RAPDLS EN : réiepus tape CRU dti se [CES RE titres ALES Erazeh s DROLE DE fe ür 2 ADOOCE LÉ sr fu Ma CEFTAT Tin Hit b ii Aie ÈS LIBRARY 6 — HS TE LAC ® DL 'VUN Feb, TRAITÉ PRATIQUE ET RAISONNÉ PLANTES MÉDICINALES INDIGÈNES « OUVRAGES DE M. CAZIN PÈRE. ” DES VERS ASCARIDES LOMBRICOÏDES, ET DES MALADIES QUE CES ANIMAUX CAUSENT, * ACCOMPAGNENT OU COMPLIQUENT. Mémoire couronné (médaille d'honneur), en 1849, par la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles. 1850, in-8°, (Épuisé.) DE L'ORGANISATION D'UN SERVICE DE SANTÉ POUR LES INDIGENTS DES CAMPAGNES, CONSIDÉRÉE AU POINT DE VUE ADMINISTRATIF, HYGIÉNIQUE ET THÉRAPEUTIQUE. Mémoire couronné (médaille d’or) par l’Académie impériale de Reims, en 1852. Prix : 4 fr, 25 c. MONOGRAPHIE DE LA CHLOROSE. Mémoire couronné (médaille d’or), en 1850, pr la ® sgciété dé médecine de Gand. — Gand, 1850. (Épuisé.) MONOGRAPHIE MÉDICO-PRATIQUE ET BIBLIOGRAPHIQUE DE LA BELLADONE. Grand in-8°; Boulogne-sur-Mer, 1856. Prix : 2 fr. 50 c. DE LA CULTURE DU MURIER ET DE L'ÉDUCATION DES VERS À SOIE DANS LE NORD DE LA FRANCE. (Extrait des travaux de l’Académie impériale de Reims pendant l’année 1855-56.) L'Académie des sciencess belles-lettres et arts de Rouen a fait aussi impri- mer ce travail dans le Précis de ses travaux de 1855-56. (Épuisé.) NOTIONS PHYSIOLOGIQUES A L'USAGE DES BAIGNEURS. In-18. Prix : 50 centimes. OUVRAGES DE M. CAZIN FILS. ÉTUDE ANATOMIQUE ET PATHOLOGIQUE SUR LES DIVERTICULES DE L'INTESTIN. Un volume grand in-8°, une planche de x1v figures, 111 pages. 1862. Prix : 2 fr. 50. RAPPORT SUR LES OPÉRATIONS DE LA QUATRIÈME SECTION DU JURY DE L'EXPOSITION INTERNATIONALE DE PÊCHE DE BOULOGNE-SUR-MER. Vêtements de marin; conserves alimentaires; produits industriels des pêches destinés à l’économie domestique, à l’agri- culture (engrais marins), aux arts, à la médecine (huiles de poisson), à l’industrie; col- lections d'histoire naturelle, etc. Deux planches avec vin figures; 92 pages. 1867. Prix:4fr. DESCRIPTION D'UN MONSTRE DOUBLE SYCÉPHALIEN, intermédiaire aux genres SYNOTE et INIOPE. (Sous presse.) DES PROPRIÉTÉS TOXIQUES ET THÉRAPEUTIQUES DE LA PARISETTE. (Sous presse.) TRAITÉ PRATIQUE ET RAISONNÉ DES PLANTES MÉDICINALES INDIGÉNES | AVEC UN ATLAS DE 200 PLANCHES LITHOGRAPHIÉES PAR F.-J. CAZIN Chevalier de la Légion d'honneur Lauréat de l’Académie impériale de médecine Lauréat et Membre correspondant de la Société impériale de médecine de Marseille, de l’Académie impériale de Reims “de la Société des sciences médicales de Bruxelles, de la Société académique de Saint-Quentin Lauréat de la Société impériale ot centrale d'agriculture de Paris et de la Société académique de Nantes Membre de nombreuses Académies et Sociétés savantes Ouvrage couronné par l'Académie impériale de médecine (prix Itard) et par la Société impériale de médecine de Marseille TROISIÈME ÉDITION TT. REVUE ET AUGMENTÉE ZRNACY PAR LE DOCTEUR HENRI CAZIN ‘ Ancien interne des hôpitaux de Paris TS 9 ———— PARIS P. ASSELIN, SUCCESSEUR DE BÉCHET JEUNE ET LABÉ LIBRAIRE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE Place de l'École -de-Médecine 1868 ES .é 1 # SAME LAN 7e LANCE | 5 ; FL ra RUN l'a ( i@ 3 LEURS A V4 (Te Mu MIN AE SEM ou vit 7 | desk \ 1 ar € Fe nn 11077 1'f 1 UT LL ts LYS samir : qu AM RO ab tab à pe # PC dE FA 2 st 9% HU 18808 vin SE: dot! 1j of à DE 331 ri QOLLE L Vs RL D HtaNe CT : \ 44 L'un le w nd ÿ L sh Le “ra P. dp AU LC IN EN nt Lord} di Anis (Gtat hf D. Lee M eve 16 dalsobhes sh nirnquet SEUTON AT TE PE ÿ . HHHOS HAUTES "A ; tb ADN TEL TT IN NS ARVAU EMAIL RU 504 44 L/CR > > N DES ASET CUCC IAE T1 CEE: À din à ë PES "7 % CAO CE 1 LR À ph | ALICE No * dy L' LT Java pl HE: AAA PLDNUA BAnt AE M radin nt dits nes «ot NT 4 à . LES out vhten. 4 AMP 4 édite :# L - ‘ corn PAUSE ‘8 D VRE re ' t ol LN EP Lane menant * ATAY 8 1067 NEW Y0® MARIE » k ne , + « CAk PRÉFACE DE LA PREMIÈRE EDITION. 2 The — Après vingt années de pratique à Calais, j'ai dû, pour des raisons particulières, me fixer à la campagne, où j'ai exercé la médecine depuis 1832 jusqu’en 1846. Il m'a suffi de jeter un coup d'œil sur l’état comparé des villes et des campagnes pour me convaincre, au point de vue médical, de l’énorme différence qui existe entre les ressources des unes et celles des autres. Dans les villes, l’état social forme un corps dont toutes les parties distinctes, mais intimement liées, agissent et réagissent les unes sur les autres. L’aspect de la misère agglomérée y excite la pitié, et sollicite des secours qu’il est presque toujours facile de se procurer. Les villes ont des hospices, des bureaux de bienfaisance, des caisses de secours mutuels pour les ouvriers, des associations pieuses, des dispensaires, etc. Les campagnes sont privées de tous ces avantages et restent abandonnées à elles-mêmes, comme si, formant un peuple à part, elles n'étaient pas régies par les mêmes lois et ne devaient pas pré- tendre aux mêmes bienfaits. Dans les communes rurales, plus qu’ail- leurs, s’offre le contraste du bien-être des riches et de l’mdigence des nombreux habitants qui n’ont d’autres biens que l'emploi de leurs forces. Si l’ouvrier des campagnes est moins à plaindre que celui des villes tant qu'il se porte bien, il est bien plus pauvre. plus écrasé vI PRÉFACE a LL + « par le malheur quand la maladie l’atteint. Le plus souvept, alors. il souffre sans secours, lutte péniblement, languit ignoré et meurt silencieux et résigné dans une chaumière où le froid, humidité, la malpropreté se joignent aux autres causes de destruction. Le curé et le médecin assistent presque toujours seuls à ce déchi- rant spectacle de la misère aux prises avec la maladie. Si l’un, représentant la pensée religieuse comme une immortelle espérance entre la terre et le ciel, est la première providence du village ; l’autre, prodiguant avec désintéressement les secours et les conso— lations de son art, en est assurément la seconde. Quand, ne possé- dant par eux-mêmes que le strict nécessaire, ils ne peuvent faire, sous le rapport physique, tout le bien que leur suggèrent leurs bonnes intentions, réduits alors à solliciter des secours, à associer à leur dévouement quelques personnes charitables, ils deviennent, pour ainsi dire, les messagers de la bienfaisance, malheureusement trop restreinte et toujours insuffisante, des habitants aisés de la : commune. Cet état déplorable de nos campagnes, qui réclame toute la solh- citude du Gouvernement, et auquel on ne remédiera que par léta- blissement d’un service de santé gratuit, m’a convaincu de la néces- sité d'y faire de la médecine à bon marché. J’ai donc renoncé, dans ma pratique rurale, aux médicaments d’un prix plus ou moins élevé, et aux préparations pharmaceutiques dont le luxe ne peut être payé que par le riche, pour m'occuper de l'emploi si simple et si écono- mique des plantes que la nature fait naître avec profusion autour de nous. « Sur nos rochers les plus stériles, dit M. Munaret, au fond « des ombreuses vallées, aux pieds de nos balsamiques sapins, sur « les bords du ruisseau qui serpente inconnu dans la prairie, comme « le long du sentier que je gravissais tous les matins pour visiter « mes malades, partout j'ai pu récolter des espèces préférables, avee « leurs sucs et leur naïve fraîcheur, à ces racines équivoques, à px DE LA PREMIÈRE ÉDITION. vil > LA « ces bois vermoulus que le Nouveau-Mende échange contre notre « or, et souvent contre notre santé... (1). » . J’ai fait comme le spirituel auteur que je viens de citer, et les résultats que j’ai obtenus ont dépassé de beaucoup mes espérances. Livré à la pratique rurale après avoir été pendant longtemps fami- liarisé avec la thérapeutique urbaine, j’ai pu comparer et juger les deux genres de médication. L’expérience m'a démontré plus d’une fois que l’on doit presque toujours préférer les plantes indigènes, lorsqu'elles offrent les mêmes principes médicamenteux, aux sub- sfances exotiques, souvent altérées par le voyage ou le séjour dans les magasins, plus souvent encore falsifiées par la cupidité (2). « La frelatation des drogues, dit Gilibert, est la seule science « dont les marchands se piquent. Les drogues les plus chères sont « les plus maltraitées. L’abus est poussé à un tel point, que certains « articles quadruplent de masse en sortant de Marseille. On vend, « par exemple, cent fois plus de quinquina que l'Amérique n’en peut « fournir; on vend cinquante fois plus de manne qu’il n’en arrive à « Marseille. Les résines les plus précieuses, les aromates, les bois « sont presque tous contrefaits; pour y parvenir on ajoute des bois « analogues qui prennent un peu d’aromate par le contact, on les « peint, on les colore, etc. (3). » Non-seulement on falsifie les substances exotiques dans leur pays natal, à leur arrivée dans nos ports et chez les droguistes, mais encore, quand elles sont d’un prix élevé, chez les pharmaciens avides et peu consciencieux. Si dans tous les temps on a préféré les objets difficiles à obtenir, (1) Du médecin des villes et du médecin de campügne, 2° édition, p. 259. (2) Je ne fais d'exception qu'en faveur du quinquina, qu'il est impossible, quant à présent, de remplacer dans le traitement des fièvres pernicieuses. s (3) L'anarchie médicale ou la Médecine considérée comme nuisible à La société. Neuf- châtel, 1772. VIII PRÉFACE dans tous les temps aussi 4 s’et trouvé des hommes assez dévoués à leur pays et à l'humanité pour combattre ce préjugé. Pline se plaignait déjà de ce que, pour une légère excoriation, on mettait à contribution les rives de la mer Rouge, tandis que les vrais remèdes se trouvent partout à la portée de la classe là plus indigente (1). ” Tabernæmontanus en Allemagne (2), Thomas Bartholin en Dane- mark (3), Beverovicius (Jean de Beverwick) en Hollande (4), Jean Prévost en Italie (5), Burtin (6) et Wauters (7) en Belgique : Campegius (Champier) (8), Antoine Constantin (9), Garidel (104, Coste et Wilmet (11), Bodart (12), Loiseleur-Deslonchamps (13), en France, ont prouvé que la nature ayant suffisamment pourvu chaque pays des secours nécessaires à ceux qui l’habitent, on peut, sans avoir recours aux substances exotiques, guérir les malades avec les remèdes trés des plantes indigènes. (4) Ulceri parvo medicina à mari rubro impulatur, cum remedia vera quolidie pauper- rimns quisque tenet. (Pline, lib. xx1v.) (2) Recueil des plantes (en allemand). Francfort, 1588. Cet auteur éludiait les vertus des plantes indigènes au lit des malades, et les employait de préférence aux exotiques. (3) De medicina Danor. domestica, ete. Copenhague, 1606. (4) Inlroductio ad medicin. indigen. Leyde, 1644. (5) Medicina pauperum, etc. Francfort, 1641; Lyon, 1643; Paris, 1654; Pavie, 1660 ; id., 1718. (6) Quels sont les véyélaux indigènes que l'on pourrait substituer dans les Pays-Bas aux végélaux exotiques relativement aux différents usages de la vie? Bruxelles, 1734. Mémoire couronné en 1783 par l’Académie des sciences de Bruxelles, (7) Repertor. remedior. indigen., etc. Ganûæ, 1810. Couronné en 1807 par la Société de médecine de Bordeaux. (8) Hortus gallicus,etc.,cuiaccedit analogia medicinar. eroticar. etgallicar. Lyon, 1533, . (9) Brief Trailé de la pharmacie provençale et familière. Lyon, 1507. (10) Histoire des plantes qui naissent aux environs d'Aix, etc. Paris, 1723. (11) Essai botanique, chimique et pharmaceutique sur les plantes indigènes substiluées avec succès à des végélaux exotiques. Nancy, 1776; Paris, 4793. Couronné par l’Acadé- mie de Lyon. (12) Cours de botunique médicale comparée. Paris, 1810. (13) 4° Recherches et observations sur l'emploi de plusieurs plantes de Frunce qui, dans la pratique de*la médecine, peuvent remplacer un certain nombre de substances exoliques. — 20 Manuel des plantes usuelles indigènes. Paris, 1819, DE LA PREMIÈRE ÉDITION. IX Ceux qui, pour me servir de l'expression pittoresque de M. Mu- naret, sacrifient sur l'autel de l’exotisme leur raison et leur pays, objectent que les plantes indigènes ou naturalisées sont peu éner- giques ou infidèles dans leur action sur nos organes. Il suffit, pour réfuter la première objection, de rappeler que nous possédons des plantes amères, astringentes, aromatiques, purga- tives, diurétiques, etc., tout aussi actives que celles que nous faisons venir à grands frais des régions lointaines ; que nous avons l’aconit, l’arnica, la bryone, la belladone, la chélidoine, le colchique, ia coloquinte, la digitale, les ellébores, l’élatérion, les euphorbes indigènes, la gratiole, la jusquiame, la laitue vireuse, la moutarde, ‘le nerprun, le. pavot et l'opium indigène, la pulsatille, la scille, le seigle ergoté, le stramonium, le tabac, les varechs et liode, la valériane, etc. La seconde objection n’est pas mieux fondée. La prétendue imfi- délité thérapeutique de nos plantes provient de causes que lobser- vation la moins attentive peut journellement constater, et qu'il est facile de faire disparaître. Indépendamment de la diversité des effets produits par les médicaments quelconques, suivant lidiosynerasie des sujets et les circonstances morbides, dont la prévention ne tient aucun compte, nous ferons remarquer, dans nos grandes villes, le défaut de soins et de précautions relativement au choix de la plante, à sa récolte, à sa conservation, à ses diverses prépara- tions, etc. : Souvent, en effet, les plantes sont récoltées avant leur parfait "développement, ou lorsqu'elles ont perdu la plus grande partie de leurs facultés, par des femmes qui n’ont d’autre instruction que la routine. Elles sont livrées à l’herboriste tantôt chargées de rosée, tantôt mouillées et rafraichies pour les faire paraître plus récentes quand elles n’ont pas été vendues au marché précédent, et, dans cet état, elles s’altèrent au lieu de se conserver par la dessicca- x PRÉFACE üon(1). Les malades les emploient d'habitude sans les faire exa- miner par le médecin, lequel peut seul constater leur identité, savoir si elles sont en bon état, s’assurer si elles ne sont pas récoltées depuis plusieurs années, si elles ont été cueillies chacune dans ja saison convenable, dans lPexposition, dans le climat et dans le terrain qui leur sont propres. On cultive souvent dans les Jardins les végétaux les plus disparates, pour éviter la peine de - les aller chercher dans les lieux où ils croissent naturellement. Une plante aromatique qui aime les montagnes et l’exposition au midi, se chargeant des principes au milieu desquels elle vit, de- vient aqueuse, se gonfle et perd les trois quarts de son énergie dans un terrain gras, trop humide, privé des rayons vivifiants, du soleil. Les extraits de nos plantes fournis par le commerce, et dont les médecins des villes et des hôpitaux se servent, sont-ils toujours con- venablement préparés et bien conservés? Non; et j’en apporte pour preuve leur complète inertie dans des cas assez nombreux où un suc épaissi préparé sous mes yeux produisait constamment l’effet que je désirais obtenir. Parmi les causes auxquelles on peut avec raison attribuer Poubli dans lequel sont tombées les plantes qui croissent sur notre conti nent, il en est une que je dois particulièrement signaler : c’est la négligence que l’on apporte généralement dans l’étude de la bota- mque médicale. Si l’histoire naturelle et les diverses méthodes de classification des végétaux sont parvenues, par les travaux de nos savants, au plus haut degré de perfection, il n’en est pas ainsi de la’ science qui consiste à déterminer les propriétés thérapeutiques des (4) La racine d'asaret, par exemple, sera considérée comme le meilleur succédané de l’ipécacuanha par le médecin qui l’emploiera dans les six premiers mois de la récolte, tandis que celui qui la mettra en usage après un ou deux ans ne lui trouvera qu'une pro- priété purgative, ou simplement diurélique. DE LA PREMIÈRE ÉDITION. XI plantes qu'il nous importe le plus de connaître. « La botanique, « dit Fontenelle (éloge de Tournefort), ne serait qu’une simple « curiosité, si elle ne se rapportait à la médecine; et, quand on « veut qu'elle soit utile, c’est la botanique de son pays qu'il faut ” « étudier.» Et cependant, chosesà peine croyable, le plus grand nombre des médecins ne s'occupent de cette partie essentielle de l'art de guérir que d’une manière très-superficielle, ou y sont même d’une ignorance absolue. On devrait exiger, dans les exa- mens, la présentation d’un herbier contenant les plantes usuelles indigènes recueillies dans les herborisations, et fait par l'élève lui-même. Chaque plante de cette collection serait accompagnée d’une notice exposant succinctement ses noms, sa classe, sa descrip- tion, le lieu où on l’a récoltée, l’époque de sa floraison et ses vertus. La peine qu’on s'est donnée pour acquérir une science se grave dans la mémoire, et inspire presque toujours le désir de la mettre à profit. C’est surtout au médecin de campagne qu’il appartient d'employer. les plantes indigènes. C’est pour lui une ressource dont il peut d'autant plus facilement tirer parti, que l'homme des champs lui- même témoigne de la prédilection pour les simples. Il en est tout autrement dans nos cités, où les préjugés de l’opulence, entretenus par l'intérêt du pharmacien, et même par celui du médecin, s’oppo- seront encore longtemps, et peut-être toujours, à l'adoption de la médecine économique. « Les hommes qui appartiennent aux pre- mières classes de la société, dit Montalcon, ont sur les propriétés des médicaments des préjugés qu’il serait dangereux de heurter; ils aiment la multiplicité des remèdes, ils prennent pour de grandes vertus la singularité de leurs noms, leur rareté, et surtout leur prix élevé. Médecins! n'allez pas leur prescrire ces végétaux, précieux, mais d’un emploi trop vulgaire, que la nature fait croître y ! abondamment dans nos campagnes; réservez-les pour le peuple: XII PRÉFACE Voulez-vous donner une haute idée de votre génie; n’ordonnez jamais que des remèdes extraordimaires, ou des substances amenées à grands frais des contrées les plus éloignées ({). » L'ouvrage que je soumets aujourd’hui au jugement du public médical est beaucoup plus volumineux que le mémoire qui m’a valu, en 1847, la récompense flatteuse décernée par la Société royale de Médecine de Marseille. N’ayant eu connaissance du prix proposé par cette Société, Sur les ressources que présente la Flore médicale indigène aux Médecins des campagnes, que peu de temps avant la clôture du concours, je n'ai pu lui présenter qu'un travail incomplet. L’addition d’un grand nombre d'articles, de compléments d’articles, d'observations, de notes pathologiques et thérapeutiques, etc., en a fait un Traité proportionné à l’importance du sujet. Cependant, j'ai rapporté sommairement la plupart des faits que j'ai recueillis, et souvent même je me suis borné à une simple men- tion, afin de donner à cet ouvrage une concision toute pratique et propre à attemdre le plus directement possible le but d'utilité que je me suis proposé. C’est l'expérience seule qui, en médecine, peut confirmer ou détruire les opinions qui nous ont précédés. Aussi ai-je cru néces- saire de répéter des essais déjà tentés sur les propriétés de beaucoup de plantes, afin de juger par moi-même de la réalité et du degré de leur action sur l’organisme (2). Également éloigné de la crédulité des anciens concernant les vertus de végétaux, et du dédain des modernes pour tout médicament qui ne vient pas d’un autre hémi- sphère, j'ai cherché sans prévention la vérité ; je l’ai quelquefois trouvée dans les pratiques traditionnelles des paysans. Qui ne sait, (4) Diclionnaire des sciences médicales : Du SAVOIR-FAIRE, L XXXI, p. 542. (2) Liberam profileor medicinam, nec rb antiquis sum, rec a novis : utrosque, ubi veri- tatem “olunt, sequor. (BAGLIVI.) DE LA PREMIÈRE ÉDITION. xil en ‘effet, qu'un grand nombre de moyens préservaufs ou curatifs doivent leur origine à la médecine populaire (1)? En exposant les propriétés de chaque plante, je me suis particu— lièrement attaché à préciser les cas qui en indiquent ou en contre- indiquent l'emploi. Il n’est de remèdes que ceux qui sont adaptés à la circonstance; c’est l’opportunité ou l’art de saisir loccasion qui caractérise l'habileté pratique (2). Jai cru devoir exposer en tête de chaque article les divers modes d'administration de la plante qui en est le sujet. Quoique les prépa rations pharmaceutiques indiquées soient quelquefois très-nom— breuses, je dois dire que je n’ai mis en usage dans ma pratiqre rurale que les plus simples et les moins coûteuses. J’emploie de pre- férence l’infusion théiforme ou la décoction aqueuse, la macération dans le vin, la bière ou le cidre, le suc exprimé dépuré ou épaissi par évaporation, la poudre mêlée avec du miel, dans un liquide ou en pilules, quelquefois l'extrait aqueux et la teinture alcoolique. « La = « simplicité des préparations, dit M. Munaret, économise l’argent du « malade et le temps du médecin. — Gaubius nous fait un précepte « de la première économie; quant à la seconde, elle est d'autant + « plus appréciable, que toutes nos heures se dépensent en mille p« : « petits et imperceptibles détails attachés à la pratique des cam— « pagnes (3). » + + L'ordre alphabétique. quoique éloignant toute idée de plan et de système, m'a paru le plus propre à faciliter les recherches. La classi- fication thérapeutique placée à la fin aurait donné lieu, si je Favais employée dans le corps de l’ouvrage, à de nombreuses répétitions nécessitées par les diverses propriétés d’une seule et même plante. (1) Ne pigeat ex plebeis sciscitari, si quid ad curationem utile. (Hivr., In præcept.) (2) In morbis curandis magni semper momenti est opporturilalis. (FERNEL, Method. medend., lib. 1.) (3) Du médecin des villes et du médecin de campagne. ?* édition, p. 255. XIV PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION. En me livrant à l'étude des végétaux indigènes considérés -au point de vue des ressources qu’ils offrent à la médecine rurale, je n'avais ni l'intention de publier les résultats que j'ai obtenus, ni la prévision d’un concours. Mon seul désir était de me rendre utile aux indigents et aux cultivateurs peu aisés du canton dans lequel j exer- çais. Je suis déjà payé par le bien que j'ai pu faire, et par le suffrage de la Société savante qui m'a engagé, au nom de l'humanité, à pour- suivre mes recherches, et à contribuér de tous mes efforts à la pro- pagation des vérités pratiques dont je me suis fait le défenseur. Je serai doublement récompensé si les médecins de‘campagne, auxquels cet ouvrage est principalement destiné, adoptant mes vues d’éco- nomie, de bienfaisance et de patriotisme, répandent l’usage des plantes qui croissent naturellement dans les villages qu’ils par- courent. — 2 NES. >— — AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR. En 1847, la Société de médecine de Marseille récompensait d’une médaille d'or un premier travail du docteur Cazin père : Sur les ressources que la flore médicale indigène présente aux médecins de campagne, travail improvisé en quelque sorte, mais dont les matériaux étaient amassés depuis plus de vingt- cinq années, non en prévision d’un concours, mais dans le simple but d’être utile aux indigents et aux cultivateurs peu aisés du canton qu’il habitait. Le suffrage de la savante Société engagea M. Cazin à donner à son œuvre un plus grand développement, et en 1850 paraissait la première édition du Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes dont nous venons de reproduire la préface, qui expose avec tant de conviction les raisons de cette publication et l'opportunité de son apparition. Bien qu’il ne contint que des notions sur l’emploi thérapeutique des plantes de notre pays, le public médical tout entier fit à ce livre un si bien- veillant accueil qu’en peu d’années il fut épuisé. L'étendue et l’importance du sujet réclamaient un cadre plus large : c’est, en effet, sur un plus vaste plan que fut établie la deuxième édition. Les modifications qui y furent apportées furent tellement profondes, le travail si bien remanié qu’il pou- vait être considéré comme un nouvel ouvrage, ne conservant du premier que le titre et le but. Ainsi, avant les considérations thérapeutiques, le lecteur, qui a besoin de connaitre une plante pour l’'employer, y trouve la désignation des familles, suivant les classifications naturelles de Jussieu et de Richard, et artificielle de Linné, et la synonymie latine et française du végétal, ainsi que l’indica- tion des contrées où il croît et des soins à lui donner, s’il exige une certaine culture. La description détaillée et bien complète, la désignation des par- ties usitées, les précautions à prendre pour la récolte et pour la conserva- tion, des notions sur la composition chimique et la proportion des principes élémentaires auxquels sont dus les effets thérapeutiques, précèdent un ta- bleau dans lequel sont consignées les préparations pharmaceutiques dont la plante entière ou quelques-unes de ses parties seulement font la base, et les doses auxquelles on les emploie. Viennent ensuite l’action physiologique et toxique, établie d’après les expérimentations sur l’homme et les animaux, et enfin les propriétés médi- cinales. Ici l’auteur énumere les différentes affections dans lesquelles on les a employées avec plus ou moins de succès; puis, se livrant avec soin à l'étude XVI AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR. de leurs effets thérapeutiques, il passe en revue les recherches des anciens et des modernes, enregistrant leurs erreurs comme leurs utiles découvertes, et tâchant autant que possible de jeter un peu de jour sur les questions les plus obscures ou les plus controversées. Inutile de dire qu’il ajoute à ces recherches un grand nombre de faits nouveaux, dont la plupart lui sont propres et ont été recueillis dans une pratique de plus de quarante années. N'oublions pas de dire que souvent, et sans sortir de son cadre, l’auteur, à l’occasion d’une plante de notre pays, complète son travail en consacrant quelques lignes à l’examen des plantes exotiques de la même espèce, dont il compare les propriétés à celles de l'individu indigène. L'ouvrage se termine par des notions générales sur la conservation et la dessiccation des plantes, un calendrier floral, uue classification des plantes d’après leurs propriétés médicinales, une table des matières pathologiques et thérapeutiques, une table alphabétique des plantes contenant leurs noms scientifiques et vulgaires, leurs produits naturels et pharmaceutiques. Un Atlas de deux cents plantes lithographiées complète la partie descrip- tive des plantes les plus usitées. Ainsi refondu, cet ouvrage, consacré à une partie de la science générale- ment négligée dans les auteurs classiques, et pouvant être considéré comme le complément nécessaire de tous les traités de thérapeutique et de matière médicale, a été écrit avec une conviction sérieuse, résultat de vingt-cinq années de recherches et d’expérimentations spéciales. L'impulsion nouvelle donnée à la thérapeutique indigène, la propagation de l'institution des médecins cantonaux, l'insuffisance reconnue de bien des budgets communaux pour subvenir aux fournitures de médicaments exo- tiques souvent fort coûteux et presque toujours faciles à remplacer par des végétaux de nos pays, croissant naturellement et abondamment dans nos campagnes ou cultivés dans nos jardins, ont été les principales raisons des changements que l’on remarque dans cette publication. Telle était la deuxième édition. La troisième, qui paraît aujourd’hui, et dont la révision a été confiée par nous au docteur Cazin fils, n’en diffère que par des additions qui, mettant l’ouvrage au courant de la science, ren- dent compte des progrès accomplis depuis huit ans. Le plan général de l’ouvrage n’a pas été sensiblement modifié ; renoncçant à l’idée d’un supplé- ment dont les matières eussent perdu de leur intérêt par leur isolement même, les additions ont été intercalées dans le corps de l’ouvrage aux en- droits où leur place était désignée par la nature du sujet. Cela a nécessité certains remaniements, quelquefois des modifications dans l’ordre arrêté précédemment; mais l’auteur s’est imposé l’obligation de relier ces addi- tions au texte même de son père, de sorte que la lecture d’un article com- plet n’est pas interrompue; rien ne heurte, et l’on croirait au premier abord qu'il n’y a eu rien de changé; mais en comparant celte édition à la précé- dente, on pourra saisir les différences souvent capitales qui les séparent. Passons-les rapidement en revue. Et d’abord un grand nombre de plantes ont été ajoutées, soit qu’elles fussent introduites depuis peu de temps dans AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR, XVII la thérapeutique, soit qu'elles fussent récemment acclimatées dans nos con trées. Les plantes méridionales, peut-être un peu reléguées au second plan, sont mises en relief, et l’on a insisté sur plusieurs d’entre elles du plus grand intérêt; je cite au hasard : Redoul, Mandragore, Phillyrée, Lentisque, Téré- binthe, Iris officinal, etc., etc. Beaucoup d'articles ont recu de nouveaux développements souvent très-étendus: par exemple, les articles Aconit, Bel- ladone, Digitale, Ivraie, Pavot, Oronge (fausse), Pins et Sapins, Seigle (ergot de), Sumac, Tabac, Vigne, etc., etc. La synonymie vulgaire a été l’objet d’additions nombreuses en raison de l'utilité pratique que les médecins de campagne peuvent en retirer. La classification botanique a été revue avec le plus grand soin. Pour beaucoup de plantes, on a indiqué la sous-famille en plus de la famille naturelle déjà désignée. A la fin de chaque article, on à mentionné les variétés avec leur nom particulier, leur description rapide et les proportions dans lesquelles elles peuvent être substituées à la plante-type habituellement employée. La partie descriptive, qui demande une netteté d’expression si concise, a été mise au courant dés recherches les plus récentes, et la valeur de chaque caractère a été scrupuleusement discutée. Au lieu de donner quelques indications sur la culture de certaines plantes, comme dans la deuxième édition, chacune d'elles à son article Culture, où les soins particuliers à lui donner sont exactement relevés; on y montre l'influence sur la plante et sur les effets qu’on en peut obtenir de l'habitant et de la nature du soi.qui la nourrit ; on trouve aussi quelles sont les modi- fications que la culture elle-même imprime à telle ou telle espèce. Tout ce qui concerne la pharmacologie a été l’objet de corrections et de remaniements; pour la seconde moitié du livre, le nouveau Codex et la nouvelle édition de l’Offiicine-Dorvault ont été mis à contribution; par sa position dans une ville mixte, anglo-française, le docteur H. Cazin s’est trouvé à même d'étudier la matière médicale et la pharmacologie anglaises, et a fait entrer dans l’article Préparations pharmaceutiques et doses les prépa- rations de plantes les plus répandues en Angleterre. La partie chimique, qui, dans l’édition précédente, ne consistait qu’en des notions, est actuellement aussi complète que l'étendue de l’ouvrage le permet. À chaque article on peut trouver : la composition de la plante, si elle a été analysée ; l'énumération détaillée des corps qui en ont été extraits, son rendement, les caractères physiques et chimiques de ces corps, les réactifs qui révèlent leur présence, leur formule chimique connue, et enfin pour certains d’entre eux peu répandus leur mode d’extraction. Nous voici arrivés à la partie capitale de l’œuvre, la partie médicale pro- prement dite : comme dans l'édition précédente, elle comprend l'étude de l’action physiologique sur les animaux, sur l’homme sain, puis sur l’homme à l’état de maladie; en dernier lieu, la thérapeutique appliquée et rai- sonnée. Pour mettre cette partie au niveau de l’état actuel de la science, on a mis à contribution toutes les productions récentes, monographies, publications XVIII AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR. périodiques françaises et étrangères, communications aux Sociétés savantes, ouvrages classiques, etc., etc. | Le courant qui porte les études médicales vers la médecine expérimentale a été indiqué, et à chaque plante on trouve cités les noms de CI. Bernard, de Sée, de Béhier, etc., etc. Des paragraphes consacrés aux alcaloïdes ont reçu des développements importants : leur action isolée est mise en relief, puis comparée à celle de la plante elle-même ; à plusieurs reprises, on revient sur la valeur relative, au point de vue thérapeutique de la plante, où les principes actifs sont unis, sije puis m'exprimer ainsi, à l’état moléculaire vivant, et de l’alcaloïde, produit de réactions chimiques plus ou moins compliquées. Cette question est surtout discutée à propos des plantes qui contiennent plusieurs alcaloïdes. Signalons comme des plus complètes les pages où sont jugées les opinions sur l’antagonisme réciproque de certaines plantes. Les méthodes récentes qu’emploie la thérapeutique, les nouvelles voies d'introduction des médicaments sont indiquées. (Voyez, à propos de l’opium, une étude complète sur les injections sous-cutanées.) La médecine comparée offrant un intérêt dont la portée est connue, et la médecine vétérinaire de campagne ayant chaque jour besoin d’avoir un guide, la plupart des articles donnent des renseignements sur les doses et les indications des plantes usitées dans cette cpoee des connaissances médicales. En résumé, la présente édition, avec les améliorations que nous venons d’énumérer, peut être considérée comme un véritable Compendium de bota- nique médicale indigène, comme un Traité complet de thérapeutique natio- nale; elle ne s'adresse plus aussi exclusivement que ses aînées au praticien des campagnes; quoiqu'elle lui soit particulièrement destinée, tous les mé- decins indistinctement y trouveront les recherches des anciens, les tradi- tions et les travaux modernes sur tout ce qui concerne l’art de guérir à l’aide des végétaux de notre pays. —————— S BAD © ——— = INTRODUCTION A LA TROISIÈME ÉDITION. En publiant cette édition du TRAITÉ DES PLANTES MÉDICINALES INDIGÈNES, Je crois accomplir un devoir. Honorer la mémoire de mon père, tel est mon but; perpétuer son nom en perpétuant son œuvre, telle est la tâche qui m’incombe. Mais je ne me dissimule pas que, si le but est digne de tous mes efforts, la tâche est bien lourde pour ma jeune expérience, forcée de se substituer à une expérience vieille de plus de cinquante années de pratique. Me poser en continuateur de l’œuvre paternelle serait faire acte de témérité, si, associé pendant le cours de mes études médicales à la publication de la deuxième édition, agent d’une partie des re- cherches qu’elle a nécessitées, je ne nr’étais aujourd’hui inspiré des l’esprit éminemment médical qui a présidé à sa rédaction, si je ne prenais actuellement pour guide le souvenir des conseils éclairés de mon père, qui fut aussi mon premier maître. De plus, sentant tout le poids du travail que j’ailais entreprendre, J'ai prié un de mes maîtres et amis, Reveil, professeur agrégé de la Faculté de médecine, et à l’École de pharmacie, docteur en méde- cine, docteur ès sciences, pharmacien en chef de l'hôpital des Enfants-Malades, de me prêter son concours pour la partie pharma XX # INTRODUCTION A LA TROISIÈME ÉDITION. ceutique et la partie chimique; malheureusement la mort est venue briser cette carrière si brillante, et jeter le désespoir dans le cœur de tous ceux qui l'avaient vue s'ouvrir et se développer de succès en succès. Reveil me laissa seul au tiers de notre publication; le lecteur pourra juger (1) de la part que ce regretté savant y a prise ; il retrou- vera dans les additions qu’il y a répandues en trop petit nombre cet esprit sagace, ce savoir profond, ce jugement sain, doublé d’une vivacité et d’une ardeur toutes méridionales, qui caractérisaient le pharmacien en chef de l'hôpital des Enfants-Malades. Livré à mon seul travail, mais soutenu par ce double souvenir, je viens de terminer l’œuvre commencée en-commun; je la présente au public médical avec une confiance qui vient du mérite même de l'ouvrage de mon père, de son utilité reconnue, et des succès obtenus par les éditions précédentes. oulogne-sur-Mer, le 45 juillet 4867. H. CAZIN. (1) Toutes les additions renfermées entre les signes [ ] appartiennent à Reveil; toutes celles qui sont marquées des signes () doivent être attribuées au docteur H. Cazin. —S AD © ———— INDEX BIBLIOGRAPHIQUE D Cet index est loin de représenter une bibliographie complète, Les sources auxquelles il à été puisé ont été en grande partie mentionnées en note au bas de chaque page. Nous réunissons seulement ici les ouvrage cités fréquemment sans indication directe, traitant pour la plupart de matière médicale, et surtout de matière médicale indigène. AINSLIE. — Materia indica. London, 1826, 2 volumes in-8°. 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Argentorati, 1784, in-8°. — Pharmacopæa generalis. Strasbourg, 1783. STOLL. — Ratio medendi in nosocomio practico Vindobonensi. Vienne, 1783, 3 volumes in-8°. — Traduction française de Mahon. Paris, 1809, 3 volumes in-8°. STROMEYER. — Pharmacopæa medicaminum quæ in Pharm. Hannoverana non sunt recepla. Hann., 1852, p. 54. SwarTz. — Flora Indiæ occidentalis. Erlangen, 1797-1806, 3 volumes in-8° avec 29 planches. SwEDIAUR. -— Materia medica. 1800, in-42 ; puis peu après sous la même formule, avec des corrections : Pharmacologia seu cognitio medicamentorum, etc. Paris, 2 vol. in-12. — Pharmacopæia medici practici universalis. Leipsick, 1803, in-12. SYDENHAM. — Opera omnia. Londres, 1685, in-8°. — Traduction française de Jault. Paris, 1774, in-8°. SZERLECKI. — Dictionnaire de thérapeutique. 2 volumes in-8°, 1837. TABERNOEMONTANUS. — Recueil des plantes. 2 volumes in-folio, 4588-1590. THoMsoN (Anthony Todd). — Botanique du droguiste et du négociant en substances exotiques, traduit de l'anglais par E. Pelouze. Paris, 4827, in-12. THORNTON (Robert John). — The British Flora, or genera and species of british plants, _ arranged afler the reformed sexualsystem. Londres, 14812, 5 volumes in-8°. TournerorT. — Histoire des plantes qui croissent aux environs de Paris, avec leurs usages dans la médecine. Paris, Imprimerie royale, 1698, in-12; 1725, 2 volumes in-19, revue par Bern. de Jussieu. — Traité de la matière médicale, ou l'histoire et l'usage des médicaments, et leur analyse chimique, ouvrage posthume de Tournefort, mis au jour par M. Besmer. Paris, 1717, 2 volumes in-12. TRAGUS (Hyer.) et Bock. — De Stirpium, maxime carum quæ in Germania nostra nas- cuntur commentariorum lib. 1. Trad. Kyber. Argentinæ, 4552, in-4°. — Neues Kreuterbuch, von Unterscheide, etc. Strasbourg, 1572, in-folio. TROUSSEAU, — Clinique médicale de l’Hôtel-Dieu de Paris, 2° édition, 1863. 3 volumes in-8°, XXVIII INDEX BIBLIOGRAPHIQUE. TROUSSEAU et Pipoux. — Traité de thérapeulique et de matière médicale, 7° édition, 2 volumes grand in-8°, 1862. VAUQUELIN (Nic.-Louis). — Expériences sur les séves des végétaux. Paris, 1779, in-8°. VENEL. — Précis de matière médicale. Paris, 1788, 2 volumes in-8°. VicaT. — Matière médicale tirée de Haller, avec nombre d’additions fournies par l'au- teur, quelques observations du traducteur, et les usages économiques des plantes. Berne, 1776, 2 volumes in-8°. — Histoire des plantes vénéneuses de la Suisse, etc. Yverdun, 1776, in-8°. ViLLARS. — Histoire naturelle des plantes du Dauphiné. Grenoble, 1786-89, 3 volumes in-8°, allas. VITET. — .. médicale réformée, ou Pharmacopée médico-chirurgicale, etc. Lyon, 0. — Médecine expectante. Lyon, 4803, 6 volumes in-8°. _ Le Médecin du peuple. Lyon, 1804, 13 volumes in-12. WAUTERS. — Dissertatio botanico-medica. Gandavi, 1785, in-8°. — Traité du choix des exutoires. Bruxelles, 1803, 2 volumes in-8°. — Repertorium remediorum indigenorum exoticis in medicina substituendo- rum, elc. Gandæ, 1810, in-8°. WILLEMET. — Matière médicale indigène. Nancy, 1793, in-8°. — Lichenographie économique. Lyon, 1787, in-8°. — Phytographie encyclopédique de Lorraine. Nancy, 1780, in-8°. -- Flore économique (Phytographie encyclopédique). Nancy, 1789, 3 volumes in-8°, et Paris, 4808 (avec le titre de Flore économique). WiLLis (Thomas). — Pharmaceutica rationalis, seu diatriba de medicamentorum ope- ratione in corpore humano, 2 volumes in-4°. Oxford, 1673-1675. ZACuTus LuSITANUS. — Opera omnia, Lugduni, 14657, 2 volumes in-folio. 6 DO ©. TRAITÉ PRATIQUE ET RAISONNÉ DES PLANTES MEDICINALES INDIGÈNES. ——— —— ABRICOTIER. Prunus armeniaca. L. Armeniaca. T. RosACÉES. Fam. nat. — Tribu des DRUPACÉES. R. — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L. ( Cet arbre fruitier, originaire de l'Orient, est cultivé dans les jardins, en espalier et en plein vent. Il en existe en France plusieurs variétés; l’abricot de Briançon croît à l’état sauvage dans le Dauphiné.) (Description.— Feuilles larges cordiformes, limbe à l’extrémité d’un pétiole allongé. — Fleurs blanches à l'extérieur, pétales teints de rose à l’intérieur. — Eta- mines nombreuses. — Ovaire supérieur, — Style à stigmate simple. — Fruit: drupe sucrée, aromatique, renfermant un seul noyau, ovale, oblong, comprimé, sillonné, an- guleux à ses bords. | (Parties usitées. — Le fruit, lamande.) (Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'amande est amère et susceptible de produire, sous l'influence de l’eau, une huile volatile pesante, analogue à celle de l’amygdalus amara; de l'acide cyanhydrique. Les distillateurs font avec cette amande une liqueur, le noyau. Les graines de l’abricot de Briançon fournissent une huile douce dite huile de marmotte. Les tourteaux sont, d’après Guibourt, propres à engraisser le bétail. Il découle de l’abricotier soit spontanément, soit à la suite d’incisions, une gomme solide, translucide, ordinairement rougeàtre, à peine soluble dans l’eau, qui est une des espèces de gommes du pays.) (La chair sucrée et pulpeuse du mésocarpe de l’abricot, mangée fraiche ou à l'état de conserve molle, a été regardée comme dépurative. Les Arabes (1) la font cuire, la dessèchent, et la recommandent, à titre de nourriture exclu- sive, comme un excellent moyen de guérir l’aphonie. Bouillis dans l'huile et mangés chaque matin, les abricots apaiseraient la diarrhée, si l’on en croit les guérisseurs de l'Algérie. Les amandes, souvent mêlées aux amandes amères dans le commerce, participent, mais à un moindre degré, des propriétés de ces dernières. On les a recommandées comme vermifuges.) ABSINTHE. Artemisia absinthium. L. Absinthium vulgare majus. BAUH. — Absinthium ponticum seu Romanum officinarum, seu Dioscoridis. T. Absinthe commune ou officinale, — grande absinthe,— absin menu,— alvuine, — herbe sainte, — herkte aux vers, — aluine, — armoise amère, — armoise absinthe. SYNANTHÉRÉES, tribu des CORYMBIFÈRES. Fam. nat. — SYNGÉN. POLYG. SUPERF. Linné. L’absinthe (PI. I), plante herbacée, vivace, croît dans presque tous les climats, dans les lieux incultes, sur le bord des chemins. On la cultive dans les jardins. (1) Bertherand, Malière médicale arabe (dans la Gazetle médicale de l'Algérie, 1859). Il 2 ABSINTHE, [La grande absinthe à été appelée par Lamarck Absinthium vulgare, el par A. Richard À. ofjicinale. Elle était alors regardée comme le type d’un genre distinct. On l’a aujourd’hui réunie aux artemisia, où Linné l'avait placée.] Deseription.— Souche ramifiée supérieurement et portant de nombreuses ra- cines grêles et cylindriques. — Tige droite, de 60 à 70 centimètres, dure, cannelée, rameuse, d’un gris cendré, remplie d’une moelle blanche.— Feuilles alternes, pétiolées, molles, d’un vert argenté ; les inférieures tripinnatifides, celles du milieu bipinnatifides, les supérieures simplement pinnatifides ou même entières, bractéiformes, allongées, ob- tuses: segments lancéolés; inflorescence en capitules. — Fleurs petites, globuleuses, jaunâtres, en grappes axillaires (juillet-septembre), fleurons hermaphrodites au centre, à cinq dents, femelles au disque, tubulés. — Calice à folioles scarieuses, globuleux. — Réceptacle convexe, entouré de bractées inégales, imbriquées, vertes, nues, formant ’involucre, le reste du réceptacle est chargé de petits poils fins et dressés dans l’in- tervalle des fleurs. — Cinq étamines libres par leurs filets, mais soudées par leurs an- thères, biloculaires, introrses. — Ovaire infère. — Style cylindrique, grêle, dressé, stigmate bilobé, ovule anatrope, dressé au fond de l'ovaire, — Le fruit est un akène obovale, nu, couronné par une cicatrice de la corolle. ] (Culture. — Demande une terre légère, une exposition chaude et du soleil, se multiplie par semis des graines ou par division des souches, qui se font au commence- ment du printemps; dans le nord de la France il faut, en hiver, labriter ou l’entourer avec un paillis. | Parties usitées. — Les feuilles et les sommités. Récolte. — On la récolte à l’époque de la floraison. Après avoir disposé en guir- landes les sommités bien mondées, on les fait sécher à l’étuve ou au séchoir. L'absinthe sèche doit être peu longue, portant des feuilles nombreuses, sans taches noires ou jaunes, odorante et d’une amertume très-prononcée. Selon Hoffmann et Geoffroy, elle fournit plus d'huile volatile quand elle à été cueillie par un temps pluvieux ou dans un lieu humide, Propriétés physiques et chimiques. — D'une odeur forte et aroma- tique, d'une amertume devenue proverbiale, l’absinthe renferme, d’après Braconnot, une matière azotée très-amère, une matière azotée presque insipide, une matière rési- niforme très-amère, une huile volatile verte, de la chlorophylle, des sels de potasse. L'eau froide et lalcool s'emparent de ses principes actifs. L'huile essentielle s’évapore facilement dans certaines préparations, mais les deux autres principes actifs restent el suffisent pour lui conserver l’amertume qui lui est propre. Suivant Geoffroy et Cullen, les feuilles contiennent plus de principes actifs que les sommités fleuries ; elles sont, en effet, plus amères. Substances incompatibles : les sels de fer, de zinc et de plomb. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Eau distillée, 15 à 100 gr. en potion. Infusion aqueuse, 10 à 30 gr. par kilogramme d’eau froide ou. chaude. Suc frais, 4 à 18 gr. suivant l'indication, le plus souvent étendu dans un véhicule aqueux ou vineux. Sirop (1 d’infusion sur 2 de sucre), de 15 à 100 gr., et comme édulcorant. Poudre, 1 à 2 gr. comme tonique, 4 à 16 gr. comme fébriluge. Extrait (par évaporation du suc, ou par ré- duction de l’infusion}, de 2 à 4 gr. comme tonique, de 4 à 10 gr. comme fébrifuge. (On l’amène à la consistance pilulaire avec la poudre d’absinthe, ce qui augmente son énergie.) Vin (1 sur 30 de vin blanc), de 30 à 125 gr. Bière (1 sur 30 de bière), de 30 à 125 gr. Teinture (1 sur 8 d’alcool à 21 degrés), de 2 à 10 gr. et plus en potion ou dans le vin blanc. ; Huile essentielle, de 50 centigr. à 1 gr. en po- tion, sirop, pilules. Huile fixe (par digestion) (absinthe, 60 gr.; huile d'olives, 500 gr.), 15 à 60 gr. Conserve (1 sur 2 de sucre), de 4 à 15 gr. comme tonique, de 8 à 16 gr. comme fébri- fuge. À L’EXTÉRIEUR, — En infusion, décoction, pour lotion, fomentation, et en cataplasme. [Les préparations pharmaceutiques de l’absinthe peuvent être divisées en trois groupes : 4° celles qui renferment le principe amer à peu près seul, tels sont l’extrail et la décoction d’absinthe : ce principe amer a été obtenu pur par Mein et Luck et nommé par eux absinthine; 2° les préparations qui ne contiennent que le principe vo- latil ou essence : telles sont l’eau distillée et l'essence ; 3° enfin, celles dans lesquelles ABSINTHE. 3 les deux principes sont réunis : comme la poudre, l’infusion, le suc frais, le vin, la bière, la teinture, l'huile fixe, les conserves. | Les préparations les plus convenables de l'absinthe sont le suc incorporé dans une conserve, le vin, la teinture aqueuse faite à froid et la poudre. La plante fraiche est plus active que la sèche, cette dernière ayant perdu une partie de son huile essentielle. La décoction et l'extrait aqueux, par la même raison, sont moins actifs que la simple infusion ou la poudre, L'eau distillée d’absinthe est un médicament peu chargé de principes énergiques. Le sel essentiel d’absinthe produit par l'incinération de la plante, par lixiviation et évaporation, est principalement formé de carbonate de potasse, il était autrefois en grande faveur, Boerhaave donnait 2 gr. de ce sel à ceux qui ne pouvaient supporter le quinquina. On le croyait un ingrédient nécessaire à la potion antiémétique de Rivière (4 gr. 20 cent. de sel d’absinthe dans une cuillerée de suc de limon, à laquelle on ajou- lait quelquefois une eau aromatique administrée au moment de l'effervescence.) On prépare aujourd’hui cette potion avec une solution d'acide tartarique ou d'acide citrique ou fe suc de citron et le bicarbonate de potasse, dont le sel d’absinthe ne diffère point. L'absinthe entre dans la teinture d’absinthe composée, le sirop d’absinthe composé, la teinture amère ou élixir de Stougton, les pilules balsamiques de Stahl, les pilules antecibum, le vinaigre antiseptique ou des Quatre-Voleurs, etc. L'absinthe, à dose modérée, excite l’estomac, aiguise l'appétit, facilite la digestion, accélère les fonctions circulatoires et sécrétoires. A forte dose, elle détermine de la chaleur à l’épigastre, de la soif, une excitation générale. Giacomini, qui, en état de santé, a expérimenté sur lui-même l’ab- sinthe sous forme de teinture aqueuse, loin de la regarder comme hyper- sthénisante, la considère, au contraire, comme hyposthénisante. « Lorsque j'en prenais à jeun, dit-il, je sentais de suite un très-grand besoin de pren- dre des aliments; mon estomac m'accusait une sorte de vide assez incom- mode, puis j'éprouvais de la langueur générale, une sorte d’épuisement et même des obscurcissements dans la vue et des vertiges. Je mangeais des aliments solides, et le tout se dissipait promptement. Si, au lieu d'aliments, je me contentais de boire quelque liqueur alcoolique, les symptômes dispa- raissaient également. Si je prenais, au contraire, du café à l’eau ou de la limonade, le malaise augmentait. Je n’ai pas été le seul à éprouver ces effets de l’action de l’absinthe; d’autres personnes bien portantes, auxquelles j'en ai fait prendre, se sont trouvées exactement dans le même cas. Que con- clure ? C’est que l’absinthe agit sur l'estomac comme un véritable hyposthé- nisant. » { La doctrine du professeur de Padoue trouverait peut-être son explica- tion dans l'existence d’une propriété narcotico-âcre, presque vireuse, dans l’absinthe. Déjà les anciens avaient remarqué les inconvénients de l'usage trop fréquent de cette plante.) Lindestolpe, dit Bodart, éprouvait de violents maux de tête et de l’inflammation aux yeux, toutes les fois qu'il faisait usage de l'extrait ou de l’essence d’absinthe. Triller affirme avoir vu plu- sieurs personnes atteintes de maux de tète véhéments pour avoir pris une très-pelite dose d’huile essentielle de cette plante. Cartheuser en proscrit l'usage, à cause de ses propriétés narcotiques. J'ai observé ces effets chez un jeune cultivateur d’un tempérament sanguin, qui, atteint d’une irritation gastrique, avait pris du vin d’absinthe pendant quinze jours pour se for- tifier l'estomac. J’ai vu, par la même cause, une femme irritable atteinte de gastralgie et d’affections herpétiques, revenant chaque printemps, éprouver des céphalalgies, des vertiges, avec injection des conjonctives. L’addition ou la substitution de l’absinthe au houblon, dans la fabrica- tion de la bière, soit pour en modérer la fermentation et en empêcher l’aci- dité, soit par économie, rend cette boisson plus enivrante ; c’est un fait que j'ai pu vérifier. J'incline avec Trousseau et Pidoux, à reconnaitre dans l’absinthe une pro- priété un peu vireuse, narcotique. «Il est certain, disent ces auteurs, que la l ABSINTHE. liqueur connue sous le nom d’eau ou de crème d'absinthe enivre très-facile- ment, produit des vertiges et un état nauséeux qui n'appartient pas à l’al- cool, mais à l’absinthe. Cet état retrace à un faible degré et incomplétement une légère intoxication par quelque substance narcotico-âcre. » (Les opinions sont bien partagées sur le rôle de l’absinthe dans la pro- duction des accidents consécutifs à l’usage de la liqueur dont nous venons de parler (1). Evidemment, l’action enivrante est plus grande que dans les autres bois- sons; mais ici, a-t-on dit, l'alcool est à 70 degrés, et la véritable cause des troubles plus graves est dans la concentration alcoolique plus grande. Motet (2), Anselmier (3), trouvent dans la plante elle-même l’action délé- tère. Moreau (4) admet une action légèrement plus excitante dans la liqueur; mais il] l’attribue à son mode d'emploi, à l'émulsion que produit le buveur, mode d'emploi tellement connu, que nous ne le décrirons pas. Dans une récente communication à l'Académie des sciences (1° août 1864), le docteur Decaisne dit : «L’ivresse arrive rapidement, et l’effet produit est celui ou à peu près de l’empoisonnement par un poison narcotique, ce qui n’arrive pas, certainement, avec l’eau-de-vie à dose égale. La sensation de sécheresse au gosier existe presque toujours. L'abus de la liqueur d’absinthe produit, à la longue, des phénomènes cérébraux plus marqués, plus durables, un abrutissement plus profond que ceux de l’alcoolisme ordinaire. Ces symptômes sont-ils assez saillants pour que leur ensemble mérite le nom d’absinthisme? Nous sommes porté à le penser. Les soldats d’Afrique nous ont donné, à ce sujet, de tristes exem- ples; nos poètes les plus gracieux n’ont-ils pas été les victimes de ce nou- veau fléau? Stupeur, hébétude, hallucinations terrifiantes, affaiblissement intellectuel rapide, nous paraissent spéciaux à cette substance; l'alcoolisme est doublé de l’absinthisme. Pour vérifier l’action toxique spéciale de l’absinthe, Marcé a entrepris une série d'expériences sur les animaux (5); 2 à 3 gr. d’essence, administrés à des chiens, à des lapins, ont amené des tremblements, de l’hébétude, de la stupeur, de l’insensibilité, et tous les signes d’une terreur profonde ; à dose plus élevée, convulsions épileptiformes, avec évacuations involontaires, écume à la bouche, respiration stertoreuse. Aug. Voisin dit avoir fréquemment rencontré une dégénérescence grais- seuse du cœur et particulièrement du ventricule chez les individus qui suc- combent, à Bicêtre, aux suites d’excès alcooliques par l’absinthe. Renard, médecin major à l’hôpital militaire de Bathna, a constaté, dans trois cas semblables, un amincissement et une translucidité remarquable des os du crâne. Est-ce là coïncidence fortuite ou régulière? L'étude ultérieure des faits en décidera) (6). (1) Plusieurs auteurs pensent que la véritable crème d’absinthe, ou absinthe suisse, est pré- paiée avec différents arlemisia \oisins des génépis, et surtout avec l'A. alpestris. On y ajoute souvent de l’angélique, de la badiane, etc., pour l’aromatiser davantage. Marcé assure que, sur 100 litres d’alcool, il y a dans la liqueur jusqu’à 20 grammes d’essence d’absinthe officinale. Ce qui augmente encore le danger de cette boisson, ce sont les sophistications, les falsifications nombreuses dont elle est l’objet. Elles ont surtout pour but d'arriver à une belle coloration; différentes substances, et surtout le sulfate de cuivre, sous le nom de bleu éteint, s'ajoutent à la liqueur pour lui donner les apparences qui lui manquent. Les moyens de reconnaitre ce sel sont nombreux. Nous citerons seulement le plus simple : évaporation jusqu’à consistance d’ex- trait, incinération, reprise des cendres par un acide, addition d’ammoniaque. Il se produit une coloration bleue qui dénote l’existence du poison. D’après Stan. Martin, on aurait poussé la sophistication plus loin encore, en ajoutant du chlorure d’antimoine à l’absinthe! (2) Sur l'alcoolisme et plus particulièrement des effets toxiques de la liqueur d’absinthe. Thèse inaugurale de Paris, 1859. (3) Empoisonnement par l'absinthe. 1862. (4) Liqueur d'absinthe et ses effefs. 1863. (5) Comptes-rendus de l’Académie des scienres, avril 1864. (6) Recueil de mémoires de médecine el de chirurgie militaires, juillet 1864. ABSINTHE, 5 Tout ce que nous venons de rapporter sur les effets physiologiques de l'absinthe révèle dans cette plante, indépendamment de ses autres pro- priétés, un principe dont l’action spéciale sur le cerveau et le système nerveux ne saurait être révoquée en doute. L’absinthe doit être proscrite chez les tempéraments sanguins ou bilieux, et dans tous les cas où il existe une irritation vasculaire, une prédisposition phlegmasique de l'estomac, de la pléthore sanguine, une tendance congestive vers les cavités splanch- niques, et notamment vers la tête. Cette appréciation, fondée sur l’expé- rience, n'implique point contradiction. L’absinthe, au point de vue de son action thérapeutique, est généralement considérée comme tonique, stimulante, fébrifuge, antiseptique, anthelmin- tique, diurétique, emménagogue. On l’emploie principalement dans les affections atoniques du canal digestif (dyspepsies nerveuses ou par débilité de l'estomac, helminthiase, diarrhée chronique, flatuosités, etc.), dans la chlorose, l’aménorrhée asthénique, les affections scrofuleuses, le scorbut, l'hydropisie et surtout l’anasarque, les fièvres intermittentes et leurs effets consécutifs, tels que les engorgements spléniques ou hépatiques, la cachexie paludéenne manifestée par la pâleur, la bouflissure, l’æœdème, l’hydropisie, la faiblesse générale. — A l'extérieur, l’absinthe est employée comme déter- sive, antiseptique, tonique et résolutive. L'absinthe est une des plantes indigènes les plus précieuses. Les anciens ont célébré ses vertus. Galien la regardait comme un puissant tonique, et cette opinion est encore celle des médecins les plus distingués de nos Jours. Lupis (1) a publié de nombreuses observations constatant que l'extrait d’ab- sinthe, donné à la dose de 2 à 4 grammes, a guéri des fièvres intermittentes de divers types. Ce fébrifuge a réussi entre les mains de Pinel (2), qui l’em- ployait fréquemment à l'hôpital de la Salpêtrière; dans celles d’Alibert; de Burtin (3); de Wauters, qui l’a proposé comme succédané du quinquina et du quassia amara. Chaumeton, dont l’incrédulité en matière médicale indigène est connue, s'exprime ainsi sur les propriétés fébrifuges de l’absinthe : «J'ai mille fois employé cette plante avec succès pour la cure des fièvres intermittentes de tous les types : lorsque j'avais à traiter une simple tierce, je me contentais de prescrire une légère infusion des feuilles et des sommités : s’agissait-il d’une quotidienne ou d’une quarte, je faisais prendre chaque jour 30 grammes de vin d’absinthe, et si je remarquais des obstructions abdominales, je dimi- nuais la quantité de vin et j’administrais tous les matins 2 grammes d’ex- trait. » Bodart a subjugué plusieurs fièvres intermittentes rebelles au moyen du suc d’absinthe fraîche aromatisé avec un peu de jonc odorant, à la dose d’une demi-cuillerée, administrée à plusieurs reprises dans un véhicule vi- neux. J'ai souvent employé l’absinthe dans les marais du Calaisis contre les fièvres intermittentes, quand l’état des voies digestives me le permettait. Elle m'a surtout réussi dans les cas de récidive, après un long usage des préparations de quinquina, et lorsque l’atonie générale, l’engorgement de la rate, la décoloration de la peau, l'infiltration du tissu cellulaire se présen- taient comme symptômes consécutifs de l’intoxication miasmatique. Entre autres faits, je citerai celui d’un manouvrier âgé de quarante et un ans, d’un tempérament lymphatique, habitant une chaumière basse, non aérée, sur le bord d’une tourbière, et qui, depuis deux ans, était atteint d’une fièvre intermittente, plusieurs fois suspendue par l’usage du sulfate de quinine, et reparaissant ensuite sous divers types. Je vis ce malade en novembre 1832. (1) Journal de pharmacie, t. XIV, p. 62. (2) Médecine clinique. (3) Mémoire couronné 2 » l'Aradémie des sciences de Bruxelles, p. 41. 6 ABSINTHE, Atteint alors d’une fièvre quotidienne, il était accablé sous le poids de la misère et de la maladie. Les accès avaient peu d'intensité; mais les extré- mités inférieures étaient œdématiées, la face infiltrée et blafarde, la rate manifestement engorgée, la débilité très-grande. Le vin d’absinthe, à la dose de 60 grammes en augmentant graduellement jusqu'à celle de 150 grammes par jour, rétablit promptement les forces, augmenta la sécrétion urinaire, diminua peu à peu le volume de la rate, fit disparaître l’œdématie, inter- cepta les accès dans l’espace de six à huit jours, et amena un rétablissement complet, et non suivi de récidive, au bout de vingt jours de traitement. Je me suis toujours très-bien trouvé de l'emploi du vin d’absinthe dans l’anasarque provenant de fièvres intermittentes négligées ou se prolongeant sous l'influence permanente de l'humidité et des effluves marécageux. Je prévenais les rechutes en ajoutant à ce vin, après la disparition de l’hydro- pisie, 30 à 60 grammes de teinture de Mars tartarisée. J’ai employé ce mé- lange avec succès, non-seulement dans la cachexie paludéenne, mais aussi contre la chlorose, la chloro-anémie, si fréquentes dans les lieux où les fièvres intermittentes sont endémiques. La leucorrhée, liée à l’atonie des voies digestives, a été souvent combattue avec succès par l'usage des préparations d’absinthe. Alibert les employait avec avantage dans cette maladie. Parmi Les cas semblables où l’absinthe m'a réussi, je rapporterai le suivant comme le plus remarquable : La vicomtesse de F....., âgée de trente-six ans, tempérament lymphatico- nerveux, ayant eu deux enfants (le dernier âgé de trois ans), se fatigua beau- coup dans les soirées, les bals et les concerts de la capitale pendant l'hiver de 1846. De retour à sa campagne au printemps, où elle réclama mes soins, je la trouvai atteinte de flueurs blanches abondantes, jaunâtres, inodores, contre lesquelles un médecin distingué de Paris avait presérit des pilules de goudron, des injections alumineuses, et, en dernier lieu, des injections avec le sulfate de zinc et le tannin. Ces moyens n'avaient diminué que momenta- nément l'écoulement leucorrhéique, exempt d’ailleurs de toute douleur uté- rine et d’irritation vaginale, et n'ayant apporté aucun changement dans la menstruation; seulement le col de la matrice était boursouflé, mou. Devenu d’une abondance extrême, ce flux était accompagné de tiraillements d’esto- mac, de dyspepsie, de constipation, de débilité générale, d’une diminution notable de l’embonpoint et d’une profonde tristesse. Je fis Immédiatement administrer à Mwe de F..... le vin d’absinthe à la dose d’abord de 30 gram- mes, que j'augmentai progressivement jusqu'à celle de 60, 80 et 100 gram- mes, par jour, en plusieurs fois. On n’employa plus à l’extérieur que des injections d’eau simple. Après dix jours de ce traitement, aidé d’un régime analeptique, le flux utérin avail diminué de moitié, les digestions étaient plus faciles, l’état général plus satisfaisant, la gaîté revenue. La leucorrhée, diminuant chaque jour de plus en plus, était tarie au bout d’un mois, et le retour à la santé complet. —Dans la recherche des indications curatives, on oublie trop souvent le point de départ d’une maladie, la cause qui la pro- duit ou l’entretient; on se préoccupe exclusivement des manifestations ex- térieures et locales, que l’on considère à tort comme idiopathiques, et qui, dans beaucoup de cas, ne sont que des effets contre lesquels la médication est inutilement dirigée. L’absinthe n’a d'efficacité, comme emménagogue, que dans les cas d’amé- norrhée par inertie utérine, ou par débilité générale. Elle a moins d’action spéciale sur l'utérus que l’armoise vulgaire. (Dans la coupable espérance de ramener un flux menstruel, dont la disparition avait une cause plus que pré- sumée, nous avons vu plusieurs malheureuses ingurgiter des quantités considérables d’absinthe, et cela sans le moindre effet attendu.) Plusieurs praticiens, et entre autres le célèbre Haller, ont vanté les bons effets de l’absinthe dans les affections goutteuses, compliquées d’atonie des organes \BSINTHE, 7 digestifs. Vitet la recommande aiguisée de carbonate de soude, à l'in- térieur, en bains, en lavements contre les scrofules. Elle a été donnée avec succès dans l’hydropisie par Matthiole, Vesling, Haller et Heister, Ce dernier parle d’une femme ascitique avec anasarque, guérie par l'usage de l’infusion d’absinthe avec des baies de genièvre, usant de bière pour boisson. L’absinthe agit, dans ce cas, en même temps comme tonique et diurétique. Willis, au rapport de Chomel, recommande pour l’anasarque le remède suivant : «Faites calciner jusqu’à blancheur les cendres d’absinthe ; passez-les par un tamis et en mettez en digestion 4 onces (125 gr.) dans 2 livres (1,000 gr.) de vin blanc, dans un vaisseau bien bouché, pendant trois heures; passez la liqueur. La dose en est de 6 onces (185 gr.), même de 8 onces (250 gr..), deux fois par jour.» Les cendres de genêt produisent le même effet que celles d’absinthe. L'effet diurétique est dû au carbonate de potasse qu'elles contiennent. L'absinthe est un excellent vermicide, dont l’usage, continué après la destruction des vers intestinaux, en empêche la reproduction. Le vin com- posé d’absinthe et d’ail (de chaque 30 gr. pour 1 litre de vin blanc), donné à la dose de 30 à 100 gr. par jour, m'a réussi comme fébrifuge et anthelmin- tique chez les sujets pauvres, lymphatiques, détériorés par la misère, habi- tuellement vermineux ou soumis à l'influence délétère des marais. Je donne aussi avec avantage le vin d’absinthe auquel j'ajoute les fleurs ou les fruits de tanaisie. L'huile fixe d’absinthe à l’intérieur, à la dose d’une ou deux cuillerées à bouche et en topique sur le bas-ventre, tue promptement les vers. Sylvius préconisait la poudre des feuilles étendue dans du miel. Ce mélange, épaissi en consistance convenable et employé en suppositoire, est très-efficace contre les ascarides vermiculaires, de même que la décoction concentrée de la plante en injection dans le rectum. « Lorsque le tænia donne lieu à des accidents graves, le moyen qui les apaise avec le plus de prompjitude, dit Hufeland, est une cuillerée à bouche de teinture d’absinthe. » J'ai mis en usage avec succès un vin fait avec l’absinthe et l'écorce de saule blanc. Il m'a offert, dans la plupart des cas, le même avantage que le vin de quinquina. Je l’ai employé dans la débilité des organes digestifs, et dans la leucorrhée chronique causée ou entretenue par cette débilité, dans l’épuisement des forces à la suite de longues maladies fébriles, d’hémor- rhagies utérines, de suppurations abondantes, etc. Dans ces cas, j'en fais prendre une ou deux cuillerées à bouche trois ou quatre fois par Jour. Comme fébrifuge, j’en administre 80 à 150 gr. dans l'intervalle des accès. Lorsque les circonstances nécessitent un long usage de labsinthe, on doit en suspendre de temps en temps la prescription. Ses effets thérapeutiques deviendraient nuls par l'habitude. Cette plante peut d’ailleurs, à la longue, donner lieu à une irritation permanente de la muqueuse gastrique, agir sur le système nerveux, et amener les phénomènes que nous avons signalés en parlant de ses effets physiologiques. (S'il faut en croire l’école de Salerne (1), le mal de mer trouverait dans l’absinthe un remède infaillible.) (Les vétérinaires donnent l’infusion aux moutons frappés de cachexie aqueuse, en poudre incorporée dans du miel (8 à 16 gr.); elle est utilisée dans les cas d’hydroémie ou pourriture.) A l’extérieur, l’absinthe est puissamment détersive et antiseptique. Elle arrête la dégénérescence putrilagineuse des plaies, la pourriture d'hôpital, la vermination dans les ulcères, la gangrène. J’ai eu l’occasion de l’em- (1) Prêt à vous embarquer, buvez du vin d’absinthe ; Contre les maux de cœur c’est un préservatif; Du nitre de la mer, de son air purgatif, Vous n’aurez tout au plus qu’une légère atteinte. 8 ABSINTHE, ployer avec succès dans le phlegmon diffus gangréneux; je me sers, dans ce cas, d’une forte décoction des feuilles, à laquelle je fais ajouter une cer- taine quantité de sel commun. On peut aussi en faire une décoction dans l’eau de mer ou dans la. saumure. Contre les ulcères atoniques ou scrofu- leux, de même que dans les plaies entretenues par l'abondance de la sup- puration, j'applique le suc exprimé d’absinthe étendu plus ou moins dans l’eau, et dont j'imbibe les plumasseaux. L'hiver, j'emploie de la même ma- nière l'extrait, préparé par inspissation du suc au soleil ou au bain-marie, ou par macération et évaporation. La décoction d’absinthe en lotions a été recommandée dans le traitement de la gale, de l'œdème, des engorgements lymphatiques; introduite en vapeur dans l’oreille, elle a produit du soula- gement dans l’otalgie. La teinture alcoolique d’absinthe est employée comme excitante et résolutive ; elle peut remplacer la teinture d’aloès comme dé- tersive et antiseptique. — (Les Arabes broïent la plante dans l'huile ou le miel, et l’appliquent sur le crâne préalablement rasé, dans le but d’arrêter la chute des cheveux.) ABSINTHE PONTIQUE ou ROMAINE, petite absinthe, absinthe romaine {(Artemisia pontica), cultivée dans nos jardins. — 30 centimètres environ de hauteur, tiges nombreuses, garnies de feuilles finement incisées et deux fois ailées; fleurs petites, arrondies, penchées, en grappes droites et terminales; odeur plus forte, mais saveur moins amère et action plus faible que la grande absinthe. Employée dans les mêmes cas. [ Sous le nom de petite ab- sinthe, on livre souvent au commerce des espèces bien distinctes : ce sont les Artemisia gallica, W.; aragonensis, Lamk.; cærulescens, L., etc.] ABSINTHE MARITIME (Artemisia maritima, L.; absinthium, seriphium bel- gicum, G. Bauh.). Plante des côtes maritimes de l’Europe, qui croit .en abondance dans les marais de la Saintonge ; de là son ancien nom de Santo- nicum; se trouve aussi en abondance sur les côtes du département de la Somme {Petit-Lavier, Petit-Port, Noyelles-sur-Mer, Saint-Valery), dans le Pas-de-Calais et le Nord (Etaples, Boulogne, derrière la citadelle de Dunker- que, autour du fort Nieulay, à Calais); plus cotonneuse et plus grêle que la grande absinthe. Tige de 3 à 6 décimètres, striée, rameuse; feuilles multi- fides, à lobes linéaires, plans, sub-obtus; fleurs jaunâtres, petites, nom- breuses, pendantes, à grappes terminales; involucre ovoïde, cotonneux à la base, renfermant cinq ou sept fleurs, dont deux ou trois femelles (sep- tembre). { Le duvet abondant dont elle est recouverte la différencie de l’absinthe pontique; on la distingue de la grande absinthe par l’étroitesse de ses feuilles, sa saveur moins amère et par son odeur plus agréable, qu’on a comparée à celle de la mélisse ou de la citronelle.] Cette plante est employée, d’une manière tout à fait populaire, dans nos campagnes comme anthelmintique. On en fait bouillir 4 gr. dans 100 gr. d’eau; on édulcore avec suffisante quantité de sucre, et l’on administre cette dose à jeun pendant plusieurs jours. (Stan. Martin (1) en a exalté les propriétés vermifuges.) L’absinthe maritime est un excellent tonique. Je Pai vu employer avec succès dans tous les cas où l’absinthe commune est indi- quée, et principalement dans les affections scrofuleuses, en l’associant au varech vésiculeux. Une forte décoction de ces deux plantes a dissipé des engorgements glanduleux contre lesquels divers moyens avaient été inutile- ment mis en usage. (1) Bulletin général de thérapeutique, t. XXI, p. 113. ACANTHE. — ACHE. 9 ACANTHE. Acanthus mollis. L. Branca ursina. Vulg. — Acanthus sativus, vel mollis Virgilü. B. L Branc ursiné, — branche ursine, — inérine. ACANTHAGÉES. — ACANTHÉES. Fam, nat, — DIDYNAMIE ANGIOSPERMIE. L. L'acanthe (PI. I), que l’on cultive dans les jardins pour l’agrément, croit naturellement dans le midi de la France, dans les terrains pierreux, sur le bord des chemins. Le nom de branche ursine vient de la prétendue ressem- blance de ses feuilles avec les pieds antérieurs de l'ours, Elles servent de modèle d'ornement en architecture, où elles ont été introduites par Calli- maque, sculpteur grec. Description. — Racine épaisse, fibreuse, horizontale, de 50 à 70 centimètres, droite, ferme, un peu anguleuse et pubescente.— Feuilles radicales, très-grandes, pin- natifides, sinuées, anguleuses, molles, lisses. et d’un vert foncé, embrassant la partie inférieure de la tige. — Fleurs grandes, d'un blanc jaunâtre ou rougeûtre, sessiles, formant un bel épi; chaque fleur munie d’une bractée ovale, épineuse, qui la soutient (de juillet à octobre). — Calice de quatre divisions dont deux latérales, la supérieure plus grande, tenant lieu de lèvre supérieure à la corolle, qui a un tube court et qui s'allonge en une seule lèvre large et trilobée; quatre étamines didynames à filets gros, style les dépassant. — Fruit: capsules ovales à deux loges, dans chacune une seule graine roussâtre. [Culture.— L'acanthe n’est guère cultivée que comme plante d'ornement; à peu près indifférente sur le sol, elle préfère cependant une terre profonde, douce et légère, et une exposition chaude; on la sème de graines vers la fin de mars, on éclaircit en mai en espaçant de 0".10, en automne on transplante, elle exige une grande surface ; on peut aussi la propager par œilletons plantés à la fin de l'hiver, d’ailleurs elle se pro- page d'elle-même. | Parties usitées.— Les feuilles, les fleurs et les racines. . Récolte.— Les feuilles, que l’on emploie de préférence vertes, doivent être cueil- lies avant la floraison, quand on veut les conserver. Les fleurs ont une odeur forte, désagréable. Les feuilles sont mucilagi- neuses, émollientes, et sont employées comme telles en cataplasmes, en fomentations, en lavements, dans les irritations, dans les phlegmasies viscé- rales. « Son suc, dit Gilibert, est admirable dans la dysenterie, les ardeurs d'urine, le ténesme, les hémorrhoïdes, les irritations d’entrailles. On le donne aussi, avec avantage, dans les maladies de la peau accompagnées de prurit, d’ardeur, comme les dartres.» La racine, qui a de l’analogie avec celle de la grande consoude, a été employée dans les mêmes cas. Cette plante n’est pas, en réalité, plus émolliente que les malvacées, que l’on trouve partout en abondance. [ Les anciens médecins faisaient grand usage de la branche-ursine contre les «ruptures, desnoueures et bruslures; » ils la considéraient, en outre, comme diurétique, antidysentérique et comme prévenant la phthisie (Fuchs). L'acanthe épineuse (A. spinosus, L.), également vivace comme la précé- dente, s’en distingue par ses feuilles plus fermes, pubescentes et épineuses, et par son épi floral velu et plus serré.] ACHE. Apium graveolens. L. Apium palustre, seu officinarum. B. T. Céleri sauvage ou des marais, — persil des marais, — céleri odorant. OMBELLIFÈRES. — AMMINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. L’ache (PI, I), plante bisannuelle, croît partout dans les lieux humides, est cultivée dans les jardins, où elle a acquis, sous le nom de céleri ou ache douce, des qualités qui en font une des plus précieuses plantes potagères. 10 ACHE. [I à produit, à son tour, une sous-variété appelée céleri-rave, caractérisée par des feuilles étalées, des pétioles plus courts, et surtout par une racine arrondie et charnue.] L’ache n’est point rejetée par les animaux : les chè- vres, les moutons et les vaches s’en nourrissent, mais les chevaux n’y tou- chent pas. Deseription. — Racine épaisse, courte, pivotante, rameuse, roussâtre en de- hors, blanchätre en dedans, quelquefois chargée de plusieurs têtes. — Tige de 60 à 80 centimètres, droites, creuses, glabres, rameuses, sillonnées, noueuses. — Feuilles une où deux fois ailées, solides, larges, lobées, incisées ou dentées, luisantes, glabres, les radicales opposées, celles de la tige alternes. — Fleurs jaunâtres, petites, en om- belles terminales ou axillaires. — Corolle de cinq petits pétales disposés en roue, pas d’involucre ni d’involucelles, rayons des ombelles courts et inégaux (juillet). — [Les fruits sont des akènes, ovales, oblongs, striés et grisâtres. ] (Culture. — Les modifications que l’ache subit par la culture sont telles que quelques auteurs n’hésitent pas à regarder le céleri comme une espèce distincte : Miller la désigne sous le nom d’Apium dulce; on l'a aussi appelée A. graveolens sativum par opposition avec le type sauvage auquel on réservait le nom d'A. graveolens sylvestre. Rothen a fait une espèce du genre sium sous le nom de Sium apium, et pour Sco- poli, c'était une espèce de seseli. Le céleri est multiplié par semis que l’on repique, en osses, et que l’on chausse fortement du pied. ] Parties usitées, — Les racines, les euilles et les fruits. KRéeolte.— La racine, qui est bisannuelle, doit être récoltée la seconde année ; ses propriétés sont moins actives dans la première année. Elle perd son odeur désa- gréable et comme vireuse par la dessiccation. Les feuilles sont employées fraiches. Propriétés physiques et elimiques. — L'ache, d’une odeur aroma- tique sui generis, d'une saveur âcre, a des principes qui sont à peu près les mêmes que ceux du céleri, où Vogel a reconnu une huile volatile incolore à laquelle la plante doit son odeur, une huile grasse mêlée de chlorophylle, un peu de soufre, de la basso- rine en dissolution dans un acide faible qui forme une gelée tremblante, une matière sommeuse et une matière brune extractive, de la mannite, du nitrate de potasse en quantité considérable, de l’hydrochlorate de potasse. Le fruit de l’ache est la seule par- ie de la plante d'où la distillation extraie l'huile volatile. [Le céleri contient, dit-on, de la mannite. On connaît dans le commerce deux sortes de racines d’ache, la vraie, celle des marais, appelée Paludapium, est très-rare en France, elle vient d'Allemagne, elle est coupée en tronçons de la grosseur du pouce, souvent fendus longitudinalement, d’un gris jaunâtre en dehors, blanchâtre en dedans, elle présente une odeur aromatique qui résiste à la cuisson, sa saveur est amère, puis àcre. On lui substitue presque toujours la seconde sorte qui est produite par l’ache des montagnes ou livêche (ligusticum levisticum) qui est plus petite et plus aromatique. ] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET. DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Suc des feuilles, 30 à 60 gr., | Feuilles, quantité suffisante en cataplasme. comme diurétique; 100 à 200 gr., comme | Suc en lotion, gargarisme. fébrifuge. L’ache entrait dans plusieurs préparations po- Infusion ou décoction des racines, 30 à 60 gr. lypharmaques des anciens, telles que l’or- par kilogr. d’eau. viétan, l’électuaire de psyllium, le phylo- Sirop, 30 à 100 gr. seul ou en potion. nium romanum, les pilules dorées, la poudre Conserve, 30 à 60 gr. lithontriptique de Renou, la bénédicte laxa- À L’EXTÉRIEUR. — [nfusion ou décoction des tive, l’emplâtre de bétoine, l’onguent mon- feuilles et des racines, 50 à 100 gr. par kilogr. dificatif d’ache, etc. d’eau. | (Cette plante était fort estimée des anciens; ils en tressaient des cou- ronnes pour leurs convives. Horace dit quelque part : Non desint epulis rosæ, Neu vivax apium, etc., etc. Par un curieux contraste, on en répandait sur les tombeaux, dans cette pensée qu’elle était agréable aux morts. De cette coutume était résultée une locution proverbiale : avoir besoin d’ache (Plutarque), applicable à quiconque était sur le point de mourir.) L'ache est diurétique, fondante, expectorante, résolutive. La racine \CONIT NAPEL,. 11 fraiche contient un principe odorant auquel plusieurs médecins ont attribué une action nuisible sur le système nerveux. On la prescrit sèche. C’est une des cinq racines apéritives majeures des anciens. Elle a été employée de temps immémorial dans les obstructions des viscères abdominaux, dans les hydropisies, les cachexies, suite des fièvres intermittentes, l’ictère, la gra- velle, etc. Le suc exprimé des feuilles, à la dose de 150 à 200 gr., est, suivant Tour- nefort, un très-bon fébrifuge pris au moment de l'accès. Son analogie avec celui du persil, récemment proposé pour combattre les fièvres intermit- tentes, m'a engagé à l'essayer. J'ai employé ce suc, à la dose de 180 gr. dans 500 gr. de décoction concentrée de la racine sèche de la même plante, prise en trois fois, entre chaque accès, dans un cas de fièvre double-tierce avec engorgement splénique, œdème des pieds, commencément d’ana- sarque, chez le nommé Bigand, âgé de trente-sept ans, manouvrier indi- gent, habitant une chaumière humide et non aérée. Ce malade avait eu, pendant le printemps de 1847, plusieurs rechutes après l’usage brusque- ment et plusieurs fois discontinué du sulfate de quinine. L'ache, que je trouvai dans le fossé humide qui entourait son petit jardin, le débarrassa de la fièvre et de l’infiltration séreuse en huit jours. Il en continua l’usage de deux jours l’un pendant quinze jours, après lesquels il recouvra ses forces et son embonpoint. Cette plante a agi ici à la fois comme fébrifuge et comme diurétique. L'état du malade indiquait la nécessité de cette double action thérapeutique. L'exlrait d’ache était autrefois spécialement recommandé dans les fièvres quartes; on en mêlait 4 gr. avec 8 gr. d’extrait de quinquina. J'ai vu employer avec avantage, par quelques caltivateurs atteints de ca- tarrhe pulmonaire chronique, où d'asthme humide, une décoction de feuilles d’ache dans du lait sortant du pis de la vache, et prise à jeun. (Chomel assure avoir guéri une extinction de voix ancienne en faisant manger en salade les feuilles de l’ache.) Le fruit de l’ache, improprement appelé semence, est aromatique, sti- mulant, carminatif; c’est une des quatre semences chaudes majeures des anciens. (On l’a recommandé dans la dysménorrhée par inertie utérine.) Pilées et appliquées sur les contusions et les engorgements froids, les feuilles fraiches d’ache agissent comme résolutives. Les femmes de la cam- pagne se servent contre les engorgements laiteux des mamelles d’un cata- plasme de feuilles d’ache bouillies dans le saindoux. On y ajoute quelque- fois des feuilles de menthe, et on le saupoudre de fruits d’ache. Ce cata- plasme à souvent dissipé des engorgements glanduleux, suite de mammite aiguë. Le suc d’ache est antiscorbutique et détersif en gargarisme; il sert aussi en topique sur les ulcères et les cancers ulcérés. (Le mélange des feuilles contusées, de sel commun et de vinaigre, con- stitue un remède populaire contre la gale. Abâtardie par la culture, l’ache, devenue céleri, a conservé, malgré l’éliolement de son énergie native, la réputation d’être stimulante, et parti- culièrement aphrodisiaque.) Aconitum cæruleum, seu Napellus primus. BAUH. — Napellus. Do». Napel, — capuchon, — coqueluchon, — tue-loup bleu, — pistolets, — madriélets, capuce ou capuchon de moine, — fève-de-loup, — thore. RENONCULACÉES. — HELLEBORÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE TRIGYNIE. L. L’aconit napel (PI. 1), plante vivace, croit dans toute l'Europe, particu- lièrement dans les lieux ombragés et humides des montagnes du Dauphiné, 12 ACONIT NAPEL. de la Provence, du Languedoc, de l'Auvergne, du Jura, des Pyrénées, des Vosges, des Alpes. On la rencontre dans la forêt de Crécy, dans toute la ligne de Villers-Coterets à Meaux, dans les environs de Verviers. Je l’ai vuc sur les remparts de Lille. Elle est cultivée dans les jardins, ce qui est très- imprudent. Description. — Racine épaisse, fibreuse, noirâtre, épaisse, napiforme, à rhi- zomes latéraux, courts, terminés chacun par trois racines pivolantes. — Tige droite, simple, glabre, cylindrique, haute d'environ un mètre. — Feuilles alternes, pétiolées jusqu’à la base en sept ou huit lobes allongés, profondément incisés en lanières étroites. — Fleurs violettes, bleues, grandes, disposées en épi terminal (de juillet en septembre). — Calice pétaloïde, irrégulier, formé de cinq sépales inégaux, pubescents en dedans ; un supérieur en capuchon, deux latéraux plans, inégalement arrondis, deux inférieurs plus petits, ovales, entiers. — Corolle formée de deux pétales irréguliers, à long onglet, canaliculés, terminés supérieurement par une sorte de petit capuchon creux, recourbé à son sommet, offrant à son ouverture une petite languette roulée en dessus ; ces deux pétales sont cachés sous le sépale supérieur. — Étamines au nombre de trente environ, égales, beaucoup plus courtes que le calice, à filets serrés les uns contre les autres. — Ovaire à trois carpelles surmontés de trois filets. — Fruit formé de trois (rarement de cinq) follicules glabres, oblongs, à bec aigu, divergents dans leur jeunesse. — Semences anguleuses, noires, chagrinées. (Culture. — Cette plante vient dans tous les terrains et à toutes les expositions, et préfère les sols pierreux plutôt secs qu'humides ; on la propage soit de graines semées après leur maturité à mi-ombre, soit par division des touffes à l'automne; elle se ressème d'elle-même. Les A. spicalum, macroslachium, neubergense, variétés du napellus, et les À. varie- galum, rostralum, paniculatum, stœrkanium, intermedium, espèces ou variétés de l'A. cammarum, sont souvent subtituées au napellus. L’A. anthora est le type d’une première section des aconits, le cammarum celui d’une seconde et l'A. lycoclonum celui d’une troisième. | Parties usitées.— Les feuilles et les racines. Réeolte.— On récolte cette plante dans le mois de juin. Après lavoir mondée et disposée en guirlandes, on l’expose au séchoir. Elle perd de ses vertus par la dessicca- tion ; toutefois, desséchée avec soin et ayant conservé une belle couleur verte, elle garde ses propriétés âcres et narcotiques pendant longtemps. Elle est plus active dans le Midi que dans le Nord, à l’état sauvage qu'à celui de culture, recueillie dans les pays mon- tagneux que dans les contrées basses et humides. L’aconit des montagnes de la Suisse doit être préféré. [La racine d’aconit doit être récoltée à l'automne, on la lave pour la débarrasser de la terre et on la fait sécher à l’étuve; on la conserve dans un endroit sec et à l'obscurité. Il est peu de plantes sur les propriétés desquelles la culture, le climat, le choix des espèces aient plus d'influence que l’aconit ; il faut toujours repousser les espèces cultivées. D’après Schroff, de Vienne, qui a fait de belles recherches sur les aconits en 1862, ils devraient être classés par rang d'activité dans l’ordre suivant: 4° l’Aco- nilum ferox; 2° l'A. napellus et ses sous-espèces ou variétés; 3° l'A. neomontanum, VA. tauricum et VA. variabile; 4° les Aconitum variegalum, cammarum, paniculatum el anthora. Les jeunes pousses de l'A. lycoctonum sont inoffensives ; Linné dit qu'elles sont mangées par les Lapons. Les racines, au contraire, se rapprochent par leur acti- vité de celles de l'A. ferox Wallich qui croît sur l'Hymalaya, dont on trouve la racine dans le ir ; elle renferme en moyenne deux fois plus de principe actif que laco- nit napel. Propriétés chimiques. — Steinacher, Braconnot, Pallas, Peschier, Geiger el Hesse, ont publié leurs analyses sur divers aconits. [Brandes en isola le principe actif, il le nomme aconitine, mais c'est Hesse qui, en 1833, l'obtint à l’état de pureté plus grande ; elle a été étudiée par Geiger, Berthemot, Stahlsmidt, Morson, Planta, Liégeois, E. Hottot, etc. Selon Stahlsmidt, l’aconitine peut être représentée par C5° H#7 Of A7. D'après les recherches récentes de Morson, l’aconitine est mélangée quelquefois avec une substance étrangère moins active qu'il désigne sous le nom de napelline ; quant à l'aconelline, découverte par C. et H. Smith et qui présenterait tous les caractères de la nicotine, son existence nous paraît très-douteuse. Plusieurs procédés ont été proposés pour préparer l’aconitine : celle du commerce est généralement impure ; elle agit, d'après E. Hottot et Liégeois, dix fois moins que lors- qu'elle est pure et obtenue par le procédé suivant, qu’ils ont indiqué : faire macérer ACONIT NAPEL, 13 pendant huit jours la poudre de racine d’aconit dans de l'alcool à 80° centésimaux ; on déplace l'alcool par l'eau, on distille les liqueurs alcooliques au bain-marie, on ajoute au résidu une quantité suffisante de chaux éteinte, on agite de temps en temps, on filtre et on précipite par un léger excès d'acide sulfurique, on évapore en consistance sirupeuse, on ajoute à la liqueur deux ou trois fois son poids d’eau, on laisse reposer et on enlève l'huile verte qui surnage et qui se solidilie à + 20 degrés, on filtre sur un papier mouillé et on traite les liqueurs par lammoniaque; à l’ébullition l’aconitine se précipite avec de la résine, le précipité est lavé à l'eau d'abord, puis avec de l’éther pur exempt d'alcool et d'eau; par évaporalion de la solution éthérée on obtient de l’aconitine impure, on la purifie en la dissolvant dans de l'acide sulfurique dilué et on précipite à chaud par Pammoniaque ; il se précipite de laconitine que lon fait dessé- cher et que l’on reprend par l’éther ; on fait évaporer une seconde fois, on sulfatise et on précipite de nouveau par l’ammoniaque ajouté goutte à goutte, en ayant le soin de séparer les premières parties qui sont colorées; on lave alors le précipité blanc à l'eau distillée et on fait sécher. 10 kilogr. de racine d'aconit ne donnent pas plus de 4 à 6 gr. d'aconitine. L'aconitine ainsi oblenue est pulvérulente, blanche, incristallisable, légère, très- amère, elle contient 20 pour 100 d'eau qu'elle perd à 85 degrés et devient anhydre; elle est peu soluble dans l’eau froide, très-soluble dans l'alcool, l’éther et le chloro- forme; elle bleuit le tournesol rougi, forme avec les acides des sels incristallisables ; l'acide sulfurique la colore en rouge, puis en violet; le tannin et l’iodure ioduré de po- tassium la précipitent de ses dissolutions. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Extrait alcoolique (2 sur 7 | Teinture alcoolique, 1 à 8 gr. en liniment. d'alcool à 21 degrés), 2 centigr. à 25 centigr. | Poudre, 10 centigr. à 60 centigr., en pom- en pilules. | made, etc. Extrait aqueux, 5 centigr. à 30 centigr. en | Aconiline, 1 à 3 milligr. (avec poudre de ré- pilules, potions. | glisse et sirop simple), en 12 et 16 pilules : Extrait avec les feuilles vertes, 5 à 20 centigr. 1 de trois en trois heures, Teinture alcoolique (1 sur 5 d’alcool), 56 cen- | [Formule de E. Hottot : aconitine, 1 centigr.; tigr. à 3 gr. poudre de réglisse, 2 gr.; sirop, (.S. Pour Teinture éthérée (1 sur 6 d’éther), 10 centigr. 50 pilules, chacune d'elles contiendra un à 1 gr. 50 centigr. cinquième de milligramme, 2 à 10 par Teinture avec feuilles fraiches, alcoolature jour.] (1 sur 1 d’alcool à 33 degrés), 25 centigr. à | Teinture d’aconitine (aconitine, 5 centigr.; al- 1 gr. 50 centigr. cool à 56 degrés, 100 gr.), 20 centigr. à 1 gr. [On a proposé de faire l’alcoolature d’aconit 50 centigr. en potion. avec parties égales de suc frais et d’alcool | [Chaque gramme de teinture représente 1 mil- à 88 degrés; mais il vaut mieux faire agir | ligramme d’aconitine. (E. Hottot.)] le même alcool et dans les mêmes propor- | Pommade (Brockes). — Aconitine, 10 centigr.; tions sur les feuilles fraîches contusées. Pas- | alcool, Q. S. Pour dissoudre, axonge, 8 gr. ser, exprimer et filtrer après huit jours. HÉSS AS Bouchardat propose de faire l’alcoolature | Embrocation. — Aconitine, 1 gr.; alcool rec- de racines avec parties égales. Cette prépa- tifié, 250 gr. en frictions. ration est très-active; elle ne doit être déli- | Liniment, — Aconitine, 1 gr.; huile d'olives, vrée que sur ordonnance formelle du mé- 2 gr.; axonge, 32 gr. decin.] à * Gouites d’aconiline. — Aconitine, 1 gr.; al- Poudre, 2 centigr. à 20 centigr. cool rectifié, 10 gr. Pour instiller dans À L'EXTÉRIEUR. — Extrait, de 2 à 4 gr. l’œil. [Les préparations pharmaceutiques de l’aconit sont très-variables dans leur composi- tion et dans leurs effets ; les plus fidèles sont l'extrait alcoolique et l’alcoolature; l’ex- trait alcoolique de la racine est le plus actif, puis vient l'extrait alcoolique du suc, enfin l'extrait aqueux, celui du Codex, qui l’est très-peu; selon M. Hirtz, l’action de l'extrait de racine d’aconit est à celle de l'extrait des feuilles :? 25 ! 4.] Il est toujours prudent de ne commencer l’usage de cette plante que par des quantités très-faibles, surtout si on ne connaît pas le degré d’activité de la préparation. On peut arriver, pour l'extrait aqueux, à la dose de 20 centigr. par jour et même davantage. Quardi en a donné jusqu’à 15 centigr. et Borda jusqu'à 30 centigr. en vingt-quatre heures dans les maladies inflammatoires. La poudre de la racine peut se donner, dans la plupart des cas, à la même dose que l'extrait. On peut aussi, à l'exemple de Stoerk, donner l'ex- trait en poudre en le triturant avec une grande quantité de sucre. L’extrait préparé à grand feu est souvent carboné, noir et peu actif ou même inerte (1). Préparé au bain (1) Le principe actif des renonculacées en général, et en particulier de l’aconit, se détruit par la chaleur et mème par la simple dessiccation. Les rencnculacées fraîches, par exemple, 14 ACONIT NAPEL. de sable ou à la vapeur il est moins noir et conserve une partie de son principe actif. Stoerk se servait de l'extrait préparé avec le suc récent non dépuré de la plante fraîche, évaporé au soleil : cette préparation doit être préférée. Comme le principe de l’aconit se dissout dans l'alcool, la teinture et l'extrait alcoolique sont les préparations les plus énergiques, celles qu'on doit préférer, et qui demandent le plus de circonspection dans les premières doses à administrer. L’extrait aqueux se trouve, par rapport à l'extrait alcoolique, dans le rapport de 4 à 4, mais encore faut-il que la préparation de l'extrait alcoolique soit accompagnée de quelques précautions, et Schroff donne la préférence au procédé de Pach, pharmacien à Vienne : la plante est coupée en morceaux, contusée el mise à infuser avec partie égale en poids d'alcool à 36 degrés ; on l’abandonne ainsi, pendant trois jours, à la température ordinaire, en la remuant de temps en temps; puis on exprime, on filtre et on évapore au bain-marie, jusqu’à consistance d'extrait. Dès la plus haute antiquité, l’aconit napel à été mis au nombre des poi- sons les plus violents. Les poètes l’ont fait naître de l’écume de Cerbère et ont prétendu que Médée en fabriquait ses poisons : Hujus in éxitum miscet Medea quod olim Attulerat secum scythis aconitum ab oris. (OvipE.) Les lois de plusieurs peuples anciens prescrivaient l’aconit comme la ciguë pour infliger la peine de mort. Les Scythes et les Gaulois s’en ser- valent pour empoisonner les flèches. On assure même que plusieurs peu- plades sauvages se servent encore aujourd’hui pour cet usage de l’aconitum ferox, dont la force toxique est plus terrible que celle de nos espèces euro- péennes. C’est le bish ou biskh des Indiens. (ACTION PHYSIOLOGIQUE. — Sur les animaux : Entre les mains de Wepfer, Courtois, Sproegel, Viborg, Hillefeld, Ehrar, Brodie, Orfila, Pereira, Fle- ming, Eades, Schroff, Hirtz, l’aconit administré à dose toxique a produit des effets dont la concordance, jointe à l’autorité des observateurs, assure la réalité. Les chiens, les chats, les loups et les rats, éprouvent des vomis- sements, du hoquet, de la dyspnée, avec ralentissement de la respiration et de la circulation; puis l’insensibilité générale et spéciale (organe des sens) apparaît, la paralysie la suit de près. Tous les phénomènes susmentionnés augmentent d'intensité, et l'animal, après quelques convulsions, meurt par les progrès de la paralysie et l’asphyxie, qui en est la conséquence. Les lésions cadavériques se rapportaient, dans plusieurs cas, à une gastro- entérite générale; on a trouvé le sang très-fluide. Brodie a rencontré le poumon gorgé de sang, mais pas d’inflammation dans l’estomac, ni dans les intestins. Les expériences tentées par Rayer (1) confirment ces résultats. Les mêmes accidents surviennent lorsqu'on met le suc ou l'extrait de la plante en contact soit avec la membrane interne du rectum, soit avec le tissu cellulaire, ou quand on l’injecte dans les veines. Sur l’homme : À. Effets locaux. L'application simple et la friction ne dé- terminent aucun effet sur la peau recouverte par l’épiderme, si on en excepte toutefois les endroits où cette membrane est très-mince; il se pro- dont quelques-unes sont de violents poisons pour les bestiaux, peuvent, à l’état sec, être man- gées par eux sans danger. Il est donc de toute nécessité que l'extrait de cette plante soit préparé à une basse tempéra- ture. Grandval (Bulletin de thérapeutique, 1851, p. 399) a fait connaître, il y a six ou sept ans, un appareil qui permet l’évaporation à siccité dans le vide, non-seulement de l’extrait d’aconit, de celui de ciguë, mais de tous les extraits. Maldan, de l'hôpital de Reims, qui, sous la direction d’Andral, avait expérimenté l'extrait d’aconit dans des cas très-nombreux, à des doses élevées, et avec des résultats presque négatifs, a constaté l’action énergique des extraits d’aconit et de ciguë préparés à l’aide de l'appareil de Grandval. Celui de Berjot, qui évapore aussi dans le vide, produit les mêmes effets. (1) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. I°r, p. 293. ACONIT NAPEL, 15 duit alors, surtout si on opère par friction, des démangeaisons accompa- gnées d’un sentiment de chaleur et de tension.) La plante fraîche, mise sur la langue, y détermine un sentiment d’ardeur et de douleur, qui s'étend jusqu’au gosier et qui engourdit ces parties. La racine mâchée paraît d’abord douce; mais à celte douceur insidieuse suc- cède bientôt dans l’intérieur de la bouche un sentiment d’ardeur et de tor- peur, suivi d’une sorte de tremblement et de froid, et accompagné d’une excrétion abondante de salive. Ces phénomènes se dissipent avec assez de promptitude; cependant Brodie assure que l’engourdissement ne disparait qu'au bout de deux à trois heures. Ce médecin à sans doute employé l’aconit suisse, car la racine prise dans mon jardin, et que j'ai mâchée pen- dant une ou deux secondes, ne m'a laissé, après une excrétion salivaire assez abondante, qu’un léger engourdissement dont la durée, avec diminu- tion graduelle, n’a été que de quinze à vingt minutes. (La substance avalée produit, à son passage dans le pharynx, l’æsophage et l'estomac, la même impression pénible. On observe alors quelques nau- sées, des borborygmes, puis l'effet dynamique ne tarde pas à se faire sentir. Le contact de cette plante sur les muqueuses digestives produit donc des phénomènes d’irritation. Elle agit de la même façon sur la conjonctive et sur la pituitaire, déterminant en plus l’augmentation de leurs sécrétions particulières (larmoiement, éternuement). (B. Effets généraux. L’aconit, comme toutes les plantes vénéneuses, a des effets gradués, selon les doses. A dose modérée (de 50 centigr. à 1 gr. 50 centigr. d’alcoolature), phéno- mène de non-tolérance de la part de l’estomac; puis, au bout d’une demi- heure environ, sensation de picotement, de fourmillement, qui, des lèvres, de la langue, s'étend au cou, à la face et graduellement à toutes les parties du corps (Hirtz); la sensibilité cutanée devient obtuse, l’action musculaire dif- ficile ; la respiration, laborieuse, diminue de rapidité (de 18 inspirations par minute, nombre normal, à 43 ou 14); le pouls éprouve d’abord une certaine accélération, et descend de 75 à 66 et à 56, suivant les doses employées, et cela au bout d’une heure environ après l’ingestion du médicament. A ce moment, les sens perdent leur activité et la netteté de leurs impressions. Le sujet éprouve un sentiment de lourdeur et une grande propension au sommeil, sans que pour cela il perde connaissance; les extrémités sont le siége d’un froid marqué et d’un frissonnement très-désagréable ; puis, après trois ou quatre heures de cet état, peu à peu les choses rentrent dans l'ordre ; le picotement persiste assez longtemps. A dose toxique, les phénomènes que nous venons d’esquisser s’exagèrent, prenant une gravité et une marche proportionnelles à la quantité de poison ingérée, au mode d'administration (dose toxique prise graduellement ou d’un seul coup), et aussi à la susceptibilité individuelle. Pâleur, peau froide, sueurs générales, céphalalgie compressive, vertiges; nausées, vomituritions, vomissements; prostration extrême, pouls filiforme, quelquefois irrégulier, tantôt très-lent (de 36 à 40 puls.), tantôt plus accé- léré (90). Respiration difficile, inégale, suspirieuse. Voix éteinte; dans ces cas, la vie peut encore être conservée; dans les cas plus graves, perte des sens, forte dilatation des pupilles, paralysie des extrémités, puis immobi- lité complète, qui n’est troublée que par de légères convulsions ; pouls im- perceptible; respiration rare et entrecoupée. Mort, tantôt par syncope, tantôt par asphyxie.) ( Consultez, pour plus amples détails, Fleming, An inquiry into the physiol. and med. properties of the aconit. Lond., 1843; Lombe Atthill a publié, in Dublin quarterly Journ. of med. sc., Aug. 1861, une observation très-détaillée et qui reproduit bien le tableau de tous les symptômes propres à l'empoi- sonnement par l’aconit.) 16 ACONIT NAPEL, (Lorsque l'on à praliqué l’autopsie d'individus ayant succombé, on a trouvé le ventre ballonné, la face tuméfiée, les extrémités plus ou moins cyanosées; le tube digestif enflammé; les vaisseaux veineux, les poumons et les vaisseaux des membranes du cerveau gorgés de sang; les grandes ca- vités séreuses ont quelquefois été rencontrées le siége d’épanchement. Nous ne connaissons pas d’empoisonnement criminel par l’aconit; c’est toujours par mégarde ou par erreur que pareil accident a eu lieu.) [D’après E. Hottot (1), le tannin (2), et surtout l’iodure ioduré de potas- sium, en solution très-étendue, peuvent être regardés comme les contre- poisons de l’aconit. On commencera le traitement en favorisant les vomisse- ments à l’aide de boissons huileuses ou mucilagineuses; on pratiquera des frictions excitantes pour rappeler la chaleur à la peau. Les Rasoriens, qui regardent l’aconit comme hyposthénisant vasculaire, conseillent, avec juste raison, les stimulants diffusibles à l’intérieur; tandis qu’Orfila conseille d’abord les éméto-cathartiques et les antiphlogistiques.] (Des expériences sur les animaux ont montré l’action favorable de l’aco- nit comme antidote de l’empoisonnement par la strychnine. La connais- sance des actions physiologiques des deux poisons la faisait assez pressentir. Une observation, publiée dans l’Amer. med. times (1862), relate l'heureux emploi de la teinture de noix vomique contre l’empoisonnement par l’aconit. (Garrod (3) a tenté diverses expériences pour prouver que le charbon ani- mal, putifié ou non, possédait une action neutralisante dans le cas d’inges- tion de l’aconit. Il est bien entendu que le poison ne doit pas encore être absorbé; c’est probablement en s’opposant à l’absorption que ce moyen réussit. Le charbon végétal reste sans effet. Nous croyons, en raison des applications thérapeutiques qui en découle- ront naturellement, devoir insister sur certains points de l’action physiolo- gique de la plante qui nous occupe. Le professeur Fouquier, Schroff, Turnbull, lui attribuent un effet diuré- tique ; Schroff l’accuse de déterminer des démangeaisons à la peau, suivies de desquamation ; Turnbull la regarde comme diaphorétique. Suivant Schroff, l’aconit parait encore avoir, ainsi que Bichat en avait déjà fait la remarque, une action élective et spéciale sur le trijumeau, la- quelle se produit par des sensations subjectives particulières, le plus sou- vent douloureuses, dans toutes les parties animées par les rameaux sensitifs de ce nerf. Il résulte de ce qui précède, que l’aconit agit en déprimant fortement l’activité du cœur et des gros vaisseaux, soit immédiatement, soit à la suite d’une légère accélération dans les mouvements de l’organe central de la cir- culation. Il possède sur les centres nerveux une action évidente interprétée de diverses façons. Eades (4) lui attribue la spécialité de paralyser les nerfs du sentiment; si, vers la fin de la vie, il se manifeste quelques phénomènes convulsifs, c’est à l’anémie cérébrale qu'il faut en rapporter la cause.) L'action de l’aconit est essentiellement asthénique. C’est donc à tort qu’on a regardé cette. plante comme analogue à l’opium. L'action de ces deux substances est si différente, que l’une peut être détruite par l’autre. La première, en effet, est antiphlogistique; tandis que l’autre est évidem- ment stimulante du système sanguin. « Le véritable antidote de l’aconit a été, dit Giacomini, indiqué par Lémery. Ce grand observateur avait re- marqué que l’aconit tue en produisant des phénomènes analogues à ceux de (1) Thèses de la Faculté de Paris, 1863. (2) Matthiole conseillait déjà comme contre-poison la décoction de pelures de glands de chêne dans du vin. (3) Bulletin thérapeutique, 28 février 1858. (4) Some obs. on the action of Aconit. (Dublin, Journ. of med., 1845, t. XXVII, p. 55.) ACONIT NAPEL. 17 la vipère. 1l a, en conséquence, proposé les remèdes opiacés et ammo- niacaux, tels que la thériaque et le sel volatil de corne de cerf. Les anciens préconisaient le vin pour corriger les effets de l’aconit, ainsi que cela nous est laissé écrit par Macrobe, par Pline et par Celse. Les Italiens ne se sont pas éloignés de ces préceptes en prescrivant les éthers, l'alcool et l’opium, d’après la contfaissance de la vertu controstimulante de l’aconit. » Un fait, publié récemment par la Revue thérapeutique du Midi (1854), vient à l’appui de cette manière de voir, Il s’agit d’une malade qui avait avalé une cuillerée à café de teinture d’aconit., Après trois heures de l’em- ploi de divers moyens, qui apportent un peu de soulagement, teinture d’opium, 20 gouttes de temps en temps. Dès que la malade eut pris ce der- nier médicament, elle se trouva beaucoup mieux; les symptômes se cal- mèrent. En quelques heures tout paraissait rentré dans l’ordre, et le len- demain il ne restait aucune trace de cet accident. jsui qu'on a étudié avec soin l’antagonisme des substances toxiques, il a été publié bon nombre de faits tendant à établir solidement celui qui existe entre l’aconit et l’opium.) Pour Teissier (1), dont les expérimentations sur les effets de l’aconit sont très-nombreuses, le caractère essentiel de cette plante est d'agir sur la peau. Il a, dit ce médecin, une propriété éliminatrice spéciale sur cette membrane, qui le rend utile comme mélication principale ou comme simple élément de la médication dans toutes les maladies où la perturba- tion de lactivité cutanée joue un grand rôle... L’aconit n’est point, selon l'opinion de Teissier, un médicament franchement antiphlogistique; seule- ment, dans un assez grand nombre de maladies, il diminue la fréquence du pouls en calmant les douleurs qui produisent la fièvre, ou bien en favo- risant l'élimination du principe morbide qui l’entretient. Suivant Trousseau et Pidoux, l’aconit exerce seulement sur l’économie une action stupéfiante en vertu de laquelle il peut calmer les douleurs né- vralgiques et rhumatismales : « Cette propriété, toutefois, disent ces auteurs, il la possède à un moindre degré que d’autres substances dont l'emploi est en quelque sorte trivial. Sans doute aussi il peut provoquer des sueurs, en modifiant certaines autres sécrétions; mais, en cela, il n’a rien qui le dis- tingue de la ciguë, de la jusquiame, de li scille, etc., ete. » v'est faire à l’aconit une part trop restreinte. Si les plantes narcotiques ou stupéfiantes ont des propriétés qui leur sont communes, chacune d’elles en possède qui lui est propre. L'une ne saurait être substituée à l'autre d’une manière absolue. L’aconit a guéri des névralgies et des rh1matismes contre lesquels on avait inutilement employé l’opium, la jusquiame et la belladone. L’aconit combat efficacement les douleurs phlegmasiques, parce qu'il agit non-seulement contre les douleurs comme tous les stupéfiants, mais aussi contre l’élément fébrile par une propriété qui lui est particu- lière; tandis que l’opium, par son action excilante sur le système sanguin, augmente la fièvre et peut ainsi aggraver la maladie dont il ne fait qu’en- gourdir momentanément un des symptômes. Il résulte de l’expérimentation physiologique et des faits thérapeutiques bien observés, que l’aconit est un remède antiphlogistique dont l’action dans les maladies à caractère hypersth nique ne saurait être contestée. Ce- pendant, nous ne dirons point avec les homæopathes qu'il peut, dans tous les cas d’inflammations aiguës ou de congestions sanguines, rempl'cer effi- cacement la saignée. La raison et la dignité professionnelle ont fait justice de la thérapeutique lilliputienne d’'Haihnemann, que le crédule amour du merveilleux accueille encore, et que le charlatanisme sait si bien exploiter. Même à dose allopathique, l’aconit ne saurait être substitué d’une manière (1) Gazelte médicale de Lyon, 1850. 12 18 \CONIT NAPEL,. absolue aux émissions sanguines, reconnues depuis un temps immémorial comme les meilleurs moyens de combattre les inflammations à marche aiguë et franche, surtout chez les sujets bien constitués et vigoureux. Ici, l’action thérapeutique est directe, promptement efficace. Par l’aconit, elle n'est qu'indirecte, plus ou moins difficile à calculer, plus ou moins lente ou irrégulière, soumise aux idiosyncrasies, ete. L Il n’en est pas moins vrai que l’aconit a produit d'heureux effets dans quelques maladies inflammatoires. Il est même des circonstances où il doit ètre préféré à la saignée. Marbot (1), chirurgien de la marine, vit éclater dans son équipage une dysenterie qui résista, au bout d’un certain temps, aux vomitifs et aux purgalifs. Son caractère inflammatoire sem- blait indiquer les évacuations sanguines; mais ces moyens sont inefficaces dans les pays intertropicaux. Marbot eut recours à l’aconit napel, et dès lors il sauva tous ses malades. 11 faisait prendre, par cuillerées dans les vingt- quatre heures, une solution de 10 centigr. d'extrait alcoolique de cette plante dans 100 gr, d’eau. « L'aconit, dit Marbot, n’a d’autre effet sur les selles que d’y supprimer l’exhalation sanguine, et de diminuer la réaction fébrile, ce qui est l’indication principale au début des dysenteries graves. Les selles restent muqueuses, glaireuses : on les attaque alors par l’ipéca- cuanba et le calomel, qui complètent la guérison. » J'ai pu me convaincre de l’efficacité de l’extrait alcoolique d’aconit dans la dysenterie essentiellement inflammatoire qui a régné à Boulogne-sur- Mer, durant l’automne de 1854, immédiatement après l'épidémie de cho- léra, dont les ravages avaient laissé dans la population un état moral dé- pressif ou un trouble nerveux qui, dans la plupart des cas, contre-indiquait la saignée. Je dois dire aussi que ce médicament ne m’a pas réussi chez les sujets faibles, lymphatiques, débilités par des affections antérieures, tandis que l’opium s’est alors montré d’une efficacité remarquable. Roy, de Lyon (2), a essayé, à plusieurs reprises, cette médication contre la dysenterie dans les cas seulement où il soupconnait un éréthisme sanguin dans le dernier intestin, et il a obtenu le même succès. Ce médecin a re- connu, avec Teissier, que l’aconit produit de la détente et une moiteur sa- lutaire à la première période des fièvres éruptives (rougeole, variole, scar- latine, miliaire, urticaire, etc.), alors que le système capillaire sanguin se trouve surexcité, la peau chaude et un peu sèche. Suivant Teissier, l’alcoo- lature d’aconit serait un remède avantageux dans la courbature, l’érysipèle de la face, l’angine, le catarrhe pulmonaire aigu, la grippe, la coqueluche, les rhumatismes articulaire et musculaire, la goutte, etc. Lombard, de Genève (3), regarde l’aconit comme une sorte de spécifique contre le rhumatisme articulaire aigu. 11 donne l'extrait alcoolique, à la dose de 1 à 2 centigr. 1/2, toutes les deux heures. Il le répète progressive- ment à 30 et même à 45 centigr. par jour. Gintrac (4) a publié trois obser- vations de rhumatismes aigus dans lesquels il a donné avec succès l'extrait d’aconit napel. Ajoutons à ces témoignages ceux de Double, Pereira, Bor- son, Turnbull, Fleming, etc. « Dans les rhumatismes bénins apyrétiques ou accompagnés seulement d'une fièvre légère, dit Teissier, l’alcoolature d’aconit, administrée dès le début, peut supprimer complétement les douleurs en trois ou quatre jours, et abréger par conséquent la durée de la maladie. L'observation nous a ap- pris, au contraire, que dans les rhumatismes intenses, accompagnés d'un mouvement fébrile très-prononcé, la même substance pouvait bien modérer les accidents, mais qu’elle n’était pas susceptible d'arrêter brusquement la (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, p. 66. Es Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, p. 66. (3) Gazette médicale de Paris, août 1834. (4) Journal de médecine de Bordeaux, 1835. \CONIT NAPEL, 19 maladie dans sa marche.» Il est alors rationnel d’avoir recours d’abord à l’antiphlogistique direct, à la saignée, afin de mitiger promptement les symptômes, l’angioténie générale, la fièvre, et de rendre ainsi l’organisme plus accessible à l’action de laconit. L’extrait de suc non dépuré de cette plante, administré à doses graduel- lement augmentées jusqu'à celle de 40 centigr. par jour, a complétement répondu à mon attente dans trois cas de rhumatismes aigus très-intenses, dans lesquels la saignée, indiquée par l’état pléthorique et la vigueur des sujets, avait été préalablement pratiquée. Dans un quatrième cas, qui s’est offert à mon observation en novembre 1853, chez une femme de trente-cinq ans, lymphatique, délicate et affaiblie par un allaitement prolongé, l’aconit, administré seul dès le début et continué à dose graduellement augmentée, ayant complétement échoué, l'extrait gommeux d’opium, à la dose de 5 centigr., de trois heures en trois heures, calma immédiatement les dou- leurs, produisit une sueur générale et soutenue, qui amena la guérison en quelques jours. Ce résultat vient justifier l’opinion émise plus haut sur les effets opposés de l’aconit et de l’opium. Il s'explique par l’état du malade. En pathologie, il n'y a rien d’absolu; en dehors des lois générales, il y a toujours des exceptions. Si, en ‘effet, les maladies s'offrent de prime-abord aux yeux du médecin avec leurs caractères identiques chez tous les malades, un examen plus approfondi y fait bientôt découvrir les influences physiologiques indi- viduelles, la diversité des causes, les circonstances accidentelles, qui, au fond, les modifient, les différencient, les changent même parfois de nature. De là une source d'indications et de contre-indications, que le praticien consciencieux doit saisir avec la sagacité de l’expérience au milieu d’une clientèle qui lui laisse à peine le temps de la réflexion, et qui échappent au médecin routinier, dont toute la clinique consiste à désigner une maladie par son nom, et à lui opposer dans tous les cas le même remède. L'aconit agit moins efficacement dans le rhumatisme chronique. Cepen- dant, Barthez le considère comme un antigoutteux des plus puissants ; 1l à guéri, au moyen de son extrait, des affections goutteuses associées à la syphilis. Murray dit que l’aconit longtemps continué peut résoudre les tophus arthritiques. Collin, Odhelius, Ludwig, Andrew, Nysten, en font également l’éloge dans le traitement de ces affections. Royer-Collard se loue beaucoup de l’extrait d’aconit, qu’il a employé sur lui-même pour combattre la goutte. «Rosenstein, dit Bodart, a guéri en quinze jours, au moyen de cette plante, une dame qui, depuis dix mois, était retenue au lit par un rhumatisme causé par le froid, dont elle avait été saisie à la suite d’une couche. Ribes, avec le même remède, a guéri une demoiselle depuis longtemps atteinte d’un rhumatisme très-douloureux qui lui rendait le bras immobile, et dont les muscles étaient d’une dureté extraordinaire. C’est surtout dans les névralgies que l’aconit napel s’est montré d’une grande efficacité. Bergius a constaté les bons effets de l’aconit dans le traitement de la sciatique. Vogel calma, au moyen de ce médicament, une migraine qui avait résisté pendant onze ans à tous les remèdes. Wildberg, Hufeland, Prus, etc., ont employé avec succès le même moyen dans diffé- rentes espèces de névralgies, et notamment dans les névralgies faciales. Burger (1) en a éprouvé les bons effets dans la céphalalgie rerveuse. Il prescrivait les pilules d'extrait frais, à la dose de 2 centigr., toutes les deux heures. Costes (2) fait prendre une pilule contenant 5 centigr. d'extrait alcoolique d’aconit, toutes les trois heures, dans les névralgies simples, où la douleur est l’élémeut dominant. Fleming (3) a traité quarante-quatre (1) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1812. (2) Mémoires, etc., 1844. (3) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1847. 20 ACONIT NAPEL. névralgies par la teinture d’aconit; dix-sept ont guéri radicalement, treize n'ont obtenu qu'un soulagement momentané. Sur quarante-deux cas de douleurs dentaires traitées par le même médicament, soit en frictions sur les gencives, soit en l’introduisant dans la cavité de la dent malade, il y a eu vingt-sept guérisons immédiates, sept soulagements, et neuf résultats nuls. Dans la migraine, ce médicament lui a procuré dix cas de guérison sur quinze. Malgaigne (1) a employé l'extrait d’aconit contre la névralgie du col utérin. N'ayant retiré aucun avantage de l’aconit indigène, il se servit de l’aconit provenant des montagnes de la Suisse, qu’il tenait de Koreff. I le fit administrer à la dose de 5 à 10 centigr. dans 195 gr. de julep gom- meux, à prendre par cuillerée à bouche de deux heures en deux heures. Trois femmes en traitement pour des engorgements du col utérin avec né- vralgie ont pris cette potion; l’une d'elles avait des douleurs dans le ventre et dans le sein droit. Ces douleurs ont cessé immédiatement. Dans les autres Cas, la névralgie a perdu seulement de son intensité. Eades (2) a guéri plusieurs névralgies en appliquant sur la partie malade des linges im- bibés d’un liquide préparé avec 16 gr. de teinture d’aconit et 120 gr. d’eau de rose. La plante appliquée fraiche m'a quelquefois réussi pour apaiser des douleurs que rien ne pouvait calmer; mais continuée, cette applica- tion peut rubéfier la peau. . D'après Teissier, les névralgies récentes cèdent surtout à l’aconit; dans les névralgies invétérées, il calme seulement la douleur. Les faits que j'ai observés confirment cette opinion. Aran (3) a employé avec succès l'extrait d’aconil à haute dose dans le traitement des névralgies faciales périodiques, lesquelles sont quelquefois rebelles au sulfate de quinine. Dans le cas le plus remarquable, chez un homme de cinquante-trois ans, qui avait été atteint à trois reprises diffé- rentes d’une névralgie faciale sus-orbitaire, les douleurs étaient parfaite- ment réglées dans leur retour, et tellement intenses que le malade restait immobile, l'œil droit à demi fermé et larmoyant : des irradiations doulou- reuses se répandaient avec élancements dans toute la tête et notamment dans la face et les dents. L’extrait d’aconit, donné dès le premier jour, à la dose de 8 pilules de 5 centigr., une de trois heures en trois heures, dans les vingt-quatre heures, et ensuite augmentée graduellement jusqu'à 12 pi- lules, fit disparaître les accès dans l’espace de cinq jours (4). Un cas semblable s’est offert tout récemment à mon observation chez une dame écossaise, M®° Fordyce, âgée de soixante-trois ans, d’une consti- tution grèle, d’un tempérament nerveux, ayant été, à diverses époques, atteinte de névralgie. Prise au mois d'avril 1855 d’une violente douleur sus-, orbiltaire du côté droit, elle réclama mes soins. Cette névralgie commençait périodiquement tous les jours à midi, augmentait peu à peu d'intensité, devenait intolérable vers cinq heures, et ne cessait que dans la nuit. J'avais inutilement administré le sulfate de quinine (qui, dans les attaques précé- dentes, avait guéri Me Fordyce), le valérianate de quinine, le cyanure de potassium, la belladone à l’intérieur et à l'extérieur, l’hydrochlorate de morphine, lorsqu’au bout de douze jours, me rappelant les heureux effets obtenus par Aran, j'eus recours à l'extrait d’aconit. J’en fis prendre d’a- boru 2 centigr. 1/2 en pilules, de deux heures en deux heures, dans l'inter- mission. Le soulagement fut peu sensible. Le lendemain je portai la dose à (1) Journal de médecine et de chirurgie pratique, 1848, p. 641. (2) Abeille médicale, octobre 1845. (3) Bulletin de thérapeutique, 1854, p. 84. k s 4 (4) 1 est à remarquer que l'extrait d'aconit de la pharmacie de l'hôpital, où a été recueillie cette observation, était faible, Dans d’autres cas, il ne faudrait débuter, suivant l'avis judicieux du rédac'eur du Bulletin général de thérapeutique, que par la dose de 10 centigrammes, et = aller beaucoup au delà que graduellement. ACONIT NAPEL, 21 3 centigr. par pilule; l’accès diminua de moitié, tant en intensité qu'en durée. Le troisième jour les pilules furent de 4 centigr., toujours répé- tées cinq fois; l'accès fut à peu près le même que la veille. La dose fut le quatrième jour de 6 centigr. pour chaque pilule (5 pilules) : l'accès fut remplacé par un état d’affaissement et de somnolence avec pesanteur de tête. Le cinquième jour, après une dose semblable à celle de la veille, la guérison était complète. M" Fordyce, qui depuis a fait un voyage à Paris, n'a eu aucun indice de retour de sa névralgie, (Debout (1) fait remarquer que les névralgies faciales sont de deux es- pèces : les unes symptomatiques de l’anémie, durant toute la journée et exaspérées par le froid, obéissent de préférence à l’opium; les autres, plus essentielles, dues à une sorte de congestion, s’exagèrent par la chaleur, prédominent pendant la nuit; elles cèdent à l’aconit.) Imbert-Gourbeyre rapporte, dans son remarquable mémoire sur l'aco- nit, une observation sur les bons effets de cette renonculacée dans un cas de névralgie du cœur. Copland, dans son Dictionnary of pract. med., se loue beaucoup de l'efficacité de l’aconit dans la même affection. Les résultats thérapeutiques signalés par le médecin anglais semblent se trouver confir- més par l'observation précédente (2). L'aconit a joui d’une grande réputation dans le traitement de la phthisie. Busch (3) prétend qu’on peut arrêter la phthisie pulmonaire en combattant l’état nerveux au début de la maladie. Cette opinion est conforme à celle de Double, qui donnait l’aconit dans certains cas de phthisie pulmonaire lorsque la maladie était encore bornée aux spasmes nerveux. Harel du Tan- crel a publié une série d'observations tendant à prouver l'utilité de l’aconit associé à de faibles doses de sulfure de chaux, contre cette maladie. Mais Portal n’en a obtenu aucun avantage. Trousseau et Pidoux l’ont aussi ad- ministré sans succès. « Nous serions heureux, disent ces derniers, de pou- voir ajouter foi à de semblables résultats; mais des essais tentés par nous dans les phthisies dont les signes n'étaient point équivoques, nous ont con- vaineus de l’inutilité de ce moyen. » Ces dissidences trouvent leur explication dans les circonstances diverses où se trouve le malade, dans l’état des organes, dans l’élément morbide con- comitant, lors de l’administration du médicament. L’aconit ne doit être ad- mis ni rejeté dans tous les cas. Roy de Lyon (4) pensait que les propriétés sédatives de cette plante pourraient être utilisées lorsqu'un système est sur- excité; et, se rappelant les éloges donnés à l’aconit dans la phthisie, il la administré dans tous les cas de tuberculisation aigüe, où le système capillaire sanguin est développé, où il y a coloration de la face, dans certaines hémo- ptysies actives. Il en a retiré des avantages contre la complication phlegma- sique. Mais l’aconit paraît sans influence sur le fond même du mal, la pro- duction tuberculeuse. Voilà ce qu’on peut appeler de l’éclectisme pratique. Je partage d’autant plus l’opinion du médecin distingué que je viens de citer, que j'ai moi-même employé avec succès, depuis plus de vingt ans, les préparations d’aconit dans l’inflammation chronique des poumons, maladie très-rare dans nos grandes cités, mais assez fréquente à la campagne, où, comme l'a remarqué notre savant et honorable confrère Munarel, sur dix cas de phthisie pulmonaire, sept proviennent de rhume négligé. Dans ces cas, où la fréquence du pouls, la chaleur de la peau, l’état fébrile sont permanents, et donnent à l’affection les caractères plus ou moins prononcés de l’acuité, bien que, par la durée, elle soit considérée comme chronique, j'ai loujours eu à me louer de l'emploi de l'extrait de suc d’aconit ou de la (1) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. 1, p. 584. (2) Moniteur des hôpitaux et Bulletin général de thérapeutique, 1855. (3) Recherches sur La nature et le traitement de la phthisie. Strasbourg, an IV. (4) Revue ce thérapeutique médico chirurgicale, 1863. 22 ACONIT NAPEL. teinture alcoolique de cette plante. Sous leur influence, le pouls se ralentis- sait, la toux diminuait considérablement, les douleurs se calmaient, le som- meil revenait, et le malade se trouvant dans des conditions favorables à l’action des révulsifs, j'employais alors avec avantage les vésicatoires, les cautères, les frictions stibiées, etc. Je parvenais ainsi à suspendre la marche de la maladie, et quelquefois même à la guerir. J'ai eu beaucoup à me louer de l’aconit dans le traitement de la coqueluche qui à régné à Boulogne avec une grande intensité pendant l’été de 1855. La poudre des feuilles était administrée comme la belladone à dose propor- tionnée à l’âge; elle me réussissait souvent dans des cas opiniâtres où cette dernière avait échoué. J’ai aussi employé dans cette affection, souvent si re- doutable par ses complications ou ses suites, l’extrait alcoolique et la tein- ture d’aconit, administrés avec prudence et en commençant par des doses très-minimes (1 milligram. à 4 cent.). (C’est surtout dans les affections nerveuses des voies respiratoires qu’on pourra sérieusement compter sur les effets de l’aconit ; il a une action non douteuse dans l'asthme, où je l’ai vu calmer considérablement les accès et éloigner leur retour.) L'aconit à été proposé contre l'infection purulente par J.-P. Tessier, de Paris, en 4846. À son exemple, Chassaignac (1) a tenté non-seulement de guérir, mais encore de prévenir l'infection à l’aide de la teinture alcoolique d’aconit, qu'il donne à la dose progressive de 1 à 5 gr. Trente malades opérés par lui ont été soumis à ce traitement ; aucun d’eux n’a été atteint de l’in- fection purulente. Mais, ainsi que ce chirurgien en est convenu lui-même, ces faits ne sont pas assez nombreux ni assez concluants pour juger une question aussi difficile. Pour prévenir l'infection purulente dans les abcès de la région cervicale et l’abcès profond de la cuisse, Paul Guersant (2) donne avec avantage l'extrait de quinquina et la teinture alcoolique d’aconit. Le malade prend matin et soir une pilule de 20 centig. d’extrait mou de quin- quina, et dans les vingt-quatre heures un julep contenant de 2 à 4 gr. d’al- coolature d’aconit. Cette dernière est donnée dès le début, c’est-à-dire aussi- tôt qu’il survient des frissons et des nausées. Chez deux petits malades qui prenaient ce médicament à la dose de 2 à 3 gr. depuis huit jours, on a re- marqué des accidents de cécité; mais le trouble de la vue disparut prompte- ment. Ce n’est pas là un obstacle sérieux à l’administration de ce médica- ment. (Isnard à résumé dans trois articles de l’Union médicale (4° trimestre, 1861, p. 23-43-64) l’état de la science sur cette question. Il est arrivé aux conclusions suivantes, reposant sur les faits publiés et sur ceux de sa propre pratique : «L'action prophylactique de l’aconit, quoique manquant encore de certitude, repose sur des faits assez encourageants, sur des probabilités assez grandes, pour qu'on y ait recours toutes les fois que cet accident est à craindre. Sa vertu curative plus positive lui donne le premier rang dans la médication, sans exclusion des autres moyens susceptibles de remplir des indications spéciales. » Tessier attribuait le succès de l’aconit à une action controstimulante et sudorifique; mais, ainsi que le fait observer Isnard, comme ces deux classes d’agents n’ont donné que des résultats incertains, il faut bien reconnaître à l’aconit, sans faire abstraction de ses vertus éli- minatives, une action spéciale, jusqu'alors inexpliquée, dont le résultat pa- raît être de soustraire l'organisme aux atteintes de l'infection purulente. O. Turchetti (3) rapporte deux cas remarquables de cette terrible maladie guéris par l’aconit associé au sulfate de quinine.) (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1852, p. 12. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1854, p. 69. x (5j Gasetta med. degli Stati Sardi et Union médicale de Bordeaux, février 1858. ACONIT NAPEL. 25 L’aconit a été aussi essayé contre diverses maladies qui se rapprochent de la diathèse purulente, telles que la fièvre puerpérale, le farcin. La purulence puerpérale, qui n’est pas causée, comme on le croyait, par la phlébite, puisqu'on l’a rencontrée sans aucune lésion ni dans l'utérus ni dans les vaisseaux sanguins et lymphatiques, n’a pu être combattue effi- cacement par l’alcoolature d’aconit, que l’on avait proposée contre cette af- fection. Duhamel, de Boulogne-sur-Mer (4), ancien interne des hôpitaux de Paris, qui l’a vu plusieurs fois employer, dit que ce médicament n’a Jamais paru avoir d'autre effet que celui d'augmenter les nausées et les vomisse- ments. Depuis (2), trois malades atteintes de fièvre puerpérale ont été trai- tées, deux dans le service de P. Dubois, une dans le service de Grisolle, par la teinture d’aconit à la dose progressive de 1 à 8 gr. dans les vingt-quatre heures. Deux de ces malades ont succombé après un temps beaucoup plus long que celui que met habituellement la fièvre puerpérale pour arriver à une terminaison funeste. Dans un cas, la malade est sortie du service de Dubois avant sa mort, et l’autopsie n’a pu être faite ; dans l’autre, qui a été observé dans le service de Grisolle, l’autopsie a révélé toutes les lésions ap- partenant à la fièvre puerpérale, abcès multiples, pus dans les sinus uté- rins, ete. ; enfin, chez la troisième femme entrée dans le service de P, Dubois, la maladie, après avoir présenté tous les symptômes de l'infection purulente, et notamment de nombreux abcès qui se sont ouverts à l'extérieur, s’est terminée d’une manière heureuse, et la malade est sortie complétement guérie. Une guérison sur trois cas de fièvre puerpérale, et un retard dans la ter- minaison si constamment funeste des deux autres, sont des résultats qui en- couragent à de nouvelles tentatives. Ce n’est point avec ces faits, bien certainement, que l’on portera un juge- ment définitif sur l'influence de l’aconit dans le traitement de la fièvre puer- pérale. Le praticien non prévenu sait combien il est difficile de faire la part du remède et celle de la nature dans le traitement des maladies. Decaisne (3) a employé l’aconit à l'hôpital militaire de Namur, chez des malades atteints de farcin, et cette médication a produit une amélioration tellement évidente, que si ces farcineux eussent été soumis à ce traitement au début de la maladie, on eût pu espérer une guérison complète. Decaisne n’a pas employé dans ce cas l’alcoolature, mais bien l'extrait d’aconit à une dose d’abord minime, en augmentant progressivement jusqu'à 0,75 et même 2 gr. 25 centig. par jour. L'observation suivante, recueillie dans ma pratique, et que je considère comme très-remarquable, trouve ici sa place : Lefèvre, loueur de voitures, âgé de trente-huit ans, tempérament lympha- tico-sanguin, taille moyenne, cheveux châtains, jouissant habituellement d’une bonne santé, se fit, le 3 décembre 1854, une petite écorchure entre l’ongle et l’extrémité du pouce de la main gauche, en débouchant l'égout d’une écurie où se trouvaient des chevaux morveux qu'il soignait lui-même depuis quelque temps. Cet égout, dans lequel il avait trempé la main, était rempli de l’urine de ces animaux. Dès le 3 au matin, Lefèvre éprouva des frissons suivis de chaleur et de fièvre. En même temps le pouce blessé devint douloureux, s’enflamma, se tuméfia, prit une teinte rouge-brun qui s’étendit bientôt le long des vais- seaux radiaux jusqu’au tiers inférieur de l’avant-bras. La suppuration s’éta- blit dans la petite plaie et autour de l’ongle, qu’elle détacha. Deux ou trois jours après (le 7 ou le 8), une tumeur du volume d’un œuf (1) Considérations sur les fièvres puerpérales. Thèse inaugurale. Paris, 1850. (2: Gazette des hôpitaux, 1853. (3) Archives belges de médecine militaire, 1852, 2! ACONIT NAPEL. de pigeon se montra au point où se terminait, à l’avant-bras, la traînée phlegmasique de la peau. Cette tumeur offrait déjà de la fluctuation. On en remit l'ouverture au lendemain. La fièvre continuait; elle était accompagnée de soif, d’anorexie, de nausées, d’irritation gastrique. Le lendemain (le 8 ou le 9), l’abcès que l’on se proposait d'ouvrir avail disparu ; mais une douleur assez vive s’était fait sentir pendant la nuit dans tout le pied gauche, que l’on trouva enflé jusqu’au-dessus des malléoles, et offrant sur le dos une rougeur érysipélateuse très-prononcée. Le docteur... qui avait été appelé au début de la maladie, fit appliquer quinze sangsues sur cette dernière partie; les piqûres saignèrent abondamment ; l’inflamma- tion et la douleur se calmèrent. On mit des cataplasmes émollients. Au bout de trois ou quatre jours (vers le 12 ou le 13,, la tumeur présentait de la fluctuation dans une assez grande étendue sur le dos du pied. Le doc- ED HE l’ouvrit largement et donna issue à une grande quantité de pus sanguinolent, épais, semblable à de la lie de vin. La fièvre diminua considé- rablement et le malade put goûter quelques instants de repos ; cependant l'appétit était presque nul, et les symptômes d’irritation gastrique persis- taient. La suppuration était abondante et fétide. Vers la fin du mois, on s’a- perçut qu'une nouvelle collection purulente, du volume d’un petit œuf de poule, s'était formée sans travail inflammatoire sensible à la partie infé- - rieure et interne de la jambe droite. Ouverte à l'instant même, il en sortit un caillot de sang noir et du pus semblable à celui de l’abeès du pied, mais plus fluide. La plaie se cicatrisa en quelques jours. Plusieurs autres abcès peu volumineux se formèrent successivement sur diverses régions du corps; ils furent ouverts ou se terminèrent par délitescence. La plaie résultant de l’abcès situé sur le dos du pied gauche continua de suppurer, s’étendit en largeur et en profondeur, et devint bientôt un ulcère fétide et de mauvais caractère. Le pied lui-même était resté tuméfié, œdé- mateux, rouge-cuivre sur le dos et surtout autour de la plaie. La fièvre di- minua peu à peu ; mais le malade, qui tenait constamment le lit, maigrissait et s’affaissait de plus en plus. Tels sont les renseignements que j'ai pu recueillir sur les six premières semaines de la maladie de Lefèvre, auquel le docteur ..…. prescrivit pour tout traitement des boissons délayantes ou acidulées, l’eau d'orge ou de gruau, le bouillon de veau, et plus tard celui de bœuf avec des fécules; à. l'extérieur, des cataplasmes émollients, des lotions d’eau de javelle étendue dans l’eau tiède, sur l’ulcère du pied. Appelé le 17 janvier 1855, je trouve le malade dans l’état suivant : amai- grissement considérable, face cachectique, infiltrée, teint plombé, yeux ter- nes ; pouls faible, à 78 pulsations, non fébrile; peau sèche, aride, rarement chaude ; langue épaisse, couverte d’un enduit blanchâtre ; inappétence, con- stipaiion souvent opiniâtre, point de soif; sommeil pénible, souvent inter- rompu; accablement moral, découragement causé par la perte, dans l’es- pace d’un an, de seize chevaux atteints de morve ou de farcin, et surtout par la crainte de laisser dans la misère sa femme et ses enfants. Sur le dos du pied gauche se trouve un ulcère profond, traversant pres- que de part en part cette partie, entre le troisième et le quatrième os méta- tarsien, ayant à cent. de longueur sur 3 cent. de largeur, et se terminant en entonnoir vers la plante du pied. Les bords de cet ulcère sont taillés à pic, un peu renversés, indurés comme dans le chancre vénérien ; le fond est mamelonné, recouvert, dans des sillons irréguliers, d’une couche blan- châtre, membraniforme, épaisse. La suppuration, abondante, souvent sanieuse, exhale une odeur sui generis rendue insupportable par le réduit obscur et non aéré dans lequel Lefèvre est constamment couché, et qui forme un véritable foyer d’infection. ACONIT NAPEL. 25 Après avoir fait placer le malade dans une chambre spacieuse, je prescris le traitement suivant : 1° Frictions sur tout le corps avec une flanelle imbibée d’eau de savon tiède et d’eau-de-vie camphrée à parties égales. >% Prendre chaque soir deux des pilules ainsi composées : ANOËE LA 4 grammes. Sulfate de quinine .... 1 gramme 50 centigrammes. Extrait de jusquiame .. 1 gramme. Extrait de genièvre ... Q.S. M. F. pilules n° 30. 3° Une cuillerée à café le matin, à midi et au soir, de la solution suivante : lodure de potassium .. 12 grammes. Eau distillée ::...,.42% 180 grammes. 4° Infusion de houblon mêlée avec un peu de vin de Bordeaux pour boisson. 5° Pansement de l’ulcère avec un plumasseau chargé d’onguent napolitain, et frictions journalières avec le même onguent sur toute la partie tuméfiée du pied ; lotions à chaque pansement, comme par le passé, avec l’eau de javelle étendue dans l’eau tiède. 6° Régime analeptique proportionné à l’appélit et aux forces digestives. Après huit jours de traitement, le malade se trouve un peu mieux; le pouls est moins faible, le sommeil plus calme et plus prolongé. La constipation est facilement combattue à l’aide des pilules, lesquelles produisent chaque jour une selle copieuse et presque toujours concrète. Mais l’iodure de potas- sium ne pouvant être supporté à cause des nausées, des douleurs d'estomac, et des efforts de vomissements qu’il occasionne, est remplacé par l'huile de foie de morue, que le malade prend d’abord à la dose de deux cuillerées à bouche par jour, et ensuite de trois et de quatre, en augmentant graduelle- ment. L'ulcère est promptement modifié par l’action de l’onguent mercuriel; ses bords s’affaissent, s’aplatissent et présentent l’aspect d’une plaie ordinaire ; mais la suppuration est toujours fétide, la détersion s'opère lentement, le gonflement œdémateux persiste. J'y oppose une fomentation composée d’in- fusion de fleurs de sureau et d’acétate de plomb liquide. J'introduis au fond de l’ulcère un plumasseau recouvert d’onguent de styrax saupoudré d’un mé- lange de poudre de quinquina, d’hydrochlorate d’ammoniaque etde camphre. Je continue l’application de l’onguent mercuriel sur les bords et à la sur- face. Ces pansements produisent un bon effet. Le malade affirme n’avoir jamais eu d’affection vénérienne (1). L'état d'émaciation et de débilité éloigne d’ailleurs toute idée de traitement général par le mercure. Les choses se passent ainsi jusqu'au 925 février, avec une amélioration progressive telle, que le malade, ayant repris ses forces, peut rester levé 6 à 8 heures par jour. Cependant, le 1° mars, un nouvel abcès survient à la partie inférieure interne de l’avant-bras droit, et ne présente pas plus de douleur qu’un abcès par congestion. Ouvert aussitôt, il donne issue à un pus séreux et sanguinolent. La plaie ne suppure que quatre ou cinq jours. Vers le 20 mars, un engorgement dur se manifeste au mollet gauche, dont il envahit toute l'étendue en moins de huit jours. Cette tumeur, presque indolente, devient bientôt de la même couleur que celle du pied, semble faire corps avec les muscles, et présente, après une quinzaine de jours, sur divers points, des tubercules qui s’ouvrent spontanément, fournissent un pus rous- sâtre mêlé de sang, restent ouverts avec un décollement circulaire de la peau, et continuent de suppurer. (1) Je n’ai jamais vu l’ulcère farcineux du cheval. Malgré les dénégations du malade, je n’ai pu me défendre du soupçon de l'existence d’une syphilis latente se révélant occasionnellement dans la plaie en suppuration après l’ouverture de l’abcès farcineux. 26 ACONIT NAPEL. Du reste, l’état général du malade est beaucoup plus satisfaisant. Ses forces et son embonpoint reviennent rapidement ; il continue l'usage de l’huile de foie de morue à la dose de cinq à six cuillerées à bouche par jour, et celui des pilules seulement quand la constipation l'y oblige. Nous sommes arrivés à la mi-juin : l’ulcère du pied, amené peu à peu à l'état de plaie simple, est presque guéri, et la tuméfaction de cette partie étant tout à fait dissipée, le malade prend un peu d’exercice; mais il ne peut encore supporter la moindre fatigue sans éprouver un grand malaise. La tumeur du mollet, ne présentant aucune amélioration, vient attester la per- sistance de l'affection fareineuse chronique, ce qui m'engage à tenter l’em- ploi de laconit napel, préconisé comme propre à combattre la pyohémie. Le 24 juin, je prescris 10 centig. d’extrait alcoolique de cette plante (1) en quatre pilules à prendre dans la journée. Dès le lendemain, je porte la dose à 12 centigrammes. Aucun effet physiologique appréciable n’ayant lieu, :e fais prendre le quatrième jour 15 cent. toujours en quatre pilules. La nuit suivante une moiteur générale s'établit et dure environ quatre heures. Le malade fait observer que dans le cours de la maladie il n’a jamais éprouvé cette détente de la peau. Le remède est continué à la même dose, et produit le même effet jusqu’au 5 juillet, époque à laquelle la dose d’extrait est por- tée à 18 centig. par jour. Dès lors, la sueur commence vers minuit et dure jusqu’au matin. La même dose, continuée chaque jour, produit toujours le même effet. Aucun inconvénient d’ailleurs ne se fait remarquer sous le rap- port de l’action toxique de l’aconit. La tumeur du mollet, examinée le 45 juillet, paraît moins rouge et moins dure, mais non moins volumineuse,. Du 15 juillet au 1° septembre, la tumeur est beaucoup moins colorée, di- minuée d’un tiers environ, et ramollie. Les petites plaies ne paraissent entre- tenues que par le décollement de la peau, au-dessous de laquelle je promène le nitrate d'argent pour en favoriser l’adhérence. Les sueurs nocturnes ayant un peu diminué, et le malade ne s’en trou- vant nullement affaibli, je donne l'extrait à la dose de 24 cent. en cinq pilules, dont une est prise dans la nuit. Il y a le lendemain un peu d’obseur- cissement dans la vue et quelques vertiges. On continue néanmoins à la même dose du 1% septembre au 20 du même mois, et cet effet ne se reproduit que faiblement pendant trois ou quatre jours. Dans cet espace de temps, la tu- meur s’est réduite au quart de son volume primitif, sa couleur rouge-cuivre a presque entièrement disparu, et les petites plaies de sa surface se sont cicatrisées. Malgré l’usage du médicament jusqu’au 20 octobre et la continuation des sueurs, même pendant le jour, le noyau central de l’engorgement n’a subi aucun changement. Je conseille le badigeonnage avec la teinture d’iode. Ce dernier moyen, continué pendant un mois, en le suspendant de temps en temps quand l'effet en est trop actif, amène la résolution complète de la tu- meur. Lefèvre a repris ses occupations ordinaires, et paraît tout à fait rétabli. Les faits relatés dans cette observation n’ont pas besoin de commentaires. Le lecteur en appréciera l'importance. Je dois seulement appeler son atten- tion sur les résultats obtenus en dernier lieu par l'emploi de l’aconit, objet spécial de cet article. PAU « L’aconit, dit Richard (2), a été mis en usage pour guérir l’épilepsie, les convulsions et la paralysie, surtout celle qui est la suite des attaques d'apo- plexie. Kappeler, médecin à l’hôpital Saint-Antoine à Paris, l’a employé fréquemment dans cette dernière circonstance, et en a obtenu des succès souvent répétés. » Stoll indique ce remède dans la chorée. Bergius, Baldin- ger, Reinhold, ont guéri des fièvres intermittentes rebelles par l’aconit. (1) Cet extrait avait été préparé par M. Dausse, pharmacien, dont la spécialité est avanta- geusement connue. ‘ (2) Dictionnaire de médecine en 21 volumes, t, I, p. 321. ACONIT NAPEL. 27 (Une application nouvelle de ce médicament a été faite en 1858 par Long, professeur à l’école de médecine à Liverpool ; il ordonne contre les accès de fièvre uréthrale, en teinture à la dose de 2 grammes immédiatement après le cathétérisme; — sur trois cas il cite trois succès, — j'ai eu l’occasion de vérifier dernièrement cette assertion. Le résultat n’a pas été aussi satis- faisant que semblait me le faire espérer la relation des observations de Long ; je n’ai pu constater qu’une legère diminution dans l'intensité des phéno- mènes fébriles. Signorini, eu 1837, employait l’aconit contre la cystite chronique ; Gre- ding et Howschipp (1823-1825) contre l’incontinence d'urine. Le professeur Fouquier le mettait en usage contre les hydropysies. De Candolle dit qu'il est de temps immémorial employé en Suisse contre ces aflections.) Greding l’a trouvé éfficace dans les gonflements glandulaires. West, de Soulz, l’a pro- posé contre l’aménorrhée, comme si cette maladie ne devait pas offrir des différences selon les causes, l’état général du malade, celui de l'utérus, etc. (Marotte (1) préconise l’alcoolature d’aconit dans les métrorrhagies dont lap- parition coïncide avec l’état de congestion de la période menstruelle.) Fritz l’a recommandé contre la syphilis constitutionnelle, et Bodart le considère comme un excellent succédané du gayac. J'ai calmé très-prompte- ment, par l'extrait d’aconit, des céphalalgies syphilitiques et des douleurs ostéocopes très-intenses. Brera, Biett, Double, Trousseau et Pidoux, Caze- nave et d’autres médecins, ont associé l’aconit au mercure et surtout au proto-iodure de mercure dans le traitement des syphilides et des ulcéra- tions vénériennes de la peau. Mais, ainsi que l’ont fait remarquer Trousseau et Pidoux, il est difficile de décider si l'amélioration rapide que l’on à ob- tenue ne doit pas être exclusivement attribuée au mercure. Cazenave prescrit l’aconit pour combattre le prurigo en général, et en particulier le prurit vulvaire ou prurigo pudendi, accident qui accompagne souvent la métrite chronique. Il fait prendre des pilules composées d’extrait alcoolique d’aconit et d’extrait de taraxacum, de chaque 1 gr. divisés en 40 pilules, dont le malade prend 1 ou 2 matin et soir. A l'extérieur, Caze- nave emploie les émollients, les lotions avec une‘solution de bichlorure de mercure. Grantham (2) recommande l’infusion de l’aconit napel, à l'extérieur, dans le traitement des ulcères gangréneux et phagédéniques qui surviennent chez les individus goutteux. Il faut user avec prudence de ce moyen. Hanin à vu employer en Suisse la décoction de racine d’aconit dans du beurre (en friction) pour combattre des gales opiniâtres et pour détruire la vermine. (L’AcONITINE offre dans son action les mêmes effets que l’aconit, et peut, comme alcaloïde, remplacer avantageusement les préparations de la plante elle-même. Dans les expériences sur les animaux, dans les cas d’empoison- nement, même tableau de symptômes, même marche de phénomènes, avec un degré d'intensité lié à l'énergie plus grande de l'agent. C’est à cause de l’impureté des produits qu’il employait, que Schroff a été amené à diffé- rencier l’action des deux poisons. Pour lui, l’alcaloïde serait narcotique ; l’aconit, narcotico-âcre. Hottot et Liegeois, avec un produit complétement pur (voyez Prépara- tions), ont obtenu des effets semblables, mais très-exagérés; ainsi, une dose de 4 milligr. amène déjà des manifestations physiologiques; à celle de 3 milligr., des phénomènes d’une grande intensité. Nous croyons devoir re- produire ici les conclusions du travail de Hottut et Liegeois (3) : (1) Bulletin général de thérapeutique, 1862. (2) London med. Gaz., 1848. x (3) Journal de la physiologie de l’homme et des animaux, 1862. 28 ACONIT NAPEL. « L’aconitine est un poison narcolico-âcre, dont les propriétés irritantes se manifestent surtout sur les muqueuses. — L’absorption de l’aconitine par le tube digestif est plus rapide que l'absorption du curare et de la strych- nine par la même voie, ce qui explique la rapidité de la mort des animaux chez lesquels les doses extrêmement petites d’aconitine ont été introduites dans l’estomac. — L’aconitine agit sur les centres nerveux, et successive- ment sur le bulbe, la moelle et le cerveau. — Les symptômes se traduisent dans l’ordre suivant : abolition de la respiration, de la sensibilité générale, de la sensibilité réflexe, des mouvements volontaires. — L’aconitine trouble les fonctions du cœur, en agissant sur la substance même de cet organe. — Les effets du poison sur les nerfs périphériques succèdent aux effets de poi- son sur les organes centraux. — L’excitabilité des filaments nerveux mo- teurs ou sensibles disparaît dans les fibres périphériques avant de dispa- raître dans les troncs nerveux. » La question de l'influence directe de l’aconitine sur les mouvements de la pupille trouve ici sa place. Elle à été jusqu’à présent controversée; les uns (Schroff), attestant qu’elle amenait la dilatation; les autres, avec Fleming, admettant la contraction; mettant à profit la propriété endosmotique de la cornée, Liegeois a péremptoirement démontré la réalité de la dernière opi- nion. Cela n'infirme en rien la possibilité d’une dilatation, observée comme nous l’avons avancé, dans la période ultime de l’empoisonnement; encore, dans la plupart de ces cas, la pupille reste-t-elle impressionnable à la Iu- mière vive. L’aconitine participe des propriétés thérapeutiques de la plante, et a été employée dans les mêmes cas. Gubler (1) a présenté une véritable monogra- phie sur son usage dans les affections congestives et douloureuses (névral- gies, rhumatismes), et contre les fièvres intermittentes. Nous renvoyons à ce travail, renfermant des observations très-intéressantes, que l’étendue déjà considérable de cet article ne nous permet pas de reproduire. Turnbull préconise l’aconitine, en frictions sur le front, dans les affections inflammatoires des membranes profondes de l'œil. Dans certains cas de surdité, le même observateur s’est bien trouvé de frictions sur la face et le derrière de l'oreille faites avec des gouttes alcooliques de vératrine, de del- phine et d’aconitine; d’autres fois il les introduit dans le conduit auditif; dans ce Cas, un des premiers effets est le rétablissement de la sécrétion cé- rumineuse, si elle a été supprimée. Blanchet (2) a utilisé l’aconitine à l’intérieur sous forme de globules dans l’hypercousie et la paracousie. Il l’emploie dans ces cas si pénibles où les bruits bizarres prédominent, en injections dans l'oreille moyenne, à l’aide d’une sonde spéciale. Pletzer, qui a tant contribué à la vulgarisation des injections médicamen- teuses sous-cutanées, n’a obtenu aucun résultat avec l’aconitine à la dose d’un trentième à un vingtième de grain. En collyre dans les iridalgies, les inflammations douloureuses de l’œil et de ses annexes, l’aconitine à des effets marqués. La médecine homæopathique, heureuse de trouver un médicament actif sous un petit volume, pouvant être globulisé, ordonne aveu prodigalité l’aco- nitine dans le traitement des névroses, des maladies inflammatoires et des maladies fébriles en général). (1) Bulletin de thérapeutique, t. LXVI. (2) Journal de medecine et de chirurgie pratiques, t. XXVI, p. 507. ACTÉE. 29 4 . ACTÉE. Actæa spicata. L. Aconitum bacciferum. B. — Christophoriana. ToURx. Herbe de Saint-Christophe, — faux ellébore noir, — herbe aux poux, — actée des Alpes. RENONCULACÉES. — POEONIÉES. Fam, nat, — POLYANDRIE MONOGYNIE. L. L'actée (pl. I), plinte vivace, croit dans les bois ombragés et montueux de presque toute la France, On la rencontre assez fréquemment à Saint-Ger- main, à Villers-Cotterets, à Compiègne, dans les forêts du Boulonnais et très-abondamment dans le Languedoc. Description, — Tige de 40 à 80 centimètres, dressée, le plus souvent simple, nue en bas, portant une ou trois feuilles supérieurement. — Feuilles alternes, décou- pées, décomposées, ternées, à long pétiole, segments du premier ordre longuement péliolés, ovales ou incisées, d'un vert foncé en dessus, blanchâtre en dessous. — Fleurs blanches, petites, régulières, en une ou deux grappes compactes, la principale opposée à la feuille supérieure, l’autre axillaire, souvent avortée (mai-juin), quatre pétales atté- nuées en un long onglet. — Calice à quatre sépales pétaloïdes caducs. — Etamines nombreuses. — Fruit bacciforme, noir à la maturité. Récolte. — On récolte sa racine vivace en toute saison pour l’employer fraiche. Propriétés physiques et chimiques, — L'analyse de cette plante, je crois, n’a point été faite. Elle paraît contenir une matière très-âcre Jointe à une certaine quantité de tannin. — Ses baies cuites dans l’eau avec un peu d’alun donnent une encre assez noire. Cette plante, d’une saveur âcre et amère, d’une odeur désagréable quand on la froisse entre les doigts, est toxique administrée à forte dose et à l’état frais. Elle paraît agir à la manière des végétaux narcotico-âcres. Linné a vu ses baies exciter un délire furieux suivi de mort. Lemercier, de Ro- chefort (1), dit qu’elles ont produit une sorte d'ivresse, une grande per- turbation dans les fonctions cérébrales, l’irritation du tube digestif. Les ânes, les chèvres, mangent cette plante verte sans en être incommodés. Elle tue les poules, les canards. Cependant Orfila, qui, probablement, a employé la plante sèche, a administré sa décoction à la dose de 195 à 185 gr. sans produire le moindre accident. La racine de cette plante, surtout quand elle est fraiche, est un purgatif violent, employé dans la médecine vétérinaire, ayant une action analogue à celle de l’ellébore noir. Elle est peu usitée dans la médecine humaine, à cause de l'incertitude où l’on est sur ses véritables effets. Cependant, Haller dit, d’après Matthiole, qu’elle est considérée comme un remède efficace contre l’asthme et les scrofules. Lejeune, de Verviers, au rapport de Dubois, de Tournai, fait usage de cette plante pour calmer la toux des phthisiques. Il l’administre en infusion théiforme, à la dose de 2 gr. par jour. Cette propriété serait analogue à celle de l’actée à grappes (Actœa racemosa), plante de l'Amérique septentrionale, employée aux Etats- Unis pour combattre la toux et diminuer la fréquence du pouls. On pour- rait donc substituer l’actée en épi à cette dernière. ( Burnett reconnait à la souche de la plante qui nous occupe une certaine valeur comme astringent, expectorant et antispasmodique ; elle lui a réussi dans le traitement de certains catarrhes rebelles). | La poudre et la décoction d’actée tuent les poux et guérissent la gale. (La racine de christophorienne est employée comme révulsif par les paysans de l’Auvergne. Dans certaines maladies des bœufs, ils introduisent sous la peau des filets de ces racines, qui provoquent un écoulement abon- dant de sérosité.) D’après Loiseleur-Deslonchamps, les paysans de l'Auvergne vendent {1) Compte-rendu de la Société médicale de Lyon. 30 AGARIC BLANC. ses racines pour celles de l’ellébore. Guibourt présume que l’ellébore noir vendu à Paris, et qu'il considère comme faux, est de lactée en épi. [ L’A. branchypetala (A. spicata, Mich., non L.), originaire de l'Amérique du Nord; l'A. racemosa, L. (A. monogyna, Walt.). — Cimifuga racemosa, Bart. — Botrophis actæoides, Raf. — Mocrotys, Raf., originaire de l’Amérique bo- réale, et l’A. cimifuga, L. L.— C. simplez, Worms et Fisch (Cimifuga fœtida), de la Sibérie et du Kamschatka, mais toutes acclimatées et cultivées en France, jouissent des mêmes propriétés que l’A. spicata ; cependant, l’A. ra- cemosa est regardée comme très-vénéneuse. | AGARIC BLANC. Boletus Laricis. L. Agaricus, sive fungus larycis. BAUH., TOURN. -— Boletus purgans. Polyporus officinalis. Friss. Agaric du mélèse, — bolet du mélèse, — agaric purgatif. CHAMPIGNONS. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. — CHAMPIGNONS. L. Description. — Ce végétal parasite croît sur le mélèse qui a acquis toute sa croissance ou déjà vieux, sous forme de masses grosses comme le poing et plus, irré- eulières, d'un blanc jaunâtre, d’un tissu spongieux recouvert d'une couche grise, épaisse, compacte, marquée de zones de diverses couleurs. Il est assez commun dans le forêts de la Savoie, du Dauphiné et de la Provence. Récolte, — On le récolte lorsqu'il. commence à se fendre, ce qui n’a guère lieu qu'au bout d’une année. On détache la peau extérieure ou écorce. On expose l'intérieur au soleil pendant quelques semaines pour le dessécher et le blanchir ; on le frappe ensuile avec des maillets pour faire disparaître les fentes, serrer le tissu et le rendre uniforme. L’agaric bien choisi est blanc, léger, homogène, friable, inodore. Si l’on en jette des fragments sur les charbons, ils s'enflamment et laissent peu de cendres. Quand on le pile, il excite la toux, des nausées, l'éternuement et de l'irritation aux yeux. Propriétés physiques et chimiques. — L’agaric blanc, d’une saveur d’abord fade et amarescente, puis amère, âcre et nauséabonde, contient, d’après Bracon- not, 0.72 d’une résine particulière, 0 26 d’une matière fongueuse, et 0.2 d’un extrait amer. Cette substance est quelquefois employée pour teindre la soie en noir. NE la ré- sine qui est le principe actif, elle est soluble dans l’alcool, l'éther, les huiles fixes et volatiles, les alcalis, et insoluble dans l’eau. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Infasion aqueuse, comme purgatif, 1 à 4 gr. | Poudre, 50 centigr. à 2 gr. sur 300 gr. d’eau. Comme altérant (dans les sueurs des phthisi- Infusion vineuse (Cartheuser), 1 à 4 gr. ques), 5 à 50 centigr. On associe souvent l'agaric à des substances aromatiques. Les frochisques d’agaric de Mesué (mélange de poudre d’agaric blanc et d’une infusion de gingembre dans le vin blanc) étaient employés dans tous les cas où les drastiques sont indiqués, et notam- ment dans les hydropisies, à la dose de 40 centigr. à 2 gr. L'ancien Dispensaire de Paris donnait encore une formule de trochisques d’agaric, dans lesquels on faisait entrer par 124 gr. d’agaric, l’infusion de 2 gr. de gingembre dans 62 gr. d’eau de cannelle. L'agaric blanc entre dans la thériaque et plusieurs autres préparations officinales anciennes. (L'agaric blanc en poudre a quelquefois été mêlé de carbonate de chaux. I fait alors effervescence avec les acides.) L'agaric blanc est un purgatif drastique presque abandonné de nos jours. Il était employé par les anciens, non-seulement comme évacuant, mais en- core à dose modérée comme altérant dans diverses affections, et notam- ment dans les céphalalgies violentes, les vertiges, les maladies soporeuses, la paralysie, l'asthme humide, la goutte, la fièvre quarte. Dioscoride et Ga- lien le regardaient comme vulnéraire, fébrifuge, alexétère, et le croyaient propre à guérir aussi la dysenterie, la chlorose, la cachexie, l’hystérie et AGARIC BLANC. 91 mème l'épilepsie. Comme purgatif, ce médicament agit d’une manière in- certaine, et produit, dit-on, de vives douleurs intestinales, souvent des nau- sées et des vomissements. Je ne l’ai jamais employé, attendu que je n'ai jamais manqué de purgatifs plus doux, plus sûrs et surtout moins dange- reux. Les vélérinaires en font usage; Huzard le recommandait dans les affections catharrales, dans la dysurie, et surtout dans l’espèce de coma appelée immobilité, Les habitants des montagnes du Piémont prennent l'agaric blane dans du lait, comme éméto-cathartique, contre la plupart des maladies, sans distinction. Associé au poivre, ils le considèrent comme un moyen infaillible de dissiper les accidents qui surviennent aux hommes et aux animaux qui ont avalé la petite sangsue des Alpes. L'agaric blanc, au rapport de Pallas, est employé dans plusieurs con- trées de la Russie comme émétique dans ïes fièvres intermittentes, el comme révulsit dans la leucorrhée. De Haen, Berbut (1), Burdach, An- dral (2), Max Simon (3), Rayer, Guérard, ont eu à se louer de l'emploi de l’agaric blanc contre les sueurs des phthisiques. Philippe (4) l’a ad- ministré avec avantage à la dose de 50 centigr. dans 15 gr. de sirop dia- code. Hufeland le prescrit en pareil cas à la dose de 50 centigr. à 4 gr. par jour. Je l’ai moi-même employé avec succès quand les sueurs n'étaient pas accompagnées de diarrhée. Cependant, Quarin (5) assure que ce médica- ment n’a jamais produit aucun effet salutaire aux phthisiques auxquels il l’a administré, et qu'il a paru au contraire augmenter l'oppression pectorale. De nombreux faits combattent cette assertion. Toutefois, l’agaric doit être employé avec discernement. Bisson (6) conclut, d’une série d’observations cliniques exposées avec détail: 1° que l’agaric blanc peut être employé avantageusement contre les sueurs nocturnes des phthisiques; 2° qu’à la dose de 20, 30 ou 50 centigr., administré pendant quelques jours, il fait ordinairement disparaître les sueurs, lorsque les malades n’ont pas de diarrhée; 3° qu'aux mêmes doses et combiné avec l’extrait gommeux d’opium ou le sirop diacode, il peut être également employé avec avantage, dans le même but, chez les phthisiques atteints de-sueurs et de diarrhées passagères ; 4° que dans la phthisie, lorsque le dévoiement d’abord passager devient continu, malgré les opiacés, l'agaric cesse d’être utile; 5° qu'il aggrave les diarrhées rebelles à l’opium, et ne doit pas être employé chez les phthisiques dans de semblables conditions; 6° enfin, que, lorsqu'il fait cesser les sueurs, il rend le sommeil plus calme, prévient ou ralentit l’épui- sement, et rend ainsi plus lents les progrès du mal, en faisant cesser un des symptômes les plus graves et les plus alarmants. (Je pense que Bisson n’a pas suffisamment indiqué dans quelles formes de phthisie il avait eu à se louer de l’usage de l’agaric. Après un long séjour dans les hôpitaux de Paris, où les tuberculeux abondent, et dans une ville de province où ils sont nombreux, j'ai pu me convaincre, à l’exemple de mon cher maître le docteur Delpech, que les sueurs morbides de cer- tains phymiques devaient être respectées. Il existe, en effet, une bascule entre trois symptômes saillants de cette affection. Supprimez la sueur, la diarrhée ou l’hypersécrétion de la muqueuse pulmonaire reparaîtront, et vice versä. Ces phénomènes se suppléent et se remplacent. Le cas particulier observé avec soin pourra seul décider de la conduite à tenir. J'ai employé l’agaric chez un malade à la dose de 40 centigr. par jour. Au bout de quatre (1) Journal de médecine, t. XLVII. (2) Journal de phirmacie, t. XX. (3) Bulletin de thérapeutique, 1834. (4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. IV. (5) Animad. pract. in divers. morb. — À (6) Mémoire sur l'emploi de l’agarie blanc contre les sueurs dans la phthisie pulmonaire. Paris, 1832, 32 AGARIG DE CHÊNE. jours. le ventre commença à devenir douloureux; il augmenta de volume ; je cessai. L'irritation du drastique avait été assez vive, Cependant, pour ré- veiller, du côté des intestins, une manifestation tuberculeuse latente, qui, sans cela, n'aurait peut-être pas éclaté.) AGARIC DE CHÈNE. Boletus igniarius. L. Agaricus chirurgicorum. PaARM. — Polyporus ignarius. FRIES.— Agaricus pedis equini facie. TOURN. Agaric amadouvier, — agaric des chirurgiens, — bolet amadouvier, — polypore amadouvier. CHAMPIGNONS. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. — CHAMPIGNONS. L. Description. — Il est sans pédicule, attaché par le côté, arrondi en sabot de cheval, lisse, légèrement convexe au-dessus, présentant des zones de différentes cou- leurs, dont les principales sont brunes et rougeàtres ;, d'une teinte jaune à l'intérieur ; d’une consistance tenace et subéreuse. Ce champignon croît sur les troncs du chêne, du pommier, du hêtre, du noyer, du tilleul, etc. Propriétés physiques et chimiques, — L'agaric de chêne, d'une odeur de moisi et d’une saveur amère lorsqu'il est récent, contient un acide qui a de l'analogie avec l'acide succinique, et que Braconnot à nommé acide bolétique. Préparation. — L'amadou est ce bolet dépouillé de son écorce, battu avec un maillet, bouilli dans une solution de nitre, séché et battu une seconde fois, imprégné de nouveau d’eau nitrée, et soumis à une dernière dessiccation. Frotté avec de la poudre à canon, ce dernier prend une couleur noirâtre et devient plus inflammable. | Comme hémostatique il vaut mieux employer l’amadou non imprégné de nitre, ou celui du commerce qui a été lavé à l’eau bouillante et séché. | L'agaric est employé en chirurgie pour arrêter les hémorrhagies capil- laires, comme celles des piqûres de sangsues, dans certaines plaies ou tu- meurs saignantes, ete. C’est en absorbant la partie séreuse du sang et en favorisant la formation d'un caillot, par la compression, en s’adaptant à la surface de la plaie, en bouchant les petits vaisseaux, que l’agaric arrête le sang. Aussi, un bandage compressif est-il souvent nécessaire pour en favo- riser l’action. (Ant. Martin (4) obtient un corps puissamment hémostatique par imbibi- tion dans une solution concentrée de perchlorure de fer, de morceaux d’a- madou de très-belle qualité. Après un quart d'heure, on les fait sécher au soleil; on les frotte légèrement avec la main, afin de leur rendre leur sou- plesse et leur porosité.) L'agaric est employé sous forme de rondelles de divers diamètres comme moyen auxiliaire dans la compression exercée sur des tumeurs, telles que l’anévrisme, la varice anévrismale, les tumeurs érectiles, certains cancers du sein ou d’autres parties, certaines tumeurs blanches ou engorgements lymphatiques ou glanduleux. Les rondelles d’amadou sont superposées les unes aux autres, de diamètre progressif, de manière à en faire une pyra- mide renversée, dont le sommet répond à la partie que l’on veut comprimer par l’application méthodique du bandage. Cet appareil m'a réussi dans les blessures d’artères situées au fond des plaies et inaccessibles à la Jigature. Les tamponnements et la compression directe au moyen de l’amadou, de la charpie et d’un bandage bien appliqué, m'ont presque toujours suffi dans ces cas pour arrêter l’hémorrhagie. (Entre les mains du professeur Velpeau, ce procédé a un effet très-ra- pide dans la guérison des abcès mamimaires profonds, avec décollement'de la glande.) (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XXXIIT, p. 81. AGARIC DE CHÊNE. 33 (Outre ses avantages comme moyen compressif, l’amadou peut retenir dans les mailles de son tissu des substances médicamenteuses liquides, dent on désire associer l’action topique à la compression elle-même. C'est ainsi que, dans ces derniers temps, le professeur Nélaton à employé avec suecès, contre les tumeurs synoviales du poignet, des rondelles graduées d’agaric imbibées d’alcool et maintenues par plusieurs tours de bande. A l'exemple du maître, j'ai parfaitement réussi dans trois cas de ganglion, après l'usage de cette application continuée pendant deux mois environ.) Les Lapons préparent avec l’agaric amadouvier une espèce de moxa, qu'ils appliquent dans diverses maladies, et spécialement dans les affections rhumatismales et goutteuses. J. Guérin fait un fréquent usage de petits morceaux d’amadou de 1 centimètre carré, qu'il fixe sur la peau avec de la salive, et auxquels il met le feu à l’aide d’une allumette dont la flamme a été soufflée. Ce moxa est surtout employé contre la carie scrofuleuse. «Rien n’est plus facile à improviser que celte médication externe, grâce à laquelle cependant cette affection articulaire, qui paraissait devoir nécessiter Lôt ou tard l’amputation d’un membre, à pu guérir en plusieurs mois et ne laisser après elle qu'une semi-ankilose. On place ordinairement deux de ces moxas chaque jour ou tous les deux jours, jusqu’à la concurrence de vingt. trente et quarante, suivant les cas. Ils ne doivent que rubéfier la peau, sans sou- lever l’épiderme ni produire d’eschares. C’est donc un révulsif peu dou- loureux et qui, sous ce rapport, offre une ressource précieuse chez les femmes et chez les enfants (1). » Bafico, dans un mémoire sur le traitement de l’onyxis, présenté à l’Aca- démie de médecine de Paris (séance du 1° juillet 1851), a proposé, pour le redressement de l’ongle, de substituer aux plaques de plomb, de fer-blance, à la charpie, et à tous les moyens de soulèvement de l’ongle incarné, la- garic, substance douce, souple, imputrescible, qui adhère sans agglutina- tion. Bafico a fait usage de ce procédé si simple avec un succès constant. L'une des conditions de la réussite est la prolongation pendant quelque temps de l'introduction de l’amadou sous le bord de l’ongle, jusqu’à ce que sa tendance à une direction vicieuse soit tout à fait détruite; le malade arrive promptement à l’insinuer lui-même avec facilité. Jobert détruit, à l’aide du caustique de Vienne, la partie charnue qui surmonte l’ongle; après la chute de l’escharre, il relève le bord de cet ongle avec d’autant plus de facilité que le caustique l’a ramolli par son action chimique; puis il le maintient au-dessus de la cicatrice à l’aide d’un fragment d’amadou. Ainsi traité, l’onyxis guérit en peu de temps. Amussat (2), frappé des inconvénients que présentent les pessaires con- struits avec des substances dures (bois, ivoire, métal) ou trop résistants, comme les pessaires dits en caoutchouc, eut l’idée de faire recouvrir ces pessaires d’une couche d’agaric. Grâce au velouté, au moelleux du bolet, les malades supportent facilement, pour la plupart, la présence de ces corps étrangers, qui ne provoquent pas les douleurs dues souvent aux pessaires ordinaires. Les pessaires en agaric se lavent avec la même facilité qu’une éponge ; il suffit de les tremper dans l’eau en les exprimant plusieurs fois pour les nettoyer complétement. L'expérience a confirmé le succès de ces nouyeaux pessaires, auxquels Poullien, fabricant d'appareils de chirurgie, a fait subir des modifications qui les placent au nombre des découvertes vraiment utiles. On recouvre quelquefois d’amadou les parties affectées de douleurs rhu- matismales chroniques, de goutte ou de névralgie. Recouvert ensuite lui- même de flanelle, il excite une transpiration favorable. (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XIV, p. 7. (2) Abeille médicale, 1854. 3 AGNUS CASTUS. [Le POrŸPoRE ONGULÉ, Polyporus fomentarius, Fries. et Pers. (Boletus fo- mentarius, L.; B. ungulatus, Bull.), que l’on trouve sur les chênes, les hêtres et les tilleuls, peut également servir à préparer l’amadou ; il est plus ligneux quetle précédent.] AGNUS CASTUS. Vitex agnus Castus. L. Vitex foliis angustioribus, cannabis modo dispositis. BAUX. Agnus castus officinarum. PHARM. Gatilier, — poivre sauvage, — petit poivre, — poivre de moine. VERBENACÉES. — VITICÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE ANGIOSPERMIE. L. L’agnus castus ou gatilier (PI. IT), arbrisseau d’un aspect agréable, sur- tout à l’époque de la floraison, croît dans les lieux humides, le long des ruisseaux, dans le midi de la France. On le cultive dans les autres contrées pour l’ornement des jardins, et on le propage de graines, de boutures, de marcottes. Deseription.— Tiges flexibles, formant par leur réunion un buisson de 3 à h mètres de hauteur. — Feuilles opposées, pétiolées, digitées, à cinq, sept folioles étroites, lancéolées, pointues, d’un vert foncé au-dessus, blanchâtres et légèrement cotonneuses au-dessous. — Fleurs violettes ou purpurines, quelquefois blanches, verti- cillées, en épis nus, terminaux (juillet-aoûl). — Calice court, 5-denté, lanugineux. — Corolle à tube deux fois plus long, limbe à six divisions, quatre étamines didynames, saillantes ; filets à deux stigmates. — Baie globuleuse, noirâtre, dure, de la grosseur d’un gros pois, enveloppée à sa base par le calice de la fleur, et divisée intérieurement en quatre loges monospermes. Parties usitées. — Fruits et semences. (Culture, — Le gatilier est souvent cultivé comme plante d'agrément ; on le pro- page par semis de graines ou par éclats des pieds en terre très-légère. (Récolte.— Les fruits du gatilier nous viennent de la Sicile, de l'Italie, du Levant et de la Provence, ils sont ronds, un peu oblongs, de la grosseur du poivre, ils portent le calice qui a persisté, qui donne un aspect gris cendré à l’épicarpe qui est brun noi- râtre ; ils ont quatre loges à leur intérieur.] Propriétés physiques et chimiques. — Les fruits d'agnus castus se font remarquer par une odeur douce, mais lorsqu'on les écrase, ils en dégagent une àcre, désagréable; leur saveur est âcre et aromatique. (Ces propriétés sont dues à la présence d’une huile volatile.) Le nom de cette plante indique les propriétés qu’on lui a supposées. Sa vertu antiaphrodisiaque était déjà célèbre chez les Grecs et les Romains. Dioscoride, Galien, Pline, rapportent que les prêtresses en jonchaient les temples, lorsqu'elles célébraient les fêtes de la chaste Cérès. Naguère en- core, on préparait avec les baies de gatilier un sirop, une eau distillée, une essence de chasteté de Michaels, qu’on distribuait dans les couvents pour amortir l’aiguillon de la chair. Chomel cite un pasteur, doué d’une grand piété et d’un zèle apostolique, qui avait préparé, avec les semences de cette plante, un remède infaillible pour entretenir la chasteté et réprimer les ar- deurs de Vénus. | Quelle est l’origine de cette croyance? Comment se fait-il qu'on ait choisi pour palladium de la chasteté une plante qui, loin de calmer les organes, doit au contraire les exciter? On ne doit pas s'étonner qu’un tel préjugé se soit traditionnellement perpétué, quand des hommes de science eux-mêmes le sanctionnent, Arnaud de Villeneuve nous dit sérieusement qu’un moyen infaillible d’amortir tout sentiment voluptueux, consiste à porter sur soi un couteau dont le manche soit fait avec le bois d’agnus castus! Le principe aromatique du gatilier indique une propriété vraiment stimu- lante. On a employé la semence comme apéritive, diurétique et carminative. AGRIPAUME. 39 * «On le met, dit Lieutaud, dans la classe des remèdes antihystériques et des sédatifs ; enfin, on lui reconnait la vertu de dissiper les embarras des vis- cères; mais il est rare, si je ne me trompe, qu’on s’en serve pour remplir cette indication, puisque nous avons divers médicaments qui peuvent pro- duire plus certainement cet heureux effet. La semence d’agnus castus se prescrit en substance depuis 1/2 gros jusqu’à 1 gros: il en entre le double, et mème davantage, dans une émulsion et dans une infusion. Quant aux pro- priétés de cette semence comme médicament externe, elle entre quelque- fois, en qualité de résolutive, dans les fomentations et les cataplasmes. » AGRIPAUME. Leonurus cardiaca. L. Cardiaca. Donox. T. Cardiaque, — cardiaque officinale, — cardiaire, — cardiale, — herbe aux tonneliers. LABIÉES. — STACHYDÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Plante vivace (PI. IT), herbacée, qui croît autour des habitations rurales et des vieux châteaux, dans les terrains incultes et pierreux. Deseription.— Tige de 60 à 80 centimètres, dressée, carrée, striée, remplie d’une moelle blanche. — Feuilles opposées, palmées, larges, pétiolées, pubescentes, les inférieures à trois lobes incisés et dentés, les moyennes plus étroites et à lobes plus pointus, les supérieures souvent entières. — Fleurs roses ou blanches, ponctuées de pourpre, en verticilles axillaires au haut de la tige {:uin et septembre) ayant les carac- tères génériques des labiées. — Galice à cinq dents triangulaires terminées par une pointe épineuse. — Corolle à tube court. lèvre supérieure droite. arrondi: en cuillère, velue. laineuse en dehors, l’inférieure réfléchie et à trois lobes dont le moyen plus grand que les latéraux : quatre étamines, dont deux moins longues. — Style à stigmate bifide, quatre akènes oblongs. Parties usitées. — Feuilles et sommités. [Culture.— Vient dans tous les sols; elle se propage par graines, on peut égale- ment la multiplier par éclat des pieds ; elle se reproduit toute seule et sans culture. On n’emploie en médecine que la plante sauvage.] KRéeolte, — On la récolte pendant et même avant la floraison pour la conserver. La dessiccation, pendant laquelle les feuilles noircissent un peu, lui fait perdre une grande partie de ses propriétés. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Infusion, 30 à 50 gr. pour 1 kilogr. d’eau. L'agripaume, par son odeur aromatique peu agréable, sa saveur amère et un peu âcre, révèle un principe tonique et excitant. On l’a aussi considérée comme diurétique, sudorifique, antispasmodique, emménagogue, anthel- mintique. On l’a employée dans la cardialgie et les palpitations, chez les enfants, surtout quand on soupçonnait la présence de vers comme cause de ces affections. Gilibert dit que son infusion concentrée fait couler abondam- ment les règles, et que dans beaucoup de cas elle a calmé les affections hystériques. Boerhaave la donnait comme sudorifique. Peyrilhe la croit utile dans l’atonie gastrique avec production de glaires. Je l’ai employée fraîche- ment Cueillie dans l’asthme humide, sur la fin des bronchites, avec le même avantage que le lierre terrestre; elle facilite l’expectoration quand il yaatonie de la muqueuse bronchique, et produit en même temps à la peau une excitation, une diaphorèse doucement révulsive. Cette plante, dont on a exagéré les vertus au point de la vanter contre la rage, appréciée à sa va- leur réelle, ne mérite pas l’oubli dans lequel elle est tombée. 96 AIGREMOINE. AIGREMOINE. Agrimonia eupatoria. L. Agrimonia officinarum. T. Agrimoine, — ingremoine, — eupatoire des Grecs. ROSACÉES, — DRYADÉES, Touin. Fam. nat. — DODÉCANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante (PI. IN) croît dans presque tous les climats, le long des haies, des chemins, dans les bois, les prairies. Heseription.— Tige de 60 centimètres environ, droite, dure, velue, feuillée, ordinairement simple. — Feuilles alternes, pinnées. à folioles lancéolées, dentées, pu- bescentes et blanchätres en dessous, entremèlées de folioles très-petites. — Fleurs jaunes, en épi terminal (juin, juillet. août), — Corolle à cinq pétales ovales, douze à vingt étamines courtes. — Galice à cinq divisions aiguës ; deux akènes renfermés dans le calice persistant et hérissé. — Ovaire arrondi surmonté d’un style, avec un très- petit stigmate ; une ou deux semences contenues dans une capsule formée par le calice dont la gorge s'est entièrement fermée. Parties usitées, — leuilles et sommités. (Culture. — La plante sauvage suffit aux besoins de la médecine. Elle croît dans tous les sols et se propage d'elle-même ; elle est très-rustique et peut être multipliée par éclat des racines. | Récolte. — On peut la cueillir pendant tout l'été pour l'usage journalier ; pour la conserver on ne la récolte qu'en automne. Elle perd de sa saveur et presque entière- ment son odeur par la dessiccation. Propriétés physiques et chimiques. — D'une odeur agréable el légèrement aromatque à l’état frais, d’une saveur un peu amère et astringente, l’aigre- moine paraît contenir une huile essentielle et du tannin en assez grande quantité. Son infusion aqueuse noircit par le sulfate de fer. L’eau et l’alcool en dissolvent les prin- cipes actifs. Substances incompatibles. Sels de fer. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion (feuilles), 5 à 15 gr. 300 gr. d’eau) pour gargarismes, quelque- par 500 gr. d’eau. fois avec addition de miel et de vinaigre. Extrait (1 sur 2 d’eau) de 4 à 8 gr. en bol, | Elle entre dans l’eau vulnéraire, le catholi- pilules cum, l’onguent mondificatif d’ache et plu- Poudre, idem. sieurs autres préparations officinales an- A L'EXTÉRIEUR, — En fomentations, cata- ciennes, plasmes, injections, décoctions (30 gr. pour Les anciens médecins ont célébré les vertus de l’aigremoine. Ils l’ont sur- tout vantée comme propre à combattre les maladies chroniques du foie, les engorgements des viscères abdominaux, l’ictère, les flux muqueux, l’hé- maturie, la cachexie, etc. Alibert la croit utile dans les écoulements chro- niques, les hémorrhagies passives, les ulcères de la gorge, les engorgements des amygdales. Becker (1) assure avoir guéri des gales invétérées par l’usage d’une infusion théiforme d’aigremoine, ce qui est peu probable. Pallas a vu employer cette plante comme anthelmintique chez les animaux do- mestiques. Huzard l’a recommandée pour déterger les ulcères sanieux et. farcineux, le mal de taupe, celui de garrot. Forestus en conseille l’usage à l’intérieur, en décoction dans le vin ou le vinaigre, contre les inflamma- tions du serotum ou des testicules. Hortius assure que la décoction d’aigre- moine est un remède très-efficace contre l’hydropisie. Agirait-elle ici comme diurétique, à la manière de la reine des prés, dont elle se rapproche par ses principes chimiques, et qu’un curé de village a récemment tirée de l'oubli? L’aigremoine, si vantée autrefois, aujourd’hui à peine employée en garga- risme dans les inflammations légères de la gorge, sera-t-elle aussi heureuse- ment réhabilitée que l’ulmaire? Je ne le pense pas. (1) Dissertations, 1783. AIL, - 97 (Depuis la publication de la dernière édition de cet ouvrage, Fleitch- mann s’est fait le défenseur de l’aigremoine, et affirme l'efficacité réelle de sa décoction en gargarismes, contre l’angine pharyngienne chronique des orateurs et des chanteurs (1). Connaissant la tenacité de cette rebelle affec- tion, il nous parait encore permis d'élever quelques doutes sur les effets de celte plante ; l’angine granuleuse, dont il est ici question, se lie trop sou- vent à un état général dont elle n’est que l’expression, pour qu'un moyen simplement topique puisse en avoir raison d’une facon durable et con- stante. ) L'aigremoine est généralement employée dans le nord de la France, par nos paysans, en guise de thé. Son arôme est très-agréable, quoique peu pro- noncé, «Nous en faisons très-fréquemment usage depuis une vingtaine d’an- nées, dit Dubois, de Tournai, et il ne nous est pas encore arrivé de nous en dégoüter. » [{ L'AIGREMOINE ODORANTE (4. odorata, Thuill.), qui parait n'être qu’une variété de la précédente, s’en distingue par sa tige plus haute, plus ra- meuse; ses feuilles plus abondantes, moins cendrées en-dessous, légère- ment glanduleuses et odorantes.] AIL. Allium sativum. L, Allium hortense. Fricus. LILIAGÉES. — HYACINTHINÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. L’ail croit spontanément en Sicile, en Espagne, en Égypte. Il est cultivé dans les jardins pour l’art culinaire. Il est un objet de grande culture dans le Midi, cù des champs entiers en sont annuellement couverts. Description. — Racines fibreuses, bulbe composé de plusieurs pelils cayeux nommés gousses, couverts de tuniques très-minces portées sur une sorte de plateau charnu qui jette de nombreux filaments, des espèces de chevelus, qui sont la seule véri- table racine. — ‘lige de 30 centimètres et plus de haut, cylindrique. — Feuilles apla- ties, linéaires. — Fleurs b anches ou rougeàtres à six pétales oblongs, étroits, concaves, drots sortant d’une spathe ovale, réunis en ombelle arrondie lentremêlées souvent de buibilles charnus et écailleux.| — Etamines trilides (juin et juillet). Semences sous- orbiculaires. (Culture, récolte, — L'ail est cultivé dans tous les jardins potagers ; on peut le propager par graines, mais mieux par cayeux.| En Provence, en Langueloc, on plante l'ai à la lin de novembre ou au commencement de décembre ; dans le Nord, on plante en mars. Une tête d’ail contient seize cayeux; chaque cayeux fait sa plante dans l’année même. L'ail des provinces méridionales est beaucoup moins âcre que celui qu'on cultive dans le Nord. On le récolte en novembre, en lui conservant un peu de tige, pour en faire de petites bottes après dessiccation, qu’on conserve dans un lieu sec. Parties usitées. — Les bulbes. Propriétés physiques et chimiques. — L'ail, d'une saveur piquante et chaude, d’une odeur forte, pénétrante, qui imprègne les appartements. passe dans nos humeurs et se communique à nos sécrétions, contient, d'après Bouillon-Lagrange et Cadet, une huile essentielle volatile très-àcre, pesante, de couleur jaune, de l’albu- mine, du soufre, une matière sucrée et de la fécule. « L'huile de Pail, dit Berzélius, extraite de la tige et de ta bulbe de cette plante, est très-volatile passe avec les pre- mières portions d’eau, et tombe ensuite au fond de celle-ci. Sa couleur est jaune, son odeur pénétrante, sa saveur forte el âcre. Appliquée sur la peau, elle produit une dou- leur violente ; elle brûle en donnant beaucoup de suie et répandant une odeur d'acide sulfureux. …. Elle est très-soluble dans l'alcool. Cette huile est tellement diffusible et pénétrante, qu'on a vu lodeur de l'ail {rans- pirer par la surface des plaies ou des cautères quatre heures après l’ingestion de ce bulbe. Si l’on frotte la surface extérieure du corps avec de l'ail, on ne tarde pas à être (1) Écho médical, décembre 1858. 38 AIL. infecté de son goût, et l’haleine exhale bientôt une odeur alliacée. Le lait des vaches qui ont mangé des plantes alliacées est imprégné de l’odeur de ces végétaux. Desséché au point de perdre plus de la moitié de son poids. lail, dit Bodard, ne perd presque rien de sa saveur et de son odeur; mais cuit dans l'eau ou dans le vinaigre, il perd l'une et l’autre et se réduit en un mucilage très-visqueux, qui peut rendre les plus grands services comme émollient, et remplacer les gommes arabique et adragant. [L'ail peut être excitant, rubéfiant ou émollient ; il doit les deux premières propriétés à l'huile essentielle, la dernière au mucilage ; l'essence dérive du sulfocyanure de sul- fure d’allyl ou essence de moutarde; celle-ci traitée par le potassium est transformée en sulfure d’allyl ou essence d'ail. En effet : Le radical hypothétique ou allyl est représenté par......... C5 H° LOVE SRE nent s Dre GES C6H5O L'éssence d'A 00 SUR CALE... en use en CSH°S Et l’essence de moutarde ou sulfocyanure de sulfure d’allyl. C$SHS AzS* CSH°S + C''AZS —— — es. Essence Sulfocya- d'ail. nogène. L’essence l’ail existe dans l’assa fœtida. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction, 4 à 15 gr. par | obtenir un demi-litre de liquide. Filtrez et 500 gr. d’eau ou de lait. | jetez le liquide sur le sucre renfermé dans Sirop (1 sur 2 d’eau et 2 de sucre), 30 à 60 gr. une bouteille d’un litre, et agitez jusqu’à en potion. | dissolution. Dose, 20 à 40 gr. Huile par simple digestion des bulbes; l’ail : Teinture alcoolique, 10 à 15 gr. rend l’huile très-siccative. Oxymel (1 de vinaigre d’ail sur 2 de miel), 30 Suc, 25 à 60 centigr. en potion, bols ou pi- à 60 gr. en potion. lules. | Vinaigre (1 sur 12 de vinaigre), 5 à 920 gr. [Sirop d’ail (pharmacopée des États-Unis. — daus 30 à 100 gr, de tisane. Bulbes d’ail frais et nettoyés, 180 gr.; acide ! A L’EXTÉRIEUR — En substance comme épi- acétique dilué, 500 gr.; sucre en poudre | thème rubéfiant et vésicant. Le vinaigre grossière, 750 gr. Faites macérer l’ail dans | d’ail pour lotions, fumigations, etc. 250 gr. d’acide pendant quatre jours. Pas- | L’ail entre dans le vinaigre aromatique dit des sez et exprimez. Mettez le marc avec le | Quatre-Voleurs. reste de l'acide. Exprimez de nouveau pour : L’ail a été employé de temps immémorial comme aliment et comme as- saisonnement, bien qu'il ait été tour à tour un objet d’estime et de mépris chez les anciens peuples. Les Athéniens étaient grands mangeurs d'ail. Avant de descendre dans l’arène, les lutteurs en mangeaient quelques gousses pour avoir plus de force et de courage. Chez les Romains, le peuple, les soldats, les moissonneurs, se nourrissaient d’ail. Les esprits faibles croyaient même qu'il avait la vertu d’éloigner les maléfices, comme aujour- d’hui le peuple lui attribue la propriété de préserver des maladies épidé- miques et même de la peste. Cependant l'ail était rarement admis dans la cuisine raffinée de Rome. Horace l’a comparé aux plus affreux poisons. De nos jours, les habitants des provinces méridionales en mettent presque tous dans leurs ragoûts. Dans ces pays, où la chaleur rend les fonctions di- gestives moins actives, on sent le besoin de ranimer l’estomac par l’usage des stimulants. Les habitants robustes de la haute Auvergne, des Alpes et des Pyrénées, qui vivent d’aliments grossiers, de pain mal fermenté, de viandes presque crues, font aussi beaucoup usage de l'ail, et s’en trouvent bien. Quelle est l’action physiologique de l'ail? De tout temps, ce bulbe a été considéré comme stimulant; mais aujourd’hui on révoque en doute cette propriété. « On le regarde comme un excitant, parce qu’il pique sur la langue et sur la muqueuse en général. N'est-ce pas là un effet chimique dé- pendant du contact immédiat de l'huile alliacée, et qui ne décide rien sur la véritable action dynamique de ce végétal? Cette action dépend de l’im- pression du principe en question sur l'organisme entier, après qu'il a passé dans le torrent de la circulation. Or, qu’observons-nous chez les campa- gnards, par exemple, qui font habituellement usage de l'ail dans leurs ali- AIL. 29 ments grossiers? Rien, si ce n’est que l’ail facilite la digestion; mais on ne peut dire, pour cela, qu’il soit excitant; car le vinaigre qu'on met dans la salade, ét qui est, certes, loin d’être excitant, facilite également la di- gestion... Un fait qui semble démentir la présomption de l’action excitante de l'ail, c’est que les buveurs préviennent l'ivresse en faisant infuser quel- ques gousses d'ail dans le vin qu'ils boivent, ou bien en mangeant de l’ail sur leur pain (Merat et Delens). » On peut opposer à cette manière de voir l’action fébrigène de l’ail, que tout le monde connaît. On sait que les prisonniers, les conscrits, se pro- curent momentanément la fièvre en se servant de l’ail en suppositoire. J'ai fréquemment constaté ce fait chez des militaires qui désiraient obtenir leur entrée à l'hôpital. Ici, l’action primitive, instantanée et excitante de l'ail sur le système sanguin, par suite de son action locale irritante, ne laisse point de doute. Mais une action spéciale, simultanée ou secondaire de l’ail pris à trop grande dose, et due à la diffusibilité de son huile essentielle, peut s'exercer sur le système nerveux. « Verüm usus ejus frequentior molesfus est et noxius, partim ob fœtorem intolerabilem præcipue verd quia dolorem ca- pitis infert, sitim excitat, oculis nocet, sensuumque omnium instrumentis (Ray). » Haller, cité par Bulliard, regarde l’ail comme suspect, et dit qu’il n’a pas de peine à croire Spigélius, lorsqu'il assure que cette plante trouble l'esprit. L’ail, pris à dose ordinaire, augmente l'appétit et favorise les digestions. Il est généralement considéré comme un excitant énergique, d’une action momentanée sur tout l’organisme, mais se prononçant plus particulièrement et d’une manière plus soutenue sur l’appareil génito-urinaire, sur la peau et les organes respiratoires. Il augmente manifestement l’action des vaisseaux absorbants et les sécrétions. On l’emploie dans diverses maladies chroniques sans phlegmasie, les fièvres intermittentes, les hydropisies, l’asthme humide, les catarrhes chroniques, la coqueluche, le scorbut, les affections vermineuses. On l’a proposé aussi contre les fièvres typhoïdes, le typhus, la pourriture d'hôpital, le choléra. L'emploi de l’ail comme préservatif du mauvais air est tout à fait popu- laire. Son odeur forte, extrêmement volatile et très-pénétrante, semble justi- fier son usage pendant le règne des épidémies. Je ne pense pas qu'il agisse ici seulement comme tonique stimulant. Son arôme imprégnant l’atmo- sphère et pénétrant dans nos humeurs, peut les modifier et s'opposer à l’intoxication qui produit les fièvres de mauvais caractère, le typhus et la peste. J’ai connu des paysans qui ont pu se préserver de fièvres intermit- tentes sévissant dans les marais du Calaisis, en mangeant de l’ail matin et soir. Il serait à désirer qu'on en fit un usage habituel dans les lieux aqua- tiques. La vertu fébrifuge de l’ail, reconnue par Celse et constatée par Ber- gius et par Boerhaave, ne m'a laissé aucun doute depuis que je l’ai moi- même employé dans des cas de fièvres invétérées et accompagnées d’un état cachectique voisin de l’hydropisie. Comme les célèbres médecins que je viens de citer, je fais prendre matin et soir une gousse d’ail, que le malade mange; j'augmente jusqu’au nombre de six. Quand la fièvre est passée, je fais diminuer jusqu'au nombre de deux, et le malade continue ce nombre pendant plusieurs semaines. J’emploie souvent comme fébrifuge et vermi- fuge, chez les sujets pauvres, lymphatiques, détériorés par la misère, un vin d'ail et d’absinthe, que j'administre par cuillerées plus ou moins rappro- chées, suivant l’âge et le but que je me propose. Klokow (1) a recommandé la teinture de bulbes d’ail, contre les fièvres intermittentes, à la dose de 45 gr. à prendre à l'approche du stade de froid, et autant à sa cessation. Il fait continuer ce remède à la même dose, matin et soir, pendant quinze jours après la cessation de la fièvre. (1) Gazette médicale de Paris, 1830, p. 84. 40 AIL. La propriété anthelmintique de l’ail est connue depuis des siècles, et son usige comme {el est devenu populaire. Hippocrate, Galien, Dioscoride, en font mention. Rosenstein et Tissot ont réussi à faire rendre des t&nias en continuant l’usage de l'ail. Le premier cite une femme qui, après avoir mangé pendant six mois une gousse d'ail tous les matins, rendit enfin un tænia de 16 brasses de long. Goelis employait, contre les ascarides vermi- culaires, des lavements de décoction d'ail. Le suc d’ail, à la dose de 45 gr. dans 180 gr. de lait sucré, et dont on prend une tasse matin et soir, est la meilleure préparation contre les ascarides lombricoïdes et les oxyures ver- miculaires. Albert a souvent employé avec succès des lavements prépa- rés avec une décoction d'ail contre les ascarides qui tourmentent les en- fants du premier âge. La médecine domestique, dit Roques, prescrit aux enfants tourmentés par les vers deux ou trois bulbes d’ail infusés dans du bouillon, dans du lait ou dans une lasse d’eau sucrée. Ce remède simple fait périr ou met en fuile les vers lombrics et les vers ascarides. Les paysannes se contentent de faire manger à leurs enfants quelques morceaux de pain bien frottés d'ail. On peut aussi leur appliquer sur le ventre une espèce de liniment préparé avec deux ou trois cuillerées d’huile d’olive et deux gousses d’ail écrasées. Cependant, on ne doit employer ce bulbe qu'avec précaution chez les enfants dont les voies digestives sont irritables, et s’en abstenir dans les cas d'irritation gastro-intestinale qu’on observe fréquemment pendant la denti- tion. J'ai vu de graves accidents résulter de son administration en lave- ments chez les enfants à la mamelle. Outre l’action immédiate de ce médi- cament sur la muqueuse intestinale, plus ou moins irritable, il y a action dynamique sur tout l’organisme de l'enfant par l'absorption du principe acüf de l'ail. (Coster (1) emploie en lavements, contre les oxyures, une dé- coction de fruits d’ail.) L'ail a été recommandé comme diurétique dans les hydropisies. Petrus Forestus cite deux cas d'hydropisies très-graves dont la guérision fut opérée par le fréquent usage de l'ail cru. Bartholin, Cullen, Sydenbam, ont égale- ment obsrvé les bons effets de Pail dans l’hydropisie. Vitet recommande contre l'hydrothorax le suc d'ail mêlé avec une infusion plus ou moins forte de racine d’aunée ou de feuilles d’hyssope, de marrube blanc ou de marrube noir. Le suc de ce bulbe, mêlé dans un verre de vin blanc et pris à jeun, m'a réussi pour dissiper en peu de temps l’anasarque essentielle, suite de suppression de transpiration ou de fièvres intermittentes. Le mélange de suc d’ail avec celui de citron, à parties égales dans l’infusion de raifort, m'a été aussi très-utile comme diurélique dans l’albuminurie chronique, les hydro- pisies, les fièvres intermittentes anciennes avec infiltration cachectique, etc. Les anciens employaient lPail comme atlénuant et discussif contre «la pituite accumulée et épaissie dans l’organe de la respiration ». Dans ces cas son action est analogue à celle de la scille. Dioscoride en préconise l'usage «quand Ja toux est vieille ». Mead a confirmé cette opinion. Rosenstein administrait l'ail cuit dans du lait comme expectorant. Miller l’employait dans le catarrhe pulmonaire, l'asthme, la dyspnée. J'ai souvent retiré de grands avantages, dans ma pratique rurale, de l’oxymel et du sirop alliacés contre ces affections, surtout chez les sujets lymphatiques, lorsque l’expec- ioration était abondante et qu'il n’y avait ni irritation vive des bronches, ni fièvre. Dans un cas d’abcès du poumon, suite d’une pneumonie négligée, chez un cultivateur âgé de 26 ans, arrivé au dernier degré d’épuisement, expectorant un pus fétide en abondance et comme par regurgitation, ayant des sueurs nocturnes, etc., l'emploi simultané du sirop d’ail (six à dix cuil- lerées à bouche par jour), de la poudre de charbon à grande dose (quatre à (1) Journal de médecine de Gand, janvier 1863. AIL, ll six cuillerées à bouche dans les vingt-quatre heures) et d’une forte décoction d’écorce de saule pour boisson, ont amené la guérison en deux mois. Dewees (1) vante l'ail dans le traitement de la coqueluche. Il fait donner, matin, midi el soir, aux enfants de six à sept ans, le tiers, et aux enfants de onze ans la moitié d’une gousse d’ail, en augmentant graduellement la dose; il fait frictionner en même temps toute la colonne vertébrale avec un lini- ment préparé avec du sue d'ail. Il est à remarquer que ce médecin ne le prescrit pas aux enfants du premier âge, auxquels d’ailleurs le sirop d’ail, administré avec prudence, conviendrait mieux. «Le liniment d’ail, dit Ba- chan, est un remède très-connu en Ecosse contre la coqueluche. On le prépare en pilant de l'ail dans un mortier, avec partie égale de saindoux : on en frotte la plante des pieds deux ou trois fois par jour. Mais la meilleure manière de l'employer est de l’étendre sur du linge et de l’appliquer sous forme d’emplâtre. On le renouvelle soir et matin, parce que l'ail perd prompte- ment sa vertu. C’est un excellent remède contre la coqueluche et contre les toux opiniâtres. Cependant il faut prendre garde de employer quand le ma- lade est échaulffé ou qu’il y a de la disposition à la fièvre, parce qu'il aug- mente ces symptômes. » Cette dernière remarque vient à l’appui de ce que nous avons dit plus haut sur les précautions qu’exige l’emploi de l'ail chez les enfants. J'ai fréquement appliqué à la plante des pieds, contre la coqueluche, un mélange d’axonge, de feuilles de jusquiame et d’ail, réduit en pommade. Une légère rubéfaction avait lieu, et l’action de la jusquiame se faisait re- marquer par une diminution marquée dans la fréquence des quintes. Cette diminution était moins prononcée par le simple mélange de lPail et de l’axonge, employé comme révulsif, bien que la rubéfaction fût plus prompte- ment produite. W. Turnbull, au rapport de Buchan, employait avec avantage dans le croup la décoction suivante : ail et vinaigre, de chaque 20 gr.; eau d’hyssope, un double décilitre. Broyez l'ail dans le vinaigre, versez peu à peu l’eau d’hyssope, et ajoutez : miel 90 gr. ; faites bouillir sur un feu doux ; passez. A prendre par cuillerées plus ou moins répétées suivant l’âge et les forces du malade. Le croup n’était pas alors considéré en Ecosse comme franche- ment inflammatoire. Les travaux de Bretonneau sur la diphtérite ont con- firmé cette opinion après un demi-siècle d'incertitude et de tàtonnement. Dans une lettre adressée par Michel, médecin à Avignon, au Bulletin de thérapeutique (année 1849), nous trouvons les passages suivants relatifs à l'emploi de l'ail dans le choléra épidémique : « Assurément, ce n’est point par amour d'innovation que nous exhumons de l’oubli un médicament aussi prosaïque que l'ail, mais parce que, en vérité, nous lui avons reconnu des propriétés que nul remède ne possède à un plus haut degré que lui. C’est ainsi que dans plusieurs affections adynamiques, léthargiques, dans la para- lysie, l’atrophie des membres, divers cas cacochimiques et comateux, 1l re- lève les forces contractiles, met en jeu la circulation, et excite cette fièvre salutaire qui est souvent le sûr garant et le triomphe de la nature dans les crises qui vont s'effectuer. « Dans la période algide du choléra, alors que tout l’organisme est stu- péfié, et que la vie anéantie va s’éteindre, maintes fois, à notre grand étonne- ment, nous avons vu la réaction s’opérer, et le malade marcher sans entrave vers la guérison. Malgré la figure décomposée et livide, le pouls insensible, les ongles violets, les extrémités froides, le hoquet. les crampes. la stupeur et l’asphyxie cholérique, présages d’une mort certaine, nous avons vu, SOUS l'influence de l'ail, les ressorts de la vie se mettre en mouvement sur des cholériques pour ainsi dire agonisants. (1) À freatise on the phys. and med. treat. of children. London, 1826. AIL, & 15 « Pour produire cet heureux phénomène, il ne faut que piler quelques bulbes d’ail dans un mortier, avec addition de 50 à 75 cent. d’encens, qui se réduisent facilement en pommade, et l’employer en frictions et en cata- plasmes sur plusieurs parties du corps, principalement sur les régions tho- racique et abdominale, pendant que d’un autre côté on administre quelques tasses d’une infusion chaude préparée avec queiques gousses de cet aspho- dèle, Bientôt un sentiment de chaleur, suivi de sueur, se déclare avec une forte odeur alliacée. C’est le prélude de la réaction qui doit sauver le malade. « Certainement nous ne voulons point signaler l’allium sativum comme un spécifique contre le choléra ; mais à l’aide de cet agent nous avons ob- tenu, nous le répétons, de si beaux résultats, que nous croyons utile de l’in- diquer à nos confrères, faute jusqu'ici de médicament plus énergique contre cette maladie régnante, » Lange, de Porancy (Marne) (1), se fondant sur les propriétés fébrigènes de l’ail, a aussi employé ce bulbe contre le choléra. Plusieurs de ses ma- lades moururent; quelques-uns qui semblaient très-gravement atteints résistèrent, et Lange crut pouvoir attribuer la guérison à la réaction déter- minée par l’emploi de l’ail. Comme cette réaction peut arriver spontané- ment, ainsi qu’on l’a observé chez des cholériques qui n’avaient été soumis à aucun traitement, des faits répétés et bien appréciés peuvent seuls donner une certitude thérapeutique. Voici, du reste, le mode administratif employé par Lange : en boisson, 3 ou 4 gousses d’ail crues, écrasées et lavées dans un verre d’eau froide. En topique, l’ail cru, écrasé et réduit en pulpe, appli- qué par plaques sur la peau, et contenu par une compresse de papier gros- sier, la matière gluante de l’ail le faisant d’ailleurs adhérer à la peau : ces topiques restent en place 12 heures et plus, et, en général, on ne les relève que lorsque la réaction est déclarée. En lavement, eau tiède et même froide provenant du lavage des gousses écrasées; enfin, en suppositoire, une gousse d'ail d’un volume approprié, légèrement entamée. A l'extérieur, l’ail agit comme rubéfiant et excite même des phlyctènes, comme la semence de moutarde. Je l’ai souvent employé dans mes tournées à la campagne, faute d’autres substances, pour remplacer la moutarde ou les cantharides. Il peut produire la vésication au bout d’une ou deux heures. C’est surtout pendant l'hiver que je me servais de ce moyen. Pendant l’été, des plantes âcres et vésicantes s'offrent en foule pour produire le même effet. A Sumatra, une feuille stimulante frottée d’ail sert de vésicatoire. On a em- ployé l’ail en substance avec avantage contre l’ophthalmie catarrhale chroni- que. On touche momentanément la conjonctive avec un quartier d’ail ; la mu- queuse blanchit comme lorsqu'on la touche avec la pierre infernale. L’ail est un antiseptique populaire. Le vinaigre d’ail convient en lotions dans la pourriture d'hôpital, la gangrène, les ulcères vermineux. On a aussi employé ce bulbe en topique contre les cors aux pieds, en instillation (le suc plus ou moins délayé dans l’eau), contre certaines surdités; en frictions, mêlé avec l’axonge, contre la gale. J'ai vu un garçon de ferme se débarrasser de cette dernière affection par des frictions faites pendant huit jours avec un mélange de suc d'ail et de beurre salé. La pommade d'ail pourrait être employée comme résolutive sur les engorgements lymphatiques, les tumeurs scrofuleuses, etc., si son odeur désagréable ne lui faisait préférer d’autres résolutifs tout aussi efficaces. (D'après Landerer, d'Athènes, l'huile essentielle d’ail est employée en Orient par le peuple en frictions contre les rhumatismes. Son action est très-rubé- fiante : elle détermine souvent la production d’ampoules (2).) (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853. (2) Écho médical, 1860. AILANTHE. 45 Célérier, de Brannes (1), a traité six cas de scarlatine angineuse exclusive- ment par le vinaigre antiseptique. Il a cru remarquer qu'à mesure qu’il agissait sur l’angine et la modifiait par l’action de cet agent thérapeutique, la fièvre diminuait, ainsi que la rougeur de la peau. J’ai appliqué avec avan- tage, dans les mêmes cas, et dans l’angine couenneuse, sur les fausses membranes, le mélange, à parties égales, des sucs d’ail et de citron. (Voyez l'art. CITRON.) [Les autres espèces d’allium telles que l'A. porrum ou poireau, l'A. cepa ou oignon, l'A. schenoprasium ou civette, et l’A. scoroprasium ou rocambolle, ren- ferment une huile essentielle analogue à celle d’ail, mais elle est moins abon- dante ; elles jouissent des mêmes propriétés, mais elles sont moins éner- giques.] AILANTHE. Aïlanthus glandulosa. L. TÉRÉBENTHACÉES. J. — Zanthoxylées, et pour quelques botanistes Simaroubées. — MONOECIE POLYANDRIE. L. Arbre du ciel, — vernis du Japon, — vernis de Chine, — faux vernis. L’ailanthe, originaire du Japon, est tellement bien acclimatée que l’on peut dès à présent la considérer comme indigène. Elle est cultivée comme plante d'ornement. [Deseription. — Arbre très-élevé, à feuilles alternes, composées, imparipinnées, folioles allongées, aiguës. — Fleurs en panicules, polygames ; dans la fleur hermaphro- dite, double périanthe, deux verticilles d’étamines et un verticille de carpelles. — Ré- ceptacle convexe. — Calice à cinq lobes, pétales libres et étalés lors de l’anthèse. — Dix étamines hypogynes à filets libres, à anthères introrses et biloculaires, cinq sont superposées aux pétales et cinq aux sépales — Carpelles superposés aux pétales, com- posés d’un ovaire uniloculaire, libre, surmonté d’un style à stigmate dilaté ; après la floraison chaque ovaire produit sur son dos une expansion en forme d’aile et devient ainsi une samare contenant un embryon foliacé entouré d’un albumen peu abondant. 11 y a des fleurs où les pistils deviennent rudimentaires, d’autres où les étamines restent stériles. | [Parties usitées. — L'écorce, les feuilles. | L (Culture. — L'ailanthe se propage très-facilement et même par semis spontanés, elle s'accroît promptement. surtout si elle rencontre une terre légère, un peu humide, en un lieu abrité. Elle s'élève à une grande hauteur. L'industrie, en l’'employant, a réduit la taille de l'arbre à celle de l’homme ; on en fait des haies.) (Propriétés chimiques et usages économiques, — En traitant l'écorce d’ailanthe par l’éther, j'ai obtenu une matière résineuse très-âcre, qui déter- mine la vésication lorsqu'on l’applique sur la peau. ] (D’après Payen, l'écorce renferme du ligneux, une sorte de chlorophylle, un principe colorant jaune, une gelée végétale, une substance amère, une résine aromatique, des M d'huile essentielle à odeur forte et vireuse, une matière grasse azotée et quelques sels. - Les principes mucilagineux sont en telles proportions que la décoction de cette écorce est filante comme celle de la graine de lin. Gette plante, d’une odeur très-pénétrante, donne à une variété de vers à soie, le Bom- byx cynthia, nouvellement importé en France, une nourriture abondante et facile. L'é- levage se fait en plein air; la soie de ce bombyx est abondante, mais moins fine que celle du ver du mürier.) MODE D'EMPLOI. Poudre de l'écorce récente ou des feuilles, de 50 centigr. à 1 gr. (L'écorce de l’ailanthe détermine, lorsqu'elle est mâchée, une saveur amère très-prononcée; peu après, sentiment de faiblesse croissante, éblouisse- ments, sueur froide, nausées, en un mot les effets d’un hyposthénisant. La (1) Union médicale de la Gironde, janvier 1856. A AIRELLE. poudre de l'écorce de l’ailanthe n’a encore été employée que comme ver- mifuge. Hetet, professeur à l'Ecole de médecine navale de Toulon, l’a ex- périmentée contre le tænia. Reveil, dans trois cas, a obtenu un succès complet, un succès douteux et un insuccès. J’ai eu récemment l’occasion de contrôler ces résultats. Un jeune Anglais, souftrant de la présence d’un ver solitaire depuis près de trois ans, prit une dose de 1 gr. de poudre, dans du pain azyme, pendant huit jours; puis 4 once d'huile de ricin le neuvième jour. Il eut des évacuations abondantes, au milieu desquelles j’ai retrouvé des débris nombreux de tænia et l’appendice céphalique. A plus haute dose, l’ailanthe devient éméto-cathartique. Il est à désirer que de nouvelles recherches mettent en lumière les propriétés de cette pe se pourrait utiliser comme révulsif la matière résineuse âcre de corce. AIRELLE. Vaccinium myrtillus. L. Vitis Idæa, Baux. T. Myrtille, — raisin des bois, — gueule de lion noir, — moret, — brembollier, — brembelle, cousinier, — aradeih, — vaciet. ERICINIÉES, — VACCINIÉES. Fam. nat. — OCTANDRIE MONOGYNIE. L. L’airelle (PI. II), sous-arbrisseau, habite les bois montueux, les lieux om- bragés. Elle abonde à Montmorency et à l’Ile-Adam. Elle est cultivée dans les jardins. Description.— Tige se divisant presque à sa base en rameaux nombreux, angu- leux, flexibles, verts, s’élevant à la hauteur de 30 à 60 centimetres. — Feuilles an- nuelles, alternes, ovales, glabres, aiguës, finement dentées, à pétioles courts. — Fleurs blanches ou rosées en forme de grelot, solitaires et pendantes, axillaires (avril). — Calice globuleux, petit, à quatre dents. — Corolle renfermant huit élamines incluses. — Baies de la grosseur d’un pois, bleues noirâtres, ombiliquées, renfermant huit à dix pelites graines blanchätres. Parties usitées. — Les feuilles, les fruits. [Culture.— On la cultive quelquefois dans les jardins ; elle demande une expo- sition abritée, fraiche et de la terre de bruyère ; on peut la propager de graines semées sur couches ; la marcotte réussit mieux, elle craint les transplantations, qui doivent tou- jours être faites en motte.]| Récolte. — 11 faut prendre garde de ne pas confondre ces baies avec les fruits de belladone, qui sont très-vénéneux. Ceux-ci sont plus noirs, plus gros, plus luisants, d’un goût fade et nauséabond, tandis que les baies d’airelle ont une saveur aigrelette et n’ont pas de calice persistant. Propriétés physiques et chimiques.— Les baies ou fruits, soumises à la fermentation avec une certaine quantité de sucre, fournissent une liqueur vineuse agréable. On s’en sert pour colorer le vin, ét même pour fabriquer, avec d’autres ingré- dients, des vins que l’on débite comme naturels. On en fait des confitures et un sirop. La propriété colorante de ces baies les rend fort utiles à l’art tinctorial et même à la peinture. jee feuilles d’airelle sont assez riches en tannin, on emploie pour les rem- placer celles de l’airelle ponctuée et de la canneberge ; on peut également substituer les fruits les uns aux autres. On confond souvent les feuilles d’airelle avec celles de bousserole ou raisin d’ours LE ges uva ursi): mais celles-ci sont plus épaisses, plus coriaces, plus vertes, et les ords de leur limbe ne sont jamais repliés en dessous : caractere qui distingue l’airelle. Sieber a constaté la présence de l'acide quinique dans les feuilles de l’airelle myrtille. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Infusion, décoction (baies), 30 à 60 gr. par (Teinture (Reiss) : baies récentes, 100 parties ; kilogranme d’eau. alcool à 56 degrés, 1,000 parties; doses, un Poudre, 4 gr. toutes les 2 ou 3 heures. .verre à liqueur. à k Extrait, 1 à 2 gr. en pilules par jour. Sirop (5 parties d'extrait pour 1,000 de sirop), Suc, pour limonade, sirop, potion, etc. de 2 à 6 cuillerées par jour.) ALCÉE, 45 Les fruits de l’airelle, acides, légèrement styptiques, sont tempérants et astringents. Ils conviennent dans les inflammations, les fièvres inflamma- toires et bilieuses, la diarrhée, la dysenterie, les affections scorbutiques, etc. Les anciens en faisaient grand usage. Dioscoride les regarde comme propres à resserrer les tissus. Dodoens les prescrivait dans la diarrhée, la dysen- terie, le choléra. Forestus les a employés dans la toux avec hémoptysie. Plasse (1) vante les bons effets de ces baies en décotion avec addition d’eau de cannelle dans la diarrhée des enfants ; quand il y a acidité des premières voies, il y ajoute du carbonate de potasse. Richter les donnait dans le scor- but et la diarrhée. Il prépare une décoction avec 45 gr. de ces fruits séchés et 2 litres d’eau, à laquelle il ajoute 4 gr. de corne de cerf et autant de gomme arabique. Seidl (2) les a employés avec succès dans une épidémie de dysenterie ; il avail recours à la décoction de 60 gr. de baies sèches dans suffisante quantité d’eau, qu'il faisait bouillir pendant une demi-heure. Le malade prenait une demi-tasse toutes les heures de la colature ; quelque- fois il employait la poudre de ces baies à la dose de 4 gr. toutes les deux ou trois heures. Reiss (3) considère les fruits de l’airelle comme une ressource d’autant plus précieuse dans la diarrhée chronique, que les autres moyens restent souvent sans effet, tandis que celui-ci procure au moins une améliora- tion momentanée dans les plus graves circonstances, #{ que, sans jamais être nuisible, 1l suffit quelquefois pour amener une guérison inespérée, Il administre l'extrait seul, sous forme de pilules de 20 centigr.. que l’on prend de 4 à 6 par jour. Bergasse (4) rapporte l’observation d’une diarrhée chronique extrêmement grave guérie par l'administration intérieure de 30 gr. de baies d’airelle. AIRELLE PONCTUÉE (Vaccinium vitis idæa). Elle a les fleurs en grappes penchées, terminales, les baies d’un beau rouge. On a conseillé ces dernières en cataplasmes, écrasées avec du sel marin, pour résoudre les engorgements laiteux des seins. CANNEBERGE (Vaccinium oxycoccos). A les fleurs rouges, croit dans les marais, fournit aussi des baies rouges. Ces deux dernières espèces ont les mêmes propriétés que l’airelle myrtille. ALCÉE. Alcea rosea. L. Malva rosea. BAUH. — Malva arborea. Vulg. — Althæa. d. Alcée rose, — passe-rose, — rose trémière, — rose d'outre-mer, — herbe de Siméon. MALVACÉES. Fam. nat. — MONADELPHIE POLYANDRIE. L,. Cette plante bisannuelle (PL. IT), originaire de l'Orient, ayant le port d’un arbrisseau, se trouvant dans quelques forêts, sur les montagnes, au milieu des rochers de la Provence australe, fait l’ornement des jardins par la beauté de ses fleurs, qui s’épanouissent vers la fin de l’été et durent pendant une partie de l’automne. Deseription. — Tiges s’élevant à plus de deux mètres, droites, velues, pleines d’une moelle blanche. — Feuilles semblables à celles de la mauve, mais bien plus grandes, lobées, sinuées, stipulées. — Fleurs entourant la partie supérieure de la tige, grandes, formant un épi lâche et allongé, blanches, roses, pourpres, jaunes, panachées, souvent doubles, peu pédonculées, — Calice double, persistant, l'extérieur à six divi- (1) Allgemeine medizinische Annalen, 1893. Fe Medez. Jahrbuch des œslerreichischen Staates, 1837. (3) Journal de méuecine, avril 1843. (4) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, année 1844. 16 ALCHIMILLE, sions. — Corolle formée de cinq pétales cunéiformes, connés à leur base, plus grands que le calice. — Etamines nombreuses, réunies inférieurement en une colonne cylin- drique et corolifère. — Fruit, se compose d’un grand nombre de capsules monospermes. Parties usitées. — Racines, feuilles et fleurs. (Culture. — Elle exige une terre franche, légère, substantielle, et l'exposition au midi ; on la sème en place au printemps ou en pépinière, dans ce dernier cas on re- pique en septembre ; on peut aussi semer sur couche en juillet et août. Couvrir le plant en hiver et repiquer en place en avril ; dans leur jeune âge elles demandent de l’eau. | Propriétés physiques et chimiques. — Comme toutes les malvacées, cette plante recèle une grande quantité de principe muqueux. La racine contient une matière particulière cristallisable, appelée par Baron A/thæine, et qui n’est autre chose que de l’asparagine. Gilibert a retiré de la racine arrachée au printemps une farine vraiment nourrissante ; il dit que les racines de mai et les fruits, avant leur maturité, donnent beaucoup de farine sucrée. La tige offre une substance fibreuse, textile, avec laquelle on peut fabriquer des fils, des cordages, des tissus divers et d'excellent papier. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion des feuilles ou des à-dire par macération et solution, un sirop fleurs, 8 à 12 gr. par kilogramme d’eau. | d’alcée qui jouit des mêmes propriétés.] ISirop d’althæa. — Le sirop qui porte ce nom | A L’EXTÉRIEUR. — De 30 à 60 gr de feuilles est préparé avec la racine de guimauve | par kilogramme d’eau, pour lotions, fomen- (althœæa officinalis L.), mais on prépare dans | talions, injections, bains, gargarismes, cata- certains pays, de la mème manière, c’est- plasmes, lavements. L’alcée est émolliente, adoucissante, pectorale. Dioscoride, et après lui Schræder, Spielmann, Hagen, ont regardé la racine comme astringente et propre à arrêter les diverses sortes de flux, spécialement la dysenterie. Murray pense avec raison que cette racine agit par sa qualité mucilagineuse à la manière de la mauve et de la guimauve. Il est plus difficile d'expliquer son action vraie ou supposée sur les organes de divers animaux. Gilibert prétend qu’elle est pour les chevaux un purgatif très-fort, et suivant Huzard, il n’en a fallu qu’une pincée pour faire vomir une chatte. ALCHIMILLE. Alchemilla vulgaris. L. Alchimilla vulgaris. C. BAuH., Tourx. — Alchimilla vulgaris major. Pes leonis sive alchimilla. X. BAUn. Pied-de-lion, — manteau des dames, — ladies mantle des Anglais. ROSACÉES. Fam. nat. — TÉTRANDRIE DIGYNIE. L. Le pied-de-lion ou alchimille (PI. I), plante vivace, croît partout, dans les prés, dans les bois, etc. Elle fournit une nourriture saine aux bestiaux. Elle augmente le lait des vaches et des chèvres. Description. — Racine épaisse, brune, ligneuse, garnie de fibres capillaires, contenant une espèce de moelle jaunâtre. — Tiges de 25 centimètres environ, cylin- driques, rameuses, légèrement velues. — Feuilles alternes, d’un vert jaune en dessus, blanchätre en dessous, velues sur les bords et sur les nervures, dentées ; les radicales longuement pétiolées et à sept ou neuf lobes, les caulinaires à courts pétioles et à cinq lobes. — Fleurs petites, pédonculées, verdâtres, disposées en corymbes terminaux (juin-juillet-août). — Calice à huit divisions, dont les quatre inférieures paraissent for- mer la corolle. — Quatre étamines très-courtes. — Ovaire surmonté par un style à deux stigmates. — Une semence nue, arrondie, jaunâtre, brillante. Parties usitées. — Toute la plante. (Culture. — L'alchimille vient dans tous les sols, el à toutes les expositions, mais elle préfère les terrains frais et humides et une exposition un peu ombragée ; elle est multipliée par semis ou par division des pieds ; la médecine n’emploie que la plante sauvage. | Récolte. — Elle peut se faire pendant tout l'été, Pour la conserver on la cueille pendant la floraison. ALISIER, — ALKÉKENGE. h7 Propriétés physiques et chimiques. — L'alchimille est inodore; ses feuilles ont une saveur acerbe. Son infusion noircit par le sulfate de fer. Elle fournit un extrait aqueux d’une saveur un peu styptique, et un extrait alcoolique balsamique, acerbe. Ses principes sont solubles dans l'eau, le vin, l'alcool. L'alchimille est un léger tonique-astringent qu'on à conseillé dans les hémorrhagies passives, la leucorrhée, les dysenteries chroniques, les ulcères atoniques, etc. Frédéric Hoffmann attribue à cette plante, employée sous forme de bain et de fomentation, la vertu merveilleuse de raffermir les chairs et de rendre aux organes sexuels les apparences de la virginité. Cullen pré- tend, au contraire, que l’alchimille devrait être bannie de la matière médi- cale à cause de son inertie. Elle ne mérite ni les éloges outrés d’Hoffmann, ni la réprobation absolue du médecin anglais, dont le système de réforme est trop rigoureux. L'alchimille se donne en décoction (30 à 60 gram. par kilog. d’eau). Elle fait partie des vulnéraires ou thés suisses. ALISIER. Cratægus terminalis. L. Sorbus terminalis. CRANTZ. Aigrelier, ROSAGÉES, — POMACGÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE DIANDRIE. L. Cet arbre croît à l’état sauvage dans nos forêts. Description. — Arbre à tige droite, élevée. — Feuilles glabres, luisantes d'un beau vert, ovales, tronquées, lobées. — Fleurs blanches, petites, disposées en corymbes rameux, cinq pétales étalés, onglet presque glabre. — Etamines nombreuses. — Styles glabres dont le nombre varie de deux à cinq. — Fruit ovoïde, brun jaunâtre, charnu, acerbe à la maturité, devenant pulpeux et acidule. L’alisier de Fontainebleau (S. Lati- folia Pers.) se distingue du précédent par ses feuilles plus larges, blanches et coton- neuses en dessus, ses styles velus à la base et ses fruits brun orangé, pulpeux et sucrés. [L’alouchier ou drouillier (S. Aria Crantz. Cratægus aria L.) est plus petit, ses feuilles sont blanches et cotonneuses, vertes en dessus, à lobes décroissants du sommet à la base, fruit rouge orange, pulpeux, acidule.] (Parties usitées. — Les fruits, le bois.) [Culture. — C'est la première espèce que l’on emploie le plus fréquemment en médecine; on la propage de graines ou de boutures.] (Les fruits, qu’on mange en hiver à leur maturité, sous le nom d’alises, sont astringents et ont été usités contre la dysenterie, la diarrhée, la coli- que; ils ont des propriétés analogues à ceux de l’airelle.) ALKÉKENGE. Physalis alkekengi. L. Alkekengi officinarum. T.— Solanum vesicarium. C. B. Coqueret, — coquerelle, — cerise d’hiver ou de Juif, — physiale, — halicacabum, berbe à cloques. SOLANÉES. Fam. nat, — PENTANDRIE MONOGYNIE, L. L’alkékenge (PI. ID), dont la racine est vivace, croît spontanément dans les champs cultivés, les bois taillis et les vignes du midi et de l’ouest de la France. On la cultive dans les jardins. Elle est aussi spontanée en Allemagne, en Italie, en Espagne. Elle à quelque ressemblance avec la belladone, dont elle diffère d’ailleurs totalement par l’innocuité de son action physiologique, et par ses propriétés thérapeutiques, par son calice coloré et accrescent et par la couleur de ses baies qui sont rouges ou jaunes au lieu d’être noires. Description. — Racine articulée, jetant çà et là des fibres grèles, qui rampent au loin. — Tige de 30 à 50 centimètres de hauteur, dressée, anguleuse, un peu velue, l8 ALKÉKENGE. rameuse, verte d’abord, puis rougeâtre, prenant de la consistance à l'automne. — Feuilles larges, glabres, géminées à la base, les supérieures ovales et un peu pointues. — Fleurs d'un blanc terne, solitaires, inclinées en bas, sur des pédoncules à illaires (juin-septembre). — Corolle monopétale à tube court, couvrant cinq étamines, un style, un stigmate. — Calice monophylle, à cinq découpures aiguës, velu, se développant et devénant à l’époque de la maturation un cornet membraneux, acquérant une couleur rouge écarlate à mesure que sa maturité avance, entourant completement la baie, qui est globuleuse, contenant un grand nombre de petites graines aplaties, chagrinées et réniformes. Parties usitées. — Les baies, les tiges et les feuilles. (Culture. — Elle est assez abondante pour les besoins de la médecine ; on sème la graine en pots à l'automne ou au printemps ; on repique lorsque les pieds sont assez forts. Elle se propage d'elle-même et devient souvent incommode.] Récolte, — L'alkékenge ne doit être récoltée qu'à l'époque de la maturité des fruits, c’est-à-dire depuis la fin d'août jusqu'en septembre. Les tiges et les baies ac- quièrent une couleur rouge ou jaune qui indique leur maturité. La dessiccation sera plus prompte si l’on sépare les baies des calices, car la transpiration des premières entretient l'humidité des secondes. Les baies se dessèchent lentement, se flétrissent, se vident ; en les broyant, on en separe facilement les graines. La dessiccation en plein air n’est jamais suffisante pour obtenir une division ou pulvérisation facile de la plante. Il est nécessaire de la passer à l’étuve ou au four chauffé à 40 degrés, de l’y laisser de huit à douze heures avant de la soumettre à l’action du pilon. Propriétés physiques et chimiques. — La poudre d’alkékenge est d’une amertume franche et persistante. Gelle des baies a de plus une acidité marquée qui n’est pas désagréable. Dessaigne et Chautard, en traitant les feuilles par l'eau froide, agitant l’hydrolé avec du chloroforme, séparant celui-ci, reprenant le résidu de l'évapo- ration de celui-là par l'alcool additionné de charbon, et précipitant après filtration par l'eau, ont obtenu une matière cristalline, amère, non alcaline, qu’ils ont nommée Phy- suline. Dans certains pays on colore le beurre avec le suc de baies de coqueret. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Baies fraiches et mûres, de pour base l'extrait d’alkékenge. On y 6 à 20 gr. par jour. ajoute une solution de silicate de soude, Infusion des baies, 15 à 60 gr. par kilogramme dont la densité soit marquée à 80 degrés d’eau. = dans la proportion de 1 partie pour 3 d’ex- Poudre (tiges, baies), 4 à 18 gr. en une seule trait. Ce mélange, rendu consistant au ou en plusieu s fois, dans de l’eau ou du moyen de la poudre de Chamedris, est di- vin, ou, mieux, dans le vin d’alkékenge. visé en pilules de 30 centigrammes; de 2 à Vin (30 gr. de feuilles, tiges ou fruits macé- 6 par jour.) rés pendant huit jours dans 1 kilogr. de | A L’EXTÉRIEUR. — Décoction, 60 à 120 gr. par vin), 15 à 30 gr. comme diurétique, 60 à kilogramme d’eau, p ur lotions, fomenta- 100 gr. comme fébrifuge. tions, injections calmantes. Extrait (rarement employé), de 8 à 15 et | Les baies d’alkékenge entrent dans la compo- 20 gr. sition du sirop composé de chicorée. {Les pilules antigoutteuses de Lawville ont | Acidules, mucilagineuses, rafraichissantes et diurétiques, les baies d’alké- kenge, qui se servent sur les tables en Suisse, en Allemagne, en Angleterre, etc., ont été longtemps employées dans la gravelle, les rétentions d’urine, les hydropisies, l’ictère, etc. Dioscoride les prescrivait contre l'ictère et l'ischurie ; il dit même les avoir conseillées dans l’épilepsie. Arnaud de Ville- neuve les préconise comme diurétiques. Ray les employait dans la goutte. Les habitants de la campagne les ont toujours récoltées avec soin pour s’en servir dans les rétentions d'urine. Ils la donnent souvent en décoction aux bestiaux atteints de dysurie. Comme Gilibert, j'ai employé des baies d’alkékenge avec succès dans la gravelle, l'ædème et l’anasarque, qui suivent les fièvres intermittentes. Dans les hydropisies qui dépendent de légions organiques du centre circulatoire, dans l’hydropéricarde, les infiltrations séreuses qui suivent la scarlatine, l’albuminurie, les affections graves des reins et de la vessie, etc. Ces baies ALKÉKENGE. 