re L É + À. à 51572 Glass __ Le TRAITÉ DE LA GARANCE : | ET DE SA CULTURE. , Avec la Defcripuon des Éruves pour deffécher cette Plante, & des Moulins pour la pulvérifer. NOUVELLE EDITION. Avec Figures en taille-douce. Par M. DUHAMEL DU MONCEAU , de l’Académie: Royale des Sciences ; de la Société Royale de Londres ; de celle des Arts © du Commerce d'Angleterre ; de La Société d'Edimbourg ; de PInffitut de Boulogne ; de l’Académie Impériale de Petersbourg ; de celle. Phyfico-Boranique de Florence, &c. © de plufieurs Sociétés d'Agriculture ; Infpelieur Général de La: | Marines : Chez H. L. Guerin & L. F. DEerarour; rué S. Jacques , à S. Thomas d'Aquin. : DM DCE RER Asec Approbation & Privilese du Roë. Culture. , Page I INTRODUCTION » | ibid, ARTICLE Ï. Des différentes efpeces de Garance, 6 ART.ll, Defcriprion de la Garance, Rubia Tin- Étorum fativa , C. B. 2, ART, 111 Des Terres propres à la Garance, 1x ART, IV. Préparation de la Terre pour en fatre une Garanciere ; 13 Arr. V. Mulriplication de la Garance par les Semences ; 14 Art. VI, Maniere de former une Garanciere avec de gros pieds bien pouruus de racines , 22 ArT. VII. Maniere de former une Garanciere avec des tronçons de Racines » 25 Arr, VIII. De la mulriplicarion de la Garance par les Drageons enracinés ; 25 ART. IX. Culture de la Garance plantée par Plan- ches & Plates-bandes ; avec la maniere de faire les couchis , 23 ART, X. Récolte des Racines de Garance: AT ART. XI. Du Defféchement de la Garance, 44 ART. XII, Qu'on peur employer la Garance verte, fans la deffécher nt la puluérifer, SE ART, XIII, Du choix de la Garance, s9 ART, XIV. Maniere de faire un Effai de Teiniure avec la Garance, 64 ART. XV. Maniere de deffécher & de pulvérifer. 66 da Garance, à TABLE Des ARTICLES. _ Anr. XVI. Culture de la Garance en Zélande en Hollande s- 69 ART. X VEL, Arrés: du Confeil d’Erat du Roi du 24 Février 1756, en faveur de ceux qui culri- veront la Garances 73 DescriPrioN des Etuves pour def- fécher la Garance , & des Mou- lins pour la pulvérifer, 76 ARTICLE Î. Defcription de l'Eruve de Lille , ibid. _ ART. Îl, Réflexions fur PErtuve qu'on emploie à Lzlle 3 84 ART. III. Du fourneau de certe Erunve ». 92 ART. IV, De la Meule verticale » pour écrafer la Garance; | 6 Arr. V. Defcription du Moulin à grapper la Ga- _ rance, telqu'ileftexécuté à Lilleen Elasdre, 96 ART, VI. Réfexions fur la conftruêtion du Moulin. de Léile a = j 182 ART. VIE Defcription du Moulin à puluérifer la Garance , confiru?s à Corbeilles , 10$ OBSERVATIONS; 113. EXPLICATION des figures du Moulin de Corbeil- les » LES 118: €ONCEUSION, | 126. Fin de la Table des Articles, NOT 42 L’Approbation & le Privilege du Roi fe trou- vent dans les précédentes Editionse TRAITÉ TRAITÉE DE LA GARANCE, ET De SA: CULTURE. INTRODUCTION. EE RACINE DE LA GARANCE elt d’un ufage fort étendu pour la Teinture des Laines , du Coton & des Etoffes. Elle les teint en rouge : cette couleur, à la vérité, eft peu brillante ; mais elle ré fifte fans altération à lation de l'air, à celle des rayons du foleil, & à l'effet des ingrédiens qu’on emploie pour éprouver fa ténacité. On l’emploie en- core pour donner de la folidité à plu- fieurs autres couleurs compolées, 2 CU E TURE Ces avantages ont engagé le Minif- tere à encourager la culture d’une plan- te qui devient d’une fi grande impor- tance pour plufieurs Manufaétures. Ce motif l’a porté à accorder en 1756 des privileges diftingués en faveur de ceux qui entreprendroient de la cul- tiver. J'ai été engagé à publier en 1757, un Mémoire fur la Garance & fur fa culture. L'édition de ce petit ouvrage fe trouvant épuifée, & la con- fommation de cette plante étant de- venue plus confidérable que jamais, par l’'établiflement de quantité de Manu- fatures de Toiles peintes, onen a dé- firé une réimpreffion. Mais comme la culture & l'emploi de la Garancefe font ‘beaucoup perfe&ionnés depuis 1757; j'ai cru devoir faire des changements & des additions confidérables à mon premier Mémoire, pour le rendre plus utile au Public. Mon principal objet eft toujours le même , celui d’inftruire le Cultivateur préférablement au Tein- turier, qui probablement renoncera dé- DÉ LA GARANCE. 3 formais à tirer de l'Etranger la racine de cette plante, lorfqu’il verra que nos Provinces feront en état de luien four- nir de très-bonne qualité, & au même prix que celle qu'il tire des Hollan- dois , des Zélandois , &c. La culture de la Garance n’eft point nouvelle en France : on en éleve de- puis long-temps aux environs de Lille en Flandre ; mais comme les Payfans de cette Province font toujours avides de jouir du bénéfice de leur récoite, ils arrachent ÎJes racines avant qu’elles ayent eu le temps d'acquérir aflez de grofleur , ce qui fait qu'elles ont peu de parenchyme , qui eft la partie qui contient principalement la fubftance colorante. C'eft pour cette raifon que la Garance de Flandre eft moins efti- mée que celle de Zélande. Nous ne penfons pas cependant que les plus groffes racines foient toujours les meilleures: il ya en cela, comme en beaucoup d’autres chofes , un milieu à obferver. Des racines de cette plante | I. fin 4 > C ur O UARE qui auront refté très-long-temps en terre, fe trouveront fouvent avoir moins de parties colorantes que d’au- tres qui , par une bonne culture, fe- ront affez promptement parvenues à une groffeur convenable. J'en ai ce- pendant vu de très-belles qui avoient été arrachées dans les bois & dans d’autres endroits où elles avoient crû naturellement ; & où probablement cette plante fubfftoit depuis long- temps: 0e | L’ Azala où Izari, qui eftune Garan- ce que l’on cultive dans les plaines de Smyrne , féchée fans feu, eft la feule efpece de toutes celles quientrent dans le commerce qui donne au coton bien préparé ce rouge vif incarnat, que l’on appelle Rouge d'Andrinople, & qu'on imite fi bien maintenant en France. On l'envoie en nature à Marfeille ceux quien veulent faire ufage, la font pulvérifer. Cette Garance de Smyrne n’eft ce- pendant pas la feule qui donne unfi DE LA G&SRANCE. $ beau rouge. On eft parvenu à donner cette belle couleur au coton avec la Garance des Provinces de Languedoc, de Poitou, du Gatinois , des environs de Rouen ,& même avec celle qui croit fans culture au pied des haies. Il faut avoir foin de faire fécher cette racine de maniere qu'elle ne contratte aucune impreflion de fumée, & par une cha- leur modérée. Nous en parlerons dans Je cours de cet Ouvrage, Il eft étonnant qu'on abandonne aux Etrangers la culture d’une plante dont la plupart des Propriétaires des terres pourroient tirer un profit confi- dérable en fe conformant aux inftru- étions qu’ils pourroient puifer dans ce petit Ouvrage. ARTICLE Des différentes efpeces de Garance. [| L y à plufieurs efpeces de Garance qui toutes fourniflent de la teinture. M. GUETTARD , de l’Académie Royale des Sciences , a éprouvé que les Caille-lait Gallium (PI. I. fig. 2), pourroïent en four- nir; mais il ne dit point que ce rouge foit aufli intenfe , ni aufli beau que celui des garances ; d’ailleurs les racinesde Gallium {ont très-menues. [l eft vrai que le Raye- de-chaye ; ou Chayaver (Hediotis herbacea LiNN.), qu’on employe pour la teinture rouge fur la côte de Coromandel,eft vrai- femblablement un caïlle-laït ; ce font des plantes rubiacées qui fourniffentla teinture rouge : néanmoins M. d’AMBOURNEY, de la Société d'Agriculture de Rouen, ce zélé Citoyen, qui a fait plufieurs belles découvertes fur la Garance , & que je citerai plufieurs fois à cette occafion , n’a pu jufqu’à préfent tirer une belle couleur du gallium: les racines deccette plante font. fi déliées qu’on peut négliger de Pem- ployer pour la teinture. Hi If y a encore une plante fort appro- DE LA GARANCE «: chante de la garance , qu’on nomme Croi- fette , Cruciata ou Rubia quadrifolia veË latifolia levis. I. B. Cette plante ne dif- fere du Gallium que parce qu’elle n’a à chaque étage que quatre feuilles difpofées en croix. Je n’ai point examiné fi fes ra- cines donnent beaucoup de couleur, mais M. d’Ambourney a teint en beau rouge du coton , avec des racines fraiches de la €ruciata Lufitanica , latifolia glabra ; flore albo : Inst. Il y a employé de ces racines fraîches , au poids de fix fois celui du coton. Ce coton après avoir été teint; a bien réuffi à l’avivage , & a foutenu le débouilli du favon pendant dix minutes. Comme je fuis perfuadé que Àf, d’Am- bourney communiquera le détail de fon expérience à la Société d'Agriculture de Rouen , il me fuffit ici d'annoncer le fait, L’Azala ou Izari de Smyrne , que l’on emploie à Darnetal & à Aubenas pour faire les belles teintures incarnates fur le coton, à la façon d'Andrinople , eft.une vraie garance:il en croit naturellement quel- ques efpeces dans les haïes & dans les bois, dont les racines , lorfqu’eHes font féchées avec précaution , fourniflent d’auffi belle teinture que l’Azala de Smyrne. M. d’Am- bourney a cultivé une efpece de garance qui s’eft trouvée fur les rochers d’Oiffel À. iv 8 Cv: ÉUME en Normandie: les racines de cette plante: lui ont donné une teinture du moins auffi belle que l’Azala. _ L’efpece qu’on cultive le plus ordinai- rement eft le Rubia Tinéforum fativa , C. B. C’eft cette même efpece dont on fait des plantations en Zélande & aux environs de Lille ; on la deffeche , on la pulvérife , &c on l’envoie vendre en France fous le nom de Garance, Grappe de Hollande.( PI, I. fig. 1). | I] n’eft pas poffible de faire unauffi bel incarnat fur le coton , avec cette garance qu'avec l’azala de Smyrne , non plus qu’a- vec la garance d’Oiffel; mais je foupconne que cette différence ne dépend pas parti- culierement de l’efpece de garance, puif- que le rubia tinttorum fativa, qu’on a cultivé en plufieurs endroits du Royaume ;. a donné à M. HELLOT , de l’Académie Royale des Sciences, une auffi belle tein- ture que l’Azala. Nous ferons voir dans la fuite en quoi nons eftimons que confifte le défaut des garances de Zélande & de Lille : il faut avant tout, donner la def- cription de la garance qu’on cultive le. plus communément. LAS DE LA GARANCE: Le] ARDICGRhE LL Defcription de la Garance, Rubiz Tinéorum fativa , C, B. C ETTE Plante poufle des tiges lon- gues de 3 à 4 pieds, quarrées , noueules , rudes au toucher ( PI. I. fig. 1 ) : elles fe foutiennent aflez droites : chaque nœud eft garni de cinq ou fix feuilles pofées dans lepourtour de la tige ; ou ,; comme difent les Botaniftes, verticillées : ces feuil- les font longues , étroites , garnies à leurs bords de dents fines & dures qui s’atta- chent aux habits. Les fleurs a, b,c, d', naïffent vers les extrémités des branches : elles font d’une feule piece , figurées en godet, percées dans le fond c , découpées par leurs bords en 4 ou $ parties : leur couleur eft d’un jaune verdâtre : on apperçoit dans l’in- térieur quatre étamines & un piftil, formé d’un fiyle fourchu ee , portéfur un em- bryon qui fait partie du calice. Cet em- bryon devient un fruit compofé de deux baies fucculentes attachées enfemble. Quand les fruits font mûrs , chaque baie contient une femence prefque ronde f£ ;. 10 CU'ETU RE recouverte par une pellicule : les racines de cette plante font longues ; rampantes : d’autres fois pivotantes, de la grofleur d’un tuyau de plume , quelquefois de celle du petit doigt, ligneufes , rougeñtres , & elles ont un gout aftringent: c’eft cette feule partie qu’on emploie pour lestein- tures. M. d’Ambourney qui a cultivé la garance d’Oïffel, dit qu’elle pouñle plutot au printemps que celle de Lille : il ajoute que fes tiges menues fe penchent jufqu’à terre , dès qu’elles fe font feulement éten- ues de la longueur d’un pied : les feuities ducs dela lonpéeur ie DAME de cette efpece font plus étroïtes qüe celles de la garance de Lille : la principale dif- férence qui diftingue ces deux efpeces de gerance eft, fuivant le même Amateur, que les racines de celle d’Oiïffel font moins “ grofles, moins vives eñ couleur, moins garnies de nœuds & de chevelu; que celle de Lille. Comme elle a donné a la tein- ture une belle couleur qui a mieux réfifté au débouilli que celle de Lille , M. d’'Am- bourney foupçonne que c’eft cette efpece de garance qu’on nomme Azala ou Izari; car il dit que la graine qu'il atirée de Smyrne lui a effectivement donné la même plante. Néanmoins la grainetirée du Le- vant fous le nom d’Azala,a produit, au Jardin duRoïi,la même efpece de garance DE LA GARANCE. ZE que celle de Lille. Quant à moi je foup- jonne que la garance d’Oiffel ef le Rubia: filveftris Monspeffulana major, J. B. Cette garance donne de la graine bien plus promptement, & en plus grande quan- tité que celle de Lille ; mais elle ne prend pas auf aifément de drageons, ARTICLE III. Des Terres propres a la Garance. LE, GARANCE fubfifte dans toutes fortes de terres; mais elle ne fait pas égale- ment par-tout de belles productions. J'ai éprouvé qu’elle ne fe plaît pas dans les terreins fecs. quoique bons rour le fro- ment : elle aime les terres fubftantieufes, douces & humides en deffous ; maïs elle périt quand elle eft fubmergée , ou dans les terreins aquatiques : j’en ai vu. bien réuflir dans un fable gras qui étoit aflis fur la glaife ; & comme un fond de glaife empêche les racines de pénétrer bezucoup en terre . elles coulent , pour ainf dire, _ farce fol qui retient l'humidité , elles s’y . multiplient, y deviennent fort grofes , & {ont plus aifées à arracher que celles qui pivotent beaucoup; car il y a telle de ces. 12 JG ULTURE racines qui s'étendent de quatre pieds ett terre. On affure que la garance qu’on cul- tive dans l’ifle de Tergoés en Zélande ;. croît dans un terreingras, argilleux & un peu falé. M. px ConrBEiLrEs à cultivé de la garance avec fuccés dans unterrein qui eft une efpece de marais, plus inondé des eaux de pluie , qui reftent fur le fol, faute d'écoulement, que par les débordements du Fufain , petite riviere qui le traverfe. Quoi qu’il + foit , ce terrein-eft remplid de PAR & mauvaifes herbes de marais ; mais après avoir été bien défriché & tra- verfé de foflés , la garance y a réufli: on ire conclure d’après les fuccès que cette plante a eu dans une pareille pofition ; que les marais defléchés font propres pour la garance. M, d’Ambourney a élevé, avec affez de fuccès, de la garance dans une argille jaune , alliée de fable , fous laquelle , à la. profondeur d’un fer de bêche , fe trouvoit un banc de caillou très- ferré: cette terre. comme on penfe , n’étoit pas d’une bonne nature ; mais elle étoit neuve , & M. d’Ambourney apperçut , en arrachant | cette garance , que fes racines avoient pé- nétré dans le gravier. DE LA GARANCE. 