule close, elle formera les cellules adipeuses, les cellules pigmentaires, les cellules du foie, du thymus, de la rate, des corps thyroïdes, lesquelles sécrètent et rassemblent dans leur cavité delà graisse, des matières colorantes, de la bile ou des matières de nature encore indéterminée. Que l'on dilate par la pensée ces vésicules, qui sont de véritables séreuses microscopiques, on obtiendra les synoviales, tendineuses, articulaires, et enfin les grandes séreuses splanchniques, telles que la plèvre et le péritoine. D'autre part, que si, au lieu de plier la mem- branule en une cellule fermée, on la roule sur elle-même de manière à lui donner la forme d'un petit tube, on composera le rudiment d'un autre ordre d'organes sécréteurs, car si ce tube, ouvert à l'une de ses extrémités, est allongé indé- finiment, ramifié en divers sens et replié, on obtiendra la glande la plus com- pliquée, c'est-à-dire une glande telle que la parotide, le rein, le foie ou le testi- cule. L'étude comparative des divers organes glanduleux de l'économie, soit dans la série animale, soit aux diverses phases de la vie embryonnaire, démontre en effet que la glande est une cellule ou un tube. La cellule est plus ou moins grande et de forme variée ; elle est ici complètement close, là quelquefois percée d'une ouverture ; le tube est tantôt simple et court comme les tubes glanduleux de l'estomac et de la muqueuse intestinale; tantôt allongé comme les cœcums pyloriques des poissons ; enfin, il peut être ramifié comme les tubes des insectes, ramifié et pelotonné comme ceux des testicules et du rein des animaux supérieurs. SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL, 761 Toutes les différences qui existent entre les cellules et les tubes glandulaires tiennent aux fornif^s, aux dimensions de ces parties élémentaires et aux variétés qui résultent de leur association avec le tissu conjonctif, les vaisseaux sanguins ou lymphatiques, et avec les nerfs. Leur étude sommaire fait voir clairement qu'elles ne portent que sur dos dispositions accessoires. En envisageant les glandes uniquement au point de vue de leur structure, on peut les diviser en trois ordres: 1° les vésiculaires, 2° les tubuleuses, et 3° les mixtes, ou celles qui sont à la fois formées de cellules et de tubes. . Les glandes vésiculaires sont l'ovaire, le corps thyroïde, la rate et le thymus. Leur substance propre est constituée par des cellules complètement closes, de forme variable. Ces cellules se rompent comme celles de l'ovaire pour donner issue à leur contenu, ou bien, restant toujours fermées, elles le laissent échapper par une sorte de transsudation. La complication apparente de la plupart des glandes de cette catégorie tient à l'association de cellules sécrétoires avec des éléments étrangers, conjonctifs, vasculaires et nerveux. Les glandes tubuleuses sont les glandes de Galeati dans l'estomac et l'intestin, les glandes sudoripares, les prostates, le pancréas des poissons, les reins, les testicules, et la plupart des glandes des invertébrés, notamment celles des insectes. Ces tubes sont simples, droits ou légèrement sinueux dans la muqueuse gastro-intestinale, où ils forment chacun une petite glande distincte ayant un oritice particulier. Ils sont en cœcums dans beaucoup de glandes chez les insectes, ramifiés, arborisés et pelotonnés sur eux-mêmes dans d'autres glandes de ces invertébrés ; ils sont en partie droits et en partie sinueux dans les reins, anastomosés les uns avec les autres sous forme de réseaux dans les testi- cules. Enfin, les glandes mixtes, telles que les glandes salivaires, le foie et les mamelles, sont constituées par des tubes annexés à des vésicules qui forment, soit des dilatations en cul-de-sac des canaux les plus déliés, comme à la parotide, soit des amas plus ou moins considérables en dehors des canaux ou à leur face interne. Quelles que soient leurs formes, les glandes possèdent, dans leurs acini, aux origines de leurs canaux excréteurs des cellules considérées comme leurs éléments les plus importants. Ces cellules qu'on dit épithéliales sont presque toujours sphériques, subglobulaires, tandis que celles des gros canaux sont cylindriques ou pavimenteuses. Les premières qui sont remplies du produit de sécrétion paraissent le fabriquer et non le recevoir des autres éléments glandu- laires. Elles sont distinctes physiologiquement des cellules épithéliales, quoi- qu'elles semblent anatomiquement de même nature que celles ci. Les rapports qui peuvent exister entre les éléments glandulaires et les vaisseaux sanguins qui leur apportent les matériaux de la sécrétion sont très variés, suivant l'espèce de glande et la disposition propre de ses tubes ou de ses cellules. Ruysch, s'appuyant sur ses inimitables injections, avait cru que les artères déliées se terminaient par des bouches béantes à la surface des membranes sécré- tantes ou dans l'intérieur des canalicules sécréteurs, de telle sorte que, d'après ses idées, les canaux excréteurs communiqueraient directement avecles vaisseaux 762 nES SÉCRÉTIONS. apportant les matériaux des produits sécrétés, et beaucoup d'auteurs, considé- rant que les matières injectées dans les artères intestinales \'iennent sourdre à la surface de la muqueuse, que celles de l'artère hépatique passent souvent dans les canaux biliaires, celles des artères rénales dans le bassinet du rein et dans les tubes urinifères, beaucoup d'auteurs, dis-je, ont cru à cette communication, dont les hémorrhagies glandulaires semblaient encore indiquer l'existence ; mais ces communications n'existent nulle part. Partout le système vasculaire forme un ensemble de voies parfaitement closes. Dans toutes les parties, les dernières artérioles se continuent avec les premières veinules, par l'intermédiaire d'un réseau capillaire. Nulle part on n'a vu à ces artérioles, à ces veinules, ni à ces capillaires, aucune ouverture susceptible de laisser échapper le sang". Si les matières sont poussées avec force dans certains vaisseaux, c'est en les déchirant ou en transsudant à travers leurs parois qu'elles pénètrent dans les canaux excréteurs, comme le font la cire et le suif, qui, teints par le noir de fumée et injectés par les artères, viennent remplir les bronches et la trachée, après avoir filtré et s'être décolorés à travers les vaisseaux pulmonaires et les membranes des canaux aériens. Enfin, si, dans certaines circonstances, le sang est exhalé dans le rein et dans l'intestin, c'est en se frayant des passages à travers les parois des petits vaisseaux. En un mot, il n'y a nulle part de communication entre les vaisseaux sanguins et les cellules ou les tubes des organes sécréteurs. Gonsé- quemment, les matériaux des produits de sécrétion ne peuvent être versés direc- tement dans l'intérieur des cavités glandulaires. Les organes sécréteurs ne sont donc, en dernière analyse, que des membra- nules minces et déliées formant de petites cavités vésiculaires ou tubuleuses. Les parois des vésicules ou des tubes sont les agents de l'élaboration des liquides, et la cavité de ces petits organes est destinée à recevoir les fluides modifiés, jusqu'au moment de leur élimination. Comme les vaisseaux sanguins forment de simples réseaux qui enlacent ou entourent les éléments glandulaires, ils se com- portent à l'égard de ces parties comme il le font pour toutes les autres. Le plasma s'en échappe à travers des porosités invisibles ; il vient baigner extérieurement chaque cellule et chaque tube glandulaire de la même manière qu'il baigne chaque cellule, chaque fibre ou chaque particule de la substance des autres tissus. Or, ce même plasma, aux dépens duquel chaque partie prend pour sa nutrition les éléments de nouvelles cellules ou de nouvelles fibres, ce plasma pénètre par imbibition les parois des vésicules ou des tubes glandulaires ; puis ces parois, en vertu de leur activité propre, le modifient, le métamorphosent, et fabriquent à ses dépens des produits nouveaux. Il suffit de réfléchir un peu à la constitution des organes sécréteurs et à la nature de leurs rapports avec les vaisseaux sanguins pour voir que dans tous les animaux, depuis les plus simples jusqu'au plus compliqués, ces organes sont dans des conditions identiques. En effet, chez les animaux inférieurs, qui n'ont pas de vaisseaux ou qui ont seulement des vaisseaux incomplets, les cellules ou les tubes glandulaires simples ou ramifiés baignent dans le fluide nutritif, qui imprègne toutes les parties et en remplit les interstices. Chez les animaux parfaits, ces cellules et ces tubes, que les vaisseaux viennent enlacer, baignent également, SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 763 non pas dans le fluide nutritif tout entier, mais dans son plasma, que les vais- seaux ont laissé échapper. Dans les deux cas, les parois des cellules et des tubes, en vertu d'une activité spéciale, se laissent pénétrer par tels principes plutôt que par tels autres ; elles les associent dans un certain ordre, les métamorphosent enlin en un produit particulier qui, après s'être accumulé dans leur cavité, est délinitivement versé à l'extérieur. Nous savons donc maintenant que tous les organes sécréteurs, si variés dans leurs formes, si compliqués dans les détails de leur structure, ne sont en défi- nitive, que des membranules disposées en tubes ou en petites vésicules, repré- sentant par leur ensemble une immense surface. Ce sont ces tubes et ces vési- cules qui métamorphosent les éléments du plasma dont ils sont imprégnés, et en fabriquent un produit de sécrétion versé dans leur cavité pour être ultérieure- ment éliminé: mais par quel mécanisme et sous l'influence de quelles forces s'effectue cette transformation? Descartes admettait que la sécrétion s'opérait par une sorte de filtration à travers les organes sécréteurs, qu'il supposait disposés comme des cribles ; Boerhaave prétendait que cette fonction résultait du passage des éléments du sang dans une série de vaisseaux successivement décroissants ; Haller l'attribuait à une transsudation, Haraberger à une précipitation des fluides effectuée dans l'ordre de leur pesanteur spécifique ; Wollaston et Berzelius à un travail de décomposition électrique; mais ce sont là de pures hypothèses que l'on discutait autrefois, et sur lesquelles il est inutile aujourd'hui de s'arrêter. 11 faut se bornera reconnaître les conditions dans lesquelles s'effectue le travail sécrétoire, à constater ses résultats immédiats, puisque la nature intime, les causes pre- mières du travail doivent demeurer pour nous un mystère impénétrable. La sécrétion, envisagée en elle-même, n'est autre chose qu'une double opé- ration de séparation et de métamorphose : séparation de certains éléments du sang d'avec le reste, puis métamorphose de ces éléments en un produit spécial plus ou moins compliqué. Cette double opération est effectuée par les cellules et par les tubes qui entrent dans la constitution des organes sécréteurs. D'une part, les cellules élémentaires des glandes, baignées par le plasma qui s'échappe continuellement des réseaux capillaires, jouissent de la propriété d'em- prunter à ce fluide complexe des éléments variés qui pénètrent dans leur intérieur par endosmose ou par simple imbibition. Ces cellules, suivant l'épaisseur, le degré de cohésion et la nature de leurs parois, admettent certains principes et ne donnent point accès à d'autres, comme s'il y avait une aftinité particulière entre la cellule d'une espèce de glande et les matériaux formateurs du produit qu'elle doit fournir. Le fait de l'admission de certains éléments, à l'exclusion de tels autres, dans des cellules d'une espèce déterminée, est incontestable; il est des cellules qui se remplissent de graisse, ou de sérosité, d'autres de matières colorantes, ou encore des matériaux de la bile, du lait, etc. La cause de ce fait est absolument inconnue. D'autre part, dans les cellules ainsi remplies, les matières admises se métamor- phosent, soit d'elles-mêmes, en vertu de forces inconnues, soit par l'intervention de l'activité propre de la cellule. Ces métamorphoses peuvent être, du moins un 764. nES SÉCRÉTIONS. certain nombre d'entre elles, accessibles à l'observation microscopique. Le con- tenu de la cellule augmente ou diminue de consistance; il se concrète dans cer- taines circonstances, se divise en granulations, cristallise de diverses manières ou se dissout ; il demeure lluide le plus souvent, bien qu'il change de nature et de propriétés. Les recherches de divers micrographes ont appris que les cellules adipeuses n'ont pas constamment un contenu d'apparence identique; elles ont fait voir que les cellules du foie se montrent sous des aspects variés, suivant leur âge, l'état de la digestion et les conditions de l'organisme. Les cellules sperma- tiques, à un certain moment, deviennent le siège d'un travail particulier, duquel résulte la formation de cellules plus petites à l'intérieur des anciennes, cellules nouvelles où se développent des filaments qui deviendront plus tard des sperma- tozoïdes. La cause de ces mutations des substances que les cellules ont admises dans leur intérieur, et la raison pour laquelle s'effectue telle métamorphose dans la cellule hépatique, telle autre dans la cellule spermatique, telle autre encore dans celles d'une glande muqueuse, sont choses actuellement introuvables. Les affinités moléculaires mises en jeu dans ces conditions nous échappent, et pour- tant elles agissent sur une quantité de matière infiniment petite, enfermée dans une membranule et mise en contact avec un noyau de cellule. Une fois que les mutations du contenu de la cellule glandulaire sont opérées, cette cellule doit restituer le produit qui s'est formé dans sa cavité; elle. doit l'échanger contre de nouveaux éléments destinés à subir les mêmes transfor- mations, ou bien, si cette cellule ne déverse pas son contenu, en con- servant sa constitution propre, elle se détache, se rupture, laissant à d'autres cellules, qui se formeront après elle, le soin de continuer le travail de la sé- crétion. En effet, les cellules adipeuses restituent de la graisse lorsque le combustible Tespiratoire n'est plus fourni en quantité suffisante par l'alimentation ; les cel- lules des glandes gastriques versent de la pepsine pendant la digestion, celles des glandes mucipares cèdent du mucus, etc. Et ainsi, ces cellules, qui avaient admis par endosmose les éléments du produit sécrété, les laissent échapper par exosmose, en persistant indéfiniment avec leur caractères particuliers. Dans plu- sieurs glandes, comme le testicule, les follicules sébacés, les mamelles, d'après Henle, les cellules groupées à la face libre des canaux excréteurs se détachent et sont entraînées, soit qu'elles s'ouvrent par une rupture analogue à la déhiscence des fruits, soient qu'elles demeurent intactes au milieu du fluide sécrété. Le tra- vail qui s'effectue ainsi dans les cellules peut de même se concevoir pour les canalicules des glandes tapissés constamment par des cellules, et pour les diverses membranes, car celles-ci sont recouvertes au moins d'une couche de cellules épithéliales, et d'ailleurs leur tissu n'est qu'un dérivé de cellules plus ou moins modifiées. Les cellules et les tubes des organes sécréteurs sont donc les agents d'une opération complexe, qui consiste : 1° à admettre dans leur intérieur les éléments du produit de sécrétion, éléments puisés dans le plasma qui les baigne ; 2° à associer ces éléments, à les métamorphoser en un produit par- SÉCRÉTIONS EN GÉNÉKAL. 765 ticulier; 3'' à lestilULM- le produit qui doit être résorbé, ou éliiniiiL' par la voie des canaux excréteurs. De quoi peuvent dépendre ces phénomènes, moins remarquaJDles encoie par eux-mêmes que par leurs résultats! La pénétration dans les cellules de certaines substances, à l'exclusion de telles autres, tient-elle à l'épaisseur des parois et à la nature de la cellule? Les mutations subies par le contenu des cellules résultent-elles d'une sorte d'action catalytique exercée par le noyau ou par l'en- veloppe cellulaire, ou bien sont-elles spontanées et uniquement dépendantes des aflinités chimiques? La restitution de matière effecluée par la cellule n'est-elle qu'une conséquence forcée de l'admission de nouvelles molécules qui chassent au dehors les premières, ou une dialyse soumise aux lois de l'osmose et des affi- nités moléculaires qui intervenaient dans les phénomènes de l'absorption? Evidemment on ne peut présenter à cet égard que des conjectures ; car au lieu d'une opération toujours la même, quant au résultat, on a une infinité d'opéra- tions dont les produits sont très différents les uns des autres. Ici, comme dans les combinaisons chimiques ordinaires, l'ordre suivant lequel les corps s'unissent ou se dissocient dépend d'une foule de conditions. Le mercure se combine avec l'oxygène à la température de l'ébuUition du métal, et, au contraire, il s'en sépare à une température plus élevée. Le carbonate calcaire, calciné à l'air libre, se dé- compose, et, en vase clos, il ne subit pas d'altération. L'oxygène, qui forme avec l'azote cinq composés différents, donne dans certaines conditions du deu- toxyde d'azote, par exemple, dans d'autres de l'acide azotique De même aussi, dans l'organisme, les mêmes éléments s'associent en telles proportions plutôt qu'en telles autres, et donnent ou du sucre ou de la graisse, etc., suivant les conditions ot!i ils se trouvent lors de leur association. Or, c'est précisément en variant les conditions dans lesquelles peuvent s'effec- tuer les associations et métamorphoses des éléments, que les forces \itales obtiennent des affinités moléculaires des résultats si variés ; c'est en déterminant telles conditions parfaitement définies pour chaque glande qu'elles obligent ces affinités à donner perpétuellement naissance à des produits dont les propriétés et la composition sont d'une remarquable fixité. Ainsi, en réglant les conditions du travail sécrétoire, en limitant la sphère d'action des affinités, les puissances vitales se subordonnent les forces chimiques ; elles les enchaînent, tout en les laissant effectuer librement leurs opérations dans le cercle tracé. Quand ces conditions viennent à changer par le fait de modifications apportées à l'état du sang, de la glande, ou à l'intervention du système nerveux, la sécrétion éprouve des modifications correspondantes. Du reste, en beaucoup de circonstances, les phénomènes intimes de la sécrétion se réduisent à une plus grande simplicité, car si les glandes ne font que remplir un office de dépuration, en séparant du sang des principes déjà tout formés dans le liquide, comme l'urée, la cholestérine, la caséine, les sels, etc., il suffit alors que, par suite de leur nature et de leurs propriétés spécifiques, les cellules ou les canalicules glandulaires admettent ces principes à l'exclusion des autres. Mais, le plus souvent, le travail de la sécrétion paraît très complexe, surtout 766 RES SÉCRÉTIONS. au point de vue chimique, même chez les plantes où le fluide nutritif a une constitution plus simple en présence de cellules moins variées que dans Tanimal. Le plus élémentaire des végétaux, produit par les cellules, ici du sucre, de la gomme, du mucilage, delà cire, des huiles essentielles, des résines, du camphi-e, des principes extractifs, des alcaloïdes, même en grand nombre : dans le pavot, par exemple, la morphine, la codéine, la thébaïne, la papavérine, etc., dans tels autres des composés à propriétés variées, les toxiques les plus diversifiés. Il semble que chez eux la puissance de la cellule soit sans bornes. Dans l'animal le pouvoir de la cellule semble plus limité à certains égards, notamment quant à la production des principes capables de modifier les pro- priétés des tissus et d'exercer une action toxique ; mais ce pouvoir existe. La vipère et d'autres reptiles fabriquent des poisons dans leur glandes salivaires ou autres. M. A. Gautier^ a fait voir que l'organisme animal produit en petite quantité des alcaloïdes toxiques semblables ou analogues à ceux qui se forment dans les tissus privés de la vie. Ce fait semblerait indiquer que certains produits dans l'organisme, prennent naissance par le jeu des affinités sans la participation active des éléments anato- miques qui joueraient seulement le rôle des capsules, des ballons et des tubes dans les laboratoires du chimiste. La participation des cellules au travail sécréteur dans les acini des glandes est très appréciable. Les unes après s'être remplies du produit qu'elles ont formé ou simplement reçu se déchirent, éprouvent une desquammation ou une fonte qui les entraîne avec lui et dont elles font partie intégrante. Les autres et c'est le plus grand nombre, stables, au moins pour un certain temps, laissent sortir ce produit par transsudation et par conséquent n'entrent point dans sa constitution. Ce travail des cellules glandulaires paraît se faire d'une manière continue. A la période d'inaction apparente, la cellule fabrique, dit-on, par son protoplasma, aux dépens du sang, la matière albumineuse, muqueuse ou autre quelle doit tenir en réserve ; puis à la période d'activité elle laisse échapper ce produit en le délayant dans l'eau et dans ce qu'elle emprunte à ce moment au sang. C'est en raison de ces particularités que la sécrétion devient l'analogue de la nutrition. La prépa- ration du produit a été comparée à l'assimilation et son départ, ou son excrétion à la désassimilation. Il est difficile de savoir quel est, dans ce travail la part exacte de la paroi, celle du noyau et du protoplasma. Mais le rôle essentiel semble appartenir à ces deux derniers. En tout cas la cellule se modifie considé- rablement par le fait de ce travail. Si elle est volumineuse et transparente au début, elle se rapetisse et s'épUise à la longue, souvent elle change de forme, son noyau se gonfle, se déplace^ ses tiucléoles deviennent apparents, le protoplasma prend un aspect granuleux; Les cellules dont l'existence est temporaire se montrent en voie de rénovation. A côté des grandes qui vont disparaître, se pré- parent les petitesj les jeunes destinées à succéder aux anciennes^ Haidenhainj Ranvier et d'autres observateurs ont constaté ces changements soit sur des pré- 1. A. Gautier, Recherches sw^ les alcaloïdes dérivés des tissus animaux. Bulletin de VAcadéniie de médecine, 12 et 19 janv. 1886. SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 767 parations faites à divers moments du travail, soit directement sur les parties transparentes des glandes de petits animaux. Il ne l'aul pas s'exagérer l'impoitance du travail (pii a lieu dans la cellule ou dans les autres éléments glandulaires pendant le repos. Sans doute, lors de l'abstinence, les glandes à peitsine renferment du suc gastrique et les salivaires de la salive ; mais c'est en quantité très limitée comme on le voit en retirant ce liquide par l'infusion du tissu. Il ne peut en être autrement; les cellules ne sau- raient se vider entièrement ni s'éliminer quand la sécrétion se suspend. Leur produit se concentre certainement lors de la suspension de l'excrétion. Mais à ce moment de repos il ne peut être préparé en quantité assez grande pour toute la période, souvent très longue de la sécrétion ostensible et de l'excrétion. Ce serait aussi, à ce qu'il semble, une grande erreur de croire que tout le travail sécréteur est le fait des cellules épithéliales des acini et des petits con- duits glandulaires. La cellule est déjà un organe de perfectionnement; elle n'est point un instrument indispensable. La pie-mère qui sécrète le liquide sous arachnoïdien, le tissu cellulaire, les membranes telles que la plèvre et le péritoine, les synoviales n'ont pas de cellules sécrétantes, ces organes n'en sont pas moins des glandes. C'est dans le sens très large indiqué plus haut qu'il faut Toir l'organe sécréteur. Il est à noter, comme je l'ai observé le premier dès 1856, sur le pancréas, que, la glande qui cesse de fonctionner par le fait de l'oblitération de son canal s'atrophie et que, dès lors, ses éléments perdent leur pouvoir sécréteur. Celui-ci, tout à fait caractéristique, paraît donc subordonné à la conservation pleine et entière du pouvoir nutritif. Ce n'est pas seulement chez les animaux supérieurs que la cellule donne des produits extrêmement complexes. Elle a un pouvoir de fabrication non moins grand chez les animaux les plus simples. Reinke a trouvé dans le protoplasma d'un mycomycète, WEialium septicum les matières suivantes : plastine ou matière albuminoïde insoluble, vitelline, myosine, pepsine, lécythine, sarcine, xanthine, glycogène, cholestérine, acides gras, stéarates, oléates, etc., en tout une quarantaine de substances différentes. III. — Du RÔLE DU SYSTÈME NERVEUX DANS LES SÉCRÉTIONS. Bordeu ^ s'afîranchissant des vieilles idées qui avaient eu cours jusqu'à lui, reconnut très nettement l'influence du système nerveux sur l'action des glandes. Il fit remarquer que l'excitation des nerfs provoque les sécrétions, que leur sec- tion la suspend et qu'enfin les troubles qui peuvent survenir dans l'action ner- veuse modifient le travail des organes sécréteurs. D'après lui, l'intervention nerveuse aurait pour résultat d'activer considérablement l'afflux du sang dans les glandes pendant la sécrétion, en augmentant la force contractile des vaisseaux» De plus, les nerfs donneraient une sensibilité particulière aux orifices, qu'il suppose à l'origine des canaux excréteurs, et ces petits orifices, pourvus d'un sphincter contractile, s'ouvriraient ou se fermeraient, admettraient les éléments 1. Bordeu, Recherches anatomiqûès 3ur les glandes. Paris, IT.^l, § XCVIII et suiv. 768 DES SÉCRÉTIONS. en rapport avec leur sensibilité, avec leur goût, et repousseraient les autres. Bichat ^ adopta ces idées. Il ne vit dans les glandes que la sensibilité qui choisit les éléments destinés à la constitution du produit de sécrétion, et la contractilité des excréteurs qui leur ouvre ou leur ferme les portes. Depuis, Brodie, Kriraer, Brachet, Mûller, Luduig et Cl. Bernard, ont apporté des preuves directes de l'influence exercée par les nerfs sur les sécrétions. Cette influence dérive du système cérébro-spinal et du système ganglionnaire. Le système cérébro-spinal exerce une action incontestable sur diverses sécré- tions qu'il est facile d'étudier. On sait que l'imagination suffit chez l'homme pour faire couler les larmes et faire affluer en plus grande abondance la salive dans la bouche. Cl. Bernard - a constaté que l'irritation du nerf lingual met en jeu l'activité des glandes sous-maxillaires, et j'ai fait plusieurs fois la même observa- tion sur le cheval. J'ai vu aussi que l'irritation des filets du trifacial, accolés à ceux du facial sur le trajet du canal de Sténon, fait couler la salive parotidienne, dont la sécrétion était auparavant suspendue. Cette influence sur les glandes salivaires résulte de l'impression que les aliments et les substances sapides pro- duisent sur la muqueuse buccale; pour les glandes qui sécrètent le suc gastrique, de l'action des aliments sur la membrane interne de l'estomac. L'intervention nerveuse est moins marquée en ce qui concerne les reins, les glandules intesti- nales et les autres organes sécréteurs qui ne reçoivent pas de nerfs cérébro- spinaux ; néanmoins elle y est encore incontestable, comme le prouve la surexci- tation rapide des sécrétions intestinales par le fait d'une vive frayeur. Dans tous les cas, l'influence nerveuse cérébro-spinale s'exerce, soit directement, soit par action réflexe : directement, quand les impressions partent des centres eux- mêmes, et par action réflexe dans la majorité des autres circonstances. Alors l'impression reçue à la bouche, par exemple, par les nerfs de la sensibilité générale ou de la sensibilité gustative, est transmise par eux à l'encéphale, qui la renvoie ou la réfléchit sur les glandes salivaires par le moyen des filets desti- nés à ces organes. L'action du système cérébro-spinal sur les sécrétions est une action excitatrice et régulatrice très importante pour beaucoup de glandes, mais elle n'est point absolument indispensable au maintien de la fonction. Tous les expérimentateurs ont constaté qu'après la section des nerfs vagues les sécrétions muqueuses de la trachée et desbrouches continuent à s'effectuer. Plusieurs praticiens ont noté la persistance de la sécrétion spermatique dans les paralysies de la partie inférieure de la moelle épinière. J'ai vu, ainsi que M. Longet, la sécrétion du suc gastrique continuer, d'une manière sensible, après la section des nerfs vagues, quoique le fait ait été nié par plusieurs physiologistes ; j'ai observé qu'après cette section et la ligature du pylore, une énorme quantité de liquide visqueux s'accumule dans l'estomac; enfin, j'ai reconnu maintes fois sur les solipèdes à fistules biliaires, que la sécrétion de la bile persiste avec ses caractères habituels après la résec- tion des nerfs pneumogastriques. • ]. Bichat, Anatomie générale, édition P. A. Béclard etBlandin. Paris, 1831. S. Bernard, Comjites l'endus de l'Académie des sciences. 1852, t. XXXIV, p. 2^&QiLeçons sur les liquides de r organisme. Paris, 1859, t. II, p. 265. SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 769 L'action des nerfs ganglionnaires paraît être plus immédiatement nécessaire à la sécrétion que celle dont nous venons de parler. D'abord, c'est la seule qui puisse s'exercer sur les glandes qui reçoivent exclusivement des nerfs du sympa- thique, comme les reins, les follicules intestinaux; ensuite c'est la seule qui per- siste quand on a coupé les nerfs cérébro-spinaux des glandes qui reçoivent à la fois les deux es})èces de nerfs. Les expériences tentées jusqu'ici, quoiqu'elles laissent beaucoup à désirer, montrent néanmoins suflisamment que la sécrétion est sous la dépendance immédiate des nerfs ganglionnaires, Krimer a vu, après la section des fdets ganglionnaires qui se rendent au rein, l'urine se charger d'albumine et de matière colorante, et après celle du cordon cervical du sympathique, devenir alcaline et aibu mineuse, deux résultats assez peu importants quand on se rappelle que la suspension du travail digestif modifie la réaction de l'urine, et que l'état de souffrance où se trouvent les animaux à la suite de l'incision des parois abdominales et des manipulations nécessaires pour mettre à découvert les nerfs rénaux suffisent pour changer considérablement l'aspect, la consistance et les autres propriétés du produit de la sécrétion urinaire. Brachet^ en rétablissant, au moyen d'un tube, la continuité entre les deux bouts de l'artère rénale coupée transversalement, ainsi que tous les nerfs envi- ronnants, a vu le rein suspendre sa sécrétion, ou du moins ne donnerqu'un fluide rougeâtre, sanguinolent. Mïiller est arrivé au même résultat par un moyen ana- logue. Après avoir lié les vaisseaux du rein de manière à déterminer « la mortifi- cation des nerfs compris dans la ligature», il enleva celle-ci, afin que le cours du sang put se rétablir, et adapta un tube à l'uretère attiré au dehors par une plaie à l'abdomen. La sécrétion fut abolie complètement, excepté sur une brebis, où il y eut un écoulement de liquide sanguinolent contenant de l'acide uro-ben- zoïque. D'après cela, il semble évident que la sécrétion ne puisse se faire sans la participation des nerfs ganglionnaires ; mais de nouvelles expériences seraient nécessaires pour bien établir ce point important, car les précédentes ne sont pas très concluantes, puisqu'il suffit d'une irritation mécanique un peu forte exercée sur les reins pour diminuer considérablement leur sécrétion et même pour la suspendre momentanément. D'ailleurs les physiologistes qui ont répété l'expérience de Millier avec des variantes de perfectionnement ou de simplification n'en n'ont pas obtenu les mêmes résultats. Les nerfs ganglionnaires exercent sur la sécrétion de la sueur une action très évidente. Pourfour du Petit - avait déjà vu les larmes devenir plus abondantes chez les chiens auxquels il avait enlevé le ganglion cervical supérieur. Lorsque le filet cervical du grand sympathique est coupé, ou lorsque le ganglion cervical supérieur est enlevé chez le cheval, toute la moitié de la tête et de l'encolure du côté de la lésion se couvre d'une sueur abondante coïncidant avec une élévation considérable de température. Dupuy^ fit le premier cette curieuse remarque 1. Brachet, Rechercher ex/)érune?italex .-iur les fonctions du système nerveux ganylion- naire, 2" édit., p. 326. 2. Pourfour du Petit, Histoire de l'Académie des sciences, 1727. 3. Dupuy, De V affection tuberculeuse. Paris, 1817, p. 95 ot 96. 6. COLIN. — Physiol. comp., 3* édit. II. — 49 770 "ES SÉCRÉTIONS. en 1806 sur im cheval auquel il enleva les ganglions gutturaux, sous les yeux de Dupuytren. Chez cet animal, dit-il, « la température de la tète était plus élevée que celle du corps, et la peau de cette partie était continuellement mouillée ». On sait maintenant que cet écoulement de larmes, ces sueurs abon- dantes, tiennent à l'abord et à la stase dune très grande quantité de sang dans les vaisseaux relâchés à la suite de la section du filet cervical. On a cherché à déterminer cette action sur les sécrétions intestinales, et sur la plupart des autres, même sur les exhalations des séreuses et du tissu cellu- laire, mais les résultats de ces tentatives sont très équivoques. L'action des nerfs en général sur les sécrétions est elle exercée directement ou par l'intermédiaire de la circulation, en d'autres termes l'est-elle par des nerfs spéciaux ou par les vaso-moteurs? Il est certain que les vaso-moteurs influencent les sécrétions en réglant la dilatation des vaisseaux et par conséquent en activant ou en ralentissant l'apport des matériaux, en exagérant ou en atténuant l'excitation produite par le sang, excitation subordonnée à la quantité comme à la violence de son afflux. L'hyperémie précède, ou accompagne presque toujours le fonctionnement exagéré des glandes ; elle en parait souvent la cause, comme on le voit pour la sueur, et pour la sécrétion salivaire, la pancréatique ; mais quelquefois elle manque comme à la peau qui s'anémie lors de l'apparition de certaines sueurs dites froides. L'hypothèse d'une action directe des nerfs sur les glandes indépendante de la circulation, est appuyée, en apparence, sur certains faits à signification équivoque, entre autres sur la sueur qui est provoquée par l'électrisation des pelotes digi- tales d'une patte de chien séparée du corps, sur l'écoulement de salive provo- qué par le même moyen à la tête d'un animal décapité, car il s'agit dans ces cas bien plus d'une excrétion que d'une sécrétion. En effet, les courants électriques qui mettent en jeu la contractilité des vaisseaux et celle des canaux excréteurs peuvent provoquer l'expulsion de quelques gouttes de salive, à l'orifice de ces canaux qui en sont constamment remplis à l'état de repos ; ils pourraient même, pour un court instant, pousser vers les éléments sécréteurs ce qui reste de sang dans les petits vaisseaux. Dans cette hypothèse on admet, ccmirae le fait M. Vulpian, des nerfs spéciaux, des nerfs sécréteurs même de deux espèces : les uns qui présideraient à la for- mation du produit aux dépens du protoplasma pendant le repos apparent de la glande, — les autres qui stimuleraient l'élimination, pendant la période d'activité, en appelant l'eau destinée à délayer les matières antérieurement préparées. Ainsi, pour la glande sous-maxillaire, le sympathique serait le nerf du repos, le tympanico-lingual, le nerf de la sécrétion ou de l'excrétion ; — la salive du sympathique serait épaisse, — celle du lingual et de la corde du tympan très aqueuse. Ces vues ne sont nullement démontrées : elles sont basées, pour la plupart, sur des illusions. La salivCj comme le suc pancréatique, est épaisse lorsque sa sécrétion est suspendue ou simplement ralentie; elle prend de la flui- dité à mesure qu'elle devient abondante. Bailleurs ces vues impliquent des contradictions. La section du filet sympathique rend la sueur et les larmes très abondantes et cette même section tend à diminuer la salivation. SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 771 En cherchant ù reconnaître les nerfs de la sécrétion, Pfliigera cru voir dans les glandes des fdets qui. arrivés aux cellules, perdaient leur myéline, tandis que leur cylindre ave pénétrait dans ces cellules et se subdivisait en filaments ténus au mileu du protoplasma: mais celte particularité liistologique n'a été vue par aucun des observateurs qui, depuis, ont voulu la constater. Son existence impli- querait de singulières modifications aux extrémités nerveuses dans les cellules sécrétantes qui se détruisent d'une manière incessante pour former aux dépens de leur substance et de leur contenu le produit de sécrétion. Dans celles-ci il fau- drait, à ce qu'il semble, admettre la destruction des extrémités nerveuses ; puis leur régénération dans les cellules de remplacement. On s'est demandé, surtout dans ces derniers temps, si les nerfs des organes sécréteurs avaient des centres d'activité directe ou réflexe dans l'encéphale, la moelle et les ganglions du sympathique. Le bulbe a paru un centre pour le foie et le rein, depuis que Bernard a montré que les piqûres au plancher du quatrième ventricule donnent lieu au diabète sucré, à la polyurie : mais la lésion de cette partie n'a pas ce résultat chez toutes les espèces d'animaux et le diabète, la polyurie peuvent, comme les pathologistes en ont donné la preuve, résulter, de lésions de beaucoup d'autres parties des centres nerveux. La moelle épinière a été considérée comme un centre d'activité des nerfs des glandes sudoripares parce que la destruction de la moelle supprime la sueur dans les membres postérieurs, mais cette destruction donne lieu, entre autres, à des troubles de la circulation et à des modifications si considérables dans l'état du système musculaire qu'il est difficile de rattacher cette suppression à sa cause essentielle. Les ganglions du grand sympathique depuis l'expérience si frappante de Cl. Bernard sur le ganglion sous-maxillaire ont été considérés comme des centres d'actes réflexes absolument indépendants du système cérébro-spinal, quoique cette expérience ne soit pas d'une interprétation facile. Dans les conditions normales si on vient à irriter le nerf lingual la glande maxillaire qui reçoit des divisions du facial, par la corde du tympan, entre en action et sécrète abondamment ; l'action réflexe est opérée parl'encéphale qui reçoit l'impression du premier nerf sensitif et renvoie l'excitation par le second qui est moteur. Mais si on suprime toute communication entre l'encéphale et les parties périphériques de ces deux nerfs en les coupant tous deux au-dessus de la glande et du ganglion sous-maxillaire on voit néanmoins la glande entrer en action dès qu'on irrite le lingual entre la section et les parties terminales. Dans ce cas le cou- rant centripète qui ne paraît plus arriver au bulbe s'arrête au ganglion qui renvoie en apparence son excitation à la glande par le facial. L'action réflexe du gan- glion serait incontestable s'il n'y avait aucune anastomose entre le lingual et le facial; elle ne l'est pas en raison des filets moteurs récurrents que le facial envoie au lingual et des filets sensitifs que le premier possède dès son origine et qui lui donne pliysiologiquement, dans une certaine mesure, le rôle d'un nerf mixte : aussi on pense que, en présence de la stimulation exercée sur le lingual, la corde du tympan a en elle et par elle ce qui est nécessaire pour agir sur la glande comme s'il y avait action réflexe soit de l'encéphale, soit du ganglion. En 772 DES SÉCRÉTIONS. conséquence cette action du ganglion qui paraissait d'abord si clairement établie est maintenant plus que douteuse. En somme, suivant les uns l'action nerveuse sur les glandes s'exercerait seule- ment par l'intermédiaire de la circulation Elle serait une action médiate vaso- motrice ; il y aurait antagonisme entre l'action des nerfs rachidiens et celle des nerfs ganglionnaires, la dernière relâcherait les vaisseaux et rendrait l'afflux san- guin très abondant dans la glande : c'était là l'opinion de Cl. Bernard. Suivant les autres, l'action nerveuse serait directe, elle s'exercerait sur les cellules glan- dulaires, par des nerfs spéciaux, distincts des vaso-moteurs et puisant leur puissance de stimulation dans des centres multiples, à l'encéphale, à la moelle épinière et peut-être aux ganglions. Vulpian appuie cette manière de voir sur des arguments d'une grande valeur. Les deux opinions ne s'excluent pas. Loin de là, et tout bien considéré, il semble très logique d'admettre que l'intluence nerveuse s'exerce à la fois directement et par l'intermédiaire de la circulation, en outre qu'elle peut avoir, suivant la complication du rôle des glandes, des points de départ plus ou mois nombreux. Dans certaines d'entre elles, comme les sali- vaires dont l'action est mise en harmonie avec la gustation et avec une série d'actes digestifs, les nerfs ont une origine cérébro-spinale et ganglionnaire ; ailleurs ils procèdent tous du système sympathique. Dans celles-ci il n'y a pas d'anta- gonisme possible entre les deux systèmes et le travail intime de la glande est moins compliqué qu'il ne le paraît : il y est peut être aussi simple que dans les plantes. Le système nerveux doit intervenir d'ailleurs pour régler les sécrétions et les excrétions dans leurs rapports si nombreux avec les autres fonctions. C'est par son influence que s'expliquent une foule de particularités dont les causes ne sont pas toujours saisissables à première vue. Voyez par exemple, ce qui se passe dans la sécrétion pancréatique des animaux. L'expérimentateur saisit-il le pancréas au moment où sa fonction est en pleine activité, il voit couler des flots de liquide ; au contraire, établit-il la listule pendant les longues périodes d'inaction de cette glande délicate et capricieuse, il faut qu'il attende souvent plusieurs jours avant de voir le tube, adapté au canal, verser une seule goutte de fluide ; prend-il même la glande aune période de sécrétion, il la voit cesser d'agir pour peu que les manipulations opératoires exercées sur elles soient douloureuses et prolongées. Voyez aussi l'admirable physionomie de l'action des glandes salivaires : toutes ces glandes fonctionnent pendant le repas, et les parotides cessent d'agir aussitôt qu'il n'y a plus d'aliments dans la bouche, tandis que les glandes à salive visqueuse continuent à fournir de quoi humecter la muqueuse buccale. Voyez les parotides en repos pendant l'abstinence chez les solipèdes, et toujours en fonction chez les ruminants : elles se reposent chez le cheval pendant que les autres versent de la salive sous l'influence d'une impression gustative; au contraire, leur action redouble chez le bœuf lors de la rumination, pendant que les maxil- laires sont plongées dans une inertie à peu près complète ; elles alternent l'une avec l'autre, suivant que la mastication se fait sous les molaires droites ou sous les molaires gauches. Prenez ces parotides au moment d'une inaction complète, même de plusieurs jours de durée, et à peine une parcelle d'aliment aura-t-elle SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 773 impressionné la muqueuse buccale, qu'elles donneront de la salive ; irritez un filet du lingual, et aussitôt des gouttelettes de salive visqueuse s'échapperont du canal de Warlhon. En(in, comparez ces sécrétions salivaire et pancréatique intermittentes, susceptibles de tant de modilications, à la sécrétion biliaire continue, dont l'activité résiste à toutes les tortures éprouvées par l'animal, à tous les troubles de l'organisme, et vous acquerrerez la con\iction que toutes ces manifestations diverses de l'activité des glandes, si bien mises en harmonie avec le rôle départi à chacune d'elles, résultent de l'intervention régulatrice du système nerveux. Il importe, en outre, de remarquer que l'influence nerveuse exercée sur les sécrétions est d'une espèce toute parliculière, diflérente de celle qui, dans les mêmes organes, régit la nutrition, carie travail nutritif de la glande est continu, tandis que le travail de la sécrétion est très souvent intermittent, comme si, à certains moments, l'action nerveuse se trouvait suspendue. Il suffirait du seul fait de l'intermittence dans la sécrétion pour avoir une preuve irréfragable de la puissante influence exercée sur elle par le système nerveux. Qui saura jamais, en présence de ce fait, pourquoi la glande, constamment en rapport avec les nerfs et constamment abreuvée du sang, demeure pourtant plongée pendant de longues périodes dans une inertie complète dont elle sort si subitement à la moindre excitation. L'action encore un peu obscure du système nerveux sur les glandes peut être accrue, ralentie ou modifiée en divers sens par certains agents que l'absorption introduit dans l'organisme. En général les matériaux étrangers qui doivent être éliminés excitent le travail d'un ou de plusieurs organes sécréteurs, les uns activent la sécrétion salivaire, les autres celle du rein, de la muqueuse intesti- nale : ils sont par là sialogogues, diurétiques, purgatifs, sudorifiques. Quelques- uns comme la pilocarpine stimulent à la fois les nerfs d'une foule de glandes et donnent lieu en même temps à une salivation et à des sueurs d'une extrême abondance; d'autres comme les narcotiques, la morphine, l'atropine, les ralen- tissent au point de les suspendre. L'action excitante ou paralysante porte peut- être à la fois sur les centres nerveux et sur les nerfs des organes sécréteurs. L'action paralysante des narcotiques qui se produit d'après Heidenhain pendant que la vascularisation de l'organe sécréteur est accrue, semble montrer que la seconde n'a pas une importance prépondérante. IV. — Des caeactères généraux des sécrétions. L'activité des organes sécréteurs, considérée d'une manière générale, peut être continue, rémittente ou intermittente : continue, dans les glandes dont la sécrétion n'a pas d'interruption normale, comme celle des reins et du foie ; rémiltente dans les glandes dont la sécrétion, sans jamais cesser complètement, est plus ou moins abondante, comme celle des sublinguales, des maxillaires, des glandes sudoripares ; intermittente dans les glandes telles que les parotides de la plupart des animaux, les mamelles, les glandules du suc gastrique, dont la 774 DES SÉCRÉTIONS. sécrétion se suspend complètement à des inlervalles i)liis ou moins rapprociiés. Les sécrétions continues sont les sécrétions chargées d'un rôle de dépuration qui ne peut souffrir d'interruption sans danger pour l'organisme ; elles se main- tiennent dans les conditions les plus diverses avec leurs caractères ordinaires. Ainsi, la sécrétion biliaire et l'urinaire persistent chez les animaux épuisés par la souffrance, les fatigues, l'abstinence prolongée : les grandes plaies faites à l'abdomen dans un but expérimental, la péritonite, les troubles qui font cesser la sécrétion du suc gastrique, du fluide pancréatique, ne peuvent les arrêter. L'inanition prolongée qui tarit la plupart des sécrétions leur laisse, surtout à celle du foie, une activité remarquable que prouvent les déjections biliaires des animaux épuisés par une longue abstinence. Les sécrétions rémittentes et intermittentes sont les sécrétions à usages mo- mentanés, périodiques. Il ne faut du suc gastrique que pendant la digestion stomacale, du lait que pendant la période où la mère nourrit ses petits, du sperme qu'à l'âge où il y a aptitude à la reproduction, etc. Les glandes qui en sont chargées ont besoin, pour entrer en action, pour se réveiller, comme le disait Bordeu, d'être excitées, et d'autant plus vivement que leurs sécrétions doivent être plus abondantes. Il faut aux glandes salivaires, l'impression de l'ali- ment ou d'une substance sapide sur l'organe du goût ; aux glandules gastriques, le contact de l'aliment avec la membrane interne de l'estomac ; au pancréas, aux mamelles, des excitations d'une autre nature. Ces excitations sont parfaitement réglées, quant à leur degré d'intensité et à leurs périodes de retour, d'après le rôle que les produits sécrétés doivent remplir. Leur effet est tantôt immédiat, tantôt extrêmement lent à se manifester. La salive, par exemple, afflue à la bouche, le suc gastrique coule dans l'estomac aussitôt que les aliments par- viennent à ces cavités ; au contraire, quelques glandes, longtemps inactives, ne peuvent reprendre leur action qu'après une longue préparation, comme on le voit aux mamelles qui se développent peu à peu, bien avant le moment de la parlurition. Les sécrétions, à quelque espèce qu'elles appartiennent et à quelque rôle que puisse être employé leur produit, entretiennent entre elles des relations plus ou moins intimes. Elles sont, jusqu'à un certain point, solidaires les unes des autres, car elles prennent les matériaux de leur produit dans le sang, et tirent le principe de leur action du système nerveux. Or, comme d'une part, la quantité du sang, sa composition, ses propriétés stimulantes, sont réglées, et comme, d'autre part, l'action du système nerveux est plus ou moins vive et forte, régu- lière ou diversement modifiée, les sécrétions, dans leur ensemble, sont toutes en rapport avec les divers états du sang et du système nerveux. Elles s'affai- blissent simultanément quand le sang s'appauvrit, ou que l'action du système nerveux est languissante; elles acquièrent un surcroît d'activité lorsque le sang est abondant et riche, et que l'influx nerveux est proportionné à l'état du fluide nutritif; elles s'altèrent, quant à leurs caractères et à la composition de leur pro- duit, quand la composition du sang est elle-même altérée, ou que l'action ner- veuse est plus ou moins troublée. L'ordre suivant lequel le système nerveux met en jeu l'activité des diverses SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 775 glandes, pour les besoins de l'organisme, a pour résultat d'exalter d'une manière successive l'action de la plupart d'entre elles, comme Bichat en avait déjà fait la remarque. Pendant la mastication, toutes les glandes salivaires sécrètent en abondance; puis, le repas aciievé, elles ne donnent plus que ce qui est néces- saire pour humecter la bouche, et les glandes gastriques versent le suc dissol- vant; enfin, à mesure que les aliments passent dans l'intestin, ils provoquent le déversement de la bile, du (luide pancréatique et des sucs intestinaux. Il semble, suivant les expressions de Bicliat, qu'il y ait une somme de vie pour tout le sys- tème des glandes, et que le surcroît d'activité de quelques-unes ne puisse exister sans un alïaiblissement dans celle des autres. Cette particularité se conçoit très bien, quand on se rappelle les énormes quantités de fluides et de matières fixes que les glandes salivaires, par exemple, soustraient à la masse du sang dans un temps très court, car de pareilles soustractions diminuent rapidement la quan- tité totale du liquide nutritif, et font varier d'une manière sensible la proportion de ses principes constituants. Les glandes à sécrétion continue ne peuvent, pas plus que les autres, jouir toutes à la fois d'une grande activité. La prépondérance de quelques unes d'entre elles n'est acquise qu'aux dépens des autres, dont l'action se ralentit. Ainsi, dès que la transpiration cutanée augmente, la sécrétion urinaire diminue, et vice versa ; quand les exhalations du tissu cellulaire et des séreuses deviennent abon- dantes, c'est au détriment des sécrétions cutanées et muqueuses ; lorsque celle du lait tarit, celle de la graisse devient rapide. Cet antagonisme entre les sécré- tions normales, les unes relativement aux autres, se produit également pour les sécrétions morbides spontanées ou provoquées dans un but thérapeutique. Aussi est-ce d'après la connaissance de ce fait que, dans le traitendent des maladies, on active une sécrétion pour en tarir une autre : celle de l'intestin pour affaiblir celle des mamelles, celle des reins ou de la peau pour ralentir les exhalations séreuses ; c'est dans le même but aussi qu'on détermine des sécrétions factices, des exu- toires, pour combattre les. hypercrinies. Alors, cependant, ce moyen de dériva- tion ne devient efficace qu'autant que la sécrétion surexcitée ou la sécrétion nouvelle est effectuée par un tissu ou un organe d'une autre nature que celui de la sécrétion qui doit être diminuée; il ne faut pas exciter la sécrétion d'une muqueuse pour tarir celle d'une autre membrane de ce genre; il faut encore moins provoquer une sécrétion dans une partie de la peau pour suspendre celle d'une autre du même tégument, car chaque muqueuse a des sympathies avec toutes les autres, et chaque partie de la peau avec les autres parties de l'enve- loppe cutanée. D'ailleurs la révulsion ne saurait devenir bien efficace, si la sécré- tion nouvelle ne soustrait à la masse du sang plus de matériaux que celle que l'on doit modifier ou suspendre. Les divers organes sécréteurs, bien qu'ils aient entre eux de nombreux rap- ports, n'en conservent pas moins, chacun, leur individualité fonctionnelle. Chacun a sa vie propre, nettement caractérisée, c'est-à-dire son mode d'action et son rôle spécial. Chacun a, pour mettre en jeu et pour régler sa sécrétion, des exci- tants propres; le rein ne fonctionne pas comme le testicule, et celui-ci comme les mamelles ; la parotide môme n'agit pas comme la maxillaire, la maxillaire 776 DES SÉCRÉTIONS, comme la sublinguale; les glandes salivaires d'un animal n'agissent pointcomme celles d'un animal d'espèce différente. Les glandes d'un côté peuvent ne pas fonctionner de la même manière que celles du côté opposé. Chaque glande fabrique un produit spécial caractérisé, et les glandes presque semblables peuvent fournir des liquides très différents. Le produit des tubes de la muqueuse intestinale n'a aucune analogie avec celui des tubes de la muqueuse gastrique, la salive de la parotide n'a ni les caractères ni la composition de la salive des maxillaires ; celle de la sublinguale diffère aussi des deux précédentes ; la salive de la glande molaire supérieure des ruminants n'est point identique à la salive de la molaire inférieure : aussi chaque organe sécréteur se dis- tingue-t-il mieux par la spécialité de son produit que par sa structure anatomique. Jamais une glande ne sépare le fluide d'une autre glande'mise dans l'impossibilité de fonctionner. Seulement, certaines d'entrés elles peuvent rejeter des principes tout formés dans le sang quand les glandes chargées de l'élimination de ces principes suspendent leur action : ainsi, la peau élimine l'urée mêlée à la sueur, lorsqu'il y a obstacle à l'écoulement de l'urine. Les produits sécrétés peuvent être rattachés à deux catégories : les uns ont un point de départ circonscrit et un usage local, comme la diastase formée dans les glandes salivaires, la pepsine dans l'estomac, la pancréatine, laspermatine, la butyrine; d'autres ont une origine diffuse, naissent partout et se rattachent à des fonctions générales, comme l'acide carbonique, l'urée, l'acide urique, le sucre, etc. Les diverses glandes ont chacune leur sensibilité propre, leur affinité particu- lière pour telle ou telle substance introduite dans l'économie. Au plus léger frois- sement, à la moindre irritation vive, le pancréas cesse de fonctionner, tandis que la péritonite, les contusions, les blessures profondes, l'inflammation du foie, laissent persister la sécrétion biliaire. Telle glande est impressionnée par une cause qui reste sans action sur une autre. La sécrétion du lait est modifiée sous l'influence des passions, de l'amour, celle de l'urine éprouve le contre-coup de divers états nerveux. Certaines d'entre elles se chargent d'éliminer des produits que d'autres ne rejettent pas. Les salivaires entraînent, comme on le sait depuis longtemps, les préparations mercurielles, les reins expulsent les principes rési- neux, les huiles essentielles, beaucoup de sels, le nitrate de potasse, le cyanure ferrico-potassique; les mamelles éliminent plusieurs substances pur- gatives, etc. L'action des glandes en général, et celle de chaque glande prise en particulier, si bien caractérisée qu'elle soit, est susceptible d'un grand nombre de modifica- tions relatives aux divers états du sang, du sytème nerveux, aux âges, au sexe, au climat, aux saisons, aux maladies et à d'autres causes. Suivant les âges, les sécrétions présentent des modifications remarquables qui tiennent à l'état delà nutrition généraleet au caractère particulier des fonctions. Pendant la vie fœtale, la plupart des sécrétions qui se rapportent à la digestion ne sont pas encore mises en jeu. Les canaux des glandes salivaires sont seule- ment remplis de mucus; l'estomac, au lieu de suc gastrique, exhale un lluide visqueux très abondant. La muqueuse des voies aériennes sécrète du mucus qui SÉCRÉTIONS EN GÉNÉRAL. 777 remplit les cavités nasales, le larynx, la trachée et les bronches. La peau, chez beaucoup d'animaux, reste nue, tandis que chez d'autres elle se recouvre de poils assez abondants. Ses productions cornées, chez les solipèdes, sont jaunâtres et très molles. Les sécrétions dépuratives, et quelques sécrétions propres à la vie fœtale, y jouissent seules d'une activité remarquable. Dès la fin du premier tiers de la gestation, la bile est fabriquée en quantité assez considérable, elle continue à s'accumuler et à se concentrer dans l'intestin, qu'elle remplit plus tard sous la forme de méconium. L'urine est sécrétée en petite quantité, et ses caractères ne paraissent pas être ceux qu'elle présente après la naissance. Les produits des cellules du thymus doivent être alors assez abondants, si l'on en juge par le volume de cet organe pendant la vie intra-utérine. Au moment de la naissance, toutes les glandes endormies, excepté celles de l'appareil reproducteur, entrent subitement en action. Les glandes salivaires envoient la salive dans la bouche aussitôt que le petit saisit la mamelle de sa mère; le suc gastrique est exhalé dès que le lait parvient à l'estomac ; enfin les diverses sécrétions intesti- nales qui, jusqu'alors, paraissent n'avoir donné que du mucus, entrent en exer- cice et prennent les caractères qu'elles conserveront plus tard. La bile, outre son rôle précédent de dépuration, prend une part au travail digestif. L'urine, qui n'avait encore emporté que des matériaux inutiles à la nutrition, entraîne de plus l'excédent des produits utiles que la digestion fournit à la constitution du sang. La muqueuse respiratoire commence à exhaler l'acide carbonique, et la peau des animaux, nue en naissant, se couvre peu à peu de poils ; la corne nou- velle prend progressivement plus de consistance pour remplacer les productions fœtales, qui éprouvent très vite une chute partielle. Pendant le cours de la vie, les sécrétions cutanées prennent de nouveaux caractères vers l'âge oi!i se déve- loppe l'aptitude à la reproduction ; il apparaît des spermatozoïdes dans le fluide séminal. A la même époque se prépare dans l'ovaire le travail de la déhis- cence des ovules. Enfin, à un âge avancéj l'accroissement de certaines produc- tions est arrêté, la couleur- des poils modifiée, la sécrétion de la graisse ralentie: l'ovaire ne donne plus d'ovules qui puissent être fécondés, le sperme n'a plus d'infusoires. Suivant les divers états de l'organisme, les sécrétions peuvent éprouver des modifications très nombreuses, dont les principales se rattachent à la compo- sition du sang et aux lésions matérielles ou dynamiques des parties. Ainsi, aussitôt que les qualités et la composition du sang sont changées, les diverses sécrétions travaillent pour ramener ce fluide à sa constitution normale. Les sécrétions dépuratives surtout prennent alors des caractères nouveaux, et la plu- part des autres sont plus ou moins altérées. Le rein élimine un très grand nombre de substances étrangères qui ont pénétré dans le torrent circulatoire : les huiles essentielles, les matières résinoïdes, les matières colorantes, le fer, le mercure, l'arsenic et une foule de sels; la peau donne issue au soufre sous forme d'acide sulfhydrique, au mercure, à l'iode, à l'iodure de potassium, à l'azotate d'argent, à plusieurs substances volatiles entraîuées aussi par la trans- piration pulmonaire et les exhalations intestinales. Les mamelles éliminent éga- lement de l'iode, des préparations mercurielles, des purgatifs, des principes 778 DES SECRETIONS. amers, des matières colorantes. Il n'est pas jusqu'aux sécrétions dont les pro- duits doivent demeurer dans l'organisme qui ne soient influencées par les varia- tions du fluide nutritif. L'état du sang, modifié par le régime, réagit sur les sécrétions. L'urine de l'herbivore, qui est alcaline, saturée de carbonates, sans acide urique, devient acide, se charge de phosphates et prend tous les caractères de celle des carnivores, quand le premier est nourri de substances animales ou soumis à une abstinence un peu prolongée. Le lait change à l'infini, quant à sa couleur, à son goût, à la proportion respective de chacun de ses éléments, suivant le caractère de l'alimen- tation; celui des femelles carnivores, peu coagulable, presque dépourvu de sucre, devient plus coagulable et plus sucré dès qu'elles sont entretenues avec des ali- ments végétaux. Les divers états pathologiques de l'organisme, et ceux des glandes en parti- culiers, impriment des modifications remarquables aux sécrétions. En général, au début d'une phlegmasie dans un organe sécréteur, la sécrétion diminue ou se suspend, comme on le voit pour l'estomac, le rein, le pancréas et les diverses membranes muqueuses ou séreuses; bientôt elle s'y rétablit et, peu à peu , y devient très abondante en donnant à ses produits de nouveaux caractères. La salive que fournit une glande dont l'irritation se calme, est trouble et chargée d'épithéliums des canaux excréteurs ; le suc pancréatique a le même aspect dans ces conditions, et ne renferme qu'une faible proportion d'albumine ; aussi sa propriété émulsive est-elle alors considérablement réduite ; le lait est trouble, granuleux, souvent sanguinolent. Lorsque la sécrétion se rétablit à la surface des séreuses enflammées, son produit y prend une teinte roussâtre, son albumine augmente, et il s'y montre de la fibrine qui possède une grande tendance à s'orga- niser. La synovie, les larmes, les matières sébacées, la sueur, le mucus lui-même changent aussi plus ou moins de caractères sous l'influence des parties qui les sécrètent. Quelques produits de sécrétion acquièrent des propriétés virulentes : la salive, par exemple, chez les animaux hydrophobes, les mucosités des voies génitales dans quelques rares maladies contagieuses. Un certain nombre d'entre eux, notamment l'urine, le lait, la sueur, éprouvent des altérations considérables, consécutives à diverses affections générales. La plupart des sécrétions sont ralen- ties lorsqu'il y a débilité et épuisement, et quelques unes se suspendent. Enfin les sécrétions se modifient plus ou moins sous l'influence d'un grand nombre de conditions extérieures, celles de la température, de l'état hygromé- trique de l'atmosphère, du climat, des saisons, etc. D'abord, toutes les sécrétions s'activent par suite des irritations extérieures, celle des larmes par les frottements exercés sur les paupières, 'par les émanations ammoniacales; celle de la peau par les frictions sèches, celle du suc gastrique même par le contact de la muqueuse de l'estomac avec des corps inertes tout à fait insolubles. La chaleur et la séche- resse activent la transpiration pulmonaire et la transpiration cutanée ; le froid et l'humidité rendent plus abondantes les sécrétions séreuses et urinaires ; l'hu- midité favorise la sécrétion de la graisse; la lumière celle des productions pigmentaires. On sait que, dans les saisons chaudes, la sécrétion biliaire, les sécrétions cutanées, prennent un surcroît d'activité; que dans les saisons froides, SÉCRÉTION DE LA GRAISSE. 779 au contraire, ce sont celles du tissu cellulaire, des séreuses, des membranes muqueuses et des reins. Tout le monde connaît l'inlluenro remarquable des divers climats sur la coloration de la peau et de ses appendices, sur l'abondance et l'étal des productions pileuses. Les nombreuses modilications qui en dépendent sont autant d'empreintes laissées par les agents extérieurs sur les produits des opérations les plus mystérieuses de l'organisme. CHAPITRE LXIX DES SÉCRÉTIONS EN PARTICULIER Les nombreuses sécrétions effectuées dans l'organisme diffèrent beaucoup les unes des autres, relativement à la structure des organes sécréteurs, au mode d'action de ces organes, à la nature et aux usages de leurs produits. Eu égard à la constitution des organes sécréteurs, Bichat les a divisés en trois classes : les sécrétions perspiratoires, les sécrétions folliculaires et les sécrétions glandulaires. Sous le rapport des usages de leur produits, la plupart des physiologistes les partagent en trois séries : les récrémentitielles, les dépuratives et les mixtes. Sans nous attacher à aucune de ces deux classifications, nous passerons succes- sivement en revue : 1° les sécrétions interstitielles effectuées par le tissu cellu- laire et le tissu adipeux: 2° les sécrétions superficielles des séreuses, de la peau et des muqueuses; 3° les sécrétions glandulaires, dont les produits sont entraînés par des canaux excréteurs, c'est-à-dire celles des glandes lacrymales, des sali- vaires, du tbie, du pancréas, des reins, des mamelles, des testicules; 4° les sécré- tions glandulaires dont les produits entrent dans les vaisseaux, faute de voies d'excrétion, comme celles qui ont lieu dans la rate, les corps thyroïdes, les capsules surrénales et le thymus. Avant de procéder à cet examen, arrêtons-nous un instant sur le tableau sui- vant qui nous montre la masse des principaux organes sécréteurs, et les rap- ports de poids qu'ils ont, soit entre eux, soit avec le corps. Nous jugerons ainsi approximativement de la quantité de sang que chacun d'eux peut recevoir, ou de la somme de matériaux sur laquelle il peut opérer, 780 DES SECREXrONS. / •:3^cocoooir>oooci -e lOcoooooOifio-TH— -^oo-^ -a l £ " Cl -r-ioci-rî-HO -rrr a i-o CI i-^ -^ i^ tm 1^ co o • -LÇ i--: -^ Cl .'î i-' oo o "-i ir; o i^ r^ o co a; C4 o .le ce in ^ t-^ ce 1^ o \ '- coxcoo^Xcooo;^ -'• co r^ c-. C-. •00l^ •d rH.^.^,H-r<- l ? ^ ot^i-ooo- O \ Gl OOOOOOOCOOC3 oooinr-'i^oocso -ï' OO0O0JOO0C5O oo— lococe-^ooco l £ .OOOOCSOOOOO co in Cl i^ ce lO t^ t^ o-r- in o~ r-T c-r o" c-x -d" in o o :f-cO Cl o o o> OC 1?:: lC <:? — 1 z ^ c-': i-^ (T. o c-î -en i-o 00 o ->r^ Cl CI Cl ce Cl co co co co - ce p ce CO c c ^ 0) OJ 1) V g = n • T3 ;. ^ ■ -o _i •*-- . . '^ C3 c • J5 T3 . 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Sa réaction est alca- line. Sa densité varialile est le plus souvent de 1002 à 1012. Elle contient de 5 à 7 millièmes d'albumine; aussi donne-t-elle un précipité blanc par Talcoul, l'acide azotique et un coagulum par l'action de la chaleur, quelquefois des traces de fibrine, du chlorure de sodium, du carbonate de soude, des phosphates sodique, calcique, et dans quelques cas de l'urée, des urates. La plupart des données que l'on possède sur sa composition se rapportent à la sérosité des œdèmes. Dans tous les cas elle est moins riche en matières animales et en sels que le plasma du sang. La sécrétion de ce fluide devient très abondante à la partie inférieure des membres chez les chevaux à complexion molle, des pays humides, chez ceux qui séjournent longtemps dans les écuries sans prendre d'exercice ; elle le devient également dans la région sous-glossiennedes bêtes ovines affectées de la cachexie aqueuse. C'est elle qui constitue les œdèmes au voisinage des contusions ou des plaies, sous la peau rubéfiée, au fourreau à la suite de la castration, sous le ventre lors de certaines affections chroniques. C'est elle enfin qui détermine l'in- filtration générale connue sous le nom d'anasa7'gue, qui se manifeste dans les maladies du cœur, des vaisseaux, où la circulation est languissante. Le tissu cellulaire sous-arachnoïdien sécrète abondamment, comme l'ont appris les recherches de Magendie, un fluide séreux, limpide, non visqueux, qui remplit les mailles de la pie-mère et baigne la surface extérieure des centres nerveux, notamment de la moelle épinière, Lassaigne lui a trouvé, pour le cheval, une densité de LOOo, et la composition suivante sur 100 parties : eau, 98,180 ; osmazôme, 1,104; albumine, 0,035 ; chlorure de sodium, 0,610 ; sous- carbonate de soude, 0,060: phosphate de chaux et trace de carbonate de la même base, 0,009. On y a trouvé encore des lactates de soude. Dans mes obser- vations il a offert constamment du sucre et des traces de fibrine, quoiqu'il parût très pur. Le liquide ventriculaire, à l'état normal et dans le cas d'hydrocéphalie, a pré- senté une composition analogue. La quantité de ce fluide parait varier d'une manière sensible, surtout dans les maladies de la moelle épinière. D'après Renault, elle est, chez le cheval, de 160 à 430 grammes. J'en ai trouvé, tant pour la pie-mère encéphalique, qui en contient fort peu, que pour la pie-mère rachidienne, 336 grammes sur un cheval de taille moyenne ouvert immédiatement après la mort par effusion du sang; 305 grammes sur un second; 295 grammes sur un troisième. 782 DES SÉCRÉTIONS. Le fluide si limpide des chambres de l'œil, ou l'humeur aqueuse, et celui qui, sous le nom de corps vitré, remplit les cellules de la membrane hyaloïde, ont une faible densité et renferment beaucoup moins de matières organiques que la sérosité du tissu cellulaire. D'après Berzelius, le premier est formé de : eau, 98,10; traces d'albumine; chlorure de sodium et lactate, 1,13; soude et matière animale, soluble dans l'eau, 0,7o. Le second contient : eau 98,40 ; albumine 0,16; chlorure de sodium et lactate 1,42 ; soude et matière animale 0,02. Il tient en suspension , dans quelques cas, des corpuscules ou des fila- ments capables de troubler la \ision. Ces deux fluides, s'accumulant dans la cavité de l'œil en plus grande quantité qu'à l'état normal, augmentent la tension des membranes de cet organe; elles y deviennent souvent troubles et le siège d'un dépôt particulier à la fin des accès de l'ophthalmie périodique des solipèdes. Leur régénération se fait assez promptement à la suite des ponctions de la cornée. D'après Haller, il se forma 23 grains d'humeur aqueuse en 12 minutes chez un chien dont les cavités oculaires avaient été vidées. La sérosité du tissu cellulaire et celle delà pie-mère paraissent être plutôt un produit de la perspiration des vaisseaux qui traversent ce tissu, qu'un résultat d'un travail sécrétoire opéré parles éléments conjonctifs; mais les fluides des cavités oculaires sont probablement sécrétés par les membranes qui les ren- ferment. Dans une foule de circonstances, notamment lors d'une gêne de la circulation qui rend difficile le retour du sang veineux au cœur, comme dans la plupart des affections cardiaques, dans la péricardite, la pleurésie avecépanchement consi- dérable, il se produit un œdème dont le liquide est moins albumineux et plus pauvre en sels que le sérum du sang. Cet œdème est provoqué aussi comme l'a démontré M. Bouilland par une oblitération des veines qui augmente la tension sanguine et rend la résorption plus difficile. On le développe expérimentalement, dans une certaine étendue, par la ligature des veines, à la condition que cette ligature crée un barrage suffisant pour gêner considérablement le retour du sang vers le cœur et mieux encore, comme l'a vu M. Ranvier, si on ajoute à la liga- ture des veines la section des nerfs qui paraît entraîner la paralysie des vaso- moteurs. Les œdèmes des sinapismes, des trocliisques, ceux qui forment une atmo- sphère liquide aux phlegmons et aux divers foy"ers inflammatoires sont riches en leucocytes, et même en globules rouges. Ceux qui se développent à. la suite de l'insertion dans le tissu cellulaire des produits de la péripneumonie bovine, contagieuse, sont très chargés de plasmine et de fibrine concrète. Ils ressemblent aux exsudats interlobulaires du poumon. Les œdèmes charbonneux montrent de très grandes quantités de bactéridies. SÉCRÉTION DE LA GRAISSE. La graisse, l'un des produits les plus abondants de l'organismej est déposée dans de petites vésicules sphéroïdales, devenant polyédriques par suite de leurs pressions réciproques ^ et entourées de réseaux capillaires. SECRETION DE LA GRAISSE. 783 Les vésicules adipeuses, dont le diamètre s'élève tout au plus à 6 centièmes de millimètre, sont gi'oui)ées en niasses plus ou moins considérables dans le tissu cellulaire de la plupart dos réyioiis du corps ; tantôt sous la l'orme de couches continues, comme au-dessous de la peau et des séreuses ; tantôt sous celle de réseaux ou de rubans, comme dans l'épaisseur de l'épiploon et des mésentères; quelquefois en pelotes ou en coussinets bien circonscrits, comme à l'orbite, à la fosse temporale et autour de certaines articulations; enlin, souvent en amas irré- guliers dans les espaces intermusculaires ou viscéraux. Le tissu adipeux qui résulte de l'agglomération des cellules graisseuses Ife trouve réparti dans un grand nombre de points, et en général sous la peau, dans les interstices musculaires , en dehors des membranes séreuses, dans l'épaisseur de leurs replis, dans le canal vertébral, autour des reins dans les scissures du cœur, au pourtour des capsules arti- culaires. Il existe toujours, quel que soit le degré de mai- greur des animaux, dans la gaine fibreuse de l'œil, dans la fosse temporale, à la base de la conque, dans les scis- sures du cœur, autour de la dure -mère rachidienne et dans le canal médullaire des os. Au contraire, il manque dans l'encéphale et la moelle épinière, dans le tissu du foie, de la rate, des reins, des testicules, des corps thyroïdes, des capsules surrénales, dans l'œil, dans l'épaisseur des parois car- diaques, dans les tendons, les parois vasculaires. II manque aussi, à peu près complètement, aux lèvres, aux paupières, aux naseaux, au scrotum et au sphincter de l'anus, dans l'épaisseur de l'utérus et de la vessie. Il y en a fort peu sur le trajet des vaisseaux qui rampent entre les tuniques de l'estomac, de l'intestin, si ce n'est chez les solipèdes et les ruminants très gras. La graisse a, suivant les animaux, des lieux d'élection où elle s'accumule en grande quantité. Chez les bêtes bovines, il y en a toujours beaucoup sous le ster- num, surtout à la partie antérieure, à la région scrotale, à la base de la queue, au voisinage de la rotule, sur les côtes. Elle forme dans ces régions, chez les sujets engraissés et appartenant aux races perfectionnées, des dépôts considé- rables, saillants parfois sous la peau, elle s'y rassemble en masses énormes autour des reins, dans l'épiploon et sous le péritoine qui tapisse les parois infé- rieures de l'abdomen. Chez les moutons de Barbarie, chez ceux du cap de FiG. 198. — Vésicules et vaisseaux sanguins de la graisse (*). (*) A, Vaisseau d'un lobule; a. artériole ; v, veinule ; 6, vésicules graisseuses isolées de leurs vaisseaux; B, vésicules représentées dans leurs rapports avec les vaisseaux, d'après Todd et Bowman. 784 DES SÉCRÉTIONS. Bonne-Espérance et de la Turquie asiatique, elle donne à la queue un volume extraordinaire et un poids de plusieurs kilogrammes. C'est elle qui forme, en s'unissant à du tissu iibreux,la bosse des zébus, celle du dromadaire et les deux bosses du chameau, l'épaisse couche de lard du porc et du sanglier, le spermaceti des sinus de la tête du cachalot et de la baleine. La graisse a, chez les divers animaux, une couleur, une consistance, une odeur et une saveur variables, suivant la quantité respective de chacun de ses éléments, la proportion du tissu cellulaire et fibreux, et la nature des principes avec les- quels elle peut être associée. Elle est presque liquide chez les poissons, les cétacés: très molle chez les oiseaux aquatiques, molle, jaunâtre chez les soli- pèdes, blanche et plus consistante chez les porcs, plus ferme encore chez les ruminants, oîi elle se solidifie par le refroidissement cadavérique. Néanmoins, quelque épaisse que puisse être sa consistance après la mort, elle est toujours molle et souple pendant la \ie. Les principes qui entrent dans sa composition sont, outre la substance pro- téique qui forme les parois des vésicules, la stéarine, la margarine et l'élaïne. La première, solide, blanche, fusible à -j- 44 degrés, est insoluble dans l'eau, soluble dans l'alcool bouillant, dont elle se sépare ensuite par le refroidissement sous l'aspect de longues aiguilles brillantes ; par l'action des alcalis, elle se dédouble en acide stéarique et en glycérine. L'élaïne, soluble dans l'alcool froid, est incolore, fluide à la température ordinaire, soliditiable seulement à — 7° cen- tigrades, et susceptible d'être aussi dédoublée par les alcalis. La margarine, qui existe dans la graisse des ruminants et dans celle du porc, est un peu moins fusible que la stéarine, dont elle ne se distingue guère que par une plus grande solubilité dans l'élher. Elles sont associées à la glycérine, principe non azoté, et forment des stéarates, margarates, oléates de glycérine. On y trouve, en outre, une petite quatité d'acide palmitique, myristique et cocinique. D'après M. Che- vreul, elles ont la composition suivante : Graisse de porc. Graisse de mouton. Carbone 79,098 78,996 Hvdrogène 11 ,146 11,700 Oxygène 3,756 9,304 La sécrétion de la graisse est opérée par les vésicules de nature protéique qui la renferment, vésicules qui sont entourées par des lacis réguliers de vaisseaux sanguins destinés à fournir d'abord la graisse provenant des aliments, puis celle qui s'est formée dans l'économie par suite des mutations de certaines substances, et peut-être enfin les matériaux propres à constituer de la graisse dans les vési- cules elles-mêmes. Les vaisseaux ne déposent pas ce produit dans les parois mêmes des vésicules, car celles-ci n'ont pas de capillaires dans leur épaisseur; ils le versent à la surface extérieure des vésicules, qui s'en pénètrent et s'en remplissent à divers degrés. Lorsque l'alimentation est abondante, elles paraissent entièrement pleines de matières grasses. Quand elle l'est moins, elles reçoivent, à défaut d'une suffisante quantité de graisse, une certaine proportion de fluides séreux constituant une sorte d'atmosphère à la graisse. Celle-ci, d'après Bowman, SÉCRÉTION DE LA (iRAISSE. 785 est même quelquefois séparée en deux zones, une extérieure, formée purl'élaïne, et une centrale, éloilée, formée par la stéarine. Il peut arriver que, dans le marasme, comnie l'ont vu Gurlt et Kolliker, les cellules, ne recevant plus de graisse, se remplissent de sérosité, et deviennent de véritables cellules séreuses. On sait, en ellet, que la moelle des os, chez les animaux émaciés, est, en grande partie, constituée [)ar un li((uide jaunâtre, visqueux. On sait de même que le lard des porcs mal nourris ou entretenus avec des aliments peu nutritifs est mou, comme inliltré. Mais il n'est jias parlaitement démontré qu'une partie des vési- cules adipeuses ne disparaissent pas en même temps que leur contenu, lors de l'amaigrissement, [)Our être remplacées par des cellules de nouvelle formation, FiG. lyy. — Vésicules adipeuses. FiG. 200. — Vésicules adipeuses sous-cutanées C au retour de l'embonpoint : cette disparition semble s'opérer manifestement en beaucoup de points. Cette sécrétion graisseuse ne présente pas, chez tous les animaux et dans toutes les parties de l'organisme, les mêmes caractères. Chez un certain nombre d'entre eux, les ruminants, par exemple, la quantité de stéarine qui se dépose dans les vésicules adipeuses est très considérable ; aussi la graisse y devient-elle très consis- tante et fusible seulement de 45 à .50 degi'és centigrades. Chez les solipèdes. l'élaïne étant prédominante, la graisse se maintient fluide à la température ordi- naire. Enfin, chez les poissons, les cétacés, et en général chez les animaux aqua- tiques, la proportion d'élaïne est encore plus grande, et par suite la graisse plus fluide. Dans certaines régions, comme autour des reins, dans les épiploons, le tissu adipeux contient plus de stéarine que sous la peau et dans les espaces inter- musculaires, d'après les analyses de M. Lassaigne faites tout récemment sur le mouton. Très probablement aussi le travail de formation du tissu adipeux éprouve quelques autres variantes, suivant les âges, les espèces, la nature de l'alimenta- tion, car la saveur, la couleur, l'odeur des graisses, changent d'une manière sensible dans ces différentes conditions. La sécrétion de la graisse, qui commence à s'elïectuer vers la Un de la première moitié de la vie fœtale, prend peu d'activité avant la naissance, si ce n'est à l'orbite, à la fosse temporale, dans le canal vertébral et dans l'épiploon, sur le trajet des vaisseaux où il s'en développe déjà des quantités notables. Pendant la durée de l'allaitement, elle augmente d'une manière sensible, mais depuis la (*) a, A, cellules normales pleiues de graisse; B, cellules d'un phtisique dont k graisse est en voie de résorption {Virchow). G. COLIN, — Physiol. comp., 3*^ édit. II. — 50 786 DES SÉCRÉTIONS. naissanct' jusqu'à l'époque où l'accroisseiuent du corps esl achevé, elle met le tissu adipeux dans une juste proportion de dévelopiienient avecles autres parties de l'organisme. Néanmoins, grâce à une alimentation abondante, les animaux domestiques peuvent, bien avant l'âge adulte, arriver à un embonpoint des plus remarquables, puisque, à trois ans, les bœufs Durham et ceux de nos belles races françaises pures ou croisées peuvent peser de 90U à iOOÛ kilogrammes, et les porcs de race normande atteindre, à un an, un poids de 300 à 3o0 kilogrammes. A un âge avancé, l'engraissement devient diflicile, surtout chez les animaux qui ont beaucoup travaillé, et chez ceux qui ont, les moutons notamment, éprouvé des alternatives de maigreur et d'embonpoint. 11 est à remarquer que, chez les jeunes sujets, la graisse se dépose en plus forte proportion à l'extérieur du corps que dans l'abdomen, comme si alors la nature réservait aux viscères le plus d'es- pace possible, tandis ([ue, chez les vieux animaux, elle se concentre davantage sous le péritoine, autour des reins et dans les cavités médullaires des os. D'ail- leurs cela varie beaucoup suivant les races, car, d'après Yvart, il y a un contraste frappant entre les races ovines anglaises qui, dès les premières années, amassent sous la peau une couche de graisse aussi épaisse que le lard des porcs, et les mérinos soyeux qui ne s'engraissent guère qu'à partir de trois ans, et chez lesquels le tissu adipeux s'accumule surtout dans l'abdomen. Parmi les nombreuses conditions qui favorisent la formation de la graisse, il faut placer en première ligne une alimentation abondante, riche en matières grasses et en principes féculents, le repos, le calme intérieur, une température douce et humide, l'extinction des désirs vénériens, par suite de l'état de plénitude chez les femelles et de la castration pour les deux sexes: aussi les animaux que l'on veut engraisser sont-ils préalablement châtrés et les femelles fécondées. Ces animaux, enfermés dans des étables sombres, étroites et humides, condamnés à un repos absolu, reçoivent en abondance des aliments peu excitants, très nutritifs, de digestion facile. En quelques mois, les ruminants, déjà en bon état, acquièrent un embonpoint considérable, dont on peut juger par les masses dégraisse formées dans l'abdomen, et s'élevant à elles seules jusqu'au dixième du poids de l'animal vivant. Le porc prend très vite de 30 à 40 pour 100 de graisse; le bélier anglais peut, d'après les observations de A. Yvart, donner un poids de graisse égal à celui de sa chair, et l'oie maigre, après un engraissement d'un mois, fournir une masse de ce produit représentant la moitié du poids du corps, et même quelquefois plus. La quantité totale de matière grasse qui peut s'accumuler dans l'organisme est énorme. D'après Lawes et Gilbert, il y a déjà dans le mouton maigre, sur 39 centièmes de matière sèche, 20 centièmes de graisse. Dans le mouton gras, sur les 54 centièmes de matière sèche qui forment le corps, 37 sont représentés par la graisse. Sur les o7 centièmes de matière sèche du porc, il n'y en a pas moins de 44 en graisse, de telle sorte que, chez cet animal, presque la moitié du poids du corps est donné par la graisse. Il est facile d'ailleurs, au premier coup d'œil jeté sur un bœuf gras de concours, de juger de l'énorme proportion de graisse ajoutée aux autres parties. Indépendamment des masses qui entourent les muscles ou qui sont disséminées dans leurs intervalles, il se trouve encore à SKCUKTiON \^E LA GRAISSIi:. 787 la région luinbaire et dans W mésentère, 7, 8, lU, J2 et même jusqu'à 16 pour 100 de suif, soit par exemple 1 18 kilogrammes pour un bœuf de 850 kilogrammes, et lo9 kilogrammes pour un autre du poids de 1085. Des proportions analogues ont été constatées souvent sur les animaux priniés au concours de Poissy. Les animaux sauvages, ayant à passer alternativement de la disette à une nourriture abonda;îte, passent aussi périodiquement de la maigreur à l'embon- point. Les herbivores et les insectivores s'engraissent en été; les granivores et les frugivores en automne. Ceux qui, comme les hérissons, les marmottes, les loirs, les serpents, doivent s'engourdir jtendant la saison froide, sont chargés de graisse aux approches de l'hiver ; ceux qui ont une subsistance assurée pendant toute Tannée, comme beaucoup d"oiseaux et de mammifères aquatiques, les phoques, les cétacés, l'hippopotame, conservent un certain embonpoint dans toutes les saisons. Il en est qui, soit à cause de leur subsistance précaire, comme les carnassiers, soit en raison de leur constitution particulière, comme les lièvres, les lapins, les cerfs, demeurent toujours maigres, ou prennent proportionnelle- ment moins de graisse que les autres. Dans tous les cas, ceux qui sont suscep- tibles de s'engraisser le font aussi très vite, comme les cailles, les grives, les rouges-gorges, nous en donnent des exemples dans les temps humides. La graisse déposée dans les tissus provient en partie des matières grasses diverses contenues dans les aliments, et en partie d'autres principes alimentaires métamorphosés dans l'organisme. Aussi les aliments conviennent-ils d'autant mieux à l'engraissement qu'ils contiennent plus de matières grasses et de principes susceptibles de se transformer en graisse ; cela, toutefois, dans des proportions mises en harmonie avec les forces digestives et avec la puissance d'assimilation. Les matières grasses, apportées en nature dans l'organisme par l'alimentation, sont, pour les herbivores, la cire, les huiles qui existent dans les tiges, les feuillfs et les graines des plantes ; pour les carnassiers, la substance adipeuse associée à la chair et les divers principes gras contenus dans le sang dont celle-ci est imprégnée. Elles se trouvent en proportion notable dans la généralité des aliments végétaux. Les foins des prairies naturelles ou artificielles en renferment, terme moyen, de 3 à 4 centièmes ; les pailles, l'avoine, le son, de 2 à 5 centièmes ; le mais, 7 centièmes ; les tourteaux de colza et d'œiliette, si utilement employés, de 8 à 10 centièmes. Or ces graisses, tant végétales qu'animales, parvenues dans les voies digestives, sont divisées et émulsionnées par le suc pancréatique et les fluides intestinaux ; elles passent dans le chyle, qu'elles rendent plus ou moins trouble et lactescent, ainsi que dans la veine porte ; de là elles sont disséminées dans le torrent circulatoire, enfin déposées dans les vésicules adipeuses. Celles des aliments végétaux éprouveraient dans le corps des herbivores, d'après d'habiles chimistes ^ sous l'influence de l'oxygène, un commencement d'oxyda- tion qui les transformerait en acides stéarique et oléique. En passant plus tard 1. Dumas, Boussingault et Payen, Comptes rendus des séances de l' Académie des scietîces, 1843, t. XVI, p. 348. 788 DES SÉCKÉTIONS. dans l'organisiiie des canii\ores, elles seraient oxydées de nouveau, et doiineiaient de l'acide margarique qu'on trouve dans leur tissu adipeux, puis par une oxyda- lion plus complète encore, elles passeraient à l'état d'acides gras volatils connus sous les noms de caprlque, hircique et bulyrique. Mais les matières grasses contenues dans les aliments ne sont pas toujours eu quantité suffisante pour subvenir aux besoins de l'engraissement et à la sécrétion du lait; de plus, ces matières, surtout la cire verte et la cire blanche des plantes herbacées, ne s'y trouvent pas sous une forme qui en permette, à beaucoup près, l'absorption intégrale dans les voies digestives ; car Liebig dit même, ce qui est du reste fort contestable, qu'une vache nourrie avec du foin et des pommes de terre peut fournir une grande quantité de lait, tout en rendant avec les excréments à peu près la totalité des principes gras contenus dans les aliments. Aussi est-il nécessaire que des graisses se forment dans l'organisme aux dépens des autres principes de l'alimentation. En effet, Huber, et plus tard Gundlach, ont vu les abeilles nourries exclusive- ment soit avec du sucre, soit avec du miel, donner pendant longtemps delà cire. Boussingault a constaté, par des expériences analytiques habilement exécutées, que des porcs iixaient dans leurs tissus une quantité de graisse presque double de celle qu'ils prennent dans leurs aliments. Enfin M. Persoz, par des expé- riences analogues faites sur les oies, a démontré également que la quantité de graisse acquise dans un temps donné, par ces palmipèdes, était très supérieure à celle que le travail digestif puisait dans leurs aliments. Or, cette graisse nouvelle, de formation animale, provient indubitablement des métamorphoses des autres principes introduits dans l'économie par les aliments. D'après Liebig elle dériverait de la fécule, du sucre et des gommes qui se transforment en graisse, en perdant une certaine proportion de leur oxygène, lequel serait éliminé de l'économie après avoir servi à la formation du sucre et de l'acide carbonique. L'engraissement serait la conséquence de la disproportion entre la masse des substances ingérées riches en carbone et, celle de l'oxygène absorbé par la respiration. Enfin, d'après Boussingault, ces matières grasses pourraient en outre provenir des substances azotées, telles que l'albumine, la fibrine, le caséum, la légumine, puisqu'il est démontré qu'en dehors de l'organisme ces substances peuvent, dans certaines conditions, donner naissance à des acides gras. Toutefois, quelle que puisse être la nature des changements par lesquels ces divers principes se convertissent en graisse, le fait de cette conversion est incontestable, et c'est là le point capital de la question. Il ne faudrait pas croire que la faculté que possède l'organisme de former de la graisse aux dépens de divers principes alimentaires soit illimitée. L'observa- tion démontre clairement que celte puissance a des bornes qu'elle ne peut dépasser. Ainsi, les animaux nourris exclusivement avec des racines ou des tubercules très pauvres en graisse, n'acquièrent de l'embonpoint qu'avec une extrême lenteur et n'arrivent jamais à un engraissement avancé. Dans ce cas, les femelles donnent un lait peu butyreux et maigrissent pendant la durée de la lactation, car une partie de leur graisse parait être employée à la SÉCRÉTION PE LA GRAISSE. 7!^9 formation du lluide sécrété par les mamelles. C'est peut-être en vue de cette utiliï^ation possible de la graisse à la sécrétion lactée que la nature, toujours si intelligente, ju-édispose à Tengraissement les femelles pendant le cours de la gestation. Les usages de la graisse sont assez variés. Le piemier et le plus intéressant (l'entre eux est relatif à l'utilisation de cette substance dans les phénomènes respiratoires. Autrefois on regardait cette matière comme un aliment mis en réserve dans l'oi'ganisme. pour subvenir auv besoins de la reconstitution du sang et du renouvellement des tissus lorsque Falimentation devient insuflisante ; mais comme la graisse est dépourvue d'azote, elle ne saurait se métamorphoser ni on albumine, ni en tibrine, ni en aucune autre matière protéique, même en admet- tant que les vésicules, qui sont de nature albuminoïde, soient résorbées en même temps que leur contenu. A défaut de cet office, la graisse en remplit un autre qui est incontestable, celui de servir à la respiration et à l'entretien de la chaleur animale. Toutes les fois que la quantité d'oxygène introduite dans l'économie est trop considérable, relativement à la proportion des matières carbonées et hydrogénées fournies par l'alimentation, ce gaz brûle la graisse, s'empare de son carbone et de son hydrogène pour en former de l'acide carbo- nique et de l'eau. Cette combustion paraît s'effectuer, au moins en partie, sans que la graisse soit préalablement résorbée et amenée avec le sang dans les organes respiratoires. Elle peut s'opérer sur place d'abord, un peu partout indistinctement, puis plus tard avec activité dans certains points, très lentement dans d'autres : finalement, elle fait disparaître complètement la graisse sous- cutanée, intermusculaire, sous-péritonéale. en respectant celle de l'œil, de la fosse temporale, du canal vertébral, des scissures cardiaques dont la conservation est importante ; néanmoins celle de ces derniers points éprouve aussi une dimi- nution notable et un changement d'aspect. La substance médullaire des os longs devient plus fluide, et une partie de la matière grasse y est remplacée par de la sérosité ; le coussinet de la fosse temporale, dans les solipèdes, prend une teinte rougeâtre et laisse voir plus distinctement ses vaisseaux; la graisse des scissures du cœur est comme infiltrée. Dans tous les cas. il n'est pas facile d'expliquer pourquoi ces quelques parties du système adipeux jouissent d'un privilège que ne partagent pas les autres. La graisse accumuliie dans l'organisme, sous l'influence d'une alimentation abondante, est ainsi peu à peu brûlée, pendant la saison rigoureuse, chez les herbivores qui ne trouvent plus qu'une chétive nourriture, chez tous les mam- mifères hibernants, les reptiles, ainsi que chez les animaux inanitiés. Dans ces conditions, les animaux peuvent arriver souvent à un état voisin du marasme. La bosse du dromadaire, si volumineuse à l'état normal, se réduit alors au poids de 1 oOÛ grammes ; mais les couleuvres et les vipères, après cinq ou six mois d'abstinence, conservent encore dans la cavité abdominale des masses de graisse assez volumineuses. On ne saurait trop admirer ces heureuses combinaisons par suite desquelles ce produit surabondant de la digestion est mis en réserve dans les points où il facilite le mouvement, embellit les formes, et dans ceux où sa présence ne peut nuire, pour être utilisé plus tard, une fois que 790 DES SÉCRÉTIONS. l'économie vient à souffrir du défaut d'aliments ou d'une alimentation insuffi- sante. Les graisses sont donc des combustibles précieux, puisqu'elles peuvent pré- server les matières azotées d'une destruction qui, sans elles, serait inévitable et prompte. Celles qu'apporte la digestion, dès leur entrée, sont aptes à remplir le même office : ce qui le prouve, c'est qu'en donnant une certaine quantité de cette matière à un animal soumis à l'abstinence, on voit diminuer immédiatement dans l'urine la proportion de l'urée ou du principe qui résulte de la combustion des matières protéiques. La graisse paraît, en outre, jouer un rôle important dans le travail chimique de la nutrition. Elle existe dans tous les liquides qui concourent à cette fonction, et dans la plupart, sinon dans tous les produits nouveaux. On suppose, avec fondement, qu'elle concourt à la formation des cellules et à la plupart des mutations des tissus. Peut-être ses granules, si abondants dans le sang, le chyle, la lymphe, sont-ils, comme on l'a dit, les premiers éléments du noyau cellulaire. Indépendamment de ces offices de premier ordre, la graisse a encore d'autres usages accessoires et la plupart mécaniques. Elle comble le vide des cavités médullaires et des spongiosités des os, régularise et embellit les formes, concourt à la formation des coussinets élastiques du pied, constitue des pelotes souples et molles autour des articulations, à la base de l'oreille, dans l'orbite, etc. A titre de corps mauvais conducteur du calorique, la graisse, sous forme de pannicule, d'expansions épiploïque, de doublure péritonéale, conserve la chaleur des viscères, si utile au travail digestif, et atténue, pour ces organes, les effets des brusques changements de température. SECRETION DU LIQUIDE DES SEREUSES. Les membranes séreuses splanchniques, le péritoine, les plèvres et l'arachnoïde, la membrane interne du péricarde, constituées par du tissu cellulaire condensé recouvert d'un feuillet épithélial, exhalent par leur surface libre un fluide séreux analogue, sinon identique, avec celui qui humecte le tissu cellulaire. La sécrétion de ce liquide est opérée dans toute l'étendue de ces membranes, soit dans les parties où elles tapissent les cavités, soit dans celles qui revêtent les organes, soit enfin dans celles qui forment des replis, des ligaments, des franges ou de petites saillies récemment qualifiées du titre de glandes projetées, comme si toute la membrane séreuse elle-même n'était pas une vaste glande. Elle n'a d'autre agent que le tissu de ces membranes, car on sait depuis Ruysch qu'il n'y a pas de petits organes glandulaires dans leur épaisseur. Son activité paraît peu considérable à l'état normal, mais il n'est pas possible de l'apprécier exactement, puisqu'une résorption incessante fait antagonisme à la sécrétion. SÉCRÉTION DES SÉREUSES. 791 La sérosité des membranes dont nous parlons y est versée à l'état liquide et s'y maintient sous cette forme, et non à l'état de vapeur, comme le disent la plupart des auteurs : il est facile de s'en assurer, sur les i)etils ruminants, par une expé- rience très simple, qui consiste à enlever avec soin, dans une certaine étendue des parois inférieures de l'abdomen, la tunique élastique et les muscles, de manière à mettre à nu le péritoine. On voit alors, à la faveur de la transparence du péritoine, la sérosité accuuuilée au niveau de la partie dénudée, pourvu que celle-ci soit dans une situation déclive. De plus, on se convainc par là que cette sérosité ne résulte point d'une vapeur condensée par l'action de l'air, puisque le sac péritonéal n'est point ouvert. L'opinion d'après laquelle cette séi'osité serait à l'état de vapeur sur l'animal vivant ne repose d'ailleurs sur aucune preuve; elle n'a eu sans doute d'autre point de départ que cette observation, faite depuis longtemps, delà vapeur qui s'échappe d'une cavité séreuse ouverte. Ce liquide n'est pas seulement en quantité rigoureusement nécessaire pour humecter la face interne de la membrane, il y est encore assez abondant pour s'accumuler en proportion notable dans les parties déclives. J'en ai toujours trouvé sur les chevaux, les moutons, les porcs ouverts immédiatement après la mort, celle-ci déterminée avec ou sans effusion du sang. J'en ai trouvé de même dans le péritoine, les plèvres et le {)éricarde des animaux ouverts vivants pour des expéri.ences diverses, quelles que fussent, du reste, les conditions dans lesquelles se trouvaient placés ces animaux. Jamais je ne l'ai vue manquer dans l'une de ces membranes. C'est donc bien à torique divers auteurs très estimables, et tout récemment encore Lacauchie, ont regardé comme un produit de transsu- dation cadavérique celle qu'elles renferment après la mort. Évidemment la transsudation et l'imbibition peuvent en augmenter ou en diminuer la proportion suivant les circonstances, l'état des organes, le temps qui s'est écoulé depuis l'instant de la mort, mais il serait ridicule de considérer ces variations, dans les quantités de sérosité trouvées sur les cadavres, comme une preuve de la non- existence de ce liquide pendant la vie. En général, chez le cheval ouvert immé- diatement après la mort par efl'usion de sang, j'ai trouvé de 80 à 110 grammes de sérosité dans le péricarde, de 100 à 200 dans les plèvres, de 300 à 1000 grammes dans le péritoine, et de 5 à 8 grammes dans les ventricules encéphaliques. Cette proportion devient, pendant un certain temps, de plus en plus considérable à mesure qu'on s'éloigne du moment de la mort, car une nouvelle quantité de sérosité produite par transsudation s'ajoute à celle qui existait sur l'animal vivant ; mais plus tard elle diminue d'une manière notable. La sérosité, quelle que soit sa proportion, remplit les petits espaces des mem- branes qui ne sont point occupés par les viscères. Il ne reste pendant la vie, et même après la mort, aucun vide ni dans le péricarde, ni dans la plèvre, ni dans le péritoine. Si, en quelques points, les viscères ne se touchent pas ou ne sont pas en contact avec les parois de leur cavité, c'est dans ceux qu'occupe la sérosité. Aussi, dès qu'on vient à faire une ouverture au péritoine, à la région du flanc, par exemple, l'air s'y engouffre avec bruit et fait un peu descendre la masse intestinale; il s'infiltre, en quelque sorte, entre les diverses circonvolutions, de 792 DES SÉCRÉTrONS. manière à no pouvoirphis sortir qu'avec difficnltô et extrême lenteur. De même, après la mort par effusion de sang, le péricarde est affaissé et appliqué avec force sur le cœur ; dès qu'on y fait une petite ouverture, l'air y pénètre bruyamment, le dilate et l'éloigné de la surface externe de l'organe. La sécrétion des membranes séreuses éprouve quelques variations remar- quables, dérivant soit d'un état général de l'organisme, soit d'une modification apportée à leur vitalité. Elle est plus abondante qu'à l'état normal, surtout dans le péritoine, chez les animaux à complexion molle, qui ont le tissu cellulaire de la partie inférieure du ventre et des extrémités un peu infiltré. Elle le devient excessivement dans rhydrolhorax,dans l'ascite, l'hydrocéphalie, l'hydropisiedes bourses. J'en ai trouvé récemment vingt-trois litres dans les plèvres d'un cheval atteint de pleurésie lente, savoir : un litre et demi dans la plèvre gauche eî vingt et un et demi dans la droite, les deux sacs sans communication entre eux. Au contraire, elle se suspend au début de l'inflammation des séreuses, pour se rétablir plus tard avec une grande activité, en donnant à leur produit des caractères nouveaux. La sérosité des membranes séreuses est un fluide alcalin, clair, d'une teinte légèrement citrine, d'une densité de l 012 à 1 020 ; elle n'est point coagulable comme Hewson, Loweret d'autres observateurs disent l'avoir constaté : cependant j'ai vu celle du péricarde du bœuf récemment tué se coaguler après avoir été extraite. Les analyses démontrent qu'elle a une composition analogue au sérum du sang, c'est-à-dire qu'elle renferme de l'albumine, des chlorures, du carbonate, du phosphate de soude; elle se charge, en outre, dans les inflammations, d'une proportion notable de fibrine, qui lui donne une grande tendance à développer les fausses membranes. J'ai noté la présence normale du sucre dans la sérosité du péricarde, des plèvres, etc. Ces sérosités présentent ordinairement des traces de plasmine susceptible de se dédoubler, une matière albuminoïde coagulable par le sulfate de magnésie, signalée sous les dénominations de parasyntonine. Aussi ces sérosités sont elles plus ou moins coagulables. Une des plus fluides celle du péricarde recueillie immédiatement après la mort donne presque toujours un caillot si elle n'est point agitée. La sérosité des plèvres recueillie pendant la vie sur le cheval pleurétique donne très rapidement uncoagulum très ferme. Dans les conditions pathologiques, la sérosité éprouve des modifications remar- quables. Produite sous l'influence de l'irritation, elle renferme beaucoup de plasmine qui se dédouble, même pendant la vie, dans le sac séreux, où elle donne les exsudats connus sous le nom de fausses membranes. Alors elle peut fournir presque autant de fibrine que le sérum du sang si l'irritation est vive, et très peu dans le cas d'irritation faible ou chronique; de telle sorte que le degré d'acuité de l'irritation devient appréciable par la plus ou moins grande coagulabilité du liquide et l'abondance des exsudats qui s'y forment. Dans ces cas, elle renferme des leucocytes à vacuoles et à granulations graisseuses, analogues aux globules purulents, leucocytes, dont quelques-uns sont, d'après Robin, dépourvus de noyaux ; il ne se comportent point au contact de l'acide acétique comme les leucocytes ordinaires. Si la sérosité est roussâtre SÉCRÉTION DE LA SYNOVIE. 793 OU brunâtre, elle le doit à la présence d'une certaine proportion de globules rouges, et dans le cas où elle est très jaune ou verdâtre, on y trouve beaucoup de biliverdine. Il est à noter que, dans certaines séreuses irritées les sérosités ont une grande tendance surtout à devenir purulentes dans les plèvres, comme chez l'homme et le chien, plastiques ou à t'ausses membranes comme chez le cheval, soit en demeurant citrines, soit en prenant une teinte sanguinolente. D'habitude, les dilTérentes sérosités ne se ressemblent pas exactement. Celle du péricarde est de teinte très citrine et riche en matériaux coagulables. La sérosité péritonéale est plus fluide et souvent verdâtre ; elle peut dans le cas de péritonite offrir des cellules épithéliales en grande quantité, des leucocytes, des hématies, des débris de fausses membranes et des globules purulents ; on a trouvé souvent dans celle de la gaine vaginale beaucoup de matières coagulables et des paillettes de cholestérine. Les usages du fluide séreux paraissent être uniquement relatifs au jeu ou au déplacement des viscères contenus dans les cavités splanchniques. Il permet au cœur de se mouvoir librement dans la cavité du péricarde, au poumon, de glisser à la face interne des parois costales ; à l'estomac, aux circonvolutions intestinales, de changer aisément de position et de rapports. SECRETION SYNOVIALE. Les petites séreuses articulaires et tendineuses, comme celles qui existent aux articulations diarthrodiales,au passage du coraco-radial dans la coulisse humérale, au sommet de l'olécrâne, à celui du calcanéum, dans les arcades carpienne et tarsienne, en avant du ligament capsulaire du carpe, entre les fléchisseurs du pied dans la région digitée, sont destinées à la sécrétion d'un fluide onctueux qui facilite le jeu des surfaces articulaires, ou celui des parties devant glisser les unes sur les autres. Ces membranes, en rapport extérieurement avec de petites pelotes adipeuses appelées glandes de Havers, portent à leur face interne de petites saillies, sortes de houppes plus ou moins irrégulières connues sous le nom de franges syno- viales, et regardées autrefois comme les conduits excréteurs des prétendues glandes synoviales de Havers. Ces franges, bien développées dans les synoviales scapulo-humérale, huméro-radiale, coxo-fémorale, fémoro-tibiale, etc., sont analogues aux replis permanents des membranes muqueuses, et ont comme eux pour usage d'augmenter la surface sécrétante d'une manière d'autant plus avan- tageuse qu'elles sont plus vasculaires que le reste. Elles se trouvent en grande quantité vers les marges articulaires et dans les culs-de-sac formés en plusieurs points par la membrane synoviale, comme de chaque côté de la partie postérieure de l'articulation huméro-radiale, en avant du genou, sur les côtés de la rotule, en arrière du jarret; mais elles manquent ou sont peu marquées dans la plupart des synoviales tendineuses. La synovie qui est sécrétée par ces membranes est un fluide jaunâtre, épais 794 DES SÉCRRTrONS. visqueux, de consistance oléagineuse, faiblement alcalin. Celle du cheval, d'après John, est forméede: eau, 92,9 ; — albumine, 6,4; — matière extractive, 0,08; — chlorure et carbonate sodiques, 0,6 ; — phosphate de chaux, 0,1, Celle de l'éléphant a donné à Vauquelin, et celle de l'homme à M. Lassaigne, à peu près les mêmes éléments, de plus, une ou deux matières animales particulières qui, très probablement, communiquent à ce liquide, plutôt que l'albumine, la visco- sité qui le caractérise, et qui est l'une de ses propriétés les plus essentielles. Ce liquide diffère donc des produits des autres séreuses par la très forte pro- portion de matières fixes, de chlorure de sodium qu'il contient. La matière albuminoïde, la synovine, qui le caractérise et lui donne la viscosité, peut être isolée, redissoute dans l'eau, à laquelle elle donne l'aspect d'un mucilage ou d'une solution de gomme. La synovie peut se modifier par le fait du repos ou de l'exercice. Frerichs a constaté que sur les veaux et les bœufs dans l'inaction, elle est peu colorée, à peine visqueuse et riche en sels, tandis que, au contraire, sur les bœufs qui ont marché, elle devient très épaisse, donne une quantité de synovine et de matières extractives presque double de celle qu'elle contient dans le premier cas. Sous l'influence de l'inflammation, elle peut devenir trouble, très épaisse, roussâtre, prendre une consistance plus considérable qu'à l'état normal, se charger de débris épithéliques, de leucocytes, et enfin de plasmine. Celle-ci donne naissance alors à des dépôts fibrineux d'aspect variable. La quantité de ce fluide dans toutes les articulations est constamment plus que suffisante pour lubrifier les surfaces articulaires. Je l'ai trouvée sur un cheval de taille moyenne en bonne santé, et examiné immédiatement après la mort, de 6 grammes dans l'articulation de l'épaule, de 7 grammes dans celle du coude, de 6 grammes dans l'articulation coxo-fémorale, de 8 grammes dans la fémoro- tibiale, de 7 grammes dans la tibio-tarsienne. Lorsque les synoviales offrent des dilatations anormales, comme on en voit s.i fréquemment au genou et au jarret du cheval, elles peuvent se remplir d'une énorme quantité de ce liquide, 500,600, 800 grammes, et quelquefois plus encore; mais elle n'a pas ses propriétés habi- tuelles. Dans les circonstances ordinaires, comme les surfaces articulaires sont en coaptation parfaite, la synovie ne peut que mouiller les parties qui se touchent : aussi s'échappe- t-elle en dehors des marges articulaires, dans les culs-de-sac de la membrane, qui devient par là plus ou moins boursouflée, ou bien, elle s'amasse en partie dans ces fossettes synoviales irrégulières, où 1p cartilage semble rongé comme celles de l'échancrure sygmoïde des solipèdes, de l'extrémité supérieure du radius, de la surface articulaire inférieure du tibia, etc. La sécrétion de la synovie est opérée dans toute l'étendue de la membrane séreuse, suivant le mécanisme de la sécrétion des séreuses splanchniques. La synovie ne parait avoir d'autre usage que de faciliter les mouvements des parties dont elle enduit les surfaces, comme le fait l'huile sur les rouages des machines. TRANSPIRATION CUTANEE. 795 TRANSPIRATION CUTANEE. Le tégiinuMi! (|iii oiiveloppi' le corps est lo siège d'une exhalation plus on moins ahonilante (\uo\\ appelle transpiration insensible, quand elle est peu appré- ciable, et si(et(7\ lorsque son produit se répand sous forme liquide à la surface de la peau. Il va, en outre, à l'extérieur de cette niendirane, comme Ed^vardsen a fait la remarque, une évaporation simple, tout à fait physique, analogue à celle qui s'opère sur toutes les surfaces chaudes et humides exposées au contact de l'air, évaporation qui emporte avec les fluides sécrétés une partie des liquides imprégnant le tissu cutané. Les glandes chargées de la sécrétion de la sueur sont situées dans la couche piofonde du derme, et quelquefois dans le tissu cellulaire sous-jacent. Elles se composent de deux parties distinctes : le glomérule glandulaire, arrondi, résul- tant de l'enroulement d'un tube à peu près uniforme dans toute son étendue, et le canal excréteur, sinueux, s'ouvrant à la surface de l'épiderme par un orifice très étroit. Ces glandes sudoripares, assez peu connues encore en ce qui con- cerne les animaux, ne sont cons- tituées, en définitive, que par un long tube qui serait pelotonné sur lui- même pour former la petite masse désignée sous le nom de glomérule, tube dont les parois fibreuses et même quelquefois musculaires sont tapis- sées intérieurement par une couche de cellules épithéliales. Les glandes sudoripares, décrites par Breschet et Roussel de Vauzème, par Gurlt, et plus tard par Duvernoy, existent chez tous les mammifères domestiques dans l'épaisseur du derme ou dans la couche cellulaire sous-jacente. Elles sont très dévelop- pées chez le cheval, notamment à la région inguinale, et chez le mouton : mais fort petites chez le chien, si ce n'est à la peau qui recouvre les pelotes ou les coussinets plantaires. Le glomérule est très allongé chez le mouton, ovale au scrotum du cheval et à la face plantaire du pied du chien ; il constitue, au lieu d'une pelote, une petite capsule ovoïde dans le bœuf et sur la plus grande partie de la peau des carnivores. Le canal excréteur, très sinueux dans le porc et le mouton, serait presque rectiligne dans le cheval. Ces glandes renferment, pour la plupart, un liquide clair, parfaitement transparent, sans aucune trace de matière solide, Celles de quelques régions possèdent, suivant les observations de MM. KoUiker et Ch. Robin, un contenu plus ou moins épais, au sein duquel on Mi Fjg. 201. — Glande sudoripare (*). (*) a, peloton glandulaire; h, canal excréteur; c, vaisseaux d'un glomérule, d'après Todd et Bowman. 