49 m'ont été très-utiles comme à la fois diurétiques et anodines. Dans ces cas, je les fais prendre en décoction. Elles déterminent un flux abondant d’urines sans trop stimuler les organes. Contre les hydropisies passives, je fais écraser sept ou huit baies dans un verre de vin blanc, que le malade prend à jeun, en y joignant l’infusion ou la décoction pour boisson. Les feuilles, les tiges et les calices, sont également diurétiques, et con- viennent surtout, à cause du principe amer qu’elles renferment, dans les cas d’asthénie que nous venons d'indiquer, et notamment dans la cachexie palu- déenne, Les elfets physiologiques de la poudre (feuilles, tiges, capsules) ont été sensibles chez les malades faibles, anémiques, et particulièrement chez les femmes chlorotiques. Plusieurs de ces dernières ont ressenti peu d’in- stants après son administration, même à petite dose, des bourdonnements d'oreille, un peu d'ivresse et un ralentissement assez notable du pouls. Les effets consécutifs étaient le retour du pouls à son type normal, la coloration du teint, le développement des forces musculaires. L'action diurétique a été de nouveau constatée. A forte dose, le médicament produit un sentiment de pesanteur à la region gastrique, et de la constipation. Après plusieurs jours d'emploi, il à occasionné chez deux malades quelques coliques suivies de diarrhée qui a disparu promptement. Administrée plusieurs fois après le repas, même à forte dose, cette poudre n’a nullement troublé la digestion. | Gendron, médecin à Château-du-Loir, a publié une série d'expériences sur les propriétés fébrifuges de la poudre de calices et de baies d’alkékenge. Plus tard les feuilles et les tiges ont été employées avec le même succès. Ces expériences, répétées à l'hôpital de Vendôme par Gendron et Faton, ont presque toujours réussi à guérir des fièvres intermittentes, si communes parmi les soldats casernés aux bords du Loir, et au niveau des prairies sub- mergées. « J’ai recueilli depuis, dit Gendron, un assez grand nombre d’ob- servalions qui confirment les premières, et malgré plusieurs échecs de la médication sur les fiévreux, pendant l’automne dernier, nous n’hésitons pas à conclure que la poudre d’alkékenge, convenablement administrée, guérit un grand nombre de malades atteints de fièvres intermittentes. Ce médi- cament n’a ni la promptitude ni la sûreté du sulfate de quinine; mais, ne coûtant rien à nos cultivateurs, ils s’astreignent aisément à continuer son usage après l'interruption de la fièvre, et ils sont moins exposés aux réci- dives. « Lorsque le troisième accès de fièvre n’est pas supprimé par l’alkékenge, ou du moins très-notablement amoindri, on doit peu compter sur son effet fébrifuge. « Toutefois, les individus aux prises avec la cachexie fébrile, qu’il y eût ou non tuméfaction de La rate, reprenaient sensiblement de la force et de la coloration, même lorsque les accès n'étaient pas complétement interrompus. Une dose de sulfate de quinine suffisait alors pour couper la fièvre, et à la suite deux doses par jour d’alkékenge prévenaient les récidives et complé- taient la guérison..... Dans les fièvres larvées et les névralgies intermit- tentes, l’alkék: nge à constamment réussi à éteindre les accès. .... Plu- sieurs ont été guéris de fièvres intermittentes dès la première dose; c’est le petit nombre. Ordinairement les accès décroissent sensiblement; le troisième est réduit à un simple malaise; le quatrième manque complé- tement, « Nous avons eu l’occasion de l’employer avec succès contre une fièvre tierce algide..... Depuis ce fait, qui m'avait donné une grande confiance daus l’alkékenge, je dois avouer que la médication a subi plusieurs échecs. J'ai appris à mes dépens, ou, si l’on veut, aux dépens des malades, que de fortes doses d’alkékenge, données une fois par jour, ne valaient pas des doses moindres et répétées plusieurs fois dans les vingt-quatre heures. n 50 ALLELUIA. «Chez les malades atteints de doubles-tierces ou doubles-quartes, il faut remarquer que les petits accès ont cédé plus vite que les plus forts, à quelque adresse que füt la médication, c’est-à-dire, que le médicament fût donné avant le petit accès, ou, suivant le précepte de Torti, avant le fort accès. « Les fièvres rémittentes, les névralgies périodiques, ont toujours été combattues avec succès par l’alkékenge. Enfin, lorsque le quatrième accès d’une fièvre intermittente n’était pas supprimé complétement par la médi- cation, 95 centigr. de sulfate de quinine suffisaient pour couper la fièvre, et quelques doses d’alkékenge, les jours suivants, mettaient les malades à l'abri des récidives. idée A l'hôpital de Vendôme, on a réussi presque constamment en prescrivant, dans l'intervalle des accès, deux doses par jour de 6 gram. cha- cune ; 4 gram. donnés quatre fois par jour, ont également coupé des fièvres de différent types, et dans des conditions variables de sujets, d’âge, de sexe, de localité et d'ancienneté de pyrexie. Cette méthode me paraît la plus conve- nable. Les préceptes de Torti, sur l'administration du quinquina à doses for- tes et uniques, et le plus loin possible de l'accès, ne paraissent pas jusqu’à présent applicables à la médication par l’alkékenge. « Il résulte de nos expériences que cette substance peut être employée en toute sécurité, à quelque dose que ce soit, avant comme après le repas, dans l'intervalle cemme au début des accès de fièvres. « Si elle n'exclut pas toujours l’usage du sulfate de quinine, elle réduit du moins son emploi trop coûteux. » (1) J'ai employé la poudre d’alkékenge dans trois cas de fièvre intermittente. Le premier cas, au printemps de 1853, chez une femme de trente-cinq ans, habitant la vallée humide de la Liane, était une fièvre tierce intense, par ré- cidive après avoir été coupée au moyen de trois doses de sulfate de quinine. Trois doses de 4 gram. de poudre d’alkékenge, données dans chaque inter- mission, interceptèrent la fièvre au 3° accès à dater du jour de la prise du médicament. Les deux autres cas étaient, l’un une fièvre double-tierce au- tomnale guérie au 4° jour de l’administration du médicament; l’autre une fièvre quotidienne ayant deux mois de durée, qui a été diminuée de moitié en intensité et que deux doses de sulfate de quinine (de 50 cent.) ont dissipée entièrement. (A l'exemple de Ray, Laville préconise comme préventives des aceès de soutte, des pilules dont nous avons plus haut donné la formule. Sans nous prononcer d’une façon définitive sur la réalité des succès de ce traitement, nous sommes porté à penser d’après notre expérience person- nelle que l'effet en est variable, sinon douteux.) Les feuilles de coqueret peuvent être employées à l'extérieur en fomenta- tions et en cataplasmes, comme émollientes et calmantes. ALLELUIA. Oxalis acetosella. L. Oxys flore albo. T. — Trifolium acetosum vulgare. BAUX. lOxytriphyllum. TRAG. — Panis cuculi. OFF. Surelle, — oxalide, — pain de coucou, — oseille de bûcheron, — oseille de Pâques, — trèfle aigre, — oseille à trois feuilles, OXALIDAGÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE PENTAGYNIE. LL Cette plante vivace (PI. IT), commune dans presque tous les pays de l’Eu- (t} Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1851. ALLELUTA. 51 rope, croît abondamment dans les bois, au pied des arbres, dans les lieux ombragés, le long des haies. Description.— Racine : fibres qui partent de renflements d'une lige souterraine rampante. — Feuilles nées d: l'extrémité de la souche par cinq ou six, longuement pétiolées et formant gazon, trifoliées, folioles obcordées, pubescentes surtout en dessous, où leur couleur est blanchâtre, — Fleurs blanches, solitaires sur des hampes droites et un peu moins longues que les pétioles (mars et avril), — Calice campanulé, pentifide. — Corolle trois fois plus grande, campaniforme, à cinq pétales obovales offrant trois appendices à leur base ; dix élamines, dont cinq longues et cinq courtes, hypogynes et réunies par la base de leurs filets. — Ovaire surmonté de cinq styles divergents. — Capsules à cinq loges polyspermes. Kécolte.— Elle se fait au moment de la floraison, vers le temps de Pâques, d’où lui vient le nom d’Alleluiu. La plante perd une partie de sa saveur acide par la dessic- cation ; mais on peut se la procurer pendant toute la belle saison et l'employer à l'état frais. Parties usitées. — Toute la plante. [Culture. — Elle n’est cultivée que dans les jardins de botanique ; on la sème au printemps en planches ou en bordures ; elle aime l’ombre.] Propriétés physiques et chimiques, — Inodore, d’une saveur acide fort agréable, cette plante renferme beaucoup d’eau, du mucilage et une grande quan- tié d'oxal te de potasse. C’est surtout en Suisse, où elle est très-commune, que loxa- lite sert, concurremment avec les rumex acelo.a et acelosella, à l'extraction du sel d’oseille (bioxalate de potasse, oxalate acide. de potasse, bi, quadri ou suroxalate de potasse, oxalium, sel à détacher), tres-usité pour enlever les taches d'encre, dans l’art tinctorial pour aviver la couleur du carthame, et dans quelques fabriques de toiles peintes. Le sel d’oseille est blanc, en petits cristaux aigus, piquants, opaques, plus acides que ceux de la crème de tartre auxquels ils ressemblent, inaltérables à lair, peu solubles dans l’eau. Substances incompulibles. — Les sels de chaux qui, mêlés au sel d’oseille, forment de suite un oxalate insoluble. . L’acide oxalique s'obtient en décomposant l’oxalate de potasse par l’acétate de plomb; on traite le précipité par l'acide hydrosulfurique, et on fait cristalliser la liqueur. Müis celui du commerce est obtenu par la réaction de l'acide azotique sur le sucre ou l'amidon.] | PRÉPARATIONS PHARMAGEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction, 30 gr. ou une | Plante fraiche, mangée en salade, dans les poignée dans 500 gr. d’eau ou de petit bouillons. . lait Oxalate de potasse, 1 à 2 gr. dans 500 gr. Suc exprimé, de 30 à 60 gr. d’eau, avec (. S. de sucre pour limonsde. Sirop, de 30 à 60 gr. dans une potion. [L’oxalate de potasse entre dans les pastilles Conserve, de 2 à 8 gr. contre la soif, L’alleluia est rafraichissante, tempérante, antiputride, antiscorbutique, diurétique. Elle convient dans les affections bilieuses, inflammatoires, pu- trides, les embarras gastriques. Johan Frank (1), qui s’en est servi avec succès dans le traitement d’une épidémie de fièires malignes pétechiales, lui donne les plus grands éloges. Dans ma pratique, je fais avec l’alleluia une limonade des plus agréables; elle remplace celle que l’on compose avec le citron, que l’on n’a pas toujours sous la main et que le pauvre ne peut se procurer. Cette limonade apaise la soif et l’ardeur fébrile, favorise la sécrétion des urines et lâche quelquefois le ventre. J'ai remarqué qu’elle aide à l’action des purgatits. L'hiver, je me sers de la limonade d’oxalate de potasse. ‘ Le scorbut est une des maladies où l’oxalide a été le plus employé. Les équipages du capitaine Baudin ayant trouvé cette plante en abondance au Port Vestern, et en ayant usé copieusement, virent disparaître les traces du scorbut dont ils étaient atteints (2). M" 22 VU CRTEN SR ALU} EUR PRES SOUPE ST SANTE ERNNE ES VS NLRE CS NNOSERP RENE CE EE (1) Herba-alleluia, botanice considerata, ete., Ulmæ, 1709. (2) Annales du Museum, t. XVII, p. 94. e 52 ALLELUIA. Chamberet (1) observe avec raison que cette plante, quoique recommandée dans les maladies inflammatoires des voies urinaires, peut être nuisible à certains calculeux, à cause de l’oxalate de potasse qu’elle contient. A l'extérieur, elle est maturative comme l’oseille commune. Je l'ai quel- quefois appliquée sur les tumeurs scrofuleuses et des abcès froids, pour les résoudre ou en hâter la suppuration; mais j'ai employé dans ces cas, avec plus d'avantage, la petite oscille sauvage, conseillée par Pinel. Elle est plus active, et se trouve partout dans les pâturages et le long des haies. L'OXALATE DE POTASSE et L'ACIDE OXALIQUE pris à haute dose produisent l’em- poisonnement. L'action corrosive de l’acide oxalique a été constatée en Angleterre, où, pendant longtemps, on s’en est servi pour faire des limona- des. Royston rapporte l’observation d’une femme qui mourut au bout de quarante minutes après avoir pris 45 gr. d'acide oxalique pour du sulfate de magnésie. Thomson publia ensuite l’histoire d’un semblable empoisonne- ment. Dès lors, on ne douta plus que cet acide ne fût un poison, et cette opinion fut encore confirmée par les observations et les expériences de Percy, Orfila, Christison, Coindet et Dupuy. La quantité d'acide oxalique qui à produit les empoisonnements variait depuis 42 gr. jusqu’à 60 gr., et avait été ordinairement prise à jeûn. Sur onze cas, deux individus seuls ont été sauvés, trois survécurent une heure à l’ingestion de l'acide, les autres moururent en beaucoup moins de temps. Une personne qui avait avalé 24 gr. de cet acide périt au bout de quinzé minutes ; une autre vécut à peine dix minutes après avoir pris ce poison ; ainsi, la rapidité de l’empoisonnement est toujours en rapport avec la dose d’acide et le temps qu'il séjourne dans l'estomac. Les symptômes de cet empoisonnement sont les suivants : quelquefois douleur brûlante à la gorge, mais toujours à l'estomac, ordinairement suivie de vomissements violents qui continuent jusqu'aux approches de la mort; quelquefois vomissements faibles ou nuls; matières vomies, pour l'ordinaire, d’une couleur foncée ou sanguinolentes ; pouls devenant imperceptible et restant tel pendant plusieurs heures ; froid glacial, sueur gluante ; doigts et ongles livides. Quelquefois engourdissement et sentiment de fourmille- ment aux extrémités longtemps après la disparition des symptômes vio- lents ; d’autres fois, insensibilité quelque temps avant la mort, ou agitation, convulsions ; mort, en général, en moins d’une heure et quelquefois en peu de minutes. | | Les expérimentations de Christison et de Coindet ont porté ces médecins à conclure : {1° que l'acide oxalique très-concentré, introduit à haute dose dans l'estomac, irrite ou corrode cet organe, et détermine la mort par l'affection sympathique du système nerveux ; — 2° que lorsqu'il est étendu d’eau, il est absorbé et porte son influence sur les organes éloignés ; il n’agit ni en irritant l'estomac, ni sympathiquement; toutes choses égales, d’ailleurs, son action est plus rapide lorsqu'il est étendu d’eau que lorsqu'il est con- centré; — 3° qu'on ne peut le retrouver dans aucun des liquides de l’animal, quoiqu'il soit absorbé, probablement parce qu’il est décomposé en passant par les poumons, et que ses éléments se combinent avec le sang; — 4° qu'il agit directement comme sédatif, en portant d’abord son influence sur la moelle épinière et le cerveau, ensuite, et secondairement, sur les poumons et le cœur. Enfin, la cause immédiate de la mort est quelquefois une para- lysie du cœur, d'autrefois une asphyxie, ou enfin ces deux affections réunies. [Les accidents nerveux, suivant Reveil, sont comparables à ceux que déter- mine la strychnine.] L'effet des vomitifs n’est point assez prompt contre cet empoisonnement. Les boissons aqueuses nuisent en facilitant l'absorption, à moins qu'on ne {1) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXIX, p. 55. ALLIAIRE, 53 fasse vomir promptement le malade par des moyens mécaniques. On peut neutraliser le poison dans l'estomac avec le carbonate de chaux ou la magné- sie calcinée, qui forment tous deux avec lui des sels insolubles. L'action toxique peut être diminuée par ces combinaisons ; mais, suivant Christison et Coindet, elle n’est jamais entièrement changée ou détruite. On combat les symptômes inflammatoires secondaires par les antiphlogistiques. {Dans les cas d'empoisonnement par l'acide oxalique, il faut toujours re- chercher à isoler l'acide libre; on se sert pour cela d'alcool bouillant qui le dissout parfaitement et qui est sans action sur les oxalates et les autres sels.] L'OXALATE DE POTASSE (sel d'oseille) avait déjà été signalé par Welti comme pouvant être employé efficacement dans la métro-péritonite puerpérale, lorsque Von Brenner (1) publia deux observations dans lesquelles l'emploi de ce sel neutre fut suivi d’un succès remarquable. Le même médicament a été prescrit par l’auteur, avec non moins d’effi- cacité, dans des cas de métrite et de péritonite simples, dans l’inflammation des ovaires, ainsi que dans les menstruations difficiles. L’ACIDE OXALIQUE, provenant de l’oxalide, dit Nardo (in Merat et Delens), a des propriétés plus antiphlogistiques qu'aucun autre acide végétal ; il con- vient, suivant ce médecin, dans les douleurs qui accompagnent les affections inflammatoires, notamment dans celles de l’angine, de la gastrite, de la sto- matite ; son usage pourrait même rendre les saignées moins nécessaires. ALLIAIRE. Erysimum alliaria. L. Hesperis alliaria. LAMARK. — Alliaria. BAUH.— Alliastrum. GESN. Hesperis allium redolens. T. — Sisymbrium alliaria. RoTH. Alliaria officinalis. PHARM. Velar alliaire, — erysimum alliaire, — herbe-aux-aulx, — julienne. CRUCIFÈRES. — SISYMBRIÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. L’alliaire (PI. ID), plante vivace, croît dans toute la France, et se trouve principalement aux lieux couverts, le long des haies, sur le bord des fossés. Description. — Racine blanche, ayant la forme d’un petit navet. — Tige her- bacée, droite, de 60 à 70 centimètres, tantôt simple, tantôt légèrement rameuse, ferme, velue à sa partie inférieure. — Feuilles alternes, pétiolées, cordiformes, presque glabres, les inférieures plus obtuses, réniformes, portées sur de plus longs pétioles, les supé- rieures aiguës et presque sessiles. — Fleurs petites, blanches, soutenues par de courts pédoncules, en grappe terminale lâche, ayant les caracteres de la famille des cruci- fères. — Calice à quatre sépales étroits, caducs. — Corolle à quatre pétales unguiculés, cruciforme. — Six étamines dont deux plus courtes. — Ovaire allongé, style gros, slig- mäte bilobé. — Fruits: siliques étalées, grèles, quadrangulaires, striées longitu- dinalement,. Parties usitées. — Les feuilles, les sommités fleuries et les semences. (Culture. — L'alliaire est très-abondante à l’état sauvage ; elle croit à l'ombre des arbres ; on la multiplie par semis faits au printemps ; lorsqu'on veut la: faire ramper dans les bosquets pour couvrir la nudité du sol, on doit couper les tiges aussitôt que les fleurs sont passées. ] Récolte. — La dessiccation dissipe presque toutes les propriétés de l’alliaire. On doit donc l’employer fraiche. (Propriétés physiques et chimiques. — L'alliaire possède une odeur et une saveur alliacées qui lui ont valu son nom; elle contient de l'essence d'ail.) (1) Annales médicales de la Flandre occidentale. 54 AMANDIER. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion de 30 à 60 gr. par pilules, potion, etc., n’est pas usité. kilogramme d’eau. \ À L’EXTÉRIEUR. — En caiaplasme. Suc de 15 à 30 gr. en potion. Suc exprimé seul ou étendu dans l’eau. Suc épaissi ou extrait de suc, 10 à 15 gr. en | Semence en poudre, comme rubéfiante. Cette plante est stimulante, diaphorétique, béchique-incisive, diurétique, détersive, antiputride, antiscorbutique. La décoction dissipe presque toutes ses propriétés. Cependant, suivant Virey (1), la décoction d’alliaire fraiche- ment eueillie est très-expectorante et agit plus fortement que celle du velar (Erysimum offic.). L'emploi que j'en ai fait sur la fin des catarrhes pulmo- ntires chroniques, dans l’asthme humide et dans la phthisie, a confirmé cette opinion. J’ai pu aussi constater récemment ses propriétés diurétiques dans un cas d’hydrothorax avec œædème des extrémités inférieures. Le suc épaissi ou extrait de suc se conserve et peut remplacer le suc frais pendant hiver. | J'ai employé aussi avec succès son suc (après Camérarius, Simon Paul, Boerhaave, Ray) sur des ulcères sordides et gangréneux. Un vaste ulcère de cette nature existait à la partie externe de la jambe droite d'un enfant de dix ans, et avait l’aspect et la fétidité de la pourriture d'hôpital, par suite sans doute de l'habitation inaccoutumée dans un lieu bas, humide et non aéré (au village de Verlincthun, situé au milieu d’eaux stagnantes). Le suc d’alliaire appliqué avec de la charpie, et continué pendant quinze jours, combattit la putridité, détergea l’ulcère, procura une suppuration de bonne natfre, et amena une cicatrisation favorisée, à la fin, par l'application du vin miellé. La graine d’alliaire a une saveur âcre qui se rapproche de celle de la moutarde. « D’après les nombreuses expériences que nous avons faites, dit Dubois, de Tournai, la graine d’alliaire, pulvérisée et réduite en pâte au moyen d’un peu d’eau, en application sur la peau, y produit, au bout de quelques heures, des effets rubéfiants analogues à ceux de la moutarde, mais à un moindre degré. » Cette plante, beaucoup trop négligée par les modernes, jouit de proprié- f 4 {és énergiques que les anciens ont exagérées. AMANDIER. Amygdalus communis. L. Amygdalus sativa et sylvestris. BAUH. — Amygdalus sativa fructu majore. T. ROSACÉES. — AMYGDALÉES. Fam. nat. — IGCSANDRIE MONOGYNIE. L. Cet arbre, originaire de la Mauritanie, est callivé en France et surtout en Provence. Il croît naturellement sur les côtes septentrionales de l'Afrique. L'Ancien Testament fait mention des amandes. Hippocrate employait les amandes douces et amères. Théophraste en parle, et Dioscoride décrit la manière d’en obtenir l'huile. Description.— Tige de 8 à dix mètres, droite, — Feuilles moins longues que celles du pêcher, alternes, pétiolées, étroites, pointues, bords finement serrés ; les den- telures de la base glanduleuses.— Fleurs comme celles du pêcher, mais à pétales plus grands et d’un blanc souvent mêlé de couleur de rose (les premieres au printemps). — Fruit verdâtre, ovale, composé d’un brou médiocrement épais, ferme, peu succulent, au-dessous duquel se trouve un noyau ligneux, sillonné, renfermant une amande tendre, ovale, terminée en pointe à son sommet, d’une saveur douce ou amère selon l’une des deux variétés de l'arbre dont elle provient, et qui est la seule partie employée en médecine. La seule distinction botanique qu'on puisse établir entre ces deux variétés, c’est que dans la variété amère le style est de la même longueur que les étamines, el (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. 1°, p. 411. AMANDES DOUCES. 55 que les pétioles sont maculés de points glanduleux, tandis que dans la variété douce le style est beaucoup plus long que les étanines, et que les glandes, au lieu d’être sur les pétioles, sont à la base des dents des feuilles. AMANDES DOUCES. Amygdalæ dulces. Dans le commerce, suivant que les amandes sont grosses, moyennes où petites, on les désigne sous les noms spécifiques de gros flots, flots et en sorte. Les meilleures sont celles qui sont grosses, bien entières, non vermou- lues, à cassure blanche et sans odeur. Lorsqu’elles sont vieilles, leur cas- sure est jaunâtre et leur goût est âcre. Propriétfs chimiques.— Les amandes douces contiennent pour 100 environ 54 d'huile fine, 24 d’une variété d’albumine soluble nommée émulsine où synaptuse, puis du sucre, de la gomme et un parenchyme. C’est l’émulsine qui, dans l’émulsion d'amandes, tient l'huile en suspension. E le dissout et rend mscible à l’eau le camphre, la résine de jalap et autres substances résineuses avec lesquelles elle est triturée. Elle peut s'unir à l’eau au moyen d’un blanc où d'un jaune d'œuf. L'huile d'amandes douces doit être récemment préparée, parce qu'elle rancit facile- ment, et qu'elle irrite alors au lieu d’adoucir. Extraile à froid, elle se conserve plus longtemps. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — Émulsion au lait d'amandes, | Sirop d'amandes douces (sirop d’orgeat), pré- 30 gr. d'amandes douces dépouillées de leur paré à l’aide de l’émulsion et du sucre, à pellicule, pilées avec un peu d’eau froice et prendre dans l’eau, en potion, etc. de sucre dans un mortier de marbre, ré- | Huile, 15 à 30 gr. dans unc solution ou potion duites en pâte que l’on délaie avec 1 kil gr. gomimeuse d’eau, à laquelle on ajoute 30 gr. de sirop | A L’EXTÉRIEUR. — Huile, en lavement, embro- ou de sucre. On pas:e à ‘ravers une ctamine. cation, liniment. Les amandes douces servent à faire des loochs, et concurremment avec les amandes amères, à composer le sirop d’orgeat. — Je prescris souvent le bouillon de veau et d’amandes douces coupées par morceaux, comme adoucissant et rafraichissant. On pré- parait aussi, par la distillation des amandes non écorcées, une eau mucilagineuse ayant l'odeur de la fleur d’acacia. [L'amandé ou émulsion d'amandes se fait dans les ménages en privant l’amande douce de son enveloppe (épisperme) ; pour cela, on la fait tremper dans de l’eau tiède ; après quelque temps la pellicule s’enleve par simple pression entre les doigts ; l’'amande est alors fortement pressée dans un mortier de marbre avec un peu de sucre, et lorsque la pâte est bien homogene, on délaye dans l’eau et on passe ; on Padministre pure ou mélangée. ] Les amandes douces sont très-usitées comme aliment et comme médica- ment. On les sert vertes et sèches sur nos tables. On en fait des gâteaux, des biscuits, des massepains, des macarons, des dragées, des pralines, du nougat, un blanc-manger, etc. Dillon propose une boisson analogue au café, en faisant rôtir des amandes avec du seigle. Les amandes torréfiées sont prescrites aussi aux convalescents, soit entières, mangées avec du pain, soit en potages, après avoir été pulvérisées et mêlées avec de l’orge. Assez diffi- ciles à digérer, elles ne doivent pas être prises en grande quantité par les personnes dont l’estomac est faible. (Pavy (1) propose de remplacer dans le régime des diabétiques le pain de gluten par le biscuit d'’amindes. Les amandes contenant 6 pour 100 de sucre, il les en prive en versant sur leur poudre de l’eau bouillante légère- ment acidulée par l’acide tartrique. La farine, ainsi traitée, est jointe à des œufs, et sert à faire des biscuits très-nutritifs, sans principes sucrés ni fé- culents.) Le lait d'amandes est adoucissant, rafraîchissant, calmant. On l’emploic dans les fièvres, les inflammations des voies urinaires et gastro-intestinales, les phlegmasies cutanées, les irritations nerveuses, les affections catarrhales (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1863, p. 180. 56 AMANDES DOUCES. aiguës, elc., surtout dans les redoublements fébriles, vers le soir, afin que les nuits soient moins agitées. L’émulsion est plus calmante quand à l’eau simple on substitue l’eau distillée ou la décoction de laitue. Dans les irrita- lions inflammatoires de la poitrine, on remplace avantageusement le sucre par le sirop de guimauve ou de violette, et quand il y a toux douloureuse, par le sirop de pavot blanc. Pour la rendre plus antiphlogistique, surtout dans les irritations phlegmasiques des voies urinaires, on y ajoute du nitrate de potasse. L'émulsion d'amandes douces soulage les maladies du cœur, et particu- lièrement les palpitations qui tiennent à un état d’irritation et de spasme. Roques guérit, au moyen de cette émulsion et du bouillon de poulet aux laitucs pour tout aliment, un négociant de Bordeaux atteint de violentes palpitations de cette nature, dues à des causes morales. Le lait d'amandes est très-utile dans les inflammations chroniques des vis- cères abdominaux, qui s'aggravent presque toujours sous l'influence d’une nourriture trop succulente. « Donnez au malade, dit Roques, du bouillon de poulet coupé avec du lait d'amandes. Je ne saurais dire combien cette boisson, à la fois nutritive et tempérante. m’a été utile pour soutenir dou- cement les forces el pour terminer des inflammations d’une nature rebelle. Le lait d’amandes coupé avec le lait de vache est une excellente boisson nutritive à la suite des maladies inflammatoires, lorsque l’estomac ne peut encore digérer les aliments solides. Cette boisson convient aussi aux phthi- siques qui éprouvent de la chaleur et de l’irritation. L’émulsion d'amandes douces, quand l'estomac la supporte bien, doit être prise en grande quantité pour produire un bon effet. Quand il y a une vive irritation, de la chaleur, de la soif, il faut en administrer au moins 1 kilo- gramme par jour. L'huile d'amandes douces est adoucissante et légèrement laxative. Elle peut s’unir à l’eau au moyen d’un jaune d'œuf. On la donne aux enfants at- teints de coliques, de vers intestinaux, de volvulus, ou même de convulsions. (Suivant le professeur Coze père (conversation particulière), l’émulsion pos- sède une action spéciale sur le gros intestin et devient précieuse contre les affections inflammatoires de cette partie du tube digestif.) Elle est utile contre les toux sèches et nerveuses, la strangurie, les douleurs néphré- tiques, les calculs rénaux. Elle a souvent suffi, suivant Roques, pour arrêter l’action délétère des plantes vénéneuses, des champignons imprégnés de principes caustiques. « IL est très-utile, dit Hufeland, dans toutes les espèces d’hématurie, de prendre matin et soir une cuillerée à bouche d’huile d'amandes douces ou d’æillette. » J'emploie souvent, dans la bronchite aiguë et les toux opiniâtres, le mé- lange à parties égales d'huile d'amandes douces, de miel et de jaune d'œuf. Les enfants prennent très-facilement cette marmelade par cuillerées à café. En la délayant dans une suffisante quantité de décoction de fleurs de gui- maave ou de coquelicot, on en fait un looch domestique peu coûteux et préférable au looch pectoral du Codex. Cullat de Puigien (1) a indiqué un thé d’un nouveau genre fait avec des coquilles d’amandes; voici comme on le prépare : Prenez une poignée de coquilles d'amandes, concassez-les, faites-les bouillir dans 1 litre d’eau pen- dant une bonne heure; filtrez ensuite à travers un linge de coton fin. Gette boisson, saine et balsamique, se distingue par un goût de vanille très- agréable. Lemaître, de Carpentras, la recommande, mêlée avec du lait, contre les inflammations de poitrine. (Mignot l’a expérimentée contre la co- (1) Journal des connaissances utiles, année 1834, p. 41. AMANDES AMÈRES. 57 queluche (1), et il conclut de ses essais qu'administrée dès que l’état spas- modique commence à prédominer, elle diminue la violence des quintes. C'est là non un agent curatif, mais un sédatif dont le concours peut être avantageux.) k A l'extérieur, l'huile d'amandes douces amollit, adoucit les tissus. Elle est utile en embrocation dans quelques névralgies, dans les inflammations externes, les brûlures au premier degré, sur certaines tumeurs, (et pour di- minuer la tension de la peau dans les érysipèles de la face. Scouttetten en fait, dans la scarlatine et la rougeole, des frictions sur tout le corps. Elles diminuent les démangeaisons et préserveraient de l’anasarque, suivant cet observateur) (2). Charles Leroy en tirait un grand avantage en frictions sur le bas-ventre dans les inflammalions abdominales et dans les constipations opiniâtres. On trempe la main dans l'huile chauffée à un certain degré, et on en frotte le ventre en tous seus. Quand l'huile de la main est absorbée, on la trempe de nouveau, et l’on refrotte. Un continue cette opération pen- dant un quart d’heure ou une demi-heure. «J'ai vu, dit Duplanil, cité par Buchan, le ventre se lâcher à la première tentative; mais souvent il faut réitérer cette opération trois ou quatre fois, à une heure de distance l’une de l’autre. » Les bains tièdes, pris dans l'intervalle des frictions huileuses, rendent l’effet de ces dernières plus efficace et plus prompt. Les parfumeurs vendent, sous le nom de pâte d'amandes, le résidu des amandes qui ont déjà servi à l'expression de l'huile, desséché et réduit en farine. On connaît son utilité pour nettoyer et adoucir la peau. En y ajou- tant une certaine portion d'amandes amères, cette farine est beaucoup plus détersive et pourrait servir comme médicament externe, sous forme de cataplasme, contre certaines phlogoses cutanées et certaines taches du vi- sage. AMANDES AMÈRES. Amygdalæ amaræ. Les amandes amères, sauf le goût, doivent présenter les mêmes carac- tères physiques que les amandes douces. Propriétés chimiques. — Les amandes amères contiennent moins d'huile fixe que les amandes d uces, mais plus d'émulsine (ou synaptase) que celles-ci. Elles contiennent, en outre, environ de 4 à 2,2 pour 100 d’un principe particulier nommé amyglaline. C'est cette substance et la synaptase qui, au contact de l’eau, donnent naissance à l’huile essentielle (hydrure de benzoïle), et à une certaine quantité d’acide cyanhydrique. Ces produits résultent de la réaction de la synaptase sur l’amygdaline, laquelle, comme nous venons de le dire, ne peut s’opérer que par l'intermédiaire de l'eau. Il se forme encore, en même temps, de l'acide formique et du sucre. sd L'huile essentielle d'umandes amères est, comme celle de laurier-cerise, incolore, d’une saveur amère et brûlante, d’une odeur qui rappelle celle de l'acide cyanhydrique. Suivant Kruger de Rostock (3), les amandes ameres peuvent donner un 96° de leur poids d'huile essentielle. Cette huile contient beaucoup d'acide prussique anhydre. Schrader (4) a tiré 8.5 pour 400 d'huile essentielle récemment obtenue. Goppert (5) a démontré 14.33 pour 100 d’acide cyanhydrique dans l'huile bien préparée. Ainsi que celle de laurier-cerise, elle s’altère facilement. L’essence se transforme en acide ben- zoïque. 11 est donc nécessaire de la renouveler souvent, ou mieux, de lui substituer les amandes douces et l’amygdaline, d’après la formule de Liébig et Weælher, indiquée ci-dessous. L'eau distillée d'amandes amères contient une grande portion d'huile essentielle en exces que l’on sépare par la filtration. Chargée d'huile essentielle, cette eau pourrail être tres-dangereuse, prise à l’intérieur. [D’après les conseils de la commission de (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1812, p. 360. (2) Union médicale, 31 mai 1859 (3) Buchner’s, Repertorium für die Pharmacie, t. XIT, p. 135. (4) Fechner’s, Reperlorium der Organischen Chemie, t. II, p. 65. (5) Rutt’s, Magazine für die gezammaite Herlkunde, t. XXXII, p. 500. 58 AMANDES AMÈRES. rédaction du nouveau Codex, on ne fera plus désormais usage en médecine que d’eau de laurier-cerise et d'amandes ameres titrées, c’est-à-dire renfermant une proportion fixe et invariable d'acide cyanhydrique (le chiffre !/,,59 Sera probablement adopté). Le dosage de l'acide cyanhydrique dans ces eaux se pratique au moyen d’une solution titrée de sulfate de cuivre que l’on verse goutte à goutte dans l’eau rendue ammoniacale jusqu’à ce qu'il y ait coloration bleue (Buignet). Chaque équivalent de cuivre employé correspond à 2 équivalents d’acide cyanhydrique. | L'huile fine extraite par expression des amandes amères n’a, ordinairement, aucune des propriétés vénéneuses du fruit. |Le plus souvent l'huile d'amandes douces du commerce est préparée avec les amandes amères, parce que le résidu ou tourteau trouve de nombreuses applications en parfumerie. | L’AMYGDALINE est une matière blanche, cristalline, d’une saveur d’abord sucrée, rappelant bientôt celle des amandes amères. Soluble dans l’eau et dans l'alcool chauds, elle se cristallise par le refroidissement. Substinces incompatibles avec les amandes amères et leurs direrses préparations : les acides minéraux, les sulfates de fer, le soufre, le chlore, l’azotate d'argent, les iodures en général, les oxydes de mercure, le calomel ou protochlorure de mercure. Cette derniere substance, mêlée aux préparations d'amandes amères ou à l’eau de laurier-cerise, forme deux poisons redoutables : du deutochlorure (sublimé corrosif) et du cyanure de mercure. Le monde médical a connu l’empoisonnement qui eut lieu, il y à quelques années, chez une demoiselle de Montpellier, à laquelle on avait administré ce mélange comme médicament. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, À L'INTÉRIEUR. — Nombre, 2 à 4 mangées ou dans un looch, dans une émulsion d’a- mandes douces. Lait d'amandes amères (amandes douces et amères, de chaque, 4 à 6 gr.; eau de rivière, 500 gr.; sucre, 60 gr.), à prendre dans les 24 heures Eau dist llée (1 sur 2 d’eau), 1 à 10 gr. en potion, julep, etc., par jour (une cuillerée à bouche d’heure en heure). Huile essentielle purifiée (hydrure de ben- zoïle), peu employée, 1 à 5 centigr., avec précaution. Huile essentielle non purifiée, de 1 à 3 centigr., en potion, julep, émulsion, etc. [Mais il vaut mieux ne pas en faire usage, à cause des quantités variables d’acide cyan- hydrique qu’elle peut renfermer. On la pu- rifie par distillation au contact de la potasse et du perchlorure de fer ] À L’EXTÉRIEUR, — Eau distillée pour lotions, fomeutations. Huile essentielle non purifiée, de 2 à 4 gr., en liniment, lotions, embrocations. Tourteau en cataplasme. Amygdaline, mixture de Liebig et Walher. — Amandes douces, 8 gr.; eau, @. S.; amyg- daline, 1 gr: Faites avec les amandes et l’eau une émul- sion; faites-y dissoudre l’am; gdaline. Cette mixture contient 5 centigr d’acide cyan- hydrique anhydre, et 45 à 50 centigr. d'huile essentielle d'amandes amères [par cuilleré: d’heure en heure]. — L'amygda- line ai si administrée donnera toujours une préparation identique. On pourra calculer la quantité d'acide cyanhydrique et d’huile essentielle d'amandes amères qui se for- ment pur la réac ion de l’émulsion et de l’eau sur l’a: ygdaline, tandis que les eaux dis illées d'amandes amères et de laurier- cerise, lorsqu'elles ne sont pas titrées, va- rient de composition. À l’abri de l’air, elles se conservent très-bien. Le lait d'amandes amères, préparé comme nous l’avons indiqué, est aussi une prépa- ration à la fois simple, sûre et peu coû- teuse. L'huile essentielle et l’acide cyanhy- drique, qui se forment au contact de l’eau, n'ont pas le temps de s’altérer. On doit tou- jours la préférer à l’eau distillée d'amandes amères ou de laurier-cerise. Les propriétés toxiques des amandes amères étaient connues des anciens. De nos jours, les travaux de Wepfer, d'Orfila, de Brodie, Cullen, Christison, Villermé ont démontré que l’action de ce poison est tout à fait la même que celle de l’acide cyanhydrique. . Cette action varie suivant l’idiosyncrasie des sujets. Une petite dose peut produire des effets toxiques. Christison rapporte que le docteur Gregory ne pouvait manger la moindre quantité de ces fruits sans en éprouver les effets d’un véritable empoisonnement, auxquels succédait une éruption semblable à celle de l’urticaire. Une femme, sujette à des palpitations de cœur, fit, par les conseils d’une commère, usage des amandes amères; elle commença à en manger une par jour, et en augmenta ensuite le nombre par degrés. Arri- vée au n° 7 par jour, elle éprouva des faiblesses générales, des évanouisse- AMANDES AMÈRES. 59 ments et une anxiété extrême (1). Virey (2) parle des accidents que pro- duisent souvent les macarons dans la composition desquels entrent beaucoup d'amandes amères. Il faut ordinairement une plus grande quantité d'amandes pour causer l’empoisonnement. Une femme (3) a donné à son enfant, âgé de quatre ans, ie suc d’une poignée d'amandes amères pour le guérir des vers. A l'instant, coliques, gonflement du ventre, vertiges, serrement des mâchoires, écume à la bouche, convulsions, mort dans l’espace de deux heures. Orfila a fait périr un chien en lui faisant avaler vingt amandes amères. Wepfer a tué un chat en lui donnant 4 gr. d’amandes pilées. Cet auteur fait observer que l’empoisonnement est beaucoup plus actif, si l’on ne dépouille pas les amandes de leur enveloppe. Le tourteau d'amandes amères, contenant tous les principes nécessaires à la formation de l’huile essentielle, est très-vénéneux. On lit dans les Ephémé- rides des curieux de la nature (déc. 1, ann. 8, p. 184%), que plusieurs poules périrent pour avoir mangé de ce résidu. L'huile essentielle d'amandes amères est beaucoup plus active. Davies (4) a fait périr un serin en deux minutes en lui déposant dans le bec une goutte de cette huile. La même quantité, mise dans la bouche d’une grenouille, causa immédiatement des accidents nerveux graves, et ce reptile n’échappa à la ntort qu’en se plongeant dans l’eau. Villermé, essayant le mode d’action es deux principes de l’huile essen- tielle d'amandes amères, reconnut que la portion cristallisable était douée de propriétés vénéneuses extrêmement actives, tandis que l’autre était tout à fait innocente. Une gouttelette de la première fit périr un moineau en vingt-cinq secondes et un cabiai dans l’espace de dix-huit minutes (5). Brodie (6), faisant des expériences sur Ce poison, en mit une petite quan- tité sur la langue, et éprouva des accidents nerveux assez graves. Mertz- doff (7) rapporte l'histoire d’un hypocondriaque qui prit 8 gr. d’huile essen- tielle d'amandes amères, et périt en une demi-heure. Un droguiste, éprouvant une vive attaque de douleurs néphrétiques, boil d’un seul trait, au lieu d’esprit de nitre dulcifié, 15 grammes d’huile essen- tielle d’amandes amères. Tous les symptômes de l’empoisonnement sont portés au plus haut degré : syncopes, anxiété, faiblesse générale, pâleur mor- telle, abaissement extrême du pouls et du rhythme de toutes les fonctions, refroidissement général. Chavasse est appelé, fait vomir le malade à l’aide du sulfate de zinc, qu'il donne jusqu’à la dose de 12 gr. et de l’eau chaude. Il réchauffe le corps à l’aide de bouteilles d’eau chaude, de sachets et de linges chauds; il fait prendre un mélange d’eau-de-vie et d’ammoniaque étendus dans de l’eau. L'amélioration est instantanée, et le malade passe de la mort à la vie. On fait continuer la potion suivante : ammoniaque, 4 gr.; teinture de cardamome, 30 gr.; mixture de camphre, 210 gr. Le malade guérit (8). (Un parfumeur de vingt-six ans, ayant avalé environ 1 once d’essence d’a- mandes amères, tombe immédiatement insensible, et ne tarde pas à expi- rer. À l’autopsie, on trouve la muqueuse gastrique d’un rouge pourpre in- tense; on retira du cerveau, par distillation, une grande quantité d’acide cyanhydrique) (9). (1) Annales cliniques de Montpellier. t. I, p. 297. (2) Journal de pharmacie, t. II, p. 204. (3) Coulon, Recherches sur l’acide hydrocyanique. (4) Epist. de amyadalis et oleo amararum œthereo, p. 8. (5) Journal de pharmacie, t. VIII, p. 301. (6) Transactions philosophiques, année 1811, p. 183. (7) Journal complémentaire des sciences médicales, t. XVII, p. 366. (8) Gazette des hôpitaux, 2 novembre 1839. (9) Harley, Medical Times, 1862. 60 AMANDES AMÈRES. {L'usage simultané de certaines substances et des amandes amères a pu amener des accidents. Ces faits sont importants à connaître, pour mettre les praliciens en garde et pour leur faire recommander l abstention de certains aliments pendant l'emploi de ces substances médicamenteuses. Une enfant de douze ans, qui suivait depuis trois semaines un traitement par l’iodure de potassium, fut prise, deux jours de suite, à la même heure, de nausées violentes et de vomissements. Bronneuyn apprit que ces deux jours-là elle avait, trois heures avant que les accidents ne se déclarassent, mangé d'une crème faite avec une quantité d’amandes douces et d’ amandes amères. La crème, d’ailleurs, était de bonne qualité. D’autres enfants de la même fa- mille en avaient "mangé autant que la malade sans en ressentir le moindre inconvénient. Bronneuyn conclut que l'iodure s’était converti en un cyanure de potassium toxique, et, pour compléter la démonstration, il fit boire à un chien du lait contenant de l’iodure de potassium; puis il lui donna de la crème. Au bout de quelques heures, l’animal fut pris de vomissements, dé- lire furieux, paralysie des jambes) (1). Voyez Substances incompatibles. | Les symptômes et le traitement de l’empoisonnement jar les amandes amères et par l'huile essentielle sont absolument les mêmes que ceux de l’'empoisonnement par l’acide cyanhydrique, par les amandes de la pêche, par le laurier-cerise, etc. Il est évident qu’alors la mort arrive par l'extrême asthénie, ‘si l’on n’administre pas de suite de fortes doses de stimulants dif- fusibles, tels que l’alcoal et l’ammoniaque. (Si l'alcool est utile contre l’empoisonn®ment par les amandes, celles-ci paraissent neutraliser les effets des boissons spiritueuses. Dioscoride con- seille d’en manger de quatre à six avant un repas où la sobriété ne doit pas régner. Plutarque nous raconte que pareille précaution était souvent prise par le fils de Néron. L'opposition d’action (Giacomini) est démontrée par l’innocuité relative de la liqueur connue sous le nom de Rosolis d'amandes amères, qui est mieux tolérée que toute autre boisson à proportions égales d'alcool. L'influence hyposthénisante des amandes, d’après la doctrine ita- lienne, fait contrepoids à l’hypersthénie qui résulte de l’ingestion de Tlal- cool, L'eau distillée d'amandes amères a une activité qu’elle doit à l'huile essen- tielle qu'elle contient, et celle-ci a pour principe vénéneux l’acide hydro- cyanique. Il est facile, d’après les analyses de Krüger, de Schræder, de Gop- pert (voyez Propriétés chimiques), de calculer les doses d'amandes amères qui pourront causer l’empoisonnement; il suffira pour cela de connaître la portée toxique de l’acide cyanhydrique. Comme l'acide hydrocyanique et l’eau cohobée de laurier-cerise, les amandes amères conviennent en thérapeutique, d’après les expériences de Borda, dans toutes les maladies dont le fond est d’excitation. Les anciens les prescrivalent contre les tranchées utérines, les flueurs blanches, la pneumo- nie, la pleurésie, etc. Boerhaave les recommande dans toutes les affections phlogistiques indistinctement; — P. Frank, contre les affections éruptives de la peau; — Bateman, dans les affections cutanées douloureuses; — Thé- besius (2), comme préservatif de -l’hydrophobie (en faisant toutefois appli- quer des ventouses scarifiées sur la morsure); — Cullen, Hufeland, de les fièvres intermittentes. Bergius conseille 1 ou 2 livres d’émulsion (500 à 1, 000 pr.) 4” ares amères les jours apyrétiques des fièvres intermittentes. — Mylius (3) préfère les amandes amères à tous les autres succédanés du quinquina. Il prescrit une émulsion faite avec 6 ou 8 gr. d'amandes dans 100 ou 195 gr. d’eau pour (1) Gaz. med. Sta. Sardi, 1861. (2) Act. nova nat. curios., t I, p. 181. (3) Nouveau Journal de médecine, t. V, p. 120. AMBROISIE. 61 une dose à prendre une heure avant l'accès. Il dit avoir guéri par ce moyen dix-sept malades dans l’espace de deux mois; pour quelques-uns, il n’a fallu que trois doses, d’autres en ont pris jusqu’à onze. Frank, de Posen, qui a répété avec succès les expériences de Bergius el de Mylius, ajoutait à émulsion 4 à 8 gr. d’extrait de petite centaurée. Wauters rapporte un grand nombre d'observations recueillies dans les hôpitaux de Gand, en 1808 et 1809, et constatant l’efficacité de cette mixture comme succédané du quinquina dans les fièvres intermittentes. Le plus souvent, il suffisait de l’administrer deux ou trois fois pour couper la fièvre, qui, dans ces contrées, était alors endémico-épidémique et tout à fait due à l’intoxication paludéenne, qui attaqua si cruellement à Walcheren les armées anglaise et française. Ce fébrifuge doit être prescrit avec prudence, surtout aux enfants, pour lesquels il faut toujours ccmmencer par des doses légères, afin d'éviter les effets toxiques, si faciles à produire dans les premières années de la vie.” Dans certains cas, on donne les amandes amères entières, au nombre d’une à six par jour; on en diminue le nombre ou on les suspend tout à fait quand il survient des vertiges ou des nausées. Ainsi administrées, elles m'ont souvent réussi dans les flueurs blanches accompagnées d’un état d’ir- ritabilité de l’estomac et du système nerveux qui inlerdisait l’usage des amers et des ferrugineux. On emploie les amandes amères contre les maladies vermineuses, les toux nerveuses, les accès d'asthme, la coqueluche, etc. (Pendant une épidémie de cette dernière maladie, qui a régné à Dram- burg (Prusse), Schubert a eu recours, avec le plus grand succès, à l’eau d’a- mandes amères administrée par gouttes, dont le nombre, d’abord de 2 toutes les trois heures, était progressivement élevé à 8 et 10) (1). A l'extérieur, on les applique sur les ulcères douloureux, le cancer, sur quelques affections cutanées avec douleur. Leur émulsion est très-efficace pour calmer l'irritation de la peau et le prurit des affections dartreuses. Je l'ai employée avec avantage dans le prurit de la vulve. — « Le tourteau d’a- mandes amères a été appliqué avec un avantage très-marqué sous forme de cataplasme, chez une jeune personne prédisposée à la phthisie, et dont la peau de la pointe et de la base du nez était habituellement rouge, bour- souflée et couverte de boutons (2). » La pulpe d'amandes amères, humectée d’eau de laurier-cerise, m'a été utile en cataplasme, pour calmer les douleurs névralgiques, les gastralgies, les douleurs hépatiques et néphrétiques causées par la présence des cal- culs, etc. [Reveil emploie avec succès, dans les migraines et dans tous les cas où il s’agit de calmer des douleurs vives, des cataplasmes préparés avec de l’eau tiède et de la farine de tourteau d'amandes amères. Ges cataplasmes appliqués tièdes sont très-légèrement rubéfiants; mais ils deviennent bien- tôt sédatifs et calmants.] AMBROISIE. Chenopodium ambrosioides. L. Chenopodium ambrosioïdes mexicana.T.—Botrys mexicana officinale. Mur. Ambrina ambrosioïdes. SPACH. Thé du Mexique, — ansérine du Mexique, — botrys du Mexique, — parote. ATRIPLICÉES. — SPIROLOBÉES. Fam, nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante, qu’on croit originaire du Mexique, cultivée dans les jardins, (1) Geneeskundige Courant, 1858. (2) Dictionnaire des dictionnaires de médecine, t. I°', p. 195. 62 AMBROISIE. où elle se sème d'elle-même, s’est répandue spontanément, surtout dans quelques contrées du midi de la France. On la trouve dans les environs de Toulouse et de Perpignan, le long de la Garonne, dans les prairies. Description. — Racine oblongue, fibreuse. — Tige cambrée, rameuse, verdâtre, cannelée, recouverte d’un duvet court pulvérulent, haute de 30 à 50 centimètres. — Feuilles alternes, oblongues et lancéoiées, amincies aux deux extrémités, entières ou sinuées, dentées, — Fleurs verdàtres, en grappes axillaires munies de petites feuilles droites et entières. — Fruit petit, luisant, lisse, à bords obtus ; c’est un akène. — Cette plante ressemble beaucoup au botrys (Chenopodium botrys, L.); mais elle est beaucoup plus grande. | Parties usitées. — Les feuilles, les sommités et les fruits. [Culture. — On la sème sur couches au printemps, à une exposition chaude, dans une terre légère, substantielle ; el quand les plants sont assez forts on les repique en place ; sous les climats tempérés, la graine mûrit en automne et se ressème toute seule. ] Récolte. — Soit qu'on la cultive dans les jardins, ou qu’on la récolte dans les, champs du Midi, celte plante doit être séchée avec soin et préservée de l'humidité, qui lui fait perdre ses propriétés. Propriétés physiques et chimiques. — Son odeur est aromatique et très-agréable ; sa saveur est âcre et amère. Son parfum lui a valu le nom de hé du Mexique. (Kley (1) y a trouvé du gluten, de l'huile volatile, de la phyteumacolle, un grand nombre de sels.) [On en retire par distillation une huile essentielle qui est regar- dée comme anthelmintique, et on en prépare dans le Midi une liqueur très-aromatique dédiée à Moquin-Tandon, auteur de la monographie des Chenopodiacées et que l’on dé- signe sous le nom de Moquine. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Infusion des sommités, 20 à 25 gr. pour 1 kilo- | Infusion des semences, 8 gr. pour 1 kilo- gramme d’eau bouillante. gramme d’eau bouillante. L’ambroisie est considérée comme excitante, antispasmodique, emména- gogue, béchique. Plenck l’a fréquemment employée dans les affections ner- veuses et surtout dans la chorée. Il rapporte particulièrement cinq cas où l'affection, après avoir résisté aux moyens ordinaires, Céda à l’usage journa- lier de l’infusion aqueuse de cette plante (8 gr. pour 300 gr. d’eau) à prendre par tasses le soir et le matin. Il l’associait à la menthe poivrée. Mick, médecin du grand hôpital de Vienne (Autriche), l’a également admi- nistrée avec succès dans la même maladie; il la mêle au quinquina. Suivant ces praticiens, on obtient ordinairement la guérison dans l’espace de trois semaines à un mois. Rilliet et Barthez (2) en ont fait usage dans les mêmes circonstances à la dose de 4 gr. de semences en infusion dans 500 gr. d’eau. On leur attribue aussi une vertu vermifuge. Comme toutes les plantes aro- matiques, l’ambroisie a été employée avec avantage dans les catarrhes chro- niques, l'asthme humide, sur la fin de la coqueluche, etc. (Dans le catarrhe vésical aigu et chronique, Zeiss! (3) préconise l’infusion de l’ambroisie associée à l’herniaire à parties égales. Ce mélange constitue un diurétique léger et un anodin, dont l’ingestion a pour résultat la dimi- nution des besoins d’uriner et du ténesme.) Quelques amateurs préfèrent l'infusion d’ambroisie au thé de la Chine. Elle est très-agréable, et réveille doucement la sensibilité nerveuse. (1) Journal für die Pharmacie, XIV, 1827. (2) Bouchardat, Annuaire de lhérapeulique, 1844. (3) Journal de médecine, de chirurgie el de pharmacologie de Bruxelles, juillet 1865. AMMI — ANAGYRE FÉTIDE. 63 AMMI. Armmi majus. L. Apium ammi. Ammi lancéolé, — ammi inodore. OMBELLIFÈRES. — AMMINÉES. Fam, nal. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. L'ammi, plante herbacée annuelle, se trouve dans le centre et le midi de la France dans les lieux cultivés. Elle abonde aux environs de Paris, au mi- lieu des blés. [Deseription. — Feuilles inférieures, pennées, à cinq divisions, ovales, lancéo- lées, dentées, les supérieures deux fois pennées, à folioles étroites. — Fleurs en om- belles terminales, blanches, petites, involucre à folioles nombreuses, trifides, à divisions allongées, étroites, involucelles entourant les ombelles, ont environ douze folioles linéaires. — Calice adhérent, à limbe presque nul. — Corolle à cinq pétales cordi- formes. — Fruit, diakène, ovale, oblong, comprimé latéralement, à dix côtes filiformes ou membraneuses, graine semi-globuleuse. Parties usitées, — Les fruits. L'ammi à feuilles glauques (A. glaucifolium, L.), qui n’est peut-être qu'une variété du précédent, se distingue par les divisions de ses feuilles qui sont toutes linéaires. Récolte, — On récolte les fruits à leur maturité, on les fait sécher à l'ombre : une température élevée leur ferait perdre leur essence. Culture. — L'ammi demande une exposition chaude, on le sème au printemps ; on repique rarement le jeune plant. Propriétés physiques et chimiques, — Les dix côtes des fruits de l’ammi forment les juga l'espace compris entre les côtes forme les vallécules, renfer- mant les vitæ ou conduits oléifères pleins d’une.huile essentielle et contenant une ma- tière résineuse. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Comme pour l’anis vert, (Les fruits de l’ammi, souvent mêlés à ceux du sison-ammi dans le com- merce, participent des vertus carminatives et stomachiques de la plupart des fruits des ombellifères. Les anciens leur attribuaient, en outre, des ver- tus particulières comme emménagogues, et allaient jusqu’à leur reconnaître le don de rendre la fécondité aux femmes stériles (Matthiole, Frontagus). Si- mon Pauli en a retiré certains avantages contre les flueurs blanches.) [L'’ammi visnage (A. visnaga, Lamark; Dunius visnaga, L.) est connu sous le nom vulgaire d'herbe aux cure-dents; ses feuilles sont penniséquées, l’om- belle est contractée à la maturité, et les rayons sont soudés de manière à former un réceptacle presque charnu.] ANAGYRE FÉTIDE. Anagyris fœtida. L. Anagyris fwtida. BAUH., T. — Bois-puant, anagyre. LÉGUMINEUSES. — PODALYRIÉS. Fam. nat. — DÉCANDRIE MONOGYNIE. Cet arbuste (PI. IV), qu'on trouve en abondance sur les montagnes de la Grèce, de l'Italie et de l'Espagne, croît aussi dans les contrées méridionales de la France, en Languedoc, en Provence, dans le bassin de la Méditer- ranée. Description.— Tige droite, rameuse, recouverte d’une écorce cendrée, s'éle- vant jusqu’à la hauteur de 3 mètres. — Feuilles alternes, pétiolées, trifoliées, oblongues, sessiles, mucronées ; stipules opposés aux pétioles et bifides à leur sommet. — | leurs naissant trois ou quatre ensemble par petites grappes latérales et axillaires, portées chacune sur un pédoncule plus court qu'elle (mai), d’un jaune pâle, excepté le pétale supérieur qui est taché en dessus d’un jaune-brun. — Galice monophylle, campanulé, 64 ANCOLIE. persistant, ayant le bord partagé en cinq dents pointues et couvert de poils. — Corolle papilionacée, remarquable par sa carène fort allongée, ainsi que son pavillon très-court et un peu réfléchi au-dessus. — Etamines au nombre de dix ‘1 libr's.— Ovaire oblong, chargé d’un style de la longueur des étamines. — Stigmate simple et pubescent, termi- nant l'ovaire. — Fruit : gousse de la longueur du doigt, presque cylindrique, recourbée à son extrémité et renfermant trois à cinq graines réniformes, violettes, qui deviennent blanches en mürissant. Parties usitées.— Les feuilles et les semences. [Culture.— Peu cultivée à cause de son odeur désagréable, elle vient en pleine terre par semis ; il vaut mieux les faire sous châssis et sur couche à une bonne exposi- tion ; on repique à un an, et elle peut être plantée à demeure à la quatrième ou à la cinquième année. ] Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties de lana- gyre exhalent une odeur fétide quand on les froisse entre les doigts; les feuilles ont une saveur amère très-prononcée. Tous les animaux s'en éloignent. Du fromage fait avec le lait de brebis ou de chèvre qui, pressées par la faim, avaient brouté cette plante, a produit de violents vomissements el même l'empoisonnement. Il n°y a aucune analyse chimique de l'anagyre. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Infusion des feuilles, 12 à 16 grammes pour 150 à 200 grammes d’eau bouillante, édulcorée avee du sirop, du sucre ou du miel. Pline et Dioscoride regardaient les semences de l’anagyre comme vomi- tives. Matthioli a vu des bergers qui en avaient mangé vomir jusqu'au sang. Peyrilhe leur attribue la même propriété, ainsi qu'aux feuilles, qu'il consi- dère aussi comme purgatives. « Faut-il, dit Chaumeton, rejeter le bois- puant comme une substance toujours inutile et même dangereuse? Non, sans doute; et je pense, au contraire, que l’anagyre, administrée par un praticien habile, peut rendre de grands services à la thérapeutique; car c’est surtout parmi les végétaux suspects qu'il convient de chercher les remèdes héroï- ques.» Loiseleur-Deslongchamps a constaté les propriétés purgatives des feuilles. Elles purgent doucement, dit-il, à la dose de 8 à 16 gr. Elles peu- vent, suivant Wauters, comme celles de globulaire turbith, être substituées au séné. L’anagyris, dit Biett (1), est le purgatif dont on pourrait se servir avec le plus d'avantage pour la classe indigente ou dans les hôpitaux. ANCOLIE. Aquilegia vulgaris. L. Aguilegia vulgaris. BAuH., T. — Gant de Notre-Dame. Aiglantine, — columbine. RENONCULACÉES. — HELLÉBORÉES Fam. nat. — POLYANDRIE PENTAGYNIE, L. L'ancolie (PI. IV), que l’on cultive dans les jardins pour la beauté de ses fleurs, croit spontanément dans les bois et le long des haies, en France et dans la plupart des autres régions de l'Europe. Les chèvres sont les seules, parmi les bestiaux, qui broutent cette plante, qui appartient d’ailleurs à une famille où les poisons âcres abondent. s Description. — Racine vivace, fibreuse, blanchâtre, — Tige s’élevant de 60 à 80 centimètres, grêle, rameuse, feuillée, velue, rougeàtre, droite. — feuilles grandes, pétiolées, composées, deux fois ternées ; folioles arrondies, trilobées, crénelées, vertes foncées en dessus, -glauques en dessous ; les feuilles qui naissent sur la tige sont alternes, peu nombreuses, et vont en diminuant de grandeur à mesure qu'elles appro- chent du sommet de la plante; les supérieures sont petites, sessiles, simplement ter- nées ou trilobées. — Fleurs terminales, grandes, pendantes, bleues à l’état sauvage, quelquefois rouges, violettes, blanches, panachées, etc., à l’état de culture; cinq pétales multicapuchonnés ; trente à quarante étamines (juin-juillet); cinq ovaires oblongs, rap- 1) Dictionnaire des sciences médicales, t. IX, p. 14. ANCOLIE. 65 prochés, pointus, se Lerminant chacun par un style en alène, — Fruit composé de cinq follicules droites, presque cylindriques, pointues, uniloculaires univalves, et polyspermes,. — Graines ovales, attachées aux deux bords de la suture de chaque follicule. Parties usitées. — Les racines, les feuilles, les fleurs et les graines. [Culture.— Plante d'agrément qui vient dans tous les sols, excepté dans les fonds argileux et humides, se propage par semis faits au printemps ou par division des pieds pratiquée à la meme époque. | Récolte. — La dessiccation des fleurs exige des soins pour la conservation de leur couleur, qui s’altère par l'humidité. Propriétés physiques et chimiques. — Le sirop de fleurs d'ancolie, d’une belle couleur bleue, décèle, mieux que celui de violette, les acides et les alcalis. Foureroy dit que les graines de cette plante, qui sont mucilagineuses et un peu àcres, communiquent aux mortiers dans lesquels on les pile une odeur forte et tellement lenace qu'il est presque impossible de la dissiper. L'eau et l'alcool s'emparent des principes actifs de l’ancolie, Les pétales fournissent à l’art tinctorial une belle couleur bleue naturelle. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Semences en poudre, 2 à | Teinture (4 gr. de fleurs sur 30 d'alcool et k gr. ou en émulsion. | 1 d'acide sulfurique), 15 à 30 gr. en po- Infusion des semences, 4 à 7 gr. par demi- | tion. kilogramme d’eau bouillante. A L’EXTÉRIEUR. — En cataplasmes, fomenta- Sirop (1 gr. de fleur sur 2 d’eau et 2 de sucre), tions. 30 à 50 gr. en potion. Toutes les parties de cette plante ont été regardées comme apéritives, diurétiques, diaphorétiques, antiscorbutiques. Quelques médecins lui ont reconnu seulement une vertu calmante et tempérante, et ont employé le sirop des fleurs pour calmer la toux dans les bronchites et la phthisie. On a admi- nistré les semences en poudre, en infusion ou en émulsion, pour favoriser l’éruption de la variole, de la rougeole et de la scarlatine. Gette vertu dia- phorétique a été célébrée par Simon Pauli, par Scopoli et même par Linné. Je l’ai constatée chez un enfant de quatre ans, dont l’éruption morbilleuse, suspendue par un ‘état de débilité, s’opéra presque immédiatement après l'usage pendant vingt-quatre heures de l’infusion sucrée de semences d’an- colie. Il est certain que les vétérinaires prescrivent la racine en poudre, à la dose de 30 gr. pour faciliter la sortie du claveau. Quelques auteurs l'ont préconisée contre les fièvres pétéchiales. Eysel prétend que l’ancolie guérit le scorbut, et, si l’on en croit Le Bouc (Tragus), l’ictère ne lui résiste point. Quelques médecins ont cru lui recon- naître une propriété emménagogue (cist urinam et menses, dit Schræder), et l’ont même considérée comme pouvant faciliter l’accouchement. Cette propriété, que l’on à aussi attribuée à la nigelle, plante de la même famille, se réduit à une action plus ou moins spéciale sur l'utérus, et que l’observa- tion seule peut constater. Ne soyons pas trop prévenus contre l’engouement thérapeutique des anciens. Il y a quelquefois du vrai et du bon dans ce que nous rejelons sans examen Comme faux ou absurde. Nous dédaignons trop légèrement ce que nos prédécesseurs ont avancé avec exagération sur les propriétés de nos plantes indigènes. On doit prendre en considération les faits qu'ils ont signalés; car les faits, dépouillés des théories trop souveni erronées qui les obscurcissent, sont de tous les temps, et conservent leur autorité. Ce sont des perles trouvées dans le fumier. J’ai lu dans un auteur du xvi° siècle, dont je ne me rappelle pas le nom, que l’'émulsion de semences d’ancolie préparée avec l’eau d’endive, réprime l’effervescence fébrile à son début : /n principio effervescentiam febrilem com- pescit, y est-il dit. L’ancolie, quoique beaucoup moins énergique, aurait-elle sur le cœur une action sédative analogue à celle de l’aconit? Ce que j'ai pu constater, c’est que, comme cette dernière renonculacée, elle produit, à J 66 ANÉMONE DES BOIS. dose élevée, la diaphorèse ou la diurèse, suivant les dispositions indivi- duelles ou l’état des organes. Frappé de ces effets, j’ai employé la graine d’ancolie avec succès comme dépurative dans les affections cutanées chro- niques, et notamment dans les croûtes de lait, où je l’ai vue réussir prinei- palement chez trois enfants dont le cuir chevelu et presque toute la face étaient envahis par cette éruption séro-purulente. Je l’administrais en émul- sion à la dose de 50 centigr. à 2 gr., suivant l’âge, ou en infusion depuis 4 gr. jusqu’à 4 pour 200 gr. d’eau bouillante, à prendre dans les vingt- quatre heures, coupée avec le lait et édulcorée avec le sirop de pensée sau- vage. L'amélioration est sensible après dix à quinze jours de l’usage de ce médicament, et la guérison a ordinairement lieu au bout d’un ou deux mois. Souvent le mal augmente pendant les premiers jours de l’usage du médicament. La plupart des auteurs signalent l’ancolie, en raison de la famille à la- quelle elle appartient, comme une plante suspecte et dont on doit se défier. On peut attribuer à cela l’oubli dans lequel elle est tombée à une époque où l’on redoutait l'emploi thérapeutique des piantes vénéneuses, telles que la belladone, la stramoine, l’aconit, etc., dont l'utilité est aujourd’hui généra- lement reconnue. « L’ancolie, dit Lieutaud, s’emploie à l’extérieur comme remède vulné- raire, détersif et antiputride; c’est pour remplir ces indications qu’on en met souvent dans les gargarismes antiscorbutiques ou détersifs. La tein- ture, mêlée avec du miel et un peu d’esprit de nitre dulcifié, forme un col- lutoire indiqué par Schræder pour déterger les ulcères scorbutiques de la bouche, etc. » ANÉMONE DES BOIS. Anemone nemorosa. L. Ranunculus purpureus, vernus. T.—- Anemone nemorosa flore majore. BAUH. Ranunculus sylvarum. CLuS. — Anemoïdes alba. VAILL. Ranunculus albus, Paaru. — Sylvie, — anémone Sylvie, — fausse anémone des forêts, — renoncule des bois, — bassinet blanc ou purpurin. RENONCGULACÉES. — ANÉMONÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE POLYGINIE. L. Cette plante vivace (PI. IV) est très-commune le long des haies et dans les bois, où elle montre sa fleur dans les premiers jours du printemps. Description. — Racine longue, rampante, brune en dehors. — Tige de 30 cen- timètres au plus, simple. — Feuilles radicales pétiolées, dressées, à trois folioles inci- sées, quelquefois nulles par avortement ; feuilles de l’involucre semblables aux radicales (on voit seulement sur le dessin les trois feuilles caulinaires). — Fleurs blanches, rosées en dehors (rarement bleues), un peu penchées sur le pédoncule, qui est radical (mars-avril). — Carpelles velus, nombreux, imbriqués, disposés en capitules. — Styles courts. — Fruits akènes comprimés, un peu velus, ovoïdes, terminés à leur sommet par une petite pointe recourbée. Parties usitées. — Les racines, les feuilles et les fleurs. [Culture. — Peu cultivées pour l'usage médical, les anémones sont essentielle- ment du domaine du jardinier-fleuriste ; on les propage par greffes. | Propriétés physiques et chimiques.— La sylvie fraiche est extrème- ment âcre; mais, comme la plupart des renonculacées, elle perd ses principes actifs par la dessiccation ; aussi ne lemploie-t-on qu’à l’état frais. Dans ce dernier état, l’eau, l'alcool et l'acide acétique s'emparent de ses principes. [Héger et Branswick ont extrait de l’anémone un principe neutre qu'ils ont nommé anémonine, auquel Lewig et Weid- mann assignent la formule G7 H5 0%. C’est une matière blanche cristalline qui se ra- mollit à 150 degrés, soluble dans l’eau, l'alcool et l’éther ; la potasse la transforme en acide anémonique ; elle est très-vénéneuse; Swartz a trouvé en outre dans la même plante une huile volatile âcre, et un acide qu'il a appelé acide anémonique volatil, qui paraît être de l'acide acétique. | ANETH, 67 L'anémone des bois, prise à l’intérieur, même à petite dose, produit de grands ravages comme poison âcre et irritant. On cite plusieurs exemples de mort causée par l’ingestion de cette plante. Les habitants du Kamt- schatka en expriment le sue pour empoisonner leurs flèches. «Il n’est pas rare, dit Bulliard, de voir le bétail s'empoisonner avec cette plante; n'ayant pas le choix des herbes propres à faire sa subsistance, s’il en broute les jeunes pousses, il lui survient des hoquets, un tremblement; il a l'œil abattu, les oreilles chaudes, les jambes faibles; et, si on ne lui donne promptement du secours, il lui prend une diarrhée, un flux et un pissement de sang qui le font périr en peu de jours. » On doit se borner à l’usage externe de la sylvie. Appliquées à nu sur la peau, les feuilles et les racines sont vésicantes et peuvent même produire en très-peu de temps les effets d’un cautère. Il est nécessaire de faire con- naître aux paysans qui conseillent, contre les fièvres intermittentes, d’appli- quer sur le poignet cette plante pilée, les dangers qui pourraient en résul- ter, Les médecins peuvent, en en surveillant les effets, l’'employer pour remplacer la moutarde et les cantharides. Dubois, de Tournai, dit que de tous les rubéfiants indigènes c’est celui dont il a fait le plus fréquent usage. Comme la plante ne peut être obtenue fraîche en toute saison, il la fait ma- cérer dans le vinaigre, précaution qui lui conserve toute l’année ses pro- priétés âcres et vésicantes (une poignée sur 1 kilogr. de vinaigre). Cette préparation conserve, pendant longtemps, les propriétés âcres et vésicantes de l’anémone; il suffit d'appliquer sur la peau, pendant cinq ou six heures, des compresses qui en sont imbibées, pour y produire les mêmes effets qu'avec la plante à l’état frais. Un vinaigre d’anémone, préparé au commencement de mai 1842, conservait encore toutes ses propriétés rubé- fiantes le 5 septembre de l’année suivante. Ce vinaigre, dont j'ai vérifié l'effet vésicant, m'a réussi comme antipso- rique; employé en lotions tous les soirs, chez trois galeux, il a amené la guérison dans l’espace de six à dix jours. La décoction aqueuse de cette plante avait déjà été indiquée contre cette dermatose. (En Angleterre, le vinaigre d’anémone est d’un usage très-répandu contre le coryza, sous le nom d’olfaction d’anémone. On en répand un peu dans le creux de la main et on tient celle-ci sous le nez, jusqu’à ce que le liquide soit complétement évaporé.) Chomel affirme que les feuilles et les fleurs d’anémone des bois, écra- sées et appliquées deux fois par jour sur la tête, guérissent la Leigne en peu de jours. Je pense que cette application, continuée des jours entiers, peut produire de graves accidents. On lit dans les Ephémérides d'Allemagne, qu'un onguent fait avec cette plante, et appliqué sur la tête d’une jeune fille, a causé une violente céphalalgie, des convulsions et une syncope dont la malade fut longtemps à revenir. Ce fait isolé ne prouve rien contre l’ac- tion de la sylvie; j'ai vu les mêmes accidents résulter de l’application d’un sinapisme chez une femme d’un tempérament nerveux et d’une excessive irritabilité. Les feuilles de cette plante, pilées, sont, dit-on, employées avec succès pour détruire les cors; mais, nous le répétons, ces applications ne sont pas sans danger; il faut y mettre beaucoup de précaution. Les parties environ- nantes doivent être garanties par un emplâtre fenêtré qui limite l’action du médicament. 6 ANETH. Anethum graveolens. L. Anethum hortense, G B.-T. — Aneth odorant, — fenouil puant, — fenouil bâtard. : OMBELLIFÈRES. — PEUCÉDANÉES. Fam. nal. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante annuelle (PI. IV) croît spontanément en Italie, en Espagne, 68 ANGÉLIQUE. en Portugal. On la cultive dans nos jardins, où il faut semer la graine aus- sitôt qu’elle est müre. Bescription,— Racine blanche, fibreuse, fusiforme, grêle. — Tige de 40 à 50 cen- timètres, cylindrique, glabre, feuillée et un peu rameuse, striée, alternativement blanche et rougeàtre. — Feuilles alternes, presque trois fois ailées, linéaires, aplaties, amplexicaules à leur base, — Fleurs jaunes, en ombelles doubles, demi-ouvertes, ter- minales. — Corolle à cinq pétales entiers, lancéolés, repliés en dedans, sans involucre. — Cinq étamines libres plus longues que les pétales. — Anthères arrondies. — Ovaire inférieur chargé de deux styles courts. — Fruit ovale, comprimé, divisé en deux akènes convexes et cannelées d'un côté, aplaties de l’autre, [et marquées de cinq côtes longitu- dinales, d’un jaune pâlel. Récolte. — La même que celle de lanis. (Voy. ANIs.) Parties usitées., — Les fruits, les feuilles et les sommités. [Culture. — L'aneth est cultivée dans l’Europe méridionale et en Orient comme plante de condiment ; on sème la graine aussitôt sa maturité en terre chaude et bien meuble ; les semis du printemps manquent souvent. ] Propriétés physiques et chimiques. — D'une odeur aromatique plus forte et moins agréable que celle du fenouil, sa saveur est plus prononcée quand elle à été récol ée dans un lieu plus sec. Ses principes actifs sont à peu près les mêmes que ceux du fenouil. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion des fruits, 4 à 8 gr. Huile essentielle, 25 centigr. à 1 gr. en po- par kilogramme d’eau. tion. Eau distillée, de 50 à 100 gr. en potion. A L'EXTÉRIEUR. — Infusion pour fomentations, Poudre, 1 à 2 gr. lotions, cataplasmes, etc. L'aneth est stimulant; ses fruits sont carminatifs et conviennent dans la débilité gastrique, les coliques venteuses, la gastralgie. Ils sont recomman- dés, comme ceux de fenouil et d’anis, par Dioscoride, pour augmenter la sécrétion du lait des nourrices. On les croit légèrement narcotiques. A l’ex- térieur, les feuilles, les fruits et les fleurs sont employés en cataplasmes, en fomentalions, comme résolutives. On les administre aussi en lavement, comme carminatifs. Presque tout ce que nous dirons des propriétés théra- peutiques de l’anis peut se rapporter à l’aneth. [L’aneth des moissons (A. segetum, L.) est une espèce très-voisine de la précédente, et qui jouit des mêmes propriétés; elle en diffère par son fruit ovale, moins comprimé, à rebord presque nul.] _ . . ANGÉLIQUE. Angelica archangelica. L. Angelica sativa. BAUH. — Imperatoria sativa. T.— Archangelica. CLUS. Angélique officinale, — angélique cultivée, — archangélique, — herbe du Saint-Esprit. OMBELLIFÈRES. — ANGÉLICÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante (PI. IN) croît spontanément en Norvége, en Suisse, en Au- triche, en Silésie, dans les Alpes, les Pyrénées et le long des fleuves qui avoisinent ets montagnes. On la rencontre çà et là en Belgique, notamment sur les bords de l’Escaut, près d'Anvers (Dekin). Elle est cultivée dans les jardins, où elle se sème souvent d’elle-même. En semant avec beaucoup de précaution ses graines délicates, aussitôt qu’elles sont mûres, on obtient de belles tiges, qui s'élèvent à plus de 2 mètres de hauteur, et que l’on coupe au mois de mai, si l’on veut faire durer pendant trois et même quatre années les racines de cette plante, ordinairement bisannuelle, Elle aime les lieux froids, humides, tels que les bords des fossés, des étangs. Nous parlerons plus bas de sa culture en grand. Deseription.— Racine grosse, fusiforme, brune, ridée à l'extérieur, blanche intérieurement, — Tige de 1 mètre et demi et plus, grosse, creuse, cylindrique, ra- ANGÉLIQUE. 69 meuse, rougeâtre. — Feuilles très-grandes, bi ou tripinnées, vertes en dessus, blan- châtres en dessous ; folioles opposées, sessiles, ovales, dentées en scie, souvent lobées, surtout la terminale ; pétioles fistuleux et présentant deux grandes expansions à leur base, — Fleurs d’un vert jaunâtre, en ombelles nombreuses (juillet-août). — Invo- lucre nul où à une, deux folioles, involucelles de huit folioles linéaires, — Calice peu distinct, — Corolle à cinq pétales, ouverte en rosette. — Cinq étamines plus longues que les pétales. — Deux styles courts et réfléchis. — Fruit ovoïde, anguleux, divisé en eux akènes ovales, planes d’un côté, convexes et marquées de trois lignes de l’autre, entourées d’une bordure membraneuse. Parties usitées., — La racine, les tiges et les fruits, rarement les feuilles. Culture, récolte. — On cultive principalement l'angélique en grand aux envi- rons de Paris, de Niort et de Nantes. On choisit un terrain substantiel, humide, à une exposition un peu chaude, Le terrain qui lui convient le mieux est un sable gras. On la sème d’abord en pépinière dans un sol très-meuble, et on recouvre légèrement la graine de terre fine, afin qu'elle ne soit pas enlevée par le vent, On peut semer en mars où en septembre après la maturité des graines. Si le semis a été fait en mars, on le repique à la fin de l'été ou au commencement de lautomne ; s’il n'a été fait qu’en septembre, on le replante au printemps suivant. Pendant que l’angélique est en pépi- nière, elle ne demande que peu de soins ; il suffit de la sarcler. On choisit pour la transplantation les plus beaux pieds de la pépinière et ayant des racines de la grosseur du petit doigt ; on laisse les plus faibles une saison de plus, afin qu'elles puissent se fortifier. Cette opération se fait par un temps humide ou pluvieux, afin de n'être pas obligé d'arroser, et dans un terrain profondément labouré et bien amendé par des engrais. Les jeunes plants sont mis en terre au plantoir à près de 2 mètres les uns des autres, afin qu’ils soient assez éloignés pour ne pas se nuire ; plus éloignés ils ne conserveraient pas assez de fraîcheur. Les plantations d'automne, favo- risées par les pluies, reprennent sans autre soin que le sarclage ; celles du printemps exigent des arrosements s’il y a sécheresse. Lorsque tous les pieds d’angélique sont bien repris, la plantation dès lors est assurée, et elle peut durer plusieurs années, pourvu que l’on répande tous les ans sur le terrain des engrais abondants avant que la plante commence à faire de nouvelle pousses et que l’on pratique quatre labours ou binages. Le premier labour, qu’on fait à la fourche, a lieu au printemps, lorsque les pieds de la plante commencent à montrer leurs premières feuilles ; les autres, qui se font par intervalles dans le courant de la belle saison, peuvent être plus superficiels. La première année, la récolte d’angélique est peu considérable. Ce n’est qu'à la deuxième que les tiges ont acquis un degré convenable de perfection. Les années sui- vantes la récolte est encore plus abondante. On cueille les tiges au moment où les premières ombelles commencent à défleurir (juin-juillet), on les coupe ras-terre. Les racines se récoltent en septembre; on les fend en morceaux pour les sécher, puis on les enferme dans des boîtes de bois. fes plus estimées sont celles dont l'odeur se rap- proche le plus de celle du musc. On doit préférer les racines qui n'ont pas plus d’un an de récolte. Les feuilles perdent presque toutes leurs propriétés par la dessiccation. Les fruits conservent leur saveur aromatique et leur àcreté. Propriétés physiques et chimiques. — L'angélique à une odeur forte, aromatique, et une saveur piquante, un peu amère, Il est facile de distinguer le lait des vaches qui s’en nourrissent. L'analyse a constaté dans la racine de l'huile volatile, de l'acide angélicique, de l’an- gélicine {résine cristallisée), une résine amorphe, une matière amère, du tannin, des malates, de l’acide pectique, de la gomme, de l’amidon (Buchner). L'eau et lalcool dissolvent ses principes actifs. [D'après Mayer et Zeuner, l’angélique renferme trois acides volatils, dont l’un serait l'acide valérianique, et résulterait de la transformation d’un autre corps.] Par incision des tiges et du collet de la racine d’angélique faite au commencement du printemps, découle un suc gomme-résineux qui exhale une odeur fortement aromatique. Ce suc pourrait, dans certains cas, remplacer le benjoin et le muse, quoique moins énergique. On peut encore, en faisant fermenter les. racines et en les distillant ensuite, en retirer une sorte d’eau-de-vie qui a, dit-on, la même odeur que la plante. Les tiges sèches sont très-riches en alcali ; elles donnent presque 10 pour 100 de potasse. 70 ANGÉLIQUE. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion des racines ou des jeunes tiges fraiches, de 10 à 30 gr. par kilo- gramme d’eau bouillante. Infusion des fruits, 8 à 15 gr. par kilogramme d’eau bouillante. Eau distillée des racines, de 30 à 100 gr., en potion. Eau distillée des fruits, 30 à 60 gr., en po- ton. Teinture (1 de racine sèche sur 6 d’alcoo), 2 à 10 gr., en potion.) 3 Vin (2 sur 32 de vin), 50 à 100 gr. Conserve (1 sur 2 de sucre), 10 à 50 gr. Extrait (1 sur 5 d'alcool), 1 à 4 gr., en bols, pilules, etc. É Poudre, 4 à 10 gr., en bols, pilules, dans du vin où dans un véhicule quelconque. A L’EXTÉRIEUR. — Vinaigre d’angélique, en lo- tions, fomentations, frictions, etc. Le mélange de l'huile volatile et de l’angélicine constitue le baume d'angélique de Brandes et de Buchols, que l’on obtient en faisant un extrait alcoolique d’angélique, et reprenant par l’eau pure, qui laisse le baume sous forme semi-fluide et possédant une odeur agréable. Les confiseurs préparent, avec les jeunes tiges d’angélique, un condiment délicieux, et qui, mangé lorsqu'il est récent, peut remplacer dans beaucoup de cas tous les autres modes d'administration de cette plante. L’angélique entre dans l’eau de mélisse composée, dans la liqueur nommée Vespétro, la thériaque, l’eau thériacale, l'esprit carminatif de Sylvius, le baume du Commandeur, lemplâtre Diabotanum, etc. | L'angélique, qui tient son nom de l’odeur aromatique, suave et musquée qu’elle répand, est tonique, excitante, stomachique, sudorifique, emména- gogue. Elle est très-utile dans l’atonie générale, dans celle des organes di- gestifs en particulier, dans la dyspepsie, l’anorexie, les vomissements spasmodiques, les coliques flatulentes, certaines céphalalgies nerveuses, le tremblement des membres, l’hystérie, les névroses avec débilité, l’aménor- rhée par atonie, la chlorose, la leucorrhée, le scorbut, les scrofules, le ra- chitis, les fièvres muqueuses, typhoïdes,'etc. On la donne aussi avec avan- tage comme diaphorétique et expectorante, dans la dernière période des bronchiles aiguës, dans les bronchites chroniques avec atonie, pour faciliter l’expectoration et pour fortifier la muqueuse pulmonaire. Les propriétés de l’angélique, que je mets souvent à profit, sont plus pro- noncées dans la racine que dans les autres parties de la plante. Je la sub- stitue, ainsi que le conseillent Hildenbrand et Wauters, à la serpentaire de Virginie dans les fièvres typhoïdes et adynamiques, soit en poudre, soit en infusion, ou en teinture alcoolique, dans les potions. J'ai constaté, comme Chaumeton, les hons effets d’une boisson préparée en versant 1 litre d’eau bouillante sur 30 gr. de racine d’angélique coupée en tranches minces, et ajoutant à l’infusion 4 centilitres d’eau-de-vie, 4 hectogramme de sirop de vinaigre, et quelques gouttes d'huile volatile de citron. Les malades trouvent délicieux cette espèce de punch. Chaumeton administrait aussi la racine en poudre dans les mêmes cas. «Après ce que nous avons dit de l’anis, disent Trousseau et Pidoux, il y a peu de choses à ajouter sur l’angé- lique, si ce n’est qu’elle a de plus que lui des propriétés toniques assez mar- quées qui la rendent plus recommandable dans les affections muqueuses, les fièvres catarrhales, qui laissent après elles une si profonde langueur de l'estomac et une tendance interminable à cette sécrétion blanchâtre et pul- tacée qui tapisse alors la muqueuse buccale, et dont la présence est tout à la fois cause et effet de cette inertie désespérante des forces digestives qui entraine des convalescences interminables et peut être la source d’une foule de maux ultérieurs. L’infusion des jeunes tiges d’angélique rendra alors des services évidents. » Ces mêmes tiges confites sont très-agréables au goût, corrigent la mau- vaise odeur de la bouche, et facilitent ja digestion. Annibal Camoux, de Nice, qui mourut à Marseille én 1759, à l’âge de cent vingt et un ans et trois mois, attribuait sa longévité à la racine d’angélique qu’il mâchait habituel- lement; il faut dire aussi que ce centenaire avait été longtemps soldat, qu'il ANIS. 71 bêchait la terre, vivait d'aliments grossiers et buvait beaucoup de vin. L'an- gélique, dit Roques, est surtout un excellent remède pour les vieux goutteux qui digèrent péniblement et qui sont tourmentés par des flatuosités; pour les convalescents dont les forces sont épuisées soit par la longueur de la ma- ladie, soit par l’abus des méthodes énervantes. Les peuples du nord de l’Europe, les Lapons surtout, font un grand usage de cette plante à litre d'aliment, de condiment et de remède. Ils emploient pour combattre les affections de poitrine, la raucité de la voix, les coliques. Ils la mâchent comme du tabac. Quelquefois ils préparent, avec les boutons des fleurs bouillis dans le petit-lait de renne, un excellent stomachique. Les Norvé- giens, dit-on, font du pain avec la racine. L'angélique est une plante précieuse trop peu employée. J'en ai fait dans ma pratique à la campagne un fréquent usage, et je puis affirmer qu'elle est d’une grande ressource non-seulement pour remplacer la serpentaire de Vir- ginie, mais aussi toutes les racines aromatiques exotiques, le contrayerva, le costus d'Arabie, etc. J’associe souvent la racine d’angélique aux amers, surtout dans la composition des vins médicinaux toniques, pour les aroma- tiser. J'emploie la semence comme stimulante et carminative. Les feuilles fraîches, que j'ai mises en usage à l'extérieur, sont résolutives comme celles d'ache et de persil. «Si cette plante, dit Bodart, avait le mérite d’être étrangère, elle serait aussi précieuse pour nous que le ginseng l’est chez les Chinois; elle se vendrait au poids de l'or, » — « Nous voyons avec pee, dit Roques, qu'une plante si active et si riche en propriétés soit si peu usitée de nos jours, tandis qu'on adopte avec enthousiasme quelques re- mèdes exotiques, dont la nouveauté, la rareté, la cherté font seules tout le mérite. » ANGÉLIQUE SAUVAGE Ou DES Bois (Angelica sylvestris). — Plante commune dans les bois et les prairies un peu humides, ombragées, sur les bords des fossés et des ruisseaux, qui diffère de la précédente par des proportions moindres, par sa tige moins rameuse et moins grosse, ses feuilles plus pe- tites, sa racine moins épaisse et plus blanche. Ses ombelles, de 25-30 rayons, sont très-amples; ses feuilles sont blanches (juillet-septembre). Ses proprié- tés sont loin d’égaler celles de l’angélique-archangélique. On emploie la ra- cine, en Suède, comme antihistérique et antiépileptique, à la dose de 4 er. en poudre dans un verre de vin blanc le matin à jeun. On se sert aussi de la graine pulvérisée pour détruire les poux. La culture de cette plante, dit Willich, devrait être encouragée. Les tan- neurs et les mégissiers lui ont reconnu des propriétés analogues à celles de l'écorce de chêne. Les herboristes substituent quelquefois, sans scrupule, l'angélique sauvage à l’angélique officinale; celle-ci est beaucoup plus odo- rante. ANIS. Pimpinella anisum. Anisum herbariis, BAUH. — Apium anisum dictum, semine suaveolente. T. Anis vert, — boucage à fruits suaves, — anis boucage, — pimpinelle anis. OMBELLIFÈRES. — AMMINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Plante annuelle, qui croît spontanément en Égypte, en Turquie, en Sicile, en Italie. On la cultive en France, principalement en Touraine et dans les départements méridionaux, où l’on en fait des semis considérables. . Description. — Racine fusiforme, fibreuse, blanchâtre. — Tige de 30 à 40 cen- timètres, herbacée, cylindrique, creuse, rameuse, pubescente. — Feuilles alternes, amplexicaules, glabres ; les radicales pétiolées, trifoliées, dentées ; les moyennes ailées, subréniformes, arrondies, incisées ou dentées ; les supérieures en découpures d'autant plus étroites et pointues, qu’elles sont plus près du sommet.— Fleurs blanches, petites, 72 ANIS. en ombelles doubles terminales, sans involucre ni involucelles (juillet). — Calice nul ou à peine visible. — Corolle de cinq pétales égaux, ovales, sommets recourbés en dessus. — Cinq étamines plus longues que les pétales, à filets blancs subulés. — Deux styles très-courts. — Fruit gris-verdâtre, ovoïde, strié, nu, à deux semences convexes, acco- lées par une surface plane. Parties usitées. — Les fruits, improprement appelés semences. Culture, récolte, — L'anis se plaît plus particulièrement dans les terrains sablonneux et calcaires ; il réussit beaucoup mieux sur les coteaux qu'à toute autre exposition. Comme le froid lui est très-nuisible, on ne doit le semer qu'au printemps, lorsque les gelées ne sont plus à craindre. La terre, préparée par de bons labours, doit être aussi meuble que possible. On sème à la volée, et on ne recouvre la graine que légèrement. On aide la germination par des arrosements, qu'il faut continuer autant que possible si la saison est sèche. On sarcle dès que la graine est levée ; un second sarclage est nécessaire avant l’époque de la floraison. Quelquefois les racines repoussent encore la seconde année, bien que cette plante soit ordinairement annuelle. On commence ordinairement la récolte des fruits d’anis au mois d'août; mais elle a lieu successivement. Il faut cueillir les bouquets à mesure qu'ils brunissent, en choisis- sant pour cela un beau jour et sans attendre la chute de la rosée ; on les bat au fléau comme le blé. Le fruit est ensuite vanné, pour le rendre bien net; et pour lui con- server son arôme on le préserve de l’action de l'air en le renfermant dans des sacs que l’on place dans un lieu sec. Ces fruits sont l’objet d’un commerce très-étendu ; on en distingue plusieurs variétés. L’anis de Touraine est vert et plus doux ; celui d’Albi est plus blanc et plus aroma- tique ; celui de Malte ou d’Espagne est le plus estimé. | Propriétés physiques et chimiques.— [Le fruit d'anis a une odeur aromatique particulière très-agréable, une saveur piquante, un peu chaude, à la fois stimulante et sucrée. On en obtient par expression une huile fixe, et par la distillation une huile essentielle transparente et se concrétant à 10° R. au-dessus de zéro. On lui a donné quelquefois le nom de stéaroptène d’anis. Elle constitue le principe actif de ce fruit : 1,500 gr. de ce dernier fournissent environ 30 gr. d'huile essentielle. L’iode so- lidifie subitement cette huile, avec dégagement de chaleur et de vapeurs colorées; l'acide sulfurique la colore en rouge, puis la solidifie. Ces épreuves la distinguent et la font reconnaître. [On falsifie souvent l'essence d'anis avec des huiles fixes, du blanc de baleine, de la cire ou de la paraffine ; on reconnaît cette fraude par l'alcool très-concentré qui ne dissout pas toutes ces matières et qui dissout l'essence d’anis. L’essence d’anis peut être représentée par C?° H!? O?; elle est le point de départ d’une série chimique fort importante; traitée par l'acide azotique, elle produit un mé- lange huileux d'hydrure d’anisyle — G'6 H7 O* et d'acide anisique — C5 H5 0° HO.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 8 à 15 gr. par | Sirop (1 d’eau distillée sur 2 de sucre), 30 à kilogramme d’eau bouillante. 60 gr. en potion. Eau distillée, 15 à 100 gr., en potion. Poudre, 1 à 8 gr. mêlés avec du sucre ou dé- Teinture (1 sur 4 d’alcool à 32 degrés), 4 à layés dans l’eau ou le vin. 15 gr. en potion. Extrait, 1 à 2 gr. Huile essentielle, 2 à 6 gouttes dans une po- tion. A L’EXTÉRIEUR. — Infusion, en fomentations, Oléosaccharum (huile essentielle, 1 sur 100 de lotiocs, etc. sucre). L'anis entre dans l’eau générale, le sirop d’Érysimum composé, le sirop d’armoise composé, le sirop de roses pâles composé, l’électuaire lénitif, la confection Hamech, la thériaque, l’aniso, les pilules de Morton, et écossaises d’Anderson, l'esprit carminatif de Sylvius, etc. L'huile essentielle d’anis entre dans le baume de soufre anisé. Dans certains pays du Nord, les fruits d’anis entrent dans la fabrication du pain. En Angleterre on les mêle au pain d'épices. En France, ce sont principalement les con- fiseurs qui s’en servent; ils en font des dragées excellentes (anis de Verdun), des liqueurs (anisette de Bordeaux, vespetro, etc.). L’anis est considéré comme stimulant, stomachique, carminatif, diuré- tique, expectorant, emménagogue. On l’emploie dans la débilité des voies digestives, la gastralgie, les flatuosités, les coliques flatulentes et spasmo - ANIS. 73 diques, les tranchées des enfants, la dyspepsie, les céphalalgies nerveuses et celles qui paraissent dépendre d’un mauvais état des voies digestives, les vertiges, les éblouissements et tous les troubles nerveux du cerveau et des sens : de là le titre de céphalique donné à ce fruit. S'il faut en croire le rapport de Trew, une Gu deux gouttes d'huile essen- tielle d’anis peuvent donner la mort à un pigeon, et quelques gouttes ont produit chez un homme un délire subit qui n’a été dissipé que par l'usage des émétiques (1). (Pour Foussagrives, il suffit d’en introduire quelques gouttes dans l'estomac de chiens de diverses tailles, pour déterminer chez ces animaux des acci- dents quelquefois foudroyants. Bouchardat avait déjà prouvé que 2 gouttes dans 1 litre d’eau suffisent pour tuer un grand nombre de poissons. Une dose un peu plus forte fait périr les grenouilles, les salamandres, etc.) (2). L’anis a toujours occupé une place distinguée dans la matière médicale. Dioscoride mentionne sa qualité échauffante ei le proclame comme diuré- tique, excitant, carminatif, aphrodisiaque, galactopoïétique ; il le dit propre à calmer la céphalalgie, à modérer les flueurs blanches, à étancher la soif des hydropiques, à corriger la mauvaise haleine. En SE davantage au- jourd'hui? Il faut néanmoins distinguer dans les affections du tube digestif qui pro- duisent les flatuosités, les coliques, la dyspepsie, etc., celles qui sont essen- tiellement phlegmasiques ou sous la dépendance de l’irritation fixe de la muqueuse, de celles qui sont atoniques ou nerveuses. Dans les premières, les excitants, tels que l’anis, l’angélique, le fenouil, la menthe, etc., sont évidemment nuisibles; tandis que, dans les secondes, ils sont d’une effica- cité qui justifie tout ce qu'ont dit les anciens en faveur de ces plantes, et notamment de l’anis. On associe souvent la semence d’anis aux purgatifs, pour en rendre la sa- veur et l’odeur moins désagréables, et aussi pour diminuer les coliques, les flatuosités, le spasme intestinal. Elle était un des aromates avec lesquels Mesué corrigeait l’action du momordica elaterium. « Nous avons vu, disent Trousseau et Pidoux, des nourrices calmer les coliques de leurs nourrissons en buvant elles-mêmes une infusion d’anis, et nous nous sommes assurés que le lait de ces femmes avait une odeur d’anis assez prononcée. » L’anis est DA regardé comme ayant la propriété d'augmenter la quantité du lait chez les nourrices. Peut- être, disent les médecins que nous venons de citer, n'est-ce qu'en rendant leurs digestions meilleures et plus promptes. Virey présume que cet effet est dû à la secousse légère impri- mée à tout le système vasculaire. En effet, ajoute ce médecin, on observe que toutes les ombellifères augmentent le lait chez les animaux, et que même ce fluide en retient souvent l’odeur. L'action expectorante de l’anis est faible. Cependant on l’a souvent admi- nistré dans les catarrhes chroniques, où il agit aussi comme légèrement dia- phorétique. Les asthmatiques se soulagent en fumant des fr uits d’anis. Dans les cas d’atonie des reins et de l'utérus, cette semence peut exciter la sécrétion des urines et la menstruation. Elle purge bien les enfants nou- veaux-nés à la dose de 1 gr. 20 centigr. Je rai quelquefois mêlée avec autant de magnésie pour purger doucement et neutraliser en même temps les acides des premières voies chez les enfants. L'usage de l’anis, selon Mérat et Delens, donne une mauvaise odeur aux urines. A l'extérieur, cette semence est vantée comme résolutive contre les en- (1) Richard, Dictionnaire de médecine, article Anis. (2) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1860, p. 89. 74 ANSÉRINE ANTHELMINTHIQUE. gorgements laiteux et les ecchymoses, en fomentations, lotions, cata- plasmes. [L'anis étoilé ou badiane (illicium anisatum, magnoliacées), de la Chine, renferme une essence qui jouit de toutes les propriétés de celles de l’anis vert.] ANSÉRINE ANTHELMINTHIQUE. Chenopodium anthelminthicum. L. Chenopodium Lycopi folio perenne. Dizz. — Ansérine vermifuge. CHENOPODÉES. — CYGLOLOBÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. Plante vivace de l'Amérique du Nord, cultivée très-facilement dans nos Jardins. Description. — Tige de 1 mètre environ, droite, dure, grosse à peu près comme le doigt inférieurement, rougeâtre dans la plus grande partie de son étendue, striée, divisée en quelques rameaux presque vers sa partie moyenne. — Feuilles alter- nes, ovales, rétrécies à leur base, dentées à leurs bords, vertes des deux côtés, légère- ment velues en dessous ; les radicales plus larges. — Fleurs naissant en petites grappes nues, verdàtres, situées dans les aisselles supérieures des feuilles, le long des rameaux et de la tige. — Calices de cinq folioles lancéolées, persistantes. — Cinq étamines de la longueur du calice, opposées à ses folioles et terminées par des anthères arrondies. — Un ovaire supérieur chargé d’un style extrêmement court, bifide et parfois trifide. — Graine petite, oblongue, comprimée, brune-luisante, renfermée dans le calice, qui forme cinq angles autour d'elle. Parties usitées, — Feuilles et fruits. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Suc des feuilles, 10 à 20 gr. | Décoction (plante), 15 à 20 gr. dans 500 gr. de pour un enfant de deux ans; — 30 à 60 gr. lait. pour un adulte. Huile essentielle, 6 à 8 gouttes dans une po- Poudre des semences, 2 à 8 gr. divisés en plu- tion. sieurs prises dans un véhicule, en élec- | tuaire, etc. Les feuilles et les graines d’ansérine anthelminthique exhalent une odeur forte très-aromatique. La semence a été plus fréquemment employée comme vermifuge que les autres parties de la plante; on la donne dans un véhicule approprié ou tout simplement étendue sur des tartines de beurre, ou mêlée avec une marmelade quelconque; mais il faut toujours avoir soin, ajoute Biett (1), de diviser la dose en plusieurs prises pour ne point occasionner de dégoût. Chalmers recommande particulièrement un électuaire préparé avec les graines d’ansérine bien pulvérisées, et incorporé dans le miel. On prend durant trois jours, matin et soir, une cuillerée de cet électuaire, qui, si l’on en croit le médecin que nous venons de citer, est un vermifuge excellent et en quelque sorte infaillible. Gilibert assure que la poudre des feuilles d’ansérine anthelminthique est un excellent remède contre les vers. Ce ver- mifuge est très-usité aux Etats-Unis. Il est probable, disent Mérat et De- lens, qu’il est bien supérieur à la plupart de ceux dont nous nous servons, el, comme nous pouvons nous le procurer frais avec une grande facilité, il est à désirer que son usage devienne vulgaire. BELVÉDÈRE. Chenopodium scoparia. L. — Cette plante, du même genre que l'ANSÉRINE ANTHELMINTHIQUE, spontanée en Italie et dans le midi de la France, est cultivée dans les jardins, où elle décore agréablement les par- terres par la finesse et la verdure de son feuillage, ce qui lui a valu le nom (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. II, p.179. ANTHYLLIDE, — ARABETTE. 75 français ou italien de belvédère (belle à voir). On la sème sur couche après . les gelées. Lorsque le plant à quelques bonnes feuilles, on le repique. On la dit anthelminthique. Les Japonais la considèrent comme un des médica- ments les plus précieux. ANTHY£LLIDE. Anthyllis vulneraria. L. Anthgllide vulnéraire, — vulnéraire, — triolet jaune. LÉGUMINEUSES. — LOTÉES, Fam. nat, — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L, Petite plante herbacée, que l’on trouve dans les terrains calcairo-argileux, secs et sablonneux; généralement peu commune dans le Nord. La beauté du feuillage et les têtes de fleurs de cette plante la rendent propre à l’orne- ment des jardins. Elle est mangée par les moutons, les chèvres et les bœufs. La vulnéraire paraît propre à utiliser comme fourrage les sols les plus ingrats. Racine pivotante, assez profonde, — Tige couchée, velue, de 4 à 6 décimètres de longueur, — Feuilles ailées avec impaire plus grande, — Fleurs jaunes, disposées en tête (mai-septembre). — Calice renflé, — Fruit arrondi, 1-3 sperme, recouvert par le calice. On attribue à cette plante des propriétés astringentes et vulnéraires. Pilée et appliquée en topique, et prise en décoction aqueuse, on la considère dans les campagnes comme propre à cicatriser les plaies, à résoudre les contu- sions et à prévenir les suites des chutes et des commotions. ARABETTE. Arabis Thaliana. L. — Sisymbrium Thalianum. GAY. CRUCIFÈRES. — ARABIDÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. L’arabette, ou arabide rameuse, est une plante annuelle à {iges hautes de 15 à 30 centimètres, peu rameuses, peu feuillées, très-velues à la base, gla- bres au sommet, feuilles velues, obovales, oblongues, dentées, pétiolées, les caulinaires sessiles; fleurs blanches, petites, en grappes terminales; six éta- mines tétradynames; le fruit est un silicule cylindrique contenant des graines très-petites. Nous citerons encore l’arabette hérissée (A. sagittalis, D. C.; Turritis hir- suta, L.), et l’arabette des sables (A. arenosa, SCop.; Sisymbrium arenosum, L.), qui jouissent des mêmes propriétés. iCulture.— Les arabettes sont cultivées dans les jardins botaniques ; on les mul- tiplie par graines ; elles aiment un sol un peu humide. Parties usitées.— Les sommités fleuries, les graines. Réeolte.— Les feuilles et les tiges ne sont employées que fraîches ; on les cueille à l’époque de la floraison ; les graines sont ramassées au moment de la déchirure du fruit. Propriétés physiques et chimiques. — Les arabettes ont une odeur fort piquante lorsqu'on les froisse, une saveur âcre aromatique due à une huile essen- tielle analogue à celle que l’on trouve dans les autres crucifères. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Le suc de la plante fraiche est obtenu par contusion et filtration à froid; on extrait par expression des graines une huile fixe analogue à celle de colza. | [L’arabette est très-commune dans les pâturages, les champs; les animaux la mangent avec plaisir; mais elle a l'inconvénient de donner au lait une saveur et une odeur désagréables; localement, on l’a employée comme ré- 76 ARGEMONE. — ARGENTINE. pereussif sous la forme de pulpe mélangée avec le jus de citron. On lui a attribué des propriétés antiscorbutiques.] ARGEMONE. Argemone Mexicana. L. Argemone versicolor. SPINOSA. — Ectrus trivialis. Pavot du Mexique, — pavot épineux, — chardon bénit des Américains, — figue du diable, — infernale. PAPAVÉRAGÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L. L'argemone, plante annuelle, est, comme l'indique son nom, d’origine mexicaine; elle est cultivée en France comme plante d'ornement, et dans les jardins botaniques, d’où elle s’est répandue spontanément dans nos pro- vinces méridionales. [Deseription. — Tige rameuse, épaisse, haute de 0.35 à 0%.40. — Feuilles alternes, larges, semi-amplexicaules, déchiquetées. — Fleurs jaunes, grandes. — Calice à deux ou trois sépales. — Corolle à quatre ou cinq pétales arrondis, préfloraison, chiffonnée. — Etamines hypogynes très-nombreuses, pistil avec un style très-court. — Stigmate petit, rayonnant. — Fruit: capsule ovoïde, épineuse, s’ouvrant au sommet en cinq valves incomplètes. — Graines petites, rondes et noires. Récolte. — On récolte les feuilles au moment de la floraison, les graines à la maturité du fruit. Culture. — Se sème en place au printemps, demande un sol léger, une exposi- tion chaude. Parties usitées, — Feuilles, fleurs, graines. Propriétés physiques et chimiques, — L’argemone froissée exhale une odeur vireuse prononcée ; le suc de cette plante fraiche est jaune et rappelle celui de la chélidoine ; les graines fournissent par expression une huile grasse un peu àcre qui peut servir pour l'éclairage.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Semences en infusion, 8 grammes pour 500 grammes d’eau. (Cette papavéracée, dont l’action est méconnue, ou à peu près, parmi nous, jouit d’une certaine faveur dans son pays natal. Les feuilles, les fleurs, les capsules y sont employées comme pectorales, anodines et narcotiques. Les semences, en infusion, sont purgatives pour les Mexicains, vomitives pour les habitants des Indes, où elles remplacent l’ipécacuanha. Ferrein raconte que les nègres du Sénégal boivent la décoction de ses racines contre la gonorrhée. Le suc de la plante fraîche est administré dans les maladies cutanées re- belles. A l’extérieur, ce suc est employé contre les verrues comme caus- tique, contre les plaies de mauvaise nature comme modificateur, et, ce qui le rapproche davantage du sue de la grande éclaire, aux Etats-Unis, on l’in- stille dans l’œil dans les affections oculaires. Les semences fournissent une huile utilisée pour les usages domestiques, et comme topique, sur la tête, dans les érythèmes solaires. Voilà, certes, une énumération de propriétés digne d’exciter les médecins du midi de la France à s'assurer par eux-mêmes de la réalité de l’action de l’argemone.) ARGENTINE. Potentilla anserina. L. Argentina. Don. — Potentilla. BAUH. — Pentaphylloïdes argenteum allatum, seu potentilla. T. Potentille ansérine, — bec d’oie, — agrimoine sauvage, — pentaphylloides. ROSACÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE POLYGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. IV), très-commune, croît partout sur les terrains ’ ARGENTINE, 77 humides, au bord des chemins et des ruisseaux, Elle gâte les prairies, et se multiplie considérablement dans les endroits où l’eau séjourne. Les pores en sont très-friands ; ils fouillent avidement le sol où elle croît pour dévorer les racines. Les oies aiment également cette plante, ce qui lui a valu le nom d’anserina. Description.— Racine noirâtre, fibreuse, longue, garnie de nombreux ramus- cules.— Tige de 30 centimètres environ, mince, faible, rampante et stolonifère, un peu velue.— Feuilles naissant des stolons qui s'enracinent de distance en distance, grandes, pinnées, composées de quinze à dix-sept folioles sessiles, ovales, oblongues, dentées en scie, couvertes d'un duvet blanc, soyeux, argentin. — Fleurs jaunes, solitaires, axillaires, portées sur de longs pédoncules (tout l'été). — Galice soyeux, à 40 folioles, dont cinq internes et cinq externes. — Corolle de cinq pétales ouverts, arrondis, — Etamines nombreuses, à anthères en croissant. — Ovaires supérieurs surmontés de stigmates obtus. — Fruit composé de graines nombreuses nues, acuminées, fixées à un réceptacle commun et contenu dans le calice persistant. Parties usitées.— L'herbe et la racine. (Culture. — Cette plante est assez abondante pour suffire à la consommation médicale ; on ne la cultive que dans les jardins de botanique, on la multiplie par semis faits au printemps en terre légère, ou à l’automne sur couches; on repique au prin- temps en place. | Propriétés physiques et chimiques, — D'une odeur nulle, d'une saveur styptique assez prononcée, l’argentine contient une assez grande proportion de {annin. Sa racine noircit la solution de sulfate de fer, et son suc rougit le papier bleu. Elle peut être utile pour le {annage. Dans quelques pays on lemploie à la fabrication de la bière. La racine, qui est un peu farineuse, a, dit-on, été employée en Écosse comme aliment. Erhard dit même qu’elle a servi à faire du pain dans les temps de grande disette. [Les feuilles d'argentine sont employées en parfumerie, elles servent à faire avec l'alcool une teinture qui rend l'eau opaline. ] L’argentine a joui longtemps d’une grande réputation comme astringente. On l’employait contre les hémorrhagies, la dysenterie, la diarrhée, les flueurs blanches, etc. Mathiole, Dodoens, la recommandent dans ces maladies. Tournefort en a obtenu des avantages dans la leucorrhée. Degner (1) dit que dans une dysenterie qui régna en 1736, on employa avec succès la décoc- tion d’argentine dans du lait. 11 ajoute qu’un charlatan se vantait de gué- rir cette maladie en trois jours : son remède consistait en une décoction d’argentine dans du lait mélangé d’un peu d’eau, d’un peu de fleur de fro- ment et de noix muscade, avec addition de jaunes d'œufs, d'huile d'olive et de sucre. Dubois, de Tournai, rapporte cinq observations en faveur des propriétés antidiarrhéiques de cette plante. La maladie a cédé en peu de jours à la décoction aqueuse (une poignée dans 1 litre d’eau). Ce remède est vulgai- rement employé dans nos campagnes; je l'ai vu souvent réussir. Il agit à peu près comme la décoction de renouée et celle de bourse-à-pasteur. Les propriétés fébrifuges, antiphthisiques, diurétiques, lithontriptiques, attribuées à cette plante par Withering, Rosen et Bergius, sont illusoires ou très-exagérées. Elle n’a point justifié, comme fébrifuge, le titre de poten- tille (de potentia, puissance, vertu), bien que l’illustre Boerhaave l'ait con- sidérée comme l’égale du quinquina dans le traitement des fièvres inter- mittentes : Quandoque bonus dormitat Homerus. (HorAceE.) Toutefois, l’argentine a pu être employée dans quelques fièvres intermit- tentes vernales, contre lesquelles elle agit à la manière du plantain, de la quinte-feuille, etc. «C’est une chose avouée de tous les gens de l’art, dit (1) Histoire médicale de la dysenterie, p. 146. 78 ARISTOLOCHE CLÉMATITE. Lieutaud, que la plupart des parties de cette plante sont fébrifuges. Malgré cela il est rare qu’on s’en serve pour guérir la fièvre. Ceux qui la prennent comme fébrifuge peuvent boire depuis trois jusqu’à quatre onces de suc de cette plante.» (Je l'ai vu employer en décoction par les paysans du Bas-Boulonnais contre l’anasarque consécutive aux fièvres intermittentes. Cette même décoction concentrée est fréquemment mise en usage par eux en lotions ou fomenta- tions sur les hémorrhoïdes enflammées, les érythèmes, l’intertrigo infan- tile, ete.) ARISTOLOCHE CLÉMATITE. Aristolochia clematitis. L. Aristolochia clematitis, recta. T. — Aristoloche commune. ARISTOLOCHIACÉES. Fam. nat. — GYNANDRIE HEXANDRIE. L. Cette espèce d’aristoloche (PI. V) croît spontanément en Italie, en Espa- gne, dans le midi de la France, et même dans les environs de Paris (abon- damment au Mont-Valérien et sur les bords de la Seine à Marly). On la trouve dans les vignes, les haies, les bois, les lieux incultes. Elle est vivace. Description, — Racine fusiforme, de 30 centimètres de longueur, brune et ru- gueuse à l'extérieur, jaunâtre à l’intérieur. — Tige haute de 50 à 70 centimètres, faible, grêle, anguleuse, striée, glabre, à peine dressée. — Feuilles alternes, pétiolées, assez amples, glabres, cordiformes, un peu plissées sur les bords, veinées en dessous, co- riaces. — Fleurs jaunâtres, pédonculées, trois à six ensemble (juin-juillet), consistant en un périanthe d’une seule pièce, tubuleux, irrégulier, ventru à sa base, élargi vers son orifice, dont le bord, tronqué obliquement et sans division, se prolonge d’un côté en languette, — Six étamines soudées et confondues avec le style et le stigmate ; anthères subsessiles soudées au style par leur dos; style court, et stigmate disposé au-dessus des anthères, en étoiles, à six divisions. — Ovaire inférieur oblong, terminé par un stigmate concave à six divisions. — Fruit globuleux, capsulaire, pendant, à six loges renfermant plusieurs semences attachées à l’angle central et disposées horizontalement les unes sur les autres. Parties usitées. — La racine. Quelques anciens ont employé le fruit. (Culture.— L'aristoloche clématite se propage facilement par graines, semées sur couche au commencement du printemps ; on les repique en bonne terre à la fin de la saison ; elle se ressème toute seule et devient parfois gênante. | Récæolte. — Les aristoloches se récoltent comme toutes les racines vivaces. Celles des espèces longue et ronde, choisies dans le commerce, doivent être grosses, bien nourries, nouvellement séchées, pesantes, d’un goût extrèmement amer. — La racine de la petite (pistoloche) doit être bien nourrie, touffue comme la racine d’ellébore noir, récemment séchée, de couleur jaunâtre, d’une odeur aromatique, d’un goût amer. Guibourt en possédait un échantillon qui était sucré; il pensait que cet effet pouvait tenir à la vétusté. (Propriétés chimiques. — Chevallier à isolé le principe amer de laristo- loche et lui a donné le nom d’aristolochine. Ce principe, mal défini, n’a pas été étudié.) PRÉPARATIONS PHARMAGEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction et infusion des | Extrait alcoolique (1 de racine sur 6 d’alcobl), racines, 12 à 15 gr. pour 1 kilogr. d’eau. 2 à 4 gr., selon l’âge et les forces. Poudre, { gr. avec du vin ou du miel, ou en | Teinture (1 de racine sur 5 d’alcool), 1 à 2 gr. : pilules, bols, etc. en potion. Douée, comme les aristoloches longue ou ronde (qui nous viennent des pays méridionaux), d’une saveur âcre, amère, d’une odeur forte, péné- trante, elle parait jouir des mêmes propriétés que ces dernières, et a pour nous le précieux avantage, comme indigène, d’être commune au centre de la France. Les anciens faisaient grand cas de cette aristoloche, si négligée de nos Jours. Paul d’OEgine l’employait comme purgative à la dose d’un gros (4 gr.) en poudre dans du vin doux. Aëtius prescrivait deux gros (8 gr.) du fruit ARISTOLOCHE CLÉMATITE, 79 de cette plante*dans la même indication, surtout dans les affections bilieuses et pituiteuses. N'ayant sur les effets de cette plante, administrée à l’intérieur, aucune ob- servation qui me soit propre, je ne puis mieux faire que de citer l’opinion de Gilibert. Voici comme il s’exprime : — «Toutes les aristoloches, même notre aristoloche clématite, cachent un principe médicamenteux très-péné- trant, répandant une odeur forte, d’une saveur vive, amère, aromatique, qui laisse une longue impression sur la langue. L'infusion des racines, édulcorée avec le miel, est un remède énergique qui augmente le flux des urines, dé- termine plus abondamment les menstrues, On en donne aussi la poudre dans du vin. Ce remède a réussi dans les pâle couleurs, les fièvres intermittentes, l'asthme humide, l’anorexie dépendante d’une atonie avec glaires. C’est un puissant adjuvant dans la paralysie, la goutte sereine; appliqué exterieure- ment, il déterge les ulcères sordides, Toutes ces propriétés, ajoute le même auteur, sont constatées par des observations spéciales. Aussi doit-on être étonné, dit-il, qu’une plante aussi énergique soit presque abandonnée. Nous nous sommes toujours servi de l’aristoloche clématite, d’après notre prin- cipe, ajoute-t-il, que l'on doit préférer les plantes indigènes, lorsqu'elles offrent les mêmes principes médicamenteux que les exotiques. » Alston rapporte qu’en Ecosse on emploie l’aristoloche clématite de préfé- rence aux autres espèces, surtout comme antigoutteuse. Selon Helde, admi- nistrée en poudre ou en extrait, et principalement en essence simple ou tein- ture alcoolique, elle a prévenu les accès de la goutte. On lui attribue même la faculté de calmer les spasmes que les goutteux éprouvent fréquemment dans les jambes avant le paroxysme ; mais n'est-il pas à craindre que ce pré- tendu spécifique ne produise des rétrocessions funestes, ainsi qu’on l’a ob- servé par l’administration de la fameuse poudre de Portland, dont la racine d’aristoloche ronde fait la base, et que je l’ai vu moi-même par l’usage des préparalions de colchique ? On lit dans les Ephémérides d'Allemagne (1) que la décoction aqueuse de racine d’aristoloche clématite, à prendre par verres dans la journée, ou la teinture alcoolique de la même racine, à la dose de 7 à 8 gouttes, à prendre dans du thé le matin à jeun pendant quelque temps, est un remède efficace contre la goutte. Toutes les espèces d’aristoloches, et particulièrement l’aristoloche cléma- tite, peuvent, à une dose trop forte, causer des crampes d’estomac, de vives douleurs intestinales, des vomissements, des superpurgations, et même, si l’on en croit quelques auteurs, occasionner des pertes et des avortements (2). Ces divers accidents, résultant de l’administration imprudente d’un médi- cament, loin de démontrer le danger de son emploi thérapeutique, prou- vent au contraire son énergie. D'un autre côté, des médecins dignes de foi ont regardé l’aristoloche clématite comme une plante faible et douteuse, malgré les éloges que lui ont accordés les anciens (3). Ces diverses opinions viennent sans doute du lieu où a été recoltée la plante, de la saison où elle a été recueillie, et surtout de son degré d’ancienneté. Il ne faut pas oublier que Gilibert l’a employée dans les environs de Lyon, et que la même plante .Croissant dans les départements du centre de la France est souvent beau- (1) Centur., IX et X, observ. XGIv, p. 206. (2) Orfila a fait périr des chiens en leur donnant de 1 à 2 grammes de poudre de racine d’aristoloche clématite. k (3) «Le nom que porte cette plante, dit Alibert, prouve que, dans tous les temps, on lui a reconnu la propriété de favoriser le cours des lochies. Aujourd’hui, on a cessé de croire, avec raison, à une semblable vertu. On a tout dit, quand on a énoncé que l’aristoloche jouit d’une vertu stimulante assez énergique. La réputation de cette plante, pour le traitement de la gontte, n’est pas mieux fondée. » Gette espèce d'ostracisme, non sanctionné par l’expérimen- tation, ne saurait infirmer l'opinion transmise d’âge en âge sur les propriétés reconnues de l’aristoloche. 80 ARISTOLOCHE LONGUE. — ARISTOLOCHE RONDE. coup moins active. Il suffirait peut-être, dans ces derniers ca$, d'augmenter les doses. « Les essais que j'ai faits sur l’aristoloche clématite, dit Bodard, ont eu lieu pendant plusieurs années en Toscane ; l'expérience m’a toujours dé- montré que cetle espèce, qui passe pour la plus faible de toutes, possédait une grande énergie dans plusieurs indications, surtout lorsqu'il importait de ranimer les fonctions vitales de l’utérus. Je combinais alors ce médica- ment avec le sirop de nerprun, ou avec tout autre purgatif approprié. Cette combinaison m'a réussi dans bien des cas où les aloétiques auraient présenté beaucoup d'inconvénients. Je ne l’ai point encore essayée en France. » ARISTOLOCHE LONGUE, Aristolochia longa. L. — Aristolochia longa, vera. Baux. T. — Cette plante vivace se plait dans les pays méridionaux. Elle est commune dans les vignes, le long des haies des provinces du midi de la France. Parties usitées. — La racine, |Culture.— La racine d’aristoloche longue nous vient de la Provence et du Lan- guedoc ; la ronde vient du même pays; on la propage par semis comme l’aristoloche clématite. ] Propriétés physiques et chimiques. — La racine d’aristoloche est légèrement nauséeuse ; sa saveur est vive, âcre, amère. On obtient de cette racine, par l'alcool, un extrait gommo-résineux très-amer, offrant plusieurs traits d’analogie avec l'aloès. L’extrait aqueux, peu abondant, est, dit-on, d’une saveur salée, amarescente, et d’une odeur de sureau. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. [Les mêmes que celles de l’aristoloche clématite.] Hippocrate, Galien, Dioscoride, ont fait l'éloge de la racine d’aristoloche. Ils recommandaient de l’administrer à l’intérieur et de l’appliquer extérieu- rement pour faciliter la menstrualion, la sortie du fœtus et l'écoulement des lochies. C’est à cette dernière propriété qu’elle doit son nom. L’expérience, en effet, a confirmé sa vertu emménagogue quand il y a atonie de l’utérus; mais elle serait nuisible aux femmes nerveuses et à celles chez lesquelles la suppression des règles est accompagnée de spasme ou de pléthore. Gilibert l’a employé avec succès dans les cas énoncés plus haut. — (Voyez ARISTO- LOCHE CLÉMATITE.) Biermann (1) a grande confiance dans l’usage prolongé de la poudre de racine d’aristoloche longue, contre les fièvres intermittentes, même les plus rebelles. ARISTOLOCHE RONDE (PI. V), Aristolochia rotunda. Se distingue de la précédente par la forme de sa racine, qui est tuberculiforme, charnue, de la grosseur d’une noix environ. De plus, ses feuilles sont à pétioles très- courts. La languette du calice est d’un pourpre foncé. [L’aristoloche ronde est de la grosseur d’un abricot, elle est mamelonnée à sa surface, amylacée, jauntre à l’intérieur, grise en dehors, peu odorante, mais développant une forte odeur lorsqu'on la pulvérise. L'aristoloche longue se distingue de la pré- cédente par sa forme allongée ; sa longueur varie de 0,16 à 0,20 ; elle est: grosse à proportion]. Ses propriétés thérapeutiques sont les mêmes que celles de l’aristoloche longue. On la regarde même comme plus active. Schræder, Fernel, Cartheuser, Spielmann, lui donnent la préférence. Elle forme la base de la fameuse poudre du Prince de la Mirandole, ou du Duc de Portland, qui quelquefois calme les douleurs de la goutte, mais cause souvent des accidents funestes, dont Cullen a tracé une peinture effrayante, et peut-être un peu exagérée. Cette poudre est ainsi composée : petite cen- (1) Journ. de Huf., 1834. ARISTOLOCHÉE PISTOLOCHE. — ARMOISE. 81 taurée, 4; racine de gentiane, d’aristoloche ronde, feuilles de germandée et d’ivette, de chaque 2. — Dose, 4 gr. par jour pendant trois mois, 3 g. pen- dant trois autres mois, 2 gr. pendant six mois, enfin, 2 gr. tous les deux jours pendant la seconde année. ARISTOLOCHE PISTOLOCHE ; ARISTOLOCHE CRÉNELÉE (petite aristo- loche); — Aristolochia pistolochia. L. — Cette espèce, également vivace, croit en Languedoc et en Suisse. Sa tige est grèle et s'élève peu au-dessus du sol ; sa racine est composée de fibrilles nombreuses, jaunâtres, fasciculées, par- tant d’une souche grosse comme une plume. Cette aristoloche, encore moins employée que celles dont nous venons de parler, et qui sont presque inusi- tées malgré leur énergie, paraît jouir des mêmes propriétés. Spielmann la range sur la même ligne que l’aristoloche clématite. ARMOISE. Artemisia vulgaris. L. Artemisia vulgaris, major. BAUH., TourN. — Artemisia latifolia. Fucus. Herba regia. BRUNF. Armoise vulgaire, — armoise commune, — herbe de la Saint-Jean, — couronne de Saint-Jean, ceinture de la Saint-Jean, — herbe de feu. SYNANTHÉRÉES, tribu des CORYMBIFÈRES. — SYNGÉNÉSIE POLYG. SUPERF. Cette plante vivace (PI. V), herbacée, est très-commune dans tous les lieux incultes. On la rencontre partout, le long des chemins, sur les bords des champs, dans les lieux secs, arides, sur les masures. Deseription.— Racine à peu près de la grosseur du doigt, longue, ligneuse, fibreuse, rampante, — Tiges de 1 mètre et plus, droites, fermes, cylindriques, canne- lées, rameuses supérieurement, d'un vert blanchàtre, quelquefois rougeàtre, légère- ment pubescentes. — Feuilles d’un vert sombre en dessus, blanches et cotonneuses en dessous, alternes, pinnatifides, à folioles lancéolées en haut de la tige, les florales linéaires, pointues. — Fleurs en capitules ovoïdes disposées en épis axillaires, formant une panicule terminale longue et étroite (juillet-septembre) ; chaque capitule se compo- sant d’un involucre oblong à folioles ovales et tomenteuses, imbriquées, et de petits fleurons pâles ou rougeätres, tubuleux, ceux du centre hermaphrodites, à cinq dents au limbe, ceux de la circonférence presque filiformes ; réceptacle nu. Le reste offrant les caractères de l’absinthe. Les fruits sont des akènes cylindriques, obovales, lisses, terminés par un disque très-étroit. Parties usitées. — La racine, les feuilles et les sommités. [Cuiture.— L'armoise est très-abondante à l’état sauvage, quoiqu’elle vienne partout ; elle préfère cependant les terres légères et les expositions découvertes ; on la multiplie par semis et par division des pieds que l’on pratique au commencement du printemps. | Réeolte. — Elle se fait au mois de juin ou au commencement de juillet, suivant l’époque de la floraison. Après l'avoir mondée, on en fait des guirlandes et on la porte au séchoir. Les racines exigent des soins pour prévenir la moisissure. La plante récoltée dans les jardins et dans les terrains gras et humides est beaucoup moins active que celle qui se trouve dans les lieux secs, arides, sur les masures. Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de l'armoise est aro- matique ; la saveur des feuilles et des tiges est un peu amère ; celle de la racine est douce. L'infusion aqueuse de l'herbe récente est rougeàtre ; elle noircit par l'addition du sulfate de fer. Son suc rougit le papier bleu. Gette plante contient, d’après Braconnot, une matière azotée, amère, et de l'huile volatile. L'eau et l'alcool dissolvent ses prin- cipes actifs. Substances incompatibles. — Les sulfales de fer et de zinc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — Infusion, de 10 à 30 gr. par | Infusion vincuse, même Cose dans le vin kilogramme d’eau bouillante. blanc. 6 82 - + + ARMOISE. Eau aistillée, de 50 à 100 gr. comme véhicule | Poudre (racine), 2 à 4 gr. dans de la bière de potion chaude (épilepsie). (Bresler.) Huile essentielle, en potion. Suc exprimé, 15 à 80 gr. Sirop simple ou sirop composé, 30 à 60 gr. en | A L'EXTÉRIEUR. — 60 à 100 gr. par kilogramme potion. d’eau bouillante, pour fumigations, lave- Extrait, 2 à 4 gr. en bols, pilules, potion. ments, etc. Poudre (herbe sèche), 2 à 8 gr. en substance, | L’armoise entre dans la composition de l’eau bols, pilules, potion. hystérique; son suc dans celle des trochis- ques de myrrhe. L'armoise est tonique, stimulante, antispasmodique, emménagogue. On Fa employée dans l’hystérie, la chlorose, l’aménorrhee, la chorée, les vo- missements spasmodiques, les convulsions des enfants, les névralgies, l’épi- lepsie, etc. Les propriétés emménagogues de cette plante ont été préconisées par les médecins de l’antiquité et constatées depuis par tous les praticiens. Hippo- crate (1) la regarde comme un remède propre à expulser l’arrière-faix. Dios- coride la prescrit pour provoquer les règles et accélérer l’accouchement, Zacatus Lusitanus à rétabli, au moyen de l’infusion d’armoise, un flux menstruel arrêté depuis dix ans. Demésa (2) a obtenu dans un cas semblable un égal succès. La décoction d’armoise, dont on dirige la vapeur sur la vulve, est mise en usage pour rappeler les règles et favoriser l'écoulement des lochies. On lui associe quelquefois, dans ce mode d’application, l’absinthe, la matricaire, le souci, le cerfeuil. On administre aussi l’armoise en lavement pour remplir la même indication. J'ai vu des femmes de la campagne appliquer des cata- plasmes de feuilles et sommités de cette plante sur le bas-ventre des nou- velles accouchées pour favoriser l'expulsion des caillots sanguins et de l’ar- rière-faix. Fernel conseille comme emménagogue un pessaire composé de suc d’ar- moise et de myrrhe. Nous négligeons trop les pessaires médicamenteux; les anciens les employaient fréquemment et avec avantage. J'ai employé le suc d’armoise avec succès dans l’aménorrhée; j'en fais prendre 30 à 80 gram. à jeun pendant les dix jours qui précèdent le moli- men utérin ou l’époque habituelle des règles. — Lorsque les malades ré- pugnent à prendre le suc, je leur donne une forte décoction des sommités, tiède, le matin, pendant le même espace de temps. Je pourrais citer un grand nombre d’observations qui constatent l'effet emménagogue de l’ar- moise ainsi administrée : les limites qui me sont tracées par la nature de mon travail ne me permettent, le plus souvent, qu’une simple mention. — Lorsqu'il y a chlorose, je joins au suc d’armoise la teinture de Mars tarta- risée, et je fais prendre ce mélange dans un verre de vin blanc. Ce moyen m'a surtout réussi lorsque la chlorose était accompagnée d’un état d'inertie de la matrice, ce qui a le plus ordinairement lieu. Il serait nuisible si cet organe, comme cela se rencontre quelquefois, était surexcité. Lorsque par atonie les lochies languissent, je fais prendre l’infusion chaude d’armoise, surtout chez les femmes qui n’allaitent pas. J'ai remar- qué que l’écoulement muqueux utérin est plus abondant par l'effet de l’ar- moise, et que cette dérivation contribue à la diminution de l'afflux du lait dans les mamelles. Une longue pratique comme médecin-accoucheur m'a mis à même de vérifier ce fait un grand nombre de fois: Il est d’ailleurs expli- qué par les relations sympathiques qui existent entre deux appareils d’orga- nes qui concourent au même but. C’est par un effet inverse, et en vertu de ces mêmes relations, que les ventouses appliquées aux mamelles font cesser (1)-De morb. mul. (2) Mémoires de la Sociélé de médecine de Copenhague. 1) ARMOISE. 83 une hémorrhagie utérine, et que les lochies se suppriment momentanément pendant la fièvre de lait. J'ai rappelé une leucorrhée habituelle et dont la suppression avait donné lieu à une toux inquiétante, en faisant prendre à la malade, pendant dix jours, 60 gram. de suc exprimé d’armoise. Ces faits, ajoutés à tant d’autres, ne permettent point de révoquer en doute l’action spéciale de l’armoise sur l'utérus. Home à obtenu des résultats avantageux de l'emploi de larmoise contre l’hystérie; il donnait des feuilles en poudre à la dose de 4 gram. répétée quatre fois.par jour. Biermann (1) administre contre les convulsions, pendant la première den- tition, 2 centigr. et demi de poudre de racine d’armoise mêlée à 25 centigr. de sucre pulvérisé. Cette dose est donnée d'heure en heure. On l’augmente graduellement jusqu’à 10 centigrammes. L'armoise a été mise en usage dans la chorée, les névralgies, les vomisse- ments nerveux chroniques. À une certaine dose, le suc d’armoise peut lui- même provoquer le vomissement. Je l’ai vu produire cet effet à la dose de 60 gram. chez une femme délicate et nerveuse. Lorsqu'on veut le donner comme altérant, il est bon de commencer par une moindre dose, et de n’augmenter que graduellement. Matthiole, Tragus, Fernel, Simon Pauli, Joel, Schræder, Ettmuller, etc. ont recommandé la racine d’armoise comme un remède antiépileptique très- efficace. Nous trouvons dans Joel : « Experientia comprobatum est, pridie D. Johannis Baptistæ, sub radicibus artemisiæ evulsæ carbones reperiri, quorum 31. Si in pulvisculua redigatur, et cum aqua stillatitia florum tiliæ aut florum lilior. Convallium ebiben&a offeratur, protinus ægrum ab epilepsia liberatum iri. » Et dans Ettmuller : « Notum est, quod circa festum santi Johannis Baptistæ sub radice hujus, carbones reperiantur multæ laudis in epilepsia. Hi carbones non sunt fabula uti Hoffmannus voluit, sed nihil aliud est quam radices artemisiæ annosæ demor- tuæ, quæ in cpilepsia revera juvant. » Burdach (2) cite cinq cas où ce médicament a produit les plus heureux effets ; il a remarqué que ce moyen s'était surtout montré efficace chez des sujets atteints d’épilepsie pendant une élongation trop rapide. Schænbeck (3), Graefe (4), Broex (5), Lævenhæck (6), Hufeland, Bresler et plusieurs méde- cins allemands ont publié plusieurs faits tendant à prouver l'utilité de son usage contre les accès épileptiques. Dans la plupart de ces cas, lorsque le remède agissait, il produisait une diaphorèse abondante. Delwart a obtenu des résultats assez satisfaisants de l'administration de cette plante dans l’épilepsie des animaux domestiques. Ainsi que l’absinthe, l’armoise a été vantée comme vermifuge. Je ne puis passer sous silence l’opinion de Parkinson qui assure que l’armoise fraiche ou son suc combat les effets de l’opium pris à trop forte dose?? Wurtzer (7) a obtenu de très-bons effets de la racine d’armoise dans les fièvres intermittentes et les affections spasmodiques des enfants. Le Journal de médecine de la Gironde rapporte. que le même moyen à réussi chez un individu qui était affecté à la fois d’épilepsie et de chorée. (1) Hufeland’s Journ., 1804. (2) Journal complémentaire des sciences médicales, t. XIX, p. 183. (3) Gazette de santé, 25 juin 1827. (4) Journal de chirurgie de Walter et Graefe. (5) Bulletin de Férussac. (6) Journal de Hufeland. : (7) Revue médicale, t. 1, p. 114. 8! ARNICA, Les Chinois ct les Japonais préparent le moxa avec les sommités et les feuilles desséchées, battues et cardées de l’armoise. Le professeur Ansiaux, de Liège, employait quelquefois ce moxa. [Mais pour quelques auteurs ils emploient l'A. cHNENsis L., et d’après Lindley ce serait une espèce particu- lière que l’A. MOxA.] ARNIQUE ou ARNICA. Arnica montana. L. Doronicum plantaginis folio alterum. BAun., T.— Doronicum arnica. DESF. Ptarmica montana. CARTH. — Arnica, ScHR. — Arnica seu doronicum germanicum. Orr., MuRR. — Alisma. MATTH. Arnique de montagne, — bétoine de montagne, — bétoine des Vosges, — herbe-aux-prècheurs, — doronic d'Allemagne, —plantain des Alpes, — tabac des Savoyards, — tabac des Vosges, — tabac des montagnes, — quinquina des pauvres, — herbe aux chutes, — herbe à éternuer. SYNANTHÉRÉES, tribu des CORYMBIFÈRES. — SYNGÉN. POLYG. SUPERF. L’arnica (PI. V), plante vivace, qui aime les lieux élevés, froids et om- bragés, croît abondamment sur les montagnes du centre et du midi de la France, dans le Lyonnais, sur les Alpes, les Cévennes, les Vosges, les Pyré- nées, etc. De tous les animaux qui habitent les montagnes où croît l’arnica, les chèvres seules le recherchent et s’en nourrissent. Deseription.— lacine fibreuse, brune en dehors, blanchâtre en dedans, ram- pant obliquement à une petite profondeur dans le sol, jetant de nombreuses fibres. — Tige cylindrique, pubescente, de la hauteur de 30 à 45 centimètres, simple ou donnant en haut deux rameaux à fleurs, indépendamment de la fleur terminale. — Feuilles sessiles, ovales, entières, nervées comme celles du plantain, le plus souvent au nombre de quatre, formant une rosette couchée au bas de la tige; deux autres feuilles cauli- naires opposées, plus petites et lancéolées. — Fleurs grandes, d’un jaune doré, radiées, belles, terminales ; la principale accompagnée de deux autres plus petites (juillet) ; in- volucre évasé, composé écailles velues, lancéolées ; fleurons du disque réguliers, hermaphrodites, à cinq dents ; demi-fleurons de la circonférence femelles et très-grands, à trois dents. — Fruits (akènes) ovales, légèrement comprimés, noirâtres, pubescents, surmontés d’une aigrette sessile et plumeuse. Parties usitées. — La racine, les feuilles et les fleurs; le plus souvent ces dernières, (qu’on falsifie quelquefois avec celles d’aunée, moins foncées, moins aro- matiques. ) [Culture.. — L'arnica, très-abondant à l’état sauvage, est très-difficile à cultiver, il demande une exposition élevée, abritée et ombragée, la terre de bruyère rocail- leuse ; on le propage par graines qu’on sème au printemps ou même en automne après leur maturité ; on repique les jeunes plants à l’automne, à l'exposition du nord-est de préférence ; on peut aussi multiplier abondamment les pieds par drageons ou par éclats des racines, que lon replante dans la terre de bruyère mélangée d’un peu de bonne terre de jardin. | Récolte. — On récolte les fleurs au mois de juillet, les racines en septembre. On les monde et on les fait sécher à l’étuve. Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs d’arnica sont peu odorantes quand elles sont desséchées ; fraîches, surtout quand on les écrase, elles ont une odeur aromatique particulière, assez forte pour déterminer l’éternuement. Leur saveur est chaude, àâcre et amère. Lassaigne et Chevallier en ont retiré une résine odorante, une matière amère nauséabonde et vomitive (cytisine), de l'acide gallique, une matière colorante jaune, de lalbumine, de la gomme, et enfin des sels à bases de potasse et de chaux. Weber y à trouvé une huile bleue, et Bucholz de la sa- Eonine. Toutes les parties de la plante cèdent leurs principes actifs à l’eau bouillante et à l'alcool. Suivant Dorvault, la composition chimique des diverses parties de l'arnica est mal dé- terminée. Tout fait présumer, dit-il, qu’elles contiennent un principe particulier. {Bucholz assure avoir trouvé de la saponine dans l’arnica et Wéber une huile bleue : en 1851, Bastick en a extrait un alcaloïde mal défini qu’il a nommé arnicine ; sa saveur ARNICA, 8 est amère: il forme, dit-il, avec l'acide chlorhydrique un sel cristallisé en étoiles ; Pfalf a trouvé dans la racine : huile volatile 4.5, résine 6.0, matières extractives 32.0, gomme 9.0, liqueur 51.2.] ; Subsiances incompatibles. — Les sels de fer, de zinc, de plomb, les acides minéraux. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion et décoction (fleurs), | et 16 gr. 8 à 30 gr. par kilogramme d’eau bouillante. | Teinture alcoolique (1 de racine sur 5 d’al- [La tisane de fleurs d’arnica doit être filtrée | cool), 1 à 20 gr. en potion. avec soin, pour séparer les fines aigrettes, | Teinture éthérée (1 de fleurs sur 4 d’éther), qui, sans cela, s'arrêtent dans la gorge et dé- | 1 à 10 gr. en potion. terminent des nausées et des vomissements.] | [Teinture avec les fleurs fraiches ou alcoola- Infusion des feuilles, 15 à 30 gr. par kilo- | ture, parties égaies de fleurs fraiches cet gramme d’eau. d'alcool à 86 degrés. | Décoction des racines, 4 à 15 gr. par kilo- | Extrait aqueux (1 sur 5 d’eau), 50 centigr. à gramme d’eau. | h gr. en potion, pilules. Racine en poudre, 60 centigr. à 4 gr. progres- | Extrait alcoolique (1 de fleurs sur 8 d’alcool et sivement, en bols, pilules, etc. 1 d’eau), 50 centigr. à 4 gr. en potion, etc., Fleurs en poudre, 30 centigr à 2 gr. (peut être surtout quand on les écrase. portée à une dose plus élevée, comme les | (Sirop vineux (Alliot) : fleurs sèches, 40 gr.; fleurs), en électuaire, bols, pilules, etc. | sucre blanc, 750 gr.; vin de Madère, 500 gr. Eau distillee, 50 à 100 gr. en potion (quel- F. S. A. sirop à froid : 30 gr. représentent quefois, surtout dans les paralysies où ce 1 gr. de fleurs d’arnica.) mode d’administration est préférable, la | A L’EXTÉRIEUR. — Feuilles et fleurs en cata- dose peut être portée progressivement à 12 plasme; en poudre, comme sternutatoire, Les effets primitifs de l’arnique, administrée à une assez forte dose, ont lieu sur les voies digestives, qu’elle irrite plus ou moins; les effets secondaires se produisent par une excitation sur le cerveau et le système nerveux. Les pre- miers se manifestent assez promptement par un sentiment de pesanteur, de l'anxiété dans la région épigastrique, de la cardialgie, des démangeaisons à la peau, des nausées, des vomissements, des coliques, des évacuations al- vines, une hypersécrétion salivaire, des sueurs froides ; les seconds par des étourdissements, de la céphalalgie, des tremblements et des mouvements Con- vulsifs dans les membres, des secousses analogues aux commotions électri- ques, avec difficultés de locomotion, un sentiment de constriction au dia- phragme, une dyspnée plus ou moins intense, le délire, de l’abaissement dans la vitesse du pouls, qui devient plus plein, etc. Le nombre et l'intensité de ces symptômes sont proportionnés à la dose ingérée. A grande dose, l’arnica produit des accidents, des hémorrhagies, des déjections sanguinolentes, un trouble extrème dans l’innervation, des sueurs froides et même la mort. (C’est évidemment un excitant du système cérébro- spinal.) La doctrine du controstimulisme considère l’arnique comme un puissant hyposthénisant. Les médecins français, qui ont adopté quelques points de cette doctrine avec réserve, la regardent au contraire comme un excitant énergique. Son action immédiate sur l’estomac la rapproche del’ipécacuanha, de l’asaret, du poligala, de l’asclépiade, de la bétoine, des euphorbes, elc., et ses effets secondaires sur les centres nerveux offrent de l’analogie avec la noix vomique. C’est ce que tendrait à prouver une observation intéressante publiée par Turck, de Plombières (1). (Un fait récent (2) semblerait vouloir faire établir un antagonisme entre l’arnica et l’opium. Ce dernier aurait pu servir de contre-poison dans un empoisonnement par la teinture d’arnica, prise par erreur. Cela demande d'autant plus d’être contrôlé que je n’ai pas reconnu dans la description des phénomènes d’intoxication des symptômes analogues à ceux que nous venons d’énumérer. Rappelons-nous cependant que déjà Stoll tempérait l’action de cette plante par l’administration des opiacés.) (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, t. I, p. 571. (2) The Lancet, décembre 1864. 86 ARNICA. L'arnica, considéré sous le rapport de ses effets thérapeutiques, a été l'objet d'essais multipliés, dont les résultats laissent encore beaucoup à dési- rer. « On doit considérer l’arnique, dit Gilibert, comme tonique et apéritive donnée à petite dose, et comme émétique, purgative, diurétique, sudorifique et emménagogue, donnée à plus grande dose. » Cette plante à été employée contre les accidents résultant de chutes, de commotions, de contusions, d’extravasions sanguines, ete. ; contre les fiè- vres muqueuses et putrides, les fièvres intermittentes, la dysenterie, les ca- tarrhes chroniques, l'asthme humide, l’æœdème, certaines paralysies, l’amau- rose, la chorée, le rhumatisme, et une foule d’autres maladies que l’on est étonné de rencontrer sur la même ligne, tant elles sont dissemblables sous le rapport des indications curalives qu’elles présentent. « Les auteurs les plus dignes de foi, dit Biett, émettent souvent les opi- pions les plus opposées sur la même substance ; louée par les uns avec exa- gération, elle est repoussée avec dédain par les autres : c’est ce qui a eu lieu pour l’arnique. Introduite et préconisée depuis plus d’un siècle par Febr, cette plante ne tarda point à acquérir une grande réputation en Allemagne ; mais On Ini contesta bientôt les propriétés merveilleuses qu’on lui avait ac- cordées (1). » Si l’on a célébré sans réserve les vertus de l’arnica, la raison et l’expé- rience nous disent qu’on l’a rejeté sans examen : Periculosum est credere et non credere. ; . L'arnique est douée de propriétés réelles. Il s’agit seulement de bien pré- ciser les cas où son emploi thérapeutique peut être utile et ceux où il peut nuire. C’est par son application empirique ou irrationnelle que cette plante énergique est tombée dans le discrédit. Il eût fallu, dans tous les cas, tenir compte, comme sources d'indications diverses et souvent opposées, de la complexité des éléments morbides résul- tant du tempérament du malade, de la prédominance de tel ou tel appareil d'organes, des périodes de la maladie, des accidents qui la modifient, de l'influence du climat, et de celle des épidémies et des endémies, etc.; toutes choses auxquelles la thérapeutique est subordonnée et qui expliquent com- ment l’arnica a pu être utile ou nuisible dans la même maladie, selon les circonstances, l’opportunité ou l’inopportunité de son administration ; com- ment les opinions contraires, émises avec bonne foi de part et d'autre sur les propriétés de cette plante, peuvent se concilier sous l'œil scrutateur du praticien judicieux et exercé. - Les propriétés vulnéraires de l’arnique ont été célébrées avec enthousiasme. Meissner (2) l’a recommandée comme telle dans les chutes, les contusions avec ecchymoses, les collections de sang caillé, ete. Il l'appelle panacea lapsorum, d’où lui est venu le nom d'herbe aux chutes. On l’emploie en cette qualité à l'extérieur et surtout à l’intérieur. Comment constater les effets de cette plante dans les chutes, les contusions, etc.? Ne sait-on pas que la nature dis- sipe souvent les suites de ces accidents sans le secours de l’art? Et d’ailleurs, dans ces cas, ne vaut-il pas mieux avoir recours à la saignée et aux anti- phlogistiques qu’à ces prétendus vulnéraires, qui n’ont souvent d’autre action que celle qu'ils exercent sur l’imagination des malades ? Toutefois, nous de- vons dire que dans certains Cas, qu’il est nécessaire de distinguer, l’arnica a pu être utile. « Quand, à la suite d’une chute sur la tête, dit Desbois, de Rochefort, on craint un amas de sang ou de sérosité, on peut employer ce remède avec confiance, après une ou deux saignées, si elles sont nécessaires ; il convient même quand les dépôts séreux ou purulents sont formés. On en fait beau- (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. IE, p. 302, (2) De arnica dissertatio. Prague, 1736, ARNICA, 87 coup usage à l'Hôtel-Dieu, et presque toujours avec succès, quand il n’y a pas fracture ni nécessité de trépaner. » Il est probable que l’arnica était employé ici à dose nauséeuse ou laxative, et qu'il agissait alors comme ré- vulsif, à la manière de l’émétique en lavage, que Desault donnait avec plus d'avantage en pareil cas, et dont on a toujours depuis reconnu l'efficacité. Si après une chute le malade se trouve, par leffet de la commotion, dans un état d’anéantissement se rapprochant de la stupeur, avec pâleur, petitesse du pouls, etc., l’arnica, non à titre de vulnéraire, mais comme excitant, peut être avantageux. Une fois la réaction obtenue, il faut avoir recours à une médicalion opposée, c’est-à-dire aux antiphlogistiques et principalement à la saignée. Roseinsten conseille sagement, dans les chutes graves, de faire précéder l'emploi de l’arnica de celui de la saignée. Inconsidérément administrée, cette plante peut occasionner les accidents les plus graves, ainsi que nous en avons rapporté un exemple en parlant de son action physiologique et toxicologique, et comme l’a vu Alibert (1) à l'hôpital Saint-Louis, chez un homme qu’on avait gorgé d’une décoction de fleurs d’arnique après une chute; il éprouva des vomissements opiniâtres, des vertiges, des convulsions, et on ne parvint à calmer ces symptômes alarmants qu’au bout de quelques jours. Un fait semblable s’est présenté à mon observation l’année dernière, chez le nommé Duminy, emballeur de la douane, âgé de 69 ans, lequel après une chute de 5 à 6 mètres de hauteur, dans la vase du port, sans autre acci- dent qu'un sentiment de brisement général, avait pris le soir même 30 gram. de fleurs d’arnica en décoction dans deux verres d’eau. Il éprouva immé- diatement des symptômes tellement graves qu’il se crut atteint du choléra, qui alors régnait à Boulogne. Des efforts de vomissement, une anxiété ex- trème, un sentiment de constriction vers le diaphragme, de la pâleur, une sueur froide, un pouls petit et fréquent, des mouvements convulsifs dans les membres, alternant avec le tremblement de tout le corps, tels étaient les effets de cet empoisonnement. Je prescrivis l’ingestion d’une grande quan- tité d’eau tiède, 10 centigr. d'extrait gommeux d’opium dans une solution mucilagineuse, à prendre par cuillerées plus ou moins rapprochées suivant l'intensité des symptômes ; de plus, un bain tiède général, suivi de frictions répétées sur toute l'étendue du tronc, et notamment sur la région rachi- dienne, avec la teinture alcoolique de belladone. Ces moyens calmèrent peu à peu les symptômes. Le malade néanmoins ne put être considéré comme hors de danger qu'après trois jours de soins continuels. L’arnica a été employé avec succès dans.les fièvres muqueuses, adynami- ques, putrides, par Stoll. Cet habile observateur affirme, avec la bonne foi qui le caractérise, que les effets de l’arnica ont surpassé son attente, et qu'aucun autre moyen ne lui a procuré autant de succès dans ces maladies, à raison de l'excitation prompte et durable que cette plante imprime aux organes. Il en faisait usage lorsque les viscères étaient exempts d’inflamma- tion, le pouls à l’état à peu près normal et les forces abattues. Colin (2) a beaucoup employé l’arnica dans les fièvres putrides, et en a obtenu des ré- sultats avantageux. J.-P, Franck approuve son emploi dans la diarrhée sym- ptomatique du typhus. . C’est surtout dans cette forme de fièvre typhoïde, caractérisée par l’enduit fuligineux de la langue, la prostration des forces, le délire obscur, le pouls “faible, petit, accéléré ou à l’état normal, que l’arnica convient. Je l’ai vu em- ployer avec succès dans les hôpitaux de l’armée, pendant la campagne de 1809, en Allemagne, contre la fièvre putride qui sévissait alors d’une ma- nière générale. Depuis, je l’ai souvent mis en usage dans les mêmes cas, en (1) Dictionnaire des sciences médicales, 1. II, p. 304. (2) Arnicæ in febribus et aliis morbis putridis, etc. Vienne, 1775. 88 ARNICA. l’associant, le plus souvent, à la racine de valériane et à celle d’angélique. Je fais verser la décoction bouillante de fleurs d’arnica et de racine de valériane, faite à vase clos, sur la racine d’angélique ; j'édulcore avec le sirop d’écorce d'orange, et quelquefois j'ajoute un peu de vin blanc. Le malade prend de cette tisane à doses modérées, mais fréquemment répétées. Administré de cette manière, l’arnica détermine rarement le vomissement et la douleur gastrique, et il n’en est pas moins efficace, quoi qu’en disent les médecins qui regardent ces manifestations comme favorables à l'excitation générale que l’on veut produire. Cette excitation est même plus durable quand elle est obtenue plus graduellement et sans douleur; car il est bien évident que la douleur, surtout quand elle à son siége dans les organes digestifs, épuise les forces au lieu de les relever. Je pense néanmoins que l’arnica réussit moins en infusion légère, comme le recommandent quelques médecins (1), que lorsqu'il est administré en décoction rapprochée. Mais c’est toujours progressivement et à petites doses fréquemment répétées que cette décoction doit être mise en contact avec la muqueuse gastrique : il faut toujours en surveiller l’effet. Murray recommande l’arnica associé au camphre , lorsque la gangrène vient se joindre aux autres accidents typhoïdes. L'arnica ne convient pas aux tempéraments nerveux. On doit s'abstenir de son emploi dans les fièvres caractérisées par l’excitation cérébrale et l’ataxie ; mais il peut être utile dans l’état soporeux résultant d’une congestion passive vers le cerveau. C’est ainsi que je l’ai vu réussir dans la stupeur succédant au choléra épidémique, et que l’on peut avec raison attribuer à une réaction rendue incomplète, d’un côté, par l'insuffisance de l’innervation, de l’autre, par la coagulation et la stagnation du sang privé de sa partie séreuse. Dans ces cas, une impression brusque sur les organes, dont les actes fonctionnels s’anéantissent comme par une sorte de sidération, peut se transmettre aux centres nerveux, les faire réagir, et vaincre ainsi l’obstacle mécanique qui s’oppose au rétablissemet de la circulation. Worms (2) a employé avec succès, contre ce qu’il appelle la période cormateuse du choléra, des lotions composées d’infusion d’arnica, 100 gr.; alcooi camphré, 150 gram.; ammoniaque, 15 à 20 gram.; hydrochlorate d’ammoniaque, 45 gram. Reste à savoir la part que prend ici l’arnica. On a préconisé l’arnica dans les fièvres intermittentes. Stoll, qui l’appelait le quinquina des pauvres, employait les fleurs de cette plante dans les fièvres quartes ; il en composait un électuaire avec le sirop d’écorce d’orange, dont le malade prenait, gros comme une muscade, quatre fois par jour. Cette dose causait une sorte de révulsion sur les voies digestives, manifestée par de vives douleurs d'estomac, des sueurs froides, un pouls grand, plein, ra- lenti. Ces accidents, que l’on considérait comme nécessaires, se calmaient promptement par l’administration de l’opium, lorsqu'ils étaient portés à un trop haut degré d'intensité. Colin (3), Joseph Franck, Aaskow (4), Barbier d'Amiens, Double ()5, Deiman, Voltelen, Kerckhoff, etc:, ont également constaté les propriétés fébrifuges de la plante qui nous occupe. Les paysans (1) L’illustre nosographe Pinel donnait l'arnica à la dose de 5 gr. infusés dans un kilo- gramme d’eau contre les fièvres adynamiques; on se contentait alors de grouper des symp- tômes, de créer, de classer et de diviser des entités morbides; on mettait, pour ainsi dire, la nature en compartiments, que l’art de guérir, dédaigné, ne devait point déranger. On étu- diait la médecine comme on étudie l’histoire naturelle; mais on ne traitait point les malades. La thérapeutique de Pinel, toujours insuffisante ou nulle, était d’autant plus déplorable, qu’elle’ se présentait aux nombreux élèves de ce professeur sous l’apparence imposante du doute philosophique. (2) Journal des connaissances médico-chirurgicales, août 1849. (3) Annales médicales, t. IX, p. 143. 14, Soc. Hann. Collect. (5) Journal général de médecine, t XXIV. ARNICA. 89 danois, au rapport de Murray, se guérissent des fièvres intermittentes en prenant, deux heures avant l'accès, une infusion saturée de fleurs d’arnica. « Je ne proclamerai point, dit Chaumeton, avec la même confiance Îles succès de l’arnica dans le traitement des fièvres intermittentes, parce que les tentatives de Donald Monro, de Bergius, de Wauters, ont été, comme les miennes, trop souvent infructueuses.» Wauters, qui a expérimenté celte plante dans l'hôpital de Gand, et dont le zèle pour la recherche des suecé- danés du quinquina est connu, s'exprime en ces termes : Licet arnica hic aliis febrifugis fuerit adjuncta, equidem statuere valemus ab ea non multum boni in his febribus expectandum esse. Gilbert a trouvé que, dans les fièvres intermittentes et rémittentes, l’ar- nica diminue seulement l'intensité des accès et augmente les sueurs criti- ques. Je n'ai pas été beaucoup plus heureux que ce praticien. Toutefois, je dois dire que dans un cas de fièvre double-tierce par récidive, avec œdé- matie des extrémités inférieures, gonflement de la rate, débilité, sans irri- lation gastrique, observé, en novembre 1851, chez un cultivateur qui avait été atteint de fièvre lierce négligée pendant le printemps et une partie de l'été, j'ai obtenu une grande amélioration par l’emploi de la poudre de fleurs d’arnica à la manière de Stoll. L’æœdème se dissipa, l’engorgement splénique diminua de près de moitié dans l’espace de dix jours, le stade de froid fut beaucoup moins intense, la sueur plus abondante; mais l’accès ne fut entièrement coupé qu’à l’aide d’un vin concentré d’absinthe et d’écorce de saule, dont l'usage, continué pendant quinze jours, rétablit compléte- ment le malade. : (L'’arnicine représente peut-être le principe amer antipériodique de l’ar- nique ; il serait, ce nous semble, utile d'entreprendre des expérimentations à ce sujet.) Comme excitant de l’action nerveuse cérébro-spinale, l’arnica a été pré- conisé dans les paralysies. Quand ces maladies sont susceptibles de guéri- son,.ce médicament agit à la manière des préparations de noix vomique. Les malades éprouvent des douleurs dans les yeux, des fourmillements dans les membres, des tiraillements, une chaleur vive, et ces effets sont presque toujours d’un heureux présage. L'arnica, d’après J.-C. Franck, est surtout utile si la maladie est ancienne, si elle est l’effet d’une seconde attaque d’apoplexie, si le malade est épuisé, si le pouls est mou et la face pâle. Colin dit qu'il faut attendre qu'il n’y ait plus de fièvre ou qu’elle soit bien diminuée, et joindre alors le nitre à l’arnica. Rogery (1) cite le cas très-remarquable d’une jeune femme qui, à la suite d’une fièvre mal jugée, éprouvait une sorte d’engourdisse- ment et un état d’impuissance dans les membres inférieurs. Ce médecin lui prescrivit la décoction de fleurs d’arnica et l'extrait de ces mêmes fleurs, qu'on faisait dissoudre dans l’eau de menthe édulcorée avec le sucre. Comme il n’avait pas obtenu tout le succès désiré, :l donna les fleurs pulvé- risées de cette plante dans suffisante quantité de miel, et bientôt la malade éprouva des fourmillements et des douleurs auxquelles succéda la restitu- tion complète du mouvement et de la sensibilité. Korubeck vante l’usage de l’arnica dans les paralysies d’origine mercurielle. «Il va sans dire, ajoute avec raison Martin Lauzer (2), que cette plante ne conviendrait que dans les paralysies nerveuses, de nature asthénique, quel qu’en fût le siége. » Thielmann a donné avec succès, dans le tremblement des doreurs (3), Jl'infusion d’arnica : 12 gr. dans 200 gr. d’eau; — une cuillerée à bouche toutes les heures. (1) Recueil périodique de la Société médicale de Paris. (2) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 2e série, t. IT, p. 123. (3) Journal de médecine et de chirurgie prat'ques, t. XVII, p. 26. 90 ARNICA. Les rétentions d'urine par atonie de la vessie, chez les vieillards, ont été efficacement combaltues par l’arnica. Kluyskens en à obtenu le succès le plus complet chez trois malades dont l’inertie de la vessie durait depuis quatre-vingts à cent jours. Remer (1) s’est bien trouvé du même médica- ment dans des cas analogues. Colin prétend avoir guéri plusieurs amauroses au moyen de l’administra- tion des fleurs d’arnica. Murray, Scarpa, ont obtenu de grands succès de la teinture d’arnica dans les amauroses légères et nerveuses. Suivant Schmuc- ker, il échoue constamment dans l’amaurose arrivée peu à peu à son plus haut degré d'intensité. Il est bien difficile, pour une maladie dont le dia- gnostic était alors entouré de tant d’obscurité, d’avoir des données exactes sur l'efficacité d’un traitement. Escolar (2) à publié trois faits tendant à prouver les propriétés de l’arnica contre l’héméralopie; mais comme ce médicament a été employé concur- remment avec d’autres moyens, tels que les frictions mercurielles cam- phrées et belladonées, la valériane, l’oxyde de zine, etc., il n’est pas pos- sible d’en distinguer ici les effets. L'arnica a guéri, suivant Murray, le tremblement des membres ou de la langue, l’opisthotonos, les convulsions de la tête, le spasme cynique, les soubresauts des membres. Vitet prescrit le traitement suivant comme le plus efficace contre la chorée : «Fleurs de bétoine de montagne (arnica) de- puis 10 grains (50 centigr.) jusqu’à 30 (1 gr. 50 centigr.), à délayer dans une petite verrée d’infusion de fleurs de tilleul, à prendre le matin à jeun; réitérez pareille dose sur-les cinq heures du soir; infusion de bétoine de montagne depuis 4 drachme (4 gr.) jusqu’à 2 (8 gr.), dans 1 livre (500 gr.) d’eau pour lavement, à administrer avant la première prise de bétoine. Ne soyez point étonné de voir les fleurs de bétoine exciter, les premiers jours, un léger vomissement; l'estomac se fait à l’action de ce remède, et le vo- missement cesse; alors augmentez par degrés presque insensibles, en bois- son, la dose des fleurs de bétoine jusqu’à 1 drachme 1/2 (6 gr.) au plus par jour... Toutes les méthodes proposées jusqu’à ce jour, dit Vitet, ne l’em- portent point sur la bétoine de montagne. » Cest là un jugement trop absolu; tout est relatif en médecine. Si aux désordres nerveux qui caracté- risent les affections dont nous venons de parler se joint l’asthénie des or- ganes, l’arnica pourra réussir; mais s’il y a prédominance du système sanguin, Congestion cérébrale, angioténie générale ou irritation phlegma- sique occupant un organe ou un appareil fonctionnel important, ce médica- ment sera évidemment nuisible. Nous nous dispenserons de retracer l’énumération des diverses maladies de poôttrine dans lesquelles Murray vante la vertu incisive et résolutive de l’arnica ; mais nous dirons, avec Roques, que les propriétés nauséeuses de ce végétal ont plusieurs fois triomphé de catarrhes opiniâtres. Dans ces cir- constances, on mêle avec avantage une certaine dose de fleurs d’arnica aux fleurs pectorales, de manière à produire des effets nauséeux. On doit conti- nuer ce moyen avec quelque persévérance. L’arnica n'a pas été moins heu- reux, selon le médecin que nous venons de citer, dans quelques cas de pneumonie où les forces vitales abattues font craindre que la crise ne soit importante, comme dans la pneumonie ataxique. On administre alors, dit Roques, l’infusion ou la décoction des fleurs avec l’extrait de quinquina ; cette composition excite le système général des forces, ranime l’action pul- monaire et favorise l’expectoration. Dans le catarrhe suffoquant, Hufe- land, après la saignée et le vomitif, employait avec succès la décoction de racine d’arnica. J'ai guéri promptement un catarrhe pulmonaire chro- (1) Schubarth’s Receptlaschenbuch. Berlin, 1828. (2) Boletin de med. cir. y farm., 1852. ARNICA, 91 nique, avec expectoration très-abondante, revenant périodiquement chaque automne depuis cinq ans, chez une dame âgée de soixante-douze ans, par l'administration simultanée de la poudre de fleurs d’arnica et de semence de phellandre aquatique, à doses graduellement augmentées jusqu’à celle de 2 gr. de chaque substance par jour. « ...... Lorsque nous voyons, de nos jours, Gintrac, de Bordeaux, prescrire le tartre stibié à haute dose (et alors il agit comme nauséeux) dans les catarrhes chroniques (1); le professeur Broussonnet, de Montpellier, donner l’infusion concentrée d’ipécacuanha à haute dose également dans la pneumonie des vieillards et le catarrhe chronique (2); et, enfin, le profes- seur Cruveilhier donner de la tisane d’ipécacuanha dans les phlegmasies pulmonaires, nous ne pouvons nous empêcher de faire cette remarque, que l’on revient souvent de nos jours aux mêmes ordres de moyens que ceux qu’employaient les anciens. Qui ne voit que l’arnica produisait, par ses pro- priétés nauséeuses, des effets analogues à ceux que l’on obtient d’une ma- nière seulement plus certaine de l’ipécacuanha? Maintenant, ce dernier donne-t-il plus ou moins de ton que l’arnica aux capillaires bronchiques pour se débarrasser des mucosités ? C’est ce que l’expérience comparative pourrait seule décider (3). » Gentil, d’Amorbach (4), rapporte que dans une épidémie de coqueluche, qui à régné il y a quelques années dans sa localité, épidémie dans laquelle tous les moyens les plus vantés comme spécifiques ne produisirent aucun bon résultat, et ne laissèrent que trop souvent la maladie emporter les petits malades, il n’y eut qu’un seul moyen qui lui rendit de bons services : la racine d’arnica montana. Il prescrivait ordinairement celui-ci à la dose de 1/2 gros (2 gr.) à 1 gros (4 gr.) pour une décoction à ramener à 4 onces de colature ; cette dose devait être prise dans la journée. Stoll n'hésite point à accorder à l’arnique le titre de spécifique de la dysenterie. Il s'appuie sur des faits incontestables, et désigne avec sa saga- cité habituelle les cas où elle lui a réussi. Dans la dysenterie, dit Hufe- land, si la maladie prend un caractère putride, ce qu'on reconnaît à la faiblesse extrême et à l’odeur cadavéreuse des déjections, les meilleurs moyens à employer sont le vin et la racine d’arnica (15 décigr. de la poudre toutes les deux heures, ou 15 gr. bouillis dans assez d’eau pour obtenir 500 gr. de colature). On doit surtout l’opposer, dit Roques, à ces diarrhées énervantes, à ces flux dysentériques opiniâtres qui, dans la troisième pé- riode du typhus, menacent d’éteindre entièrement les forces de la vie. J'ai eu fréquemment occasion de constater les bons effets de l’arnica en pa- reilles circonstances. Barthez à recommandé l’arnica dans le traitement de la goutte. Roques dit qu'on ne doit l’employer dans cette affection que pour favoriser les sueurs critiques, lorsque la nature paraît choisir ce mode de solution. Il est encore une foule de maladies contre lesquelles on a employé ou proposé l’arnica, sans en expliquer rationnellement l’action spéciale. Nous citerons l’ictère avec congestion, l’inflammation du foie avec pétéchies, les suppressions des règles et celles des lochies, la ménorrhagie avec rétention de caiïllots, les engorgements de la rate, la néphrite calculeuse, etc. (C’est ainsi que Sébastien, cité par Bouchardat (5), croit devoir à l'emploi de l’alcoolature d’arnica l’immunité quant à la fièvre puerpérale de deux cent quatre-vingt-sept accouchées soumises à son observation.) (1) Journal des connaissances médico-chirurgicales, février 1846 et décembre 1847. (2) Même journal, 1° février 1851. (3) Martin Liuzer, Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1862, p. 122. (4) Journal de médecine de Bruxelles, janvier 1856. (5) Annuaire de thérapeutique, 1861, p.80. 92 ARRÊTE-BOEUPF. Liedbeck, d'Upsal (1), prescrit avec avantage, contre les varices des femmes enceintes, l’arnica à l’intérieur. Il fait infuser 1 gr. de fleurs d’ar- nica dans 250 gr. d’eau, et y ajoute quelques grammes d’alcool. IL fait prendre une cuillerée à bouche de cette infusion quatre fois par jour. L'effet ordinaire de cette médication est, dit-on, la diminution des douleurs qu'occasionnent les varices et la disparition graduelle de ces tumeurs. I] faut convenir que c’est là une propriété aussi merveilleuse qu'inexplicable, L'arnica est mis en usage à l'extérieur comme résolutif, stimulant, anti- septique, sternutatoire, ete. La fomentation résolutive de Rosas, contre les ecchymoses des paupières, est composée d’une infusion de fleurs d’arnica et de sommités de romarin dans le vin rouge. Hufeland prescrit, contre l’induration du tissu cellulaire des nouveau-nés, des fomentations avec l'in- fusion d’arnica. (Pendant mon internat à l'hôpital Sainte-Eugénie, dans le service de R. Marjolin, nous avons très-fréquemment obtenu avec rapidité (trois semaines environ) la résolution de cœphalamatomes volumineux par l’application bi-quotidienne d’un linge imbibé de teinture d’arnica.) Szer- lecki vante la teinture alcoolique étendue de quatre fois son poids d’eau, en application sur les tumeurs hémorrhoïdales douloureuses. Cette teinture doit être préparée avec le suc fraîchement exprimé de la plante. J'ai appli- qué avec avantage sur les ulcères sordides et gangréneux le mélange de par- ties égales de poudre de racine d’arnica et de camphre. (Talley (2), a recours aux embrocations d’arnica dans les douleurs articu- laires et musculaires.) | Les paysans des Vosges se servent des feuilles et des fleurs sèches d’ar- nica en guise de tabac. L'extension que j'ai donnée à cet article est justifiée par le désir de réha- biliter une plante qui est loin de mériter la proscription dans laquelle elle languit depuis longtemps. Si les médecins allemands ont exagéré les pro- priétés de l’arnique, les médecins français l’ont trop dépréciée. Trousseau et Pidoux ne l’ont pas jrgée digne de figurer dans leur excellent traité de thérapeutique et de matière médicale (5° édition). (Actuellement, il se fait une réaction en sà faveur, et son emploi tend à se généraliser.) ARRÊTE-BŒUF. Ononis spinosa. Ononis, sive resta bovis. BAUH. — Ononis spinosa, flore purpureo. PARK., ToURN. — Ononis arvensis. LAM. Bugrane, — bougrane, — bougrande, — bugrave, — chaupoint, — tenon, — herbe aux ânes. LÉGUMINEUSES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. L’arrête-bœuf (PI. V) est une plante vivace qui croît partout en France, surtout dans les lieux incultes, les pâturages médiocres, les terrains sablon- neux, les champs incultes, sur les bords des chemins. Les moutons, les chevaux et les cochons la refusent; les vaches et les chèvres la broutent, ainsi que les ânes, qui, dit-on, aiment en outre à se vautrer sur cette plante. Description. — Racine brune à l'extérieur, présentant des rayons médullaires très-apparents, pouvant atteindre la grosseur du doigt, longue de 6 centimètres et plus, rampant sous le sol, et par son extrême tenacité arrêtant parfois tout court la charrue, de là le nom d’arréte-bœuf. — Tiges de 30 à 60 centimètres, dures, couchées ou étalées, à rameaux avortés-épineux, pubescentes et légèrement visqueuses. — Feuilles inférieures trifoliées, pétiolées, composées da folioles ovales-obtuses, dentées, striées, vertes, légèrement pubescentes, les supérieures simples, stipulées et finement dentées. — Fleurs roses, quelquefois blanches, axillaires, à pédoncules courts, soli- (1) Journal de médecine et de chirurgie pratique, 1846, p. 26. (2) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1860, p. 80. ARRÊTE-BOŒUF. 93 laires ou géminées, disposées en grappes feuillées terminales (juin-septembre). — Calice velu, monophylle, à cinq divisions linéaires. — Corolle papilionacée, à étendard très-ample, rayé de lignes plus foncées, dépassant les ailes ; carène prolongée en bec. Dix étamines monadelphes ; ovaire supérieur ovale, verdâtre, surmonté d’un style fili- forme, que termine un stigmate simple et obtus. — Fruit: gousse ou légume court, renflé, velu, uniloculaire, bivalve, dépassé par les divisions du calice, contenant des graines réniformes. Parties usitées.— La racine, les feuilles et les fleurs. [Culture. — On ne la cultive que dans les jardins de botanique ; elle vient mieux dans les terres légères, et se propage aisément par graines semées en place ou re- piquées. | Récolte. — On peut arracher la racine d’arrête-bœuf en tout temps. Quand elle est sèche et bien préparée, elle est blanche en dedans, grise en dehors ; sa cassure offre des rayons du centre à la circonférence, Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de la racine de bu- grane est désagréable, sa saveur douceàtre et nauséabonde, L’eau bouillante et l'alcool s'emparent de ses principes actifs, [elle renferme un principe doux analogue à la glycirrhizine; M. Hilasiwelz en a extrait un principe qu'il nomme ononine, et qui sous l'influence de la baryte se transforme en onospine; celle-ci est un glycoside, puisque sous l'influence de l'acide sulfurique elle produit de la glycose et de l’ononétine.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction (racine), 30 à | A L’EXTÉRIEUR. — Décoction des feuilles et des 60 gr. par kilogramme d’eau. | fleurs en gargarisme. Poudre, 2 à 4 gr. La racine de bugrane a été considérée, de temps immémorial, comme apéritive et diurétique. C’est principalement à l’écorce de cette racine qu’on attribuait de grandes vertus. Galien la place au premier rang des diurétiques. Simon Pauli ne connaît pas de meilleur remède contre le calcul des reins et de la vessie... Bergius dit l’avoir donnée avec succès dans l’ischurie pro- venant de la présence des calculs dans la vessie, et son illustre collègue Acrel a constaté l’action puissante de la racine de bugrane sur les organes urinaires et génitaux ; il atteste avoir vu des dysuries calculeuses, des sarcocèles, des hydrocèles, des hydrosarcocèles, entièrement dissipés ou notablement dimi- nués par ce médicament. Matthiole avait déjà rapporté l’histoire d’un homme qui, ayant continué pendant plusieurs mois l’usage de la poudre de racine d’arrète-bœuf dans du vin, fut guéri d’une hernie charnue (sarcocèle) que les médecins voulaient opérer. Plenck et Schneider ont recommandé cette ra- cine dans l’engorgement des testicules. Mayer et Gilibert la conseillent avec plus de raison dans les obstructions des viscères, dans les cachexies, la chlorose. C’est à cause de toutes ces exagérations que la bugrane est aujourd’hui presque abandonnée : un éloge non mérité fait méconnaitre les qualités réelles. Cependant cette plante ne mérite pas l'oubli dans lequel elle est tombée. Je l’ai souvent mise en usage dans les tisanes diurétiques. Je l’ai vue seule, en décoclion concentrée, dissiper une anasarque contre laquelle on avait inutilement employé les diurétiques les plus puissants, tels que la scille, la digitale, l’acétate de potasse, etc. Elle peut être très-utile dans tous les épanchements séreux, les infiltrations cachectiques, les engorgemerits hépa- tiques et spléniques, l’ictère, etc. Hildenbrand recommande une tisane anti- néphrélique composée de : racine de bugrane, 30 gram.; cau, 500 gr. réduits à 400 gr. avec addition de 15 gr. d’oxymel scillitique; à prendre une demi- tasse toutes les heures dans la gravelle, le catarrhe chronique de la vessie, la cystite à sa période de chronicité, l'engorgement de la prostate. Cette for- mule peut être employée aussi dans l’albuminurie chronique, les hydropisies, et dans tous les cas où les diurétiques stimulants sont indiqués. Je la rem- place très-bien chez les pauvres par une décoction d’arrête-bœuf et d'oignon édulcorée avec le miel. 94 ARROCHE, La propriété diurétique n’est pas exclusivement concentrée dans la racine. Dehaen rapporte l'exemple d’une guérison opérée par la décoction des feuilles. (La médecine vetérinaire l’utilise pour faire uriner les chevaux, dont l'urine devient de couleur orange après son emploi.) (IL est probable que le véhicule joue par son abondance un grand rôle dans l'action diurétique de la bugrane.) Les gens de la campagne emploient la décoction aqueuse de feuilles et de fleurs d’arrête-bœuf en gargarisme avec un peu de miel et de vinaigre dans les maux de gorge. La décoction concentrée de toute la plante à été reconnue efficace en gargarisme et en collutoire contre les ulcères scorbutiques des gencives; elle a même été utile, dit-on, dans les ulcères vénériens. Nous possédons, pour combattre ces derniers, des moyens plus énergiques et sur- tout mieux éprouvés. ARROCHE. Atriplex hortensis. L. Atripleæ hortensis alba, sive pallide virens et rubra. C. BaAuu., T. Bonne-dame, — follette. CHÉNOTODIACÉES ATRIPLICÉES. — CYGLOLOBÉES. Fam. nal. — POLYGAMIE MONOÉCIE. L. Cette plante, originaire de l’Asie, est cultivée dans les jardins pour l'usage culinaire. On la sème ordinairement en mars et avril. Elle croît rapidement. Description. — Racine droite, fibreuse, longue de 10 à 12 centimètres. — ‘Tige de 60 à 80 centimètres de hauteur, dressée. — Feuilles alternes, pétiolées, oblongues, presque triangulaires, molles, d’un blanc jaunâtre, rougeâtres dans l'espèce rubra. — Fleurs petites, verdâtres, unisexuées, dioïques, disposées en grappes terminales et axillaires (juin-juillet). — Cinq étamines, deux styles. — Fruit comprimé, petit akène recouvert par le calice, valves des périgones ovales-arrondies, un peu aiguës et comme réticulées. Parties usitées. — Les feuilles et les fruits. [Culture.— L'arroche est cultivée dans les jardins, où elle est connue sous le nom d’épinards rouges ; on en mange les feuilles ; on la propage par graines semées en terre légère au printemps. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — En décoction, de 30 à 60 gr. A L'EXTÉRIEUR. — En cataplasmes, en lave- par kilogramme d’eau. ments, etc. { Fruits (comme éméto-cathartique), de 2 à | Le fruit entre dans la poudre de guttète. 8 gr. : Les feuilles d’arroche sont émollientes ; ces feuilles, d’une saveur douce, fade, se mangent cuites, seules ou mêlées à celles d’épinard. On en met dans les bouillons de veau et de poulet, que l’on prescrit dans les maladies inflam- matoires des organes digestifs et des voies urinaires. «La bonne-dame, la laitue, la poirée, l’oseille et le jarret de veau, voilà, dit Roques, de quoi faire de l’excellent bouillon. En le continuant trois ou quatre jours, on sera dis- pensé de prendre médecine.» En y ajoutant de la mercuriale, je produis con- stamment un effet laxatif, On les emploie aussi en cataplasme et en lavement. Le fruit est éméto-cathartique. Matthiole (1) cite un apothicaire qui en donnait environ un gros (4 gram.) aux paysans. Ces graines « leur lachaient le ventre non sans grande fàcherie et les faisaient grandement vomir. » Rivière les prescrit en décoction comme un doux vomitif. Geoffroy lui attri- bue la même vertu; et Wauters la propose comme succédané de l’ipéca- cuanhba à la dose de 8 gr. et plus, en infusion théiforme. Gilibert a voulu en faire l’épreave sur ;ui-même ; 4 gram. n’ont produit ni purgation, ni nausées, ni flatuosités. Le même jour il a doublé la dose sans en éprouver le moindre 4) Comment. sur le livre de Diosc., in-f, p. 295. ARTICHAUT, 95 effet. Ce fait isolé, peut-être sous la dépendance de l’idiosyncrasie, ne prouve rien, Je l’ai essayé, d’après le rapport de quelques campagnards qui en avaient fait usage comme vomitif au début des fièvres tierces. Employé à la dose de 2 à 4 gram. légèrement contuse, et mis pendant une heure dans un verre d’eau, il a produit trois à cinq vomissements et autant de selles ; mais, dans d’autres cas, 1l a été moins régulier dans ses effets ; il a produit de l’an- xiété, des coliques, sans amener d’évacuations suffisantes. Je l’ai abandonné, comme peu certain, et ne pouvant remplacer l’ipécacuanba ni le tartre stibié. Toutefois, si dans un cas d'urgence, à la campagne, on était privé de ces émétiques, on pourrait avoir recours au fruit d’arroche, que l’on trouve dans presque tous les jardins.” ARTICHAUT. Cynara scolymus. L. Cynara hortensis aculeata. BAUH., T. — Scloymus. Droscor. SYNANTHÉRÉES. — CYNARÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYG. ÉGALE. L'artichaut, plante vivace, cultivé dans nos jardins comme plante potagère, est originaire du midi de l’Europe ; il redoute les hivers rigoureux. Dans l’état sauvage, l’artichaut a le port de nos chardons ; c’est à la culture qu'il doit le développement considérable qu’il acquiert. On ignore l’époque où l’horti- culture en a fait la conquête. D’après Athénée (1), les Grecs le mangeaient sous le nom de Kynara. Deseription. — Racine grosse, longue, ferme, fusiforme. — Tige droite, épaisse, cannelée, cotonneuse, haute de 60 à 90 centimètres. — Feuilles alternes, très-grandes, armées d’épines que la culture fait disparaître, profondément découpées, d’un vert cen- dré en dessus, blanchâtre et tomenteuses en dessous ; involucre renflé à sa base, com- posé d’écailles épaisses, imbriquées, charnues ; réceptacle charnu, hérissé de soies. — Fleurs (fleurons) d’un pourpre azuré, disposées en tête volumineuse, souvent solitaire ; tube de la corolle très-long, fusiforme, à limbe divisé en cinq lanières très-étroites, dressées, conniventes ; anthères terminées supérieurement par un appendice très-obtus. — Fruits couronnés par une aigrette plumeuse, sessile. Parties usitées. — Involucre, réceptacle, feuilles, tiges, racines. — La culture et la récolle des artichauts sont trop connues pour que nous ayons à nous en occuper. [Culture. — On multiplie le plus souvent les artichauts par éclats de pied; à l’entrée de l'hiver on coupe les feuilles et on les recouvre, ou bien on les rentre à la cave; on peut faire aussi des semis en février ou en mars sur couche tiède ou sous chàs- sis ou en pots pour mettre en place en mai et juin, ou bien enfin on sème en place à la fin d'avril | Propriétés physiques et chimiques. — L'artichaut contient beaucoup de tannin et un principe très-amer. Les fleurs caillent le lait, sans donner de mau- vaise qualité au petit-lait ; aussi les Arabes s’en servent-ils pour la fabrication de leurs fromages. [On emploie le plus souvent à cet usage la chardonnette ou fleur du cynara cardunculus, dont on mange les pétioles sous le nom de cardons; en traitant les feuilles d’artichaut par l’eau à l’ébullition et faisant évaporer, reprenant l'extrait par l'alcool à 33° C. et faisant réduire en consistance pilulaire, on obtient une masse ressemblant à l’aloès, ayant son goût, sa cassure vitreuse et formée en grande partie d’une matière analogue à l'aloétine que Guitteau, qui la découverte, nomme cynarine. | Substances incompatibles : le sulfate de fer. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction des racines ou des | Teinture alcoolique (1 kilogr. de feuilles dans feuilles, 2 kilogr. d'alcool. — 15 jours de macéra- Suc exprimé, 30 à 100 gr. tion), 8 à 30 gr. trois fois par jour. Extrait, 60 centigr. à 15 gr., suivant l’indi- cation. La racine, la tige, les feuilles, etc., de l’artichaut, sont amères, toniques, (1) Banquet des savants. 96 ARTICHAUT. diurétiques. La substance charnue qui forme la base des écailles de l’invo- lucre, et le réceptacle, sont employés comme aliment. Les artichauts jeunes et tendres ont une saveur agréable qui devient âpre à mesure que la maturité s'avance ; ils ne peuvent plus alors être mangés crus à la poivrade ; mais la cuisson leur fait perdre leur âpreté et leur consistance trop solide. L'artichaut se digère facilement et nourrit assez bien. Loin d’engendrer des sucs bilieux et mélancoliques, comme le prétend Galien, il ramène l’ap- pétit, convient à l’homme sédentaire, aux convalescents, aux valétudinaires. Les racines d’artichaut ont été signalées comme diurétiques et apéritives. J'ai vu des paysans employer avec succès, comme recette de famille, la dé- coction de racine d’artichaut dans le vin blanc contre l’hydropisie, la jaunisse et les engorgements abdominaux qui accompagnent ou suivent les fièvres intermittentes. Le suc des feuilles, à la dose de 30 à 100 gram. dans un verre de vin blanc, est aussi mis en usage dans les mêmes cas. Wilson (1) affirme avoir obtenu de bons effeis du sue épaissi d’artichaut dans les hydropisies provenant d’une affection hépatique, et qui avaient resisté à beaucoup d’au- tres remèdes. Montain (2) a employé l'extrait d’artichaut avec succès comme fébrifuge. Trousseau et Pidoux ont vu employer la poudre des feuilles contre les fièvres intermittentes, par les paysans du Berry, mais ils n’en ont pas constaté eux-mêmes les propriétés. Fournier et Vaidy (3) ont obtenu des succès assez constants de la décoction de queue d’artichaut dans une épidémie de fièvres quotidiennes et tierces qui régna à Valencay et dans les campagnes environnantes. Cependant Bailly a fait un rapport peu favorable a l’Acadé- mie de médecine sur l'extrait d’artichaut que Montain avait présenté, sous le nom d'extrait cynarique, comme amer et fébrifuge. La commission ne lui à pas reconnu les vertus fébrifuges qu'on lui avait attribuées ; ce n’est qu’à la dose de plusieurs onces que l’on est parvenu, dit-elle, à supprimer les accès de fièvre; mais son amertume est tellement insupportable, qu'à cette dose les malades ne peuvent se décider à le prendre. Cependant, la commission a pensé que si l’on ne peut l’employer comme fébrifuge, il pouvait être utile comme amer. Copeman (4) dit avoir employé avec succès l’artichaut contre le rhuma- tisme aigu et chronique. 11 a donné la teinture et l'extrait des feuilles ; la première était obtenue en faisant macérer pendant quatorze jours deux livres de ces feuilles dans deux pintes d’alccol; la dose était de 8 gram. à 30 gram. trois fois par jour. « Les faits, disent Trousseau et Pidoux, ne nous semblent nullement probants, et il est bien probable que l’artichaut n'est guère plus utile dans le rhumatisme que dans la fièvre intermittente. » Il faut tenir compte ici de la prévention de Trousseau et Pidoux contre les fébrifuges indigènes. Levrat-Perroton à publié quelques faits qui constatent l'efficacité du suc de feuilles d’artichaut dans le traitement de l’ictère chronique. (De nouveaux faits publiés depuis (5) et les expériences de Capenas (de Norwich) semblent corroborer ces résultats.) Otterbourg a communiqué à la Société médico-pratique de Paris trois observations qui ont donné lieu à Aubrun et Charrier de signaler une mé- thode de guérir la diarrhée, qui est mise souvent en usage dans toutes les affections chroniques des intestins par un médecin distingué, Moissenel. « Chez un enfant de sept ans, ayant un cours de ventre depuis six mois, il prescrivit de manger quatre artichauts crus à la poivrade. L'enfant en man- (1) Conspect. des pharmaciens de Dublin, etc., p. 45. (2) Bulletin de l'Académie de médecine, 1838. (3) Dictionnaire des sciences médicales, t. XV, p. 324. (4) The London medical Gazette, 1893. (3) Abeille médicale, 1863. ARUM. 97 gea pendant cinq ou six jours ; la diarrhée avait disparu. Charrier à vu une diarrhée qui avait deux ans d’existenee cesser sous l'influence du même moyen. L'artichaut agil-il comme astringent, ainsi que Homolle paraît le croire ? Le phosphore qu'il renferme serait-il pour quelque chose dans cette propriété curative, question soulevée par Dreyfus ? Bornons-nous à signaler le fait sans en chercher l’explication (1). » (En Allemagne on à préconisé l’artichaut contre les névralgies, le scorbut, etc.) ARUM. Arum maculatum. L. Arum vulgare. T. — Arum vulgare maculatum et non maculatum. PARx. Arum commun, — pied-de-veau, — gouet, — gouet commun, — vaquette, — langue-de-bœuf, — herbe-à-pain, — racine amidonnière, — herbe dragonne. AROÏDÉES. — COLOCASIÉES. Fam. nat. — GYNANDRIE POLYANDRIE. L. Cette plante vivace (PI. VI) est très-commune dans les lieux humides, le long des haies, sur le bord des chemins, dans les bois ombragés, Description. — Rhizome arrondi, gros à peu près comme un œuf de pigeon, tubéreux, garni de quelques fibres, brunâtre extérieurement, blanc à l'intérieur, charnu et imprégné d’un suc laiteux. — Tige de 15 à 20 centimètres, cylindrique, lisse, radicale, cannelée, uniflore, tendre, spongieuse, enveloppée inférieurement par les gaines des pélioles. — Feuilles longues de 25 à 30 centimètres, sagittées, à oreilles peu divergentes, engaînant la tige par leur pétiole, luisantes, d’un beau vert, souvent marquées de taches blanchâtres ou brunes qui lui ont valu son nom spécifique, bien que ce caractère manque quelquefois. — Fleur terminant la tige, el présentant : 4° au lieu de calice, une spathe monophylle, membraneuse, très-ample, droite, terminée en oreilles d’âne, verdâtre en dehors, blanche en dedans ; 2° un spadice très-simple, beau- coup plus court que la spathe qui l’environne, d’abord blanc-jaunâtre, puis rougeätre ou pourpre-livide, fleuré à sa partie inférieure, nu à son sommet ou chaton, lequel est cylindrique, ressemblant à un pilon, se flétrissant et tombant avant la maturalion (mai). — Anthères nombreuses, sessiles, tétragones, disposées sur plusieurs rangs au centre du chaton et au-dessous de deux ou trois rangées de glandes aiguës. — Ovaires très- multipliés, à stigmate barbu entourant la base du chaton. — Fruits ou baies globu- leuses, devenant rouges en mürissant, succulentes, uniloculaires, contenant une ou deux semences dures et arrondies, et formant un bel épi serré. Parties usitées. — La racine (rhizome) et les feuilles. (Culture. — L'arum n’est cultivé que dans les jardins de botanique ; on le pro- page de graine ou de cayeux, soit encore par séparation des pieds, dont on plante les éclats en terre un peu ombragée et abritée ; les essais de culture en grand n’ont donné aucun résultat avantageux. | Récolte. — Les feuilles, étant caduques, ne peuvent être récoltées qu'avant la fructification, qui a lieu d'août à octobre. Les rhizomes s’arrachent au printemps ou à l'automne; ils demandent de la prudence quand on les emploie frais. Je ne mets en usage que la racine de l’année; plus ancienne et trop desséchée, elle est d’un effet in usage ou nul. On ne peut apprécier le plus ou moins de perte de son principe actif par la vétusté. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'analyse a démontré dans la racine d’arum, de l’eau, de la gomme, de lalbumine, une substance sucrée non cristallisable, un principe très-âcre soluble dans l'eau, un acide végétal, du ligneux, et de la fécule en grande quantité. La racine fraîche, de même que les feuilles, est d’une àcreté telle qu’elle produit dans la bouche, lorsqu'on la mâche, une saveur brûlante qui se dissipe difficilement. La dessiccation, ainsi que nous l'avons dit plus haut, lui ôte en grande partie cette acrimonie ; il n’en reste aucune trace si l’on soumet cette racine à la torréfaction ou à des ébullitions répétées. On obtient par ces procédés une fécule blanche très-nour- rissante, et avec laquelle, suivant Cirillo, on peut faire de fort bon pain. Il y a évidem- ment une grande analogie entre l’arum et le manioc, avec lequel on se nourrit aux Antilles ; dans l’un comme dans l’autre, la matière nutritive se trouve mêlée au poison (1) Bulletin des travaux de la Société médico-pratique, 1852, p. 110, 1 98 ARUM. dont il est facile de la séparer. (Les Arabes des environs de Tenez et de Dahra, dé- pourvus de grains, ont fait sécher au soleil les racines de l’arum (Begougà), pour leur enlever leur àcreté. Quoiqu’ils aient mélangé avec la poudre qu'ils en avaient obtenue un cinquième de farine d'orge, ils n’en accusèrent pas moins cette nourriture de pro- duire des coliques, de l'embarras intestinal, de l’'empâtement des membres.) {D’après Bucholz, le rhizome d’arum contient sur 400 parties: huile grasse 0.6, extrait sucré 4.4, gomme 5.6, mucilage 148.0, amidon humide 71 4.] La racine d’arum a joui d’une grande réputation pour l'extraction d’un amidon bien supérieur à celui des céréales ; de là le nom de racine amidonnière qu’elle avait en Normandie. On s’est servi de cet amidon comme blanc de fard. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Poudre (racine), 4 à 10 gr. rubéfiant. — Racines coupées en tranches dans un véhicule aqueux ou un électuaire minces pour produire le même effet. (comme purgatif ou éméto-cathartique), 1 à | La racine d’arum est un des ingrédients de 2 gr. comme altérant. la poudre stomachique de Birkmann et de la poudre cachectique de Duchesne (pulvis À L’EXTÉRIEUR. — Racines et feuilles appli- cachecticus Quercetani), qui ont joui d’une quées fraîches, comme vésicant; cataplasme grande réputation. L'arum est un poison violent. Mâché, il est d’abord presque insipide; mais il développe bientôt une saveur âcre et brûlante ; des douleurs vives et lanci- nantes se font sentir dans tout l’intérieur de la bouche, auxquelles succèdent immédiatement de violentes douleurs d’estomac, des vomissements, des coli- ques, des convulsions, des crampes, des évacuations alvines, le refroidisse- ment des membres, la petitesse du pouls, la rétraction des muscles, ete. Ces symptômes s'accompagnent du gonflement excessif de la langue, d’une in- flammation intense de la bouche et du pharynx qui s’oppose à la déglutition, et qui rend très-difficile l'administration des remèdes. (Dans un cas publié dans la Gazette médicale de Porto (1860, n° 6), on ne put même pas intro- duire une sonde œsophagienne, tant était grande la tuméfaction des par- . ties.) La mort, plus fréquente chez les jeunes sujets, arrive par surexcita- tion nerveuse ou par asphyxie. L’empoisonnement récent réclame l’emploi des vomitifs les plus prompts. On doit se titiller l’arrière-bouche avec les doigts pour provoquer le vomis- sement. Lorsque l’inflammation a lieu, il faut lui opposer les saignées géné- rales et locales, les bains tièdes. Pour calmer les douleurs gastriques et intes- tinales, on aura recours aux préparations d’opium. Le vinaigre, conseillé par Vicat, serait funeste au début en dissolvant le principe vénéneux de la plante, et en la présentant à l'absorption sous une forme plus assimilable encore. Il ne doit être administré que plus tard, lorsqu’à la réaction ont succédé les signes de stupeur et de narcotisme, et encore vaut-il mieux alors em- ployer les stimulants généraux, l’opium, les révulsifs à l’extérieur. Lorsque la langue est tellement gonflée que la déglutition est devenue impossible, il faut la scarifier. Pour faire cesser les violentes douleurs de la bouche, résultant de l’arum simplement mâché, on a conseillé l'huile d'olives ou d'amandes douces, ou l’oseille, moyens presque toujours insignifiants. La racine d’arum, seule partie usitée autrefois, est à tort négligée aujour- d’hui dans la thérapeutique, où la mode exerce son empire comme sur tant d’autres choses. Elle est regardée, par les auteurs qui en ont parlé, comme incisive, résolutive, expectorante, purgative. Les anciens, et surtout Diosco- ride, recommandaient la racine de pied-de-veau dans l’asthme et les affec- tions chroniques des organes respiratoires. Antoine Constantin, médecin provençal, à l’imitation de Mesué conseille aussi dans ces cas des potions ou des pilules d’arum avec le jus d’origan, d’absinthe ou de sauge. Cette composition, dit-il, à la dose de quatre scrupules, purge efficacement et sans violence. Les moyens employés dans ces formules pour corriger le principe trop actif de la racme d’arum administrée à l’état frais sont à remarquer. ARUM. , 99 Ils viennent à l'appui de l'opinion émise par Martin Lauzer (1) sur l’effica- cité présumée des huiles essentielles de thym ou de menthe dans l'empoison- nement causé par cette plante. Gesner dit avoir guéri trois hommes et une femme atteints de phthisie commencante, et en avoir soulagé plusieurs autres en leur administrant l’ex- trait vineux des feuilles et des racines de cette plante, en parties égales. L'effet de ce remède était de produire des expectorations abondantes. Hor- tius rapporte l'observation d’un enrouement très-invétéré guéri au moyen d’un looch composé de poudre de racine d’arum mêlée avec du sucre candi et un sirop approprié. J'ai fait cesser en dix jours une bronchorrhée chez un cultivateur qui en était atteint depuis un mois, par suite d’une bronchite aigüe, en administrant trois fois par jour 4 granme de racine de cette plante mêlée en forme d’élec- tuaire avec q.s. de miel. Je l’ai employée aussi avec succès chez un enfant de trois ans, atteint d’une coqueluche qui menaçait de se terminer par une pneumonie chronique. Je faisais prendre 30 centig. de cette racine pulvérisée trois fois par jour, et ensuite cinq fois. Elle produisait quelquefois Le vomis- sement, et toujours quelques évacuations alvines. Après douze à quinze jours de son usage, la guérison était complète. Dans d’autres cas, je l’ai associée à la poudre de racine de belladone. Son effet me paraissait analogue à celui de l’'ipécacuanha, qu’elle peut, je crois, remplacer comme expectorante, ayant la même action sur les muqueuses bronchique et gastrique. Je n’employais que la racine de l’année. (L'usage de l’arum dans les affections chroniques des voies respiratoires trouve une consécration dans celui que les praticiens américains font de l’arum triphyllum.) J'ai administré la racine d’arum dans l’asthme humide, la cachexie suite de fièvres intermittentes prolongées, l’hydropisie, comme purgative et diuré- tique. Je commençais par la dose de 2 à 3 gram. en poudre dans de la tisane d'orge ; j'étais souvent obligé de diminuer cette dose pour l’augmenter gra- duellement. J'ai aussi donné avec avantage le suc exprimé à la dose de 4 à 2 gram. étendu dans une solution mucilagineuse un peu aromatisée. Lewis, qui a administré ce suc avec succès dans l’hydropisie, l’enveloppait de muci- lage, et le donnait sous forme d’émulsion depuis 50 centig. jusqu’à 1 gram. 50 centigrammes. Bergius et Gilibert prétendent avoir guéri avec l’arum des fièvres intermit- tentes et des céphalées gastriques rebelles. Willis employait dans les affections rhumatismales la racine fraîche d’arum en émulsion avec de la gomme, le blanc de baleine, etc. Hooper prescrit contre le rhumatisme chronique la poudre de racine d’arum à la dose de 50 cent. dans du vin blanc d’Espagne, trois fois par jour. Voici ce que dit, au rapport de Bulliard, l’auteur d’un Traité de médicaments simples : « J'ai éprouvé d’heureux effets de l’usage de cette racine dans le traitement des douleurs du rhumatisme, surtout quand elles étaient fixes et situées pro- fondément. En pareil cas j’ai fait prendre depuis dix grains jusqu'à un scru- pule de racine fraîche d’arum, deux ou trois fois par jour; elle s’avalait en bol ou en émulsion, jointe à des substances huileuses et mucilagineuses qui empêchaient que son âcreté et son irrilation ne se fissent sentir vivement et ne produisissent sur la langue une impression douloureuse. En général, elle occasionne par tout le corps une légère agitation, avec picotement, et quand le malade se tient chaudement au lit, elle cause des sueurs abondantes.» A l'extérieur, les feuilles fraîches pilées, ou la racine récente coupée en tranches minces, appliquées sur la peau, y produisent un effet rubéfiant et vésicant. J'ai souvent employé ce vésicatoire, parce que je l’ai toujours trouve (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. I, p« 157. 100 ARUM: sous la main pendant la belle saison. (Les campagnards appliquent sur le col dans les inflammations de la gorge un cataplasme de racines de gouet, ré- duites en pulpe grossière. Matthiole recommande le suc qu’on en exprime comme caustique sur les polypes nasaux. Albrecht (1) a vu au Japon em- ployer contre l’acarus de la gale une variété d’arum mal déterminée. Il me semble que l'application de ce remède pourrait avoir plus d’un incon- vénient si l’on tentait de suivre l'exemple des Japonais avec notre arum.) Un mélange de feuilles d’arum et d’oseille, cuites sous la cendre dans une feuille de choux, et incorporées avec du saindoux, m'a souvent servi comme maturatif sur les abcès froids, les tumeurs scrofuleuses ouvertes, mais encore engorgées dans leur voisinage, dans tous les cas où il fallait animer des tissus tuméfiés, soit cellulaires, soit glanduleux. L’oseille, mitigeant l’action de l’aram, empêche la vésication et borne cette action à un effet puissamment résolutif, stimulant et détersif. Quand ce mélange est fait avec les feuilles fraiches pilées dans un mortier, il est plus actif et convient surtout pour dissiper les engorgements œdémateux, l'hygroma, etc. Il peut, dans beau- coup de cas, remplacer comme résolutif les préparations d’iode, dont le prix, quand l'usage doit en être longtemps continué, est trop élevé pour l’ouvrier des campagnes. J’ai détergé promptement des ulcères atoniques, scorbutiques ou scrofu- leux, par l'application du sue des feuilles et de la racine d’arum ; son action est très-énergique et change le mode d’irritation des parties affectées. Une suppuration de bonne qualité a lieu, et une cicatrisation solide s'opère peu à peu. Un cas très-curieux, pour lequel j'ai été consulté en 1848, mérite d’être rapporté. Géneau, âgé de sept ans, habitant Samer, bourg avantageusement situé et très-salubre, constitution grêle, tempérament éminemment lymphatique, ayant eu des croûtes de lait pendant sa première et sa seconde dentition, était atteint depuis dix-huit mois environ d'une tumeur blanche à l’articula- tion huméro-cubitale gauche, contre laquelle on avait employé des frictions avec la pommade d'iodure de potassium iodurée, et le vésicatoire ; à l’inté- rieur, la décoction de houblon et l'huile de foie de morue. Ce traitement, irrégulièrement suivi, fut abandonné à cause de l’indocilité de l’enfant. On s’en tint seulement à l'entretien d’un vésicatoire occupant la moitié externe de la tumeur. Quand je vis ce malade, à la fin d'avril 1848, la tumeur blanche était très-volumineuse ; elle occupait toute l'articulation, qui était immobile et en demi-flexion. Un fongus de la grosseur du poing s’était développé sur toute l’étendue du vésicatoire, qui, négligé, pansé avec des corps gras, s'était ulcéré. Cette énorme hypersarcose, d’un aspect hideux, peu douloureuse, saignant au plus léger frottement, fournissait une suppuration abondante. La partie non ulcérée de la tumeur blanche était pâle, excepté au pourtour du fongus. Il y avait pâleur du teint, amaigrissement, grande débilité; par- fois irritation gastro-intestinale manifestée par la diarrhée ou la constipation, mais toujours assez bon appétit et sommeil paisible. Dunan, Courtois et Grignon, médecins à Samer, avaient, me dit-on, déclaré que l’amputation du bras était le seul moyen à employer. Je dois avouer que je partageais cetle opinion; mais comme les parents s’opposaient à toute opération san- glante, je proposai subsidiairement la destruction du fongus par l'application du caustique de Vienne. On demanda un délai de quelques jours. Un gué- risseur de campagne fut consulté. Ce dernier conseilla l'application journa- lière des feuilles d’arum, broyées et réduites en pulpe, sur toute l’étendue du fongus, et des compresses imbibées de la décoction des racines de la même plante, autour de l'articulation. L'action corrosive du suc d’arum dé- truisit peu à peu l’hypersarcose. La plaie, ramenée au niveau des téguments, (1) Union médicale, 1863, n° 70, ASARET. 101 se cicatrisa. La fomentation de décoction de racine d’arum fut continuée comme résolutif. Bref, après trois mois de ce traitement, la guérison était obtenue. Il restait seulement un léger engorgement autour de l'articulation, et un peu de gène dans les mouvements d'extension, résultant de Pimmo- bilité prolongée du membre, et probablement d’un état phlegmasique ad- hésif des tissus blancs. Ne pigeat ex plebeis sciscitari, si quid ad curationem utile (4). Ce serait un livre vraiment utile que celui qui contiendrait tous les remèdes populaires traditionnellement répandus dans les campagnes. Fernel, au rap- port de Bordeu, méditait, au moment où il mourut, un ouvrage sur l'usage et l'administration de tous les remèdes domestiques, empiriques et autres : « Quel malheur, dit le médecin béarnais, qu'un homme qui paraît avoir été propre à marier le dogme à l’empirisme, n'ait pas eu le temps de remplir cet important objet! » ASARET. Asarum europæum. L. Asarum Dodonœæi. B. Cabaret, — asaret d'Europe, — oreille d'homme, — oreillette, — nard sauvage, — rondelle, — girard, — roussin, — panacée des fièvres quartes. ARISTOLOCHIACÉES. Fam. nat. — DODÉCANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. VI) se rencontre dans les lieux ombragés et vient spontanément dans toute l’Europe. Je l'ai cultivée dans mon jardin. Je l'ai trouvée dans la forêt de Boulogne-sur-Mer et dans les bois environnants. Deseription.— Rhizôme brun-grisàtre extérieurement, jaunâtre à l'intérieur, tortueux, genouillé, tuberculeux, quadrangulaire, dense et comme ligneux, jetant de nombreuses fibres radicales, blanchâtres. — Tige très-courte, simple, garnie d'écailles membraneuses, se terminant par deux feuilles. — Feuilles portées sur de longs pétioles, réniformes, coriaces, d’un vert foncé et luisant en dessus, d’un vert pâle en dessous, recourbées en dedans. — Fleurs hermaphrodites, régulières, solitaires, petites, d’un pourpre noirâtre, portées sur un court pédoncule, et dont tous les organes persistent jusqu’à la maturité (avril-mai). — Calice campanulé, pétaloïde, à limbe trifide, à lobes égaux, velus en dehors. — Corolle nulle, — Etamines au nombre de douze, à filets courts, alternativement longues et courtes, insérées sur un disque au sommet de l'ovaire ; anthères bilobées. — Ovaire infère soudé avec le tube du calice, à six loges polyspermes ; ovules ascendants, insérés sur deux rangs dans chaque loge. — Style indivis, court, hexagone. — Stigmate à six divisions disposées en éloiles. — Fruit cap- sulaire, coriace, surmonté du limbe du calice, à six loges irrégulièrement déhiscentes, contenant de petites graines rugueuses transversalement, ovales, attachées au bord central des cloisons. — Embryon très-petit, placé dans un périsperme charnu. — Radi- cule dirigée vers le hile. Parties usitées., — Les racines et les feuilles. [Culture.— L'asaret n'est cultivé que dans les jardins de botanique: il vient dans tous les terrains, mais il préfère une exposition ombragée ; on le propage par éclats des rhizomes.] Récolte. — La récolte de l’asaret doit se faire au printemps avan! la floraison, ou à l'automne pour la racine, pendant tout l'été pour les feuilles. En récoltant la racine aux deux époques indiquées, on l’a de bonne qualilé pendant toute l’année, puisqu'on peut ainsi la renouveler deux fois par an. Quand on la prend dans le commerce, il faut la choisir belle, entière, bien nourrie, grosse comme une moyenne plume d'oie, récem- ment séchée, d’une odeur agréable ef pénétrante, camphrée et térébenthinée. On la mélange souvent avec les racines d’arnica, d’asclépiade, de fraisier, de polygala, et principalement de valériane sauvage : l'odeur forte et particulière de cette dernière suffit pour la distinguer. On confond aussi assez souvent dans le commerce la racine d’asarum avec celle d’une autre plante nommée asarine, antirrhinum asarina. L. Propriétés physiques et chimiques. — La racine d’asaret exhale une D (1) Hippocrate, in Præceptis. 102 ASARET. odeur forte, pénétrante, analogue à celle du nard celtique, de là l’origine du nom de nard sauvage. Sa saveur, de même que celle de ses feuilles, est âcre, amère, nau- séeuse. D'après l'analyse de Lasaigne et Feneulle, la racine d’asaret contient une huile volatile concrète et camphrée, une huile grasse très-âcre, une substance jaune, nauséeuse, soluble dans l'eau, analogue à la cytisine, dans laquelle paraît résider le principe actif; de l’albumine, de la fécule, du muqueux, de l'acide citrique, du sur- citrate de chaux, et quelques autres sels. On n’a pu y découvrir l’émétine. Cette racine donne à la distillation une huile volatile liquide, une matière cristalline nommée asarile, et une matière blanche, transparente et aussi cristallisable, à laquelle Blanchet et Sell ont donné le nom d’asarone (1), et que l’on désigne maintenant sous le nom de camphre d'æsarum. [D’après ces auteurs, l'huile essentielle d’asaret a pour formule — G?° H!'5 Oÿ; elle a été étudiée par Smith, elle fond à 120 degrés, elle se dissout dans l'acide azolique qui forme avec elle une matière résinoïde rouge incristal- lisable. ] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Poudre (racine ou feuilles), blanc), —se donnait autrefois comme vomi- comme vomitif, 60 centigr. à 2 gr.; — comme tif, et à petites doses, comme excitant, diu- excitant, 5 à 20 centigr. rétique, fondant, etc. Feuilles fraiches, 6 à 15 feuilles infusées pen- | A L’EXTÉRIEUR. — En poudre, comme sternu- dant une nuit dans 180 gr. d’eau bien pure. tatoire. Elle entre dans la composition de Extrait aqueux, 1 gr. à 1 gr. 50 centigr. la poudre sternutatoire de Saint-Ange et de Extrait alcoolique, 60 centigr. à 1 gr. la poudre céphalique de la pharmacopée Vin (4 à 16 gr. de racine pour 500 gr. de vin d'Edimbourg. La racine et les feuilles d’asaret sont excitantes, émétiques et anthelmin- tiques. Elles sont aussi sternutatoires. Mises en contact avec la peau privée de son épiderme ou avec une membrane muqueuse, elles produisent une in- flammation locale très-vive, de même que l’ipécacuanha, (A petite dose, en vertu de son principe aromatique, l’asaret est stomachique ; à dose plus forte, il régularise les évacuations intestinales, en produisant le vomissement et la pu'gation.) L'asaret à 6t6 regardé, de tout temps, comme un des meilleurs vomitifs. Dioscoride, Galien, Mesué, ont reconnu ses propriétés. Ettmuller, Fernel, Kramer, Hoffmann, Boerhaave, Willis, et un grand nombre d’autres méde- cins, en ont fait le plus grand éloge. Rivière le considérait comme le vomitif par excellence dans la fièvre quarte. Linné a reconnu que les feuilles d’asa- rum, réduites en poudre très-fine, avaient des propriétés vomitives plus éner- giques que l’ipécacuanha. Venel se plaignait de ce que les théories des docteurs anodins avaient banni de la pratique de la médecine cette précieuse plante. Burtin a re- eueilli un grand nombre d'observations qui prouvent que l’asarum ne le cède en rien à l'ipécacuanha. Les expériences de Coste et Wilmet sur ce vomitif indigène ne sont pas moins concluantes. Hanin le regarde aussi comme le meilleur succédané de la racine brésilienne, et Wauters s'exprime ainsi sur cette plante : Principiis suis constituentibus cum ipecacuanha coincidere videtur, licet aliquando venenis adnumeratum fuerit, quum ab imprudenti- bus sine debitis cautelis præscribebatur. En effet, je pense, avec cet auteur, que si quelques praticiens ont rejeté l'emploi de l’asaret comme agissant avec violence, et n'ayant qu'une action irrégulière et inconstante, c’est parce qu’on l’a administré sans précaution ou à des doses trop élevées ou même dans des cas où une irritation préexistante en contre-indiquait l’usage. Si une prédilection marquée pour les médicaments exotiques n'existait pas chez la plupart des médecins, on tiendrait compte aussi de l’action irrégulière de l’ipécacuanha, si souvent observée dans la pratique. Le plus ou moins d'effet des médicaments vient bien plus de la disposition idiosyncrasique des sujets qui en reçoivent l’action que du médicament lui-même. C’est une vérité pra- tique que l'expérience jcurnalière confirme et qui s'applique à tous les genres de médication. (1) Journal de pharmacie, t. VI, p. 561; t. XX, p. 347. ASARET, 103 L’asarum, dont les anciens faisaient grand cas, a été négligé depuis la dé- couverte de l’ipécacuanha ; mais les gens de la campagne, plus attachés aux traditions populaires que les citadins, ont conservé l'usage de ce remède. Is recourent à l’infusion des feuilles pour provoquer le vomissement et la pur- gation. Je dois dire que je l'ai toujours vu employer avec avantage, et qu’il n’a produit, dans certains cas, d’autres accidents que ceux que tous les éméto-cathartiques excitent quand ils sont pris à dose trop élevée ou intem- pestivement administrés ; 60 à 80 centig. de poudre de racine d’asaret font aussi bien vomir que la même dose d’ipécacuanha, et ne fatiguent pas davan- tage. J'ai employé cette poudre à la dose de 10, 15 ou 20 centig., comme altérante, dans la bronchite chronique, la coqueluche, et surtout dans la diarrhée. Elle m'a réussi aussi bien que l’ipécacuanha. Je la mêle quelque- fois à la belladone pour combattre la coqueluche. Des auteurs, et notamment Gilibert, ont avancé que l’énergie des feuilles est moins puissante que celle des racines. Je n’ai pas cette opinion; les feuil- les m'ont paru jouir d’une action tout au moins aussi prononcée. Loiseleur- Deslongchamps a même constaté, par une série d’expériences, que la force émétique était plus développée dans les feuilles que dans les racines ; ces feuilles, dit le zélé défenseur de la matière médicale indigène, offrent un émétique qui l'emporte sur tous les autres. Longtemps gardée, cette racine n’est plus vomitive ; après six mois, elle n’est que purgative; après deux ans elle ne purge presque plus, même à la dose de 1 gr. 50 cent. Elle acquiert alors la vertu diurétique, et peut être employée comme telle dans les tisanes. 1] faut donc avoir égard à son plus ou moins de vétusté pour en régler les doses ou remplir telle ou telle indi- cation. Il est bon de remarquer que l'administration de l’asarum sous forme aqueuse excite beaucoup moins les vomissements et les évacuations alvines : mais elle à plus d'activité sur la peau et sur les voies urinaires. (Le nom de Cabaret provient, dit-on, de ce que les ivrognes employaient ceite plante comme vomitive, afin de recommencer à boire. En Russie, elle a la réputation d’être un excellent remède contre les effets des liqueurs al- cooliques. Y a-t-il simplement dyspepsie à crapula, Smirnoff (1) lui attribue la propriété de relever l'appétit défaillant et de neutraliser le besoin fac- tice, mais irrésistible de l’alcool. Quand l’eau-de-vie ne peut être aban- donnée par les buveurs invétérés, c’est ce liquide lui-même qu’il prend pour véhicule ; l’asaret soutient alors la résistance du malade et on voit augmen- ter l'intervalle qui sépare les attaques de delirium tremens habituelles; pen- dant l'ivresse elle-même, traitement en tout identique, par la décoction d’asarum.) Rondelet dit avoir employé avec beaucoup de succès la décoction aqueuse d’asaret contre la sciatique. Quelques auteurs rapportent que l’asarum a été souvent employé dans le but coupable de provoquer l'avortement. Les maréchaux qui, dans nos campagnes, exercent la médecine vétéri- naire d’une manière toute traditionnelle et routinière, regardent le cabaret comme un bon purgatif, propre au traitement du farcin et à l’expulsion des vers chez les poulains : ils donnent la racine en poudre à la dose de 15 à 30 gr. mêlée avec du son mouillé. La poudre des feuilles sèches d’asaret est un sternutatoire énergique. Em- ployée seule on mélangée avec la poudre de muguet, de bétoine, ete., elle est regardée comme efficace dans les céphalées opiniâtres, dans la suppres- sion d’un flux nasal habituel, et autres maladies indiquant l’emploi des errhins. Les feuilles de cette plante, fraiches ou sèches, mâchées, pro- (1) Medical Times and Gazette, 1860. 10% ASCLÉPIADE BLANCHE. voquent une salivation abondante, et peuvent être employées comme siala- gogues. Introduites dans le conduit auditif externe, comme irritantes, elles ont pu être utiles dans la surdité. ASCLÉPIADE BLANCHE. Asclepias vincetoxicum. L. Aselepias albo flore. BAUH.T.— Hirundinaria, seu vince toxicum. Orr.MuRrR. Asclépiade blanche, — dompte-venin. ASCLÉPIADACÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. L’asclépiade blanche ou dompte-venin (PI. VI) est très-commune dans toute l’Europe. On la rencontre dans les bois, les terrains incultes, sur les coteaux secs et pierreux. Rangée parmi les plantes suspectes, l’asclépiade est négligée par les bestiaux, à l'exception des chèvres, qui broutent l’extré- mité de ses tiges. Les chevaux ne la mangent qu’à défaut d’autre nourriture et seulement lorsque, atteinte par la gelée, elle a perdu la plus grande partie de son âcreté. Description. — Racine (espèce de souche tuberculeuse) longue de 5 centimètres environ, subcylindrique, rampant à une légère profondeur sous le sol, grisätre exté- rieurement, rugueuse, d’où partent un grand nombre de radicules blanches, longues et grêles. — Tiges de 40 à 60 centimètres de hauteur, droites, rondes, faibles, flexibles, simples. — Feuilles opposées, décussées, cordiformes, aiguës, entières, ovales, pointues, un peu en cœur à leur base, un peu coriaces, vertes et lisses, pubescentes en leurs bords et sur leurs nervures. — Fleurs blanches, petites, disposées en petits bouquets sur des pédoncules axillaires (mai-août). — Calice petit, persistant, à cinq divisions pointues. — Corolle monopétale, à cinq lobes un peu épais, glabres, ovales, ouverts en étoile, — Cinq étamines alternes, réunies par leurs filaments en un tube pentagone, insérées à la base de la corolle et munies chacune d’un appendice en forme de cornel recouvrant l’anthère correspondante ; cinq corpuscules noirs, luisants, cornés, marqués d'un sillon longitudinal, situés un peu plus haut que les anthères, et alternes avec elles ; pol'en en masse ; deux ovaires supérieurs, libres, oblongs, surmontés l’un et l'autre d’un style court que termine un stigmate commun, charnu, cylindroïque, cou ronné par les anthères, au moyen des écailles dont chacune d'elles est munie à son sommet, — {Fruit : deux follicules géminés, oblongs, ventrus, longuement acuminés, striés, glabres, renfermant de nombreuses graines, ovales, aplaties, marginées, rou- geàtres, avec aigrette soyeuse et nacrée. | Parties usitées. — La racine et les feuilles. (Culture. — Cette plante n’est cultivée que dans les jardins de botanique, elle veul une terre douce, franche, un peu fraiche ; se propage par semis faits immédiate- ment après la maturité des graines, ou par éclat de pieds, de drageons ou de rejetons plantés en mars. ] Kécolte. — La racine d'asclépiade peut être récoltée depuis l'automne jusqu’au printemps. La dessiccation fait perdre à cette racine une grande partie de ses qualités. Propriétés physiques et chimiques.— La racine récente exhale une odeur nauséahonde, analogue à celle de la valériane sauvage. Cette odeur s’affaiblit et se dissipe même par la dessiccation. La saveur, d’abord douceâtre, ne tarde pas à de- venir àcre et amère, Cetle racine contient une matière vomitive différente de l’émétine (asclépiadine), une sorte de résine, du muqueux, de la fécule, une huile grasse et consistante, presque cireuse, une huile volatile, de l'acide pectique, du ligneux, des malates de potasse et de chaux, et plusieurs sels minéraux {FENEULLE). PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — Décoction (racine),15 à 30 gr. | Extrait (1 sur 6 d’eau), 4 à 4 gr. en potions, par kilogramme d’eau. bols, électuaire, etc. Poudre (racine), 2 à 4 gr. en bols, pilules, | Teinture (1 sur 5 d’alcool), 2 à 6 gr. en po- électuxire, ou dans du vin (comme vomitif). tions. Poudre (feulles), 1 gr. 50 centigr. à 2 gr. A L'EXTÉRIEUR. — Feuilles en cataplasmes, dé- (comme vomitif). coction aqueuse ou vineuse. ASPERGE, 105 Les effets de cette plante sur nos organes varient suivant les doses aux- quelles on l’administre, A grande dose elle est vomitive et purgative, elle peut même devenir toxique (c’est probablement une de ces hypothèses er- ronées si communes dans l’ancienne médecine qui a valu à l’asclépiade le nom de vince toricum); à petite dose elle agit principalement sur les voies urinaires et sur le système cutané. On l’a conseillée dans les affections scrofuleuses, dartreuses et syphilitiques ; dans l’hydropisie, les engorge- ments hépatiques, l’ictère, etc. Ses feuilles sont employées par les paysans comme résolutives dans les engorgements lymphatiques et glanduleux, les abcès froids, etc. Coste et Wilmet rapportent que les habitants du pays de Liége prennent communément, à titre de vomitif doux, 30 à 40 grains (1 gr. 50 centigr. à 2 gr.) de feuilles d’asclépiade blanche infusées dans un verre d’eau. Aussi les auteurs que nous venons de citer conseillent-ils de substituer cette plante à l’ipécacuanha. Wauters indique aussi comme succédané de ce dernier la racine de vince toxicum. « Quelques auteurs, dit Gilibert, condamnent l’usage de cette racine. Cependant la décoction, que nous avons souvent ordonnée à haute dose, n’a jamais causé le moindre accident; nous l’avons trouvée utile dans les dartres, les anasarques, les écrouelles, la chlorose, et la suppression des règles ; elle augmente sensiblement le cours des urines ; extérieurement elle déterge les ulcères et arrête les progrès du vice scrofuleux. » (Matthiole recommande les graines du dompte-venin contre l’épilepsie et les hydropisies.) J'ai employé deux fois la racine de dompte-venin comme vomitive, elle m'a paru produire un effet analogue à celui de l’ipécacuanha. Cependant je lui préfère, comme succédané de ce dernier, la racine d’asaret, dont l’action est à la fois plus active et plus constante. A petite dose, en décoction, la ra- cine de dompte-venin m'a été utile par son action à la fois diurétique et dia- phorétique, dans trois cas d’anasarque survenus à la suite de la scarlatine. [Le dompte-venin noir (V. Nigrum, Moncu; Cinauchum nigrum, R. B.) se distingue du précédent par ses Uüiges un peu volubiles au sommet, sa corolle pourpre noirâtre, dont les lobes sont pubescents à l’intérieur.] ASPERGE. Asparagus officinalis. L. Asparagus sativa. BAUH., T. Asperge commune, — asperge officinale. LILIACÉES. — ASPARAGÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. L'asperge, plante vivace connue de tout le monde, vient spontanément dans les terrains légers et sablonneux. Je l’ai rencontrée dans les dunes du Calaisis. Bien qu’elle préfère les pays méridionaux, elle croît dans presque tous les climats quand le sol lui convient. On la cultive dans les jardins pour l’usage culinaire. Description. — Souche formée d’un faisceau de fibres charnues, Jaunàtres ou cendrées, grosses comme une plume d’oie, attachées à un collet épais, dur, capité, transversal. — Tige s’annonçant au printemps par plusieurs jets écailleux, cylindriques. verdàtres, terminée par un bouton conoïde pointu, résultant des écailles rapprochées qui recouvrent les rudiments des rameaux, lesquels se montrent bientôt en grand nombre ; la plante parvient à la hauteur de 4 mètre et plus. — [Feuilles petites, ré- duites à une écaille membraneuse brunätre, de l’aisselle desquelles partent des rameaux fasciculés, mous, filiformes fausses feuilles). | — Fleurs unisexuées, presque toujours dioïques, d’un vert jaunâtre, axillaires, tantôt solitaires, tantôt deux à deux, plus rare- ment trois à trois; pédoncule muni, vers son milieu, d’une articulation. — Calice cam- panulé, profondément divisé en six découpures. — Six étamines incluses, moins longues que le calice ; un pistil avorté. (Dans les femelles, ovaire à trois loges biovulées, style 106 ASPERGE. trigone et trois stigmates.) — Fruit: baie globuleuse, d’abord verte, devenant d’un rouge vif en mürissant, offrant dans son intérieur trois loges, dont chacune contient deux graines anguleuses, noires, dures et glabres. Parties usitées. — Les rhizomes, improprement appelés racines, et les jeunes pousses ou turions. [Culture.— Les asperges se propagent par éclats de rhizomes, greffés, plantés en terre très-légère et fumée sur un fond de couche ; on ne les récolte que la troisième ou la quatrième année ; une bonne aspergière produit pendant douze à quinze ans.] Récolte. — Les racines se récoltent au printemps, lors de la plantation. En se des- séchant, ces racines se sillonnent longitudinalement et ont l'aspect de la salsepareille. On les a quelquefois mêlées avec ce produit exotique. Il est aisé de les distinguer en ce que les racines d’asperge sont blanchâtres, et que les autres sont brunes, et qu’en les coupant longitudinalement elles n’offrent pas ce qu’on appelle le cœur de la salsepareille [et en ce que l’épiderme s’en détache facilement]. Propriétés physiques et chimiques.— Les racines, d’une saveur mu- cilagineuse et amère, ont été analysées par Dulong, d’Astafort (1), qui y a trouvé de l’albumine végétale, de la gomme, de la résine, une matière sucrée, quelques sels et une substance amère de nature extractive. Les jeunes pousses ont été analysées par Vauquelin et Robiquet (2). Ces chimistes ont trouvé dans le suc d’asperge, de la chlorophylle, de l’albumine végétale, une résine vis- queuse de saveur âcre ; de la mannite, de l’asparagine, de l'extractif, une matière colo- rante, de l’acétate et du phosphate de potasse, du phosphate de chaux. L’asparagine, qui a été trouvée dans d’autres racines, est une substance beaucoup plus intéressante pour les chimistes que pour ies médecins (3). Elle est solide, cassante, incolore, d’une saveur fraiche et nauséabonde, ni acide, ni alcaline, insoluble dans l'alcool, peu soluble dans Peau, et cristallisant en prismes droits, rhomboïdaux. Sous l'influence d’un alcali fixe, ou même abandonnée à l’état de dissolution aqueuse, elle se transforme en ammo- niaque et en acide asparitique. [L'asparagine peut être représentée par C4 H* Az OS ; on la trouve encore dans la réglisse, la racine de guimauve, les pousses de pommes de terre ; elle est isomère avec le malamide dissous dans l’eau ou dans les alcalis, sa solu- tion dévie le plan de polarisation vers la gauche (lévogyre), tandis que dissoute dans les acides elle le dévie vers la droite (dextrogyre); sous l’influence de l’eau elle se transforme en asparinate d’ammoniaque ; l'acide azotique forme avec elle de l'acide malique, de l’eau et de l’azote.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction (racine), 15 à | Extrait de pointes, de 2 à 20 gr. en pilules, 60 gr. par kilogramme d’eau. potions, tisane. Sirop de pointes d’asperges (suc exprimé, | Extrait des griffes, 2 à 8 gr. (Gendrin). Pour chauffé au bain-marie jusqu’à ce que l’al- préparer cet extrait, on monde et on coupe bumine soit coagulée, filtré au papier ; ajou- en petits fragments des racines d’asperge tez à une douce chaleur le double de son de deux à trois ans, et on les fait sécher à poids de sucre.) l’étuve. La racine d’asperge, que l’on range parmi les cinq racines apéritives ma- jeures, communique à l'urine, ainsi que les jeunes pousses, une odeur très- désagréable, et paraît en activer la sécrétion. L'absence ou la présence de cette odeur à servi à Corlieu à différencier l’albuminurie idiopathique de l’albuminurie liée à une altération des reins. Dans le premier cas, les as- perges donnent à l'urine cette odeur particulière; il n’y a aucune modifica- tion dans ce liquide, lorsqu'il provient de reins altérés (4). La racine d’asperge est employée comme diurétique dans les hydropisies, les obstructions abdominales, l’ictère, les maladies des voies urinaires, etc. Les propriétés diurétiques de la racine d’asperge sont contestées par quel- ques auteurs, et entre autres par le sceptique Chaumeton. Cependant il ré- sulte d’une série d'expériences entreprises par Gendrin, que l'extrait des (1) Journal de pharmacie, t. XII. (2) Annales de chimie, t. LV et LVII. (3) A. Richard et E. Soubeiran, Dictionnaire de médecine, en 30 vol., t. IV, p. 212. (4) Abeille médicale, 1865, n° 14. ASPÉRULE ODORANTE. 107 griffes fraiches jouit de la propriété diurétique à un haut degré (1). L’extrait des pointes est aussi une préparation diurétique. Suivant Jeafreson (2) ces pointes exercent une action diurétique des plus remarquables, si l’on en fit, soit à l’état sec, soit à l’état frais, une teinture alcoolique. Je mets souvent en usage la racine d'asperge comme diurétique; mais je dois dire que le sirop de pointes d’asperges, dont la vertu sédative a été découverte par Fourrier, secrétaire de l’Académie des sciences, vanté par Broussuis et beaucoup d’autres médecins, ne m'a jamais réussi. J'ai essayé une forte infusion de pointes, et je n'ai observé que l'effet diurétique à un moindre degré que dans les racines. J'ai fréquemment remarqué, au contraire, que les personnes d’un tempérament nerveux, et notamment les femmes hys- tériques, éprouvaient de l'agitation et de l’insomnie toutes les fois qu’elles mangeaient des asperges. Suivant de la Harpe, médecin en chef de l'hôpital de Lausanne, qui à publié quelques considérations sur l'emploi de l’asperge en médecine (3), c’est à tort qu’on attribue une vertu diurétique à cette plante. «Le sirop de pointes d’asperges, dit-il, ne jouit d’aucune propriété ; il n’est ni sédatif ni diurétique, et n’a réussi ni dans ses mains ni dans celles de ses confrères de Lausanne. » Ce médecin attribue seulement à l’asperge la propriété d'irriter la vessie, et croit qu’on pourrait l’employer dans la paralysie de cet organe : mais il s'appuie sur un trop petit nombre de faits pour qu’on puisse tirer aucune conclusion de ses observations, surtout en ce qui concerne cette dernière propriété. (Un fait relaté par Bouchardat (4) viendrait à l'appui de cette opinion. Un médecin, après avoir mangé des asperges en abondance, aurait été affecté d’une blennorrhagie, avec cystite légère, cédant à l’emploi des sédatifs au bout de cinq jours. En acceptant la véracité de la cause, il faudrait encore rechercher si l’on n’avait pas affaire à un sujet ayant déjà eu des gonorrhées ; et on sait avec quelle facilité ces écoulements se reproduisent. Treuille (5) interdit formellement les asperges aux graveleux, à cause de la perturbation qu’à ses yeux elles produisent sur le système réno-vésical.) Borson (6) prohibe les asperges dans la convalescence du rhumatisme aigu; il les à vues, dans deux cas, amener une rechute. Chairétès, directeur du Jardin botanique d’Athènes (7), a proposé l’asperge, sans s'appuyer sur des faits concluants, comme propre à combattre la rage, contre laquelle, mal- heureusement, tous les moyens employés jusqu'à ce jour ont échoué. [Les propriétés sédatives de l’asparagine ont été constatées par le docteur Allen-Dédrick, de la Nouvelle-Orléans; 40 centigr. ont fait tomber le pouls de 72 à 56 au bout de cinq minutes. Cette sédation de la circulation est ac- compagnée de douleur frontale vive, avec exaltation de la vue et faiblesse musculaire marquée. Mais les expériences faites en Allemagne ont donné des résultats complétement negatifs.] ASPÉRULE ODORANTE. Asperula odorata. L. Aparine latifolia humilior montana. Tourx.— Matrysilva officinalis. Murr. Hepatica stellata. TAB. Muguet des bois, — petit muguet, — hépatique étoilée ou des bois, — reine des bois, rubiole, — apérinette. RUBIAGÉES.— ASPÉRULÉES. Fam. nat.— TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L. L’aspérule odorante, plante vivace, vulgairement connue sous lg nom de (1) Gazette médicale, iuin 1833. (2) Bulletin de la Sociète de médecine de Gand, 1856. (3) Gazette médicale, 1838. (4) Annuaire de thérapeutique, 1861, p. 107. (5) Des eaux minérales de Contrexeville, p. 43. (6) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1852, p. 633. (7) The Lancet, 1854. 108 ASPHODÈLE. muguet des bois, se trouve dans toutes les forêts. Les chevaux, les vaches, les moutons et les chèvres en sont friands. Elle rend plus abondant et plus sa- voureux le lait des vaches ; elle communique aux liqueurs alcooliques un goût et un arôme agréables. On en met dans les armoires parmi le linge et les habits pour éloigner les insectes nuisibles. Description. — Racine grosse, ligneuse, rouge-brunâtre, S’enfonçant profondé- ment dans le sol, s’amincissant par degrés, jetant et çà là quelques filaments capil- laires. — Tiges hautes de 15 à 25 centimètres, menues, dressées, simples presque carrées, noueuses, glabres, munies de feuilles verticillées, ovales, lisses, formant à chaque nœud des verticilles de sept à huit, disposés comme dans le caille-lait.— Fleurs blanches, petites, pédonculées, terminales (avril-mai). — [Racines en cimes dichoto- miques. — Galice petit, à quatre dents. — Corolle en éntonnoir, à quatre divisions étalées ; quatre élamines courtes ; pistil à ovaire didyme et à stigmate bifide. — Fruit (akène) couvert de poils raides et crochus.] [Parties usitées. — Toute la plante. Cuiture.— Les aspérules demandent une terre légère el une exposition décou- verte ; on les multiplie par semis ou par éclat des pieds. ] | Récolte. — L'aspérule odorante doit être récoltée en pleine floraison; on la fait sécher rapidement au grenier en ayant le soin de l’entourer de papier gris. Propriétés physiques et chimiques, — Imodore lorsqu'elle est fraiche, elle acquiert en séchant une forte odeur de féve Tonka ou de mélilot, due d'ailleurs à la présence d’un même principe neutre odorant, la coumarine ; les racines renferment une matière colorante rouge, ce qui lui a fait donner le nom de petite garance. L’aspérule, inodore quand elle est fraiche, d’une odeur fort agréable quand elle est sèche, est légèrement excitante, astringente et surtout diurétique. On l'a employée avec avantage dans la dyspepsie, l’ictère, la gravelle, les hydropisies. « Elle n’est pas, dit Chaumeton, sans efficacité. » J’ai constaté sa propriété diurétique dans un cas d’œdème des extrémités inférieures avec engorgement splénique, suites d’une fièvre intermittente négligée, chez un jeune garçon âgé de dix ans, et placé, par la misère, dans les conditions hygiéniques les plus défavorables sous le rapport de l'habitation comme sous celui des soins. L'infusion de cette plante sèche (45 gr. pour un kilogr. d’eau bouillante), prise à la dose de trois ou quatre grands verres par jour, a pro- duit une diurèse abondante qui a dissipé en peu de jours l’infiltration séreuse et diminué l’engorgement de la rate. La bière d’absinthe a complété la gué- rison en moins de quinze jours. L’aspérule, par sa propriété diurétique, se rapproche du grateron (Galium aparine, L.). On à donné à cette plante le nom d’hépatique à cause de l'usage qu’on em .a fait dans la jaunisse et les engorgements du foie, (tant à l’intérieur qu’à l'extérieur en cataplasmes. Simon Pauli recommande de laver la peau des dartreux avec sa décoction.) ASPÉRULE 4 L'ESQUINANCIE, HERBE A L’ESQUINANCIE. Espèce du même genre, vivace, ayant les fleurs d'un blanc rosé, laquelle croît dans les lieux secs et arides, et dont la racine renferme un principe colorant de la nature de celui de la garance. Linné dit que dans le Nord on l'emploie pour teindre les laines en rouge. [Elle se distingue de la précédente par sa taille plus elevée, par des tiges étalées ascendantes, diffuses, très-rameuses à la base, ses feuilles linéaires, étroites, moins nombreuses à chaque verticille, ses fleurs d’un blanc rosé presque sessiles, son fruit glabre, finement tuberculeux.] ASPHODÈLE. Asphodelus ramosus. L. Asphodèle rameux, — asphodèle blanc. LILIACÉES. — ALOINÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Cette belle plante croît en Espagne, en Italie, et dans les provinces méri- ASTRAGALE, 109 dionales de la France. Elle abonde dans les hauts pâturages des Pyrénées. La grâce de son port, l'éclat de ses fleurs, en font une des plus belles parures des parterres. Les Grecs et les Romains plantaient l’asphodèle dans le voisi- nage des tombeaux, avec le lis, la rose, la violette, le narcisse et l’amaranthe. Ils voulaient que la dernière demeure de leurs pères fût constamment par- fumée par ces fleurs odoriférantes. Description. — Racines bulbeuses et fasciculées, oblongues, charnues, — Tige de 60 centimètres à 1 mètre, droite, cylindrique, nue, plus où moins rameuse supé- rieurement. — Feuilles radicales, nombreuses, très-longues, ensiformes, d’un vert foncé. — Fleurs blanches, ouvertes en étoile et traversées d'une ligne brune ou rou- geâtre (juin-juillet), formant un périanthe profondément découpé en six divisions ovales, lancéolées. — Etamines au nombre de six, dont les filaments sont dilatés à leur base, et recouvrant l'ovaire en forme de voûte, — Fruit: capsule un peu charnue, presque ronde, — Semences anguleuses. (Parties usitées.