13 ARTICLE IV. Préparation de la Terre pour en faire une Garancicre. (GER: onfe propofe d'établir une ga- ranciere dans une terre qui eft déjà en va- leur , il fufñit , pour la difpofer à recevoir cette plante, de lui donner quelques pro- fonds labours , comme fi on la deftinoit à produire du grain :les racines s’étendront d’autant mieux que la terre aura été ameu- blie à une plus grande profondeur. Si on veut planter de la garance dans neterre en friche, il faut détruire les mauvaifes herbes qui en rendroient la culture très-pénible , & mettre la terre en état de labour par les méthodes qui font indiquées dans les Eléments d'Agriculture, Chapitre des défrichements *; puis faire enforte qu’elle fe trouve bien divifée avant d’yfemer ou planter la garance dans les mois d'Avril , Mai & Juin. La terre ayant été bien ameublie , amandée & net- toyée d’herbes , il eft néceflaire de fe ‘pourvoir de graine ou de plant, ainfi que nous Pallons dire. _ * Cet ouvrage eft en deux Volumes in-12 avec figures; af d chez Guérin & Delaroar , rue S, Jacque ii fe vend chez Guérin elatour , rue $, Jacques: " 14 CU EAEOUIALE A R EF IC'LL'E UNE Mulriplication de la Garance par les Semences. | OO PENSE aux environs de Lille que la garance qu’on y cultive ; ne donne point de graine : quoique les fleurs de cette ef- pece foient plus fujettes à couler que celles de la garance d’Oiflel ; & qu’elles en don- nent moins que celle-ci, néanmoins elles en donnent ; & fi on n’en recueille pas à Lille ;e a qu’on y eft dans lufage de couper les tiges de cette plante avant que la graine foit mûre & bien formée. Il eff très-certain que la garance d’Oifel, & celle qui croît naturellement en Poitou & en beaucoup d’autres Provinces, fourniffent quantité de graine, ainfi que l’{zari ou Azala de Smyrne. M. d Ambourney ne cultive que’ces efpeces qui donnent de la graine dès la premiere année. Dans la fe- conde, on recueille juiqu'e à deux mille grai- nes {ur un feul pied qui n’auroit pu fournir tout au plus que vingt ou trente boutures. Cette feule confidération fait fentir, com- bien il eft avantageux de multiplier la ga- rance par les femences. DE LA GARANCE. IS Quand on a peu de pieds de garance, la récolte des femences eft difficile , parce qu’on les cueille alors une à une dans la crainte de n’en point perdre ; mais quand on eft bien pourvu de plantes, on en fait couper les grapes aufli-tôt que la plus. grande partie de la graine eft müre : les femmes de journée que l’on charge ordi- nairement de ce travail, mettent les grap- pes dans leur tablier à mefure qu’eiles les cueillent , enfuiteellesles étendent fur des draps à l’expofition du foleil. Au bout de deux eu trois jours, quand l’herbe eft fufi- fzamment feche , on bat le tout avec des baguettes, comme on bat la laine ; la bon- ne’ graine fe fépare aifément d’avec les grains verds & les ordures, après quoi on Ja vanne. La graine eft réputée bien mûre , quand elle eft noire ou violette. On l’expofe une feconde fois au foleil jufqu’à ce qu’elle de- vienne fonore ; car fi la pulpe qui l’enve- loppe n’étoit pas parfaitement defléchée, elle-fe moifiroit pendant l'hyver , & le germe périroit. M. d’Ambourney compte abréger encore cette opération en faifant couper l’herbe avec la faux. Cette récolte fe fait dans le mois de Septembre. On conferve cette grainedans des facs que l’on tient fufpendus dans un 16 C5 LE TUE grenier jufqu’au temps qu’on fe propofe de la femer , car les rats & les fouris en font friands. Si on vouloir la femer fur le champ , fur une couche , alors on {eroit difpenfé de la faire fécher , car l'humidité qu’elle contient , en favoriferoit la germi- nation. Lz garance donne donc des femences , de même que prefque toutesles plantes ; il y en a même des efpeces qui en four- niflent beaucoup. Nous ferons voir dans peu ; que ces femences procurent un moyen für de multiplier cette plante: voici les précautions qu’il faut y apporter. Si l’on a peu de femence, ou fi l’on veut par- venir à une prompte multiplication, ilfaut, fans balancer , femer cette graine fur cou- che , ainfi que M. d’Ambourney Pa pra- tiqué. Cette couche peut s'établir fans beaucoup d’embarras. On faiten terre une tranchée de deux pieds de profondeur; on la remplit de fumier de cheval ; d'êne ou de mulet, nouvellementtiré de l’écurie 3 on foule bien cette litiere , & on en rem- plit la tranchée de trois pouces plus haut que le terreïn. Si le temps eft au hâle , on jette par-deflus quelques feaux d'eau , & on charge cette couche de terreau de vieille couche ou de terre légere, à l’épaif- feur de quatre à cinq pouces : on prefleun peu PDPELA:GAEANCE 17 peu cette terre en appuyant deflus avec les mains ;on la drefle avec le rateau . & on laifle pafler la chaleur du fumier. On met dans un pot, lit par lit..de la terre & de la graine:qu’on veut femer ; puis on y donne un léger arrofement. Au bout de 7 ou 8 jours, la graine eft germée , & enétat. d'être femée. Il fera bon d’établir cette. couche le long d’une muraille a ’expofition du levant ou du midi , & avoir foin de la garantir des ventsfroids avec des paillaf- {ons, comme on fait pour les melonieres.. Vers la fin de Février, quand la grande chaleur de la couche eft pañlée , &la graine. germée , on fait des rigoles à trois pouces de diftance lesunes des autres, & d’un pou-- ceide profondeur, dans lefquelles on ré-- pand la graine germée mêlée avec la terre du pot. Nousconfeillons de répandre cette. graine-par rangées , afin d’avoir plus de facilité à faire les farclages. Dans le temps. de hâle ; on donnera un léger arrofement- acette couche : fi pour cette première fois. ikfurvenoit des gelées. un peu fortes, il feroit bon de la couvrir pendant la nuit. avec des paillafons. On aura foin d’arra- cher de temps en tempsles mauvaifes her bes. Les plantes fe montrent ordinaire-. rent au bout de 4 ou $ jours. Si on a foin: de: les arrofer fréquemment , elles feront. 13 Ce E r'Ù RE en état au mois d'Avril, d’être levées &- d’être mifes en terre ; comme nous le di- rons dans la fuite. tm on jugera que les plantes font ez fortes pour pouvoir être bien-tôt ar-. CHE on mettra de nouvelle graine dans un pot, méléeavec de laterre pourlafaire germer comme la précédente , & on la répandra fur la même couche dès qu’elle aura été dégarnie du premier plant. Les cultures feront les mêmes que pour la pre- miere opération ; excepté qu’on fera dif. penfé de prendre des précautions contre les gélées qui ne font pas alors tant à crain-- dre. Ces fecondes plantes pourront être le-. vées & tranfplantées vers la mi-Juillet ; mais on eft quelquefois obligé de différer cette opération, & de ne les replanter que lorfque la terre fe trouve humide, car: cette circonftance eft abfolument nécef-- faire , fur-tout dans l'été, On peut encore faire germer de la graine pour la troifiemé fois & en garnir la même couche ; mais rarement pourra= t-on la replanter ’dañsla même añnée ton. fera obligé de la laïffer fur la couche juf- qu’au commencement du printemps de: l'année fuivante. Ainfi on peut faire aifé - ment trois récoltes de plant fur une même: couche, Si l’on donne à cette couche cing-: DELLA GARANCE. " pieds de largeur fur 30 ou 40 pieds de longueur , on aura beaucoup de plant , ce ui eft très-avantageux , parce qu’en éle- vant ainfi quantité de plant , on eft dif- penlé de faire des couchis qui font moins | avantageux, comme nous le dirons dans ja fuite. Ces femis peuvent encore fe faire fur des planches de potager bien labourées & bien amendées : on couvrira les femences d’un pouce & demi ou de deux pouces de terreau. Au furplus , les arrofements , les farclages & les autres attentions doivent être les mêmes que pour les plantsquelon éleve far couche. Onne peutfemeren plei- ne terre avant le r0 oule r2d’Avril;&cil feroit difficile de femer deux fois fur les mêmes planches dans le courant de Pan née : tout l’avantage qu’il y a fe réduit à ce que ce plant qui aura refté cinq mois fur la planche, & qu’on ne replantera que vers la mi-Septembre , fera plus fort que celui que lon aura élevé fur couche. Quand il fera queftion de lèver ces diffé rents plants ,il faudra avoir une finguliere attention à ménager les racines ,. & à ne faire. la tranfplantation que lorfque le: temps fera difpoté à la pluie. M. d’Ambourney 2 encore réufi à fe- mer cette graine germée danslagaranciere Bi La 20 CU 5 FU RSE même ; mais il faut pour cela que Îa terre. foit bien ameublie par les labours; & avant de femer, on donne, avec une petite char- rue appellée binerte, un labour léger & {fuperficiel , afin que la femencene fe trouve. pas trop enterrée : après avoir femé dans: une raie, on en fait une autre dans la quelle on ne répand point de femence ; puis une troifieme que lon feme, & ainfi. alternativement dans toute l’étendue du: champ. Sion vouloit fe fervird’unfemoir ,. il faudroit , après avoir bien herfé & bien uni la terre , répandre la femence avec le: femoir , ce qui feroit d’une prompte exé-. cution ; mais fur-tout il faut que la terre. {oit bien nette d'herbe; fans quoï on feroit: néceffité à donner de fréquents labours, ce- qui deviendroit bien à charge : cette pré- caution eft également néceflaire , & pour- la garance qu’on replante, & pour celle- que l’on feme en places. La vraie faifon pour femer en place. cette graine après qu’on a eu foin de la. faire germer, comme nous lavons dit , eff: celle du printemps, vers les derniers jours. d'Avril : nous avertiflons que cette mé-- thode confomme beaucoup de graine. Le. moyen de s’en procurer abondamment eff: de ne point arracher les plantes d’un. champ où les racines feroient aflez grofles. DE LA GARANCE 2Ÿ pour qu'on püût les employer à la tein- ture. Ces pieds vigoureux donneront cer- tainement beaucoup de graine ; fans que l'intérêt du. Propriétaire en fouflre; car ceux que l’on aura laiffé fubfifter une année de plus en terre , fourniront une plus grande quantité de très - belles ra- cines. Quand on eft pourvu d’une grande quantité de beau plant élevé fur couche. ou en planches, il faut le mettre en place. Pour cet effet, laterre ayant été bien pré- parée & nettoyée de mauvaïfes herbes, un Journalier entendu s’occupera à lever ce plant & àle mettre dans des corbeiïlles qu’il recouvrira avec de l’herbe; on tranfpor- tera ces corbeilles: à d’autres ouvriers qui _planteront les pieds de garance avec la cheville. Pour diminuer les frais de ce travail &.en accélérer Popération ; M, d’Ambourney faifoit arranger ce plant dans les fillons formés avec une charrue, par des femmes qu’il employoit à cet ou vrage , & qui recouvroient avec la main les racines d’un peu de terre, en obfer- vant de laïffer fix pouces de diftance d’un pied à l’autre elles appuyoient la fane ou. la tige de la plante le long de Pados de la raie , de maniere qu’il y avoit au moins. un: étage de feuilles hors de terre ; au. 22 Ë.U E TU RE retour de la charrue, le verfoir achevoit de combierie fillon & d’enterrer le plant :: on ne mettoit rien dans le fecond fillon mais bien dans le troifieme : d’autres fem - mes fuivoient avec des rateaux , & perfe-- étionnoiïent letravailen garnifflant de terre le coilet de chaque plante. Selon cette méthode , il faut au moins, Is ou 20. milliers de plantes pour garnir un arpent.. En mettant un bon pied dediftance entre: chaque raie , on fe procure la liberté de donner avec plus de facilité deux légers labours , & de rechaufler les pieds quand: ii en eft befoin. | AR TE EME Maniere de former une Garanciere. avec de: £ros pieds dien pourvus: de racines. Sr E/ON fe trouve dans une Province où. la garance croit naturellement dans les bois , le long des haïes ou dans les vignes, ce qui n’eft pas rare; ou fi l’on a un champ ‘de garance qu’on veuille facrifier pour en formerun plus étendu,on peutarracher des: pieds de garance, enménageant avec foin soutes lesracines , & für-tout les trainafles: DE LA GARANCE. 323: ou racines rampantes , qui s’étendent en- tre deuxterres; & on replantera ces pieds: en entier. en obfervant d'étendre de côté &cd’autre leurs-racines rampantes. Si Pon a l’attention que ces racines foient près de la fuperficie de la terre, la plupart pouffe- ront dans peu de nouvelles tiges , qui for- meront autant de bons pieds, Ce plant fournit beaucoup, de forte que quatre. milliers fufffent pour garnirunarpent. Ces gros pieds pouflent ordinairement avec force , & ils donnent dès la premiere an- née beaucoup de graine ; & encore plus à la feconde , fi c’eft de l’efpece d’Oifel. La garance fe peut replantertoute l’an- née , pourvu qu’on le fafle , comme nous Pavons déjà dit, par un temps humide, Mais quand on eft le maître de choifir la faifon ; on doit le faire vers la fin de Sep- tembre. Cette garanciere fe cultive de la même maniere que celle qui a été élevée. de graine. EEE ARTE GEHENVEHE Mariere de former une Garanciere. avec des tronçons de Racines. O UAND on arrache les racines de ga-- rance pour les livrer aux Teinturiers , on: peut ; fans diminuer le profit qu’on en: doit attendre, fe procurer beaucoup de. plant; car il eft d’expérience qu’un bout: ou un tronçon de racines, pourvu qu’il foit: garni d’un bouton & d’un peude chevelu: produira un pied lorfqu’on-le mettra en. terre à une petite profondeur : ainfi quand: on arrache une garanciere, On:peut fe! ménager beaucoup'de plant, qu'on met-- tra enterre:en automne.; parce que ; fui-} vant l’ufage ordinaire, c’eft la faïfon d’ar- racher les racines de garance pour les pré- parer & en faire la vente. Mais comme ik arrive prefque toujours qu’une partie de ces pieds périt, ileft bon de les planter un: peu épais. M. d’Ambournay a planté avec beaucoup de fuccès-des-racines rampan- tes qu’il avoit coupées par tronçons, gars=- nis chacun de deux nœuds. ARTICLE.- DE LA GARANCE. 2ÿ ERDERE DR ER SE EX TER ER DT En PR a Le ES AT RP RE à ARTICLE VIII De la Multiplication de la Garance par les Drageons enracines. O UAND on a de grandes pieces deterre en garance , on peut fe procurer beaucoup de provins, fans faire un tort confidérable à la garanciere qu’on cultive pour ven- dre : voici comment il faut s’y prendre. Lorfque la garance a pouflé des tiges de 8 ou 10 pouces de longueur, ce qui ar- rive ordinairement dans le cours des mois d'Avril, Mai ou Juin de l’année fuivante, on fait arracher ces tiges par des femmes, qui les faififlent près de terre, & les ar- rachent comme f elles cueilloient de l’her- be pour leurs vaches ;une partie des brins” Viennent avec de petites racines, & ceux- ci reprennent aifément , fur-tout s’il fur- vient un peu de pluie après qu’ils ont été replantés ; d’autres ne montrent qu’un peu de rouge vers le bas, & la reprife de ceux- là n’eft pas à beaucoup près auffi certaine : d’autres enfin n’ont que du verd & du jaune ; ceux-là doivent être rejettés, parce qu’il n’en reprendroit qu’un très - petit nombre, | "4 CG LT 26 G'U'L PT RE M. d’Ambourney en avoit replanté qui avoñent depuis 4 jufqu’à 8 pouces de ra- cines jaunes ; il n’y en a eu que la dixieme partie qui ait repris ; mais les provins dont le bas étoit brun & ligneux, ont réufli. Si, en fuivant la méthode de Lille, on a eu foin, en cultivantla garance, de cou- cher des tiges pour qu’elles forment des racines ; la plupart des brins font des trai- naffes qui ne font pas fort enfoncées en terre; on les arrache avec'les tiges quand ja terre fe trouve légere, & attendrie par la pluie, & cela fait torta la garanciere : au contraire, quand les terres font fortes & dures, la plupart des brins fe rompent au niveau de la terre, & ils n’ont point de racine. Ainfi, pour avoir de bon plant, & pour ne point endommager une garan- cicre, le mieux eft de fe fervir d’un plan- toir plat, large d’un pouce ou r$ lignes, qu’on enfonce en terre pour rompre les couchis , & foulever la terre , à mefure que de l’autre main on tire doucement les ti- ges. Comme cette opération retarde le travail, on évitera de s’en fervir quand le plant pourra s’arracher avec une fuffifante quantité de racines, fans faire tort aux pieds. Il ne faut pas lever une trop grande. quantité de plant dans une garanciere : on courroit rifque de faire périr les vieux DE LA GARANCE. C2. pieds, fi on ne leur laïfloit pas au moins le quart de leurs tiges. A mefure que les ouvriers levent du plant, il faut fe hâter de le mettre en terre : je fuppofe que le champ que lon veut établir en garanciere a été de longue main bien amélioré, & qu’il a été labouré & herfé. Comme, en plufeurs endroits, lu- fage le plus commun eft de planter les ga- rancieres avec du provin femblable à ce- lui dont je viens de parler, je vais expli- quer fort en détail la façon de mettre en terre cette forte de plant; ce que nous dirons des autres plants en fera plus aïfé à comprendre. Pendant que des ouvriers forment, avec » la houe ou la mare, des fillons d’environ 4 pouces de profondeur & tirés au cor- deau, des femmes ou des enfants couchent les provins dans les rigoles , de forte qu’ils foient à 3 pouces les uns des autres; d’au- tres ouvriers enterrent le provin, en rem- pliffant la rigole avec la terre qu’ils tirent en formant une nouvelle rigole , dans la- quelle les femmesarrangent du provin, de la maniere que nous venons de le dire, Certe feconde rigole eft remplie avec la terre qu’on tire en en formant une troi- fieme , dans laquelle onarrange encore du plant, comme on a fait aux deux premie- Ci 28 CULTURE res ; & cette derniere rangée eft comblée avec de la terre qu’on prend à l’endroit où doit fe trouver une plate-bande vuide, En fuivant cette méthode, chaque planche n’eft formée que de quatre rangées de ga- rance; On met un pied d'intervalle entreles rangées , ainf ces planches n’ont que trois pieds de largeur ; & on laïffe trois pieds de diftance d’une planche à l’autre pour _ former une plate-bande dans laquelleonne met point de garance, mais qu’on laboure ‘avec la charrue, pour avoir de la terre meuble à à portée des planches , qui fervira à chauffer les pieds de garance, ce qui leur donne beaucoup de vigueur. On fait enfuite une feconde planche pareille à la premiere, fur laquelle on plante de la mé- me maniere quatre rangées de garance, puis une plate-bande de trois pieds de lar- geur, & enfuiteune planche de trois pieds; ce qui fe répéte dans toute l'étendue du cerrein. En fuppofant qu'un tel terrein ait un arpent, il faudra 15 ou 20 milliers de provin pour le garnir. | En Flandres, on donne 10 pieds de largeur aux planches, & on ne laifle en- tr’elles qu’un pied ouun pied & demi pour la plate-bande. On verra dans la fuite, qu'une auf petite étendue de terrein vui- de n’eft pas fuffifante pour fournir la terre DE LA GARANCE. 