796 DES Sl^Cn ETIONS.' peut reconnaître des granulations plus ou moins fines, des cellules, des noyaux cellulaires, do la protéine et de la graisse. Dans ces dernières, rhétérogénéité du contenu résulterait d'une mue et d'une dissolution partielle des cellules épitlié- liales qui tapissent le tube sinueux des glomérules sudoripares. La transpiration cutanée, si faible qu'elle paraisse dans les conditions ordi- naires, n'en constitue pas moins l'une des sources les plus actives des grandes déperditions qu'éprouve l'organisme. Les caractères de celte exhalation, la quantité, la nature et les propriétés de son produit, le rôle qu'elle joue relative- ment à la dépuration du fluide nutri- ^' " tifet à l'équilibration de la chaleur animale exigent ici quelques dévelop- pements. Cette exhalation paraît très res- treinte chez les animaux inférieurs dont la peau est recouverte, comme chez les échinodermes, les crustacés et les mollusques à coquilles, d'enve- loppes solides à peu près imper- méables, et chez ceux qui ont l'épi- derme épais, écailleux ou corné, comme les serpents, les lézards, les tortues, etc.; elle devient, au con- traire, très active chez les mammi- fères et les oiseaux, 011 la peau a pour revêtement un épiderme d'une épais- seur peu considérable; encore, parmi ces derniers, doit- elle être plus ou moins active, suivant le degré de sou- plesse, de vascularité de la peau, d'abondance ou de rareté des productions pileuses qui recouvrent cette membrane. Très probablement, elle l'est plus chez les pachydermes et les autres quadrupèdes à peau nue des climats chauds, que chez les animaux à fourrure épaisse des pays du Nord, Elle l'est plus chez le cheval, qui sue abondamment à la suite d'une course rapide ou d'un exercice pénible, que chez le bœuf, surtout que chez le porc et le chien, dont on ne voit jamais la peau mouillée de sueur. La quantité des produits éliminés par la transpiration a été très rarement déterminée à part. Presque toujours on a obtenu en bloc la somme des pertes dues; 1° à la transpiration cutanée, 2" à la transpiration pulmonaire, et 3° à l'exhalation de l'acide carbonique. Encore ces déterminations n'ont été tentées que sur l'homme et quelques petits animaux. En ce qui concerne l'homme, Sanctorius ^ le premi er, dans des expériences FiG. 202. —Glande sudoriparedans ses rapports avec les parties constituantes de la peau ('). 1. Sanctorius, De medidna statica aphorismi. Venetiis, 1614. (*) c, canal excréteur de la glande sudoripare; g, glande sndoripare ; f, glandes sébacées s'ouvraiit dans les tolliciiles pileux \Guilt). TRANSPIRATION CUTANÉb;. 797 célèbres a conslalé. en pesant exactement, dune [uirt, ses aliments et ses lioisfons. d'autre part, toutes ses excrétions pondérables, que les S/S'^^ des matières ingérées étaient éliminées par la peau et le poumon. Ces 5/8^* com- |)rennent conséquemment l'eau et l'acide carbonique. Lavoisier et Séguin, au moyen d'un sac de talïetas gommé qui enveloppait le corps entier, même la tête, et qui, collé autour de la bouclie et du nez, laissait échapper seulement les pro- duits de la transpiration pulmonaire, ont reconnu que la perte, par les deux transpirations réunies, représentait, terme moyen, 3 livres en vingt-quatre iieures. La perte maximum pendant cette période a été de 5 livres, et la plus faible de 1 livre 11 onces 4 gros, soit en moyenne la cinquante-cinquième partie du [toids du corps. Dans la masse totale des deux exlialations, la part de la transpiration cutanée paraît la plus forte et en même temps la plus variable. Suivant Lavoisier et Séguin, si la perte totale en vingt-quatre heures est de 43 onces, la part delà peau est de 30 et celle des voies respiratoires de lo, ce qui porte la transpira- tion cutanée au double de la pulmonaire. La quantité d'eau perdue par la transpiration pulmonaire a pu être déduite encore de la perte totale, d'après les résultats des expériences où l'expiration se faisait, soit dans une vessie, soit dans un ballon contenant une poudre absor- bante, Hales.et Dalton ont cru pouvoir ainsi l'évaluer pour vingt-quatre heures à 21 onces, quantité qui se rapproche beaucoup de celle que Séguin avait obtenue en se servant de son sac de taffetas ciré (15 à 18 onces). Les pertes dues aux deux transpirations réunies sont assez variables suivant la température, le climat, la saison, le repos, l'exercice, etc. Mais à cet égard les résultats des divers expérimentateurs sont peu concordants. Sanctorius, à Padoue et à Venise, les a trouvées égales à 80 onces ou o livres. D'après Dodart, elles sont, en France, terme moyen, de 24 onces par jour, de 33 d'après Sau- vages dans le climat de Montpellier, de 31 en Angleterre, suivant Keill, Elles seraient, suivant Gorter. de 49 en Hollande, de 34 dans la Caroline méridionale, d'après les recherches de Lining. Il résulte des expériences que j'ai faites sur moi-même pendant plusieurs années^, qu'elles ont varié en général de 1000 à 2000 grammes, suivant les saisons et les conditions physiologiques, soit de la 73^ à la SS" partie du poids du corps. Elles étaient par heure de 28, 30, 33 grammes, pendant la nuit ; de 30, 60, 80 pendant le jour et s'élevaient à lOO, 200 grammes sous l'influence de la marche ou d'un exercice un peu pénible pendant les fortes chaleurs de l'été. Les expérimentateurs anciens avaient trouvé à l'âge adulte la perte de 1 70 à 1 30 et de 1 21 dans l'enfance. En ce qui concerne les animaux, peu de recherches ont été faites, M. Boussiu- gault-, par sa méthode indirecte, a trouvé que le cheval devait perdre 5 kil. 7, pendant que la vache en perdait 32,9, de sorte que la perte du premier serait égale à 1 88 du poids du corps et celle de la seconde à 1 13, ce qui est peu admissible. W. Edwards ^ a constaté que la perte s'élevait à 1 12 pour le 1. Recherches inédites exécutées en 1859, 18G0, 1861 et 1862. 2. Boussingault, Économie rurale, t. II. p. 380, 383. 3. W. Ed%vards, De l'Influence des agents physiques sur la vie. Paris, 1821. 798 DES SÉCUÉTIONS. cochon d'Inde, à l/D poui' les lézards et les crapauds, 1/4 [lour les moineaux, 1/3 pour la souris. Sacc ' dit qu'en \ingt-qualre heures l'exhalation parla peau et les poumons est à peu près égale à celle des reins, ou de 9 à 11 kilogr. pour le cheval, de 6 à 7 1/2 pour le bœuf et de 0 kil. 8 pour le mouton, quand ces ani- maux sont tenus dans l'inaction et à l'étable, tandis qu'elle devient moitié plus forte que la sécrétion urinaire si les animaux prennent du mouvement. Mais je ne sais si ces évaluations sont basées sur des recherches expérimentales. La transpiration cutanée, au point de vue quantitatif, varie suivant une foule de conditions propres à l'organisme et de conditions extérieures. Par les fortes chaleurs de l'été et dans la moitié ou les deux tiers les plus chauds de la journée, elle s'est élevée et maintenue, dans mes expériences de 150 à 200 grammes par heure, sous lïnfluence de la marche et même de simples occupations exigeant de fréquents déplacements. Sous l'influence d'un exercice modéré, comme celui des opérations chirur- gicales par les fortes chaleurs, la perte peut être plus grande encore. En eflét, j'ai constaté que deux de nos élèves, du poids de 60 kilogrammes, perdaient chacun dans les six heures les plus chaudes de la journée parles deux transpira- tions, de 1400 à 1700 grammes, soit de 233 à 283 grammes par heure. Sanc- torius s'est trompé grandement en affirmant que l'exercice fait moins transpirer que le sommeil ; du moins s'il a constaté ce fait, c'est qu'il se livrait à des exercices bien légers. D'après mes expériences, la transpiration nocturne représente, toutes choses égales d'ailleurs, le minimum dans toutes les saisons. Dans les nuits chaudes de juillet et aoiit, elle a été de 27 à 30 grammes par heure, soit pour une période de sept heures, 189 à 210 grammes. Néanmoins, elle s'est élevée à 36, à 38 dans celles oi!i la chaleur devenait accablante et tendait à provoquer la sueur. Dans les saisons à température moyenne, en octobre, novembre, la perte pour les deux transpirations a été en général de 800 à 1000 grammes en vingt-quatre heures, ou de 33 à 41 grammes par heure. Alors la sécrétion urinaire fait à peu près équilibre à latranspiraiion. Comme les pertes dans ces moments de l'année représentent les moyennes générales, je crois pouvoir évaluer la perte totale due par jour à la transpiration au 85'' du poids du corps égal à 76 kilogrammes. Stark a trouvé cette perte égale au 70% Séguin, du 57*= au 54% Lining, au 48"^, dans la Caroline du Sud. Chez des enfants, d'après les expériences de Van Marura, elle a pu atteindre le 21" du poids du corps. Relativement à l'urine, la masse des deux transpirations s'est montrée très variable suivant les saisons, Sauvages a trouvé qu'en moyenne les transpirations étaient à la sécrétion urinaire comme 33 est à 22 ou 3 esta 2. Mais, en Angleterre, Keill a trouvé la proportion de l'urine plus forte que celle de la transpiration, Lining a constaté que, dans les mois chauds, le produit de la transpiration l'em- porte sur l'urine dans le rapport de 5 à 3, tandis qu'en hiver, la première devient à la seconde comme 2 esta 3; Dans mes expériences à une température moyenne, les deux sécrétions donnent à peu près la même somme de produits. En été, il y l. Sacc, Précia (/lémfmfaire de cfwnie agricole, 2^ édit., p. 34,8. TUANSPIUATION GUÏANÉK. 79'J avait toujours prédouiiiiance de la trans[>iration ; en liivcr, la sécrétion iiriiiaiie l'emportait le plus souvent, mais d'un très léger excédent. Relativement au poids de la peau et à sa surface, la masse de liquide exhalé est peu considérable, si on la compare à la plupart des sécrétions par les mem- liranes étalées. Le tégument cutané, évalué à l'",6 chez l'homme, ou 13 pieds, n'a pas moins de o à 6 mètres carrés chez nos grands herbivores domestiques. 11 représente eu poids, d'après nos observations, 121 du poids du corps sur le cheval (in, 1 16 sur le cheval adulte. 19 chez le porc, 1/15 à 1/8 chez le chien, 1.6 chez le mouton et les volailles. Or, dans aucun cas, la peau ne donne son son poids de liquide, tandis qu'un grand nombre de glandes produisent une masse de liquide représentant plusieurs fois le poids de leur tissu. Dans l'eau, la transpiration paraît se continuer, mais très réduite. D'après W. Edwards, sur une couleuvre oi!i elle était dans l'air du 26'' du poids du corps en vingt-quatre heures elle descendit dans l'eau à 1 288. Chez les plantes, la transpiration est en général inliniment plus considérable que chez les animaux, relativement à la masse de l'organisme et à l'étendue des surfaces exhalantes, surtout dans les herbacées. J'ai constaté, par exemple, qu'un ricin dont les feuilles offraient une surface totale de 1°\13 carrés pouvait transpirer en une journée très chaude de l'été jusqu'à 2480 grammes. Gomme la plante pesait 423 grammes, elle versait dans l'air en une journée environ 6 fois son poids d'eau, soit 436 fois plus que le corps humain dans les conditions ordi- naires. Le colocasia, le nénuphar perdent dans les proportions analogues, mais les plantes ligneuses, le chêne, l'oranger, le figuier élastique éprouvent des déperditions beaucoup moindres. Je n'ai pas à insister ici sur ces détails que j'ai indiqué ailleurs '. Lorsque la transpiration verse à la surface de la peau une quantité trop con- sidérable de liquide, celui-ci ne se vaporise pas à mesure qu'il est exhalé et le tégument se couvre de sueur. La chaleur extrême de l'air, son état électrique, la diminution de pression, les exercices pénibles, les courses rapides, les efforts de toute espèce, tendent à la provoquer. La sueur est beaucoup plus abondante, comme chacun le sait, pendant les saisons chaudes que pendant l'hiver, par les temps lourds et humides, qui signalent l'approche des orages, que dans les moments oi!i le baromètre indique une pression atmosphérique très forte. C'est surtout pendant les moments où l'air chaud exerce une faible pression que le cheval et le bœuf suent abondam- damment, et que la sueur est enlevée difficilement par l'air; au contraire, elle diminue parles temps froids. Lorsque l'air devient très humide, elle ne se vola-^ tilise qu'avec une très grande lenteur. Si elle se produit trop facilement, elle est un indice de faiblesse et de lymphatisme. Celle qui survient dans les maladies a différentes significations, suivant les cas: tantôt elle annonce une réaction salu- taire, une crise ; d'autres fois, une aggravation des troubles morbides. Le produit de la transpiration cutanée est assez complexe : il est formé par de 1. G. Colin, Études expérimentales sur la transpiration des végétaux et sur le rôle dés stomates (Mémoire adressé à l'Acad. des sciences, mai 1868). 800 liilii SÉCRÉTIONS. l'acide carbuiiique, de Teau, un autre acide, des matières aiiiniaies et des sels. La partie gazeuse de l'exhalation contient d'abord de l'acide carbonique. Spallanzani, après avoir excisé les poumons à des grenouilles et à des sala- mandres, ou après avoir lié la trachée à des couleuvres, a vu l'exhalation de ce gaz continuer pendant un certain temps, à peu près comme à l'état normal. Edwards a fait la même observation sur des batraciens auxquels la trachée avait été également liée. L'exhalation de l'acide carbonique par la peau a été constatée sur l'homme par divers observateurs, en maintenant la main et une partie du bras, sous une cloche, sur la cuve à mercure. L'exhalation gazeuse cutanée con- tient ensuite, d'après GoUard de Martigny, de l'azote en proportions variables ; enfin, quelquefois de l'hydrogène et de l'acétate d'ammoniaque. La partie fluide de la transpiration, celle qu'il est facile de recueillir à peu près pure en faisant condenser sur les parois d'une cloche ou d'un cylindre de verre la vapeur qui s'exhale d'une partie vivante enfermée dans ce vase, ne con- tient que de l'eau et quelques matières volatiles. La sueur proprement dite, celle qui se dépose à l'état liquide sur la peau, a été analysée par ïhénard, Berzelius et Anselmino ^ Les deux premiers y ont trouvé de l'eau, des acides acétique et lactique, une matière animale, des chlorures de sodium et de potassium, des phosphates terreux et de l'oxyde de fer. Le second a trouvé dans ce liquide de 3 à 14 millièmes de parties fixes, et dans 10 parties de celles-ci : osmazôme, acide acétique libre et acétate de soude, 29; — osmazôme, chlorure de potassium et de sodium, 48 ; — matière animale soluble dans l'eau, 21 ; — n)atière animale insoluble dans l'eau et l'alcool, phosphate de chaux et oxyde de fer, 2. M. Favre, en 1853 ^, a recueilli de grandes quantités de sueur prove- nant d'un homme dont le corps avait été très soigneusement lavé à plusieurs reprises et qu'on tenait dans un appareil chauffé à l'étuve. Ce sujet en donnait en une heure et demie environ 2 litres et quelquefois plus; un échantillon de 14 litres analysé en totalité a donné pour 10000 grammes : Chlorure de sodium -2-2,30d Chlorure de potassium 2,437 Sulfates alcalins 0,115 Phosphates alcalins traces. Albuminates alcalins 0,050 Phosphates alcalins terreux traces. Lactates alcahns 3,171 Sudorates alcalins 15,623 Urée 0,428 Matières grasses 0,137 Eau 9955,733 D'après cette analyse, on voit qu'il y a dans la sueur une grande quantité de chlorure de sodium, de l'acide sudorique dont la formule se rapproche de celle de l'acide urique, et enfin de l'urée. Les sulfates et phosphates alcalins ne s'y trouvent qu'à l'état de traces. La sueur du cheval, examinée par Anselmino, a la 1. Voy. .1. L. Lassaigne, Abrégé élémentaire de chimie, t. II. 2. P. A. Favre, Recherches sur la composition chimique de la sueur [Archives générales de méd., 1853). TRANSPIRATION CUTANÉE. 801 même composition que celle de l'homme; elle en diffère seulement par une plus forte proportion de matière animale et de phosphate calcaire. Mais il est fort difficile de la recueillir pure sur les aaiiiiaux, car, à la surface de la peau, elle dissout des matières fixes que la transpiration ancienne y a laissées et des principes de i'épiderme; de plus, elle entraîne de la matière sébacée, quelquefois même des substances étrangères qui peuvent adhérer à la peau ou aux poils. Quelle que soit sa composition^ la sueur a été trouvée acide par tous les auteurs, et ce fait n'est mis en contestation par personne. Néanmoins, j'ai tou- jours vu neutre ou alcaline celle qui ruisselle à la surface de la peau du cheval exercé, ou de celui auquel on a coupé dans la région cervicale les liletsdu grand sympathique. Cette particularité tient peut-être à ce que la sueur dissout à la surface cutanée les matières salines qui s'y déposent continuellement, faute de pouvoir se volatiliser avec l'eau de ce produit. Celle qui ruisselle sur le visage des personnes travaillant par les fortes chaleurs a toujours bleui le papier rouge de tournesol. Et j'ai répété vingt fois l'expérience sur les élèves pendant les exercices pratiques de chirurgie ; cela se conçoit si on se rappelle que l'acide libre de la sueur est très volatil, acide formique, acide valérique, dit-on, et qu'il disparaît une fois que l'évaporation de la sueur commence. M. Favre a constaté aussi que si, pendant une sudation abondante, on recueille la sueur donnée dans des périodes successives, elle se montre neutre ou alcaline dans la seconde, alcaline dans la troisième. L'acidité n'appartient qu'au produit de la première période. L'alcalinité parait due à la soude ; quelques auteurs l'attribuent non à la sueur, mais à la matière sébacée qui s'y mêle. Le produit de la transpiration cutanée paraît différer suivant les parties du corps et suivant les animaux. Les différences relatives aux régions tiennent autant au mélange de la sueur avec le produit des glandes sébacées, que des variétés dans la nature des glandes sudoripares. Celles qui ont trait aux espèces reconnaissent probablement pour cause la présence de matières animales parti- culières, généralement odorantes et souvent caractéristiques, matières qui ser- vent si bien au chien et aux carnassiers à reconnaître la piste de l'homme et des herbivores. Peut-être ces matières sont-elles, comme le pensait Barruel, les mêmes que celles qui donnent au sang et à plusieurs parties du corps de chaque animal une odeur spéciale. La sueur est modifiée aussi dans plusieurs circonstances, notamment par le fait de la maladie et de l'ingestion de substances étrangères dans l'économie. Les physiologistes ont constaté que le sang prend une odeur urineuse lors des réten- tions d'urine, une odeur fétide dans quelques maladies, une autre odeur chez les chiens qui se nourrissent exclusivement de matières animales. Elle entraîne avec elle un certain nombre de matières introduites accidentellement dans le sang. On a constaté qu'elle élimine du sucre chez les diabétiques, de la matière jaune de la bile chez les ictériques. Elle peut se charger d'iode, d'iodure de potassium, de gaz sulfhydrique, d'alcool, de sulfate de quinine, de divers acides organiques sur les sujets médicamentés. Dans quelques cas constituant ce qu'on appelle la chromidrose, la sueur s'est trouvée mêlée à une matière colorante violette, bleue ou ardoisée ; dans d'autres, dont le cheval a donné quelques a. COLIN, — Physiol. comp,, 3*^ édit. II. — 51 802 DES SÉCRÉTIONS. exemples, elle présente en quelques points, un aspect sanguinolent dû à des lésions vasculaires spontanées peu connues. La transpiration cutanée joue un rôle important relativement à la dépuration du sang et au maintien de l'équilibre de la température du corps; aussi ne peut-elle être diminuée ou supprimée sans danger pour l'organisme. Sous le rapport de la dépuration du fluide nutritif, cette exhalation a un but analogue à celui de la respiration ; de même que cette dernière, elle rejette de l'économie de l'eau, de l'acide carbonique et de l'azote. La peau qui en est le siège est une véritable surface respiratoire chargée, chez les animaux inférieurs, d'absorber l'oxygène, et d'éliminer les produits auxquels il donne naissance, mais appropriée seulement à ce dernier usage chez les animaux supérieurs. Cette membrane constitue un véritable poumon par lequel s'échappent continuelle- ment des produits que l'autre, à lui seul, ne parviendrait pas à expulser. En ce qui concerne l'équilibration de la chaleur animale, la transpiration effectuée par le tégument est un moyen précieux qui se met en parfaite harmonie avec les conditions diverses dans lesquelles peut se trouver l'organisme. Elle augmente à mesure que la chaleur extérieure s'élève, et soustrait à la masse du corps le calorique qui dépasse le degré propre à chaque animal. Par là elle permet à l'homme et aux animaux de résister à de hautes températures, et de conserver une chaleur à peu près uniforme dans les saisons chaudes comme sous les latitudes tropicales. Investie de ce double office, la perspiration cutanée ne peut être supprimée sans qu'il survienne des troubles fonctionnels très graves, incompatibles avec la vie. On sait, en effet, depuis longtemps, que les arrêts momentanés de cette exha- lation peuvent déterminer la pleurésie, la pneumonie, les flux intestinaux, les hydropisies, etc. On a remarqué que les brûlures très étendues, les exanthèmes, les éruptions avec phlegmasie très vive, déterminent souvent des inflammations dans d'autres muqueuses, par suite de la suspension du travail perspiratoire sous l'influence de l'inflammation du tissu cutané. Becquerel, Breschet, Four- cault', en appliquant à la surface de la peau du chien et de divers animaux de petite taille une couche imperméable de substances emplastiques, ont vu la mort survenir au bout de quelques jours, même quelquefois de quelques heures seulement. Eniin H. Bouley ^ a obtenu les mêmes résultats en répétant ces expériences sur le cheval. Les sujets, dont la peau préalablement rasée avait été enduite de goudron, ne tardaient pas à ressentir les effets d'une véritable asphyxie lente; ils perdaient leur impressionnabilité ; leur respiration devenait lente et profonde ; le pouls de plus en plus faible. Bientôt se manifestaientdes trem- blements musculaires, un refroidissement sensible du corps et de l'air expiré : les muqueuses apparentes, la conjonctive, la pituitaire, prenaient une teinte vio^ lacée. Un premier cheval ainsi goudronné mourut le dixième jour ; un deuxième, le neuvième ; un troisième, recouvert d'huile empyreumatique, succomba le sep- tième jour ; un dernier, recouvert d'abord d'une couche de colle forte, puis d'une 1. Fourcault, Comptes rendus de V Académie des sciences, t. VI, XII, XVI. 2. Bouley, Recueil de médecine vétérinaire, 1850, p. 5, 805. MATIÈRE SÉBACÉE. 803 couche de goudron, périt dans la neuvième heure (jiii >ui\it cette double applica- tion. A l'autopsie de ces animaux, les muqueuses gastro-intestinales étaient gorgées de sang noir, le tissu cellulaire sous-jacent souvent infiltré, les pou- mons très congestionnés, les bronches pleines de spumosités, la membrane interne du cœur ecchymosée; en un mot, on observait les lésions d'une asphyxie com- plète, d'une asphyxie par la peau, pour me servir de la qualification très juste que lui donne ^I. Bouley. J"ai observé tout récemment ces effets sur le lapin ; mais plusieurs chiens, couverts de goudron et de poix, ont parfaitement résistée l'asphyxie. La transpiration eutuaée dont le rôle se rapporte à différentes fonctions est, dans une foule de cas, manifestement influencée par le système nerveux, soit directement, soit par Fintermédiaire de la circulation. Elle l'est par la circulation quand certains filets ou ganglions du sympathique sont coupés ou extirpés, témoins la sudation au cou et à la tête après la section du lilet cervical ou l'ablation du ganglion cervical inférieur. Elle parait l'être directement dans les cas d'émotions, d'impressions pénibles qui font couvrir le corps d'une sueur froide. MATIÈRE SÉBACÉE. Sous ce titre sont comprises ici, avec la sécrétion onctueuse qui s'opère géné- ralement à la surface de la peau, celles qui sont effectuées en différents points des téguments où elles ont des caractères particuliers, comme celledes larmiers, de l'espace interdigité des ruminants, de l'aine, des régions anales et prépu- tiales de plusieurs animaux, etc. Les glandes qui sécrètent la matière sébacée, situées dans l'épaisseur du derme, quelquefois à sa face profonde, constituent tantôt des utricules simples renflés à leur base et pourvus d'un orifice assez large ; tantôt des follicules rameux, à deux, trois ou quatre branches irrégulières, dont le fond, terminé en cul-de-sac, est souvent très irrégulier. Une partie d'entre elles s'ouvrent dans les follicules pileux, et les autres ont des ouvertures propres, notamment dans les régions dégarnies de poils. Les plus volumineuses de ces glandes se voient à la région mammaire, au périnée, «lutour de la vulve et de l'anus, sous la peau du fourreau du cheval, notamment à sa lame interne et au scrotum. Leydig en a trouvé de fort compliquées au prépuce des rats. M. Alibert en a indiqué de volumineuses dans le pli du carpe du porc, et j'en ai moi-même vu d'énormes à la face interne de la peau qui recouvre le dessous du ventre de ce pachyderme. Le contenu de ces glandes consiste, d'après les recherches de Kôlliker, en cel^ Iules de forme et d'aspect variés possédant rarement un noyau. Ces cellules^ arrondies ou ovoïdes, accollées les unes aux autres, contiennent une plus ou moins grande quantité de gouttelettes graisseuses. Ce sont elles qui, en se déta- chant, forment la matière molle qui est versée à la surface de la peau, laquelle a donné à l'analyse: de l'albumine, delà caséine, delà graisse, des matières extrac- tives et du phosphate calcaire. A mesure qu'elle est emportée, il se forme de nouvelles cellules par scission de celles qui restent dans les glandes. Ces cel^ 804 DES SECRETIONS. Iules récentes, d'abord pâles, à parois minces, prennent peu à peu les caractères de celles de formation ancienne. Enfin, elles sont éliminées à leur tour, intactes ou en partie dissoutes. FxG. 203. — Cellules de matière sébacée, d'après Ch. Robin. La matière sébacée a pour ofllce d'assouplir la peau, de la revêtir d'un enduit gras propre à la préserver de l'action irritante des corps qui peuvent se mettre en contact avec celte membrane; elle donne à la peau du scrotum, des lèvres de la vulve, un luisant particulier chez les solipèdes. C'est elle qui contribue, pour la plus grande part, à rendre les poils lisses et souples dans l'état de santé ; c'est aussi elle qui, sous le nom de suint ^ imprègne la toison des bêtes ovines. Lors- qu'elle est sécrétée abondamment en certains points, elle peut y former des dépôts considérables, tels que ceux du fourreau du cheval, de la fossette située au-dessous de l'ouverture uréthrale de ce solipède, et de l'entrée du prépuce du bœuf. On a trouvé, dans celle du fourreau du cheval, de l'acide hippurique, de l'acide benzoïque, du carbonate et de l'oxalate de chaux. La matière sébacée offre sans aucun doute des différences notables, suivant les espèces et les conditions physiologiques de l'organisme. Son odeur particulière dans chaque animal, de même que celle de la transpiration, devient l'un des moyens principaux par lesquels les carnassiers reconnaissent l'approche ou les traces de leurs victimes ; les modifications qu'elle subit.au moment du rut per- mettent aux mâles de distinguer.la femelle apte à être fécondée de celle qui n'est point en chaleur. En divers points de la peau les glandes sébacées se modifient et forment des amas considérables dont le produit n'a pas toujours des usages faciles à déter- miner ; ainsi les larmiers, les pores inguinaux, les sinus interdigités des rumi- nants, les poches préputiales des rats, les poches anales des chiens, du lion, de l'hyène et de la généralité des carnassiers, les glandes temporales de l'éléphant, les faciales des chauves-souris, etc. Les larmiers qui existent chez les cerfs et les antilopes forment au-dessous de l'œil une poche plus ou moins profonde, logée dans une lacune du maxillaire et du lacrymal. Cette poche, dont l'entrée représente généralement une fente étroite, est formée par une peau mince au-dessous de laquelle se trouve une couche de MATIÈRE SÉBACÉE. 805 glandes dont le pmdnit est versé dans la cavité du larmier, où il peut s'accu- muler en quantité considérable, lis sont inégalement développés dans les divers ruminants ; mais ils ne constituent plus qu'une simple fossette peu profonde chez le mouton. E. Rousseau ', qui a donné sur ces cryptes des détails très intéressants, signale des prolongements de l'orbiculaire des paupières disposés de manière à en ouvrir ou à en fermer l'ouverture. La matière onctueuse, légèrement musquée, du larmier sert à assouplir la peau au voisinage de l'œil ; peut-être sert-elle à préserver cette partie du tégument de l'action irritante des larmes, qui tendent à descendre dans la fosse larmière lors- qu'elles coulent en dehors des paupières. Les pores inguinaux forment au pli de l'aine, et de chaque côté, une excava- tion plus ou moins profonde où la peau, mince, privée de poils, possède dans son épaisseur et à sa face adhérente des follicules très développés, qui sécrètent une matière onctueuse molle et odorante. Ils sont très profonds chez les gazelles, moins profonds chez le mouton et le lièvre. Dans les bêtes ovines, on y trouve une matière jaunâtre comme du miel, très molle, d'autant plus abondante que la laine est plus chargée de suint. Les glandules interdigitées et les sinus du même nom existent chez plusieurs espèces de ruminants. Dans le mouton, le sinus qui existe à chaque patte a la forme d'une petite poche recourbée, s'ouvrant par un orifice très étroit, au-des- sous de la commissure des deux doigts. Cette poche, dans laquelle se trouve tou- jours une certaine quantité de matière sébacée blanche ou jaunâtre, est constituée par une peau pourvue de nombreuses glandules et de poils qui sortent en une petite touffe par l'ouverture précitée. D'après E. Rousseau, ces sinus existent aux quatre pieds dans le lama, le cerf de la Guyane, le cerf de Virginie, l'anti- lope corine, le kevel, le chamois, l'antilope de Nubie, l'antilope à quatre cornes ; aux pieds de derrière seulement dans le cerf-cochon, l'axis, le renne, le chevreuil, l'antilope bubale, et aux pieds antérieurs dans le bouc du Népaul. Leur produit varie un peu suivant les animaux. Il est brunâtre et grenu chez le chevreuil, l'an- tilope bubale, très pâle chez le mouton ; son odeur est quelquefois très forte. Les poches qui se trouvent au voisinage du prépuce, au périnée et auprès de l'anus, sont généralement formées par un cul-de-sac de la peau amincie, garnie à sa face adhérente d'une couche plus ou moins épaisse de glandules. Celle du chevrotain qui produit le musc est située en avant du prépuce ; celle du castor, qui fournit le castoréum, aboutit également dans ce diverticule. La poche de la civette, placée entre la vulve et l'anus, est très profonde et s'ouvre à l'extérieur par une longue fente. Celle qui existe chez l'hyène est très large, circonscrit l'anus et la vulve. De chaque côté elle présente deux excavations au fond des- quelles la peau est percée d'un grand nombre de petites ouvertures; en dehors de la poche se trouve une couche de glandules jaunâtres d'au moins un centi- mètre d'épaisseur, couche qui est elle-même recouverte d'un muscle analogue à celui qui entoure les petites prostates des solipèdes. La matière qui s'en échappe est blanchâtre, assez consistante, d'une odeur peu prononcée. Les cavités de ce 1. E. Rousseau, Revue et magasin de zoologie, 1851, n" 4. 806 DES SÉCRÉTIONS. genre, qui se voient chez le blaireau, les mangoustes, l'ichneumon, le cochon d'Inde, offrent des dispositions analogues. Les poches anales qu'on trouve chez le chien, le chat, le lion, le putois, la géné- ralité des carnassiers, et certains rongeurs doivent être bien distinguées des pré- cédentes, avec lesquelles elles n'ont rien de commun que la structure. Les poches anales sont de véritables diverticules du rectum ou de petits sacs arrondis s'ouvrant dans le rectum, tout près de la marge de l'anus, par un orifice très étroit. La muqueuse qui les constitue est recouverte d'une couche de glandules jaunâtres, en rapport avec une petite expansion musculaire. Elles renferment une matière jaune très fluide qui s'en échappe en partie lors des efforts de la déféca- tion, matière très fétide dans quelques carnassiers, le putois notamment. La glande temporale de l'éléphant, située sous la peau, verse par un canal oblique ouvert entre l'œil et l'oreille, une matière onctueuse très abondante au moment du rut. La glande musquée du crocodile, placée sur le côté du maxillaire, verse son produit dans une petite poche voisine. Les petites glandes que l'isard présente en arrière des cornes, celles de la poche dorsale du pécari, des flancs de la musaraigne, de la queue du cerf et des rats, du croupion des oiseaux, etc., sécrètent également une matière sébacée dont il serait très difficile de préciser toujours les usages ^ Indépendamment de ces glandes volumineuses et localisées, il y a des follicules sébacés simples ou rameux dans la plupart des régions du corps, distincts ou annexés aux follicules pileux et versant d'abord leur contenu dans ceux-ci. Le suint qui imprègne la toison du mouton et qui en double le poids dans les races mérinos, contient, d'après les analyses de M. Chevreul, beaucoup de graisse et de sels alcalins. SECRETION DU MUCUS. Le fluide visqueux, filant, généralement incolore, connu sous le nom de mucus, est versé, en plus ou moins grande quantité, à la surface libre de toutes les membranes muqueuses, dans les cavités nasales, le larynx, la trachée, les bronches, dans la bouche, l'estomac et l'intestin, dans le bassinet du rein, l'ure- tère, la vessie, l'utérus, le vagin, etc. Il est sécrété par des follicules spéciaux, très nombreux en quelques points, et par toute la surface de la muqueuse, quand celle-ci est dépourvue de ces petits organes. La plupart des micrographes, Kôlliker entre autres, pensent que les cellules épithélialesqui tapissent la muqueuse et ses plus petits follicules opèrent cette sécrétion, dont le produit résulterait d'une destruction continuelle de cel- lules remplacées continuellement aussi par des cellules de nouvelle formation. Les mucus sont constitués essentiellement par une matière visqueuse, la muco- sine ou mucine, matière qui se gonfle dans l'eau, prend un aspect strié par l'action 1. Voy. G. Cuvier, Règne animal. Paris, 1829. — G. Cuvier, Leçons d' anutomie compa- rée. Paris, 1835-1845. — Dugès, Traite' de p/ijjsiologie comparée. MonipeUier, 1838. SÉCRÉTION DU MUCUS. 807 de l'acide acétique, et qui précipite en llocons plus ou moins abondants. Elle est également coagulable par l'alcool et l'acide azotique. Ils tiennent en sus- pension une énorme quantité de cellules épithéiiales, de globules muqueux ou cytoïdes qui sont une variété de leucocytes, des granulations indéterminées et fort souvent des infusoires,des bactéries et diverses productions cryptogamiques. Le mucus qui, d'après Fourcroy et Vauquelin, serait un fluide partout iden- tique, est considéré par Berzelius comme une matière dont la composition varie suivant les points où elle est déposée. Ce dernier y a trouvé une très grande pi"0- portion d'eau, de la matière muqueuse, des matières animales, un peu d'albu- mine, des chlorures de sodium et de potassium, de la soude libre. Le mucus est incolore et presque transparent à l'état de pureté, légèrement alcalin, incoagu- lable sous l'influence de la chaleur, peu miscible à l'eau, soluble dans les alcalis et les acides affaiblis ; il se modifie un peu en se mêlant aux autres matières que sécrètent les membranes muqueuses ou qui se mettent en contact avec elles. Ces mucus sont, suivant les cas, acides ou alcalins. Ils sont toujours chargés de matières minérales, environ sept centièmes, d'une forte proportion de chlo- rure de sodium, de carbonates, sulfates et phosphates alcalins. Leur sécrétion s'eflectue quelquefois, comme dans l'utérus, lors delà vacuité, sans l'intervention des excitants extérieurs, mais généralement elle est provoquée par le contact d'agents extérieurs, comme l'air pour les voies respiratoires, les aliments, le suc gastrique et la bile pour les voies digestives, l'urine pour les voies urinaires. Elle devient, en général, d'autant plus abondante, que cette stimu- lation extérieure acquiert plus de vivacité ; son activité est accrue également par l'action des causes susceptibles d'entretenir l'irritation des membranes muqueuses. Ainsi elle augmente considérablement dans l'estomac après la ligature du pylore, dans le duodénum compris entre deux ligatures, dans le vagin pendant la durée des chaleurs ; elle forme la masse glaireuse qui obstrue le col de l'utérus pendant la gestation, et produit les masses de liquide qui sont éliminées au déclin des aflections catarrhales. Les mucus présentent des variétés nombreuses d'aspect, de consistance, de coloration, de viscosité et même de composition, suivant les membranes qui les produisent. Celui de la conjonctive s'épaissit et devient opalin par son mélange avec l'eau. Le nasal est très clair sur les solipèdes, à l'état normal; celui des bronches est chargé d'épithéliums prismatiques et ciliés, et souvent de beaucoup de leucocytes ; il prend de l'opacité dans la bronchite et montre parfois des bac- téries. Le buccal est analogue à la salive visqueuse. Il peut être chargé de lila- ments de leptothrix, etc. Le mucus gastrique est très visqueux, toujours alcalin dans les intervalles de la digestion. L'intestinal a un aspect variable suivant les points ; il est semblable au blanc d'œuf dans quelques parties de l'intestin grêle du cheval et dans les régions glandulaires de l'intestin des rongeurs. Le mucus du côlon flottant et du rectum s'attache fortement aux mains. Dans la vessie, il est pâle, opaque, quelquefois jaunâtre. Dans le vagin des femelles des ruminants, il est clair et filant. Au col de l'utérus, il devient très consistant et adhérent pendant la gestation. Les mucus présentent des altérations diverses dans les maladies. Celui des 808 DES SÉCRÉTIONS. cavités nasales devient jaune verdâtre dans le cas de morve, blanc dans la gourme et l'angine, rouillé, chargé de leucocytes et d'hématies dans la pneumonie. Ils deviennent opaques, grisâtres, blanchâtres en se chargeant d'épïthéliums nucléaires et de leucocytes dans la plupart des phlegmasies des muqueuses. Le mucus a des usages importants : il entretient la souplesse des membranes muqueuses et les protège contre l'action des corps avec lesquels elles peuvent être en contact. Il forme à ces membranes un revêtement liquide qui les isole suffisamment des matières étrangères, et ne permet pas de contact immédiat entre elles et ces dernières. Sans lui, le suc gastrique qui séjourne dans l'es- tomac pourrait corroder la membrane interne de ce viscère; sans lui, la bile pro- duirait une irritation trop vive sur la membrane délicate de l'intestin, et l'urine sur celle de la vessie. Faute d'être miscibles à l'eau et à la plupart des liquides, ils deviennent des obstacles à l'absorption, par exemple, à celle des venins, du curare, dans l'appareil digestif. Sans doute, chaque muqueuse, chaque partie d'une muqueuse possède une sensibilité en rapport avec le genre et l'intensité des excitations qu'elle doit rece- voir : la membrane interne de l'estomac destinée à se mettre en rapport presque incessant avec un suc disçolvant et des aliments hétérogènes, la muqueuse de la vésicule biliaire, celle de la vessie, toujours baignées par des fluides irritants, ne devaient pas être douées de la sensibilité exquise de la conjonctive; car avec une telle sensibilité elles auraient éprouvé une impression douloureuse des agents qui ne font naître en elles aucune sensation appréciable. Néanmoins, cette sensibilité rendue obtuse ne suffisait pas encore pour prévenir l'irritation des muqueuses, il fallait un moyen direct de protection, un enduit susceptible de se renouveler à mesure qu'il se détruit, et c'est le mucus qui remplit cet ofiice; il sert en outre, dans la bouche, le pharynx et l'œsophage, à faciliter la déglutition dans l'estomac et l'intestin, à rendre plus libre la progression des matières alimentaires, etc. Ce produit étant sécrété par toutes les muqueuses et entraîné peu à peu, doit se mêler à beaucoup de fluides et en modifier plus ou moins les propriétés physiques. Il entre, en effet, pour une bonne part dans la composition de la salive maxillaire, de la salive sublinguale, auxquelles il donne leur viscosité caractéris- tique; il communique au fluide des glandes de Brunner, au suc intestinal, la consistance que ces liquides possèdent. Le mucus, généralement produit par les membranes muqueuses, est quelque- fois sécrété par la peau. Il fournit alors au tégument externe un revêtement pro- tecteur, comme on le voit chez la plupart des mollusques nus, chez les batraciens, beaucoup de poissons, les anguilles, entre autres. Dans la classe des poissons, il a pour organes sécréteurs des tubes disposés obliquement en divers points de la tête et sur toute la longueur du corps. Ses usages spéciaux sont évidemment de former à la peau un enduit qui la protège contre l'action immédiate de l'eau et des autres agents extérieurs. SÉCRÉTION SALIVAIRE. 809 SECRETION LACYBMALE, Les larmes sécrétées par la glande lacrymale, lobulée, aplatie, située au-dessus du globede l'œil, sont versées continuellement, par des canaux très lins, à la face interne de la paupière supérieure. De là elles se répandent sur la conjonctive, dans toute l'étendue de la cornée, reviennent vers l'angle nasal et s'engagent par les points lacrymaux dans le petit sac qui forme l'origine évasée du canal lacrymal ; entin ce dernier les amène dans les cavités nasales. La sécrétion des larmes s'eiïectue toujours chez les animaux dans la mesure strictement nécessaire à la lubrifaclion de la cornée transparente. Néanmoins elle parait souvent plus abondante chez quelques animaux, le bœuf et le cerf notam- ment, que chez la plupart des autres. Elle est, chez tous, 'notablement activée par les frottements exercés sur les paupières, par les coups portés sur l'œil, l'im- pression des vapeurs très irritantes, le contact des corps étrangers sur la conjonc- tive, la piqûre du nerf lacrymal, comme Magendie l'a constaté dans ses expé- riences ; enfin elle devient fort abondante, presque continue, etprenddes carac- tères particuliers dans les ophthalmies, surtout pendant les accès de la fluxion périodique des solipèdes. Les larmes se présentent sous l'aspect d'un fluide limpide, dépourvu de visco- sité, alcalin, faiblement salé, dans lequel Vauquelin et Fourcroy ont trouvé un peu de mucus, de la soude libre, du chlorure de sodium et du phosphate cal- caire ; mais leur composition semble se modifier un peu dans certaines ophthal- mies, si l'on en juge par l'irritation qu'elles provoquent sur les points de la peau où elles coulent. Les larmes ont pour usage d'entretenir le brillant, la transparence de la cornée, d'humecter la conjonctive, la face interne des paupières, et de faciliter par là les mouvements du globe oculaire. Un certain nombre de mammifères et d'oiseaux ont encore dans la gaine fibreuse de l'œil une glandé particulière connue sous le nom de glande de Har- derus. Elle est blanchâtre, lobulée et très grande dans le lièvre, le lapin, où elle s'ouvre, d'après Guvier, par un petit orifice sous le rudiment de la troisième paupière; on l'a trouvée dans le porc, l'éléphant, les paresseux, les carnassiers, mais chez les soiipèdes je n'en ai vu qu'une trace sous forme de granulations serrées, adhérentes à la base du corps clignotant. Elle sécrète une matière vis- queuse assez épaisse et blanchâtre, dont l'usage n'est pas déterminé. Les serpents, dont l'œil est recouvert par la peau amincie et transparente, possèdent cependant, d'après les observations de J. Cloquet, un appareil lacrymal complet, dont le produit est versé entre la peau et la conjonctive qui tapisse la face antérieure du globe oculaire. Mais, suivant G. Olivier, cet appareil manque complètement chez les cétacés et les poissons. SÉCRÉTION SALIVAIRE. Les fluides salivaires versés en différents points de la cavité buccale dérivent des glandes parotides, sous-maxillaires, sublinguales, molaires et de diverses 810 DES SÉCRÉTIONS. glandules sous-muqueuses. Ils se distinguent les uns des autres par leur mode de sécrétion, leurs propriétés physiques, leur composition chimique, et le rôle qu'ils sont appelés à remplir dans les actes préparatoires de la digestion. Les glandes qui sécrètent ces fluides agissent chacune suivant un mode parti- culier, dans des conditions déterminées et par suite d'excitations spéciales. L'ac- tion de chacune d'elles diffère suivant les espèces, et leur action collective ne reste point la même pendant le repas, la rumination et l'abstinence, Les expé- riences que j'ai exposées en traitant de l'insalivation montrent assez nettement la physionomie propre à la fonction de chaque glande salivaire, pour qu'il ne soit pas nécessaire de donner de nouveaux développements à cet égard; néanmoins, je ne puis m'empêcher de rappeler ici la diversité si remarquable que présente le mode d'action de la même glande suivant les animaux où on la considère. Ainsi la parotide qui, chez les solipèdes, sécrète seulement pendant le repas et par exception lorsque certaines substances sapides sont mises en contact avec la muqueuse buccale, sécrète d'une manière continue chez l'homme pendant la veille et pendant le sommeil, d'après les observations de Mitscherlich, chez les ruminants d'après mes expériences. Cette même glande, dont la sécrétion n'est nullement impressionnée lorsque l'animal affamé voit et flaire des aliments, sécrète au contraire assez abondamment chez l'homme placé dans des conditions semblables. Cette parotide, que la plupart des substances sapides ne font point entrer en action chez les solipèdes, sécrète abondamment chez le porc qui a du sel ou du poivre dans la bouche, et éprouve chez l'homme un surcroît d'activité par suite d'une stimulation de même nature. Enfin cette glande, à laquelle les mouvements des mâchoires ne font pas verser une goutte de salive chez les soli- pèdes, donne, d'après Mitscherlich, plus de salive pendant que l'homme parle ou chante que dans les moments où les mâchoires sont immobiles. La sécrétion, pour toutes les glandes salivaires, est mise enjeu par une action réflexe des centres nerveux. L'impression produite sur la muqueuse buccale par les aliments ou les autres substances sapides, est transmise à l'encéphale qui réagit aussitôt et envoie à ces glandes, par l'intermédiaire des nerfs qui s'y dis- tribuent, l'excitation provocatrice de leur travail sécrétoire ; mais il est fort remarquable que cette action réflexe se modifie considérablement suivant les cir- constances. Si c'est un aliment qui impressionne le sens du goût, l'action réflexe est répartie uniformément sur toutes les glandes qui y répondent par une sécré- tion très abondante; — si cet aliment revient de l'estomac, lors de la rumina- tion, poui- être broyé et insalivé de nouveau, l'action réflexe qu'il provoque ne porte que sur les parotides, les sublinguales, les glandules diverses, et laisse en repos les maxillaires; — si ce même aliment, venu du dehors ou des réservoirs gastriques, est broyé sous les molaires droites, l'action réflexe détermine une sécrétion beaucoup plus abondante sur la parotide de ce côté que sur celle du côté opposé. Enfin, si l'action réflexe vient d'une substance sapide, elle met en jeu la sécrétion dans les maxillaires, les sublinguales et les glandules à salive visqueuse; elle produit un résultat analogue dans la parotide de telle espèce ani- male, et reste, au contraire, sans effet sur celle d'un animal de telle autre espèce. SÉCRÉTION BILIAIRE. 811 Dans toutes les glandes salivaires, et jjIus particulièrement dans celles qui donnent de la salive visqueuse, la sécrétion est entretenue souvent par une action directe des centres nerveux. C'est ainsi qu'est sécrétée la salive qui humecte continuellement la bouche, celle qui est déglutie à des intervalles plus ou moins rapprochés pendant Tabstinence. Alors, les glandes salivaires rentrent dans les conditions communes à toutes celles qui, comme le foie, les reins, fonctionnent sans le secours de stimulants extérieurs. La sécrétion salivaire peut, d'ailleurs, être surexcitée par des causes diverses, parmi lesquelles il faut signaler celles qui mettent en éveil les organes de la génération. Tous les auteurs, disent que, dans notre espèce, les désirs vénériens augmentent la salivation; plusieurs assurent que les dro;nadaires accouplés salivent abondamment; j'ai vu un long filet de salive visqueuse s'échapperde la bouche d'un jeune taureau à l'approche de la femelle en rut : souvent les che- vaux vieux et exténués salivent beaucoup sans cause appréciable un ou deux jours avant la mort. Enfin, on sait que diverses substances introduites dans l'économie, le mercure entre autres, produisent une excitation continuelle plus ou moins prolongée de tout le système saliNaire. comme le font durant quelques instants l'émétique, le sulfate de zinc, etc., injectés dans les veines à dose assez forte. Il est à noter que les sialagogues n'agissent pas également sur toutes les glandes salivaires. Les uns semblent plus spécialement exciter les glandes à salive visqueuse les autres celles qui donnent la salive aqueuse. La pilocarpine qui les stimule à un si haut degré, n'a pas sur celles des deux côtés une action égale. J'ai vu, par exemple, sur le cheval, la droite donner loO grammes de liquide pendant que la gauche en donnait seulement 100. A d'autres moments la différence était en sens inverse, puis l'égalité s'établissait pour un instant. Les substances qui tendent à tarir la sécrétion salivaire comme la morphine, l'atropine et d'autres narcotiques paraissent avoir une action étendue même aux petites sous ou intramuqueuses. En traitant de la digestion, nous avons suffisamment exposé ce qui se rapporte à la sécrétion salivaire et à ses produits. SÉCEÉTIOX BILIAIRE. L'organe sécréteur de la bile paraît être la première glande distincte chez les animaux inférieurs, celle qui prend le plus de développement, et arrive parmi les vertébrés au plus haut degré de complication. Dans le principe, le foie est constitué par des cellules plus ou moins volumi- neuses, diversement colorées, fixées à la surface interne du tube digestif, surtout à la partie dilatée qui tient lieu d'estomac, et dans les parties qui suivent. Ces cellules, pleines du fluide biliaire qu'elles ont élaboré, le laissent échapper peu à peu dans la cavité digestive, soit en se rupturant, comme divers auteurs le pensent, soit tout sim.plement par une sorte de transsudation. C'est ainsi qu'elles se présentent chez les hydres, les planaires, et quelques annélides. Chez les animaux plus complexes, il se développe sur les côtés du tube digestif n 812 DES SÉCRÉTIONS. des conduits plus ou moins fins, simples ou ramifiés, à la face interne desquels se trouve une couche de cellules hépatiques colorées, de même nature que celles qui tapissent une partie de la cavité digestive des animaux les plus inférieurs. Ces cellules versent d'abord leur contenu dans les tubes qui, à leur tour, le conduisent dans l'estomac ou dans l'intestin. Le nombre, la situation, la forme, les rapports, le mode et le lieu d'insertion des tubes hépatiques, offrent une foule de variétés. Ils sont arborescents dans la plupart des insectes, disposés en grappes dans les astéries, irrégulièrement étalés sur l'intestin dans divers articulés, groupés en faisceaux chez les écrevisses, étalés en réseau autour de l'estomac des annélides, ou enfin, rassemblés en une petite masse chez les scorpions. Ce deuxième état conduit tout natuqellement à la forme compliquée que prend le foie des mol- lusques et des vertébrés. Dans ces derniers, l'organe hépatique se présente sous l'aspect d'une masse volumineuse, compacte, qui semble résulter delà réunion de petites granulations formées elles-mêmes par des cellules, des canaux excréteurs, des vaisseaux de divers genres, des nerfs et du tissu cellulaire; mais, en dernière analyse, la com- position du foie peut être ramenée aux éléments essentiels qui le forment pri- mitivement. 0- FiG. 204. — Cellules et canalicules hépatiques ('). Les cellules hépatiques, pourvues d'un noyau et d'un nucléole, sont inégale- ment polygonales, serrées les unes contre les autres, disposées en réseaux ou groupées en petites séries linéaires plus ou moins sinueuses : elles contiennent des corpuscules ténus, de la graisse et les divers éléments de la bile. Suivant les uns, ces cellules seraient placées à la face interne des canalicules sécréteurs les plus déliés et leur formeraient une sorte d'épithélium ; elles disparaîtraient, pour faire place à de véritables cellules épithéliales, une fois que les canaux biliaires, devenus volumineux, sont exclusivement affectés à l'excrétion delà bile. D'après les micrographes qui partagent cette manière de voir, la membrane des (*) a, canaux les plus fins; 6, amas de cellules ; c, lacunes pour le passage des vaisseaux, d'après Kôlliker. SÉCRÉTION BILIAIRE. 813 conduits, tapissée par les cellules, est mince, transparente, homogène, et si dif- ficile à reconnaître, qu'elle a échappé aux recherches de beaucoup d'observateurs. Suivant d'autres anatomisles, Mûiler, Dujardin, Kôlliker, les cellules seraient disposées en réseaux ou en séries, mais en dehors des canalicules biliaires, et elles laisseraient entre elles des espaces libres, pour le passage de ces canalicules et pour celui des vaisseaux. D'après ce dernier, les canalicules biliaires, destinés à recevoir la bile qui s'échapperait par transsudation des cellules, prendraient naissance au milieu des réseaux cellulaires ; ils seraient seulement, à leur ori- gine et dans leurs parties les plus déliées, formés par un simple épithélium, en dehors duquel se développeraient, au niveau des parties plus larges, une tunique muqueuse, une fibreuse, et plus tard encore, une membrane musculaire. Quoi qu'il en soit, ces cellules constituent l'élément essentiel, primordial du tissu hépatique ; ce sont elles qui élaborent le fluide biliaire et le versent peu à peu dans les canalicules excréteurs. Ceux-ci, à leur origine, ont un diamètre de 2 à 6 centièmes de millimètre : ils sont constitués par une membrane très mince et s'anastomosent entre eux de manière à former un réseau, dans les mailles duquel seraient groupées les cellules hépatiques. Par suite de cette remarquable disposi- tion réticulée des canaux biliaires, analogue à celle des capillaires sanguins, le foie se présente comme le type d'une classe de glandes à part dont les canaux excréteurs, 'plus ou moins sinueux, simples ou ramifiés, se terminent tous en cul-de-sac. Les cellules hépatiques, les canalicules excréteurs, en s'associant par le moyen du tissu cellulaire aux branches afférentes et efférentes de la veine porte, c'est- à-dire aux veines sous-hépatiques, et enfin, aux divisions artérielles, forment les granulations du foie ou les lobules hépatiques. L'association de ces divers élé- ments a fait le sujet de nombreuses études micrographiques, dont les plus récentes concordent assez bien entre elles, du moins quant aux points principaux. D'après ces recherches, les branches afférentes de la veine porte, ou veines sous-hépatiques, arriveraient à la circonférence du lobule, l'entoureraieut d'un cercle dont les divisions pénétrant dans l'intérieur de ce lobule, s'y réduiraient en un réseau capillaire ; les artères, très déliées à l'extérieur du lobule, s'y per- draient bientôt, surtout sur les parois des veines et des canaux biliaires. Au centre de ce lobule, naîtrait la veine sus-hépatique, dont les radicules font suite aux ramuscules de la veine extérieure. Dans toute l'étendue de la petite masse glanduleuse se trouverait le réseau des canalicules excréteurs dont les branches deviendraient très fortes vers la circonférence. Enfin, dans les mailles du réseau des canalicules biliaires et des capillaires sanguins, seraient disséminées les cel- lules hépatiques, si l'on en croit les observateurs, qui ne les admettent pas à l'intérieur même des canaux biliaires. Le lobule, ainsi constitué, renferme tout ce que contient le foie considéré en masse ; c'est un petit foie indépendant, d'un volume et d'une forme variables, plus ou moins distinct suivant les espèces, généralement jaunâtre au centre, occupé par le réseau des canalicules biliaires, et rouge à la circonférence sur laquelle s'étalent les plus gros vaisseaux sanguins. La sécrétion, effectuée dans le tissu du foie, puise ses matériaux dans le sang de la veine porte et dans celui de l'artère hépatique, car le foie jouit du privi- 814 IiES SÉCRÉTIONS. lège de recevoir à la fois du sang veineux et du sang artériel, privilège singulier que le rein semble seul partager chez les vertébrés ovipares. La question de savoir si la sécrétion biliaire se fait aux dépens de l'un de ces sangs ou aux dépens des deux, a été depuis longtemps, et est encore actuellement le sujet de vaines disputes parmi les physiologistes ; elle peut être résolue maintenant sans difficulté, d'après les connaissances précises que la science possède sur le mode suivant lequel les matériaux du sang sont distribués aux tissus pour leur nutri- tion ou leurs sécrétions; enfin, elle peut l'être, dans certaines limites, par la voie expérimentale. D'abord, l'artère hépatique fournit incontestablement une partie des éléments de la bile, mais elle ne peut en fournir qu'une proportion assez minime, en raison de son faible volume. Le sang artériel qui donne les matériaux de toutes les autres sécrétions, ne se trouve placé ici dans aucune condition qui l'empêche de prendre part à la formation de la bile. Il est dans le foie distribué de la même manière que dans tous les autres organes sécréteurs ; car les petites artérioles se terminent par des capillaires dans les lobules hépatiques, et ces capillaires se continuent avec les radicules des veines sus-hépatiques. Le plasma de ces capil- laires s'échappe à travers leurs parois, comme il le fait dans les autres glandes ; il baigne de toutes parts les cellules et les parties les plus déliées des canalicules excréteurs ; il imprègne les parois des cellules et des canaux qui l'élaborent et forment à ses dépens le fluide biliaire. Ce plasma a dans le foie la composition et les propriétés qu'il possède ailleurs, il se mêle à celui qui vient de la veine porte et se trouve employé en même temps que ce dernier à la sécrétion biliaire. Ces propositions sont tellement évidentes qu'elles n'exigent pas de démonstration directe ; mais celle-ci est donnée par les anomalies dans lesquelles le sang arté- riel seul se distribue au foie. Plusieurs fois on a vu, en effet, la veine porte se terminer dans la veine cave* sans traverser le foie. Le cas le plus remarquable de ce genre a été observé, par Abernelhy, chez une petite fille de dix mois, sur laquelle la veine porte s'ouvrait dans la veine cave postérieure près des émul- gentes ; la vésicule biliaire renfermait de la bile, et le contenu de l'intestin était teint en jaune. J'ai essayé de reproduire expérimentalement l'anomalie que je viens de rappeler ; car la ligature de la veine porte, s'opposant au retour vers le cœur de tout le sang apporté dans les viscères digestifs, est promptement mor- telle. Dans ce but, j'ai lié le tronc de la veine porte, puis adapté à ce tronc, immé- diatement en arrière de la ligature, l'une des extrémités d'un tube recourbé, dont l'autre s'abouchait dans l'une des veines émulgentes du côté de la veine cave. Les trois chiens sur lesquels l'expérience a été pratiquée n'ont guère vécu plus d'une heure et demie, soit que le tube ne fût pas assez large et ne s'entre- tînt pas parfaitement libre, soit que le tronc de la veine cave postérieure ne pût à lui seul donner intégralement passage au sang qu'il charrie et à celui du système de la veine porte. Mais le brusque changement apporté dans la vitalité du foie par la suspension subite de la circulation veineuse, a arrêté la sécrétion : le petit appareil fixé au canal cholédoque n'a reçu, pendant le temps qui s'est écoulé depuis la ligature de la veine porte, que quelques gouttes de bile qui peut-être se trouvaient déjà dans les canaux au moment de Topérationj et qui ne pouvaient SÉCRÉTION BILIAIRE. >^15 venir de la vésicule dont le col avait été préalablement lié. Un tel résultat ne prouve rien contre la participation du sang de l'artère hépatique à la sécrétion i)iliaire ; il n'ôte rien non plus à la vraisemblance de l'exception signalée par Abernetliy, car dans ces deux cas, semblables en apparence, les conditions sont loin d'être identiques : dans le premier, qui dérive d'une aberration de développement, l'artère hépatique a pris peu à peu un volume proportionnel à celui du foie; dans le second, produit brusquement et compatible seulement pendant quelques instants avec la vie, le foie éprouve une soustraction brusque d'une énorme quantité de sang que l'artère ne peut fournir seule, en raison de son petit calibre. Quant à la veine porte elle donne aussi, incontestablement, une partie, et la plus grande, des matériaux de la bile, car elle distribue au foie une quantité de sang égale à celle que les artères gastrique, splénique et intestinales envoient aux viscères digestifs. Elle se ramifie dans le tissu du foie de la même manière que l'artère hépatique ; ses branches atférentes donnent naissanceà un système capil- laire, auquel succèdent les veines sus-hépatiques qui vont se jeter dans le tronc de la veine cave à son passage dans la scissure antérieure ; le plasma qui s'échappe de ses capillaires baigne les cellules et les tubes excréteurs ; il se mêle avec celui qui provient des divisions dernières de l'artère hépatique ; il est employé là indis- tinctement avec le dernier, mais en plus forte proportion, parce qu'il est le plus abondant et parce qu"il renferme une plus grande somme de principes propres à la formation de la bile. L'expérience démontre d'ailleurs clairement laparticipation du sang delà veine porte à la production de la bile, et cela de deux manières : ou par les effets de la ligature, soit de la veine, soit de l'artère hépatique. Ainsi, d'une part, la ligature de la veine porte suspend tout à fait ou à peu près la sécrétion de la bile. Simon a vu cette suspension se produire immédiatement sur les pigeons. Je l'ai vue aussi moi-même à peu près complète sur des chiens dont j'avais lié simplement la veine porte, ou sur d'autres, chez lesquels j'avais fait passer dans la veine cave, par l'une des émulgentes, le sang delà porte, car dans les deux cas les animaux peuvent vivre une heure, une heure et demie et quelquefois plus à la suite de l'opération ; la fistule établie au canal cholédoque, après la ligature préalable du col de la vésicule, ne donnait alors que quelques gouttes de bile. D'autre part, lorsque le sang de la veine porte est seul distribué au foie, l'artère hépatique étant liée, il entretient parfaitement la sécrétion. Malpighi, le premier, a cons- taté ce fait; Simon l'a reproduit récemment sur des pigeons, et j'ai pu, à mon tour, en reconnaître l'exactitude sur le cheval ; j'ai vu la sécrétion continuer pendant douze heures et jusqu'au moment de la mort, sur un cheval auquel j'avais lié l'artère près de son origine et ensuite près de son immergence dans le foie, alin qu'elle ne put rien recevoir par l'intermédiaire de ses anastomoses^ Une sonde adaptée au canal cholédoque et amenée hors de l'abdomen laissait couler, sous mes yeux, le fluide produit uniquement aux dépens du sang de la veine porte. Dès l'instant que la sécrétion de la bile cesse, ou à peu près, quand la veine porte ne donne plus de sang au foie et qu'elle continue, lorsque le sang de cette 816 DES SÉCRÉTIONS. veine seul y est distribué, il est clair qu'il prend part à la sécrétion, comme le professent, du reste, Bérard et tous les physiologistes judicieux. Ce sang y con- tribue beaucoup plus que celui de l'artère hépatique, et parce qu'il est en plus forte proportion que ce dernier, et parce qu'il a une composition mieux appro- priée à la constitution de la bile. Ce sang, qui a été chargé par l'absorption gastrique et intestinale d'une foule de matières hétérogènes, n'arrive au cœur et au poumon qu'après avoir traversé le système vasculaire du foie, où il éprouve une filtration d'une espèce particulière, une dépuration plus ou moins complète. Le foie semble placé là comme une barrière sur la voie que prennent les matières étrangères pour parvenir au foyer de la sanguillcalion : il opère parmi elles une espèce de triage et les modifie peu à peu, puis les élimine sous forme de bile. On pourrait juger du changement que le foie a fait subir au sang de la veine porte, si les chimistes avaient examiné comparativement le sang qui pénètre dans cet organe et celui qui en sort; malheureusement l'attention n'a pas encore été bien fixée sur ce point. Simon a trouvé dans le sang de la veine porte du cheval un peu moins d'eau, de fibrine que dans le sang artériel du même soli- pède; il y a trouvé plus de graisse, plus d'albumine, de matière colorante, de matières extractives et de sels, comme le montre l'analyse suivante ; Sanfj de la veine porte. Sang artériel. Eau 724,972 760,084 Résidu solide 257,020 239,952 Fibrine 8,370 11,200 Graisse 3,086 1,856 Albumine 92,400 78,880 Hématosine 6,600 4,827 Matières exli'actives et sels. 11,880 6,960 M. Lehmann ' a analysé comparativement le sang de la veine porte des chevaux et des chiens à son entrée dans le foie et celui qui sort de cet organe par les veines sus-hépatiques ; il a trouvé que le sang, après avoir traversé le foie, a perdu toute sa fibrine, une partie de son albumine, de sa matière colo- rante, de son fer et de sa graisse; en revanche, ce sang aurait plus de globules blancs, de globules rouges et de matières extractives. Ces différences, fort remar- quables, n'ont pas la signification que leur attribue le chimiste allemand. Elles résultent en partie des conditions dans lesquelles on a recueilli le sang, après l'application de ligatures qui l'ont obligé à stagner dans le foie. Si réellement le sang de la veine porte a 141 millièmes de globules pendant que le sang sus- hépatique en contient 317, la différence peut être non absolue, mais relative à la proportion d'eau, car le premier sang en a donné 770 millièmes, le second 680. D'autre part, si le sang sus-hépatique ne donne pas de fibrine, il n'en renferme pas moins une grande quantité de plasmine qui se précipite par le chlorure de sodium et se redissout dans l'eau pour se précipiter de nouveau par le sulfate de magnésie; seulement cette plasmine est peu susceptible de se dédoubler et 1. Lehmann, Comptes [rendus des séances de V Académie des sciences, 12 mars 1855. — Cl. Bernard, Leçons de physiologie eipérimentale . Paris, 1855, p. 462 et suiv. SÉCRKTION BILIAIRE, 817 ne donne qiit' de la libiine liquide. D'ailleurs, si l'on opère rapidement, sans le secours de ligatures, on trouve, comme je l'ai constaté souvent sur divers animaux, que le sang sus-hépatique se coagule presque aussi bien que celui des autres veines. Quoi qu'il en soit, I^hmann conclut de ses analyses que la librine est employée dans le foie à la Ibrmatioii du sucre, et la matière colorante à la production de la bile. Le mécanisme du travail formateur de la bile est un point encore très difiicile àéclaircir, malgré les découvertes dont la micrographie et l'analyse chimique ont enrichi la science. D'abord on ne sait pas positivement si ce sont à la fois les cellules et les canalicules biliaires qui sécrètent ce liquide, ou si ce rôle n'appartient qu'à l'un des deux éléments du tissu hépatique : ensuite on ignore si ces cellules, dont la part cipation au travail sécréteur est indubitable, se détruisent à mesure qu'elles se remplissent pour être remplacées par des cellules nouvelles, ou bien si, étant persistantes, elles laissent simplement exsudera travers leurs parois le fluide qu'elles ont élaboré. Dans l'hypothèse où les cellules du foie des animaux supérieurs seraient placées à la face interne des canalicules biliaires, comme elles le sont chez les animaux inférieurs, à la face interne des tubes ou des cœcums biliaires, il est rationnel d'admettre que les parois des canaux séparent un fluide plastique, et Texhalentà leur intérieur. Aux dépens de ce plasma s'organiseraient des cellules qui se rempliraient de liquide, et, par suite de leur action propre, transforme- raient celui-ci en bile: ces cellules, arrivées à leur maturité, entreraient en dis- solution, laisseraient échapper leur contenu, et à leur place se développeraient des cellules nouvelles destinées à se détruire à leur tour. Les choses se passeraient ainsi dans le foie, comme elles se passent évidemment, d'après les observations de Henle et d'autres micrographes, dans les testicules et certaines glandes sébacées, par exemple. De cette manière, la sécrétion serait dans les animaux les plus parfaits ce qu'elle est, suivant Goodsir, dans les animaux inférieurs. Si, au contraire, les cellules sont en dehors des canalicules et en rapport seu- lement avec la surface extérieure de ceux-ci, il semble plus logique d'admettre. avec Kolliker, que ces cellules, baignées de toutes parts par le plasma épanché hors des vaisseaux, attirent, en vertu d'une sorte d'aflinité élective spéciale, les éléments de la bile qu'elles moditient pour les laisser échapper ensuite par une sorte de transsudation dans les canalicules les plus déliés, d'où ils sont portés peu à peu vers le canal excréteur principal. Alors les mêmes cellules perma- nentes formeraient continuellement de la bile et en laisseraient échapper aussi d'une manière incessante. Il faut espérer que les progrès ultérieurs de la science ne tarderont pas à dire auquel de ces deux modes on doit rapporter le travail formateur de la bile. Quel que puisse être son mode, la sécrétion biliaire a des caractères particu- liers, une physionomie spéciale qui la rapprochent des sécrétions dépuratives. Le premier de ces caractères est sa continuité : la formation de la bile est inces- sante. Déjà, pendant la vie fœtale et à partir d'une époque assez rapprochée de la conception, le foie entre en exercice; il continue à agir sans aucune interruption dans les conditions les plus diverses. Sa sécrétion n'augmente pas considéra- G. coLi.N. — rhysiul. corap., 3*^ éiit. II. — ôi 818 DES SÉCRÉTIONS. blement pendant la digestion gastrique on intestinale; elle conseive une grande activité pendant l'abstinence, persiste jusqu'aux derniers moments de la \iecliez les animaux iiianitiés; elle s'entretient pendant les vives douleurs de la conges- tion intestinale et delà péritonite, qui se développent surtout chez les solipèdes, à la suite des délabrements que nécessite l'établissement d'une listule biliaire; enlln elle ne cesse pas, même quand le foie prend part à la vive irritation de tous les viscères intestinaux. Cette sécrétion est lente et peu abondante relativement au voluuie énorme du foie, qui représente en moyenne de la soixante-quinzième à la quatre-vingt- cinquième partie du corps dans le cheval, de la trente-cinquième à la quarantième partie dans le chien; elle l'est peu aussi relativement à la masse de sang qui traverse ce viscère : la parotide, dont le tissu est moins vasculaire que celui du foie, sécrète en une heure, pendant le repas, dix fois son poids de salive, tandis qu'en vingt-quatre heures le foie produit tout au plus un poids de bile de une à deux fois égal au sien propre. Ce dernier organe, s'il avait une sécrétion propor- tionnellement aussi active que les parotides, donnerait de 120 à 240 lois autant de bile qu'il en fabri(|ue réellement. Une telle lenteur indique sans aucun doute que la bile ne se forme que par une longue élaboration, et elle se concilie très bien avec le fait connu depuis longtemps, du long séjour dans le tissu hépatique des poisons et des substances étrangères qui y ont été apportées par les vais- seaux. On conçoit parfaitement, du reste, qu'un fluide aussi complexe que la bile, demande pour sa préparation un temps plus long que beaucoup de produits qui renferment seulement de l'eau, quelques sels et certains principes du sang. La continuité de la sécrétion biliaire, l'abondance de son produit pendant les intervalles de la digestion, même chez les animaux ot!i l'absence de vésicule empêche que ce fluide soit mis en dépôt pour s'écouler lors du travail digestif; la persistance de cette sécrétion pendant l'abstinence prolongée et pendant le cours des maladies, lui donnent la physionomie d'une sécrétion dépurative. Aussi, plusieurs physiologistes ont-ils considéré la bile comme un produit pure- ment excrémenlitiel et sans aucune utilité pour la digestion. Blondiot ' a sur- tout défendu cette idée en s'appuyant le premier sur des expériences ingénieuses ; mais ce savant, trop préoccupé du rôle important que la sécrétion biliaire joue relativement à la dépuration du sang, a un peu négligé la part, encore très obscure il est vrai, que la bile doit prendre au travail de la digestion intestinale. Les modilications que peut présenter la sécrétion biliaire, quant à ses carac- tères, aux propriétés et à la composition de son produit, sont encore peu connues, faute d'études expérimentales tentées sur divers animaux et d'analyses compara- tives. Les modifications relatives au mode de sécrétion, si elles peuvent être nombreuses dans les diverses classes d'animaux, le sont très peu parmi nos espèces domestiques, si j'en juge par les expériences que j'ai pu exécuter sur le 1. Blondiot, Traité analytique de la digestion cojixidérée particulièrement dans l'homme et dans les animaux vetHébrés. Paris, 184a. — Essai sur les fonctions du foie et de ses annexes. Paris, 1846. — Inutilité de la bile dans lu digestion. Paris, 1851. — Recherches sur la digestioyi des matières grasses. (Thèse de la Faculté des sciences de Paris, 18.55). SKGRÉÏION BlUAIKE. 819 cheval, l'une, le taureau, le veau, le bélier, le porc et le chien, car chez tuus la sécrétion e.-^t continue, sans oscillations bien sensibles dans les diflërentes condi- tions physiologiques. Un pense généralement que cette sécrétion est plus abon- dante en été qu'en hiver, plus dans les climats chauds que dans les pays froids ; quelques auteurs la disent accrue par la nourriture animale, l'usage des substances grasses ou résineuses. La bile m'a paru d'autant plus épaisse et plus visqueuse, que la sécrétion se trouvait moins abondante; sa couleur est vert-olive chez le cheval et le bœuf, d'un vert teinture d'iode chez le porc, d'un beau vert d'érae- raude chez le mouton. Gnielin a trouvé proportionnellement plus de sucre que de résine dans la bile du chien comparée à celle du cheval. Celle des poissons contient, d'après le même chimiste, beaucoup de parties fixes, beaucoup de mucus et pas de graisse; celle d'un serpent indien, examinée par Berzelius, ne contenait pas de mucus ni de cliolestérine. Dans quelques cas, la bile se charge des substances étrangères injectées dans les veines ou de celles que l'absorption puise dans l'estomac, l'intestin, etc. C'est ainsi que Tiedemann, Gmelin et Jacobson y ont retrouvé le cyanure ferrico-potassique administré par des voies diverses, observation que nous avons faite aussi sur le cheval. H. Bouley et moi, dans des circonstances où une très petite quantité de ce sel avait pu pénétrer dans le tor- rent circulatoire. Une tache bleue apparaissait quand on versait sur la muqueuse du canal cholédoque une goutte de persulfate de fer. Il est probable qu'on aurait trouvé dans la bile aussi bien que dans l'urine un grand nombre de substances accidentellement introduites dans Féconomie, si la composition compliquée et les propriétés de ce fluide ne rendaient la présence de ces substances très difficile à déceler. Je suis persuadé que le foie, placé sur la route que suivent les matières si hétérogènes puisées dans l'appareil digestif pour se rendre au foyer de l'héma- tose, arrête, sinon en totalité, du moins en partie, un grand nombre d'entre elles et les élimine avec la bile, soit en nature, soit après les avoir plus ou moins transformées. Il paraît tr^s probable que la matière colorante jaune du sérum du sang, de la lymphe, de la sérosité des séreuses, de la synovie, est simplement séparée du sang par le foie, qui l'élimine avec la bile ; il semble aussi que cette matière colorante jaune, qui probablement donne naissance à celle de la bile, peut, quand'elie n'est plus séparée par le foie malade, devenir prédominante, se déposer dans les tissus, et donner naissance à l'ictère. L'influence du système nerveux sur la sécrétion biliaire n'est pas encore bien déterminée. Comme elle est exercée par les nerfs ganglionnaires et les filets du pneumogastrique, qui pénètrent pour la plupart dans le tissu du foie en enlaçant l'artère hépatique, il est rationnel de croire que la section des nerfs vagues, d'une part, et d'autre part lapplication d'une ligature très serrée sur l'artère hépatique et sur son plexus ganglionnaire, peuvent éteindre, sinon complètement, du moins en très grande partie, l'action excitatrice de ces nerfs. C'est dans cette vue que j'ai réséqué les vagues sur plusieurs chevaux auxquels j'avais pratiqué la trachéotomie et établi une fistule au canal cholédoque, tandis que sur un autre j'ai placé, en outre, sur l'artère hépatique, deux ligatures très serrées, à quelques centimètres de distance, afin de priver les nerfs du plexus hépatique de leur action conductrice^ Or, dans le premier cas, où l'influence des nerfs 820 BES SÉCRÉTIONS. vagues était seule éteinte, je n'ai pas remarqué que la sécrétion biliaire fût sen- siblement moins abondante qu'elle ne l'est d'habitude sur les sujets à listules; dans le second, où l'influence des vagues et des nerfs ganglionnaires était à la fois annihilée, la sécrétion a également continué; mais, dans cette dernière cir- constance, les nerfs très fins qui entourent la veine porte pouvaient suffire au travail sécréteur de la glande. La bile, indépendamment de ses usages relatifs à la digestion, paraît jouer un grand rôle en ce qui concerne la dépuration du sang et l'entretien de la chaleur animale. Ce fluide, que Liebig considère comme dérivé, chez les herbivores et les omnivores, des principes non azotés, tels que la fécule, le sucre, les graisses, et d'une matière azotée protéique des aliments, du sang ou des tissus transfor- més, contient des produits très carbonés associés à de la soude. A mesure qu'elle est versée dans l'intestin, elle se mêle aux divers fluides que contient cet organe, et s'étale sur une immense surface qui en opère peu à peu l'absorption. Une fois revenue dans le torrent circulatoire, elle y serait insensiblement brûlée pour l'en- tretien de la chaleur animale; son carbone serait rejeté par la peau et les voies pulmonaires sous forme d'acide carbonique, et son hydrogène formerait de l'eau destinée à être éliminée par les même voies. Un tel rôle dévolu à la bile semble, à première vue, peu conciliable avec ce qu'on sait sur le mode d'élimination des produits des sécrétions dépuratives. L'esprit éprouve quelque répugnance à admettre qu'un fluide à composition très compliquée, et sécrété très lentement, soit destiné à rentrer dans la masse du sang dont il provient, pour être consumé peu à peu, notamment dans les systèmes capillaires. Cependant, à y bien réfléchir, on voit qu'en principe la résorption progressive de la bile qui s'étale sur l'immense surface intestinale et sa combustion graduelle, après résorption, n'ont rien d'invraisemblable. D'ail- leurs, l'analyse chimique démontre que la bile est résorbée, sinon en totalité, du moins en très grande partie. Les excréments des carnivores, d'après le savant chimiste que je viens de citer, ne contiennent ni soude ni bile. Ces matières, de quelque espèce qu'elle proviennent, contiennent seulement un peu de chlorure de sodium et de sulfate de soude, sans trace d'aucune autre combinaison sodi- que. La soude est donc résorbée avec le reste, et plus tard, quand elle est déga- gée de sa combinaison avec les principes biliaires, s'élimine par les urines sous forme de carbonates et de phosphates. Toutefois, il reste dans les matières excré- mentitielles une petite proportion de bile qu'on a évaluée, pour l'homme, à 10 grammes en vingt-quatre heures, d'après les analyses de Berzelius; il en reste aussi une petite quantité dans celles du cheval, du bœuf et du mouton, ainsi que l'ont fait voir les recherches de plusieurs expérimentateurs. S'il en est ainsi, la bile pourrait jouer un triple rôle : servir à la digestion, à la dépuration du sang et à la combustion respiratoire. Elle serait versée à l'en- trée de l'intestin pour s'y mêler immédiatement aux matières chymifiées qui sor- tent de l'estomac, et avoir le temps d'être saisie peu à peu par les absorbants qui prennent à la fois les boissons, les matériaux du chyle, enfin, les produits des sécrétions gastrique et intestinale, dont l'office est rempli. Cependant, il est certains faits qui semblent peu favorables à l'hypothèse SÉCRÉTION BILIAIRE. 82l d'une résorption active de la Ijile. Dans ces derniers temps, on a ci-ii trouver à ce liquide des proprités toxiques très prononcées. M. Bouchard ^ a vu que 4 à 6 centimètres cubes de bile en injection intraveineuse tuent un lapin de 1 kilo- gramme. Les sels biliaires, glycocliolate et taurocholate de soude tuent à la dose de 0?%5 par kilogramme d'animal. La bilirubine, plus toxique encore, tue- rait à celle de O^'.Oo. D'après ce savant, Textrait de tissu hépatique jouit éga- lement d'une certaine toxicité. L'homme produit en un jour assez de bile pour s'intoxiquer en huit heures, si cette bile était introduite dans le système sanguin. Le foie, indépendamment du travail qui produit la bile, parait être le siè<^e d'autres opérations Sf rattachant, soit aux sécrétions, soit à la sanguitication. Les dédoublements des matières azotées desquels résulte l'urée doivent sans doute s'opéier dans cet organe, si volumineux et si vasculaire, avec une grande activité, d'une part, parce que les matériaux de ces actions chimiques \ sont apportés en grandes masses et que d'ailleurs les mêmes actions s'accomnlissent partout, même à l'origine du système chylifère. La production de l'urée, comme celle de l'acide carbonique, est un fait commun à tous les tissus. On dit même d'après Schroeder, que ce principe, ainsi que l'acide urique, peuvent être formés dans le foie aux dépens de l'ammoniaque, mais ce n'est là qu'une déduction tirée du fait des urines devenues très ammoniacales chez les oiseaux, après l'extirpa- tion du foie. C'est surtout en arrêtant les poisons minéraux, les alcaloïdes toxiques que son intervention est importante. Il fait plus, il paraît modifier, altérer, détruire certains de ces poisons, de ces alcaloïdes qu'il reçoit nécessairement en forte proportion dès qu'ils ont été introduits dans l'organisme par les voies digestives. Schiff. M. Bouchard, M. Roger- croient cette action bien certaine, parce que, disent-ils, une dose d'agent toxique, capable de tuer, si elle est injectée dans les veines, ne tue pas si elle passe par le foie, soit en y pénétrant par injection dans la veine porte, soit en y arrivant par absorption intestinale. Mais la différence d'action, dans ces deux cas,- n'implique pas nécessairement la destruction, Talté- ration des poisons portés dans le foie. Il suffit que ces agents soient retenus un certain temps dans le tissu hépatique et déversés peu à peu dans le torrent cir- culatoire pour qu'ils ne puissent plus tuer et qu'ils deviennent même inoften- sifs, car, dans ce dernier cas, ils se comportent comme s'ils étaient introduits à doses fractionnées et successives qui s'éliminent à mesure. Ce qui n'est pas déversé insensiblement dans la circulation est éliminé prQbablement avec les produits de la sécrétion biliaire. D'ailleurs, d'après divers expérimentateurs, le foie ne jouirait de la faculté de modifier ou de détruire les poisons qu'à la con- dition d'être suffisamment chargé de glycogène. Le foie n'est pas seulement un organe hématopoïétique, parce qu'il débarrasse le sang des résidus de la désassimilation. il lest encore en accumulant dans son tissu, pour un certain temps, des matières qui seraient nuisibles par leur forte proportion. Il paraît retenir momentanément, pour s'en débarrasser ensuite par 1. Ch. Bouchard, Leçons sur les auto-intoxication^. Paris, 1887. 2. Roger, Action du foie sur les poisons. 822 DES SÉCRÉTIONS. petites fractions, les matières sucrées, les albuniinoïdes, les peptones, les ma- tières grasses, un grand nombre de substances salines et minérales. Sous ce rapport, il joue le rùle de la couche de charbon sur les filtres à clarifier les liquides ou des masses de sable, de terre dans lesquelles on lait arriver les eaux dont on veut obtenir l'épuration. GLTCOGÉNIE HÉPATIQUE ET GLYCOGÉNIE GÉNÉRALE. Dans les actes de la végétation, les plantes forment, aux dépens des éléments du sol et de l'atmosphère, un grand nombre de principes immédiats, parmi les- quels le sucre se trouve en abondance. Ce sucre, que les herbivores prennent en grande quantité avec leurs aliments, passe dans le sang avec celui qui résulte de la métamorphose des matières amylacées ; mais, de plus, il se produit dans le foie, d'après les recherches de Cl. Bernard ', une proportion notable de ce prin- cipe, aussi bien chez les carnassiers, qui n'en trouvent pas dans leurs aliments, que chez les herbivores, qui en prennent une masse souvent supérieure à celle des matières azotées. Le foie de la plupart des animaux, de l'homme, des singes, des carnassiers, des rongeurs, des ruminants, des solipèdes, des oiseaux, des reptiles, des pois- sons et des mollusques, renferme du sucre, ou du moins une matière qui se comporte comme le glucose, le sucre de lait et celui des fruits. Le décoctum de tissu hépatique filtré, brunit par l'action des alcalis, réduit le sel de cuivre du réactif cupro-potassique, dévie à droite la lumière polarisée, et enfin donne nais- sance, par la fermentation, à de l'alcool et à de l'acide carbonique. Le foie de tous les animaux contient cette matière sucrée, soit chez les carnassiers exclusi- vement nourris de chair, soit chez les herbivores pendant la vie fœtale comme pendant la vie extra-utérine, durant l'abstinence aussi bien que dans les condi- tions normales de l'alimentation. Sa quantité, soumise à quelques variations, paraît s'élever jusqu'à quatre centièmes du poids du foie, mais en général elle est de 1 1/2 à 2 pour 100 chez les mammifères et les oiseaux ; elle a été de 41?'', 87 dans le foie d'un bœuf pesant 5.300 grammes. Aucun tissu, aucun organe, ni le poumon, ni la rate, les reins, les muscles, ne donnent de matière sucrée, et aucun des fluides animaux n'en contiendrait, suivant Cl. Bernard, excepté le lait, le liquide céphalo-rachidien à l'état normal, et l'urine des diabétiques. Il y a donc dans le foie du sucre, ou une matière qui donne les réactions du glucose. Cette matière sucrée est-elle formée dans le foie même ou bien est- elle amenée à cet organe par la veine porte, qui l'aurait prise dans l'appareil digestif? C'est par les expériences suivantes que Cl. Bernard prétend démontrer que ce sucre se produit entièrement dans le foie. Des chiens nourris exclusivement de chair dépourvue de sucre pendant six à huit mois, et des oiseaux de proie pris dans leurs nids, puis nourris pendant plusieurs mois avec de la chair crue de bœuf, possèdent encore dans le foie, au 1. Cl. Bernard, Leçons de physiologie expérimentale faites on Collège de France, se- mestre d'hiver 1854-1855. Paris. 1 vol. in-S, avec figures. GLYCOGÉNIK. 823 bout de ce laps do leinps, une quantité de sucre à peu près égale à celle qui s'y trouve à l'état normal; le foie des premiers en contenait 1*'''',90, et celui des seconds ls'',5U pour 100. Ce fait remarquable suffirait donc déjà à prouver qu'il se produit du sucre dans l'économie, puisque le foie en renferme de grandes quantités, bien qu'il n'en puisse pas recevoir par l'alimentation. Il serait déraisonnable d'admettre que le sucre qui existe alors dans le tissu hépatique provient d'une alimentation antérieure, car un principe si soluble et si des- tructible ne pourrait y demeurer fixé si longtemps et en proportion si consi- dérable. De plus, et ceci est une expérience décisive, des chiens soumis pendant long- temps au régime exclusif de la chair et sacrifiés trois à quatre heures après le repas, auraient du sucre dans le sang qui sort du foie et non dans celui qui aborde à cet organe. Pour mettre le fait en évidence, M. Bernard tue l'animal en lui enfonçant un stylet dans la moelle épinière, en arrière de l'occipital, puis, par une petite incision à l'abdomen, il lie le tronc de la veine porte en arrière du foie, ouvre ensuite largement le ventre et le thorax pour appliquer une seconde ligature à la veine cave postérieure en arrière du cœur, et une semblable sur la même veine immédiatement en avant des émulgentes. Alors on recueille séparément le sang de la veine porte, en arrière de la ligature qui est appliquée sur elle, et -celui que les veines sus hépatiques versent dans la grande scissure antérieure du foie. De ces deux sangs jetés chauds sur un filtre de charbon qui les décolore, l'afférent n'exerce aucune réduction de la liqueur cupro-potassique, et par conséquent ne contient pas de traces de sucre; le sus-hépatique, au con- traire, détermine une réduction abondante et fermente lorsqu'on le met en con- tact avec la levure de bière. Donc si le sang amené au foie par la veine porte est dépourvu de sucre tandis que le sang emporté de cet organe par les veines sus- hépatiques en contient, il faut bien admettre que ce sucre vient du l'oie lui-même. La production du sucre dans le foie paraît, d'après Bernard, indépendante de la sécrétion de la bile. Au jieu de marcher parallèlement, elles semblent alterner Tune avec l'autre; l'une s'arrête, jusqu'à un certain point, lorsque l'autre jouit de toute son activité. Le chien, sur lequel on a établi une fistule biliaire à la vési- cule, après ligature préalable du canal cholédoque, donne très peu de bile pen- dant la digestion, mais la fistule en laisse écouler de granrles quantités six à sept heures après le repas, une fois la digestion entièrement achevée. Au contraire, le sucre est charrié par les veines sus-hépatiques en grande proportion trois ou quatre heures après le repas, lorsque la digestion intestinale est très active, et il y est versé en quantité de moins en moins considérable à mesure que le travail digestif se ralentit. Chez les limaces, l'espèce d'antagonisme qui semble exister entre ces deux sécrétions devient extrêmement manifeste quelque temps après le repas, et aussitôt que les aliments ont été poussés de l'estomac dans l'intestin. Alors le premier viscère se remplit peu à peu d'un liquide clair et sucré qui y est amené par le canal cholédoque ouvert tout près du pylore; puis une fois la digestion intestinale à peu près achevée, le fluide sucré versé dans l'estomac se résorbe, et le canal cholédoque laisse couler dans l'intestin un fluide brun dépourvu de sucre et présentant tous les caractères de la bile. 824 UES SÉCRÉTIONS. La production du sucre éprouve des oscillations nombreuses en rapport avec l'activité de la digestion, l'abondance ou la privation des aliments, l'état du tissu hépatique, l'état général de l'organisme et en particulier du système nerveux. Elle est très abondante chez les animaux bien nourris et pendant la digestion, diminue progressivement à mesure que la fonction devient languissante; enfin elle cesse de s'effectuer dans les trois ou quatre derniers jours qui précèdent la moi't par inanition. Il suffit de trente-six à quarante-huit heures d'abstinence pour que le foie des chiens ait perdu environ la moitié du sucre qu'il renferme dans les con- ditions ordinaires. Le foie des rats et des lapins en est privé du quatrième au huitième jour de l'abstinence, et en deux jours celui des petits oiseaux en est complètement dépourvu : mais les reptiles en conservent encore cinq à six semaines après leur dernier repas, et une marmotte engourdie, privée d'aliments depuis trente-neuf jours, en présentait encore à peu près autant qu'à l'état normal. La nature de l'alimentation influe très sensiblement sur la production du sucre dans le tissu hépatique. Des chiens, préalablement soumis à l'absti- nence, alin de débarrasser l'intestin du résidu des digestions antérieures, furent nourris les uns avec du lard et de l'axonge, les autres avec des pieds de mouton et d'autres encore avec de la fécule ; ceux qui reçurent de la graisse n'avaient dans le foie, après quelques jours de ce régime, que de 0,57 à0,88 pour 100 de sucre ; les chiens qui furent nourris avec des pieds de mouton en donnèrent de 1,33 à 1,65, enfin ceux qu'on nourrit de fécule en fournirent de 1,25 à 1,88. Les matières grasses laisseraient donc la production du sucre à peu près ce qu'elle est pendant l'abstinence ; elles ne contribueraient en rien à la formation du sucre ; mais les matières albuminoïdes seules seraient destinées à la forma- tion de ce principe. La quantité de sucre dans le foie devient plus abondante lorsqu'on irrite la moelle allongée par unepiqiîre faite vers l'origine des nerfs pneumogastriques ; elle le devient même alors à un degré tel, que le sucre ne pouvant être brûlé dans le poumon à mesure qu'il y arrive, ni détruit d'une manière quelconque, se répand dans le sang et s'élimine par les urines, comme cela arrive dans le diabète. Cette quantité diminue sous l'influence de causes très diverses. Ainsi elle devient très faible chez les lapins douze à quinze heures après la section des nerfs vagues, elle diminue rapidement pendant le cours des aflections aiguës, sur- tout de celles qui s'accompagnent d'une vive réaction fébrile, et, après la mort qui termine ces maladies, le foie est totalement dépourvu de sucre. Les opéra- tions douloureuses, les souffrances très vives ont le même résultat ; enlin le froid auquel on expose les animaux, la température très élevée, l'hyperthermie, les enduits appliqués à la surface de la peau dans le but de suspendre la trans- piration cutanée, font disparaître souvent, le sucre en quelques heures. Le sucre du foie versé dans les veines sus-hépatiques vient se mêler à celui de la veine cave postérieure, à son passage dans la scissure antérieure du foie, et de là il se rend an cœur droit, où il est mêlé à celui de toutes les parties du corps ; enfin, il est porté dans le poumon, où il se détruit par le fait de la respiration. Peut-être est-il également détruit par une fermentation donnant l'acide lactique lequel se combinerait avec la soude pour former un lactate soluble. D'après cela, GLYCOGÉNIR. 825 il est facile de comprend ir ((ue le sang pris dans les veines Iié[»aliques mêmes soit le plus sucré de tous, puis celui de la veine cave, entre le foie et le cœur, où le sang hépatique est mêlé seulement à celui des parties postérieures du corps ; enfin, celui des cavités droites du cœur, où ce sang hépatique sucré est venu se mélanger à celui des diverses parties de l'organisme. C'est, en effet, ce que l'expé- rience démontre. Suivant M. Bernard si, en général, on ne trouve de sucre qu'entre le foie et le poumon, c'est-à-dire entre l'organe qui le produit et celui qui en opère la des- truction, il arrive, dans certaines circonstances, qu'il se répand en plus ou moins grande proportion dans toute l'étendue du système vasculaire. Ainsi, quelques heures après que le travail de la digestion s'est établi, la quantité de sucre qui est versée dans la circulation étant trop considérable pour être détruite à mesure, se dissémine dans toutes les parties du système vasculaire et y persiste encore plusieurs heures après l'achèvement de la digestion. A part ces moments, il y a équilibre entre la production et la destruction : le sucre, constamment fourni par les veines hépatiques, disparaît une fois parvenu à l'organe respiratoire. Aucun fluide de sécrétion ne l'élimine, sauf le fluide céphalo-rachidien. En se formant, ce principe servirait à la production de la chaleur animale, qui, d'après M. Cl, Bernard, est plus élevée à l'abouchement des veines hépatiques dans la scissure antérieure' du foie que partout ailleurs, et aussi plus élevée dans les cavités droites du cœur que dans les cavités gauches. Il se détruirait non par une oxyda- tion ou une combustion, mais par une simple transformation en acide lactique. Chez le fœtus comme sur l'animal qui jouit d'une existence indépendante, il y a production de sucre. Dans les premiers temps de la vie utérine, à deux mois par exemple chez les veaux, il n'existe pas encore de sucre dans le foie; mais ce principe s'y trouve en quantité notable vers le quatrième ou le cin- quième mois, et en général à mi-terme dans les autres animaux. 11 y augmente à mesure qu'on s'approche de l'époque de la parturition. Le poumon elles muscles en contiennent également, mais dès les premiers temps, pour le perdre peu à peu, à mesure que le développement de ces parties avance. L'urine, les liquides de l'amnios et de l'allantoïde en renferment aussi de très bonne heure, et bien avant qu'on en trouve dans l'organe hépatique. Toutefois, la peau, le cerveau, les nerfs, les glandes, etc , en paraissent totalement dépourvus. D'après Bernard \ le sucre qu'on trouve dans le tissu du foie et dans le sang des veines sus-hépatiques serait donc produit dans cet organe, et il le serait aux dépens d'une matière spéciale appelée glycogène. Celle-ci s'obtient en traitant par l'ébuUition dans l'eau pendant trois quarts d'heure une certaine quantité de pulpe du foie. La décoction filtrée la donne, soit par l'alcool, soit par l'acide acétique cristallisable, sous forme de précipité blanc, floconneux. Cette matière glycogène se redissout dans l'eau, qu'elle rend opaline. Elle a la saveur de l'amidon, se colore en violet par l'iode, mais ne peut ni fermenter, ni réduire les liqueurs cuivriques. L'ébuUition dans les acides minéraux étendus, le contact 1. Cl. Bernard, Comptes rendus de l'Académie des scie?ices, 23 mars 1857 et 29 juin même année et [.erons .•iiir le diabète et la gUjcoçjenèse animales, 1877. 826 DES SÉCRÉTIONS. de la diastase salivaire, de la pancréatine, la transl'oiment en sucre. Pour M. Bernard, cette matière ou cet amidon animal se formerait dans le foie, puis s'y convertirait en sucre, pendant la vie, aux dépens d'un ferment fourni par les cellules hépatiques, en passant par l'état intermédiaire de dextrine. Les faits dont l'ensemble vient d'être exposé établissent qu'il y a dans le foie, suivant les moments et les conditions physiologiques, une plus ou moins grande quantité de sucre et de matière glycogène, mais ils ne prouvent pas que ces deux matières soient produites exclusivement dans cet organe. L'expérience de Moleschott qu'on cite pour prouver que tout le sucre de l'or- ganisme provient du foie a très peu de valeur. Si après l'extirpation du foie sur la grenouille on ne trouve plus de sucre dans le sang, au bout de deux ou trois semaines, la disparition de ce principe peut être attribuée à une foule de causes se rattachant à l'état pathologique qui résulte de l'opération. D'abord il est certain, malgré les dénégations réitérées de M. Bernard, que des matières sucrées ou en voie de transformation sucrée sont apportées dans le foie en proportion plus ou moins considérable par la veine porte, tant sur les herbi- vores que sur les carnassiers, au régime exclusif de la chair. M. Figuier ^ a observé, le premier, que la veine porte des chiens nourris de viande charrie du sucre pendant la digestion et qu'elle en verse, par conséquent, dans le système vasculaire du foie. Le fait est incontestable, et dès lors, en admettant qu'il se produise du sucre dans le foie, on ne peut plus aftirmer que la totalité de ce principe est produite dans cet organe. D'autre part, le sang artériel qui contient aussi du sucre va en porter une certaine proportion dans le foie. Ce sang en contient comme celui de l'ensemble des vaisseaux, sur le cheval, le mouton, le chien, dans les conditions ordinaires, même lorsque la digestion est suspendue, pendant des journées entières, sous l'influence d'une cause quelconque. Enfin, en même temps que le sang apporte du sucre au foie par diverses voies, il doit lui apporter delà dextrine, peut-être de la matière glycogène. Toutefois, comme les quantités de sucre amenées au foie sont faibles, et que les quantités qui en sortent sont énormes, tout semble indiquer qu'il s'accomplit dans cette glande un travail glycogénique très actif. Vouloir le contester, c'est lutter contre des faits dont la signification est très nette. Ce foyer glycogénique étant admis, taut-il renoncer à en chercher d'autres et à voir si la production du sucre n'est pas un phénomène général comme la pro- duction de l'urée, de l'acide carbonique et la série des dédoublements éprouvés par les matières organiques dans les différents tissus ? Loin de là. Le travail glycogénique acquiert d'autant plus d'intéi'êt qu'il se généralise davantage. Or, tous les faits semblent lui donner ce caractère de diffusion. En effet, si l'on considère un animal carnassier au régime exclusif delà chair et qui ne tire pas de sucre du dehors, nous en trouverons cependant non seule- 1. L. Figuier, Mémoire sur f origine du sucre contenu dans le foie et sur r existence normale du sucre dans le sang de V homme et des animaux {Annales des sciences natu- relles, 4° série, t. III). — Deuxième mémoire à propos de la. fonction glycogénique du foie {Comptes rendus de rAcad(hnie des sciences, 26 mars 1855). GLYCOGÉNIE. 827 ment dans le foie et dans le sang, mais encore dan? le chyle, la lymphe, la séro- sité des cavités closes, le liquide céphalo-rachidien. Ce sucre a dû prendre nais- sance dans l'organisme, puisqu'il n'y est pas entré tout formé, Une partie de ce principe a pu naître dans le fore, où une énorme quantité de liquide est apportée avec une grande masse de produits de la digestion. Voilà le foyer le plus évident et en apparence le plus actif. Dans l'intestin est un second foyer où le travail glycogénique se dessine avec une incomparable netteté. Chez l'animal carnassier, entièrement nourri de chair, même en voie de putréfaction, aucun atome de sucre n'est apporté par l'aliment, et, de plus, les moyens d'analyse les plus délicats n'en font encore découvrir aucune trace ni dans l'estomac, ni dans l'intestin ; mais dès que les produits de la digestion entrent dans les chylifères, le sucre y apparaît en grande quan- tité : il se montre tout formé dans la première goutte de chyle saisie par les vaisseaux blancs, et, à partir de ce moment, c'est un sucre achevé qui réduit les liqueurs cuivriques, qui fermente en donnant de l'acide carbonique et de l'alcool. Ce sucre ne fait jamais défaut dans le chyle ; il s'y trouve depuis l'origine des lactés jusqu'à la terminaison du canal thoracique, en deçà comme au delà des ganglions, et dans les ganglions eux-mêmes. Il ne manque pas plus chez le bouc, le bélier et le taureau nourris de viande, que chez l'animal le plus carnas- sier \ C'est ce que j'ai vu sur ces herbivores entretenus pendant plusieurs semaines de viande crue ou cuite. Aûn de permettre à l'appareil digestif de se débarrasser plus vite des résidus végétaux du régime antérieur une ouverture était établie à la panse pour en retirer le contenu dès le début de l'expérience. Le système lymphatique est un troisième foyer de la production glycosique. foyer vaste, immense, car les lymphatiques ont des racines et des réseaux dans la plupart des tissus et des organes de l'économie. La lymphe la plus pure, prise dans les vaisseaux de la tête, du cou, de l'entrée du thorax, de l'abdomen et des membres, offre du sucre, un sucre fermentescible, que rien ne distingue de celui du chyle; elle s'en charge dès les premiers moments ; elle n'en montre pas moins avant qu'après son passage à travers les ganglions ; enfin, elle en a plus que le sang de la circulation générale. En présence de ces faits, qu'on a eu tant de peine à admettre, mais que per- sonne ne conteste plus aujourd'hui, quelles raisons invoquerait-on pour localiser 1. G. Colin. De la formation du sucre dans l'organisme {Comptes rendus del'Acad. des sciences, II juin 1855, et l^e édition de ce livre, t. II, p. 466). — De la formation du sucre dans l'intestin et de son absorption parles chylifères (Bull, de l'Acad. cleméd., 1" avril 1856, et Moniteur des hôpitaux, même année). — Sur l'origine du sucre du chyle 'Comptes rendus de VAcad. des sciences. 28 juin 1858. et Jownal de Vanatomie et de la physiol. des animaux.. — De la glycogénie animale dans ses rapports avec la pro- duction et la destruction de la graisse [Comptes rendus de VAcad. des sciences, 10 dé-- cembre 1859). — Recherches sur la glycogénie du fœtus [Comptes rendus. 2 avril 1860). — De la production du sucre dans ses rapports avec la résorption de la graisse et la chaleiir animale pendant l'abstinence et Ihibomation {Cotnptes rendus de l' Académie des sciences, 5 novembre 1860). — Sur la production du sucre chez les animaux à foie gras [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 15 avril 1861). — Nouveau coup d'ceil sur les phénomènes de lo glycogénie animale f Recueil de médecine vétér., 1863, p. 8.50). 828 DES SÉCRÉTIONS. dans un seul organe de formation d'un produit combustible si universellement répandu ! La ligne de circonvallation que l'on a tracée autour du foie est imagi- naire. 11 est antiphilosophique, et contraire à toutes les données de la chimie organique moderne et de la physiologie, de vouloir confiner au sein d'un organe une mutation de matière aussi simple que celle d'où résulte le sucre : c'est comme si l'on voulait localiser dans une partie quelconque la métamorphose des matières protéiques en fibrine, en albumine, la conversion de certaines matières neutres en graisse, etc. Chez les plantes, il en est, ou du moins il parait en être de même ; le sucre prend naissance en diverses parties, tantôt aux dépens des matières que l'absorp- tion vient de saisir, tantôt aux dépens de celles que le travail de la nutrition ou de la sécrétion a déposées en divers organes. Si, en effet, au printemps, alors que la vigne n'a encore aucune partie verte, je fais une entaille à un cep, les pleurs de cette entaille, c'est-à-dire la sève ascendante qu'elle verse en dehors est sucrée, et elle ne l'est pas moins au niveau du sol, tout près du collet de la racine, que dans les parties les plus élevées. Le sucre est là un produit de l'ab- sorption qui ne préexistait pas dans le sol, un produit qui se constitue avec la sève aussitôt que les éléments de celle-ci passent dans le système chylifère du végétal, à peu près comme le sucre qui ne préexistait pas dans l'aliment de l'in- testin s'est constitué à l'origine des vaisseaux lactés. C'est là, pour le dire en passant, un des nombreux traits d'analogie que l'expérimentation moderne fait découvrir entre les actions élémentaires de la vie animale et celles de la vie des plantes. En présence de cette détermination du travail glycogénique, on peut se deman- der s'il n'est pas en relation avec des mutations qui porteraient sur des matières présentes partout et ayant, comme la graisse, une composition analogue à celle du sucre. Lorsque je commençai à étudier les effets de l'abstinence sur la production et la destruction du sucre, je fus surpris de voir que, parmi les animaux placés dans des conditions en apparence identiques et soumis à un jeîine d'égale durée, les uns avaient le sang, la lymphe et le tissu du foie très sucrés, tandis que les autres n'offraient plus, dans ces liquides et dans ce tissu, que des traces de glycose. En cherchant la raison de ce contraste si frappant, je remarquai bien vite que les sujets qui conservaient leur sucre pendant une abstinence prolongée étaient les animaux gras ou ceux qui, sans avoir de l'embonpoint, offraient encore une notable provision de graisse interstitielle ; tandis que les sujets sans sucre étaient les animaux maigres, dépourvus de graisse dans les interstices musculaires et dans les cavités splanchniques.Ce fait si remarquable me fit soup- çonner des rapports intimes entre les phénomènes glycogéniques et ceux de la production ou de la destruction de la graisse. Je soumis à une abstinence com- plète chiens, chats, herbivores, et j'obtins constamment les mêmes résultats. Chez les animaux pourvus de graisse, le sang, la lymphe et le foie se montrèrent toujours chargés de sucre ; la température se maintint à son degré normal, ou à peu de chose près, et la privation d'aliments put être supportée pendant un temps très long. Au contraire, chez les animaux sans graisse, le sucre disparut GLYC.OGÉNIE. 829 vite du sang, de la lymphe et du foie, la températuœ descendit non moins vite à un degré assez faible, et la mort fut inliniment plus prompte. Voici, du reste les détails de ces résultats dans toute leur simplicité. Une fois connus, il ne me sera pas nécessaire d'entrer dans de longs développements pour mettre en évidence l'intime connexité qui existe entre les fonctions du tissu adi- peux et les phénomènes glycogéniqucs ; on jugera si, d'après ces faits et d'après ce qui se passe pendant l'engourdissement hiliornal de certains animaux, la graisse, qui est un dérivé de la fécule et du sucre, ne peut pas à son tour, pour les besoins de la respiration et l'entretien delà chaleur animale, revenir plus tard à sa première forme, celle de matière sucrée. Commençons par ce qui arrive chez les sujets maigres. Les herbivores, qui passent aisément de l'embonpoint à la maigreur, nous donnent un excellent terme de comparaison. Les chevaux, surtout ceux d'un âge avancé, qu'on a mal nourris et soumis à un travail pénible, sont fort souvent sans graisse libre, bien qu'ils aient encore le système musculaire assez développé. La graisse a disparu sous la peau, dans les interstices musculaires, sous le péritoine, dans les replis épiploïques et autour des reins; il ne reste plus que les coussi- nets de l'oreille, de la fosse temporale, ceux des articulations, des scissures du cœur et du canal rachidien ; mais le tissu de ces petites agglomérations a une teinte jaune particulière, rappelant celle de la sérosité du sang; ses cellules, gorgées d'un liquide albumineux, ne contiennent plus que des quantités minimes de principes gras devenus à peu près réfractaires à la résorption. Le foie est noir, ferme, difficile à écraser; ses cellules n'ont plus aussi qu'un peu de graisse et de sucre. Par suite de cette atrophie générale du système adipeux, l'animal n'a plus de provision en réserve, ni à titre d'aliment, ni à titre de combustible ; il est obligé de vivre uniquement des matériaux que la digestion apporte chaque jour à l'économie; sa température, sa vigueur, l'activité de ses fonctions dépen- dent de ce contingent éphémère, qui se dissipe à mesure qu'il arrive. Dans ces circonstances, le sang du cheval contient de 30 à 100 milligrammes de glycose pour 100, ou en moyenne 70 milligrammes ; le foie en a de 100 à 600 milli- grammes pour 100 grammes. C'est par exception que les chiffres des dosages s'éloignent de ceux-ci. Or, chez les chevaux placés dans de telles conditions, les phénomènes glycogé- niques se montrent, de la manière la plus nette, étroitement et exclusivement subordonnes à l'action de la digestion. A la suite d'un bon repas, surtout si les aliments sont riches en matières amylacées, la proportion de glycose augmente très sensiblement, tout à la fois dans le chyle, la lymphe, le sang et le foie; la fécule donne dans l'intestin de la dextrine et du sucre, tant aux veines mésara'i- ques qu'aux chylifères ; puis la dextrine apportée dans le foie continue à se trans- former en sucre. Mais si l'on met à la diète ces mêmes chevaux maigres pendant deux, trois, quatre jours, la scène change complètement : alors la petite masse de matière sucrée qui s'était introduite dans le foie et dans les fluides nutritifs, par la voie de la digestion, diminue rapidement; bientôt elle se réduit presque à rien; l'organisme se débilite; la température baisse ; et, si l'abstinence se prolonge un 830 UES SECHÉTJONS. peu, la uioit ne tarde pas à. y mettre un terme. Je me suis assuré un grand nombre de l'ois qu'après une diète de quelques jouis, il ne reste plus dans le foie de ces animaux que des traces insignifiantes de sucre. Il en est tout autrement chez les chevaux gras, ou chez ceux qui, sans avoir de l'embonpoint, ont conservé une notable quantité de graisse. Le sang renferme, pour 100 grammes, de 100 à 230 milligrammes de glycose, ou en moyenne 150 milligrammes, c'est-à-dire plus du double de ce qu'il en contenait chez les chevaux maigres. Le foie en a de 1 à 3 grammes pour 100, et jusqu'à 4 grammes et demi, comme cela arrive surtout chez les bœufs et les moutons engraissés pour la boucherie. Il peut donc y présenter de deux à quarante-cinq fois autant de matière sucrée que sur les sujets maigres dont il vient d'être question. Chez nos chevaux gras, la forte provision de glycose contenue dans le foie, le sang et la lymphe a manifestement une double origine : elle vient en partie de la digestion, en partie d'un travail intérieur lié à la présence de la graisse au sein des divers tissus et des cellules hépatiques. Ces deux sources peuvent être iso- lées, car elles sont indépendantes l'une de l'autre. Si, en effet, nous mettons à la diète un chevctl gras, le glycose cessera d"être apporté au sang, à la lymphe et au foie par la voie de l'extérieur; mais comme ce principe continuera à se produire aux dépens de la provision intérieure, sa quantité se maintiendra à un chiffre élevé, tant qu'il restera de la graisse dans les divers tissus et dans les cellules hépatiques. En voici la preuve : Un cheval de douze ans, en bonne santé et gras, fut privé de tout aliment ; on ne lui donna que de l'eau, dont la quantité fut mesurée. Il supporta cette abstinence pendant un mois entier sans que sa température, constatée tous les jours,, eût baissé d'un degré ; mais il perdit dans ce laps de temps 80 kilogrammes ou 2.666 grammes par jour. On le tua le trentième jour. A ce moment, il y avait pour 100 : 78 milligrammes de glycose dans le sang, 134 milligrammes dans la lymphe, et 1 gr. 200 milligr. dans le foie. Cet organe, qui pesait 5.300 grammes, renfermait pour toute sa masse 63 gr. 6 de glycose. Malgré une abstinence si prolongée pour un herbivore, la graisse existait encore en abondance sous la peau, dans les interstices musculaires, au bord supérieur de l'encolure, autour du cœur, dans les épiploons et les mésentères. La cavité abdominale seule en renfermait des masses pesant en somme 15 kilogrammes. Les os suintaient la graisse et une graisse ayant l'aspect qu'elle présente sur les sujets obèses. Le foie était énorme, et son tissu jaune, mou, friable comme il l'est sur les animaux très gras ; ses cellules étaient pleines encore de gouttelettes graisseuses fort dis- tinctes. Le sang, en quantité à peu près normale, était lui-même si chargé de graisse que son sérum jaune, opaque et laiteux, ressemblait au chyle bien émul- sionné des solipèdes à la mamelle. Ainsi, grâce à sa graisse, ce cheval a pu vivre un mois en conservant une vigueur qu'on n'aurait pas attendue, sa chaleur nor- male, à quelques dixièmes de degré près, une quantité de sang peu inférieure à la quantité habituelle ; enfin, beaucoup de sucre dans le sang, le double dans la lymphe, et autant dans le foie que sur bon nombre de solipèdes d'un embonpoint moyen. Cela est significatif. Il en a été de même chez les carnassiers. Sur plus de 12 chiens ou chats sou- GLYCOGÉNIE. 