— Les racines. Culture.— On cullive les asphodèles comme plantes d'ornement ; elles viennent bien dans la terre ordinaire, mais il leur faut l’exposition au midi ; on sème au prin- temps en place ou en pépinière, ou on reproduit par éclat de racines ou par rejetons. | La culture en grand de cette espèce d’asphodèle offrirait une ressource précieuse si la pomme de terre, à cause de la maladie dont elle est atteinte, venait à manquer. Les bulbes desséchés fournissent une substance amylacée très-nourrissante. On peut en faire une sorte de pain, ou la mêler au pain de froment comme la pomme de terre. En Espagne, on donne aux bestiaux les bulbes crus ou cuits de l’asphodèle ra- meux. « Dans une ferme de ce pays, dit Roques, une partie des animaux fut nourrie seulement avec du foin et de la paille, et l’autre partie avec des racines d’asphodèle, Les premiers furent incommodés par un hiver très-humide et très-inconstant, tandis que les autres le supportèrent parfaitement et engraissèrent pour la plupart. » [Composition chimique.— Les racines d’asphodèle renferment un principe âcre que l’eau bouillante enlève ou détruit, et une matière féculente l’inuline), principe qui se rapproche de l’amidon, mais qui s’en distingue en ce qu'il ne fait pas empois avec l’eau, en ce qu'il jaunit par l’iode au lieu de bleuir ; on le transforme facilement en sucre qui, par fermentation et distillation, donne l'alcool d’asphodèle, que l'on fabrique aujourd’hui en grand en Afrique. ] La racine d’asphodèle a été proposée pour combattre la gale. Les anciens s’en servaient dans différentes maladies. Elle est tout à fait inusitée de nos jours comme médicament. [L’asphodèle jaune (A. Lureus L.) ou Bâton de Jacob, se distingue par ses feuilles entières, aiguës, à trois angles, et comme fistuleuses, ses fleurs jaunes d’or et par une raie verte, longitudinale, que porte chaque division du périanthe.] ASTRAGALE. Astragalus glyeyphillos. L. Glycyrrhiza silvestris. — Astragalus luteus, perennis, procumbens, vulgaris sive silvestris. TOURN. Astragale réglissier, — réglisse sauvage, — réglisse bâtarde. LÉGUMINEUSES, — LOTÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. L'astragale, plante vivace (PI. VI), est commune en Europe, dans les bois, les prairies, les buissons. Les bestiaux en sont très-friands. On pourrait, dans les terrains les plus stériles, en former d'excellentes prairies artificielles. Description. — Racine ligneuse, produisant de nombreux rameaux qui se ré- pandent au loin. — Tiges diffuses, couchées sur le sol, glabres, longues d'environ 60 centimètres. — Feuilles alternes, ailées, avec une impaire, composées de cinq, SIX ou sept couples de folioles ovales, d’un jaune pâle un peu verdâtre, en épis ovales- oblongs, pédonculés, axillaires, bractées linéaires, lancéolées ; élendard dépassant à 110 ATHAMANTE DE CRÈTE. peine les ailes. — Galice monophylle, tubulé, à cinq dentelures aiguës ; dix étamines ; un ovaire supérieur surmonté d’un style recourbé, que termine un stigmate obtus. — Fruit : gousse allongée, pointue, arquée, divisée intérieurement en deux loges renfer- mant des semences réniformes. Gilibert a employé avec succès l’astragale réglissier contre les dartres, la strangurie, les coliques et autres maladies qui exigent l’usage des adou- cissants. ASTRAGALE sans TIGE (Astragalus excapus. L.). Plante herbacée, vivace, qui croit dans les Alpes. Description. — Racine épaisse, pivotante, brunâtre. — Tige nulle. — Feuilles en touffe, à longs pétioles cylindriques, portant une vingtaine de paires de folioles ovales. lancéolées, un peu velues. — Fleurs jaunes, en épi lâche au sommet d’un pédoncule, né de l’aisselle des feuilles radicales. — Calice cylindrique, pubescent, à cinq dents iné- gales. — Corolle deux fois plus longue que le calice. La racine de l’astragale sans tige, qui est d’une saveur amère et astrin- gente, a été vantée comme antisyphilitique par Winterln; Quarin (1); End- fer (2); Wegerich (3); Tietz (4); C’est contre les symptômes secondaires et tertiaires de la syphilis que cette plante a été employée. Malgré les nombreux faits rapportés par les auteurs que nous venons de citer et par Chricton, les propriétés antisyphilitiques de l’astragale ont été révoquées en doute par la plupart de nos syphiliographes. Cependant de nouvelles observations tendent à les confirmer. Guynat a communiqué à la Société médicale de Dijon (5) deux observations de syphilis anciennes qui, après avoir résisté à de nombreux traitements, furent guéries en peu de temps par l’usage de la racine d’astragale sans tige. Ces faits sont de nature à appeler l’attention des praticiens sur une plante que quelques essais infructueux ont sans doute fait trop légèrement aban- donner. La racine d’astragale a été aussi employée contre le rhumatisme et la goutte. Selon Jourdan, elle est manifestement stimulante et sudorifique. ATHAMANTE DE CRÈTE. Athamanta Cretensis. L. Daucus foliis fœniculi tenuissimis. C. Baux. — Daucus Creticus. T AB. Daucus Creticus officinalis. TAB., Murr. — Daucus de Crète. OMBELLIFÈRES. — SÉSÉLINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante est spontanée dans l’île de Crète, et se trouve aussi dans le département de la Drôme, sur les montagnes du Bugey, dans les Pyrénées. « On croit vulgairement, dit Bodart, que cette plante ne croît que dans les pays lointains; mais, à l’instar de l’acorus calamus, qui a son congénère dans l’acorus vulgaris de Hollande, cette espèce de daucus est spontanée dans nos départements méridionaux. » On pourrait la multiplier dans les sites conve- nables de la France. Description. — Racine blanchâtre. — Tiges vivaces, de 30 centimètres environ, droites, striées, pubescentes, deux, trois fois ailées ; folioles profondément divisées en deux segments étroits, linéaires, pointus; pétiole embrassant la tige par une gaîne membraneuse sur les bords. — Fleurs flosculeuses, blanches, disposées en ombelles de dix à quinze rayons, pétales en cœur. — Fruits oblongs, hérissés. (1) Ind. hort. Pesth, p. 14. (2) De astragalo excapo, diss. inaug. In-8°, Gæœttingue, 1789. (3) De astragali excapi radice, diss. inaug. Erfurth, 1789. (4) De virt. astragali excapi antivener. memorabile exemplo confirmata dissert. inaug. In-4°, Francfort-sur-Mein, 1790. (5) Précis analytique des travaux de cette Société, 1837. ATHAMANTE ORÉOSÉLINE. 111 Parties usitées. — Les fruits. (Culture. — Elle nest cultivée que dans les jardins de botanique ; elle demande une exposition chaude, un sol léger et sec ; on la propage par semis faits immédiate- ment après la maturité des fruits ou par division des racines. | Propriétés physiques et chimiques, — Les fruits sont aromatiques, d’une saveur chaude, un peu âcre ; ils fournissent de l'huile essentielle. L'eau distillée est agréable. L'eau, le vin et l'alcool s'emparent de leurs principes actifs ; [ils entrent dans la composition du sirop d’armoise composé, de la thériaque et du diaphænix.] Les fruits de cette plante sont excitants, diurétiques, emménagogues. On en faisait autrefois un grand usage. Ils nous venaient de l'ile de Crète, car nous ne voulions pas aller les cueillir dans nos montagnes : {ndigena despi- cimus, disait Baglivi ! et ce préjugé existe toujours. Les anciens, qui appré- ciaient mieux que nous cette plante, lui attribuaient la faculté d’exciter la sensibilité nerveuse. On l’a employée avec succès, dit Gilibert, dans quel- ques coliques spasmodiques, et pour accélérer la sécrétion des urines chez les sujets dont les reins et la vessie sont dans un état d’atonie, et laissent accumuler des glaires et des graviers. ATHAMANTE ORÉOSÉLINE. Athamanta oreoselinum. L. Apium montanum, folio ampliore. C. BAUH.— Oreoselinum apiüi folio minus.T. Oreoselinum. Orr., MURR. — Selinum oreoselinum. DECAND. Athamante oréoséline, — persil des montagnes. OMBELLIFÈRES. — SÉSÉLINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L,. L’athamante oréoséline se trouve dans les prés secs et dans les bois des montagnes en Suisse, en Angleterre, en Allemagne, en France, dans nos départements méridionaux. Description. — Racine fusiforme, succulente. — Tige de 60 centimètres de hau- teur, glabre, cylindrique, rameuse. — Feuilles ressemblant un peu à celles du persil, trois fois ailées, à folioles cunéiformes, incisées, trifides ou pinnatifides ; pétales comme brisés ou interrompus dans leur direction. — Fleurs (juillet-août) blanches, en ombelles terminales ; assez garnies ; collerette générale formée de huit ou dix folioles linéaires, pointues, étalées ou réfléchies. Parties usitées. — Les racines et les fruits, rarement l'herbe. [Culture.— Comme la précédente.] Propriétés physiques et chimiques. — [La racine contient un suc laiteux, amer, gluant, qui, par l’évaporation, donne une résine brillante, aromatique, d’une couleur jaune à peu près comme la gomme-gutte. L'eau, le vin et l'alcool se chargent de ses principes actifs. L’infusion aqueuse des semences, des tiges, des feuilles, est très-aromatique. Cette racine récente, distillée, fournit une eau aromatique ; distillée à l'alcool, on obtient une teinture qui a le goût et l'odeur de la saxifrage. L’extrait vineux est d’abord aigrelet, puis il devient extrêmement amer et astringent. Cette plante, dont on ne fait plus mention dans les traités de matière mé- dicale, mérite pourtant toute l’attention des praticiens. Murray se plaint du peu de cas qu’on en fait. Dodonée (1) attribue à cette racine la faculté d'augmenter la sécrétion de l'urine, de résoudre les obstructions abdominales, de provoquer une saliva- tion abondante quand on l’emploie comme masticatoire. Schmiedel (2) re- garde l’extrait vineux comme un excellent stomachique. Gilibert attribue à la racine de persil des montagnes la propriété de faciliter la sueur, le cours des urines, de rétablir les menstrues, d’enlever les obstructions commen- çantes. Elle a, dit-il, réussi dans la jaunisse, la fièvre quarte, dans l’ano- rexie. Il préconise l’infusion de l’herbe dans les faiblesses d'estomac. AILIRE: RP ; (1) Pemp., p. 696. (2) Dissert. de oreoselino. Erlang., 1711. 112 AUBÉPINE. — AUNE. ATHAMANTE pes cerrs (Athamanta cervaria. L.). Croit dans les monta- gnes du Languedoc, de la Provence, du Dauphiné, du Jura, de l'Alsace, etc. On ja trouve également dans les bois des environs de Lyon. Elle est très- recherchée des cerfs, d’où lui vient le nom de cervaria, Deseription.— On reconnait cette espèce à sa tige ferme, striée, garnie de feuilles deux fois ailées, composées de folioles grandes, lancéolées, pointues, inégalement dentées en scie, veinées en dessous, d’une couleur glauque. — Fleurs blanches, en ombelles terminales, à huit ou dix rayons ; collerettes ayant six à huit folioles lancéo- lées, souvent réfléchies. — Fruits glabres, ovales, striés. L'excellente odeur de l’athamante des cerfs semble annoncer une action énergique. Les semences sont aromatiques, d’une saveur vive mêlée d’amer- tume. Les paysans de la Styrie s’en servent avec avantage pour guérir les fièvres intermittentes. Haller recommande cette plante à l’attention des médecins. AUBÉPINE. Cratægus oxyacantha. L. Épine blanche, — blanche épine, — sable épine. ROSACGÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE DIANDRIE. L. Cet arbrisseau, très-commun, forme à lui seul plus des deux tiers des haies. [Deseription.— Arbrisseau très-rameux et épineux. — Feuilles glabres, lui- santes, plus ou moins profondément lobées. — Fleurs blanches ou roses disposées en corymbes, d’une odeur très-agréable. — Etamines nombreuses insérées sur le calice. — Les fruits sont petits, ovoides, d’un beau rouge, couronnés et non entièrement recou- verts par le calice, ils contiennent deux graines nommées nucules. Parties usitées — Les fleurs, les fruits.] (Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs répandent une odeur pénétrante, analogue à celle de l’'amande amère. On y a découvert par l'analyse la présence de la propylamine. Par la fermentation des fruits on peut obtenir une espèce d'alcool. Les feuilles, douceâtres, contiennent quelques principes mucilagineux.) [La propylamine où propyliaque est une ammoniaque composée, qui peut être repré- sentée par de l’ammoniaque ordinaire dans laquelle un équivalent d'hydrogène est rem- placé par un équivalent du radical alcoolique de l'alcool propylique — GS H”, soit pour CH! la propylamine Az ; H H On la trouve dans la saumure du hareng, dans les fruits du sorbus acuparia et dans la vulvaire, Nous y reviendrons en parlant de cette plante.] (Les baies sont légèrement astringentes. Elles sont fréquemment mangées par les enfants et ont souvent amené chez eux des constipations opiniâlres. On pourrait les employer dans les dysenteries, les diarrhées, etc. La fleur, prise en infulsion, a, paraît-il, une action élective sur la gorge et spécifique contre l’angine simple. Prise au début, ce serait une plante abortive de cette maladie) (1). AUNE ou AULNE. Betula alnus. L. Alnus rotundifolia glutinosa viridis. C. BauH., TOURN. — Alnus glutinosa. WizLp., GÆRT. — Ainus communis. DUHAM, — Alnus. Do. — Alnus vulgaris. RECK. — Alnus altera. CLUS. Aune commun, — vergne, — bouleau vergne, — aunet, — anoïs. AMENTACÉES BÉTULACÉES. Fam. nat, — MONOÉCIE TÉTRANDRIE. L, L'aune, commun dans toutes les forêts, et connu de tout le monde, se plait (1) Ducrest, in Abeille médicale, 1863, p. 179. AUNE, 115 dans les terrains humides, au bord des rivières, dans les marais. Il croit avec tant de rapidité qu’on peut le couper tous les ans. On devrait le multiplier dans les marais fangeux, qu'il dessèche et assainit. On sème les graines au printemps sur une terre légère mêlée de sable, et on le recouvre peu. Les anciens connaissaient les usages économiques de l’aune. Pline dit que les pilotis d’aune sont d’une éternelle durée, et qu’ils peuvent supporter d'énormes poids. On le plantait le long des rivières pour les contenir dans leur lit. Il est, en effet, prouvé par l’expérience que son boïs se conserve dans l’eau pendant des siècles sans s’allérer. On en fait des pilotis en Hol- lande, à Venise, etc. Deseription. — Arbre de 12 à 15 mètres de hauteur. — Tronc droit, revêtu d’une écorce gercée, d’un brun olivâtre. — Rameaux portant des feuilles ovales, obtuses, comme tronquées au sommet, crénelées sur les bords, visqueuses, enduiles d’une sorte de vernis et d’un vert sombre; présentant en dessous, à l'angle de leurs principales nervures, des touffes de poils lanugineux ; court pétiole. — Fleurs naissant avant les feuilles ; chatons mâles cylindriques, pendants ; chatons femelles courts, serrés, droits et rougeàtres. — Fruits persistant d’une année à l’autre. Parties usitées. — L'écorce et les feuilles. Propriétés physiques et chimiques.— Fraîchement coupé, l’aune a une teinte rougeàtre qui s’éclaircit et s’efface en peu de temps. Lorsqu'il est sec, il prend une couleur d’un rose très-pâle tirant sur le jaune. II a le grain fin, homogène, et conserve parfaitement la couleur d’ébène qu’on lui donne. I! brüle parfaitement et donne une flamme claire. Les pâtissiers, les boulangers, les verriers le préfèrent à tout autre bois pour chauffer leurs fours. L’écorce, riche de tannin, sert au tannage et à la tein- ture. Macérée pendant quelque temps avec la limaille de fer, elle donne une couleur noire dont le cuir et les étoiles s’imprègnent, et avec laquelle on peut faire de l'encre. On retire aussi des bourgeons une couleur cannelle. L'écorce d’aune est astringente, fébrifuge. Si nous n'avions pas l’écorce de chêne, celle d’aune serait souvent em- ployée comme astringente. Roussille-Chamseru (4) a préconisé l’écorce d’aune, à double dose (10 à 30 gr. et plus dans lapyrexie), comme un des meilleurs succédanés du quinquina. Je pense qu’on pourrait avec avantage associer cette écorce à la gentiane, à la petite centaurée, à l’absinthe ou à la chausse-trappe, afin de la rapprocher plus encore, par cette addition, de l’écorce du Pérou. Fabregou l'appelle le quinquina indigène, Je ne dois pas laisser ignorer un fait qui s’est plusieurs fois offert à mon observation. Lorsqu'un cheval est atteint d’un écoulement muqueux et pu- rulent sortant abondamment par les naseaux, on l’attache dans une pâture de manière à ne lui laisser que l'herbe pour toute nourriture, et pour toute boisson l’eau déposée dans une cuve tenant en macération une assez grande quantité d'écorce d’aune. Par ce traitement simple, le cheval guérit dans l’espace d’un à deux mois. Quelques campagnards m'ont dit avoir guéri la morve par ce moyen; mais Comme ils ont pu confondre une affection pure- ment muqueuse avec cette maladie, je ne puis rien affirmer à cet égard. Cette médication est, sous le rapport de la médecine comparée, de nature à fixer l’attention des médecins. La décoction d’écorce d’aune en gargarisme passait autrefois pour un ex- cellent remède dans les affections de la gorge. Je l’ai vu employer avec suc- cès dans les angines peu intenses. Elle agit ici comme l’alun, les feuilles de noyer et tous les astringents. Elle convient aussi dans l’amygdalite chronique, les engorgements des gencives et les ulcérations de la muqueuse buccale. On peut s’en servir aussi pour lotionner les ulcères atoniques et variqueux. La décoction des feuilles produit le même effet. Ges moyens m'ont réussi, £n injection dans la leucorrhée. (1) Journal général de médecine, t. LIT, p. 295. 11/4 AUNÉE. Murray a vanté les feuilles d’aune appliquées sur le sein, comme un moyen efficace, pour arrêter l'écoulement du lait chez les nourrices. On les expose préalablement à la chaleur du feu, et on renouvelle ce topique deux ou trois fois par Jour. Buchner (1) a employé ces feuilles avec succès en pareil cas, et pour ré- soudre les engorgements laiteux des mamelles. A l'exemple de Murray, il les hache, les fait sécher dans une assiette jusqu’à exsudation d’un liquide, et les applique sur le sein plusicurs fois par jour. Ce moyen m'a réussi dans un cas de galactorrhée, qui durait depuis un mois. AUNÉE ou AULNÉE. Inula helenium. L. Helenium vulgare. BAUH. — Helenium. Don. — Aster helenium. Scor. Aster omnium maximus, Helenium dictus. TourN. — Helenium sive Enula campana. J.-B. Orr. — Vulg. Aunée officinale, — aunée commune, — inule campagne, — inule aunée, — inule héléniaire, — hélénine, — lionne, — œil-de-cheval, — laser de chiron. SYNANTHÉRÉES. — ASTÉRÉES. Fam. nat, — SYNGÉNÉSIE POLYG. SUPERFLUE. L. L'’aunée (PI. VI), plante vivace, grande et belle, ayant l’apparence en petit des hélianthes ou soleils, croit naturellement dans les prairies grasses et ombragées de l'Italie, de l'Angleterre, de la Hollande, de l'Allemagne, de la France. Elle est assez abondante dans les bois de Montmorency, de Senart, de Meudon, de Chevreuse. Elle est plus rare dans les départements du Nord, où on la cultive souvent dans les jardins, à cause de la beauté de ses fleurs. Elle tire son nom du mot aunaie, lieu planté d’aunes, où elle se plaît. Les anciens la faisaient naître des larmes d'Hélène, d’où son nom d’Helenium. Deseription. — Racine grosse, charnue, rameuse, fauve ou brune à l'extérieur, blanche intérieurement. — Tige de 4 à 2 mètres, droite, ferme, pubescente, peu ra- meuse. — Keuilles radicales (non représentées sur la figure) très-amples, longues de 30 centimètres et plus, ovales-allongées, molles, crénelées, vertes et ridées en dessus, nerveuses, cotonneuses, blanchâtres en dessous ; feuilles caulinaires moins grandes, ovales-pointues, sessiles, pétiole canaliculé, un peu amplexicaules. Les unes et les autres alternes. — Fleurs jaunes, solitaires, radiées, terminales sur chaque division de la tige (juillet-août). — Involucre composé de plusieurs rangs de folioles imbriquées, ovales, cotonneuses. — Réceptacle convexe, nu, alvéolé; fleurons d’un beau jaune, hermaphro- dites au centre, tubuleux, quinquifides, ayant leurs anthères terminées chacune à leur base par deux filets libres et pendants ; demi-fleurons de la circonférence nombreux, femelles, ligulés ; réceptacle nu, légèrement convexe, présentant de petites alvéoles rece- vant les fleurons. — Fruit consistant en plusieurs akènes oblongs, couronnés d’une aigrette simple, sessile et poilue. Parties usitées,— La racine. [Culture.— Demande une terre franche et même humide, elle se propage par semis, le plus souvent on en recueille les pieds dans les montagnes et on les transplante ; on peut aussi les multiplier par division des pieds opérée au printemps.] Récolte. — La racine doit être récoltée à la deuxième ou troisième année. Quand elle est très-grosse, il faut la fendre, avant de la faire sécher, pour l'empêcher de pourrir. La couleur et l'odeur de cette racine se modifient par la dessiccation : elle devient gri- sâtre et prend l’arème de la violette ou de l'iris; mais ces changements n’altèrent en rien ses propriétés. s Propriétés physiques et chimiques. — La racine d’aunée exhale une odeur forte, pénétrante ; sa saveur est singulière, elle tient de l’amertume ; mais, en la mâchant, elle devient aromatique, piquante ; contient une résine àcre, une huile vola- ile, un stéaroptène (hélénine, camphre d'aunée), et une fécule particulière qui ne forme pas gelée avec l’eau, qui est soluble dans l'alcool bouillant, et qui ne prend pas la cou- leur bleue par l'iode (inuline, alantine, Tromsdorff), et environ 37 pour 100 d’extrac- (1) Journal de chimie medicale, janvier 1843. AUNÉE. 115 tif amer, de la gomme, de l’albumine et des sels à base de potasse, de chaux et de ma- gnésie, L'eau et l'alcool dissolvent tous ses principes actifs. (L'inuline existe dans plusieurs plantes et prend alors un nom tiré d'elles : datiscine (datisca caunabina), dahline (dahlia), etc.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction ou infusion, de 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau; la décoc- tion, qui dissout la résine, est très-âcre; l’infusion est très-aromatique, ce qui rend la première plus convenable pour l’exté- rieur, et la seconde pour l’intérieur, Sirop, de 30 à 100 gr. en potion. Peu em- ployé. Teinture, de 5 à 15 gr. en potion ou dans le Vin (1 de racine fraîche sur 20 de vin blanc), de 60 à 100 gr. Extrait, de 1 à 10 gr. en bols, pilules, etc. Conserve, de 5 à 10 gr. en bols, pilules. Poudre, de 2 à 10 gr. en bols, pilules ou dans du vin. A L'EXTÉRIEUR. — Décoction concentrée, pour lotions, fomentations. Poudre, 1 à 5 d’axonge, pour onguent, pom- vin. mades, en frictions. La racine d’aunée est tonique, excitante, expectorante, emménagogue, diurétique, vermifuge. Elle est généralement regardée comme utile dans l’atonie des organes digestifs, les catarrhes vésicaux et pulmonaires chroni- ques, l'asthme humide, la diarrhée séreuse, l’aménorrhée, la leucorrhée, etc. A l'extérieur, on l’emploie dans la gale et dans les dartres. L'usage de cette racine remonte à la plus haute antiquité. Hippocrate, Galien et Dioscoride signalent ses bons effets sur l’utérus, sur les voies uri- naires, et sur l’appareil respiratoire. Elle a toujours occupé une place dis- tinguée dans les pharmacologies et les traités de thérapeutique. Alibert en faisait un fréquent usage dans le vin. Cependant Trousseau et Pidoux n’en ont pas fait mention dans leur Traité de thérapeutique et de matière mé- dicale (5° édition). Comme la plupart des substances amères et aromatiques, la racine d’aunée remédie à l’atonie de l’estomac et des intestins. Cette propriété s'étend en- suite à d’autres appareils d'organes suivant les dispositions de ces appareils. C’est ainsi qu’elle peut provoquer le flux menstruel, la sécrétion des uriñes, les sueurs, l’expectoration, etc. Son action sur les voies respiratoires, quand la toux est humide et l’expectoration abondante, s’observe constamment. Tronchin prescrivait, pour favoriser et tarir l’expectoration, l’infusion miel- lée de racine d’aunée et d’anis étoilé. L’anis étoilé peut être remplacé par notre anis indigène. (Dehaen préconise contre la coqueluche soit le vin, soit le vinaigre d’aunée par cuillerées à café.) Delens a lu à la Société de médecine pratique de Paris une notice sur l'efficacité de la racine d’aunée contre la leucorrhée et les maladies scrofu- leuses (1836). Depuis que ces faits ont été publiés, j'ai eu souvent occasion d'employer la racine d’aunée dans la leucorrhée, et toujours j'en ai retiré de grands avantages. Une jeune fille de la campagne, d’un tempérament lymphatique, ayant eu des engorgements glanduleux au col dans son enfance, était at- teinte de flueurs blanches abondantes depuis près de deux ans. Elle était dans un grand état de débihité; des tiraillements d'estomac, de l’inappé- tence avaient lieu. Je lui fis prendre chaque matin une décoction de ra@ine d’aunée (12 gr. dans 125 à 150 gr. d’eau). Au bout de huit jours, l’écoule- ment était diminué de moitié, l’estomac faisait ses fonctions, les forces re- venaient, et un mois après je vis cette malade entièrement guérie. On peut rapprocher cette observation de celle que j'ai rapportée à l’article Absinthe, page 4. Vitet avait déjà conseillé, contre les flueurs blanches atoniques, la con- serve d’aunée à la dose d’un gros (4 gr.) une heure avant chaque repas. Delens croyait avoir découvert la vertu antileucorrhéique de l’aunée : nihil novi sub sole. 116 AUNÉE. Bodart prescrivait journellement l'extrait d’aunée avec succès dansles af- fections chlorotiques, en l’associant au sirop de nerprun. Sous cette forme, dit cet auteur, elle remplit parfaitement l’indication de l’aloès. On a employé la racine d’aunée dans les fièvres exanthématiques, lorsque l’éruption languit par asthénie. On l’a supposée utile dans les fièvres adyna- miques et ataxiques (typhoïdes) et dans la peste même, (Faivre d’Esnans y a recours dans les convalescences des maladies graves, et n’a qu’à se louer de son usage.) Hermann prétend qu’elle dissipe le tremblement des membres produit par le mercure. L'’aunée est une plante indigène très-précicuse, et dont je fais un grand usage dans ma pratique. Je donne l’infusion de la racine dans l’eau contre la débilité générale. Je la fais infuser quelquefois dans le vin, ou tout simple- ment dans la bière, lorsque le vin est trop cher pour les pauvres, auxquels je l’administre souvent. Dans la chlorose, je donne l’infusion aqueuse cou- pée avec autant d’eau de clous rouillés : elle me réussit très-bien dans ce cas. La même infusion, à laquelle j'ajoute 30 gr. de suc d’oignon pour 180 à 250 gr. d’infusion, avec une suffisante quantité de miel, forme une potion expeclorante et diurétique très-efficace dans le catarrhe pulmonaire à sa période d’atonie, dans la bronchorrhée, qu’elle tarit promptement, dans l’hydrothorax et l’anasarque. Knakstedt (1) a publié dans les mémoires de l’Institut de Saint-Péters- bourg, une notice où il établit que l'usage de cette racine, tant à l’intérieur qu'à l'extérieur, serait un remède très-efficace contre les dartres, la gale, et d’autres affections cutanées. Amatus Luzitanus dit avoir employé avec le plus grand succès contre la gale un onguent composé d’une demi-livre (250 gr.) de racine d’aunée fraîche, et de 5 onces (150 gr.) de graisse de porc, et avec lequel il faisait frictionner tout le corps : Est enim admirandéæ virtutis unguentum hoc, ut in- cantamento ejus opus simile videatur, dit cet auteur. Contre la gale, « chez les enfants, dit Hufeland, la pommade d’aunée est un moyen excellent, in- capable de nuire, et qui souvent surpasse tous les autres en efficacité; on en fait chaque jour des frictions sur les parties qui sont le siége de l’érup- tion. » Ce médecin se servait de la formule suivante : 3 onces (90 gr.) de racines d’aunée bouillies dans une suffisante quantité d’eau de fontaine, ajoutant ensuite une certaine quantité d’axonge. Bruckmann (2) a également préconisé l’aunée contre Ja gale ; sa formule diffère peu de celle d’Hufeland. Wolf (3) vante l'emploi extérieur de cette racine contre la maladie qui nous occupe. Rayer assure que dans plusieurs contrées la racine d’aunée, réduite en pulpe, et incorporée avec de la graisse, est employée en frictions contre la gale. Les lotions avec une forte décoction de celte racine sont aussi anti- psoriques. La racine fraiche, pilée et réduite en pâte fine, a été employée avec succès par Bodart, pour déterger les ulcères anciens, et surtout les ul- cères indolents, causés par la diathèse scrofuleuse. Je n'ai qu'un seul cas de gale guérie par des lotions faites avec une forte décoction de racine d’aunée, chez un garcon de dix ans. Ces lotions étaient faites tous les soirs pendant un quart d'heure. La guérison fut obtenue en huit jours. Cette gale n’existait que depuis un mois environ. (L’extrait d’aunée en injections a présenté quelques avantages dans l’otite chronique et l’otorrhée.) Les vétérinaires emploient l’aunée dans les affections chroniques de la poitrine, et lui reconnaissent des vertus excitantes dans certains parts labo- (1) Bulletin de la Société philomatique, t. I, p. 184. (2) Mercure général de l'Europe, année 1787, p. 150. s (3) De viribus inulæ helenii in scabie persanandä, épist. Leipzig, 1787. AUNÉE DYSENTÉRIQUE. — AURONE. 117 rieux) (en poudre de 64 à 128 gr. pour les grands animaux ; de 16 à 32 gr. pour les moutons). INULE ODORANTE (/nula odora), croit dans le midi de PEurope et en Provence. Deseription. — Feuilles radicales grandes, ovales, un peu obtuses, rétrécies en pétiole ; feuilles supérieures ovales, lancéolées, amplexicaules ; chargées toutes de poils blanchätres à leur revers. La racine, très-aromatique, exhale une odeur balsamique et jouit des mêmes pro- priétés que celle de l’inula helenium. 11 en est de même des Z. suaveolens, bifrons, britannica, graveolens, etc. AUNÉE DYSENTEÉRIQUE. Inula dysenterica. Conysa media, asteris flore luteo. Dioscor., BAUH. — Conysa media vulgaris. CLuc. — Aster autumnalis pratensis, conysæ folio. ToURN. Aster dysentericus. Scop. — Conysa media, seu arnica. — Pulicaria dysenterica. GÆRT. — Suedensis. Orr., MURR. Inule dysentérique, — inule conysière, — conyse moyenne, inule tonique, — conyse des prés, — herbe de Saint-Roch, — aunée des prés. Cette plante croît abondamment dans les lieux humides, au bord des fossés et des rivières. Description. — Racine oblongue, épaisse, garnie de fibres capillaires, brune en dehors, blanchâtre intérieurement. — Tige droite, cylindrique, haute de 95 à 30 cen- timètres, velue, paniculée. — Feuilles assez grandes, amplexicaules, oblongues, d’un vert pàle en dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous. — Fleurs jaunes, pédon- culées, disposées en corymbe au sommet des rameaux ; involucre hémisphérique. (Août-septembre.) La racine, les feuilles et les fleurs sont usilées. L’aunée dysentérique, d'une saveur âcre, un peu aromatique et amère, a été vantée contre la diarrhée et la dysenterie. Les Russes, au rapport de Linné, l’ont employée avec succès dans une dysenterie épidémique dont leur armée fut atteinte pendant leur expédition contre la Turquie. Elle à réussi à Dubois, de Tournay, dans deux cas, dont l’un de dysenterie et l’autre de diarrhée. I faisait prendre la décoction des fleurs (30 gr. pour 1 kilogr. d’eau) par tasses dans la journée. J'ai administré, en 1846, l’inule dysenté- rique en décoction (racine et sommités) par tasses, dans un cas de diarrhée qui durait depuis un mois. Dès le deuxième jour, il y avait une amélioration sensible, et le cinquième jour le malade était guéri. Depuis, je l’ai employée dans deux autres cas analogues, où les astringents étaient indiqués, et j'en ai retiré le même avantage. Les propriétés de cette plante ne sont point ima- ginaires. Gleditsch (1) et plusieurs autres médecins de Berlin lui ont prodi- gué des éloges dans le traitement des hémorrhagies. AURONE. Artemisia abrotanum. L. Abrotanum mas angustifolium maximum. ©. BAuK., T. — Abrotanum vulgare. J. B. Citronnelle, — armoise citronnelle, — armoise mâle, — armoïise des jardins, — aurone mâle, — ivrogne, — herbe royale. SYNANTHÉRÉES. — SÉNÉCIONIDÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYG. SUPERF. L. Sous-arbrisseau (PI. VIT) qui croît naturellement au bord des vignes, dans le midi de la France. Sa verdure est agréable. (2) Acta Berol., t. X, p. 87. 118 AVOINE. Bescription.— Racine ligneuse. — Tige de la hauteur de 1 mètre environ, dressées, cendrées, à rameaux verdâtres, cylindriques. — Feuilles alternes, pétiolées, linéairement découpées, presque capillaires, d’un vert grisâtre ou blanchâtre. — Fleurs jauntres, ovoïdes, disposées le long des rameaux supérieurs en grappes menues et ter- minales, présentant les caractères génériques du genre armoise (août-septembre). — Involucre hémisphérique, pubescent, cotonneux en dehors ; réceptacle nu ; fleurons au nombre de huit ou dix. — Fruit : akène sessile, comprimé, dépourvu d’aigrette. Parties usitées.— Feuilles, sommités et semences. (Culture. — Elle peut être cultivée en pleine terre dans toute l’Europe ; toutefois, en s’avançant vers le nord, elle devient sensible au froid : il lui faut alors une exposition chaude et un abri pendant l'hiver, il est même prudent d'en rentrer quelques pieds dans lorangerie ; il lui faut une terre légère, substantielle ; on la multiplie de graines ou de boutures faites au commencement de l'été, et protégées contre les rigueurs de l'hiver. Enfin, on peut la multiplier par division des touffes. ] Récolte. — L'aurone se récolte pendant tout l'été soit dans le Midi, soit dans nos jardins. Quand elle est bien séchée, elle ne perd ni sa saveur ni son aspect, à moins qu'elle ne soit trop ancienne. Propriétés physiques et chimiques. — L'aurone exhale une odeur de citron et de camphre en même temps, et sa saveur est âcre et amère. Elle donne un peu d'huile essentielle, qui, suivant Lamarck, fournit du camphre. L'eau, le vin et l'alcool s'emparent de ses principes actifs. L’aurone est regardée comme stimulante, emménagogue, sudorifique et vermifuge. Je l’ai souvent employée dans les espèces aromatiques. Ces se- mences sont employées comme vermifuge dans nos campagnes. Wauters les a proposées comme succédanées du semen-contra. De la même famille que l’armoise et l’absinthe, la citronnelle en a aussi les propriétés, mais à un plus faible degré. On peut en préparer une infusion théiforme (feuilles et sommités sèches, 15 à 30 gr. par kilogr d’eau bouil- lante), qui est très-agréable, stomachique, anthelmintique et carminative. J’ai vu un asthmatique se soulager dans les accès en prenant en grande quantité de cette infusion. Hortius recommande l’emploi de l’aurone en infusion aqueuse ou vineuse dans les fièvres intermittentes et dans les fièvres putrides. A l’extérieur, la décoction des feuilles et sommités de citronnelle dans l’eau, où on a fait dissoudre du sel commun, s'emploie avec avantage dans la gangrène, les ulcères putrides et vermineux, et dans l’œdème. Les anciens croyaient que cette plante, écrasée et appliquée sur la tête, faisait croître les cheveux et guérissait l’alopécie. Murray pense que cette prétendue pro- priété pourrait bien provenir de la forme capillaire de ses feuilles, et être une signature, (Suivant Bouchardat, parmi les moyens employés contre la teigne par Sydenham, on doit signaler un mélange à parties égales d’huile d'amandes, de laurier et de cendre de feuilles d’aurone, formant un onguent pour frictions biquotidiennes.) AVOINE. Avena sativa. L. Avena nigra. BAUH. — Avena vulgaris. — TourN. — Avena vesca. Los. GRAMINÉES. — AVÉNACÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE DIGYNIE. L. L'avoine est une plante annuelle, originaire d’Asie, et que l’on cultive dans toute l’Europe. Elle aime une température peu élevée jointe à un peu d'humidité. On la sème en février, mars ou avril, suivant la saison ou le climat. Description. — Racine se composant de fibrilles nombreuses, très-menues, gar- aies pourtant dans presque toute leur longueur de filaments capillaires. — Tige droite, ferme, creuse, noueuse, haute de 60 centimètres à 1 mètre, — Feuilles longues, planes, AVOINE, 119 un peu rudes au toucher, engaînantes. — Fleurs en panicule lâche, quelquefois unila- téral, composé d’épillets pendants, à deux fleurs, dont les balles, plus courtes que les glames, ont une arète longue, torse vers la base, Cette arête se perd souvent par la culture. — [Etamines trois à anthères allongées. — Style bifide, terminé par deux slig- mates plumeux. — Fruit : caryopse, long, farineux, pointu aux deux extrémités. ] Parties usitées. — La semence. (Culture. — La cullure de cette plante est essentiellement du domaine de Pagri- culture. ] Propriétés physiques et chimiques. — L'écorce qui recouvre celle semence est dure, coriace, d’une saveur amère, nauséabonde, qui se communique au pain et à la bière qu'on en prépare. L’arête placée à la balle extérieure se courbe et tourne de différents sens, suivant le plus où moins d'humidité de l'atmosphère, en sorte qu'elle offre un hygromètre naturel. La farine d'avoine contient, d’après Vogel, 59 parties de fécule, 4.30 d’albumine, 3.50 de gomme, 8.25 de sucre et de principe amer, 2 d'huile grasse et un peu de ma- lière fibreuse. Davy en a retiré 40 pour 100 de gluten. Suivant Journet, l'écorce de la semence d'avoine renferme un principe aromatique analogue à celui de la vanille, so- luble dans l'alcool, et que l’on peut employer pour aromatiser les liqueurs, les crèmes, les pastilles, le chocolat, etc. L’avoine noire ou rouge, bouillie dans le lait destiné à faire des crèmes, lui communique ce principe. Les traiteurs de Paris connaissent et emploient cet innocent succédané de la vanille. Vauquelin a constaté la présence du phosphate de chaux et de la silice dans les cendres de cette graine. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. [Le gruau est à peu près la seule partie de l’avoine employée en médecine; on l'obtient en passant les grains d'avoine entre deux meules pour les débarrasser de l'épicarpe, comme on le fait pour l'orge ; le gruau ainsi obtenu est employé en décoction à la dose de 30 à 60 gr. sous la forme de tisane. Ce n’est pas avec cette avoine que lon fait le pain de luxe connu sous le nom de pain de gruau. Celui-ci est préparé avec la plus belle farine de froment. (L'avoine était la base du decoctum avenacum Loweri.) Dans nos pays, l’avoine sert principalement à la nourriture des chevaux, des vaches, des brebis, des pores de la volaille, etc. Elle augmente consi- dérablement le lait des vaches. Elle donne aux chevaux plus d'énergie ; mais on prétend qu’elle fatigue les organes digestifs par l’irritation que cause son enveloppe corticale en contact avec la muqueuse, et qu’elle abrége ainsi la durée de la vie de ces animaux. (On a conseillé, pour obvier à cet inconvénient, de faire macérer l’avoine avant de la leur donner.) Divers peuples regardaient l’avoine comme une des principales plantes alimentaires. La bouillie d'avoine, au rapport de Pline, servait à la nourri- ture des anciens Germains. Les pauvres habitants de la Norwège, de la Suède, ceux de quelques provinces de l’Angleterre, de l'Allemagne et de la France, mangent du pain d'avoine, surtout quand les autres céréales sont rares. Ce pain est gras, visqueux, foncé en couleur, amer et indigeste. Il a été constaté que des concrétions intestinales singulières peuvent être produites par l’usage habituel de l’avoine comme aliment. « Claret et Lagil- lardais, médecins, ont adressé à l’Académie des sciences deux calculs qu'ils ont retirés du rectum d’une fille reçue par eux à l'hôpital de Vannes. — Gui- bourt ayant examiné ces deux concrétions avec beaucoup de soin, a reconnu que la première pesait 40 grammes, la seconde 27. Toutes deux présentaient à leur centre un noyau de prune. L’enveloppe extérieure de ce corps étran- ger était une sorte de feutre formé sans doute par la pellicule extérieure de l’avoine dont cette femme se nourrissait habituellement. Ges concrétions, en effet, sont très communes chez les chevaux, et on ne les rencontre guère 120 AVOINE. dans l’espèce humaine que parmi les gens qui font leur nourriture habituelle de la farine d’avoine (4). » La semence d'avoine, dépouillée de sa pellicule, forme le gruau, qui est émollient et nutritif. Il est très-employé en décoction dans les maladies de poitrine, les catarrhes, les toux sèches, l’hémoptysie, les phlegmasies du tube digestif et des voies urinaires. Avec le lait il forme une nourriture douce, rafraîchissante, calmante, qui convient surtout aux enfants. Pendant tout le cours des fièvres typhoïdes, je nourris les malades avec l’eau de gruau, plus ou moins épaisse, le jaune d'œuf étendu dans l’eau, le bouillon, à mesure que le malade approche de sa convalescence, pendant laquelle je donne la bouillie faite avec le gruau concassé, les soupes grasses, etc. Il est de toute nécessité d'alimenter les malades dans les fièvres. Si l’on n’avait pas oublié à cet égard les préceptes d’Hippocrate, on n'aurait pas vu tant de malades mourir d’inanition au déclin de leur maladie. L'application pratique de la doctrine de Broussais en a fourni de nombreux exemples. J’ai vu, vers la fin des maladies aiguës, l’irritation de l’estomac, la persistance de l’état fébrile, avec sécheresse de la peau, urines rouges, etc., cesser comme par enchante- ment sous l'influence d’une alimentation douce et graduellement augmentée. En Angleterre on fait un grand usage, comme nourriture, de la bouillie de gruau. Cette bouillie est plus délicate si l’on y ajoute des amandes douces et du sucre. Ge mets est restaurant et d’une digestion facile. On le donne aux enfants, aux valétudinaires et aux femmes en couche.- (Hippocrate, Galien, Paul d’Egine, Alex. de Tralles, Oribase, Hoffmann, Bocrhaave, prescrivaient la décoction d’avoine brute comme celle d’orge dans les affections aiguës et inflammatoires.) Dans ma pratique rurale, j’employais généralement la tisane d’avoine telle qu'elle est, c’est-à-dire non dépouillée de ses enveloppes. Je lui ai quelque- fois reconnu une propriété diurétique assez marquée, mais irrégulière et inconstante. Thémont, d’Ath (2), a vu des hydropisies rebelles ceder à l’usage de ce remède populaire. I l’administrait à la dose de deux fortes poignées, en décoction, dans un litre et demi réduit à un litre. Dubois, de Tournai, a connu un charretier qui s’est guéri d’une infiltration générale de tout le corps en prenant la même décoction. Elle lui a aussi parfaitement réussi chez une femme de soixante-cinq ans, d’une constitution débile, qui avait, depuis plusieurs semaines, les extrémités inférieures fortement infiltrées. Ce médicament provoqua une diurèse très-abondante, qui fit disparaître le gonflement en quarante-huit heures. Dans deux autres cas d’hydropisie, ce remède ne produisit aucun bien. L'eau aigrie sur la farine d'avoine forme, avec le sucre et une petite dose de vin blanc, une limonade antiseptique et stimulante, dont Pringle a con- staté les avaniages pour arrêter les progrès du scorbut. On prépare, avec l’avoine torréfiée et réduite en poudre, un café laxatif qui soulage les personnes atteintes d’hémorrhoïdes ou sujettes à la constipation. Deux ou trois tasses prises le matin à jeun, pendant deux ou trois jours, produisent ordinairement un effet salutaire. On peut y ajouter quelques cuil- lerées de lait et un peu de sucre. (RoQUES.) La balle d'avoine, qui est douce et souple, est employée dans les coussi- nets pour les appareils de fracture, dans les paiïllassons pour les enfants au berceau, et pour les oreillers dans les affections de la tête où les oreillers de plume causent trop de chaleur. — En cataplasme, la farine d'avoine est émol- liente, légèrement résolutive et maturative. J'ai employé avec avantage, sur les ulcères putrides, un cataplasme composé de farine d’avoine et de levure de bière ; l'effet antiseptique de ce catapiasme est très-prompt. — J'applique (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1853, p. 81. (2) Journal de médecine de Bruxelles, août 1844. BAGUENAUDIER. : 121 quelquefois , à l'exemple des campagnards, l’avoine entière cuite avec du vinaigre, sur les points de côté pleurétiques et sur le lombago ; mais je leur préfère l’action d’un rubéfiant. BAGUENAUDIER. Colutea arborescens. L. Colutea vesicaria. BAUH., T. — Colutea. Don. Baguenaudier arborescent, — séné bâtard, — séné d'Europe, — faux séné, — séné vésiculeux, arbre à vessie, — colutier. LÉGUMINEUSES. — LOTÉES. Fam, nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. Cet arbrisseau (PI. VID croît naturellement sur les montagnes de la Suisse, dans quelques localités des départements méridionaux ; on le trouve dans les Pyrénées, au milieu des broussailles et des rochers ; en Auvergne et même en Bourgogne. On le cultive dans les jardins potagers, où il se naturalise et se multiplie très-facilement. Description. — Racine ligneuse, rameuse.— Tige de la hauteur de 4 à 5 mètres, très-rameuse, — Feuilles alternes ailées avec impaire, composées de sept à onze folioles ovales-arrondies, vertes et glabres en dessus, glauques en dessous, munies à la base de deux petites stipules aiguës. — Fleurs jaunes ou veinées de rouge, en grappes axillaires. — Corolle papilionacée; ailes aplaties, courtes, lancéolées (juin-juillet). — Calice per- sistant monophylle, campanulé, droit, à cinq dents courtes et pointues. — Dix étamines diadelphes, dont neuf enveloppant le pistil. — Ovaire supérieur oblong, comprimé, sur- monté d’un style à stigmate crochu. — Fruit : légume vésiculeux, glabre, fermé au sommet, éclatant avec bruit par la pression. — Semences noirâtres, réniformes, petites. Parties usitées. — Les feuilles, les gousses, les semences. [Calture. — Le baguenaudier peut se multiplier de drageons et de boutures, mais on peut aussi le semer en pépinière à l’automne, dans une exposition ombragée ; on préserve les jeunes plants des limaces, et on les repique en pépinière au printemps sui- vant, pour être mis en place à l’automne.] Béeoelte.— Les feuilles se récoltent vers la fin de l'été ou en septembre. On les monde et on les fait sécher à l'ombre. Comme ces feuilles ressemblent à celles du séné à larges feuilles, on les mêle quelquefois frauduleusement ensemble dans un but de falsi- fication. Elles diffèrent du séné en ce qu’elles sont ordinairement plus grandes, plus minces, plus vertes, plus tendres, qu’elles ne sont pas rétrécies à leur base, et qu'elles n'ont pas à leur extrémité cette petite pointe qu’on remarque au bout du séné obtus. [Propriétés chimiques. — Les folioles et les fruits du baguenaudier sont riches en tannin ; d’après E. Baudrimont, l'air renfermé dans les gousses contient moins d'oxygène que celui de l'atmosphère et beaucoup plus d’acide carbonique.] Les feuilles du baguenaudier ont une saveur äâcre, nauséeuse ; elles sont purgatives , ainsi que les semences. Boerhaave, Gesner, Garidel, Tablet, regardent ces feuilles comme pouvant remplacer le séné. Coste et Wilmet ont administré ce purgatif à la dose de 30 à 100 gr. en infusion dans 1 kil. d’eau, avec addition de feuilles de scrofulaire et d’un peu de semence d’anis, à des pauvres de la campagne, dont plusieurs étaient atteints de fièvres in- termittentes. Ces malades ont eu constamment sept à huit selles abondantes, sans aucune fatigue. Ces auteurs lui supposent un effet tonique secondaire. Bodart dit avoir toujours employé avec succès la formule suivante : feuil- les de baguenaudier, 30 à 100 gr.; racine verte de réglisse effilée, 30 gr.; semence de fenouil sucré d'Italie, deux pincées ; faites infuser sur les cen- dres chaudes pendant une nuit dans 1 kil. d’eau ; faites bouillir légèrement le lendemain et passez, pour prendre le matin, à la dose de trois verres, à deux à trois heures d'intervalle, pendant deux jours de suite. — Ce breuvage, il faut en convenir, est assez dégoûtant. Nous possédons des purgatifs indi- gènes qui ont sur le baguenaudier l’avantage de produire le même effet à une dose quatre ou cinq fois moindre. La tisane purgative dite royale, il est 122 BALISIER, — BALLOTE NOIRE. vrai, ne causait pas moins de répugnance et était néanmoins généralement employée. On a proposé les gousses vésiculaires de cet arbrisseau comme succéda- nées des follicules de séné. Les feuilles du baguenaudier, fumées, font couler une grande quantité de sérosités nasales. BALISIER. Canna indica. Canne d'Inde, CANNÉES. Fam. nat. — MONANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante herbacée, vivace, originaire de l'Amérique méridionale, est cultivée en Europe comme plante d'ornement. [DBeseription.— Plante herbacée, à feuilles larges, rubanées, à rhizomes gros, noueux, spongieux ; ses fleurs, rouges ou jaunes, inodores, sont accompagnées de brac- tées colorées et disposées en épi ; les graines noires, piriformes sont très-recherchées par les pigeons, elles servent, dit-on, de balle de fusil ; on en retire une couleur rouge, et on en fait des chapelets. Parties usitées. — La souche, les graines.] (Propriétés chimiques. — La souche contient une si grande quantité de principes mucilagineux qu’une sorte de gomme se ramasse à son collet.) (On attribue au balisier des propriétés diurétiques et surtout émollientes. Cette dernière vertu est non douteuse; et n’était le prix élevé que cette plante acquiert parce qu’elle n’est cultivée que comme plante d'ornement, elle rendrait de grands services et détrônerait la racine de guimauve.) BALLOTE NOIRE. Ballota nigra. L. : Marrubium nigrum fœtidum. BAUH. — Marrubium nigrum. GRANTZ. Marrubiastrum. Riv. Marrube noir, — marrube puant, — marrubin noir, — marrube fétide. LABIÉES. — STACHYDÉES. Fam. nat.— DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. La ballote noire, piante vivace, est très-commune le long des haies, des chemins et des murs, dans les lieux incultes. Le bétail n'y touche point. Description.— Racines grèles allongées, jaunâtres, fibreuses, chevelues.— Tiges droites, carrées, rameuses, un peu rougeâtres. — Feuilles ovales, crénelées et ridées, un peu cordées, pétiolées, opposées, aiguës au sommet, sinueuses et un peu pubes- centes. — Fleurs purpurines, disposées en verticilles serrés, multiflores, axillaires, opposés (juin-septembre). — Calice campaniforme, à limbe 5-denté, à 5 plis. — Corolle bilabiée, à tube presque renfermé dans le calice ; lèvre supérieure droite, entière ; lèvre inférieure à trois lobes, le moyen plus grand. — Quatre étamines didynames saillantes, parallèles sous la lèvre supérieure, à anthères superposées de deux loges. — Style grêle, court, terminé par un stigmate bifide. — Fruit : un tétrakène, oblong, glabre. Parties usitées. — Les feuilles et les sommités fleuries. [Culture. — La ballote fétide vient dans tous les sols ; elle préfère les expositions chaudes ; on la propage par éclats de pieds pratiqués à la fin de lhiver ou par semis faits sur place.] Récolte. — On récolte cette plante pendant les mois de juillet et août. Elle n’exige pour sa dessiccation aucun soin particulier. Propriétés physiques et chimiques.— La ballote est douée d’une odeur très-félide et d’une saveur amère et chaude. Elle contient une huile volatile, un principe amer et de l'acide gallique. L'eau et l'alcool dissolvent ses principes chimiques. Substances incompatibles. — Le sulfate de fer. La ballote noire, placée en botanique à côté du marrube blanc, jouit de BALSAMITE, 123 propriétés analogues à celles de ce dernier; mais il est moins souvent em- ployé à cause de sa fétidité. Suivant Peyrilhe, il est indifférent d'employer l’une ou l’autre de ces plantes dans les cas ou elles sont indiquées. La ballote est tonique, excitante, antispasmodique, emménagogue, vermi- fuge. Ray regarde son infusion comme un excellent remède contre l’hys- térie et l’hypocondrie. Boerhaave la place à côté du castoréum, du galba- num et de l’assa-fœtida dans le traitement des névroses en général, et en particulier dans l’hystérie. Tournefort conseille, pour se garantir de la goutte, de boire trois ou quatre verres par jour d’une infusion préparée avec trois pintes d’eau, une poignée de ballote, associée à une égale quantité de marrube blanc et de bétoine. Le marrube noir est un vermifuge très-actif. Je l’ai donné avec succès en lavement contre les ascarides lombricoïdes et les oxyures vermiculaires. Le suc épaissi et employé en suppositoire m'a souvent réussi contre ces derniers. Une tige de porreau trempée dans ce suc et fréquemment introduite dans le rectum produit le même effet. Le marrube noir est une plante très-énergique el qui occuperait une place distinguée dans nos officines si elle n’avait contre elle le malheur d’être trop commune : on dédaigne ce que l’on peut se procurer si facilement. (Matthiole employait cette plante contusée appliquée sur les ulcères de mau- vaise nature.) BALLOTE COTONNEUSE (Ballota lanata, L.), plante aromatique de la Sibérie, cultivée dans les jardins en Allemagne, et que l’on pourrait cultiver en France ; très-énergique. Elle contient du tannin, une matière résinoïde amère, aromatique (picroballotine), une substance céracée verte, des sels. Le décocté de 15 gr. de cette plante dans 500 gr. d’eau réduits à 250 gr., est recommandé par les médecins allemands et russes comme très-efficace dans la goutte, où elle agirait à la fois comme diurétique, sudorifique et dissolvant de l’acide urique. On le recommande aussi dans le rhumatisme, l’hydropisie. Rehman prescrit, dans ce dernier cas, d'ajouter au décocté de la teinture d’écorce d’orange et de l’éther nitrique. Brera et Luzzati, cités par Mérat et Delens, ont constaté l'efficacité de cette plante dans le traite- ment de la goutte et du rhumatisme. (L'usage de ce médicament détermine au bout de quelques jours du prurit; les urines se chargent d’acide urique; puis, si l'emploi est continué, le corps se couvre d’une éruption miliaire, des sueurs abondantes ont lieu; ces phénomènes annoncent un prompt amen- dement dans les symptômes. (Ghidella.) Qui sait si le marrube noir, vanté contre ces dernières maladies par Tournefort, ne produirait pas le même effet? La ballote odorante (Ballota suaveolens) a été préconisée comme emména- gogue et antihystérique. BALSAMITE. Tanacetum balsamita. L. Tanacetum hortense, foliis et odore menthæ. Tourn.— Balsamita suaveolens. Desr. — Balsamita major. Don. — Costus hortorum. PHARM. Balsamite odorante, — grand baume, — baume coq, — herbe au coq, — coq des jardins, — menthe coq, — menthe Notre-Dame, — grande tanaisie, — pasté, — tanaisie baumière, — herbe à omelette. SYNANTHÉRÉES. — SÉNÉCIONIDÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAM. SUPERF. L. Cette plante (PI. VIT) vient spontanément dans plusieurs parties de l'Eu- rope, dans les lieux incultes du midi de la France. On la cultive dans les jardins. Description. — Racine vivace, traçante, fibreuse. — Tiges dressées, très- rameuses, blanchâtres et comme pulvérulentes, de 60 à 95 centimètres de hauteur. — 12% BALSAMITE. Feuilles ovales, elliptiques, dentées, d'un vert pâle et pulvérulentes, les radicales à long péliole, les caulinaires sessiles. — Fleurs jaunes en nombreux capitules, formant une sorte de corymbe terminal. — Réceptacle plan et nu. — Involucre hémisphérique, ouvert, composé d’écailles imbriquées ; fleurons tubuleux, tous hermaphrodites, à cinq divisions très-serrées les unes contre les autres.— Fruits : akènes allongés, couronnés d'une petite membrane à peine sensible et unilatérale. Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs et les fruits. (Culture. — Elle préfère une exposition chaude, mais elle croît dans tous les ter- rains ; on la propage par rejetons et par éclats de pieds, ou par semis faits en place au printemps ou à l'automne. ] Béeolte. — La balsamite se récolte comme toutes les plantes aromatiques. A cause d'une ressemblance de nom, des herboristes ignorants confondent cette plante avec la balsamine des jardins (impaliens balsamina), plante herbacée qui passe pour vulnéraire, ou avec la balsamine des bois (2mpaliens noli tangere), plante âcre et vénéneuse, ou même avec la balsamine pomme de merveille, qui est aussi vénéneuse. Propriétés physiques et chimiques. — La balsamite exhale, surtout quant on la presse entre les doigts, une odeur pénétrante, suave ; sa saveur est chaude, aromatique et un peu amère, Ces qualités décèlent la présence d’une huile volatile et d’un principe amer, comme dans la plupart des plantes aromatiques. | La balsamite est excitante, vermifuge, antispasmodique. L’infusion théi- forme ou vineuse des sommités (8 à 15 gr. pour 1 kilogr. d’eau suivant l’in- dication) est un stomachique très-utile dans les contrées marécageuses. « Voltelin parle avec une sorte d’enthousiasme de l’infusion vineuse des feuilles. Ce vin réveille l’esprit, donne de la gaîté, chasse la mélancolie. Vino imprimis infusa folia mentem mirifice excitant, lætificant, unde melancho- licis egregia. Pour le rendre encore plus agréable et plus parfumé, il conseille d’y ajouter une pincée de mélisse et d’aspérule odorante. Sans qu'il le dise, l’aimable professeur buvait de temps en temps quelques petits coups de ce vin pour dissiper l'influence un peu triste des brouillards de la Hollande. Tout le monde peut préparer ce remède domestique (Roques). » J'emploie les feuilles de cette plante dans tous les cas où les excitants aro- matiques sont indiqués, soit à l’intérieur, soit à l’extérieur. Les fleurs et le fruit peuvent être administrés comme vermicides de la même manière que ceux de la tanaisie, avec lesquels ils ont une grande analogie de famille. La poudre des fleurs, à la dose de 2 gr. , a fait rendre cinq ascarides lombri- coïdes, après trois jours de son usage, chez un enfant de quatre ans. Ce mé- dicament peut remplacer le semen-contra. C’est un puissant vermifuge. La balsamite est une plante vraiment utile et trop négligée. C’est un médi- cament fort énergique, dit A. Richard, et que l’on n’emploie pas autant qu'elle le mérite, de même que plusieurs plantes de la même famille. Jadis on préparait l'huile de baume, très-employée dans les plaies et con- tusions, en faisant macérer les feuilles dans l’huile d'olives. Les campagnards font encore usage de cette préparation, qu’ils considèrent comme un excel- lent vulnéraire. BALSAMITE ANNUELLE. (Tanacetum annuum. L. — Balsamita annua. Décanp.) — Plante qui croit en Espagne, en Italie, et dans les départements méridionaux de la France, aux environs de Narbonne et de Montpellier, dans les lieux incultes et sablonneux. Deseription.— Tige droite, striée, cylindrique, de 60 centimètres à 1 mètre, divisée supérieurement en rameaux divergents. — Feuilles radicales deux fois ailées, celles de la tige réunies par faisceaux pinnatifides, à lobes trifurqués, couvertes, ainsi que le reste de la plante, d’un duvet cotonneux. — Fleurs terminales en corymbe serré au sommet de la tige et des rameaux ; chaque corymbe composé de trente-six à quarante petites fleurs jaunes, flosculeuses, et dont tous les fleurons sont hermaphrodites. — Réceptacle un peu convexe, BARBARÉE. — BARDANE. 195 La tanaisie annuelle, dont on ne parle dans aucun traité de matière médi- cale, n’en mérite pas moins l'attention des praticiens. D’une odeur péné- trante très-diffusible, d’une saveur chaude, aromatique et amère, elle par- lage la vertu excitante, anutispasmodique et anthelmintique de la balsamite odorante et de la tanaisie commune. (Voir TANAISIE.) ; hi nl Li BARBARÉE. Erysimum barbarea. L. Eruca lutea latifolia, sive Barbarea. BAUH. T. Barbarée officinale, — herbe de Sainte-Barbe, — cresson de terre, — roquette des marais, herbe aux charpentiers. CRUCIFÈRES. Fam, nat, — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. Plante bisannuelle (PI. VIT) que l’on trouve dans les boïs, le long des ruis- seaux, dans les terrains humides. Elle est cultivée dans les jardins, où ses fleurs doublent. Deseription. — Tige droite de 30 centimètres de haut environ, glabre, canne- lée, simple en bas, rameuse supérieurement. — Feuilles sessiles, les inférieures grandes, pinnatifides, dont le lobe terminal est plus grand, arrondi, denté, les latéraux ellip- tiques, presque entiers ; feuilles supérieures plus petites, lyrées. — Fleurs jaunes, pe- tites, en grappes terminales. — Calice égal, non bossu à sa base, à quatre sépales dressés, caducs. — Corolle à un pétale en croix. — Six étamines, dont deux plus courtes ; quatre petites glandes à la base des filets staminaux. — Fruit : siliques allongées, tétragones. Parties usitées. — Les feuilles et la semence. [Culture. — Comme beaucoup de crucifères, la barbarée demande un terrain un peu humide ; on la multiplie par semis ou par éclats de pieds.] Récolte.— Comme la plupart des crucifères, la barbarée doit être employée à l’état frais. L'ébullition et la dessiccation lui font perdre une grande partie de ses pro- priétés. Propriétés physiques et elhimmiques. — Celle plante est inodore, d’une saveur analogue à celle du cresson, et paraît contenir des principes de même na- ture que ce dernier, mais moins énergiques. Les feuilles de barbarée sont antiscorbutiques: On en emploie le sue, on la mange en salade. On les donne aussi comme diurétiques dans l’hydropi- sie, les engorgements des viscères abdominaux et la gravelle. La semence, qui est âcre et chaude, est plus active, comme diurétique, que les feuilles. On la donne en poudre à la dose de 2 à 4 gr. dans l’eau ou mieux dans le vin blanc. A l'extérieur, les feuilles sont détersives à la manière de celles de velar ou érysimum. Elles ont été utiles en topique sur les ulcères sordides, atoniques ou gangréneux. On les employait autrefois sur les plaies récentes, de là le nom d'herbe aux charpentiers que lui ont donné les paysans. Cette pratique a été avec raison abandonnée. La barbarée est inusitée. Cependant, dans les marais Où on la rencontre, on peut l’utiliser contre la cachexie paludéenne. BARDANE. Arctium lappa. L. Personnata sive lappa major. MATTH.— Lappa major seu arctium Dioscoridis. BAUH. — Bardana. PHARM. — Lappa major. T. Bardane officinale, — napolier, — herbe aux teigneux, — glouteron, — dogue, — herbe aux pouilleux. SYNANTHÉRÉES. — CYNARÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYG. ÉGALE. L. Cette plante (PI. VII), commune dans presque tous les climats, croit le long des chemins, sur les terrains incultes, au voisinage des masures. Cette 126 BARDANE, plante est un mauvais fourrage. Virgile (1) recommandait d'en purger les prairies; les agronomes de nos jours suivent le même conseil. Description. — Racine bisannuelle, grosse, longue, cylindrique, fusiforme, noi- râtre en dehors, blanche en dedans, garnie de filaments çà et là, surtout vers le bas. — Tige herbacée, dure, annuelle, striée, rameuse, de 60 à 90 centimètres. — Feuilles inférieures très-amples, cordiformes, pétiolées, crénelées, vertes en dessus, légèrement cotonneuses en dessous , les supérieures successivement moins grandes, simplement ovales ; les unes et les autres alternes. — Fleurs purpurines, en capitules arrondis, solitaires, et formant une panicule irrégulière, feuillée. — Galice globuleux, verdâtre, à folioles nombreuses, imbriquées, lancéolées, se terminant chacune par une pointe acérée et recourbée en crochet, — Fleurons égaux, nombreux, tous hermaphrodites, réguliers. — [Réceptacle plan, alvéolé, muni de paillettes nombreuses avec involucre arrondi, formé d’un grand dombre de bractées étroites, subulées, rudes, imbriquées, portant au sommet un crochet recourbé en dehors.] — Corolle tubuleuse, à cinq dents, sortant du calice. — [Fruit : akène anguleux, brunätre, oblong, surmonté d’une aigrette simple sessile.] Parties usitées. — La racine, les feuilles, quelquefois les fruits. (Culture. — Elle n’est cultivée que dans les jardins de botanique ; on la propage de graines semées en place et en toute saison.] Récolte. — On récolte la racine de bardane de la première année en octobre ; celle de la seconde année, au commencement du printemps. Après l'avoir mondée el coupée par rouelles, on la fait sécher à létuve ou au soleil ; on doit rejeter celle qui est ligneuse. On peut la récolter en tous temps quand on veut l’employer fraiche. On ne doit mettre la racine dans les sacs pour la conserver que lorsqu'elle est bien sèche, sinon elle moisit et se détériore. Il faut la visiter souvent, car, au bout d’un an, elle est sujette à être attaquée par les vers. Propriétés physiques ct chimiques; usages économiques. -— La racine, inodore, est d’une saveur douceâtre, un peu amère et astringente. Elle contient, d'après Guibourt, une grande quantité d’inuline, des sels à base de potasse, de l'extractif, de l’amidon. Les feuilles fournissent beaucoup de sous-carbonate de potasse, du nitrate de potasse et quelques autres sels. L'eau s'empare des principes actifs. Elle donne à la décoction une couleur verdâtre. Dambourney avait proposé de cultiver la bardane pour en extraire la potasse, que toutes les parties de la plante fournissent en grande quantité par l’incinération. La racine donne de l’amidon, et peut, comme la saponaire, servir à nettoyer le linge. Schæffer a fabriqué avec l'écorce de la tige un papier blanc verdàtre. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Racine ou feuilles, 15 à ou inspissation du suc), de 1 à 10 gr., en 60 gr. par kilogramme d’eau, en décoction pilules, bols, etc. ou infusion. Poudre (rarement), de 4 à 4 gr., en bols, pi- Sirop (1 de racine fraiche sur 8 d’eau et 8 de lules ou en substance, dans un véhicule, sucre), de 30 à 100 gr., seul ou en potion. (Jamais employé.) À L’EXTÉRIEUR. — Feuilles, quantité quel- Teinture (1 de racine sur 5 d’alcool), de 1 à conque, en cataplasme. 10 gr., en potion. Décoction, pour lavements. Extrait (1 sur 6 d’eau par infusion, décoction | Suc des feuilles, pour pommade, etc. La racine de bardane, regardée comme sudorifique, diurétique et dépura- tive, a été recommandée dans le rhumatisme, la goutte, le catarrhe pulmo- naire, les dartres squammeuses et furfuracées, les affections syphiltiques secondaires et tertiaires. Baglivi, Boerhaave, Rivière, Storck et beaucoup d’autres auteurs la recommandent dans cette dernière maladie, à cause de sa vertu diaphorétique. Van Swielen a souvent donné ce médicament avec succès dans la syphilis : « Pro illis, dit-il, quibus res anqusta domi erat, sæpius dedi decoctum radicum bardanæ ; quæ levi pretio ubique haberi possunt, et simi- lem effectum imo majorem quam a decocto chinæ potato, vidi. » Wauters à eu recours plus de cent fois à ce médicament pour combattre l’affection dont il s’agit, et il l’a toujours vu produire les mêmes effets que la squine. Car- (1) Géorgiques, lib. 1 et ri. BARDANE, 127 theuser la croit supérieure à la salsepareille. Bodart l’a proposée comme succédané du gayac. Henri HE, roi de France, fut guéri de la syphilis au moyen de la bardance et du séné par Pena. Samuel Formius (1) rapporte ainsi les détails de cette cure : « HENRICUS tertius Gallorum rex lue venerea laborans à medicis ordinariis curari non poterat. Monitus fuit Penam tune temporis Lutetiæ medicinam facien- tem mullos ab hoc morbo liberare remedio peculiari quod a quodam Turco didi- cerat ; illum vocari jussit : ab eoque curatus est. Remedium tale erat : « Hadic. bardanre in toleolis sectæ une. 8. — Vini albi et aquæ fontis lib. 2. — Bulliant ad mediæ partis consumptionem, addendo sub. finem, Senn. mund. unc. Db. 1 1/, pro dispositione œægrotantis : colaturæ capiat mane lib. 4 ‘/.. Sudores provocando cum silicibus majoribus calidis linteis obvolutis, quorum unus admoveatur plantis pedum, duo tibiis, duo cruribus , duo juxta medium parte exteriore, et duo juxta humeros, probe tegendo ægrum ; sudores copiosi exci- tantur per horam unam cum dimidia et cirea vesperam alvus solvitur bis aut ter : hoc remedium præmissis universalibus usurpabatur per spatium quin- decim aut viginti dierum. Postea capiebat mane singulis diebus decoctum bar- dancæ sine senna et sine ullo regimine per mensem integrum aut dies quadra- gunta. » On voit, d’après cette observation, que les sueurs provoquées ont été très- utiles, et qu’elles ont pu, après plusieurs traitements mercuriels, amener la guérison de la syphilis dont était atteint Henri IL. Il est à remarquer que ce n'est guère que dans ces circonstances que les végétaux dits sudorifiques guérissent la vérole. (Je lis dans Baglivi (2) : Radix Bardancæ a pluribus doctis- simis viris pro magno secreto habetur, ad curandam luem Gallicam.) J'ai employé la racine de bardane en décoction dans un cas de syphilis tertiaire, chez un militaire libéré du service, et chez lequeï, après une gué- rison apparente, il était survenu des pustules au front (corona veneris) et des douleurs nocturnes au périoste des tibias (periostite) tellement vives que le malade ne pouvait trouver un seul instant de repos que vers le matin. Je l’ai traité absolument et de point en point comme Péna avait traité Henri HI, et j'ai obtenu le même résultat. Ce malade, affaibli par deux traitements mer- curiels subis dans les hôpitaux militaires, était dans les conditions les plus favorables pour l’usage des sudorifiques. Il a continué pendant cinquante jours la décoction de racine de bardane; mais je n’ai eu besoin de provoquer les sueurs que pendant quinze jours. Les symptômes avaient promptement cédé. Il y a maintenant près de six ans que la guérison a eu lieu, et aucune récidive ne s’est manifestée. J'ai depuis éprouvé un insuccès dans une circonstance à peu près sem- blable ; mais la salsepareille elle-même, à laquelle on a proposé de substituer la bardane, réussit-elle toujours ? Il est bien certain qu'aujourd'hui l’iodure de potassium l'emporte en efficacité sur ces moyens pour combattre la sy- philis constitutionnelle ; mais ce médicament est d’un prix très-élevé. Schræder vante l'efficacité de la racine de bardane dans les engorgements de la rate et dans les affections goutteuses et rhumatismales. Petrus Fores- tus rapporte que Vastelius, pensionnaire de Malines, fut guéri de la goutte par la décoction de cette racine. Hill et Cheneau la recommandent dans la même maladie. Alibert regarde cette plante comme utile dans quelques dermatoses, notamment dans les affections lymphatiques compliquées d'une certaine aridité de la peau. Hollerius l’a employée avec avantage comme su- dorifique dans le traitement de la pleurésie. Je l’ai reconnue utile dans les dartres squammeuses et furfuracées, et même dans les exanthèmes aigus (variole, rougeole, scarlatine) lorsque, chez des sujets Iymphatiques, affaiblis ——_—————————————…——…—…——…—…—…——…——…—…—…——……—_—_— …—…_…_____————…——……—_—_—_—…—_“_“__————…“…“…——…—…——…..—.— (1) Observation xLr. (2) Op. omnia, 1715, p. 98. 128 BARDANE, par la misère, l'éruption ne peut s’opérer que d’une manière imparfaite ou irrégulière. Dans ces derniers cas, j’emploie de préférence les feuilles, les- quelles possèdent les mêmes vertus que les racines et sont même regardées par quelques auteurs comme plus actives. J'ai acquis la certitude que la semence de bardane infusée dans du vin blane , à la dose de 4 gr. pour 500 gr. de vin, est diurétique. Je l’ai donnée avec succès dans un cas d’anasarque survenue chez une pelite fille de dix ans à la suite de la scarlatine. On peut administrer cette semence en émulsion. Les feuilles de bardane appliquées extérieurement sont résolulives et dé- tergent les ulcères. Percy employait le suc des feuilles de cette plante dans les excoriations légères avec inflammation, dans les eroûtes de lait et la teigne squammeuse ; usage ancien, sans doute, d’où vient probablement le nom d'herbe aux teigneux qu’on donne vulgairement à cette plante. Il re- commandait surtout un onguent, espèce de nutritum qu'il faisait préparer avec un demi-verre de suc de feuilles de bardane non clarifié et autant d'huile, qu'on triturait et qu’on agitait à froid avec plusieurs balles de plomb dans un vase d’étain ; il en résultait une pommade verte contenant un peu d'oxyde de plomb, qui sans doute ajoutait encore aux propriétés du suc de bardane. La plupart de ces ulcères atoniques variqueux, si opiniâ- tres, aux jambes, guérissent très-facilement en les recouvrant d’un plumas- seau trempé dans cet onguent, et par-dessus, d’une feuille de bardane. Il est rare, dit Percy, de les voir résister à ce puissant topique : il en ramollit les bords calleux, y attire une suppuration de bonne qualité. Enfin, cette pommade a été souvent appliquée avec succès sur des tumeurs scrofuleuses ouvertes, et même sur des cancers, dont elle a ralenti la marche et calmé les douleurs. Les cataplasmes de feuilles de bardane soulagent dans les gonflements articulaires chroniques, suite de l’arthrite aiguë. J’ai vu un engorge- ment de cette nature au poignet se dissiper au moyen de cataplasmes de feuilles de bardane avec une suffisante quantité de son, appliqués soir et matin pendant quinze jours, et recouverts avec des feuilles fraîches de la même plante. Hufeland conseille contre l’alopécie des lotions fréquentes sur la tête avec une décoction de bardane. D’après Guersent (1), les cataplasmes pré- parés avec les feuilles de cette plante soulagent beaucoup dans les engorge- ments hémorrhoïdaux et dans les engorgements articulaires produits par la goutte. Les feuilles vertes de bardane, légèrement froissées et appliquées sur les tumeurs blanches, à l'envers, excitent une exhalation cutanée qui soulage beaucoup. Pour provoquer la transpiration aux pieds dans les affections ca- tarrhales, j'ai vu des paysans se les envelopper avec de larges feuilles de bar-- dane. Cela m'a donné l’idée d’en appliquer sur la poitrine et entre les épaules dans les maladies des voies respiratoires, ce qui m'a parfaitement réussi. Il est plus facile de trouver ce moyen à la campagne que de se procurer un emplâtre de poix de Bourgogne. Je dois faire remarquer que ces feuilles étant glutineuses, adhèrent quelquefois assez fortement à la peau. La bardane, comme on le voit, peut rendre quelques services dans la pra- tique rurale. C’est à tort que Cullen et Desbois, de Rochefort, regardent les propriétés de cette plante comme inutiles et fort douteuses. On est surpris de rencontrer cette opinion chez ces médecins observateurs. L’érudit et cri- tique Chaumeton, qui ne s'est jamais distingué comme praticien, qui croyait peu au pouvoir de la médecine, parce qu'il avait vu peu de malades, et que lui-même était atteint d’une maladie incurable, s’exprime ainsi sur la bar- dane : « Me sera-t-il permis de réduire à leur juste valeur ces éloges fas- (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. III, p. 14. BASILIC. 129 tueux ? Toutes les fois que je goûte la racine de bardane, je suis étonné de ne pas la rencontrer plus souvent dans les cuisines que dans les phar- macies. Elle peut s'apprêter de même que celle de scorzonère, tandis que les jeunes pousses, cueillies au printemps, se mangent comme les arti- chauts, les cardons et les asperges (1). » À ce compte la salsepareille, dont la ra 98 est si peu prononcée, devrait être aussi bannie de la matière mé- dicale, BASILIC. Ocymum basilicum. L. Ocymum caryophyllatum majus. C. BAUH., T. Basilic officinal, — plante royale, — oranger des savetiers. LABIÉES. — OGiMOÏDÉES. Fam, nat, — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Le basilic, plante annuelle des Indes Orientales et de la Chine, est cultivé dans nos jardins, où il produit plusieurs variétés, qui diffèrent par la teinte des fleurs et par la forme diverse des feuilles. Il est recherché pour l’agréable parfum auquel il doit son nom (Bacthros, royal). Deseription.— Racine dure, fibreuse, brune. — Tiges s’élevant à 30 centimètres environ en buisson, droites, rameuses, quadrangulaires, pubescentes. — Feuilles oppo- sées, pétiolées, ovales-lancéolées, planes, lisses, un peu charnues, d’un vert foncé. — Fleurs purpurines ou blanches, disposées en épi verticillé et terminal ; les verjicilles caulinaires ordinairement composés de six fleurs, accompagnées à leur base de deux petites bractées opposées. — Calice monophylle, pubescent, barbu, labié, ayant sa lèvre supérieure orbiculée, plane, relevée, et l’inférieure divisée en quatre dents aiguës. — Corolle monopétale, labiée, renversée, dont une lèvre quadridentée et l’autre entière, — Quatre élamines dont deux plus longues portant à leur base un appendice velu. — Ovaire supérieur quadrilobé, surmonté d’un style filiforme, terminé par un stigmate bifide. — Fruit : tétrakène, ovale, brunâtre, dans le fond du calice, qui entoure, Parties usitées. — Les feuilles et les sommités fleuries, [Culture. — Difficile à conserver l'hiver dans les serres, il exige une grance sécheresse ; on le multiplie de graines et de boutures, on le sème sur couches en mars, on le replante en pot ou en pleine terre au midi; en le tondant en boule au moment de la floraison, on en jouit longtemps. ] Récolte. — Le basilic commun est l'espèce qu'on cultive de préférence pour les usages économiques et médicinaux. Il lui faut une bonne exposition et une terre sub- stantielle, On larrache avant la floraison, et on en fait des paquets qu'on met sécher à l'ombre, dans un lieu bien aéré. On l’enferme ensuite dans des boîtes, et on le pul- vérise lorsqu'on veut s’en servir dans les ragoûts avec les autres épices, ou comme sternutatoire, Propriétés physiques et chimiques. — Toute la plante exhale une odeur agréable, et qu'on aime à retrouver dans la plante desséchée. Sa saveur forte, piquante, agréable, la fait placer au rang des meilleures épices. Les feuilles donnent, par la distillation, une assez grande quantité d’huile essentielle très aromatique. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, 8 à 15 gr. par ki- | Vin (1 sur 5 de vin), 30 à 100 gr. logramme d’eau bouillante. Poudre, 1 à 2 gr. Eau distillée (1 sur 4 d’eau), 50 à 100 gr. en potion. Sirop (1 d'herbe sur 30 d’eau de basilic et 60 de sucre), en potion. Huile essentielle (1 sur 3 d’eau), de 1 à 4 gr. en potion. A L’EXTÉRIEUR. — Vin, infusion des feuilles et sommités en fomentation. Poudre, comme sternutatoire. Le basilic entre dens l'alcool carminatif de Sylvius, dans le sirop d’armoise composé, dans l’eau de menthe composée. Comme la plupart des labiées, telles que la sauge, le romarin, le thym, le serpolet, le basilic excite l'organisme, augmente la chaleur générale après (1) Flore médicale. 130 BECCABUNGA. avoir stimulé l’estomac. On l’a employé contre les maux de tête nerveux, la migraine, les névroses avec atonie, certaines paralysies, surtout celles qui sont liées à l'affection hystérique, dans les amauroses, dans quelques affec- tions rhumatismales, etc. Certains auteurs l’ont considéré comme sédatif et antigonorrhéique. | L'huile essentielle est très-énergique. Frédéric Hofmann la considérait comme céphalique et nervine. Quelques gouttes instillées sur du sucre qu’on fait fondre dans deux cuillerées d’eau, agissent efficacement contre l'espèce de céphalalgie dont la cause se trouve liée à un état d’atonie et de langueur des organes digestifs. Cette huile, dit Gilibert, est utile dans les névroses atoniques, telles que la paralysie et la goutte sereine. Dioscoride accorde au basilic la vertu diurétique; mais il lui reproche, sans raison plausible, d’affaiblir la vue lorsqu'on en fait un usage trop abondant. « Proposé par Bodard comme succédané du camphre, le basilie est banni par d’autres de la matière médicale, et borné aux usages culinaires. Ces deux opinions s’éloignent également de la vérité. Le camphre est un remède héroïque dont l’art de guérir pourrait difficilement se passer, et que jusqu’à présent on à vainement essayé de remplacer (4). » La poudre des feuilles est un agréable sternutatoire employé avec succès dans la perte de l’odorat causée par l’épaississement de la muqueuse pitui- taire ou la concrétion du mucus nasal, dans le coryza chronique, l’amau- rose, EC. [Le PETIT BASILIC, O. minimum, L., peut être substitué au grand ; l'O. gra- tissimum, L., de Ceylan, l'O. grandiflorum, Lher., filamentosum, Forsk., origi- naire d'Afrique, l'O. suave, Wild, l’O. Dilloni,Hort., jouissent des mêmes pro- priétés.] BECCABUNGA. Veronica beccabunga. L. Anagallis aqualica major folio subrotundo. BAuu., ToURN. — Berula seu Anagallis aquatica. TAB., OFF. Beccabunga, — véronique aquatique, — véronique cressonnée. RHINANTHÉES.— SCROPHULARINÉES. Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. Le beccabunga, plante vivace (PI. VID, est très-commun sur les bords des ruisseaux et des fontaines. Il a bien moins d’analogie, sous le rapport médi- cal, avec les véroniques qu'avec la famille des crucifères. Le bétail broute cette plante avec avidité. Deseription.— Racine blanche, verdâtre, fibreuse, traçante.— Tige cylindrique, couchée, rougeàtre et stolonifère inférieurement, se redressant ensuite, prenant une teinte verte, et s’élevant jusqu’à la hauteur de 20 à 30 centimètres et plus. — Feuilles opposées, courtement pétiolées, ovales, glabres, un peu charnues, denticulées. — Fleurs en grappes latérales, axillaires, étalées (juin), chacune portée sur un pédicelle très- grêle et garni à la base de deux bractées. — Calice persistant, à quatre divisions. — Corolle bleue, monopétale, en roue, dont le limbe est partagé en quatre lobes ovales. — Deux étamines insérées au tube court de la corolle, et dont les filaments sont terminés par des anthères oblongues, subsagittées. — Un ovaire supérieur, comprimé latérale- ment, surmonté d’un style filiforme et d’un stigmate simple, comme tronqué. — Fruit : capsule presque cordiforme, à deux loges, renfermant beaucoup de petites graines arron- dies et noirâtres. Parties usitées. — L'herbe. ; [Culture.— Le beccabunga vient mieux dans l’eau et dans les endroits humides, mais il est alors moins actif que lorsqu'il a poussé dans un endroit sec ; on le multiplie par semis faits au printemps ou par éclats des pieds opérés à la même époque ou à lautomne.] (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. III, p. 23. BELLADONE, 151 Récolte. — 1! faut choisir le beccabunga qui croît sur le bord des ruisseaux et qui est expose au soleil. Celui qui plonge en entier dans l'eau ou qui croit à l'ombre contient moins de principes actifs. Cette plante doit être employée fraiche, Propriétés physiques et chimiques. — Dès le premier printemps, lorsqu'elle commence à pousser, et vers la fin de l'été, pendant la fructification, cette plante est seulement aqueuse ou astringente, et peu sapide ; mais lorsqu'elle est déve- loppée et prête à fleurir, elle offre dans toutes ses parties une saveur d'abord légère- ment acerbe et amère, puis ensuite âcre et piquante comme celle du cresson, avec lequel elle a la plus grande analogie, ainsi qu'avec d’autres crucifères. — Elle fournit un prin- cipe volatil, du sulfate de chaux et de l’albumine végétale, PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion, 10 à 100 gr. par | Suc exprimé, 50 à 100 gr. kilogramme d’eau. Extrait, 9 à 6 gr., en potion, pilules. Eau distillée (parties égales d'herbe et d’eau), | Conserve (1 d'herbe sur 2 de sucre), 5 à 30 gr. 50 à 100 gr. en potion. Le beccabunga entre dans le vin et le sirop Sirop (1 de sucre dépuré sur 2 de sucre), 30 antiscorbutiques. à 60 gr. en potion. Cette plante fraîche est excitante, antiscorbutique, diurétique. On donne ordinairement le suc exprimé, que l’on mêle souvent avec d’autres sucs, tels que ceux de cresson, de cochléaria, de fumeterre, de pissenlit, etc. Les propriétés de cette plante ont été ou trop préconisées ou trop dépré- ciées. Forestus, Boerhaave, Simon Pauli, Vogel, ont célébré ses vertus. Murray les révoque en doute, et quelques thérapeutistes modernes lui re- fusent une place parmi les substances médicamenteuses ; mais Guersent (1) a rétabli la réputation vacillante du beccabunga. Il le considère comme un doux antiscorbutique, préférable à des stimulants plus actifs, lorsqu’on craint qu'ils ne portent trop d’irritation et de chaleur, et qu’alors on ajoute aux sucs des crucifères pour en modérer les effets. « C’est à cause de ses propriétés excitantes et légèrement toniques, dit l’auteur que nous venons de citer, qu'il convient dans certaines affections dartreuses et scorbutiques ; il a paru être utile aussi dans quelques espèces de phthisies pulmonaires, et dans des engorgements atoniques des viscères abdominaux qui avaient succédé à la goutte irrégulière. » On donne quelquefois le suc de beccabunga mêlé au lait ou petit-lait. J’ai fait manger avec avantage la salade de beccabunga dans la cachexie palu- déenne et le scorbut. Je m’en suis bien trouvé aussi dans la gravelle. A l’extérieur, le beccabunga est, comme le cresson, résolutif, stimulant, détersif. Forestus a guéri un ulcère scorbutique énorme, qui oceupait toute la partie antérieure du tibia, avec des applications de cette plante cuite dans la bière, Des cataplasmes faits avec les tiges et les feuilles simplement pilées ont dissipé des engorgements hémorrhoïdaux atoniques. Les campagnards se servent de ces cataplasmes contre le panaris. (Le petit beccabunga, veronica anagallis, mouron d’eau, ne différant guère du précédent que par la taille, possède les mêmes propriétés.) BELLADONE. Atropa belladona. L. Solanum maniacum. J. B. — Belladona majoribus foliis et floribus. T. Solanum lethale. Don. — Solanum somniferum et lethale. Lo. — Solanum furiosum. — Belladona trichotoma. Scop. — Belladona. PHARM. Belle-dame (2), — belladone baccifère, — morelle furieuse, — mandragore baccifère, guigne de côte, — permenton, — herbe empoisonnée. SOLANACÉES. — SOLANÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante (PI. VIII), commune dans les climats chauds et tempérés, (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. II, p. 66. (2) Parce que les dames romaines employaient son suc pour embellir la peau. 132 BELLADONE. croit sur les montagnes, dans les fossés ombragés, le long des haïes, des murs et des décombres, dans les bois taillis, etc. On la trouve dans la forêt de Cressy, dans la garenne de Canneville, entre Chantilly et Creil; dans la plupart des forêts des environs de Paris et dans celles du centre et du midi de la France. Je l'ai rencontrée dans les taillis du Boulonnais. Elle est cul- tivée dans les jardins. Description. — Racine vivace, épaisse, longue, rameuse. — Tigé herbacée, vivace, dressée, haute de 90 centimètres à 4 mètre 30 centimètres, cylindrique, rameuse, tomenteuse, — Feuilles alternes, ovales, aiguës, grandes, géminées au sommet, d’un vert foncé, pédoncule axillaire pendant, pubescent. — Corolle d’un rouge-brunâtre et comme vineux, monopétale, campanulée, un peu ventrue, en forme de cloche, dont le limbe offre cinq divisions courtes et obtuses (juin-août-septembre). — Calice campanulé à cinq divisions. — Cinq étamines plus courtes que la corolle, dont les filaments s’in- sèrent à la base de la corolle et portent des anthères obrondes à filets subulés ; pistil plus long qu'elles ; un ovaire supérieur, sphéroïde, surmonté d’un style un peu incliné, et terminé par un stigmate capité. — Fruit : baie globuleuse, un peu aplatie, marquée d’un léger sillon indiquant la place de la cloison intérieure, prenant à sa maturité le volume d’une cerise, noirâtre, pulpeuse, entourée à sa base par le calice persistant, qui s'étale alors en étoile, biloculaire et contenant plusieurs graines réniformes fixées sur un placenta à épisperme chagriné. [Parties usitées. — Les racines, les feuilles, les fruits, les graines. Culture. — La belladone demande une bonne terre et l'exposition à l'ombre ; on la multiplie par semis faits au printemps, et on repique en juin et juillet, mais on pré- fère employer des éclats des pieds qui produisent plus rapidement des feuilles bonnes à récolter. ] Récelte. — On récolte les feuilles dans le mois de juin, les baies dans les mois d'août, les racines de mai en juin. La racine recueillie en mars est moitié moins éner- gique; celle de l’automne possède une activité intermédiaire (Schoff). Ces différentes parties se sèchent à l’étuve : les feuilles et les sommités disposées en guirlandes, les ra- cines, qui sont grosses et longues, coupées en rouelles. Propriétés physiques et chimiques. — La belladone est douée d’une odeur vireuse et d’une saveur un peu àcre et nauséabonde. Vauquelin, qui à analysé cette plante, y a trouvé une matière albumineuse ; une substance animalisée, insoluble dans l'alcool, soluble dans l’eau, précipitable par la noix de galle ; une matière résineuse soluble dans l'alcool, et qui paraît être le principe actif ; de l'acide acétique libre ; beau- coup de nitrate de potasse ; du sulfate, du chlorhydrate et du suroxalate de potasse ; de l'oxalate et du phosphate de chaux ; du fer et de la silice. L'eau et l'alcool s'emparent des principes actifs de la plante. Selon Brandes, la belladone contient 4 !/, pour 100 de malate d’atropine. Ce chimiste y a trouvé deux maliéres extractives azotées (phyleumacol, pseudolozxin). La belladone doit ses propriétés énergiques et vénéneuses à l'ATROPINE. Ce principe, découvert par Brandes, à été trouvé combiné à l’acide malique dans les racines, les feuilles et les tiges de cette plante. C’est une substance incolore, cristallisée en prismes soyeux, transparents; fusible et volatile un peu au-dessus de 100 degrés, soluble dans 500 parties d’eau froide, très-soluble dans l'alcool, dans 15 parties d’éther et dans 60 par- ties d’eau bouillante, [un peu volatile et répandant, lorsqu'on la chauffe, une odeur spé- ciale qui la fait reconnaitre]; se combinant fort bien et formant des sels avec les acides; sa solution aqueuse précipite en blanc par la noix de galle, en jaune par le chlorure d’or, (en blanc par l’iodure double de mercure et de potassium. D’après Planta, elle aurait la même formule que la daturine, C**H?5 AzOS.) Mein (cité par Dorvaull) dit avoir obtenu 20 grains (1 gramme, d’atropine de 12 onces (360 grammes) de racine de belladone. (Le sulfate d’atropine s'oblient par mélange direct d’une solution de l’alcaloïde avec Pacide dilue; quand il y a saturation, on fait cristalliser. Ce sel est constitué par une poudre blanche où en aiguilles fines incolores, nacrées, réunies en étoiles on en ai- grettes. Il est très-soluble dans l’eau. Le valérianate d’atropine est un produit blanc ou blanc jaunâtre résultant de la neutralisation de l’acide valérianique aqueux par Q. S. d’alcaloïde, et qu'on fait évaporer avec précaution). BELLADONE, 133 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR, — Infusion, 40 à 60 centigr. par 250 gr. d’eau bouillante, dont on prend par jour 30 à 50 gr. (avec précaution et progressivement). Teinture de feuilles fraiches (1 sur 4 d'alcool à 30 degrés), 5 à 30 centigr. en potion. Teinture de feuilles sèches (1 sur 5 d'alcool à 22 degrés), 10 à 50 centigr. en potion Teinture éthérée (1 de feuilles stches sur 4 d’éther), 10 à 50 centigr. en potion. Sirop (1 d'extrait sur 30 d’eau et 75 de sucre), 15 à 30 gr., en potion. Extrait aqueus (1 à 30 centigr. progressive- ment), ea pilules, potion. Extrait de suc clarifié, par inspissation (de 1 à 20 centigr. progressivement), en potion, pilules, etc. Extrait de suc non dépuré, de 1 milligr. à 10 centigr. progressivement. Extrait alcoolique (1 de suc sur 4 d’alcool à 35 degrés, ou 2? de feuilles sèches sur 7 d’a:- cool à 21 degrés), 2 à 10 centigr. progressi- vement. Poudre des feuilles, 1 à 20 centigr. progressi- vement. Poudre de la racine, 1 à 20 centigr. progres- sivement, A L'EXTÉRIEUR. — Infusion, 4 à 15 gr. par ki- logramme d’eau, pour lotions, fomentations, bains, etc. Lavement, 10 à 30 centigr. par 200 gr. d’eau. La dose de 4 gr. indiquée dans quelques formulaires serait. toxique si le lavement était gardé en entier. Fumigations (infusion de sauge, 1 litre; pou- dre de belladone, 4 gr.), à la température de 40 à 50 degrés. — Feuilles desséchées à fumer dans une pipe,ouroultesen cigarettes. Huile par digestion. Pommade, 2 à 8 gr. d'extrait par 30 gr. d’axonge, en frictions. [Emplâtre de belladone. — Cet emplâtre est préparé par la méthole de Planche, qui consiste à incorporer l'extrait glucosique dans une masse emplastique. C’est un ex- cellent fondant; on l’applique en écusson, dans les adénites et les tumeurs doulou- reuses,. | Atropine, 1 ou 2 milligr. à 1 centigr. progres- sivement et avec beaucoup de précantion. A la dose de 1 centigr. pour début, elle peut produire de graves accidents. Teinture d’atropine, 1 goutte dans un demi- verre d’eau comme prophylactique de la scarlatine pour un enfant de cinq ans; — 2 gouttes à dix ans, — 3 à quinze ans. [Mais on emploie plus souvent, pour le même usage, la teinture de belladone à dose pro- gressive de 6 à 20 gouttes dans un verre d’eau sucrée pris par cuillerées à bouche. (A L'EXTÉRIEUR, — Collyre : eau distillée, 30 gr.; atropine, 5 centigr. Pour l'examen ophthalmoscopique, on élève la dose jusqu’à 20 centigr. Solution titrée pour injection sous-cutanée : atropine, 40 centigr.; eau, 50 gr. (Bélier), In- jectez de 1 à 5 gouttes. Inusité à l’intérieur. Les doses du sulfate d’atropine sont les mêmes que celles de l’alcaloïde, Le valérianate se donne en potions ou en gra- nules (Michea) à la dose de 1 milligramme par jour.) {Papiers belladonés et atropinés. — Les ex- traits de belladone sous forme de solutions ou de pommailes, l’atropine et son sulfate, sont journellement employés depuis quel- ques années dans les maladies des yeux. Leur dosage par gouttes est très-infidèle, et peut-être souvent la cause d’accidents gra- yes. D’un autre côté, les collyres ainsi ap- pliqués coulent sur le globe oculaire et se répandent au dehors, ou bien ils sont très- rapidement absorbés. C’est dans le but d’obvier à cet inconvénient que Streat- field a: proposé des papiers belladonés et atropinés. Ce sont des fragments de papiers sans colle imprégnés de solutions d’extraits de belladone ou d’atropine; mais ici encore les doses étaient indéterminées. C. Le Perdriel fabrique ces papiers sous le nom de collyres secs gradués; ce sont des frag- ments de papier de Berzélius de 5 centi- mètres de côté divisés en 25 centimètres carrés; ceux-ci sont à leur tour subdivisés en demi et en cinquièmes de centimètres carrés. Chaque centimètre carré reçoit exactement une solution, soit de 1 centigr. d'extrait de belladone, soit de 1 milli- gramme de sulfate d’atropine, de sorte qu’en découpant avec des ciseaux le papier correspondant à la quantité de principe actif qu’il veut employer, le médecin peut à volonté appliquer à l’instant même sur l'œil ou ailleurs le médicament qu’il porte dans son portefeuille. Hart a modifié le pro- cédé de CG. Le Perdriel; il incorpore les principes actifs dans de petits pains à ca- cheter en gélatine que l’on humecte d’eau et que l’on applique sur l’œil; mais ici le dosage ne nous paraît pas aussi exact ni aussi facile qu'avec les papiers yradues: il est bien entendu que cette forme d’admi- nistration des médicaments peut être appli- quée à toute autre substance active (cala- bar, esérine ou calabarine, morphine, strychnine, etc.), et qu’on pourrait l’appli- quer à la méthode endermin: ».] L'action de l’atropine, comparée à celle de la poudre de racine de belladone, peut- être estimée dans le rapport de 20 à 1. La belladone entre dans le baume tranquille (vulg. huile verte) et dans l'onguent po- puleum, préparations qui contiennent les principes narcotiques des solanées, que l'on emploie trop rarement, et qui étaient autrefois d'un usage fréquent. Parmi les préparations désignées pour l'usage inter racine, l'extrait de suc non clarifié, l'extrait alcooliq N: poudre des feuilles ou de la e (lorsque ces deux extraits ont été bien préparés) et la teinture éthérée, paraissent être celles qui doivent mériter la préférence. Toutefois l’atropine, employée avec prudence, devra l'emporter sur toutes 134 BELLADONE. les autres préparations : comme principe actif de la plante, elle offre plus de certitude et de constance dans ses effets. Nous devons signaler le rob de belladone obtenu avec les baies à maturité dont on extrait le suc, et l'extrait de semences. Gette dernière préparation, suivant Trousseau et Pidoux, mériterait d'être employée de préférence à beaucoup d’autres préparations, en raison de ses effets plus constants. EFFETS TOXIQUES. — La belladone est un poison narcotico-âcre. Avant de parler des effets de ce poison chez l’homme, nous devons faire connaître ceux qu'il produit chez les animaux. Si l’on en croit Giacomini, les chèvres paraissent pouvoir prendre impunément cette plante. Un lapin fut nourri de belladone pendant trente jours sans en éprouver le moindre effet, même sans dilatation des pupilles (1). (CI. Bernard, s’est élevé avec force contre cette idée’ d’immunité acceptée sans contrôle sérieux, et qui a cours depuis trop longtemps dans la science. Mon.compatriote, ami et an- cien collègue Lemattre, dans son mémoire sur les alcaloïdes des solanées, couronné par l’Institut, s'exprime ainsi à ce sujet : «Les animaux dont il est question ont toujours l'estomac rempli d’aliments.... Lorsqu'un principe toxique vient au centre de ce bol alimentaire, l’absorption s’en fait lente- ment (la lenteur de l'élimination le prouve), et la quantité de principe actif qui se trouve à un moment donné dans le sang est trop minime pour empoi- sonner (2). » — Une injection dans la jugulaire de 0.08 de sulfate d’atropine tue un lapin en cinq minutes, et l’urine donne, avec l’iodure mercuro-potas- sique, un précipité blanc. Les lapins qui ont vécu un mois de belladone ont trouvé dans cette plante des matériaux nutritifs suffisants à l’entretien de leur vie.) Suivant Flourens, la belladone rend les oiseaux aveugles. Orfiie a fait ava- ler trente baies de belladone à un petit chien qui n’en éprouva rien. D’autres chiens, soumis par ce médecin à l’action de l’extrait aqueux de cette plante, périrent empoisonnés. L'action du poison fut plus intense et plus prompte lorsqu'il fut injecté dans les veines que lorsqu'il fut appliqué sur le tissu cel- lulaire ou introduit dans l'estomac. Dans le cas d’ingestion du poison dans l'estomac, cet organe ne présenta que peu ou point d’inflammation. Les autres altérations ne sont pas assez remarquables pour rendre compte du mode d’action du poison. Les fruits, en raison de la ressemblance qu'ils présentent avec certaines variétés de cerises, ont occasionné plus fréquemment l’empoisonnement accidentel que les autres parties de cette solanée. Les médecins de cam- pagne qui cultivent la belladone doivent prendre des précautions contre les dangers qu'offre cette plante aux enfants, qui se laissent séduire par la cou- leur de ses baies, dont le goût n’a rien de désagréable. Le vin coloré par ce fruit a donné lieu à l’empoisonnement : Ferrein en cite des exemples. Boucher (3) a réuni les cas cités dans les anciens auteurs botaniques. Bulliard rapporte le fait de quatorze enfants de la Pitié qui s’empoisonnèrent au Jardin du Roi, en 1773, avec les baies de belladone. L'exemple le plus remarquable est celui de cent cinquante soldats français qui furent viclimes d’une semblable méprise (4). On lit dans le Bulletin des sciences médicales de Férussac (5) deux faits qui tendent à prouver que ces fruits ne sont toxiques qu’à une dose un peu éle- vée. Selon Gigault (6), de Pont-Croix, en Bretagne, les paysans mangent les fruits de la belladone, qu’ils appellent guignes de côte, et depuis trente ans (1) Journal de pharmacie, t. X, p. 85. (2) Archives générales de médecine, juillet 1865. (3) Ancien Journal de médecine, t. XXIV, p. 310. (4) Gaultier de Claubry, Journal général de médecine, t. XLVIIT. (5) Tome I, p. 160. ! (6) Journa de chimie médicale, t. IV, p. 390. BELLADONE. 135 il a soigné un grand nombre de personnes qui en avaient trop mangé, et dont aucune n’est morte. Il emploie le vomissement. Hufeland (1) cite l'observation d’un idiot qui mangea sans résultat fâcheux, c’est-à-dire sans en mourir, car il y eut empoisonnement, trente à quarante fruits mûrs de belladone. D'autres faits, bien plus nombreux, déposent contre cette innocuité des baies de belladone prises à petite dose. On lit dans Valmont de Bomare ce qui suit : « De deux jeunes gens qui, dans le Jardin des Plantes de Leyde, mangèrent deux ou trois de ces baies, l’un mourut le lendemain, et l’autre fut très-mal. On est d'abord attaqué d’un délire court; on fait des éclats de rire et différentes gesticulations même audacieuses; ensuite, on tombe dans une véritable folie; après cela dans une stupidité semblable à celle d’une personne ivre, furieuse, et qui ne dort pas; enfin, l’on meurt, On trouve dans le Recueil périodique de médecine, août 1759, une observation remar- quable au sujet de deux jeunes filles qui furent frappées de manie et des symptômes précédents, pour avoir mangé deux à trois baies de morelle fu- rieuse (belladone), et qu'un médecin guérit par lusage de l’'émétique en lavage (2). » Les empoisonnements causés par d’autres parties de la plante ont été assez souvent observés. Dans un cas, la poudre, à la dose de 2 gr. 35 centigr., a été la cause des accidents (3). Couty de la Pommerais (4) a rapporté une obser- vation où deux lavements, contenant chacun 50 centigr. d'extrait, détermi- nèrent des accidents terribles. Le Journal de médecine de Toulouse (5) cite un cas où l’application d’un emplâtre de belladone a produit des phénomènes toxiques. Les symptômes principaux de l’empoisonnement par la belladone ou l’a- tropine sont les suivants : nausées, quelquefois suivies de vomissement; sé- cheresse de la bouche et de la gorge, soif, déglutition difficile ou même impossible; anxiété, lipothymie, cardialgie, coliques, besoin faux d’aller à la selle; pesanteur de tête, céphalalgie, éblouissements, vertiges, pâleur de la face, hébétude, difficulté ou impossibilité de se tenir debout; yeux rouges, saillants, hagards, pupilles fortement dilatées et immobiles, vision confuse on même abolition momentanée ou permanente de la vue; délire le plus souvent gai, avec sourire niais, mais devenant quelquefois furieux; loquacité, chant, danse, apparence d'ivresse, manie, folie, terreurs; gesticulations variées, con- torsions extraordinaires, mouvements fréquents des bras et des mains, mou- vements convulsifs, tremblement, trismus, raideur tétanique et momentanée de l’épine ou des membres, faiblesse musculaire générale; hallucinations les plus singulières; extravagances, exaltation mentale; voix frêle, enrouée, quel- quefois croupale; sons confus poussés péniblement, aphonie; stupeur, som- nolence, coma, somnambulisme, léthargie ; respiration courte, précipitée ou irrégulière et oppressive, stertoreuse; pouls fréquent, fort, vif ou rare, faible et irrégulier ; aversion pour les liquides; chaleur de la peau, éruption scarlatineuse, taches gangréneuses ; incontinence d’urine, dysurie, ischurie ; enfin, syncope ou convulsions, soubresauts des tendons, rire sardonique, tuméfaction et sensibilité du bas-ventre; pouls petit, filiforme; froid des extrémités, chute des forces, prostration, mort. Ces symptômes n'existent pas au même degré, ni tous à la fois. Ils se succèdent ou alternent entre eux. Les principaux, tels que les nausées, le vertige, le délire, les spasmes, la difficulté ou l'impuissance de la station debout, la dilatation des pupilles, l’assoupissement, etc., sont variables dans leur invasion. L'assoupissement qui suit quelquefois le délire, se montre (1) Journal pratique, 1823. (2) Diclionnaire d'histoire naturelle, article BELLE-DAME. (3) Jolly, Nouvelle bibliothèque médicale, t. III. (4) Archives générales, t. XVII, p. 239. (5) 1858, p. 153. 156 BELLADONE. dans un assez court intervalle. On a vu le délire reparaître après avoir cessé. Dans l’un des cas décrits par Brunwell (1), ce symptôme, qui arrive ordi- nairement assez près de l’invasion, ne parut que trois jours après l’ingestion du poison. Lorsque le malade résiste à l’action toxique de la belladone, ce qui arrive le plus ordinairement, les accidents, après un, deux, ou trois jours, se dis- sipent peu à peu; mais la dilatation des pupilles ne cesse que longtemps après les autres symplômes; quelquefois même divers accidents nerveux, tels que des tremblements, des vertiges, du trouble dans la vision, per- sistent pendant trois ou quatre semaines. On a quelquefois vu des individus empoisonnés par cette plante rester dans un état d’idiotisme, ou conserver une paralysie, soit complète, soit partielle. « Les cadavres des individus qui ont péri empoisonnés, dit Giacomini, offrent une teinte bleu noirâtre, et leurs tissus passent promptement à la putréfaction. Bien que quelques personnes aient cru y voir des traces de phlegmasie, il est facile de reconnaître que ce qu'ils ont appelé de ce nom consiste seulement en engorgements de sang veineux. Les intestins sont dis- tendus par des gaz et ne présentent ni inflammation ni autre lésion orga- nique.» Dans un cas de nécropsie rapporté par Faber (2) on a seulement noté que le ventre était tendu, gonflé, que l’estomac était parsemé de taches gangréneuses. Un autre cas fourni par Gmelin (3) est celui d’un berger qui mourut dans le coma, douze heures après avoir mangé des baies de bella- done. Sur le cadavre, qui avait un commencement de putréfaction, on trouva les vaisseaux de la tête gorgés : le sang était tout fluide; il s’en écoulait avec abondance de la bouche, du nez et des yeux. Voici le traitement de l’empoisonnement par la belladone : Lorsqu'on à lieu de croire que le poison est encore dans l’estomac, on doit solliciter le vomissement par la titillation du fond de la gorge avec une plume, ou en faisant avaler une grande quantité d’eau tiède. Il faut bien se garder de donner l’émétique quand il n’y a pas chance d’évacuer le poison. Baldinger à vu un individu, déjà en voie de rétablissement d’un empoison- nement, mourir en un instant après avoir pris 70 centigr. de tartre stibié. C'était ajouter un effet hyposthénisant à celui de la belladone, qui est elle- même un puissant hyposthénisant. Il est à remarquer d’ailleurs que dans ce cas l'estomac est souvent réfractaire à des doses très-fortes d’émétique. II ne faut point oublier que l'absorption du principe actif de la belladone se fait peu de temps après l’ingestion de cette plante et que ses effets délétères sur l'organisme se font sentir immédiatement. C’est done en combattant ces effets par les stimulants, tels que l’éther, l'ammoniaque, l’opium, l’infusion chaude et concentrée de café, les dérivatifs aux extrémités inférieures, etc. Comme, en général, les accidents diminuent lorsque la constipation cesse, on doit prescrire l'emploi réitéré des lavements purgatifs : ils agissent à la fois comme évacuants et comme révulsifs. Chez les personnes pléthoriques, menacées d’une congestion sanguine de la tête, la saignée générale ou locale est quelquefois nécessaire. C’est un symptôme qu'il faut combattre, sans perdre de vue les effets généraux et ultérieurs du poison. Les affusions froides sur la tête calment loujours l’agitation et le délire furieux. Je les ai employées avec avantage jointes à l’administration de 3 centigr. d'extrait gommeux d'opium d'heure en heure chez une demoiselle qui avait pris par erreur une lasse d’infusion de feuilles de belladone au lieu de celles d’oran- ger, et qui éprouvait des symptômes analogues à ceux du delirium tremens. L'opium et la belladone, considérés comme antidotes réciproques, ent (1) Lond. med. 0bs. and inquir., t. VI, p. 223. (2) De strychnomania, obs. 11. (3) Geschichte der Pflanzengærten, p. 538. BELLADONE, 137 été l’objet de recherches historiques et expérimentales du plus haut in- térêt. Déjà, dans la deuxième édition de ce Traité, Cazin père disait, en résu- mant les propriétés de la belladone (p. 472) : « Ses effets toxiques différaient essentiellement de ceux de l’opium, auxquels ils paraissaient même opposés ; » et plus loin (p. 173) : Elle peut être employée avec avantage dans l'empoi- sonnement par l’opium, en raison de l'antagonisme qui existe entre ce dernier et les solances vireuses. » À l'appui de cette opinion, il apportait deux obser- vations recueillies dans sa clientèle : celle qui précède et celle que nous allons transcrire (première édition, p. 365). M. Moleux, propriétaire à Wierre-aux-Bois, âgé de cinquante-cinq ans, d’un tempérament sanguin, d’une forte constitution, livré au repos depuis quel- ques années, ayant eu, depuis vingt ans, attaques de goutte aux pieds, est pris le 10 décembre 1839, vers le soir, d’une strangurie qui, dans la nuil même, devient une rétention complète d'urine. Appelé le 41, au matin, je pratique une saignée de 700 gr.; je fais appli- quer vingt-cinq sangsues au périnée et je preseris un bain tiède prolongé. Ces moyens n’amènent aucun changement. Une seconde saignée, aussi co- pieuse que la première, pratiquée à onze heures du soir, calme lagitation et l'anxiété, mais ne fait point cesser l’ischurie. L'introduction de la pom- made de belladone dans le rectum, réitérée pendant la nuit, procure l’émis- sion répétée de quelques gouttes d’urine et un peu de soulagement dû, sans doute, autant à l'espoir d’une amélioration prochaine, qu'à l’action du mé- dicament. | Le 12, au matin, les symptômes ont repris toute leur intensité, et le ma- lade, pouriant, ne consent pas à l'opération du cathétérisme, à laquelle, d’ailleurs, je répugne toujours moi-même en pareil cas, en raison des diffi- cultés qui tiennent à la nature de l'affection et des accidents qui peuvent en résulter. Plusieurs lavements émollients n'ayant provoqué qu'une selle peu abondante, et l’état habituel de constipation me faisant soupconner l’accu- mulation de matières fécales dans les intestins, je prescris 45 gr. d'huile de ricin mêlés avec 30 gr. de sirop de limon. Ea même temps, j’ordonne, pour employer en frictions sur l’hypogastre et le périnée, un liniment composé de 6 gr. de laudanum liquide de Sydenham, de 2 gr. de teinture de bella- done, et de 40 gr. d'huile d’amandes douces. Obligé de m’absenter vers dix heures du matin pour un accouchement que la sage-femme qui me fait ap- peler considère comme dangereux, je désigne soigneusement à la garde la mixture que le malade doit avaler, et le liniment qui est destiné à l’usage externe. Je promets à M. Moleux, que je laisse à regret dans un état extrême d’agitation de corps et d’esprit, de revenir le plus tôt possible. Une heure environ après mon départ, on vient m'annoncer que le malade urine abondamment, qu’il est calme et parfaitement bien. Je ne le vois qu’à cinq heures et demie du soir. Je le trouve au lit, immobile et dans un état de somnolence dont il ne sort un instant que pour répondre avec justesse aux questions que je lui adresse; la respiration est facile; le pouls, à 78 pul- sations, est large, développé, mou; la face est colorée, les conjonctives un peu injectées, les pupilles dilatées, la peau chaude et moite. Il y a eu écou- lement abondant d'urine ; l’hypogastre est légèrement douloureux au tou- cher, mais souple, peu tuméfié. Les symptômes d’un narcotisme modéré, et qui n’a pas été plus prononcé, sont évidents. On s'aperçoit seulement alors, d’après mes questions, et je m'assure moi-même que M. Moleux a avalé le liniment au lieu de la mixture laxative ! Mais comme, à mon grand étonnement, il n’en est résulté, pendant près de sept heures, que les suites que je viens de rapporter et que je re- garde comme heureuses, eu égard à la cessation instantanée du spasme vésical, je m'abstiens de toute médication. Une abondante transpiration, qui 138 BELLADONE. dure toute la nuit, dissipe l’assoupissement. À mon arrivée, le lendemain 13 au matin, je trouve M. Moleux ayant seulement les pupilles dilatées, la vue un peu trouble, de la propension au sommeil, mais, du reste, enchanté d’une cure aussi prompte qu'inespérée. Cette dose toxique de laudanum et de belladone, qui a guéri à l'instant même M. Moleux, l'aurait infailliblement empoisonné s’il avait été dans son état normal. La dépression des forces circulatoires et de la vie organique par les émissions sanguines, d’une part, et la persistance du spasme local porté à un haut degré, avec exaltation de la vie nerveuse, d’autre part, ont fait d’un poison un remède énergique et prompt. L'action simultanée de l’opium et de la belladone, dont les effets sur l’or- gnisme ne sont point identiques, n’a-t-elle pas pu aussi apporter quelque modification dans le résultat de leur ingestion ?.. (Cette dernière interprétation des faits ne laisse dans l’esprit aucune es- pèce de doute; comme le dit Behier (4), en citant le fait précédent, la tolé- rance ne peut s'expliquer que par «une neutralisation réciproque des deux agents contenus dans le liniment. » Mon père ignorait, au moment où paraissait la première édition du Traité des Plantes médicinales indigènes (1849) que cette particularité avait été en- trevue par plusieurs auteurs anciens (2). Dans la deuxième édition, il eite deux cas dus à l'observation de Lindrey (3), et il ajoute, en parlant des faits qui lui sont propres, avec la modestie de l’homme de mérite vrai): . « En rappelant ces derniers faits, dont l’un recueilli en 1839 est rapporté dans la première édition de cet ouvrage, et l’autre à été observé en 1848, jai moins pour but de revendiquer une priorité à laquelle j’attache peu de prix, que d’appuyer une découverte thérapeutique importante. » (Depuis, de nombreux travaux ont été publiés à ce sujet, de nouveaux faits sont venus établir l’action réciproque en véritable loi. — Nous men- tionnerons le mémoire de B. Bell, lu à la Société médico-chirurgicale d’'E- dimbourg et traduit dans l'Union médicale (17 et 26 février 1859); la note de Behier déjà citée; enfin un travail des auteurs des Archives résumant tous les éléments de la question (mai 1865) ; de l’ensemble de ces études médico-physiologiques, il ressort : 41° Il existe dans les deux substances des propriétés opposées; la dilatation de la pupille pour la belladone, la contraction pour l’opium, sont une des manifestations les plus apparentes de ces oppositions d’action ; 2° La belladone peut être utilisée dans l’empoisonnement par l’opium, et lopium dans celui par la belladone. 3° L'âge du malade n’est pas une contre-indication à l'emploi de cet anti-. dote (4). 4 La première indication à remplir dans l’empoisonnement par l’une ou l'autre substance est d’évacuer l'estomac par les vomitifs ou la pompe aspi- rante; la seconde d’administrer l’agent antagoniste à dose élevée et frac- tionnée, en se guidant sur l'apparition des symptômes physiologiques spé- ciaux à l’antidote, et surtout sur l’état de la pupille. Il faut arrêter l'emploi de la substance antagoniste aussitôt que son action physiologique a suffi- samment contre-balancé celle du poison. (1) Union médicale, 5 juillet 1859. (2) Pena et Mathia de Lobel, Sfirpium adv. nov. Londres, 1570. — Horstius, Op. med., 1661. — Faber, Sfrychnomania, 1677, p. 87. — Boucher (de Lille), in Journ. de med., 1766. — Lippi, De Venef. bacc. bell. prod. atque opii in eo usu. Tubingue, 1810. — Giacomini, Trad. Mojon et Rognetta. Paris, 1839. (3) Edimb. med. Journal, 1855. (4) Cas de Behier, Union médicale, 16 juillet 1859, soixante-quinze ans; celui de Blake, cité par les Archives, p. 588, quatre ans; un autre de Mac Namara, Quarterly Journal, Dublin, 1863, enfant de vingt-six mois. BELLADONE. 139 (Cet antagonisme s'exerce de même localement ; ainsi, Wharton Jones (1) a trouvé qu'une artère dans la membrane interdigitale d’une grenouille, sous le microscope, se resserrait presque jusqu'à l’oblitération, lorsqu'on y appliquait une solution de sulfate d’atropine ; le sang, dans les capillaires correspondants et les radicules veineuses, devenait dans un état voisin de la stagnation, Il versa une certaine quantité de liqueur sédative d’opium de Battley ; l'effet fut une dilatation complète du vaisseau et l'élan vigoureux d’une ondée de sang. Une nouvelle application de sulfate d’atropine ramena la contraction du vaisseau. La présence simultanée de l’opium et de la belladone dans un collyre diminue l’action dilatante de cette dernière (Fano); aussi avons-nous em- ployé le laudanum ou une solution morphinée pour ramener plus prompte- ment l'œil à l’état normal! après la dilatation obtenue par l’atropine, afin de faciliter l'examen ophthalmoscopique). (A propos de l’aconit, nous avons déjà parlé des propriétés neutralisantes du charbon animal dans l’empoisonnement par les solanées vireuses. Bouchardat a préconisé comme antidote une solution d’iodure de potas- sium iodurée, On sait, du reste, que ce réactif précipite presque tous les alcaloïdes, Roux de Brignolles (2) a rapporté une belle ebservation de gué- rison par l'emploi de ce moyen. Garrod à publié que la potasse et les autres alcalis caustiques détruisent complétement le principe actif des solanées vireuses. Nous ignorons si on a expérimenté, en France, la fève de Calabar comme antidote de la belladone; nous savons seulement que le professeur Sédillot a suggéré l’idée de l’utiliser contre les effets toxiques de cette plante ou de l’atropine dans un cas rapporté par Kleinwaechtier : 10 gouttes d’une solu- tion d'extrait de calabar dans de la glycérine ont été administrées avec un succès éclatant (3). A la suite d’un empoisonnement par l’atropine (4), il était resté une énorme dilatation des pupilles. L'introduction du papier calabarisé dans l'œil gauche du sujet lui permit bientôt de lire sans difficulté, tandis qu'il ne put obtenir pareil résultat qu’au bout de cinq jours avec l’œil droit.) EFFETS PHYSIOLOGIQUES. — (Dans ce paragraphe nous aurons aussi bien en vue l’action de la belladone et celle de l’atropine, son principe essentiel, En traitant des effets toxiques, nous avons déjà pu donner une idée des sym- ptômes causés par ieur administration. Mais, à dose thérapeutique ou in- suffisante pour amener des désordres graves, le tableau, pour avoir des points communs avec celui que nous avons tracé, n’en a pas les couleurs sombres. Le plus souvent, l'influence de l’agent ne se manifeste que par la sécheresse de la gorge, les troubles de la vue et la mydriase ; à une dose plus forte, ou lorsque, comme médicament, on a dépassé la dose ordinaire, outre les phénomènes précédents, il se produit des nausées, des vertiges, du délire. Ces symptômes, qui peuvent durer vingt-quatre heures, s’obser- vent aussi par l'effet seul de la susceptibilité individuelle. Les phénomènes peuvent être rangés sous deux chefs principaux : action locale et primitive ; action générale et secondaire. L'action locale varie suivant le point où est appliqué l'agent; sur la peau, sur les muqueuses, il diminue la sensibilité, et, exerçant son influence dans une certaine étendue, il amène une anesthésie comparable à celle du chloro- forme, mais agit davantage sur le sens du tact proprement dit. Appliqué sur la surface du derme dénudé par un vésicatoire, il produit une sensation de (1) Med. Times and Gaz., janvier 1857. (2) Annuaire de Bouchardat, 1861, p. 13. (3) Berlinklin, Wochenblatt, septembre. (4) Klinisches Monatsblatt für Augenheilkunde. 140 BELLADONE. forte brûlure. Déposé sur la conjonctive, il amène la mydriase dans un temps variable, mais ordinairement très-court; et, comme le fait remarquer Le- mattre, la dilatation pupillaire, unilatérale, est le plus souvent le seul sym- ptûme consécutif à cette application. L'action générale ou secondaire se manifeste au bout de dix à quinze minutes après l'administration du médi- cament par la dilatation de la pupille, puis par la sécheresse de la bouche et de la gorge, qu'accompagnent rarement de la douleur, mais quelquefois une rougeur assez vive du voile du palais, des amygdales et du pharynx. Giacomini peuse que ce phénomène est dû seulement à l’augmentation de l’absorption. On observe ensuite de la céphalalgie, des fourmillements dans les membres, du subdelirium, des vertiges, des éblouissements (voyez EFFETS TOXIQUES), des hallucinations de la vue et des troubles divers dans les fonctions. Les troubles de la vue consistent dans une diminution dans la netteté des images, dans des brouillards et une faiblesse plus ou moins marquée dans la perception optique. Il est souvent difficile de distinguer si ces troubles sont d'origine cérébrale ou rétinienne par la congestion de la membrane sensible oculaire, ou enfin s'ils peuvent être reliés à l’aberration de sphéricité que la pupille dilatée ne vient plus corriger). Flourens pense que l'extrait aqueux de belladone, à une dose déterminée, agit spécialement sur les tubercules quadrijumeaux, et qu'il n’affecte que le sens de la vue, c’est-à-dire les fonctions attribuées à ces tubercules. Si la dose est plus forte, l’action s'étend sur les lobes cérébraux : toujours est-il que cette action laisse après elle une effusion sanguine qui en circonscrit les limites et l'étendue. L'influence sur le système musculaire se traduit par le relâchement des sphincters, spécialement ceux de la vessie et du rectum. Combien de consé- quences thérapeutiques n’aurons-nous pas à déduire de ce fait? Elle se mani- feste aussi par la contraction des muscles vaso-moteurs. (Voyez plus haut l'expérience de Wharton Jones, à propos de l’antagonisme de l’opium et de la belladone.) Cette excitation des vaisseaux tend à diminuer la quantité de sang dans les organes et produit une diminution relative de leurs propriétés vitales, surtout de celles de la moelle et des nerfs (Brown Sequard). C'est à cette oligaimie de la moelle (Sée) qu'il faudrait rapporter le ralentissement du cœur et du pouls, la faiblesse des pulsations et l’abaissement marqué, quoique passager, de la pression du sang. Suivant Schroff, après ce ralen- tissement, il se produirait une accélération du pouls allant beaucoup au delà de l’état normal. « Le resserrement initial des vaisseaux peut contribuer pour sa part à l’affaiblissement cardiaque qui est incontestable. .…. La respiration devient plus rapide, stertoreuse. » (Sée, in Bull. de thérapeutique, 15 juillet 1865.) Secondairement à la contraction artérielle, il se produit une stase veineuse; le visage est livide; l’œil congestionné, etc., etc. A dose thérapeutique, l'appareil urinaire est souvent peu influencé ; l’é- ruption scarlatiniforme consécutive à l’empoisonnement est rare. L'étude du pouvoir mydriatique de la belladone doit nous arrêter un in- stant; c’est là, en effet, si je puis m'’exprimer ainsi, sa caractéristique, sa spécialité. L'action purement locale est ici très-évidente, nous l’avons déjà avancé. Gosselin pense que c’est par l'intermédiaire de l'humeur aqueuse qu’elle se produit (Gaz. hebd., 1855) sur le trajet intra-oculaire des li- quides absorbés à la surface de læil. La limitation d'action au côté où a eu lieu l’expérimentation s’observe aussi lorsque l'agent (belladone ou atropine) est appliqué sur la peau qui avoisine l'orbite. Suivant Christison Ehlers, la dilatation produite ainsi n’est pas souvent accompagnée de troubles dans la vision, tandis que la vue est ordinairement obscurcie lorsque la belladone a amené cette dilatation par BELLADONE. 141 l'intermédiaire de l'absorption et de la circulation. Dans le cas d’administra- tion intérieure, pour Lemattre ce serait encore par saturation de l'humeur aqueuse que se fait la dilatation. En effet, ses expériences lui ont prouvé que l'humeur aqueuse retirée de l'œil d’un chien empoisonné difate la pupille d’un autre chien non intoxiqué. Voyons maintenant quel est le mécanisme de cette dilatation : Tout le monde ou à peu près admet maintenant que l'iris est constitué par deux ordres de fibres contractiles, très-probablement musculaires : 1° des fibres circulaires, véritable sphincter, agents de constriction, soumis à l'influence nerveuse du moteur oculaire commun ; 2° des fibres radiées, PTE à la dilatation, animées par les rameaux du grand sy mpathique. La belladone paralyse les premières et met en jeu les secondes : mais les fibres radiées agissent-elles alors par suite de la paralysie des fibres circu- laires, ou bien la belladone exerce-t-elle sur elles une action excitante ? M. Ruete, de Vienne, a donné une réponse concluante à celte question. Il démontra que l’orifice pupillaire dilaté el immobile à la suite de la paraly- sie de la troisième paire, peut encore s’agrandir par l’action de la bella- done, d’où il conclut que le premier ee de dilatation était dû à la para- lysie des fibres circulaires animées par “le moteur oculaire commun, et le second à la contraction des fibres radiées animées par, le grand sympathique. Du reste, on peut couper chez un animal en expérience le moteur oculaire commun, et la dilatation n’en continue pas moins. Les phénomènes de contraction vasculaire artérielle dépendant de l’exci- tation plus grande des nerfs vaso-moteurs, émanant aussi du grand sympa- thique, peuvent aussi contribuer à cette dilatation. Nous sommes donc en droit de dire avec Lemattre : « La mydriase bella- donique n’est point due à une paralysie; elle est due à une contraction musQulaire, contraction qui porte à la fois sur les fibres rayonnées et les fibres musculaires vaso-motrices de l'iris. » Graefe à établi que l’action de la belladone s’étendait au delà de l'iris et affectait, en les excitant, les fibres rayonnées du muscle de accommodation; la contraction de ces fibres radiées correspondrait au relâchement de l’ac- commodation et au minimum de convexité du cristallin; les malades se- raient presbytes. (Voyez BELLADONE, $ Maladies des yeux.) Sans oublier que la belladone peut porter son action sur d’autres points des centres nerveux, nous sommes en droit d'établir, d’après le raisonne- ment et nos expériences personnelles, que cette solanée vireuse est un agent excitant du système du grand sympathique.) Or, le grand sympathique n’agit que comme un conducteur qui transmet une influence dont le point de départ est dans région de la moelle, nom- mée par Budge et Waller région cilio-spinale. La b: ‘ladone aurait donc la propriété d’exciter ce point du système nerveux. Terminons en citant quelques-unes des conclusions du mémoire de Le- mattre, relatives à l'étude analytique de l’action de l’atropine, conclusions qui s ‘appuient sur des expérimentations nombreuses et très-habilement con- duites. L’atropine agit en détruisant l’excitabilité des nerfs et en conservant l’ir- ritabilité musculaire quelquefois affaiblie ; l’excitabilité sensitive disparaît d’abord ; la destruction de la sensibilité des nerfs disparaît de la périphérie au centre; l’action directe à dose concentrée, tant sur le muscle de la vie de relation que sur le muscle cardiaque, est de détruire complétement à la fois et l’excitabilité des nerfs et l’irritabilité des muscles. L'action de l’atropine sur la respiration et la circulation s’exerce non par l'intermédiaire du tronc du pneumo-gastrique, mais bien en influençant les parties périphériques de ce nerf. 142 BELLADONE. THÉRAPEUTIQUE. — La belladone n’a été employée comme médicament que vers la fin du xvu° siècle, Nous épargnerons au lecteur l’histoire de l'emploi des diverses préparations de cette plante en thérapeutique, où elle occupe aujourd’hui une place si distinguée. Ces détails se trouvent dans tous les livres de matière médicale; nous nous tiendrons dans les limites de ce qui est essentiellement pratique. Notre tâche sera encore assez étendue. La belladone, considérée sons le rapport thérapeutique, est calmante et stupéfiante d’une manière toute spéciale. Elle n’est point somnifère comme l’opium, et si elle rend le sommeil, c’est en calmant les douleurs ou en dis- sipant les symptômes qui l’'empêchent. C’est donc à tort que la plupart des auteurs l'ont rangée parmi les hypnotiques. Comme l’opium, elle combat le symptôme douleur avec efficacité, mais avec cette différence qu’elle est plus utile pour les douleurs extérieures, et que l’opium calme plus particu- lièrement les douleurs internes. On l’emploie dans les névralgies, les névroses, la coqueluche, les toux nerveuses et convulsives, l’asthme, les affections spasmodiques, l’épilepsie, l'hystérie, la chorée, le tétanos, les coliques hépatiques et néphrétiques; contre certaines inflammations aiguës et chroniques, la dysenterie, le té- nesme, le rhumatisme, les tumeurs blanches articulaires, les douleurs aiguës des fissures, les contractions spasmodiques, les irritations de l’anus, les spasmes de divers organes tels que l’anus, l’urètre, l'utérus, l'anneau ingui- nal, etc.; pour dilater la pupille et rendre plus facile l’opération de la cata- racte, explorer le cristallin; pour combattre l'iritis, la rétinite, la sclérotite, quelques ophthalmies, etc., etc. NÉVRALGIES. — DouLEeurs. — La belladone est le remède par excellence des névralgies. Tous les praticiens ont eu à se louer de son emploi dans ces affections. Baldinger (1), Marc (2), Herber (3), Tod (4), ont guéri par l'usage interne ou externe des préparations de belladone, des névralgies faciales, des tics douloureux, des sciatiques, ete. On lit dans la Revue médicale, t. II, p. 284, un cas de tic douloureux guéri en cinq jours au moyen de la teinture de belladone, donnée à la dose de 20 gouttes, répétée trois fois par jour. Deleau (5) a fourni de nouvelles preuves de l'efficacité de la belladone dans le traitement des névralgies faciales. La racine lui a paru plus efficace que les autres parties de la plante. Il la réduit en pulpe par l’ébullition, et en prépare des cataplasmes qu’il tient appliqués jour et nuit sur la partie ma- lade jusqu'à la cessation des douleurs. Il survient quelquefois, pendant la nuit, des rêves inaccoutumés et un peu de trouble dans les idées ; mais ces accidents ne sont pas à craindre et annoncent même l’action utile du médi- cament sur l’organisme. Les observations de Deleau sont d’autant plus concluantes qu'elles ont été répétées pendant sept ans, et que les appli- cations locales dont il s’agit n’ont été secondées par aucun médicament interne. J'ai dissipé, comme par enchantement, des douleurs névralgiques au moyen de cataplasmes de racine de belladone écrasée et appliquée fraiche sur le siége de la douleur. Bailey (6) rapporte un assez grand nombre de cas de névralgies faciales guéries d’une manière rapide à l’aide de la belladone prise à l’intérieur, sous forme de teinture ou d'extrait, à une dose assez élevée. Toutefois, le praticien anglais avoue que cette médication ne lui a pas toujours réussi, et (1) Bibliothèque germanique, t. V, p. 45. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. IT, p. 75. (3) Journal de Hufeland, juin 1813. (4) Transact. of the surgeons apothec., t. TI. (5) Mémoire présenté à l'Académie des sciences, 1833. (6) Observ. relat. to the use of belladona in painful disorders of the head and face. Lon- dres, 1818. | BELLADONE. ; 143 il fait remarquer qu’elle est contre-indiquée lorsqu'il existe de la fièvre ou une inflammation autour de la base d’une dent cariée, Trousseau et Pidoux administrent la belladone à l’intérieur de la manière suivante : — Ils font préparer des pilules de 4 centigr. d’extrait, et ils en ordonnent une toutes les heures, jusqu'à ce qu'il se manifeste des vertiges. « Ordinairement, les douleurs sont déjà diminuées ; il convient alors d’éloi- gner les doses, car on verrait bientôt se manifester du délire, qui, pour n'avoir rien de grave, n’en doit pas moins être évité, à moins que la douleur ne puisse être calmée autrement. Nous continuons ainsi pendant plusieurs jours, jusqu’à ce que le malade n'éprouve plus aucun accident névralgique. C'est surtout dans les névralgies de la face que nous avons fait usage de ce moyen. Il ne nous a pas, à beaucoup près, aussi bien réussi dans la scia- tique. Nous devons dire que, même pour les névralgies de la face, la bella- done seule n’a pas toujours suffi à la complète curation, et qu'il a été quel- quefois nécessaire, pour prévenir le retour de la maladie, de donner de fortes doses de quinquina ou de préparations martiales. Toutefois, dans les névralgies fugaces, il est inutile d’avoir recours à ces derniers moyens. » Suivant les auteurs que nous venons de citer, l'application de la belladone sur la peau revêtue de son épiderme jouit d’une efficacité incontestable lorsque le nerf malade est situé superficiellement. « Nous avons vu, disent- ils, plusieurs névralgies sus-orbitaires guéries dans l’espace d’une demi- heure, par l'application de l’extrait de belladone sur l’arcade sourcilière ; et quand la maladie était périodique, chaque accès était facilement prévenu en usant préalablement du même moyen. Que si, malgré l’absence de la dou- leur, le malade éprouvait néanmoins le malaise qui ordinairement accom- pagne le paroxysme, le quinquina terminait tout. Le même moyen réussit assez bien encore pour calmer les névralgies temporales; mais il échoue souvent quand le mal occupe le nerf maxillaire inférieur ou le sous-orbitaire, ce qui tient sans doute à la plus grande profondeur où ces nerfs se trouvent placés. Jamais, par ce moyen, nous n'avons pu calmer de douleurs scia- tiques. » Voici le mode d’application auquel ces thérapeutistes ont recours : on fait, au point où la douleur se fait le plus sentir, des frictions, chaque heure et pendant dix minutes, jusqu’à ce que les douleurs s’apaisent, avec 50 cen- tigr. à 2 gr. d'extrait de belladone, en consistance demi-liquide (en y ajoutant quelques gouttes d’eau). Après la disparition des paroxysmes, on laisse un intervalle de quatre, cinq, et même douze heures entre chaque friction. Des compresses imbibées de teinture de belladone seraient aussi efficaces. D'après Trousseau et Pidoux, ces frictions suffisent, le plus souvent, lorsque la névralgie occupe le rameau sus-orbitaire, et même les rameaux temporaux superficiels ; mais si elle occupe le tronc sous-orbitaire et les branches du maxillaire inférieur, il faut recourir aux frictions sur les gen- cives et la face interne des joues, en recommandant au malade de ne point avaler l’extrait. Quand la névralgie occupe le cuir chevelu, on fait raser la tête en tota- lité ou en partie pour appliquer l'extrait de belladone. Si le malade ne veut pas faire le sacrifice de ses cheveux, on imbibe ces derniers d’une décoction de 30 gr. de feuilles, de tiges ou de racine de belladone pour 1 kilogr. d’eau; on recouvre la partie d’une compresse très-épaisse imbibée de la même manière, et l’on enveloppe la tête d’un bonnet de toile cirée. Trous- seau et Pidoux ont vu des névralgies qui duraient depuis longtemps céder à l'emploi de ce moyen. Quand la névralgie est profonde, comme dans la scialique, Trousseau et Pidoux ont retiré de bons effets de l'extrait de belladone en application sur le derme dénudé, à une dose qui ne doit jamais dépasser 30 centigr. Plu- sieurs sciatiques récentes ont cédé en peu de jours à l'emploi de ce moyen. 144 BELLADONE. Si cette affection a plusieurs mois de durée, elle ne se dissipe pas entière- ment, et alors ces médecins introduisent dans une incision pratiquée entre le grand trochanter et l’ischion, et qui pénètre jusqu’au tissu cellulaire graisseux, des boulettes contenant 5 à 25 centigr. de poudre de belladone, à laquelle ils ajoutent une certaine quantité d'extrait d’opium. Cette médi- cation, la plus constamment utile, réunit les avantages du cautère et ceux des applications stupéfiantes. L'application de l'extrait de belladone sur le derme dénudé cause de très-vives douleurs. Pour y obvier, Trousseau et Pidoux enduisent un mor- ceau de toile fine qu'ils appliquent du côté où ils n’ont pas mis l'extrait. Ils recouvrent le tout d’un morceau de sparadrap agglutinatif. L’extrait se dissout peu à peu et ne cause aucune sensation pénible. Brookes (1) cite le cas d’une névralgie faciale guérie en deux jours au moyen de frictions pratiquées trois fois par Jour, avec gros comme un pois de la pommade suivante : atropine, 0,25; axonge 12,00; essence de rose, 1 goutte. Bouchardat et Stuart Cooper ont guéri, d’une manière rapide, une névralgie splénique, suite de la fièvre intermittente, et qui avait résisté à l'emploi du sulfate de quinine, au moyen de l’atropine, appliquée à la dose de 1 centigr. sur le derme dénudé, à l’aide d’un vésicatoire. Il faut dire, tou- tefois, qu'à cette dose le médicament à causé un délire assez intense, qui a duré de quinze à dix-huit heures. Il faut toujours commencer par une dose très-légère. L'observation suivante, recueillie dans ma pratique, m’a paru mériter d’être rapportée : M": la marquise de B***, de Soissons, âgée de 63 ans, d’un tempérament lymphatique, était à Boulogne pour prendre les bains de mer dans l'été de 1846, lorsqu'elle me fit appeler. Cette dame, atteinte d’une arthrite chronique, était en même temps en proie, depuis plus de deux ans, à des attaques très-fréquentes de strangurie spasmodique, attribuée, par les méde- cins qu'elle avait consultés à Paris, à l’existence d’une cystalgie essentielle ayant son siége au col de la vessie. Une extrême irritabilté du tube intesti- nal et des douleurs arthritiques vagues alternaient avee les accès de cystalgie, ou les accompagnaient avec plus où moins d'intensité. Les antispasmodi- ques, les bains généraux et locaux, un régime antiphlogistique, #vaient été employés en vain. Les douleurs vésicales, avec émission goutte à goutte et fréquemment répétée des urines, persistaient et épuisaient les forces de la malade, lorsque je prescrivis l'introduction matin et soir dans le rectum d’un suppositoire de beurre de cacao, au centre duquel je faisais mettre 5 centigr. d'extrait de belladone. L'effet en fut si prononcé dès le premier jour, que je fus obligé, à cause de l’action générale de ce médicament, d’en réduire la dose à 3 centigr. Bientôt les douleurs et le spasme diminuèrent graduellement, la malade put goûter quelques heures de sommeil non inter- rompu par l’émission des urines. Ce moyen si simple, continué depuis un an, avec une augmentation très-graduelle des doses d'extrait de belladone, a toujours produit le même soulagement toutes les fois qu’il y a eu appa- rition du spasme ou de la douleur. J'ai apaisé comme par enchantement des migraines très-intenses en met- tant dans l'oreille du coton imbibé de teinture de belladone, et en friction- nant à diverses reprises la partie douloureuse avec cette mème teinture. On peut aussi dans ce Cas appliquer l'extrait de cette plante. Piorry arrête presque immédiatement cette espèce de migraine qu'il attribue à une né- vrose de l'iris (iralgie), en frictionnant les paupières avec l'extrait de bella- done étendu d’une suffisante quantité d’eau pour lui donner une consistance sirupeuse. (1) Bouchardat, Annuaire, 1849, p. 48. BELLADONE. 145 RHUMATISME, Gourre. — Plusieurs praticiens ont constaté l'utilité de la belladone dans le traitement du rhumatisme. Müuch à fait connaitre, en 1789, les bons effets de cette plante dans les affections rhumatismales. Zié- gler, au rapport de Murray, en aurait aussi obtenu des résultats heureux dans les mêmes cas. Blackett rapporte qu'un rhumatisme aigu de la plus grande violence, après avoir résisté à la saignée, aux purgatifs, aux sudori- fiques, etc., fut guéri en peu de jours par des bains dans lesquels on faisait dissoudre 30 gr. d'extrait de belladone. Chevalier (1) a obtenu d’excellents effets dans les rhumatismes aigus partiels, de frictions faites sur le point douloureux avec une pommade composée d'extrait de belladone (1/8° à 1/4) et d’axonge, et de quelques gouttes d’huile de lavande. Quelques praticiens combattent le rhumatisme articulaire aigu au moyen de l'extrait de belladone, à la dose de 1 centigr. ‘/, (un quart de grain) cha- que heure. Le délire apparaît ordinairement le second jour de cette médi- cation. Quelle que soit l'intensité des accidents cérébraux, on continue l'usage du remède jusqu’à la cessation complète de la douleur et de la tumé- faction. Lebreton, qui a eu de fréquentes occasions de recourir à cette mé- dication, affirme qu'elle guérit en huit jours les rhumatismes aigus, et que jamais il n’a vu les désordres cérébraux avoir aucune suite fâcheuse (2). Trousseau et Pidoux, qui ont obtenu de bons effets de cette médication, administraient en même temps des purgatifs journaliers, afin de prévenir la constipation. La belladone n’a jamais été proposée pour le traitement de la goutte pro- prement dite, où, comme tous les stupéfiants, elle pourrait causer de graves accidents. Dolor in hoc morbo est amarissimum naturæ pharmacum ; qui quo vehementior est eo citius præter labitur paroxysmus (Sydenham). NÉVROSES. — L'action puissante de la belladone sur le système nerveux, dont elle émousse pour ainsi dire la sensibilité, explique les bons effets qu'on en obtient dans les névroses. ÉPILEPSIE. -— Bon nombre d’auteurs ont vanté la belladone contre l’épi- lepsie. Nous citerons : Münch (3), Stoll, Evers (4), Theden (5), Greding (6) Lallemand (7), Leuret et Ricard (8), Guyault (9), Séguy (10). Bretonneau (11), estparvenu à diminuer la maladie, et dans quelques cas à la guérirentièrement. Il emploie la racine en poudre, et l'extrait de Ja plante. Les premiers jours il ne dépasse pas la dose de 1 centigr. par jour, et le remède est donné le soir, si les accès reviennent surtout la nuit, et le matin, s'ils se montrent durant le jour. La dose de la poudre est portée jusqu’à 5 et rarement jus- qu'à 10 centigr., et l’on y reste pendant deux ou trois mois. Le remède est alors interrompu pendant une semaine, repris ensuite durant trois semaines, interrompu après pendant quinze jours, repris encore deux jours de suite, puis laissé pendant trois semaines, en ayant soin d'y revenir aux époques présumées du retour des accès, et de donner alors les doses les plus éle- vées. On continue ainsi avec persévérance pendant au moins trois ou quatre ans. (1) The London med. and physic. Journ., novembre 1826. (2) Trousseau et Pidoux, t. Il, p. 63. . (8) Dissert. inaug., ete., cirea usum belladonæ in melancoliä, mania el epilepsia. Gat- tingue, 1783. (4) Hannoversches Magazine, 1783, n° 99. (5) Neue Bemerkungen und Erfahrungen, t. IX, p. 212. (6) Murray, Ouvrage cité,t. I, p. 646. (7) Annales cliniques de Montpellier, t. XIV, p. 47. (8) Gazelte medicale, 1838. : (9) Bulletin de l'Académie royale de médecine, t. II, p. 76. (10) Revue médicale, avril 1839. (11) Trousseau et Pidoux, t. Il, p. 64. 10 146 BELLADONE,. Debreyne (1), qui regarde la belladone comme la plus précieuse de toutes les plantes indigènes de France, est le médecin qui, de nos jours, a obtenu les résultats les plus nombreux et les plus certains de l’usage de cette plante dans les névroses, et notamment dans l’épilepsie. Il a administré ce médi- cament à plus de deux cents épileptiques, et pas une seule fois sans obtenir quelque effet avantageux. Des malades qui avaient des accès tous les jours ont fini par ne plus en avoir qu’à de longs intervalles; d’autres, qui en avaient moins fréquemment, ont obtenu une amélioration notable ; enfin, plusieurs ont été guéris complétement. Suivant ce praticien, les effets du médicament sont surtout marqués chez les épileptiques dont les accès sont très-fréquents et même journaliers. Il faut en continuer longtemps l’usage. Blache et Trousseau (2) ont adopté le mode d'administration suivant de la belladone contre l’épilepsie : Extrait de belladone, poudre de belladone, de chaque 1 centigr. pour une pilule. Le premier mois, le malade prend une pilule ainsi composée, le soir en se couchant. Le deuxième mois, deux pilules au lieu d’une; le troisième mois, trois pilules; le quatrième, quatre, toujours à la fois, quel qu’en soit le nombre, Si la dose du médicament paraît trop élevée, trouble la vision, produit un sentiment d’âcreté à la gorge, on rétrograde et on n’augmente la dose que tous les deux mois. On arrive ainsi au bout de l’année au chiffre de sept ou huit pilules chaque soir, et on apprécie alors l'influence de la médication. Lorsqu’après un an de traitement vous constatez une diminution dans la force et le nombre des attaques, une modification heureuse dans la forme, vous insistez sur l’em- ploi de la belladone pendant deux, trois ou quatre ans de suite, en augmen- tant tous les deux ou trois mois la quantité du médicament d’un centi- gramme, jusqu'à dose intolérable. Quand on a obtenu la cessation entière des attaques, on suspend la médication et on la reprend pendant quinze jours; puis on laisse deux mois de repos, suivis de deux mois de traite- ment; et ainsi de suite, en augmentant progressivement ces intervalles, mais sans jamais abandonner l'usage de la belladone d’une manière absolue. Sur cent cinquante malades traités de cette manière, Trousseau en à guéri vingt. On peut conclure de tous les faits que nous venons de rapporter, que la belladone diminue souvent là fréquence et l'intensité des attaques d’épi- lepsie, et que dans quelques cas, lorsqu'elle est essentielle, elle la guérit complétement, Il est des sujets chez lesquels elle est évidemment nulle ou nuisible : « Nous avons vu, dit Debreyne, sous l'influence de cette solanée, tout héroïque qu'elle est, les accès augmenter chez une femme qui était épi- leptique depuis près de vingt ans. Il à fallu absolument y renoncer. » Suivant Hufeland l'usage à trop forte dose ou trop longtemps prolongé de la belladone, pourrait, dans certains cas, transformer l’épilepsie en imbé- cilité. Coxvuzsions. — Bergius, Stoll, Lallemand (3) ont traité avec succès, à l’aide de la belladone, des affections convulsives violentes et qui avaient résisté à tous les autres antispasmodiques. Le professeur Chaussier combattait les convulsions qui arrivent pendant l’accouchement par des onctions de pom- made de belladone sur le col utérin. L'expérimentation clinique prouve chaque jour ce fait depuis longtemps reconnu par Debreyne, que la belladone est le spécifique du phénomène convulsion, et qu’elle est l’antispasmodique par excellence. — Trous- seau (4) prescrit la poudre des feuilles à la dose de 1, 2 et 3 centigr. dans (1) Thérapeutique appliquée, p. 11. \ (2) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1856, p. 123. (3) Annales cliniques de Montpellier, t. XIV, p. 47. (4) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 15 mars 1852. BELLADONE, 147 les vingt-quatre heures chez les enfants atteints de convulsions; il donne en même temps le sirop d’éther à celle de 45 à 20 gr.; il fait aussi frictionner les gencives avec une solution légère d'extrait de belladone, quand la den- lition est la cause des convulsions. Tout en combattant le phéaomène con- vulsion, on doit s'occuper des causes, Aux convulsions vermineuses on oppose les anthelmintiques, à celles qui tiennent à une constipation opiniâtre, à une surcharge gastrique, administration des lavements, des purgatifs, ete. «Nous avons eu à nous louer, disent Trousseau et Pidoux, de la belladone dans le traitement des maladies convulsives, mais surtout dans celui de l’éclampsie des enfants et des femmes en couches; nous ne comptons guère sur ce moyen au début des convulsions; mais lorsqu'elles se renouvellent plusieurs fois par jour et plusieurs jours de suite, la belladone, administrée à faible dose, amène quelquefois des résultats inespérés. C’est surtout dans les convulsions épileptiformes, unilatérales ou partielles que nous avons eu à nous louer de l'administration de la belladone, bien entendu lors- que ces convulsions n'étaient pas symptomatiques d’une grave lésion orga- nique. Téranos, Trismus. — Suivant Debreyne, la belladone doit être considé- rée comme le meilleur remède à opposer aux affections télaniques.— Vial (1) cite trois cas de guérison par ce médicament. Ce médecin prescrit la poudre fraiche à la dose de 10 à 20 centigr., suivant l'effet du remède et l’âge du malade : il conseille en même temps les fomentations ou les frictions avec une solution belladonée. — Besse (2) a vu un cas de tétanos traumati- que, rebelle à l’opium et au muse, céder rapidement aux frictions faites sur les muscles contractés avec la teinture de belladone à la dose de 400 gr. par jour. — Sandras a guéri en trente jours, au moyen de l'extrait de belladone donné à la dose de 2 à 45 cent. par jour, concurremment avec les bains de vapeurs (deux par jour), un jeune homme de dix-neuf ans, qui, après avoir eu le pied écrasé par une roue de voiture, présenta tous les symptômes du trismus à un haut degré. M"° Debette, de Calais, âgée de trente-trois ans, d’une grande taille, d’une constitution grêle, d’un tempérament nervoso-sanguin, enceinte de cinq mois, fut prise au mois d’août 1811 d’un resserrement spasmodique des mâchoires, qui d'abord peu prononcé, augmenta dans l’espace de cinq à six jours au point de tenir Ja bouche constamment fermée. Le contact sur les lèvres et les gencives de boissons ayant une saxeur quelconque, et sur- tout acide, augmentait le spasme et la constriction jusqu’à faire saigner les gencives. Il y avait absence complète de douleur. Une saignée de 7 à 800 gr. fut pratiquée et n’amena aucun soulagement. Je prescrivis des demi-lave- ments avec l'extrait gommeux d’opium, un liniment camphré et opiacé, sans obtenir plus de succès. La malade était dans le même état depuis six jours, quand il me vint à l’idée d'employer des onctions de pommade de belladone sur les mâchoires. Cette pommade, dans la proportion de 4 gr. d'extrait sur 30 gr. d'axonge, était appliquée à la dose de 4 gr. toutes les trois heures. Dès le second jour de l'emploi de ce moyen, la malade commença à desser- rer les dents; sa bouche s’ouvrit peu à peu, et au bout de six à huit jours la guérison de ce trismus était complète. Il est à remarquer que, pendant plus de quinze jours, une tension spasmodique était toujours provoquée par la présence des boissons acides dans la bouche. L'emploi de la belladone dans le tétanos n’est pas toujours couronné de succès. Je n’en ai obtenu aucun résultat chez une jeune fille atteinte de cette maladie, à la suite de l'application du caustique de Vienne sur une tumeur (1) Bulletin de thérapeutique, mars 1843. (2) Bouchardat, Annuaire, 1849, p. 44. 148 BELLADONE. cancéreuse du sein, et chez laquelle, il est vrai, l'opium à grande dose, le chloroforme, etc., ont été aussi sans effet. Voyez ATROPINE. RAGE. — Mayerne (1) préconisa, au commencement du xvi° siècle, l’em- ploi de la belladone contre la rage. — Théodore Turquet, dans un ouvrage publié en 1696, avait annoncé la décoction de baies de belladone comme un spécifique contre l’hydrophobie. — Schmidt, ministre protestant, publia ce remède dans le Journal de Hanovre en 1763. — Les deux Müneh (2) pu- blièrent plusieurs cas de guérison. Ils faisaient préalablement saigner les malades jusqu’à la syncope, et administraient ensuite l’extrait de belladone à la dose de 5 à 70 centigr. tous les deux jours. — Buchols, Jahn, Hufeland, Sauter, Schaller, Locher-Balber, Rau, Neimecke, ont aussi rapporté des faits à l'appui de la vertu antilyssique de la belladone. Cette plante a été admi- nistrée à cent quatre-vingt-deux malades, qui tous avaient été mordus par des chiens enragés. Sur ce nombre, cent soixante-seize avaient été blessés depuis peu de temps, et n’offraient aucun symptôme de rage; chez les six autres l’hydrophobie était confirmée. Voici les résultats du traitement : les cent soixante-seize récemment mordus furent préservés; des six enragés, quatre furent guéris, et deux succombèrent (3). — Sauter donnait la bella- done en extrait à la dose de 40, 50, 60 centigr., et répétait cette dose à cha- que accès. — Ghérardini en à donné jusqu’à 4 gr. en douze heures. — Gia- comini fait observer avec raison que ceux qui sont opposés à l’emploi antilyssique de la belladone, n’ont donné celte substance qu’à la dose ordi- naire, tandis que ceux qui en ont vanté les bons effets l’ont administrée à doses assez fortes. « Cette médication, tout éminemment sédative et antispasmodique qu’elle est, ne suffira pas, dit Debreyne, parce qu'elle ne paraît pas de nature à pouvoir détruire le virus de la rage. Elle n’a qu’une vertu purement anti- spasmodique, anticonvulsive, et non une puissance destructive ou neutrali- sante (4). » « De nos jours, disent Trousseau et Pidoux, on à acquis la triste con- viction de l’inutilité des moyens divers vantés jusqu'ici dans le traitement de la rage. » Comment a-t-on acquis cette triste conviction? A-t-on répété les essais de Münch, ou n'a-t-on opposé que des préventions, des idées systématiques, des raisonnements non justifiés par l'expérience? Swilgué affirme que l’on n’a fait en France aucune recherche propre à déterminer le degré de confiance que la belladone peut mériter sous le rapport de sa propriété anti- lyssique. S'il est permis d'élever des doutes sur cette propriété, il ne l’est pas moins de se garantir de ce scepticisme qui nous fait trop souvent regar- der comme faux tout ce qui contrarie notre manière de voir ou nos préven- tions. On ne peut rejeter tous les faits observés par Münch sans suspecter la bonne foi de ce ministre protestant. La justice et la raison invoquent ici l'expérience clinique, qui seule peut juger en dernier ressort cette impor- tante question. HYSTÉRIE — On a cité des faits qui prouvent l’efficacité de la belladone dans certains cas d’hystérie. En général, dans l’hystérie, la sensibilité est augmentée, sartout au début des accès. « Quel médecin n’a vu, dit Lan- douzy (5,, chez la plupart des hystériques, le moindre bruit, la moindre (1) Praz. med. syntagma de morb. extern. (2) De belladona eficaci in rabie, etc. Gæœttingue, 1781. (3) Bayle, Bibliothèque de thérapeutique, t. II, p. 502. (4) Annales de la Société de médecine de Gand, 1853, p. 156. (5) Traité complet de l’hystérie, 1848, p. 312. BELLADONE. 119 odeur, le moindre contact augmenter le paroxysme ? — D'après Blackelt (1), la belladone ne saurait convenir dans l’hystérie qui dépend de causes débili- lantes. Sur six malades auxquels ce médecin administra la belladone, trois furent guéris assez rapidement; les trois autres, qui, sans doute, n'étaient pas dans des conditions convenables à l’action de ce médicament, éprou- vèrent divers accidents nerveux qui firent renoncer à son usage. Blackett administrait la belladone sous forme de teinture. Pagès (2) a fait disparaître des accès hystériques accompagnés de douleurs utérines analogues à celles de l'avortement, en pratiquant plusieurs fois par jour, sur le col de l’utérus, des onctions avec la pommade d'extrait de bel- ladone. Debreyne regarde ce médicament comme le meilleur modificateur du système nerveux chez les hystériques. Il rapporte, entre autres, deux cas d'hystérie rebelle qui offraient les symptômes les plus insolites, et dont l’un durait depuis six années, et l’autre depuis six mois. Cnorée. — La belladone s’est montrée efficace dans la danse de Saint-Guy essentielle et sans complication. Hufeland (3) dit s’en être bien trouvé dans cette maladie. — Ketterling (4) a guéri un individu affecté de chorée au moyen de la poudre des feuilles de cette plante, donnée à la dose de 10 à 15 centigr. par jour.—Seguy (5) rapporte deux observations de chorée guérie en peu de temps par l'extrait de belladone, à la dose de 5 à 15 centigr. par jour. — Debreyne a vu l'extrait de belladone produire les meilleurs effets dans cette aberration nerveuse; il emploie ordinairement les pilules formu- lées plus haut contre l’hystérie. — Mault (6), dans un cas très-intense, chez un choréique de quatorze ans, et qui avait résisté à diverses médications, appliqua sur la colonne vertébrale un vésicatoire de huit pouces de long, et pansa douze heures après le derme dénudé avec un linge recouvert d’une légère couche d’extrait de belladone. Ce linge ne fut laissé qu'une heure en place. Au bout d’une demi-heure, il y avait déjà un mieux sensible, et quatre heures après il restait à peine quelques traces de convulsions. Qua- rante heures après, quelques convulsions s’annoncent à la face, on recom- mence à panser avec l’extrait de belladone, et l’on obtient le même résultat que la première fois. Le cinquième jour, comme il était revenu quelques mouvements convulsifs dans le bras gauche, on applique un nouveau vési- catoire et l’on panse comme auparavant. Les convulsions s'arrêtent encore et ne reparaissent plus. TREMBLEMENT NERVEUX. — Suivant Debreyne, le tremblement nerveux cède ordinairement aux pilules d'extrait de belladone, mais souvent aussi il reparaît dès qu’on cesse le remède. DELIRIUM TREMENS. — Griève (7) a fait cesser comme par enchantement les accidents du delirium tremens portés à un haut degré (surexcitation ner- veuse, hallucinations optiques, pouls au-delà de 120 pulsations, transpira- tion froide et visqueuse, contraction considérable des pupilles) chez un homme de quarante-neuf ans, d’une constitution robuste et qui s'était eni- vré régulièrement depuis trois semaines, en faisant des frictions sur les pau- pières avec la pommade de belladone. Aussitôt que l'effet physiologique du médicament se manifesta par la dilatation des pupilles, les hallucinations (1) Lond. Med. repository, avril 1824. (2) Revue médicale, 1829. : (3) Hufeland’s Journal, t. IX, cab. 1, p. 100. (4) H. Musset, Trailé des névroses, p. 194. (5) Revue médicale, avril 1839. (6) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1851, p. 102. (7) Monthly Journal et Bulletin général de thérapeutique, t. XLVI, p. 496. 150 BELLADONE. de la vue perdirent de plus en plus leur caractère, les autres symptômes se calmèrent et le malade s'endormit. Il est probable que c’est bien plutôt à l'influence de la belladone sur les centres nerveux, qu'à la dilatation de la pupille, comme le pense Griève, qu’est dû cet heureux et prompt résultat. FourE. — La belladone a été employée avec succès dans ce cas par Münch fils (1), Münch père (in Murray), Ludwig (2), Greding (3), Murray, Evers, Schmalz (4), J. Franck, Schmidtmann, David Scott (5). On sait que la belladone administrée à une certaine dose produit une folie momentanée. Son efficacité dans les maladies mentales semble justifier ce principe de Hahnemann : Similia similibus curantur. On puise quelquefois dans les systèmes les plus absurdes des vérités utiles : les doctrines oppo- sées et exclusives ne sont ni vraies ni fausses en tous points. « Car l’expé- rience a prouvé qu'une multitude de maladies étaient guéries par des agents thérapeutiques qui semblent agir dans le même sens que la cause du mal auquel on les oppose (in Trousseau et Pidoux). » C’est principalement dans les monomanies accompagnées d’hallucinätions fixes que la belladone s’est montrée efficace. ParaALysiE. — Jahn (6) a préconisé la belladone dans la paralysie. — Schmucker (7) l’a conseillée contre l’hémiplégie. — Murray cite le cas d’une hémiplégie sérieuse qui a cédé à la poudre des feuilles de belladone, à la dose de 23 centigr. à À gr. par jour.—Les docteurs Forstern et Verschuir (in Szerlecki) ont employé ce médicament avec succès dans un cas de paralysie spasmodique des muscles de la face. — Bretonneau a obtenu, à l’aide de la belladone, des guérisons aussi inespérées que peu explicables dans plusieurs cas de paraplégie. «Mais lorsqu'il s’agit d’une hémiplégie, disent Trousseau et Pidoux, à moins qu’il n’y ait en même temps spasmes convulsifs, il n’ob- tient rien en général. » — Tessier (8) cite un cas d’hémiplégie qui céda à l'usage du suc éthéré de belladone, à la dose d’une goutte par jour. Hoover. — Le hoquet constitue quelquefois une névrose opinitre qui n’est pas sans gravité. Dans ce cas, Debreyne emploie les pilules suivantes, qui lui ont constamment réussi : Extrait de belladone, 2 gr.; camphre, 15 gr.; sirop de gomme, (. S. pour 60 pilules. Deux pilules le premier jour, matin et soir; le second jour trois, matin, midi et soir ; on augmente chaque jour d’une pilule, jusqu’à six en vingt-quatre heures en trois fois, un üers matin, midi et soir. GasrrazGrE. — La belladone réussit ordinairement dans la gastralgie. L’extrait de la racine, associé à l’eau de laurier-cerise, à la dose de 1 centi- gramme 1/2 à 2 centigr. 1/2, a été employé avec un succès remarquable par Schmidtmann dans un cas de gastralgie contre laquelle on avait en vain mis en usage les médicaments appropriés à ce genre de maladie.—Hauff (9), Hufeland (10) se sont très-bien trouvés de la belladone en pareil cas. Le der- nier prescrit 30 gouttes trois fois par jour du mélange de 30 centigr. d’ex- trait de belladone et de 15 gr. d’eau de laurier-cerise. — Caïizergues (41) (1) Loco citato. | (2) Disscrt. de belladona, hujusque usu in vesanta. (3) Ludwig, Dissert. cit. : (4) Chirurgische und medizinische Vorfælle, p. 79. (5) London med. Gaz., juillet 1838. (6) Klinik der chronischen Krankheïten, t. 1, p. 365. (7) Schmucker's vermischte Schriflen, t. I, p. 365. (8) Bouchardat, Annuaire, 1847, p. 20. (9) Medizinisches Conversationsblatt, n° 2,1832. (10) Sebernheim, Handbuch der praktischen Arzneïmittel. Berlin, 1836, p. 5. (11) Revue thérapeutique du Midi. a — BELLADONE. 151 employait une masse composée de 10 gr. de sous-nitrate de bismuth et de 4 gr. d'extrait de belladone, divisée en 40 pilules, dont il faisait prendre deux matin et soir. — Leblus (4) a guéri une gastralgie opiniâtre, accom- pagnée de hoquet, au moyen des pilules suivantes : Extrait de belladone, 4 décigr.; sous-carbonate de fer, à décigr., pour douze pilules, à prendre d'heure en heure. « Là où le chlorhydrate de morphine manque son elfet, dit Sandras, l'extrait de belladone le remplace avec avantage et calme la gastralgie. » Ce médecin administre une pilule de 25 milligr. toutes les demi- heures; le malade est soulagé après en avoir pris une, deux ou trois. — S'il y à constipation, Bretonneau (in Trousseau et Pidoux) fait prendre une très-pelite quantité de belladone, soit en mangeant, soit le soir, au moment où le malade se couche; s’il y a, au contraire, tendance à la diarrhée, il proscrit l'emploi de ce médicament et a recours à l’opium. C’est là une indication judicieusement formulée pour le traitement de la gastralgie et de l’entéralgie. ENTÉRALGIE. — Suivant Schmidtmann, la belladone serait un excellent remède contre l’entéralgie, tandis que l’opium produirait de mauvais effets dans cette affection, sans doute à cause de la constipation qui l’accompagne presque toujours. — Sandras obtient un soulagement immédiat dans l’enté- ralgie, au moyen de quelques centigrammes d'extrait de belladone étendu dans un lavement émollient peu abondant et répété au besoin. M. B.…., directeur des postes, âgé de quarante-sept ans, d’un tempéra- ment bilioso-sanguin, d’une forte constitution, était atteint depuis plusieurs mois d’une douleur fixe et continue à la région hypogastrique, sans cause connue, et n’apportant aucun changement dans les fonctions intestinales ni dans celles des organes urinaires. Cette douleur, plus incommode que vive, avait résisté à l’usage des bains, à l’application des sangsues à l’anus, aux Cataplasmes et aux liniments opiacés. Je prescrivis un suppositoire de beurre de cacao avec 5 centigr. d'extrait de belladone à introduire malin et soir. Dès le second jour d'emploi de ce moyen, la douleur diminua. J'aug- mentai la dose d’extrait de belladone graduellement jusqu'à celle de 12 cen- tigrammes, Dès lors la douleur disparut complétement. Après deux mois que le malade a cessé l’emploi du suppositoire belladoné, aucun symptôme de récidive n’a eu lieu. ILÉUS. — Rosati (2) a employé avec succès, dans l’iléus, des frictions faites sur l'abdomen avec la pommade de belladone. Plusieurs praticiens, au rap- port de Szerlecki, tels que Pages, Magliari, Spencieri, Duponget, Albers, Marino, Méola, Frœnkel, auraient aussi obtenu de bons effets de l'usage ex- térieur de ce médicament dans la même maladie. Stannius et Becker (3) ont employé avec succès un lavement composé d'une infusion de 4 gr. de racine de belladone dans 200 gr. d’eau. Ce re- mède a guéri le malade sans produire d'effet stupéfiant. Il faut néanmoins se défier d'une dose aussi élevée : je commence toujours par un lave- ment de 60 centigr. à 4 gr. de feuilles infusées dans 150 gr. d’eau, et je n’augmente cette dose, au besoin, que graduellement. « Il est évident, dit Debreyne, après avoir rapporté plusieurs faits con- cluants, que I belladonc est une excellente, une précieuse ressource contre une maladie si terrible, si féroce et si indomptable. » VOMISSEMENT NERVEUX. — La belladone a été très-utile dans les vomisse- ments essentiellement spasmodiques, ou tenant à une irritation fugace, sym- (1) Wahu, Annuaire de médecine el de chirurgie pratiques, 187, p. 92. (2). Observ. med. di Näpoli. (3) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1842, p. 20. 152 BELLADONE. pathique, ete. — Hufeland et Siemerling (4) prescrivent contre les vomisse- sements chroniques, surtout chez les personnes adonnées aux boissons alcooliques, 30 à 40 gouttes, trois ou quatre fois par jour, du mélange de 10 centigr. d'extrait de belladone et de 8 gr. d’eau de laurier-cerise. — Sandras s’est bien trouvé, dans le vomissement nerveux, de frictions sur tout l'abdomen avec une pommade contenant environ un vingtième de son poids d'extrait de belladone. Dans les vomissements nerveux qui surviennent pendant la grossesse, Bretonneau (in Trousseau et Pidoux) fait pratiquer des frictions sur le ventre avec la pommade de belladone ou une forte solution d'extrait de cette plante dans l’eau, en consistance sirupeuse. Cette médication manque rarement de procurer du soulagement au bout de quelques jours. Elle m'a réussi, aidée de la position horizontale, chez une femme enceinte de sept mois, atteinte depuis trois mois de vomissements continuels qui l'avaient jetée dans un grand état de faiblesse. Mais, dans certains cas plus graves, disent Trousseau et Pidoux, et ces cas ne sont malheureusement pas rares, la belladone reste impuissante comme tous les autres moyens, et il ne reste souvent que la triste et regrettable ressource de l’avortement provoqué. » « Dans une circonstance où cette opération allait être pratiquée pour sau- ver la femme, Cazeaux, qui avait essayé vainement la belladone suivant la méthode de Bretonneau, pensa qu’il obtiendrait un effet plus sûr en appli- quant sur le col même et dans la cavité du col une grande quantité d'extrait de belladone, et cette petite opération, qu'il répéta une fois plusieurs jours de suite, amena une guérison rapide et inespérée. COLIQUES HÉPATIQUES ET NÉPHRÉTIQUES. — Dubla (2) a employé avec avan- tage des frictions sur les lombes avec une pommade composée de 75 centigr. d'extrait de belladone et de 15 gr. d’axonge, dans deux cas de colique né- phrétique. Ces coliques ont été suivies d’ expulsion de calculs. M°° Hanson, demeurant à Calais, âgée de vingt-six ans, d’un tempérament lymphatique, me fit appeler le 16 juin 1818. Elle était prise d’un violent accès de colique néphrétique. J'avais inutilement employé la saignée et le bain de longue durée, quand, attribuant les symptômes au spasme local, je fis frictionner de demi-heure en demi-heure, avec la pommade de belladone (4 gr. d'extrait pour 30 gr. d’axonge), la région correspondante au rein, siége de douleurs lancinantes très-vives. Dès la seconde friction la douleur s’apaisa, La malade s’endormit après la troisième friction. Le lendemain les douleurs étaient entièrement dissipées, et cinq petits calculs avaient été rendus avec quelque difficulté pendant leur passage dans l’urètre. Deux de ces calculs étaient de la grosseur d’un pois. Rostan et Martin-Lauzer (3) font cesser promptement les douleurs dans les coliques hépatiques et néphrétiques, en administrant toutes les quatre ou six heures une pilule contenant 5 centigr. d'extrait d’opium et autant d’ex- trait de belladone. L'amélioration a lieu dix minutes environ après la prise du médicament, et souvent la crise cesse en moins d’une demi-heure avec une seule pilule, — Pointe, de Lyon, s'est également bien trouvé, au rap- port de Martin-Lauzer, de l’opium et de la belladone réunis contre les co- liques hépatiques. — Sandras (4) emploie dans les névralgies des conduits biliaires les pilules suivantes : Extrait de belladone, 15 centigr. : chlorhy- drate de morphine, 5 centigr.; mucilage de poudre inerte Q. $S. pour faire 10 pilules; en prendre une de demi- heure en demi-heure. 1) Journal de Hufeland, juillet 1830. 2) Revue médicale, t. III, p. 447. 3) Journal des connaissances médico-chirurgicales, t. XXXIV, p. 37. 4) Journal de médecine et de chirurgie pratique, 1853. ( ( ( ( BELLADONE. 153 COLIQUE DE PLOMB. — Malherbe (1) déclare avoir obtenu de la belladone des résultats avantageux dans vingt-neuf cas de colique de plomb. Le plus grand nombre des malades à éprouvé un soulagement du premier au troi- sième jour. Chez la plupart d’entre eux les douleurs cessaient plus ou moins de temps avant l’apparition des selles, Dans la moitié des cas, la bella- done n’a été prise que pendant quatre ou cinq jours. « Nous pensons, conclut Malherbe, que la belladone est destinée à procurer des guérisons plus rapides que les autres méthodes de traitement. Elle s'attaque d'ailleurs aux deux principaux symptômes de la maladie : la douleur et la constipa- lion. La belladone peut, dans ce cas, être donnée à doses beaucoup plus éle- vées que dans les maladies non douloureuses. On commence par 5 centigr. d'extrait mêlé à 10 centigr. de poudre de racine; on augmente ou l’on dimi- nue suivant qu'il y à ou non effets toxiques. On prescrit en même temps chaque jour un ou deux lavements avec 2 à 5 centigr. d’extrait, et l’on fait des onctions sur le bas-ventre avec la pommade de belladone. — Le docteur Blanchet à aussi employé avec succès la belladone contre la colique de plomb, mais il l’a unie à la thériaque. » COLIQUE NERVEUSE DES PAYS CHAUDS. — Cette colique, si fréquente chez les marins qui naviguent entre les tropiques, à été traitée par Fonssagrives (2) à l’aide de la belladone avec le plus grand succès. Les purgatifs ne sont point exclus; mais ils ne doivent être administrés que lorsque les douleurs sont calmées. PALPITATIONS. — «Il est des palpitations nerveuses, dit Martin Lauzer (3), que j'ai pu arrêter au bout de quelques instants, en faisant appliquer sur la région du cœur un emplâtre fait avec 4 gr. d'extrait de belladone. » Je suis parvenu à faire cesser des palpitations de cœur très-violentes chez une jeune fille de dix-huit ans, devenue chlorotique par suite de frayeur, en faisant frictionner deux fois par jour la région précordiale avec un liniment composé d’un jaune d'œuf, de 2 gr. de suc de belladone et de 4 gr. de suc de digitale. Ces palpitations étaient purement nerveuses. — J'ai obtenu un soulagement prompt dans les palpitations et les douleurs causées par l'hyper- trophie du cœur, en employant le même liniment ou la pommade de bella- done. Il est à remarquer que, dans ces cas, l’usage de la belladone à l’inté- rieur ne produit aucun soulagement. CoquELUCHE. — C'est sans contredit dans la coqueluche que la belladone a peut-être été employée avec le plus d'avantages. Schæffer, en Allemagne (4) et Marteau de Granvilliers, en France (5) en ont les premiers signalé les bons effets dans cette maladie. —Vinrent ensuite Hufeland (6), qui considéra cette solanée presque comme spécifique; Buchave (7), qui, dans une épidé- mie de coqueluche en 1784, eut de nombreuses occasions d’en constater l'efficacité ; Kraff (8), dans une épidémie observée à Runckel en 1806, et à laquelle il opposa pour tout traitement l’infusion de 4 gr. 20 centigr. de racines et de feuilles de belladone dans 30 gr. d’eau bouillante, qu’il admi- nistrait trois fois par jour à la dose de 3 à 30 gouttes, selon l’âge, jusqu’à l'effet physiologique manifesté par la rougeur du visage, la dilatation des pupilles, etc. Journal de médecine et de chirurgie de Malgaigne, 1850. Archives générales de médecine, octobre 1852. Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. XXXIV, p. 36. Journal de Hufeland, t. VI. 5) Ancien Journal de médecine, t. XVI, p. 461. (6) Journal. (7) Journal de Hufeland, 1808. (8) Acta regia Soc. med. Hafniensis, t. II. a (1 (2 (3 (4 ( 154 BELLADONE. Mais c’est surtout Wetzler (1) qui, dans une épidémie de coqueluche qui régna en 1810 à Augsbourg, à vérifié les effets héroïques de la belladone dans cette affection convulsive des organes respiratoires. Trente enfants aux- quels ce médecin administra ce remède guérirent tous du huitième au quin- zième jour. Il donnait, matin et soir, { centigr. et demi de racine en poudre aux enfants au-dessous de deux ans; 5 centigr. à ceux de deux à trois ans; 7 centigr. et demi aux enfants de quatre à six ans. On augmentait cette dose au bout de deux à trois jours, sans toutefois dépasser celle de 1 centigr. et demi en vingt-quatre heures chez les plus jeunes, et celle de 15 centigr. chez les plus âgés. Depuis, un très-grand nombre de médecins se sont servis de la belladone, et s’en servent journellement avec succès contre la coqueluche. Cette sola- née, suivant Laennec (2), diminue le besoin de respirer, et par conséquent la dyspnée, plus constamment qu'aucune autre plante narcotique. Blache (3) pense avec Hufeland que c’est du quinzième au vingtième jour de la maladie qu'il faut employer la belladone, pourvu toutefois qu’il existe aucune inflammation thoracique, Car alors il considère ce médicament comme plus nuisible qu'utile. Au reste, il ne l’a vu réussir que lorsque la dilatation de la pupille a eu lieu, et il n’a pas été besoin, dit-1l, de dépasser la dose de 20 à 25 centigr. — Suivant Duhamel (4) la coqueluche présente deux nuances ou variétés distinctes : l’une est apyrétique, et l’autre est ac- compagnée de fièvre. La belladone réussit, dit-il, dans la première; elle échoue dans la seconde. Il donne la racine en poudre à la dose de 6 centigr. par jour, en trois fois, matin, midi et soir, aux enfants au-dessous de trois ou quatre ans; à un âge plus avancé, il porte quelquefois la dose à 20 centi- grammes. Dans la plupart des cas, il a combattu la maladie dans l’espace de trois, quatre, cinq ou six jours. Duhamel ne s’est-il pas trompé en comptant les jours ?.. Je n'ai jamais pu obtenir un résultat aussi prompt dans le cours de ma longue pratique. — Debreyne, qui, pendant plus de trente ans, à employé la belladone dans la coqueluche sur un nombre immense de ma- lades, dont la plupart ont été guéris en huit ou dix jours, n’a recours à ce médicament que du dixième au douzième jour de la maladie, quand les symptômes inflammatoires ou pléthoriques ont été combattus, et que la toux est devenue purement spasmodique. Il donne la racine en poudre à la dose d'autant de fois 5 centigr. que l’enfant a de mois, à prendre en douze jours. Ainsi, un enfant de six mois en prend 30 centigr. en douze jours, et ainsi de suite. La dose se prend en trois fois dans la journée, matin, midi et soir. — Trousseau et Pidoux emploient avec avantage dans la période convulsive, afin de prévenir l’insomnie que la belladone produit quelquefois, le sirop: suivant : Extrait de belladone, 20 centigr. ; faites dissoudre dans sirop d’o- pium et de fleurs d'oranger, de chaque 30 gr.; en prendre une à huit cuille- rées dans les vingt-quatre heures. Il faut employer l’opium avec prudence, et ne pas insister longtemps sur son usage, à cause de la propriété qu’il a de constiper et de favoriser les congestions sanguines au cerveau, déjà si fré- quentes dans la coqueluche. — Bretonneau administre toujours la poudre de belladone en une seule dose, soit le matin, soit le soir, à la dose de 1 cen- tigramme, en augmentant de 1 centigr. tous les deux jours, jusqu’à ce que la toux soit très-notablement calmée. Si après quelques jours le mal reste stationnaire, il augmente encore, mais sans aller jusqu’à effet toxique. Quand la maladie rétrocède, il diminue graduellement et ne cesse que lorsqu'il n'existe plus que les symptômes d’un simple catarrhe. (1) Journal de Hufeland, t. VI, p. 285. (2) Traité de l’auscullation médiate, t. T, p. 86. (3) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques. nn “oi couronné en 1848 par la Société des sciences médicales et naturelles de ruxelles, BELLADONE, 155 La belladone ne guérit pas toujours la coqueluche. Joseph Frank l’a employée avec beaucoup de succès dans une épidémie, et infructueusement dans six autres. — Desruelles (1) ,imbu de la doctrine de Broussais, la regarde comme un médicament dangereux, même quand on l’administre à petites doses; selon lui elle ne mérite pas les éloges qu’on lui à prodigués, — Ra- tier (2), à une époque où la doctrine de l'irritalion, arrivée à son point cul- minant, n’admettait plus comme agents thérapeutiques que les sangsues, l’eau de gomme, le lait et les pommes cuites, affirmait qu'il avait eu plu- sieurs fois l’occasion de voir employer et d'employer lui-même ce médica- ment contre la coqueluche, et que jamais il ne l'avait vu réussir. C’est ainsi qu'on observe quand on veut tout rattacher à l’idée mère d’un système. J'ai employé pendant quarante ans la belladone contre la coqueluche. Excepté dans une épidémie dont je parlerai plus bas, elle m'a presque toujours réussi. Je me sers de la racine en poudre à la dose de 1 à 5 centigr. répétée de quatre heures en quatre heures, et mêlée avec une certaine quan- tité de sucre. J’augmente graduellement cette dose suivant l’âge et l'in- tensité des symptômes, mais sans Jamais dépasser 25 centigr. dans les vingt-quatre heures. Je l’administre aussitôt que la période catarrhale ou inflammatoire est dissipée. Je fais vomir de temps en temps avec l’ipéca- cuanha ou l’asaret. Ce traitement modère et éloigne promptement les quintes de toux. Néanmoins la guérison n’a lieu, pour les cas les plus simples, que du dixième au vingtième jour, et pour les cas les plus graves que dans les- pace de vingt-cinq à trente-cinq Jours. Si le soulagement se fait trop atten- dre, je prescris des frictions à l’épigastre avec la pommade de belladone (4 gr. sur 30 d’axonge : 2 à 6 gr. par friction chaque jour), que je substitue même entièrement au traitement interne lorsque celui-ci est sans effet. Presque toujours alors les symptômes s’amendent promptement. Je diminue ou je suspens les doses à la moindre apparence de dilatation des pupilles. Les insuccès de la belladone peuvent être attribués à l’exiguité de la dose à laquelle on l’administre. Comme Debreyne, j'ai souvent obtenu de prompts et heureux résultats en administrant une dose plus élevée que celle que prescrivent les auteurs, et que l’on donnait inutilement depuis plusieurs se- maines. J’ai vu dans certains cas la poudre des feuilles et l'extrait, quoique bien préparés avec la plante récemment récoltée, ne produire aucun effet, tandis que la poudre des racines de la même plante donnait les résultats les plus heureux. Dans l’épidémie qui a régné en 1855 à Boulogne-sur-Mer, toutes les préparations de belladone m'ont fait presque complétement défaut, tandis que l’aconit, comme je l’ai dit à l’article concernant cette dernière plante (page 22), m'a constamment réussi. Il est à remarquer que dans cette épidémie la période catarrhale persistait souvent avec plus ou moins d’in- tensité pendant tout le cours de la maladie, et se terminait, dans un assez grand nombre de cas, quand on n’employait pas de bonne heure l’aconit, par une pneumonie aiguë ou chronique presque toujours mortelle. Le tartre stibié, mêlé à la pommade de belladone dans l'intention de produire à la fois une action révulsive et antispasmodique, a peu d'effet sur la peau. Les frictions que j'ai faites à diverses reprises avec ce mélange n'ont produit que peu ou point de boutons, Toux NERVEUSE. — La toux purement nerveuse ou convulsive, et celle qui, sans avoir spécialement ce caractère, n’est pas déterminée par une inflamma- tion des organes de la respiration, peuvent être avantageusement combattues par la belladone. — Lenkossek (in Szerlecki), Delhaye (3) et Mouremans (4) (1) Trailé de la coqueluche, p. 194. (2) Formulaire pratique. (3) Archives de la médecine belge, 1841. (4) Ibid. 156 BELLADONE. en ont constaté les bons effets dans ces affections. — Sandras recommande l'extrait de belladone administré à l'intérieur ou employé à l’extérieur d’a- près la méthode endermique, à la dose de 2 à 5 centigr. par jour, dans la toux convulsive tenant purement à l’état nerveux. Ce traitement lui a réussi merveilleusement dans la toux hystérique. — Lebert (1), qui a eu plusieurs fois l'occasion d'observer la toux périodique nocturne des enfants, que Behrend, de Berlin, a fait connaître il y à quelques années, est toujours parvenu à la guérir en peu de jours au moyen de la poudre de racine de belladone récemment préparée, et donnée le soir dans un peu d’eau sucrée, à une dose proportionnée à l’âge et graduellement augmentée. Ce médicament lui a également réussi dans les différentes espèces de toux ner- veuses et convulsives ou avec suffocation chez les adultes. — Debreyne fait habituellement usage de la formule suivante dans toute espèce de toux, hors celle qui est déterminée par une phlegmasie des organes respiratoires : Infu- sion de coquelicot, 180 gr.; extrait de belladone, 20 centigr.; sirop de gui- mauve, 60 gr.; eau de fleurs d'oranger, 15 gr.; à prendre dans l’espace de quarante-huit heures, une cuillerée à bouche toutes les deux ou trois heures. — L'espèce particulière de toux qu’on nomme tussis matutina vomitoria (pituite) et qui attaque ordinairement les vieux ivrognes, surtout les buveurs d’eau-de-vie, se guérit, suivant Hufeland, par l’usage de la belladone avec l'eau de laurier-cerise. — Cruveilhier (2) a plusieurs fois diminué l’inten- sité de la toux des phthisiques, en leur faisant fumer des feuilles de bella- done qu’on avait fait infuser dans une forte solution d’opium. On fume de deux à trois pipes par jour. Dans la toux qui tourmente les phthisiques et les malades atteints de catarrhes pulmonaires anciens, j'ai souvent obtenu, par l'administration de l'extrait ou de la racine pulvérisée de belladone, un soulagement qu’au- cune autre médication ne pouvait procurer. L'usage de la belladone n’a pas, comme celui de l’opium, l'inconvénient de supprimer l’expectoration. ASTHME. — La belladone, administrée à l’intérieur contre l’asthme essen- üel, c'est-à-dire sans altération organique autre que l’emphysème pulmo- naire, à presque toujours apporté du soulagement. Lenkossek (in Szerlecki), Barbier, d'Amiens, Sandras ont obtenu de bons effets de la racine en poudre dans l'asthme. Mais les résultats que produit la belladone ainsi administrée contre cette affection ne peuvent être comparés, suivant Trousseau et Pidoux, à ceux qu'on obtient en faisant fumer la feuille sèche, soit seule, soit mêlée à du tabac. « Nous avons vu deux fois, disent ces médecins, des dyspnées intermittentes, durant depuis longtemps et revenant chaque nuit avec une opiniâtreté désespérante, se guérir complétement par l’usage de la fumée de belladone ou de datura stramonium. Souvent nous avons, sans gué- rir parfaitement le malade, produit une amélioration qu'aucune médication n'avait obtenue.» — Magistel (3) préconise, dans le traitement de l’asthme, l'emploi des fumigations de feuilles de belladone en décoction. Sur cinq malades traités par ce moyen, quatre ont guéri, et le cinquième, vieillard âgé de soixante quinze ans, a éprouvé de l’amélivcration. De tels succès ne s’observent guère que dans les hôpitaux, où l’on ignore, après la sortie du malade soi-disant guéri, s’il y a eu ou non récidive de la maladie. —- Breton- neau (in Trousseau et Pidoux) se trouve très-bien de l’administration de la belladone à l'intérieur contre l’asthme nerveux pour prévenir le retour de la maladie; mais il compte plutôt, pendant l'accès, sur les cigarettes de belladone ou de stramoine. Le traitement dure plusieurs mois et même plu- (1) Abeille médicale, 1846, p. 251. (2) Nouvelle bibliothèque médicale, 1898. (3) Gaxelte médicale, décembre 1834. BELLADONE, 157 sieurs années. La belladone est donnée en une seule dose graduellement augmentée comme pour la coqueluche. L'effet du médicament se constate par un léger sentiment de sécheresse à la gorge, par la dilatation des pu- pilles, et par des selles en général plus abondantes et plus faciles. (On fabri- que plusieurs espèces de papiers antiasthmatiques, où la belladone, associée aux autres solanées vireuses et au nitre, joue le plus grand rôle.) ANGINE DE POITRINE OU STERNALGIE, — « Depuis quelques années, dit Debreyne, nous avons prescrit plusieurs fois avec avantage des potions avec l'extrait de belladone contre cette rare, douloureuse et grave maladie ; et c’est désormais contre elle notre principal et peut-être seul remède (4). » APHONIE. — On à vu la belladone produire l’aphonie. Joseph Frank et Gaultier de Claubry ont observé cet effet, qui, sans doute, a fait naître l’idée, en vertu de la loi des semblables, de l'employer contre celte maladie. J. Frank prescrit les feuilles contre l’ aphonie spasmodique. — Sell (in or r- lecki) a employé la belladone avec succès dans un cas d’aphonie, suite d’a- poplexie, et Burtels (3) l’a même Se dans l’aphonie qui accompagne la phthisie laryngée. — Stuart-Coopert (3) guérit en peu de jours, par l’atro- pine, une femme de trente ans atteinte depuis un mois d’une aphonie com- plète, suite d’une métrorrhagie très-abondante. On administrait ce mé- dicament à la dose de 0,003 gr. dans un julep gommeux dont on donnait une cuillerée d'heure en heure. J'ai pu, au moyen de frictions faites avec la pommade de belladone à la partie antérieure du cou, dissiper en huit jours une aphonie complète, suite d’une frayeur, chez une jeune fille de dix-neuf ans, qui était atteinte de cette affection depuis deux mois. La propriété anticontractile ou anticonstrictive de la belladone a rendu et rend chaque jour les plus grands services dans un grand nombre de mala- dies, où aucun autre médicament ne saurait, d’une manière absolue, sup- pléer à cette solanée. On en a constaté les heureux effets dans la constipation, la constriction anale, l’iléus, les hernies étranglées, la constriction urétrhale, la constriction utérine, etc. CONSTIPATION. — La constipation dépend souvent de la constriction spas- modique du sphincter de l’anus, lors même qu'il n’y a point de fissures. C’est surtout dans ce cas que la belladone est employée avec succès. La constipation qui accompagne la gastralgie à été combattue par Bre- tonneau au moyen d’une très-petite dose de belladone prise au moment du repas, ou le soir au moment du coucher. (Voyez GASTRALGIE, p. 150.) — Blache (4) emploie à peu près le même moyen dans les constipations les plus rebelles. Il donne le matin à jeun, ou le soir, trois heures après le sou- per, une pilule composée de 1/2 centigr. à 1 centigr. d'extrait et de 1 à 2 centigr. de poudre de belladone. Fleury (5) fait introduire dans le rectum, pour combattre la constipation, des mèches enduites de pommade de belladone (4 gr. sur 30 gr. d’axonge) que l’on change une fois par jour. La défécation s’obtient en deux ou trois jours, même dans les constipations les plus opiniâtres. Je rapporterai, comme assez remarquable, le fait suivant : Maillard, pro- priétaire cultivateur à Condette, âgé de trente ans, taille moyenne, che- veux blonds, tempérament lymphatico-nerveux, caractère pusillanime, atteint de gastralgie par cause morale (peur extrême du choléra), habituel- (1) Annales de la Socièté médicale de Gand, mars et avril 1853, p. 87. (2) Rust’s Magazin, 1835, p. 65. (3) Bouchardat, Annuaire, 1849, p. 28. (4) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1849, p. 43. (5) Archives de médecine, mars 1838. 158 BELLADOXE. lemeni constipé, me fait appeler le 16 février 1851. Je le trouve dans l'état suivant : face pâle, traits altérés, découragement, anxiété, pouls peu déve- loppé, irrégulier, point de fièvre ; langue humide, non chargée, éructations continuelles, efforts de vomissement et élancements douloureux très-vifs à l'épigastre par l'injection de la plus petite quantité de boisson; tuméfaction de l'abdomen, mais sans douleur à la pression; constipation complète de- puis le 1° février (quinze jours), bien que l'alimentation, pendant les dix premiers jours, ait été assez abondante pour produire accumulation d’une grande quantité de matières fécales dans l'intestin. L'application de quinze sangsues à l’épigastre, des cataplasmes émollients, des bains tièdes, des lavements purgatifs, que le malade ne peut retenir, l'huile de ricin, immédiatement vomie, n’ont apporté aucun soulagement. Je prescris la décoction de feuilles de belladone (30 gr. pour 1 kilogr. d’eau) en fomentation tiède et fréquemment répétée sur le ventre. Je fais injec- ter dans le rectum, matin et soir, la solution de 10 centigr. d'extrait aqueux de la même plante dans 100 gr. d’eau de laitue. Cette injection n’est pas rejetée. Le lendemain 17, le malade a pris sa troisième injection et la fomentation a été continuée toute la nuit. Expulsion de vents par l’anus, diminution no- table de la tuméfaction du bas-ventre et des douleurs épigastriques; mais douleur profonde dans le bassin, strangurie, tenesme vésical et anal, agita- tion extrême, pouls concentré, intermittent, face pâle, sueur froide. Vers midi, bain tiède, dans lequel le malade expulse, au bout de vingt-cinq mi- nutes, une énorme quantité d’excréments en pelotes marronées, agglomé- rées et durcies, ce qui amène un soulagement immédiat. Quelques lavements émollients, en provoquant plusieurs autres selles abondantes, remettent promptement le malade dans son état habituel. CONSTRICTION DE L'ANUS, avec ou sans fissure. — La constriction spasmo- dique du rectum peut exister sans fissure ou gerçure; mais la fissure existe rarement sans constriction : l’une peut être la cause de l’autre. Dans l’un comme dans l’autre cas, la belladone est d’une efficacité devenue vulgaire. D'après Dupuytren (1), on peut guérir l’ulcération allongée qui existe dans la fissure de l’anus, en faisant cesser la contraction du sphincter dont elle n’est qu'un phénomène. Pour cela, il faut introduire dans l’anus, plusieurs fois dans la Journée, une mèche enduite d’une couche épaisse de la pommade suivante : Axonge, 6 gr.; extrait de belladone, 1 gr.; acétate de plomb, 1 gr. — Laborderie (2) et Lamoureux (3) : le premier avec la pommade de belladone et d’acétate de plomb, le second au moyen d’une mèche de char- pie enduite de cérat belladoné, ont guéri des fissures chez deux malades qui s'étaient refusés à l'opération. — « L'usage de petites mèches enduites de pommade de belladone, dit le professeur Cloquet, m'a réussi chez une dame à laquelle Roux avait proposé l’opération, et qui s’y était refusée (4). » M": H***, de Boulogne, âgée de quarante-quatre ans, ayant eu des hémor- rhoïdes à la suite de couches, était atteinte d’une constriction douloureuse du sphincter de l'anus. Une constipation habituelle avait lieu; les excréments étaient comme arrêtés au fondement, et ne pouvaient être expulsés que peu à peu, à diverses reprises, et avec douleur et excoriation. Il n’y avait pas de fissures. Cet état durait plus ou moins violemment depuis quinze ans, lorsque je fis pratiquer des onctions à l’intérieur du rectum, matin et soir, avec la pommade belladonée (4 gr. sur 30 d’axonge). Au bout de deux ou trois jours l'effet avantageux de ce simple moyen fut très-prononcé. Les selles devinrent (1) Revue médicale, mars 1829. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, art. 179. (3) Même Journal, art. 757. (4) Debreyne, Annales de la Société de médecine de Gand, mars ct avril 1854. BELLADONE, 159 plus faciles et moins douloureuses ; la constipation fut ensuite combattue avec succès par les lavements d’eau froide. Il suffit, toutes les fois que la constriction du sphincter donne la moindre crainte de retour, d'employer la même pommade pour la dissiper aussitôt. La belladone en topique convient également aux crevasses hémorrhoï- dales. HERNIES ÉTRANGLÉES. — L'emploi de la belladone pour favoriser la rentrée des hernies étranglées remonte au commencement de ce siècle. On lit dans le Journal de Hufeland (3803) qu’un individu ayant une hernie étranglée, en fut guéri au moyen d'un lavement préparé avec la belladone qu'on avait prise par mégarde pour du tabac. — En 180%, van Looth (1) fit rentrer une hernie étranglée, dans l’espace d’une heure, au moyen d’un lavement pré- paré avec 45 gr. de feuilles de belladone en infusion dans 300 gr. d’eau, et que probablement le malade aura immédiatement rendu en grande partie, cette forte dose n'ayant pas produit l’intoxication. — En 1810, Kochler (2) traita avec un succès étonnant les étranglements herniaires à l’aide d’appli- cations abondantes de pommade de belladone et de lavements avec l’infu- sion de la même plante. — Plus tard, Kruger (3) réduisait facilement les hernies étranglées en donnant de trois en trois heures des lavements pré- parés avec 10 centigr. de tabac et 50 centigr. de belladone en décoction. Il faisait appliquer en même temps sur le ventre des cataplasmes composés de feuilles de belladone, de tabac et de ledum palustre, et, sur la tumeur her- niaire, une vessie remplie d’eau froide et de sel. De plus, il administrait, à l’intérieur, de deux en deux heures, une poudre composée de 5 centigr. de belladone, de 10 centigr. de calomel et de 50 centigr. de sucre. — Ma- gliari (4), Giacomini, Dupougat (5), Meola (6), Gouvion et beaucoup d’autres médecins ont employé, avec le plus grand succès, les frictions de pommade de belladone sur la partie malade. — Poma (7), qui a fourni dix observa- tions qui attestent l'efficacité de la belladone contre l’étranglement des her- nies abdominales, conseille l'emploi de l’extrait non associé à l’axonge. Jai deux fois rendu facile la réduction d’une hernie inguinale étranglée par l’ap- plication du suc de belladone mêlé avec autant d’eau chaude, ou employé pur en frictions. L'effet est plus prompt qu’en usant de la pommade compo- sée avec cette plante. L’extrait simplement appliqué en emplâtre ou sur de l’ouate m'a suffi dans un cas pour faire rentrer une hernie en trois heures. Schneider (8) à réussi au moyen de lavements préparés avec 2 gr. de feuilles de belladone dans 280 gr. d’eau, pour trois lavements à donner d'heure en heure. — La Gazette médicale de Paris, 1838, n° 8, rapporte quatre observations d’étranglements intestinaux guéris par l'emploi de lave- ments composés avec une infusion de 4 gr. de racine de belladone (c’est une dose trop forte) et 30 gr. de fleurs de camomille. — Surville (9) a obtenu des succès constants, même dans les cas les plus désespérés, en frictionnant d’abord la partie malade avec l'extrait de belladone, puis en administrant une potion dans laquelle on faisait entrer l'huile de croton et celle de ricin. — Carré (10), avait inutilement employé la saignée et les bains sans pouvoir réduire une hernie étranglée et volumineuse qu'il était sur le point d'opérer. Kluyskens, Annales de lillérature médicale étrangère, t. IT, p. 192. Hufeland's Journal, juillet 1810. Rust’s Magazin, 1821. Observ. med. di Napoli, 1828. Revue médicale, t. IV. Observations médicales, janvier 1830. Gazette médicale de Milan. Journal de Hufeland, 1832, p. 66. Abeille médicale. Journal de médecine et de chirurgie pratiques, juillet 1833. nn pe, de, D, Te SOMAIQDUES NN 2 ot ot tt ot ot tt ot ot So ( 4 160 BELLADONE. Une bougie enduite de pommade de belladone fut introduite dans l’urètre, et une demi-heure s’élait à peine écoulée que ce chirurgien put opérer faci- lement la réduction. — De Larue, de Bergerac (1), a publié les observations de trois femmes présentant des hernies crurales et d’un homme atteint de hernie inguinale, chez lesquels l'étranglement intestinal, produit à diverses reprises, s'était montré constamment réfractaire aux manœuvres du taxis. La réduc- tion devint très-facile cinq à six heures après l’administration par petites cuillerées, toutes les dix minutes, d’une potion composée de 60 gr. d’eau distillée, de 20 centigr. d’extrait aqueux de belladone et de 30 gr. de sirop de fleurs d'oranger. Je viens tout récemment de rendre facile la réduction d’une hernie crurale étranglée chez une fermière âgée de cinquante-six ans, après l'emploi par cuillerées, de quart d'heure en quart d’heure, d’un julep dans lequel j'avais fait entrer quinze gouttes de teinture alcoolique de bella- done. L'observation suivante m’a paru mériter l'attention des praticiens : M"*° Jennequin, cuisinière chez M. Porter, à Maquétra, près de Boulogne, âgée de soixante-cinq ans, constitution grêle, délicate, tempérament lym- phatico-nerveux, taille moyenne, cheveux châtains, sentit, le 3 février 1856, après un violent exercice, une douleur à l’aine droite, où une petite tumeur très-sensible s'était formée tout à coup et avait donné lieu à des coliques qui forcèrent la malade à se mettre au lit. Appelé le même jour, à midi, je constate l’état suivant : douleurs atroces dans l'abdomen, hoquet, vomissements, constipation; face altérée, agitation extrême; pouls petit, fréquent, concentré ; tumeur dure, globuleuse, de la grosseur d’une noix, très-douloureuse, et dont le siége, joint aux autres symptômes, annonce évidemment l'existence d’une hernie crurale étranglée. Le toucher augmentant à l'instant même les souffrances et surtout le vo- missement, le taxis, auquel, d’ailleurs, la malade se refuse opiniâtrément, m'est tout à fait impossible. Je fais appliquer en grande quantité sur la tu- meur la pommade de belladone (10 gr. sur 30 gr. d’axonge), et je prescris immédiatement la potion suivante : | Eau distillée de laitue....:..:......« 100 87. Teinture alcoolique de belladone....: 25 gouttes. Gomme arabique pulvérisée......... s 4 gr. Sirop de coquelicot........ NES sais DUOEE Six grandes cuillerées à bouche de cette potion sont prises dans l’espace d’une demi-heure. Les autres sont administrées de dix minutes en dix mi- nutes, de quart d’heure en quart d'heure, de demi-heure en demi-heure et enfin d'heure en heure, suivant l'effet produit (2). Sous l'influence de cette médication, les douleurs se calment. Les vomis- sements, le hoquet, l'agitation, en un mot, tous les effets sympathiques de l'étranglement intestinal cessent dans l’espace de deux à trois heures; mais la tumeur herniaire persiste et est toujours douloureuse au toucher. — Le 4 (2° jour), même calme du côté du tube digestif; seulement le bas-ventre, surtout vers la fosse iliaque droite, est douloureux au toucher et légèrement tuméfié; point de selles; pouls développé, à 80 pulsations ; la même potion, prise pendant la nuit, de deux en deux heures, est continuée; la pommade de belladone est appliquée comme la veille. — Le 5 (3° jour), mêmes symp- (1) Revue thérapeulique du Midi, 1856. (2) La manière d’administrer les m dicaments, suivant les circonstances, est pour beaucoup et quelquefois même pour tout dans le succès. Il est de la plus haute importance, en médecine pratique, de proportionner l’action à la résistance, de distinguer les moments où l’on doit s'abstenir ou attaquer avec ménagement son ennemi, de ceux où il faut promptement et vigou - reusement le frapper. Une maladie étant donnée, il ne suffit pas d’en trouver le remède. Bon en lui-même, et rationnellement indiqué, ce remèce devient nul, insuffisant ou mème nuisible, s’il n’est appliqué convenablement et en temps opportun. BELLADONE, 164 tômes; mêmes prescriptions, lavement purgatif qui provoque une selle demi-concrète assez abondante, sans apporter le moindre changement dans la tumeur herniaire. — Le 6 (4° jour), malaise général, insomnie, soif, pouls à 85, douleurs parfois assez vives dans la tumeur, qui est plus volumi- neuse, rouge; quinze sangsues produisent une saignée locale assez abon- dante et qui apporte du soulagement. — Le 7 (5° jour), mêmes prescrip- lions ; manifestation de l'effet de la belladone sur les pupilles. Calaplasme de décoction de racine de guimauve et de mie de pain. Frissons vagues, suivis de chaleur et de soif; cessation de l'usage de la potion belladonée; limonade, sirop de groseille, eau de gruau, bouillon de veau. — Du 8 au 11 (6° au 9° jour), la tumeur herniaire, tout à fait phlezgmoneuse, présente de la fluctuation; j'en propose l'ouverture par l'instrument tranchant où par le caustique de Vienne : la malade s'y refuse. Un lavement de décoction de mauve produit une selle semi-liquide, assez abondante et suivie de soulage- ment. — Le 13 (11e jour), une escarre putrilagineuse, d’un blanc jaunâtre, recouvre presque toute la tumeur, qui s'ouvre spontanément le 14 au matin et donne issue à une grande quantité de pus d’une odeur infecte, mêlé en- suite à des matières intestinales digérées et semblables à de la levure de bière. Lotions avec le chlorure d'oxyde de sodium étendu dans l’eau , appli- cation d'un digestif animé, pansements très-fréquents, soins de propreté. La malade est mieux et se sent de l’appélit. Bouillon avec l’arrow-root, vin; in- fusion de racines de gentiane et d’angélique à prendre par petites tasses dans la journée. Les jours suivants, les matières fécales passent par la plaie et par la voie naturelle. Une pilule de 25 centigr. d’aloës, chaque jour, en favorise l’éva- cuation par cette dernière voie : un linge fin couvert de cérat fait disparaître l'érythème et les excoriations résultant du contact de ces matières. Alimen - tation plus substantielle, digestion facile, rétablissement graduel des forces. Les parties gangrénées se détachent, la plaie se déterge, les chairs fon- gueuses sont réprimées au moyen de l’azotate d'argent fondu, avec lequel une ouverture fistuleuse subsistante est profondément cautérisée, ce qui hâte la guérison, qui est complète vers le 1° avril (46° jour). Les effets de la belladone furent ici très-remarquables. À peine quelques doses rapprochées de ce médicament avaient-elles élé administrées, que l'irritation spasmodique du tube digestif et les symptômes les plus graves de l’étranglement intestinal se dissipèrent comme par enchantement, bien que la hernie ne fût point réduite. Au lieu d’une inflammation très-aiguë, rapidement gangréneuse et avee épanchement abdominal possible, il y eut phlegmasie lente et désorganisatrice des parties engagées, abcès au dehors, péritonite circonscrite et avec adhérences qui borna la gangrène et préserva les parties internes d’une atteinte mortelle. La nature, grâce à l’action prompte et soutenue de la belladone, eut le temps de déployer ses res- sources. CONSTRICTION URÉTRALE Où RÉTRÉCISSEMENT SPASMODIQUE DE L'URÈTRE. — RÉ- TENTION D'URINE; STRANGURIE; CATHÉTÉRISME; CALCUL ENGAGÉ DANS LE CANAL DE L'URÈTRE, etc. — Will, chirurgien des dispensaires de Londres (1) a fait ces- ser le rétrécissement spasmodique de l’urètre en introduisant dans ce canal des bougies enduites de pommade de belladone. — Carré, de Besancon (2), a dissipé un rétrécissement de même nature qui s’opposait à l’émission des urines, en frictionnant le gland avec la pommade de belladone et en appli- quant sur le périnée un cataplasme de mie de pain cuite dans une décoc- tion de feuilles de la même plante. — Holbrook (3) combattait la constric- (1) Journal des progrès des sciences médicales, t. I, p. 97. (21 Journal des connaissances médico-chirurgicales, mai 193 (3) Bulletin des sciences médicales, t. 1, p. 362. 11 162 BELLADONE tion spasmodique ou inflammatoire du canal de lurètre au moyen de l'in- fusion de feuilles de belladone en lavement et en fomentation sur le pé- rinée. M. de B*“*, de Boulogne, âgé de soixante-six ans, d’un tempérament ner- veux, d’une constitution grêle, était atteint d’un engorgement chronique de la prostate, avec difficulté d’ uriner, flux muqueux, et surtout douleurs vives pendant l'émission fréquemment répétée des urines. Lorsque je vis le ma- lade, au printemps de 1846, ces douleurs existaient depuis six mois et avaient résisté à l application réitérée des sangsues, à l'usage journalier des bains et à un repos absolu dans une position horizontale. Je fis pratiquer, matin et soir, des frictions avec la pommade de belladone (4 gr. d'extrait sur 30 gr. d’ axonge) au périnée et le long du canal de l’urètre, dans lequel je faisais introduire plusieurs fois par jour de cette même pommade au Hire d'une bougie. Dès le premier jour il y eut soulagement; au bout de huit jours les douleurs étaient complétement dissipées et l'émission des urines plus rare. Il a suffi d’enduire la bougie dont le malade se sert habi- tuellement, pour empêcher le retour des douleurs. L'embonpoint et les forces, que la continuité des souffrances avait fait perdre, se rétablirent peu à peu sous l'influence du calme moral, du repos et d’une alimentation ana- leptique. On lit dans le London med. and phys. Journ. (1832) qu'un cas de dysurie, avec cessation complète des urines depuis vingt-quatre heures, céda, au bout de quelques secondes, à l'introduction dans l'urètre d’une bougie en- duite de pommade de belladone. — Dans plusieurs cas de ce genre, Gérard, d'Avignon (1), a employé avec succès des frictions sur les régions hypogas- trique et périnéale avec la pommade de belladone (8 gr. d’extrail pour 30 d’axonge). Pour stupéfer les organes et faciliter le cathétérisme, il suffit d’enduire la sonde d'extrait de belladone, de même que pour l'introduction des instru- ments dans l’opération du broiement de la pierre. (Cette action ne s'arrête pas à un effet local; il résulte d’expériences faites sur lui-même par Crawcoar, qu'à la suite de l'introduction d'une sonde enduite de pommade belladonée, il se produit très-rapidement sur l'organisme les phénomènes physiologiques propres à l’agent employé. Ce pouvoir absorbant de l’urètre est limité à sa région prostatique et au col de la vessie; car il est nul dans le reste du canal et dans le réservoir urinaire lui-même. Voilà une nouvelle porte d'entrée pour les substances actives qu'on ne pourrait employer par une autre voie.) Primosis ET PAar4apuiMosis. — Dans un cas de paraphimosis, Mazade, d’An- duse (2), fit recouvrir le gland et la partie étranglée avec 2 gr. d'extrait de beiladone. Le gland se réduisit avec facilité au bout de douze à quinze heures. — Debreyne combat le paraphimosis au moyen d’onctions faites plu- sieurs fois le jour sur la partie affectée avec une pommade composée de 4 gr. d'extrait de belladone et de 415 gr. de cérat. — «Dans le paraphimosis, dit de Mignot (3), l’extrait de belladone dilate peu à peu le cercle de con- striction formé par le prépuce; il enlève l’inflammation et surtout la dou- leur, et, après l'emploi suffisamment prolongé de ce topique, la réduction est généralement possible et l’incision presque toujours inutile.» De Mignot fait des onctions loutes les heures sur les pue affectées avec une pom- made composée de 30 gr. de cérat simple, de 12 gr. d'extrait de belladone et d’une suffisante quantité d’eau distillée. Journal! des connaistances médico-chirurgicales, 1835. (1) (2) Gazelte médicale de Paris, 1834. (3) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 8e année, 2° semestre, p. 272, ct plus tard Bulletin médical de Bordeaux, 1842. BELLADONE. 165 Je fis cesser en quelques jours l’inflammation et l’étroitesse du prépuce chez un jeune homme de dix-huit ans, atteint d’une gonorrhée, en faisant baigner la verge pendant une demi-heure matin et soir dans une forte dé- coction tiède de feuilles de belladone. Dans un cas de paraphimosis porté à un haut degré, avec inflammation et gonflement considérable du gland qui rendaient toute manœuvre de réduction impossible, j'obtins un soulagement presque immédiat, la résolution et enfin la guérison en quelques jours, au moyen de l'application souvent répétée de suc frais de feuilles de belladone mêlé avec autant d'eau tiède. CONSTRICTION SPASMODIQUE ET RIGIDITÉ DU COL UTÉRIN. — Lorsque le col utérin résiste spasmodiquement aux violentes et longues contractions de la ma- trice, on l’enduit, pour le dilater, avec l’extrait de belladone, Chaussier, qui le premier eut recours à ce moyen, portait sur le col de lutérus, à l’aide d’une seringue ayant une large canule, 8 gr. d’une pommade compo- sée de 60 gr. de cérat ou d’axonge, de 60 gr. d’eau distillée et de 8 gr. d’ex- trait de belladone. — Aux observations de Chaussier vinrent se joindre plu- sieurs faits recueillis par Blackett (in Roques). Toutefois, ce dernier vit, dans un cas, ce médicament produire à la fois la dilatation et la paralysie de la matrice. Ce résultat est d'autant plus rare que les contractions du corps de cet organe sont plus violentes, et la résistance de son col plus grande. Si, en même temps que la belladone fait cesser la rigidité de cette dernière partie, les contractions du corps de l’utérus diminuent et devien- nent insuffisantes ou nulles, on leur rend toute leur énergie en administrant le seigle ergoté. Tout médecin ami de la science et de l’humanité doit s’in- cliner devant le triomphe du concours, vers un même but, de ces deux sub- stances de nature opposée, et aussi merveilleuses qu'inexplicables dans leur action. — Beaucoup d’accoucheurs ont dû l'avantage de voir le col utérin se dilater dans des cas de constriction contre lesquels on n’employait autrefois que la saignée, les bains, les injections mucilagineuses, ete., moyens d’une action lente et incertaine. — Mandt (1), Conquest (2), Carré (3) ont retiré les plus grands avantages de ce moyen dans les cas dont il s’agit. — Gou- vion (4; est parvenu, à l’aide de frictions faites avec l'extrait de belladone sur un col utérin squirreux en plusieurs points, à le dilater assez pour livrer passage à un fœtus. Si l’on n'obtient pas toujours des résultats avantageux de ce médicament, cela tient, selon Delmas (5), à la manière de l’appliquer, qui consiste à le porter sur le col de l’utérus au moyen de l’extrémité du doigt; il faut pratiquer des injections au fond du vagin avec la solution aqueuse chaude de cet extrait. — Mandt faisait simultanément des frictions sur le col utérin avec une pommade analogue à celle de Chaussier, mais il pratiquait aussi des injections avec l’infusion des feuilles de belladone, et appliquait sur le ventre des cataplasmes préparés avec la même plante. J’ai eu plusieurs fois occasion d'employer la pommade de belladone dans le cas de rigidité spasmodique du col utérin pendant l’accouchement. L’effet en à été prompt et satisfaisant, Une fois j'ai introduit de cette pommade dans l’utérus pour faire cesser le resserrement partiel de cet organe, pro- duisant l’enchatonnement du placenta; mais je ne puis assurer que la dilata- tion n’eût pas eu lieu sans cela, ainsi qu’on l’observe fréquemment quand on attend quelques minutes, et que l’on sollicite les contractions générales de la matrice par des frictions sur l’hypogastre. Dans un cas de procidence du cordon ombilical chez une jeune femme primipare, dont le col utérin (1) Rust's Magazin, t. XIX, p. 350 (2) London med. repository, mars 1898. (3) Journal de médecine et de chrurgie pratiques, juillet 1833. (4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, janvier 1833. (5) Union médicale, 1852. 161 BELLADONE. effacé, mais résistant, épais, douloureux, avait trois à quatre centimètres d'ouverture, j'ai pu obtenir en très-peu de temps, au moyen d’onctions faites avec le doigt, entre la matrice et la tête de enfant, une dilatation qui me permit d'employer le forceps et de sauver l'enfant. (L'emplâtre de belladone, étant plus solide que l'extrait, est plus facilement mis et maintenu en contact avec l’orifice utérin. On doit l’'employer de pré- férence. Dans le même but, je mets souvent en usage le beurre de cacao, dans lequel on enrobe de l'extrait de belladone. Beck (1) s’en est servi pour dilater le col, dans un Cas de polype intra-utérin, dont 1l voulait ainsi favo- riser l’arrachement.) EXTRAIT AQUEUX DE BELLADONE COMME SUCCÉDANÉ DU SEIGLE ERGOTÉ DANS LA PRATIQUE OBSTÉTRICALE. — Soma, de Magliano (2), a obtenu d’heureux résul- tats de l'extrait de belladone employé dans le but de ranimer les contrac- tions utérines trop languissantes, et d'amener, par conséquent, une plus prompte dilatation du col de cet organe. Dans les trois Cas rapportés par l’auteur, le col était peu dilaté, malgré les contractions utérines faibles ou ralenties. La dose du médicament était très-élevée; — (50 centigr. dans 195 gr. d’émulsion de gomme arabique et 30 gr. de sirop simple : deux euil- lerées de dix minutes en dix minutes) ; — après l’administration de la moi- tié de cette potion, les contractions utérines devinrent énergiques, à la suite desquelles l'accouchement eu lieu: Soma fut quelquefois obligé de porter la dose jusqu'aux trois quarts de la potion, et pourtant sans aucun inconvé- nient, la tolérance en pareil cas était très-grande. — 11 semble résulter des faits observés par Soma, que dans beaucoup de cas on pourrait substituer l'extrait de belladone au seigle ergoté : 1° parce qu'il est plus agréable à prendre que le seigle ergoté; 2° parce que les cas de vomissements spasmo- diques, qui ne sont pas rares, empêchent l'absorption des médicaments, tandis que la belladone calme en même temps ces vomissements par ses propriétés antiémétiques; 3° parce que ce médicament paraît agir avec plus d'énergie et de promptitude que le seigle ergoté, dont l’action est toutefois plus pro- longée; 4° parce que les accouchées ne conservent pas, à la suite de l'extrait, ces contractions utérines qui se prolongent quelquefois plusieurs heures et même plusieurs jours après l'accouchement, dans les cas où le seigle ergoté a été administré, bien que, à vrai dire, on puisse observer quelquefois ces contractions dans des accouchements où la malade n’a pris aucun médica- ment. AFFECTIONS UTÉRINES. — Dans certaines douleurs utérines qui dépendent de la rétention des menstrues, Trousseau et Pidoux obtiennent des effets avantageux de l’application extérieure de la belladone. — Bretonneau, qui attribue ces douleurs à la rigidité du col utérin s’opposant à l'écoulement menstruel, emploie avec succès l'extrait de la même plante porté sur cette partie. — Rousseau (3) se sert, dans les douleurs névralgiques de l'utérus, les métrites douloureuses, etc., d’un topique composé de 0,10 d’extrait al- coolique de belladone, de 0,05 d’opium. Ce mélange est placé au milieu d’un plumasseau de charpie; on noue celui-ci d’un fil, et on lintroduit dans le vagin jusqu'au col de l'utérus. On le laisse en place pendant vingt-quatre heures. Dans les métrites douloureuses accompagnées de leucorrhée, on y ajoute 30 centigr. de tannin. — Bérard (4) cite un cas de constriction dou- loureuse de la vulve, analogue à celle du sphincter de l’anus dans la fis- sure, et qui s’opposait à l’acte du mariage. Il prescrivit d'introduire dans le DE D ER ee OR RE ES (1) Bulletin de thérapeutique, 1858. (2) Bulletin de thérapeutique, t. XLVT, p. 547. (3) Revue de fhérapeulique médico-chirurgicale, 1853, p. 24. (4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, art. 2640, 1813. BELLADONE,. 165 vagin des mèches de plus en plus grosses, enduites de pommade de bella- done. On faisait, en outre, des injections à l'entrée du vagin avec la solution de ratanhia. Il ne fallut que trois semaines pour dissiper cette constriction douloureuse, — Mestler, de Schelestadt (1), considérant le rétrécissement du col utérin comme une cause fréquente de stérilité, propose, pour 7 re- médier, la dilatation au moyen d’une éponge enduite de poramade de bella- done, Cette opinion n’est pas dénuée de fondement. J'ai eu l’occasion de mettre ce moyen en pratique, non pour remédier à l’étroitesse de l’orifice utérin, mais pour combattre l'extrême irritabilité de cette partie, que je considérais comme la cause de la stérilité chez une jeune femme mariée depuis quatre ans. Comme chaque mois il y avait pléthore locale et dysmé- norrhée, je prescrivis, en outre, deux ou trois jours avant l’époque men- struelle, une saignée du bras de 500 gr., l'usage des bains tièdes généraux, et une grande modé ration dans le coït. Celte jeune femme devint enceinte après un mois de ce traitement, — J ai fait cesser des douleurs uté rines très-intenses, suite d’un effort et annonçant un avortement presque inévi- table, au moyen de la pommade de belladone appliquée à plasieurs reprises sur le col utérin. SCARLATINE, — C’est à Hahnemann (2) que l’on doit la découverte de la propriété prophylactique de la belladone contre la scarlatine. Ce médecin ayant remarqué, après l’administralion à l’intérieur de petites doses de bel- ladone, l'apparition sur la peau de plaques rouges analogues à celles de la scarlatine, en a conclu, d’après la loi homæopathique des semblables, qu'elle devait être un préservatif de cette maladie. Il faisait prendre deux ou trois cuillerées par jour du mélange de 10 centigr. d'extrait de belladone dans 500 gr. d’eau. — En 1808, une épidémie de scarlatine exerçait ses ra- vages dans le bailliage de Hilschenbach: déjà un grand nombre de personnes en étaient mortes; Schenck (3) fit prendre le préservatif de Hahnemann à cinq cent vingt-cinq personnes. Sur ce nombre cinq cent vingt-deux furent préservées. — Hufeland dit que dans une épidémie des plus violentes, tous ceux qui ont fait usage de la belladone en furent préservés. (Nous pourrions multiplier les citations sans grand profit pour le lecteur; il trouvera dans la monographie de la belladone de Cazin père, la liste presque complète des observateurs qui ont publié des faits d’immunité con- cluants.) Mais nous devons mentionner Stiévenart comme le médecin qui a fourni en faveur de cette propriété les preuves les plus incontestables (4). Dans une commune des environs de Valenciennes, où l'épidémie avait déjà fait quatre-vingt-seize victimes , il fit prendre ce préservalif à quatre cents indi- vidus, et tous, sans exception, furent à l’abri de la contagion. D’autres per- sonnes, qui habitaient la même localité et qui étaient soumises aux mêmes influences, n'eurent point recours au préservatif et contractèrent la maladie. Stiévenart emploie la teinture de belladone à la dose de deux gouttes par Jour dans une potion, pour les enfants d’un à trois ans, à celle de trois gouttes pour ceux de trois à six ans; passé cet âge, il augmente d’une goutte par chaque année. Pendant une épidémie de scarlatine qui régna à Calais en 1823, j'étais chargé, comme médecin du bureau de bienfaisance , de soigner vingl- -Cinq familles indigentes agglomérées dans une ancienne caserne J'administrai moi-même la teinture de belladone à soixante enfants : tous ‘furent préser- (1) Gazette médicale de Strasbourg, 1852. (2) Traitement prophylactique de la scarlaline. Gotha, 1801. (3) Journal de Hufeland, mai 1812. (4) Bouchardat, Annuaire, 1845, p. 33. 166 BELLADONE, vés, à l’exception d’un seul qui fut faiblement atteint. Il est à remarquer que ces enfants couchaient pêle-mêle avec les malades atteints de scarlatine. Malgré tous les faits que nous venons de citer, on a contesté à la belladone sa vertu préservatrice. Joseph Franck lui refuse cette propriété par la seule raison qu'elle émane de l’homæopathie. « Je n'ai point employé la bella- done, dit-il, comme moyen prophylactique contre la scarlatine, parce que le sens commun s’Opposait à ce que je me servisse de ce remède aux doses minimes et ridicules de Hahnemann. » — Giacomini regarde comme dou- teuse la propriété préservatrice de cette plante; il se fonde sur ce qu’on ne pourrait pas s'assurer, selon lui, que les enfants qui ne furent pas atteints de la scarlatine en prenant le médicament, l’auraient été en ne le prenant pas. D’après ce raisonnement, toute expérimentation devient inutile, et la vacccine même eût été rejetée par Jenner. — Souvenons-nous que Dupuy- tren ne voulut jamais, malgré l'évidence, admettre les propriétés obstétri- cales du seigle ergoté, et que Magendie se prononca à priori et irrévocable- ment contre l'emploi du chloroforme. — «Quelque imposantes que soient les autorités qui vantent la vertu prophylactique de la belladone dans le cas qui nous occupe, disent Trousseau et Pidoux, nous avoucrons que nous ne pouvons que rester dans le doute, attendu que nous ne savons jusqu’à quel point les praticiens, dont nous récusons ici presque entièrement les Con- clusions, avaient justement apprécié tous les effets des influences épidé- miques. » Eh quoi! il s’agit d’un moyen simple qui peut rendre les plus éminents services, el, avant de récuser presque entièrement les conclusions de prati- ciens éclairés et de bonne foi qui ont vu, Trousseau et Pidoux ne veulent pas voir, ne cherchent pas à s’éclairer, à se convaincre par l'observation? et pourtant, thérapeutistes consommés, est-ce 1à la marche qu'ils suivent ha- bituellement dans la recherche des vérités pratiques qui distinguent leurs travaux? Non, bien certainement. Ils réfutent eux-mêmes, par l'expérience qu'ils invoquent tous les jours contre des raisonnements que rien pe jus- üfie, l'opinion qu’ils ont si légèrement émise sur la vertu prophylactique de la belladone. Zn medicina majorem vim habet experientia quam ratio, (Baglivi.) Mais voici des objections plus sérieuses. Raminski (1) affirme avoir eu de trop fréquentes occasions d'observer les mauvaises effets de la belladone pour croire à sa vertu préservatrice. — Lehmann (2), dans une épidémie de scarlatine qui régna à Torgau en 1825, ne put obtenir le moindre avantage de l'emploi de ce médicament. — Les observations de Teuffel (3) viennent à l’appui de celles de Lehmann. Ce sont là des faits exceptionnels qui ne peu- vent en rien détruire les faits bien plus nombreux qu'on leur oppose. On peut encore se demander si le médicament était bien préparé, s'il n'avait pas perdu sa vertu par la vétusté, si les enfants l’ont régulièrement pris... La belladone à été aussi employée comme moyen curatif dans la scarla- tine. Barthez (4) a eu recours à la fumée des feuilles de cette plante dans une épidémie de scarlatine accompagnée de bronchite. Ce moyen, qu'il fai- sait toujours précéder d'émissions sanguines abondantes, lui a été très- avantageux. — (Socquet (5) profite de l’action astringente de la belladone (Wharton Jones) sur les vaisseaux capillaires, qui amène la siccité et la pà- leur des muqueuses, pour combattre l’angine scarlatineuse.) ERYsIPÈLE. — Bock (Tragus), qui, à l’époque de la renaissance des lettres, (1) Rusls Magazine, t. XXIII. (2) Ibid. (3) Annalen für die gesammte Heilkunde, 1828. (4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, novembre 18535. (5) Journal de médecine de Lyon, septembre 1864. BELLADONE. 167 eut le mérite de donner à la botanique une impulsion nouvelle, parle de l'utilité des feuilles de belladone employées à l'extérieur pour combattre l’érysipèle, — Gauneau et Mériot (1) ont employé avec succès, dans cette phlegmasie, des friclions sur la partie malade, trois ou quatre fois par Jour, avec une pommade composée de 3,00 d'extrait de belladone et de 20,00 d’axonge. Ils considèrent ce traitement comme supérieur à tous ceux employés jusqu’à ce jour, — Chevalier (2) dit avoir obtenu de bons effets de la pommade de belladone dans la même affection. La propriété que possède la belladone de produire, dans certains cas, une éruption analogue à l'érysipèle, a suggéré l’idée à Yvaren de l'employer dans cette maladie. Il cite le cas d'un érysipèle des nouveau-nés, guéri au moyen de la teinture de belladone administrée à la dose d’une à deux gouttes dans la journée, en solution dans 100 gr. d’eau, dont le malade prenait une cuillerée chaque heure (3). D'après Rasori, Borda, Tommasini, Rognetta, Giacomini, ete., la belladone ne serail efficace que dans les affections à fond hypersthénique, c ’est-à-dire dans celles où le traitement antiphlogistique est indiqué. Ils n regardent comme un puissant auxiliaire de la saignée. Selon Rognetta, des maladies inflammatoires très-graves ont été traitées en Italie uniquement par ia bella- done. Bien qu'un gr and nombre de faits aient été publiés à l'appui de cette manière de voir, es médecins français sont loin de lavoir adoptée sans restriction. Dans les phlegmasies superficielles, dans celles des organes doués d’une vive sensibilité, où l’élément douleur dominé, il est incontes- table que la belladone peut être d’une grande utilité, quod sedat curat ; mais alors c’est plus ordinairement à l’extérieur qu’à l’intérieur qu'on l’emploie. Au reste, l’idée d’opposer la belladone aux phlegmasies n’est pas nouvelle. On trouve dans Tragus le passage suivant : «€ Herba hujus solani una cum flore, et fructu suo maturo, in fine mai distillata, omnis gencris internis ardo- ribus et inflammationibus præsentissimo est remedio, si singulis vicibus men- sura IT aut III cochlearium ea aqua bibatur, et foris etiam linteolis lineis excepta imponalur. ) PHLEGMASIE DES MEMBRANES SÉREUSES. — Dans un Cas d’ascite aigue survenue chez une jeune fille de treize ans, à la suite d’une diarrhée brusquement supprimée, Trousseau (4), se plaçant au point de vue d’une phlegmasie très- superficielle, sécrétoire et douloureuse de la membrane séreuse abdomi- nale, s’adressa à élément douleur pour abattre l’inflammation et l’hypersé- crétion. Le ventre fut couvert de cataplasmes arrosés avec une mixture composée de parties égales d’extrait de belladone, d'extrait d'opium et d’une suffisante quantité d’eau pour donner à ce mélange la consistance de sirop. En même temps, on administra le calomel à doses fractionnées. Bien- tôt les douleurs s’apaisèrent, et, au bout de dix jours, l’'épanchement sé- reux avait entièrement disparu ; mais l’absorption de la belladone avait pro- duit une paralysie temporaire de la vessie, avec rétention d'urine. J'ai calmé très-promptement une douleur pleurétique intense, et qui avait résisté à une saignée copieuse du bras et à une ample application de sangsues, au moyen d'un cataplasme de décoction de feuilles de belladone et de mie de pain. Ce moyen convient surtout dans les cas où la douleur est disproportionnée à l’inflammation et s’entretient par un état nerveux tou- jours facile à reconnaitre. Ne pourrait-on pas employer avec avantage cette médicalion pour apaiser les douleurs aiguës de la méningite tubercu- leuse ? Des onctions avec la pommade de belladone et. l onguent mercuriel (1) Abeille medicale, 1850. (2) The London med. and physi'. Journ., 1820, p. 403. (3) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1849. (4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1855, p. 205. 168 BELLADONE. combattraient à la fois l'élément douleur et l’élément inflammatoire, — Barbier pense que cette plante est contre-indiquée quand il y à de l'irrita- tion ou de la phlogose sur quelque point de l'encéphale, et qu'elle augmente les accidents quand on l’administre dans l’arachnoïdite, la célébrite par- tielle, etc. Nous ne partageons pas celle opinion, qui, d’ailleurs s, n'est ap- puyée sur aucun fait. MALADIES DES VOIES RESPIRATOIRES. — Rilliet et Barthez pensent que la bel- ladone pourrait être très-utilement employée dans le traitement de la laryn- gite spasmodique, et qu’on pourrait la substituer au muse et à l’assa-fœtida dans les cas graves ou lorsque les accès sont fréquemment répétés. — Pop- per {1), se fondant sur plus de cinq cents observations, affirme qu'il n’est pas de meilleur remède contre l’angine tonsillaire que la teinture de bella- done administrée en potion. Ce médicament, qui, du reste, ne convient ni dans l’angine diphthérique ni dans celle qui est de nature syphilitique, pro- duit si rapidement l’effet désiré, que, le plus souvent, la guérison ne se fait pas attendre au delà de vingt-quatre heures !.. De Larue, de Bergerac (2), rapporte une observation de pneumonie au troisième degré et annonçant une fin prochaine, dans laquelle 45 centigr. d'extrait de belladone en solution dans 10 gr. de sirop, administrés en une seule fois, a produit des effets prodigieux. « Variable selon l'exigence des cas, dit de Larue, notre nouvelle méthode de traitement est, comme toutes Jes médications hé roïques, décisive, d’une pratique généralement difficile, par- fois périlleuse. » Cette observation a pour épigraphe : La hardicsse est quel- quefois une sage prudence. — De Ichiappa (3) cite l'observation d’une pneu- monie chez un berger robuste, âgé de seize ans, où la poudre de racines de belladone, donnée à haute dose jusqu’à intoxication légère, avait amené la guérison. DYsENTERIE. — Le sirop préparé avec les baies de belladone, à la dose d’une petite cuillerée, a offert à Gesner un moyen rapide de guérison dans une épidémie de dysenterie. « Ut vel ligulæ, aut cochleuris parvi mensura somnum inferat, fluriones sistat, dolores tollat, dysenteriam curet; gratus est plane, sed cavendum ne ampliüs detur (%). » Leclercq (5) fait appliquer au-dessus du pubis un large emplâtre quadrila- tère d’extrait de belladone. Chaque emplâtre doit être renouvelé toutes les vingt-quatre heures chez les malades gravement atteints, ou chez les dysen- tériques qui n’ont été soumis au traitement qu'après le “huitième j Jour de la maladie. Chaque emplâtre de belladone doit être composé d'au moins 50 gr. d'extrait préparé au bain-marie. L'emplâtre de datura produit le même effet. Dans les cas graves, il est bon d’allerner l’emplâtre d'extrait de da- tura, et vice versa. Les résultats obtenus de l'emploi de la belladone à l'in- térieur dans la dysenterie n’ont pas été assez décisifs pour que Leclercq puisse conseiller ce mode de traitement. Toutefois, il est persuadé que cette affection, combattue dès le début par les solanées vireuses convenablement administrées à l’intérieur, céderait à leur action. (J'ai combattu avec le plus grand succès le ténesme si pénible de la dys- enterie par des lavements répétés de belladone. Toutes les deux heures, je faisais pratiquer une injection anale avec 150 gr. d'eau et 2 à 5 cenligr. d'extrait. Malgré l'élévation relative de la dose, je n'ai jamais constaté de (1) Annales médicales de la Flandre occidentale. 