29 néceflaire pour charger les plate-bandes, & qu’il eft pénible de tranfporter la terre à 5 pieds de diftance. Mais auf, plus on met de plant dans l’étendue d’un terrein, plus on en retire de profit lorfqu’on vient à arracher la garance ; & fi l’on ne fe pro- pofoit pas de faire des couchis, on feroit bien de mettre cinq rangées fur les plan- ches , & de réduire les plate-bandes à deux pieds de largeur. Quoi qu'il en foit, pour bien réuflir à la plantation de la garance , il faut que des emmes, dont on fe fert ordinairement, arrachent le provin , pendant que des ou- vriers font des rigoles , dans lefquelles d’autres femmes arrangent le provin que les prémieres leur fournifient, & que d’au- tres ouvriers le recouvrent fur le champ de terre. Comme nous avons ditplus haut qu'on arrachoïit le provin dans les mois d'Avril; Mai ou Juin, il s'enfuit que c’eft dans ces mêmes mois qu’on doit planter les garancieres ; & comme on peut efpérer de trouver dans cette faifon une quinzaine de jours ou trois femaines d’un temps fa- vorable pour cette opération ; on attendra à faire cette plantation jufqu’à ce que le temps fe montre difpoié à la pluie, parce que la reprife de cette plante en fera plus certaine. Lorfqu’on met en plein champ C üij 30 Ct tmeise des plants de quelques légumes que ce foit, on a ordinairement foin d’avoir de l’eau dans des feaux pour y faire tremper le plant avant de le mettre en terre; je crois que cette pratique feroit utile pour la ga- Trance. Ce que nous venons de dire, ne regarde que le plant de provin; car celui qui eff Formé d’un tronçon de racine garni d’un bouton & de chevelu, érant choifi dans les racines qu’on arrache en automne, il faut le mettre en terre dans cette même faïfon; la reprife en eft plus certaine; mais, à cette circonftance près, on peut faire les planches & les plate-bandes , comme pour le provin. À l'égard des plants enracinés, on eft maitre de les planter au printemps ou eñ automne , en fe conformant toutefois à ce que nous avons dit à l’occafion des pro- vins, excepté qu’alors on fait des rigoles plus larges & proportionnées à la groffeur du plant, pour pouvoir étendre les trai- naffes des racines, principalement fuivant la direction des rigoles, & que l’on doit avoir attention que cesracines traçantes ne {oient recouvertes que d’un pouce ou un pouce &c demi de terre , afin que les tiges puiflent percer & fe montrer plus facile- ment hors de terre. Rendons ceci plus HR LA GARANCE.. NII clair. La garance eft une plante traçante; or les plantes qui tracent produifent des tiges par leurs racines, mais feulement quand elles -ne font qu’à une petite pro- fondeur en terre; car celles qui font trop recouvertes de terre, ne peuvent pro- duire de tiges. Et dans le cas où l’on veut planter de gros pieds , & qu'il eft avanta- geux de fe procurer du plant, il eft fenfi- ble qu’il faut placer les racines traçantes près de la fuperficie de la terre. Suivant l’ufage de Lille , on arrache le provin dans le mois de Mai : on le prend dans un champ de vieille garance, & on le plante à la pioche dans le champ qu’on veut garnir. Les fillons font éloignés les uns des autres de 15 pouces; & les pieds, dans le fens des rangées , font à 3 pouces les uns des autres. On fait les planches de 10 pieds ; & elles font féparées par des fentiers de 12 à 1$ pouces de largeur. _ Comme la garance fe peut tranfplan- ter dans toutes les faifons de l’année, on fera bien de profiter d’un temps couvert & pluvieux, foit pour faire cette planta- tion, foit pour regarnir les endroits où le plant auroit manqué. Mais la faifon de l'automne eft préférable à toute autre; non- feulement parce que l’humidité de cette {aïfon eft plus favorable à la reprife; mais C iv 32 CU LT URE encore parce que les provins qu’on leve alors pour cette opération, font mieux pourvus de racines que ceux qu’on leve- Toit au printemps. CU _ J’aiditque la garance, qui fe plait dans une terre humide, périt quand elle eft inondée : on peut prévenir cette inonda= tion , en faifant les plate-bandes plus baf- fes que les planches ; & au contraire, fi le terrein étoit trop fec, on feroit bien de faire en forte que ces plate-bandes fuf- fent plus élevées que les planches. Il eff vrai que cette difpofition des plate-ban- des à l’égard des planches , ne pourra pas fubfifter long-temps, parce que, comme on va le voir, on fera obligé dans la fuite de creufer les plate-bandes pour charger les planches; mais ce fera toujours quelque petit avantage pour les jeunes plantes. Il feroit poffible d’abréger beaucoup le travail de la plantation de la garance , en la faifant avec la charrue, comme nous lavons dit plus haut. MEOLA GARANCE 22 ARTICLE: IX {ulrure de la Garance plantée par Planches & Plate-bandes ; avec la mamere de faire les Couchis. S: LA GARANCE a été plantée en automs ne, on doit fe contenter de donner de temps en temps quelques labours aux pla- tes-bandes avec une charrue légere ; & comme ces labours n’ont pas tant pour ob- jet de donner de la vigueur à cette plante, que de préparer de la terre meuble à por- tée des planches pour les rechaufler, on doit avoir l’attention de ne les point faire quand la terre trop humide pourroit fe pé- trir. On doit auf, avant les mois de Juin ou de Juillet, donner un labour aux pla- te-bandes des garancieres qui ont été plan- tées au printemps. | À Lille, on donne à toutes les plantes un léger labour avec un inftrument fort étroit; & lors de cette culture, quelques- uns couchent de côté & d’autre les nou- velles poufles qu’on recouvre d’une pe- tite épaïfleur de terre. D’autres bläment cette méthode , & prétendent que les. couchis ne donnent jamais de bonne ga- \, 24. SC UE RU UE rance ; J'en parlerai bien-tôt. Quand les pouffes de la garance ont acquis un pied de longueur ; on fait farcler les planches par des femmes ; puis la terre des plate-bandes étant bien labourée juf= . qu’auprès des planches, ceux qui préten- dent que les couchis produifent de bonne garance, font coucher fur la terre des pla- te-bances une partie des tiges de la pre- miere rangée, & ils les recouvrent d’un pouce & demi ou de deux pouces de terre meuble qu’ils prennent dans la même plia- te-bande : ceux qui ne font pas de cas des couchis, fe contentent de rechauffer les pieds, en chargeant les planches avec | terre meuble des plate-bandes. C’eft-là le grand avantage que MM. de Corbeilles ont trouvé à faire iabourer à la charrue les plate-bandes, pour avoir fous la main une terre cultivée & ameublie, qui eft bien utile pour rechauffer les pieds de garance ; ce qu’on ne pourroit faire que tres-difh- cilement, fuivant l’ufage de Lille, ou même fi on laïifloit la terre des plate-ban- des s’endurcir. | Il faut, dans cette opération, foit qu’on fafle des couchis ou non, avoir grande attention de ne pas recouvrir entiérement de terre les tiges de la plante; leur ex- trémité doit fortir de terre, fans quoi celles DELAUGARANCE : ‘9 qui feroient entiérement couvertes de ter- re ; périroient immanquablement. J’ai éprouvé qu’après un certain temps; ces branches couchées fe convertifient en racines qui contiennent de la fubftance co- lorante , maïs jamais autant que les vraies racines, & elles reftent creufes ; c’efk pour cela que je confeille, lors même qu’on veut faire des couchis, de ne point cou cher toutes les poufles , mais d’en confer- ver une bonne partie fur chaque pied , qui deviendra par ce moyen plus vigoureux, _& qui produira de belles racines ; cer nous avons prouvé en plufieurs endroits de nos ouvrages, que les plantes pouffent en ra- cines proportionnellement à ce qu’elles -produifent hors de terre. Quand on veut faire des couchis, les brins de la feconde rangée doivent être couchés entre les pieds de la premiere, comme nous venons de le dire; ces cou- chis étant recouverts de deux pouces de terre, on couche les brins de la troifieme rangée entre les pieds de la feconde ; puis ceux de la quatrieme , entre les pieds de la troifieme ; on les recouvre de terre 3 & par ce moyen la planchefe trouve élar- gie de deux pieds aux dépens de la plate- bande.” Lorfqu’il n’y a que deux rangées plane 36 58 CCE CDI tées fur une planche, on couche Pune à droite, & l’autre à gauche; ce qui élargit les planches de deux pieds, & rétrécit pro- portionnellement les plate-bandes.. * Pour faire promptement cette opéra tion; après avoir donné un labour aux plate- bandes avec une charrue à verfoir ; qui releve la terre du côté des planches ; on formera de chaque côté & tout au bord des planches, un petit filon, pour rece- voir les couchis, qu’on recouvrira d’un peu de terre avec la houe; ce travail peut s’exécuter très-promptement. Quand les années font très-favorables à la garance, il arrive quelquefois que les tiges couchées fe font encore élevées d’un pied ; alors on peut répéter les opérations que nous venons de décrire; & les plan- ches fe trouvent une feconde fois élargies d’un ou de deux pieds aux dépens des pla- te-bandes. Il arrive rarement que l’on fe trouve dans une aufli heureufe circonf- tance ; mais quand elle fe préfente, il faut Laïffer à chaque couchis plufieurs brins qui s’élevent verticalement : car il faut s’oc- cuper toujours de la perfection des raci- nes, quieft la partie utile de cette plante; je veux dire, qu’il faut plus compter fur les racines que produifent les couchis que {ur les branches qui deviennent rouges ; DE LA GARANCE. 3 âprès avoir refté un temps fufiifant en terre. C’eft le fentiment de MM. d’'Am- BOURNEY & de LANGE, qui penfent que les couchis ne fourniffent pas à beaucoup près autant de teinture que les vraies ra- cines; en conféquence ils ne veulent pas qu’on fafle de couchis , mais qu’on plante les pieds beaucoup plus près les uns des autres. Je fuis maintenant de Pavis de ces Meffieurs ; mais je dis qu’il eft toujours utile, outre les petits binages qu’on eft obligé de donner de temps en temps, de chauffer les plantes avec la terre qui les en- vironne, ou, encore mieux, de charger les planches dans le mois de Mars, avant que les tiges foient {orties de terre, ce qui oblige de ménager des plate-bandes de diftance en diftance. Cependant, je le ré- pete, on peut les faire moins larges que nous Pavons dit. | Enfin, pour ramener la culture de la garance à des pratiques aifées, auxquelles les Payfans font habitués , on peut la com- parer à celle que l’on donne aux hari- cots qui ont été femés par rangées; caril faut bien biner & chaufler la garance pré- cifément comme les haricots : cette com- paraifon doit être certainement fenfible aux Payfans. Il eff, je crois, inutile que - je dife qu’il faut abfolument interdire Pen- 38 G:U É DLARLE trée des garancieres au bétail de quelqu _efpece que ce foit. On ne doit point permettre daracher les tiges de la garance la premiere année comme les pieds de cette plante n ont pas encore produit beaucoup de chevelu , on les arracheroiït avec la fzne : il eft vrai qu’on pourroit les couper; mais il vaut mieux laiffer périr cette herbe d ‘elle- | même. À Lille, on eft dans l’ufage de fouilier au mois de Mars de la feconde année la terre des fentiers, jufqu’a un pied & demi ou deux pieds de profondeur, pour en charger les planches; c’eft alors que les plate-bandes font bien commodes pour fournir amplement de la terre meuble. Dans les mois d'Avril, Mai ou Juin; fi Pon a befoin de plant, on arrache le pro- vin > comme je lai expliqué plus haut; après quoi l'entretien de la garanciere jufqu’au mois d’Août fe réduit à arracher les mauvaifes herbes, & à donner, avec la charrue, quelques labours aux plate- bandes; mais on fera bien encore de don- ner un labour léger & à bras au milieu des planches , fur lefquelles on n’aura pas fait de couchis : cette culture fera très-avan- tageufe aux racines. Dans le mois de Septembre, on pourra DE LA GARANCE 239 faucher & faner l’herbe de la garance, A Lille, on la fauche dès le mois d’Août ; & c'eft pour cette raifon que les Flamands aflurent que la garance ne produit point de graine qu’on puifle femer. D'ailleurs M. d’Ambourney affure que la garance de Lille ne produit point de bonne femen- ce dans la premiere année. L’herbe de la garance fournit un excellent fourrage pour les vaches : lufage de cette nourriture leur procure beaucoup de lait, qui eft d’une - couleur tirant un peu fur le rouge, & dont le beurre eft jaune & de bon goût. Si l’on a befoin de graine pour femer, on ne fauchera la garance que quand elle fera parfaitement mûre. Après ces petites récoltes, on fera bien . de donner encore un labour à la charrue, aux plate-bandes feulement, pour entre- tenir la terre en façon, fuppofé qu’on fe propofe de planter de la garance à cet en- droit, pour y former les planches l’année fuivante. On pourra répandre un peu de terre meuble fur les planches, & renver- fer de la terre des plate- bandes vers le bord de ces planches ; parce que les plus beaux pieds de garance fe trouvant tou- Jours fur les bords, il eft bon de leur four- nir de la terre meuble dans laquelle les ra- cines ne manqueront pas de s'étendre. 40 Cr EL TUE E Aünfi, après que la récolte de la ga: rance a été faire, & quand le terrein eft vuide, on doit le labourer en entier pour y mettre de nouvelle garance comme la premiere fois ; & avoir l’attention de pla- cer les planches au milieu de l’efpace où étoient les plate-bandes, & pour le refte , fe conformer entiérement à ce qui a été dit ci-devant fur la premiere plantation. Dix- huit mois après, quand cette feconde ga= rance eft récoltée, fi l’on difpofe le même terrein à être femé en grain, on peut être affuré d’y faire d’abondantes récoltes ; car outre que la garance n’épuife pas la terre, les labours répétés qu’on a été obligé de lui donner, la difpofent admirablement bien pour toutes fortes de productions. Cependant fi , après quelques années d’in- tervalle, on fe propofoit de remettre de la garance dans cette même terre, il faudroit fumer abondamment ce champ ; l’année qui précéderoit la plantation, Lu LA LU ARTICLE DE LA GARANCE. 4x An PPCRE-X Recolte des Racines de Garance. Lzrs RACINES font la partie vraiment utile de la garance ; ce font elles qui doi- vent dédommager le Propriétaire de tou- tes fes avances. La récolte s’en fait dans les mois d’'O&tobre ou de Novembre. On fe plaint que les Payfans des envi- rons de Lille en Flandre, trop preflés de jouir du fruit de leur travail, arrachent leur garance avant que les racines ayenc eu le temps de groflir fuffifamment : les Zélandoiïs laiflent prendre plus de groffeur a celles qu'ils cultivent. Il ne faut pas cependant tomber dans un excès oppofé au premier; car une vieille racine, qui a long temps reftéen terre, donne moins de teinture qu’une jeune racine qui feroit de la groffeur du petit doigt, ou au moins de celle d’un gros tuyau de plume. Mais f les racines fe trouvent trop menues, on aura plus de profit à différer d’une année cette récolte; car alors elles ne fourni- roient que du billon. En ce cas, il fau droit, dans les mois de Février ou de Mars, avant que la garance eût pouñlé, D 7, 42 CULTURE donner un labour aux planches, & les charger d’un peu de terre mêlée avec du crottin de brebis, ou un peu ée fumier de pigeon. Le moyen le plus expéditif pour faire la récolte de cette racine, eft de refendre les planches par des traits d’un cultiva- teur qui n’ait point de coutre : des femmes qui fuivent , achevent d’arracher les raci- nes avec des crochets dont on fe fert pour curer les étables; elles les mettent dans leur tablier, à mefure que des hommes rompent, avec des pioches, les mottes ; pour que ces femmes puiflent plus aifé- ment en tirer les racines. : Un autre moyen qui exige plus de tra- vail, mais aufh qui endommage moins les racines, eft de renverfer avec une houe refendue, ou avec un crochet, la terre des planches dans les plate-bandes : s’il fe forme des mottes , les ouvriersles rompent avec la tête de leur houe , & les femmes ramaflent les racines dans des paniers ou dans leurs tabliers. Ces moyens peuvent {uffire quand le fond de la terre ne permet pas aux racines de la pénétrer à une grande profondeur. Mais filaterreavoit beaucoup de fond, il faudroït commencer l’enraya- güre, & fouiller la terre de tout le champ, à cette même profondeur. ne LA GARANCE. 