831 mis à une abstinence absolue, le contraste observé précédemment s'est reproduit avec toutes ses particularités. Lès sujets maigres (et ils sont, dans ces espèces, diTllciles à trouver, si ce n'est parmi les individus encore jeunes qui ont perdu leur embonpoint par suite d'af- lections catarrliales, \ermineuses ou cutanées) ne supportent guère la privation des aliments au delà de 8 à 10 jours sans se refroidir, et devenir presque exsan- gues. Au bout de ce temps, il ne reste dans leur sang que des traces de glycose ([u'on ne saurait doser. Ainsi, par exemple, sur un chat tort maigre, mais en bonne santé, la température du corps était descendue le 10'' jour à + 26° centi- grades, le sang ne conservait que de faibles traces de glycose, et le foie n'en avait plus pour toute sa masse que 92 milligrammes. Les animaux gras, au bout d'un temps double, triple, quadruple même, ont encore beaucoup de sucre, et ils possèdent une température qui est, à un degré près, leur température ordinaire. Ainsi : un chien, après une abstinence de 12 jours, avait pour 100 : 133 milligr. de glycose dans le sang, et 1 gr. 5 dans le foie. Un second, après une abstinence de 7 jours, en avait IM milligr. pour 100 dans le sang, et 2 gr. 820 dans le foie. Un chat, au bout de 11 jours, en avait dans le sang 197 milligr., et 2 gr. 261 pour iUO dans le foie. Un chien, après 13 jours, 127 milligr. dans le sang, et 1 gr, 07 pour 100 dans le foie. Un autre, après une privation d'aliments d'égale durée, 60 milligr. dans le sang, et 1 gr. 357 dans le foie. Un chat, au bout d'une période de 22 jours, 236 dans le sang, et 1 gr. 310 dans le foie. Un autre, après un jeûne de 29 jours, 139 milligr. dans le sang, et 2 gr. 794 dans le foie. Enfm, sur un dernier qui était presque à l'agonie au bout de 37 jours d'une abstinence complète d'aliments et de bois- sons, il restait 81 milligr. pour 100 de glycose dans le sang, et 326 dans le foie. Ce dernier allait, par suite de son émaciation extrême, rentrer dans la catégorie des sujets maigres. Toutes ces données n'ont-elles pas une signification bien nette? Un animal privé d'aliments est-il gras.? Avec sa graisse, il aura du sucre dans la lymphe, le sang et le foie ; sa chaleur s'entretiendra à son degré normal, et il supportera fort longtemps l'abstinence. Est-il maigre, ou réellement sans graisse, il sera sans sucre, se refroidira vite et ne pourra supporter la diète qu'un temps très court. 11 y a donc des rapports intimes et comme une sorte de filiation entre la graisse, la production du sucre, l'entretien de la chaleur animale et la faculté de supporter une longue abstinence. Ce n'est pas tout. Les phénomènes de l'engour- dissement chez certains animaux, ou ce qu'on appelle l'hibernation, reprodui- sent les mêmes résultats, sous une nouvelle forme et avec de remarquables par- ticularités. A l'époque oii commence leur sommeil, les hibernants, la marmotte, le héris- son, sont gras, et à leur réveil ils se montrent considérablement amaigris. La graisse qu'ils perdent alors sert évidemment à l'entretien de la chaleur animale. Comme leur provision serait bien vite épuisée, s'ils conservaient leur vigueur et leur température habituelles, les fonctions se ralentissent de manière à diminuer les déperditions de toutes sortes et surtout la consommation de combustible : la respiration devient très faible ; ses mouvements se réduisent à 3 ou 6 par minute, 832 DES SÉCRÉTIONS. et la cluileur intérieure descend ù 15, 20, 25 degrés au-dessous de son chillVe normal. Aussi la graisse, qui se serait brûlée en un mois ou six semaines, chez l'animal éveillé, dure-t-elle deux ou trois fois autant par le fait du ralentissement imprimé aux phénomènes respiratoires. Et pendant que celte graisse se détruit le sucre continue à se régénérer, en certaines proportions, comme on va le voir- Pour avoir un point de départ, je tuai, vers la lin de juillet, un hérisson qui venait d'être pris dans des broussailles, et qui sans doute n'était point à jeun. Cet animal pesait 680 grammes; son sang 20 grammes et son foie 33 grammes. Ce foie était rosé, mou et d'une grande friabilité. Il contenait du glycose à rai- son de 950 milligrammes pour 100 grammes. Un autre hérisson, tué le 2 mars, après avoir passé l'hiver dans un jardin d'abord, puis dans un lieu habité, mais froid, pesait, au moment de sa mort, 635 grammes, son sang 12 grammes et son l'oie il^^'o. Ce foie contenait du sucre à raison de l8'',058 pour 100. En comparant ces deux hérissons qui ont sensiblement le même poids, nous voyons que le second a moitié moins de sang et moitié moins de foie que le pre- mier. Le hérisson engourdi, en perdant par jour Is^B de son poids, usait en même temps son sang, sa graisse et les matériaux déposés dans le tissu hépa- tique ; néanmoins, à la fin de son long sommeil, son foie ne se montrait pas moins riche en sucre qu'au début ; ce principe avait dû se régénérer dans la mesure exacte de sa destruction. Voilà donc chez l'animal hibernant la reproduction fidèle de ce qui a lieu chez tous les autres pendant l'abstinence. Des deux côtés, disj)arition graduelle ou plutôt combustion lente de la graisse, atrophie progressive du foie et renouvel- lement du sucre. Tout est semblable de part et d'autre, avec une légère diffé- rence dans Tintensité des phénomènes, ou si l'on veut dans la rapidité avec laquelle ils s'accomplissent. D'autre part, chez l'animal soumis à l'abstinence ordinaire, la respiration, la circulation, les actions muculaires et la caloritication, avec leur activité ordinaire, consomment vite la graisse déposée dans les cellules hépatiques; de là Témaciation, l'épuisement rapide et la mort au bout de quel- ques semaines. D'une part, chez l'animal hibernant plongé dans la torpeur, la respiration, la circulation ralenties, les mouvements suspendus, la chaleur affai- blie n'épuisent qu'avec une extrême lenteur la provision de l'économie; la vie languissante s'entretient pendant plusieurs mois et tant que dure la saison froide. Entre les deux, l'inégalité de la dépense du combustible se traduit par la diffé- rence de température, et par celle de la durée de l'abstinence. En présence de ces faits si curieux, peut-il subsister encore quelques doutes sur la réalité de la double source du sucre animal : l'une tout extérieure dans la digestion, l'autre intérieure dans la provision de graisse des différentes parties du corps; la première apportant à l'organisme des matériaux sans cesse renou- velés, la seconde modifiant des principes que la nature a mis en réserve pour les moments de pénurie, deux sources qui se complètent l'une par Tautre, et qui se suppléent quand les besoins de l'économie l'exigent? Mais ce n'est pas assez de montrer, d'une manière générale, les phénomènes qui indiquent la production du sucre aux dépens des matières grasses; il faut GLYCOGÉNIE. 833 préciser davanUige, chercher à saisir quehjue part cette translormation, et, s'il se peut, la prendre sur le fait, dans les organes où elle s'effectue de la façon la plus évidente. Tout à l'heure, je faisais connaître les différences essentielles qui distinguent le foie de l'animal maigre de celui de l'animal plus ou moins gras ; ces différences, qui avaient passé inaperçues et auxquelles on pouvait n'attacher aucune signifi- cation, en ont pourtant une de premier ordre; c'est par elles que nous arriverons à la solution cherchée. Le foie noir et sans graisse de l'animal maigre est inca- pable de produire du sucre en dehors de l'alimentation ; le foie jaunâtre, à cel- lules gorgées de graisse de l'animal gras, donne, au contraire, du sucre jusqu'à épuisement de la matière génératrice; puis, quand celui-ci cesse de produire du sucre, il est dépouillé de sa graisse, ramené à l'état de foie noir. Deux chevaux soumis à une abstinence complète suffiront pour rendre le contraste mani- feste. Si nous considérons d'abord le cheval gras, nous trouverons dans ses cellules hépatiques deux matières très différentes, qu'un grossissement de 3 à 400 diamè- tres permet de distinguer avec la plus grande netteté, savoir : 1° de fins corpus- cules de bile tous semblables entre eux, et apparaissant sous forme de points noirs entre le noyau et les parois de la cellule; 2" des gouttelettes de graisse inégales, plus ou moins volumineuses, et surtout si pressées qu'elles semblent étouffer les atitres corpuscules. Or, de ces deux sortes d'éléments, les premiers ne font jamais défaut et ne paraissent point diminuer, tandis que les seconds s'usent peu à peu, à mesure que le foie continue à donner du sucre. Tant qu'il reste de ceux-ci, l'organe fournit de la matière sucrée ; dès l'instant que les gouttelettes disparaissent, le travail de la glycogénie hépatique s'arrête: aussi les animaux dont le foie a éprouvé la dégénérescence graisseuse donne du sucre pendant une abstinence très prolongée. Celui de notre cheval blanc, après un jeune de trente jours, en contenait encore i^%2 pour 100, c'est-à-dire 63 grammes environ pour- toute sa masse, pesant 5.300 grammes. Il en est de même pour d'autres espèces. Une oie grasse de Strasbourg, à foie hypertro- phié, donnait encore, après quarante-quatre jours d'abstinence, 3 décigrammes pour 100 de sucre hépatique. Un hérisson, après avoir passé tout l'hiver sans manger, n'en offrit pas moins qu'un individu de son espèce pris au milieu de l'été, et presque en pleine digestion. Si, d'un autre côté, nous considérons le cheval maigre, les choses se pré- sentent sous un tout autre aspect, et nous donnent la contre-épreuve de ce qui vient d'arriver. Chez celui-ci, les cellules hépatiques ont encore leur noyau avec les fins corpuscules, que l'on considère comme les matériaux de la bile; mais elles n'ont plus de gouttelettes de graisse, ou elle n'en ont qu'un très petit nombre. Or, dès que l'animal vient à jeûner, ces restes de gouttelettes s'en vont. Vingt-quatre, quarante-huit heures, ou tout au plus quelques jours, suffisent pour les faire disparaître, et tout travail glycogénique se suspend dans le foie ; il faut prendre alors des masses énormes de tissu de cette glande pour y trouver des traces de matière sucrée. Il y a donc dans le foie une relation manifeste entre la présence de la graisse G. COLIN. — Physiol. corap., 3'^ édit. II. — 53 834 DES SECRETIONS. et la production du suci'c. La cellule chargée de gouttelettes d'huile, la cellule grasse, donne du sucre en abondance ; la cellule maigre est privée de cette faculté ; la première en donne parce qu'elle renferme la matière d'où le sucre semble dériver ; la seconde n'en donne pas parce qu'elle est privée de la substance capable d'éprouver la mutation saccharine. Eh bien, si dans les cellules du foie le sucre naît en présence de la graisse; si, dans ces cellules, la graisse s'use à mesure que le sucre se produit ; si, une fois qu'elle a disparu, la cellule cesse de fabriquer ce principe, la métamorphose n'est-elle pas assez évidente pour être acceptée sans autre démonstration ? Ce que nous voyons s'accomplir dans le foie est pour nous un trait de lumière: l'analogie nous porte à le généraliser. Pourquoi la graisse du sang, celle de la lymphe, du chyle et des divers tissus de l'économie, ne pourrait-elle pas, comme celle des cellules hépatiques, donner naissance au sucre? En remontant à l'origine de la graisse qu'on trouve dans l'organisme, la transformation dont il est ici question devient plus compréhensible encore. Or, il est indubitable aujourd'hui, depuis les expériences de Persoz sur les oies, et celles de Boussingault sur de jeunes porcs, qu'une bonne partie de la graisse déposée dans les tissus résulte de la moditication des ma- tières amylacées ou sucrées ; car il s'accumule chez les animaux nourris de maïs et de pommes de terre une quantité de graisse de beaucoup supérieure à celle qui a été offerte toute formée par ces aliments. Les abeilles* que Milne- Edwards a nourries de sucre ont donné de la cire et du miel ; chez elles aussi, comme chez les mammifères ou les oiseaux, la graisse a été un produit de la transformation saccharine. Est-il donc étonnant que cette graisse, dérivée du sucre, reprenne plus tard sa première forme et redevienne du sucre ? Nulle- ment ; car, d'après l'analyse chimique, il n'y a qu'une légère différence entre ces deux principes neutres. Mais dans quel but, dira-t-on, ces formes successives des mêmes matières? Évidemment, c'est pour des besoins fonctionnels dont plusieurs sont manifestes, s'il en est quelques-uns d'insaisissables. La fécule, pour entrer dans les vaisseaux, ne doit-elle pas être soluble, et elle le devient en passant à l'état de dextrine ou de glycose ? Cette dextrine, ce glycose, ne peuvent ensuite se fixer dans les tissus, en restant à l'état de principes solubles, endosmotiques, diffusibles, car ils seraient sans cesse entraînés de tous côtés avec les liquides qui imprègnent la trame organique ou avec ceux qui circulent dans les vaisseaux. C'est pour devenir aptes à êtres mis en réserve et en dépôts ; c'est pour acquérir la faculté de se conserver indéfiniment, qu'ils se changent en acides margarique, stéarique, oléique, en glycérine, c'est-à-dire en graisse, laquelle, une fois dans les cellules closes, réunit les conditions les plus favorables aux substances susceptibles d'êtres mises en dehors du tourbillon qui entraîne continuellement les molécules de toutes sortes. Dès lors, pourquoi deviendrait-il donc plus tard impossible à ces matières de reprendre leur première forme, leur état initial, une fois qu'ar- rive pour elles le moment d'être dispersées de nouveau et utilisées à l'entretien de la chaleur animale? La graisse qui commence à brûler ne pourrait-elle donc pas donner du sucre comme les matières protéiques en brûlant donnent de GLYCOGÉNIE. 835 l'urée? Et parmi les cléments des graisses, pourquoi la glycérine, leur principe doux, ne serait-elle pas la première à subir cette transmutation? En généralisant ainsi le travail glycogénique, je n'entends pas dire que la transformation de la graisse en sucre se traduit partout d'une manière identique et qu'elle s'effectue avec une égale activité dans les diverses parties de l'orga- nisme. Il est évidemment des points où les conditions sont plus favorables à cette mutation qu'elles ne le sont dans d'autres. Le foie, qui rassemble et centra- lise les matières absorbées par le système de la veine porte : qui se gorge à chaque digestion de dextrine, de graisse puisées dans l'intestin, est admirable- ment placé sous ce rapport. Il a d'ailleurs une grande aptitude à se charger de graisse, et sa capacité de saturation pour ce principe est illimitée , tandis qu'elle est restreinte pour le sucre. Ses cellules en reçoivent tant que dure l'absorption intestinale : elles s'en remplissent même si bien qu'elle peuvent prendre chez l'homme l'aspect de cellules adipeuses, ainsi que Kolliker et d'autres micro- graphes l'ont déjà remarqué. Là, les mutations de la graisse sont liées à la sécrétion de la bile qui, comme on le sait, renferme beaucoup de matières grasses modifiées. Tout porte à croire que là aussi, comme ailleurs, elles sont dues à des phénomènes d'oxydation ou de combustion lente. Si l'oxydation est ralentie par l'inaction, pendant que le travail digestif envoie à l'organe une abondante' provision de matières, la dégénérescence graisseuse marche à grands pas, et, par suite, la production du sucre, au lieu de suivre une progression ascendante, demeure stationnaire ou semble même quelquefois diminuer ; car les oies de Strasbourg et les poulardes à foie gras n'ont souvent que o à 8 déci- grammes de sucre hépatique pour iOÛ. Mais que, dans ces conditions, ou vienne à soumettre l'animal à l'abstinence, àj activer les fonctions respiratoires, à laisser pénétrer des masses d'oxygène, la provision de graisse diminue vite, et le travail glycosique, prenant le dessus, persiste jusqu'à émaciation complète. S'il faut encore d'autres arguments pour corroborer ce qui n'est qu'une simple déduction de faits incontestables et bien nettement dessinés, je vais les emprunter au règne végétal, aux pbéuomènes ordinaires les plus simples de la vie des plantes; car, ici, l'analogie peut être légitimement invoquée par des transfor- mations d'ordre chimique. Parmi les mutations si admirables qui s'accomplissent dans les tissus élémen- taires des plantes, celles qui donnent naissance au sucre et à ses dérivés offrent plus d'un trait de ressemblance avec la genèse glycosique des animaux. Dans les végétaux, on voit le sucre, ici, se former de toutes pièces aux dépens des matières empruntées au sol; là, résulter d'une légère modification de la fécule; ailleurs, de l'altération des acides : puis, plus loin, on le voit disparaître, laissant à sa place de l'amidon, de la graisse ou d'autres principes moins répandus. Et ce qu'il y a de bien remarquable, dans ces mutations, c'est qu'elles s'accom- plissent en vue de nécessités fonctionnelles évidentes. De la fécule est emmaga- sinée dans le périsperrne ou l'amande d'un fruit; c'est un principe insoluble qui se conserverait indétiniment, un principe non susceptible d'être absorbé : le premier effet de la germination est de le saceharifier, en le rendant ainsi propre à se dissoudre dans la sève et à servir au développement de toutes les parties 836 DES SÉCRÉTIONS. de la jeune [)lante. Ainsi disparaît la vaste provision amylacée des cotylédons des légumineuses, des bulbes des liliacées, des tubercules et des racines d'une foule de plantes. Si alors de l'huile ou une graisse quelconque est associée à la fécule, elle diminue ou disparaît de même, comme on le voit dans la germi- nation de la noix, de la noisette, de l'amande, du chènevis et de toutes les graines oléagineuses. A une autre période de la végétation, celle qui suit la disparition des matières amylacées, des matières grasses, on voit le sucre prédominer et déborder de toutes parts. Dans la céréale verte, dans le maïs, dans la canne, avant la floraison et surtout avant la formation du grain, les feuilles, les tiges et toutes les autres parties sont extrêmement sucrées ; elles le sont de moins en moins à mesure que le grain commence à se remplir de fécule. La même chose arrive sous un aspect plus saisissant encore et dans des conditions semblables, sur les palmiers. Le Cocos butyracea a, d'après, Boussingault, la sève tellement sucrée, à certains moments, qu'elle se convertit en une liqueur alcoolique dont on peu recueillir jusqu'à 18 litres en vingt-quatre heures, pendant dix à quinze jours. Le bananier, si commun en Amérique, après avoir eu une sève très sucrée, produit un fruit féculent, oi!i la fécule finit par disparaître, pour être remplacée par du sucre. Et, chose plus curieuse encore, le Cocos mauritia, des savanes de l'Orénoque, donne des fruits sucrés au début, farineux un peu plus tard, et extrêmement huileux sur la fin de leur maturation. L'olive elle-même, de nos provinces méri- dionales, riche en mannite au début, perd ce principe sucré, à mesure que son huile devient prédominante. Dans tous ces cas, les principes qui disparaissent ne sont point détruits : ils sont métamorphosés. Celui qui suit résulte de la transformation de celui qui précède; car le premier venant à manquer, les autres font défaut. Le palmier auquel l'Indien a pris la sève sucrée ne donne plus de noix : la récolte du sucre a supprimé celle de l'huile. Sans doute, la question de savoir au juste quelle est ou quelles sont les matières susceptibles de se convertir en sucre est la plus difficile, et il faut se garder de la trancher sans de nouvelles recherches. Bernard avait soutenu d'abord que le sucre du foie venait directement des matières albuminoïdes ; plus tard, il a admis qu'il résultait de ces matières transformées d'abord en glycogène. M. Ch. Rouget^ pense qu'il dérive d'un principe amyloïde ou zoamyline apporté par les aliments dans l'économie, principe très abondant dans les tissus du fœtus et dans ses annexes, et capable de se déposer dans les cellules des tissus les plus divers. Quoique l'opinion de M. Rouget se rapporte à la mienne, publiée anté- rieurement, elle en diffère par la nature de la matière d'où parait provenir le sucre. Si elle s'applique sans difficulté aux herbivores et aux omnivores, elle ne s'adapte pas aussi bien aux carnassiers, dont les aliments doivent contenir bien peu de matière amyloïde, surtout, s'ils ont éprouvé un commencement de décomposition; et l'on sait que, dans ce cas, d'après mes observations, le sang et le chyle renferment encore les proportions habituelles de sucre. 1. Ch. Rouget, Journal de la pltjisioL de l'homme et des animaux^ 1859. GLTCOGÉNIE. 837 En somme, pour nous, la production du sucre a dos foyers multiples dans l'organisme. C'est une action générale comme la production de l'acide carbonique et de l'urée. Il ne peut rester d'incertitudes que sur la nature des substances qui éprouvent la mutation glycosique. J'ai, à compter de 1855, exécuté un grand nombre d'expériences et publié une série de faits qui me conduisent à cette conclusion. Les dissidences qui subsistent encore aujourd'hui relativement à la glycogénie, malgré les nombreux travaux dont elle a été l'objet portent, d'une part, sur la question de savoir si la production du sucre est exclusivement localisée dans le foie, comme le prétendait Bernard, ou si elle s'opère à la façon des oxydations, des dédoublements, etc., dans l'ensemble de l'organisme, notamment dans l'intestin, à l'origine des chylifères et dans les vaisseaux lymphatiques. Elles portent, d'autre part, sur le point de savoir aux dépens de quelles matières se forme le sucre du foie, du sang et des divers liquides où il se trouve. En ce qui concerne le premier point, l'opinion que j'ai déduite de mes expé- riences, à dater de 1835, est admise aujourd'hui par divers physiologistes, notamment par Schraidt. Ceux qui la combattent sont obligés de tomber dans des contradictions flagrantes ou de se rabattre sur des hypothèses, D'un côté, ils nient la présence du sucre dans le sang, pour montrer que ce liquide n'en apporte ptis au foie ; et de l'autre, ils en admettent dans ce liquide lorsqu'ils veulent le faire passer au chyle et à la lymphe. Ils font venir le sucre du canal thoracique des lymphatiques du foie, le sucre du chyle de la lymphe intestinale, sans s'apercevoir que si le chyle avait seulement ce qu'il peut recevoir de la lymphe il serait deux, trois ou quatre fois moins sucré que cette lymphe. D'ailleurs un argument capital, en faveur de la glycogénie chylifère ou lym- phatique, a été apporté récemment par l'histologie. M. Ranvier^ a signalé dans les globules de la lymphe la présence du glycogène, à l'état de diffusion, glycogène que le sérum iodé fait sortir de la cellule sous forme de petites gouttelettes. Ce glycogène persiste encore dans les cellules lorsqu'elles arrivent au système sanguin et qu'elles prennent le nom de globules blancs du sang. Au surplus, la présence du glycogène signalée depuis quelques années dans un grand nombre de cellules animales appartenant aux tissus les plus divers, même aux épithéliums tend à confirmer mes vues anciennes sur la production diffuse du sucre dans l'organisme. Pourquoi, en effet, le glycogène contenu dans une cellule lymphatique ou autre ne pourrait-il s'y convertir en sucre comme il le fait dans la cellule hépatique ? Sur le second point ou celui de la détermination des matières aux dépens desquelles se forme le sucre la chimie organique ne s'est pas prononcée. Les partisans de Bernard font dériver tout le sucre des matières azotées et ils s'ap- puient sur ce fait que les chiens nourris à la gélatine continuent à présenter du sucre en proportion considérable dans le foie. Suivant eux, ces matières azotées donneraient du glycogène qui, en fermentant sous l'influence d'un ferment fourni par le tissu du foie, se convertirait en glycose. Lehmann appuie celte l. Rauvier, Traité d'histologie, 1875, 188-2. 838 DES SÉCRÉTIONS. manière de voir sur ce fait, d'ailleurs contestable, que le sang, en traversant le foie, perd une grande quantité de sa fibrine. D'autres, y mettant plus de pré- cision, soutiennent que les matières azotées se dédoublent dans le foie en glyco- gène et en urée, car, dans beaucoup de cas de glycosurie, l'augmentation de l'urée marche parallèlement à celle du sucre. D'après M. Bouchard, qui s'est beaucoup occupé delà question, les matières azotées employées à la glycogénie hépatique proviendraient du travail de désas- similation des divers tissus et elles donneraient, chez un homme de poids moyen, près de deux kilogrammes de sucre, qui serait consommé intégralement par l'organisme sans s'éliminer, à l'état normal, pour une part quelconque. L'élimina- tion, par la voie urinaire, aurait lieu seulement lorsque ce sucre ne serait plus entièrement employé et transformé par les actes nutritifs et respiratoires ralentis. C'est aux chimistes surtout qu'il appartient de dire si, comment et dans quelle proportion les matières azotées peuvent se saccharilier dans l'organisme. En admettant, avec un commencement de preuves, la production du sucre aux dépens des matières azotées, on n'est point fondé à exclure de cette production les autres matières neutres, notamment les graisses. Les expériences que j'ai faites dès 1855, montrent que la production du sucre se ralentit, se restreint sur l'animal maigre, qu'elle reste très longtemps active pendant l'abstinence sur l'animal gras et qu'alors le travail glycogénique s'atténue à mesure que les gout- telettes de graisse des cellules du foie disparaissent. La graisse a une compo- sition voisine de celle du sucre ; sa glycérine est déjà presque du sucre. D'ailleurs ma théorie de la formation du sucre aux dépens des corps gras s'appuie sur un assez grand nombre de faits ; même de ceux que Bernard a cités en les interprétant autrement. Les injections d'éther dans le foie et dans l'estomac peuvent très bien activer la glycogénie par la raison que l'éther, le dissolvant par excellence des graisses, les entraîne et les offre aux tissus sous l'état le plus favorable à leur transformation. Les injections d'huile d'olives dans le foie faites plus tard par Salomon ont augmenté la proportion du glycogène. L'injection de la glycérine dans l'intestin a eu entre les mains de Veiss les mêmes résultats. Enlin Schmidt, dont les travaux indiquent une grande compétence en matière de chimie, admet aujourd'hui cette formation de sucre par dédoublement des matières grasses et il va jusqu'à en donner les formules, en outre il la consi- dère aussi comme un phénomène général, au même titre que la production de l'urée et de l'acide carbonique. Tout bien considéré la production du sucre aux dépens des graisses est, au point de vue physiologique comme au point de vue chimique, très acceptable mieux encore que cette production par les matières azotées. D'ailleurs rien ne s'oppose à ce qu'elles marchent de pair, avec une activité égale, ou avec prépondérance, soit d'un côté, soit de l'autre, suivant l'abondance des matériaux des deux espèces offerts aux tissus. La glycogénie, qu'elle soit localisée dans un certain nombre d'organes ou étendue à tout l'organisme, doit être, à un certain degré, subordonnée à l'in- fluence du système nerveux, soit directement, soit par l'intermédiaire de la circulation. SÉCRÉTION URTNAIRE. 839 L'expi'i ience. frappanlo do la proihicLioii du diabète, en quelques heures, par la piqûre du bulbe, au plancher du quatrième ventricule, a paru montrer à CI. Bernard que l'evcitation du travail glycogénique partait de cette partie du centre nerveux. iMais cette expérience n'a pas un sens bien précis. D'une part la piqûre, suivant (juelle porte sur un point un peu plus ou un peu moins élevé, donne une glycosurie faible ou intense, ou simplement une polyurie, et elle n'a pas ce résultat sur le cheval comme sur le chien ou le lapin ; d'autre part la piqûre des pédoncules cérébraux, celle des faisceaux supérieurs ou inférieurs de la moelle, la section des sciatiques, l'ahlation du ganglion cervical supérieur ou du semi-lunaire ont le même résultat, d'après Schiff, et divers autres expé- rimentateurs. D'après cela il devient diflicile de dire si ces lésions nerveuses agissent en augmentant la production du sucre ou en limitant sa destruction dans les tissus: ce qui est bien établi c'est que la glycosurie commence à compter du moment où le sang contient pour 100 grammes plus de 300 milligrammes de glycose, soit le double ou le triple de la proportion normale. L'excitation émanée du bulbe paraît se transmettre au foie par les (îlets du grand sympathique. SÉCRÉTION URINAIRE La sécrétion urinaire, l'une des plus importantes de l'économie, est destinée à l'élimination de la plupart des matières superflues que l'absorption a fait pénétrer dans le système circulatoire, et à celle des produits résultant des méta- morphoses des tissus. Les reins, qui sont chargés de cette sécrétion, paraissent avoir, dans le règne animal, une existence aussi générale que le foie, bien qu'ils ne soient pas très faciles à reconnaître parmi les classes inférieures. Ils se montrent chez les insectes sous la forme de tubes plus ou moins allongés et ouverts dans l'intes- tin, tubes dans lesquels on a trouvé de l'acide urique ; ils constituent chez beaucoup de mollusques un sac ou une poche ouverte au voisinage de l'anus ; mais c'est seulement chez les vertébrés qu'ils s'offrent à l'état de glandes com- pactes. Chez les poissons myxinoïdes, les reins ont une structure des plus simples, que Muller a fait connaître. Sur la longueur de l'uretère de ces poissons existent, de distance en distance, de petits sacs séparés par un rétrécissement d'une capsule à l'intérieur de laquelle pend une petite pelote vasculaire. Chez les autres poissons et chez les reptiles, ils sont composés de canaux déliés, plus ou moins divisés , terminés en cul-de-sac avec ou sans renflement vésiculaire. Enfm, chez les oiseaux et les mammifères, les canalicules urinifères, sinueux dans la partie corticale, droits dans la partie rayonnée du rein, sont terminés en cul-de-sac ou anastomosés entre eux à leur extrémité centrale dans la cavité du bassinet, qui est simple chez la plupart des mammifères, multiple chez ceux qui ont les reins lobules, comme le bœuf, l'éléphant, l'ours, la loutre, les phoques, les marsouins et les autres cétacés. Les vaisseaux sanguins forment dans le tissu du rein des réseaux capillaires à 840 DES SECRETIONS. mailles très fines. Dans la substance corticale, entre les sinuosités des tubes uri- nifères, ils se rassemblent en petits pelotons, sortes de réseaux admirables très déliés, qui ont depuis longtemps reçu la dénomination de corpuscules de Malpighi, lesquels sont renfermés dans une capsule membraneuse très déliée, continue aux canalicules urinifères. Fjg. 205. — Canalicules urinifères. Chez les reptiles et les poissons, les reins reçoivent, outre le sang qui leur est fourni par l'artère rénale, du sang noir provenant des parties postérieures du corps. Les veines de la queue et des extrémités postérieures, au lieu de se joindre entièrement au tronc de la \eine cave postérieure, donnent des branches qui semblent se distribuer, les unes au rein, les autres au foie, de manière à cons- tituer des veines portes rénales et hépatiques ; mais, ainsi que le pense Guvier, il pourrait bien se faire que ces divisions, au lieu d'être afférentes, fussent effé- rentes ; c'est-à-dire destinées à emmener hors du rein le sang que les artères apportent à cet organe. La sécrétion urinaire a lieu dans les canalicules urinifères ; ceux-ci commen- cent, comme Bowman l'a fait voir, par un cul-de-sac renflé ou par une vésicule qui renferme le peloton vasculaire connu sous le nom de corpuscule de Malpighi. Il en résulte que le sang apporté là donne au canalicule les matériaux de l'urine. Ce canalicule, d'abord sinueux, devient droit plus tard. Il est constitué par une membrane propre, transparente, amorphe, tapissée par un épithélium à cellules polygonales. C'est à l'extrémité renflée de ces tubes, et probablement dans toute leur étendue que les matériaux de l'urine, en partie tous formés dans le sang, SÉCRÉTION URINAIRE. 841 FiG. 206. — Glomérule rénal ('), çont extraits. Bowman pense que l'eau sort du glomérule, et que l'urée, l'acide urique, les sels passent dans les radicules des veines, de là dans les parois des canalicules, et particulièrement dans leurs cellules épithéliales, d'où un travail de dialyse et d'exosmose les verse dans la cavité des canalicules urinifères. Cette filtralion doit probablement s'opérer en bloc. Dans tous les cas, elle se fait sans que les épitliéliums se détachent ou se déchirent, car l'urine ne renferme pas d'éléments figurés, sauf quelque débris épi- ^. théliques, avec des globules muqueux. La pression sanguine a une très grande influence sur le travail de filtration. Le mode suivant lequel s'effectue la sécrétion urinaire a une grande analogie avec celui des autres sécrétions dépuratives. Cette sécrétion est continue, l'excrétion de son produit seule est intermittente. Pour s'en convaincre, il suffit, comme je l'ai fait sur le cheval, d'adapter à l'uretère, sans ouvrir le péritoine, un tube qui sort à l'extérieur à travers une plaie du flanc. On voit, par ce moyen, que l'urine s'échappe lentement et goutte à goutte, plus abondamment dans certaines circonstances que dans d'autres. La sécrétion devient très active lorsque l'absorption fait pénétrer dans le système vasculaire une grande quantité de liquide; elle diminue, au contraire, à mesure que la proportion des principes aqueux du sang devient moins consi- dérable ; cependant elle ne se suspend jamais d'une manière complète, et s'entretient même alors que les animaux sont privés d'aliments et de boissons. Comme la sécrétion biliaire, celle de l'urine a une rémittence manifeste qui est subordonnée aux époques de la digestion, de l'absorption, et à l'activité de la transpiration cutanée. Tout le monde sait qu'il y a un antagonisme remarquable entre l'action des reins et celle de la peau, que la première est plus abondante dans les saisons froides et humides, la seconde dans les saisons chaudes, et que les causes qui surexitent l'une d'elles produisent généralement sur l'autre un effet opposé. Dans les conditions qui tiennent le milieu entre ces extrêmes, cette sécrétion fournit, terme moyen, chez le cheval, de 10 à 20 litres d'urine en vingt- quatre heures, d'après les observations que j'ai pu recueillir. La sécrétion de l'urine s'effectue uniquement aux dépens du sang artériel apporté en grande quantité au rein par son artère courte et volumineuse. Les prétendues communications directes entre l'estomac et les voies urinaires n'ont jamais existé, et le reflux, dans le rein, du sang de la veine porte et de la veine cave, supposé tout récemment pour expliquer la rapidité avec laquelle les liquides sont éliminés par les urines, est une pure fiction que repoussent à la fois les notions les plus élénoentaires de la physiologie et des expériences déjà fort anciennes, expériences dans lesquelles Chirac, Helvétius, Astruc, Vestrumb, (*) a, artère glomérulaire ; b, artériole du glomérule; c, glomérule; d, artériole d'un corpuscule de Malpighi; e, réseau capillaire. 842 DES SÉCRÉTIONS. Krimer, ont vu la sécrétion urinaire se suspendre après la ligature des artères rénales. La quantité d'urine produite en vingt-quatre heures parles divers animaux est très variable. Becquerel l'a évaluée pour l'homme, terme moyen de 1 200 ù 1 300 grammes, Boussingault l'a trouvée de 7''", 2 pour la vache, et de 3 kilo- grammes pour le porc âgé de neuf mois. Sacc ' dit qu'elle s'élève de 9 à 12 kilo- grammes pour le cheval, de 7 à 9 pour le bœuf et de 0'"',9 pour le mouton. D'après Lehmann, elle serait, en vingt-quatre heures, par kilogramme du poids du corps, de 26 grammes chez l'adulte, et de 47 grammes chez l'enfant. Cette quantité, suivant mes évaluations, serait, pour le cheval, terme moyen, de 22 à 44 grammes. Les matières salines qui se trouvent dans la masse totale du liquide, pèsent, chez l'homme adulte, de 40 à 80, et chez le cheval à peu près de 108 à 133 grammes. La quantité d'urine augmente considérablement chez les herbivores mis au pâturage ou au régime du vert, comme chez ceux qui reçoivent des pulpes, des racines. Le froid qui survient brusquement, l'humidité, l'ingestion de divers sels et de la plupart des diurétiques, l'accroissent dans une proportion considé- rable. Au contraire, elle est plus ou moins réduite parles influences qui activent l'exhalation de la peau, par les maladies aiguës, la fièvre, les affections du cœur, l'irritation des reins, etc. L'urine est un liquide jaunâtre chez la plupart des animaux ; d'un jaune citron sur les solipèdes, plus pâle chez les bœufs, plus foncée chez les carnas- siers. La nature de l'alimentation et divers états de l'organisme en modifient la nuance. Son odeur a quelque chose de particulier dans chaque espèce. Elle est extrê- mement prononcée chez les carnassiers, notamment chez le chat. Quelque temps après l'extraction, elle devient généralement ammoniacale. Sa saveur est salée, amère; elle devient sucrée dans le cas de glycosurie très prononcée. Sa densité oscille généralement entre 1,014 à 1,037. Sa réaction est variable suivant les espèces et les conditions dans lesquelles se trouvent les animaux. Elle est alca- line chez les herbivores, et acide chez les carnassiers, suivant la remarque déjà ancienne de Reil et de Burdach. Chez l'homme, dans une journée, elle peut être tour à tour acide, neutre ou alcaline ; mais l'acidité s'observe en général pendant les deux tiers d'une période de vingt-quatre heures. Comme cette réaction dépend de la nature des aliments, ses variations sont réglées. L'urine de tous les jeunes mammifères est acide pendant la période de l'allaitement. Celle des herbivores, habituellement alcaline, devient acide si on les soumet à l'usage de la chair, comme je l'ai constaté sur le taureau et plusieurs petits ruminants. Elle passe à l'alcalinité chez les carnassiers dès qu'ils sont nourris de substances végétales; enfin l'urine de tous les animaux, quel que soit leur régime antérieur, est acide dès que la digestion est suspendue par la maladie ou par l'abstinence, car alors les matériaux de l'urine sont empruntés à la propre substance de l'organisme. L'alcalinité est due au bicarbonate de potasse, aux phosphates de soude et de 1. Sacc, Précis élémentaire de chimie agricole, 2* édit., p. 3i8. SECRETION URINAIRE. 843 potasse. L'ac'ulité parait tenir non à l'acide urique, qui n'agit pas sensiblement sur le papier bleu de tournesol, mais aux phosphates acides de chaux et de soude. L'ui'ine, examinée lors de son émission, est généralement transparente ; elle peut néanmoins présenter alors des cellules épithéliales, des globules de mucus, des eorps cylindriques provenant d'une desquamation des tubes urinifères, même quelquefois des globules de sang et des cryptogames. Si elle a été exposée au contact de l'air elle a pu donner un dépôt grisâtre ou rougeâtre formé par diffé- rents sels, notamment l'urate de soude, l'urate d'ammoniaque, le phosphate ammoniaco-magnésien, les carbonates et phosphates calcaires, et exhaler une odeur ammoniacale résultant d'un commencement de décomposition. Le tableau suivant donne sa composition chimique chez l'homme, le cheval, le bœuf, le veau, le porc et les carnivores : Urine de l'homme^, d'après Lehmann. Urée , 32,91 Acide urique 1 ,07 Acide lactique l,f>5 Extrait aqueux et extrait alcoolique 10,40 Lactate d'ammoniaque 1,96 Mucus 0,10 Sulfates alcalins 7,29 Phosphate de soude 3,66 Phosphates de chaux et de magnésie 1,18 Chlorure de sodium et d'ammoniaque . . 3,60 Eau 931,41 1000,00 Urine du cheval^, (Ze la vache^, du po7'c'^, d'après Boussingault. Urée Hippurate de potasse Lactates alcalins Bicarbonate de potasse Carbonate de magnésie Carbonate de chaux Sulfate de potasse Chlorure de sodium Silice Phosphate Eau et matières indéterminées. CHEVAL. VACHE. PORC. 31,0 18,5 4,9 4,7 16,5 0,0 20,1 17,2 indét. 15,5 16,1 10,7 4,2 4,7 0,9 10,8 0.6 traces. 1,2 3,6 2,0 0,7 1,5 1,3 1,0 traces. 0,1 0,0 0,0 1,0 910,8 921,3 979,1 1000,0 1000,0 1000,0 1. Régime indéterminé. 2. Trèfle vert et avoine. 3. Au régime du regain et des pommes de terre. 4. Au régime des pommes de terre cuites. 844 DES SECRETIONS, Uri77e du veau d'après Braconnot'. Urée, matière urinaire 2,36 Chlorure de potassium 3,22 Chlorure de sodium traces. Sulfate de potasse 0,44 Phosphate ammoniaco-magnésien, 0.17 Oxyde de fer, chaux, silice traces. Eau 993.80 1000,00 Urine du Lion et du tigre d'après Hieronymi. Urée, extrait alcoolique, acide lactique 132,20 Acide urique 0,22 Mucus 5,10 Sulfate de potasse 1,20 Sel ammoniaque et chlorure de sodium 1,16 Phosphate terreux 1,76 Phosphate de potasse et de soude 8,02 Phosphate d'ammoniaque 1,02 Lactate de potasse. . . .• 3,30 Eau 846,10 1000,00 La composition moyenne des urines, d'après les analyses ci-dessus et quelques antres, a été exprimée comme il suit par Is. Pierre. ÉLÉMENTS M ElOLIDE BÉLIER CHEVAL BŒUF VACHE un M ME CHÈVRE PORC \EAU Eau 891 80 26 903 •Ô.'j 40 914 55 31 914 Ti 5 31 952 35 13 982 9 9 982 5 13 994 2,5 3,5 Matières organiques Matières minérales. Des principes qui entrent dans la composition de l'urine, les uns sont com- muns à la généralité des animaux, les autres sont propres à quelques-uns d'entre eux; ce sont : l'urée, l'acide urique, des matières animales extractives et divers sels. L'urée est un des éléments les plus importants de l'urine de l'homme et d'un grand nombre d'animaux. Cette matière très azotée, cristallisable en aiguilles prismatiques, provient des mutations des matières protéiques des aliments et des tissus. Elle se forme dans les muscles et dans les autres organes, peut-être même aussi dans le sang où elle existe constamment en certaine proportion. Le rein, étranger à sa production, ne fait que l'éliminer, puisque, comme l'ont démontré Prévost et Dumas, elle existe dans le sang après l'extirpation des 1. Veau dehuit jours, allaité par la mère. SÉCRÉTION URINAIRE. 845 reins : sa quantilé y augmente dans les cas où la sécrétion urinaire devient incomplète par suite d'une dégénérescence. L'iioinme en produit, d'après Lehmann, en moyenne, 32 grammes en vingt-quatre heures. Sous l'inlluence d'un régime très azoté, sa quantité peut s'élever à 58 grammes; elle descend à 15 dans le cas où les aliments sont pauvres en azote. Néanmoins, pendant l'abstinence, elle est encore sécrétée en proportion très notable, comme Las- saigne l'a constaté sur un aliéné privé de tout aliment pendant dix-huit jours. La quantité d'urée éliminée par l'urine est proportionnelle à la masse de ce liquide. On a constaté sur l'homme et quelques animaux que, dans le cas où la quantité d'urine est doublée, celle de l'urée est accrue d'environ un tiers en sus de la proportion normale, de sorte que l'animal qui donnait 33 grammes d'urée par litre d'urine en donnera 42 avec deux litres. Frerichs a trouvé que le chien au régime mixte donne en vingt-quatre heures quatre fois autant d'urée que pen- dant l'abstinence, et six fois autant sous l'influence de l'alimentation animale. L'urée se produit assez rarement dans les maladies en proportion supérieure à la normale, mais dans beaucoup de cas, comme dans la maladie de Bright, les hydropisics, les affections dérivées de l'anémie, sa quantité est plus ou moins réduite. Elle peut augmenter 'dans les cas où les animaux viennent à recevoir certaines matières, tel que la gélatine et le sel marin. La gélatine, qui ne paraît point assimilable, se convertit totalement en urée, et le sel marin se combine avec celle-ci pour sortir par les voies urinaires. D'après M. Bouchard, dans le cas d'abstinence il y a chez l'homme, pour chaque kilogramme du poids du corps en vingt-quatre heures, élimination de 0='',20 d'urée. Avec la ration d'entretien l'élimination monte à0°'^,33, même à 0"%36. A un âge avancé il y a moins d'urée, d'après lui, qu'à l'âge adulte, moins chez les individus obèses que chez ceux d'un embonpoint moyen. En revanche chez les obèses la quantité d'acide urique augmente. Au-dessus de 26 grammes d'urée, en vingt-quatre heures, il y aurait azoturie. Certains animaux ont l'urine très pauvre en urée. M. Yvon n'en a trouvé que 8 grammes par litre dans celle de la truie. Celle du chat, au contraire, en con- tient une proportion énorme, 82 grammes par litre. Sa quantité augmente dans la morve chronique, d'après les analyses de A. Robin. Très probablement il en est ainsi dans toutes les maladies avec amaigrissement ou dénutrition exagérée. L'acide urique trouvé d'abord par Scheele dans les calculs vésicaux existe en grande quantité dans l'urine des carnivores, des animaux ovipares, et au con- traire en proportion très faible dans celle des herbivores. A l'état de pureté, cet acide est blanc, pulvérulent, inaltérable à l'air, à peu près insoluble dans l'eau, décomposable par la chaleur, qui le convertit en carbonate d'ammoniaque, cyan- hydrate de la même base et en divers produits analogues à ceux qui résultent de la décomposition des matières animales azotées. Il contient plus de carbone que l'urée, mais moins d'hydrogène et d'azote. Cet acide augmente dans les urines, d'autant plus que les animaux font un usage exclusif d'aliments azotés, et dans celles des animaux affectés de maladies inflammatoires; il apparaît en quantité notable dans les urines des herbivores soumis à l'abstinence ou nourris de subs- tances animales, dans celle des veaux pendant le régime de la lactation. Au con- 846 DES SÉCRÉTIONS. traire, d'après les analyses de M. Chevreul, il disparaît totalement, de même que les phosphates, dans l'urine des carnassiers soumis à la diète exclusivement végétale. On le rencontre à l'état de pureté ou en combinaison avec l'ammoniaque dans les calculs urinaires de l'homme et des carnivores. C'est lui qui, à l'état d'urate de chaux ou de soude, concourt à former les concrétions arthritiques de la goutte. L'acide urique se trouve habi- tuellement combiné avec la soude et se précipite quand on fait agir l'acide azotique sur l'urine. L'acide hippurique ou uro-benzoïque, dont la présence a été constatée à l'état normal dans le sang dubœuf parM. Ver- deil, se trouve dans l'urine du cheval et des autres herbivores en combinaison avec la soude. Il est blanc, peu soluble dans l'eau, cristallisable en prismes qua- drangulaires, fusible et facilement décom- posable par l'action de la chaleur. 11 contient beaucoup plus de carbone que l'urée et l'acide urique, mais il ne renferme qu'une très faible proportion d'azote. Sa production éprouve des oscillations subordonnées au travail musculaire ou à FiG 207. — Acide urique précipité par l'acide acétique (Ch. Robin). FiG. 208. — Acide hippurique (Ch. Robin). l'inaction. M. Roussin^ en a toujours trouvé beaucoup sur les chevaux qui tra- vaillent, et peu ou point sur les sujets inactifs et bien nourris. Les premiers donnent en même temps que beaucoup d'acide hippurique peu d'urée. Les che- vaux d'omnibus et de troupe après le travail et la course ont donné de 7 jusqu'à 14 grammes d'acide hippurique par litre d'urine; au contraire, il a manqué chez 1. Z. Roussin, Recueil de mémoires de médecine et de pharmacie miUlaires, 1856. SÉCRÉTION URINAIRE. 847 les chevaux de (loupe inoccupés, qui donnaient de 6 à 17 grammes d'urée par lilre. Aussi ce chimiste pense que l'activité respiratoire accrue par le travail transforme chez les solipèdes l'urée en acide hippurique. Cet acide provient aussi de la transformation d'autres matières apportées nor- malement ou accidentellement dans Torganisme, notamment de l'acide benzoïque et des benzoates des fourrages. L'huile d'amandes amères administrée au lapin, l'éther benzoïque, le baume du Pérou, au chien, ont paru lui donner naissance. L'acide hippurique a été trouvé en petite quantité dans Turine de l'homme soumis à une alimentation végétale ou mixte. La créatine et la créatinine, que l'on trouve dans le liquide des muscles et dans le sang, existent en faible proportion dans l'urine. Ces deux substances azotées, excrémentitielles, comme l'urée et ses dérivés, paraissent provenir prin- cipalement de la désassimilation du ti^^ll musculaire. Diverses matières extractives, à composition inconnue et de provenance incer- taine, se trouvent aussi dans l'urine, particulièrement dans le jeune âge, pendant les maladies et lors de l'abstinencf ou de l'inanition. Ce sont, à ce qu'il semble, des matières usées que la résorption a versées dans le sang. Les matières minérales et salines de l'urine représentent une partie considérable de ce liquide. Les sels minéraux y figurent pour 12 à 18 grammes par litre, et les sels à acides organiques pour 4 à 6 grammes. Leur proportion varie suivant les animaux et les conditions physiologiques. D'après les données rassemblées jusqu'à ce jour, c'est l'urine de cheval qui en renferme le plus, soit en tout et en moyenne 40 grammes par litre, puis dans l'ordre décroissant celle du bœuf 31, — du mouton 213. — des carnivores 15, — de l'homme, du porc 13, de la chèvre 9, — du veau 3. De tous ces sels, le chlorure de sodium est le plus abondant, il existe dans la proportion de 3 à 8 grammes sur 1 000 chez l'homme, mais seule- ment de 1 à 2 grammes chez les herbivores. Le chlorure de potassium y est éga- lement en grande quantité. Ces deux sels représentent souvent pour vingt-quatre heures 40 à 60 grammes; mais leur quantité est subordonnée à la composition des eaux et des aliments. Dans tous les cas, ce qui en entre est éliminé surtout par l'urine. Parmi les sels organiques, les lactates alcalins sont très abondants et figurent souvent, chez les grands herbivores, dans la proportion de 20 grammes pour 1 000. L'hippurate de potasse peut s'y trouver dans la proportion de 4 à 16 grammes; enfin les urates de soude dans celle de 1/2 gramme chez l'homme. Le bicarbonate de potasse est extrêmement abondant dans l'urine du cheval, de la vache et du porc, il s'y trouve dans la proportion de 10 à 16 grammes par litre, le carbonate de chauK peut chez les solipèdes arriver au chiffre de 10 grammes. Après lui se place le sulfate de potasse. Le phosphate de chaux, le phosphate de magnésie n'y sont qu'en faible proportion. Le biphosphate de soude donne au liquide sa réaction acide dans les conditions précédemment indiquées. Lorsque l'urine dépose, après son émission, son sédiment est formé par le phosphate ammoniaco-magnésien, le phosphate de chaux, le carbonate calcique et magnésien, quelquefois par divers urates, notamment l'urate d'ammoniaque. Ces dépôts peuvent présenter de la cystine en tables hexagonales, de l'oxalate de chaux en cristaux octaédriques. Ces divers sels ou quelques-uns d'entre eux 848 DES SÉCRÉTIONS. constituent les calculs du rein, des uretères, de la vessie, dont j'ai décrit ailleurs les caractères et le mode de développement chez les animaux domestiques K Divers gaz se trouvent en solution dans l'urine, en la proportion de 2 volumes 1/2 pour 100 volumes de liquide. Ces gaz sont formés de 65 centièmes d'acide car- bonique, 31 d'azote et 2,7 d'oxygène. ' FiG. 209. — Oxalate de chaux. FiG. 210. — Cai'honate de chaux. FiG. 211. — Phosphate ammoniaco-map^nésien. La composition de l'urine présente des différences remarquables, suivant les espèces animales, le mode d'alimentation et les diverses conditions normales ou morbides dans lesquelles les animaux peuvent se trouver. Celle des carnivores, qui est claire et acide, contient beaucoup d'urée, d'acide urique, de phosphates. L'urine des herbivores, trouble, chargée souvent, et en particulier sur les soli- pèdes, d'une grande quantité de mucus, ne contient pas ou ne renferme que des traces d'acide urique. Les phosphates y sont remplacés par des carbonates qui lui donnent la propriété de faire effervescence par les acides. Elle renferme de l'acide hippurique que Vauquelin et Fourcroy avaient déjà trouvé chez le cheval, le mouton, le rhinocéros, l'éléphant et le castor. Celle du veau à la mamelle ren- 1. G. Colin, Recherches sw les calcula et sur les maladies calculeuses des a7ii)naux. Mémoire couronné par la Société centrale d'agriculture, 1861. SKCRKTIUN LilUNAlRE. 849 ferme de l'urée, de l'acide uii(|ue, de l'allantoïne et l)eaucuu|) de phosphate de magnésie. L'urine du porc tient le milieu entre celle des carnassiers el celle des herbi- vores. Elle est alcaline, contient de l'urée, mais point d'acide urique ni d'acide hippurique. Les analyses qui ont été données pour dillérents mammifères indiquent quel- ques variantes assez notables. John a trouvé de la silice et de l'oxyde de fer dans l'urine du cheval. Vogel a rencontré ces deux substances sur le rhinocéros, et M. Chevreul sur le chameau. Si l'on en croit Vogel, l'acide hippurique man- querait chez l'éléphant. L'urine des oiseaux, généralement versée par les uretères dans le cloaque où elle se mêle aux matières fécales, est peu abondante et très riche en substances fixes, notamment en acide urique. Celle de l'autruche, reçue dans un réservoir particulier analogue à la vessie des autres animaux, est rendue sans se mélanger avec les matières excrémentitielles. Vauquelin a pu ainsi l'analyser séparément. Il y a trouvé de l'eau, de l'acide urique, de très grandes proportions de chlorhy- drate d'ammoniaque, des sulfates de potasse et de chaux, du phosphate calcaire, du mucus et une matière grasse. D'après Coindet, l'urine des oiseaux herbivores, blanche, onctueuse, contient de l'acide urique, du phosphate de chaux, de l'am- moniaque, mais pas d'urée. Celle des oiseaux carnivores, plus fluide, susceptible même d'être rejetée à part, contient de l'urée, de l'acide urique, du phosphate calcaire, de l'ammoniaque, et, de plus, des sulfates, des phosphates de soude et de potasse. C'est à la forle proportion de ces matières fixes que les urines des oiseaux doivent la propriété de former des masses blanches faciles à réduire en poussière. Chez les reptiles, l'urine est tantôt épaisse, demi-solide, rendue à de rares intervalles, comme chez les serpents et les lézards, tantôt fluide et très abon- dante, comme chez les tortues et les batraciens. Prout, qui a examiné celle d'un boa, y a trouvé : acide urique, 0,9016 ; — potasse, 0,0345 ; — sulfate de potasse et chlorure de potassium, 0,0095; — phosphate et carbonate de chaux et de magnésie, 0,0080 ; — mucus et matière colorante, 0,0294. Enfin l'urine des mollusques et des insectes a donné de l'acide urique, de l'urate d'ammoniaque, une matière organique et divers sels. Le régime auquel on soumet les animaux modifie d'une manière très remar- quable les caractères et la composition de l'urine. Il suffit de donner à un her- bivore l'alimentation du carnassier, pour que les urines du premier deviennent semblables à celles du second, et réciproquement. C'est ce que MM. Chevreul et Magendie ont constaté depuis longtemps sur des chiens, dont l'urine n'offrait plus d'acide urique ni de phosphates, lorsque ces animaux étaient entretenus avec des substances végétales ou avec des principes non azotés, comme le sucre, la gomme, les graisses. J'ai vu aussi des porcs, nourris de pommes de terre et de farine, donner une urine alcaline faisant effervescence par les acides, et d'autres porcs, vivant de chair, présenter des urines claii-es et acides. L'urine éprouve des modifications remarquables sous l'influence des maladies. En général, elle devient alors moins abondante, plus chargée de sels et de muco- 6. COLIN. — Physiol. comp., 3* édit. II. — 54 850 DRS SÉCHKTIONS. sites, qui la reiidfnt épaisse et visqueuse, surtout chez les solipèdes, et ciiez la jument en particulier. Elle est épaisse, trouble, et laisse quelquefois déposer un sédiment jaune grisâtre chez les sujets calculeux ; elle se charge d'albumine, quel- quefois de graisse, dans la maladie de Bright, dans quelques maladies du cœur, les hydropisies, — de glycose dans le diabète, — de biliverdine dans l'ictère, — de sels ammoniacaux dans le typhus et quelques maladies éruptives graves, — de sang dans l'hématurie, — de sang avec sérum opalescent et gras dans la piar- rhémie, la galacturie ou hématurie graisseuse, — de pus dans diverses affections des voies urinaires, — d'algues, de bactéries, dans certaines affections catarrhales de la vessie. Ces modifications ont été peu étudiées sur les animaux. John a trouvé dans celle d'un cheval diabétique : eau, 948,50; —extrait aqueux et alcoo'ique, 33,30; — urée, 33,30; — mucus et carbonate de chaux, 0,80; — acide hippurique, 1,40; — chlorure de potassium, traces; — urale de chaux et de potasse, 0,14; — phosphate de chaux, 0,70 ; — carbonates de chaux et de magnésie, 3,92; — oxydes de fer et de manganèse, traces; — sulfates, phosphates et chlorures alcalins, 11,40; — sulfate de potasse, Dans quelques maladies on a suivi, du début à la fin, les modifications éprouvées par l'urine. Ainsi dans l'hématurie de la vache, A. Robin a trouvé, au début, de Turate d'ammoniaque avec peu dliippurates, et sur la fin il a vu reparaître l'oxalate de chaux, le carbonate de la même base, les hippurates. Dans les affections dites typhoïdes du cheval, le même observateur a vu aug- menter l'acide urique, l'oxalate de chaux, pendant qu'il y a diminution de l'acide hippurique, des chlorures, des phosphates et du carbonate de chaux. Dans un cas de polyurie au début, sur le cheval, le même observateur constate une augmentation sensible des matériaux solides de l'urine, matières extractives et sèches avec abaissement du chitîre de l'urée et de l'acide hippurique; plus tard les matériaux solides diminuent; pas de sucre. Il résulte de mes observations, en nombre considérable, que dans cette affec- tion, chez les solipèdes, le sucre fait toujours défaut, sauf des traces insignifiantes. Aussi la polyurie du cheval reste une affection parfaitement distincte de la gly- cosurie. Dans les différentes formes de glycosurie la proportion de sucre éliminée est variable. Le sucre devant entraîner sept fois son poids d'eau ou son équivalent de diffusion, l'eau augmente dans le sang à mesure que la quantité de sucre s'élève; aussi l'activité de la sécrétion urinaire croit-elle proportionnellement à l'augmentation du sucre et de l'eau dans le liquide nutritif. L'augmentation de la quantité de sucre est telle que par litre d'urine elle peut atteindre le chiffre de 140 grammes. Cette glycosurie, d'après M. Bouchard, résulte le plus souvent de ce que les tissus, dont la nutrition est diminuée, ne peuvent plus transformer le sucre nor- malement produit dans la proportion énorme de 1850 grammes, dit-il, en vingt- quatre heures. Les substances étrangères introduites dans l'économie, par une voie quelconque, notamment par l'appareil digestif, sous forme de médicaments ou avec les ali- ments, les boissons agissent sur la sécrétion urinaire et sur les qualités de son Sl'::CllKTI()N lltlNAIRE. 851 produit. CeUe sécrétion, essentiellemoiil dépurutive, est alors surexcitée pour en opérer plus \ite léliuiination et ramener ainsi le sang à sa constitution normale- Divers ojjservateurs ont retrouvé dans l'urine de l'iode, du soufre, de l'arsenic, de l'antimoine, du mercure, du fer,- du sulfure de potassium, du cyanure f'errico- potassique, du sull'o-cyanure de potassium, des sulfates de soude, de potasse, de magnésie, du sulfate de quinine, de l'azotate et du carbonate de potasse, du chlorure de baryum, de potassium, des acétates, oxalates, lactates, etc., des matières résineuses et des matières colorantes. La gomme-gutte, la rhubarbe, la chélidoine, la rendent Jaunâtre, la teinture d'indigo lui fait prendre une teinte bleuâtre: les merises, les mûres, les baies de sureau, le bois de campêche, une teinte rouge. Elle prend une odeur de violette sous l'influence de l'essence de térébenthine, l'odeur de la myrrhe par la valériane et le castoréum, une odeur fétide par Tasperge. Les diurétiques, en excitant l'action des reins, sont éliminés avecrurine, soit en nature, soit après avoir éprouvé quelques légères modifica- tions, Woelher n"a pu retrouver dans l'urine, ni le fer, ni le plomb, ni l'alcool, non plus que l'éther, le musc, le camphre, la teinture de tournesol. Parmi les substances éliminées par les reins, les unes le sont à titre de sub- stances solubles, comme les matières colorantes, odorantes, l'alcool, et y passent sans modilication ; les autres sont oxydées et y passent sous une forme nouvelle : le sulfure de potassium, après s'être converti en sulfate de potasse, l'acide tan- nique en acide gallique, l'acide benzoïque en acide hippurique, l'acide urique en urée, acide oxalique, etc., la salicine en saligénine. Les citrates, tartrates, y passent convertis en cai^bonates,-Ies acides oxaliques, tartrique, à l'état d'oxalates, de tartrates, l'iode à l'état d'iodure, le soufre sous la forme de sulfate et de sulfure. L'élimination des substances étrangères par les voies urinaires commence à s'effectuer peu de temps après que l'absorption les a fait pénétrer dans le système vasculaire. Les expériences de Stehberger, celles de Héring et de beaucoup d'autres physiologistes démontrent qu'elle est, en général, très rapide, mais non au même degré poui- toutes. Le cyanure de fer et de potassium, injecté dans les veines, se montre déjà dans le rein au bout de une à deux minutes, et dans l'urine de la quatrième à la dixième minute; la teinture de safran, versée dans la trachée, a teint l'urine en vert au bout de huit minutes ; l'essence de térében- thine, inspirée, lui a donné une odeur de violette après quinze minutes ; l'indigo, administré par l'estomac, se montrait dans ce fluide après un quart d'heure; l'acide gallique après vingt minutes; la garance au bout d'un temps variable, de vingt à vingt-cinq minutes. L'élimination de ces substances continue plus ou moins longtemps, suivant la quantité qui en a pénétré dans l'organisme, leur nature et leur aptitude à être enti'aînées par divers émonctoires. L'indigo, donné en petite quantité par les voies digestives, ne fut complètement éliminé qu'après cinq heures dans les expériences de Stehberger, l'acide gallique après quatre heures, la rhubarbe après vingt-quatre heures, le cyanure de fer et de potassium après quelques jours. Cette élimination se prolonge pendant des mois entiers pour certaines substances^ qui se déposent 852 DES SÉGRÉTIUINS. momentanément dans les tissus, on qui passent dans des fluides résorbés en partie ou en totalité, comme le suc gastrique, la bile, la salive, les sérosités des membranes, etc. C'est en opérant ces diverses éliminations que la sécrétion urinaire joue le premier rôle dans la dépuration du sang. Aussi l'animal ne peut-il survivi'e qu'un temps très court à l'ablation des reins ou ce qui revient au mèine pliysio- logiquement à la suppression de leur fonction. Lorsque le rein, par le fait de lésions de son tissu cesse de jouer ce rôle d'éli- mination, le sang reste vicié, et il devient toxique une fois que les matériaux nuisibles sont accumulés en quantité considérable. Et ces matériaux sont fort nombreux, l'urée, l'acide urique, les différents déchets de la nutrition et des combustions. Il n'est donc pas étonnant que l'urine normalement chargée de ces matériaux toxiques, devienne elle-même toxique. Sa toxicité est telle, d'après M. Bouchard, que la quantité de poison urinaire produite par l'homme, en cinquante-deux heures, suflirait pour le tuer à la fin de cette courte période, si elle était retenue ou réintroduite dans le sang. La toxicité de l'urine, d'après ses recherches, varie suivant une foule de con- ditions : elle est plus grande pendant la veille que pendant le sommeil, plus, pendant l'abstinence qu'en présence de l'alimentation ordinaire; très considé- rable dans certaines affections hépatiques; elle est due à des principes extractifs encore indéterminés, à la potasse plutôt qu'à l'urée et à l'acide urique. Toutefois, comme la toxicité est déduite des effets qui résultent de l'injection de l'urine ou de ses éléments constitutifs dans les veines, elle se montre dans les conditions expérimentales à un degré qu'elle ne saurait atteindre lorsque la rétention ou la rentrée de ces éléments a lieu comme à l'état normal et qu'elle marche parallèlement à leur élimination. La composition de l'urine et les variations qu'elle éprouve, suivant le régime des animaux et une foule de circonstances diverses, font pressentir le rôle de la sécrétion urinaire. Cette sécrétion et celle de la bile ont pour but essentiel l'élimination des pro- duits résultant des métamorphoses des éléments du sang et des tissus, produits qui, étant dépouillés d'une grande partie de leur carbone et de leur hydrogène, ne sont plus aptes à éprouver de nouvelles mutations. Les uns, très riches en carbone, s'associent à la soude, et s'en vont sous forme de bile; les autres, très azotés, donnent l'urée, l'acide urique et l'ammoniaque de l'urine. La soude de la bile qui a été brûlée finit même, d'après Liebig, par revenir dans l'urine, associée à des acides, c'est-à-dire sous la forme de phosphates, de carbonates et d'hippurates. Chez les herbivores, dont les urines sont alcalines, l'acide urique est remplacé par l'acide hippurique et par l'ammoniaque. Les carbonates alcalins y existent en très grande proportion, parce qu'ils abondent dans les aliments, tandis que les phosphates y manquent ou ne s'y montrent qu'en proportion insignifiante. Chez les carnivores, au contraire, qui ont une urine acide, on voit prédominer l'acide urique, et avec lui les phosphates et les sulfates provenant à la fois des aliments et des tissus, puis du soufre, ainsi que du phosphore, des matières SÉCRÉTION UiUNAIRE. S53 protéiques métamorphosées, soufre et phosphore acidifiés peut-être, comme le pense le savant ciiimisfede Giessen, par l'oxygène que la respiration a introduit dans l'organisme. Kniin, chez tous les animaux indistinctement, quel que soit leur régime antérieur ou habituel, sous rinlUience de l'ahstinence, l'urine prend des caractères uniformes, devient acide, offre de l'urée, de l'acide urique, des phosphates et des sulfates provenant des tissus qui se détruisent. Alors, dans l'urine, l'eau ne vient plus ni des aliments ni des boissons; l'urée, l'acide urique et les sels ne dérivent plus que des principes du sang ou de la substance des tissus attaqués par le travail de désassimilalion. La sécrétion urinaire a donc pour office d'éliminer une grande partie de l'eau superilue provenant des boissons et des aliments, une foule de matières étran- gères que l'absorption a fait pénétrer dans l'organisme, enfin les produits azotés et salins provenant des mutations des tissus. Par la grande quantité de liquide qu'elle soustrait au sang elle devient, comme on l'a dit avec raison, un grand agent modérateur de la tension vasculaire. L'excrétion de l'urine s'opère suivant un mode cà peu près uniforme, quant à ses caractères essentiels, chez la généralité des mammifères. Le fluide qui suinte par les petits orifices des pyramides malpighiennes s'accumule dans le bassinet en petite quantité, et coule lentement dans l'uretère qui, en vertu de sa contrac- tilité, le pousse goutte à goutte dans la vessie, où il ne saurait pénétrer sans une impulsion capable de vaincre la résistance résultant du trajet oblique décrit par le canal entre la muqueuse et la tunique charnue du réservoir. Une fois parvenue à la vessie, l'urine ne peut refluer dans l'uretère, à cause de l'obliquité de l'in- sertion du conduit, comme Galien en a fait la remarque. A mesure que de nou- velles quantités de liquide arrivent à la vessie, elle cède passivement, éprouve une dilatation graduelle; sa membrane charnue s'amincit, ses faisceaux s'écartent les uns des autres; les plis de sa muqueuse diminuent et finissent .par s'effacer; le réservoir, refoulé en arrière du bassin lors de sa vacuité, se porte en avant, de manière que sa moitié- antérieure dépasse le pubis, et vienne reposer direc- tement sur les parois inférieures de l'abdomen. Quand la distension approche de son terme, la vessie a reçu jusqu'à 6 à 800 grammes d'urine chez les chiens de grande taille; 3, 4 litres et plus chez le cheval et les grands ruminants. Cet état fait naître le besoin d'uriner, qui est une sensation interne du genre de celles dont nous avons déjà parlé dans plusieurs endroits. L'impression produite sur les nerfs spinaux que reçoit la vessie est transmise aux centres nerveux, lesquels, par une action réflexe, en partie soumise à la volonté, font cesser la contraction du sphincter du col vésical, et mettent en jeu le diaphragme et les muscles abdo- minaux. Alors, de même que pour l'expulsion des matières fécales, il se produit un effort qui est, pour beaucoup'd'animaux, incompatible avec la marche, la course, et la plupart des exercices musculaires un peu pénibles. L'urine est expulsée de diverses manières, suivant les animaux. Les solipèdes mâles ou femelles se campent, c'est-à-dire écartent les membres postérieurs des antérieurs, redressent les jarrets et les articulations métatarso-phalangiennes. Le mâle entier sort en partie le pénis du fourreau, et lance l'urine avec force par un jet continu. Les dernières portions seules sont rejetées par saccades, coïncidant 8o4 I»l--S SÉCRÉTIONS. chacune a\'ec une forte contraction des muscles abdominaux et du muscle accélé- rateur, dont l'action achève de débarrasser le canal de l'urine qui s'y trouve sur la tin de l'émission. Chez les femelles, on voit, dans les derniers moments, de vives contractions des lèvres de la vulve qui s'écartent et se rapprochent alterna- tivement, et un mouvement particulier du clitoris encore mouillé d'urine. Le bœuf, le taureau, le bélier, le bouc, ne se campent pas sensiblement ; leur urine tombe par un filet assez peu considérable. La vache se campe, en rapprochant fortement le train de derrière de celui du devant ; la croupe proémine en arrière, et la colonne dorso-lombaire se vousse en contre-haut ; l'urine est lancée sous forme d'un large jet, très fort. Le verrat urine par saccades, et son urine, en sortant du canal de l'urèthre, passe dans une vessie préputiale à parois muscu- laires, qu'elle distend, pendant toute la durée de l'émission. Cette vessie, décou- verte par Lacauchie, achève de se vider par l'action de ses muscles pro])res. Le jeune chien fléchit les membres, écarte les postérieurs des antérieurs, de même que la chienne, mais vers l'âge de dix mois, il tient une patte de derrière levée, tant que dure l'expulsion de l'urine. D'autres animaux urinent encore autrement que nos espèces domestiques. L'éléphant femelle écarte les deux membres postérieurs, et lance une urine claire en large nappe souvent conique. Le rhinocéros mâle fait sortir la verge du fourreau, et projette le fluide par saccades très fortes, complèlementinterrompues. La girafe mâle reporte fortement en arrière les membres postérieurs, et rend son urine par un mince filet non saccadé. Le dromadaire mâle se campe, comme la vache, et précisément en sens inverse du cheval. L'ouverture de son fourreau. déjà recourbée en bas et en arrière, se courbe encore davantage dans ce sens. Sa verge, qui reste cachée, éprouve avec le fourreau, tant que dure l'excrétion, et même assez longtemps après, des mouvements très répétés ; le jet d'urine est dirigé en arrière entre les cuisses. Le buffle, si rapproché de notre bœuf domes- tique, n'urine pourtant pas comme lui ; il rejette le fluide en sacccades séparées par des intervalles pendant lesquels rien n'est expulsé. Sa femelle urine quelque- fois étant couchée. L'excrétion de l'urine se renouvelle plus ou moins fréquemment suivant l'âge, l'espèce des animaux, les habitudes contractées, etc. Elle se produit souvent chez les jeunes animaux, chez les femelles en chaleur, chez ceux dont les voies urinaires sont irritées. La peur et quelquefois la joie la provoquent chez le chien. Les exercices continus s'opposent à son accomplissement chez les bœufs et les chevaux employés à des travaux pénibles ; aussi doit-on les interrompre de temps en temps, afin qu'elle puisse s'eflectuer. Lorsqu'elle s'opère très rare- ment, le travail de résorption qui a lieu dans la vessie fait disparaître une cer- taine proportion d'eau, et donne au reste une teinte plus foncée. GLANDES THYROÏDES, Les glandes ou les corps thyroïdes que l'on a considérés comme des diverticu- lums sanguins du larynx, du cerveau, et même de l'axe cérébro-spinal tout entier, GLANDES thyroïdes. 855 n'ont rien dans leur volume ni dans leurs connexions avec ces parties qui puisse justilier le rôle dont on les suppose chargés. Ces corps existent, chez tous les mammifères, sur les côtés du larynx ou des premiers cerceaux de la trach«e-artère, rarement isolés l'un de l'autre, mais le plus souvent réunis par une bandelette de même nature que le reste de leur substance. Cuvier et Duvernoy n'en trouvent pas de traces dans les vertébrés ovipares, si ce n'est chez les serpents, oîi ils semblent remplacés par une glande à larges cellules située en avant du cœur. Lobuleux dans quelques animaux, l'éléphant entre autres, ces corps se présentent généralement sous l'aspect d^ masse? compactes, homogènes, riches en vaisseaux sanguins et lympliatiques : mais leur structure intime est celle de glandes vasculaires sans canaux excréteurs. Le microscope y fait découvrir des cellules complètement closes, plus ou moins grandes, pourvues d'un noyau, cel- lules qui. d'après Henle, en renferment d'autres plus petites, pleines de liquide et de granulations. Suivant Kûlliker, ces cellules ont une paroi propre, trans- parente, homogène, paroi qui est tapissée intérieurement d'un épithélium à cel- lules polygonales. Leur contenu est fluide, visqueux et albumineux; conséquem- menl elles ont les caractères des organes glandulaires. Depuis longtemps Cuvier et Meckel y ont signalé l'existence de vésicules, visibles à l'œil nu dans beaucoup d'animaux, et hypertrophiées dans le goitre. Cuvier les a vues polygonales et pleines d'une gelée transparente, jaunâtre, chez les singes; arrondies et renfer- mant une matière blanche, demi-transparente chez les ophidiens Steller y a reconnu, chez le lamantin du Nord, deux fluides difl'érents par leur couleur et leur consistance : l'un lactescent, contenu dans les petites vésicules ; l'autre épais, amer, renfermé dans un sac membraneux au centre de la glande. La structure vésiculaire m'a paru très marquée dans la glande thyroïde du dromadaire. Les vésicules, du volume d'un grain de chènevis à celui d'une petite lentille, étaient jaunâtres, arrondies, très rapprochées les unes desautres, formées par une membrane translucide : elles contenaient un liquide jaunâtre, visqueux. Les vésicules de la thyro'ide du bœuf, qui habituellement sont assez petites, peuvent devenir très volumineuses, et donner k cette glande l'aspect d'un ovaire de truie ou de jument, dont- les vésicules sont hypertrophiées inégalement. J'ai eu l'occasion d'étudier, sur un bœuf parfaitement sam, un curieux exemple de cette modification, que personne, je crois, n'a encore signalée chez les animaux. La glande, trois à quatre fois plus volumineuse que dans les circonstances ordi- naires, était irrégulière et bosselés. A sa surface, comme dans son épaisseur, se montraient des cellules arrondies h parois demi-transparentes, grosses, les unes eommedes pois, les autres comme des noisettes, et deux d'entre elles comme une petite noix. Ces vésicules, complètement closes, sans communication les unes avec les autres, renfermaient un liquide jaunâtre, translucide, d'un aspect analogue à celui du contenu des mélicéris des lèvre^^ du cheval. Ce liquide vis- queux, mêlé à l'eau, produisait une émulsion blanchâtre épaisse. Soumis à l'action de la chaleur, il laissait précipiter quelques légers flocons albumineux. Traité parle réactif cupro-potassique. il prit une belle teinte violette semblable à celle du manganate de potasse, teinte que prennent du reste d'autres liquides, 836 DES SÉCRÉTIONS. notamment' les fluides albumineux. Entin ce liquide opéra une légère réduction de l'oxyde de cuivre, indice de la présence du sucre au nombre de ses éléments constitutifs ; malheureusement l'analyse ne put en être faite. La structure anatomique des corps thyroïdes montre donc clairement que ces organes sont de véritables glandes, dont les produits ne peuvent être éliminés par la voie ordinaire des canaux excréteurs, mais qui doivent sortir des vésicules par transsudation et rentrer dans la masse du sang. Ce sont des glandes vascu- laires dans lesquelles les veines font l'oftice de canaux excréteurs. Leur produit est évidemment le contenu des vésicules, contenu dont il reste à trouver la com- position et surtout les usages. Il était naturel de penser que le sang veineux, chargé du fluide sécrété par les cellules thyroïdes, put olfrir une composition un peu différente de celle du sang artériel qui arrive à la glande. Pour voir si cette différence serait sensible, j'ai adapté un tube d'argent à la veine thyroïdienne d'un cheval, tout près du point oiî elle se dégage de la glande. Le sang recueilli, analysé par M. Berthelot, comparativement avec le sang delà carotide et avec celui de la jugulaire retirés au même moment, a présenté la composition suivante : Artère carotide. Veine thyro'idienne. Veh^e jugulaire. Eau 83,36 82,61 76,58 Albumine... 9.72 8,25 9,24 Globules.... 6,87 8,81 10,92 Fibrine 0,05 0,33 0,26 Il semble donc, d'après cette analyse, que le sang qui sort de la thyroïde a perdu un peu d'eau et d'albumine, gagnant, par compensation, des globules et de la fibrine ; mais ce sont là des différences légères, dont il est difficile de préciser la signification. L'importance du rôle des thyroïdes dans l'économie ne paraît pas très grande, si l'on en juge par l'innocuité de leur extirpation, déjà faite par divers expéri- mentateurs. Cependant la présence du goitre dans l'espèce humaine, les rapports qui existent entre cet état de la thyroïde et l'état général de l'économie ; la rela- tion qui se manifeste entre le développement de l'affection et certaines condi- tions de climat, de régime, etc., portent à croire que les fonctions de cette partie ne sont pas tout à fait accessoires. Très probablement, les modifications éprouvées par la glande dans cette circonstance, au lieu de constituer une dégé- nérescence, comme les médecins le pensent, ne tiennent qu'à une augmentation de volume coïncidant avec l'exagération du travail fonctionnel de l'organe. Il serait curieux de suivre les effets de l'ablation des thyroïdes sur les goitreux et de l'opérer sur de jeunes animaux, sur des chiens, par exemple, que l'on observerait avec soin pendant toute la durée de l'accroissement, et cela en suivant parallèle- ment des animaux de la même portée pris pour terme de comparaison. THYMUS. Le thymus est, comme la thyroïde, une glande vasculaire sans canal excré- teur. Les lobules dont il se compose sont formés de petites cellules sphéroïdales HATK. 857 contenant un fluide lactescent, et au centre de chacun se trouve, d'après divers observateurs, une cavité plus on moins spacieuse renfermant un liquide de même aspect, el probablement aussi de même nature que celui des petites celhiles. Le contenu de ces doriiicres est coagulabic par la chaleur et les acides; comme les fluides albumineux, il donne des chlorures et des phosphates alcalins, mais pas de (ibrine. La substance même du thymus du veau a ofl'ert ù Morin de l'eau, de l'albumine, de l'osmazôme, de la gélatine, de la librine, une matière animale particulière, une graisse acide, du Jactate de potasse, du chlorure de potassium, des phospiiates de potasse, de soude et de chaux. D'après les études plus récentes de Friedleben, le thymus renfermerait, de plus, du sucre, de l'acide lactique et de la matière pigmentaire en proportion variable suivant les âges. Quant à ses usages, ils sont inconnus. Les uns ont pensé que le produit de ses cellules passe dans les veines et sert, à la manière du chyle, à la nutrition du fœtus. D'autres ont prétendu qu'après la naissance il fournil au sang des maté- riaux utilisés pour le développement du jeune sujet. Quelques observateurs, con- sidérant son grand volume chez les hibernants, lui ont fait jouer un rôle indé- terminé dans les actes de la respiration. Il est à noter que cet organe ne s'atrophie pas avec la même rapidité dans toutes les espèces et chez tous les sujets d'une même espèce. Je l'ai vu souvent assez volumineux- sur les chevaux adultes. Tout récemment sur un vieux cheval; il avait ses cellules hypertrophiées et pleines de dépôts blanchâtres. Sur une jeune vache bretonne âgée de un an et demi, il pesait encore 140 grammes et 25 grammes sur un chien d'un an, du poids de 10 kilo- grammes. Il est fort commun de le trouver encore assez volumineux sur les lapins aptes à la reproduction. Tout porte donc à croire qu'il continue, dans certaines limites, à jouer son rôle pendant la vie extra-utérine jusqu'à une période plus ou moins rapprochée de l'âge adulte. Il sera question de cet organe au chapitre de l'embryogénie. RATE. La rate, dont nous avons déjà examiné le rôle comme diverticulum du système de la veine porte, est une glande vasculaire sans canal excréteur, analogue aux deux précédentes. Elle existe chez tous les vertébrés, à part peut-être les cyclostomes et les myxinoïdes parmi les poissons. Sous le rapport de sa forme, de son volume, de sa consistance et de ses connexions avec l'estomac, elle offre beaucoup de variétés chez ces animaux. D'après Guvier, son volume serait, en général, proportionné à celui du foie parmi les mammifères. Elle serait plus petite chezles herbivores que chez les carnassiers, plus petite encore chez les espèces à estomac multiple, dont le foie est peu volumineux, que chez les espèces monogasfriques. Habituellement simple, elle se montre multiple dans la plupart des cétacés, notamment chezles dauphins et les marsouins ; mais alors il y a toujours une rate principale qui a pour satellites de petites rates surnuméraires, dont le nombre peut aller jusqu'à 858 DES SÉCRÉTIONS. sept, et dont le volume maximum no dépasse par celui d'une châtaigne. La pré- sence des rates accessoires est assez rare chez la plupart de nos animaux domes- tiques, le cheval excepté, où elle est commune. Elles sont situées vers le bord adhérent de la rate principale. Leur forme est celle d'un disque aplati, de même couleur et de même aspect que la grande. Chacune a une petite artère entourée de filets nerveux ganglionnaires et se trouve accompagnée d'une ou plusieurs veinules qui se jettent dans la grande veine splénique. La structure de cet organe est des plus remarquables. Au-dessous de son enve- loppe péritonéale très adhérente se trouve une membrane propre, résistante, extensible, élastique, qui envoie dans la substance de l'organe de nombreux pro- longements entrelacés dans tous les sens. Cette enveloppe et ses prolongements, connus sous le nom de trabécules, sont formés par des fibres blanches, des fibres jaunâtres et des fibres contractiles de nature musculaire, auxquelles KôUiker a donné la qualification de fibres-cellules. Ces dernières ont été vues dans l'enve- loppe et les trabécules chez l'âne, le porc, le chien, et seulement dans les trabé- cules chez le mouton, le bœuf, le cheval, le lapin. Elles donnent à la rate la faculté de se resserrer d'une manière très évidente en plusieurs circonstances, comme Magendie l'avait déjà observé, notamment sous l'influence de l'air froid, de l'électricité, du sulfate de quinine. A l'intérieur de l'enveloppe et dans les mailles du tissu spongieux formé par ses prolongements, se ramifient une artère volumineuse entourée de nerfs énormes, surtout chez les solipèdes, des veines à larges sinus tapissés par une membrane mince et des vaisseaux lymphatiques. Enfin dans les interstices vasculaires se trouvent disséminés les corpuscules ou les éléments glandulaires de l'organe. Ces corpuscules, décrits par Malpiglii dans la rate des animaux ruminants, Te,/;L a„ S"?.tu»ïïr(t' -n. ^Phéroïdaux, réguliers, e, d'un dia- mètre qui ne dépasse pas un demi-milli- mètre. Ils forment de petites capsules creuses dont les parois sont dépourvues intérieurement d'épithélium et extérieurement de la membrane amorphe des glandes. Leur cavité est remplie d'un liquide transparent, albumineux, de cellules arrondies à un seul noyau, de noyaux libres, et quelquefois d'un certain nombre de globules de sang. Ces corpuscules sont, comme on le voit, très analogues aux follicules clos des glandes lymphatiques et des glandesde Peyer.Ils y ressemblent encore en ce que des capillaires sanguins les pénètrent quelquefois. Leur contenu doit être considéré comme un produit de sécrétion. La pulpe splénique, disséminée dans les interstices laissés entre les vaisseaux et les prolongements trabéculaires, est constituée par des cellules spéciales mêlées (*)a, oaroisdu corpuscule; 6, son contenu ; c, paroi de Fartère sur laquelle il repose; d, sa gaîue (E-ôlIiker). RATE. 859 à des globules de sang, ù des lilaïuciits et à des capilliiiies microscopiques. Ces cellules de la pulpe sont, d'après Kôlliker, pour la plupart, tout à fait semblables à celles que contiennent les vésicules de Malpighi; quelques-unes sont très grosses, à deu\ noyaux, et pourvues de granulations graisseuses. Entre les cel- lules existent des noyaux libres et des globules sanguins diversement modifiés. Cette pulpe a donné à Scherer une substance cristallisable azotée qu'il a appelée liénine, une matière albuniinoïde associée à du fer, une matière pigmentaire, de l'hypoxanthine, des acides lactique, acétique, formique, butyrique et urique. D'autres y ontsignalé en outre la leucine, la tyrosine, l'oxyde xanthique,quisont aussi des dérivés des matières protéïques, et évidemment des produits de désas- similation. Le système vasculaire de la rate semble constitué habituellement comme celui des autres organes. Il ne paraît pas y avoir entre les artères et les veines de sinus où le sang pourrait stagner. Néanmoins, suivant Kôlliker, les veines seraient pourvues d'un certain nombre de petits orifices qui, par places, transforme- raient leurs parois en une sorte de crible. En outre, chez le cheval, le bœuf etle mouton, les petites veines, suivant le même micrographe \ n'ont pas de parois ; elles forment de simples trajets creusés dans la pulpe et tapissés de cellules épithéliales. Aussi, sous l'influence d'une pression sanguine un peu forte, le sang peut-il s'épancher dans les aréoles de l'organe et se mêler à la pulpe. D'après tout ce qui a été observé jusqu'à ce jour, on peut considérer la rate à deux points de vue : 1° comme un diverticulum plus ou moins érectile ; 2" comme une glande vasculaire sanguine. La rate est certainement, dans des limites plus ou moins étendues, un organe érectile qui se gonfle ou s'affaisse suivant les quantités de sang qui y stagnent. On la voit se tuméfier rapidement quand la respiration est gênée ou quand, par le fait d'une cause quelconque, le retour du sang veineux au poumon est entravé. Elle grandit dans les congestions pulmonaires, les pneumonies, se tuméfie plus encore pendant les accès de fièvre intermittente et dans les maladies charbon- neuses; puis, après s'être gonflée, elle revient même très vite sur elle-même, soit par suite de sa contractilité, soit par la disparition des obstacles à la disper- sion générale du sang. On a cru, non sans quelque raison, qu'elle servait particu- lièrement de diverticulum pour le sang des organes digestifs. Il resterait, sous ce rapport, à faire la part des exagérations et à déterminer dans quelles limites elle fonctionne comme corps érectile. D'autre part, la rate doit être envisagée comme une glande vasculairesanguine, comme un organe hématopoïétique dont les fonctions se rattachent à la produc- tion, aux transformations et à la destruction des globules. Pour juger de ses fonctions sous ce rapport, les physiologistes ont été très bien inspirés en cher- chant à comparer le sang afférent et le sang efférent, car les différences entre les deux doivent résulter du travail intime de l'organe. Mais, si la méthode est excel- lente en principe, ses résultats peuvent être faussés par une application défec- 1. Kôlliker, Histologie liumaine, p. 50a. 860 DES sk(;rét[Ons. tueuse. Néanmoins voici, à titre provisoire, ceux qu'elle a donnés et desquels on a déduit les fonctions spléniques. Déjà, en examinant la pulpe splénique et les modifications que ses globules ont éprouvées, on peut entrevoir le résultat des élaboration^ accomplies dans la rate. Les globules sanguins de cette pulpe sont rapetisses, jaunes, bruns ou noirs, rassemblés par petits groupes qui se recouvrent d'une enveloppe membraneuse ou d'une véritable paroi cellulaire commune. Ces amas se convertissent, dit-on, en cellules pigmentaires. D'après Kôlliker, ces modilicaiions tendent à prouver une destruction des globules dans la rate, destruction qai d'ailleurs serait plu- tôt un phénomène anormal qu'un acte physiologique. Au contraire, d'après Funke, Ecker, elles indiqueraient une formation nouvelle de globules héma- tiques. La comparaison du sang sortant de la rate avec le sang artériel afférent, me paraît plus signilicative que l'examen de la pulpe, si elle est faite dans des condi- tions qui ne troublent point la circulation. Or, d'après les divers observateurs qui se sont occupés de ce parallèle, il y a entre les deux sangs des différences considérables qui portent sur les quantités de fibrine, de globules rouges et blancs et sur les caractères de ces globules. D'une part, suivant Béclard et suivant Gray, le sang de la veine splénique contient plus de fibrine et moins de globules que le sang artériel, ce qui, à leurs yeux, prouve une destruction des globules rouges dans le parenchyme splénique. Mais ces différences sont contestées par Funke qui, au lieu de trouver une aug- mentation de fibrine, a constaté des traces seulement de ce principe dans le sang de la veine splénique. D'autre part, le sang de la veine splénique a paru très riche en globules blancs d'un énorme volume. HirtI en a trouvé 1 sur 60 rouges ou 30 fois plus que dans le sang afférent: d'autres en ont compté même 1 sur 4 ou 5. Depuis longtemps Donné, Kôlliker, Virchow avaient signalé l'énorme quantité de globules blancs dans le sang de la rate et, dans la pulpe splénique, la présence de globules à tous les degrés de développement et en voie de multiplication fissipare. Aussi, pour beaucoup de ces observateurs, la rate est un foyer producteur de globules blancs. Mais les faits observés à cet égard sont si contradictoires, si équivoques que, pour les uns, la rate détruit les globules rouges et forme des globules blancs, tandis que, pour d'autres, elle produit et détruit en même temps ou alternativement ces globules ; et qu'enfin, suivant quelques-uns, Remak par exemple, elle n'a ni l'un ni l'autre de ces offices. Dans tous les cas, les données de la pathologie et les analyses chimiques jettent peu de lumière sur la question. On sait que la rate se tuméfie dans les fièvres intermittentes, les maladies char- bonneuses, les empoisonnements miasmatiques et paludéens, dans la leucémie et d'autres états où les glandes lymphatiques s'hypertrophient. Quant aux effets de l'extirpation de la rate, ils n'ont encore jusqu'ici jeté aucune lumière sur le rôle de cet organe. La rate a pu êlre enlevée sur l'homme et les animaux sans inconvénients graves : elle l'a été maintes fois sur le chien par divers expérimentateurs qui ont signalé quelques troubles fonctionnels à la suite de l'opération, troubles qui, pourlapluparf, résultent des délabrements nécessités IIATK. 861 par l'extirpation. Los animaux piivos de raie dcvitMinont, dit-on. plus vo races ; ils ont lo eliylo pins clair, moins coagnlaldc, la hilc pins épaisse, plus sédimen- tense; ils sont plus [)ort.és à la reproduction, mais moins l'éconds ; ils ressentent du malaise (pielques heures après les repas ; les glandes lyniplialiques augmen- tent de volume, l(>s thyroïdes se tumcMlent, la sécrétion urinaire devient plus abondante. Mais tout cela est loin d'être établi. Bardeleben, (jui a enlevé la rate à [)Iusieurs chiens, a reconnu que les corps thyroïdes, les capsules surrénales, les ganglions lymphatiques, n'éprouvaient pas de changements de volume, et ipi'à la suite de l'extir^iation siimiltanée de la rate et des thyroïdes, « les glo- bules du sang et la quantité du caillot étaient absolument les mêmes cpi'à l'ordi- naire. » Il y a pourtant quelques efl'ets de l'extii-pation de la rate qui nie paraissent signilicatifs. Denis * a noté que des chiens privés de rate prenaient un grand appétit, une grande tendance à l'engraissement. Van Deen et Strinstra ont aussi constaté cette tendance à l'obésité, qui résulte soit d'une plus grande activité digestive, soit d'une moindre somme de déperditions. Ludwig a cru voir que l'ablation de la rate donnait lieu à l'hypertrophie des ganglions mésenté- riques; — Maggiorani, qu'elle diminuait l'intensité de la couleur du sang et la proportion de fer dans ce liquide; — Moleschott, qu'elle rendait, au con- traire, l'animal pléthorique. Mes expériences, très multipliées à compter de 1856, montrent simplement que cette e\tiri»alion ne ralentit point la crois- sance des jeunes sujets, qu'elle leur laisse une grande activité digestive, et enlin favorise d'une manière marquée l'engraissement. C'est grâce au procédé de ratissage des vaisseaux sans ligature que j'ai pu constater nettement ces résultats, car les animaux souffraient peu de l'opération et guérissaient parfaitement en quelques jours. Les chats opérés par ce procédé dès l'âge de quinze jours et remis sous la mère ne maigrissaient point, leur plaie se cicatrisait en moins d'une semaine; ils avaient bon appétit, et se développaient régulièrement après le sevrage. Les chiens déi'atés à l'âge d'un mois paraissaient remis dès le troi- sième jour, et mangeaient comme ceux de la portée laissés pour terme de com- paraison. Dix jours après l'opération ils avaient augmenté de près d'un tiers de leur poids initial, et dans les décades suivantes, ils égalaient et même distan- raient leurs frères. Le tableau ci-dessous montre ces résultats dans une des expériences, où ils ont été constatés comparativement à l'aide de la balance. 1"' Juin, jour de l'opération. 10 Jours après l'opération.. 20 Jours après 30 Jours après 40 jours après . 50 jours après Poids total ries 11011- dératés. 6465 8610 10780 13470 15760 18750 r 0 i d s total des dératés. 6370 7110 10-240 12i).J0 15550 18770 Poids moyen dis iion- derntés ■J156 •>870 3593 41ilO 5->53 6-250 Poids moyen des dératés. 21-23 2370 3413 1317 5183 6257 .ViiKiiU'iiliilioii lolulc des 11011- dératès. 2145 2 1 70 2690 2290 2990 des déi'atés. 740 3130 27 1 0 2600 3220 1. Denis, Journal des savants, août 1672. §f;2 DES SÉCRÉTIONS. CAPSULES SURRENALES. Les corps surrénaux, que les anciens appelaient capsules atrabilaires, existent dans la généralité des animaux vertébrés avec un développement plus ou moins considérable, mais toujours inférieur à celui des reins pendant la vie extra- utérine. Ils semblent composés de deux substances : une extérieure corticale plus brune, l'autre intérieure jaunâtre et assez molle. Les vaisseaux sanguins très nombreux, y affectent une disposition très remarquable, et les veines y présen- tent des dilatations ou des sinus assez marqués dans quelques animaux. La substance corticale des capsules est formée de cellules qui contiennent des granulations graisseuses et une matière azotée. La médullaire est granuleuse et parsemée de cellules pâles qui ont beaucoup d'analogie avec les cellules ner- veuses ; elle est pénétrée d'une prodigieuse quantité de lilets nervewx ganglion- naires. D'après la structure de ces deux substances, Kôlliker est porté à regar- der l'externe comme glandulaire et l'interne comme un appareil dépendant du système nerveux. Les capsules surrénales paraissent être des glandes qui produisent ou sécrè- tent une matière colorante. Dès 1855, j'ai indiqué ' que le persulfate de fer colore en bleu la substance médullaire de la capsule surrénale et le suc qui l'imprègne, comme s'il s'y trouvait un cyanure. Ce fait significatif a été reproduit l'année suivante, et plus tard sans mention de son origine. Les observations d'Addison sur la maladie bronzée ont rendu ce rôle très probable. Addison a constaté que les individus affectés d'anémie avec coloration brune de la peau avaient le tissu des capsules surrénales dégénéré, imprégné de graisse, de matière tuberculeuse ou cancéreuse. A compter de ce moment furent entreprises d'assez nombreuses expériences, desquelles on crut pouvoir conclure que ces capsules surrénales sont indispensables à l'entretien de la vie. Malheureusement, ces expériences ont été interprétées d'une façon singulière. Elles n'ont pas l'importance et la signification qu'on leur a attribuées. M. Brown-Séquard, qui a expérimenté sur les lapins, les cochons d'Inde, a vu les animaux mourir en moyenne au bout de neuf heures, même après l'extirpa- tion d'une seule capsule. Gratiolet ne les a vus mourir qu'en partie, et seulement après quarante-huit heures, notamment à la suite de l'ablation de la capsule droite; et les adultes sont morts plus vite que les jeunes. Dans les vivisections de M. Philipeaux, les rats opérés ainsi ont vécu plus longtemps, mais ils sont morts aussi pour la plupart après quelques semaines. Dans toutes ces expé- riences, la mort des petits animaux n'a dû être qu'un simple résultat des déla- brements que nécessite l'opération : de la péritonite, de l'hépatite, de la néphrite, de la dégénérescence du rein, et enfin des lésions éprouvées par le plexus solaire oii se fait un épanchément sanguin plus ou moins considérable. Ces complica- tions sontpfesque inévitables, même sur des animaux de grande taille, et elles 1. tretaière édition de ce iivi^e, t; II, p. 4S3. CAPSULES SUKRÉNALES. 763 entraînent assez souvent la mort aussi bien sur le chien, couinie je Tai observé dans nies propres expériences, ((ue sur les petites espèces. Quoi qu'il en soit, après l'extirpation des capsules, on dit avoir trouvé du pig- ment dans le sang, et Ton a pensé que, dans la maladie d'Addison, ce pigment, dérivé d'une matière que les capsules n'étaient plus en état de modifier, allait se déposer dans le tissu de la peau. J'ai plusieurs fois trouvé sur le cheval l'hypertrophie, la dégénérescence des capsules, la compression de leur tissu par des tumeurs sanguines, sans qu'il y eût une modification dans la coloration de la peau. Elles ne m'ont offert, en général, rien de particulier chez les chevaux à mélanose généralisée , sauf quelques petits dépôts qui se forment dans leur tissu, comme dans la plupart des orsanes. LIVRE DIXIÈME DE LA GÉXÉRATIOX Les fonctions que nous avons examinées jusqu'ici ayant toutes pour but le développement et la conservation de l'animal, lui donnent les éléments d'une vie individuelle complète. Celles qu'il nous reste à analyser, agrandissant la sphère d'activité de l'organisme, donnent à chaque être isolé la faculté de produire des êtres semblables à lui pour perpétuer son espèce. CHAPITRE LXX DES DIVERS MODES DE GÉNÉRATION DANS LE RÈGNE ANIMAL A part quelques êtres très simples, qui paraissent se développer spontanément au sein des matières organiques, les animaux se reproduisent ou par la division de l'individu en plusieurs parties, ou par la formation de gemmes qui se détachent, ou enfin par celle d'œuls dont l'évolution s'effectue hors de l'individu produc- teur quand ils renferment tous les éléments nécessaires à la constitution du nou- vel être, et dans son intérieur lorsqu'ils n'ont pas en eux-mêmes tous les maté- riaux formateurs de ce dernier. I. — GÉNÉRATION SPONTANÉE. Toute l'antiquité a cru que beaucoup d'animaux pouvaient se développer spon- tanément, dans la terre, les eaux, les matières en décomposition. Les natura- listes, Aristote, Pline ont partagé cette croyance avec les philosophes, Épicure, Lucrèce, les poètes et le vulgaire. Mais, dès le commencement du dix-septième siècle, Redi montra que ce mode de génération ne s'appliquait point aux insectes et aux larves qui -vivent dans les matières en putréfaction. Plus tard, Vallisnieri, Swammerdam, Réaumur apportèrent de nouveaux faits propres à faire tomber l'opinion ancienne; néanmoins celle-ci conserva des partisans à l'égard des infu- soires, des cryptogames microscopiques, et même d'un assez grand nombre d'entozoaires. On sait depuis Leeuwenhoek et Needham que dans les eaux croupissantes et dans les matières organiques humectées il se développe, sous l'inHuence de l'air et de la chaleur, des myriades d'infusoires excessivement petits, de forme très GÉNÉRATION SI'ONTANÉF.. 86S variées, qui se nieuvi'iit avec une gniiulo i'a[)i(lit(''. Co dernier observateur', qui lit plusieurs de ses recherclios de concert avec BulVon, plaça dans des vases de verre bien fermés des infusions de diverses semences, et au bout d'une quinzaine de jours il trouva dans ces matières uue quantité prodigieuse d'animalcules microscopiques. Ensuite, pour s'assurer que ces infusoires ne provenaient pas de germes contenus soit dans l'air, soit dans l'eau ou dans les matières orga- niques, il versa dans un llacon, dont il scella l'ouverture, du suc de chair cuite et de l'eau bouillante. Au bout de quatre jours, il y reconnut la présence d'in- fusoires nombreux et de dimensions très variées. Enfin, par des expériences comparatives faites sur un grand nombre de substances animales ou végétales séparées, il arriva à des résultats identiques, soit que les vases fussent ouverts ou fermés, soit que leur contenu eût ou n'eût pas été soumis à l'ébullition. Bufl'on, trompé par ces expériences où se glissaient des erreurs inévitables à son époque, admit la génération spontanée des animaux inférieurs par un groupe- ment de molécules 07'ganiques opéré sous l'influence d'affinités spéciales com- parables aux affinités chimiques ou à celles qui donnent naissance aux cristalli- sations de substances minérales. Spallanzani, dans une série d'expériences mieux combinées que celles de Bulïon, fit bouillir ses infusions de matières organiques de manière à tuer les organismes déjà formés et à priver les germes de la faculté de se développer. Il vit des myriades d'animaux microscopiques naître dans les infusions laissées en communication avec l'air, el au contraire, fort peu de ces êtres dans celles qu'il tint en vase clos; néanmoins, il se prononça contre l'idée de la génération spontanée. Depuis Spallanzani, divers observateurs ont constaté que les infusoires ne se développent ni dans les matières organiques bouillies mises dans des flacons exactement remplis, ni dans celles qu'une couche d'huile soustrait au contact de l'air, ni même, comme Milne Edwards l'a vu, dans des tubes où il reste de l'air, tubes fermés à la lampe et soumis également à l'action de la chaleur -. Mais ici l'air manque, ou le peu d'oxygène qui existe peut disparaître par le fait de la décomposition des matières organiques ; par conséquent, une condition d'existence essentielle fait défaut. Évidemment ces expériences ne pouvaient trancher définitivement la question. Si d'un côté il se développe des infusoires dans les matières bouillies et tenues en vase clos, c'est, peut-on dire, parce que tous les germes n'ont pas été tués ou parce que, faute d'une occlusion hermétique, il en est rentré de nouveaux. Si, de l'autre, il ne s'en produit pas, c'est que l'air manque ou se trouve en quantité insuffisante. Pour se placer dans de bonnes conditions, il faut tuer les germes préexistants du milieu sur lequel on opère, s'opposer à l'entrée de nouveaux germes, enfin laisser k ce milieu les conditions de température, de composition et d'oxygénation compatibles avec la vie animale et végétale. Or c'est ce qu'on a finalement tenté. Schultz a fait arriver l'air dans ses infusions après l'avoir lavé à travers un bain d'acide sulfurique; Schrader Ta tamisé à travers un filtre de 1. Xeedham, Noàuelles ohservalions microscopiques, Paris, 1750, p. 192 et suiv. 2. Milne Edwards, Leçons siii- laphys. et l'anal, comp., t. VIII, p. 260. G. COLIN. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 55 866 DE LA GENEKATION. coton arivtant les corpuscules et les germes de toutes sortes; Bernard l'a ainen^' dans ses aiipareils à travers un tube chauffé au rouge, etc. : tous ces expérimen- tateurs n'ont vu se développer ni infusoires, ni végétations microscopiques. M. Pasteur ' est allé plus loin. Il a, dans des expériences fort remarquables et très habilement conduites, constaté que le développement des infusoires et des végétaux microscopiques est subordonné à l'apport dans les matières orga- niques de germes aériens. En enfermant hermétiquement des solutions albumi- neuses et sucrées dans des ballons qu'on chaude ensuite à 100 degrés pour tuer tous les germes, il n'a jamais vu se développer ultérieurement ni globules de ferment, ni infusoires, quoiqu'il fît arriver dans ces ballons de l'air puridé par son passage à travers des tubes rougis, ou de l'air dont les corpuscules avaient été arrêtés par un filtre de coton, Au contraire, dans les mêmes solutions, les êtres organisés se sont développés dès qu'il y a porté des poussières aériennes, et ils s'y sont produits dans les points mêmes où les poussières ont été déposées. Dans loutes les expériences faites par ce savant, l'évolution des êtres organisés dans les solutions a été proportionnelle à la masse de germes contenus dans l'air de ses appareils. La plupart des solutions mises dans les ballons pleins d'air pris soit dans les caves profondes de l'Observatoire de Paris, soit sur les sommets du Jura ou sur les flancs du mont Blanc, à la hauteur des glaciers, ne se sont peuplés d'aucun être organisé. Des expériences instituées avec cette rigueur seraient démonstratives si elles donnaient constamment les résultats obtenus par M. Pasteur, et s'il étaitdémontré que l'ébuUition ne rend pas les matières impropres à donner des organismes végétaux et animaux. Mais les résultats ont \'arié suivant les expérimentateurs. MM. Pouchet et Houzeau ont vu les végétations cryptogamiques et les infusoires se développer dans un appareil renversé sur le mercure, oi!i ils faisaient arriver l'air et la matière organique préalablement chauffée à 100 degrés. D'autre part, MM. Joly et Musset^ ont obtenu, dans l'air pris sur les pics pyrénéens, ce qu'on obtient dans l'air des régions ordinaires. La difliculté est donc de savoir si dans ces dernières expériences tous les germes de l'air et des matières organiques étaient détruits, et si les précautions étaient bien prises pour mettre obstacle à l'entrée de germes nouveaux. Le fait du développement d'êtres organisés dans l'air pris à de grandes hauteurs n'a aucune importance, puisqu'aux altitudes où Ton s'est élevé l'air peut et doit encore contenir des germes. En somme, cette question tant controversée des générations spontanées, qui peut se trancher d'après les résultats d'une expérience de physique bien faite, est encore indécise aux yeux de quelques physiologistes, en ce qui concerne les infusoires et les végétaux microscopiques; néanmoins elle semble bien près d'être jugée dans le sens des conclusions de M. Pasteur. D'ailleurs, les êtres inférieurs, les végétaux cryptogamiques, les seuls pour 1. Pasteur, Expériences relatives aux générations dites spontanées {Comptes rendus de V Académie des sciences, 1860). — Mémoire sur les corpuscules qui existent dans Val- mosphère et examen de la doctrine des générations spontanées {Ann. des science? nat., 1861). 2. Joly et Musset, Comptes rendus de V Académie des sciences, 1863, t. LVII. GHMÎIIATION Sl'ONTANHE. 8(j7 lesquels l'hétérogéiiK' luiissc nvoir (mehiiic |)robal)ililé, ont des organes repro- ducteurs. Les iiifiisoires les plus petits et les plus simples possèdent d'après les belles observations d'Elironbori;-. conlirmées par celles de M. Balbiani, des organes reproducteurs; ils s'accouplent, pondent des œufs dont on peut suivre le déve- loppement; ils se multiplient même ainsi avec une telle ra|iidité qu'en une dizaine de jours un seul individu peut produire un million de descendants. Le cryptogame, qui se dévelo|>pe dans le bulbe pileux, dans la cavité médullaire de la racine du poil, a aussi des spores. Il est vrai que l'argument tiré de l'existence des organes générateurs n'est pas décisif, puisque, dans les degrés inférieurs de l'échelle des êtres, une même espèce peut avoir plusieurs modes de génération. De même que la scissiparité n'exclut point, par exemple, l'oviparité, l'homogénie ne doit pas nécessairement exclure l'hétérogénie. L'iiétérogénie, qui paraissait naguère encore appartenir à un certain nombre d'entozoaires, ne peut plus être aujourd'hui attribuée à une seule espèce de ces êtres. On a reconnu l'origine de la plupart. Ils viennent de l'extérieur, et sont apportés par l'air, les aliments, les boissons à l'état d'œufs, d'embryons, de larves, ou sous des formes transitoires. Ainsi la larve d'œstre, qui vit dans l'estomac des solipèdes, provient d'œufs pondus par un insecte parfait dans les points du corps où le cheval peut porter la langue. L'astre des sinus du mouton, du larynx du cerf, dérive d'une autre espèce d'œstride, qui pond ses œufs à l'entrée des narines. La larve d'hypoderme appartient encore à un insecte du même genre, qui perfore la peau pour déposer ses œufs dans le tissu cellulaire sous-jacent, Les helminthes de l'intestin, tels que les ascarides, les sclérostomes, l'échinorrhynque, dont les organes sexuels sont très développés, dérivent d'œufs pondus dans le tube digestif, expulsés et réintroduits. Les distomes des voies biliaires proviennent de cercaires, lesquelles dérivent de sporocystes, et ceux-ci de larves ciliées vivant dans les eaux douces. Le taenia, ainsi que l'ont démontré MM. Kiichenmeister, Van Beneden, Siebold\ vient d'un cœnure ou d'un cysticerque, lequel venait d'œufs de taenias dont les embryons, mis en liberté dans l'intestin, s'introduisent dans les tissus jusqu'aux centres nerveux, au foie, oîi ils trouvent des conditions de développement. Le petit pentastome agame des ganglions mésentériques, provient d'œufs pondus dans le nez du chien et avalés par les herbivores. Le pentastome taenioïde du nez du chien et du loup résulte à son tour du développement de celui des ganglions, lequel s'attache aux lèvres des carnassiers qui déchirent les entrailles des petits ruminants. Le slrongle des bronches du veau, celui des poumons du mouton, ont leur origine dans les embryons que les strongles adultes pondent au milieu des mucosités bronchiques, embryons qui vivent des semaines et des mois dans les eaux en attendant l'occasion de rentrer sur un nouvel hôte ^ 1. Voyez particLilièreraent Siebold, Expér. sur (a transformat, des vers vésiculaires en cysticerques [Ann. des se. nat., 18.52). — Van Beneden. Mémoire sur les vers intesti- naux {Suppl. aux Com2:>les rendus de l'Acad. des sciences, 1858). 