1856. (2) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. H, 1854, p. 8. (3) Mem. intoruo la vita di Borda. (4) Epist., lib. 1, fol. 34. (5) De la médication curative de la dysenterie aiguë et de la dysentlerie chronique, etc. Tours, 1856. BELLADONE, 169 sécheresse à la gorge, etc. J'associe souvent la belladone au ratanhia dans ces Cas.) BLENNORRHAGIE. — Blackett (4) conseille, surtout dans la blennorrhagie cordée, les frictions sur le canal de l’urètre avec l'extrait de belladone. J'ai plusieurs fois employé ce moyen avec succès. On peut administrer concur- remment à l'intérieur la lupuline, dont les effets anaphrodisiaques ont été récemment constatés. (Voy. l'art. HOUBLON.) PANARIS, ORCHITE, BRULURE, ENGELURE, CONTUSIONS. — Debreyne dit avoir guéri, en deux ou trois jours, des panaris très-graves, par l'appli- cation d'une pommade composée de deux parties d'ong sent né ipolitain, d’une partie d’opium et d'extrait de belladone. La partie malade est recou- verte avec celte pommade, et toutes Ics heures ont fait des frictions pour favoriser l'absorption. J'ai souvent employé le mélange d’onguent mercuriel et de pommade de belladone pour arrêter le panaris à son début, et j'ai presque toujours réussi. Le cataplasme de feuilles fraiches de belladone calme très-promptement la douleur et produit le même effet, — Groenen- dals a ordonné avec succès, dans les mêmes cas, les cataplasmes de mie de pain et d’extrait de belladone. (Dans l’orchite, ce traitement réussit souvent. La teinture d’iode, associée aux préparations de la plante qui nous occupe, constitue un excellent résc- lutif, Ilen est de même de l’iodure de potassium.) La décoction, le suc étendu dans l’eau, l’extrait délayé, appliqués sur une brülure du premier degré, calment promptement la douleur et préviennent l'inflammation. Mais ces applications ne sont pas sans danger sur les sur- faces dénudées, à cause de l'absorption du médicament. Dans les engelu*ces non ulcérées ces topiques sont très-efficaces. Gaglia à vu des contusions très-fortes, avec douleurs intenses, céder à des onclions de pommade de belladone. En pareil cas, j'ai souvent prévenu inflammation et le gonflement par l'application des feuilles fraiches de bel- ladone, ou, à défaut “de celles-ci, de cataplasmes faits avec la décoction des mères feuilles sèches et la mie de pain. - HEMORRHAGIES. — Hémoprysie. — Dans sept cas d’hémoptysie que Schræder (2) à eu occasion de traiter, l'hémorrhagie s’est presque toujours arrêtée immédiatement après l'emploi de fumig zations de feuilles de bella- done incisées finement (4 gr. jetés sur des charbons ardents) et que l’on fait respirer au malade. — De Cigalla, médecin du roi de Grèce (3), a arrêté plusieurs fois l'hémoptysie en. faisant fumer à ses malades le mélange de feuilles de belladone, de feuilles de digitale et de fleurs de pavot. Ce méde- cin prétend aussi avoir guéri des phthisiques par le même moyen! — Dubois, de Tournay (4), à fait promptement cesser un crachement de sang très-abondant chez un sujet d’une constitution grêle, à poitrine étroite, en lui faisant fumer trois ou quatre pipes par jour de feuilles de belladonc. HÉMATÉMÈSE. — Camerer (5) a recommandé l’usage de la belladone dans cette espèce d’hémorrhagie. Dans le but de diminuer la grande irritabilité de l'estomac, Schæblin, de Berlin (6), en conseille aussi l'emploi dans CC Cas. (1) The London med. repository, 1823. (2) Abeille médicale, 1844, p. 109. (3) 1bid., 1845, p. 211. (4) Journal de la Société de médecine de Gand, 1852, p. (5) Férussac, Bulletin des sciences médicales, t. V, p. 55. (6) Annali univ. di med., avril 1845. 170 BELLADONE. MéTroRRHAGIE. — Dubois, de Tournay (1), rapporte l’observation d’une métrorrhagie abondante, ayant quinze jours de durée, avec douleurs grava- tives dans les lombes, pâleur, affaiblissement, contre laquelle on avait inuti- lement employéle ratanhia, et qui diminua au moins des trois quarts dès le second jour de la médication suivante : Frictions sur la région utérine avec la pommade de belladone (15 gr. pour 30 d’axonge); potion composée de 10 centigr. de belladone et de 120 gr. d’eau distillée de laitue, à prendre par cuillerée. L’infusion de sauge (30 gr. pour 4 kilog. d’eau) fit disparaître entièrement cette hémorrhagie, restée stationnaire à un faible degré, malgré l'usage de la belladone. «Une autre femme, de quarante-cinq ans, dit Du- bois, était réduite à un état de faiblesse extrême, par suite d’une mélror- rhagie abondante qui durait depuis trois semaines. Soumise au même (rai- tement que la malade de l’observation précédente, l’hémorrhagie s'arrêta complétement dès le second jour de son emploi. FIÈVRES. — FiÈvRES INTERMITTENTES SIMPLES. — Quand la fièvre intermit- tente renail sans cesse après l’usage devenu inutile des préparations de quinquina, ce qui arrive particulièrement aux quartes, Hufeland recom- mande la belladone à la dose de 15 à 20 centigr. par jour. — Stosch (2) a reconnu son efficacité dans ces circonstances. — Nepple (3} vante l'extrait de belladone, à la dose de 20 à 50 centigr., contre les fièvres intermittentes névralgiques. — Isensée et Romberg (4) se servent avec avantage de la for- mule suivante dans le traitement de la fièvre intermittente : Sulfate de qui- nine, 2 gr. 50 centigr.; extrait aqueux de belladone, 10 centigr.; extrait de ménianthe, q. s. pour vingt pilules, dont on prend une toutesles trois heures. Ces pilules, suivant Isensée, réussissent neuf fois sur dix dans toute espèce de fièvre intermittente. — Perrin (5) a employé ces pilules avec le même avantage, mais en doublant la dose d’extrait de belladone. La première pi- lule est prise immédiatement après le premier accès, et les suivantes de quatre heures en quatre heures, jusqu'à concurrence de trois pilules en vingt-quatre heures seulement. Les malades restent ainsi placés pendant près de sept jours sous l'influence de la médication; et comme l’ingestion des six premières pilules est suivie presque toujours de la disparition des accès, il en résulte que les quatorze pilules restantes, qui sont prises les jours suivants, toujours au nombre de trois, matin, midi et soir, prévier- nent le retour de la fièvre. Le sulfate de quinine, comme on le voit, n’inter- vient ici que dans des proportions vraiment économiques. FIÈVRES INTERMITTENTES PERNICIEUSES. — Dans un cas de fièvre intermit- tente pernicieuse avec délire et douleur atroce à la région frontale, dont les trois premiers accès avaient été exaspérés par le sulfate de quinine, Ducros, de Marseille (6), fit cesser le quatrième par l'administration de 60 centigr. d'extrait de belladone dans l’intermission. Le malade, exposé de nouveaa aux cffluves marécageux des bords du Rhône, fut repris de la même maladie, et guérit par le même moyen. Dans la fièvre pernicieuse cholérique que j'ai eu souvent l’occasion d’ob- server pendant les chaleurs de l'été dans les marais du Calaisis, l’opium à l'intérieur et la belladone appliquée à l’épigastre faisaient presque toujours cesser les vomissements et les évacuations alvines qui avaient lieu pendant l'accès. ————————_——————— } ) Casper's Wochenschrift, 1835. ; ) Trailé sur les fièvres rémittentes el intermiltentes. ) Schmidl’s Jahrbuch, 1836-1837. ) Bulletin de la Société de médecine de la Sarthe, 1852. ) Rarport des travaux de l'Académie de Marseille, 1827. BELLADONE. 171 FIÈVRES CONTINUES. — Graves (1) considère la belladone comme un remède efficace dans certaines fièvres ataxiques accompagnées de rétrécissement de la pupille. L'action de la belladone semble justifier cette opinion. AFFECTIONS OCULAIRES. — (La belladone, agent mydriatique par ex- cellence, est fréquemment employée dans les affections oculaires. L'intro- duction d'une solution atropinée dans l'œil amène la dilatation pupillaire dans un espace de temps qui varie entre dix et vingt minutes, et qui, dans tous les cas, est en rapport avec l'intensité de la dose. En même temps, la vue se trouble, pour deux raisons; d’abord, une plus grande surface de la lentille venant à être mise à découvert, un certain nombre de rayons diver- gents pénètrent dans l'œil, et, comme le foyer de tous ces rayons ne se forme pas au même point, il en résulte que le contour des objets paraît moins net. En second lieu, la belladone paralyse l'appareil accommodateur de l’œil, qui ne peut plus s’accommoder aux petites distances (2). Sous ce rapport, on observe des différences notables entre les divers individus; il ya des yeux qui sont disposés de telle façon qu'ils peuvent encore voir les ‘objets placés à une certaine distance, tandis que d’autres ne voient pas les objets à quelque distance qu'ils soient placés. L'instillation belladonée produit quelquefois un phénomène très-curieux, consistant à faire voir tous les objets plus petits que nature, que Donders, qui l’a signalé le premier et observé sur lui-même, a désigné sous le nom parfaitement approprié de micropie (3). Cette particularité, observée depuis par Warlomont, Cornaz, de Neuf- châtel, Sichel, van Rocsbræck, paraît, vu sa rareté, n’être liée qu'à une idiosyncrasie du sujet. La belladone ou l’atropine maintiennent la pupille dilatée pendant quatre, cinq et quelquefois huit jours. — Nous avons vu que l’opium et la solution d'extrait de calabar pouvaient abréger cet espace de temps.) (Il résulte des recherches de Lemettre que l’atropine a un pouvoir my- driatique supérieur à celui de la daturine et l’hyosciamine, sous le rapport de la rapidité et de la durée d’action.) PuLeGMASIES. — L'emploi de la belladone dans l’ophthalmie n’est pas nouveau. — Tragus en parle ainsi : « Succus albumine ovi temperatus oculis impositus, inflammationes corum tollit. » — Vicat dit que, depuis lon ten Welsh avait recommandé cette plante contre les phlegmasies de l'œil. Dans cerlaines ophthalmies dont le symptôme le plus saillant est la nos tophobie avec larmoiement abondant, Lisfranc faisait pratiquer des fric- lions sur les tempes et derrière les oreilles avec 4 gr. d'extrait de bel- ladone délayé dans un peu d’eau. Quelquefois il faisait instiller dans l'œil une solution de 5 à 10 centigr. de cet extrait dans 120 gr. d’eau distillée de rose ou de plantain. Ce traitement, que Dupuytren employait déjà depuis longtemps, a réussi dans beaucoup d’ophthalmies qui avaient ré- sisté aux moyens ordinairement mis en usage. — Les lotions faites avec une faible infusion de jusquiame ou de belladone sont préconisées par Jungken, de Berlin (4), contre l’'ophthalmie militaire avec irritabilité extrème des yeux. — Sichel (5) considère les antiphlogistiques et les frictions faites avec l'extrait de belladone, quatre à huit fois par jour, sur le front, la région sus- orbitaire, les pommettes, les tempes, comme les moyens Les plus “efficaces contre la photophobie. Quand le mal résiste, il y joint l'emploi de la bella- (1) Dublin Journal, juillet 1838. (2) Voyez page 141. (3) Annales d’oculistique, 1853. (4) Mémoire sur l’ophthalmie qui règne dans l'armée belge, p. (5) Traité de l’ophthalmie, p. 46. 172 BELLADONXE, done à l’intérieur. — Une ophthalmie violente, avec rétrécissement considé- : rable de la pupille, avait résisté pendant trois mois à tous les moyens em- ployés. Mandeville la voit céder en quinze jours à l'usage de l'extrait de belladone administré à l’intérieur à la dose d’un sixième de grain par jour, et à l'instillation dans l'œil, en même temps, de quelques gouttes de la dé- coction de la plante. —Quand l’ophthalmie est accompagnée de pi:otophobie, Desmarres fait pratiquer cinq ou six frictions par jour, sur le front et sur les tempes, avee gros comme une noisette d’une pommade composée de : Miel blane, 10 gr.; d’extrait de belladone, 5 gr.; de mercure, 5 gr. — Ammon, de Berlin (1), emploie le collyre suivant dans l’ophthalmie des nouveaux-nés : Ex- trait de belladone, 30 centigr., eau chlorurée, 10 gouttes; eau distillée, 120 gr. On applique sur les paupières, tous les quarts d’heure ou toutes les demi- heures, une éponge imbibée de cette solution tiède. — «Dans les ophthalmies des enfants, qui s’'accompagnent si souvent d'iritis, l'emploi simultané du ca- lomel à doses fractionnées, et de la belladone appliquée en frictions autour de l'orbite, rend les plus utiles services. La belladone, toutefois, doit être con- tinuée aussi longtemps que l'œil reste sensible à la lumière. » Cade (2) remédie à la photophobie qui a lieu dans la sclérotite, et qui, selon lui, est due au tiraillement du ligament ciliaire congestionné et irrilé, en instillant entre les paupières quelques gouttes d’une solution d’extrait de belladone. Dans tous les cas où la sensibilité de l’œil est exaltée, soit par l'iritis cu la rétinite, soit par une irritation nerveuse ou une excessive sensibilité du malade, soit enfin par un vice scrofuleux déterminant une véritable pho- tophobie, Debreyne fait laver les yeux quatre ou cinq fois par jour avec une so'ution de 2 gr. d'extrait de belladone dans 195 gr. d’eau de roses. — Sui- vant Velpeau (3), l'extrait de belladone en frictions sur l'orbite produit peu d'effet dans le traitement de la kératite. Il préconise, au contraire, le collyre suivant : Extrait de belladone, 2 gr.; laudanum liquide, 10 à 30 gouttes; eau de rose, de mélilot, de bluet ou de plantain, 120 gr. On instille entre les paupières une certaine quantité de ce collyre trois ou quatre fois par jour. Velpeau regarde ce collyre comme plus nuisible qu'utile dans la kératite su- perficielle et dans la kératite ulcéreuse. Dans la photophobie scrofuleuse, j'obtiens en quelques jours les plus heureux résultats par l'emploi de la décoction de la belladone ou de jus- quiame en collyre, el l'usage, en même temps, de l’hydrochlorate de baryte à l'intérieur. Saunders a, le premier, fait connaître les bons effets de la belladone dans l'iritis. «Cette substance, dit-il, appliquée convenablement sur l'œil pen- dant le procédé adhésif de l’inflammation, force la marge interne de l'iris de s'étendre et de s'éloigner de l’axe de la pupille, de surmonter l'obstacle provenant de l’agglutination de la lymphe, et d’allonger la bande organisée qui unit l'iris à la capsule, si le mal n'est pas ancien. Ainsi les adhérences sont réduites à une extrême ténuité, et il en résulte une transparence qui laisse passer les rayons lumineux. Si l'effet de l'inflammation à été léger, les adhérences seront peu de chose, et la pupiile ne sera que légèrement irrégulière, L'iris conservera une certaine puissance d’action et la vision ne sera que peu lésée. En général, la pupille est déformée, et liris parfaite- ment fixe; mais si l’ouverture est assez grande et que la capsule ne soit pas devenue trop opaque, le malade pourra encore voir. (#). Lorsque l'iritis se termine par exsudation, le professeur Stœæber (5) con- (1) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1844, p. 12. (2) Thèse sur les ophihalmies spéciales, 1837. (3) Dictionnaire de médecine en 30 volume”, art. CORNÉE. (4) Annales de littérature médicale élrangéres, par le docteur Kluyskens, t. VIT, p. 140. (5) Manuel pratique d'ophthalmolngie, p. 127. BELLADONE, 173 scille l'usage de la belladone pour dilater la pupille et empêcher, autant que possible, cette exsudation de nuire à la vision. Quand elle à établi des adhé- rences entre la cornée et l'iris, ou entre celle-ci et la capsule cristalline, ou forme des filaments qui vont d’un côté de la pupille à l’autre, cet habile ophthalmologiste considère encore l'application de la belladone comme étant d’un grand secours. — Sichel a vu plus d’une fois les phlegmasies anciennes de l'iris, avec obstruction complète de la pupille, céder à l'emploi de ce médicament, — Suivant Caron du Villards, la belladone doit être employée dès le début de la maladie. «Car elle à, ditil, le double effet de calmer les douleurs et la photophobie, et d'obtenir la dilatation de la pupille. Une fois que l’inflammation est intense, elle à peu d'action sur l'iris, et il faut secor- der sa puissance par de nombreuses évacuations sanguines. » Il fait des frictions sur l'orbite le soir, parce qu'alors les douleurs sont plus violentes, etque pendant la nuit et le sommeil la pupille se contracte. — Dans l’iritis traumatique, Ammon (1) a employé avec avantage des embrocations faites sur l'œil avec l'extrait de belladone dilayé dans l’eau froide. Velpeau (2) combat préalablement, surtout au moyen du calomel, les principaux sym- ptômes de la maladie. Une fois l’action mercurielle manifestée sur la bou- che, il a recours aux friclions avec la pommade de belladone sur les pau- pières ou aulour de orbite, à l’instillation de la solution aqueuse de l'extrait, afin de détruire, autant que possible, les adhérences, les angles, la forme irré- gulière de la pupille. Selon Gerhard (3) et Debreyne (4), il ne faut recourir à ce médicament que lorsque la période aiguë de l’affection est passée; avant, elle a, dit-il, des inconvénients réels, et ne peut combattre les contractions morbides de liris. — D’après Tonnellé, de Tours, quand on ne parvient pas à détruire, au moyen des préparations de belladone, les membranes qui se sont formées à la suite de l'iritis, on a encore l’immense avantage d’em- pêcher l’oblitération de la pupille. Tonnellé emploie aussi ce médicament dans toutes les lésions traumatiques de l'iris, afin de prévenir l’oblitération de la pupille et les adhérences membraneuses, suite de l’iritis. Quand il ne peut parvenir à empêcher ces dernières, ce qui est rare, il maintient la pupille dans un état de dilatation tel, qu’on peut détruire les membranes à l’aide de l'aiguille avec la plus grande facilité. La meilleure préparation à employer, suivant le chirurgien de l'hôpital de Tours, est l'extrait aqueux dans l’eau distillée de la même plante, dans la proportion de 4 à 2, qu’on applique sur l'œil malade, ayant soin de la renouveler de deux heures en deux heures. Dans quelques cas d'iritis, Miquel a obtenu la dilatation de la pupille par le mélange du calomel et de la belladone, administré à l’intérieur, sans l'emploi des préparations de cette plante à l’extérieur. Bulley emploie les lotions de belladone avec un peu de sulfate de cuivre, contre les iritis et les ophthalmics atoniques au début. — Escolar cite une observation d'iritis, qu'il appelle rhumatismale, guérie par la belladone à haute dose à l’intérieur et à l'extérieur. Rognetta (5) regarde la belladone comme le remède spécifique de la réti- nite. Il suffit de prendre matin et soir une pilule de 2 cent. 1/2 d’extrait de cette plante. Dans l’inflammation de la capsule du cristallin (capsulitis), le professeur Stæber prévient l’adhérence de l'iris avec la capsule au moyen de la belladone. RÉTRÉCISSEMENT SPASMODIQUE DE LA PUPILLE. — Dans le resserrement spas- (1) De üilide commentatio. (2) Dictionnaire de n.édecine en 30 volumes, 2° édition, t. XVII, art. Iris. (3) Abrille médicale, octobre 1851. (4) Journal de La Suciélé de médecine de Gand, 1853, p. 136. (5) Revue médicale, janvier 1833. 4174 BELLADONE. modique de la pupiile, comme dans celui qui survient après avoir longtemps fixé les yeux sur des corps brillants et lumineux, Himly (1) conseille l'usage de la belladone. — Stæber prescrit les frictions de belladone ou de jusquiame dans le rétrécissement de la pupille dépendant de l'habitude. ADHÉRENCES DE L'IRIS. — Pour s'assurer si l'iris est adhérent, et pour pré- venir cette adhérence, Himiy (in Merat et Delens) conseille l'emploi de la belladone. Il suspend de temps en temps l'usage de cette plante, afin de produire alternativement des resserrements et des dilatations. — Velpeau emploie contre les adhérences qui ne sont pas trop anciennes une solution de quelques grains d’extrait de belladone dans une cuillerée à café d’eau, qu'il fait instiller matin et soir entre les paupières. Il laisse reposer l’œil pendant deux ou trois jours. Lorsque la pupille a repris son état primitif, il fait recommencer la même opération, et ainsi de suite jusqu'à ce que ces adhérences aient été détruites par les tiraillements modérés et répétis que produit le médicament sur cette membrane. — Cunier (2) a remporté le plus grand succès, dans des adhérences irido-cristalloïdiennes qui du- raient depuis des mois, des années, quelquefois avec abolition de la vue, en faisant introduire matin el soir, entre les paupières, gros comme une tête d’épingle d’une pommade composée de 30 centigr. d’atropine et de 4 gr. d’axonge. HERNIE DE L'IRIS. — Beaucoup de praticiens ont employé la belladone dans le traitement des hernies on des procidences de l'iris. — Quand on n'a pu réduire, au moyen d’un stylet mousse, la hernie récente el pro- duite par une lésion traumatique, Caron du Villars recommande lusag de la belladone à l’intérieur et à l'extérieur. «Par ce moyen, dit1l, on obtient une dilatation grande et énergique qui, dans la plupart des cas, fait disparaître la hernie commençante; cet état de l'iris devra être pro- voqué et maintenu pendant plusieurs jours. Penaant ce temps, on cher- chera à obtenir par tous les moyens possibles la cicatrisation de la cor- née.» — Quand le prolapsus s’est fait par un ulcère ou par une ouverture très-pelite, et qu'il ne peut être réduit mécaniquement, le professeur Stæber conseille la position sur le dos, l’occlusion des paupières, l’obscurcissement de la chambre, et l’instillation de la belladone. «Ces moyens, dit-il, déga- gent quelquefois l'iris et donnent le temps à la cornée de se cicatriser, » Dans les cas où la cornée, ramollie ou ulcérée, menace de se perforer. — Sichel conseille, pour prévenir la hernie de l'iris, l’extrait de belladone en frictions autour de l'orbite et en instillation entre les paupières; mais si le ramollissement ou l’ulcération occupent la circonférence de la cornée, cette médication, selon lui, peut être nuisible ; car alors la dilatation, en rappro- chant davantage la partie libre de l'iris du point ramolli ou perforé, tend à favoriser l’accident qu’on cherche à éviter. — Velpeau (3) pense aussi que ce n’est que pour les procidences qui ont lieu assez loin de la sclérotique, qu'on peut recourir à l'emploi de la belladone. Dans ces cas seulement il y aurait, suivant lui, quelque chance de relirer l'iris en arrière en dilatant forcément la pupille. — Lorsque, dans la procidence de l'iris, la pupille prend une forme oblique et allongée qui met obstacle au passage des rayons lumineux, on doit, suivant Bérard (4), tenter la réduction de la procidence, soit en exposant brusquement l’œil à la lumière, soit en repoussant l'iris hernié avec un stylet mousse, soit enfin en provoquant une dilatation permanente de la pupille, et par conséquent la rétraction de l'iris, en instillant de la (1) Bayle, Bibliothèque de thérapeutique, t. IT, p. 454. (2) Bouchardat, Annuaire de {hérapeutique, 1848, p. 40. (3) Dictionnaire de médecine en 30 volumes, t. XVIL, art. Iris. (4) Journal de médecine el de chirurgie pratiques, t. XV, p. 387. BELLADONE, 175 belladone. — Dans un cas de vaste procidence de l'iris à travers une ule(- ration perforante de la cornée, Florent Cunier (4) a obtenu les résultats les plus salisfaisants d’une solution de 40 centigr. de sulfate d’atropine dans 4 gr. d’eau distillée, en instillation dans |’ œil, matin, midi et soir. NYCTaLOPiE, — Debreyne cite un cas de nyc talopie qui avait été traité en vain par les sangsues et les vésicatoires, et qui fut guéri en huit jours par l'usige à l'intérieur de l'extrait de belladone porté graduellement à la dose élevée de 30 centigr. par jour. Leprestre (2) a traité une femme de trente ans, dont l’œil, qui ne prése ntait d’ailleurs aucune apparence de lésion, était tellement impressionné par le contact de la lumière, qu’il devenait impos- sible à la malade de supporter le jour. Elle ne voy: it que des lames de feu et était condamnée à rester dans une obscurité profonde. Des frictions faites sur l'orbite avec un mélange d'extrait de belladone et d’onguent mercuricl double ont été suivies d’une prompte guérison. CarTaracrTE.— L'emploi de la belladone pour dilater la pupille et préparer l'œil à l'opération de la cataracte est aujourd'hui généralement counu et adopté. On évite ainsi plus facilement les lésions de l'iris, on observe mieux les mouvements de l'aiguille, et, si on le juge utile, on peut faire passer plus facilement des parcelles du cristallin dans la chambre antérieure, Continuée à un certain degré après l’opération, la dilatation de la pupille prévient le développement de l'iritis et l'oblitération pupillaire. Reimarus, de Ham- bourg (in Wilmet), fit le premier usage de la belladone dans ce cas, après la remarque faite d’abord par Ray que les applications de cette plante sur les paupières déterminent la dilatation des pupilles. Il faisait instiller quel- ques gouttes de l’infusion aqueuse peu d'heures avant l'opération. — Himly (in Bibliothèque Bayle), qui en constata ensuite les avantages, instillait entre les paupières, une ou deux heures avant, quelques g gouttes de la solution de 1 gr. 20 centigr. d'extrait de belladone dans 30 gr. d’eau. — Demours, An- toine Dubois, Travers, Stæber, Caron du Villars, Sichel, Bérard, ont em- ployé ce moyen avec le plus grand avantage. « emploie ordinaire ment, dit Caron du Villars, 8 grains de belladone et 4 grains de jusquiame dans un gros et demi d’eau; l'association de ces deux médicaments produit une dila- tation plus grande que quand on les emploie isolément : il faut chercher à obtenir le plus grand degré de dilatation possible. » D’après cet ophthalmo- logiste, les blessures de liris seraient bien moins fréquentes depuis qu'on dilate la pupille au moyen de la belladone avant l'opération. « Si, dit-il, cet accident arrive très-souvent à Roux, ainsi qu’on peut s’en convaincre en lisant le travail de Maunoir jeune et les observations de Furnari, c'est que Roux n’emploie jamais la dilatation préalable de la pupille. » Ce dernier, en cela en désaccord avec tous les praticiens, prétendait que l’usage de la belladone communiquait à l’œil une disposition plus grande à s’enflammer par suite de l'opération. Tonnellé (in Trousseau et Pidoux) réserve l'emploi de la belladone pour l’opération de la cataracte par abaissement; il Le rejette d’une manière abso- lue dans le procédé par extraction, parce que la dilatation artificielle de la pupille, inutile pour favoriser la sortie du cristallin, expose l'iris, pendant l'opération, au tranchant de l'instrument, et, après l’opération, à des adhé- rences vicieuses de la cornée. Tonnellé parvient presque toujours à éloigner la cataracte secondaire, qui, suivant lui, est le résultat constant des fausses membranes qui se for- ment à la suite de l iritis, au moyen de la solution d’une partie d° extrait de belladone dans deux parties d’eau distillée de la même plante, qu’on appli- (1) Bouchardat, Annuaire de thérapeulique, 1818. (2) Séance extraordinaire de la Sociélé de médecine de Caen, de juin 1853. 176 BELLADONE. que sur l'œil malade, ayant soin, comme il est indiqué à l’article Irrris, p. 459, de la renouveler de deux heures en deux heures. Comme c’est ordi- nairement vers le quatrième jour de l’opération que se forment les produits membraneux, c’est alors, suivant Tonnellé, qu'il faut recourir à cette pré- paration : plus tard, il est plus difficile de réussir. Gependant le chirurgien de Tours y est parvenu au huitième, quelquefois au douzième jour. Au reste, lorsque la belladone ne détruit pas les fausses membranes, elle a au moins l'avantage de s’opposer à l’occlusion de la pupille, Cunier (1) recommande l’atropine après l'opération de la cataracte par broiement, afin de maintenir une dilatation pupillaire qui favorise l’absor- ption et diminue les chances de voir survenir des adhérences. — Suivant Brookes (2), l’atropine produit la dilatation de la pupille plus rapidement et plus complétement que la belladone. Pans un cas où cette dernière avait -produit peu d’effet, il obtint une large dilatation au moyen d’une pommade préparée avec 15 décigr. d’atropine et 8 gr. d’axonge. Dieulafoy (3), avant l'opération de la cataracte par abaissement, fait in- stiller pendant huit jours, matin et soir, entre les paupières, quelques gouttes d’un collyre composé de 4 gr. d'extrait de belladone, de 20 centigr. de sulfate d’atropine, et de 30 gr. d’eau disiillée de belladone. En outre, plusieurs fois dans la journée, on introduit dans les narines, pendant quel- ques minutes, un tampon de charpie imbibé de cette même liqueur. «Par cet emploi prolongé de la belladone, dit Cadéac (4;, on obtient d’abord une dilatation très-grande de la pupille, ce qui permet au chirurgien de voir beaucoup mieux le jeu de son aiguille, et l’expose moins à la blessure, tou- jours grave, de l'iris. En outre, on produit une véritable anesthésie de l'œil, qui est doublement avantageuse : 1° en prévenant cette contraction spasmo- dique qu’éprouve toujours l'iris sous l’influence de la douleur provoquée par la piqûre de l'aiguille qui pénètre dans la coque de l’œil, lorsque l’anesthé- sie dont nous parlons n'existe pas (on conçoit que cette contraction fait que l'emploi trop peu prolongé de la belladone est tout à fait inutile); 2° en dimi- nuant momentanément la sensibilité de la rétine, et, par suite, en rendant beaucoup moins douloureuse la première impression de la lumière sur l’or- gane essentiel de la vision, qui en a été privé, et qui peut déterminer une irritation inflammatoire et compromettre ainsi le succès de l’opération. Lorsque le cristallin est opaque dans son centre, ou qu'il existe des taies au centre de la cornée (cataracte centrale, taies centrales), on peut donner passage aux rayons lumineux à côté de la partie opaque qui les intercepte, et rendre au malade la faculté de voir les gros objets. « A cet effet, dit De- breyne, nous faisons instiller tous les jours, ou de deux jours l’un, une goutte de solution saturée d'extrait de belladone dans les yeux, afin de maintenir la pupille suffisamment large pour dépasser la circonférence de la tache ou le noyau opaque du cristallin cataracté. C’est ainsi que nous avons fait voir plusieurs aveugles qui ne pouvaient plus se conduire, ct qui aujourd’hui, munis d’une solution d’extrait de belladone, se promènent li- brement depuis plusieurs années; et un entre autres qui était complétement aveugle depuis cinq ans par une large taie centrale qui occupe son seul et unique œil. Depuis qu'il instille dans l’œil de la solution de belladone, c’est- à-dire depuis sept ans, il voit suffisamment pour se conduire, et même, dit- il, pour travailler. C’est aussi à l’aide de ces instillations de belladone que nous avons, il y a trente-six à trente-sept ans, fait voir au bout d’une demi- heure une personne atteinte de cataracte centrale depuis vingt ans, avec — (1) Bouchardat, Annuaire, 1848, p. 12. (2) Ibid., 1849, p. 41. (3) Journal de médecine chirurgicale et pharmareulique de Toulouse, janvier 1856, p. 20-21. (4) Ibid. BELLADONE, 478 constrietion habituelle des pupilles. Le fait fut regardé par le public comme prodigieux. Aujourd'hui, vu l'immense vulgar ot de l'emploi de la bella- done, le prestige ne ferait plus fortune nulle part. Tavignot (4) se sert avec succès, dans les mêmes cas, d’une solution de 4 gr. d'extrait de belladone dans 125 gr. d'eau, dont on instille chaque jour quelques £ gouttes entre les paupières. On en continue l'usage indéfiniment, Pour distinguer la cataracte noire de l'amourose, il suffit d'instiller dans l'œil une solution concentrée d'extrait de belladone : si la pupille se dilate considérablement, il est presque certain qu'il y a cataracte et non amanrose. On emploie la solution aqueuse de belladone en instilation dans l'œil pour s'assurer si la cataracte est adhérente ou non. Il existe dans la science des faits d’après lesquels, sous l'influence de la belladone administrée comme moyen palliatif dans la cataracte, la gué- rison où du moins une grande amélioration s’est produite. Rou: ut (2) ré- sume ainsi les avantages des inslillations de solution concentrée de bella- done dans la cataracte : ‘elles peuvent être faites indifféremment sans inconvénient pour l'appareil optique; 2° elles constituent un moyen telle- ment simple, que, une fois l'habitude contractée, le malade fait instinctive- ment, et sans y penser, cette pelite opération; 3° dans certains cas, si elles sont faites régulièrement et avec persévérance , elles peuvent peut-être re- tarder ou même s'opposer au progrès ultérieur de la cataracte, et, dans des circonstances plus favorables encore, provoquer son absorption ; 4° elles auront toujours pour résultat de prolonger la vue du malade et de lui pro- curer assez de lumière pour le dispenser de l’opération; 5° dans tous les cas, ces instillations sont toutes-puissantes pour prévenir 1 formation d’adhé- rences entre la eristalloïde et l'iris, ou pour détruire celles-ci lorsqu'elles naissent déjà; 6° enfin, employées ainsi longtemps avant l'opération, elles ont encore pour effet de rendre celle-ci plus facile, plus prompte et le succès plus constant. BLÉPHAROSPASME. — Bérard combat la contraction spasmodique du muscle orbiculaire des paupières, qui accompagne fréquemment la blépharite, par des frictions avec l’onguent mercuriel belladoné, et en instillant dans l'œil quelques gouttes de solution concentrée d'extrait de belladone. LÉSIONS TRAUMATIQUES DE L'ŒIL. — La belladone est efficace dans toutes les lésions traumatiques de l'œil. La formule suivante estrecommandée dans les Annales de la médecine belge et étrangère (1839) : Extrait de belladone préparé à la vapeur, 8 gr.; camphre, 1 gr. 20 centigr. Dissolvez dans huile d'amandes douces, quantité suffisante; onguent napolitain, 8 gr. On fric- tionne les paupières, le sourcil et la tempe avec un peu de cette pommade, une, deux ou plusieurs fois dans la journée. Pour d’autres détails au sujet des affections oculaires, voyez ATROPINE. AFFECTIONS CONSTITUTIONNELLES. — CancER ; SQUIRRES; TUMEURS SQUIRROÏDES, ete. — L'emploi de la belladone dans les affections cancéreuses remonte à une époque très-reculée. Galien, Avicenne, Paul d’Égine, etc., en ont fait mention. Les charlatans, les guérisseurs de campagne, les bonnes femmes se servaient de la belladone dans les cancers avant que les vertus de celte solanée fussent connues des médecins. — Münch rapporte qu'une femme de l'électorat de Hanovre l’employait contre le cancer et les tumeurs en général dès l’année 1683, et que plus de cent ans auparavant, dans le même pays, on mellait en usage contre ces maux un onguent de belladone. —- Jean Ray indique les feuilles appliquées extérieurement comme propres (1) ee de médecine el de chirurgie praliques, fivrie: 1851, (2) Thèses de Paris, 1856. 42 178 BELLADONE. à combattre le cancer et linduration des mamelles. « Hujus folia recentia mamants imposita, earum durilias et tumores etiam cancrosos emolliunt, discu- tiunt et sanant, ut sæpius expcrtus est qenerosus vir D. Percivallus Willughby, M. D. quod à nomine antehac quod sciam proditum publicæ utilitatis causa, sine invidia communicamus. » — Au rapport de Murray, Brummen, médecin de Gotha, employa la belladone au commencement du xvim° siècle contre les tumeurs réputées squirreuses ou cancéreuses. Brummen transmit son secret à Spaet, médecin de Wisbade. (Voyez dans la monographie de la belladone de Cazin père énumération des divers travaux à ce sujet.) « Dans tous les recueils, disent Trousseau et Pidoux, publiés pendant la dernière moitié du xvim° siècle, l’efficacité de la belladone, dans le traite- ment du cancer, est constatée par un grand nombre de faits authentiques. Cette même période a vu publier aussi un grand nombre de faits contra- dictoires. » Ces dissidences s'expliquent par le peu de précision du diagnostic résul- tant de la difficulté de distinguer les tumeurs cancéreuses des autres tu- meurs dont la guérison s'obtient plus ou moins facilement, telles que certains engorgements Iymphatiques ou serofuleux, la mammite terminée par indu- ration ct que l’on a souvent prise pour le squirre à une époque où l’anato- mie pathologique en général et celle du cancer en particulier n'étaient pas aussi avancées qu'elles le sont aujourd’hui, bien qu’il y ait encore de nos jours une grande obscurité dans le diagnostic des diverses tumeurs du sein. La discussion soulevée en 184%, au sein de l'Académie (1), à l’occasion d’un mémoire du professeur Cruveilhier sur les Corps fibreux de la mamelle, prouve l’insuifisance de nos recherches sur ce point important de patholo- gie. Les professeurs Gerdy, Roux et Velpeau, ainsi que Lisfranc et Amussat, avouèrent que le diagnostic des tumeurs du sein est fort difficile. Auguste Bérard alla même jusqu'à le dire impossible. Blandin expliqua que c’est à l’amphithéâtre, le scalpel à la main, que l’anatomiste peut distinguer les tumeurs fibreuses de la mamelle des autres tumeurs dures de cette région. Enfin, le professeur Cruveilhier, invoquant l’autorité de Boyer, dit aussi lui- même que le diagnostic entre les tumeurs d'apparence cancéreuse, mais qui ne sont pas cancéreuses, et les tumeurs d'apparence et de nature cancé- reuses, est impossible dans l'état actuel de la science. parce que lanatomie pathologique de la mamelle n’est pas mieux faite aujourd’hui que du temps de Boyer. Au reste, si les faits rapportés en faveur de la belladone ne prouvent pas toujours l'efficacité de cette plante contre le véritable cancer, ils démon- trent au moins qu'elle a guéri des affections très-rebelles ayant avec ce der- nier la plus grande analogie. Il est incontestable aussi qu'elle a presque constamment calmé les douleurs et ralenti les progrès de quelques maladies vraiment cancéreuses. Peut-être la récidive du cancer serait-elle moins fré- quente si l’on avait le soin, avant de lenlever par linstrument tranchant ou par le caustique, d’administrer pendant longtemps la belladone. SCROFULES. — La belladone à été employée pour combattre certains sym- ptômes serofuleux. Hufeland la recommande principalement dans les tu- meurs glandulenses qui menacent de s’indurer dans les ulcères chroniques et calleux. — Chevalier (2) a employé avec avantage la pommade de bella- done dans les engorgements scrofuleux, dans les affections scrofuleuses des os et des surfaces articulaires, et dans plusieurs cas d’ulcérations scrofu- leuses très-rehelles. Baumes regarde l’oxymel de belladone comme très-avantageux contre 4) Bulletin de l'Académie de médecine, t. IX, p. 496. (2) The London med. and physie. Journ., novembre 1896. BELLADONE, 179 les tumeurs scrofuleuses, surtout lorsqu'elles tendent à s'enflammer et à s’ulcérer. J'ai maintes fois employé avec succès la pommade ou la décoction de la belladone dans les engorgements articulaires douloureux. Dans ies tu- meurs blanches je me sers avec avantage, et alternativement, de frictions avec l’onguent napolilain et d'applications de belladone. INCONTINENCE NOCTURNE DES URINES. — Morand, l’un des fondateurs de la colonie agricole de Mettray, combat l’incontinence nocturne d'urine, chez les enfants, par l'administration de la belladone. Sans se montrer toujours infaillible, ce médicament obtient entre ses mains des succès fort nom- breux. Voici, du reste, comment ce praticien l’emploie : Il fait ordinaire- ment confectionner des pilules de 4 centigr. d’extrait de belladone; il en administre d’abord une le matin et une autre le soir aux enfants de quatre à six ans. Si, au bout de huit jours, il n’y a aucun effet produit, il en donne une troisième à midi, au bout de quinze jours une quatrième. Pour les enfants de 12 à 15 ans, on peut commencer par trois pilules, et augmen- ter en conséquence. Chez les adultes, on peut aller jusqu’à dix, douze el quinze par jour. « Si la vue vient à se troubler, s’il survient quelques symptômes tcxiques, on suspend, pour reprendre plus t tard. « Deux, trois ou quatre mois de l'usage de la belladone suffisent ordinai- rement pour amener la cure radicale de l'incontinence d'urine. Toutefois, on comprend qu’une des conditions de succès est que cette maladie ne se rattache à aucune lésion des organes génito-urinaires, en un mot, qu'elle soit essentielle (4). Alors la belladone étend ses bienfaits ; jusque sur les vicil- lards, du moins pendant quelque temps (2).» Blache (3) a obtenu les mêmes succès de l'emploi de la belladone chez des individus atteints d’incontinence nocturne d'urine, qui avaient iuutile- ment fait usage de tous les remèdes conscillés contre cette infirmité. Il ad- ministre l’extrait à la dose de 1/2 à 1 centigr., et la poadre des feuilles à celle de 1 à 2 centigr. par jour, en une seule fois, le matin à jeun, ou au moins une demi-heure avant le premier repas, ou le soir trois heures après le souper. — Bretonneau (in Trousseau et Pidoux}) a traité cette affection avec un succès extraordinaire. Il fait prendre le soir, une heure avant que les enfants se couchent, 1 à 4 centigr. de poudre et d’extrait de belladone. Après une semaine de traitement, il y à ordinairement une amélioration notable. Le remède est continué jusqu'à cessation de l’inconlinence : sus- pendu alors pendant huit Jours, et repris ensuite pendant quinze jours; inter- rompu de nouveau, et recommencé chaque mois pendant huit jours, quel- ques mois de suite. Cette longue durée du traitement n’est pas toujours nécessaire ; mais, suivant la remarque judicieuse de Trousseau et Pidoux, il vaut mieux pécher par excès que par défaut de précaution. «Dans certains cas rebelles, disent ces médecins, il faut porter la dose d'extrait et de pou- dre à 15 et 20 centigr. en une seule fois, au moment de se mettre au lit; en même temps, on fait sur l’hypogastre des frictions avec une mixture aqueuse d'extrait de belladone. » Suivant Trousseau (4), on obtient neuf guérisons sur dix, quand on à le soin surtout d'employer la poudre de belladone, dont l’action, dit-il, est plus énergique et plus sûre que celle de l'extrait. Mais il faut pour cela s'assurer que la poudre, qui est moins employée que (1) On a obtenu dans l’incontinence nocturne d'urine des sucès constatés de l'emploi de Fex- trait de noix vomique, dont l’action est opposée à celle de la belladone. Ne pourrait on pas con- clure de ces faits que l'affection dépend tantôt d’un défaut, tantôt d’une augmentation de sen- sibilité du col de la vessie? Naturam morborum curaliones ostendunt. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XVI, p. 199. (3) Bouchardat, Annuaire, 1849, p. 43. (4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1850. 180 BELLADONE. l'extrait, n'est pas devenue inerte par vétusté, et par conséquent inefficace, surtout à une dose aussi minime que celle qu'on prescrit en pareil cas. Cette réflexion s'applique à plus forte raison à la poudre de racine de bel- ladone, qui, bien que plus active, est encore moins employée que celle des feuilles. — Le mélange de la poudre et de l'extrait, ainsi que le pratiquait Bretonneau, est plus sûr.—Cauvin (1) à vu chez une petite fille âgée de sept ans une incontinence nocturne el souvent diurne, suite d’une anasarque, et dont la durée datait de quatre à cinq mois, céder à l’usage de la belladone ainsi administrée : pilules composées chacune de 1 centigr. de poudre et 1/2 centigr. d'extrait de belladone (on ne dit pas si c’est la poudre de la racine ou des feuilles) à prendre tous les soirs pendant une semaine en se couchant. Pendant la deuxième semaine deux pilules le soir, et pendant la troisième une le matin en se levant et deux le soir. Point d'amélioration pendant les deux premières semaines, mais grand amendement pendant la troisième. On continue encore l'usage des pilules pendant deux autres se- maines, au bout desquelles la guérison est complète. La belladone ne réussit presque jamais dans l’incontinence d'urine diurne des adultes, laquelle dépend presque toujours de l’atonie, du relâchement du sphincter de la vessie, landis que chez les enfants il y a, au contraire, le plus souvent spasme, irritabilité de cette partie. (Berciaux, chez des enfants atteints d’incontinerce des matières fécales, avec ou sans incontinence d'urine, a obtenu en peu de jours la cession de cette dégoûtante affection par l'emploi eombiné du sirop, des pilules de belladone (1 centigr.) et de suppositoires belladonés) (2). CHOLÉRA ASIATIQUE. — Indépendamment des moyens de calorification, Debreyne propose contre le choléra, comme moyen principal, la belladone unie au mercure. Ce médecin administre la belladone à haute dose à l’inté- rieur et à l'extérieur pour combattre les crampes. Il insiste surtout sur l'emploi des friclions faites avec la teinture de belladone sur toute l’épine dorsale et particulièrement sur les membres. Bans le choléra de 1854, J'ai employé avec avantage et simultanément le laudanum à l'intérieur et la teinture de belladone mêlée à l'alcool camphré à l'extérieur, concurremment avec les révulsifs, les moyens de caléfac- tion, ele. L'’extrait de belladone pur, appliqué sur un vésicatoire à l’épi- gastre, a fait cesser le vomissement chez un cholérique, et a ainsi favorisé l’action des autres moyens employés dès lors avec efficacité. Leclerc, professeur à l'Ecole de médecine Ge Tours (3), se rappelant l'adage similia similibus, a combattu le choléra par la belladone. Il fait appliquer un large emplâtre d’extrait de belladone (représentant 50 à 60 gr. d'extrait) à l’épigastre, un second emplâtre d'extrait de belladone sur la région vésicale. En même temps le malade prend une pilule com- posée de 4 cenligr. de poudre de belladone et de 4 centigr. d'extrait de la mème plante. Suivant la gravité des cas, on donne chaque pilule toutes les deux heures, toutes les demi-heures, tous les quarts d'heure, toutes les dix ou cinq minutes. Il est des attaques tellement foudroyantes, et dans les- quelles l’'intoxication cholérique a si profondément envahi l'organ'sme, que les pilules de belladone sont à peine ingérées qu’elles sont vomies. Alors, Leclere a recours avec succès au suc de racine fraîche de belladone à la dose de cinq gouttes toutes les cinq minutes. L'absorption de ce suc s'opère encore même dans cet état si grave. (100 gouttes représentent 50 centigr. d'extrait; 5 gouttes représentent 2 cenligr. et une fraction d’extrait.) Ce suc doit être récemment exprimé, et non altéré par la fermentation. — Quelquefois des Gazelle hebdomadaire, 1858. ) Presse médicale, septembre 18/9. De la médication curalive du choléra asialique. Tours, 1855. (2 (3 BELLADONE, 181 frictions avec le suc de racine de belladone ont dû ètre faites au cou, sous les aisselles, à la partie interne des cuisses, etc. Quelquefois aussi ce suc doit être donné en lavement à la dose de 15 à 20 gouttes dans une cuillerée d’eau tiède, et à l’aide d’une seringüe d’un très-pelit calibre. Dans tous les cas, sans exception, la rougeur de la face et celle dela peau, en général, ont indiqué à Leclerc que la belladone devenait toxique. Il faut done diminuer le nombre des pilules aussitôt qu'apparaît la rougeur, et les donner alors toutes les deux, trois ou quatre heures, suivant les indications fouruies par l’état du malade. I ne faut pas cependant cesser soudainement cette médication. Il suffit de mettre un intervalle convenable entre l’ad- ministration des pilules pour que leur effet toxique soit évité. Je le répète, ajoute ce médecin distingué, la rougeur de la peau devra guider le pra- ticien à cet égard; et si cette rougeur devenait générale et très-intense, il faudrait suspendre la belladone à l'instant. — Il faut renouveler les em- plâtres d'extrait de belladone toutes les vingt-quatre heures, —Il arrive sou- vént que les vomissements et les évacuations alvines continuent malgré l’action de la belladone. Dans ce cas, Leclere emploie avec suceès des pi- lules, d’un centigr. chaque, d’acétate de plomb cristallisé, administrées en mème temps que les pilules de 2 centigr. de belladone. -— Pour modérer la soif, on donne d'heure en heure, de demi-heure en demi-heure, quelque- fois de quart d'heure en quart d'heure, une ou deux cuillerées d’eau de Seltz, ou d’eau de riz, ou de vin vieux et d’eau de Seltz, ou de blane d’œuf frais battu avec un peu de sucre et d’eau tiède; cette dernière boisson a souvent rendu de grands services à Leclerc, ainsi que le bouillon éminem- ment nutrilif (beef-tea). I y à un grand avantage, suivant ce médecin, à sustenter le malade pendantla période algide et aussi pendant la réaction. Les selles colorées, les selles verdâtres surtout, annoncent le retour des fonctions normales du tube digestif. Les selles colorées en vert précèdent presque toujours de quelques heures le retour des urines. Alors, dit Leclerc, ilest bon de suspendre complétement la belladone et de donner une pilale composée : d’acétate de plomb 1 centigr., d'extrait d’opium 14/2 centigr., toutes les deux, trois ou quatre heures, suivant la fréquence des évacua- tions. Leclerc emploie aussi, pour faire cesser la diarrhée, la décoction de quinquina en lavement et le vin de quinquina par faibles cuillerées. L'auteur rapporte plusieurs observations à l'appui de cette médication, et peut, dit-il, fournir la preuve qu’elle a sauvé les cinq sixièmes des choléri- ques qui y ont été soumis. PryALismMe. — Erpenbeck (1) croit. d’après plusieurs faits personnels, que la belladone constitue un bon moyen prophylactique contre la salivation mereurielle (2). -- Dans un cas de ptyalisme rebelle, Vanoye (3), se rappe- lant qu’une des propriétés de la belladone consiste à diminuer notablement les sécrétions de la partie supérieure du tube digestif, prescrivit l’extrait de cette plante à l’intérieur à la dose de 5, puis de 10 centigr. par ‘our. Le même médicament fut employé en gargarisme, dans de l’eau de son ou une décoction de guimauve, et sans autre addition que quelques gouttes de lau- danum. Sous l'influence de ce traitement la sécrétion salivaire diminua pro- gressivement, et la guérison eut lieu en huit jours. Dans un autre cas où le ptyalisme reconnaissait pour caus2 une intoxication hydrargyrique, Vanoye l’a également arrêté avec l'extrait de helladone. GLucosuRIE. — Morand (4) est parvenu, par l'usage de la belladone, à sus- (1) Hannoversches Correspondenzblatt. (2 Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacie de la Société des sciences médicales el naturelles de Bruxelles, 1854, p. 140. (3) Journal des connaissances médico-chirurgicales, t. XXXUI, p. 163. (4) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1846, p. 18. 132 BELLADONE, pendre un écoulement involontaire de salive et à modérer les accidents de la glucosurie. SPERMATORRHÉE. — Lepri (1) s’est demandé, en présence d'un cas de sper- matorrhée qui avait résisté à un grand nombre de moyens, pourquoi la bella- done ne ferait pas cesser cette incontinence spermatique. Le résultat a eté conforme à son attente. (Je n'ai pas été aussi heureux chez trois malades où j'ai essayé la bella- done, L'affection me paraissait se raltacher à une excessive irritabilité des organes génitaux, et surtout des conduits éjaculateurs; c’est ce qui m'avait conduit à meltre cet agent en usage.) EMPLOI DE LA BELLADONE A L’EXTÉRIEUR POUR TARIR LA SÉCRÉTION LACTÉE. — Goolden (2) a publié deux faits, dans lesquels l'application de l’extrait de belladone sur Les auréoles des deux mamelons a suffi pour tarir au bout de quelques heures la sécrétion lactée. Cette suppression brusque n’a, dans les deux cas, déterminé aucun accident. Déjà Aran et Sandras avaient utilisé plusieurs fois avec succès cette propriété particulière de la belladone; seu- lement ils avaient fait usage de ce remède à l’intérieur. (Je combine les deux traitements, je donne l'extrait à l’intérieur à doses fractionnées (1 centigr. toutes les quatre heures), et je fais appliquer sur les seins un Cataplasme de feuilles de belladone. 15 gr. de feuilles sèches dé- coctées dans 250 gr. d’eau. Les feuilles sont mises à nu, et l’eau sert à dé- layer de la mie de pain ou de la farine de graine de lin, formant un cata- plasme recouvrant le tout.) HémorRuoïpes. — Suivant Grœnendael’s (3), la belladone est, comme anti- phlogistique et relâächant, un remède très-efficace dans les affections hémor- rhoïdales; 1l calme la douleur, facilite la dilatation du sphincter anal, fait cesser la constipation, cause principale de la stagnation du sang dans les vaisseaux du rectum. On fait, trois ou quatre fois par jour, des onctions à l’anus avec une pommade composée de 2 gr. d'extrait de belladone pour 30 gr. d’onguent rosat. Dans les cas de tumeurs hémorrhoïdales volumineuses, enflammées, étranglées, très-douloureuses, je fais appliquer des linges fins imbibés du mélange suivant : Eau de laitue, 500 gr. ; extrait de belladone, 8 gr.; extrait gommeux d’opium, 2 gr. Sous V influence de ces applications fréquemment renouvelées, les douleurs cessent, l’inflammation se dissipe, et, en conti- nuant le même moyen, les tumeurs hémorrhoïdales diminuent peu à peu et se flétrissent. J’ai employé cent fois ce remède et toujours avec succès. (ATROPINE. — Pendant tout le cours de cet article, nous avons entendu parler de la plante, et de son alcaloïde dont les effets, à l’énergie d'action près, sont identiques ; quelquefois même, nous n’avons pu séparer complé- tement l'histoire de l’une et de l’autre substance; nous n'y revenons ici qu'à cause des applications particulières dont l alcaloïde a été l’ objet. On l’a employé à l'extérieur, dans les névralgies, déposé sur le derme dénudé par un vésicatoire, ou introduit sous la peau par inoculation à l’aide d’une lan- cette. Nous signalerons surtout les injections hypodermiques par la méthode de Wood, d’ D dimbourg, que Behier a surtout vulgarisées en France. C’est à l’aide de la seringue de Pravas que l’on introduit une dissolution ttrée d’atropine dans le tissu cellulaire sous-cutané, où son absorption est excessivement rapide. On commence par un 1/2 milligr., et on peut aller (1) Gaz. med. Toscana, janvier 1854. (2) Annales médicales de la Flandre occidentale, 1857. (3) Annales de la Société des sciences médicales de Malines, 1838. BELLADONE, 185 jusqu’à 4 milligr. et au-dessus ; à la suite de ces injections il survient quel- quefois des accidents atropiques, que de petites doses d'opium ne lardent pas à conjurer. Ce mode de traitement convient surtout dans les névralgies, et a paru plus spécialement réussir dans celles qui avaient pour siége le nerf sciatique. On l’a appliqué contre l'épilepsie, la chorée, les hallucinations, le tétanos et mème l'hydrophobie. Le Bulletin de thérapeutique du 45 janvier 186% contient un article sur l'emploi de ces injections dans les affections oculaires. Grâce à la limpidilé de sa solution, à son facile dosage, l'atropine est préférée à la belladone dans ces dernières affections, en collyres, insuilla- tions ; c’est à elle que l’on a communément recours pour faciliter l'examen ophthalmoscopique. L'atropine, ou le sulfate d’atropine, souvent employé dans ces cas à cause de sa plus grande solubilité, convient dans tous les cas que nous avons énumérés en parlant de la belladone. Maëstre (1) lui attri- bue la propriété de déterger les ulcères de la cornée et d’en favoriser la cicatrisation par une propriété modificatrice spéciale. Elle est, du reste, communément employée dans ces circonstances. Mayeux a publié dans la Gazette des hôpitaux, avril 1858, une remarquable observation de luxation du cristallin, dont l'atropine a pu faciliter la réduc- tion. A l'intérieur. l’atropine a surtout été mise en usage dans les névroses.) Bouchardat (2) cite un cas d’épilepsie, datant de quelques mois, dont les attaques ont été suspendues tant que le malade a été sous l'influence de l’atropine, qu'il regarde comme le modificateur le plus puissant et le moins incerlain de tous ceux qui ont été opposés à l’épilepsie. Lusana (3) s'exprime en ces termes sur l'emploi de l’atropine dans l’épilepsie : «J'ai eu deux fois occasion de traiter par l’atropine la véritable épilepsie centrique; dans un cas, elle datait de l’enfance, et le sujet avait plus de cinquante ans; dans un autre, elle datait de quatorze ans. Or, ces deux cas sont ceux qui m'ont fourni les résultats les plus remarquables. Dans l’un d'eux, six mois se sont écoulés sans qu'il soit survenu un accès; dans l'autre, trois mois et demi après le commencement du traitement, il n'y-avait pas eu encore de rechute. « Si l’atropine a eu des succès dans l’épilepsie centrique, cérébrale ou idiopathique, elle a, au contraire, échoué dans l’épilepsie excentrique, ré- fléchie ou symptomatique, celle qui résulte d’une maladie qui à son siége dans un organe intérieur autre que le cerveau. » Lusana administre l’atropine en dissolution dans l'alcool, l'acide acétique où quelque autre acide affaibli, à la dose de 1/30 de grain, en augmentant progressivement jusqu’à celle de 4/4 de grain toutes les quatre heures. (Dans un cas de hernie erurale etranglée, j'ai tenté en vain l’atropine à l’intérieur, et en injections sous-cutanées au niveau de la hernie. L'opération a pu seule sauver la malade.) (Nous n'avons pas consacré d'article spécial au sulfate d’atropine; disons seulement que Mosler, de Giessen, le préfère à l’atropine elle-même pour les besoins de la thérapeutique : selon lui, l’action en serait plus modérée, et conséquemment l'usage moins dangereux.) VALÉRIANATE D'ATROPINE. — Michéa (4) a fait une heureuse application des principes actifs de la valériane et de la belladone (valérianate d atropine) SR Re (1) España medica, décembre 1859. (2) Annuaire de thérapeulique, 1849, p. 40. (3) Gazette médicale de Lombardie cite par Wahu. — Annuaire de médecine el de chirurgie: praliques, 1852, p. 91. (4) Académie de médecine, séance du 22 janvier 1656. 18 BELLADONE. au traitement des maladies convulsives, et principalement de l’épilepsie. Après avoir formé le premier ce sel dans le laboratoire de Pelouze, sous les yeux et avec le concours d’un des élèves les plus distingués de cet habile chimiste, Reynoso, il l’appliqua aussi le premier aux besoins de la théra- peutique. En 185%, un pharmacien de Paris publia une formule qui diffère beaucoup de celle de Michéa. Dans la formule du pharmacien dont il s’agit, l'acide valérianique entre pour une proportion insignifiante, moins de trois dixièmes, taudis que, dans celle de Michéa, cet acide’entre pour 1 partie 1/2. Le choix entre ces deux formules n’est pas indifférent, comme on voit. Le valérianate d’atropine que Michéa recommande aux praticiens est le valérianate acide. Toute autre combinaison de l’atropine avec l'acide valé- rianique n’a pas les mêmes avantages thérapeutiques, et expose les malades à tous les dangers de l’atropine administrée à l’état d’alcali. Du reste, le valérianate acide préparé d’après la formule de Michéa est le seul qui ait subi le contrôle de l’expérimentation clinique et qui ait été l’objet de l'examen auquel s’est livrée la commission nommée par l’Académie. Les affections nerveuses contre lesquelles ce nouveau sel a été le plus spécialement employé sont : l’épilepsie, l'hystérie, la chorée, l'asthme es- sentiel et la Coqueluche. Sur six cas d’épilepsie, Michéa a déjà pu compter quatre guérisons complètes, ayant toutes la garantie de plusieurs années de date, et deux améliorations notables chez deux malades qui restent encore er traitement. Du reste, dans l’épilepsie même, quand il ne guérit pas, ce médicament procure toujours de l’amélioration : il éloigne et affaiblit les attaques, il les convertit en vertiges et quelquefois en simples spasmes, sans perte de connaissance. Les doses auxquelles le valérianate d’atropine a été employé ont varié depuis 1/2 milligr. jusqu'à 2 milligr. dans les vingt-quatre heures. Chez les jeunes sujets, Michéa commence par 1/2 milligr., sans jamais excéder 1 mil- ligr. par jour. D'un 1/2 milligr, il passe à 4 milligr. au commencement de la seconde semaine. Au bout de quinze jours il cesse l’usage du médica- ment. Il laisse reposer le malade pendant le même nombre de jours, puis revient à l'emploi du remède à la dose de 1 milligr., puis de 2 au commen- cement de la seconde semaine. Seconde interruption pendant quinze jours, et reprise du médicament à l’expiration de ce terme. Dans l’épilepsie, lhy- stérie, l'asthme spasmodique, il quitte et reprend ainsi l’usage du médica- ment tous les quinze jours, et cela pendant des mois. Quand le traitement à dépassé six mois, il met des intervalles de trois semaines entre les reprises du médicament. Michéa résume ainsi son travail : 1° Le valérianale d’atropine est un nouveau sel végétal qui, quand il est pur, bien préparé, ct exclusivement à l’état de sel acide, peut rendre les plus grands services dans le traitement de l’épilepsie, de l’hystérie, de la chorée, de l'asthme nerveux, de la coqueluche; 2° Il à sur la valériane et la belladone l'avantage d’être un produit fixe, identique dans sa composition, susceptible d’être dosé avec exactitude, in- variable dans ses effets thérapeutiques ; 3° Moins difficile que l’acide valérianique, il jouit de toutes les propriétés physiologiques de l'atropine sans avoir le danger de cet alcali végétal, que les praliciens prudents ne doivent jamais administrer à l’intérieur ; 4° Comme composé de deux substances thérapeutiquement similaires, dont l’une augmente l’action curative de l’autre, et, en sa qualité de com- binaison saline acide qui le rend éminemment soluble et absorbable aux plus faibles doses, il l'emporte infiniment sur l'acide valérianique ou l’atro- pine administrés isolément à doses plus fortes; toutes considérations qui en BELLE-DE-NUIT, 185 font l’antispasmodique par excellence, le plus puissant et le plus sûr de tous les anticonvulsifs. A h * T TE ) 2 en LUE BELLE-DE-NUIT. Mirabilis jalapa. L. Jalapa flore purpureo. T.— Nictago hortensis. Juss. Jalap à fleurs pourpres,— jalup aux belles fleurs, — faux jalap, — jalap d'Europe, — jalap indigène, — merveille du Pérou, — nyctage du Pérou, — nyctage des jardins. NYCTAGINÉES. Fam, nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace, spontanée en Amérique, au Pérou, cultivée dans nos jardins pour la beauté de ses fleurs, est connue de tout le monde. Deseription. — Racine grosse, allongée, d'un brun noirâtre en dehors, blanche à l’intérieur, — Tige de 60 centimètres environ, herbacée. géniculée, rameuse, — Feuilles d'un beau vert, grandes, cordiformes, opposées, les inférieures péliolées, les supérieures et les florales sessiles. — Fleurs rouges, jaunes, blanches cu marbrées, en bouquets axil- laires et terminaux (juin à octobre). — Corolle infundibuliforme, cinq découpures échan- crées, plissées; de cinq à dix étamines; style simple; stigmate globuleux; calice en- lier; fruit dur, ovoïde, 5 angles. Parties usitées. — La racine. Culture. — [La belle-de-nuit se mulliplie par semis sur couche au printemps; le plant, mis en place en mai dans une terre lézère et substantielle, fleurit en juillet jus- qu'aux gelées; les racines peuvent ètre conservées en cave l'hiver, comme celtes des dablias.] Kéeolte. — Celte racine se récolle en automne, Celle récoltée dans le Nord est moins active que celle qui croît dans le Midi. Gilibert a observé qu'elle purgeait fort bien à Lyon, tandis qu'en Lithuanie ele purgeait fort peu. En général, les plantes ori- ginaires des pays chauds perdent de leur énergie dans les pays froids. Propritiés physiques et chimiques. — La racine de belle-de-nuit, d'une odeur nauséeuse, d’une saveur àcre, contient beaucoup de principes gommeux el résineux. Coste et Wilmet ont obtenu, de 420 gr. de cette racine récoltée en cclobre, et médiocrement séchée, 28 gr. d'extrait aqueux. — 60 gr. traités par l'alcool ont pro- duit près de 12 gr. d'extrait résineux. [Les fleurs exhalent le soir une odeur suave.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES,. A L'INTÉRIEUR. — Racine en poudre, 2 à 4 gr. Extrait aqueux, de 1 à 3 gr., en pilules, po- dans un verre d’eau ou de tisane. tion électuaire. Racine concasste en décoction, 4 à 8 gr. Extrait alcoolique, 60 centigr. à 1 gr. 25 cent. dans 150 gr. de bouillon de veau ou de en pilules. poulet. La racine de belle-de-nuit est purgative. Coste et Wilmet l'ont proposée comme succédanée du jalap. L’extrait aqueux, à la dose de { gr. 20 centigr., donné à des personnes de constitution médiocre, a produit deux selles sans coliques et sans douleur. Cet extrait, à la dose de 2 gr. a provoqué cinq ou six évacualions alvines. Porté à 3 gr. partagés en deux prises, administrées à une heure de distance l’une de l’autre, il a produit dix à douze selles assez copieuses. in ajoutant 60 centigr. d'extrait résineux ou alcoolique de cette racine à l'extrait aqueux, on obtient un purgatif qui peut convenir dans tous les cas où le jalap et la scammonée sont indiqués. Nous devons dire, toutefois, que cet extrait alcoolique est très-actif et qu'il doit être administré avec Ccircon- spection. La racine en poudre, à la dose de 2 à 4 gr. dans un verre d’eau sucrée, est beaucoup plus sûre, ct m'a parfaitement réussi; elle a produit quatre à six selles chez trois adultes auxquels je l'ai administrée à la dose de 4 gr. ; à doses proportionnées à l’âge, elle a agi à la fois comme purgatif et vermifuge chez des enfants lymphatiques, lourds, à gros ventre (41. (1) La racine que j’ai employce avait été récoltée dans mon jardin. 156 BENOITE. Gilibert est parveuu à chasser le ver solitaire en donnant cette racine à la dose de 8 gr. Il l’a employée aussi avec un plein succès dans plusieurs ma- ladies chroniques où la purgation était indiquée. On en à retiré de grands avantages dans l'hydropisie, lœædème, dans les rhumatismes chroniques, dans plusieurs maladies de la peau, dont le principe existait dans le mau- vais état des viscères abdominaux, soit comme altérant, dans ces derniers as, soit comme purgatif, à la dose de 95 centigr. à 8 gr. Deux ou trois pur- on. composées de 1 gr. 50 centigr. de ce médicament, secondées par 'k usage de la fleur de soufre et de la racine de patience, ont guéri, suivant Bodar t, une foule de maladies cutanées. Tout ici se réduit à l'effet purgatif de la belle-de-nuit. Roques prescrit une poudre purgative composée de 1 gr. 50 centigr. de racine de belle-de-nuit et de 45 gr. de sucre blanc, triturés dans un mortier. On prend cette poudre, le matin à jeun, dans une tasse d’émulsion ou de thé léger. Elle convient, dit ce médecin, aux personnes délicates et aux enfants qui ont besoin d'être purgés. C’est un bon vermifuge. La belle-de-nuit, naturalisée dans nos climats, peut nous dispenser de faire venir le jalap du Mtxique. On objectera peut-être que le jalap est d’un prix si peu élevé que tout le monde peut se le procurer facilement: oui, tout le monde, excepté le pauvre ouvrier des campagnes pour qui tout est cher, surtout quand il doit encore e ajouter au prix du médicament la perte du temps employé à l'aller chercher à la ville ou au chef-lieu de canton plus ou moins éloigné de son village. BELLE-DE-NUIT DICHOTOME. JaLap INDIGÈNE. Mirabilis dichotoma. L. — Plante du Mexique, acclimatée en Europe; diffère peu du Wirabilis jalapa. Description. — Feuilles cordiformes, plus petites.— Tige moins élevée, rameaux plus étalés. - Corolle ayant le tube tomenteux, et les cinq segments du bord plus ou- verts — Pistil plus long que les élamines. — Odeur très-suave. Les espèces suivantes jouissent des mêmes propriétés. BELLE-DE-NUIT A LONGUES FLEURS. Nictago longiflora. L. — Origi- naire des hautes montages du Mexique, cette espèce est cultivée dans les jardins sous le nom de Belle-de-nuit du Pérou. Desceription.— Tiges se divisant en rameaux très-longs, fragiles. — Feuilles cor- diformes, un peu velues, molles, odorantes, g'ulineuses, légèrement ciliées sur les bords, ainsi que les pétioles, d’un beau vert des deux côtés. — Fleurs blanches, sessiles, pu- bescentes à la base, réunies plusieurs ensemble à l'extrémité des rameaux, et remar- quables par la longueur extrème de leur tube. — Etamines et pistils couleur pourpre. — Anthères jaunes. BENOITE. Geum urbanum. L. Caryophyllata vulgaris. CG. BAUR. — Caryophyllata vulgaris flore parvo luteo. J. BAG. — Caryophyllata urbana Scor. — Herba benedicta. BRUNF. Caryophyllata. Don.; Orr.— Cortusa. Dioscor. Lagophtalmus. Benoite oîMiciaale, — herbe de Saint-Benoît, — caryophyllée, — herbe bénite, — gariot, — galiote, récise, — racine de giroflée, — sanicle de montagne. ROSAGÉES. — DRYADÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE POLYGYNIE. L. La benoite (PI. VIT), plante vivace, commune dans toutes les parties de l'Europe, habite les bois, le long des haies el des chemins, les lieux om- bragés, les terrains frais. Elle est un bon fourr age pour les chevaux, les bœufs, les cochons, les chèvres, et surtout pour les moutons, qui en sont très-friands. BENOITE, 187 Peseription,— Racine horizontale, brune en dehors, blanche ou rougeätre en dedans, simplement fibreuse quand elle est jeune, mais formant par l’âge une sorte de moignon conoïde qui devient gros et long comme le pouce, se recouvre d’écailles brunes, minces, sèches, et produit une grande quantit: de chevelus fauves. — Tiges droites, rouges ou rougeàtres à leur base, grêles, légèrement velues, rameuses, de la hauteur de 40 à 60 centimètres, — Feuilles d'un vert foncé, pubescentes, alternes, les radicales pé- tiolées, ailées, dont les folioles, au nombre de cinq à onze, sont inégales, dentées, ovales, la terminale plus large et trilobée; les caulinaires presque sessiles, à trois folioles iné- gales, accompagnées de deux stipules qui les rendent amplexicaules à leur base, devenant d'autant plus simples qu’elles se rapprochent davantage du sommet, — Fleurs jaunes, petites, rosacées, pédonculées, terminales (juin, juillet, août). — Calice monophylle, à demi divisé en dix segments pointus, dont cinq alternes plus petits que les autres. — Corolle de cinq pétales entiers, arrondis, ouverts en rose, — Trente à soixante-dix élamines, dont les filaments attachés au calice soutiennent les anthères glo- puleuses, — Pistils nombreux formant un capitule serré au centre de la fleur, iusérés sur un gynophore globuleux, portant de petits akènes ou fruits terminés par. une longue pointe crochue, Parties usitées, — La racine. Culture. — [On multiplie la benoite par semis de graines faits à l'ombre ou par division des pieds que l’on fait au printemps ou à lautemne en terre légère et à une ex- position fraiche. ] Récolte. — On recueille la racine de benoite à l'automne pour la conserver; mais il vaut mieux l’employer fraîche, et alors on peut la récoller en juin, juillet et août. II faut choisir celle qui végète sur les montagnes, dans les terrains secs, sablonneux et bien exposés. Elle est plus ou moins énergique suivant le sol où elle croît, l'exposition et la saison où on la récolte. — Son odeur aromatique disparaît peu à peu el se perd après une année de conservalion. Cependant, si on la fait sécher à ombre, à une cha- leur douce, elle conserve une partie de son arome. Propriétés physiques et chimiques. — La racine de benoile récente a une odeur agréable de girofle (1), une saveur analogue, mêlée toutefois d’une amer- tume particulière qui laisse un arrière-goût austère et âpre. Muehlenstedt, pharmacien danois, Melardri, Moretti, Bouillon- Lagrange, Chomet-Mars el Tromsdorf l'ont analy- sée. Voici le résultat obtenu par ce dernier : Tannin, 410; résine, h0 ; huile vola- tile, 0.39; adragantine. 92; matière gommeuse, 158; ligneux, 300. Les principes actifs sont plus abondants et plus concentrés dans l'écorce de la racine. (Buchner a donné à la matière amère de la racine le nom de géine. Aucun travail, que nous sachions, n’est venu démontrer l’individualité de ce principe ou en établir les propriétés.) Substances incompatibles. — Les sels de fer, la gélatine, etc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR.— [nfusion ou décoction (racine | Vin (1 sur 12 de vin), 30 à 80 gr. 1 sèche), 30 à 60 gr. par kilogramme d’eau; | Poudre, 4 à 4 gr. comme tonique astringent, (racine verte), 60 à 100 gr. par kilogramme | 10 à 30 gr. et plus, comme fébrifuge, en d’eau. | électuaire, dans l’eau, le vin, etc. Teinture (1 sur 8 d’alcool à 36 degrés), 15 à | Extrait, 1 à 2 gr. comme tonique, 4 à 8 gr. 30 gr. en potion. comme fébrifuge. La racine de benoïte, à la fois astringente, tonique et excitante, est em- ployée contre les diarrhées chroniques, la dysenterie atonique, les hémor- rhagies passives, les pertes séminales par relâchement, les leucorrhées, les flux muqueux de même nature, les fièvres intermittentes, la cachexie palu- déenne. C'est surtout comme fébrifuge que la benoite à joui d’une grande réputa- tion. Hulse (in Ray) préconisa le premier cette plante contre les fièvres in- termittentes. Leclerc, dans un ouvrage publié à Lille en 4683 (2), dit avoir guéri plusieurs fois la fièvre lierce au moyen de cette racine : il en faisait (1) De là son nom de caryophyllata; caryophylius, girofle (2) De morb. pauperum, p. 129. 188 BENOITE,. digérer, pendant vingt-quatre heures, 8 gr. dans 195 gr. de vin ou de bière, et cette préparation était administrée au début de l'accès. La macération vineuse de racine de benoite a élé recommandée par Chomel, qui la preseri- vait au commencement de l’accès dans l'intention de provoquer la sueur et de rompre ainsi la période algide. C’est à Buchhave, médecin danois, que la benoite a dû sa célébrité. Ge mé- decin, dans un ouvrage publié sur celte plante (1), cite plus de trois cents observations de fièvres intermittentes vernales et automnales, guéries par son seul usage. Weber et Kock, son élève (2), l’employèrent avec succès sur plus de deux cents maiades atteints de fièvres intermittentes de tous les types, de toutes les saisons, et dont quelques-unes avaient résisté au quin- quina. Gilibert, qui a eu de fréquentes occasions d'employer ce fébrifuge, s'exprime ainsi : « Nous avons, dit-il, employé en Lithuanie cette racine sur nos malades; nous l'avons reprise sur ceux de Lyon, et nous pouvous affir- mer que nous avons autant procuré de guérisons avec la benoile qu'avec le quinquina. Nous n'ignorons pas que plusieurs médecins allemands se sont élevés contre les assertions de Buchhave, mais nous savons que l’on à vendu, pour la racine de benoite, d’autres racines, ou cette racine elle-même mal desséchée, altérée, etc. Au reste, depuis deux ans, nous avons vu guérir plus de cent cinquante malades qui n'avaient pris d’autres fébrifuges que la benoïite, le chardon étoilé ou le scordium. » A l’armée du Rhin, en l’an IV et en l’an V, où le quinquina était très-rare, Gros-Jean et plusieurs de ses confrères ont guéri un grand nombre de sol- Cats atteints de fièvres intermittentes, au moyen de la racine de benoite. — Frank (3) eut occasion d’administrer cette racine à un grand nombre de fié- vreux, et il en obtint des résultats tellement favorables, qu'il affirme que, dans tous les cas où l'écorce du Pérou est indiquée, on peut lui substituer avantageusement la racine de benoite. A côlé de ces témoignages en faveur des propriétés antipériodiques de cette plante, viennent se placer ceux de praliciens habiles qui lui sont con- traires. Les malades traités par Lund (in Murray) ont éprouvé des nausées, des vomissements, et n’ont point été délivrés de la fièvre, que l’écorce du Pérou a promptement dissipée. Les résultats obtenus par Haller, Brandelius, Christopherson, Barfoth, Acrel, Dalberg, n’ont été guère plus favorables. Cullen, ne jugeant à priori des propriétés des plantes que d’après leurs qua- lités sapides et odorantes, suivant la méthode de Galien, regarde la benoite comme peu énergique. Broussais (in Flor. méd.) n'a retiré de cette plante que des avantages très-faibles. | Entre l'enthousiasme des uns et le dédain des autres, il n’y avait qu'un parti à prendre, celui de l’expérimentation. Or, j'ai déclaré dans la première édition de cet ouvrage que la racine de benoiïite m'avait fait complétement défaut comme fébrifuge. Depuis, et notamment pendant l'été de 1848, lors- que la fièvre intermittente régnait épidémiquement dans la vallée de la Liane, j'essayai de nouveau cette racine, fraichement récoltée, sur trente malades atteints de fièvre intermittente tierce, double tierce ou quotidienne. Je l’administrai en décoction concentrée (80 à 120 gr. dans 1 kilog. d’eau ré- duit à 700 gr. environ). Dans onze cas de fièvre tierce, la guérison eut lieu du troisième au cinquième jour inclusivement. Huit malades, atteints de la même fièvre, guérirent du cinquième au huitième jour, avec diminution graduelle des accès. Six autres malades, ayant le même type fébrile, n’éprouvèrent aucun soulagement, et furent guéris au moyen d’une forte dé- coction d’écorce de saule et de feuilles de calcitrape. Deux cas de fièvre (1) Observ. circa radie. gei urbani, seu caryophyllatæ virt., 1781. k gt (2) De nonnulor. febrifugor. virtute, et specialim gei urbani rad. efficacia. Kiïæ, 1782. (3) Journal de Hufeland, 1804. BENOITE, 189 . double tierce avec œdème des pieds et engorgement splé nique, en récidive après l'usage à diverses reprises du sulfate de quinine cédèrent à la décoc- lion conc entrée de racines fraiches de henoiïte et d'ache. Sur trois malades, atteints de fièvre quotidie one, un fut soulagé par l’usage de la benoite et guéri par l'emploi de l'écorce de saule, et les deux autres ne purent gué- rir que par l'usage du sulfate de quinine. [est à remarquer que la racine de benoite fut employée fraiche et à dose beaucoup plus élevée que celles que J'avais infructueusement administrées dans mes premiers essais J'ai souvent associé avec avantage la racine de benoite à l'écorce de saule et à l'hydrochlorate d'ammoniaque dans le traitement des fièvres intermit- tentes. (Voyez l’art. SAULE.) La benoiïte à été employée comme tonique astringent vers la fin de la dysenterie et dans les diarrhées atoniques, Scopoli prescrit cette racine en poudre à la dose de 4 gr. 50 centigr. à 2 gr. à la fin des dysenteries. Mais il ne faut pas oublier que ces maladies peuvent être dues, même dans leur état chronique, à une irrilation phlegmasique persistante de la muqueuse intestinale, et s’aggraver sous l'influence des astringents. L'absence ou la diminution de cette irritation, et de tout mouvement fébrile, la débilité gé- nérale, indiquent la médication tonique dans laquelle la racine de benoite, par les principes qu'elle recèle, tient un rang distingué. Buchhave a préco- nisé cette racine dans les fièvres : muqueuses, putrides, "pétéchiales, etc. On l’a employée aussi avec plus ou moins de succès dans les flux muqueux. Dans la leucorrhée bénigne, récente et peu abondante, Vitet prescrivait une infu- sion concentrée de racine de benoite, dont il faisait prendre la plus grande quantité le matin à jeun. Il administrait aussi une forte décoction de cette racine, acidulée avec l’acide sulfurique, dans les hémorrhagies utérines pas- sives. Weber l'avait déjà donnée avec succès dans les mêmes cas et Mat- thiole contre les hémoptysies. Plusieurs praticiens ont encore préconisé la benoite dans d’autres maladies, telles que les affections goutteuses et rhu- matismales chroniques, la gastralgie, la dyspepsie les engorgements chro- niques des viscères abdominaux, les cachexies, le catarrhe puimonaire chronique, la coqueluche, ete. J'ai employé le vin de benoiïte dans la dé- bilité gastrique et sur la fin des maladies aiguës, pour rétablir les forces digestives. Chaumeton la considère comme analogue à l’angélique par son action thérapeutique. Hoffmann et Vanderlinden (in Bodart) lui attribuent les mêmes propriétés qu'au sassafras. BENOITE AQUATIQUE (Geum rivale, L.), croit dans les bois humides, au bord des ruisseaux. Elle est commune dans les prairies et les lieux arrosés des Pyrénées. On la trouve aussi dans le centre de la France, aux environs de Paris et de Lyon. Racine fibreuse, brune, fauve, de la grosseur d’une plume d'oie, — Tiges droites de 30 à 40 centimètres, un peu velues et presque simples. — Feuilles caulinaires, assez pelites, allernes, dislantes, trois lobes dentés et pointus; les radicales longues, à pin- nules latérales, petites et peu nombreuses; mais la terminale grande, arrondie, dentée, souvent trilobée, — Deux ou trois fleurs pédonculées, penchées, terminales (juin). — Ca- lice d’un rouge-brun. — Pétales un peu échancrés, un peu ouverts, d’une couleur de rouille. — Barbes des semences Lordues dans le milieu, légèrement plumeuses dans toute leur longueur. La racine de benoile aquatique, moins odorante que celle de la benoite caryophyllée, mais d’une saveur acerbe, paraît avoir les mêmes propriétés ct a reçu les mêmes éloges que cette dernière. Le voyageur Ka'me (1) dit que les Anglo- Américains la préfèrent au quinquina. Quand trouverons-nous une plante € qui puisse préserver de l’exagéralion dans la recherche des véri- (1) Resa til Norra America, t. IL. 190 BERCE, ps tés thérapeutiques? Quoi qu'il en soit, suivant Bergius, des fièvres quoti- diennes, tierces, quartes, enfin des fièvres réfractaires à d’autres remèdes, ont cédé à l'emploi de la racine de benoite aquatique. Cependant sa vertu fébri- fuge a été plus constante à l'égard des fièvres vernales, qui se terminent souvent sans médication. L'action styptique et corroborante de la benoite aquatique a été utile dans les flux sanguins, séreux ou muqueux. La poudre de la racine s'emploie ex- térieurement sur les ulcères atoniques. Swediaur (in Roques) a particulière- ment recommandé ce topique. BENOITE DES MONTAGNES {Geum montanum, L.), croît dans les Alpes, les Pyrénées, les Vosges , les Cévennes, etc. Elle est commune dans les pà- turages, près des sources froides, au port d’O, au Pic du Midi (Lapeyrouse). Tige droite, simple, cylindrique, légèrement velue, de 30 centimètres, — Feuilles dis- tantes el très-pelites sur la lige; les radicales grandes, ailées, velues, à pinnules, augmen- tant graduellement de grandeur vers le sommet de chaque feuille, — Fleurs grandes, ou- vertes, d’un beau jaune, à pétales un peu échancrés, — Barbes des semences plumeuses et non tordues, BERCE. Heracleum sphondylium. L. Sphondylium vulgare hirsutum. GC. BAUR.,T.—Branca ursina germanica.d.B. Branca ursina spuria. OFF. Fausse branc-ursine, — branc-ursine des Allemands. OMBELLIFÈRES. — PEUCEDANÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. Cette plante (PI, VII), qui aime les pays froids, croit en abondance dans nos bois, dans nos champs et dans nos prés, dont elle détériore les foins. Les vaches, les chèvres, les moutons, les lapins et les ânes la broutent; les chevaux la négligent. Les plus savants agronomes l’indiquent comme une plante à fourrage des plus précicuses : sa racine, ses feuilles et ses tiges, comme celles du panais, sont pour les vaches à lait une excellente nourri- ture. Il y a lieu de s'étonner qu’elle n'ait point été cultivée depuis long- temps. Description.— Racine fusiforme, charnue, blanchâtre, imprégnée d’un suc jau- nâtre, — Tige parvenant sur un sol favorable à hauleur @’homme, mais ordinairement de 10 à 20 décimètres; robuste, droite, fortement sillonnée, creuse, velue, rameuse su- périeurement. — Feuilles alternes, grandes, amplexicaules, ailées, à folioles lobées et crénelées, vertes en dessus, d’un vert pâle en dessous. — Fleurs blanches, quelquefois rougeätres, en larges ombelles planes et terminales de dix à vingt rayons. — Involucre nul ou formé de une à deux folioles, involucelles de quatre à dix-sept folioles (juin-sep- tembre). — Calice à limbe 5-denté ou entier velu. — Corolle de cinq pétales échancrés. — Cinq étamines. — Deux styles plus courts. — Fruit formé de deux akènes ovoïdes ou ovoïdes oblongues, comprimés, striés. Parties usitées, — La racine, les feuilles et les fruits. Culture.— [La berce n’est cultivée que dans les jardins botaniques: on la sème en pépinière el en pots, depuis avril jusqu'en juillet, ou en place, aussilôt après la matu- rilé; on peut encore la propager par éclats des pieds. ] Récolte.— L'herboristerie en néglige la récolte, qui, d’ailleurs, ne demande aucun soin particulier. Propriéters physiques et chimiques: usages économiques. — L'écorce el la racine de berce sont d’une âcreté rubéfiante el même vésicante. L’inté- rieur de la Lige, au contraire, offre une saveur douce, et procure un aliment très-recherché des habitants du Kamtschatka. Ces peuples mangent ia berce récente écorcée, laquelle four- nit, en outre, par la dessiccation, une farine sucrée. En Sibérie, on fail sécher au soleil, sur des claies, les tiges et les pélioles ratissés; elles se couvrent d'un suc mucilagineux et sucré que l’on recueille avec soin, et qui passe pour une friandise très-délicate. « Accu- mulez ces tiges et ces pétieles dans un tonneau; versez-y une quantité d’eau suffisante BERLE, 191 pour recouvrir le tout; après un mois, vous retirerez une masse d’une saveur acidule agréable. Si vous s umettez ce marc à la distillation au moment de la fermentation vi- neuse, il vous donnera un esprit ardent plus actif que celui de grain (Gilibert), » Les Russes font usage de cette eau-de-vie, La décoction fermentée des feuilles tient lieu de bière aux pauvres gens en Pologne, en Lithuanie et au Kamtschatka. Fraiche, cette plante contient environ 40 pour 400, et son foin 72 pour 400 de parties nutrilives, Les Suisses l’estiment beaucoup pour leur bétail. Cultivée comme le panais, avec lequel elle à quelque analogie, la racine de berce pourrait fournir à l’homme un aliment sain (1), Ses fruits ont une saveur âcre ct aromatique qui décèle la présence d’une huile volalile ou essentielle. Les propriétés (thérapeutiques de la berce sont mal déterminées. Cette plante à été très-peu employée en France. Elle est regardée dans quelques parties de la Suède comme un remède familier contre la dysenterie. On a employé sa décoction en bains, en lavements, comme carminatif, apéritif, antispasmodique, etc. On applique les feuilles et les racines sur les callosités ; elles sont résolutives et peuvent convenir, en cataplasme, sur les abcès froids, les engorgements lymphatiques, l’ædème, etc. On dit que le suc dé- truit la vermine, et que la décoction de la racine et des semences a été em- ployée avec succès en lotion contre la gale. Plusieurs médecins prétendent que la berce est un des plus puissants moyens curalifs de la plique polo- naise; d’autres soutiennent, au contraire, qu’elle doit être rangée parmi les causes productrices de cette maladie : Succus capiti inunctus crispos capillos facit, dit Ray. — Erndtel (2), médecin polonais, dit que plusieurs médecins, qui ont fait l’'énumération des remèdes employés pour la cure de la plique ont été trompés par la ressemblance des mots, et qu'ils ont pris le lyco- pode pour la fausse branc-ursine. Le fruit, qui est stimulant, pourrait être employé utilement. Ray le recom- mande dans les attaques d’hystérie. Dioscoride le vantait contre l'asthme. La berce n’est point une plante inerte; elle mérite d’être étudiée dans ses effets thérapeutiques. | (Un médecin allemand, dont le nom m'échappe, a récemment proposé de substituer le fruit de cette plante au cubèbe; il l’administre à la même dose et avec succès contre la blennorrhagie.) {La berce des Alpes (41. Alpinum, L.), à feuilles simples (4. Amplifolium, L.) jouissent des mêmes propriétés que la précédente. La berce gommifère (H. Gummiferum, L.) est aujourd’hui rangée dans les dorêmes.] BERLE. Sium angustifolium. L. Sium, sive apium palustre, foliis oblongis. BAUK., T.— Berula officinarum. Cx. Ache d’eau. OMBELLIFÈRES.— AMMINÉES. Fam. nat. —— PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante vivace (PI VII), très-commune, croit dans les ruisseaux, : dans les fossés humides, sur le bord des fontaines et des étangs. Deseription. — Racine blanche, fibreuse, rampante, noueuse, — Tige droite, de h à 8 décimètres, cylindrique, fistuleuse, romeuse, — Feuilles alternes, à segments ovales aigus, incisées et à lobes dentés; les inférieures longuement pétioiées. — Fleurs blanches, en ombelles de huit à douze rayons (juillet-septembre). — Corolle à cinq pé- tales, subcordiformes, réfléchis en dedans. — Galice à cinq dents très-peu apparentes. — Cinq élamines à anthères globuleuses, deux styles courts. — Fruit sphéroïde, strié, composé de deux akènes plano-convexes striées, appliquées l’une contre l'autre. [Parties usitées. — Les racines, les feuilles. (1) Thorn, British Flora, t. V. . (2) Chaumeton, Dictionnaire des sciences médicales, t. IT, p. 85. 192 BÉTOINE. Culture. — Les berles, qui ne sont cullivées que dans les jardins botaniques, exi- gent une terre humide et de fréquents arrosements. Eu juin et juillet, en pépinière ou en planches, pour les repiquer plus tard en place, on les propage également par éclats des pieds. HRétales ne sont pas moins énergiques. | Tollard et Vilmorin atiribuent aux jeunes pousses les mêmes qualités. (Dans un cas observé par Benett (2), outre les vomissements et la super- purgation, il y eut des phénomènes tellement particuliers que, malgré notre désir de rendre les observations aussi rares que possible, nôus ne pouvons mieux faire que de reproduire celle-ci en résumé : Une jeune fille de huit ans mange des petits pois récoltés à la campagne. — Selles multipliées, — vomissements, — puis Collapsus, — pouls à peine perceptible, pupilles di- latées, écoulement involontaire de salive. — Une application d’ammoniaque aux narines fit cesser l’état comateux, mais aussitôt après survinrent des spasmes tétaniques violents semblables à ceux que détermine la strychnine. On lui fit prendre ensuite 1 scrupule de sulfate de zinc dissous dans une pinte d’eau chaude; trois minutes après elle vomit abondamment, les spasmes devinrent moins intenses et les pupilles furent moins dilatées; deux heures plus tard, la mère apporta le reste des pois dont la fille avait mangé, et qui n'étaient autres que des graines de cytise. On administre une forte dose d'huile de ricin. Le soir, les spasmes musculaires reparaissent avec plus de violence, surtout à la face ; chaque muscle de la face paraissait se contracter successivement, ceux de l’avant-bras faisaient saillie, et chacun d'eux semblait se séparer des muscles voisins. Les mains étaient fortement fléchies, la plante des pieds recourbée et les orteils rigides. La peau avait une teinte brunâtre caractéristique. L'inbalation d’un gros de chloroforme amena quelque soulagement ; mais les contractions musculaires ne tardè- rent pas à reparaître. Une seconde inhalation de chloroforme faite trois heures plus tard eut le mème résultat. Les jours suivants les mêmes sym- ptômes se reproduisirent par intervalles, accompagnés de soif intense et de douleur à la région épigastrique. Ce ne fut qu’au bout de treize jours que la peau reprit sa couleur normale, et que les spasmes musculaires commencè- rent à diminuer. — Trois autres enfants du voisinage avaient mangé des graines de cytise avec cette jeune fille et offrirent les mêmes symptômes à un degré moindre. Voilà donc, d’après cette observation, un nouvel agent excito-moteur qui prendra sa place à côté de la strychnine, si les faits se multiplient en sa faveur). Les propriétés vomitives et purgatives du cytise des Alpes ont porté Wau- ters à le proposer comme succédané du séné. Je pense que de nouvelles expériences sont nécessaires pour déterminer les doses auxquelles on peut sans danger administrer les semences, avant de les admettre définitivement comme purgatives. Les jeunes pousses administrées en décoction aux mêmes doses que le séné, à un cultivateur âgé de quarante-sept ans, atteint d’ana- sarque, suite de fièvre intermittente négligée, ont produit des nausées, quelques efforts de vomissement et six selles abondantes sans trop de co- ques. La CYTISINE, donnée à des animaux, même en très-petite quantité, produit des vomissements, des convulsions et la mort. (Chez l’homme, à la dose de 10 à 15 centigr., elle est vomitive et purgative.) Administrée à un homme à la dose de 40 centigr., elle causa des vomissements rebelles, des vertiges, des contractions spasmodiques, l'élévation du pouls et la décoloration de la face. Ces symptômes furent suivis, au bout de deux heures, d’une grande 1) Bouchardat, Annuaire, 1860, p. 64. 2) Bouchardat, Annnaïre, 1860, p. 65. ( ( FENOUIL. 135 dépression des forces qui dura plus de quinze jours. D'après ces effets, on est porté à croire que la cytisine a (en outre de l’action excito-motrice dont nous avons parlé plus haut), une action hyposthénisanté très-prononcée, succédant assez promptement à son action primitive et irritante sur l’es- tomac. . FENOUIL. Anethum fœniculum. L. Fœniculum dulce. BAUH., TOURN. — Marathrum. Fucus. Fenouil commun, — fenouil doux, — aneth doux, — anis doux. OMBELLIFÈRES. — SÉSÉLINÉES. Fam: nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Le fenouil croit en France, en Italie, etc., dans les terrains pierreux, les décombres; en France, on le cultive dans les jardins. Description. — Racine allongée, fusiforme, épaisse, de la grosseur du doigt, — Tiges droites, cylindriques, rameuses, d’un vert assez foncé, hautes de 4 à 2 mètres. — Feuilles à découpures nombreuses et presque capillaires, à petioles amplexicaules. — Fleurs disposées en ombelles terminales, à rayons nombreux soutenant des ombellules courtes et ouvertes (juin-juillet). — Galice à cinq dents très-petites. — Corolle à cinq pétales jaunes, — Cinq étamines très-longues, étalées. — Ovaire simple, à deux logeé uniovulées. — Deux styles courts. — Fruits consistant en deux akènes pelits, #17, ovales, marqués de trois nervures en dehors. Parties usitées. — Les racines, l'herbe et les fruits. [Culture. — Quoique le fenouil vienne bien dans tous les sols, il préfère une terre sèche, légère et chaude; on le propage de graines semées en place, il se réssème de lui-même; le fenouil d'Italie se cultive comme le céleri, mais il devient bientôt àcre et très-aromatique en France ; aussi est-il bon de faire venir des graines tous les ans.] Réeolte.— On récolte la racine en septembre. Les feuilles conservent leur cou- leur après la dessiccation. Le fruit, récolté à sa maturité, doit être net et bien nourri (il est pâle, et non jaunâtre ou brunâtre). Cette plante, comme toutes celles du même genre, est beaucoup plus aromatique dans le midi que dans les départements du centre et du nord de la France. Propriétés physiques et chimiques. — Le fenouil exhale une odeur agréable, aromatique très-prononcée ; sa saveur est vive, piquante. Il contient une huile essentielle incolore ou jaunâtre. Son stéaroptène a la même composition que celui d’anis. — Les confiseurs se servent des semences de fenouil comme de celle d’anis. — [L'huile liquide, d’après Cahours, ne contient pas d'oxygène, et elle a la même composi- tion que l'essence de térébenthine.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Fruits en poudre, 2 à 4 gr. Décoction des racines, de 30 à 60 gr. par ki- À L’EXTÉRIEUR. — Huile essentielle et teinture en frictions. logramme d’eau. Infusion aqueuse des fruits, de 15 à 60 gr. par kilogramme d'eau. Eau distillée (1 de fenouil sur 4 d’eau), de 30 à 100 gr. comme véhicule en potion, col- lyre, etc. Vin (30 à 60 gr. de fruits pour 1 kilogr. de vin), de 30 à 120 er. Teinture (1 sur 8 d’alcool à 21 degrés), de 50 centigr. à 2 gr., en potion. Huile essentielle, de 30 à 50 centigr., en po- tion. Poudre, (. S. en topique, en pommade avec l’axonge, etc. Feuilles et sommités, en cataplasme, fomenta- tions, etc. Les fruits de fenouil font partie des quatre semences chaudes majeures; et la racine est une des cinq racines apéritives majeures. Elles entrent dans la thériaque, dans le mithridate, “le philonium romanum, le diaphænie, les pi- lules dorées, la confection Hamech. Le fenouil est excitant. On peut, à ce titre, l’'employer dans toutes les affections qui réclament l’action des toniques diffusibles. Ce que nous avons dit de l’anis peut s'appliquer au fenouil. Hippocrate et Dioscoride l'ont recommandé pour activer la sécrétion du lait. Bodart a vérifié cette pro- priété : « Nous pourrions, dit cet auteur, citer plusieurs exemples de mères 28 43 FENU-GREC. qui, manquant de lait, étaient sur le point d'abandonner leur enfant à un lait étranger, et chez lesquelles nous avons rétabli la sécrétion de ce fluide précieux, au moyen d’une infusion théiforme de semences de fenouil, édul- corée avec un peu de racine de réglisse verte. » J'ai employé plusieurs fois le même moyen avec succès chez les femmes atteintes d’agalactie par suite de dyspepsie produite par l’atonie de l'estomac ou la gastralgie. Lorsqu'il existe une irritation phlegmasique de l'estomac, accompagnant ou causant la suppression du lait, l'usage du fenouil ne peut que nuire. (Bontemps (1) a constaté avec le professeur Coze la réalité de cette action galacto-poïéti- que. Par contre, à haute dose, il reconnaît au fenouil des propriétés em- ménagogues énergiques : de sorte que, chez les femmes délicates, en pro- voquant le rétablissement des règles, on nuït à la sécrétion lactée. Il con- vient donc, comme dans toute bonne thérapeutique, de se baser sur le tempérament des nourrices pour la dose à administrer. (Femmes déli- cates, de 4 à 10 gr. de semences en infusion; nourrices robustes, de 6 à 15 gr.) Attribuer à cette plante des vertus carminatives comme à l’anis, au carvi, à la coriandre, etc., et la dire stomachique, diurétique, emménagogue, antispasmodique et même fébrifuge, c’est exprimer tout simplement une ac- tion excitante sur l’économie en général, et, selon les dispositions indivi- duelles, sur tel ou tel organe en particulier. La racine de fenouil est mise au nombre des racines diurétiques; les feuilles et les sommités sont appliquées en cataplasme sur les engorgements des mamelles. (On a employé contre les poux une pommade à l'huile essentielle de fenouil : pharmacopée hollandaise : 120 gr. d’axonge; huile essentielle, 30 gouttes.) FENU-GREC. Trigonella fæœnum græcum. L. Fœnum græcum sativum. Baux. T. Trigonelle, — senegré. LÉGUMINEUSES. — LOTÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. . Le fenu-grec (PI. XVIII), très-commun dans l’ancienne Grèce et en Egypte, où on le cultive, se rencontre dans plusieurs des départements méridionaux de la France, dans les champs et sur les bords des chemins. ‘On cultive cette plante comme fourrage dans quelques parties du Languedoc et du Dauphiné. Sa culture demande peu de soins. Il suffit, pour la semer, dit Pline, de scarifier le sol. C’est une nourriture excellente pour les ani- maux, dont elle entretient la vigueur, l’embonpoint et la santé. Les femmes égyptiennes font usage des semences cuites dans du lait pour se donner de la fraicheur. Description. — Racines grêles, allongées, fibreuses. — Tige droite, herbacée, fistuleuse, haute de 50 à 70 centimètres. — Feuilles médiocrement pétiolées, composées de 3 folioles de forme ovale, arrondies à leur sommet, rétrécies à leur base. — Fleurs jaunâtres, axillaires, solitaires, quelquefois géminées (juin-juillet). — Calice tubuleux presque diaphane, à cinq sépales égaux. — Corolle papilionacée, à carène très-courte, à ailes un peu ouvertes. — Quarante élamines diadelphes. — Ovaire simple à une seule loge multiovulée, — Un style et un stygmate simples. — Fruit: gousse étroile, longue d'environ 6 centimètres, contenant douze ou quinze semences brunes ou jaunätres. Parties usitées.— Les semences, la plante entière. |Culture.— Le fenu-grec est plutôt cultivé comme plante fourragère que comme plante médicinale; il demande une bonne exposition et une terre légère et chaude : on le sème en place au printemps, il ne demande ensuite que des soins ordinaires. ] (1) Thèse inaugurale de Strasbourg, 1833. FÈVE COMMUNE. 135 Récolte, — Ne présente rien de particulier, Il faut choisir cette graine récente, grosse, de couleur jaune ; la vétusté la rend obscure ou brune. Propriétés physiques et chimiques. — Les semences répandent une odeur fragrante analogue à celle du mélilot. Leur saveur, mucilagineuse, se rapproche de celle des pois : 30 gr. de ces semences donnent par l’ébullition la consistance muci- lagineuse à 500 gr, d’eau. Elles recèlent en outre, en pelite quantité, un principe légè- rement aclif d’où provient leur odeur. [Ce principe est le même que celui que l’on trouve dans la fève tonka, le mélilot, etc., on le nomme coumarine.| (C!°H5 0°). PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — Semences, décoction, 30 gr. Farine, en Cataplasme, par 500 gr. d’eau pour tisane. Les principales compositions où l'on fait en- trer le fenu-grec sont le sirop de marrube À L'EXTÉRIEUR, — Semences , décoction 60 à | blanc, l'huile de mucilage, les farines émol- 120 gr. par 1,000 gr. d’eau, pour lotions, | lientes, l’onguent d’althea, le mondificatif de lavements, injections. résine, l’onguent marlialum. La grande quantité de mucilage que contiennent les graines de fenu-grec les rend adoucissantes, émollientes, lubrifiantes. On peut employer leur décoction avec avantage à l’intérieur et en lavement, pour apaiser l'irritation de l'appareil digestif dans les diarrhées, la dysenterie, l’'empoisonnement produit par des substances corrosives, la gastro-entérite chronique, etc. Mais c’est surtout à l’extérieur qu'on emploie les semences de fenu-grec, en décoction dans l’ophthalmie, les aphthes, les gerçures de lèvres et du mamelon. En cataplasme, la graine de fenu-grec convient pour calmer la douleur et favoriser la résolution dans le phlegmon et autres inflammations exlernes. FEVE COMMUNE. Faba vulgaris. L. Faba major, sive flore candido. TouRN. Fève des marais. ; LÉGUMINEUSES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. Cette plante est cultivée dans les potagers et dans les champs pour son fourrage et pour sa graine. On la croit originaire des bords de la mer Cas- pienne. Bescription,— Tige blanchâtre, carrée, vigoureuse. — Feuilles grandes, ailées, à quatre folioles ovales, entières, d’un vert glacé de blanc à leurs deux faces. — Fleurs réunies cinq à six sur un pédoncule fort court. — Corolle blanche, marquée d’une tache noire el veloutée au milieu de chaque aile. — Calice à cinq dents. — Gousse grande, coriace, un peu renflée. — Semences oblongues ; ombilic terminal. La grosseur et la forme des semences différent suivant les variétés. (Culture. — La fève se sème de février à la fin d'avril ; pour en avoir de bonne heure on sème en décembre et en janvier, en rayons ou en touffes; lorsqu'on les ré- colte vertes pour les manger, on peut, en coupant la tige du pied, espérer une seconde récolte. | Propriétés ehimiques.— La fève fournit de l’amidon, une matière animale, du phosphate de chaux, de la potasse et du sucre. La robe ou pellicule contient du tan- nin. La tige est riche en carbonate de potasse. (Celte tige donne par le rouissage une filasse grossière qui à été proposée pour la confection des papiers communs.) 3 Guérin-Méneville (1) a découvert une cochenille indigène (coccus fabæ) sur la fève des marais. Les fèves, considérées comme aliment, sont difficilement digérées par les personnes délicates. On leur a attribué une action aphrodisiaque qui, sans doute, est sympathique de l’irritation qu’elles peuvent causer dans les or- ganes digestifs. Ne RO € pm HS ARE OU der Ge: *? sit -Jr (1) Constitutionnel du 23 juin 1852. 136 | FIGUIER. Les fleurs de cette plante sont légèrement aromatiques et antispasmo- diques. Les semences sont adoucissantes, résolutives et astringentes. J'ai vu des diarrhées chroniques, traitées inutilement par les moyens les plus’ rationnels, céder à l’usage exclusif d’une bouillie faite avec la farine de fève. C’est surtout dans le cas où la maladie est entretenue par une vive irritation . de la muqueuse intestinale coïncidant avec un état de débilité, que cette bouillie me réussit. L’infusion de la cendre des tiges et des gousses de fèves dans le vin blanc (60 à 90 gr. de cendre pour 1 kilogr. de vin) est employée vulgairement dans nos Campagnes comme diurétique, dans la gravelle, l’hy- dropisie et les engorgements viscéraux sans inflammation. La dose de ce vin est de 60 à 100 gr. chaque jour. « Dans une douleur de reins et de la vessie. j'ai vu donner avec un grand succès, dit Guy de Chauliac, quatre onces de lessive faite avec la cendre de tiges de fèves ; car cela faisait sortir l’urine et déchargeait les reins des glaires et du sable qui les incommodaient.» On fait, avec la farine de fève, des cataplasmes légèrement résolutifs. Cette fa- rine fait partie des quatre farines résolutives des pharmacopées. (Ambroise Paré dit (1), en traitant de l'application des sangsues : « Si on ne pouvait estancher le sang après la morsure, il faut appliquer la moitié d’une fève (fraiche, sans doute), la tenant et pressant dessus, jusqu’à ce qu'elle y demeure attachée et adhérente. Infailliblement cela retient le sang... ») FIGUIER. Ficus carica. L. Ficus communis. C. BAUH. — Ficus sativa. TOURN. URTICACÉES. — MORÉES. Fam. nat. — POLYGAMIE. L. Tout le monde connaît le figuier. Ses fruits sont usités comme aliment et comme médicament. La figue (sycone) est le réceptacle devenu charnu et contenant les ovaires transformés en petits akènes ou vrais fruits. Les figues vertes ont une saveur douce, sucrée, agréable. C’est un aliment de facile digestion et un des plus nutritifs en raison de la grande quantité de matière saccharine et de mucilage qu’il renferme. Les figues sèches sont plus diffi- ciles à digérer. Les figues grasses ou sèches sont émollientes, adoucissantes, relâchantes. La décoction de figues dans l’eau convient dans les maladies inflamma- toires, la pneumonie, la pleurésie, le catarrhe bronchique, la eystite, la néphrite, la variole; la rougeole, la scarlatine, etc. Bouillies dans le lait, on les emploie en gargarisme lorsqu'il y a tension, douleur, gonflement dans l’angine, la gingivite et la stomatite. On les applique en cataplasme sur les tumeurs inflammatoires. Je me sers souvent de figues grasses pour excipient d’une certaine quantité de semence de moutarde pulvérisée, comme réso- lutif, rubéfiant, en cataplasme. J'emploie de la même manière d’autres substances énergiques pour en adoucir plus ou moins l'effet, selon l’indica- tion que j'ai à remplir. Les meilleures figues grasses ou sèches sont grosses, pesantes, sans odeur, d’une saveur sucrée, recouvertes d’une peau fine et tendre. Les anciens employaient le sucre âcre et laiteux du figuier comme pur- gatif, et à l'extérieur, dans le traitement de la lèpre et autres maladies cuta- nées chroniques. On en frotte les verrues et les cors pour les faire disparaître peu à peu. (Dioscoride ‘en imbibait un morceau de laine dont il remplissait les dents cariées douloureuses.) OT ÉRRS. PCR RARE AUN, PRENONS RS RS SN ES (1) Liv. xvi, ch. LxIx, p. 423, 12€ édition. FILIPENDULE. — FOUGÈRE MALE. 137 FILIPENDULE. Spiræa filipendula. L. Filipendula vulgaris, an molon Plini? C. Bauu., Tourx. Sazifraga rubra. GER., OFF. \OSACÉES. — SPIRÉES. Fam, nat. — ICOSANDRIE PENTAGYNIE. L. La filipendule (PI. XVII) est très-commune en France. On la trouve dans les clairières des bois, les coteaux secs et sablonneux. Elle est cultivée dans les jardins. Description. — Racines composées de fibres fines offrant de distance en dis- lance des tubercules en forme de renflements charnus. — Tige droite, simple, rameuse supérieurement, — Feuilles pétiolées, à folioles alternes quelquefois opposées, glabres, d’un vert foncé, incisées et inégalement dentées, entre lesquelles se trouvent des sti- pules de diverses dimensions. — Fleurs blanches ou peu rosées, odorantes, disposées en panicule terminal (juin-juillet). — Galice à cinq divisions. — Corolle formée de cinq pétales ovales, écartés, — Etamines filiformes et très-nombreuses. — |Pistil composé d’une douzaine de carpelles, à une seule loge, surmontées de styles terminaux marces- cents. — Fruit composé d’une douzaine de pelits follicules secs, pubescents, ren- fermant chacun un petit nombre de graines. | Parties usitées.— La racine. (Culture. — La filipendule est assez abondante dans la nature pour suffire à la consommation ; elle vient dans tous les sols, et se propage facilement par graines, par éclats de pieds ou par tubercules.] Récolte. — Les racines de filipendule se récoltent à la fin de l’automne. — On ne trouve ordinairement chez les herboristes que les cylindres allongés et pointus qui donnent naissance aux fibres auxquelles pendent les tubercules ; ceux-ci se rompent en larrachant de la terre. (Propriétés chimiques et usages économiques, — Les petits tubercules de filipendule sont riches en amidon et en tannin; on s’en est servi pour tanner les cuirs. | Cette plante est donc douée d’une certaine astringence. Les racines, cueillies à la fin d'automne, exhalent une odeur analogue à celle des fleurs d’oranger. Râpées fraiches, elles communiquent à l’eau une couleur rosée, et déposent une fécule amylacée dont Bergius a obtenu une colle excellente. Ces racines ont fourni dans les temps de diselte une ressource alimentaire. Gilibert en a retiré une farine de bonne qua- lité, après les avoir fait cuire et pulvériser. Les médecins savent aujourd'hui à quoi s’en tenir sur la vertu lithontripti- que qu’on leur attribuait autrefois. Mais elles sont diurétiques, ainsi que les feuilles, et se rapprochent, sous ce rapport, de la reine des prés ou ulmaire, et peuvent être employées comme celte dernière dans l’hydropisie. Leur astringence légère les fait utiliser en décoction (30 à 60 gr. par kilogr. d’eau) dans les diarrhées et la dysenterie, après la période d'irritation, et avant d’en venir à des astringents plus énergiques. (Thomas Burnet les pla- çait «inter specifica » contre la ménorrhagie.) FOUGÈRE MALE. Polypodium filix mas. L. Filix non ramosa dentata. BAUH., T.— Dryopteris. MaTTH.— Filix mas. Don. Filix mas vulgaris. PARK.— Polysticum filix mas. RoTx. — Nephrodium filix mas. RicH. — Polypodium callepteris. BERNH. Aspidium filix mas. SW. Aspide fougère mâle, — néphrode fougère mâle. FOUGÈRES. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L. Cette fougère (PI. XIX), placée d'abord parmi les polypodes, ensuite dans les aspidions (aspidium), est aujourd’hui rangée dans la tribu des polystics 138 FOUGÈRE MALE. (polystichum) ou nephrodes (nephrodium). On la rencontre partout, dans les lieux incultes, dans les bois, les haies, les lieux montueux, etc. Description. — Rhizôme, improprement nommé racine, long de 45 à 20 centi- mètres, de la grosseur du pouce, noueux, écailleux et brun à l'extérieur, blanchâtre à l'intérieur. — Feuilles amples, lisses, d’un beau vert, cassantes, deux fois ailées, à pé- tiole court, brun et couvert d’écailles caduques ; folioles alternes, rapprochées, profon- dément pinnatifides, plus longues au milieu et diminuant graduellement jusqu'à l'extrémité, qui ne présente plus qu'une pointe ; pinules de ces folioles nombreuses, dentées.— Capsules réunies en paquets réniformes, très-rapprochés, disposées sur deux rangs à la base des deux tiers supérieurs de la foliole. Parties usitées. — Le rhizôme ou couche souterraine et les bourgeons. [C'uniture. — La fougère mâle est assez commune pour qu’elle puisse suffire aux besoins de la médecine ; on ne la cultive que dans les jardins de botanique et d’agré- ment, on la multiplie par éclats de pieds.] Récolte, choix, comservatiom, etc. — Bien que l’on puisse se servir de la racine fraiche en tout temps, il vaut mieux l’arracher dans l'été. Frais, ce rhizôme est plus actif que desséché. Quant on veut le conserver, il faut, selon Soubeiran, le récolter en hiver, Malgré l'opinion de cet auteur, je pense que l’on doit plutôt le re- cueillir en été que dans les autres saisons parce qu’à cette époque il est dans toute sa vigueur, ce que l’on reconnaît à sa cassure verte. Bien l’émonder avant de le porter au séchoir. Celui qui a une teinte pâle, suivant Mayor, a peu d'effet. 11 perd une grande partie de ses qualités physiques et de ses propriétés médicales en vieillissant. Le défaut de saveur annonce sa vetusté : il faut alors le considérer comme nul et le rejeter. Il résulte des recherches de Timbal-Lagrave que l’on vend dans le commerce, sous le nom de fougère mâle, les rhizômes de toutes les fougères qui croissent dans nos campagnes, telles que l’aspidium angulare, l'aspidium aculeatum. Vathyrrum filix fœ- mina, ete. « Sans doute, dit Timbal, l’analogie des caractères botaniques peut bien « faire supposer l’analogie des propriétés thérapeutiques ; mais cela n’est vrai que dans « un certain nombre de cas. Les exceptions sont nombreuses et concluantes. » Le principe médicamenteux des plantes varie, de quantité au moins, d’individu à in dividu, suivant qu’il a poussé dans un endroit sec où humide, qu’il a été cueilli dans telle ou telle circonstance d’âge ou de saison. Souvent même toutes les parties du même végétal ne contiennent pas la même quantité du principe actif qui le caractérise. Com ment donc en serait-il autrement dans des échantillons pris parmi des espèces voisines ? Timbal, connaissant les difficultés qu'éprouve le pharmacien ordinaire à bien choisir parmi les fougères du commerce la véritable fougère mâle, trace ainsi qu’il suit leur diagnose différentielle : « Le rhizôme de la fougère mäle est de moyenne grosseur; les racines qui l’accom- « pagnent sont très-noires, fines ; les restes des pétioles sont assez ramassés, un peu « Striés, munis d’écailles pellucides, lancéolées, sétacées, toutes ramassées au sommet « du rhizôme. « Les aspidium angulare et aculeatum offrent des rhizômes très-gros, très-allongés, « à racines dures et grosses. Le reste des pétioles à aussi des écailles grandes, ovales, « aiguës, dispersées sur toute la longueur ce ces derniers. « Il serait à désirer, dit Timbal, que le Codex prescrivit de laisser à la fougère mâle, « telle qu’elle doit être vendue, les feuilles ou au moins les pétioles, afin de mieux la « distinguer de ses congénères. Ce moyen rendrait toute substitution impossible. En « effet, outre qu'on la distinguerait très-bien de laspidium angulure, il ne serait pas « possible de la confondre avec les polystichum oreopleris, dilataltum thelipteris, qui « ont les pétioles lisses et dépourvues d’écailles parce que celles-ci tombent après. « l'épanouissement des bourgeons. « L’aspidium filix fœmina se distingue aussi par ses pétioles lisses, sans écailles, fis- « tuleux, très-gros, noir foncé, et qui sont encore dépourvus de masses charnues à l’in- « térieur. « Les polypodium dryopteris, phægopteris, rhæticum, sont peu employés à la substi- « tution dont nous parlons, quoique les deux premiers soient très-répandus dans cer- « taines contrées, parce que leurs souches grèles et rampantes ne produiraient pas « assez en poids à celui qui fait la récolte. » Du travail de Timbal lon doit tirer cette conclusion pratique : qu'il ne faut pas abandonner l'emploi de la fougère mâle, très-commune en France, pour lui substituer FOUGÈRE MALE. 139 des substances exotiques très-coûleuses, avant que des expériences comparatives aient établi sa valeur exacte (1). Propriétés physiques et chimiques: usages cconomiques. — La souche de la lougère mâle est d’une odeur un peu nauséeuse, d’une saveur d’abord douceûtre, puis un peu astringente et amère. D'après l'analyse de Morin, ce rhizôme contient de l'huile volatile, une matière grasse composée d'élaïne et de stéarine, de l'acide gallique, de l'acide acétique, du sucre incristallisable, du tannin, de l'ami- don, une matière gélatineuse insoluble dans l’eau et dans l'alcool, du ligneux. Trommsdorff avait trouvé dans l'extrait éthéré de la racine de fougère mâle un corps cristallisé qu'il avait appelé filicine. Lucke a repris l'étude de ce composé qu’il nomme acide filicique. 1 se dépose sous la forme de croûtes jaunes dans l'extrait éthéré. On peut le purifier en le lavant avec de l'alcool éthéré, et en dissolvant le résidu dans l’éther bouillant, qui le laisse déposer par le refroidissement sous la forme d'une poudre blanc jaunâtre et cristalline. Get acide est insoluble dans l’eau, l'alcool faible et l'acide acétique. Il se dissout dans Palcoo! absolu bouillant et dans léther. Il fond à 161 degrés et se prend par le refroidissement en une masse transparente et d’un vert jaunâtre ; à une température plus élevée, il se décompose en dégageant une odeur d'acide butyrique. La dissolution éthérée possède une réaction acide. L’extrait éthéré de la racine de fou- gère male renferme, indépendamment de lacide filicique, une huile verte qu’on en extrait en le délayant dans un peu d'alcool et d’éther, et en précipitant par l’eau. Cette huile verte est saponifiable et fournit un acide gras liquide, que l’auteur appelle acide filixoïde (2). [Toutes ces recherches auraient besoin d’être confirmées ; d’après Deschamps (d’Aval- lon) et Gollas, le principe actif de la fougère mâle serait une matière résineuse qui est extraite par l'alcool et représentée par l'extrait alcoolique; quant à l'extrait éthéré ou huile éthérée, elle est inactive ou à peu près.] Allard, pharmacien (3), a trouvé dans le rhizôme de fougère mâle un produit astrin- gent qui lui parut propre à remplacer le cachou, le ratanhia, etc. Les bourgeons frais, suivant l'analyse de Peschier, de Genève, contiennent une huile volatile, une résine brune, une huile grasse, une matière grasse solide, des principes colorants verts et vert-brun rougeûtre, de l’extractif. C’est le mélange des corps gras et de la résine avec l'huile volatile qui donne à la souche de fougère mâle la propriété vermifuge. l kilogr. 4/2 de feuilles sèches de cette plante ont donné, par la combustion, 380 gr. de cendres, qui ont produit 60 gr. de carbonate de potasse. La cendre de fougère entre dans la composition de la porcelaine de la Chine : elle sert aussi à la verrerie et à la fabrication du savon. En Norvége et dans les contrées septentrionales de l’Europe, on mange les jeunes pousses de fougère mâle comme les asperges. Les habitants de la Sibérie font bouillir la racine dans la bière, ce qui donne à cette dernière, suivant Plenck, une odeur agréable et un goût de framboise. (Undè gratus odor saporque rubi.) Cette racine a, dit-on, servi à faire du pain en 1694 dans les montagnes de l'Auvergne. Dans quelques contrées, on la donne aux porcs pour les engraisser. Pendant les grandes sécheresses de l’été, quand les pâturages manquent, on peut aussi donner aux vaches et aux bœufs la fougère verte et tendre. Mélée à la paille. elle offre une bonne nourriture pour les troupeaux. Les feuilles de fougère servent, dans nos campagnes, à composer la couche des en- fants, Les coussins et les matelas qu’on en fait sont beaucoup plus sains que ceux qui sont faits avec la plume. On les recommande surtout aux scrofuleux et aux rachiliques. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction (à vase clos), 30 à Robiquet; on distille et on obtient une huile 60 gr. pour 1 kilogr. à réduire à 500 gr. dans la proportion de 50 gr. pour 500 gr. Poudre, 12 à 16 gr. en deux ou trois fois (mè- de fougère. — Peschier (de Genève), la pré- ler le résidu avec le premier produit). pare avec les bourgeons. Cette préparation, Extrait résineux (obtenu par l’alcool), 50 cen- à laquelle il donne le nom d’oléo-résine, est, tigr. à 2 gr. 50 centigr., en pilules, en deux d’après l’auteur, le ténifuge le plus éner- fois, le matin et le soir. gique), 2 à 8 gr., en électuaire, émul- Huile éthérée (souches réduites en poudre, que sion, etc. l’on épuise par l’éther avec l’entonnoir de (1) Compte-rendu des travaux de la Société impériale de médecine de Toulouse, 1856, p. 63 et suivantes. (2) Archive der Pharmacie et Journal de pharmacie et de chimie, 1852. (3) Journal de pharmacie, 1829, t. XV, p. 292. ho FOUGÈRE MALE. DIVERS MODES D’ADMINISTRATION. ‘a fi ricin édulcorée avec du sirop de limon sont Remède de M Nouffer. — Panade la veille administrés. Continuer ce traitement pendant au soir. Le matin, 12 gr. de poudre de racine | Aux Ou trois jours. Quand je ténia persiste, de fougère mâle; deux heures après, un des. donner un lavement avec une forte décoction r: L bols suivants : calomel et racine de scammo- | de fougère et 8 gr. d’éther. née, de chaque 50 centigr.; gomme gutte, 30 Méthode de Rouxel. — Ce médecin fait ré- centigr.; confection d’hyacinthe, @. S. pour | duire en poudre le rhizôme récemment ré- trois bols, dont un pour les enfants, deux pour | colté, en fait des bols avec du sirop de fleurs les personnes délicates, trois pour les adultes | de pêcher, et administre 30 à 36, et plus, de vigoureux, à un quart d'heure d'intervalle. | ces bols, d’environ 1 gr., dans un quart Immédiatement après, on prend une ou deux | d'heure, Deux heures après, il purge avec tasses de thé vert, et on continue cette bois- | l’huile de ricin. son pendant les évacuations, jusqu’à ce que Trousseau et Pidoux conseillent le traite- le ver soit expulsé. Si le bol ne purge pas suf- | nent empirique suivant : tisamment, on prend 8 à 15 gr. de sulfate de Premier jour, diète lactée très-sévère. magnésie dans un verre d’eau, Pour faciliter Deuxième jour, le matin, à jeûn, 4 gr. d’ex- PR + . . x F , , , e l'expulsion du ténia, le malade doit rester sur | {trait éthéré de racine de fougère mâle en quatre le bassin, continuer l’usage du thé, et pren- doses, avec un quart d’heure d'intervalle. dre, s’il le faut, une nouvelle dose de sulfate Troisième et dernier jour, 4 gr. d'extrait de magnésie. éthéré, comme la veille; un quart d'heure Méthode de Bourdier. — Donner le matin, | après la dernière dose, 50 gr. de sirop d’éther à jeun, 4 gr. d’éther suifurique dans une dé- | pris en une seule fois; une demi-heure plus coction saturée de racine de fougère mâle; au | tard, un looch blanc avec addition de 3 gouttes bout d’une heure, le malade éprouve du trou- | d’huile de croton tiglium. ble dans le bas-ventre ; alors 60 gr. d’huile de [Nous avons parlé ailleurs de l’association des graines de citrouille avec l'extrait al- coolique de fougère mâle. (Voyez GITROUILLE.)] La fougère était connue dès la plus haute antiquité comme plante médici- nale, et notamment comme vermifuge. Dioscoride, Galien, Pline et Aëtius la signalent comme ténifuge, et Avicenne ajoute qu’elle provoque l’avorte- ment. A une époque plus rapprochée de nous, on a en outre préconisé la souche de cette plante comme adoucissante, tonique et astringente; elle a été em- ployée contre la goutte, le rachitisme, le scorbut, les embarras viscéraux. On à été jusqu’à lui attribuer la propriété d'activer la sécrétion du lait, de rappeler l'écoulement des règles, et de provoquer, ainsi que l'avait dit Avicenne, l'expulsion du fœtus. Les auteurs des siècles derniers, à l'exception de Simon-Pauli, F. Hoff- mann, N. Andry et Marchand, ont révoqué en doute la vertu ténifuge de la fougère mâle. Cullen la regarde comme inerte, parce que, dit-il, l'estomac en supporte des quantités considérables sans malaise, comme si cette sub- stance ne pouvait agir d’une manière spéciale et toxique sur les entozoaires en général et en particulier sur le tænia, sans porter sérieusement atteinte à la muqueuse gastro-intestinale. Alibert et Guersent disent n'avoir retiré au- cun avantage de cette racine employée seule, et attribuent aux drastiques, à la gomme gutte, à la scammonée, les effets du remède de M"° Nouffer (Voyez Préparations pharmaceutiques et doses), remède que Louis XV acheta 1,800 fr. et dont l'importance diminua dès qu'il fut connu. Cependant des observateurs judicieux tels que Gmelin, Hufeland, Went, Kroll, attestent que le rhizôme de cette plante a pu seul, et sans l’associa- tion d’aucune substance, tuer et expulser le tænia. Rouzel (1), de Saint- Etienne-aux-Claux (Corrèze), dit avoir administré ce ténifuge avec succès plus de cent cinquante fois pendant une pratique de quarante ans (Voyez Préparations pharmaceutiques ci-dessus). Ce praticien cite deux cas de réus- site où la racine de grenadier avait échoué. Daumerie, de Bruxelles (2), à rapporté quatre cas de succès, dont deux dans lesquels le ver a été expulsé en entier sans le secours d'aucun autre médicament. — Un de mes amis, (1) Revue médicale, octobre 1840. (2) Archives de la médecine belge, septembre 184. FOUGÈRE MALE. h4A âgé de trente-neuf ans, avait inutilement employé trois fois la racine de fougère mâle en poudre jusqu'à la dose de 50 gr., en ayant soin de pren- dre ensuite 60 gr. d'huile de ricin en une seule dose. La quatrième fois, il fit précéder l'emploi du même remède de l'usage abondant de la carotte crue pour toute nourriture pendant six jours. Le ver, qui le tourmentait depuis près de six ans, fut alors expulsé tout entier. Un cultivateur âgé de trente etun ans, d’une constitution délicate, d’un tempérament lymphatique, atteint du tænia depuis plusieurs années, en fut délivré en prenant pendant trois jours à jeun 30 gr. de racine (rhizôme) de, fougère mâle pilée avec autant de miel et réduite en pulpe. C'est le mode d'administration le plus simple et probablement le plus efficace. L’extrait résineux de fougère mâle s’est montré d’une efficacité incontes- table contre le tænia. Ebers, de Breslau (1), rapporte huit observations qui constatent que l'administration de ce médicament à produit un prompt et heureux résultat. Suivant ce médecin, il tue le tænia et il expulse aussi les lombrics, mais vivants. La dose prescrite était de À gr. 25 centig., en deux fois, sous forme de pilules. Comme ce remède parait avoir pour propriété de tuer le ver plutôt que celle de l’expulser, un purgatif était ad- ministré le lendemain. Huit autres observations (2) attestent également la propriété ténifuge de cet extrait, que d’autres médecins tels que Radius, Tott, Kierser, etc., ont aussi employé avec succès. II m’a procuré un résul- lat aussi heureux que prompt chez une femme de chambre anglaise qui, depuis un séjour de six années consécutives en Suisse, était attaquée d’un tænia contre lequel elle avait inutilement employé l'écorce de racine de grenadier, la racine de fougère en poudre, l'huile essentielle de térében- thine, etc. D'après Peschier (3), l’oléo-résine de bourgeons de fougère mâle a provo- qué, dans l’espace de neuf mois, l'expulsion de plus de cent cinquante ti- nias. Patin (4), dans un voyage qu'il fit à Genève, eut occasion de voir admi- nistrer ce médicament par Peschier, et, à son retour à Paris, il l’'employa avec succès dans deux cas. L'oléo-résine, préparée selon la méthode de Peschier, est, suivant Trousseau et Pidoux, un remède plus puissant encore, comme tænifuge, que l'écorce de grenadier. Christison (5) a fait connaître les résultats obtenus de l'emploi de l'extrait éthéré de fougère mâle, soit par lui, soit par quelques-uns de ses confrères, dans vingt cas de tænias bien constatés. Dans tous ces cas, le tænia fut rendu après une seule dose du médicament, et ordinairement en une seule masse. Quelquefois même il fut expulsé sans aucun purgatif. Le plus souvent le remède ne causa aucune douleur pendant son action, ce que les malades qui avaient déjà pris d'autres vermifuges d’un effet plus ou moins désa- gréable faisaient remarquer. Chez quelques individus, toutefois, il y eut des coliques, des nausées, une sensation pénible dans le bas-ventre, et même des vomissements. Dans deux cas seulement, il y eut récidive après six mois environ. Christison pense qu'il est prudent d’administrer le médicament une fois par mois, pendant un certain temps, attendu que des œufs restés dans l'intestin peuvent reproduire le ver, comme la tête elle-même, en reprodui- sant de nouveaux anneaux. Ce médecin cite le cas d’un malade qui avait pris un grand nombre de fois l'huile essentielle de térébenthine, et chez lequel depuis vingt ans le tænia se reproduisait à des intervalles de quel- ques mois. Une dose d’extrait éthéré de fougère mâle fit expulser un très- long tænia. Depuis, huit mois s'étaient écoulés sans récidive. Christison (1) Revue médicale, 1898, t. IT, p. 237. (2) Gazette de santé, septembre 1898. (3) Bibliothèque universelle, avril 1828. (4) Gazette des hôpitaux, novembre 1840. (5) Monthly Journ. of med., 1853, et Bulletin de thérapeutique, t. XLV, p. 477. 42 FRAISIER. donnait d’abord l'extrait de fougère mâle à la dose de 1 gr.; mais on peut. selon lui, le donner à la dose de 1 gr. 25 centigr. La dose prescrite par Peschier, de Genève, est de 2 à 4 gr. Les résultats obtenus par le professeur d'Edimbourg sont de nature à appeler l'attention des praticiens et à leur faire préférer, à mérite égal, la fougère mâle, plante indigène que l’on trouve partout, au kousso, substance exotique d’un prix élevé, et qui, comme tant d’autres, nous arrivera tôt ou tard altérée par le temps, ou falsifiée par la cupidité. (Pour le cheval, on emploie la poudre de rhizôme de fougère mâle, en décoction, dans l’eau, à dose de 250 gr.; pour les bœufs et les vaches, à celle de 130 gr.; et à celle de 32 à 64 gr. pour le mouton, le veau et le chien.) FOUGÈRE FEMELLE. — PTÉRIDE, — PORTE-AIGLE, — GRANDE FOUGÈRE FEMELLE, — FOUGÈRE COMMUNE. — Pobypodium filix fœmina, L. — Pteris aqui- lina. — Filix ramosa major, Bauh., T. — Celle fougère est abondante dans les terres légères, sablonneuses et humides. Beseription. — Souche perpendiculaire, fusiforme, simple, noire, blanchâtre intérieurement, offrant sur sa coupe transversale une figure noirâtre formée par la sec- tion des faisceaux vasculaires et représentant un double aigle héraldique (aigle de la maison d'Autriche), — Frondes très-grandes, hautes quelquetois de 4 à 2 mètres: trois où quatre fois ailées; les pinnules fort nombreuses, petites, ovales-allongées, un peu aiguës; celles qui terminent chacune des divisions principales de la fronde lancéolées, loutes entières. — Fruits formant une ligne continue bordant toutes les divisions des frondes, dont le tégument est formé par le bord même replié en dessous (Richard). Celle fougère est d'une saveur àpre, peu agréable. Elle contient, outre divers prin- cipes, une certaine quantité de fécule. Elle fournit beaucoup de potasse. On la brûle comme la fougère male et d’autres espèces de fougères, pour en faire de la cendre qui sert aux verreries. Bosc dit qu’on pourrait en extraire toute la potasse dont la France a besoin. On peut aussi s’en servir au tannage des cuirs. On la brûle sur les terres pour les fertiliser. La fougère femelle a été aussi préconisée comme ténifuge. Malgré les as- serions de Haller, d’Alston et d’Andry, qui ont élevé sa vertu anthelmin- thique au-dessus de celle de la fougère mâle, les effets réels de ce médica- ment sont encore à constater, attendu qu’on l’a presque toujours associé à diverses substances résineuses et purgatives plus ou moins énergiques. La vertu abortive qu’on lui a attribuée de temps immémorial mérite, comme celle de la fougère mâle, l’examen attentif des praticiens. FRAISIER. Fragaria vesca. L. Fragaria vulgaris. G. BAun., T.— Fragaria ferens fraga rubra. J. BAvK. OSACÉES, — DRYADÉES. Fam. nal. — ICOSANDRIE POLYGYNIE. L. Tout le monde connaît cette plante vivace et surtout les fruits agréables qu'elle porte. Deseription.— Racines noirâtres, fibreuses, cylindriques, rameuses. — Tiges herbacées, stolonifères, velues. — Feuilles radicales, trifoliolées. — Fleurs blanches, terminales (au printemps et en été). — [Galice à cinq divisions, étalé, accompagné d’un calicule aussi à cinq divisions. — Corolle rosacée à cinq pétales entiers. — Etamines très-nombreuses insérées sur le calice. ]— Fruit: akènes petits, durs, portés sur un ré- ceplable charnu et succulent (fraise). Parties usitées. — Les racines, les feuilles et les fruits. (Culture. — Le fraisier est peu difficile sur le choix du terrain et il exige peu de- chaleur pour arriver à maturité. Le nombre considérable de variétés de fraises a été: divisé par Porteau en six classes que l’on distingue par leur poyt, leur couleur, la gran- deur et la structure des fleurs et aux qualités de leur fruit; toutes aiment une terre douce, chaude, substantielle, riche en engrais bien consommé sans être trop forte; elle FRAISIER. AS préfère l’eau que le jardinier lui donne à celle des pluies ou de l'humidité naturelle du sol : on la multiplie par stolons ou drageons et rarement par semis, à moins qu'on ne cherche à obtenir des variétés, ] Récolte. — On arrache la racine en automne ou pendant l'hiver pour la conser- ver, et pendant toute l’année pour lemployer immédiatement. Transplanté dans les jardins et cultivé, le fraisier produit de nombreuses variétés de fruits; mais ces fruits perdent cette saveur exquise et cette odeur délicieuse qu'ils ont dans létat sauvage. Les grosses fraises, telles que les ananas, les chilis, etc., estimées pour leur volume, leur bel aspect, sont bien moins savoureuses et plus indigestes que la fraise des bois. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — On mange le fruit seul ou avec du sucre, du vin, de l’eau, du suc de citron, de la crème ; on en fait une boisson tempérante et rafraichissante en les écrasant dans Peau. On peut en préparer une sorte de vin, en retirer du sucre, de l'alcool. Le principe aro- matique de ce fruit passe avec l’eau distillée. « La fraise donne, dit Slan. Marlin (1), un hydrolat, qui ne devient agréable que lorsqu'il a vieilli cinq à six mois ; il faut, pour l'obtenir, mettre dans l'eau de l’alambic quelques poignées de muriate de soude, L’hy- drolat de fraises peut être employé comme parfum, pour aromatiser des pastilles, des sirops. Afin que les fraises ne soient pas trop longtemps soumises à la chaleur, on doit, d’après Stan. Martin, employer, pour la préparation du sirop de fraises, le mode sui- vant : on met dans un vase, qui ne doit être ni en bois ni en métal, des couches super- posées de fraises et de sucre pulvérisé ; on dépose ce mélange à la cave; le lendemain, on le jette sur un tamis en crin, au travers duquel le jus s'écoule. Ce jus est mis en bouteille et chauffé d’après le procédé Appert. Ainsi préparé, le sirop de fraises est d’une belle couleur, d’une odeur agréable et d’une saveur qui rappelle celle de la fraise. Il peut être conservé d’une année à l’autre sans s’altérer. » [D’après Buignet, la proportion et la nature des sucres varient beaucoup dans les fraises ; ainsi les fraises Colline d'Ehrhavelt renferment, pour 100 de matière sucrée, 56 de sucre de canne et 44 de sucre interverti; les fraises renferment encore de la pectine, de.lacide pectique, de l’acide malique, etc. | La racine de fraisier est d’une odeur nulle, d’une saveur amère et astringente. Sa décoction est d’une couleur rouge. Elle contient du tannin et de l'acide gallique. Substance incompatible. — Le sulfate de fer. Pallas dit que la racine du fraisier porte une sorte de cochenille. Feuilles de fraisier, comme succédané du thé. « M. Klekzinsky, à Vienne, rapporte que les feuilles de fraisier des forêts, recueillies immédiatement après la maturation des fruits, donnent une boisson diététique agréable. On les fait sécher au soleil, ou on les torréfie légèrement sur des plaques chaudes. Dans le premier cas, on obtient une infu- sion un peu verdàtre, dans le second, un peu brunâtre, d’odeur agréable, de saveur astringente, qui rappelle celle du thé de Chine. La légère torréfaction rend la chloro- phylle renfermée dans ces feuilles insoluble dans l’eau, et dissipe en même temps le peu d’odeur herbacée inhérente à la plupart des infusés de feuilles fraiches (2). La racine et les feuilles de fraisier sont diurétiques et un peu astringentes. Elles sont fréquemment employées en décoction (30 à 60 gr. par kilogr. d'eau) dans les affections des voies urinaires, dans quelques hémorrhagies passives, surtout dans l’hématurie lorsque l’irritation est calmée, dans la période d’atonie des diarrhées, etc. L'usage de la décoction de racine de fraisier donne aux urines une teinte rosée, et les excréments rougissent. On trouve dans un recueil scientifique d'Amérique, le Southern medical and surgical Journal, l'exposé de diverses expériences tentées par Blackburn avec les feuilles du fraisier sauvage dans la dysenterie. Ce médecin à fait usage des feuilles de fraisier sous toutes les formes, dans le traitement de cette maladie; mais voici la formule à laquelle il s’est arrêté comme étant la meilleure : Pr. feuilles vertes 375 gr., bonne eau-de-vie 1 litre 15 centi- litres ; faites bouillir jusqu’à ce que le liquide soit réduit à 55 centilitres. SR PR D (1) Bulletin de thérapeutique, t. XLVIII, p. 544. : ; ° ; (2) Wiener medizinische Wochenschrift et Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1855, p. 433. hhh FRAISIER. Filtrez. On administre cette boisson par cuillerées à bouche toutes les trois heures jusqu'à ce que les symptômes alarmants aient disparu. Blackburn cite plusieurs observations desquelles il résulte que, dans des cas de dysente- rie où les moyens ordinaires avaient échoué, il a suffi de dix cuillerées de la décoction de feuilles de fraisier pour produire une amélioration qui, bientôt, a fait place à une guérison complète. Malgaigne à publié dans le Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XIX, une observation très-intéressante de diarrhée chronique, avec ané- mie profonde, guérie par le même moyen. Les fraises sont rafraichissantes et tempérantes. Elles conviennent aux tempéraments bilieux et sanguins. J’ai vu une gastro-entérite chronique survenue à la suite de l’abus des spiritueux, chez un cultivateur âgé de trente-quatre ans, d’une constitution sèche, d’un tempérament nerveux, se dissiper entièrement par l’usage des fraises mangées en grande quantité et presque comme seul aliment pendant un mois. Cette cure eut lieu en 1896. Depuis celte époque, aucun symptôme de gastrite n’a reparu. On sait que Linné parvint à se garantir des attaques douloureuses de la goutte par ce moyen, et que plusieurs goutteux ou calculeux en ont fait avec succès leur principale nourriture. Le Journal de chimie médicale (année 1840) rapporte que Sauquet, pharmacien à Sigeau, a adressé à la Société des sciences phy- siques une observation relative à un de ses amis qui s'était délivré de la goutte en mangeant annuellement, soir et matin, des fraises. On a aussi con- seillé l’usage de ce fruit contre la jaunisse, la phthisie, la bronchite avec toux sèche et chaleur des voies aériennes. Van Swieten rapporte que des maniaques ayant mangé jusqu'à 20 fivres de fraises par jour, pendant plusieurs semaines, ont été complétement rendus à la raison... (?) Gilibert et Hoffmann citent des guérisons de phthisie qui n'étaient sans doute que des catarrhes pulmonaires, des inflammations chro- niques de la poitrine, accompagnées, comme cela a souvent lieu, de fièvre lente et de marasme. Gesner rapporte que le suc exprimé des fraises, ma- céré dans l'esprit de vin, administré à la dose d’une cuillerée à bouche chaque matin, a puissamment soulagé des’ personnes atteintes de la pierre. Boerhaave dit que la propriété diurétique réside plus particulièrement dans les fruits, improprement appelés graines ; il les prescrit infusées dans du vin blanc. Liébig a prouvé par l’analyse que, pendant l'usage des fraises, l’urine cessait de contenir cet excès d’acide urique qu’elle présente quelquefois chez les individus sujets ou prédisposés à la néphrite calculeuse. Ce fait confirme les observations des auteurs que nous venons de citer. Gelneck (1) assure que les fraises sont anthelminthiques ; il en fait manger aux malades qui ont le tænia, et auxquels il doit faire subir un traitement. Les fraises déterminent, chez certaines personnes, une éruption, une sorte de roséole occupant une étendue plus ou moins grande, et surtout marquée au cou et à la face. J’ai observé ce fait sur moi-même jusqu’à l’âge de trente ans environ. J’ai pu ensuite m'habituer peu à peu à l’usage de ce fruit sans en être incommodé. La décoction de la racine et des feuilles de fraisier est employée à l’exté- rieur en gargarisme dans l’angine, et en lavement dans les diarrhées et vers la fin de la dysenterie. Les feuilles pilées ont été préconisées par Nébel (in Mérat et Delens) comme topique pour guérir les ulcères. On prescrit par- fois l’eau distillée de fraise ou celle de la plante comme cosmétique. Pour enlever les taches de hâle, on se sert avec avantage, dit-on, d’un topique de fraises légèrement écrasées, appliqué la nuit sur le visage. (1) Journal de Hufeland, 1824. FRAMBOISIER, — FRAXINELLE, U45 FRAMBOISIER. Rubus idœus. L. Rubus idœus spinosus. C. BAUH. — Rubus idœus spinosus fructu rubro. J. Pau. ROSAGÉES. — DRYADÉES. Fam. nat, — ICOSANDRIE POLYGYNIE. L. Le framboisier croît naturellement dans les bois de toute la France, et est cultivé dans nos jardins pour ses fruits, qui sont gros, blancs, gris ou rouges, parfumés, et mûrs en juillet. Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques, — Les framboises ont une odeur suave et fragrante et une saveur aromatique et acide très-agréable, [Elles renferment une huile essentielle, de l'acide malique, de l'acide ci- Lrique, de la pectine, du sucre, une matière colorante rouge, uue matière azotée (Bley), dont l’eau, le vin, alcool et le vinaigre s'emparent. On mange les framboises avec du sucre, seules ou mêlées aux fraises, aux groseilles, etc. On en fait du ratafia, du vinaigre framboisé, une sorte de vin, de lhydromel, etc. On en obtient, par la fermentation, une liqueur alcoolique. Elles servent à aromatiser les glaces; on les conserve entières dans des sirops, de l'alcool faible sucré, ou par la méthode d’Appert. | Ecrasées dans l’eau ou en sirop, les framboises forment une boisson ra- fraichissante qui convient dans les fièvres inflammatoires, bilieuses, l’an- gine, le scorbut, etc. Les feuilles du framboisier, inodores et légèrement styptiques, ont les mêmes propriétés que celles de ronce. On s’en sert en gargarisme dans les irritations phlegmasiques de la gorge et comme détersives. Suivant Mac- quart, ses fleurs sont sudoriiques comme celles de sureau. FRAXINELLE. Dictamnus albus. L. Dictamnus albus, vulgo, sive fraxinella. BAUH. — Fraxinella. ToURN. Dictame blanc. RUTACÉES.— DIOSMÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE MONOGYNIE. L. La fraxinelle (PI. XIX) est une belle plante vivace qui croît spontanément sur les collines pierreuses et dans les bois élevés de la France méridionale, de la Suisse, de l'Italie, de l'Allemagne, etc., et cultivée dans les jardins pour la beauté de ses fleurs. Elle résiste aux hivers les plus rigoureux de nos climats, et elle prospère dans presque tous les terrains et à toutes les expositions. Description. — Racines blanches, épaisses, rameuses. — Tiges simples, cylin- driques, rougeàtres, velues, glanduleuses, droites, de la hauteur de 60 à 80 centi- mètres. — Feuilles alternes, pétiolées, ailées, avec une impaire, ressemblant en quelque sorte à celles du frêne (d’ou le nom de fraxinelle); folioles ovales-aiguës, d’un vert lui- sant, denticulées, parsemées de points transparents. — Fleurs alternes, pédonculées, formant une belle grappe terminale blanche ou purpurine (juin-juillet). — Calice pubes- cent, glanduleux, visqueux (ainsi que le pédoncule), d’un rouge-brun. — Corolle à cinq pétales dont quatre supérieurs et un inférieur. — Dix étamines, [longues, inégales, dé- clinées vers la partie supérieure de la corolle, à filets pubesrents à la base, glanduleux, rougeâtres et recourbés au sommet; anthères obluses. — Ovaire stipité, globuleux, à cinq angles arrondis, couvert de poils et de glandes d’un rouge foncé, à cinq loges trio- vulées, surmonté d’un style court.] — Fruit : capsule à cinq loges et à cinq côtes. Parties usitées, — La racine. [Culture.— Le dictame blanc demande une terre franche et une exposition chaude ; on le propage de graines semées en terrines ou en plates-blandes ; aussitôt après leur maturité on les repique en pépinière et on les multiplie aussi par éclats de pieds, ] Récolte, — Ne présente rien de particulier, — La racine de dictame, en matière #16 FRÊNE. médicale, est celle de fraxinelle, tandis que les feuilles de dictame désignent les feuilles du dictame de Crète. La partie ligneuse de la racine du dictame blanc est inerte ; on la sépare de l'écorce, qu'on livre au commerce en morceaux de la longueur de 2 à 3 cen- Limètres, de couleur blanchâtre, roulés sur eux-mêmes comme la cannelle, d’une saveur aromatique, amère, àcre, résineuse,. Propriétés physiques et chimiques. — La fraxinelle exhale une odeur forte, penélrante, analogue à celle du citron, due à l'huile volatile contenue dans les nombreuses glandes ou vésicules répandues dans toutes les parties de la plante. Dans les temps chauds, surtout vers le crépuscule, cette vapeur aromatique se condense, s’en- flamme à l'approche d’une bougie, et offre le spectacle curieux d’une auréole lumi- neuse qui n’endommage pas la plante. l PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 15 à 30 gr. par La racine de dictame blanc entre dans l’eau kilogramm® d’eau, de bière ou de vin. générale, la confection d'hyacinthe, l’opiat de Poudre, de 4 à 10 gr., en bols, pilules, où | Salomon, l’orvictan, la poudre de Guttète, le dans du vin. baume de Fioraventi, etc. Teinture (1 de racine fraiche sur 8 d’alcool), de 4 à 2 gr. en potion. | La racine de fraxinelle est tonique, stimulante, diaphorétique. Gesner et Stæœrck l’ont vantée comme fébrifuge, anthelminthique, emménagogue, antispasmodique, etc. La teinture alcoolique de cette racine paraît avoir été administrée avec avantage par Stœrck à deux épileptiques, dans un cas d'aménorrhée, et chez plusieurs malades pour expulser les vers lombrics. Radius prescrit un électuaire antiépileptique composé de 15 gr. de ragine de fraxinelle en poudre, de 60 gr. de menthe poivrée et de quantité suffi- sante de sucre, à la dose d’une cuillerée à café toutes les trois heures. « Malgré l’action puissante que ce médicament paraît exercer sur l’éco- nomie animale, dit A. Richard (1), les médecins modernes en ont presque totalement abandonné l'usage.» Cette plante, peut-être trop vantée par Stærck, ne mérite pas l’oubli dans lequel elle est tombée. En réduisant ses vertus à ce qu’elles ont de réel, elle peut encore être un précieux stimulant diffusible, convenable dans les affections atoniques en général, et en parti- culier dans le scorbut, les scrofules, la chlorose, l’hystérie anémique, l’amé- norrhée avec inertie utérine, la leucorrhée de même nature, les fièvres inter- mittentes et les cachexies qui suivent ou accompagnent l'infection palu- déenne, certaines névroses, etc., etc. Les feuilles de la fraxinelle, d’après Gmelin, sont employées en Sibérie comme succédanées du thé. L'eau distillée des fleurs est usitée comme cos- métique dans le midi de l’Europe. FRÊÉNE. Fraxinus excelsior. L. Fraxinus excelsior. BAUH. — Fraxinus vulgaris. PARK. Fraxinus apetala. GATER. Frène commun, — frêne élevé, — grand frêne, — frêne nudiflore, — quinquina d'Europe. OLÉINÉES. — FRAXINÉES. Fam. nat. — POLYGAMIE DIOECIE. L. Cet arbre croît dans toute l’Europe et est connu de tout le monde. Les émanations délétères de son feuillage sont très-nuisibles aux végétaux qui, par le voisinage, en reçoivent l'influence. La cantharide ordinaire (lytta vesic.) habite le frêne dans le Midi, et en est avide au point de laisser à peine à ses feuilles le temps de se développer. Les feuilles de frêne sont brou- tées avec avidité par les chevaux, les bœufs, les chèvres et les moutons. Elles donnent au lait des vaches qui s’en nourrissent une saveur désagréa- (1) Dictionnaire de médecine, 2° édition, t. XIII, p. 511. FRÊNE. h47 ble. On connait l'utilité du frêne dans les arts et dans l’économie rurale et domestique. Deseription. — Tronc droit, élevé, revêtu d’une écorce unie et de couleur cen- drée ; branches opposées, rameaux verdàtres. — Feuilles opposées, ailées, composées de neuf à treize folioles imparipennées, ovales, lancéolées, dentelées, glabres, d’un vert un peu foncé en dessus ; pétiole renflé à son insertion, — Fleurs sans pétales, hermaphro- dites ou femelles sur des pieds séparés, quelquefois sur le même pied; les hermaphro- dites ayant deux étamines, un pistil conique, fendu au sommet.— Fruits : samares mem- braneuses, oblongues, un peu comprimées, terminées par une languette membraneuse, ce qui les fait appeler langue d'oiseau (lingua avis); ayant une loge renfermant une se- mence allongée, comprimée, roussâtre. Parties usitées. — L'écorce, l'écorce de la racine, les feuilles et les fruits. [Culture.— Le frêne croît dans les terrains les plus secs comme dans les plus marécageux ; on le propage aisément par ses graines qui lèvent spontanément dans les lieux frais et ombragés; cette espèce a donné plusieurs variétés parmi lesquelles nous citerons les fraxinus jaspidea, Dest.; aurea, Willis; argentea, Dest.; pendula, Aït; horisontalis, Desl.; verrucosa, Dest.; monophylla, Dest.; atrovirens, Desl., et cris- pa, Bosc. | Récolte. — Les feuilles de frène doivent être cueillies lorsqu'elles laissent suinter une espèce de gomme visqueuse, ce qui à lieu, selon les climats, au mois de mai ou de juin. On les fait sécher à l'ombre. Ces feuilles valent mieux sèches-que vertes. Les écorces doivent être prises au printemps de préférence sur des branches de trois à quatre ans, séchées promptement et conservées dans un lieu sec. Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles ef l'écorce ont une saveur amère, âcre et astringente. Leur décoction noircit par le sulfate de fer. La quantité de lannin que contient l'écorce la rend propre au tannage des cuirs. On retire ‘de cette écorce une couleur vert pomme, d’après Dambourney, et de son bois, à l’état frais, une couleur vigogne. — Les semences on! une saveur âcre et piquante. Elles recè- lent un principe amer et un peu aromatique et du tannin. En Angleterre le peuple les cueille avant leur maturité pour les confire dans le vinaigre et les employer comme as- saisonnement culinaire. Mandet, pharmacien à Tarare (1), dans l’étude qu'il a entreprise de nos fébrifuges in- digènes, a concentré ses recherches sur l'écorce du frêne. Afin de rendre l’expérimen- tation clinique plus facile, il a eu l’idée d’en isoler le principe actif, auquel il a donné le nom de fraæinine, et que Mouchon, qui a aussi obtenu le même principe, a appelé fraxinile. On l'obtient en agitant le décocté de l'écorce avec du charbon et traitant en- suite par l'alcool; 1,000 gr. d’écorce à son maximum de développement (de 4 centimètre à 1 centimètre 1/2 d'épaisseur) doivent rendre 30 gr. de principe actif. La fraxinine de Mandet n’est pas un alcaloïde, mais un principe amer combiné à un acide tannique particulier dans lequel sont concentrées toutes les propriétés fébrifuges de l'écorce de frêne. Garot (2) a trouvé dans cette écorce 16,100 de malate de chaux. [I ne faut pas confondre la fraxinine de Mandet avec celle qui a été extraite par Keller des F. ornus et rotundifolius, qui, d’après Rochelder et Schwartz, ne serait que de la mannile. | PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L’EXTÉRIEUR. — Décoction de l'écorce, 15 à | Décoction ou infusion des feuilles, comme laxa- 60 gr. par kilogramme d’eau. tif, 8 à 15 gr. pour 250 gr. d’eau. Poudre de l'écorce, 10 à 24 gr., comme fébri- | Décoction ou infusion des semences, comme fuge. Cette dose est répétée trois ou quatre tonique et diurétique, 10 à 30 gr. par kilo- fois par jour dans l’intermission, pendant gramme d’eau. plusieurs jours. Poudre des semences, comme tonique et diu- Extrait aqueux de l’écorce, comme fébrifuge, rétique, 4 à 15 gr. en substance dans le vin, k à 8 gr. en électuaire, etc. Extrait alcoolique de l'écorce, comme fébri- fuge, 2 à 4 gr. A L’EXTÉRIEUR. — Décoction des feuilles ou de Décoction de l’écorce de la racine, comme pur- la racine, en lavements, fomentations, lo- gatif, 45 gr. pour 750 gr. d’eau (Martin- tions, cataplasmes, etc. — Feuilles sèches Solon). Ê chauftées. (1) Revue médicale, mai 1853. (2) Revue pharmaceutique, 1853, p. 54. 418 Fraxinine, comme fébrifuge, de 1 à 2 gr., en électuaire, pilules, etc. MÉDICATION CONTRE LE RHUMATISME ET LA GOUTTE. 1° Décoction des feuilles sèches, 10 à 20 gr. pour 200 gr. d’eau, après l’avoir ou non su- crée et aromatisée (avec une pincée de feuilles de menthe), par tasses à thé, toutes les trois heures, ou seulement le matin à jeun, et le soir apres la digestion des derniers repas, sui- vant l’intensité de l’affection ; 2° en lavements fractionnés, au nombre de deux ou trois par jour, ayant pour base la même formule que la tisane; 3° feuilles appliquées et mainte- nues, pendant un temps plus ou moins long (quelques heures), sur les points douloureux, d’autres fois sur tout le corps, le visage ex- cepté, après les avoir préalablement fait chauf- fer un peu dans une étuve quelconque (Dela- rue). FRÊNE. faites infuser pendant trois heures dans deux tasses d’eau bouillante (100 gr.); passez à tra- vers un linge et édulcorez. — Dans le cas de goutte aiguë, et au commencement surtout de l’attaque avec ou sans fièvre, on doit faire infuser 2 gr. dans trois tasses d’eau que l’on prend : l’une le soir au moment de se coucher, l’autre le matin au lit ou en se levant, et la troisième au milieu de la journée, entre les deux repas. On continue cette médication une huitaine de jours après la disparition des symptômes, à la dose seulement de 4 gr. en poudre pour deux tasses d’infusion. — Dans la goutte chronique, on peut se contenter de deux tasses d’infusion par jour, une le soir et l’autre le matin ; mais le traitement doit être continué pendant plus longtemps.— En ayant recours à ce même mode de traitement tous les mois, pendant huit à dix jours environ, les attaques peuvent être éloignées plus ou moins indéfiniment. (Pouget.) Feuilles sèche de frêne en poudre fine, 1 gr.; L'écorce de frêne est tonique et astringente. Elle a été préconisée dans les hémorrhagies passives, les diarrhées et les dysenteries chroniques, le scorbut , les affections scrofuleuses, la syphilis secondaire ou tertiaire, comme succédanée du gaïac, la goutte atonique, et surtout contre tes fièvres intermittentes. Boerhaave à dit que l'écorce de frêne, comparée à celle de quinquina, avait, à doublé dose, la même efficacité comme fébrifuge. Christophe Helwig (4) l'appelle le quinquina d'Europe, Kniphof, dans son Examen des fébrifuges, publié à Erfurt en 1747, place cette écorce à côté de l'écorce du Pérou. Coste et Wilmet l'ont administrée en poudre, à la dose de 8 gr. réitérée de quatre heures en quatre heures, à douze malades atteints de fièvres d'accès ; huit ont été guéris; les autres n’en ont éprouvé aucun effet. Burtin l’a prescrite avec succès à la même dose que le quinquina dans une fièvre tierce. Murray (2) dit qu'on peut en donner jusqu'à 45 gr. entre deux accès. D'un autre côté, Torti (3) n’en a obtenu aucun effet fébrifuge. Linné la dit fort inférieure au quinquina, et Chaumeton assure l'avoir employée sans succès. Ces résultats contraires ne sauraient infirmer les faits cités plus haut et observés par des praticiens distingués et dignes de foi; mais ils prouvent seulement que l’écorce de frêne, comme le quinquina lui-même, ne réussit pas toujours. Ne voyons-nous pas quelquefois des fièvres inter- mittentes céder à l'usage des fébrifuges indigènes, tels que l'écorce de saule, la centaurée-chausse-trappe, la gentiane, la camomille, etc., après avoir ré- sisté au sulfate de quinine ? J'ai employé l'écorce de frêne dans six cas de fièvre d’accès, tierce ou double tierce. J'en faisais prendre la décoction à la dose de 30 gr. dans 900 gr. d’eau, répétée une et quelquefois deux fois dans l'intervalle apyré- tique. Les accès furent coupés chez trois malades, du troisième au cin- quième jour de traitement. Je dois dire que chez l’un d’eux la maladie avait déjà diminué d'intensité. Des trois autres malades, deux guérirent au moyen d’une forte décoction d’écorce de saule et de feuilles de calcitrape, après avoir inutilement pris l'écorce de frêne; et le troisième, dont l’état s'était seulement amélioré, ne fut complétement débarrassé que par l’emploi de quelques doses légères de sulfate de quinine. (1) De quinquinà Europeorum; Dissertation inaugurale, 1712. (2) Appar. med., t. IL, p. 535. (3) Thérapeutique spéciale, ete., p. 19. FRÊNE. L19 Mandet (1) dit que l’expérimentation de la fraxinine a dépassé ses espé- rances comme fébrifuge. Donnée à la dose de 1 gr. 50 centigr. pendant quatre jours, elle a suffi, dit-il, pour arrêter une fièvre intermittente, con- tractée en Afrique, laquelle avait résisté à des doses élevées de sulfate de quinine. Cette même substance a fait aussi complétement disparaître en six jours une fièvre intermittente irrégulière datant de cinq années, survenue à la suite d’un accouchement, et qui redoublait aux époques menstruelles, I] est à désirer que d’autres faits viennent confirmer l’opinion avantageuse que ce nouveau produit à fait concevoir, et que les propriétés de l’écorce qui le fournit justifient déjà jusqu'à un certain point. Thomas Burnet dit qu’une femme atteinte d’un flux hépatique depuis six mois, et qu'aucun remède n'avait pu guérir, fut débarrassée en très-peu de temps, en prenant chaque matin 4 gr. de poudre de l'écorce moyenne de frêne dans un peu de vin d'Espagne. Bauhin et Glauber ont préconisé l'écorce de frêne däns le lithiasis et dans la néphrite chronique. D’après une observation de Martin Solon (2), l'écorce de la racine de frêne serait éméto-cathartique. Cinq observations rapportées par Dubois, de Tournai, établissent solidement cette propriété. J'ai vu un paysan, âgé de cinquante ans, se guérir très-promptement d’une leuco-phlegmatie, par l’usage d’une tisane faite avec l'écorce de racine de frêne, à la dose, chaque jour, de 60 gr. environ pour 1 litre d’eau. Cette tisane produisit d’abord un effet purgatif, et ensuite une diu- rèse abondante. Wauters (3) a employé comme vésicant le mélange à parties égales de cendres neuves et d'écorce moyenne de frêne finement pulvérisée, avec ad- diuion d’une suffisante quantité d’eau pour en faire une pâte qu’on applique entre deux linges frais sur la peau. Les feuilles de frêne jouissent, dit-on, d’une propriété purgative non équi- voque. Tablet (1711) assure que, prise à la même dose et de la même ma- nière que le séné, elles purgent tout aussi bien et sans coliques. Coste et Wilmet disent que ces feuilles, prises en infusion à la dose d’un tiers de plus que le séné, purgent avec autant de promptitude et d’énergie que ce dernier. Bodart affirme que, dans les essais qu’il en a faits en Toscane, elles ont constamment procuré, à double dose du séné, des purgations effi- caces, sans coliques et sans aucun inconvénient. Il ne les a pas essayées en France. Quant à moi, j'ai administré plusieurs fois ces mêmes feuilles à double et triple dose de celles de séné, afin de constater leur vertu purga- tive, et je n'ai obtenu qu'un effet laxatif irrégulier et incertain. Cette diffé- rence dans les effets peut s'expliquer par celle des climats : mes essais avant eu lieu dans le Nord, ne peuvent infirmer les résultats obtenus par Bodart sous l'influence vivifiante du ciel de l'Italie. Mais il n’en est pas de même des assertions de Tablet, de Coste et Wilmet, qui ont, comme nous, expéri- menté en France. Ici le désaccord dans les résultats ne peut s’expliquer. Petetin, médecin de Lyon, a eu à se louer de l’emploi des feuilles de frêne dans les scrofules. Gilibert dit avoir guéri plusieurs affections scrofuleuses commençantes, et arrêté les progrès de cette maladie chez d’autres sujets, au moyen de bains faits avec les feuilles de cet arbre, et par l’usage de ces mêmes feuilles à l’intérieur. On sait que tous les toniques amers con- viennent dans ces affections, sans pour cela posséder une propriété qui leur soit spécialement applicable. Delarue, de Bergerac (4), a, dans ces derniers temps, appelé l'attention (1) Revue médicale, mai 1853. (2) Bulletin général de thérapeutique, t. I, p. 163. (3) Du choix des exutoires, etc. (4) Journal des connaissances médico-chirurgicales, août 1852. 29 ñ50 FRÊNE. des médecins sur-les propriétés antirhumatismales et antigoutteuses des feuilles de frêne. . Cette première communication en a fait surgir d’autres qui sont venues. confirmer l'efficacité de ce moyen et prouver en même temps qu'il n’est pas nouveau. En effet, il résulte de deux notes successivement publiées dans l’Union médicale du 9 décembre 1852, l’une par Pouget et Peyraud, la seconde par Marbotin, de Valenciennes, que l’usage en est populaire dans plusieurs contrées, et qu'on le trouve indiqué contre les douleurs gout- teuses dans Glauber, Bauhin et plusieurs auteurs du dernier siècle (Murray). Mais les dernières communications renferment, sur l’action physiologique des feuilles de frêne et sur les conditions de leur efficacité thérapeutique, des indications que l’on ne trouve point dans les vieux auteurs. L’un des. faits les plus intéressants que l’on trouve dans la première des deux notes que nous venons de citer, est celui qui est personnel à Peyraud lui-même. Pris d’une attaque de goutte, contre laquelle il avait vainement usé de tous les moyens connus, Peyraud eut recours, sur l’indication de ses clients, à l'usage des feuilles de frêne, et s’en trouva si bien que, dans un intervalle de quatre ans, de 1845 à 1849, il n’eut qu'un seul accès, que l’usage du thé de frêne dissipa en cinq jours. Pour Marbotin, qui, depuis plus de dix ans, a constamment observé les. effets heureux de l’administration des feuilles de frêne en infusion, l’action physiologique de cette substance se traduit, soit (le plus habituellement) par des sueurs abondantes, soit par une Copieuse diurèse ; circonstance qui peut jusqu’à un certain point aider l’esprit à se rendre compte du mode d’action thérapeutique de ces feuilles (1). J'ai eu recours à ce moyen aussi simple que facile chez un cultivateur âgé de soixante-deux ans, sujet depuis cinq ans à des récidives de rhuma- tisme articulaire subaigu, principalement au printemps et en automne. Non- seulement l'affection s’est promptement dissipée, mais on à pu en prévenir le retour en usant de temps en temps du même moyen pendant dix à quinze jours. Dans le rhumatisme articulaire aigu, avec douleur vive, inflamma- tion, angioténie, pléthore, les antiphlogistiques doivent précéder l’emploi des feuilles de frêne, qui, si j'en juge d’après les quelques cas qui se sont offerts à mon observation, m'ont paru d’autant plus efficaces que les sujets. étaient moins vigoureux, les symptômes de réaction inflammatoire moins intenses, les conditions physiologiques et pathologiques plus favorables à l’action plus ou moins révulsive du médicament sur les intestins, la peau ou les voies urinaires. Pline dit que l’ombrage du frêne fait fuir les serpents. Beauregard, chi- rurgien à La Rochelle (2), avec le suc des feuilles, donné à la dose de 250 gr., et leur marc appliqué sur la plaie, a guéri une femme mordue par une vipère. Ce praticien a vu d’autres exemples de guérisons semblables par ce moyen, ainsi que Moutier (in Murray) et Alsion. On sait que les symptômes causés par la morsure de la vipère se dissipent souvent sans médication. La semence de frêne a été considérée par les anciens comme hydragogue et diurétique. Je l’ai administrée en poudre dans des cas de cachexie, d’en- gorgements hépatiques et spléniques, chez des sujets lymphatiques et exempts d’irritation ou de phlezmasie des voies digestives. J’en ai obtenu des avantages appréciables. A forte dose, elle a un effet purgatif plus énergique que les feuilles ; à moindre dose et en décoction aqueuse étendue, elle agit efficacement comme diurétique. À ce titre, on la recommandait contre la gravelle. (1) Bulletin général de thérapeutique, 1853. (2) Ancien Journal de médecine, t. VI, p. 233. FRITILLAIRE. 51 La plupart des propriétés du frêne sont maintenant bien reconnues ; les feuilles de cet arbre, recherchées par les rhumatisants et les goutteux, étaient d’un prix très-élevé pendant l'hiver de 1852. En 1853, on ne se donnait pas la peine de les récolter, et je n’ai pu en trouver chez les phar- maciens pendant l'hiver de 1855 : elles n'avaient déjà plus le mérite de la. nouveauté. FRITILLAIRE. Fritillaria imperialis. L. Fritillaire impériale, — couronne impériale, LILIAGÉES. — TULIPAGÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. La fritillaire ou couronne impériale, originaire de la Perse, est cultivée dans nos jardins comme plante d'ornement. Description. — Racine bulbeuse. — Tige de 60 centimètres à 1 mètre, nue à sa partie moyenne. — Feuilles nombreuses au bas de la tige, verticillées, d’un beau vert, allongées, pointues; beaucoup plus petites, plus rapprochées et s’épanouissant en touffe au sommet de la tige. — Fleurs grandes, pendantes, d’un rouge safrané, réunies en forme de couronne au-dessous des feuilles (avril). — Calice pétaloïde, campanulé, à six divisions profondes, creusées à leur base d’une fossette nectarifère, de forme ovale ou arrondie; ordinairement six gouttelettes limpides et brillantes comme des perles s’échappent des nectaires. — Six étamines insérées à la base des divisions du calice. — Ovaire libre, simple. — Un stigmate. — Fruit : capsule à six angles minces et saillants. — Semences planes. : (Culture. — Lorsqu'on veut obtenir des variétés, on fait des semis. Il lui faut du soleil et non une terre fumée qui la ferait périr. Tous les trois ou quatre ans, vers la fin de juillet ou en août, on relève l'oignon pour le nettoyer; on en sépare le caïeux et on le replante de suite à 0".30 ou 0".35 de profondeur, si l’on veut avoir la fleur l’année suivante ; elle peut passer les hivers dehors. ] Propriétés physiques et usages économiques.— Le bulbe de fri- tillaire contient une fécule qui pourrrait servir à l'alimentation. Elle pourrait remplacer celle de pomme de terre. Pour lui enlever toute saveur, suivant Basset (1), toute odeur étrangère et tout danger, il suffit, après les premiers lavages, de faire macérer cette fé- cule dans l’eau simple renouvelée, ou dans l’eau vinaigrée à un cinquantième, ou dans l'eau alcalinisée à quelques millièmes, le tout pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures. Un lavage à l'eau complète la purification. Cependant, malgré toute l'utilité qu’on en pourrait retirer, au point de vue alimentaire dans l’art du pâtissier, en la mélangeant avec les farines de céréales dans les années de disette, elc.; malgré l'identité de saveur de la fécule de fritillaire avec l’arrowroot, le tapioca, le salep, etc., le but principal de l'auteur a été de donner à l’industrie une fécule abondante qui pût permettre de laisser la pomme de terre tout entière à son but normal, savoir, l'alimentation des hommes et des animaux. Si les résidus de la fécule de pomme de terre, ajoute-t-il, peuvent servir à l’engrais des animaux, ceux de la fritillaire, qui contiennent une notable portion de lécule (50 ou 60 pour 100) peuvent être facilement transformés en alcool par les pro- cédés connus (2). Toutes les parties de la fritillaire, et notamment le buibe, d’une odeur forte et d’une saveur âcre, sont délétères. Orfila (3) a fait périr des chiens au bout de trente-six, quarante-huit ou soixante heures, en leur faisant prendre des fleurs contuses de cette plante, sans qu’elles aient laissé de traces dans l'estomac. Baraïllon (4) assure qu’elle est un médicament au moins aussi puissant que le colchique, surtout contre les hydropisies. La dose serait de > à 30 centigr. Elle entre dans l’onguent diabotanum, ancienne préparation aujourd’hui complétement oubliée. Il est à désirer que l’expérimentation (1) Communication à l’Académie des sciences le 22 août 1853. (2) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. I, p. 527. (3) Toxicologie, t. II. (4) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1° juin 1856, p. 300. 452 FROMENT. vienne assigner à cette plante énergique la place qu’elle mérite dans la ma- tière médicale indigène. FROMENT. Triticum sativum. L. Blé, — bled. GRAMINÉES. — HORDÉACÉES. Fam. nat.— TRIANDRIE DIGYNIE. L. Parmi les graminées, le froment tient le premier rang comme servant à la nourriture de l’homme. La farine qui provient de sa graine contient, sous un volume donné, une plus grande quantité de parties nutritives. On distingue deux espèces principales de froment, celui de mars ou de prin- temps, et celui d'automne, que l’on sème avant l'hiver. Nous n’avons à nous occuper ici du froment qu’au point de vue théra- peutique. (Nous renvoyons aux ouvrages spéciaux, aux recherches de Payen, Mège-Mouriès, etc., pour tout ce qui concerne les considérations économi- ques et industrielles. La paille n’a pas d'emploi médical; je n’en parle que pour citer l’usage que j'en ai fait pour établir un appareil d'irrigation continue; dénué de tout autre moyen, j'ai fait percer plusieurs trous au fond d’un seau, dans la di- rection du membre malade; j'y ai adapté des fétus de paille; l’eau versée dans le seau s’écoulait, par le calibre de la paille, goutte à goutte et sans cesse dans la direction que bon me semblait lui donner. J'avais fait dépasser les pailles au-dessus du niveau inférieur du seau, de sorte qu'il ne s’écoulait que l’eau la plus pure, les parties inférieures du liquide se trouvant con- stamment au-dessous de l’orifice du calibre de la paille. On peut se servir de fétus de paille pour compter les gouttes, ou pour nstiller les collyres dans l'œil.) Les produits du froment utilisés en médecine sont : la farine, l’amidon, la dextrine, le gluten, le pain, le son. La FARINE, d’après l’analyse de Proust, contient de l’amidon, du gluten, un extrait aqueux sucré et de la résine. Elle est émolliente, en cataplasme avec suffisante quantité d’eau ou d’une décoction mucilagineuse. Appliquée sèche sur les surfaces irritées, enflammées et qui exhalent des liquides séreux, elle absorbe ces derniers et calme l’irritation. On l’applique sur les gerçures des enfants gras, sur les écorchures causées par le contact des urines, par le frottement, etc. Mais, dans ces cas, la poudre de Iyco- pode, qui n’a pas l'inconvénient de se mouiller et de se réduire en pâte ou de subir la fermentation acétique, doit lui être préférée. Faverot a publié, dans la Revue médico-chirurgicale de Paris, plusieurs observations sur les avantages de la farine de froment dans le traitement des érysipèles. Ce moyen, pour n'être pas nouveau, n’en est pas moins bon : les habitants de la campagne l’ont employé de temps immémorial. Théodore Zwinger en parle ainsi, d’après Schroeder : Trüica farina sicca cum fructu erysipelati adspergitur. Cullen l’a indiqué, et Pinel ne recommande que ce topique pulvérulent pour calmer l’inflammation érysipélateuse. Je le mets moi-même en pratique depuis plus de trente ans, surtout quand la phleg- masie a son siége à la face, en raison de la difficulté de recouvrir cette partie de compresses imbibées d’infusion de fleurs de sureau, comme on le fait habituellement sur les membres. La farine diminue constamment et promptement l’inflammation, et par suite la réaction fébrile qui en est la conséquence; mais le plus souvent la maladie, bien que moins intense, n’en parcourt pas moins ses périodes. Considéré comme local, l’érysipèle simple guérit de lui-même; ce qui est dû à la nature est souvent attribué aux moyens successivement préconisés par les médecins qui se sont occupés du traitement externe de cette maladie. FROMENT. 453 La farine, ajoutée aux bains généraux (1 à 2 kilogr.), convient dans les affections cutanées chroniques accompagnées d’irritation. En pharmacie, on se sert de farine pour saupoudrer les tablettes, les pilules, etc. Afin d’admi- nistrer avec plus de facilité une poudre active, on peut la diviser avec de la farine. Les dames vénitiennes, qui ont le teint très-beau, se servent d’un masque fait avec de la farine de froment et du blanc d’œuf. Cette pâte s’ap- plique la nuit sur la figure, et s’enlève facilement le lendemain avec un peu d’eau tiède. Elle assouplit la peau en y retenant les produits de la transpi- ration insensible. Henri I en faisait, dit-on, fréquemment usage. Un campagnard m'a dit s'être guéri d’un rhumatisme articulaire chro- nique, en s'étendant à nu sur une pâte amincie au moyen d’un rouleau et saupoudrée de farine, et se faisant recouvrir avec pareille couche de la même pâte jusqu’au cou, de manière à en être complétement enveloppé. Il restait chaque jour pendant deux ou trois heures dans cette singulière en- veloppe, laquelle provoquait une abondante transpiration, qu’excitait encore l'ingestion de quelques tasses d’infusion chaude de fleurs de sureau. Le levain ou pâte fermentée, étendu sur du linge et saupoudré de cantha- rides en poudre, qu’on humecte légèrement avec du vinaigre, sert à former un vésicatoire. Ce même levain, cuit avec une suffisante quantité de vieille bière, peut être employé en cataplasme comme maturatif. Mélangé avec parties égales de sel commun, il forme un rubéfiant très-actif. L'Amon est une fécule amylacée qu’on retire plus particulièrement du froment. (On trouvera dans tous les traités de chimie des détails sur la con- stitution, les réactions, les usages de cette substance, ainsi que sur son mode de fabrication et les inconvénients qui en résultent pour la santé pu- blique.) Cette substance est adoucissante, émolliente, nourrissante ; elle convient dans les inflammations intestinales, la diarrhée avec irritation, la dysenterie, etc. On la donne en décoction (de 8 à 45 gr. par kilogramme d’eau), en lavement (de 8 à 15 gr. par 500 gr. d’eau), en cataplasmes, etc. Beaucoup de médecins se contentent, quand ils prescrivent des lavements amylacés, de mettre la poudre d’amidon dans l’eau ; il est nécessaire, pour l'effet adoucissant qu’on se propose d'obtenir, de la faire un peu décocter, afin de lui donner la consistance d’une bouillie légère. A l'extérieur, l’amidon réduit en poudre a les mêmes usages que la farine, comme absorbant et calmant; délayé dans l’eau chaude, converti en bouillie, il forme l’empois, et il est employé avec avantage sur les inflammations, les excoriations, les dartres avec prurit et irritation vive, les brûlures, etc. (La thérapeutique moderne s’est enrichie d’un nouvel empois, le glycé- rolé d’amidon (2 à 3 gr. d’amidon pulvérisé, mêlez à poids égal avec 30 gr. de glycérine; chauffez légèrement, jusqu’à consistance d’empois). Ce gly- cérolé est calmant; il réussit dans les affections inflammatoires de la peau, les gerçures des mains, du mamelon, etc.; dans les affections des pau- pières, etc. C’est le meilleur excipient des agents actifs qu’on peut appliquer sur la peau; contrairement aux substances grasses, il ne met aucun obstacle à l'absorption. La propriété de durcir par évaporation de Peau qu'il contient a suggéré à divers chirurgiens l’idée de se servir de l’empois d’amidon comme moyen contentif des fractures. Seutin est celui qui a le plus contribué à la vulgari- sation de ce moyen, et l’a érigé en méthode dite amovo-inamovible.) J'ai adopté la méthode amovo-inamovible de ce professeur. GComparée à toutes celles qui ont été mises en pratique jusqu’à ce jour, elle m'a paru réunir le plus d'avantages. Les résultats heureux que j'en ai obtenus dans une fracture du col du fémur dont fut atteint M. le capitaine de vaisseau de Rosamel, résultats que je n'avais jamais pu obtenir jusqu'alors dans des cas 154 FROMENT. semblables, m'autorisent à émettre cette opinion et me font un devoir de rendre hommage à la vérité. On falsifie quelquefois le saindoux avec l’amidon, ce qui lui donne de la blancheur. Cette fraude, peu connue, est cependant assez fréquente. (L'amidon a été proposé comme contre-poison de l’iode ; en présence de ce métalloïde, il prend une coloration bleue caractéristique, et constitue l'iodure d’amidon. L’iodure d’amidon médicinal est un composé d’iode, d’amidon et d’al- cool. Il a les mêmes propriétés que l’iode et est particulièrement employé contre les affections scrofuleuses et tuberculeuses. On lPadministre ordi- nairement à la dose de 6 à 18 gr., en boisson, potion, sirop, etc. Castex assure se trouver très-bien de l'emploi topique de l’iodure d’amidon dans le traitement des plaies ulcérées, de vieux ulcères, etc. Voici comment on peut préparer et appliquer ce médicament. On fait de l’empois avec 30 gr. d’amidon et 90 gr. d’eau, et l’on y mêle à froid 8 gr. de teinture d’iode, en remuant jusqu'à combinaison complète. L’emplastique ni trop liquide ni trop épais qu’on obtient ainsi est mis en couche assez épaisse sur des gà- teaux de charpie et appliqué sur les plaies, convenablement nettoyées et sé- chées. L'appareil ainsi appliqué doit être pressé un peu, pour qu'il soit bien en contact avec la surface malade. Il peut rester en place plusieurs jours, et, lorsqu'on juge convenable de le lever, il est nécessaire de le ramollir à grande eau pour empêcher la lacération des bourgeons charnus qui peuvent y adhérer (1). DEXTRINE (C°?H°0°, HO). — L’empois, traité par l’orge germée, se fluidifie et forme un principe soluble connu sous le nom de dextrine. Ce principe sert à la préparation des appareils employés pour le maintien des fragments dans le traitement des fractures, et doit être préféré, suivant Velpeau, à l’a- midon simplement converti en empois. { La dextrine est incristallisable, soluble dans l’eau et dans l’alcoo!l étendu, insoluble dans l’alcool concentré ; elle ne bleuit pas par l’iode, n’est pas précipitée de ses dissolutions par l’acétate de plomb, et est précipitée par l'alcool concentré. On l’obtient : 1° En soumettant l’amidon à une légère torréfaction ; 2° Par l’action de la diastase sur l’amidon, en ayant le soin d’arrêter l’ac- üon avant la formation du suëre ; 3° En soumettant l’amidon à l’action des acides étendus. BANDAGE DEXTRINÉ. — Dextrine, 400 gr.; eau-de-vie camphrée, 60 gr.; eau tiède, Q.S., environ 40 gr. On fait une pâte bien homogène ; on y plonge les bandes, et on les roule en enlevant entre deux doigts l’excès d’enduit ; on applique le bandage, et pour lenlever on l’humecte d’eau chaude. SIROP DE BLÉ. — On emploie dans certaines industries et on a essayé d’uti- liser en médecine, comme adoucissant et édulcorant, un sirop dit de blé, qui n’est autre chose qu’un sirop de sucre de fécule contenant encore un peu de dextrine non transformée. C’est un sirop incolore ou légèrement ambré, très-épais, filant, de la consistance de la pâte de térébenthine, so- luble dans l'eau. Il pourrait, pour les gens pauvres, remplacer le sirop de gomme. La dextrine est employée pour remplacer la gomme dans le sirop de ce nom. On reconnait cette fraude en prenant environ 6 gr. de sirop à essayer, en y ajoutant 20 fois son volume d’eau et 6 gouttes de solution de perchlo- (1) Gazetle médicale d'Algérie, 1857. FROMENT, 455 rure de fer concentrée et neutre. Si le sirop est pur, le liquide se prend en masse ; s’il contient de la dextrine, il ne change pas d’état.] (Le professeur Shilf a avancé que la dextrine est un puissant digestif, fa- vorisant la formation de la pepsine. Becker a retiré de grands succès de son administralion dans la dyspepsie, sous la forme suivante : Dextrine, 15 gr.; bicarbonate de soude, sucre pulvérisé, äà 4 gr. Une pointe de cou- teau quatre fois par jour dans un peu de vin. Ce liquide masque le mauvais goût de la dextrine et en constitue le meilleur excipient.) Le GLUTEN, composé de gélatine et d’albumine végétale, est extrait des céréales et plus particulièrement du froment. Cette substance est analep- tique et adoucissante. On la conseille dans la débilité d'estomac, dans la convalescence des maladies graves, lorsque l’on ne peut ingérer aucun autre aliment. On l’administre en décoction à la dose de 30 à 60 gr. par kilo- gramme d’eau. Taddei, dit Cottereau (1), a proposé la préparation suivante de gluten, pour remplacer l’albumine animale dans le traitement de l'empoisonnement par le deutochlorure de mercure. Faites une pâte liquide, en triturant dans un mortier 5 ou 6 parties de gluten frais, avec 10 parties d’un soluté de savon à base de potasse ou de soude. Lorsque le gluten à disparu entière- ment, étendez sur des assiettes la liqueur émulsive produite, et exposez-la à la chaleur de l’étuve jusqu'à ce qu'elle soit entièrement desséchée. Alors, détachez-la, réduisez-la en poudre, et renfermez-la dans des flacons de verre bien bouchés : 5 gr. de cette poudre glutineuse émulsive, délayés dans un verre d’eau, suffisent pour neutraliser 50 centigr. de sublimé corrosif. Le meilleur antisyphilitique, suivant Taddeï, est un composé glutineux mercuriel, dans lequel le bichlorure de mercure, quoique ramené à l’état de calomel, conserve encore les propriétés du bichlorure, notamment celle de ne produire que rarement la salivation et la diarrhée. Dorvault a cherché à établir (2) qu'il n’y a là que déchloruration partielle, et non de moitié. [Le gluten est un aliment azoté plastique des plus importants; il constitue les diverses pâtes à potage connues sous le nom de gluten granulé, et les pâtes d'Italie et d'Auvergne, telles que vermicelle ou vermichelle, macaroni, nouilles, étoiles, etc., etc. (On fabrique des biscottes, des pains, des gâteaux au gluten pour l’usage habituel des diabétiques, auxquels les féculents sont prohibés.) [Le gluten mou sert à faire des caustiques avec les chlorures de zinc et d’antimoine, qui sont très-commodes en ce qu’ils peuvent prendre toutes les formes et les conserver; en un mot, il substitue le gluten frais à la farine dans la pâte de Canquoin, dont voici la formule : PATES ESCHAROTIQUES DE CANQUOIN. N° 1. N°2. N° 3. N° 4. Chlorure de zinc..... 30 30 30 30 Farine de froment... 60 90 495 155 Faire une pâte très-dure avec la farine et de l’eau, et y ajouter le chlorure de zinc en poudre. CAUSTIQUE DE CANQUOIN ANTIMONIAL,. Protochlorure d’antimoine (beurre d’antimoine).... 30 grammes. CHIOrHÉC de ZINC: 1-7. re rt SAINS _ Farine de froment .......2:....%,..4.4.....4re 100 — Comme le précédent; seulement le chlorure d’antimoine s’incorpore à l'état de pâte, puisqu'il ne peut être pulvérisé.] Le PAIN, indépendamment de son emploi alimentaire dans les maladies, (1) Traité élémentaire de pharmacologie, p. 473. (2) Journal des connaissances médicales pratiques, 1845. 456 FROMENT. où l’on regarde comme l’annonce d’une prochaine convalescence le désir d’en manger, sert à plusieurs usages thérapeutiques. Vers la fin des maladies aiguës, chez les convalescents et dans les phleg- masies chroniques des voies digestives, dans tous les cas enfin où une ali- mentation est nécessaire, malgré l’irritation qui semble l’interdire, on fait : usage d’une crème de pain ainsi composée : Faites bouillir pendant une heure 195 gr. du meilleur pain dans 1 kilogr. d’eau; après avoir bien brisé et passé ce mélange, remettez-le au feu pour le faire cuire jusqu’à consistance d'une crème légère; ajoutez-y 30 gr. de sucre et 10 gr. d’eau de fleurs d'oranger. L'usage du pain fait avec la farine grossièrement moulue et non blutée, à cause de la grande quantité de son qu'il contient, est le meilleur moyen à employer contre la constipation habituelle. Dans ce cas, on est quelquefois obligé d'employer le pain de son presque pur. La décoction de pain (eau panée) est adoucissante, rafraichissante ; elle convient dans les maladies aiguës. La mie de pain entre dans la décoction blanche de Sydenham. On corrige la crudité de l’eau en y mettant tremper une croûte de pain rôtie deux heures avant de la boire. J'ai yu maintes fois, à la campagne, des malades atteints de fièvre typhoïde, n'avoir d’autre res- source que cette boisson, refuser toute autre médication, et guérir tout aussi bien et peut-être plus facilement qu'avec le concours des nombreux moyens employés contre cette maladie, et tour à tour vantés ou dépréciés, suivant la prédominance de telle ou telle doctrine. La mie de pain sert à lier les pilules, à étendre les substances actives. On compose des cataplasmes émollients avec la mie de pain mêlée à l’eau, au lait ou à une décoction mucilagineuse, telle que celle de semence de lin, de feuilles de mauve, de racine de guimauve, etc. J’ai vu employer avec succès comme remède populaire dans les blessures, les plaies, les inflam- mations traumatiques et autres, une tranche de pain tendre trempée dans l’eau froide, appliquée sur la partie malade, maintenue au moyen d’une bande de linge, et entretenue continuellement humide. (Dans le département du Nord, des tranches de pain imbibées de vinaigre chaud sont appliquées aux extrémités inférieures comme révulsif, surtout chez les enfants. Le peuple appelle cela mettre les pâtes aux pieds.) Le Sox forme une partie considérable de la farine. (C’est surtout sur la paroi interne de ses paillettes que se trouve la céréaline, ferment coagu- lable, donnant au lait de son la propriété de s’aigrir et de se colorer sous l'influence de l’air. Mège-Mouriès a attiré l'attention sur le rôle de ce corps dans la panification.) Quand le moulin à des blutoirs à mailles larges, le son est gros et se nomme recoupes, griottes ; il contient encore beaucoup de farine, et on en extrait alors l’amidon. En décoction (une poignée pour 4 kilogr. d’eau), il est adoucissant, émollient, rafraîchissant. On l’emploie souvent dans les catarrhes aigus, les irritations intestinales, seul ou avec suffisante quantité de miel ou de sucre. C’est un remède domestique généra- lement en usage dans les campagnes contre la toux, les rhumes opiniâtres, les fièvres, etc. La décoction de son avec addition d’une suffisante quantité de levain, versée bouillante dans un tonneau et qu’on laisse fermenter, devient légèrement acide et forme une boisson agréable et saine, dont les populations rurales des départements du nord de la France font usage pen- dant l'été. Cette boisson, que l’on connait sous le nom de bouillie, plaît beaucoup aux fébricitants; elle est très-rafraîchissante et convient dans les fièvres bilieuses et inflammatoires, les exanthèmes aigus, etc. Un y ajoute quelquefois des prunelles cuites au four, qui lui donnent une couleur rosée. L'eau de son s’emploie aussi en fomentations, en bains, en lavements. Ces derniers sont très-efficaces contre le ténesme dysentérique. Fouquet en fai- FUMETERRE. 457 sait un fréquent usage dans la salle de clinique de Montpellier. On les pré- parait avec une demi-poignée de son, qu'on faisait bouillir dans 2 pintes d’eau jusqu’à réduction de moitié. On ajoutait à la colature trois ou quatre jaunes d'œufs frais. Le malade prenait un quart de lavement toutes les quatre ou cinq heures. On lui faisait boire en même temps une infusion de fleurs de bouillon blanc, à laquelle on ajoutait une petite quantité de con- serve de roses rouges. Avec ce traitement fort simple, Fouquet guérissait des dysenteries très-graves. Les cataplasmes faits avec le son et la décoction de graine de lin, ou de plantes émollientes, sont les plus légers et les plus économiques. Chauffé à sec et appliqué en sachet, le son convient dans les douleurs rhumatismales, la pleurodynie, les coliques nerveuses, les flatuo- sités, la gastralgie, les engorgements articulaires chroniques, l’asphyxie par submersion, etc. Ces sachets doivent être fréquemment renouvelés, afin d'entretenir le degré de chaleur propre à atteindre le but qu’on se propose. (Lorsque, par suite de l’action irritante de l’urine, les jeunes enfants ont de l’érythème, ou pour prévenir cet inconvénient, je me trouve bien de les coucher à même dans le son, les extrémités inférieures et le siége nus. Les évacuations forment avec le son une bouillie qui s’isole, n’a avec la peau aucun point de contact et qu’on peut très-facilement enlever.) (ERGOT DE FROMENT. — Plus gros, moins allongé, plus consistant que celui de seigle, cette production maladive à une odeur moins nauséabonde et possède une qualité qui doit le faire rechercher de préférence : il se con- serve plus longtemps, et l'humidité n’a pas d’action sur l’énergie de ses propriétés. Il est assez abondant pour suffire aux besoins de la thérapeu- tique. En 1850, Mialhe {1) constata que ses propriétés étaient les mêmes que celles de l’ergot de seigle. Vinrent ensuite les travaux de Grandclément (2) et de G. Leperdriel (3), qui établirent la valeur réelle de cet agent. Depaul en emploie la poudre avec succès, et la recommande comme la meilleure préparation.) FUMETERRE. Fumaria officinalis. L. Fumaria officinarum et Dioscoridis. C. BAUX. Fumeterre officinale, — fumeterre vulgaire, — fiel de terre, — pied de geline. FUMARIACÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE HEXANDRIE. L. La fumeterre (PI. XIX), plante annuelle, croît dans toute l’Europe, et se trouve dans les champs, les terres cultivées, les vignes, les jardins. Malgré son amertume, les vaches et les moutons la broutent; les chevaux et les cochons n’en veulent point. Description.— Racines blanches, pivotantes, fibreuses, allongées, perpendicu- laires. — Tige grêle, tendre, étalée, lisse, succulente, très-rameuse, longue de 95 à 30 centimètres.— Feuilles glabres, alternes, pétiolées, un peu obtuses, deux fois ailées, d’un vert glauque ou cendré. — Fleurs d’un blanc rougetre, tachetées de pourpre à leur sommet, petites, nombreuses, en grappes terminales lâches, ayant chacune une bractée membraneuse (mai-octobre).— Calice petit, à deux sépales lancéolées, caduques, n’atteignant pas la moitié de la longueur de la corol'e.— Corolle oblongue, irrégulière, à quatre pétales inégaux, d’une apparence papilionacée ; le supérieur terminé en épe- ron ; les inférieurs cohérents au sommet, offrant une aile membraneuse et des épais- sissements latéraux.— Six étamines hypogynes, en deux faisceaux, portant chacun trois anthères. — Ovaire supérieur un peu comprimé, uniloculaire, à style filiforme, arqué, caduc. — Fruit : capsule globuleuse, glabre, à une seule loge monosperme. (1) Union médicale, 15 juin 1850. (2) De l’ergot de blé. Thèse de Paris, 1855. (3) Thèse de Montpellier, 1862. 158 MUMETERRE. Parties usitées. — L'herbe. [Culture.— La fumeterre sauvage est très-abondante, on se la procure dans les jardins en les semant au printemps.] Récolte. — Elle se fait au mois de juin, quand les fleurs commencent à s’ouvrir. Elle doit être desséchée promptement. Propriétés physiques et chimiques.— Lorsqu'on l'écrase, cette plante exhale une odeur herbacée; sa saveur amère, désagréable dans l’état frais, augmente par la dessiccation. On y à trouvé du malate de chaux et des principes extractifs amers, solubles dans l’eau, le vin et l'alcool. Peschier, de Genève, en a retiré une base alcaline particulière, un alcali amer, la fumarine, de l’extractif, de la résine et un acide cristallisable. La matière alcaline, peu étudiée, a une saveur amère ; elle est visqueuse, soluble dans l’eau, dans l'alcool et dans l’éther. [Winckler à trouvé dans la fumeterre un acide particulier cristallisable, volatil, so- luble dans lalcool et dans l’éther, c’est l'acide fumarique. Demarsuy a démontré qu'il était semblable à l'acide paramaléique — C4H0°, HO, obtenu par Pelouze dans la dis- tillation sèche de l'acide malique. | Substances incompatibles. — Les sels de fer. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction et infusion, de 30 | Extrait, de 2 à 10 gr., en bols, pilules, julep, à 60 gr. par kilogramme d’eau, de bière, de potions, etc. vin, etc. Conserve, de 5 à 15 gr. Suc exprimé, de 30 à 100 gr., seul ou mêlé au petit-lait. À L’EXTÉRIEUR. — Décoction pour fomenta- Sirop (parties égales de suc et de sucre), de tion, suc délayé dans l’eau, herbe en cata- 50 à 100 gr. plasme. La fumeterre entre dans le sirop de chicorée composé. Elle faisait partie de l’élec- tuaire de psilium, de l'électuaire de séné, des pilules angéliques, de la confection Hamech, etc., préparations aujourd’hui oubliées. La fumeterre est regardée comme tonique, fondante, dépurative, vermi- fuge. On l’emploie dans la débilité des voies digestives, l’ictère, les engor- gements des viscères abdominaux; dans les affections cutanées, scorbu- tiques et scrofuleuses; dans les dartres, l’éléphantiasis, etc. Les médecins de l'antiquité faisaient un grand usage de la fumeterre contre les diverses maladies que nous venons d’énumérer. Les modernes l’ont aussi employée avec succès. Gilibert regarde cette plante comme un bon antiscorbutique, et Hoffmann lui attribue de grands succès contre les affections lentes des viscères, l’hypocondrie et les scrofules. C’est principa- lement contre les affections cutanées chroniques qu’elle a montré une effi- cacité incontestable. Leidenfrost, Thomson, Bodart, rargent la fumeterre parmi les meilleurs moyens curatifs de la lèpre en général, et particulière- ment du radesyge, que Demangeon appelle éléphantiasis du Nord. Le mé- decin suédois Strandherg a constaté ses propriétés antidartreuses. Je join- drai à ces témoignages celui de Pinel, dont la réserve thérapeutique est connue. « Je pourrais citer, dit ce médecin, une observation faite avec soin sur la guérison d’une dartre invétérée qui se manifestait au bras. La malade eut la constance de faire usage, pendant près de six mois, de la fameterre infusée dans du lait, en même temps qu’elle pratiquait des lotions sur la partie avec la même infusion. Après cette époque, il n’a resté aucune trace de maladie (1).» Desbuis, de Rochefort, qui place le siége des affections cutanées dans le foie, considère la fumeterre comme le meilleur des herpétiques, le plus con- venable pour combattre la viscosité bilieuse. D’après Hannon (2), la fumeterre officinale, loin d’être un tonique et un dépuratif, serait une plante essentiellement hyposthénisante, dont l’usage (1) Encyclopédie méthodique, art. DARTRES. (2) Presse médicale belge, 1853. FUMETERRE 459 prolongé pourrait conduire à l’anémie. A la dose de 2 ou 3 centigr., dit Hannon, la FUMARINE est modérément excitante; à plus haute dose, 20 centigr., elle irrite d’abord, puis elle produit des effets contro-stimu- lants. Ce qu'il y a de remarquable, c’est que la fumeterre est, suivant le même auteur, un hyposthénisant à la manière du quinquina et du sulfate de quinine. Les mots ne changent point la nature des choses. On conti- nuera donc de l’administrer comme dans tous les temps et d’après les mêmes indications. Je fais un usage fréquent de la fumeterre dans les tisanes dépuratives. L'été, j'emploie de préférence le suc de cette plante; comme elle est beau- coup plus commune que le trèfle d’eau, je la substitue souvent à ce dernier dans les sucs antiscorbutiques. Les enfants atteints de croûtes de lait, de débilité des voies digestives et d’affections vermineuses, se trouvent très- bien de l’usage du sirop de fumeterre, qu’on administre seul ou mêlé à la décoction de pensée sauvage. La fuméterre n’est pas plus anthelminthique que les autres amers : elle n'est guère employée à l’extérieur. Cependant on l’a quelquefois appliquée avec avantage sur les dartres. On l’emploie alors en décoction dans le lait. Le suc délayé dans l’eau a été aussi administré dans les mêmes cas. On l'a mème employé dans la gale. Tragus (in Ray) se servait dans cette dermatose d’un onguent composé de parties égales de suc de fumeterre et de suc de racine de patience, avec addition d’un peu de vinaigre et de miel. Suivant la plupart des auteurs, plusieurs autres espèces de fumeterre, telles que les fumaria media, spicata, capreolata, etc., jouissent des mêmes propriétés que la fumeterre officinale, et elles peuyent remplacer celle-ci. A. Steinheil (1) a remarqué que, dans les fumaria capreolata et media, la sa- veur, au lieu d’être franchement amère comme dans la fumeterre officinale, était excessivement âcre et brûlante. Cette différence de saveur avait porté Steinheil à croire qu’il pouvait en exister une dans les propriétés médicales de ces plantes; 1l attribua dès lors l’effet purgatif qui a quelquefois lieu par Padministration de la fumeterre, à la substitution du fumaria media et du fumaria capreolata au fumaria officinalis dans la préparation du suc. J’ai em- ployé séparément, et à plusieurs reprises, ces trois espèces de fumeterre, et j'ai pu me convaincre qu’en effet l'excitation intestinale et la purgation se manifestaient toujours d’une manière plus ou moins prononcée après l’in- gestion du suc des deux premières espèces, tandis que celui de fumeterre officinale, donné à la même dose, ne produisait rien de semblable. I] est donc prudent de n’employer que la fumeterre officinale, dont le degré d'énergie et les propriétés sont bien connus. [Nous citerons encore comme pouvant remplacer la fumeterre officinale : la fumeterre à petites fleurs (F. parviflora, Lam.), de Vaillant (F. Vaillantü, Loisel).] FUMETERRE BULBEUSE. Fumaria bulbosa, L.; Corydalis bulbosa. Aris- tolochia fabacea des pharmacies, à cause de Ja forme de sa racine analogue à celle de l’aristoloche. Description. — Diffère de la fumeterre officinale par sa racine bulbeuse ; sa tige simple de 42 à 15 centimètres; ses feuilles composées, à folioles assez larges, inci- sées, labiées, obtuses; ses fleurs plus grandes, ayant un éperon plus allongé, et des bractées ; l’époque de sa floraison (février-avril). Propriétés physiques et chimiques. — Sa racine contient de l’ami- don; elle sert de nourriture aux Kalmoucks et autres peuples de la Russie. [Wackenroder a isolé de la fumeterre bulbeuse un principe immédiat qu'il a nommé corydaline. C’est une poudre blanche, insipide, incristallisable au-dessous de 100 de- (1) Archives de botanique, 1833, t. I, p. 420. + 460 FUSAIN. grés; peu soluble dans l’eau, soluble dans les alcalis et l’éther ; elle forme avec les acides des sels cristallisables ; elle a été trouvée dans la serpentaire de Virginie, Ruick- holdt la représente par C4 H?70"'8.] Cette fumeterre a été regardée comme emménagogue, anthelminthique, antiseptique, etc. Elle a été quelquefois substituée à la fumeterre officinale, bien que ses propriétés soient mal déterminées. [La corydaline a été très- vantée dans ces derniers temps en Amérique comme fébrifuge.] FUSAIN. Evonymus europæus. L. Evonymus vulgaris granis rubentibus. C. BAuH. — Evonymus multis, aliis Terragonia. J. BAUH. — Evonymus vulgaris. Scop. Fusain d'Europe, — bonnet de prêtre, — bonnet carré. CALASTRINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Le fusain est un arbrisseau très-commua, qui habite les bois, les haies. Il orne nos bosquets par ses fruits d’un rouge éclatant. Description. — Tiges à rameaux opposés. — Feuilles ovales lancéolées, glabres, pétiolées, finement denticulées, un peu pendantes. — Fleurs blanchâtres, disposées comme en corymbe au sommet de pédoncules axillaires (mai-juin).— Calice à quatre ou cinq divisions, muni d’un disque.— Corolle formée de quatre pétales oblongs. — Quatre élamines insérées sur un disque épigyne.— Un style terminé par un stigmate simple, — Fruit : capsule à trois ou cinq loges et à trois ou cinq angles, dont la forme est un bonnet carré, d’un rouge vif à la maturité, qui a lieu en août-septembre. Parties usitées. — Les feuilles, les jeunes tiges, les capsules et les fruits. (Culture. — Il existe un très-grand nombre de variétés et d'espèces de fusains qui sont cullivées comme plantes d'ornement ; ils viennent dans toul terrain et dans toute exposition; on les multiplie de rejetons ou de semis aussitôt après la maturité des graines, qui lèvent au printemps ou l’année suivante. Récolte, — Les capsules se récoltent bien müres. Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties du fusain répandent une odeur nauséeuse. Les fruits ont une saveur âcre qui excite la salivation. La semence contient, d’après Saint-Martin (1), du sucre, de l’albumine, une huile volatile àcre, un principe amer, de l'huile grasse, une malière colorante, du ligneux. Cardeur a adressé, en 1858, à la Société impériale d’agriculture, un échantillon d'huile fixe extraite des graines de fusain. Il résulte d’un travail de Lepage, inséré dans le précis analytique des travaux de l’Académie de Rouen (1862), que la proportion de cette substance est de 41 pour 100. Cette huile est d’une couleur jaune-brun, d’une odeur sui generis et d’une saveur laissant un arrière-goût, qui rappelle celle du bois de fusain. Elle donne avec la soude caustique un savon dur, d’une couleur jaune, qui pour- rait être utilisé. Le même auteur a extrait des arilles 25 pour 400 d’une matière grasse fluide, d’une belle couleur rouge, présentant en hiver une consistance comme gélati- neuse. La matière amère possède une saveur amère et nauséeuse très-désagréable. (On l’a décrite comme cristallisable, insoluble dans l’eau, sous le nom d’évonymine. Mais l’exis- tence de ce principe à l’état de pureté est loin d’être établie. )- Le bois de fusain, mis dans un petit canon de fer bien bouché et exposé au feu, donne un charbon tendre qui sert aux dessinateurs. On fait aussi avec ce même bois du charbon pour la poudre à canon. Les auteurs sont loin d’être d'accord sur les effets malfaisants de ce vé- gétal. Clusius dit avoir appris, pendant son séjour en Pannonie, que les chèvres broutent ses feuilles avec plaisir. Linné et Wellich affirment qu’en général les bestiaux en mangent volontiers les feuilles et les jeunes pousses. Théophraste, Matihiole, Builliard, Gmelin, Duhamel, prétendent qu’elles sont un poison pour ces animaux. (1) Bulletin de thérapeutique, t. XXII, p. 177. GALLÉGA. U61 Le principe âcre qui existe dans l'écorce, les feuilles et les fruits du fu- sain, produit sur le tube digestif une vive irritation qui peut amener les symptômes les plus graves et même la mort. Si les médecins ont différé d'opinion sur les effets de cette plante, c’est parce que son énergie est plus ou moins prononcée suivant la saison où elle est recueillie. Au printemps, il n’en faut qu'une petite dose pour provoquer le vomissement, tandis que dans d’autres saisons elle est moins active; les jeunes pousses surtout sont drastiques à un tel degré qu'on ne les emploie presque jamais à l’intérieur : elles sont mortelles pour les moutons, les chèvres et même les vaches, quand elles produisent une vive irritation sans évacuations, ou qu'elles superpurgent jusqu'à déterminer une violente inflammation du tube digestif. Les fruits, en quelque temps qu’on les emploie, sont fortement émétiques et purgalifs. Dodoens, et, après lui, une foule d'auteurs leur ont reconnu cette propriété. Les paysans anglais, au rapport de Wilmet, se purgent en prenant trois ou quatre de ces fruits. (Lepage, cité plus haut, a administré l'huile de fusain à plusieurs chiens, à la dose de 10 à 15 gr., et cette dose à paru produire un léger effet pur- gatif.) J'ai vu des paysans robustes les prendre à cette dose sans inconvénient, en buvant abondamment du bouillon de veau, de la tisane de mauve ou de graine de lin. Martin, ancien chirurgien-major de l'hôpital de Dunkerque, m'a dit avoir vu, en 1808, un cultivateur des environs de Bergues, âgé de trente-cinq ans, se débarrasser du tænia après avoir inutilement mis en usage tous les moyens jusqu'alors connus, en prenant pendant six jours une graine de fusain dans 3 onces d’huile d’æillette, et en se purgeant le septième jour avec cinq semences de la même plante, lesquelles firent rendre la der- nière partie de cet entozoaire après dix selles accompagnées de violentes caliques, de vomissements et d’une syncope. Ce traitement n’a été suivi d'aucun accident; l'usage du lait a suffi pour rétablir complétement le ma- lade dans l’espace de quelques jours. La décoction aqueuse de jeunes tiges et de feuilles de fusain est un dé- tersif très-énergique dans les ulcères invétérés, sordides, atoniques, æœdéma- teux, scorbutiques ou gangréneux. Une partie de cette décoction et deux parties de décoction de feuilles de noyer, mêlées et employées en lotion et en application, au moyen de la charpie, sur un ulcère scrofuleux, blafard et engorgé, situé au-dessous de l’angle de la mâchoire inférieure, l’a avan- tageusement modifié en quelques jours. La décoction des fruits et des capsules de fusain (15 à 30 gr. par kilo- gramme d’eau), à laquelle on ajoute un peu de vinaigre, est d’un usage po- pulaire contre la gale. Les vétérinaires emploient la décoction des feuilles, de l'écorce, des capsules et des graines dans le vinaigre, en lavage contre la gale des chevaux et celle des chiens et autres animaux domestiques. On en fait aussi une pommade (8 gr. de poudre sur 30 gr. d’axonge). Répandue sur la tête, comme celle de staphisaigre, la poudre de semence de fusain fait mourir les poux. GALÉGA. Galega officinalis. L. Galega vulyaris. BAUH., TOURN. Rue de chèvre, — lavanèse, — galega commun. LÉGUMINEUSES. Fam, nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. Cette belle plante vivace habite les prés, le bord des ruisseaux, où elle forme des touffes de verdure d’un aspect fort agréable. Dans certaines con- trées, elle sert de fourrage aux bestiaux. Les chèvres la recherchent. On la cultive dans les jardins. 462 GALÉOPSIDE ou CHANVRE BATARD, — GARANCE. Description, — Racines grêles, blanchâtres et rameuses. — Tiges droites, fistu- leuses, striées, rameuses. — Feuilles ailées avec impaire, composées de quinze à dix- sept folioles, glabres, oblongues, obtuses, souvent échancrées et mucronées à leur sommet, longues de 2 à 3 centimètres et plus, accompagnées à la base du pétiole de stipule en fer de flèche. — Fleurs blanches, rosées ou bleuâtres, en grappes axillaires longuement pédonculées, munies de bractées sétacées. — Fruits: gousses redressées, grèles, linéaires, aiguës, à peine longues de 5 centimètres, contenant trois ou quatre semences oblongues, un peu réniformes. | [Culture.— Le galéga se multiplie de graines semées au printemps, dans une terre fraiche. ] Le galéga, à peine odorant quand il est frais, entièrement inodore quand il est sec, est presque insipide. Cette plante, dont l’action est à peu près nulle sur nos organes, à pourtant joui d’une grande réputation. On la considérait comme sudorifique, alexipharmaque, antivénéneuse, vermifuge, etc. GALÉOPSIDE ou CHANVRE BATARD. Galeopsis grandiflora. RoTH. LABIÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Plante annuelle, qui croît dans les jachères, les moissons. Description.— Tige non renflée au-dessous de chaque nœud et pubescente. — Feuilles pétiolées, ovales-oblongues, dentées, presque glabres. — Fleurs rouges (juillet- août). — Corolle trois à quatre fois plus longue que le calice, lèvre supérieure crénelée et peu écartée de l'inférieure. (Culture. — Se multiplie de graines semées en place au printemps; peu usitée.] Cette plante, faiblement aromatique et contenant un principe résineux, a été vantée par plusieurs médecirs allemands contre le catarrhe pulmonaire chronique et même contre la phthisie. Lejeune (1) rapporte quelques obser- vations contre l'efficacité de cette plante dans la phthisie ; il la croit utile dans les embarras muqueux de la poitrine, à l’instar d’autres labiées. On la donne en décoction (15 à 20 gr. par kilogramme d’eau). Le galéopside fait la base du thé de Blankenheim, en très-grande réputa- tion en Allemagne comme antiphthisique. Le nom de galéopsis a été aussi donné au lamier blanc (ortie blanche), Lamium album, L. GARANCE. Rubia tinctorum. Rubia tinctorum sativa. J. BAUH. — Rubia major sativa sive hortensis. Park. RUBIACÉES. Fam. nat. — TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace, que l’on cultive pour la teinture, est spontanée dans la Zélande, aux environs de Montpellier et de Lyon, en Suisse, etc. Description. — Racines longues, rameuses, rampantes, articulées et rougeàtres. — Tiges noueuses, faibles, tétragones, longues de 60 centimètres à 4 mètre, hérissées de petites pointes. — Feuilles sessiles, lancéolées, disposées par verticilles de quatre ou six feuilles, — Fleurs petites, jaunâtres, disposées en panicules axillaires termi- nales. — Calice campanulé à cinq dents. — Corolle divisée en quatre ou cinq lobes pro- fonds. — Cinq étamines. — Fruit composé de deux petites baies noirâtres. Parties usitées., — La racine. [Culture,— Une bonne garancière peut être établie aussi bien par plantation que par semis ; cette plante aime une terre légère, substantielle et fraîche, ou suscep- (1) Quarumdam indigenar. plantar., etc., p. 22. GARANCE, 463 tible d'irrigation, préparée par de bons labours et bien fumée; les méthodes de cul- ture varient selon les pays ; elle exige dans tous les cas des soins assidus. ] Réeolte.— On la cultive principalement dans le midi de la France, en Alsace, en Hollande et en Orient, etc. On la sèche au moyen des poêles; en cet état, et séparée de la terre, elle est nommée alizari. Propriétés physiques et chimiques.— L'odeur de cette racine est forte et sui generis ; elle a une saveur amarescente désagréable et légèrement styptique. Elle contient une matière colorante rouge, pour laquelle elle est recherchée dans les arts, et qui a la propriété de colorer en rouge les os des animaux qui en font usage pendant quelque temps. Robiquet et Collin ont isolé cette substance et lui ont donné le nom d’ahzarine. Elle est sous forme de cristaux, d’un rouge orangé, inodore insipide, très-volatile et très-soluble dans l’eau. [L’alizarine peut être représentée par C°HSO$. L’acide azotique faible la transforme en acide alizarique, identique, d'après Gerhardt, avec l'acide phtalique ; à la distillation sèche, il donne lacide pyro-alizarique que Gerhardt considère comme de l'acide phta- lique anhydre, D’après Schunck, la garance contient sept substances différentes, qui sont : deux substances colorantes, l’alizarine et la rubialine; un principe amer, la rubiane ; deux résines; l'acide pectique, et une substance brune qui est très-probablement un produit d’oxydation.] On administre la racine de garance en décoction (15 à 30 gr. par kilogramme d’eau), en poudre, à la dose de 1 à 4 gr. L'extrait alcoolique se donne en pilules ou dans un véhicule approprié, à la dose de 1 à 2 grammes. La racine de garance, qui semble n’annoncer qu’une propriété légère- ment tonique et astringente, a été conseillée dans l’ictère, les toux an- ciennes, les affections lymphatiques, le rachitis, etc. Les anciens l’ont re- commandée contre les rétentions d’urine, la dysenterie, la sciatique, les flueurs blanches, les cachexies. » Quelques observations incontestables, dit Gilibert, prouvent l'utilité de la racine de garance dans le rachitis ; on en a même prescrit la décoction avec avantage contre la toux chronique, la jau- nisse, la chlorose, les dartres.» Des praticiens l’ont recommandée dans le vomissement chronique, l’ischurie, les calculs de la vessie, l’hypochondrie, l’'hystérie, la sciatique. On l’a aussi considérée comme emménagogue. Boer- haave faisait appliquer sur la peau des linges teints avec la garance pour sou- lager les goutteux !... Cette macédoine de propriétés médicinales ne suffit- elle pas pour faire naître l’incrédulité et justifier l’oubli dans lequel la garance est tombée ? La coloration des os, et des os seuls, à l’exclusion de tous les autres organes, en rouge, chez les animaux qui-sont nourris avec cette plante, est le seul effet bien constaté qui résulte de son action. (Cette singulière propriété, déjà entrevue par Antoine Mizaud (1), puis découverte par un chirurgien de Londres, Belchier, qui diînait chez un tein- turier, et à qui on servit un rôti de porc frais dont les os étaient rouges, a conduit Bergius, J.-B. Bæhmer et Duhamel aux remarquables expériences qui ont ouvert la voie aux études ostéogéniques. Flourens (2) a développé ces idées et multiplié les expériences. Geite propriété colorante lui a, en outre, servi à démontrer le mode de nutrition du fœtus; des mères pleines, sou- mises au régime de la garance, ont été sacrifiées, et les fœtus ont été trouvés avec les os teints en rouge, preuve de la communication du sang de la mère avec celui du fœtus, par endosmose bien entendu. Flourens à observé que la garance d’Alsace teint les os d’un rouge plus foncé que celle d'Avignon, et même que l’alizarine pure. Pour ne rien oublier au sujet de la garance, disons que Raspail, à tort ou à raison, a préconisé la décoction de la racine contre le rachitisme et les (1) Mem. sive arc. omnis gener. etc. Centuriæ, 1572, p. 161. (2) Théorie expérimentale de la formation des os. A6! GENÊT A BALAI. affections osseuses de nature scrofuleuse (1). Du reste, la priorité en revient aux anciens et à Levret. Bazin (2) a fait, avec la teinture de garance, des essais infructueux contre la scrofule secondaire.) GENÊT A BALAI. Spartium scoparium. L. Genista anqulosa et scoparia. BAUH. — Cytiso-genista scoparia vulgaris. TOURN. — Genista scoparia. Lam. — Sarothamnus scoparius. WiMMER. Genêt commun, — spartier à balai, — genettier, — juniesse. LÉGUMINEUSES. — LOTÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. Cet arbuste est très-commun. Il habite les lieux incultes et sablonneux, les bois secs, les bruyères. Il sert de chauffage aux gens de la campagne. Description. — Tiges de 4 à 2 mètres, à rameaux, dressés, glabres, effilés. — Feuilles ovales, pubescentes, les supérieures très-petites et sessiles, les inférieures plus grandes, pétiolées et trifoliées. — Fleurs jaunes, grandes, axillaires, solitaires, rappro- chées en grappes terminales (avril-mai-juin). — Calice à deux lèvres courtes terminées, la supérieure par deux dents, l’inférieure par trois — Corolle à étendard suborbicu- laire, réfléchi, dépassant les ailes et la carène. — Dix étamines monadelphes. — Un ovaire simple, uniloculaire, pluriovule, surmonté d’un style simple, un peu courbé au sommet et terminé par un petit stigmate. — Fruit : gousse comprimée, velue, conte- nant de huit à douze semences réniformes. Parties usitées.— L'herbe entière, les fleurs, les graines, l'écorce. ’ [Culture.— Le genêt est très-commun dans les bois, mais il reprend très-diffici- lement; on le propage de graines semées en pépinière.] Récolte. — Les jeunes pousses se récoltent aux mois de mai et juin pour les con- server. Les fleurs seules changent un peu par la dessiccation. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Toutes lés parties du genêt offrent une odeur désagréable, une saveur amère et nauséabonde. Stenhouse (3) a récemment recherché les principes particuliers auxquels cet arbuste doit ses propriétés. Ce chimiste a trouvé que la décoction aqueuse du genêt, réduite à un dixième, fournit une masse gélatineuse, qui consiste principalement en un principe impur qu'il désigne sous le nom de scoparine. La scoparine est une matière jaune qui, à l’état pur, se présente sous forme de cristaux étoilés, soluble dans l’eau bouillante et l'alcool ; sa formule chimique est C22H1!0!0, Stenhouse dit s'être assuré par de nombreuses expériences que c'est bien à la scoparine que sont dus les effets que l’on obtient de l'emploi du genêt; aussi conseille-t-il d'employer isolément à l'avenir ce principe. Le genêt renferme encore un autre principe, la spartéine, que Slenhouse obtient en distillant les eaux-mères de la scoparine. Cette nouvelle base organique est liquide, incolore, volatile, d’une saveur très-amère. | Dans le territoire de Pise, dit Jourdan (4), on obtient du genista scoparia, par le rouis- sage, une étoupe rude et peu élastique, qui, travaillée avec un soin particulier, donne un fil assez beau, et susceptible de bien prendre la teinture. On a fait voir, en juin 1763, à l’Académie des sciences, de la toile préparée avec ce fil; elle était bonne, mais grossière. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction de l'herbe et des 45 gr.; eau, 750 gr., réduits par l’ébulli- fleurs, 30 à 60 gr. par kilogramme d’eau. tion à 500 gr.; passez et édulcorez), trois ou Décoction composée de la pharmacopée de quatre verres dans la journée. Londres (sommités fleuries de genêt, baies | Semence en poudre, 2 à 4 gr., infusée pen- de genièvre, racine de pissenlit, de chaque dant une nuit dans un verre de vin blanc (1) Manuel de santé, 1845. (2) De la scrofule, p. 250. (3) An. chem. and pharm.,t. LXXVIIT; Annales de Roulers, 1852-1853; Bulletin général de thérapeutique, t. XLIIT, p. 518. (4) Dictionnaire des sciences médicales, t. XVIII. GENÊT (avaler le tout). — Comme diurétique, pur- gative ou éméto-cathartique, selon la dose administrée. Suc exprimé des feuilles et des sommités, 15 à 30 gr. seul ou mêlé au miel, comme pur- gatif, — à dose moindre et étendue dans l'eau, le petit-lait, l’infusion de baies de genièvre, etc., comme diurétique. Conserve des fleurs, de 15 à 30 gr., comme purgatif ou émélo-cathartique. Vin diurétique (30 à 60 gr. de cendre de ge- nèt, en infusion à froid, dans 1 kilogr. de A BALAI. 465 vin blanc ou de bon cidre), 60 à 90 gr., deux ou trois fois par jour. Sirop de fleurs de genût, 30 à G0 gr. Lessive de cendre de genêt (30 à 45 gr. par kilogramme d’eau), par verrées. A L’EXTÉRIEUR. — Branches tendres, fleurs, gousses et semences, en décoction ou en cataplasme. Lessive des cendres, en lotions, fomenta- tions, etc. Scoparine (principe diurétique actif), 25 à 30 centigr, Le genêt est diurétique, purgatif ou éméto-cathartique, suivant les parties de la plante qu'on emploie et les doses auxquelles on l’administre. L'usage thérapeutique de cette plante remonte à plusieurs siècles. Dioscoride fait mention d’un genèt dont les fleurs et les semences sont purgatives, et qui, probablement, est l'espèce dont il est ici question, ou celui des teinturiers. Pline dit que cette plante purge et pousse aux urines ; il ajoute, en outre, que ses rameaux, infusés dans le vinaigre, sont efficaces contre la sciatique. Arnaud de Villeneuve affirme que la poudre des fleurs de genêt guérit l'hydropisie et les scrofules. Cardan guérissait souvent l’hydropisie par le seul usage de la décoction de racine de genêt. D’après Cullen, la décoction de 15 gr. de sommités de genêt dans 1 kilogr. d’eau, jusqu’à réduction de moitié, dont on donne deux cuillerées à bouche toutes les heures, agit comme purgatif et comme diurétique. « 15 à 20 gr. de fleurs sèches de genèêt bien conservées, infusées dans 1/2 litre d’eau, voilà, dit Bouchardat (1), une préparation employée par Rayer, et qui m'a rendu des services dans quelques cas d’albuminurie. » Dans un cas très-grave de néphrite albumineuse, chez un jardinier âgé de quarante ans, Grazia y Alvares (2) a obtenu une guérison complète par l'emploi de l’infusion de fleurs de genêt. L'infusion et le sirop de fleurs de genêt, à dose altérante ou légèrement laxative, ont été conseillés dans le rhumatisme chronique, la goutte, l'œ- dème, les scrofules, les maladies chroniques du foie, les engorgements mé- sentériques, les affections cutanées chroniques, etc. Administré ainsi, le genêt aclive les sécrétions et notamment celle des urines. Borellus (in Le- clerc) recommande contre la jaunisse la décoction d’une poignée de fleurs de genêt et de souci dans 1 kilogr. de vin blanc ou d’eau, à la dose d'un verre, chaque matin. Le vin préparé avec la cendre du genèêt est un excellent diurétique que j'emploie fréquemment dans l’anasarque, l’albuminurie, etc. Ce remède agit promptement et sûrement. Il débarrassa le maréchal de Saxe d’une hydro- pisie contre laquelle on avait inutilement mis en usage les ordonnances des plus célèbres médecins de l’armée et de la Faculté de Paris. Sydenham a guéri des hydropiques qui se trouvaient dans l’état le plus déplorable, au moyen d’un vin préparé avec 500 gr. de cendre de genêt dans 2 kilogr. de vin du Rhin, avec addition de deux poignées d’absinthe. On donnait ce vin à la dose de 195 gr. chaque matin. La lessive de cendre de genêt se prend par verrées dans l’hydropisie, la gravelle sans irritation phlegmasique des reins, la néphrite albumineuse chronique, les engorgements viscéraux, suite de fièvres intermittentes; dans tous les cas, en un mot, où le bicarbonate de potasse est indiqué. On lit, dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Stockholm, qu’en 1757, l’ar- mée suédoise, ayant beaucoup souffert d’une épidémie catarrhale qui se terminait par l’anasarque, dut sa guérison à une infusion lixivielle des cen- (1) Annuaire de thérapeutique, 1849. (2) El siglo medico et Journal de médecine de Bordeaux, 1854. 30 466 GENÊT A BALAI. dres de genèt, donnée à la dose de 1 pinte par jour. Sumeire, médecin à Marignan (1), a employé le même moyen avec succès chez plusieurs ma- lades atteints d’anasarque par suite de la scarlatine et de la rougeole. On ignorait alors l'existence de l’albumine dans ces cas. On a utilisé à l'extérieur les diverses parties du genêt. Les branches tendres, les fleurs et les gousses peuvent être appliquées, comme résolu- tives, en décoction, en cataplasme, sur les abcès froids, l’œdème, les tu- meurs scrofuleuses, etc. Les fumigations avec les fleurs ont été regardées comme efficaces dans l’æœdème des extrémités inférieures. Levret se servait, contre les engorgements lymphatiques et laiteux des mamelles, de la les- sive de cendres de genêt ou de sarment, qu'il considérait comme un des plus puissants résolutifs. 11 faisait entretenir sur le sein malade, après quel- ques douches, une compresse suffisamment imbibée de cette liqueur chaude, et recouverte d’un taffetas cé. J’ai employé ce moyen avec succès, nons seulement dans les engorgements des mamelles, mais aussi contre l’æœdème, les engorgements scrofuleux, l'hydrotharse, les tumeurs blanches; en un mot, dans tous les cas où les fomentations, les douches et les bains alcalins sont prescrits. La SCoPARINE, d’après les nombreuses expériences de Stenhouse (2), peut remplacer les autres préparations de genêt. L'action de ce principe se ma- nifeste ordinairement douze heures après son administration ; la quantité de l'urine rendue est alors doublée. La SPARTÉINE est douée, suivant cet ex- périmentateur, de propriétés narcotiques très-prononcées. Une seule goutte de spartéine, dissoute dans l'alcool, produisit chez un lapin un narcotisme qui dura cinq à six heures ; chez un autre lapin, 20 centigr. du même prin- cipe causèrent d’abord des mouvements convulsifs, puis de la torpeur, et enfin, après trois heures, la mort. Stenhouse pense que les différences d’effet que les médecins ont obtenues de l’emploi du genêt dépendent de ce que les proportions de scoparine et de spartéine peuvent varier dans la plante, suivant les localités où on l’a récoltée. GENËT D'ESPAGNE (Spartium junceum, L.; Genista juncea, Desf.). — Ar- brisseau qui croît naturellement dans le midi de la France, dans les lieux incultes, sur les coteaux. On le cultive dans les jardins pour l’odeur suave de ses belles fleurs. Description. — Feuilles lancéolées, rameaux opposés, effilés et florifères au bout. — Fleurs également jaunes et odorantes. On peut retirer de son écorce préparée une espèce de filasse infiniment supérieure à celle que fournit le genêt à balai. Cette espèce, dont les fleurs ont une saveur sucrée, recherchée des abeilles, possède les mêmes propriétés que le genêt à balai, mais à un plus haut degré. Des enfants, trompés par le goût des fleurs, en mêlèrent une assez grande quantité dans une omelette, et la mangèrent. Quelques heures après, ils éprouvèrent des nausées, des vomissements, de la faiblesse, de l'anxiété, avec mal de tête; un d’eux en fut purgé. L'eau chaude donnée abondamment, puis l’oxicrat, les guérirent (3). L'infusion de 8 gr. de fleurs de cet arbrisseau purge très-bien; on en fait un fréquent usage à la cam- pagne. Cette même infusion, donnée par cuillerée dans la journée, agit comme diurétique. Levrat aîné (4) a prescrit avec avantage, dans un cas. (1) Ancien Journal de médecine, t. L, p. 230. (2) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIIT, p. 518. (3) Gazette de santé, n° 38, 1776. (4) Journal de médecine de Lyon, 1846. GENÊT A BALAI. 167 d’ascite chez une jeune femme atteinte d'aménorrhée et affaiblie par quel- ques troubles des fonctions digestives, l’infusion de fleurs de genêt d’Es- pagne dans 1/2 litre, dans laquelle on ajoutait 4 gr. de nitrate de potasse et 60 gr. de sirop des cinq racines. La malade prenait chaque jour cette quan- tité de boisson; à jeun et à midi, on lui donnait, tantôt seule, tantôt mêlée à sa tisane, une cuillerée à bouche d’un mélange de parties égales de rob de sureau, de rob de genièvre, de sirop des cinq racines et de sirop de ca- pillaire, au bout de quarante-cinq jours. Ce traitement m’a parfaitement réussi, en 1848, chez une fille de dix-sept ans, affectée d’albuminurie avec anasarque portée au plus haut degré, suite de la scarlatine. Mais j'ajoutais à l’infusion 1 gr. de nitrate de potasse en plus, et des fumigations de baies de genévrier. Il est très-important, en pareil cas, d’exciter les fonctions de la peau; c’est parce qu'elles ont été interrompues par l’action du froid que la maladie se produit. GENET DES TEINTURIERS (Genistrole, spargelle, herbe à jaunir, herbe de pâturage. — Genista tinctoria, L.; Genista tincioria germanica, Bauh.; Spartium tinctorium, Roth.; Genistella, Riv.; Flos tinctorius, Fuchs).— Cette variété, dont Peyrilhe a fait l'histoire, en n’indiquant le genêt à balai que pour la suppléer, ressemble beaucoup à ce dernier. Il croît dans toute la France et habite les pâturages secs, le bord des bois, les collines. On le cul- tive dans les jardins comme plante d'agrément. Description.— Rameaux droits, striés.— feuilles alternes, lancéolées, linéaires, éparses, glabres ou velues. — Fleurs également jaunes, mais en épis droits plus garnis et terminaux, s’'épanouissant un peu plus tard (juin-juillet). Il doit être cueilli au mois de mai: il peut se conserver plusieurs années ; ses som- mités fournissent à la teinture une belle couleur jaune vif. Cette espèce de genêt a les mêmes propriétés que les précédentes. D’après Ettmuller, les fleurs de ce genêt sont purgatives, si on les donne en décoc- tion; prises en substance, elles agissent comme vomitives: les semences sont éméto-cathartiques. Peyrilhe indique le suc des fleurs comme purgatif à la dose de 15 à 30 gr. Les racines et les feuilles ont, selon lui, les mêmes vertus. Il y à soixante ans que le gouvernement fit publier, comme un spécifique contre l'hydropisie, un remède qui n’étail autre chose que la semence de genêt des teinturiers réduite en poudre. On la donnait tous les deux jours à la dose de 4 gr. dans 6 onces de vin blanc, avec l'attention d’en adoucir l'effet par 60 gr. d'huile d'olive, pris une heure après la poudre. Ce remède, devenu tout à fait populaire, et que j'ai vu réussir quand beaucoup d’autres avaient échoué, doit prendre place parmi les moyens thérapeutiques que le médecin de campagne se procure le plus facilement. On a attribué au genista tinctoria, dans quelques provinces russes, la vertu d'empêcher le développement de la rage. Marochetti a lu un mémoire à ce sujet à la Société médico-physique de Moscou, le 4 octobre 4820. On administre pendant six semaines une forte décoction de cette plante, as- sociée au rhus coriaria; on en lave aussi les plaies, on s’en sert en garga- risme, ete. Mais il faut, en même temps, examiner le dessous de la langue, où, dit-on, il se développe, du troisième au neuvième jour après la mor- sure, des pustules que l’on doit cautériser dans les vingt-quatre heures. Salvatori (1) attribue tout l'effet obtenu à cette dernière opération. La cau- térisation des pustules sublinguales suffit, suivant lui, pour préserver de la rage, et l’on doit se borner, après lavoir pratiquée, à des lotions d’eau salée sur les parties cautérisées. Chabanon, d’Asès, d’après une note insérée dans le Moniteur du 15 juillet 1825, affirme pourtant avoir guéri plusieurs en- EEE (1) Bulletin de la Société médicale d'émulation, 1823, p. 322. 4168 GENÉVRIER. ragés par le genêt des teinturiers; mais de nombreux cssais semblent prouver que l’on ne peut en retirer aucun secours en pareil cas. En atten- dant que l'expérience ait prononcé sur la valeur de ces moyens, on fera bien de ne compter que sur l'emploi de la cautérisation prompte de la plaie, comme pouvant seule préserver de l'infection rabique. GENET PURGATIF. — GENËT GRIOT. — SPARTIER PURGATIF (Spartium pur- gans, L.). — Cette espèce croit dans les montagnes de l’est et du midi de la France. Son nom lui vient probablement de ce qu’elle est employée de temps immémorial comme évacuante par les villageois. Descriptiom.— Tiges dressées, très-rameuses ; rameaux presque nus, les plus jeunes soyeux. — Feuilles petites, lancéolées, alternes. — Fleurs jaunes, latérales et solilaires. Cet arbuste jouit de propriétés purgatives plus énergiques que celles du genêt à balai et du genèt des teinturiers. Cependant il n’est guère employé que dans la médecine populaire des campagnes où il croît. GENÉVRIER. Juniperus communis. Juniperus vulgaris fructicosa. C. Baux. — Juniperus vulgaris seu minor. PARK. Genévrier commun, — genièsre, — pétron, — petrot. — genibre, — piket. CONIFÈRES. — GUPRESSINÉES. Fam. nat. — DIOECIE MONADELPHIE. L. Le genévrier croît dans presque toute ja France, et se trouve dans les bois, les terrains incultes, sur les revers des montagnes. Il ne s'élève pas à plus de 2 mètres dans nos climats, où il forme des buissons rabougris et épineux, tandis que dans les pays chauds il s'élève souvent en arbre de 5 à 6 mètres de haut. La culture peut lui faire acquérir partout cette hauteur. Je l’ai obtenue pour plusieurs à ma maison de campagne. Description. — Racines fortes et rameuses. — Tiges tortueuses, difformes, à écorce raboteuse et rougeàtre, les jeunes pousses des rameaux menues, pendantes, un peu triangulaires. — Feuilles sessiles, étroites, dures, en forme d’épine et toujours vertes, marquées d’une raie blanche longitudinale, réunies en verticilles trois par trois. — Fleurs dioïques, quelquefois monoïques; les fleurs mâles disposées en petits chatons, ovoïdes, munies d’écailles pédicellées, élargies au sommet en forme de bouclier ; sous chaque écaille trois ou quatre anthères sessiles, à une seule loge : les fleurs femelles en chatons globuleux, les écailles épaisses, aiguës, disposées sur quatre rangs. — Un ovaire sous chacune d'elles, surmonté d’un petit stigmate. Ces écailles croissent, de- viennent charnues, se soudent ensemble, et forment une prétendue baie arrondie de la grosseur d’un pois, glabre, luisante, verte d’abord, puis noirâtre à la maturité. Ces fruits, improprement désignés sous le nom de baies de genièvre, sont, comme nous ve- nons de le voir, de véritables cônes à trois écailles soudées entre elles, renfermant trois noyaux osseux à une seule loge. Parties usitées. — Le bois, l'écorce, les sommités, les fruits. (Culture. — Le genévrier croit spontanément sur les coteaux stériles, el végèle bien sur le sable et sur la craie ; il a plusieurs variétés, parmi lesquelles nous citerons les G. oblonga, oblonga pendula, hibernica, etc. On le multiplie de marcottes ou de boutures en août. | Récolte. — Les fruits du genévrier restent verts pendant deux ans; ce n’est qu'à la troisième année qu'ils mürissent et deviennent d’un brun noirâtre. C’est à cause de la lenteur de leur maturité qu’on voit constamment sur les genévriers des fruits verts et des mûrs. La récolte de ces fruits se fait dans les mois d'octobre et de novembre; on les sèche facilement en les étendant clair-semés dans un grenier, et les remuant sou- vent. On doit les choisir gros, bien nourris, noirs, luisants, pesants, d’un goût sucré et un peu âcre. Ils doivent être aussi récents que possible, parce qu’il est prouvé qu'avec le temps ils perdent leur arôme et leurs vertus, GENÉVRIER. 