42 Je remarquerai, en pañlant, que les . pieds de garance venus de graine , ont plus de difpofition à pivoter que ceux de provin, ou qui viennent des tronçons de racines. Si l’on fait cette récolte par un temps fec, les racines fe trouvent affez nettes de terre, pour être difpenfé de les laver; mais lorfque la terre eft humide, on eft obligé de les laver , ce qu’il faut éviter le plus qu’il eft poffible; car on s’apperçoit bien à la couleur que l’eau contracte, qu’elle a un peu diflout la partie colorante: il vaut mieux nettoyer ces racines avec les mains; l’étuve & le fléau , comme nous le dirons dans la fuite, acheveront de les nettoyer fufhfamment. À mefure que les racines fontramaflées, on les étend fur un pré, car lorfqu’il fait du vent & du foleil, on fera bien d’en profiter pour commencer à les deflécher avant de les tranfporter à la maïfon. Pour ne rien perdre dans ce tranfport , on gar- nit de toile une charrette à ridelle, & on la remplit deracines. À mefure qu’elles arrivent, on les étend dans des greniers ou fous des hangards, & on fe hâte de les mettre à l’étuve pour achever de les def- {cher fufffamment, afin qu’elles ne cou- rent plus le rifque de fermenter ni de {e corrompre. On diminueroit fans doute les RO ont Fin j 4 CU L-ri0 ae 7 frais de létuve, fi les racines étoient en partie defléchées fur le pré; mais pour cela il feroit plus à propos de les tirer de terre au printemps , où le foleil a plus d’aétion, que dans l’automne. bg | A RiT L0d EIRE Du Defféchement de la Garance. Comme l’établiflement d’une étuve de- mande beaucoup de frais, & qu'il nya dans chaque canton que quelques Particu- liers qui puiflent en faire la dépenfe, ceux quin’en ont point, vendent ordinairement es racines qu ’ils recueïllent aux Proprié- taires des étuves, qui, pour l'ordinaire, taxent le prix de la garance verte fur un pied très- modique. La racine de garance ef bien difi- cile à deffécher : fon fuc eft vifqueux, & elle perd à l’étuve fept huitiemes de fon poids. Comme je me propofe de parler en détail de Pétuve, il fuffic pour le préfent, d av ertir qu’il faut l’échauffer aflez, pour qu un Thermomene de M de D ut, placé au centre de l’étuve , marque 40 ou 45 degrés au-deffus de zéro, Je ne HU LDA GARANCE 4 crois pas au refte qu’il y eût un grand inconvénient à excéder ce point; je foup- çonne même que les Zélandois paflent de beaucoup ce degré de chaleur. Mais on peut pofer pour principe général, qu’ileft mieux de laifler plus long-temps la ga- rance dans l’étuve à une chaleur modérée, que de précipiter le defféchement par une chaleur trop vive : quelques effais faits en petit donnent lieu de croire que la qua- lité de la garance en feroit meilleure, fi on pouvoit la deffécher entiérement au foleil ou même à l’ombre, & par la feule action du vent, comme on prétend qu'on le pratique à Smyrne, où l'air eft bien plus {ec qu'en Flandre, | | Je crois que fi l’on arrachoït la garance au printemps, on pourroit, dans cette fai- {on hâleufe , diffiper par le vent & le fo- leil une grande partie de l'humidité de cette racine ; & de cette façon on dimi- nueroit beaucoup les frais de létuve : le feul inconvénient qui s’y trouve, c’eit la difficulté d’avoir des ouvriers dans cette faifon. | | Je voudroïis donc qu’aufli-tôt que les racines feroient arrachées, on les tran{- portât, comme il a été dit, auprès de l’é- tuve ; qu'on les étendit à une petite épaifleur fur une peloufe unie, fort ex- 46 LC m'ÉTeNE pofée au vent & au foleil, & qu’on les retournât de temps en temps : il feroit en- core néceffaire, dans le temps de pluie, &c tous les foirs, de les retirer fous des hangards ; & afin de n’être pas obligé d’a- voir des appentis d’une grandeur trop con- fidérable, on n’arracheroïit point les ra- cines toutes à la fois, mais par parties, & feulement ce qu’on en pourroit travailler dans les bâtimens dont on auroit la dif- pofition. C’eft pendant cette opération ; que le Cultivateur fera bien de varier fes pratiques, fuivant les circonftances des faifons : fi le hâle & la féchereffe paroiffent devoir durer, il fera arracher beaucoup de garance, pour profiter d'une circonf- tance qui doit lui pers bien des pei- nes & Fa la d SES : fi la faifon eft hu- mide , il n’en fera arracher ‘a la quan- tité qu’il pour ra ferrer dans fes bâtimens ; & la fera étuver fans retard. M. d’Ambourney eft parvenu à faire deflécher au foleil de la garance, dont il a fait de très-beiles teintures ; il approuve fort ce que nous venons de dire; il penfe qu’il ne faut arracher dans automne que jes racines qui font néceflaires pour plan- ter, & qu'il convient de remettre à arra- cher au printemps celles qu’on deftine pour les leinturiers, afin de proficer des vents DE LA GARANCE, 47 hâleux & de la chaleur du foleil, & dimi- nuer d’autant le fervice des étuves. En fuivant l’ufage ordinaire , ilne fufñt pas que la garance foit aflez defféchée pour ne fe point gâter , il faut encore quelle puifle fe pulvérifer ; ou ; comme l’on dit, fe grapper. On reconnoît que la garance eft fuffi- famment deféchée , quand elle fe rompt net en la pliant : mais il faut être averti qu’elle continue à fe deflécher , lorfqu’au fortir de l’étuve , on l’étend à une petite épaifleur dans un grenier {ec ; car l’humi- dité qui a été réduite en vapeurs, fe diflipe d'elle-même, | Avant que les racines foient entiére- ment refroidies , on les met fur des claies fort ferrées, & on les bat à petits coups de fleau ; puis on les vanne pour féparer tes grofles racines d’avec le chevelu, & encore d’une partie de l’épiderme, & d’une portion de terre fine que l’action de Pé- tuve rend aïfée à détacher. ‘Toutes ces ma- tieres qui pourroient rendre la teinture moins brillante , tombent fous les claies, ou au fond du van : les petites racines dé- pouillées en partie de leur épiderme peu- vent être rejettées comme inutiles , quoi- qu’en Hollande on ne les laïffe pas perdres car on les emploïe pour les reintures com- munes, 43 CuETuUEsE | M. d’Ambourney nous a fait part du moyen fuivant pour rober la garance : il lui a été communiqué par M. PAyNEL de Dar- netal. On metles racines de garancetriées, épluchées & féchées dans un grand fac de toile rude ; onles y fecoue violemment : le ForerF RE » & celui des racines les unes contre les autres, détachent pref- que entierement l’épiderme quiacheve en- fuite de fe féparer aïifément au moyen du van:ona,par cette méthode, de belles racines de garance robée , dont l'effet prévaut fur lÂzala , autant que celle-ci a l'avantage fur la plus belle garance de Hollande. Mais il ne faut faire cette pré- paration qu’autant qu’il fe trouveroit des Teinturiers affez curieux de leur art pour donner au Cultivateur un prix proportion- né aux dépenfes. qu’il auroit faites. M. d’Ambourney aflure pofitivement que fi l’on arrache les garances au prin- temps , on aura l'avantage , pour peu que la faifon foit favorable, de faire fécher cette racine au foleil aflez parfaitement pour la pouvoir garder fans la faire pañler à l’étuve ce qui épargne de grandsfrais. Je n’aï pas été à portée de faire des effais affez en grand pour vérifier cela ; & quand jai propolé de faire fécher la garance au foleil , ce n’a été que pour re les rais DE LA GARANCE. 43 frais de l’étuve, que je crois cependant très-néceflaire en plufieurs circonftances. M. d’Ambourney ajoute que , pour accé- lérer la deffication des racines , il les a fait étendre fur une efpece de plancher de bri- ques, ou encore mieux de plâtre ; mais il convient aufli qu’il faut pañler la garance par l’étuve pour la deflécher au point de pouvoir être pilée, lorfqu’on opere en grand. Cet habile Obfervateur compte exécuter encore d’autres expériences : ff elles réuffiflent, le Public en fera informé, & ce feraune nouvelle obligation que nous aurons à ce généreux Patriote. Mais nous nous propofons de rapporter dans la fuite une autre découverte que nous croyons de- voir être encore plus utile. Les terres fubftantieufes & légeres don- nent de meilleures racines que les terreins fort gras & marécageux. Mais il ne fuit. pas qu’un terrein donne des racines de: bonne qualité , il faut outre cela qu’il en fourniffe affez abondamment pour procu- rer un profit raifonnable au Cultivateur. Selon une expérience faite aux environs de Tours,un arpent de 100 perches , (la perche de 22 pieds), a produit huit mil- liers de racines vertes. Les premiers effais de MM. de Cor: beilles ont donné un produit au moins auffi | FE Es so CULTURE confidérable. En 1757, un demi - arpen? a produit fur ce même pied , & a donné prelqu’autant de racines que 3 arpents & demi fitués en différents cantons. Mais conmunément il s’en faut de beaucou qu'on recueille 8 milliers de racines fraf- ches par arpent : l’un dans lautre il ne faut guere compter que fur 4, ç ou 6 milliers de garance verte. | Si l’on fe propofe de grapper cette ra- cine , il faudra s’attendre à la voir réduite; par la chaleur de l’étuve , à un huitieme de fon poids; de forte que 8 milliers de racines vertes ne produiront qu’un millier de racines feches ; fans cela elles pourroient fe corrompre , & elles fe peloteroïient fous les pilons du moulin. Âu fortir de l’étuve, la garanceeft en état d’être vendue aux Teïnturiers : quel- jues-uns même préferent de lacheter en racine , plutôt que grappée. Mais comme ces racines fe chargent aïfément de l’hu- midité de Pair, il faut, fi-tôt qu’elles feront {2ches, les arranger le plus régulierement & le plus prefé qu’il eft poffible ;, dans des barils qu’on enfonce enfuite. La garance peut être voiturée en cet état jufqu’au lieu de fa deffination. Si lon ne devoit pas la tran{porter trop loin , on pourroït fe con- tenter de la mettre dans des facs. DE LA GARANCE fi Ceux qui fe propofent de grapper ou pulvérifer leur garance ; mettent les raci- nes, au fortir de l’étuve , fous les pilons; mais comme les moulins ne peuvent pas fuffire à moudre tout de fuite celles qui fortent des étuves , on enfsrme dans des facs celles qui font defféchées , & on les conferve dans un lieu chaud, par exem- ple ; fous les arches de l’étuve, jufqu’à ce qu’on puifle les faire pañler fous les pilons ou fous la meule; ce qu’il eft à propos de faire le plutôt poffible. SET HANRE LCL E: XIL Qu'on peut employer laGarance verte, fans La deffécher ni la pulverifer. À VANT de décrire la maniere de piler cette racine, je crois devoir rendre compte d’une découverte importante de M. d’Am- bourney qui ne pouvant faire fécher fans feu les racines qu’il avoit fait arracher vers le mois d’Oétobre, fe détermina à les employer toutes fraîches. Il commença par lesfaire laver , afin d’en ôter la terre ; &z comme ilétoit prévenu que cette racine perd en fe féchant , les fept huitiemes de fon poids , lorfqu’on veut la grapper, il E ïj 2 Cu LIT ve jugea qu’il convenoit d'employer 8 livres de racines vertes pour un bain où l’on au- roit employé une livre de garance feche & moulue :ilpila dans un mortier cette garance fraichement arrachée, & ayant employé un peu moins d’eau que de coutu- me , il teignit du coton fuivant le pro- cédé ordinaire. Ayant trouvé , après l’o- pération , que le bain étoit encore très- chargé de couleur , quoique le coton füt tellement imprégné de teinture , qu’il fal- lut lui faire efluyer deux débouillis pour le dégrader jufqu’a la couleur d’ufage , il répéta fon épreuve qui lui fit connoitre que 4 livres de garance fraîche font le même effet qu’une livre de garance feche & réduite en poudre. D’où il a conclu que l’on pouvoit épargner une moitié de racines de garance : ce n’eft cependant pas-là où fe borne cette économie. 1°, On eft difpenfé d'établir des étuves pour fécher la garance,& des hangards pour la conferver quand le temps eft humide. 2°, On ne court point le rifque que peut produire un defléchement trop con- fidérable & trop précipité. 3°, On évite le déchet & les frais du robage & du grabelage : dans ces deux opérations, toutes les racines qui font de la groffeur d’un lacet, tombent en billon, DE LA GARANCE $3 , On épargne les frais du moulin, le déchet & les fraudes qui peuvent en réfulter, & l’incommodité d’attendre que le Moulin foit libre. 5°; Enfin, on n’eft point expofé à ce que les racines moulues s’éventent ou qu’elles fermentent ; ce qui arrive quel- quefois lorfau’on ne peut les employer für le champ. Tous ces avantages réunis peuvent s’é- valuer à une économie de cinq huitiemes au moins. Le Cultivateur qui fauroit tein- dre, en pourroit jouir dès l'infant qu'il pourroit avoir des racines aflez grofles pour être arrachées ; les Téinturiers par état feront peu-à-peu engagés d’en pro- fiter, & de partager le profit avec le Cul tivateur ; quand il fe trouvera des garan- cieres à leur portée ; ce qui doit naturel- lement être, puifque la garance doit être cultivée près des endroits où s’en fait la confommation ; car comme il n° ya point de temps à choïfr pour la maturité, le La- . boureur qui apportera une fomme dé ra- _ cines fraiches au Teinturier , fera für de la vendre en cet état, fans être affervi ni à des foins qui, quoique peu confidérables en eux-mêmes , le rebutent par leur nou- veauté, ni à des dépenfes qui font au- _deffus de fes forces, Le Mate pourra Li E üj $4 OO E TUIR/E acheter la racine journellement & à pro- portion du befoin de fa confommation ; ou bien il prefcrira au Cultivateur la quan- tité de garance dont il aura befoin , & le temps où il faudra la lui fournir. | Cette méthode, outre l'avantage qu’elle procure de diminuer les frais delateinture, a encore celui d'établir dans le commerce extérieur nos étoffes à plus bas prix. M. d’Ambourney n’a publié le pro- cédé pour lufage de la garance verte qu'après s'être bien afluré de fon bon effet & de fa bonté. Tous les effais qui ont été faits en grand ét en petit, & en fa pré- fence , fur la teinture du coton, de la laine & de la toile ont réuffi , & nous ofons af- furer qu’ils réufliront toujours , pourvu que l’on fuive de point en point les pro- cédés qu'il a reconnus être indifpenfables; favoir, 1°, que la racine ait au moins dix- huit mois; 2°, qu’elle foit parfaitement écrafée; 3°, qu’on diminue d’un quart pour une grande opération , & d’un tiers pour. une petite, la quantité d’eau qu’on a cou- tume d'employer; 4°, que le bain, quand on y abat l’étoffe, foit un peu plus chaud qu’à l’erdinaire ; $°, enfin, que le Tein- turier foit a@tif & patient. Les. T'einturiers de Beauvais ont très-bien réuffi en grand; ceux chez qui M. d’Ambourney a fait fes DE LA GARANCE. Er expériences, ont été convaincus de tous les avantages qu’il leur avoit annoncés ; cependant lembarras qu’ils trouvent à écrafer les racines, comparé à la facilité qu’ils ont de tirer d’une futaille cette même garance en poudre, mais plus que tout cela leur routine ordinaire, les détermine à ne _£e fervir que des racines féchées & grap- pées. Le fieur Abraham Pouchet chez le- quel on imprime des toiles peintes, & qui a fa Manufaéture à une lieue de Rouen, a été prefque le feul qui ait fenti qu’une économie fi confidérable méritoit bien qu’on fe donnût la peine d’écrafer la ra- cine fraiche. la employé la garance verte, qui lui a fi bien réufñ , que le noir, les deux rouges . & les deux violets de fes toiles ont eu autant de force & de briliant qu’auroit pu leur donner la plus belle ga- rance , grappe de Hollande. Après Pexpo- fé de ces faits , ceux qui difent qu’ils n’ont pu réuflir , s'expofent à être taxés de mal- adrefle ou de mauvaife volonté: lopération d’écrafer la garance verte eft très-fimple & demande peu de frais ; il s’agit de la faire pafñler fous une meule verticale pour la ré- duire en pâte prefque fans fraïs. Il feroit peut-être pofñlible, quand la garance a four- ni {a couleur au bain , de retirer du bain une partie du marc, foit avec une grande écu- ù E iv 56 CULTURE moire, foit en tranfvafant le bain d’une cuve dans une autre ; mais encore une fois, on préfere la routine ordinaire à ces petits foins , & à quantité d’autres induftries que les habiles T'einturiers pourroïent imaginer. Je ne puis voir fans chagrin la non- chalance des Artifans : au lieu de faifir avec emprefflement les moyens qu’on leur propofe pour perfectionner leur art; au lieu de fe prêter à rectifier ce qu’il peut y avoir de défeétueux dans leurs méthodes en profitant des avis qu’on leur donne, aveuglés par leur routine & leurs prati+ ques ordinaires en quoi confifte toute leur fcience , ils commencent par décider d’un ton abfolu , que ce qu’on leur propoñe ; ne vaut rien. S’il arrive que quelqu'un d’eux plus docile & plus zélé fe prête à faire quelques effais, & qu’il ne réuflifle pas dans fes premieres tentatives, ce qui ar- rive prefque toujours, aufli-tôt la méthode nouvelle eft abfolument profcrite, & tous la déclarent vicieufe. C’eft par ces mêmes raifons que le procédé de M. d’'Ambour- ney n’a pas réufhi en plufeurs endroits. On auroiït lieu de croire que les fuccès animeroient les Teinturiers, & qu’ils de- vroient fe reprocher de voir plufeurs de leurs confreres exécuter ce qu’ils affuroiïent être impoffble à pratiquer; loin delà, & DE LA GARANCE. s7 pour s’autorifer à perfifter toujours dans leur ancienne routine , ils font des objec- tions : les uns difent que c’eft une grande peine de réduire la garance verte en pâte. Quand cette opération feroit pénible, n’en feroient-ils pas bien dédommagés par l’é- conomie confidérable qui en réfuite ; ce travail , s’ils le vouloient faire , fe réduiroit à couper grofherement les racines par pe- tits morceaux, les écrafer fous une grofle meule femblable à celle dont on fe fert pour faire l’huile; ce qui les réduiroit en peu de temps-en pâte. D'autres difent que comme la garance fermente facilement , il arrivera que ces racines vertes fe trouveront altérées avant qu'on ait pu les employer. Cette objec- tion fe réduit à rien, lorfque les Teintu- riers ont des garancieres à leur portée , puifqu’ils ne feroient alors arracher la ga rance qu’autant & à mefure qu’ils en au- roient befoin. Mais lorfque les garancieres font éloignées de leur attelier, M. d’Am- bourney leur fournit un moyen bien com- mode pour conferver ces racines : c’eft de _ faire dans un jardin une foffle de 3 ou pieds de profondeur , & de la remplir de racines pofées lit par lit avec du fable, & de maniere qu’il n’y ait point de vuide. Jayois prié M, d’Ambourney de m’en- s3 CG OL T UNE voyer deux livres pefant de garance fraiche pour faire une épreuve de cette méthode, il ma envoyé des racines qui étoient de- puis quatre mois dans une femblable foffe ; elles me font parvenues dans le meilleur état que l’on puifle défirer. Voilà donc un moyen bien aifé à pratiquer par les T'einturiers pour avoir à leur portée des racines telles qu’ils les demandent. Au refte , quelques efforts que l’on fafle , il eff d'expérience que les meilleures pratiques ne peuvent s'établir qu'avec le temps, & peu à peu. Si une pareille découverte nous venoit des Anglois , des Hollandoiïs ou de la Chine , elle feroit faifie avec avidiré : c’eft un Citoyen zélé qui la préfente gra- tuitement à la Patrie, on a de la répu= gnance à l’adopter, Après tout ce que je viens de rappor- ter en faveur de la garance