2. J'ai mis ces faits hors de doute dans divers mémoires : 1° Sur la présence d'une linguaiule dans les ganglions mésentériques du mouton, et sur sa transforinatioji, dans le?iez du chien, en pentastome téenioïde {Comptes rendus de l'Acad. des se, 24: juin 1861, et Recueil de méd. vétér., 1863); 2° Du mode de contagion des maladies vermineuses des 868 DE LA GÉNÉllAï:U.\. Les helmintlies qui vivent au sein des tissus, dans les muscles, dans les reins, le cerveau, les cavités de l'œil, les séreuses, le cœur, le système vasculaire, et, en un mot, dans les parties sans communication avec l'extérieur, s'y sont introduits mécaniquement pendant leur vie embryonnaire, et les naturalistes de ce temps ont pu les suivre dans leurs migrations diverses. Ceux de ces animaux qui n'ont pas d'organes reproducteurs sont parasites sous une forme transitoire, comme les filaires des insectes, puis sortent du corps pour prendre des organes sexuels, et pondre dans la terre des œufs dont les embryons viendront s'installer dans des insectes nouveaux. Quelques-uns même, sans quitter l'animal qui les héberge, passent d'un organe dans un autre, comme la trichine de l'intestin dans les muscles, et offrent une génération sexuée dans le premier organe et une généra- tion agame dans les seconds. Enfin, les helminthes, qui s'échangent d'espèce à espèce, vivent, dans certains animaux, à l'état de larve ou sous une toute autre forme transitoire, et dans d'autres à l'état parfait, comme les échinocoques, les cysticerques, les cœnures des ruminants qui deviennent des tœnias chez l'homme ou les animaux carnivores, les tétrarhynques agames des poissons osseux, qui passent à l'état adulte et sexué chez les poissons cartilagineux. Certainement si l'origine de quelques animaux d'une organisation un peu com- pliquée devait être attribuée à la génération spontanée, c'était bien celle de ces espèces à migrations, à métamorphoses, avant que leurs diverses formes fussent rattachées les unes aux autres. Comment, en effet, au premier abord, voir la filia- tion entre le distome hépatique du canard et l'embryon cilié vivant dans les eaux des marécages, entre cet embryon cilié libre et le sporocyste installé dans les cavités respiratoires de la limnée des étangs, puis entre le sporocyste et la cer- caire qui sort des organes respiratoires pour rentrer dans les tissus sous-cutanés du même mollusque, enfin entre la cercaire et le distome qui apparaît une fois que le mollusque est mangé par un palmipède. Et pourtant, malgré les difficultés du sujet si bien débrouillé par Siebold, tout soupçon d'hétérogénie s'est évanoui. En résumé, la génération spontanée, l'hétérogénie, la spontéparité, n'est plus qu'une hypothèse à examiner encore par la voie expérimentale, en ce qui con- cerne les infusoires et les végétations microscopiques. Quoiqu'elle ait contre elle un ensemble de faits parfaitement constatés, il est sage de ne pas la rejeter défi- nitivement, sans un nouvel et rigoureux examen. IL — GÉNÉRATION SCISSIPARE. Quelques animaux inférieurs jouissent de la faculté de se séparer spontanément en plusieurs parties, dont chacune peut devenir un animal complet. Ils possèdent également cette propriété lorsque leur division est artiticielle. Ce mode appartient aux infusoires, aux hydres, aux planaires, aux naïdes : il y présente plusieurs variétés remarquables. voies rexpiratùires et sur la reproducimi des helniiiiUies qui délermineni ces affections {Bull, de VAcad. de méd. 186G, t XXI). GÉNÉRATION PCISSIPARE. 8G9 Chez les infiisoires, la division sponlanée d'un animal complet en deux parties s'efieclue soit longitudinalenient, soit transversalement et par degrés insensibles. D'abord on voit apparaître, d'après Erlienberg, sur Tanimal simple une petite fente qui devient de plus en plus profonde ; il se forme des cils nouveaux, une bouche de chaque côté: les deux moitiés s'écartent l'une de l'autre, et le pédicule qui les unit Unit par se rompre : c'est ce qu'on observe chez les paramécies, les vorticelles, les kolpodes, les stentors. Chez ces animaux, pendant que la division se prépare à l'extérieur, soit par un étranglement de plus en plus prononcé, soit par une fente, les organes internes, ceux de la génération notamment, se modifient de manière à donner à chaque moitié ce qui appartient à l'individu complet. Chez les hydres, d'après Laurent, et chez quelques planaires, d'après Dugès, il s'effectuerait une division analogue de même que chez les naïdes, suivant les observations déjà anciennes de 0. F. Millier. Ainsi, chez la jeune naïde probos- cidienne. qui possède quatorze segments, on voit se développer à l'extrémité caudale du corps de nouveaux segments, dont un certain nombre commence bientôt à se séparer du reste par un resserrement circulaire; et, avant même que ces segments, qui formeront une nouvelle naïde, se soient tout à fait isolés, il s'en produit d'autres entre l'étranglement et la naïde primitive. Cette fissiparité spontanée et naturelle n'est pas fort commune, même parmi les animaux les plus inférieurs; mais celle qui est accidentelle s'observe sur un plus grand nombre d'espèces, et s'opère souvent avec une très grande rapidité, notamment chez les hydres et les planaires. Elle peut avoir lieu transversalement, longitudinalenient et dans tous les autres sens ; car on sait, depuis les observa- tions de Trembley, quele polype d'eau douce, divisé irrégulièrement en plusieurs parties, donne naissance à autant d'individus qui régénèrent chacun ce qui lui manque pour devenir un polype complet. L'hydre fendue en travers produit deux individus. La moitié qui porte la bouche et les bras s'allonge, puis se ferme dans le point correspondant à la sec- tion; la moitié postérieure montre bientôt une bouche, et autour de cette bouche des tubercules qui s'étendent et forment des bras. Le même animal, divisé lon- gitudinalement. donne deux moitiés qui, en quelques heures, reconstituent deux polypes. Les bords de chaque moitié se replient l'un vers l'autre, et circonscrivent une cavité digestive complète dont l'entrée s'entoure de bras. Lorsque le polype est partagé irrégulièrement en plusieurs parties, chacune d'elle se creuse une cavité digestive à l'entrée de laquelle apparaissent des bras. Dans le cas d'une division incomplète, chaque découpure produit un polype ayant une cavité diges- tive, une bouche, des bras, et ces polypes demeurent réunis entre eux. Entin, si l'on vient à couper l'hydre en deux moitiés, que l'on remet en contact, elles se réunissent si vite, qu'au bout d'un jour seulement, la proie avalée passe de l'un dans l'autre segment sans difliculté. Il en est encore ainsi des planaires. Suivant Dugès, lorsqu'elles sont divisées, quels que soient le sens de la division et la forme des parties, chacune d'elles reproduit tout ce qui lui manque pour être une planaire complète, pourvu cepen- dant que chaque fragment n'ait pas moins de la dixième partie de l'animal entier. Si la planaire est coupée en travers, il se forme une trompe à celle qui en est g70 DE LA GÉNÉRATION. dépourvue. Si elle est partagée en un grand nombre de fragments; chacun d'eux forme tout ce que possédait la planaire intacte. Dans le cas de division incom- plète, il se produit des planaires à plusieurs bouches et à plusieurs queues. Cette puissance reproductrice se montre encore, mais en s'affaiblissant chez d'autres animaux plus élevés. L'astérie reproduit ses rayons, les insectes, les crus- tacées régénèrent leurs pattes, leurs mandibules, leurs yeux; les annélides, un certain nombre de leurs anneaux; les salamandres, l'extrémité de leur queue et de leurs doigts, même plusieurs rayons de leurs pattes. La régénération chez les animaux supérieurs, ne porte plus que sur de petites parties des tissus, comme la peau, les tendons, les membranes séreuses, etc. La reproduction tissipare, spontanée ou accidentelle, n'exclut pas la généra- tion par les œufs ; ces deux modes coexistent au contraire presque toujours d'une manière évidente. Ainsi, chez les polypes, il existe des organes sexuels, tantôt réunis sur le même individu, tantôt portés sur des individus différents. Les œufs sont renfermés dans des cellules spéciales, et le sperme avec ses spermatozoïdes est contenu dans d'autres cellules. Les planaires possèdent également des organes sexuels bien caractérisés ; leurs œufs éclosent même quelquefois avant d'être expulsés, de sorte qu'elles sont tantôt vivipares, tantôt ovipares. La reproduction scissipare est, chez les plantes, sous le nom de bouture, un mode de multiplication qui appartient à tous les types, même aux plus élevés. Mais il est beaucoup plus simple chez elles que dans le règne animal, puisqu'il se borne généralement à la formation des racines sur les parties implantées dans le sol. La régénération des parties divisées dont il a été question au sujet de la nutri- tion s'opère suivant un mode qui a beaucoup d'analogie avec la scissiparité. IIL — GÉNÉRATION GEMMIPARE. Dans ce mode, qui établit une transition entre la fissiparité et la génération ovipare, il se développe à l'extérieur ou à l'intérieur du corps une excroissance qui prend peu à peu de l'extension, se creuse d'une cavité digestive et acquiert toutes les parties constitutives d'un animal semblable à celui aux dépens du- quel elle a pris naissance. L'individu nouveau, ainsi formé sur un individu ancien, y demeure fixé plus ou moins longtemps, mais finit en général par s'en séparer, pour vivre d'une existence indépendante. La reproduction par gemmes appartient aux polypes dont la génération se fait déjà par la fissiparité et par les œufs, à quelques infusoires, à certains acalèphes, aux helminthes cystiques, à plusieurs annélides. Elle présente dans chaque groupe de ces animaux des particularités fort intéressantes au point de vue phy- siologique. Chez les infusoires désignés par les naturalistes sous les noms de vorticelles et de vorticellines, on voit apparaître en un point de la surface extérieure du corps, notamment vers le pédicule, un petit bourgeon qui augmente progressivement de volume, prend une bouche, des cils, et arrive aux proportions de l'individu sur lequel il s'est développé et dont il se sépare par la suite. GKNKHATION GEMMIPARR. 871 Chez les hydres, les gemmes se inoiilieiii sur toute l'étendue du corps, prin- cipalement v»M"s le pied, jamais sur les bras. Ils se présentent sous l'aspect de petites élevures arrondies, à l'intérieur desquelles la cavité di.^estive se prolonge. Au sommet de ces élevures, qui deviennent de plus en plus saillantes, se creuse une bouche et autour d'elle se forment des bras, dont l'extension va en croissant progressivement. Lorsque l'hydre nouvelle qui résulte du bourgeon né à la sur- face de l'hydre ancienne a acquis un certain volume, sa cavité digestive, d'abord en continuité avec celle de l'hydre mère, s'isole de cette dernière ; la partie qui iniit ces deux êtres s'étrangle peu à peu, et enhn les deux individus se séparent c )mplètement : le fait annoncé par Trembley a été vérifié par Laurent et par d'autres observateurs. Dans certains zoophytes, tels que les coraux, les gorgones, les alcyons, les individus nouveaux résultant du développement des gemmes demeurent attachés aux anciens, et forment avec eux des agglomérations souvent remarquables par leur élégance et leur régularité. Les syllis, étudiées par M. de Quatrefages, se reproduisent d'après un mode de gemmation différent de celui des hydres. Lorsque l'annélide est parvenue à un certain degré de développement, il se forme à l'extrémité postérieure de son corps plusieurs anneaux dont l'ensemble se sépare en masse de la svllis ancienne. Les premiers anneaux de nouvelle formation s'étant modifiés de manière à con- stituer une tête, la syllis récente devient un animal complet semblable à la pre- mière ; de plus, elle a concentré en elle les organes générateurs dont la svllis mère reste privée : aussi celle-ci devient-elle impropre à la reproduction. Une autre annélide, la myrianide à bandes, peut, d'après Milne Edwards ^ produire jusqu'à six annélides nouvelles, composées chacune d'un assez grand nombre de segments. Le premier individu de nouvelle formation se développe entre les deux derniers anneaux de l'individu primitif ; le second se produit entre le premier individu nouveau et l'individu mère ; le troisième entre celui-ci et le second, de telle sorte que le plus récent fait toujours suite à la myrianide mère, le plus ancien restant à l'extrémité postérieure de k série. Dans les volvoces, les pandorines et les acéphalocystes, la gemmiparité est interne. A l'intérieur d'une grande vésicule se développent des vésicules plus petites, et dans celles-ci d'autres vésicules encore plus étroites. Les échinocoques du foie, par exemple, présentent à la face interne de leur grande enveloppe vési- culaire d'autres vésicules fixées par un pédicule bientôt rompu, lesquelles conti- nuent à vivre à l'intérieur de la grande vésicule morte : puis dans les secondes vésicules il en existe d'autres, et ainsi de suite ; si bien que, par suite de cet emboîtement, les générations nouvelles d'échinocoques ont d'autant plus d'en- veloppes qu'elles sont plus multipliées; et suivant l'expression de Millier, les générations vivantes se trouvent incluses dans les générations mortes. De même dans le cœnure cérébral, si commun chez les bêtes ovines, à la face interne d'une grande vésicule sont implantées des têtes qui représentent des individus distincts, destinés à se séparer et à se compléter plus tard. 11 importe de remarquer que dans tous les animaux à reproduction gemmipare 1. Milae Edwards, Obs. sur le développ. des annélides [Ann. des se. iial.. 1845 . 872 DE LA GÉ>EHATION. il y a en même temps reproduction par des œufs. Les hydres, les syllis, la myria- nide possèdent des œufs et des spermatozoïdes; il n'en est pas de même pour les acéphalocystes, tels que les cœnures et les échinocoques, qui doivent seulement se reproduire en passant dans l'intestin d'autres espèces et en prenant la forme de lœnias. IV. — GÉNÉRATION OVIPARE. Ce mode, propre à la généralité des animaux, est celui qui s'opère h l'aide d'œufs \ivitîés sous l'influence d'un fluide chargé de spermatozoïdes. Il se montre avec une foule de variétés chez les radiaires, les articulés, les mollusques et les vertébrés. Les organes qui concourent à son accomplissement sont de deux- ordres : les uns mâles, destinés à la formation et à l'excrétion du fluide fécon- dant ; les autres femelles, préposés à la production et à l'expulsion des œufs. Les organes mâles, réduits à leur plus grand état de simplicité, se présentent sous la forme de cellules ou de petites capsules plus ou moins nombreuses, ren- plies d'un liquide dans lequel nagent les spermatozoïdes. Chez les polypes, ces cellules, analogues à celles des œufs près desquels elles sont situées, se trouvent à la base des tentacules. Les glandes spermagènes constituent déjà, dans quelques échinodermes et certains acalèphes, des canaux plus ou moins longs et flexueux. Elles prennent, dans les helminthes et dans la généralité des articulés, la forme de longs tubes simples ou ramifiés, plus ou moins llexueux. Elles revêtent l'as- pect de glandes compactes dans beaucoup de mollusques et dans tous les verté- brés, bien qu'elles continuent à n'être que des canaux repliés sur eux-mêmes A ces glandes qui sécrètent le sperme, s'ajoutent, à mesure que l'organisme se complique, des réservoirs dans lesquels ce fluide se met en dépôt, des cryptes dont le produit facilite l'émission de la liqueur séminale, et un organe résistant, souvent érectile, qui peut projeter celle-ci dans les cavités génitales de la femelle. Mais dans tous les cas, l'appareil sexuel du mâle reste essentiellement le même; il produit un fluide variable quant à ses propriétés physiques, et dont le carac- tère constant est de renfermer des spermatozoïdes, fluide qui doit se mettre en rapport avec les œ^ufs et en opérer la vivification, soit dans les cavités génitales de la femelle, soit en dehors de ces cavités. L'appareil génital femelle, dans beaucoup d'animaux inférieurs, ne diffère pas sensiblement, pour la forme, de l'appareil spermagène. Comme ce dernier, il est constitué par des cellules, des groupes de capsules, des tubes plus ou moins longs et repliés, dans lesquels se produisent des œufs qui se reconnaissent par un cer- tain nombre d'éléments essentiels, la membrane vitelline, le vitellus et la vésicule germinative. Lorsque cet appareil est arrivé à son dernier terme de complication, ces différentes parties se caractérisent très nettement. L'ovaire se montre sous l'aspect d'un groupe d'œufs inégalement volumineux, simplement accolés entre eux ou réunis par une gangue intermédiaire. A la suite, un canal, l'oviducte, est destiné à transmettre l'œuf au dehors, ou dans une cavité spéciale, l'utérus, dans lequel il doit contracter des adhérences vasculaires et suivre toutes les phases de son développement. Enfin, à la suite de cet utérus, un canal seit à la fois GËNÉftATION OVIIVaRF.. 873 à l'expulsion du fd-tus et à la réception du lliiide séminal fourni par le mâle. Les organes mâles et les organes femelles, toujours distincts les uns des autres, se trouvent tantôt réunis sur le même sujet, tantôt portés par deux individus, dont le rapprochement devient nécessaire à la fécondation. La réunion des organes sexuels mâles et femelles sur le même individu, ou l'hermaphrodisme, s'observe dans les infusoires, les rotifères, les polypes, les écliinodermes, les helminthes cestoïdes, les mollusques et même dans quelques vertébrés. La fécondation peut alors être ou individuelle, ou réciproque, ou sériale. La première variété de rhermaphrodisme s'observe chez lés rotatoires, les polypes, les distomes et certains échinodermes. les synaptes, par exemple. Chaque animal porte à la fois des organes mâles et des organes femelles. Les œufs et le sperme se mettent en contact dans les voies de leur élimination, ou tout à fait en dehors de ranimai. Quelquefois, comme on l'a vu pour le tfenia, l'animal se féconde en s'accouplant avec lui-même. La seconde variété appartient à un certain nombre de mollusques, notamment parmi les acéphales et les gastéropodes, et à divers helminthes. L'animal, quoi- que pourvu à la fois d'organes mâles et d'organes femelles, ne peut être fécondé sans s'unir à un autre animal de son espèce. Mais, lors de l'accouplement, il y a réciprocité entre les deux individus, qui jouent en même temps chacun le rôle de mâle et celui de femelle : chacun reçoit et fournit du sperme, féconde et se trouve fécondé. Néanmoins, quelquefois, dans cet accouplement réciproque, l'un des deux seulement serait fécondé, et l'autre ne le serait que plus tard, par suite d"un rapprochement ultérieur. Cette exception paraîtrait résulter de ce que, à certains moments ou à une certaine époque de la vie, les organes mâles d'un individu seraient seuls aptes à fonctionner, tandis qu'à un autre moment ou à une autre époque de la vie les organes femelles acquerraient ce privilège. La troisième variété, la moins commune, a lieu chez les lymnées, qui s'accou- plent en longues chaînes, de telle sorte que le dernier delà série féconde Tavant- dernier, celui-ci l'antépénultième, et ainsi de suite. L'hermaphrodisme, quel qu'en soit le mode, n'implique pas une organisation plus simple dans le règne animal que la distinction des sexes ; car, en exceptant les espèces les plus inférieures, on le voit exister dans un même embran- chement, dans une même classe, sur des espèces voisines de celles dont les sexes sont distincts. Néanmoins , il est à remarquer que l'hermaphrodisme est plus rare parmi les articulés que parmi les mollusques. Il n'existe que par une exception fort curieuse, signalée par plusieurs naturalistes et étudiée récem- ment par M. Desfossé, chez quelques poissons du genre Serranus de Guvier. Dans ces poissons, les organes mâles communiquent avec l'oviducte et y versent le sperme sur les œufs. La réunion des deux sexes avec leurs organes complets sur le même animal ne paraît pas avoir été observée ni sur les mammifères, ni sur l'espèce humaine. L'hermaphrodisme par monstruosité n'est ordinairement qu'apparent et imparfait. Chez le mâle, les testicules peuvent rester dans l'abdomen ou demeurer cachés dans le trajet inguinal, le prépuce peut être imperforé, le pénis recourbé en arrière et 874 DE LA GÉNÉRATION. terminé sous l'anus, dans une sorte de vulve, le canal de l'urètlire ollrir une fente vuhaire àla région périnéale, les mamelles s'hypertrophier et donner du lait. La coexistence de ces particularités anormales suffit pour donner au mule des apparences féminines. Quelques-unes d'entre elles seulement peuvent simuler, à première vue, un sexe équivoque ou deux sexes réunis sur le même individu. L'hermaphrodisme vrai se concevrait dans les monstres doubles résultant de la coalescence d'un mâle et d'une femelle. La séparation des sexes commence à s'opérer déjà dans les classes inférieures, comme parmi les polypes et les échinodermes : elle existe dans une grande par- tie des mollusques, dans la généralité des articulés, notamment chez les arach- nides, les crustacés et les insectes, enfin chez les vertébrés. Elle entraîne de toute nécessité le concours de deux individus de sexe différent pour la reproduc- tion : mais ce concours, qui a pour but unique de mettre le sperme en rapport avec les œufs, s'effectue de trois manières bien distinctes. Par la première, qui est celle des poissons, le mâle et la femelle répandent dans le milieu ambiant les œufs et le sperme, dont la rencontre fortuite donne lieu à la fécondation : par la seconde, qui appartient aux batraciens, le mâle se fixe à la femelle et en arrose les œufs à mesure qu'ils sont pondus; par la troisième, qui s'observe chez la généralité des animaux, il y a accouplement : le mâle introduit dans les cavités sexuelles de la femelle le fluide qui féconde les œufs avant leur élimina- tion. Chez les animaux dont la fécondation résulte d'un accouplement , l'œuf se développe : 1° ou après avoir été éliminé; 2° ou en parcourant ses voies d'éli- mination, soit sans y contracter des connexions vasculaires, soit en tirant de la mère, à l'aide de rapports vasculaires, les matériaux formateurs du nouvel être; dans le premier cas, les animaux sont ovipares ; dans le second, ovo-vivipares, et dans le troisième vivipares. CHAPITRE LXXI DES SENSATIONS RELATIVES AUX ACTES REPRODUCTEURS. Chez tous les animaux à sexes séparés, et chez la plupart de ceux oii les sexes sont réunis sur le même individu, la condition préliminaire indispensable à la reproduction consiste dans l'action du fluide séminal sur l'œuf. Cette action, qui nécessite pour la généralité des espèces le rapprochement du mâle et de la femelle, n'est pas laissée à la volonté et à l'arbitraire des animaux. La nature, toujours si admirable dans ses combinaisons, en a soumis l'accomplissement à une implusion instinctive, irrésistible, qui se fait sentir à certaines époques de la vie, et qui se renouvelle périodiquement tant que l'animal jouit de la faculté de se reproduire. L'aptitude à la propagation de l'espèce se développe parmi les animaux, de SENSATIONS RELATIVES AUX ACTES HECRODUGTEURS. 875 mémo que chez riioiiiine, bien avant avaiil (|iie rintlividu ait atteint le terme de sa croissance, comme si l'activité propre de l'individu devait s'essayer à la pro- création avant même d'avoir achevé l'être commencé. L'époque à laquelle elle se montre, appelée l'âge de la puberté, quoique très variable dans le règne animal, est à peu près (i\e pour chaque espèce; elle est soumise à quelques lois relatives à la durée de la gestation, de l'accroissement et de la vie. En général, notamment parmi les mammifères, les animaux acquièrent d'au- tant plus vite la faculté de se reproduire que leur gestation est plus courte et leur vie plus brève. La souris, le cochon d'Inde, l'écureuil, Te lapin, qui portent de vingt à trente jours, arrivent plus tôt à la puberté que le porc, le sanglier, la brebis, la chèvre, le mouflon, le chevreuil, le lama, dont la gestation est de quatre à six mois; ceux-ci se reproduisent plus tôt que le daim, le cerf, l'élan, la vache, qui ont une gestation de huit à neuf mois ; ces derniers ont le pas sur les solipèdes, qui portent onze mois ; sur la girafe, le ch ameau, qui portent un an ; sur l'hippopotame qui porte quatorze mois; sur le rhinocéros, qui porte seize mois, et l'éléphant, deux ans. L'aptitude à la reproduction se montre généralement avant l'époque à laquelle les animaux arrivent à l'âge adulte ou au terme de leur accroissement. On sait que la lapine et la truie peuvent concevoir à l'âge de quatre à cinq mois ; la brebis et la chèvre, à celui de dix à douze mois ; la vache, à un an et demi ; la jument de la deuxième à la troisième année. Les espèces dont les gestations sont courtes et fréquemment renouvelées peuvent se reproduire ainsi plusieurs fois de suite avant l'époque de leur développement complet. L'organisme, au moment de la puberté, éprouve chez les animaux, dans les deux sexes, des modifications remarquables qui, pour la plupart, varient à l'infini suivant les espèces. D'abord, c'est vers cette époque que se dessinent les différences physiques, intellectuelles et instinctives, qui, dans la généralité des animaux supérieurs, se manifestent entre le mâlç et la femelle. Pendant la première jeunesse, les deux sexes, à peu près semblables par leur conformation, présentent sensiblement un caractère, des mœurs, des instincts et des habitudes uniformes. A mesure que se développe la faculté reproductrice, chaque sexe se modifie dans le sens du rôle qu'il est appelé à remplir. Le mâle, qui doit subjuguer ses rivaux par la force, se rendre souvent maître delà femelle parla violence, et devenir en quelque sorte le chef ou le dominateur de l'espèce, prend des formes plus rudes, une taille généralement avantageuse; il devient plus fort, plus courageux ; sa voix acquiert une gravité qu'elle n'avait pas auparavant. La femelle, au contraire, destinée aux paisibles soins de l'éducation des petits, conserve des mœurs plus douces ; sa conformation féminine est encore, jusqu'à un certain point, celle du jeune âge; elle ne prend pas les ornements qui semblent la marque extérieure de la prééminence et de la souveraineté du mâle; la physionomie, l'expression générale de tout son être ont un cachet caractéristique. Parmi ces changements, les plus remarquables tiennent à la conformation, à la taille des animaux, à l'état des organes sexuels, aux instincts et à diverses particularités très variables, suivant les espèces. 876 DR LA GÉNKHATION. Relativement à la conformation, à la taille et à la physionomie, les change- ments, qui dans chaque sexe se manifestent vers l'époque de la puberté, sont généralement les plus saillants. Le mule, parmi les mammifères et les oiseaux polygames, prend des proportions plus avantageuses; dans l'espèce du cheval, l'encolure devient plus forte et plus épaisse, la crinière plus fournie, les naseaux plus amples et plus dilatables, le larynx et la trachée plus larges; dans l'espèce bovine, le taureau a la peau plus épaisse que la femelle, les articulations plus larges, l'encolure plus massive, la tète plus lourde, les cornes plus fortes, le fanon plus long; chez les cerfs, la tête du mâle s'orne d'un bois que ne porte pas la femelle; l'éléphant mâle prend des défenses bien plus longues que la femelle ; le lion possède une crinière épaisse dont la lionne est dépoui'vue. Parmi les oiseaux, l'âge de la puberté se montre par un changement dans le plumage; le coq prend une crête, une queue à longues plumes, des ergots plus ou moins développés. Les caroncules du dindon, le plumage du faisan, celui de la plupart des oiseaux sauvages, offrent chez le mâle, soit des nuances particulières, soit des marques qui les distinguent de ceux de la femelle. Parmi les poissons, les reptiles, et jusque chez les invertébrés, il y a des différences de taille, de con- formation. Beaucoup d'insectes mâles sont plus petits que leurs femelles, et un grand nombre d'helminthes, les tilaires, les ascarides, les linguatules entre autres, sont dans le même cas. Les organes sexuels éprouvent des modifications remarquables à l'âge auquel les animaux acquièrent l'aptitude à la reproduction. Chez le mâle, les testicules deviennent plus volumineux, et dans quelques espèces seulement ils sortent de la cavité abdominale ; le sperme est sécrété en abondance, et les animalcules y apparaissent ; ce fluide s'accumule dans les vésicules séminales jusqu'alors petites et resserrées; l'érection devient complète et fréquente; les émissions spermatiques commencent à s'opérer même quelquefois à l'approche des femelles sans qu'il y ait accouplement. Chez celles-ci, les mamelles prennent du dévelop- pement et les ovaires se gonflent; il s'y développe des vésicules de de Graaf. La ponte périodique commence à s'effectuer avec les caractères qu'elle conservera pendant le reste de la vie. Enfm, une foule de modifications surgissent dans le caractère, les instincts, les mœurs et les habitudes des animaux ; la plupart des traits de ressemblance qui, dans le jeune âge, existaient entre les mâles et les femelles, s'effacent plus ou moins complètement. Mais, lorsque les animaux sont privés des organes essentiels à la reproduction, ils n'éprouvent plus, à l'âge auquel apparaît la fécondité, les changements qu'amène avec elle la puberté. Les formes, les proportions, la vigueur, le carac- tère et les habitudes des animaux se modifient d'une manière sensible. Privés jeunes de leurs testicules, le cheval et le bœuf, tout en arrivant au degré de développement propre à leur espèce, prennent des formes dont l'ensemble diffère notablement de la conformation générale de l'étalon et du taureau; ces animaux deviennent moins lourds, moins massifs. Leur tête est moins forte, leur enco- lure plus droite, plus longue, plus mince; leur poitrine plus étroite; leurs épaules moins musclées, leur croupe plus légère, leurs articulations moins épaisses, leurs membres plus déliés. La peau parait plus mince, la crinière SENSATIONS RELATIVES AUX ACTES REPRODUCTEURS. 877 moins toiilTue, l'ossature plus lôyôre, le système musculaire moins développé, et par suite peu éner^Mcpie. La moindre ampleur des voies aériennes, du larynx, du thorax, fait perdre à la voix de sa gravité. Les parties de l'appareil génital qu'ils ont conservées, la verge, les prostates, les vésicules séminales, n'acquièrent pas leurs dimensions ordinaires. L'animal, n'étant plus dominé pur les instincts de la reproduction, devient plus doux, plus facile à instruire et à gouverner. Mais si la castration est opérée vers l'âge adulte , elle ne fait qu'éteindre ou adaiblir les instincts génésiques. L'animal ayant alors pris son développe- ment à peu près complet, conserve la plupart de ses caractères. Les proportions du corps, le volume des masses musculaires, l'ampleur de la poitrine ne peuvent plus éprouver de modifications considérables. On sait que l'eunuque est dans le même cas que les animaux. Il prend, s'il a été mutilé jeune, des formes fémi- nines, son corps reste glabre et son pubis dénudé. Néanmoins, s'il a subi très tard la castration, les parties conservées ne s'atrophient pas, ce qui, suivant la remarque de Ju vénal, n'était point indillérent aux esclaves des dames romaines. Les animaux privés des attributs de leur sexe acquièrent une grande aptitude à l'engraissement ; leur chair est plus molle, d'une saveur plus agréable; elle a perdu l'odeur souvent repoussante que possède celle des mâles arrivés à l'âge adulte. La castration produit, du reste, des effets -variables, suivant les animaux. Sous son influence, les cornes des ruminants deviennent plus saillantes, plus effdées ; les bois de plusieurs ne tombent plus, ou, s'ils étaient tombés lors de la mutila- tion, ne se renouvellent point. Le coq ne prend plus d'ergots robustes ; sa crête n'arrive pas à son développement ordinaire; sa queue, son plumage, perdent leur aspect habituel ; sa voix ne vibre plus comme celle du maître de la basse- cour. Sans courage, sans énergie, il essuie les mauvais traitements du mâle qui jouit de la plénitude de ses facultés. Les animaux parvenus à l'âge de la fécondité éprouvent périodiquement, et même quelquefois d'une manière continue, une excitation particulière qui les porte à perpétuer leur espèce. Cet état que l'on appelle le rut chez les animaux sauvages, et les chaleurs dans les espèces soumises à la domesticité, est caractérisé par une excitation générale qui reflète celle des organes génitaux, excitation coïncidant, comme nous le ver- rons, chez les femelles, avec le travail de l'ovulation. Les phénomènes elles signes qui l'annoncent sont les uns communs aux deux sexes, les autres propres au mâle ou à la femelle. Dans les deux sexes, l'appareil génital éprouve une turgescence plus ou moins vive, qui en augmente la sensibilité et y détermine des sécrétions abondantes. Cette stimulation de l'appareil reproducteur réagit sur toute l'économie : une sorte de fièvre s'empare de l'animal; sa sensibilité s'exalte, il perd l'appétit, éprouve une soif très vive; on le dirait en proie à une vague inquiétude ; les ins- tincts génésiques, jusqu'alors assoupis, poussent les sexes à se rechercher et à se rapprocher. Le carnassier solitaire revient momentanément en société; l'animal sauvage erre à travers les forêts, parcourt des déserts immenses à la rencontre d'un animal d'un autre sexe. Les troupes sauvages se désunissent ; l'amour, ^78 DE LA GKlNlilUTION. comme le dit Aristote, sépare les herbivores qui paissaient ensemble. Ceux qui viennent à se rencontrer, s'ils sont rivaux, se livrent souvent des combats terri- bles; ils montrent un courage et une persévérance inusités à vaincre les obs- tacles qui s'opposent à la satisfaction de leurs désirs. Certains animaux domes- tiques, emportés par la fougue de leurs désirs, méconnaissent la voix de leur maître et deviennent intraitables. Les mâles, dans la généralité des espèces, entrent périodiquement en rut, quoiqu'ils soient toujours disposés à couvrir leurs femelles, dès que celles-ci sont en chaleur. Pour ceux qui vivent àl'état sauvage, ce l'ut coïncide avec celui des femelles, et il est même déterminé par ce dernier, caria seule présence d'une temelle en chaleur suflit pour exciter au plus haut degré l'ardeur génésique du mâle. Néanmoins, en l'absence de la femelle, le rut du mâle se montre avec une certaine intensité, même chez les animaux qui ne se reproduisent pas en capti- vité, comme on le voit chez les éléphants et les rhinocéros de nos ménageries. Sous l'inlluence de cette excitation, le cheval hennit fréquemment, s'agite sans cesse, trépigne, porte les oreilles dans toutes les directions. Il entre souvent en érection, éprouve quelques perles séminales; la contraction des crémasters maintient les testicules rapprochés de la région inguinale, et leur imprime parfois des mouvements très marqués. Le taureau a la bouche pleine d'écume, mugit à des intervalles très rapprochés, parcourt les prairies, flaire toutes les femelles qu'il rencontre, livre des combats terribles à ses rivaux. L'âne devient méchant, intraitable; les béliers se battent entre eux avec fureur; le dro- madaire le plus doux est alors dangereux pour son conducteur. Parmi les espèces sauvages, le moment du rut est celui des combats, car c'est parla force et la vio- lence que le vainqueur satisfait ses désirs, usurpant pour lui seul un droit que la nature a donné à tous. L'odeur de la transpiration et des sécrétions sébacées devient plus forte et prend des caractères particuliers, comme le bouc nous en offre un exemple remarquable, et cette odeur, chez les espèces sauvages, donne à la chair, au moment de rut, un goi^it désagréable. Chez certaines espèces, il s'établit des sécrétions sébacées abondantes, comme celles des glandes temporales de l'éléphant et du dromadaire. Ce dernier animal éprouve des sueurs au com- mencement et à la lin du rut, un appendice de son voile du palais sort souvent de la bouche vers la commissure des lèvres, et, une fois le rut calmé, la mue com- mence à s'effectuer. Les bois des cerfs, des chevreuils, des daims, qui servaient de parure nuptiale, ne tardent pas à tomber aussitôt que le moment des amours est passé. Les femelles, à l'époque du rut, éprouvent une excitation générale non moins vive que celle des mâles. Elles ressentent une ardeur fébrile qui leur fait perdre l'appétit et les jette dans une agitation presque continuelle. Elles recherchent les mâles, les suivent à distance, les provoquent souvent par des caresses, qu'elles sont, suivant l'expression de Dugès, habituées à recevoir; elles montent sur eux, sur les mâles privés d'organes sexuels, de même que sur d'autres femelles ou sur des animaux d'espèces différentes. Elles font de fré- quents efforts pour uriner, mais elles urinent peu à la fois ; il y a dans quelques- unes, notamment chez les solipèdes, des mouvements très répétés du clitoris et SENSATIONS RELATIVES AUX ACTES REPHÛLiUCTEURS. 879 des lèvres de la vulve; les mamelles se gonllent: la sécréliun du lait, si elle esl active, diminue sensibleuienf. : la muqueuse va^Miiale est injeeti'e ; il s'écoule par la vulve tuméfiée un lluide vis(|ueu\, [tarfuis sanguinolent, analogue à celui de la menstruation chez la femme, fluide (|ui provient, en forte proportion, chez la vache, non de l'utérus, mais des glandes énormes placées en avant des lèvres de la vulve, et dont j'ai constaté la turgescence et l'hyperséciétion pendant la période du rut'. Cet écoulement sanguinolent n'est pas, à beaucoup près, général parmi les mammifères; néanmoins il a lieu dans un assez grand nombre d'espèces. Bulïon, G. Cuvier, F. Cuvier, Geoffroy Saint-Hilaire l'ont observé sur divers quadrumanes, notamment sur les femelles des macaques, des guenons, des cyno- céphales. Plusieurs auteurs l'ont vu chez certains carnassiers, tels que les chauves-souris, les genettes, les chattes, les chiennes; sur des ruminants, et entre autres la bufflesse et la biche. J^e fluide, qui s'écoule en quantité variable au moment du rut, est très odorant; son odeur attire les mâles souvent à de grandes distances, et leur donne le moyen de distinguer les femelles en chaleur de celles qui ne le sont pas. Qu'il soit simplement rauqueux, ou roussàtre, ou sanguinolent, il devient pour le màlc qui flaire la femelle un excitant très énergique. L'époque du rut n'est pas la même pour toutes les espèces animales, mais elle est fixée assez exactement pour la plupart d'entre elles. Les animaux domes- tiques et ceux qui, sans être réduits à un état de servitude, trouvent un abri et une subsistance assurée dans nos habitations, jouissent presque constamment, suivant l'observation de Fr. Cuvier, de la faculté reproductrice. Les animaux sauvages, au contraire, n'ont de tendance à la reproduction que dans certaines saisons et à des époques semblables pour tous les individus de la même espèce. D'après les observations de Fr. Cuvier ^ les époques du rut sont assez bien délerminées pour les carnassiers, les rongeurs et les ruminants. Les premiers, comme on le savait déjà pour un grand nombre d'entre eux, sont en chaleur pendant l'hiver : les loups, de décembre à février; les renards, l'isatis, la chienne, à peu près au même moment; le hérisson, à la fin de l'hiver, en sortant de son engourdissement. Les ours font exception à la règle, très probablement à cause delà torpeur dans laquelle ils sont plongés pendant la saison froide; ils n'en- trent en rut qu'en été. Toutefois, les carnassiers en captivité ne sont pas tous soumis à la loi; le lion, le tigre et les autres chats n'entrent en chaleur qu'à des époques variables et à des intervalles très éloignés ; le loup ne devient en rut qu'au mois de mars, sous l'influence de la même cause. Parmi les rongeurs, le lièvre est en rut surtout en février et en mars; le hamster, à la lin d'avril ; l'ondatra et l'écureuil au printemps. Plusieurs d'entre eux, faisant plusieurs portées par an, comme les rats et les campagnols, ont aussi nécessairement d'autres saisons que la fin de l'hiver pour se livrer à la reproduction. Quelques pachydermes, comme les sangliers et plusieurs ruminants, le droma- daire entre autres, sont en rut pendant l'hiver, de janvier à mars au plus tard, 1. G. Colin. Description des glandes vaginales de la vache [Recueil de mëd., vét,, 1864) 2. F. Cuvier, Du rut {A?m. du Muséum, 1807, t. IX; p. 118). 880 i)E LA GÉiNÉIlATION. mais la plupart sont en chaleur en automne ; les brebis et les chèvres en sep- tembre, les rennes à la (in du même mois, les cerfs, les daims, les chevreuils en octobre et novembre. On sait que pour les oiseaux la saison des amours est la fin de l'hiver et le commencement du printemps. Alors la mue les a revêtus de leur plumage de noces, ils se rassemblent en troupes, font entendre les chants les plus harmo- nieux; le mâle ne quitte plus la femelle dans les espèces monogames, comme les pigeons, qui préludent, comme le dit Pline, par des baisers à des caresses plus intimes. La plupart des espèces domestiques entrent en rut toute l'année, à des inter- valles très rapprochés, de même que les animaux qui supportent, sans trop en souffrir, les ennuis de la captivité. Les singes, l'éléphant, le rhinocéros, le buffle, le zèbre sont dans ce cas. Les mâles sont, du reste, toujours disposés à couvrir les femelles dès que celles-ci entrent en chaleur, comme on le voit pour le che- val, le taureau, le dromadaire, le bélier, le porc, le chien. La durée du rut est plus ou moins longue, suivant les âges, les espèces et quelques autres circonstances. Elle ne dépasse pas un, deux ou trois jours chez la vache et la brebis, trois jours chez la chèvre, dix à douze chez la chienne ; souvent elle n'est que de douze à vingt-quatre heures chez les femelles non fécondées dont les chaleurs se sont déjcà renouvelées plusieurs fois. Le rut reparaît chez les mâles isolés et chez les femelles qui ne portent point, à des époques assez variables. La vache revient en chaleur toutes les trois semaines ou tous les mois, quelquefois à des intervalles beaucoup plus rapprochés; la femelle du buffle et celle du zèbre, à peu près tous les mois, d'après F. Guvier; les singes, du vingtième au trentième jour; les truies et les brebis, du quin- zième au trentième, mais le plus généralement tous les mois. Le rut cesse après la fécondation, et il ne reparaît point pendant toute la durée de la gestation. Néanmoins, il- n'est pas rare de voir des truies et des juments pleines redeman- der et recevoir le mâle. Un assez grand nombre de femelles n'entrent pas en rut avant que la période de la lactation soit passée; mais beaucoup d'autres, telles que la vache et l'ânesse, redemandent le mâle peu de jours après l'accouche- ment : c'est même alors que l'ânesse conçoit le plus aisément, suivant la remar- que d'Aristote reproduite par Buffon. Le rut peut, chez les animaux, se renouveler à peu près pendant tout le cours de la vie. Aristote en avait déjà fait l'observation pour la jument, l'ânesse, la vache, la chienne et les mâles de ces espèces ; il cite même un étalon qui pouvait encore effectuer la monte à l'âge de quarante ans. S'il est vrai que les animaux domestiques peuvent se reproduire jusqu'à un âge très avancé, il est certain que leur fécondité finit par s'épuiser au déclin de la vie, surtout chez les sujets affai- blis par le travail, quelquefois par les privations et les maladies. Alors quelques parties de l'appareil reproducteur, notamment les ovaires, peuvent éprouver un commencement d'atrophie, et d'autres devenir le siège de dégénérescences, comme celle du col utérin de la brebis. Les femelles devenues stériles peuvent quelquefois prendre certains attributs de l'autre sexe, telles les biches, dont la tête peut, dit-on, se charger de bois. SÉCRÉTION SPERMATIQUE. 881 L'excitation qui caractérise le rut et les phénomènes qui l'accompagnent ont leur point de départ, non dans les centres nerveux, comme Gall l'avait pensé, mais dans les organes génitaux. Nous verrons bientôt que, chez les femelles, le travail essentiel qui s'opère au moment des chaleurs est la déhiscence spontanée d'un ovule arrivé à sa maturité. Chez le mâle, l'excitation part d'abord, soit du système nerveux, soit des organes génitaux : du système nerveux, pour réagir sur ces organes lorsque le mâle est impressionné par la présence et les émana- tions de la femelle ; et, au contraire, des organes génitaux pour réagir sur les centres sensitifs, lorsque les lluides élaborés dans les premiers, n'étant point éli- minés, y déterminent une irritation plus ou moins vive. Quant à la périodicité de cette excitation, elle est réglée par la nature en vue de la conservation des espèces. Aristote, si profond observateur, avait bien remarqué que l'époque du rut et de raccou[)lement est celle qui permet aux jeunes animaux de naître dans les saisons où ils trouvent une nourriture assurée'. Seulement, dans les pays chauds, où l'alimentation ne fait jamais défaut, les animaux tels que les cerfs et les antilopes, l'hippopotame, entrent en rut à toutes les époques de l'année, privilège qui, dans tous les climats, appartient aussi à l'espèce humaine. CHAPITRE LXXII DES ACTES SEXUELS PRÉPARATOIRES A LA FECONDATION La procréation d'un nouvel être exige, comme conditions préliminaires, la sécrétion d'un fluide animateur, la production d'un œuf apte à être fécondé, et enfin la mise en contact de ce fluide avec cet œuf. Nous examinerons donc suc- cessivement : 1° la sécrétion spermatique, 2° l'ovulation, 3° l'accouplement. I. — De la sÉCRÉTiOiSr spermatique. Le fluide destiné à aviver les ovules est sécrété par deux glandes situées soit dans la cavité abdominale, soit à l'extérieur, même quelquefois alternativement en dedans et en dehors de l'abdomen. Ces glandes spermagènes, connues sous le nom de testicules, se montrent sous l'aspect de tubes plus ou moins longs, flexueux, simples ou ramifiés, chez les insectes, les crustacés et un grand nombre de mollusques. Elles deviennent compactes dans les poissons, les reptiles, les oiseaux et les mammifères ; mais elles y sont encore constituées par des canaux très fuis, fréquemment anastomosés entre eux, et donnant naissance, en dehors delà masse glanduleuse, à un canal unique. Celui-ci, d'abord peu volumineux, mais de plus en plus large, décrit un grand nombre de circonvolutions dont l'en- semble forme l'épididyme auquel succède le canal déférent, qui va s'ouvrir dans 1. Aristote, Histoire des animaux, traduction française, liv. VI, p. 381. G. coLi.N. — Physiol. comp., 3' édit. II. — 56 882 DE LA GÉNÉRATION. l'urètlire à rorilice des vésicules séminales lorsqu'elles existent. Cette texture est des plus évidentes chez divers rongeurs, le rat notamment, chez lequel on reconnaît à l'œil nu que toute la masse du testicule résulte de l'enroulement d'un canal blanchâtre et plein de sperme. Au contraire, dans divers poissons, les testicules celluleux semblent formés d'un amas de petites loges pleines de sperme, qui est versé dans la cavité abdominale par le fait de la rupture des parois de ces dernières. Les glandes spermagènes demeurent constamment dans la cavité abdominale chez les invertébrés, chez les vertébrés ovipares et quelques mammifères, tels que les cétacés, les carnassiers amphibies, l'éléphant, le daman, l'échidné, l'or- nithorrhynque. Ils demeurent aussi enfermés dans l'abdomen, d'après Cuvier, pour en sortir à l'époque du rut, chez les chauves-souris, la taupe, la musarai- gne, le hérisson, le cochon d'Inde, le castor, l'écureuil et quelques autres. Enfin, ils se trouvent en dehors de l'abdomen, à moins d'un arrêt de développement, chez la généralité des mammifères, soit en arrière de l'ischium, comme dans les carnassiers, le porc, le sanglier, le dromadaire, soit en avant du pubis et au- dessous de l'anneau inguinal dans les solipèdes, la plupart des ruminants. Je les ai aussi toujours trouvés à l'extérieur chez les rats adultes, bien que le trajet inguinal y soit assez large pour leur permettre de rentrer aisément dans la cavité abdominale. Dans tous les animaux chez lesquels les testicules sont extraabdo- minaux, ceux-ci ont pour enveloppes la peau amincie, le dartos dérivé de la tunique abdominale, une membrane fibreuse tapissée en partie par le crémaster, une gaine séreuse, continuation du péritoine, et enfin une capsule albuginée très résistante. Les glandes spermagènes ont pour appareil excréteur le canal déférent qui s'ouvre dans l'urèthre et auquel se trouvent annexées généralement deux vési- cules séminales, une grande et deux petites prostates. Le canal déférent, prolongement de l'épididyme, est plus ou moins large, sui- vant les animaux ; très étroit dans les ruminants, assez ample dans les solipèdes. Parvenu sur les côtés de la vessie, il offre généralement une dilatation allongée, à parois très épaisses. Cette dilatation, extrêmement prononcée chez le cheval et les autres solipèdes, est tapissée par une muqueuse dont la surface libre présente de nombreuses cellules glanduleuses pleines d'un fluide visqueux. Vers l'inser- tion du canal, se trouvent le plus souvent deux poches, très variables sous le rapport de leur forme, de leurs dimensions et de leur structure, faisant à la fois l'office d'organes sécréteurs et de réservoirs spermatiques. Ceè vésicules séminales, allongées, ovoïdes chez le cheval, où elles acquièrent parfois une capacité de 5 à 10 décilitres, ne contiennent jamais une très grande quantité de liquide. Elles sont, d'après Cuvier, ovalaires, très grandes et pour- vues d'un muscle chez l'éléphant; allongées, lisses à la surface, effilées à la pointe et représentant à elles deux, chez le cochon d'Inde, un utérus bicorne; aplaties et découpées en avant comme la crête d'un coq chez les rats. Dans quel- ques animaux elles sont celluleuses, épaisses et à parois glandulaires ; leur cavité est remplacée par de petites loges plus ou moins étroites, de telle sorte qu'on ne sait plus positivement si elles sont des vésicules séminales ou des prostates. SÉCRÉTION SPBRMATIQUE. 883 Ainsi, dans le Itunil et le liélier, elles sont bosselées à la surface et pourvues de parois très épaisses. Au centre de eliiuiue bosselure existe une petite cavité qui conininni(]ue avec un sinus comuuiu assez étroit, s'ouvrant à l'insertion du canal déférent, et plein, de même que les petites cavités, d'une gelée épaisse. Divers auteurs les considèrent comme de véritables vésicules séminales; mais Cuvier, ayant égard à leur texture glanduleuse, en fait des prostates, non sans quelque raison, car leur contenu n'offre pas les caractères du fluide spermatique, et Duvernoy n'y a pas trouvé de spermatozoïdes. Chez le porc et le sanglier, les deu\ vésicules séminales sont énormes, d'un tissu rose pâle. Dépourvues de cavité commune, elles forment une inlinité de cellules d'un diamètre de plu- sieurs millimètres, pleines d'un fluide blanchâtre, lactescent, qui s'en écoule en grande quantité lorsqu'elles sont incisées. Elles sont découpées en plusieurs grands lobes, et également celluleuses chez le hérisson, où Cuvier les décrit comme de grandes prostates. Les vésicules séminales, quelles qu'en soient la configuration et la structure, n'ont pas pour unique usage de tenir en réserve le sperme que leur apportent les canaux déférents. Elles constituent, en outre, de véritables organes glandu- leux, qui sécrètent un liquide généralement blanchâtre, très consistant, prenant souvent l'aspect d'une gelée élastique très ferme, avec laquelle le sperme ne se mêle qu'en" faible proportion; néanmoins, ce fluide s'y rend en assez grande quantité chez certains animaux, tels que le cheval, si l'on en juge par le grand nombre de spermatozoïdes que présente leur contenu. Le liquide des vésicules séminales, dont les caractères varient suivant les ani- maux, est un mélange du produit versé par les parois de ces poches, et par les canaux déférents avec le sperme. Il est chargé de cellules épithéliales, de mucus, d'un plus ou moins grand nombre de spermatozoïdes, qui s'atrophient et meu- rent pendant les maladies chroniques de longue durée, et enfin quelquefois de concrétions diaphanes dans lesquelles les spermatozoïdes englobés deviennent tout à fait immobiles. La. présence de ces grumeaux est constante toutes les fois que la rareté des émissions a prolongé le séjour du sperme dans les vési- cules ; mais ils sont, en général, beaucoup plus petits chez les animaux que chez l'homme. Le fluide sécrété parles testicules est blanchâtre, plus ou moins épais, suivant les animaux ; il est épais, d'un blanc de lait dans Tépididyme, et le canal défé- rent, devient grisâtre dans les renflements pelviens de ces canaux, et enfin tend à prendre l'aspect d'un mucus transparent, gélatiniforme, plus ou moins épais à son arrivée dans l'urèthre. Ces changements successifs résultent de son mélange avec les produits des voies qu'il parcourt et des glandules qui y sont annexées. Sa densité est plus grande que celle de l'eau. Il est plus ou moins miscible à ce liquide, suivant la proportion de mucus dont il est chargé. Il a une odeur parti- culière, caractéristique, une réaction faiblement alcaline. Il est coagulable par l'alcool. Par le refroidissement, il laisse déposer des cristaux qui ont la forme de pyramides quadrangulaires. D'après Vauquelin, il est composé, dans l'espèce humaine, sur 1000 parties, de : eau, 900; substance mucilagineuse appelée spermatine, 10; soude, 10; phosphate de chaux j 30. Berzelius y a trouvé aussi §^4 l^E LA GÉNÉBATION. les mêmes éléments. Lassaigne^ a reconnu, il y a déjà longlemps, que le sperme du cheval, pris dans les vésicules séminales, contient beaucoup d'eau, une -^rande quantité de spermatine, du mucus, de la soude libre, du chlorure de sodium et du phosphate de chaux. Il serait à désirer qu'on analysât comparati- vement le sperme dans les divers groupes d'animaux, aux divers âges de la vie, à l'époque du rut et dans les intervalles des périodes de cette excitation, chez les sujets stériles et chez ceux qui jouissent de leur fécondité. Une serait fias moins intéressant de l'examiner successivement dans le testicule, l'épididyme, les canaux déférents, les vésicules séminales, et après son émission, alin de juger des changements qu'il éprouve, surtout par suite de son mélange avec les tluides qu'il rencontre dans les voies d'excrétion. Le sperme, examiné au microscope, montre des granulations d'une nature particulière, des globules muqueux, des leucocytes, des cellules épithéliales, des corpuscules graisseux et enfin des spermatozoïdes ou zoospermes. S'il est refroidi ou desséché, il peut offrir des cristaux de phosphate de magnésie. Ce liquide, donné par le taureau, lors d'une pollution spontanée, ou de l'ap- proche d'une femelle en rut, ou entin lors d'une tentative d'accouplement, ne tarde pas à se séparer en deux parties, l'une inférieure, dense, laiteuse, opaque, l'autre supérieure, incolore et transparente. La première est le sperme propre- ment dit, contenant des spermatozoïdes tellement tassés qu'ils peuvent à peine se mouvoir ; la seconde est du fluide prostatique à peu près pur dans lequel un petit nombre de zoospermes exécutent les évolutions les plus rapides. 1-1 Les spermatozoïdes, découverts par Ham en 1677, et décrits d'abord avec beaucoup de détails par Leuwenhoeck, ont fait le sujet des études d"un assez grand nombre d'observateurs modernes. Ils existent dans le fluide séminal de tous les animaux qui jouissent de la faculté de se reproduire, et il s'y meuvent avec une grande rapidité. Ils se pré- sentent le plus souvent sous l'aspect de filaments cylin- driques ou fusiformes, un peu renflés à l'une de leurs extrémités, et terminés à l'autre par un prolongement effilé. Ils ont, d'après Wagner, le corps ovale, aplati et la queue mince dans l'espèce humaine comme dans la plu- part des singes; le corps piriforme chez le chien, le lafiin, le chevreuil; ovoïde chez le taureau, oblong chez FiG. 213. — Spermato- les solipèdes. Ils ont un corps presque cylindrique et un zoïdes du lapin (*). appendice caudal très délié, souvent contourné en spirale chez les oiseaux. Leur configuration offre d'assez nombreuses variétés dans les reptiles, les poissons et les diverses classes d'invertébrés. Ces spermatozoïdes, dont la longueur, chez les mammifères, varie d'un dixième à un vingtième de millimètre, ont un mode de développement très remarquable, que les observations de R. Wagner, de Lallemand et de Kôlliker ont mis en 1. Lassaigne, Abixgé élémentaire de chimie, l' édit., t. II. (*) a, 6, spermatozoïdes du testicule; c, speimatozoïdes du canal déféreul; d, spermatozoïdes des vési- cules séminales. SÉCRÉTION SPERMATIQUE. 8Sd évidence. D'a[)rès le premier de ces micrograplies, le testicule des paresseux ne contient, pendant l'hiver, que des granulations assez petites qui, vers la saison des amours, se dilatent et montrent à l'intérieur un certain nombre de globules au milieu desqurès la guérison des femelles, le rut survint; il y eut accouplement : les vésicules de de Graaf se rompirent ; il se forma des corps jaunes ; et les œufs détachés de l'ovaire furent retrouvés dans les trompes de Fallope demeuré(is intactes. Puis, sur d'autres femelles de même espèce, après la ligature ou l'extirpation de l'utérus, il ne permit pas l'approche du mâle, néanmoins, la ponte eut lieu également à l'époque du rut, on retrouva des vésicules rompues ou k la veille de se rompre, et des ovules dans les oviductes. Les phénomènes préparatoires de la ponte périodique ou de l'ovulation spon- tanée, chez les mammifères, consistent en une surexcitation plus ou moins vive de l'appareil génital, surtout en une turgescence de l'ovaire, dont quelques vési- cules doivent se rompre pour laisser échapper leur contenu. A la surface de l'ovaire, légèrement gonflé, du moins dans un certain nombre d'animaux, on voit des vésicules de de Graaf plus volumineuses que ne le sont toutes les autres; elles soulèvent les enveloppes de l'ovaire, font une saillie plus ou moins circonscrite à la surface de cet organe qu'elles rendent bosselé ; l'enve- loppe albuginée de l'ovaire s'amincit peu cà peu au niveau des vésicules proémi- nentes, et autour de ces vésicules, les vaisseaux sanguins, devenus plus visibles, et le stroma congestionné, attestent une irritation locale assez vive. D'après les observations de Pouchet, les parois de la vésicule s'épaississent considérablement, et il s'opère peu à peu dans l'intérieur de celle-ci un épanchement sanguin qui se substitue au fluide séro-albumineux. Le sang fourni par les vaisseaux de la membrane propre de la vésicule ovarienne, d'abord fluide et à globules libres, 1. Coste, Cours sur lé développement de l'homme el des animaux. Paris, 1837, p. 455. 2. Pouchet, Théorie positive de l'ovulation spontanée et de la fécondation dans V espèce humaine. Paris, 1842, p. 169. 3. Bischoff, Annales des sciences naturelles, 1844, 3' série, t. Il, p. 105. OVULATION. sm tout à fait isolés, se perd en un caillot consistant ; du moins, c'est ainsi que les choses se passent chez la truie. Une (ois que la vésicule de deGraal' a éprouvé ces remarquables changements, elle se trouve très distendue, et ses parois, injectées, ont perdu leur résistance primitive. Bientôt celles-ci cèdent dans un point superficiel ; il se forme une fente irrégulière plus on moins étendue, à travers laquelle s"échappe l'ovule, entraînant avec lui les débris de la membrane granuleuse. Chez les femelles qui font un seul petit, on ne voit qu'une vésicule subir ces moditications et se rompre à chaque époque du rut; mais chez les femelles mul- tipares, plusieurs vésicules arrivent simultanément à maturité pour laisser échap- per autant d'ovules qu'il se développera de fœtus. Ainsi, chez la truie, d'après F. -A. Pouchet, chaque ovaire donne de quatre à six vésicules qui se rompent (tîg. 218 et 219), et chez la lapine (fig. 220) à peu près le même nombre. Fjg. 218. — Ovaire de truie d'après Pouchet (*). Fjg. 219. — Ovaire de truie dont plusieurs vésicules ont acquis tout leur développement (id.) (**). Fig. 220. — Ovaire de lapine grossi trois fois (*"*)- Le mode suivant lequel la vésicule de de Graaf se rompt et laisse échapper l'ovule n'est pas encore parfaitement déterminé, si l'on en juge par les dissi- dences qui régnent sur ce point entre les observateurs les plus habiles. M. F. -A, Pouchet pense que la rupture de la vésicule ovarienne dérive de l'épanchement sanguin qui s'y opère au moment du rut. D'après lui, le sang qui se dépose peu C) Deux vésicules de de Graaf arrivées à maturité commençant à s'ouvrir pour laisser échapper l'œuf. (**) Irois d'entre elles, largement ouvertes, uut laissé échapper l'ovule. Un reuf se trouve encore entre les lèvres de l'une d'elles. (*'*) Plusieurs vésicules ne sont pas encore arrivées à l(?ur complet développement. Quelques-uues ont déjà émis leur ovule. 896 DE LA GÉNÉRATION. à peu dans la \ésiciile, el qui esl l'ourni par une exhalation des vaisseaux de la membrane pi'opre, linil par distendre outre mesure les parois de cette vésicule. L'épanchement sanguin commencerait d'abord dans la partie la plus profonde de la vésicule, et, en augmentant, il amènerait l'ovule dans le point le plus super- liciel, c'est-à-dire à l'endroit ot!i s'opère la déchirure, lorsque la distension est portée à son terme. Mais Goste prétend que la déchirure de la vésicule ovarienne dérive seulement d'une augmentation de la quantité du fluide séreux qui la rem- plit, et il assure que l'ovule, au lieu d'être situé à la région profonde de la vésicule, est, au contraire, placé dans un des points les plus rapprochés de la superiicie de l'ovaire, situation qui en rend nécessairement l'émission plus facile. Les vésicules de deGraaf s'ouvrent indifféremment dans tous les points de la surface de l'ovaire, chez la plupart des animaux oi!i le pavillon de la trompe est assez large pour envelopper à peu près complètement l'ovaire; mais il ne semble pas en être ainsi chez les solipèdes, dont l'ovaire, très volumineux, ne peut être entièrement recouvert par le pavillon. 11 est probable que, dans ces animaux, la déchirure des vésicules s'opère dans le fond du bile ou de l'échancrure de l'ovaire; du moins, c'est là que j'ai rencontré une fois une vésicule pleine de sang et commençant à se déchirer et une autre fois une vésicule portant une large fente par laquelle s'était échappé l'ovule. Jamais je n'ai vu, en d'autres points de la surface de la glande, ni vésicules semblables ni corps jaunes récents, bien caractérisés. Chez les femelles qui font plusieurs petits à chaque portée, tous les ovules quitteraient à la fois l'ovaire, d'après Bischoff et Barry ; leur ponte serait telle- ment simultanée qu'il n'y aurait pas même une heure d'intervalle entre la chute de l'un d'eux et celle d'un autre, mais ce fait est très contestable. F. -A. Pouchet le nie en se fondant sur ce que les ovaires des femelles en chaleur présentent, à un moment donné, des vésicules de de Graaf déchirées, tandis que d'autres sont seulement à la veille de se rompre. Je partage volontiers l'opinion de ce dernier observateur; car, en pratiquant la castration sur une truie, pour des démonstra- tions chirurgicales, j'ai trouvé, à la surface de l'un des ovaires, deux vésicules de de Graaf ouvertes et saignantes, et, près d'elles, deux autres pleines de sang, mais non encore déchirées. L'ovule que laisse échapper la vésicule de de Graaf ouverte est recueilli par le pavillon de la trompe plus ou moins exactement appliqué à la surface de l'ovaire, puis il descend dans la trompe, parvient à l'utérus où il se développe, s'il a été soumis à l'action vivifiante du fluide séminal. Il est recueilli d'autant plus sûre- ment que le pavillon enveloppe plus complètement l'ovaire. Sous ce rapport, on sait que les carnassiers sont dans les meilleures conditions, puisque le pavillon forme une capsule qui coiff'e exactement la glande ovigène. Une fois que les vésicules ovariennes déchirées ont laissé échapper l'ovule, elles éprouvent des modifications remarquables à la suite desquelles elles sont trans- formées en corps jaunes. Après leur déhiscence, les vésicules de de Graaf con- servent d'abord leur volume et restent saillantes à la surface de l'ovaire ; leur cavité est complètement remplie par un caillot sanguin, rouge, brunâtre, et leur OVULATION. 897 omeitui'e, plus ou moins resserrée, forme une légère excavation vers le milieu de la vésicule. La membrane propre de celle-ci, constiluée par des cellules, aug- mente d'épaisseur; elle se plisse, d'après les observations de Pouchet, et ses cellules augmentent de volume. Peu à peu le caillot sanguin se résorbe; le dia- mètre du corps jaune diminue. Ce corps s'afl'aisse, perd sa teinte rouge san- guine, devient rosé, puis jaunâtre, pâlit progressivement, et bientôt ne se dis- tingue plus nettement du stroma de la glande ovigène. Son volume, au début, est très variable suivant les espèces. Dans la brebis et la vache, ce corps a les dimen- sions d'une petite fève et demeure longtemps saillant à la surface de l'ovaire. Chez la femme il est tellement volumineux, suivant la remarque de Haller, qu'il représente la moitié et plus de la masse de la glande. Au contraire, il est tort petit chez la truie et les rongeurs. Les corps jaunes persistent assez longtemps après la déchirure de la vésicule dont ils dérivent. De Graaf avait déjà observé que, chez les vaches et les brebis, où ils sont énormes, ceux de ces corps formés à la suite de la fécondation restent apparents pendant toute la durée de la gestation, et s'effacent seulement après le part. J'ai pu, en examinant un assez grand nombre de vaches et de brebis pleines, ra'assurer de l'exactitude de cette remarque. Le corpus luteum, chez ces femelles, reste assez distinct à toutes les périodes de la gestation pour qu'on puisse dire avec certitude lequel des deux ovaires a fourni l'œuf fécondé; de plus l'ovaire qui a donné cet œuf reste habituellement, au moins dans la brebis plus volumineux que l'autre, et renferme un stroma abondant, rosé, tandis que l'autre ovaire, plus petit, pâle intérieurement, en a très peu. Le travail par lequel s'effectuent au sein de l'ovaire la maturation et la chute de l'œuf coïncide avec l'état d'excitation, qu'on appelle le rut chez les animaux sauvages, ou les chaleurs chez les femelles domestiques; il correspond chez la femme à la menstruation. L'uniformité de ses phénomènes caractéristiques montre clairement que les mammifères sont soumis à la lui générale de la ponte périodique chez les ovipares. Un seul des phénomènes liés à l'ovulation semble propre à l'espèce humaine ; mais nous avons vu qu'il s'observe aussi, dans certaines limites, chez les ani- maux ; je dis dans certaines limites, car il est incontestable que l'exhalation sanguine, à l'époque du rut, est à peine appréciable chez un très grand nombre de femelles mammifères. Evidemment, depuis Aristote, beaucoup d'auteurs, Slahl, Linné, entre autres, sont allés trop loin en disant que la vache, la jument, par exemple, éprouvent un flux calaménial semblable à celui de la femme. Le plus souvent à l'époque des chaleurs, il ne s'écoule par la vulve que des mucosités jaunâtres; quelquefois seulement ces mucosités sont très légère- ment sanguinolentes, surtout à la suite des approches du raàle. Néanmoins, les observations de F. -A. Pouchet faites sur les truies, les chiennes, les chattes en chaleur, démontrent que la muqueuse utérine, alors fortement congestionnée, exhale à sa surface un fluide dans lequel le microscope permet de reconnaître des débris d'épithélium, des globules muqueux et quelques globules sanguins. Toutefois, il est hors de doute que les femelles des singes, notamment celles des macaques et des cynocéphales dont l'utérus se rapproche de celui de la G. COLIN. — Physiol. comp., 3"^ édit. IJ. 57 898 Uf' LA GÉNÉRATION. femme par son exiguïté, ofl'rent un écoulement périodique très analogue à celui de la menstruation humaine. Chez ces femelles, l'irritation des parties sexuelles est même tellement vive qu'elle se propage aux parties voisines ; car, ainsi que l'ont vu Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire, le gonflement et la rougeur s'étendent du pourtour de la vulve à l'anus, à la face inférieure de la queue et aux callo- sités ischiales. L'ovulation, dont nous venons de voir les principaux caractères, se reproduit périodiquement pendant toute la durée de la vie, depuis l'époque de la puberté jusqu'au moment ou s'éteint l'aptitude à la reproduction. Elle se renouvelle plus ou moins fréquemment dans les intervalles de la gestation, suivant les espèces et leurs conditions d'existence. Chez certaines femelles, la lapine par exemple, elle paraît s'opérer à des époques fort rapprochées, car cette dernière, suivant la remarque de Buffon, est toujours disposée à la fécondation. Du reste, la présence du mâle est, pour beaucoup d'espèces, une cause d'excitation qui accélère considérablement la ponte. Les expériences de Coste ont fait voir que, chez la lapine qu'on laisse s'accoupler, les œufs ont déjà quitté les ovaires dix à quinze heures après le rapprochement des sexes, tandis que chez la femelle séparée du mâle, les œufs se trouvent encore dans leurs capsules intactes qua- rante-cinq heures après l'invasion du rut. Ces expériences ont montré que, dans quelques cas même, la chute des œufs ne s'opérait pas sans le secours de l'accou- plement. Du reste, plusieurs causes extérieures, notamment celles qui tiennent aux climats, aux saisons, à la nourriture et aux influences de la domesticité, peuvent modifier considérablement les phénomènes de l'ovulation. Nos gallinacés et nos [talmipèdes pondent presque toute l'année, tandis que les gallinacés et les palmi- pèdes sauvages font seulement une ou deux nichées par an. Si on ne leur pro- digue pas de très grands soins, la ponte se suspend pendant la mue et au moment des grands froids ; au contraire, si on les soustrait à la rigueur des saisons, et si on leur distribue une abondante nourriture, ils continuent à donner des œ^ufs. Le lapin sauvage, qui fait deux portées par an, peut en donner le double et plus dans nos habitations. Enfin la vache, la truie se reproduisent presque indifféremment dans toutes les saisons, bien que les époques de la génération soient rigoureusement fixées pour les espèces analo- gues vivant à l'état sauvage. Maintenant que nous connaissons Télément que chaque sexe fournit pour la reproduction, c'est-à-dire le sperme et l'œuf, il faut rechercher comment ces deux éléments sont mis en rapport l'un avec l'autre; IIL — De l'accouplement L'union des deux sexes, nécessaire à la fécondation chez un grand nombre d'animaux, s'effectue par la pénétration d'un organe mâle, érectile, dans les voies génitales de la femelle où doit être lancée la liqueur séminale. Cet acte, qui n'exige de la femelle qu'une participation à peu près passive, nécessite de la ACCOUPLEMENT. 899 puildu iiiiUc (Taboid l'éicclion du pénis, puis l'iulroniission de cet organe dans le vagin, ontin rémission du sperme. Le pénis, si varialde clicz les animaux sous le rapport de sa direction, de sa forme et de son volume, doit, pour pénétrer dans les voies génitales de la femelle et y darder le fluide séminal, éprouver une turgescence particulière qui en augmente les dimensions et lui donne une certaine rigidité. Cette turgescence, connue sous le nom d'érection, a été attribuée à une foule de causes : à la com- pression des veines par Krause, à la contraction des fibres musculaires des Irabécules des corps érectiles par Valentin, contraction commençant du côté des vésicules séminales; Gh. Rouget la suppose due au relâchement de ces mêmes fibres trabéculaires. Eckhard l'a fait dériver de la dilatation des artères des tissus érectiles produite par l'excitation des nerfs érecteurs du plexus sciatique. Le mécanisme de cet acte n'est pas aussi simple qu'il le parait au premier abord. On voit bien qu'il consiste en une sorte de congestion du tissu aréolaire à larges lacunes qui constitue la masse de la verge. Mais cette congestion est-elle active ou passive et comment dans l'une ou l'autre hypothèse, la pression san- guine peut-elle distendre à un si haut degré des canaux qui se dégorgent libre- ment dans les veines ? En étudiant avec soin le phénomène sur les animaux où le corps caverneux est très développé, on croit reconnaître qu'il résulte de deux causes, la pre- mière est un afflux plus abondant de sang artériel, soit par des artérioles dilatées, soit par des artérioles qui se contractent plus énergiquement, et elle suffit pour donner lieu à une turgescence très marquée; la seconde consiste dans l'obstacle apporté par la compression des veines au dégorgement du tissa érectile. L'afflux plus grand du sang artériel est dû à une influence nerveuse ; la gêne dans le départ du sang vient de la contraction de quelques muscles. Dans le corps caverneux, la compression des veines est due à l'ischio-sous-pénien, ou ischio-caverneux, comme Krause l'a dit avec raison, et dans le tissu spongieux de l'urèlhre, elle résulte, ainsi que Kobelt^ l'a fait remarquer, de l'action du bulbo-caverneux ou accélérateur. Le premier de ces muscles, tout en compri- mant les veines dorsales de la verge, entre le corps caverneux et l'ischion, pousserait aussi le sang des racines de ce corps vers les parties antérieures, et l'accélérateur chasserait de son côté le sang du bulbe de l'urèthre vers la tête du pénis qui est une expansion du tissu de l'urèthre. L'observation semble donner la preuve de cette compression, car si l'on explore le périnée d'un chien pendant l'accouplement, on sent très bien les contractions saccadées et rythmiques des muscles précités ; on les sent de même dès qu'on vient à provoquer l'érection de cet animal en appliquant les doigts sur les tumeurs érectiles de la base de la verge ; on les voit, même sur le taureau, dès le début de l'érection, avant que la verge sorte du fourreau, et elles persistent tant que dure la turgescence. Il est bien difficile de concevoir l'érection complète sans le concours de ces deux 1. Kobelt, De l'appareil du sens génital des deux sexes dans Vespèce humaine et quel- ques mammifères. Strasbourg, 1851, p. 37. 900 DE LA GENERATION. causes réunies ; mais la part d'influence de chacune délies est difficile à préciser. Celle de la compression des veines s'opposant au dégorgement du corps caver- neux est peut-être la plus grande. Ceux qui l'ont niée, sous prétexte que la contraction des muscles ne peut être continue et parce que cette compression donnerait lieu à l'arrêt de la circulation, se sont étrangement trompés. Des contractions très rapprochées et saccadées suffisent, et une compression qui réduit fortement la lumière des veines conduit mieux au hut qu'un aflaissement complet qui arrêterait la circulation et ne permettrait point à l'érection d'avoir une longue durée. Quoique l'érection s'opère simultanément dans toutes les parties de la verge, elle ne s'y développe pas d'une manière uniforme. L'érection du corps caver- neux, qui doit permettre à l'organe de pénétrer dans les voies génitales de la femelle se produit la première et acquiert vite son maximum d'intensité ; l'érection du corps spongieux de l'urèthre et de la tête, ou du gland, se fait à demi avant l'intromission; elle s'achève dans le vagin sous l'influence des frottements, et a pour hut de rendre possible, sous forme de jet, l'émission du sperme. L'érection ne peut s'opérer que par suite d'excitations nerveuses venues des centres. Elle est impossible, comme Gunther l'a montré, dans le cas où les nerfs péniens sont coupés. Effectivement, après cette section que j'ai faite sur un cheval entier, très vigoureux, la verge est devenue flasque. En présence d'une jument en rut, il y a eu des hennissements, des tentatives réitérées d'accouplement, mais la verge est demeurée molle, et n'a pu se dégager du fourreau sur une longueur de plus de 20 centimètres. Ce qui se passe au moment de la mort par compression, section du bulbe, commotion cérébrale ou simplement par hémorrhagie, n'éclaire pas beaucoup le mécanisme de cet acte. Alors, même dans les cas oîi elle n'est qu'incomplète, elle s'accompagne de contractions très vives des ischio-sous-péniens, de l'accé- lérateur et d'une éjaculation abondante. C'est ce que l'on voit tous les jours sur les chevaux entiers tués d'une manière quelconque. Certains d'entre eux donnent des nappes de sperme. Dans le cas ou la respiration artificielle est établie sur ces animaux, on voit une nouvelle éjaculation se produire une fois que l'insufflation vient à se suspendre et que la circulation s'arrête. Chez quelques animaux, notamment le taureau, il y a des érections pério- diques accompagnées d'éjaculations en dehors des rapprochements sexuels. Ceux des ruminants qui n'ont pas de saillies à effectuer éprouvent ordinai- rement le matin, lorsqu'ils se relèvent, et après l'expulsion des fèces, des contractions des muscles péniens, suivies de la projection de la verge hors du fourreau, et de l'émission d'une certaine quantité de fluide prostatique et de sperme, A mesure que la turgescence du corps caverneux fait des progrès, le pénis éprouve un redressement de ses courbures et une élongation qui le font sortir du fourreau. Son diamètre augmente, sa forme se modifie quelquefois de même que sa direction, et enfin sa rigidité devient très considérable, notamment chez les espèces pourvues d'un os pénien, comme les chiens, les martes, les ours, ACCOUPLEMENT. 901 et quelques autres mammifères. Il se présente alors sous une foule de formes diverses, suivant les espèces, et appropriées sans doute à la disposition des voies génitales de la femelle et à leur degré de sensibilité. On le voit cylindrique et renflé à son extrémité libre chez les solipèdes ; grêle et effilé dans la plupart des ruminants ; terminé par un long prolongement vermiforme chez le bélier; cylin- drique et légèrement tordu à la pointe chez le porc; conique et couvert de rudes papilles chez les chats; pourvu, à la base de sa partie libre, de deux renflements énormes chez les chiens. L'élongation du pénis et sa projection hors du fourreau ou de la gaine prépu- tiale dérivent le plus souvent, à la fois, du redressement des courbures de l'or- gane, de sa turgescence, et enfin de l'action de certains muscles qui agissent, soit sur lui, soit sur son enveloppe. Chez les solipèdes et l'éléphant, l'élongation de la verge tient au redressement des légères sinuosités que l'organe relâché décrit sous la symphyse pubienne, surtout à la turgescence du corps caverneux. Chez les ruminants, elle a uniquement pour cause l'effacement de l'S que forme habituellement l'organe à la région scrotale, effacement produit d'une manière toute mécanique par l'accumulation du sang dans les aréoles du corps caverneux. La projection de la verge hors du fourreau y est facilitée par le relâchement des muscles blancs insérés au niveau des courbures, et par la rétraction qu'opèrent sur le fourreau lui-même les deux bandelettes musculaires émanées du voisinage du pubis. Une fois que l'érection est complète, souvent même avant qu'elle soit portée à son plus haut degré, le pénis peut pénétrer dans les voies sexuelles de la femelle et y verser le sperme. Cette action s'effectue plus ou moins facilement, et dans une attitude variable, suivant les animaux. En général, elle exige, chez les mam- mifères, que le mâle s'élève sur les membres postérieurs, et se maintienne sur la croupe de la femelle cà l'aide de ses membres antérieurs. Le cheval flaire préa- lablement la jument au pourtour de la vulve, aux cuisses et au flanc ; il hennit, relève spasmodiquement la lèvre supérieure, dilate fortement les naseaux et la fausse narine, mord quelquefois la femelle; sa respiration, extrêmement saccadée, met en une sorte de convulsion les muscles du thorax et de l'abdomen. Le dro- madaire, d'après F. Cuvier, « saisit au cou la femelle avec les dents, et la force à se coucher sur ses quatre membres, malgré les cris qu'elle jette. » Le chat se cramponne sur la femelle en la mordant à la tête et en lui enfonçant les griffes dans la peau ; aussi la chatte fait-elle alors entendre des cris de douleur plus ou moins répétés. Les porcs, dont l'accouplement est très prolongé, écument souvent pendant cet acte, suivant la remarque de Pline, et, si l'on en croit Aristote, se couchent quelquefois pour l'accomplir lorsqu'ils arrivent à un âge avancé. L'ours prend aussi, dit-on, la même attitude. Aristote prétend que les hérissons se tien- nent debout, ventre à ventre, et il assure que les animaux dont l'urine est rejetée en arrière se rapprochent en reculant et s'accouplent en arrière, le tigre etlelion, par exemple. Mais un tel mode n'est pas possible chez ces quadrupèdes, bien qu'ils aient le pénis très court et très rapproché de l'anus. Le chien peut, il est vrai, opposer directement sa croupe à celle delà femelle, quand, une fois l'intro- mission opérée, comme chez les autres mammifères, l'un des deux individus se 902 DE LA GÉNÉRATION. porte brusquement de côté. Alors la verge, qui est peu gonllée en arrière des deux bulbes érectiles et à l'origine de l'os pénien, se replie sur elle-même en ce point, et permet aux animaux de prolonger encore la durée de leur union. La même cbose arriverait, d'après Pline, au loup et aux phoques ^ Aussitôt que l'accouplement est commencé, la sensation éprouvée par le mâle, à la suite du contact du pénis avec les parois du vagin, détermine des contractions spasmo- diques dans toutes les parties génitales. Le crémaster tend le cordon testiculaire et rapproche quelquefois, comme chez le cheval, le testiculede l'anneau inguinal. Les canaux déférents se resserrent, et font monter le sperme vers les vésicules séminales. Celles-ci se contractent convulsivement, et expriment une partie de leur contenu dans le canal de l'urèthre. Les expansions musculaires rougeâtres qui enveloppent la prostate compriment ces glandes, en font sortir un fluide clair, légèrement visqueux, qui d'abord lubrifie la muqueuse urélhrale, et qui ensuite se mêle au sperme dont il a préparé les voies. Dès que le liquide est parvenu dans l'urèthre rétréci par le gonflement du tissu spongieux qui entoure ce canal et par la tension du corps caverneux, il est chassé avec force par les contractions d'un muscle rouge à hbres transversales tapissant toute la partie postérieure du canal. La partie supérieure de ce muscle agit spécialement sur la région pelvienne qu'elle entoure et sur les petites prostates qu'elle tapisse. La seconde exerce son action sur la partie pénienne de l'urèthre. Dans les animaux domestiques, la première a été appelée muscle ischio-uréthral, et la seconde périnéo-uréthral ou accélérateur. L'émission du sperme et des fluides prostatiques se fait très rapidement chez les solipèdes, chez le taureau, le bélier, le bouc, le lapin, les oiseaux, et chez beaucoup d'autres espèces où ces liquides ont peu de consistance et de viscosité. Chez ces animaux, le coït est de très courte durée. D'après mes observations il ne dure en général que dix à quinze secondes, pour les étalons vigoureux, mais il peut aller jusqu'à trente pour ceux qui sont un peu fatigués. L'émission est, au contraire, assez lente chez le chien, chez le porc, et plus encore chez le dro- madaire. Aussi l'accouplement du porc se prolonge-t-il cinq à six minutes, et celui du dromadaire un quart d'heure, une demi-heure, même des journées entières, comme les anciens le savaient déjà^. Dans ce dernier cas, l'éjaculation se fait paisiblement, sans secousses de la part de l'animal, et sans spasme des organes génitaux. Les dromadaires accouplés dans des lieux retirés conservent le décubitus sternal et ruminent de même que dans les conditions ordinaires : l'éjaculation s'achève le plus souvent sans qu'aucun signe particulier en marque le terme. Mais il n'en est pas toujours ainsi. Le cheval éprouve des secousses répétées, fait trémousser sa queue ; puis, l'acte accompli, les oreilles tombent, il baisse la tête et semble éprouver un affaissement subit très prononcé. Le fluide séminal, associé aux humeurs prostatiques, est dardé avec force dans les voies génitales de la femelle. Une partie de ce fluide est nécessairement versée dans le vagin, tandis que le reste paraît pouvoir être lancé directement dans la 1. Pline, Hisloire natxirelle. liv. X, p. 396 (traduction Guéroult). •z. Aristote, Hisloiredes animaux, traduction Camus, livre V, p. -211; — Pline, livre X, p. 390, (traduction Guéroiilt). ACCOUPLEMENT. 903 cavité du roi de la matrice. Plusieurs considérations indiquent la possibilité de cette projection du sperme dans la cavité utérine. D'abord, il existe une relation manifeste entre la longueur du conduit vaginal et Télendue de la partie libre du pénis, de telle sorte que. chez les femelles dont le vagin est très long, la verge peut encore atteindre facilement le col utérin. Ensuite, il y a dans chaque espèce un rapport entre la configuration de la tête du pénis et celle du col de la matrice. Ainsi la verge du cheval, qui se termine par un renilement en pomme d'arrosoir, peut s'appliquer exactement sur le fond du vagin, et le petit prolongement uré- thral saillant est bien disposé pour pénétrer dans l'ouverture de la fleur épanouie t'I s'y enfoncer d'autant plus que le mâle imprime à sa croupe des secousses plus énergiques. Celle du bo'uf, grêle, à peu près cylindrique, mais rigide et terminée on pointe, peut s'engager dans li> col utérin épais de la vache. La verge du bélier, |ilus grêle encore et continuée par un appendice vermiforme, avait besoin d'une telle contiguration pour s'insinuer dans le col de la matrice très long et extrême- ment resserré de la brebis. Du reste, le col de l'utérus n'est pas, pendant la vie, fermé ni resserré comme sur le cadavre, où la roideur cadavérique oppose une grande résistance à la dilatation. Il est facile, en explorant cette partie sur les femelles vivantes, de s'assurer que, sans effort, on peut y faire pénétrer le doigt, et très probablement, à l'époque du rut, sa dilatabilité doit être encore plus grande. Dans le but de constater l'état de la matrice et du col utérin pendant l'accou- plement, j'ai exploré et fait explorer ces parties sur la jument aussitôt après le coït. Sur deux ou trois de ces femelles qui étaient bien en rut, le col de la matrice s'est trouvé flasque et a laissé pénétrer sans efforts deux et même trois doigts. Sur l'une d'elles, tuée quelques heures après l'accomplissement de l'acte, le col de la matrice était injecté, et il y avait des spermatozoïdes en grand nombre dans le vagin, dans la cavité du col et dans le reste de l'utérus; une autre qui avait rejeté plus d'un décilitre de matière blanchâtre après la descente de l'étalon, n'a presque pas montré d'infusoires ni dans l'utérus ni même dans le vagin. On conçoit donc que le coït soit sans résultat, si la femelle fait immédiatement après de violentes contractions expulsives. Cependant si les efforts expulsifs sont faibles el limités à la région vulvaire, ils n'entraînent pas le sperme. La jument rend, quelques minutes après avoir reçu l'étalon, de l'urine souvent tout à fait dépourvue de spermatozoïdes. La truie peut même uriner plusieurs fois pendant l'accouplement sans rejeter des matières qui ressemblent au sperme. Il est évident que si l'utérus est immobile et resserré, surtout dans la région du col, il rend les conditions de la fécondation très défavorables. Les Arabes le savent', et quand ils ont affaire à des juments qui ne retiennent pas, ils engagent le bras dans le vagin et le poussent jusque dans le col utérin. Elles sont fécon- dables à la suite de cette manipulation qu'on pratiquait déjà de diverses manières sur les femmes stériles, du temps d'Hippocrate. Evidemment, l'utérus peut, puisqu'il a une tunique musculaire, surtout très épaisse au col, se mouvoir sensiblement, et participer au spasme de toutes les parties de l'appareil génital pendant l'accouplement. Il ne serait pas impossible, 1. Général Daumas, Les c/œcaux du Sahara, Paris, 1864. 904 DE LA GÉNÉRATION. comme le pensait Bartholin, que cet organe se mut en divers sens, s'ouvrît et se fermât pendant l'accomplissement de cet acte. Ces mouvements propres, dont les anciens avaient soupçonné l'existence, avaient fait dire à Platon et à Arêtée, que l'utérus était un animal dans un autre animal. La projection du sperme dans le fond du vagin et le col de l'utérus est fort rarement gênée chez les mammifères par la présence d'un repli analogue à celui qui, chez la femme, porte le nom d'hymen. Néanmoins, un ou plusieurs replis de ce genre existent quelquefois, même d'une manière constante, dans certains ani- maux. Duvernoy^ en a signalé la présence sur un assez grand nombre de femelles. Il a vu qu'en général il y a, au niveau du méat urinaire, entre la vulve et le vagin proprement dit, soit un étranglement circulaire, soit des replis plus ou moins marqués. Dans l'ours, suivant lui, il y a au fond du conduit vaginal un large repli percé, au delà duquel se trouve cachée la fleur épanouie. Dans l'hyène, le daman, il a vu des replis analogues, que Steller a observés aussi dans une espèce de lamantin et Lobstein dans le phoque à ventre blanc. Chez la vache et la jument, il y a un resserrement circulaire au niveau du méat urinaire ; en avant, jusqu'au col utérin, le vagin est amplement dilaté. Mais, dès que le canal vient à être dilaté mécaniquement, le resserrement disparaît, sans qu'il reste à sa place une trace de repli. Cependant, il n'est pas rare de trouver à ce point des replis inef- façables, de forme plus ou moins bizarre. Dans un premier cas, c'était une dupli- cature muqueuse transversale découpée inégalement et comme frangée à son bord libre. Dans un second cas, il existait une cloison verticale percée de deux ouver- tures, une de chaque côté; enfin, dans un dernier, il y avait un repli circulaire portant trois dentelures réunies par trois petites brides entre lesquelles se trou- vaient naturellement trois ouvertures. Chez la femelle du cochon d'Inde, l'orifice du vagin est fermé si solidement, d'après Legallois, que le mâle mettrait quel- quefois quinze jours d'efforts pour en opérer le décollement. Et comme, après chaque accouchement, l'adhésion se rétablit, le mâle jouit, dit cet observateur, de l'heureux privilège de trouver toujours à sa femelle les apparences de la vir- ginité. Il en est de même chez la souris. La quantité de sperme qui estéjaculée pendant un seul accouplement doit être considérable, surtout chez les animaux, tels que le porc, le chien et le droma- daire, où cet acte se prolonge beaucoup ; mais elle n'a pas encore été appréciée. Le liquide, qu'on peut recueillir dans un vase, lorsque le taureau oii l'étalon se cabre sur la femelle, s'élève souvent de 50 à 60 grammes. Celui que le chien en érection perd est aussi parfois assez abondant ; car un chien de berger de moyenne taille en donna dans ces conditions 50 grammes en vingt minutes. Seulement ce fluide renferme très peu de sperme; il est clair, à peine visqueux, c'est du suc prostatique presque pur. Lorsque l'émission spermatique est arrivée à son terme, les animaux se désu- nissent, à moins de quelque obstacle mécanique, tel que celui du gonflement énorme qui, chez le chien, retient les deux bulbes érectiles du pénis en avant des lèvres de la vulve. Le sperme coule encore goutte à goutte au moment de la 1. Ciivier, Leçons d'analomie comparée, 2" édil., t. VHI, p. 200. ACCOUPLEMENT. 905 séparation, notamment chez le taureau et chez le cheval, dont la tête du pénis est beaucoup plus large qu'avant Finlromission. Enfin, rérection cesse plus ou moins vite, et la vei'ge rentre dans son enveloppe, soit par le fait seul de la cessation de la turgescence des tissus érectiles, soit en même temps par suite de l'inter- vention de certains muscles. Chez le taureau, il y a, outre les deux faisceaux mus- culaires grisâtres propres à la plupart des quadrupèdes, deux muscles dérivés de la région pubienne, qui font rentrer la verge dans le fourreau et l'y retiennent avec une grande force. Pour apprécier leur action, j'ai pratiqué à la peau de l'abdomen une incision en arrière de l'ouverture préputiale. Par cette ouverture, assez grande pour laisser passer la main, le pénis ayant été attiré au dehors, non sans le secours d'une traction énergique, a été ramené ensuite rapidement dans sa situation normale, dès qu'on l'a abandonné à lui-même. La verge étant retirée une seconde fois, les deux muscles furent coupés en travers ; elle rentra lentement dans le fourreau, car il restait les deux faisceaux blancs qui émanent du rectum et de la face inférieure du coccyx. Enfin, elle fut tirée une troisième fois hors de sa gaine, pendant que je coupais les faisceaux blancs, mais après cette dernière section elle demeura pendante et immobile; les piqûres, les pressions exercées sur elle, ne la tirent point rentrer. Il est évident, d'après cela, que la verge est ramenée dans le fourreau, maintenue dans cette situation et rendue sinueuse k la région scrotale par les deux muscles rétracteurs rouges qui agissent avec rapi- dité, et par les deux faisceaux blancs, dont la contraction s'opère avec lenteur, comme celle des autres muscles de la vie organique. Après l'accouplement, la femelle qui est restée à peu près passive, celle qui a cherché à se soustraire aux étreintes du mâle, ou celle qui a souffert en gémissant les caresses de ce dernier, éprouvent souvent des spasmes, et rejettent une grande partie, sinon la totalité, du lluide qu'elles ont reçu. Une réjection de cette nature s'observe particulièrement sur l'ânesse, dont la lascivité avait été reconnue par les anciens; aussi, du temps d'Aristote. on faisait courir, en les frappant, les ànesses aussitôt après l'accouplement. Cet usage s'est conservé, en se modifiant, car on a généralement l'habitude de soumettre à une course les femelles qui vien- nent d'être couvertes, et de leur jeter de l'eau froide sur les reins et la croupe. Par là, on apaise l'orgasme vénérien, et l'on prévient les efforts que l'animal peut faire pour l'expulsion des urines, efforts qui entraînent en même temps la liqueur spermatique mêlée aux mucosités vaginales, sécrétées abondamment sous l'in- fluence du rut et à la suite de l'excitation causée par le contact des organes du mâle. Après l'accouplement, les femelles d'oiseaux, comme Aristote l'avait remarqué, frissonnent et secouent leurs plumes; le croupion, qui s'élève et s'abaisse, met en mouvement les plumes de la queue ; le sphincter du cloaque éprouve des contractions répétées, qui souvent poussent au dehors la muqueuse de cette cavité. L'accouplement, ne faisant pas cesser immédiatement le rut des femelles, peut être répété plusieurs fois à des intervalles fort rapprochés. Les animaux des deux sexes, surtout les mâles, se prêtent à cette répétition souvent avec ardeur, quel- quefois même avec un emportement très remarquable. Parmi les espèces sau- vages, les mâles, qui n'entrent en rut qu'à une seule époque de l'année, éprouvent 906 DE LA GÉNÉRATION. des désirs génésiques plus impétueux que ceux dont l'aptitude à la reproduction est à peu près permanente. F. Cuvier' dit que le cerf, dont le rut a lieu en automne, poursuit ses femelles, et les tue quand elles lui résistent : au contraire, Taxis, constamment disposé à se reproduire, ne maltraite nullement sa femelle. L'âne, qui est, suivant Aristote, après l'homme, le plus lascif des grands animaux, peut, quand il est libre, couvrir dix à quinze fois la même femelle en un jour, ou dix à quinze femelles différentes. Les chevaux, surtout quand ils sont fougueux, peuvent faire plus de vingt saillies dans une matinée. Le bélier, le bouc, si remar- quables par leur grande vertu prolifique, réitèrent jusqu'à trente fois par jour l'accouplement avec des femelles différentes. Toutefois, dans de telles conditions, les mâles ne tardent pas à s'épuiser : aussi a-t-on soin, dans l'intérêt de l'amé- lioration des races, de restreindre, pour chacun, le nombre des saillies qu'il doit effectuer et des femelles qu'on lui donne à féconder. Mais une fois que les chaleurs de la femelle sont passées, le mâle, bien que les siennes persistent, se refuse à un rapprochement; il flaire la femelle fécondée et s'en détourne : un accouplement pendant la gestation pourrait avoir pour consé- quence l'avortenient. L'homme, cet être intelligent, mais souvent non moins libidineux que les satyres de la Fable, se soucie peu des dangers auxquels il expose sa descendance en se livrant à des assauts auxquels la bête se refuse. Heureusement, dans son espèce, les rapprochements dans de telles conditions n'ont pas les mêmes inconvénients que chez les animaux. En général, parmi les bêtes, on n'observe ni sympathies ni antipathies parti- culières entre les mâles et les femelles de la même espèce. Les premiers, comme le taureau nous en montre un exemple, couvrent indistinctement toutes leurs femelles, à mesure qu'elles entrent en chaleur. Et, à leur tour, celles ci reçoi- vent, sans préférence marquée, les caresses de tous les mâles qui les approchent. Dans certaines espèces, appelées monogames, un mâle et une femelle contractent l'un pour l'autre un attachement réciproque, ne se séparent point, et vivent dans l'intimité de la famille, même alors que les besoins de la reproduction sont satis- faits. On voit quelquefois, comme le fait observer Huzard^, de jeunes chevaux qui s'attachent à des cavales, délaissent les autres , et refusent même de les couvrir. Le bélier montrerait assez souvent, si l'on en croit les anciens, une préférence marquée pour les vieilles brebis. D'ailleurs, les animaux n'établissent entre eux aucune distinction fondée sur la parenté; ils ne reconnaissent point leur sang, même quand ils ont toujours vécu en famille dès leur jeunesse; du moins, s'ils possèdent cette connaissance, elle n'est point pour eux un motif d'exclusion. Le frère s'allie à la sœur, le père avec la fille, le fils avec la mère, dès que les instincts génésiques s'éveillent. Tout ce qu'on a écrit sur l'éloignement prétendu que la parenté ferait naître parmi les animaux est dénué de preuves. S'il est vrai qu'un chameau, dont le voile se détacha pendant qu'on le forçait à s'accoupler avec sa mère, ait mis en pièces son conducteur, la violence commise par cet animal n'avait certainement pas pour 1. F. Cuvier et Et. Geoffroy-Saint-Hillaire, Hisl. nuLur. des mammifères, Paris, 18-20. 1842. 2. Huzan], Des Imr/is domeslig-ues en France, 5* édit, Paris, 1842. ACCOUPLEMENT. 007 cause le sentiment de l'ineeste. Il est peu prol)al)le ([n'un jeune cheval ait refusé de s'accoupler avec la jument dont il tenait le jour, tant qu'un \oile ne l'eut pas empêché de la distinguer. 11 est moins vraisemblable encore qu'après l'accouple- ment ce cheval soit allé se jeter dans jun précipice, parce qu'il aurait reconnu son erreur^ Tous les jours, de pareils accouplemeuts consanguins s'effectuent dans toutes nos espèces domestiques, et plus tard nous en verrons les heureux résul- tats sous le rapport de la conservation et du perfectionnement des races les plus précieuses. Les animaux d'espèces dillereules, réduits à la domesticité, s'ils sont pressés par le besoin, s'unissent quelquefois entre eux, et si les espèces sont du même genre et très voisines, ces unions illicites peuvent parfois devenir fécondes, comme nous le verrons bientôt. De telles alliances paraissent très rares parmi les espèces sauvages, qui peuvent, sans contrainte, satisfaire leurs désirs les plus impérieux. C'est sans aucune preuve que Pline nous dépeint l'accouple- ment qui se fait de gré ou force entre les mâles et les femelles de toutes espèces rassemblés par la soif sur le bord des rivières ou des fleuves. C'est aussi sans fondement certain qu'il prétend que les chiennes attachées par les Indiens dans forets sont couvertes par les tigres ; car, selon toute probabilité, le tigre dévo- rerait plutôt la chienne que de lui prodiguer des caresses. Mais nos animaux domestiques- s'allient souvent entre eux, d'espèce à espèce, ou avec des animaux sauvages apprivoisés, L'àne couvre la jument, lorsqu'il n'a pas d'ànesse à son service ; de même, le cheval, séparé de sa propre femelle, s'accouple avec l'ànesse en chaleur. On a vu des accouplements féconds entre le loup et la chienne, le chacal et le chien, etc. Parmi les oiseaux, de telles mésalliances sont fort communes. On les a observées entre le coq et la faisane, le canard commun et le canard musqué, le chardonneret et le serin des Canaries, le morillon et la sarcelle, le cygne et l'oie, etc. Enfin, il arrive quelquefois que les animaux, pressés par des besoins qu'ils ne peuvent librement satisfaire, se livrent avec fureur à la masturbation, ainsi qu'on le voit assez fréquemment chez les singes, les chiens, le bouc, et même, dit-on, chez le cheval. Certains animaux vont aussi jusqu'à simuler un accouplement contre nature avec des individus de même sexe. Aristote - dit cela des perdrix, des cailles et des coqs relativement aux mâles que les premiers ont vaincus. Butïon a vu des tourterelles de même sexe, soit mâles, soit femelles, enfermées dans des cages, se joindre ensemble, comme si elles avaient été de sexes diffé- rents. Dugès a fait des observations analogues sur des canards et des coqs, et Desraoulins prétend que, parmi les mammifères, les cobayes font subir ce trai- tement humiliant aux cobayes vaincus dans leurs combats amoureux. 1. Aristote, Histoire des animaux, trad. française, livre IX, p. 63"). 2. Ari^^tûte, Hislove des animaux, livre IX, p. 5-59. 908 DE LA GÉNÉRATION. CHAPITRE LXXIII DE LA FÉCONDATION On appelle ainsi l'union intime des deux éléments reproducteurs, le sperme et l'œuf, à la suite de laquelle celui-ci acquiert l'aptitude à développer un individu nouveau. C'est une sorte d'impulsion communiquant à l'œuf la faculté d'éprouver les changements successifs dont le terme est la formation d'un animal sem- blable à ceux qui en ont donné le germe. Étudions le siège, le mode et les lois de cette mystérieuse opération. I. — Du SIÈGE ET DU MODE DE LA FÉCONDATION. Le contact entre le sperme et l'œuf pouvant s'opérer dans plusieurs parties de l'appareil génital, même en dehors de l'organisme, la fécondation n'a pas de siège invariable chez les animaux. Elle a lieu à l'extérieur pour les batraciens, au moment même de l'émission du sperme et de la ponte des œufs ; elle se fait au sein des eaux pour les poissons, un certain temps après l'expulsion de ces deux produits; enfin, elle peut s'effectuer chez les mammifères, soit dans l'uté- rus, soit dans les trompes, soit même à l'ovaire, suivant le point où le fluide séminal vient à rencontrer l'ovule. Il suffit à l'accomplissement de cet important phénomène que les deux éléments générateurs mâle et femelle, le sperme et l'ovule, puissent se mettre en rapport l'un avec l'autre. C'est ce qui va ressortir de l'exposition des recherches tentées à ce sujet par les physiologistes modernes. D'abord est-ce le fluide spermatique qui va trouver l'œuf pour le féconder? est-ce au contraire l'œuf qui descend dans les parties de l'appareil génital que le sperme occupe? ou enfin ces deux éléments marchent-ils à la rencontre l'un de l'autre? Déjà nous savons que, lors de l'accouplement, le sperme est en partie lancé directement dans la cavité de l'utérus. Leuwenhoeck a trouvé, sur une femelle qui venait de recevoir le mâle, des spermatozoïdes vivants dans le corps et les cornes de l'utérus. Prévost, Dumas, Wagner, et depuis beaucoup d'autres obser- vateurs, ont constaté le même fait, notamment sur les chiennes, les lapines, la jument, etc. Quelques heures à la suite du rapprochement des sexes les sperma- tozoïdes se portent plus loin; ils parviennent à l'extrémité des cornes utérines, à la partie inférieure des trompes de Fallope ; il se répandent même dans toute l'étendue de ces derniers canaux, à la surface du pavillon et jusque sur l'ovaire. Bischof['\ à qui la science est redevable de nombreux travaux sur l'ovologie, a trouvé des spermatozoïdes vivants, doués de mouvements très vifs, non seule- ment dans le vagin, la matrice entière et les trompes d'une chienne tuée vingt 1. Bischoff, Traité du développement de l'homme el des mammifères, traduction fran- çaise. Paris, 1843, p. 29. FÉCONDATION. 909 heures après raccouplenient , mais encore il en a vu entre les franges du pavillon, dans la poche péritonéale qui entoure complètement l'ovaire de ce cariiassier, et enfin sur l'ovaire. Depuis, le même observateur a rencontré deux fois un spermatozoïde mort à la surface de l'ovaire sur une chienne tuée vingt-quatre heures, et sur une autre trente-six heures après l'accouplement. Wagner a vu, quarante-huit heures après le rapprochement des sexes, des sper- matozoïdes vivants, en grand nombre, dans toutes les parties de l'utérus des trompes, et dans les franges du pavillon. Enfin, Barry a fait la même observa- tion sur des lapines. Quoique l'arrivée des zoospermes jusqu'à l'extrémité libre des trompes et à l'ovaire ne soit pas généralement admise et que Pou- chet ^ la nie formellement, en se fondant sur de nombreuses observations faites avec soin, rien ne s'oppose à ce qu'elle puisse s'effectuer. La présence d'un pré- tendu mucus infranchissable, à globules serrés dans le haut des trompes, n'est pas suffisamment démontrée, puisque l'ovule descend là où on suppose que le sperme ne peut monter. Le transport du sperme, sa diffusion dans toutes les parties de l'utérus et des trompes de Fallope ont été attribués aux mouvements propres de l'utérus et des trompes, aux mouvements vibratiles de leur épithélium, enfin, aux propres déplacements spontanés des spermatozoïdes, mouvements qui peuvent leur faire parcourir un trajet de un centimètre en trois à quatre minutes. L'utérus, qui se contracte spontanément, à la manière de l'intestin, comme l'a reconnu Hallersur les femelles pleines, se meut aussi lors de sa vacuité. Vallisnieri a étudié ses mou- vements dans cette dernière circonstance. Je les ai observés moi-même avec soin sur les brebis tuées dans la saison des chaleurs et à différentes époques de l'an- née. Ils deviennent bien sensibles dans le corps, dans les cornes, les trompes et et les ligaments larges six à huit minutes après que ces parties ont été mises au contact de l'air. Le corps se resserre et se dilate alternativement, soit dans son ensemble, soit dans une partie de sa longueur ; les cornes se raccourcissent len- tement, se contournent en spirale, se rapprochent l'une de l'autre ; elles entraî- nent dans leurs déplacements les ligaments larges, les trompes et les ovaires. Après être demeurées ainsi un cei-tain temps, elles s'amincissent, s'allongent, se redressent et reprennent leur situation normale. Les ligaments larges, dans l'épaisseur desquels il entre de beaux faisceaux musculaires, se meuvent aussi très énergiquement et entraînent dans leur déplacement les ovaires, les trompes l'utérus même, qu'ils rapprochent et éloignent tour à tour de la colonne verté- brale. Ces mouvements, qui restent appréciables quarante à cinquante minutes après la mort sur les femelles décapitées, sont peut-être très vifs pendant l'ac- couplement et quelques moments après; ils opéreraient sur le sperme, suivant quelques auteurs, une sorte d'aspiration ou de succion qui l'attirerait du vagin dans l'utérus, et du corps de cet organe vers l'extrémité ovarienne de ses cornes. D'après Bischoff, les contractions s'effectuant du vagin vers l'ovaire, seraient très propres à diriger le sperme dans ce sens. 1. Pouchet, Tliéorie positive de i ovulation spontanée et de la fécondation dans l'espèce humaine et les mammifères. Paris, 1857, p. 375 et suiv. 1)10 "i; LA GÉNÉRATION. Le mouvciiicnl vil)ratile tic l'épithéliuiu (Je la iiiuqucLise de J'iilérus et des troirii)es ne saiiniit guère être considéré comme une cause du trans[>ùrl du lluide séminal vers les trompes, car ce mouvement, dont, il n'y a pas de trace sur les femelles pleines, ni immédiatement après le part, se fait, d'après Purkinje et Valentin, de l'intérieur vers l'extérieur, c'est-à-dire du pavillon de la trompe vers le col utérin. Il paraît seulement destiné à favoriser la descente de l'ovule. Quant aux mouvements propres des spermatozoïdes, ils semblent au premier abord suffisants pour opérer le transport de ces filaments dans toutes les parties où ils peuvent rencontrer Tovule ; mais ils n'ont pas lieu dans un sens déter- miné; ils se font dans toutes les directions. D'ailleurs, d'après les calculs de Henle, ils ne feraient parcourir aux zoospermes qu'un pouce en sept minutes el demie, espace peu considérable, notamment pour les animaux dont les cornes utérines sont très longues^ comme chez la truie, oi!i elles ont un mètre et plus d'étendue. D'après Coste ^ ce serait par la capillarité que le sperme monte- rait dans l'utérus et les trompes, comme les liquides montent entre les lames de verre ou dans des. tubes capillaires. Quelles que puissent être les causes de la progression des spermatozoïdes, et la part de chacune d'elles à cette progression, il est certain que ceux-ci se répan- dent, après l'accouplement, dans toutes les parties de l'utérus, dans une partie, sinon dans la totalité de la longueur des trompes de Fallope ; ils vont donc à la rencontre des ovules dans toutes les régions où ils peuvent descendre après leur chute de l'ovaire. On conçoit, d'après cela, que le sperme puisse arriver au lieu de la fécondation, quel que soit le point du vagin où il a été déposé, et le mode de son introduction.  la rigueur, la fécondation se ferait encore probablement, même quand le sperme serait simplement porté au centre de la vulve à l'aide d'un corps inerte quelconque. Les ovules détachés de la glande ovigène, par le travail spontané et périodique que nous avons précédemment étudié, sont reçus par le pavillon frangé dont l'épithéliura a des cils vibratiles, ils s'engagent dans l'ouverture supérieure de la trompe, et cheminent dans le canal, poussés par les contractions, probablement péristaltiques, de sa tunique musculaire, lesquelles ont pour auxiliaires du trans- port des ovules les mouvements vibratiles de l'épithélium dirigés de l'intérieur vers l'extérieur. C'est en parcourant ce canal étroit et sinueux, dont la longueur est souvent considérable, que l'ovule, dans les femelles unipares, et les ovules dans les multipares, rencontrent le sperme et s'en imprègnent. C'est alors, par conséquent, que s'effectue souvent la fécondation, laquelle peut également avoir lieu à l'orifice supérieur de la trompe, si le sperme y parvient avant que l'ovule y ait pénétré, ou dans l'utérus si cet ovule y est descendu avant que le fluide séminal ait eu le temps d'arriver aux conduits de Fallope. Un grand nombre d'observateurs ont trouvé, en effet, à une époque plus ou moins éloignée de l'accouplement, des ovules entourés de spermatozoïdes dans les trompes ou dans l'utérus. Mais cette époque varie nécessairement suivant que 1. Coste, Hisl. f/énéra/é el partkui. du dével.. t. 11. p. 1859. FÉCONDATION. 