469 La récolte et la conservation des sommités ne réclament que les soins ordinaires. Propriétés physiques et chimiques: usages cconomiques. — Presque toutes les parties du genévrier, et surtout les cônes, répandent, quand on les brûle, une odeur résineuse plus ou moins suave el aromatique. Ces derniers sont d’une odeur forte, agréable, d’une saveur douceâtre, amère, chaude, balsamique, térébin- thacée. Ils contiennent un suc pulpeux, sucré. L'analyse chimique y a démontré la pré- sence de l'huile volatile 4, de la cire 4, de la résine 10, du sucre 33.8, de la gomme 7, du ligneux et de l’eau 48; plus quelques sels de chaux et de potasse, — L'eau et l'alcool s'emparent de leurs principes actifs. [Suivant Tromsdorif, la matière sucrée est cristalli- sable et analogue au sucre de raisin; Nicolet à obtenu la résine cristallisée.] L'huile volatile, qu'on oblient par distillalion, est incolore; sa densité est de 0,944. Elle est peu soluble dans l'alcool, Elle est isomérique avec l'essence de térébenthine, suivant Dumas. Les semences, osseuses, anguleuses, présentent de petites fosseltes alignées où sont contenues des utricules remplies d'huile volatile quand les fruits sont verts, et qui se change en une vraie térébenthine à leur maturité. De sorte que pour obtenir cette huile, il faut prendre les premiers, et les seconds, c'est-à-dire les fruits mûrs, pour pré- parer l'extrait, et même les prendre desséchés (1). Le tronc du genévrier rend, dit-on, dans les pays chauds, au moyen d'incision, une résine appelée yomme de genévrier, vernis, etc., qu'il ne faut pas confondre avec la sandaraque, qui est produite par le thuya articulala, d'après Broussonnet, quoiqu'on l'ait attribuée au juniperus communis. Dans le nord et dans le centre de l'Europe, le genévrier ne rend pas de résine ; on ne connaît pas de gomme ou résine de genévrier ; et l’on donne comme telle la sandaraque. (Mérat et Delens.) Dans le Nord, on distille beaucoup de grains, et l’eau-de-vie qu'on en retire a tou- jours un goût de feu, un goût àcre, empyreumatique; pour remédier à cet inconvé- nient et lui communiquer d'autres qualités, on à coutume de mêler des cônes de ge- névrier à la liqueur qu'on veut distiller, et qui donne l'eau-de-vie connue sous le nom de genièvre.— Les fruits du genévrier, infusés dans l’eau, y fermentent et donnent une espèce de vin dont on obtient par la distillation une eau-de-vie de genièvre un peu àâcre et dont l'usage est très-répandu parmi les habitants peu aisés, surtout en Alle- magne, où elle est l'objet d’un commerce considérable. — Les Suédois préparent avec ces mêmes fruits une espèce de bière qu'ils louent comme très-saine et surtout comme antiscorbutique. — Helvétius conseillait une boisson composée de 7 décalitres 1/2 de fruits de genièvre concassés, et de quatre poignées d’absinthe bien épluchée, jetées dans un tonneau plein d’eau, pour laisser infuser dans un lieu frais ou dans une cave pendant un mois. Cette boisson est salutaire et durable, si l'on a soin, chaque fois, de remettre autant d'eau qu'on a tiré de liqueur pour l'usage journalier. Elle convient principalement aux habitants des contrées marécageuses, où les fièvres intermittentes sont endémiques. Voici un vin de genièvre qui est plus agréable : on supprime l’ab- sinthe et on la remplace par quelques livres de miel ou de cassonnade ; lorsque la liqueur à acquis une saveur vineuse par la fermentation, on la soutire, — On fait infu- ser les fruits de genévrier dans l’eau-de-vie pour en confectionner des liqueurs de table ou médicinales, etc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion des fruits concas- sés ou des sommités (à vase clos), de 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau ou de vin blanc. Décoction du bois en copeaux, 30 à 60 gr. par kilogramme. Eau distillée (1 sur 4 d’eau), de 50 à 123 gr., et pour masquer l’odeur et la saveur dés- agréables de diverses préparations purga- tives. Vin de fruits (30 à 60 gr. par kilogramme de vin blanc), 60 à 100 gr. Vin de cendre de genèt (150 gr. par kilo- gramme de vin blanc), 60 à 120 gr. Teinture (1 sur 2 d'alcool à 33 degrés), de 2 à 8 gr., en potion ou mélangée à la tisane, à du vin, etc. Extrait (par infusion, 1 sur 4 d’eau), de 4 à 8 gr., en pilules ou en solution dans un li- quide approprié ou seul. Huile essentielle (1 sur 8 d’eau), de 10 à 15 centigr., en potion, en oleo-saccharum, pilules, etc. Poudre, de 2 à 8 gr., en bols, pilules, ou dans un liquide approprié. Alcoolat, à la même dose et de la même ma- nière que la teinture. Fruits entiers, 15 à 20 à la fois. A L'EXTÉRIEUR. — Infusion des fruits, décoc- tion des sommités, en lotions, fomentations, bains. Teinture, en frictions. Poudre ou fruits entiers sur des charbons ar- (4) Journal de pharmacie, 1827, t. XIII, p. 215. 470 GENÉVRIER, dents, dans une bassinoire, pour fumiga- | Poudre, en bains. tions. Fruits contus, en cataplasmes. Les fruits du genévrier sont stimulants, toniques, stomachiques, diuré- tiques, diaphorétiques. A petite dose, ils localisent leur action sur l’esto- mac : ils excitent l’appétit, dissipent les flatuosités, facilitent la digestion. A dose plus élevée, ils agissent sur toute l’économie, provoquent l'exha- lation cutanée, modifient les sécrétions muqueuses et excitent plus spécia- lement les organes sécréteurs de l'urine, à laquelie ils communiquent une odeur de violette. On les emploie dans les affections catarrhales pulmo- naires et vésicales chroniques, la phthisie, la leucorrhée, la blennorrhée, la néphrite calculeuse, la chlorose, l’aménorrhée par débilité, l’hydropisie, Palbuminurie, l’asthme humide, la bronchorrée, le scorbut, les engorge- ments des viscères abdominaux, les cachexies, les affections cutanées chro- niques, rhumatismales, etc. Les praticiens de tous les temps ont employé avec succès les cônes de ge- névrier dans les diverses maladies que nous venons d’énumérer. On peut lire à ce sujet Van Swieten, Hoffmann, Vogel, Rosenstein, Meckel, Schmidt, Hecker, Loiseleur- -Deslongchamps, Lange ‘et Demangeon. Ce dernier a fait insérer dans le Journal de médecine (4806) deux observations remarquables constatant leur action particulière sur l’appareil urinaire. En employant préalablement ou simultanément l’infusion de fruits de ge- névrier et les frictions de pommade de belladone, dont l'effet est de dissi- per le spasme et la douleur, on pourrait favoriser l’expulsion des calculs, dans les cas où ces symptômes, au lieu de diminuer, augmenteraient par l'usage des diurétiques. (Voyez BELLADONE, p. 166.) On sait que les cônes de genévrier excitent à tel point les organes sécréteurs de l’urine, que celle-ci devient quelquefois sanguinolente, quand on les administre à trop grande dose, ou à des sujets trop irritables, ou qu'on en fait usage trop longtemps. Il est donc rationnel, dans les affections calculeuses, de s'assurer du tempé- rament du malade, et surtout de l’ état des voies urinaires, avant de prescrire ce médicament. On a retiré de grands avantages des fruits de genévrier comme diuré- tiques dans les hy dropisies. On se sert alors le plus ordinairement de l’in- fusion simple ou nitrée, aqueuse ou vineuse. Hegewisch (1) préférait la décoction dans la bière à tous les autres diurétiques dans le traitement de lPhydropisie. Van Swieten faisait prendre duatus à huit fois par jour une à deux cuillerées à bouche du mélange de 120 gr. d’extrait délayé dans 1 kilogr. d’eau distillée des baies, avec addition de 60 gr. d'esprit de ge- nièvre. Vitet prescrit contre l’ascite par cachexie le suc exprimé de cresson mêlé avec une forte infusion de fruits de genévrier. Alexandre (2) met au premier rang des remèdes employés contre l’hydropisie, l'huile essentielle de genièvre, à la dose de quelques gouttes seulement dans une infusion de thé vert. L'infusion aqueuse ou vineuse m'a réussi dans un grand nombre de cas. J’y ai souvent ajouté la racine de persil ou celle de raifort, surtout dans les hydropisies succédant aux fièvres intermittentes ou accompagnant l’al- buminurie chronique. Dans les pays bas et humides, l’usage de l’infusion des fruits de genévrier dans l’eau, la bière ou l’eau- de-vie à ratafia,, relève les forces, favorise les sécrétions et peut préserver des fièvres muqueuses et intermittentes, qui sévissent annuellement sous l'influence paludéenne, Tissot recommande aux habitants des lieux où la nature de l'air rend ces fièvres fréquentes, de mà- cher tous les jours des fruits de genévrier et d'employer pour boisson une (1) Horn's Archive, t. VI. (2) Diclionnaire des sciences médicales, t. XXII, p. 407. GENÉVRIER, 471 infusion fermentée de cette même graine, moyens aussi faciles que peu coûteux, Le vin composé de fruits de genévrier et d’absinthe m'a réussi dans des fièvres intermittentes automnales avec engorgement splénique et ca- chexie, après l’usage infructueux du sulfate de quinine. J'ai souvent vu des paysans se guérir promptement de ces fièvres en prenant avant l'accès 4 à 6 gr. de baies de genévrier en poudre. Ce remède excite la transpiration, que le malade favorise en s’enveloppant de couvertures de laine dans un lit préalablement imprégné de la vapeur de cette même poudre jetée dans une bassinoire, sur des charbons ardents. Les rameaux et les sommilés du genévrier jouissent de propriétés ana- logues à celles des cônes de cet arbrisseau. Roques (1) a eu à se louer d’un vin composé de 60 gr. de fruits, de 30 gr. de rameaux et de 1 kilogr. de vin blanc, avec addition, après trois jours d’infusion, de 60 gr. de sucre. Il augmentait parfois l’action de ce vin en y ajoutant une bonne pincée d’absinthe et 30 gr. de racine de raifort. Deux ou trois cuillerées, administrées de temps en temps, suffisaient pour ranimer les tissus orga- niques, pour exciter l'appétit, réveiller les fonctions digestives, pour pro- voquer le cours des urines, ete. «Ce vin stimulant, dit l’auteur que nous venons de citer, a quelquefois guéri des hydropisies rebelles, des fièvres intermittentes automnales que le quinquina rendait encore plus opiniâtres, des affections scorbutiques, etc. » Auguste-Frédéric Hecker (2) a guéri, au moyen de l'extrait de genièvre, un grand nombre d'individus affectés de blennorrhagie. Jourdan (3) a con- firmé, par de nombreux essais, les observations de Hecker. Suivant le doc- teur Plagge (4), 5 gouttes d’huile essentielle de baies de genièvre, avec 4 gr. d'esprit de nitre doux, dans une mixture, seraient nn des meilleurs diu- rétiques que nous possédions. Ce médecin accorde à l'huile essentielle de genévrier un effet curatif dans les cas de blennorrhagie; il la considère comme pouvant remplacer avantageusement le cubèbe et le copahu. C’est surtout dans les affections catarrhales anciennes et les écoulements chroniques muqueux, que j'ai été à même de constater les bons effets des sommités et des cônes de genévrier. J'ai vu des leucorrhées anciennes avec débilité des voies digestives, traitées inutilement par divers moyens, céder à l’usage d’une forte infusion aqueuse ou vineuse, dont les propriétés me semblent, au reste, tout à fait semblables à celles de la térébenthine et des autres substances résineuses. J'associe souvent à ce médicament la racine d’aunée et celle d’angélique. Dans les hydropisies, les engorgementis viscé- raux et les cachexies qui suivent ou accompagnent les fièvres intermit- tentes, je l’'emploie seul ou mêlé avec la gentiane, la bryone, l’absinthe, la petite centaurée, l’eupatoire d’Avicenne, le calcitrape ou la digitale, selon les indications et l’état du malade. Le bois de genévrier est sudorifique et diurétique, suivant les cas et les dispositions individuelles. Il est le meilleur succédané du gaïac dans la syphilis, le rhumatisme, la goutte, les maladies cutanées chroniques, etc, Léon l’Africain et Brassavole l’ont recommandé dans les affections syphili- tiques. Sylvius à également préconisé l'écorce et le bois de cet arbrisseau dans ces mêmes affections. Hanin préparait avec le bois et une petite quan- tité de fleurs de sureau une tisane très-diaphorétique, qu'il employait con- stamment dans le traitement des maladies vénériennes. J'ai vu donner avec succès dans les affections rhumatismales chroniques, chez les villageois, la tisane sudorifique suivante : bois de genévrier râpé, 195 gr.; faites bouillir (1) Plantes usuelles, t. IV, p. 24. (2) Traitement de la gonorrhée. (3) Dictionnaire des sciences médicales, t. XVIII, p. 73. (4) Bulletin de thérapeutique, 1852. 472 GENÉVRIER, dans eau, 1 kilogr. 1/2, et réduire à 1 kilogr.; ajoutez vers la fin de l’ébul- lition, vin blanc, 195 gr. Dose : 180 gr. Le malade prend cette tisane chaude en se couvrant bien pour provoquer la sueur. Ce moyen est répété chaque malin, ou chaque soir. Les cendres du genévrier, en infusion dans le vin blanc, sont très-diuré- tiques. J'ai vu des cas de leucophlegmatie, qui avaient résisté aux moyens ordinaires, céder à l'effet de ce vin. Je le prépare en faisant infuser à froid 150 gr. de ces cendres dans 1 kilogr. de bon vin blanc de Bordeaux ou du Rhin, ou tout simplement dans le cidre de bonne qualité. Le malade en prend 60 à 100 gr. deux ou trois fois par jour, jusqu'à ce qu'il soit com- plétement désenflé. Je dois faire observer que cette dose, très-bien sup- portée par des campagnards robustes et peu irritables, serait trop forte pour des sujets faibles, nerveux, ou atteints d’irritation gastrique ou in- testinale. La décoction de genévrier est employée à l'extérieur comme résolutive, détersive, tonique, dans le traitement des engorgements froids, œdéma- teux, les ulcères aloniques et scorbutiques. On applique aussi les fruits de genévrier concassés en cataplasme. J'ai vu des paysans mettrè sur la tête des enfants atteints de teigne des baies de genièvre récentes, pilées et mè- lées avec du saindoux. J'ai observé de bons effets de ce topique. Les fumigations de cônes sont efficaces dans l’atonie générale, les vieilles douleurs rhumatismales ou goutteuses, les hydropisies consécutives aux fièvres éruptives. Ces fumigations m'ont été d’un grand secours pour rétablir les fonctions de la peau dans l’anasarque albuminurique, qui survient à la suite de la fièvre scarlatine. Je les fais pratiquer au moyen d’une bassinoire, dans le lit des malades. Hufeland conseille de frictionner deux ou trois fois par jour tout le corps des enfants scrofuleux ou très-faibles, avec des fla- nelles imprégnées de la vapeur de ces mêmes fruits. J’ai vu plusieurs cas de coryza chronique rebelle guérir au moyen de ces fumigations reçues dans les narines. Dans ma pratique rurale, j'ai souvent fait brüler les branches et les sommités du genévrier dans la chambre des phthisiques. Ce moyen est très-bon. On fait quelquefois brûler cet arbrisseau pour désinfecter l'air. La chimie moderne considère cette fumigation, ainsi que toutes celles du même genre, comme ajoutant à l’air des corps étrangers qui, au lieu de le puri- fier, en altèrent la pureté. On leur préfère, avec raison, la vapeur du chlo- rure de chaux, ou d’oxyde de sodium, et les famigations guitonniennes. GENÉVRIER OXYCÉÈDRE, CADE (Juniperus oxicedrus, L.), petit cèdre. Il croit dans le midi de la France. La combustion de son bois donne un li- quide appelé huile de cade, qui est employée depuis longtemps par les ma- réchaux contre la gale et les ulcères des chevaux. Cette huile, produit de la distillation des grosses branches et des racines de genévrier de l’espèce que nous venons de désigner, que l’on coupe par morceaux de 20 à 30 centigr. de long pour les soumettre à l’action du feu dans une vieille marmite percée sur un des côtés et couverte d’une pierre plate qu'on lute avec de l'argile; cette huile, dis-je, qui coule par l’ouver- ture laissée au vase distillatoire, est un liquide brunâtre, inflammable, d’une forte odeur résineuse, analogue à celle du goudron, d’une saveur àâcre et caustique. Serre, d’Alais, a publié dans le Bulletin de thérapeutique (1846) un mé- moire sur les bons effets de l'huile de cade, déjà employée depuis long- temps dans la médecine populaire. Appliquée sur la peau saine, l’huile de cade ne provoque ni douleur ni démangeaison. Sur les muqueuses non enflammées, l’irritation est très-peu prononcée; sur la peau et les muqueuses enflammées, son application est quelquefois accompagnée d’une cuisson légère et de courte durée; sur les GENÈVRIER. 473 parties ulcérées, cette cuisson est un peu plus forte, mais elle ne dure pas davantage : environ un quart ou une demi-minute. Elle ne d ‘termine pas de réaction pathogénique sensible chez les enfants atteints d’affection vermi- neuse, auxquels on la donne à l'intérieur. Les premiers essais de Serre ont porté sur la gale, et il a si constamment réussi qu'il n'emploie plus d'autre moyen dans le traitement de cette affec- tion. Trois ou quatre frictions suffisent le plus ordinairement pour la faire disparaître lorsqu'elle est récente. Lorsque cette maladie est invétérée, et qu'il s’y joint un état eczémateux avec suintement, Serre réussit encore à la guérir par l'huile de cade, quand tous les traitements ont échoué. Cette huile, suivant ce médecin, s'est montrée efficace dans les affections sécré- tantes de la peau et contre toute maladie dartreuse, quelle que soit sa forme. Cette application se fait à l’aide d’un pinceau. Serre signale, comme particularité remarquable, la formation d’une pelli- cule analogue à l’épiderme par l’action de l'huile de cade. Cette pellicule se forme, du quatrième au cinquième jour, sur les parties eczémateuses ointes d'huile; elle est lisse et presque transparente. Du cinquième au sixième jour, cette pellicule se casse, et tombe du neuvième au dixième jour, laissant voir la surface malade guérie ou en voie rapide de guérison. C'est surtout contre l’ophthalmie scrofuleuse que Serre à obtenu de bons effets de l'huile de cade. Chez les adultes, il applique cette huile pure sur la paupière inférieure tous les deux jours. Chez les enfants, 1l n’a jamais eu besoin de porter le remède sur l’œil ou sur les paupières pour guérir les ophthalmies les plus opiniâtres; de simples onctions sur le front, les tempes, les pommettes, et extérieurement sur les paupières, ont le plus souvent suffi pour amener la guérison. Dans quelques cas, les résultats ont été activés par l'introduction d’une goutte d'huile de cade dans chaque narine. Si la guérison, ou une amélioration tellement notable qu’on puisse l’es- pérer prochaine, n’est pas obtenue au bout du cinquième ou sixième jour, on ne doit plus, selon Serre, compter sur l'huile de cade, soit qu’on ait affaire à une affection eczémateuse, soit qu'il s'agisse d’une ophthalmie. Dans ce cas, Serre a recours aux bains de sublimé. Devergie (4) a répété à l'hôpital Saint-Louis les essais de Serre. Il ne par- tage pas l’enthousiasme de ce médecin; mais il reconnaît que l'huile de cade est une bonne ressource de plus dans le traitement des dartres sécré- tantes et dans les ophthalmies scrofuleuses. Il arrive même quelquefois que l'application de ce remède supprime trop brusquement la sécrétion mor- bide des surfaces enflammées; elle ne doit être employée que tous les trois jours. Il faut l’étendre sur la surface malade, mais essuyer aussitôt avec du coton sec, de manière à ce qu'il reste appliqué la couche la plus mince possible d'huile. En général, elle est trop active quand il s’agit d’un eczéma qui parcourt simplement ses périodes; elle devient utile lorsqu'il s’agit d’eczéma ancien où la sensibilité de la peau permet le contact de moyens modificateurs résolutifs. C’est surtout dans la variété d’eczéma psoriasi- forme qu’elle réussit (Devergie) (2). On a employé avec succès, en Angleterre, dans quelques maladies de la peau, l’onguent suivant : cire jaune, 3 gr.; axonge, 45 gr.; huile de cade, 145 gr.; mêlez. (Bazin à puissamment contribué à vulgariser l’emploi de l’huiie de cade, (1) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1853, p. 59. ; (2) Dans le commerce, on délivre fréquemment, au lieu d’huile de cade, de l'huile distillée de goudron, qui lui est inférieure en efficacité. L’odeur peut tromper des personnes peu exer- cées, mais la couleur présente une différence très-apparente. L'huile de goudron est noire et d’un reflet brunâtre; l’huile de cade, en apparence brune, est d’un reflet rouge vif par la lu- mière. À Paris, on vend presque toujours l’huile de goudron pour l'huile de cade. 74 | GENTIANE. tant dans les scrofulides que dans les affections cutanées, telles que gale, lichen agrius, psoriasis, couperose, où les applications de cette huile, pure ou adoucie par un mélange avec l'huile d'amandes douces, la glycérine, produisent des effets remarquables, sinon très-durables. (Consultez, à ce sujet, Bazin, De la scrofule. p. 202; et Annales de thérapeutique, 1859, p. 102 et suiv., Gibert, Remarques sur l'emploi de l'huile de cade, etc.) On à tenté l'administration de cette huile à l’intérieur dans les mêmes affections, quand elles sont rebelles à l’usage externe (Bazin); mais cette pratique ne s’est pas généralisée. C’est un insecticide efficace : à ce titre, on l’a recommandée comme vermifuge.) [Nous citerons les J. Bermudiana ct Virginiana, parfaitement acclimatés en France, dont le bois, connu sous le nom de bois de cèdre, sert à faire des crayons et des stéthoscopes.] GENTIANE. Gentiana lutea. L. Gentiana major lutea. BAUH. Gentiane jaune, — grande gentiane, — jansonna. GENTIANACÉES.— CHIRONIÉES. Fam. nat.— PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette belle plante (PI. XIX ), que Haller a. célébrée, et qui doit son nom à Gentius, roi d'Illyrie, lequel, d’après Dioscoride, l’employa le premier, croît dans les départements du milieu et du midi de la France, aux envi- rons de Lyon, dans les Alpes, l'Auvergne, les Pyrénées, la Suisse, les Cé- vennes, etc. Description. — Racine épaisse, [grosse, charnue, spongieuse , ridée, ru- gueuse, rameuse et pivotante,| jaunàtre en dedans. — Tiges de 1 mètre à 1 mètre 90 centimètres, cylindriques, non rameuses, dressées. — Feuilles larges, ovales, lisses, aiguës, opposées, amplexicaules, les caulinaires connées, à cinqg-sept nervures longitu- dinales, saillantes ; les inférieures rétrécies en pétiole à leur base, plus grandes, — Fleurs nombreuses, jaunes, fasciculées, et presque verlicillées dans les aisselles des feuilles supérieures (juin-juillet}. — Calice membraneux, déjeté d’un seul côté, fendu longitudinalement, à cinq dents courtes, subulées et inégales. — Corolle monopétale, en roue, à cinq divisions profondes, quelquefois huit.— Cinq étamines insinuées sur le tube de la corolle, à anthères oblongues. — Ovaire surmonté de deux stigmates presque ses- siles et divergents à la base de l'ovaire; cinq nectaires glanduleux arrondis. — Une capsule uniloculaire, plurisperme; [graines nombreuses atlachées sur deux placentas pariélaux, aplaties et membraneuses sur les bords.] Parties usitées, — La racine. [Cuuléusre, — La gentiane vient bien en terre fraîche, à mi-ombre ; on la multiplie de graines semées au printemps el d’æilletons.] Récolte. — Cette racine ne doit être récoltée qu’à la deuxième année au plus tôt, après la chute des feuilles. Après l'avoir mondée {et non lavée, afin qu’elle ne se pé- nètre pas d'humidité) on la coupe par rouelle et on la fait sécher à l’étuve. On l'emploie rarement fraiche, parce qu’on la trouve toujours sèche dans le commerce. On mélange à celte racine ou on lui substitue celle de genliana purpurea, punctata pannonea el amarella, L., qui croissent dans les mêmes localités que la gentiane jaune ; ces fraudes sont peu importantes. Mais un mélange dangereux et qui provient de la négligence, c’est la présence des racines d’aconit, de belladone, d’ellébore blanc, qui, dit-on, a été constatée, Ces racines sont très-reconnaissables à simple vue, puis à la sa- veur, qui n’est pas d’une amertume franche comme dans la gentiane. L’ellébore blanc a une saveur amère, mais elle est en outre âcre et nauséeuse. (Dorvault.) La racine de gentiane doit être bien conservée, de moyenne grosseur, spongieuse, jaune en dedans, très-amère, n'ayant pas beaucoup de petites racines. On doit rejeter comme mauvaises les racines qui sont ridées, cariées, noirâtres et moisies à l'intérieur. Le commerce de la pharmacie tire celte racine de la Bourgogne, de la Lorraine et de l'Auvergne, [des Alpes, des Vosges, de la Franche-Comté; sa grosseur varie depuis celle du pouce jusqu'à celle du poignet, elle est longue et rameuse; elle est rugueuse à l’ex- GENTIANE, 75 térieur, spongieuse et élastique à l’intérieur, Son odeur rapproche un peu celle des miels communs, sa saveur est très-amère, Il faut la choisir saine et médiocrement grosse. ] Propriétés physiques et chimiques. — La racine de gentiane à une saveur très-amère. Les recherches de Planche, Henry, Caventou et Leconte, on fait re- connaitre dans cette racine un principe odorant fugace, du gentianin, de la glu, une matière huileuse verdâtre, du sucre incristallisable, de la gomme, de l'acide pectique, une malière colorante fauve, de Pacide organique. — Planche y a reconnu l'existence d’un principe nauséabond volatil, qui donne à l'eau distillée de cette racine, fraiche- ment récollée, la propriété de causer des nausées el une sorte d'ivresse. Si l’on ne s'aperçoit pas de l’action de ce principe dans l'emploi de la plupart des préparations de gentiane, c'est qu'il s'y trouve en trop faibles proportions dans la racine sèche. Henry et Caventou considéraient sous le nom de gentinnin, g'ntianine, substance jaune, très-amère, cristallisant en aigrettes, comme le principe amer de la gentiane, la matière cristalline qu'ils n'avaient obtenue qu'à Pétat impur. Mais Leconte et Tromms- dorf ont fait voir, depuis, que la matière cristalline est une simple substance colorante, dépourvue d'amertume, qu'ils ont nommée genlisin, et qui est mélangée dans la gentia- nine avec des proportions variables de principe amer et de matière grasse, La matère amère de la gentiane n’est pas encore bien connue. Elle s’est présentée à Leconte sous la forme d’une matière extractive, d’un brun jaunâtre, incristallisable, très-soluble dans l’eau et dans l'alcool. — Dulk, qui s’est depuis occupé de cette ma- tière, ne paraît pas non plus l'avoir obtenue à l’élat de pureté. Substances incompatibles. — L’acétate de plomb, le sulfate de fer, etc. PRÉPARATIONS PHARMACGEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Macération et décoction, de 10 à 20 gr. par kilogramme d’eau. Sirop (1 sur 10 d’eau et 10 de sucre), de 30 à 100 gr. en potion. Extrait (par infusion, 4 sur 8 d’eau), de 3 à 10 gr., en pilules, potions, bols. Poudre, de 50 centigr. à 1 gr., comme toni- que, et de 10 à 20 gr., comme fébrifuge. Vin (1 sur 16 de vin), de 30 à 100 er. Teinture, de 2 à 8 gr., en potion ou dans du vin. nature, pour dilater les trajets fistuleux ou pour en faire des pois à cautère. Gentianii ou genlianine, 10 à 20 centigr., en pilules ou dans un liquide approprié. Teinture (1 sur 100 d’alcool à 24 degrés), 2 à 8 gr., en potion. | Sirop (1 sur 500 de sirop de sucre), de 30 à 60 gr., seul ou en potion. La gentiane entre dans l’eau générale, le diascordium, l’opiat de Salomon, la théria- que, le mithridate, l’orviétan, la teinture de Wytte, l’'élixir de Stoughton, l’élixir de longue À L'EXTÉRIEUR. — Poudre, décoction, vin en | vie, etc. £ La racine de gentiane est amère, tonique, fébrifage, antiseptique, vermi- fuge. On l’administre dans les dyspepsies, les flatuosités, les diarrhées et dans tous les écoulements entretenus par la débilité de l'appareil digestif; dans les scrofules, le rachitis, l’ictère avec absence d'irritation des voies biliaires, le scorbut, la chlorose, certaines hydropisies atoniques sans in- flammation viscérale, l’'œdème qui suit ou accompagne les maladies chro- niques, les fièvres intermittentes, etc. Les effets de la racine de cette plante, dans toutes ces maladies, sont évi- demment dus à l’action sur nos organes du principe amer qu’elle contient, et non à des propriétés spéciales. C’est ainsi, par exemple, qu’en ranimant les fonctions digestives, plus ou moins lésées dans la goutte atonique, elle a pu, suivant la remarque judicieuse de Trousseau et Pidoux, être très-utile dans cette maladie, sans constituer, comme l’a prétendu Haller, le meilleur des antigoutteux. La vertu fébrifuge de la racine de gentiane était connue des anciens. Mat- thiole en vante l’infusion contre les fièvres tierces et quartes. C'était, avant la découverte du quinquina, le remède le plus usité contre les fièvres inter- mittentes : Cortice peruviano nundum invento, sola gentiana febres quartanas expugnatas esse (Boerhaave). On l'associe quelquefois à l'écorce du Pérou quand ces fièvres sont rebelles, avec engorgement de la rate, état cachec- tique; plus amère qu’astringente, elle modifie avantageusement, dans ces cas, l’action du quinquina. Riolan donnait le suc de racine de gentiane dans 476 GENTIANE. du vin tiède une heure avant l'accès : à l'état frais, ainsi que nous l’avons vu plus haut, cette racine possède tous ses principes. Boerhaave dit que sa décoction convient dans toutes les fièvres intermittentes. En Pologne, on l’administre en poudre dans du vin avant l'invasion de l'accès. Vicat assure que ce remède réussit dès la première prise, et que, bien qu'il n'ait été précédé d'aucun médicament préparaloire, la maladie n’a eu jamais de mauvaises suites. Willis. Eller, Alibert, l'ont vanté. Julia de Fontenelle, étant médecin en chef de l'hôpital de convalescence italien de l’armée de Catalogne, lorsque le quinquina était à un prix exorbitant, traita tous les fiévreux, avec beaucoup de succès, par la racine de gentiane en poudre. Il adressa à ce sujet un mémoire à la Société royale de médecine de Marseille, qui. reconnaissant déjà les avantages de l’emploi des plantes indigènes, lui décerna une médaille d'encouragement. D'un autre côté, Trousseau et Pidoux se prononcent ainsi sur la gentiane : « Quant à ses propriétés fébrifuges, elles sont nulles très-certainement, quoi qu’en aient pu dire les nombreux auteurs qui ont expérimenté sur des fièvres intermittentes vernales, ou sur des fièvres rémittentes qui, ordinaire- ment, cèdent sans le secours de la médecine.» Je ne partage pas l'opinion de ces auteurs. Il est vrai que la gentiane ne jouit pas, comme le quinquina, d'une propriété antipériodique spéciale; mais son action, comme celle de tous les toniques amers, n’en est pas moins efficace dans certains cas de fièvres intermittentes prolongées : c’est un fébrifuge relatif, et qui trouve son application comme l’absinthe, la centaurée chausse-trape, ete. La racine de gentiane, mêlée à celle de bistorte, à l’écorce de chène ou à celle d’aulne, à parties égales, soit en décoction, soit en poudre, agit plus efficacement comme fébrifuge que lorsqu'on l’administre seule : c’est une remarque faite par Cullen, et que j'ai été à même de vérifier. Je l’associe quelquefois à celle de saule dans les fièvre intermittentes accompagnées d’un état cachectique. On à obtenu des avantages incontestables de la racine de gentiane dans le traitement des affections scrofuleuses. Plenck et beaucoup d’autres au- teurs l’ont vue produire de bons résultats. Cette racine entre dans l’élixir amer de Peyrilhe, pendant longtemps vanté comme antiscrofuleux. « Ainsi, dit A. Richard, chez les enfants pâles, dont la figure est bouffe, les lèvres et le nez gonflés, en un mot, qui offrent les caractères d’une constitution scrofuleuse, l'emploi de la teinture de gentiane, aidée de l’usage de bons aliments, de vêtements chauds, de l'exercice, et de l'habitation dans les lieux bien aérés et exposés aux rayons du soleil, en agissant lentement sur : toute l’économie, préviendra le développement de la maladie. Il est vrai que, dans cette circonstance, le régime aura eu une très-grande part au ré- sultat obtenu; mais la gentiane y aura aussi puissamment contribué. Son usage est également avantageux, suivant un grand nombre d’auteurs, quand la maladie est déclarée, lorsqu'il y a gonflement et même suppuration des glandes lympbhatiques du cou et de quelque autre partie. Néanmoins, il faut en suspendre l'usage quand il y a irritation des voies digestives, ou que les glandes du mésentère sont enflammées et très-douloureuses. On a observé que les enfants qui font usage de la gentiane sont, par le même moyen, dé- barrassés des vers intestinaux : ce médicament peut donc être regardé comme vermifuge (1). » La racine de gentiane a été administrée avec succès, en lavement (10 à 20 gr.), contre les oxyures vermiculaires,. Prise à trop haute dose, la gentiane produit du malaise, un sentiment de pesanteur à l’épigastre et même le vomissement. 11 est donc de toute évi- dence qu’elle ne convient point dans les fièvres qui ont le plus léger carac- tère inflammatoire, ou qui sont accompagnées d’une irritation gastrique (1) Diclionnaire de médecine, 2° édit., t. XIV, p. 144. GÉRANION. 477 plus ou moins vive. Il est nécessaire, dans les longues maladies, d’en sus- pendre l'usage de temps en temps; car, par une influence que Cullen at- tribue à un principe vireux existant dans tous les amers, son emploi, long- temps continué, finit par produire une gastrite chronique qui détruit la faculté digestive, et exige un traitement antiphlog sistique. La racine de gentiane sert en chirurgie, comme l’éponge préparée, pour agrandir les orifices fistuleux et dilater certaines ouvertures, particulière- ment le canal de l’urèthre des femmes affectées de la pierre. ‘On l' applique aussi, en poudre ou en décoction, sur les plaies gangréneuses, atoniques, scorbutiques, elc.; on en fait même des pois à cautère, qu’on emploie de préférence quand il s’agit de rendre au fonticule l'étendue que le temps lui a fait perdre. Le GENTIANIN convient dans les mêmes cas que la gentiane. J'ai souvent administré, dans ma pratique urbaine, le sirop de gentianin contre l’hel- mintiase chez les enfants, et comme tonique chez les sujets Iymphatiques, pour combattre la tendance scrofuleuse. Kuchenmeister présente la gentiane impure, c'est-à-dire non cristallisée, comme pouvant être substituée au sulfate de quinine; ses conclusions sont : 1° la gentianine agit au moins aussi efficacement sur la rate que le sulfate de quinine; 2° son action n'est pas moins rapide; 3° il suffit de l’admi- nistrer à la dose de 1 à 2 gr., deux fois par jour ; la gentianine constitue probablement le succédané le plus précieux du quinquina (1). L’addition du tannin à la gentianine, dans la proportion de 1 partie pour 2 parties de cette dernière, constitue un mélange plus actif et qui m'a réussi tout récemment dans un cas de fièvre intermittente quotidienne, datant de deux mois, avec engorgement de la rate, chez un sujet qui, pré- cédemment, avait été atteint de fièvre tierce coupée avec le sulfate de qui- nine, dont on avait trop tôt cessé l’usage. Le mélange de 1 gr. de gentianin et de 50 centigr. de tannin, donné deux fois dans l'intervalle des accès, a suffi pour les faire disparaître dans l’espace de quatre jours. L'usage de ce fébrifuge a été continué à la même dose, deux fois par semaine, pendant un mois, pour prévenir la rechute. (Les petites espèces alpines offrent une plus grande abondance du prin- cipe actif; de sorte qu’en recourant à de plus faibles doses, on pourrait arriver aux mêmes résultats qu'avec la gentiane jaune. Nous citerons la G. acaulis, dont la racine contient plus de gentianin et beaucoup moins de matière mucilagineuse. La gentiane, vu son prix modique, est le tonique par excellence de la médecine vétérinaire : on l’emploie en poudre décoctée ou mêlée au son, à l’avoine, etc., à la dose de 30, 64 et 130 gr. par Jour.) GÉRANION. Geranium Robertianum. L. Geranium Robertianum primum rubens. C. BAuH., TOuRN. — Geranium Fobertianum murale. 3. BAUH. — Geranium vulgare. PARK. Herbe à Robert, — bec de grue, — géraine robertin, — herbe à l’esquinancie. GÉRANIACÉES. Fam. nat. — MONADELPHIE DÉCANDRIE. L,. Cette plante bisannuelle (PI. XX), très-commune, se rencontre sur les vieux murs, le long des haies, aux lieux sombres. Description. — Racines grèles, chevelues, rameuses, d’un blanc jaune.— Tiges hautes d'environ 30 à 35 centimètres, velues, rougeàtres, rameuses, dichotomes, — Feuilles opposées, pétiolées, ailées ou “pinnatifides, velues. — Stipules courtes, aiguës, (1) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 2° série, t. II, p. 381. 178 GERMANDRÉE. élargies à leur base. — Fleurs rosées, axillaires, portées deux à deux sur des pédon- cules plus longs que les pétioles (mai-juin-juillet). — Calice pileux, tubuleux, renflé à la base, rougeâtre, à cinq folioles terminées chacune par un filet. — Corolle à cinq pé- tales entiers, ouverts, plus longs que le calice. — Dix étamines alternativement plus courtes, — Cinq stigmates. — Fruit composé de cinq petites coques indéhiscentes sur- montées de filets capillaires. Parties usitées. — La plante entière, les feuilles, les fleurs, rarement les racines, Culture. — Le géranium bec de grue ou herbe à Robert est très-commun sur les bords des chemins, il n’est cultivé que dans les jardins botaniques ; on le multiplie de graines ou de boutures; il vient dans tous les sols. Propriétés physiques et chimiques. — L'herbe à Robert offre une odeur désagréable, comparée à celle de l'urine des personnes qui ont mangé des asperges, el une saveur un peu amère el légèrement austère Les géranium, les pélargonium et les érodium répandent des odeurs très-fortes qu'ils doivent à des huiles essentielles; ainsi l'erodium moschalum, Wild, si répandu dans les lieux sablonneux du midi de la France, exhale une odeur de musc très-prononcée. Nous citerons encore comme très-odorants les pelargonium zonale, odoralissimum , fragrans , peltatum , cucul- talum, caputatum, graveolens, radula, balsameum. suaveolens, roseum, Willd; on extrait de ce dernier une essence très-estimée, mais qui, malheureusement, est em- ployée à falsifier l'essence de roses. Redtenbacher en a isolé un acide qu'il a appelé pélargonique, qui a pour formule C'SH'705 HO et qui se produit, d’après Gerhard, par l’action de lacide azotique sur les corps gras et sur l'essence de rue; c’est un liquide incolore, d'une odeur faible et désagréable, peu soluble dans l’eau, très-soluble dans l'alcool et dans l'éther; il bout à 260 degrés.] (Müller a extrait du geranium pro- tense, espèce voisine de la plante qui nous occupe, un principe amer, la géranine.) Le géranion est un peu astringent. Je ne dirai pas, avec Hildanus, que cetle plante guérit le cancer, et, avec d’autres auteurs, qu’elle dissout le sang Coagulé dans le corps, arrête toutes les bémorrhagies, guérit la phthi- sie scrofuleuse, etc.; de telles assertions remontent au temps où la crédulité attribuait aux plantes les plus inertes les propriétés les plus merveilleuses. Mais faut-1l, parce que l'expérience n’a pas justifié les éloges prodigués au bec de grue, l’exclure de la matière médicale indigène? Je l'ai vu employer avec avantage, en décoction concentrée (30 à 60 gr. par kilogr. d’eau), dans l’hématurie des bestiaux. J'ai pu constater aussi un eltet diurétique non irri- ant de son suc (50 à 100 gr.), étendu dans l’eau ou le petit-lait, dans deux cas de népbrite calculeuse chronique. Je l’ai nus en usage en gargarisme dans les engorgements des amygdales et vers la fin des angines. Desbois, de Rochefort, recommande cette plante en Cataplasme dans les maux de gorge. Elle à produit de bons effets en fomentations dans les inflammations superficielles de la peau, et en cata- plasme comme le cerfeuil dans l’ophthalmie et les engorgements laiteux des mamelles. J. Dolaeus regarde comme un remède éprouvé contre la teigne et les achores, un onguent fait avec l’herbe à Robert cuite dans du beurre, passé à travers un linge et employé en frictions sur la tête. Joel signale comme très-efficace cette plante broyée, ou son suc exprimé appli- qüé sur le cancer ulcéré comme palliatif. GERMANDRÉE. Teucrium chamædrys. L. Chamædrys major repens BAUH., TouRN.— Trissago sive chamædrys. MATTH. Chamædrys trissago BLACK. — Quercula calamandrina. SCHR®ŒD. Germandrée officinale, — petit chêne, — chenette, — sauge-amère, — chasse-fièvre. LABIÉES. — AJUGOÏDÉES. Fam. nat, — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. La germandrée, plante vivace (PI. XX), vient spontanément dans toute la GERMANDRÉE. 479 France, sur les coteaux arides, dans les bois montucux, calcaires, les ter- rains sablonneux et secs. Description. — Racines grèles, jaunâtres, un peu rampantes, garnies de fibres courtes, déliées, — Tiges de 15 à 25 centimètres, nombreuses, grêles, un peu couchées vers le bas, peu rameuses, velues, — Feuilles opposées, oblongues-lancéolées, courte- ment pétiolées, crénelées, lisses, d’un vert gai en dessus, plus pâle et peu velues en dessous, quelquefois un peu lobées à leur contour. — Fleurs purpurines ou rosées, quelquefois blanches, réunies deux et trois à l’aisselle des feuilles supérieures (qui sont souvent colorées), courtement pédonculées, en grappes terminales feuillées (juillet- septembre), — Calice pubescent, souvent teint de pourpre, à cinq dents pointues, presque égales. — Corolle d'apparence unilabiée, à tube court inclus dans le calice ; lèvre supérieure très-courte et profondément fendue; lèvre inférieure pendante, à trois lobes, dont deux latéraux petits, oblongs ou lancéolés, le moyen beaucoup plus grand, concave, entier, — Quatre étamines didynames faisant saillie par la fente de la lèvre supérieure, [à filets grèles, subulés, glabres, à anthères ovoïdes, réniformes et rougeâtlres, — Ovaire composé de trois carpelles ovoïdes, surmonté d’un style simple et d'un stigmate bifide. — Fruit formé de quatre akènes obovales, nus, glabres, soudés. à la base, | Parties usitées. — Les feuilles et les sommités fleuries, [Culture.— La germandrée croît à peu près dans tous les sols ; on la propage de graines semées en place ou sur couche, ou par séparation des pieds faite au printemps ou à l'automne. ]. KRéeolte.— On doit choisir celle qui est courte, garnie de feuilles nombreuses On la récolte au mois de juin, et on la fait sécher comme toutes les autres plantes. Lors- qu'elle est bien séchée, elle conserve sa saveur, sa couleur verte et ses vertus. Propriétés physiques et elhimiques.— Le chamædrys, d’une odeur faiblement aromatique et d’une saveur amère, contient de l'huile volatile et une grande proportion d’un principe extractif amer. L'eau dissout ses principes actifs, l’alceol n’en prend qu’une partie. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 30 à 60 gr. par | Eau distillée, de 50 à 100 gr., en po- kilogramme d’eau. tions. Poudre, de 2 à 10 gr., en bols, pilules, ou | Extrait, de 1 à 8 gr., en bols, pilules, ou dans dans un liquide approprié. du vin. La germandrée a joui d'une grande réputation. Elle a été préconisée contre les engorgements de la rate, l’ictère, les scrofules, lasthme, le ca- tarrhe pulmonaire chronique, l’aménorrhée, l'hypochondrie, le sccrbut, et surtout contre les fièvres intermittentes et la goutte. On a beaucoup trop exalté les vertus de cette plante. C’est un tonique amer qui n’a rien de plus spécial que beaucoup d’autres amers indigènes que l’on administre dans tous les cas où une légère médication tonique est indiquée. Les qualités physiques de la germandrée, dit Chaumeton, ne me semblent point assez proncncées pour justifier la grande renommée dont cette plante a joui depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Pline, qui ne s’appuie souvent que sur des récits incertains, la dit très-efficace contre la toux invétérée, les affections pituiteuses de l'estomac, les douleurs de côté, lhydropisie commencçante, etc. Suivant Prosper Alpin, les Egyptiens l'op- posent avec confiance aux fièvres intermittentes, contre lesquelles Matthiole, Boerhaave, Rivière, Chaumel, Baumes, proclament aussi ses bons effets. On la désignait autrefois, en Italie, sous un nom qui signifie herbe aux fièvres. D'après Trousseau et Pidoux, il y a probablement quelque rapport entre celte propriété et ce que les auteurs grecs, puis arabes, ont touJours ra- conté sur son action désobstruante des viscères et surtout de la rate : Lienem 180 GERMANDRÉE AQUATIQUE. absumit chamædrys. Vitet recommande comme succédanée du quinquina, dans les fièvres intermittentes, une forte décoction (deux fortes poignées et mème quatre dans 500 gr. d’eau), à prendre en deux verres, le matin à jeun, en réitérant chaque jour, mème pendant une semaine après la dissi- pation de la fièvre. Les médecins de Gènes, d’après Vésale, firent prendre au goutteux Charles-Quint, pendant soixante jours, une décoction vineuse de german- drée, sans obtenir la guérison que ces médecins lui avaient promise. Sole- nander et Sennert ont également vanté cette plante contre la goutte. Tour- nefort dit que de son temps elle était fort en vogue contre cette maladie, mais qu'il n'a pas reconnu, pour son compte, que sa propriété antigout- teuse fût très-marquée. Cependant, Carrère raconte que son grand-père, qui était sujet à la goutte, en a fait usage avec succès pendant quarante ans, « On a trop exalté, sans doute, son utilité dans les affections arthri- tiques, dit Bodart; mais on ne peut refuser à la germandrée beaucoup d’ef- ficacité comme tonique amer dans les maladies goutteuses qui reconnais- sent pour principe une débilité sensible dans les fonctions digestives (1). » Ces réflexions sont très-justes ; mais nous possédons une foule de plantes amères beaucoup plus énergiques, tant pour remplir cette indication que pour combattre les fièvres intermittentes, les affections catarrhales, la débi- lité des voies digestives, elc. En réduisant, toutefois, les propriétés de la germandrée à leur juste valeur, elles trouvent leur application dans les cir- constances qui n’admettent que l’usage gradué des toniques. C’est ainsi que J'emploie avec avantage l’infusion de cette plante après la période d'irrita- tion des fièvres muqueuses, lorsque l’état de l'estomac et des intestins ne permet pas encore l’administration de toniques plus énergiques, bien que ceux-ci soient indiqués par la débilité générale du malade : ce sont des nuances thérapeutiques que l’observation apprécie et que l’expérience con- firme. (Chomel employait l’infusion dans la convalescence des fièvres conti- nues. Trousseau, dans sa pratique, ordonne de prendre, la veille de l’admi- nistration du kousso, deux tasses d’infusion concentrée de germandrée.) GERMANDRÉE AQUATIQUE. Teucrium scordium. L. Scordium. J. Baux et C. Baun. — Scordium legitimum. PARK. Chamaras, — germandrée d’eau, — scordium. LABIÉES. — AJUGOÏDÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Cette plante, beaucoup plus énergique que la précédente, croit dans les terrains humides et marécageux du midi de la France. Deseription. — Racines fibreuses. — Tiges faibles, velues, rameuses, couchées en partie sur la terre, de 4 à 6 décimètres. — Feuilles opposées, molles, ovales, oblongues, d’un vert blanchâtre, pubescentes, dentées. — Fleurs blanches, bleuâtres ou purpurines, ordinairement deux à chaque aisselle, courtement pétiolées (juillet- août). — Calice tubulé, à cinq divisions aiguës. — Corolle labiée; lèvre supérieure très- petite, profondément fendue en deux dents contre lesquelles sortent quatre étamines didynames ; lèvre inférieure grande, trifide. — Ovaire à quatre lobes. — Style subulé, à stigmate bifide. — Fruit: akènes nus au fond du calice. Parties usitées,— Les feuilles et les sommités. (Culture, — Celle plante vient dans tous les sols; on la propage de graines se- mées en place et de boutures.] Récolte. — Elle doit être faite pendant la floraison. La dessiccation lui fait perdre une grande partie de son odeur alliacée. Elle peut être regardée comme trop vieille (1) Botanique médicale comparée. GERMANDRÉE AQUATIQUE. n81 quand cette odeur est complétement dissipée, Cependant, elle conserve son amertume, Le scordium qui croit dans le Midi est considéré comme plus actif que celui des autres parties de la France. Propriétés physiques et chimiques.— Le scordium exhale une odeur forte, pénétrante, alliacée, surtout quand on le froisse entre les doigts. Le principe alliacé de cette plante est si pénétrant qu'il infecte le lait des vaches. Le beurre pré- paré avec ce même lait a un goût détestable, — Le scordium contient un principe gommo-résineux amer, dépositaire de son action stimulante, — Winckelb (1) y à signalé un principe amer particulier. (La scordinine est jaune de corne, aromatique, soluble dans les alcalis et l'alcool), insoluble dans l’eau froide, donnant une saveur très-amère à l'eau bouillante, etc. — Selon Newmann et Cartheuser, l'extrait alcoolique qu'on retire de celte plante est moins abondant, mais plus amer et plus actif que celui qu'on obtient par l'eau. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 30 à 60 gr. par La germandrée aquatique entre dans le kilogramme d'eau. diascordium. Suc exprimé et clarifié, de 15 à 60 gr. Le scordium entrait dans un grand nombre Extrait, de 3 à 10 gr., en pilules ou daus du de préparations pharmaceutiques, parmi les- vin. quelles on peut citer l'essence alexipharma- Extrait alcoolique, 2 à 6 gr. que de Stuhl, l’eau vulnéraire, la thériaque, le diascordium, électuaire opiacé, qui lui doit A L’EXTÉRIEUR. — En décoction ou infusion | son nom, et dont on fait encore usage aujour- aqueuse ou vineuse, en cataplasme, etc. d'hui. Cette plante, presque entièrement oubliée de nos jours, et que des pro- priétés non équivoques recommandent, était employée dès le temps d’'Hip- pocrate. Ses vertus ont été l’objet d’une sorte de culte. On fit honneur à Mithridate de sa découverte, de ses merveilleuses propriétés, et les flatteurs du roi de Pont donnèrent même à cette plante le nom de mithridation. Ga- lien rapporte qu’à la suite d’une bataille, les morts qui étaient gisants aux endroits où cetle plante était abondante, se corrompaient moins vite, et qu'ainsi fut découverte sa propriété antiseptique. Dès lors elle devint une des plantes les plus estimées de l'antiquité; elle fut surtout préconisée contre la gangrène, les maladies putrides et les poisons. Parmi les modernes, Rondelet, Guillaume et Pélissier, évèque de Mont- pellier (ir Lobel), ont exalté Les vertus du scordium à tel point que l’on a été jusqu'à le considérer comme le spécifique de la peste. Le baron de Busbec, dans son voyage à Constantinople, s’en servit pour guérir les gens de sa suite, atteints de cette maladie après s'être partagé les dépouilles d’un Ture qui en était mort. «L’odeur du scordium, dit Loiseleur-Deslongchamps (2), semblable à celle de l'ail, que le vulgaire s’est plu à considérer comme une sorte de préservatif contre les contagions, est peut-être la cause de ces exagérations. » L'expérience, en dissipant les erreurs enfantées par l'ignorance et l'amour du merveilleux concernant le scordium, nous a laissé quelque chose de réel au fond de son creuset. On ne peut refuser à cette plante une propriété tonique et stimulante, dont l’action physiologique facilite la digestion, accélère la circulation, augmente la chaleur générale, l’exhalation cutanée, la sécrétion de l'urine, etc., avec plus ou moins d'effet sur telle ou telle de ces fonctions, suivant les dispositions particulières des organes propres à chacune d’elles. Elle peut donc être employée avec avantage dans les mala- dies qui tiennent essentiellement à un état de débilité bien caractérisé, telles que les fièvres muqueuses avec prostration des forces, la fièvre typhoïde, après avoir combattu les points phlegmasiques intenses, s’il en existe ; la paralysie sans congestion sanguine au cerveau, la chlorose, l'amé- norrhée atonique, l’anasarque, les cachexies, les catarrhes chroniques, (1) Bulletin des sciences médicales. Férussac, t. XVII, p. 174. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. L, p. 266. 31 1482 GERMANDRÉE MARITIME. l’asthme humide, etc. Je me suis bien trouvé de l'usage de l’infusion de scordium dans les fièvres muqueuses-vermineuses qui règnent fréquemment en automne dans les campagnes marécageuses du Calaisis et de l’Ardrésis. Dans les fièvres putrides, après l'administration de quelques purgatifs sa- lins, ou mieux de la crème de tartre, je me suis souvent contenté, pour tout traitement, de la décoction concentrée d’écorce de saule et de som- mités de scordium, à laquelle je mêlais quelquefois un peu de vin ou de teinture d’angélique. Par ce traitement simple et pourtant très-efficace, le pauvre ménager n’était pas dans la triste obligation de dépenser en quelques jours, pour des drogues officinales, le fruit des pénibles travaux de la moisson. Le scordium à toujours été considéré comme anthelminthique et comme fébrifuge. Son amertume et son odeur alliacée, suivant Roques, mettent promptement en fuite les vers lombricoïdes. Sa propriété vermicide m’a paru plus faible qu’on ne le croit généralement, et celle qu’on lui a attri- buée comme fébrifuge est douteuse. Elle ne m'a pas réussi dans trois cas de fièvres intermittentes où je l’ai employée, et comme vermifuge je l’ai mise en usage sans en éprouver un succès bien constaté. Entre autres faits, je citerai celui d’un enfant de quatre ans qui, après en avoir pris en infusion concentrée pendant cinq jours, ne put être débarrassé de plusieurs asca- rides lombricoïdes que par l'emploi de l'ail bouilli dans le lait. Il est vrai qu’on ne peut rien conclure de ce seul fait, attendu que tel vermifuge qui réussit chez un sujet ne réussit pas chez un autre, Sans attacher au rapport de Galien sur les vertus antiputrides du scor- dium plus d'importance qu'il n’en mérite, on peut employer cette plante à l'extérieur comme stimulant antiseptique, soit en lolion ou cataplasmes, soit en poudre, contre les ulcères sordides ou atoniques, la gangrène, la pourriture d'hôpital, etc. Je l’ai appliquée sur un ulcère qu’il a parfaite- ment détergé. L’infusion ou la décoction de scordium dans le vin ou le vinaigre, avec addition d’un peu d’alcool camphré ou d'acide hydrechlo- rique, ou tout simplement une suffisante quantité de sel commun, est un des meilleurs topiques que l’on puisse opposer à la gangrène. GERMANDRÉE MARITIME. Teucrium marum. L. Chamædrys maritima incana frutescens foliis lanceolatis. TOURN. Marum verum, seu marum Syriacum. Orr., MuRR. Germandrée cotonneuse, — herbe aux chats, — marum. LABIÉES. — AJUGOÏDÉES. Fam. nat. — DiIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Ce sous-arbrisseau (PI. XX), remarquable par sa blancheur, croît sur les bords de la Méditerranée, aux îles d'Hyères, dans les lieux stériles, rocail- leux. On le cultive dans les jardins. Les chats aiment le marum autant que la cataire et la valériane, Ils se roulent sur lui, le lèchent, le mordent avec délices, le baignent de leur urine, et même quelquefois de leur sperme. Description. — Racine chevelue. — Tiges nombreuses, droites, cotonneuses, très-blanches, grèles, d'environ 30 centimètres de hauteur. — Feuilles opposées, très- petites, entières, ovales-acuminées, d'un vert grisàtre en dessus, tomenteuses et blanches à leur revers. — Fleurs purpurines, en épis terminaux allongés et fort grêles (juillet-août). — Calice cotonneux, campanulé, à cinq dents. — Corolle à lèvre supé- rieure nulle, à lèvre inférieure grande, dressée, à trois lobes terminaux et deux dents pointues à sa base. — Quatre étamines remplaçant la lèvre supérieure. — Style à stigmate bifide. — [Ovaire à quatre carpelles soudés; le fruit est un tétrakène, accom- pagné du calice persistant. ] Parties usitées, — Les feuilles. GERMANDRÉE MARITIME. ‘ 483 [Culture.—1Il faut cultiver le marum en pot suspendu, sous grillage, ou sous une cage de fer; on le multiplie de graines et de boutures.] Récolte. — On le recueille pendant tout l'été, La dessiccation ne lui fait rien perdre de ses qualités. 1 faut continuer de le préserver des atteintes des chats. Propriétés physiques et chimiques. — Le marum à une odeur forte, pénétrante, balsamique, sternutatoire, une saveur chaude, aromatique et très-amère, Ses propriétés résident principalement dans son huile volatile, qui est très-âcre, et dont l'odeur se rapproche de celle du camphre. On trouve une analyse du marum par Bley (4) ue nous nous dispenserons de rapporter en détail, à cause de sa longueur et de son peu ‘utilité; il y a, outre l'huile volatile, du tannin, de l'acide gallique, de l'extractif, de l'albumine, du phosphate de chaux, du gluten, etc. L'eau, le vin et l’alcool s'emparent de ses principes actifs. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, 8 à 30 gr. par | Extrait, de 1 à 2 gr., en pilules ou dans du kilogramme d’eau. vin. Poudre, de 2 à 3 gr., en électuaire, pilules, ou dans du vin. La germandrée maritime, d’une odeur pénétrante, camphrée, sternuta- loire, d’une saveur chaude, amère et âcre, est tonique et excitante. Elle exerce sur le système nerveux une action qui la rend efficace dans toutes les maladies qui ont pour caractère essentiel un état de débilité, d’atonie, Elle convient conséquemment dans la paralvsie, la chlorose, l'hydro- thorax, l'asthme humide, le catarrhe pulmonaire chronique, le scorbut, l'aménorrhée par atonie, l’hypochondrie, etc. Wedelius donne à cette plante la qualitication de polychreste ; Cartheuser et Linnée la rangent parini les plus précieux médicaments, en proclament les nombreuses et éminentes vertus. Bodart, dont les recherches thérapeutiques ont toujours eu pour but de détruire le préjugé qui nous fait préférer les plantes exotiques aux plantes indigènes ayant les mêmes propriétés, parle ainsi des vertus de cette plante : « Elle mérite le premier rang parmi les cordiaux. Son parfum suave et doux la rend supportable à presque toutes les constitutions ; on peut donc la considérer comme un médicament nervin, diaphorétique, diurétique, emménagogue, selon les organes atteints plus particulièrement de la faiblesse à laquelle il remédie. Succédané du campbre, dout Jrecèle une grande quantité, il s'oppose à la putridité, augmente la sécrétion de la bile, favorise les fonctions digestives, ranime l’appétit, et remédie à la len- teur du système circulatoire. » On a attribué au marum la propriété de guérir les polypes du nez et de s'opposer à leur reproduction. En 1822, Hufeland a annoncé cette propritté dans son journal. Mayer d’Arbon (2) à préconisé l’emploi de cette plante, prise par le nez comme le tabac, contre un polype de cette partie ; il en fit faire usage après son extraction; il ne repullula point, et l’odorat, qui était perdu, revint. Cet auteur cite aussi un cas de guérison de polype nasal par le même moyen (3). Il est probable que ces polypes étaient muqueux. La propriété d'empêcher la reproduction de celte maladie doit surtout fixer l'attention des praticiens. Comme le marum ne croît ni dans le centre ni dans le nord de la France, et qu'on le trouve rarement dans les officines, on peut lui substituer, dans la plupart des cas, la petite sauge, le romarin ou la menthe poivrée. (Nous signalerons les diverses espèces du genre teucrium, que l’on peut (1) Bulletin des sciences médicales, t. XII, p. 256. (2) London med. and phys. Journ., janvier 1834. (3) Nouvelle bibliothèque médicale, t. II, p. 450. 84 GERMANDRÉE MARITIME. substituer les unes aux autres, dans la plupart des maladies où l'emploi en est indiqué.) GERMANDREÉE-IVETTE, PETITE IVETTE, IVETTE COMMUNE. — T'eucrium chamæpitis, L. — Chamæpitis lutea vulgaris, sive folio trifido, C. B. — Cha- mæpitis vulgaris odorata flore luteo, J.-B. — Ajuga chamæpitis, Schred. — va arthritica, Off. — Plante annuelle qui croît dans les terrains incultes, arides, sablonneux. Description. — Tige droite où couchée, suivant les lieux où elle croît, tétra- gone, velue sur deux de ses faces, qui alternent à chaque articulation. — Feuilles opposées allernativement en croix, les inférieures très-allongées, les supérieures très- rapprochées, toutes velues, divisées en trois lobes étroits. — Fleurs jaunes, petites, axillaires-verticillées (mai-juillet-août). — Galice anguleux, à cinq dents aiguës. — Corolle unilabiée à tube très-court. — Quatre étamines didynames saillantes. — Uu style à stigmate bifide. IVETTE MUSQUÉE, Teucrium iva. L., qui croit dans le midi de la France, diffère de la précédente par ses feuilles ovales, dentées, plus velnes; par ses fleurs roses, son odeur plus aromatique, etc. GERMANDRÉE BOTRYS, GERMANDRÉE FEMELLE, Teucrium botrys, L. — Croit dans toute la France. Elle se plait dans les lieux arides et pierreux, les bois, les jachères; elle est assez abondante aux environsde Paris. Deseription.— Tige herbacée, droite, de 20 à 28 centimètres, tétragone, pubes- cente, très-rameuse, — Feuilles péliolées, pinnatifides, pubescentes, verdàtres, à lobes peu nombreux, découpés ou trifides. — Fleurs purpurines en grappes, courtement pé- donculées, trois ou quatre dans chaque aisselle (juin-juillet). — Galice devenant très- grand et fortement ventru à la maturité des fruits. Il ne faut pas confondre ce végétal avec le botrys (Chenopodium botrys, L.) dont nous avons parlé (p. 202). GERMANDRÉE SAUGE DES BOIS, L., GERMANDRÉE SAUVAGE, BAUME SAUVAGE, SAUGE DES BOIS, FAUX - SCORDIUM. — Teucrium scorodonia, L. — Scordium alterum sive salvia agrestis. C. B.— Chamædrys fructicosa sylvestris, melissæ folio, Tourn. — Plante vivace qui croît dans les bois montagneux, les lieux incultes. On la trouve fréquemment sur les coteaux boisés des environs de Paris. Desceription.— Tiges droites, rapprochées, herbacées, pubescentes, fermes, dures, rameuses en haut. — Feuilles assez grandes, opposées, oblongues-cordiformes, - ridées, légèrement velues, blanchâtres en dessous, dentées. — Fleurs d’un jaune pâle, nombreuses, solitaires à l’aisselle des bractées, disposées en grappes lâches, unilatérales et terminales (juillet-septembre). — Etamines purpurines remplaçant la lèvre supé- rieure de la corolle. Sa saveur est amère, un peu aromatique ; son odeur est celle de l'ail. Les vaches, les chèvres, les brebis qui broutent cette plante donnent un lait d’un goût alliacé. Les propriétés de la sauge des bois se rapprochent beaucoup de celles du scordium, auquel on pourrait la substituer. Cependant on l’a prescrite comme antivénérienne : in lue venerea utiliter exhibitur, dit Ray, qui la regarde aussi comme antihydropique. Elle est mise en usage dans nos cam- pagnes contre l'anasarque; on la fait infuser dans le vin blanc (30 gr. par kilogr.), et l’on donne un verre de ce vin trois ou quatre fois par jour. Ce remède convient, en effet, dans les cachexies, l’ædème et l’anasarque qui suivent ou accompagnent les fièvres intermittentes, le scorbut et autres affections qu’une atonie manifeste caractérise. C’est peut-être parce qu’elle a pu réussir dans certaines dyscrasies syphilitico-mercurielles qu’on l’a con- sidérée comme antivénérienne. L'examen de ses effets, sous ce rapport, n’est point à dédaigner. GESSE. 485 GERMANDRÉE DE MONTAGNE. Teucrium montanum, L. — Polium lavan- dulæ folie, C. Bauh., Tourn. — Croit en touffes dans les pâturages secs et sur les pelouses. Elle est assez répandue dans les Pyrénées, dans lAnjou, à Fontainebleau, à Saint-Germain, aux environs d'Orléans, sur les collines sèches et pierreuses de la Picardie, etc. Description. — Tiges grêles, semi-ligneuses, rameuses, couchées sur la terre, longues de 12 à 15 centimètres. — Feuilles opposées, oblongues-lancéolées, un peu obtuses ou linéaires, vertes en dessus, blanchätres et cotonneuses en dessous, à bords roulés comme celles du romarin, — Fleurs d’un blanc jaunâtre, groupées et un peu serrées en têtes, aplaties à l'extrémité des tiges et des rameaux (juin-juillet. ) GERMANDREE POLIUM. Teucrium polium, L. — Croit sur les montagnes et dans les lieux maritimes du midi de la France (Perpignan, Coret, Arles, Toulouse, etc.). Description. — Tiges semi-ligneuses, cylindriques, rameuses, blanchätres, cotonneuses, ordinairement un peu couchées à leur base. — Feuilles opposées, sessiles, oblongues, un peu obtuses, d'un vert blanchätre et cotonneuses, surtout à leur revers. — Fleurs petites, blanches ou d’une couleur purpurine, réunies à l'extrémité des ra- meaux en tlêles arrondies ou ovales (juin-septembre). — Calice recouvert d'un duvet blanchâtre. GERMANDRÉE A FLEURS EN TÊTE. Teucrium capitatum, L. — Polium maritimum erectum Monspeliacum, C. B. — Habite les rochers dans les dé- partements méridionaux de la France. On la trouve à Collioure, Bagnols. — Elle a beaucoup de ressemblance avec la germandrée polium; mais elle en 5 par sa tige plus élevée, toujours droite et nullement couchée à sa )ase. GESSE. Lathyrus Cicer. L. Jarosse. LÉGUMINEUSES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. (Cette plante est cultivée comme fourrage dans certaines parties de la France. — Elle croit spontanément dans les blés. Le genre lathyrus com- prend plusieurs variétés. Nous nous contenterons de mentionner : le L. sa- tivus, pois Carré; le L. odoratus, pois de senteur; le L. tuberosus, gland de terre, très-abonudant en fécule. (Description. — Tige ailée et grimpante; pétiole terminé en vrille, portant de deux à six folioles; stipules semi-sagittées. — Fleurs d'un blanc rosé, portées sur des pédoncules axillaires. — Calice à cinq divisions, les deux supérieures plus courtes. — Style plan, élargi au sommet et un peu velu. — Gousse oblongue, portant un sillon sur le dos, polysperme ; semences anguleuses, petites, d’un jaune fauve. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Le pois de la gesse est amer quand il est cru; il fournit une farine dont on s’est nourri dans les temps de disette. En Espagne, elle entre dans l'alimentation du peuple. Marmé (1) y a constaté la présence de l’inosite.) (La gesse n’est pas et n’a pas élé, que nous sachions. usitée en médecine. Nous ne l’avons admise qu'à cause des qualités nuisibles qu’on lui attribue. Duvernoy (2) la regarde comme vénéneuse et l’accuse de produire une sorte de paralysie. Dow, dans son Dictionnaire du Jardinier, dit que, mêlée par moitié avec celle de blé, la farine de cette légumineuse détermine la rigidité des membres. Vilmorin a publié le cas d’une femme jeune et bien portante chez laquelle l'usage du L. cicer, continué pendant plusieurs semaines, (1) Répertoire de pharmacie, août 1865, p. 60. É . 2) De Lath, (uadam venenata specie in comitatu Monsbelgardensi culta. Bas., 1770, in-4°. 4186 GIROFLÉE JAUNE. amena la paralysie des extrémités inférieures. Le tribunal de Niort a con- damné un fermier à l'amende et à faire 50 francs de pension à un ouvrier auquel il avait donné du pain où entrait de la farine de jarosse, et qui pré- sentait entre autres symptômes une claudication marquée. Aux Indes, on fait de cette farine un usage alimentaire dans les classes inférieures; on connaît cependant son action délétère. K. Kirch (1) en donne des exemples dans sa topographie de l’upper midh. Thomas Thompson a observé au Thi- bet des paralysies causées par cette plante. James Irving a relaté une véri- table épidémie de paraplégie douloureuse dont il trouve la cause dans l’alimentation par la gesse cultivée. Il est bon d'ajouter que le pays où cet observateur se trouvait est humide et marécageux, et que les conditions hygiéniqués des malades étaient presque toujours mauvaises. Evidemment, cette plante, dont les semences plu!ôt que les feuilles paraissent nuisibles, porte son action sur la moelle et spécialement sur son extrémité inférieure. Mais, au dire de Dupuy (2), les chevaux morts à la suite d'expériences par lui instituées avec la jarosse succombent par asphyxie. Le poison aurait, selon cet observateur, une propriété coagulante, qui interromprait la circulation en général, et particulièrement celle du poumon). GIROFLÉE JAUNE. Cheiranthus cheiri. L. Leucoium luteum vulgare. C. Baux., Tourx.— Leucoium luteum vulgo cheiri, flore simplici. J. BAun. — Keiri. PARK. — Vivla lutea. GER. Giroflier jaune, — violier jaune, — giroflée de muraille. CRUCIFÈRES. — ARABIDÉES. Fam. nat, — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L, Cette plante bisannuelle, très-commune, croît sur les murailles; on la cultive dans les jardins pour ses fleurs, qui deviennent doubles par la cul- ture. Description. — Tige blanchâtre, dure, rameuse. Feuilles oblongues, lancéo- lées, aiguës, très-entières ou à peine dentées, souvent couvertes de poils couchés. — Fleurs jaunes, odorantes (mars-avril). — Calice fermé : deux des folioles gibbeuses à la base. — Ovaire muni de deux dents glanduleuses., — Silique comprimée. — Semences plaines, entourées d’un rebord membraneux. [Parties usitées.— Les rameaux fleuris, les fleurs, les semences. Culture.— On cueille les graines sur les fleurs les plus grandes et les plus colorées ; on les sème en planche, on repique en pépinière, et à l'automne on les met en place. ] Récolte.— On la récolte en mai et juin au moment de la floraison, on en fait de petits paquels que l’on dispose en guirlandes et que l’on peut sécher au grenier où au soleil ; les fleurs, qui perdent une partie de leur arome par la dessiccation, doivent être conservées à l'abri de l'obscurité ; les fruits, lorsqu'on veut en obtenir les graines, sont cueillis avant leur déhiscence. [Propriétés physiques et ehimiques. — L'odeur forte et la saveur piquante de la giroflée font supposer qu’elle renferme une huile essentielle, ou du moins qu'elle contient les éléments nécessaires à sa formation, comme cela arrive dans beaucoup de crucifères.] La giroflée jaune était autrefois employée en médecine. On se servait de ses fleurs, de ses feuilles et quelquefois de sa semence. On tirait aussi une eau distillée de ses feuilles et de ses fleurs, et on préparait une conserve avec les fleurs. Les Grecs en faisaient usage contre l’avortement. On consi- (1) Cité par la Gazette des hôpitaux, février 1861, à laquelle nous empruntons les détails qui suivent. (2) Académie de médecine, 2 juillet 1839. GLOBULAIRE. 487 dérait les fleurs comme céphaliques, cordiales, antispasmodiques, anodines, diurétiques, emménagogues. On les prescrivait dans la chlorose, l’aménor- rhée, la paralysie, et, infusées dans le vin blane, pour hâter l'accouchement et expulser l’arrière-faix, suivant Schrœæder. De telles indications expliquent l’oubli dans lequel cette plante est tombée. Le suc des feuilles et des fleurs, pris à jeun à la dose d’un demi-verre avec autant de vin blanc, est un re- mède vulgairement employé dans les campagnes comme diurétique, contre la gravelle et l’hydropisie. La semence en poudre, administrée dans un véhicule convenable, à la dose de 4 gr., arrête, dit-on, la dysenterie. On trouve encore une huile par infusion des fleurs de cette giroflée dans quel- ques pharmacopées, sous le nom d’huile de Keiri, et indiquée en topique comme propre à calmer les douleurs nerveuses et rhumatismales, à dissiper les contusions, etc, GLOBULAIRE. Globularia alypum. L. Alypum Monspeliensum, sive frutex terribilis. 4. Baux. — Globularia fructicosa myrti folio tridentato. ToURN. Globulaire turbith, — herbe terrible. GLOBULARIAGÉES. Fam. nat. — TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L. Ce sous-arbrisseau (PI. XX) croît dans les départements méridionaux de la France, en Espagne, en Italie. Il aime les terrains rocailleux. Description. — Racines dures, épaisses, noirâtres. — Tige rameuse, d’un brun rougeàtre, haute de 60 à 80 centimètres. — Feuilles petites, alternes, d’un vert glauque, obovales, acuminées, quelquefois dentées latéralement. — Fleurs bleuâtres et formant à l'extrémité des rameaux de petites têtes globuleuses, solitaires et sessiles. — Calice bémisphérique composé de folioles ovales, imbriquées. — Quatre étamines attachées à la base de la corolle. = Un ovaire supérieur. — Un style. — Un stigmate. — Un akène ovoïde, jaune luisant, renfermé dans le calice. [Parties usitées. — Les feuilles, les inflorescences. Culture.— La globulaire se cultive en pot, en terre substantielle mêlée de cail- loux; on la multiplie par boutures, on arrose très-peu; c’est une plante d’orangerie. Récolte. — Les feuilles doivent être récoltées au moment de la floraison; les in- florescences, rarement employées, doivent être cueillies à l'époque de l'épanouissement, on les fait sécher au soleil. J. Bauhin nommait la globulaire herba terribilis, frutex terribilis; c’est sous ce nom qu’elle est désignée dans les ouvrages de Lobel, de Valeschamps, etc. Clusius (de Lé- cluse), qui l'employait et qui l'avait observée en Espagne, l’appelait coronillas de los frayles (petite couronne des moines). | Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles ont une saveur amère et désagréable. L'analyse n’a pas encore fait connaître la nature de leurs prin- cipes chimiques. La globulaire turbith est un purgatif qui opère doueement, sans produire niirritation, ni nausée, ni malaise. Les paysans des environs d’Aubagne en font un fréquent usage ; les personnes même les plus délicates en prennent pour se purger, à la dose de 20 à 30 gr. en décoction aqueuse. Elle peut avantageusement remplacer le séné à dose double de ce dernier. En com- parant les effets de ces deux plantes, Loiseleur-Deslongchamps, observateur judicieux auquel on doit de précieuses recherches sur la thérapeutique végé- tale indigène, a constaté que tous les avantages étaient en faveur de la glo- bulaire ; que la décoction des feuilles de cette dernière était exempte de la saveur désagréable du séné, et que les évacuations qu’elle produisait étaient plus égales. Elle est:en même temps tonique. D’après Ramel, qui à puissamment contribué, après Clusius et Garidel, à dissiper les préventions que l’on avait contre eette plante, la globulaire se- 188 GNAPHALIE, rait en outre hydragogue et fébrifuge. On ne peut attribuer son action contre les Sèvres intermittentes qu'à son principe amer, et son utilité dans les hydropisies qu’à ses effets purgatifs. Quand on administre la globulaire en décoction, qui est la forme la plus usuelle, il faut que l’ébullition soit continuée environ dix minutes, afin que l’eau puisse s'emparer de toutes les parties actives de la plante. L’extrait se donne à la dose de 2 à 5 centigr. GLOBULAIRE VULGAIRE, MARGUERITE BLEUE (Globularia vulgaris), plante her- bacée qui croît dans les pâturages secs, les coteaux calcaires, dans toute la France. Description. — Tiges solitaires où peu nombreuses, de 10 à 40 centimètres, droites, simples. — Feuilles radicales nombreuses, en rosette, obovales, mucronées, entières, les caulinaires beaucoup plus petites, lancéolées-oblongues. — Fleurs bleues en capitule globuleux, solitaire et terminal (mai-juin). — Calice velu, à cinq divisions lancéolées. — Corolle à cinq divisions, les trois inférieures plus longues. Les feuilles de cette espèce peuvent très-bien remplacer la globulaire turbith, en augmentant la dose d’un tiers. Elles m’ont constamment réussi. — GNAPHALIE. Gnaphalium dioïeum. L. Elychrisum montanum flore rotundiore. G. BAUH. — Gnaphalium montanum album. GER. — Gnaphalium sive pes cati. PARK. — Antennaria dioica. CASSINI. — Hispidula vel pes cati. OFFIc. Immortelle dioique, — pied de chat, SYNANTHERÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Cette plante vivace, petite et cotonneuse, dont les fleurs représentent, quand elles sont bien épanouies, le dessous de la patte d’un chat, croît dans les lieux secs et sur les collines. Elle est commune dans presque toute la France. Elle abonde à Senart et à Montmorency. Description.— Racines rampantes, fibreuses.— Tiges simples, petites, dressées, lormant gazon, cotonneuses. — Feuilles sessiles, étroites, lancéolées, obtuses au som- met, rétrécies à la base, blanches ou velues en dessous ; les feuilles radicales, étalées en rosèelte, spatulées.— Fleurs dioïques, blanches ou rougeätres, disposées en corymbes serrés, terminaux (mai-juin). — Fleurs mâles plus larges que les fleurs femelles, qui sont munies d’un involucre cylindrique. — Calice imbriqué d’écailles ovales, inégales, souvent colorées sur les bords. — Fleurs fertiles, oblongues, à calice commun, renfer- mant des fleurons hermaphrodites, à cinq étamines. — Fruit : semences oblongues, couronnées d’une aigrette plumeuse plus longue que le calice. Parties usitées, — Les sommités et les fleurs. Récolte, — On la récolte pendant la floraison. On monde les fleurs et on les fait sécher. Les sommités et les fleurs du pied-de-chat sont employées comme bé- chiques, adoucissantes, en infusion théiforme (15 à 30 gr. par kilogr. d’eau) ou en sirop, dans les affections catarrhales bronchiques. Elles font partie des espèces pectorales, des quatre fleurs pectorales. GNAPHALIE GERMANIQUE, — HERBE A COTON, — HERBE VELUE. — Filago ger- manica, L. — Filago, seu gnaphalium vulgare majus, C. Bauh. — Gnaphalium germanicum, J. Bauh. — Filago sive herba impia, Ger. — Plante molle, co- tonneuse. qui croît aux lieux stériles, sablonneux, dans les champs négligés où elle est très-commune. Deseription. — Tige assez forte, simple ou rameuse inférieurement, dichotome vers le haut ; rameaux plus ou moins ouverts, mais un peu flexueux.— Feuilles lancéo- lées, un peu spatulées, presque obtuses et couvertes d’un duvet court, blanchâtre ou GOEMONS. — GRATERON. 489 jaunâtre. — Fleurs au nombre de huit, dix à quinze composant une tête terminale. — Involucre peu cotonneux ou presque glabre vers le sommet des écailles. Cette plante est regardée dans la médecine populaire comme astringente. On l’emploie en gargarisme dans les maux de gorge, en décoction dans le vin rouge contre la diarrhée et la dysenterie chronique. Ray dit qu’on se sert de son eau distillée en fomentation pour empêcher le cancer occulte des mamelles de s'ouvrir, L'huile, dans laquelle on a fait macérer et ensuite bouillir l'herbe écrasée, est appliquée sur les contusions. Je ne parle de celte plante que parce qu'elle est encore dans le commerce de lherbo- risterie. GOEMONS. (Sous ce nom, les marins désignent tous les fucus. Les habitants de la Bretagne et de la Normandie leur donnent le nom de Brai ou Brochons. Nous renvoyons, pour l'étude de certains d’entre eux, aux articles CARRA- GAHEEN, LAMINAIRE, MOUSSE DE CORSE, VARECH VÉSICULEUX, etC.; mails nous avons voulu dire quelques mots des goëmons en général. Le nombre des varechs est infini; à peu de chose près, leurs propriétés sont les mêmes. Un des plus répandus est le fucus crispus (VOYez CARRAGAHEEN). Il a des frondes vertes fortement découpées ; lavé, puis exposé à l’air, il ré- pand des vapeurs à odeur fortement marine, il se dessèche, devient blanc : dans cet état, il est insipide et inodore, il craque sous la dent, mais par le séjour dans la bouche il se ramollit et gonfle. Le tissu du goëmon est con- stitué par des cellules emprisonnant une substance propre, qui par ébulli- tion dans l’eau forme une dissolution mucilagineuse, qui par refroidissement se prend en gelée. Cette substance neutre, que Blondeau (1) propose d’ap- peler goëmine, n’est point de la gélatine, n'ayant aucune des réactions pro- pres à ce corps. Ce qui différencie la goëmine des substances cellulosiques, c’est sa solubilité dans l’acide chlorhydrique, l’acide azotique et la potasse. Analysée, elle a fourni : carbone, 21.80; hydrogène, 4.87; azote, 21.36 (chiffre supérieur à celui de toutes les autres substances azotées) ; soufre, 2.51; oxygène, 49.46. Comme la gélatine, la goëmine n’en est-elle peut-être pas plus nutritive malgré la présence d’une grande quantité d'azote. Il y au- rait des recherches à faire dans ce sens. Nous n'insistons pas sur les usages du goëmon comme source de soude, d'iode, etc.; les détails en sont exposés aux articles que nous venons de citer. Laennec a tenté de faire un air maritime artificiel dans le centre de la France, en déposant des goëmons dans la chambre des phthisiques. Il crut d'abord (2) obtenir de brillants avantages de ce traitement; mais on ne tarda pas (3) à être éclairé sur son peu de valeur.) GRATERON. Gallium aparine. L, Aparine vulgaris. C. BAuH., Tour. — Lappago Plinii. J. Baux. Philanthropon Dioscoridis. Caille-lait grateron, — aparine, — rièble, — capille à teigneux. RUBIACÉES. Fam. nat. — TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L. Le grateron (PI. XXI), plante annuelle, qui s'attache à tous les corps qui le touchent, et que l’on rencontre partout, dans les champs, les haies, Îles (1) Répertoire de pharmacie, mai 1865. (2) Traité de l’auscultation médiate. (3) Revue médicale, 1815. 490 GRATERON. jardins, etc., est connu de tout le monde par l’importunité de sa présence. Description. — Racines grêles, un peu quadrangulaires, garnies de fibres courtes, menues. — Tiges longues de 75 centimètres à 1 mètre, grimpantes, noueuses, tendres, télragones, peu rameuses, hérissées d’aspérilés crochues sur leurs angles. — Feuilles étroites, lancéolées-linéaires, un peu rétrécies à la base, pubescentes en dessus, glabres en dessous, mueronées au sommet, verlicillées par six ou huit, hérissées, cro- chues à leur bord et le long des nervures. — Fleurs d’un blanc sale ou d’un jaune ver- dâtre, peu nombreuses, à pédoncules axillaires longs, ramifiés (juin-juillet). — Corolle en rose, à quatre divisions, quatre étamines, — Ovaire inférieur à deux lobes. — Style bifide, deux stigmates globuleux. — Fruits : akènes pisiformes, accolés deux à deux, hérissés de poils nombreux, rudes et crochus. Parties usitées., — L'herbe. Récolte, — Se fait pendant tout l'été, mais de préférence en juin et juillet. Cette plante est plus active à l’état frais qu'après dessiccation. (Culture. — Le grateron se propage par graines que l’on sème en terre légère au printemps.] Propriétés physiques et chimiques. — Le grateron est inodore. A l’état frais, sa saveur, d’abord légèrement amère, devient ensuite àcre et prend à la gorge. Les tiges et les feuilles contiennent un suc aqueux assez abondant. La racine renz ferme une matière colorante qui rougit l'eau par la macération, el qui imprime, comme celle de la garance et de la croisette, une couleur rouge aux os des animaux qui s’en nourrissent. Ce principe colorant peut être fixé sur les étoffes par divers mordants. Il est étonnant que cette plante, si abondamment répandue, n'ait point appelé l'attention de Pindustrie tinctoriale, et que les chimistes ne se soient pas occupés de son analyse. Les fruits torréfiés ont une saveur et même une odeur analogue à ‘celle du café. En séchant, ils se durcissent, prennent un poli vif et servent quelquefois à faire des têtes aux aiguilles dans la fabrication de la dentelle. — La racine engraisse, dit-on, la volaille. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction de la plante frai- | Eau distillée, 200 à 500 gr. comme véhicule, che, 1 à 2 poignées par Kilogramme d’eau. en potion, etc. Décoction de la plante sèche, 30 à 60 gr. et | A L’ExTÉRIEUR. — Plante fraîche en cata- plus par kilogramme d’eau. s plasme. Suc exprimé ou dépuré, 100 à 500 gr. par | Décoction en fomentations, etc. jour, seul ou dans du petit-lait, etc. Pommade, parties égales d’axonge et de suc. Le grateron, inusité de nos jours, et dont on ne fait pas mention dans nos pharmacologies modernes, était autrefois employé comme diurétique, apéritif, sudorifique, incisif, résolutif, ete. Glisson et plusieurs autres méde- cins l'ont préconisé dans le rachitis; Mayerne dans l’hydropisie; Gaspari contre les scrofules ; J. Ray, dans les engorgements de la rate ; Edwards (4), dans le scorbut. — Le suc de grateron, à la dose de 500 gr. par jour, a été présenté par les uns comme un remède contre les maladies aiguës (2). D’a- près Martius (3), les Cosaques de l'Ukraine s’en servent en infusion pour se préserver de la rage. Enfin on a vanté le grateron dans la jaunisse, la gra- velle, les dartres, la petite vérole, la pleurésie, les fièvres malignes, etc. A l'extérieur, Dioscoride l’employait écrasé avec de l’axonge sur les scro- fules, ou à l’état de suc sur les gercures du mamelon, et Gardane(4) dit en avoir vérifié les bons effets en pareïl cas. Suivant quelques anciens auteurs, on l’a appliqué sur le cancer ulcéré pour en modérer les progrès, sur les ulcères pour les déterger. Wilmet dit qu'on se sert de ce topique avec succès à Epinal sur les ulcères, et surtout sur les panaris. A ce concert de louanges on a opposé l'opinion de Cullen et celle de (1) Treatise on the groose-grass , or cliners, and its efficacy in the cure of the most invete- rate scurvy. Londres, 1784. — Extrait, Ancien Journal de médecine, t. LXIX, p.155. (2) Bibiiothèque médicale, t. XIX, p. 321. (3) Bulletin des sciences médicales. Férussac, t. XIII, p. 355. (4) Gazelte de santé, 1777. GRATERON., h91 Guersent (1). Le premier n'ayant retiré aucun avantage du grateron, soit à l'intérieur, soit à l'extérieur, dans les scrofules seulement, se félicite de ce qu'il est retranché de la plupart des pharmacopées. Le second, l’ayant vu em- ployer sans aucun succès dans les dartres. conclut « qu’on peut jusqu’à pré- sent regarder comme à peu près hypothétique tout ce qu'on à dit sur les propriétés de cette plante. » — Cette manière de voir ressemble un peu à celle d’un voyageur anglais, dont parle Voltaire, et qui, ayant eu à Blois une querelle avec son hôtesse, laquelle était rousse et acariätre, écrivit sur ses lableties : « Toutes les femmes de Blois sont rousses et acariâtres. Quoi qu'il en soit, le grateron ne mérite ni les éloges outrés des uns, ni la réprobation des autres. Il possède des propriétés réelles que l'observa- tion m'a démontrées dans le traitement des hydropisies , où son action diu- rétique est prompte, puissante et durable. Les faits suivants confirment cette assertion : Anasarque. — M"° Vasseur, âgée de cinquante-sept ans, jardinière, d’un tempérament lymphatico-sanguin, d’une forte constitution, habite depuis quelque temps un lieu bas ét humide, où règnent fréquemment des fièvres intermittentes. Convalescente d’une fièvre tierce dont elle avait été atteinte dans les premiers jours de mai 1851, elle se couche sur l'herbe, s'endort, et se réveille saisie d’un frisson général. Dès lors, courbature, douleurs con- tusives dans les membres, et, trois jours après, bouffissure de la face, ædème des extrémités inférieures se propageant rapidement sur toute l'étendue du corps et constituant l’anasarque. Appelé le 8 juin, je constate les symptômes suivants : infiltration séreuse générale et très-considérable, urines rares, rou- ges, sédimenteuses, non albumineuses ; absence d’irritation gastro-intestinale, appétit; pouls régulier, état normal du cœur, frissons vagues sans fièvre, parfois difficulté de respirer dans la position horizontale, sans signe d'épan- chement thoracique. Je prescris la éécoction de deux à trois poignées de grateron fraichement cueilli dans 1 litre 4/2 d’eau réduit à 1 litre, à prendre chaque jour par tasses. Dès le lendemain, augmentation considérable de la sécrétion urinaire, persistant les jours suivants à tel point que le 12, jour de ma visite, la quantité d'urine rendue est de cinq à six litres dans les vingt-quatre heures. La continuation de l'usage de la décoction de grateron entretient cette abondante diurèse, dissipe rapidement Finfiltration et amène une guérison complète au bout de huit jours. Anasarque albuminurique, suite de scarlatine. — M'° Robart, âgée de dix- huit ans, d’un tempérament sanguin, bien réglée, et jouissant habituelle- ment d’une bonne santé, venait d’être atteinte d’une scarlatine intense, avec angine diphthérique. A peine entrée en convalescence, elle quitte une petite chambre exposée au midi pour habiter un appartement beaucoup plus grand, exposé au nord et par conséquent plus froid. Deux jeurs après, le 10 juillet 1852, gonflement de la face, des mains et des pieds, urines albu- mineuses, insomnie, crainte, anxiété. Je prescri$ : fumigation dans le lit et frictions avec la vapeur de baies de genévrier, au moyen d'une bassi- noire, flanelle sur tout le corps, infusion de fleurs de sureau chaude pour boisson ; potion composée d'’infusion de fleurs de coquelicot, 150 gr., d’acétate d'ammoniaque liquide récemment préparé, 25 gr.. de sirop des cinq racines diurétiques, 30 gr., à prendre par cuillerées dans la journée. Malgré l'emploi de ces moyens pendant quatre jours, linfiltration s’accroit et gagne tout le corps, les urines précipitent une grande quantité d’albumine par l'acide nitrique, la malade se tourmente et désespère de son état. Je substitue à la médication ci-dessus indiquée la décoction concentrée de grateron, avec addition de sirop des cinq racines, à prendre liède et par (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. XIX, p. 323. 492 GRATIOLE, tasses d'heure en heure. Dès lors, diurèse tellement abondante que la ma- lade me dit le lendemain que sa nuit s’est passée à uriner copieusement et à chaque instant. Après huit jours de l'emploi du grateron, l’anasarque a dis- paru, les urines sont de moins en moins albumineuses, et le rétablissement, favorisé par la chaleur et les soins hygiéniques convenables, se complète en quelques jours. Hydrothorax et anasarque. — Scillier, àgé de soixante-quatre ans, char- pentier, d’une taille moyenne, fortement constitué, faisant habituellement abus des spiritueux, atteint d'hydropisie depuis trois semaines environ, me fait appeler le 16 juin 1853. A mon arrivée, le malade présente l’état sui- vant : anasarque générale portée au plus haut degré, anxiété, oppression considérable, parfois sentiment de suffocation, impossibilité de rester dans une position horizontale, pouls intermittent, irrégulier, peu développé, battements du cœur irréguliers et par intervalles très-fréquents et brusques, urines rares, et ne précipitant pas d’albumine par l'acide nitrique. L'in- fillration du tissu cellulaire rend difficile l'exploration de la poitrine, dans laquelle je puis néanmoins constater un épanchement séreux assez considé- rable. Le malade, qui jusqu'alors n’a pris pour tout traitement qu’une infu- sion de feuilles de cassis nitrée et un mélange de trois cuillerées de miel et d’une cuillerée d’eau-de-vie à prendre tous les matins, remède populaire indiqué dans le Recueil de M" Fouquet {1), réclame un prompt soulage- ment. L'emploi de la digitale est indiqué; mais l’action de ce médicament sur les reins se faisant presque toujours attendre deux ou trois jours, je lui préfère celui du grateron, dont l'effet a lieu presque immédiatement. La décoction concentrée de cette plante fraiche est prise dans les vingt-quatre heures ; quelques heures après, augmentation de la sécrétion urinaire; le lendemain, cette augmentation est notable; le troisième jour, le malade rend trois litres d'urine; le quatrième, près de quatre litres; le cinquième, la qaantité est augmentée d’un demi-litre. Sous l'influence non interrompue du médicament, cette abondante sécrétion d’urine se maintient, l’oppres- sion et les autres symptômes se dissipent à mesure que l’infiltration séreuse disparait, et au bout de quinze jours le malade entre en convalescence. Gette guérison, qui date de trois ans, ne s’est pas démentie. Je pourrais citer plusieurs autres cas analogues, où le grateron s’est mon- tré tout aussi efficace. Cependant je ne considère pas ce remède comme infaillible, Les praticiens savent combien le traitement des hydropisies est incertain : tel remède qui réussit dans un cas échoue dans un autre. J'ai vu employer la semence de grateron en poudre à la dose de 4 gr. in- fusés dans un verre de vin blanc, pendant une nuit, et avalée le matin contre la gravelle. La décoction de la plante et son suc sont donnés avec avantage dans la même affection. GRATIOLE. Gratiola officinalis. L. Gratiola centauroïides. GC. BAUH. — Digitalis minima, gratiola dictu. Morris, TOURN. Gratiole officinale, — grâce de Dieu, — petite digitale, — herbe à pauvre homme, centauroide, — séné des prés, — herbe à la fièvre. PERSONNÉES. — GRATIOLÉES. Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. - La gratiole (PI. XXI), plante vivace, se trouve dans les lieux humides, au bord des ruisseaux, sur les chaussées des étangs et des moulins. Elle est assez rare dans nos départements du nord. On la rencontre plus fréquem- ment aux environs de Paris (Ville-d’Avray, Gentilly, Melun). (1) Tome I, p. 130, 1739. GRATIOLE, 495 Deseription.— Racines blanchâtres, horizontales, garnies de fibres perpendicu- laires. — Tiges droites, simples, glabres, noueuses, d'environ 30 centimètres et plus, présentant entre chaque paire de feuilles deux sillons opposés alternativement, — Feuillès sessiles, opposées, glabres, plus ou moins dentées, ovales, lancéolées, d'un vert jaunâtre, marquées de trois nervures. — Fleurs axillaires et solitaires, pédonculées, d’un blanc jaunâtre ou rosé (juin-septembre). — Calice à cinq divisions linéaires. — Corolle tubuleuse, plus longue que le calice, irrégulièrement bilabiée, La lèvre supé- rieure relevée et échancrée ; l'inférieure à trois lobes arrondis. — Quatre étamines, dont deux supérieures fertiles et deux inférieures presque toujours avortées. — Ovaire simple. — Style oblique, épaissi en haut, — Capsule à deux lobes, polysperme. Parties usitées, — L'herbe et la racine, Récolte. — Se fait peu de temps avant ou pendant la floraison, Elle perd peu de ses qualités par la dessiccation. On préfère même l’employer sèche, parce au'aloré son énergie est un peu mitigée. [Culture.— La gratiole pousse dans tous les terrains ; on la propage par graines, ! Propriétés physiques et chimiques. — La gratiole est inodore ; mais sa saveur est amère, nauséeuse, désagréable, Elle contient, d'après Vauquelin (1), une matière résinoide d’une forte amertume, éméto-cathartique violent et principe actif de la plante (auquel Alibert a proposé de donner le nom de gratioline), une gomme brune, un acide, du malate de chaux et de soude, du phosphate et de l’oxalate de chaux, de la silice, du ligneux, — Marchand, de Fécamp, y a trouvé une substance neutre parti- culière qu’il a nommée gratiolin, auquel il attribue les propriétés de la plante, PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — Décoction ou infusion, de 4 | Teinture (1 sèche sur 8 d’eau-de-vie), de 50 à 12 gr. pour 120 gr. d'eau ou de vin par centigr. à 2 gr., seule ou en potion. cuillerées. Poudre, de 50 centigr. à 2 gr., en pilules, | A L’EXTÉRIEUR. — En lavement, 2 à 4 gr., potion, etc. comme vermifuge ; 10 à 15 gr., comme pur- Extrait (1 fraîche sur 1 d’eau par décoction), gatif. is de 10 centigr. à 1 gr. On suppose que la gratiole fait la base de Vin (1 sur 30 de vin), de 50 à 100 gr. l’eau de Meunier contre les hydropisies. A trop grande dose, la gratiole est un irritant qui produit l’empoisonne- ment à la manière des drastiques. A dose modérée, c'est un éméto-cathar- tique énergique trop négligé de nos jours. Il a été utile contre certaines hydropisies non accompagnées de phlegmasie, dans l’hypochondrie, la ma- nie, l’anaphrodisie, le rhnumatisme chronique, la goutte, quelques affections vermineuses, le tænia, etc. A faible dose et fractionnée, la gratiole peut être employée comme altérante dans plusieurs maladies chroniques de la peau. « Sept fois, disent Coste et Wilmet, nous nous en sommes servis pour purger des œdématiques, et l'effet hydragogue s’en est suivi sans irritation et sans fatigue. Nous avons administré cette infusion aqueuse à douze per- sonnes (4 à 12 gr. de feuilles pour un verre d’eau), de différents âges, sexes, conslitutions, attaquées de saburre pituiteuse, de fièvre erratique, d’hydro- pisie et de vers. Nous nous sommes bien trouvés de l’addition d’un gramme jusqu’à quatre de racine de la même plante, dans cette infasion, pour les hydropiques. Mais nous nous sommes abstenus de prescrire cette racine en poudre, à raison de l’état d’anxiété et de malaise qu’elle communique aux malades, par de fausses envies de vomir. » J’ai administré plusieurs fois la poudre de gratiole comme vomitive, à la même dose que celle d’ipécacuanha : ses effets ne sont pas constants, car elle purge quelquefois énergiquement sans faire vomir. Wauters a fait la même remarque et en parle ainsi : Pessimum sane, si remedium aliquod ad- hibentes, ianoramus an emeticam an drasticam, an nimiam an vero nullam vim sit exerturum. Comme émétique, l’asaret est bien préférable à la gratiole, dont l'administration, d’ailleurs, n’est pas sans danger dans le Cas d'irri- (1) Annales de chimie, 1809, t. LXXII, p. 191. 494 GRATIOLE. tation gastro-intestinale, de diarrhée ou de dysenterie, malgré l'opinion de Boulduc (1), qui considère la gratiole comme aussi efficace que l’ipéca- cuanha, au commencement de cette dernière maladie. Il n’y a aucune parité entre l'ipécacuanba, qui agit principalement sur l'estomac comme vomitif, et la gratiole, dont l'effet, comme purgatif violent, se produit sur tout le tube digestif. Comme purgatif, la gratiole est le meilleur succédané du jalap et du séné. J'ai souvent remplacé ce dernier par les feuilles de gratiole à la dose de 8 gr., infusées dans 120 gr. d’eau, avec addition de 30 gr. de sirop de mer- prun. Wendt fait beaucoup de cas de ces feuilles, réduites en poudre, pour purger les scrofuleux (Hufeland). J'ai employé, d’après Bergius, dans les fièvres intermittentes automnales avec cachexie, le mélange de 50 centigr. de gratiole en poudre avec 25 cen- tigrammes de gentiane. Après quelques jours de l’usage de ce mélange, je faisais prendre l'écorce de saule unie à l’absinthe et à la racine d’angélique dans le vin blanc ou dans la bière. J'ai presque toujours réussi à me rendre maître de la fièvre par ces moyens simples, et à obtenir ainsi, par nos végé- taux indigènes, des résultats aussi satisfaisants qu'avec les substances exo- tiques d’un prix élevé. Beaucoup de médecins ont recommandé la gratiole dans l’hydropisie. Heurtius, professeur de clinique à Leyde, l’a beaucoup vantée dans ces affec- tions, parce qu'il a eu probablement affaire à des hydropisies passives. Ettmauller, Hartmann, Wilmet, l’ont conseillée dans ces mêmes cas. Elle agit alors comme tous les drastiques qu'on emploie en pareille circon- stance, tels que la gomme gutte, l’élaterium, la bryone, etc. Elle amène, comme ces derniers, l’évacuation des collections et des infiltrations sé- reuses, en provoquant d'abondantes évacuations. J'ai donné avec succès, dans quelques hydropisies exemptgs de phlegmasie et accompagnées de flaccidité, d’atonie générale, soit l’infusion aqueuse, soit l’infusion vineuse de feuilles et de racine de gratiole, à la dose de 50 à 100 gr., selon l’âge, le tempérament et les forces. Elle m'a paru agir avee certitude et sans inconvénient quand la prudence a présidé à son usage. Il faut toujours commencer par une dose modérée, afin de juger du degré de susceplibihté des organes digestifs. A la campagne, où l’on fait un fréquent usage de cette plante pour se purger, elle agit doucement chez les uns, et cause chez les autres des superpurgations, à cause du défaut de prudence et de discernement dans son administration. J'ai vu, dans deux cas d’hydro- thorax avec tuberculisation, la gratiole produire une diarrhée opiniâtre et hâter la mort. On doit toujours, quand cette complication existe, s'abstenir de l’usage des purgatifs. Peyrilhe, qui donne à la gratiole la qualification d’héroique, conseille de l’employer avec du petit-lait, afin d'empêcher les nausées et les vomisse- ments. Boulduc prescrit l’infusion des feuilles dans du lait, dont on donne un verre par jour dans l’ascite. Je l’ai administrée aussi dans du lait, comme purgative et vermifuge, avec succès. L'extrait, associé à une poudre aromatique et mis en pilules, est, de tous les modes d’administration de la gratiole, celui qui mérite la préférence. Administré ainsi ou avec des feuilles de rue ou de la semence de tanaisie, il m'a complétement réussi comme anthelminthique. C’est, comme tous les purgatifs, à titre de dérivalif et non en raison de propriétés spéciales, que la gratiole a été utile dans les affections cérébrales non fébriles, telles que lapoplexie, la manie ; et contre la goutte, le rhuma- tisme chronique, les écoulements blennorrhagiques et leucorrhéiques, l’orchite, etc. On l’a vantée dans le delirium tremens. Mukebek (2) préfère (1) Mémoires de l’Académie des sciences, 1707, p. 188, (1) Journal de Hufeland, 1830. GRATIOLE. 495 l'extrait de gratiole à l’opium dans cette maladie quand elle est violente et qu’elle s'accompagne de beaucoup d'irritation. Wolff (4), ayant observé dans la goutte les bons effets de l'eau médicinale d'Hudson, dans laquelle il soupçonnait la présence de la gratiole, fit macé- rer 30 gr. de feuilles, 16 gr. de la racine de cette plante dans 1 kilogr. de vin d’Espagne. Il donna ce vin à des goutteux qui s’en trouvèrent très-bien. Seudamore n'en a retiré aucun avantage dans celte maladie. A petite dose et comme altérant, la gratiole a été utile dans les engorge- ments froids des viscères, la cachexie, les maladies chroniques de la peau, la syphilis, etc. Dans ces cas, c’est surtout son extrait qu'on emploie : on le fait prendre à la dose de 10 centigr., matin et soir d’abord, en augmentant ensuite peu à peu la quantité, jusqu’à ce qu'il survienne des évacuations. Cette plante, au rapport de Kostreski (in Desruelles), a été très-utile dans les ulcères vénériens, les nécroses, les caries, les tuméfactions chroniques des testicules, des douleurs ostéocopes. On prescrit la gratiole en lavement pour combattre la constipation par inertie intestinale, pour détruire les ascarides vermiculaires , pour agir ré- vulsivement dans les affections cérébrales, soporeuses, dans le delirium tre- mens, etc. Administrée par cette voie, elle à une action spéciale sur les or- ganes de Ja génération. Employée de cette manière chez les femmes, elle a quelquefois donné lieu à une sorte de nymphomanie. Bouvier a rapporté dans le Journal général de médecine (2), quatre observations qui constatent cette action singulière, et un exemple semblable a encore été publié depuis dans la Bibliothèque médicale. Le praticien devra donc en tenir note pour les cas où il jugerait nécessaire l'injection de gratiole dans le rectum. Stoll, et après lui Swediaur, employaient la formule suivante contre les dartres et la syphilis invétérée : Rob de sureau, 90 gr.; extrait de gratiole, 12 gr.; sublimé corrosif, 15 centigr., pour un électuaire dont la dose est de 4 gr. tous les matins. Il est impossible d'admettre, en présence du sublimé corrosif, que la gratiole puisse avoir une part active à la guérison. On peut en dire autant de la guérison de la gale, obtenue, suivant Delavigne (3), par l'usage interne de la décoction de gratiole, joint à des onctions d’onguent citrin dans le premier cas, et, dans le second, à des lotions de sublimé dissous dans l’eau. On a vanté les applications extérieures de la gratiole contre la goutte et le rhumatisme chronique. On conçoit facilement que Matthiole et Césalpin aient pu croire que les feuilles de cette plante guérissent promptement les plaies sur lesquelles on les applique; mais n’est-on pas surpris de voir Murray adopter, avec les progrès de la chirurgie, une semblable opinion ? La gratiole est à peine employée par les thérapeutistes modernes. Trous- seau et Pidoux n’en font pas mention, et ils consacrent cependant un article à la gomme gutte, à la scammonée, au croton tiglium , substances plus énergiques que notre plante indigène, et dont l'emploi n’exige pas moins de précautions. Que l’on soumette à l'observation clinique les effets de la gra- tiole, et elle reprendra bientôt le rang qu'elle a si injustement perdu dans la matière médicale. (1) Diclionnaire des sciences médicales, t. XIX, p. 324. (2) Tome LIV. à (3) Dissertatio de gratiola officinall ejusque usu in morbis cutaneis. Erlangæ, 1799, in-4°. L96 GREMIL, GREMIL. Lithospermum oflicinale. L. Lithospermum sive milium solis. J. BAuH. — Lithospermum majus erectum. GC. Baux. Herbe aux perles. BORRAGINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace se trouve au bord des chemins, aux lieux incultes, dans les bois secs et élevés. Description.,— Tiges droites, rameuses, rudes, de 60 centimètres environ.— Feuilles lancéolées, alternes, sessiles, rudes et munies de plusieurs nervures, d’un vert foncé, celles du haut de la tige plus petites et plus étroites. — Fleurs blanchâtres, axil- laires, solitaires, courtement pédonculées (juin-juillet-août). — Galice à cinq divisions profondes, linéaires. — Corolle un peu plus longue, à cinq lobes arrondis ; gorge dé- pourvue d’appendices. — Cinq étamines courtes. — Style plus long, stigmate bifide. — Quatre akènes osseux, petits, luisants et d’un blanc de perle. (Parties usitées.— Les fruits. Culture. — Le gremil vient dans les terrains secs et arides, on le multiplie de graines. | Le gremil, plante inodore, mais d’une saveur acerbe et désagréable, était regardé par les anciens comme lithontriptique, à cause, dit-on, de la con- sistance pierreuse de ses graines. Les semences, d’une saveur visqueuse, douceâtre, mucilagineuse, étaient regardées surtout comme possédant de grandes vertus. Suivant Dioscoride, on s’en servait pour dissoudre les calculs des reins et de la vessie. Matthiole dit que deux grammes (8 gr.) de semence de gremil, donnés en poudre dans du lait de femme, aident à délivrer celles qui sont en travail d’enfantement. Les modernes ont regardé les semences de cette plante comme inertes. Voilà la part de l’exagération et de l’erreur. — Voici, maintenant, celle de la vérité : « Certes, dit Roques, ce n’est point un remède puissant; on peut néanmoins l’employer dans le catarrhe aigu de l’appareil urinaire, où il produira tous les effets des substances mucila- gineuses. Il ne faut point dédaigner les herbes salutaires qui croissent sous nos pas. Les vieillards graveleux qui habitent les champs et qui éprouvent des irritations dans les voies urinaires recevront quelque soulagement de l’'émulsion suivante : semences de gremil, dures et d’une couleur argentée, 45 gr. ; sucre blanc, 30 gr. Triturez dans un mortier, en y versant peu à peu 500 gr. d’infusion de fleurs de mauve. On ajoute quelquefois à cette liqueur 50 à 60 centigr. de nitrate de potasse. » J. Bauhin, au rapport de Ray, avait déjà fait justice de la merveilleuse propriété attribuée à la semence de gremil de briser et d’expulser les calculs vésicaux, et réduit à leur juste valeur les médicaments prétendus lithontrip- tiques : Ego quidem (inquit J. Bauhinus) non existimo nec hoc semen, nec ullum aliud remedium calculos frangere : pituitam et crassos humores, avenulos et calculos glutinantes dissolvi et pelli hoc semine concedo. La plante entière de gremil, qui, ainsi que sa saveur l'indique, contient d’autres principes que le mucilage renfermé dans ses semences, a une action stimulante réelle sur les reins. Employée en décoction (30 à 45 gr. pour 4 kilogr. d’eau) à la dose de deux verres chaque matin, elle produisit une diurèse abondante chez un cultivateur habitant le voisinage des tourbières de l’Ardrésis, et atteint d’une infiltration séreuse, suite d’une fièvre inter- mittente négligée. Le malade était complétement désenflé après dix jours de l'usage de ce remède, que plusieurs personnes qui en avaient retiré le même avantage lui avaient conseillé. GRENADIER. 497 GRENADIER. Punica granatum. L. Punica quæ malum granatum fert. CoœŒsALr., TourN. — Mala granata sive punica. To. GRANATÉES. Fam. nat, — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L. Le grenadier, originaire des contrées de l'Afrique que baigne la Méditer- “anée, croit en Espagne, en Italie, et dans le midi de la France. Description. — Racine, — Rameaux glabres, anguleux, couverts d’une écorce rouge, — Feuilles très-lisses, opposées, lancéolées, portées sur des pétales très-courts. — kleurs hermaphrodites, régulières et assez grandes, d’un rouge vif, presque sessiles, souvent solitaires, quelquefois réunies trois ou quatre vers le sommet des rameaux (juin- juillet-août). — Calice épais et charnu, à cinq, sept divisions. — Corolle à cinq, sept pé- tales ondulés. — Elamines très-nombreuses. — Style et stigmate simples. — Fruits de la grosseur d’une pomme, arrondis, et revêlus d’une écorce d’un brun rougeàtre, con- tenant en grande quantité des substances pulpeuses d’un rouge très-vif, Parties usitées. — Les fleurs (balaustes). — Les fruits (grenades), — L'écorce du fruit (malicorium). — Les semences. — La racine. — L’écorce de la racine. (Culture. — On multiplie les grenadiers de graines ou de greffes; ils exigent une bonne exposilion, on peut les cultiver au pied d’un mur, au midi; on les couvre lhi- ver de feuilles et de litière; ils demandent une terre légère et substantielle qu'il faut renouveler souvent; les fleurs naissent sur les pousses de l’année ; il faut tailler court pour obtenir du jeune bois, arroser beaucoup et souvent. On préfère l'écorce du gre- nadier sauvage. | Récolte.— Les fleurs de grenadier, simples dans le grenadier sauvage, sont doubles dans le grenadier cultivé. Ce sont ces dernières qu'on livre ordinairement au commerce sous le nom de balaustes, bien que les premières aient les mêmes propriétés médicales. On les récolte pendant tout le temps de la floraison. La dessiceation ne leur fait pas perdre leur belle couleur rouge. L’écorce du fruit se trouve dans le commerce de la droguerie en fragments secs, durs, coriaces, rougeâtres en dehors, jaunes au dedans. La racine sèche pouvant être tirée en abondance de Espagne, du Portugal, de la Provence, il y a avantage économique à la choisir. La racine fraîche, recueillie souvent sur de maigres arbustes élevés dans des caisses, est habituellement moins riche en lannin, et n'offre pas les mêmes avantages sous le rapport thérapeutique (1).— L'écorce de racine de grenadier de Portugal est beaucoup plus grosse que celle de France. Mérat regardait la racine fraîche comme beaucoup plus efficace que la racine sèche. Ce médecin était dans l'habitude de faire acheter un grenadier vivant, de huit à dix ans au moins (plus jeune il ne pourrait fournir la quantité d’écorce de racine suffisante) et d’en faire séparer l'écorce chez le malade même, le jour, ou, au plus tard, le len- demain du jour où des anneaux de tænia avaient été expulsés; il le faisait employer immédiatement. 11 est reconnu aujourd'hui que la racine sèche est tout aussi eflicace, lorsqu'on a eu la précaution de la faire macérer pendant vingt-quatre heures dans l’eau qui doit servir à l’ébullition. Cette écorce se trouve dans ie commerce en petits fragments cassants, non fibreux, d'un gris jaunatre à l'extérieur et jaune à l’intérieur. Elle est inodore. Dans la droguerie on remplace quelquefois l'écorce de la racine de grenadier par celle de buis ou d’épine-vinette. L’amertume de ces deux dernières racines suffit à la dégus- tation, pour déceler la fraude. — « Une falsification plus fréquente que celle que nous venons de mentionner consiste à mélanger l'écorce de la tige avec celle de la racine. On peut reconnaitre cette substitution à l'absence totale de toute production crypto- gamique sur l’écorce des racines, tandis que l’on rencontre à l’aide du microscope, sur ‘épiderme des écorces caulinaires, un grand nombre de cryptogames, tels que l’ozogra- pha serpentina, le verrucaria leinitata, etc. — On peut la con‘'ondre avec les écorces d’angusture. Le sulfate de fer donne avec l’infusé d’écorce de grenadier un précipité noirâtre, avec langusture vraie, un précipité gris-jaunâtre, avec l’angusture fausse, un précipité vert bouteille. (Dorvault.) Propriétés physiques et chimiques. —- Les fleurs et le malicorium (1) Gazette hebdomadaire de médecine, 1856. 32 198 GRENADIER. contiennent une grande quantité de tannin et de l'acide gallique. L'écorce de la racine de grenadier est d'une saveur très-astringente, sans amertume ; humectée avec un peu d’eau et passée sur un papier, elle y laisse une trace jaune qui devient d’un bleu foncé par le contact du sulfate de fer. Gette. racine a été analysée d'abord par Mitouart (1), qui en a retiré une malière grasse assez abondante, du tannin, de l'acide gallique, une matière résineuse, de la mannite, du sucre et du ligneux ; puis par Latour de Trié (2), qui en à obtenu de la chlorophylle, beaucoup de résine, du tannin, de la matière grasse, et une substance cristalline sucrée qu'il nomme grenadine, laquelle est blanche, sans odeur, cristallisée en choux-fleurs et ne paraît pas constituer le principe actif du végé- tal (c’est tout simplement de la mannite). — Landerer, cité par Soubeiran, a retiré des fruits non mûrs une matière amère cristalline qu'il a nommée granatine. — (Righini a extrait de l'écorce un principe âcre auquel il a donné le nom de punicine.) Substances incompatibles. — La gélatine, le sulfate de fer, les sels d'argent, de plomb. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des fleurs, de 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau. Décoction de l’écorce du fruit, de 30 à 60 gr. par kilogramme d'eau. Poudre de malicorium, de 3 à 12 gr. en sub- stance ou en bol, etc. Sirop de grenade (3 de suc sur 15 de sucre), de 30 à 60 gr. en boisson. Suc de grenade, étendu dans l’eau et édul- coré. Sirop de malicorium, de 30 à 60 gr. en po- tion. Semence en poudre, de 4 à 8 gr. dans du vin, comme astringent. A L'EXTÉRIEUR. — Décoction des écorces ou des fleurs (30 à 90 gr. par kilogramme d’eau), pour fomentations, lotions, lave- ments astringents, etc. Décoction de l'écorce de la racine, en lave- ments, comme anthelminthique. Décoction de l'écorce de la racine fraiche, 60 gr. pour 700 gr. d’eau que l’on fait ré- duire à 500 gr. et que l’on donne en trois fois contre le tænia. Extrait alcoolique de la racine, de 15 à 20 gr. comme astringent, vermifuge. Poudre de la racine, de 5 à 15 gr., en pi- lules, bols, ou dans du vin, comme astrin- gent. MÉDICATION TÉNIFUGE. Suivant Mérat, qui assure n’avoir jamais vu manquer la racine de grenadier contre le tænia, le succès est lié à l’observation indis- pensable de certaines conditions, et ces con- ditions sont les suivantes : 19 N’administrer le médicament que le jour même ou le lendemain du jour où des anneaux de tænia auront été rendus. 9 Faire prendre en trois fois, à une demi- heure de distance les unes des autres, le pre- duit de la décoction de 60 gr. d’écorce de ra- cine fraiche de grenadier cultivé, dans 750 gr. d’eau réduite à 500 gr. par l’ébullition. Suivant Mérat, les insuccès que lon a reprochés à ce mode de traitement sont dus uniquement à ce qu’il n’a pas été fait conve- nablement, et ils doiv: nt toujours être consi- dérés comme résultant soit de la faute du médecin, soit de celle du malade. Ainsi, tan- tot on a employé l’écorce sèche (qui pourtant réussit encore dans le plus grand nombre des cas), souvent altérée et mêlée à d’autres écorces; tantôt on a fractionné la dose du médicament, et on lui à associé des purgatifs, ou on en a administré auparavant; tantôt, enfin, les malades n’ont rendu des portions de vers que depuis un certain temps, etc. Bourgeoise (3) fait prendre la veille du jour où il doit administrer l’écorce de la racine de grenadier, le matin ou le soir, 45 à 60 gr. d'huile de ricin, dans la vue de nettoyer le tube digestif, de débarrasser le tænia des me- tières fécales qui l'entourent, et de le mettre à nu le plus possible. Il ne croit pas ce pur- gatif indispensable, mais il lui paraît aug- menter les chances de succès. Gomès donne le conseil, lorsqu’apès l’administration du ténifuge une portion du ver reste pendante à l’anus, de faire prendre le jalap, l'huile de ricin, etc., pour en faciliter la sortie. Latour de Trie propose de remplacer la décoction par la liqueur fermentée, qu’il pré- pare de la manière suivante : Prenez 48 gr. d’écorce de racine de grenadier réduite en poudre : grossière , metiez à mactrer dans 500 gr. d’eau distillée; au bout de deux jours, exprimez fortement. Remettez sur le marc 500 gr. d’eau bouillante et laissez en contact pendant vingt-quatre heures, passez et expri- mez; réunissez l’infusé au macéré, filtrez et abandonnez la liqueur pendant deux jours à une température de 30 degrés dans un vase ouvert, passez au filtre, tro s verres par jour, le matin, à midi et le soir. Latour cite un cas d’expulsion d’un tæuia par cette prépara- tion. Chez les sujets faibles, nerveux, et surtout chez les enfants, on ne doit administrer l’é- corce de racine de grenadier qu’à doses frac- tionnées. On peut, dans ces cas, faire prendre pendant huit à quinze jour , tantôi par l’es- tomac et tantôt en lavements, une décoction de 4 gr. de cette écorce. Cependant ces demi- moyens sont loin u’amener un résultat aussi satisfaisant que le mode ordinaire d’adminis- tration. L'administration de l’écorce de la racine de grenadier sous forme de poudre, conseillée (1) Journal de pharmacie, 1824, t. X, p. 352. (2) Journal de pharmacie, 1831, t. XVII, p. 603. (3) Nouvelle Bibliothèque medicale, t. VI, p. 397. GRENADIER. par Breton, qui la faisait prendre à la dose de 60 centigr. toutes ls demi-heures pendant trois heures de suite, est moins certaine dans ses effets que la décoction. L’extrait alcooli- que, proposé par Deslandes (1) comme possé- dant une eflicacité ténifuge plus prononcée que celle de l'écorce elle-même, est plus fa- cile à administrer, répugne moins aux ma- lades, et mérite d'être adopté, non-seulement comine propre à agir spécialement contre le tænia, mais aussi contre les autres espèces de vérs intestinaux. Comme nous l’avons dit plus haut, l'écorce 199 est fraîchement récoltée. Trois faits publiés par Grisolle, Giscaro (2) et Dechambre vien- nent à l’appui de cette opinion. 64 gr. de cette racine sèche, qu'on avait fait macérer pendant vingt-quatre heures dans 750 gr. d’eau et ré- duire ensuite à 500 gr., ont fait rendre au malade de Giscaro, une demi-heure après la troisième verrée, le tænia solium qui causait- tous les accidents, et 15 gr. de cette racine ont sufli chez le jeune enfant dont parle De- chambre. Dans les deux cas, l'administration de la décoction de racine de grenadier avait été précédée, vingt-quatre heures auparavant, sèche n’est pas moins efficace que celle qui | d’une purgation avec l'huile de ricin. Les fleurs ou balaustes et l'écorce du fruit du grenadier ou malicorium (cuir de pomme) sont toniques et astringentes. On les emploie, à l'intérieur, dans la diarrhée et la dysenterie quand la période d'irritation est dissipée, dans les hémorrhagics passives, les écoulements muqueux avec atonie, et, à l'extérieur, en gargarisme dans le gonflement atonique des amygdales, le relâchement de la luette et des gencives, en lotion et en injection contre le relâchement de la muqueuse du vagin, la chute du rectum, l’œdème des extrémités, les engorgements articulaires, suite d’entorse et de luxation, etc. On fait ordinairement usage des fleurs à l’intérieur, et de l’écorce des fruits à l'extérieur. Les graines renfermées dans les grenades, d’une saveur aigre- lette sont aussi astringentes, mais à un degré beaucoup plus faible ; elles ont été néanmoins prescrites en poudre dans les flueurs blanches, et, à l'exté- rieur, contre les ulcères atoniques. Le suc de grenade est rafraichissant et diurétique. Etendu dans l’eau, il fournit, comme nos fruits rouges, une boisson acidule d’un goût agréable, et qui convient dans les maladies in- flammatoires, bilieuses et putrides, les affections des voies urinaires, etc. Pline l'Ancien dit qu'une grenade, pilée et bouillie dans trois hémines de vin réduites à une, expulse le tænia. La grenade entière, enfermée dans un pot de terre neuf bien couvert et luté d'argile, mise au four et desséchée au point de pouvoir facilement la réduire en poudre, et administrée à la dose de 2 à 1 gr., avec du vin rouge, étaitun remède populaire vanté contre la dysen- terie chronique, les pertes utérines, les flueurs blanches et les fièvres inter- mittentes. L'écorce du fruit du grenadier est regardée par les médecins persans el thibélains comme succédané du quinquina et employée contre les fièvres intermittentes (3). La propriété vermifuge de l'écorce de racine de grenadier, que l’on n'a mise à profil que depuis une trentaine d'années, était connue des anciens. Caton le Censeur la conseille contre les vers, et Dioscoride recommande la décoction de racine de grenadier prise en breuvage pour tuer les vers larges et les chasser du corps. Dans l'Inde, ce ténifuge était employé de temps im- mémorial. Ce fut Buchanam qui le remit en usage en Europe vers 1807. Laissant de côté, comme inutiles dans un travail exclusivement consacré à la thérapeulique, les autres détails historiques concernant ce précieux re- mède, nous nous contenterons de dire que le mémoire de Gomès, publié en 1822, et traduit par Mérat (4), a le plus contribué à en répandre l'usage en France. Ce qui frappe le praticien dans l'emploi de l'écorce de racine de grena- dier comme lénifuge, c'est le défaut de proportion entre son action immé- diate sur le tube digestif et le résultat qu'on en obtient. Introduite à dose légère dans l’estemac, elle ne produit aucun effet sensible ; en quantité plus (1) Archires générales de médecine, 2° série, t. 1, p. 120, (2) Gazelle hebdomadaire de médecine, janvier 1856. (3) Bibliothèque britannique, septembre 1811. (4) Journal com) lémentaire des sciences médicales, t. XVE, p. 24. 200 GRENADIER. forte, elle occasionne un peu de chaleur, et rarement de la douleur, dans la région épigastrique ; quelquefois, cependant, des nausées et même le vo- missement ont lieu. Comme purgative, l'écorce de grenadier a une vertu peu active : elle ne provoque, administrée à haute dose, qu'un bien petit nombre de selles. On sait d’ailleurs que les purgatifs, même les plus éner- giques, n'ont pas, par cette seule propriété, l'effet vermifuge. L'amertume de cette racine n’est pas assez prononcée pour que l’on puisse lui attribuer sa vertu anthelminthique ; tout à fait dépourvue d’arôme, sa décoction a seu- lement quelque chose de nauséabond. On a quelquefois observé, après l'administration de ce médicament, des vertiges, des étourdissements, une sorte d'ivresse, parfois des syncopes, de légers mouvements convulsifs ; mais ces accidents sont fugaces et ne laissent aucune trace après leur manifestation. Il paraît donc certain, en raisonnant par voie d’exclusion, que l'écorce de racine de grenadier agit d'une manière spéciale et par intoxication sur le ver, que l’on trouve toujours mort, pelotonné sur lui-même, et noué forte- ment à plusieurs endroits de sa longueur. Les remarques faites par la plu- part des auteurs qui ont étudié les effets de cette substance viennent à l’ap- pui de cette opinion. Breton (1), ayant jeté des tænias vivants dans une décoction d’écorce de racine de grenadier, les a vus se contracter aussitôt avec vivacité et mourir au bout de quelques minutes, tandis que ceux qui ont été plongés dans l’eau simple ont vécu plusieurs heures après leur ex- pulsion. Gomès s’est aussi assuré que des portions de tænia vivant, jetées dans la décoction d’écorce de racine de grenadier, deviennent raides, con- tractées, et y périssent presque aussitôt, tandis que dans les autres anthel- minthiques, même dans l’essence de térébenthine, elles se meuvent avec plus ou moins de vivacité. Je n’eus qu’une seule fois occasion d’employer l'écorce de racine de gre- nadier contre le tænia. Ce fut en 1828, chez M. Seaton, officier anglais en résidence à Calais. Ce malade, âgé de quarante-six ans, d’un tempérament lymphatico-nerveux, d’une taille élevée, d’une constitution grêle, avait été atteint, à l’âge de vingt-neuf ans, d’une fièvre typhoïde. La production de son tænia datait, disait-il, de la convalescence longue et pénible de cette dernière maladie. Un sentiment d’engourdissement ou de fourmillement presque continuel au dessous de l’ombilic, des mouvements ondulatoires, des élancements douloureux et instantanés dans les intestins, un appétit ir- régulier et parfois vorace, de temps en temps une diarrhée muqueuse avec expulsion spontanée de morceaux de tænia, des spasmes vers l’épigastre avec efforts de vomissements, irritations nerveuses sympathiques et exalta- tion intellectuelle, auxquels succédait toujours un état d’abattement et de somnolence : tels étaient les symptômes que présentait M. Seaton lorsqu'il vint me consulter. Il avait mis en usage, pendant plusieurs années et à di- verses reprises, la fougère, la gomme-gutte, l'huile de térébenthine, l’étain, l'huile de ricin et divers autres anthelminthiques, sans autre effet que l’ex- pulsion de portions plus ou moins longues du ver qui le tourmentait. Je ne pus me procurer une quantité suffisante d’écorce de racine de gre- nadier qu’au bout de trois semaines. Je lui en administrai 60 gr. en décoc- tion dans un litre d’eau réduit à trois verres. Le malade, préparé par la diète et quelques lavements, prit le premier verre à six heures du matin et le vomit dix minutes après. A six heures et demie, le second verre fut avalé et conservé, ainsi que le troisième, qui fut administré à sept heures et demie. Déjà des coliques s’étaient fait sentir, et bientôt deux selles eurent lieu sans qu'aucun symptôme nerveux se fût manifesté. Vers midi, le malade éprou- vant des tranchées et des épreintes suivies seulement d'expulsion de muco- (1; London medico-surgical transact., t. XI, p. 301. GROSEILLIER ROUGE, 501 sités, je me décidai à lui faire prendre en lavement une décoction de 20 gr. d’écorce de racine de grenadier dans 800 gr. d’eau réduits par l’ébullition à 500 gr. environ. Un quart d'heure après cette injection, une garde-robe amena le ver tout entier. Il était assez épais, opaque, roulé en peloton, de la longueur de quatre mètres environ, et de l’espèce non armée. J'ai pu, à l’aide d’une forte loupe, distinguer les papilles latérales, et, entre elles, la protubérance indiquant le sucoir central de animal. Ce fait, que j'ai cru devoir rapporter, vient se joindre au grand nombre de ceux qui sont consignés dans les journaux de médecine, et qui prouvent incontestablement que l'écorce de racine de grenadier est, de tous les an- thelminthiques indigènes connus, celui qui jouit au plus haut degré de la faculté de tuer le tænia solium (1). C'est le succédané du kousso. , La racine de grenadier est aussi un remède efficace pour la destruction des autres espèces de vers intestinaux. On en donne la décoction en lave- ment contre les ascarides vermiculaires. GROSEILLIER ROUGE. Ribes rubrum. E. Ribes officinarum, sive non spinosa hortensis rubra. TOUR. RIBÉSIACÉES, A. RicH. (Grossulariées. J.). — PENTANDRIE MONOGYNIE. I4 Cet arbrisseau, qui croît spontanément dans les haies et les bois, est cul- tivé dans les jardins pour l'usage de ses fruits. Il est trop généralement connu pour nécessiter une description. [Parties usitées. — Les fruits. Récolte. — Lorsqu'on veut manger les fruits on les récolte à leur maturité, et un peu avant cette époque lorsqu'on en prépare le sirop ou les gelées. Culture. — Il existe plusieurs variétés de groseilliers : celui à fruit blanc, ribes album, dont les fruits sont très-doux; un autre à fruit couleur de chair, qui présente une sous-variété nommée perlée; le groseillier Gondouin, plus trapu, à fruit plus gros; enfin, le groseillier cerise dont le grain est encore plus gros. Les groseilliers viennent dans tous les terrains et à toutes les expositions. Cependant les fruits sont plus doux et plus gros dans les terres légères et sablonneuses ; on les propage de semence ou de bouture ; en hiver on coupe le bois mort et on rabat les branches ; on les multiplie aussi d’éclats de pieds, ils doivent être renouvelés tous les cinq ans.] Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. — Les groseilles contiennent, lorsqu'elles sont müûres, de l'acide malique, de l'acide citrique, du sucre, (de la pectine (grossuline), et dans la variété qui nous occupe un principe colorant violet qui ne doit sa couleur rouge qu’à la présence des acides.) On prépare avec leur suc des boissons, un sirop, une gelée, etc. — Pour conserver les groseilles en grappes, on les met dans des bouteilles que l’on bouche bien soi- gneusement ; on place ces bouteilles dans une chaudière pleine d’eau, et on donne seulement un quart d'heure de bouillon. On conserve de la même manière le suc de groseiile. Dans quelques contrées du nord, on fait sécher les groseilles rouges ou blanches sur des feuilles de papier, dans un four faiblement chauffé ou dans celui d’une cuisinière dont la grande chaleur a disparu. On les conserve dans des boîtes de bois ou de fer- blanc, et l’on en use comme du thé, en en faisant infuser une pincée dans une suffi- saute quantité d’eau. Cette boisson, très-agréahle au goût, est sudorifique, diurétique, et convient dans tous les cas où les groseilles fraiches sont employées. Comme aliment et mangées en grappes, les groseilles rouges ou blanches sont très-salutaires dans les phlegmasies gastro-intestinales chroniques, les (1) Voyez Archives générales de médecine, 1"° série, t. VI, p. 293: t. VII, p. 153, 603: t. XIV, p. 285, 374, 603; t. XV, p.124;t. XVI, p. 298; t. XVII, p. 130; t. XVIII; p. 438. — Journal général de médecine, t. XXVII, 2° série, p. 329, etc. 502 GUI, embarras des viscères désignés sous le nom d’obstructions, le scorbut, les affections cutanées rebelles. Ces fruits conviennent surtout aux jeunes gens, aux tempéraments sanguins et bilieux, dans les pays chauds et secs ; chez les personnes faibles et délicates, elles troublent les digestions quand elles sont ingérées en trop grande quantité. La gelée, le sucre et l’acide que ren- ferment les groseilles, les rendent nutritives, rafraichissantes et diurétiques. Le suc et le sirop, pris en limonade, sont très-propres à apaiser la soif et conviennent dans les fièvres inflammatoires bilieuses, putrides ; dans la gas- trite, l’entérite, l’angine, la rougeole, la scarlatine, les phlegmasies des voies urinaires, le scorbut aigu, le purpura hemorrhagica, etc. La gelée de groseille, appliquée immédiatement après une brûlure du premier,ou du second degré, apaise la douleur, prévient l’inflammation et le développement des phlyctènes. (Nous avons traité du groseillier noir, page 259; il nous reste à signaler le groseiilier épineux (Ribes uva crispa, L.; R, grossularia); l'emploi de ses fruits verts pour l’assaisonnement du maquereau lui a fait donner le nom vulgaire de groseillier à maquereaux. Les fruits verts sont laxatifs et rafrai- chissants; mûrs, ils perdent en grande partie ces qualités.) GUI. Viscum album. L, Viscum baccis albis. G. BAuH., TouRN. — Viscus quercinus et cæterarum arborum. T. BAUH.— Viscum vulgare. PARK. — Viscum corylineum. Viscum tiliaceum. — Lignum sanctæ crucis. Omnia sanans druidarum. Gui blanc, — gui commun, — gui parasite, — gillon, — verquet. LORANTHAGÉES, A. Rich. (Caprifoliacées, J.). Fam. nat. — DIOECIE TÉTRANDRIE. L. Arbuste parasite et toujours vert, pour lequel les anciens Gaulois avaient un respect superstitieux. [Le nom de gui vient de gwid, qui veut dire arbuste ; les druides et les prêtres des Gaulois le coupaient en grande cérémonie avec une serpe d’or, en chantant des chants d’allégresse et prononçant des paroles mystiques; ils s’en servaient pour bénir de l’eau qu'ils distribuaient au peuple; ils croyaient que cette eau purifiait, guérissait la plupart des maladies, donnait la fécondité, etc. Pline dit (4): Ad viscum Druidæ clamare solebant.] I croît sur le tronc et les branches äGu pommier, du chêne, de l’orme, du tilleul, : du saule, du coudrier et de tous les arbres qui ne contiennent pas un suc laiteux ou caustique. Les grives et d’autres oiseaux mangent les baies du gui, dont ils répandent la semence. BDeseription.— Tige ligneuse, à rameaux nombreux, arrondis, articulés, diver- gents, munis à la base d’une paire de bractées squamiformes. — Feuilles opposées, simples, entières, sessiles, épaisses, d'un vert jaunâtre, oblongues, obtuses, à cinq ner- vures longitudinales apparentes après la dessiccation, persistantes. — Fleurs d’un jaune verdâtre, petites, sessiles, rassemblées par deux ou trois en petits bouquets dans les bifurcations supérieures des rameaux (mars-avril-mai), ordinairement dioïques, régu- lières, incomplètes, munies de bractées à la base, — Fleurs mâles, calice 4° bifide, corolle nulle, quatre étamines à anthères sessiles. — Fleurs femelles, calice très-court soudé avec l'ovaire; corolle à quatre pélales charnus. — Fruit bacciforme, blane, unilo- culaire, monosperme, contenant une matière glutineuse qui favorise la reproduction de l'espèce en fixant sa graine lorsqu'elle est tombée sur l'arbre, Parties usitées. — L'écorce et les fruits. Récolte, — Il faut recueillir le gui à la fin de l'automne, le faire sécher avec soin, en séparer l'écorce, la pulvériser et la renfermer dans un vase opaque hermétiquement (1) Lib. xvI, cap. xLIv. 503 fermé et placé dans un lieu sec. Le gui de chêne ne jouit pas de propriétés plus remar- guies que les autres ; l'arbre sur lequel cette plante croit n'apporte aucune différence ans sa composition chimique, Propriétés physiques et chimiques. — Le gui est inodore, d'une sa- veur visqueuse et un peu austère à l’état frais, d’une odeur désagréable et d’un goût àâcre et amer quand il est sec. On y trouve une grande quantité de matière glutineuse, très-analogue au caoutchouc, insoluble à froid dans l’eau et dans l’alcool, un extrait résineux, un extrait muqueux et un principe astringent, L'extrait résineux est beaucoup plus abondant que l'extrait aqueux. C’est dans l'écorce que réside la plus grande partie des principes actifs du gui. (On pense encore assez généralement qu'une plante parasite participe de la composi- tion chimique de l'arbre aux dépens duquel elle vit. Colbatch, dès 4747, assure que les principes composants du gui sont identiques quel que soit le végétal sur lequel on le recueille, On cite le gui comme étant plus riche en tannin quand il croit sur le chêne que sur le peuplier, ou le pommier, etc. ; cette assertion est tellement inexacte que Cha- tin (1) affirme n'avoir jamais rencontré dans le gui de chène la moindre trace de vrai tannin.) Henry (2) a trouvé dans les fruits du gui une petite quantité de glu, de la cire, de la gomme, une matière visqueuse insoluble, de la chlorophylle, des sels à base de po- tasse, de chaux, de magnésie; de l’oxyde de fer. Toutes les parties vertes du gui, tiges et feuilles, contiennent beaucoup de glu. Pour l'extraire, on met une cerlaine quantité de cette plante pendant huit ou dix jours dans un lieu humide ; quand elle est pourrie, on la pile jusqu’à la réduire en bouillie ; on la place ensuite dans une terrine avec de l’eau fraîche, et on l’agite fortement jusqu'à ce que la glu s'attache à la spatule. On lave alors cette substance dans un autre vase avec de la nouvelle eau, et on la conserve pour l’usage. — Gette glu contient un principe particu- lier auquel Macaire (3) a donné le nom de viscine. (Elle peut être représentée, selon Reinsch (4), par C?*H?°0$.) — En France, la glu se prépare plus volontiers avec l'écorce de houx. GUL. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, ‘A L'INTÉRIEUR. — Décoction, de 30 à 60 gr. par kilogramme d’eau. Poudre, de 2 à 12 gr., en bols, pilules ou dans un liquide, dans les vingt-quatre heures. Extrait aqueux ou vineux, de 1 à 8 gr. en pi- lules, potions, etc. À L'EXTÉRIEUR. — En cataplasmes. Le gui entre dans la poudre antiépileptique de Guttèle, mélange de pivoine, de dictame, de gui, d’arroche, de corail rouge, d’hyacinthe, d’ongle d’élan, de crâne humain, de musc et de feuilles d’or. On l’administre à la dose de 10 centigr. à 2 gr. Nous avons peu de chose à dire sur l’action physiologique du gui. L’écorce en poudre, à la dose de 8 gr. par jour, produit sur le tube digestif des effets exCilants, et provoque souvent quelques selles. La décoction et l’extrait al- coolique de cette écorce ne paraissent pas être aussi laxatifs que la poudre. On croit généralement que les baïes sont laxatives ; cependant, j'en ai avalé quinze sans éprouver le moindre effet. Les tiges de gui ont été vantées comme antispasmodiques, dans presque toutes les affections convulsives. Pline, Théophraste, Matthiole, Paracelse, ont parlé de son efficacité contre l’épilepsie. Dalechamp, Boyle, Koelderer, Colbatch, Cartheuser, Van Swieten, assurent en avoir obtenu de grands avantages contre cette redoutable maladie. Jacobi (in Grantz) dit avoir guéri six épileptiques au moyen du gui. Bouteille (5) ajoutait, en pareil cas, 24 gr. de cette plante à la racine de valériane. Henri Fraser (6) rapporte plusieurs faits où ce médicament s’est montré efficace : chez un épileptique, après quelques jours sans résultats appréciables, les accès devinrent moins fré- quents, et cessèrent complétement au bout de six mois. (1) Répertoire de pharmacie, janvier 1864. (2) Journal de pharmacie, 1824, t. X, p. 338. (3) Journal de chimie médicale, février 1834. (4) Répertoire de pharmacie, p. 27, février 1864. (5) Journal général de médecire, t. LXXXIIE, p. 804. (6) Journal de médecine d'Edimbourg, I, 352. 504 GUI. On à vanté les propriétés du gui dans d’autres névroses. Dehaen place cette plante sur la même ligne que la va!'ériane, et Boerhaave dit qu’elle lui a souvent réussi dans la mobilité des nerfs et dans Les convulsions. Koelde- rer (1) l’a employée avec succès dans l'asthme convulsif et dans le hoquet. Colbateh (2), outre les succès qu'il en a obtenus dans l'épilepsie, prétend en avoir retiré de grands avantages dans diverses affections nerveuses, et no- tamment dans la chorée; il l’administrait en poudre à la dose de 2 gr., quatre fois par jour. Bradley loue ses effets dans l’hystérie, les vertiges, la paralysie (sans doute la paralysie hystérique). Franck a connu à Wilna un médecin italien qui avait obtenu les résultats les plus heureux de l'emploi du gui dans plusieurs cas de toux rebelle : lui-même en obtint un plein suc- cès dans des cas analogues. Plus récemment (3), on en a vérifié les bons effets dans certaines toux convulsives. Dumont (4), l’ayant expérimenté dans plusieurs cas de coqueluche, affirme que son action est tellement prompte qu'on peut la constater au bout de vingt-quatre heures. Deux faits recueillis par Dubois, de Tournai, viennent à l'appui de cette assertion. Je n’ai pas été aussi heureux que lui. Cette écorce, que j'avais récoltée et préparée moi- mème, donnée en poudre à la dose de 2 gr. matin et soir, amena, au bout de quatre à cinq jours, une diminution sensible dans la fréquence et l’inten- sité des quintes; mais ensuite les symptômes restèrent les mêmes, malgré l'augmentation progressive des doses du médicament, jusqu’à celle de 6 gr. donnée en trois fois chaque jour. La maladie ne céda qu’à l'usage de la poudre de feuilles d’aconit. — Ge fait, observé pendant l'épidémie de coque- luche qui régnait à Boulogne en 1855, avec complication d'affection catar- rhale fébrile permanente, ne peut en rien diminuer l'importance d'autres faits qui militent en faveur de l'emploi du gui dans cette névrose ; car, ainsi que Je l'ai fait remarquer à l’article AcoxtT, p. 22, la belladone et les anti- spasmodiques en général n’apportaient dans celte épidémie que peu ou point de soulagement. Il faut, pour apprécier l'effet des médicaments, non- seulement s'assurer du caractère snécial de la maladie, mais aussi tenir soi- gneusement compte des modifications qu’elle subit sous l'influence des cir- constances générales ou particulières dans lesquelles se trouve le malade. Le gui à été recommandé par divers auteurs dans d’autres affections de nature plus ou moins dissemblable, telles que la diarrhée et la dysenterie, les pertes utérines, les écoulements hémorrhoïdaux, la goutte, l’apopiexie, ete. (Ray vante comme ayant toujours raison des fièvres quartes, le gui, viscus oxyacantho innatus.) Nous ne donnerons pas une telle extension aux vertus de ce parasite; mais nous ne lui refuserons pas, comme l'ont fait Tissot, Cullen, Desbois de Rochefort et Peyrilhe, les propriétés réelles qu’il pos- sède et que l'expérience a sanctionnées. Ces auteurs, dont l’opinion est d’un si grand poids, disent n'avoir obtenu aucun résultat de l'emploi du gui. Des faits aussi contradictoires, rapportés par des praticiens également recom- mandables, sont une preuve de plus des difficultés de l’observation et de l'incertitude de l'expérience en thérapeutique. Toutefois, hâtons-nous de le dire, ces difficultés et cette incertitude naissent bien plutôt des préoccupa- tions de l'esprit que de la nature des choses soumises à nos investigations. Si l’on à trop légèrement adopté les assertions exagérées des uns, le scepti- cisme des autres, qui a fait tomber cette plante dans l'oubli, n’est pas mieux fondé. Souvent, les premiers ont attribué au gui des résultats obtenus par des vomitifs et des purgatifs préalablement ou simultanément administrés. Les seconds, déçus dans leurs espérances, ont refusé à ce médicament des (1) De Visco, diss. inaug. Argentorati, 1747, in-4o, (2) Diss. concerning Mistletoe most wonderful specific remedy for the cure of convulsive dis- tempers. Londres, 1753, 3° édition. (3) Bulletin de thérapeutique, t. XXI, p. 207. (4) Annales de la Société de médecine de Gand. GUIMAUVE. 00 propriétés qu’un examen attentif et des expérimentations cliniques faites sans prévention eussent réduites à ce qu’elles ont de réel. La manière dont on administre le gui doit influer, suivant la remarque Judicieuse de Guersant (1), sur ses effets immédiats. Tous les principes ac- tifs de la plante résident dans l'écorce, et presque toujours la partie ligneuse a été employée en même temps, ce qui peut expliquer dans beaucoup de cas la différence des résultats obtenus, et la divergence d'opinions qui a dû en être la conséquence. A l'extérieur, on à recommandé le gui et ses semences en cataplasme, pour calmer les douleurs de la goutte, et comme résolutif sur les engorge- ments lymphatiques, l’ædème, etc. GUIMAUVE. Althea oflicinalis. Althea Dioscoridis et Plinii. GC. BaAux., TOURN. — Althea sive ibismalva. J. Baux. — Althea ibiscus. GER. MALVACÉES. — MALVÉES. Fam. nat. — MONADELPHIE POLYANDRIE. L. Cette plante croît dans les lieux frais et humides de l'Italie, de la France et de la Hollande; on la cultive dans les jardins, et en grand dans les champs, surtout aux environs de Paris {Saint-Denis). Description. — Racines longues, pivotantes, blanches, contenant un mucilage gluant et très-doux. — Tige de 4 mètre à 1 mètre 50 centimètres, droites, nombreuses, pubescentes. — Feuilles alternes, pétiolées, molles, d’un vert blanchätre, cordiformes, à trois ou cinq lobes peu marqués ou dentés. — Fleurs presque sessiles, d’un blanc rosé, disposées en panicules axillaires (juin-juillet), — Galice double, l'extérieur à six ou neuf divisions, l’intérieur à cinq plus longues. — Cinq pétales cordiformes réunis à la base. — Etamines monadelphes, à anthères nombreuses. — Ovaire surmonté d’un style court et d’un pinceau de stigmates sélacés. — Fruit orbiculaire, composé de plusieurs carpelles monospermes, tomenteux, verticillés autour d’un axe, Parties usitées., — La racine, l'herbe et les fleurs. Culture. — La guimauve n'est pas difficile sur la nature du terrain ; mais celui qui lui convient le mieux est une terre franche, légère, profonde et un peu humide, — Quand on ne la plante que pour les besoins de la maison, et il faut toujours à la campagne en avoir quelques pieds dans son jardin, on peut la multiplier en arrachant en novembre ou décembre de vieux pieds qu’on éclate, qu’on divise en plusieurs et qu'on replante im- médiatement. Mais quand on veut cultiver cette plante pour en fournir au commerce de l'herboristerie, il faut en récolter la semence à l'automne, et la semer au printemps dans une terre bien labourée. Pendant l'été on sarcle le jeune semis, et on lui donne au moins äeux binages. À l'automne, on enlève le jeune plant avec la bêche, afin de ména- ger les racines, et on le replante aussitôt dans un terrain convenable et bien labouré, en disposant les pieds en quinconce et espacés à la distance de 40 centimètres envi- ron les uns des autres. L'année suivante, on donne deux binages au moins pendant le printemps et l'été. Récolte. — Ia racine de guimauve se récolte à l'automne et pendant l'hiver sui- vant; On arrache successivement les pieds pour les porter au marché, ou au séchoir quand on veut les conserver. — Dans ce dernier cas, on les lave, on fend et on divise les plus grosses en morceaux à peu près de la grosseur du petit doigt, et autant que possible de la même longueur ; on les blanchit en les pelant, on les enfile en longs cha- pelets que l’on suspend dans un lieu sec, aéré et même dans une étuve, si la saison est froide et humide ; on les conserve ensuite dans des vases ou dans des sacs à l'abri de l'humidité. La racine de guimauve, telle qu’on la trouve dans le commerce, est avec ou sans épi- derme ; celte dernière est très-blanche lorsqu'elle est bien préparée, et porte le nom de guimauve ratissée. A cause de son mucilage, cette racine est longtemps à sécher; les herboristes de Narbonne hâtent cette dessiccation en la passant au four : quand elle (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. XIX. 506 HÉPATIQUE DES FONTAINES. subit une chaleur trop intense, alle roussit. D’après Adam, de Metz (1), on tirerait de Nimes, pour vendre dans le commerce, sous le nom de racine de guimauve, celle de l’alcée (malva alcea. L.). Pour lui donner plus de blancheur, on traite quelquefois la racine de guimauve par la chaux. L’acide acétique faible, macéré sur une pareille racine, précipite par l’oxalate d’ammoniaque (Dorvaull). Les fleurs de guimauve se cueillent en juillet ; on les fait sécher à l'ombre et on les conserve dans des sacs en lieu sec. Les feuilles se récoltent au mois de juin, avant la floraison ; elles ne perdent pas de leurs qualités par la dessiccation. Propriétés chimiques. — La racine de guimauve contient de la gomme, de lamidon, une matière colorante jaune, de l’albumine, de l’asparagine, du sucre de canne, de lhuile fixe. L'eau bouillante s'empare de ses principes.. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. —Infusion et décoction des ra- | L'infusion de racine de guimauve, prépa- cines, des feuilles ou des fleurs, de 8 à | rée en jetant de l’eau bouillante sur la racine 30 gr. par kilogramme d’eau. lavée et dont on a Ôté la pellicule, afin de Sirop (3 de racine sur 16 d’eau et 12 de su- | n’avoir pas un produit trop épais, est em- cre), de 30 à 100 gr. en potions. ployée à l’intérieur : elle doit être prise à une Poudre (de 6 à 15 gr.), en bols, pilules, pâte, | douce température (20 à 30° centigrades); trop potions, loochs (pour en augmenter la con- | froide ou trop chaude, elle deviendrait exci- sistance) ; on s’en sert aussi pour préparer | tante. La décoction, épaisse, trouble, n’est des poudres médicinales adoucissantes, pour | ordinairement employée qu’à l'extérieur en étendre diverses substances qui auraient | fomentations, lotions, bains, lavements, et une action trop énergique si on les em- | pour délayer la mie de pain, le son ou la fa- ployait à l’état de pureté. | rine de graine de lin dans la préparation des À L'EXTÉRIEUR. — Décoction des feuilles ou des |: cataplasmes; on use de la décoction des racines, pour bains locaux, fomentations, | feuilles de la mème manière. lotions, layements, gargarismes. | La guimauve est émolliente et adoucisssante au plus haut degré. On l’em- ploie journellement à l’intérieur et à l'extérieur dans le traitement de toutes les phlegmasies aigues, telles que la toux, les catarrhes, l’angine, la gastrite, les hémorrhagies actives, la péritonite, les empoisonnements produits par des substances âcres et corrosives, dans les irritations dues à la présence des corps étrangers, ete. J'ai remplacé depuis longtemps tous les muciïlagi- neux exotiques par la racine de guimauve ou par la graine de lin, que l’on peut se procurer partout et à peu de frais. Je les préfère à la gomme ara- bique : elles sont plus adoucissantes et n’ont pas, comme cette dernière, l'inconvénient de causer la constipation. La mauve et la passe-rose, ou rose trémière, peuvent être employées comme la guimauve et dans les mêmes cas. Vaidy rapporte qu'il a vu souvent, lorsqu'on appliquait la décoction des feuilles de guimauve sur les phlegmons, la partie se couvrir d’une multitude de petits boutons qui finissaient par suppurer, Ce qui n’arrivail pas lorsqu'on . employait une autre décoction émolliente, par exemple celle de graine de lin (2). C’est un fait que j'ai pu constater, et qui a lieu aussi quand on se sert de l’infusion de fleurs fraiches de sureau. Afin de favoriser la dentition, on donne à mâcher aux enfants une racine de guimauve séchée. Ce moyen convient mieux que les corps durs que l’on a coutume d'employer en pareil cas. On s’en sert aussi en chirurgie, comme de celle de gentiane, pour dilater les conduits fistuleux après l’avoir taillée en petits cylindres qui, introduits dans les sinus, se gonflent et agissent ainsi à la manière de l’éponge préparée, mais avec moins d'efficacité que cette dernière. (1) Journal de pharmacie, décembre 1825. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. XIX, p. 575. HÉPATIQUE DES FONTAINES. 507 HÉPATIQUE DES FONTAINES. Marchantia polymorpha. L. Lichen petrœus latifolius, sive hepatica fontana . C. Baux. — Hepatica terrestris. GER. — Lichen, sive hepatica fontana. Y. Baun. Lichen sive hepatica vulgaris. PARK. Hépatique des fontaines, — hépatique officinale, marchantée étoilée ou variée, — marchantia polymorphe, — herbe de Hallot, — herbe aux poumons. HÉPATICÉES. Fam. nal, — CRYPTOGAMIE. L. Cette plante croît sur les bords des fontaines et des puits ; elle s'attache aussi aux arbres et aux rochers, entre les pavés des cours, et forme comme une espèce d’écaille. Deseription. — Se présente sous forme d’expansions nombreuses ou de croûtes vertes, planes, étalées, lobées, transparentes, ponctuées en dessus, traversées en dessous par des radicelles très-menues. Sur la face supérieure, des conceptacles sessiles, en forme de coupe, contenant les capsules, et des conceplacles mâles en forme d° ombelles, dont le contour offre cinq lobes peu marqués, arrondis-obtus. Parties usitées. — Toute la plante. Kécolte, — On peut récolter l'hépatique des fontaines dans toutes les saisons, mais de préférence dans l'été, la plante étant alors dans toute sa vigueur. On en sépare les feuilles mortes, on la fait sécher au soleil ou à l'étuve, et on la conserve dans un lieu sec et à l'abri du contact de l'air. L'hépatique des fontaines était regardée par les anciens comme propre à combattre les maladies du foie ; de là le nom qu’elle porte. Quoique rare- ment employée, on la considère encore aujourd’hui comme diurétique, dé- purative et détersive. Lieutaud dit que son usage ne paraît pas sans succès dans les embarras du foie et des autres viscères, et même dans la phthisie. Ce médecin la conseille aussi comme dépurative dans les maladies chro- niques de la peau. « M. Short, médecin de l’infirmerie royale d’Edimbourg, assure avoir em- ployé avec beaucoup de succès l'hépatique à l'extérieur, pour faire couler les urines et amener par là la guérison de différentes espèces d'hydropisies. Ce diurétique ne lui a pas toujours réussi, mais jamais il n’a déterminé d'accidents ficheux. Voici la manière dont il lemploie : il fait bouillir pen- dant douze heures deux poignées de feuilles d’hépatique dans l’eau ; il les broie ensuite à l’aide d’un pilon, y joint une quantité égale de farine de graine de lin, et en forme un cataplasme qu’il étend sur le ventre des ma- lades. Ce catapl: isme est renouvelé deux fois par jour ; il produit une abon- dante transpiration, et augmente considérablement la sécrétion des urines. Si, au bout de quelques jours, on n’en obtient pas d’effet, il est inutile d’en continuer l'usage plus longtemps... Le seul inconvénient qui résulte de l'application de ces cataplasmes est de jeter les malades dans une grande faiblesse, qui force de temps à autre à en suspendre l’emploi. Pendant tout le temps de la cure, ce médecin ne donne aucun médicament à l’intérieur ; il se borne à soutenir les forces avec des bouillons de bœuf et de poulet (4). J’ai essayé, dans deux cas d’anasarque, les cataplasmes d’hépatique. Dans le premier Cas, aucune action sensible n’a été produite ; dans le se- cond, la sécrétion urinaire a été considérablement augmentée; mais cet effet ne s’est soutenu que pendant cinq à six jours. J’ai alors essayé l'usage interne de cette plante; j'en ai fait broyer et infuser 60 gr. dans un kilogr. de vin blanc. Cent gr. de ce vin, administrés deux fois par jour, produisirent un effet diurélique prononcé ; au bout de quinze jours, l infiltration séreuse du tissu cellulaire était entièrement dissipée. Cette infiltration était survenue, (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. IV, p. 103. 508 HERNIAIRE, chez un manouvrier âgé de cinquante ans, à la suite d’une fièvre quarte contre laquelle il n’avait employé, à diverses reprises, qu’une forte décoction de café avec addition de suc de citron et d’eau-de-vie. Je ferai observer, à cette occasion, que lorsqu'on supprime les accès des fièvres intermittentes automnales sans, au préalable, avoir ramené les organes digestifs à un état favorable, les embarras viscéraux, et, surtout, l'engorgement de la rate, l'ædème et l’ hydropisie, sont fréquemment la conséquence de cette pratique irrationnelle. J'ai vu l’engorgement splénique, que je considère comme effet et non comme cause, subsister longtemps après la cessation des accès de fièvre. Levrat-Perrotton a employé avec succès la décoction concentrée du mar- chantia dans des cas de gravelle qui avaient résisté à divers traitements. Le marchantia rampe dans les lieux humides, sur de vieux murs placés aux bords des ruisseaux, ou sur des roches calcaires infiltrées d’eau. Il doit nécessairement contenir certains sels, de ceux peut-être qui ont une action dissolvante sur les calculs urinaires. Il a des propriétés diurétiques comme le nitre, la digitale, la scille et la pariétaire ; car il augmente les urines. Mais il doit avoir aussi quelques principes différents des autres diurétiques, puis- que ces derniers sont souvent impuissants dans des cas où il réussit. Depuis longtemps, Gensoul, collègue de l’auteur, employait le marchantia .comme diurétique ; il n’a eu qu’à s’en louer. Cette plante à été connue des anciens. Pollini dit d'elle: Apud medicos olim in usu erat (marchantia) in morbis hepatis et vesicæ. Les dictionnaires de médecine moderne l'ont ou- bliée, voire même la Pharmacopée universelle de Jourdan. Le marchantia employé par Levrat-Perrotton est le conica ; le marchantia polymorpha, ayant les mêmes habitudes, a les mêmes propriétés médi- cales (1). HERNIAIRE. Herniaria glabra. L. Millagrana. BATH. — Herba turca. Herniole, — herbe aux hernies, — herbe du turc, — masclou. AMARANTHACÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cetie plante annuelle (PI. XXT) est commune dans les lieux incultes et sablonneux, dans les champs en friche, etc. Beseription.— Racines grêles, blanchâtres et très-peu ramifiées. — Tiges d’envi- ron 40 à 50 centimètres de long, rampantes, très-rameuses. — Feuilles petites, glabres, ovales, oblongues, opposées d’abord, puis alternes après la floraison par la chute de celles qui se trouvaient du côté du rameau fleuri. — Fleurs sessiles, petites, verdâtres, réunies en pelotons formant une sorte d'épi (mai-septembre). — Calices glabres et ver- dâtres, pétaloïdes à quatre ou cinq divisions profondes. — Quatre ou cinq étamines à anthères jaunes.— Un ovaire supérieur. — Deux styles courts. — Fruit: capsule petite, monosperme, indéhiscente, enveloppée par le calice persistant. — Semences luisantes. Parties usitées. — L'herbe. Récolte, — On peut cueillir cette plante pendant tout l'été, mais plus particu- lièrement en juillet et août. Elle est très-facile à sécher et à conserver, Il suffit de la préserver de l’humidité,. Propriétés physiques et chimiques. — La lurquetle est inodore et d'une saveur légèrement amère. Le sulfate de fer colore en brun son infusion aqueuse, ce qui décèle un principe actif que la chimie n’a pas encore isolé. On a vanté cette plante comme astringente, diurétique, lithontriptique, antiophthalmique. Elle a été employée contre la gravelle, la pierre, les mu- cosités de la vessie, la faiblesse de la vue, et surtout dans le traitement des (1) Abeille médicale, 1844, p. 35. HÊTRE. 509 hernies, d’où lui vient son nom. On a avancé, d’après Matthiole, que, con- tuse et appliquée sur les hernies, elle les guérissait radicalement, en en don- nant en même temps la décoction ou la poudre. Personne, aujourd’hui, ne parviendra à réduire la hernie la plus simple par un semblable moyen. Mais faut-il conclure avec Spielmann, Bergius, Murray, Mérat et Delens, que cette plante doit être regardée comme nulle, et que l’on peut sans incon- vénient l’éliminer de la matière médicale ?.. Non. Herpain, de Mons (1), a démontré par la puissance des faits que la herniaire est un de nos diuré- tiques les plus puissants et les plus certains ; et, malgré les critiques exagé- rées de Spielmann, de Bergius et de Peyrilhe, dit ce médecin, elle n’en res- tera pas moins un remède précieux, autant par la fidélité de ses résultats que par la facilité avec laquelle on sc la procure. « Administrée à un homme sain, dit Herpain, la herniaire favorise sensiblement la sécrétion urinaire sans produire de changement appréciable dans les fonctions respiratoires et de la circulation, et sans donner lieu à des phénomènes nerveux sensibles. Ses effets se manifestent assez promptement, trente à soixante minutes envi- ron après son ingestion, et ils persistent plusieurs heures sans qu’il soit né- cessaire d’avoir recours à de nouvelles doses du médicament. Dans les expé- riences que nous avons entreprises sous l'égide de M. le médecin principal Van Denbrouk, qui se sert de cette substance depuis plus de vingt ans, nous avons fait prendre la herniaire en infusion à la dose de 50 gr. par litre d’eau, et, chaque fois, elle a occasionné une grande abondance d’urine claire et limpide. Nous employons la herniaire dans différentes maladies ressortissant toutes d’un type qui est l’anasarque..….. Les résultats que nous avons obte- nus sont des plus encourageants, et ils nous autorisent à employer exclusi- vement ce diurétique, à la dose de 30 à 60 gr. dans les vingt-quatre heures, contre les affections de la nature de celles dont nous parlons. Quelques as- cites survenues chez des sujets anémiques ont promptement disparu sous l'influence de ce remède.» (Zeissl (2) unit la herniaire à l’ambroisie (4 gr. de chaque pour 300 gr. d’infusion) et s’en loue dans le traitement des catarrhes vésicaux aigus où chroniques. Il est porté à penser que, dans ces cas, ce n'est pas seulement comme diurétique que ce mélange agit; il lui attribue une légère aclion calmante.) Ainsi, la herniaire, comme tant d’autres plantes indigènes dont les an- ciens avaient exalté les vertus, et que les modernes ont trop légèrement ex- clue, vient reprendre dans la matière médicale le rang dû à ses propriétés | arr nee et le préjugé ne la condamneront-ils pas de nouveau à l'oubli? HEÉTRE. Fagus sylvatica. L. Fagus. C. BAuH., TouRN. — Fagus Latinorum, oxja Græcorum. 3. BAUK. Fau, CüPULIFÈRES, Rich. Fam. nat. — MONOECIE POLYANDRIE. L. Le hêtre, connu de tout le monde, est un des plus beaux arbres de nos forêts ; il se plaît particulièrement sur les coteaux et au pied des montagnes. L'écorce et les fruits (faînes) sont usités. Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. — L'écorce de hêtre offre une saveur austère et contient un principe astringent. Elle n'a pas été analysée.— La sève, obtenue par des incisions pratiquées sur les branches, donne de l’acétate d’alumine et de chaux, de l’acide gallique, etc. — Les fruits ou faînes présentent, après l'enlèvement de leur épiderme, un parenchyme blanc, consis- lant, d'une saveur douce et analogue à celle des noisettes. Dans les Alpes, le Jura, les fayard, — foyard. (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XXVI, p. 315 et suiv., 1855. (2) Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie de Bruxelles, juillet 1863. ñ 510 HÊTRE. Vosges, on les récolte en octobre pour l'extraction d’une huile jouissant de toutes les qualités des huiles grasses, et pouvant être employée aux mêmes usages économiques et médicaux. Cette huile, qui ne se coagule point par le froid, est un peu moins agréable au goût que l'huile d'olive; mais elle a l'avantage, au lien de rancir comme cette der- nière, de s'améliorer avec le temps, On la vend souvent dans le Nord pour de l'huile d'olive. (Buchner à trouvé dans les faines un principe mal défini, la fagine, que certains auteurs regardent comme identique à la pyrémétine.) On connait l'usage du hêtre dans l'économie domestique et dans les arts, le charron- nage, la charpente, la meruiserie, l’ébénisterie, etc. (C'est sur cet arbre que croît une variété de lichen (voir ce mot), la variolaire amère, et sur ses racines que prend naissance la variété de pédiculaire qui porte son nom.) L'écorce de hêtre est astringente ; elle a été placée parmi les fébrifuges indigènes. Fuhrmann, de Schoenfeld, dit l'avoir employée en cette qualité avec succès. « L’écorce, destinée à l'emploi médical, doit être récoltée sur des individus d’un ou deux ans au plus. On la donne sous forme de décoc- ion que l’on prépare avec 30 gr. (1 once) d’écorce fraiche, ou 45 gr. (4 gros) d’écorce sèche, pour 180 gr. (6 onces) d’eau commune que l’on fait réduire des deux tiers par l’ébullition. Le décoctum, passé avec soin et édulcoré à volonté, est administré tiède en une seule prise, une heure avant l'invasion présumée de l’accès. Quelques observations recueillies par l’auteur confirment l'efficacité de ce remède, et Furhmann ajoute qu'il considère cette écorce comme étant douée d’une propriété antipyrétique aussi prononcée que l’est celle du quinquina : il la regarde comme méritant la préférence sur ce der- nier agent, en raison de la modicité de son prix. Du reste, dans l'emploi de ce nouveau fébrifuge, les indications et les contre-indications sont les mêmes que pour l’écorce du Pérou (1). Desbois de Rochefort dit que l'écorce de hêtre, outre sa qualité astrin- gente, recèle des propriétés apérilives et purgatives ; donnée à haute dose, elle peut même, suivant cet auteur, provoquer le vomissement. À cause de cette diversité d'action, on pourrait l'employer avec avantage dans des cir- constances où d'autres fébrifuges seraient restés inefficaces. L'expérience prouve journellement que tel médicament de ce genre (sans en excepter le quinquina) est infructueusement employé, quand tel autre, en apparence moins énergique, répond complétement à l’attente du médecin. L’écorce de hêtre peut donc trouver sa place. La malière médicale n’est jamais trop riche pour le praticien qui, sachant y puiser avec discernement, en fait une judi- cieuse application. Les faines contiennent un principe délétère peu connu. Ce fruit frais, mangé eu trop grande quantité, agit sur ie cerveau à la manière de l’ivraie, ce que ne produit jamais l'huile, Hesse (2) a vérifié par des expériences cette action toxique. — Des che- vaux, au rapport de plusieurs vétérinaires allemands (3), ont été empoison- nés par ce fruit, et l’on cite un cas d’hydrophobie suivie de mort, six jours après avoir mangé des fruits du hêtre, chez un enfant de treize ans. J’ai moi- même observé un état analogue à celui de l'ivresse chez deux enfants qui avaient mangé une grande quantité de faînes. Il est donc prudent, d’après ces faits, de ne pas manger de ce fruit en quantité considérable, (1) Journal des connaissances médicales praliques et de pharmacologie, mai 1842. (2) Bulletin des sciences médicales. Férussac, t, XI, p. 250. (3) Mémoire de la Société royale de médecine, 1783, 2° partie, p. 7. HIÈBLE. 514 HIÈBLE. Sambucus ebulus. L. Sambucus humilis, sive ebulus. C. BAun., Tourx. — Chamæacte. Dioscon. Ièble, — yeble, — petit sureau, — sureau en herbe. CAPRIFOLIACÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE TRIGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XXT) croit le long des fossés, au bord des chemins, dans les champs humides ; elle est commune en France. Deseription. — Racines allongées, rameuses, de la grosseur du doigt, d’un blanc sale, — Tiges droites, herbacées, cannelées, hautes d'environ £ mètre, — Feuilles opposées, péliolées, ailées, composées de sept à neuf folioles lancéolées, dentées en scie à leurs bords. — Fleurs blanches formant une cime ou une sorte d’ombelle ample et touffue, accompagnée de bractées filiformes (juin-juillet). — Calice à cinq divisions courtes, — Corolle en roue à cinq lobes. — Cinq élamines. — Trois stigmates sessiles, obtus. — Fruit : baie inférieure noire, pulpeuse, à une seule loge contenant trois se- mences attachées à l'axe du fruit. Parties usitées., — La racine, les feuilles, les fleurs, les baies, les semences. Récolte. — Les fleurs doivent être récoltées en juin, et être séchées avec les mêmes précautions que celles du sureau (voy. SUREAU). — On récolte les feuilles pen- dant tout l’élé; la racine en automne. Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur vireuse de l'hièble est plus prononcée que celle du sureau, les feuilles ont une saveur amère, nauséeuse ét teignent la salive en rouge. Les fleurs, analogues à celles du sureau, paraissent con- tenir les mêmes principes chimiques (voy. SurEAu). Les baies d’hièble, en les écrasant entre les doigts, donnent une couleur rouge ; celle de sureau est feuille-morte. (Ent (4) a trouvé dans la racine du sambucus ebulus les acides tannique, acétique, valérianique, de la matière grasse, un principé àcre et amer (hiébline), de la saponine, de la résine, de la fécule, du sucre, de la gomme, de l’albumine végétale et quelques traces d huile volatile.) Ces baies sont en usage dans la teinture pour colorer différents tissus en vio- let. Suivant Murray, les feuilles vertes, répandues dans les greniers, mettent les souris en fuite. On croit aussi qu’elles font périr les charençons, qui dévorent si souvent les graines céréales. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion vineuse ou décoc- dans du vin blanc ou dans un autre véhi- tion aqueuse de la racine ou de l'écorce cule, ou en électuaire. (12 à 30 gr. par kilogramme), 30 à 100 gr. Infasion des fleurs dans l’eau, de 4 à 8 gr. Suc exprimé des racines, de 6 à 12 gr. et plus, par kilogramme d’eau. selon l’effer qu'on veut produire. j Rob préparé avec les baies, de 15 à 60 gr. A L’EXTÉRIEUR. — Fleurs et feuilles, en décoc- Semences coutuses, de 4 à 12 gr., en infusion tion, cataplasme, etc. L'hièble est, comme le sureau, un purgatif drastique. Cette plante est, en outre, diurélique, sudorifique. On en obtient d’heureux résultats dans la leucophlegmatie, et, en général, dans les hydropisies passives. La racine, l'écorce et la semence sont plus particulièrement employées comme purga- tives ; les fleurs, comme celles de sureau, sont anodines et diaphorétiques à petites doses; les feuilles jouissent à peu près des mêmes propriétés que l’écorce, mais on les emploie le plus souvent à l’extérieur, en forme de ca- taplasme, contre les engorgements articulaires, lymphatiques, glanduleux, ædémateux. La plupart des auteurs ont avancé que dans l'hièble chaque partie de la plante jouit de vertus différentes. C’est là une de ces erreurs, comme tant d’autres, que l'observation et l'expérience détruisent chaque jour. Chaque partie de la plante a une activité plus ou moins grande, selon que les prin- cipes qu'elle contient sont plus ou moins rapprochés ; mais toutes exercent sur l’organisme des effets analogues et qui se réduisent à une excitation plus (1) Witistein’s Viertelfirhreschrift, t. IX, p. 15. 512 HIÈBLE. ou moins remarquable, se manifestant, dans l'appareil digestif, par le vomis- sement et la purgation ; sur les voies urinaires, par la sécrétion augmentée de l'urine ; sur le système exhalant, par l'augmentation de la transpiration. Les faits viennent à l'appui de cette opinion : les fleurs, en infusion dans l’eau, sont béchiques, diaphorétiques, expectorantes; et le suc de ces mêmes fleurs, à la dose de 4 à 8 gr., offre un purgatif analogue aux follicules de séné par son action sur le tube intestinal. Le rob de baies d’hièble, étendu dans une grande quantité d’eau chaude, produit l'effet diaphorétique, tan- dis que, administré d’une manière plus concentrée, il agit sur les intestins et provoque la purgation. L'hièble est une de ces plantes dont on n’a pas assez étudié l’action au lit des malades. Chaque auteur a répété ce que ses prédécesseurs avaient eux- mêmes copié. Cependant, cette plante mérite toute l'attention des prati- cieus et peut, ainsi que le sureau, avec lequel elle à la plus grande analogie, être d’une grande utilité dans la médecine rurale. J’emploie fréquemment les fleurs en infusion théiforme, avec du miel, dans le catarrhe pulmonaire ; elles sont légèrement stupéfiantes, excitent la transpiration et l’expectora- tion d’une manière secondaire, c’est-à-dire après avoir agi sur le système nerveux comme sédatives. Les semences et l'écorce intérieure agissent avec d’autant plus d’efficacité comme purgalives qu’elles sont plus récentes. C’est dans l’écorce (surtout celle de la racine) que cette propriété est le plus énergique, bien que la ra- cine ait été spécialement vantée comme hydragogue. Les feuilles jouissent à peu près des mêmes vertus que les autres parties de la plante; mais, comme nous l’avons dit plus haut, on les à particulièrement recommandées comme résolutives, sous forme de cataplasme, sur les contusions, les en- torses et les engorgements lymphatiques et œdémateux. Cuiles dans du vin, suivant Vermale, elles dissipent les tumeurs des articulations provenant de contusion, surtout si l’on y joint un bandage compressif. Dans ce cas, le ban- dage n’a-t-il pas, ainsi que Vaidy le fait observer (1), autant de part à la gué- rison que le remède? J'ai plusieurs fois employé la racine et l'écorce d’hièble infusées dans le vin blanc à des doses plus ou moins élevées, selon l’effet que je désirais pro- duire. J’ai eu à me louer de leur usage dans l’anasarque. Ce purgatif ne laisse pas à sa suite ce sentiment de chaleur et d’érosion que l’on observe souvent après l'administration de la plupart des drastiques résineux. La semence, pilée et mêlée avec du miel, m'a fourni un électuaire dont l’emploi m'a réussi à la dose de 4 gr. prise en deux fois, à une heure de distance, le matin à jeun. Donnée en une seule fois, cette dose provoque quelquefois le vomis- sement. Chesneau recommande l'emploi, dans les hydropisies, d'une huile muci- lagineuse fournie par la semence d’hièble bouillie dans l’eau. La dose de cette huile, que je n'ai jamais administrée, est de 15 gr. Haller en a con- staté l'effet énergique. Le rob d’hièble est une préparation infidèle ; il perd la propriété purgative par la vétusté. Quand Haller lui refusait cette propriété que Scopoli lui at- tribuait, on peut croire que tous les deux avaient raison. Les feuilles d’hièble et celles d’absinthe, cuites ensemble et appliquées sur le bas-ventre d’un enfant de dix-sept mois, ont procuré quatre évacua- tions alvines abondantes, avec expulsion de six lombrics vivants. J’ai em- ployé la semence verte d’hièble, pilée et mêlée de la même manière, avec de l’absinthe et un peu d’ail, chez un petit garçon de l’âge de deux ans. Ce topique a déterminé trois selles copieuses et la sortie de trois ascarides lom- bricoïdes et d’une grande quantité d’ascarides vermiculaires. (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXI, p. 173. HOUBLON. 513 Je crois inutile de donner ici la longue énumération des maladies contre lesquelles on a recommandé l’hièble et ses diverses préparations, Les effets physiologiques de cette plante vraiment utile étant bien connus, il est facile, sans lui assigner une action imaginaire et spécialement adaptée à tel ou tel as, d'apprécier les circonstances où elle convient. Signaler l'hydropisie, les dartres, l’épilepsie, le rhumatisme, l’arthrite chronique, les obstructions des viscères, et beaucoup d’autres maladies dissemblables, comme pouvant ” Être traitées avec succès par l’hièble, c’est dire d’une manière moins simple qu'on doit l’'employer, avec les modifications convenables, dans toutes les alfections qui réclament l'administration des purgatifs drastiques, des diu- rétiques ou des diaphorétiques. HOUBLON. Humulus lupulus. L, Lupulus fœmina. C. Baux. — Lupulus mas et fœmina. T. BAUH. Cannabis lupulus. Scop. Houblon vulgaire, — houblon grimpant, — houblon à la bière, — vigne du Nord. URTICAGÉES. Fam. nat. — DIOECIE PENTANDRIE, L. Le houblon croît spontanément dans toute l’Europe, et se trouve ordinai- rement dans les haies. On le cultive en grand pour la préparation de la bière, surtout en Flandre et en Angleterre, où il est l’objet d’un commerce important. Description. — Tiges dures, grêles, légèrement anguleuses, sarmenteuses. — Feuilles le plus souvent opposées, les supérieures quelquefois alternes, péliolées, cordi- formes, dentées, tri ou quinquélobées. — Fleurs mâles : petites, blanchâtres, pédicellées, disposées en grappes paniculées. — Fleurs femelles : réunies en cônes écailleux, ovales, composés de nombreuses folioles d'un jaune roussâtre ; chacune de ces folioles est mu- nie d’un ovaire supérieur et de deux styles, qui plus tard deviennent la semence. Parties usittes. — Les fruits ou cônes, les sommités et les racines. Récolte. — Les cônes {houblon du commerce) se récoltent vers la fin du mois d'août. On les fait sécher au four ou à l’étuve. A l’air, ils seraient exposés à se pourrir au centre. De verts qu'ils étaient, ils passent, en séchant, à la couleur jaune doré, et ne perdent rien de leur arome ni de leur saveur. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. Les cônes du houblon jouissent d’une odeur forte et vireuse, et leur saveur est très- amère et persistante, Les bractées de ces cônes contiennent une petite quantité de ma- tière astringente âpre, une matière colorante inerte, de la chlorophylle, de la gomme et quelques sels : elles ont peu d'activité. Mais ces bractées sont chargées à leur base d'une multitude de petites glandes sous la forme de points jaunes, d’une odeur alliacée, qui ont été nommés lupulin où lupuline, partie active des cônes du houblon, dans lesquels il est à peu près pour ‘/, en poids. On l’obtient en effeuillant et en agitant sur un {amis très-fin les cônes femelles récoltés depuis une année. On en sépare la poudre ainsi obtenue, et par des lavages et des décantations alternatives on retire le sable qui s’y trouve mêlé ; on décante ensuite cette poudre et on la renferme dans des flacons bien bouchés, où elle se conserve pendant plusieurs années. (Sa couleur varie du jaune ver- dâtre an jaune orangé) ; sa saveur est très-amère. Suivant l'analyse de Payen et Cheval- lier, elle contient de l'huile volatile, une matière amère, d’un blanc jaunâtre, appelée plus tard par Pelletan lupulite, de la résine, de la gomme, une matière extractive, des «aq d’osmazôme, une matière grasse, de l’acide malique, du malate de chaux et des sels. (D'après Yves, de New-York, sur 120 parties, le lupulin contient : tannin 5, matière extraclive 10, principe amer 11, fécule 12, résine 36, ligneux 46) (1). L'huile volatile de houblon, contenue dans le lupulin, dans la proportion d'environ 2 pour 100, est d’une couleur jaunâtre, d’une odeur alliacée et d'une saveur äcre qui prend à la gorge. Elle est assez soluble dans l'eau et se dissout mieux dans l'alcool et (1) Journal de pharmacie, 1822, t. VIII, p. 219. o14 HOUBLON. l'éther. Les résullats d’une nouvelle analyse faite par Personne (1} placent cette es- sence à côté de celle de valériane. (La lupulite est blanche ou jaunâtre et opaque, ou bien d'un rouge jaunâtre transpa- rent, inodore, très-amère. Lermer (2) a isolé le principe cristallisable du houblon; c’est un corps acide et dont le composé cuivrique serait représenté par CuO, C5*H?*07. Il est insoluble dans l’eau et sans saveur ; sa solution alcoolique n'est pas précipitée par l’eau et possède la saveur particulière de la bière; l’éther, le chloroforme, le sulfure de carbone et l'essence de térébenthine le dissolvent.) | Quelques auteurs ont proposé d'employer seulement le lupulin, et de regarder comme inutile le reste du houblon ; mais les cônes entiers donnent des décoctions plus char- gées, plus désagréables que la portion de poussière jaune qu'ils supportent, ce qui prouve qu'ils fournissent des principes indépendants de celte matière. L’eau, le vin, l'alcool s'emparent des principes actifs des cônes du houblon. Leur infusion aqueuse brunit par le contact du sulfate de fer. On connait l’usage des cônes de houblon dans la fabrication de la bière. Malheureu- sement il paraît que cet ingrédient, ordinairement d'un prix élevé, est souvent remplacé par des plantes amères, telles que le buis, l’'absinthe, le trèfle d’eau, le quassia, etc. Les feuilles et les pointes des sarments servent à faire de la petite bière : on pourrait les utiliser ainsi dans les campagnes si le Gouvernement permettait au cultivateur de pré- parer cette boisson fermentée, dont l'usage pendant la moisson pourrait le préserver des maladies produites par l’eau prise en trop grande quantité. Dans le Nord, on mange les jeunes pousses de houblon comme celles de l’asperge. — Tous les bestiaux mangent cette plante. Elle plaît aux abeilles. Dans quelques pays, on remplit de houblon, pendant l'hiver, les ruches des abeilles qui se trouvent à moitié vides de rayons, pour conserver ces insectes. — En horticulture, le houblon sert à faire des berceaux de verdure, des portiques élégants, etc. — Les sarments de houblon, ramollis par la macération, fournissent aux cultivateurs des liens utiles pour divers usages domestiques. Ces mêmes sarments renferment, comme plusieurs autres plantes de la famille des urticacées, des fils que l’on pourrait faire servir à la fabrication des cordes et de divers tissus grossiers. Les cendres des sarments de houblon ont été utili- sées pour la fabrication du verre. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction ou irfusion, de15 ; A L’EXTÉRIEUR. — Extrait, 1 sur 5 d’axonge à 60 gr. par kilogramme. pour onguent. Extrait par infusion (1 sur 4 d’eau), 1 à 4 gr. en bols, pilules ou dans du vin. LUPULIN. — A L'INTÉRIEUR. — Poudre de lu- Extrait aqueux des racines (1 sur 4 d’eau), 73 centigr. à 3 gr. en pilules, etc. Suc, de 10 à 50 gr. Teinture alcoolique, de 4 à 6 gr. en potion, comme tonique et narcotique. Poudre (assez rarement employée), de 1 à 2 gr. en pilules ou dans le vin. (Sirop de houblon composé : semences de mou- tarde, de raifort, de roquette, de velar, de cresson, de chaque 30 gr. ; feuilles de co- chléaria, de pâturage, de raifort, de chaque, 15 gr.; houblon, 60 gr.; sucre, eau 4a, 1 kilo- gramme. — Distillez au bain-marie. — 10 à 30 gr. dans un verre de tisane appro- priée.) pulin, 24 centigr. à 2 gr. et plus, en nature ou en pilules. Saccharure, lupulin trituré avec du sucre (triturer le mélange assez fortement et un temps assez long pour rompre toutes les enveloppes des grains du lupulin. Dix mi- nutes suffisent pour arriver à ce résultat. — C'est la meilleure préparation). Teinture (1 sur 2 d’alcool), 50 centigr. à 2 gr., en potion. Sirop (1 de teinture sur 7 de sirop simple), 15 à 30 gr., en potion. À L’EXTÉRIEUR. — Pommade, 1 sur 3 d’axonge. Teinture, en frictions, 2 à 5 gr. A dose ordinaire, le premier effet du houblon est d’exciter l’appétit et de favoriser les digestions. Parvenus dans le torrent de la circulation, et en contact avec tous les tissus, les principes actifs de ce végétal augmentent la vigueur des appareils organiques. Si l’on en prolonge l'emploi chez des personnes affaiblies par une habitation dans un lieu froid et humide, par des maladies antérieures ou par d’autres causes analogues, on voit leur figure se colorer, leur circulation et leurs sécrétions s’activer de plus en (1) Bulletin de thérapeutique, t. XLVIT, p. 211. (2) Juurnal des connaissances médicales pratiques, 1864, n° 6. HOUBLON. 515 plus, en un mot, tout leur organisme revêtir les apparences du retour à la santé. A dose très-élevée, ou lorsque les organes digestifs sont phlogosés, même légèrement, le houblon détermine d’abord de la chaleur dans la gorge et à l'épigastre, de la cardialgie, puis du trouble dans le bas-ventre, le plus sou- vent sans déjections alvines. Si le houblon exerce sur l’économie une action tonique et stimulante par ses principes amers et aromatiques, il agit aussi sur le système nerveux par un principe vireux qui parait résider tota- lement ou du moins en grande partie dans le lupulin, Des individus ont été atteints d’engourdissement, et sont tombés dans un sommeil mortel, pour être restés longtemps dans un magasin rempli de houblon. Une petite fille qui avait les mains gercées, les ayant mises, pour se réchauffer, dans des cônes de houblon entassés depuis huit jours, y éprouva, ainsi qu'à la face, une cuisson semblable à celle que cause l’ortie, avec elflorescence, disposi- tion au sommeil et trouble de la vue. Le lendemain il y avait érythème au visage, tuméfaction accompagnée de sommeil, qui dura toute la journée, avec production de vésicules au front et aux mains; dès lors tout alla en diminuant, et la desquamation eut lieu le quatrième jour (1). Les méde- cins anglais, suivant Thomas de Salisbury, mettent sous la tête du malade, pour combattre l’insomnie, un coussin fait avec les cônes de cette plante. Ces derniers, pris à l’intérieur, ont, suivant Maton (2), la propriété de dimi- nuer la fréquence du pouls. Dans plusieurs pays du Nord, on emploie l’ex- trait aqueux de houblon au lieu d'opium. Cet extrait, de même que la tein- ture alcoolique, est narcotique à la dose de 1 gr. (3). Considéré au point de vue thérapeutique, le houblon est {onique, anthel- minthique, diurétique, diaphorétique, fondant, dépuratif et sédatif. On l’emploie dans l’inappétence, l’affaiblissement des organes digestifs, l’atonie générale, la prédominance morbifique du système lymphatique, les affec- tions scrofuleuses et cutanées chroniques, et surtout les dartres; le rachilis, le carreau, les tumeurs blanches, les écoulements muqueux atoniques, les diarrhées opiniâtres, le calarrhe chronique, l’helmintiase, les hydropisies passives, les cachexies, le scorbut, l’ictère sans irritation phlegmasique des voies biliaires, la goutte, etc. C’est surtout dans les affections du système lymphatique que les cônes de houblon ont été employés avec le plus de succès. Il convient aux enfants pâles, bouffis, qui habitent des lieux humides, et chez lesquels, sans irrita- tion phlegmasique des voies digestives, il y a inappétence, assimilation viciée. En général, les affections lymphatiques et scrofuleuses, le dépérisse- ment et la détérioration constitutionnelle résullant de l’état de pauvreté de la plupart des manouvriers de la campagne, réclament l'emploi fréquent des amers et surtout du houblon, que tout le monde connaît et prend sans ré- pugnance. Ce précieux médicament est souvent employé dans la médecine rurale. C’est un excellent tonique fébrifuge contre les fièvres automnales. Je l’administre en infusion ou en décoction dans l’eau, à laquelle je mêle quel- quefois une certaine quantité de vin. Il combat efficacement les affections vermineuses. Je le donne souvent en décoction concentrée sous forme de lavement contre les ascarides vermiculaires. Mathiole dit qu’un demi-gros (2 gr.) de fruits de houblon pilés, avalé le matin à jeun, tue les vers. Selon les expériences de Desroches (4), l'emploi du houblon à l’intérieur produirait le sommeil dans les affections rhumatismales, syphilitiques et pulmonaires. Barbier, qui a employé fréquemment ce médicament sous (1) London medical Gazette et Revue médicale, 1835. (2) Journal d'Edimbourg, t. II, p. 93. (3) Desroches, Dissert. inaug. de humulo lupulo. Edimbourg, 1803. (4) Annals of philos., mars 1821. 516 HOUBLON. forme d'extrait et de poudre, dit n’avoir jamais observé cette action narco- tique. Ce médecin ne s’est sans doute servi que des cônes dépouillés de lupu- lin ou n’en ayant plus qu’une petite quantité, Freake (1) regarde le houblon comme un des meilleurs remèdes contre la goutte ; il en parle en ces termes : «Si præmium decerneretur ei qui inveniret remedium paroxismis podagricis mitigandis, tollendis, infrigendis maxime ido- neum, ratum habeo me illud obtenturum esse consulendo lupulum. » Ce prati- cien emploie de préférence à toutes les autres préparations l'extrait et la teinture. Hufeland prescrit l'extrait de houblon dans la lienterie. Les pro- priétés antiscorbutiques de la bière sont probablement dues à la présence du houblon. On a observé que le scorbut ne se manifestait jamais dans an vaisseau, tant qu’on pouvait distribuer tous les jours aux matelots une ration de bière. Comme cette boisson tient beaucoup de place, et qu’elle ne se conserve pas bien sous les latitudes chaudes, le capitaine Cook, dans son second voyage qui devait durer trois ans, préféra emporter de la drèche dont il faisait un moût doux qu’on donnait à ceux qui avaient des symptômes de scorbut ou de la tendance à cette affection. Grâce à l'emploi de ce moût et à celui de la choucroûte, ce célèbre navigateur ne perdit aucun homme du scorbut, bien que ses matelots eussent toujours fait usage de provisions salées. Les propriétés diurétiques et diaphorétiques attribuées au houblon ne peuvent dépendre que de sa vertu tonique, et sont par conséquent relatives à l’état d’atonie des reins ou de la peau. D'après les observations de Graunt, au rapport de Ray, il y aurait beaucoup moins de calculeux en Angleterre depuis que le houblon est universellement employé à la fabrication de la bière. Toutefois, cet effet prouve d’autant moins une propriété spéciale contre la formation de la pierre, que très-souvent, dans les brasseries, ainsi que nous l'avons dit plus haut, la fraude substitue au houblon les feuilles de buis, le trèfle d’eau, l’absinthe, la petite centaurée, une petite quantité de quussir amara, etc. Suivant Coste et Willemet, la racine de houblon peut être substituée à la salsepareille comme ayant toutes les vertus de cette dernière. La partie herbacée du houblon n’est pas sans propriétés, quoique sa dé- coction soit fade ; elle est saline, styptique. C’est à elle qu’il faut rapporter les effets que ce végétal a produits comme astringent, diurétique, etc., et que quelques auteurs ont signalés. Les jeunes pousses, légèrement laxatives et apéritives, sont utiles dans les embarras des viscères abdominaux, les cachexies, l’æœdème asthénique, etc. Les feuilles et les sommités du houblon, appliquées sous forme de cata- plasme, ont été vantées comme résolutives dans les engorgements œdéma- teux, les tumeurs froides, et pour apaiser les douleurs arthritiques. Simon Pauli rapporte que de son temps on employait beaucoup cette plante à l’ex- térieur, après l'avoir fait bouillir dans la bière, et qu’on l’appliquait en fo- mentation pour tempérer les douleurs causées par les accès de goutte, les luxations et les contusions. Hamick (in Szerlecki) en a obtenu de bons effets en topique dans plus de soixante cas d’ulcères de mauvaise nature. Trot- ter (2) appliquait sur les ulcères gangréneux des cataplasmes préparés avec la poudre de cônes de houblon. La pommade de houblon calme les douleurs hémorrhoïdales; Swediaur en faisait usage pour apaiser celles du cancer. En Angleterre on fait avec les cônes de houblon des oreillers pour les en- fants; ces oreillers passent pour leur procurer un sommeil paisible. LUPULIN. — Bien qu’à haute dose le lupulin produise des symptômes (1) Med. and phys. Journal, t. IIL, p. 432. (2) Foy, Formulaire. HOUBLON. 917 cérébraux et nerveux plus ou moins prononcés, on l’a donné à dose élevée dans les états pathologiques qui en réclament l'emploi, sans occasionner d'accidents notables. Dans l’état sain même, Debout (4) l’a expérimenté sur lui-même, sans effets nuisibles, à des doses doubles et triples de celles que Barbier présente comme dangereuses, Cependant, ce dernier, en cela d’ac- cord avec Magendie (2), n’accorde au lupulin aucune propriété sédative ou hypnotique ; son administration, dit-il, n’est jamais suivie d’un état de som- nolence, Il lui reconnait cependant une action puissante sur le cerveau, sur la moelle épinière et sur les plexus nerveux, manifestée par des engourdis- sements pénibles dans les membres, de la pesanteur de tête, de l’accable- ment, ele., sans Céphalalgie, sans étourdissements ni éblouissements, A dose thérapeutique, le lupulin passe pour être à la fois aromatique, tonique et narcotique ; propriétés, dit Yves (3), dont aucun médicament n'offre l’heureux concours. Son action narcotique à paru à cet auteur d’au- tant plus précieuse, qu'elle n’est accompagnée ni de constipation, ni d’affai- blissement du ton de l'estomac. S'il faut en croire Mill (4), qui l’a donnée en teinture alcoolique à la dose de 40 à 60 gouttes par jour dans les affec- tions nerveuses, il ne produit pas de congestion cérébrale. D’après Freake, il a procuré de grands soulagements dans la goutte, quand d’autres médica- ments avaient été sans effet. Barbier le considère comme un bon fébrifuge ; il cite deux cas de fièvre intermittente guérie par l'emploi de cette sub- stance, Mais c’est principalement sur les organes génitaux que le lupulin exerce une sédation élective très-remarquable. Page (5) annonça qu'il suffisait d’ad- ministrer 25 à 50 centigr. de poudre de ce produit végétal pour suspendre complétement les érections, faire cesser les accidents inflammatoires de la gonorrhée, etc., et cela sans faire courir le risque de la céphalalgie et de la constipation, qui suivent souvent l'emploi de l’opium et du camphre. Plus tard, Page constata l'efficacité du lupulin dans les pertes séminales. Hats- horne (6) assure avoir mis un terme à un onanisme opiniâtre par l'emploi répété du lupulin. Debout (7) a constaté l’action de cette singulière sub- stance sur l’éréthisme génital. (I résulte de la pratique de Ricord (8) que dans ces circonstances il réus- sit dans les quatre cinquièmes des cas.) Des faits récemment publiés par Debout et Aran (9) sont venus corroborer l’assertion de Page sur l'emploi du lupulin dans les pertes séminales noc- turnes. Les bons effets de l'emploi de cette substance contre les érections qui surviennent à la suite de l’opération du phimosis ont été constatés par Robert et Vidal (10). La forme pharmaceutique que recommande Debout est celle de saccharure, parce qu’elle est la plus simple des manipulations, e qu'en même temps elle met complétement en liberté le principe huileux aromatique auquel est due la propriété thérapeutique de cette substance. J’ai récemment mis à l’usage du lupulin un jeune homme de dix-sept ans, d’un tempérament lymphatico-nerveux, livré à l’onanisme depuis quelques années, et épileptique depuis trois ans sans cause héréditaire. Le malade prend chaque jour ce médicament à doses graduellement augmentées; il est arrivé le dixième jour à celle de 3 gr., sans en éprouver d'effet général sen- Re th de SE C3 (1) Bulletin de thérapeutique, t. XLIV, p. 290, (2) Formulaire, 7° édit., p. 265. (3) Journal de pharmacie, 1822, t. VIII. (4) Journal des sciences naturelles, t. XLI, p. 379. (5) The Philadel. Examiner, 1851. (6) Zhid. (7) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIV. (8) Zambaco, Journal de pharmacie et de chimie, 1855, t. XXVII, p. 227. (9) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIV, p. 385. (10) Bulletin de thérapeutique, t. XLVIIL, p. 128. 018 HOUX. sible, si ce n’est un ralentissement dans le pouls de 6 à 8 pulsations. Mais les érections ont diminué peu à peu et sont enfin devenues impossibles vers le quinzième jour. Alors seulement les accès épileptiques, qui étaient vio- lents et ne laissaient que deux ou trois jours d'intervalle, diminuent peu à peu d'intensité et ne reviennent que tous les cinq à six jours. L’effet anaphro- disiaque persiste ; la dose de lupulin est réduite à 2 gr., et chaque jour di- minuée jusqu’à cessation complète de son usage, avec intention de revenir à l'administration de cette substance au bout de huit jours, ou plus tôt s’il y à apparence de reproduction de l’orgasme génital. Cette épilepsie excen- trique cessera-t-elle avec la cause probable qui l’a produite, la masturbation? L’axiôme : sublata causa tollitur effectus, ne peut être admis d’une manière absolue que lorsque l'effet, soit par l'influence de l'habitude morbide invété- rée, soit par le désordre ou les lésions qu’il détermine, ne devient pas lui- même une cause secondaire, isolée et persistante. Le doute n’est plus permis sur l’action du lupulin. «Si par son principe amer cette substance jouit d’une action tonique générale, par l’huile essen- tielle qu’elle contient elle possède une propriété sédative incontestable, et celle-ci s'exerce spécialement sur l’éréthisme génital » (1). (Quelques auteurs ont avancé que la substance que nous étudions avait une action sédative sur le système circulatoire. Barbier s’en est bien trouvé dans les fièvres intermittentes. Nous ne faisons que signaler ces opinions sans avoir par devers nous des preuves suffisantes pour établir leur réalité. Il serait à désirer que la part d’action de l’huile essentielle et celle de la lupulite fussent déterminées. Walter Jauncey s’est engagé dans cette voie de recherches: pour cet auteur (2), l'huile est purement anodine et séda- tive; l’autre principe, la lupulite, ne possède qu'une action tonique sur les organes digestifs.) HOUX. Ilex aquifolium. L. Îlex aculeata. CG. BAuH. — Ilex aculeata baccifera. TourN. — Aquifolium spinosum. LAM. — Agrifolium. Don. — Agrifolium, PLIN. È 4 Houx épineax, — grand houx, — housson, — gréou, — agréfous, — agriou, — garrus, grand-pardon, — agaloussé, — bois franc. AQUIFOLIACÉES. Fam. nat. — TÉTRANDRIE TÉTRAGYNIE. L. Le houx, arbre toujours vert, s’offre partout à nos yeux, dans les bois, dans les haies, etc. On en fait des palissades, des clôtures solides, etc. . Description. — Tiges de 4 mètre environ, quelquefois plus, à rameaux lisses, souples et d’un beau vert.— Feuilles persistantes, alternes, pétiolées, coriaces, luisantes, garnies à leurs bords d’épines fortes et longues. — Fleurs petites, blanches, nom- breuses, axillaires, ordinairement hermaphrodites, auxquelles succèdent de petites baies sphériques, d’un rouge vif, renfermant quatre semences cannelées. Parties usitées., — Les feuilles, l'écorce, les fruits. Récolte. — Les feuilles de houx doivent être cueillies au moment où la floraison commence. Elles sont d'une couleur vert jaunâtre lorsqu'elles sont desséchées. Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques. — Les feuilles sont inodores, d’une saveur àpre et amère, désagréable. Lassaigne en a retiré : de la cire, de la chlorophylle, une matière neutre et incristallisable, non décom- posable par les acides et les alcalis, mais bien par l'alcool ; une matière colorante jaune, de la gomme, de l’acétate de potasse, du muriate de potasse et de chaux, du sulfate et du phosphate de chaux, du ligneux. Deleschamps, qui a repris ce travail, a extrait des feuilles de houx un produit auquel il a donné le nom d’ilicine, et qu’il regarde comme le principe actif de la plante, Ce produit est d’une couleur brune, peu foncée ; il absorbe (1) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIV, p. 387. (2) Ed. med. Journ. et Gazelle medicale de Paris, 14 mai 1859. HOUX. 519 rapidement l'humidité de l'air, ce qui, probablement, le rend incristallisable. IT n’est pas généralement considéré comme un principe immédiat, mais comme un composé de plusieurs autres principes, parmi lesquels se trouve celui ou ceux auxquels le houx doit ses propriétés physiologiques et {hérapeutiques. L'eau et l'alcool faible s'emparent des principes actifs du houx. Avec la seconde écorce de houx, on prépare la glu, substance molle, tenace, visqueuse, filante, peu so- luble dans la salive, et agglutinant les lèvres lorsqu'on la mâche, s’épaississant par le froid, se liquéfiant par la chaleur, solable dans l'alcool et dans les huiles fixes et vola- tiles, mais très-peu dans l’eau pure. Le bois de houx, qui est dur, solide et susceptible de prendre un beau poli, est pré- cieux pour les tourneurs, les tabletiers, les couteliers, etc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction des feuilles frai- ches ou sèches, 30 à 60 gr. par kilogramme d’eau. Vin (1 de feuilles sur 24 de vin blanc), 100 à 200 gr. Poudre, 4 à 12 et même 15 gr. dans l’eau ou dans le vin blanc. Extrait, 2 à 4 gr. Baies, 10 à 12 comme purgatives, en macéra- tion pendant douze heures. À L'EXTÉRIEUR. — Décoction des feuilles frai- ches ou sèches, en lavement, 15 gr. pour la quantité d'eau convenable. — Feuilles pi- lées en cataplasme, etc. ILICINE. — 3, 6, 9 et 12 décigr., et même 2 gr., sous forme pilulaire comme moins désagréable au goût. Médicalion fébrifuge. — On administre les feuilles de houx, dans les fièvres intermit- 240 à 300 gr. d’eau, réduite à moitié, passée et administrée en une seule fois, deux heures avant l’accès, pendant huit, quinze jours et même plus, lors même que la fièvre a cédé aux premières doses; 29 En substance, à la dose de 4 à 12 gr., macérée à froid dans du vin blanc, donnée deux ou trois heures avant l’accès, et répétée quatre, cinq, six fois et plus, suivant les cas ; 3° En extrait, pris en nature ou sos forme pilulaire, dont on peut porter la dose à 6 gr., lorsque la fièvre persiste ; 4° En lavements, à la dose de 15 gr. de feuilles fraiches ou sèches de houx dans une quantité d’eau nécessaire. Suivant Coustantin, à qui ce mode d’admi- nistration est dû, ces lavements ont l’avan- tage de procurer des garde-robes assez abon- dantes, sans troubles ni coliques. tentes : 19 En décoction, à la dose de 15 gr. dans Ilicine, aux doses indiquées ci-dessus, jusqu’à la disparition complète des accès. L'ingestion du houx dans l’estomac, à dose thérapeutique, produit, après huit minutes ou un quart d'heure, du malaise, quelques picotements, de la pesanteur, et surtout un sentiment de chaleur à l’épigastre, qui bientôt s'étend au ventre, à la poitrine et même aux membres. Cette chaleur, quand elle se généralise, dure trois heures et même plus : elle se fait sentir au tou- cher de la peau. Le pouls reste calme. Il n’y a pas de nausées, mais fré- quemment des coliques, bien qu’en général les selles restent dures. Si l'estomac est irrité ou très-susceptible, il survient des douleurs, des rap- ports âcres, des vomituritions glaireuses, etc. (Barbier). Les baies de houx exercent sur l'appareil digestif une excitation qui pro- ‘voque le vomissement et la purgation. Les feuilles de houx sont toniques et ont été considérées aussi comme sudorifiques, On les à prescrites dans la pleurésie, le catarrhe chronique, la variole, les affections rhumatismales. Paracelse les employait en décoc- tion dans les affections arthritiques. Mais c’est surtout comme fébrifuges que les feuilles de houx ont été préconisées vers la fin du siècle dernier. Durande, médecin de Dijon (1), les ayant vu employer contre les fièvres in- termittentes par un homme étranger à l’art de guérir, les a administrées avec succès. Il à rapporté plusieurs cas de guérison par leur emploi quand les fièvres avaient résisté au quinquina. Cependant ce fébrifuge était tombé dans l'oubli quand Rousseau (2) le soumit à de nouveaux essais et consigna, dans un mémoire couronné par l’Institut, les nombreux succès qu'il en avait obtenus. Cet auteur rapporte, non-seulement ses propres observations, (1) Historique de la Société royale de médecine, t. IV, p. 342. (2) Nouveau Journal de médecine, 1822, t. XIV, p. 14. 520 HOUX. mais aussi celles de Reïl, de Constantin, Raymond, Delormel et Serru- rier, etc., etc. Magendie, chargé par l’Institut de vérifier les faits rapportés par Rousseau, a expérimenté sur treize femmes atteintes de fièvres intermit- tentes de types divers, et avec toutes les précautions propres à s'assurer de l'effet exclusif du médicament. Il leur a donné des feuilles de houx à la dose de 4, 8, et même 15 gr. par jour, soit en décoction dans l’eau, soit en ma- cération dans le vin. Toutes ces femmes ont été guéries. En général, les accès n’ont pas cessé brusquement, comme il arrive par l'emploi des prépa- rations de quinquina; ils se sont toujours plus ou moins prolongés; Cepen- dant dans aucun cas la fièvre n’a résisté, et a été, au contraire, guérie après vingt jours de séjour à l'hôpital. Les observations de Bodin (4) et Saint-Amand présentées à l’Académie de médecine de Paris en novembre 1827, celles de Hubert (2), confirment en tous points les faits rapportés par Rousseau et Magendie. Les observations que nous venons de citer en faveur des feuilles de houx employées comme fébrifuges, ayant été recueillies par des hommes dignes de foi, sont de nature à appeler l'attention des médecins dont les efforts ten- dent à simplifier les moyens thérapeutiques et à les mettre à la portée du pauvre. Les fébrifuges ne sauraient être trop nombreux, car tel d’entre eux qui échoue dans une circonstance, réussira dans une autre où divers moyens auront été inutilement employés. Nous devons dire que Chomel (3), qui a répété les expériences sur la poudre des feuilles de houx à l'hôpital de la Charité, n’en a obtenu aucun résultat favorable, Ses conclusions sont trop opposées aux résultats que nous venons de citer pour être adoptées sans contrôle. « I1 y a lieu de croire, disent Mérat et l'elens, que l'agent thérapeutique était mauvais, soit que les feuilles eussent été mal récoltées, mal préparées, soit que le médicament ait été mal pris, circonstances très-fréquentes dans les hô- pitaux. » Je n’ai employé les feuilles de houx en poudre que dans deux cas de fièvre intermittente. Les accès ont diminué si gradueilement que je n’ai pu leur attribuer ja guérison. Je m'étais proposé de les essayer de nouveau sur un plus grand nombre de fiévreux et d’en observer soigneusement les effets; mais l’occasion m'a manqué depuis que j'ai quitté la campagne, où les fièvres intermittentes se rencontrent plus fréquemment que dans les villes. Werlhoof, Reil, E. Rousseau, ont employé avec succès les feuilles de houx dans les affections rhumatismales. Dodonée, qui, comme tous les humoristes de son temps, attribuait à chaque purgatif une action spéciale, regardait les baies de houx comme propres à évacuer les matières pituiteuses. Ces baies, que j'ai administrées deux fois, produisent à peu près le même effet que celles de nerprun, et» peuvent être employées dans les cas où ces dernières sont indiquées ; cependant je les crois un peu plus âcres. Quelques auteurs ont vanté la décoction de la racine et de l’écorce intérieure de la tige contre les toux opiniâtres. On considère dans nos campagnes les feuilles de houx pilées et appli- quées fraîches, comme un puissant résolutif dans les tumeurs blanches, les engorgements scrofuleux, l’æœdème, etc. Je n’ai pas eu l’occasion de vérifier cette propriété. La glu a été recommandée dans plusieurs ouvrages de matière médicale comme émolliente, maturative, résolutive. (Dioscoride recommandait contre les brûlures de la glu trempée en eau (1) Gazette médica!e, 1831. (2) Revue médicale, décembre 1835. (3) Académie de médecine, séance du 19 jauvier 1820. HYSSOPE. 021 chaude. Elle remplissait les mêmes indications que, de nos jours, le col- lodion.) (L'ILIGINE, en l’absence de toute matière tannante, peut raisonnablement être considérée comme représentant l’activité du houx; elle peut donc rem- placer la poudre des feuilles; la facilité plus grande de son administration constitue un avantage en sa faveur. Bertini, sans vouloir la comparer au quinquina et à ses dérivés, croit cependant qu'elle doit leur être préférée dans certains cas de fièvre légitime et simple, surtout chez les sujets irri- tables) (4). HYSSOPE. Hyssopus oflicinalis. L. Hyssopus officinarum cœrulea, seu spicata. BAUH.— Hyssopus vulgaris. Don. LABIÉES. — SATURÉIÉES,. Fam. nat, — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. L'hyssope, plante vivace (PI. XXI), croît spontanément en Allemagne, en Italie, sur les coteaux de nos départements du Midi, dans le Dauphiné et la Provence. Rivière l’a rencontrée dans les environs de Mantes, et Lesti- boudois et Pauquy, à Abbeville, sur le rempart, près de la rue Millevoie ; Lejeune, sur les murs de Liége; Dubois, à Tournay. On la cultive dans les jardins, où l’on en forme souvent des bordures. Description. — Racines dures, ligneuses, un peu ramifiées. — Tiges ligneuses, presque simples, hautes de 60 à 80 centimètres. — Feuilles vertes, opposées, linéaires, lancéolées, aiguës. — Fleurs presque sessiles, réunies par paquets et formant des épis de fleurs bleues, roses ou blanches (juillet-septembre). — Calice tubulé à cinq dents. Corolle bilabiée, — Quatre étamines didynames. — Ovaire supérieur à quatre lobes. — Un style.— Un stigmate bifide, — Quatre akènes placés au fond du calice. Parties usitées.— Les sommités fleuries et les feuilles. Réeolte.— Elle se récolte comme toutes les plantes aromatiques, pendant la flo- raison. La conservation et la dessiccation sont très-faciles. (Culture. — On cultive l’hyssope pour les besoins de la médecine et de la parfu- merie ; elle demande une bonne exposition et une terre légère et calcaire, on la sème en planches ou en terrines drainées au commencement du printemps; on la propage en- core de boutures ou d’éclats de pieds faits à la même époque, on repique de bonne heure en place, et on renouvelle les planches tous les trois ou quatre ans en éclatant les pieds au printemps et à l’automne.] Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de lhyssope est agréable et aromatique, et sa saveur chaude, piquante et amère. Elle contient une huile volatile jaune, des principes amers et un peu de soufre et de camphre. Les principes médicamenteux sont extraits par l'huile et l'alcool. Herberger (2) a découvert dans l’hyssope un corps neutre, soluble dans l'eau, l'al- cool et l’éther, qu'il nomme hyssopine. [D’après Proust l’hyssope des pays chauds fournit à la distillation un camphre ana- logue à celui des laurinées; l'essence qu’elle donne est liquide, elle jaunit au contact de l'air et se résinifie, elle bout à 160° (Stenhouse) et son point d’ébullition s'élève jusqu'à 180 degrés, ce qui prouve que c’est un mélange de deux acides.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion à vase clos, de 8 à | Sirop (1 sur 10 d’eau et 16 de sucre), de 50 à 15 gr. par kilogramme d’eau. 60 gr., en potion. Eau distillée (1 sur 4 d’eau), de 50 à 100 gr., en potion. A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, cataplasmes, etc. Cette plante, dont l'odeur et la saveur annoncent l'énergie, est stimu- lante, béchique. Son usage, comme expectorant, dans l'asthme humide des RS (1) Gazette médicale de Montpellier, 1845. (2) Académie de médecine, 1829. 522 IF, vieillards, est populaire dans nos campagnes. On la prend en infusion avec du miel; elle est employée dans toutes les affections bronchiques et pulmo- naires, lorsque trop d'irritation n’en contre-indique pas l’usage. Pour en modérer l’activité, on lui associe souvent les mucilagineux, tels que les fleurs de mauve, de guimauve, de bouillon blane, etc. Comme possédant toutes les propriétés inhérentes aux plantes aroma- tiques et balsamiques, l’hyssope peut être utile dans tous les cas où il s’agit d’exciter les fonctions de la vie. On l’a donnée avec succès dans la débilité des voies digestives, les coliques venteuses, l’inappétence par atonie, la gastralgie, l’aménorrhée asthénique, la chlorose, les rhumatismes d’an- cienne date, les exanthèmes aigus chez les sujets faibles, certaines affections calculeuses avec inertie des reins. C’est ainsi que cette plante a pu être considérée par les auteurs comme stomachique, diurétique, sudorifique, etc., selon les dispositions des sujets et les circonstances morbides qui en favo- risent l’action locale. C’est aussi à ses propriétés excitantes qu'il faut attri- buer l'effet anthelminthique rapporté par Roseinstein, dans un cas où son usage détermina l'expulsion d’un grand nombre d’ascarides lombricoïdes ; il agit ici tout à fait comme les sommités de romarin et d’aurone, qu’on emploie aussi comme vermifuge dans nos campagnes. Je me sers quelquefois de l’hyssope pour aromatiser mes formules indi- gènes. C’est un tonique diffusible que je joins aux amers dans la débilité d'estomac, dans les flueurs blanches, les affections vermineuses, etc. A l'extérieur, l'hyssope est tonique et résolutive. On s’en est servi en gar- garisme dans différentes affections de la gorge, et notamment dans l’amyg- dalite subinflammatoire. On fait résoudre promptement les ecchymoses des paupières et de l'œil, par l’application d’un sachet d’hyssope pilée et bouillie dans l’eau; on fomente avec l’eau sur le sachet appliqué. J'ai vu employer ce moyen avec succès. Il est évident que ce résolutif peut con- venir dans les contusions des autres parties du corps. Son analogie avec le campbre explique ses effets. | IF. Taxus baccata. L. Taxus. C. BAUH., TourN. — Smilax Dioscoridis. CONIFÈRES, — TAXINÉES, Fam. nat. — DIOECIE SYNGÉNÉSIE. L. Cet arbre, à feuilles persistantes, croît spontanément sur les montagnes de l'Italie, de la Suisse et des départements du midi de la France. On le cultive dans les jardins. Deseription. — Tige s'élevant jusqu’à 10 mètres et souvent plus, à écorce rabo- teuse, s’exfoliant comme celle du platane. — Feuiiles persistantes, d’un vert sombre, linéaires, aiguës, rangées sur deux côtés opposés. — Fleurs petites, peu apparentes, presque sessiles, axillaires, les mâles nombreuses, les femelles plus rares, ayant l'aspect d’un petit bourgeon verdâtre. — Fruit : petit cône drupoiïde, composé des écailles deve- nues charnues, succulentes, sphérique, d’un rouge vif, contenant en grande partie un noyau monosperme. (Parties usitées. — Les feuilles, les bois, les fruits. Récolte. — Les feuilles d'if se conservent parfaitement; elles peuvent être récol- tées toute l’année ; le bois est coupé l'hiver, il est très-recherché des luthiers, des ébé- nistes et des tourneurs. Culture. — L'if est propagé de graines et de marcottes; il est cultivé dans les jardins d'agrément où on le tourmente de mille manières pour lui donner les formes les plus bizarres. Propriétés physiques et chimiques. — Le principe toxique de lif n'est pas connu; Chevallier et Lassaigne ont trouvé dans le fruit une matière sucrée IF, 523 fermentescible, de la gomme, des acides malique et phosphorique et une matière grasse d’un rouge carmin | (1). Galien, Pline, Dioscoride, Matthiole, regardent l'if comme ayant des qua- lités délétères. Théophraste dit que les feuilles sont un poison pour les che- vaux, mais qu'elles n'empoisonnent pas les ruminants. Le suc d’if servait, dit Strabon, à empoisonner les flèches des Gaulois, Si l’on en croit les Com- mentaires de César, Cativulcus, roi des Eburoniens, se serait empoisonné avec le sue des feuilles de cet arbre. Jean Baubin affirme que des animaux ont péri après avoir mangé des feuilles d'if, On a été jusqu'à dire que l'ombre de cet arbre pouvait donner la mort. Ray assure que les jardiniers employés à tondre un if très-touffu du jardin de Pise ne purent rester plus d'une demi-heure à faire ce travail sans être atteints de violentes douleurs de tête. Bulliard, au contraire, s’est tenu longtemps, et dans les grandes chaleurs, dans les lieux plantés d’ifs nouvellement taillés, sans avoir éprouvé la moindre incommodité, Gérard, botaniste anglais, dit aussi s'être souvent endormi à l’ombre de l’if sans ressentir de mal de tête ni aucune autre in- commodité, et en avoir mangé plusieurs fois les fruits sans qu'il en fût ré- sulté le moindre dérangement dans ses fonctions ordinaires. D’un autre côté, une jeune fille de vingt-six ans, au rapport de Harmand de Mont- garny, s'étant endormie un soir sous un if, y passa toute la nuit; le lende- main, à son réveil, son Corps élait couvert d’une éruption miliaire très- abondante; et pendant les deux jours qui suivirent, elle demeura dans une sorte d'ivresse. Suivant l’auteur que nous venons de citer (2), l'extrait ou la poudre de l'écorce ou des feuilles, à forte dose, produit des nausées quel- quefois suivies de vomissements; une diarrhée ordinairement copieuse, accompagnée de ténesme: des vertiges momentanés, un assoupissement de quelques heures; la difficulté d’uriner, une salive épaisse, salée et quelquefois âcre; des sueurs gluantes, fétides, avec une vive démangeaison à la peau ; un engourdissement avec une sorte d’immobilité dans les extré- mités. Dujardin, médecin-vétérinaire à Bayeux (3), appelé pour constater Ja mort de deux juments qui avaient péri la veille, pendant qu'elles étaient attelées à la même voiture, reconnut, par l’autopsie, qu'elles avaient suc- combé pour avoir mangé des feuilles d’if. Dujardin ayant fait manger à un cheval des feuilles du même arbre, vit l’animal tomber comme fou- droyé, environ une heure et demie après avoir commencé à manger, et lorsque de légers signes de coliques s'étaient à peine manifestés. Il a été porté à la connaissance du même vétérinaire que des moutons, des vaches et autres bêtes à cornes, des ânes, ont péri subitement dans des herbages où se trouvaient des ifs. Chevalier, Duchesne et Reynal (4), citent un grand nombre de faits re- cueillis par divers auteurs, et établissent les preuves incontestables de l’ac- tion toxique de cette plante sur les animaux et sur l'homme. Mais l’if était encore inconnu dans les fastes judiciaires comme substance abortive, et n'avait pas été signalé par les auteurs comme ayant cette propriété. Cheval- lier, Duchesne et Reynal, rapportent deux faits très-intéressants de tentative d’avortement qui ont amené la mort, sans que l’action abortive ait eu lieu. Les auteurs que nous venons de ciler se proposent d’essayer de nouveau cette substance à moindre dose, afin d'établir si l’on doit redouter la décou- verte d’une nouvelle préparation propre à faciliter les avortements. (1) Journal de pharmacie, 1818, t. IV, p. 558. (2) Observations sur l'if, Journal de médecine, 1790, vol. LXXXI, p. 77 et suivantes. (3) Journal de chimie médicale, 1854. , - (4) Mémoire sur l'if et sur ses propriétés toxiques, extrait des Annales d'hygiène et de méde- cine légale, 2e série, t. IV. 524 IF, « Si l’on observe attentivement les effets produits par l’ingestion de l'if, on remarque d’abord qu’il exerce une action notable sur la respiration et la circulation, en augmentant les battements du pouls et les mouvements res- piratoires ; 1l irrite violemment l'estomac et tout le tube digestif, en occa- sionnant souvent des vomissements et des évacuations alvines, et en lais- sant presque constamment des traces inflammatoires trop évidentes de son séjour et de son passage : il agit donc alors comme toutes les substances àcres etirritantes. « Le deuxième effet, très-caractérisé, c’est l’action narcotique et stupé- fiante produite par le poison, aussitôt que l’absorption commence à se faire. On observe alors l’action sur le système nerveux : inquiétude vague, altéra- tion notable de la vision, éblouissements remarquables, même chez les ani- maux; diminution de la cireulation, respiration plus rare et plus profonde, syncope, coma, et enfin anéantissement complet et instantané du principe de la vie. Les victimes tombent comme frappées de la foudre pour ne plus se relever. « Dans la première période, 1l faut, aussitôt qu’on le peut, et sans perdre de temps, provoquer le vomissement par une potion vomitive, par la titil- lation de la luette, pour expulser le plus qu'il sera possible de la substance toxique; puis employer les adoucissants, comme le lait, les décoctions émol- lientes et mucilagineuses. « Dans la deuxième période, il faut chercher à combattre l’action pro- duite sur tout le système nerveux par les boissons acides, le café noir, les lavements de tabac, d’eau vinaigrée, et donner ensuite les soins appropriés à l’état général du malade (1). » Tout ce qui a été dit de l’if prouve que cet arbre doit être mis au rang des poisons. Il est certain, toutefois, que dans nos contrées les fruits sont dépourvus des qualités délétères contenues dans les feuilles et les rameaux. Ils causent tout au plus une légère diarrhée lorsqu'on en mange avec excès. Percy (2), qui en a étudié les effets, les a reconnus adoucissants, béchi- ques, laxatifs, et en faisait préparer un sirop et une gelée qu'il donnait par cuillerées dans les toux chroniques, la coqueluche, la gravelle, le catarrhe de vessie, etc. On a recommandé l'extrait d’if dans les affections rhumatismales, dans les cachexies avec chlorose, l’aménorrhée, dans les fièvres intermittentes, le rachitisme et les affections scrofuleuses, le scorbut. D’après plusieurs faits rapportés par Harmand de Montgarny, plusieurs épileptiques auraient été guéris par l'extrait aqueux des feuilles d’if, et trois fièvres quartes au- raient cédé à un opiat préparé avec la poudre d’écorce et de feuilles incor- porées dans son extrait vineux. Ce médecin dit aussi avoir guéri un rachi- tisme par l’infusion de l’écorce dans l’eau. Dans tous les cas, il en donnait d’abord une petite dose, et il augmentait graduellement jusqu’à ce que les malades eussent ressenti quelques-uns des effets généraux de cette sub- stance. La plus forte dose à laquelle il a porté la poudre d’écorce et de feuilles d’if a été celle de 8 gr. par jour, en une ou plusieurs prises, et il à donné l’extrajt aqueux ou vineux jusqu’à 60 centigr. par jour en une ou plusieurs fois. Gatereau (3) a employé avec succès l'extrait d’if dans un cas de rhuma- tisme, fixé aux épaules; d’abord à la dose de 15 centigr., augmentant gra- duellement dans l’espace de quarante jours jusqu’à celle de 35 centigr. Les premières pilules excitèrent la sécrétion de la salive; le malade crachait (1) Chevallier, Duchesne et Reynal, Mémoire cilé, p.71 et 72. (2) Preuves ultérieures de l’innocuité des baies d'if, etc., Journal de médecine, anne 1790, vol. LXXXIII, p. 226 et suivantes. (3) Ancien Journal de médecine, t. LXXXI, p. 81. IMPÉRATOIRE 525 beaucoup plus que de coutume, et la salive était extrêmement gluante. Vers la fin, elles le purgèrent doucement pendant quelques jours; il put alors revenir à son travail, qu’il avait abandonné depuis le commencement de sa maladie. On fait, dit-on, au Canada, une bière purgative où il entre une infusion de bois d'if chargé de ses baies. Schwenkfeld à préconisé l'emploi de ce mème bois contre la rage, et Kluncker, d’après Goottschedys, dit que les paysans de la Silésie se servent depuis longtemps avec avantage de la dé- coction du bois d'if dans du lait contre la morsure des chiens enragés. Quelques praticiens français ont attribué à l’eau distillée des feuilles d'if des propriétés sédatives analogues à celles de la digitale. En Italie (4), des médecins ont cherché dans le règne végétal une plante qui eût des pro- priétés contro-stimulantes semblables à celles de la digitale, mais d’un effet plus constant. Ils ont constaté que le fruit d’if pouvait, avec avantage, lui ètre substitué, Rempinelli, de Bergame, en a obtenu des résultats qui offrent à la science un grand intérêt. IMPÉRATOIRE. Imperatoria ostruthium. L. Imperatoria. C. Baun.— Imperatoria alpina maxima. TOURN.— Imperatoria major. GAR.— Ostrantia. Don. — Selinum imperatoria. GRANTZ. Magistrantia. CAM. — Ostruthium. Diosc. Impératoire commune, — impératoire des Alpes, — benjoin français, — ostruche, — ostrute, impératoire des montagnes. OMBELLIFÈRES. — PEUCÉDANÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante (PI. XXII) croît dans les pâturages montagneux des Alpes, des Pyrénées, des Vosges, etc., où elle est vivace. On la cultive dans les jardins. Au premier coup d'œil, elle a l'aspect de l’angélique. Description. —hacine grosse, noueuse, garnie de fibres nombreuses, longues et rampantes. — Tige cylindrique, creuse, épaisse, haute de 50 à 80 centimètres. — Feuilles pétiolées, à trois folioles élargies, trilobées et dentées. — Fleurs blanchâtres, disposées en une grande ombelle privée de collerette. — Calice très-court, peu appa- rent, — Corolle à cinq pétales égaux, échancrés en cœur à leur summet. — Cinq éta- mines de la longueur de la corolle. — Deux styles très-ouverts. — Deux akènes bordés d’une aile membraneuse el munis sur le dos de trois petites côtes. Parties usitées., — La racine. Récolte. — On la récolte l'hiver pour la conserver. Après l'avoir coupée par rouelles, on la fait sécher. Celle qu’on trouve dans le commerce vient ordinairement de l'Auvergne. Elle nous vient encore de la Savoie où elle porte le nom d’otours. En vieil- lissant, elle perd la moitié de ses propriétés : on doit donc la choisir nouvelle, bien nourrie et odorante. Culture. — Cette racine a beaucoup plus d'énergie lorsqu'elle végète sur les montagnes que lorsqu'elle croît dans les plaines ou qu’elle est cultivée dans nos jardins. (Elle vient dans toutes les expositions et dans tous les sols, à l'exception de ceux qui sont trop humides; on la propage de graines et mieux d’éclats de pieds opérés à l’au- tomne ou en repiquant les rejetons.] Propriétés physiques et chimiques. — La saveur de la racine d’im- pératoire esk âcre, amère et aromatique, et son odeur peut être comparée à celle de l’angélique, mais elle est plus forte et moins agréable. Si on coupe la racine fraîche, elle laisse échapper un suc amer, d’un blanc jaunâtre. Ses principes actifs résident dans une huile volatile et une substance extractive résineuse.— On se sert de la racine d’im- pératoire pour aromatiser le fromage de Glaris en Suisse. \ (Osann en a extrait par l’éther l'impératorine, matière neutre, cristallisée en prismes (1) Bulletin général de thérapeutique, t. XXII, p. 444. 526 IRIS COMMUN où IRIS GERMANIQUE, longs, transparents, inodore, àcre, styptique, fusible à 75° centigrades, insoluble dans l’eau, soluble dans l’alcool et l'éther; sa formule serait C2H1205). PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction, 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau. Poudre, 1 à 2 gr. comme excitant, 3 à 6 gr. comme fébrifuge. Eau distillée, 30 à 100 gr. en potion. Teinture (impératoire pulvérisée, 30 gr.; écorce d'orange, 15 gr.; semences d’anis, 8 gr.; al- cool, 500 gr. Faites digérer pendant huit jours et filtrez), par petites cuillerées dans une demi-tasse d’infusion de petite sauge ou de camomille romaine. (Roques.) A L’EXTÉRIEUR. — En cataplasme, en poudre, en pommade avec l’axonge ; en masticatoire comme sialagogue. Cette racine entre dans l’orviétan de Cha- ras, dans la thériaque, dans le vinaigre thé- riacal, dans l'esprit carminatif de Sylvius : toutes préparations de l’ancienne pharmacie. L'impératoire est un tonique excitant employé dans l’inappétence, les flatuosités, les coliques venteuses causées par la débilité des voies diges- tives ; dans les flueurs blanches, la chlorose, le catarrhe chronique, la para- lysie, les embarras atoniques des viscères, l'asthme humide, la gravelle sans irritation des reins, etc. Les propriétés de cette plante sont assimilées à celles de l’angélique. Petrus Forestus vante les propriétés de la racine d’impératoire dans le traitement de l’hystérie. Horstius la dit utile dans les hydropisies. Chomel, dans la rétention d'urine, la néphrite, l'asthme. Hoffmann la considère comme un remède divin dans les coliques flatulentes. Lange lui attribue une grande efficacité contre les fièvres intermittentes; il en a obtenu, dit-il, des résultats tellement avantageux dans les fièvres quartes rebelles, qu'il la regarde comme supérieure au quinquina. Baglivi en faisait usage dans les fièvres adynamiques. En poudre, elle a été administrée avec succès par Decker dans la paralysie de la langue. Roques regarde comme très-conve- nable, vers la fin des fièvres muqueuses et adynamiques, la teinture com- posée d’impératoire (Voyez PRÉPARATIONS ET DosEs). Spitta, à Rostock, a ob- tenu, en 1831, de très-bons effets de la racine d’impératoire employée seule (sans opium) dans le delirium tremens. Il cite trois cas où ce remède, administré à fortes doses, lui a réussi; il faisait prendre 45 gr. de racine dans 250 gr. de colature, en y ajoutant le plus souvent quelques grammes de teinture de la même racine ou de celle d’angélique. «C’est, dit Roques en parlant de l’impératoire, une de nos meilleures plantes indigènes ; elle produit une excitation vive, provoque la sueur et l’excrétion des urines. On peut l’employer utilement dans la plupart des fièvres intermittentes et des affections maladives qui réclament l’usage des toniques, et pourtant elle est tout à fait oubliée : on lui préfère des plantes herbacées, inodores et insi- pides. » Si l’impératoire n’est pas d’un usage plus fréquent, c’est probable- ment parce que nous possédons un grand nombre de plantes qui jouissent de propriétés analogues. On à appliqué à l’extérieur de la racine d’impératoire pour déterger les ulcères de mauvaise nature, pour guérir la gale. Cullen l’a vantée comme un masticatoire très-utile dans l’odontalgie et dans les fluxions dentaires. IRIS COMMUN ov IRIS GERMANIQUE. Iris germanica. L. Iris vulgaris germanica, sive sylvestris. CG. BAuH., TOURN. — Jris sylvestris major. LAM. — ris nostras. PHARM. Iris flambe, — flambe, — iris des jardins, — glayeul bleu, — iris commun, — courtrai, lirguo, — flamme. IRIDACÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE MONOGYNIE. L. Cette belle espèce d’iris vient spontanément dans les lieux incultes et arides, sur les vieux murs, les toits de chaume. Elle est cultivée dans nos Jardins pour ses fleurs. Elle est vivace. IRIS COMMUN ou IRIS GERMANIQUE, 027 Description. — Racine : souche (rhizôme) oblique, noueuse, épaisse, charnue, blanchätre, fournissant à sa partie inférieure beaucoup de petites racines creuses. — Tiges de 50 à 70 centimètres, presque simples, droites, cylindriques, glabres, nues dans leur partie supérieure, entourées de feuilles à leur partie inférieure, — feuilles ensi- formes, aiguës, planes, engaînantes à la base, succulentes, un peu épaisses, plus courtes que les tiges. — Fleurs d’un bleu violet, veinées, très-grandes, deux à six au sommet de la tige, la supérieure terminale, les inférieures pédonculées (avril-mai), mu- nies à la base de bractées persistantes en forme de spathe. — Périanthe à six divisions, dont trois extérieures renversées, munies vers leur onglet d'une raie de poils blancs ou jaunâtres, pétaloïdes ; trois intérieures dressées, plus petites, — Trois étamines libres, ayant-leurs anthères adhérentes au bord des filets, — Style court, portant trois lanières pétaloïdes, échancrées, d'un violet mêlé de blanc, qui tiennent lieu de stigmate et re- couvrent les étamines cachées entre elles et l'onglet barbu de chaque division réfléchie du périanthe. — Ovaire infère, devenant plus tard un fruit ou capsule triloculaire, à trois valves et à trois loges polyspermes. Parties usitées.— La souche ou rhizôme, improprement appelée racine, Récolte. — On doit récolter la souche d’iris pendant l'été, en enlever l'épiderme avec un couteau, et la faire sécher promptement et complétement en l’exposant à l'ar- deur du soleil, à l’action du vent, et à défaut de ces moyens, à la chaleur du four. Avec ces précautions, on l’obtient blanche et non moisie. Elle perd une grande partie de son activité par la dessiccation. On peut alors la réduire en poudre et s’en servir pour remplacer celle d’iris de Florence dans les préparations où l’odeur trop forte de celle-ci répugne. [Culture.— On le propage par division des rhizômes. | Propriétés physiques et chimiques. — Le rhizôme d'iris exhale, lors- qu'il est frais, une odeur forte et désagréable qui se change, par la dessiccation, en une agréable odeur de violette. Sa saveur est âcre, amère, nauséeuse, légèrement styptique. Ses principes constituants paraissent être à peu près les mêmes que ceux de l'iris jaune et de l’oflicinal. Le suc exprimé des corolles de l'iris germanique, mêlé avec de la poudre d’alun et un peu de chaux, donne une couleur verte qui sert pour peindre en miniature. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Suc frais, de 15 à 60 gr. Poudre, de 1 à 2 gr., en pilules, électuaire, etc. Vin, 120 gr. de racines pour 1/2 kilogramme de vin, en macération pendant vingt-quatre | A L'EXTÉRIEUR. — En poudre, comme sternuta- heures. toire, dentifrice, sialagogue, aromatique. La racine d’iris germanique, à l’état frais, est purgative et émétique. A petite dose, elle est excitante, expectorante, diurétique, anthelminthique. Les observations de Plater, de Rivière, de Ruffus, de Lester et de Werl- hoff, attestent que le suc de la racine d’iris nostras à été employé avec sugcès dans l’ascite, l’anasarque et autres hydropisies, soit primitives ou essentielles, qu’elle peut guérir, soit symptomatiques ou liées à des lésions organiques, où elle n’apporte qu’un soulagement résultant de l’évacuation des sérosités. Ses succès, dans ces cas, tiennent évidemment à son action purgative. Ettmuller employait son suc comme hydragogue, à la dose de 15 à 30 gr., mêlé dans de l’eau de fenouil, du sirop de violette ou tout autre véhicule propre à tempérer son âcreté. Rivière a guéri un individu affecté d’anasarque, en lui administrant ce suc à la dose de 90 gr., associé à 45 gr. de manne. Brassavole et Amatus Lusitanus le prescrivaicnt aux hydropiques à la dose de 120 gr., dose trop forte. Mesué le mêlait avec le nard indien. Chomel dit avoir vu de bons effets de l’emploi de la racine d'iris, répété fréquemment, en lui associant la crème de tartre ou le cristal minéral. Venel le recommande étendu dans un véhicule aqueux, comme un remède héroïque contre les infiltrations passives du tissu cellulaire. Garidel observe que cette racine, donnée seule, excite de violentes tranchées, mais qu'on : rien à craindre lorsqu'on l’associe avec le sel fixe (carbonate de potasse). 