verte, j'avoue- rai cependant , que comme il y a bien des cas où l’on eft dans la néceflité de faire deffécher la garance , quand il s’agit de la tranfporter au loin , je crois devoir ajou- cer ici les moyens de deflécher cette raci- ne ; mais je vais indiquer auparavant les fignes auxquels on peut connoîïtre fi la ga- rance en racine , ou mife en poudre, eft de bonne qualité, | DE LA GARANCE. s9 MN ETCGES. XAEIL Du choix de la Garance. br MarcHaAnDs & les Teinturiers doivent être fuffifamment inftruits des marques qui diftinguent les bonnes raci- nes de garance d’avec celles qui font mau- vaifes. Cependant nous croyons devoir en donner ici la connoiffance en faveur des Cultivateurs , ne fût-ce que pour les met- tre à l’abri des reproches mal fondés que les acquéreurs pourroient faire fur cette marchandife , pour parvenir à fe la procu- rer à meilleur compte. Cette racine , qui, comme nous l’avons déjà dit , eft un des meilleurs ingrédients qu on puiffe employer pour lateinture des laïnes & des étoffes , leur imprime un rou- ge, à la vérité, peu éclatant, mais qui - réfifte fans altération à l’aétion de Pair, à celle des rayons du foleil, & à l'épreuve des ingrédients qu’on emploie pour re- connoiître la ténacité des couleurs. Elle contribue auffi à procurer de la folidité à plufieurs autres couleurs compofées; enfin on eft parvenu à faire prendre au coton une couleur incarnat très-agréable & très- 60 Go L'POHURLE folide. Toutes les parties de cette raciné ne fourniflent pas le rouge qu’on défire ;il y en a qui l’alterent, & d’autres qui font tout-à-fait inutiles, . Quand on a examiné à la loupe une racine de garance bien conditionnée, où apperçoit fous l’épiderme & dans le parenchyme des molécules rouges qui fournifflent certainement la couleur que cette racine contient : mais on voit outre cela beaucoup d’une certaine fubftance ligneufe qui eft de couleur fauve ; & cette fubftance doit probablementaltérer la pre- miere couleur. Suivant M. DE Tour- NIERE , cette couleur fauve n’eft pas d’un aufli bon teint que la rouge; & il croit que les leffives & l’avivage ne donnent de l'éclat à la teinture de garance que parce qu’elles emportent ce fauve. Le {o- leil & la rofée produifent le même effet fur le fil teint en garance, quand on le met fur le pré. M. de Tourniere penfe encore que la partie qui fournit le rouge ; eft dans la ra- cine fraîche , difloute dans un fuc muci- lagineux ; car l’écorce & les autres parties qui contiennent beaucoup de rouge, font aufl les plus fucculentes : en les deflé- chant à l’étuve ,.on leur fait perdre les fept huitiemes de leur poids ; & néanmoins les DE LA GARANCYE 61 yacines ne font point parfaitement feches, car elles plient avant de fe rompre ; elles s’écrafent fous le pilon au lieu de fe ré- duire en poudre ; cette poudre onétueufe . au toucher , fe pelote aifément: il eft vrai que cette racine en vieilliffant , perd fon ontuofité , & qu’elle devient aride ; mais auf la qualité des molécules rouges di- minue. Ces obfervations méritent bien de Pattention ; car elles nous font connoiître que cette fubftance précieufe peut être al- térée par une chaleur trop vive ; peut-être que fi, la fuppofant onétueufe ; elle étoit parfaitement defléchée , l’eau ne pourroit plus la difloudre ; enfin ces réflexions s’ac- cordent avec les procédés de M. d’Am:= bourney pour établir qu’il y a un avan- tage confidérable à employer la racine de garance fraîche. Mais il ne fera jamais pofhible d'employer la garance verte, que dans le cas où les garancieres feront à por- tée des Teinturiers 3 ainfi lorfqu’on fera obligé de tranfporter la garance au loin, on fera toujours dans la nécefité de la deflécher & de la pulvérifer. Je reviens à cet objet qu’il eft bon de ne pas perdre de vue. 1°, Comme les racines de garance ont une grande difpofition à fermenter ,ilfaut, quand on les achete en racines , examiner 62 CULTURE avec attention fi elles n’ont point de ta- ches ou quelque odeur de moifi ; elles feroient à rejeter, fi par le progrès de la si elles étoient devenues noires. > Les racines, pour fournir beau- “os . teinture , doivent être nouvelles; il faut donc rebuter celles qui répandent de la poufliere quand on les rompt , & à plus forte raifon celles qui font cariées & piquées de vers : au contraire, on doit ef- timer celles qui ont une odeur forte tirant un peu-fur celle de la réglifle ; la garance en poudre doit être onétueufe, & fe pe- loter quand on la manie entre les doigts. 3°, Comme la garance fe vend au poids, il eft avantageux à acquéreur que les racines foient bien feches ; mais il doit prendre garde qu ‘elles n’ayent point été trop chauflées à l’étuve. Celles qui ont beaucoup d’odeur, font ordinairement exemptes de ce défaut : un defféchement trop précipité fait rider & fendre l’écorces & comme alors elle fe détache aïfément du boïs , on perd la partie la plus utile; l'écorce Ne donc être unie , entiere & adhérente à là partie ligneufe : il ne faut pas confondre Pécors avec l’épiderme quine peut qu ‘altérer l'éclat du rouge. 4° , Les plus groffes racines ne font pas toujours les meilleures ; affez fouvent elles DE LA GARANCE, 63 {ont jaunes & la partie rouge , qui feule fournit la couleur , y eft peu abondante. Les racines fort menues ne font pas efti- mées , parce qu’elles ont trop de cet épi- derme qui ternit la couleur rouge : mais celles qui peuvent être de bonne qualité, doivent avoir, depuis la grofleur d’un tuyau de plumeäécrire, jufqu’à la groffeur de l'extrémité du petit doigt. $° > En rompant les racines , on apper- coit , comme je lai déjà dit, deux fubf- tances affez diftinétes l’une de l’autre; celle qui tire fur le jaune, ne fait qu altérer la teinture ; celle qui eft d’un rouge foncé, eft la partie vraiement utile , & par confé- quent on doit donner la préférence aux racines qui font hautes en couleur. Ce feroit une découverte bien utile qué de trouver le moyen d’extraire la partie rouge fans aucun alliage de la partie Jaune ou’ fauve : je crois que ces tentatives doi- vent être faites fur des racines vertes, afin que la partie rouge; qui eft en diflo- lution foit plus aïfée à extraire. 6° , Comme le moyen le plus für pour reconnoître la qualité de la garance , eft d’en faire quelques eflais fur des mor- ceaux d’étoffe : ceux qui cultivent beau- Coup de garance » feront bien de s ’aCCOU= tumer à la foumettre à cette épreuve, 64 CouLTurEr afin d’être en état de prouver aux acqué- reurs la bonne qualité de leurs racines: en voici le procédé , extrait des ouvrages de M. HELLOT. À R TT CENTS Maniere de faire un Effai de Teinture avec la Garance. {: FAUT, pour teindre une livre de laine filée , faire un bain avec $ onces d’alun & une once de tartre rouge fondues dans fuffifante quantité d'eau: on imbibe bien dans ces fels la laine qu’on veut teindre: au bout de 7 à 8 jours ; on jette une demi- livre de racine de garance en poudre dans de l’eau chaude ; maïs dans laquelle on puifle tenir la maïn fans fe brûler; & après avoir mêlé cette poudre dans l’eau avec une fpatule de bois, on plonge la laine dans ce bain qu’on entretient chaud pen- dant une heure , ayant foin qu’il ne bouille pas, parce que s’il bouilloit, la couleur de la laine deviendroit terne : néanmoins vers la fin de l’opération, on échauffe le bain jufqu’à le faire bouillir ; mais on retire la laine fur le champ. MM. de la Société d'Agriculture de Beauvais HE LAGARANCE. 6$ Beauvais , qui ont fi bien réufli à teindre avec de la racine fraîche , marquent dans e procès-verbal qu’ils ont dreflé de leur opération, qu’on peut fans rifque , laïffer bouillir le bain de garance fraîche, fans qu’il en réfulte d’altération en brun, ni ce qu’on appelle coup de feu. Comme il ne faut que de très-légeres circonftances pour faire varier la beauté de la couleur , on fera bien de faire, dans le même temps & avec la même laine , deux opérations femblables ; l’une avec la garance qu'on à deflein d’éprou- ver , & l’autre avec la belle garance de Zéïande ou lPAzala : la beauté des éche- veaux teints décidera quelle eftla meil- leure de ces garances. Comme on peut faire aufli - bien ces effais fur deux ou quatre onces de laine, que fur une livre , il faudra alors diminuer la dofe des fels & de la garance . propor- tionnellement à la quantité de laine qu’on voudra teindre. Je vais maintenant parler des moyens qu’on emploie pour deffécher & pulvérifer la garance. KE» À. R. TFC: EL EX V.: Maniere de defecher & de pulvérifer la Garance. N OUSs avons dit que les racines fraiches étoient fujettes à s’altérer en peu detemps par la fermentation : il eft doncnéceffaire, quand la garance doit être tranfportée au loin, d'employer les moyens propres à enlever la prodigieufe quantité d'humidité qui occafionne cette altération. Il n’eft pas douteux que s’il arrive du vent, du foleil, en un mot, du hâle, on fera bien d’en profiter pour commencer le defféchement, _& épargner la dépenfe du bois ; mais fi le temps étoit plus humide que hâleux, il faudroit étendre les racines fous un han- gard ou dans des greniers, & les remuer fouvent , car fi on les mettoiten tas, el- les s’'échaufferoient en peu de temps , & elles s’altéreroient plus ou moins, fuivant le degré de fermentation qu'elles auroïent éprouvé : ces attentions ralentiflent bien la fermentation des racines; elles peuvent même , fuivant M. d’Ambourney, les mettre en état d’être confervées faines pendent quelque temps : mais elles ne DE LA GARANCE. 67 font pas affez efficaces pour produire un. defléchement fufifant qui puifle préferver ces racines de toute altération, & les mettre en état d’être pulvérifées. Il y a donc des circonftances où on ne peut fe difpenfer d'employer l'action d’une cha- leur artificielle, & emprunter ie fecours des étuves. Lorfqu'on ne fait que de petites ré- coltes , on peut employer la chaleur d’un four à cuir le pain ; pourvu qu’elle n’ex- cede pas 45 à so degrés du Thermome- tre de M. de Réaumur. Maïs ce moyen eft bien long ; & il faudroit avoir des fours très-grands pour fuppléer aux étu- ves. Pour éviter. la dépenfe de la conf- truction d’une étuve, je confeillerois de pratiquer un cabinet au - deffus de la motte d’un four , dans lequel les racines commenceroient à perdre une partie de leur humidité. Mais quand on cultive beaucoup de garance , il eft indifpenfable d’avoir une étuve dont la grandeur foit proportionnée à la quantité de garance qu’on aura à deflécher , foit de fes propres récoltes , foit de ceiles des payfans du voi- finage qui ne font pas en état de faire la dépenfe d’un pareïl établiflement. | On peut donner à ces étuves bien des formes différentes , dont plufieurs £e trou- Fi 68 GU L T'U Ie veront äuffi bonnes les unes que les au- tres ; mais ceux qui feront dans le cas d’en faire conftruire une , doivent fe propofer pour objet, 19, de faire en forte qu’elle contienne beaucoup de racines ; 20, que le fervice en foit commode ; 3°, d’économi- fer , le plus qu’il fera poffible, les matieres combuftibles ; 4°, de la difpofer de façon qu’on puiffe y entretenir une chaleur mo- dérée & égale. Pour faciliter ces moyens aux Cultivateurs, nous donnerons ci-après les plans & la defcription des étuves qu’on emploie depuis long-temps à Lille pour le defféchement des racines de garance ; nous ferons remarquer leurs défauts, ainfi que ceux de deux étuves qui ont été fuc- ceflivement conftruites à Corbeilles ; & nous rapporterons les tentatives que nous avons faites pour les corriger & les perfec- tionner, DE LA GARANCE. 6$ AUDE CEE. XVI. Culture de la Garance en Zélande > en Hollande. J ’AUROIS défiré pouvoir me procurer des Mémoires plus circonftanciés fur la culture qui fe fait en Zélande de la garan- ce ; mais à ce défaut , j’ai cru devoir faire imprimer ce qui fe trouve déjà imprimé _ dans le Nouvellifte Economique & Lit- téraire, ne füt-ce que pour faire connoître que Îa culture de cette plante en Zélande différe peu de celle que nous avons rap- portée dans ce Traité. Extrait du Nouvellifle Economique & Li: téraire , imprimé a la Haye; Tome IV; page 110. ce La garance eît [a racine d’une plante » qui porte le même nom: cette racine, Æ / , / \ » féchée ; moulue & préparée, fert à une » teinture rouge. La garance ne pañle pas >» pour une plante originaire de ce pays: “on prétend qu'il y a quelques fiecles elle fu fportée des Indes dans la » qu’elle fut tranfportée des Indes dans la » Perfe ; de ce pays à Venife , & delà par no CPE MERE > l'Efpagne & la France dans les Provin- » ces- Unies. On la cultive aétuellement » avecbeaucoup de fuccèsen Zélande: elle » fe trouve auflien Hollande, & particu- »lierement au pays de Voorn près de la » Brille. C’eft une plante fort délicate, > dont l’accroiflement eft fouvent retardé » ou entierement arrêté par divers contre- temps imprévus : ces variétés dans le » produit & dans le prix de cette racine &enrichiffent ou ruinent ceux qui la cul- »tivent. C’eft des rejettons des vieilles » plantes qu’onen fait venir de nouvelles: » ces rejettons {ont féparés de la mere- >» plante, & misenterre au printemps vers » le mois d'Avril, de Mai, ou même de >» Juin, felon que la faifon fe trouve plus ou » moins favorable. On prépare d’avance » la terre par deux ou trois labours, & » quelquefois davantage ; on la divife en- » fuite en lits plats & affez longs , de deux » pieds de large: c’eft-là que l’on plante » les rejettons au nombre de quatre ou cinq 2 dans la largeur. On a foin d’arracher les » mauvailes herbes , & de tenir la plante » aufh nette qu’il fe peut : on ka laifle deux >» ans en terre , & même quelquefois trois >» ou quatre; on a foin tous les hivers de > [a bien couvrir de terre. Après ce temps : » on la tire de {on lit, & on la porte dans DE LA GARANCE, 7Y » des étuves. Pour l’y faire fécher , on la » pofe fur un plancher léger fait de lattes » arrangées en forme de gril: ce plancher _» eft placé au-deffus d’un four, dont le » feu eft entretenu par le moyen de tour- » bes de Frife , & dont la chaleur s’éleve » à la couche de la garance au travers de » diverfes ouvertures affez éloignées l’une » de l’autre. On porte enfuite cette racine » dans un appartement pareil à celui où on > fait fécher les grains pour la biere, &c qui » peut avoir cinquante pieds de long ; on _» l’étend fur untiffu de crin, & elle acheve _» de s’y fécher : delà on la porte dans une » aire, & on la nettoie avec foin de la terre >> & des peaux qui s’y font attachées. Enfin » on la met dans un grand mortier debois, » pour y être pilée par le moyen de pilons » de bois garnis par deffous de lames de “fer, qu’on nomme couteaux; ces pilons »agiflent par l’aétion d’un moulin que » trois chevaux font mouvoir. La garance » ainfi pilée fe tamile enfuite , & on la »fépare en trois cuvettes différentes : la » premiere eft pour la groffiere , dite mule; > la feconde pour la commune ; la troïfieme » pour la fine ou meilleure. Au fortir de » ces cuvettes , la garance fe mettoit au- »trefois dans des facs femblables à ceux 2 du houblon ; mais on en remplit à.préfent se L- CULETSS » des tonneaux où l’on a foin dela bien » preffer. Des trois efpeces de garance, la » plus précieufe eft uniquement tirée du » cœur de la racine, la feconde , ou conm- »mune l’eit de la fubftance qui envi- » ronne le cœur ; la troïfieme ou grofhere » eft faite des peaux ou enveloppes exté- »rieures. Les deux premieres efpeceséont » mêlées l’une avec l’autre , & quand il y » a deux parties de la premiere & une de » la feconde , on l’appelle un & deux. On »ne laifle point perdre ce qui refte fur le >» plancher de l’étuve ; mais ou l’on mêle » ce réfidu avec la troifieme forte ; ou on »en fait des paquets féparés. Il en eft de » même de ce qui fe fépare au moulin. 5 Après que la garance a été mife dans les » tonneaux , elle eft exzminée par des Inf- > peéteurs qui voyent fi elle a été bien » préparée , fi elle n’a point été brulée en > fe féchant , & s’il n’y a pas un trop grand >» mélange de terre. Les Edits font très- féveres à tous ces égards, & ils font >» fur - tout exactement obfervés dans la > Ville de Zierikfée. Il y a dans le domaine » feul de cette Ville dix-neuf fours à ga- + rance ; & l’on évalue le produit annuel » de chacun de ces fours à cent milliers »pefant. Il eft difficile d’eftimer au jufte # la quantité de garance qu’une certaine | étendue DE LA GARANCE. 