911 l'accoupleiuent précède ou suit de quelques jours rouveiluie des \ésicules de deGraaf, ou suivaut qu'il coïucide exactement avec la décliirure de ces vésicules. Bischolïa vu, sur une chienue tuée aussitôt après l'accouplement, du sperme dans les cornes de la matrice, et cinq teufs déjà descendus de deux pouces dans la trompe. Sur une autre, vingt heures après le coït, les vésicules de de Graal' n'étaient point encore ouvertes. Sur une troisième, au bout de vingt-quatre heures, les vésicules venaient de s'ouvrir, et les ovules se trouvaient encore, les uns à la surface de l'ovaire, les autres dans les franges du pavillon ou à l'entrée des trompes. Après trente-six heures, dans un quatrième cas, les ovules se trouvaient vers le milieu des trompes de Fallope. Sur d'autres, du cinquième ail huitième jour, les ovules n'étaient encore qu'à la partie inférieure des trompes ou au sommet des cornes utérines. Comme en plusieurs circonstances on a encore trouvé les vésicules de de Graaf fermées deux, trois, quatre, cinq jours et plus après l'union des sexes, il est impossible de fixer d'une manière certaine le temps qu'emploient les ovules pour passer de l'ovaire dans les trompes, parcourir le trajet de celles-ci et arriver à l'utérus. Il ne saurait en être autre- ment, puisque la chute de l'œuf, sa progression dans les trompes, sont des phénomènes indépendants de l'accouplement et de la présence du sperme. Le contact matériel du sperme et de l'œuf étant la condition essentielle de la fécondation celle-ci peut avoir lieu dès que ces deux éléments viennent à se ren- contrer dans un point quelconque de l'ovaire, de la longueur des trompes ou de l'utérus lui-même. Aussi s"accorde-t-on généralement aujourd'hui à considérer l'ovaire, les trompes de Fallope ou la partie supérieure des cornes utérines comme pouvant être indifféremment le siège de l'imprégnation. La fécondation à la surface de l'ovaire, admise autrefois par la plupart des phy- siologistes, se conçoit fort bien lorsque le fluide séminal est amené jusqu'à cet organe, et elle est d'ailleurs démontrée, pour quelques cas très rares, par les ges- tations ovariennes. Suivant Coste\ la fécondation ne pourrait avoir lieu que dans cet organe et le haut des trompes : les ovules ne seraient plus fécondables dans la partie inférieure du conduit ni dans l'utérus. Il doit en être ainsi chez les oiseaux et beaucoup d'ovipares, pour diverses raisons anatomiques évidentes, mais on ne voit pas bien pourquoi les œufs ne pourraient être fécondés dans la partie infé- rieure des trompes et dans l'utérus de la plupart des mammifères. Coste pense que ces œufs, parvenus dans la matrice, non fécondés, commencent à s'y décom- poser en moins de vingt-quatre bcures, tandis que, suivant Bischoff, ils seraient fécondables huit à douze jours même après leur descente^ Il est clair d'ailleurs que la fécondation à l'ovaire n'est possible qu'au moment où l'ovule sort de la vésicule de de (jraaf. c'est-à-dire à l'instant oîi il tombe dans les franges du pavillon, dont les cils vibratiles ne tardent pas à l'entraîner à l'orifice de la trompe. Il est manifestement impossible, comme le fait observer F. A. Pouchet^ que le sperme en nature, c'est-à-dire avec les spermatozoïdes^ traverse la tunique péritonéale. la membrane fibreuse de l'ovaire et les différentes enveloppes de la vésicule de de Graaf; et, à supposer que la partie fluide du sperme traversât ces 1. Coste. Hial'jire générale et purticul. du décel., t. II, p. 79. 912 DE LA GÉNÉRATION. membranes, les spermatozoïdes ne passeraient point, car les expériences démon- trent que les filtres de papier, à pores infiniment plus grands que ceux des mem- branes, ne sont point traversés par ces corpuscules. Pour que la fécondation ait lieu facilement, il faut, comme l'a établi Pouchet, que l'accouplenîent coïncide avec l'émission des ovules, du moins, il faut que l'un de ces actes précède ou suive l'autre de très près. La coïncidence exacte n'est pas indispensable, puisque, d'une part, le sperme peut, dans les organes génitaux, conserver ses caractères et sa propriété fécondante pendant plusieurs jours, et que, d'autre part, l'ovule, après avoir quitté l'ovaire, conserve aussi plusieurs jours l'aptitude à être fécondé. En effet, les spermatozoïdes demeurent vivants très longtemps dans le vagin, l'utérus et les trompes après l'accouple- ment. Tous les observateurs les ont vus en grand nombre se mouvoir avec agilité trente-six et quarante-huit heures après le rapprochement des sexes. Bis- choff les a trouvés encore vivants dans les trompes des lapines huit jours après ce rapprochement. Avant lui, Prévost et Dumas avaient fait la même remarque au bout de sept jours sur les chiennes ; ce que le célèbre Leuwenhoeck avait déjà reconnu au commencement du siècle dernier. Les ovules se trouvent dans le même cas que le sperme. Ce n'est qu'avec len- teur, et tous les observateurs sont d'accord sur ce point, qu'ils parcourent le trajet de l'ovaire à l'utérus. Cette lenteur est telle, d'après Pouchet, qu'il ne leur faudrait pas moins de deux à six jours pour passer de l'ovaire dans les cornes utérines, en suivant les nombreuses sinuosités des trompes de Fallope. Il suffit donc, pour que la fécondation s'accompUsse, que l'accouplement précède ou suive de très près l'émission de l'œuf, c'est-à-dire à un intervalle de douze, vingt- quatre heures, et même de quelques jours. Néanmoins, la fécondation est plus sûre quand il y a coïncidence exacte entre ces deux opérations. La nature, dont les vues sont toujours si admirables, a su solliciter les sexes à se rapprocher, par une attraction irrésistible, lors de l'émission spontanée des ovules. Elle n'a pas voulu que la conservation des espèces dépendit d'unions qui auraient coïncidé fortuitement avec l'ovulation. Dans ce but, elle a fait surgir le rut à l'époque de cette ovulation, et elle lui a assigné une durée variable, mais toujours proportionnée à celle des phénomènes qui s'accomplissent au sein de l'ovaire. Elle a réservé pour ce moment, dont la durée varie entre douze à vingt- quatre heures, comme chez les brebis, et huit à dix jours, comme chez la chienne, toute l'ardeur du mâle; aussi, dès que le rut commence à se manifester, le mâle, qui vivait indifférent auprès de la femelle ou qui s'en tenait éloigné, s'en approche, s'unit à elle avec une sorte de fureur, à des intervalles très rappro- elles; il la couvre, s'il est libre de satisfaire ses désirs, quinze, vingt fois dans la journée, et jusqu'à épuisement. Dès que le rut cesse, il s'en sépare et la voit avec la même indifférence qu'auparavant. Il est peut-être un moment pendant la durée du rut auquel la fécondation doit s'opérer plus sûrement qu'à tous les autres, c'est celui même de l'émission des ovules ; mais on ne sait pas très positivement si cette émission a lieu au com- mencement, au milieu ou à la hn de la période du rut. F. -A. Pouchet, se fon- dant sur diverses considérations, pense que l'émission a lieu à la fin, car elle FÉCONDATION, 913 résulte d'un travail d'excitation dont le rut a été le rellet et le signe extérieur. Aussi pense-t-il que raccouplemont est alors plus souvent suivi de fécondation qu'à tous les autres moments, il croit aussi que chez la femme, la chute des ovules se fait à la fin de la période menstruelle, c'est-à-dire lorsque le llux cata- ménial s'arrête. Et, comme ces ovules ne sont amenés à l'extérieur que dix à douze jours après avoir quitté l'ovaire, il prétend que, passé le dixième ou le douzième jour après la cessation des règles, la fécondation est matériellement impossible. L'observation avait, en effet, appris aux anciens que c'est dans les jours qui suivent les règles que les rapprochements sexuels sont féconds. De même les femelles dont les chaleurs ont cessé, surtout depuis quelques jours, ne peuvent plus être fécondées ; aussi le mâle, dans la plupart des espèces, notamment dans celles qui vivent à l'état sauvage, refuse-t-il alors de les couvrir. En cela l'instinct le guide et lui épargne une peine inutile. Il est clair, d'après les lois de l'ovulation et de la fécondation, que si, dans l'espèce humaine, les rap- ports sexuels étaient suspendus un nombre de jours suffisant avant et après la menstruation, tous les autres n'auraient pas de suite. Cette importante donnée physiologique devrait être prise en grande considération dans les familles où la multiplication de l'espèce dépasse, par trop, les bornes qu'indiquentla pré- voyance et le souci de l'avenir. Dans tops les cas, la fécondation ne peut avoir lieu, comme on l'a cru, au moment de l'accouplement, puisque le sperme n'est pas lancé jusqu'au point oi!i se trouve l'ovule ; elle ne doit s'opérer que cinq à six heures, douze, vingt-quatre heures et même plus à la suite du rapprochement, c'est-à-dire après le temps que les spermatozoïdes doivent mettre pour arriver au lieu du dépôt du sperme jusqu'à l'ovule. Suivant M. Coste, elle ne peut guère se faire que quinze jours après l'accouplement chez certains crustacés. Chez divers animaux où un seul rapprochement doit féconder les œufs qui seront pondus pendant toute la durée de la vie, elle a lieu d'une manière continue, à compter de la maturité des pre- miers œufs. Ainsi, d'après mes observations sur le pentastome tpenioïde du nez du chien, la fécondation se fait encore un an après l'accouplement ; car, à cette époque, il reste encore du sperme dans les bourses copulatives, et des œufs qui continuent à se détacher de l'ovaire. Maintenant que nous savons en quel lieu et dans quelles conditions s'effectue la fécondation, il faut chercher à découvrir, s'il est possible, le mode d'après lequel cet acte mystérieux s'accomplit. D'abord, la fécondation ne peut s'opérer s'il n'y a pas contact entre l'œuf et le sperme. Lorsqu'on empêche ces deux éléments de se mettre en rapport l'un avec l'autre, cette opération n'a pas lieu. En liant, soit les deux trompes, soit les deux cornes utérines, comme l'a fait Haighton, on voit que le sperme monte et que les ovules descendent jusqu'à la ligature, mais cela sans résultat. En liant l'une des cornes, ou en interrompant sa continuité d'une manière quelconque sur une femelle multipare, on rend impossible la fécondation des œufs qui se déta- chent de l'ovaire correspondant, tandis qu'elle continue à se faire dans la corne demeurée intacte et libre. La nécessité, pour l'accomplissement tie la fécondation, du contact du sperme 0. COLIN. — Physiol. corap., 3" édit. II. — 58 914 Ï>E LA GÉNÉRATION. avec l'œuf, est encore démontrée par d'autres faits, que l'observateur peut, à volonté reproduire sous ses yeux. Lorsque le poisson femelle a répandu ses œufs dans les eaux, ils sont fécondés par le sperme que le mâle verse autour d'eux; quand la femelle du batracien pond les siens, le mâle, cramponné sur elle, les arrose de sa liqueur séminale, à mesure qu'ils sortent. Dans les deux cas, le mâle et la femelle ne concourent en rien à la fécondation; celle-ci se produit sans eux et indépendamment de toute intervention de leur part. L'expérimenta- teur peut arriver au mrme résultat, en répandant du sperme sur les œufs pris sur la femelle. Ainsi, Spallanzani, Prévost et Dumas, ont opéré des fécondations artificielles. De même, tous les jours, dans des vases ou dans de petits bassins, on féconde des œufs de poissons, soit avec le sperme des mâles de la même espèce, soit par exception avec celui des mâles d'espèces voisines. Cette féconda- tion se fait dans les vases inertes comme dans l'utérus et dans les trompes ; l'habile physiologiste italien l'a même opérée sur des chiennes, dans le vagin desquelles il injectait du sperme à l'aide d'une seringue. Ce contact, pour entraîner la fécondation, doit s'effectuer entre l'œuf et le sperme possédant tous leurs éléments constitutifs. Ce n'est pas une vapeur dégagée par ce fluide, une aura seminalis, qui vaimprégner et vivilier les œufs. Spallan- zani a fait voir que les œufs de grenouille, placés au-dessus du sperme s'évapo- rant lentement, n'étaient pas fécondés : c'est le sperme en nature, pourvu de ses spermatozoïdes, et de ses spermatozoïdes vivants, qui féconde. Il jouit de cette merveilleuse propriété, tant qu'il conserve ces singuliers corps, même lorsqu'on l'a étendu d'eau : il la perd en les perdant. Le sperme des hybrides et des ani- maux non pubères, dépourvu de spermatozoïdes, est sans action sur les œufs ; celui qui en a été privé par la filtration ne féconde pas, non plus que le sperme dont les spermatozoïdes ont cessé de se mouvoir. La propriété fécondante du sperme réside donc dans les spermatozoïdes, mais en quoi consiste cette pro- priété, et comment ces corpuscules impriment-ils à l'œuf l'aptitude à se déve- lopper ? Lorsque les spermatozoïdes viennent à rencontrer l'ovule, ils l'entourent et s'y attachent. Bischoff en a vu un grand nombre sur les ovules de la chienne dans les trompes deFallope, comme le montre une des ligures suivantes. Ces spermatozoïdes ne se mettent pas simplement en contact avec l'ovule ; ils s'enfoncent dans sa couche albumineuse, la traversent et arrivent à la membrane vitelline qu'ils doiventfran- chir également pour se répandre dans la substance du vitellus. Nelson, Newport, Bischoff, Goste, ont constaté ce fait sur l'œuf des ascarides, de divers crustacés, des insectes, des mollusques, des batraciens, des poissons et même sur le lapin. Ils y pénètrent en certain nombre. Seulement, suivant quelques-uns de ces observateurs, ils entreraient dans le vitellus par tous les points de la membrane vitelline ; tandis que, suivant les autres, ils y pénétreraient par une ouverture appelée le micropyle. Dans la fécondation des plantes, leschoses se passent d'une manière analogue. Le boyau pollinique qui s'introduit dans le tissu conducteur du style arri\e au nucelle en passant aussi par un micropyle ou pertuis de ses membranes ; puis il se met en contact avec la vésicule embryonnaire. Une fois que les spermatozoïdes ont pénétré dans l'œuf, l'impulsion est donnée au déve- FÉCONDATION. 915 loppemeiit. L'œuf augmente vile de vuluiiie et change d'aspect, sa surface se couvre de villosités, sa vésicule germinati\e devient apparente, le vitellus se seg- mente, l'embryon se forme, etc. Voilà donc les conditions générales et les conditions intimes delà fécondation, qui, pour être un peu mieux connue qu'autrefois, ne perd pas son caractère mys- térieux. En elïet, c'est par une goutte de sperme, et, dans cette goutte de sperme, c'est par un spermatozoïde infmiment petit, que le mâle concourt à la formation d'un être nouveau. C'est par cette parcelle microscopique de matière, et unique- ment par elle, que le mâle communique à son produit sa taille, ses formes, son caractère et ses aptitudes diverses. En résumé, la fécondation résulte donc de l'action du sperme sur l'œuf, œuf qui a été produit sans l'influence du mâle, mais qui ne peut donner un embryon sans l'impulsion du fluide spermatique. Dans quelques espèces animales pourtant, l'œuf parait pouvoir produire un embryon capable de se développer sans le secours de la fécondation ; c'est la parthénogenèse constatée sur les pucerons. Ces insectes, comme on le sait, depuis les observations de Bonnet, pondent en automne des œufs fécondés qui éclosent au printemps suivant. Mais ces œufs donnent une première génération exclusivement composée de femelles qui pro- duisent, sans accouplement, une génération nouvelle de petits vivants également femelles. Celles-ci se reproduisent de la même manière, de telle sorte qu'à latin de l'été dix générations de femelles se sont succédé sans le concours du mâle, la dernière seule donne des mâles et des femelles qui s'accouplent. Dans ce cas, qui a été diversement interprété, il se développe, dans l'œuf même, suivant M. Bal- biani \ une matière qui joue le rôle de fluide fécondant. Quelques autres insectes, les abeilles notamment, paraissent aussi pouvoir, dans certains cas, se reproduire sans accouplement et, par conséquent, sans fécondation. Ainsi, d'après les observations de Dzierzon, confirmées par des natu- ralistes très compétents, l'abeille reine mère, si elle est dans l'impossibilité de s'accoupler, pond des œufs, desquels résultent seulement des mâles ; mais si elle a été fécondée dans les vingt et un jours qui suivent sa sortie de la cellule, ses œuts produisent des neutres, des femelles reines et des mâles. Dans ce cas, qui est le normal, Leuckart a trouvé des œufs d'ouvrières et de reines imprégnés de spermatozoïdes ; mais il n'en a pas vu dans les œufs qui doivent donner des mâles, d'où il semble qu'à l'état normal encore les œufs destinés à produire des mâles se développent sans l'action de la liqueur fécondante -. Le degré de fécondité des animaux est excessivement variable, suivant les espèces et suivant les classes, mais les lois d'après lesquelles il est réglé ne sont pas encore bien déterminées. Parmi les vertébrés, les ovipares sont généralement plus féconds que les vivi- pares, et, chez les premiers, les poissons, qui pondent, comme on le sait, un nombre d'œufs si considérable, doivent être placés en première ligne; après eux 1. Balbiani, Notes sur la reproduction des pucerons {Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1866, t. LXII. 2. Voyez pour plus de détails à ce sujet, H. Milne Edwards, Leçons sur la phtjsiologie et Vanat. comp.. t. Vlir, p. 375 ; t. IX, p. 222. 916 DE LA GENERATION. les reptiles, et après les reptiles les oiseaux. La fécondité dont les mammi- fères jouissent est le plus souvent inférieure à celle des oiseaux. Parmi eux, elle n'est en rapport ni avec l'ordre et la famille, ni avec le régime. Cependant les quadrumanes ne font qu'un ou deux petits, de môme que les solipèdes,les grands pachydermes et les ruminants, tandis que les carnassiers, les rongeurs, les didelphes, en font généralement un grand nombre. Cette fécondité paraît être, suivant la remarque de Buffon, en raison inverse de la taille des animaux. Tous les grands mammifères, l'éléphant, la girafe, le dromadaire, le cheval, le bœuf; tous les grands oiseaux, l'autruche, lecasoar, l'aigle, le vautour, produisent peu; mais le porc, parmi les animauxde moyenne taille, fait exception. Tous les petits sont d'une fécondité remarquable, tels le chien, la sarigue, le lapin, le cochon d'Inde, les rats, les souris, etc. En ce qui concerne les mammifères, on sait que l'éléphant, le rhinocéros, l'hippopotame, le chameau, le dromadaire, les paresseux, les fourmiliers, font un seul petit à chaque portée. La vache, la brebis, la biche, le lama, la jument, l'ânesse n"en font qu'un seul aussi, et deux par exception ; — la chèvre, le che- vreuil, le chamois, un, deux ou trois ; — le chat, le renard, le chacal, les martres, le blaireau, le tigre, le lion, l'ours, l'écureuil, le hérisson, de deux à six; — le chien, le loup, le cochon d'Inde, de cinq à dix ; — le sanglier et le porc domes- tique jusqu'à douze et même quatorze; eniin, le surmulot porterait quelquefois jusqu'à dix-neuf petits d'après Bulîon. Un assez grand nombre de ces animaux ne font qu'une seule portée par an, et parmi eux se trouvent nécessairement tous ceux dont la gestation dure plus de six mois, comme les grands pachydermes, les solipèdes et les ruminants de grande taille. Les autres font deux portées et plus, tels le porc, le sanglier, le lièvre, le lapin, le furet, la souris, le loir, les rats. On sait que le lapin et le cochon d'Inde donnent aisément de quatre à six portées annuelles. Parmi les oiseaux, les espèces les plus fécondes sont, en général, les plus pe- tites. Les oiseaux de proie font un petit nombre d'œufs. L'aigle, la pygargue, le vautour, la buse, en pondent deux ou trois^ l'épervier, quatre ou cinq, le faucon, la crécerelle, l'émérillon, de quatre à six. Beaucoup de passereaux, le corbeau, la corneille, la pie, le geai, l'étourneau, la grive, le moineau, la linotte, le pinson^ le verdier, le chardonneret, le bouvreuil, l'alouette, le rossignol, en pondent cinq ou six. Les gallinacés sont encore plus féconds. La pintade dans les pays où elle vit à l'état sauvage, fait dix à douze œufs, le coq de bruyère huit, neuf et plus, le petit tétras de six à vingt, la perdrix de quinze à vingt-cinq, la caille de treize à vingt, le faisan, une vingtaine. Ceux des oiseaux de cet ordre, qui sont domestiques, pondent, comme on le sait, à peu près tous les jours, excepté pendant la saison delamue et celle des grands froids. Plusieurs espèces de divers ordres, notamment de celui des passereaux, font plusieurs pontes par an; ainsi le pigeon, le ramier, la grive, le moineau, le bruant, etc. La fécondité départie à chaque espèce animale est évidemment mise en har- monie avec les lois générales de la multiplication des animaux à la surface du globe. Les espèces qui vivent de substances végétales sont les plus nombreuses, et celles qui comprennent chacune le plus grand nombre (^individus ; d'abord, FÉCONDATION. 917 parce qu'elles vivent aii\ dépens de la masse alimentaire énorme, représentée par les plantes herbacées, ensuite, parce qu'elles doivent devenir l'unique ali- ment (les aniniauv carnassiers. Il faut donc que ces espèces soient assez nom- breuses en individus, pour que, la part des carnassiers étant faite, elles consti- tuent encore une population considérable en rapport avec ses moyens d'existence. D'un autre côté, les espèces carnassières ne doivent se multiplier que dans une proportion très restreinte, surtout dans les parties du globe où l'homme, en étendant sa domination à la presque totalité de l'espace, y a fait disparaître la plupart des animaux herbivores sauvages. Aussi est-ce seulement dans les con- trées à immenses déserts ou à vastes forêts, que les grands carnassiers sont, pour la plupart, relégués depuis longtemps. La fécondité des animaux est d'ailleurs proportionnée à la brièveté de la vie et à la multiplicité des causes de destruction auxquelles ils sont exposés. Aussi les petites espèces, qui vivent peu et qui peuvent être souvent décimées par suite des intempéries des saisons, de la disette d'aliments, se reproduisent-elles avec une prodigieuse rapidité, comme on le voit, dans certaines années, chez les souris, les mulots, les rats, qui dévastent les campagnes Cette multiplication est telle, même parmi les animaux de taille moyenne, d'après les calculs de Vauban, qu'une truie et les générations qui en dérivent, pendant une période de douze années, peuvent produire plus de six millions d'individus. Il est à remarquer que les cas de stérilité sont, parmi les animaux, infiniment plus rares que dans l'espèce humaine; néanmoins, beaucoup d'animaux sauvages, une fois en captivité, cessent de se reproduire, comme l'éléphant, la girafe, le lion, les singes, nous en donnent des exemples, ou s'ils produisent quelquefois, c'est par exception. Quelques individus appartenant aux espèces domestiques perdent aussi, sans cause appréciable, leur aptitude à la reproduction. Il n'est pas rare de voir devenir stériles les femelles dont l'engraissement est porté à un haut degré, aussi bien chez les mammifères que chez les oiseaux de basse-cour. On croit généralement que lorsque les femelles unipares donnent deux petits dans une portée, l'un mâle, l'autre femelle, celui-ci est frappé de stérilité. Le fait est inexact en ce qui concerne les brebis, mais il est quelquefois vrai pour l'espèce bovine. Mon père a élevé, il n'y a pas longtemps, une génisse et un bœuf provenant de la même portée; le mâle est devenu très beau ; la femelle, qui a été conservée jusqu'à l'âge de trois ans et demi, a éprouvé souvent, à partir de dix- huit mois, des chaleurs périodiques, mais elle n'a jamais conçu. II. — Des lois de la fécondation. Dans le règne animal, de même que dans le règne végétal, la fécondation n'a lieu habituellement qu'entre des individus de même espèce. Le pollen des organes mâles d'une plante, emporté dans les airs, reste sans action sur le pistil des autres plantes. Le sperme du poisson, versé dans les eaux, rencontre en vain les œufs d'une foule de poissons ; il ne féconde que ceux de son espèce. Parmi les ani- maux qui s'accouplent, les instincts génésiques ne sollicitent le rapprochement 918 DE LA GÉNÉRATION. des sexes qu'entre des individus provenant de parents communs. C'est par là que la nature assure l'immutabilité et la perpétuité des espèces. L'espèce, considérée à un point de vue philosophique, se caractérise nette- ment par la génération, c'est-à-dire par l'aptitude des êtres organisés à produire entre eux des individus jouissant d'une fécondité indéfinie. Elle est, suivant les expressions de G. Cuvier, « la réunion des individus descendus les uns des autres ou de parents communs, et qui leur ressemblent, autant qu'ils se ressem- blent entre eux. » Cette collection d'êtres semblables est une unité, un type, qui ne dérive point d'un type analogue, et qui ne donne point naissance à des types nouveaux ; elle ne se perfectionne ni ne dégénère ; elle reste indéfiniment ce qu'elle était à son origine. L'immutabilité de l'espèce est prouvée par une foule de faits dont la valeur est incontestable. Les animaux sauvages de la même espèce, qui vivent dans les cli- mats les plus divers, depuis l'équateur jusqu'aux pôles, en éprouvant l'action si diversifiée du sol, de la nourriture, de la température, conservent leurs carac- tères, à part quelques variations de la taille, de la couleur de la peau, de l'aspect des productions épidermiques, et quelques détails des formes extérieures. Les animaux domestiques, soumis en partie aux mêmes influences que les premiers, et placés de plus sous l'empire de conditions nouvelles, créées par l'intervention de l'homme, maintiennent leur individualité spécifique à travers les siècles et dans toutes les parties du monde. On sait, en effet, depuis les immortels travaux de Cuvier, que le loup et le renard d'Afrique sont essentiellement les mêmes que le loup et le renard des pays du Nord ; que l'hyène de Perse est semblable à celle de l'empire du Maroc ; que les crocodiles, les ibis, les oiseaux de proie, les chiens, les chats, embaumés dans les monuments égyptiens depuis vingt-cinq à trente siècles et plus, ne diffèrent pas sensiblement des crocodiles, des ibis, des chats, des chiens, qui vivent aujourd'hui. Telle n'est point l'opinion de l'école du transformisme, représentée en ce moment par Ch. Darwin ^, et qui admet la mutabilité de l'espèce. Dans cette opi- nion, la nature travaillant sans cesse au perfectionnement des êtres, choisit parmi les variations produites celles qui peuvent être utiles à son but ; elle tend à les conserver pour donner à ses types des caractères nouveaux. Et comme elle procéderait d'après le même principe dès l'origine des temps, elle aurait réussi à tirer les types si diversifiés que nous coniiaissons aujourd'hui de quatre ou cinq types primitifs, peut-être même d'un seul. D'une ascidie elle aurait fait à la longue un poisson, de celui-ci un reptile. Le reptile aurait pu arriver à un didel- phe, puis aux quadrumanes. En perfectionnant le singe, elle aurait pu, sans grand effort, faire l'homme. C'était déjà l'idée de Lamarck, qui supposait l'homme dérivé de la monade, de l'infusoire, du polype. Ce n'est pas ici le lieu de discuter ces idées de la transformation des espèces et des moyens qu'on prête à la nature pour les réaliser. Il suffit de dire qu'elles sont en contradiction avec les données positives de la science, qui n'a trouvé 1. Ch. Darwin, De rorigine des espèces on des lois du prorjrès chez les êtres organisés. Paris, 1863. HÉRÉDITÉ. 919 jusqu'ici, ù compter des temps historiques, aucune preuve de la transformation d'une espèce en une autre, aucune forme transitoire entre ces types dérivés, dit-on, les uns des autres. Ce qui fait le caractère essentiel des espèces, c'est au contraire la lixité avec laquelle leurs attributs anatomiques et physiologiques se conservent et se trans- mettent par la génération : c'est l'invariabilité du type, mais avec des variations individuelles limitées, en sorte que les espèces, tout en se conservant indéfini- ment, n'en épiouvent pas moins des modifications accessoires qui donnent ce qu'on appelle les variétés et les races. La fixité de l'espèce et la variabilité des individus dérivent de deux cfiuses : l'hérédité et la tendance à des déviations. Par l'hérédité, le type se copie et se répète indéfiniment; par la variabilité, il donne des exemplaires qui, sous des traits communs, offrent des différences plus ou moins nombreuses, mais sans importance physiologique. Examinons donc successivement cette hérédité et cette tendance à la variabilité. 1» De l'hérédité. Que la fécondation s'opère entre des animaux de même espèce et de même race ou entre des animaux d'espèces et de races différentes, il y a toujours trans- mission, aux êtres procréés, de l'organisation, des formes, de l'instinct, de l'intelligence, des aptitudes diverses propres aux êtres procréateurs. Par cette transmission, connue sous le nom d'hérédité, le descendant répète et reproduit l'ascendant, la génération nouvelle rend exactement la génération qui la précède, de telle sorte que l'espèce, tout en se renouvelant indéfiniment, conserve les caractères distinctifs qui lui ont été imprimés originairement par la nature. Cons- tatons ici avec soin l'étendue et les limites de l'hérédité dans le règne animal. Ce qu'il y a de plus constant et de plus invariable dans la génération est d'abord la répétition fidèle de l'organisation propre à l'espèce. L'individu nouveau doit être un exemplaire exact de l'individu ancien, non seulement dans l'ensemble, mais encore dans les plus petits détails. Cet individu procréé doit rendre chaque système, chaque appareil, chaque organe, chaque partie d'organe avec les parti- cularités de configuration et de structure qui appartiennent à l'individu procréa- teur. Il faut qu'il y ait, dans l'un comme dans l'autre, même nombre d'os, de muscles, de nerfs, de vaisseaux, de viscères, mêmes formes, mêmes rapports, même texture de ces différentes parties. Le temps, la multiplicité des généra- tions successives, n'altèrent pas le type ou le plan de cette organisation : le bœuf qui vit actuellement a encore le squelette exactement semblable à celui qui vivait il y a trente siècles, et dont les monuments égyptiens nous ont conservé des restes ; l'ibis qu'on trouve sur les bords du Nil a, de nos jours, le squelette semblable à celui de l'ibis du temps des Pharaons ; les ossements d'animaux enfouis depuis des siècles dans les tourbières ou dans les alluvions ne se distin- guent pas de ceux des mêmes espèces vivantes. L'anatomiste qui compare main- tenant entre eux les animaux d'une même espèce ne découvre que des différences 920 DE LA GÉNÉRATION. légères, puremmit accidentelles, ou des monstruosités dues à des causes qui ont troublé le développement normal des organes. En même temps que l'organisation se répète indéfiniment jusque dans ses moindres détails, l'ordre d'évolution et de développement des parties se per- pétue avec la même constance et la même uniformité. C'est toujours à une époque fixe que tel organe apparaît ou s'atrophie; c'est toujours au même mo- ment que se forment tels noyaux d'ossification, que disparaissent telles épi- physes, que sortent ou que tombent les dents. C'est toujours suivant le même ordre que s'effectuent les métamorphoses des animaux inférieurs. U y a sous ce rapport, à part quelques variations dues à des causes diverses, autant de fixité que dans la reproduction du plan organique. L'hérédité porte sur tout ce qui constitue l'être, tant au point de vue de la structure que du dynamisme. Elle porte sur le physique, sur la conformation d'ensemble et sur celle des diverses parties, sur les proportions du corps, la couleur de la peau, des productions épidermiques, sur la force, la vigueur, les aptitudes diverses des animaux, l'activité et la perfection de leurs sens, sur leurs facultés intellectuelles, sur leurs instincts, leur caractère, leurs qualités, leurs défauts, leurs maladies, leurs prédispositions morbides. D'abord l'ensemble de la conformation, avec tout ce qui s'y rattache, se trans- met fidèlement chez les animaux sauvages, même chez les animaux domestiques quand l'intervention de l'homme et de diverses causes ne vient pas modifier le jeu de l'hérédité. Le produit a la taille, les proportions des ascendants, la forme de la tête, des yeux, du front, des membres, des pieds. Chaque particularité dans la disposition d'une partie se transmet comme l'ensemble. On reconnaît le cheval de course anglais à la forme de l'encolure, de la poitrine, de la direction de la croupe; — le bœuf Durham à la petitesse de la tête, à la minceur des cornes, à la largeur de la poitrine, du garrot et du dos, à la brièveté, à la finesse des régions inférieures des membres. Les races bovines de la Suisse, de la Franche-Comté, de l'Auvergne, du Poitou ; les races équestres de l'Espagne, de certaines parties de l'Allemagne ; les races de moutons de nos contrées ; les races de chiens, malgré la facilité de leurs croisements réciproques, se distin- guent encore : le lévrier, le mâtin, le dogue, le terre-neuve, l'épagneul, conser- vent assez nettement leurs caractères distinctifs. La couleur de la peau et des poils, la longueur des crins, la finesse, le tassé et les ondulations de la laine se perpétuent également ; les taches, les marques par- ticulières, reparaissent ; l'albinisme, si conunun chez les lapins, persiste si le croisement ne vient pas l'effacer. Il en est de même dans l'espèce humaine. Le nègre, depuis les temps historiques, n'a pas blanchi en quelque lieu qu'on l'ait transporté, et le blanc est demeuré tel dans toutes les régions du globe où il a pénétré. Les aptitudes diverses des animaux, celles de certaines races de chevaux pour la course, l'aptitude à produire du lait, à engraisser, à se développer rapide- ment; la fécondité, la stérilité momentanée et restreinte, sont dans le même cas. Telles races sont très prolifiques, telles autres donnent beaucoup de pro- duits stériles. Dans telles familles l'aptitude aux gestations gémellaires ou aux HÉRÉDITÉ. 921 portées très nombreuses se perpétue. La linesse des sens, celle de l'odorat, chez le chien, est héréditaire, comme on le sait. L'hérédité s'étend au tempérament, à la constitution; elle transmet les vices de conformation, la longueur excessive des oreilles, la brièveté de la queue, le pouce du pied de derrière du chien, la fente du nez, les cornes supplémentaires, les déviations des membres, les défectuosités du pied ; — chez l'homme, le strabisme, la myopie, l'aptitude à l'alopécie et à la calvitie précoces, la prédis- position à contracter telle ou telle maladie, même alors que les ascendants ne les ont point encore. Cette transmissibilité, facile à concevoir en ce qui concerne l'organisation, s'explique, en ce qui a trait aux aptitudes, aux facultés intellectuelles, aux pré- dispositions morbides par l'intermédiaire de l'organisation. C'est parce que l'hé- rédité répète les formes de la tête, qu'elle répète les facultés cérébrales, c'est parce qu'elle donne telle constitution, telle particularité anatomique du poumon, des viscères, qu'elle transmet la prédisposition à tel mode vicieux de fonctionne- ment, à telle maladie, etc. L'influence héréditaire, exercée sur les produits de la génération, n'est pas seulement celle des deux ascendants qui se trouvent en cause. C'est aussi, à un certain degré, celle des ascendants plus éloignés, celle des aïeux ou de la race. En façonnant les produits, la nature ne copie pas très exactement les produc- teurs immédiats ; elle se souvient des ancêtres, et souvent de très loin : aussi elle reproduit fréquemment leurs traits. Un reproducteur bien conformé donne des animaux défectueux qui restituent l'aïeul ou le bisaïeul : des animaux à rnbe noire donnent des pies si parmi les ancêtres se trouvaient des blancs. J'ai vu plusieurs lapines blanches, accouplées avec \ies mâles noirs, donner constam- ment, dans chaque portée, parmi les petits de leur poil, des petits roux, ressem- blant au grand-père qui avait ce pelage. Girou cite une chienne braque qui, accouplée avec un chien de même race, donna des épagneuls, car le grand-pèrf était épagneul. Dans les races à laine fine reviennent de temps en temps des indi- vidus à toison grossière rappelant celle des ancêtres. C'est là ce qu'on appelle l'atavisme. Cette hérédité de race, trop souvent méconnue, joue un rôle considérable au point de vue de l'amélioration des animaux. C'est par elle que les reproducteurs pris dans les races fixées d'ancienne date transmettent, avec leurs caractères et leurs qualités propres, les caractères et les qualités de leur race, tandis que les reproducteurs, améliorés de quelques générations seulement, ne fixent pas sûre- ment les leurs dans leur descendance. La transmission des formes, des particularités de conformation, des aptitudes, des qualités des animaux, est simple quand elle résulte d'un seul ascendant, du mâle ou de la femelle, double si elle vient des deux. Elle peut être continue ou interrompue, suivant qu'elle a lieu dans toutes les générations qui se succèdent et sur tous les individus qui les composent, ou suivant qu'elle laisse passer une génération pour agir sur la suivante, etc. La transmission du naturel propre à chaque espèce et à chaque race, de son caractère, de ses instincts et de son intelligence n'est pas moins remarquable. 922 DE LA GÉNÉRATION. Parmi les animaux sauvages, tout se perpétue sans la moindre altération sen- sible. Ce que les plus anciens naturalistes nous ont appris des mœurs, des habitudes de ces êtres, est encore vrai aujourd'hui. Chaque animal a toujours le même genre de vie, les mômes moyens d'attaque et de défense, les mêmes ruses pour surprendre ses ennemis ou pour se mettre à l'abri de leurs agres- sions. L'abeille construit toujours sa ruche sur le même plan, le castor élève ses habitations d'après la même architecture ; c'est toujours au même lieu et avec les même matériaux que l'oiseau construit son nid ; c'est toujours de la même manière qu'il nourrit, protège et élève ses petits. Une longue série de siècles n'a point adouci le naturel du lion ni des autres carnassiers ; le voisinage de l'homme, l'influence de la domesticité, n'ont rien ajouté à l'intelligence obtuse de la brebis. Les modifications imprimées à certaines races sont devenues transmissibles au même titre que les dispositions innées et primitives. L'aptitude à reconnaître et à suivre la piste du gibier est devenue héréditaire chez le chien de chasse, et c'est par l'hérédité que l'animal domestique communique à ses descendants l'empreinte qu'il a reçue de la domination humaine. Les animaux souples et dociles transmettent à leurs produits un caractère analogue au leur. Les bêtes jouissent donc de la faculté de communiquer à leurs descendants, par la voie de la génération, leur organisation, leurs formes, leur naturel, leurs instincts, leur intelligence, leurs aptitudes, leurs qualités et leurs prédispositions diverses. Mais cette transmission tient-elle à l'influence du mâle ou de la femelle, ou à celle des deux à la fois ? La part d'action des deux facteurs est-elle la même dans toutes les espèces, dans toutes les races et dans toutes les conditions? C'est ce qu'il importe ici de rechercher. Le mâle et la femelle paraissent exercer chacun une influence particulière sur le produit delà fécondation. Le mâle donne, dit-on, à ses descendants la vigueur, l'énergie, la conformation générale du corps, principalement celle de la tête, de l'encolure et des membres antérieurs ; la femelle donne la taille et imprime ses formes à la partie postérieure du corps. Pour apprécier exactement la part d'action de chacun des ascendants sur leur produit, il importe de l'étudier isolément dans les diverses conditions où elle devient saisissable: 1° lorsqu'il y a union entre les animaux sauvages de même espèce; 2° lorsqu'il y a accouplement entre les animaux, soit sauvages, soit domestiques, de même espèce, mais de races ou de variétés difl'érentes ; 3" enfin lorsqu'il y a alliance entre les animaux appartenant à des espèces voisines. Dans la première condition, qui est la plus naturelle et la plus générale, l'influence du mâle se démêle difficilement de celle de la femelle, quand les deux sexes se ressemblent par leur taille, leur conformation, la couleur de la peau, des poils ou des plumes; et, dans le même cas, ces deux influences ne se distinguent guère mieux lorsque le mâle difl'ère considérablement de la femelle : le produit ressemble au père s'il est mâle, et à la mère s'il est femelle. Ainsi, dans l'espèce du lion, le jeune mâle prend la crinière et la physionomie du père, la femelle prend la robe et le caractère de la lionne. Dans l'espèce du cerf, le HERi:niTR. 923 inàle et la romelle. apirs avoir pirsontr la mrmc conformation et porté le même pelage, se différencient l'un de l'autre: le mille devient semblable au cerf par la forme de la tète, [)ar la i)résence des bois ; la femelle prend l'aspect de la biche. 11 en est de mrme dans l'espèce du bœuf, dans celle d'un assez grand nombre de mammifères et d'oiseaux, dont les mâles diffèrent très notablement des femelles. Ce n'est donc pas dans cette première condition que riniluence particulière de chacun des ascendants devient manifeste. Lorsqu'il y a alliance ou croisement entre des animaux de même espèce, mais de races ou de variétés différentes, l'influence de chacun des ascendants paraît plus distincte. Dans ce deuxième cas, le produit ressemble tantôt au père, tantôt à la mère, d'autres fois il tient le milieu entre ses ascendants, soit par une fusion de leurs caractères, soit par une association où ceux-ci restent distincts. Ainsi, d'abord, il arrive que les produits ressemblent presque exactement à l'un des ascendants, au mâle ou à la femelle. C'est ce qu'on voit surtout chez les animaux multipares, notamment chez les carnassiers. Hartmann^ cite le fait d'une chienne terrière qui, ayant été couverte par un lévrier, mit bas deux lévriers et deux bassets ou terriers. GeolTroy Saint-Hilaire rapporte qu'une chienne du Saint-Bernard fut couverte par deux mâles de son espèce, un chien de Terre- Neuve de sa 'taille et un chien de chasse plus petit. Elle fit onze petits : cinq mâles, semblables au chien de Terre-Neuve et deux fois grand comme les autres, et six femelles pareilles au chien de chasse. Souvent on voit, parmi les chiens d'une même portée, des individus qui ressemblent exactement au père, non seulement par la couleur de la robe, mais encore par la conformation exté- rieure, et d'autres qui rappellent la mère sous ce double rapport. On sait que les poulains et les veaux ressemblent tantôt au père, tantôt à la mère, par le pelage et ses marques particulières. Le plus communément, cependant, les choses ne se passent point de cette manière: le produit est intermédiaire par sa conformation, la couleur de son pelage, et par ses autres caractères, à ses deux ascendants. Il peut y avoir en lui fusion des qualités et des défauts de ceux-ci, ou bien mélange sans fusion de ces caractères ; en d'autres termes, il peut avoir du père la forme de la tête, les proportions de l'encolure, et tenir de la mère la forme de la croupe, de la poi- trine, celle du pied, la couleur de la robe, etc. En alliant le cheval arabe ou le coursier anglais avec une jument de trait on obtient un produit qui n'est ni aussi svelte que le père, ni aussi massif que la mère ; il ne sera plus un lourd cheval de trait à tête volumineuse, à encolure épaisse, à large croupe, à extrémités robustes, mais il ne sera pas encore un cheval léger, à tête fine, à encolure mince, à pieds étroits. De même, allie-t-on le taureau suisse à la vache des mon- tagnes du Jura, le métis, sans atteindre la taille du père, dépassera celle de la mère : sa tête perdra la légèreté de celle de la race maternelle sans prendre tout à fait le volume de la tête et des cornes du père : les proportions des diverses régions, l'épaisseur de la peau, la couleur des poils présenteront quelque chose 1. Hartmann, Traité des haras, traduction française. Paris, 1788, p. 4«. 924 DE LA GÉNÉRATION. d'intermédiaire aux deux races ascendantes. Il en sera de même, chez les autres animaux, quant à la taille, à la conformation générale du corps, aux proportions de ses diverses parties, à l'aptitude à tel ou tel service, à l'engraissement, à la sécrétion du lait. Aussi c'est à l'aide de ces croisements qu'on crée des races intermédiaires à celles qui servent de souche. C'est par eux que les anglais ont produit leur helle race de course, et que tous les jours nous voyons se perfec- tionner nos bœufs, nos moutons, surtout ceux qu'on destine spécialement àl'ali' mentation ou à la production des laines. Dans les cas d'alliance avec les animaux d'espèces différentes, l'influence par- ticulière de cljacun des ascendants sur leur produit devient encore plus distincte que dans celui du croisement des races ou des variétés. Ici, on a pour sujet d'étude le produit de l'âne avec la jument, celui du cheval avec l'ânesse, du bouc avec la brebis, et un assez grand nombre d'hybrides, moins bien connus, parmi les ruminants, les carnassiers, etc. Le mulet, provenant de l'âne et de la jument, est beaucoup plus grand que le père, souvent presque de la taille de la mère. Il a communément le pelage uni- forme, noir ou alezan brûlé. 11 a la tète longue, volumineuse, les naseaux peu dilatés, les arcades sourcillières larges et proéminentes, les oreilles longues, vacillantes pendant la marche et rarement dressées. Son encolure est droite, presque horizontale, mince, dépourvue de crinière; le garrot est bas, le dos droit ou convexe, la croupe étroite, inclinée de chaque côté ; la poitrine est resserrée, la côte un peu arrondie, le ventre assez ample, la queue dépourvue de crins à la base, les organes sexuels volumineux; il a deux mamelons bien prononcés sur les côtés du fourreau, les membres secs, les articulations assez droites, le sabot étroit, aplati latéralement et les talons hauts ; les châtaignes de l'avant-bras forment des plaques grenues, minces, circulaires ; celles du jarret qui manquent fort souvent, ont le même aspect, mais sont plus petites. Cet animal a une expression peu intelligente et sombre ; il porte bas la tète, les oreilles inclinées; il n'est pas apte à la course, aux exercices rapides ; il n'a ni le hennisse- ment du cheval, ni le braiement de l'âne; son caractère est têtu, revêche sa constitution nerveuse, irritable ; il est sobre, dur à la fatigue et très rarement malade. Cet hybride tient donc plus de la nature et de la conformation de l'âne, son père, que de la jument. 11 emprunte à l'âne le volume de la tète, la forme des arcades orbitaires, des dents, l'étroitesse des naseaux, la forme de la fausse narine, les proportions des oreilles, la forme de l'encolure, le défaut de crinière et de crins à la base de la queue, le peu de saillie du garrot, la direction du dos, la forme de la croupe, des pieds, des châtaignes, le développement des mame- lons, la sécheresse des extrémités. Il tient encore de son père par le caractère, l'expression, les allures, la constitution, la rusticité, la sobriété, la vigueur, l'aptitude à conserver de la graisse intérieurement avec les apparences de la maigreur. Il ressemble à sa mère principalement par la taille, le développement de quelques régions et certaines proportions d'ensemble dont l'harmonie rappelle la gracieuse conformation de l'espèce maternelle. C'est un âne qui commence à se fondre dans le moule du cheval. HÉRÉDITÉ. 925 Le bardot, issu de Tànesse et du cheval, tient encore beaucoup plus de l'espèce asine que de celle du cheval; il reproduit sa mère agrandie. Ses formes, quoique généralement plus belles que celles du mulet, sont encore celles de l'àne, reconnaissables, une à une, ù travers l'heureuse modilication qu'elles ont éprou- vée sous l'intluence du cheval. Le bardot, toujours moins grand que le mulet, à la tête Une, bien proportionnée, ressemblant beaucoup à celle du cheval; ses oreilles ne sont guère plus longues que celles de ce dernier et se tiennent redres- sées ; les sourcils et les arcades orbitaires sont peu saillants; les naseaux assez dilatés, et la fausse narine est diverticulée. La crinière est passablement fournie et ses crins sont assez longs pour tomber sur un des côtés de l'encolure; le dos et les reins sont droits et tranchants, la croupe est étroite, eftilée en arrière; la queue garnie dès la base de crins longs et touffus ; les pieds ressemblent à ceux du mulet, mais ils sont un peu plus larges, toutes proportions gardées ; les organes génitaux sont très développés et les deux mamelons du fourreau très longs. La peau est mince, les poils sont de couleur uniforme et foncée, rarement d'une teinte fauve; les châtaignes ont la forme de plaques minces et manquent rarement au tarse. Le naturel, la voix, la constitution, les qualités et les défauts sont à peu de chose près ce qu'ils étaient chez le mulet. Le bardot tient donc de son père par la forme de la tête, des oreilles, par la crinière, les crins de la base de la queue. 11 tient de sa mère par sa petite taille, la disposition des fausses narines, la forme du garrot, du dos, des mem- bres, et en particulier, des pieds et des châtaignes. Il tient d'elle aussi par son caractère, son peu d'aptitude aux allures rapides, en raison de l'étroitesse des voies aériennes, par sa vigueur, sa rusticité, sa constitution. Il s'en rapproche d'autant plus que, comme cela arrive souvent, sa conformation devient parfois défectueuse et bizarre relativement à celle des autres solipèdes. En somme, dans le produit des deux espèces, de l'âne et du cheval, c'est incontestablement l'influence de l'espèce asine qui prédomine et qui porte son empreinte à la fois sur les formes extérieures, la constitution, le naturel, c'est- à-dire sur ce qu'il y a de'plus fixe, et, d'autre part, sur ce qu'il y a de plus fugace ou de moins stable sous le rapport de la transmission héréditaire. Les hybrides des autres solipèdes, du zèbre avec le cheval, de l'âne avec le zèbre, de Thémione avec l'âne, s'ils avaient été bien étudiés, permettraient d'éta- blir, pour chaque croisement, l'influence particulière exercée sur le produit par chacun des ascendants. Malheureusement, on manque de détails précis à cet égard. Le produit actuellement vivant au Jardin des plantes, de l'hémione mâle et de l'ànesse, ressemble beaucoup plus à l'hémione qu'à l'espèce maternelle ; il a la robe, la physionomie, le port, les proportions de la première; il en a la tête de forme gracieuse, les oreilles, les yeux, les naseaux, l'encolure, la croupe, la queue, les pieds. Cette fois, l'espèce asine a perdu la prééminence si remar- quable qu'elle possède relativement à celle du cheval. Les neuf hybrides que Buffon obtint de l'accouplement du bouc avec la brebis avaient plus de rapport avec l'espèce du père qu'avec celle de la mère. Ces neuf hybrides, dont sept étaient mâles, avaient les poils bruns, longs et rudes du bouc, surtout sous le ventre, près du fourreau, aux pieds de derrière. Le chan- 926 OE LA GÉNÉRATION. frein était moins arqué, la queue plus courte, et les membres plus longs que chez les moutons. Ils avaient quatre mamelons, deux de chaque côté. Les hybrides du chacal et de la chienne, obtenus par M. Plourens, ont, comme les animaux sauvages, un poil laineux et un poil soyeux. L'un d'eux est gris fauve comme le père; les deux autres ont le pelage noir, tirant sur celui de la mère. Ils ont les allures brusques, farouches. Leur première dentition marche plus vite que celle des petits chiens. Les hybrides parmi les oiseaux ont tantôt plus de ressemblance avec le père et tantôt plus avec la mère. Ils offrent généralement un mélange des caractères propres aux ascendants. Un hybride de cygne mâle et d'oie, observé par F. Guvier, avait plus d'analogie avec sa mère qu'avec les cygnes; il devint plus gros que l'oie. C'est d'après les rapports de taille, de conformation, d'énergie et de caractère entre les mulets et leurs ascendants, qu'on a voulu, à l'exemple de Buffon, for- muler l'influence du père et delà mère sur le produit de la conception. D'une part, c'est parce que le mulet ressemble à l'âne, son père, par l'ensemble du corps, et surtout par la forme de la tête, des membres antérieurs, par l'absence de la crinière, que l'on attribue au mâle la faculté de donner la conformation générale, et en particulier celle des parties antérieures. D'autre part, c'est parce que le mulet arrive à une taille très rapprochée de celle de la jument, qu'on regarde la mère comme donnant le volume du corps, l'aptitude à se nourrir et à se développer. Entin, c'est en raison de la rusticité, de la vigueur, de la résis- tance du mulet, qu'on suppose au père la faculté de donner la force et l'énergie- Un parallèle un peu minutieux entre les caractères des diverses sortes de mulets et ceux de leurs ascendants, puis entre les animaux d'une espèce quelconque et leurs producteurs, prouve que les formules données sur l'influence particulière du mâle et de la femelle sont loin d'être exactes, ou au moins qu'elles sont trop absolues et ne peuvent être généralisées. En effet, si nous considérons d'abord les hybrides solipèdes, nous voyons que si le mulet proprement dit ressemble à l'âne, son père, parles formes d'ensemble, par celles de la tête, de la crinière, du dos, de la queue, des membres, des pieds, le bardot qui, en somme, ne diffère pas beaucoup du mulet, ressemble à l'ânesse, sa mère, par un très grand nombre de parties, la tête et la crinière exceptées. Donc, s'il est vrai que le premier tienne ses formes du père, il ne l'est guère moins que le second les tienne de la mère, et si les ascendants impriment leur conformation aux parties antérieures du corps, ils le font à peu près de même pour les parties postérieures. Par conséquent, ce que le père donne au muletj la mère le donne aussi, ou à peu près, au bardot. En second lieu, si le mulet emprunte à l'âne sa constitution particulière, sa force, sa vigueur^ son caractère, le bardot emprunte les mêmes choses à l'ânesse, car sous le rapport de la cons- titutionj de la force, etc^ les deux hybrides se ressemblent plus encore qu'au point de vue des formes extérieures ; enlin, si le mulet prend la taille à la mère, pourquoi n'est-il pas aussi grand qu'elle? et si le bardot tient cette taille ou le Volume du Corps delà sienne, pourquoi la surpasse-t-il? Il suflit de s'arrêter un peu sur le résultat de ce parallèle entre le produit de l'âne et de la jument HÉRÉDITÉ. 927 et celui de rnnessc et du cheval, [>our voir que les i'ornmles exprimant l'influence du mâle et de la femelle sont loin d'être rigoureuses. Si elles ne sont pas vraies dans ce cas particulier, comment peuvent-elles être considérées comme l'expression de la loi générale , surtout en ce qui a trait, non plus aux produits issus d'animaux d'espèces dillerentes, mais à ceux des animaux de même espèce? La question de l'influence du mâle et de la femelle sur leurs produits est donc ime question à remettre à l'étude, car elle ne peut recevoir, en thèse générale, la solution indiquée par Bufl'on et acceptée depuis par tous les auteurs. On pourra aisément la résoudre en rapportant chaque caractère des produits à celui de leurs ascendants qui les possède ; et cela, en considérant les produits naturels du croi- sement des races, de même que ceux qui peuvent provenir du croisement des espèces voisines. Les données recueillies jusqu'ici par l'observation sont déjà de nature à fixer les points principaux de cette solution. Indiquons rapidement les plus remarquables en ce qui concerne les formes, la taille, le sexe, la constitu- tion, la force, le caractère du produit. Relativement à l'ensemble de la conformation et aux détails des formes, le pro- duit ressemble tantôt au mâle, tantôt à la femelle; le plus souvent il ressemble aux deux, mais plus à l'un qu'à l'autre. Tout le monde a remarqué que, dans une même famille, il est des enfants qui ressemblent d'une manière frappante à leur père, et d'autres, au contraire, à leur mère. Le mulet ressemble surtout à son père et le bardot à sa mère. La chienne terrière dont j'ai déjà parlé et qui fut couverte par un lévrier, mit bas deux terriers et deux lévriers. Il n'est pas rare de voir une chienne fécondée par un chien d'une autre race donner à la fois et des chiens semblables à elle et des chiens rappelant la forme et la race de leur père. Il en est de même pour le cheval, d'après Hartmann et d'autres hippo- logues. C'est principalement par les mâles qu'on cherche à maintenir ou à perfec- tionner les races; mais c'est surtout par les juments que les Orientaux croient conserver la belle race arabe. Sous le rapport de la taille, les produits tiennent, soit du père, soit de la mère ou des deux, mais plus de l'un que de l'autre. La stature du mulet se rap- proche beaucoup de celle de la jument; la taille du bardot tire quelque chose de celle du cheval, puisqu'elle est supérieure à celle de l'ânesse. Très souvent et chez divers animaux, les mâles de grande taille donnent des produits dont le volume devient supérieur à celui de la mère. En faisant couvrir les vaches de petite race par des taureaux de grande race^ on augmente la taille des produits, souvent au point de rendre la parturition très laborieuse, notamment chez les femelles qui portent pour la première fois; Les petites chiennes couvertes par les dogues, les chiens de Terre-Neuve, meurent souvent sans pouvoir mettre bas les fœtus, dont le volume dépasse les dimensions du bassin. Par la robe, l'état des poils, des crins, et des autres productioiis épidermiques, le produit tient indistinctement de l'un de ses ascendants ou des deux à la fois: Le métis du blanc et du nègre est mulâtre. « Les poulains provenant de deux che- vaux de différents poils ont, dit Hartmann, presque aussi souvent le poil de la mère que celui du père, et il n'est pas rare qu'ils héritent du père une partie de y28 DE LA GÉNÉRATION. leur robe et l'autre partie de la mère. » L'hybride du zèbre et du damv avec une femelle solipèdeest marqué de longues bandes noires comme son père. Le métis d'hémione et d'ànesse a la robe paternelle. Il n'est pas rare de voir le pelage des veaux reproduire d'une manière frappante celui du taureau. Dans une portée de chiens ou de chats, une partie des petits ont la robe du père, l'autre celle de la mère. Des souris blanches accouplées avec des grises ont donné des petits blancs et d'autres gris, mais pas de robes mélangées. Des trois produits d'un chacal avec une chienne, l'un avait le pelage gris fauve du père, l'autre le pelage noir de la mère. L'un des hybrides du bouc et de la brebis, obtenus par Buffon, avait le pelage brun du père. Les taches de noir ou de blanc, si petites qu'elles soient, sur une robe uniforme, passent aux descendants. On a remarqué même que, chez les chevaux, elles deviennent habituellement plus grandes, de génération en gé- nération, au point de donner des robes pies. Chose singulière, les taches des muqueuses donnent aux produits des taches à la peau, comme les anciens l'avaient observé sur le bélier. La nature, la longueur, la finesse des productions pileuses, se transmettent par l'un des ascendants. C'est surtout du bélier que les agneaux tirent la finesse de la laine, la beauté de la toison. Le mulet a le poil court et ras de sa mère sans en avoir la crinière ; le bardot a le poil et la cri- nière de son père; les métis du bouc et de la brebis ont le poil droit, rude et grossier du père; ceux du chacal et de la chienne avaient, comme je l'ai rappelé, les deux poils du père, le laineux et le soyeux. L'aspect, la forme, la couleur, la constitution des productions cornées tiennent des deux ascendants, dans certains cas plus de l'un que de l'autre : le mulet a le pied et les châtaignes du père ; le bardot a le pied et les châtaignes de la mère, La forme des cornes, si caractéris- tique dans certaines races, leur volume, leur couleur, se transmettent principa- lement par les mâles. En employant à la reproduction les animaux qni ont ces parties à l'état rudimentaire ou ceux qui en manquent, on finit par créer des races sans cornes, comme on l'a vu pour l'espèce du bœuf, et comme on le voit tous les jours pour celle du mouton. On sait que c'est seulement dans certaines races, celle de Barbarie entre autres, qu'on voit des moutons à quatre cornes dont parlent Oppien, Peyer et divers naturalistes. Le sexe des produits paraît, d'après les observations de Leroy et celles de Girou de Buzareingues \ dépendre de la prépondérance de l'un des reproducteurs dans la fécondation. Lorsque le mâle est adulte, bien constitué, plein de vigueur, il donne plus de petits de son sexe que de l'autre. J'ai, en ce moment, une chienne de chasse déjà vieille, qui, ayant été couverte par un énorme chien de Terre-Neuve d'un an, a mis bas six mâles, ressemblant tous à leur père. De même, quand la femelle est d'une constitution plus robuste que le mâle, elle donne plus de produits de son sexe que de celui du père. Ainsi, les brebis qui approchent de l'âge adulte, qui sont vigoureuses, bien nourries, donnent un nombre d'agnelles très supérieure celui des agneaux. Au contraire, les brebis trop jeunes, mal constituées, affaiblies, épuisées, malades, laissent prédominer l'influence du bélier et donnent plus d'agneaux que d'agnelles. Les brebis adultes 1. Girou de Biizareingues, De la génération. Paris, 1858, p. 1.53. UÉK ÉDITÉ. 929 saillies par des béliers de même âge et de même force qu'elles, produisent sen- siblement autant de mâles que de femelles. La \igu(!ur, l'énergie, la solidité delà constitution, !a rusticité, tiennent des deux ascendants, mais principalement du père. Tout le monde sait que les mâles trop jeunes, ceux (pii sont é[)uisés par les fatigues de la monte, donnent des produits souvent mous, dél)iles, plus disposés à l'engraissement que propres au travail. Au contraire, les nulles vigoureux, appartenant aux belles races orien- tales, ceux qui ont déployé beaucoup d'énergie dans les courses, transmettent à leurs produits leur vivacité et leur force. Souvent aussi la femelle partage cette influence avec le mâle, car si le mulet tient de l'àne, son père, l'énergie de la constitution et une rusticité remarquable, le bardot tient de l'ànesse les mêmes qualités. Le natuiel, le caractère, les instincts, rintelligeuce, les aptitudes diverses dérivent encore de l'un ou de l'autre des ascendants et principalement du père. Le mulet est irascible, têtu, comme son père; le bardot l'est aussi, comme sa mère. Des deux hybrides obtenus par de Spontin, du chien braque avec la louve, le mâle avait le naturel du loup, la femelle celui de la chienne. Pallas et Valmont- Bomare ont vu des hybrides de chien et de loup, sauvages, farouches, hurleurs comme des loups. Dans certains cas, ces hybrides avaient, au contraire, la dou- ceur et la sociabilité du chien. Les métis du chacal et de la chienne ont les allures brusques et farouches du père. On sait que les animaux méchants, mâles ou femelles, comme ceux qui sont souples et dociles, donnent des produits qui leur ressemblent fort souvent sous ce rapport. L'histoire nous montre des exemples de personnages cjui ont hérité du caractère pacilique, de la bonté ou des instincts despotiques et de la cruauté de leurs ascendants. Mais rien n'indique que la faculté de transmettre ces dispositions appartienne exclusivement à l'un des deux sexes ^ La conformation, la robe, la taille, la constitution, le naturel et les diverses aptitudes des animaux dérivent souvent, en partie, des générations antérieures. C'est une notion vulgaire que les enfants ressemblent quelquefois plus à leur aïeul ou à leur aïeule qu'à. leur père ou à leur mère. Il n'est pas rare, suivant la remarque de Hartmann, de voir des poulains dans lesquels reparaissent les beautés, les caractères, en apparence éteints dans le père, et qui avaient dis- tingué le grand-père ou la grand'mère. Girou a vu reparaître dans les poulains inàles les poils de l'aïeul, et dans les femelles celui de l'aïeule, qu'on ne trou- vait ni au père ni à la mère. Les agneaux issus de reproducteurs parfaitement blancs présentent parfois des taches noires que portaient les générations anté- cédentes. Jl n'est pas rare de voir renaître sur les produits de nos animaux domestiques des défectuosités, des tares, qui avaient épargné une et même deux générations. Dans notre espèce, certaines maladies, certaines prédispositions demeurées latentes chez une génération, reprennent leur empire à la génération suivante. 1. Voyez à ce sujet l'intéressant ouvrage de P. Lucas, Traité philosop. et physiol. de l'hérédité, etc. Paris, 1847-1850, 2 vol. G. COLIN, — Physiol. comp., 3'' édit. II. — 5 Variabilité dans l'espèce. — l'ormation des races. Quoique l'espèce soit fixe et que sa fixité dérive de la loi d'iiérédilé.elle tend, sans sortir de son cercle, à éprouver des variations, ou plutôt son plan se modifie dans certaines limites ; la génération crée ou laisse créer par les influences exté- rieures des déviations qui donnent naissance aux variétés individuelles et aux races. Suivant Darwin, la variation indique la tendance de l'espèce à se trans- former, et la variété est une espèce naissante. Il n'en est rien en réalité : malgré la tendance à la variation l'espèce reste immuable; toutes les modifications qu'elle éprouve ne donnent que des races, c'est-à dire des formes secondaires de l'espèce. Dans le règne végétal, l'espèce montre, à un haut degré, ces tendances à la variation, Decaisne ^ a prouvé par ses expériences sur le poirier qu'elles étaient très prononcées. Ce savant a semé des gi-aines d'une première variété, et il en a obtenu trois, autres variétés : d'une seconde, il en a vu sortir quatre; d'une troi- sième six; d'une quatrième neuf, variétés se distinguant les unes des autres Dar le port de l'arbre, la forme des feuilles, le moment de la maturation des fruits. Ici la tendance à la variation semble propre à l'espèce, et non le résultat des in- fluences extérieures de la culture, puisque les mêmes graines, en même temps, dans des conditions identiques, donnent spontanément les variétés. Les races ont évidemment leur point de départ dans la variété individuelle. Dès que celle-ci est constituée, elle tend à se maintenir, à se conserver parle fait de l'hérédité, En se répétant sur une collection d'individus, la race ust formée. La théorie physiologique de la formation de? races animales ou des races humaines est simple, elle repose sur deux faits : la variabilité, dans certaines limites, du type spécifique et la tendance à l'hérédité ou à la transmissibiiité des variations produites. Elle se déduit tout entière de l'observation de ce qui arrive à une espèce donnée, dans les conditions ordinaires, à celle de l'homme, du bœuf ou du cheval. Chacune produit des variations individuelles : un sujet est svelte, élancé, un autre lourd, trapu: celui-ci a les jambes longues et droites cet autre les a courtes et arquées; l'un a la poitrine étroite, l'autre l'a lar^^e et bombée; tel est glabre, tel autre velu. Des différences sans nombre s'observent dans la forme de la tète, du front, du nez, des oreilles. Ce sont là les variations individuelles. Ces variations, par l'hérédité, tendent à se conserver dans une famille qui est, en réalité, une petite race. Et, en eSc[, dans telle, tous les indi- vidus sont grêles, dans telle autre, ils ont des formes herculéennes ; dans l'une, ils sont vifs, dans l'autre, lourds, disposés à l'obésité, même dès leur jeunesse. La race n'est pas autre chose qu'un ensemble de familles présentant toutes les 1. Decaisne, Comples rendus de l'Académie des sciences, t. LMl. 936 DE LA GÉNÉRATION. mêmes caractères essentiels. Et, par conséquent, il peut, à la rigueur, y avoir autant de races qu'il y a de types individuels représentant les variations de l'espèce. Les races n'ont pas, au point de vue physiologique, une autre source ni un autre modo de formation que les variations individuelles. Que l'homme des champs, à la démarche lourde, aux reins larges, devienne citadin, si, dès sa jeu- nesse, ses habitudes, ses travaux, son régime, sont changés, il commence à s'af- liner un peu. La première génération qui sort de lui dans ces conditions nou- velles a les allures plus dégagées, les mains moins fortes, etc. A la longue, si les alliances s'y prêtent, si le milieu est favorable, ses descendants se rapprocheront de ces types aristocratiques, à traits purs, à physionomie distinguée qui s'éloi- gnent des types ordinaires. Il n'en est pas autrement pour les animaux ; la race se forme comme la famille ou la variété individuelle. En réalité, le nombre des individus ne fait rien ; et, dans une petite localité, même dans une ferme, peut se créer une race de bœufs ou de moutons, comme la race de Mauchamp, de la Charmoise.La race créée peut être maintenue si, une fois fixée, les individus qui la forment s'allient constamment entre eux. Au contraire, elle se modifie, elle se perd si elle s'allie au hasard, comme cela arrive si souvent dans les familles humaines. L'étude attentive de ce qui se produit chez les animaux sauvages, surtout chez les animaux domestiques, dans les conditions aussi rapprochées que possible de l'état de liberté, prouve que la formation des races est toute spontanée et qu'elle dépend, en grande partie, des influences extérieures. Sous l'influence complexe du climat, la taille des animaux, la proportion des diverses parties du corps, la couleur, l'abondance et la finesse des poils, se modi- fient considérablement. Dans les régions tropicales comme dans les contrées les plus froides, le volume des animaux se réduit notablement, tandis qu'il atteint son maximum dans les pays tempérés. Dans les contrées chaudes, les animaux ont, en général, le pelage peu fourni, les productions cornées sèches; dans les pays froids, ils ont des fourrures épaisses, très fines. Ces différences dans la taille des animaux, dans la couleur de la peau, la longueur et la finesse des poils, suffisent à elles seules, quand elles sont très prononcées, pour caractériser nettement des races ou des variétés. Par le fait de l'alimentation plus ou moins abondante, plus ou moins nutri- tive, débilitante ou excitante, il se crée des races grandes ou petites, massives ou élancées. Enfin, parla domesticité, c'est-à-dire par l'intervention de l'homme, qui place les animaux dans de nouvelles conditions d'existence, les soustrait, dans de certaines limites, à l'action du climat, leur fournit des aliments variés, les soumet à des travaux pénibles, les mutile, leur impose des privations, dirige leur reproduction, il se forme encore des races plus ou moins caractérisées. Aussi avons-nous, dans les diverses parties du globe, un nombre prodigieux de races de bœufs, de chevaux, de moutons et de chiens. Il est clair que Thomme, en s'emparant des variétés individuelles dérivées d'une cause quelconque, peut avec elles faire des races. Il lui suffit, pour cela, de choisir la variété qu'il a intérêt à conserver, et de l'employer à la reproduction. FORMATION niîS RACE);. 937 La nat II l'o, d'après lu loi (riKMvditc', inaiiitit'iil la vai'iéti', et une lois que cette variété est étendue à un grand nondtre d'individus, elle constitue une race. Dès que cette race est un peu ancienne, ses caractères non modilii'S par l'atavisme sont plus ou moins li\es. Or, c'est ainsi qu'on a procédé parloiit on l'on a voulu créer des races de che- vaux de course, de IraiT des Ixeuls de boucherie, de moutons, de porcs, de chiens, d'oiseaux de basse-cour. Lorsque, vers le milieu du dernier siècle, Backwell ^ voulut créer sa race ovine de Dishley, il choisit des béliers qui avaient de petits os, beaucoup de muscles, une conformation indiquant une grande aptitude à se développer rapidement et à engraisser. Parmi les produits obtenus, il choisissait ceux qui présentaient au plus haut degré les qualités qu'il voulait développer et fixer; il les alliait entre eux, et, en moins de vingt-cinq ans, sa race si remar- quable était en haute estime dans une grande partie de l'Angleterre. En même temps, il façonnait, par des procédés analogues, c'est-à-dire par la sélection, des reproducteurs ayant les qualités voulues et par les alliances consanguines, sa race Durham qui, depuis les perfectionnements qu'elle doit aux Colling, est devenue une merveille de précocité, d'aptitude à l'engraissement t;t de confor- mation réduisant aux proportions les plus restreintes toutes les parties qui ne peuvent être consommées. Graux en alliant un bélier qui présentait, par exception, une laine longue et soyeuse avec quelques agnelles, ses fdles, aux- quelles ces caractères de lainage s'étaient communiqués, a créé la fameuse race de Mauchamp. Dans tous ces cas, et dans bien d'autres, c'est ainsi qu'on a pro- cédé. On profite d'une variété individuelle présentant la conformation, le pelage, les aptitudes, qu'on voudrait voir dans un grand nombre ; on les jette dans le moule générateur qui en rend uu certain nombre d'exemplaires; puis, parmi ceux-ci, on choisit les mieux réussis et l'on choisit toujours jusqu'à ce que l'hérédité ait réalisé un type durable. En cela l'intervention de l'homme consiste à donner à la nature le moyen de produire conformément à ses règles et à ses lois. Il est donc incontestable, en principe et en fait, que les alliances consan- guines, c'est-à-dire entre individus de même famille et de parenté rapprochée, entre ascendants et descendants, ou collatéraux à tous les degrés, produisent des races, de belles races, et cela dans toutes les espèces domestiques. Les faits ne laissent pas prise aux dissidences sur ce point. Mais cette consanguinité qui fait les races peut- elle les conserver indéfiniment sans dégénération ? Huzard ^ dit avec beaucoup de sens que les alliances consanguines, qui font les races et qui les font vite, les conservent ; il en cite pour exemple la race mérine de Rambouillet, ou plutôt le troupeau qui, pendant quarante ans, s'est multiplié exclusivement par des béliers et des brebis, accouplés pères avec filles, frères avec sœurs. Or, comme pendant cette période quatre-vingts générations ont pu se succéder, autant que de générations humaines en deux mille ans, si la consanguinité avait pu produire des effets funestes, ils se seraient manifestés. Les races de bœufs, perfectionnées depuis un siècle par les Anglais, sont nées 1. David Lo\\', Hisloire nafurell.e agricole des (inhriaux domestiques- de l'Europe. Paris, 1842. 2. Huzard, Revue et rûngaxin de zoologie, 18.^7. 938 DE LA GÉNÉRATION. et sont conservées par la consanguinité. Dans la race courtes cornes, elle a été employée avec constance. Ch. CoUing pendant seize ans a accouplé le même tau- reau avec six générations de ses fdles, et la dernière ne le cédait en rien à ses aînées '. D'ailleurs, dans les espèces sauvages monogames, où la consanguinité entre frère et sœur est de règle, les races ne paraissent point s'altérer. Cependant, dans l'opinion d'un grand nombre d'observateurs, Hartmann, Bourgelat, la consanguinité est funeste aux races animales comme aux races ou aux familles humaines : elle leur ôte la vigueur, la santé, la fécondité, elle les détériore vite, et peut même les éteindre. Quelquefois il parait en être réellement ainsi, si, par exemple, la race produite n'a pas assez de fixité, si les reproduc- teurs médiocres ne sont pas écartés, si les individus sont dans de mauvaises con- ditions, si enfin, les influences extérieures avec lesquelles la race n'est pas en harmonie tendent à la détruire, comme cela arrive aux animaux précoces dans les pays sans fourrages, aux chevaux fins dans des vallées humides, etc. Comme dans ces conditions les influences des milieux détériorent les individus, les détériorations se transmettent à la race et fendent à lui faire perdre les qualités qu'elle avait pu acquérir. Du reste, d'après les lois de l'hérédité, la consanguinité peut altérer une race toutes les fois que les milieux et les causes extérieures modifient les individus dans un sens défavorable, et dans ce cas elle étend à la race ce qui est borné aux individus ; elle vient en aide aux influences extérieures, reproduit les détériorations qu'elles provoquent, les additionne et les perpétue. Elle agit non moins activement et non moins vite alors dans le sens de la dégé- nérescence que dans les cas où on s'en servait pour la formation et le perfection- nement de la race. La consanguinité dans la famille, ou la consanguinité éloignée, n'est pas le seul moyen de former les races. L'alliance de deux races, ou ce qu'on appelle le métissage, le croisement, peut aussi en produire. Le croisement que, depuis Bnffon, on considère comme nécessaire pour pré- venir la dégénération des races, peut-il former des races nouvelles? Sans aucun doute. Le croisement ou l'alliance de deux variétés, de deux races, dès l'instant qu'il donne un produit mixte, une variété individuelle, donne à celle-ci la faculté de s'étendre à un grand nombre d'individus. Le croisement a créé diverses races anglaises, la race de course, quoiqu'on ait prétendu qu'elle résultait delà substi- tution du cheval oriental à une race britannique indéterminée. Non seulement il crée des races, mais il constitue, comme le dit M. de Sainte-Marie, le moyen le plus simple et le plus expéditif de les perfectionner. On ne s'explique guère comment des observateurs démérite aient pu exprimer à l'égard de ce moyen des opinions absolument contradictoires. Le croisement qui, pour MM. Magne, Huzard, Gayot, crée des races, les détruit d'après Renault et Baudement. Il fait, suivant les cas. l'un et l'autre, où il ne fait ni l'un ni l'autre. Physiologiquement, rien n'est plus facile à expliquer. Lorsque, dans une province, on importe une race étrangère qu'on allie à la 1. Lefebvre dp SaiiUe-Marie. De In race bovine à courtes cornes améliorée. Paris. 1849, page 24-j. FORMATION DES RACES. 939 race locale, on obtient, si les alliances entre les deux types sont suffisamment continuées, un type nouveau intermédiaire aux deux facteurs, et en même temps on modifie, on altère, on détruit, à proprement parler, la race locale. En intro- duisant le cheval arabe ou le cheval anglais dans le Limousin, la Normandie, on a produit le demi-sang, et dans ce demi-sang la race limousine, la race nor- mande ancienne, ont été absorbées et se sont éteintes. Ce résultat a été obtenu une fois que le croisement s'est suflisamment prolongé et efl'ectué sur Tenserable de la population animale du pays. On a donc pu dire avec raison que le croise- ment avait détruit nos anciennes races locales. Il les a détruites, en effet, en les absorbant et en les remplaçant par des races mixtes plus ou moins caractérisées. D'autre part, dans les pays où les croisements ont été opérés sur une fraction très restreinte de la population, trop peu de temps, sans suite, avec des animaux de diverses races, on n'a ni créé une race nouvelle et mixte, ni absorbé ou détruit la race locale ancienne ; on a produit des individus métis isolés ; ils ne sont pas devenus souche de race. S'il va eu amélioration, elle a été imprimée aux indivi- dus et non à la race. Celle-ci s'est abâtardie en recevant les éléments étrangers, et elle donne des produits variés, comme la chienne de race en qui l'atavisme fait revivre les types anciens à côté des types nouveaux. Le croisement ne peut substituer à la race ancienne une race nouvelle qu'au- tant qu'il est assez prolongé [lour donner de la tixiti' aux caractères des nouveaux produits. Au point de vue purement physiologique, les ell'ets du croisement sont essen- tiellement variables, mais l'un d'eux est d'oter à la race croisée sa hxité. et par conséquent d'en tirer des variétés individuelles plus ou moins nombreuses. Le croisement introduit, avec le sang nouveau, un nouvel élément de variabilité ; il ajoute la variabilité de la race qui intervient à celle de la race que l'on croise. Des produits mixtes se forment où l'atavisme tend à faire reparaître les carac- tères de celle dont le sang prédomine. Aussi, faut-il. si un tvpe est suffisamment parfait, se garder de le mêler à un autre. L'Arabe craint la mésalliance de ses chevaux; elle est non moins redoutée de l'Anglais pour le cheval de course, le durham, le dishley, et des chasseurs pour les meutes de chiens, etc. Un sang étranger quelconque altère la fixité de la reproduction du type de la race. Un autre modèle est offert dont la nature copie quelques traits qu'elle associe à ceux du type ancien. L'observation, depuis les temps antiques, montre que les races seules qui ne sont point mêlées donnent des individus qui se ressemblent, tels les Scythes, dont parle Hippocrate. Les castes mêmes, chez les nations où les institutions sociales les ont conservées, comme dans l'Inde, se comportent à un certain degré comme les races proprement dites. Le croisement ou l'alliance entre des reproducteurs de races différentes est un moyen très expéditif, à l'aide duquel on communique à une race des qualités ou des aptitudes qu'elle n'a pas. Par son secours, celle que l'on se propose de modifier est, ou simplement amé- liorée, ou transformée en une race mixte plus ou moins rapprochée de l'une des deux composantes. Les règles du croisement, quoiqu'elles se déduisent des lois de l'hérédité et des résultats constatés par Texpérience, se réduisent à un très petit nombre de 940 DE LA GÉNÉRATION. formulos qui doivent, dans certaines limites, servir de guides aux éleveurs. Lorsqu'on veut modifier une race commune et lui imprimer de nouveaux carac- tères, il faut toujours, et d'une manière absolue, choisir pour la régénérer une race aussi ancienne que possible, vigoureuse, bien conformée; puis rechercher dans cette race les qualités et les aptitudes que l'on veut communiquer à lapi-e- miôre. Ainsi, il convient d'exiger de la race régénératrice une taille élevée, des des formes élégantes, de la légèreté, de la vitesse dans les allures, une constitu- tion énergique, une belle toison, une aptitude à l'engraissement et à la production du lait quand on veut augmenter le volume, régulariser la confor- mation, modilier la constitution molle de la race commune, rendre celle-ci, et. suivant les espèces, apte h la course ou au travail, etc. Mais, en cela, il importe de bien se fixer sur les caractères à donner au produit du croisement, car on ne saurait, par des combinaisons identiques, obtenir l'un et l'autre de ces deux résultats, savoir des produits se rapprochant autant que possible de la race type, ou des produits réunissant certaines qualités de l'une des races avec des qualités différentes appartenant à l'autre. Dans tous les cas, on doit se rappeler qu'une race choisie pour un croisement ne {)eut réunir toutes les qualités propres à l'espèce, car on ne voit jamais associées sur le même animal les beautés dissé- minées sur plusieurs, pas plus qu'on ne trouve rassemblés sur un seul tous ces défauts, dont l'imagination des anciens hippiatres s'est plu à représenter, dans les livres, le monstrueux assemblage. En second lieu, il faut, dans le croisement, déterminer la convenance réci- proque des races que l'on allie entre elles, donner à une race déjà Une et légère la race la plus distinguée, mêler à celle qui doit rester massive une race plus ou moins étotïée. Il est évident que, dans l'espèce du cheval ce qu'on appelle le pur sang ne convient point indifférenniient à la régénération de toutes nos races et surtout des races communes de trait. L'expérience a démontré, au grand détri- ment des millions de l'Etat, que cette panacée universelle, si \antée par les haras, n'a donné souvent que de tristes résultats, quand elle n'a pas eu pour effet de dégrader nos bonnes races de travail. Il ne suffit pas, sous ce rapport, de choisir des races qui se conviennent réci- proquement, il importe de rechercher dans ces races les types les plus propres à conduire aux résultats attendus, et, pour cela, il convient de prendre à la fois en considération les formes, la constitution, les diverses qualités : on s'exposerait à se tromper souvent si l'on se servait exclusivement, comme pierre de touche, d'une seule de ces qualités, la vitesse des allures, par exemple. Ainsi, on a peine à concevoir comment un cheval de course amaigri, taré et souvent d'une défec- tueuse conformation, puisse être un reproducteur précieux, parce que, sur un hippodrome, il a parcouru un espace de 4 à 5 kilomètres en quatre ou cinq minutes. Enfin, il faut, dans l'emploi et le choix des croisements, prendre en grande considération le but quel'on se propose d'atteindreet les conditions dans lesquelles on se trouve. Il faut se rappeler que tous les genres de perfectionnements ne peuvent être obtenus à la fois ; que les combinaisons les plus habiles sont impuis- santes à réunir des qualités qui s'excluent; que les mêmes sortes de croisements HYBRIDATION. 941 ne sauraitMit indistinctement donner, ou des animaux de luxe, ou des bêtes de travail, ou des sujets éminemment propres, soit à la boucherie, soit à la produc- tion du lait. Les résultats que l'on peut obtenir des croisements dirigés avec habileté sont des plus remarrpiables. Par leur intermédiaire, on arrive très rapidement à aug- menter la taille, à modifier la conformation, corriger les défauts de races indi- gènes, leur imprimer de nouvelles qualités ou de nouvelles aptitudes. Ainsi, par eux, on élève, dès la première ou la seconde génération, la taille des produits, si l'on a une nourriture suffisante à leur donner ; on régularise et on embellit les formes presque immédiatement, tandis que , suivant la remarque de Magne, on n'arrive au même résultat, à l'aide de simples appareiilements, qu'après plusieurs générations. Il est facile, en les employant judicieusement, de faire des animaux aptes à divers services, au gros trait, à la cavalerie, à la course; de donner aux ruminants de la précocité, une grande propension à l'engraisse- ment, à la production du lait, de changer un lainage grossier en une toison abondante et fine, etc. Mais, pour réaliser de telles améliorations, il faut infiniment d'habileté et de tact dans le choix des races régénératrices, dans la détermination des limites auxquelles il convient de s'arrêter une fois que le croisement a produit les effets qu'il impor.te d'en obtenir. Les célèbres éleveurs qui, à eux seuls, ont eu plus de génie que des administrations séculaires, nous ont appris à quels étonnants résultats ces moyens peuvent conduire. D'un autre côté, les mécomptes auxquels sont arrivés ceux qui ont agi sans principes et en dépit des lois déduites d'une expérimentation judicieuse, nous signalent les écueils à éviter dans l'art si com- plexe et si difficile du perfectionnement des animaux domestiques. Le croisement est donc un moyen puissant, mais dangereux, qui améliore autant les races, s'il est employé avec discernement, qu'il les dégrade si son usage est intempestif. Une faut y recourir qu'avec ménagement et dans les cas où il est nécessaire. Ce serait un très grand tort de le considérer, avec Buffon et ses partisans, comme indispensable à la conservation des races. L'observation jour- nalière démontre, contrairement à la théorie du savant naturaliste, que, sans le secours des croisements, plus d'une belle race dans l'espèce du cheval, dans celles du bœuf et du mouton, se conserve, sans éprouver de dégénération appré- ciable. 3» De la fécondation entre animaux d'espèces différentes. La fécondation qui, habituellement, et dans le plan de la nature, a lieu seu- lement entre les animaux de la même espèce, peut quelquefois s'opérer entre des individus appartenant à des espèces différentes, mais voisines l'une de l'autre. Il résulte de cette alliance des hybrides généralement stériles ou d'une fécondité bornée à quelques générations. Dans le règne végétal, l'hybridité, surtout parmiles plantes cultivées, est un fait fort ordinaire. Le pollen transporté par les vents, par les insectes, ou déposé par la main de l'expérimentateur sur le stigmate d'une plante de même genre, 942 l»!^ '-A GÉNÉRATION. la féconde souvent et donne de véritables hybrides. Dans quelques plantes, l'espèce se féconde diflicilement par son propre pollen , tandis qu'elle est fécondée aisément par celui d'une espèce voisine ; les hybrides obtenus par Kd'lhreuter et Gœrlner ont pu se reproduire par eux-mêmes pendant une dizaine de «énérations ; ils se sont reproduits aussi avec des individus des espèces ascendantes. Dans tous les cas, ils sont, à la longue, devenus sté- riles. Les hvbrides que M. Naudin ^ a obtenus dans ses belles expériences ne sont demeurés féconds que pendant quelques générations, et ils ont, dès la seconde ou troisième, manifesté la tendance à revenir à l'un des types forma- teurs. Aucun hybride n'a paru tendre à se fixer et à devenir souche d'espèce nouvelle. L'hybridité, qui s'observe ti'ès rarement parmi les animaux à l'état sauvage, à cause de la répulsion instinctive qu'éprouvent les individus d'une espèce pour ceux d'une autre, se voit souvent chez les animaux soumis à la domesticité. Elle peut avoir lieu entre les espèces appartenant au même genre, comme entre le cheval et l'âne, le bœuf et le bison, le bouc et la brebis, la brebis et le mouflon, le porc et le sanglier, le chien et le loup, etc. Aucun fait ne prouve que cette alliance soit possible entre les espèces de genres différents, fussent-elles d'ail- leurs de la même classe, du même ordre et de la même famille. Parmi les carnassiers, le loup produit avec le chien, le chien avec le chacal, le tiore avec le lion. Le croisement du chien avec le loup est assez commun. Pline dit que les Gaulois se procuraient pour la chasse certains métis, qu'ils obte- naient en faisant couvrir par des loups les chiennes attachées dans les forêts. Buffon, F. Cuvier, Flourens^. en ont vu des exemples fréquents dans les mé- nageries : le chacal avec la chienne ou le chien avec la femelle du chacal ont produit plusieurs fois. Plourens a obtenu de ce croisement trois petits. L'un d'eux avait le pelage gris fauve du père, qui était un chacal, et les deux autres avaient la robe noire de la mère. Ils avaient tous les trois des poils soyeux et des poils laineux comme la généralité des animaux sauvages. Leui-s allures étaient brusques et farouches. Parmi les solipèdes, l'hybridation est très ordinaire. L'âne produit avec la jument le mulet, si remarquable i)ar sa conformation intermédiaire à celle de ses ascendants, par sa rusticité et ses autres qualités comme bête de somme. Le cheval avec l'ànesse donne le bardot, moins répandu que le premier. Le zèbre produit avec le cheval ; il produit avec l'àne ; celui-ci avec l'hémione. Tous les solipèdes produisent entre eux, car ils appartiennent à un genre unique extrê- mement naturel. Un assez grand nombre de ruminants s'accouplent ensemble et donnent des hybrides. Le dromadaire produit avec le chameau des individus stériles; le bœuf avec le bison ; le bouc avec la brebis produit, au Chili et au Pérou, des hybrides connus sous le nom de chabins, qui sont féconds pendant quelques générations et donnent, par leur croisement avec le bélier des peaux employées à divers 1. Naudin, Comptes rendus de l' Académie des sciences, 1862; •2. Floui'eos, Leçons orales du Miisévm d'/dsloire nafure//e, 1851; HYBRIDATION. "943 usages. Le lièvre et le lapin, qui n'ont rien produit dans les expériences deBul- fon, de Flourens et dans quelques-unes qui me sont personnelles, ont donné h M. Gayot des léporides dont la Cécondité est ailée jusqu'à la huitième g(''néra- tion ; la brebis avec le moullon donne fies produits féconds. Les oiseaux nous montrent aussi des exemples d'unions fécondes entre les espèces voisines. On en connaît (între le coq et le faisan, entre le faisan commun et le faisan de la Chine, entre le canard commun et le musqué, entre l'oie domes- tique et l'oie du Canada, entre l'oie de Chine et l'oie commune. Ceux-ci sont, dit-on, très nombreux et vivent en grandes ti'oupes dans plusieurs parties de l'Inde. Il y en a aussi entre l'oie et le cygne chanteur, le morillon et la sarcelle, le serin et le chardonneret. Les espèces éloignées les unes des autres ne produisent jamais entre elles, et cela dès qu'elles ne sont point du même genre. Buft'on, P. Cuvier, Flourens n'ont pu parvenir à déterminer des alliances, des alliances fécondes, entre la chienne et le renard, ni entre la renarde et le chien, quoique Aristote dise que les chiens de Laconie viennent du renard et de la chienne. Personne n'a encore vu un soli- pède produire avec un ruminant, un ruminant avec un pachyderme. Tout ce que les auteurs rapportent des prétendus jumarts issus du cheval et de la vache ou de la jument et du taureau ou de celui-ci avec l'ânesse, est faux ou s'applique à des animaux difformes, plus ou moins monstrueux. Déjà, dans le siècle dernier, les naturalistes éclairés, Bufîon, Bonnet, révoquent en doute leur existence. Les exemples cités par Sténon, Blasius, Adanson, Bourgelat, Bredin, Grognier, sont loin de porter la conviction dans les esprits. Bourgelat cite d'abord le pro- duit d'un étalon navarrin, plein d'ardeur, qui couvrit une vache : le jumart vécut quatre mois ; il ressemblait beaucoup plus à la mère qu'au père et portait sur le front deux proéminences comme le veau naissant. Ce n'était évidemment qu'un veau. Le savant fondateur des écoles vétérinaires parle d'un autre jumart femelle dont la dissection fut faite sous ses yeux. Celui-ci avait le front et le mutle, la langue et la rate du taureau ; mais il avait pour tout le reste la conformation du cheval : même nombre de molaires et d'incisives ; même disposition des mus- cles; même forme de l'estomac, de l'utérus et du foie que dans les solipèdes. C'était encore là un mulet ou un bardot un peu difforme, comme on peut en juger, du reste, par les ligures qu'en donne ïupputi et par la tête qui est con- servée dans les collections d'Alfort. Le jumart observé par Bredin avait le pied, la tête, le nez, les oreilles, la crinière, les dents, les organes génitaux de l'âne; il avait seulement la croupe plus arrondie, le ventre plus volumineux et le front plus large que ce dernier ; mais c'était encore un solipède, un âne, un mulet ou un bardot. Les jumarts nés dans les montagnes du Dauphiné, et vus par Gro^ gnier, avaient, à quelques légères différences près, la conformation des mulets ou des bardots ^ Les produits résultant de l'alliance de deux espèces sont généralement stériles. Lorsque, par exception, ils jouissent de la faculté de se reproduire, leur fécon- dité est bornée à la première, à la seconde et, au plus, à la troisième ou à la 1. L. V. Grognier, Notice Idatoriqae suf Bourgeiat. Paris, 1800. p. 187. ()44 DE LA GÉNÉRATION. quatrième géiiéraliuii. I*^n frappant de stérilité ces produits, ou en ne leur lais- sant (|u'une lécondité limitée et bien vite éteinte, la nature a voulu éviter le mélan-e, la fusion des espèces ou la formation d'espèces intermédiaires à celles qui peuvent contracter entre elles des alliances illicites. Ce qui se passe depuis un (^rand nombre de siècles entre l'âne et le cheval, deux espèces qui se ressem- blent tant i>ar leur conformation extérieure et par leur structure analomique, prouve que la fusion des espèces ou la formation d'espèces mixtes est chose impossible. « Assurément, dit Flourens, si jamais on a pu imaginer une réunion complète de toutes les conditions les plus favorables à la transformation d'une espèce en une autre, cette réunion se trouve ici. Et cependant y a-t-il eu trans- formation? L'espèce de l'âne s'est-elle transforuiée en celle du cheval, ou celle du cheval en celle de l'âne ? Ne sont-elles pas aussi distinctes aujourd'hui qu'elles l'aient jamais été? Au milieu de toutes ces races presque innombrables qu'on a tirées de chacune d'elles, y en a-t-il une seule qui soit passée de l'espèce du cheval à celle de l'âne, ou réciproquement ^ ? » La stérilité dont se trouve frappés la plupart des hybrides ne tient pas à des causes faciles à apprécier. Les anciens l'attribuaient à une trop grande fluidité du sperme et à un vice de conformation de la matrice. Aujourd'hui, en ce qui concerne les mulets, on sait, depuis Bonnet, Habenstreit, Gleichen, Prévost et Dumas, que leur sperme manque de spermatozoïdes ou n'a que des spermato- zoïdes incomplets, à l'état rudimentaire ; mais les femelles, les mules, par exemple, n'ont rien d'anormal dans la disposition et la structure de l'appareil génital; le vagin et l'utérus ressemblent exactement aux mêmes parties de la jument et de l'ânesse; le col de l'utérus est ouvert, les trompes sont libres ; les ovaires, quoique un peu petits, possèdent des vésicules de de Graaf et des ovules; néanmoins, d'après Goste, de qui je tiens cette observation, les vésicules et les ovules y sont en faible proportion ; ces femelles, enfin, ont aussi leur rut pério- dique, et très probablement Iftir ponte ou leur ovulation spontanée, car j'ai vu dans la collection du savant ovologiste un ovaire de mule portant un corps jaune bien caractérisé. On conçoit donc, d'après cela, que la stérilité des hybrides ne soit pas abso- lue ; et, en effet, il arrive que des mules soient fécondées [tar le cheval et que d'autres hybrides se reproduisent à peu près régulièrement, pendant les deux ou trois premières générations. Aristote dit qu'on a vu la mule être fécondée sans pouvoir amener son fruit à terme; mais ce qu'd dit des mules fécondes d'une partie de la Syrie peut se rapporter à l'hémione. Buffon, Charles Bonnet, ont recueilli des exemples bien connus de cette fécondité des mules, et tout récem- ment, M. de Nanzio et d'autres vétérinaires en ont cité de nouveaux, enfin divers observateurs ont constaté une fécondité assez commune parmi les carnassiers et les oiseaux hybrides, La fécondité est donc un moyen sûr de reconnaître l'identité de l'espèce. C'est une sorte de pierre de touche, à l'aide de laquelle on peut s'assurer que tels et tels animaux appartiennent à la même espèce, au même genre, ou à des ]. Flourens, Ifisloire des travaux de Cuviei', p. 290. DKVELOPPEMKM DE l'EMBUYON. 943 espèces et à des genres dilléieiUs. Toutes les fois que des animaux produisent entre eux des individus jouissant d'une fécondité continue et indélinie, ils sont de la même espèce. Le blanc produit avec le nègre, le nègre avec le mongol, des individus indétiniment féconds, et c'est là une preuve certaine de l'unité de l'espèce humaine. Le mouflon de Corse ou d'Espagne donne avec la brebis domes- tique des produits féconds, que Pline connaissait déjà : la brebis et le moullon, si différents de prime abord, ne forment donc qu'une seule espèce. Le zébu et le btcuf de nos contrées produisent également ensemble des individus jouissant d'une fécondité illimitée : ils ne sont encore que deux races appartenant à la même espèce. Au contraire, l'une produit avec le cheval, l'àue avec l'hémione, le dromadaire avec le chameau, le bceuf avec le bison, le bouc avec la brebis, le chacal avec le chien, le chien avec le loup, des individus généralement stériles ou des indivi- dus possédant par exception une fécondité qui s'éteint dès la première, laseconde ou la troisième génération. L'àne n'est donc pas de la même espèce que le che- val, l'hémione de la même que l'àne, etc. Ces animaux ont beau se ressembler par leur organisation, la configuration de leur squelette, de leurs muscles, de leurs viscères, et jusque par leur conformation extérieure, ils appartiennent chacun à une espèce distincte; mais ces espèces qui produisent entre elles sont du même genre. Dès que des espèces en apparence voisines ne s'allient point ensemble, il de- vient extrêmement probable qu'elles n'appartiennent point au même genre. Le chien ne produit pas avec le renard, ni avec l'hyène : ces trois animaux sont de trois genres difl'érents. L'hyène ne doit pas davantage produire avec la lionne, ni la chienne avec le tigre, quoi qu'en dise Pline, car l'hyène, la lionne, la chienne, sont encore des carnassiers de trois genres distincts. A plus forte raison, le tau- reau ne doit-il pas produire avec la jument ou avecl'ânesse, car ces animaux non seulement ne sont point du même genre; ils appartiennent à des familles et à des ordres difl'érents. La stérilité des hybrides, leur fécondité, soit exceptionnelle, soit normale, mais bornée à quelques générations, est donc un obstacle à ce qu'ils deviennent sou- ches d'espèces nouvelles. La descendance de ces hybrides s'arrête par une géné- ration stérile ou elle retourne à l'une des deux souches mères avec lesquelles elle s'allie. En tout cas, la stérilité ou la réversion met un terme à la déviation qui ne sort guère des limites des plantes cultivées et des espèces domestiques. CHAPITRE LXXIV DU DÉVELOPPEMEXT DE L'EMBRYON Nous avons vu précédemment suivant quel mode les deux éléments de la repro- duction sont élaborés, expulsés de leurs organes formateurs et mis en rapport Tun avec l'autre. Il faut maintenant rechercher les changements successifs par G. COLIS. — Phvsiol. comp., 3'-' édit. II. — 60 946 DH LA GÉNÉRATION. lesquels l'œuf fécondé donne naissance à l'embryon, puis suivre celui-ci dans toutes les phases de son développement. L'ordre naturel de cette étude nous conduira à examiner : 1° Les premiers changements que l'œuf éprouve dans les trompes de l'utérus; 2° la formation des enveloppes et des autres annexes du fœtus; l'évolution des divers appareils organiques et des tissus qui les composent. L — PREMIERS CHANGEMENTS QUE L'ŒUF ÉPROUVE DANS LES TROMPES ET DANS l'utérus. L'œuf parvenu à la maturité, sorli d'une vésicule ovarienne et reçu dans les • trompes utérines, y subit, à mesure qu'il avance \ers y"^ l'utérus, des changements très remarquables, mais N Cet œuf, que quelques observateurs anciens, Mal- / l'ighi, de Graaf, Valiisnieri, avaient cru reconnaître dans les oviductes chez la femme et plusieurs f e - FiG. 221. — Ovule (*). nielles de mammifères, présente d'abord à peu pi'ès les mêmes caractères que dans la vésicule de de Graat au moment de sa rupture. Il a la même forme sphéroïdale, sensiblement le même volume, 1/10« à l/2(> de millimètre; il est encore constitué par la zone transparente ou membrane vitelline, par le vitellus; seule- ment il ne présente plus de vésicule germinative et à sa surface extérieure adhè- rent des granulations provenant du disque proligère. La vésicule germinative, à laquelle Purkinje et de Baer avaient attribué un rôle important dans le dévelop- pement du germe, a môme disparu au moment où l'œuf s'échappe de la vésicule : c'est par exception qu'elle s'est montrée encore intacte sur l'œuf descendu dans les trompes, et sa disparition a lieu aussi chez les ovipares avant que l'œuf se' soit détaché de l'ovaire. Le vitellus s'est un peu condensé et il s'est accumulé entre lui et la zone transparente une petite quantité de liquide. Cette zone s'est légère- ment gonflée; les granulations qui étaient restées adhérentes à sa surface, s'en détachent, et il s'y dépose souvent une couche de matière visqueuse qui paraît représenter l'albumen de l'oeuf des oiseaux. L'enveloppe albumineuse dont nous parlons est formée de plusieurs couches successives, entre lesquelles Bischoff a trouvé des spermatozoïdes morts et souvent en nombre considérable. A mesure que l'œuf descend dans la trompe de Fallope, le vitellus devient le siège d'une modification très remarquable qu'on appelle la segmentation vitel- line. Vers la partie inférieure de ce conduit, alors que le vitellus apparaît comme un point blanc, opaque, au centre de l'œuf entouré d'albumen, ce vitellus cesse de former une masse homogène : il se divise, d'après Bischoff, d'abord en deux sphères, puis en quatre, en huit, en seize, de plus en plus petites. La scission s'opère assez lentement et paraît arriver à un degré qui n'est pas le même dans toutes les espèces. L'habile observateur que je viens de citer a trouvé dans la (*) Zone pellucide; 2, vitellus; 3, vésicule et tache germinatives (Rôlliker). DEVELOPPEMKNÏ UE LEMBRY(l^f. 947 trompe irmie cliienne tiiii ;i\ait l'erii lemàlc, cimj œufs, dont un avait le \itellus entier, tandis que celui des autres était déjà divisé en deux parties. Chez une seconde chienne, l'une des trompes contenait quatre œufs, dont un avait le jaune divisé en deux parties et dont les trois autres avaient le leur partagé on quatre. L'autre trompe du même animal, enlevée vingt-quatre heures après l'ablation de la première, présentait trois œufs ayant leur jaune segmenté en plus de douze sphères. Le temps nécessaire ù raccomplissement de ce phénomène n'est guère susceptible d'une détermination exacte, car sur des chiennes couvertes depuis deux à trois jours, le vitellus était déjà réduit en vingt à trente-deux sphères. FiG. 322. — Segmentation du vitellus (*). tandis que svir d'autres, couvertes depuis huit jours, il n'était encore partagé qu'en huit. La segmentation du jaune [)arait être un phénomène très général dans les diverses espèces d'animaux, car Prévost, Dumas, Rusconi,Reichert, et après eux beaucoup d'observateurs l'ont constaté dans l'œuf des batraciens, des poissons, des crustacés, des entozoaires, je l'ai étudié moi-même dans celui des ascarides dont le développement a lieu à rextérieur et chez d'autres helminthes. On l'a observé même dans celui des polypes; mais il n'a pas encore été reconnu, si ce n'est par Coste, dans le jaune de l'œuf des oiseaux : son mécanisme a été diversement interprété par les embryologistes. Schvvann, à qui la science est redevable de belles recherches sur le développement cellulaire des tissus, considère l'œuf comme une cellule dont la vésicule germinative représenterait le noyau ; le vitel- lus en serait le contenu au sein duquel se développeraient ultérieurement de nombreuses cellules. Keichert, qui partage à peu près les mêmes idées, ne voit dans le jaune qu'une série de cellules incluses les unes dans les autres. Le vitel- lus, avec sa membrane transparente, serait la cellule mère, renfermant deux cel- lules plus petites, qui deviendraient libres par la dissolution de la première ; les deux cellules, se dissolvant à leur tour, mettraient en liberté d'autres cel- lules plus petites encore, et ainsi de suite. Bischotï admet qu'après la dissolu- tion de la vésicule germinative, la tache germinative se transforme en une vésicule graisseuse, bientôt divisée en deux portions, devenant chacune un centre autour duquel s'agglomèrent les globules vitellins ; puis ces deux masses primaires se divisent chacune en deux masses secondaires, et ainsi de suite, (*) 1. ovule à vitellus divisé en denx sphères. — 2, ovule à vitellus divisé en quatre sphères. — 3, vjtelius à huit sphères. — i. ovule à segmentation vitelliiie très avancée (BischolF). — Tous ces ovules ont leur membrane pellucide couverte de spermatozoïdes. 948 DE LA GÉNÉRATION. de lelle sorlo (lu'en somme, il se forme successivement des cellules aux dépens des matériaux vitellins, et ces cellules, en se groupant suivant un certain ordre, entrent dans la constitution des premiers rudiments embryon- naires. Un second phénomène s'opère dans l'œuf dès que la segmentation du vitellus est achevée, c'est celui de l'apparition du blastoderme. Cette membrane nouvelle se développe à la face interne de la zone transparente, par suite de la soudure des cellules les plus excentriques des différentes sphères vitellines : mais nous reviendrons bientôt sur ce point avec quelques détails. Enfin, d'après Bischoff, le vitellus, dans les premiers moments qui suivent la fécondation, éprouverait un mouvement rotatoire particulier, une sorte de tor- sion lente et continue, mouvement qui serait dû à des cils vibratiles de la sur- face externe du jaune, et qui rappelleraient les mouvements de l'embryon obser- vés dans l'œuf des invertébrés par Leeuwenhoeck, Swammerdam et par d'autres micrographes de nos jours. Mais cette rotation du jaune, déjcà mise en doute par Reichert, ne paraît avoir été vue de personne depuis qu'elle a été signalée sur l'œuf des mammifères. La disparition des derniers restes du disque proligère demeuré adhérent à la surface de l'œuf, le dépôt à la circonférence de celui-ci, au moins dans quelques animaux, d'une couche albumineuse, le gonflement de la zone transparente, la segmentation progressive du vitellus, et enfin, la formation du blastoderme, constituent l'ensemble des premiers changements que Tœuf subit après avoir quitté l'ovaire, et ces changements, il les éprouve pendant qu'il traverse les trompes, c'est-à-dire pendant deux, trois, quatre, cinq jours, et même plus, car on a trouvé des œufs qui, huit et jusqu'à quinze jours après l'accouplement, avaient à peine franchi le trajet étroit et sinueux de ces conduits. Avant que l'œuf montre les premiers rudiments de l'embryon, il éprouve dans l'utérus quelques modifications faisant suite à celles qu'il vient de subir en par- courant les trompes de Fallope. Il se présente, en arrivant dans cet organe, sous la forme d'une vésicule transparente pleine de liquide. De Graaf, qui déjà le sai- sit sous cet état du troisième au septième jour après l'accouplement, chez la femelle du lapin , le trouva encore libre et crut y reconnaître deux enveloppes distinctes. Harvey l'aperçut du douzième au quatorzième jour sous la forme d'un sac plein de liquide et sans aucune trace d'embryon sur les biches que la munifi- cence de Charles I" avait destinées à ses expériences. Enfin, Prévost, Dumas, de Baer, Bischoff et Goste ont déterminé avec précision les caractères que cet œuf a acquis depuis le moment de son arrivée dans l'utérus jusqu'à celui de l'ap- parition des premiers linéaments de l'embryon. D'après leurs observations et notamment d'après celle des deux derniers, l'œuf de la lapine, ayant de une demi-ligne à une ligne et demie de diamètre, est à peu près sphérique et entiè- rement libre, et sans aucune adhérence avec la muqueuse utérine. Il est entouré de deux membranes transparentes, enclavées l'une dans l'autre et susceptibles de se séparer. La première, qui est homogène et assez ferme, a été considérée par divers auteurs comme la membrane vitelline un peu épaissie; la seconde est composée de cellules polygonales pleines de granulations très fines. Celle-ci, déve- DEVELOPPEMENT DE l'eMBRYON. 949 FiG. 223. — OEuf avec sa tache embryonnaire (*). loppée aii\ dépens des matériaux du jaune, eonstitue le blastoderme ou la vési- cule blastodermique dans l'épaisseur de laquelle on voit apparaître, d'après Coste, vers le septième jour chez le lapin, le huitième chez la chienne et le quin- zième chez la brebis, la tache germinative ou Varea germinaliva, arrondie el blanchâtre, qui est la première trace de l'embryon. Dès que celle-ci est devenue distincte, la vésicule blastodermique résulte de l'adossement de deux t'euillets, tous les deux formés de cellules, l'un externe, appelé feuillet se'reM.r, l'autre interne ou muqueux^ dont l'étendue, d'abord limitée à la circons- cription de la tache germinative, devient de plus en plus considérable. Peu cî peu l'œuf grossit : il atteint un dia- mètre de 6 à 8 millimètres, perd sa forme sphéroïde et devient elliptique; sa surface extérieure prend un aspect grenu, comme villeux; la tache germinative, primitivement circulaire, s'agrandit, devient oblongue en se rétrécissant fortement vers sa partie moyenne. Le contour de cette tache reste obscur, et dans son milieu se dessine une ligne. A ce moment, l'œuf commence à contracter une adhérence intime avec la muqueuse de l'utérus au moyen de l'épithélium, dont elle est tapissée. Pendant la période dont il vient d'être question, la muqueuse utérine serait, d'après quelques auteurs, le siège d'une exsudation donnant naissance à ce que, depuis Hunter, on a appelé la membrane caduque. L'exsudation commençant avant que l'œuf ait quitté les trompes, celui-ci, en arrivant dans l'utérus, refoule devant lui une partie de la membrane nouvelle dont il se fait une enveloppe; il y a une caduque vraie, qui tapisse la muqueuse utérine, et une caduque réflé- chie, continuation de la première entourant l'œuf. Les observations les plus récentes, faites à ce sujet par Weber, Sharpey et Coste, tendent à démontrer que la caduque, composée de cellules aplaties, de fibres et de vaisseaux sanguins très déliés, résulte d'un développement considérable, d'une sorte d'hyper- trophie de la couche glanduleuse superficielle de la muqueuse utérine, car elle présente tous les éléments anatomiques et les ouvertures des glandes diverticu- lées de cette membrane ; mais Bischoff n'a jamais pu reconnaître l'existence de la caduque ni chez la chienne, ni chez la lapine, ni chez aucune des femelles do- mestiques. Son développement pourrait bien être chez la femme lié à quelques particularités exceptionnelles dans la structure de la membrane muqueuse uté- rine. Chez cette dernière, elle se détache par ex foliation et est éliminée par suite de l'accouchement. (*) 1, membrane vitelliue ; 2, blastoderme; 3, tache erabryonuaire; 4, point où le blastoderme est divisé en deux feuillets (BischofT). 