228 IRIS OFFICINAL. Voici ce que je disais dans la première édition de cet ouvrage sur l’em- ploi de l'iris comme drastique : « J’ai administré deux fois le suc frais de la racine d'iris germanique dans l’hydropisie, comme drastique. Les vives douleurs intestinales qu’elle à produites, à la dose de 40 gr., accompagnées de vomissements et de selles abondantes, me l'ont fait, sinon abandonner, du moins réserver pour les tempéraments lymphatiques, difficiles à émou- voir, Nous possédons assez de purgatifs indigènes sans recourir à ceux dont les effets sont ou incerlains, ou dangereux. L’iris agit d’une manière telle- ment directe sur la muqueuse gastro-intestinale, qu’elle y détermine un sen- timent de châleur âcre et brûlante qui persiste encore longtemps après la cessation des contractions de la membrane musculaire du tube digestif. Toutefois, dans l’un des deux cas où je l'ai mis en usage, cet effet a été bien moins prononcé, parce que j'ai eu la précaution d'étendre 40 gr. de suc dans 150 gr. d’infusion de guimauve. De nouveaux essais me mettront peut- être à même d'apprécier plus sûrement les avantages et les inconvénients de ce purgatif drastique. » Depuis, j'ai donné plusieurs fois la racine d'iris étendue dans la décoction de guimauve, dans le bouillon de veau ou de poulet. J'administre la dose indiquée en deux ou trois fois à une heure d'intervalle. Moyennant ces pré- cautions et l’usage d’une boisson mucilagineuse pendant l’effet purgatif, ce médicament irrite beaucoup moins le tube intestinal, et produit néanmoins d’abondantes évacuations alvines. A dose altérante, le rhizôme d’iris germanique en poudre (en cet état moins énergique) produit de bons effets dans l’asthme humide, dans la phthisie, la coqueluche, et en général dans tous les cas où l’ipécacuanha donné à petites doses est indiqué. Zapata (1) a donné à manger, pendant cinquante à soixante jours, à des scrofuleux, la racine d’iris, qu’il regarde comme un excellent remède dans cette maladie. On à aussi préconisé cette racine dans les maladies invétérées de la peau. L'iris germanique forme la base d’un remède contre la rage, dont l’ab- baye de Grand-Selve, près de Toulouse, était en possession depuis un temps immémorial. Montet (2) et Wauters ont proposé de substituer la racine d'’iris germa- nique à celle d’iris de Florence, qu’elle a plus d’une fois remplacée fraudu- leusement dans le commerce. à (IRIS OFFICINAL. — IRIS DE FLORENCE (ris Florentina, L.; Iris alba Flo- rentina, Bauh.. On le faisait venir d'Italie; mais le mauvais état dans lequel sa racine nous arrivait a engagé plusieurs pharmaciens à cultiver, en France, cette plante, qui, du reste, croît spontanément en Provence, où elle est assez rare. Dans le seul département de l’Ain, on en récolte annuellement de 1,500 à 1,000 kilogr. Description. — Rhizôme épais, noueux, blanchâtre. — Tige : hampe droite, cylindrique, glabre. — Feuilles rares, droites, ensiformes, d’un vert glauque, plus pe- tites que la tige. — Fleurs au nombre de une à deux, terminales, blanches, d’une odeur suave; les subdivisions antérieures du périanthe sont obovales, obtuses, les grandes lames pétaloïdes du style sont légèrement crénelées. Parties usitées, — Le rhizôme. Récolte.— La mème que celle de l’espèce précédente; pour qu'ils jouissent de ses propriétés, ne recueillir que les rhizômes âgés de trois ans au moins. (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. T, p. 325. (2) Historique de l'Académie des sciences, 1772, p. 1 et 657. IRIS FÉTIDE. 529 Culture. — Se propage par division des rhizômes ; il aime les lieux bas et humides. Propriétés physiques et chimiques: usages économiques, — Le rhizôme, à l'état frais, exhale une odeur pénétrante peu agréable, qui, après dessiccation, devient suave et rappelle celle de la violette. La saveur, d'abord amère, àcre et persistante, s'adoucit par la conservation. La culture en France n'a pas fait perdre à l'iris de Florence sa constitution chimique ropre. — Slan. Martin (1) à constaté dans le nôtre, comme Vogel l'avait fait pour Fexpti ue, de la gomme, un extrait brun, de la fécule amylacée, de l'huile grasse amère, âcre; de l'huile volatile, ayant la forme de paillettes blanches (pouvant être représentée par CSHSO); des fibres végétales. — Stan, Martin a rencontré en plus une matière rési- neuse qui à beaucoup de l'aspect physique de la glu du houx. La parfumerie utilise le parfum des rhizômes et extrait de deux manières le résinoïde aromatique : la distillation aqueuse et la distillation alcoolique. Les fumeurs, afin de faire perdre à leur haleine l'odeur du tabac, mâchent quelques fragments de rhizôme d'iris. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — En substance, 15 à 30 centigr. | À L’EXTÉRIEUR. — En poudre; sous forme de pour les enfants, 13 décigr. à 4 gr. pour les pois (pois d'iris), pour entretenir la suppu- adultes. ration des cautères. — Il existe des diamè- Suc frais, comme purgatif, 32 à 64 gr. tres différents gradués du n° 0 au n° 24. On falsifie quelquefois les pois d’iris avec les marrons d’Inde ; le sulfate de fer colore en rose les pois d'iris, ce qui n'arrive pas pour les autres substances. Les rhizômes du commerce se présentent sous la forme de morceaux cylindriques aplatis, tuberculeux, d’un blanc rosé. Le rhizôme d'iris officinal partage les propriétés de celui de l'iris germa- nique. Il serait nécessaire d'étudier l’action de ses principes actifs, dont l’un, l'huile volatile, a été considéré comme toxique (Caventou et Che- vallier). La réputation que cette espèce s’est acquise est basée sur l'emploi de son rhizôme, tourné en petite boule, sous le nom de pois à cautère, pour entre- tenir ces exutoires. Ses effets avantageux sont dus, en partie, à une action excitante, qui détermine et favorise la suppuration, et en partie à son gon- flement, qui va jusqu’à doubler presque son volume.) IRIS FÉTIDE. — IRIS -GIGOT, GLAYEUL PUANT, SPATULE, PETIT GLAYEUL, GLAYEUL SAUVAGE (/ris fœtidissima, L.; Gladiolus fœtidus, C. Bauh.; Spatula fœtida, Diosc.). Cet iris croît dans les bois, au bord des chemins. Il diffère peu de l'iris germanique. Descriptiom.— Racine médiocrement tubéreuse, chargée de fibres longues et nombreuses. — Tige de 40 à 60 centimètres, anguleuse d’un côté, pluriflore.— Feuilles très-coriaces, les radicales nombreuses, lancéolées, assez larges, plus longues que la tige, exhalant par le frottement une odeur fétide, — Fleurs bleuâtres, veinées, plus pe- tites que dans l'iris germanique ; périanthe externe ne présentant pas non plus de poils (juin-juillet). Parties usitées. — La racine, les semences. Récolte. — La même que celle de l'iris germanique. [Culture.— Comme le précédent.] Propriétés physiques et chimiques. — Toute la plante répand une odeur très-fétide. Les semences et les racines sont très-âcres et nauséeuses. Ces der- nières contiennent : une huile volatile excessivement âcre, de la résine, une matière amère, une matière colorante, une matière sucrée, de la gomme, un acide libre, de la cire, des sels, du ligneux. (Lecanu.) — L'huile volatile paraît être le principe le plus actif; viennent ensuite les matières résineuse et amère. (1) Bulletin de thérapeu'ique, 1863, t. LXV, p. 361. 34 530 IRIS JAUNE. Les anciens employaient les capsules de cet iris pour teindre en pourpre et en cra- moisi, on se servait du lait, suivant Vitruve, pour retirer cette teinture. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Le suc se prescrit à la dose de 2 à 4 gr. On se donne à la dose de 15 à 30 gr. par kilo- peut, d’après Roques, aller jusqu’à 30 gr. gramme d’eau ; la racine sèche pulvérisée à Ce suc se prend dans l’eau miellée ou l’in- celle de 4 à 8 gr. pour 1 kilogr. de vin fusion de racine de guimauve. blanc, comme altérant. La décoction de la racine ou de la semence ; La racine d'iris fétide est stimulante et purgative, ainsi que les semences. On les a considérées comme hydragogues, diurétiques, sédatives, anti- spasmodiques, apéritives. Tout ce que nous avons dit des propriétés de la racine de l'iris germanique est applicable à celle de liris fétide. Ce qu'il y a de mieux constaté, ce sont ses propriétés hydragogues. J’ai vu des paysans prendre le sue de cette racine (12 gr.) contre l’hydropisie, qu’elle a souvent réussi à dissiper. On l’a conseillée dans les scrofules. L’impression manifeste que cette racine exerce sur le système nerveux par sa fétidité a pu, comme la plupart des substances fétides, la faire employer avec avan- tage dans l’hystérie. Bourgeois (1) en administrait souvent la décoction en bain chaud dans l’atrophie des membres. La racine sèche, ayant perdu une grande partie de ses propriétés, peut être donnée comme diurétique, fon- dante, emménagogue, etc. IRIS JAUNE. — IRIS DES MARAIS, ÎRIS FAUX ACORE, IRIS GLAYEUL, ACORE ADULTÉRIN, FLAMME BATARDE, GLAYEUL DES MARAIS, FLAMME D'EAU (ris pseudo- acorus, L.; acorus adulterinus, CG. Bauh.; Iris palustris lutea, Tourn.). Cette espèce d’iris croît dans les lieux aquatiques, sur le bord des étangs, des rivières et des fossés, où ses fleurs jaunes la font aisément remarquer. Descriptien.— Racine: souche charnue, tubéreuse, horizontale, garnie de grosses fibres cylindriques. — Tige de 50 à 90 centimètres, rameuse, pluriflore, un peu fléchie en zig-zag aux nœuds, où les feuilles s’engainent. — Feuilles radicales égalant environ la longueur de la tige, toutes ensiformes. — Fleurs jaunes au sommet de la tige ou des rameaux; spathes et bractées lancéolées-aiguës (juin-juillet). Divisions du périanthe ne présentant pas de poils au milieu comme dans liris germanique. — Stigmates oblongs, élargis au sommet, à lobes incisés, denticulés. Propriétés physiques et ehimiques.— La racine, seule partie usitée, exhale dans l’état frais une odeur de marais qui se dissipe par la dessiccation ; alors elle est inodore, styptique : son astringence est même accompagnée d’une certaine àcreté. Elle contient une matière extractive brune, une huile grasse, àcre et amère, et une huile volatile qui se concrète en lames brillantes. Elle contient une plus grande propor- tion de principe astringent que les autres iris; sa décoclion lui doit la propriété de se colorer en noir par le sulfate de fer. Cette racine, bouillie avec de la limaille de fer, sert aux montagnards de l'Ecosse pour faire de l'encre. — William Skrimshire a présenté les graines de cette plante comme pouvant remplacer le café. Ces graines acquièrent par la torréfaction un parfum qui a, dit-on, plus d’analogie avec ce dernier que toutes les graines qu’on a jusqu'à présent tenté de lui substituer (2). La racine d'’iris des marais, lorsqu'elle est récente, est au moins aussi ac- tive que celle des espèces précédentes. Ramsay, Plater, et d’autres auteurs, ont eu à se louer de son emploi contre l’anasarque et l’ascite. Etmuller l’a mise en usage comme vermifuge, et Blair, au rapport de Murray, attribuait au suc qu’elle fournit de bons effets contre les scrofules. Cette racine, à la fois tonique, astringente et purgative, selon la dose à laquelle on l’admi- nistre et l’état des organes soumis à son action, peut, en effet, être utile dans les diverses maladies que nous venons de citer; mais peut-on admettre (1) In Flore médicale, vol. IV, art. Inis. qi (2) Voyez, dans les Annales de chimie, t. LXXVIHI, p. 95, l’Examen de la graine d’iris com- paree au café; par Bouillon-Lagrange. IVRAIE, 531 son efficacité (quand elle est sèche) dans la diarrhée et la dysenterie, contre lesquelles on l’a préconisée, sans préciser les circonstances où elle convient et celles où elle pourrait être nuisible? Si son usage est contre-indiqué dans l'état aigu de ces affections, il ne l’est peut-être pas moins parfois dans l’état chronique. Dans ce dernier cas, en effet, il est plus difficile de juger de l'opportunité d'une médication astringente que ne le pensent ces praticiens rouliniers qui, prenant leur aveugle empirisme pour de l'expérience, trouvent toujours avec facilité dans la matière médicale un remède contre chaque maladie, et dans chaque remède un spécifique. Le suc de la racine d'iris jaune, introduit dans les narines, irrite vive- ment la membrane pituitaire, produit de l’ardeur dans les fosses nasales, le pharynx, et détermine un écoulement abondant de mucosités par le nez. Armstrong dit que cet effet a dissipé des céphalalgies opiniâtres et des odontalgies qui avaient résisté à tous les autres moyens. J’en ai retiré de grands avantages dans un Cas d’amaurose commençante, chez un sujet d'une constitution délicate et d’un tempérament nerveux. C’est un moyen à employer en pareil cas, mais après s'être assuré qu’il n’existe point de con- gestion sanguine au cerveau, et lorsque les moyens généraux indiqués ont été mis en usage. Vicat dit que ce suc est si actif que, si on l’applique sur une dent malade, il en détruit sur-le-champ la sensibilité. IVRAIE. Lolium temulentum. L. Triticum temul. Log. — Gramen loliaceum. CG. Baux. — Lolium album. PARK., GER. Ivroie, — yvraie, — herbe d’ivrogne, — herbe à couteau, — zizanie. GRAMINÉES. — TRITICÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante annuelle (PI. XXII) croît dans les champs cultivés, les mois- sons. Elle est surtout abondante dans les céréales, aux semences desquelles on la trouve souvent mêlée. Description.— Racines composées de fibres grisàtres, cotonneuses. — Tiges cylindriques, droites, striées, articulées, de 30 à 40 centimètres. — Feuilles linéaires, aiguës, formant une longue gaine à leur base, glabres en dessous, finement striées, rudes en dessus.— Fleurs disposées en un épi terminal, long de 15 à 20 centimètres, for- mé d’épillets distants, composés d’un calice, de deux écailles glumacées, inégales, dont l’'extérieure beaucoup plus grande, opposée à l’épi, contenant cinq à sept fleurettes glu- macées, à deux valves, dont la plus extérieure ordinairement terminée par une arêle; chacune de ces fleurettes a trois é‘amines el un ovaire surmonté de deux styles. — Graine ovale, comprimée, noirâtre, enveloppée par la valve extérieure de la corolle. (Parties usitées. — Les fruits. Récolte. — C'est à l'époque de leur maturité que les fruits de l’ivraie ont le plus d'action : d’après Loiseleur-Deslongchamps il vaudrait mieux les cueillir avant leur ma- turité. Culture. — L'ivraie se propage par semis. | Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — (Les fruits de cette graminée ont une saveur âcre et acide désagréable ; ils rougissent les teintures bleues végétales.) Le pain qui en contient est bis et sans amertume ; la fer- mentation panaire est empêchée lorsque la farine est viciée par un neuvième d'ivraie, Elle s'effectue avec un dix-huitième, mais alors le pain est vénéneux. 11 paraît que c’est principalement dans l’eau de végétation de cette plante que résident ses principes toxiques ; car, dit Loiseleur-Deslongchamps, on a observé que les eTets produits par ses graines sont beaucoup plus violents lorsqu'elles ont été cueilies avant leur parlaite ma- turité. Vas dessiccation leur fait perdre de leur âcreté, et diminue l'intensité de leu” action. Parmentier a donné le conseil d'exposer les graines d’ivraie à la chaleur du four 532 IVRAIE. avant de les faire moudre, pour les dépouiller de leur qualité nuisible ; on doit ensuite faire bien cuire le pain et attendre qu'il soit complétement refroidi pour en manger. (De temps immémorial, on fait avec cette farine une pâte pour engraisser les vo- lailles, qui, noùs le verrons plus loin, ne ressentent pas l'effet du poison. Ce poison parait résider tout entier, si l’on en croit l’article [vrare du Dictionnaire d'histoire na- turelle de d'Orbigny, dans un principe particulier, la loliine. Cette analyse dont on ne cite pas l’auteur était presque oubliée, lorsque Filhol et Baillet ont étudié cette grami- née. En traitant le grain par l’éther, on en sépare une huile verte;) [ces chimistes ont vu que l'huile verte contenait de la chlorophylle et de la xanthine; qu'elle n’était pas complétement saponifiable ; la partie qui ne se saponifie pas est solide, molle, de cou- leur jaune orangé, neutre, incristallisable;] (ce corps, qu’ils dénomment matière jaune, avait élé considéré par eux comme donnant à l'huile d’ivraie toutes ses propriétés ; mais des recherches plus récentes leur ont prouvé que cette matière n’était pas isolée à l'état de pureté; ils y ont reacontré des proportions variables de cholesterine) (4). [L’éther laisse un résidu qui, étant épuisé par l’eau, donne du sucre, de la dextrine, des matières albuminoïdes, une substance extractive (Reveil et Dupuis).] (Tel est le résumé des recherches chimiques de Filhol et Baillet. Si on traite la farine par l'alcool (35 degrés), celui-ci prend bientôt une coloration verdâtre, devient de plus en plus vert et offre un goût désagréable, astringent et répugnant; si on évapore à sic cité, on a pour résidu une matière résineuse, jaune et verdätre (2); c’est là un moyen de reconnaître la farine d’ivraie mêlée à celle de froment; cette dernière ne change en rien la coloration de l'alcool. Ludwig et Stahl (3) viennent de publier une nouvelle analyse de l’ivraie ; outre la cellusose, le gluten et l’amidon, ils y ont trouvé : 1° Une matière grasse, blanche, neutre, brûlant avec une flamme fuligineuse ; 2° un acide oléagineux brûlant sans donner de suie et dont la dissolution alcoolique est préci- pitable par l’acétate de plomb; 3° une huile à saveur âcre, brûlant avec une flamme fuligineuse et répandant une odeur d’encens; 4° une matière grasse huileuse à saveur àâcre et amère, donnant par la saponification el une précipitation par l'acide chlorhy- drique une matière blanche, rance, solutilisable à la faveur de la vapeur d'eau; — l’ivraie contient une partie de celte substance à l’état de savon soluble dans l'eau; — à l’état libre ces matières ne sont solubles que dans l'alcool et l’éther; 5° une autre, également soluble dans l’eau, constitue une matière jaune visqueuse, d’une saveur àâcre et amère qui, au contact de l'acide sulfurique affaibli bouillant, se transforme en sucre et en acides volatils; 60 un sucre incristallisable ; 7° de l'acide tannique verdissant les sels de fer; 8° un acide semblable au métapectique. L’extrait aqueux contenait: 9° du sulfate de po- tasse; 10° des substances résineuses. Suivant ces auteurs, le principe actif de l’ivraie réside dans les huiles âcres ainsi que dans le principe amer mentionné sous le n° 5. On voit que le résultat de ce travail est en beaucoup de points conforme à celui de Filhol et Baillet et vient le confirmer. (Ces deux auteurs (4) ont analysé les autres espèces du genre lolium. Le lolium linicola leur paraît contenir les principes actifs en quantité égale, sinon supérieure, à celle du lolium temulentum. Ces graines existent quelquefois dans la graine de lin des pharmacies; il faut l'en purger soigneusement; pourtant aucun danger sé- rieux ne pourrait résuller de ce mélange en si minimes proportions. Le Lolium ilalicum est à peu près sans action dans son huile verte, comme dans sa matière extractive; il en est de même du lolium perenne. Cependant, l'huile extraite du grain de cette der- nière espèce n’est pas absolument inactive.) (Les anciens pensaient que les graines de lolium enivraient; ils les consi- déraieut comme un poison. Virgile dit infelix lolium, et dans Plaute on trouve Lolio victitare, pour avoir mal aux yeux, à cause des troubles visuels qu'on avait déjà observés après l’ingestion de la farine de cette plante. Dans les campagnes, par une coupable plaisanterie, on en fait macérer dans les boissons destinées aux personnes que l’on veut mystifier en les enivrant. (1) Mémoires de l'Académie des sciences, elc., de Toulouse, 1864, p. 437. (2) Schweixerische Zeitschrift für Pharmacie, 1859, n° 8. (3) Répertoire de pharmacie, mars 1865, p. 462. (4) Memoires de l'Académie des sciences, elc., de Toulouse, 1864, p. 437. IVRAIE, 533 Nous avons déjà dit que la présence d’une certaine quantité de cette farine dans le pain amenait des accidents plus ou moins sérieux.) Elle a occasionné chez cinq personnes, au rapport de Seeger (4), une pesan- teur de tête avec douleur au front, des vertiges, des lintements d'oreille, le tremblement de la langue, de la gène dans la prononciation, la déglutition et la respiration; des douleurs à l’épigastre, des vomissements, la perte de l'appétit, des envies d'uriner, un tremblement général, une sueur froide sur tout le corps, une grande lassitude et l’assoupissement. Seeger consi- dère le tremblement général comme le symptôme le plus certain. « Un homme, qui mangea du pain fait avec les quatre cinquièmes d’ivraie, mou- rut le quatrième jour à la suite de violentes coliques (2).» (Outre l’empoisonnement aigu, l’ivraie, d’après Bulliard, « attaque à la longue le genre nerveux, au point de causer un tremblement continuel et la paralysie. On lui a même attribué des maladies épidémiques, qui commen- caient par des fièvres accablantes, des assoupissements accompagnés de rê- veries et de transports furieux, et qui dégénéraient en une sorte de para- lysie, qui enlevait en peu de temps ceux qui en étaient attaqués.») D’après les recherches faites à Lyon par Clabaud et Gaspard, l'ivraie est un poison non-seulement pour l’homme, mais aussi pour les moutons, les chevaux, les poissons, tandis qu’elle ne serait pas nuisible aux cochons, aux vaches, aux canards, aux poulets. (Dans les expériences de Filhol et Baillet, que nous allons analyser, les lapins ont joui de la même immunité. Le chat offre aussi au poison une grande résistance. Filhol et Baillet (3) ont expérimenté sur des chiens avec le grain simple- ment écrasé dans un mortier, et le produit de la distillation par l’eau; cette dernière préparation offre une intensité d’action moindre, mais la durée des phénomènes a paru plus grande. Ils ont observé : 4° un tremblement général, plus spécial au train posté- rieur; 2° des contractions spasmodiques ayant leur siége dans les muscles du tronc, du cou, de la face, et imprimant souvent à tout le corps des se- cousses comparables à celles que pourraient produire des décharges élec- triques ; 3° une inquiétude plus ou moins marquée, mais toujours évidente; 4° des mouvements cadencés et comme saccadés pendant la marche, qui, parfois, a été chancelante et mal assurée; 5° une station quelquefois diffi- cile et caractérisée par l'écartement des membres pour élargir la base de sustentation ; 6° une période de somnolence plus ou moins prolongée, qui, presque toujours, a précédé ou suivi le rétablissement complet, au moins une amélioration marquée dans l’état de l'animal. De tous ces symptômes (fait déjà affirmé pour l’homme par Seeger), le tremblement général est celui qui s’est montré avec le plus de constance et a persisté plus long- temps. Filhol et Baillet ont aussi recherché le mode d'action spécial (4) à chacun des deux produits principaux qu'ils ont extraits de l’ivraie. L'huile verte détermine de la salivation, des vomissements, des tremblements généraux, des mouvements convulsifs plus ou moins violents, une raideur tétanique très-marquée dans le cou, dans les membres, dans la queue, une exagéra- tion évidente dans la sensibilité générale, puis de la somnolence. L'action de la matière extractive se traduit aussi par de la salivalion, des vomisse- ments et des mouvements convulsifs, mais on n’observe que peu ou point de tremblements, et jamais de raideur tétanique. Ces symptômes sont rem- "eee meme tree (1) Diss. de lolio temulento. Tubingue, 1710. (2) De La Mazière, Mémoires de la Société royale de médecine, 1777, p. 295. (3) Journal de médecine de Toulouse, 1861, p. 48. (4) Mémoires de l’Académie des sciences, ete., de Toulouse, 1864, p. 436. 53/1 IVRAIE. placés par une prostration musculaire tellement profonde, qu’à un moment donné, toutes les articulations des membres fléchissant à la fois sous le poids du corps, l’animal tombe lourdement sur le sol sans pouvoir se re- lever; la sensibilité est émoussée, et, quand la vie se maintient, l’animal tombe dans un état de somnolence très-marqué. Les lésions cadavériques offrent tous les caractères d’une congestion des centres nerveux, ceux d’une congestion du foie; on trouve aussi une altéra- tion du sang, qui, dans {ous les points de l’économie, se présente avec une couleur noire très-foncée; le plus souvent, on rencontre des traces d’irri- tätion dans le tube digestif. Chez l’homme, on n’a jusqu'à présent observé que les accidents causés par le pain où entre de la farine d’ivraie.) Quoique fort inquiétants, ils compromettent rarement la vie; ils se dissipent plus ou moins prompte- ment par un traitement qui consiste à faire rejeter le poison par le vomisse- ment, ce qu’on obtient en titillant la luette ou en faisant boire abondam- ment une infusion de camomille sans recourir tout d’abord aux émétiques. Puis on combat les effets de l'absorption par les boissons acidulées, le café, les potions vineuses, éthérées, etc. Gallet (1) considère le sucre comme l’antidote de l’ivraie. (Les développements dans lesquels nous venons d’entrer indiqueront as- sez, nous l’espérons, l'importance de la plante qui nous occupe). On a lieu de s'étonner que des expérimentations plus nombreuses ne soient venues éclairer les médecins sur la possibilité de l'emploi thérapeutique de cette plante à l’intérieur. Nous savons aujourd’hui, par l’usage si répandu de la belladone, du stramonium, de l’aconit, que les végétaux les plus dangereux, considérés comme poisons, sont aussi les plus efficaces comme médica- ments lorsque la prudence préside à leur administration. (En Allemagne, les fruits du lolium temulentum sont employés comme stu- péfiants ; par leurs effets, on les compare aux préparations d’aconit, et on en fait usage contre la céphalalgie, la méningite rhumatismale, etc., etc. On l’administre à la dose de 5 à 10 centigr. de quatre à six fois par jour. L’ex- trait à moindre dose. Filhol a pensé qu’il pourrait être utile de tenter l’usage de ce grain dans le traitement de quelques maladies nerveuses, et notamment dans celui de la chorée. J'ai eu dernièrement à mettre cette idée à exécution. M. Leblanc, habile pharmacien à Boulogne-sur-Mer, à préparé, suivant mes indications, un extrait alcoolique d’ivraie recueillie un peu avant la maturité. J’en ai prescrit des pilules de 5 centigr. à un jeune garçon de treize ans, affecté depuis six mois de danse de Saint-Guy, arrivée au plus haut degré d’inten- sité. J'ai débuté par 1 pilule chaque soir. Au bout de cinq jours, le petit malade, qui ne quittait pas le lit, put se tenir un peu sur son séant. Aucun phénomène physiologique d’intolérance ne se produisant, je double la dose; cinq jours après, la station debout devient possible, puis facile; je porte à 15 centigr. en 3 pilules, matin, midi, soir, la dose du médicament; l’amé- lioration n’est plus aussi sensible, et nous devons par prudence attendre une dizaine de jours, afin d'observer les effets du remède et la marche mo- difiée de la maladie. A partir de cette époque, il se produit quelques nau- sées et un peu de superpurgation. Les symptômes, du reste, s’'amendent notablement et graduellement; je diminue de 5 centigr. par jour. Huit jours après, c’est-à-dire à peine trente jours à compter du début du traite- ment, il ne reste plus qu'un peu d’hésitation dans les mouvements, que l’usage méthodique des bains de mer va faire disparaitre. Voilà un fait assez encourageant. Je me propose, lorsque l’occasion s’en présentera, d'essayer de nouveau l'efficacité de la plante qui nous occupe.) (1) Journal général de médecine, t. XVI, p. 116. JACINTHE DES BOIS. — JASMIN. 585 Au temps de Dioscoride, on employait l’ivraie en topique sur les ulcères, les dartres et les écrouelles. Plus tard, on l’a considérée comme détersive, résolutive et antiseptique. Les médecins contro-stimulistes appliquent sur les articulations gonflées et douloureuses des cataplasmes faits avec la farine des semences de lolium temulentum. JACINTHE DES BOIS. Hyacinthus non scriptus. L. Hyacinthus pratensis. Lam. — Hyacinthus cernuus. THuILL. Seilla nutans. SMITH, Scille penchée, — jacinthe de Mars, — potelet. LILIACÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante se trouve en abondance dans les bois. (Deseription.— Hampe de 6 à 8 centimètres. — Feuilles radicales, linéaires, dressées et plus courtes que la hampe. —- Fleurs bleues disposées en un épi penché avant la floraison; pédoncules munis sous chaque fleur de deux bractées colorées (avril- mai). — Corolle en cloche, à six divisions profondes, dont le sommet est roulé en de- hors. — Fruit globuleux, triangulaire. — Style persistant. (Parties usitées. — Les bulbes. Récolte. — À l'automne ou à la fin de l'hiver avant que les feuilles s'ouvrent. Culture. — On propage très-facilement cette plante par semis et par bulbes, elle aime les lieux humides-et ombragés, | Propriétés physiques ct chimiques. — Leroux (1) a tiré des bulbes de jacinthe des bois une substance gommeuse ayant les propriétés physiques et chi- miques de la gomme arabique, et pouvant par conséquent servir aux mêmes usages. Cette plante étant partout très-abondante, la gomme qu’on en pourrait extraire serait d’un prix très-peu élevé, et partant, de nature à fixer l’attention des économistes. Le procédé pour lobtenir est des plus simples : on prend des bulbes frais de jacinthe ; on les écrase dans un mortier ; on verse sur la pulpe une quantité d’eau suffisante pour dissoudre en totalité la gomme qu'elle renferme ; puis on passe au travers d’un tissu de laine ou de toile peu serré, afin de séparer le marc de la solution gommeuse ; on fait évaporer cette deriière au soleil ou au bain-marie jusqu’à consistance de gomme. En procédant de cette manière Dubois de Tournay a retiré 28 gr. environ de gomme, de 272 gr. de bulbes de jacinthe. J'ai obtenu à peu près le même résultat : sur 500 gr. de bulbes, j'ai retiré 57 gr. de gomme. En attendant que la production de la gomme de jacinthe devienne un objet de fabrication industrielle, le médecin de campagne peut tirer parti de ce mucilage, non-seulement en l’extrayant pour le conserver, mais aussi en faisant tout simplement écraser les bulbes récents pour en préparer des boissons mucilagineuses et des loochs extemporanés. JASMIN. Jasminum officinale. L. JASMINÉES. Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. (Arbrisseau originaire du Malabar, cultivé dans nos jardins pour la beauté et l’odeur suave de ses fleurs. On en fait des berceaux. Les variétés voisines, jasminum grandiflorum, jasminum odoratissimun, sont aussi acclimatées dans nos contrées. Beseription. — Tige droite, — Feuilles opposées, pinnatifides, à folioles acu- minées, l’impaire plus grande que les autres. — Fleurs blanches terminales. — Calice tubulé, à cinq, huit lobes subulés, persistant.— Corolle hypocratériforme, à tube allongé, à limbe divisé en cinq, huit lobes profonds, étalés. — Deux étamines incluses. — Ovaire’ (1) Poiret, Histoire philosophique des plantes d'Europe, t. II, p. 299. 536 JOUBARBE. à deux loges uniovulées. — Style court. — Stigmate bifide.— Fruit : baie à deux graines revêtues d’un test coriace. Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs, l'huile essentielle. Culture. — On le multiplie de marcottes et de rejetons. Propriétés physiques et chimiques. — Les jasmins contiennent une essence très-volatile qui ne peut être obtenue par distillation ; on l'extrait en soumet- tant à la pression des couches de fleurs préalablement séparées par des couches de coton imbibé d'huile de lin. Il suffit de presser de nouveau le coton seul, pour obtenir une huile rendue odorante par l'essence de jasmin. Les fleurs de cet arbrisseau ont été recommandées en infusion contre les toux opiniâtres; elles sont regardées comme antispasmodiques et légère- ment narcotiques. L’essence était réputée céphalique, cordiale, et entrait dans plusieurs composés pharmaceutiques. On a préconisé l’huile de jasmin en frictions dans les paralysies et les maladies nerveuses. Il serait curieux de rechercher si notre jasmin participe des propriétés antidartreuses attribuées dans l’Inde au jasminum angustifolium (1), et de l’action tænifuge du jasminum floribundum qui habite l'Abyssinie) (2). JOUBARBE. Sempervivum tectorum. L. Sedum majus vulgare. GC. BAUH. — Sedum majus. TOuURN. — Sempervivum majus. GER. Grande joubarbe, — joubarbe des toits, — jombarbe, — artichaut sauvage, — herbe aux cors. CRASSULACÉES. Fam. nat, — DODÉCANDRIE DODÉCAGYNIE, La grande joubarbe (PI. XXII), plante vivace qui, jeune, a tout l’aspect d’une tête d’artichaut, se rencontre partout sur les toits de chaume, les ruines, les vieux murs. Elle est honorée, par les habitants des campagnes, d’une sorte de respect religieux, sans doute à cause de son usage très- répandu dans la médecine populaire et traditionnelle. Le peuple, dans cer- taines contrées, lui accorde la puissance d'empêcher les,maléfices des sor- ciers. Les chèvres et les moutons la mangent; mais les vaches la refusent. Description. — Racines allongées, fibreuses, traçantes, peu ramifiées. — Tige simple, haute de 30 à 50 centimètres, molle, cylindrique, charnue, soyeuse, ayant des rameaux florifères. — Feuilles sessiles, ovales-oblongues, épaisses, tendres et charnues, formant, près du collet de la racine, des rosettes persistantes du centre desquelles s’é- lève la tige. — Fleurs roses, purpurines, disposées en corymbe terminal (juillet-août- septembre.) — Calice profondément divisé en douze ou quinze folioles aiguës. — Douze pétales lancéolés. — Vingt-quatre à trente étamines. — Douze à quinze ovaires à styles simples courbés en dehors. — Fruit : se compose de douze petits follicules velus, glan- duleux, rapprochés à la base, divergents au sommet, renfermant les semences placées sur un seul rang, à la suture de chaque capsule. Parties usitées. — Toute la plante, et notamment les feuilles. Récolte. — 11 faut choisir les feuilles les plus fortes des rosettes dont la tige n’est pas encore montée. Cette plante est ordinairement employée fraiche. [Culture.— Cette plante se propage avec la plus grande facilité par graines, par drageons, par éclats de touffes; elle pousse sur les toits et les chaumes, elle ne de- mande aucun soin.] Propriétés physiques et chimiques.— Les feuilles de joubarbe offrent au goût un sentiment de fraicheur et d’astringence. Le suc contient beaucoup d’albu- mine et de sur-malate de chaux. La joubarbe est réfrigérante, astringente, antispasmodique, détersive. (1) Ainslie, Matière médicale indienne, t. IT, p. 52. (2) Reveil, Formulaire des médicaments nouveaux, p. 272. JOUBARBE. 537 On employait autrefois le suc de cette plante contre les fièvres inflamma- toires, bilieuses et intermitlentes, la dysenterie, les maladies convulsives, la chorée, l’épilepsie, etc. C’est un remède vulgaire dans la brûlure, les inflammations superficielles, les plaies gangréneuses, les ulcères sordides, les cors, etc. Boerhaave recommande le suc de joubarbe dans la dysenterie. Roques en a fait l'épreuve, et avec un succès rapide, sur une fille qui était affectée de- puis plusicurs jours d’une diarrhée sanguinolente, accompagnée d’épreintes et de coliques. Reichel (1) a vanté le suc exprimé de la grande joubarbe comme un nar- cotique spécifique dans les affections spasmodiques qui tiennent à des troubles fogctionnels de l'utérus, et non à une lésion organique. Autant, dit-il, la valériane et le castoréum sont indiqués quand les troubles affectent le système nerveux, autant la joubarbe convient quand c’est le système vas- culaire qui est affecté, ce qu’on reconnait surtout à l'existence de douleurs fixes et pulsatives dans la région hypogastrique, de pesanteur dans le bassin, à l’augmentation de la chaleur animale, à une plus grande rapidité de la circulation. Le même remède réussit aussi dans l’aménorrhée et la dysmé- norrhée. Le suc de joubarbe, fraîchement exprimé, s’administre, dans cette circonstance, à la dose d’une demi-cuillerée à café, trois ou quatre fois par jour, dans un peu d’eau sucrée. Si les spasmes utérins, ajoute Reichel, se portent plutôt sur la sensibilité que sur la circulation; si les extrémités sont froides, l'urine pâle, on associe ce suc à partie égale d’alcoolé de valé- riane, et à moitié seulement d’alcoolé de castoréum : on donne 20 gouttes de ce mélange sur du sucre trois ou quatre fois par jour. On peut prescrire en même temps pour tisane une infusion de quelques feuilles de la plante fraiche, associée à des plantes aromatiques, telles que la mélisse. Selon Tournefort, rien n’est meilleur pour les chevaux fourbus que de leur faire avaler une chopine (500 gr.) de suc de joubarbe. L'usage de la joubarbe, à l'extérieur, a été recommandé dans diverses affections. On s’en est bien trouvé dans la surdité qui a pour cause l’endur- cissement du cérumen, ou une exsudation inflammatoire, que la maladie soit ou non accompagnée d’un écoulement de mauvaise odeur. On instlle dans ces cas, plusieurs fois par jour, quelques gouttes du suc dans les oreilles, et on les y maintient avec un petit bourdonnet de coton ouaté. Forestus employait en onctions sur les ulcérations serpigineuses de la face (serpigo), chez les enfants, un mélange de suc de joubarbe et de craie pul- vérisée, en consistance de liniment. J'ai employé ce liniment avec avantage dans l'eczéma aigu avec exsudation séro-purulente abondante. Leclerc re- garde comme un excellent remède contre l’ophthalmie commencçante la jou- barbe pilée avec autant de feuilles de fenouil et appliquée sur les yeux. Boyer appliquait sur les irritations de la peau, sur les dartres vives, ron- geantes, les fissures, les ulcérations profondes, une pommade adoucissante composée de suc de joubarbe, 90 gr.; d’axonge lavée, de chaque, 90 gr.; d'huile d'amande douce, 120 gr. Le suc de celte plante, mêlé à parties égales d'huile de millepertuis, d’eau de chaux et d’axonge, forme une pom- made employée avec succès contre les affections prurigineuses des parties génitales. J'ai vu employer le sue de joubarbe étendu dans une suffisante quantité d’eau, en gargarisme, avec du miel, dans l’angine tonsillaire. Il m'a paru produire un très-bon effet dans cette affection, où, comme on sait, les astringents réussissent beaucoup mieux que les émollients. Ce même suc, seul ou battu avec de l’huile d'olive ou de noix, appliqué sur les brûlures du premier et du deuxième degré, apaise les douleurs et prévient les RE (1) Abeille médicale, t. IT, p. 317. 538 JOUBARBE. phlyctènes; mais il faut en renouveler souvent l’application. On a préconisé les injections pratiquées avec le suc de cette plante dans le cas de fissures à l'anus. Je l'ai vu produire aussi de bons effets dans les inflammations trau- matiques, les hémorrhoïdes douloureuses, etc., comme réfrigérant. En cette dernière qualité, J'ai souvent appliqué la joubarbe pilée sur le front pour calmer la céphalalgie fébrile; elle m’a fréquemment réussi dans ce cas; mais, comme pour les brûlures, je faisais constamment renouveler ce to- pique, que tous les paysans connaissent et emploient journellement. Ils tiennent aussi du suc de joubarbe dans la bouche pour s'opposer à la sé- cheresse de la langue dans les fièvres bilieuses, inflammatoires ou typhoïdes, J'ai vu, dans ces circonstances, de même que dans les aphthes, des malades éprouver beaucoup de soulagement, en se gargarisant avec un mélange de ce sue, d’eau et de miel. Je fais usage dans le muguet du collutoire suivant: suc de joubarbe et miel, de chaque 60 gr.; alun, 1 gr. 20 centigr. On en fait l'application plusieurs fois par jour avec un plumasseau. Des hémorrhagies nasales ont cessé à l’instant même par l'effet d’un cata- plasme de feuilles de joubarbe pilées avec du vinaigre et appliqué à froid sur le scrotum. Cette plante est un remède populaire contre les cors. On dépouille les feuilles de leur cuticule, puis on les applique sur les points malades; elles dissipent les douleurs et cautérisent peu à peu les parties en- durcies. Le suc de cette plante et celui de lierre, mélangés à parties égales, dont on imbibe un peu de charpie fine, qu’on pose sur le cor en l’y main- tenant à demeure, est un topique qui, dit-on, le détruit en deux ou trois applications. JOUBARBE (retire). Sedum acre. L. Sempervivum minus vermiculatum acre. CG. BAUH. — Sedum parvum acre flore luteo. JS. Baun., ToURN. — Vermicularis sive illecebra minor acris. GER. — Illecebra minor, sive sedum Dioscoridis. PARK. Vermiculaire, — vermiculaire brûlante, — sedon âcre, — joubarbe brûlante, — sedon brûlant, orpin brûlant, — poivre des murailles, — illécébra, — pain d'oiseau, herbe Saint-Jean. CRASSULACÉES Fam. nat. — DÉCANDRIE PENTAGYNIE. L. Cette plante vivace { PI. XXII), qui n'appartient pas au même genre que la précédente, croît sur les vieilles murailles et dans les lieux secs, pier- reux, sablonneux. Descriptiom,— Racine: souche grêle, rampante, un peu fibreuse. — Tiges nombreuses, peu rameuses, longues de 5 à 40 centimètres. — Feuilles rombreuses, épaisses, droites, courtes, pressées, ovoides, devenant jaunes en vieillissant, — Fleurs sessiles, d’un beau jaune, situées le long des rameaux d’une cyme séparée ordinairement en trois branches (juin-juillet), — Galice à cinq divisions. — Cinq pétales ovales, lan- céolés, aigus. — Dix étamines, quelquefois douze. — Cinq ovaires. — Cinq styles. — Fruit consistant en cinq capsules uniloculaires réunies par la base, ouvertes en étoiles au sommet, polyspermes ; graines verruqueuses. Parties usitées. — Toute la plante. Hécolte. — Elle est souvent employée fraîche ; on la trouve verte pendant toute l'année ; mais elle n’a acquis toute son énergie qu'en septembre ou octobre. Quand on veut la conserver, on la fait ordinairement sécher au four. [Culture. — Comme la précédente.] Propriétés physiques et chimiques. — Celte plante est inodore et d’une saveur chaude, piquante et àcre. Son àcrelé, qui parait résider dans le suc, se perd presque en entier par la dessiccation. Sa décoction aqueuse, jaunàtre, inodore, âcre et nauséeuse, n'éprouve aucun changement par le contact du sulfate de fer, Le principe âcre de cette plante accompagne une matière grasse que dissout l’éther ; l’eau JOUBARBE. 539 en digestion sur le résidu éthéré de cette solution se charge du principe âcre, d’après Caventon, Ce principe consiste, suivant ce chimiste, en une matière qui a quelque ressem- blance avec la bile cystique, d’une âcreté extrème, qui persiste longtemps dans larrière- beuche, 30 gr. 1/2 de sedum arre lui a fourni environ 2 gr. de cette matière jaune, de sorte que 10 centigr. de celle-ci équivalent à 2 gr. de vermiculaire. . PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, A L'intérieur. — Décoction, dans l’eau ou la | A L'EXTÉRIEUR. — Suc pur ou délayé, décoc- bière (une poignée pour 1 kilogr. d’eau). tion dans la bière ou dans l’eau, pour lo- Suc dépuré, de 4 à 15 gr., et même 30 gr., tions, fomentations, en cataplasmes, après selon l'effet qu'on veut produire. l'avoir pilé. Poudre, de 25 centigr. à 1 gr. dans un yéhi- cule approprié. Le sedon brûlant est un poison âcre. Le suc des tiges et des feuilles, pris à la dose de 30 gr., provoque d’abondantes évacuations et l’inflammation du tube digestif, Orfila a constaté par des expériences qu’à la dose de 185 gr. ce sue devient un véritable poison pour les chiens. Il a trouvé la membrane muqueuse d’une couleur rouge de feu dans la moitié qui avoisine le py- lore; le canal intestinal parut sain. Dans le cas d’empoisonnement par ce végétal, on aurait recours au traitement indiqué aux articles BRYONE, CHÉLr- DOINE, etc. Considérée au point de vue thérapeutique, cette plante est un éméto- cathartique violent, et que l’on ne doit administrer qu'avec une extrème prudence, À dose modérée, elle a une action secondaire ou consécutive sur différents appareils organiques qui lui a fait donner les qualifications de diurétique, apéritive, fébrifuge, fondante, etc., etc.; et, comme beau- coup d’autres plantes actives, elle a été employée dans le traitement de plusieurs maladies, et particulièrement contre le scorbut, les fièvres inter- mittentes, l’hydropisie, l’épilepsie, la chorée, etc. Linné (4) dit qu’on donne la vermiculaire en Suède contre le scorbut. Gunner, Borrichius (2), prétendent avoir guéri des milliers de scorbutiques avec cette plante. Below (3), médecin suédois, l’administrait à l’intérieur en décoction dans le lait ou la bière contre cette affection, et l’appliquait sur les ulcères et sur les contractures des membres qui surviennent quel- quefois dans certaines périodes du scorbut. Pour l’usage interne, il faisait bouillir à vase clos huit poignées de vermiculaire dans 8 livres de vieille bière, jusqu'à réduction de la moitié, et en faisait boire chaque jour, ou de deux jours l’un, 100 à 120 gr. le matin à jeun. Les malades qui vomissaient les premiers jours étaient plus tôt guéris. Chez ceux dont les gencives étaient gâtées, et dont les dents vacillaient, il ordonnait un gargarisme composé de cette décoction, à laquelle il ajoutait un peu d’alun et de miel rosat. Lange, dans les mêmes indications, mitigeait cette plante en la fai- sant bouillir dans du lait de chèvre. Dans quelques parties de la Suède, au rapport de Linné, cette plante est employée contre les fièvres intermittentes; on fait prendre, une heure avant l’accès, la décoction d’une poignée des feuilles dans 1 kilogr. de bière réduite à moitié, divisée en plusieurs tasses ; ce qui suffit pour couper ces fièvres. Il est à remarquer que ce remède produit un ou plusieurs vo- missements. Les gens du peuple de Brunswick, pour se guérir des fièvres intermittentes, se font vomir en avalant une demi-cuillerée de suc exprimé de cette joubarbe mêlée avec du vin. Bocrhaave avait déjà fait connaitre qu'un charlatan employait l’infusion de cette plante pour guérir la fièvre quarte et d'autres affections chroniques. (1) Fée, Vie de Linné, p. 159. 2) In Bulliard, Plantes vénéneuses, p. 345. 3) Mise. natur. cur., déc. 1, an. vr, obs. 22, 540 JOUBARBE. A la dose de 4 à 8 gr., le suc de sedum acre excite seulement quelques nausées et agit comme diurétique efficace. Donné sous cette forme comme altérant, Gilibert le recommande comme un excellent remède dans les em- pâtements des viscères abdominaux, dans l’ictère et dans la chlorose. Blegny (1) dit que l’eau distillée du suc de cette plante, à la dose de 4 onces (120 gr.), mêlée à 1 once (30 gr.) de suc de citron, est utile dans là colique néphrétique, et pour faire rendre des graviers. N'oublions pas, toutefois, que l'emploi de ce médicament dans ces cas doit être subordonné à l’état des organes malades, et qu’il serait dangereux quand il y a irritation ou phlegmasie chronique des voies urinaires. Plusieurs faits, publiés en Allemagne et en France, semblent annoncer que cette plante a été administrée avec succès dans quelques cas d’épilepsie ; mais, ainsi que la plupart des praticiens l’ont remarqué, cela n’a pu arriver que lorsque les purgatifs et les vomitifs quelconques auraient pu amener le même résultat, en produisant les mêmes effets révulsifs. Ne peut-on pas en dire autant de son administration avant l’accès des fièvres intermit- tentes ? Quoique les bons effets de ce remède dans l’épilepsie ne puissent être attribués, ainsi que nous venons de le dire, qu'à son action sur le tube digestif comme émélo-cathartique, ils n’en méritent pas moins d’être pris en considération par les praticiens. Consultez : Laubender (2), cité dans le Journal de médecine de Leroux (3); Peters (4) ; le Journal des progrès, année 1829 ; Fauverge (5); Godier (6). Esquirol, au rapport de Mérat et Delens, a employé ce médicament sur une douzaine d’épileptiques, à la dose de 6 gr. par jour, pendant deux où trois mois, sans le moindre succès.» Mais cette dose d’un gros et demi, qui ne produisit que quelques nausées, nous fait craindre, disent Mérat et Delens, que le médicament n'ait été mal préparé, outre qu’on sait combien ils sont mal pris en général dans les hôpitaux, où les expériences sont presque toujours peu suivies. » Le défaut de vomissement, et par conséquent de révulsion, me paraît une cause suffisante de non-réussite, et vient à l’ap- pui de l'opinion que j'ai émise plus haut sur l’action de la vermiculaire dans l’épilepsie. Néanmoins, on peut conclure, avec Mérat et Delens : 1° que le sedum acre a presque toujours été utile contre cette maladie; 20 qu'il a le plus souvent éloigné les accès et diminué leur intensité; 3° que quelques malades ont été complétement guéris. Déjà Quesnay (7) avait employé avec succès la vermiculaire fraîche en to- pique dans le cancer, lorsque Marquet (de Nancy) (8) vint fixer de nouveau l'attention des praticiens, en publiant un assez grand nombre de faits sur cette plante dans le traitement des affections cancéreuses, des plaies gan- gréneuses, des ulcères de mauvaise nature, de la teigne. Ce praticien faisait piler la plante dans un mortier, et après l'avoir réduite en pâte, il y ajoutait un peu d'huile d'olive, et en faisait un cataplasme qu'il appliquait soir et matin sur la partie malade. Dans les ulcères fistuleux, il pratiquait des in- jections, soit avec le sue, soit avec la décoction. Plusieurs autres praticiens, tels que P. Em. Hartmann (9); Doron, médecin de Saint-Diez; d’Arbois, chirurgien à Réthel; Tournin, chirurgien de l’empereur d'Autriche; Robert, (1) Zodiac. gall., ann. 11, p. 71. (2) Annales de médecine d'Altembourg, 1804. (3) Tome X, p. 453. (4) Journal de Hufeland, février 1815. (5) Journal général de médecine, t. XCVIII, p. 152. (6) Zbid., t. CVIIT, p. 141. (7) Traité de l’art de guérir par la suignée. Paris, 1736. (8) Observations sur la guérison de plusieurs maladies notables. Paris, 1750. (9) Dissert. de sedo acri Linn., ejusque virtute in cancro aperto et exulcerato. Francfort, 1784. JOUBARBE. 541 et Pierrot, chirurgien de Nancy ; Tournon et Verney, etc., disent avoir aussi à se louer de l'emploi de cette plante dans les affections où Marquet l'avait employée avec succès. Hévin prescrit dans le noli me tangere l'application assidue de la petite joubarbe vermiculaire. On lapplique, dit cet auteur, après l'avoir légère- ment contuse avec le manche d’un couteau pour en exprimer le jus. Lom- bard (1) rapporte trois cas de guérison de cancer par l'emploi du sedon âcre. Dans l’un des cas, il s’agit d’un chancre hideux au nez, dont la guéri- son fut opérée en trente-deux jours. Pilhes (Roques), inspecteur des eaux d'Ussat, s'est également bien trouvé de l'usage de cette plante dans deux cas d’ulcères cancroïdes. Tarbès (2) a vu le mème moyen guérir en vingt-neuf jours un ulcère cancéreux à la lèvre inférieure, chez un homme de quarante- cinq ans..Buniva, de Turin (3), dit que les Piémontais font un fréquent usage de cette plante dans le traitement des ulcères cancroïdes, et que les succès qu'ils en obtiennent sont très-nombreux. Royer (4), médecin-vétérinaire à Montptllier, s’est servi du sedon brûlant pendant vingt-huit ans, et en a retiré des avantages marqués dans les ulcères cancéreux des chiens, dans le traitement des ulcères rebelles, à la suite des gales humides et opiniâtres. Alibert a eu occasion d’essayer les effets de cette plante sur un cancer ulcéré du sein et sur un ulcère cancéreux du nez. L'application en fut sup- portée difficilement durant les premiers jours; mais on s’y habitua peu à peu. « Le résultat que nous avons obtenu, dit Alibert, semble prouver qu'elle (la petite joubarbe) est douée de vertus détersives très-énergiques. » Je n'ai trouvé dans la vermiculaire, appliquée sur les cancères ulcérés, qu'une propriété fortement détersive, mais rien de spécial contre ces affec- tions. Il est vrai que je ne l’ai mise en usage que dans le cancer du sein, où, je dois le dire, la décoction de cette plante ou son suc, selon l’effet plus ou moins actif que je désirais produire, m'a été très-utile dans tous les cas où j'avais en vue de diminuer la fétidité de l’ichor cancéreux, de combattre la gangrène, de dégorger les surfaces fongueuses. Je n'ai pas eu l’occasion de l’appliquer sur des ulcères cancéreux ou cancroïdes de la peau. Le sedum acre a été employé comme résolutif dans le traitement des tumeurs du sein. Debout (5) rapporte le fait d’une tumeur au sein qui, jus- qu’à la ménopause, était restée complétement stationnaire. A cette époque, et sans que la tumeur eût fait des progrès notables, la malade concut des inquiétudes et consulta. Divers remèdes furent inutilement employés. Elle eut recours alors à un Cataplasme composé, dont la partie active était le sedum acre. Dès les premières applications de ce topique, la douleur inter- mittente, dont la tumeur était le siége, avait perdu de sa fréquence et de son acuité. La malade continua ce moyen pendant plusieurs mois. Le volume de la tumeur diminua peu à peu et disparut enfin complétement. Cette plante, pilée et réduite en pulpe, appliquée sur les tumeurs blanches indolentes, l’hydarthrose, les engorgements lymphatiques et glanduleux, a souvent produit de bons effets. Dans ces cas, je la mêle quelquefois avec plus ou moins de feuilles d’oseille comme pour les feuilles d’arum, dont l’action résolutive est à peu près la même. Les succès que Marquet a obtenus de l’emploi du sedon âcre contre la teigne sont de nature à appeler l'attention des praticiens. Pendant quarante ans qu’il a appliqué cette plante pilée sur la tête des teigneux, il dit avoir toujours réussi. C’est, ajoute-t-il, un doux caustique qui enlève et fait tom- (1) Journal général de médecine, t. XXVIIL. (2) /bid. (3) Ibid. (4) Ibid. (5) Bulletin général de thérapeutique, t. XLI, p. 541. 542 - JUJUBIER. — JULIENNE,. ber toutes les croûtes, sans causer aucune douleur. Doron a guéri des tei- gnes qui avaient résislé à tous les moyens employés en pareil cas, en appli- quant sur la tête un mélange de parties égales de vermiculaire et de beurre fondu. Le suc et la pulpe de petite joubarbe jouissent de beaucoup de vogue dans le peuple pour le traitement des cors et des durillons. On alterne l’em- ploi de cette dernière avec celui de la grande joubarbe, qui est même plus fréquemment employée et qu’on applique entière, après avoir enlevé la pel- licule qui la recouvre. La vermiculaire, plante vulgaire, presque abandonnée, et pourtant très- énergique, doit appeler l'attention des praticiens. JUJUBIER. Rhamnus zizyphus. L. Zizyphus vulgaris. — Jujubæ majores oblonguæ. Baux. XHAMNÉES. — ZIZYPHÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L, [Le jujubier, originaire de Syrie, a été apporté en Italie sous le règne d’Auguste, et est aujourd’hui naturalisé dans toute la Provence, et surtout aux îles d'Hyères, d'où nous viennent les fruits ; il végète péniblement sous le climat de Paris.] Description. — Arbre de grandeur moyenne, à racines drageonnantes. — Tige haute de 6 à 40 mètres, tortueuse ; écorce brune, raboleuse; rameaux très-nombreux, grêles, filiformes, épineux, flexueux. — Feuilles alternes, à trois ou cinq nervures lon- gitudinales, saillantes. — Fleurs petites, d’un jaune pâle, solitaires. — Calice à cinq sépales. — Corolle à cinq pétales. — Cinq étamines à filets courts; anthères rouges. — Pistil composé de deux ovaires. — Style simple. — Stigmate globuleux. — Fruit : drupe ovoïde, chair jaunätre, visqueuse; noyau allongé, dur, divisé en deux loges avec deux graines aplalies, jaunâtres. Parties usitées. — Les fruils, appelés jnjubes. KHécolte.— On les récolte à leur maturité, on les fait sécher au soleil ; elles nous viennent d'Algérie, de Provence, surtout des îles d’Hyères. Culture. — Le jujubier est cultivé comme arbre d'agrément et comme arbre frui- tier; on en fait des haies; on le multiplie de racines ou de graines semées sur couche ou sous châssis ; dans le Nord il exige l’orangerie. Propriétés physiques et chimiques. — Les jujubes possèdent une saveur mucilagineuse et sucrée, un peu astringente ; els font partie des fruits pec- toraux. (A l’état frais, les fruits du jujubier sont agréables et assez nourrissants ; desséchées les jujubes sont pectorales, béchiques. On en prépare par décoc- tion (30 à 60 gr. pour 1,000) des tisanes calmantes, émollientes, mucilagi- neuses, légèrement diurétiques, qui conviennent dans toutes les maladies inflammatoires, et surtout celles ayant la muqueuse pulmonaire pour siége. On fait aussi un sirop de jujubes qui a joui d’une grande réputation comme pectoral. Une décoction concentrée de ces fruits, dans laquelle on fait dissoudre de la gomme arabique et du sucre, forme la pâte dite de jujubes, qui trop souvent n’a de jujubes que le nom. Certains fabricants n’y introduisent au- cun principe actif, d’autres y ajoutent de l’opium..….) JULIENNE. Hesperis matronalis. L. Hesperis hortensis. BAUH. — Viola matronalis. Hespéride des jardins, — aragone, — giroflée musquée, — julienne des dames. CRUCIFÈRES. — SISYMBRIÉES. Fam. nat, — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. Plante vivace, que l’on cultive dans les jardins pour la beauté et la bonne JUSQUIAME, 043 odeur de ses fleurs. Elle vient spontanément dans les lieux couverts, les haies, les bois. Deseription.— Tige droite, ordinairement simple, munie de poils épais, rudes et tuberculeux à la base. — Feuilles ovales-lancéolées, aiguës, denticulées, pubescentes, un peu rétrécies en pétiole. — Fleurs blanches ou violettes (mai-juin), — Pétales obli- quement fléchis, légèrement échancrés; une petite pointe dans l’échancrure., — Calice fermé. — Cette plante, d’une saveur piquante et un peu âcre, paraît contenir les mêmes principes que les autres crucifères, [Parties usitées, — La plante entière. Récolte. — Pendant la floraison ; elle perd ses propriétés par la dessiccalion. Culture. — Cette plante croît dans tous les sols et à toutes les expositions ; on la propage très-facilement de graines ou d'éclats de pieds. Propriétés physiques et chimiques.— Son odeur fort aromatique, sa saveur âcre la rapprochent, par sa composition, du cresson, du cochléaria, de 1a carda- mine, etc. | La julienne, de la famille des crucifères, et que l’on n’emploie pas en médecine, bien qu’elle soit très-active, peut être mise en usage dans tous les cas où le cresson, le cochléaria, le raifort, la capucine, la cardamine, etc., sont indiqués. (Boerhaave et Clusius l’estimaient sudorifique, incisive et apéritive.) Je lai employée avec succès dans les affections scorbutiques, dans les catarrhes pulmonaires chroniques, l’asthme humide, les affections scrofuleuses, lanasarque et les cachexies qui suivent ou accompagnent les fièvres intermittentes. Je fais prendre son suc pur ou mêlé avec le lait ou le petit lait. L'infusion ou la décoction des feuilles fraîches, à vase clos, est aussi employée, de même que le vin dans lequel on a fait macérer ces mêmes feuilles. Ces préparations activent les fonctions de la peau et celles des reins. A ce litre, elles conviennent dans la gravelle sans irritation, l’al- buminurie chronique, les hydrépisies, etc. Les feuilles fraiches de julienne, broyées et appliquées en cataplasme, sont résolutives et détersives. J’ai employé ce topique avec avantage sur les tumeurs scrofuleuses, les engorgements lymphatiques, œdémateux, les ulcères scorbutiques, atoniques, fongueux, sordides ou gangréneux. Cette plante, qui possède des propriétés rubéfiantes assez prononcées, mérite de prendre rang dans la matière médicale indigène. JUSQUIAME. Hyosciamus niger. L. Hyosciamus vulgaris vel niger. BAUH., TOURN. — Hyosciamus. Fucns. Jusquiame noire, —jusquiame commune, — hanebane, — potelée, — herbe aux engelures, mort-aux-poules, — herbe à teigne, — porcelet. SOLANÉES. — HYOSCIAMÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L, La jusquiame noire (PI. XXII), plante bisannuelle, croît dans toute la France, autour des villages, des hameaux, des fermes, sur le bord des che- mins, des fossés. Les chèvres et les vaches la broutent sans inconvénient ; les cochons et les brebis l’aiment beaucoup. Descriptiom.— Racines épaisses, ridées, brunes en dehors, blanches en dedans. — Tige velue, haute de 50 à 60 centimètres, épaisse, rameuse, cylindrique. — Feuilles alternes, amplexicaules, cotonneuses, lancéolées, profondément découpées à leurs bords. — Fleurs assez grandes, hermaphrodites, d’un brun jaunâtre, marquées de pourpre et à limbe veiné de lignes brunes ; presque sessiles, disposées en longs épis unilatéraux, feuillés, scorpioïdes (mai-juin-juillet). — Calice tubulé à cinq lobes. — Corolle hypo- gyne presque campanulée à cinq découpures inégales. — Cinq étamines un peu sail- Jantes, hors du tube, à filets un peu arqués. — Un ovaire surmonté d’un style et d’un stigmale. — Fruit : capsule renfermée dans le tube du calice, biloculaire, ovale-obtuse, 54! JUSQUIAME. operculée, renflée à la base, contenant des semences grisàtres et nombreuses, à péri- sperme épais, charnu. Parties usitées.— Les feuilles, la racine et les semences. Récolte. — La récolte de la jusquiame doit être faite lorsqu'elle est en pleine vé- gétation, un peu avant la floraison. On la fait sécher à l’étuve avec soin et prompte- ment, ses feuilles étant grasses et visqueuses. La racine de la seconde année sera pré- férée à celle de la premiere, La plante sauvage et celle du Midi sont plus actives que celle qui est récoltée dans le Nord ou que l’on a cultivée. Elle est aussi moins active au printemps. La racine a été quelquefois prise pour celle de chicorée et du panais, aux- quelles elle ressemble beaucoup. Les pousses de jusquiame venues à l'ombre et presque soustraites à l’action de la lumière ressemblent à des pissenlits qui seraient poussés dans une motte de terre, et peuvent être cueillies pour ces derniers. Ces méprises causent quelquefois des accidents plus ou moins graves. [Cualture.— La jusquiame se multiplie de graines en terre légère et sèche ou dans des décombres.] Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties de cette plante exhalent une odeur fortement vireuse, repoussante, lorsqu'elles sont fraîches, moins prononcée à l’état de dessiccation. Leur saveur est d’abord fade, puis âcre, désa- gréable, nauséabonde, Brandes (1), en analysant les semences, y a découvert un principe actif qu’il a nommé hyosciumine. Cette substance est blanche, d’une saveur âcre et désagréable, cristallisée en aiguilles soyeuses, très-soluble dans l’eau. Elle est volatile presque sans décomposition ; toujours cependant il se fait un peu d’ammoniaque, il s’en fait même quand on chauffe de l’hyosciamine avec de l’eau. Elle est précipitée par l’iode en brun, par la noix de galle en blanc, par le chlorure d’or en blanc jaunâtre ; mais le chlorure de platine ne la précipite pas. Elle possède ce caractère remarquable de trans- formation qui se manifeste avec l’atropine au contact prolongé de l’air et de l’eau; et de même encore que l’atropine, elle ne perd pas par là ses propriétés vénéneuses, (Sou- beiran.) L'hyosciamine existe dans les feuilles et les semences de jusquiame. Elle est plus difficile à obtenir que l’atropine, parce qu’elle est plus soluble dans l'eau. Elle a, du reste, la plus grande analogie avec cette dernière. (Garrod (2), comme nous l’avons déjà dit à l’article BELLADONE, pense que l’hyoscia- mine est détruite en présence des alcalis caustiques, et ne subit nul changement par la présence des bicarbonates alcalins.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 2 à 3 gr. pour 1,000 gr. d’eau. Suc, 1 à 4 gr. en potion (progressivement). Extrait par le suc épaissi, 1 à 15 centigr. Extrait aqueux, 1 à 15 centigr. en potion, pi- lules, etc. Extrait alcoolique et extrait de semences, 1 à 10 centigr. en potion, pilules, etc. Teinture avec les feuilles fraîches ou les se- mences (1 sur 12 d’alcool), 50 centigr. à k gr. Teinture avec les feuilles sèches (1 sur 5 d’al- cool à 22 degrés), 1 à 4 gr. en potion. Teinture éthérée (1 de feuilles sèches sur 6 d’éther sulfurique), 5 centigr. à 1 gr. en po- tion. Sirop de suc (2 de teinture de feuilles fraîches sur 15 de sucre et 7 d’eau), de 5 à 30 gr. en potion. Sirop d'extrait (1 d'extrait sur 125 d’eau et 250 de sirop de sucre bouillant), de 5 à 30 gr. en potion. Poudre, 5 à 20 centigr. en pilules ou dans un liquide. A L’EXTÉRIEUR, — Décoction (de 20 à 30 gr. par kilogramme d’eau), en fomentations, lotions, fumigations, et feuilles en cata- plasmes, Extrait, de 50 centigr. à 2 gr. par la méthode endermique. En pommade (1 sur 2 d’axonge ou de glycé- rolé), pour ônction. Huile (1 de jnsquiame fraîche sur 2 d’huile d'olives), en liniment, embrocations. (Savon de jusquiame (Buckers), 3 parties de teinture alcoolique concentrée pour 1 de savon à base de soude (3). Même usage que l'huile, favorise davantage l'absorption.) Le suc et le decoctum de racine de jus- quiame noire en pleine végétation jouissent de propriétés très-énergiques; mais leurs effets sont moindres si on les emploie au commen- cement du printemps. Le suc des feuilles est moins actif; l'extrait aqueux, préparé en faisant évaporer au bain-marie le suc de la plante fraîche en pleine végétation, jouit à peu près des mêmes propriétés vénéneuses que le suc, tandis qu’il est beaucoup moins actif lorsqu'il a été obtenu par décoction de la plante peu développée ou trop desséchée : ce qui explique (1) Sur la substance narcotique de la jusquiame, in Arch. bot., 1832, t. I, p. 475. (2) Bulletin de thérapeutique, 30 janvier 1858. (3) Courrier médical, 20 août 1858. JUSQUIAME, 0/45 pourquoi certains extraits de jusquiame, chez les pharmaciens, ne possèdent aucune vertu. .L'extrait le mieux préparé ne doit pas être employé lorsqu'il a plus d’un an. Il résulte des expériences de Schrof (1) que toutes les préparations de jusquiame ont Ja même action et diffèrent seulement en éner- gie. La plus faible est la poudre des feuilles, la racine d’un an est plus active, mais cède le pas aux extraits. L'extrait alcoolique et l’ex- trait éthéré alcoolique des semences sont les plus actifs. Il est trois fois plus énergique que l'extrait obtenu par l’évaporation du suc, et deux fois plus que l'extrait alcoolique des feuilles. L'huile grasse qui surnage est plus active que le fond; mais l'extrait alcoolique de semences, quoique plus actif que tous les servant aussi bien et ne pouvant être altérés par la chaleur. Les extraits secs sont très- hygrométriques, et la petite quantité d’alcool qui se trouve encore dans l'extrait mou aide à le préserver de la décomposition. On ne peut donc être sûr de l'extrait sec. — Schroff a es- siyé l'huile de jusquiame obtenue par la dé- coction des feuilles et par expression des se- mences à froid. Elles sont peu actives; mais la première l’est plus que la seconde, La jusquiame noire entre dans les pilules de cynoglosse, dans le baume tranquille, dans l’onguent populeum. Ses semences entraient dans un grand nombre de préparations de l’ancienne pharmacie, telles que le philonium romanum, le requies de Nicolas Myrepsus, les trochiques d’alkékenge, etc., relégués depuis autres, présente plusieurs inconvénients : ainsi, sa saveur détestable, son peu d'homogénéité. Il se sépare en deux couches d’inégale action : | (HYOSCIAMINE. — A L'INTÉRIEUR. — Solu- la supérieure, huileuse, très-active; l’infé- tion : hyosciamine, 1 gr.; alcool, 10 gr.; rieure, molle, moins énergique. — Il n'y a au- eau, 100 gr.; de 4 à 5 gouttes. (Schroff.) cuue raison, dit Schroff, pour évaporer les ex- | A L’EXTÉRIEUR. — En solution plus concentrée, traits à siccité, les extraits humides se con- 5 à 15 centigr. pour 30 gr. de véhicule.) longtemps dans la poussière de l'oubli. La jusquiame est un poison narcotico-âcre dont l’action se porte sur le système nerveux. Moins puissante que la beiladone, elle produit les mêmes effets à doses plus élevées. Les symptômes de l’empoisonnement par l’ingestion d’une grande dose de celte plante sont les suivants : ardeur à la bouche et au pharynx, douleurs abdominales, vomissements, rougeur de la face, fixité du regard, vue double, dilatation des pupilles, trismus, aphonie, distorsion spasmodique de la bouche, gène, accélération de la respiration, vertige, assoupissement, som- nolence, perte du sentiment, délire gai ou sérieux, tremblement, pa- ralysie d’un seul ou des deux côtés, agitation convulsive des bras, peti- tesse et intermittence du pouls, carphologie, refroidissement des extré- mités, mort. D’après les expériences d'Orfila, la jusquiame ne détermine point l’inflam- mation de l’estomac, tout en exerçant sur le système nerveux cette violente excitation qui cause l’aliénation mentale et consécutivement la stupeur. Sui- vant Flourens, cette plante produit, comme l'opium, une effusion sanguine dans les lobes du cerveau. Le traitement de cet empoisonnement est le même que celui qui est indi- qué à l’article BELLADONE. Un lavement d’une décoction de 12 gr. de jusquiame causa des accidents apoplectiques et convulsifs, qu’on ne fit cesser qu'au moyen des boissons acides en abondance et des lavements de vinaigre. « Pougens, l’auteur d’un Dictionnaire de médecine en cinq volumes, fort en renom il y a une trentaine d'années, faillit être victime d’une semblable méprise; s'étant administré un lavement préparé avec une assez forte dé- coction de ce végétal, dont il n'indique pas la dose, il fut pris d’un engour- dissement subit avec une tendance irrésistible au sommeil. Malgré l'emploi du vinaigre et d’un excellent vin, il tomba dans un sommeil léthargique qui dura huit heures; encore sa tête ne fut-elle parfaitement libre que vingt heures après son réveil. Pendant ce dernier temps, il éprouva un sentiment de bien-être indéfinissable; il s’exprimait avec vivacité; sa mémoire était meilleure, son imagination plus vive; il récitait, il composait des discours (1) Wochenblatt der Zeitschrift der k. k. Gesellschaft der Aerzte zu Wien, et Union médi- cale, 1855. 39 046 JUSQUIAME. et des vers beaucoup mieux qu'il n'aurait pu le faire dans toute la plénitude de sa raison. «Quel dommage, dit à ce propos un médecin littérateur, qu'un « semblable moyen mette la santé en péril ! On pourrait le conseiller à « quelques-uns de nos poètes et de nos orateurs (1). » La mort est rarement la suite de l’empoisonnement par la jusquiame bouillie ou infusée ; il n’en est pas de même lorsque la plante a été mangée crue; C’est ainsi que cinq personnes ayant mangé en salade de la jusquiame qu’on avait prise pour @e petites herbes sauvages, il en périt deux. Cette différence de résultats prouve que lébullition en diminue les propriétés toxiques, et que, par conséquent, les extraits préparés de cette manière, ainsi que nous l’avons dit plus haut, sont beaucoup moins énergiques. L'usage de la jusquiame à l'extérieur est loin d’être toujours innocent. On à vu des symptômes d’empoisonnement résulter de l’application des feuilles fraiches de jusquiame sur une brûlure. On cite aussi plusieurs exem- ples d'accidents graves causés par la décoction de jusquiame noire donnée en lavement. Les émanations même de cette plante ne sont pas sans danger. Des hommes qui dormaient dans un grenier où l’on avait mis çà et là des racines de cette plante pour en écarter les rats, se réveillèrent atteints de stupeur et de céphalalgie ; l’un d’eux éprouva des vomissements et une hé- morrhagie nasale abondante (2). Bocrhaave, en préparant un emplâtre dans lequel entrait l'huile de semences de jusquiame, se sentit agité d’une sorte d'ivresse. La domestique d’un curé du Calaisis, âgée de quarante-cinq ans, d’un tempérament sanguin, pour laquelle je fus appelé au mois d'août 1826, et que l’on croyait atteinte d’une fièvre maligne, avait la face rouge, des mouvements convulsifs partiels, la parole brève, un délire gai, avec propos et gestes singuliers, vertiges; en un mot, tous les effets d’une sorte d'ivresse avec congestion au cerveau et exallation nerveuse. Ces symptômes élaient occasionnés par la présence, dans le rectum, d’un suppositoire de feuilles de jusquiame broyées avec du miel, que le maître de la malade avait con- seillé comme moyen innocent et très-efficace de calmer des douleurs d’hé- horrhoïdes dont elle souffrait depuis plusieurs jours. Une saignée du bras et des boissons acidulées avec le vinaigre produisirent un calme suivi d’un som- meil profond et d’une abondante transpiration. Il ne restait au réveil qu'un état d’abattement avec dilatation des pupilles. Ce fait me rappelle ceiui d’un berger, que le célèbre Gassendi, au rapport de Garidel, rencontra un jour, et qui lui dit qu'à l’aide d’un onguent il pouvait, quand il le désirait, as- sister au sabbat des sorciers, où il voyait, disait-il, des choses merveilleuses. Après avoir fait épier cet homme, Gassendi s’assura que son onguent était composé de jusquiame noire, de graisse et d'huile, et qu'après s’en être introduit dans le fondement une certaine quantité, il s’assoupissait et tom- bait dans une rêverie profonde. Les effets physiologiques de la jusquiame ont été étudiés par Schroff (3) sur plusieurs personnes bien portantes, et ont donné les résultats suivants : de petites et moyennes doses ralentissent constamment le pouls entre les deux et trois premières heures, de 10 à 20 pulsations Plus la dose est petite, plus il faut de temps pour obtenir cet effet, et vice versa. Les fortes doses le diminuent rapidement ; mais, après un temps d’autant plus court que la dose est considérable, il remonte au-dessus de la normale. Ainsi, 0.50 d'extrait étheralcoolique de semences déterminent un abaissement de 20 pulsations en deux heures; 0,20 n’exigent qu’une heure; mais une demi- heure après le pouls remonte de 11 pour retomber de 12 dans la demi- (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, janvier 1857, p. 17. (2) Gazelle de santé, 1773 et 1774. (3) Wochenblatt der Zeitschrift der k.!k. Gesellschaft der Aerzte zu Wien, et Union médi- cale, décembre 1855, ‘ JUSQUIAME, 047 heure suivante; 0,40 produisent, en vingt minutes, un ralentissementde 19; vingt minutes après, il remonte de 29, devient petit, irrégulier, se soutient pendant une heure, avec de légères fluctuations, et ne diminue que peu à peu. Ces effets prouvent, sinon l'identité d'action, au moins une grande ana- logie entre la jusquiame et la belladone. La jusquiame dilate la pupille, mais à des doses plus fortes; et, quand elles sont considérables, la dilatation est précédée parfois de rétrécissement. A petites doses il y a déjà lourdeur de tète, sécheresse des lèvres, de la bouche et du gosier, diminution de la sécrétion salivaire, un peu de faiblesse, Après des doses plus considérables, il survient de l’assoupissement, tendance au sommeil et même sommeil profond, s’accompagnant, par des doses très-fortes, de coma-vigil et de rêves effrayants, parfois céphalalgie, presque toujours vertiges, bourdonne- ments d'oreilles, faiblesse de la vue à ne pas pouvoir distinguer les lettres, sensibilité de la rétine à la lumière, diminution de l’olfaction, avec per- sistance du goût; impossibilité de fixer l'attention sur un objet; faiblesse considérable ; démarche incertaine; sécheresse de la bouche augmentant jusqu’à l'impossibilité d’avaler ; voix rauque, enrouée; peau sèche, parche- minée, chaleur diminuée. (L'école italienne classe la jusquiame au même rang que le stramonium, c'est-à-dire parmi les substances hyposthénisantes cardiaco-vasculaires, et conséquemment antiphlogistiques à action élective cérébrale.) La jusquiame diffère de la belladone par moins d’action sur les sphine- ters, surtout sur celui de l'anus; elle produit moins d’excitation cérébrale et une plus grande tendance au sommeil. Elle ne détermine pas ces mouve- ments brusques, la tendance au rêve, à sauter, à danser, caractéristique de la belladone. Ces différences doivent être plus saillantes encore entre l’atro- pine et l’hyosciamine; malheureusement Schroff n’a pu se procurer suffi- samment de la dernière. « Le simple examen physique des deux plantes, dit avec raison Martin-Lauzer (1), suffirait déjà à nous faire supposer, à priori, une différence d’action. La belladone a peu d’odeur si on la compare à la jusquiame ; son principe vireux est fixe, celui de la jusquiame semble vola- til; la jusquiame empoisonne en quelque sorte rien qu'à l’odeur, et nous avons vu que ses émanations sont loin d’être inoffensives. Cette particula- rité, qui semble donner la supériorité à la jusquiame employée à l’état frais, la constitue en infériorité à l’état sec et dans ses préparations (en admettant toujours l'identité d'action, qui n’est qu'une supposition). Aussi, s’est-on loujours beaucoup plaint de l'instabilité des préparations de la jusquiame, et l’on ne peut guère s'expliquer que de cette manière leur constante ineffica- cité en de certaines mains. » La jusquiame, administrée à dose thérapeutique, est généralement consi- dérée comme sédative, antispasmodique, narcotique. Elle est employée dans les névroses et les névralgies, dans les phlegmasies, dans certaines hémorrhagies, et contre quelques affections oculaires, etc. L'emploi thérapeutique de la jusquiame était peu connu des anciens. Dioscoride l’administrait à l’intérieur pour calmer les douleurs, Celse en injectait le suc dans les oreilles contre l’otorrhée purulente, en faisait un collyre, et la donnait dans la phrénésie. A une époque moins éloignée, Cra- ton, Fortis, Halidens, Hannius et Plater, en recommandaient la semence à l'intérieur, surtout dans le crachement de sang, à la dose de 60 centigr. à 1 gr. 30 centigr. Ce ne fut véritablement qu’en 1762, par suite des travaux de Storck (2) sur les plantes vénéneuses, que la jusquiame prit rang dans la matière mé- (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, janvier 1857, p. 20. (2) Libell, de stramonio, hyosciamo, etc., p. 28 et suiv. 518 JUSQUIAME. dicale. Ce médecin la donnait dans les convulsions, l'hystérie, lépilepsie, l'hypochondrie, la manie, la toux convulsive, les névroses en général, et presque toujours avec des avantages que sa bonne foi ne permet pas de ré- voquer en doute, mais que l’enthousiasme a pu quelquefois exagérer. 1l en portait progressivement la dose à 75 centigr. dans les vingt-quatre heures. Colin, qui en à fait usage dans les mêmes maladies, et dont le témoignage vient s'ajouter à celui de Storck, a été jusqu’à 4 gr. 20 centigr. par jour. Haller, Fothergill, Herwig, etc., ont confirmé par l'expérience les essais de Storck. Hufeland considère la jusquiame comme le plus doux des narco- tiques ; il le préfère à l’opium dans l’insomnie. C’est, suivant lui, un remède très-efficace contre les convulsions, l’éclampsie, la toux spasmodique. Le plus sûr moyen d’apaiser les spasmes dans les affections nerveuses, etc., est, dit ce célèbre praticien, de leur administrer la jusquiame, qui mérite la pré- férence sur l’opium, en ce qu’elle ne constipe pas comme lui, n’échauffe pas non plus, et exerce une action calmante toute spéciale sur le moral, ce qui est ici un grand point (1). Whyit donnait l'extrait de cette plante chaque soir à Ja dose de 8 à 20 centigr. dans les affections nerveuses. Stoll préférait ce médicament à l’opium dans la colique de plomb, parce qu'il calmait tout aussi bien les douleurs sans augmenter la constipation. Murray s’en est éga- lement bien trouvé dans cette dernière maladie. Frank (2) l’employait avec avantage dans l’hypochondrie, l’épilepsie et la paralysie; Gilibert et plusieurs autres praticiens, dans les convulsions et le tétanos; Amstrong et Hufeland, dans la coqueluche; Abramson, dans le delirium tremens. J'ai déjà fait men- tion d’une pommade composée de jusquiame, d’ail et de saindoux, que j’ap- plique à la plante des pieds et dont je retire de bons effets dans le traite- ment de la coqueluche. Divers auteurs ont donné à la jusquiame le titre d’antimaniaque. Dans ces dernières années, Michéa a fait des recherches sur le traitement de l’alié- nation mentale par les divers narcotiques. La préparation dont il s’est servi est l’extrait fait avec les parties fraîches de la plante. Il y a soumis dix alié- nés, dont neuf atteints de folie circonscrite, avec ou sans hallucinations, et un seul de délire général. Sur ces dix, la jusquiame en a guéri six, parmi lesquels il faut compter ce dernier, et a déterminé de l’amélioration chez un autre. La guérison est survenue entre trois et six semaines. La jusquiame n'a Jamais été administrée au delà de 4 gr. par jour; en moyenne, la dose variait entre 50 et 70 centigrammes. Michéa note qu’elle a quelque- fois produit de la constipation. La jusquiame peut être substituée à l’opium dans beaucoup de cas de désordres nerveux où celui-ci ne peut être administré sans inconvénient. J'en ai eu un exemple chez un malade âgé de quarante-huit ans, d’un tem- pérament lymphatico-sanguin, d’une forte constitution et atteint, par suite de l’abus des spiritueux, du delirium tremens, avec hallucinations et parfois délire furieux. L’extrait gommeux d’opium, que j'emploie toujours avec succès en pareil cas, déterminait le vomissement et un état prononcé d’anxiété et d’exaspération. L’extrait aqueux de jusquiame noire, donné d’abord à la dose de 8 centigr. de trois heures en trois heures, et ensuite de deux heures en deux heures, fut bientôt supporté par l’estomac et produisit un calme suivi bientôt d’un effet sédatif qui amena le sommeil, une diapho- rèse générale, la disparition du tremblement des membres et du délire, en un mot, le rétablissement complet dans l’espace de trois jours. J'ai pu, sur ce malade, porter la dose d'extrait de jusquiame à 1 gr. 20 centigr. dans les vingt-quatre heures : l'abus des liqueurs alcooliques explique cette tolé- rance. (1) Libell. de stramonio, hyosciamo, etc. (2) Journal universel des sciences médicales, t. XVII, p. 102. JUSQUIAME, 549 Wauters cite un câs d’insomnie, par cause morale, où l’opium ayant été sans effet, l'extrait de jusquiame, préparé par épaississement du suc au moyen de la chaleur solaire, fut aussi employé à grande dose avec un succès remarquable. Cette observation confirme l'opinion émise par divers auteurs, relative- ment à la nécessité, quand on veut provoquer le sommeil, de donner la jusquiame à dose double et même triple de celle de J'opium. Pour une ap- préciation exacte et comparative, Wauters aurait dû indiquer la dose à laquelle il avait porté l’administration de ce dernier médicament avant d'employer la jusquiame. S'il y à une grande analogie d'action entre la jusquiame et l’opium, il y a aussi dans leurs effets des différences remar- quables : la jusquiame n’a pas, comme ce dernier, nous le répétons, l’incon- vénient de suspendre les évacuations, ce qui la fait préférer lorsque la con- stipation est à redouter, comme dans l’hypochondrie, l’entérite chroni- que, etc. Les personnes qui ne peuvent prendre sans accidents graves la plus légère dose d'opium, supportent ordinairement très-bien la jus- quiame. C'est surtout contre les névralgies que la jusquiame a triomphé. Breiting, médecin à Augsbourg, à publié (4) l'histoire d’un tic doulou- reux de la face, qui, pendant cinq mois, avait résisté à tous les moyens possibles, et qui fut guéri par l'usage de l'extrait de jusquiame noire, pré- paré avec le suc de la plante. On faisait dissoudre 4 gr. de cet extrait dans une once d’eau de fleurs de camomille ; la dose était d’abord de dix gouttes et augmentait de quatre goutles chaque heure. Par la suite, Breiting fit prendre à sa malade des pilules dans lesquelles il entrait 20 centigr. d'extrait de jusquiame, ct elle prenait jusqu’à six de ces pilules par jour. Enfin, pendant deux traitements qui durèrent en tout huit mois, la malade prit la quantité énorme de 140 gr. d’extrait de jusquiame noire, et cet ex- trait était très-énergique, ainsi que Breiting s’en assura en l’employant chez d’autres malades. Les doses des médicaments stupéfiants, pour en obtenir l'effet qu’on en attend, doivent être d’autant plus élevées que la douleur est plus vive, que le spasme est plus prononcé ou que le système nerveux est plus exalté. Cette vérité physiologico-pathologique est confirmée par l’obser- vation journalière des faits, parmi lesquels nous citerons, comme le plus saillant, le peu d'effet de l’opium donné à très-grande dose dans le tétanos. Stoll, Chaïlli, Burdin, Méglin, citent des cas de guérison de névralgies diverses dans l’emploi de la jusquiame à l’intérieur. Tous les praticiens connaissent les pilules antinévralgiques de Méglin, composées d’extrait de cette plante, de celui de valériane et d’oxyde de zinc, dont on forme des pilules de 15 centigr. Burdin prétend qu'avec la jusquiame seule il a obtenu les mêmes eftets contre les névralgies qu'avec les pilules de Méglin. Cependant on peut croire qu'à dose élevée, ces pilules contiennent une assez grande quantité d'oxyde de zinc pour attribuer à celui-ci des effets qu’il a pu, de son côté, produire seul dans les névroses, et notamment dans l’épilepsie, Suivant Trousseau et Pidoux, Méglin a exagéré l'utilité de cette médication, qui ne leur a semblé d’une efficacité réelle que pour prévenir le retour des névral- gies qui avaient été dissipées ou presque anéanties par d’autres médica- ments. Quand la névralgie est superficielle, ces praticiens conseillent d’avoir recours de préférence à l'application locale de l'extrait de jusquiame, qui, suivant eux, a des effets beaucoup plus prompts que son administration à l'intérieur, ce qui est un point de similitude avec la belladone. Grimaud (2) (1) Journal de Hufeland, 1807. (2) Journal général de médecine, t. LXVI, p. 243. 550 JUSQUIAME,. combinait la jusquiame au camphre et au gayac contre les névralgies et le rhumatisme. Barbier vante la jusquiame administrée d’après la méthode endermique. Il fait appliquer un vésicatoire loco dolenti, qu’il panse avee de la pommade de jusquiame, à laquelle il associe celle de garou lorsqu'il veut entretenir la suppuration. Les feuilles fraîches de jusquiame appliquées sur la tète soulagent les douleurs névralgiques de cette partie. Cuites dans du lait et appliquées à l’épigastre, elles ont calmé instantanément une violente douleur gastralgique qui durait depuis six heures, et contre laquelle j'avais employé inutilement le laudanum à l'intérieur. J'ai eu aussi à me louer de ce topique sur l'hypogastre dans un cas de strangurie goutteuse, où l’appli- cation des sangsues au périné, les onctions opiacées, les bains tièdes géné- raux n'avaient produit qu'un soulagement momentané. — Je crois qu'un bain général fait avec une infusion de feuilles de jusquiame aurait chance de réussite dans le tétanos. Appliquées sur le front en cataplasme, elles soulagent à l'instant même dans la migraine. Wendt (1) conseille dans la céphalalgie nerveuse les frietions faites sur le front avec l’émulsion des semences de cette plante. On dit avoir calmé des douleurs odontalgiques et fait cesser de longues insomnies en faisant des frictions sur les tempes avec l'huile qu'on retire des semences de jusquiame. On recommande contre l’odontalgie de retenir dans la bouche la fumée produite par les graines de cette plante projetées sur des charbons ardents, ou celles de la plante sèche; mais ce moyen, devenu populaire, peut être suivi d'accidents; on l’a vu causer le délire et tous les symptômes de l’intoxication. J’ai connu une sœur de charité qui, pour ealmer immédiatement les douleurs de dents, faisait tenir dans la bouche une pilule ainsi composée : se mence de jusquiame 20 centigr., opium 20 centigr., semence de persil 40 centligr., sirop de pavot blane quantité suffisante; broyez et faites une pilule. Une boulette de jusquiame broyée et introduite dans une dent douloureuse suffit souvent pour soulager immédiatement. La jusquiame a été ordonnée avec avantage dans les inflammations de différentes espèces. Triboulet (2) l’a employée au début de ces affections pour les faire avorter. Administrée en extrait à la dose de 20 centigr., en deux heures, à uu enfant de sept ans, il a guéri un croup sthénique; il obtint le même résultat chez un enfant de trois ans, auquel on ne fit prendre que 1 gr. en douze heures. Dans un troisième cas de croup, cet extrait n’a pas été moins efficace que dans les deux premiers. L'auteur recommande d'augmenter la dose de deux en deux heures, en commençant par 10 centi- grammes. Reste à savoir si Triboulet n’a pas eu affaire au pseudo-croup seu- lement, et cela parait de toute évidence. Ce médecin conseille aussi le même remède dans la pneumonie. Vaidy (3), qui est aussi parvenu à faire avorter diverses espèces d’inflammation au moyen de la jusquiame, n’en a retiré que peu d'avantages dans cette dernière affection. Les partisans de l'école italienne, enfin, emploient la jusquiame à haute dose comme hypo- sthénisante dans les inflammations des centres nerveux et des autres appa- reils organiques. Giacomini s’en est bien trouvé dans un cas de méningite aiguë, dans un autre cas de myélite cérébrale, et dans un troisième de ra- chialgie. J'ai employé avec succès dans un rhumatisme aigu, chez une femme âgée de trente ans, l'extrait de suc de jusquiame à doses graduelle- ment augmentées jusqu’à celle de 20 centigr. toutes les quatre heures, Quoi- que la maladie fût intense et avec réaction fébrile, la guérison eut lieu vers le dixième jour. Je n’ai que ce seul fait à citer. Dans la chaude-pisse cordée, lorsque l’opium ne convenait pas, à cause de la constipation rebelle qu'il (1) Diss. hyosc. nigr. virt. med. Erlangæ, 1797. (2) Bibliothèque médicale, t. LVIHI, p. 116. (3) Journal général de médecine, t. LXXIV, p. 116. JUSQUIAME, 951 produit, B. Bell Lirait de grands avantages de la jusquiame administrée à plus forte dose qu'on ne le fait communément, IT donnait hardiment à un adulte de 40 à 80 centigr. de l'extrait, même la première fois, et portait ensuite la dose jusqu'à 75 centigr. à 1 gr., 1 gr. 25 centigr. et même 2 gr. La jusquiame a été recommandée par Forestus dans les hémorrhagies. Plater l’employait contre les hémorrhoïdes qui fluaient trop. Storck l’a vue réussir une fois dans une hémoptysie. Avant les essais de Storck, Clauderus (in Mérat et Delens) l'avait employée contre la äysenterie, etc. Hartz (4) l'a prescrite dans les hémorrhagies, et surtout dans celles qui ont pour cause un état plus ou moins spasmodique ou un excès d'irritabilité, comme dans certaines hémoptysies. Ce médecin donne, dans ce cas, une infusion de feuilles fraiches de jusquiame dans quatre fois leur poids d'huile d'olive, dont il administre 4 cuillerée à café, mêlée avec 2 d'huile d'amandes douces, L'hémoptysie ‘cesse après les premières doses, bien que les malades éprou- vent parfois de légers vertiges. F. Hoffmann attribue à cette plante une vertu particulière contre l’hémoptysie. J. Frank la regarde comme efficace dans cette affection, quand elle est accompagnée de symptômes nerveux; il donne l'émulsion des semences ou lextrait des feuilles. La même médication a réussi entre les mains de Caïizergues (2) chez un sujet très-nerveux, atteint d'une hémoptysie très-active. «Quelques médecins, disent Trousseau et Pidoux, crurent devoir la conseiller en général dans les hémorrhagies ; mais il serait imprudent de compter sur ce moyen, qui est fort infidèle, tandis que la matière médicale nous en offre tant dans lesquels on peut avoir une grande contiance. » On à présenté aussi la jJusquiame comme pouvant agir sur le système lym- phatique et comme utile dans les engorgements glanduleux. Gilibert dit en avoir retiré de grands avantages dans le squirrhe. Elle à été préconisée dans la phthisie et les affections tuberculeuses en général. Elle m'a été d’une grande utilité chez les phthisiques, associée à l’acétate de plomb, tant pour calmer la toux que pour combattre les sueurs. (Tompson (3) combine dans ce but l’oxyde de zinc à l'extrait de jusquiame, à la dose commune de 20 centigr. Coxe (4) en a retiré des avantages marqués, mais non constants.) Pilée et appliquée fraiche sur les engorgements lymphatiques, les tumeurs blanches, ete., elle y a produit des effets calmants et résolutifs analogues à ceux de la belladone. Tournefort conseille, contre les engelures, l'exposition des parties affec- tées à la famée produite par les semences projetées sur des charbons ar- dents. Renard et Labrusse (5) ont obtenu de bons effets de la jusquiame contre la goutte et le rhumatisme. Ils l’employaient en cataplasme, associée à la mie de pain et au lait. Les feuilles de jusquiame bouillies dans le lait, ou ces feuilles broyées, rendues tièdes, ou cuites dans une feuille de choux, en topique, calment les douleurs du rhumatisme articulaire aigu. Ces applica- tions m'ont toujours réussi. L’emplâtre de jusquiame était fréquemment em- ployé par Hufeland, pour calmer les douleurs du rhumatisme. Ce médecin prescrit dans la phlegmasia alba dolens, quand les douleurs sont vives, des fomentations avec décoction de jusquiame à laquelle on ajoute un peu d’eau de Goulard. J’emploie fréquemment les cataplasmes et les fomentations de jusquiame dans les contusions, les entorses, les inflammations traumatiques, (1} Bibliothèque germanique, t. VI, p. 240. (2) Bibliothèque médicale, t. LXV, p. 407. à (3) Gazetie médicale de Lyon, 1°* octobre 1849, p. 450. (4) Boston med. and surg. Journ., 1859. (5) Ancien Journal de médecine, t. XXVIIT et XXIX. . 552 JUSQUIAME. les hémorrhoïdes enflammées ou douloureuses, les fissures, en général dans toutes les phlogoses externes, surtout au début, afin de les faire avorter. Pilée et appliquée tiède sur une orchite blennorrhagique très-aiguë, elle calma instantanément la douleur et fit avorter l’inflammation chez un jeune homme de vingt-deux ans, pour lequel je fus appelé en 1847. Depuis cette époque, J'ai mis en usage le même moyen dans plus de vingt cas ana- logues, et toujours avec succès. Je réussis également à enrayer ainsi la imnam- mite, le panaris, le paraphimosis, les phlegmons quelconques à leur début. Dans l'été, je me sers, autaut que possible, de la plante fraîche pilée; dans les autres saisons, je fais appliquer des cataplasmes composés de mie de pain et d’une forte infusion chaude de jusquiame faite à vase clos, en ayant soin de faire arroser fréquemment la partie malade avec cette dernière, afin d'entretenir ces topiques à une température qui en favorise l'effet. La jusquiame à aussi fourni son contingent contre les affections ocu- laires. Cette plante dilatant la pupille comme la belladone, on s’est servi de son extrait comme de celui de cette dernière pour rendre plus facile l'opération de la cataracte. On cite même ses bons effets dans la cataracte commençante (1). Ce précieux végétal n’est pas moins utile dans l'iritis. Son extrait aqueux m'a réussi à l’ intérieur et à l extérieur, délayé en consistance sirupeuse, en friction autour des yeux, dans un cas d’iritis très-intense dont M. de Sept-Fontaines, de Calais, physicien distingué, membre correspon- dant de l’Académie des sciences, fut pris en 1818 après la disparition pres- que subite d’un accès de goutte, m maladie dont il était atteint depuis long- temps, et qui Les sinapismes préparés à l’eau chaude paraissent d’abord agir avec plus de violence ; mais au bout de dix minutes la douleur est également cuisante avec l’eau froide, et les résultats sont les mêmes. 3° Le vinaigre affaiblit tel- lement l’action de la moutarde, que le sinapisme préparé à l’eau simple dé- termine au bout de dix minutes une cuisson aussi violente que celui qui est préparé avec le vinaigre au bout de cinquante minutes. Le vinaigre chaud n’a pas plus d'action, ainsi que l'acide acétique concentré étendu d’une pareille quantité d’eau, et même l'acide acétique concentré pur, dont l'effet est plus lent qu'avec la moutarde mêlée à l’eau simple. Cependant, l'acide acétique appliqué avec de la sciure de bois produit un effet presque instantané, et qui diffère de celui qui résulte des cataplasmes de moutarde, ce qui prouve que celle-ci détruit l’action de cet acide. 4° Lorsqu'on lève le sinapisme, l'impression de l'air fait cesser la douleur; mais une cuisson douloureuse se fait bientôt sentir, dure plusieurs heures et quelquefois des jours entiers. Quand l'application a été prolongée, elle détermine des ampoules qui se for- ment lentement et les unes après les autres. Le sinapisme bien préparé ne doit pas rester plus de quarante à cinquante minutes : il y a de graves incon- vénients à le maintenir pendant une heure ou plus, comme on le conseille généralement. Trousseau et Blanc (4) citent l’exemple d’une jeune dame qui, à la suite de convulsions, eut les pieds et les mains couverts de sina- pismes que l’on maintint en place pendant trois heures, et dont l’action. quoique peu douloureuse d’abord, fut si vive, qu’au bout de quelque temps il se détacha plusieurs eschares (2). Il est donc prudent de ne jamais laisser les sinapismes appliqués plus d’une heure, quand ils sont préparés à l’eau avec la farine de moutarde sans mélange et récemment broyée. Cette règle est sujette à de nombreuses exceptions. « En général, dit Deslandes (3), plus la peau est fine, délicate, vivante, plus la sinapisation est facile. Ainsi l'effet des sinapismes est, toutes choses égales d’ailleurs, plus rapide, plus intense chez les enfants que chez les vieillards, chez les femmes que chez les hommes, sur des membres pleins de vie que lorsqu'ils sont insensibles et glacés, sur les parties fines de la peau que sur celles dont l’épiderme est épais, calleux. Cependant, et malgré ces données, on ne peut prévoir que très-imparfaite- ment l'effet qu'aura un sinapisme. Il ne faudra qu’un quart d'heure chez un sujet pour que la rubéfaction ait lieu, tandis qu'il faudra deux, trois et même six fois plus de temps chez un autre sujet qui cependant paraît être dans des conditions analogues. On ne peut donc prescrire d’une manière absolue le temps que doit.durer l’application d’un sinapisme. A quoi donc recon- naître qu'il faut la faire cesser? Ce n’est pas à la rougeur de la peau, car, le plus souvent, ce n’est que postérieurement à l’enlèvement du cataplasme que la rubéfaction se montre. Ce ne peut donc être qu’à la douleur, à l'irri- tation locale qu'il cause; aussi, ai-je l'habitude de dire : « Vous retirerez les sinapismes quand le malade les aura suffisamment sentis. » Cependant, j'en conviens, cette indication est extrêmement vague : le sinapisme, sui- vant la manière de sentir du malade et celle de juger des assistants, sera retiré ou trop tôt ou trop tard, et on sera exposé à voir l'effet aller au delà —————— (1) Archives générales de médecine, septembre 1830, p. 74. (2) Pour remédier aux accidents déterminés par l'application prolongée des sinapismes, Trousseau et Blanc conseillent le liniment suivant : Onguent populeum, 15 grammes; ex- traits de belladone, de stramonium et de jusquiame, de chaque 30 centigrammes. On enduit un linge d’une couche légère de cette pommade et on l’applique sur la partie malade, Ils ont aussi employé avec avantage des cataplasmes composés de feuilles de belladone, de jusquiame et de stramonium, de chaque 8 grammes, bouillies dans 1 kilogramme d’eau jusqu'à réduc- tion de 500 grammes. On mêle cette décoction avec suffisante quantité de mie de pain ou de farine de graine de lin. Lorsque de larges surfaces sont excoriées, il faut diminuer les doses, de crainte de produire des symptômes d'empoisonnement par l’absorption du principe narco- tico-âcre de ces plantes. (3) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. XIV, p. 626. MOUTARDE NOIRE, 665 ou rester en deçà de celui qu'on voulait obtenir. Mais les inconvénients sont plus à craindre encore, lorsqu'on prescrit d’une manière absolue la durée de l'application. Mieux vaut donc encore s’en rapporter aux sensations du malade pour la limiter. » Les sinapismes s’emploient tantôt pour produire une excitation générale, comme dans l’apoplexie, la paralysie, les affections comateuses, les fièvres typhoïdes, elc., tantôt pour opérer une dérivation ou pour rappeler à l’ex- térieur une affection aiguë ou chronique, telles que la goutte, le rhumatisme, les dartres, l’érysipèle, les exanthèmes, une inflammation ou une irritation quelconque portée sur un organe intérieur (1). On s’en sert aussi pour enle- ver une douleur circonscrite, comme dans la pleurodynie, la pleurésie (après avoir employé, dans ce dernier cas surtout, les moyens antiphlogisti- ques indiqués), dans quelques névralgies chroniques, la sciatique, le rhu- matisme chronique, etc. Trélat a guéri la colique métallique en les appli- quant sur les membres. Cormack (2), d’après Paterson, considérant l’irritation des mamelles comme un des moyens les plus efficaces et les plus rapides pour ramener la menstruation, a appliqué le sinapisme avec succès sur ces parties pour rem- plir cette indication. A ce moyen il associe l'emploi des vêtements chauds autour du tronc et des membres, et le bain de siége chaud renouvelé toutes les douze heures. Il faut choisir, pour l’application des sinapismes, le mo- ment où la congestion mensuelle semble s’opérer vers les ovaires. — On guérit promptement la crépitation douloureuse des tendons au moyen de simples sinapismes. Deux hommes atteints de cette affection se sont pré- sentés dans le service de Nélaton (3). Chez l’un d’eux, le mal avait son siége dans la gaine du long extenseur du pouce, chez l’autre, dans une bourse séreuse développée accidentellement au niveau d’une ancienne fracture de l’avant-bras. Ces deux malades ont été traités par de simples sinapismes, et bien que la crépitation durât depuis quatre à six jours, elle a cédé comme par enchantement à l’action rubéfiante de ces topiques. On peut faire des semi-sinapismes en saupoudrant les cataplasmes de fa- rine de graine de lin avec celle de semence de moutarde. J’emploie avec avantage une pâte composée de moutarde noire ou blanche et de figues (1) Dans les maladies inflammatoires et dans les fièvres, il faut bien se garder d'employer les sinapismes ou les pédiluves sinapisés, lorsqu'il existe une réaction fébrile, une sorte d’an- gioténie générale, de pléthore, d’orgasme ou d’éréthisme; ils augmenteraient ces symptômes, produiraient de l’agitation, du délire et autres accidents. On abuse communément de ce puis- sant moyen, soit comme stimulant général, soit comme révulsif. Dans le premier cas, le ma- lade doit se trouver dans cet état de relâchement de toutes les fonctions qui caractérise l’atonie, l’adynamie; dans le second, pour opérer une sorte de métastase, diminuer ou faire cesser une concentration morbide, une irritation ou une phlegmasie, il faut que tout le reste de l’organisme ne participe en rien de l’irritation; qu’il soit, au contraire, dans des condi- tions tout à fait opposées; sinon, l’action stimulante s’exerçant au profit de l’organe malade, tous les symptômes s’exaspèrent au lieu de céder. Un exemple rendra cette vérité pratique plus patente : Le petit garçon de M” Cornille (de Boulogne), âgé de six ans, d’une constitu- tion frèle, d’un naturel irascible, ayant été atteint plusieurs fois de bronchites assez intenses, est pris le 3 avril 1847 de toux violente et presque continuelle avec fièvre, sentiment de stran- gulation, oppression; ces symptômes augmentent vers le’soir, au point de faire craindre un catarrhe suffocant. La rougeole régnant généralement, on considère ces symptômes comme précurseurs de cette maladie et comme pouvant aussi, par leur intensité, s'opposer à l’érup- tion. Dans l’intention de favoriser cette dernière, des bains de jambes sinapisés sont employés à diverses reprises dans la nuit, et chaque fois les symptômes s’exaspèrent et présentent enfin un danger imminent. Je suis appelé le 4 au matin; je fais appliquer six sangsues à l’angle formé par les articulations sterno-claviculaires. Le sang coule abondamment pendant deux heures; la toux diminue et se dissipe ensuite presque entièrement, ainsi que l'oppression; l'é- ruption paraît spontanément, et la rougeole suit sans complication sa marche ordinaire. Une irritation phlegmasique intense appelait à elle le mouvement inflammatoire qui devait se por- ter à la périphérie du corps : il a suffi de la combattre pour rendre à ce mouvement sa ten- dance normale, sans le secours des révulsifs. (2) Associal. med. journ., 1853, et Bulletin de thérapeutique, t. XLVII, p. 89. (3) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, janvier 1854. 666 MOUTARDE NOIRE. grasses pilées ensemble dans un mortier. Cette pâte est rubéfiante et réso- lutive : elle convient, étendue sur de la filasse, contre la sciatique, la pleu- rodynie et les points de côté, loco dolenti ; le catarrhe pulmonaire chronique, la coqueluche, l’angine, appliquée sur la poitrine, entre les épaules ou au cou; les tumeurs serofuleuses, les abcès froids, etc. Cette pâte, que l’on peut rendre plus où moins active en augmentant ou en diminuant la quan- tité de moutarde, convient encore pour opérer une révulsion modérée, et s'opposer, en l’appliquant à la plante des pieds, surtout chez les enfants, aux congestions vers la tête ou la poitrine. J'ai guéri ainsi, chez une dame de quarante ans, un Coryza chronique qui pendant six mois avait résisté aux moyens ordinaires. Je faisais envelopper les pieds alternativement chaque soir, pendant un mois, avec la pâte sinapisée et un chausson de flanelle re- couvert de taffetas gommé. Le sinapisme appliqué entre les épaules peut aussi agir efficacement contre le coryza. Dans deux cas fort graves de choléra épidémique, Rodet, chirurgien en chef désigné de l’Antiquaille de Lyon (1), à fait usage avec un succès com- plet de larges cataplasmes de farine de graine de lin, saupoudrés de farine de moutarde, que l’on a appliqués successivement sur le ventre et sur la poitrine, sur les membres supérieurs et inférieurs. La chaleur n’a pas tardé à reparaitre aux extrémités, en même temps que les accidents diminuaient d'intensité du côté des organes digestifs. On peut rendre l’emplâtre de poix de Bourgogne plus ou moins rubéfiant, en y incorporant une plus ou moins grande quantité de poudre de semence de moutarde. — J’ai vu employer à la campagne, comme maturatif et réso- lutif, un cataplasme composé de feuilles de sureau pilées et d’une plus ou moins grande quantité de farine de moutarde, suivant l’effet plus ou moins énergique que l’on veut produire. Ce cataplasme convient dans les abcès froids, les engorgements œædémateux ou glanduleux. Les pédiluves et les manuluves sinapisés, qu'on prépare en délayant 200 à 500 gr. de farine de moutarde récente dans de l’eau bien chaude, agissent, comme révulsifs, de la même manière, et sont employés dans les mêmes circonstances que les sinapismes. Ces pédiluves ont été mis en usage avec succès par Vanden-Broeck, médecin principal de l’armée belge, au rapport de Herpain, médecin-adjoint à Mons (2), contre les fièvres intermit- tentes. Une demi-heure avant le retour présumé de l’accès, on administre au malade, convenablement couvert et assis dans un fauteuil placé près du lit, un bain de pieds à la température de 40° à 50° Réaumur (environ 50° cen- tigrades en moyenne), préparé un quart d'heure d’avance, et contenant 40 à 80 gr. de farine de moutarde. On ajoute une quantité nouvelle d’eau chaude au fur et à mesure que le bain se refroidit, et de façon qu'il se maintienne au degré de chaleur qui vient d’être fixé approximativement. Cette règle générale doit être modifiée selon la susceptibilité des individus. Ce bain doit durer jusqu’au moment de l’accès, c’est-à-dire une demi-heure envi- ron. Alors, rougeur érythémateuse et calorification assez prononcée aux pieds et au bas des jambes; pouls large, accéléré; face quelquefois colorée, le plus souvent sans modification de couleur, rarement pâle; fatigue et ten- dance au sommeil. Les pieds sont soigneusement essuyés, le malade entre ensuite dans un lit préalablement bassiné, une légère transpiration se mani- feste pendant quelque temps, après quoi tous ces phénomènes disparaissent pour être remplacés par une apyrexie complète. Sur 89 hommes traités de la sorte, l’accès ne s’est point reproduit après le bain de pieds chez 60; 14 ont eu un second accès, 15 en ont eu encore plusieurs. La réapparition con- stante des accès malgré les bains a été très-rare, et s’est produite seulement (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1848, t. XIX, p. 609. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1854, p. 541. MOUTARDE NOIRE. 667 chez des hommes qui se trouvaient dans des conditions exceptionnelles, ap- préciables comme causes de non-réussite. J'ai employé avec succès le bain général sinapisé (4 à 2 kilogr. de poudre de moutarde pour un bain, suivant l'intensité des symptômes) dans le cho- léra asiatique. Dans un cas observé à Calais en 1832, chez une femme de trente-cinq ans, et où l’algidité et l’anéantissement de la circulation à la périphérie étaient extrêmes, la réaction fut si forte que je dus immédiate- ment pratiquer au bras une saignée copieuse. Une abondante transpiration, favorisée par la vapeur de l'alcool reçue au moyen d’une lampe placée dans une baignoire couverte, acheva de dissiper les symptômes cholériques. Le rétablissement fut prompt. Gaujon, médecin à Clermont (1), cite deux exem- ples de guérison de choléra sporadique par l’emploi des bains entiers de moutarde ({ kil. par baignoire) et des aspirations d’éther à l’aide d’un flacon placé sous le nez des malades. (Mesnet (2), pour obtenir cette réaction, a été obligé de joindre à l’action déjà stimulante du bain des frictions faites avec énergie pendant le bain même. Trousseau (3) se loue des bains généraux sinapisés dans le choléra infantilis.) Frank recommande un mélange composé de farine de moutarde, d'huile d'amandes douces et de suc de citron, pour faire disparaître promptement les ecchymoses. On peut l’employer aussi contre les engelures. On en fric- tionne légèrement la partie malade une ou deux fois par jour. On trouve dans la Médecine aisée de Leclerc (4) un liniment analogue contre les taches scorbutiques ; il est ainsi composé : poudre de moutarde et huile d’amandes amères, de chaque 15 gr.; suc de citron en suffisante quantité pour en faire un liniment. On a employé le vin de moutarde en collutoire dans les para- lysies de la langue, dans l’engorgement chronique des amygdales ou des glandes salivaires. Fauré (5) a proposé, pour lotion irritante ou comme rubéfiant agissant à l'instant même, la solution de l'huile essentielle de moutarde dans l'alcool (4 partie sur 10 d’alcool). L'action de ce rubéfiant est à la fois plus prompte, plus certaine, et peut être mieux appréciée que celle du sinapisme fait avec la farine de moutarde : 4 gr. de cette huile mêlés à un demi-litre d’eau for- ment un révulsif aussi sûr que puissant, qui a réussi là où les autres révul- sifs étaient sans eflet. On peut l’employer sous forme de frictions dans la paralysie, l’anaphrodisie, et dans tous les cas où une puissante excitation est nécessaire. Dans les affections rhumatismales, on peut faire emploi en liniment d’une pommade rubéfiante composée de 2 gr. d'essence de mou- tarde et de 45 gr. d’axonge. On a aussi conseillé cette huile par gouttes dans des potions excitantes. On emploie avec succès contre la gale une pâte faite avec 30 gr. de moutarde en poudre et suffisante quantité d’huile d'olive. On se frictionne une fois, rarement deux, le corps et les extrémités avec cette préparation. Ce moyen m'a réussi plusieurs fois; il occasionne d’abord une rubéfaction à la peau, mais qui ne tarde pas à se dissiper. L'eau distillée de moutarde, proposée par Julia-Fontenelle, convient mieux pour lotions an- tipsoriques. Dioscoride avait déjà indiqué la moutarde délayée dans le vinai- gre comme un remède efficace contre les impétigos et les gales invétérées. Peyrilh conseille cette graine en topique dans le traitement de la teigne. Tissot l’employait en décoction dans les engelures, et Thode (6) contre les douleurs artbritiques. Le suc des feuilles fraîches de moutarde, seul ou étendu dans l’eau miel- (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1847, t. XVIII, p. 554. (2) Archives générales de médecine, 1866, t. VII, p. 141. (3) Union médicale, 3° trimestre 1862. (4) Paris, 1732. (5) Journal de pharmacie, 4831, t. XVII, p. 643. (6) Coll. Hauniencis, t. I, p. 285. 668 MOUTARDE BLANCHE, lée, convient en gargarisme dans les affections scorbutiques des gencives, la stomacace, l’engorgement chronique des amygdales, etc. MOUTARDE BLANCHE, MOUTARDE ANGLAISE, SÉNEVÉ BLANC, Mou- TARDIN. — Sinapis alba, L. — Sinapis apii folio, C. Bauh., Tourn. Sinapis sa- tivum alterum. — Sinapi album. Germ. — Cette espèce de moutarde croît dans les champs cultivés. Elle est commune dans les environs de Paris. Description. — Tige moins élevée. — Feuilles plus lobées. — Siliques hérissées de poils, étalées et terminées par une corne longue et ensiforme. — Semences sphé- riques, jaunâtres, luisantes, lisses, plus grosses de moitié que celles de la moutarde noire. Propriétés physiques et chimiques. — Ces semences sont âcres, d'une odeur nulle quand elles sont entières, très-piquantes quand on les pulvérise avec l'eau et le vinaigre. Elles diffèrent de la moutarde noire en ce qu'elles contiennent la sulfosinapisine, matière découverte par Henry et Garot. La sulfosinapisine (que, par contraction, Berzélius nomme sinapine) est amère, avec arrière-goût de moutarde, ino- dore, cristallisable, soluble dans l’eau, l'alcool et l'éther. (Ce corps contient : carbone, 57.92; hydrogène, 7.79; azote, 4.9; oxygène, 19.68; et soufre, 9.65.) —1 a moutarde blanche ne fournit pas d'huile volatile; mais il s'y développe dans certaines circonstances un principe âcre fixe, qui n’y préexiste pas plus que l'huile âcre dans la moutarde noire, et qui se forme dans les mêmes circonstances. (Le principe âcre fixe est un liquide onc- tueux, de couleur rougeûtre, inodore, mais offrant au goût une amertume âcre. Il con- tient du soufre. Faure établit que le même corps se forme en petite quantité, quand la moutarde noire est traitée par l’eau. L’érucine est un autre principe trouvé par EF. Si- mon, et qui se sépare du corps précédent au bout de quelques jours.) — La graine en- üère communique au vin blanc une saveur et une odeur désagréables, mais faibles, et le rend visqueux. Quand elle est concassée, le vin prend un goût très-piquant. On la cultive en Angleterre pour l'usage de la table, de préférence à la moutarde noire. Tout ce que nous venons de dire sur la moutarde noire peut se rapporter à la moutarde blanche. Seulement, celle-ci a été particulièrement vantée contre les maladies atoniques de l’estomac. Elle jouit d’une réputation po- pulaire qui en a fait répandre, je ne dirai pas l’usage, mais l’abus. Adminis- trée sans discernement, elle a donné lieu à des accidents graves, surtout lorsque, prenant une gastrite pour une débilité d'estomac, on a, malgré ses mauvais effets, persisté à la mettre en contact avec une membrane irritée ou phlogosée. Employée à propos, elle peut, comme la moutarde noire, rendre de grands services à la thérapeutique. Vers le milieu du siècle dernier, on avait, dit Cullen, introduit à Edim- bourg l’usage de cette semence, prise entière à la dose d’une cuillerée à bouche. Cette substance, dit-il, stimule le canal intestinal et agit ordinaire- ment à la manière des laxatifs, ou tout au moins entretient la régularité des évacuations alvines, et augmente parfois le cours des urines. Macartan (1) à présenté cetle semence comme vomitive, sialagogue, etc., et la conseille dans le rhumatisme, les fièvres intermittentes, les angines graves. John Tay- lor entreprit un voyage en 1826 dans le seul but de faire connaître les bien- faits de ce médicament, qu'il avait employé avec succès pour se guérir d’une affection des voies digestives ayant jusque-là résisté à tous les moyens qui lui avaient été conseillés. Turner-Cooke dit en avoir obtenu des résultats sur- prenants dans une foule de maladies, surtout dans la gastro-entérite et l’hé- patite, soit aiguë, soit chronique. «Il est évident, disent Trousseau et Pi- doux, que cette graine purge à la dose de 45 à 30 gr. On la donne non concassée, à jeun ou le soir, au moment où les malades se mettent au lit. On peut encore, sans inconvénient, l’administrer au commencement du re- pas. La dose, qui varie d’ailleurs suivant chaque individu, doit toujours être: telle qu’elle sollicite une ou deux évacuations faciles dans la journée. Cette (1) Journal général de médecine, t. XXXIV, p. 72. MOUTARDE SAUVAGE, 669 espèce de purgalion, qui ne cause aucune colique, est surtout utile à ceux qui sont habituellement constipés, et dont les digestions sont en même temps laborieuses. C’est au médecin qu’il appartient de juger si cette pa- resse des fonctions digestives ne tient pas à une phlegmasie, auquel cas l'usage de la graine de moutarde blanche ne serait pas indiqué. » (Reste à savoir si cette graine agit par sa présence comme Corps étranger dans l'intestin, ou si son épisperme corné permet le dégagement d’un peu d'huile volatile, qui jouerait le rôle d’un excitant des fibres circulaires. — Les grains sont rendus dans les selles avec leur aspect. Elles ne subissent donc pas l'action digestive, et conséquemment peuvent être considérés comme des corps étrangers. Pour m'assurer du second point, j'en ai fait macérer dans de l’eau tiède, et au bout d’une heure, l’eau avait acquis une saveur assez piquante. La graine de moutarde blanche agit donc et comme corps étranger et comme excitant spécial.) J'ai employé avec succès la moutarde blanche, ainsi administrée, contre la constipation qui accompagne la chlorose. C’est le moyen qui m'a le mieux réussi dans ce cas : il combat en même temps la débilité des voies diges- lives et les flatuosités qui fatiguent les chlorotiques. Le vin ou la bière de moutarde blanche m'a réussi dans l’anasarque et l’'ædème exempts d'irritation phlegmasique des voies digestives. Je m'en suis bien trouvé aussi dans les cachexies qui suivent les fièvres intermittentes automnales et dans les catarrhes chroniques, surtout dans celui de la vessie, quand il y a engouement de matières muqueuses s’opposant mécaniquement à l'émission des urines, sans irritation active. (En Angleterre, on fait assez fréquemment usage de la poudre des graines de moutarde blanche, comme émétique, à la dose d’une cuillerée à café à celle d’une cuillerée à potage dans une pinte d’eau. C’est un vomitif tou- jours facile à se procurer, et rendant d'énormes services dans les empoison- nements, etc.). Macartan se servait, ainsi que nous l’avons dit plus haut, de la farine de moutarde blanche en gargarisme contre les angines tonsillaires. On l’em- ploie de la manière suivante : farine de moutarde blanche et gomme ara- bique, de chaque 2 gr.; infusion de fleurs de sureau, 280 gr. ; mêlez, pour gargarisme. Par ce moyen, d’abondantes mucosités et des portions mem- braniformes se détachent, le dégorgement et la résolution s’opèrent. L’ex- périence a démontré que les gargarismes alcalins ou astringents sont pré- férables aux émollients et aux mucilagineux, que la médecine expectante se contente d'employer en pareil cas. On sait combien l'application du caustique même à eu de succès dans les angines. C’est un point de pratique sur lequel il ne reste plus aucun doute. MOUTARDE SAUVAGE. Sanve sinapis arvensis, L. — Très-abondante dans nos moissons, où elle forme, par l’épanouissement de ses fleurs, un magni- fique tapis Jaune. Desceription.— Plante velue. — Siliques allongées, trois fois plus longues que la corne terminale, horizontales multangulaires, glabres, renflées.— Semences très-petites, tenant le milieu par la grosseur entre les deux précédentes, analogues de forme avec celles de la moutarde noire, qui en contient une certaine quantité dans le commerce. Mêmes propriétés chimiques et thérapeutiques, mais à un plus faible degré. 670 MUGUET où LIS DES VALLÉES. MUGUET ov LIS DES VALLÉES. Convallaria maialis. L. Lilium convallèum album. G. BAuUH., Tourn. — Lilium convallium flore albo. Par. Muguet de mai, — muguet des bois, — lis de mai. ASPARAGÉES, — LILIACÉES. Fam. nat, — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace vient spontanément dans les bois, dans les lieux om- bragés. Elle est très-commune et très-connue; on en a obtenu par la cul- ture des variétés à fleurs roses et à fleurs doubles. Description. — Hampe grêle, striée, haute de 15 à 20 centimètres et portant à son sommet une douzaine de petites fleurs suspendues à un léger pédoncule.— Feuilles au nombre de deux, radicales, amplexicaules, ovales-lancéolées.— Fleurs blanches, pé- donculées, en forme de grelot, allernes, dirigées toutes du même côté (avril-mai), — Calice pétaloïde à six dents.— Six étamines inséréés à la base du limbe. — Un style. — Trois stigmates. — Fruit : baie sphérique, tacheté avant sa maturité, puis rouge quand il est mür, à trois loges monospermes. Parties usitées, — Les rhizômes, les fleurs et les baies. [Culture.— Le muguet de mai, dont on connaît deux variétés, l’une à fleurs doubles, l’autre à fleurs rouge clair, demande une terre fraiche, et ombragée ; on le multiplie de rejetons ou de racines, et au besoin de graines semées en place. | Récolte.— On récolte les fleurs au moment où elles s'ouvrent ; la racine en toute saison ; à l’état de dessiccation la fleur a perdu son odeur, mais elle a conservé sa saveur. Cette plante est difficile à préparer; il faut séparer les pétales et les sécher à l’étuve. Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur des fleurs de muguet a quelque rapport avec celle de la fleur d'oranger; elles ont alors une saveur âcre, amère et nauséeuse qu'elles communiquent à leur infusion aqueuse. (Le parfum de ces fleurs peut être pris par l'alcool et la glycérine, qui constituent alors d’agréables cos- métiques.) La racine et les baies sont également âcres, d’une amertume intense. (Stan. Martin (1) a analysé les fleurs et y a trouvé: un alcaloïde, sous forme de poudre, la maïaline; un acide particulier, l'acide maialique; une huile essentielle, un principe colorant jaune, de la cire, du mucilage, de l’extractif, de la fibre végétale.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion des fleurs fraiches, | Extrait alcoolique des fleurs, 2 gr., en pi- de 8 à 20 gr. par kilogramme d’eau. lules. Eau distillée (1 sur 4 d’eau), de 15 à 50 gr., | Poudre des baies, 2 à 16 gr. (antiépilep- en potion. tique). Sirop (1 sur 2 d’eau et 4 de sucre), de 30 à | 60 gr., en potion. On regarde les fleurs du muguet comme antispasmodiques. On les a em- ployées dans la migraine, les convulsions, l’épilepsie, etc. On a attribué à cette plante une vertu éméto-cathartique. C’est surtout la racine que l’on désigne comme possédant la faculté de faire vomir ou de purger, selon la dose à laquelle on l’administre. Mossdorf dit qu’un 12 gros (2 gr.) de ses fleurs suffit pour purger fortement. Prises fraîches, à la dose de 4 gr. 50 centigr. mêlées et broyées avec un peu de miel, elles m'ont produit cinq selles abondantes et avec coliques assez vives, mais peu dura- bles. Je prenais une grande tasse de bouillon de veau après chaque évacua- tion. J'en ai administré 2 gr. 25 centigr. à un cultivateur robuste, âgé de trente-six ans, atteint d’une fièvre intermittente automnale : il en est ré- sulté huit selles dont trois abondantes et trois petites avec épreintes, coli- ques, nausées et même efforts de vomissement. Ce purgatif, bien étudié dans ses effets, n’est point à négliger. Je n’ai point expérimenté la racine, qui est, dit-on, éméto-cathartique. Suivant J.-H. Schulze, qui l’a essayé sur lui-même et sur d’autres, l’ex- (1) Bulletin de thérapeutique, août 1865. MURIER NOIR, 671 trait spiritueux des fleurs est amer et purgatif (1) à la dose d’un demi-gros (2 gr.). Wauters a proposé cet extrait comme succédané de la scammo- née, Peyrilhe, Cartheuser et Klein l'avaient indiqué comme pouvant être substitué à l’aloès. Senckenberg père et fils (2) ont préconisé les baies de muguet de mai dans l’épilepsie idiopathique; après avoir purgé le malade, ils lui donnaient depuis 4 jusqu’à 4 grammes de poudre de baies de muguet, avec l’eau vineuse des fleurs ou avec l’eau distillée simple, Ils la donnaient aussi dans les fièvres intermittentes, ainsi que dans d’autres ma- ladies. (Pulvérisées après dessiccation, les fleurs sont sternutatoires, propriété qu'elles doivent probablement à l’acide maïalique libre). Cette poudre, prise comme du tabac, a réellement calmé des douleurs de tête invétérées, et a guéri des fluxions chroniques des yeux et des oreilles, des vertiges succédant à la suppression du mucus nasal, etc., en faisant rendre beaucoup de sérosités par les narines. L MURIER NOIR. Morus nigra. L. MORÉES. Fam. nat. — MONOÉCIE TÉTRANDRIE. L. Cet arbre, originaire de la Perse, et, selon quelques auteurs, primitive- ment apporté de la Chine, est naturalisé dans les provinces méridionales de l’Europe et cultivé en France. Il produit ses fruits en juillet et août. [Parties usitées.— L'écorce de la racine, les feuilles, les fruits. Récolte.,— L'écorce de la racine doit être recueillie avant la maturité des fruits : les fruits sont récoltés un peu avant leur complète maturité lorsqu'ils perdent leur cou- leur brune rougeâtre pour en prendre une noire. Éuiture. — Quoique très-rustique, le mürier préfère une exposition abritée et un peu ombragée, un terrain meuble et substantiel ; on le propage de marcottes, de graines ou de boutures ; on transplante les jeunes pieds lorsqu'ils sont assez forts; la taille se borne à enlever le bois mort et à éclaircir les rameaux trop touffus. Propriétés physiques et chimiques. — L'écorce du mürier est riche en fibres, les fruits sont mucilagineux, acides et sucrés ; ils renferment de la pectine, de l'acide pectique, de lacide tartrique et du sucre ; on les mélange souvent frauduleu- sement ou on vend à leur place les fruits du rubus fructicosus, L., ou ronce, que l’on nomme müre des haies ; ceux-ci sont plus petits, moins acides, plus mucilagineux, et au lieu d’être des soroses comme la mûre, ce sont de petites baies noirâtres réunies sur un réceptacle commun.] Les müres ou fruits du mürier sont rafraichissantes, acidulées et très- agréables. On en prépare des boissons qui conviennent dans les fièvres in- flammatoires, les inflammations internes, etc. Le sirop de müres est vulgai- rement employé dans les inflammations de la gorge et de la bouche, en gargarisme. L'écorce de la racine du mürier, d’une saveur amère et âcre, a été pré- conisée comme anthelminthique et purgative dès le temps de Dioscoride. On l’a même employée contre le ver solitaire. Sennert, Mercurialis, Andry (3), Desbois de Rochefort et d’autres auteurs, l’ont recommandée contre les lombrics et le tænia. Lieutaud dit que cette dernière vertu n’est pas bien constatée. Cependant un médecin de campagne instruit et habile praticien, Dufour, de Bourthes, m'a dit avoir fait rendre, en 1802, un tænia long de douze à quinze mètres chez une femme de quarante-cinq ans, au moyen d’une demi-once (15 gr.) de racine de müûrier bouillie pendant une demi- 7 D D PRE, (1) Diss. de lilio convallio. Halæ, 1742. (2) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1851, p. 646. (3) Génération des vers, p. 172. 672 MYRTE. heure dans huit onces d’eau. La malade prenait cette décoction chaque matin en deux fois, à une demi-heure d'intervalle. Le quatrième jour, elle rendit le ver, après avoir eu trois évacuations précédées de coliques. Comme il n’est pas aussi facile de se procurer la racine de grenadier (à laquelle on substitue frauduleusement d’autres racines) que celle de mürier, il serait utile de vérifier, par de nouveaux essais, la propriété ténifuge de cette der- nière. On doit récolter l’écorce de la racine de mûrier avant la maturité des mûres. Elle se donne en décoction ou en infusion à la dose de 5 à 45 gr., et en poudre à celle de 2 à 4 gr. dans un liquide ou en électuaire. (Citons, à cause de l’emploi de ses feuilles dans l’alimentation des vers à soie, le mürier blanc, M. alba.) MYRTE. Myrtus communis. L. Myrtus latifolia. GC. BAUH. Myrte commun. MYRTICÉES. — MYRTÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L. Le myrte, non moins célèbre que le laurier chez les anciens, servait à cou- ronner les amants heureux. Originaire d'Afrique, il croît en Espagne, dans le midi de la France, et est cultivé comme arbrisseau d’agrément. Description. — Racine ligneuse, peu profonde, — Tiges rameuses, hautes de 1 à 2 mètres et même quelquefois plus. — Feuilles opposées, luisantes, d’un vert gai, odorantes, persistantes. — Fleurs blanches, axillaires, pédonculées, solitaires (juin- juillet-août). — Calice globuleux, à cinq dents. — Corolle à cinq pétales, — Etamines nombreuses. — Fruit : baie ovalaire, noire, triloculaire, renfermant de petites grâines dures et blanches. : Parties usitées.— Les feuilles et les fruits. Récolte.— Les feuilles sont apportées sèches du Midi. Les baies doivent être choi- sies récentes, assez grosses, bien sèches, noires, d’un goût astringent. (Culture. — Terre franche, légère, et mieux de bruyère ; exposition chaude ; on le propage de graines ou de boutures, on le rentre l’hiver.| Propriétés physiques et chimiques. — Le myrte fournit une huile essentielle qui jouit de propriétés excitantes énergiques. — On préparait avec cette plante un extrait nommé myrlelle ; ses feuilles et ses fleurs distillées donnent une eau appelée eau d'ange, tant elle était estimée. D’après Dioscoride, on préparait par ébulli- tion une sorle de vin appelé myrtedanum, avec les rameaux chargés de feuilles et de fruits de cet arbrisseau. — Dans quelques lieux de la Grèce, de Pitalie et de la Pro- vence, les feuilles de myrte servent pour le tannage des cuirs. Toutes les parties de cette plante sont astringentes et aromatiques. Vanté outre mesure par les anciens et presque entièrement oublié comme plante médicinale par les modernes, cet arbrisseau ne mérite ni les éloges pro- digués par les premiers, ni le dédain des derniers. « L'huile volatile aroma- tique que fournissent toutes ses parties, le principe astringent que décèle le mélange du sulfate de fer avec son infusion, qu'il noircit, annoncent, dit Loiseleur-Deslongchamps, des propriétés excitantes et astringentes dont on pourrait tirer parti, si tant d’autres moyens ne s'offraient pour remplir les mêmes indications (1).» Dioscoride et Pline le recommandaient contre la débilité des voies digestives, la diarrhée, les flueurs blanches, les hémor- rhagies, et à l’extérieur, dans le relâchement des gencives, la chute du rectum, etc. (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXV, p. 141. NARCISSE DES PRÉS, 673 Garidel (1) donne la composition d'une liqueur huileuse dont il exagère la vertu : Prenez, baies de myrte bien mûres, un peu desséchées sur l’ar- buste, une ou deux poignées; pilez-les dans un mortier, mettez-les dans un pot de terre neuf avec un peu d’eau-de-vie. Au bout de sept à huit jours, passez avec expression, vous aurez un suc huileux propre à raffermir cer- tains organes relâchés. Le myrte, consacré à Vénus, n'offre, quoi qu'en dise Garidel, qu'une ressource bien illusoire pour effacer les traces ineffacables du culte de cette déesse. Nulla superabilis arte Læsa pudicitia est, deperit illa semel. (Ovine, Epist.) MYRTE BATARD, MYRTE DE BRABANT, MYRTE DES PAYS FROIDS, PIMENT AQUATIQUE, PIMENT ROYAL ( Myrica gale, L. Rhus; Myrtifolia belgica, C. Bauh.; Elæagus cordi, Lob.; Myrtus brabantica, Tourn.). MyYricÉées. Fam, nat. — DIOÉCIE TÉTRANDRIE. L. Le myrte bâtard croit dans les lieux marécageux et incultes de l'Europe septentrionale, On le trouve dans les marais des Planets à Saint-Léger, aux environs de Versailles, dans les marais du Cériset, de Montfort, etc., et dans beaucoup d’autres parties de la France. Description. — Racine fibreuse. — Tige rameuse, grêle, d'environ 80 centi- mètres de hauteur. — Feuilles spatulées, alternes, oblongues, dentées, d’un vert brun, étroites à la base, larges et arrondies au sommet. — Fleurs jaunes, disposées sur des chatons ovales, sessiles, à écailles luisantes, en forme de croissant : les fleurs mâles ayant quatre étamines à anthères ovales et didymes; les fleurs femelles ayant un ovaire supérieur à deux styles, grêles, à stigmate simple.— Fruit : baie arrondie, noire, à une semence. | Cette plante, d’une odeur forte, aromatique, d’une saveur amère, passe pour tonique, excitante, vermifuge et antipsorique. Elle paraît contenir beaucoup de camphre; ses feuilles et ses jeunes pousses sont parsemées de petits points qui, selon Peyrilhe, ont beaucoup d’analogie avec la cire. On prétend que ses fruits fournissent, par la décoction dans l’eau, une huile concrète semblable à la cire qu’on obtient de l'arbre à cire (myrica ceri- fera, L.). Gilibert la recommande aux praticiens. Son odeur forte, dit-il, a autant d'énergie que plusieurs autres plantes tant recommandées. Peyrilhe lui supposait aussi de grandes vertus. Cette plante, dit Bodart, est du nombre de celles qui pourraient être mullipliées, en s'appliquant à la pro- pager dans les sites où nous la trouvons spontanée. NARCISSE DES PRÈS. Narcissus pseudo-narcissus. L. Narcissus sylvestris luteus. Don. — Narcissus luteus montanus. Los. Bulbocodium vulgatius. C. BAUH. — Narcissus sylvaticus. TOURN. Narcissus sylvestris. LAM. — Narcissus major. LoisEL. Narcisse sauvage, — aïaut, — aillaud,— faux narcisse, — porillon, — fleur de coucou, campane jaune, — gringande, — aliez, — clochette des bois, — jeannette, herbe à la Vierge. AMARYLLIDÉES. — NARCISSÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. On trouve le narcisse sauvage partout, dans les bois, dans les prés, où il montre de bonne heure ses jolies fleurs. Bescription.— Racine bulbeuse à oignon oblong et luisant. — Tige : hampe d'environ 30 centimètres. — Feuilles radicales, allongées, lisses, vertes, peu nom- breuses. — Fleurs grandes, solitaires, penchées sur la hampe, d’un jaune soufré, ren- a —————Za qe mms ts rl -mirihe (2) Histoire des plantes de la Provence, 1723. 13 674. NARCISSE DES PRÈS. fermées, avant leur développement, dans une spathe persistante, s’ouvrant sur le côté mars-avril). — Périanthe tubuleux, divisé en deux limbes, l'extérieur à six languettes jaunâtres, l’intérieur campanulé, frangé, formant une sorte de couronne d’un beau jaune. — Six étamines plus courtes que la couronne. — Un style un peu plus long à stigmale trifide. — Fruit : capsule subglobuleuse, trigone. Parties usitées.— Les feuilles, les fleurs et les racines. (Culture. — On ne la cultive que dans les jardins botaniques ou d'agrément ; elle est très-rustique ; on Ja multiplie par division des caïeux, elle croît dans tous les sols. | Récolte. — Les bulbes se récoltent en tout temps, les fleurs quand elles sont épanouies. Lorsque la dessiccation a été négligée, que la plante a été récoltée par un temps de pluie, elles deviennent alors verdâtres. On verra plus bas que ces deux états leur donnent des propriétés différentes, également utiles. Propriétés physiques et chimiques.— Les fleurs de narcisse des prés ont une odeur faible et une saveur peu déterminée. — Les bulbes ont une saveur amère et âcre. — Les fleurs contiennent, suivant Carpentier (1), de l'acide gallique, du tannin, du mucilage, de l’extractif, de la résine, du muriate de chaux, du ligneux.— Caventou en a retiré une matière grasse odorante, une matière colorante jaune, de la gomme et de la fibre végétale. — Cette plante, analysée par Jourdain, de Binche (2), lui a fourni un principe particulier, la narcitine ou narcissine, qu’il regarde comme le principe actif. Ce produit est blanc, suave, transparent, soluble dans l’eau, l'alcool et le vinaigre, déliquescent. D’après Jourdain, les squames desséchées du bulbe contiennent- presque la moitié de leur poids de narcitine. La fleur en contient en moindre propor- tion ; la hampe, avant le développement de la fleur, en contient beaucoup; elle n’en renferme plus dès qu'elle commence à se flétrir; il en est de même des feuilles. Le contraire a lieu pour les bulbes. On obtient des fleurs de narcisse des prés une laque jaune. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion des fleurs sèches |! Extrait (1 de fleurs sèches sur 6 d’alcool à (1 à 2 gr. pour 125 gr. d’eau), par cuille- 60 degrés ; 1 kilogr. de fleurs sèches donne rées dans la coqueluche. 200 gr. d'extrait), de 5 centigr. à 1 gr., en Poudre des feuilles et des fleurs, de 1 à 2? gr. pilules, potions, etc. Racine en poudre, de 2 à 8 gr., comme pur- | Oxymel, une cuillerée à café trois ou quatre gative et vomitive. fois par jour, comme expectorant, sé- Sirop (1 de fleurs fraiches sur 2 d’eau et 4 de datif. sucre), de 5 à 30 gr. ï Le bulbe, les feuilles et les fleurs de narcisse des prés ont été regardés comme vomitifs et antispasmodiques. On les a proposés contre la coque- luche, l’asthme, les fièvres intermittentes, la toux convulsive, diverses af- fections nerveuses, etc., soit à la dose altérante ou nauséabonde, soit à dose vomitive. La propriété vomitive de cette plante n’explique pas tous les effets que l’on en obtient. Tout porte à croire que la narcitine est un principe sédatif ayant quelque analogie avec ceux des plantes vireuses. Le narcisse endort les nerfs, dit Plutarque (3). Pline prétend que le mot narcisse vient du grec vaprn (engourdissement) , parce que l'odeur de ses fleurs porte à l’assou- pissement ceux qui les respirent. L’extrait de cette plante, à la dose de 8 à 12 gr., est un poison qui, suivant Orfila, agit spécialement sur le sys- tème nerveux et sur la membrane interne de l’estoinac, dont il détermine l’inflammation, lors n,ême qu’il est appliqué sur des plaies ou sur le tissu cellulaire d’un membre. Cet empoisonnement réclame le même traitement que celui qui est produit par la CHÉLIDOINE. La propriété vomitive du bulbe de cette plante était connue des anciens. « Sa racine cuite, dit Dioscoride, mangée ou prise en breuvage, provoque à vomir. » (4) Bulletin de pharmacie, t. II, p. 128. -(2) Encyclopédie des sciences médicales, septembre 1839. (3) Propos de table, quest. 1, Le | \ ’ NARCISSE DES PRÉS. 675 Loiseleur-Deslongchamps a provoqué d’abondants vomissements avec le bulbe de cette plante réduit en poudre et administré à la dose de 24 à 48 grains (1 gr. 20 centigr. à 2 gr. 40 centigr.). Les fleurs ont produit le même effet, mais à dose un peu plus élevée; il a fallu en faire avaler 2 à 4 gr. en suspension dans un véhicule édulcoré. Le même médecin a encore reconnu à cette plante une propriété narcotique et antispasmodique, et l’a donnée avec succès dans la coqueluche, la dysenterie, etc. Armet et Waltecamps, de Valenciennes (1), regardent les fleurs pulvéri- sées de narcisse sauvage comme un bon émétique à la dose de 4 gr. à 1 gr. 50 centigr. Lejeune, de Verviers (2), dit avoir vu presque constamment 1 gramme de cette poudre délayé dans 300 grammes d’eau avec 30 gram- mes de sirop d’écorce d’orange donné par cuillerées d’heure en heure, produire le vomissement. D’un autre côté, les docteurs Loiseleur - Des- longchamps et Marquis ont donné, dans l’espace de six à huit heures, depuis 2 gr. 50 centigr. jusqu’à 8 et même 12 gr. de fleurs de narcisse pul- vérisées à trente et un malades, et sept seulement ont eu un, deux ou tout au plus trois vomissements; les autres n’ont rien éprouvé de semblable, Cette différence dans les résultats paraît provenir, suivant les deux auteurs que nous venons de citer, de la manière dont la dessiccation des fleurs est faite. Ainsi, lorsque cette dessiccation a lieu rapidement, les fleurs restent d’un beau jaune, et elles ne sont que très-rarement émétiques. Lorsqu’elles ont été récoltées par un temps de pluie, ou que l’atmosphère, constamment humide pendant quelques jours, n’a pas permis de les dessécher prompte- ment, ou enfin, lorsqu'on y a mis peu de soins, elles passent alors facile- ment au jaune verdâtre, et, dans ce cas, elles agissent beaucoup plus souvent -comme émétiques. «Nous avons encore cru remarquer, disent les mêmes auteurs, que l’eau bouillante développait beaucoup leur propriété émétique, et que toutes choses égales d’ailleurs, la décoction de vingt ou trente fleurs de narcisse, prise même refroidie, provoquait plus fréquemment le vomisse- ment qu’une quantité pareille de fleurs prises réduites en poudre. La décoc- tion dans l’eau nous a paru tellement développer la propriété émétique des fleurs de narcisse des prés, que celles-ci fournissent à peu près le quart de leur poids d'extrait; trois à quatre grains de ce dernier ont fréquemment excité des vomissements chez plusieurs malades, et ces trois à quatre grains ne correspondaient Cependant qu'à douze et seize grains de fleurs en na- ture, quantité avec laquelle nous n’avons jamais vu vomir un seul malade. » Loiseleur-Deslongchamps a employé les fleurs de narcisse des prés pulvé- risées comme fébrifuges sur dix-huit malades atteints de fièvres intermit- tentes diverses, et comme antidysentériques sur treize malades. Dans le premier cas, treize malades ont été guéris radicalement ; dans le second, neuf ont vu leur maladie se dissiper promptement. Ces fleurs pulvérisées étaient administrées à la dose de 4 à 8 gr., délayées avec suffisante quan- tité d’eau sucrée et aromatisée. Dans les cas de fièvre, cette dose a été don- née en quatre fois, de deux heures en deux heures, avant le paroxysme. Elle a été prise par fractions, en vingt-quatre heures, dans les cas de diar- rhée et de dysenterie. C’est à la vertu narcotique du narcisse, connue des anciens, mais oubliée, que paraissent dus les bons effets dans les fièvres el les dysenteries, où l’opium, comme on le sait, réussit souvent. Cependant on peut admettre, à l'égard de la dysenterie et des catarrhes, une action spéciale de cette plante analogue à celle de l’ipécacuanha sur les mer- branes muqueuses. Dans une thèse soutenue à la Faculté de médecine de Paris, Passaquay à annoncé avoir employé avec beaucoup de succès le narcisse des prés contre : A 1) Bulletin de pharmacie, vol. TITI, p. 128 et 328. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXV, p. 188. 676 NARCISSE DES PRÈS. plusieurs épidémies de dysenteries qui se manifestèrent à différentes épo- ques dans le département du Jura. Ce médicament était, dès le début, em- ployé à peu près dans tous les cas, sauf ceux où les symptômes inflamma- toires trop prononcés forçaient de débuter par l'emploi des émissions sanguines. | Dufresnoy, de Valenciennes (1), a rapporté diverses observations consta- tant les bons effets de l’infusion ou de l'extrait des fleurs de narcisse des prés dans les maladies convulsives. Il en a retiré de grands avantages dans l'épilepsie, le tétanos, la coqueluche. Dans cette dernière maladie, le même médecin employait de préférence le sirop de fleurs de narcisse sauvage. Ce sirop fait vomir les malades sans les fatiguer, et calme les quintes de toux. Veillechèze (2) a confirmé par de nouvelles observations l’efficacité de l'extrait des fleurs de narcisse contre la coqueluche; mais il n’a obtenu dans divers cas d’épilepsie qu’une amélioration passagère. Porché, agrégé à la Faculté de médecine de Montpellier (3), a guéri, au moyen de l'extrait de narcisse des prés, une jeune fille de neuf ans, atteinte d’une chorée qui datait de six mois. Le même médicament lui a réussi dans trois cas de né- vralgies qui affectaient diverses parties du corps. Pichot (4) a obtenu de l'emploi du narcisse des prés un résultat des plus satisfaisants dans un cas d'épilepsie. «Quant à moi, dit à cette occasion Michea, j'ai retiré les plus grands avantages de la poudre de fleurs de narcisse des prés dans plusieurs cas d’épilepsie et d’hystérie. Je commence à administrer cette substance à la dose de 3 décigr., et j'arrive graduellement à 4 gr. et demi par jour, terme qu’on ne dépasse jamais sans provoquer des vomissements. Je sus- pends la médication pendant quinze jours ou un mois, pour la reprendre ensuite et la suspendre encore, et cela durant un temps prolongé d’une manière suffisante. » Laennec est parvenu avec l'extrait seul, à la dose de 2 à 5 centigr. donnés à deux, quatre ou six heures d'intervalle, à guérir plusieurs fois la coqueluche dans l’espace de quelques jours. Roques a ad- ministré avec succès le même médicament dans la toux férine des enfants, et surtout dans celle qui survient à la suite des exanthèmes. « Quelquefois, dit cet auteur, il a produit, à très-petite dose, des vomissements douloureux, des anxiétés, des tremblements qui m'ont fait renoncer à son usage; mais le plus souvent, il a contribué à calmer la toux. Lorsque je l’ai uni au sirop diacode, il a moins fatigué l’estomac. Je me suis assuré des avantages de cette combinaison dans le traitement de la coqueluche ; elle m'a réussi dans quelques circonstances où la belladone avait augmenté l’irrritation spasmo- dique. » (Morgagni raconte que l'huile dans laquelle on à fait infuser le narcisse, employée en frictions sur le ventre, est un moyen vulgaire en Italie pour provoquer l’avortement). Frappé des avantages et de l’innocuité de cette plante à dose thérapeu- lique, je l’ai adoptée dans ma pratique comme vomitif doux et expecto- rant analogue à l’ipécacuanha. Je m'en suis très-bien trouvé dans les affec- tions catarrhales pulmonaires, dans l’asthme et dans quelques diarrhées chroniques. Je n'ai pas eu l’occasion de l’employer dans la dysenterie. Ce fut surtout dans une épidémie de coqueluche qui régna dans nos villages, en 1840, que j'en retirai de grands avantages. Je l’administrais d’abord à dose vomitive, et lorsque le début, presque toujours inflammatoire, était. dissipé pour faire place à cette abondante sécrétion muqueuse et à ces quintes spasmodiques qui caractérisent cette maladie, je fractionnais les (1) Des caractères, du traitement et de la cure des dartres, des convulsions, etc. Paris, an VII. (2) Journal de médecine, chirurgie et pharmacie, décembre 1808. (3) Ephémérides médicales de Montpellier, t. III, p. 181. (4) Journal l’Observation, février 1851, p. 67. NAVET, — NÉFLIER, 677 doses, comme on le fait avec l'ipécacuanha. Je l’associais souvent à la poudre de racine de belladone, et, lorsqu'il y avait indication, je revenais de temps en temps à la dose vomitive. J'employais l’infusion, le sirop ou l’extrait des fleurs. Je faisais dissoudre ce dernier dans une potion appropriée à la dose de 5 à 30 centigr. et plus, suivant l’âge du malade, l'intensité des symptômes et des effets produits. La certitude des bons effets du narcisse des prés est une précieuse acqui- sition pour la médecine rurale. On devrait adopter cette plante partout dans la pharmacopée des pauvres, et la placer dans les officines à côté de la racine d'asarum, dont elle diffère par une action plus douce et qui permet de l’administrer aux enfants les plus délicats et aux femmes les plus irri- tables. La propriété émétique existe dans le bulbe de la plupart des narcisses. Pline, Dioscoride et Galien attribuaient cette propriété à celui du narcisse poétique. Ils en faisaient manger l’ognon cuit ou bien en faisaient boire la décoction pour provoquer le vomissement (4). Des observations relatives au narcisse odorant, à la jonquille, au pancratium maritimum, au perce-neige, ont attesté dans ces plantes la même propriété émétique à divers degrés. Le narcisse odorant (narcissus odorus, L.) est celui qui, comme émétique, a donné les résultats les plus satisfaisants ; viennent ensuite les narcisses ta- zette et sauvage (narcissus tazetta, L.). NAVET. Brassica napus. L. CRUCIFÈRES. — BRASSICÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. Le navet, qui appartient au même genre que le chou, et qui est si géné- ralement cultivé, croît aujourd’hui sans culture dans les champs, les mois- sons, où 1l s’est naturalisé par la dissémination des graines. On emploie la racine et la semence. Le navet est plutôt cultivé comme aliment que comme médicament. On lui à cependant reconnu une propriété émolliente et pectorale. On l’em- ploie vulgairement dans les toux, la coqueluche, l’asthme, etc. Les paysans font un usage fréquent, dans les affections de poitrine, d’une forte décoction de racine de navet, prise chaude ayec du miel. Les mères préparent, pour leurs enfants atteints de rhume ou de coqueluche, un sirop de navet en creusant en forme de tasse une racine de cette plante et mettant dans la cavité du sucre candi en poudre. Le sirop qui passe à travers le parenchyme du navet est donné par cuillerées fréquemment répétées. Ce sirop est fort bon et calme la toux en facilitant l’expectoration. On emploie vulgairement le navet cuit et réduit en pulpe sur les engelures : il modère les démangeaisons et l’inflammation. Le navet convient comme aliment dans les affections scorbutiques; mais comme il est flatulent, il est bon de l’assaisonner avec des aromates. La semence de navet, en infusion ou en décoction, à la dose de 4 à 8 gr., est diurétique et un peu diaphorétique. | (Uue variété du brassica napus, variété oleifera, vulgairement navette d'hiver, par opposition à la variété oléifère du Br. rapa, dite navette d'été, fournit une huile analogue à celle de colza). (Voyez ce mot, page 345.) NÉFLIER. Mespilus germanica. ROSACGÉES. — POMACÉES. Fam, nat. — DIDYNAMIE ANGIOSPERMIE. L. Petit arbre ou grand arbrisseau connu de tout le monde, et dont le fruit (1) Dioscoride, lib. 1V, c. CL. 678 É NÉNUPHAR, (néfle) a une saveur austère et désagréable avant sa complète maturité, qui n’a lieu qu’en novembre, après l’avoir tenue quelque temps sur la paille. Il a alors une saveur douceâtre qui n’est pas désagréable. On le regarde comme astringent, et on en recommande l’usage dans les diarrhées. Forestus a apaisé plusieurs diarrhées très-opiniâtres par l’usage seul des nèfles crues. Ghidella (1) conseille la poudre des semences dans la ménorrhagie passive. Les feuilles sont également astringentes, et on s’en sert en gargarisme dans les aphthes et les inflammations de la gorge. On a cru les semences efficaces contre la gravelle, réduites en poudre, à la dose de 4 gr., infusées du soir au matin dans un verre de vin blanc. Aujourd’hui le néflier est inusité en médecine. NÉNUPHAR. Nymphea alba. L. Nymphea lutea major. C. BAuH., Tourx. — Nymphea alba major vulgaris. PARK. Grand nénuphar, — lis des étangs, — lis d’eau, — lune d’eau, — volant d’eau, — blanc d’eau, volet blanc, — baratte, — cruchon, — herbe aux plateaux, — nymphe, pyrote, — herbe d’enfer. NYMPHÉACÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE POLYGYNIE. L. Le nénuphar, plante vivace (PI. XXVIT), brille à la surface des étangs. comme le lis dans nos parterres. L'observation a démontré que le dévelop- pement des feuilles du nénuphar, au printemps, est un signe certain de la belle saison et de la chaleur, et qu’en automne la disparition de ces feuilles annonce les gelées. Deseription.— Racines très-longues, blanches, épaisses, noueuses et charnues, pas de tige. — Feuilles très-grandes, longuement pétiolées, épaisses, charnues, ovales, lisses, échancrées en cœur, s’épanouissant à la surface de l’eau. — Fleurs blanches, grandes, solitaires, portées sur un pédoncule radical de la même largeur que les pé- tioles (juin-septembre). — Calice à quatre ou cinq grandes folioles colorées, persistant. — Corolle composée de pétales nombreux, d’un beau blanc, placés sur plusieurs rangs superposés. — Etamines plus courtes que la corolle et en très-grand nombre. — Un ovaire. — Un stigmate. — Fruit ; baie sèche, renfermant une grande quantité de se- mences et ayant à peu près la forme d’une capsule de pavot. Parties usitées. — Les rhizômes et les fleurs. Récolte. — La racine de nymphéa est difficile à sécher; on doit la couper par branches ou lambeaux minces et la faire sécher promptement. Quel que soit le soin que l'on prenne, elle brunit toujours un peu. Par sa dessiccation elle perd 80 pour 100 de son poids. (Culture. — Celte plante sert à orner les pièces d’eau, il lui faut de la terre va- seuse, argileuse et un peu tourbeuse : on la multiplie par division des rhizômes ou par graines semées en juin ou en juillet dans des terrines que l’on immerge. | Propriétés physiques et chimiques. — La racine de nénuphar, ino- dore, d’une saveur amère et styptique, contient, d’après Morin, de Rennes (2), de l'ami- don, une substance muqueuse, du tannin combiné à l'acide gallique, une matière végélo-animale, quelques acides végétaux et quelques sels. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 100 à 300 gr. | Sirop (1 sur 2 d’eau bouillante et de sucre), (racine) par kilogramme d'eau. 50 à 100 gr., en potion, Eau distillée, en potion. A L’EXTÉRIEUR. — En cataplasmes, Les anciens n’hésitaient pas à reconnaître. dans les semences et la racine: de nénuphar la vertu d’éleindre les désirs vénériens, et même d’abolir la faculté génératrice. Personne n’ignore la confiante et aveugle crédulité avec (1) Bulletin des sciences médicales. Férussac, t, XIX, p. 130. (2) Journal de pharmacie, 1821, t. VII, p. 490. NERPRUN. 679 laquelle les religieuses de nos couvents faisaient usage de cette plante pour réprimer des désirs que l’on ne parvient à éteindre que par l’absence de toute excitation, soit morale, soit physique. Magnaque subducto stipite flamma perit. (Ovine, De remed. amoris.) Regardée par les uns comme émolliente et rafraichissante, et par les autres comme excitante à la manière des toniques et des amers, on est resté longtemps dans le doute sur les véritables propriétés de la racine de né- nuphar, Ce dont j’ai pu me convaincre, c'est qu'à l’état frais elle rougit et enflamme la peau sur laquelle on l'applique. Cet effet explique le succès (tout révulsif) que Detharding a obtenu contre la fièvre intermittente, en appliquant cette racine, coupée en long, sur la plante des pieds. G. Horsius dit que la racine de nénuphar cuite pendant longtemps dans du beurre, que l’on passe ensuite à travers un linge, forme une pommade dont l'usage rend les cheveux plus beaux et plus abondants. Les fleurs de nénuphar ont été regardées par Alibert comme légèrement narcotiques ; elles sont mucilagineuses, émollientes et adoucissantes. NERPRUN. Rhamaus catharticus. L. — C. Bauu. Fhamnus solutivus. Dop. —- Cervi spina. Corp. — Spina cervina. GESN, Spina insectoria. CAM. Nerprun purgatif, — nerprun cathartique, — nerprun officinal, — bourg-épine, épine de cerf, — noirprun. RHAMNÉES.— ZIZIPHÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cet arbrisseau (PI. XXVII) est très-commun dans les taillis, dans les haies, dans les forêts de la France septentrionale, où on peut le multiplier à volonté. Description. — Racine ligneuse. — Tige droite, rameuse, à branches épineuses. d'environ 3 mètres de hauteur. — Feuilles alternes, pétiolées, d’un beau vert, arron- dies ou ovales, finement dentées à leurs bords, à nervures parallèles et convergentes. — Fleurs petites, d’un blanc terne, très-souvent dioïques, réunies en bouquets dans l’aisselle des feuilles (avril-mai).— Calice à quatre ou cinq divisions.— Corolle à quatre pétales d’un blanc verdâtre. — Quatre étamines opposées aux pétales. — Un style. — Fruits : baies de la grosseur d’un pois, charnues, arrondies, vertes d’abord, puis noires en mürissant et contenant quatre semences dures. Parties usitées. — Les baies, l'écorce, le bois. Récolte, — Ces baies se récoltent en octobre lorsqu'elles sont müres, ce que l'on reconnait lorsqu'elles s’écrasent aisément entre les doigts, et qu’elles donnent un suc d’un rouge noirâtre et gluant, qui passe au vert dès qu'il est en contact avec l'air. — I arrive souvent que les paysans mélangent les baies de nerprun avec des prunelles, qui, au lieu d’être purgatives, sont astringentes. Pour reconnaitre cette fraude, il suffit de les écraser; le nerprun a plusieurs semences et les prunelles n’ont qu’un petit noyau. On les falsifie aussi avec les baies de troëne ; on les distingue en ce que celles de ner- prun fournissent un liquide vert, que les semences sont osseuses, qu'elles sont isolées sur les pédoncules, gluantes et grasses au toucher, qu’elles ont quatre loges mono- spermes au lieu de deux dispermes, tandis que celles de troëne sont lisses et sèches, el sont portées plusieurs sur un pédoncule commun. [Culture.— Le nerprun est cultivé comme plante d'ornement et pour faire des haies vives, il vient dans tous les sols et à toutes les expositions, il est très-rustique ; on le propage par marcottes ou par graines semées en pépinière en octobre ; les sujets sont repiqués en place à l'automne suivant.] Propriétés physiques et chimiques. — Les baies de nerprun sont remplies d’un suc vert devenant d’un rouge violet très-foncé, d'une odeur désagréable, d'une saveur amère, âcre et nauséeuse. Ce suc contient, d’après Vogel, de la rhamnine, de l'acide acétique, du mucilage, du sucre et une matière azotée, — Le mucilage est de 680 NERPRUN. nature particulière ; Vogel, et depuis Hubert, ont vu qu'il disparait presque entière- ment par la fermentation. Il est abondant dans le suc récent et il lui donne de la con- sistance. — Fleury, de Pontoise, a extrait du nerprun et a nommé rhamnine une ma- tière fort intéressante, Elle est sous la forme de flocons légers, rarement en aiguilles, d’un jaune pâle, d’une saveur très-fade, à peine soluble dans l’eau, dans l'alcool froid et dans l’éther, très-soluble dans lalcool bouillant. Les dissolutions alcalines la dis- solvent facilement ; la liqueur est d’un jaune safrané magnifique ; elle se décolore quand on la sature ; en même temps la rhamnine se précipite ; elle se dissout dans les acides sulfurique et hydrochlorique ; mais elle se dépose quand on étend l’eau. L’acide nitrique la transforme, entre autre produits, en une matière jaune cristallisée. — Une analyse du nerprun, faite sous le point de vue de son principe purgatif, encore inconnu, aurait un grand intérêt. Ce principe paraît exister dans la pellicule du fruit seulement (épicarpe); aussi est-il indispensable, lorsqu'on prépare le suc, de le faire fermenter au contact de cette pellicule. [D’après un travail plus récent couronné par la Société de pharmacie, Fleury a extrait du nerprun une malière colorante jaune à peine purgative qu’il nomme rhamnine, que Preisser a étudiée dans les graines de Perse et d'Avignon ; celle qui a été extraite des graines de Perse a été nommée chrysorhamnine par Kane; (d’autres auteurs lui donnent le nom de rhamnéine et la formule C?*0'10!!); celle-ci se transforme au contact de l’air en une autre matière jaune olive nommée ranthorham- nine, qui paraît exister dans les fruits verts, tandis que l’autre se forme dans les fruits mûrs. Pour Fleury, le principe purgatif et colorant serait l’acide rhamnique ; pour Pi- chon, d'Aix, la matière purgalive différerait de la matière colorante.] En mêlant à 30 parties de sucre de fruits de nerprun, 8 parties d’eau de chaux et 4 partie de gomme arabique, et en faisant épaissir, on a le vert de vessie, employé pour la peinture en détrempe. Le même principe colorant, précipité du suc par l’alun et la craie, constitue le stil de grain. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction, 20 à 30 baies par | Sirop (1 de suc des baies sur 1 de sucre), de kilogramme d’eau. 30 à 100 gr., en potion. Suc exprimé des baies, de 8 à 30 gr., en po- tion. A L’EXTÉRIEUR. — Suc, en lavement, de 50 à Extrait des baïes ou rob, de 1 à 8 gr., en po- 100 gr., délayé dans l’eau. tion (1 kilogr de suc donne 70 gr. d’extrait). Les baies de nerprun sont un purgatif drastique énergique, commode et sûr. On l’a surtout recommandé dans les hydropisies, et, comme puissant révulsif, pour déplacer certaines affections éloignées (apoplexies, conges- tions cérébrales, paralysie). On l’a aussi vanté comme vermifuge. Il pro- duit une vive irritation de la muqueuse gastro-intestinale, et agit souvent comme éméto-cathartique. Les habitants de la campagne font un usage fréquent des baies de nerprun pour se purger. Ils en avalent de dix à vingt, fraiches ou sèches, et mangent immédiatement après de la bouillie pour émousser l’action irritante de ces pilules préparées par la nature. Ils les emploient aussi en décoction au nomore de 40 à 60 pour 300 gr. d’eau, en y ajoutant un peu de miel. J'ai souvent administré les baies de nerprun en substance, en faisant avaler par-dessus un verre de décoction de racine de mauve ou de guimauve miellée. J’ai aussi donné la décoction et le suc mêlés avec le mucilage étendu dont je viens de parler, ou avec le bouillon de veau. Ce purgatif est très-approprié au tempérament des habitants de la campagne, qui, pour l'ordinaire, est peu irritable. Le sirop de nerprun a conservé sa place dans nos pharmacies ; il entre dans les potions purgatives. Je l’administre sou- vent seul dans un peu de décoction mucilagineuse. Gilibert prétend que deux baies de nerprun prises chaque matin éloignent les accès de goutte. Linné prescrivait 4 gr. de graine de nerprun torréfiée et pulvérisée, ou 8 gr. en décoction. Tournefort en administrait depuis 4 gr. jusqu’à 6, sèches et pulvérisées dans un peu de conserve d'orange, ou bien 15 à 20 baies bouillies pendant une demi-heure dans un bouillon avec 2 gr. de crème de tartre. Celte purgation est douce et ne cause aucune tranchée. NIGELLE OU NIELLE CULTIVÉE. 681 L'écorce moyenne de nerprun est éméto-cathartique ; mais on n’en fait point usage, sans doute à cause de la facilité que l’on a de se procurer les baies de cet arbrisseau. (NERPRUN ALATERNE (Zhamnus alaternus, L.). — Arbrisseau à feuilles per- sistantes et alternes, habitant le midi de l’Europe, cultivé dans les jardins. Les feuilles sont astringentes, et comme telles utilisées en décoction dans les maux de gorge. On assure que les baies sont purgatives). NIGELLE ou NIELLE CULTIVÉE. Nigella sativa. L. Nigella flore simplici minore candido. CG. Baux, TouRN. — Melanthion des anciens. — Melanthium sativum. CARNER. Nielle de Crète, — nielle de l’Archipel, — toute-épice, — barbe de capucin, nielle romaine, RENONCULACÉES. — ELLÉBORÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE PENTAGYNIE, L. Cette plante annuelle croît spontanément dans l'ile de Crète, en Egypte et en Espagne ; elle est cultivée dans les jardins. Description.— Racine petite, blanchâtre, rameuse.— Tige droite, striée, légère- ment velue, rameuse, de 25 à 30 centimètres. — Feuilles alternes, sessiles, à divisions linéaires aiguës, inégales. — Fleurs bleues ou blanchâtres, solitaires à l'extrémité des rameaux (juin-aoûl). — Point de calice. — Corolle à cinq pétales. — Six et quelquefois trois ovaires seulement. — Fruit [formé de trois à sept follicules oblongs, étroits, poly- spermes, soudés dans leur moitié inférieure et prolongés en bec au sommet. | Parties usitées, — La semence. KRéeolte.— Doit être récoltée bien müre. [Culture.— La N. sativa est cultivée pour la cuisine; on propage toutes les va- variétés de nigelle par semis de graines faits en place, en terre légère et chaude.] Propriétés physiques et chimiques. — La nielle cultivée est d'une odeur aromatique, d’une saveur àcre, piquante. L’arôme existe dans l'écorce de la se- mence. L'alcool s'empare de la saveur et de l'odeur de cette semence. — L’extrait alcoolique est un peu amer et astringent. Cartheuser dit que l'extrait aqueux est insi- pide. (Reinsch (1), en traitant les graines par l’alcool, a obtenu une matière qu'il re- garde comme particulière, jaunâtre, liquide, de consistance de térébenthine, devenant solide par dessiccation, amère, soluble dans l’eau et l'alcool, insoluble dans l’éther. — Aucun contrôle n’est venu confirmer l'existence réelle de la nigelline.) Les semences de nigelle cultivées sont en usage comme assaisonnement dans l'Orient et ailleurs depuis un temps immémorial. Les anciens les con- sidéraient comme incisives, apéritives, diurétiques, atténuantes. On les regarde comme ayant fait partie de la matière médicale d'Hippocrate. On les employait surtout dans les affections catarrhales pulmonaires et pour provoquer les règles. Arnauld de Villeneuve, qui, malgré ses erreurs théoriques et le farrago de sa polypharmacie galénique, s’est montré dars la pratique judicieux observateur et a recueilli un grand nombre de faits intéressants, employait la formule suivante comme un puissant emménagogue : « Succi mercurial., mell. despumati an. unc. 1 farinæ nigellæ unc. 1 1/2 vel Q. S. ut possint confici pilulæ. Da inulieri 2 vel 3 singulis noctibus, quando menstrua debent venire, et tunc menstrua venient copiose. Non solum provocant hœc pilulæ menstrua, sed etiam præparant ad conceptum et matricem mundificant (2). » Varandal (Varen- dæus), au rapport de J. Dolæus (3), employait cette formule avec un succès (1) Journal de pharmacie et de chimie, 1842, t. IT, p. 129. (2) De Sterilit., cap. vu. (3) Encyclop. med. de chlorosi. Amstelod., 1688, lib. v, p. 700. 682 NOISETIER Où COUDRIER. constant; il en divisait À gros en six pilules, et en faisait prendre deux chaque soir pendant trois jours. D’après ces témoignages, la semence de nielle aurait sur l’utérus une action spéciale qui mérite toute l’attention des thérapeutistes, et que je me propose de vérifier. «Notre propre expérience, dit Bodart, nous a prouvé qu'elle est susceptible de provoquer et d'augmenter la sécrétion du lait. Peyrilhe lui accorde la faculté anthelminthique. NIGELLE ou NIELLE DE Damas (PI. XXVII). — CHEVEUX DE VÉNUS, PATTE D’ARAIGNÉE ( Nigella Damacena, L.). — Croît dans les champs et les vignes du midi de la France. On la cultive dans les jardins, où elle varie à fleurs simples ou à fleurs doubles. Description.— Tige plus élevée. — Feuilles plus allongées, à divisions plus menues. — Fleurs plus grandes, munies d’une collerette de feuilles, — Capsules réu- nies dans toute leur étendue, n’en formant qu'une seule, qui est ovale-arrondie. Propriétés physiques et chimiques. — Sa graine, un peu poivrée, servait autrefois d'épices. Torréfiée, mise en pâte, et mélangée avec les hermodattes, l'ambre gris, le muse, le bézoard, la cannelle, le gingembre et le sucre, elle sert, chez les Egyptiens, à faire une conserve à laquelle les femmes attachent le plus grand prix. Elles la regardent comme propre à donner de l'appétit, à faire naître les désirs et à augmenter l'embonpoint (1). NIELLE ou NIGELLE DES CHAMPS. — POIVRETTE COMMUNE. (Nigella arven- sis, L.). — Est très-commune dans les champs, parmi les blés. Description. — Absence d’involucre ou de collerette. — Carpelles non soudées. — Tige de 20 à 25 centimètres. — Graines âcres, chaudes, poivrées, huileuses. On ne doit pas la confondre avec l’agrostema gilhago, que l’on nomme aussi vul- gairement nielle. La nielle des champs (xigella arvensis, L.) participe aux qualités de la nielle cultivée. Ses semences sont âcres et brülantes. Prises à l’intérieur à forte dose, elles peuvent, suivant Dioscoride, donner la mort. Tragus et Hoffmann les regardent aussi comme suspectes. J'ai vu, dit Bulliard, un homme sujet aux maux de dents employer avec succès la graine de nielle pour se procurer du soulagement; presque toutes ses dents étaient gâtées, et, dès qu'il ressentait des douleurs, il faisait entrer dans la cavité de la dent qui lui faisait inal une ou deux graines de cette plante : ce qui causait un petit ulcère et détruisait la sensibilité. Ces semences, réduites en pou- dre, sont un sternutatoire violent. Les caractères botaniques de toutes les” nigelles doivent les faire considérer comme plus ou moins suspectes et nécessitent de la prudence dans leur emploi à l’intérieur. [On nomme encore NIELLE DES CHAMPS Où COURONNE DES BLÉS (l’Agrostema githago, L.; Lychnis githago, Lam.; Githago segetum, D. C.), de la famille des caryophyllées, tribu des dianthées ; toutes les parties de cette plante renferment de la saponine, principe âcre, irritant, à laquelle on a attribué les accidents de forme dysentérique qui se sont produits chez les personnes qui mangent un pain mêlé de farine de nielle des champs]. NOISETIER où COUDRIER. Corylus avellana. L. CUPULIFÈRES. Fam. nat. — MONOÉCIE POLYANDRIE. L. Cet arbrisseau, chanté par Virgile, est très-abondant dans les bois et dans les haies. Ses fleurs mâles, en chatons, sont les premières qui annoncent le retour du printemps; elles paraissent dès le mois de février. Ses jets flexi- bies ont passé pour avoir la propriété, sous le nom de baguettes divinatoires, (1) Olivier, Voyage, t. IT, p. 168. NOMBRIL DE VÉNUS, 685 de se courber vers les sources d’eau, Les meilleures noisettes sont connues sous le nom d’avelines, parce qu’on les tirait d’Avellino en Campanie. L’a- mande des noisettes récentes et bien mûres est agréable à manger, mais in- digeste pour les estomacs faibles. Elle fournit la moitié de son poids d’une huile douce, agréable, légèrement odorante, qui peut remplacer l'huile d'amandes douces. Je me suis souvent servi de ce fruit, dans ma pratique rurale, pour préparer des émulsions adoucissantes. L’écorce de la racine contient un principe astringent ; on l’a regardée comme fébrifuge. Le pollen des fleurs à été préconisé contre l’épilepsie. On a préparé avec son bois une huile empyreumatique qui n’a rien de particulier, et qu’on a employée, comme toutes les huiles de ce genre, dans l’odontalgie et les affections vermineuses, à la dose de quelques gouttes. Mais, en réalité, le coudrier est plus utile à l’économie domestique et aux arts qu’à la médecine. Son bois est recherché par les ébénistes et par les vanniers ; il fournit des tasses, des étuis, de petits cerceaux, des claies, etc. NOMBRIL DE VÉNUS. Cotylédon umbilicus. L. Cotyledon major. GC. Baut. — Umbilicus Veneris verâ radice tuberosà. J. BAuH.— Umbilicus Veneris vulgaris. PARK. — Umbilicus pendulinus. DE CAND. Herbe aux hanches, — oreille d’abbé. CRASSULACÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE PENTAGYNIE. L. Cette plante grasse croît particulièrement dars nos provinces méridio- nales. Elle se plaît sur les vieux murs et sur les rochers. Description. — Racine tubéreuse. — Tige droite, tendre, simple ou un peu rameuse, de 30 centimètres environ de hauteur. — Feuilles radicales, pétiolées, lisses, succulentes, crénelées, arrondies, un peu concaves, ombiliquées (de là le nom de nom- bril de Vénus). Celles de la tige plus petites, presque cunéiformes et un-.peu lobées. — Fleurs d’un blanc verdâtre, pédonculées, pendantes, nombreuses, disposées en grappes. — Calice à cinq divisions. — Corolle tubuleuse, à cinq divisions courtes, droites el pointues. — Dix étamines insérées sur la corolle. — Cinq ovaires. Parties usitées.— Les feuilles. [Réeolte. — On récolte les feuilles au moment du besoin. Culture.— Se propage par marcoltes. Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles de cotylet sont âcres; Hetet (1), qui les a analysées, y a trouvé de la triméthylamine ammoniaque com- posée, trouvée déjà par Wertheim dans la saumure de hareng; par Winkler dans l’er- got du seigle; par Dessaignes dans la vulvaire (chenopodium vulvaria) et qui existe aussi dans l'huile de foie de morue et dans les fleurs de cratægus oxyacantha. Ces feuilles renferment en outre un sel ammoniacal et du nitrate de potasse. | Le nombril de Vénus était regardé comme possédant seulement les pro- priétés de la joubarbe des toits ou grande joubarbe, et était employé aux mêmes usages, lorsque Salter en signala, en Angleterre, les bons effets contre l’épilepsie. Depuis, des faits rapportés par Graves (2) ont prouvé que ce médicament n’est pas sans efficacité dans cette désolante maladie, contre laquelle, en raison de la diversité des causes, un remède peut guérir, lors- que tant d’autres ont échoué. Ce médecin a donné le cotyledon umbilicus à six épileptiques ; il a été complétement nul dans trois cas, n’a obtenu qu'une amélioration dans un quatrième; mais la guérison a eu lieu dans les deux autres. (1) Archives de médecine navale, 1864, t. IT, p. 330. L (2) Dublin Journ. of med. et Bulletin général de thérapeutique, t. XUIV, p. 420. 684 NOSTOCH COMMUN. — NOYER. (Ranking, de Norwich, a recueilli trente cas dans lesquels il a en vain em- ployé ce mode de traitement. Plus heureux, Rodrigues de Gusmao a publié à Lisbonne des observations intéressantes sur le même sujet. Cet auteur met en usage le suc des feuilles à la dose de 2 cuillerées par jour (1). Hetet a ee Ru r dans les Archives de médecine navale (1864) un mémoire sur cette plante). NOSTOCH COMMUN. Tremella nostoch. L. Flos cœli. — Flos terræ. — Spuma aeris. — Saliva siderum. ALGUES. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L. Le nostoch est une algue gélatineuse qui parait sur la terre ‘après les pluies, et qui abonde dans les allées humides des bois, dans les jardins, dans les prairies, dans les plaines voisines des lacs. Lorsqu'il est sec, on le distingue à peine si on ne le cherche avec attention : après les pluies, il re- prend sa première forme, il se gonfle et continue de végéter. C’est Paracelse qui à donné le nom de nostoch à cette plante. Description. — Expansion gélatineuse, sous la forme d’une membrane transpa- rente, étalée, irrégulièrement plissée, verdtre, renfermant une multitude de petits fila- ments semblables à des chapelets, et dont le dernier anneau est ordinairement plus grand que les autres. Propriétés physiques et chimiques. — Le nostoch contient du phos- phate et du sulfate de potasse, une matière muqueuse ou gélatineuse, de la bassorine, une matière grasse et de la potasse. Haller dit qu'il peut servir d’aliment ; en en mettant dans l’eau les morceaux desséchés, ils reprennent leur état gélatineux. Les alchimistes considéraient ce végétal comme une émanation du ciel ( flos cæli) parce qu’elle foisonne le matin, après une pluie humide, dans les lieux où l’on n’en voyait pas la veille. Ils l’employaient pour préparer la pierre philosophale et la panacée universelle. Ils voulaient se procurer de l'or et en même temps un remède qui püt guérir tous les maux. C'était un beau rêve. Mais Paracelse, leur chef, est mort pauvre, fou et dans un âge peu avancé. Plus heureux que lui, nos charlatans font fortune. On a prescrit la décoction de nostoch, à l'instar de celle de lichen d'Is- lande, contre les maladies de poitrine, sans en retirer, dit-on, un avantage marqué. Son infusion dans l’eau-de-vie dégoûte, dit-on, les buveurs de li- queurs alcooliques. {nfusum ejus cum spiritu vini clandestine exhibitum, fasti- dium strenuis spiritus adusti potatoribus excitare fertur (2). On faisait, à la seule chaleur du soleil, une eau distillée de nostoch, qu’on employait à l’in- térieur et à l'extérieur pour calmer les douleurs, guérir les ulcères, les cancers, ete. De nouvelles expériences peuvent seules constater les pro- priétés de cette substance, qu’on ne peut se procurer en tout temps, et dont la viscosité insipide semble annoncer l’inertie. NOYER. Juglans regia. L. Nux juglans sive regia vulgaris. C. BAuH., TourN. — Nux juglans. Don. Noyer royal, — noyer commun, — noyer cultivé, — goguer, — gauquier. JUGLANDÉES. Fam. nat. — MONOÉCIE POLYANDRIE. L. Ce grand et bel arbre, originaire de la Perse, est cultivé dans tous les départements de la France, quoiqu'il n’y soit point acclimaté au point de pouvoir toujours résister aux hivers rigoureux. nn , (1) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1860, p. 57. (2) Plenck, Bromatolia. Vienne, 1784, p. 173. NOYER, 685 Description. — Racines ligneuses. — Cime large et touffue ; bois dur, — Ra- meaux de couleur verdâtre ou cendrée, — Feuilles grandes, alternes, sessiles, glabres, d'un beau vert.— Fleurs monoïques, les mâles disposées en longs châtons cylindriques, pendantes, d’un brun verdâtre ; les femelles axillaires, presque sessiles. situées à l’ex- trémité des rameaux (juin-juillet), — Fruits : drupes ovales, un peu globuleux, renfer- mant une noix à deux valves enveloppées d’un brou vert et épais. Parties usitées. — Les feuilles, la drupe verte (brou), l'écorce des tiges et des racines, l’épiderme de la noix, la noix, les fleurs. KRécolte.— Les feuilles se récollent pendant toute la belle saison ; les fleurs et les châtons au printemps ; le brou au mois de juillet. — Les feuilles séchées conservent leur forme, leur dimension, leur odeur et leur saveur; mais elles sont très-fragiles et d'un jaune-brun, 400 parties de feuilles vertes donnent 47 parties de feuilles sèches. Les fleurs changent peu de forme et de qualités ; mais le brou devient, par la dessicca- tion, mince, recoquillé, et prend une saveur couceâtre et sucrée. [Culture.— 1! existe un nombre considérable d'espèces et de variétés de noyers; le mode de culture varie avec la destination qu’on veut lui donner ; si on tient à la bonne qualité du bois, on retarde la fructification en élevant la tige par la suppression de quelques branches ; il préfère un terrain argilo-sableux et même pierreux ; on sème en place dans la terre défoncée et ameublie sans fumier. | Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles de noyer ont une odeur très-forte, aromatique, surtout quand on les froisse entre les doigts; leur saveur, ainsi que celle des fleurs, est un peu amère, résineuse et piquante. L’enveloppe verte du fruit ou brou est d'une saveur piquante plutôt qu’amère. Le brou de noix contient, d'après Braconnot, de l’amidon, de la chlorophylle, de l'acide malique, de lacide ci- trique, des sels, du tannin, une matière âcre et amère. C’est à ces deux dernières sub- stances que sont dues ses principales propriétés. — Le suc de brou de noix filtré, qui est à peine coloré, se force de plus en plus à l’air, et en même temps il perd sa saveur amère : il se forme en même temps à sa surface une pellicule noire qui se renouvelle à mesure qu’elle se précipite. Cette matière noire, résultant de l’altération du principe amer nommé juglandine, est insipide, inodore ; quand elle est sèche, eile ressemble pour l’aspect au bitume de Judée, elle brûle sans flamme, elle se dissout dans la po- tasse, et elle en est précipitée par les acides. — Le brou frais laisse sur l’épiderme une tache d’un jaune-brun, qui offre de l’analogie avec celle que produit l'iode, et qui semble indiquer la présence de cette dernière substance. L'’analogie de propriétés thé- rapeutiques vient à l'appui de cette conjecture, qu’une nouvelle et intéressante analyse est appelée à vérifier. L’épiderme jaunâtre, très-mince, qui recouvre le parenchyme de la noix, a une sa- veur astringente et amère quand elle est fraîche ; elle perd cette saveur à l’état de des- siccation : elle contient beaucoup de tannin et une matière résineuse offrant l’odeur et la saveur de cette pellicule. La partie blanche ou parenchyme, dépouiflée de son épi- derme, est d’une saveur douce, très-agréable, miscible à l’eau, à laquelle elle donne la consistance émulsive; elle contient une certaine quantité de fécule amylacée, et environ la moitié de son poids d’une huile grasse, très-douce, jaunâtre, siccative, qui ne se con- crète point par l’action du froid. Cette huile, exprimée à froid, récente et provenant des fruits de l’année, est très-douce, et peut être employée aux usages culinaires. Dans les cas contraires, elle exhale une odeur forte, irrite la gorge et sert alors à l'éclairage, à la fabrication du savon, à la composition du vernis, à la peinture, etc. Le marc dont on a exprimé cette huile est très-nourrissant et s'emploie avec avantage pour l’engrais- sement des bestiaux, et même pour la nourriture des hommes. L'émulsion de l’amande de la noix dépouillée de sa pellicule se colore en violet par le sulfate de fer, d'après l'observation de Planche (1). Les fruits verts ou cerneaux, à moitié formés et acidulés avec du verjus ou du vi- naigre, constituent un mets de dessert très-recherché, mais difficile à digérer pour les estomacs délicats et irritables. Les noix confites avant leur maturité offrent un aliment agréable et tonique. Le ratafia de brou de noix a les mêmes qualités. Les noix mûres se digèrent plus facilement ; mais lorsqu'elles sont vieilles, jaunes, rances, elles irritent la gorge, provoquent la toux et causent parfois des coliques très-vives. On diminue, dit-on, ces inconvénients en faisant macérer pendant deux ou trois jours l’'amande ou partie blanche dans le lait. (1) Bulletin de pharmacie, t. IV, p. 229. 686 NOYER. La racine du noyer et le brou de noix donnent une belle teinture fauve ou brune aux effets et aux cuirs. Le brou fournit aussi aux menuisiers le moyen de donner à des bois communs la couleur du noyer. Les feuilles fraîches chassent les insectes, surtout les punaises et les mites ; on s’en sert en infusion aqueuse pour détruire les fourmis ; on éponge les chevaux avec cette infusion afin d’éloigner les mouches. On connaît l’usage du bois de noyer dans la menuiserie et l’ébénisterie, où il le dispute par sa du- reté, par la beauté des veines, aux bois étrangers les plus recherchés. La séve du noyer, qui est abondante et limpide, a fourni du sucre en 1814, à Banon, pharmacien de la marine à Toulon (1). Pour l'obtenir, on perce l'arbre à 60 centimètres de terre au moins, du côté du midi, au printemps, on reçoit la séve qui s'écoule pen- dant un mois environ, dans des vases de terre vernissés, après avoir successivement percé pendant ce temps les trois autres côtés, ce qui ne nuit nullement à la végétation de l'arbre. Un quintal de séve donne 1,500 de sucre. Cette séve doit être évaporée toutes les vingt-quatre heures; plus tard, elle passerait à la fermentation, et on aurait une espèce de vin de noyer. On fabrique ce sucre comme celui de la betterave, de canne, et il cristallise tout à fait comme ce dernier. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion de feuilles fraîches | Sirop (40 centigr. d’extrait pour 32 gr. de si ou sèches, 15 à 20 gr. par kilogramme d’eau ; deux à cinq tasses par jour. Décoction de feuilles fraîches, de 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau; deux à cinq tasses par jour. Décoction de brou sec, de 30 à 60 gr. par ki- logramme d’eau. Teinture de brou (1 sur 6 d’eau-de-vie), de 20 à 30 gr. Extrait de brou, de 2 à 8 gr. Extrait de feuilles fraîches (par la méthode de déplacement), 48 à 96 centigr., en pilules avec suffisante quantité de poudre de feuilles de noyer. Extrait de feuilles sèches (se conserve plus longtemps), idem. rop simple), deux à quatre cuillerées à café aux enfants dans les vingt-quatre heures; 30 à 45 gr. pour les adultes. Sirop avec les feuilles vertes (plus aromatique, mais moins facile à doser), idem. (Sirop iodé (Chaix) : extrait de feuilles de noyer ou de brou de noix, 60 gr.; iode pur, 1 gr. 60 centigr.; alcool, Q. $S.; sirop de sucre, 940 gr. ; À L’EXTÉRIEUR. — Huile, de 20 à 30 gr., en lavements, frictions, etc. Feuilles sèches ou fraîches, en décoction pour bains, lotions, injections, fumigations, cata- plasmes, pansements, etc. (Pommade, 30 gr. d’extrait sur 40 d’axonge.) Les différentes parties du noyer sont astringentes, toniques, sudorifiques, détersives. On les utilise contre la débilité lymphatique, les scrofules, les affections herpétiques et vénériennes, l’ictère, les ulcères atoniques, scor- _butiques, scrofuleux, les aphthes. L’extrait de brou de noix est purgatif et anthelminthique, avantageux contre les lombrics. L'huile est calmante, adou- cissante, tant qu’elle est récente. L’écorce intérieure de la racine est vési- cante. Dans un mémoire de Baudelocque inséré dans la Revue médicale (an- née 1833), on trouve une observation fort intéressante de Psorson, médecin à Chambéry, sur l'emploi des FEUILLES vertes du noyer et des noix tendres contre les affections scrofuleuses. Psorson faisait aussi préparer, avec l’écale de la noix, un sirop et une con- serve qui réussissent très-bien à ranimer les forces digestives chez certains estomacs trop irritables pour admettre des toniques plus excitants. Négrier, d'Angers, a publié deux mémoires intéressants sur l’objet qui nous occupe. Dans le premier (4841), ce praticien annonçait que, depuis plusieurs années, il employait les feuilles de noyer dans le traitement des scrofules, et qu’il avait obtenu par ce moyen de nombreuses guérisons. Pour bien constater les effets de ce médicament, Négrier avait partagé ses malades en diverses séries : les uns étaient atteints d’engorgements scrofu- leux non ulcérés, les autres d’ophthalmies scrofuleuses, une troisième série offrait des engorgements strumeux abcédés; enfin, les maladies des os étaient réservées pour une quatrième catégorie. Il résulte de ses recherches que les malades de la première série (engorgements strumeux non ulcérés), qui (1) Leroux, Journal de médecine, t, XXIII, p. 56. NOYER,. 687 étaient au nombre de dix, sont guéris complétement. Les malades atteints d’ophthalmie étaient au nombre de quatre : l’un d’eux est mort après la guérison de son ophthalmie, les trois autres sont guéris. Il y avait vingt cas d’engorgements strumeux ulcérés ; sur ce nombre six malades ont succombé, dont quatre à la phthisie pulmonaire ; les deux autres n’ont point été exa- minés, mais il est probable qu'ils ont péri de la même manière. Les qua- Lorze autres sujets ont vu leur guérison se consolider, Enfin, les malades de la quatrième série étaient au nombre de dix-neuf, la plupart très-gravement affectés. Au mois d'avril 4841, huit étaient guéris, et tous les autres avaient éprouvé de l'amélioration. Depuis cette époque, deux ont succombé à la phthisie tuberculeuse, deux autres ont guéri. L'un d’eux offrait une carie de la colonne vertébrale avec abcès par congestion. Les autres sont dans un état plus satisfaisant et n’ont pu être retrouvés. L'auteur, dans le second mémoire (1844), a cru pouvoir déduire les con- clusions suivantes des diverses expériences auxquelles il s’est livré pendant plusieurs années : | 1° Les affections scrofuleuses sont, en général, radicalement guéries par l'usage des préparations de feuilles de noyer; 20 L'action de cet agent thérapeulique est assez constante pour qu’on puisse compter sur la guérison des trois quarts des sujets traités par ce moyen; 3° L'action de ce traitement est généralement lente; il faut de vingt à cinquante jours, selon la nature des symptômes et la constitution des sujets pour que. les effets en soient sensibles ; 4 Les sujets guéris par les préparations de feuilles de noyer conservent presque tous la santé qu’ils ont obtenue sous l'influence du traitement : on voit peu de rechutes après ce traitement ; 5° Les effets produits par l’usage intérieur de l'extrait des feuilles de noyer sont d’abord généraux; l'influence de cette médication ne se manifeste que plus tard sur les symptômes locaux; 6° Dans certaines formes de l’affection scrofuleuse, on n’observe qu’à la longue une action efficace de ce traitement. Cette remarque est applicable surtout aux glandions strumeux non ulcérés; 7° Les préparations de feuilles de noyer exercent, au contraire, une ac- tion assez prompte sur les ulcères, les plaies fistuleuses, entretenues ou non par la carie des os, sauf chez les sujets d’un tempérament sec et nerveux; 8° Jusqu'à ce jour, les ophthalmies scrofuleuses que j'ai observées ont été sûrement et plus rapidement guéries par ce traitement que par toute autre médication. Négrier donne les feuilles en infusion édulcorée; il en forme aussi un extrait et un sirop. Il se sert de la décoction des feuilles en lotions, en in- jections, et enfin il prescrit ordinairement, dans les ophthalmies scrofu- leuses, un collyre composé de 192 gr. de décoction de feuilles de noyer, de 1 gr. de belladone et de 1 gr. de laudanum de Rousseau. Plusieurs médecins ont employé avec plus ou moins d'avantage les feuilles de noyer dans le traitement des scrofules. Manthner, médecin de lhôpital des enfants à Vienne, s’en est bien trouvé. Il regarde ce médicament comme très-utile dans les engorgements strumeux du cou, mais inférieur à l'huile de foie de morue dans la carie scrofuleuse. Sandras (1) a employé avec succès l'extrait de ces feuilles dans la même affection. Le professeur Hanse, d’Olmuitz (2), prescrit les feuilles et le brou pour combattre certaines affections qu’il attribue au vice scrofuleux, telles que les ulcérations plus ou moins opiniâtres qui ont leur siége au cou, avec (1) Bulletin général de thérapeutique, juillet 1845. (2) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1816. 688 NOYER,. gonflement des glandes circonvoisines ; la teigne, certaines espèces de dar- tres, les tuméfactions chroniques aux aines, autour des articulations, etc. On emploie traditionnellement la décoction de feuilles de noyer en lotions: à l'hôpital d'Angers, pour combattre les tumeurs blanches et les ulcères scrofuleux. Dubois, de Tournai, à vu cette même décoction, employée en lotions et en bains, produire les résultats les plus avantageux dans Ja carie et les engorgements scrofuleux. On frictionne quelquefois les engorgements scrofuleux avec la pommade d'extrait de feuilles de noyer (voyez Prépara- tlons pharmaceutiques et doses); maïs le badigeonnage de teinture d’iode, il faut l'avouer, est bien plus actif et doit être préféré à tous les autres fondants. J'ai donné mes soins, en 1837, à une petite fille âgée de dix ans, atteinte d’ün ulcère avec engorgement glandulaire au côté gauche du cou; cet ul- cère, de la grandeur de 5 centimètres environ, était sinueux, avec décolle- ment de la peau, chairs blafardes, suppuration modérée. Le tempérament lymphatique et l'aspect général de cette malade achevaient de caractériser son état évidemment scrofuleux. Je la mis à l'usage de la décoction de feuilles fraîches de noyer le 2 juin; elle prit deux verres par jour de cette décoction pendant tout l'été. Je faisais appliquer sur l’ulcère les feuilles bouillies et broyées, après avoir réprimé les chairs avec la poudre d’alun calciné. Au bout d’un mois, l’état général de la malade était très-amélioré; elle se sentait, disait-elle, beaucoup plus forte et mangeait beaucoup plus; l’ulcère commença à se cicatriser au bout de deux mois, quoiqu'il eût pris plus tôt un meilleur aspect; bref, au mois de novembre il était cicatrisé et l’engorgement était presque entièrement dissipé. Le reste de cet engorge- ment a persisté pendant l’hiver, malgré l’usage continu de la décoction de feuilles sèches de noyer. Le printemps suivant, la malade reprit la décoc- tion des mêmes feuilles fraîches pendant trois mois. Je la revis à la fin de l'été 1838 : elle était complétement guérie. J'ai traité plusieurs scrofuleux par les feuilles de noyer. L'un d’eux por- tait un vaste ulcère à la partie antérieure de la jambe gauche depuis l’âge de deux ans, avec nécrose d’une portion considérable du tibia. Ce malade, jeune garçon âgé de douze ans, grâce au traitement par les feuilles de noyer et le brou de noix longtemps continué, a été complétement débarrassé. Il y a eu élimination d’un séquestre de la longueur de 5 centimètres. La plaie s’est cicatrisée. Depuis dix ans, la guérison ne s’est point démentie. — L'observation suivante, tirée de ma pratique, vient se joindre aux nombreux faits qui militent en faveur de l’emploi des feuilles de noyer dans les affec- tions scrofuleuses. Damy, de Boulogne-sur-Mer, âgé de neuf ans, éminemment lymphatique, ayant la lèvre supérieure épaisse, la face pâle, plombée, les chairs flasques, émaciées, affaibli au point de ne pouvoir faire quelques pas sans fatigue, me fut présenté par sa mère, indigente, le 40 mai 4847. Il était atteint d’un engorgement glandulo-cellulaire considérable, occupant presque toute la partie latérale gauche du cou et la joue du même côté, offrant à son centre, vers l’angle, le long et au-dessous de la mâchoire, un ulcère fongueux, de l'étendue transversale de 5 centimètres sur 2 centimètres de largeur, avec suppuration fétide, abondante, et aboutissant à une portion nécrosée de la face externe du maxillaire inférieur. Je mis aussitôt ce malade à l’usage de la décoction de feuilles fraîches : de noyer, à la dose de trois verres par jour; je fis pratiquer des injec- tions, des lotions, et appliquer des cataplasmes de ces mêmes feuilles broyées sur l’ulcère et sur toute l'étendue de l’engorgement. Les chairs fongueuses furent réprimées de temps en temps au moyen de l’alun calciné en poudre. Au bout d'un mois de ce traitement, l’état général du petit malade était amélioré, ses forces étaient augmentées, son appétit plus prononcé; mais NOYER. 689 aucun changement notable ne s’était opéré du côté de l'affection locale, ce qui, d’ailleurs, s’expliquait par la coexistence de la nécrose, Après trois mois de traitement, les forces étaient presque complétement rétablies, la coloration de la face beaucoup meilleure, l'appétit et les diges- tions dans leur état naturel, l'exercice plus facile et mieux supporté, la tristesse et l'abattement dissipés. L’engorgement était diminué au cou; la suppuralion moins abondante, les chairs un peu meilleures. Vers les premiers jours d'octobre, une portion d'os nécrosée se présenta dans la bouche, devint de plus en plus saillante, et enfin, à peine adhé- rente, fut extraite avec facilité au commencement de décembre. Elle avait 1 centimètre 1/2 de longueur sur 1/2 centimètre de largeur à son centre, lisse d’un côté, rugueuse de l’autre. Dès lors, l’ulcère prit un aspect favorable, la suppuration diminua et fut de meilleure nature, l’engorgement se dissipa peu à peu. Le traitement, secondé par un régime fortifiant, fut continué pendant l'hiver avec la dé- coction de feuilles sèches de noyer. Au printemps de 1848, le malade était dans l’état le plus satisfaisant : la plaie, devenue superficielle, de la gran- deur d’un centime environ et ne fournissant que peu de suppuration, mar- chait rapidement vers la cicatrisation, que quelques cautérisations avec le nitrate d'argent fondu favorisèrent, L'usage interne des feuilles fraiches de noyer fut repris et continué durant toute la saison. Vers la fin de l’année, la cicatrice, qui depuis deux mois s'était complétement fermée, s’est rou- verte pour donner issue à une parcelle d’os. Il reste seulement une petite plaie qui continue de suppurer un peu sans s’agrandir et sans engorgement. Le malade, du reste, a continué de se bien porter. Si je me suis étendu sur les propriétés antiscrofuleuses des feuilles de noyer et du brou de noix, c’est parce que ce médicament est à la portée de tout le monde et infiniment préférable, pour la campagne, aux préparations d’iode dont le prix est si élevé, et qui, d’ailleurs, sont loin de mériter les éloges qu'on leur a prodigués : ils déterminent souvent des accidents graves, et causent l’émaciation. Le frère Côme employait contre l’ictère 2 et 4 gr. de feuilles de noyer sé- chées au four, pulvérisées et infusées du soir au matin dans 150 gr. de vin blanc. Il donnait cette dose à jeun. Douze à seize doses, suivant ce prati- cien, ont toujours suffi pour la guérison de l’ictère simple, et le soulage- ment de l'ictère par cause organique. Souberbielle (1) a vu ce remède pro- duire d’excellents effets. Ce traitement à pu réussir dans certains cas; mais peut-on le considérer comme spécifique quand on sait que la couleur jaune n’est que ie symptôme commun d’affections dissemblables du foie ou de ses annexes? Le médecin doit rechercher, autant que possible, la nature et le siége de la lésion dont un symptôme peut n'être que l’expression vague ou incertaine, Plusieurs auteurs anciens ont reconnu aux feuilles de noyer une propriété vermifuge. Dumoulin (2) a fait rendre un tænia au moyen d’une infusion préparée avec douze feuilles et bue par verrées : une le matin à jeun, la se- conde avant le diner, et la troisième avant le souper. Thoun (3) a observé que la sécrétion du lait s'arrêtait chez les vaches et les chèvres auxquelles on donnait à manger des feuilles de noyer. Emmanuel Kænig (4), propaga- teur zélé de la matière médicale indigène, a indiqué, il y a plus de soixante ans, les feuilles de noyer en topique sur les mamelles comme propres à ar- rêter la sécrétion du lait. Elles agissent probablement à la manière des feuilles d’aune, auxquelles on a aussi reconnu la même propriété. (1) Lettre présentée à l’Académie royale de médecine, 7 avril 1835, (2) Hygie, 2° semestre, p. 70. (3) Medico-botan. Sociely of London, janvier 1831. (4) Regni vegetabilis pars altera, p. 228. Lil 690 NOYER. J. Bauhin regarde l’eau distillée des feuilles de noyer comme un détersif et un cicatrisant efficace, appliqué sur les ulcères, en y maintenant des com- presses constamment humectées de cette eau. Belloste (1) trempait des plumasseaux de charpie dans la décoction de feuilles de noyer légèrement sucrée sur les ulcères, dont il obtenait ainsi la guérison en peu de temps. Cette même décoction a paru utile à Baumes pour déterger les surfaces chancreuses, pour les exciter légèrement et les conduire à la cicatrisation (2): Boys de Loury et Costilhes (3) en font usage en injection dans les ulcéra- tions dn col de la matrice. Vidal de Cassis @) emploie contre les écoule- ments leucorrhéiques et les ulcérations du col utérin, des injections vagi- nales d’une forte décoction de feuilles de noyer à la température de la salle, quelle que soit la saison. L’instrument est une grosse seringue à lavement. Le speculum à deux valves est appliqué; on saisit et découvre bien le col de la matrice; c’est sur le col que le jet est lancé de toutes les forces de l’aide qui pousse le piston. Immédiatement après, on place sur cette partie un fort tampon de coton. Ce liquide ainsi injecté exerce une espèce de com- pression sur le col, abaisse sa température, et agit encore par ses qualités astringentes. Dubois, de Tournai, s’est bien trouvé, dans différents cas de teigne, de cataplasmes de feuilles de noyer cuites, et de leur décoction concentrée employée en lotion. Il cite à l'appui de ce traitement un cas de guérison de teigne faveuse qui avait résisté à tous les moyens employés. Vitet avait déjà recommandé, dans la même affection et contre les dartres, le suc exprimé des feuilles de noyer ou de l'écorce verte des noix, tempéré avec un peu de miel. Mérat et Delens pensent qu'on pourrait guérir la gale en frottant les boutons avec les feuilles écrasées. Pomeyrol (5) a traité avec succès plus de quarante cas de pustule ma- ligne et de charbon, en appliquant tout simplement sur les parties affec- tées les feuilles ou l'écorce fraîche de noyer, après avoir percé les phlic- tènes et enlevé l’épiderme. L’auteur regarde ce moyen comme aussi efficace dans le charbon que le sulfate de quinine dans les fièvres intermit tentes. I] a l’avantage, dit-il, «d'éviter la souffrance aux malades, et les cicatrices qui les déforment, et leur seul emploi détermine la guérison. » Pomeyrol rap- porte quatre observations à l’ appui de ce nouveau moyen. Bruguier, méde- cin à Collargues (6), a également employé avec succès les applications de feuilles fraiches de noyer, renouvelées de demi-heure en demi-heure dans un cas de pustule maligne. Il faisait prendre en même temps une décoction de 15 gr. de quinquina dans quatre verres d’eau, pour boisson. Vingt-quatre heures ont suffi pour arrêter la gangrène et ramener la plaie à un état simple et de bon aloi. Bruguier pense que, malgré l'emploi des 30 gr. de quin- quina en boisson, tout l’honneur de la cure revient aux feuilles de noyer. Il s’est élevé des doutes sur la valeur réelle de cette médication, en rai- son surtout de l’existence récemment signalée par Van Swygenhoven, de cette variété curieuse de pustule maligne sans malignité réelle, sans conta- gion, et qui guérit par la simple incision cruciale suivie de l'emploi local des émollients et des narcotiques. Mais Raphaël (7), de Provins, a commu- niqué à Nélaton un fait qu'il a observé et qui paraît ne laisser aucun doute (1) Chirurgie d'hôpital, p. 332. (2) Bouchardat, Annuaire de thérapeutique, 1844, p. 52. (3) Gazette médicale de Paris, 1845. (4) Trailé rep externe, t. V, p- 396. (5) Annales cliniques de Montpellier” et Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, t. I, p. 464. (6) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1845, t. I, p. 464. (7) Gazette des hôpitaux, juillet 1857. NOYER. 691 sur l'efficacité des feuilles de noyer appliquées sur la pustule réellement maligne. Le Brovu DE Noix peut être employé dans les mêmes cas pathologiques que les feuilles, Hippocrate et Dioscoride le considéraient comme vermifuge. Fischer (1) faisait dissoudre 8 gr. d'extrait de noix verte dans 16 gr. d’eau distillée de cannelle, et donnait aux enfants, comme anthelminthique, 20 à 50 gouttes de ce mélangé, suivant l’âge. J’ai administré contre les affections vermineuses le vin de brou de noix et d'ail. Ce vin, pris à une certaine dose, est à la fois vermicide et laxatif. Peyrilhe re garde le brou de noix comme vermifuge, antisyphilitique et antigangréneux. Hunezowsky (2) a vanté son efficacité dans les ulcères anciens. Pierre Borel (3) regardait le brou de noix comme un excellent antisyphi- litique. Ramazzini (4) rapporte que de son temps on le regardait en Angle- terre comme un remède utile contre la syphilis. Swediaur (5) dit l'avoir vu réussir dans beaucoup de circonstances où le mercure “ia échoué. Mais comme il l'employait ordinairement avec la salsepareille, la squine et le sulfure d’antimoine, peut-on raisonnablement attribuer à cette écorce un effet dû sans doute aux substances plus énergiques auxquelles elle était jointe? Toutefois, nous devons dire que Pearson, Franck, Girtanner ont reconnu des avantages réels au brou de noix dans le traitement des affec- tions vénériennes. La tisane de Pollini, dont la réputation est connue contre ces affections, de même que le remède antisyphilitique de Mittié, contient une grande proportion de brou de noix. Scoti (6) a employé avec succès r’extrait préparé avec le brou de noix et les feuilles de noyer chez trente malades affectés de diarrhée. Il en faisait dissoudre 8 à 12 gr. dans un kilogr. de limonade minérale, et administrait le tiers ou la moitié d’un verre de cette boisson quatre fois le jour. Galien mettait en usage, comme gargarisme astringent, le suc de brou de noix. Hartmann (ir Ettmuller), l’a conseillé dans les inflammations de la bouche qui réclament ce genre de médication. Becker (7j, chez un garçon affecté de congestion ancienne des tonsilles, a appliqué la préparation sui- vante à l’aide d'un pinceau : extrait de brou de noix, 4 gr.; eau distillée, 60 gr. Ce topique fut si efficace que l’engorgement des amygdales était dis- paru avant qu’on eût employé la totalité de la solution. J’emploie avec suc- cès, dès le début de l’angine tonsillaire, la décoction de feuilles de noyer ou de brou de noix en gargarisme. Je parviens souvent ainsi à arrêter l’inflam- mation. Ce gargarisme- convient aussi vers la fin de l’amygdalite aiguë et dans les angines chroniques. Ray rapporte que le ZEsrE qui sépare les lobes de l’amande du noyer, desséché et pulvérisé, pris en petite quantité dans du vin, a guéri l'armée anglaise d’une dysenterie très-grave qui avait résisté à tous les moyens jus- qu alors employés. Burtin (8) considère cette substance, administrée en poudre à la dose de 4 gr. dans un verre de vin blanc, comme très-efficace contre la gangrène. Il Ta vue réussir dans trois cas : ‘dans l’un, il s'agissait d’une gangrène au bras, provenant d’une blessure faite avec un canif, et pour laquelle l’amputation avait été proposée, comme dernière ressource. Burtin ajoute qu’à Bruxelles ce remède est regardé comme un puissant anti- septique. Le mt À + ee (1) Comment. de verm. et anthelm. Stadæ, 1751, p. 14. (2) Ancien Journal de médecine, t. LXXVII, p. 2 (3) Hist. et observ. varior., etc. (4) Opera omnia. Genève, 1717, p. 143. (5) Trailé des maladies vénériennes, t. IX, p. 277. (5) Gaz. med. di Milano, 1846. (7) Abeille medicale, 1845, p. 196. (8) Mémoire couronné par l’Académie de Bruxelles, p. 692 NOYER. La PELLICULE ou enveloppe immédiate de l’amande de la noix, employée fraiche, a été regardée comme fébrifuge. Roch (1) s’est guéri d’une fièvre intermittente en prenant l’infusion, dans du vin blanc, d’une vingtaine de ces pellicules. Hoffmann et Etitmuller ont recommandé l'usage de cette sub- stance contre la colique, comme si cette affection dépendait toujours d’une seule et même cause. Elle convient dans tous les cas où les astringents sont indiqués. Solenander (2) assure avoir constamment réussi à arrêter les hémorrha- gies utérines, en administrant, le matin à jeun, pendant plusieurs jours, 4 gros de FLEURS de noyer bien mûres, en poudre, mêlées avec une suffi- sante quantité de vin chaud. Ces mêmes fleurs peuvent remplacer le ratanhia et tous les astringents exotiques. Le bénédictin Alexandre (3) assure que la poudre des chatons ou fleurs, administrée à la dose de 4 gr. dans du vin rouge, est un excellent remède contre la dysenterie. Hippocrate avait observé que les noix mangées en grande quantité expul- saient les vers plats. Le parenchyme de l’amande de la noix aurait-il sur le tænia le même effet que celui de semence de citrouille ?..…. L'émulsion pré- parée avec cette amande fraîche peut remplacer celle d'amandes douces. J'en ai fait usage à la campagne pendant le mois d’octobre. Passé ce temps, la dessiccation nécessite l’infusion de l’amande dans l’eau chaude pour enle- ver la pellicule qui la recouvre. Vieille, cette amande est rance et ne peut plus servir pour émulsion. Dioscoride avance que l’HUILE DE Noix fait rendre le ver solitaire. P. Fo- restus dit que les femmes des environs de Milan font manger aux enfants vermineux du pain trempé dans l’huile de noix. Passera de la Chapelle (4) fai- sait prendre 150 gr. de cette huile à jeun et deux heures et demie après 425 gr. de vin d’Alicante, ce que l’on continuait pendant quinze jours, après quoi on cessait, si le ver n’était pas expulsé. Binet et Baumes (5) ont rapporté plusieurs faits qui tendent à prouver l'efficacité de cette huile contre le tænia. Desbois, de Rochefort, qui a répété l'emploi de ce moyen, l’a trouvé le plus souvent inefficace. Dubois (in Mérat et Delens) employail avec plus d'efficacité, comme vermifuge, six gousses d’ail avec 100 gr. d'huile de noix. Cette huile à réussi à Jese (6) pour combattre le coma. Gouan (7) a obtenu la guérison de cette maladie par le même moyen. D’après Weinhold (8), les taies légères cèdent à l'application graduelle de cette huile étendue dans l’ammoniaque. Scarpa la préconise dans le leucoma. Meyer (9) s'en est bien trouvé dans les taches de la cornée, suite de la variole, Il lui a été rapporté, par un médecin qui l’a beaucoup employée, que cette huile est d'autant pius efficace qu’elle est plus vieille. Caron-Duvillars (10) a souvent guéri des taies de la cornée par l'instillation de la vieille huile de noix; il rapporte que Marc-Antoine Petit la rendait plus active en y ajoutant du tartre stibié. Schræder considère comme émétique la seconde Éécorce des jeunes branches enlevée au printemps pendant que la sève est en activité. Il Ha prescrit à la dose de 2 à 4 gr. Ray et Buechner lui ont aussi reconnu cette propriété. Hoffmann indique la seconde écorce des racines du noyer, trem- pée pendant une heure dans du vinaigre, comme un rubéfiant prompt, 1) Bulletin de la Sociélé d'émulalion, t. II, p. 376. (2) Consil., VIII, sect. 1v. (3) Dictionnaire botanique et pharmaceutique, 1768, p. 356. (4) Ancien Journal de médecine, t. XV, p. 220; t. VI, p. 305. OU TN p2809;: EX V; p. 214: (6) Ibid, t. LIX, p. 439. (7) Mémoires de la Société de médecine de Montpellier. (8) Ehrhardt medizinisch-chirurgische Zeilung, 1822. $ (9) Mercure général de l'Europe, 1787, p. 326. (10) Guide pratique des maladies des yeux, t. II, p. 135-575. NUMMULAIRE, 693 susceptible d'agir comme vésicatoire dans des cas urgents. Wauters s’ex- prime ainsi à ce sujet : « Niil efficacius cortice interno radicis juglandis re- centis, vel cum aceto, contuso : hunc sæpius succedentem vidi, dum cantharides nullas producebant vesicas. Ingens aliquando mihi præstitit obsequium ubi procul a pharmacopæis, apud rusticos, promptissime vesicato opus erat (1). » J'ai été à même de constater cet effet vésicant : il est sûr et prompt. — L’écorce du noyer blanc ou cendré (juglans cinerea), proposée par Macartan (2), séchée et mise en poudre, paraît aussi efficace que les cantharides, et n’en a pas les inconvénients. Ebrard de Nimes (3) a guéri des fièvres intermittentes re- belles au moyen de l’épicarpe suivant : Faites macérer, pendant huit jours, dans du vinaigre, l'écorce de la racine du noyer; appliquez cette écorce autour des poignets, trois ou quatre heures avant l'heure présumée de l’ac- cès, et l'y maintenez au moyen d’un lien convenablement serré. Ebrard n’a jamais donné à ce bracelet plus de à centimètres de largeur. On enlève l'appareil quand le malade accuse de vives douleurs, ce qui arrive ordinai- rement avant deux heures de temps. On peut ensuite appliquer des feuilles fraiches enduites d’un corps gras, comme pour le pansement d’un vésica- toire. Cet épicarpe est analogue à beaucoup d’autres topiques irritants en usage dans nos contrées marécageuses, comme moyen économique de com- battre les fièvres intermittentes. « Sile noyer, dit avec raison Bodart, ne se cultivait que dans le Nouveau- Monde, nous nous empresserions de le ranger sur la ligne des végétaux les plus utiles en médecine; mais il croît abondamment autour de nous, et nous négligerions encore d'étudier les propriétés de ses différentes parties, si d’illustres praticiens ne tentaient de ramener l’attention sur ce végétal précieux et injustement abandonné. » NUMMULAIRE. Lysimachia nummularia. L. Nummularia major lutea. G. BAUH.— Nummularia sive centimorbia. T. BAUH. Lysimachia humi-fusa, folio rotundiore, flore luteo. TouRN. Herbe aux écus, — monnoyère, — herbe à cent maux, — herbe à tuer les moutons. PRIMULACÉES. Fam, nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XX VII) est très-commune dans les bois, les prés, sur le bord des ruisseaux, qu’elle émaille de ses fleurs. Les brebis la recher- chent. Ses feuilles arrondies, entières et disposées régulièrement comme des pièces de monnaie, lui ont fait donner les noms d'herbe aux écus, de nummulaire (nummulus, diminutif de nummus, espèce de monnaie). BDescription.— Racine fibreuse. — Tiges rampantes, couchées, glabres, un peu rameuses, hautes de 25 à 40 centimètres.— Feuilles opposées, ovales, entières, courte- ment pétiolées. — Fleurs jaunes, grandes, axillaires, solitaires (juin-juillet). — Calice à cinq divisions, ovales-aiguës. — Corolle à cinq pétales. — Cinq étamines courtes à filets soudés à la base, — Un style filiforme plus long que les élamines. — Fruit: capsule globuleuse à dix valves, enveloppée et cachée par le calice. Parties usitées. — L'herbe entière. (Culture.— La nummulaire sauvage suffit aux besoins de la médecine. On peut la propager de semis, en terre humide.) Récolte. — Elle se fait pendant toute la belle saison. Sa dessiccation n'offre rien de particulier. Propriétés chimiques. — La nummulaire a une saveur austère et un peu (1) Reperlorium remed. indigenorum exoticis, ete., p. 29. Gand, 1810. (2) Journal de médecine, septembre 1809. | (3) Revue thérapeutique du Midi et Revue de (hérapeulique médico-chirurgicale, 1857, p. 69. 69% OEILLET D'INDE. acide. Elle paraît contenir du tannin. La dessiccation lui fait perdre une grande partie de sa saveur. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction, 30 à { Feuilles en poudre, 2 à 4 gr., et plus. 60 gr. par kilogramme d’eau. Vin (30 à G0 gr. pour 1 kilogr. de vin), 60 à Suc exprimé, 50 à 100 gr. 120 gr. La nummulaire a disparu de la matière médicale moderne et est presque ignorée des praticiens. Cependant, suivant Lieutaud, elle n’est pas le moins efficace des remèdes astringents. Elle à été regardée comme très-utile dans l’hémoptysie, l’hématurie, les pertes utérines, l'écoulement immodéré des hémorrhoïdes, le scorbut et les hémorrhagies scorbutiques, la diarrhée, la dysenterie, la leucorrhée, etc. Boerhaave faisait grand cas de cette plante. Tragus en recommandait la décoction édulcorée avec du miel aux phthi- siques. Les pâtres, au rapport de Gattenhof, la donnent aux brebis, pulvérisée et mêlée avec du sel, pour les préserver de la phthisie pulmonaire. Le sel à probablement la plus grande part aux bons effets qu’on obtient de ce mélange. En Alsace (1), cette plante est d’un usage populaire dans les flux de ventre, l’hémoptysie, les hémorrhoïdes. J'en ai fait prendre le suc exprimé à la dose de 80 gr. chaque matin dans un cas de ménorrhagie lente, passive, qui existait depuis trois mois et avait considérablement affaibli la malade. Cette malade, âgée de vingt-huit ans, était lymphatique, d’une constitution déli- cate, avait eu deux enfants et trois avortements, à la suite desquels il lui restait toujours un écoulement sanguin peu abondant, mais continuel. Ce flux a cessé après la quatrième dose de suc de nummulaire, dont la malade a néanmoins continué l’usage pendant dix jours. Cette plante peut prendre rang, comme astringente, à côté de la centinode ou renouée et de la bourse à pasteur, dont on a récemment reconnu l'efficacité. ŒILLET D'INDE. Tagetes patula. L. Cariophyllus minor indicus. Othona de DioscorinE et de PLINE, — tagète étalé. SYNANTHÉRÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Cette plante annuelle, originaire du Mexique, n’a rien de commun avec l’œillet des fleuristes. Elle contribue, de même que la rose d’Inde (Tagetes erecta) à la parure de nos jardins par la riche couleur de ses fleurs. (Description. — Tige herbacée. — Feuilles alternes, dentées. — Fleurs jaunes ou orangées, plus fauves au centre, formant des capitules rayonnés multiflores, à rayons femelles, et entourés d’un involucre dont les folioles, en une seule rangée, sont soudées en forme de capsule campanulée. — Fruits : akènes allongés et rétrécis à la base, com- primés, tétragones, portant une aigrette simple formée de paillettes inégales. Culture, — Se multiplie de semis d’akènes choisis dans les plus beaux capitules. Nous cilerons parmi les trente-cinq espèces de tagètes, le T. erecta, le T. patula que nous avons pris pour type, le T. lucida, Wild, etc. Propriétés physiques. — Odeur fétide; saveur nulle.) Les fruits étaient regardés par les anciens comme purgatifs. Gilibert est étonné que les praticiens négligent les tagetes, tandis qu'ils emploient journel- lement comme toniques et antispasmodiques des espèces bien moins actives. Quelques auteurs les regardent comme sudorifiques, emménagogues, ver- mifuges. Leur odeur fétide porte à croire qu’elles sont antihystériques. Coste et Wilmet disent, d’après Garden, que leurs racines sont purgatives et (1) Gazette médicale de Strasbourg, avril 1856. OEILLET ROUGE, — OENANTHE, 695 vermifuges. Quelques observations de Dodone et de Pena, rapportées par Dalechamps (1), pourraient faire regarder ces plantes comme vénéneuses. Ces auteurs parlent d'animaux morts pour en avoir mangé les semences. Les fleurs données à un chat le firent enfler considérablement, et bientôt mou- rir; des rats, des pores même moururent empoisonnés par des semences de tagetes. Un enfant, pour en avoir mâché les fleurs, eut les lèvres et l’inté- rieur de la bouche enflés. Jean Bauhin, d’après lès mêmes faits, ne pense pas, non plus que Dalechamps, que le médecin doive faire usage de Pæillet et de la rose d'Inde. « La considération des affinités naturelles, disent Loï- seleur-Deslonchamps et Marquis (2), permet peu d’attribuer à ces végétaux d'aussi mauvaises qualités. De même que les vertus utiles que d’autres leur accordent, elles ont besoin d’être confirmées par l'expérience. Sous ce double rapport, les tagetes sont du genre des plantes qu'on peut recommander à l'examen des médecins expérimentateurs. » C’est une plante que je me pro- pose d'étudier; mais le temps, presque entièrement consacré à l'exigence d’une nombreuse clientèle, me manque comme à la plupart des praticiens. Les années se succèdent rapidement sur ma tête blanchie par l’âge, les sou- cis et le travail... Tempora labuntur, tacitisque senescimus annis, Et fugiunt, fræno non remorante, dies. (Ov1DE.) ŒILLET ROUGE. Dianthus caryophillus. L. DIANTHACGÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE DIGYNIE. L. (Plusieurs variétés d’œillet sont cultivées dans les jardins pour la beauté et le parfum de leurs fleurs. Parmi eux, l’œillet rouge ou à ratafia est le seul qui soit utilisé en médecine.) Ses pétales ont une odeur suave, comparable à celle du girofle, ce qui a engagé Bodart à les proposer comme succédanés de ce dernier, bien qu'ils soient loin de l’égaler en saveur ét en parfum. On les a employés comme sudorifiques, excitants, cordiaux, etc. Leur peu d’énergie les a fait abandonner. On en préparait une eau distillée, un vinaigre, un sirop. Ge dernier seul est resté dans la matière médicale; il sert à édulcorer les po- tions cordiales. (Le Codex de 1866 en donne la préparation, p. 467.) (ŒNANTHE. (Œnanthe crocata. L. OEnanthe chærephylli foliis. GC. BAUH. — OEnanthe succo viroso, cicutæ facie Lobelio. F. BAUH. OEnanthe safranée, — pensacre (en Bretagne), — œænanthe à feuilles de persil. OMBELLIFÈRES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante vivace croît dans l’ouest de la France, l’Anjou, la Bretagne, le Nord, dans les prairies aquatiques; elle est rare dans les environs de Paris (3). (1) Tome I, p. 840. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXWVII, p. 182. : (3) Les anciens, suivant Pline, donnaient le nom d’œnanthe à une plante dont l’odeur était celle de la fleur de la vigne; la vigne sauvage était même aussi quelquefois désignée sous ce nom. D’autres auteurs ont cru reconnaître l’œnanthe des anciens dans la terre-noix, la fili- pendule, la pédiculaire fasciculée, le thalictrum tubéreux. Peut-être, disent Loiseleur-Deslon- Champs et Marquis (*), l’œnanthe des anciens n’est-il rien de tout cela. — La forme des ra- cines tuberculeuses de plusieurs œnanthes leur a fait donner le nom de filipendule, L’œnanthe crocata est parfois appelée à tort cicula aquatica dans quelques vieux auteurs. (*) Diclionnaire des sciences médicales, t. XXX VIT, p, 183. 696 OENANTHE. Deseriptiôn. — liacine pivotante, composée de tubercules allongés, fusiformes, rapprochés en faisceau. — Tige dressée, rameuse, cylindrique, grosse, cannelée, pleine d’un suc jaunâtre. — Feuilles inférieures grandes, péliolées, tripinnées ; folioles ovales- cunéiformes, profondément incisées à leur sommet, vertes et luisantes. — Fleurs blan- ches, petites, très-rapprochées (juin-juillet) ; pétales inégaux.— Fruits ovoïdes, allongés, striés, couronnés par cinq petites dents aiguës et par les deux styles. Parties usitées.— Toute la plante. Récolte. — Il est bien important de ne pas prendre cette plante pour la phellan- drie, qui s’en rapproche par ses caractères botaniques; une pareille erreur donnerait lieu aux accidents les plus graves. Le suc jaune et très-vénéneux de l’œnanthe safranée suffira pour la faire reconnaître. On a quelquelois pris ses feuilles pour celles de persil ou de céleri, auxquelles elles ressemblent beaucoup, et ses racines pour de petits navets. Propriétés chimiques.— La racine est très-odorante; sa saveur est d'abord douceàtre, ce qui trompe ceux qui la goûtent. Le suc lactescent qui s'écoule de diffé- rentes parties de cette plante lorsqu'on les entame, devient d’une couleur jaune foncé lorsqu'il est exposé à l'air; sa présence est un indice certain de ses propriétés délétères. Cormenais (1) et Pihan-Dufeillay ont donné l’analyse de la racine. Son suc, jaune, aro- matique et vireux, a une odeur semblable à celle de la carotte ; elle ne doit être ma- uiée qu'avec précaution ; l'homme chargé de la râper pour la soumettre à l’analyse a eu une irritation sur les mains, les ‘bras, avec douleurs lancinantes et une éruption ortiée, gonflement üe la face, fièvre, etc., qui a duré quinze jours et qui a exigé l'application de sangsues, l'usage des émollients, etc. Elle fournit pour éléments principaux : de la résine en abondance, une huile volatile également abondante, une autre huile concrète, de la gomme, de la mannite, beaucoup de fécule, de la cire, des sels, etc. Il y a lieu de us que c’est la résine qui produit les accidents qu’on observe après l'ingestion de Ja plante. Ce végétal est l’un des poisons les plus dangereux pour l’homme et les animaux. Un morceau de la racine, de la grosseur d’une noisette, peut faire périr dans l’espace d’une à deux heures. Les feuilles mangées en salade et prises pour celles de persil ou de céleri, ont également causé la mort en peu de temps. — 50 centigr. de résine obtenue dans l'analyse faite par Corme- nais et Pihan-Dufeillay, donnée à un lapin, l’ont rendu malade pendant vingt heures, sans le faire périr; — 60 centigr. de cette résine ont fait vomir un chien et lui ont produit des déjections, des anxiétés inexprimables ; mais il a résisté à cette épreuve; — 90 gr. d’eau distillée sur des racines de cette plante, n’ont produit aucun incident à un lapin. La teinture alcoolique de cette racine, étendue sur la peau, mais enlevée au bout d’une demi-heure, y cause de la rougeur, ur prurit incommode, une éruption, etc. Les auteurs mentionnent de nombreux exemples d’empoisonnement par cette plante, arrivés en France, en Corse, en Angleterre, en Hollande, en Flandre, etc. Les symptômes de cet empoisonnement sont les suivants : vive douleur au gosier et à l'estomac; douleur à l’épigastre, nausées, efforts pour vomir, déjections abondantes, bouffées de chaleur vers la tête, dilata- tion de la pupille, vertiges, pouls fort, fréquent, régulier, quelquefois petit et irrégulier; éblouissement. délire, perte de connaissance, somnolence ou convulsions ; resserrement des mâchoires, taches rosées irrégulières sur la face, la poitrine et les bras. Souvent la mort survient au bout d’une heure ou deux. — La réaction de ce poison est analogue à celle des plantes nar- cotico-àcres en général et en particulier de la ciguë; mais elle est plus intense et plus souvent mortelle. À l’ouverture du corps, on trouve des rougeurs souvent brunâtres, des taches noires sur la membrane muqueuse de l'estomac, les vaisseaux artériels et veineux remplis de sang noir et li- quide, les parties génitales violacées. -— Faire vomir le plus tôt possible le poison par les moyens les moins irritants, est la première indication à (1) Journal de chimie médicale, 1830, t. VI, p. 459. OENANTHE. 697 remplir. On doit se conduire ensuite comme dans lempoisonnement par la ciguë. L'application de cette plante à l'extérieur peut aussi produire l'empoison- nement. On en cite plusieurs cas arrivés à Anglet, près de Bayonne, chez des sujets qui s’en frottèrent pour se guérir de la gale. De cinq personnes qui eurent cette malheureuse idée, deux moururent (1). — Les anciens em- ployaient leur œnanthe contre la toux, la rétention d'urine et les affections de la vessie, et comme propre à faciliter l'accouchement et l’expulsion de l’arrière-faix. C’est d’après cela et non d’après l'expérience, que quel- ques modernes ont considéré l’œnanthe safranée comme pouvant être em- ployée dans ces divers cas. «On lit dans les Observations sur la physique (2) qu'un individu attaqué de lèpre, à qui on avait conseillé le suc de berle (sium latifolium, L.), prit celui de l’œnanthe crocata, L., et en éprouva des accidents violents; mais ayant persisté à en faire usage, il guérit, quoique sa maladie eût résisté à tous les autres moyens mis en usage contre elle jus- qu’alors. Ce serait un trésor qu'une pareille découverte, si de nouvelles ex- périences confirmaient ce rapport; on pourrait les tenter dans le Midi, à Aubagne, etc., où on observe encore cette maladie, reste de celle dont les croisades couvrirent le sol de la France. Nous dirons seulement que ce suc ne doit être pris qu’à petite dose, car Watson à vu périr un individu qui en avait avalé une cuillerée à bouche (3). Nous croyons qu'il ne faut pas dépas- ser, en commençant, 20 à 30 gouttes par jour, en plusieurs doses, dans un liquide approprié (4).» On manque de données sur les limites dans les- quelles doivent être renfermées les doses de l’ænanthe safranée. OENANTHE FISTULEUSE. — PERSIL DES MARAIS, FILIPENDULE AQUATIQUE. OEnanthe fistulosa, L. (PI. XXVIID). — Cette espèce est très-commune dans les prairies humides, les marais, les fossés aquatiques. Je l’ai trouvée dans la plupart des lieux marécageux de la Somme, du Pas-de-Calais et du Nord, à Meudon, elc. Description. — Racine formée tantôt de fibres presque verticillées, tantôt de tubercules ovoïdes, sessiles et fasciculés, — Tige épaisse, striée, fistuleuse, molle, — Feuilles simplement ailées, les radicales à folioles courtes, cunéiformes et trilobées ; les caulinaires à sept ou neuf folioles linéaires.— Pétioles fistuleux, fendus en bas pour laisser sortir d’autres feuilles, involucre nul ou à une foliole, involucelle à plusieurs folioles un peu réfléchies. — Fleurs blanches ou peu rosées, en ombelles de trois ou quatre rayons au plus (juin-juillet). L'œnanthe fistuleuse ne paraît guère moins vénéneuse que l’ænanthe sa- franée. Wilmet dit que sur dix-sept soldats, qui, au rapport de Vacher (5), mangèrent de l’ænanthe fistuleuse, trois périrent ; l'usage de l’émétique sauva les autres. Le même moyen fut utilement employé dans un cas sem- blable pour d’autres militaires, dont un seul mourut sur trente-six (6). — La décoction d’œnanthe fistuleuse, comme celle d'œnanthe safranée, est employée, dit-on, dans quelques contrées, à la destruction des taupes, sur : l'habitation desquelles on la verse pour délivrer les jardins et les prairies de ces animaux. Cependant, l’œnanthe fistuleuse a été recommandée, par une foule de compilateurs, contre la dysurie, la gravelle, la leucorrhée, les scrofules, les hémorrhoïdes, l'asthme, l’épilepsie, etc., parce qu’on à cru, comme pour (1) Revue médicale, février 1837, p. 245. (2) Introduction, t. XI, p. 302. (3) Trans. phil., année 1746. (4) Mérat et Delens, Dictionnaire de thérapeutique et de malière médicale, t. V. (5) Art. helvet., vol. IV. (6) Ancien Journal de médecine, 1758, t. X. 698 OIGNON. l’œnanthe safranée, que c'était l’œnanthe des anciens. Avant d'admettre cette plante dans la matière médicale, il faut, par des faits exacts et bien observés, en constater les propriétés thérapeuliques. La plupart des autres œnanthes ont plus ou moins les propriétés redou- tables des deux espèces dont nous venons de parler. Cependant l’ŒNANTHE PIMPINELLOÏDES (Joannette, Méchon, Agnote, Anicot) a des tubercules fécu- lents, d’une saveur douce et agréable, de la grosseur d’une noisette; ils sont mangés par les enfants qui les récoltent après la coupe des foins, surtout aux environs d’Angers et de Saumur. Mérat et Delens en ont mangé fréquem- ment dans leurs herborisations. La ressemblance de ces racines avec celles de l’œnanthe safranée peut donner lieu à de fatales méprises. L'ænanthe pimpinelloïdes est plus petite, à tige de moitié moins volumineuse, à feuilles dont les folioles supérieures sont linéaires; elle n’a aucun suc surabondant ; ses tubercules sont rez-terre, au lieu de s’enfoncer comme dans l’œnanthe safranée, et sont presque ovoïdes allongés, blancs, farineux, inodores, dou- ceûtres. Plusieurs espèces voisines de l’ænanthe pimpinelloides, telles que les OENAN- THE PEUCEDANIFOLIA Poll (GENANTHE APPROXIMATA, Mer), qui croissent dans nos départements du Centre et du Nord, comme dans le Midi, ne paraissent avoir également aucune propriété vénéneuse. Leurs tubercules, plus petits, ne se mangent pas, si Ce n’est ceux de cette dernière, prise Jusqu'à nos jours pour l’ænanthe pimpinelloides de Linné. OIGNON. Allium cepa. L. Cepa vulgaris, floribus et tunicis candidis. CG. BAuH., ToURN. Oignon, — ail-oignon, — oignon commun, — oignon blanc. LILIAGÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante, que l’on croit originaire de l'Afrique, est cultivée dans les jardins potagers pour l’usage alimentaire. Deseription. — Racine: bulbe composé d’écailles charnues, superposées, for- mant inférieurement une sorte de plateau d’où naissent des radicules blanchâtres qui sont les véritables racines. — Tige : hampe fistuleuse, ventrue inférieurement, glabre, nue.— Feuilles radicales, fistuleuses, arrondies, pointues, d’un vert glauque. — Fleurs blanches, nombreuses, en ombelle globuleuse, terminale (juin-juillet-août). — Six pé- tales oblongs peu ouverts. — Six étamines. — Un style court. Parties usitées, — Le bulbe. Culture et récolte. — La culture de l'oignon est facile et trop connue pour qüe nous ayons à nous en occuper, On le récolte en automne, pour être conservé, aussi- tôt que les feuilles sont jaunes. On expose ce bulbe sur la terre dans un lieu bien sec, et mieux encore au soleil; on le laisse ainsi pendant quinze jours avant de le serrer. Au printemps, lorsque les germes y naissent, l'oignon perd beaucoup de ses propriétés el ne doit plus être employé. L’oignon, doux et sucré dans le Midi, où il convient mieux comme aliment, est àcre el plus actif comme médicament dans le Nord. Propriétés physiques et chimiques. — Ce bulbe répand une odeur piquante qui excite le larmoiement quand on le coupe ou qu’on écrase ses tuniques ; sa saveur est âcre, alliacée. 11 contient, suivant Fourcroy et Vauquelin, de l'huile blanche, àcre, volatile et odorante; du sucre incristallisable, de la gomme, une matière animale, des acides phosphorique et acétique, du phosphate de chaux, du citrate calcaire. Le suc de l'oignon devient rose à l'air; il est acide et susceptible de se convertir en vinaigre par la fermentation. Mêlé à l’eau et à la levûre de bière, et fermenté, il donne à la distillation une liqueur alcoolique. | Quand l'oignon a été soumis à la coction, l'huile volatile s’est dissipée et le produit n’est plus excitant. OIGNON. 