73 “étendue de terrein peut porter, vu la » qualité différente de la terre & la diver- »fité d'accidents auxquels la récolte eft » expofée. En général cependant ontire » de chaque arpent , trois à fix cens livres » de garance ». ART. IG LE, ,X VIT. ARREST DUCONSEIL D'ETAT DU ROT, qui ordonne que ceux qui entreprendront de cultiver des plantations de Garance dans des marais & autres lieux non cultivés , ne pourront pendant vinot annees être impofés a la Taille, eux ni leurs employes à ladite exploita- tion , pour raifon de la propriété ou du profit à faire fur l’exploitation defdits marais & terres cultivées en Garance. Du 24 Février 1756. Extrait des Regifires du Confeil d'Erar. sn Ror étant informé que plufieurs »terreins en marais @& inondés feroient » propres à produire de la garance,que l’on » eft obligé de tirer des pays étrangers , & “que quelques perfonnes s’offriroient à n faire les frais néceffaires pour cultiver » cette plante & deflécher marais » 74 Cu: TRE >> S'il lui plaïfoit les faire jouir de quelques » exemptions & privileges , &nommément » de ceux qui font attribués par PEdit de » 1607, & la Déclaration de 1 641, & au- > tres Réglements fubféquents à ceux qui » font le defléchement des marais jufques > alors incultes. À quoi voulant pourvoir : » Qui le rapport du fieur Moreau de Sé- » chelles, Confeiller d'Etat ordinaire, & » au Confeil royal, Contrôleur général des » Finances ; LE Ror étant en fon Confeil, : a ordonné & ordonne que ceux quivou- » droient entreprendre de cultiver des » plantations de Garance dans des marais > & autres lieux de pareille nature, qui ne » font point cultivés, ne pourront, pendant » vingt années , à compter du jour que » les defféchements & défrichements au- » ront été commencés, être impofés a la » l'aille , eux ni ceux qui feront employés . » à ladite exploitation , pour raifon de la » propriété ou du profit à faire fur Pex- » ploitation defdits marais & terres culti- » vées en garance : Voulant Sa Majefté » qu’au cas qu’ils n'aient point été im- » pofés jufqu’alors, & qu’ils ne foïent point > dans le cas de l’être dans les Paroifles où » lefdits biens feront fitués, pour leurs au- »tres biens, facultés & exploitations , ils ne puiflent être compris dans les rôles DE LA GARANCE 75 »des Tailles ; & qu’au cas où ils feroient » d’ailleurs impofables , ils foient taxés » d'office par le fieur Intendant & Com- »miflaire départi : Ordonne Sa Majefté » qu’en outre ils jouiront de tous les pri- » vileges portés par l’Edit de 1607, & la » Déclaration de 1641 ; en faveur des » Entrepreneurs des defléchements:comme » aufli qu’il leur foit permis de tenir, tant » à Paris que dans les autres Villes & lieux » du Royaume ; des Magafins de la ga- » rance provenant de leurs exploitations, » & de les vendre ;, tant en gros qu’en dé- »tail , fans qu’ils puiffent y être troublés ni » inquiétés : Evoque fa Majefté à Elle & à “fon Confeil , tous les procès, différends »> & conteftations que ceux qui entrepren- » dront la culture defdites garances pour- »rONt avoir tant en demandant qu’en dé- »fendant , pendant le cours de cinq an- »nées ; à compter du jour du préfent Ar- mrèt , pourraifon de leurs entreprifes & »privileges à eux accordés , & les a ren- »voyés & renvoie pardevantles fieurs [n- 2 tendants & Commiffaires départis, pour être par eux jugés en premiere inftance, » fauf l’appel au Confeil. Enjoint Sa Ma- » jefté auxdits fieurs Intendants , de: te: »nir la main à l'exécution du préfenr: Gi A _- (PU EMNMRE > Arrêt, Fait au Confeil d'Etat du Roi; » Sa Majefté y étant , tenu à Verfailles le »24 Février 1756. Signé, M. P. DE VoyEr D’ARGENSON. .. "WIPESCRFPTEON Des ŒEruves pour deflécher la Garance, © des Moulins pour | . da puluérifer. | Lo BTE GT “Defcriprion de l'Etuve de Lille. ETTE étuve differe peu de celle que. les:‘:Brafleurs emploient pour deflécher: l'orge germé ou la dreche ; & qu’on nom-. me dans les brefleries Tourailles. Pour en-- donner une idée générale, il faut imagi-: ner un fourneau dans lequel on allume un-- grand feu ; & que ce fourneau eft établi. au fond d’un fouterrein : l’air chaud & la: famée s’élevent dans une tour à jour éta=. blie au deflus du fourneau : on la nomme: dans les brafferies Truite. L'air chaud &: DE DA GARANCE. 77 * la fumée fe répandent dans un efpace fot- mé en entonnoir ou en pyramide renver- fée , dont la bafe eft couverte par un plar- cher à jour , fur lequel on étend les raci- nes de garance. Voilà en gros en quoi confifte cette étuve ; mais en faveur de ceux qui voudroient en faire conftruire de femblables , je vais en donner tout le détail relatif aux figures que j’ai fait graver. La fig. 4. PL I, repréfente la coupe d’ un bâtiment dans lequel eft pratiquée une étu- ve propre à fécher la garance. | On diftingue dans ce bâtimentune cav KK ;un rez-de-chauflée LL, & un pre- mier étage GG , qui fuppofe un grenier au-deffus H. L'étuve dans fon plein de mi- çonnerie eft fondée un peu au-deflous da niveau de la cave; fes murs fe terminént en voûte au niveau du plancher du pré- “ mier étage; les murs de face du bâtiment fervent de pieds droits :on voit aufh que les voûtes de létuve font foutenues par des contre-forts qui aboutiflent dans es murs de face du même bâtiment. Tout ceci deviendra encore plus clair par Vex- plication des lettres de renvoi. A (PLI, fig. 4.) Cendrier de Are pieds d'ouverture far 3 de profondeur , & 2 pieds 3 pouces de hauteur ; ; ilrecçoir les cendres des matieres qu’on brêle dans G ïü] 73 CG FIL EURE | le fourneau, B , fourneau terminé en bas par un grillage de fer bb, fur lequel on pole la matiere à brûler. €, ligne pon- tuée qui détermine le haut d’une porte fermant l’entrée du fourneau: cette entrée a 16 pouces de largeur fur 17 de hauteur. D ; cheminée du fourneau : cc; d, truitte outourelle à jour qui reçoit la chaleur de ce fourneau , & la répand dans fon pour- tour par les trous ou efpaces vuides cot- tés iii. On remarquera que cette chemi- née eft entierement couverte à fon cou- ronnement, pour empêcher qu’il ne puifle rien tomber dedans. iii, trous de deux pouces en quarré , par lefquels fort la Chaleur; ils font faits en échiquier, comme On le voit ,; avec des briques pannerefles. F',F , efpace vuide dans lequel fe répand “La chaleur qui fort de la truitte , avant de monter à l’étage fupérieur. GG, étage pavé de carreaux , fur lefquels on étend, à un pied & demi d’épaifleur , les racines qu'on veut fécher *, Ces carreaux font de terre cuite : ils ont 1$ pouces de longueur fur 10 & 1r de largeur & deux pouces d’épaiffeur : ils font percés d’outre en ou- tre de plufieurs trous de figure conique ; comme ils font répréfentés dans la figure 6. ._ * On remue de temps en temps la garance avec des fourches de fer, pourqu’elle feche également. DE LA GARANCE, 79 HH, ouras ou tuyaux de 4 pouces d’ou- verture, par lefquels fort la fumée quand elle eft trop abondante; & par où def- cendent aufli les parcelles qui fe tamifent par les trous des carreaux du plancher G. . Ces ouras font fermés par une petite porte de tôle qu’on ouvre quand la chaleur du _ fourneau eft trop grande. K, cave qui fert aux approvifionne- ments pour l’entretien du feu de létuve. -L, chambre où l’on retire les tonneaux de garance pilée, où elle fe conferve fe- chement.MM,£ec. fommiers de fer de deux pouces d’épaifleur, recouverts de barreaux en travers, fervants à porter les carreaux qui forment le plancher. N, tirants de fer attachés au fommier P, pour foutenir le poids du plancher G. P , fommier du fe- cond étage. Q, croifée ou fenêtre que lon ouvre au commencement de chaque étuvée , pour laifler diffiper la fumée. On ferme ces croifées quand la garance com- mence à fe fécher, pour mieux retenir la chaleur. Îl y a encore au fecond plancher deux trapes qu’on ouvre pour laïffer échap- per la fumée & les vapeurs. La figure $ repréfente le plan d’un fourneau d’étuve; ce fourneau a 16 pou- ces de largeur fur 3 pieds 7 pouces de profondeur ; les trois barres de fer qui le G iv £o C'U)E TUE traverfent, ont chacune 2 pouces + de largeur fur 6 lignes d’épaiffeur ; elles font empattées de 3 pouces dans les murs : les barreaux de recouvrement ont un pouce en quarré , & fontrivés en deflus & en deflous fur les barres. On a exprimé dans ce plan les deux ouras cottés H, pour faire connoi- tre qu’ils traverfent l’étuve dans toute la largeur du fourneau. Ces ouras font très- utiles pour tranfmettre dans la touraille la chaleur du corps du fourneau. | La figure 6 repréfente le plan de lé- tage carrelé G, fur lequel on étend [a ra- cine de garance pour la faire fécher; il a 16 pieds en quarré. On a donné ci- de- vant la conftruction des carreaux : il a été dit aufli qu’on ouvroit les fenêtres cottées Q. pour laïfler fortir la fumée ou vapeur que répandent les racines de garance à mefure qu’elles fe féchent, & qu’on les refermoit enfuite pour entretenir la cha- leur. Comme le fourneau que nous venons de décrire eft femblable aux tourailles des Brafleurs, j'ai voulu examiner comment elles agiffent pour deffécher le grain ger- mé, & j'ai remarqué que le grain qu’on y met à l’épaïffeur d'environ 9 pouces, eft très-chaud par deflous; la liqueur du Ther- mometre de M, de Reaumur s’y eftélevée PEIIA GARANC E.: 81 à plus de 20 à 22 degrés au-deflus de _Zero ; mais le deflus quieft frappé par l'air extérieur , s’échaufle peu ; les vapeurs qui s’élevent des grains qui occupent les def- “ous ; étant condenfées à la fuperñcie par le contact de l’air frais , fe réduifent en eau, & font que les grains de deffous font tou- jours très-mouillés ; ce qui oblige les Braf- feurs de remuer fréquemment les grains de leurs tourailles , pour expofer à la grande action du feu celui de deflus qui eff fort humide , & mettre à‘la fuperficie ALES EeR qui étoit fort chaud. Mais quand il vient à être écheuflé , l’hu- midité qui en fort & qui fe réduit en va- peurs , humecte de nouveau le grain qu’on -a mis à la fuperficie , & par conféquent le defféchement de la maffe totaleen eft confi- dérablement retardé. J’ai jugé qu’on pour- roit obvier à cetinconvénient, filon pou- voit empêcher Pair frais de frapper la fu- perficie du grain: on y parviendroit fans doute, en établiffant une couverture fur toute cette fuperficie; & fi cette cou- _Verture pouvoit être placée à un pied au plus au-deflus du grain; il en pourroit ré- fulter un autre avantage que je vais ex- ‘pliquer. On fait en Phyfique que les vapeurs des Corps qu’on expofe : à la chaleur, ont 82 CDLTUSE une grande puiflance pour pénétrer & échauffer ces mêmes corps , lorfqu’on re- tient ces vapeurs , & qu’on les réverbere en quelque forte fur les corps qu'on veut échauffer ; c’eft fur ce principe qu’eft conf- truite la machine de Papin , dans laquelle on parvient à difloudre les os des animaux ; & l’on fçait qu’à un degré égal de chaleur, l’eau a huit cents fois plus d'activité que l'air : orles vapeurs contiennent beaucoup d’eau *. En partant de ce principe , nous avons _jugé qu’il feroit très-avantageux de réver- bérer les vapeurs fur le grain des Braf- feurs & fur la racine de garance, par le moyen de la couverture dont nous venons de parler. M. VizLoT , Marchand Braf- feur à Paris , qui faifit avec empreflement toutes les idées qui lui paroïffent propres à perfettionner la biere qui fe fait chez lui, a tenté quelques épreuves conformes à ce que nous venons de dire , & il a eu quelque fuccès. Il ne s’agit plus que de trouver le moyen de faire ufage de ce prin- cipe pour une grande fabrique : nous y reviendrons dans la fuite. | | * Nous pourrions rap- } On peut confulter celles porter des expériences que | que nous avons rapportées nous avons faites en grand , | dans le cinquieme Volume pour attendrir des pieces de | du Traité de la Culture des bois par la vapeur de l’eau, | Terres, page 255. _ Garence PI TZ Page 2 * N . ERENTTIIII Her Ÿ= l = | S nn tté VE INTEL NI Ÿ nn 19 —< =.” — = — 25. Garence PL I Page 82. 7 [ LL 7 Cructata GE A L Le Re IUUNUTS DE LA GARANCE. 82 Un des défauts de l’étuve de Lille eft que la fumée qui fe mêle avec l’air chaud , & qui traverfe les racines de garance , les charge de fuliginofités, qui alterent pro- . bablement la partie colorante , & qui pro- duifenc peut-être la différence qu'on re- marque entre les garances qui viennent du Levant & celles de Lille, celles-ci n’étant point propres , comme on l’a dit, à tein- dre les cotons à la maniere du Levant: * de plus on n’eft point maitre de graduer convenablement le feu dans ces fortes de tourailles. On pourroit corriger ce défaut en faifant la tour du milieu clofe , & en la terminant par un tuyau de fer fondu ou de forte tôle qui porteroit la fumée dehors, ‘aä-peu-près comme on le voit dans la Plan- nous allons joindre des réflexions & des obfervations qui ont été faites avec beau- coup de foin par M. DE LA LEVRIE quia préfidé à la conftruétion de deux étuves à Gorbeilles, & décrire Pufage qu’onena fait 84 EVIL D A ME pour deffécher la garance ; cela nous a .mis en état de connoître les perfections qu’on peut donner à létuve de Lille. A REG EEE Réflexions fur l'Etude qu’ on emploie à Lille. Ï L eft bon de commencer par rapporter les expériences qu on a faites avec deux étuves qui ont été conftruites l’une après l’autre à Corbeilles, pour deflécher la ga- rance : on en comprendra mieux lPavan- _tage de celle qu’on propofera enfuite. La premiere de ces étuves avoit 21 pieds de long, 12 de large, 10 de hau- teur : elle étoit a v dans le pourtour de trois rangs de claies en forme de ta- blettes de 4 pieds de largeur , qui étoient à diftance de 20 pouces lune de lautre ; le premier rang étoit à $ pieds de terre: c’étoit fur ces tablettes qu’on mettoit la garance fraîche à 8 pouces environ d’é- paifleur. Il y avoit au plancher fupérieur une trappe qu’on ouvroit pour laifler ex- haler l humidité de la racine. Le fourneau qui n’étoit pas fans défaut , étoit faillant d'environ 3 pieds dans Fétuyes ; on le fer- DE LA GARANCE 8$ voit par dehors; il étoit garni intérieure- ment de tuyaux de fonte qui circuloïient entre deux feux; ces tuyaux recevoient par un bout l’air extérieur qu’ils rendoient en dedans très-chaud, par une ouverture placée à 2 pieds de terre. Voici l’effet de cette étuve : les trois étages ayant été gar- nis de racines, celles qui étoient fur l’é- tage le plus élevé, féchoient fuffifamment pour pouvoir être portées au moulin. Elles féchoient lentement à la vérité, parce que l’évaporation , quoique peu confidérable, qui fe faifoit fur les deux étages inférieurs, fournifloit par-deflous les claies du troi- fieme rang une humidité qui retardoit l'opération. La chaleur, qui n’avoit pas aflez de force pour réduire en vapeurs toute l'humidité contenue dans la racine de la garance des deux premiers étages, en avoit aflez pour la faire fuer au point que le deffous des claies étoit rempli de gouttes d’eau groffes comme le bout du: doigt, & qui tomboient de la feconde tablette fur la premiere, où elles mouil- loient la racine ; celles de la premiere ta- blette tomboïient à terre. On ne voyoit que très-peu de ces gouttes d’eau à la ta- blette d’en haut; mais feulement & im- médiatement après qu’on avoit regarni l’é- tuve de nouvelles racines, parce qu’au 86, .CuErTDRr haut de l’étuve la chaleur fe répandoit bien plus également & y étoit toujours très-forte, pendant qu’au bas, & vers la terre il faifoit froid. On avoit mis à chaque étage un thermometre de M. de Réau- mur : après quatre jours d’un feu conti- nuel, le plus bas montoit à peine à 18 degrés ; le fecond, un peu plus haut; le plus élevé n’a jamais pañlé 27 degrés, chaleur qu’on croit prefque fufñfante lor{- qu’on n’aura pas une évaporation infé- rieure qui retarde l'effet de la chaleur qui fe porte en haut. Ce qui le prouve, c’eft qu'après avoir porté au moulin la racine fufffamment féchée, on tranfportoit fur le troifieme étage celle du fecond dejà ef- forée ; fur celui-ci celle du premier, en=. core molle; enfin Pon mettoit fur le pre- mier étage de la racine fraiche : alors le: thermometre d’en bas defcendoit au-def- fous de 14 degrés, &ec le plus haut auprès de zéro. Cela fit prendre le parti de fé- cher tout ce qu’on mettoit dans l’étuve, avant que de remettre de nouvelles raci- nes ; mais il falloit toujours faire le tranf- port des étages d’enbas au plus élevé , où la derniere rangée féchoit plus vite que les autres. Comme cette manœuvre étoit lon-. gue & pénible, on prit le parti de détruire. cette étuve, & d’en conftruire une nou- velle qui a fervi depuis, _ DE LA GARANCE. 87 Cette feconde étuve avoit même lon- gueur & même largeur que la précédente ; mais les claies fur lefquelles on étendoit la garance n’étoient élevées qu’à 6 pieds de terre, & les ouvertures du fourneau, qui donnoient l’air chaud , étoient à raze terre : d’ailleurs on avoit continué à fe prévenir du faux avantage de tripler la fuperficie pour faire tenir une plus grande quantité de racines, en faifant, comme dans l’autre, trois étages de tablettes. Il eft vrai que les racines y féchoient plus vite , parce que le fourneau y donnoit plus de chaleur ; mais cette chaleur fe diftri- buoit très-inégalement dans les différentes hauteurs, & dans les différentes parties de la longueur de l’étuve, parce que les mêmes inconvénients fubfiftoient , ayant établi, comme à Pautre, plufieurs étages les uns au-deflus des autres, & que l’on avoit donné à l’étuve une forme longue , fans en avoir fait parcourir toute étendue au fourneau. On avoit encore mis le plan- cher du premier étage trop près du feu; mais cela n’étoit pas fans remede, puif- qu’on pourroit fupprimer ce plancher , & ne fe fervir que du fupérieur, qui fe trou- veroit à 1$ pieds du bas de Pétuve, & qui en comprendroit toute l'étendue: alors la chaleur s’étendroit plus également dans 88 C_H.L DT ARIES toute fa longueur. On metrroit la racine fur 15 ou 18 pouces d’épaiffeur, & on la foigneroit avec plus de facilité que {ur les tablettes, dont le fervice eft extrème-. ment pénible : on pourroit aufli mettre un fourneau à chaque bout de Pétuve, &r faire ramper les tuyaux dans toute fa longueur. De tous ces faits, il réfulte que pour deffécher une pareille plante qui contient : beaucoup d'humidité, on ne gagnera ja=. mais rien à faire une étuve à trois Étagess dont l’un nuira toujours à l’autre ; puifque la chaleur gagnant Meirs; le plus. haut, on fera obligé d’y tranfporter la ras : cine des étages inférieurs; ce qui ne fe. peut faire fans peine, fans perte de temps, & fans dépene ; au lieu qu’on pourra fé- cher la même quantité en moins de temps. fur un feul plancher élevé de 18 ou 20 pieds au-deflus du fourneau. Ileft für qu’en fuivant de bonnes inf tructions , un payfan qui cultivera fa terre | en garance, entirera toujours meilleur parti que tout autre particulier qui la fera culti-. ver par des gens de journée; m 3 mais le payfan ne fera les frais ni d’une étuve, ni d’un moulin ; ce feront des particuliers allés . qui cultiveront en grand, & qui font plus en état, de faire de la dépenfe : ainfi on préfume que les payfans feront obligés, ou te - CR ; où Tes 5 DE LA GARANCE. 