950 DE LA GÉNÉRATION. II. — DÉVELOPPEMENT DES ANNEXES DE L EMBRYON. Aiiiiiios. — Jusqu'ici l'œuf s'est monlré sous une forme très simple. Il n'a encore présenté que deux membranes, une extérieure vitelline, et une intérieure blastodermique constituée par un feuillet séreux dans lequel se dessine la tache ^'erminative et un feuillet muqueux. La première trace embryonnaire n'a été représentée que par une ligne longitudinale au centre de la tache. Cette première phase est de courte durée. A peine l'embryon est-il ébauché dans la partie du feuillet séreux du blastoderme occupé par la tache, que le reste du feuillet se soulève et se plisse autour de l'embryon, principalement vers les deux extré- mités; puis, les parties soulevées, se rapprochant peu à peu du côté où sera le dos du fœtus, finissent par se rencontrer et s'unir; alors celui-ci se trouve inclus dans sa première enveloppe propre, connue sous le nom d'amnios ou de sac amniotique. Cette membrane dont le mode de formation est le même dans les mammifères et les oiseaux, ainsi que Baer l'avait reconnu, paraît se développer souvent eu un espace de vingt-quatre heures. D'abord exactement appliquée sur l'embryon, elle s'en éloigne progressivement à mesure qu'il se dépose du liquide dans sa cavité. Insensiblement elle change d'aspect : de séreuse qu'elle était au commen- cement, elle prend les caractères d'une membrane vasculaire ; ses vaisseaux, d'ailleurs assez peu considérables, se ramifient dans sa couche externe; sa couche interne se recouvre même de bonne heure dans quelques animaux, en particu- lier dans les ruminants, d'écaillés épidermiques particulières, dont le volume est très considérable vers les derniers temps de la gestation. Le sac qu'elle représente, primitivement sphéroïdal, devient elliptique à mi-terme, et plus tard il se déprime vers l'extrémité périphérique du cordon ombilical; enfin, vers la fin de la gestation, l'une de ses extrémités, celle qui correspond aux membres postérieurs du fœtus, s'étire chez les solipèdes en une corne mousse très courte. Le liquide de l'amnios, d'autant plus limpide et moins visqueux que la ges- tation est peu avancée, est alcalin et mêlé à des cellules épithéliales, à des noyaux de cellules. Vauquelin, Berzelius, en ont donné l'analyse. Lassaigne y a trouvé chez la vache, probablement dans la dernière période de la gestation, de l'albumine, du mucus, une matière jaune analogue à celle de la bile, de la soude, des chlorures de sodium, de potassium et du phosphate de chaux. Cl. Bernard y a signalé la présence normale du sucre, aussi bien chez les car- nassiers que chez les herbivores. La composition de ce liquide paraît devoir changer notablement vers le terme de la gestation, car alors il devient peu abon- dant, extrêmement visqueux, adhère à la peau, agglutine les poils et prend sou- vent une teinte jaune très prononcée due au méconium qui s'échappe des voies digestives du fœtus. vésicule ouihilicale. -• Après que l'amnios s'est formée aux dépens du feuillet externe ou séreux du blastoderme, l'embryon, en se repliant à ses extré- mités et sur les parties latérales, vers le centre de la vésicule blastodermique. DEVELOPPEMENT DE L EMBRYON. ^•ol enferme en lui une partie ilu feuillet interne ou muqueux de cette dernière, destinée à la formation de l'intestin. Le reste de ce feuillet, en dehors de l'em- bryon, constitue la vésicule ombilicale qui, d'abord, communique largement avec l'intestin auquel elle ne lient plus tard que par un pédicule creux appelé conduit omphalo-mésentérique, dont le rétrécissement progressif entraîne l)ientot l'oblitération. Une fois que la vésicule ombilicale est constituée, elle prend un développe- ment rapide, et il s'établit entre elle et le fœtus des — !!-.__ communications vasculai- res au moyen de deux vei- nes qui aboutissent au oieur et de deux artères émanées de l'aorte en com- mun avec la grande mé- sentérique. Chez les oiseaux, son mode de formation est à peu près le même que dans les animaux vivipa- res. Cette vésicule, qui ren- ferme le jaune de IVeut. y persiste avec un grand développement , pendant toute la durée de l'incubation, et finit par se trouver incluse dans la cavité abdominale au lieu d'être eu dehors de l'embryon. La vésicule ombilicale prend un accroissement très rapide : dès qu'elle est formée, sa partie moyenne la plus renflée s'allonge dans les solipèdes, le porc et les ruminants, et donne naissance, d'après de Baer, à deux cornes qui se portent une de chaque côté de l'embryon. Bientôt, ces cornes s'atrophient et disparais- sent; la partie moyenne se rétrécit peu à peu et le réseau vasculaire s'efface. Dans les embryons de vache, longs de six lignes, son développement, d'après Bischoff, était déjà arrêté : ses appendices avaient disparu : le pédicule par lequel elle communiquait [iriniitivement avec l'intestin était oblitéré et réduit à l'état de filament. Peu après on n'en rencontrait plus aucune trace. Mais chez beaucoup d'animaux la vésicule ombilicale persiste plus longtemps avec des formes variables et même pendant toute la durée de la vie fœtale. Chez les solipèdes. comme Lecoq ^ le montrait dans ses leçons, elle se voit jusqu'au terme de la gestation sous la (orme d'un cordon rougeàtre fixé par une de ses extrémités au chorion et adhérent par l'autre au sommet de la cavité cono'ide, dans laquelle elle est libre sur tout le reste de son étendue. Chez les fœtus de 1. Lecoq, Des annexes du fœtus dans les principales espèces d'cmimaux domestiques [Journal de médecine vétérinaire de Lyon. 1845, p. 165). (*) a, la partie dorsale de reml)ry.)n : b, raninios; c. la résicule vitelline; o, l'allaiitoîde ; o', Touraque, d'après Muller. FiG. SJJ:. — Embryon et ses annexes (*). 952 DE LA GENERATION. FiG. 225. — Embryon de taupe long de 3 lignes d'après Wagner (*). trois à quatre mois, elle a encore, d'après le savant professeur que je viens de citer, une cavité qui, étant insufflée, donne à la vésicule une configuration pyri- forme. Deux vaisseaux oniphalo-mésentériijues aboutissant à cette vésicule, per- sistent également à toutes les époques de la vie fœtale et même encore (pieUpic temps après la naissance. Dans les carnassiers, la vésicule persiste aussi, suivant divers observateurs, pendant toute la vie f(nt;ilo. De la forme spbéroïdale et bientôt ellipsoïde, elle passe à celle d'un cylindre ou d'un tube plus ou moins allongé, dont les parois demeurent très vasculaires; elle persiste également jusqu'à la naissance dans les rongeurs, le lapin entre autres. Allaiito'ûic. - Le sac mem- braneux, qui doit par la suite se placer en dehors de l'amnios et se continuer avec la vessie urinaire, paraît naître, d'après la plupart des observateurs, de la dernière partie de l'intestin avec laquelle elle communique primitivement, ainsi qu'avec les canaux excré- teurs des corps de Wolff. Néan- moins, Serres la fait dériver chez les oiseaux de deux petites élévations qui apparaissent à l'extrémité des corps de Wolfî', et Coste la regarde comme un prolongement creux de la vésicule blastodermique. Dès que l'allantoïde est formée et que l'abdomen se ferme au niveau de l'om- bilic, cette vésicule se divise en trois parties : l'une qui reste incluse dans la cavité abdominale où elle se métamorphose en vessie ; l'autre qui se rétrécit, devient tubuleuse et constitue l'ouraque dans le cordon ombilical; enfin la troisième, de forme et d'étendue variables, qui vient se déployer entre l'am- nios et le chorion. Mais ce sac affecte des dispositions très variables suivant les animaux. Dans les ruminants, l'ouraque, parvenu vers l'extrémité périphérique du cor- don ombilical, se dilate et s'évase en infundibulum, duquel naissent deux longs prolongements, dont l'un s'engage dans la corne utérine occupée par l'embryon, tandis que l'autre descend vers le corps de la matrice et se recourbe sur lui- même pour venir s'insinuer dans la corne utérine opposée à celle qui renferme l'embryon. L'allantoïde se trouve en rapport, d'une part, avec l'amnios et le cho- rion, d'autre part, avec le chorion seulement dans la partie rétrécie des cornes pareil locomoteur. — Le première formation qui se rattache au squelette de l'embryon se dessine sur la ligne médiane au-dessous de l'axe ner- veux, sous la forme d'une série de cellules bientôt entourées d'une gaine trans- parente. Cette série, connue sous le nom de côte dorsale, devient l'axe autour duquel se développe la colonne vertébrale, mais elle reste étrangère à la constitu- tion de celle-ci, s'etface plus tard, excepté chez quelques vertébrés, notamment les poissons myiinoïdes et quelques poissons cartUagineux, où elle persiste pen- dant toute la vie. De chaque côté de la corde dorsale et de l'axe nerveux appa- raissent des plaques quadrangulaires dont le nombre s'accroît à la tin vers l'extrémité caudale et vers la c^phalique. Ces plaques s^grandissent et s'incur- vent en dessus et en dessous, les droites vers les gauches, de manière à venir se rencontrer sur la ligne médiane et à former une série d'anneaux. Vers le dos elles s'accolent lune à l'autre, mais à la face opposée du rachis il s'interpose entre elles une pièce impaire qui représente le corps des vertèbres : les prolongements latéraux des pièces annulaires donnent lieu aux apophyses transverses, et leur prolongement supérieur aux apophyses épineuses, auxquelles s'ajoutent dans quelques régions des noyaux supplémentaires. A l'extrémité céphalique de la corde dorsale, les rudiments du cerveau s'en- tourent d'une capsule cérébrale à la base de laquelle se développe un cartilage. Dans celui-ci. sur la ligne médiane, paraissent trois pièces analogues à des corps de vertèbres, l'une pour l'occipital, l'autre pour le sphéno'idepostérieur.la troisième pour le sphéno'ide antérieur. Sur les côtés de ces rudiments des trois vertèbres crâniennes se forment les pièces qui achèvent l'occipital, les deux sphénoïdes, les frontaux et les pariétaux. 963 DE LA GÉNÉRATION. Sur les côtés du cou et de La tête qui manque encore de face, c'est-à-dire de niàclioires, de bouclie et de cavités nasales, sont abaissées des lames membra- neuses analogues k celles qui forment les [)arois du thorax et de l'abdomen, et réunies comme elles sur la ligne médiane inférieure de l'embryon. Ces lames, connues sous le nom d'arcs branchiaux ou viscéraux, sont séparées par des fentes analogues à celles des branchies des poissons. La mâchoire supérieure, la bouche et les cavités nasales, c'est-à-dire les maxillaires, les os du nez, les palatins, se développent aux dépens de la première lame viscérale. D'après Reichert, la plus grande partie de l'appareil hyoïdien se forme dans la seconde, et les grandes branches dans la troisième. La quatrième lame admise par de Baër etRathke, et qui se détache sur les côtés des vertèbres cervicales, concourt au développement des parties molles de l'encolure. Les parois du thorax et de l'abdomen se trouvent naturellement formées de très bonne heure par le ploiement latéral de l'écusson embryonnaire dont les bords, en prenant de l'extension, finissent par se rejoindre sur la ligne médiane à une certaine distance du rachis. Dans l'épaisseur de ces parois se montrent bientôt, à la région thoracique, les arcs costaux qui semblent des languettes ou des prolongements des apophyses vertébrales transverses. Elles sont, après le rocher, les pièces du squelette les premières ossifiées. A la région cervicale des oiseaux, il se développe des noyaux analogues à ceux des côtes et qui deviennent de véritables arcs costaux au niveau des dernières vertèbres du cou. La même chose arrive aussi parfois aux vertèbres lombaires des mammifères. La première de celles-ci porte toujours chez le porc un rudiment de côte articulé à son apo- physe Iransverse, et chez le cheval cette même vertèbre présente souvent, d'un seul côté ou des deux à la fois, une côte articulée ou une côte continue à l'apo- physe transverse. Le sternum, qui clôt intérieurement la cavité thoracique, se développe, d'après les observations de Rathke, par deux moitiés latérales, aussi bien chez les mam- mifères que chez les oiseaux. Ces deux moitiés, d'abord assez éloignées l'une de l'autre, se voient déjà, à l'état muqueux,sur l'embryon de porc long de 14 lignes. Il offre encore, chez ce pachyderme, une division médiane irrégulière longtemps après la naissance. Dans tous les animaux, son ossification commence très tard et s'achève avec une extrême lenteur. Les membres n'existent pas encore à l'état de vestiges, lorsque déjà la colonne vertébrale, la tête et les cavités viscérales sont constituées, mais bientôt appa- raissent quatre petites languettes dont une pour chaque côté du thorax et du bassin. Chacune de ces languettes se renfle à son origine et s'aplatit à son extré- mité libre, tout en conservant un léger étranglement dans son milieu. A me- sure que cet appendice s'allonge, il se découpe à sa région digitale ou reste indivis, suivant les animaux; enlin on voit se produire les inflexions qui indi- quent la segmentation du membre. Mais, jusqu'à ce moment, l'évolution des membres s'est effectuée de la même manière dans tous les animaux vertébrés. C'est au milieu de la masse homogène de cellules qui constitue ces appendices que se dessinent plus tard les vaisseaux, les nerfs, les os et les muscles. Les grands rayons commencent à s'ossifier dans leur diaphyse avant qu'il paraisse DÉVELOPPEMENT DE l'EMBRYON, 969 des noyaux osseux dans les pièces cartilagineuses du carpe, du tarse et des der- nières phalanges. Les os en général, avant d'arriver ù leur état définitif, passent préalablement par les formes muqueuses et cartilagineuses. Ils se développent, soit aux dépens d'un cytoblastèrae homogène, comme le pense Schwann, soit dans la masse des cellules primaires de l'embryon, qui sont les mêmes pour toutes les parties de l'organisme. Ces cellules primaires se transforment en cellules ou corpuscules de cartilage. Celles-ci, pourvues d'un noyau et d'un contenu fluide ou demi- solide, diaphane ou opaque, suivant les cas, s'entourent d'une nouvelle mem- brane très épaisse-et se lient les unes aux autres par une substance intermé- diaire t'ellement peu cohérente dans le prin- cipe, qu'elle laisse les cellules se dissocier sous l'iiilluence de la moindre pression. A me- sure que l'accroissement de l'embryon fait des progrès, laniRtière inlercellulaire prend de la consistance et s'unit plus intimement aux cel- lules pour former avec elles un cartilage ré- sistant. De nouvelles cellules se développent à la fois, d'après Schwann, à l'intérieur des premières et dans la matière amorphe qui a les unit. C'est dans ce cartilage que se forme Fig. 236. — Extrémité d'un cartilage le tissu osseux, d'après le mécanisme indiqué branchial de la grenouille, d'après ^. ^ Schwann. au sujet de la nutrition. Le système musculaire se développe autour des os et commence à devenir dis- tinct bien après que ceux-ci se sont nettement dessinés. Une prend pas naissance dans les lames dorsales et ventrales qui, émanées du feuillet séreux du blasto- derme sur les côtés de l'embryon, viennent se joindre à la ligne médiane infé- rieure. D'après les observations de Rathke, citées par Bischoff, ce système naî- trait, de même que le squelette, dans une couche de nouvelle formation émanée des parties latérales de la ligne primitive ou de l'axe embryonnaire, couche dont les deux moitiés ne tarderaient pas à se joindre sur la ligne médiane du futur sternum et de la future ligne blanche. Les. fibres musculaires se forment dans un blastème diaphane muqueux ou gélatiniforme, comme celui dans lequel se développent les autres tissus de l'em- bryon. Les cellules à noyaux se groupent en séries linéaires, s'allongent, et il se dépose de fines granulations autour de leur noyau; la paroi des cellules se résor- bant dans leur point de contact, la libre devient un tube creux qui finit par se remplir d'une matière hétérogène, devant éprouver ultérieurement une modifi- cation fibroïde. Schwann, qui a indiqué ce mode de formation, a, sur un fœtus de trois mois, long d'environ un décimètre, vu les fibres musculaires présenter un bord sombre circonscrivant une partie interne claire, et, à des intervalles à peu près fixes, se distinguaient les noyaux et leurs nucléoles; mais plus tard la fibre devenait uniformément sombre. Les observations de Valentin, sensiblement différentes de celles de Schwann, tendraient à démontrer que, sur les parois du tube musculaire, composé de cel- 970 DE LA GENEHATION. Iules rangées en séries, il se produit des fibres longitudinales dont le développe- ment est suivi de la résorption de la membrane des cellules primitives. Ces libres ou ces filaments continueraient à circonscrire, mais à eux seuls, un tube renfer- mant les noyaux des cellules détruites. Tég-iiincnt;. — L'enveloppe cutanée est encore, de même que le squelette et les muscles, une production dérivée du feuillet animal ou extérieur du blastoderme. Elle devient distincte de très bonne heure, quoique dans le principe elle soit très molle et à peu près transparente. Les fibres du derme naissent comme celles du tissu cellulaire dans la masse des cellules primaires. Les cellules à noyaux qui doivent les former s'allongent et se divisent en fibrilles tj'ès ténues, sur les faisceaux desquelles les noyaux persistent quelque temps, et enfin disparaissent. Les fibrilles une fois entièrement isolées, deviennent plus ou moins flexueuses. C'est ce que démontrent les recherches de SchAvann, de Valentin, de Kôlliker, etc. Le derme cutané, ainsi constitué par des fibres de même nature que celles du tissu cellulaire, perd- peu à peu sa trans- parence, s'épaissit, et présente, surtout à partir du troisième mois, chez le fœtus de vache, des vaisseaux sanguins très déve- loppés. Les glandes sébacées et les glandes sudoripares commencent à s'y montrer à partir de la seconde moitié de la vie fœ- Cellules primaires, se transfor- taie, et les taches de pigment noir sont mant, daprès Schwann, en fitjres de tissu ^ ^g moment déjà parfaitement mar- cellulaire, sur un fœtus de porc, long de sept lio-nes (*). quées, notamment chez les tœtus de ru- minants. L'épiderme, d'abord mince et parfaitement transparent, parait de très bonne heure. Dans le blastème qu'exhalent, à la surface cutanée, les capillaires du derme, se forment des noyaux granuleux autour desquels se dépose la paroi de la cellule. Ce revêtement protecteur éprouve déjà pendant la vie embryonnaire une desqua- mation marquée, car de Baer a trouvé des écailles épidermiques en très grande quantité dans cet espèce de vernis qui recouvre le corps du fœtus. Les poils qui apparaissent déjà dans l'embryon humain à la fin du premier tiers de la vie fœtale, se montrent même plutôt encore chez les animaux, car Simon a reconnu des follicules pileux sur des embryons de porc qui avaient à peine 4 centimètres et demi de longueur. D'après Kôlliker, les bulbes pileux sont des prolongements pleins, « en forme de bouteille, qui dérivent d'un bourgeon- nement de la couche muqueuse de l'épiderme vers les parties profondes du derme ». Les cellules qui forment ces prolongements sont d'abord toutes à peu près semblables entre elles; mais bientôt les plus internes s'allongent et se montrent sous l'aspect d'un petit cône, qui est le premier vestige du poil; les FlG. 237. a, b, noyaux des cellules allongées DÉVELOPPEMENT DE LEMBRYON. 971 plus externes, au contraire, restent molles et servent à constituer la paroi du tol- licule. Plus tard, la papille se distingue de la base du poil, et celui-ci vient faire eflbrt sous l'épiderme et se recourbe en anse avant de traverser cette pellicule: du moins c'est sous cette forme que Simon a vu les soies du fœtus de porc avant leur exsertion. Les poils proprement dits ne sortent pas du tissu de la peau dans toutes les parties à la fois. Chez les fœtus de vache, ceux des sourcils, des cils, des lèvres, du voisinage du coude, du pourtour des régions phalangiennes, commencent à se montrer et à acquérir une longueur déjà considérable pendant que le reste de la peau est entièrement nu. Au commencement du dernier tiers de la vie fœtale, la peau est complètement velue, et déjà une certaine quantité de poils tombent dans les eaux de l'amnios et sont déglutis avec elles par le fœtus, qui en conserve très souvent dans son estomac. Cette première mue ne porte cependant que sur un petit nombre de poils, car on n'en trouve que très peu ou pas du tout dans le sac de l'amnios avant les derniers moments de la gestation, et ceux qui se voient dans l'estomac sont en faible proportion. Chez quelques animaux, notamment ceux dont la vie utérine est très courte, la peau est nue au moment de la naissance, ou simplement couverte d'un duvet fm et clairsemé; les rats et les souris, par exemple. Les productions cornées, les ongles, les sabots, les ergots et les châtaignes, commencent à se montrer de très bonne heure. Dès la fin du deuxième mois, sur le fœtus de vache, on aperçoit à l'extrémité de chaque doigt un petit tuber- cule conique, pâle, translucide, qui est le rudiment de Tonglon. Au commence- ment du quatrième mois, ou à peu près, le sabot, mieux dessiné, est devenu ferme, opaque, et a pris une belle teinte jaunâtre. A mi-terme les taches brunes ou noires s'y montrent si le bourrelet est pourvu de plaques pigmen- taires. Ce n'est que vers la fm de la gestation que l'onglon commence à prendre vers le bourrelet le reflet verdâtre propre à la corne dépourvue de pigment : mais le reste de cette production,, surtout la partie inférieure, conserve sa couleur jaune au moment de la naissance. Chez les solipèdes, les châtaignes se montrent, à mi-terme, sous forme de plaques minces, brunâtres, qui ne tardent pas à se foncer davantage. La substance cornée se développe suivant les uns aux dépens du blastème que les capillaires du derme modifié versent à la surface de ce dernier. Suivant les autres elle dérive de la prolifération des cellules du derme. Les cellules à noyau qui se pressent les unes contre les autres, deviennent polygonales, s'aplatissent, perdent peu à peu leur noyau et se confondent entre elles. Plus tard, les cellules de nouvelle formation se moulent sur les papilles du bourrelet, du tissu villeux de la face plantaire du pied des solipèdes, des ruminants, et donnent à la corne la texture tubuleuse si évidente pendant la vie extra-utérine. Ces productions cornées sont en partie sujettes à une mue analogue à celle de l'épiderme et des poils. Ainsi, le premier onglon ou le premier sabot, très petit, pâle, translucide, poussé par une corne nouvelle et jaunâtre, se détruit; l'onglon ou le sabot jaunâtre qui; à la naissance, forme l'extrémité libre du pied, est aussi bientôt à son tour ébranlé et détaché, soit en totalité, soit le plus souvent il72 DE LA GÉNÉRATION. par lambeaux irréguliers qui laissent à nu la partie cornée, ferme, dont la crois- sance continue. Systôiiie vasculaîre. — Les canaux qui distribuent le sang aux diverses parties de l'embryon, ne présentent pas, dans leur ensemble, la même disposi- tion à tous les âges de la vie embryonnaire. Ils forment, dans le principe, un appareil circulatoire très simple qui entre en fonction pendant qu'un autre appareil plus compliqué se développe pour agir pendant le reste delà vie fœtale. Dès que l'embryon, qui s'est dessiné dans l'épaisseur du feuillet séreux blas- todermiqne, a commencé à se soulever, et que ses parties latérales sont arrivées FiG. 238. — Première circulation (Bischoff) (*). à la rencontre l'une de l'autre, il se développe entre les deux feuillets pi'imitifs du blastoderme, l'externe et l'interne, une couche de cellules bientôt réunies en une membrane nouvelle appelée feuillet vasculaire, Dans l'épaisseur de ce feuillet de nouvelle formation, apparaît au-dessous de la partie antérieure de l'embryon un cylindi'e qui est le premier rudiment du cœur. De l'extrémité anté- rieure de celui-ci, partent deux branches qui se rendent à l'embryon où elles deviendront les deux premiers arcs aortiques, et de son extrémité postérieure, se détachent de même deux autres branches qui sont les futures veines omphalo-- mésentériques. C'est là ce que Bischoff a vu sur les embryons de chien et de lapin dont la longueur ne dépassait pas deux lignes. A ce moment, le cœur et (*) Aire germinativede l'embryon du lapin; 1, suius terminal; 2, 3, veine omphaio-mésentérique; 4, cœur: b, aortes primitives ou artères vertébrales; 6, 7, artères omphalo-mésentériques; 8, vésicules oculaires. DÉVELOPPEMENT DE L'eMBRYON. 973 les vaisseaux que l'ou apereoil dans Yarea vasculosa, aulouv de l'enibryon. sont formés par des cellules peu adhérentes entre elles : ils n'ont [toint encore de cavité. Mais bientôt les cellules extérieures du cœur et des vaisseaux se rappro- chent et s'unissent entre elles pour IVirnier des parois à l'intérieur desquelles se creuse une cavité; puis, dans cette cavité, les cellules restées libres se mettent en mouvement, se modilient, et ne tardent pas à faire place aux globules san- guins. Par les progrès nltérieurs, extrêmement rapides, de ces formations vascu- laires, les voies de la première circulation se complètent. Les deux branches antérieures du canal cardiaque ou du cœur prennent l'aspect de deux arcs aortiques qui s'incurvent sous l'embryon d'avant en arrière et le longent dans toute son étendue au-dessous de la tète et de la colonne vertébrale futures. De ces arcs aortiques s'échappent des ramifications collatérales qui sortent de l'em- bryon et viennent s'étaler dans le blastoderme. Parmi ces dernières, il s'en trouve deux plus grandes que les autres constituant les artères omphalo-mésen- tériques. Toutes ces divisions émanées des arcs aortiques passent de l'embryon dans le blastoderme, dont une partie deviendra la vésicule ombilicale et abou- tissent à la veine terminale qui limite circulairemenl l'aire vasculaire, à une cer- taine distance de l'embryon. Enlin, de la veine terminale et des divers points du blastoderme, partent des canaux veineux qui se réunissent en deux troncs pour former les futures veines omphalo-mésentériques destinées à ramener le sang au cœur. Cette première forme du système vasculaire est portée à son plus haut degré de développement chez les oiseaux où la vésicule ombilicale renferme le jaune de l'œuf. La circulation qui en dépend a, chez tous les ovipares, une importance capitale à toutes les périodes de la vie fœtale ; mais elle devient accessoire chez les mammifères dès que la circulation utéro-placentaire ou des vaisseaux ombi- licaux est établie. Elle persiste jusqu'à la naissance chez le chien, le chat, les autres carnassiers et les rongeurs ; car chez ces animaux, la vésicule ombilicale et ses vaisseaux ne s'atrophient point pendant la vie fœtale- Seulement il n'v a plus qu'une artère omphalo-mésentérique qui dérive du tronc de la mésenté- rique, et une veine qui va se joindre à la veine porte en arrière du foie. Elle persiste peut-être encore pendant la première moitié de la vie utérine dans les solipèdes, mais elle cesse, comme on le sait, de très bonne heure dans les rumi- nants, où la vésicule ombilicale disparait promptement. Le premier système circulatoire parait se développer simultanément en plu- sieurs points. Le cœur qui devient distinct avant tout le reste à cause de ses pro- portions et de ses mouvements, n'est nullement un point de départ pour le déve- loppement des artères, ni un aboutissant pour celui des veines. Peu après sa formation, alors qu'il se montre encore sous la forme d'un tuyau cylindrique plus ou moins court, il éprouve des resserrements et des dilatations qui se suc- cèdent d'abord à de rares intervalles, puis à des intervalles de plus en plus rapprochés, C'est sous ce premier état de punctum saliens qu'il a été aperçu dans le poulet par Aristote, plus tard, par Fabrice d'Acquapendente, Harvev, Haller, et une foule d'observateurs. Ce cœur devient bientôt sinueux, il s'intlé- 74 DE LA GENERATION. chit en Set se. dilate en trois points : Tune de ses dilatations forme les ventri- cules; l'autre, les oreillettes; et la troisième, le renflement ou bulbe de l'aorte. Le renflement ventriculaire qui, d'abord, n'a qu'une seule cavité, présente bien- tôt une trace de division. D'après Hausmann, il paraît à sa surface externe, dès le dix-neuvième jour sur l'embryon de la brebis, et dès le vingt-cinquième, sur celui de la jument, un sillon très prononcé, et en même temps il s'élève du fond de la cavité ventriculaire simple une cloison qui, plus tard, arrive au niveau de la scissure coronaire, et donne lieu, par sa présence, à la forn)ation de deux ouvertures auriculo-ventriculaires : l'une, pour le ventricule droit, l'autre, pour le gauche. Le renflement auriculaire montre, comme première trace de division, deux saillies extérieures, qui ne sont autre chose que les auricules, puis, lorsque la cloison interventriculaire est achevée, celle des oreillettes se forme, mais cette dernière reste incomplète. Son ouverture, connue sous le nom de t7'ou de Botalou de t7'oic ovale, est garnie d'une valvule dont nous parlerons plus tard. Enfin, le troisième renflement cardiaque formant le bulbe aortiquese rétré- cit peu à peu ; dans son intérieur, se forme une cloison qui divise le cylindre primitif en deux cylindres secondaires, dont l'un devient l'aorte proprement dite, l'autre, l'artère pulmonaire, une fois que la cloison médiane des ventricules est achevée. Les parois du cœur, d'abord formées de cellules semblables à celles des parties environnantes, se recouvrent très vite d'une couche musculaire dont l'épaisseur augmente progressivement. Les fibres con- tractiles de cet organe résultent, comme celles des muscles du squelette, de la métamorphose des cellules primaires, mé- tamorphose dont les variantes indiquées par Valentin, Lebert, etc,, sont peu im- portantes. Le cœur passe ainsi, comme on le voit, avant d'arriver à sa disposition définitive, par des formes qui appartiennent aux vertébrés inférieurs. Primitivement, alors qu"il a un seul ventricule, une seule oreil- lette et un bulbe aortique, il est un véri- ** '^ table cœur de poisson; plus tard, lorsque FiG. 239. — Tissu du cœur d'un poulet ggg cloisons se développent, il est sem- de soixante-douze heures, d'après M. Le- , , ,, j t • „ t-i«„ . ^«r.r, jjgj.^ ^*N ' ^ blable au cœur de certams reptiles ; enhn, quand les cavités droites sont entière- ment séparées des cavités gauches, et que le bulbe aortique est efl'acé, il devient cœur d'oiseau et de mammifère. Le système artériel passe, dans plusieurs de ses parties, par des formes suc- cessives avant d'arriver à celle qui lui appartient aux dernières périodes de la vie fœtale. A l'époque à laquelle le cœur est un simple canal cylindrique, ses (*) a a, noyaux des globules organo-plastiques; b b, noyaux allongés ; c c, corps fusiformes ; d d, faisceaux rudimeutaires ; e e, substance intercellnlaire grenue. DÉVELOPPEMENT bE l' EMBRYON. 975 deux branches antérieures se recourbent sous l'embryon et se portent de son e\lrémité céphalique vers son extrémité caudale, après s'être réunies en un seul tronc aortique qui, plus tard se divise de nouveau : ce sont là les deux arcs aor- tiques primitifs donnant naissance aux artères omphalo-mésentériques. Plus tard, lorsque les arcs branchiaux ou viscéraux, qui donneront naissance aux dif- férentes parties de la face et de l'appareil hyoïdien, se sont développés, il part du rentlement cardiaque supérieur (bulbe aortique) deux nouveaux arcs; l'un à droite. l'autre à gauche ; puis, encore en arrière de ceux-ci, d'autres arcs qui ceignent la cavité pharyngienne et se réunissent en deux troncs communs, un de chaque côté, et desquels naît la crosse de l'aorte. Ces arcs qui seraient au nombre de cinq, d'après de Baer, chez les mammifères et les oiseaux, et de trois seulement suivant Reichert. se développent successivement d'avant en arrière et s'effacent dans le même ordre, de telle sorte que les premiers ont disparu au moment où les derniers se dessinent. Mais les trois derniers, au lieu de s'effacer comme ceux qui les ontprécédés éprouvent des métamorphoses spéciales, d'après de Baer \ chez les mammifères, « les deux arcs antérieurs se convertissent en artères carotides et en sous-clavières ; le second de gauche devient l'aorte : celui de droite s'oblitère; le troisième se convertit de chaque côté en artère pulmo- naire. » En ce qui concerne le développement des artères du corps, il importe dénoter que l'artère vitelline ou omphalo-mésentérique naît de Taurte par un tronc com- mun avec la grande mésentérique, et que celle-ci, d'abord la plus petite, dépasse de beaucoup la première pendant les périodes subséquentes de la vie embrvon- naire. De même les deux artères ombilicales naissent chacune de l'aorte par un tronc commun avec l'iliaque interne correspondante qu'elles dépassent en volume pendant très longtemps. Le système veineux présente, comme celui des artères et dans les parties cen- trales, des formes successives diverses avant d'arriver à son état définitif. Primi- tivement, Tembryon possède deux troncs veineux antérieurs et deux postérieurs. L'antérieur et le postérieur de chaque côté se confondent ensemble en un seul appelé canal de Cuvier.A leur tour les deux canaux de Cuvier, le droit et le gauche, s'anastomosent entre eux, par un conduit très court, ouvert dans l'oreil- lette, alors sans trace de cloison, Cette forme transitoire, qui persiste pendant toute la vie chez les poissons, a dans l'embryon du mammifère une courte durée. L'anastomose des deux canaux de Cuvier se confond avec les oreillettes dès que celles-ci se séparent l'une de l'autre, et ces derniers s'ouvrent tous les deux dans l'oreillette droite. Le canal droit résultant de la jonction de la veine cave anté- rieure et de l'azygos. persiste constamment plus ou moins modifié. Le gauche, qui primitivement était semblable au premier, s'oblitère en partie ou se confond avec lui. La veine vitelline ou omphalo-mésentérique, dont la formation remonte à l'origine des premières parties du système vasculaire, vient se terminer isolé- ment à l'oreillette entre les canaux précités ; mais lorsque le foie est constitué, 1. Bischoff, Traité du développement de V homme et des mammifères. Paris, 1843, p. 264. 976 DE LA GÉNÉRATION. la veine vitelline lui donne des divisions et en reçoit à son tour de cet organe. Plus tard apparaissent la veine porte et la \eine cave postérieure, qui se rendent au cœur par un tronc unique résultant de la dilatation de la veine vitelline pri- mitive. Enfin la veine ombilicale, dont le développement est en corrélation avec celui de l'allantoïde et du placenta, va primitivement ?e joindre à la veine vitelline. Plus tard, lorsque les vaisseaux dont nous parlons sont profondément modifiés, la veine ombilicale se continue sans nulle démarcation avec le tronc de la veine porte ; de plus, entre le tronc anastomotique de ces deux veines et de la veine cave postérieure, une large communication est établie par le canal veineux d'Aranzi, qui existe dans la plupart des animaux mais qui, d'après mes observa- tions, manque chez les solipèdes, au moins pendant la dernière moitié de la vie fœtale. Appareil respiratoire. — D'après de Baer, Valentin, Mûller, les pou- mons se développeraient comme une dépendance du canal intestinal, sous forme de deux petits tubercules creux ouverts dans l'œsophage, tubercules se conti- nuant avec un canal commun qui sera la trachée-artère. Ce mode de formation, que divers observateurs n'ont pu reconnaître, pourrait peut-être trouver un argument en sa faveur dans une disposition anormale que j'ai constatée sur un veau presque à terme, savoir, une large communication entre le pharynx et l'œsophage d'une part, le larynx et la trachée de l'autre. L'œsophage et la trachée formaient à eux deux un canal complet dont la moitié postérieure était constituée par' le premier, l'antérieure parla seconde. Suivant Reichert et Bischoff, les poumons dérivent d'une petite masse de cel- lules ou de deux tubercules placés à la surface externe du tube intestinal, au- dessus du point où se développera ultérieurement l'estomac. Dans ces deux tubercules, formés d'un blastème cellulaire homogène, se creusent d'abord deux cavités qui deviendront les deux tuyaux bronchiques principaux, puis ces (Jeux cavités s'étendent de plus en plus en se ramifiant dans la m^sse pulmonaire à mesure qu'elle augmente de volume, enfin, plus tard, les vésicules pulmo- naires paraissent comme des culs-de-sac des divisions bronchiques les plus déliées. La trachée se développe aussi suivant un mode qui n'est pas encore fixé. Rathke prétend qu'elle paraît sous la forme d'une couche muqueuse d'abord pleine, étendue à la partie antérieure de l'œsophage depuis le futur larynx jusqu'aux poumons, couche àl'intérieur de laquelle se creuse une cavité. Reichert croit que la trachée dérive de deux languettes blanchâtres qui , élevées des poumons, se réunissent plus tard sur la ligne médiane. Le thymus, qui a des rapports topographiques intimes avec l'ensemble des organes de la respiration, est une glande qui procède, d'après Arnold, de la muqueuse respiratoire. Elle se montre primitivement au point où se développe le larynx et, à mesure qu'elle croît, descend sur le trajet de la trachée jusque dans la cavité thoracique. Bischoff l'a vue sur un embryon de vache long de un peu plus de 2 centimètres, sous la forme de deux larges languettes accolées l'une à l'autre en avant de la trachée. Le développement de ses cellules glandulaires DEVELOPPEMENT DE L EMBRYON. '.177 est sans doute analogue à celui des cellules des autres glandes sans canaux- excréteurs. Caiia.1 iiitoMtiiial et !Rio.<« aiinex:o. — La formation du tube digestif dans l'embryon des oiseaux, même dans celui des mammifères, est une des for- mations les plus simples et les mieux étudiées, quoiqu'elle ait lieu à une époque très reculée. ^Yolfl', Pandcr, de Baer et Biscbofl" l'ont exposée avec détail. Ce dernier observateur l'a décrite avec une grande clarté. Le canal intestinal commence à se former après l'apparition des premiers linéaments des centres nerveux et de l'appareil vasculaire, alors que l'embryon, encore à peu près plat et discoïde, ne s'est pas détaché du blastoderme. A ce moment, les deux extrémités de l'embryon se soulèvent et se recourbent sur elles- mêmes vers le centre de la vésicule pour constituer le capuchon céphalique et le caudal. L'amnios naît des plis qui se détachent du feuillet externe ou animal du blastoderme. Les feuillets vasculaire et muqueux de celui-ci se séparent du pre- mier et s'en éloignent sensiblement sur les côtés. Ces deux derniers, accolés l'un à l'autre et isolés de la face antérieure de l'embryon, vont s'insinuer au fond de chaque capuchon, puis ils se ploient d'un côté à l'autre sous forme d'une gout- tière longitudinale largement ouverte par en bas. Sur la ligne médiane les deux feuillets restent adhérents à l'embryon, mais ils s'écartent un peu l'un de l'autre, et le vasculaire, en s'accolantavec lui-même, forme le mésentère, puis, après la formation de ce repli, il se réappliquent de nouveau l'un sur l'autre. Les deux bords de la longue gouttière qu'ils constituent, continuant à se rap- procher, se soudent ensemble, peu à peu, des extrémités vers la partie movenne. de sorte que le demi-canal se convertit en canal complet. Mais, en un point delà longueur de l'intestin, les deux bords opposés à l'attache du mésentère ne s'unis- sent pas ensemble, c'est là qu'ils se continuent avec le reste des deux feuillets blastodermiques formant la vésicule ombilicale, sorte d'appendice ou de diver- ticule de la cavité digestive. La portion des feuillets vasculaire et muqueux, qui établit cette continuité entre l'intestin et la vésicule vitelline, prend l'aspect d'un canal de plus en plus étroit appelé omphalo-mésentérique, dont l'oblitération, puis la disparition complète auront lieu plus tard et seront suivies, à un intervalle variable, de l'oblitération des vaisseaux omphalo-mésentériques. Le tube intestinal, dans les premiers temps, est à peu près d'un calibre uni- forme et d'une longueur égale à celle de l'embryon lui-même ; plus tard il s'al- longe, décrit des sinuosités, s'éloigne de la future colonne vertébrale ; la portion qui s'étend depuis la tête jusque vers le conduit omphalo-mésentérique devient la bouche, le pharynx, l'œsophage et l'estomac; la portion moyenne devient rintestin grêle, et la dernière le gros intestin et le rectum, d'où naîtra l'allan- toïde. Cette série de métamorphoses a été suivie, dès son début, sur l'œuf des oiseaux par Wolff, Pander, de Baer, et d'une manière moins complète sur l'em- bryon des mammifères par ce dernier observateur, par BischofF, Coste, etc. Les différentes parties du tube digestif se dessinent peu à peu et avec plus ou moins de rapidité. La bouche, représentée d'abord par une grande ouverture devient étroite, une fois que les mâchoires et les autres parties de la face sont développées aux dépens des arcs branchiaux. L'œsophage, au début, réuni à la G. COLIN. — Physiol. comp., 3' édit. II. (32 t)7h; JJE LA GENERATION. tracliée s'en sépare bientôt; l'estomac se prononce sous forme d'une dilatation lon^'itudinale, qui augmente progressivement de volume, se courbe sur elle- même et devient transversale. Celui des ruminants, d'après Bischoff, est « d'a- bord simple, et ses divisions s'annoncent par des échancruresqui deviennent •'raduellement de plus en plus profondes ». L'intestin, qui naît tout d'une venue, ne larde pas à se montrer avec ses régions distinctes. Le cœcum com- mence à poindre de bonne heure, suivant de Baer, sur les animaux à sabots, sous la forme d'une petite saillie très rapprochée du conduit omphalo-mésen- térique. Le rectum laisse voir à une époque reculée l'allantoïde se détacher de lui comme un appendice qui s'isolera complètement dans la suite. Tout ce qui, dans le tube intestinal, se rapporte à la structure, passe par les phases d'un développement progressif. Les tuniques de l'estomac et de l'intes- tin se montrent de bonne heure avec leurs caractères définitifs; la membrane péritonéale se produit aux dépens d'un blastème transparent, riche en cellules et en noyaux de cellules. Le plan musculaire paraît aussi naître de cellules qui se métamorphosent et non, comme le pense Valentin, de fibres se produisant immédiatement dans un plasma homogène. La muqueuse est, dans le principe, très épaisse et composée de deux couches, l'une profonde, vasculaire, de la- quelle s'élèvent les villosités; l'autre superficielle, épilhéliale, qui se détruit ultérieurement par desquamation. Les plis muqueux de la caillette des rumi- nants, ceux du feuillet, les cellules du réseau, les papilles de la panse des mêmes animaux, se distinguent de très bonne heure. Les glandules de l'intestin grêle et du gros intestin sont parfaitement caractérisées vers le milieu de la vie embryonnaire. Les organes glanduleux annexés à l'appareil digestif, les glandes salivaires, le foie, le pancréas, paraissent, d'après la plupart des micrographes, avoir pour point de départ le canal intestinal lui-même. Suivant Bischoff, qui a fait de nombreuses observations sur de très jeunes embryons de vache, de chien et de rat, la première chose qu'on remarque au point où se trouvera la glande future, est une petite bosselure de la membrane interne qui se porte peu à peu au dehors, poussant devant elle la membrane externe; alors, on voit un petit tuber- cule saillant à l'extérieur. Celui-ci n'a d'abord aucune trace de cavité, mais à mesure qu'il augmente de volume, sa masse se creuse de canaux diversement ramifiés, et cela, soit par une condensation des cellules sur les lignes des futures parois, soit par une dissolution ou une liquéfaction de ces cellules dans les tra- jets qui deviendront conduits excréteurs. Ce mode de développement n'appartiendrait pas, d'après quelques microgra- phes, à toutes les glandes, Certaines d'entre elles, les salivaires par exemple, au lieu de naître d'un refoulement au dehors ou d'une exsertion des parois de la partie supérieure du canal digestif, se formeraient, comme beaucoup d'autres parties, aux dépens d'un blastème homogène, dans lequel se creuseraient ulté- rieurement des canaux excréteurs. Mais la dissidence entre ces deux manières de voir n'est pas très considérable, puisque les masses qui doivent servir à la formation des glandes font corps avec les parois du tube digestif à mesure qu'elles se développent. DÉVELOPPEMENT DE l'EMBRYON. 979 Les glandes salivaires, (lue Katlike l'ait dériver de tubercules élevés sur la paroi externe de la partie supérieure du tube digestif, ont, suivant Millier, leur point de dé[)art dans le blastème commun. Primitivement, leurs canaux sont pleins; plus tanl ils se creusent de cavités et se dilatent en petites ampoules à l'exlrémilé de leurs ramiiications les plus ténues. Parmi elles, la sous-maxillaire est la première qui se dessine entièrement sur un embryon de vache de douze lignes. BiscliolT a déjà aperçu des rentlements aux extrémités des canaux excré- teurs qui n'avaient point encore de cavité. Le pancréas commence, d'après Reichert, à poindre avant les glandes sali- vaires, sous la forme d'un bourgeon plein, à la surface externe de l'intestin. Sur un embryon de vache long de huit lignes, Bischoff a vu le blastème du pan- créas se confondre avec celui de la rate. Le conduit excréteur, qui n'avait encore qu'une seule branche, portait sur les côtés douze à quatorze renflements arrondis. Le foie est un des organes qui se distinguent le plus tôt et qui se développent le plus vite chez les embryons de toutes les classes de vertébrés. Cependant l'époque de son apparition est postérieure à celle des centres nerveux, du cœur, du tube digestif, des corps de Wolff, etc. Depuis longtemps, on le considère comme dérivant d'une exsertion ou d'un refoulement en dehors des parois de l'intestin.- Au début, c'est-à-dire au troisième jour, dans l'embryon des oiseaux, !^es rudiments deviennent apparents, d'aprèsles observations de de Baer. Suivant Bischoff, qui a étudié l'évolution de cet organe dans le fœtus du chien et dans celui du lapin \ il paraît à quelque distance de l'estomac sous la forme de deux petites bosselures résultant du soulèvement de la couche interne du tube intes- tinal; ces bosselures, qui deviendront les deux principaux lobes du foie, sont au nombre de cinq chez l'embryon du rat et s'étendent dans le blastème commun. Primitivement, les éminences sont pleines, et ce n'est que plus tard qu'il se creuse, dans leur intérieur, des canaux excréteurs. L'accroissement du foie s'opère avec une très grande rapidité, par le fait des nombreuses connexions qui s'établissent entre lui et le système vasculaire. Dans les premiers temps de sa formation, cet organe entoure le tronc de la veine omphalo-mésentérique, en reçoit des divisions et lui en donne à son tour. Plus tard, lorsque la circulation placentaire s'établit, la veine ombilicale va, dans sa substance, s'anastomoser avec la veine porte et s'unir par un système capillaire comme par le canal veineux avec le tronc de la veine cave postérieure. Alors le foie, reconnaissable à sa couleur rouge et à travers les parois abdominales trans- parentes, remplit la plus grande partie de la cavité qui loge les viscères diges- tifs. Ors'fiues iii'îiiaîves et s-éuita.ux:. — Après que l'intestin est formé et avant qu'on aperçoive encore aucune trace des organes génito-urinaires, il ap- paraît sur les cotés de la colonne vertébrale, à partir du cœur, jusqu'à l'extré- mité caudale de l'embryon, un organe énigmatique pair que G. F.Wolff a décou- vert, et auquel il a donné son nom. Ce double organe, encore appelé les j-eins 1. Bischoff, Traité du développement, 2« partie, p. 528 et suiv. 980 DE LA GÉNÉRATION. d'un embryon mâle de pou- let d'après Mûller ('). primoi'diaux , procède, d'ai>rès de Bacr et Rathke, du feuillet vasculairc du blastoderme. Il se montre au début, suivant Bis- clioff, sous la forme de deux baguettes de blastème, ^■^ une à droite, l'autre à gauche de la colonne verté- ^^^^ n>j^ brale. Dans ces languettes se montrent de petits !y cylindres creux, ou de petits tuyaux parallèles entre J eux et perpendiculaires à l'axe de l'embryon. Les tuyaux se mettent en communication avec un canal excréteur assez large qui longe le côté externe de l'organe. Plus tard, ces canalicules, qui étaient pri- mitivement sans cavités, deviennent sinueux et quel- quefois se pelotonnent sur eux-mêmes, et dans leurs intervalles se montrent des vaisseaux sanguins paral- lèles aux petits canaux. Les corps de Wolff ont bien évidemment une structure glandulaire. Leurs petits canaux, ou cana- licules transversaux, que l'on est parvenu à injecter. , „. ,,r même sur les embrvons de 5 à 6 centimètres de FiG. 21U. — Corps de ^\ olff et organes génito-urinaires longueur communiquent avec leur canal excré- teur longitudinal plein d'un fluide blanchâtre, ca- nal ouvert dans le cloaque chez les oiseaux et chez les mammifères dans la partie de l'allantoïde qui se transforme en vessie uri- naire. Les reins primordiaux éprouvent de grandes modifications pendant le cours de la vie embryonnaire. D'abord ils se raccourcissent beaucoup et se retirent dans la cavité abdominale, couvrent les reins et prennent la forme d'un haricot, quelquefois celle d'une pyramide triangulaire. Bientôt, ils cessent de croître et s'atrophient. Déjà, au deuxième mois, il n'en reste plus que des traces chez le fœtus humain. Ils subsistent plus longtemps chez les embryons de mammifères,, comme ou peut le voir par la figure 240 qu'en a donnée Follin chez le cochon d'Inde. On les trouve pendant toute la vie fœtale chez les oiseaux et la plupart des reptiles. Eiilln, chez les poissons, ils continueraient à fonctionner toute la vie et tiendraient lieu des reins que possèdent les autres vertébrés. Les corps de Wolff laissent des vestiges de leur existence chez les femelles des mammifères après la naissance et pendant toute la durée de la vie. Chez la femme, les restes des canalicules attachés au ligament de l'ovaire forment l'organe de RosenmuUer, qui est énorme dans la jument. Il part de leur canal excréteur commun, ou du point qu'il occupait, un ligament signalé par Millier,, et se dirigeant vers l'anneau inguinal. Ce ligament, fort distinct chez les femelles solipèdes, est un tube péritonéal creux, analogue au gubernacuhiin testa, tube dans lequel est enfermé un faisceau musculaire délié, rappelant le crémaster, et dérivant comme lui de l'ilio-abdoininal. Les canaux excréteurs des corps de Wolff sont regardés par quelques anatomistes comme constituant les canaux (*) l,reias; 2, corps de Wolff; .3, testicule; 4, capsule sunéuale; o, uretère; 6, conduit du corps de Wolff; 7, oviducte; 8, cloaque. DÉVELOPPEMENT DE L'EMBRYON. 081 FiG. 2il. — Corps de Wolf (l"uû cobaye fe- melle à mi-terme (*). Rathke dit qu'à l'ori- (leGaertner, souvent si développés chez la vaclie, où chacun d'eux peut quelque- fois être suivi, sur une assez grande étendue des parois du vagin et de l'utérus, à partir du niveau du méat urinairo. Les reins dont la formation est postérieure à celle des corps de Wolff, se développent dans le leuillet sé- reux du blastoderme, sur les côtés de la colonne verté- brale ; mais, d'après Bischoff, au lieu de dériver de ce feuillet, ils naissent d'un dépôt secondaire en arrière des corps de "^i\'olff, qui les masquent complètement. Yalentin les a aperçus déjà sur des embryons de porc longs de 0 lignes et Rathke. sur un embryon de cheval de 6 lignes de longueur. Ces organes, d'abord lisses et ovo'ïdes, présentent plus tard chez le fœtus de vache et de quelques autres animaux, des sillons qui leur donnent l'aspect d'une petite grappe de raisin. La texture glandulaire se développe progressivement dans les reins comme dans les autres organes sécréteurs gine ils se montrent sous l'aspect de rendements claviformes qui, plus tard, se creusent de canalicules urinifères. Plus tard, dans chaque lobule, se forme un petit bassinet chez les animaux qui ont les reins lobules. Enfin, ces organes se mettent en rapport avec les uretères, qui. d'après quelques observateurs, n'existaient pas encore au moment de la formation des reins. La vessie résulte de la métamorphose de la portion abdominale de l'allantoïde. ainsi qu'il a été dit précédemment. La vésicule allantoïde, née de la partie anale de l'intestin avec laquelle elle communique d'abord, et de laquelle elle s'isole bientôt, se trouve étranglée à l'ombilic lorsque les lames ventrales rapprochées viennent clore la cavité abdominale. La partie incluse dans l'abdomen, ou la future vessie, reçoit les canaux excréteurs des corps de Wolff, les uretères; elle se revêt de plusieurs couches membraneuses, et bientôt acquiert un orifice parti- culier à la région périnéale, au-dessous de l'anus. Jusqu'à ce moment et tant que la vessie demeurait en communication avec l'intestin, l'embryon de mammi- fère était, suivant la remarque de Bischoff, pourvu d'un cloaque transitoire, analogue au cloaque permanent des vertébrés ovipares. Les testicules ne peuvent être, d'après Bischoff, considérés comme des pro- duits immédiats du feuillet vasculaire blastodermique. Ils apparaissent après les corps de Wolff, et avant les reins, sous la forme de deux languettes oblongues dans un blastème blanchâtre composé de petites cellules et de noyaux de cellules. La glande, située au côté externe des corps de Wolff, parallèlement à l'axe du rachis, montre de très bonne heure, suivant Valentin, les premiers rudiments des conduits séminifères. Ceux-ci seraient déjà distincts sur des embryons de porcs longs de deux pouces à deux pouces et demi. Peu après se développent la tunique albuginée et Tenveloppe péritonéale, pendant que le testicule est renfermé dans la cavité abdominale. ■f) a. ovaire.; b^ trompe de Fallope ; c c, canalicules du corps de Wolff; c/, leur canal eiténeur commun, 982 DE LA GÉNÉ15ATI0N. Le tesliciile. primitivement placé à la région sous-lombaire, et bientôt fixé au flanc vers l'entrée du bassin par un long repli péritonéal, finit, à une époque variable de la vie fœtale ou seulement après la naissance, par s'engager dans le trajet inguinal et descendre dans les bourses. Cette migration, sur le mode et les causes de laquelle on a beaucoup écrit depuis Hunter, peut être facilement comprise en comparant ce qui se passe chez le fœtus de la plupart des animaux avec ce qui existe pendant toute la vie chez quelques-uns d'entre eux. Or, chez le hérisson et le cochon d'Inde qui ont les testicules dans l'abdomen, il n'y a pas de bourses extérieures. Le testicule est fixé dans la cavité abdomi- nale par deux replis continus l'un à l'autre : le premier, qui est très long, part du bassin et de la région sous-lombaire, comprenant, entre ses deux lames, les vaisseaux testiculaires et le canal déférent ; le second, qui est plus court et plus épais s'étend du pourtour de l'anneau inguinal à la queue de l'épididyme. Celui-ci a la forme d'un tube creux, d'une sorte de cornet un peu plissé transversalement dont la partie évasée s'ouvre dans le trajet inguinal, la partie étroite restant fixée au testicule ; l'intérieur de ce cornet est tapissé par le muscle crémaster plus ou moins développé, et par un tissu cellulaire fibreux, très abondant au voisinage de la queue de l'épididyme. Ce cylindre creux, qui s'allonge et devient rectiligne quand on tire le testicule vers la région sous-lombaire, n'est autre chose que la gaine vaginale encore renfermée dans l'abdomen. En poussant le testicule dans l'anneau inguinal, le tube péritonéal est entraîné devant lui, tra- verse l'anneau et vient faire hernie dans la région scrotale. La face lisse et externe du tube devient interne; par contre, sa face interne, tapissée par le cré- master, devient externe. En ramenant ensuite le testicule et sa gaine séreuse dans l'abdomen, on rétablit les choses dans l'état où elles se trouvaient aupa- ravant. Dans le fœtus, la disposition du testicule et de la gaîne vaginale est transi- toirement ce qu'elle est d'une manière permanente chez le hérisson et le cochon d'Inde, et l'inversion que nous produisons artificiellement sur ces derniers se produit spontanément, soit pendant la vie fœtale, soit quelque temps après la naissance. En effet, chez les fœtus de solipèdes à mi-terme, ou à peu près, et qui n'ont point la peau velue, les testicules ne sont pas encore descendus dans les bourses: ils flottent librement dans l'abdomen à l'extrémité d'un long ligament. Un peu plus tard ils se rapprochent de l'orifice supérieur du trajet inguinal; vers la fin delà gestation, le trajet se creuse elles bourses débutent sous la forme d'un doigt de gant ouvert du côté de l'anneau, fermé inférieurement, tapissé en de- dans par le péritoine, en dehors par le crémaster. Elles ne contiennent que les premières sinuosités de l'épididyme attachées à un renflement cellulo-musculaire adhérent au fond des bourses, et qui est, comme ces dernières, revêtu d'un feuillet séreux, renflement dont la contraction lente paraît prendre une grande part à la descente du testicule. L'épididyme commence à se former par quelques flexuosités du canal déférent analogues à celles des trompes utérines, très loin du testicule. Or, les choses étant ainsi disposées, si l'on refoule la gaîne vaginale de dehors en dedans, de manière à la faire rentrer dans l'abdomen, on a exacte- DEVELOPPEMENT DE L EMBRYON, 98:^ nient ce qui existe chez le hérisson, le cochon d'Inde, et ce qui existait aussi chez le fœtus très jeune. Li gaîne vaginale, dans l'abdomen, forme un tube creu\ ayant le testicule à son extrémité fermée, et l'anneau inguinal à son extrémité béante, sa face externe libre et sa face interne tapissée par le muscle crémaster. A ce moment, si Ton refoule de dedans en dehors Tépididyme. la gaîne se ren- verse sur elle-même, franchit l'anneau inguinal, et ainsi le crémaster, précédem- ment à l'intérieur de cette gaîne êe retrouve à l'extérieur. A l'âge auquel on fait ces observations, c'est-à-dire à peu près à mi-terme, il y a impossibilité maté- rielle à la sortie du testicule hors de l'abdomen : le testicule, dont le poids est £. VERMORCKEN Sf. CAR FiG. 5i2. — Testicule flottant dans labdomeu alors de 3o à 4U grammes, a un diamètre transversal trois fois aussi grand que celui de l'anneau inguinal. D'après cela, il est facile de concevoir le mécanisme de la descente du testi- cule et de la formation de la gaine vaginale. En effet, lorsque, par les progrès de l'accroissement, le repli péritonéal dans lequel est renfermé le testicule avec ses vaisseaux et son canal excréteur est devenu assez grand pour amener les organes près des parois inférieures de l'abdomen, le crémaster commencée agir. Ce muscle tire sur la gaîne, la plisse, la renverse de dedans en dehors, en entraînant d'abord la queue de l'épididyme, et plus tard le testicule lui-même qui se rapproche de l'épididyme dont la condensation est progressive. Mais dans ce mécanisme, il faut bien se garder de tout rapporter à i'inter- (*) A, ligament péritonéal du testicule Tenant de la région lombaire; B, testicule; C, gubernaculum testis; D, anneau inguinal. 984 RE LA GÉNÉRATION. vention du crémaster. Avant que ce muscle puisse agir, le travail nutritif a allongé le large frein péritonéal qui attache le testicule aux parois de l'abdomen, et a amené cette glande vers l'entrée du bassin et de l'anneau inguinal, puis les fibres musculaires lisses du gubernaculum ont attiré l'épididyme dans le trajet. Le crémaster vient achever le déplacement, une fois qu'il a acquis assez de force pour remplir ce rôle. La meilleure preuve à donner de la participation du tra- vail d'accroissement à cette migration est (Jue, chez les grands ruminants, le testicule est déjà entièrement dans les bourses à la fin du premier tiers de la ges- tation : il y est même alors tellement enfermé, qu'il est fort difficile, en raison de l'étroitesse de l'anneau inguinal, de le faire rentrer dans l'abdomen. Jus- qu'à cette époque, le crémaster est pâle, extrêmement mou, et fort difficile à dis- tinsruer. £: ycA/JoncKEH.sa Fjg. 243. — Testicule attiré près de l'anneau inguinal (*). Quelquefois il arrive chez les solipèdes, chez le chien et d'autres animaux, que les deux testicules, ou un seul d'entre eux, restent pendant toute la vie dans l'abdomen. Alors on remarque, du moins je l'ai vu plusieurs fois, que le tube crQux intra-abdominal est réduit à un petit cordon très grêle, sans trace de cavité, ou avec une cavité très étroite, dans laquelle on reconnaît avec peine quelques fibres pâles du muscle crémaster atrophié. Dans ce cas, c'est évidemment à l'étroitesse de cette gaîne vaginale non renversée, et à l'atrophie du crémaster, qu'est due l'impossibilité de la descente du testicule. En réfléchissant à ce que je viens de dire, on voit sans peine que le gouver- (-") Mêmes lettres que dans la précédente; C, portion interne du gubernaculum testis; C, portion du gubernaculum devenue externe en s'invaginaut sur elle-même au-dessous de l'anneau inguinal. DEVELOPPEMENT DE L EMBRYON. 985 nail, le gubernaculum testis décrit par Hunter, est bien, comme le croyait ce savant anatomislo, un repli périlonéal creux dans lequel le testicule est entraîné hors de Tabdomon, sinon exclusivement, du moins en partie parle muscle cré- master. Les canaux déférents, qu'on a considérés comme résultant d'une métamor- pbose des conduits excréteurs des corpsdeWol[T,se développent, d'après Bischolî, dans un blastème accolé à ces derniers canaux. La partie la plus voisine du tes- ticule n"a d'abord que de légères flexuosités. Ce n'est que par la suite qu'elle se plisse pour former l'épididyme; ce plissement a lieu, même assez tard, chez les fœtus dos solipèdes, comme je l'ai observé, et, dès qu'il a formé, à une certaine distance du testicule, un commencement d'épididyme, celui-ci est entraîné dans la gaine vaginale où le testicule parviendra longtemps après lui. A D i.t/eUMCRCICEU 51, CliR FiG. 244. — Testicule engagé dans l'anneau inguinal (*). Au point de jonction des voies génitales a»vec les voies urinaires, ou à ce qu'on appelle le sinus uro-génital^ il se développe, d'après Rathke, sur la portion d'al- lantoïde, qui deviendra la vessie, deux petites bosselures coniques qui se creusent d'une cavité et s'ouvrent au même point que les canaux déférents : elles doivent constituer les vésicules séminales. Le pénis, ses enveloppes et celles des testicules ne se montrent que très tard. Leurs premiers rudiments apparaissent sous forme d'un tubercule saillant creusé d'un sillon à son bord inférieur, lorsque l'intestin et les voies génito-urinaires se {*) Le ligament du testicule n'est plus -visible, la gaine vaginale s'est formée par le renversement du jubernaculum au-dessous du trajet inguinal. 986 DE LA GÉNÉRATION. confondent dans un véritable cloaque. L'extrémité de ce tubercule se renfle pour pour former le gland; les plis qui s'élèvent sur ses côtés deviennent le fourreau et le scrotum; enfin, les deux bords de la fente inférieure, en se soudant, se transforment en canal de l'urèthre. Jusqu'à ce moment, ces parties sexuelles ont montré la plus grande ressemblance avec celles de la femelle : le pénis rap- pelait le clitoris, et les deux replis placés sur ses côtés figuraient les lèvres de la vulve. Le développement des organes reproducteurs femelles a une très grande ana- logie avec celui de l'appareil génital du mâle. Les ovaires se forment, comme les testicules, au voisinage des corps de Wolff; mais ils s'éloignent peu à peu de la région sous-lombaire enveloppés dans un repli péritonéal plus ou moins allongé suivant les espèces. D'après Valen tin, il apparaîtrait d'abord dans le tissu de l'ovaire de petites languettes qui se décom- poseraient en d'autres plus petites donnantnaissance à des tubes, dans l'intérieur desquels on ne tarderait pas à reconnaître les follicules primitifs : ceux-ci, formés d'une membrane transparente et d'un contenu granuleux, donneraient naissance aux ovules : c'est ainsi que les choses se passeraient dans l'embryon de la vache et de la brebis. Cependant Bischoff n'a pu parvenir à reconnaître dans l'ovaire les languettes et les tubes, dont l'existence temporaire est d'ailleurs très courte; mais il a vu se former les follicules par une agrégation de cellules primaires se confondant en une membrane transparente, à l'intérieur de laquelle se dépose une couche de cellules épithéliales. C'est dans cette vésicule glandulaire très grande que ce dernier observateur a vu, un peu plus tard, se développer une seconde vésicule plus petite, qu'il regarde comme la vésicule germinative; puis, autour de celle-ci, les granulations vitellines; et, enfin, la zone transparente, c'est-à-dire, en un mot, les diverses parties constituantes de l'œuf. Dans quelques animaux, les solipèdes par exemple, l'ovaire est énorme pen- dant la vie embryonnaire, surtout à partir du milieu de la gestation ; son stroma y est rougeâtre et d'une mollesse extrême, tandis que chez d'autres animaux, en particulier les ruminants, cet organe n'est pas alors proportionnellement beau- coup plus volumineux qu'il ne le sera dans la suite. Les trompes de Fallope se développent sur le trajet des canaux excréteurs des corps de Wolff, à peu près comme les canaux déférents auxquels ils correspondent. La matrice procède, d'après les observations de Rathke, d'une petite bosse- lure située en haut du sinus uro-génital, au point d'abouchement des deux trompes de Fallope. La dilatation de la bosselure devient le corps de l'utérus ; celle de l'extrémité inférieure des trompes constitue les cornes. Si le développe- ment de la bosselure médiane a une très grande prédominance, on a un utérus simple comme celui de la femme et des singes. Si, au contraire, la prédominance appartient aux trompes, il se produit un utérus à deux cornes plus ou moins longues. La vulve et le clitoris apparaissent en arrière du sinus uro-génital sous la forme d'un appendice saillant, bordé de deux replis, entre lesquels se trouve l'orifice du vagin. Quant aux mamelles, elles se forment de très bonne heure, et le mamelon est DÉVELOPPEMENT DE l'eMBRYON. 987 déjà perforé sur de très jeunes fœtus. Celui-ci se voit aussi très distinctement dans le premier mois de la vie embryonnaire des fœtus milles, en même nombre et aux mêmes régions que chez les fœtus femelles. Voilà, à grands traits, comment s'opère le développement des principaux organes. Cet aperçu général suffit pour nous donner une idée de l'admirable tra- vail de formation, suivi dans tous ses détails parles observateurs habiles qui, de nos jours, ont porté à une perfection si étonnante la science de l'embryogénie. Avant de rechercher comment la machine en construction s'essaye à fonctionner, jetons encore un coup-d'œil d'ensemble sur les progrès successifs de son déve- loppement. Ce qui frappe le plus dans l'étude générale de l'évolution embryonnaire, c'est la lenteur du travail aux premiers moments qui suivent la fécondation, et la rapi- dité qu'il acquiert peu de temps après. Déjà Harvey, qui ne pouvait suivre les premiers changements éprouvés par l'œuf fécondé, avait fait cette remarque. Il avait vu qu'après des débuts fort lents et après la première apparition du cœur, quelques jours suffisaient à toutes les parties du corps pour devenir distinctes. Haller avait aussi constaté que, jusque vers le dix-huitième jour, le fœtus de brebis n'était qu'une petite masse gélatiniforme noyée dans le fluide amniotique, laquelle ne tardait pas à laisser voir les principales parties du petit animal. La lenteur de l'évolution, aux premières périodes delà vie embryonnaire, s'explique en partie pour les mammifères, par la petitesse de l'œuf, aux dépens duquel doi- vent se faire les premières formations, et par le défaut de connexions directes entre l'embryon et les vaisseaux utérins. Les parties qui, dans l'œuf des mammifères, prennent l'accroissement le plus rapide dans les premiers temps de la gestation sont les membranes et les liquides qu'elles renferment. Dans Fœuf de la brebis, vers la fin du premier quart de la gestation, les membranes pèsent à elles seules de cinq à neuf fois autant que le fœtus, et à la même époque, les fluides allantoïdien et amniotique réunis ont un poids huit à dix fois aussi, considérable que ce dernier. La masse des liquides de l'œuf augmente d'une manière absolue du commencement à la fin de la gesta- tion, excepté peut-être aux derniers jours. Mais cette augmentation, extrême- ment rapide dans les premiers temps, se ralentit beaucoup vers l'époque moyenne de la gestation. Et comme à partir de ce moment le développement du fœtus devient très actif, la proportion des fluides diminue d'une manière relative. Vers la fin du quatrième mois ils représentent environ le tiers du poids du fœtus ; puis un sixième au moment de la naissance de l'agneau, c'est-à-dire quelques jours après la fin du cinquième mois. Le développement du fœtus est si lent pendant les premières périodes de la gestation, que l'agneau, au bout de quarante jours, c'est-à-dire à peu près à la fin du premier quart de la vie embryonnaire, a à peine la trois-centième partie du poids qu'il a acquis au moment de la naissance. A deux mois, il n'a encore qu'un soixantième de son accroissement utérin. Mais à partir du milieu delà gestation, et surtout à la fin du second tiers de celle-ci, il se développe très vite. A l'expiration du quatrième mois, l'agneau n'a plus à gagner qu'un tiers de son poids total. En jetant un coup d'œil sur les deux tableaux suivants, que j'aurais Tableau de rnccroissemenl du fœtus de brebis et de dièvve. Age Poids Poids Poids Poids it total de des s t du de la l'utérus de enve- = y et de son loppes fœtus. mère. contenu. l'utérus. fœtales. Poids du fœtus. Poids Poids du du liquide liquide allan- amnio- toïdien. tique. OltSF.RVA- TIONS Fœtus de brebis. jours. g'-- g--- gr. 1 42 55000 542 196 2 43 54000 267 86 3 43 49000 254 95 l 47 56000 426 176 5 49 55500 330 153 6 50 57000 504 167 7 50 51000 1155 283 8 51 56000 1270 313 9 51 49000 632 230 10 57 63000 1702 407 11 120 53000 3185 368 12 129 58000 5000 575 13 130 55000 3990 475 14 134 61000 5420 624 15 137 64000 6320 580 SI" ^2^ 93 66 53 95 56 103 300 ^: 310 ^r 120 f 453 V" 308 345 292 326 447 10 9 14 16 18 21 19 27 28 25 50 47 1910 2970 2515 3310 3710 g''- 40 40 78 52 60 22 120 155 120 212 96 133 164 245 455 675 375 750 850 deux fœtus. 16 17 a terme à terme 10282 7935 Fœtus de chèvre. 1045 810 547 325 3530 135 465 3685 145 645 2630 perdu. .560 26801 430 500 gr- 38 36 27 41 70 74 80 90 ^57 gr.de suc 76 \ cotyléd. 109 S^O gr. de suc 97 \ cotyléd. 104 192 202 143 357 305 200 528 suc cotyléd. 285 gr. Tableau de l'accroissement du fœtus de vache. o C Poids total Poids Poids des Poids Poids Poids de l'utérus enve- du liquide du liquide § S et de loppes allan- amnio- OBSERVATIONS z-a son contenu. l'utérus. fœtales. fœtus. toïdien. tique. / ^œJus de vache. gr. gr- gr. gr- gr- gr. 1 1665 790 312 83 167 275 2 7870 2300 850 1345 1100 2660 3 7020 1515 845 1505 1010 212Û 4 13100 2470 825 3550 1050 5220 5 14200 3080 1100 3830 2450 3670 6 15700 4040 2290 5900 2250 1140 765 gr. de suc coty- 7 19765 3936 1730 9604 2770 1725 lédonaire. 8 51000 )) » 14000 » » L'utérus, les enve- 9 50600 6735 2820 31500 6700 2500 loppes et les li- quides pèsent 10 71000 14( )00 28500 28( 1G0 37 000gr. Fœtus de j liment. 11 18650 2893 2000 7450 4600 1650 Le fœtus est déjà couvert de poils; la mère est très petite. DÉVELOPPEMENT DE l'eMBRYON. 989 voulu voir i>lus complets, on pourra se fairo une idée générale de laccioisse- ment de l'œuf à plusieurs périodes de la gestation. Le premier se rapporte à des brebis dont la date de la fécondation est exactement connue: le second, au con- traire, donne seulement des pesées de fœtus de vache, dont 1 âge inconnu peut se déduire approvimati\ement du poids du fœtus et de ses annexes. Le développement des diverses parties du corps du fœtus n'est pas. ainsi que nous avons pu le pressentir, également rapide pour toutes. lien est d'une évo- lution précoce, d'autres d'une évolution tardive. Dans certaines d'entre elles l'accroissement est prompt, dans d'autres, il est plus ou moins lent : les centres nerveux, le cœur, le foie et les organes qui doivent entrer en fonction de bonne heure acquièrent très vite des proportions con5idéral)îes. L'encéphale est, comme on le sait, la partie du système nerveux qui acquiert le plus tôt une prédominance marquée sur les autres organes de l'embrvon. Bur- dach a trouvé qu'au cinquième mois le poids du cerveau est égal à la huitième partie du corps chez le fœtus humain de cinq mois, tandis qu'il est égal au qua- rantième de ce poids chez l'adulte. J'ai constaté que cette proportion de l'encé- , phale entier est à celle du corps comme 1 est à lo chez le fœtus d'agneau de o7 jours, comme 1 est à 60 au soixante- dixième jour, et comme 1 est à o3 ou comme 1 est à 61, ou encore comme 1 esta 60 chez le même ruminant à la naissance. A mi-terme, chez le veau, son poids est à celui du corps comme 1 est à o3, et à terme, comme 10 est à 120. La molle épinière ne suit pas tout à fait la même progression dans Taccrois- sement. Chez le veau à mi-terme, elle représente en poids la quatre cent vingt et unième, et, à terme, la quatre cent soixante-dixième partie du corps : eUe égale la trois cent quarantième partie de ce poids chez l'agneau au moment de la naissance. Chez le tœtus humain au troisième mois, elle égale la dix-huitième partie du poids du corps d'après les observations de Meckel. Le cœur, dont l'apparition est si précoce, est sensiblement plus volumineux chez le très jeune embryon que vers la fin de la gestation et après la naissance. Meckel dit que celui du fœtus humain au troisième mois représente le cinquan- tième du poids du corps et le cent-vingtième à la naissance : il en est à peu près de même chez les ruminants. Le cœur d'un veau à mi-terme égalait un cent- vingt-cinquième du poids du corps, celui d'un agneau à terme le cent-vingtième, celui d'un autre encore le cent-dix-huitième. Le même organe représentait seu- lement la deux cent soixante-quatrième partie de ce poids chez un bélier adulte. Le poumon a, relativement à la masse de l'embryon, un poids variable suivant les âges. Il égalait la vingtième partie du poids du corps chez un fœtus de bre- bis de cinquante-sept jours, la trente-troisième chez un veau à mi-terme, la trente-quatrième chez un autre de huit mois, la trente-cinquième, la cinquante- cinquième chez deux autres veaux à terme ; la trente-troisième chez un poulain ayant à peu près de huit à neuf mois, et de la vingt-quatrième à la soixante et onzième chez des agneaux et des chevreaux à terme. Le développement du thymus varie considérablement suivant les âges et sui- vant les espèces. Le poids de cet organe était la cent trente-septième partie de corps sur un veau à mi-terme, la quatre-vingt-dix-septième sur un veau pouvant 991) DE LA GÉNÉRATION. îivoir sept mois, la deux centième sur un poulain à terme, la cent treizième sur un chevreau à la naissance, la deux cent vingt-huitième partie sur un agneau huit jours après la naissance. Il est toujours proportionnellement plus volumi- neux chez les ruminants que chez les solipèdes. Le foie, extrêmement volumineux dans les premiers temps de la vie embryon- naire, décroît proportionnellement à mesure qu'on se rapproche du terme de la gestation. Il est dans le lœtus humain, d'après Meckel, le dix-huitième du poids du corps, et le trente-cinquième ou le trente-sixième chez l'adulte. Je l'ai trouvé égal au sixième chez un fœtus d'agneau de cinquante-sept jours, au vingt-neu- vième chez des veaux à mi-terme et à terme, au vingt et unième chez un poulain au moment de la naissance, et au vingt-quatrième chez un agneau à la même époque. Nous avons vu cet organe représenter la soixante-quinzième partie du poids du corps chez le cheval adulte, et la quatre-vingt-troisième chez le bélier. Le tableau suivant donne quelques-uns des éléments qui m'ont servi à établir les rapports précédents; mais il est trop incomplet pour fournir une base à des r moyennes à peu près exactes. ESPÈCES DE FŒTUS Poulain à terme ' 32500 Veau 5900 Veau 31500 Veau ' 25500 Agneau de 57 jours 47 Agneau à terme ' 32 1 0 Agneau à terme 3400 Chevreau à terme 3400 Chevreau à terme 3685 110 3^ ■■) 52 54 60 10.', Il" 11 162 43 215 127 18 34 30 27 •3 § 1110 175 » 732 45' 138 87 77 47 1500 200 866 137 139 gr. 267 21 100 6 9 6 8 14 25 174 162 15 23 31 25 L'intestin,, pendant la vie fœtale, ne croît pas en longueur pour arriver à atteindre, relativement au corps, la proportion qu'il présente pendant l'âge adulte, A huit ou neuf mois de la vie fœtale, un poulain avait 4"°, 55 d'intestin grêle, 17 centimètres de csecum et 1",38 de gros intestin, en somme, 6"", 10; c'est- à-dire à peu près le cinquième de la longueur que cet organe présente à l'âge adulte. Peu après la naissance, il atteint le tiers delà longueur qu'il a au terme du développement de l'animal. Sur le veau à mi-terme il n'a encore que le dixième du total futur de l'intestin de l'adulte et il a seulement seize fois la longueur du corps au lieu de vingt. L'agneau et le chevreau, à l'époque de la naissance, ont le tiers de leur intestin complet, et ce tube n'a encore que dix-sept à dix-huit fois la longueur du corps au lieu de vingt-sept fois, comme au terme de l'accrois- sement extra-utérin. Les proportions générales du corps, en particulier celles du squelette, ne sont DEVELOPPEMENT DE L EMBKVON. 9iJl poiiU encore ce qu'elles deviennent après la naissance. Les os sont, relativement aux autres parties, plus volumineux dans leur ensemble, notamment à leurs extrémités, que chez l'adulte. Les membres en particulier, surtout chez les soli- pèdes et les ruminants, ont une longueur qui n'est nullement proportionnée à celle de ces parties une fois leur accroissement achevé. Aussi, plusieurs os des membres, tels que le radius, le tibia, le métacarpien et le métatarsien, n'ont plus guère à acquérir pour arriver à leurs dimensions définitives, comme on peut le voir, du reste, en jetant un coupd'œil sur le tableau suivant, dont je dois une partie^ à M. le professeur Goubaux. LONGUEURS EN MILLIMÈTRES A o i à ANIMAUX a 1 s c 'ïc ■JE S _5 3 s -5 5 a, 3 Je. ■5 K ë ,2 '5i ■5 25 V g o 53 o O r-i -CJ o "5j 'si) p ce "* S S Se es ^ S a Poulain à terme 315 390 130 383 195 188 243 59 238 139 227 232 262 66 271 175 Poulain à terme 370 350 135 226 190 205 250 40 240 131 245 245 280 62 275 173 Poulain 2 jours 1 1) » 159 170 224 ') 218 » " 223 246 » 255 » Cheval adulte de grande taille » » » 370 310 36 45 240 170 450 390 360 70 280 180 La durée totale du développement du fœtus, ou celle de la gestation chez les vivipares, et de l'incubation chez les ovipares, paraît être, suivant la remarque de M. Flourens-, en raison .directe de la taille des animaux, c'est-à-dire d'au- tant plus longue que les animaux en naissant ont un plus grand volume. Ainsi l'éléphant, qui est le plus grand des mammifères, porte de vingt à vingt et un mois, d'après Corse ; le rhinocéros, seize mois ; la girafe et le chameau, un an; la jument, l'ànesse, Théraione et les autres solipèdes, onze mois; — la baleine et le cachalot, neuf à dix mois, suivant Lacépède ; — la vache, neuf mois ; — le cerf, l'élan, de huit à neuf mois, d'après F. Cuvier ; — le lama, l'alpaca, les ours, six mois ; — le chevreuil, cinq à six mois; — la brebis et la chèvre, environ cinq mois; — la laie et la truie, un peu moins de quatre mois (cent quinze jours) ; le castor, quatre mois; — le lion, trois mois et demi, d'après M. Flourens; — le cochon d'Inde, soixante-quinze jours, d'après Legallois ; — la chienne, de soixante à soixante-quatre jours; — l'isatis, neuf semaines ; — la chatte cinquante-six jours ; — le furet, six semaines ; — l'écureuil, le lièvre, le lapin, un mois; — la souris, trois semaines. 1. Les chiffres relatifs au premier fœtus. 2. Flourens, Leçons orales de physiologie comparée au Muséum cVhistoire naturelle, 1851. 992 DE LA GÉNÉRATION. Parmi les oiseaux, l'incubation du cygne est de quarante-cinq jours, — celle de l'oie, de trente à trente-cinq jours, — du dindon, de vingt-liuit jours, — du faisan, de vingt-six, — de la pintade, de vingt-cinq, — delà poule, de vingt et un, — du moineau, du serin, de treize, — du colibri, de onze ou douze jours. La durée de la gestation est quelquefois abrégée, même suivant une propor- tion considérable, chez les animaux qui naissent ébauchés, comme les petits des didelphes, et aussi ceux qui ont les yeux fermés et la peau nue. Lorsqu'elle est suffisamment longue, elle permet un développement plus complet et donne aux jeunes animaux la force de se tenir debout, de suivre leur mère, comme on le voit pour la plupart des herbivores, des solipèdes et des ruminants. La durée de la gestation n'est pas absolument fixe pour chaque espèce; elle est augmentée ou diminuée dans des limites assez considérables. La jument, qui porte, terme moyen, trois cent quarante-cinq jours, met bas souvent à partir du trois cent trentième jusqu'au trois cent soixante-quinzième, quelquefois jus- qu'au trois cent quatre-vingtième. La vache dont la gestation est en moyenne de deux cent quatre-vingts à deux cent quatre-vingt-cinq jours, met bas du deux cent cinquantième au trois centième jour, et même plus tard encore. La brebis, qui porte cent cinquante et un à cent cinquante deux jours, met bas du cent quarante cinquième au cent soixantième jour. Chez les autres femelles il y a aussi quelques variations, mais très peu considérables en raison de la brièveté même de la durée normale. Indépendamment de ces variations, qui ne sont pas rares, il en est d'autres propres aux femelles qui, d'habitude, devancent ou dépassent le terme ordinaire; mais ces dernières sont tout à fait exceptionnelles, et celles qui se rapportent à une gestation très abrégée ne sont que des avorte- ments. En terminant je donne d'après Gurlt^ dans le tableau suivant, les dimen- sions du fœtus aux sept périodes de son évolution. Première période. Dans les deux premières semaines, l'œuf a 2 mil!. 2 Deuxième période. 3e et 4e semaines, le fœtus de jument n 13 millimètres. 3« et 4e — vache 9 3e et 48 — brebis et chèvre 10 18 jours chienne , 4 Troisième période. 5e à 8e semaine, jument 54 millimètres. 5' à 8e — vache 48 5e à 7e — brebis et chèvre 34 4e à 6e — truie 48 4' — chienne 25 1. F. Leyh, Anatomie des animaux domestiques, Paris, 1870, p. 355. DÉVELOPPEMENT DE l'eMBRYOX. 993 Quatrième période. 9e à 13e semaine, jument 162 millimètres. 9« à W — vache 149 7» à pc — brebis 94 6« à 8« — truie 81 ô« — chienne 68 Cinquième période. 13e à ^2^ semaine, jument 352 millimètres. 13» à 20e _ vache 325 10e à 138 _ brebis et chèvre, 162 8e à 10e _ truie 135 (3e — chienne 9i Sixième période. 23e à 34e semaine, jument 650 millimètres, 21» à 32e _ vache 650 13e à 18e — brebis et chèvre 325 lie à 15e — truie 189 7e à 8e — chienne 135 Septième période, finissant à la naissance. 35e à 48e semaine, jument 1 137 millimètres. 33* à 40e _ vache 812 19e à 21e — brebis et chèvre 490 15e à 17e _ truie 270 98 — chienne..... 162 Il faut remarquer que, chez les femelles multipares, le développement des fœtus n'est pas toujours uniforme ou égal. Dans la même corne j'ai vu alterner des fœtus volumineux avec des fœtus plus petits. L'inégalité de volume tient souvent, dans l'espèce canine, à ce que la chienne fécondée par plusieurs mâles donne des petits de races différentes, les uns de grande, les autres de moindre taille. Lorsque l'inégalité ne tient pas à cette cause, j'ai constaté que les fœtus les plus rapprochés de l'ovaire étaient souvent les plus petits. Ce sont ceux qui paraissent provenir des derniers ovules pondus ; ou ceux qui se trouvent greffés sur la matrice dans des points où la muqueuse offre son minimum de vascula- rité. Si les ovules de ces fœtus ont été fécondés un ou plusieurs jours après le premier, ce retard explique le moindre développement des petits placés en haut des cornes et qui, pour cette raison, naissent les derniers. Maintenant que nous avons suivi le développement de l'embryon, étudions sommairement les manifestations de son activité propre ou les premiers essais du jeu de ses organes. . G. COLIN. — Physiol. comp., 3^ édit. II. — 63 994 DE LA GÉNÉRATION. CHAPITRE LXXV DE LA VIE EMBRYONNAIRE Le jeu de la machine animale, si compliqué qu'il soit, lorsqu'elle esl. achevée, est loin d'être aussi merveilleux que celui de la machine qui se crée d'elle-même et dont chaque rouage fonctionne progressivement d'après une série de modes, en rapport avec les états transitoires, par lesquels il passe avant d'arriver à sa forme défmitive. Le physiologiste, habitué à considérer seulement les manifesta- tions dynamiques des appareils et des organes dont le développement est complet, se trouve aux prises avec des difficultés nouvelles, dès qu'il est en face de cette activité à l'état naissant, dans un organisme en voie de formation. Ce ne sont plus les simples résultats des dispositions matérielles de l'organisme qui s'ofTrent à ses yeux. Pour la première fois il est appelé à analyser des phénomènes d'un ordre élevé dont le but est la création, le perfectionnement successif de ce qui, plus tard, sera le point de départ, la condition matérielle de toutes les manifes- tations propres à l'activité vitale. Or, de même que nous avons précédemment cherché à reconnaître le mode suivant lequel chaque organe se forme et l'ordre de ses développements succes- sifs, nous devons aussi maintenant tenter de saisir les premiers essais de l'acti- vité de ces rouages qui, d'abord imparfaits, deviennent de mieux en mieux appro- priés à leur destination future. Fonctions nerveuses. — L'embryon se forme et se développe sans l'in- tervention nerveuse de lanière, chez les mammifères et les autres vivipares, aussi bien que chez les ovipares. Il n'y a aucune communication entre les nerfs de l'utérus et les enveloppes fœtales ; il n'y a pas de nerfs dans celles-ci non plus que dans le cordon ombilical. L'animation progressive du nouvel être ne saurait donc dériver d'une propagation immédiate, d'une sorte d'extension directe de de l'activité nerveuse de la mère à son produit. Cette animation a son point de départ dans l'embryon; elle se développe spontanément en lui sous l'influence de causes insaisissables. Le système nerveux qui, dès le commencement de la vie extra-utérine, tient sous sa dépendance la généralité des actions de l'organisme, paraît dès le début du développement sans aucune influence possible sur les phénomèmes de la vie embryonnaire. D'abord les premiers changements qui surviennent dans l'œuf, la disparition de la vésicule germinative, la segmentation du vitellus, le dépôt d'une couche albumineuse autour de la zone transparente, la formation du blas- toderme, la séparation de ses feuillets, l'apparition de la ligne primitive, sont antérieurs à la formation des premiers linéaments des centres nerveux. Ensuite, pendant que les rudiments du système nerveux se forment, ceux de plusieurs autres parties se développent aussi parallèlement. Enfm, alors que ce système est déjà passablement développé, il ne paraît pas encore réunir les conditions qui VIE EMBRYONNAIRE. 995 lui permettent d'agir dès le début de la vie embryonnaire. On voit dans le plasma homogène de l'œuf, dans le blastème commun, se former en même temps ou successivenient mille parties différentes. Ces parties se développent les unes indépendamment des autres, comme si chacune avait en soi la raison de sa for- mation et de ses perfectionnements ultérieurs. Le système nerveux paraît lui- même soumis aux lois communes; il ne dépend d'aucune autre partie de l'em- bryon, comme aucune ne dépend de lui. Ce n'est pas seulement au début que les phénomènes delà vie embryonnaire s'accomplissent sans l'intervention d'une influence nerveuse excitatrice; plus tard, alors que le système nerveux est entièrement constitué, les opérations de la plasticité paraissent encore s'effec- tuer sans son intervention. Du reste, on sait que les monstres sans cerveau et sans moelle épinière peuvent arriver même au terme de leur développement fœtal. Cependant, certains faits ont paru démontrer que le développement des parties était dépendant de l'action nerveuse. Tiedemann a vu, sur les monstres, les organes manquer lorsque les nerfs qui devaient se distribuer à ces organes ne s'étaient point développés, et il a vu plusieurs organes se souder entre eux quand leurs nerfs se confondaient ensemble, et un même organe éprouver une division, un fractionnement correspondant à la division accidentelle de son nerf. Ales- sandrini a 'constaté que les muscles de la moitié postérieure du corps man- quaient chez les fœtus de vache et de truie dont la partie correspondante de la moelle était avec ses nerfs très imparfaitement développée. Mais ces faits ne prouvent nullement que l'absence des nerfs ait été la cause du non-développe- ment des muscles. Il y a dans ces cas une corrélation entre la non-formation du nerf et celle du muscle : la cause qui a empêché le nerf de se former dans telle partie de l'économie a aussi mis obstacle à la constitution du muscle. Il en est de même, jusqu'à un certain point, des vaisseaux relativement aux parties dans lesquelles ils se distribuent. Primitivement, dans le plasma homogène se déve- loppent les éléments divers d'un organe en même temps que ses vaisseaux; la force qui crée la fibre cellulaire, la nerveuse, la musculaire crée aussi les élé- ments du vaisseau, ceux de l'artère, de la veine, des capillaires. Ces formations diverses sont liées entre elles, elles marchent de pair. Si les vaisseaux n'appor- tent plus une quantité suffisante de matériaux plastiques, le travail de dévelop- pement des parties languit, et, par contre, si celles-ci n'emploient pas ces maté- riaux, si elles s'atrophient, les vaisseaux cessent d'en apporter ou en apportent moins; ils s'atrophient ou ils ne continuent pas à croître. Le système nerveux, une fois arrivé à un certain degré de développement, (entre peu à peu en action; mais les premières manifestations de son activité sont très obscures. Les impressions qu'il est susceptible d'éprouver de bonne heure sont de simples impressions tactiles qui se traduisent par des mouvements plus ou moins appréciables. On sait que, chez les vaches et les juments, après l'inges- tion d'une grande quantité d'eau froide, le fœtus, dès la fin du second tiers de la gestation, et surtout dans les derniers mois, exécute des mouvements parfois assez prononcés pour être reconnus en appliquant la main sur les parois abdo- minales. Ces mouvements réflexes ou automatiques peuvent déterminer des tor- 996 DE LA GÉNÉRATION. sions du cordon ombilical et devenir même une cause prédisposante de l'avorte- ment. Ayant eu l'occasion d'ouvrir vivante une jument, deux à trois mois avant le terme delà gestation, j'ai \u, aussitôt après Tincision des parois abdominales de la mère, le fœtus se débattre vivement dans l'utérus sans qu'il y fut sollicité par des excitations extérieures; il se déplaçait en masse et agitait la tête ou les membres dès qu'on venait à lui pincer quelques parties du corps à travers l'uté- rus et ses enveloppes; mais il cessa d'exécuter aucun mouvement un quart d'heure après avoir été séparé de sa mère et dégagé de ses membranes. Wrisberg avait déjà vu un embryon humain de cinq mois qui, hors de la matrice, ployait et allongeait les membres. Les mouvements du fœtus doivent être certainement très marqués, même assez énergiques à l'époque du part, car à ce moment le fœtus change da position pour se préparer à franchir les détroits du bassin. Aussi le fœtus des solipèdes qui, pendant toute la durée de la gestation, a eu l'abdomen tourné en haut et les membres postérieurs logés dans la plus grande des deux cornes utérines, se retourne de manière à avoir le ventre, les membres en bas, et le cordon ombi- lical sur l'un des côtés du corps. Du reste, le fœtus, à partir d'une époque assez reculée, peut exécuter des mou- vements de déglutition, car il avale les poils tombés dans les eaux de l'amnios, poils qu'on retrouve souvent en qualité notable dans son estomac. Al)soi:*l)tiou« — Les phénomènes de l'absorption jouent un rôle considérable dans le développement de l'œuf des ovipares et des mammifères. Dès que l'œuf microscopique des mammifères est parvenu dans l'utérus, son enveloppe vitelline ou sa zone transparente se hérisse de prolongements déliés, devillosités sans vais- seaux, qui s'imprègnent des fluides exhalés par la muqueuse utérine et les trans- mettent de proche en proche aux feuillets du blastoderme. A cette première période, la surface absorbante est infiniment petite, aussi l'accroissement de la masse de l'œuf est-il très lent. Cependant cette légère absorption suffit pour augmenter de quarante à cinquante fois le volume de l'œuf avant que les feuillets delamembraneblastodermique et l'aire germinative soient entièrement formées. Plus tard, lorsque la vésicule ombilicale s'est constituée au dépens des feuil- lets muqueux et vasculaire du blastoderme, les vaisseaux de cette vésicule absor- bent des matières dissoutes qui viennent s'ajouter à la masse des éléments néces- saires à l'accroissement de l'embryon, matières prises à la fois dans la vésicule même, surtout dans les ovipares, où elle renferme le jaune, et en dehors d'elle chez les mammifères, où le contenu [vitellin n'a, au début, que des proportions très exiguës. Enfin, une fois que le chorion définitif est organisé avec ses myriades de papilles vasculaires, dont l'ensemble forme les placentas disséminés ou agglomérés, l'ab- sorption prend une nouvelle activité : elle va puiser sur toute l'étendue de la muqueuse utérine et dans l'épaisseur de son tissu tous les éléments de la nutri- tion du fœtus. Ceux-ci sont immédiatement recueillis par les vaisseaux desvillo. sites placentaires, transformés en fluide nutritif, en véritable sang, puis transmis à l'embryon par les veines ombilicales. A ces trois phases successives, l'absorption saisit en dehors de l'œuf tout ce VIE EMBRYONNAIRE. 997 qui doit être ajouté à la masse primitive de ce dernier pour subvenir aux besoins des diverses formations embryonnaires. Aux deux premières, l'absorption étant très restreinte, elle ne peut qu'entretenir un développement très lent; mais à la dernière, qui embrasse presque toute la durée de la vie utérine, elle emprunte à la mère une masse énorme de matériaux, autant qu'il peut en être employé par le travail de plasticité. Outre cette absorption, qui s'opère, pour ainsi dire, en debors de l'œuf, il en est encore d'autres qui s'effectuent dans les enveloppes pleines de liquides, dans l'amnios, l'allantoïde, au sein des organes et des tissus de l'embryon lui- même. Cir<*iila,tioii. — Nous avons vu, en jetant un coup-d'œil sur le développe- ment du système vasculaire de l'embryon, que la circulation doit s'effectuer, à l'origine, suivant un mode bien différent de celui qui lui appartient pendant tout le reste la vie fœtale. Fjg. 245. — Vaisseaux du foie d'un fœtus de jument à mi-terme (*). Aux premières périodes du développement embryonnaire, toute la circulation est confinée dans l'aire vasculaire. Le cœur, placé sous la partie antérieure de (*) A, veine cave postérieure ; B, veine porte; C, veine ombilicale; D, anastomose du tronc de la veine ombilicale avec celui de la veine porte. 998 DE LA GÉNÉRATION. l'embi-von, reçoit le sang par deux troncs veineux, et il le lance par deux troncs artériels. Les \eines le puisent dans l'embryon et dans le sinus terminal qui borde Taire vasculaire; les artères le distribuent également en partie à l'embryon, en partie à cette aire, aux dépens de laquelle se formeront le canal intestinal et la vésicule ombilicale. Une fois que ces deux organes sont constitués, le sang, chassé du cœur par les arcs aortiques et leurs divisions, se distribue à toutes les parties, puis il parvient à la vésicule vitelline par l'artère omphalo-mésentérique née en commun avec le tronc artériel de l'intestin. Il revient de la vésicule par la veine omphalo-mésentérique, qui, au niveau du foie, se joint à une partie des veines de l'embrvon pour former le tronc de la veine cave inférieure. Cette première forme de la circulation est antérieure à l'établissement des connexions vascu- laires entre l'œuf et la mère ; mais elle persiste plus tard comme une annexe à la suivante tant que la vésicule ombilicale n'a pas disparu. La seconde forme de la circulation, qui doit durer jusqu'à la naissance, n'est qu'une simple extension de la première, sur laquelle elle se greffe en quelque sorte, et avec laquelle elle peut coïncider encore très longtemps. Son origine est liée au développement de l'allantoïde et des vaisseaux satellites de ce vaste réser- voir membraneux. En effet, lorsque l'allantoïde se détache du tube intestinal et se porte à la face interne du chorion, en sortant par l'ouverture ombilicale, il naît des troncs iliaques internes deux artères qui l'accompagnent et envoient à travers le chorion une infinité de divisions dans les papilles pla- centaires. A côté de ces artères se développent deux veines qui se rendent au foie par un tronc commun, et de là dans la veine cave postérieure. De cette ma- nière, le champ de la circulation prend une étendue considérable : il y a, d'une part, des vaisseaux qui prennent dans le placenta les matériaux fournis par la mère, les conduisent à l'embryon; et, d'autre part, des vaisseaux qui rapportent du fœtus dans le placenta Texcédent de ces mêmes matériaux. Mais suivons avec soin cette circulation telle qu'elle s'opère pendant la plus grande partie de la vie fœtale. Le sang que les radicules des veines ombilicales puisent dans le placenta progresse de la périphérie de l'œuf vers son centre, du chorion vers le fœtus ; il arrive dans le tronc unique de la veine ombilicale, de là dans le foie, oii cette veine va se plonger. Là, il se mêle à celui que la veine porte, ramène des viscères digestifs, car chez tous les mammifères le tronc de la veine om- bilicale s'anastomose à plein canal avec celui de la veine porte, ou, en d'autres termes, ces deux vaisseaux, en entier s'abouchent l'un dans l'autre, comme on (•) A, -veine ombilicale; B, anastomose de celte dernière avec la veine porte; C, \eine porte; û. canal Teiaeux ; E, veine cave postérieure. Fjg. 246. — Foie d'agneau à terme (*). VIE EMBRYONNAIRE. 999 le voit par la figure 245, représentant l'appareil vasculaire hépatique d'un fœtus de solipède. Parvenu dans le foie, le sang veineux ombilical ne se mêle pas seulement à celui de la veine porte provenant des viscères intestinaux, il se mêle encore à celui de la veine cave postérieure dérivé de toute la moitié correspondante du corps, et ce nouveau mélange s'opère de deux manières : directement, par le canal veineux étendu (fig. 246) entre la jonction de la veine ombilicale avec la veine porte et le tronc de la veine cave postérieure ; indirectement parle système capillaire qui unit les veines sous-hépatiques avec les sus-hépatiques ouvertes dans le tronc de la veine cave. Cette dernière voie, assez longue, oblige le sang qui la suit à traverser par mille canaux déliés la substance du foie ; elle existe chez les fœtus de solipèdes, où je n'ai jamais trouvé trace de canal veineux; néanmoins, celui- ci doit y exister dans les pre- miers temps de la vie embryon- naire, puisqu'il est formé par la veine omphalo-mésentérique elle- même. De la veine cave postérieure, le sang placentaire, déjà deux fois mêlé au sang veineux d'une grande partie du fœtus, arrive dans l'oreillette droite du cœur, où il se mêle à celui de la veine cave antérieure et de l'azygos dont il était demeuré jusqu'ici isolé ; et ainsi ce sang placentaire ou ombilical se trouve complète- ment confondu avec cefui des veines de toutes les parties du fœtus. De l'oreillette droite du cœur, où tout le sang est amené, il passe en partie dans l'oreillette gauche par le trou de Bolal (fig. 247) dont la cloison interauri- culaire est percée, et il y passe sans que la valvule qui borde les deux tiers de la circonférence de celte ouverture y mette obstacle, car cette valvule mince, souple et fort large s'ouvre de l'oreillette droite vers la gauche, comme aussi de la gauche vers la droite, mais beaucoup mieux et plus complètement dans le premier sens. Lorsque les deux oreillettes sont remplies, le contenu de chacune d'elles Fig. 247. - Cœur de fœtus de vache vu à droite (*). (**) A, oreillette droite; 'S, veine cave antérieure; f, paroi de la veine cave postérieure ouverte; D, oreillette gauche; È, trou de Botal; F, la valvule; G, aorte primitive; H, canal artériel; /, artère pulmonaire. 1000 DE LA GENERATION. passe dans le ventricule correspondant au moment de leur resserrement simultané et dès que les ventricules viennent à effectuer leur systole, le sang du droit s'en- gage dans l'artère pulmonaire, et celui du gauche dans l'aorte primitive; mais comme les branches de l'artère pulmonaire sont très petites et que le tissu du poumon, qui ne fonctionne pas encore, est peu perméable, le sang qui est entré dans l'artère pulmonaire passe en grande partie dans l'aorte, en traversant le canal artériel étendu entre le tronc de l'artère pulmonaire et l'aorte, canal énorme, plus large même que le premier des deux troncs qu'il fait communiquer ensemble. t- /' 1-^ M f JO FiG. 248. — Circulation du fœtus. Une fois dans le tronc aortique, le sang en parcourt les branches et les ra- meaux; il va par l'aorte antérieure dans les membres thoraciques, le cou et la tête ; par l'aorte postérieure dans tout le reste du corps. De plus, une partie du sang de l'aorte postérieure parvenu dans les iliaques internes, s'engage dans les deux artères ombilicales qui longent la vessie et l'ouraque, puis il est ramené par les divisions de ces artères dans le placenta d'oi!i il était parti. Cet itinéraire du cours du sang, déjà indiqué par Harvey pour le fœtus comme pour l'adulte, a fait le sujet de quelques difficultés parmi des anatomistes célè- bres, mais seulement en ce qui concerne le rôle du trou de Botal et du canal artériel. Du\erney\ dans sa dispute avec Méry, soutenait avec raison que la 1. Du Verney, Mémoires de V Académie des scie^ices, 1699, p. 253 et suiv. VIE EMBRYONNAIRE. 1001 valvule du trou ovale était disposée de manière adonner un libre passage au sang FiG. 249. — Circulation du fœtus humain (Martin Saint-Ange) {*). (*) H, veine ombilicale se terniinaot aux -veines sous-hépatiques D et à la veine porte F; E, veine cave inférieure; B, artère pulmonaire; A, aorte; L M, artères ombilicales se rendant au placenta N ; K, vessie. 1002 DE LA GÉNÉRATION. de la veine cave dans l'oreilletle gauche; mais il avait tort en prétendant que la valvule empêche complètement le sang de cette oreillette de revenir dans la droite. Depuis, Bertin, Sabatier, Bichat, qui sont revenus sur ce point, n'ont signalé aucune disposition anatomique qui soit de nature à modifier le cours du sang dans les diverses cavités du cœur. Ainsi, le sang puisé dans les placentas A (fig. 248) est amené par les deux veines ombilicales B'B', qui se réunissent en un tronc commun B pour pénétrer dans le foie, Dans cet organe, le sang se mêle à celui de la veine porte D, par l'anastomose G, qui a lieu entre ces deux vaisseaux ; de là, une partie de ce sang passe par le canal veineux E, dans la veine cave postérieure F, l'autre passe dans cette dernière par l'intermédiaire des veines hépatiques; il arrive directe- ment dans l'oreillette droite, et indirectement dans la gauche par le trou de Botal, descend dans le ventricule droit G, qui le lance dans l'artère pulmonaire H et dans le gauche, qui le chasse dans l'aorte JJ. Une grande partie de celui de la première passe dans la seconde par le canal artériel 1; entîn, de l'aorte, il est renvoyé au placenta par les artères ombilicales K, qui s'anastomosent en L à l'extrémité périphérique du cordon. D'après cela, il est manifeste que le sang placentaire se mêle plusieurs fois avec celui du fœtus : une première fois à l'anastomose de la veine ombilicale avec la veine porte ; une seconde fois, à l'abouchement du canal veineux et des veines hépatiques dans le tronc de la veine cave postérieure ; une troisième fois, dans les oreillettes par l'intermédiaire du trou ovale; et une quatrième dans le tronc de l'aorte et de l'artère pulmonaire par le canal artériel. Ce mélange si répété est intime et il a lieu entre le sang placentaire et celui de toutes les par- ties du fœtus sans exception : dans le foie entre le sang placentaire, celui de la veine porte dérivé des viscères digestifs, et celui de la veine cave postérieure émané de la moitié postérieure du corps; dans le cœur entre ce sang déjà mixte et celui de la veine cave antérieure recueilli dans la moitié antérieure du corps ; enfin, dans l'aorte et l'artère pulmonaire. La circulation fœtale est donc une circulation de reptile exagérée, car, chez le reptile, le sang artériel se mêle seu- lement une fois au sang veineux, et en un seul point de son trajet, c'est-à-dire dans les cavités du cœur. Ainsi circule le sang du fœtus et de ses annexes. Mais cette circulation est- elle continue à celle de la mère ou en est-elle isolée? Est-ce le sang des artères utérines qui passe dans les vaisseaux du fœtus pour revenir de ceux-ci aux veines utérines? Vieussens, Haller, Sénac et la plupart des anciens physiolo- gistes croyaient que le sang de la mère était le même que celui du fœtus, et qu'il passait directement des vaisseaux de l'une dans ceux de l'autre : cela paraissait si naturel et si simple qu'on ne songeait pas à en chercher des preuves. Cependant, tout démontre que la circulation de la mère n'est pas continue à celle du fœtus et que le sang maternel ne passe pas à l'embryon. Flourens\ en cherchant à élucider cette question, avait cru pouvoir diviser les mammifères en deux grandes classes, l'une comprenant la femme, les ron- 1. Flourens, Cours sur la rjénération, l'ovologie et l'embryologie, Paris, 1836, p. 131. VIE EMBRYONNAIRE. 1003 geurs, les carnassiers à placenta unique, chez lesquels il y aurait une commu- nication évidenle entre les vaisseaux du l'ietus et ceux de la mère ; l'autre ren- fermant les animaux à placenta multiple, les pachydermes, les solipèdes et les ruminants, où il n'y a nulle trace d'une telle communication. Cette distinction se fondait : 1° sur ce que, suivant les animaux, les injec- tions fines passeraient ou ne passeraient pas des vais- seaux utérins à ceux du fœtus ; 2" sur ce que le décolle- ment artificiel du placenta serait ou ne serait pas accom- pagné d'hémorrhagie. Or, les injections ne passent pas de la mère au fœtus, ou si elles passent en partie, c'est par transsudation, à travers les parois vasculaires, ou par déchirure de celles-ci; ensuite si l'on sépare, sur l'animal vivant, le placenta d'avec l'utérus, il y a effu- sion sanguine, quelque précaution que l'on prenne, aussi bien sur les animaux à placenta unique que sur les autres, comme je m'en suis assuré sur la chienne et la vache. Du reste, les observations anatomiques de Weber, de Bischofî, de Wagner, d'Eschricht, et d'autres micro- graphes habiles démontrent, du côté de l'utérus, que les placentaire (M artères se continuent avec les veines sans offrir d'orifices libres à leurs extrémités, et du côté du placenta, que les artères ombilicales, arrivées au sommet des villosités (fig. 250), se recourbent en arcades et se con- tinuent avec les veines ombilicales. Il n'y a donc nulle continuité, nulle commu- nication directe entre les vaisseaux de la mère et ceux du fœtus ; par conséquent, le sang de la mère ne passe point au fœtus, et celui du fœtus ne revient point à la mère. C'est donc à travers les parois des vaisseaux de l'utérus et du placenta, à leurs points de contact, que doivent passer de la mère au fœtus les matériaux néces- saires au développement de ce dernier ; c'est à travers ces parois minces et très perméables que le fœtus renvoie à sa mère les matériaux qui ne lui conviennent plus; enfin, c'est à travers ces vaisseaux que s'opère un échange indispensable au maintien de la constitution normale du sang fœtal. Mais sous quelle forme les matériaux nutritifs fournis par la mère passent-ils au fœtus, et à quel état se trouve ce que le fœtus rend à la mère? Évidemment, le sang en nature, avec son plasma et ses globules, ne peut tra- verser les vaisseaux, soit pour passer de l'utérus au placenta, soit pour revenir du placenta à l'utérus. Le plasma seul est susceptible de s'échapper ainsi de ses vaisseaux les plus fins, comme il le fait, sans exception, dans tous les tissus de l'organisme pour les besoins de la nutrition et des sécrétions. Or, comme ce plasma renferme la fibrine, l'albumine, les matières grasses, les matières solides du sang, et même une certaine quantité de fer, il peut, en entraînant avec lui de l'oxygène, donner aux placentas tous les éléments à l'aide desquels ces organes reconstitueront immédiatement un sang nouveau. Ce plasma, par lui-même, (•) A A, artérioles et veinules s'anastomosent à l'extrémité de la villosité; B B, contour de la villosité (E. H. Wœber). 1004 DE LA GÉNÉRATION. renferme tout ce qu'exige le travail d'assimilation: c'est du sang auquel il man- que seulement des globules dont la formation peut fort bien avoir lieu dans le tissu placentaire. Le plasma sort des vaisseaux utérins tapissés d'épithélium pour rentrer dans ceux du placenta qui possèdent un revêtement de même nature. Ce double pas- sage se fait probablement comme pendant la vie extra-utérine, dans le travail ordinaire de la nutrition, malgré la difficulté qu'éprouvent les matières albumi- noïdes à traverser les membranes vasculaires ou autres. Rien n'indique que l'albumine, pour passer, prenne la forme de peptones comme l'ont supposé certains observateurs allemands. Cependant, à en croire quelques physiologistes, les choses se passeraient d'une manière bien différente. Déjà, d'après Duverney^, les cotylédons utérins seraient de véritables glandes destinées à séparer un suc particulier que le pla- centa absorberait pour la nutrition du fœtus. Eschricht dit que les glandes utri- culaires ou les follicules de la matrice sécrètent un fluide blanchâtre un peu épais, dont l'altsorption est efi"ectuée par les vaisseaux du placenta et duchorion. Prévost et Morin, qui partagent cette opinion, ont analysé ce prétendu suc pro- venant des cotylédons de ruminants : ils y ont trouvé de l'albumine, de la fibrine, de la matière colorante du sang, une matière caséiforme, une matière gélatineuse, de l'osmazôme, de la graisse et diflerents sels. Une telle manière de voir ne repose que sur une illusion : le prétendu suc utérin ou cotylédonaire est sim- plement un produit de décomposition cadavérique. En effet, le suc blanchâtre, épais, qu'on voit dans certaines conditions chez la truie, la jument, la vache, la brebis, entre l'utérus et le chorion, entre les cotylédons et les placentas, ne s'y trouve pas pendant la vie, ainsi que je m'en suis assuré, de la manière la plus évidente, en ouvrant l'utérus d'une jument et d'une vache pleines ; ce suc ne s'y trouve pas même immédiatement après la mort, comme je l'ai constaté maintes fois sur les vaches et les brebis sacrifiées dans les abattoirs à toutes les périodes de la gestation. Enfin, on n'y en ren- contre pas six, douze, vingt-quatre heures et quelquefois plus après la mort, quand la température ambiante n'active pas la décomposition. Mais, au con- traire, et ceci a une signification très nette, dès que les placentas se désengrè- nent spontanément, ou sous l'influence de la moindre traction, c'est-à-dire vingt-quatre, quarante-huit heures après la mort, plus ou moins, suivant la température extérieure, on voit le suc blanchâtre ou jaune rosé eu grande quantité entre le chorion et la muqueuse utérine, baignant les faces correspon- dantes de ces membranes ; de plus, en pressant les placentas et cotylédons, on en exprime une grande quantité de ce suc, et d'autant plus que la décomposi- tion a fait plus de progrès. On voit même, à un certain moment, surtout chez la chèvre et la brebis, la substance propre des cotylédons se résoudre en cette bouillie, si bien qu'il ne reste plus rien de ces organes, auparavant fermes et très épais. Tout cela prouve clairement, si je ne me trompe, que le suc utérin, le suc cotylédonaire, est un produit du ramollissement, de la dissolution pro- 1. Du Verney, Œuvres anatomiqucs, t. I, p. 538. VIE EMBRYONNAIRE. 