698 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, A L'INTÉRIEUR, — Décoction miellée, pour | Vin (oignons n° 2, vin blanc 1 kilogr.), 60 à boisson. 120 gr. Sirop (1 sur à d’eau et 6 de sucre), de 50 à 100 gr. À L'EXTÉRIEUR.— Pulpe d'oignon cuit ou bulbe Suc exprimé, de 50 à 100 gr. dans l’eau miel- pilé, en cataplasme, lée ou dans du vin blanc, L'oignon cru est un aliment fort sain; mais il ne convient pas à tous les estomacs; beaucoup de personnes ne peuvent le digérer. Il est nuisible aux tempéraments sanguins ou bilieux, aux sujets irritables, aux personnes su- jettes aux hémorrhagies, aux affections dartreuses, ete. Comme médicament, il possède la plupart des propriétés de Pail, mais à un moindre degré. Il est excitant, diurétique, vermifuge. On l’emploie dans la gravelle, la réten- tion d'urine atonique, les hydropisies, les affections scorbutiques, les scro- fules, etc. Appliqué sur la peau, il y produit une légère excitation. L'oignon cru possède réellement une propriété diurétique assez pronon- cée. Son suc a été utile dans certains cas de rétention d'urine et dans les hydropisies. Pilé et appliqué sur l’hypogastre, il agit comme excitant sur les voies urinaires. Murray cite la guérison d’une anasarque due à la simple ap- plication de la pulpe crue, soit à l’hypogastre, soit à la plante des pieds. « Vou- lez-vous, dit Roques, un diurétique puissant ? ajoutez 6 onces (180 gr.) de suc d’oignon à une livre d’infusion de thé vert.» J'ai vu l’anasarque survenue à la suite de la scarlatine chez plusieurs enfants, disparaître en peu de temps par l'administration de 30 à 60 gr. de suc d’oignon mêlé avec autant de vin blanc sucré. Lanzoni rapporte que des sujets ont été guéris de l’hydropisie ascite par l’usage abondant de l’oignon pendant plusieurs mois, soit en bois- son, soit comme aliment. Il est bien évident que ce bulbe serait nuisible dans l’ascite produite par une phlegmasie péritonéale plus ou moins dou- loureuse. On oublie trop que l’hydropisie est le plus souvent une maladie secondaire, subordonnée à une affection primitive qui doit avant tout attirer l'attention du médecin. Serre, d’Alais (1) a trouvé dans l’usage de la diète lactée et de l'oignon cru, et dans l’abstention de toute autre boisson et de tout autre aliment que la soupe au lait, l'effet diurétique que l'oignon n’a- vait pu produire aussi efficacement en compagnie d’autres substances, qui pouvaient en neutraliser l’action. Le malade prend trois soupes au lait par jour pour toute nourriture, en mangeant de l’oignon. Serre a guéri plus de soixante anasarques par ce traitement. Quelle que soit la cause de cette af- fection, qu’elle dépende d’une suppression de transpiration, de la scarla- tine, de la rougeole, d’une maladie de Bright, d’un obstacle quelconque à la circulation veineuse, d’une altération dans la composition du sang, ou simplement de l’influx nerveux, l’infiltration séreuse, l’ædème des membres abdominaux, la diminution dans la quantité des urines, cèdent à la diète lactée avec accompagnement d'oignons, et à l’abstinence de toute boisson. Au huitième jour, amélioration très-sensible, bien-être général indéfinis- sable; au quinzième jour, flux abondant des urines; au trentième jour, gué- rison dans l’immense majorité des cas, lorsque ce traitement simple est ap- pliqué en temps utile. (On a même été plus loin, et on a prétendu que le modeste oignon aurait ainsi raison des hydropisies de l’ovaire (2). Je ne puis m'empêcher d’avoir des doutes sur la précision du diagnostic. Cela serait trop beau. Kæberlé et Spencer Wells n'auraient plus qu’à dire adieu à la chirurgie.) , L'oignon cuit se digère plus facilement. Il est adoucissant, émollient, pectoral. On l’emploie dans les catarrhes bronchiques et vésicaux, aigus ou LE TR A SE mena 9 ge CIS ES CRETE tu: (1) Builetin général de thérapeutique, 1853. (2) Voyez Journal de médecine et de chirurgie pratiques, août 1860. 700 OLIVIER. chroniques. On le met dans les bouillons pectoraux. J'ai vu des paysans se débarrasser promptement du rhume au moyen d’un oignon cuit sous la cendre, après lavoir enveloppé dans une feuille de choux, pilé, écrasé, réduit en pulpe, et mêlé dans une tasse de décoction chaude d'extrait de réglisse. Cette potion, prise matin et soir, calme la toux et facilite l’expec- toration. L’oignon cuit sous la cendre et mangé avec de l’huile ou du beurre est un remède populaire contre l’enrouement. A l’extérieur, l’oignon cuit est un bon maturatif dont on se sert en cataplasme sur les boutons, phleg- mons, clous, panaris, etc. Le vin rouge, dans lequel on fait macérer un oignon coupé par morceaux, et qu'on a exposé à l'air pendant deux jours, pris le malin à jeun, est un vermifuge que j'ai souvent vu employer avec succès. Le cœur d’un oignon, en suppositoire, est un moyen populaire mis en usage pour rappeler les hémorrhoïdes supprimées. Quand on veut en modé- rer l’action, on l’enduit de saindoux, d'huile de lin, d’œillette ou d'olive. Le suc de ce bulbe, introduit dans l'oreille, à la dose de quelques gouttes, a été vanté contre la surdité; mais les lésions de l’ouïe sont si variées, et la pathogénie en est si obscure, qu'un semblable remède n’a pu avoir qu'un succès relatif et dû au hasard. La pulpe d’oignon cru, appliquée à la plante des pieds, agit comme un doux révulsif qu’on a toujours sous la main, et que le médecin de cam- pagne peut employer avec avantage dans les affections où ce genre de mé- dication est indiqué. J’ai vu des commères appliquer cette pulpe, ou tout simplement des oignons grossièrement écrasés, sur des brûlures, et empê- cher ainsi la production des phlictènes. Cette application cause d’abord une douleur assez vive qui s’apaise peu à peu et cesse ensuite entièrement : similia similibus curantur. C’est faire de l'homæopathie sans s’en douter. OLIVIER. Olea europea. L. Olea sativa. TOuRN., BLACK. Olivier d'Europe, — olivier cultivé, — olivier franc, — boutaillon, — bouteillon, — boucellaou, mouraou, — ampoulaou. JASMINACÉES. — OLÉINÉES. Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. L'olivier, arbre de grandeur médiocre, dont l’origine se perd dans la plus haute antiquité (et auquel la lutte de Minerve et de Mars assigne une origine athénienne), croit aujourd’hui spontanément dans les montagnes de PAtlas et est cultivé en Italie, en Espagne, en Languedoc, en Provence (où il offre de nombreuses variétés, qui sont l’olea angulosa, subrotunda, amygda- lina, cranimorpha, sphærica, oblonga, viridula, precox, racemosa, atro-ru- bens, variegata, odorata, hispanica, regia, atro-virens, alba, ayant toutes leur nom patois, qu'il serait trop long d’énumérer ici). Desceription.— Racines en partie droites, en partie rampantes, fermes, dures. — Tige en général peu élevée ; écorce lisse, cendrée; bois jaunâtre. — Feuilles opposées, persistantes, d’un vert tirant sur le jaune au-dessus, blanchâtres au-dessous. — Fleurs monopétales blanches, disposées en petites grappes axillaires (juillet-août). — Calice à quatre dents.— Corolle à quatre divisions. — Deux étamines. — Un ovaire. — Un style simple très-court, — Un stigmate épais bilobé. — Fruit nommé olive, ovale, charnu, vert d’abord et jaune à la maturité, renfermant un noyau osseux, biloculaire. Parties usitées. — Les feuilles, l'écorce et les fruits ou olives. Récolte.— La culture de l'olivier et la récolte des olives sont du ressort de l’agri- culture. On cueille les olives vertes à la main en juin et juillet, et on leur fait subir diverses préparations pour pouvoir les servir sur table. Propriétés chimiques: usages économiques. — Les feuilles et les écorces sont inodores, d’une saveur àpre et amère. Les feuilles analysées par Pelle- OLIVIER. 701 Lier (4) lui ont fourni une malière acide colorante, de l'acide gallique, une matière grasse, de la chlorophylle, de la cire végétale, de l'acide malique, de la gomme, de la tibre ligneuse, Pallas (2) a trouvé, dans les feuilles et dans l'écorce, une matière cris- talline ou olivile, dans laquelle résident, suivant lui, les propriétés actives ; un principe amer acide, une résine noire, un extrait gommeux, une matière colorante verte, du ligneux. L'olive fournit une huile précieuse pour l’économie domestique et pour la pharmacie, où elle sert pour la composition de toutes les huiles oflicinales. Elle est composée de 28 parties de stéarine et de 72 d’élaine ou oleïne difficile à en séparer. Elle n’est pas siccative et rancit moins facilement que l'huile d'amandes douces. Sa pesanteur spéci- fique est de 0.9153. Outre son usage alimentaire et pharmaceutique, on l’emploie dans la fabrication des savons, dans l'éclairage, dans le lainage, etc. D’après Pommier (3), battue avec le vin et filtrée, cette huile lui ôte son goût de fût. (Sans sortir des limites de notre travail, nous pouvons citer le principe doux des huiles, la glycérine, renvoyant pour les détails sur cette substance si intéressante, au point de vue médical et au point de vue chimique, aux publications de Démarquay (4) et de Gap et Garot (5). L'acide olivique est un produit très-mal connu et ne consiste probablement qu’en un extrait des fruits de l'olivier.) Le tronc des vieux oliviers laisse exsuder une matière particulière d’un brun rou- geàtre, nommée gomme ou résine d’olivier, gomme lecca, presque entièrement formée d’olivile, et contient une autre substance à laquelle Pelletier donne le nom de résine d'olivier. (L'olivile (C2SH'SO'9 ou suivant Pelletier G'*H°0*) est blanche, d’une saveur amère douceâtre, cristallisable en lamelles ou aiguilles, fusible à + 70 degrés, neutre, soluble dans l’eau et l'alcool chauds.) Les feuilles d’olivier sont dans quelques pays employées au tannage des cuirs, ce qui suppose la présence du tannin et de l'acide gallique, que l'analyse n’y démontre pas d’une manière sensible. (Landerer en a extrait un corps particulier improprement nommé olivine (6). Ce corps, blanc, cristallisé est soluble dans les acides, mais ne forme pas avec eux de sels cristallisables.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L’INTÉRIEUR.— Décoction de feuilles, écorces, olives vertes, 15 à 60 gr. par kilogramme d’eau. EÉcorce ou feuilles pulvérisées, de 4 à 24 gr. dans un véhicule approprié. Teinture alcoolique d’écorces (1 sur 8 d’alcool à 32 degrés), de 2 à 4 gr., en potion. Extrait d’écorces (1 sur 3 d'alcool à 32 de- grés), 2 à 4 gr., en pilules ou dans un li- quide. Sirop d’écorces (1 sur 16 d’eau et 12 de sucre), de 30 à 60 gr., seul ou en potion. Huile d’olives, de 16 à 60 gr. et plus, pure ou mêlée à l’eau par un mucilage. À L’EXTÉRIEUR. — 30 à 120 gr. en lavement, frictions, liniment, etc.; le marc en to- pique. L'huile d’olive entre dans la composition d’un grand nombre d’emplâtres, onguents, pommades, liniments, etc. (Nous devons signaler un extrait acide oblenu par Lhoste en traitant l'écorce, les feuilles et les fruits d’une variété, l’oléaster, par l'acide sulfurique, et en faisant éva- porer à siccité, Nous n’avons aucune observation par devers nous qui nous donne con- fiance dans ce produit peu expérimenté et pour lequel on a proposé le nom d’oleaste- rium.) L'écorce et les feuilles d’olivier sont amères, toniques, astringentes et fébrifuges. On les a considérées comme propres à remplacer le quinquina, non-seulement dans les fièvres intermittentes, mais aussi dans les fièvres typhoïdes et dans les maladies atoniques où l’usage de l'écorce du Pérou est indiqué. (1) Journal de pharmacie, octobre 1823. (2) Journal des sciences médicales, t. XLIX, p. 257. (3) Journal de chimie médicale, 1827, t. IT, p. 516. (4) De la glycérine et de ses applications, etc., 1863. (5) Mémoire sur la glycérine et ses applications à l’art médical. Paris, 1864. (6) (Le corps qui porte véritablement le nom d’olivine est une résine vert olive n'ayant au- cun rapport avec l’olivier, et résultant de l’action de l'acide sulfurique sur la salicine.)* 702 OLIVIER, Ce fébrifuge indigène, écorce et feuilles, qui était connu de quelques médecins espagnols, et dont Bidot, en France, a le premier fait mention, paraît le plus digne de suppléer au quinquina dans les départements du Midi, où on peutse le procurer facilement. Plus tard, Pallas eut occasion d’administrer l'écorce d’olivier aux soldats de l'expédition de Morée. Vingt malades atteints de fièvres tierces et quoti- diennes guérirent tous. Ce médecin administrait trois ou quatre fois la tein- ture en potion, comme on vient de l'indiquer, ou bien, l'extrait amer à la dose de 6 à 18 décigrammes. Les propriétés fébrifuges de l’écorce d’olivier ont été confirmées par Casale (1); par Cuynat, qui a publié dans le Précis analytique des travaux de la Société de médecine de Dijon (1837), quatorze observations de fièvres intermittentes de différents types, guéries par l’usage de l’extrait de l’écorce d’olivier, administrée à la dose de 2 à 4 gr. Giarda- rou, médecin à Sadenico (2), a préconisé les feuilles en décoction et en poudre à la dose d’une once et demie (poids d'Autriche) en six parties. Ce médecin à administré la gomme d’olivier dans les mêmes cas avec plus de succès encore à une once et demie divisée en six portions, à prendre de deux heures en deux heures, en bols avec suffisante quantité d’eau, de ma- nière que tout soit pris trois heures avant l'accès; son action est plus mar- quée, quoiqu’à dose moindre, que celle des feuilles en décoction et en poudre. : (Aran a, dans ces derniers temps, expérimenté avec succès l'extrait hy- dro-alcoolique des feuilles d’olivier pour s'opposer au retour des fèvres d'accès et pour combattre les fièvres saisonnières). Celse (3) employait avec succes à l'extérieur les feuilles d’olivier bouillies dans du vin, contre la pourriture des chairs. D’après Casale (4), elles ont arrêté, employées à l'extérieur, les progrès de la gangrène, qui avait résisté à d’autres moyens. L'huile d’olive est adoucissante, émolliente, laxative, anthelminthique. On l’emploie cependant rarement pure à l’intérieur dans les maladies in- flammatoires, parce que, séjournant dans les voies digestives, elle peut y acquérir des qualités irritantes en s’y rancissant. On l’emploie plus partieu- lièrement dans les empoisonnements par les substances âcres et corrosives, pour en diminuer l’activité et calmer en même temps l’irritation qu’elles ont produites. On peut l’employer en émulsion comme l'huile d’amandes douces, dans les toux sèches avec irritation, dans la strangurie et les dou- leurs néphrétiques, les tranchées, le volvulus, etc. Elle paraît, prise pure. comme la plupart des huiles fixes, exercer une action délétère sur les vers intestinaux, dont elle provoque souvent l’expulsion. Pour prévenir le vomis- sement, qu’elle occasionne quelquefois lorsqu'elle est prise à haute dose, on lui associe une certaine quantité d’un acide végétal, comme le suc de citron, qui lui-même est vermicide, ou autant de vin. Labillardière, membre de l’Institut (5), a rapporté qu'ayant vu faire usage de l’huile d'olive contre le ver solitaire, et s’en trouvant lui-même attaqué, il en prit environ 750 gr. par 425 gr. de quart d'heure en quart d'heure, ce qui lui fit rendre un tænia au bout de vingt-quatre heures. Les lavements d'huile d’olive conviennent dans les coliques qui suivent les accouchements laborieux, dans celles qui accompagnent les hernies, ou qui sont produites par la rétention des ma- tières stercorales durcies. Dans un cas de cette dernière espèce, chez un vieillard habituellement constipé, je ne suis parvenu à calmer les douleurs et à provoquer l’expulsion des fèces accumulées dans le gros intestin, qu’en ) Annales de médecine pratique de Montpellier, t. XXV, p. 386. ) Annali universali di medicina, juin 1831. ) Lib. v, cap. xx11. ) Annales de médecine pratique de Montpellier, t. XXV, p. 386. (5) Bulletin de la Société médicale d'émulation, 1824. nn dm GE © D OLIVIER. 703 injectant au-dessus, au mo yen d’une longue canule de gomme élastique, 120 gr. d'huile d'olive d'heure en heure. L’expulsion des matières s’est opé- rée après la quatrième injection. J'ai pu prévenir de nouveaux accidents par l’usage, trois fois par semaine, de la décoction miellée de mercuriale annuelle à la dose d’une tasse. Delotz (2) a employé avec succès l'huile d’o- live à haute dose dans un cas très-grave d’invagination intestinale. Les anciens faisaient un grand usage des onctions d'huile d'olive; ils s’en frottaient le corps en sortant du bain pour assouplir les muscles et les arti- culations, et rendre la peau moins sensible à l'impression subite d’un air frais. C’est en se frottant tout le corps d'huile que les athlètes se préparaient à la lutte. L'empereur Auguste demandait au centenaire Romulus Pollion comment il avait fait pour conserver jusque dans un âge avancé la vigueur de corps et d'esprit qu'il montrait : « C’est, dit le vieillard, en usant habi- tuellement de vin miellé à l’intérieur et d'huile à l’extérieur : intus mulso, foris oleo. » Les onctions d'huile étaient aussi fréquemment employées dans le traite- ment de plusieurs maladies. Dioscoride et Gelse parlent de leur usage contre ihydropisie. Forestus, Olivier, Storck, Gardane, rapportent avoir vu plu- sieurs fois l’ascite et l’anasarque se dissiper par ces onctions répétées plu- sieurs fois par jour. Bien qu’elles n'aient pas eu le même succès entre les mains de Tissot et de plusieurs autres praticiens, au nombre desquels je puis me compter, on ne doit pas y renoncer avant de les avoir de nouveau es- sayées. (Chez les enfants à peau mince, je mêle souvent à parties égales l’huile d'olives et l’huile de croton, pour atténuer l'effet trop irritant de cette der- nière. L'huile d'olives a été préconisée en onctions douces sur tout le corps, après les fièvres éruptives ; elle modère le prurit, souvent si incommode, qui suit la desquamation. Dans les brülures, les mêmes onctions sont d’un effet très-calmant; je leur préfère encore les bains d’huile d’olives. Tissot cite un remède popu- laire employé avec succès dans ces cas, c’est le mélange d’un blanc d’œuf et de deux cuillerées à potage d’huile.) La réputation dont l'huile d'olive a joui, appliquée à l'extérieur comme antidote, est plus douteuse. De ce que les accidents produits par la mor- sure de la vipère se sont dissipés après l’usage des onctions d’huile, peut-on raisonnablement attribuer à ces onctions cette heureuse solution quand on la voit fréquemment s’opérer par les seuls efforts de la nature? Cependant Murray et Albert citent des faits curieux à l’appui de cette opinion. Alibert pense qu’on ne peut révoquer en doute les effets salutaires des frictions huileuses dans beaucoup de circonstances où les morsures avaient été faites par des serpents de diverses espèces; 1l croît également que les mêmes onc- tions sont efficaces contre la piqüre des différents insectes. Dusourd (2) à obtenu des effets remarquables de l’huile d'olives employée à l’intérieur et à l'extérieur dans les cas de morsure de vipère. (Evidemment, dans tous les cas, c’est par la vertu résolutive que l'huile d'olives à pu, en diminuant l’ædème, amener une certaine amélioration.) Les onctions de cette huile, proposées par Delpech contre la gale, n’ont pas non plus les bons effets qu’on leur avait attribués. Je les ai employées deux fois sans succès. : Le marc ou magma, résidu des olives exprimées, paraît agir sur la peau comme irritant. On l’a recommandé contre le rhumatisme chronique, la (1) Abeille médicale, t. VIT, p. 216. (2) Bulletin général de thérapeutique, t. XXXII, p. 489. 704 | ONOPORDE, goutte, la paralysie. Son application sur tout le corps à la fois n’est pas, dit-on, sans danger. ONOPORDE. Onopordum acanthium. L,. Carduus tormentosus acanthi folio vulgaris. Tourx. — Acanthium. MATTH. Acanthium spina alba. — Carduus tomentosus. Orr. Onoporde acanthin, — onopordon acanthin, — onoporde à feuilles d’acanthe, — pet-d’äne, chardon acanthin, — grand chardon aux ânes, — artichaut sauvage, épine blanche. SYNANTHÉRÉES, Fam, nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE ÉGALE. L Cette plante bisannuelle est très-commune partout, dans leslieux incultes, le long des chemins, au milieu des décombres. Elle fait les délices des ânes, auxquels, suivant Pline, elle cause des flatuosités. Les vaches, les chèvres et les chevaux la négligent. Description. — Racine grosse, rameuse. — Tige cotonneuse, blanche, creuse, cannelée, épineuse, haute de 4 mètre à 4 mètre 50 centimètres. — Feuilles cotonneuses sur les deux faces, bordées d’épines, présentant presque le même aspect que les feuilles de l’acanthe. — Fleurs purpurines, en capitules globuleux, quelquefois solitaires ou réunis deux à trois ensemble aux extrémités des tiges et des rameaux (juin-septembre). — Involucre à folioles lancéolées, aiguës. — Réceptacle nu, alvéolé, — Fleurons égaux, hermaphrodites, purpurins. — Fruits : graines anguleuses. Parties usitées., — Toute la plante. Récolte. — L'herbe s'emploie ordinairement à l’état frais. La racine, pour être conservée, doit être coupée par tranches avant de la porter au séchoir. Propriétés chimiques; usages économiques. — L'analyse chi- mique de l’onoporde n'a point été faite. Le réceptacle des fleurs et les tiges écorcées ont servi d’aliment. La racine jeune est également alimentaire. Miller assure que l’on culti- vait autrefois plusieurs espèces d’onoporde dans les jardins pour l'usage économique, mais qu’on à cessé de les cultiver depuis qu'on s’est procuré de meilleurs légumes. — On peut retirer des semences, qui mürissent promptement, une huile grasse assez abon- dante et bonne à brûler. 11 kilogr. de têtes de fleurs mûres et sèches donnent 6 kilogr. de graines à enveloppes très-dures, qui, par la pression à chaud, fournissent 1,500 gr. d'huile. L’onoporde est si commune qu'il serait facile de l'utiliser pour cet usage éco- nomique. Les feuilles de cette plante, écrasées, ainsi que son suc, en topique, ont été vantées contre les ulcères chancreux de la face. Borellus dit avoir guéri par ce moyen un paysan qui portait un chancre aux narines. Stahl (in Mur- ray) aurait obtenu le même résultat en quatorze jours contre un carcinome commençant de la face. Timmermann, au rapport de Goelick et de Rosse, à eu à se louer du même moyen dans un chancre qui avait déjà ravagé une partie de la face. Goelick (1) prétend avoir guéri de la même manière une femme qui avait un ulcère chancreux au cou, et un homme qui portait un carcinome hideux à la lèvre supérieure. Eller (2) affirme que le même re- mède lui a réussi chez deux femmes atteintes d’ulcère chancreux à la face, mais il observe que ce suc échoue dans le cancer du sein. Mœhring (3) l’a employé avec beaucoup de succès dans les ulcères chancreux des parties musculaires. Les affections dont nous venons de parler étaient-elles réelle- ment des cancers? Il est probable que non. Poiret dit que la décoction de la racine d’onoporde est spécifique dans la blennorrhagie commençante. (1) Dissert. de onoporde carcinomatis, etc. Francfort-sur-l'Oder, 1739. (2) Nüzliche und anserlesene Anmerkungen, p. 58. (3) In litteris, septembre 1786. ORANGER. 705 ORANGER. Citrus aurantium. L. Malus aurantia major. G. BAUH.—Aurantium declei medullà vulgare. Tourx. AURANTIACÉES, Fam. nal, — POLYANDRIE ICOSANDRIE. L. Cet arbre, originaire de la Chine ou des iles de la Sonde, est naluralisé en Espagne, en Portugal, en Italie et dans le Midi de la France, où il a été in- troduit à l’époque des croisades, sur la fin du x1° siècle. Au Centre et au Nord de la France, on le cultive en caisse pour en orner les jardins l'été; on le rentre en serre pendant l'hiver, où il languit et ne produit pas de fruits mûrs. Deseription.,— Racine épaisse, branchue, jaune en dedans. — Bois dur, d’un blanc jaunätre.— Tige ramifiée presque dès la base, à rameaux réunis en cime touffue, S'élevant dans les pays chauds jusqu'à 8 à 12 mètres de hauteur. — Feuilles alternes, persistantes, pétiolées, ovales-lancéolées, glabres, luisantes, portées sur un pétiole bordé d'une aile foliacée, cordiforme. — Fleurs blanches, très-odorantes, disposées en bou- quets à l'extrémité des rameaux (juin-juillet). — Galice à cinq divisions. — Corolle à cinq pétales. — Une vingtaine d’étamines à filaments réunis en faisceaux anthérifères. — Un style; un stigmale.— Fruits : baie sphérique, de la grosseur d’une pomme, à écorce d’un jaune doré en dehors, blanche en dedans ; l'intérieur divisé en plusieurs loges, contenant chacune plusieurs semences cartilagineuses, un peu amères, Parties usitées.— Les feuilles, les fleurs, les fruits (oranges), l'écorce des fruits. (Culture. — Elle est du domaine exclusif de lhorticulture et réclame des soins spéciaux, qui ont valu aux bâtiments où on les remise l'hiver le nom d'orangeries.) Récolte, ehoix, etc. — On fait sécher à l'ombre les feuilles que l’on cueille sur les orangers et non celles qui, étant tombées, ont perdu une partie de leurs qua- lités. On les fait sécher avec précaution, promptement, et de manière qu’elles conser- vent leur couleur verte, une partie de leur odeur et toute leur saveur; on les conserve dans un lieu sec, à l’abri de la lumiere. Il faut rejeter les feuilles jaunies ou tachetées. Dans le commerce on ne les choisit pas toujours assez bien. Celles que l’on cueille sur des arbres venus en pleine terre, dans le Midi, ont beaucoup plus de vertus que les feuilles de nos orangers élevés en caisse, et qui, souvent, sont recueillies lorsqu'elles tombent des arbres pendant leur transport des orangeries dans les jardins ; ces der- nières ne contiennent plus de principes actifs. On peut employer les feuilles d'oranger fraiches ; le plus souvent on les emploie séchées et telles qu’on les trouve en abondance dans le commerce. Les fleurs se recueillent dans le climat de Paris vers la fin de juillet et en août, pour ètre employées fraiches, en faire de l’eau distillée, des conserves, en préparer des li- queurs de table, etc. Dans les pays chauds, la récolte des fleurs peut se faire pendant la plus grande partie de l’année, parce que l'arbre porte toujours. Les fleurs de l’oran- ger amer, ayant une odeur plus suave, sont préférées à celles de l’oranger doux. C’est l'espèce que l’on emploie à Paris, et c’est pourquoi l’eau de fleurs d'oranger qui y est préparée est préférable à celle qui nous vient du Midi. Les fleurs séchées perdent une grande partie de leur arôme et sont à peine reconnaissables. On les prescrit pourtant en poudre, mais c'est une mauvaise préparation, Avant de les porter au séchoir, elles doivent être dépouillées de leur calice ; elles demandent beaucoup de soins pour leur conservation. D’après Rouelle, on peut conserver les fleurs d'oranger pour en préparer en tout temps l’eau distillée, en les réduisant en pâte dans un quart de leur poids de sel, lors- qu’on les récolte, et en renfermant ce mélange dans un flacon. Au bout de quelques années, on peut distiller ces fleurs, et l’eau est aussi suave que si on la préparait avec des fleurs fraiches, ainsi que l’a vérifié Ghevallier (1). A la fin de l'hiver, les oranges mûres nous arrivent de Nice, de Portugal, de Malte, etc. ; avant cetle époque, elles sont aigres et mauvaises. — L’écorce d'orange müre s'emploie fraiche ou se conserve pour servir à l’état de dessiccation. Plus elle est fine, plus elle est eslimée et plus l'orange qu’elle recouvre est recherchée. I Jfaut la débarrasser autant que possible de la matière blanche et spongieuse qui, à l’intérieur, la sépare du paren- (1) Journal de chimie médicale, 1828, t. IV, p. 546. 45 706 ORANGER. chyme succulent. Cette précaution est souvent négligée dans le commerce. Il en résulte que les préparations d’écorce d'orange, contenant beaucoup de cette substance blanche, sont plus amères sans être plus actives. Dépouillée de la matière blanche, l'écorce est très-facile à sécher, et conserve son odeur et sa saveur aromatiques, sans une grande amertume. On nomme petits grains et orangettes, les oranges tombées de l'arbre étant petites. Sèches, elles sont très-dures et servent à faire les mêmes pois à cautère dits d’oranges. — L'orange amère se nomme aussi bigarade. Les écorces vertes sont appelées curaçao et servent à préparer le ratafia dit curaçao de Hollande. C’est une variété petite de bi- garade que l’on confit dans l’eau-de-vie et au sucre sous le nom de chinois. — Risso a fait une espèce distincte du bigaradier (citrus vulgaris). Propriétés ehimiques.— Les feuilles d'oranger ont une saveur chaude et amère ; elles exhalent, quand on les presse, une odeur fragrante, agréable, qui est due à l'huile volatile contenue dans de petites vésicules dont elles sont parsemées., C’est à la présence de cette huile äcre et odorante et d’un principe amer qu'elles doivent leurs propriétés thérapeutiques. L'eau et l'alcool s'emparent de leurs principes actifs. Les fleurs d'oranger (et non d’orange) ont aussi une saveur amère, et sont remar- quables par l'extrême suavité de leur odeur. Leur analyse a donné à Boulay un principe amer, jaune, insoluble dans l’éther, mais soluble dans l'alcool; une matière gommeuse, de l’albumine, de l’acide acétique en excès, de l’acétate de chaux, etc. Elles contiennent une huile essentielle (néroli), qui, par la distillation, passe entièrement dans l’eau, à laquelle elle donne les propriétés des fleurs elles-mêmes (eau de fleurs d'oranger ; aqua naphe, en terme de pharmacie). Gette eau, préparée à Paris, où lon n'ôte pas l'huile essentielle ou néroli, parce qu'elle y est en trop petite quantité, est plus odorante et préférable, quoique louche à l’œil, à celle de Provence, qui, claire, transparente, est privée de son essence. La première, bouchée avec du papier seulement, ne se corrompt pas; la seconde, bouchée avec du liége, s’aigrit, se corrompt et est très-amère. « La fleur d'oranger contient de l'acide acétique. 11 passe à la distillation ; aussi, l’eau de fleurs d'oranger est acide, ce qui est un inconvénient grave pour celle du commerce que l’on expédie dans des estagnons de cuivre mal étamés (1), et qui dissout à la longue une portion du métal. Boulay avait proposé d’ajouter dans la cucurbite 16 gr. de ma- gnésie par kilogr. de fleurs pour saturer cet acide. Je ne sache pas que sa proposition ait eu de suite, ni que son adoption eût amélioré le produit. » (Soubeiran.) Le néroli contient une huile solide, à laquelle Plisson, qui l’a découverte, a donné le nom d’aurade où auradine. I la séparait en mêlant le néroli avec de l’alcool à 85 degrés et abandonnant au repos pendant quelques jours. (L’auradine se dépose sous la forme de cristaux en écailles ; elle est soluble dans l’éther; à 55 degrés, elle fond en prenant l’as- pect de la cire, pèse 0.913 et se volatilise à une température plus élevée. Sa formule — CS5-76H15-0501: 5) L'écorce d'orange est amère, piquante et aromatique. Elle renferme des vésicules nombreuses qui la rendent transparente, et qui contiennent de l’huile essentielle ana- logue à celle des fleurs, mais plus pure. Si on presse une écorce d’orange devant la flamme d’une lumière, l'huile qui s’en échappe s’enflamme en répandant une odeur agréable. Cette écorce contient, en outre, une matière très-amère. L'eau et l'alcool s'emparent des principes actifs. — La partie blanche de l'écorce contient une matière encore peu étudiée, qui s’est présentée sous la forme d’un extrait amer, insoluble dans l’éther et soluble dans lalcool. On y a découvert également une substance cristalline blanche, brillante, satinée qu’on a nommée hespéridine ou aurantiine, et qui paraît se rapporter à la série des résines cristallisables, insolubles ou peu solubles dans l'alcool. Les semences contiennent une matière amère cristallisée, nommée par Bernays limo- nine ou limone, insoluble dans l’eau et dans l’éther, et très-soluble dans l'alcool et dans les acides étendus. (Sa formule — C#*H25015.) Les orangeltes ou petits grains contiennent, d’après Lebreton (2), une huile volatile, du soufre, de la chlorophylle, une matière grasse, un principe particulier cristalli- sable, etc. Brandes (3), dans une autre analyse, y indique un principe amer particulier, qu’il appelle aurantin, de l'ulmine, une sous-résine, etc. Le suc des fruits est acide, plus ou moins sucré, et doit ses propriétés à l'acide citrique. (1) L'eau de fleurs d'oranger, conservée dans des vases de cuivre même étamés, est dange- reuse. L (2) Journal de pharmacie, 1828, t. XIV, p. 377. (3) Journal de chimie médicale, 1899, t. V, p. 552. ORANGER. 707 Substances incompalibles. — Le sulfate de fer, l'infusion de quinquina jaune et l'eau sont incompatibles avec l'écorce d'orange, PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, A L'INTÉRIEUR. — Infusion de fleurs, de feuilles, d'écorce (4 à 8 gr. par 500 gr. d’eau), par petites tasses de temps en temps, après l’a- voir édulcorée, Décoction de feuilles, 120 feuilles pour 600 gr. d’eau, avec un peu de vin et de sucre, comme antiépileptique. (Welse.) Poudre d'écorce ou de feuilles, 2 à 8 gr., en pilules, électuaire ou dans un liquide. Eau distillée de fleurs (1 sur 3 d’eau), de 30 à 200 gr. et plus, en potion comme véhicule, par cuillerée dans les boissons pour les aro- matiser. Sirop de fleurs (eau distillée de fleurs, 100; sucre très-blanc, 180. Faire fondre à froid et filtrer), pour édulcorer les tisanes, les potions, etc. Sirop d'écorce d'orange amère (écorce d’o- ranges anères, 1; eau bouillante, 7; sucre blanc, environ 10. Après douze heures d’in- fusion, passez avec expression, filtrez et faites fondre le sucre à vase clos), de 15 à 60 gr. pur ou en potion composée. Sirop d'écorce d'orange douce (zestes d’oran- ges frais coupés menu, 1; eau bouillante, 5. Faites un sirop par simple solution avec 100 parties d’infusion et 180 parties de su- cre). Mèmes doses. Sirop de suc d'orange, par cuillerées ou pour édulcorer les boissons, etc. Teinture ou alcoolat de fleurs (1 sur 4 d’al- cool), 2 à 10 gr., en potion. Teinture d’écorce d'orange amère (écorce, 1; alcool à 56°.5. Quinze jours de macération, passer avec expression, filtrer). Mèmes doses. Huile essentielle d’écorce, de 3 à 12 gouttes, en potion, etc. Oléosaccharum (huile essentielle, 4 goutte; sucre, 4 gr. par trituration). — Plus suave, si on l’obtient en frottant du sucre contre l'écorce fraiche du fruit, et en le triturant ensuite pour faire une poudre également chargée dans toutes ses parties (orange, n° 1; sucre, 8 gr.). Huile essentielle de fleurs (néroli), idem. Infusion de l'orange (orangeade), une on deux oranges coupées par tranches par kilo- gramme d’eau, édulcorée par 60 gr. de sucre, Suc d'orange étendu dans (. S. d’eau édul- corce. Préparations pharmaceutiques de l'essence d'écorce d'orange. (HANxox.) On prépare l'huile essentielle d’écorce d’o- range en soumettant à la presse la partie co- lorée de l'écorce d’orange. On l’obtient en- core en distillant cette écorce avec l’eau, mais l’essence a alors une odeur moins suave. Oléosaccharum : sucre pulvérisé, 4 gr.; es- sence d’écorce d'orange, 1 gr. 65 centigr.; mèêlez exactement, divisez en poudre no 16, deux poudres par jour, de deux heures en deux heures, dans la matinée, Tablettes : sucre pulvérisé, 2 gr.; essence d’écorce d'orange, 1 gr. 65 centigr.; muci- lage, 0. S.— P. f. s. a., tablettes n° 20. — Trois tablettes par jour, de deux heures en deux heures, dans la matince. Pilules : conserve de cynorrhodon, 4 gr; gomme arabique pulvérisée, (. $S.; essence d’écorce d'orange, 65 centigr. — M. f. s. a. pilules n° 10.— Trois pilules par jour, une d'heure en heure, dans la matinée. Potion : essence d’écorce d’orange, gouttes n° 10; alcool à 40 degrés, (. S. — Pour dis- soudre l’essence, ajoutez : sirop d’écorce d'orange, 30 gr.; infusion de feuilles d'o- ranger, 60 gr.; mêlez; une cuillerée d'heure en heure, pendant la matinée. À L’EXTÉRIEUR., — Pulpe cuite en cataplasme. (Coxe.) L'écorce d'orange entre dans le sirop anti- scorbutique et dans d’autres préparations offi- cinales, telles que la teinture stomachique, l'esprit carminatif de Sylvius, etc. Les feuilles d'oranger sont antispismodiques, stomachiques, toniques, fébrifuges, vermifuges, sudorifiques. On les emploie avec avantage dans la débilité des organes digestifs marquée par l’inappétence, les flatuosités, la dyspepsie. Elles sont utiles aussi dans les maladies nerveuses et convulsives : l’hystérie, l’hypochondrie, les toux spasmodiques, les palpitations, la cardial- gie, les céphalalgies nerveuses, les accidents ataxiques des fièvres typhoïdes, l’épilepsie. Locher les trouva très-avantageuses dans l’épilepsie et parvint par leur usage à guérir quelquefois cette maladie, et, dans la plupart des cas, à en rendre les accès plus rares et moins violents. Ce médecin purgeait ou faisait tirer préalablement un peu de sang, selon les circonstances ; il donnait en- suite depuis 2 gr. jusqu'à 4 gr. de ces feuilles en poudre, une, deux, el jus- qu’à quatre fois par jour, ou bien le decoctum d’une poignée de feuilles bouil- lies dans une livre d’eau réduite à mcitié, en une fois le matin à jeun. De- haen, Welse et Storck ont aussi employé avec succès les feuilles d'oranger, soit en infusion, soit en poudre, contre des épilepsies qui avaient résisté à 708 ORANGER, d’autres moyens. Hufeland à vu les feuilles d'oranger guérir l’épilepsie, quand elle était la suite de l’onanisme, en les donnant à la dose de 4 gr. trois fois par jour, et par-dessus une infusion de feuilles fraîches. Tissot ne leur accorde pas la même confiance comme antiépileptiques; mais il les con- sidère comme très-utiles dans les affections convulsives et l’hystérie. Dehacn en a retiré de grands avantages dans cette dernière maladie et dans la chorée. Le Journal de médecine de la Gironde, t. I, p. 117, cite un fait de guérison de tic douloureux par l’usage des feuilles d'oranger. Dalberg rapporte trois cas où ces feuilles en poudre et en infusion bue en abondance, ont complé- tement réussi dans la toux convulsive. Trousseau et Pidoux les ont égale- ment vu réussir en pareil cas. Je m'en suis très-bien trouvé dans l’hysté- rie accompagnée de douleurs vagues et de spasmes de l’estomac, ainsi que dans toutes les névroses par débilité. Elles paraissent, dans toutes ces affec- tions, porter sur l’organisme en général, et sur le cerveau et les nerfs en particulier, une influence à la fois calmante et tonique. J’ai souvent prescrit par cuillerées, dans les névroses, le mélange de parties égales de poudre de feuilles d’oranger et de poudre de racine de valériane, avec suffisante quan- tité de sirop d’écorce d'orange. L'administration d’une tasse chaude d’in- fusion de feuilles d'oranger, immédiatement après l'injection de l'huile de foie de morue, est un excellent moyen de la faire tolérer chez les individus les plus délicats, et qui réussit constamment dans le service clinique du professeur Dupré, à Montpellier (1). Les fleurs d'oranger, comme nous l’avons dit plus haut, sont rarement employées en nature. L'eau distillée de ces fleurs (eau de fleurs d’oranger), exerce son action sur le système nerveux comme antispasmodique et séda- tive. On en fait un fréquent usage dans les spasmes, les convulsions, les pal- pitations, les anxiétés précordiales, les coliques nerveuses, l’hystérie, et, dans cette longue série de maux de nerfs qui, dans nos grandes cités, abreu- vent d’amertume la femme incomprise, accablée sous le poids du bonheur et &e l’ennui, et dont la vie se consume soit à la lecture des romans du jour ou à des broderies qui n’exercent que les doigts, soit à recevoir, mollement étendue sur un divan, des visites que l’oisiveté procure, et qui ne sont plus que le pâle reflet des délices de la société. L'’écorce d’oranges et les jeunes oranges sont toniques, excitantes, stoma- chiques, carminatives; elles conviennent dans toutes les maladies que ca- ractérise ou accompagne la débilité des organes digestifs. On les a em- ployées comme fébrifuges dans les cas où des symptômes graves ne forcent pas d’avoir recours de suite au quinquina. J'ai quelquefois associé avec avantage l’écorce d’orange à l'écorce de saule contre les fièvres intermit- teñtes ordinaires. J’ai souvent mis en usage, dans la période adynamique des fièvres typhoïdes, l’infusion d’écorce d'orange alcoolisée (50 gr. d'alcool sur 1 kilogr. d’infusion). Cette écorce et ses diverses préparations sont en- core employées avec avantage dans la chlorose, l’hystérie, l’hypochondrie, la dyspepsie, et comme vermifuge. « Vidi quemdam pro tabido habitum et quasi conclamatum, qui potu pulveris corticum aurantiorum ad 1 dragm. per tres vices, in vino, curatus fuit, ejectione innumerorum verminum (2). » Thomas Burnet (3) recommande contre le flux immodéré des menstrues, la décoction de l’é- corce de trois oranges acides encore un peu vertes dans trois litres d’eau réduits à deux, dont on administre 250 à 300 gr. chaque matin. L'écorce d'orange, tenue dans la bouche, diminue la fétidité de l’haleine, de même que la racine d’angélique et les feuilles de menthe. Suivant Fré- dérick (4), l’huile de foie de morue passe plus facilement, si l’on a la (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, t. I, p. 635. (2) Petrus Borellus, cent. 1, observ. xc. (3) Thesaurus medicine. Genève, 1648, p. 672. (4) Journal des connaissances médico-chirurgicales, t. XXXIIT, p. 30. ORCHIS MALE, 709 précaution de mâcher immédiatement, avant d’avaler cette huile, des morceaux d’écorce d'orange séchée. Le médicament pris, on remet encore dans la bouche un autre morceau d’écorce d'orange. L’amertume de cette écorce a quelque chose de pénétrant qui se substitue avantageusement au goût désagréable de l'huile. Hannon (1) à appelé l'attention des praticiens sur l'efficacité de l'huile essentielle d’écorce d’orange amère dans certains cas de névroses gastro- intestinales. Il rapporte l’histoire de cinq malades chez lesquels cette es- sence lui a rendu un très-grand service. A la dose de 6 à 8 gouttes par jour, en deux fois, et à deux heures d'intervalle dans la matinée, sur du sucre, elle agit comme stomachique et n’entraîne aucune incommodité. (Il n’en est plus de même à une dose plus élevée; elle irrite fortement l'estomac et amène dans l'organisme des troubles variés décrits par Imbert-Goubeyre (2), et consistant principalement en éruptions de diverse nature, et en phéno- mènes nerveux, tels que céphalalgie, névralgie faciale, bourdonnements d'oreille, oppression thoracique, gastralgies, pandiculations, agitations, insomnie et même des convulsions épileptiformes.) Le suc d'orange douce délayé dans l’eau (orangeade) est tempérant ; il est journellement employé dans les fièvres inflammatoires, bilieuses, typhoïdes : dans les phlegmasies, la dysenterie, la péritonite, la néphrite, la blennor- rhagie, les irritations gastriques et génito-urinaires, les dispositions scorbu- tiques et le scorbut, en un mot, dans toutes les affections aiguës ou chro- niques dans lesquelles convient la limonade faite avec le suc de citron, mais il est plus doux et plus délayant que ce dernier. Le sirop de suc d'orange se donne dans les mêmes cas que l’orangeade. (Le sue, à la fois amer et acide, de la bigarade convient aussi en oran- geade, mais surtout dans les cas où il y a atonie, dans les affections scorbu- tiques, par exemple.) Wright (3) applique avec un grand succès la pulpe cuite d’orange en guise de cataplasme sur les ulcères fétides. La partie blanche de l’orange a été conseillée dans la dysurie (in Ferrein). L'usage des plus petites orangettes en guise de pois à cautère présente un avantage sur celui des pois formés avec la racine d'iris; ceux-€1 se gonflant dans le sens des fibres de la racine y deviennent difformes; les pois d’orange, au contraire, conservent leur forme ronde en se gonflant autant que les au- tres, sans produire les douleurs résultant de la compression causée par les changements de forme du trou. ORCHIS MALE. Orchis mascula. L. Orchis morio mas foliis maculatis. C. BAUH. — Orchis major, tota purpurea maculoso folio. J. BAUH. — Cynosorchis morio mas. GER. Testicule de chien, — patte de loup, — salep français. ORCHIDÉES. Fam. nat, — GYNANDRIE DIANDRIE, L. L'orchis mâle, plante vivace (PI. XXVIIT) croît dans les bois et dans les 3e humides de toute l'Europe, avec plusieurs autres belles espèces orchis. : | . Deseription.— Racine composée de deux tubercules charnus, ovales, allongés, inégaux, surmontés de plusieurs fibres radicales simples. — Tige droite, simple. glabre, cylindrique, nue dans la partie supérieure. — Feuilles alternes, oblongues, engainantes, (1) Journal de la Societé des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 1854, vol. XIX, P. 244. (2) Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 28 mars 1853. (3) Coxe, Americ. disp., p. 190. 710 ORCHIS MALE. luisantes, d’un vert clair, quelquefois parsemées de taches noires réunies à la base de la tige. — Fleurs purpurines disposées en un bel épi terminal, de 10 à 12 centimètres de longueur (avril-mai). — Point de calice. — Corolle divisée en six pétales, dont trois extérieurs tenant lieu de calice; deux intérieurs souvent réunis en voûte, le sixième inférieur en lèvre pendante, quadrilobée au limbe, à éperon obtus. — Fruits à trois côtes, contenant de très-petites graines assez semblables à de la sciure de bois. Parties usitées. — Les tubercules. KRécolte.— Tous les orchis d'Europe (Orchis militaris. — Orchis bifolia, orchis latifolia. — Orchis morio. — Orchis maculata, etc.) peuvent remplacer le salep de Perse. ‘s Parmi ces espèces récoltées en juin, ou mieux, suivant Beissenhertz, de Munich, en juillet, lorsque la fleur et la tige meurent, on choisit les bulbes les plus beaux, on les dépouille de leurs fibres et de leur enveloppe, or les lave à l’eau froide, on les essuie et on les fait tremper pendant quelques minutes dans l’eau bouillante ; on les égoutte, on les enfile en manière de chapelet, et on les expose au soleil, où elles acquièrent une consistance cornée, Autre procédé : après avoir lavé et essuyé les bulbes, on les place sur des plateaux de fer-blanc ou sur une claie couverte de papier, qu’on place dans un four médiocrement chaud, et qu’on a soin de retirer lorsqu'elles ont acquis une certaine transparence. Dans cet état, on les réduit aisément en poudre, et on en obtient une fa- rine aussi blanche et aussi pure que le salep qu’on fait venir à grands frais de la Perse et de la Turquie. Geoffroy (1) obtint de nos orchis un salep tout à fait semblable à celui de Perse, Depuis, Retzius, Moult, Coste et Wilmet, Bodart, Wauters, Burtin, Desbois, de Rochefort, ont obtenu les mêmes résullats. « J’en ai vu faire à Edimbourg, dit Cullen, en parlant de la farine de salep, qui était aussi pure et aussi parfaite que celle qui nous vient de Turquie. Le commerce, dit Fée (2), tirait autrefois le salep de la Perse, et même encore aujourd’hui, que la France nous le fournit, on ne manque guère de lui donner la Perse pour patrie. Il serait bien temps de revenir à des idées plus saines et de se persuader que nos productions indigènes valent, dans le plus grand nombre de cas, les productions exotiques (3). » Un homme peut en une journée récolter 6 kilogr. de bulbes, qui, par la dessiccation, se réduisent à 2 kilogr. [Culture. — On ne parvient à cultiver ces plantes dans les jardins qu’en les pla- çant dans la terre et à l’exposition qu’elles trouvent dans les bois et dans les prés; on peut espérer les réussir en les plaçant à l'ombre, en les couvrant de mousse et en se- mant entre elles du ray-grass que l’on arrose souvent. | Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. — Les tubercules des orchis offrent une légère odeur hircine, surtout quand ils sont ré- duits en poudre. D’après les recherches de Berzélius et de Lindlay, le salep n’est pas de la fécule, mais de la bassorine, de la véritable gomme adragante. Il y a toujours un peu de fécule que l’iode colore en bleu ; mais c’est la partie de beaucoup la moins abondante, et elle est emportée en grande partie par l'immersion des tubercules dans l’eau bouil- lante pour leur préparation. Il existe en outre dans le salep, du sel marin, du phosphate de chaux. Quelques teinturiers font usage du salep au lieu de gomme arabique, pour lus- trer les étoffes. Il y a des pays où l’on mange les tubercules des orchis sans aucune pré- paration. Péron (4) rapporte qu’à la terre de Lewin, les naturels ont pour toute nourri- ture les bulbes des orchis, dont ils sont très-avides. On pourrait en user de même dans nos Campagnes en temps de disette. On laisse perdre chaque année sur la surface de la France une immense quantité de ces tubercules nourrissants. Pour les mettre en poudre, il faut les humecter un peu; sans cela leur substance cornée permettrait difficilement de les y réduire. Pulvérisé, le salep se dissout dans l’eau dans la proportion de 60 parties d’eau pour une de cette substance. Le salep préparé s'emploie comme aliment en gelée, soit avec le bouillon P P 5 ; (1) Mémoires de l'Académie des sciences, 1740. (2) Cours d'histoire naturelle pharmaceutique, t. T, p. 366. (3) Toutes les préparations analeptiques que l’industrialisme fait approuver et vendre à ce bon public, sous des noms burlesques qu’on est allé chercher chez les Arabes, chez les disci- ples de Mahomet, ne sont que des mélanges de farine de nos céréales, de sagou, de salep, de fécule de pomme de terre, de farine de lentille, de glands, de marrons, etc. — Qui decipi vull, decipialur. (4) Voyage aux terres australes, p. 81. OREILLE DE JUDAS. — ORGE, 711 soit avec l’eau ou le lait. On en met dans le chocolat, on en fait des pà- les, eltc., en y ajoutant du sucre et des aromates, suivant l'indication. Cet aliment, adoucissant et restaurant, convient dans les irritations de poitrine, la phthisie, l'hémoptysie, la fièvre hectique, le marasme, l'épuisement pro- duit par l'abus des plaisirs vénériens, par de grands travaux, par une diète prolongée; dans la convalescence, l'irritation des voies digestives, l'extrême susceptibilité de l’estomac, la néphrite, la cystite, etc., la diarrhée et la dy- senterie chroniques, etc. La décoction (4 gr. sur 500 gr. d’eau) de salep en boisson est indiquée dans les mêmes cas. Dumas (1) recommande la mixture suivante, contre l’hémoptysie opiniâtre : salep, 15 gr., mucilage de gomme arabique, 8 gr. Faites bouillir pendant un quart d'heure dans un vase avec 750 gr. d’eau de rivière ou de fontaine; ajoutez à la colature 30 gr. de sirop de pavot blanc, On en donne une petite tasse toutes les trois heures, et dans les intervalles quelques cuillerées de suc d’ortie blanche, avec le sirop de grande consoude. « La solution aqueuse de salep communique en peu d'heures, au linge qui en est imbibé, une raideur analogue à celle produite par la gomme arabique, ou mieux la gomme adragante; ce qui s'accorde parfaitement avec l’opinion de Berzélius et de Lindlay, qui considèrent cette substance comme une véri- table gomme; c’est ce qui nous porte à croire que le salep pourrait être substitué avec avantage à l’amidon et à la dextrine dans la confection du bandage pour les fractures (Dubois, de Tournai). » OREILLE DE JUDAS. Fungus sambuci. Fungus sambucinus sive auricula Judæ. GER. , PARK. — Fungus membranaceus auriculam referens, sive sambucinus. C. BAUH.— Fungus auricula Judæ, coloris ex cineraceo nigricantis, perniciosus, in sambuci caudice nascens. 3. BAUH. —Tremella auricula Judæ.— Pexiza auricula. Exidias. CHAMPIGNONS. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE, L, L'oreille de Judas est un champignon cupuliforme, gélatineux, d’un brun rougetre, à l’état frais, brun noirâtre, sinueux, friable à l’état de dessicea- tion, et qui croît sur les vieux sureaux, On lui substitue quelquefois le bole- tus versicolor et mème divers lichens. Ce champignon est regardé comme diurétique et astringent. On l’emploie encore dans nos campagnes, en infusion dans le vin blanc contre l’hydro- pisie, et en gargarisme dans du lait ou du vinaigre, suivant les cas, contre l’angine et l’engorgement des amygdales. Macéré dans une eau appropriée, il forme, suivant Schræder, un collyre antiophthalmique. ORGE. Hordeum vulgare. L. Hordeum polysticum hibernum vernum. C. BAUH., TOoURN. Hordeum polysticum. T. Baux. Orge commune, — orge cultivée, — orge de printemps et d'hiver, improprement scourgeon, épeautre, — grosse orge, — sucrion, — socrion. GRAMINÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante annuelle, qu’on croit originaire de la Russie, et dont on dis- tingue plusieurs variétés, est cultivée ‘depuis la plus haute antiquité pour (1) Consult. et observ. de méd., p. 176. 712 ORGE. l'usage alimentaire et médical, surtout dans le Nord, dans les terrains maigres. Description. — Racine composée d’une grande quantité de petites fibres radi- cales. — Tiges droites, glabres, articulées, hautes de 4 mètre et quelquefois plus. — Feuilles longues, aiguës, d’un vert clair, un peu rudes à leurs deux faces, glabres sur leur gaine. — Fleurs formant un épi un peu comprimé, presque à quatre faces, long d’en- viron 6 centimètres (mai-juin). — Galice bivalve, terminé par un long filet barbu rude et piquant, épillets réunis trois par trois sur chaque dent de l'axe commun. — Corolle bi- valve. — Trois étamines. — Un style bifide. — Deux stigmates. — Fruit: cariopses oblongs, renfermés dans les écailles. Parties usitées. — Les fruils. Récolte.— Elle est du domaine de l'agriculture. Dépouillées de leur enveloppe, les semences portent le nom d’orge mondé. Lorsqu’en les privant de leur écorce on leur donne la forme sphérique, elles portent le nom d'orge perlé. Réduites en farine grossière et séchées au four, elles constituent l'orge grue, griot où gruau. L’orge germée, dont on a arrêté la germination par une forte chaleur et dont on a détaché les germes, constitue le malt; celui-ci, moulu et portant le nom de drèche, contenant plus de sucre, d'amidon et de gomme, fait la base de la bière. On nomme essence de malt l’infusé de drèche évaporé en consistance de miel. [Culture.— L'orge de printemps ou escourgeon de printemps, Hordeum vulgare, L., est la plus hâtive des orges (si on excepte l'orge à deux rangs), c’est celle qui convient ie mieux aux semailles faites tardivement, c’est-à-dire en mai et juin ; on dit qu’elle réussit mieux que les autres dans les terres médiocres. Nous citerons encore l'orge carrée nue, petite orge, orge céleste, orge nue à six rangs, Hordeum vulgare nudum, Hordeum cœæleste, que l’on cultive beaucoup en Belgique sous les noms impropres de blé de mai et de blé d'Egypte. L'orge de Guimalaya ou Nanito n’a aucun avantage réel, elle présente une variété vio- lette ; enfin, nous citerons encore l'orge noire, l'orge chevalier, l'orge annat, l'orge d'Italie, l'orge nue à deux rangs ou grosse orge nue, orge éventail ou orge riz, et l'orge bifurqué. | Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. —L'orge non germée est composée, d’après Proust, d’amidon, de gluten, de sucre, de résine jaune, d’hordéine. On trouve dans l'orge germée plus d’amidon, de sucre et de gomme, mais moins d’hordéine. (Suivant certains auteurs, l’hordéine ne serait que du son très- divisé.) — La farine d'orge est formée, suivant Einhof, de : amidon, 60; sucre, 5; glu- ten sec, 3 5; albumine, 4; enveloppe, 19.3; eau, 41.2. — (Le gluten qu'elle contient diffère de celui du froment et porte le nom de glutine. Il est tellement adhérent à la fé- cule, que la malaxation sous un filet d’eau ne les sépare pas.) La germination de l'orge produit un principe particulier, un ferment azoté, nommé diastase. Cette substance, pulvérulente, possédant des propriélés curieuses, peut s’ob- tenir en humectant le malt avec la moitié de son poids d’eau froide, mêlant le liquide exprimé avec la quantité nécessaire d'alcool pour détruire la viscosité, filtrant et ajou- tant alors de nouvel alcool. Une quantité très-minime de cette substance peut produire la transformation d’une quantité considérable de fécule en dextrine. Suivant Pline, l'orge a été un des premiers aliments de l’homme civilisé. La farine d'orge, cuite dans l’eau ou le lait, forme une bouillie très-nutri- tive. On en fait du pain dans certaines parties de la France; mais le peu de gluten qu'il contient rend ce pain friable et prompt à se dessécher. Sous ces différentes formes, l’orge est nourrissante, émolliente, adoucis- sante, rafraîichissante. On l’emploie en décoction dans la plupart des mala- dies aiguës et inflammatoires, et comme analeptique dans les maladies chro- niques, fébriles ou avec irritation, telles que la fièvre hectique, la phthisie pulmonaire et les consomptions, l’hémoptysie, la néphrite, la cystite, etc. J’ai souvent employé à la campagne la semence d’orge en nature pour tisane dans les maladies aiguës. Suivant Dubois, de Tournai, l’orge hexastique ou à six rangs (orge carrée, sucrion), employée en nature, décoctée dans l’eau, est un des plus puissants diurétiques connus. Ce médecin rapporte cinq cas d’anasarque promptement guéris au moyen d’une décoction concentrée de ORGE. 715 cette semence entière, telle qu'on l’emploie dans les usages domestiques. Elle a été sans effet dans deux cas d’anasarque; mais ces derniers faits ne détruisent en rien ceux qui militent en faveur des propriétés diurétiques de la semence brute, Dans l’un de ces cas, la maladie avait également résisté à la digitale et à une foule d’autres médicaments successivement employés. Afin que la matière amylacée de l'orge mondé ou perlé puisse se dissou- dre entièrement dans l’eau et donner à la décoction divers degrés de con- sistance, suivant les différents états de la maladie, il faut prolonger l’ébulli- tion à un feu doux pendant sept à huit heures. Sans cette précaution, cette boisson est dénuée de vertu, ou bien elle est même un peu exritante, à cause de la matière extractive qu'elle a enlevée à l’enveloppe de la semence. C'est ainsi que les anciens préparaient l’eau d'orge, qui alors fournissait dans les maladies aiguës une boisson mucilagineuse et nourrissante, que nous avons à tort remplacée par les bouillons de viande. Il résulte des expériences de Magbridge, de Lind, d’'Huxam, de Perey, et d’autres médecins, que le malt et la décoction qu’on en prépare sont émi- nemment antiscorbutiques, et ont été comme tels employés avec succès dans les voyages de long cours, tant comme préservatifs que comme curatifs. Le navigateur Cook en a préparé une espèce de bière fort utile aux marins. Macquart en a éprouvé de bons effets dans une épidémie de scorbut et de dysenterie, qui régna sur la flotte de Dorvilliers, en 1778. Quarin (1) a indiqué la formule suivante : malt, 192 gr.; faites bouillir pendant un quart d'heure dans 3 kilogr. d’eau; ajoutez ensuite 4 gr. de fenouil et 12 gr. de racine de réglisse ; laissez digérer pendant quatre heures. Rush dit avoir vu différents symptômes, reliquats de la syphilis, céder à l’usage du malt, après avoir résisté à tous les remèdes. Percival lui attribue de l'efficacité contre les scrofules. Mais la bière, qui est composée avec le malt et le houblon, est bien plus utile contre cette dernière maladie. Amère, nourrissante et to- nique, la bière apaise la soif sans débiliter, augmente l’action de l’estomac et excite les sécrétions. Dans le Nord, où le vin est d’un prix trop élevé pour le pauvre, on em- ploie souvent la bière pour faire macérer les plantes qu'on veut administrer sous cette forme, J'ai vu employer à la campagne, comme anthelminthique et purgatif, à la dose d’un à trois verres, la bière qu’on avait laissé éventer pendant trois ou quatre jours. Ce moyen provoque souvent l'expulsion des lombries dès le premier jour de son usage. La levûre de bière a été considérée comme antiseptique et administrée dans les fièvres putrides. J'en ai remarqué de bons effets dans un cas de fièvre muqueuse vermineuse chez une petite fille de dix ans, qui, pendant le cours de cette maladie, n’a fait usage d’aucun autre moyen, à l'exception de l’ipécacuanha, qu’elle avait pris au début comme vomitif. La levüre de bière était prise par petites cuillerées fréquemment répétées. Cette levûre s’est montrée, suivant Hufeland, fort salutaire dans le scorbut de terre, tant à l’intérieur qu’à l'extérieur. Un médecin anglais, Moss (2), a eu recours avec avantage à la levûre de bière contre les éruptions furonculeuses, très-fré- quentes dans les contrées occidentales de l'Angleterre. 11 administre cette substance délayée dans l’eau, à la dose d’une cuillérée à soupe, trois fois dans la journée. Dans un cas de diabète sucré, Bird Herepath (3) a employé avec succès la levûre de bière à la dose d’une cuillerée à bouche dans du lait, deux ou trois fois par jour. Dans les circonstances ordinaires, la glucose se convertit, comme on sait, (1) De morb. acut. et chron. (2) Union médicale, 1852, 1"° série, t. VI, p. 616. (3) Ass. med. Journ., et Gazette hebdomadaire, 1854. 714 ORGE. sous l'influence de la levûre de bière (à la température de 15 à 20 degrés centigr.) en alcool et en acide carbonique. Mais si la réaction se produit dans l'obscurité au contact de substances albumineuses et protéiques, comme dans l’estomac (à une température de 25 degrés centigr.), le produit est alors de l'acide lactique, de l'acide acétique, et peut-être aussi de lal- cool et de l’acide carbonique. Ces données théoriques engagèrent l’auteur à essayer du torula cerevisiæ (levûre de bière) dans le seul cas que nous venons de citer, et qui nous paraît d'autant moins concluant, que, sur trois cas de glucosurie rebelle, dans lesquels Bouchardat (1) a conseillé la levüre de bière, il a complétement échoué deux fois, et que le troisième il n’a obtenu qu’une amélioration douteuse, accompagnée de dégagements de gaz pénibles. Ernest Baudrimont (2) n’a pas été plus heureux chez un jeune garçon atteint de glucosurie, traité sans aucun succès par la médication alcaline depuis deux mois. On constata, dès le cinquième jour du traitement par la levûre de bière, des symptômes d'ivresse, preuve de la transformation du glucose en alcool; mais leur intensité décrut peu à peu, la soif diminua de moitié; cependant les urines étaient presque toujours également denses, et conte- naient 81 gr. de glucose par litre. La levüre de bière a été appliquée à l'extérieur comme antiseptique. La farine d’orge peut être employée en cataplasme comme émolliente. Williams applique sur les plaies de mauvais caractère, pourriture d’hôpital, plaies gangréneuses, etc., un Cataplasme fait avec l’orge fermentée et la bière bouil- lante. Ce cataplasme, qui à paru supérieur à tous les moyens de même na- ture, doit être changé deux ou trois fois en vingt-quatre heures. La drèche ou marc de la bière a été conseillée par Gibson et Magbridge, en décoction contre le scorbut. Henning la recommande dans les maladies éruptives du printemps. Rush en a obtenu de bons effets dans les ulcères de mauvais caractère. Les bains de drèche chauds sont employés avec avantage dans le rhumatisme et les engorgements articulaires chroniques, la paralysie, les névralgies, les rétractions musculaires, l’ædème, l’anasarque, etc. C’est un moyen populaire qui n’est pas à dédaigner. [Pendant l'acte de la germination, il se forme dans l’orge, avons-nous dit (voyez Propriétés chimiques), un ferment azoté particulier nommé diastase, qui jouit de la propriété de transformer l’amidon et toutes les fécules en dextrine et en sucre; une matière analogue que l’on a désignée tour à tour sous les noms de ptyaline et de diastase animale, existe dans la salive ; c’est un des ferments digestifs qui a pour but d’opérer dans la bouche la saccha- rification des fécules : de même que l’on a cherché à suppléer au défaut de quantité ou d’activité du suc gastrique chez l’homme, en administrant le suc gastrique des animaux, de même on a, nous le croyons avec juste raison, associé la diastase végétale à la pepsine lorsqu'on croyait qu'il y avait à la fois défaut de digestion des fécules et des matières protéiques. Chassaing, pharmacien à Maisons-Alfort, a présenté à l’Académie de médecine un sirop et un vin nutrimentifs de malt et de pepsine. Arnal, Barth et d’autres praticiens distingués se sont bien trouvés de l'emploi de ces deux médicaments. On comprend qu'il serait difficile et coûteux d'isoler la diastase de lorge germé; c’est pour cela que Chassaing propose l'emploi de l’orge germé en poudre ou malt. Ces applications des faits physiologiques à la thérapeutique ont souvent donné de bons résultats ; mais il est arrivé ici ce qui arrive presque toujours, c’est qu'on a poussé les choses à l’excès : c’est ainsi que l’on associe à la pepsine la pancréatine du suc pancréatique, qui achèvent dans l'intestin la digestion des matières albuminunoïdes qui n’a pu se terminer dans l’esto- ———————————————Z—Z 0 (1) Annuaire de thérapeutique, 1855, p. 147. (2) Compte-rendu de l’Académie des sciences, février 1856. ORIGAN, 715 mac; mais on n'a pas songé que la pepsine et la pancréatine dans le canal digestif n’agissent que successivement, et que lorsqu'on les associe, elles dé- truisent naturellement leurs effets. En voulant mieux faire, on a fait plus mal. | ‘ Enfin, rappelons que, depuis quelques années, les bières concentrées, les bières de malt ont été employées avec quelque apparence de succès dans certaines maladies de l’estomac.] (Fremy regarde la poudre de malt comme un tonique analeptique puis- sant, ayant une action modificatrice dans les affections pulmonaires chro- niques, et même dans la phthisie : non pas que son action s'attaque à la maladie elle-même; mais cet agent exerce une influence heureuse sur les sueurs, la diarrhée et la dyspepsie concomitantes (4). Skoda préconise comme liqueur antiscorbutique à la dose de deux ou trois verres par jour le mélange suivant : décoction de malt avec bourgeons de sapin, 275 gr.; levûre de bière, 25 gr.; sirop d’écorce d'oranger, 25 gr.; mèêlez, laissez fermenter et filtrez.) ORIGAN. Origanum vulgare. L. Origanum sylvestre. C. Baux. — Origanum vulgare spontaneum. T. BAUH. Origanum anglicum. GER. — Majorana sylvestris. PARK. Origan commun, — grand origan, — marjolaine sauvage ou bâtarde, — marjolaine d'Angleterre. LABIÉES. — SATURÉIÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Cette plante vivace (PI. XXVIIL), très-commune aux lieux secs et monta- gneux, dans les bois et le long des haies, a beaucoup de rapport avec la marjolaine. Beseription.— Racines menues, fibreuses, obliques.— Tiges dures, dressées, un peu velues, quadrangulaires, rougeàtres, rameuses à la partie supérieure, à rameaux Op posés, hautes d'environ 60 à 75 centimètres. — Feuilles opposées, pétiolées, un peu ve- lues en dessous, d’un vert foncé en dessus, cordiformes. — Fleurs d’un rouge clair, blanchätres, en petits capitules pédonculés, opposés, rapprochés à la partie supérieure des rameaux et formant par leur réunion un panicule serré (juillet-août).— Calice cylin- drique à cinq dents égales. — Corolle labiée à tube grêle, cylindrique. — Quatre éta- mines didynames, saillantes, — Un style. — Un stigmate bifide. — Fruits : quatre akènes presque ronds, placés au fond du calice persistant, Parties usitées.— Les sommilés fleuries, Réeslte.— Elle se fait pendant que la plante est en fleur. Elle conserve toutes ses qualités. Les herboristes la remplacent souvent par la marjolaine ; substitution indiffé- rente, à cause de l'identité de propriétés thérapeutiques. (Culture. — L'origan vulgaire, ainsi que les autres plantes du même genre, doit être cultivé en terre chaude et légère ; on le multiplie par semis ou par éclats des pieds; l’origan sauvage suffit à la consommation.] Propriétés physiques et elaimiques. — L'origan à une odeur aro- matique qui rappelle celle du thym et du serpolet, et une saveur chaude, amère et pi- quante. Elle fournit une assez grande quantité d'huile volatile àcre, aromatique, du camphre et une matière extractive gommo-résineuse, en partie soluble dans l'eau, à laquelle elle donne une couleur rouge. L'eau et l'alcool s'emparent de ses principes actifs. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion théiforme, 8 à 15 | Vin (15 à 30 gr. par kilogramme de vin gr. par kilogramme d’eau. rouge), pour fomentation tonique, stimu= Poudre, 2 à 4 gr. Jante. A L’EXTÉRIEUR. — (). S. en épithème, cata- | Huile essentielle, dans les dents cariées, au plasmes, fomentations. moyen d’un petit morceau de coton imbibé (1) Bulletin général de thérapeutique, 1862. 716 ORME. de cette huile, pour en calmer les dou- L'origan entre dans l’eau générale, l'eau leurs. vulnéraire, le sirop d’armoise, celui de stæ- chas, la poudre sternutatoire, etc. L’origan est stimulant, stomachique, expectorant, sudorifique, emména- gogue, etc., suivant que tel ou tel organe est disposé par son état asthénique à en recevoir l’action. Il convient dans la débilité d'estomac, dans les ca- tarrhes chroniques et l’asthme humide, l’aménorrhée, la chlorose, les en- gorgements froids des viscères, etc. L'origan, comme le serpolet, l'hyssope, etc., est fréquemment employé dans nos campagnes contre l’asthme humide et vers la fin des catarrhes aigus ou dans les catarrhes chroniques, surtout chez les vieillards, lorsque les voies aériennes affaiblies ont besoin de stimulants pour se débarrasser des mucosités qui engorgent les bronches et leurs ramifications. A l'extérieur, on emploie l’origan dans tous les cas où les aromatiques sont indiqués. On l’a prescrit en pédiluve contre l’aménorrhée. Les guéris- seurs hachent de l’origan nouvellement cueilli, l’échauffent en le remuant à sec dans une poêle de fer, et l’appliquent chaudement sur la partie atteinte de rhumatisme chronique, et sur le cou dans le torticolis. Ce moyen réussit souvent. Une plante aromatique quelconque produirait probablement le même effet; mais l’origan étant très-commun, on s’en sert de préférence. ORME. Ulmus campestris. L. Ulmus campestris et Theophrastis. G. BAUH. — Ulmus folio latiore. PARK. Ulmus folio latissima scabro. GER. — Ulmus. Don. Orme commun, — orme pyramidal, — orme des champs, — orme champètre, AMENTACÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cet arbre, généralement connu, croit dans toute l'Europe. — Sa descrip- tion est inutile. Parties usitées., — L'écorce intérieure des rameaux. Autrefois, les feuilles, le bois. Réeelte. — Celte écorce doit être détachée avant la floraison pour être conservée. Les fleurs paraissent avant les feuilles. [Culéwure. — L'orme se multiplie par semis faits en pépinière ; on le met en place vers l’âge de trois à quatre ans ; il vient dans tous les terrains.]| Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. — L'écorce d’orme, de couleur rougeâtre ou jaunâtre, pliante, fragile, tendre, mince, est inodore, un peu styptique et amère. Elle contient de l’amidon et du mucilage en abondance. La décoction de la racine, à l’état frais, donne un liquide rouge, très-vis- queux, devenant d’un noir foncé par l'addition du sulfate de fer, — D'après Vauquelin, la sève de l’orme contient du carbonate de chaux, de l’acétate de potasse, etc. (4). (L’ulmine est un des produits de décomposition de la cellulose que Vauquelin a décou- vert en analysant une exsudation brune d’écorce d’orme. De cette origine, qui est loin de lui être exclusive, lui est resté ce nom.) On connaît l'emploi de l’orme dans le charronnage, le chauffage, etc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. l’avoir bien divisée. On laisse pendant qua- rante-huit heures en contact. On décante l'alcool et on le remplace par 125 gr. d’eau, que l’on met de nouveau en contact pen- dant quarante-huit heures avec l'écorce, A L'INTÉRIEUR. — Décoction, 120 gr. pour 1 kilogr. d’eau réduit à 500 gr. Extrait, 5 à 15 gr., en pilules. Sirop. — On fait choix de l'écorce du com- merce qui est en filament, et non de celle qui se trouve en morceaux. On en fait ma- cérer 500 gr. dans 1 litre d’alcool, après (1) Annales de chimie, an VII, t. XXXI, p. 20. afin de l’épuiser. On distille l’alcool de ma- nière à obtenir un résidu de consistance sirupeuse ; on y ajoute le liquide provenant ORME. 717 de la macération par l’eau, puis une quan- l’autre le soir, et augmentant tous les deux tité d’eau et de sucre convenable pour faire ou trois jours d'une cuillerée, de manière un sirop, que l’on donne pur, en commen- à arriver à six cuillerées par jour. (De- cant par deux cuillerées, une le matin et vergie.) L'écorce intérieure de l’orme pyramidal est diaphorétique. On l’a vantée dans l’ascite, les dartres, l’ichthyose, la lèpre, l’éléphantiasis et autres mala- dies de la peau; dans les scrofules, le scorbut, les douleurs rhumatismales, les fièvres intermittentes, les ulcères cancéreux. La seconde écorce de l’orme ou liber a été employée par les anciens. Dioscoride la recommande dans plusieurs affections cutanées, telles que les exanthèmes, les croûtes lépreuses, etc. Mais l'usage de cette écorce était tout à fait oublié, lorsque Lyson, médecin anglais, est venu nous dire, en 1783, qu'il avait guéri avec l'écorce des jeunes rameaux, récoltés au prin- temps, des affections cutanées qui simulaient la lèpre. Lettsom, autre méde- cin anglais, a dompté avec le même remède une affection hideuse qui cou- vrait toute la surface du corps d’un vieillard, et qui avait résisté aux préparations antimoniales et mercurielles, à la salsepareille, à divers to- piques, etc. Banan (1) dit avoir guéri avec cette écorce, non-seulement des dartres rebelles, des ulcérations anciennes, mais encore les scrofules, les flueurs blanches, les vieux rhumatismes, etc. Gilibert (2) considère l'écorce d’orme, à la fois mucilagineuse, âpre et amère, comme un puissant adju- - vant dans plusieurs maladies cutanées. Il a vu guérir par ce seul remède plusieurs dartres, calmer des coliques avec diarrhée, tempérer les ardeurs d'urine, le ténesme. Swediaur a recommandé l'écorce de cet arbre en dé- coction contre les maladies cutanées d’origine syphilitique. Haller à parlé de son action diurétique et antiscorbutique. Struve lui a attribué des effets admirables dans l’ascite. Devergie, médecin de l'hôpital Saint-Louis, em- ploie le sirop d’écorce d’orme pyramidal dans le traitement de l’eczéma chronique, comme un excellent modificateur de la constitution, surtout chez les jeunes personnes d’un tempérament lymphatique. C'était, il y a cinquante à soixante ans, le remède à la mode dans toute la France. Cepen- dant Sauvage, qui l'avait indiqué dans sa MNosologie (publiée en 1763) l’a abandonné ensuite comme trop débilitant, à cause des quantités qu'il fallait en prescrire; et Desbois, de Rochefort, dit qu'il a réussi..., surtout à ceux qui l'ont vendu. Alibert l’a employée sans succès tant à l'hôpital Saint-Louis que dans sa pratique particulière. Dubois, de Tournai, en a obtenu des résultats peu satisfaisants dans plusieurs cas de psoriasis et d’eczéma. Mérat et Delens pensent que cet arbre, ayant la plus grande analogie avec l’ulmus americana, pourrait être employé dans les mêmes cas que ce dernier. Ainsi on pourrait l’administrer contre la toux, la pleurésie, la diarrhée, la dysenterie, etc. La décoction de son écorce serait utile en lotions et en fo- mentations, contre les gercures, les brûlures, les engelures ; on pourrait en préparer des cataplasmes analogues à ceux de mie de pain et de farine de lin. J'ai employé l'écorce intérieure de l’orme en décoction dans les affections nerveuses; mais je ne puis rien dire de l'effet dépuratif de cette écorce, parce que des médicaments plus énergiques étaient administrés en même temps. TN OR CRE LILAS ALI MEN MTS Pr Et OR (1) Histoire naturelle de la peau dans ses rapports avec la santé, etc. Paris, 1802. (2) Démonstration élémentaire de botanique, t. IX, p. 422. 718 ORONGE. ORONGE (rausse). Agaricus muscarius. L. Amanita muscaria. PERS. — Agaricus pseudo-aurantiacus. BULL. Agaric mouche, — agarie moucheté, — agaric aux mouches. CHAMPIGNONS. — AGARIGINÉS. Fam, nat. — CRYPTOGAMIE. L. Ce champignon, qui appartient au genre amanite, habite nos bois, où il est très-répandu. Beseriptiom. — La fausse oronge ressemble au premier abord à l’amanita au- rantiaca où cæsarea (amanile orange, — dorade, — endroguez, — jaune d’œuf, jase- rand, — cadran, — oumegal, etc.) — espèce très-abondante dans nos bois du Midi, que l'on fait sécher dans le Périgord pour l'usage alimentaire, et avec laquelle il est impor- tant de ne pas la confondre. C’est pour cela que nous donnons la description comparée de ces deux champignons. A. muscariaä — FAUSSE ORONGE A. cæsaret — ORONGE (vénéneuse). (comestible). Chapeau : Globuleux, couvert d’une pel- Chapeau : Très-convexe, couvert d’une licule épaisse, glutineuse, rouge ou orangé | pellicule douce, peu adhérente, non vis- rouge, recouverte de la volve, circonci- | queuse, jaune ou orangé jaune. sée de bonne heure, séparée en verrues blanches. Marge : Substriée. Marge : Droite, striée. Feuillels : Blancs. Feuillets : Jaune-jonquille ou orangé clair. Chair : Jaunâtre. Chair : Blanche. Stipe - Ferme, blanc et pelucheux, muni Stipe : Orangé, jaune clair. d’un collier. Ces caractères distinctifs sont d'autant plus importants que l’on se tromperait gran- dement si on s’attachait seulement à la coloration, que la pluie modifie plus ou moins. La fausse oronge présente trois autres variétés qui se distinguent par la couleur du chapeau : l'A. m. formosa, jaune citrin, à verrues farineuses teintées de jaune, fugaces ; regalis, foncé, quelquefois marron ; umbrine, jaune livide. La fausse oronge a les spores ovales, résistantes, grosses, avec un apicule dirigé de côté; elles mesurent 0%°,01 à 0%".015 sur 0"*.008 à 0"%.0085 de largeur (Ber- tillon) (1). Fr vdi usitées. — Toute la plante; suivant certains auteurs, la base du pé- dicule. Récolte, préparations. — On récolte ce champignon à l'entrée de l’au- tonne, époque où il croît; on le coupe par tranches, on l’enfile pour le faire sécher au soleil ou au four, on le pulvérise ensuite et on le conserve dans un flacon bien bouché et placé dans un endroit sec. — On en a préparé aussi une teinture alcoolique. (Propriétés physiques et chimiques. — La fausse oronge a une odeur peu marquée, une saveur salée) Letellier (2) y a découvert, ainsi que dans quelques espèces voisines, une substance particulière qu'il appelle amanitine, et dans laquelle résiderait, selon lui, le principe vénéneux de ce champignon. Cette matière, dont l’alcalinité est encore incertaine, exis- lerait, combinée avec le fungate de potasse, dans les champignons. (Reveil (3) trouve dans l'A. muscaria trois principes toxiques différents : 4° un prin- cipe volalil, odorant, très-fugace obtenu par la distillation aqueuse. Cette eau distillée peut être préparée en distillant 4 partie de champignon avec 2 parties d’eau, par trois fois, afin d’avoir pour résultat 4 partie d’eau distillée. Elle est transparente, neutre ; au bout de quinze jours elle est inerte; 2° un principe extractif, soluble dans l’eau, se rap- prochant de lamanitine de Letellier ; 3° un principe résineux, soluble dans l’alcol, inso- luble dans l’eau quand il est pur, mais pouvant s’y dissoudre à l’aide des matières ex- tractives. (1) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. TT, p. 505. - (2) Essai sur les propriétés chimiques el toxiques du poison des agarics à volva. Paris, 1826 Thèse. (3) Memoire couronné par l’Académie de médecine, 1865. ORONGE, 719 La dessiccalion et la cuisson diminuent le degré d'énergie toxique de lamanite. La cuisson prolongée dans l'eau salée ou le vinaigre rend les champignons vénéneux inof- fensifs, mais aussi les espèces comestibles insipides et indigestes. Il n'y à rien de vrai dans la vertu de certains indicateurs (cuiller d'argent, etc.) de l'innocuité des champignons. La connaissance exacte de leurs caractères doit être seule invoquée pour arriver à une sécurité complète.) (La fausse oronge est très-vénéneuse, et d’antant plus dangereuse que l'odeur nauséabonde, le goût âcre et repoussant des autres champignons nuisibles indiquent leurs qualités délétères, tandis qu'ici, suivant l’expres- sion pittoresque de Bertillon, ces garde-fous font défaut. L’intensité d’action tonique est d’autant plus grande que le champignon est plus âgé; de ses différentes parties, le stipe et le chapeau sont les plus actives; les lames n'arrivent qu’en troisième ligne (Reveil). Ces différences, quant à l’âge et aux parties employées, jointes à certaines circonstances de préparation, etc., expliquent peut-être les cas d’innocuité publiés par Bulliard, Mérat et d’autres. ACTION SUR LES ANIMAUX. — La fausse oronge est vénéneuse pour les mam- mifères, les oiseaux, les grenouilles, les serpents et les poissons ; les limaces l’entament sans danger. On assure que la décoction laiteuse tue les mouches. Reveil donne 2 gr. de chair d’A. muscaria à des moineaux qui meurent dans un espace de temps qui varie entre trente-neuf et soixante-deux minutes. Les chiens et les chats meurent, suivant Bulliard, s'ils en ont ingéré une cer- taine quantité, en six ou huitheures. Dans la plupart des cas, on observe une irritation violente des voies digestives et en même temps des phénomènes de narcotisme; mais tantôt ce sont les premiers symptômes qui prédomi- nent, tantôt ce sont les seconds, tantôt la pupille est dilatée, tantôt elle serait rétrécie. Comme Claude Bernard la fait pour l’opium, Reveil a étudié isolément les différents principes de la fausse oronge, et il a pu ainsi se rendre compte de ces irrégularités d'action, suivant que l’un de ces principes agis- sait plus que l’autre : lo Eau distillée. — 2 gr. injectés sous la peau d’une grenouille l’ont fait périr en trente-huit minutes, 2 gr. en sept minutes ; 60 gr. ont déterminé la mort d’un cabiai en quatre-vingt-dix-huit minutes ; 40 gr. celle d’un lapin en quinze minutes. Elle détermine des vertiges, des tremblements, puis une paralysie portant plus sur les nerfs sensitifs que les moteurs qui ne sont affectés que d’une façon apparente (puisque chez les grenouilles ils répon- dent à l'excitation galvanique); un ralentissement progressif du pouls, la dilatation de la pupille, le coma, la mort; à l’autopsie, congestion du péri- carde et des méninges, turgescence des vaisseaux de l’encéphale, et même épanchement sanguinolent. 2 Extrait sec. — 2 gr. (quantité répondant à 300 gr. de champignon frais), aelayes aans l'eau et 1njectes dans ia région inguinale d’un chien de > kilogr., ont produit une respiration haletante, l'augmentation des pulsa- tions artérielles (126 à 146), des vertiges et la titubation ; une heure et demie après l’injection, contraction pupillaire, coma ; trois heures après, le pouls tombe à 80, état qui dure jusqu’à la douzième heure; au bout de dix-huit heures; le coma diminue, et l'animal se rétablit au bout de quarante-huit heures. 3° Principe résineux. — 12 gr. d'extrait alcoolique de muscaria sont ad- ministrés à un chien qui, le deuxième jour, meurt après avoir éprouvé des évacuations fréquentes, sans désordres nerveux marqués; à l’autopsie, on rencontre une phlegmasie intestinale des plus intenses. Ainsi, trois principes : le premier agissant comme les narcotico-âcres, le deuxième comme sédatif du cœur et narcotique, le troisième comme irritant du tube digestif. 720 ORONGE. CuEez L'HOMME. — Ici le tableau change peu : à petites doses, la fausse oronge à des effets enivrants, fort bien décrits par Krachinonimkov (1); il rapporte, et ces détails sont confirmés par Langsdorf (2), que les habitants du Kamtschatka coupent l’amanita muscaria en petits morceaux qu'ils font sécher pour la conserver; ils en préparent aussi avec le suc du vaccinium uliginosum, où en les faisant infuser avec les feuilles d'une espèce d’epi- lobium, une boisson dont ils se servent au lieu de vin. Quand ils ont bu de ces liqueurs ou mangé le champignon sec, il se manifeste chez eux une ivresse particulière, dans laquelle les facultés intellectuelles sont anéanties ; il survient des tremblements, des soubresauts dans les tendons, quelquefois des convulsions. Les uns sont gais, chantent ou sautent; les autres, au con- traire, sont tristes et abaltus. Le plus souvent, les forces musculaires parais- sent considérablement augnientées ; puis, les malades tombent, le sommeil s’en empare, calme cette étrange exaltation, et bientôt ils se réveillent dans leur état naturel; quelques-uns même prolongent ce triste état par des liba- lions successives. On à observé qu’il survient quelquefois des vomissements, mais l'ivresse n’en est pas diminuée. L’urine de ceux qui se sont ainsi enivrés jouit des mêmes propriétés que le champignon; aussi voit-on les indigents rechercher celle des personnes riches, afin d'y puiser cette ivresse, Langs- dorf fait observer que ceux qui s’'adonnent habituellement à ce genre de crapule finissent par devenir fous. A dose élevée, l’agaric moucheté cause des empoisonnements que l’impru- dence rend trop fréquents, surtout dans le Midi. L'effet délétère se fait assez souvent longtemps attendre après l’ingestion et ne se produit que 10 à 15 heures après le repas. Les jeunes sujets sont frappés les premiers. Il est fréquent de voir mourir ainsi successivement une famille tout entière. Cet effet se porte tout d’abord sur le tube digestif; nausées, coliques atroces, déjections abondantes, glaireuses, bientôt sanguinolentes; puis, secondairement, excitation, ivresse, vertiges, tremblements, titubation, res- piration haletante, irrégularité des mouvements du cœur, quelquefois syn- cope, pupille dilatée ou contractée (suivant, comme nous l'avons dit, la prédominance d'action d’un des principes), trouble de la vue, perte de l’in- telligence, délire gai ou maniaque, pâleur, sueur froide, ralentissement considérable du pouls, coma et mort. On voit que ces symptômes sont, pour ainsi dire, Calqués sur ceux que l’on peut faire naître à volonté par l’expéri- mentation sur les animaux; à l’autopsie, même similitude d’observations. Les sinus et les artères de la base sont distendus par le sang; l’arachnoïde et la pie-mère sont congestionnées; ce tissu du cerveau est rouge dans un cas rapporté par Christison (3); on a trouvé même un caillot sanguin dans le cervelet. On doit traiter l’empoisonnement au début parles vomitifs ; puis faire boire de l’eau acidulée et salée ; aucun neutralisant absolu n’a donné jusqu’à pré- sent de résultat favorable. Bertillon (4) recommande les inhalations d’oxy- gène pour s'opposer à l'arrêt de l’hématose, et les diurétiques pour faciliter l'expulsion du poison. |: Briand et Chaudé, dans leur Traité de médecine légale, disent qu'aucune re- cherche ne peut faire reconnaitre l’empoisonnement par les champignons. Cependant on pourrait retrouver les spores de certains d’entre eux; celles de l’À. muscaria résistent à l’action des sucs digestifs et ont été observées et reconnues dans les déjections. (Voyez Description, p. 718). (1) Effets toxiques de l'agaricus muscarius. Lemgo, 1776, in-4° (en russe), (2) Dissertation sur l'agaricus muscarius. (3) On poisons, p. 777. (4) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. NI, p. 510. ORPIN. 721 Nous rapprocherons de l'A. muscaria, comme composition et mode d’ac- tion, les À. phalloides, amanite bulbeuse; A. virosa et A. pantherina.) L'étude physiologique de la fausse oronge fait présager qu'on pourrait en tirer un grand parti en thérapeutique. L’extrême énergie de son action doit et a dû inspirer des craintes. Cependant Murray (1) dit lavoir prescrite avec succès dans l’épilepsie, soit comme curatif, soit comme atténuatif des accès, dans les convulsions, à la dose de 60 centigr. à 2 gr. en poudre dans un véhi- cule approprié. Reinhardt (2) en a fait une teinture qu'il dit efficace dans les toux opiniâtres, avec expectoration muqueuse, seule ou combinée avec le charbon en poudre, à la dose de 30 à 40 gouttes, quatre fois par jour dans un peu de tisane. Le même auteur l’emploie aussi comme moyen curatif puissant de la teigne et des maladies squameuses cutanées. Potel (3) a conseillé comme un bon moyer de panser les ulcères cancéreux, la poudre de ce champignon, déjà indiquée par Murray contre les tumeurs dures, glanduleuses, les fistules. (Letellier, qui a, dans ces derniers temps, repris ses travaux sur l’AMANI- TINE, a noté chez les animaux qui en avaient ingéré des symptômes analo- gues à ceux obtenus avec la narcéine. Il est d’avis qu’on pourrait avantageu- sement essayer l’amanitine dans les cas où l’opium est indiqué (4). ORPIN. Sedum telephium. L. Telephium vulgare. GC. BAUH. — Anacumpseros, vulgo faba crassa. 3. BAUn. Faba crassa, seu Fabaria. Orr., Murr. Sedon télepha, — reprise, — orpin reprise, — joubarbe des vignes, — grassette, — herbe à fève, herbe à la reprise ou aux charpentiers, — herbe aux cors, — herbe aux coupures. CRASSULACÉES. Fam. nat. — DIOECIE OCTANDRIE. L. L'orpin (PI. XXVIII), plante vivace, abonde dans les bois, les vignes, les lieux pierreux de toute l’Europe. Description. — Tige herbacée, droite, rameuse au sommet, simple inférieure ment, haute de 30 à 40 centimètres. — Feuilies larges, sessiles, ovales-oblongues, planes, charnues, dentées, d’un vert glauque. — Fleurs blanches, rougeàtres onu purpu- rines, disposées en un corymbe terminal (juin-juillet-septembre). — Calice à cinq dents aiguës. — Corolle à cinq pétales aigus, disposés en étoile. — Dix étamines. — Cinq carpelles nectarifères à la base de l'ovaire. — Fruits : cinq capsules, contenant un grand nombre de petites semences. (Parties usitées. — Les feuilles. Récolte. — On emploie la plante fraiche pendant toute la belle saison. Il serait difficile de la conserver, à cause de sa vigoureuse végétation. Suspendues en bas, les” fleurs restent fraiches, s'ouvrent même, et la tige florale se redresse, jusqu’à ce que la plante pourrisse. Les herboristes la conservent en macération dans l'huile. On la cultive dans les jardins ; pour cela on en repique quelques éclats dans des pots ou en pleine terre, à la manière des plantes grasses. (Culture. — Nous citerons encore l’orpin à larges feuilles, S. latifolium, Bertol : S. maximum, Sut; l’orpin rose, S. rhodiola, D. C. ; rhodiola rosea, L.; l'orpin cépée ou faux oignon, $. cepæa; l'orpin âcre, S. acre, L., ou vermiculaire brülante (voyez PETITE JOUBARBE); l'orpin blanc, S. album, L., ou trique-madame, et l’orpin réfléchi, S. re- flexum, L.; on ne les cultive que dans les jardins botaniques ou d'agrément; on les pro- page par semis faits sur couches ou en place au printemps, et les espèces vivaces par éclats de pieds faits au printemps ou à l’automne.] (1) Apparatus medicaminum, t. V, p. 555. (2) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. 1, 365. (3) Journal analytique de médecine, t. I, p. 542. (4) Union pharmaceutique, citée par le Journal de médecine, chirurgie e! pharmacie Bruxelles, juillet 1860, p. 62. h6 722 ORTIE. Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante est inodore, ses feuilles sont insipides, un peu visqueuses ; ses fleurs légèrement acerbes, ainsi que les tubercules de la racine, dont le parenchyme est blanc et un peu amer. Le suc d’orpin contient, comme celui de quelques autres espèces de sedum, du malate de chaux. Le nom de reprise, donné vulgairement à cette plante, indique la vertu vulnéraire qu’on lui attribue. Le peuple, en effet, l’applique sur les cou- pures, bien qu’elle soit plutôt propre à en retarder la reprise qu'à en favo- riser la cicatrisation, L’orpin est analogue à la joubarbe des toits et peut être employé aux mêmes usages, surtout à l'extérieur. | ORTIE. Urtica. L. Urtica urens minor. C. BAux., TourN. — Urtica minor. Lam. — Urtica minor acrior. Lo. — Urtica urens minima. Don. Urtica minor annua. TJ. BAUH. Ortie brûlante, — ortie piquante, — ortie grièche, — petite ortie. URTICÉES. Fam. nat. — MONOECIE TÉTRANDRIE. L, Cette plante annuelle, que tout le monde connaît, croît partout, parmi les décombres, aux lieux incultes et abandonnés, le long des haies, dans les jardins. Description.— Racine pivolante.— Tige de 30 à 50 centimètres, carrée, simple, garnie de poils brülants. — Feuilles opposées, pétiolées, ovales-oblongues, profondé- ment dentées, couvertes de poils très-brûlants, à stipules caduques.— Fleurs verdâtres, monoïques, très-petites, les mâles et les femelles réunies dans une même grappe (mai à octobre). — Calice quadriparti. — Quatre étamines dans les fleurs mâles ; segments du calice inégaux dans les fleurs femelles, avec un ovaire surmonté d’un stigmate sessile.— Akène recouvert par le calice. — Graines à tête soudée avec l’endocarpe, ovales (et non ovoïdes), aplaties, de couleur de paille, luisantes et petites. Parties usitées. — Toute la plante. Récolte. — On peut recueillir l’ortie brûlante pendant tout l'été pour l’employer fraiche ou pour la faire sécher. Sèche, ses aiguillons paraissent encore, mais ils ne piquent plus. [Culture.— L'ortie sauvage suffit aux besoins de la consommation; on la pro- page par semis des graines, elle croît dans tous les terrains.] Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de cette plante est faible ; sa saveur, d’abord herbacée, est ensuite aigrelette et astringente. Analysée par Saladin (1), elle a fourni du carbonate acide d’ammoniaque, surtout dans les glandes de la base des aiguillons ; une matière azotée, de la chlorophylle unie à un peu de cire, du muqueux, une matière colorante noirâtre, du tannin uni à de lacide gallique, du: nitrate de potasse. Le prurit, la cuisson et la douleur qu’on éprouve en touchant des orties, ou en frap- pant une partie avec celte plante verte (urticalion), sont causés par un suc àcre, irritant et caustique contenu dans une petite vésicule située et adhérente à la base de poils raides, minces et aigus, dont les feuilles sont hérissées sur toutes leurs faces. Lorsque la pointe de ces aiguillons pénètre dans la peau, la vésicule qui lui sert de base est comprimée, le fluide qu'elle contient traverse ses aiguillons, qui l’insinuent ainsi dans la peau. ORTIE DIOIQUE. — GRANDE ORTIE, ORTIE COMMUNE, ORTIE VIVACE. Urticæ dioica, L. — Urtica urens maxima, C. Baub., Tourn. — Urtica communis, Lob. — Urtica urens altera, Dod. — Croît partout dans les lieux incultes, les buissons, etc. Elle est plus commune que la précédente. Description. — Tiges de 60 à 90 centimètres, tétragones, pubescentes. — Feuilles opposées, lancéolées, cordiformes, marquées de grosses dents sur les bords, un (1) Journal de chimie médicale, 1830, t. VI, p. 492. * ORTIE. 723 peu semblables à celles de la mélisse. — Fleurs dioïques, en grappes pendantes; aiguil- lons moins forts que ceux de l'ortie brûlante, et la cuisson qu'ils causent sur la peau moins prononcée que celle produite par la piqûre de celle-ci, Parties usitées., — Les mêmes que celles de la précédente, Récolte. — Elle est aussi la mème, [Culture.— Comme la précédente. ] Propriétés physiques et chimiques: usages économiques, — Saladin (1) a trouvé dans cette plante du nitrate de chaux, de l'hydrochlorate de soude, du phosphate de potasse, de l’acétate de chaux, du ligneux, de la silice, de l'oxyde de fer, On mange les jeunes pousses d’ortie dans quelques pays. Murray dit qu’elles sont laxa- lives si on en prend trop. Comme nourriture des bestiaux, la grande ortie est cultivée en Suède de temps immémorial. C’est une nourriture saine et assurée, car elle est pré- coce et facile à cultiver; le sol le plus aride lui est propre ; elle ne demande aucun soin; elle supporte toutes les intempéries et se reproduit d'elle-même. On peut la couper deux ou trois fois dans un été, et tandis qu’au printemps la nourriture manque pour le bétail, cette plante est déjà en pleine croissance; on la coupe jeune pour la donner en vert, ou on la laisse plus longtemps sur pied pour l'employer comme fourrage. Le lait des vaches qui s’en nourrissent est meilleur et plus abondant. On la dit propre à préserver les bes- tiaux des épizooties. Les volailles, qui sont très-avides de ses graines, pondent davan- tage si on en met dans leur pâtée. On mêle les feuilles hachées à la nourriture des din- donneaux. Dans certains pays on les donne bouillies aux cochons. Les maquignons en mêlent une certaine quantité à l’avoine pour donner aux chevaux un air vif et un poil brillant. La tige fibreuse de la grande ortie peut fournir un bon fil et de bons tissus. Les Baskirs, les Kamtschadales, l'emploient à la fabrication des cordes, des toiles et des filets pour la pêche. Les Hollandais en ont retiré, sous ce rapport, de grands avantages. 11 suffit de la couper au milieu de l'été, et de la faire rouir en la traitant comme le chanvre. La racine, bouillie avec un peu d’alun, donne une belle couleur jaune. (La décoction jaunâtre obtenue par l’ébullition des orties, exposée à l’action de l'air, devient verte. La présence des alcalis favorise cette transformation. — Cette matière verte pré- sente les caractères du vert de chrome. On s’en sert, vu son innocuité, pour colorer la liqueur d’absinthe) (2). — La semence de la grande ortie, ainsi que celle de l’ortie brû- lante, est oléagineuse. Il paraît que les Egyptiens, autrefois, en tiraient de l'huile pour l'usage alimentaire. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction des | Sirop (suc d’ortie dépuré par l'ébullition et feuilles, 30 à 60 gr. par kilogramme d’eau. passé, sucre blanc, de chaque1 partie; faites Suc exprimé (avec addition d’un peu d’eau), cuire à une douce chaleur, en consistance 60 à 125 gr. sirupeuse), 30 à 60 gr. Poudre des semences ou des fleurs, 4 à 8 gr. dans un véhicule approprié, en électuaire, | A L'EXTÉRIEUR. — Herbe fraîche pour l’urtica- pilules, etc. : tion; fraîche ou sèche, en cataplasmes, fo- Extrait (pilez dans un mortier de marbre les mentations, etc ; racine en décoction pour feuilles et les tiges, exprimez le suc, laissez le même usage. dépurer par le repos et évaporez au bain- | Alcoolature (Lubanski). marie jusqu’à consistance de miel), 2 à G Il est indifférent d'employer la grande ou la gr. et plus. petite ortie. La grande ortie et l’ortie grièche ou petite ortie sont astringentes. On les a recommandées dans l’hémoptysie, l’hématémèse, la métrorrhagie, etc. Zacutus Luzitanus, qui se distingua par son habileté pratique, s'exprime ainsi sur la vertu de lortie contre l’hémoptysie : « Qui sanguinem ex pectore rejectarunt, et a medicis tanquam deplorati sunt habiti, solo urticæ succo con- valuerunt. Post multa autem machinata remedia, nullum ita contulit ut sanguis cohiberetur, ac urticæ succus, quem ad quinque vel sex dies ebiberunt : singulis scilicet diebus unc. 1F jejuno stomacho : imo et ipsam urticam incoctam jure pulli aut vervecis s&pe comedebant (3). » (1) Journal de chimie médicale, 1830, t. VI, p. 492. (2) Revue populaire des sciences, 1863. (3) Opera omnia, 1694. 724 ORTIE. Lazerne, Scopoli, Geoffroy, Desbois (de Rochefort) ont aussi vanté cette plante conire l’hémoptysie; Peyroux et Lange contre la ménorrhagie. Ri- vière (1) en faisait usage dans le flux immodéré des règles, à la dose de 16 gr. «C’est, dit Chomel, le remède le plus certain contre l'hémoptysie et toutes les hémorrhagies; je l’ai prescrit, contre la première maladie, à plu- sieurs personnes, et toujours avec succès.» — «Succus interne sumptus egre- gium stipticum est, dit Wauters en proposant cette plante comme succé- danée du cachou. Joseph Frank (2) la recommande dans l’hémoptysie. Sydenham l’employait contre l’avortement et les hémorrhagies utérines. Cocchius (3) va jusqu’à la regarder comme propre à dissiper efficacement les tubercules des poumons : « Vim ignis adstrictoriam et vere balsamicam imitatur in sepulta intra pectus tuberculorum diæresi.…. » Le suc des orties, dit Lieutaud, introduit dans le nez, arrête les hémor- rhagies ; la racine à le même effet. L’ortie était tombée, comme tant d’autres plantes indigènes, dans un oubli non mérité, lorsque Ginestet, médecin à Cordes-Tolosanes, présenta à l'Académie de médecine (4) un mémoire sur l'efficacité de cette plante dans le traitement des hémorrhagies de l'utérus. Ce praticien rapporte cinq cas d’hémorrhagies utérines qui furent presque instantanément arrêtées par l'usage de ce sue, administré à la dose de 60 à 125 gr. Mérat, dans le rap- port fait à l’Académie sur ces observations, s'exprime en ces termes : «On ne peut qu'être émerveillé du succès du suc d’ortie contre des affections aussi graves. Nous avons à dessein rapporté celle des trois espèces d’hémor- rhagies, parmi lesquelles celle qui succède à l’accouchement est très-sou- vent mortelle. Combien de reconnaissance ne devrait-on pas à celui qui à remis en pratique un tel moyen? Nous n'avons nulle raison de douter de la véracité de ces faits, et si nous n'avons pas répété l’emploi du suc d’ortie, c’est faute d'occasion ; rien n’est plus facile, puisque la plante abonde par- tout, et que les hémorrhagies utérines ne sont pas rares dans une certaine classe de femmes. » Plus tard, Ginestet communiqua à l’Académie un nouveau fait constatant la propriété hémostatique du suc d’ortie dans une hémorrhagie utérine qui durait depuis deux mois, et qui avait résisté à tous les autres moyens em- ployés. Ce praticien assure avoir employé le même moyen avec succès dans l’hématémèse, l’épistaxis et d’autres flux de sang. Ducasse, de Toulouse (5) s’est bien trouvé de l’emploi du suc dans les hémorrhagies utérines et dans le traitement des leucorrhées chroniques. Ginestet (in Mérat et Delens) n’a pas été aussi heureux que le professeur de Toulouse dans le cas’ de leucor- hée. Enfin, Mérat à joint son témoignage aux faits rapportés par Ginestet : ce médicament lui a réussi dans un cas très-grave d’épislaxis survenu chez une jeune femme au moment d’accoucher, et qui avait resisté à la plupart des moyens employés en pareil cas. Attilio Menicucci, de Rome, rapporte qu’il a fait usage de cette plante (urtica urens) dès les premières années de sa pratique, comme d’un moyen hémostatique dont il a retiré les résultats les plus satisfaisants. 11 l’a em- ployée, en outre, avec succès, pour les relâchements de l'utérus, en intro- duisant dans le vagin une éponge imprégnée du suc de cette plante mêlé d’eau tiède (6). J’ai employé le suc d’ortie avec un succès presque constant comme hé- mostatique dans l’hémoptysie, et surtout dans les pertes utérines. Entre (1) Cent. 1v, obs. LXxxIv. (2) Pathologie interne, t. II, p. 479. (3) Vindiciæ cort. peruv. Lugd. Batav., 1750. (4) Bulletin de l’Académie royale de méuecine, 1845, t. IX, p. 1015. (5) Comptes-rendus des travaux de la Société de médecine «e Toulouse, mai 1845, p. 93. (6) Abeille médicale, 1846, t. IIJ, p. 129. ORTIE. 725 autres cas, je citerai le suivant : « La femme Sueur, âgée de trente-cinq ans, d’un tempérament lymphatique, fut atteinte, au mois de juin 1845, d’une hémorrhagie utérine contre laquelle on avait depuis quinze jours em- ployé inutilement divers moyens. La malade était dans l'épuisement; le pouls étail faible, la face décolorée, le moindre exercice impossible. Je lui fis prendre un verre (100 gr. environ) de suc d'ortie, matin et soir. Dès le second jour, l'écoulement sanguin diminua de moitié ; le quatrième jour, la perte était entièrement arrêtée. Cette malade prit chaque matin, pendant quinze jours, pour rétablir ses forces, 4 onces (120 gr.) de bière de petite centaurée et de racine de tormentille. (Des observations nouvelles, publiées dans el Siglo medico 1865, n°° 604 et 603, viennent établir l'efficacité de ce moyen thérapeutique). J'ai vu des paysans arrêter l’hémorrhagie nasale en introduisant dans les narines un morceau de coton imbibé de suc d’ortie. Je croyais d’abord que le tamponnement était ici le véritable hémostatique; mais, depuis, j'ai vu ce sue arrêter seul l'hémorrhagie. Le suc d’ortie a été proposé pour combattre la polyurie. D’après les obser- vations de Friard (1), la décoction d’ortie amenant la suppression des urines, on peut l’employer avec succès dans cette maladie (ce qui mérite confirma- tion). Ce médecin fait prendre par cuillerées, d'heure en heure, un mélange de 420 gr. de sue d’ortie et d’une once de sirop de karabé. On conçoit que le sirop de karabé peut être remplacé par le sirop de pavot et un aromate indigène quelconque. On trouve dans les anciennes matières médicales que l’infusion et le suc d’ortie brûlant ont été conseillés contre les rhumatismes, la goutte, la gravelle, la petite vérole, la rougeole, les catarrhes chroniques, l'asthme humide, la pleurésie, ete. Gesner préconisait la racine d’ortie contre l'ic- tère, sans indiquer les variétés de cette maladie où elle convient. J’ai vu employer avec avantage par des paysans, dans la gravelle, l’hydropisie, la jaunisse, la décoction de racines d’ortie et d’oseille (de chaque 30 gr. pour 1 kilogr. 1/2 réduit à 1 kilogr.). Les anciens, au rapport de Matthiole, considéraient la semence d’ortie comme dangereuse, Sérapion prétend que 20 à 30 gr. des semences de la grande ortie purgent avec excès. Parmi les modernes, la graine d’ortie brû- lante, suspectée par les uns d’être vénéneuse, est regardée par les autres comme emménagogue, purgative, diurétique, vermifuge et même fébrifuge. «Ses semences, ainsi que celles de l’urtica dioica, exigent, dit Bulliard des précautions dans l'emploi. » Linné, Vogel, Richter ont vanté l'emploi des fleurs et des semences d’or- tie dans les flux diarrhéiques, dans certaines affections des voies urinaires. Faber (2) emploie l’ortie dioïque contre la diarrhée et la dysenterie. J'ai vu employer et réussir quelquefois, contre l’incontinence nocturne d'urine, chez les enfants, un remède populaire ainsi composé : semence d'ortie pilée, 16 gr.; farine de seigle, 60 gr. ; mêlez et faites, avec un peu d’eau chaude ou froide et du miel, une pâte dont vous formerez six petits gâteaux que vous ferez cuire au four ou au foyer, sur une pierre plate. On fait manger un de ces gâteaux tous les soirs pendant huit, quinze ou vingt Jours. Zanetti, médecin à l’armée d'Italie (3), assure avoir employé les fleurs de la grande et de la petite ortie en substance, infusées dans le vin, contre les fièvres intermittentes, tierces, double-tierces, quartes, et contre la fièvre pernicieuse. Le succès, dit ce médecin, était souvent plus prompt qu'avec (1) Formulaire éclectique, par d'Etilly, 1839. (2) Würtembergisches Correspondenzblatt. (3) Extrait d’une lettre insérée dans l’Ami des arts, 17 novembre 1796. 726 ORTIE, l'écorce du Pérou. On ne doit jamais dépasser la dose de 4 gr., répétée deux ou trois fois par jour. Ce remède, suivant ce même médecin, est très- propre à relever les forces dans l’épuisement qui caractérise la fièvre per- nicieuse. Il exige les mêmes précautions dans son administration que le quinquina; enfin, il l'emporte sur l’écorce du Pérou, soit comme tonique, soit comme fébrifuge. Il est à désirer que de nouveaux essais viennent justi- tifier de tels éloges. Wauters cite la semence d’ortie comme fébrifuge parmi les succédanés du quinquina. Bullar (1) a remarqué que les maladies de peau, celles surtout qui sont accompagnées d’un état cachectique, cèdent promptement à l’emploi de la décoction et de l'extrait de grande ortie (urtica dioica) (2). Bullar cite parti- culièrement l’ecezéma chronique, l’eczéma impétigenodes, la lepra vulgaris, le psoriasis diffusa et le lichen agrius. Il recommande en même temps l’em- ploi d’un régime convenable et de lotions quotidiennes sur tout le corps avec du savon et de l’eau. Si la langue est chargée, on commencera le traite- ment par les mercuriaux et les purgatifs doux. Chez les enfants, on se sert principalement de sirop préparé avec l'extrait d’ortie. Chez les adultes, on donne la décoction (30 gr. de feuilles et de tiges dans 1,500 gr. réduits aux deux tiers) pour boisson ordinaire. L’extrait se donne à la dose de 50 centigr. à 1 gr. Le suc et la décoction d’ortie ont été employés en gargarisme ou en collutoire dans l’angine, la stomacace, l’engorgement des gencives, etc. On fait, avec les feuilles de cette plante, cuites et réduites en bouillie, des cata- plasmes résolutifs et détersifs, pour appliquer sur les tumeurs lymphatiques et les ulcères de mauvais caractère. Les mêmes feuilles, pilées avec un peu de sel, sont efficaces contre la gangrène et les ulcères putrides. Je ne l’ai jamais mise en usage dans ces affections ; mais je l’ai vu em- ployer avec avantage dans la chirurgie vétérinaire pour satisfaire à ces di- verses indications, et surtout comme résolutive et détersive, en cataplasme. Tout le monde sait qu’on se sert de l’ortie pour produire sur la peau l’urtication dans quelques maladies (apoplexie, léthargie, répercussions exanthémateuses, rhumatismes chroniques, paralysie, anaphrodisie, choléra asiatique, fièvres graves, typhoïdes, etc.). Ce moyen, regardé par les an- ciens comme un puissant révulsif, a été conseillé par Celse (3) et par Arétée (4), dans la paralysie, le coma, etc. Du temps de Pétrone (satyricon) les libertins épuisés réveillaient les désirs vénériens par lurtication, et Faventinus ne doute pas qu’elle ne soit un moyen de remédier à la stérilité. Spiritus (5) a remis en pratique l’usage avantageux qu’on faisait autrefois de l’urtication appliquée sur les cuisses ou les jambes pour rappeler l’écou- lement des règles. Pour pratiquer l’urtication, on prend, avec la main cou- verte d’un gant épais, une poignée d’ortie récemment cueillie (de préfé- rence l’ortie brûlante, comme plus active), et l’on en fouette la partie sur laquelle on veut la produire. Il s’y développe de nombreuses échauboulures et une sorte d’érysipèle avec châleur brûlante, insupportable. On réitère cette flagellation lorsque son effet est dissipé, et on l’entretient ainsi autant que l’indication l'exige. Ce moyen révulsif, que l’on emploie rarement dans la médecine urbaine, se présente sous la main à la campagne, où je l’ai fréquemment mis en usage. Je dois dire, en passant, qu'il m’a réussi dans la plupart des cas où il est indiqué, mais que, malgré l’éloge qu’en ont fait (1) Annales de Roulers et Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. TI, p. 48. (2) Les deux orties ont les mêmes propriétés : les pharmaciens et les herboristes n’y font point de distinction en les faisant cueillir, (3) Caract. acut., lib. 1, c. 11. (4) De re med., lib. 11, ©. XVI. (5) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. IX, p. 77. OSEILLE COMMUNE. 727 Marchand (1) et d’autres médecins, je n’en ai retiré qu'un faible avantage dans la période algide du choléra épidémique, (Trousseau, dans sa Clinique (2), s'exprime ainsi à propos de l’urtication dans les fièvres éruptives compliquées : « Lorsqu'au qüatrième jour je voyais se manifester des signes du Catarrhe, alors que l’exanthème morbilleux aurait dû apparaître, je faisais fustiger le corps du malade deux ou trois fois dans les vingt-quatre heures, de façon à produire sur la peau une abondante éruption. Cette urtication, moins douloureuse qu’on ne l’imagine, produit un effet immédiat. Bien que la fièvre ne cède pas, l'oppression diminue gra- duellement à mesure que la fluxion vers le tégument externe se prononce. Un fait étrange, c’est qu'au second jour de ce traitement, l’éruption ortiée, alors même qu'on emploie la petite ortie (urtica urens), plus active que la grande (urtica dioica), est notablement moindre, et à la fin, après trois ou quatre jours, l’urtication ne produit plus aucun effet. Cela tient, non à ce que la vie s’éteignant chez l'individu, le venin n’agit plus sur un organisme qui ne réagit pas, mais à ce que cet organisme s’est habitué à l’action de ce venin comme nous le voyons s’habituer à l’action d’autres poisons. Il arrive, chez le sujet soumis à plusieurs reprises successives à l’urtica- tion, ce qui arrive aux filles de la campagne, qui, après un certain temps, prennent et portent impunément sur leurs bras nus ces mêmes orties qui, les premiers jours, agissaient énergiquement sur leur peau. En dernière analyse, l’urtication, dans le catarrhe morbilleux des enfants, nous rend quelques services, et nous en rend plus encore chez les adultes : cela dé- pend probablement de ce que chez ceux-ci l'affection pulmonaire est moins grave que chez ceux-là. » Lukomski (3) obtient une prompte guérison des brûlures en appliquant sur les parties souffrantes des linges imbibés d’alcoolature d’ortie. Trois ou quatre fois par jour, on mouille, avec cette liqueur diluée dans une ou deux fois son volume d’eau, la compresse sans l’enlever, afin de causer moins de douleur. Malgré cette précaution, ce traitement doit être très-pénible). D’après tout ce que nous venons de rapporter sur l’ortie, n’a-t-on pas lieu de s'étonner que Cullen, Peyrilhe, Alibert et plusieurs autres médecins, aient exclu cette plante de la liste des médicaments? Quand parfois la science, outrepassant le doute philosophique, tombe dans le scepticisme, elle a ses préjugés comme l'ignorance et la crédulité. OSEILLE COMMUNE. Rumex acetosa. L. Acetosa pratensis. C. BAuH. — Oxalis vulgaris folio longo. T. Baux. Lapathum acetosa rotundifolia hortensis. TourN., Scop. Oseille domestique, — oseille des prés, — aigrette, — surelle, — patience acide, — vinette. POLYGONÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE DIGYNIE. L. Tout le monde connait l’oseille cultivée dans les jardins potagers, ainsi que la petite oseille sauvage ou surette. Cette plante est trop connue pour avoir besoin de description. Parties usitées. — Les racines et les feuilles (autrefois les semences). Récolte. — On peut se les procurer vertes pendant toute l’année au moyen de la culture. Elles ne jouissent de l'acidité que l’on recherche en médecine, que lorsqu'elles sont grandes, bien vertes, et récoltées après les chaleurs de l’été. La racine, qui est longue, d’un jaune rougeâtre, fibreuse, se récolte au printemps ou en automne, et pen- dant toute l’année quand on l’emploie à l’état frais. (1) Séance de l’Académie de médecine de Paris, 10 juillet 1832. (2) Deuxième édition, t. I, p. 142. (3) Journal de chimie médicale, 1858, p. 304. 7728 OSEILLE COMMUNE. [Culture.— L'oseille se propage par éclats de pieds lorsqu'on veut la conserver franche ; les graines germent pendant trois ans. | Propriétés physiques et chimiques. — L'oscille est inodore, Ses feuilles sont acides ; ses racines sont plus amères et acerbes qu'acides. Les feuilles offrent à l'analyse chimique une grande quantité d’oxalate de potasse (sel d’oseille), de l'acide tartrique, du mucilage, de la fécule, etc. — On en extrait l’oxalate de potasse dans les montagnes de la Suisse, en Souabe, autant et plus que de l’oxalis acelosella. (Voyez l’article ALLELUIA.) Le suc acidulé de l’oseille coagule celui des autres plantes, le lait, etc. ; il ne faut pas le préparer dans un mortier de marbre, parce qu'il l'attaquerait. Les feuilles d'oseille sont acidules, tempérantes, diurétiques et anti- scorbutiques. Elles sont fréquemment employées dans les affections bilieuses, inflammatoires, les embarras gastriques, le scorbut, les fièvres putrides, ete., et pour faciliter l’action des purgatifs. On les donne en décoction, ou on les met dans le bouillon de veau ou de poulet, ou bien on les triture un peu et on verse dessus de l’eau bouillante, ce qui forme une boisson agréable, tempérante et antiseptique. On les mêle souvent aux sucs antiscorbutiques àcres (cresson, cochléaria, etc.). Dans les fièvres intermittentes qui ont résisté aux amers et au quinquina, Desbois, de Rochefort, prescrit avec avantage le suc d’oseille. «Quand en même temps, dit ce médecin, les gencives sont sanguinolentes, et qu'il y a d’autres symptômes scorbutiques, le suc d’oseille guérit ces fièvres comme par enchantement; il guérit aussi les engorgements des viscères abdomi- naux, quand ils ont lieu par la même cause. » Les racines d’oseille entrent dans les tisanes rafraichissantes et diuré- tiques. J'ai vu au village de Vieille-Eglise, où les fièvres intermittentes sont endémiques, les cultivateurs traiter ces fièvres en prenant, au moment de l'accès, un grand verre (150 à 200 gr.) de suc d’oseille. L’accès manque souvent après la première prise de ce remède. C’est surtout dans les fièvres tierces printanières, qui guérissent souvent d’elles-mêmes, que l’on em- ploie le suc d’oseille. L’oseille sauvage est préférée lorsqu'on peut se la procurer. Urban, médecin à Iles-sur-Suippes (Marne), administre le jus d’oseille depuis plus de quarante ans contre les fièvres intermittentes, à la dose de trois verres, pendant l’apyrexie. Quelquefois 1l en donne un autre verre une heure avant l'accès; mais il commence par préparer ses malades à l’action du remède par l’administration d’un vomitif et d’un purgatif, ainsi que par l'usage de fumeterre et de pissenlit (4). J'emploie comme anthel- minthique, le suc d’oseille, à défaut de citron; je le mêle avec autant d'huile de lin, d’œillette, de noix ou d'olive, et j'y ajoute un peu de sucre. Les en- fants prennent facilement cette mixture. Récamier (2) a eu à se louer de l’emploi du suc d’oseille dans l’acrodynie. Sur sept cents malades, traités à l’hôpital de Lourcine, il en a guéri cinq cents par la seule administration de ce suc. Le suc d'oseille a été employé avantageusement dans le scorbut aigu et dans le purpura hemorrhagica. Ce suc a parfaitement réussi à Dubois, de Tournay, dans un cas de cette dernière maladie. Dans une commune de la Seine-Inférieure où le croup a sévi à l’état d’épi- démie, un médecin a recommandé, à titre de prophylactique, l’oseille em- ployée de la manière suivante : on fait mâcher aux enfants, atteints ou non de l’énidémie, et, pendant quelques jours, dix à douze feuilles d’oseille, matin et soir (le jus de l’oseille a la propriété, dit-on, de prévenir le mal}; (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1837, t. VII, p. 278. (2) Compendium de médecine pratique, par de Laberge et Monneret, article ACRODYNIE. OSEILLE COMMEL\E. 729 mais il est essentiel de les mâcher, — Il est à craindre que ce remède ne rencontre des difficultés dans son emploi, surtout chez les très-jeunes en- fants. Bien que l'usage habituel de loseille comme aliment convienne aux personnes échauffées, constipées, on l’a vu, trop longtemps continué, pro- duire la gravelle. Magendie (1) rapporte avoir vu un sujet qui avait mangé un plat d’oseille tous les matins, pendant un an, rendre par les urines des graviers qu'on reconnut pour être de l’oxalate de chaux. Laugier (2), ayant analysé la pierre d’un malade qu’on venait d'opérer, et l'ayant trouvée com- posée d’oxalate de chaux, lui donna l'avis de ne plus se nourrir d’oseille, comme il le faisait avec profusion auparavant. L'usage des alcalins, de l’eau de Vichy, interdit celui de l'oseille, Cette plante provoque la toux, irrite certains estomacs et quelquefois le système nerveux. A l'extérieur, les feuilles d’oseille cuites sous la cendre et mêlées avec partie égale de saindoux sont maturatives et résolutives. Boyer employait souvent comme maturatif un cataplasme composé de parties égales d’oseille cuite, d'axonge et de farine de lin. Burnet cite trois cas de loupe au genou (probablement un hygroma) guérie au moyen de l’oseille cuite sous la cendre (après l'avoir enveloppée dans du papier imbibé d’eau), mêlée ensuite avec de la cendre criblée, en forme de cataplasme, et appliquée chaudement pen- dant plusieurs jours. Ce cataplasme m'a réussi deux fois dans l’hygroma; mais il agit bien moins vite que le badigeonnage de teinture d’iode. Il peut néanmoins être employé avec avantage dans la médecine rurale, à cause de la facilité de se le procurer. On retire un avantage analogue du mélange de feuilles d’oseille et d’arum. L'application de l’oseille sauvage sur les tumeurs scrofuleuses, conseillée par Pinel (3), produit un effet stimulant très-avan- tageux. Richerand (4) conseille d’y appliquer des cataplasmes d’oseille cuite pour les ranimer. Mathey (5) rapporte l’observation d’une dartre croûteuse guérie au moyen de l'application extérieure de l’oseille cuite. J’ai appliqué avec succès des plumasseaux imbibés de suc d'oseille sur les ulcères pu- trides, gangréneux; il agit à la manière du suc de citron et coûte moins cher. Missa (6) a reconnu dans les feuilles d’oseille la propriété de neutraliser presque instantanément les accidents produits par les substances végétales àcres, comme le suc d’arum, d’euphorbe, de bryone, etc. Ce médecin ayant goûté en herborisant de la racine d’arum, ressentit immédiatement de la douleur; toutes les parties de la bouche s’enflammèrent, se gonflèrent, et le mal gagna même jusqu’à la gorge, sans que l’eau, l'huile, etc., fisssent cesser cet état. Mâchant tout ce qu'il trouvait sous la main, il rencontra par hasard de l’oseille, dont il eut à peine goûté que tous les accidents se dissi- pèrent comme par enchantement. Il répéta l’expérience plusieurs fois, même avec l'écorce du garou, et il obtint toujours le même résultat. L'OSEILLE A FEUILLES RONDES OU EN BOUCLIER (Rumex scutatus, L., Acetosa rotundifolia hortensis, G. Bauh., Tourn.) et la PETITE OSEILLE (Rumex acetosella, L., Acetosa pratensis lanceolata, C. Bauh., Tourn.) ont les mêmes propriétés que l’oseille commune. (1) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. IX, p. 297. (2) Mémoires de l’Académie royale de médecine, t. I, p. 400. (3) Nosographie philosophique. (4) Dictionnaire des sciences médicales, t. LVI, p. 218. (5) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1824, p. 550. (6) Recueil périodique d'observations de médecine et de chirurgte, 1755, vol. IT, p. 309. 780 OSMONDE ROYALE. OSMONDE ROYALE. Osmunda regalis. L. Filix ramosa non dentata florida. CG. Baun.— Osmunda vulgaris et palustris. TourRN. — Osmunda sive filix florida. Paarm.— Filix florida. BLACK. Filix palustris. Don. — Aphyllocarpa regalis. CAY. Fougère aquatique, — fougère fleurie, — fougère royale. FOUGÈRES. — OSMUNDÉES. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L. Cette grande et belle fougère (PI. XXIX), assez commune en France, habite les bois humides, les fossés des prairies tourbeuses, les lieux maré- cageux, incultes, abandonnés. Son nom vient d'Osmuder, synonyme de Thor, divinité celtique à laquelle elle était dédiée. 10 Description. — Racine : souche épaisse, rampante. — Feuilles radicales, grandes, hautes de 50 centimètres, bipennées, à divisions opposées, oblongues, lancéo= lées, sessiles ; à folioles alternes, pétiolées, étroites, ovales, obtuses, glabres, marquées sur la surface inférieure de nervures assez apparentes ; folioles fructifères disposées en panicule terminale (juin-septembre), Parties usitées. — Le rhizôme. Récolte, — Comme celle des fougères. [Culture.— Cette plante demande des endroits ombragés el un peu humides ; on la multiplie par éclats de pieds; lorsqu'elle croit dans des lieux secs et rocailleux elle est très-chétive. | L'’osmonde royale était autrefois considérée comme vulnéraire, astrin- gente, diurétique. On la mettait en usage dans une foule de maladies (chutes, coupures, blessures, hydropisies, hernies, gravelle, pierre, etc.) Ray dit l'avoir employée avec succès dans le rachilisme : « Rachitidi morbo reme- dium præstantissimum et quasi proprium aut specificum cèensetur, cui percurando vel sola hæc radix sufficit. » Hermann et Allioni l’ont vantée contre la même affection. Aubert, de Genève (1), a judicieusement apprécié dans quelle es- pèce de rachitisme et d’affections lymphatiques ou scrofuleuses cette racine se montrait efficace. 11 résulte de ses essais que l’extrait d’osmonde royale paraît exercer une action directe sur les viscères du bas-ventre, qu’il purge doucement à la dose de 8 à 16 gr.; et que si on en continue l’usage, il ac- tive la sécrétion de la bile, augmente les forces digestives, améliore et faci- lite la chylification. Aubert pense que c’est surtout dans le carreau et les affections glanduleuses que l’osmonde peut être avantageuse, tandis qu’elle paraît avoir peu d'action sur les déviations osseuses proprement dites, qu’elle est nulle contre le mal vertébral et dans l'affection scrofuleuse, qui a son siége dans les os. Chez les enfants affectés de carreau, de l’âge de dix-huit mois à quatre ans, traités par ce moyen, la diminution du ventre a été rapide, et l'amélioration des fonctions digestives très-marquée. Il leur administre de 8 à 45 gr. d’extrait tous les jours pendant deux ou trois mois, en plusieurs doses, délayées dans de l’eau ou du lait. Les enfants s’accom- modent assez bien de cette préparation, dont le goût douceâtre n’est pas désagréable. Je me suis très-bien trouvé de la décoction de racine d’osmonde royale dans les engorgements mésentériques et dans ceux de la rate avec cachexie paludéenne., Dans ce dernier cas, je l’associe souvent au pissenlit. Heindenreich (2) a cherché à réhabiliter l’emploi de l’osmonde dans la cure radicale des hernies. Il fait digérer pendant huit jours 8 gr. de racine grossièrement pulvérisée dans 500 gr. de vin, à boire en deux fois dans la journée. Chez les sujets qui ne peuvent supporter le médicament sous cette (1) Journal général de la Société de médecine de Paris, 1813,t. XLVI. (2) Journal de chimie médicale, 1842, t. VIII, p. 295, 2€ série. PANAIS CULTIVÉE. 731 forme, on le leur administre en infusion aqueuse. En même temps le ma- lade prend deux fois le jour une cuillerée à café de la plante réduite en poudre, et il applique sur la hernie des compresses imbibées de sa décoc- lion, Ce médecin rapporte cinquante cas de hernies simples guéries radica- lement à l’aide de cette médication! — Un tel remède serait merveilleux. Dans plusieurs contrées, les paysans se servent des feuilles de cette plante comme de celles de fougère pour faire des lits aux enfants délicats et ra- chitiques. PANAIS CULTIVÉ. Pastinaca sativa. L. Pastinaca sativa latifolia. GC. BAuH., TourRN. — Pastinaca sativa latifoliæ Germanica flore luteo. 3. BAUH. Pastenade, — pastenaille, — blanche, — grand chervi. OMBELLIFÈRES. — PEUCÉDANÉES. Fam, nat, — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante bisannuelle, qui croît naturellement dans les prés, les haies, au bord des champs, est cultivée comme plante potagère dans presque toute la France. On en distingue deux variétés : le panais long, le panais rond ou de Siam. Les moutons, les pores, les lapins mangent cette plante. Description. — Racine charnue, fusiforme, blanchâtre ou jaunâtre. — Tige droite, cylindrique, cannelée, rameuse, haute de 90 à 120 centimètres. — Feuilles pubescentes, une fois ailées, composées de folioles ovales, assez larges, lobées ou inci- sées. — Fleurs petites, régulières, jaunes, réunies en ombelles de vingt à trente rayons, dépourvues de collerette (juin-juillet). — Cinq étamines; ovaire inférieur. — Fruit diakène, elliptique, comprimé, un peu membraneux sur ses bords. Parties usitées. — La racine et les fruits. [Culture. — Les procédés de culture du panais sont les mêmes que ceux de la carotte, seulement il faut qu’il soit plus éclairci ; le panais rond réussit dans les terrains peu profonds ; la graine ne se conserve qu’un an ; on en sème 5 à 6 kilogr. par hectare]. Récolte. — La racine esl employée à l’état frais. Les fruits se récoltent comme tous ceux des ombellifères. — Les vieux panais, ayant quelquefois une âcreté désa- gréable, doivent être rejetés. Propriétés physiques et chimiques ; usages économiques: — La racine de panais, améliorée par la culture, a une odeur et une saveur qui n'est point désagréable. Elle contient 12 pour 100 de sucre cristallisable, et, dit-on, une assez grande quantité de fécule. L'analyse de cette racine, qui, je crois, n’a pas été faite, se- rait d’une grande utilité. Les Irlandais font bouillir et fermenter avec. du houblon la racine de panais, et ils obtiennent ainsi une boisson qui remplace la bière. En Thuringe, on retire des panais une espèce de sirop dont on se sert au lieu de sucre. On fait bouillir les racines cou- pées en petits morceaux, jusqu'à ce qu’elles s’écrasent sous les doigts. On les remue pour les empêcher de brûler; on les broie ensuite pour en exprimer le suc, qu’on sou- met encore à l’ébullition avec d’autres panais coupés aussi en petits fragments; on fait évaporer le jus et on l'écume. La cuisson peut durer environ quinze heures, et quand la liqueur a pris la consistance du sirop, on la retire du feu. Si on la laissait cuire plus longtemps on obliendrait du sucre cristallisé. Ce sirop pourrait être employé au lieu de sucre dans les campagnes pour édulcorer les tisanes. La racine de panais fournit à l’homme un aliment doux et sain, et aux bestiaux une bonne nourriture. La fane est un excellent fourrage. La semence de panais est fortement aromatique et amère. Le lait des vaches qui se nourrissent de cette plante est plus abondant et plus crémeux, sans contracter aucun goût désagréable. On a regardé autrefois le panais comme excitant, diurétique, emména- gogue, fébrifuge, etc. Cesalpin vante un électuaire fait avec la racine de pa- nais et le sucre pour rétablir les convalescents et donner de l'appétit. Cuite dans du lait, cette racine est favorable aux phthisiques, aux personnes déli- 732 PAQUERETTE. cates et affaiblies. C’est surtout la semence de ce végétal qu’on a employée comme fébrifuge à la dose de 2 à 6 gr. Schwencke (1) l’a employée avec succès contre la fièvre tierce, et Fouquet contre la fièvre quarte. Garnier, médecin de Lyon, la donnait, il y a près de cent cinquante ans, comme un bon fébrifuge, à la dose de 2 à 4 gr. en nature, et à celle de 8 à 12 gr. enin- fusion dans le vin. Malonet, Sauvages et Desbois, de Rochefort (2), ont eu aussi à s’en louer dans les fièvres intermittentes. Je n’ai pas employé ce médicament. PAQUERETTE. Bellis perennis. L. Bellis sylvestris minor. C. Baun., Tour. — Bellis sylvestris spontanea. J. BAUH. — Consolida minor quorumdam. Orr., Lo. Pâquerette vivace, — petite marguerite. SYNANTHERÉES. — ASTÉRÉES, Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE L. Cette jolie plante, qu’on trouve en fleur pendant toute la belle saison, orne les pelouses, les prés, les bords des chemins. Son nom (Bellis perennis) annonce son élégance et sa durée. Cultivée dans les jardins, elle offre des variétés doubles fort jolies. Description. — Racine rampante, menue, fibreuse. — Hampe uniflore, de 6 à 8 centimètres de hauteur. — Feuilles en apparence radicales, spatulées, souvent cré- nelées. — Fleurs radiées, blanches ou rosées (avril-octobre). — Involucre velu, hémi- sphérique. — Demi-fleurons de la circonférence femelles, le plus souvent blancs, quel- quelois rouges à la pointe. — Fleurons hermaprodites, tubuleux, formant un disque jaune au centre de la fleur. — Fruits : akènes sans aigrette. On emploie les feuilles et les fleurs. — La paquerelte est remplie d’un suc visqueux et légèrement amer.— Elle est inodore.— Autrefois on la faisait cuire et on la mangeail assaisonnée comme les épinards et la chicorée, Dans quelques contrées, on la mange encore en salade, + Cette plante, qui a joui autrefois d’une grande réputation, est aujourd’hui rayée de la matière médicale. Les anciens thérapeutistes l’ont vantée contre les affections strumeuses, la phthisie pulmonaire, les douleurs goutteuses et rhumatismales, les obstructions des viscères du bas-ventre et l’hydropisie. Mais c’est surtout comme un des meilleurs vulnéraires qu’on l’a préconisée, et que Cornuti (3) la considérait, sous ce rapport, comme une des plantes les plus précieuses. Le vin blanc dans lequel on fait macérer la plante fraiche (2 poignées par litre), dont on prend un verre chaque matin, est encore vulgairement employé pour dissiper les douleurs de tête, suite de chutes, de coups, de commotions du cerveau, etc. On met aussi ce vin en usage dans les douleurs rhumatismales, l’hydropisie, la gravelle, les engor- gements viscéraux, etc. On emploie aussi dans les mêmes cas le suc exprimé de cette plante à la dose de 60 à 120 gr., avec addition de 15 à 30 gr. de vin blanc. Quand le malade a avalé ce mélange, on le couvre bien pour le faire suer. J'ai vu des paysans employer la décoction chaude de cette plante fraîche pour faire avorter la pleurésie. Comme alors on se couvre beaucoup, afin de provoquer la sueur, peut-être l’eau chaude prise apondamment produi- rait-elle le même effet. v Schroeder et Garidel s'accordent à dire que le suc de pâquerette, à la dose de 4 onces, lâche le ventre. D’autres auteurs assurent que la décoction des fleurs, ou des feuilles et des racines, est diurétique et sudorifique. Mur- (1) Aruidkundige, etc., 1766, p. 82. (2) Cours de matière médicale, t. II, p. 191. (3) Ganadens. plant. hist., 1635. PARIÉTAIRE. 783 ray ne croit pas à cette plante des propriétés bien actives. Cependant, on remarque au nombre de ses panégyristes deux hommes célèbres, Baglivi et Fouquet. Le premier l’employait contre le catarrhe suffoquant; le second la donnait aux phthisiques, mêlée, il est vrai, avec le gland de chêne et le miel rosat. Pour moi, tout en lui refusant l'énergie qu’on lui a supposée, et que l’on peut, dans beaucoup de cas attribuer aux seuls efforts de la nature, je ne la regarde pas comme dépourvue de propriétés, La vertu fondante que lui avaient reconnue les médecins que nous venons de citer était sans doute basée sur la douce excitation qu’elle exerce sur la muqueuse intesti- nale, et dont il résulte un effet laxatif plus ou moins prononcé. Non-seule- ment, j'ai pu, comme Roques, combattre des constipations opiniâtres, au moyen de la pâquerette mangée en salade; mais j'ai aussi donné avec suc- cès le suc de cette plante dans les engorgements abdominaux et les infiltra- tions séreuses, suite de fièvres intermittentes, Il m'a réussi dans un cas d’ictère, avec douleur, empâtement au foie et constipation. Le mélange de ce suc et celui du pissenlit ou de fumeterre est très-approprié aux affec- tions dont nous venons de parler. [La pâquerette sauvage, Bellis sylvestris, L., et la päquerette annuelle, B. annua, L., peuvent être substituées à la pâquerette vivace]. GRANDE MARGUERITE, FLEUR DE SAINT-JEAN (Chrysanthemum leucanthenum, L.; Bellis major, J. Bauh.; Consolida media vulnerarium, Lob.— Plante com- mune dans les prés, et que tout le monde connaît. D’une saveur un peu àâcre et amère, elle était regardée comme apéritive, diurétique et dépura- tive; mais, comme beaucoup de plantes possèdent les mêmes propriétés à un plus haut degré, elle est tombée dans l’oubli, malgré l'éloge qu’en a fait Ray contre l’asthme et la phthisie. Il est à présumer qu’elle pourrait être employée dans les mêmes cas que la petite marguerite. (Les habitants de la Bosnie lui attribuent la propriété de détruire les puces, aussi la mélangent- ils à la litière des bestiaux). PARIÉTAIRE. Parietaria officinalis. L. Parietaria officinarum et Dioscoridis. C. BAuK., TourN.— Helxine. MATTH. , BRUNF. — Parietaria Helxine. TAB. — Vitriola. Los. Pariétaire officinale, — herbe de Notre-Dame, — herbe des murailles, — perce-muraille, herbe de nonne,— herbe au verre, — panatage,— espargoule, — casse-pierre, vitriole, — épinard de muraille, etc. URTICINÉES. — URTICÉES. Fam. nat. — POLYGAMIE MONŒCIE. L. Cette plante vivace (PI. XXIX) croit dans les fentes des vieux murs, dans les décombres. Elle est très-commune dans toute l’Europe. Deseription.— Racines fibreuses, blanchâtres, — Tiges d'environ 60 centi- mètres, tendres, cylindriques, rameuses, quelquefois un peu rougeâtres. — Feuilles pétiolées, alternes, simples, ovales-lancéolées, un peu luisantes en dessus, velues en dessous. — Deux fleurs hermaphrodites et une femelle renfermées dans un involucre commun, petites, axillaires, velues, d’un blanc verdâtre, réunies par petils pelotons, resque sessiles, le long des tiges et des rameaux. Chacune de ces fleurs, excepté les emelles, renferme quatre étamines se redressant avec élasticité et laissant échapper de leurs anthères un petit nuage de pollen lorsqu'on les touche avec une épingle ou un corps quelconque {fleurit tout l'été). — Ovaire plus gros dans les fleurs femelles, fertile dans les fleurs hermaphrodites. — Fruit : akène oblong tétragone, contenant des graines oblongues, luisantes, assez semblables aux pépins de raisin. Parties usitées. — L'herbe. Récolte. — La pariétaire s'emploie fraiche pendant tout l'été. Celle qu’on trouve au bas des murailles doit être préférée comme émolliente ; celle des fentes de murs, des 734 PARISETTE. décombres, est plus riche en principes actifs. Elle doit être séchée promptement et à l’étuve, si on veut la conserver. [Culture.— Le nom de pariétaire a été donné à cette plante parce qu’elle croît sur les vieux murs ; la plante sauvage suffit aux besoins de la médecine; on peut la pro- pager de graines ou d’éclats de pieds. ] Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante est inodore; sa saveur est herbacée et saline. Elle contient du mucilage, du nitrate de potasse, et du soufre en assez grande quantité. On assure que, répandue sur des tas de blé, la pariétaire écarte les charançons. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 15 à 30 gr. par | Sirop (1 sur 2 de sucre), de 50 à 100 gr., en kilogramme d’eau. potion. Eau distillée (1 sur 2 d’eau), de 50 à 100 gr. | Suc exprimé, de 30 à 100 gr. comme véhicule de potion, etc. À L’EXTÉRIEUR. — En cataplasmes, fomenta- tions, etc. La pariétaire passe pour émolliente, diurétique, rafraîchissante, adou- cissante, On la met vulgairement en usage dans les maladies des voies uri- naires avec irritation : la néphrite, la strangurie, la dysurie, la cystite, la blennorrhagie, les affections fébriles, inflammatoires, en un mot dans tous les cas où les antiphlogistiques sont indiqués, et lorsqu'on désire augmenter le cours des urines dans l’hydropisie. Poissonnier (in Ferrein) a, dit-on, guéri un hydropique en lui faisant boire le lait d’une chèvre nourrie avec la pa- riétaire. Les propriétés de cette plante, malgré la place que son eau distillée oc- cupe encore dans nos pharmacies, sont presque nulles. On lui a même con- testé sa propriété émolliente : « Si quid emolliendo præstat, id justius aquæ calidæ vehiculo tribues », dit Murray. Barbier la regarde aussi comme ayant une action émolliente peu prononcée et incapable d’opérer dans l’état de maladie des changements bien importants. PARISETTE. Paris quadrifolia. L. Solanum quadrifolium bacciferum. GC. BAUH. — Herba Paris. MATTH. Aconitum salutiferum. TAB. Parisette à quatre feuilles, — herbe à Paris, — morelle à quatre feuilles, — étrangle-loup, raisin de renard, — pariette. LILIACÉES. — ASPARAGÉES. Fam. nat. — OCTANDRIE TÉTRAGYNIE. L. La parisette (PI. XXIX), plante vivace, croit dans toutes les forêts de l'Europe, aux lieux couùverts et montueux. Son nom lui vient, dit-on, de par, paris, égal, à cause de la disposition régulière de ses feuilles, ou, avec plus de raison peut-être, de l’emploi qu’en aurait fait pour la première fois Pàris, fils de Priam, pendant le siége de Troie. On la rencontre à Montmo- rency, à Bondy, à Meudon. Je l’ai trouvée dans les bois montueux de la Pi- cardie, et notamment dans les forêts de Boulogne et de Desvres (Pas-de- Calais). Elle n’est pas abondante. Description. — Racine: souche menue, rampant obliquement.— Tige unique, droite, haute d'environ 15 centimètres, terminée par quatre feuilles en croix, sessiles, d’un vert foncé en dessus, luisantes en dessous. — Fleur solitaire, assez grande, ver- dâtre, portée sur un pédoncule terminal (mai-juin). — Périanthe à huit divisions, dont quatre extérieurement plus larges el quatre intérieures plus étroites, alternant avec les premières. — Huit étamines à anthères allongées et attachées vers le milieu du filet. — Ovaire supère à quatre carpelles. — Quatre styles et quatre stigmates. — Fruit : baie de la grosseur d’un gros pois, molle, d’un pourpre foncé, à quatre loges contenant six à huit petites graines noires. Parties usitées, — La racine, l'herbe et les fruits. PARISETTE, 795 Récolte. — On récolte la racine avant la floraison, et les fruits à la fin de l'été. On peut la cultiver dans les jardins, soit en séparant ses pieds, soit en la semant au printemps en terre légère et bien meuble. Elle est difficile à élever. i {(Culture.— La plante sauvage suffit aux besoins de la médecine ; on ne la cultive que dans les jardins botaniques; elle préfère une exposition ombragée, une terre fraiche, légère et substantielle; on la propage de graines semées au printemps; elle est difficile à élever. | Propriétés physiques et chimiques, — La parisette a une odeur vi- reuse, narcotique, une saveur faible. (On a isolé le principe actif, nommé parine ou aridine, il peut être représenté par C'* H!°05; c'est une masse cristalline blanche, Érillante sans goût, épaississant la salive, soluble dans 100 parties d’eau et dans 50 d’alcool ; insoluble dans l'éther.) Les teinturiers se servent des feuilles bouillies avec l’alun, pour quelques teintures. La parisette est une plante vénéneuse qui n’a point été suffisamment étu- diée, et dont l'emploi demande une certaine circonspection. La baie est la partie la plus délétère de la plante. En Angleterre, la parisette se nomme true-love (amour vrai), parce qu’on en faisait des philtres amoureux, comme avec toutes les plantes qui endorment ou qui provoquent des idées érotiques. Le nom d’étrangle-loup qu’elle porte en France indique son énergie. Les baies empoisonnent les gallinacés et les chiens. Gilibert à éprouvé des anxiétés après avoir avalé deux baies mûres. J’ai répété cette expérience d’abord avec deux baies, ensuite avec trois. La première dose m’a produit un léger senti- ment de constriction à l’épigastre, suivi de pesanteur de tête et de propen- sion au sommeil; cet effet n’a duré qu’une demi-heure, La seconde dose, prise deux jours après, m'a fait éprouver les mêmes symptômes, mais plus prononcés et avec nausées, inquiétudes vagues, rougeur à la face, besoin de repos, et enfin effort de vomissement sans effet. Cet état n’a cessé complé- tement qu’au bout de deux heures, et n’a eu aucune autre suite qu’une irri- tation gastrique légère qui a duré deux jours. Comment concilier ce que Vicat a observé avec ce que Gilibert et moi avons éprouvé par l’ingestion des baies de parisette? Cet auteur parle de deux fous qui, dans l’espace de vingt jours, furent guéris par l’usage d’un gros (4 gr.) de graines de cette plante par jour. Ne peut-on pas attribuer, comme pour l’opium, l’innocuité d’une dose aussi élevée à l’exaltation du système nerveux de ces deux maniaques ? (Leblanc, pharmacien à Boulogne-sur-Mer, a préparé sur mes indications une teinture alcoolique et un extrait de baies de parisette. A l’aide de ces agents, j'ai entrepris une série d’expériences ayant pour but de connaître d’une façon précise la véritable action de cette plante. Je me suis servi de la méthode des injections sous-cutanées comme offrant le plus de garanties d’exactitude. De ces expériences sur les animaux et de mes essais sur l’homme, dont la relation sera publiée plus tard, quand la question aura été étudiée sous toutes ses faces, je puis dès à présent conclure : 4o La parisette m'a paru agir non comme un poison narcotique, mais comme un poison cardiaque. 1 20 L'effet primitif est une légère accélération des mouvements du cœur; l'effet secondaire est une diminution dans le nombre et la force, sans chan- gement dans le rhythme, des pulsations, qui, par suite de la paralysie de l'organe central de la circulation, finissent par ne plus être perçues. 30 Outre ces phénomènes, nous avons observé sur nous-même et sur des malades, par l'administration à l’intérieur de l’extrait de parisette, une ten- dance au sommeil, des vertiges, des tintements d'oreille, un grand senti- ment d'angoisse précordiale, de la céphalalgie, des nausées et un sentiment de faiblesse marqué accompagné d’engourdissement général, quelques trou- bles passagers de la vue. 736 PARISETTE. 4° De nouvelles recherches nous paraissent donc nécessaires pour établir d’une facon plus nette l’action réelle de cette plante intéressante à plus d’un titre, et pour s’assurer si elle ne contient pas deux principes qu’on pourrait isoler, dont l’un serait poison cardiaque et l’autre agirait à la manière des narcolico-àcres.) Il paraît que les feuilles sont moins dangereuses; car Bergius a donné 1 scrupule (1 gr. 20 centigr.) de ces feuilles sèches, chaque soir, à un enfant de dix à douze ans, atteint de ‘toux convulsive, qui n’eut que quelques éva- cuations alvines suivies d’un sommeil paisible, La parisette a été considérée comme émétique, purgative, sédative, nar- cotique. On l’a conseillée dans les convulsions, les affections spasmodiques en général, la coqueluche, la manie, l’épilepsie, etc. Boerhaave a recommandé la parisette contre la manie, où elle peut agir à la manière de nos solanées, dont l'efficacité en pareil cas a été plus d’une fois constatée. Vicat, comme nous venons de le voir, a aussi eu à se louer de ce médicament dans la folie. Etimuller et Hoffmann prescrivaient cette plante avec avantage dans l’épilepsie, à la dose de 1 gr. 30 centigr., délayée dans l’eau de tilleul ou dans toute autre infusion céphalique. Bergius a ob- tenu de bons résultats de la poudre des feuilles dans la toux convulsive et les convulsions chez les enfants. Ce remède tient le ventre libre, calme la toux et procure du sommeil. Cette plante a été employée contre l’empoisonnement par la noix vomique. Gesner (1) a guéri un chien qu’il avait empoisonné avec 0.60 de noix vo- mique, en lui donnant le double de parisette. Lobel et Pena prétendent que les baies sont le contre-poison de l’arsenic et du sublimé corrosif! A Ka- louga, en Russie, on prescrit les feuilles recueillies avant la maturité du fruit, contre la rage. 11 faut tout rapporter quand il s’agit de thérapeutique. Ce qui paraît absurde rceèle quelquefois des vérités utiles. Linné, et, après lui, Coste et Willemet, indiquent la racine de parisette ” comme vomiltif à double dose de l’ipécacuanha, c’est-à-dire de 2 gr. à 2 gr. 50 centigr. Gilibert l'indique à la dose de 24 à 30 grains (1 gr. 20 centigr. 1 gr. 50 centigr.). Vogel assure que la racine de parisette, à double dose, équivaut à l’ipécacuanha. Walkiers donna la racine de cette plante à la dose d’un gros (4 gr.) : 4° à une fille de trente-cinq ansatteinte de fièvre intermit- tente quotidienne, laquelle vomit quatre fois et fut débarrassée de la fièvre; 2% à un homme de quarante-cinq ans, atteint de fièvre tierce au dixième jour de la maladie, qui eut trois vomissements abondants et qui fut éga- lement guéri de la fièvre; 3° à une jeune fille de dix-neuf ans atteinte de fièvre quotidienne, qui ne vomit point, mais qui eut cinq selles (2). Nous constatons ici l’effet vomitif et non une propriété fébrifuge de la parisette : tout autre émétique, ainsi que cela se voit assez fréquemment, aurait pu couper la fièvre. On doit conclure de tous ces faits que la parisette produit sur nos organes des effets divers selon la partie de la plante qu’on emploie, et, surtout, selon les doses auxquelles elle est administrée. Narcotique et antispasmodique à dose altérante, elle devient vomitive et purgative à dose plus élevée. Dans le premier cas, elle reste en contact avec les organes digestifs, et transmet au système nerveux, par absorption ou autrement, son action délétère; dans le second, elle concentre toute cette action sur l'estomac et les intestins, en y déterminant des contractions musculaires. Je me propose de me livrer à des essais thérapeutiques, afin de détermi- ner d’une manière précise les cas où la parisette peut être employée avec succès à dose altérante. La propriété présumée de cette plante contre l’em- 0 (1) Epist. med., t. T1, p. 53. (2) Dissert. de emet. Lovanii, 1781. PARNASSIE. — PASSERAGE. 757 poisonnement par la noix vomique à besoin aussi d'être constatée par de nouvelles expériences. La parisette est une plante énergique que les thérs- peutistes ne devraient pas laisser dans l’oubli. PARNASSIE. Parnassia palustris. Parnassia flore albo simplici. C. Baun. — Gramen Parnassi. Loe., GER. Hépatique blanche. DROSÉRACÉES, Fam, nat, — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante vivace embellit par ses jolies fleurs les prairies humides et le bord des petits ruisseaux. On la trouve aussi sur les pelouses des montagnes. Elle est commune dans les dunes du Boulonnais et de la Picardie. Son nom semble annoncer qu’elle a été trouvée par les anciens au bas du mont Par- nasse. On peut la cultiver dans les jardins en lui donnant un terrain frais et humide. Elle y formerait un ornement gracieux et riant. Description. — Racine garnie de fibres capillaires. — Tige peu élevée, grêle, simple, anguleuse, uniflore.— Feuilles radicales pétiolées, cordiformes, lisses, d’un beau vert ; une seule feuille embrassante vers le milieu de la tige. — Fleur grande terminale, solitaire, blanche, à pétales arrondis, striés, concaves et ouverts (septembre), offrant à leur base une écaille dont les bords sont munis de neuf cils droits, terminés par un globule jaunâtre. — Galice à cinq divisions. — Cinq étamines appliquées sur le stigmate et s’en éloignant successivement après la fécondation. — Fruit : capsule tétragone unilo- culaire, à quatre valves renfermant des semences membraneuses,. Parties usitées.— L'herbe. Récolte. — Elle doit être récoltée en août et septembre et séchée promptement. [Culture.— Cette plante est assez abondante dans les marais; elle n’est pas cultivée pour l’art médical.] Propriétés chimiques. — Il n'existe aucun travail sur la composition chi- mique de cette plante. Sa décoction noircit par le sulfate de fer. La parnassie, dont les propriétés médicinales sont à peine connues, et qui ne figure dans aucun traité de matière médicale, n’est pas dépourvue d'activité. Elle est tonique, astringente. Je l’ai employée avec succès dans trois cas de diarrhée assez opiniâtre et dans deux cas de menstruation trop abondante, sans molimen utérin, chez des sujets débiles et d'un tempéra- ment lymphatique. Elle m'a paru avoir une action analogue à celle de la bourse à pasteur et de la renouée. PASSERAGE (Granpe). Lepidium latifolium. L. Lepidium latifolium. GC. Baux., TourN. — Lepidium vulgare sive peperitis. PARK. Passerage à larges feuilles, — grande passerage, — moutarde des Anglais. CRUCIFÈRES. — LÉPIDINÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILICULEUSE, L. Cette plante vivace (PI. XXIX) croît aux lieux ombragés et humides, aux bords des rivières. On la cultive dans les jardins potagers pour l’usage de la table. Description. — Racine de la grosseur du doigt, blanchâtre, rampante. — Tige d'environ 4 mètre de hauteur, moelleuse, dressée, simple et arrondie en bas, anguleuse et rameuse en haut, couverte d’une poussière d'un vert glauque. — Feuilles glabres, ovales-oblongues, d’un vert glauque, les inférieures pétiolées et dentées en scie, les supérieures plus petites, entières et sessiles, — Fleurs petites, blanches, en panicule terminale (juillet-août). — Calice à quatre sépales caducs. — Corolle à quatre pétales blancs, égaux, disposés en croix. — Six étamines tétradynames, à peu près égales. — 47 738 PASSERAGE. Un style très-court. — Un stigmate. — Fruit : silicule aplatie, partagée en deux loges remplies de petites graines rougetres. Parties usitées. — Toute la plante, Récolte.— Elle doit toujours être employée fraiche ; la dessiccation lui fait perdre toutes ses propriétés. Elle a cela de commun avec toutes les crucifères. I faut s’en servir quand elle est en pleine vigueur, et qu’elle a encore toutes ses feuilles. La racine, étant vivace, peut être employée fraîche en toute saison. (Culture.— La grande passerage se propage par semis; elle demande une terre légère et substantielle] Propriétés physiques et chimiques. — La grande passerage a l’odeur et la saveur des crucifères. La saveur est plus prononcée dans les feuilles que dans les fleurs ; elle est piquante et très-âcre dans la racine. Lorsqu'on mâche cette dernière, elle stimule les glandes salivaires et provoque leur excrétion comme la racine de py- rèthre. Comme la plupart des crucifères, elle contient de lammoniaque et de l'huile volatile. On sert les feuilles de cette plante sur la table comme la moutarde et le raifort, après les avoir arrosées d’un peu de vinaigre. On mange également les jeunes feuilles en sa- lade, ou bien on les mêle avec le bœuf, comme assaisonnement. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion des feuilles, de 30 à | Eau distillée (1 sur 1 d’eau), de 30 à 100 gr., 60 gr. par kilogramme d’eau ou de vin, en en potion. 3 ou 4 prises. Suc, 60 à 120 gr. A L’EXTÉRIEUR. — Fomentations, lotions, cata- Décoction des racines, de 16 à 32 gr. par kilo- plasmes. gramme d’eau. Cette plante est stimulante, tonique, antiscorbutique, résolutive, rubé- fiante. On l’emploie à l’extérieur contre le scorbut comme le cresson, le cochléaria, le raifort. On l’a mise aussi en usage dans l’hypochondrie, Physté- rie, l'hydropisie, les scrofules, etc. , La passerage, quoique rarement employée, est d’une grande énergie. C’est un de nos antiscorbutiques les plus puissants. On pourrait avec avan- tage la joindre au cresson de fontaine ou à la cardamine, soit pour être mangée en salade, soit pour servir à la préparation des sucs d’herbe. On reconnaissait autrefois à cette plante des propriétés diurétiques très- énergiques. Ses feuilles, réduites en poudre, étaient données avec succès dans l’hydrothorax et l’anasarque, à la dose de 45 gr. chaque matin. L’abbé Rousseau (in Ferrein) faisait distiller de l’eau miellée, fermentée sur cette plante, et en obtenait une liqueur alcoolique qu'il administrait dans les névroses. A l'extérieur, la grande passerage est résolutive, détersive et excitante On a employé le suc ou la décoction de cette plante dans la gale, les dartres et quelques autres maladies cutanées. Je l’ai vu employer dans les névralgies et les rhumatismes comme rubéfiante. Les anciens appliquaient contre la sciatique la racine de passerage frai- chement récoltée et pilée avec du beurre. Ce mélange restait sur tout le membre et particulièrement sur la cuisse pendant quatre heures. On mettait ensuite l’extrémité malade dans le bain; on la frictionnait avec du vin, on l’essuyait et on l’enveloppait de flanelle. La rubéfaction de la peau était le résultat de cette application. PETITE PASSERAGE, PASSERAGE IBÉRIDE, CHASSERAGE (lepidium iberis, L.). — Croit le long des chemins, aux lieux arides. On la confond souvent avec la grande passerage. Bescription. — Tiges dressées, arrondies, glabres, à rameaux écartés. — Feuilles sessiles, petites, étroites, surtout au haut de la tige, entières, les radicales pé- tiolées, en rosette, découpées, caduques. — Fleurs blanches, petites, en panicule très- écartée, — Deux ou six étamines, etc. (juin-septembre-octobre). FASSERAGE. 739 Cette espèce jouit à un moindre degré des mêmes propriétés que li grande passerage. Elle a été annoncée en France, dit Wilmet, comme propre à ‘broyer la pierre et à évacuer les graviers. En Espagne, suivant Peyrilhe, on joint souvent l’infusion de la passerage ibéride au quinquina, ou on la donne seule comme fébrifuge. Williams, médecin à l'hôpital Saint-Thomas, a constaté les bons effets de cette plante contre l'asthme, la bronchite, l’hydropisie, et surtout l’hyper- trophie du cœur. Elle ne diminue pas le nombre des pulsations comme la digitale ; mais elle modère leur violence, ce qui la rend très-recommandable dans l’hypertrophie avec hydropisie. Un autre médecin anglais, Sylvestre, lui attribue des propriétés spécifiques analogues à celles de la digitale et de la belladone; il la considère également comme un des moyens les plus propres à régulariser les battements du cœur. Ces deux praticiens prescri- vent l’iberis amara en poudre, associée à la crème de tartre, dans le but de dissimuler son goût nauséeux, et en même temps de faciliter sa trituration. Elle détermine quelquefois des nausées, des étourdissements et de la diar- rhée; mais on fait rapidement cesser ces accidents en suspendant son em- ploi pour quelques jours... Il y aurait donc utilité à se livrer à de nouveaux essais sur les propriétés de la passerage, qui à été rayée, on ne sait trop pourquoi, de la liste des médicaments, après y avoir figuré avec honneur pendant vingt siècles (1). PASSERAGE DES DECOMBRES, CRESSON DES RUINES, PUETTE (Lepidium ruderale, L.). — Petite plante annuelle, qui croît dans les décombres, les lieux stériles et froids. Description.— Tige plus petite (10 à 30 centimètres), dressée, rameuse, rameaux élalés. — Feuilles radicales étalées en roselte, pétiolées, pinnatiséquées, les inférieures de même forme, les supérieures sessiles, linéaires ; pétales très-courts, souvent nuls (mai-septembre). : À Gette plante, qui a une forte odeur de cresson, à fourhi à l’analyse, faite par Cagnon et Leroux, un principe qu’ils nomment lépidine et auquel ils attribuent la propriété fé- brifuge (2). La passerage des décombres est stimulante et antiscorbutique comme les æspèces précédentes. Le bas peuple, en Russie, au rapport de Rulh, se sert de l’infusion théi- forme de la passerage des décombres, appelée di koy kress, qu'on administre pendant le froid des fièvres intermittentes. En 1812, il régna beaucoup de fièvres intermittentes, et la cherté du quinquina fit employer cette plante. Rulh, Rittsneister, Trinius et Blum s’en servirent. L’herbe entière avait été recueillie aux mois de juin et de juillet de l’année précédente, et l’on en faisait bouillir une demi-once dans 1 livre d’eau que l’on réduisait à 8 onces. Les malades attaqués de la fièvre tierce ou quotidienne en prenaient, pendant l’intermission, deux cuillerées à bouche de deux heures en deux heures. De quarante qui prirent ce médi- cament, il n’y en eut que deux qui ne furent pas guéris, quoiqu’on l’eût employé sans autre préparation. Son u$age, pendant une seule intermis- sion, suffisait déjà pour empêcher les accès. Hahnemann croit que cette plante est l’iberis des anciens, qui en connaissaient déjà l’utilité (3). Monin (in Mérat et Delens) a donné cette plante avec avantage à Saint-Pétersbourg, à la dose de 4 à 8 gr., pendant quelques jours, surtout dans les fièvres inter- mittentes accompagnées de symptômes scorbutiques. Il assure qu’elle réus- sit là où le quinquina a échoué. (1) Journal des connaissances médico-chirurgicales, mars 1849, p. 114 et 115. res hebdomadaire des séances de l’Académie des sciences, décembre 1836, P. LL (3) Extrait du Bulletin de la Société médicale d’émulation, dans le Journal de médecine de Leroux, octobre 1815, vol. LXXIV, p. 289, 740 PASTEL.. CRESSON ALENOÏS. — PASSERAGE, CRESSON ALÉNOIS, CRESSON DES JARDINS, NASITORT (Lepidium sativum, L.). — Croît naturellement dans les lieux sté- riles. On le cultive dans les jardins potagers; sa saveur est chaude, un peu âcre, piquante et très-agréable. On le mêle comme l’estragon et la capucine à la salade de laitue pour en relever le goût. Description. — Tige dressée, rameuse, glabre, glauque, haute de 3 à 6 déci- mètres. — Feuilles, les radicales étalées en roselte, pétiolées, pinnatipartites, les supé- rieures sessiles, linéaires, indivises. — Pédicelles fructifères serrés contre la tige. [Culture.— Le cresson alénois se multiplie par semis faits tous les quinze jours, à l'ombre en été et en terre légère ; on doit arroser souvent.] La germination du cresson alénois est si prompte que l’on peut se procurer cette plante fraîche en tout temps et en tout lieu. Semée sur du coton ou sur de la laine imbi- bée d’eau, elle pousse comme en pleine terre, dans un appartement, même en hiver. J'en ai fait germer et croître au mois de janvier sur une planche recouverte d’une couche légère de mousse entretenue humide. Les passerages, comme toutes les plantes du même genre, n’ont une grande énergie qu’à l’état frais. Le cresson alénois est antiscorbutique comme le cresson de fontaine, et peut comme ce dernier être mangé eru ou administré en décoction, ou mieux sous forme de suc ou en infusion vineuse. Cette plante a été em- ployée avec avantage dans certaines affections atoniques, telles que l’hydro- pisie, la dyscrasie qui suit les fièvres intermittentes, l’engorgement chro- nique des viscères abdominaux quand un état phlegmasique douloureux ne s’y joint pas. J’ai fait disparaître en peu de jours une anasarque causée par une suppression de transpiration, survenue chez un ouvrier de cinquante ans après un sommeil de deux heures sur l’herbe humide, en lui faisant prendre le suc de cresson alénois dans le vin blanc, à la dose de 100 gr., matin et soir. Roques rapporte que, sous forme de salade, les feuilles de cette plante, avec le cresson de fontaine et la chicorée sauvage, ont dissipé une affection scorbutique rebelle jusqu'alors à des moyens plus compliqués. — Ambroiïse Paré (1) prescrit cette plante pilée ou frite dans l’axonge de porc sur la croûte laiteuse des enfants. Il est prudent d'employer préalablement, dans ce cas, un traitement dépuratif convenable. La suppression subite de cette affection cutanée peut amener des dangers, surtout lorsqu'il existe sur un organe principal, comme le cerveau ou le poumon, une irritation prédispo- sante ou attractive. Bodart a proposé de substituer le cresson alénois à l'écorce de Winter, comme tonique et antiscorbutique. « Nous pouvons, dit ce médecin, très- bien nous dispenser de faire venir des îles du détroit de Magellan l'écorce de Winter, que les étrangers nous vendent à la frontière 12 francs la livre. L'importation de cette drogue, en 1806, a été de 1,652 kilogr. Nous eussions donc évité, relativement à ce seul médicament, l'émission de plus de 39,646 livres, argent de France, si nous nous fussions contentés de nos anti- scorbutiques indigènes. » PASTEL. Isatis tinctoria. L. Pastel des teinturiers, — vouède, — guède, — herbe de saint Philippe. CRUCIFÈRES. — ISATIDÉES, Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. Cette plante bisannuelle se trouve dans les lieux arides, pierreux, les vieux murs, les carrières, les décombres. Elle est cultivée comme plante tinctoriale. Elle est excellente comme plante fourragère et de pâturage. Description. — Pacine longue et fusiforme. — Tige de 4 à 8 décimètres. (1) Pélag., p. 678. PATIENCE. 741 dressée, raide, rameuse en haut, glabre, hérissée à sa base; rameaux disposés. — Feuilles radicales oblongues, atlénuées en pélioles, entières, ordinairement velues, les cauli- naires lancéolées-sagittées, sessiles-embrassantes, à peu près glabres, — Fleurs jaunes, petites, en grappes terminales (mai-juin). — Calice à sépales étalés, réfléchis. — Pétales crucifères. — Six étamines dépourvues d’appendices. — Fruit : silicule oblongue-obtuse, atténuée à la base, presque pendante à l'extrémité de pédicules allongées-filiformes. Parties usitées. — Les feuilles. Récolte.— Sa récolte pour la teinture, de même que sa culture, est du ressort de l’agriculture. Comme la plupart des crucifères, elle perd la plus grande partie de ses propriétés médicinales par la dessiccation. (Culture. — Le pastel est bisannuel et il dure quelquefois trois ans, il peut être semé depuis mars jusqu’à juillet et même en automne ; pour le fourrage, on le sème à la volée, à raison de 10 kilogr. de graine par hectare ; cultivé pour la teinture, il de- mande un sol plus riche, bien préparé et bien amendé ; on sème clair en rayon et on bine. | Propriétés physiques et chimiques. — Le pastel est piquant et âcre comme le cresson. 1] fournit, au moyen de préparations particulières, une couleur bleue, analogue à l'indigo, que l’on emploie dans les arts, où elle est connue sous le nom de pastel. Chevallier (4) a donné l’analyse de cette plante, plus tinctoriale que médicale. Les feuilles de pastel ont été regardées comme antiscorbutiques. Elles ont été employées avec succès, en teinture, contre le scorbut, par Aymen, mé- decin à Castillonès (2). «Il y a, dit Desbois, de Rochefort, des observations sûres de caries et de douleurs ostéocupes scorbutiques, qui ont cédé à ce seul moyen. La dose est d’une demi-once (16 gr.) à une once (32 gr.) en légère décoction à vaisseau fermé. » Le suc est préférable; on sait que la décoction diminue les propriétés des crucifères. Les paysans provençaux se servent de cette plante dans la jaunisse. «Lémery dit que ses feuilles pilées, appliquées sur les poignets, guérissent les fièvres intermitlentes; ce qui pourrait être vrai dans quelques cas, si elles causent de la rubéfaction; on les présente aussi comme résolutives. » (Mérat et Delens.) PATIENCE. Rumex. L. Rumezx patientia. L. — Lapathum hortense, folio oblongo, secundum Dioscoridem. C. BaAun.— Lapathum sativum. Don. Patience officinale, — patience commune, — patience des jardins, — grande patience, parelle, — dogue. POLYGONACÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE TRIGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XXIX) croît en France dans les pâturages des montagnes, ct est cultivée dans les jardins pour l’usage médical, Description.— Racines grosses, fort longues, fibreuses, pivotantes, brunes en dehors, jaunes en dedans. — Tiges fortes, droites, cannelées, hautes d'environ 4 mètre 50 centimètres, un peu rameuses. — Feuilles ovales, grandes, pétiolées, alternes, allon- gées.— Fleurs verdàtres, petites, disposées en verticilles formant des sortes d’épis ter- minaux (juin-août). — Calice à six divisions : trois extérieures plus petites, trois inté- rieures beaucoup plus grandes, persistantes. — Point de corolle. — Six étamines. — Un ovaire triangulaire surmonté de trois styles. — Fruit : akène triangulaire recouvert par les folioles intérieures du calice. Parties usitées.— La racine, quelquelois les feuilles, Kéeolte. — La racine de patience, étant vivace, peut se récolter en toute saison. Plus elle est fraiche, plus elle est active. Mais si on veut la conserver, il faut la recueillir au milieu ou vers la fin de l'été, et la choisir grosse au moins comme le doigt. Pour la (1) Annales de chimie, 1808, t. LXVIII, p. 284. (2) Mémoires de la Société royale de médecine, t. XL, p. 343. 742 PATIENCE. faire sécher au soleil ou à l’étuve, on la coupe en rouelles ou on la fend, après en avoir séparé les radicules. Quand la dessiccation n’est pas bien faite, celte racine se noircit bientôt, surtout si on la place dans un lieu humide, [Culéuxre.— La patience vient à toute exposition et dans tous les sols; elle préfère une terre fraiche et substantielle ; on sème ses graines en place à l'automne, elle pousse très-vite et demande peu de soins.| Propriétés physiques et ehimiques.— L'odeur de la racine est faible; sa saveur est un peu amère et acerbe ; elle laisse dans la bouche un goût mucilagineux, et jaunit la salive. Les feuilles sont très-légèrement acides. D’après Deyeux, elle con- üent du soufre libre et de l’amidon. L’analyse qui en a été faite par Riégal a fourni : de la résine, de la rumicine, du soufre, une matière extractive semblable au tannin, de l’amidon, de l’albumine, divers sels. La rumicine a la plus grande ressemblance avec le rhabarbarin, à tel point qu’elle semble être identique avec lui. On mange les jeunes pousses de patience, cuites comme celles de l’oseille, sous le nom d’épinards immortels (1), ce que l'on pourrait faire des feuilles de tous les rumex. Rous- seau (in Mérat et Delens) dit qu’en Suisse on mange les feuilles de patience, qu’on les y appelle choux gras. La décoction de ses racines communique sa couleur rouge aux ex- créments, si l’on en croit Lamarck (2), et simule parfois le flux de sang. Pour que ce résultat ait lieu, il faut qu’elle soit fortement chargée. La racine de patience a été em- ployée dans la teinture en jaune. | PATIENCE SAUVAGE. — LAMPÉE. — PATIENCE A FEUILLES AIGUES. — Ru- meæ acutus, L. — Lapathum acutum sive oxilapathum, J. Bauh. — Lapathum folio acutopleno, C. Bauh., Tourn. — Cette plante vivace croît dans toute la France, dans les bois, les pâturages, les haies, les fossés, etc. Elle diffère de la précédente principalement par de plus petites dimensions (et cependant dans le commerce elie est souvent substituée à celle de la patience propre- ment dite). Description.— Racine moins grosse que celle de la patience cultivée ou com- mune. — Tige de 60 centimètres environ, peu rameuse. — Feuilles toutes aiguës et en- tières ; les radicales oblongues, arrondies et comme cordées à la base, quoique un peu décurrentes sur le pétiole ; les supérieures lancéolées, sessiles ou presque sessiles. — Fleurs herbacées, petites, semi-verticillées, en épis grêles et plus ou moins longs (juin- juillet). — Valves du périgone ovales et à dents courtes. PATIENCE CRÉPUE ou rRisée. — Rumex crispus, L. — Lapathum acutum crispum, J. Bauh. — Lapathum folio acuto crispo, G. Bauh., Tourn. — Elle croît ordinairement le long des chemins, dans les prairies, les fossés, les terrains humides. Elle est assez commune aux environs de Paris. Descriptiom.— Racine d’un rouge brun en dehors. — Tige rameuse, assez épaisse. — Feuilles très-ondulées et comme frisées à leurs bords, les inférieures pétio- lées, mais non échancrées en cœur à la base, les supérieures sessiles.— Valves du péri- gone ovales-oblongues, portant toutes un tubercule. PATIENCE À FEUILLES OBTUSES. — Rumex obtusifolius, L. — Lapa- thum folio subrotundo, C. Bauh. — Elle a beaucoup de ressemblance avec la patience sauvage, dont elle n’est, suivant plusieurs auteurs, qu’une simple variété. Elle n’en diffère que par les feuilles, qui sont un peu moins aiguës . au sommet et un peu plus échancrées à la base. On trouve encore dans les officines et chez les herboristes, sous le nom de palience, le rumex divaricatus, dont le pucher n’est qu’une variété, et plusieurs autres espèces. A Paris c’est la patience à feuilles obtuses que l’on emploie ordinairement ; dans les dé- partements, surtout dans le Nord, on met vulgairement en usage la patience sauvage. La vraie patience (rumex patientia) est partout la plus rarement usitée, parce qu’elle est bien moins commune que les autres espèces. Au reste, on peut les substituer toutes les unes aux autres, puisque toutes ont des propriétés analogues, Cependant on regarde: généralement la patience sauvage comme la plus active. RAR (1) Dictionnaire des sciences naturelles, t. XXX VIII, p. 135. (2) Encyclopédie méthodique, t. II, p. 540, art. BOTANIQUE. PATIENCE. 743 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction, de 30 à 60 gr. | Extrait, de 1 à 4 gr. par kilogramme d’eau. A L'EXTÉRIEUR. — Pulpe des racines, en cata- Suc exprimé des feuilles, de 30 à 100 gr. plasmes, décoctions, lotions, etc, La racine de patience est tonique, diaphorétique, dépurative et même purgalive à haute dose. On l’emploie dans les affections chroniques de la peau, l’ictère, le rhumatisme chronique, la syphilis, les affections atoniques du tube digestif, etc. Les racines de presque toutes les espèces de patience ont une action tonique et légèrement laxative qui les rapproche de la rhubarbe. La patience sauvage, en décoction concentrée (60 à 100 gr. pour 500 gr. d’eau), édulco- rée avec un peu de miel, est laxative. Les gens de la campagne font un re- mède universel de cette racine, qu’ils emploient, comme on dit, à toutes sauces ; ils ne font point de tisane sans y faire entrer la racine de dogue à longues feuilles ou lampée (rumex acutus), qu'ils considèrent comme propre à purifier le sang. Dès la plus haute antiquité, la patience sauvage a été mise en usage contre les maladies de la peau. Arétée la recommande contre l’éléphantiasis. Les modernes l’ont vantée contre les dartres, la teigne, la lèpre, la gale, etc. Cullen lui refuse toute espèce de vertu contre ces affec- tions. Alibert lui reconnaît une action sur le système dermoïde. Tissot prescrit la racine de patience sauvage, espèce à laquelle 1l donne la préfé- rence, pour rétablir les digestions. Coxe (4) dit que les racines de la patience sauvage et celle de la patience crépue sont un peu purgatives, et qu’on donne avec avantage leurs semences dans la dysenterie. Suivant Bodart, la racine de patience sauvage excite les fonctions de l’organe cutané et du système urinaire. Il l’a reconnue utile dans le traitement de la gale, des dartres, de l’hydropisie. Le suc des feuilles, à raison de sa saveur acide et légère- ment astringente, dit ce médecin, s'emploie utilement avec celui de co- chléaria dans la cachexie scorbutique. « Les ulcères aux jambes, le scor- but, les éruptions cutanées et les fièvres intermittentes, sont, dit Wauters, quatre maladies auxquelles les habitants peu aisés des pays marécageux sont sujets ; ils trouvent sous la main un remède très-approprié à ces maux dans la patience sauvage, qu’on trouve en abondance dans les fossés, le long des ruisseaux et dans les eaux stagnantes (2). Cet auteur ayant souvent prescrit la racine de patience comme dépurative, le hasard lui fit découvrir qu’elle était vomitive à la dose de 4 gr. en poudre. Afin de rendre son effet plus certain, il faisait prendre par-dessus et peu à peu une décoction d’une poignée de feuilles de vincetoxicum ou dompte-venin. Plus tard, Wauters vit dans un manuscrit laissé par Michaux, professeur de botanique à Lou- vain, que ce dernier avait depuis longtemps découvert et constaté par de nombreux faits la propriété vomitive de la racine de patience pulvérisée, J'ai vu des paysans se débarrasser promptement de la fièvre intermittente en prenant une ou deux fois, dans l'intervalle apyrétique, la décoction de deux poignées de racine fraîche de patience sauvage dans un litre d’eau- de-vie réduit au tiers par l’ébullition. Après l’administration de ce remède, le malade se couche enveloppé dans une couverte de laine, excite la sueur, s’assoupit et tombe dans un état d'ivresse qui, seul, suffit pour expliquer l'interruption de la périodicité morbide. Cependant, De Beunie (3) dit avoir souvent guéri des fièvres quartes par l’usage de la simple décoction de ra- cine de patience, lors même qu'elles avaient résisté au quinquina. Je n’ai jamais eu l’occasion de vérifier les propriétés fébrifuges de cette racine ainsi (1) Americ. disp., p. 530. ; . (2) Wauters semble désigner ici indifféremment la patience sauvage et la patience aqua- tique. (3) Mémoire couronné par la Société des sciences et lettres de Bruxelles, 1782, p. 38. 74h PATIENCE. employée; mais je m'en suis très-bien trouvé dans la cachexie qui suit les fièvres intermittentes. Je l'ai aussi administrée avec avantage, seule ou as- sociée à la racine de bardane, à la fumeterre, à la douce-amère ou à la saponaire, dans les affections dartreuses, dans les syphilides, pendant l’usage des préparations mercurielles ou de l’iodure de potassium, surtout chez les individus lymphatiques. Bodart et Wauters ont proposé de substituer la racine de patience sau- vage à la salsepareille. L’intention de ces médecins est louable sans doute; mais leur opinion, à cet égard, ne saurait être admise d’une manière abso- lue. La racine de patience à ses principes constituants et des propriétés qui n'offrent avec ceux de la salsepareille qu’une simple analogie. La pulpe de patience sauvage s'applique utilement sur certains engorge- ments lymphatiques ou glanduleux, sur les abcès froids, les ulcères calleux ou de mauvais caractère ou d’apparence cancéreuse, les affections dar- treuses et psoriques. On fait avec cette pulpe et le vinaigre une pommade employée en frictions contre la gale. Cette pommade m'a réussi dans la plu- part des cas de gale récente. Les paysans se guérissent en trois jours de cette affection cutanée, au moyen d’un onguent ainsi composé : racine de patience sauvage ou de patience crépue bouillie dans le vinaigre jusqu’à ce qu'elle soit molle; écrasez-la et passez par un tamis pour en avoir 16 gr. de pulpe; mêlez avec graisse de pore 16 gr., soufre pulvérisé 16 gr. Cette pommade est plus efficace et moins coûteuse que celle du même genre ainsi formulée par Soubeiran : fleurs de soufre 1, pulpe de racine de patience 8, axonge 16, sucre de citron 8. PATIENCE AQUATIQUE. — PARELLE DES MARAIS. — PARELLE D'EAU. — HERBE BRITANNIQUE. — ÜSEILLE AQUATIQUE. (Rumex aquaticus, L. — Lapathum aquaticum folio cubitale, C. Bauh., Tourn. — Lapathum maximum sive hydro- lapathum. — Hydrolapathum magnum, Ger. — Herba britannica, Of.) — Cette espèce vivace se trouve dans les lieux humides, aux bords des étangs et des rivières, au milieu des roseaux, à côté de la salicaire ou de l’eupatoire, où elle se fait remarquer par sa vigueur et sa taille élevée. Besceriptiom. — Racine très-grosse, jaunâtre à l’intérieur. — Feuilles radicales lrès-grandes, longues (de 30 à 60 centimètres), lisses, ovales-lancéolées, pétiolées et planes ou un peu ondulées, non échancrées en cœur à la base. — Fleurs herbacées, assez grandes, nombreuses, semi-verticillées et disposées en épis longs et rameux (juin- juillet). Propriétés physiques et chimiques. — La racine de patience aqua- tique est d’une saveur amère et fortement styptique. Sa décoction, très-concentrée, voircit fortement par le sulfate de fer et fournit une encre de bonne qualité. En versant dans cette décoction, préalablement aiguisée avec un peu d'acide nitrique, quelques gouttes de solution aqueuse de cyanure de potassium, Dubois, de Tournai, a obtenu un précipité vert-bleuâtre, La patience aquatique reniplace dans le Nord la patience ordinaire. Gomelin dit que sa racine fut employée en Frise pour combattre le scorbut qui régnait parmi les soldats de l’armée romaine. Linné (1) en conseille l’usage, tant à l’intérieur qu'à l'extérieur, dans les ulcères scorbutiques. Des médecins de Berlin (2) ont trouvé efficace la décoction de cette racine, soit aqueuse, soit vineuse, dans la stomacace, même quand elle ne provient pas de cause scorbutique. Murray s’élonne qu’une plante qui mérite autant l'attention des médecins soit aussi peu connue. Munting, professeur à Gro- ningue, dans une production indigeste (3), considère, dans son enthou- (1) Flor. Sueciæ, p. 118. (2) Act. med. Berol., déc. 2. t. III, p. 12. _ (3) De vera antiquorum herba brilannica, ejusdem efficacia contra stomacacea, etc. Dissert. hislorieo-med. Amstel., 1681. PATIENCE. 745 siasme, l'herbe britannique seule ou associée aux autres antiscorbutiques, comme plus précieuse que l'or. Il assure avoir guéri, avec la décoction concentrée de cette plante, le scorbut et les maladies qui en dépendent; la paralysie, l’hydropisie commencante, l’esquinancie, la pleurésie, la dysen- terie, la diarrhée, les hémorrhoïdes, etc, Ce médecin donnait en été la dé- coction faite avec une poignée de feuilles et 125 gr. de racines; en hiver, l'infusion, le vin composé suivant : 180 gr. de racines pilées grossièrement, 8 gr. de réglisse effilée, 4 gr. de gingembre concassé, 125 gr. de sucre et 2 kilogr. de bon vin; faites infuser pendant une nuit dans le vin à vase clos; faites bouillir au bain-marie, à petit feu, jusqu'à consomption du tiers, ou pendant une heure et demie; passez par un linge et conservez la colature dans une bouteille bien bouchée. Dose : 100 gr. le matin à jeun pendant quinze jours. Le même auteur faisait appliquer sur les ulcères, une fois chaque jour, les feuilles vertes pilées, ou bien le suc exprimé de toute la plante, épaissi à petit feu en consistance de miel. Les propriétés chimiques et l’expérimentation thérapeutique placent la racine de patience aquatique à côté des astringents les plus énergiques. Dubois, de Tournai, l’a administrée dans plusieurs cas où ces derniers étaient indiqués, et en a obtenu des résultats avantageux. J'ai employé avec un succès bien constaté la racine de patience aquatique dans plusieurs cas de menstruations trop abondantes, mais à une dose plus élevée que celle indiquée par Dubois (1/2 once pour 2 pintes d’eau). Dans un cas, j'ai été obligé d'augmenter progressivement jusqu’à la dose de 80 gr. par litre d’eau. Ce remède n’est pas nouveau. Flamant (1) le mettait en usage contre les flueurs blanches et les pertes. Il faisait bouillir dans 1 litre 1/2 d’eau, jusqu’à réduction de 1 litre, 500 gr. de rouelle de veau, avec sept ou huit racines de patience ratissée et coupée par morceaux. Le malade prenait la moitié de ce bouillon chaque matin pendant huit jours, PATIENCE SANGUINE, —: OSEILLE ROUGE, — SANDRAGON, — HERBE AUX CHAR- PENTIERS. (Rumex sanguineus, L. — Lapathum folio acuto rubente, C. Bauh.)— Cette espèce, que l’on croit originaire de Virginie, est acclimatée en France. On la cultive dans les jardins plutôt pour la couleur de ses feuilles que pour l’usage médical. Description. — Feuilles rougeàtres, pétiolées et nervures d’un rouge de sang. Cette espèce est plutôt astringente qu’apéritive ou diaphorétique, comme la patience commune et les diverses autres espèces dont nous avons parlé. Ses graines passent surtout pour astringentes. PATIENCE DES ALPES,— FAUX RHAPONTIC,— RHAPONTIC COMMUN. (Rumex alpinus, L. — Lapathum rotundifolium, Clus.) — Cette plante bisannuelle, qui croît sur les bords des ruisseaux, dans les hautes montagnes, dans la vallée du Mont-d’Or, dans les pâturages élevés de la vallée d’Eynes, de la vallée d’Ossau, et le long de la Dordogne, a été prise pour le rhapontic (rheum rhaponticum, L.) par le plus grand nombre des botanistes jusqu’à la fin du siècle dernier. Description. — Racine grosse, charnue, brune en dehors, d'un jaune tendre en dedans.— Tigé de 4 Mètre à 1 mètre 30 centimètres de haut. — Feuilles larges, ovales- cordées, obtuses, souvent ondulées ; les cavlinaires plus étroites, plus aiguës. — Fleurs nom- breuses, verdätres, formant une grosse panicule serrée. — Valves du périgone entières, deux d’entre elles au moins tuberculeuses à leur base, La racine est amère, styplique et visqueuse comme celle de la rhubarbe. Elle sert à la teinture. On assure qu'on la mêle au vrai rhapontic. On peut reconnaitre facilement celle .(1) Le Véritable médecin. Paris, 1699, p. 266. 746 PAVOT. fraude par la comparaison des caractères respectifs des deux plantes. — Villars dit que les paysans du Dauphiné mangent les pétioles cuits de la patience des Alpes. Cette racine, fraîche, purge comme celle de rhapontic; mais elle devient un peu astringente par la dessiccation. Dans les contrées où elle croît, elle est d’un usage familier en tisane. Elle peut, suivant Roques, remplacer la rhubarbe pour les usages médicaux, pourvu qu’on la donne à des doses un peu plus fortes. Ce médecin prescrit la décoction de 30 à 60 gr. de cette racine dans 500 à 1,000 gr. d’eau réduits aux deux tiers, à prendre par tasses. On en augmente l’action en y ajoutant un peu de sulfate de soude ou de magnésie. Ce remède domestique a été salutaire dans les affections mu- queuses des organes digestifs, les obstructions viscérales avec atonie, les maladies chroniques de la peau, etc. PAVOT. Papaver sommiferum. L. : Papaver hortense, semine albo. C. BAuu., TourN.—Papaver sativum. MATTH. Papaver album et nigrum. Orr. Pavot somnifère, — pavot des jardins, — pavot blanc, — pavot noir, — pavot pourpre, pavot d’epium. PAPAVÉRAGÉES. Fam, nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L. Le pavot somnifère (PI. XXX), généralement connu, originaire de l'Asie, croît spontanément dans l’Europe méridionale, et est cultivé dans nos jar- . dins pour l'usage pharmaceutique. On le cultive en grand dans les champs en Allemagne, en Flandre, dans les départements du Nord et du Pas-de- Calais, en Alsace, etc., pour extraire des semences une huile connue dans le commerce sous le nom d'huile d’æillet ou d’æillette. On distingue deux variétés de pavot somnifère : le pavot blanc (papaver somniferum album) et le pavot noir (papaver somniferum nigrum). Il y a une sous-yvariété de ce dernier à pétales pourpres. Ge sont les capsules du pavot blanc (têtes de pavot) qu’on emploie ordinairement en médecine. Dans nos départements méridionaux, on cultive dans la campagne le pa- vot blanc à grosse tête oblongue pour l’usage médical. Les capsules, re- cueillies un peu avant la maturité, séchées à l’ombre et mises en caisse, se vendent comme têtes de pavot blanc du Levant. Descriptionm.— PAVOT BLANC. — Racine pivotante, grosse comme le doigt, con- tenant un suc lactescent amer.— Tiges d'environ 4 mètre, peu rameuses, glauques, eylin- driques. — Feuilles alternes, amplexicaules, glauques, dentées inégalement, glabres à leurs deux faces. — Fleurs fort grandes, terminales, solitaires (juin-septembre). — Galice à deux sépales très-glabres, concaves, caduques. — Corolle à quatre pétales fort grands, arrondis, d’une couleur pourpre-violette ou blanche, marqués vers leur base d’une tâche nojrâtre, — Etamines très-nombreuses à anthères jaunes. — Huit ou quinze stig- males disposés en rayons et soudés au sommet de l'ovaire, Fruit : capsules globuleuses, très-grosses, glabres, ovales, indéhiscentes, remplies d’une multitude de semences pe- tites, réniformes, noires, quelquefois blanches, dont le nombre a été évalué de 42,000 à 32,000 (1). — Pavor norr. — Pétales purpurins, marqués d’une tache noire à la base. — Capsules, moins grosses, globuleuses, s’ouvrant par des pertuis au-dessous du stig- mate. — Graines noirâtres. (Le pavot pourpre, papaver orientale, L., pavot oriental, est cette belle espèce culti- vée dans les jardins. C’est une simple variété; rien ne justifie la préférence que lui ac- corde Aubergier pour l’extfaction de l’opium indigène.) Parties usitées.— Les capsules ou têtes, les graines, les feuilles, les fleurs. Récolte. — Le pavot somnifère, cultivé en Orient pour le suc qu’on en retire sous. (1) On a calculé qu’au bout de peu d’années, un seul pied de pavot couvrirait la surface de la terre, si toutes les semences fructifiaient; ce qui justifie l’exclamation d'Ovide : Quotque soporiferum grana papaver habel! (Trist. v, el, 1.) D PAVOT.,. 747 le nom d’opium, est cultivé dans le Midi pour l’usage pharmaceutique de ses capsules. Ces dernières (lêtes de pavot blanc) doivent être récoltées avant la maturité des graines, lorsqu'elles sont encore très-succulentes. Les capsules du commerce sont récoltées trop tard, lorsque les graines ont müri aux dépens du suc du péricarpe : elles contiennent par conséquent moins de principes actifs, La substitution des fruits verts et succulents du pavot aux capsules sèches du commerce a quelquefois produit des accidents graves. On croyait autrefois que les têtes de pavot expédiées du Midi de la France étaient plus riches en principes médicamenteux que celles que l’on récolte dans les jardins du Nord, et surtout dans les lieux humides, Aujourd’hui on emploie indifféremment ces capsules, sans distinction de provenance (quoique celles du Midi soient en effet plus actives), (Culture. — Le pavot est multiplié de graines semées en place dans tous les ter- rains. Le semis d'automne fleurit en juin et juillet; celui de février et mars, un peu plus lard. Il existe deux variétés de pavot somnifère : l’une à tête longue, l’autre à tête ronde, depressum. La première est, dit-on, plus active. Pour l’extraction de huile, on cultive le pavot noir ou à œillette, qui se distingue par ses capsules, plus nombreuses, plus petiles, et qui sont déhiscentes. Pour la récolte de l’opium, le pavot doit être cul-. tivé en planches étroites, séparées par un espace suffisamment large pour permettre le passage d’un ouvrier. Les plates-bandes ne doivent pas être trop larges ; il faut que l’'ouvrier, en étendant le bras, puisse facilement atteindre au milieu. Ces exercices se pratiquent après la chute des pétales, avant que la capsule jaunisse. En Turquie, on laisse dessécher l'opium sur les capsules, puis on râcle les larmes; en France, à cause des brouillards et de l’inconstance du temps, on est obligé de recueillir le suc liquide. Cette opération se pratique avec le doigt, et le suc est rassemblé dans des vases; on le fait évaporer au soleil ou à l’étuve.] | Propriétés physiques et chimiques.— Les capsules de notre pavot pa” raissent contenir les mêmes principes que l’opium, mais enmoindre proportion. En Perse, en Asie-Mineure, en Egypte et dans l'Inde, on pratique à la tige et aux capsules du pavot somnifère, avant la maturité, des incisions obliques et superficielles, par les- quelles coule un suc qui se concrète bientôt en larmes, qu’on agglomère et qui consti- tue l’opium. Cette substance nous est ordinairement apportée en pains orbiculaires, pesant de 125 à 440 gr., aplatis, rougeâtres à l’extérieur, d’un brun noirâtre intérieurement, d’une cassure brillante et compacte, d’une odeur vireuse, d’une saveur âcre et amère. Elle est très-souvent falsifiée : des pierres, du sable, de la terre, de la bouse de vache, des mor- ceaux de plomb, des huiles, des résines et beaucoup d’autres substances s’y trouvent mêlées en plus ou moins grande quantité, On y introduit quelquefois beaucoup d'extrait de pavot cornu. « Mais une fraude plus sérieuse, dit Dorvault, est celle qui consiste à épuiser l’opium de la morphine et à lui rendre son aspect primitif. On a vu des opiums refaits qui imitaient les opiums vierges de manière à tromper les plus fins connais- seurs, » Les anciens (Dioscoride, Pline) appelaient meconium l’opium obtenu par la contusion, l’expression des capsules et des feuilles de la plante. Ce produit, qui, dit-on, est encore fourni seul ou mêlé à l’opium par incision, est plus faible et explique naturellement les différences que l’on observe entre les opiums du commerce. On ne trouve guère en France que trois espèces commerciales d'opium, qu'il est important de distinguer, à cause de la différence très-grande de leur richesse en morphine : l’opium de Smyrne, ui est le plus pur et le plus riche en morphine; l’opium de Constantinople; celui "Egypte, qui a reçu le nom de thébaïque. L’opium a été analysé par plusieurs chimistes. Il contient : la morphine, la codéine, la narcotine, l'acide méconique, un acide extractif brun, la résine, l'huile grasse, la thébaïne ou paramorphine, la narcéine, la bassorine, la gomme, du caoutchouc, du ligneux, un principe vireux volatil, et sans doute de l’al- bumine végétale. L'eau dissout environ les deux tiers de la substance de l’opium. Le résidu consiste principalement en résine, narcotine, caoutchouc. L'alcool en dissout les quatre cin- quièmes. L’éther a peu d'action sur les principes constitutifs de l’opium, si ce n’est sur la narcotine. Une douce chaleur le ramollit et lui fait perdre de 6 à 15 pour 100 d'humidité. (Les principes les plus actifs de l’opium sont au nombre de six : la morphine, la co- déine, la narcéine, la narcoline, la thébaïne, la papavérine. Nous ne citerons que pour mémoire l’opianine, trouvée dans l’opium d'Egypte par Hinterberger, et se rapprochant de la morphine sous tous les rapports; la porphyroxine, qu'on suppose exister dans ce- lui du Bengale; la pseudo-morphine, dans celui du Levant. 748 PAVOT. La MORPHINE (C5°H?0AZ05 + 2H0) (1) est une substance alcaline, blanche, cristal- lisant en aiguilles à quatre faces, inodore, d'une saveur amère, insoluble dans l’eau froide, soluble dans 92 parties d’eau bouillante, dans 40 d'alcool anhydre ; très-peu soluble dans l’éther, se dissolvant dans les corps gras, les huiles volatiles, les alcalis caustiques formant avec les acides des sels définis. donnant avec les sels de fer peroxydés et l’a- cide iodique une coloration bleue ou violette; l'acide azotique la colore en rouge. Get alcaloïde se rencontre dans l’opium à l’état de méconate de morphine, et s’y trouve dans la proportion de 2 à 10 pour 400 en moyenne. On peut s'assurer de la richesse de l’opium en morphine en versant de l’'ammoniaque faible dans un soluté d’opium. L'opium qui donne le précipité le plus abondant et le moins coloré est le meilleur. On arrive par des procédés qui ressortent de la pharma- cie (2) au dosage rigoureux de cet alcaloïde. Les sels de morphine employés en médecine sont le chlorhydrate, l’acétate, le sul- fate; le plus usité ést le chlorhydrate, lequel est inodore, incolore, d’une saveur extrè- mement amère, en poudre fine ou en cristaux très-déliés. Sa solubilité dans 16 parties d’eau froide et à poids égal dans l’eau bouillante, le fait préférer à la morphine. Le sul- fate est plus soluble, mais n’est pas aussi universellement usité. La CODÉINE (C55H?0 AZ OS), découverte par Robiquet en 1832, est en cristaux volu- mineux et transparents, octaédriques, solubles dans l’eau, l'alcool et l’éther (ce qui la différencie de la morphine; elle est lævogyre, amère et franchement alcaline. Elle n’est colorée ni par l'acide azotique, ni par le perchlorure de fer; elle est insoluble dans les alcalis. Elle forme avec les acides des sels cristallisables; c’est en effet du chlorhydrate double de morphine et de codéine (sel de Gregory) qu’on l’extrait. La teinture de noix de galle précipite abondamment les sels de codéine, ce qui a lieu d’une manière moins complète pour les sels de morphine. La codéine existe dans l’opium dans une propor- tion de 1/2 à 4 pour 100. , La NARCÉINE (C5? H°#A70!6), découverte par Pelletier en 1832, se présente sous la forme d’une matière blanche, neutre, très-amère, soyeuse, en aiguilles fines allongées formant des prismes à quatre pans; peu soluble dans l’eau froide, plus dans l’eau bouil- lante, un peu davantage dans l'alcool, insoluble dans l’éther. Les acides la colorent en bleu, à l'exception de l'acide nitrique, qui lui donne une teinte jaune. Légèrement lævo- uvre, elle est fusible à 72 degrés. Les acides étendus se combinent avec la narcéine et donnent, entre autres sels, un chlorhydrate, un sulfate, un nitrate encore peu étu- diés, La NARCOTINE (C46H?5 AzO!!), connue aussi sous le nom de se de Derosne, du nom du chimiste qui l’a découverte en 1803, est une matière solide, blanche ou un peu jau- nätre, inodore et insipide, cristallisant en prismes droits à base rhomboïdale, fusible, insoluble dans l’eau froide, très-soluble dans l’éther, lalcool et les huiles volatiles; sa solution est neutre aux couleurs végétales. Elle se combine avec les acides, et forme avec eux des sels très-amers. L’opium en contient de 4 à 8 pour 100. La THÉBAÏNE (C?°H!#AZO5, suivant Kane; C5SH?1AZ06, suivant d’autres auteurs), découverte par Thiboumery, forme des cristaux blancs en aiguilles courtes, solubles dans l’eau, l'alcool froids et dans l’éther. Elle est plus âcre qu’amère, alcaline, fusible à 130 degrés; elle ne rougit pas par l'acide nitrique, ne donne pas de coloration bleue avec les sels de fer peroxydés. Elle forme avec les acides dilués des combinaisons cris- tallisables encore peu connues. La PAPAVERINE (C#0H?1A70O8), découverte en 1848 par Merk, de Darmstadt, res- semble à la narcotine, et bleuit par l’acide sulfurique concentré.) Subslances incompatibles avec l'opium. — L'ammoniaque, les carbonates de soude et ‘de potasse, le bichlorure de mercure, le nitrate d'argent, l’acétate de plomb, les sulfates de cuivre, de zinc et de fer, l’infusion de noix de galle, le café. Les semences de pavot somnifère, qui ne possèdent point les propriétés du péricarpe et sont même inusitées en pharmacie, fournissent au commerce l'huile d’æillette (alté- ration du mot olielle (de l'italien olietto, ou olevette, on pelite huile), dont les qualités, (1) I faut noter qu'il existe entre les chimistes de grandes dissidences pour les formules des alcaloïdes de l’opium. Le Codex de 1866 donne la suivante à la morphine, C**H'° Az OS, 2H0O, et à la codéine C#5H°! Az OS, 2 HO. Ces deux équivalents d’eau indiquent que le corps a été ob- tenu par voie aqueuse; mais la solution dans l’éther absolu laisse déposer des cristanx anhydres. (2) Voyez Annuaire de Bouchardat, 1858, p. 5. | PAVOT. 749 our les usages alimentaires, se rapprochent de l'huile d'olive. D'une belle couleur londe, d'une saveur agréable, elle ne rancit pas et se conserve plus longtemps que l'huile d'olive, à laquelle on la mêle en plus ou moins grande quantité; on l’emploie même exclusivement dans le Nord, sans s'en douter, Il est très-facile de reconnaître cette fraude. L'huile d'olive se coagule dès que le thermomètre est à 8 ou 10 degrés au-des- sus de zéro, tandis que celle d’œillette ne se congèle qu'à 10 degrés au-dessous de zéro. Les trailés de chimie indiquent plusieurs moyens de reconnaitre ces falsifications. L'huile d'œillette, étant siccative, ne peut servir à l'éclairage ; mais les peintres s'en servent quelquefois et augmentent encore ses propriétés siccalives en la faisant cuire avec un nouet contenant de la litharge. Le marc qui reste après l'expression de l'huile sert à nourrir les vaches, les porcs el les oiseaux de basse-cour. Les anciens rangeaient les semences de pavot parmi les substances alimentaires. Elles sont encore employées dans différents mets à Trente, en Pologne, en Hongrie et dans diverses parties de l'Orient, En Italie, et surtout à Gênes, on en faisait de petites dragées que les dames, au rapport de Tournefort, aimaient beaucoup, Ces semences, purement oléagineuses et féculentes, pourraient être employées comme alimentaires. (Cependant, selon Meurein (de Lille), elles contiendraient de la morphine dans l’épisperme.) OPIUM INDIGÈNE. — On peut obtenir du pavot de nos contrées tempérées un opium dont les qualités ont été constalées par l’analyse chimique et par l’expérimentation thé- rapeutique. Belon a eu la première idée de l'extraction de cette substance du pavot somnifère. « Nous sommes persuadé, dit Bodart, qu’il est possible d'extraire de l’opium des têtes de pavot cultivé en France, et surtout dans nos départements du Midi... La Calabre , certaines parties de l'Italie, la Toscane, où nous avons vu des champs entiers de pavots portant des têtes extrêmement grosses; l'Espagne, le Portugal, les départements du Midi, et surtout celui de Vaucluse, de la Dréme, des Bouches-du- Rhône, sont les lieux où il conviendrait de renouveler les essais avec la précision convenable... Les expériences de Falk, à Stockholm; d’Alston, à Edimbourg, qui, dans l'espace d’une heure, recueillit 4 gros d’opium; de Charas, de Dillen, de Haller, à Got- tingue; de Tralles, en Silésie, doivent encourager à tenter de nouveaux essais pour 0b- tenir un véritable opium indigène, soit par le choix du terrain ou du climat, soit par la manière de le préparer et de l’administrer. » Bella ou Ball, comme l'appelle Simpson, présenta des échantillons d’opium récolté en Angleterre, à la Sogiété d'encouragement, en 1796, peu inférieur à l’opium oriental. Loiseleur-Deslongchamps à conclu d'expériences nombreuses, faites avec autant de soin que d’exactitude : 1° que l’opium indigène retiré du suc qui s'écoule des têtes de pavot égalait en vertu lopium gommeux, et pouvait êlre donné aux mêmes doses ; 20 que l'extrait retiré du suc provenant de la contusion et de l'expression des têtes de pavot vertes et des pédoncules doit être employé à double dose de l’opium gommeux: 3" que l'extrait obtenu du suc vert des tiges et des feuilles du même pavot doit être em- ployé à dose quadruple de l'extrait gommeux du commerce: 4° que l'extrait des têtes de pavot obtenu par décoction n’a pas plus de vertu que le précédent et exige une dé- pense double pour la manipulation; 5° que l'extrait retiré par la décoction des têtes sèches offre le même inconvénient et est encore plus faible ; il en faut 8 grains pour équivaloir à 4 grain d'extrait gommeux; cependant on peut en préparer pour utiliser les tea de pavot, qu’on jette après en avoir retiré la graine pour fabriquer l'huile d'œil- elte. [Malgré les efforts de Petit (de Corbeil), d'Aubergier (de Clermont), de Bénard et de Descharmes (d'Amiens), etc., la culture du pavot, au point de vue de la production de l'opium, n'est pas faite et est improductive. D'un autre côté, il est bien démontré au- jourd’hui que le pavot pourpre, auquel Aubergier donne la préférence, pas plus que tout autre pavot, ne donne l’opium à un titre fixe, et le prétendu opium titré à 10 pour 100 n’est qu’un opium fait de toutes pièces par le mélange de divers opiums. Ajoutons enfin que nous ne voyons aucune nécessité à adopter le nom d'affium (nom persan de l'opium) pour désigner l’opium indigène. Hardy et d’autres expérimentateurs ont obtenu en Algérie de bons opiums du pavot blanc, titrant 8 à 9 pour 100 de morphine. Quant à l’opium du pavot-æillette, il ré- sulte des recherches de Descharmes, Bénard, Acar, Mialhe, Guibourt, Reveil, ete., qu'il contient habituellement de 18 à 26 pour 100 de morphine.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. PAVOT. — A L'INTÉRIEUR. — Décoction ou cool à 22 degrés), de 15 à 20 centigr. (équi- infusion des capsules, 2 à 30 gr. pour 500 gr. valant à la dose de 25 milligr. à 5 centigr. d’eau. d'extrait aqueux d’opium;. Extrait alcoolique (1 de capsule sur 4 d’al- | Sirop (sirop diacode) (1 d'extrait alcoolique 750 sur 8 d’eau et 100 de sirop bouillant), de 15 à 60 gr. (30 de sirop contiennent 30 centigr. d'extrait Ge pavot. On préparait autrefois ce sirop avec des capsules de pavot que l’on faisait digérer dans l’eau; on ajoutait le sucre et l’on évaporait en consistance de sirop. Cette préparation fer- mente avec une extrême facilité. On ne peut éviter cet inconvénient qu’en faisant évaporer en consistance d'extrait et en faisant dissou- dre celui-ci dans un peu d’eau froide, pour l’ajouter ensuite au sirop de sucre. Mais le sirop fait avec l’extrait hydroalcoolique, plus actif, doit être préféré. Les pharmaciens substituent quelquefois au sirop diacode le sirop d’extrait d’opium du Codex. Ce sirop, à dose égale, est beaucoup plus actif que le sirop de pavot, et peut cau- ser des accidents mortels, surtout chez les en- fants, auxquels on administre souvent le sirop de pavot blanc. Cette dernière dénomination devrait être adoptée comme plus précise, dans les prescriptions médicales. (Cela est devenu d’autant plus nécessaire que, pour des rai- sons que nous ne saurions définir, probable- ment pour avoir un produit à titre fixe, le nouveau Codex de 1866 recommande de faire le sirop diacode avec l'extrait d’opium, en l'employant dans les proportions suivantes : extrait d’opium, 50 centigr.; eau distillée, & gr. 50 centigr.; sirop de sucre, 995 gr.; 20 gr. de sirop contiennent 1 centigr. d'extrait d’opium.) Huile des graines (huile d’œillette), de 30 à 60 gr., comme adoucissante, laxative, alté- rante. A L’EXTÉRIEUR. — Décoction, pour lavements, lotions, fomentations, cataplasmes, etc. Huile d’œillette, de 60 à 100 gr., pour lave- ments, liniments, etc. OPIUM. — A L'INTÉRIEUR. — Opium brut, 2 à 10 centigr. et plus, en pilules, en pou- dre, etc. (rarement moitié moins actif que l'extrait). Eau distillée d’opium (opium brut, 1 partie; eau, (. S.), de 5 à 10 gr. (inusitée). Extrait thébaïque (opium purifié, extrait aqueux, muqueux ou gommeux), 1 à 10 centigr., en pilules (mieux en pilules qu’en solution). Extrait alcoolique, mêmes doses. Extrait vineux (laudanum opiatum), opium brut épuisé par le vin blanc et évaporé, — préparation ancienne, oubliée, — mèmes doses que les autres extraits. Extrait acétique ou extrait d’opium de La- louette (opium brut traité par le vinaigre et évaporé), mêmes doses. — Peu usité. Extrait d’opium privé de narcotine, mêmes doses. (Suivant Magendie, l’extrait débar- rassé de narcotine serait sédatif et non ex- citant.) — Inusité. Tablettes d’opium : extrait, 1 partie; sucre, 60; mucilage de gomme adragant, Q. S.; divisez en tablettes de 30 centigr.; chacune contient 14/2 centigr. d'extrait d’opium; dose : 1, 2, 3 et plus. Vin d’opium composé ou laudanum liquide de Sydenham (opium choisi, 64 gr.; safran, 32; cannelle, 4; girofle, 4; vin de Malaga, 500. Macérer quinze jours, passer, exprimer for- PAVOT, tement et filtrer), 20 gouttes représentent 5 centigr. d’extrait (un peu plus), 10 à 20 gouttes dans une potion. Laudanum de Rousseau ou vin d’opium par fermentation (opium choisi, 125 gr.; miel blanc, 375 gr.; eau chaude, 1,875 gr., le- vüûre de bière fraîche, 8 gr. Procéder sui- vant le Codex), 1 gr. représenie environ 1 décigr. d’extrait gommeux d’opium. Gouttes blanches de Rousseau (l’eau distillée qui se produit dans la préparation du lau- danum de Rousseau se conserve mieux que l’eau distillée d’opium), 8 gouttes et plus. — Les formulaires n’en parlent pas. Vinaigre d’opium ou teinture acétique (opium, 32 gr.; vinaigre très-fort, 192 gr.; alcool à 80° cent.— 319 cart., 125 gr. Diviser l’opium dans le vinaigre, ajouter l'alcool, laisser macérer pendant huit à dix jours, passer avec expression et filtrer au papier). Cette formule est telle de la pharmacopée d’Edim- bourg, où elle sert à remplacer les gouttes noires (black drops, gouttes de Lancastre, gouttes des quakers, essence noire anglaise), remède patenté dont on ne connaissait pas bien la composition. La voici : (Gouttes noires anglaises : opium dur, 100 gr.; vinaigre, 600 gr.; safran, 8 gr.; muscades, 25 gr.; sucre, 50 gr. Pulvérisez grossière- ment l’opium, les muscades et le safran; faites macérer huit jours avec les trois quarts du vinaigre; chauffez une demi- heure au bain-marie; passez, exprimez et ajoutez le reste du vinaigre sur le marc; après vingt-quatre heures, exprimez de nouveau, réunissez les liqueurs, filtrez et ajoutez le sucre; faites réduire au bain- marie jusqu’à 200 grammes; le liquide doit marquer 31° Baumé. 1 partie équivaut à 2 de laudanum de Rousseau et à 4 de lau- danum de Sydenham.) Liqueur de Porter (de Bristol) : opium, 195 gr.; incisez et faites digérer pendant vingt-quatre heures dans : acide nitrique, 64 gr.; eau bouillante, 500 gr.; filtrez. — En grande vogue aux Etats-Unis pour remplacer les gouttes noires. Teinture alcoolique (extrait, 10 gr.; alcool à. 60 degrés, 120 gr. Faire dissoudre et macé- rer suffisamment), 15 gouttes contiennent 5 centigr. d’extrait d’opium. — Peu usité en France; très-usité en Angleterre. Teinture ammoniacale ou élixir parégorique (formule de la pharmacopée d’Edimbourg) (opium choisi, 8 gr.; fleurs de benjoin, 12 gr.; safran, 12 gr.; huile volatile d’anis, 2 gr.; ammoniaque liquide, 150 gr.; alcool à 86° centigrades (34 cart.), 350 gr. — Macérer pendant huit jours, filtrer, 50 centigr. à 4 gr. en potion. Teinture d’opium camphrée ou élixir parégo- rique de la pharmacopée de Londres et de Dublin, opium, acide benzoïque et huile vo- latile d’anis, de chaque 3 gr.; camphre, 2 gr.; alcool, 650 gr.; 10 gr. contiennent 5 centigr. d’opium), 4 à 20 gr. Sirop d’extrait d’opium : extrait, 2 gr.; eau distillée, 8 gr.; sirop de sucre, 990 gr. (20 gr. contiennent 4 centigr, d'extrait). — Très- usité. Sirop de Karabé (sirop d’opium, 100 gr.; es- PAVOT. 751 prit volatil de succin, 50 centigr.), 20 à 30 gr., en potion, {Liqueur sédative de Battley. — C’est une so- lution aqueuse d’opium, très-usitée en An- gleterre, dont la composition est secrète. On suppose qu’elle répond à la suivante : Prenez, opium de Smyrne en poudre, 1 par- tie; sable bien lavé, 2 parties. Môèlez et mouillez avec de l’eau; introduisez dans un appareil à déplacement et versez eau distillée à 15 degrés, jusqu’à ce que l’eau qui passe ait perdu toute couleur et toute senteur. Evaporez la liqueur (à la vapeur ou au bain-marie) jusqu’à consistance pilu- laire. Prenez de cet extrait 3 onces (96 gr.), et eau distillée 30 onces fluides. — Mèlez. — Faites bouillir deux minutes; laissez re- froidir; filtrez. — Ajoutez 6 onces d'esprit de vin et eau distillée Q. S. pour faire en- viron 40 onces; doses, de 10 à 40 gouttes (40 gouttes équivalent à 60 gouttes de lau- danum). (Cooley.) MORPHINE. — Acétate, citrate, sulfate ou chlorhydrate, 1, 2 et progressivement 3, 4, à cause de leur solubilité, 5 centigr., en potions, poudre, pilules. — Plus souvent employés par la voie endermique. Sirop de morphine : acétate, sulfate ou chlor- hydrate de morphine, 20 centigr.; sirop simple blanc, 500 gr. (30 gr. contiennent un peu plus de 1 centigr. de sel de mor- phine), 20 à 30 gr., en potion ou par cuil- lerées à café d'heure en heure. — Très- employé. CODÉINE (médicament cher). — Poudre, 2 à 10 centigr. progressivement, en pilules, po- tion. Chlorhydrate et azotate de codéine, 5 centigr. progressivement, en potion, pilules. Sirop de codéine. — Contient 10 centigr. de codéine par 30 gr. — Particulièrement em- ployé chez les enfants, à la dose d’une à deux cuillerées à café par jour. NARCÉINE (médicament cher). — Sirop de narcéine (narcéine, 25 centigr.; sirop simple, 500 gr.; acide citrique, (. S. pour dissou- dre; 20 gr. contiennent 1 centigr. de nar- céine), de 1 à 10 centigr. À L'EXTÉRIEUR, — Extrait d’opium , 10 à 60 centigr. par 30 gr. d’eau, pour fomentation, injection, gargarisme, collyre, etc.; 1 à 2 sur 30 d’axonge, pour pommade. Teinture et laudanum de Sydenham, de 3 à 5 sur 30 de liquide, pour lotions, fomen- tations, etc., ou de cérat, pour liniment, pommade. Morphine et ses sels en poudre, 2 à 10 centigr. par la méthode endermique ou en solution dans 100 gr. d’eau, pour injections, lotions, fomentations ; 1 sur 20 d’axonge, pour pom- made. (Solution de chlorhydrate de morphine (le sel le plus soluble) au vingtième, pour injec- tions sous-cutancées. On emploie aussi le sulfate, mais plus rarement. On peut com- mencer par 1/2 centigr.et aller à 5 centigr., et même au delà, suivant la tolérance ou les indications. Brichereau (1) adopte une solution aussi concentrée que possible : 20 centigr. pour k gr. d’eau (1 goutte contient 1/4 de centi- gramme de la substance active; un tour de piston en injecte 1 goutte. (Pour tout ce qui concerne les injections sous-cutances, voyez page 789-903.) Solution de chlorhydrate de CopÉINE au ving- tième, pour injections sous-cutanées (Pied- vache), de 10 à 30 divisions et plus pro- gressivement. Narcéine (solution pour injections sous-cu- tanées, 30 centigr. pour 30 gr. de véhi- cule), de 3 à 20 centigr. dans les vingt- quatre heures. — On à aussi prescrit le chlorhyärate de narcéine, en solution au dixième ou au cinquième, à la dose de 10 à :0 centigr. (Behier.) L’opium entre dans la composition des pi- lules de cynoglosse, qui contiennent un hui- tième de leur poids d’extrait, de la poudre de Dower, de la thériaque, du diascordium, pré- parations encore employées, et dans celles de beaucoup d’autres plus ou moins oubliées. La capsule du PAvoT, ainsi que nous l’avons dit plus haut, contenant en moindre proportion les mêmes principes que l’opium, jouit à un plus faible degré des mêmes propriétés, et est employée dans les mêmes cas que ce dernier. Mais son action est plus incertaine que celle de l’opium, et il est difficile d'établir avec certitude des rapports de thérapeutique entre eux, à cause des variations -qui se rencontrent dans la composition des têtes de pavot, suivant le climat où la plante est venue (les pavots du Midi contenant plus de principes actifs que ceux du Nord), l’époque de leur récolte, la température plus ou moins élevée qui a régné, les soins apportés à leur dessiccation, etc. Je donne à l’intérieur l’infusion de têtes de pavot sèches à la dose de 2 à 6 gr. pour 500 gr. d’eau. J’augmernte cette dose selon les effets produits. Cette infusion miellée ou sucrée est calmante, et convient, prise par demi- tasses, dans les affections catarrhales, les toux nerveuses, les irritations in- testinales, les diarrhées, la dysenterie, les vomissements spasmodiques, les fièvres intermittentes et éruptives, les douleurs du cancer, la blennorrhagie, le catarrhe, etc. (1) Bulletin général de thérapeutique, 1865. 752 PAVOT. Il est prudent de n’admiauistrer d’abord ies préparations de têtes de pavot à l’intérieur qu'à petites doses, que l’on augmente graduellement. Alors elles provoquent le sommeil, causent des rêvasseries, de la pesanteur de tête. À dose plus élevée, elles déterminent de l’assoupissement, des hallucinations. Il n’est pas rare de voir des accidents se développer, des symptômes de narcotisme survenir à la suite de l’ingestion du sirop de pa- vot blanc ou de l'administration d’un lavement fait avec une seule capsule de cette plante. Petit a vu une sorte d’empoisonnement par des têtes de pa- vot vertes, administrées de cette manière (1). Louyer-Villermay a signalé plusieurs cas semblables à l’Académie de médecine. Rouxel, médecin à Boulogne-sur-Mer, m'a cité un cas de narcotisme suivi de mort chez une dame, par l'effet d’un lavement préparé avec une seule tête de pavot blanc. J'ai vu un enfant de deux ans, jouissant de la meilleure santé, succomber au narcotisme avec congestion considérable au cerveau, à la suite de l’ad- ministration de 42 à 15 gr. de sirop de pavot blanc, que la veuve d’un pharmacien avait donné au lieu de sirop de coquelicot, pour calmer une toux causée par la dentition. Les nourrices emploient quelquefois la décoc- tion de tête de pavot dans le lait ou dans la bouillie des enfants pour les endormir. Wendt (2) a cité des exemples d'enfants empoisonnés par cette coupable manœuvre. J’en ai observé un cas à Saint-Pierre-lès-Calais, en 1818, chez un enfant de cinq mois, auquel on avait donné le soir de la dé- coction de tête de pavot dans le lait, et qui est mort dans la nuit même. J'ai vu des enfants qui, ne pouvant plus dormir sans l’emploi journalier et progressivement augmenté de la décoction ou du sirop de pavot, étaient tombés, par l’altération des fonctions assimilatrices et par une sorte d’in- toxication lente, dans l’amaigrissement et le marasme. Les inflammations internes, les fièvres continues, les accidents de la den- tition, contre-indiquent presque toujours l'usage du pavot. Quand on le donne dans ces cas, pour modérer la douleur ou calmer des symptômes nerveux, il faut préalablement employer les émissions sanguines. De même que l’opium, il est nuisible dans les coliques et les affections gastro-intesti- nales résultant d’une indigestion ou de l’accumulation de matières .sabur- rales dans l’estomac ou dans les intestins. On peut établir, comme règle générale, que le pavot et ses préparations sont contre-indiqués chez les sujets disposés aux congestions cérébrales, ou d’un tempérament sanguin, dans les réactions fébriles très-intenses, la constipation, les sueurs exces- sives, et pendant qu'une évacuation critique s'opère. A l'extérieur, on emploie la décoction de tête de pavot en lavement dans les inflammations abdominales, les coliques nerveuses, pour calmer les douleurs (trop souvent on ordonne aux enfants, en lavements, la décoction d’une tête de pavot, laquelle empoisonne invariablement si elle est gardée); en fomentation, en bain, en gargarisme, en cataplasme avec la farine de graine de lin ou la racine de guimauve, contre les inflammations externes. Le suc des feuilles de pavot, appliqué sur la piqûre des guêpes et des abeilles, fait cesser la douleur presque instantanément. L'HUILE D'ŒILLETTE peut remplacer en thérapeutique les huiles d'olive, d'amande douce, de lin et de noix. Wauters, dans une dissertation en langue flamande, sur les huiles indi- gènes (3), rapporte avoir prescrit plusieurs fois à une femme de la Campagne atteinte de constipation, 4 onces d'huile de semences de pavot obtenue par expression à froid, et avoir provoqué chaque fois deux ou trois selles. Le ricin, que l’on cultive maintenant en France, nous fournit une huile efficace, een étenee E 1T Ct CC C1 (1) Journal de chimie médicale, 1827, t. IL, p. 4. (2) Bulletin des sciences médicales de Férussac, 1824, p. 148 ot 251. (3) Bruxelles, 1788, p. 6. PAVOT. 753 tant comme laxative que comme vermifuge; mais, à défaut de celle-ci, l'huile douce de moutarde, celles d’œillette, de navette ou de lin, peuvent ètre employées, Dubois, de Tournai, a substitué l'huile d’œæillette, dont la saveur est douce et qu’on trouve partout à bon marché, à l'huile de foie de morue, dont le goût est désagréable et le prix souvent élevé dans certaines localités. Ce mé- decin pense que la plupart des huiles, soit animales, soit végétales, jouissent de propriétés plus ou moins analogues à celle de foie de morue. Il ne croit pas que ce soit à l’iode, que cette dernière contient, que l’on doive attri- buer les propriétés dont elle jouit. « Autant vaudrait dire, s’écrie-t-il, qu'avec deux ou trois grains d'iode (l’huile de foie de morue en contient autant par litre) administrés en cinq ou six mois, on peut guérir les affec- tions les plus rebelles, telles que le rachitisme et les scrofules ! Si c’est à l’iode qu'on doit attribuer les propriétés médicales de l'huile de morue, alors à quoi bon recourir à une substance dégoûtante, trois fois plus détes- table à prendre, quand il s’agit d’administrer tout simplement une dose infiniment petite d’un médicament qui ne répugne à personne ? » (4) L'auteur rapporte vingt-quatre observations détaillées dans lesquelles l'huile de pavot, donnée à la dose d’une ou deux cuillerées à café matin et soir, et portée graduellement jusqu’à 2 onces par jour, a été suivie d’heu- reux résultats. Les malades appartenaient tous à la classe indigente; ils ha- bitaient des réduits obscurs, peu aérés, et se nourrissaient de mauvais ali- ments, circonstances qui prouvent plus clairement l'efficacité de l'huile d’æillette, et tendent à faire voir que c’est exclusivement à son usage qu’on doit attribuer les succès obtenus. (Telle est aussi l'opinion de Bagot et Stapleton (2), Duncan et Nunn (3). Nous ne nions pas que l’élément gras joue un grand rôle dans l’action régénératrice de l'huile de foie de morue. Mais il y a aussi la présence de substances actives, intimement combinées avec lui. L'effet thérapeutique n’est pas plutôt produit par l’iode que par l’élé- ment gras; il résulte de l’ensemble de ces deux principes unis par la nature à l’état de combinaison vivante, si je puis m’exprimer ainsi. Au point de vue de la faculté d’assimilation, on ne peut, en outre, comparer l'huile de foie de poisson à des huiles végétales. On sait que les huiles animales sont absorbées avec plus de rapidité et assimilées avec plus de facilité.) (Voyez le rapport du docteur H. Cazin, sur les opérations de la 4° section du jury de l'Exposition internationale de pêche de Boulogne-sur-Mer. Asselin, édi- teur, 1867.) L'Oriux est un poison narcotique violent et un médicament précieux. introduit à petite dose dans les voies digestives, il produit une excitation plus ou moins énergique, mais instantanée. Le pouls est plus fréquent, plus élevé, la face plus colorée, l'imagination plus éveillée, la chaleur générale plus prononcée, les fonctions de la peau plus actives, la respiration moins libre. A ces phénomènes succèdent bientôt un état de calme et un som- meil tranquille ou plus ou moins agité. A dose un peu plus forte, il agit comme stimulant très-énergique du système circulatoire; il augmente la force, la fréquence et la plénitude du pouls, ainsi que la chaleur animale. Il y a exaltation des fonctions intellectuelles, puis de l'inquiétude, de la pesanteur de tête, un affaissement général, et un sommeil agité et non ré- parateur. A grande dose, l’opium produit, peu après son ingestion, des nausées el quelquefois des vomissements, un état d’affaissement et de somnolence, et même le coma le plus profond, l’insensibilité à toute espèce de stimula- (1) Annales de la Société de médecine de Gand, 181. (a Dublin med. Press. mars 1850. 3) London med. Gazette, février 1850. L8 754 PAVOT. tion. La face est pâle, la physionomie calme, les pupilles ordinairement con- tractées, presque insensibles à la lumière; la peau a sa chaleur naturelle et est même quelquefois froide; le pouls est développé, plein, large, fort ou petit, serré et très-accéléré. Des mouvements convulsifs ont lieu dans quel- ques parties du Corps, ainsi que quelques tremblements passagers. Dans certains Cas , et surtout chez les jeunes enfants, on observe des convulsions générales, des symptômes de congestion au cerveau manifestés par le gon- flement de la face et du cou, les yeux proéminents, fixes, immobiles, ecchv- mosés. La teinte bleuâtre de la peau, la tension et la dureté de l’abdomen, le relâchement des muscles du tronc et des membres, l’affaiblissement du pouls, la respiration interceptée, pénible, suspirieuse, stertoreuse; l’expul- sion de matières visqueuses par la bouche et le nez, enfin le refroidisse- ment, la pâleur, la mort, tels sont les symptômes qui complètent le tableau de l’empoisonnement par l’opium. (La mort arrive par congestion cérébrale.) Parmi ces symptômes, les uns sont plus prononcés que les autres, suivant les dispositions individuelles. Il s'écoule ordinairement, suivant Christison (1), de sept à douze heures, entre le moment où le poison a été pris et celui où la mort a lieu. Un grand nombre de ceux qui survivent après douze heures se rétablissent,. bien que l’on cite plusieurs cas devenus funestes après un temps plus long. Quelquefois aussi la mort arrive bien plus tôt, par exemple, en six, en quatre, et même en trois heures. Lorsque cet empoisonnement n’est pas suivi de mort, les symptômes diminuent graduellement après douze, vingt-quatre ou quarante-huit heures, et se terminent par une sueur générale et le rétablissement des excrétions supprimées. Le malade sort comme d’un rêve, et croit quelquefois que son sommeil n’a été que de courte durée. Après la mort, le corps se putréfie promptement; il y a engorgement des vaisseaux cérébraux, les poumons sont rouges ou violacés, plus denses, plus. serrés, plus gorgés de sang; le cœur et les gros vaisseaux veineux sont pleins d’un sang noir. La membrane muqueuse de l’estomac et de l'intestin est quelquefois enflammée; mais cette phlegmasie a pu être produite, du moins. ca partie, par quelques-uns des moyens employés pour combattre les. symptômes de l’empoisonnement, ou même n’avoir jamais existé qu’en ap- parence, l'injection passive survenue après la mort pouvant la simuler. Quelquefois on ne trouve aucune lésion sensible après la mort. La quantité d’opium nécessaire pour faire naître l’appareil des symptômes de l’empoisonnement est relative à l’âge, au tempérament, à l’idiosyncrasie du sujet, au genre de maladie dont il peut être affecté, et à diverses autres circonstances. Une très-petite quantité de cette substance peut produire le- narcotisme chez certaines personnes, tandis que chez d’autres 95 centigr. et plus ne déterminent aucun symptôme grave. Zacutus Luzitanus rapporte qu’un individu, tourmenté d’une douleur d'oreille qui l’empêchait de se livrer au sommeil, se mit, par le conseil d’un charlatan, un morceau d’o- pium dans l'oreille. Le malade dormit; mais il eut à son réveil quelques mouyements convulsifs, devint fou, stupide, imbécile, et mourut bientôt après. Gaubius dit qu’un malade fut endormi et mourut pour avoir pris un lavement dans lequel on avait fait entrer 4 grains d’opium. Quarin à vu un seul grain d’opium, ou 20 gouttes de laudanum liquide de Sydenham, donné dans un lavement, produire un malaise remarquable et un commencement de paralysie des extrémités inférieures. Monro cite un cas où un emplâtre opiacé, appliqué aux tempes, à rendu furieux et déterminé des spasmes dans la bouche. J’ai été témoin d’un état de somnolence qui a duré vingt- (1) On poisons, p. 623, PAVOT. 755 quatre heures, chez une dame qui s'était introduit dans une dent cariée un peu de coton imbibé de laudanum liquide, Des accidents graves et même la mort ont souvent lieu chez les enfants, et surtout chez les nouveau-nés, par la dose la plus légère d’opium; il pro- duit chez eux l’assoupissement, l’insensibilité et les convulsions. (Claude Bernard, dans des expériences dont nous reproduisons plus loin (p. 785) les résultats, a établi que les jeunes animaux étaient aussi beaucoup plus sensibles aux effets des alcaloïdes de l’opium. Dans ses leçons cliniques, Trousseau insistait avec énergie sur l'ignorance où sont encore beaucoup de médecins, quant à cette excessive susceptibilité des enfants pour l’opium ou ses préparations. On ignore trop souvent, disait-il, qu’à l’âge d’un an, par exemple, une seule goutte de laudanum de Sydenham, c’est-à-dire un vingt- deuxième de grain d’opium, est un narcotique qui stupéfie l'enfant pour deux jours. L'Annuaire de Bouchardat (1858) relate, page 7, un cas d’empoi- sonnement mortel d’un enfant de quatre jours par environ deux gouttes de laudanum.) Chez les vieillards, l’opium, même en très-petite quantité, favorise les congestions cérébrales ou anéantit promptement le principe vital déjà très- affaibli. J'ai vu le sirop diacode, donné lesoir à la dose de 30 gr. à un vieillard de soixante-dix-neuf ans, pour calmer la toux, causer promptement le nar- cotisme et la mort. De hautes doses d’opium peuvent être supportées quand on y est arrivé par degrés, et que l'habitude a produit l’'émoussement. (Cependant il arrive un moment où l’organisme se révolte de ces perturbations. Nous trouvons un exemple de cette non-tolérance dans la dégradation physique et morale dans laquelle tombent les fumeurs et les mangeurs d’opium en Chine, où, malgré les décrets condamnant à mort ceux qui fument ou vendent l’opium, un bon fumeur en consomme environ 3 gr. par Jour; mais quelquefois la dose s’élève jusqu’à 100 gr. Suivant Libermaun (1), la vie de ce malheureux se di- vise en trois phases : une phase préparatoire où l’économie se débat avant de s’habituer au narcotique ; une seconde où, l’habitude prise, il ne ressent que les sensations agréables; enfin une dernière et terrible période où éclatent les suites déplorables de cette funeste passion par une intoxication lente, le narcotisme chronique, par une désorganisation graduelle, finissant par amener la mort. Nous regrettons que le cadre, déjà trop grand, de ce livre ne nous per- mette pas de reproduire ici une partie de cette étude remarquable à plus d’un titre. Lisez ce travail d’un médecin philosophe; suivez avec lui l’affais- sement graduel de l'être, d’excitation en excitation, poussé à la déprava- tion, au suicide, etc. Nous devons cependant tout particulièrement signaler à votre attention l’insensibilité cutanée soutenue, qui succède à l’usage pro- longé de la fumée de l’opium et se manifeste même en dehors de la durée de l'ivresse opiacée. Des fumeurs parfaitement éveillés peuvent garder sur un point de leur corps, pendant quelques minutes, un charbon ardent sans s’en apercevoir. Nous aurons à établir un point de comparaison entre ces phénomènes et l'application de l’opium à l’anesthésie chirurgicale). | Lorsqu'un état morbide particulier l'exige, les doses d’opium peuvent être singulièrement élevées; dans ce dernier cas, les narcotiques sont d’autant plus facilement supportés et produisent d'autant moins d’effet que la dou- leur est plus vive, que le spasme est plus prononcé, que le système nerveux est plus exalté. L'administration de l’opium à grande dose dans le tétanos en est une preuve. On a donné dans cette affection jusqu'à 30 gr., et même beaucoup plus, de laudanum liquide de Sydenham dans les vingt-quatre heures, sans produire la sédation du système nerveux, (1) Les Fumeurs d'opium en Chine. Paris, 1862, V. Rozier, gr. in-8°, 756 PAVOT. Un spasme local avec éréthisme général, exaltation de la sensibilité, ten- sion du système nerveux, peut diminuer l'effet de l’opium et des stupéfiants en général. J'ai rapporté à ce sujet un fait très-curieux à l’article BELLA- DONE. Les effets de l’opium sont les mêmes, quelle que soit la voie par laquelle on l’introduit; mais ils se manifestent avec plus ou moins de rapidité et d'intensité, à dose égale, par une voie ou par une autre; 5 centigr. d’un sel de morphine sur le derme dénudé causent presque immédiatement la soif, les vomissements, la somnolence, la pesanteur de tête, le trouble de la vi- sion. Si ce sel a été pris par la bouche, les symptômes ne se développent qu'après une, deux ou trois heures, et les vomissements n’ont lieu ordinaire- ment qu'après un, deux ou trois jours. Nous avons déjà fait remarquer à l’article DicirALE que les médicaments pris en lavements agissent plus éner- giquement que lorsqu'ils sont introduits par l'estomac, pourvu, toutefois, ue leur séjour soit aussi prolongé dans le premier cas que dans le se- cond. Cette différence dépend, non de la plus grande force d’absorption dans le gros intestin, mais de l’impossibilité où est cet organe d’altérer par la digestion les substances soumises à son action. (En outre, le médica- ment, dans le cas d'affection douloureuse des organes du bassin ou. de l’ab- domen, a infiniment plus d’efficacité, lorsqu'on l’administre sous forme de lavements, que quand on le fait prendre par la bouche. Les méthodes iatraleptique, endermique, hypodermique, recevront, dans le courant de cet article, les développements dans lesquels nous ne pouvons renirer ici, même d’une façon générale.) Dans l’empoisornnement par l’opium, on doit : 1° provoquer l’expulsion des restes du poison au moyen de l’eau tiède, des titillations de la luette, de l’émétique, ou même du sulfate de cuivre à petites doses. Cette indica- tion est d’autant plus importante à remplir que le temps écoulé depuis lin- gestion du poison est moins considérable; 2° faire prendre une dissolution de tannin (6 gr. pour 250 gr. d’eau sucrée), ou de la décoction de noix de galle, et provoquer ensuite de nouveau les vomissements; 3° combattre actuellement les symptômes en raison de leur nature : le narcotisme, par le café administré en lavement, soit en infusion, soit en décoction, d’autant plus concentrées que le malade est plus âgé; par l’eau vinaigrée, la limo- nade citrique, dans laquelle on aura même exprimé du suc de citron pour la rendre plus active; par des frictions sur toute la surface du corps; par tous les genres de stimulation, tels que le réveil fréquent, la marche for- cée, afin de s’opposer à la stupeur continuelle. (Dans certains cas, l'excitation cutanée sera entretenue par des piqûres, des flagellations ou le pincement. La Gazette des hôpitaux (mars 1858) relate une remarquable observation de guérison par ce moyen. On arrivera au même but, et, avec plus de certitude, avec la faradisation. Consultez, à ce sujet, la relation d’un cas intéressant publié par le Dublin med, press (no- vembre 1864). Ce moyen peut être utile dans les cas graves pour rétablir les fonctions respiratoires dans leur jeu physiologique; on pourra aussi avoir recours à la respiration artificielle.) S'il y a diminution notable de la chaleur de la peau et de la sensibilité, on appliquera des sinapismes. aux mollets, sur les coudes-pieds; on repas- sera les membres avec des fers chauds, on mettra un corps chaud à la plante des pieds. (On appliquera même le marteau de Mayor.) Existe-t-il de la fré- quence et de la dureté dans le pouls, avec des symptômes de congestion cérébrale, on saignera le malade. Il a été observé que dans un grand nombre de cas les saignées ont été très-utiles (4). Giacomini considère la saignée comme le remède par excellence dans (1) Devergie, Médecine légale. PAVOT. 