89 ou de vendre leurs racines toutes fraîches aux Leinturiers , ou de les arracher dans le printemps, pour les faire fécher au {c- leil, ou de les mettre dans leurs fours quand ils n’en récueillent qu'une petite quantité , où enfin de porter leurs racines à l’étuve ; comme ils font tranfporter leurs raifins au prefloir. On croit cependant qu’il eff toujours avantageux, dès qu'on a le deflein d'engager à une culture peu connue en France, de préfenter aux Cul- tivateurs des idées fimples, & quitendent à la moindre dépenfe poflble. | L’étuve de Lille, quoique conftruite {ur le bon principe qu’on vient d'établir, ne fe préfente pas fous un coup d'œil d’é- conomie convenable à tout établiffement. nouveau. Îl faut de fortes murailles pour foutenir la pouflée des voûtes, des arc- boutants intérieurs, de la brique pour conftruire ces voûtes. Îl y a telles campa-, gnes où on ne trouvera pas de Maçons qui fachent voûter en brique. Il faut beaucoup_ de gros fer pour le plancher. D’un autre côté, une étuve de la figure d’un quarré long, telle que celle de Corbeilles, ne chauffer j jamais bien également danstoute fa longueur , à moins qu’on n y établit: . {e des tuyaux dans lefquels on fafle circu- ler la fumée avant qu’elle fe rende dans] Ja Pt à re) Cu É TUR'E | cheminée , ou bien qu’on y place un four: neau à chaque bout. Tout cela eft de dé- penfe , & fujet à des inconvénients. On penfe qu’une étuve dans le goût d’une touraille de Brafleur (PL. II), eft plus que fuffifante, & pourra être conftrui- te partout à peu de frais : une pareïlle étu- ve fera aflez grande en la faifant quarrée de 18 pieds fur toutes les faces; de 18 à 20 pieds de hauteur du rez-de-chauflée juf- qu’au plancher. On formera deflous ce plancher une pyramide renverfée un peu tronquée par en bas, pour l’emplacement qu’il faut laifler au fourneau qui doit échauffer l’air dans l’intérieur de la pyra- mide : cette efpece de hotte renverfée fera faite comme celle des Braffeurs de Paris, avec des chevrons lattés & revêtus de plà- tre, ou de mortier, ou de torchis, ou de blanc en bourre, fuivant la commodité du pays. [l ne faut pas un fourneau im- menfe pour échauffer ce lieu ; qui fe trou- vera réduit prefqu’à un tiers de fa capacité. La nouvelle étuve de Corbeilles en con- tientbien davantage depuis le fecond plan- cher jufqu’en bas, &on n’a pas laiflé d’y porter la chaleur jufqu’aà plus de 45 degrés. On fera le plancher de la touraille avec des folives de 6 & quatre pouces, pofées fur le champ de pied en pied, & ce plan- (DE LA GARANCE. 9i cher fera couvert de lattes, ou d’échalas de Treillageurs ; ou fimplementde cl:yon- nage ,; comme on a fait à Corbeilles, où ils ont duré plus de fix ans. On élevera deux pignons, (voyez PI. ID), & fur les deux autres faces des mursou pans pour porter le bout des chevrons; & on y établira deux fenêtres Q Q. On fera un plancher plafonné H, à 8 ou 0 pieds au-deffus du clayonnage GG, & on y pratiquera une ou plufieurs trappes DD, qui font plus utiles pour l’exhalaifon des vapeurs , que les fenêtres ; enfin on lam- briflera les chevrons apparents. Il y a lieu de croire qu’une pareille étuve coûtera peu , & fera tout l'effet defiré. On a oublié de dire que fur le plancher de clayonnage GG, qui porte la garance EE, il feroit bon d'étendre une grofle toile fort claire, ou une haire de crin, comme les Braffeurs le pratiquent, & dont tout le pourtour fera recouvert par des efpeces de foubaffements detoile , arrêtés tout autour & cloués d’ef- pace en efpace; ce qui fera fur-tout fort utile quand on fera fécher en particulier les menues racines , & pour empêcher qu’it n’en tombe à travers les claïies. À un pied au-deflus des racines, on pourra mettre des traverfes de bois, fur lefquelles on dé- roulera des nattes de paille dr fur de i 02 CULTvAaSz la toile : cette couverture fervira à retenir les vapeurs , ce quiferaavañtaseux, com- me nous l’avons dit plus haut. ; Au refle, cette étuve eft fimple, & on peut en varier la conftruétion, fuivant la commodité, ou la nature des matériaux qui fe trouvent le plus communément dans chaque Province. ER TS RS ES NE Le ne UE DS Te. RE EE RESTE RES - DÉEA — AR T L'OEIL Du Fourneau de certe Eruve. LL ES fourneaux de Pétuve de Lille & ceux de l’étuve de Zélande ne font certai- nement pas bons pour le defféchement de la garance, non plus que ceux des tourail- les dès Brafleurs ; ils ont tous le même défaut, en ce qu’ils rempliflent létuve d’une fumée qui ne peut fe difliper qu’a- près avoir traver{é Ja racine, & lui avoir imprimé un enduit de biftre fort nuifible à la teinture ; c’eft cet inconvénient qui a donné lieu à rechercher la façon d’en conf truire un qui, en donnant beaucoup de : chaleur, n’eût point cette incommodité *. 1 paroît probable qu’on y pourra réufir en plaçant , au lieu de la truitte, une tour * MM. HELLOT & d’Am- ; zala, lorfque la racine n’a- - BOURNEY ont fair, avec | voit pas recu FPimpreffoæ a garance de Lille, d’auffi | de la fumée, delle teinture qu'avec l'A- L | F4, A FR dom LL ## Es > À fs DE LA GARANCE,. 93 fermée fd, d’où partiroient des tuyaux ee qui circuleroient fous la garance avant de porter la fumée au dehors par le tuyau hh; on augmenteroit encore beaucoup la cha- leur en faifant circuler d’autres tuyaux en- tre deux feux, pour répandre dans l’étuve un air chaud qui feroittiré de dehors, & qui fe répandroit continuellement dans l’é- tuve , fuivant le fyftême du fourneau qui eft décrit dans le Traité de la Conferva- tion des Grains. J’ai fait une épreuve d’un pareil four- neau , & j'avoue que je n’en ai pas obtenu une chaleur fufñfante : il auroit fans doute été néceflaire de rendre mon fourneaù plus fpacieux ; maïs on eft {ouvent arrêté par la dépenfe , qui refte toujours en pure perte pour celui qui fait des recherches pour le Public, & qui n’eft pas dans le cas d’en faire une application qui lui foit utile. Je terminerai donc ce qui me refle à dire fur les étuves à deffécher la garance, par con- clurre que la touraille des Braffeurs me pa- roit fort bonne ; maïs qu’il faut trouver un moyen d'empêcher que la fumée ne tra- verfe les racines. Peut-être que le mieux feroit d'établir au bas de latouraille, au lieu d’une truitte, un fourneau f d (PI. IT), pareil à celui que les Rafinçurs mettent dans leurs étuves; ce 94 CU E OU RE qui feroit avantageux , fur-tout danse cas où l’on pourroit le chauffer comme eux avec du charbon de terre. La bonne maniere de conduire l’étuve feroit de mettre les racines , déjà en partie defféchées par le vent & par le foleil , fur la touraiile en EE , d’allumer enfuite le fourneau, de fermer les trappes DD au- deflus de la touraille , & même de couvrir les racines avec des nattes, jufqu’a ce qu’on vit l’humidité réduite en vapeurs ; alors on Ôteroit les nattes, on ouvriroit les trappes, on augmenteroit le feu pour faciliter la diffipation des vapeurs. La garance fuffifamment defléchée & mondée de fon billon, comme nous l’a- vons dit plus haut, peut être vendue en cet état aux Leinturiers ; mais fi l’on veut la réduire en poudre, ou, comme difent les Teinturiers, la grapper,, il faudroit être pourvu de moulins femblables à ceux dont nous allons donner la defcription. Aiïnfi il faut que celui qui entreprend de cultiver la garance, commence par fe pourvoir d’une étuve, afin qu’elle foit feche, lorf- qu’on ne fera pas en état de l’employer verte ; mais il peut fe difpenfer de faire conftruire un moulin, puifque le Proprié- taire trouvera à vendre fa garance en ra- cines fans être moulue. Néanmoins pour Garence PI I Fige 94. rarence Pl I Pie 94. lo rés dealer Lo NO PA ANA sx Gaga t ust! _ DEN TVA GARLNCE © ne laifler rien à défirer fur tout ce qui re= garde la garance , nous allons parler des moyens qu’on emploie pour réduire cette racine en poudre. RTE FCLE. IV De la Meule verticale, pour écrafer la Garance. D ANS plufieurs endroits on pulvérife la racine de gärance avec une meule ver- ticale , femblable à celle qu’on emploie pourécrafer les olives ou les pommes , ex- cepté qu’il faut que cette meule foit très- pefante. On commence par couper ou rompre la racine par pq morceaux > enfuite on la met fous la meule qu’on faic tourner par le moyen de l’eau, ou avec un cheval. Cette meule étant en mouvement il faut qu’une ou deux fem- mes foient continuellement occupées à pouffer la racine fous la meule : enfuite on la pañle par un crible fin , & on remet fous la meule ce qui eft refté fur le crible. | _ Cette meuleferoitaffurément très bonne pour broyer la garance verte, dans le cas où les Teinturiers Pemployeroient en cet état. AR. T-IsCL EE Defcription du Moulin à grapper la Garance tel qu'il ef! exécuté a Lille en Flandre. L A Figure 1, Planche ITI , repréfente le développement des parties d’un moulin propre à piler la racine de garance. Ce moulin eftifolé, & couvert feulément d’un toit de chaume, porté par une charpente fort légere. | Les Figures 2; 3,4, $ & 6 font des additions à la précédente : on ne peut fe dif penfer d’y avoir recours pour lincelligence des pieces qui entrent dans la conftruétion de ce moulin ; & c’eft pour cela que l’on s’eft fervi des mêmes lettres pour toutes les figures : on a repréfenté les principales pieces par autant de figures particulieres. À, levier de 9 pieds 8 pouces de lon- gueur , fur 6 à 4 de groffeur *, B , arbre de la roue , de 6 pieds 4 pou- ces 6 lignes de hauteur fur & à 10 de grof- feur. C, liens ou arcboutants de 4 pieds 6 pouces de hauteur fur 4 à $ de grof- * Un cheval; taille de Dragons , fait mouvoir très- aifémentce moulin £ eur DE LA GARANCE. 9"? fur. D (PI. III. fig. 1), roue dentée de 3 pieds 1 pouce 6 fees de rayon, armée de 57 dents. … Les courbes de cette roue ont 8 & 4 pouces de groffeur : on voit qu’elles font liées par des molles-bandes de fer. Les traverfes formant l’aflemblage, font de 6 à 4 pouces de groffeur , boulonnées & clavetées ; les dents qui font de pommier ; faillent de 3 pouces 3 lignes; elles ont 2 pouces : = fur 2. à leur racine, fe terminant a 2 pouces = fur 1 ; de même elles ont 2 pouces de queue fur 1 + d’équarriffage : elles mordent dans les fufeaux de la lan- terne d’un pouce & demi. Les chevilles qui les retiennent, font auffi de bois de pommier. E , poutre de 12 pouces d’équarriffage. F, lanterne de 13 pouces de rayon, gar- nie de 18 fufeaux d’un pied de longueur chacun , & de 2 pouces de diametre. Les fonds s cette lanterne ont 2 pouces : d’é. paifleur ; ils font cerclés de fer. On a em- ployé aufli deux molles-bandes de fer, boulonnées de même, qui FRparens les joints du bois. | ..GGG, arbre qui porte les cames ou leves. Il a dix-huit pieds fix pouces fix | lignes de longueur, 10 & 10 de grof- {eur, à Pendroit où il traverfe la lanterne; es 03 CE Le vU RE & quatorze pouces de diametre dans fa partie oétogone. H, leves ou cames de 4 pouces 9 lignes de longueur fur ÿ pou- ces de face & 2 pouces 6 lignes d’épaifleur. On voit ici que larbre eft hériflé de quinze leves pour cinq pilons, parce que trois leves fervent à chaque pilon. À cet effet, on a eu attention de numéroter d’un même chiffre les leves, les mentonnets & les pilons , ce qui fera encore expliqué lus bas. K, balanciers ou volants de 4 pieds ÿ pouces de longueur chacun, fur 4 & 4 pou- ces de groffeur : ils font chargés de plomb à leur extrémité. L, mentonnets qui font relatifs aux leves H; ils faillent de ÿ pou- ces 9 lignes, & ont $ pouces de face fur 2 = d’épaifleur. : MM, autres mentonnets affemblés dans l’épaiffeur des pilons N N, & qui répon- dent aux leviers Q Q. Ces pilons ont 10 pieds 4 pouces de longueur fur 4 & 4 pou- ces de groffeur. [ls font arrondis à leur ex- trémité vers les mortiers , @& armés d’un fa- bot de fer de 4 pouces de diametre, repré- fenté en X dans la Figure 6, On a numéroté les pilons 1, 4 2, 5, 3: (fig. T)» pour faire connoître dans quel ordre ils battent quand la machine eft en mouve- DE LA GARANCE. cg ment (:). O , amoifes de 6 & 4 pouces de groffeur , qui foutiennent les charnieres P, P , charnieres de 8 pouces de longueur fur 6 de largeur & 4 d’épaifleur. Ces char- nieres font traverfées d’un boulon de fer claveté, auquel répond un levier mobile Q , qui fait effort contre le mentonnet M, quand on veut foutenir le pilon N en l'air, Q ; leviers de 2 pieds 3 pouces 6 lignes de longueur fur 3 & 4 de groffeur , fai- fant effort contre les mentonnets M, pour foutenir les pilons en l'air. RR, prifons de 6 & 8 de groffeur, qui contiennent les pilons , & empêchent qu’ils ne fe dérangent. S, poteaux montants de 4 & 4 de groffeur, qui affemblent les amoi- {es & les prifons. T T. &'c, mortiers creu- fés dans une feule piece de bois de 16 fur 16 de groffeur : chacun de ces mortiers eft creufé de 11 pouces; leur plus grand dia- metre eft de 7 : on a attention que leur fond foit garni de plomb de 3 à 4 lignes d’épaiffeur (b). V', auget pour la manutention, fur lez | sïlya cinq pifons : cha- 4 racine, Après quelques cun d'eux étant armé, doit péfer environ 112 Ou 120 livres : leur armure eft un fabot de fer à lames tran- chantes, b Chaque mortier con- Bent environ 6 livres de coups donnés, on retire l& racine ; & onla pañle pour ôter le billor. On a éprou« vé qu’un moulin dirigé pas un feul homme, peut pi- ler soo pefant de garance en 24 heures. Li 100 CU E TUE quel on étend une toile attachée à la pri- fon , pendant que le moulin travaille, pour empêcher la difipation de la poudre la plus fine. | Ÿ , poutre de 12 pouces d’équarriffage : cette poutre & celle de l’autre extrémité, cottée Æ , repofent fur les fablieres de la’ charpente qui afflemblent le toit. Les cra- paudines & tourillons font repréfentés d’une maniere fi fenfible , qu'on n’a pas cru néceffaire de les indiquer par des let- tres de renvoi; j'ajouterai feulement que les crapaudines font de fonte, & les tou- rillons d’acier. On a évité de cotter chaque dimenfion, pour ñe pas trop charger les figures ; mais il fera aifé d'exécuter cette machine relati- Yement à notre defcription, LE les dé- tails font juftes. Auffi tôt que la garance ft fortie de Pétuve , on la porte au moulin: quand elle éft pilée, on la pañle fur le champ au ta- mis, pour qu’elle foit à peu-près comme de la fciure de bois, & on l’enferme tout de fuite dans des barrils bien fermés, qu’il faut avoir foin de tenir dans un lieu fec. Les tamis à pañler la garance, ont en- viron 2 pieds = de diametre fur un pied de hauteur ; ils font faits en forme de boîtes cylindriques de trois pieces . & reffem= DE LA GARANCE ä4or blent à une caïfle de tambour; ils font re- couverts de peau par-deffus &. par-def-= fous, pour empêcher la diffipation de la poudre fine. Les toiles de ces tamis font de crin; elles font plus ou moins fines, _ {elon la qualité qu’on veut donner à la ga- rance. Je crois qu’en quelques endroits on emploie des bluteaux en place de ces tamis. La garance grappée fe diftingue en ga- rance robée > non robée : la robée a con- fervé fon épiderme ; l’autre, qui eft la plus précieufe , en eft en partie dépouillée. Pour la rober, on retire la garance du moulin après qu’elle a reçu quelques coups de pilon; en la tamifant grofliérement on emporte une partie de l’épiderme, & on la remet enfuite au moulin pour achever de la pulvérifer ; mais il faut prendre gar- de d’emporter avec lépiderme la partie colorante qui eft la plus précieufe. J’avois fait venir les plans de ce moulin pour en aider MM. de Corbeilles, qui vou- loient en faire conftruire un ; M. de la Levrie, qui voulut bien diriger cette conftruétion, ne tarda pas à appercevoir les défauts du moulin de Lille ; il les a corrigés, & en a fait conftruire un à Cor- beilles , qui fatisfait à tout ce qu’on en peut attendre. Ce Monfieur a bien voulu li oz ‘T'OPETRSE donner les dimenfions de ce moulin, & en corriger les deffeins. Néanmoins je n’aï pas cru devoir fupprimer les plans du moulin de Lille, par la raïfon qu’il eft établi, & qu'il y fert à piler la garance ; mais nous y joignons le plan & les pro- portions de celui de Corbeilles, quieft bien Aupérieur au premier. ARTE. Reflexion fur la conffruéfion du : Moulin de Lille. D E Tous les moulins à pilens qu’on peut conftruire, celui de Lille paroït le moins propre à piller la racine Ge garance: il avoit eté fait en premier lieu pour piler e tabac, & on s’eft contenté d’en changer l'ufage fans y faire les correttions nécef- fäires pour le nouvel objet, 1°, Les pilons e 10 pieds de haut ne peuvent pas pefer 412 livres, d’autant que le pied cube de chêne fec ne pefe que 60 livres: les 10 pieds de 4 pouces quarrés ne pefent que 66 livres =? : fi on y ajoute 10 livres pour la pefanteur du fabot & des deux menton- nets, le tout ne pefera pas 77 livres : on voit que c’eft trop peu pour pulvérifer la DE-LAGARANCE 10% garance *. 