1005 gressive de la muqueuse utérine, de ses cotylédons et des placentas eux-mêmes. Aussi n'est-il pas étonnant qu'on trouve dans ce produit de l'albumine, de la caséine, des matières grasses, des sels et autres substances qui entrent dans la composition des tissus utérins, placentaires, et dans celle du sang dont ceux-ci sont imprégnés. Le suc placentaire ou le lait fœtal dont j'ai toujours nié l'exis- tence avant le début du travail de décomposition est maintenant considéré par tout le monde comme une fiction sur laquelle il n'y a pas lieu de s'arrêter. A coup sûr, si la muqueuse utérine sécrète un suc pour la nutrition du fœtus, ce n'est pas celui dont il vient d'être question. Quelles que puissent être la nature et la forme des matériaux donnés par la mère au fœtus, il est certain que ces matériaux, dès qu'ils sont saisis par les villosités placentaires, sont transformés par elles immédiatement en un sang homogène dont les caractères et la composition n'ont pas encore été déterminés avec soin, et comparativement avec les caractères et la composition du sang maternel. C'est ce sang qui, après avoir été distribué au fœtus, employé partiel- lement à sa nutrition et à ses diverses sécrétions, revient au placenta se charger de nouveaux matériaux et se revivifier en absorbant de l'oxygène au sang de la mère. Puisque le système vasculaire du fœtus est parfaitement distinct et isolé de celui de la mère, il faut que la circulation fœtale soit déterminée et réglée par les contractions du cœur du fœtus. C'est en effet ce qui a lieu. Le cœur, dès le mompnt de son apparition, sous la forme d'un canal cylindrique, au début de la vie embryonnaire, se dilate et se resserre alternativement pour recevoir le sang des veines et le chasser dans les artères. Les observations très intéressantes de Nœgelé ont appris qu'il n'y a nul rapport entre le nombre des battements car- diaques du fœtus et celui de ces mêmes battements chez la mère. Ce savant est arrivé par l'auscultation, c'est-à-dire en appliquant l'oreille sur l'abdomen delà mère, à reconnaître les deux bruits du cœur du fœtus, celui de la diastole et celui de la systole; il a constaté qu'en moyenne le cœur du fœtus bat 135 fois par minute, jamais plus de 180 fois ni moins de 90; enfin il a remarqué que le nombre des battements de cet organe est sensiblement le même depuis l'âge auquel ils sont perceptibles (quatre mois et demi) jusqu'au moment de la naissance. Ayant eu l'occasion d'ouvrir vivantes une jument pleine de neuf à dix mois et une xache dont la gestation pouvait dater de trois mois, j'ai pu faire quelques observations à cet égard. Lorsque l'utérus de la jument eut fait hernie à travers la longue incision pratiquée à la ligne blanche de la mère, j'ouvris l'utérus, le chorion, l'allantoïde et l'amnios pour mettre à découvert le fœtus. Celui-ci, qui se déplaçait avec vivacité, se mit à respirer profondément et à de rares inter- valles : les artères ombilicales et la veine du même nom donnèrent du sang par de petites piqûres faites à leurs parois ; les premières battaient avec une cer- taine force et leurs pulsations étaient fort rapprochées. Une fois que le cordon fut coupé en travers et lié, le fœtus parut mort : il n'y eut plus de mouvements spontanés et la respiration cessa. J'ouvris à ce moment le thorax et la cavité abdominale. Le cœur se contractait spontanément, avec force, et l'on sentait très distinctement les pulsations de l'aorte et des artères ombilicales. D'abord, 1006 DE LA GÉNÉRATION. les contractions des oreillettes alternaient régulièrement avec celles des ventri- cules, comme à l'état normal ; mais bientôt, ainsi que cela arrive sur les ani- maux expirants, les oreillettes se contractaient plusieurs fois de suite avant qu'il s'effectuât une contraction des ventricules : on eût dit qu'il fallait plusieurs systoles des oreillettes pour remplir les cavités des ventricules ; à chaque con- traction, les oreillettes diminuaient beaucoup de volume, se vidaient à peu près complètement et devenaient très pâles : elles reprenaient leur teinte rouge vio- lacée lors de leur diastole. Sur la tin, le rhytlime des mouvements de l'organe se pervertit tout à fait: les ventricules et les oreillettes éprouvèrent simultanément des contractions fibrillaires très rapprochées, mais de plus en plus faibles. Elles cessèrent une demi-heure après que l'on eut ouvert le thorax. La vache sur laquelle je pus étudier la circulation fœtale eut le flanc large- ment incisé et une corne utérine attirée hors de l'ouverture. Quelques placentas furent séparés très difficilement de leurs cotylédons et saignèrent ensuite de même que ces derniers. Lorsque le cordon ombilical eut été mis à découvert, on sentait très distinctement les pulsations de ses artères fortement tendues : la compression de celles-ci les faisait gonfler entre le fœtus et le point comprimé, remarque autrefois faite par Waleus et indiquée dans une lettre à Bartholin. Lorsque le fœtus fut retiré de la matrice, il ne fit, comme avant, aucun mouve- ment appréciable, mais il n'avait que de trois à quatre mois. La poitrine ayant été ouverte, laissa voir les mouvements du cœur avec les caractères qu'ils pré- sentaient sur le fœtus de jument. Il y eut 31 pulsations dans la première minute qui suivit Touverture du thorax, 18 à la troisième, 11 à la quatrième, 21 à la cinquième : elles cessèrent au bout de vingt-cinq minutes. Dans ces deux expériences, et dans d'autres faites sur de petits animaux, il m'a été impossible de reconnaître une différence de coloration entre le sang des artères et celui des veines ombilicales qui, tous les deux, m'ont paru présenter une teinte intermédiaire à celle du sang veineux et du sang artériel de l'adulte. Cette différence, qui semble devoir exister et que Hérissant, Swammerdam, Blumenbach, ont cru reconnaître, peut-être sur des animaux qui avaient déjà fait quelques inspirations, n'a pu être appréciée par Haller, Hunter, Bichat, Millier, et d'autres observateurs habiles. Si la différence existe, elle doit être très légère et pour ne pas se faire d'illusion à cet égard il importe de recueillir en même temps les deux sangs sur des fœtus qui n'ont encore fait aucune inspi- ration dans l'air et de les comparer sur-le-champ; car celui des deux sangs recueilli le premier devient sensiblement plus vermeil que l'autre dès qu'il est laissé quelques instants au contact de l'oxygène atmosphérique. Respira-tiou. — Il est hors de doute que l'embryon, à toutes les phases de son développement absorbe et consomme de l'oxygène ou, en d'autres termes, qu'il respire. On sait, en effet, depuis les expériences de Spallanzani, que l'œuf des oiseaux absorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbonique. L'absorption de l'oxygène augmente à mesure que l'incubation avance. Preyer a constaté que, dans l'œuf de poule , le dégagement d'acide carbonique est quadruple à la deuxième semaine de ce qu'il était à la première et décuple, à l'éclosion, de ce qu'il était au début. VIE EMBRYONNAIRE. l(l()7 L'absorption d'oxygène et le dégagement d'acide carbonique ne sont point chez les mammifères, des actes isolés comme chez les ovipares. L'oxygène arrive au fœtus avec le sang maternel et l'acide carbonique est renvoyé à la mère avec le sang fœtal, Le sang du fœtus a de l'hémoglobine comme celui de l'adulte et cette matière passe à l'état d'oxyhémoglobine sans doute en vertu d'affinités mises en jeu comme elles le sont pendant la vie extra-utérine. La respiration finale est une respiration placentaire qui a quelque analogie avec la respiration branchiale, en ce sens que les produits gazeux absorbés elexhalés sont à l'état de dissolution. Habituellement elle n'est pas assez active pour modifier sensible- ment la teinte du sang, rendre le sang de la veine ombilicale beaucoup plus l'ouge que celui des artères de ce nom. Néanmoins on dit avoir vu, dans les cas où la respiration fœtale est entravée, le sang redevenir plus foncé. On prétend aussi qu'il noircit par le fait des mouvements augmentant sensiblement la pro- duction de l'acide carbonique dans le système musculaire. On conçoit que le fœtus s'asphyxie lorsque les emprunts au placenta cessent ou lorsque le sang de la mère ne lui apporte plus une quantité suffisante d'oxy- gène ou encore lorsque le sang lui cède de l'oxyde de carbone, comme on l'a vu, dit-on, dans certaines conditions expérimentales. ]¥titritîoii. — La nutrition de l'embryon et de ses annexes a lieu incontes- tablement aux dépens du sang placentaire chez les mammifères et du sang formé avec les matériaux de l'œuf chez les ovipares ; cependant on a prétendu que le fœtus trouvait ailleurs les matériaux de son développement. Les anciens, et à leur suite beaucoup de modernes très célèbres, Harvey, de Graaf, Boerhaave, Heister, Haller, pensaient que le fœtus se nourrissait des eaux de l'amnios ingérées dans les voies digestives par suite d'une véritable déglutition. Yieussens, Buffon, Lobstein, attribuaient aussi le même usage au fluide amniotique absorbé par la peau au lieu d'être pris par la bouche. Cette opinion s'était étayée de plusieurs faits qui n'ont pas une grande valeur, comme le mouvement de déglutition que l'on aurait vu effectué par des fœtus encore dans leurs enveloppes, la présence d'un glaçon étendu depuis les eaux de l'am- nios jusqu'à l'estomac, sur des fœtus que Heister avait soumis à la congélation; la présence de poils dans les liquides gastriques ou intestinaux, dernière parti- cularité fort commune chez les animaux. Mais tout cela est loin de prouver suf- fisamment la nutrition du fœtus aux dépens du fluide amniotique. H peut très bien se faire que cette liqueur soit déglutie en certaine proportion par le fœtus parvenu à un certain âge, car j'ai trouvé souvent de petites touffes de poils dans les liquides de l'estomac de fœtus pendant le dernier tiers de la gestation, et même du méconium quelque temps avant l'époque de la naissance. Ce liquide peut être dégluti dans le but de dilater le tube intestinal, d'atténuer l'action de la bile accumulée dans l'intestin, et même de céder certains principes à l'assi- milation. C'est à cela, probablement, que se borne le rôle du fluide dégluti. Ce fluide contient trop peu de principes nutritifs pour remplir la destination qu'on lui prête, et d'ailleurs les faHus qui sont, comme ceux privés de bouche, dans l'impossibilité de l'avaler, ne se développent pas moins. Quel que puisse être le rôle de la petite quantité de fluide amniotique reçue 1008 DE LA GÉNÉRATION. dans les voies digestives du fœtus, il n'en est pas moins certain que le dévelop- pement si rapide du fœtus se fait aux dépens des matériaux placentaires. Tous ces matériaux entrent par absorption chez les mammifères dont l'œuf (^reffé sur l'utérus, se nourrit à peu près comme le végétal implanté dans le sol. Et, en définitive, ils n'ont rien de particulier, puisqu'ils sont empruntés au sang qui les offre aux tissus et aux liquides du fœtus, comme il les offre aux tissus et aux liquides de l'animal pendant la vie extra-utérine. Il les donne d'abord pour cons- tituer le sang qui représente de la dixième à la treizième ou quatorzième partie du poids du fœtus, puis le sang les emploie à la constitution des éléments ana- tomiques et des tissus, suivant les modes et les lois dont il a été question plus haut. La nutrition embryonnaire suppose nécessairement des échanges incessants et des actions chimiques analogues à celles qui s'accomplissent chez l'adulte, oxydations, combustions incomplètes, dédoublements, actions dont les produits s'accumulent en partie dans le fœtus et ses annexes ou sont renvoyés à la mère par l'intermédiaire de la circulation placentaire. Les carbures éliminés par le foie s'emmagasinent dans le tube digestif^ les matières azotées, urée, acide urique expulsées parles reins, tombent dans le sac allantoïdien ou dans l'amnios. Avec les matériaux indispensables à sa nutrition, le fœtus peut en emprunter éventuellement d'autres à la mère, utiles ou nuisibles. Toutes les substances solubles, diffusibles, dialysables sont dans ce cas; ainsi, les médicaments, les poisons, les anesthésiques tels que le chloroforme. Les matières susceptibles de transformation peuvent se comporter comme sur l'adulte, et, par exemple, l'acide benzoïque se convertir en acide hippurique. Sécrétions. — Beaucoup d'organes glanduleux jouissent déjà de très bonne heure, pendant la vie fœtale, d'une très remarquable activité : les glandes de l'estomac et de l'intestin, le foie, les muqueuses des voies aériennes, les reins, rentrent dans cette catégorie. Parmi les glandes annexées à l'appareil digestif, celles des premières -voies sont peu actives; elles se bornent à fournir des mucosités qui enduisent la muqueuse de la bouche et de l'œsophage ; mais de très bonne heure l'eslomac se remplit d'un fluide blanchâtre, ou plutôt incolore, visqueux, dans lequel il y a une grande proportion de cellules épithéliales et de noyaux de cellules. J'en ai trouvé 229 grammes dans l'estomac d'un poulain à terme, et 150 à 180 grammes dans celui des agneaux, à la même époque, 200 à 300 grammes dans l'estomac des veaux, vers le milieu de la gestation, et 500 à 600 grammes dans celui des veaux à terme, quelquefois même davantage. Ce fluide a cela de remarquable qu'il est neutre ou faiblement alcalin, et qu'il renferme, chez les fœtus de soli- pèdes et de ruminants, surtout pendant les deux derniers mois de la gestation, une très grande quantité de sucre, comme je l'ai annoncé le premier dans une communication à l'Académie des sciences. Ce fluide doit être considéré, non comme un simple produit de la sécrétion gastrique, mais comme un mélange, en proportion indéterminée, de ce produit et du liquide amniotique qui peut être dégluti par le fœtus. La plupart des organes sécréteurs de l'appareil digestif se préparent même de bonne heure, pendant la vie fœtale, au rôle qui leur est dévolu plus tard. VIE EMBRYONNAIRE. lÛOi) Langendoriï dit avoir trouvé de la pepsine dans la muqueuse de l'estomac des fœtus d'herbivores, dès le troisième ou le quatrième mois ; mais le fait a été contesté par d'autres observateurs. Les glandes salivaires, bien avant la nais- sance, renferment déjà le ferment qui convertit la fécule en sucre. Ces glandes, d'ailleurs, sont aptes, pendant la vie fœtale, à remplir leur rùle d'organes d'élimination. Le ferrocyanure de potassium, absorbé dans le sac amniotique, a été retrouvé très vite dans l'intestin et en quantité plus considé- rable qu'ailleurs. La sécrétion biliaire s'établit aussi de très bonne heure chez l'embryon, et y devient d'une abondance remarquable. Elle ne paraît pas, dans le fœtus humain, entrer en activité avant la naissance ; mais, à cette époque, on rencontre déjà, dans la vésicule des fœtus de vache, une petite quantité de bile claire ayant un léger reflet verdàtre. Au quatrième mois, le gros intestin de ces fœtus et de ceux des solipèdes est déjà plein de méconium reconnaissable, à travers les parois de l'intestin, par sa teinte verdàtre. La bile du fœtus, d'autant plus épaisse et plus colorée qu'on se rapproche davantage de la naissance, est fade et alcaline. M. Lassaigne, qui a analysé celle d'un fœtus de vache de six mois, y a signalé la présence de deux matières colo- rantes, du mucus, du carbonate et du chlorure sodiques, du phosphate de chaux, mais il n'y.a point trouvé de picromel. Mêlée aux fluides exhalés par l'intestin et à ceux qui parviennent dans cet organe, elle y forme la matière connue sous le nom de méconium, laquelle est composée, suivant Simon, cité par Bischoff", de: cholestérine, 16,00; matière extractive et résine biliaire, 10,40; matière caséeuse, 34,00; picromel, 6,00; matière verte, 4,00; cellules, mucus, albu- mine, 26,00. Ce méconium, peu abondant aux premières époques de la vie fœtale, a été trouvé blanc chez les fœtus dont le foie manquait, et chez d'autres dont l'intestin était oblitéré au-dessous de l'insertion du canal cholédoque. Il se trouve en forte proportion dans l'intestin au moment de la naissance et y présente une assez grande consistance. Un poulain à terme, dont l'estomac contenait 229 gr. d'un fluide visqueux, blanchâtre, m'a présenté 216 grammes de méconium gri- sâtre dans l'intestin grêle, et 559 grammes de méconium vert dans le gros intes- tin. Ce produit est souvent expulsé en certaine proportion pendant les derniers moments de la gestation dans les eaux de l'amnios, qu'il colore en jaune, et il est même alors dégluti et retrouvé en petites masses dans l'intérieur de l'es- tomac. La sécrétion biliaire parait remplir, chez le fœtus, un rôle de dépuration sur lequel on n'est pas fixé ; mais cette sécrétion n'est peut-être pas le seul produit de l'activité du foie. La sécrétion urinaire jouit aussi d'une certaine activité pendant la vie intra- utérine ; elle paraît même s'elïectuer par les corps de Wolfl' avant que les reins soient développés et aptes à fonctionner, car Jacobson a reconnu de l'acide urique dans le fluide allantoïdien des oiseaux avant l'apparition des reins, observation faite aussi par Prévost et Leroyer dans des conditions analogues. Mais ce n'est que vers la fin de la gestation qu'on trouve une quantité notable d'urine dans la vessie, et, d'après Dulong, de l'urée dans le liquide allantoïdien de la vache. G. COLIN. — Physiol. comp., 3* édit. II. — 64 1010 DE LA GENERATION. Les connexions de la vessie avec l'allantoïde ont fait regarder celle-ci comme servant de réservoir à l'urine du fœtus. Mais il est certain que le fluide allan- toïdien n'est point l'urine du fœtus, car sa proportion est relativement d'autant plus grande que le fœtus est plus jeune, et la communication entre la vessie et l'allantoïde devient d'autant plus étroite et moins perméable que le terme de la gestation approche davantage. Néanmoins, on conçoit que l'allantoïde puisse recevoir une certaine quantité d'urine, laquelle peut être également versée dans l'amnios de tous les animaux, surtout chez le fœtus humain , dont l'allantoïde disparaît de très bonne heure. Les reins jouent déjà, pendant la vie fœtale, le rôle d'organes éliminateurs. Ils versent, avec l'urine, des matières qui ne peuvent servir ni à la constitution du sang ni à celle des tissus. Wiener (de Breslau), en injectant à travers les parois abdominales de la chienne ou de la lapine, une solution colorée sous la peau du fœtus, a vu la matière entrer dans le rein, colorer, en passant, les épi- théliums des canaux urinifères et aussi l'urine. Le ferricyanure de potassium, injecté dans le sac amniotique, a été aussi éliminé par les organes urinaires. Quant aux corps thyroïdes, au thymus, à la rate, aux capsules surrénales, il est actuellement impossible de rien présenter de satisfaisant sur leurs fonctions pendant la vie fœtale, fonctions déjà si énigmatiques à l'âge adulte. En ce qui concerne le thymus dont le développement est si considérable, le rôle dont Hewson croyait cet organe chargé est peut-être le moins hypothétique parmi tous les usages qui lui ont été attribués. Néanmoins, suivant la remarque de Bischoff, si le thymus prend quelque part à la formation des globules du sang, ceux-ci peuvent se former sans lui, puisqu'ils apparaissent avant qu'il soit constitué. Calorîiicatîon. — Il est incontestable que les actions chimiques accomplies dans les liquides et les tissus des fœtus doivent produire de la chaleur ; mais cette chaleur, ens'ajoutant à celle que le fœtus emprunte à la mère parla conduc- tibilité et par le sang doit-elle lui donner une température propre? Wurster dit avoir trouvé au fœtus cinq dixièmes de degré de plus qu'en dehors de la matrice. Mais cette différence légère peut fort bien tenir à ce que, par sa situation, l'embryon se rapproche des parties centrales dont la température "est toujours nécessairement plus élevée que celle des superficielles. En tout cas, il est certain que la température de l'œuf des oiseaux demeure supérieure à celle de l'air ambiant, et que l'excès doit augmenter à mesure que l'incubation avance, car, d'après les observations de Preyer, la quantité d'acide carbonique produite augmente dans d'énormes proportions vers le terme de l'incubation. PARTURITIO.X. 1011 CHAPITRE LXXVl DE LA PARTURIÏION Le fœtus parvenu à un certain degré de développement, fixe dans chaque espèce, doit se séparer de ses annexes et sortir de l'utérus pour jouir d'une vie nou- velle très différente de celle dont il vient de parcourir toutes les phases. L'acte par lequel il est expulsé du sein maternel constitue l'accouchement, le part ou la parturition. L'époque de l'élimination du fœtus correspond, en général, au moment où l'animal peut vivre à l'extérieur aux dépens du lait maternel. Elle est réglée, à quelques jours ou à quelques semaines près, pour la plupart des espèces, mais elle peut être avancée ou retardée dans des limites considérables. On voit, en effet, dans l'espèce humaine, des accouchements prématurés donner à six mois un produit qui peut être viable ; mais, chez les animaux, le fœtus n'est apte à vivre qu'à une époque très rapprochée du terme normal. La cause delà parturi- tion à époque fixe dans les divers animaux n'est pas déterminée. On a cru la voir récemment dans le retour du travail de l'ovulation, retour qui, par sympathie, entraînerait le relâchement du col et les contractions utérines de l'accouchement. La parturition est précédée, chez toutes les femelles, de changements plus ou moins sensibles dans l'état général de l'organisme et dans celui des parties sexuelles. A partir du moment de la fécondation, le rut n'a plus reparu, l'excita- tion générale de la femelle s'est calmée. Celle-ci a perdu peu à peu de son ardeur ; il s'est manifesté une grande tendance à l'engraissement ; la vie végétative ou de nutrition a acquis une prédominance marquée sur la vie de relation ; les mouve- ments sont devenus de plus en plus lents, le ventre a pris un grand volume et s'est abaissé, le flanc s'est creusé. L'utérus, en augmentant de volume, a rempli une grande partie de la cavité abdominale ; il a déplacé une partie des viscères digestifs et s'est déplacé lui-même ; ses ligaments, allongés et .devenus très mus- culeux, lui ont permis de descendre sur les parois inférieures de l'abdomen, et de se rapprocher plus ou moins du diaphragme, suivant les animaux. Dans les derniers moments, les mamelles se gonflent et commencent à donner un 'lait jaunâtre, séreux ; la vulve et son pourtour s'sedématient, des mucosités s'écou- lent par son orifice; le col de l'utérus perd de sa fermeté et commence à s'ouvrir. Chez quelques femelles, celle du cochon d'Inde, d'après Legallois, la symphyse pubienne se gonfle, acquiert de la mobilité, et enfin ses deux moitiés s'écartent l'une de l'autre au point de permettre au doigt de passer entre elles ; mais rien de semblable à cette dernière modification ne paraît s'observer chez les ruminants et les solipèdes, car, chez les femelles adultes de ceux-ci, la symphyse est ossifiée et on la trouve à son état ordinaire sur celles qui meurent pendant ou après le travail de la mise bas. Lorsque le part est près de s'opérer, les femelles éprouvent un vague senti- IQ12 Dl^ LA GENERATION. ment (rinquicHudc et de malaise qui les porte à fuir le voisinage de Tliomme, celui des animaux, à se retirer dans des lieux écartés et sombres. Beaucoup d'entre elles font entendre des cris plaintifs et étouffés, d'autres conservent un mutisme absolu. La plupart des femelles carnassières cherchent à se faire un nid dans un lieu sombre, dans des feuilles, sur la paille ou sur le fourrage; celles qui font des petits nus et aveugles, comme la lapine, les rats et d'autres ron- deurs, mettent plus de soins encore à préparer le nid de leur progéniture; la lapine le garnit même de poil qu'elle s'arrache sous le ventre et sur le trajet des mamelles. Ces préparatifs se font d'ailleurs souvent, chez les femelles, au moment oi!i elles doivent mettre bas, si elles avait été fécondées; c'est presque la règle chez la lapine. Mais les grandes femelles de solipèdes et de ruminants, même lorsqu'elles sont laissées en liberté, ne paraissent guère s'inquiéter à cet égard. A des intervalles d'abord éloignés, la femelle éprouve des douleurs qui se tra- duisent par l'expression de la physionomie, par des déplacements sans but appa- rent, des plaintes sourdes et étouffées, des mouvements de la queue, des chan- gements de situation des membres postérieurs. Ces douleurs s'accompagnent de contractions utérines plus ou moins énergiques, d'efforts expulsifs de la part du diaphragme et des muscles abdominaux. Ces efforts poussent l'utérus en arrière vers le bassin, dilatent peu à peu le col de cet organe, font proéminer momen- tanément en arrière l'anus et la vulve. Insensiblement l'amnios et l'allantoïde, pressés par l'utérus et les parois abdominales, déchirent le sac du chorion et s'engagent en partie dans l'ouverture du col utérin pour y former ce qu'on appelle lapoche des eaux ; cette poche finit par franchir le vagin et sortir entre les lèvres de la vulve où elle se rompt après un temps plus ou moins considérable. Le fœtus ne tarde pas à se montrer en partie une fois que les enveloppes se sont déchirées, et même, comme cela arrive fort souvent, pendant qu'elles sont encore intactes. Sa position est alors, dans plusieurs animaux, très différente de celle qu'il a conservée dans l'utérus jusqu'aux derniers moments de la gestation. Pendant les premiers temps, le fœtus avait une situation peu définie en raison de la facilité de ses déplacements et du petit espace qu'il occupait dans la cavité utérine au milieu des fluides abondants de l'amnios. Plus tard, chez les soli- pèdes, il avait le ventre en haut, les membres postérieurs engagés dans la plus longue des cornes utérines, et les membres antérieurs, avec la tête, dirigés vers le col de l'utérus. Dans les ruminants, son ventre se trouvait tourné en bas, car, toujours cette région regarde la concavité des cornes, et la tête se trouvait éga- lement dirigée en arrière. Enfin, chez les femelles multipares, telles que la chienne, la chatte, la truie, tous les fœtus ont la tête dirigée du côté du col de l'utérus et l'abdomen vers la partie concave des cornes de cet organe, c'est-à-dire vers le bord qui donne attache aux ligaments larges et entrée aux vaisseaux. Néanmoins, Rainard * dit que chez ces derniers, il arrive que les fœtus aient une position inverse de la précédente. Dans ce dernier cas, l'inversion n'est pas com- plète; la tête, au lieu de regarder le col utérin, est tournée vers l'extrémité ova- l. Rainard, Traité complet de la partiirition des principales femelles domestiques, Lyon, 1845, t. I,'p. 285. PARTURITION. 1013 Tienne des cornes, mais l'abdomen et les membres correspondent toujours au bord concave des cornes, car c'est là que se trouve le placenta. C'est donc seu- FiG. 251. — Coupe verticale de l'utérus de la jument à l'époque du part('). lement dans quelques espèces, et notamment les solipèdes, que le fœtus est obligé , à l'époque du part, de changer sa position antérieure, de manière à FiG. 25-2. — Coupe de Futérus de la femme au moment de raccouchement (**). présenter les membres et le ventre en bas. Il est très probable que ce change- ment résulte plutôt des mouvements propres du fœtus que de ceux des parois utérines. (*) 1, utérus; 2, chorion ; 3, feuillet externe de l'allantoïde ; 4, feuillet interne de cette dernière; c),aninios. (*) Présentation du crâne en position occipito-postérieure. Tête dans l'excavatiun (rotation eu arrièreji (Nœgele, Accouchements, p. 159). JQJ4 DE LA GENERATION. La position du fœtus sortant des voies génitales est très variée. Le plus sou- vent c'est la tête qui sort la première, appuyée sur les membres antérieurs étendus l'un à côté de l'autre (lig. 251). Plus rarement ce sont les membres postérieurs et la croupe qui sortent en premier lieu. Les autres présentations sont plus ou moins anormales et rendent la parturition plus ou moins laborieuse, parfois même impossible sans une intervention étrangère. Ainsi, la présenta- tion de la tête repliée latéralement, en haut ou en bas sur le cou, celle des mem- bres fléchis sur eux-mêmes, celle de tous les membres rassemblés en un faisceau, celle du cou, du dos, du poitrail, de la croupe, etc. La position que prennent les femelles pendant la parturition est assez variable. La vache et la jument se tiennent ordinairement debout; elles se couchent si elles sont affaiblies, soit sur le côté, soit dans l'attitude sternale. La truie, la chienne, la chatte, se couchent, ployées en demi-cercle, comme dans les circon- stances ordinaires. Lorsque la femelle se tient debout, le fœtus, en sortant du va"-in «^lisse sur les jarrets de sa mère et tombe sans secousse sur le sol ; pendant sa chute, le cordon ombilical se rompt plus ou moins près de l'abdomen. Dans les autres cas, les efforts que le fœtus ou la mère fait pour se déplacer, en amènent la rupture, ou bien encore celle-ci le coupe avec les dents, comme on le voit parmi les femelles carnassières et même la vache et la jument. Sans ce secours ins- tinctif de la part de la mère, souvent le cordon ne se déchirerait qu'avec difii- culté. J'ai vu une chienne qui après s'être accroupie pour mettre bas un petit, fut obligée de fuir, lorsque l'expulsion du fœtus s'achevait; elle franchit rapide- ment un assez long trajet, le fœtus restant suspendu par le cordon ombilical et heurtant les jarrets de sa mère à chaque déplacement des pieds de derrière. L'expulsion du fœtus est un acte qui résulte de la coopération de l'utérus, du diaphragme et des muscles abdominaux. L'utérus a, comme on le sait, une tunique musculaire qui, à mesure que la gestation avance, s'hypertrophie dans tous les points de son étendue, au col, au corps, aux cornes et jusque dans l'épaisseur des ligaments larges. Ses faisceaux diri^^és les uns longitudinalement, les autres transversalement, sont très bien disposés pour rétrécir la cavité utérine dans tous les sens, notamment suivant la direction même de ces faisceaux. Leurs contractions évidentes sur l'utérus vide sont encore plus marquées pendant la gestation. Déjà Haller ^ sur des chattes, des chiennes et des lapines pleines, avait vu les cornes utérines se mouvoir spon- tanément et d'un mouvement péristaltique égal à celui des intestins, lequel persistait même lorsque l'organe était détaché du corps. Chez ces petites femelles l'électrisation les ravive, surtout dans les invervalles des fœtus, et exagère, par conséquent, l'aspect moniliforme des cornes de l'organe. J'ai vu aussi ces mou- vements extrêmement marqués sur une chatte pleine dont l'utérus contenait 5 fœtus, 3 dans une corne et 2 dans l'autre : ils avaient surtout une grande éner- gie au niveau des espaces intermédiaires aux fœtus. Ils étaient très prononcés sur des brebis à diverses périodes de la gestation, resserraient et dilataient alternati- vement les cornes, les rapprochaient et les éloignaient tour à tour l'une de 1. tJaller, Mémoires sur les parties sensibles et irritables du corps animal, t. I, p. 293. PARTURITION. 1015 l'autre ainsi que du col de l'organe ; on les voyait persister quelquefois jusqu'à quarante à cinquante minutes après la mort. Sur une vache pleine et ouverte vivante, ils avaient un caractère analogue et devenaient plus vifs et plus étendus sous l'influence d'une légère irritation ; les cornes changeaient de forme en se contractant; elles se raccourcissaient sensiblement et se tordaient sur elles- mêmes cà leur extrémité antérieure; enfin, ces contractions n'étaient pas moins évidentes sur la jument dont j"ai parlé. Du reste, tous ceux qui ont eu l'occa- sion d'engager la main dans l'utérus pour remettre le fœtus dans une position convenable, ou dans tout autre but, ont été étonnés de la violence avec laquelle le bras est étreint au niveau du col dès qu'il s'opère le moindre effort expulsif. Ainsi, les mouvements propres de l'utérus ne peuvent être mis en doute • ils ont une grande énergie ; leur rhythme, sans être parfaitement défini, est, selon toute probabilité, analogue à celui de l'intestin; ils sont péristaltiques, de l'extrémité fermée des cornes vers le col utérin, surtout chez les femelles qui, comme la chienne et la truie, ont le^ cornes utérines très longues, et qui ont, dans celles- ci, les fœtus disposés les uns à la suite des autres. Si ces contractions n'étaient pas successives et bien réglées, si, par exemple «lies commençaient vers l'ovaire, chez les femelles multipares, elles auraient sou- vent pour résultat de décoller les placentas; par conséquent, d'en suspendre la circulation et de déterminer l'asphyxie des fœtus qui doivent sortir les derniers. Leur rhythme, d'ailleurs, doit être souvent interverti, en raison de l'inégale répar- tition des fœtus. Elles doivent être, dans beaucoup de cas, insymétriques et épuiser une corne plus que l'autre ou avant l'autre. C'est ce qui arrive notam- ment chez les petites femelles comme celles du rat où l'une des cornes a une portée double ou triple de l'autre comme 4 à gauche, 9 à droite, 4 à droite 8 à gauche, même 2 dans celle-ci pour 8 dans celle-là. Le vagin jouit, à certains moments, de contractions très énergiques au niveau du col, destinées à prolonger l'action expulsive de l'utérus. On a prétendu récemment que les mouvements réflexes de l'utérus avaient un centre au-dessus de l'atlas, mais le fait n'est pas encore démontré, car, après la section de la moelle en arrière de l'occipital ou après la décapitation au milieu du cou, l'excitation portée sur le ganglion mésentérique postérieur d'où éma- nent la plupart des nerts de l'utérus, continue à provoquer des contractions dans cet organe. L'action de l'utérus a évidemment pour auxiliaires puissants le diaphragme et les muscles abdominaux, qui agissent ici de la même manière que dans le vomis- sement et l'émission des urines. Leur participation est toujours indispensable; mais elle est surtout très utile dans les cas où la tunique musculeuse est frappée d'atonie, soit par suite de contractions trop répétées, soit par le fait de la pros- tration générale de la mère. L'effort que ces puissances accomplissent coïncide toujours avec celui de la membrane charnue de l'utérus. L'expulsion du fœtus nécessite un léger agrandissement du bassin, et, dans quelques sens, une réduction de volume du fœtus lui-même, qui. habituelle- ment, a des proportions trop considérables pour franchir aisément les détroits de cette cavité. 4016 l^E LA GÉNÉRATION. Le bassin est susceptible de s'agrandir dans deux sens : suivant son diamètre vertical et suivant son diamètre transversal. 11 augmente -verticalement par l'apla- tissement et la projection de la vessie en avant du pubis, par la dépression du rectum à la face inférieure du sacrum, et enlin par une élévation sensible de l'extrémité inférieure du sacrum et de la base de la queue. Il augmente transver- salement par suite d'un léger écartement des deux coxaux, à leurs articulations sacro-iliaques, écartement comparable, bien qu'il soit peu sensible, à celui des branches d'un arc commençant à se détendre; enlin, il s'agrandit, surtout dans ce dernier sens, et en arrière, par la projection en dehors des ligaments sacro- ischiatiques. Ces modifications dans l'état du bassin résultent de l'effort que le fœtus exerce sur les parois de cette cavité. Celui-ci, pour franchir un passage étroit, se res- serre, se déprime dans tous les sens. La tête s'étend sur le cou et sur les mem- bres antérieurs; les courbures de la colonne vertébrale s'effacent autant que possible, et, par suite, les longues apophyses des vertèbres dorsales s'inclinent les unes sur les autres; le sternum se rapproche du rachis; les parois costales s'aplatissent et se rapprochent également ; les deux épaules, au lieu de rester sur la même ligne transversale, se portent l'une en avant de l'autre, et glissent, en quelque sorte, sur les parties au niveau desquelles le diamètre transverse du thorax a le moins d'étendue. Le reste du corps du fœtus cède encore avec plus de facilité. Lorsque le part est multiple, son mécanisme présente quelques particularités qui méritent d'être notées. Si l'utérus des femelles, normalement unipares, contient deux fœtus, comme cela arrive souvent à la brebis, plus rarement à la vache, plus rarement encore à la jument, les deux cornes de l'utérus ont sensiblement le même volume, et cha- cune d'elles contient un fœtus ayant la même position que s'il était seul. Alors, les contractions utérines s'effectuent, vraisemblablement d'une manière simulta- née, dans les deux cornes qui sont réunies entre elles postérieurement sur une assez grande étendue ; mais comme les deux fœtus ne peuvent s'engager à la fois dans le col de l'utérus, le plus avancé s'y insinue et se trouve expulsé le premier. Le fœ.tus qui se trouve en arrière, étant sollicité à sortir, pousse mécaniquement celui qui l'a devancé. Lorsque le 'nombre des fœtus est plus considérable, ils sont aussi expulsés successivement, à des intervalles de quelques heures. Ainsi, on a vu plusieurs fois des vaches donner, en une seule portée, deux, trois et quatre veaux. Rainard en cite des exemples, et Baron avait même signalé à Réaumur un part quintuple chez cette femelle. On a vu également des brebis mettre bas dans la même portée trois, quatre, et jusqu'à sept petits. Chez les femelles habituellement multipares, la truie, la chienne, la chatte, les fœtus sont expulsés les uns après les autres à des intervalles de dix, quinze minutes, d'une demi-heure, d'une heure et plus. Après la naissance de chacun d'eux, la mère coupe le cordon, lèche le petit, l'essuie, l'approche de ses ma- melles, se délivre des enveloppes du fœtus qui vient de sortir, les dévore, puis elle met bas un autre petit, et ainsi de suite. C'est surtout chez les femelles mul- tipares que les contractions utérines doivent avoir, suivant la judicieuse obser- PARTl.RITION. 1017 vation de Rainaid, un rhythme péristaltique très régulier : il faut que chaque fraction de l'utérus correspondant à un fœtus se contracte à son tour, d'abord le segment de l'une des deux cornes le plus rapproché du col, puis le segment qui précède, et ainsi jusqu'au plus voisin de l'ovaire, de manière à amener l'éli- mination successive do tous les tœtus et à faire alterner ceux de l'une des cornes avec ceux de la corne opposée. Ce qui se passe chez ces femelles est tellement bien réglé, qu'on a là toutes les preuves de l'existence d'un rhythme propre aux con- tractions utérines, rhythme qui, sans doute, se retrouve chez les femelles uni- pares, à utérus simple ou à utérus bicorne. Dans les'cas de superfétation, s'il en existe réellement ailleurs que chez les femelles dont chaque corne utérine aboutit au fond du vagin par un orifice dis- tinct, il faut aussi que les contractions utérines soient limitées à la corne conte- nant le fœtus parvenu au terme de la gestation ; car autrement le fœtus le moins avancé serait éliminé à la même époque que le premier : il y aurait à la fois une parturition normale et un avortement. Mais il faut noter ici que les cas de superfétation sont excessivement rares. On a souvent pris pour tels des cas de gestation double ou triples dans lesquels les fœtus ne se ressemblaient point, ou bien se trouvaient expulsés k un intervalle considérable. Ainsi, les exemples de juments ayant mis bas le même jour, ou à quelques jours de distance, un poulain et un mulet, ne sont point des cas de superfétation ; car, à une même période du rut, ou dans un même espace de vingt-quatre à quarante-huit heures, la jument a été couverte successivement par un cheval et par un âne; des deux ovulves qui se trouvaient détachés, l'un a été fécondé par le sperme du cheval, l'autre par celui de l'âne. Il n'y a là pas plus superfétation que chez la chienne ou la chatte couverte à des périodes de rut par plusieurs mâles différents. Ici encore, parmi les nombreux ovules qui des- cendent à la fois dans les trompes utérines et dans l'utérus, tel est fécondé par les spermatozoïdes du premier màle, tel autre par ceux du second, si bien que, dans la même portée, il se trouve des petits très différents les uns des autres par la taille, les formes, la couleur de la robe, mais ressemblant chacun à son père respectif. Du reste, lors même que, dans une gestation multiple, il s'écoulerait plusieurs semaines ou plusieurs mois entre la naissance d'un premier et celle d'un second petit, on ne serait pas encore certain d'avoir affaire à une véritable superfétation. On sait, en effet, d'après les observations de Tessier, de Brugnooe, de Numann et d'autres, qu'il peut y avoir une différence de quatre-vingts à quatre-vingt- dix-huit jours, chez la vache et la jument, entre le part prématuré et le part retardé. Or, il me semble que, dans le cas dont je parle, l'un des fœtus pourrait naître longtemps avant le terme ordinaire, et l'autre à ce terme même, ou bien l'un pourrait naître à terme et l'autre à une époque retardée de un à deux mois. Enfui, les différences dans la taille des fœtus et dans leur degré apparent de développement ne suffisent pas toujours pour indiquer avec certitude que des fœtus d'une portée unique sont d'âges différents ; car, d'une part, parmi ceux de la même portée, il en est de grands et de petits ; d'autre part, on a vu des fœtus J018 DE LA GÉNÉRATION. de vache au nombre de trois ou quatre, qui, quoique à terme, n'avaient pas encore de poils sur toute l'étendue du corps, comme cela arrive à la lin du second tiers de la gestation. Il n'y a que des saillies suffisamment éloignées et suivies, chacune, d'une parturition à terme, ou à peu près à terme, qui puissent établir sûrement la superfétation. Quelque temps après la parturition, les enveloppes fœtales qui étaient restées dans l'utérus avec le placenta et une partie du cordon ombilical se détachent et sont expulsées à la suite de nouveaux efforts. Les femelles multipares rendent l'arrière-faix à mesure qu'elles font leurs petits. La naissance du premier fœtus est suivie, au bout d'un temps assez court, de l'expulsion de ses annexes ; à celle-ci succède la sortie du second petit, puis celle de ses annexes, et ainsi en alternant jusqu'à la fin. Cette succession est nécessaire pour permettre au fœtus de passer librement dans les parties des cornes utérines occupées précédemment par ceux qui sont déjà sortis. L'élimi- nation du délivre se fait très facilement chez ces femelles : la chienne va s'ac- croupir dans un coin comme elle le fait pour uriner et souvent même pour accou- cher, et aussitôt que l'arrière-faix est sorti, elle le dévore, puis revient auprès des petits qui sont nés. Les femelles unipares, lorsqu'elles ont, par exception, des portées double ou triples, rendent aussi, souvent, l'arrière-faix de chacun des fœtus à mesure que ceux-ci naissent , à moins que le délivre de l'un ne soit un obstacle à la sortie du suivant. Ainsi, dans le part double de la vache ou de la brebis, les fœtus étant logés chacun dans une corne, le second peut sortir sans que le délivre du premier ait été expulsé. Les grandes femelles unipares, la vache, la jument, rendent l'arrière-faix, le plus souvent, dans la journée de la parturition, ou le lendemain ; mais il est fort commun de voir la délivrance se faire attendre trois, quatre jours, et même plus encore. Dans cette dernière circonstance, il faut que l'art vienne au secours de la nature. On attache à ce qui reste du cordon ombilical, ou à la partie du délivre qui sort de la vulve, un poids plus ou moins lourd, ou bien on exerce, de temps en temps, une légère traction sur ce délivre. Si cela est sans résultat, on doit engager le bras dans l'utérus et détacher, par une douce pression des doigts, chaque placenta du cotylédon correspondant, d'abord dans une corne, puis dans l'autre, en procédant graduellement du col de l'utérus vers le fond des cornes. Il importe de recourir à ce moyen, quand, après quatre ou cinq jours, la déli- vrance n'a pu s'effectuer ; autrement, la femelle est exposée à la métrite avec com- plication d'accidents putrides. La désunion et l'expulsion de l'arrière-faix, lorsqu'elle est spontanée, néces- site des efforts peu considérables ; elle n'est accompagnée d'aucune effusion san- guine appréciable, même dans les cas de délivrance laborieuse. Les femelles herbivores, aussi bien que les carnivores, ont l'habitude de dévo- rer l'arrière-faix aussitôt qu'il est sorti, si on le laisse à leur disposition. Quelque- fois ces dernières l'arrachent à mesure qu'il sort et se délivrent ainsi elles- mêmes très rapidement. L'instinct qui les pousse à cet acte a un but facile à concevoir : les femelles carnivores mangent ces débris comme elles mangent, pendant la durée de l'allaitement, les fèces de leurs petits, afin de tenir propre PARTURITION. 1019 leur nid et de ne pas attirer le mâle ; les femelles herbivores mangent aussi le délivre pour ne point appeler autour d'elles les animaux carnassiers. Après le part et la délivrance, il survient des moditications remarquables dans l'état de l'utérus et de ses diverses membranes. En général, l'utérus se resserre peu à peu, ses vaisseaux se plissent, deviennent sinueux et de moins en moins perméables au sang; le col, relâché, revient peu à peu à son degré habituel de constriction ; les ligaments larges se raccourcissent, remontent l'utérus vers la région sous-lombaire et le retirent du côté du bassin ; leurs faisceaux muscu- laires s'atrophient, etc. La membrane muqueuse des femelles dont le placenta est disséminé, comme chez la jument et la truie, reprend les plis qu'elle avait avant la gestation, et ses follicules qui recevaient les papilles placentaires se rapetissent dans tous les sens. Chez la chatte, la chienne, les femelles des rongeurs et chez la femme, il paraît, d'après Coste, W'eber. Eschricht, que toute la partie de la muqueuse qui correspondait à l'insertion du placenta éprouve une véritable exfohation : sa couche superùcielle se détache à cet endroit et se trouve éliminée. Chez les rumi- nants, tels que la vache, la brebis et la chèvre, les cotylédons qui avaient acquis progressivement, pendant la gestation, un volume énorme, se rapetissent, leurs follicules de réception se resserrent au point de devenir à peine visibles à l'œil nu. Mais ces cotylédons ne disparaissent point, bien qu'ils se réduisent à de fai- bles proportions ; ils persistent pendant les intervalles de la gestation et s'hy- pertrophient de nouveau à chacune des portées ultérieures, de sorte que les mêmes, dont la présence était déjà évidente avant l'âge de la fécondité, servent pendant toute la durée de la vie. Quand une partie d'entre eux viennent à être détruits, sous l'influence de causes accidentelles, ceux-là ne se régénèrent point et il ne s'en développe pas d'autres pour les remplacer. De même, quand une femelle unipare vient à porter deux petits, le nombre des cotylédons ne double pas ; il n'augmente pas même sensiblement, car alors il n'y en a pas plus, en moyenne, que sur les femelles portant un seul fœtus. Seulement, dans le cas de part double, le volume de chaque cotylédon devient plus considérable que dans celui de gestation simple. Le fait de la non-régénération des cotylédons détruits est clairement démontré par l'état de l'utérus qui a perdu une partie de ces organes à la suite d'une ges- tation antérieure. M. Goubaux a signalé, le premier, le cas d'un utérus qui, pendant la gestation, était dépourvu de cotylédons dans l'une de ses moitiés, et dont la muqueuse offrait, sur cette moitié, des cicatrices blanches indiquant les places où ils se trouvaient autrefois. Depuis, j'ai observé plusieurs fois des <îxemples analogues. Dans un cas, toute la partie antérieure de la corne opposée à celle occupée par le fœtus, déjà volumineux, ne présentait que des cicatrices allongées, luisantes; vers la jonction de cette corne avec le corps de l'utérus, les cotylédons apparaissaient, et ils étaient dans l'autre corne disposés comme à l'ordinaire, seulement, au nombre total de 92, dont il extrêmement petits et presque sans connexions vasculaires avec les placentas. Dans un autre cas , l'utérus renfermant un veau à mi-terme en manquait entièrement dans la moitié qui n'était pas occupée par le fœtus. La muqueuse de cette moitié offrait une 1(J2U DE LA GENERATION. cinquantaine de cicatrices parfaitement distinctes, disposées dans l'ordre qu'af- fectent habituellement les cotylédons ; elle était parfaitement saine dans les intervalles des cicatrices, et n'y présentait pas la moindre trace de cotylédons nouveaux ou en voie de formation ; toute la portion correspondante du chorion était lisse, à peine vasculaire et sans trace de placentas. L'autre moitié de l'utérus avait 52 cotylédons très volumineux et 12 autres très petits, c'est-à-dire, en somme, à peu près la moitié du total ordinaire. Dans un troisième cas, la corne droite, contenant un veau à terme, en avait 62 ; la gauche offrait des cicatrices sans trace de végétation cotylédonaires. Enfin, dans deux autres cas, l'utérus renfermait des fœtus momifiés, et sa muqueuse, parfaitement lisse dans toute son étendue, ne montrait plus aucun vestige des organes dont je parle. Or, puis- que, d'une part, les cotylédons ne se régénèrent point et ne sont pas remplacés par des cotylédons nouveaux, et que, d'autre part, les connexions du fœtus avec la matrice s'établissent uniquement par leur intermédiaire, une femelle dont l'utérus a perdu la totalité, ou seulement la plus grande partie de ces organes, doit être frappée de stérilité. Quant à la réduction de volume et de poids éprouvée progressivement par l'utérus à la suite de la parturition, elle est considérable. Un utérus de brebis pesant, au terme de la gestation, 600 à 700 grammes, revient bientôt au poids de 50 à 55 grammes, c'est-à-dire à une masse douze à treize fois moindre. Un utérus de vache du poids de 6 à 7 kilogrammes au moment de la parturition, se réduit à 500 ou 600 grammes par la suite : ses cotylédons, qui, à cette épo- que, pesaient à eux seuls environ 2 à 3 kilogrammes, ne représentent plus, pendant les intervalles de la gestation, qu'une masse insignifiante. CHAPITRE LXXII DE L'ALLAITEMENT Le fœtus des mammifères, en sortant de la matrice, n'a pas encore assez de force pour chercher sa nourriture, ni des organes assez énergiques pour digérer celle dont il fera usage par la suite. Aussi la mère lui présente, dans le produit de la sécrétion de ses mamelles, un aliment qui renferme tous les principes néces- saires à l'accroissement du corps pendant la première période de la vie. Les mamelles sont des glandes lobulées, généralement peu volumineuses avant l'âge de fécondité et aux époques de leur inaction. Elles sont constituées par des amas de vésicules appendues sous forme de grappe (fig. 253 et 254) à l'extré- mité de canaux très fins, se réunissant de proche en proche pour donner nais- sance à des canaux galactophores dont l'ampleur augmente à mesure qu'ils s'avancent vers le sinus commun creusé à la base du mamelon et dans le mame- lon lui-même. Dans quelques animaux, tels que les monotrèmes, ces glandes résultent simplement de l'agglomération de caecums sinueux, dilatés à leur fond, et réunis ensemble avant de s'ouvrir à l'extérieur. ALLAITEMENT. ll'21 Dans toutes les espèces, les mamelles sont paires et ù peu près constamment symétriques. Celles du coté droit se trouvent placées à une certaine distance de celles du côté gauche, ou bien elles sont accolées ensemble, par l'intermédiaire FiG. 253. — Structure de la mamelle de la femme (*). d'un septum' membraneux, comme on le voit chez les solipèdes et les ruminants. Lorsqu'il y en a plusieurs de chaque côté, elle se trouvent placées les unes à la FiG. 254. — Structure de la mamelle de la femme (**). FiG.255. — Mamelle de lapine, d'après J. Millier. suite des autres, parallèlement à la ligne médiane du corps, et bien qu'alors celles de la même série latérale soient continues ensemble, pour ne former qu'une (*) a a, conduits galactopliores ayec leurs ampoules (Verheyen). (**) /, lobules mammaires; m, mamelon; i-, canalicules; s, sinus galactophores;,y, acini (Cloquet). 1022 DE LA GÉNÉRATION. seule masse, chacune a ses canaux propres, sans communication avec les autres et s'ouvrant dans le mamelon correspondant. Les mamelles, toujours situées à la partie inférieure du thorax ou de Tabdo- men, afin d'être à la portée des petits, sont pectorales chez les singes, les chau- ves-souris, les paresseux et les cétacés herbivores ; elles sont abdominales chez le tapir, le rhinocéros, l'hippopotame, d'après Cuvier ; inguinales chez les soli- pèdes et les ruminants ; enfin, elles occupent à la fois ces trois situations dans les espèces où elles sont très nombreuses, comme chez la chienne, la chatte, la lapine, et un grand nombre de carnassiers et de rongeurs. On sait qu'elles se trouvent renfermées dans une poche spéciale, sous le ventre, chez les didelphes. Le nombre de ces glandes est généralement proportionné à celui des petits ; il est de deux dans les singes, l'éléphant, le rhinocéros, les solipèdes, la brebis, la chèvre, le cochon d'Inde, les cétacés ; de quatre dans la vache, la lionne, la panthère; de six dans l'ours, le blaireau ; de huit dans le chat; de dix dans la truie, la chienne, la lapine, le hérisson. Cuvier dit qu'il est de douze à quatorze dans l'agouti et quelques autres rongeurs ; mais il varie quelquefois, surtout chez les femelles où il est considérable. Daubenton a déjà noté que la chienne n'a souvent que quatre mamelles d'un côté et cinq de l'autre; et tout le monde sait que les vaches ont fréquemment trois mamelons de chaque côté, dont le dernier est souvent imperforé. La sécrétion lactée ne s'établit, dans les mamelles, qu'à la suite d'un travail préparatoire. Quelque temps avant l'époque de la parturition, elles commencent à se gonfier, deviennent fermes et pendantes ; leur vascularité augmente, leur tissu change d'aspect, et les canaux galactophores acquièrent une ampleur consi- dérable. Ces changements, liés à l'état de l'utérus, vers le terme de la gestation, peuvent néanmoins survenir spontanément ou sous l'influence de causes diverses. Harvey parle de lapines qui, n'ayant pas été fécondées, ont les mamelles actives au moment où le part devrait s'effectuer ; ces femelles peuvent alors allaiter des petits étrangers. Buffon cite l'exemple d'une chienne qui, sans avoir jamais reçu le mâle, éprouvait ce gonflement des mamelles à l'époque à laquelle elle aurait dû mettre bas si elle eût été fécondée au moment du rut précédent. Cette chienne donnait du lait et se chargeait de nourrir, avec une tendresse remarquable, les petits que l'on mettait auprès d'elle. Un fait analogue a été observé plusieurs fois par Rainard, et des chasseurs m'ont assuré qu'il n'était point très rare. Delafond ^ en a constaté plusieurs de ce genre. Le dernier, que j'ai pu suivre en partie avec lui, se rapporte à une chienne qui, sans avoir reçu le mâle, au mo- ment du rut , éprouva un gonflement des mamelles une cinquantaine de jours après le rut ; elle donna du colostrum, puis du lait très blanc. Au soixantième jour, alors que la chienne qui n^avait pas été couverte présentait tous les signes de la parturition, on lui donna un petit étranger qu'elle adopta et nourrit pen- dant le temps accoutumé. Depuis, MM. Joly et Filhol ^ ont eu sous les yeux deux 1. Delafond, Observations su?' certams phêtiomèyies physiologiques se rattachant à la parturition et à V allaitement {Bulletin de l'Académie de médecine, 19 mai 1857). 2. Joly et Filhol, Recherches sur le lait {Mémoires de V Académie de médecine de Bel- gique, t. III. ALLAITEMENT. 1023 do ces chiennes vierges qui donnaient du lait, et ils l'ont analysé sur l'une d'elles. Les chèvres du mont OEta, dit Aristote, bien qu'elles n'aient pas reçu le mâle, donnent du lait par suite de frictions au\ orties faites sur leurs mamelles. J'ai vu, à la bergerie de l'École, une brebis de six mois qui n'avait point encore été couverte, donner une quantité fort notable de lait très blanc, cré- meux, coagulable, comme celui qui est sécrété dans les conditions ordinaires, Il y a plus, on a vu des mules, des pouliches, dès les premiers jours après la naissance en sécréter, qui quelquefois coulait spontanément , sans succion ni compression. Les enfants nouveau-nés, des deux sexes, donnent habituellement quelques gouttelettes d'un liquide chargé de globules laiteux et de fines particules de graisse \ Entin, chez les mâles adultes, les glandes mammaires peuvent éga- lement se développer sous l'intluence d'excitations extérieures et sécréter du lait. Aristote cite un bouc dé Lemnos qui en fournissait abondamment et transmit cette faculté à un de ses fils. Geoffroy Saint-Hilaire, en 1845, en a étudié un au Muséum, à mamelles volumineuses, qui donnait de deux à cinq décilitres par jour. Ce bouc, deux ans plus tard, a allaité un de ses produits. De Humboldt a cité le fait authentique d'un Indien qui allaita pendant cinq mois son enfant dont la mère était malade. A part ces exceptions, fort rares, le développement des mamelles n'a lieu, et leur activité n'est mise en jeu que dans les derniers moments de la gestation. Ce développement, qui est progressif, s'opère avec une lenteur variable suivant les espèces; il est tel que les génisses commencent à donner un lait jaunâtre et séreux huit à dix jours avant la parturition. Les chiennes, d'après les observa- tions d'Aristote, en donnent déjà cinq jours, quelquefois sept avant cette époque. Au moment du part, surtout quelques jours après, la sécrétion acquiert une grande activité. La sécrétion du lait, essentiellement intermittente et subordonnée aux actes de la reproduction, n'est point très bien connue dans son mécanisme. Henle. Reinhardt, Kôlliker et surtout Yirchow, qui considèrent la mamelle comme un amas de glandes sébacées ayant acquis un grand développement, admettent que les cellules épithéliales se multiplient dans les culs-de-sac glandulaires au point de les obstruer entièrement et qu'elles se remplissent de granules dégraisse. Une fois pleines elles se rompent ou se détruisent comme les cellules qui éprouvent la dégénérescence graisseuse. Il n'en reste que les gouttelettes de graisse ou ce qu'on appelle les globules du lait. Toutefois, tant que la mamelle ne donne que du colostrum, les corpuscules ou les corps granuleux de ce liquide, les cellules épithéliales s'altèrent peu et conservent leur contenu graisseux. Le lait est donc, selon eux, le résultat, soit d'une formation incessante de cellules spéciales, soit d'une multiplication continue de cellules épithéliales qui se détachent à mesure et se détruisent dans les canaux galactophores. Leur contenu, c'est-à-dire les globules graisseux et le sérum forment le lait proprement dit. Ce produit résulte, par conséquent, de la dissolution des cellules épithéliales de la glande dans son liquide alcalin. 1. Voyez Natalis Guillot, Archives gé7ié>'ales de médechie, 1853. — Gubler, Mémoires de la Société de biologie, 1855. 1024 DE LA GENEhATlON. L'excrétion du produit de la sécrétion des glandes mammaires a ceci de par- ticulier, qu'elle n'est point spontanée comme celle des autres produits de sécré- tion. L'oriOce commun des canaux galactophores où les orifices plus ou n)oins nombreux sont entourés d'un mamelon rétractile qui les tient constamment fermés et qui ne leur permet de s'ouvrir que par le secours d'une pression exer- cée par les lèvres, les mâchoires du petit, ou par une main étrangère. Le mamelon, quelles que soient, du reste, sa forme et ses dimensions, repré- sente un tube évasé supérieurement, rétréci à son extrémité libre, tube dont les parois sont élastiques et rétractiles, de sorte qu'elles tendent toujours à se rap- procher et à tenir fermé l'orifice qui doit donner passage au lait. Chez la vache (fig. 2d7), oi!i il a des parois fort épaisses, il faut exercer une assez forte pression o-o.; r Fig. 256. — Glande mammaire pendant la lactation (*). Fig. 257. — Mamelon ou trayon de vache ouvert, d'après Guibourt (**). sur sa partie supérieure pour forcer la résistance de l'orifice. Dans la chèvre, oii ses parois sont minces, il forme un grand cornet très évasé supérieurement et pouvant recevoir jusqu'à 1 décilitre de lait. Le petit, lorsqu'il veut teter, saisit le mamelon par les lèvres et l'extrémité des mâchoires, en ayant soin de le faire pénétrer assez avant dans sa bouche pour qu'il puisse presser la partie de la mamelle située immédiatement au-dessus du mamelon ; alors, il aspire, en faisant le vide dans la cavité buccale, à l'aide de sa langue dont la pointe reste appliquée sur les incisives inférieures, mais dont la base s'écarte et se rapproche alternativement du palais, sous l'influence de ses muscles propres et de ceux de l'appareil hyoïdien. Le vide qu'il produit par les mouvements de succion et la pression qu'il exerce sur la partie supérieure du mamelon font couler le lait. Les petits des herbivores, en général, notamment ceux des solipèdes et des ruminants, se tiennent toujours, ainsi que leur mère, debout pour teter ; ils tirent sur le mamelon, l'allongent et le pressent tout à la fois. Quand ils ont à peu près épuisé un trayon, ils en saisissent un autre, secouant la tête et en donnant de temps en temps des coups sur les mamelles. Les petits des carnassiers sont (•) A, lobule de la mamelle plein de lait; B, globules du lait; C, colostrum ; a, cellule dont le noyau est ■visible; b, cellules dont le noyau a disparu (Virchow). (**) Dans sa cavité, aboutissent en « a les principaux conduits galactophores. ALLAITEMENT. 1025 couchés sur le ventre et. la mère est un peu penchée, ou quelquefois entièrement étendue sur le ciMé ; ils frappent les nianiclles avec leurs pieds de devant, comme les enfants le font avec leurs mains. Quand ils commencent à devenir forts et que la mère se tient debout, ils s'accroupissent ou s'élèvent sur leurs membres postérieurs et s'attachent aux mamelles, les bras élevés et appuyés sur elle dans une attitude analogue à celle des cariatides qui sendilent soutenir quelque partie d'un monument. La pression des doigts sur le mamelon fait sortir le lait, de même que la suc- cion opérée par la bouche des petits. Pour traire, les doigts saisissent la partie supérieure du mamelon, l'étreignent doucement, de manière à circonscrire entre le point le plus comprimé et l'orifice du trayon le lait renfermé dans la cavité de celui-ci; puis, en maintenant la compression, les doigts descendent un peu, et le lait qui ne peut refluer, du moins en totalité, vers la partie supé- rieure des conduits galactophores , force la résistance du petit sphincter et s'échappe à l'extérieur : en un seul jet chez la vache, en deux ou trois chez la jument, en quatre ou cinq chez la lapine et en huit à dix dans la chienne. Cette action, pour être exécutée convenablement, exige une certaine habileté; car, suivant la réflexion de Bordeu, tout le monde saurait traire s'il suffisait de comprimer le mamelon. 11 arrive assez communément que les femelles ne se laissent traire qu'avec dif- ficulté et retiennent leur lait, comme on dit, surtout quand elles sont inquiètes, contrariées, ou lorsqu'une main étrangère les trait pour la première fois. Elles le retiennent aussi, souvent, quand elles ne voient pas leurs petits non sevrés, comme Hunter en avait fait la remarque pour l'ànesse. De même, une femelle, fût-elle privée de ses nourrissons, refuse presque toujours d'allaiter d'autres petits de son espèce ou d'espèce différente. Cependant, il est très ordinaire de voir les vaches, les chèvres et les brebis privées de leurs petits, en adopter d'autres aux- quels elles s'attachent comme si elles leur eussent donné le jour. On a vu même des chiennes allaiter de petits chats et d'autres des louveteaux. Mais ce qu'on dit des vaches et des brebis qui se laissent traire par des serpents ne paraît pas possible. Le lait s'échappe quelquefois spontanément au dehors, c'est lorsque la sécré- . tion est très abondante et qu'on néglige de traire les femelles privées de leurs petits. Dans ce cas, les conduits galactophores et le sinus du mamelon sont tellement distendus, que la compression à laquelle le liquide est soumis force la résistance de l'orifice de ce sinus. Un écoulement semblable a lieu d'une manière continue si l'on engage dans le mamelon un tube qui maintient béant son ori- fice : alors le liquide s'échappe de la mamelle par son propre poids. L^ g = 1270 940 1060 860 antér. droit, poster, droit, post. gauche, ant. gauche. 1040 950 1050 780 poster, droit, antér. droit, ant. gauche, posl. gauche. 980 870 760 870 ant. gauche, post gauche, poster, droit, antér. droit. 1 2 3 4 post. gauche, ant. gauche, antér. droit, poster, droit. Total 3820 Total 3480 Total 3460 Total 4130 1. Peligot, Mémoire sur la composition du lait d'ânesse [Annales de chimie et de phy- sique, 1836, t. LXII). 2. J. Reiset, Recherches pratiques et expérimentales sur V agronomie. Paris, 1863, p. 4. ALLAITEMENT. 1031 L'activilé de l;i sécrétion est à son inaxinnun dans le premier et le deuxième mois qui suivent la [larturition, puis elle diminue progressivement jusqu'à la lin de la période pendant laquelle l'action de traire entretient le travail des mamelles. Cette période de lactation qui, d'après les lois de la nature, Unissait au mo- ment du sevrage, s'est prolongée par l'action de traire, plus dans certaines races cfue dans d'autres, et sa longue durée acquise s'est transmise par hérédité. Elle est très courte, de trois mois seulement après le sevrage, dans les races qui, comme la hongroise, se rapprochent de l'état sauvage; au contraire, elle est très longue chez les races bonnes laitières, la normande, la flamande, par exemple. Le produit total de la sécrétion du lait augmente considérablement chez les femelles herbivores sous l'intluence du régime vert, à l'étable ou au pâturage. Aussi, quand les vaches mettent bas à la tin de l'hiver, la nourriture abondante et aqueuse qu'elles reçoivent dans les mois qui suivent le part entretient la «écrétion à son taux initial, et même l'augmente parfois suivant une proportion fort sensible. Les conditions de régime étant les mêmes pour des femelles d'une espèce quelconque, l'abondance de la sécrétion est à peu près proportionnelle à la taille. D'après les évaluations les plus exactes de divers agronomes, de Dombasle, "Thaër, Perrault, d'Angeville, Boussingault, entre autres, les vaches d'un poids moyen de 27o kilogrammes donneraient annuellement, c'est-à-dire pendant les huit à dix mois qui suivent le part, 900 litres de lait; d'autres, du poids de 400 kilogrammes, en donneraient 1700 litres ; d'autres de 600 kilo- grammes, 2500 litres; entin, quelques-unes pourraient en fournir 3000, 4000, même oOOO, c'est-à-dire de 12 à 14 litres par jour, proportion énorme relative- ment à celle que ces mêmes femelles produiraient dans l'état de nature pour élever leurs petits. Déjà, dans certaines parties chaudes de l'Amérique, elles ne donnent pas, dit Roulin, terme moyen, 2 litres de lait par jour. Le lait d'une vache emporte donc une somme énorme de matériaux ; celui d'une vache hollan- daise fraîchement vêlée peut rendre, par jour, jusqu'à 1 kilogramme de beurre, et le produit total de la lactation d'une flamande fournir 100 kilogrammes de cette substance par an. Chez les autres femelles, la lactation n'est pas moins abondante si on en juge par l'augmentation diurne des jeunes animaux. Néanmoins, chez la femme, son produit n'est évalué que de 1 à 3 litres par jour. Le lait se modifie encore dans sa composition, et surtout dans ses caractères physiques, sa couleur, sa saveur, sa coagulabilité, sous l'influence de certaines plantes ou de certains principes alimentaires. On sait que les crucifères, le chou en particulier, le tourteau de navette, lui communiquent leur saveur désa- gréable ; que la paille d'orge, les fleurs de châtaigniers, les feuilles d'artichaut, les marrons d'Inde, le rendent plus ou moins amer; que les labiées lui donnent un parfum particulier; l'ail, l'oignon, une odeur rappelant celle de ces liliacées. Le lait prend, d'après Parmentier, au bout de quelques jours, une teinte rou- ^eàtre si la garance a été donnée avec les aliments; il devient, dit-on, jaunâtre sous l'influence du curcuma; un peu bleuâtre par celle de quelques euphorbia- 1032 f)E LA GÉNÉRATION. cées. Le safran donné aux vaches communique au beurre seulement une couleur jaunâtre très prononcée. Tout cela s'explique quand on se rappelle que les glandes mammaires sont, de même que les autres organes sécréteurs, des cou- loirs par lesquels s'éliminent, plus ou moins, les principes étrangers introduits dans l'organisme et impropres à l'assimilation ; en effet, l'iodure de potassium a été retrouvé dans le lait par Péligot; le chlorure de sodium, le carbonate, le sulfate de soude, l'iodure de sodium, les sels de fer, par Chevalier et Henry; les sels de plomb, par Taylor, etc. Enfin, dans plusieurs états pathologiques de l'économie ou des mamelles, le lait change de couleur, de saveur, perd plus ou moins la laculté de se coaguler, ou se prend même, dans le sinus de la glande, en petits caillots dont la précipi- tation s'opère aussitôt que le lait est recueilli. Ces coagulums sont formés, d'après Delafond, par de la caséine, de la graisse et des débris de l'épithélium des canaux galactophores. Sur les vaches affectées de la maladie aphteuse, Donné a trouvé le lait altéré, chargé d'albumine au lieu de caséum, coagulable par la chaleur, semé de globules muqueux, purulents, et de globules butyreux agluti- nés. Dans un cas de maladie indéterminée, Gérardin l'a vu devenir visqueux par le refroidissement et très chargé d'albumine; on y a trouvé du carbonate d'ammoniaque sur une vache affectée d'une maladie des onglons. Le lait paraît éprouver, en dehors des mamelles, quelques altérations remar- quables. Dans ce qu'on appelle le lait bleu, il se développe sur la crème des taches bleuâtres couvertes de cryptogames. Cette altération, attribuée d'abord au Byssus cœrulea puis au Vibrio cj/anogenus, ne fait peut-être que donner à ces parasites des conditions de développement. Elle doit être distinguée du léger bleuissement que déterminent, dit-on, le sainfoin, labuglose officinale, la mercuriale, les polygonées, etc. Enfin, dans le cas de lésions des mamelles, des canaux galactophores ou des mamelons, le lait peut se charger de globules de sang qui lui donnent une teinte rosée ou de globules purulents ; ces dernières altérations sont très reconnais- sablés à l'aide du microscope. Tel est l'aliment que les mamelles préparent pour la nutrition et l'accroisse- ment du jeune animal. Cet aliment, le seul dont les petits des mammifères puis- sent faire usage dans les premiers temps de la vie extra-utérine, offre l'ensemble de tous les matériaux nécessaires à la formation des tissus et des liquides de l'organisme; il fournit, par sa caséine, les principes protéiques du sang, de la peau, des muscles, du squelette; par ses éléments minéraux et salins, les sels de toutes ces parties; enfin, par sa matière grasse et son sucre, il donne, comme le pense Liebig, le combustible qui est employé, par la respiration, à l'entretien de la chaleur animale. Dans les premières semaines ou les premiers mois qui suivent la naissance, le lait est l'aliment à peu près indispensable aux jeunes animaux ; il ne peut être remplacé alors par aucun autre, car aucun ne réunit, au même degré, les condi- tions de digestibilité et de composition. Seulement ce lait peut ne pas être pris directement par le jeune sujet et il peut être emprunté à des femelles d'espèces autres que celle du nourrisson. Dans ce dernier cas, l'allaitement est dit artificiel. ALLAITEMENT. 1033 Il est liois de doute, i)Oiii- tous ceux (|ui sont un peu au courant de lazooteclinie, que l'alIaitenuMit artiliciel entre les mains des éleveurs intelligents donne d'excel- lents résultats:* et que, dans divers pays, on lui trouve même de la supériorité sur l'allaitement maternel. Mais si ces deux modes sont à peu près équivalents, c'est que le jeune animal est nourri au lait d'une femelle de son espèce, par con- séquent, du lait qui lui convient le mieux et qu'il h; reçoit sortant des mamelles, presque à la température du corps. Évidenunent, à ce premier point de vue, l'allaitement artiliciel de l'enfant n'est pas l'équivalent de celui de l'animal, puisque l'enfant reçoit le lait d'une femelle d'espèce éloignée de la sienne, d'une femelle herbivore dont le lait n'a pas, à beaucoup près, la composition de celui de la femme. Ce lait d'emprunt animal est le plus souvent trop riche en caséine, en matières grasses, en prin- cipes minéraux et trop peu chargé de sucre. Si, par exemple, c'est le lait de vache qu'on emploie, il a souvent en excès un tiers de graisse, un tiers et plus de caséine, quatre fois trop de matières minérales ou salines, mais pas tout à fait assez de sucre. Il constitue ainsi un aliment trop nutritif pour l'enfant dont la puissance digestive, la force d'assimilation sont moindres et le développement plus lent que chez le jeune herbivore. Le lait de chèvre représente un aliment plus riche encore, surtout en beurre, car il en a une fois autant que le lait de femme. L'enfant qui vit de lait d'ânesse y trouve assez de sucre, mais une quan- tité insuflisante de beurre. Dans le lait de chienne il trouverait trois rations de caséine, trois de graisse et six de matières minérales. D'après la composition chimique aucun lait d'origine animale offert à l'enfant n'est donc l'équivalent du lait normal de la femme. Aucun, tel qu'il est ne rem- place exactement ce dernier : par conséquent l'allaitement artificiel de l'enfant par un lait de provenance étrangère à son espèce, ne peut valoir l'allaitement artificiel appliqué à l'animal. La raison physiologique de ce fait est très simple. Le lait préparé par la nature pour chaque espèce de mammifère est d'une richesse proportionnée à la rapidité que doit avoir l'accroissement du jeune sujet. Les. petites espèces ont un lait d'une richesse extrême, parce qu'elles doivent se développer très promptement. En un mois, par exemple, d'après mes observations, le chien triple, quadruple son poids initial; il peut même le dou- bler dès la fin de la première semaine. Les grandes espèces l'ont même encore un peu trop riche, parce que chez toutes l'accroissement du corps marche plus vite que dans notre espèce. Néanmoins rinlëriorité de l'allaitement artificiel de l'enfant, par rapport à celui des animaux peut être facilement atténuée ; cette infériorité se réduira à peu de chose si, par le secours de la chimie on amène le lait de l'animal à peu près à la composition de celui de la femme ; par exemple, par l'addition d'une certaine proportion d'eau qui réduira le chiffre de sa graisse, de sa caséine, de ses sels et par l'addition d'une certaine quantité de sucre et de certain sucre. Or, dans un établissement modèle tel qu'une grande ville pourrait l'organiser, un chimiste serait là déterminant le titre des laits, indiquant de quelle façon ils doivent être coupés, appauvris ou enrichis. Il transformerait le lait de vache, le lait de chèvre, le lait d'ânesse, à peu près en lait de femme de bonne qualité. Il 1034 DE LA GÉNÉRATION. ferait un lait artificiel, d'après des principes dont la valeur ne saurait être con- testée. Dans une foule de cas, d'ailleurs, si le chimiste ne voulait pas modifier direc- tement la composition et les qualités du lait, il obtiendrait ces modifications de l'animal même, par l'intermédiaire du régime; par les graines oléagineuses, il élèverait le chiffre de la graisse; par la farine, par les bonnes graminées vertes, il obtiendrait un lait très sucré; par telle ou telle nourriture, suivant les saisons, il ferait ces laits de choix qui donnent les beurres fins de la Norman- die et de la Bretagne. Est-ce que tous ces laits ne vaudraient pas ceux de maintes nourrices fatiguées, échauffées, dont la constitution et la santé laissent si souvent à désirer? Une seconde cause de l'infériorité de l'allaitement artificiel, celle de la diffi- culté de donner le lait à la température du corps et en dehors du contact de l'air, peut être évitée sans grande difficulté. D'une part, rien n'est plus facile que d'obtenir, surtout dans un établisse- ment spécial, la température convenable et d'autre part de faire absorber à l'enfant du lait non exposé à l'air et par conséquent moins apte à éprouver des altérations dans l'appareil digestif. On sait que, à l'aide de tubes d'ivoire dits tubes trayeurs, introduits et laissés à demeure dans l'orifice du mamelon, le lait s'échappe de lui-même d'une manière continue. Or, il ne semble pas qu'il y ait de grandes difficultés à adapter à ces tubes des prolongements de caoutchouc ou autres qui permettraient à l'enfant d'opérer la succion du lait à distance, à peu près comme l'aspiration de la fumée est opérée avec les longs tubes du nar- guilé des Persans ou des Turcs, Les physiciens à qui on ferait appel se char- geraient du perfectionnement de ces petits appareils. Si ce moyen ne réussissait pas ou ne s'appliquaient qu'à un petit nombre de cas, on s'en tiendrait au bibe- ron ou à ses analogues dont le principe doit être conservé, car, chez l'enfant comme chez la plupart des très jeunes animaux, le mécanisme de la déglutition ne fonctionne parfaitement que par la succion ; les autres modes de préhension sont pénibles tant que les mouvements de la langue et du pharynx ne s'y sont pas suffisamment adaptés. Il n'y aurait pas lieu probablement de s'occuper de l'allaitement direct de l'enfant à la mamelle d'un animal, quoique ce mode réussisse très bien dans des cas isolés et dans des conditions presque primitives. Ses inconvénients seraient grands dans un vaste établissement. Donc les premières difficultés que comporte l'allaitement artificiel, celles d'obtenir un lait se rapprochant autant que possible de celui de la femme et de faire consommer ce lait à une température convenable, avant toute altération, sont susceptibles d'être écartées. Pour avoir ce lait toujours d'excellente qualité on choisirait les vaches dans les races les plus estimées et à l'âge oi!i elles jouissent de la meilleure santé, car on sait que telles donnent un lait plus sucré, plus doux, et d'autres un lait fade, même amer; on rendrait stables ses qualités en faisant subir aux femelles la castration alors que les mamelles jouissent de leur maximum d'activité pour éviter le retour périodique de l'ovulation et du rut qui altèrent le produit de la ALLAITEMENT. 1035 sécrétion mammaire. Au reste, on entretiendrait les bêtes nourrices à la cam- pagne, au grand air, dans l'établissement même où on aurait à cultiver le seigle \erl, l'escourgeon pour le printemps, la luzerne, la minette dorée pour l'été, la betterave et d'autres racines pour la mauvaise saison. Les nourrices quadrupèdes pourraient être divisées en catégories d'après l'âge de la lactation et les qualités du lait. Les plus légers, les plus doux de ces laits seraient attribués aux nom- rissons les plus délicats; les plus riches à ceux qui réclament une alimentation tonique. Dans certains cas on pourrait rendre les laits médicamenteux pour traiter sans danger les jeunes malades. Toutes ces combinaisons auraient de grands avantages au point de vue écono- mique, puisqu'une vache seule pourrait remplacer 10 ou 15 nourrices, quelque- fois même un plus grand nombre. L'allaitement artificiel parles nourrices animales aurait encore pour immense avantage de soustraire l'enfant aux dangers qui résultent de l'alimentation pré- maturée. Gomme il est d'autant mieux supporté que le nourrisson grandit et se fortifie, celui-ci y étant habitué pourrait en user longuement, au-delà même des limites qu'aurait eues l'allaitement maternel. Rien ne forcerait à abréger cet allaitement ou à le remplacer trop tôt en partie par des aliments d'une digestion pénible pour le jeune sujet. Cet avantage me paraît tellement grand qu'il peut compenser à lui seul la somme des petits inconvénients de l'allaitement artifi- ciel. Ceux qui ont eu l'occasion, comme moi, de constater sur les animaux les résultats de l'alimentation prématurée, apprécient cet avantage. L'alimentation prématurée enraye le développement, atrophie d'une manière durable le système musculaire, dilate outre mesure et affaiblit les viscères abdominaux, hypertro- phie les ganglions mésentériques et diminue leur perméabilité, débilite l'écono- mie, engendre le lymphatisme ou l'exagère, prépare un terrain favorable à la multiplication des helminthes, etc. Son influence n'est pas limitée au jeune âge pendant lequel elle multiplie les indispositions et accroît les chances de morta- lité; elle peut s'étendre à tous les âges de la vie de durée ordinaire. L'alimenta- tion prématurée qui fait souvent des animaux chétifs, malingres, scrofuleux, rachitiques, des reproducteurs sans ardeur, des femelles peu fécondes, devenant promptement stériles, doit avoir des effets analogues dans l'espèce humaine. Il ne peut en être autrement. Les lois physiologiques de la nutrition et du dévelop- pement sont des lois auxquelles l'enfant ne se soustrait pas plus qu'aucun autre jeune mammifère. Le physiologiste doit signaler les moyens de perfectionner l'allaitement arti- ficiel par les nourrices animales, aujourd'hui que trop de femmes se contentent du plaisir de faire des enfants et se soustraient à l'obligation de les élever. Il le doit en attendant que le législateur songe à obtenir l'application des lois natu- relles et à contraindre des légions de mamelles rebondies à un service dont elles voudraient toutes s'exonérer. L'accroissement des jeunes animaux, pendant qu'ils vivent du lait de la mère, se fait avec une très grande rapidité, car de jeunes chiens peuvent doubler leur poids initial en six jours seulement. En trente jours, dix chiens d'une même portée, réduits àneuf le vingt-cinquième, et ne prenant que le lait de la mère, 1036 DE LA GENERATION. si ce n'est pendant les dix derniers jours, augmentèrent du poids total de 16 kil. 186. Us pesaient ensemble, à la naissance, 5 029 grammes; et, à la lin du pre- mier mois, 2121S grammes. Le poids initial a été, par conséquent, plus que triplé. Dans le tableau suivant se trouve indiqué pour chaque jour l'augmenta- tion sur le précédent. Ce tableau montrera, au premier coup d'œil, de grandes diirérences individuelles, sous le rapport de l'activité de l'accroissement, parmi des animaux placés dans les mêmes conditions. Pendant que l'accroissement s'opère avec rapidité, l'économie éprouve des changements remarquables dans la structure et le mode d'action des appareils organiques. ï 1 s "g. 2 g 3 z w 5 Z (S a u z a z 3 z 3 o z 3 z S o z w 3 o j 5 o "^ -: ^ Cy  G. co t^ Oî o O o = 1" 520 525 400 532 545 578 495 445 475 514 5029 2" 85 77 60 73 57 62 42 65 50 56 627 3"^ 90 73 60 55 63 110 43 55 100 100 749 4= 105 40 5 35 115 70 75 12 37 ,) 491 5*^ 45 25 33 35 62 » 38 91 48 61 494 6-= 90 55 10 40 92 20 64 9 35 95 510 7" 86 77 45 45 56 225 76 51 60 92 813 S'' 49 43 ), » 32 » 67 34 10 30 265 9'^ 100 20 25 121 141 175 93 28 68 100 831 10'= 55 » 12 12 170 45 30 50 10 )) 384 IP 50 » » 20 » 30 70 70 115 15 435 U^ 110 35 35 95 65 170 137 20 70 102 679 13' 75 ^0 ,, 90 155 15 103 120 125 128 631 14-= 60 1, 1) 75 160 53 5 100 50 55 578 L^-^ 90 25 30 80 80 52 65 25 65 105 542 IG^ 10 30 10 80 70 » 180 25 80 40 525 11' 60 „ 5 60 90 15 25 30 » » 285 18' 90 « » 90 40 85 44 40 70 30 479 19= 1) )) » 135 170 » 16 100 60 15 396 20" 100 8 » » 100 47 65 25 125 57 527 2P 245 32 „ ,) 120 63 80 24 70 103 685 2-2= 20 20 25 115 175 10 » 140 40 55 590 23= 90 20 >, 75 165 20 80 70 90 105 625 24» 5 60 ,) 130 40 180 190 110 165 310 1250 25= 70 10 mort 100 55 40 30 100 105 25 535 26= 15 » » 140 5 130 140 55 55 65 530 21' 60 60 >) 80 115 115 65 40 25 5 665 2h= 250 10 » ,) 155 125 195 25 180 200 1165 29= 70 60 >) 30 75 105 ), 15 100 50 565 30= „ n » 110 55 » 70 75 60 » 370 31= Poids lolal. 110 " " 105 " » 10 20 115 10 470 2900 1775 » 2630 3130 2360 2500 2000 2530 2360 21,685 Dans plusieurs autres portées de chiens, j'ai eu l'occasion de constater avec précision un accroissement plus rapide que celui du tableau précédent. La rapi- dité de cet accroissement est à son maximum lorsque les femelles ont un grand ALLAITEMENT. 1037 appélil, iiuolles reçoivent une abondante nourriture et donnent beaucoup de lait, trois circonstances qui ne se lient pas toujours. En voici un eveaiple remarquable, presque exceptionnel. Une chienne du poids de 25 kil., après la mise bas, élève sept petits pesant ensemble à la naissance 2 870 gr. ou en moyenne chacun UO gr. Ils furent pesés de 7 en 7 jours pendant cinq semaines, Au trente-cinquième jour, ils avaient sextuplé de poids; par conséquent chacun avait ajouté à son poids initial le poids de cinq chiens pris au moment de la naissance. Poids initial des 7. 2 874s^ Poids tiaal de la 1" sem. -4550. Augra. 16758' équiv. à 4 chiens à la naissance, — 2« — 7420. — 2870 — 7 _ 3" _ 9700. — 2280 — 5 1/2 — — 4« 13000. — 3300 - 8 - — 5*= — 17900. itale. 4900 — 12 — Augm. te 15025?^ équiv. à 36 chiens 1/2. Et, chose remarquable, pendant que la mère produit la somme de lait néces- saire à la constitution de ces lo kilog. de chair représentant 36 chiens du poids au moment de la naissance, elle fabrique encore pour son propre compte, c'est- à-dire s'assimile plusieurs kilogr. de chair qui s'ajoutent momentanément à la sienne; ainsi, 3 200 gr. dans la première semaine, l 7o0 dans la seconde, puis elle perd dans la troisième, alors que les forces digestives commencent à fléchir, forces qui, dans la semaine précédente, réussissaient à élaborer de quoi pro- duire 4 620 gr. de chair, tant pour les petits que pour elle. Dès la quatrième, l'alimentation directe commence à apporter un appoint au lait maternel et cet appoint bien digéré rend l'accroissement continu et lui donne de grandes proportions, sauf dans les cas oîi le sevrage entraîne des pertes qui ne trouvent pas de compensation. Chez les oiseaux, comme on l'a vu déjà au chapitre de la nutrition, l'accroisse- ment est encore dans beaucoup d'espèces, plus rapide que chez les mammifères. Je puis en donner une nouvelle preuve relative à celui du merle. A partir de l'éclosion jusqu'au moment où il sort du nid, c'est-à-dire, dans la période qui correspond à l'allaitement chez les mammifères, cet oiseau augmente de 8 à 9 fois son poids initial, puis encore une à deux fois dans la première semaine qui suit sa sortie, une fois et demie dans la seconde, après laquelle son aug- mentation est insignifiante, car au delà de la troisième semaine, il a presque acquis son poids d'adulte. Ainsi, quatre merles qui devaient peser ensemble en sortant de l'œuf 24 à 25 gr. pesaient au moment de quitter le nid, 222 gr. et demi, soit chacun 55 gr. 5. — 272 gr., ou chacun 68 gr. à la fin de la première semaine; — 310 gr. ou chacun 77 gr. 5 à la fin de la seconde ; — 3 1.2 à la fin de la troisième. Il en résulte qu'à la fin du premier mois après la naissance, le merle pèse douze merles sortant de la coquille. 1038 DE LA GENERATION. Tableau de V accroissement d'un chien pendant les deux premiers mois. P S o H Q o H H w 5 ir. S o Z O N Z w 3 o en C5 S o Z '' Ed O Z o o « % o Z '^ en w Q Z o s « H Z 3 Q O < « n S o z "^ ■T. a Z 0 2z gg a a D < S 0 Z '^ Q Z 0 y ta s D 1er 3« 4= 7" S'' 130 125 40 120 130 115 195 160 9e lOe lie 128 13e 14e 15e 16e 195 175 210 200 280 150 180 120 17e 18« 19a 20e 21e 22e 23e 24e 230 280 250 209 210 140 360 50 25e 26« 27e 28« 29e 30e 31e 82e 220 110 165 65 50 180 210 160 33e 34e 35e 36e 37e 38e 39e 40e 100 200 40 190 240 160 90 120 41e 42e 43e 44e 54e 64e Poids le 618 jours. 80 200 20 1430 1740 10,440 Dès que le jeune animal est sorti du sein de sa mère, la respiration s'est éta- blie, et avec elle la circulation s'est modifiée. Le cours du fluide nutritif s'est limité tout d'un coup au fœtus : le sang qui allait se vivifier dans le placenta est porté, dans le même but, au poumon pour s'y mettre en rapport avec l'air atmo- sphérique ; ce même fluide qui, jusqu'alors, avait emprunté des matériaux à la mère, par l'intermédiaire du placenta, va les puiser dans l'intestin où le premier aliment se digère avec une extrême facilité. Par suite de ces premières modifications, les dispositions anatomiques qui réglaient le cours du sang pendant la vie intra-utérine s'effacent : le trou de Botal s'oblitère peu à peu, ainsi que le canal artériel, le canal veineux, la veine et les artères ombilicales. Le trou de Botal se ferme aux dépens de la valvule qui le circonscrivait en grande partie ; son oblitération est complète, d'après les observations de Flourens, au bout de douze jours sur le cochon d'Inde, de seize sur le lapin, de vingt-trois sur le chien ; mais elle ne l'est que de un à deux ans dans l'espèce bovine. Le canal artériel s'oblitère en moins d'un mois, et dès les premiers jours sa cavité est si rétrécie et ses parois sont si épaisses, qu'il cesse à peu près complètement de donner passage au sang. La veine ombilicale et le canal veineux s'affaissent très vite ; dès les premiers moments, le sang ne coule plus dans la première, bien que sa cavité puisse encore persister longtemps, même pendant six mois, comme j'ai vu sur le lion. Les artères ombilicales ces- sent aussi d'être parcourues par un courant sanguin, bien qu'elles restent encore un peu perméables au sang, surtout à leur partie supérieure, quelquefois pen- dant toute la vie, comme les injections le font voir souvent sur le cheval. Les vaisseaux omphalo-mésentériques, l'artère et la veine qui, déjà, avant la nais- sance, n'avaient plus de lumière, disparaissent totalement. Néanmoins, on les voit encore très bien sur les chiens de un à deux mois. La rapidité de l'accroissement est bien moindre chez les jeunes animaux qui, au lieu de recevoir le lait de la mère, sont soumis à une alimentation j)eu en rap- ALLAITEMENT. 1039 port avec les forces de l'appareil digestif. On a remarqué que les enfants sevrés prématurément deviennent cliétifs, qu'ils prennent un abdomen volumineux et donnent des signes de rachitisme (J. Guérin). D'après les statistiques, la mor- talité des nourrissons sevrés hâtivement est quelquefois de 20, 50, 60 pour 100, tandis qu'elle n'est que de moitié et souvent moins parmi les enfants élevés par leur mère. Les animaux sont à peu près dans le même cas : les agneaux, les "veaux, les chiens qui ont reçu trop tôt, au lieu de lait, l'alimentation des âges ultérieurs, prennent un aspect misérable, un ventre énorme; leurs muscles demeurent mous et grêles, etc. La durée de l'accroissement, qui doit s'étendre bien au delà du sevrage, n'est pas, quoi qu'on en dise, proportionnelle à celle de la vie fœtale, puisque, chez l'homme, l'accroissement dure vingt-deux à vingt-trois fois la vie utérine, et cinq lois seulement chez le cheval. Mais cette durée se proportionne mieux avec celle de la vie totale ; car, suivant Buffon, la vie des mammifères est égale à six ou sept fois la durée de l'accroissement, et à cinq fois, d'après les calculs de Flou- rens \ qui a pris pour mesure le temps écoulé entre la naissance et la soudure des épiphyses. Or, d'après ce principe, la durée de la vie humaine doit être de cent ans ; celle du chameau, de quarante ; du cheval, de vingt-cinq. La règle pour- rait être vérifiée si l'on connaissait exactement, d'une part, l'âge auquel a lieu la soudure des épiphyses, et, d'autre part, la limite de la "vie. Or, ces deux termes sont à peine connus pour les animaux que nous avons constamment sous les yeux. Le thymus ne tarde pas à diminuer de volume relativement au reste du corps, mais il ne disparaît cependant pas très vite ; car, sur les chiens et les chats de deux à trois mois, il offre encore un développement considérable, et l'on en trouve, du reste, sur le bœuf et le cheval, jusque dans le cours de la deuxième année. La peau, chez les animaux nus au moment de la naissance, se couvre de poils. Les paupières des chats commencent à se décoller et à s'écarter l'une de l'autre à l'angle nasal le luiitième ou le neuvième jour; celles des chiens, le onzième ou le douzième, et quelquefois seulement le vingtième. Mais les yeux ne s'ouvrent pas tout d'un coup : en générai, le premier jour il ne se fait qu'une petite fente; le second, le décollement est à demi-effectué, et le troisième, il l'est entièrement ; du reste, dans la même portée, il est des petits qui sont deux ou trois jours en retard sur les autres. Sous ce rapport, il y a un contraste remar- quable entre ces animaux si longtemps aveugles et les petits des solipèdes et des ruminants qui voient si bien et jugent des distances avec tant de précision tout en sortant du sein de la mère. Peu à peu, les jeunes animaux prennent de la vivacité. Les petits carnassiers qui, d'abord, ne faisaient que ramper, commencent, au bout de quinze à vingt jours, à marcher, puis à se tenir assez bien debout. Alors, la mère n'est plus obligée de les emporter avec ses dents quand elle veut les faire changer de place. Mais, dès les premiers jours, les petits solipèdes et ruminants se tiennent bien debout et sont capables de suivre leur mère. 1. Flourens, De la lonr/évité humaine. Paris, 1856. 1040 DF. LA GÉNÉRATION. A mesure que les jeunes animaux grandissent, leurs organes digestifs se pré- parent à élaborer une nourriture autre que le lait maternel dont la proportion n'est bientôt plus en harmonie avec les besoins de la nutrition ; ils cherchent à man- ger, tout en continuant à teter; et, pour obéira cette modification des instincts de conservation, ils commencent à s'éloigner de la mère à des intervalles de plus en plus prolongés. Celle-ci semble leur prodiguer moins de soins : sa sollicitude pour eux s'affaiblit; parfois, elle cherche à s'éloigner quand ses petits viennent s'attacher à ses mamelles ; plus tard, elle fuit à leur approche, murmure dès qu'ils saisissent les mamelons. La chienne semble alors les menacer de quelques coups de dents, et la vache de coups de pied. Enfin, arrive le moment où la sécré- tion mammaire tarit, et oi!i les mamelons deviennent sensibles à la pression des mâchoires qui s'arment de dents aiguës, surtout chez les carnassiers. A compter de cette époque, l'animal est forcé de se sevrer : vers six semaines à deux mois chez le chien, le chat, et probablement chez d'autres carnassiers, vers cinq à six mois seulement chez les solipèdes et les ruminants que l'on ne sépare point de leur mère. Dès lors, les relations entre la mère et ses petits changent considérablement. Aussitôt que ceux-ci cherchent à partager la proie qu'on jette à la première, elle les menace, les repousse même, et ne les laisse entrer en partage que de guerre lasse et pour ne pas perdre sa part. Enfin, les liens de famille se rompent par l'impérieuse nécessité de la conservation individuelle. La femelle, parmi les carnassiers, force sa progéniture à s'éloigner ; elle ne veut plus rien avoir de commun avec ses petits ; pas même la circonscription dans laquelle elle les a élevés. Ceux-ci ne voient plus en elle qu'une inconnue ; ils s'en séparent et se séparent les uns des autres. La séparation est le prélude de la lutte pour l'exis- tence. Au contraire, parmi les herbivores, les liens de la famille ne se brisent point pour une pâture que chaque individu doit trouver en abondance et dont il peut jouir paisiblement. Loin de là, ces liens s'étendent à une espèce de société qui devient, pour tous une famille commune. LIVRE ONZIÈME DE LA CHALEUR AXIMALE Les actions chimiques effectuées dans les tissus et dans les liquides de l'orga- nisme donnent lieu, surtout chez les animaux supérieurs, à un dégagement con- sidérable de calorique qui rend la température du corps à peu près indépendante de celle des milieux. C'est là ce qu'on appelle la chaleur animale. Quoique la faculté de produire du calorique soit commune à tous les animaux, les vertébrés les plus parfaits, ou les mammifères et les oiseaux qui portent le nom d'animaux à sang chaud, sont les seuls chez lesquels elle soit portée à un haut degré. Elle leur permet de vivre sous toutes les latitudes et à des hauteurs ou l'abaissement de la température rend toute végétation impossible. Examinons successivement les moyens de mesurer la température des divers animaux, son mode de répartition, ses variations, ses conditions d'équilibre et ses sources. CHAPITRE LXXVllI DE LA DÉTERMINATION ET DE LA DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE Des iiisti>iime»ts propres s\ cléteroiiiier la. tciiii»érsttiire des aiiiiusiiix. — On se sert, pour mesurer la température de l'homme et des animaux, soit de thermomètres ordinaires très sensibles, marquant au moins les dixièmes de degrés, soit de thermomètres métastatiques à maxima et à échelle arbitraire, soit, enlin, d'appareils thermo-électriques d'une grande sensibilité. Les thermomètres ordinaires, gradués sur tige, à réservoir très petit et à tube presque capillaire, conviennent parfaitement dans un grand nombre de circon- stances. Ils se mettent très vite en équilibre de température avec les parties explorées sans leur enlever beaucoup de calorique, et indiquent, s'ils sont un peu sensibles, des cinquièmes, des dixièmes, même de plus faibles fractions de degré. Ils peuvent, s'ils ont une tige assez longue, être portés dans les cavités naturelles, sous la peau, dans les muscles, les viscères, le cœur des petits ani- maux, et permettre à l'observateur de lire leurs indications, pendant qu'ils sont en place ; mais il est impossible de s'en servir, sans les briser, pour prendre la température des parties profondes sur les grands animaux; d'ailleurs, leur tige est généralement trop courte pour que leurs indications soient lisibles dès que leur boule parvient à une certaine profondeur. C'est pour les observations à faire sur les grands animaux et dans les cavités 6. COLIN. — Physiol. comp., 3° édit, • II. — 66 1042 DE LA CHALEUR ANIMALE. viscérales que les thermomètres métastatiques à maxima, imaginés par Walfer- din sont indispensables. Ceux-ci ont un réservoir très petit et un tube à peu près capillaire: un globule de mercure, séparé du reste par une bulle d'air, sert de curseur, et s'arrête au point correspondant à l'indication donnée ; celle-ci est notée lors- que l'instrument est retiré ; et, pour mettre le thermomètre en mesure de servir à une nouvelle observation, on fait descendre le curseur vers le réservoir au moyen d'une forte secousse ou d'un mouvement en fronde. La valeur des indications s'obtient en com- parant le thermomètre métasta- tique à un thermomètre étalon. Les thermom.ètres métastati- ques peuvent être aisément portés dans les parties profondes et dans les cavités viscérales, à l'aide de divers instruments que j'ai ima- ginés il y a longtemps. Le pre- mier (lig. 239) sert à descendre le thermomètre dans les cavités du cœur. Il se compose d'un tube métallique de 4o centim. de lon- gueur sur 7 à 8 millim. de dia- mètre, portant à son extrémité libre une cage elliptique à larges fenêtres ; le thermomètre s'y meut à l'extrémité d'une sorte de pis- ton, et vient placer son réservoir dans la cage largement ouverte. L'appareil, préparé pour l'expé- rience, est descendu, soit dans le cœur droit, par une ouverture à la jugulaire vers la partie infé- rieure du cou, soit dans le cœur gauche, par la carotide. Au bout de deux à trois minutes il est retiré ; l'indication donnée est lue ; FiG. 258. — Thermomètres métastatiques de Walferdin (*). après quoi, le globule servant de curseur est rapproché du réservoir, et le tout (*) L A B, thermomètres métastatiques à mercure. IL C, thermomètre à maxima. thermomètres métastatiques à maxima. — IV. E, thermomètre métastatique à alcool. III. A' C D, DÉTERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. 1043 «?st disposé pour une nouvelle observation. Cet instrument est très convenai)le encore pour obtenir la température des cavités nasales, de la trachée, du rectum, du vagin, de l'utérus, de la vessie. Lorsque l'appareil conducteur est composé de deux parties, Tune, a, qui reçoit le thermomètre, l'autre, e, qui fait l'office de simple prolongement, la partie a se meut anguiairement sur l'autre, en h^ à l'aide d'un fil métallique rigide étendu depuis le bouton d jusqu'à l'articulation. Avec cette modification, la boule du thermomètre peut être arrêtée dans la Aeine cave antérieure, poussée dans la postérieure, tenue dans l'oreillette, ou descendue dans le ven- tricule. -e FiG. 259. 1-1 FiG. 260 (*). Pour déterminer la température des viscères tels que l'estomac, le cœcum, les diverses parties de l'intestin où le thermomètre ne peut être porté qu'à travers des ouvertures artificielles, je me suis servi d'un autre appareil (fig. 2601 ressem- (*) Fig. 260. — A. Appareil disposé pour porter le thermomètre dans les organes ; n, pointe de trocart • b, fenêtre fermée en regard de la boule du thermomètre ; d, \is de pression maintenant immobiles les' diverses parties de l'appareil; c, poignée. — B. Appareil disposé pour l'observatioQ : 6, fenêtre ouverte. 1044 DE LA CHALEUR ANIMALE. blant, quant à la forme, au précédent, et constitué par deux tubes jouant à frottement l'un dans l'autre, tubes dont l'interne est terminé par une pointe de Irocart. On l'enfonce dans les organes, comme on le ferait d'un trocart ordi- naire; puis, en imprimant un léger mouvement semi-circulaire au tube interne, on masque la pointe et l'on ouvre la fenêtre qui correspond à la boule du ther- momètre. Une fois qu'il s'agit de retirer ce dernier, on ferme la fenêtre par un léger mouvement circulaire du tube interne, et dès lors on ne court aucun risque de laisser l'air s'introduire dans l'organe. C'est à l'aide de ces appareils très simples que j'ai pu expérimenter sur les grand animaux, en conservant pendant longtemps des thermomètres précieux construits par Walferdin, et pour l'emploi desquels ce savant physicien a bien voulu me donner toutes les instructions nécessaires. Les appareils thermo-électriques employés par Becquerel, pour obtenir, soit la température absolue d'une partie, soit les différences de température entre des parties plus ou moins éloignées, se composent d'aiguilles formées d'un segment de cuivre et d'un segment de fer soudés bout à bout. Par l'une de leurs extrémités, elles sont unies au moyen d'un lil métallique spirale ; par l'autre, elles sont mises en rapport avec le lil d'un galvanomètre. Lorsqu'on veut mesurer la température d'une partie, on y enfonce une des aiguilles, et l'on tient l'autre dans un milieu à température connue et constante, très voisine de celle qui s'agit de préciser. C'est par l'étendue de la déviation de l'aiguille du galvanomètre que l'on juge du degré de chaleur. S'il s'agit d'appré- cier les différences de température qui peuvent exister entre deux parties plus ou moins éloignées, on implante une aiguille dans chacune, puis on note le sens et l'étendue de la déviation de l'aiguille du galvanomètre. Comme les aiguilles prennent très vite la température des parties, et qu'elles peuvent être intro- duites sans lésions notables dans les cavités naturelles, dans les organes et les vaisseaux, elles indiquent non seulement les températures avec précision, mais encore leurs variations les plus brusques, telles que celles résultant de la con- traction musculaire. Mais ces appareils d'une grande sensibilité, que les physi- ciens seuls savent bien diriger, ne sont point commodes pour les physiologistes. Le milieu à température constante, très voisine de celle qu'il s'agit de mesurer, n'est pas facile à obtenir pour l'une des aiguilles. Dans beaucoup d'expériences même, on ne sait comment régler ce milieu, faute de savoir à peu près la tem- pérature qu'il s'agit de constater ; de plus, comme le fait remarquer A. Wurtz^ les plus légères variations du milieu et les actions chimiques développées au contact des liquides de l'économie avec les métaux des aiguilles suffisent pour induire l'observateur en erreur. En somme, les thermomètres ordinaires très sensibles et Ips thermomètres métastatiques donnant les dixièmes ou les vingtièmes de degré, portés, soit directement dans les parties, soit à l'aide des appareils décrits plus haut, sont les instruments les plus convenables pour la plupart des recherches physiologi- ques sur la température animale. 1. A. Wurtz, De la jiroductioji de la chaleur dans les êtres organisés, thèse d'agréga- tion, 1817. DÉTERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. 1043 Lorsqu'il s'agit de déterminer la somme de calorique produite ou dégagée par un animal, en un temps donné, on peut se servir soit du calorimètre à glace employé par Lavoisier et Laplace, dont la description et la figure se trouvent dans la plupart des traités de physique, soit du calorimètre à eau de Dulong, dont voici la figure. Ce dernier appareil se compose d'une chambre de fer-blanc BB', dans laquelle se trouve une cage contenant un petit animal. Celte chambre est FiG. 261. — Calorimètre de Diiloiiï. renfermée dans une seconde AA', de même métal, et un peu plus grande de telle sorte qu'entre elle existe un espace rempli d'une quantité connue d'eau. La chambre intérieure communique avec deux gazomètres, l'un fournissant l'air nécessaire à la respiration de l'animal, l'autre recevant les gaz expirés qui ont préalablement traversé un serpentin SS existant à la partie inférieure de l'appa- reil. Le calorique dégagé par l'animal enfermé dans le calorimètre est absorbé par l'eau comprise entre les deux chambres, et la température de ce liquide est constatée à chaque instant à l'aide des thermomètres QQ. On peut en comparer îa somme à la quantité d'oxygène consommé et à la quantité d'acide carbonique produit pendant la durée de l'expérience. Les moyens d'expérimentation nous étant connus, voyons quelles indications ils nous donnent chez les divers animaux. Teiiipéi-attire fies uutuiiitifères et fies oiseaux. — Chez tous les vertébrés supérieurs, la calorification offre ce double caractère d'être très active et de maintenir la température du corps à un degré à peu près constant quelle que soit celle des milieux où ils peuvent vivre. La température de l'hom- me et des animaux de sa classe est presque uniforme : elle oscille entre 37 et 1046 DE LA CHALEUR ANIMALE. 40 degrés. L'homme donne, à l'âge adulte et dans les conditions ordinaires, 37 degrés, un demi-degré au-dessous ou un demi-degré au-dessus , d'après la moyenne résultant du plus grand nombre des observations. Les variantes nom- breuses données par les expérimentateurs tiennent, les unes à des imperfections d'instruments, les autres à ce que les points où le thermomètre a été placé, l'aisselle, la bouche et les autres cavités, n'ont pas une température égale ; enfin, quelques unes sont dues aux conditions diverses dans lesquelles se trou- vaient les sujets observés. Pour les animaux domestiques, j'ai trouvé, terme moyen : Cheval et âne 37°,5 à 38° Bœuf. '. .. 38° à 38°,5 Bélier 30°, 5 à 40° Chien et chat 38°,5 à 39° Lapin 39,5» à 40° Les animaux sauvages ont donné : Renard arctique 36°, 6 à 4P,5 Parry. Chacal 38°,3 J. Davy. Loup 40°,5 — Panthère 38°,9 — Tigre 37°,9 — Élan 34°,4 — Lièvre 37°, 8 Delaroche. Lamantin 39° à 40 Martine. Baleine 38°,8 Scoresby. Les oiseaux, qui jouissent d'une très grande activité fonctionnelle, et qui consomment plus d'oxygène que les mammifères, ont une température un peu plus élevée que ces derniers. J'ai trouvé, pour les oiseaux domestiques: Pigeon 42°,0 Coq 42°,2 Canard 42°,0 Oie 4l°,5 Dindon 42°,5 On a constaté les températures suivantes sur les espèces sauvages : Faucon 40°, 5 à 43° J. Davy. Chouette 41°, 4 Despretz. Corbeau 42°, 9 — Héron 4i°,0 Prévost et Dumas. Eider 42°,4 Martins. Cygne 41°, G — Paon 400,5 à 43° J. Davy. - Pintade 43°,9 — L'examen de ces chiffres montre, du premier coup d'œil, que la température des oiseaux est supérieure à celle des mammifères, ce que pouvait faire prévoir la prééminence de la respiration ou la consommation plus active d'oxygène chez DÉTERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. 1047 les premiers; mais, sauf cette différence bien sensible, on ne voit point que les variations constatées soient en relation avec la taille, le mode d'alimentation des animaux, ni avec quelque autre condition physiologique importante. Teiupéi-ature «les aiiinia.nx: à sang: froifl. — Chez les animaux dits à sang froid, la température est toujours un peu plus élevée quecelle des milieux. L'excès n'est souvent que de quelques dixièmes de degré; il peut s'élever à plu- sieurs degrés suivant les espèces et les conditions soit physiologiques, soit exté- rieures. Ainsi celle des vipères, des couleuvres et des tortues, dans les expériences de Davy, a été en excès de 1 à 4 degrés ; celle des grenouilles, de o dixièmes seulement, dans les expériences de Becquerel, faites à l'aide du thermo-multi- plicateur. La température des poissons est moindre encore : de O.o à 0,7 chez l'anguille et la tanche. Dans un petit nombre d'espèces seulement, elle a dépassé de plusieurs degrés celle de l'eau. Chez les mollusques de grande taille, elle s'est élevée quelquefois à plus d'un degré. Certains insectes, pris en masse, les hannetons par exemple, on donné 2 degrés au-dessus de l'air dans les expé- riences de Regnault et Reiset, d'un demi-degré à 3 degrés et demi dans une des miennes. Les abeilles peuvent, d'après les observations de Huber, produire, par les temps froids, assez de chaleur pour porter à 30 degrés la température des ruches. Tousles animaux jouissent donc, dans certaines limites, de la faculté de déve- lopper de la chaleur. Les uns en produisent assez pour se maintenir à une tem- pérature constante, indépendante de celle des milieux ; les autres en dégagent fort peu, suivent celle des milieux, et les dépassent seulement de quelques degrés ou fractions de degré. Les plantes n'en produisent, d'une façon bien sensible, que dans certaines circonstances, par exemple dans le spadice des arum, dont la température, au moment de la fécondation, dépasse de 10 à [o degrés celle de l'air. Cependant les parties vertes de diverses plantes peuvent, suivant Dutrochet, s'élever de 2 à 3 dixièmes de degré au-dessus de l'air ambiant. Les tiges des arbres auraient même encore, suivant Hunter, une température un peu supérieure à celle de l'air. Mais, sur ce dernier point, il reste des doutes qu'il est difficile de dissiper ; car l'arbre, en raison de sa masse et des propriétés de ses tissus mauvais conducteurs du calorique, emploie un temps très long à se mettre en équilibre de température avec l'air, et n'y arrive même pas si les variations extérieures se succèdent avec quelque rapidité. En hiver, l'arbre est souvent plus chaud que l'air, et d'autant plus qu'on s'éloigne, davantage des couches superficielles. C'est avec une certaine lenteur qu'il descend dans les parties centrales à 8, 10, 12 degrés au-dessous de zéro, tandis que ses feuilles, ses rameaux, ses petites branches, y arrivent promptement^ Aussi peut on con- clure avec Becquerel, que la plante ne doit pas avoir une température très diffé- rente de celle des milieux, et que cette température est peu ou point influencée par les actions chimiques qui s'opèrent dans les tissus. Distrilsiitiou de la teinpératiire clans les diverses parties du 1. De 1863 à 1870 j'ai fait à ce sujet sur forme, l'acacia, le marronnier, le cèdre, etc., un grand nombre d'observations que je publierai plus tard. 1048 HK LA CHALEUR ANIMALE. coi*i»iii. — L'ensemble de l'organisme doit être considéré tout à la fois comme une agglomération de foyers d'inégale intensité et comme une masse inerte sou- mise aux lois générales de la conductibilité et du rayonnement. La température de cette masse est nécessairement inégale, quoique le sang tende à y disséminer la chaleur, comme le fait l'eau qui parcourt les tuyaux d'un calorifère. Elle est à son maximum dans les parties centrales et diminue à mesure qu'on se rappro- che, soit des parties superficielles, soit des extrémités des membres et des autres appendices dont la surface est très grande relativement au volume. En thèse générale, l'intensité de la chaleur dans les parties animales est proportionnelle : 1° à l'intensité des actions chimiques qui la produisent; 2° à l'activité de la cir- culation qui la dissémine; 3° enfin, à l'exiguïté des pertes résultant du rayon- nement et de la conductibilité. Les expérimentateurs qui ont voulu juger de la distribution de la chaleur, ont porté le thermomètre dans la bouche, le vagin, le canal de l'urèthre, le rectum, sous l'aisselle, à l'ars, à l'aine, dans les plis des articulations, sous la peau, dans les muscles, etc. On a vu plus haut comment cet instrument peut être engagé dans le cœur et dans les différents viscères dont on tient à mesurer la tempéra- ture. Mais, jusqu'ici, les recherches tentées dans le but de déterminer la répar- tition de la chaleur n'ont point été exécutées avec rigueur et d'après des bases qui rendent leurs résultats comparatifs; néanmoins, elles conduisent à des approximations qu'il faut enregistrer à titre provisoire. Dans les expériences de J. Davy, qu'il faut d'abord rappeler, la température sur des moutons qu'on venait de tuer, s'est montrée notablement plus faible vers les extrémités et aux surfaces que dans les parties profondes. Cet observa- teur a trouvé, en engageant le thermomètre sous la peau ou dans les organes : au tarse, 32,22; — au métatarse, 36,11; — au genou, 38,89; — au haut de la cuisse, 39,44; — à la hanche, 40,00; — dans le cerveau, 40,00; — dans le rectum, 40,56; — à la base du foie, 41,11 ; — dans l'intérieur du foie, 41,39; — dans le ventricule gauche, 41,67. Dans les miennes, sur les animaux, j'ai toujours cherché à déterminer la tem- pérature, par zones, de la périphérie au centre. Au niveau du tronc, à la surface de la peau, la boule du thermomètre étant couverte par les poils, la température a varié sur le cheval de 27 à 33 degrés 1/2, — sur le cochon d'Inde de 33 à 36, — sur le lapin de 34 à 37, — sur le bélier de 34 à 38, — soit de 2 à 10 degrés au-dessous de la température des parties centrales. Tout à fait aux extrémités, par exemple d'ans les espaces interdigités des petits ruminants, elle a été bien moindre ou de 26 à 27 degrés. Au contraire, dans les plis où les membres touchent au tronc, comme à l'ars et à l'aine ou au fond de la conque, elle s'est élevée sur le lapin de 38°, 5 à 39", 5, soit à un demi-degré près la température des parties intérieures. La température des parties superficielles du corps des grands mammifères présente, d'une région à une autre, des différences plus grandes que dans l'es- pèce humaine. Prise à la surface de la peau, avec un thermomètre à réservoir très petit, qui se cache sous les poils, elle montre des différences énormes indi- quées dans les tableaux suivants. Dans le premier, qui a pour objet un cheval à DÉTERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE, 1049 longs poils d'hiver, j'ai trouvé, à une température voisine de 0, les tempéra- tures indiquées ci-dessous : Au rectum 38 Sur les côtés de la poitrine. . . 