2°, La fuperficie du quarré de 4 pouces, réduite à celle d’un cercle de même hauteur , n’eft plus que 12 < de pouce ; ce qui ne fait pas tout-à-fait 63 pouces pour la fuperficie des cinq pilons. 3°, Ajoutez que les fabots des pilons étant garnis de couteaux trop courts, la matiere doit s’y empâter, & dès-lors elle ne fe broie plus. 4°, Il éft aifé de voir , par le rapport de la lanterne au rouet, que cha- que pilon ne peut battre que 28 coups= par minute. $°, On fait qu’une livre de ga- rance bien. foulée tient un volume égal à une pinte d’eau, qu’on fuppofe de 48 pouces cubes ; mais elle tient bien plus de place quand elle eft en poudre non foulée , comme elle eft dans les mortiers, éparpillée par les couteaux & retombée fur elle-mêé- me ; fuppofant encore qu’elle n’occupe que moitié en fus, ce fera 72 pouces cu- bes. On prétend qu’on met 6 livres de ra- cine à la fois dans chaque mortier, qui feroient 432 pouces cubes ou : de pied cube de matiere dans un mortier rond de J1 pouces de haut, dont le plus grand diametre n’eft que de 7 pouces, le plus petit dans le fond 4 pouces =, & celui de l’entrée de $ pouces; & files mortiers * Il eft vrai qu’on lès a chargés de plomb; mais om fera mieux de s’en pañier, | E iv O4 “‘CVTE TEE étoient pleins, quelle force auroît la chûte des pilons ? 6°, Les leviers qui fervent à lever les pilons & à les arrêter en l'air, pendant qu’on vuide les mortiers, font tout-à fait malimaginés ; il faut une grande force pour en faire ufage ; encore faut-il faifir le moment où le hériffon a élevé les pilons à leur plus grande hauteur. 7°, Le volant eft une piece fuperflue , incommo- de ,; même dangereufe pour ceux qui fer- vent le moulin; c’eft un fardeau inutile qui ne peut fervir qu’à augmenter le frotte- ment de Parbre fur les tourillons : d’ail- leurs il ne peut faire d’effet pour entretenir l’uniformité du mouvement, qu’autant qu’il eft attaché à un arbre qui tourne très- vite; ce n’eft pas le cas, puifque l’arbre du hériflon ne fait pas 10 tours par minute. 8° , On ne dit rien de l’inégalité de la ré= fiftance , caufée par la figure droiïte des le- ves du hérifion, ni du frottement confidé- rable des pilons dans leurs prifons , occa= fionné par la longueur de leurs menton-- nets, parce qu'il s’en faut beaucoup que la puiffance foit chargée de tout le poids qu’elle pourroit mouvoir ; mais cette puif- fance étant un cheval dont on connoît la force , pourquoi ne la pas employer? Je crois en avoir aflez dit pour faire fentir les défauts du moulin de Lille ; la comparais DELA GARANCE. Tof fon qu’on en pourra faire avec celui de Corbeilles , dont je vais donner la defcrip- tion, y fera trouver d’autres imperfec- tions fur lefquelles il feroit fuperflu de m'étendre. Mr ICLE VE Defcriprion da Moulin à pulvérifer la Garance, confiruit à Corbeilles. Ï N’EST pas néceflaire de faire le détail du rouage de ce moulin , qui eft le même que celui de Lille ; il fuffit de donner les roportions des parties qui le compofent. Le timon ou levier , depuis le centre de Parbre du rouet jufqu’au point où eft at- tachée la chaîne du palornier, a 9 pieds; le rouet a $ pieds de rayon, & porte 72 dents ; la lanterne; 10 pouces de rayon jufqu’au centre des fufeaux, & 12 fu- {eaux ; ainfi elle fait fix tours contre un du rouet ; le cheval faant 3 pieds de chemin par feconde , fait trois tours & demi par minute , & la lanterne 20. Le hériflon ayant par fa circonférence trois leves pour chaque pilon ; chaque pilon frappe 69 coups par minute , & les quatre 240 dans le même temps. Le quarré fur lequel 106 - CU ETURE.:- eft chauflée la lanterne, eft pris fur um arbre quia $ pouces de rayon, plus gros dans toute la longueur du hériffon, où 1l a 7 pouces de rayon. Il lui faut cette grofleur, afin que les tenons des leves aient une longueur & une épaifleur qui leur donnent de la {olidité : on le laïfle rond plutôt que de le faire à pans; parce qu’il eft plus aifé d’y percer réguliérement les mortaiies, en fe fervant d’un calibre que les Menuifers appellent un guide-fne, qui leur fert à enfeigner aux apprentifs à percer une mortaife à plomb * : les leves ont 12 pouces de rayon, c’eft-à-dire , qu'il ya 12 pouces depuis le centre de Parbre du hériffon jufqu’au point qui tou- che les pilons pour les élever ; ce qui indi- que un cercle de deux pieds de diametre : la face fupérieure de ces leves eft coupée felon une courbe qui les alonge , donttous les rayons font des tangentes à la circon= férence de ce cercle. La plus grande de ces tangentes a 12 pouces ; elle détermine la plus grande levée des pilons: il réful:e de cette coupe, qu’à quelque élévation que foient les pilons, la réfiftance eft rou- jours uniforme, puifqu’ils font toujours pris par les leves à la même diftance de * 11 faut que les tourillons de çet arbre tournent fur des paliers de cuivre. J DE LA GARANCE 107 leur centre de gravité. Comme dans la longueur du hériffon il y a 12 leves fur 4 plans, elles forment entr'elles des angles de 30 dégrés , en les fuppofant vüûes l’une derriere l’autre comme fur un même plan; ce qui fait que quand le premier pilon eft à la moitié de fon élévation , le fecond eft prêt à être élevé ; le premier échappant ; le troïfieme eft au moment d’être éle- vé, &c. Je dis, au moment, parce qu’il eft à remarquer que les leves avancent fous les mentonnets , ou fous ce qui en tient lieu, de $ ou 6 lignes ; que la plus grande tangente de la courbe étant de 12 pouces, eft plus petite de près de 7 lignes que la fixieme partie de la circonférence du cercle, & donne le temps au premier ‘pilon d'échapper avant que le troifieme pi- lon foit pris; ce qui eft néceflaire pour que la puiflance ne foit jamais chargée de plus de deux pilons. | On appelle le-deyant de la batterie, la face devant laquelle eft le hériflon : la batterie eft compotfée de deux folins de ro pieds de long , de 8 pouces d’équarriffa- ge , liés à chaque bout par une entre-toife de 6 & 4, celle de devant arrafée aux feuillures pouflées en dedans de cette par- tie des folins, de 15 lignes de hauteur fur un pouce de largeur, pour fervir à porter 108 C 8 L'T'URE un plancher : au milieu de la longueur & de la largeur de deux folins s’élevent deux montants , qui font mortaifés & chevillés ; ils ont 12 pieds 8 pouces de hauteur, non compris leurs tenons, 14 pouces de large fur 6 pouces d’épaïfleur ; foutenus cha- cun par un lien mortaifé par-devant à _deux pieds de hauteur , & un derriere à 4 ieds = Entre ces deux montants eft la pile fur laquelle battent les pilons : elle eft faite d’une piece d’orme-tortillard bien fec, de 4 pieds = de long entre les mon- tants, avec lefquels elle eft affemblée par une languette de 2 pouces de large fur autant de profondeur ; elle a 20 pouces de hauteur fur 18 de largeur; elle pofe des deux bouts de toute fa largeur fur le -bord des folins, & dans l'intervalle fur trois pieces de bois également efpacées, calée fur un mafñif de maçonnerie qui fupporte le tout. La longueur de la pile eft partagée en deux par une cloifon de deux pouces d’épaifleur ; parallele aux montants & de même largeur, arrêtée dans la pile par deux tenons , & une rai- nure de toute fon épaifleur, de même en haut dans la partie de derriere de a pri- fon qui eft fixe ; fon prolongement jufqu’a la prifon d’en haut eft arrêté par un afflem- blage pareil : cette cloifon divife la lon DE LA GARANCE. IO8 gueur de la pile en deux auges de 26 pouces de long chacune , formées par deux planches en pente, de façon que les auges ont 4 pouces + antérieurement dans le fond , fur 15 pouces : d'ouverture, & 12 pouces de hauteur perpendiculaire ; & pour empêcher que la poudre volatile qui s’éleve en pilant ne fe perde, la diftance du bord des auges à la premiere prifon eft fermée par des fonds ; dont ceux de der- riere , ainfi que cette partie des auges, font aflemblés à demeure , à rainures & languettes, dans les montants & la cloi- fon ; ceux de devant fe levent à couliffe comme un chaflis , & s’arrêtent de même avec des tourniquets;. on leve & on ête tout-à-fait le devant des auges; on tire toute la racine pilée avec une cuillier de bois & un balai de plumes , & on la fait tomber fur une table qui eft en avant, dont les rebords ont 4 pouces de hauteur ; on remet le devant des auges : & on les re- garnit de racines en bâtons, on baïfle les couliffes , on laifle tomber les pilons qu’on avoit arrêtés pendant cette manœuvre qui s'exécute facilement & promptrement , & le moulin continue de travailler pendant qu’on ramafñle la racine , & qu’on la pañe au bluteau ou au tamis. Il y a deux pri- fons qui fervent à guider les pilons: le IIO CULTURE deffous de la premiere eft à 3 pieds; le deffous de la feconde à 10 pieds du deffus de la pile; elles ont 3 pouces: d’épaiffeur : la premiere eftarrafée par-devant aux joues intérieures des rainures , afin que les cou- lifles y foient appliquées lorfqu’elles font fermées , & qu'elles gliffent contre, quand on les leve. Chaque prifon eft de deux pieces , dont celles de derriere font afflem- blées & chevillées avec les montants, & entretiennent tolidement les cloifons; cel- les de devant peuvent s’ôter & fe remet- tre fuivant le befoin : elles coulent dans les rainures d’un pouce de profondeur, & de leur épaifleur , qui font aux mon- tants , & qui font entaillées à mi-bois avec les cloïfons: de plus, elles ont deux clefs qui entrent dans les mortaifes qui font aux parties fixes où on les arrête avec des chevilles. Les pilons ont par le bas 12 pou- ces de face , 18 pouces de hauteur , & pouces d’épaïfleur , ce qui leur donne à la bafe 48 pouces quarrés ; les queues ont 8 pieds < de hauteur, 4 pouces de largeur, fur 3 pouces d'épaiffeur ; ainfi ils ont en tout 10 pieds de haut non compris les couteaux qui ont 4 pouces , & qui font faits comme un fermoir SE Menuifier ; les tranchants ont 2 pouces ; de large & les foies ; 3 pouces = de long sil yenali7à DE LA GARANCE. Tif chaque pilon. On a fupprimé les menton- nets, parce que les leves du hériflon les prenant par le bout, toujours au même éloignement de $ pouces du centre de gravité des pilons , la réfiftance du frotte- ment de leur queue dans les prifons auroit été confidérable. Pour éviter cet inconvé- nient, on a fait dans la face de la queue des pilons une mortaife de 25 pouces de long fur 3 pouces de large, fortifiée des deux côtés par des joues de 2 pouces, prolongées de 6 à 7 pouces au-delà de chaque bout des mortaifes qu’on a laïflées de la même piece que les queues. Le haut des mortaifes eft à 6 pieds au-deflus de la pile , c’eft-à-dire , à la même hauteur que le centre du hériflon : cette partie eft gar- hie d’une platine de cuivre de 2 lignes d’é- paifleur bien écrouie , polie & arrondie par le bord pour faciliter échappement des leves. On a mis fur le côté des queues des pilons , & à 16 pouces du deffous de la prifon d’en haut ; des mentonnets d’un bon pouce d’épaifleur; de 2 pouces de bauteur fur 4 de faillie , pour tenir les pi- lons élevés pendant qu’on vuide les auges. Les leviers qui fervent à cet ufage font placés derriere , & portés fur des cheva- lets afflemblés dans une piece de bois qui Veft elle-même par les deux bouts dans LS r12 CULTURE deux corbeaux morraifés & chevillés dans les montants; ces pieces ont 6 pouces d’é- quarriflage : il y a des gouffets fous les corbeaux. Les leviers font pris dans des pieces de bois de 6 pouces =, ainfi que les leves du hériflon. La face fupérieure du petit bras eft taillée comme les leves, fuivant une courbe développée du cercle générateur , dont la raïfon eft lintervalle du milieu du mentonnet au centre du mouvement du levier, qui doit être fur le même alignement que le deflous du men- tonnet. Le rayon de ce cercle , ainfi que le plus grand de la courbe, doit être de 15 pouces , afin que le pilon élevé de 13 ou 14 pouces n'échappe pas. Pour con- ferver la force des leviers , il faut que le fil du bois fe trouve droit dans toute {2 lon- gueur , paffant par le centre du mouvement, dans lequel on arrêtera quarrément une barre de fer faillante de 2 pouces de chaque côté : cette faillie arrondie en tourillons fe placera fur des chevalets dans des fentes garnies , pour le mieux, de coufli- nets de fonte. On attache une corde au bout des petits bras, & l’on accroche cette corde à des crochets de fer ;on a des chevilles de bois qui font derriere la pile, pour tenir les leviers un peu plus bas que les mentonnets quand les pilons as CET PREAGARANCE. ‘HIS lent. Les grands bras font diminués de largeur infenfiblement jufqu’à leur bout, où ils font réduits en quarré de leur épaif- feur ;ily a à cet endroit une autre corde qu’on accroche aux mêmes chevilles de la pile pour retenir les pilons en Pair. OxzSsErRVTATIONS. Les pilons de ce moulin ne pefent que 100 livres avec leur armure, peut-être quelques livres de plus , qu’on peut fup- primer en diminuant quelques pouces fur la partie d’en bas : il n’y a jamais que deux ilons en l’air , qui pefent enfemble 200 livres , lefquelles fe réduifent à un effort de 133 livres - pour la puiflance. On compte ordinairement qu’un cheval de moyenne taille peut employer 180 livres de fa force pour mouvoir une machine, en travaillant quatre heures de fuite, & faifant 1800 toifes de chemin par heure : il va fouvent plus vite ; mais c’eft fur ce pied que ce mou- lin a été calculé : il refte donc 46 livres< pour vaincre la réfifiance des frottements : il s’en faut beaucoup qu'ils aillent à cela dans cette machine ; on peut même dire qu’ils font moindres que dans tout autre moulin de cette efpece. Un cheval peut d’aurant m. eux réfifter à ce travail , qu’à chaque pi- lage qui dure $ ou 6 minutes, ilen 2 deux 114 CULTURE outrois de repos pen dant qu’on vuide leg auges & qu’on les regarnit. Ce moulin de Corbeilles n’a jamais pilé que 200 livres de racines par jour,parce que l’étuve n’a jamais fourni à une plus grande exploitation; mais la durée de ce travail fait juger qu’il pileroit aifément 480 & même 500 , s'il étoit fourni. On prétend que le moulin de Lille . peut piler $00 livres dans vingt heures : on a peine à le croire , d’autant qu’on ne juge pas qu’il travaille la nuit ; ainfi il ne lui faut fuppofer que dix heures de travail, comme à celui de Corbeilles. Quoi qu’il en foit , l’exploiration de ces deux moulins doit être en raifon compofée de la pefan- teur de leurs pilons , du nombre des coups qu’ils frappent par minute , & de la fuper- ficie choquée , ou ce qui eft la même cho- fe , de leurs bafes; c’eft-a-dire , que le moulin de Corbeilles eft à eelui de Lille bain de parenchyme a toujours été beaucoup » plus fort que celui du bois qui s’eft mainteru > Jong-temps d’un jaune de fafran, & eft enfin » devenu citron. L'opération finie, l’écheveau » teint en parenchyme avoit beaucoup plus de » fond que l’autre qui cependant étoit fort bon, Je » les à fait pafler enfemble dans un avivage très- » fort, & un débouilli de dix minutes dans le fa- 2» VON: tous deux y ont bien réfifté ; mais ils y ont => pris des nuances inépales. L’écheveau teint avec s le bois y a acquis le tan convenable pour l’em- » ployer en tiflu ; celui reint avec le parenchyme » étant beaucoup plus foncé , je lui ai fait éprou- » ver un fecond débouilli pareil au premier,qui la » amené au ton de couleur de l’écheveau teint » avec le bois», II réfuite de cette expérience, 1°, que le pa: renchyme donne une couleur plus forte que le bois: 2°, Que le bois la donne plus gaie : 3°, Que tout eft bon dans la garance,; & que l’épi- +2 D'TTION. 131 derme étant enlevé , le bois & Pécorce font bien enfemble : 4°, Que le préjugé des Confomma- teurs en faveur de la garance en poudre la plus jaune , oblige de la rober , pour qu’elle ait cette couleur jaune qui vient du bois; de forte que celle qui eft eftimée la plus belle eft précifément pa- reille à la poudre du bois dépouillé de parenchy- me : 5°, La poudre du parenchyme feule ne È roit point eftimée dans le Commerce , quoiqu’elle fournifle plus de rouge & plus beau. Nous avons cru que le détail de ces expériences feroit utile à ceux qui cultivent la garance , ainfi qu’à ceux qui bn font ufages FIN, EE CS CR RS, d A sms © té f { ÿ 4 ; L “4 Deacidified using the Bookkeeper process. Neutralizing agent: Magnesium Oxide Treatment Date: September 2012 PreservationTechnologies! A WORLD LEADER IN COLLECTIONS PRESERVATION 111 Thomson Park Drive Cranberry Township, PA 16066 (724) 779-2111 en ei sens dE) e QI QT Qi 00S278ugs