35,2 Sur les côtés du ventre 34,7 A la cuisse, face externe 34,6 Sur la croupe 34,2 Au bord supérieur du cou sous la crinière 34,2 A la nuque sous les crins 34,3 Au milieu de l'épaule 33,7 Fosse temporale 33,6 Front, joue 31,8 Pli de Tavant-bras 30,0 Garrot 29,6 Reins 27,8 Dos 27,2 Genou, face antérieure 18,5 Canon, face antérieure 16,0 Boulet 15,5 Paturon et couronne 13.5 Dessous du pied (lacune niéd. de la fourchette) 11,5 Abaissement. 2,8 3,3 3,4 3,8 3,8 3,7 4,3 4,4 6,2 8,0 8,4 10,2 10,8 19.5 22,0 22,5 24,5 26,5 Par un froid plus vif, la température extérieure du corps baisse encore d'une manière notable. Ainsi, par une température extérieure de 4 à 5 degrés, j'ai noté sur 2 chevaux : 1" cheval, de grande taille. Réduct. Rectum 38 » Région costale 30,2 7,8 Lacune de la fourchette, pied malade...., 10,2 27,8 Même point pied sain 6,6 31,4 Grasset 30,6 7,4 Avant-bras, face antérieure. . 27,7 10,3 Boulet, face antérieure 9,2 28,8 2' cheval: Région costale 30,7 7,3 Groupe 31.7 6,3 Avant-bras, face antérieure. . . 26,6 11,4 Boulet 9,2 28,8 Couronne 8,0 30,0 Lacune de la fourchette 4,2 . . 33,8 Dans ces observations, le thermomètre étant sous les poils, on a bien réelle- ment à peu près la température superficielle de la peau, car l'instrument, engagé dans le tissu cellulaire sous-cutané, ne donne que de 5 dixièmes de degré à un degré au-dessus de la température de la face extérieure du tégu- ment. 1050 DE LA CHALEUR ANIMALE. Voici, pour d'autres animaux, les températures superficielles constatées : Agneau d'Afrique, toison de 4 centimètres. Abaissement. Température du rectum :i9,.3 » — de l'aine 40,1 » — de l'aisselle.... 38,2 1,1 Région costale 37,7 1 ,G Région du flanc 38,7 0,6 Intérieur de l'oreille 35,-2 4,1 . Pli du jarret 21,2 18,1 Canon, face antérieure 20,2 19,1 Genou 22,2 ...... 17,1 Pied ant. espace interdigité. . 24 15,3 Dessous du pied 20,2 19,1 Chien gras, à poil court, après 24 heures d'exposition en plein air, à tempé- rature inférieure à G» : Abaissement. Rectum 39,4 » Aisselle 37,7 1,7 Aine 37,2 2.2 Côtes 34,2 5,2 Espace interdigité 34,2 5,2 Espace interdigité post 23,7 15,7 Dessous du pied 21,2 18,2 Chat adulte, après exposition pendant 24 heures à une température infé- rieure à 0" : Abaissement. Rectum 38,7 » Flanc 36,7 2.0 Aisselle 39,2 Aine 39 » Fond de l'oreille 33 5,7 Côtes 35,7 3,0 Patte antérieure 25,2 13,5 Patte postérieure 24,7 14,0 Sur un lapin adulte de grande taille, en digestion, sortant de sa cabane, mais mis en expérience à la température de + 3, les parties superficielles du corps ont donné : Rectum 39,4 Aine 39,5 Aisselle 39,5 Région costale 38,5 Intérieur de l'oreille 39 Pattes de derrière 37,5 Pattes de devant 36,5 Bout de l'oreille 25 — après refroidissement 15 On voit, d'après ces tableaux, que les régions superficielles du corps sont DÉTERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. lOol refroidies proportionmilement à leur distance des parties centrales ou des grandes masses du tronc. Dans le tableau de Davy, relatif à riiomme, il y a seulement un écart de 4 degrés 1/2 entre l'aisselle et la plante du pied; chez le cheval, dans les miens, cet écart va jusqu'à 25 degrés, même quelquefois au delà. J'ai trouvé, en efl'et, dans une atmosphère à 0 sur des chevaux peu velus ou à peau dénudée, un abaissement de 28 degrés au genou, de 29 au boulet et de 32 à la face inférieure du pied, dans ce qu'on appelle la lacune médiane de la fourchette. Les parties superficielles du corps ont donc une température inégale et une température variable ; inégale en raison d'une foule de causes, et variable sui- vant les degrés de la température extérieure. Dans les milieux à température moyenne le minimum est donné par la peau, d'abord à sa surface, surtout si elle est nue ; ce minimum s'atténue à mesure qu'on se rapproche des parties profondes. Lorsqu'on parvient à la dédoubler en quelques points à l'aide d'un instrument mince, le thermomètre engagé entre les deux feuillets n'accuse pas une température beaucoup plus élevée qu'à l'exté- rieur. A sa face profonde il donne 12 degré, 1 degré, 1 degré 1 2 de plus qu'à sa face externe, rarement davantage. Mais, peu à peu, le tissu cellulaire sous- jacent, les réseaux veineux, le pannicule adipeux se rapprochent de la température centrale et perdent la variabilité thermique qui appartient à la peau plus qu'à tout le reste de l'organisme. La température du tissu cellulaire sous-cutané, ou, si l'on veut, de la face intérieure de la peau, n'est guère plus élevée que celle de la face extérieure du tégument. Sur le cheval, elle varie de 33 degrés à 36°, o, par conséquent elle oscille entre 1 degré 1/2 et 4 degrés 1/2 au-dessous de celle des parties cen- trales. Elle varie dans des limites d'autant plus étendues que le tégument est moins protégé par les poils, la toison ou autres revêtements mauvais conduc- teurs du calorique. Dans les muscles, à 2, 3 ou 4 centimètres de profondeur, il n'y a plus qu'un demi-degré à l degré au-dessous de la température des parties très profondes. On sait que Becquerel et Breschet ont trouvé la gaîne celluleuse du biceps à 1,0 au-dessous de la température de l'intérieur du muscle. J'ai constaté un écart souvent plus grand encore sur le cheval, soit de 2 et même de 2 degrés 1/2. entre les muscles cruraux antérieurs, les muscles fessiers et leur enveloppe cellulaire sous-jacente à la peau. Toutefois, cette prééminence thermique si prononcée du muscle sur le tissu cellulaire doit être rapportée, non à la diffé- rence de nature des parties examinées comparativement, mais à une différence de profondeur ou de stratification se rattachant à la loi formulée plus haut. D'ailleurs la température des muscles devient très variable suivant leur état d'inertie ou de contraction et l'énergie ou la durée de leur action. En plaçant un thermomètre très sensible sous la peau, en regard des muscles dits olécra- niens, et un autre semblable pour terme de comparaison sous la peau des pa- rois costales, j'ai vu, après 4 à 3 minutes, le premier thermomètre monter de 1 à 1 degré 1 2 pendant que celui des parties centrales demeurait stationnaire. Entre la peau de la joue elle masséter, l'instrument indiquait une augmentation 1052 DE LA CHALEUR ANIMALE. (le 2 degrés et demi à 3 degrés de la première à la cinquième minute, puis de 4 degrés et quelques dixièmes au bout d'un quart d'heure, pour peu que le jeu des mâchoires fut rapide. Il en est de même pour toutes les autres parties. Le thermomètre engagé dans la saphène, la sous-cutanée thoracique, la jugulaire, y indique constam- ment une température plus basse qu'à la carotide, aux veines caves et au cœur. Dans les expériences de Hunter, l'instrument donnait à l'entrée de l'urèthre, au delà du gland, 33°, 3, et au niveau du bulbe 36°, 11. Sur le chien, le mouton, j'ai constamment trouvé la température du fourreau inférieure à celle du canal de l'urèthre, celle de l'entrée de ce conduit inférieure à la température de sa portion pelvienne. La température de la verge et du canal de l'urèthre ne dépend pas seulement de sa situation exsertile ou de son retrait dans le fourreau, elle tient aussi à l'intensité de la congestion du tissu érectile. Il peut y avoir 10 degrés de diffé- rence entre l'étal d'érection et celui de prolapsus. Ainsi sur un cheval dont l'érection venait de cesser, le thermomètre marquait dans l'urèthre, à 10 centi- mètres de profondeur, 36°, 2, l'atmosphère étant à 26° Sur un autre à verge pendante 28, et sur un troisième 26°, 5, dans un milieu à -{- l6. Au tronc et dans les cavités viscérales, les différences thermiques ne sont plus simplement en rapport avec la profondeur des couches ; elles le sont en même temps avec la nature et la fonction des organes. La température du bassin est habituellement la plus fixe ; celle de la partie moyenne de l'abdomen est la plus élevée, mais avec des variations nombreuses subordonnées à l'ingestion des ali- ments, des boissons plus ou moins froides ou échauffées et au travail digestif; elle baisse chez les herbivores pendant les repas et après l'ingestion des bois- sons, pour se relever avec lenteur une fois que l'équilibre s'est établi entre les viscères abdominaux. Le contenu de l'estomac peut ne marquer que 18 à 20 de- grés lorsque l'animal vient de s'abreuver d'eau fraîche à 15 ou 16 degrés, comme elle l'est à la plupart des sources, puis monter à 25, à 30 en dix minutes, et seulement atteindre le degré normal au bout de vingt-cinq à trente minutes. Celui de l'intestin grêle, sur une étendue de 15 à 20 mètres, peut se trouver longtemps à 5, même à 10 au-dessous du degré normal. Mais en dehors des repas et des heures qui suivent l'ingestion des boissons froides, l'estomac, la masse intestinale, le centre de l'abdomen, atteignent un degré supérieur à celui du cœur. C'est ce que j'ai constaté dans un grand nombre d'expériences dont je cite quelques-unes : le thermomètre a été porté dans les organes abdominaux, soit directement, soit à l'aide de l'instrument figuré plus haut. Sur un bélier dont la température du cœur oscillait entre 40°,55 et 40°, 59, celle de l'estomac était à 40°, 62. Sur un autre animal de la même espèce, dont le cœur donnait 39»,55 à 39°59, l'estomac était à 39°, 76. Sur un troisième bélier, le cœur marquant de 39°, 08 à 39», 10, l'estomac indiquait 39°, 17. L'intestin lui-même peut communiquer de la chaleur au diaphragme et aux organes voisins, car sa température intérieure, comme celle de l'estomac, est souvent plus élevée que la température du cœur; d'ailleurs, toute la masse ren- DÉTERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. 1053 fermée clans l'abdomen est, au moins dans ses parties centrales, comme l'a très bien démontré M. Bernard, plus chaude que le cœur. Ainsi le thermomètre qui, sur un premier cheval, marquait au cœur de 37°, 06 à 37"44, donnait vers le centre de la cavité abdominale 37°, 64. Sur un second, il donnait au cœur de 34°, 43 à 34°, 61, et à l'abdomen 34°, 73 (l'animal était à jeun depuis vingt- quatre heures). Sur un troisième : au cœur 35°, 39 et à l'abdomen 35°, 66. Sur un quatrième : au cœur de 36°, 55 à 37°, 06, et à l'abdomen, en arrière du foie, 37°, 52. Sur un cinquième : au cœur 34»,69, à l'abdomen 35°, 08. Le thorax, les organes qu'il contient et l'ensemble des cavités respiratoires ont, dans leurs diverses régions, une température très irrégulière subordonnée à la fois à leur distance des centres et à la température de l'air ambiant. Les cavités nasales sont à 10, à 15 degrés, et la trachée à 5 ou 6 au-dessous de la température centrale. Le tissu pulmonaire seul s'éloigne peu du degré de la plupart des organes internes. Ainsi, sur un cheval vigoureux et en digestion, la température ambiante étant de -|- 4 degrés et demi, le thermomètre a donné 23°, 40 dans les cavités nasales à 10 centimètres de profondeur; 26°, 8 dansées mêmes cavités, à l'entrée du pharynx; de 32°,40 à 34°,40 dans la trachée, vers le milieu du cou, à égale dis- tance du larynx et de l'origine des bronches. Au niveau de tous ces points, le thermomètre 'oscillait dans les limites de 2 degrés ; les minima s'observaient lors des inspirations, les inaxima pendant les expirations. Comme le thermo- mètre marquait 38°, 40 dans le rectum (où la température est à peu près celle du cœur), nous devons conclure de ces résultats qu'au milieu de la trachée l'air est de 4 à 6 degrés moins chaud que le sang. Sur un autre cheval, d'ailleurs assez faible, et à une température ambiante de 9 degrés au-dessous de zéro, le thermomètre donnait 16 à 20 degrés dans la partie antérieure des cavités nasales, 20 à 24 vers le milieu de ces cavités, de 20 à 26 et demi à l'entrée du pharynx, de 32 à 33 vers le milieu de la longueur de la trachée. A ce point, la t-empérature se montrait de 4 à 5 degrés au-dessous de celle du rectum prise comme terme de comparaison. A l'entrée des bronches, par conséquent vers le tiers supérieur de la cavité thoracique, sur un troisième cheval, le thermomètre ne donnait que 34°, 46, alors qu'il marquait 37°, 78 dans l'abdomen. Dans le tissu pulmonaire, au milieu de la masse du poumon, le thermomètre, introduit à frottement, ne marquait que 36°, 63, après en avoir marqué 37°, 17 au caecum et 37°, 04 au cœur; différence : 41 centièmes au profit du cœur. Les grandes cavités splanchniques, lorsqu'elles ne sont échauffées ni refroidies sensiblement par des agents extérieurs, sans avoir une température égale dans tous les points, diffèrent assez peu sous ce rapport. J'ai trouvé, par exemple, sur un chien vigoureux, à jeun depuis vingt-quatre heures, dans une atmosphère à -f- 12° : Au bassin 38,80 A. l'abdomen région moyenne.. 38,90 Au thorax région moyenne 9,60 ^054 DE LA CflALEUR ANIMALE. L'élévation de la température du thorax m'a paru tenir à la vive agitation de l'animal pendant la dernière observation. Sur un lapin à jeun depuis trente et une heure, dans une atmosphère à + 16, j'ai trouvé : Au bassin 38,60 Sous la peau des côtes 38,60 Au ceatre de l'abdomen 39,50 Au thorax, entre le poumon et les côtes 39,30 Sur un autre lapin en digestion : Au bassin 39,30 Sous la peau des côtes 38,70 Dans l'abdomen, région moyenne 39,80 Dans l'abomen près des parois 38,70 Entin le sang, comme les parties solides de l'organisme, a une température variable suivant la situation des vaisseaux qui le contiennent. Il s'échauffe en empruntant du calorique, d'une part, aux tissus où se passent des actions chi- miques, et, d'autre part, aux organes profonds; il se refroidit en parcourant les régions' superficielles à basse température, les membres, les appendices où abondent les os, les tendons, les cartilages qui ne produisent pas de chaleur. Depuis longtemps, les physiologistes se sont attachés à constater exactement la température de ce liquide, et surtout à mettre en parallèle celle du sang veineux avec celle du sang artériel, car cette détermination comparative a une o-rande signification au point de vue de la respiration et des sources de la cha- leur animale. Mais souvent la comparaison a porté à faux. Par exemple, on a mis en parallèle le sang de la jugulaire, refroidi dans les couches superficielles de la tête et du cou, avec le sang de la carotide échauffé dans les parties cen- trales et représentant la température moyenne du liquide. Il est clair que la comparaison ne doit pas se faire entre le sang d'une zone superficielle et celui d'une zone profonde; elle doit porter sur des vaisseaux de départements limités, appartenant aux mêmes couches, aux mêmes zones, comme sur la carotide interne et la jugulaire profonde, sur les veines et les artères pulmonaires, sur l'artère rénale et la veine du même nom. En général, les deux sangs n'ont pas le même degré de chaleur, ni dans les régions où les artères et les veines se juxtaposent, ni dans les deux cœurs; mais il est très difficile de les comparer entre eux d'une manière rigoureuse. Presque partout, si ce n'est dans les organes profonds, le sang de l'artère est plus chaud que celui de sa veine satellite. Le sang de la carotide, par exemple, l'est de 1/2, 1, 2 degrés de plus que celui de la jugulaire, et ainsi à peu près de l'artère fémorale comparée à la saphène, de l'artère radiale comparée à la sous-cutanée de l'avant-bras, D'ailleurs l'uniformité n'existe pas même dans l'ensemble de chaque système vasculaire pris à part. Dans l'artériel, la température va en décroissant très faiblement du tronc aortique vers les divisions terminales ; dans le veineux, au contraire, elle s'élève très rapidement des radicules vers les par- lies centrales. DÉTERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. 1055 Dans le cœur, la comparaison est plus facile que dans les autres parties du système vasculaire. Néanmoins elle porte encore sur un sang artériel, homogène, sortant d'un seul organe, le poumon, dans lequel la température est uniforme, et sur le sang veineux, hétérogène, revenant partie des couches superficielles et des extrémités à basse température, partie des régions centrales oij la chaleur est à son maximum. D'ailleurs, ce dernier est amené au cœur, en proportions inégales, par trois grands courants : 1° la veine cave supérieure; 2° la veine cave inférieure; 3° la veine porte, courants qui ont chacun leur température propre : le premier représente le minimum, le second le terme moyen, et le dernier le maximum. Mais, dans l'oreillette, les sangs des deux derniers arrivent mêlés; le thermomètre n'indique plus qu'un Jiiinimwn à l'orifice de la veine cave supérieure, et un maximum à l'embouchure de l'inférieure. En opé- rant avant la jonction des systèmes de la veine porte et de la veine cave infé- rieure, on constate nettement que les deux courants périphériques sont moins chauds que le courant central. On conçoit, d'après cela, qu'il importe, dans les expériences faites sur le cœur, de soustraire l'instrument à l'action propre de ces courants, d'éviter, par conséquent, que le thermomètre demeure à l'orifice de la veine cave supérieure ou s'avance à l'embouchure de la veine cave inférieure; il faut le placer et le maintenir dans une situation intermédiaire, c'est-à-dire à l'orifice auriculo-ven- triculaire ou dans la cavité même du ventricule. On arrive à ce résultat en l'en- fonçant à une profondeur préalablement déterminée d'après la taille du sujet, et en lui donnant, au risque de le briser, une obliquité qui croise l'axe de la poi- trine et fasse incliner en bas sa boule. Si l'on poussait le thermomètre horizon- talement, il s'engagerait tout naturellement dans la veine cave inférieure, ou au moins demeurerait à son orifice; ainsi on obtiendrait, pour le cœur droit, une température trop élevée, qui, en réalité, ne serait pas la sienne. Les détermina- tions relatives aux sangs du cœur, pour avoir toute leur valeur, doivent donc être effectuées avec le plus grand soin, et très multipliées, afin que les causes d'erreur ne changent pas sensiblement les chiffres des moyennes. Voici celles que j'ai obtenues sur plus de quatre-vingts animaux : chevaux, taureaux, béliers et chiens, qui ont servi à cent deux observations thermométriques doubles. Elles sont réparties en trois séries. La première comprend vingt-neuf chevaux de divers âges, dans des conditions variées, sur lesquels la température a été prise dans les deux cœurs en commençant par le droit. La seconde porte sur vingt- quatre solipèdes, dans des conditions analogues, sur lesquels la température a été prise suivant un ordre inverse ou d'abord par le cœur gauche. La troisième série se compose de douze taureaux, vaches ou béliers, sur lesquels elle a été prise en premier lieu, tantôt dans le cœur droit, tantôt dans le cœur gauche. Enfin, dans la quatrième se trouvent vingt-quatre observations ther- mométriques doubles, faites sur quatre chiens de grande taille, en commençant alternativement par le cœur aortique ou par le pulmonaire. Les résultats des cent deux observations doubles de ces séries sont groupés dans les tableaux des deux pages suivantes. 1056 DE LA CHALEUR ANIMALE. cù ^ à. ' fi- — 1 eu ai o 5 TEMPÉ- «2 s. f «.H TKMPÉ- SI ■5 '5 CŒURS o 3 p ■- CŒURS a 3 s g- KATDRES O, 8 Ui ~- = S- RATURES « 8 s li ■a « ^ 8 z o -M « d p Z j, ^ ^ o « ;eiit. ( ;eul. "3 1-5 cent. X - 3ent. degrés. degrés. ï 1, C. droit... 37,95 8 16. G. droit... 35,54 ^^ gauche. 37,87 gauche. 35,83 • . . • 29 2. C. droit... 37,95 17. C. droit... 38,18 gauche. 38,10 15 gauche. 38,26 . . . . 8 s 3. G. droit... 38,57 G. droit... •37.56 § gauche. 38,57 gauche. 37,56 -i 4. C. droit... 37,52 1 18. G. droit.. . 37,83 12 gauche. 37,63 . - • • 11 gauche. 37,71 m '^s. 5. G. droit... 37,64 19. G. droit... 39,58 ■s ^ gauche. 37,74 . . • • 10 gauche. 39,71 • • > • 13 ■fi ":s 6. G. droit... 36,40 20. G. droit.. . ' 37,40 15 a i gauche. 36,63 . • • • 23 gauche. 1 37,25 © § 7. G. droit.. . 37,40 21. G. droit... 38.18 « % gauche. 37,40 gauche. 38. 18 1 'i^ 8. C. droit. . . 37,56 22. G. droit... 36,94 9. gauche . G. droit. .. 37,71 .37,64 ■"s 15 23. gauche. G. droit... 37,33 37,06 .... 39 gauche. 37,-56 i gauche. 37,19 .... 13 «2 i. 10. G. droit... 35,47 24. G. droit... 37,31 7 L § gauche. 35,47 gauche. 37,24 ^ S 11. G. droit. . . 37,25 25. G, droit... 38.38 -2 gauche . 37,40 .... 15 gauche. 38,38 '*^ 12. C. droit... 36,26 41 26. G. droit... 37,40 7 ï gauche. 35,85 gauche. 37,33 "H 13. G. droit... 37,40 3 27. G. droit... 37,25 8 gauche. 37,37 gauche. 37,17 gs 14. G. droit... 38,52 28. G. droit... .36,32 ^ gauche . 38,65 13 gauche . 36,44 . • • • 12 E-, 15. G. droit... gauche. 38,18 38,02 "ié 29. G. droit... gauche . 36,16 36,32 .... 16 '5 30. 1 G. gauche. 1 droit... 37,74 37,79 5 42. G. gauche, d roit . . . 38,34 38,34 31. G. gauche. 36,47 43. G. gauche. 37,56 droit... 36,55 8 droit... 37,64 8 -2^ 32. 'c. gauche. 37,44 .... 38 44. G. gauche. 36,78 ^ ' droit... 37,06 droit. ,. 37,09 31 33. G. gauche. 34,43 .... 5 45. C. gauche. 38,18 j droit... 34,38 droit . . . 38,02 .. . . 16 -S » 34. G. gauche. 35,39 46. G. gauche. 35,85 a. ^> droit . . . 35,39 droit. . 35,85 •M .2 35. G. gauche. 37,32 15 47. G. gauche. 37,75 0 î; i droit... 37,17 droit... .37,75 1 ■< 36. ;G. gauche. 39,04 . , , . 39 48. G. gauche. 1 37,60 . • . . 1 1 ^ droit... 38,65 droit. . . 37,59 m 1 37. G. gauche. 38,18 49. G. gauche. ' 37.34 H— C^ j droit... 38,18 droit. .. ; 37,38 4 •W è 38 G. gauche. 39,27 8 50. G. gauche. 39,00 ! droit... 39,19 droit. .. 39,17 17 5^ 5; 39 G. gauche. 37,06 . ■ . . 51 51. G. gauche. 38,62 is 1 droit... 36,55 droit.. . ! .38,66 4 ~ 40 !G. gauche. 34,69 G. gauche. 1 38,38 ■Ç droit... 34,69 droit... 38,45 7 *S 41 ;G. gauche. 38,25 . . . . 7 52. G. gauche. 37,25 5- 8-s droit... 38,18 droit... 37,40 15 DETERMINATION ET DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. 1057 cl o 3 £ "'" !5 c «■= O V TEMPÉ- z -c z ~ 2 = TEMPÉ- CJ 3 T.-Z ^-= ■M -3 CŒURS •5 3 ll s a. CŒURS •5 = S| SS RATURES È"^ ■2. « RATURES II _o 3 cent. Q = cent. * 5 C ceut. «s cent. S degrés. degrés. a. '^•Is 53. C. gauche . 38-65 61. c. gauche. 40''55 s ? droit.. . 38,81 16 droit. . . 40,59 4 54. C. droit., gauche . 37.71 . 37,61 7 C. gauche, droit... 40,59 40.59 2 S,^ 55. C. droit.. . 38,65 62. C. droit... 40,68 carotid 3 38,43 gauche. 40,68 56. C. droit.. 39,71 C. droit... ' 40,73 « il gauche . 40,02 31 gauche. 40,77 4 57. C. gauche 39,95 63. C. gauche. 39,55 1 s""- droit.. . 39,95 droit.. . 39,55 T5 'r- a 58. C. droit. . . 40,17 30 C. gauche. 39,56 gauche . 39,87 droit. . . 39,57 1 -5 S.« 59. C. droit.. . 40,40 8 64. C. droit. .. 39,08 gauche . 40.32 gauche. 39,08 ?5 -2 i 60. C. droit.. , 40,32 C. droit... 39,10 2 « s gauche . 40,32 gauche. 39,08 C. droit.. . 40.47 3 1 gauche . 40,44 1 65. C. gauche droit.. 39,87 39,71 .... 16 72. C. droit... gauche . 38,34 38,61 27 66. C. droit.. 39,52 73. C. droit. .. 38,34 gauche 39,63 11 gauche. 39,04 70 67. G. droit., gauche 39,12 39,12 G. droit... gauche. 38,80 i 39,04 24 68. C. gauche 39,11 G. droit. .. 1 39,04 4 X droit. . 39,11 gauche. i 39,00 s 69. C. droit.. 39,43 74. G. droit... i 38,.57 a gauche 39,62 .... 19 gauche . ' 38,96 39 1 C. droit.. 39,43 C. droit... i 38,73 70. gauche C. droit.. 39,59 39,71 Ilya 16 3U hé- gauche . G. droit... 38,80 38,80 .... 7 S gauche 38,65 moi-rhagic. gauche. 38,88 8 2 C. droit.. 38,65 75 . G. droit... 39,11 -tq gauche 38,65 gauche. 39,42 31 co 71. C. droit... 38.93 1 C. droit... 38,80 . . . . ^ gauche 38,92 gauche. 39,27 47 47 C. droit... 38,90 G. droit... 38,80 gauche 39,10 .... 20 gauche. 39,27 72. C. droit.. 38,52 G. droit. . . 38,96 gauche 38,57 5 gauche. 39,19 23 C. droit... 38,02 G. droit. .. 38,77 gauche 38,-52 50 gauche. 39,04 .... 27 Il résulte clairenient de l'ensemble de ces observations, que les températures des deux sangs, àleur arrivée au cœur ou à l'entrée'des ventricules, ne présentent pas entre elles de rapports constants et invariables. Vingt et une fois sur cent deux, il y a une égalité entre les deux sangs, trente et une fois l'excès de tem- pérature s'est montré dans les cavités droites, et cinquante fois dans les cavités gauches ou aortiques. Gonséquemment, lorsque l'inégalité existe entre les deux 6. C4LIK. — Physiol.comp., 3' édit. jr ^ry 1038 DE LA CHALEUR ANIMALE. sangs, c'est l'artériel qui, le plus souvent, se montre le plus chaud. Les différences entre les deux sangs sont là assez faibles, puisqu'elles oscillent, terme moyen, entre 1 et 5 dixièmes de degré. Néanmoins, elles s'élèvent dans quelques cas jusqu'à 6 à 7 dixièmes et plus, suivant les espèceset l'état des individus observés. On comprend sans peine qu'il ne peut y avoir de rapport constant et invaria- ble entre la température du sang veineux et celle du sang artériel, puisqu'il n'y a pas de rapport fixe entre les conditions de réchauffement et celles du refroi- dissement des deux sangs. Lorsque la peau est nue, par conséquent notable- ment moins chaude que les parties profondes, son sang, celui des réseaux sous- cutanés et des parties voisines de la surface en arrivant au cœur, refroidissent le mélange provenant des parties centrales. Alors la totalité du sang veineux dans les cavités droites, descend au dessous de la température du sang artériel. Au contraire lorsque la peau est dans un état opposé au premier, c'est-à-dire pourvue d'un revêtement épais, et mauvais conducteur, pelage ordinaire, toison, fourrure, ou plumage, le sang qui en provient, et celui des parties sous-jacentes est presque aussi chaud que le sang des centres, aussi la température de la masse de ces sangs tend à se mettre en équilibre avec celle de l'artériel. Enfin, toutes les fois que le sang veineux est échauffé, surtout par la contraction musculaire, et il l'est beaucoup par cette action, le mélange dans les cavités droites tend à dépasser plus ou moins le sang artériel. L'expérimentation est ici d'accord avec la théorie, et elle met en évidence les variations successives dont il s'agit, dans des délais très courts. J'en cite quelques exemples : Le premier est relatif aune chienne vigoureuse, de grande taille, en digestion, mise en expérience dans une salle à la température de -\- 12. Au début, avant toute manipulation, la température du vagin, prise comme terme de comparai- son, est 39,6. Après la mise à nu des vaisseaux à la partie inférieure du cou, elle s'élève à 40,9, ou de 1 degré 3, pendant que l'animal se débat avec violence et quesa respiration est considérablement accélérée. A ce moment le thermomètre introduit dans le cœur droit par la jugulaire marque 40" 9, puis dans le cœur gauche par la carotide 40,2, différence 6 dixièmes de degré en faveur du sang veineux qui s'est échauffé par l'agitation, les cris etc. Un peu plus tard, alors que l'excitation est encore vive et la respiration à 156, le thermomètre donne dans le cœur droit 40,3, et dans le cœur gauche 39,6, différences 0,7 en faveur du sang veineux. Cette différence s'atténue insensiblement à mesure que le calme se rétablit et que la respiration devient plus lente. Au moment oi!i le nombre des mouvements respiratoires descend à 125, l'excès de température du cœur droit se réduit à 0,2. Puis lors d'un calme complet, 1 heure 1/2 après le début de l'expérience, les rapports changent : le thermomètre donne 38,3 dans le cœur droit, 38,7 dans le gauche, différence 0,4, au profit du sang artériel. A ce moment la température vaginale est de 5 dixièmes au-dessus de celle du sang artériel. Le lendemain l'animal étant très calme, 15 respirations à la minute, température vaginale 39,8, le thermomètre marque : Cœur droit 38,75, cœur gauche 39,10; puis, un quart d'heure plus tard, cœur droit 38,80, cœur gauche 39,10. DÉTERMINATION KT DISTRIBUTION DE LA CHALEUR ANIMALE. 1039 Une demi-houro après, la i»eau ayant été mouillée dans toute sou étendue par rimmersioii. Le cœur droit 38,85 le cœur gauche. 39,35 Après réaction 39,05 39,45 Après saignée de 300 gr. 30,0.') 39,85 Ainsi, on voit que, dans les moments de vive excitation avec accélération de la respiration, secousses musculaires, la température de l'ensemble du corps et du sang noir, dépasse celle du sang rouge, et que, une fois le calme rétabli, la res- piration ramenée à l'état normal, la température du sang artériel redevient pré- dominante. En d'autres termes: 1° l'agitation, la contraction musculaire, l'accé- lération des fonctions respiratoires et circulatoires élèvent la température des deux sangs, mais plus celle du sang noir que celle du sang rouge ; 2° l'inaction des muscles, le ralentissement de la respiration font baisser la température des deux sangs, mais plus celle du noir que celle du rouge. Entre ces deux conditions il y a un moment ou les deux ont une température sensiblement égale. L'excès de température du sang artériel, à l'état normal, c'est-à-dire en dehors des conditions où il y a agitation, accélération de la respiration et de la circula- tion n'est pas un fait relatif, un résultat de l'abaissement de la température du sang veineux. Il tient à un échauffement réel du sang dans les poumons par les actions chimiques qui s'y accomplissent, échauffement, qu'il est impossible de considé- rer comme produit ailleurs, puisque la comparaison est établie entre le sang immédiatement à son entrée et le sang à sa sortie de cet organe. L'échauffement du sang veineux, au contraire, ne peut être le fait immédiat de la respiration, il est incontestablement le résultat des actions musculaires, ou des phénomènes chimiques accomplis dans les muscles en contraction. Ce qui le prouve, c'est que le muscle en contraction non seulement s'échauffe lui même, mais encore échauffe les parties qui l'ealourent. Or, à fortiori il doit le faire pour les élé- ments qui le pénètrent, solides ou liquides. Il importe, pour juger de la valeur des constatations relatives à la tempéra- ture des deux sangs, d'une part, de ne pas se borner à des animaux d'une seule espèce et, d'autre part, de bien tenir compte des conditions dans lesquelles ces constatations sont faites. Les variations doivent s'opérer dans le même sens sur tous les animaux, dans des conditions intérieures et extérieures semblables. C'est en effet ce qu'on observe. Ainsi, sur un cheval vigoureux, j'ai noté des diflërences analogues à celles dont il vient d'être question sur le chien : 1° Avant l'exercice, pendant une inaction d'assez longue durée, la température était la même dans les deux cœurs, 2° Après un exercice de 10 minutes la température s'est élevée de 3 dixièmes de degré dans les deux. 3° Cette température du cœur a toujours été infé- rieure à celle de l'abdomen et du bassin. Dans les cas où il n'y a pas de réactions violentes pendant les manipulations que réclame la dénudation des vaisseaux qui doivent donner accès aux thermo- mètres, on n'observe pas ces oscillations alternantes de la température des deux 1060 DE LA CHALEUR ANIMALE. san"-s. Ainsi sur un chien peu irritable qui ne s'est pas débattu pendant l'opéra- tion j'ai noté dans des temps successifs. Cœur droit. Cœur gauche. as^so 39°,10 38°,90 39°,00 38«,65 38»,90 38°,75 38»,97 La température du rectum qui était au début de ces constatations de 39, 2o, était à la fin de 39, c'est-à-dire toujours plus élevée que celle du cœur. En résumé, il n'y a pas de rapports (ixes entre la température du sangveineux et celle du sang artériel dans les cavités du cœur, ou, en d'autres termes, entre la température du sang à son entrée dans le poumon et celle du sang à sa sortie de cet. organe. Nous aurons bientôt à chercher le sens de ce fait que mes expé- riences^ ont mis hors de doute. D'ailleurs, deux ans après la publication de mon travail, deux observateurs, Jacobson et Bernhard ^ ont, en 1868, trouvé comme moi, et contrairement aux résultats annoncés par M. Bernard, que sou- vent la température du cœur gauche est plus élevée que celle du cœur droit. CHAPITRE LXXIX DES VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE ANIMALE ET DE LEURS CAUSES Quoique la température des animaux paraisse à peu près constante, elle éprouve des variations nombreuses, assez étendues, qui dépendent de l'âge, de l'espèce, du sexe, des conditions physiologiques, telles que la digestion, le mode d'ali- mentation, Tabstinence, l'hibernation, le repos ou l'exercice, la veille ou le som- meil, comme aussi des conditions pathologiques, et, enfin, d'une foule de cir- constances extérieures, telles que la saison et le climat, etc. Il importe de voir dans quelles limites chacune de ces causes ou de ces conditions peut modifier l'état thermique de l'organisme. L'aptitude à produire de la chaleur n'appartient pas au même degré à tous les âges de la vie. Au moment de la naissance, l'organisme ne possède pas encore, dans toute sa plénitude, la puissance calorifique qu'il acquiert plus tard. Les très jeunes animaux produisent moins de chaleur que les animaux un peu plus âgés. Bien qu'après la naissance les petits des solipèdes, des ruminants, une fois essuyés et desséchés, paraissent avoir à peu près la température de la mère, ils ont un demi-degré à 1 degré de moins qu'elle, d'après quelques observations person- 1. G. Colin, Expériences sur la chaleur animale et spécialement sur la température du sang veineux comparée à celle du sang artériel clans le cœur et les autres parties centrales du système vasculaire [Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 23 octobre 1865, eiA7inales des sciences Jiaiurelles, 5" série, Zoologie, t. VII, 1867). 2. Wunderlich, De la température dans les maladies, trad. française. Paris, 1872, p. 100. VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE ANIMALE. 1061 nelles; le chien, 1 à 2 degrés, d'après celles de W. Edwards. Elle est bien peu au-dessous de celle de la mère chez les enfants, d'après W. Edwards, Despretz, H. Roger, soit de 1 à 2 degrés suivant les cas. Mais ce sont surtout les animaux naissant les yeux fermés, comme les carnassiers, ou nus comme les lapins et d'au- tres rongeurs, qui ne possèdent pas à un si haut degré la puissance de calorifica- tion: aussi leur mère les tient rassemblés sous elle, dans un nid, ou encore les protège par des lits et des couvertures de duvet. Dès que ces derniers animaux sont éloignés de la mère, ils se refroidissent très vite si la température ambiante est un peu basse. En quelques heures, comme W. Edwards ^ l'a démontré, leur chaleur propre s'abaisse dans une proportion considérable. Le jeune chien d'un jour peut, à une température de 13 degrés, perdre 2 degrés en dix minutes après avoir été séparé de sa mère; 12 degrés après trois heures; 18 en quatre heures et 22 en treize heures. Les chats, les lapins non encore couverts de poils, se refroidissent beaucoup plus vite encore, et en quelques heures, s'ils sont tirés de leur nid garni de duvet, surtout lors des grands froids. Dans ce cas, ils ne tardent pas à se mettre au degré de la température ambiante. Je les ai trouvés froids au bout d'un quart ou d'une demi-journée, lorsque la mère malade ou mue par une perversion de l'instinct, les avait éparpillés loin d'elle. Les moineaux les fauvettes, les rossignols tirés du nid, se sont également refroidis avec une extrême rapidité. Cest à cause de cette particularité que les jeunes animaux, éloignés de leur mère, mal nourris, et soumis à un allaitement artificiel, périssent en si grand nombre pendant les saisons froides ou humides, Les enfants, les ànons, les fai- sans, les dindons, les petits poulets même se trouvent dans ce cas, et il péris- sent de la diarrhée, des bronchites, de la pleuro-pneumonie, de l'hématurie ou d'autres affections se développant facilement dans ces circonstances. Les jeunes animaux dont la température s'est fortement abaissée, tombent pour quelque temps dans un état analogue à celui de la torpeur des animaux hibernants ou des reptiles qui s'engourdissent. Leur engourdissement est par- fois un effet de mort apparente dont l'animal peut être tiré si on le réchauffe. Les très jeunes oiseaux, non encore couverts de plumes, sont dans ce cas, si on les tire du nid, par des temps un peu froids. Mais mis au soleil ils semblent res- susciter pour quelques heures, ou pour une demi-journée. Les animaux très âgés retombent presque, jusqu'à un certain point, dans le cas des très jeunes : ils produisent peu de chaleur par suite de l'imperfection des fonctions digestives, de la réduction du chiffre des produits absorbés, qui peuvent servir aux combustions interstitielles, et aussi par le fait de la moindre consom- mation d'oxygène. Le ralentissement de leurs actions nutritives et de leurs mou- vements ne doit pas être étranger à cette différence. Toutes les espèces sont loin de posséder la même puissance de calorification ou d'être aptes à élever au même degré leur température normale. Parmi les oiseaux dont la chaleur s'élève à 42 et quelquefois plus, comme parmi les mammifères, qui vont rarement à 40, il est des espèces, telles que l'ours blanc, plusieurs martres, qui produisent beaucoup de calorique et peuvent vivre dans les climats 1. ^Y. Edwards, De l'influence des agents plnjsiques sur la vie, p. 613-616. J()(}2 DE LA CHALEUR ANIMALE. très froids ou à une altitude considérable, d'autres qui en produisent peu, comme les pachydermes, les ruminants des régions chaudes du globe. Les raisons de ces différences d'aptitude ne sont pas très saisissables, d'autant qu'elles s'observent entre les espèces les plus voisines, à organisation et à régime presque semblables, de part et d'autre. Le sexe, parmi les animaux, n'est pas sans quelque influence sur la calorifica- tion. Chez les femelles en rut, les brebis, par exemple, la température du vagin a été trouvée, par M. Gavarret\ d'un demi-degré à 1 degré au-dessus de celle du vagin des brebis dans les conditions ordinaires, et cela n'est point étonnant, puisque le rut, à son maximum d'intensité, donne lieu à une véritable réaction fébrile. Il est probable que, chez les oiseaux, une différence analogue existe, car M. Martins a trouvé, pour la température du canard mâle, 41°, 9, et pour celle de la femelle, 42°,2. La température des femelles, pendant l'incubation, s'accroît, au moins loca- lement. (Cependant Hunter n'aurait trouvé, au rectum, que 39«,4 à 40, comme chez les poules non couveuses ; mais Valenciennes a obtenu, sous le ventre de la poule et au milieu des œufs, de 45 à 56 degrés. Il y a plus, une femelle de python, qui se tint enroulée sur ses œufs pendant près de deux mois, dans une caisse chauffée entre 20 et 25 degrés, a présenté sous elle, entre ses plis ou au milieu des œufs, une température de 28 à 39°, 5, c'est-à-dire dépassant de 4 à 18 degrés celle de la caisse. Cette femelle a paru éprouver un état fébrile qui s'est traduit, à plusieurs reprises, par une soif très vive. Mais l'élévation de température constatée dans ce cas est un résultat complexe, analogue à celui qui s'observe, à certains moments, dans la ruche pleine d'abeilles. Au contraire, après le part, la température de la femme peut descendre déplus d'un degré; elle arrive à 36°, 2, d'après les observations de Bârensprung. Il paraît y avoir aussi un léger abaissement sur les femelles de l'espèce bovine; car nous avons trouvé, M. Reynal et moi, 39°, 5 sur une vache hollandaise qui avait vêlé depuis douze heures, et 39°, 7 au même moment sur une autre de même race arrivée presque au terme de la gestation. L'alimentation a une influence énorme sur la production de la chaleur. Les animaux abondamment nourris produisent beaucoup plus de calorique que ceux dont la ration est chétive ou insuffisante. J'ai noté fort souvent un déficit d'un demi-degré, et quelquefois de 1 degré sur les chevaux destinés aux études ana- tomiques ou chirurgicales, comparés aux sujets dans les conditions ordinaires. Un certain temps après le repas, alors que le travail de la digestion est en pleine activité, la température s'élève au moins de quelques dixièmes de degré, souvent d'un demi-degré, et raiême de 1 degré. Aussi, dans ces conditions, l'homme supporte-t-il mieux le froid en voyage ou à l'état d'immobilité que pendant le jeûne. Il en est de même de divers animaux, notamment du chien qui, pendant les froids, éprouve de la fièvre après un bon repas et des tremblements s'il est à jeun. L'alimentation, pour produire beaucoup de chaleur, ne doit pas être seulement 1. Gavarret, De la cJudeur produite par les êtrea vivants. Paris, 1855, p. 307. VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE ANIMALE. 1063 abondante, il faut qu'elle soit riche en principes aptes à la combustion. Or, les principes carbonés et hydrogénés sont ceux dont le pouvoir thermique est le plus considérable, savoir : 1" le sucre et l'amidon, qui contiennent 40 à 44 centièmes, ou presque la moitié de leur poids de carbone, avec de l'oxygène et de l'hydro- gène dans les proportions nécessaires à la formation de l'eau ; 2" les matières grasses, qui donnent 7'J pour 100 de carbone, matières dont le pouvoir thermo- gène est évalué au triple de celui des amylacées. Aussi, ces dernières sont indis- pensables à l'homme et aux carnassiers des climats glacés. Elles peuvent y être consommées en masses énormes. L'alimentation peu abondante ou pauvre en matières combustibles tend à abaisser la température. Les canards qui vivaient seulement du produit de leur pèche ou de leurs courses sur le bord d'une petite rivière, ont donné à M. Mar- tins 8 dixièmes de degré de moins que les palmipèdes entretenus dans les mêmes conditions, mais recevant en outre, matin et soir, une bonne ration de grains. Les animaux soumis à une alimentation insuffisante ou à l'inanition ont une température bien moins élevée encore ; et ils souffrent beaucoup s'ils se trouvent exposés à l'influence d'un froid un peu vif. Chossat a noté ce fait qu'on a souvent mal interprété, car l'abaissement jusqu'à 24 degrés, constaté par cet expérimen- tateur, ne se produit qu'aux approches de la mort. Il résulte, en effet, de mes expériences sur le cheval, le chien, le chat et les oiseaux domestiques, que, pen- dant une période très longue d'abstinence, cinq, dix, quinze jours et plus, l'abaissement n'est que de 1 à 2 degrés au-dessous de la température habituelle. Et encore, si le cheval, le chat, l'oie, ont beaucoup de graisse en réserve, le chiffre normal se maintient presque pendant les cinq à six semaines que l'absti- nence peut durer. Dans tous les cas, un résultat constant de l'inanition est d'augmenter l'ampli- tude de l'oscillation quotidienne de la température. D'après Chossat, tandis qu'à l'état normal il n'y a, sur les pigeons, qu'une différence de 0",7 entre la tempé- rature de midi et celle de minuit, cette différence s'élève à 2", 3 pendant le pre- mier tiers de l'inanition, à 3°, 2 pendant le second tiers, et à 4°,1 pendant le der- nier. En d'autres termes, la température du jour baisse peu, et celle de la nuit descend de plusieurs degrés au-dessous de la normale. Dans ces conditions, l'abaissement de la température coïncide avec une réduction notable dans la consommation d'oxygène et la production d'acide carbonique. A la période ultime de l'inanition, la température baisse rapidement. Bien qu'elle soit encore, d'après Chossat, de 36 à 37 degrés, la veille delà mort, chez les cochons d'Inde et les lapins, de 39 à 41 degrés chez les petits oiseaux, tels que les pigeons, la corneille et les poules, elle tombe à 24 ou 25 degrés au mo- ment de l'agonie. L'hibernation^ ou l'engourdissement de la chauve-souris, du hérisson, de la marmotte, du loir et de quelques autres mammifères, rend la calorification extrêmement faible. Chez ces animaux, dont la température éprouve déjà, à l'état 1. Voyez au 1. 1", p. 567, ce qui est relatif aux divers phénomènes de riiibernation. 1064 DE LA CHALEUR ANIMALE. normal des Yariations considérables, subordonnées à celles de l'air, le refroidis- sement pendant la période de torpeur est progressif; néanmoins il n'arrive jamais à mettre l'animal en équilibre avec le milieu ambiant. Cet état se produit à une température qui n'est point uniforme pour tous les animaux susceptibles de l'éprouver. Le hérisson, la chauve-souris, la marmotte, s'engourdissent les premiers dès que l'air descend k -\- 1 ou à -|- 6, le lérot à quelques degrés plus bas; néanmoins, la marmotte ne s'engourdit qu'à 6 ou 10 degrés au-dessous de zéro, si par le fait de l'apprivoisement elle est devenue moins sensible au froid. Lorsque l'engourdissement va se produire, il est précédé d'un abaissement très notable de température ; et, à mesure qu'il devient plus prononcé, l'abaisse- ment est plus considérable. Dès qu'il est très complet, la température de l'animal ne reste supérieure à celle de l'air que de 1 à 2 degrés, d'après les observations de Prunelle. Ainsi, dans l'une de mes expériences, j'ai constaté, en janvier et février, sur un hérisson : Température ambiante. Température du hérisson. 23 janvier . +7° +9° 26 janvier +6° +8° 30 janvier + 1" + 80,5 8 février. + 5°,5 . . -j- 7" 11 février + 7°,.5 + 8«,6 27 février +9» + ^-^ô Dans le cas où l'hibernant est tenu, pendant l'hiver, à une température moyenne, et abrité par des corps mauvais conducteurs du calorique, il ne tombe pas dans un engourdissement complet et produit de la chaleur à un degré voisin de l'état normal. Ainsi, j'ai trouvé, sur un hérisson conservé dans un cabinet chauffé à peu près constamment à -{- 15° : Le 10 novembre 32°, 5 animal en boule, 18 respirations. Le 12 33°,3 en boule, 18 respirations. Le 27 35°,0 .... déroulé. Le 9 janvier 35°,4 déroulé. ' Le 10 36°,1 très agité. Si l'hibernant passe d'un milieu froid dans un milieu à température moyenne ou élevée, il se réveille promptement et se réchauffe vite. Ainsi, au mois de jan- vier, un hérisson dont la température était de 10°, 5 dans une pièce à -|- 9°d, arriva à -j- 23°, 5, une heure après avoir été transporté dans une pièce chauffée à -|- 15°. Il donna -|- 30° une heure et demie plus tard, A la lin de février, le même donnant -j- 8°, 5, dans une pièce à -|- 9°, sortit de son engourdissement quelques heures après que la température de la pièce, ouverte au soleil, fut arri- vée à 12°. L'animal, une heure après s'être déroulé, donna -j- 20°, ayant 52 res- pirations par minute; puis une heure plus tard, 32°, 4. Dans cette circonstance, c'est par suite de l'accélération des mouvements respiratoires que l'animal réveillé parvient à se réchauffer, et avec une telle rapidité que, en quelques heures, il VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE ANIMALE. 1065 arrive à sa température normale, Saissy avait déjà vu qu'un lérot, réveillé par une excitation mécanique, remonte de -f- 3'' à -f- 36'' en une heure et quart, la chauve-souris de -|- ^i ■4" ^i + ^T*" en une heure trois quarts, et le hérisson de -j- 3° à + 32° en deux heures. Ce n'est pas seulement la chaleur qui réveille les hibernants engourdis, le froid très vif les surprenant brusquement, alors qu'ils sont endormis, les tire aussi très vite de la torpeur. D'après Mangili, la marmotte se réveille déjà à -f- 2° ou à -|- 3°, et Saissy a vu le hérisson et le loir se réveiller très promptement à — 4°. Au mois de février, j'ai tiré un hérisson d'une pièce où sa température était 8°, 6, et l'ai exposé à un froid de — 5° : il s'est promptement déroulé. Au bout d'une heure, il respirait 27 fois par minute, et marquait 19 degrés; remis dans la pièce à -]- 7", d'où il avait été retiré, il demeura éveillé, et continua à s'échauffer, si bien qu'à la fin de la deuxième heure, il marquait 34 degrés ; con- séquemment, il s'était réchauffé de 24 degrés et demi en deux heures. Le réveil qui a lieu sous l'influence d'une très basse température permet à l'animal de lutter quelque temps contre un refroidissement capable de le tuer. Mais il ne peut durer très longtemps, et il est suivi, si le froid excessif continue, d'une nouvelle torpeur que Mangili a appelée léthargie du froid. Dans celle-ci, la respiration cesse : il n'y a plus d'absorption d'oxygène ni d'exhalation d'acide car- bonique ; la circulation se suspend complètement, l'irritabilité musculaire s'éteint, puis la congélation s'empare des extrémités, et gagne peu à peu les parties cen- trales; en mot, toutes les fonctions se suspendent. Cet état aboutit fatalement à la mort pour peu qu'il se prolonge; néanmoins, l'animal peut en sortir sans se réveiller, en revenant à son engourdissement antérieur ou à l'hibernation propre- ment dite. Lorsque la température extérieure s'élève à -f- 'i2'' ou à peu près, les hiber- nants sortent momentanément ou définitivement de leur torpeur, d'après les observations de Mangili; mais, avant, ils se réchautïent déjà très sensiblement, jusqu'à 20, 22 degrés, d'après divers observateurs. Ainsi, l'hibernant est un animal à température essentiellement variable. Est-il éveillé, elle est à son maximum ; est-il engourdi, elle suit celle du milieu, en ne la dépassant que de 1 à 2 degrés. S'il s'engourdit et se réveille alternativement, à des intervalles rapprochés, elle s'abaisse ou s'élève proportionnellement au ralentissement ou à l'accélération des mouvements respiratoires. Enfin, lorsque celle du milieu descend très près de zéro ou au-dessous, la vivacité du froid réveille l'animal, qui se réchauffe pour un certain temps, puis s'engourdit de nouveau, ou tombe dans une léthargie profonde qui peut le conduire à la mort. Le sommeil, qui ralentit la circulation, la respiration, et diminue la consom- mation de l'oxygène, doit faire baisser aussi la calorification. C'est, en effet, ce qui a lieu. Martins a noté ce fait. Hunter a trouvé, sur l'homme, 8 dixièmes de degré de moins pendant le sommeil que pendant la veille ; Chossat, sur les pigeons, un abaissement d'un peu plus de 7 dixièmes, de sorte gue l'oscillation quoti- dienne, de midi à minuit, est, pour ces oiseaux, de 0°,74. Mes observations per- sonnelles donnent des résultats analogues pour divers animaux. C'est à cause de 1066 DE LA CHALEUR ANIMALE. cet abaissement de la calorification sous l'influence du sommeil, qu'on est plus sensible au fioid et plus exposé à en ressentir les mauvais effets pendant la nuit que pendant la journée. D'ailleurs, lors même que pendant la nuit on n'est ni endormi, ni couché, la température baisse également, surtout à la fin de la période nocturne, celle qui est suivie d'une réaction. J'ai constaté plusietirs fois sur moi- même cette particularité qui se produit dans toutes les saisons, et qui se lie à d'autres phénomènes de périodicité dans les actions physiologiques. A cet égard, sans observations thermométriques, on peut se faire illusion, et croire que la douce chaleur de la peau de l'homme et des animaux, pendant le sommeil, est due H une calorification plus active : elle résulte seulement d'une déperdition restreinte par le lit, les litières ou les vêtements qui couvrent le corps. L'exercice est incontestablement l'une des causes les plus actives de la calo- rification. Sous son influence, la consommation d'oxygène est considérablement accrue, plus que doublée, suivant Lavoisier, sur l'homme; et la production de l'acide carbonique sur le cheval, suivant M. Lassaigne, serait augmentée dans le rapport de 68 à 75, même de 34 à 74. Enfin, dans le même cas, la transpiration, qui doit emporter une partie du calorique produit en excès, peut avoir son pro- duit doublé, triplé, et même accru dans la proportion de 1 à 10, suivant mes propres expériences. La contraction musculaire est la principale cause de cet accroissement de calorification, comme le prouvent les aiguilles électriques et les thermomètres introduits dans les masses musculaires ou dans leurs interstices ; l'accélération concomitante de la circulation et de la respiration y contribuent aussi pour une large part. Dans certaines conditions le travail musculaire, au lieu d'élever la tempéra- ture du corps, semble la faire baisser d'une manière notable. C'est ce qui paraît avoir été observé dans les ascensions sur les hautes montagnes. Lortet dit avoir noté un abaissement de 4 1/2 au sommet du mont Blanc et d'autres assurent ({ue l'abaissement a été plus marqué dans les ascensions aérostatiques. Mais ces observateurs ont pris la température de la bouche qui baisse notablement en dehors de tout exercice dans un milieu très froid. D'ailleurs Forel, Calberla, dans les mêmes conditions, ont noté une élévation au-dessus de la normale dans le rectum. L'abaissement dans les cas où il a été constaté doit être rapporté tantôt à la perte que le corps éprouve par la conductibilité, tantôt à une moindre calorification résultant d'une hématose imparfaite dans l'atmosphère raréfiée. L'exercice, en élevant la température de la totalité du corps, ne donne pas lieu à une augmentation uniforme : celle-ci est faible dans les parties centrales, dans le cœur, par exemple; elle est peu marquée dans l'intestin, la vessie; mais extrêmement prononcée dans les parties superficielles, à la peau, immédiate- ment avant l'apparition de la sueur et même pendant son évaporation ; elle l'est également à un haut degré aux extrémités, au pied des animaux revêtus d'un sabot épais. J. Davy a trouvé sur l'homme, entre la température du pied au repos et celle du pied pendant la marche, une différence de 16 degrés; une différence de 8 entre celle de la main inactive et celle de la main pendant le travail ; alors la différence n'était que de 1 degré dans la bouche. VARIATIONS 1»E LA TEMPÉRATURE ANIMALE. 1067 L'exercice augmente aussi, dans une proportion considérable, la température des insectes, surtout celle de ratniospliùre conlinée où ils sont enfermés. Huber, Newport, Dutrochet, s'en sont assurés sur les abeilles et d'autres insectes. Dans une de mes expériences, faites sur des hannetons, remplissant une boite cubique de la capacité d'un demi-litre, et fermée d'un papier grillagé, j'ai trouvé les difl'érences suivantes : 1'^ à neuf heures du matin, la température étant 22 degrés, le tljermomètre, dans la boite, a marqué, au bout d'une minute. 31 degrés; de deux minutes, 32, soit un excès de lû degrés sur Tair ambiant, excès qui s'est maintenu tant que les coléoptères se sont agités; 2" à huit heures du soir, les insectes étant dans un calme parfait, l'excès sur l'extérieur n"a été que de 3",o; 3° le lendemain matin, à la vingt-quatrième heure de la réclusion et lors d'une immobilité complète, il s'est réduit à 0°,o. Il est clair que, dans ces conditions, comparables à celles des abeilles dans la ruche, la chaleur produite par l'agitation s'accumule et échauffe l'air confiné au delà du degré que pourrait atteindre le corps d'un insecte isolé. Toutefois, l'influence de l'exercice est saisissante, puisque, dans cette agglomération qui avait donné un excès de 10 degrés, cet excès s'est réduit à un demi-degré, alors que les insectes sont devenus roportionnolle à la différence de tempé- rature. Ainsi, sur un cheval entr'autres, dont la i)eau, à !a région costale, avait perdu 13", 8 en un quart d'heure, elle éprouvait, de cinq en cinq minutes, le réchauffement sous-indiqué. •''),!) dans la première période de 5 minutes. ;J,0 dans la deuxième — — 2,1 dans la troisième — — 1,3 dans la quatrième — — 1,5 dans la cinquième — — 0,7 dans la sixième — — 0,4 dans la septième — — Ce fut seulement au bout de 1 heure 1/4 que la peau revint à sa tempé- rature initiale. Elle avait mis 35 minutes pour perdre 18 degrés et 80 à les reprendre. Une différence considérable se fait remarquer, au point de vue du réchauffe- ment, entre l'animal très velu et l'animal à poil ras ou à peau presque nue. L'animal velu, refroidi par l'eau, ne se sèche qu'avec lenteur : il met deux, trois quatre fois autant de temps à se réchauffer que l'animal à peau nue. Aussi les averses ont-elles souvent sur le premier des suites plus graves que sur le second. La même différence s'observerait, sans aucun doute, entre deux hommes sortant de l'eau, l'un avec ses vêtements trempés, l'autre entièrement nu. La lenteur n'est pas la seule particularité intéressante du réchauffement de la peau ; il en est une seconde qui ne l'est pas moins : c'est l'arrêt subi par le réchauffement, alors que la réaction semble à la veille de s'achever. En effet, presque toujours, si la réaction n'est point aidée par les frictions, par la chaleur ou d'autres moyens artiliciels, la peau conserve longtemps une certaine fraîcheur qui est, en définitive, une sensation de froid très atténuée. Or, bien que dans cette seconde phase le refroidissement persistant ne soit que de 1 à 2 degrés, il peut avoir sur l'organisme, en raison de sa durée, une influence aussi prononcée qu'à ce moment de courte durée où il atteignait 12, 15 degrés et même davantage. Il importe de tenir grand compte de l'impression persistante du froid sur la peau, surtout dans les cas oîi la température ambiante, loin de favoriser la réaction, y met obstacle ; car alors, non seulement cette impression est de longue durée, mais encore elle peut s'accuser plus fortement et devenir, à elle seule, le point de départ de troubles graves, comme affections des voies respiratoires, des séreuses, des articulations, etc. J'ai vu, dans mes expériences, des refroidisse- ments partiels de la peau à 12 et 15 degrés, n'entraînant aucune espèce d'acci- dents si la réaction devenait rapide et parfaite; tandis qu'un refroidissement très faible, s'il était persistant, provoquait facilement sur les jeunes chiens le coryza, la bronchite, la raideur des articulations, etc. D'ailleurs, le refroidisse- ment, une fois réalisé, a de la tendance à se maintenir à un certain degré. Ainsi G. coLi.v. — Physiûl. comp., 3^ édit. II. _ 69 1090 DE LA CHALEUR ANIMALE. la tem|)érature d'une oie, abaissée de 6 degrés 1/2 dans la neige à demi-fondante^ a persisté à ce chiffre réduit pendant plus de vingt-quatre heures dans l'air sec,. presque tiède. Si la peau se refroidit déjà très rapidement par le contact de l'eau dans une partie de sa surface; si alors elle ne peut lutter contre le refroidissement en recevant de la chaleur, soit du sang qui \ient l'arroser, soit des parties voisiner ou des parties sous-jacentes dont la température n'est pas modifiée, à plus forte raison de\ra-t-elle se refroidir vite lorsqu'elle se mettra en rapport avec l'eau dans toute son étendue. C'est ce refroidissement général qui doit maintenant nous occuper, au point de vue de ses caractères et de l'enchaînement de ses effets. Lorsque le corps, sauf la tête, est plongé dans l'eau très froide, par exemple dans l'eau dont la température est maintenue à 0, par une certaine proportion de neige ou de glace, la réfrigération de la peau et des parties sous-jacentes marche avec une extrême rapidité. Toutes les autres parties se refroidissent, couche par couche, et la mort arrive après un temps très limité, d'autant plus court que la masse de l'animal est moins considérable. Jamais alors l'organisme ne réussit à produire assez de chaleur pour faire équilibre aux pertes qu'il éprouve. Voici, pour quelques animaux, la marche du refroidissement et le degré qu'il a dij atteindre avant de déterminer la mort. Une chienne du poids de 10 kilogrammes, plongée, en décembre, dans un réservoir plein d'eau, avec assez de neige pour tenir la température à 0, y vit un peu moins de 3 heures. La température interne de cette bête, avant le bain, est 38», 6 ; elle descend à 34 degrés après une demi-heure d'immersion ; — à 2.5 degrés après une heure ; — à 19 après 1 heure 1/2 ; — à 14 à la fin de la deuxième heure; — à 11 après deux heures 1/2. Vingt minutes plus tard, elle ne donnait plus aucun signe de vie. Son refroidissement a donc été : Dans la 1" 1/2 h. de 4,6, et en somme après 1/2 h. 4,6. — 1 h. 13,6. — 1 h. 1/2 19,6. — 2 h. 25,6. — 2 h. 50 28,6. A côté du chien, un lapin de 3 kilogr.- plongé dans le même bain à 0, n'y vit que 2 heures. Sa température intestinale tombe de 39 degrés à 29°, 2 à la lin de la première demi-heure; — à 19 au bout d'une heure; — à 12o,4 après 1 heure 1/2. Sa perte totale a été à peu près égale à celle du carnassier, avec cette différence qu'elle s'est effectuée un peu plus vite. Dans l'eau à la température de -j- 10, 12, même 15, la marche du refroidis- sement est, comme on le devine, beaucoup plus lente que dans l'eau à 0. Néan- moins l'animal ne vit guère plus longtemps dans celle-là que dans celle-ci ; la mort, dans le bain à -f- 12, arrive bien avant que l'animal ait perdu la somme totale de chaleur qu'il perd dans la glace ou la neige fondante. Ainsi, un jeune chien de 4 mois, du poids de 4 kil. 170 gr., tenu, sauf la — 2^ — 9,0, — 3« — 6,0, — 4= — 5,0, — 5* — 3,0, CONDITIONS QUI MAINTIENNENT L'ÉQUILIBRE DE LA TEMPÉRATURE. 1091 tête, dans un réservoir à + 12, n'y a -vécu que 35 minutes. Et dans ces 35 minutes, sa température intérieure est descendue à 25. Un autre chien, du poids de 20 kilogr. 1/2, qui est le poids moyen du chien de chasse, plongé de même, sauf la tête, dans un réservoir d'eau à -j- 11, s'est refroidi de la manière suivante. La température initiale 40 a été réduite. A 37 après 1/2 heure. A 33,3 après 1 heure. A 29,8 après 1 heure 1/2. A 26,4 après 2 heures. A 23,6 après 2 heures 1/2. A 21,3 après 3 heures. Il n'a perdu en tout que 18 degrés 1/2, alors que les autres chiens en per- daient 27 à 28 dans l'eau à 0. Il a expiré à 21 1/2, tandis que les animaux dans l'eau très froide succombent seulement à -|- 12, même à 10. Il va sans dire que les petits animaux dont le refroidissement est très rapide, ne peuvent résister aussi longtemps que le chien dans le bain à -]- 12. Un lapin y a péri au bout d'une heure et quart, avec un abaissement de température de 20 degrés. Dans l'eau au-dessus de 15 l'animal commence à lutter avec quelque avan- tage contre le refroidissement. S'il est de taille un peu forte, il peut y vivre 6 à 8 heures avant que sa température s'abaisse à 20, quelquefois à 18 ; mais s'il est petit sa résistance se trouve très abrégée. Ainsi un animal de cette espèce tenu en juillet dans un bain à 15, périt après 7 heures, avec quelques lésions d'asphyxie et imparfaite coagulabilité du sang. Un autre chien de la taille de l'épagneul tenu dans l'eau à 15 y vécut deux jours ou exactement 144 heures. Sa température initiale 38,5 n'avait pas baissé de 2 dixièmes de degré à la vingt-quatrième heure ; elle tombait à 26 au moment de l'agonie. Ce n'est pas seulement par immersion totale du corps, sauf la tête, que l'animal périt dans ces délais si courts, il meurt encore de froid presque aussi \ite ou en quelques heures de plus par une demi-immersion, ou par le bain à mi-corps. Le fait est assez étonnant pour réclamer une démonstration ; je la donne par les exemples suivants : Un petit chien du poids de 4,100 grammes, tenu debout dans l'eau à 15° jusque vers la région moyenne du thorax et de l'abdomen y perdait environ 2 degrés par heure. Au bout de 6 heures et demie, sa température était tom- bée à 25, et il ne pouvait plus se tenir debout, ni marcher sans trébucher à chaque pas. Il mourait une heure plus tard. Un autre d'un poids double du précédent, tenu également debout et à mi- corps dans l'eau à 14°, mourait au bout de o heures 7 minutes, à la tempéra- ture de 27 et avec les lésions dont je dirai, d'une manière générale un mot tout à l'heure. • Ce bain à mi-corps, toujours à une température voisine de 15, a tué avec 1092 DE LA CHALEUR ANIMALE. une rapidité vraiment étonnante les animaux d'une taille inférieure à celle du chien : en une heure et quart un chat du poids de 2 kil. 200, après un refroi- dissement de 20 degrés 2 dixièmes et une poule en une heure seulement après un refroidissement de 11 degrés 1/2. Le refroidissement du corps, opéré par la surface extérieure, qu'il soit rapide ou lent, est bien certainement dans tous les cas la cause de la mort, car si on réussit à la produire dans le bain à la température modérée, par exemple à 20, même à 25 il tue encore, seulement au bout de 24, 30, 36 heures. Et il tue de la même façon que dans les cas où il s'opère avec rapidité. Toutefois, si les animaux sont tirés du bain, même au moment où ils cessent de se tenir debout et semblent à la veille de se noyer, on peut les sauver par un réchauffement très lent. J'ai vu des chiens amenés à la température de 24 après 5 à (3 heures d'immersion reprendre hors de l'eau 1 degré 1/2 à 2 degrés par heure, et se rétablir sans contracter la plus légère des affections que le froid détermine. Le refroidissement général du corps, opéré par aspersion ou par douche est plus longtemps compatible avec le maintien de la température près de son degré normal et avec la vie que les modes dont il vient d'être question. Ainsi, un chien adulte du poids de 22 kil., accroupi dans une auge de pierre et recevant surledos un courant assez fort d'eau à-f-2l ou àpeu près, et complètement privé d'aliments, y vécut 6 jours et demi. La température du rectum au début était 38,7 ; elle baissa insensiblement. Après 5 jours, elle tombait à 32 en même temps que l'animal devenait paraplégique. A la fin du sixième elle arri- vait à 20. Un autre chien de la taille du précédent, placé dans les mêmes conditions, avec une température initiale de 39, se refroidissait de 7 dixièmes de degré après 3 heures. Le troisième jour la température remontait à 38,6, et se maintenait à peu près à ce chiffre jusqu'au cinquième. A la fin du septième, elle descen- dait à 36. La résistance au refroidissement a pour cause une suractivité des actions chimiques qui produisent la chaleur et cette suractivité est indiquée, presque mesurée par le chiffre énorme des pertes. L'un de ces chiens, par exemple, du poids de 22 kil., perdit 4,900 en 6 jours 1/2 ou près du quart de son poids initial. On voit, d'après les faits dont il vient d'être question, que le refroidissement du corps dans l'eau s'opère avec une grande rapidité et que ce refroidissement arrive bientôt à un point incompatible avec la vie. Ce point est variable. Dès que la température intérieure est tombée à 25, l'animal peut périr; mais elle peut, suivant les cas, descendre à 20, à 18, même à 12 et à 10 avant que la mort s'ensuive. C'est dans l'eau la plus froide que la vie se maintient avec le plus grand abaissement de la température intérieure. Ces faits sont d'un grand intérêt, et ils méritent l'attention du physiologiste, car si un animal tel que le chien ou le lapin supporte dans l'air sans se refroidir une température de 15 au-dessous de 0, on a lieu de s'étoaafr qa'il périsse sou- vent en quelques heures dans l'eau à -|- 15 même à -j- -0. Sans doute, puisque CONDITIONS QUI MAINTIENNENT L'ÉQUILIBRE DE LA TEMPÉRATURE. 1093 l'eau refroidit plus que l'air, l'animal doit périr plus \ite dans le premier milieu que dans le second. Toutefois, on ne s'explique pas bien, d'après cela que les carnassiers amphibies et les cétacés dont la température est égale à celle des autres mammifères la conservent dans des mers plus froides que l'eau où péris- saient si vite mes animaux d'expériences. En effet, si certains cétacés vivent dans la mer des Indes et dans les régions chaudes de l'Atlantique, la baleine fraye les côtes de la Norwège et le cap Nord ; le narval celles du Groenland ; plusieurs dauphins, le morse, le phoque à croissant, le phoque à capuchon habitent l'Océan glacial au delà du 70*^ degré de latitude. Et, à cette latitude dans les mois les plus doux, la température des eaux près de la surface est seu- lement de 5 à 7 degrés. Si les épaisses couches d'huile sous-jacentes à la peau peuvent bien contribuer à la conservation de la chaleur des parties centrales, elles ne peuvent préserver du refroidissement la peau elle même. Sans doute le bain froid n'est que très prolongé pour les phoques et les morses qui sont des animaux de rivage, mais il est permanent pour la baleine et les autres cétacés. Le refroidissement du corps plongé dans l'eau n'est pas tout à fait comparable à celui qui s'opère dans l'atmosphère II se fait suivant trois modes distincts. D'après le premier le corps perd de la chaleur par le rayonnement et la conduc- tibilité, d'après le second il en perd par l'évaporation des liquides exhalés à sa surface et par le troisième il se refroidit faute de recevoir parle sang la somme de chaleur nécessaire pour compenser ses pertes. Les voies aériennes par les- quelles des déperditions considérables s'effectuent dans l'air ne jouent ici aucun rôle. De ces trois modes de refroidissement, le plus important est, sans conteste celui qui résulte de la conductibilité et du rayonnement. La peau de l'animal immergé touche par tous les points de sa grande surface un corps froid ; le corps animal est comme enfermé dans un moule liquide dont les parois sont sans cesse remplacées par des parois constamment froides à mesure qu'elles ten- dent à s'échauffer. On comprend que cette enveloppe dont l'étendue est de 5 à 6 mètres carrés sur le cheval et le poids égal au IS*-' ou au 20'' de celui du corps puisse, en quelques minutes, éprouver d'énormes déperditions. Le sang qui vient se refroidir dans son tissu glacé par le contact de l'eau va ensuite emprunter aux parties profondes la chaleur qu'elles perdraient difficilement par la conduc- tibilité. Il suffit donc de 18 à 20 tours de circulation pour que la masse totale du sang perde la chaleur que, à un moment donné, la fraction actuellement sous la peau a perdue. La somme de chaleur ainsi enlevée à l'économie, à chaque tour de circulation, aurait bientôt amené la température du corps au degré de celle de l'eau si la calorification intérieure ne remplaçait pas une partie des pertes. La peau, pendant que le corps est plongé dans l'eau, dépense donc de la chaleur animale par le rayonnement opéré à sa surface. C'est d'abord la sienne propre qu'elle donne au milieu liquide et elle la lui donne très vite, comme on l'a vu dès les premières expériences dont j'ai parlé ; puis elle donne, tout à la fois, ce que les parties profondes lui cèdent par conductibilité et ce que lui apportent les courants sanguins. Ce double tribut, sans cesse renouvelé, a bientôt pour résultat 1094 DE LA CHALEUR ANIMALE. un refroidissement incompatible avec l'entretien de la vie. En effet, au Ijout d'une heure et demie, ou de deux heures, sur des animaux de la taille du lapin et du chat, au bout de trois, quatre ou cinq heures sur ceux de la taille de gros chiens, l'organisme ne peut plus rien céder au milieu liquide et la réfrigération éteint toutes les actions vitales. Mais, avant que le refroidissement ait atteint ses limites, si on l'arrête en replaçant l'animal dans son milieu atmosphérique, la totalité de l'organisme se trouve dans une situation qui mérite notre examen. Suivant le moment de l'arrêt, nous avons un animal dont la température intérieure est descendue tantôt à 32, à 30, tantôt à 28 ou à 25. Tout chez cet animal est refroidi et uniformément refroidi comme chez l'animal hibernant à ses divers degrés d'engourdissement. Or, c'est cet animal refroidi dans toute sa masse que nous devons considérer un instant pour nous expliquer comment le froid engendre un si grand nombre de troubles morbides ^ Tous nos organes ne sont ni également sensibles, ni également contractiles, ni également vasculaires. Aussi, bien que, à un moment donné, ils se trouvent à un même niveau Ihermométrique, ils ne souffrent pas uniformément de la réfri- gération. Ces organes, comme les animaux d'une ménagerie surpris par un froid brusque, ne le supportent pas de la même façon : les rustiques, le bravent ; les indifférents n'en éprouvent rien de fâcheux ; mais les délicats, les impression- nables en souffrent plus ou moins et en deviennent malades, et parmi ces der- niers, sont le larynx, les bronches, le poumon, les séreuses, quelquefois les articulations, les muscles, etc. Les différences d'impressionnabilité des organes ne sont pas d'une explication plus facile que celles des animaux. On ne voit pas bien, en effet, pourquoi tel cétacé vit dans l'océan Glacial et tel autre seulement dans la mer des Indes, telle espèce d'antilope dans les steppes de la Sibérie et telle autre dans les sables brûlants du Sahara. En somme, c'est dans l'eau que le refroidissement du corps s'opère avec le plus de rapidité ; c'est dans ce milieu entre 0 et -\- 15 que la calorification animale lutte avec le moins d'avantage contre les déperditions dues à la conduc- tibilité et au rayonnement. Dans tous les cas, quel que soit le mode de refroidissement et le milieu ou il s'opère, lorsque ce refroidissement descend à 0 dans les appendices et les extré- mités, la congélation s'empare des tissus et des liquides, et toute action vitale s'y éteint. Cependant elle n'entraîne pas nécessairement la mort des parties qui l'ont subie. Les oreilles du lapin, la crête du coq peuvent n'éprouver qu'une inflammation modérée et revenir à l'état normal, si le dégel s'en est opéré avec lenteur. Des hérissons à extrémités gelées et à fonctions suspendues ont pu, suivant Mangili, se réveiller; des poissons, des crapauds complètement gelés et pris dans des blocs de glaces sont revenus à la vie, disent les voyageurs des régions du Nord. Des chenilles ont supporté sans périr, d'après Ross, des froids 1. G. Colin, Sia' le refroidissement du corps par l'eau. Action de la pluie, des aspersions et du bain froid. Bulletin de l'Académie de médecine, 1880, p. 296. CONDITIONS QUI MAINTIENNENT L'ÉQUILIBRE DE LA TEMPÉRATURE. 1095 ■de — 42°. Des n'ufs de vers à soie exposés par Bonnafous à — 25° n'ont pas .perdu la faculté de se développer, ni d'autres à 30 degrés, d'après Spallanzani. 2° Conditions de résistance à la chaleur. Chez les animaux à sang chaud, la faculté de produire du calorique est limitée •de manière à maintenir, à un degré à peu près constant, la température du corps. Mais il faut que cette faculté puisse s'étendre ou se restreindre, s'étendre lorsque les milieux leur font subir des déperditions trop fortes, se restreindre lorsqu'ils tendent à les échauffer au delà de leur degré normal. Nous venons de voir com- ment l'organisation lutte contre le refroidissement, il faut rechercher mainte- mant par quels moyens il peut résister à la chaleur. D"abord il est incontestable que la faculté de résister à réchauffement est non moins nécessaire que celle de résister au refroidissement, car la vie ne peut plus •s'entretenir dès que la température normale est dépassée d'un certain nombre de degrés, 4, 5, 7 au plus, suivant les animaux. Ainsi le cochon d'Inde meurt, d'après Berger et Delaroche, lorsque la température intérieure atteint 44 degrés ; mais on ne sait pas au juste à quel degré doivent périr les espèces de grande taille. Toutefois les cas de mort, parmi les animaux pris de chaleur pendant l'été, portent à penser que, probablement, il ne faut pas une température plus •élevée pour tuer le cheval ou le bœuf que pour tuer un petit animal. Lorsque les animaux sont exposés pendant un certain temps à une tempéra- ture supérieure à la leur, celle-ci s'élève insensiblement, d'abord à la peau, aux •extrémités, puis de proche en proche, mais avec lenteur, dans les parties internes. Déjà, en été, où la température de l'air n'atteint pas à l'ombre la chaleur propre du corps, celle-ci dépasse la température d'hiver de quelques dixièmes de degré, K LA CEALEUR ANIMALE. 6 degrés, ou de 37,4 à 43,4. Hoppe l'a vue sur un chien, dans une étuve chauffée de 60 à 70 degrés, augmenter de 1 degré en trente-cinq minutes et de 2° en quarante minutes. L'échauffement de l'organisme ne se produit pas seulement par l'extérieur, comme le ferait un cadavre placé dans un bain ou dans une étuve. A l'ombre, dans les régions tropicales où l'air arrive à 40 degrés ; au soleil, dans nos pays, par les grandes chaleurs de l'été; en Afrique quand, sous l'influence des vents chauds appelés simounn, chamsin, la chaleur arrive à 45, à 50 degrés, dit-on, les masses d'air introduites dans les voies respiratoires élèvent rapidement la température du sang à mesure qu'il passe dans le poumon. Aussi, dans de telles conditions, les animaux et les hommes des caravanes peuvent-ils périr par asphyxie. Cet accident peut même arriver dans nos pays par les fortes chaleurs de l'été sur les bœufs et les chevaux employés aux labours ou aux transports. On le reproduit aisément sur de petits animaux. Un lapin, attaché au soleil, est mort après avoir atteint la température de 46 degrés dans les expériences de Walker. J'en ai vu mourir un ainsi, au bout de trois heures et demie, quoiqu'il fût libre dans une cage de fils de fer. L'insolation élève très rapidement la température de la peau et celle des par- ties sous-jacentes. En voici un exemple : Le thermomètre, introduit dans le tissu cellulaire sous-cutané, marquait 36,3 l'animal étant à l'ombre, puis les degrés suivants dès que cet animal eut été exposé au soleil, du côté où l'instru- ment se trouvait placé. Température extérieure 30. Après ia l''* minute d'insolation 37,8. 3V-. — 38,8. — 5« — 39,5. — 7<= — 40,0. — 9« — 40,7. — IP — 41,0. — 13- — 41,4. — lô-^ — 41,8. — 17^ — 42,6. — 19-= - 42,8. — 2P — 42,8. — 23' — 43,2. — 25' — 43,2. — 28' - 43,4. — 30' — L'augmentation a donc été de 7 degrés en moins d'une demi-heure. Mais réchauffement des parties sous-jacentes à la peau n'est pas toujours aussi considérable, ni aussi rapide. Il est lent et faible si le soleil est peu ardent, le ciel voilé à demi ou momentanément par des nuages. Ses variantes se sont fait observer dans les expériences suivantes des mois de mai, juin, juillet sur 17 chevaux ; elles ont paru aussi dépendre en partie de la couleur du pelage et -de l'épaisseur de la peau. CONDITIONS QUI MAINTIENNENT L'ÉQUILIBRE DE LA TEMPÉRATURE. 1097 COL' LE eu DATK du lie l'expé- pelage. lieuce. Bai 20 mai. Noir . . . 23 mai. Blanc... ■23 mai. Blanc... () jmn. Bai 6 juin. Alezan.. 10 juin. Blanc... 17 iuin. Bai 17 juin. — 25 juin. Blanc... 25 juin. — 26 juin. Noir ... . lljuil. Blanc .. . 11 juil. Blanc... 27 juil. Bai 27 juil. Bai cer. 30 juil. Bai fonc. 30 juil. TEMP. EXTKRIHURI': + 20 + 22 + 22 + 25 + 25 + 27 + 30 + 30 + 26 + 26 + 26 + 21 + 21 + 26 + 26 + 27 + 27 soleil vit'. ciel nébuleux, soleil. nébul. par m. nébul. par m. soleil vil', soleil vif. soleil vif. soleil peu vif. soleil et nuages, soleil peu vif. soleil et nuages, soleil et nuages, soleil voilé, soleil voilé, ciel pur. ciel pur. ■/ 1 '-T. ^ * ^ -S . c Ko? 5! - tù in H oi '" £■ 35,2 39 1) 38 36 38,1 35 35,6 31,4 » 36 37,2 35,6 37,2 36,3 39,5 38,4 39,8 35,2 37,3 37,8 » 31.8 37 33,8 34,3 38 39 36 38,3 34,4 36.4 35,4 36,7 TEMP. M.VXIMUM 12 ai)rés 20 minutes. 39,5 après 15 minutes. 37,2 après 40 minutes. 39.5 après 1 h. 1/2. 41.2 après 25 minutes. 40.6 après 30 minutes. 43,4 après 30 minutes. 40,8 après 1/4 d'heure. 41 après 1/1 d'heure. 41,2 après 20 minutes. 40 après 45 minutes. 35 après 3/4 d'heure. 39,2 après 10 minutes. 40.8 après 20 minutes. 40.9 après 1/2 heure. 41,2 après 25 minutes. Si, sous l'influence de l'insolation la peau s'échaufi"e très vite avec les parties sous-jacentes, elle revient aussi très rapidement à sa température normale, une fois soustraite à l'action des rayons solaires. Son retour à la température initiale est d'abord très rapide, puis de plus en plus lent, absolument comme l'avait été réchauffement. En voici un exemple. En outre, ce retour n'est pas complet. La peau conserve longtemps un peu de la chaleur acquise. Le cheval du tableau précédent, dont la température sous-cutanée s'était élevée à 43°, 4 au bout d'une demi-heure remis à l'ombre, l'air étant à 30 degrés, a donné successivement : A la 2« minute d'ombre 40,6. — 4= — 39,8. — 6= . — 39,2. — 8« — 39,0. — 10' - 38,7. — 15*^ — 38,5. — 25e — 38,2. — 35= — 38,1. — 50^ — 37,9. L'échauffement de 1°,\ s'était effectué en une demi-heure. Le refroidissement de 5°, 5 a employé un temps presque double. C'est avec une lenteur extrême que plus tard la température serait revenue à son point de départ. Les fourrures, les toisons ont une influence sur réchauffement de la peau com- parable à celle des vêtements. Le burnous et le turban des Orientaux agissent dans le même sens. Ils restreignent à la fois réchauffement et le refroidissement. Ils ont le premier de ces effets sur l'animal immobile et non sur l'animal en action, dont la température tend à s'élever au-dessus du degré normal, car ils Un bélier, avant le lavage. . 39,3. Une brebis — 39,0. Un bélier — 39,4, Une brebis — dO.O. 1098 RE LA CHALEUR ANIMALE. mettent obstacle au rayonnement et à Tévaporation qui doivent éliminer l'excès de la chaleur produite. Le Bédouin accroupi dans sa tente et le moine en con- templation peuvent trouver agréable de tels vêtements qui ne seraient pas supportés par un travailleur à la campagne et même à l'atelier. Les bêtes ovines dépouillées de leur toison supportent mieux la chaleur et ont, pendant la marche, la respiration moins haletante. Leur température centrale baisse aussi un peu. Ainsi, dans mes expériences, un bélier avant la tonte était à 39", 8, et trois heures et demie après, passées au soleil, descendait à 38", 8. Une brebis, dans les mêmes conditions, était à 39°, 6 avant la tonte et à 39°, 3 après. Lorsque les fourrures et les toisons sont mouillées, elles limitent mieux encore qu'à l'état sec, réchauffement qui résulte de l'insolation, puisque la chaleur extérieure que reçoit la peau est employée comme celle de l'intérieur à évaporer l'eau qui les imprègne. Dans ce cas, non seulement la température cutanée baisse, mais aussi celle des parties centrales. Ainsi : après le lavage 37,6. 20 minutes après 38,3. 20 m. après, au soleil. . . 39,2. après 39,5. Toutefois, la réaction se produit quelques heures ou une demi-journée après le lavage, et la température intérieure, non seulement revient à son chiffre initial, même le dépasse de 1 degré et quelques dixièmes, comme je l'ai vu sur un bélier et des brebis après une période de six heures. La réaction peut se maintenir pendant plusieurs jours, la toison demeurant humide ou légèrement mouillée. Si, après le lavage, il y a tonte, suivant l'usage pour les bêtes ovines, la tem- pérature intérieure peut baisser encore de quelques dixièmes et d'un degré, même dans les cas où les animaux sont exposés au soleil. Il résulte d'une série d'autres expériences que la peau nue, mouillée, se réchauffe plus promptement que la peau velue. En un quart d'heure souvent elle revient à sa température initiale à un degré près. Au contraire, la peau à pelage intact met trois fois autant de temps que la sèche pour arriver seulement à deux ou trois degrés au-dessous de sa température normale. Elle ne la reprend qu'après s'être desséchée, ce qui est fort long, et elle ne se sèche qu'en empruntant du calorique au corps ; conséquemment elle refroidit le corps pour se sécher et se réchauffer. On comprend, d'après cela, les dangers, par les temps froids, du pelage mouillé, qui se sèche en empruntant de la chaleur à la masse du corps. Il se .passe alors sur l'animal ce qui arrive à l'homme qui laisse sécher sur lui ses vêtements trempés. La chaleur extérieure, qu'elle provienne de l'insolation, d'un foyer circons- crit, d'une atmosphère d'étuve, du bain thermal ou de corps chauds mis en con- tact avec la peau, élève d'abord la température du tégument, puis s'étend aux parties sous-jacentes, comme le prouvent les expériences suivantes que j'ai faites il y a quelques années sur le cheval. CONDITIONS QUI MAINTIENNENT L'ÉQUILIBRE DE LA TEMPÉRATURE. 1099 Après avoir engagé un thermomètre sous la peau des reins d'un cheval et noté- la température qui était de 35 degrés, j'ai promené un cautère ordinaire sur la région, comme on le lait dans la cautérisation transcurrente. Au bout de cinq minutes, l'instrument marquait 37", 5, — d'un quart d'heure 40 degrés, — d'une demi-heure 41°,7, soit une augmentation de 6°, 7 pour ce laps de temps pendant lequel le cautère passa quinze fois dans les raies. Sur un autre, où le thermomètre était engagé sous la peau de l'épaule, la cautérisation continuée pendant trois quarts d'heure fit monter la température à 50 degrés, soit une augmentation de 15 degrés ; mais cette température ne se maintint que pendant quelques instants et elle oscillait autour de 42 à 43 degrés. Sur un cheval où le feu était mis à l'aide du cautère cultellaire, dans la forme ordinaire, à la région des reins, j'ai noté, le thermomètre étant sous la peau, en regard des lignes : Après 2 minutes 39. — 4 — 40. — 6 — 41. — 8 — 43. — 10 — 43,5. — 12 — 44. — 14 — 45. — 16 — 45,5. Au début la température sous-cutanée ayant été à peu près à 35 degrés, s'est élevée de 10°, 5 en un quart d'heure. Dans ces cas, réchauffement des tissus est assez limité en dehors de la cir- conscription du feu et en profondeur. Ainsi, sur un cheval cautérisé à la région costale, pendant cinq minutes le thermomètre a donné sous la peau, en regard des lignes, 41 degrés après cinq minutes ; un autre thermomètre ne marquait au même moment à 1 décimètre que 35 degrés. Au garrot, après dix minutes de cautérisation, le thermomètre indiquait 45 degrés, et seulement à trois centi- mètres du champ du feu, 38 degrés, et 34", 4 à vingt centimètres. Si les courants sanguins n'absorbaient pas le calorique pour le disséminer, les parties du corps exposées à une haute température s'échaufferaient bien davantage. En effet, dans les expériences où la cautérisation actuelle fut prati- quée sur le cadavre, la température des tissus sous-jacents à la peau parvint très vite au chiffre de la coagulation de l'albumine. Ainsi, sur un cheval mort depuis six heures, la température de la peau des reins étant de 30 degrés, le thermo- mètre en vingt minutes monta à 50, puis à 60 degrés. En une heure, sur un cadavre dont la température initiale était de 31 degrés à la hanche, elle s'éleva à 54 en un quart d'heure, à 60 au bout d'une demi-heure, et à 70 dès la qua- rantième minute, soit une augmentation totale de 40 degrés en moins de trois quarts d'heure. La chaleur extérieure agissant, soit sur l'ensemble de la masse du corps, soit sur quelques-unes de ses parties, peut donc élever plus ou moins la température de l'organisme, non pas comme elle le ferait dans une masse inerte et hétéro- gène, mais suivant un mode tout particulier et très favorable à la dissémination 1100 DE LA CUALEUR ANIMALE. du calorique. C'est surtout par les courants sanguins échauffés dans les parties qui reçoivent un excès de calorique que la chaleur superflue se dissémine, qu'elle passe des régions superficielles dans les profondes. La conductibilité n'agit dans ce sens qu'avec beaucoup plus de lenteur. Il serait intéressant de voir avec quelle rapidité les couches de plus en plus profondes s'échauffent, et l'on y arriverait en portant successivement le thermo- mètre dans des points de plus en plus éloignés de la surface. Il est hors de doute que la pénétration du calorique est lente, par la raison que les tissus sont fort mauvais conducteurs, ce que prouve la lenteur de réchauffement des parties centrales d'un cadavre froid que l'on plonge dans un bain à température élevée. Ce n'est pas seulement sous l'influence des sources extérieures de calorique que la température de l'organisme peut monter au-dessus du chiffre normal; elle s'élève aussi au-dessus de ce chiffre par le fait de diverses causes internes : 1° lorsque la digestion trop active fournit au sang et aux tissus des combus- tibles en quantité surabondante ; 2° lorsque la respiration et la circulation surac- tivées donnent une trop forte impulsion aux actions chimiques; 3° quand le système musculaire fonctionne très énergiquement ; enfin dans le cas où les enveloppes protectrices du corps, fourrures, toisons, ne laissent pas perdre l'excès de chaleur produite. Il est donc bien établi, par ce qui précède, que la température du corps peut, sous l'influence de causes extérieures ou intérieures, s'élever partiellement ou dans l'ensemble, à plusieurs degrés au-dessus du chiffre normal. Comme cet excès de chaleur trouble les actions physiologiques et entraîne des consé-' quences graves, même mortelles, il importe à l'organisme de le restreindre dans des limites aussi étroites que possible. Or, c'est par deux moyens prin- cipaux que l'animal résiste à l'élévation de la température, savoir : 1° l'aug- mentation de la transpiration cutanée ; 2° le ralentissement des actions ther- mogènes. Le grand moyen de résistance à la chaleur est la transpiration, soit que le calorique se produise en excès dans l'organisme par les actions musculaires, par le travail fébrile ou par toute autre cause interne, soit qu'il vienne de sources extérieures. Dès que la quantité de calorique à dissiper est considérable, la transpiration ou la sueur devient tellement abondante qu'elle ruisselle à la sur- face de la peau et mouille même complètement les poils, les fourrures ou les toisons des animaux. Comme elle peut être accrue dans la proportion de 1 à 10, et plus encore, elle enlève à un homme du poids de 75 kilogrammes qui sue abondamment 300 grammes par heure ; elle enlèverait à un cheval du poids de 400 kilogrammes, dans le même temps, s'il transpirait proportionnellement à sa masse, autant que l'homme, 10 000 grammes de liquide. Mais ce serait là un chiffre maximum auquel l'organisme n'arriverait que par une gradation en rap- port avec l'élévation progressive de la température. Letellier a vu, en effet, que la tourterelle, qui perd par heure et par kilogramme 2s%4 entre -{- \o et -f- 20 degrés, en perd e^l à la température de 30 à 40 degrés. L'homme qui, à la température de 12 à 15 degrés et dans l'inaction perd par kilogramme 28%5, en perd 25, d'après mes expériences, à -]- 30 ou 35 degrés, lorsqu'il se livre à un CONDITIONS QUI MAINTIENNENT l'ÉQUILIBRE DE LA TEMPÉRATURE. 1101 travail musculaire fatigant. Dans un milieu très chaud, comme celui d'une étuve, les pertes sont beaucoup plus grandes encore. Berger perdit 220 grammes en sept minutes dans une étuve chauiïée à 109 degrés, — 310 grammes en douze minutes dans l'étuve humide à 53 degrés. Un malade dans des conditions ana- logues donnait à M. Pavre environ 1 300 grammes de sueur par heure. Un ùnon du poids de 18 kilogrammes et demi, perdit dans l'étuve chauffée de 60 à 76 degrés, 639 grammes en deux heures cinquante minutes, soit 12s'", 4 pat- kilogramme et par heure. En prenant pour le minimum de la perte de l'homme 30 grammes par heure à -|- 15 degrés, dans l'inaction, et 1 300 grammes dans l'étuve, on voit que la déperdition de calorique due à la transpiration est qua- rante-trois fois plus considérable dans la seconde condition que dans la première. La réfrigération due à la transpiration est proportionnelle non à la quantité d'eau versée, mais à la quantité évaporée, car ce n'est pas l'exhalation qui emporte le calorique, mais bien l'évaporatioadu liquide exhalé : aussi les fortes chaleurs sont-elles d'autant mieux supportées que l'air est plus sec. Cet air sec rafraîchit parce qu'il active l'évaporation. A 36 degrés il peut absorber sept à huit fois autant d'humidité qu'à 10 degrés. Au contraire, en été, lorsque, par le fait des nuages, de l'orage, des vents, l'air, humide, saturé, évapore moins acti- vement les produits de la transpiration, la chaleur devient très pénible et semble même augmenter, quoiqu'elle demeure stationnaire. Dans les cas où la transpiration est entravée, lors des fortes chaleurs, les animaux éprouvent un malaise considérable qui se traduit de diverses manières, L'ours blanc, couvert d'une épaisse fourrure, est haletant et cherche à s'étendre sur les pavés frais de sa grotte ; le mouton non tondu s'essouffle au moindre mouvement ; le chien qui transpire peu est haletant ; sa langue sort de la bouche pour perdre quelque peu de liquide. S'il est couvert d'enduits imperméables il ne peut, comme je l'ai vu, supporter la moindre course sans s'échauffer outre mesure et même sans tomber par moments dans des accès de suffocation. Tou- tefois les enduits ne produisent pas des effets identiques chez tous les animaux. Ils font baisser la température chez ceux oii ils semblent entraver les actions d'hématose et la laissent presque à son degré normal chez ceux qui n'en souffrent pas sensiblement. Ainsi, sur une douzaine d'animaux, chiens, chats, agneaux et lapins goudronnés par les fortes chaleurs de juillet, le cinquième, le septième, le huitième jour la température intérieure normale s'était maintenue à un degré près. Un agneau donnait le quatorzième jour 39", 3; mais sur un lapin l'abais- sement atteignait 2°, 5 au bout de vingt-quatre heures, 6°, 5 le quatrième jour, veille de la mort. C'est dans les conditions dont je viens de parler que les vête- ments chauds paraissent lourds et qu'ils produisent des sensations désagréables. Les toisons, les fourrures, incommodent alors fortement les animaux. Aussi, ceux des pays chauds en sont dépourvus, et plusieurs mêmes s'y trouvent, comme l'éléphant, le rhinocéros, l'hippopotame, tout à fait nus. Dans les climats tempérés ils ont pris, pour l'été, un pelage plus court, très clair, sans poils laineux mêlés aux autres. La transpiration pulmonaire concourt aussi, pour une certaine part, à la sous- traction de la chaleur animale excédente; mais elle n'a pas, à beaucoup près, 1102 DE LA CHALEUR ANIMALE. un rôle aussi important que l'autre. La quantité d'eau qu'elle enlève est bien moins considérable que celle qu'exhale la peau, et elle ne peut augmenter ou diminuer, comme la transpiration cutanée, suivant la somme de calorique à soustraire. D'après M. Gavarret elle n'éprouverait aucune variation par le fait de la température. Dans tous les cas, l'exhalation des voies aériennes a pour résultat de restreindre réchauffement de la muqueuse des vésicules pulmo- naires et des bronches aussi bien que de contribuer à maintenir l'équilibre ther- mique général. Les deux transpirations réunies soustraient, dit-on, chez l'homme, en vingt- quatre heures, 860 calories, ou le tiers de la somme de chaleur produite ; mais ce chiffre est aussi variable que celui même de l'eau évaporée, lequel peut être, suivant les conditions, de 800, 1000, 1500, 2000 grammes. La soustraction de l'eau, en épaississant le sang, fait naître chez l'homme et les animaux une soif très vive qui doit être satisfaite pour donner de nouveaux éléments à la transpi- ration, sinon la résistance à la chaleur devient extrêmement difficile. Il est à noter ici que l'abondance de la double transpiration ne cesse pas brus- quement, à compter du moment où l'organisme est soustrait à l'influence d'une température élevée. Elle persiste plus ou moins, en s'atténuant, par exemple, lorsque l'homme sort d'un bain thermal ou d'une étuve, parce que la chaleur absorbée en excès ne se dissipe qu'avec une certaine lenteur. Du reste, l'arrêt brusque de celle de la peau pourrait entraîner des conséquences très graves. Le second moyen par lequel l'organisme résiste à la chaleur consiste dans le ralentissement des actions chimiques ou des combustions qui s'opèrent dans les tissus. L'économie produit peu de chaleur quand les milieux lui en enlèvent peu. Il y a alors moins d'oxygène absorbé, moins de carbone brûlé. W. Edwards a constaté qu'en été l'animal met à consommer un volume donné d'oxygène un temps beaucoup plus long qu'en hiver. La réduction peut s'élever à un cinquième, à un quart et plus, suivant les animaux et l'état des milieux. D'après Letellier, elle serait proportionnelle à l'élévation de la température extérieure. Le ralentis- sement des actions chimiques devient manifeste lorsque les animaux sont placés brusquement dans une atmosphère confinée très froide. A zéro, par exemple, des oiseaux adultes se refroidissent seulement de 0°,4 en hiver, tandis qu'en été oii ils produisent moins de chaleur ils se refroidissent de 1°,6 à Z°,Q. Les deux moyens de résister à la chaleur, quoiqu'ils agissent de concert, ont chacun leur rôle. Le premier, qui est le principal, permet à l'organisme déparer à toutes les éventualités : il est constamment disponible et sert pour les besoins immédiats. Le second a une action plus lente, plus persistante, parce qu'il se lie à un état de l'organisme réglé en vue d'une calorificationmise en harmonie durable avec les conditions extérieures. Mais, quelle que soit leur puissance d'action, ces deux moyens ne donnent à l'organisme qu'une résistance limitée à l'influence de la chaleur. Toutefois cette résistance va très loin, comme l'ont appris des expé- riences devenues célèbres. En effet, des jeunes filles observées par Duhamel et Tillet ont pu, sans inconvénient, séjourner tout habillées pendant dix minutes dans un four chauffé à 122 degrés. Blagden passa huit minutes dans une étuve à 127, et dix minutes à une température de 110; Berger, sept minutes dans une CONDITIONS QUI MAINTIENNENT L'ÉQUILIBRE DE LA TEMPERATURE. 1103 autre â'109; une chienne enveloppée d'une couverture put tenir 32 minutes dans une autre cliaulYée ù 113. La température des individus qui avaient séjourné dans ces atmosphères échauffées, huit, dix minutes et plus, se maintint sous la langue de 37", 5 à 38°, 8, Dans les étuves dont l'air est chargé de vapeurs, les hautes températures sont moins bien supportées. Berger ne put demeurer au delà de douze minutes dans une étuve de ce genre, chauiïée seulement de 41 à 53 degrés. Les petits animaux, qui s'échauffent nécessairement plus vite que ceux de grande taille, supportent beaucoup moins longtemps que l'homme les hautes températures à l'air sec ou humide. Un chien dont parle Haller mourut dans l'étuve au bout de vingt-huit minutes, sans suer, et rendant une grande quantité d'écume rouge très fétide par la bouche. Un chat périt, ruisselant de sueur, après dix-sept minutes de séjour dans une étuve à 146 degrés Farh., et un moi- neau après sept minutes ; un bruant dans les expériences Tillet, fut pris de con- vulsions après quatre minutes dans une étuve à 76 et mourut quelques minutes après en être sorti. Il a été constaté que la température des animaux morts dans ces conditions s'était élevée de 6 à 7 degrés au-dessus de son chiffre normal. Lorsque la température est moins élevée que dans les cas précédents, les ani- maux peuvent la supporter un temps beaucoup plus long, mais toujours assez limité. Darts une étuve chauffée de 56 à 65, le chat et le lapin n'ont pas vécu plus de quatre heures et le bruant au delà d'une demi-heure. Dans l'eau, l'homme et les animaux supportent moins facilement les tempéra- tures élevées. Il résulte des expériences faites sur l'homme que le bain chaud à 45 degrés ne peut être supporté au delà de six à sept minutes. L'eau qui refroidit vite le corps l'échauffé également avec une grande rapidité. Les animaux à sang froid et à température variable n'ont aussi qu'une rési- stance limitée à l'action de la chaleur et ne peuvent supporter longtemps les températures élevées. Spallanzani et W. Edwards ont constaté que les poissons et les grenouilles périssent promptement dans l'eau à 42 ou 43 degrés, et il n'est pas bien avéré que les poissons qui vivent dans les eaux thermales se tiennent dans des régions dont la température dépasse 40. D'ailleurs, dans les conditions expérimentales, les vertébrés à sang froid meurent lorsque leur température interne arrive à 45 ou 46 degrés. En somme, l'organisme jouit, dans des limites assez étendues, de la faculté de résister au froid et à la chaleur. A l'aide des moyens régulateurs, il maintient l'équilibre de sa température. Pendant les temps froids il produit beaucoup de chaleur et en restreint la déperdition; pendant les temps chauds il en produit peu et en perd l'excès par la transpiration. Il lutte dans toutes les conditions contre des variations intérieures qui deviendraient funestes. Mais peut-être lutte-t-il mieux contre le froid que contre la chaleur, car dans les régions polaires sa température ne baisse pas sensiblement, tandis que dans une atmosphère très échauffée elle peut s'élever de 4, 5, 6 degrés, et la mort s'ensuivre, sou- vent d'une façon foudroyante. En effet, si quelques observateurs n'ont pas vu la température de la bouche dépasser 38°, 8 sur l'homme après un séjour de six à dix minutes dans des étuves à plus de 100 degrés, Delaroche et Berger 1104 r»E LA CHALEUR ANIMALE. ont noté, pour la mrme région, une augmentation de 4 à 5 degrés dans des étuves sèches, chauffées de 80 à 87, et une augmentation de 2 à 5 degrés après quinze à dix-sept minutes de séjour dans un Ijain de vapeur de 37 à 48 degrés. CHAPITRE LXXXI DES SOURCES DE LA CHALEUR ANIMALE Maintenant que nous avons une idée de la répartition de la chaleur dans l'or- ganisme, de son chiffre normal, de ses variations suivant les espèces et les cir- constances, enfin des conditions qui en maintiennent l'équilibre, cherchons à déterminer ses sources et son mode de production. D'après ce que nous avons vu en étudiant les actions chimiques de la respira- tion, il nous est facile de préciser les sources delà chaleur animale. Les anciens, qui n'avaient aucune idée des actions chimiques, supposaient que la chaleur animale était innée, et qu'elle avait son point de départ dans le coeur. A l'époque de Van Helmont et de Sylvius, on l'attribua vaguement à des phé- nomènes chimiques dont on ne pouvait avoir une idée nette. Plus tard, avec Boerhaave et Haies, on la supposa le résultat d'actions mécaniques, et, en particulier, du frottement du sang sur les parois vasculaires. Ce fut Lavoisier qui, dès 1777, rapporta la production de cette chaleur aux phénomènes chimi- ques de la respiration. En 1783, il l'attribua très explicitement à la combustion du carbone et de l'hydrogène par l'oxygène de l'air, combustion effectuée dans le poumon. A l'aide de son calorimètre à glace, il crut reconnaître que la com- bustion du carbone donne les 96 centièmes de la somme de calorique perdue par le rayonnement et l'évaporation des produits de la peau et de la muqueuse pul- monaire; entin, il établit que la combustion d'une certaine quantité d'hydrogène donne le reste de la chaleur. Lagrange chercha à démontrer, d'une part, que le poumon était seulement le siège de l'absorption de l'oxygène et du dégagement de l'acide carbonique, et que, d'autre part, les combustions d'où dérive la chaleur avaient lieu dans les capillaires généraux. Crawford et Spallanzani admirent aussi que l'acide carbonique ne se forme pas dans le poumon, et que le dégagement de la chaleur s'opère dans les systèmes capillaires. Dès lors on fut dans le vrai. Aujourd'hui, il n'y a plus aucun doute sur ces deux points, à savoir: que la cha- leur résulte des actions chimiques entre l'oxygène et les éléments de l'organisme, et qu'elle se produit partout où l'oxygène peut se mettre en contact avec ces élé- ments solides ou liquides. Il est facile de démontrer que c'est par la respiration et ses actions chimiques que la chaleur animale est produite, car si on pratique la respiration artificielle après la section du bulbe ou la décapitation, on voit la température baisser à mesure que l'absorption de l'oxygène diminue. Sur la génisse, par exemple, j'ai vu, dans ce cas, au bout de 30 à 40 minutes, la température intérieure descendre de 38 à 37°, 2, puis arriver insensiblement à 36 en deux heures et demie. Ce qui prouve aussi la calorification par les actions ch^ 'piques, c'est l'élévation de la tem- SOURCES DE LA CUALEUR ANIMALE. 1105 pérature dans les tissus après la mort, tissus dont chacun prend une température propre que la circulation ne tend plus à égaliser entre eux. Celte élévation est exprimée sur le cheval, par un excès de o dixièmes de degré, I de^^ré 1/2 même 2 degrés. Aussi pourrait-on dire que la température d'un animal dépend du rapport qui existe entre la somme de calorique produite et la somme perdue en un temps donné. L'expérimentation à l'aide des calorimètres et les calculs basés sur la quantité d'oxygène consommé et celle d'acide carbonique exhalé permettent de déterminer la somme de chaleur produite en une heure ou en vingt-quatre heures par les divers animaux domestiques. M. Gavarret, qui a rassemblé et discuté tous les documents propres à fixer ces déterminations, adopte les chitTres suivants : Le cheval du poids de 412 kilogrammes, qui brûle en vingt-quatre heures, d'après Boussingault, 2463 grammes de carbone, 24 grammes d'oxygène, et qui perd par la peau et le poumon 7921 grammes d'eau, produit par kilogramme et par heure 2 calories 102 ^ II en perd par la transpiration cutanée et la pulmo- naire, 0,459, reste 1 calorie 643 pour les besoins de l'organisme, et les autres pertes; conséquemment, chaque kilogramme du poids du corps donne, en vingt- quatre heures, 50 calories 448, et la masse totale, 20 684 calories dans la même période. La perte par les deux transpirations est, pour la même période de 1 1 calories 016 par kilogramme, et, pour la masse totale du corps, de 4538 calo- ries. Il reste donc 16 146 calories ou plus des trois quarts à perdre par d'autres voies. Cet excédent est nécessaire pour subvenir aux pertes occasionnées par le rayonnement, pertes qui sont, comme nous l'avons vu, des deux tiers environ de la chaleur produite. A mesure que la taille se réduit, et que, conséquemment, les déperditions du calorique augmentent relativement à la masse, la production de chaleur devient plus active. L'homme donne 2 calories 300 par kilogramme et par heure ; — le mouton, 2 calories 601 ; — le chien, 3 calories 992; et les oiseaux davantage; — le canard, 6 calories 002; -^ la tourterelle, 10 calories 104; — le moineau, 31 ca- lories 926 ; — le verdier, 38 calories 502, ou 3 à 18 fois plus que le cheval. La quantité de chaleur développée par un animal est donc assez considérable relativement à son volume. Celle que produit le cheval est capable d'augmenter de 1 degré une masse d'eau de 20 684 litres, ou 286 hectolitres, représentant 50 fois le volume du corps, sa densité étant supposée égale à celle de l'eau. Elle en porterait, de 0 à l'ébullition, un peu plus de 2 hectolitres. Toutefois, il ne faut regarder ces données que comme des approximations, car elles supposent que toute la chaleur produite dérive des actions chimiques. Or, on sait que les expériences de Despretz et celles de Dulong tendent à établir que les 90 ou 92 centièmes seulement de la chaleur dégagée dans le calorimètre ont cette source. D'ailleurs, si 500 grammes de carbone donnent 8 080 calories et si 500 grammes d'hydrogène en dégagent 34 462, cette somme n'est pas inva- riable, car les corps combustibles donnent plus ou moins de chaleur suivant les combinaisons dont ils font partie et suivant les produits de leur combustion. 1. On sait que la calorie est la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1 degré la température de 1 kilogramme d'eau. G. COLIN. — Physiol. conip., 3' édit. II. — 70 ■1106 DE LA CHALEUR ANIMALE. Il n'est pas nécessaire maintenant d'entrer dans de longs détails pour préciser le siège des phénomènes caloriliques de l'économie. Il est clair que toutes les parties où s'accomplissent des actes nutritifs ou sécrétoires associés à des actions chimiques sont le siège d'un dégagement de chaleur. A priori, on peut dire que la production de chaleur est inégale suivant les parties, et qu'elle est pro- portionnelle à l'intensité des actions chimiques qui s'accomplissent en elles. Tou- tefois, en raison de la diffusion rapide du calorique par la conductibilité des tissus et par l'intervention des courants sanguins, il est difficile de démontrer expérimentalement la loi que le raisonnement établit. D'abord, il est manifeste que la calorification dans les parties y est en rapport avec l'activité de la circu- lation. Lorsque la peau pcîlit, par l'affaissement de ses vaisseaux, lorsque les extrémités reçoivent peu de sang, elles se refroidissent si vite et si sensiblement qu'il n'est pas nécessaire de recourir aux instruments pour s'en assurer. Au con- traire, elles s'échauffent dès, que, par l'exercice, la marche, des frictions, le sang y est apporté en plus grande quantité. On sait que la simple section des nerfs ganglionnaires qui dilate les vaisseaux élève très rapidement et d'une manière persistante la température des parties où ces nerfs se rendent. C'est dans les tissus très vasculaires auxquels l'oxygène est cédé en grande quantité que les phénomènes de la calorification acquièrent le plus d'intensité. Ces tissus empruntent l'oxygène au sang, comme nous l'avons vu en étudiant la respiration; ils respirent à proprement parler. L'oxygène dont ils s'emparent se combine avec les matières carbonées et hydrogénées, et, de cette combustion lente, résulte à la fois la production de l'acide carbonique, de l'eau et de la cha- leur. Le tissu musculaire est un de ceux où les actes d'oxydation s'effectuent avec le plus d'intensité; et comme, en raison de sa masse, il représente plus du tiers de celle du corps, il est le plus vaste des foyers calorifiques. C'est surtout sous l'influence de la contraction qu'il produit beaucoup de chaleur. Il s'échauffe alors très vite d'un demi-degré, même de 1 degré, surtout si les efforts sont un peu violents, et, par suite, il échauffe le sang qui le traverse. La chaleur qui s'y développe, résulte uniquement, dit-on, d'une oxydation. Elle a, d'après les physi- ciens et les physiologistes partisans des idées de Mayer, le même point de départ que la lumière, l'électricité, le mouvement. Une force unique, en se transfor- mant, donne l'une ou l'autre. Le mouvement musculaire serait un équivalent mécanique de la chaleur; et, d'après Béclard, la contraction statique produi- rait plus de chaleur que la contraction qui a pour résultat un effet mécanique : la quantité de chaleur perdue dans le dernier cas correspondrait à l'effet méca- nique produit. Mais cette transformation n'est nullement démontrée. Il est très possible, comme le pensait P. Bert, que les actions chimiques accomplies dans l'organisme, produisent à la fois chaleur, électricité et mouvement. Qu'il y ait ou non transformation d'une partie de la chaleur en mouvement, que d'après le principe de l'équivalence des forces la partie d'oxygène non employée à produire de la chaleur serve ou ne serve pas à développer le mouvement, ce qui est certain, c'est qu'une augmentation thermique coïncide avec la contrac- tion, et que ce phénomène correspond à une plus grande consommation d'oxy- gène, à une plus active production d'acide carbonique, à la formation d'une cer- SOURCES DE LA CUALEUR ANIMALE. 1107 taine quantité d'acide lactique qui l'ait passer le tissu musculaire de l'état alcalin à l'état acide. Enfui, les organes respiratoires, les poumons, que les premiers partisans de la doctrine de Lavoisier inclinaient à regarder comme le loyer exclusif de la calo- rification, concourent aussi pour une part notable à la production de la chaleur animale. Les poumons ne sont pas seulement un lieu où le sang échange son acide carbonique contre l'oxygène de l'air, ils sont un foyer d'actions chimiques incessantes ; car l'oxygène, à compter du moment de son absorption, agit sur les éléments combustibles du sang et des tissus ; il tend à produire et produit en effet de l'acide carbonique et de l'eau dans le système capillaire pulmonaire comme dans les systèmes capillaires généraux. Aucune raison chimique ni phy- siologique ne justifie l'hypothèse d'après laquelle le poumon serait exclu de la faculté de participer à la calorification générale. II est vrai que la démonstration expérimentale de la calorilicalion pulmonaire n'est pas facile à obtenir. Le pou- mon est peut-être de tous les organes celui dont la température met le moins en évidence le rôle calorifique. Cette température essentiellement et inévitablement variable, est presque toujours inférieure à celle des viscères abdominaux ; elle tend sans cesse à s'abaisser par le fait de l'air qui circule dans les bronches et les vésicules comme par le contact de l'organe, dans une très grande étendue, avec les parois thoraciques, qui sont loin d'atteindre les degrés de chaleur des parties centrales. Néanmoins, le rôle thermique du poumon se dégage de diverses considérations et de divers faits à signification non équivoque. En effet, s'il ne se développait pas de chaleur dans le poumon, le sang en sor- tirait plus froid et toujours plus froid, pour deux raisons : 1° parce qu'il a cédé de la chaleur pour amener l'air aune température très voisine de la sienne propre; •2« parce qu'il a donné aussi au produit de l'exhalation pulmonaire une certaine somme de calorique employée à le transformer en vapeur. Or si, malgré cette double soustraction, non seulement le sang ne s'est pas refroidi dans un grand nombre de cas, mais s'est au contraire fort souvent réchauffé de 1 , 2, 3, 4 dixièmes