757 l'intoxication par l’opium, quelles que soient son intensité et sa période, Suivant cet auteur, elle a réussi, tant au début de l’empoisonnement, alors qu'il y avait surexcitalion manifeste, qu'à une époque où les malades pré- sentaient tous les symptômes de l'oppression, de l'asphyxie. (Dans l'empoi- sonnement par les opiacés, la saignée est une arme à deux tranchants, dont il ne faut user qu'avec une extrême circonspection et seulement pour ré- pondre à une indication pressante ou parer un danger réel imminent.) L'emploi de la belladone à doses toxiques, proportionnées à l'intensité des symptômes d'empoisonnement causés par l’opium, a combattu les effets de ce dernier par l'antagonisme qui existe entre ces deux agents. (Ce serait ici le lieu de revenir sur cette question si controversée, et qui, depuis quelques années, occupe si vivement le monde médical. A l’article BELLA- DÔNE, nous avons déjà cherché à établir l’antagonisme réciproque des deux agents. De nouveaux faits, des études et des expérimentations sérieuses, ont, depuis l’impression de cette partie de notre ouvrage, apporté de nouveaux documents à l’élucidation de cette importante question. Nous préférons en faire, à la fin de l’article Orrux, l’objet d’une étude spéciale. (Voyez p.797). Comment agit l’opium ? Considéré comme agent thérapeutique, est-il ex- clusivement sédatif, narcotique, tonique ou excitant? L'opinion que l’opium agit uniquement en produisant l'expansion du sang a régné longtemps, et a été presque entièrement adoptée par Frédéric Hoffmann. Cullen rapportait tous les effets de ce médicament au système nerveux. Brown le regardait comme le plus puissant stimulant de tout l’organisme : Opium, me hercle! non sedat, s’écriait-il. Suivant cet auteur, la vive réaction qu’il provoque amène l'épuisement des forces, la faiblesse indirecte. Ainsi que Brown, l’école italienne considère l’opium comme hypersthénisant, et l’asthénie apparente qu'il finit par produire, comme résultant de l'oppression des forces. Suivant Wirtensohn et Barbier, d'Amiens, ce médicament affaiblit la sensibilité, diminue la vitalité des organes, et s’il y a activité de la circu- lation, fréquence et développement du pouls, congestion sanguine au cerveau, etc., c’est parce que le sang, ne pouvant plus franchir les capillaires débilités, frappés de stupeur, reflue dans les vaisseaux, fait réagir le cœur, qui, par des efforts redoublés, mais inutiles, le repousse vers ces mêmes capillaires, où il devient de plus en plus stagnant. Brachet, comme Cullen, attribue les effets de l’opium à la sédation exclusive du système nerveux. D’après Stahl et Bosquillon, celte substance est à la fois stimulante et séda- tive. Hufeland adopte et développe cette opinion : il distingue dans l’opium l'effet sédatif et l'effet excitant, et la seule explication satisfaisante qu’on puisse donner, suivant lui, de sa manière d'agir, consiste à dire qu'il est une combinaison particulière et intime d’un principe narcotique et d’un principe excitant, d’une substance qui agit d’une manière spéciale sur le système nerveux, et d’une autre dont l’action porte particulièrement sur le système sanguin. «L’opium, dit ce célèbre médecin, appartient à la caté- gorie des médicaments dont le mode d’action ne peut point s'expliquer, comme celui des autres, par les idées reçues de stimulus, d’irritation, d’ex- citement; semblable aux agents supérieurs de la nature, à la chaleur, à la lumière, à l'électricité, il agit immédiatement sur la vitalité elle-même, et sur tous les points, détermine des modifications et des manifestations de cette vitalité, la pénètre et la remplit, avec cela de particulier qu'il exalte la sphère organico-végétative de la vie, le travail fondamental de la vie plastique, tandis qu'au contraire il déprime la sphère de la sensibilité. » Giacomini, après avoir exposé les effets de l’opium sur l'organisme, Con- clut : 1° que le tableau de ces effets représente l’hypersthénie à tous les de- grés ; 2 que, dans le commencement de son action, l’opium donné à doses progressives est un hypersthénisant cardiaco-vasculaire et céphalique; 3° que l’action céphalique de l’opium, cependant, est la plus saillante dans 758 PAVOT.: la généralité des cas, parce qu'elle porte sur l’appareil sensorial. « On com-: prendra maintenant, dit cet auteur, pourquoi la sensibilité générale, étant : la première à être excitée sous l'influence de l’opium, est aussi la première. à être embarrassée, oppressée, suspendue, si l’action est excessive; d’où il. résulte un sommeil forcé, un calme passif, une sorte de stupeur patholo- gique, etc. » Tout porte à croire que l’opium, regardé à tort par beaucoup de méde- cins comme irritant primitivement le système entier, et produisant les effets narcotiques comme conséquence de la surexcitation, est simultanément et. puissamment sédatif du système nerveux et excitant du système sanguin. Cette opinion, fondée sur l'observation, n’est pas nouvelle. La propriété à la fois sédative et excitante de l’opium n’a pu échapper à l’admirable sagacité de Sydenham : Rudis enim sit oportet et parum compertam habent hujus medi- camenti vim, qui idem sopori conciliando demulcendis doloribus, et diarrhææ sistendæ applicare tantum novit, cum ad alia plurima, gladi instar Delphici, accommodari possit, et præstantissimum sit remedium, cardiacum unicum pene dixerim, quod in rerum natura hactenus est repertum (1). (Nous verrons plus loin, en reproduisant le résultat des expériences de CI. Bernard, p. 785, comment le mode d’action des divers alcaloïdes de l’opium, considérés isolément, rend compte des effets complexes de cette substance.) A dose thérapeutique, ces effets sur l’économie sont les suivants : 1° Sur le cerveau et le système nerveux, il émousse la sensibilité, provoque le sommeil, calme la douleur et produit quelquefois des rêvasseries, des songes agréables ; il n’y a ni délire violent, ni cris, ce qui, avec le resserre- ment des pupilles, établit une différence bien tranchée entre les effets des préparations d’opium et ceux des solanées, telles que la jusquiame, la bel- ladone, la stramoine; appliqué localement, il engourdit la partie, la rend insensible, fait cesser la douleur ou le spasme dont elle est atteinte; 2° Sur le système circulatoire, il élève le pouls, qui devient plus plein, plus fort, avec légère accélération dans l’état de la santé : mais avec ralen- tissement et régularité s’il était accéléré auparavant par la débilité. La tur- sescence vitale, manifestée par l’expansion, la raréfaction du sang, est considérée par Hufeland comme un effet spécial de l’opium, effet qui se fait remarquer, même dans les cas de débilité extrême, d’anémie. Cet état constitue une pléthore artificielle, qui produit, comme conséquence néces- saire, l'accroissement de la chaleur vitale ; 3° Sur les surfaces exhalantes du tube digestif et des voies aériennes, il dimi- nue la sécrétion de ces surfaces, en engourdissant les vaisseaux excréteurs, et donne ainsi lieu à la perversion des digestions, à la sécheresse de la gorge, à la soif, à la suspension ou à la suppression de l’expectoration, à la constipation ; à dose un peu forte, il produit le vomissement ou de simples envies de vomir; 4 Sur le système cutané ou les vaisseaux capillaires, il produit, d’une part, en raison de l’activité artérielle, l’accroissement du mouvement vers la périphérie (manifesté souvent par un prurit insupportable et caractéri- stique), et, de l’autre, par l’effet sédatif, la cessation du spasme de la peau, le relâchement des orifices vasculaires; de là, l'augmentation de la perspi- ration, la diaphorèse, l’éruption miliaire, Les sueurs sont toujours plus abondantes chez la femme que chez l’homme ; 50 Sur l'appareil génito-urinaire, il stimule l’action des organes qui com- posent cet appareil, produit des rêves voluptueux, des érections, des éjacu- lations. (Ces phénomènes paraissent plutôt devoir être attribués à des suscepti- tel DU AMIE RE RAY BND — AURA Tate an Tupsrisatss A ae. vpn jipg. fui : HA AAA (1) Sydenham, Opera univers., edit. tertia. London, MDCCV, p. 148. FAVOT, 759 bilités individuelles, à la prédominance d’un tempérament porté aux jouis- sances matérielles ; nous trouvons la justification de cette remarque, dans l'effet bien incertain de la fumée d’opium sur l'excitation des organes géni- taux.) Favorise-t-il la sécrétion urinaire, ou ne fait-il qu'exciter la vessie, qui se débarrasse alors de l'urine qu’elle contient? La diminution de l'urine s’observe beaucoup plus souvent que l'augmentation. Cette dernière a plus fréquemment lieu chez l’homme. (Ces variations d'action, qui pourraient impliquer une idée d’elfet contra- dictoire, tiennent évidemment aux doses employées : à haute dose, l'urine devient rouge et rare; l'expulsion de ce liquide réclame souvent des efforts considérables, tandis qu’une dose minime est souvent suivie d’un véritable flux.) | L'exhalation menstruelle est quelquefois modifiée. En général, elle est augmentée ou hâtée. On l’a vue, après avoir cessé depuis quelque temps, se rétablir pendant l’usage de l’opium. Smith (1) signale cinq cas où les règles furent supprimées pendant l'usage de celte substancé; dans quatre il avait été donné comme calmant, dans le cinquième pour remédier à une menstruation trop abondante, et dans cinq cas la suppression ne fut suivie d’aucun accident. Chez deux les règles revinrent aussitôt qu’on cessa l’usage de l’opium; dans le dernier, où cet usage fut continué un an à l'insu du médecin, les règles, après avoir graduellement diminué, cessèrent complé- tement au bout de l’année. Tels sont les effets de la médication opiacée; ils sont tels, que l’un est inséparable de l’autre, et que le médecin ne saurait les obtenir isolément. Toutefois, ils n’ont pas une égale constance. La propriété narcotique, qui est la plus remarquable, ne se manifeste pas toujours; certains sujets, au lieu d’éprouver un effet sédatif, sont surexcités par l’opium, tandis que chez d’autres, ainsi que nous l’avons déjà fait remarquer, il détermine, à très-petites doses, un narcotisme profond. Il produit parfois, sans autre ef- fet, des vomissements violents ou un délire qui peut aller jusqu’à la fureur. J'ai rencontré des femmes chez lesquelles il faisait naître des symptômes d’hystérie. Ces effets exceptionnels, qui attestent, tantôt une réaction vive et anomale, tantôt un système nerveux très-facile à déprimer, sont tout à fait idiosyncrasiques, et n’infirment en rien ce que nous avons dit de l’ac- tion ordinaire de l’opium. (Nous verrons bientôt, en reproduisant les expériences de Claude Bernard sur les alcaloïdes de l’opium, que cet illustre physiologiste a pu assigner à chacun d’eux un rôle particulier dans la production des phénomènes si complexes de l’action de l’opium.) De cette action bien appréciée découlent les indications et les contre- indications de l'emploi thérapeutique de ce médicament. Exposons à ce sujet quelques préceptes généraux. L'opium est indiqué : 4° Dans l’état morbide dit nerveux ou spasmodique, pourvu qu'avec l’exal- tation de la sensibilité il y ait en même temps diminution de l’énergie du système sanguin. Plus ce désaccord est prononcé, plus l’'opium convient. En conséquence, il est toujours donné avec succès dans les cas qui en récla- ment l'emploi, lorsque des pertes abondantes d’humeurs ou des émissions sanguines ont préalablement amené l’affaiblissement de la vie organique; 2 Dans les douleurs, dont il est le spécifique, surtout quant elles sont essentiellement nerveuses, comme dans les névralgies, la gastralgie, la colique, etc. La douleur qui tient à toute autre irritation ou à l'inflamma- (1} Annuaire de thérapeutique, 1845, p. 3. 760 PAVOT. tion, est moins sûrement dissipée par ce médicament, à moins qu'elle né persiste après un traitement antiphlogistique ; 3° Dans l’insomnie, dont il est le remède spécial, quand elle est exclusi- vement nerveuse ; 1] serait nuisible dans l’insomnie causée par une irritation inflammatoire : il produirait alors des troubles, de l'anxiété, de la stase ou des congestions sanguines. Après avoir provoqué le sommeil pendant plu- sieurs jours au moyen de l’opium, la cessation de ce médicament est ordi- nairement suivie d'une insomnie qui peut durer plusieurs semaines. L’opium est contre-indiqué : 1° Dans la pléthore et l’état inflammatoire ou les inflammations, surtoul quand les émissions sanguines n’ont pas été préalablement et suffisamment employées. Il augmente l’irritation phlegmasique et porte le sang à la tête. Ainsi, le début des fièvres étant toujours un mouvement de réaction.inflam- matoire, on devra, dans ce cas, s’en abstenir, de même que dans le cours de toute maladie fébrile où l’angioténie domine. 2° Lorsqu'il y a des aliments dans l’estomac ou accumulation de matières muqueuses, bilieuses, ou des vers dans le tube digestif. Dans ces cas, l’o- pium produit les accidents de l’indigestion, ou retient les matières sabur- rales, dont l'évacuation est de toute nécessité. Cette règle admet une ex- ception. Lorsque, dans une indigestion, le spasme et la douleur de l’estomaec, portés à un haut degré, viennent enrayer la contractilité de cet organe et s'opposent au vomissement, j'emploie l’opium avec le plus grand succès. En faisant cesser promptement ces deux symptômes, il débarrasse l’estomac des aliments qu'il contient; il agit alors indirectement comme vomitif, même après l’emploi du tartre stibié, qui, en pareil cas, est sans effet ou aggrave l’état du malade, ainsi que j'ai eu maintes fois l’occasion de l’ob- server. % Chez les nouveau-nés et chez les enfants en général, surtout pendant la dentition, à cause du peu d’énergie du principe vital chez les premiers, et de la tendance aux congestions cérébrales chez les seconds. Cette contre- indication ne saurait être absolue. Seulement, il faut, autant que possible, chez les enfants, s'abstenir de l’usage des opiacés, ou ne les administrer qu'avec beaucoup de prudence. Je n'ai pu, dans quelques cas, faire cesser des diarrhées qui avaient amené un épuisement effrayant chez des enfants dans les premiers mois de la vie (ce qui arrive surtout chez ceux qui sont artificiellement allaités), qu’en leur administrant, à des intervalles plus ou moins rapprochés, une goutte de laudanum dans un lavement mucilagineux (voyez pages 755 et 756.) Lorsque je suis forcé d’administrer l’opium pendant la dentition, je fais presque toujours appliquer préalablement les sangsues derrière les oreilles et donner quelques bains tièdes. »° Chez les vieillards, en raison du décroissement de la puissance ner- veuse, de la sensibilité, de la vie, et, par conséquent, en raison de la ten- dance à la stase du sang, aux congestions vers le centre circulatoire et le cerveau. Lorsque dans la vieillesse l'emploi de l’opium est impérieusement commandé, on ne doit l’administrer qu'avec une grande circonspection et d’abord à dose très-minime. En général, ainsi que nous l’avons dit plus haut, l’opium sèche la langue, provoque des nausées, de la sueur et retient les excrétions alvines et uri- naires. L'abus de cette substance porte à l’hypochondrie, au marasme, et jette dans de grands maux signalés par Horn et Timmermann. Stahl, dé- tracteur outré de l’opium, lui a reproché d’entraver la marche des maladies, de suspendre les mouvements salutaires et de ne produire souvent qu’un calme perfide. «Quant à l’abus que les malades en peuvent faire, disent Trousseou et Pidoux, il y a cela de grave qu'ils sont obligés d’user de doses successivement croissantes, et qu’invités sans cesse par le bien-être momer- tané qu'ils en éprouvent, ils finissent par se tenir dans un état perpétue! PAVOT. 761 d'ivresse, et tombent bientôt dans ce marasme physique et moral où sont plongés les Orientaux, que les voyageurs nous dépeignent. » Malgré les inconvénients, et les dangers même qu’entraine l'usage ou plutôt l’abus de l’opium, il n’est pas moins démontré que ce médicament héroïque, manié avec sagesse, rend à la thérapeutique les plus grands ser- vices. « Ce remède, dit Sydenham, est si nécessaire à la médecine, qu’elle ne saurait absolument s’en passer : Quinimo ita necessarium est in hominis periti manu organum, jam laudatum medicamentum, ut sine illo manca sit ac claudicet medicina; qui vero eodem instructus fuerit, majora præstabit quam quis ab uno remedio facile speraverit (4). Tour à tour vanté avec eéxagération et blâmé sans réserve, suivant son application judicieuse ou irréfléchie, son emploi mesuré ou abusif, l’opium est, pour me servir de l'expression d’Hufeland, une épée à deux tranchants, un don divin dans la main du maitre, un poison redoutable dans celle de l'homme sans expérience. Aucun autre agent thérapeutique, si ce n’est la belladone, ne peut lui être comparé dans les affections douloureuses et les altérations graves du système nerveux, dans ces angoisses qui brisent pour ainsi dire les liens de la vie et plongent dans le désespoir. Ne serait-il même qu’un remède palliatif, qu'on devrait encore le considérer comme un des plus beaux présents de la Divinité, puisqu'il nous reste comme une der- nière ressource pour calmer la douleur, consoler le malade, relever son courage, et le conduire, bercé par l'espérance, jusqu'aux dernières limites de la vie. Retracer les éloges et rappeler l'espèce de culte dont l’opium a été l'objet, exposer les théories qui l’ont fait considérer tantôt comme une panacée universelle, tantôt comme un médicament dangereux; signaler les cas nombreux dans lesquels il a été employé avec succès, et ceux où il s’est montré nuisible, serait faire à la fois l’histoire de la médecine et passer en revue toute la pathologie. Un tel travail dépasserait beaucoup le but tout pratique que je me suis proposé, et serait d’ailleurs au-dessus de mes forces. Je me contenterai donc de jeter un coup d'œil rapide sur les principales circonstances dans lesquelles l’opium est mis en usage avec succès, et celles où il est inutile ou nuisible. Névroses. — Ici, l’action de l’opium est d’autant plus efficace qu’elle est directement portée sur le système qui est le siége de la maladie. Ce médica- ment est d’une grande utilité dans l’insomnie nerveuse, les névralgies, les vomissements et les toux spasmodiques, en un mot, dans la plupart des névroses. Cependant, certaines affections rerveuses résistent à l'effet de l’opium, ou même empirent sous son influence : telles sont, dans certaines circonstances, l’hystérie, la chorée, l’épilepsie et autres affections convul- sives. C’est que, dans la plupart de ces cas, la maladie est subordonnée à une lésion locale d’où partent les irradiations ou les sympathies que l’on regarde à tort comme idiopathiques. L'irritation phlegmasique ou la lésion organique d’un point de la matrice produisant tous les symptômes de l’hy- stérie, en fournit un exemple qui se présente fréquemment à l'observation. C'est donc contre l'affection locale, cause efficiente des symptômes ner- veux, qu’il faut diriger la médication. Malheureusement, il est souvent diffi- cile de découvrir le siége et la nature de cette affection, et plus difficile encore de la détruire, surtout si déjà elle est passée à l’état de lésion orga- nique. L'opium ne peut, comme on voit, produire d'heureux effets dans les affections nerveuses qu’autant qu’elles sont essentielles, et que l’on a préa- lablement combattu les contre-indications qui s'opposent à son emploi. a à 1 2 ES me (1) Sydenham, Opere cilalo, p. 148. 762 PAVOT. Tétanos. — Cette affection nerveuse par excellence réclame, ainsi que nous l’avons dit plus haut, l'emploi de l’opium à dose élevée et proportion- née à l'intensité de la maladie. « Littleton {in Mérat et Delens) assure que, si on ne guérit pas plus souvent le tétanos avec l’opium, c’est qu’on n’en donne pas assez; il dit avoir fait prendre une once (30 gr.) de laudanum liquide par jour à un enfant de dix ans qui a guéri, et 14 gros (56 gr.) à un. autre sujet, en douze heures de temps, conjointement avec le jalap et :le calomel ; ce qui fait dire à Bégin que dans cette maladie l’estomac digère lPopium. C’est surtout dans le tétanos traumatique que l'effet narcotique et antispasmodique de l’opium ne peut se manifester qu’autant qu’on l’admi- nistre à doses énormes. Cependant, dans les hôpitaux militaires de la Grande Armée, et notamment pendant la campagne de 1809, en Autriche, si désas- treuse par la gravité des blessures, j'ai vu l’opium, administré même aux doses les plus élevées, échouer le plus souvent contre cette cruelle affection. Coindet, de Genève (in Mérat et Delens), a injecté avec succès une solution d’opium dans les veines d’un tétanique. Guérin a également réussi en en frottant les gencives d’un autre tétanique. On le donne en lavement quand la déglutition ne peut avoir lieu. Hufeland préfère cette voie dans tous les cas. On a quelquefois administré des bains d’opium, en faisant dissoudre plusieurs onces de cette substance dans l’eau du bain. (Moyen très-dispen- dieux.) Voyez MoRPHINE. Chorée. — Trousseau et Pidoux vantent beaucoup l’opium à haute dose dans cette névrose. «Dans les cas les plus rebelles, disent ces auteurs, nous avons d’abord tenté, en désespoir de cause, de hautes doses d’opium, et nous sommes arrivés à des résultats si extraordinaires et si satisfaisants, que nous avons depuis lors traité un grand nombre de chorées par cette mé- thode, Mais quand la chorée est très-grave, l’opium doit se donner à des doses considérables de 5 centigr. à 1 gr. par jour : à l'Hôtel-Dieu nous avons porté chez une femme la dose de sulfate de morphine jusqu’à 40 centi- grammes (8 grains) dans les vingt-quatre heures. En un mot, nous faisons donner 25 milligrammes (1/2 grain) d’opium d’heure en heure, jusqu’à ce que les mouvements convulsifs soient notablement calmés, et qu’il y ait commencement d'ivresse; puis nous entretenons toujours le malade dans le même état d'intoxication pendant cinq, six et même huit jours; nous nous arrêtons alors pour donner quelques bains et faire reposer le malade. Puis, nous recommençons quelques jours après. Il est rare qu’au bout de quinze jours la chorée ne soit pas tellement modifiée, que la nature achève elle- même la guérison en peu de temps.» Trousseau et Pidoux auraient dû ajouter que l’opium est toujours nuisible dans les cas de chorée où il y a congestion sanguine au cerveau. Dans un cas de cette espèce, que j'ai ob- servé l’année dernière, chez un garçon de dix ans, à tête volumineuse, à face turgescente et très-colorée, l’opium administré par un médecin de campagne, d’après la méthode de Trousseau et Pidoux, produisit immédia- tement des accidents tels qu’une abondante hémorrhagie nasale put seule le sauver d’un danger imminent. Si, à côté de l’éloge de l’opium contre la chorée, Trousseau et Pidoux eussent placé les contre-indications de son emploi dans cette maladie, l'erreur que nous venons de signaler n’eût pas été commise, Chorée alcoolique ou delirium tremens, avec ou sans délire, ou avec délire sans tremblement. L’opium à petites doses fréquemment répétées, et porté même progressivement à une dose très-élevée, est d’une efficacité reconnue dans cette affection, que l’on considère aujourd’hui comme essentiellement nerveuse, et contre laquelle on emploie bien rarement la saignée, qui, le plus souvent, s’est montrée nuisible : 5 à 15 centigr. peuvent être don- nés toutes les heures jusqu’à ce que le malade s’endorme profondément. PAVOT. 763 J'ai administré, en pareil cas, lorsque l'affection était portée à un haut degré d'intensité, jusqu'à 2 gr. d'extrait d’opium dans les vingt-quatre heures avant d'obtenir l'effet désiré, L'opium réussit également dans la paralysie des ivrognes, Tremblement mercuriel, choree mercurielie. — Trousseau et Pidoux ont guéri très-rapidement, à l’Hôtel-Dieu de Paris, plusieurs chorées mercu- rielles fort graves, en administrant l’opium comme dans le delirium tremens ; mais ils ont remarqué que, dans ce cas spécial, le délire succédait quelque- fois à cette médication, et persistait pendant quelques jours. Hystérie, — L'opium est regardé par un assez grand nombre de praticiens comme généralement utile dans l’hystérie, surtout lorsqu'il existe des dou- leurs aiguës, telles que le clou hystérique, les crampes. Les topiques opia- cés rendent alors de grands services. Bichat (1) conseillait, dans lhystérie, les injections vaginales avec des préparations d’opium, Uni aux antispa- smodiques, disent Trousseau et Pidoux, l’opium est évidemment utile dans l’hystérie ; une mixture dans laquelle entrent l’opium, l’assa fœtida et l’éther, nous à paru convenir à la plupart des phénomènes hystériques. « De tous les agents thérapeutiques, il n’en est aucun, dit Gendrin, qui soit plus ap- proprié à la curation de l’hystérie que l’opium à haute dose. En commençant par 50 centigr. par jour, on arrive à 60, 75 centigr., progressivement, avant d’avoir un effet narcotique; dès que cet effet se produit, tous les accidents hystériques décroissent, et l’on est obligé de diminuer chaque jour les doses d’opium qui provoquent alors la somnolence. Je guéris par ce moyen plus de la moitié des hystériques (2).» Opposons à cette opinion celle de Lan- douzy : «J’ai vu, dit ce praticien, comme le médecin de la Pitié, des hysté- riques supporter sans narcotisme plus de 25 centigr. de chlorhydrate ou d’acétate de morphine par jour; mais j’en ai vu bien davantage chez les- quels les opiacés excitaient des vomissements constants, quoique l’estomac fût en bon état; j'en ai vu surtout un grand nombre chez lesquels l’opium, administré à dose forte ou minime, produisait des syncopes incessantes, et je suis très-loin de le regarder comme pouvant guérir la moitié des hysté- riques. Malgré tout le mérite des travaux de M. Gendrin, on peut penser qu'il se sera laissé illusionner par une série de faits que le hasard n’aura pas assez variés, car l’observation est là, et, après elle, l’appréciation étio- logique, pour montrer que l’opium, à quelque dose qu'il soit administré, doit être considéré comme un calmant momentané, et non comme le re- mède spécifique de l’hystérie (3). » Epilepsie. — L'opium ne peut être utile dans cette affection qu'autant qu'il existe des convulsions prolongées, ou des accès en quelque sorte sub- intrants dont la violence menace la vie. Dans ces cas même, la belladone est beaucoup plus efficace, et est indiquée, en outre, comme remède curatif de cette névrose. Convulsions des enfants. — Les indications curatives dans ces affections sont aussi variables que les causes qui produisent les affections elles-mêmes. Celles-ci sont quelquefois très-obscures. On fait alors la médecine sympto- matique, et si, après s'être assuré qu'il n'existe point de congestion céré- brale, ou lorsque celle-ci a été préalablement combattue par une applica- tion de sangsues au cou ou derrière les oreilles, les convulsions persistent, on peut recourir à l’opium. On donne ordinairement le laudanum en lave- ment. Guérin, de Bordeaux (in Mérat et Delens), a guéri des convulsions, en (1) Matières médicales manuscrites. (2) Note lue à l'Académie royale de médecine, le 11 août 1846. (3) Traité complet de l'hystérie, 2° édit., p. 310, note, 764 PAVOT. appliquant de l’opium sur les plaies dénudées des vésicatoires. Ce moyen exige beaucoup de circonspection chez les enfants. Aliénation mentale. — L’opium est surtout utile dans les vésanies, lorsqu'elles sont essentiellement nerveuses, accompagnées de débilité, ou qu’elles ont pour cause l’abus des spiritueux, des plaisirs de l’amour, etc. Quand il y a excitation vasculaire du cerveau, ou des engorgements abdo- minaux, ainsi qu'on en observe quelquefois dans la mélancolie, l’opium ne peut que nuire. En Angleterre, des aliénistes distingués ont vanté les bons effets de la médication stupéfiante dans certaines formes de l’aliéna- tion. Elle était tombée en France, lorsque Michéa (1) l’a reprise. Ce méde- cin en a obtenu les résultats les plus satisfaisants. Sur dix-sept aliénés traités par l’opium, onze ont guéri, et il y a eu amélioration chez trois autres. Les cas de folie plus ou moins circonscrite étaient au nombre de cinq. Or, sur les onze aliénés guéris, il y avait sept monomaniaques et quatre maniaques : l’opium a donc réussi complétement dans les quatre cinquièmes des cas de délire général, et dans un peu plus de la moitié des cas de folie partielle. Parmi les trois malades dont l’état fut seulement amélioré, il y avait deux monomaniaques et un maniaque. Les sujets chez lesquels la médication a échoué étaient des monomaniaques. Les préparations que Michéa a em- ployées sont l’extrait gommeux d’opium et le chlorhydrate de morphine, mêlés dans du vin, du chocolat, du café au lait, du bouillon ou des potages, de manière à les dérober à la vue et au goût des malades. Les quantités les plus fortes d'extrait gommeux d’opium, pour toute la durée du traitement, ont été de 9 gr. 8 centigr.; les plus faibles, de 3 gr. 9 décigr.; les moyennes, de 7 gr. Les doses les plus élevées de chlorhydrate de morphine ont été de 1 gr. 21 centigr.; les plus faibles, de 57 centigr.; les moyennes, de 1 gr. 17 centigr. Colique métallique, colique de plomb. — L'’opium calme toujours les sym- ptômes nerveux de cette affection, et peut souvent la guérir. Tronchin la traitait par l’opium uni au camphre. Stoll employait une mixture composée de 50 centigr. d’opium, de 180 gr. de sirop de camomille, de 6 gr. d’extrait de fleurs de camomille, et de 45 gr. de fleurs de cette même plante. Cet auteur affirme que le plus souvent il n’est pas besoin de donner de laxatif, l’opium suffisant seul à résoudre le spasme. On sait, d’ailleurs, que l'usage longtemps continué de l’opium détermine la diarrhée. Dehaen donnait ÿ centigr. d’opium toutes les trois heures. Brachet, de Lyon (2), approuve cette méthode et cite des faits à l'appui. Bricheteau a employé, pendant près de vingt ans, l’opium à dose progressive, en commençant par 10 centi- grammes à prendre à deux heures d'intervalle, avec lavements laudanisés, emplâtres opiacés sur le ventre, sans jamais avoir recours aux éméto-cathar- tiques (3). Bouvier et Martin Solon emploient le chlorhydrate de morphine à dose progressive, en commençant par 1 centigr. jusqu’à 35 centigr. dans les vingt-quatre heures. Tanquerel (4) a vu donner l’opium et le chlorhydrate de morphine seuls dans quatre-vingt-quatre cas. Dans les cas les moins intenses, la guérison à eu lieu dans l’espace de cinq à six jours; ceux d'intensité moyenne ont résisté de six à sept jours; les graves n’ont cédé, terme moyen, qu'au bout de huit à dix jours. Sur ces quatre-vingt-quatre cas, il y à eu occasion d'observer cinq rechutes, quatre paralysies, trois encépha- lopathies. Dans vingt-cinq cas d'intensité variable, la maladie a résisté à cette médication; mais, dans huit cas de colique violente, et deux d’inten- sité moyenne, les opiacés ont fait cesser en quelques jours la colique après (1) Gazette médicale de Paris, mars 1853. (2) De l'emploi de l’opium dans les phlegmasies, etc., p. 187. (3) Archives générales de médecine, 1832, t. XXXI, p. 332. (4) Traité des maladies de plomb, t. I, p. 374 et suivantes. PAVOT, 765 l'emploi infructueux des vomi-purgatifs. Enfin, Tanquerel regarde le traite- ment de la colique saturnine par les opiacés comme étant supérieur à tous ceux qui ont élé employés jusqu'à ce jour. Thiberti, de Milan (1), donne l’opium à 15 centigr. par jour, contre la colique métallique, qu'il guérit en trois ou quatre jours avec 45 à 60 centi- grammes, parfois 75 centigr. d’opium en tout ; chaque dose doit être divi- sée en six portions par jour, en faisant boire, après chacune, de l’émulsion d'amandes douces édulcorée avec 60 gr. de sirop diacode par 500 gr. et par Jour. Hydrophobie. — Nugent cite un cas de guérison d’hydrophobie, par l’em- ploi de l’opium à haute dose, et Whytt en rapporte un autre ; mais Franck n’en à retiré aucun avantage dans cette affreuse maladie. Dans de nouvelles expérimentations on devra l’administrer à grandes doses, comme dans le tétanos. Braves et Breschet ont injecté, sans succès, dans les veines, des solutions d'opium chez un enragé. Asthme, emphysème pulmonaire. — L'opium peut être fort utile dans ces maladies comme palliatif. Whytt l’a vanté dans l’asthme comme cal- mant. Il réussit assez bien en fumigation dans une cigarette. On l’unit sou- vent à la belladone, dont l'efficacité dans cette affection est connue. Gastralgie, entéralgie, colique. — «Dans quelques gastralgies violentes et rebelles, disent Trousseau et Pidoux, on se trouve bien quelquefois de l’emploi d’une très-petite dose d‘opium donnée un quart d'heure avant ou après le repas. Cela suffit pour faire passer les douleurs et rendre faciles les digestions devenues presque impossibles. » Ce moyen m'a fréquemment réussi. Sandras prescrit la potion suivante : chlorhydrate de morphine, à centigr., eau distillée de tilleul, 60 gr., sirop de fleur d'oranger, 15 gr., à prendre une ou deux cuillerées à café. La colique, abstraction faite de sa cause, est promptement calmée par l’opium. Ce médicament a l’inconvé- nient d'augmenter la constipation, qui accompagne presque toujours les névroses des voies digestives. La belladone, dont l’efficacité dans ces affec- tions est généralement reconnue, n’a pas cet inconvénient et favorise au contraire les déjections alvines. Coliques néphrétique et hépatique. — Cette colique est fréquemment causée par la présence d’un ou de plusieurs calculs dans le rein ou dans l’uretère, l’opium agit ici à la fois contre la douleur et contre le spasme qui retient les calculs. Nous avons rapporté, à l’article BELLADONE, des faits constatant les avantages des extraits combinés d’opium et de belladone dans le traitemen des douleurs causées par les calculs retenus dans les voies urinaires. Il en est de même de celles produites par les calculs biliaires. La belladone l’em- porte en efficacité contre ces accidents. En pareils cas, j’emploie avec avan- tage et simultanément l’opium à l’intérieur, et la belladone à l’extérieur en cataplasmes, fomentations, pommade, etc. L'hépatalgie essentielle, maladie que je n'ai observée que trois fois dans le cours de ma longue pratique, et que l’on peut facilement confondre avec celle qui est due à la présence de calculs dans les voies biliaires, cède à l’opium donné à doses proportionnées à l’intensité du mal. Vomissement. — Le symptôme vomissement cède souvent à l'emploi de l’opium; mais il ne faut pas oublier que cette substance détermine elle- même le vomissement, dès qu'il survient par son usage quelques accidents nerveux. On l’a vu produire cet effet à des doses bien minimes. Mais c’est là une exception. En général, il réussit dans les vomissements nerveux et dans ceux des femmes enceintes, bien que la belladone dans ces cas doive lui être préférée. (1) Gazette médicale de Milan, t. II, p. 63, en italien. 766 PAVOT. Iléus, étranglement interne. — L'opium, jadis employé dans cette affec- tion, y est moins efficace que la belladone, dont l’action à la fois stupéfiante et relâchante est plus appropriée à ce genre d’affection. On peut en dire autant de l’étranglement herniaire. Coqueluche, toux nerveuses. — L'usage de l’opium dans la coqueluche exige de la prudence, à cause de l’afflux congestif du sang vers la tête. Lorsque celui-ci n’est pas à craindre ou qu’on y a préalablement remédié par les saignées locales, on s’est quelquefois bien trouvé de l’administration de légères doses d’opium, et particulièrement du sirop de codéine à la dose d’une cuillerée à café, matin et soir. Le professeur Forget, de Strasbourg (1) se trouve fort bien du mélange suivant, qui, sous une apparence polyphar- maque, répond à plusieurs indications rationnelles : sirop d’acétate de morphine, de belladone et d’éther à parties égales, dont on donne une, deux ou trois cuillerées à café dans les vingt-quatre heures, surtout pendant la nuit. La belladone, toutefois, doit être préférée dans le plus grand nombre des cas, contre cette affection, où elle agit avec une sorte de spécificité que l’expérience a sanctionnée. Dans les toux essentiellement nerveuses, ou même symptomatiques, l’opium apporte un calme qu'aucun autre moyen ne saurait produire aussi promptement. Angine de poitrine. — Dans cette névrose si douloureuse, si insidieuse et si redoutable, l’opium s’est montré très-efficace, sinon comme remède curatif, au moins comme palliatif. Dysménorrhée, hystéralgie. — Le laudanum, administré dans de petits lavements, calme presque immédiatement les douleurs qui précèdent ou accompagnent la menstruation, qu’elle favorise en même temps. Les dou- leurs utérines en général, même pendant la grossesse, sont le plus souvent calmées par ces lavements. Mais il faut quelquelois porter la dose à 20 et 50 gouttes pour obtenir l'effet désiré. Il est à remarquer que les femmes cnceintes, comme celles qui sont dans leurs règles, tolèrent plus facilement l’opium. Affections nerveuses traumatiques ; — délire des blessés ; accidents divers; — suites de blessures. — «Lorsque après avoir recu une blessure grave ou perdu beaucoup de sang, dit Hufeland, le malade est étendu sur son lit en proie à des spasmes, raide et à demi mort, ou, lorsque, dans de semblables. circonstances, les douleurs deviennent excessivement violentes au second ou au troisième jour ; le pouls et tout l'extérieur annoncent un état nerveux, linflammation n’a point une couleur vive, et la suppuration est plus icho- reuse que purulente; il n’y a que l’opium qui puisse changer la scène avec rapidité, parce que, d’un même coup, il apaise la douleur, fait cesser le spasme, relève la force vitale, et corrige le travail de l’inflammation et de. la suppuration par son action toute spéciale sur le système sanguin et la plasticité du sang. » Suivant Padioleau (2), Malgaigne (3) et Maclachlan (4), l’inflammation traumatique, qui succède aux grandes opérations chirurgicales, se compose de deux éléments : l'élément nerveux, ou la douleur, et la fluxion sanguine. Ils pensent qu’en paralysant le premier, on arrive à modérer le second, et, par conséquent, à le rendre beaucoup moins grave. Malgaigne faisait un fréquent usage de l’opium à l'hôpital Saint-Louis, et, quelque élevées que soient les doses auxquelles il le donnait, il n’observait jamais le moindre accident. (1) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIX, p. 148, (2) Gazette médicale, 19 septembre 1840. (3) Bulletin général de thérapeutique, t. XIII, p. 290. (4) Gazette médicale, 1837, n° 48. PAVOT, 767 « Chez les opérés, comme chez les blessés, pour calmer la douleur et provoquer le sommeil dans les cas de diarrhées, et, en général, dans toutes les circonstances où elles sont indiquées, Malgaigne administre les prépara- tions d’opium de la manière suivante : « Il prescrit une pilule d’extrait gommeux d’opium de 5 centigr., de trois heures en trois heures, et plus ordinairement de quatre heures en quatre heures, jusqu'à production d'effet; ou bien une potion de 120 gr. contenant de 30 à 60 gouttes de laudanum de Sydenham, à prendre par cuillerées à bouche dans les vingt-quatre heures... « Une chose singulière, c’est que l’opium à cette dose fait peu dormir; il produit plutôt un sentiment de bien-être qui se réfléchit sur la figure des malades; il éveille aussi l’appétit et semble être, comme le dit Malgaigne, un excellent digestif, Nous avons eu une preuve de tout cela chez un blessé de juin, atteint dans les parties molles par un biscaïen. Cet homme prit 8 grains d’opium par jour pendant six jours, sans fermer l'œil, mais aussi sans souffrir. Le septième jour, il dormit, et son sommeil fut calme, pres- que normal. L’appétit revint, le malade mangea, digéra bien tout en pre- nant son opium, et il alla à la garde-robe sans être obligé de recourir aux lavements. « Malgaigne prescrit aussi, avons-nous dit, le laudanum à haute dose. Il le préfère dans les cas de dévoiement ou diarrhée. Le laudanum renferme, outre l’opium, une petite proportion de safran, qui, quelque minime qu’elle soit, pourrait néanmoins expliquer la différence des résultats qu’on obtient avec l’extrait d’opium et le laudanum administrés séparément. Le fait est que nous avons vu un homme dont le dévoiement avait résisté à 4 décigr. d'extrait gommeux d’opium, donné par pilules de 5 centigr, toutes les trois heures, et qui fut supprimé complétement au moyen d’une potion contenant 40 gouttes de laudanum de Sydenham. Au reste, dans les diarrhées rebelles, Malgaigne associe les deux préparations, mais alors le laudanum est donné en lavement., Ainsi, chez un blessé, dont on voulait à tout prix arrêter le dévoiement, nous avons entendu prescrire pour la journée et la nuit sui- vante, jusqu’à effet : six quarts de lavement avec 6 gouttes de laudanum chaque et 8 pilules d’extrait gommeux d’opium de 5 centigr. Le malade prit tout, et les selles furent supprimées (1). NÉVRALGIES, DOULEURS. — C’est surtout depuis la découverte des sels de morphine et de leur emploi par la méthode endermique, que l’opium a fourni une précieuse ressource contre les névralgies. En appliquant sur le derme dénudé l’hydrochlorate, le sulfate ou l’acétate de morphine, le plus près possible du point d’origine du nerf douloureux, on obtient, quand la névralgie est superficielle, un soulagement très-prononcé après un quart d'heure. Ce soulagement ne dure guère moins de douze heures et plus de vingt-quatre. Il est donc nécessaire de renouveler l'application deux fois par jour. (Voyez MoRPHINE.) Lorsque la névralgie occupe les rameaux qui se distribuent aux dents, ou même quand elle attaque les nerfs de la tempe et du cou, on fait frictionner les gencives et la face interne de la joue du côté malade avec de l'extrait d’opium mêlé avec un peu d’eau, ou avec une solution assez concentrée de sulfate de morphine. On obtient ainsi des effets thérapeutiques très-puissants et même un peu de narcotisme par l'absorption du médicament, bien que la salive qui en est imprégnée n'ait point été avalée. Dans les otalgies, dans les odontalgies, on applique avec avantage les sels de morphine sur le derme dénué, derrière les oreilles. Dans les névralgies, la dose de l’opium doit être graduellement augmentée et proportionnée à l’intensité de la douleur, sur- tout dans le tic douloureux. (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XX, p. 21 ct 22, 768 PAVOT. L’opium est utile dans les affections douloureuses quelconques, surtout quand l’élément douleur prédomine, ainsi qu’on l’observe dans les fissures à l’anus, les hémorrhoïdes douloureuses, le rhumatisme articulaire aigu, la goutte, les cancers ulcérés, l’orchite, le panaris, la brûlure, etc. L’opium en topique, ajouté aux pommades, aux liniments, aux cataplasmes, aux fomen- tations, apporte, dans ces cas, comme la belladone et la jusquiame, un soula- gement qui seul suffit pour prévenir ou même dissiper les accidents résul- tant de l'intensité des douleurs. (DE L'EMPLOI DE L'OPIUM DANS L’ANESTHÉSIE CHIRURGICALE.—La pensée d’abolir ou de diminuer la douleur causée par une action traumatique ou chirurgi- cale remonte à une époque très-reculée. (Voyez MANDRAGORE, p. 611.) L'usage de l’opium, dans ce cas, n’a été sérieusement expérimenté que vers la fin du dernier siècle. Sassard (1) est le premier qui l’ait proposé scientifique- ment. Les faits se sont multipliés depuis. Hermann Demme (2) a pratiqué une désarticulation coxo-fémorale chez une femme narcotisée à l’aide de l’opium. La malade dormit tout le temps de l’opération et ne poussa qu’un leger cri plaintif. Dauriol affirme, dans cinq cas, avoir obtenu une anesthé- sie complète (3). En donnant l'extrait d’opium, pendant dix jours, à la dose progressive de 5 à 50 centigr., Scrive (4) put disséquer une tumeur éléphan- tiasique du scrotum, sans que le malade manifestât la moindre douleur. Nous avons, du reste, signalé l’anesthésie particulière de la surface cutanée chez les fumeurs d’opium depuis longtemps adonnés à cette habitude fa- tale. Jusque-là, les tentatives d'action anesthésique avec l’opium avaient eu des résultats douteux, et l’infidélité même du moyen en avait empêché la vul- garisation ; mais où l’opium ne réussissait pas d’une façon constante comme agent exclusif, Nussbaum l’utilisa comme adjuvant anesthésique. L'influence prolongée du chloroforme présente des dangers; il tenta le premier d'y suppléer en pratiquant l'injection sous-cutanée d’une solution de 5 centigr. d’acétate de morphine. Il est bon de noter que, dans les cas cités par ce praticien, ainsi que dans les expériences instituées par Rabot près de la Société de médecine de Versailles (5), les injections, faites en dehors. de l’état d’anesthésie chloroformique, ont complétement échoué, ou, n’ont amené qu’une ivresse, une torpeur momentanées, tandis qu'avec l’anesthésie préalable le sommeil se prolonge plusieurs heures. Liegard (6), pour obvier aux douleurs intolérables que détermine trop sou- vent la compression digitale dans les anévrysmes, propose d’avoir recours à l’anesthésie ainsi prolongée.) es aber RaumarTISME. — Le rhumatisme articulaire apyrétique, quelque donlou- reux qu'il soit, est rapidement guéri par l’application de la morphine sur le derme dénudé. Deux ou trois pansements suffisent ordinairement. Ce moyen, préconisé par Trousseau et Pidoux, est cependant peu employé. L’opium, à l'intérieur et à dose élevée, produit souvent le même effet, mais avec moins de certitude. Trousseau et Pidoux ont vu le rhumatisme aigu céder quelquefois avec une grande facilité aux applications locales de sel de morphine; mais il faut, disent-ils, faire deux fois par jour des pansements avec le plus grand soin; multiplier les vésicatoires ammoniacaux en raison de la multiplicité des (1) Dissertation sur les moyens de calmer les douleurs, in Journal de physique, 1781. (2) Cité par Courty, Thèse de concours, p. 17. Montpellier, 1849. (3) Journal de médecine et de chirurgie de Toulouse, 1847. (4) Gazette des hôpitaux, 1863, n° 67. (5) Union médicale, 1863, p. 23 et 60. (6) Gäxeite des hôpitaux, 1864, p. 110. PAVOT, 769 articulations envahies, et seconder l'emploi de ce moyen par l’administra- tion des purgatifs pendant le cours de la maladie et après que les accidents sont entièrement dissipés. Corrigan (1) préfère l'usage interne et à haute dose de lopium. Il en donne de 50 à 60 centigr. par jour. Il fait en même temps, sur les articulations douloureuses, des embrocations avec l'huile de térébenthine chaude, l’eau-de-vie camphrée ou une simple décoction de pavots. Quand la fièvre tombe et que les douleurs prennent un caractère erratique, il associe l’opium au sulfate de quinine. Rhumatisme aigu. — Après la saignée répétée, et lorsque l’état inflamma- toire est considérablement diminué, j’emploie toujours avec succès l’opium dans le rhumatisme aigu. Je donne 5 centigr. d'extrait aqueux de cette sub- stance toutes les deux heures; il ne provoque pas le sommeil, mais il calme la douleur et produit une transpiration continuelle qui donne quelquefois lieu à une éruption cutanée, ordinairement de forme miliaire. Lorsque j'ai trop à craindre l’action stimulante de l’opium sur le système sanguin, je joins à l’usage de ce médicament celui du tartre stibié à dose contro-stimu- lante. Je donne alternativement 5 centigr. de ce dernier et autant d’extrait gommeux d’opium, toutes les trois heures d’abord, ensuite toutes les deux heures, et même toutes les heures. Lorsque le tartre stibié ne provoque pas d’évacuations alvines, je fais administrer l’huile de ricin tous les deux jours. Ce traitement, en diminuant à la fois l’activité du système sanguin et l'éré- thisme nerveux, tandis qu’il stimule au contraire le système cutané, dont il favorise les fonctions sécrétoires, prévient la rétrocession de l'affection sur Fa prenne modère les symptômes et abrége considérablement la durée de a maladie. GourTe. — Lorsque les douleurs de la goutte sont violentes, soutenues, el qu’elles épuisent les forces, l’opium employé avec prudence et à doses réglées, suivant le degré d'irritation, l’âge et le tempérament du malade, produit quelquefois des effets merveilleux. Sydenham veut que l’on prenne tous les soirs un peu de laudanum, lorsque les douleurs articulaires sont intolérables. Il le conseille également lorsqu'il survient des tranchées vio- lentes, une diarrhée excessive, des vomissements accompagnés de faiblesse. Il ne faut pourtant pas trop se fier à l’opium dans les attaques de goutte. Les narcotiques, appliqués dans un moment inopportun, peuvent bien faire cesser l’irritation articulaire et la douleur, mais alors le principe goutteux envahit des organes plus importants, et cette métastase a été plus d’une fois mortelle. Cette affection demande un régime doux, des boissons relàächantes et diaphorétiques. du courage, de la patience et peu de remèdes. Les pre- miers accès sont cuisants, terribles, si le malade est d’une forte constitution et d’un âge peu avancé; mais peu à peu les symptômes s’amendent, s’adou- cissent sous l'influence d’un régime tempérant et du calme de l'esprit, bien plus que par l’usage des narcotiques. INFLAMMATIONS INTERNES. — L'’opium, en principe général, est nuisible dans les inflammations. Cependant, ainsi que le fait judicieusement remar- quer Hufeland, quand, après avoir convenablement insisté sur les émissions sanguines générales et locales, on voit les symptômes de l’inflammation pcr- sister, comme cela arrive quelquefois dans la pleurésie à l'égard du point de côté, de la toux et de la difficulté de respirer, avec pouls fébrile, petit et ne permettant plus la saignée, l’opium est l'unique remède : il éteint l'excès de sensibilité, le spasme, et rend en même temps aux vaisseaux le degré d'énergie nécessaire à la résorption du sang stagnant dans la partie affectée. Quatre saignées, au rapport d'Huxam, n'avaient pas guéri complétement (1) Gazette médicale, 2° série, 1840, t. VIII, p. 168. L9 770 PAVOT. une fièvre avec violente douleur de côté. Le laudanum et le sirop diacode, à dose élevée, calmèrent la douleur d’abord, et ensuite les autres sym- ptômes. « J’ai éprouvé, dans une multitude de cas, ajoute le même auteur, que cette méthode est très-efficace et très-salutaire. » Quand, après les émissions sanguines suffisantes, la douleur conservait son intensité, Sar- conne donnait de l’opium toutes les trois heures jusqu’à ce que le calme fût revenu. Mais il ne faut pas perdre de vue que les opiacés ne conviennent que lorsque l’état purement inflammatoire primitif est presque entièrement dissipé, et qu'il a fait place à la débilité générale, avec persistance d’un état nerveux ou spasmodique. Toutefois, ne laissons pas ignorer qu’il y a des pleurésies dans lesquelles l’inflammation est subordonnée, dès le principe, à la douleur, à l'élément essentiellement nerveux, et qui sont efficacement combattues par l’opium quand les saignées générales et locales ont été tout à fait infructueuses. Le praticien ne confondra point l’oppression des forces, que l’on observe quelquefois dans l’inflammation portée à un haut degré, comme dans quel- ques cas de pneumonie et de pleuropneumonie, avec la débilité réelle : cette apparence de faiblesse est combattue rationnellement par la saignée, tandis que l’opium ne fait que l’aggraver en procurant un calme trompeur : la douleur cesse, mais l’inflammation, au lieu de se terminer par résolution, passe à la gangrène, à l’engorgement chronique, ou à la suppuration. Je n’ai jamais rencontré l'indication de l’opium dans la pneumonie franche, où il pourrait, d’ailleurs, avoir le fâcheux inconvénient de supprimer l’ex- pectoration; mais je l’ai souvent associé au tartre stibié ou au kermès, em- ployés, soit à petites doses pour calmer la toux et favoriser en même temps l’expectoration dans la période de résolution, soit pour établir plus facile- ment la tolérance dans l'administration à dose contro-stimulante de ces pré- parations antimoniales. L'état de débilité et de spasme douloureux, qui en réclamerait l’usage exclusif, ne pourrait être que le résultat d’un traitement purement antiphlo- gistique et surtout de l’emploi des saignées coup sur coup, méthode qui ne m'a pas réussi chez les paysans, et que je n’emploie ni à la campagne ni à la ville depuis que l’expérience m'a démontré l'excellence de la doctrine de Rasori contre la pneumonie. La prompte résolution opérée par l’émétique à dose contro-stimulante, après toutefois avoir pratiqué, dans la plupart des cas, une ou deux saignées, suivant l’âge, le tempérament du malade ou l’in- tensité de la maladie, m’a presque toujours dispensé de l’emploi de tout. autre moyen. Je puis assurer, comme Munaret, avoir obtenu par cette mé- thode onze guérisons complètes sur douze malades, malgré les complications ou les circonstances les plus défavorables. Chez les sujets débiles et les vieil- lards, je m’abstiens même des émissions sanguines ; je m’en tiens à l’émé- tique à haute dose, et je réussis dans ces fluxions de poitrine, qui autrefois étaient mortelles par défaut de réaction, par engouement des organes respi- ratoires. Le praticien prendra pour guide, dans les cas de phlegmasie qui semblent indiquer l'emploi de l’opium, l’état du pouls. Il faut qu’il soit mou et faible : si, sous l'influence du médicament, il redevient dur et fréquent, c’est qu'il reste encore un état inflammatoire qui en interdit l’usage. Dans la pleurésie aiguë, disent Trousseau et Pidoux, nous avons souvent combattu le point de côté par des applications locales de morphine sur le derme dénudé; et, dans un grand nombre de cas, cette médication si simple a suffi pour faire disparaître et la douleur et la fièvre. Quant à l’épan- chement, il se résorbait tantôt rapidement, tantôt avec lenteur, sans qu’il fût possible de déterminer l'influence que l’opium avait pu avoir sur la résorption. | PAVOT, 771 Boudin et Sandras (1) ont essayé l’opium à des doses successivement crois- santes dans la méningite épidémique ou cérébro-spinale, maladie qui parait avoir plus d’affinité avec les névroses qu'avec les inflammations. Ces méde- cins affirment avoir obtenu la guérison de cette affection d’une manière plus rapide et plus complète que par tout autre médication. — Dans deux épi- démies qui eurent lieu à Avignon, à un intervalle de six mois, on ne compta presque aucune guérison dans tout le cours de la première et de la seconde. Chauffard (in Valleix) eut alors recours à l’opium à haute dose; dès lors, non-seulement dans la plupart des cas la maladie fut guérie, mais dans ceux mêmes où l’on n’obtenait pas ce résultat favorable, il survenait du moins une amélioration marquée après l’administration du remède, — Les obser- vations de Forget et Tourdes ne sont pas tout à fait aussi concluantes. Cependant les faits observés par ces auteurs montrent que, sous l'influence de cette médication, la mortalité a été un peu moindre ; mais les cas qu'ils citent sont malheureusement très-peu nombreux. J'ai vu les cris dits hydrencéphaliques, causés par la méningite tubercu- leuse et arrachés au malade par la violence de la douleur, se calmer presque immédiatement par l’emploi de lopium, après, toutefois, avoir diminué la congestion cérébrale au moyen des saignées locales, des affusions froides, de la glace, ete. Chez une petite fille âgée de cinq ans et demi, atteinte de méningite tuberculeuse depuis sept jours, et se trouvant dans les conditions que je viens de signaler, le laudanum donné à la dose de à gouttes, de trois heures en trois heures, a amené un soulagement tel que la malade, après vingt-quatre heures de l’usage de ce moyen, avait recouvré sa con- naissance; les symptômes nerveux et l’agitation étaient considérablement diminués, le pouls plus développé, etc. Je donnais en même temps le calomel, dont l’action s’opposait à la constipation, qui accompagne toujours cette affection. La malade a succombé le quatorzième jour, mais avec beau- coup moins de souffrance que si elle n'avait point été sous l’influence sédative de l’opium. Je n’ai jamais vu, dans le cours d’une pratique de quarante-cinq ans, un seul cas de guérison radicale de méningite tuber- culeuse. Après avoir combattu l’inflammation, qui n’est ici qu'un effet, il resterait toujours la lésion principale, incurable, la tuberculisation des méninges. (En Angleterre, on emploie communément dans ces cas de méningite avec cris hydrencéphaliques, le sel de Grégory (chlorhydrate double de mor- phine et de codéine). Graves, de Dublin (2), a obtenu les plus heureux effets de l’administration des opiacés à hautes doses dans deux cas de péritonites très-intenses sur- venues à la suite de la paracentèse. Dans un autre cas de péritonite causée par la rupture d’un abcès du foie dans le ventre, le même médecin (3) vit les symptômes de l’inflammation disparaître complétement et en peu de jours par l’emploi de très-fortes doses d’opium et l'application de vésica- toires pansés avec la morphine. Dans un rapport à la Société de médecine de Boston (4), Jackson signale les succès qu'il obtint par l’emploi de l’opium à hautes doses dans la péritonite. Les effets de ce médicament sont tels à ses yeux, qu'il n’hésite pas à proposer l'application de ce traitement aux autres maladies inflammatoires, telles que la pleurésie, le rhumatisme, etc. Trousseau et Pidoux révoquent en doute les guérisons de péritonites dues à la perforation de l'intestin, et que Pétrequin, de Lyon (5), et Stokes, de (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 15 février 1854. (2) Gazette médicale, 1835,.p. 167. É - (3) Ibid. = en (4) Bulletin général de thérapeutique, 1855. (9) Gazette médicale, t. V, p. 187. : 772 PAVOT. Dublin (1), ont cru obtenir dans plusieurs cas aussi graves. Il est probable, disent Trousseau et Pidoux, que ces praticiens avaient fait quelque erreur de diagnostic. Cependant, comme l’art ne possède aucune autre ressource contre ce redoutable accident, on devra essayer l’emploi de l’opium à haute dose, afin de s’opposer autant que possible aux sécrétions et excrétions intestinales. Garsthore, Hecquet, Armstrong (in Mérat et Delens) prescrivirent l’opium dans les phlegmasies abdominales, suite de l’accouchement ou dépendantes de la grossesse ; Mackentosh emploie avec succès la méthode de ce dernier, qui consiste à donner 20 centigr. d’opium, après une saignée copieuse, dans la péritonite des nouvelles accouchées. ù Brachet (in Mérat et Delens) prescrit l’opium dans les phlegmasies des membranes muqueuses, surtout dans la trachéite, où la toux est sans relâche. Dans les affections catarrhales pulmonaires, comme dans les autres phlegmasies, l’opium est nuisible dans la période inflammatoire du catarrhe pulmonaire aigu ; mais il peut être très-utile associé aux expectorants, tels que l’ipécacuanha, le narcisse des prés, la bryone, l’arum, le kermès, le tartre stibié, dans la période d’atonie et dans la bronchite chronique. J'ai vu des bronchites chroniques graves, qu’on aurait pu prendre, avant l’em- ploi de l’auscultation et de la percussion, pour des phthisies confirmées, céder à l’usage de l’opium associé au tartre stibié, et administré à petites doses fréquemment répétées. Bow (2) a publié six observations sur l’emploi de l’opium à l'extérieur chez les enfants atteints de catarrhe bronchique ou d’angine laryngée. On a tiré parti de l’opium dans la cystite et le catarrhe vésical. Cependant la sensibilité de la vessie peut être exaspérée par l'effet de l’opium. On Jui substituera alors avec avantage la belladone. HÉMORRHAGIES. — Ce que nous avons dit des inflammations par rapport à l'usage de l’opium peut s’appliquer aux hémorrhagies actives. Il est nuisible dans tous les cas où il y a état phlegmasique ou pléthorique, soit général, soit local; mais lorsque cet état a été combattu par les saignées, et que des symptômes nerveux ou spasmodiques avec débilité existent, l’opium peut être utilement employé. Il est même des hémorrhagies primitivement et exclusivement causées par le spasme ou l’irritation nerveuse, qui cèdent à l’opium. Voyez plus bas l'emploi de l'opium dans l’avortement. Dans l’hémoptysie, lorsque la pléthore et le molimen hémorrhagique ont été suffisamment combattus, l’opium peut, en diminuant l'irritation des bronches et la toux, empêcher l’afflux du sang et l’hémorrhagie qui en est la conséquence. FIÈvRES ÉRUPTIVES. — « Lorsque, dans une petite vérole maligne, ner- veuse, la suppuration ne fait point de progrès, vers le cinquième ou sixième jour après l'éruption, qu’elle dégénère en une sécrétion séreuse, ichoreuse, que les boutons ne se remplissent point, qu’ils prennent même un aspect livide, et semblent sur le point de tomber en gangrène, avec prostration ex- trême des forces et violente fièvre typhoïde, je ne connais pas de moyen qui soit plus apte que l’opium à rétablir la suppuration, à compléter la crise, et par conséquent à sauver la vie du malade. » (Hufeland.) — Sydenham recommandait l'emploi de l’opium dans les varioles confluentes accompa- gnées d’ataxie. Il donnait 14 gouttes de laudanum liquide, ou 1 once de sirop diacode dans l’eau de fleurs de primevère ou autres, tous les soirs, de- puis le sixième jour jusqu’à la fin de la maladie. Quand il y a en même temps de la diarrhée, il vaut mieux le donner en lavement. J'ai vu plusieurs fois le (1) Gazelle médicale, 1835, p. 166. (2) London medical and physic. Journ., t. LVIII, p. 23. PAVOT. 773 délire le plus violent, les symptômes ataxiques les plus graves accompa- gnant la variole confluente, céder comme par enchantement à l’administra- tion par la bouche ou en lavement peu volumineux, de 8, 15 ou 20 gouttes de laudanum chaque jour. La toux qui accompagne ordinairement la rougeole, et qui est quelquefois d’une fréquence qui fatigue beaucoup le malade, est constamment calmée et cesse même par l'emploi de l’opium. Dans ce cas, je donne, à l'exemple de Sydenham, le sirop diacode, surtout pendant la nuit. La même médication convient lorsque la rougeole, ainsi que cela arrive souvent dans la période de l’invasion de cet exanthème, s'accompagne d’une forte diarrhée. Mais la diarrhée qui s’observe au début de l’éruption et qui ne dure ordinairement qu’un ou deux jours, ve réclame l'usage de l’opium que lorsqu'elle est par trop abondante ou qu’elle persiste au delà de qua- rante-huit heures. Dans la fièvre scarlatine, où l’éruption à presque toujours besoin d’être plutôt modérée que favorisée, où des symptômes inflammatoires ou nerveux les plus redoutables se montrent dès le début et persistent, l’opium serait évidemment funeste. Cependant, dans certaines épidémies et chez des sujets débiles, atteints dès le début de vomissements, de diarrhée, et chez lesquels l’éruption est irrégulière, compliquée de bronchite, de toux fréquente, de divers symptômes nerveux, je me suis bien trouvé de l’opium uni à l’acétate d’ammoniaque et aux boissons diaphorétiques, telles que l’infusion de coquelicot, de sureau, de bourrache, etc. C’est surtout dans les épidémies que les indications se modifient ou changent même complétement. FIÈvRES INTERMITTENTES. — Avant la découverte du quinquina, l’opium passait pour un des meilleurs fébrifuges. Paracelse, Horstius, Wédelius, Ettmuller, le donnaient un peu avant l’accès. Sydenham l’a employé à doses plus ou moins élevées pour combattre les fièvres intermittentes, qui, à cause d’un état nerveux plus prononcé, cèdent souvent à ce médicament après avoir résisté au quinquina. Berryat (in Trousseau et Pidoux), qui, le siècle dernier, a remis en vogue l’administration de l’opium comme fébrifuge, donnait, une heure à peu près avant l’accès, 6 à 8 gouttes de laudanum de Sydenham aux enfants de trois à cinq ans, 10 à 12 gouttes à ceux de dixans, et 18 à 30 gouttes aux adultes. — Il ne faut donner l’opium que peu de temps avant le moment où le frisson: doit arriver (une, deux ou trois heures au plus), afin d’agir sur l’éréthisme nerveux. Il serait très-nuisible, à grande dose, s’il agissait longtemps avant l'apparition de la fièvre, lorsque le sujet est dans son état normal. « J’ai vu une femme, dit Mérat (1), à la clinique interne de la Faculté, à qui j'avais prescris 80 gouttes de laudanum pour combattre une fièvre intermittente grave ; malgré ma recommandation, on les lui fit prendre aussitôt la distribution des médicaments, tandis que son accès ne devait venir que le soir, et elle périt de narcotisme. » Fallope ayant obtenu, pour ses dissections, le corps d’un homme qu’on devait supplicier et qui avait une fièvre intermittente quarte, voulait le faire mourir avec de l’'opium : 2 gros (8 gr.), que le condamné prenait vers l’accès, ne produi- saient aucun effet ; la même dose, prise après le paroxysme, le fit succom- ber (2). Ces faits s'expliquent par le degré d’éréthisme du système nerveux, et rentrent dans ceux dont nous avons déjà parlé. . L’opium peut être très-utile contre les symptômes nerveux d’une fièvre intermittente pernicieuse, tels que ceux, par exemple, qui simulent l’apo- -plexie et qui sont loin de céder à la saignée. Hufeland, en administrant pen- dant l’apyrexie, 30 gr. de quinquina comme antipériodique, ajoutait toujours 5 centigr. d’opium. (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXVII, p. 486 et 487. (2) Houllier, De morbis intern., lib. 1. 774 PAVOT, Je pourrais rapporter ici de nombreux cas de fièvres pernicieuses cardial- giques ou cholériques, observés dans les marais du Calaisis, et dans lesquels l’opium a pu seul, en dissipant les symptômes effrayants de l’accès, me mettre à même d’en prévenir le retour au moyen du quinquina donné à grande dose pendant l’apyrexie. Combien de fois n’ai-je pas vu, dans ces cas, an vomissement continuel, avec douleur aiguë ou déchirante de l’estomac, altération des traits, petitesse du pouls, sueur glutineuse, anxiété extrême, épuisement des forces, céder à l’emploi simultané des révulsifs à l’extérieur, tels que sinapismes, vésicatoires, frictions avec l’alcool camphré et l’ammo- niaque, etc., et de l’opium gommeux administré à doses croissantes et fré- quemment répétées. FIÈVRE TYPHOÏDE, FIÈVRE NERVEUSE, TyPHus. — L’opium est constamment nuisible dans ces fièvres, lorsqu'il existe à la fois congestion sanguine et phlegmasie cérébrale. «Il y a quatre cas, suivant Hufeland, dans lesquels l’opium est salutaire, même indispensable, chez les malades atteints de fièvres nerveuses ou typhoïdes : 4° quand la maladie est purement nerveuse par causes débilitantes, ou survenue chez un sujet déjà nerveux, et qui n’offre simultanément aucun signe d’inflammation ; 2° lorsqu’après avoir suffisam- ment employé les émissions sanguines, le froid et les évacuants, les signes de la congestion disparaissant, le délire persiste ou même dégénère en fureur; dans ce cas, Hufeland conseille d’associer l’opium au calomélas ; 3° lorsque dès le principe il y a diarrhée, dysenterie ou choléra, afin de calmer l’irritation du tube digestif et d'arrêter des évacuations qui épuisent les forces ; lui seul, dit Hufeland, a été efficace dans le typhus qui ravagea la Prusse en 1806 et 1807, et dont la diarrhée était la compagne essentielle ; 40 lorsque les forces sont au plus bas, et que les excitants les plus énergiques ne peuvent relever le pouls. Je ne connais pas, dit l’auteur que nous venons de citer, de meilleur moyen que d'ajouter du laudanum aux autres stimu- lants, par petites doses fréquemment répétées. Pour apprécier cet estimable don du ciel, il faut l'avoir vu, en une seule nuit, rendre calme, plein et fort le pouls qui était petit et fréquent, faire cesser le délire, rendre la connais- sance au malade, arrêter les évacuations épuisantes, en un mot, produire une métamorphose véritablement miraculeuse. » ‘ Cullen et Gland (in Trousseau et Pidoux) ont, comme Hufeland, conseillé- l’opium dans les maladies typhoïdes, Bretonneau, Chomel, et un grand nombre d’autres praticiens, l’ont formellement repoussé. « Quant à nous, disent Trousseau et Pidoux, nous l’avons quelquefois administré dans la dothinentérie, et toujours nous nous en sommes mal trouvés, excepté dans les cas de perforation intestinale dothinentérique, où il est utile en calmant les douleurs de la péritonite, et en modérant les contractions intestinales ; mais pendant la convalescence de ces maladies, alors que les symptômes nerveux ont cédé et qu’il ne reste plus qu’une diarrhée rebelle, l'association de l’opium au sous-nitrate de bismuth ou au quinquina peut amener une convalescence plus rapide et plus franche. » Forget (1) considérant la diarrhée dite typhoide comme le produit de l’in- flammation et de l’ulcération des intestins, et rejetant les purgatifs comme dangereux dans ce genre de diarrhée, veut qu’on la supprime le plus tôt possible, sans toutefois y substituer la constipation, qu'il faut, dit-il, com- battre également, mais par les moyens les plus doux. « Dans la diarrhée typhoïde, comme dans tout autre, ajoute ce judicieux observateur, l’opium est le remède qu'il faut préférer. Mais, dira-t-on, il y a des accidents ner- veux : coma, subdélire, et l’opium, qui porte à la tête, va les aggraver. Ainsi parle la théorie, mais les faits disent autrement. Nous avons vu Sydenham recommander l’opium dans le délire, même dans le délire coma- (1) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIX, p. 57 PAVOT. 775 teux. » À l'appui de cette pratique, Forget rapporte un cas de fièvre typhoïde avec délire furieux et prolongé, où 15 centigr. d'extrait d’opium, pris en trois heures, firent tomber l’exaltation et procurèrent un sommeil calme qui dura jusqu'au lendemain. L’opium est continué à la dose de 20 centigr. en vingt-quatre heures : nouveau sommeil; même effet jusqu’au jour suivant, où le malade se réveille dans une douce quiétude. La liberté du ventre est entretenue par des lavements miellés et lactés. Le malade est au vingt-deuxième jour, la fièvre est presque nulle, la langue se nettoie, l'appétit renaît : convalescence le vingt-cinquième jour. Ce fait rentre dans ceux que signale Hufeland comme devant être com- battus par l’opium; mais dans la fièvre typhoïde, forme putride ou mucosa- putride, ce médicament est le plus souvent nuisible, tandis que les purgatifs, en débarrassant le tube intestinal des matières âcres et fétides qu'il contient, enlèvent une cause secondaire d’irritation locale et d'intoxication qui aggrave la maladie, J'ai vu maintes fois en pareil cas le météorisme se dissiper, la tête se débarrasser, le pouls se développer après l’usage des purgatifs salins ou acides. Dans la fièvre typhoïde, les éléments morbides étant très-variables, et les symptômes qu’ils produisent très-différents, la plupart des nombreuses médications proposées contre cette maladie ont pu réussir, suivant l’oppor- tunité de leur application. AVORTEMENT, ACCOUCHEMENT, ÉTAT PUERPÉRAL., — L'’opium est un remède. précieux pour prévenir l'avortement. Il fait cesser les contractions préma- turées de l'utérus. J'ai eu à me louer de son emploi dans un grand nombre de cas où l'avortement semblait imminent. Je doune le laudanum liquide dans une potion ou dans un tiers de lavement émollient, après, toutefois, avoir vidé le gros intestin au moyen de lavements simples et entiers. Cette dernière précaution est d’autant plus nécessaire que souvent la constipation suffit seule pour produire l’avortement (1). Le professeur Dubois et Guillemot ont employé le laudanum avec un suc- cès remarquable pour enrayer les contractions utérines et prévenir l’avorte- ment. Ce moyen, précédé de la saignée quand il y x pléthore locale ou générale, convient dans les cas où les symptômes d’avortement sont déter- minés par des excitants extérieurs, l’irritation d’un organe voisin de la ma- trice, un coup, une chute, une commotion, une impression morale profonde et subite. L’opium convient encore, aidé du repos et de la position horizon- tale, pour prévenir les fausses-couches qui se succèdent, par une sorte d’ha- (1) Une accumulation considérable de matières fécales peut se former dans le dernier intes- tin, provoquer un travail semblable à celui de l’enfantement et produire même un accouche- ment prématuré. Je rapporterai, à cette occasion, comme très-remarquable, le fait suivant : Me Mignien, de Saint-Pierre-lez-Calais, âgée de quarante ans, d’un tempérament lymphatico- sanguin, d’une forte constitution, enceinte, pour la première fois, de six mois et demi envi- ron, éprouvait, disait-on, les douleurs de l’enfantement depuis la veille au soir, lorsque, le 26 décembre 1818, à sept heures du matin, je fus appelé pour lui donner mes soins. L’aug- mentation considérable des douleurs expultrices, une grande agitation, un pouls accéléré, des vomissements violents et répétés, semblaient, en effet, annoncer un accouchement prochain. Voulant, par le toucher, m’assurer de l’état des choses, je rencontrai un obstacle insurmon- table à l'introduction du doigt; une tumeur très-volumineuse, formée par une grande quantité de matières fécales durcies et agglomérées dans le rectum, qu’elles avaient énormément dilaté et porté en avant et en bas, effaçait presque complétement le vagin. J'avais commencé à vider ce sac stercoral au moyen d’une petite cuillère en fer enduite de graisse et introduite dans l'anus, lorsque, par de fortes contractions et pendant des efforts de vomissements, presque toute la masse fut violemment expulsée. Le calme, avec affaissement, succéda comme après l'accouchement le plus laborieux; le col utérin, effacé, attestait un commencement de travail mécaniquement provoqué; mais une saignèe, indiquée par le développement et la dureté du pouls, un lavement émollient qui entraîna le reste de l’accumulation fécale, et, enfin, un quart de lavement avec 15 gouttes de laudanum, firent rentrer tout dans l’ordre. On prévint ulté- rieurement la constipation, la grossesse marcha sans trouble, et l'accouchement eut lieu au terme naturel. 776 PAVOT. bitude, presque aux mêmes termes dela grossesse (1). Il est évident que l’avor.- tement qui reconnaît pour cause la mort du fœtus, des lésions graves de ses annexes, des altérations pathologiques de l'utérus, ete., est inévitable et même nécessaire. Mais alors, direz-vous, comment distinguer ces cas de ceux dont nous venons de parler, et contre lesquels l’opium agit efficace- ment ? Le doute ici ne doit point arrêter le praticien ; si l’opium suspend un travail nécessaire, la nature, plus puissante que la médication, reproduit ses efforts conservateurs et met fin, en expulsant les produits de la conception, à une grossesse devenue impossible. Le laudanum administré en lavement agit plus efficacement, suivant le professeur Dubois, pour prévenir l’avorte- ment, que lorsqu'il est donné par la bouche. | Après la saignée, Deventer donnait souvent l’opium pendant les douleurs de l’accouchement, soit pour calmer l’irritation, soit pour mürir le travail. Ce moyen peut être utile lorsqu'il y a rigidité spasmodique du col de la matrice. Une femme qui était en travail depuis quarante-huit heures fut mise, par le conseil du professeur Alphonse Leroy, dans le bain après avoir été saignée deux fois ; il lui fit prendre de l’alcali volatil avec du laudanum : la femme s’endormit, et la matrice reprenant de l’énergie, l’accouchement fut heureux. J’ai employé avec avantage, dans les cas où la débilité générale de la femme rendait le travail long et très-pénible, la teinture ammoniacale d’opium. Sous l'influence de ce médicament, le pouls se relevait, le courage renaissait, les contractions utérines se reproduisaient plus fortes, et l’ac- couchement s’opérait. Ce stimulant ne produit pas le même effet que le seigle ergoté. Ce dernier a une action prompte, fugace et spéciale sur l’u- térus tombé dans l’inertie; tandis que l’opium, uni à l’ammoniaque, a des effets plus durables et est plus particulièrement indiqué dans la débilité réelle et générale. Il n’est pas d’accoucheur qui n'ait été à même de reconnaître le bienfait de l'opium administré après un accouchement très-douloureux et qui a jeté le trouble dans toutes les fonctions; il rend le calme au système nerveux et rétablit en même temps le rhythme naturel de la circulation et l’harmo- nie organique. Dans la vive irritation locale pouvant faire craindre une métrite et une péritonite, suite de manœuvres pratiquées sur l'utérus, l’opium à haute dose agissant puissamment et promptement sur le système nerveux, enraie les accidents bien mieux que la saignée. Lorsque les tranchées qui suivent l'accouchement sont trop violentes, l’opium seul peut les calmer; on donne alors le sirop diacode ou le lauda- num liquide en potion à prendre par cuillerées de temps en temps. DYSENTERIE. — Il ne faut donner l’opium dans la dysenterie que lorsqu'il y a absence d’inflammation ou d’état bilieux, saburral. Dans la première période, la dysenterie se manifeste souvent par des symptômes inflamma- toires ou bilieux, qu'il faut d’abord combattre dans le premier cas par les antiphlogistiques, telles que la saignée, les sangsues sur le bas-ventre ou à l'anus, et dans le second par l’ipécacuanha. Ce dernier peut être remplacé par la racine de bryone, le narcisse des prés, l’asaret ou la racine de vio- lette. Je fais toujours précéder de l’un de ces vomitifs l’administration de lopium. Celui-ci ramène ensuite le calme en faisant cesser l’irritation in- testinale qui provoque les évacuations; mais cet effet ne doit avoir lieu que graduellement et au moyen de petites doses souvent répétées. Une sup- pression trop brusque de la sécrétion du mucus et de l'écoulement du sang pent avoir des inconvénients. C’est surtout dans les dysenteries épidémiques que l’opium triomphe. On le donne alors par la bouche ou en lavement, associé aux mucilagineux. « L’effroyable dysenterie rhumatismale, causée (1) Archives générales de médecine, 1836, t. XI, p. 294. PAVO.T 777 par l’humidité et le froid, qui fit tant de ravages dans l’armée prussienne en 1792, tant qu'on la combattil, comme c'était alors l'usage, par la rhu- barbe en poudre, ne redevint curable et ne cessa que quand on lui opposa généralement l’opium. En Algérie, nos soldats atteints de dysenterie sont traités, après que l’on a combattu l’inflammation, par l’ipécacuanha et l’opium : ce dernier médicament est le plus souvent administré en lave- ment. Sydenham, et, après lui, Sennert, Brunner, Wepffer et Ramazzini, ont préconisé l’opium dans le traitement de la dysenterie. Degner, Pringle, Young, Zimmermann l'ont regardé comme dangereux dans cette maladie. Il suflit de lire l’histoire des épidémies de dysenterie, observées par Stoll, pour se convaincre que ces opinions contradictoires, émises par des méde- cins également recommandables, tiennent à ce qu'ils ont eu à traiter des dysenteries dont le génie épidémique était différent. DrARRUÉE. — Dans les diarrhées, l’opium agit comme dans la dysenterie etexige dans son emploi les mêmes précautions. Il serait nuisible dans la diarrhée critique, qui soulage toujours le malade et souvent le guérit. On peut en dire autant de tout autre hypersécrétion qui aurait le même carac- tère. — Dans la diarrhée aiguë, l’opium, administré en potion, en lavement on en fomentation dans des véhicules appropriés, suffit ordinairement comme moyen curatif. Mais, dans la diarrhée chronique, il n’a qu’un effet palliatif et momentané. On l’associe alors avec avantage aux astringents, au sous-nitrate de bismuth, etc., ou l’on met alternativement en usage ces diverses substances suivant les indications. CHOLÉRA. — Dans la diarrhée prémonitoire ou qui précède le choléra, le laudanum en potion et en lavement, simultanément employés, m’a presque toujours réussi chez les malades qui ont eu la précaution de se tenir au lit et d’exciter la transpiration au moyen de l’infusion chaude de menthe, ou de thé légèrement alcoolisée, prise par tasses fréquemment répétées. Dans le choléra, l’opium doit être administré dès le début et à haute dose, parce que dans cette affection le trouble nerveux prédomine. Dans un cas de choléra avec convulsions horribles, vomissement affreux, sueur froide, pouls à peine sensible, Sydenham donna d’abord 25 gouttes de son laudanum dans une cuillerée d’eau de cannelle spiritueuse; il se tint ensuite l’espace d’une demi-heure auprès du malade, et voyant que cette première dose ne suffisait pas pour arrêter le vomissement et apaiser les convulsions, il fut obligé de réitérer plusieurs fois le remède et d’en aug- menter toujours la dose, ayant soin de laisser assez d’intervalle entre chaque prise, pour voir ce qu'il pouvait espérer de la précédente avant que d’en donner une nouvelle. Par ce moyen, les symptômes se calmèrent. Cepen- dant, afin de prévenir la rechute, Sydenham fit encore prendre de temps en temps du laudanum, à doses décroissantes, et recommanda le repos le plus absolu durant quelques jours. En employant ainsi l’opium, j'ai réussi, dans le choléra épidémique de 1832, à arrêter la marche si rapide de cette affection chez quelques malades. Comme Sydenham, je l’administrais toujours avec une très-petite quantité de véhicule. Dans le choléra algide, j’employais de préférence la teinture ammoniacale d’opium (élixir parégorique du Codex), afin, tout en calmant les symptômes nerveux, d’exciter plus promptement le système circulatoire et de provoquer ainsi une réaction plus prompte. Je tenais en même temps le ventre libre au moyen de lavements composés de miel de mercuriale et de sel de Glauber, parce que j'avais remarqué que la suppression subite des selles augmentait l'intensité de la maladie. (Dans l'épidémie de 1866, il a été d'observation constante, que si les opia- cés calmaient les phénomènes au début, en atténuaient l'intensité, leur 778 PAVOT. emploi prédisposait singulièrement aux congestions réactionnelles cérébro- méningées. C’est ce dont j'ai pu me convaincre auprès du nombre considé- rable de cholériques que j'ai soignés à Boulogne et dans les environs. Au bout de quinze jours, j'ai dû en restreindre énormément l’usage et surtout en diminuer les doses. L’opium qui, dans la même localité, avait réussi en 1849 et en 1854, dans une constitution médicale différente, est devenu, dans la dernière apparition du fléau, d’un emploi dangereux et d’une indication difficile. A la fin de l'épidémie, j'en étais arrivé à ne plus prescrire les opia- cés que comme médication adjuvante. Le choléra ne se présentait pas avec le même caractère; le génie épidémique n'était plus le même.) GLUCOSURIE OU DIABÈTE SUCRÉ. — AEtius, Willis, Waren, Rollo, Hufeland, Moncy et d’autres auteurs, ont vanté les bons effets de l’opium dans cette maladie. Moncy (1) veut qu’on élève progressivement la dose de ce médica- ment jusqu’à en prescrire À gr. 20 centigr. par jour. Tommasini a été jusqu’à 3 gr. dans les vingt-quatre heures. Marsh, Carter et Prout assurent (2) avoir retiré dans le diabète des avantages de l’opium, qui, suivant eux, diminue l’abondance de l’urine et y appelle l’urée. La plupart des médecins qui ont employé ce médicament, dans le diabète, l’ont donné à des doses considé- rables et sont allés même jusqu’à produire le narcotisme. Dans un cas de diabète sucré, le professeur Forget, de Strasbourg, a donné journellement 2 gr. d’opium sans aucun inconvénient. Ce médicament est le seul qui ait diminué la quantité des urines. Toutefois, on ne doit arriver à de telles quantités que graduellement et avec beaucoup de prudence (sans oublier pourtant que, l’excessive excrétion dans cette maladie causant une élimina- Hz pen des principes actifs de l’opium, il devient logique d’en élever la ose). « Parmi tous les médicaments opposés au diabète, dit Canstatt (3), l’o- pium jouit jusqu’à présent de plus de confiance; ce médicament enraye la faim et la soif, ainsi que la sécrétion urinaire. Si le sucre ne disparaît pas complétement des urines, au moins en voit-on diminuer le chiffre d’une ma- nière notable, etc. » Reynold Kæler (4) dit que ce médicament constitue pour la maladie en question un des meilleurs palliatifs. « Ce remède, dit Valleix (5), n’est pas sans nullité; mais si l’on examine attentivement les cas de guérison rapportés par les auteurs, on voit qu’il s’agit d’une simple polyurie, ou qu’il n’y a eu qu’amélioration passagère, et l'efficacité de l’opium devient très-contestable sous ce rapport. » Orme- rod (6) n’a pas obtenu par l’opium de résultat fayorable ; l'urine était jour- nellement analysée. Suivant Grisolle (7), l’opium n’est qu’un palliatif, car il n'existe encore, dit-il, aucun cas de guérison bien constaté, qui ait été opéré par lui. (Les uns expliquent l’action de l’opium en le considérant comme astringent. Suivant Anstie (8), c’est par une paralysie du système nerveux et des nerfs vaso-moteurs qu’elle se produit. Pecholier (9) affecte à l’opium la propriété de ralentir, de retarder, d’arrêter le mouvement de désassimilation nutritive. Donné à haute dose, n’arrêtera-t-il pas dans ses effets secondaires ce mou- vement de décomposition, cette perte considérable et presque continue, sans assimilation équivalente, qui constituent la glucosurie. On l’a pensé, (1) Med. chirurg. trans. of Lond., 1814. (2) Journal général de médecine, t. LXXXV, p. 106. (3) Pathologie spéciale. (4) Traité de thérapeutique spéciale. (5) Guide du médecin praticien, 1° édit., t, VII, p. 396. Paris, 1846. (6) Edimb. Journ., 1847. (7) Traité de pathologie, 1855. (8) The Lancet, 1865, p. 602. (9) Bulletin de thérapeutique, mai 1865. PAVOT., 779 et quelques faits sont là pour donner raison à cette supposition. Malheureu- sement on à souvent le grand tort de proclamer une amélioration presque aussi haut qu’une guérison, et l’on peut bien même avoir affaire, pendant le traitement, à une de ces phases d'amélioration dont les médecins qui ont observé beaucoup de diabétiques ont eu souvent l’occasion de consta- ter l’apparilion spontanée. La raison qui, dans les cas que j'ai eu à traiter, m'a empêché de continuer ou de prescrire l’opium, est que ce médica- ment détruit l'appétit et enlève aux malades la faculté de résister, par l’in- gestion d’une alimentation appropriée, à la perturbation de nutrition qui les épuise. Mais voici des preuves plus accablantes contre cette médi- cation.) Il résulte de recherches auxquelles s’est livré tout récemment Coze, agrégé à la Faculté de médecine de Strasbourg (1), que, sous l'influence de la mor- phine, la quantité du sucre du foie augmente de plus du double, et que la quantité de sucre dans le sang artériel augmente aussi du double ; ce qui est un argument, dit ce médecin distingué, contre l’emploi de l’opium dans le traitement du diabète, et explique les insuccès de ce traitement constatés par beaucoup de médecins. Syrxiis. — L'opium n’est pas, comme quelques auteurs l’ont cru, un remède spécifique contre la syphilis. Son efficacité dans cette maladie n’est que relative. Il s’est montré très-utile : 4° contre les symptômes douloureux de cette affection; 2 quand le mercure ne produit plus d’effet contre des symptômes dont la persistance ne peut être attribuée qu’à une irritation sourde, ou à l’éréthisme du système nerveux; 3° en l’associant au mercure pourrendre les effets de ce dernier plus rapides, plus énergiques, prévenir en même temps l’irritation gastro-intestinale et la salivation; 4° pour favoriser l'impulsion vers la périphérie et provoquer ainsi des sueurs qui éliminent à la fois le principe morbifique et l’agent métallique hétérogène, dont le séjour trop longtemps prolongé dans l’économie peut occasionner des acci- dents plus ou moins graves; 5° quand ces derniers accidents existent, qu’il y à des reliquats vénériens, vérole dégénérée et en même temps maladie mercurielle, dyscrasie toute spéciale avec anémie, atonie des organes. J’ai vu maintes fois l’opium produire, en pareil cas, des effets merveilleux et que favorisaient dans quelques circonstances les préparations de salsepa- reille, et, comme succédanées de cette dernière, les décoctions concentrées de racines de bardane, de tiges de douce-amère, de brou de noix, d’écorce de mézéréum, etc. Rodet (2) à fait connaître les bons effets de l’opium à haute dose dans les ulcères syphilitiques irrités, douloureux, ayant une tendance au phagédé- nisme. Le mercure, dans ces cas, est toujours nuisible; il exaspère ces ulcères. L’opium, au contraire, est toujours utile, en calmant la douleur, en apaisant l’irritation et en modifiant avantageusement la suppuration. Mais c’est surtout contre les ulcères syphilitiques, phagédéniques et ser- pigineux qui succèdent ordinairement à un bubon virulent, que l’opium agit en quelque sorte comme spécifique. Chez tous les malades aux- quels Rodet à administré l’opium à haute dose, la constitution s’est rapide- ment améliorée. PTYALISME MERCURIEL. — L’opium administré à l’intérieur s’est montré utile dans cette affection. Hunter prescrivait des gargarismes et des collu- toires fortement opiacés. Dans ce cas, j'emploie les gargarismes de sulfate (1) Mémoire présenté à l’Académie des sciences. (Gazette médicale de Strasbourg, 20 sep- tembre 1857.) . (2) Mémoire présenté à la Société de médecine de Lyon ét Bulletin général de thérapeu- tique, t. XLIX, p. 529. : 780 PAVOT. d’alumine fortement chargés d’opium. (Le chlorate de potasse trouve aussi dans ce dernier un précieux adjuvant.) GANGRÈNE EXTERNE. — L'opium convient dans la gangrène qui dépend essentiellement d’un défaut de vitalité, telle que celle qu’on observe chez les vieillards (gangrène sénile), quand, toutefois, la tendance à la conges- tion cérébrale, si fréquente à cet âge, n’en contre-indique pas l’emploi. Taylor (1) donne l’opium dans la gangrène sénile, à dose modérée (2 centigr. 1/2 par jour, qu’on augmente les jours suivants); en même temps il fait garder le lit au malade, et enveloppe la partie affectée de fla- nelles épaisses, parce qu’il à remarqué que la chaleur aide plus puissam- ment à la guérison que l’opium même. Il cite un cas où le gros orteil, pâle, livide, froid, avec une rougeur qui s’étendait plus loin, fut ramené à la chaleur et à la concentration du mal, qui se borna à cet orteil, lequel tomba, et la plaie se cicatrisa. Mais c’est surtout contre la gangrène de Pott, ordinairement caractérisée par des douleurs extrêmement vives, que l’opium s’est montré presque toujours efficace. L'action simultanée de ce précieux médicament sur le système nerveux comme sédatif et sur le système sanguin comme excitant, est ici de la der- nière évidence, puisque, en effet, peu de temps après son administration, les douleurs cessent en même temps que le pouls se relève, et que la réac- tion organique arrête la gangrène. Entre plusieurs exemples que je pourrais citer à cette occasion, je rapporterai le suivant : Fourcroy, mégissier à Samer, d’un tempérament lymphatico-sanguin, ayant toujours joui d’une bonne santé, avait été atteint, à cinquante ans, de congélation au gros orteil du pied gauche, lequel était resté, depuis lors, dans un état d’engourdissement, de fourmillement douloureux qui augmen- tait par la fatigue, les variations atmosphériques et surtout par l'impression du froid. A l’âge de soixante-dix ans (vingt ans après), les douleurs de l’orteil deviennent continuelles, le sommeil et l'appétit se perdent, les forces diminuent; un point brun noirâtre, de la grandeur d’une lentille, se montre à l’extrémité, s'étend et annonce bientôt une véritable gangrène, qui, en peu de jours, envahit la moitié de l’orteil. L'emploi du quinquina à l’inté- rieur et à l’extérieur n’a produit aucun effet. A mon arrivée (10 juin 1837), je trouve le malade dans l’état suivant : l’orteil est sphacélé, sec, et la gan- grène gagne la partie supérieure du pied; les parties environnantes sont tuméfiées et d’un rouge bleuâtre vers le point affecté. Des douleurs déchi- rantes partent de ce point et s’irradient sur toute l’étendue du pied; le pouls est petit et fréquent (86 pulsations); le malade qui, depuis quinze jours, n’a pu goûter un seul instant de repos, est découragé et invoque la mort comme terme de ses horribles souffrances. Me rappelant les succès obtenus par Pott en pareil cas, je fais aussitôt. remplacer les applications toniques par des émollients, et je prescris l’ex- trait gommeux d’opium à la dose de 5 centigr. de trois heures en trois heures. Dès la nuit suivante, et, après l’administration de 95 centigr. de ce médicament, la douleur se calme, le pouls est moins fréquent (80 pulsa- tions) et se développe. Le lendemain, la même dose d’opium est donnée de deux heures en deux heures. Après quarante-huit heures, les douleurs cessent presque entièrement, et le malade, tranquille, joyeux même, n’a eu cependant que deux heures de sommeil. Le pouls est relevé et a son rhythme presque normal (75 pulsations); la chaleur de la peau est halitueuse, une inflammation franche se manifeste autour de la partie malade et borne la gangrène. Au bout de quelques jours, le sommeil revient, une suppuration (1) Abeille médicale, mai 1846. PAVOT. 781 de bonne nature s'établit, les forces se réparent; les doses d’opium sont graduellement éloignées, de manière qu'après le huitième jour le malade n’en prend plus qu’une matin et soir. La séparation spontanée de l’orteil s'opère peu à peu, et, après la chute totale de ce dernier, il reste inférieu- rement un lambeau qui, ramené et maintenu sur la surface articulaire du premier os métatarsien, au moyen de bandelettes agglutinatives, diminue considérablement l'étendue de la plaie et en facilite ainsi la cicatrisation. Nous rapprocherons de ce fait celui observé par Mac Dowel et relaté dans Dublin hospital Gaz., 1854. PLAIES ET ULCÈRES. — « L’opium, dit Hufeland, possède une aptitude spé- ciale à favoriser la suppuration et à faire naître un pus de bonne qualité. On peut tirer un parti avantageux de cette propriété dans une foule de cir- constances. » Il convient, par conséquent, dans les ulcères sordides, icho- reux, putrides, gangréneux, dans la pourriture d'hôpital, etc. J'ai employé avec succès l’opium à l’intérieur et à l’extérieur contre les ulcères rouges, extrêmement sensibles, d’un caractère éréthique. W. H. Roberts (1) considère l’opium donné à l’intérieur à petites doses stimulantes, comme très-efficace dans le traitement des ulcères rebelles. Il se contente de l’emploi de l’eau froide. Skey (2), et, après lui, Mayor, pro- posent de traiter les ulcères par l’emploi de l’opium. Ce médicament active tellement la circulation, qu’il suffisait pour faire éviter le froid aux pieds à un homme qui en souffrait habituellement. Quelquefois Skey donne 8 gouttes de teinture d’opium, prises en deux fois dans la journée. Le plus souvent, il commence par 2 centigr. 1/2 ou 3 centigr., élevant successivement la dose jusqu’à 10 centigr. d’opium, soir et matin. Ce médicament augmente les forces et améliore l’appétit. Le pansement se fait simplement avec de la charpie mollette. Ce traitement convient dans toutes les espèces d’ulcères, excepté dans ceux qui sont inflammatoires. Skey rapporte seize observations de guérison d’ulcères chroniques cicatrisés par cette méthode, et il assure que, depuis plusieurs années, il a obtenu ainsi de très-nombreux succès dans des cas où toutes les autres médications avaient échoué, ASSOCIATION DE L'OPIUM A D’AUTRES SUBSTANCES. — On a pour but dans cette association, ou de favoriser, de rendre plus efficace l’action d’un autre mé- dicament, ou de mettre l’organisme en état de le supporter. Ainsi on mêle l’opium aux antispasmodiques, tels que le castoréum, la valériane, le campbhre, l’éther, etc. (De ce que l’on a reconnu l’antidotisme de l’opium et de la belladone, il n’en faut pas conclure pour cela que les formules où entrent ces deux sub- stances doivent être rejetées. Elles répondent à un besoin; elles constituent une médication sûrement calmante dans laquelle l’action trop excitante de la belladone est mitigée, modifiée par l’action narcotique de l’opium. La réunion de ces deux agents opposés détruit ce qu’il y a d’exagéré dans l’un et dans l’autre. La Société de pharmacie aurait pu s'abstenir de déclarer les deux agents incompatibles ; mais elle aurait dû spécifier les cas où leur association pouvait être utile ou entraver la manifestation des effets atten- dus. Si l’on veut produire le sommeil, il ne faut pas associer la morphine à une solanée vireuse; mais on peut très-bien obtenir un effet sédatif de l’union des deux agents; ce qui est indubitable, c’est que leur action toxique est presque annihilée : un enfant âgé de neuf ans (cas cité par Benjamin Bell) avala, sans presque en éprouver aucun effet, deux supposiloires contenant chacun 10 centigr. d’opium et autant d’extrait de belladone.) On unit l’opium au quinquina, au sulfate de quinine, agents médicamen- ” (1) Union médicale, 1855. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. IX, p. 255. 782 PAVOT. teux principaux, pour en faire tolérer l’action sur un estomac trop irritable, et éviter le vomissement; au tartre stibié dans la médication contro-stimu- lante pour obtenir aussi la tolérance du médicament principal; aux astrin- gents, tels que le ratanhia, le cachou, l’écorce de chêne, les racines de tor- mentille et de bistorte, le tannin, etc., pour en rendre l’action supportable dans les cas de diarrhée, de dysenterie, d'hémorrhagie passive, etc. On combine l’opium et le mercure dans le traitement de la syphilis. (Voyez plus haut Syruiuis.) Pour les cas de scrofules ulcérées, l'association de l’opium à l’iode, recommandée par Le Masson (1), donne aux prépara- tions iodurées une vertu qu’elles n’avaient pas, soit que l’opium agisse alors par ses propriétés toniques, soit qu'il diminue les sécrétions, soit que l'union de ces médicaments exalte leur action réciproque. La thériaque, assemblage bizarre de quatre-vingts substances diverses, dont on a exagéré les vertus, et que l’on a conservée dans la thérapeutique moderne, parce qu’elle y rend des services réels, doit une partie de ses pro- priétés à l’opium qu'elle contient. «La thériaque, disent Trousseau et Pidoux, est particulièrement conseillée dans les fièvres de mauvais carac- tère, dans les varioles confluentes, la rougeole, lorsque l’éruption s’affaisse et que de graves désordres surviennent, soit du côté de la tête, soit du côté de la poitrine, ou bien encore lorsque, au début de l’éruption, une violente diarrhée jette le malade dans l’affaiblissement et ne lui laisse plus assez de force pour suffire à l’élimination du principe morbifique. La thériaque est encore préférée à l’opium dans le traitement des gastralgies et des entéral- gies, de celles surtout qui sont liées à l’état de chlorose; unie aux médica- ments ferrugineux, elle le fait mieux tolérer et complète une guérison que le fer n’eût pu obtenir. Dans cette circonstance, la thériaque est donnée ou associée au fer lui-même, à la dose de 1 à 2 gr. ; ou seul, en un bol de 4 gr., une ou deux fois par jour, et notamment le matin à jeun, et le soir au moment où le malade se couche. Lorsque l’usage interne de la thériaque répugne trop aux malades, ou qu’elle trouble leurs digestions, on applique le médicament sur le creux de l’estomac, ou sur le ventre, sous forme d’emplâtre. Le diascordium, électuaire opiacé astringent, composé d’une vingtaine de substances, a été aussi conservé dans nos officines. Tous les praticiens le conseillent dans la diarrhée et dans la dysenterie, lorsque les symptômes inflammatoires sont dissipés. C’est surtout dans la diarrhée chronique qu’il est d’une grande utilité. On commence par une dose légère (1 à 2 gr.), et l’on augmente graduellement jusqu’à celle de 4 et même de 6 gr. Cet élec- tuaire agit à la fois comme calmant et comme astringent. EMPLOI DE L’OPIUM A L’EXTÉRIEUR. — MÉTHODES IATRALEPTIQUE ET ENDER- MIQUE. Nous avons déjà parlé de divers modes d’emploi de l’opium à l’exté- rieur. Le plus ordinairement, dans ce cas, on a pour but unique de calmer la douleur locale, bien que par cette voie l’on puisse obtenir des effets sem- blables à ceux que produit l’ingestion de l’opium dans les voies digestives. Cependant, sous ce dernier point de vue, l’opium, employé par la méthode iatraleptique, a des effets plus ou moins incertains, car on ne peut jamais s'assurer de la quantité exacte du médicament absorbé, les conditions d'absorption de la peau variant sans cesse dans les diverses circonstances de santé ou de maladie. Il résulte de cette variation, que des applications de préparations opiacées sur la peau ont souvent donné lieu à des empoi- sonnements mortels, surtout chez les enfants. J’ai vu l’application sur l’ab- domen, d’une compresse imbibée d’eau tiède avec addition de 15 gouttes . de laudanum liquide, chez un enfant de dix-huit mois atteint de coliques; produire un assoupissement inquiétant, qui, heureusement, s’est dissipé (1) Mémoire sur l'emploi de l’opium joint à l’iode. Paris, 1831. PAVOT. 783 après l'application de deux sangsues derrière chaque oreille, Le pansement des brûlures avec le cérat laudanisé peut aussi produire le narcotisme. Le Journal de chimie (4836) rapporte un cas de narcotisme très-grave survenu chez un enfant âgé de deux mois et quelques jours, par l'application, pen- dant vingt-quatre heures, d’un mélange de cérat et de 45 gouttes de lauda- num liquide sur une excoriation très-douloureuse située à la naissance du cou. Les symptômes de narcotisme ne disparurent complétement que le troisième jour. L'emploi de l’opium à l'extérieur, par la méthode endermique, est beau- coup plus sûr que par la méthode iatraleptique. On met surtout cette mé- thode en usage dans les cas où il est nécessaire d’enlever promptement une douleur vive, ou lorsque l’estomac ne peut supporter aucune préparation opiacée. On se sert aujourd’hui de préférence, pour cela, des sels de mor- phine, dont l'absorption est prompte et l’effet instantané. (Voyez plus bas Morphine.) Les bains opiacés, ainsi que nous l’avons dit à l’article NÉVROSE, ont été employés dans le tétanos. On fait dissoudre plusieurs onces d’opium dans l’eau du bain, et on y tient le malade pendant une ou deux heures, suivant l'effet observé. (Ce traitement d’un résultat plus que douteux aurait l’incon- vénient d’être excessivement dispendieux, et à peine à la portée des bourses riches. Si era, administré en lavement, a paru produire moins d’effet que par la bouche, c’est, comme nous l'avons déjà dit, parce que l'injection étant ordinairement rendue de suite, l'absorption n’a pas le temps de s’opé- rer. Quand elle est retenue, l’effet du narcotique, nous le répétons, est très- prononcé; à dose élevée, il peut, par cette voie, comme par la bouche, causer l’empoisonnement. On se sert de l’opium à l’extérieur en lotions, fomentations, injections, liniments, pommade, teinture, ou en topique étendu sur la toile, à la sur- face d’un cataplasme, etc.; dans les affections rhumatismales et névralgi- ques, la pleurodynie, l’odontalgie, l’otite, les hémorrhoïdes douloureuses, le panaris à son début, les affections cancéreuses, les pustules muqueuses syphilitiques, les chancres douloureux, la chaude-pisse cordée, la blennor- rhagie aiguë chez les femmes (associé aux injections émollientes). Il faut que l'application de ce médicament se borne à la place occupée par la douleur, et qu’on la cesse aussitôt qu’elle est calmée, afin de prévenir une absorption qui pourrait devenir dangereuse surtout chez les femmes et les enfants. L'’opium en injection dans l’urètre et le cathétérisme opiacé a été mis en usage dans quelques affections douloureuses de la vessie et des autres or- ganes abdominaux. On a aussi proposé ce moyen dans le choléra, lorsque les vomissements et les selles sont tellement abondantes qu’elles s'opposent à l'administration de l’opium à l’intérieur. On sait combien sont atroces les douleurs qui accompagnent la période aiguë de l’orchite et de l’épididymite blennorrhagique. Voillemier (1) les dissipe en quelques heures en enveloppant le testicule d’une compresse imbibée de lau- danum pur, et recouverte d’un morceau de taffetas gommé. L’organe est comme stupéfié, et le travail inflammatoire enrayé par ce topique. J'ai obtenu le même effet, en pareil cas, des cataplasmes de feuilles de jusquiame. L’opium est fréquemment employé dans les collyres contre l’ophthalmie (surtout lorsqu'elle est très-douloureuse ou photophobique), la kératite, les ulcères de la cornée, etc. Le laudanum est d’une efficacité reconnue contre les taies de la cornée. : Forget, professeur à la Faculté de médecine de Strasbourg (2), emploie RE Laon pile ne Es On ES (1) Gazette des hôpitaux, 1848. (2) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIX, p. 53. 78h PAVOT. comme remède abortif du coryza, une solution d’opium (10 centigr. par 15 gr. d’eau) que le malade renifle de deux en deux heures. Lombard, de Genève (1) a utilisé l’opium en fumigation dans les névralgies de la face et dans le coryza. Il fait diriger vers les fosses nasales la vapeur de l’opium. Le médicament pénètre ainsi dans les replis de la muqueuse et est absorbé d’une manière bien plus efficace que sous forme de poudre ou d'injection. Lombard fait pulvériser 40 centigr. d’opium brut avec parties égales de sucre pilé, et après avoir fait rougir au feu une petite plaque de tôle, une pelle à feu, par exemple, il projette cette poudre par petites pincées sur le fer rougi; aussitôt il s’en dégage une vapeur épaisse que le malade aspire avec la bouche et surtout avec le nez. D’autres fois il trempe de petits mor- ceaux d’agaric dans une forte solution d’opium, et, après les avoir fait sécher, il les fait brûler sous le nez des malades. Le soulagement est presque immédiat. C’est surtout dans le coryza aigu ou chronique accompagné de douleurs très-vives dans les fosses nasales, qu’il a employé ce moyen. Il le prescrit aussi dans certaines céphalalgies, accompagnées ou non de catarrhe nasal. Ces fumigations réussissent également dans les névralgies continues et dans les névralgies intermittentes, tenant à des causes fort diverses. S'il n'obtient pas une guérison complète, il soulage beaucoup ses malades, et n’a jamais à se repentir d’avoir employé cette médication. Non-seulement j'ai employé ces fumigations avec succès dans les cas cités par Lombard, mais aussi dans les névroses des organes respiratoires, dans la bronchite et dans tous les cas où une toux incessante fatigue le malade. L'effet prolongé de l’opium à l'extérieur sur certaines excroissances, telles que les polypes du nez, du conduit auditif, du vagin, etc., a pour résultat la flétrissure, et enfin la guérison de ces productions morbides. C’est un moyen trop négligé et que l’on devrait toujours employer avant de se dé- cider à pratiquer une opération plus ou moins douloureuse : Quæ medica- menta non sanant, ea ferrum sanat. (Hipp.) L'application topique d’une solution aqueuse d’extrait d’opium sur les plaies récentes, faites par lacération, contusion ou érosion, avant que la période inflammatoire ait commencé à se manifester, a eu, dans les mains de Bégin, le succès le plus heureux (2). Cette solution calme immédiatement la douleur, diminue considérablement l’inflammation suppurative et la tu- méfaction environnante, et si on ne lève l’appareil que très-tard, on a lieu d’être étonné des progrès rapides déjà faits vers la guérison. Ne pourrait-on pas employer avec avantage ce topique après une opération chirurgicale pour prévenir la douleur, la violence de l’inflammation et la réaction fébrile qui en est la conséquence ? Verdier (3) a retiré de grands avantages du pansement des plaies trauma- tiques avec le cérat opiacé. L'action de ce topique, comme celle de la solu- tion d’opium, atténue dans la blessure et les tissus voisins la douleur, la congestion sanguine, l’inévitable inflammation et la fièvre de réaction qui s’ensuit. On applique autour des parties blessées, et même sur la moitié du membre, jusqu’au pli du coude, par exemple, si la plaie est à la main, des bandes chargées de cérat opiacé. Verdier préfère ce mode d’agir à celui des médecins de Montpellier, qui donnent dans ce cas l’'émétique à haute dose, comme contro-stimulant, afin d'empêcher le développement de l’in- flammation. ALCALOÏDES DE L'OPIUM. — PuysioLoGiE; Etude générale et compara- tive. — Nous avons vu, p. 748, que l’opium donnait à l’analyse chimique (4) Gazette médicale de Paris, 1854. (2) Application de la doctrine physiologique à la chirurgie. Paris, 1893. (3) Journal de la Société de médecine de Montpellier, avril 1846, p. 454. PAVOT. 785 une grande quantité de corps particuliers. Nous avons donné les Caractères chimiques des six alcaloïdes les plus connus. Mais tous n’ont pas été, jus- qu’à présent, suffisamment étudiés au point de vue physiologique et théra- peutique. L’opium n’est pas seulement complexe dans sa composition; on sait bien qu'il est complexe daus son action, et la prédominance de tel ou tel principe peut rendre compte des irrégularités dans les effets du corps composé. CI. Bernard a recherché quelle était la part d’action de six des principes les plus actifs. Nous avons assez insisté sur l’action narcotique d’une part, et l’action excitante de l’autre, pour que le lecteur sache qu'à priori, on a admis dans l’opium des agents narcotisants et des agents con- vulsivants. CI. Bernard (1), par d’habiles expériences, a étudié d’une façon générale et comparative les propriétés de la morphine, de la narcéine, de la codéine, de la narcotine, de la papavérine et de la thébaïne. Il existe dans ces alcaloïdes trois propriétés principales : une action soporifique, une action excitante, une action toxique. Gette dernière n'offre aucune rela- tion avec les deux premières : par exemple, la toxicité est indépendante du degré de soporificité de l’alcaloïde. Les substances soporifiques sont, en les classant par intensité d’action, la narcéine, la morphine, la codéine; l’ac- tion excitante ou convulsivante suit la proportion décroissante suivante : thébaïne, papavérine, narcotine, codéine, morphine, narcéine. En dernier lieu, d’après leur degré d'action toxique, les alcaloïdes peuvent être dis- tribués ainsi : thébaïne, codéine, papavérine, narcéine, morphine, nar- cotine. Ces appréciations résultent d'expériences répétées, faites au moyen de l'injection dans les veines ou dans le tissu cellulaire sous-cutané d’une solution titrée de l’alcaloïde. De son côté, Ozanam (2) a reconnu qu’au point de vue thérapeutique, l’opium contient des substances calmantes (morphine, opianine, narcéine); des substances excitantes {thébaïne, narcotine); des substances mixtes alter- nativement excitantes ou calmantes (codéine). Si, par cette division, l’au- teur que nous citons s’éloigne peu de l'opinion du professeur du collége de France, il n’en est plus de même lorsqu'arrivent les conclusions à tirer de cet ordre de faits. Pour CI. Bernard, en effet, il devient préférable d’em- ployer isolément chacun des principes étudiés, d’après la connaissance de son action et selon les effets que l’on veut produire; on y gagne la certitude de la constance des résultats, et, au point de vue vraiment scientifique, on possède une source plus exacte d’expérimentations physiologico-patholo-- giques. Ozanam, au contraire, pense que, dans l’opium en nature, l’action de l’un des principes contre-balance ou atténue celle des autres. Chacun des éléments, pris isolément, pourrait avoir des effets trop déprimants où trop excitants. L'alliance intime des alcaloïdes devient le correctif naturel de la prédominance de l’un d’entre eux. I ne nous appartient pas de juger le différend. Nous serions pourtant portés à adopter l'opinion de CI. Bernard, qui tend à se répandre de plus en plus. Ce n’est pas à dire’ pour cela qu’il faille abandonner l'usage de l'extrait thébaïque; mais, nous le répétons, toutes les fois qu’on voudra ré- pondre à une indication précise, il nous paraît plus sûr de recourir à un principe à action définie. Nous allons maintenant étudier, au point de vue physiologique et théra- peutique, chacun des alcaloïdes considérés isolément. } MORPHINE. — ACTION PHYSIOLOGIQUE. — A. Sur les animaux. — CI. Ber- nard à expérimenté l’action de cet alcaloïde en en injectant 1 centigr. ou la (1) Comptes-rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences, 1864, p. 406 et suivantes (2} bid., p. 464. 50 786 PAVOT. même dose d’un sel de morphine, comme plus soluble, dissous dans un centimètre cube d’eau dans le tissu cellulaire sous-cutané, de préférence à l’administration par le tube digestif, où les substances subissent nécessaire- ment des réactions et des lenteurs d’action qui en modifient les effets. Il a obtenu des résultats identiques sur les chats, les chiens, les rats, les co- chons d’Inde, les grenouilles, les moineaux, etc., etc. La morphine est un narcotique puissant. Le sommeil qu’elle procure est lourd; mais il peut être momentanément interrompu par une cause exté- rieure, un bruit fort, par exemple; les extrémités ne tardent pas à devenir presque insensibles aux excitations. Le réveil est caractéristique : les chiens soumis à l’expérience sont effarés, leurs yeux sont hagards, le train posté- rieur surbaissé et à demi-paralysé ; l’animal ne reconnaît plus son maître, il fuit à son appel. Ces troubles intellectuels durent environ douze heures. Suivant Ozanam, la morphine porte spécialement son action sur les hémi- sphères cérébraux qu’elle congestionne. En dernier lieu, l’excitation gagne la moelle. Lorsque la dose a été toxique, la mort est accompagnée de con- vulsions tétaniques plus ou moins violentes. B. Sur l’homme. — La première manifestation de l'introduction d’une dose légère de morphine dans l’économie par voie d'injection sous-cutanée est un sentiment de chaleur, bien décrit pour la première fois par Pied- vache (1), déjà signalé pourtant par Lafargue comme consécutif aux inocu- lations, partant de la partie piquée pour gagner la tête et tout le corps. Puis la sensibilité dans le pourtour du lieu ponctionné ne tarde pas à diminuer, ce dont on peut se convaincre au moyen d’un compas; la face rougit sou- vent un peu, d’autres fois elle pâlit légèrement; toute la surface cutanée se couvre quelquefois d’une sueur légère ou abondante. Cette production de chaleur, dit l’auteur que nous venons de citer, témoigne encore de la rapi- dité de l’absorption qui force l’organisme à réagir contre la modification qui lui est imprimée tout d’un coup. Il se produit ensuite une période d’excitation peu marquée, amenant à sa suite une certaine activité intellectuelle, une perfection plus grande des sens, avec impossibilité de trouver le sommeil, mais avec un sentiment de bien-être parfait et de force physique plus grande. En même temps, la bouche se sèche, les mâchoires et les tempes sont le siége d’un sentiment de resserrement,. Il se produit quelquefois, surtout chez les femmes, quelques vomissements passagers; les membres, le tronc sont parfois le siége de dé- mangeaisons assez vives, puis le calme vient, précédé ou non d’un peu de céphalalgie ou de vertige ; la pupille se contracte légèrement et le sommeil arrive; quelquefois il est accompagné de quelques rêvasseries sans carac- tère particulier; le réveil, aux doses usuelles, n'offre rien de spécial. Il ar- rive cependant qu’il se produit quelques convulsions peu tenaces. La durée de l’effet est de trois. à vingt heures; à dose plus élevée, ou lorsque l’injec- tion, rencontrant une veine sous-cutanée, passe d’emblée dans le torrent circulatoire, les phénomènes s’accusent davantage. Nussbaum a suivi sur lui-même la marche des accidents. Après l'injection de 10 centigr. d’acétate de morphine, il a observé les symptômes suivants résultant de la pénétra- tion de la solution narcotique dans une veine : « Pendant plusieurs minutes, je me crus mort, dit-il; une douleur lanci- nante, une sensation de brûlure des plus fortes me parcoururent pendant deux secondes, comme un éclair, toute la surface du corps de la tête aux pieds; puis un goût manifeste de vinaigre me remplit la bouche; la figure se colora d’un rouge foncé pareil à peu près à celui des lèvres; des bruisse- ments d'oreille, des éblouissements, de fortes douleurs du cuir chevelu se déclarèrent au bout de quatre secondes environ après l'injection, en même (1) Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, thèse inaugurale de Paris, 1865, PAVOT, 787 temps que la sensation insupportable de brûlure et le goût acide dimi- nuaient. Le symptôme qui me fut le plus désagréable fut la force et la rapi- dité des battements du cœur, Chez vingt-cinq mille malades environ que j'ai soignés je n’ai jamais rencontré un pouls pareil au mien en ce moment. I devait battre au moins 160 à 480 fois à la minute. Les carotides n’avaient pas le temps de se désemplir et étaient dures comme du fer; extrèmement gonflées, on les voyait trembler des deux côtés du cœur. Je sentais parfai- tement le cœur et les artères du corps battre comme si j'avais la main posée sur eux; les artères de l'oreille et de l'œil se faisaient surtout reconnaître, et le globe de l'œil me paraissait menacé d’être projecté hors de l'orbite à chaque ondée sanguine. Un anévrysme n’aurait certes pas résisté à la force de la circulation. Cet état anxieux dura, à un degré élevé, pendant environ huit minutes, accompagné de gène de la respiration; la lividité de la face lui succéda et se maintint une heure, tandis qu’une forte céphalalgie conco- mittente disparut au bout d’un quart d'heure. Pendant toute la durée de cet accès, je n'avais pas perdu un seul instant ma présence d’esprit, seule- ment rester debout et parler m'’étaient excessivement difficile; le froid, sous forme de lavage, d’aspersion et de compresses, m’a soulagé beaucoup. Deux heures après, tous ces symptômes alarmants avaient disparu sans lais- ser de trace. » Administrée à l’intérieur, la morphine et ses sels donnent des effets ana- logues à ceux que nous venons de décrire; mais avec des variations tenant à la voie différente d'absorption; les susceptibilités individuelles sont peut- être ici plus marquées. Je m'explique. On peut dire que presque tous les individus sont égaux devant l'injection sous-cutanée. Dans l’estomac, Pacti- vité ou la paresse organiques modifient singulièrement la marche des phéno- mènes, et ces conditions peuvent rendre compte, soit des lenteurs, soit de l'absence presque complète de leur apparition. Il est probable que les exem- ples d'individus réfractaires à l’opium cités par les auteurs seraient actuel- lement ramenés à la loi commune, grâce au niveau de l'injection sous- cutanée. En résumé, à dose thérapeutique, la morphine produit d’abord des phé- nomènes d’excitation, et secondairement le narcotisme. Le réveil est sou- vent suivi de nausées, de céphalalgie et de paresse intellectuelle. (THÉRAPEUTIQUE. — Il ressort des faits que nous venons d’exposer, que la morphine ne représente pas à elle seule le principe actif de l’opium, comme beaucoup d’auteurs l’avaient cru jusqu’à présent. Elle n’en repro- duit pas le mode d’action d’une façon complète. Elle peut cependant rem- placer l’opium dans presque tous les cas où ce dernier est indiqué, et nous en avons plusieurs fois parlé à l’occasion des diverses indications où les deux substances trouvaient leur application. Dans l’étude thérapeutique que nous avons faite de l’opium, nous avons implicitement fait celle de la mor- phine. Il nous restera peu de choses à dire sur son usage à l’intérieur.) Les sels, l’acétate, le sulfate, le chlorhydrate sont plus fréquemment employés que l’alcaloïde lui-même, à cause de leur plus grande solubilité, qui permet tous les modes possibles d'administration, tandis que la morphine, étant insoluble, ne peut être introduite par la méthode endermique; on ne peut guère la prescrire qu’en pilules ou en poudre, associée à une substance appropriée. La dose de la morphine ou de ses sels ne doit être au début que de 4 ou 2 centigr. que l’on peut répéter une ou plusieurs fois dans les vingt-quatre heures, mais qu’il ne faut augmenter qu'à quelques jours d’in- tervalle, l'habitude n’en émoussant que peu l’action. En général, on ne dépasse pas 5 ou 10 centigr. par jour. J’ai pu néanmoins, dans un cas de cancer utérin, arriver progressivement à la dose de 30 centigr. d’acétate de 788 PAVOT. morphine dans les vingt-quatre heures. Néanmoins, losqu'un sel de mor- phine cesse de produire l’effet ordinaire, il vaut mieux avoir recours à une autre espèce de sel de la même base, qui agit alors, sans qu’il soit néces- saire d'élever la dose, que d’augmenter beaucoup la quantité de celui qu’on a primitivement employé. Le sulfate, l’acétate, le chlorhydrate de morphine s’emploient en pilules, en potion, en sirop (contenant 12 miHigr. par chaque 30 gr. de sirop). (Le sulfate mérite la préférence à cause de sa solubilité plus grande; il est pourtant d’un usage moins répandu que le chlorhydrate; l’acétate doit être peu recherché à cause de son peu de stabilité. Nous renverrons à l’ar- ticle Oprum pour tout ce qui concerne l’emploi intérieur de la morphine et de ses sels.) On fait usage à l’intérieur d’une pommade avec un des sels de morphine (de 40 à 30 centigr. pour 8 gr. d’axonge ou de glycérolé d’amidon), en fric- tions contre les douleurs, les névralgies, le lombago, la goutte, le rhuma- tisme, les douleurs qui succèdent au zona, le ténesme, etc., etc. Le chlorhydrate double de morphine et de codéine (sel de Grégory), plus en usage en Angleterre qu’en France, et qu’on administre comme les précé- dents, jouit, dit-on, de propriétés plus sédatives que les sels de morphine simples. (Nous avons déjà eu l’occasion de citer son emploi fréquent en An- gleterre pour diminuer l'intensité des cris hydrencéphaliques de la ménin- gite tuberculeuse. | Nous signalerons pour mémoire le biméconate de morphine, employé par Scanzoni en injections sous-Cutanées dans un cas d’éclampsie puerpérale; le citrate de morphine préconisé par plusieurs médecins anglais, et le cam- phorate de morphine, un des plus puissants antispasmodiques, malheureuse- ment encore peu étudié, J’ai expérimenté l’action de ce sel, et j'ai eu à me louer de son emploi en injections sous-cutanées dans le traitement d’une affection nerveuse du larynx et du pharynx, véritable chorée partielle, se présentant avec des phénomènes des plus bizarres, d’aboiements, de cris, d’inspirations à timbre musical, etc., chez la jeune M., âgée de onze ans, non réglée. Il n’y avait pas eu de sommeil depuis huit jours; les accès d’aboiement se renouvelaient toutes les dix ou douze minutes. Dès la pre- mière injection qui fut faite, au niveau de la mâchoire inférieure, avec 1 centigr. de camphorate de morphine, il y eut une modification mar- quée. D'abord, cinq à six minutes après l'injection, sensation pénible d’é- touffement, commencement d’accès suivi d’oppression simple; au bout de dix minutes, lourdeurs de tête, un peu de délire, mouvements convulsifs des extrémités, un ou deux sifflements trachéaux, tendance au sommeil, puis assoupissement accompagné de rêves pénibles, qui dura trois heures et amena une légère diminution de la fatigue; les accès ne reprirent qu’une demi-heure après le réveil et se reproduisirent tous les trois quarts d’heure environ; la nuit il y eut un peu de sommeil. Les injections répétées chaque jour amenèrent graduellement un sommeil de plus en plus calme; les accès s’éloignèrent, et au moment où j'écris ces lignes ils se réduisent à deux ou trois par jour : au début on pouvait à peine apprécier leur nombre.) Emploi des sels de morphine par la méthode endermique. — Cette méthode consiste à appliquer le sel de morphine sur le derme dénudé au moyen d’un vésicatoire, de la pommade de Gondret ou de tout autre vésicant. Le con- tact du sel cause d’abord sur la partie dénudée une douleur assez vive ;, mais, après cette première impression, l’absorption s'opère de suite et l'effet narcotique ne tarde pas à se faire sentir. Cet effet s’aflaiblit à mesure que l’on répète les applications sur la même partie, à cause des modifications vitales apportées par l’inflammation et la suppuration qui s’établissent à la surface du derme. Quand on n’a besoin que PAVOT, 789 d’un effet lent et modéré, on peut continuer longtemps l'application des sels de morphine sur la surface bien nettoyée et vive d’un vésicatoire; mais lorsque l'intensité de la douleur réclame une action énergique du médica- ment, on est obligé de soulever chaque fois l’épiderme au moyen d’un vési- catoire nouveau ou de la pommade ammoniacale, 1l faut, du reste, placer le vésicatoire le plus près possible du siége de la douleur, puis répandre di- rectement et sans mélange le sel pulvérisé sur la plaie; car si on le mêle à un Corps gras ou qu’on en soupoudre un emplâtre ou un cataplasme, l'effet devient incertain. La morphine, vu son insolubilité, ne peut être convenablement employée par la méthode endermique. Emploi de la morphine par l'inoculation. — Lafargue, de Saint-Emilion, expérimente, depuis plus de dix ans, une nouvelle méthode d'introduction des médicaments dans l’économie : celle qui consiste à les insinuer dans l'épaisseur de la peau à l’aide d’une lancette. Ses recherches ont tour à tour porté sur nos agents les plus actifs. «Si, après avoir délayé un peu de mor- phine avec de l’eau pour en faire une pâte, on charge de ce mélange l’extré- mité d’une lancette à vacciner, et qu'on l’introduise presque horizontale ment sous l’épiderme, à 3 millimètres de profondeur, on observe aussitôt un peu de gonflement et une teinte rosée autour de la piqûre. Un léger prurit et de la chaleur se développent en même temps. Si on pratique plu- sieurs piqûres à peu de distance les unes des autres, la peau rougit partout et la chaleur est plus vive. L'’absorption de la morphine s’annonce bientôt par de la céphalalgie, des bâillements, de la sécheresse de la bouche. Cette nouvelle méthode remplace avec avantage celle des frictions, si souvent inefficaces, et surtout celle des -vésicatoires volants, à l’aide des- quels on favorise l’absorption cutanée, mais au risque de produire des ulcé- rations et des cicatrices. Cette dernière considération est très-importante pour les névralgies de la face, particulièrement chez les femmes. Avec l’inoculation, pas de cicatrice, pas de douleur, possibilité d’application sur tous les points de l’économie. « Afin de rendre l’absorption de la morphine plus complète, M. Lafargue humecte à plusieurs reprises les surfaces inoculées avec une solution narco- tique. « Dans le traitement de la sciatique aiguë, M. Lafargue combine très- heureusement l’action des ventouses scarifiées et celle des narcotiques. Dès qu'il ne sort plus de sang par les incisions, on introduit au fond des plaies de la pâte de morphine. La guérison s’obtient ainsi avec une promptitude remarquable. « L’inoculation procure un soulagement immédiat dans les cas de dé- mangeaisons rebelles des parties génitales, de douleurs vives succédant au zona. Pratiquée sur les gencives ou sur les joues pour conjurer l’odontalgie, elle calme comme par enchantement les douleurs les plus aiguës. De nom- breuses piqûres pratiquées sur une surface cutanée endolorie, qu’on va couvrir d’un cataplasme laudanisé, favorisent singulièrement l’action de la liqueur narcotique. « Il est des personnes, enfin, qui ne peuvent supporter les préparations d’opium introduites sous l’épiderme ou déposées dans l’estomac. On pourra essayer, chez elles, l’inoculation de la morphine, à dose infiniment petite d’abord. M. Lafargue est parvenu, par ce moyen, à obtenir la tolérance (1). » (Injections sous-cutanées, méthode hypodermique. — C'est à Cassargues qu’il faut attribuer l’honneur d’avoir inventé ce mode d'introduction des médica- {1) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1848, t. XXXI, p. 30 et 31. . 790 PAVOT. ments actifs dans l’économie (1); mais, en fait, AL Wood, d’Edimbourg (2), employa pratiquement le premier les sels de morphine par la méthode hy- podermique. Il serait de peu d’utilité de citer tous les auteurs qui ont suivi son exemple; nous mentionnerons Bertrand, de Schlangenbad (3); Courty, de Montpellier (4); Bell (5); Erlenmeyer (6), de Neuwied; Bois (7); et enfin particulièrement pour les narcotiques, la thèse de mon ancien collègue et ami d’internat Piedvache (8), à laquelle nous avons fait plus d’un emprunt. Il convient, en outre, de dire que c’est le professeur Behier qui, dans ces. derniers temps, a le plus contribué à la vulgarisation de cette méthode. Nous n’insistons pas sur Ce point, parce que c’est surtout avec l’atropine qu'opérait ce savant clinicien. À propos des injections sous-cutanées des sels de morphine, nous croyons devoir entrer dans quelques détails sur le manuel opératoire des injections sous-cutanées en général, qui s’appliqueront à d’autres substances, aconi- tine, atropine, colchicine, digitaline, conicine, hyosciamine, vératrine, daturine, nicotine, ergotine, acide acétique, acide cyanhydrique, etc. (voyez ces mots), ainsi qu'aux autres alcaloïdes de l’opium. L’instrument mis en usage est la petite seringue de Pravaz, améliorée par Charrière. Elle consiste en un corps de pompe en verre, uniformément Ca- libré, dans lequel se meut un piston à vis ; un tour de vis pousse au dehors une goutte de liquide ; un demi-tour laisse échapper une demi-goutte, etc. ; de sorte qu'avec une solution-parfaitement titrée, a tant par goutte, on connaît exactement la dose de substance active injectée; un petit trocart a pour but de ponctionner la peau; le trocart retiré, la canule, restée en place, reçoit une seconde canule très-fine, fixée à la seringue qui porte ainsi la solution médicamenteuse au contact même du tissu cellu- laire. Par suite de la manœuvre de la vis, le liquide ne s’épanche dans le tissu que successivement et pour ainsi dire goutte à goutte. Luer, pour simplifier le procédé, remplace le trocart par une aiguilie effilée et creuse que l’on introduit sous la peau; on y ajuste la seringue par juxta-position ; la tige du piston porte des degrés qui répondent chacun à la capacité d’une goutte de liquide; une virole mobile sur cette tige permet de s’arrêter au chiffre des gouttes que l’on veut injecter. Ce liquide est ainsi projecté d’un seul mouvement, et non goutte à goutte, comme par l’appareil précédent. Le manuel opératoire est des plus simples : on forme un léger pli à la peau de l’endroit choisi; on y enfonce la pointe du trocart ou de l’aiguille creuse, suivant l'instrument qu’on emploie, en ayant soin de bien pénétrer dans le tissu cellulaire sous-cutané. Quand le pli est effacé, on applique exactement la peau autour de la canule, de manière à prevenir le retour du liquide, on introduit la seringue remplie dans la canule ou l’aiguille, et l’on fait agir le piston suivant la quantité que l’on veut injecter. Il est certain qu'il faut éviter les gros et petits vaisseaux, même, si faire se peut, les veines sous-cutanées et les ramifications nerveuses. Si on peut choisir le point où l'injection doit être pratiquée, il vaut mieux la faire à une place où un os est situé peu profondément sous la peau. Cette précaution a pour but d'éviter l’hémorrhagie légère qui se produit quelquefois, et de faciliter par la pres- sion des doigts sur un plan résistant la diffusion de la solution médicamen- teuse dans le tissu cellulaire. (1) Mémoire présenté à l’Académie de médecine en 1836. (2) Edimb. med. Journal, april 1855. (3) Feuille de correspondance pour la psychentrie, 1857, p. 12. (4) Edimb. med. Journal, july 1058. (5) Montpellier médical, 1859, p. 289. . (6) Die subcutanen Injectionen der Arzneimitlel. Neuwied et Leipsick, 1864, in-8° de 23 pages. (7) Des injections narcotiques. Paris, 1864. (8) Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, thèse inaugurale, Paris, 1865. PAVOT. 791 Le professeur Nusbaum, pour obvier à l'accident dont il a failli être vic- time (voyez p. 786), recommande de pousser l’injection très-lentement et de s'arrêter aussitôt que les phénomènes se prononcent. Quant à la fixation de la dose, «l'absorption sous-cutanée étant plus sûre et plus rapide, il y a plus de substance active réellement introduite, réelle- ment agissante; il faut donc une moindre dose que si l’on donnait le médi- cament en potions, Car, dans ce cas, une partie des médicaments échappe à l'absorption et est rendue par les excrétions QE » Certains auteurs recommandent un tiers de la dose prise à l’intérieur, d’autres la moitié. Erlenmeyer préconise la solution de 5 centigr. de sel de morphine dans 4 gr. d’eau distillée, afin de pouvoir à volonté élever la proportion suivant la susceptibilité des malades. Il commence par 5 gouttes de cette solution et augmente peu à peu (voir Préparations et doses, p.151). Nous avons dit que Piedvache recommande la solution au 20°; Briche- teau (2) a adopté une solution très-concentrée afin d’injecter le moins de liquide possible, 20 centigr. dans 4 gr. d’eau distillée ; chaque goutte con- tient 1/4 de centigr. de la substance active. La morphine n’est employée pure qu'avec addition d’un peu d’acide acé- tique; mais cette addition rend l’opération beaucoup plus douloureuse; on a surtout recours au chlorhydrate, plus rarement au sulfate; la dose varie de 4/4 de centigr. à 5 centigr.; on peut même pousser jusqu’à 40 centigr., et, dans quelques cas graves ou exceptionnels, au-delà, suivant le degré de tolérance (3) ou à cause de la nécessité rare d'obtenir le narcotisme théra- peutique. Pour ce qui concerne le choix du point où se pratiquera l'injection, il doit dépendre de l’idée que l’on se fait du mode d’action de l’alcaloïde ou de ses sels déposés dans le tissu cellulaire. Evidemment, il n’en faut pas douter, il y à un effet général; mais, dans les névralgies, par exemple, la sédation de la douleur est-elle un fait direct, et doit-on, par conséquent, opérer le plus près possible du nerf affecté, ou bien le calme est-il un effet commun à la sédation de l’organisme entier ? Bois dit nettement que l’action locale lui paraît être la principale raison d’être des injections sous-cutanées. Ch. Hunter prétendait que l’action générale était tout et l’effet local nul (4). S'appuyant sur l'expérience de Muller, qui faisait perdre à un nerf son irritabilité par le contact direct des préparations opiacées, Wood admet une action mixte. Du reste, on a trouvé que la douleur est déjà apaisée avant l’apparition des premiers troubles fonctionnels. Mais, si l’on en croit Piedvache (5), cela se produit aussi et de la même manière lorsque le sel de morphine est déposé aussi loin que possible du foyer douloureux. Cet auteur a, dans ces circon- stances, obtenu constamment le même effet que si les sels avaient été intro- duits au niveau du point malade. Tout en reconnaissant de quelle importance est ce fait démontré solide- ment par les minutieuses expériences de Piedvache et confirmé par les ob- servations antérieures de Warren (6), il n’en faut pas moins, lorsque faire se peut, pratiquer l’opération aux endroits où la douleur se fait sentir le plus vivement, aux points douloureux, aux régions qui sont en rapport avec le nerf malade sortant d’un conduit osseux ou d’un fascia; car d’autres ob- servateurs ont insisté sur la puissance plus sédative des injections prati- quées dans ces conditions. (1) Jousset (de Bellesme), Des injections sous-cutanées, 1865, in-8°. (2) Bulletin de thérapeutique, 1865, 1er semestre. (3) Jousset (de Bellesme), Des injections sous-cutanées, 1865, in-8°. « L (4) Cité par Piedvache, Etude sur les injections narcotiques sous-culanées, thèse inaugu rale. 1865, p. 9. (5) Etude sur les injections narcotiques sous-cutanées, thèse inaugurale, 1865. (6) Amer. med. Times, 1864. 792 PAVOT, Cette action générale de la morphine lui doit faire donner la préférence contre les douleurs profondes et inaccessibles, réservant l’atropine, dont l’action calmante est plus locale pour les douleurs superficielles. L'emploi de cette dernière est, du reste, plus souvent accompagné de phénomènes d'intoxication qui, quelque légers qu'ils soient, sont difficilement supportés par les malades. De plus, on ne peut pas toujours compter sur la fidélité de son action. Les effets physiologiques consécutifs à l'introduction des sels de morphine dans le tissu cellulaire ont été étudiés dans un des paragraphes précédents. Les injections sous-cutanées de morphine, si utiles pour l'étude physiolo- gique, sont indiquées toutes les fois que se produit l’élément douleur. Elles ont surtout pour spécialité le traitement des névralgies de toute espèce, de tout siége, et particulièrement des névralgies rhumatismales. Leur effet est curatif ou seulement palliatif. Dans ce dernier cas, il faut, pour des raisons variables, l’ancienneté de la maladie, ou la persistance de la cause produe- trice, par exemple, il faut répéter l'opération jusqu'à ce que l’organisme se trouve dans de meilleures conditions. Quelquefois aussi, quand l’affection est d’une extrême violence, ou liée à une dégénérescence du nerf ou à une compres- sion, il y a plutôt diminution, engourdissement de la douleur que cessation complète. Les recueils périodiques contiennent un nombre déjà considé- rable d’observations où le procédé des injections narcotiques hypodermi- ques à produit des effets remarquables. Quand l'effet palliatif, par ses répétitions, ne finit pas par amener la dis- parition graduelle des accès névralgiques, il faut quelquefois avoir recours à la section des nerfs; il arrive alors, malgré cette opération, comme le fait remarquer Erlenmeyer, qu'il revient encore de temps en temps de légers paroxysmes isolés. Le retour aux injections de morphine après la section, est le plus sûr moyen de dissiper entièrement toute trace de douleur. Toutes les affections douloureuses, nous le répétons, peuvent réclamer l'emploi des injections hypodermiques. Nous citerons le rhumatisme articu- laire, le cancer, la pleurésie, la péritonite, les douleurs consécutives aux ac- couchements, voire même les douleurs succédant aux contusions graves (1). Ici, encore plus que dans les névralgies, ce n’est qu’un traitement palliatif, qui, en donnant au malade du calme, modère l'intensité des phénomènes réactionnels et inflammatoires : Ubi dolor, ibi affluxus. Dans les états spasmodiques iocaux ou généraux, le même moyen compte de nombreux succès. La chorée, l’hystérie, le tétanos ont été toujours heu- reusement modifiés, quelquefois guéris. En un mot, toutes les névroses, sans omettre l’angine de poitrine, peuvent trouver dans cette méthode un soulagement marqué. En chirurgie, on a préconisé les injections de morphine contre les dou- leurs succédant aux blessures, contusions, fractures (2). La réduction des fractures ou des luxations est moins pénible, si on la fait précéder d’une in- Jection sous-cutanée de l’agent narcotique. Les douleurs des panaris sont aussi très-bien calmées par ce moyen. Nous avons vu, p. 768, le parti que l’on en pouvait tirer en combinant son action à celle du chloroforme, pour l’anesthésie chirurgicale. Le professeur de Graefe (3) a fait en 1863 une série de leçons sur l’emploi des injections sous-cutanées d’acétate de morphine (20 centigr. pour 1 gr. 774 d’eau distillée) dans les affections oculaires. Le point le plus favorable pour pratiquer l’opération est la partie moyenne de la tempe. (1) Auer, in Baur's Intell'genz-Blatt, 1864, p. 7. (2) Dublin medical press, août 1865. (3) Bulletin de thérapeutique, 15 janvier 1861. PAVOT. 793 . L'action sur l'iris a été étudiée avec soin. Souvent, au bout d’une minute, juelquefois dans l’espace d’un quart d'heure, la contraction spéciale de cette membrane (opium-myosis) se manifeste; cette contraction s’observe mieux en comparant les dimensions des pupilles à une lumière modérée. Le degré et la durée de la myose varient d’une façon extraordinaire; le plus souvent elle persiste, bien marquée, pendant plusieurs heurés et disparaît lentement. Parfois, chez les sujets très-irritables et lorsque la dose a été éle- vée, il se produit un spasme du muscle d’accommodation. Quand ce phéno- mène se présente, c’est à une période avancée, à la fin de la phase d’irri- tation. Ces détails intéressants peuvent servir de complément à ce que nous avons dit pages 786-87 des effets physiologiques des injections de sels de morphine. Leurs indications thérapeutiques dans les affections oculaires sont les sui- vantes : 4° dans les cas d’accidents traumatiques ayant intéressé le globe oculaire, peu après le début, lorsqu'il y a une douleur intense ; 2° après les opérations pratiquées sur l’œil, quand elles sont aussitôt suivies de douleurs vives; 3° dans les névroses du plexus et des nerfs ciliaires qui accompagnent l’eritis, la choroïdite glaucomateuse et plusieurs formes de kératite; 4° dans diverses formes de spasmes réflexes, tels que le spasme des paupières dans cette dernière inflammation. Outre les services que les injections sous-cutanées rendent à la médecine et à la chirurgie, et que nous venons de passer rapidement en revue, la mé- thode hypodermique a encore un grand avantage : elle permet d’obtenir l'administration des médicaments actifs chez les personnes qui s’y refusent, les aliénés, par exemple. Je m'en suis très-bien trouvé chez un individu fu- rieux affecté d’alcoolisme aigu. Une seule injection de 5 centigr. de sulfate de morphine à amené huit heures d’un sommeil d’autant plus désiré qu'il ne s’était pas montré depuis quatre jours. Nous devons signaler le parti que le professeur Friedreich, d’'Heidelberg, a tiré des injections de morphine pour tuer le fœtus dans une grossesse extra- utérine, et prévenir ainsi les accidents redoutables qui seraient infaillible- ment survenus ultérieurement (1); mais cette conduite ne doit être suivie qu'avec une extrème prudence, car, outre la difficulté d’un diagnostic pré- cis, la question du fœticide est assez grave par elle-même et par les dangers qui le compliquent souvent, pour que l’hésitation soit permise en pareil cas, CODÉINE. — ACTION PHYSIOLOGIQUE, — A. Sur les animaux. — 5 centigr. de chlorhydrate de codéine injectés sous la peau suffisent pour endormir un jeune chien de moyenne taille : dans tous les cas, et augmentät-on la dose à cause de la force et l’âge du sujet, on ne parvient jamais à obtenir un sommeil aussi profond qu’avec la morphine. Le pincement des extrémités réveille l’animal, qui a plutôt l’air d’être calmé que véritablement en- dormi (Cl. Bernard). La sensibilité est moins émoussée qu'après l’usage de la morphine, et les nerfs sont rendus moins paresseux. Le réveil diffère tota- lement. Les animaux codéinés se réveillent sans effarement, sans paralysie postérieure et avec leur humeur naturelle; ils ne présentent pas ces troubles cérébraux qui succèdent à l'emploi de }a morphine. La codéine est à la fois narcotique et convulsivante ; si la dose devient toxique, la mort survient à la suite de convulsions tétaniques. Ozanam localise son action dans le cer- velet et le bulbe rachidien. B. Chez l'homme. — Les expérimentateurs ont présenté, quant à l’action de la codéine, des divergences d'opinion qui ne peuvent s'expliquer que par un esprit de système ou l’emploi d’une préparation impure. Il ressort des (1) Archiv für pathologische Analomie, t. XXIX. 79/4 PAVOT. recherches récentes, que, «prise à haute dose(15 à 20 centigr.), elle produit un sommeil lourd, paraissant causé par une sorte d'ivresse; au réveil, la sensation persiste, le cerveau continue à être frappé d’engourdissement et à ne plus être complétement maître de lui-même; une fois sur cinq il y a eu nausées et vomissements. Si, au contraire, on ne l’administre qu’à la dose de 20 ou 30 milligr., les phénomènes de stupeur disparaissent pour faire place à une sorte de bien-être et de calme d’autant plus sensible que la personne soumise à l’expérience est d’un tempérament plus nerveux et plus irritable. Le sommeil est doux et paisible ; au réveil, le cerveau, loin de remplir péniblement ses fonctions, semble rajeunir par un repos répara- teur (1). » Berthé (2) exprime la même pensée en disant qu’à la suite du calme et du sommeil provoqués par cet alcaloïde, les malades se trouvent soulagés et joyeux. THÉRAPEUTIQUE. — Magendie qui, un des premiers, a recommandé l'emploi régulier de la codéine, la regarde comme moins active que la mor- phine et la recommande à dose double dans les mêmes cas (2 à 10 ou 45 centigr. en poudre ou en pilules). On en prépare un sirop qui contient 10 centigr. de substance active sur 30 gr. de véhicule, et que l’on donne à la dose de 8 à 30 et même 45 gr., par petites cuillerées, étendu dans une potion ou dans une tisane appropriée. On préconise surtout cet agent contre les bronchites, les gastralgies et toutes les affections où domine l’élément douleur; mais il présente un réel inconvénient que les travaux de Claude Bernard ont mis en lumière. Comme son administration est assez rarement accompagnée de vomisse- ments, et que le narcotisme est quelquefois difficilement obtenu, on ne se méfie pas assez, et il peut arriver qu’il se déclare des phénomènes d’empoi- sonnement au moment où on s’y attend le moins. En effet, nous avons vu a Sy le plus toxique des alcaloïdes de l’opium communément em- ployés. Le chlorhydrate et l’azotate de codéine sont plus actifs que la codéine elle-même. Magendie en a obtenu de bons effets, surtout du chlorhydrate, dans certains cas de névralgies faciales et sciatiques rebelles. On les admi- nistre à la dose de 1 à 5 centigr., progressivement, en pilules ou en po- tions. La codéine a été très-peu employée comme hypnotique sous la forme d’injections sous-cutanées. Jousset de Bellesme, dans son travail sur la pharmacologie des injections sous-cutanées, dit qu’elle n’a pas encore été essayée chez l’homme. À notre connaissance, Piedvache est le premier qui l’ait expérimentée cliniquement (3). Lorsque la morphine, à cause de sus- ceptibilités particulières, ne peut être tolérée, on peut y avoir recours en doublant la dose. L’injection n’est pas suivie de sensation de chaleur, comme cela a lieu pour la morphine; il ne se développe, avant quinze mi- nutes environ, aucun trouble physiologique appréciable; mais, à partir de ce moment, le sommeil se produit dans la grande majorité des cas, et il est continu et tranquille. Les observations ne sont pas encore assez nombreuses dans la science pour que nous puissions être certain de la constance de l'effet narcotique obtenu par cette voie. Malheureusement, la codéine est une substance moins calmante que la morphine et plus toxique que cette dernière, nous l’avons déjà dit. Il en résulte que si, d’une part, on est dans la nécessité d’élever la dose, de l’autre on éprouve la crainte de provoquer (1) E. Robiquet, Note sur l’action thérapeutique, etc., de la codéine, in Journal de pharma- cie et de chimie, janvier 1857, p. 11. (2) Comptes-rendus de l’Académie des sciences, 1864, p. 914. (3) Etude sur les injections narcotiques sous-cutunées, Thèse de Paris, 1865. PAVOT, 795 des phénomènes d’empoisonnement. Ces considérations devront fatalement restreindre le nombre de cas où on remplacera la morphine par la codéine. NARCÉINE. — ACTION PHYSIOLOGIQUE. — A. Sur les animaux.— «La nar- céine est la substance la plus somnifère de l’opium; à doses égales, avec la narcéine, les animaux sont beaucoup plus profondément endormis qu'avec la codéine, mais ils ne sont pourtant pas abrutis par un sommeil de plomb comme avec la morphine. Leurs nerfs de sensibilité, quoique émoussés, ne sont pas frappés d’une paresse très-appréciable, et les animaux manifestent assez vite les sensations douloureuses à la suite du pincement des extré- mités. Mais ce qui caractérise plus particulièrement le sommeil narcéique, c’est le calme profond et l’absence de l’excitabilité au bruit que nous avons remarqué dans la morphine et trouvé au summum d'intensité dans la co- déine. Au réveil, les animaux endormis par la narcéine reviennent très-vite à leur état naturel. Ils ne présentent qu’à un beaucoup moindre degré la faiblesse du train postérieur et l’effarement, et en cela le réveil de la narcéine se rapproche de celui de la codéine (1). » On le voit, le sommeil produit par la narcéine participe en même temps de la nature du sommeil de la morphine et de la codéine, et cependant il en diffère par certains côtés. Ce sommeil se prolonge pendant plusieurs heures. La narcéine occupe, suivant Claude Bernard, le quatrième rang dans l’ordre des effets toxiques. Suivant Ozanam (2), elle porterait spéciale- ment son action sur la portion lombaire de la moelle. En dernière analyse, la narcéine n’est ni excitante, ni convulsivante; portée à dose toxique, les animaux meurent dans le relâchement, ce qui n’arrive par aucun des autres alcaloïdes de l’opium. B. Chez l’homme. — Debout (3) a étudié sur lui-même les effets de cet al- caloïde; il commença par de petites doses et atteignit 7 centigr.; l’effet hyp- notique ne se montra que quand la dose du soir arriva à 3 centigr.; le sommeil était en rapport avec l'élévation de la dose. « D’après ce que nous avons éprouvé, dit ce regretté praticien, le sommeil est toujours calme, jamais accompagné de rêves pénibles; le moindre bruit l’interrompt, mais on se rendort aussitôt; au réveil, il n’est pas suivi de cette pesanteur de tête qu’on observe après l’emploi de la morphine. » Behier, Laborde (4), Liné (5) ont suivi Debout dans l’étude de l’action de l’alcaloïde qui nous occupe. Nous allons résumer l’ensemble des travaux des quatre observateurs : | A la dose de 5 à 7 centigr., la narcéine ne détermine pas de troubles sen- sibles du côté des voies digestives; on n’observe que rarement la soif, le dégoût, l’inappétence. Les nausées et les vomissements si fréquents, après l'usage de la morphine, se rencontrent parfois, mais avec une fréquence et une intensité beaucoup moindres. Debout a éprouvé un peu de constipation. Liné cite, au contraire, un peu de diarrhée à la suite de l’administration de la narcéine, soit par l’estomac, soit par la voie du tissu cellulaire. La transpiration est notablement augmentée, sans cependant atteindre une véritable diaphorèse. La sécrétion urinaire est modifiée dans sa quantité ; il y à anurie presque complète; l'émission de la petite quantité sécrétée est difficile; le besoin n’en est pas douloureux, mais il y a impossibilité de satisfaire l’envie éprouvée; on est même obligé, dans certaines circonstances, és) CI. Bernard, Comptes-rendus de l'Académie des sciences, 1864. (2) Comptes-rendus de l’Académie des sciences, 1864, p. 464. (3) Bulletin général de thérapeutique, 30 août 1864. \ s (4) Etude sur les effets physiologiques de la narcéine et sur son action thérapeutique dans goes maladies chez les enfants. (Bulletin de la Société médicale d'observation et Gazette s hôpitaux, 1865, n° 38. (5) Etudes sur la narcéine et son emploi thérapeutique. Paris, 1865. 796 PAVOT, ou quand la dose a été trop forte, d’en appeler au cathétérisme. Il paraît, du reste, qu'une petite dose de morphine suffit pour faire cesser cette dysurie. J. Laborde a reconnu l'identité des symptômes produits par l’administra- tion de la narcéine chez les enfants avec ceux observés chez l'adulte. Il est aussi un fait sur lequel cet auteur a appelé l'attention : c’est la résistance de certains sujets véritablement réfractaires à l’action de la narcéine. Tous ces phénomènes sont en général plus marqués chez la femme que chez l’homme (Liné). THÉRAPEUTIQUE. — C’est primitivement contre les bronchites chroniques (Debout), les phthisies pulmonaires (Behier) que l’action calmante et hyp- notique de la narcéine a été dirigée. Le médicament a été administré sous forme de sirop (voyez Préparations et doses); sous celle de pilules ou en injections sous-cutanées, au trentième, au dixième, au quinzième; mais la solution au trentième est la plus fréquemment mise en usage. Dès les pre- mières doses de 2 ou 3 centigr., la toux se calme et l’expectoration dimi- nue chez les phthisiques. L'état général ne tarde pas à s’améliorer un peu; dans plusieurs cas, la diarrhée qui existait depuis plusieurs mois a été sus- pendue. Laborde a vu la narcéine, tout en amenant le sommeil, calmer le subde- lirium. Chez les enfants il élève la dose progressivement jusqu’à 2, même 3 centigr. Si l'effet n’est pas alors produit, il faut recourir à un autre agent. Ce succès dans la toux nocturne des phthisiques a fait songer d’en étendre l'emploi à la coqueluche. Les essais faits à l'hôpital des Enfants sont de nature à engager les thérapeutistes à multiplier les expérimentations, qui se recommandent du reste par leur innocuité. Liné cite des observations remarquables, entre autres celle d’une colique de plomb très-grave, où l’usage de la narcéine produisit un effet sédatif, mais passager, puis plusieurs cas de névralgies anciennes dont les injections sous-cutanées de narcéine ont assez promptement triomphé. Le même auteur dit, page 68 de son mémoire, en parlant de l’anurie que détermine l’ingestion de la narcéine : «Peut-être pourrait-on utiliser cette particularité d’action de la narcéine chez les enfants, qui, par une cause en- core mal connue, urinent toutes les nuits au lit. » Ayant, il y a quelques mois, à donner mes soins à un garçon de six ans, affecté de cette pénible incontinence, je mis à exécution l’idée de mon ami Liné. Depuis plus d’un mois, le fils de M. G... urinait au lit quatre ou cinq nuits par semaine. Après m'être assuré que le fait n’était pas le résultat de la paresse, comme je l’ai vu quelquefois, je fis administrer tous les soirs d’abord une cuillerée à café du sirop de Debout; aucun effet produit; au bout de quatre jours, une cuillerée à potage répondant à 1 centigr. de nar- céine ; cette nuit il n’y eut pas d’incontinence. Le soir suivant, même pre- scription, il y eut une légère émission d'urine. Le traitement fut continué pendant dix jours; toutes les nuits furent bonnes. Je fais cesser le traite- ment; au bout de trois jours, il se montra de nouveau une légère inconti- nence. Je fis reprendre le traitement pendant huit jours. Dès ce moment, aucun accident de même nature ne se reproduisit; le seul inconvénient avait été un peu de dysurie pendant le jour. J'ai mis le même mode de trai- tement en usage chez le jeune de R..., jumeau un peu délicat, affecté d’in- continence depuis quinze jours : en quinze jours la guérison fut complète. En résumé, la narcéine jouit de deux propriétés non douteuses : « l’une, hypnotique, peut être plus prononcée que celle de la morphine, mais cer- tainement moins souvent accompagnée de ces sensations pénibles, doulou- reuses et fatigantes, qui sont l’escorte presque constante du sommeil opiacé ; l’autre, sédative, pouvant comme l’opium exercer son action sur les diffé- PAVOT. 797 rents systèmes de l’économie et remplacer ce nouvel agent, lorsque, par une cause quelconque, son effet calmant est épuisé (Liné). » Malgré ces effets incontestables, malgré cette supériorité sur les autres alcaloïdes de l'opium, la narcéine n’est pas encore entrée dans la pratique usuelle ; cela tient peut-être à son prix élevé. Quand les pharmaciens et les chimistes seront parvenus à la livrer à meilleur compte, il n’est pas douteux qu'elle prendra dans la matière médicale la place qu’elle y mérite par son action calmante et soporifique si prononcée. NARCOTINE, — Cet alcaloïde ne paraît pas doué de propriétés hypno- tiques. Suivant Claude Bernard, nous avons vu qu'il possédait une action excitante prononcée. C’est la troisième substance dans l’ordre convulsivant et la dernière dans l’ordre de l’action toxique. Ozanam pense que l'excita- tion se localise principalement dans les hémisphères cérébraux. Du reste, il faut le dire, les effets de cette substance sont bien loin d'avoir été suffi- samment étudiés. Nous ne pensons pas qu’en France la thérapeutique ait mis la narcotine en usage. En Angleterre, Roots (1) prescrit le sulfate de narcotine jusqu’à la dose de 1 gr., comme succédané du sulfate de quinine dans le traitement des fièvres d'accès. Dans l'Inde, il est employé sur une grande échelle par O’Shaughnessy pour arrêter les paroxysmes de fièvres intermittentes et ré- mittentes. THÉBAIÏNE. — La thébaïne est la substance la plus toxique que contienne l’opium : 1 décigr. de chlorhydrate de thébaïne dissous dans 2 centimètres cubes d’eau distillée et injecté dans les veines d’un chien du poids de 7 à 8 kilogr. le tue en cinq minutes; la mort arrive à la suite de convulsions tétaniques violentes. Ces convulsions sont suivies de l’arrêt du cœur et d’une rigidité cadavérique rapide, comme cela arrive pour les poisons muscu- laires (CI. Bernard). Suivant Ozanam, la thébaïne porte surtout son action sur la partie supérieure ou cervico-dorsale de la moelle. Cette action excitante, complétement libre d’action soporifique, car la thébaïne n’est nullement hypnotique, n’a été, jusqu’à présent, jamais utili- sée dans la thérapeutique. PAPAVERINE. — Nullement calmante, venant en second rang comme ex- citante et en troisième comme toxique, la papavérine se rapproche beau- coup de la thébaïne dans son mode d’action. C’est l’alcaloïde de l’opium qui a donné lieu à moins de travaux et de recherches.) (ANTAGONISME RÉCIPROQUE DE L'OPIUM ET DES SOLANÉES VIREUSES, ET SPÉCIA- LEMENT DE LA BELLADONE. — En traitant de la belladone, nous nous sommes étendu sur cette question; mais il nous a paru nécessaire de revenir ici sur ce sujet d’un si grand intérèt scientifique et pratique. Pendant le cours de la publication de ce Traité, de nouveaux matériaux sont venus grossir la somme des preuves à l’appui de l’existence réelle de cette opposition d’ac- tion. Mais, il faut bien le dire, des opinions diamétralement opposées se sont aussi fait jour; de sorte qu'’actuellement, malgré les efforts de plusieurs physiologisies et de bon nombre de thérapeutistes, la loi d’antagonisme, bien qu’admise par la majorité, n’est pas unanimement acceptée. L'ensemble des faits cliniques dont nous donnons (2) en note l’'énuméra- (1) Cité dans À Manual of materia medica and therapeutics, etc., by J. Forbes Royle, and Frederick Headland. London, 1865. (2) Pena et Math. de Lobel, Sfirpium adv. nova. Londres, 1570. — Prosper Alpin, De Plan- lis Ægypti. Venise, in-4° 1592. — Horstius, Op. med., 1661. — Faber, Strychnomania, 1677, P. 87. — Boucher (de Lille), in Journal de médecine, 1766. — Lippi, De ven. bacc. bellad. prod. alque opii in eo usu. Tubingen, 1810. — Corrigan, 1838, cité par Benjamin Bell. — Giacomini, Traité philosophique et expérimental de matière médicale et de thérapeutique, tra- 798 s PAVOT. ton aussi complète qu’il nous a été possible, porte : 1° sur des empoison- nements par l’opium, avec antagonisme par la belladone ; 2° sur des em- poisonnements par la belladone, le stramonium ou la jusquiame, avec anta- gonisme par l’opium; 3° sur l’action de la belladone et de l’opium adminis- trés en même temps. Telle est la division que Constantin Paul a choisie pour l'étude de cette question assez complexe. Le cadre de notre travail ne nous permet d'envisager le sujet qu’au point de vue général. Dans la grande majorité des cas, dans un empoisonnement par la bella- done, par exemple, si on donne l’opium, ce dernier ne paraît pas d’abord produire son effet accoutumé, le poison continuant à manifester son ac- tion, sans que cependant les symptômes s’aggravent; mais, au bout d’un temps plus ou moins long, surtout si on continue l’administration de la substance antagoniste, les effets de cette dernière se produisent ; la con- traction pupillaire dans le cas qui nous occupe est l'indice de l’action du contre-poison, et la guérison marche dès lors en général assez rapide- ment. Il faut faire observer que l’antidote doit être administré à doses frac- tionnées et souvent répétées; car il n’est pas rare de voirles symptômes de l’empoisonnement qui s'étaient effacés sous l’influence d’une première prise de la substance antagoniste reprendre leur cours après la cessation de l'emploi de ce dernier, et ce retour de l’action du poison se manifester sur la pupille d’une façon plus ou moins appréciable. Du reste, c’est cette action sur la pupille, dilatation pour la belladone, contraction pour l’opium, qui est une des manifestations les plus saillantes de l’antagonisme. C’est sur l’apparition des symptômes spéciaux à l’antidote, et spécialement sur l’état de la pupille, qu’il faut se guider pour en con- tinuer ou en suspendre l’emploi. Lorsque la pupille a été dilatée sous l’influence de la belladone, l'emploi de la fève de Calabar (voyez BELLADONE) fait cesser cette dilatation et amène duction Mojon et Rognetta, 1839, p. 573. —1843 ; Angelo Poma, cité par la Gazette médicale du 10 août 1863.— Rognetta, Traité philosophique et clinique d’ophthalmologie. Paris 1844, p. 231. — 1849; Cazin, Traité des plantes médicinales indigènes, 1re édition, p. 365, fait recueilli en 1839 (voyez l’article BELLADONE). — 1853; Anderson, in Edimb. med. Journal. — 1854; Gar- rod, Leçon d'ouverture à l’University College, cité par B. Bell. — 1855; Lindsey, in Edinb. med. Journal, et cité par Cazin, 2° édition, page 170. — 1856; Mussey, in Boston med. and surg. Journal. — 1857; Wharton Jones, Med. Times and Guz., january 1858. — B. Bell, Des rapports SAR VAE EE de l’opium et de la belladone, mémoire reproduit et traduit par l'Union médicale, 17 février 1859. — 1859; Scaton (de Seed), Memorial Times, décembre. — Behier, Mémoire sur l’antagonisme, etc., in Union médicale, 2 juillet. — 1860; la Société de pharmacie déclare les deux agents incompatibles. (Bulletin de thérapeutique, 1860, t. LIX, P. 423.) — Anderson, in Union médicale du 27 octobre. — 1861; cinq observations de Lee et Norris, in Archives générales de médecine, 1864, et Bulletin de thérapeutique, 1862. — 1862; Lopex (de Mobile), in Union médicale. — Quatre observations de Norris, Blake, Dunkan, re- produites par les Archives générales de médecine, 1864. — 1863; Mac Namara, in Dublin Quarterly Journal, 1863. — Mémoire de Behier, in Union médicale, juillet. — 1864; Mémoire de Follin et Lassègne, dans les Archives générales de médecine, mai 1864. — Observations de de Schmid, in Xlinische Monatsblætter für Augenheilkunde. — Onsum, in J’ordhanlinger à dat Nonke medicinske selskab, 1864, p. 188, et Schmid’s Jahrbücher, décembre 1865. — 1865; deux observations de Blondeau, in Archives générales de médecine. — Deux observations d’empoi- sonnement par les semences de jusquiame, guéris par les injections hypodermiques d’acétate de morphine, par Rezek, in Allgemeine Wiener medixinische Zeitung. — Lubelski, Gazette hebdomadaire. — Dodeuil, Bulletin de thérapeutique. — Davaine et Testelin (de Lille, in Bul- Jetin médical du nord de la France, octobre, p. 349. — Dictionnsire encyclopédique des sciences médicales, art. ANTIDOTE (Gübler), t. V, p. 317. — Camus, Thèse inaugurale de Paris et Ga- zelte hebdomadaire, août. — G. Lemattre, Recherches expérimentales et cliniques sur les alca- loïdes de la famille des solanées. (In Archives générales de médecine, juillet et août.) — 1866; Relations d'expériences et d'observations d’Erlenmeyer. (In Archives générales de médecine, mars.) — Constantin Paul, De l’antagonisme en pathologie et en thérapeutique, thèse de con- cours pour l’agrégation. Asselin, éditeur. — 1867; Observation d’empoisonnement par le lau- danum (30 gr. environ), antagonisme par la bell&done (14 gr. de teinture de belladone en dix heures), guérison; par Constantin Paul, professeur agrégé de la Faculté de médecine. (In Bulletin de thérapeutique, t. LXXII, p. 320.) PAVOT, 799 même le rétrécissement; mais dès qu’on cesse l'emploi de la fève de Cala- bar, la belladone reprend le dessus, et la pupille se dilate de nouveau jus- qu'à épuisement de l'influence de l’atropine. Il n’en est pas de même pour l’opium, la dilatation pupillaire cède, de même que tous les autres acci- dents, à un emploi continué quelque temps, mais pour ne plus revenir. (Testelin.) Nous avons vu à l’article BELLADONE, que les vertus antagonistiques se pro- duisent de même lorsque les deux agents n’ont qu’une action locale. (Whar- ton Jones.) L'âge n’est pas une contre-indication à l'emploi des antidotes réciproques. La question qui soulève quelques difficultés est de connaître les proportions relatives suivant lesquelles l’agent thérapeutique doit être opposé à l’agent toxique; cette valeur relative doit évidemment changer suivant les sujets, leur âge, ou les circonstances ressortissant de leur état de santé, leurs habi- tudes, etc. « La détermination des équivalents dynamiques des substances antagonistes et antidotiques et des lois de leurs variations réclame encore de longues recherches (4). » Il est d'observation qu'il faut une dose plus élevée d’opium pour détruire les effets d’une dose donnée d’atropine ou de belladone; de même qu'il faut relativement peu de ce dernier agent pour conjurer les symptômes produits par l’opium ou la morphine. - On était en droit d’attendre que les expérimentations sur les animaux jetteraient une vive lumière sur cette question; car, de fait, les expériences devaient avoir d’autant plus de valeur que, ainsi que le fait judicieusement remarquer Constantin Paul, l’empoisonnement se présente, en somme, dans les mêmes conditions biologiques que l'expérience elle-même. Les expériences de Camus, celles d’Onsum, celles tentées antérieurement par B. Bell, faites sur le moineau, le lapin, le chat et la grenouille, sont négatives; mais les uns ont pris un terme de comparaison peu stable; les autres ont opéré avec des idées préconçues. En supposant qu’elles aient été faites avec toute la rigueur désirable, il ne faudrait pas se hâter de con- clure des animaux à l’homme, pour ce qui concerne les phénomènes toxiques. Au point de vue physiologique, il est évident que des symptômes analogues doivent s’observer pour les poisons dans toute la série animale, ou tout au moins chez les vertébrés, avec une différence d'intensité due à la différence même des organismes. La similitude dans les effets de l’agent modificateur doit exister. CI. Bernard l’a nettement établi. Mais il n’en est peut-être pas de même lorsqu'il s’agit de la résistance à la mort, ainsi que l’a très-justement avancé Constantin Paul. La distinction proposée par CI. Bernard de l’action toxique des sub- stances actives nous avait même inspiré l’idée de réserver le mot d’antago- nisme pour la neutralisation réciproque de l'effet de deux corps agissant physiologiquement et d’antidotisme, lorsque deux agents annihilaient mu- tuellement leur action toxique. Tout récemment, Erlenmeyer a repris l'étude de ce sujet si attrayant, et, dans des expérimentations nombreuses sur les animaux, il a obtenu des résultats incontestables. Du reste, on ne saurait révoquer en doute un fait appuyé sur des obser- vations nombreuses, authentiques, bien prises par des praticiens éclairés et consciencieux. Dans la plupart d’entre elles, il a été donné une dose énorme de la substance antagoniste, qui, sans l’ingestion antérieure du poison à neutraliser, aurait certainement produit des accidents d'intoxication; il est évident que la scène changerait, si, comme on a pu l’avancer, les deux substances agissaient isolément sans se contre-balancer. La neutralisation des poisons l’un par l’autre est la seule explication pos- (1} Gubler, Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, art. ANTIDOTE, t. V, p. 319 800 PAVOT. sible pour ces faits où l’on prend, par exemple, en vingt-quatre heures, 60 gr. de laudanum, 30 gr. de teinture de belladone et 80 centigr. d’extrait de la même plante; si ces poisons devaient ajouter leur action l’une à l’autre, la mort de- vrait être foudroyante. (Constantin Paul.) Dans une observation récente, l’auteur que nous venons de citer a pu faire cesser presque à volonté tous les phénomènes de l’empoisonnement de l’opium, et cela sans produire les effets toxiques de la belladone. Ainsi que nous le faisions remarquer au commencement de ce para- graphe, des rechutes passagères ont été observées dans ce cas, et l’antidote a dû contre-balancer l’action du poison à six reprises différentes et avec une énergie graduellement plus efficace. Toutes les observations ne trouvent d'explication plausible que dans l'admission de l’antagonisme. Cazin père, dans la deuxième édition de ce Traité, p. 170, avait déjà dit, à propos des faits de Lindsey : «Il est à remar- quer dans ces faits que la belladone a été administrée à dose toxique pro- portionnée à celle de l’opium dont elle a combattu les effets. Si l’action de la belladone sur le cerveau n'avait été contre-balancée par celle de l’opium, l’'empoisonnement aurait été indubitablement le résultat de l'emploi de la solanée vireuse à une dose aussi élevée (pour un des cas 30 gr. de teinture de belladone, puis 8 gr. une demi-heure après); cette médication est donc fondée sur l’antagonisme qui existe entre l’action de l’opium et celle de la belladone physiologiquement manifestée sur la pupille, que le premier resserre et que l’autre dilate. » Voilà la question résumée et jugée en quelques lignes. Dans les cas où la dose du poison ingéré n’est pas mortelle, on pourrait objecter que la gué- rison se serait produite d’elle-même; mais la rapidité insolite de dispari- tion des phénomènes toxiques vient encore plaider en faveur de l’action neutralisante. Wannebroucq (1) a souvent injecté le sulfate d’atropine dans la pleurodynie ; il a vu quelquefois se développer quelques accidents d’in- toxication; mais ils ont toujours été dissipés par une simple potion opiacée. Pour nous, l’antagonisme est indubitable; l’antidotisme doit être établi en loi thérapeutique ; mais il faut se garder de l’enthousiasme, et peut-être y a-t-il eu une certaine exagération dans les espérances que l’on a fondées sur cette médication. Nous pensons avec Bouchardat (2) que, tout en la mettant en vigueur, il ne faudrait pas négliger les autres moyens, tels que les frictions, la faradisation, etc. Ce dernier auteur insiste beaucoup sur la nécessité d'empêcher le malade de se livrer au sommeil. En second lieu on n’a guère publié que les succès, comme cela arrive trop souvent; les revers ont été oubliés. Chez une jeune femme, j'ai pu une fois, par une in- jection d’atropine, conjurer les accidents les plus redoutables causés par l'ingestion de 1 once 1/2 de laudanum. J’ai été moins heureux dans le cas suivant, où l’âge du malade et le temps écoulé entre l’empoisonnement et le début du traitement ont dû jouer un certain rôle. Au mois de septembre 1855, je fus appelé pour un enfant de quatre mois, appartenant à M. Delattre, boucher à Saint-Martin-lès-Boulogne. Cet enfant avait été pris de convul- sions à sept heures du matin. Il était dix heures. Une bonne lui avait admi- nistré, vers cinq heures et demie, une cuillerée à café de laudanum de Sydenham, croyant avoir affaire à du sirop de chicorée. Je le trouvai dans l’état suivant : face alternativement pâle et congestionnée; peau couverte d’une sueur froide et visqueuse; contracture des extrémités fortement flé- chies; cette contracture fait de temps en temps place à des mouvements convulsifs accompagnés de cris plaintifs; impossibilité d’écarter les mâ- choires; paupières fermées; pupilles très-contractées; pouls très-fréquent et dur; respiration suspirieuse et entrecoupée. Il n’y avait pas à douter de (1) Bulletin médical du nord de la France, octobre 1865, p. 351. (2) Annuaire de thérapeutique, 1866, p. 15. PAVOT!. 801 l'extrème gravité de la situation; je fis prendre un bain tiède, puis je mis en usage les révulsifs de toute sorte; un lavement purgatif fut administré ; on pratiqua continuellement des frictions sèches sur tout le corps; je fis ensuite injecter par l'anus, dans un véhicule peu abondant, 1 gr. de tein- ture de belladone; au bout de deux heures, la pupille était fortement dilatée ; les membres commencçaient à tomber dans le relâchement ; le pouls était moins fréquent, il s’était assoupli; la respiration était plus régulière, moins suspirieuse ; il y avait en somme de la détente dans l’ensemble de l'organisme. Je commençais à concevoir un peu d’espérance. Je fis conti- nuer les frictions sèches; je revis le petit malade vers quatre heures du soir. Il y avait eu quelques convulsions passagères ; je fis donner toutes les heures 2 gouttes de teinture de belladone, car l'enfant pouvait alors avaler un peu de liquide; mais les convulsions ne tardèrent pas à prendre le des- sus; la dilatation pupillaire perdit de son intensité. On vint me dire que l'enfant avait succombé à neuf heures dans une convulsion. (Pour l'opposition d'action de l’opium et de la belladone administrés en- semble, voyez p. 784.) : Une dernière question bien intéressante que soulève l'étude de l’antago- nisme qui nous occupe est celle-ci : L'antagonisme existant entre l’opium et la belladone existe-t-il entre l'atropine et les alcaloïdes du premier ? Entre l'extrait thébaïque et l’atropine, entre l’extrait de belladone et la morphine, cela est indubitable, quoi qu’ait avancé Bois d’Aurillac (1) : ce dernier prétend que l’antagonisme n'existe qu'entre l’opium et la bella- done avec tous leurs principes constituants, et non entre les alcaloïdes dont nous venons de parler. Malheureusement pour lui, des faits cliniques irré- futables sont là pour prouver le contraire. La morphine est antagoniste de toutes les préparations qui ont pour ori- gine la belladone. Cela est un fait établi; mais l’antagonisme se manifeste- ra-t-il de même avec les autres alcaloïdes de l’opium considérés isolément ? Ces derniers, en effet, offrent entre eux des actions pour ainsi dire op- posées, et il n’est pas probable que l’antagonisme observé entre la bella- done et l’opium ait lieu pour tous les alcaloïdes de ce dernier, la thébaïne, par exemple. La narcéine n’agit en aucune façon comme la morphine; tout fait donc prévoir que l’opposition d’action n’aurait pas lieu, du moins d’une façon aussi sûre, entre la narcéine et l’atropine qu'entre cette dernière et la morphine. Par cette raison que l'extrait thébaïque, qui contient la morphine, la codéïne, la narcotine, la papavérine, la thébaïne, etc., fait équilibre aux préparations belladonées, il ne s’ensuit pas pour cela que, considérés indi- viduellement, ces alcaloïdes jouissent tous du même privilége. C’est là une voie à exploiter. J'ai regretté que le temps ne me permit pas * de me livrer à des recherches, à des expériences dans ce sens. ANTAGONISME DE L'OPIUM ET D'AUTRES SUBSTANCES. — Nous avons rappori à l’article Aconit un cas d’empoisonnement où l’opium avait amené la gué- rison : cet agent à aussi été efficace dans un empoisonnement par l'arniea. (Voyez ce mot.) L'opium corrige l’action du tartre stibié : celui-ci peut, jusqu’à un certain point, annihiler les effets excitants et hypnotiques de l’opium, mais ces faits ne peuvent être considérés comme se rapportant à l’antagonisme vrai. Le café fait opposition aux opiacés. Cahen a cherché à établir l’action neu- tralisante réciproque de l’opium et de l’arsenic. L'opium a été proposé comme antidote de la noix vomique. Une observa- (1) Cité par Garnier, Dictionnaire annuel des progrès des sciences et des institutions médi= cales, 1866, p. 70. 51 802 PAVOT. tion concluante, publiée par la Gazette médicale de Berlin, septemb. 1854 (4), en fait foi. Pelletier et Caventou ont signalé cet antagonisme entre l’opium et les strychnos et ont observé que les doses d’opium doivent dépasser celles du poison ingéré si l’on veut obtenir une neutralisation complète. Gübler (2) dit « que c’est là un des premiers faits d’antidotisme, relevé, du reste, par Guérard dans un chapitre de sa thèse de concours (1839), intitulé : Des incompatibilités thérapeutiques, où ce praticien faisait déjà pressentir l’impor- tance de cet ordre de faits. » C’est à Gübler que nous devons la connaissance de l’opposition d’action de l’opium et du sulfate de quinine. Voici une partie des conclusions du travail qu'il a présenté à la Société de médecine des hôpitaux, le 10 fé- vrier 4858 : à l'inverse de l’opium, qui exalte les fonctions organiques (congestion sanguine et caloricité), le sulfate de quinine agit sur les centres nerveux, en y condensant les forces, de telle sorte qu'il enchaïine les ac- tions organiques, sources de dépenses, et réduit, autant que possible, l’appel sanguin dans les parties phlogosées ; — le sulfate de quinine et l’opium ayant une action antagoniste ne doivent pas être administrés simul- tanément ; — ces deux agents peuvent se servir d’antidote l’un à l’autre. — Dans son article Antidote que nous avons déjà cité, il complète ces don- nées, et ajoute : «Il faut plus de sulfate de quinine pour détruire les effets toxiques de l’opium chez un sujet prédisposé aux hypérémies encéphaliques par son âge, l’enfance, ou la maladie, la paralysie générale. » PAVOT CORNU (PI XXX). GLAUCIER JAUNE, GLAUCIET JAUNE. —Chelidonium glaucium, L. — Papaver corniculatum luteum, C. Bauh. — Glaucium flore luteo, Tourn. — Le pavot cornu, plante annuelle, croît dans diverses par- ties de la France, dans les plaines sablonneuses près de la mer. Je l’ai trouvé en abondance dans la plaine des Pierrettes, à Saint-Pierre-lès-Calais, à Wimereux près de Boulogne, à Saint-Valery-sur-Somme. Je l'ai vu aussi dans les endroits sablonneux, au bois de Boulogne, à Saint-Germain. HBPescripéiom. — Racine pivotante, petite. — Tiges grosses, un peu rameuses, glabres. — Feuilles épaisses, amplexicaules, glauques ; les radicales découpées, à lobes ovales, anguleux, dentés ou incisés : les supérieures dentées, incisées seulement. — Fleurs jaunes, grandes (juin-juillet-août), quatre pétales, dont deux plus grandes. — Fruit : siliques allongées, grosses comme une plume à écrire, longues de 10 à 20 centi- mètres. Parties usitées. — L'herbe. (Culture. — Cette plante vient partout}; elle préfère les terrains sablonneux ; elle pousse même dans les cailloux. On la propage de graines semées au printemps.] Hécolte.— La récolte peut se faire pendant tout le temps de la floraison. Comme toutes les plantes succulentes, elle exige des soins pour sa dessiccation. Propriétés physiques et chimiques. — Le glaucier est d’une odeur faible, un peu vireuse, d’une saveur un peu amère et piquante. Il paraît contenir des principes analogues à ceux de l’opium, qu’il a souvent servi à falsifier. Landerer (3) a appris de personnes très-dignes de foi, et entre autres d’un pharmacien très-accrédité de Smyrne, que les fabricants d’opium de cette ville emploient dans la confection de ce narcotique les deux espèces de glaucium et surtout le rouge (glaucium rubrum phæni- ceum), qui ressemble beaucoup, par sa forme extérieure, au papaver rheas, et que pres- que tout l’opium qui se vend dans les bazars de Smyrne n’est qu’un extrait de ces plantes. De même toute la thériaque, que l’on peut également se procurer dans les bazars pour quelques paras, se prépare au moyen de ce prétendu opium. Cet extrait du glaucium exhale une odeur narcotique et présente un goût amer sem- (1) In Journal des connaissances médico-chirurgicales, 2e année, 1834-35. (2) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. V, p. 322. (3) Buchner’s Repertorium für die Pharmacie. (Répertoire de pharmacie, novembre 1848, p. 145.) PAVOT. | 805 blable à celui de l'opium; il ressemble beaucoup à l'opium de Smyrne de mauvaise qualité. On peut donc, d’après cette substitution opérée dans le commerce, considérer le pavot comme un succédané de l’opium, et se livrer à des essais comparatifs concer- nant son usage à l’intérieur. Toutefois comme cet extrait ne renferme pas de morphine et qu’il est loin de pos- céder les propriétés de l'opium, le mélange de ces deux substances ou la substitution de la première à la seconde doit être considérée comme une fraude. | (Le pavot eornu contient, comme la chélidoine (voyez ce mot), de la chélidonine et de la chelerythrine. En outre, Probst en a isolé un alcaloïde particulier, la glaucine, et une substance blanche très-amère, la glaucopicrine. Les graines contiennent une quantité considérable d'huile fixe, analogue à celle d’œillette ; elle pourrait être extraite et ven- due bon marché, à cause de la culture facile du glaucier qui supporte les terrains les plus incultes. ) Le pavot cornu est un poison narcotique. On rapporte, dans les Trans- actions philosophiques, que Charles Worth, prenant cette plante pour un chou marin, en fit faire un pâté, qu'il n’eut pas plus tôt mangé, que ses domes- tiques et lui en furent tous plus ou moins incommodés et atteints de délire ; ils eurent tous une altération de l’organe de la vue qui leur faisait prendre pour de l’or tout ce qu’ils touchaient. Garidel rapporte qu’en Provence les paysans se servent des feuilles de glaucier pilées pour déterger les ulcères qui succèdent aux contusions et aux écorchures des bêtes de charge, notamment les enflures et engorge- ments dans les jambes des chevaux qui proviennent de foulures. « Quelque grosses et dures qu’elles soient, dit-il, le suc de cette plante les guérit in- failliblement, pourvu que le mal ne soit pas trop invétéré. » Les feuilles de pavot cornu, pilées avec quelques gouttes d'huile d'olive, et appliquées sur la partie malade, sont tout aussi efficaces que l’opium contre les contusions, les plaies avec déchirures, le panaris commencant, les piqûres de sangsues enflammées, l’irritation phlegmasique des vésica- toires, les brûlures, etc. Comme, dans les campagnes, une décoction d’o- pium n’est pas à la portée de tout le monde, on peut se servir avantageuse- ment et gratuitement de cette plante. Girard, de Lyon, a rapporté (1) plu- sieurs observations qui constatent les bons effets de cette plante dans les cas que nous venons de citer, et je l’ai employée moi-même avec succès sur des plaies contuses avec déchirement, et surtout dans un cas de dou- leurs hémorrhoïdales atroces contre lesquelles on avait inutilement mis en usage les bains, les sangsues, les émollients, J’ai fait cesser dans l’espace de quinze jours une constriction spasmod que de l’anus, sans fissures, qui datait de douze ans, chez une femme de Saint-Pierre-lès-Calais, au moyen d’onctions faites deux fois par jour, avec un mélange de 16 gr. de suc de glaucier jaune, de 12 gr. de suc de jusquiame et d’un jaune d'œuf. PAVOT DOUTEUX. — Papaver dubium, L. — Ce pavot, qui diffère peu du coquelicot (papaver rheas, L.), se rencontre dans les champs, les moissons, surtout dans les terrains maigres et sablonneux. Il a les fleurs petites d’un rouge pâle (juin-juillet). Loiseleur-Deslongchamps a obtenu du suc exprimé des feuilles, des tiges et des capsules, un extrait épaissi dont il a constaté l’action anodine dans plusieurs maladies. Il le donne ordinairement sous la forme de teinture ainsi préparée. Pr. extrait de pavot douteux 195 gr.; faites fondre dans 1,500 gr. de vin muscat; dose, 50 à 100 gouttes. Avec cette teinture il a guéri des diarrhées chroniques, des coliques plus ou moins violentes, dissipé des in- ES opiniâtres. On peut préparer une teinture semblable avec le coque- icot. (1) Journal général de médecine, 2e série, t. XXV, p. 354. 804 PÊCHER. PÊCHER. Amygdalus persica. L. Malus persica. C. BAUH., TOURN. — Persica vulgaris. MELr. Persica. Fucus. ROSACÉES. — AMYGDALÉES. Fam. nat. — IGOSANDRIE MONOGYNIE. L. Le pêcher, arbre de moyenne grandeur, originaire de la Perse, est cultivé partout à cause de son excellent fruit, qui müûrit vers la fin de juillet et fait les délices de nos tables. Il est loin de posséder, dans le pays natal, les avantages qu'une longue culture lui a acquis en Europe et surtout en France. La pêche dite de Montreuil est la plus belle parmi le: nombreuses variétés que l’on a obtenues. Description. — Racines et tiges dures et ligneuses ; écorce blanchâtre et cen- drée, verte sur les rameaux. — Feuilles simples, alternes, pétiolées, vertes, glabres, oblongues, lancéolées, accompagnées de deux stipules linéaires, cadugues. — Fleurs sessiles, solitaires, d’un rose tendre, très-agréable, paraissant avant les feuilles (mars- avril), — Galice à cinq divisions. — Corolle à cinq pétales. — Etamines nombreuses. — Fruit : drupe ovale ou arrondie, renfermant un noyau très-dur, ligneux, crevassé ou réticulé à sa superficie et renfermant la semence. Parties usitées. — Les fleurs, les feuilles, les bourgeons, les semences. Récolte. — Les feuilles doivent être récoltées entre le printemps et l’automne. Au printemps, elles n’ont pas encore assez d’action ; en automne, elles n’en ont presque plus. Elles perdent un peu de leur amertume et de leur vertu par la dessiccation ; cependant, séchées avec soin et renfermées ensuite dans des boîtes, ainsi que le prati- quaient Coste et Wilmet, elles conservent une énergie constatée par leur effet purgatif et vermifuge. Les fleurs deviennent inodores et restent très-amères, avec la saveur par- ticulière de l’amande de noyau de pêche. Ge caractère les fait reconnaître quand elles sont sèches. On y laisse le calice, comme partie la plus énergique de la fleur, On emploie toujours les fleurs fraîches pour faire le sirop. [Les fruits destinés à être mangés doivent être récoltés à leur maturité. Ceux qui doivent être conservés confits dans l’eau-de-vie, ou qui sont destinés à être confits ou à préparer des marmelades doivent être cueillis avant la complète maturité. | [Culéure. — Il existe un nombre considérable de variétés de pêchers que l’on peut diviser en quatre races : 1° peau velue, chair fondante, se détachant du noyau ; 2° peau velue, chair ferme et adhérente au noyau; 3° peau lisse, chair fondante quittant le noyau ; 4° peau lisse, noyau adhérent à la chair. Le pêcher exige une terre douce, profonde, substantielle ; on le multiplie par semis ou par greffe. Il exige des binages et des fumures répétées. L’année où on le fume, on doit le tailler long, afin que l'abondance de sève trouve une issue et ne produise pas de gomme. L’amandier à coque dure, à amande douce, est le meilleur sujet pour greffer ; on le préfère aux autres amandiers parce qu’il est moins sujet à la gomme, à la cloque et à la perte des branches. Dans les terrains peu profonds et humides, on greffe sur pru- niers ; la greffe se fait en écusson du 15 juillet au 15 septembre à 1 mètre 50 centi- mètres à 2 mètres de hauteur, si l'arbre est en plein vent, et à 10 à 16 centimètres au- dessus du collet si l’on veut diriger en espalier. Les précoces et les tardifs doivent être exposés au midi et les autres à toutes les expositions, excepté celle du nord : le pêcher est sujet à un grand nombre de maladies. ] Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs de pêcher ont une odeur douce très-faible. Les feuilles sont inodores. Les feuilles, les fleurs et l’amande ont une saveur amère analogue à celle des feuilles de laurier-cerise, qu’elles doivent à la présence de l’acide prussique. (Les feuilles et les noyaux contiennent une huile essentielle qui se rapproche énormé- ment de celle d’amandes amères.) On confit les pêches à l’eau-de-vie, on en fait des compotes, des marmelades : on les sèche au four, etc.: mais ces préparations ne leur conservent qu’une faible partie de leur qualité. Aux Etats-Unis, on en fait une sorte de vin appelé vin de pêche, et qui est un objet de commerce. On tire de ce vin un alcool. Le bois du pêcher, veiné de rouge, est très-propre à être employé en marqueterie, Il suinte de ce bois une gomme qui a quel- que analogie avec la gomme arabique. PÊCHER. 805 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Feuilles en infusion, 15 ou h4 gr. pour 1/2 litre d’eau ou de lait. Infusion des fleurs sèches, 15 à 30 gr. pour 1/2 litre d’eau ou de lait, Sirop (8 de fleurs sur 12 d’eau bouillante et 8 de sucre), 30 gr. et plus pour les adultes; — de 4 à 15 gr. pour les enfants, soit pur, soit étendu dans une potion. D'après Gauthier, de Saint-Savin (1), les pousses sout pourvues de l’odeur des fleurs, et pourraient leur être substituées; les bour- geons distillés donnent une huile volatile semblable à celle des autres parties, On en peut faire un sirop purgatif et amer ayant la saveur et l'odeur de l’amande amère. Poudre des fleurs (rarement), de 2 à 4 gr., dans un véhicule approprié. Extrait aqueux des bourgeons, de 1 à 2 gr. 50 centigr. À L'EXTÉRIEUR. — Feuilles, fleurs et amandes en cataplasme sur l’abdomen comme ver- mifuge; sur les inflammations et les dou- leurs externes comme calmant. A grande dose, les feuilles, les fleurs et l’amande du pêcher peuvent, par l'acide cyanhydrique qu’elles contiennent, produire l’empoisonnement. Bertrand à vu mourir un enfant de dix-huit mois, au milieu de convulsions et de vomissements, pour avoir pris une forte décoction de ces fleurs que sa mère lui avait donnée comme vermifuge. Le Journal de la Société de médecine de Nantes (1836) relate un cas d’em- poisonnement chez un homme de trente ans, où les accidents, caractérisés par des phénomènes graves, rappelant ceux produits par l'acide cyanhy- drique, cédèrent cependant à l'emploi des opiacés. Les fleurs fraiches agissent quelquefois assez vivement sur le tube digestif. « J'ai voulu, dit Roques, éprouver sur moi-même l’action purgative de ces fleurs. J’en ai pris une bonne pincée mêlée avec une petite salade de chico- rée sauvage. Quatre heures après, j'ai eu des tranchées, des évacuations énormes et des sueurs froides. Il a fallu de l’éther et de l’opium pour faire cesser ces accidents. » Peut-être Roques s'est-il donné une indigestion en suspendant la sensibilité de l’estomac par l’action de l’acide cyanhydrique, ce qui rendrait ce fait peu concluant. Toutefois les feuilles, les fleurs et l’'amande de pêcher doivent être administrées avec circonspection, surtout aux enfants. Les fleurs et les feuilles de cet arbre sont purgatives, anthelminthiques et diurétiques. La propriété laxative du sirop de fleurs de pêcher a été célé- brée outre mesure par Guy-Patin, Riolan, Simon Piètre, et une foule d’au- tres auteurs. Le calice est la partie des fleurs du pêcher dans laquelle paraît résider plus particulièrement leur principe actif. Coste et Wilmet em- ployaient les bourgeons et les jeunes feuilles de cet arbre, récoltés au prin- temps. infusés pendant la nuit et ensuite décoctés, à la dose de 15 à 45 gr. dans 300 gr. d’eau, avec addition de 30 gr. de sirop de fleurs de pêcher. ou d’une petite quantité de miel; ils donnaient la veille, selon la force du sujet, 12 à 24 décigr. d'extrait aqueux de bourgeons, saturé de la poudre des fleurs de pêcher desséchées. Coste et Wilmet ont vu rendre plus de soixante vers à un jeune homme d’une quinzaine d’années, peu d’heures après l’ingestion du premier bol de cet extrait, Dans l’espace de douze jours, cet enfant prit 30 gr. d'extrait en 24 doses, et trois potions dans lesquelles les feuilles de pêcher étaient entrées jusqu’à 30 gr. Il était d’un tempérament assez ro- buste, difficile à évacuer. Il eut quatre à cinq selles chaque fois, et ordinai- rement quatre ou cinq vers dans les premières; il a été parfaitement guéri sans autre seCours. Burtin a confirmé les observations de Coste et Wilmet sur plus de vingt malades. Loiseleur-Deslongchamps employait un sirop fait avec une suffi- sante quantité de miel et une décoction saturée de feuilles de pêcher, et ilen obtenait toujours des effets analogues à ceux de la manne. Dans les campagnes, on fait quelquefois prendre aux enfants, comme purgatif et (1) Journal analytique des sciences médicales, t. I, p. 338. 806 PÊCHER, vermifuge, du bouillon de veau dans lequel on à fait infuser légèrement, et à une douce chaleur, une petite poignée de fleurs de pêcher. L’infusion des feuilles et des fleurs dans le lait est aussi administrée avec succès aux petits enfants. Bodart employait les feuilles fraîches de pêcher comme succédanées du séné, à la dose de 30 gr. pour deux verres de decoctum, à vase fermé; les fleurs à la dose de 15 gr. Il donnaït, aux femmes délicates et aux enfants, le sirop des fleurs à la dose d’une cuillerée à bouche, toutes les demi- heures, jusqu’à ce que le remède commencât à agir. (C'est le même moyen qu’on emploie communément, à la dose d’une cuillerée à café et plus, pour faciliter l'évacuation du méconium chez les nouveau-nés.) L’infusion et la décoction des feuilles de pêcher ont été vantées dans la néphrite, l’hématurie et plusieurs autres affections des voies urinaires. Dower, au rapport de Vogel, les regardait comme un spécifique contre les calculs urinaires. Ettmuller accorde aussi cette vertu à l’infusion des amandes contenues dans le noyau de la pêche. Les Anglais joignent l’eau distillée d'amandes amères à l’infusion des feuilles de pêcher, et emploient ce mélange pour faciliter la sécrétion et l’excrétion des urines, apaiser les douleurs néphrétiques et vésicales. Ce moyen, que j'ai mis en usage plu- sieurs fois, calme promptement les souffrances des malades atteints de spasme ou d'irritation à la vessie, favorise l’émission des urines dans le catarrhe vésical chronique et soulage les calculeux. Dougos (1) a guéri la coqueluche en quelques jours au moyen de l’infusion de feuilles de pêcher. Antony (2) dit avoir obtenu de très-bons effets de cette infusion, dans une épidémie de fièvre très-grave, à type rémittent, compliquée d’irritation gastrique. Les feuilles qui avaient servi à cette in- fusion lui ont été fort utiles en application sur l'abdomen. Le même moyen lui aurait également réussi contre le vomissement dans deux cas de cho- léra. Comme les amandes amères, les amandes de pêche peuvent être em- ployées pour les émulsions en les associant en petite quantité aux autres semences émulsives. Seules, et à une certaine dose, il est à présumer qu’elles auraient une action analogue à celle des feuilles, comme purgatives et anthelminthiques. Burtin prescrivit à un pauvre, atteint de fièvre intermittente, deux poi- gnées de feuilles de pêcher infusées dans 2 kilogr. de bière brune bouillante, à prendre dans l’espace de vingt-quatre heures dans l’apyrexie. La fièvre disparut après la seconde dose. Encouragé par ce succès, il employa le même moyen chez plus de vingt malades atteints de fièvres intermittentes. de divers types, et tous furent entièrement guéris. Il donnait avec le même avantage, dans l’apyrexie, la poudre des feuilles, à la dose de 30 gr. divisée en plusieurs prises. Le même auteur dit qu’il a connu, dans sa jeunesse, une personne qui employait, en en faisant un secret, la poudre du bois des noyaux de pêche, à la même dose que le quinquina, contre la fièvre in- termittente. Amatus Lusitanus (3) recommande ce remède dans la fièvre quarte. Crouseille (4) a fait connaître les succès qu'il a obtenus de l’usage des feuilles de pêcher à titre de fébrifuge. Il a signalé dans ces feuilles un principe amer auquel elles doivent leur propriété, et non, ainsi qu’on le croyait, à l’acide cyanhydrique qu’elles contiennent. L’écorce est aussi fébrifuge. Dans les campagnes, on emploie simplement, pour couper les (1) Gazette médicale, 1837, p. 299. (2) Ibid. (3) Lib. 1v, p. 564. (4) Journal de chimie médicale, 1831, t. VIE, p. 22. PÉDICULAIRES. 807 fièvres d'accès, du vin blanc dans lequel on à fait infuser la seconde écorce du pêcher. J'ai employé les feuilles de pêcher pilées en cataplasme sur l’abdemen, chez des enfants d’un à deux ans, et j'ai obtenu un effet anthelminthique qui, dans quelques cas, ne m'a laissé aucun doute. Ce topique m'a paru aussi calmer les coliques. On applique avec avantage ces mêmes feuilles sur les inflammations externes, les dartres enflammées et douloureuses, les ulcères cancéreux, les douleurs locales, etc. | La pêche est, quoi qu’en disent Galien et l’École de Salerne, un fruit très-agréable, nourrissant, rafraichissant et adoucissant ; elle convient par- faitement aux tempéraments sanguins et bilieux, soit dans l’état de santé, soit dans les maladies accompagnées de chaleur et d'irritation. Toutefois, les personnes faibles ou sédentaires peuvent, par l’usage trop abondant ou trop longtemps prolongé des pêches, éprouver de la débilité d'estomac, des flatuosités et même la diarrhée. On évite ces inconvénients en leur asso- ciant du sucre ou du vin généreux. PEDICULAIRES. Pedicularia palustris et pedicularia sylvatica. L. PERSONNÉES. — RHINANTHÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE ANGIOSPERMIE. L, [La pédiculaire, ou herbe aux poux, est une plante bisannuelle ou vivace. | [Deseription.— Racine épaisse. — Tige haute de 25 à 50 centimètres, rougeûtre, rameuse dès la base. — Feuilles alternes ou opposées, pennatipartites, glabres, ou pubescentes vers le sommet de la plante. — Fleurs roses, disposées en épis feuillés. — Calice oblong, renflé, ventru, pubescent, à deux lobes inégaux. — Corolle à tube droit, à deux lèvres, dont la supérieure est en casque, inférieure plane et trilobée. — Quatre étamines didynames. — Ovaire à deux loges pluriovulées. — Style simple, terminé par un stigmate en tête. — Fruit : capsule ovoide, orbiculaire renfermant plusieurs graines ovoïdes, trigones et tuberculeuses. Nous citerons encore les pédiculaires verticillée P., verticillata L., et à bec, P. ros- trata L., comme jouissant des mêmes propriétés. Parties usitées.— La plante enlière, Récolte. — On récolte cette plante à l’époque de la floraison. Elle est très-diffi- cile à dessécher, Elle noircit toujours. [Culture.— Les pédiculaires sont répandues dans les divers marais de l’Europe. On ne les cultive que dans les jardins botaniques. Elles préfèrent les prairies marécageuses, les bois ombragés, les tourbières. Propriétés physiques et chimiques. — Les pédiculaires ont une saveur àcre et brûlante. On ne connaît pas leur composition. | (Le nom de cette plante lui vient, dit-on, de ce que les animaux qui s’en nourrissent sont, peu de temps après, couverts de poux; d’autres, avec plus de raison, pensent que, grâce à son âcreté, elle détruit ces insectes. L'usage des pédiculaires est actuellement abandonné. Autrefois on les re- gardait comme astringentes, et, à ce litre, utiles dans les hémorrhagies en général et en particulier dans les ménorrhagies et le flux hémorrhoïdal. Extérieurement, on les employait comme excitantes, détersives, vulnéraires. On reconnaissait à la pédiculaire la propriété de guérir les fistules, aussi la dénommait-on fistularia. Sa causticité peut, en effet, être utilisée comme agent modificateur et légèrement substitutif dans les ulcères atoniques, les plaies blafardes, etc.) 808 PENSÉE SAUVAGE. PENSÉE SAUVAGE. Viola tricolor. L. Viola arvensis. C. BAUH. — Viola tricolor arvensis. TouRN., DECAND. Trinitatis herba. Fucns. — Jacea altera. CAM. Violette des champs, — petite jacée, — fleur de la Trinité, — herbe à clavelée, VIOLAGÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE MONOGAMIE. L. Cette plante annuelle est très-commune dans les champs sablonneux. Description. — Racines fibreuses, chevelues. — Tiges rameuses, diffuses, élalées ou ascendantes, glabres, herbacées. — Feuilles radicales, pétiolées, ovales, cordées à leur base ; les supérieures linéaires, dentées, sessiles, alternes. — Stipules divisées en lobes inégaux. — Fleurs jaunes, le plus souvent violacées, penchées sur de longs pédon- cules axillaires (avril-octobre). — Calice à cinq sépales oblongs. — Corolle à cinq pé tales inégaux ; l’inférieur prolongé en éperon. — Cinq étamines à filets très-courts, dont toutes les anthères conniventes, les deux inférieures à connectif prolongé à la base en un appendice charnu qui s'enfonce dans les cavités de l’éperon. — Ovaire globuleux, sessile. — Style coudé à la base, épaissi au sommet et terminé par un stigmate globu- leux. — Fruit : capsule ovale-oblongue, uniloculaire, à trois valves, à une loge poly- sperme ; semences petites et blanches. Parties usitées. — L'herbe entière et fleurie. Bécolte. — On la rérolte pendant toute la belle saison. Étant succulente, elle se dessèche assez difficilement. Lorsqu'elle n’est pas séchée promptement à l’étuve, la végétation s’y continue, et si la floraison en est avancée, les fruits mürissent, les cap- sules s’ouvrent et laissent échapper les graines en grande quantité. On doit rejeter la pensée devenue trop jaune par la dessiccation et celle dont les fleurs sont remplacées par des capsules. — Suivant Bodart, celle qui croît dans les environs de Mont-Tonnerre est la meilleure. [Culéwre. — On peut propager les pensées par semis, par marcottes et par bou- tures ; mais celles-ci sont sujettes à fondre l'hiver, Il vaut mieux laisser grainer les belles variétés sur place et les piquer à l'automne, ou bien recueillir la graine à mesure qu’elle mürit et la semer en août pour avoir une bonne floraison en avril. La pensée sauvage n’est cultivée que dans les jardins botaniques ; celle qui croit spontanément suffit aux besoins de la médecine. ] Propriétés physiques et elnimiques. — La pensée sauvage à une odeur peu remarquable el une saveur un peu salée et amère ; en la mâchant, elle déve- loppe un principe mucilagineux. Bodart lui trouve à peu près le goût de la salsepareille. Elle contient de la gomme, de l’albumine végétale, un extrait sucré et ductile, de la violine. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction de la | Sirop (3 gr. sur 50 d’eau et 50 de sucre), de plante fraîche ou sèche, de 30 à 60 gr. par 15 à 60 gr., en potion. kilogramme d’eau. Extrait, de 5 à 15 gr. Poudre, 2 à 3 gr. dans du lait. La pensée sauvage, légèrement diurétique, diaphorétique et laxative, est regardée comme dépurative. On s’en sert contre les dartres, les croûtes lai- teuses, la teigne, les scrofules. D’après Bergius, linfusion concentrée de la plante fraiche purge et fait quelquefois vomir. L'herbe sèche, dit-il, con- serve encore sa propriété purgative ; mais 1l faut la donner à une dose plus forte. La racine a une propriété vomitive analogue à celle de la violette. Matthiole, Fuschs et Bauhin la recommandent comme très-efficace dans les affections cutanées chroniques. Jean-Philippe Boechler, de Strasbourg, et Strack, de Mayence, préconi- sèrent l'usage de la pensée sauvage, et constatèrent, par des expériences, ses effets avantageux dans les maladies cutanées. Strack (1) la donnait en poudre dans la croûte laiteuse, à la dose de 2 gr. dans du Jait, ou en dé- (3) De crusta laetea infantium, ejusdem rer.edio dissertatio. Francfort-sur-Mein, 1779. PERCE-NEIGE ou GALANTINE DE NEIGE, 809 coction matin et soir, ou bien dans la soupe au lait, qui n’en prend aucun mauvais goût. Au bout de quatre jours, le visage se couvre de croûtes épaisses, ce qui n'empêche pas de continuer cette boisson, même après leur chute, qui a lieu ordinairement après la seconde ou la troisième se- maine, ainsi qu'une expérience de trente ans l’a prouvé à l’auteur que nous venons de citer. Cet auteur a remarqué, ainsi que je l’ai moi-même observé plusieurs fois, que les urines prennent, pendant l’usage de cette plante, une odeur fétide, analogue à celle de l’urine de chat. Depuis, Haase, Metzer, Plouquet, Armstrong, Hahnemann, Thilenius, et presque tous les auteurs qui se sont occupés des dermatoses, se sont servis de la pensée sauvage dans les dartres, la teigne, la gale, dans plusieurs maladies lymphatiques, le rhumatisme chronique, la blennorrhagie, etc. Murray déclare avoir lui-même constaté l'efficacité de la pensée sauvage dans ces diverses affections. Hufeland recommande dans les dartres une forte décoction de pensée sauvage continuée pendant longtemps. En 1813, Fauverge la donna à une jeune fille, sujette à des accès nerveux qui étaient regardés comme produits par la suppression de croûtes laiteuses, et la gué- rison fut obtenue : Eum curaturum quem prima origo causæ non fefellerit (Cels.). | Schlegel porta la confiance dans la pensée sauvage jusqu’à la croire utile dans les affections syphilitiques, surtout contre les ulcères vénériens. Bodart a proposé de la substituer à la salsepareille. L’exagération compromet la meilleure cause. 11 faut se tenir dans les limites du vrai pour amener à la conviction. On oppose à l’opinion des auteurs qui ont vanté cette plante celle de plusieurs praticiens qui prétendent n’en avoir retiré que de faibles avan- tages, ou qui la, considèrent même comme dépourvue de toute propriété. Ainsi Chambon dit qu'il a eu souvent recours à son usage sans en obtenir le moindre avantage. Pariset, avec son atticisme exquis, tourne en ridicule, dans une de ses lettres écrites d'Orient, les médecins de Paris qui ordon- nent gravement à leurs malades la viola tricolor; mais on sait que la raille- rie tient bien plus de l’abus de l’esprit que de la sévérité du jugement. Je fais usage journellement de la pensée sauvage dans les croûtes de lait; j'ai cru remarquer une grande amélioration dans cette maladie lorsque les enfants en ont usé pendant quinze à vingt jours. Je la fais macérer à la dose de 4 à 8 gr. dans 250 gr. d’eau chaude pendant la nuit; je fais bouillir en- suite, et j'administre cette dose à jeun, coupée avec un quart de lait et édulcorée. De cette manière les enfants la prennent sans répugnance. Je mets souvent la pensée sauvage dans les tisanes dépuratives. (Hardy, médecin de l'hôpital Saint-Louis, ordonne comme adjuvant du traitement de diverses affections cutanées la tisane de folioles de séné et de pensée sauvage.) LA PENSÉE DES JARDINS (Viola. tricolor, L.), souvent confondue avec la pensée sauvage, a, dit-on, les mêmes propriétés; mais on lui préfère avec raison celte dernière. PERCE-NEIGE ou GALANTINE DE NEIGE. Galanthus nivalis. L. AMARYLLIDACÉES. Fam. nat.— HEXANDRIE MONOGYNIE. L. . La perce-neige, plante vivace, se trouve dans les bois, les prairies et les jardins; sa fleur paraît au milieu des frimas et nous annonce la première le retour du printemps. Elle est cultivée comme plante d'ornement. Description. — Racine bulbeuse. — Tige : hampe grèle, entourée à son sommet 810 PERSICAIRE ACRE. d’une spathe membraneuse, uniflore. — Feuilles ordinairement au nombre de deux, lisses, planes, étroites, radicales. Fleur en cloche, élégamment inclinée vers la terre, formée de trois segments extérieurs oblongs, obtus, blancs, et de trois autres inférieurs plus épais, plus courts, verts et échancrés en cœur (février). — Etamines portant des anthères jaunes réunies et pointues. — Style terminé par un stigmate simple. — Fruit : capsules polyspermes à trois loges, renfermant chacune une graine. [Parties usitées. — Les bulbes. Réeolte. — Les bulbes du perce-neige doivent être récoltées à l'automne. Culture. — Cetle plante se multiple de caïeux. Elle préfère une terre légère, un peu humide, les massifs ombragés. Propriétés physiques et chimiques. — Les bulbes ont une odeur forte, une saveur très-âcre et irritante. | Les bulbes de la perce-neige partagent la propriété émétique du narcisse des prés. La connaissance de cette propriété est due au hasard. « Une femme de la campagne, dit Loiseleur-Deslongchamps (1), étant venue vendre au marché, dans une ville d'Allemagne, des oignons de perce-neige pour ceux de ciboulette, toutes les personnes qui en mangèrent furent prises de vomissements qui, d’ailleurs, se calmèrent facilement et ne furent suivis d'aucun accident. » On pourrait donc utiliser cette plante, qu’il est si facile de se procurer, comme le narcisse des prés, lequel, du reste, est très-com- mun. A PEIQUE en Ccataplasme, le bulbe de perce-neige est résolutif et matu- ratif. PERSICAIRE ACRE. Polygonum hydropiper. L. Persicaria urens seu hydropiper. CG. Baun., TOURN. — Persicaria acris sive hydropiper. J. BAuH. — Persicaria vulgaris sive minor. PARK. Hydropiper. GER. — Persicaria urens. Orric. Poivre d’eau, — polygone poivre d’eau, —renouée âcre ou brûlante,— curage, — piment d’eau, herbe saint Innocent. POLYGONACÉES. Fam. nat, — OCTANDRIE TRIGYNIE. L. La persicaire, plante annuelle (PI. XXX), ainsi nommée à cause de la ressemblance de ses feuilles avec celles du pêcher, est très-commune. On la rencontre dans les lieux humides, les fossés, les marais, les terrains tour- beux. Description. — Pacines fibreuses. — Tige glabre, cylindrique, noueuse, souvent rougeâtre, un peu rameuse, droite, un peu flexueuse. — Feuilles simples, glabres, alternes, lancéolées, aiguës, médiocrement pétiolées, accompagnées de stipules courtes, tronquées, très-rarement ciliées. — Fleurs disposées en épis lâches, grêles, axillaires, simples ou à peine rameux, garnis de petites bractées écailleuses (juillet-octobre). — Calice blanchâtre ou rosé, point de corolle. — Six étamines incluses. — Un ovaire simple, libre, uniovulé, surmonté de deux ou trois styles, dont chacun est terminé par un stigmate capité. — Fruit consistant en plusieurs akènes triangulaires, un peu com- primés, renfermés dans le calice. Parties usitées. — L'herbe entière. (Culture. — La plante sauvage suffit aux besoins de la médecine. La persicaire du Levant estcultivée comme plante d'ornement ; toutes se reproduisent par graines.] Récolte, — On peut la récolter pendant tout l'été, même pendant la fructification, car la semence, par son âcreté, ajoute à l’action de la plante. Elle perd une grande: partie de ses propriétés par la dessiccation, Il vaut donc mieux l’employer fraiche. Propriétés physiques et chimiques. — La persicaire âcre est inodore ; (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. XL, p. 210. s . PERSICAIRE ACRE. 811 sa saveur est âcre, poivrée et même brûlante, Son suc rougit les couleurs bleues végétales, ce qui révèle un principe acide, Son infusion aqueuse, qui n’a pas l’âcreté de la plante verte, noircit par le sulfate le fer. Elle teint les laines en jaune. (Elle contient une huile essentielle sulfurée.) à PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'intéRIEUR. — En infusion, de 5 à 15 gr., | Extrait, de 60 centigr. à 2 gr., dans un véhi- par kilogramme d’eau. cule approprié. Poudre, de 1 à 4 gr., en bols, pilules, etc. A L'EXTÉRIEUR. —15 à 30 gr. par kilogramme d’eau, en lotions, fomentations, etc. La persicaire âcre est excitante et diurétique. On l’a conseillée dans les hydropisies, dans les engorgements viscéraux. Appliquée fraiche sur la peau, elle est, dit-on, rubéfiante et vésicante. On l’emploie à l’extérieur comme détersive. La persicaire exerce sur l’économie une action stimulante manifeste. Son effet diurétique, tant vanté jadis, en l’administrant étendue dans une grande quantité d’eau, ne peut avoir lieu qu’autant que les reins sont dans un état d’atonie; la surexcitation de ces organes, non-seulement s’opposerait à cet eftet, mais encore rendrait très-nuisible l’action de cette plante. La vertu lithontriptique qu’on lui a attribuée est illusoire. Elle a été toutefois utile, comme diurétique, dans la gravelle et le catarrhe vésical exempts d’ir- ritation ou d'inflammation, dans l’anasarque asthénique et l’æœdème sans lésion du centre circulatoire ni irritation des voies digestives, dans les en- gorgements non inflammatoires du foie et de la rate. Ettmuller la regarde comme vermifuge, et, d’après Peyrilhe, donnée en poudre aux moutons, à la dose d’un gros dans du miel, elle détruit une espèce de ver auquel ces animaux sont exposés. La confiance des jeunes filles atteintes de chlorose ou d'aménorrhée a été quelquefois, suivant Tournefort, jusqu’à croire qu'il suffisait de porter cette plante dans leurs chaussures pour guérir (1). Eberle recommande l'emploi de la teinture de poivre d’eau (polygonum hydropi- peroïides où punctatum), dans l’aménorrhée. Il est probable que l'espèce que nous possédons en Europe (hydropiper) jouit des mêmes vertus. L'usage interne de la persicaire, entièrement oublié de nos jours, mérite l'attention des thérapeutistes. Des faits soigneusement observés mettraient à même d'apprécier les avantages que son énergie indique, et lui rendraient le rang qu’elle paraît avoir occupé dans la matière médicale indigène, à une époque où la science n’était pas assez avancée pour préciser les circonstances pathologiques qui en réclament l'application. A l'extérieur, on peut, suivant Boerhaave, employer la persicaire comme rubéfiante, à l’état frais, lorsqu'on manque de moutarde. Comme elle irrite les tissus dénudés, elle convient comme détersive sur les ulcères atoniques et scrofuleux. Je l’ai employée avec avantage, en pareil cas, en l’associant en décoction aqueuse ou vineuse aux feuilles de noyer. Elle convient, en décoction concentrée, pour favoriser la séparation des eschares dans la gangrène. Hévin faisait lotionner avec une décoction de persicaire brûlante, aiguisée de sel commun, les ulcères sordides, dont les chairs étaient peu sensibles ou même en partie corrompues, afin, disait-il, de détruire et séparer ces chairs mollasses d’avec les chairs saines. La décoc- tion aqueuse ou vineuse de cette plante a été, suivant Murray, employée en gargarisme contre l’odontalgie, les aphthes, l’angine, les ulcérations du pharynx et des fosses nasales. On a vanté aussi l’application de ses feuilles cuites dans l’eau, sur les engorgements œdémateux et séreux, pour en favo- riser la résolution. : Buchwald recommande cette plante contre la gale. Linné dit qu'on em- ——_—_—_—_———— (1) American Journ. of med. se., july 1846. 312 PERSICAIRE AMPHIBIE, ploie, en Norwége, ses feuilles cuites dans l’eau et appliquées à l’extérieur contre l’odontalgie. J’ai souvent mis en usage la persicaire à l’extérieur, comme résolutive et détersive, dans les engorgements glanduleux et lymphatiques. Je l'ai appli- quée avec succès sur un ulcère, à bords durs et calleux, situé à la partie inférieure de la jambe droite, chez un vieillard de soixante-neuf ans. Je couvrais cet ulcère avec les feuilles cuites dans l’eau. L’action en fut prompte et très-satisfaisante ; au bout de huit jours, la détersion était complète. Dans un cas d’ulcère scrofuleux, dont la surface était recouverte d’une couche membraniforme épaisse, fétide, située à la partie inférieure et interne de la cuisse, chez une jeune fille de quatorze ans, j'ai employé avec succès, pour la détersion de cet ulcère, parties égales de feuilles de noyer et de persi- caire. Un cultivateur du village de Doudeauville avait toute l'extrémité supé- rieure gauche gonflée, indolente et tendue, sans inflammation, à la suite d’un érysipèle dont elle avait été Le siége deux mois auparavant. Le volume de celte extrémité, surtout à l’avant-bras, était doublé. Jefis appliquer sur toute l'étendue du membre une décoction concentrée de feuilles fraiches de per- sicaire, L’elfet de cette application réussit merveilleusement ; dès le lende- main, la résolution commençait à s’opérer, et au bout de huit à dix jours elle était complète. La persicaire, je le répète, n’est point à négliger. Les vétérinaires de cam- pagne en font un grand usage à l’extérieur pour déterger les ulcères qui surviennent à la couronne du sabot, et dans les gonflements lymphatiques des articulations, après l’application du feu. Le suc de cette plante pur, ou plus ou moins étendu dans l’eau ou la décoction de feuilles de noyer, convient mieux, à l’extérieur, lorsqu'il s’agit de combattre la gangrène et de stimuler avec énergie des ulcères sordides, des chairs blafardes et fongueuses. PERSICAIRE DOUCE. — POLYGONE PERSICAIRE. — VRAIE PERSICAIRE. — PER- SICATRE TACHETÉE. — FER-A-CHEVAL. — PILINGRE. — Polygonum persicaria. L. — Persicaria mitis maculosa et non maculosa. C. BAux., Tour. — Croît aux mêmes lieux que la précédente et lui ressemble beaucoup. {(Deseription. — Diffère de la persicaire âcre par ses fleurs roses, assez grosses, en épis oblongs, cylindriques, compactes et dressés (août) ; par l'absence de points glan- duleux sur le calice, et par sa saveur douce. La persicaire douce a été considérée comme astringente, détersive et antiseptique. On l’a vantée contre la diarrhée, les hémorrhagies, les flueurs blanches passives, le scorbut, la jaunisse, la goutte vague, le rhumatisme chronique, etc. Tournefort la prescrit en décoction contre la gangrène. Sa décoction dans le gros vin rouge (deux poignées pour 1 kilogr.) est recom- mandée dans le Manuel des dames de Charité (41) comme un des meilleurs moyens d’arrêter la gangrène. On applique toutes les trois heures des com- presses imbibées de cette décoction chaude, que l’on humecte de temps en temps dans l'intervalle de chaque pansement. Ravelet (2) rapporte huit Mara fe de gangrène traitée avec succès au moyen de la persicaire douce. PERSICAIRE AMPHIBIE. — Persicaire acide. — Persicaria amphibium, L. — Potamogeton salicis folio. C. BAuH. — Potamogeton seu fontalis persicariæ Foliis. J. BAun. — Potamogeton angustifolium. GER. — Fontalis major lon- gifolia. Park. — Cette plante vivace croît abondamment dans les marais et les lieux couverts d’eau. Lorsque les chaleurs de l’été dessèchent les étangs, (1) 5e édit., p. 241. Paris, 1760. (2) Thèses de Strasbourg, 1806. PERSICAIRE AMPHIBIE. 815 les ruisseaux, etc., et que cette plante est exposée à l'air après avoir flotté dans l’eau, elle subit des changements physiques qui la rendent méconnais- sable, et lui ont fait donner, dans ce nouvel état, le nom de persicaire am- phibie terrestre. Description. — Racine traçante, — Tiges rameuses, radicantes, nageantes ou terrestres. — Feuilles pétiolées, ovales-oblongues. — Fleurs roses, en épis compactes, oblongs, cylindriques et terminaux (juin-septembre). — Etamines saillantes, — Style bifide. Parties usitées. — La racine. Récolte. — Cette racine doit être récoltée à la fin de l'été ou au commencement de l’automne, Après l'avoir mondée, on la fait sécher, et on la fend comme la salse- pareille, à laquelle elle ressemble à tel point que dans plusieurs provinces, au rapport de Coste et Wilmet, les herboristes et les épiciers la vendent pour cette dernière. (Culture. — Cette plante se propage par semis des fruits. Elle n’est cultivée que dans les jardins botaniques.] La persicaire amphibie a été l’objet d’une dissertation particulière de Jean-Henri Schulze (1). Burtin (2) dit que la racine de cette plante est le meilleur succédané de la salsepareille. Coste et Wilmet l’ont aussi substituée à cette dernière comme celle de houblon; ils en ont préparé un extrait aqueux, un extrait résineux, et un extrait gommo-résineux. La persicaire amphibie, comme plus mucilagineuse que le houblon, a fourni un huitième de plus d’extrait gommeux ou aqueux, un sixième de moins d’extrait résineux, et l’autre, à proportion. Ces extraits, suivant les auteurs que nous venons de citer, ont eu un succès étonnant contre les écoulements gonorrhoïques, à la dose de 78 centigr. matin et soir, en avalant par-dessus une tasse de forte décoction des mêmes racines, édulcorée avec un peu de sucre. Il faut continuer ce remède de la sorte pendant quelque temps, suivant les circon- stances, le tempérament du malade et l'intensité de la maladie. On admi- nistre ces extraits en pilules de la manière suivante : extrait aqueux ou gommo-résineux de persicaire amphibie, 16 gr.; parties égales de poudre de racine de persicaire et de gomme de gayac, quantité suffisante ; divisez en pilules de 25 à 30 centigr. À J'ai employé la racine de persicaire amphibie en décoction concentrée, contre une large syphilide située à la partie supérieure interne des cuisses, chez un ouvrier âgé de trente ans, qui, un an auparavant, avait subi un traitement mercuriel mal dirigé. Cette dartre était survenue trois mois après la guérison d’un chancre au prépuce, que l’on avait touché fréquemment avec le nitrate d'argent fondu. La décoction de racine de persicaire am- phibie (100 gr. pour 1,500 gr. d’eau réduits à 1 kilogr.), prise à la dose de 4 verres, d'heure en heure chaque matin, et continuée pendant un mois, a suffi pour faire disparaître peu à peu cette dermatose évidemment véné- rienne. Depuis vingt ans que le malade est guéri, il n’y à eu aucune appa- rence de récidive. Ce seul fait ne suffit pas pour constater les propriétés de la racine de persicaire amphibie ; mais il est de nature à engager les praticiens à essayer l'emploi de cette racine dans les cas où la salsepareille est indiquée. Cette dernière est trop chère pour la médecine des pauvres. (1) De persicaria acida. Hal., 1735. (2) Mémoire couronné par l'Académie des sciences de Bruxelles, 1783. 814 PERSIL. PERSIL. Apium petroselinum. L. Apium hortense seu petroselinum vulgo. C. BAUH., ToURN. Petroselinum. Orr. Persil commun, — ache persil, — persin. OMBELLIFÈRES. — AMMINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Le persil, plante bisannuelle cultivée dans tous les jardins potagers pour l'usage culinaire, se rencontre en Provence dans son état sauvage. Les lièvres et les lapins recherchent le persil; ils se rassemblent souvent dans les lieux où on l’a semé. On l’a quelquefois cultivé en grand pour les mou- tons, qu'il préserve, dit-on, de certaines maladies. On à prétendu qu’il est, au contraire, un poison pour les poules, les perroquets et plusieurs autres oiseaux... (?) Description. — Racine assez grosse, conique, blanchâtre, fibreuse. — Tiges glabres, rameuses, striées, cannelées, fistuleuses, longues de 75 centimètres à 1 mètre. — Feuilles pétiolées, bipennées, d’un beau vert, à folioles incisées en lobes aigus, les feuilles supérieures moins décomposées, quelquefois même simples. — Fleurs blanches, un peu jaunâtres, petites, disposées en ombelles de quinze ou seize rayons (juillet-août). — Calice entier. — Corolle composée de cinq pétales égaux, arrondis, courbés à leur sommet. — Cinq étamines. — Deux styles très-courts. — Fruits : ovoïdes, alloñgés, composés de deux akènes convexes en dehors, marquées, sur le dos, de cinq petites nervures saillantes. Nous avons exposé à l’article ciGuE les caractères distinctifs de la petite ciguë et du persil, et le danger qu’il y aurait de confondre ces deux plantes. Parties usitées. — La racine, l'herbe et les fruits. [Culture. — Le persil doit être semé depuis février jusqu’en août dans une bonne terre meuble, et à l’automne au pied d’un mur, au midi pour en avoir de bonne heure au printemps. Cette plante ne monte à graines que la seconde année, et les graines se conservent deux ans. L'hiver, on couvre de bons paillassons.]| Récolte. — Les semences se récoltent en automne ; la racine en automne ou au printemps pour la conserver. Les feuilles s’emploient vertes. La racine perd une assez grande partie de ses propriétés par la dessiccation. Propriétés physiques et chimiques. — Le persil est doué d’une Had forte, d’une saveur aromatique et un peu amère. Cette plante contient un principe gommo-résineux, une huile volatile plus abondante dans les semences que dans les autres parties. La racine contient en outre de la fécule, ce qui la rend nutritive. Homolle et Joret (1) ont découvert le principe actif des semences de cette plante, au- quel ils ont donné le nom d’apiol. Ce principe, liquide, jaunâtre, de nature oléagineuse. d’une odeur spéciale et tenace, d’une saveur piquante mêlée d’âcreté, et d’une densité de 1.078 à 12° centigrades, est un corps soluble dans l’éther, le chloroforme, l'alcool, etc., mais insoluble dans l’eau, à une haute comme à une basse température. La semence de persil contient en outre, d’après Homolle et Joret, une huile essen- üelle, volatile, une matière grasse incristallisable (beurre de persil), de la pectine, de la chlorophylle, du tannin, une matière colorante jaune, de la matière extractive, du ligneux, des sels anorganiques, etc. — Braconnot a extrait de la semence du persil une substance à laquelle il donne le nom d’apine, et qui, suivant Homolle et Joret, paraît analogue à la pectine. — Dans un mémoire de Blanchet et Sell (2), on lit : « En distil- lant avec de l’eau les semences de l’apium petroselinum, on obtient une huile volatile légère et une huile plus lourde qui contient du camphre. — Enfin, Bolle, pharmacien à Angermande (3), aurait trouvé, parmi d’autres huiles essentielles, une masse concrète formée de cristaux blancs aciculaires (stéaropton de l’huile de persil), qui ne serait que le résultat de l’altération de l'huile essentielle sous l’inflaence des rayons solaires. (Selon Loewig et Weidmann, la formule de lessence de persil — C'?H$ O5.) (1) Journal de pharmacie, 1852. (2) Annales de pharmacie, t. VI, cahier 3. (3) Journal de pharmacle, t. XV, p. 580. PERSIL. 815 PRÉPARATIONS PHARMACGEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction des racines frai- ches ou sèches, 15 à 60 gr. par kilogramme d’eau. Eau distillée, 60 à 100 gr. et plus, seule ou comme véhicule, Suc exprimé des feuilles, 100 à 140 gr. par jour. Semences en infusion, 4 à 8 gr. par kilo- gramme d’eau, Semences en poudre, 1 à 2 gr. Huile essentielle, 2 ou 3 gouttes par jour (comme antiblennorrhagique). A L'EXTÉRIEUR. — Cataplasme fait avec les feuilles contuses. Préparations fébrifuges. (Peyraire.) Poudre de persil, 2 gr. par jour. Teinture (suc récent, 250 gr.; alcool à 33 de- grés, 125 gr.), 4 gr. par jour. Sirop, 3 ou 4 cuillerées à café par jour pour les enfants, 4 cuillerées à bouche pour les adultes, seules ou dans une potion. Vin (teinture de persil, 60 gr.; vin blanc de Grave, 330 gr.), par petites verrées, trois fois par jour. : Extrait, 60 centigr. à 1 gr. par jour, associé à la poudre de persil. Pilules fébrifuges de persil : extrait de persil, 1 gr. 3 décigr.; thridace, 6 décigr.; poudre, Potion fébrifuge : eau distillée de persil, 100 gr.; extrait de persil, 6 décigr.; sirop d’absinthe, 30 gr., à prendre en trois fois. Autre potion : eau de mélisse, 60 gr.; eau de menthe, 30 gr.; extrait de persil, 1 gr.; si- rop de persil, 20 gr. — Même mode d’ad- ministration. APIOL. — Mode d'administration (Homolle et Joret). — 50 centigr. à 4 gr. comme fébri- fuge ordinaire; 2 à 3 gr. dans les cas de fièvres intermittentes graves. Capsules gélatinenses d’apiol, renfermant chacune 25 centigr. d’apiol. — Dans les fiè- vres intermittentes quotidiennes, cinq à six heures avant l'accès, 4 capsules aux adultes, 2 capsules aux enfants de douze à quinze ans, 1 capsule aux petits enfants. — Mêmes doses, le jour apyrétique, dans les fièvres tierces. — Dans les fièvres quartes, on double les doses, que l’on administre deux jours de suite, — Dans les fièvres automnales, avant de donner l’apiol, il est toujours utile de purger ou de faire vomir les malades. — Ces capsules doi- vent être placées à l’abri de l'humidité, Sirop d’apiol (apiol, 5 gr.; sucre blanc, 1,000 gr.).—Faites un oléo-saccharum que l’on fait fondre à feu doux dans eau de fontaine, @. S. pour 12 pilules. ; 500 gr.; passez. La racine de persil, qui figurait dans les anciennes pharmacopées, au nombre des cinq racines apéritives majeures, a été considérée de temps immémorial comme stimulante, diurétique et diaphorétique. On l’emploie dans les engorgements des viscères abdominaux, l’hydropisie, et surtout dans l’anasarque, l’ictère, la gravelle, la leucorrhée, l’aménorrhée atonique, quelques exanthèmes fébriles avec défaut d'action vitale, etc. Ces diverses propriétés résultent de l'excitation qu’elle exerce sur l’appareil urinaire, sur la peau, sur les engorgements viscéraux, en raison directe de l’atonie des parties affectées. J’ai vu une anasarque considérable, survenue à la suite d’une fièvre puerpérale chez une femme de trente ans, se dissiper en quelques jours par une diurèse des plus abondantes, qu’une forte décoction de racine fraiche de persil (100 gr. par kilogramme d’eau par jour) avait provoquée. Ce fait, et beaucoup d’autres que je pourrais citer sur les pro- priétés diurétiques de cette racine, protestent contre l’opinion de Roques qui dit que l’on peut, sans appauvrir la matière médicale, abandonner le persil à l’art culinaire. J.-F. Herrenhwand (1) regarde la racine de persil comme pouvant être substituée à celle de pareira brava. On à vanté contre la syphilis, comme tant d’autres agents aussi inefficaces en réalité, l'extrait de persil donné en pilules à la dose de 4 gr. le matin et de 2 gr. le soir, ou en sirop à la dose de 45 gr. matin et soir. Le professeur Lallemand a employé avec succès l’huile essentielle de persil, à la dose de 2 ou 3 gouttes par jour dans À verre d’eau, contre les blennorrhagies qui avaient résisté au copahu et à la térébenthine. Dubois, de Tournai, a fait cesser des écoulements blennorrhagiques en administrant le matin et le soir - 1 cuillerée à bouche de sue de persil. Ce suc, mêlé avec du vin blanc (1 à 2 cuillerées pour 4 verre de vin) m’a réussi dans la blennorrhée et la leu- (1) Médecine domestique. Berne, 1795. — Ordonnance pour l'apolhicaire, n° 244. 816 PERSIL. corrhée. Un médecin homæopathe m'a dit avoir souvent guéri l’uréthrite, aiguë ou chronique, au moyen d’un mélange à parties égales de suc dépuré de persil et d’alcool à 40 degrés. Le malade en met 2 à 3 gouttes sur la langue, le matin à jeun, et reste ensuite deux minutes sans ouvrir la bouche, et quelques instants sans boire. Crede……. Je me suis bien trouvé de l’usage de suc de persil dans le vin blanc contre les engorgements des viscères abdominaux, l’æœdème e: l’anasarque qui suivent ou accompagnent les fièvres intermittentes automnales. Ce mélange m'a été utile dans un cas d’albuminurie chronique, sans toutefois amener une guérison que l’état général du malade ne permettait pas d’espérer. Le persil avait été employé depuis longtemps comme fébrifuge, lorsque des recherches récentes sont venues attester cette propriété. Grégor. Horstius s'exprime ainsi sur Cette propriété . « Aqua petroselini prodest in febribus pituitosis, scilicet quotidianis et tertianis nothis. » Tournefort, au rapport de Ferrein, dit avoir vu en Provence des personnes prendre de 4 à 6 onces de suc de persil, au moment de l’accès, pour couper la fièvre. Bonhoure (1) indique, entre autres remèdes, le mélange de 2 cuillerées à bouche d’eau- de-vie à 20 degrés, de 2 cuillerées d’eau de roses et de 2 cuillerées de suc de persil, à faire prendre au milieu de l’accès. Potot, médecin à Soulieu (2), a préconisé le suc de persil à la dose de 90 à 100 gr. pour combattre la fièvre intermittente. Peyraire a publié (3) plusieurs mémoires sur le traite- ment des affections périodiques par les préparations de persil. Ce médecin a fait un très-fréquent usage de cette plante dans les fièvres intermittentes, et les succès qu'il en a obtenus méritent de fixer l'attention. (Voyez Prépa- rations pharmaceutiques et doses.) — Bien que dans mes mains le suc de persil, que j'ai administré à six malades (dont trois ont été guéris après la deuxième, troisième ou quatrième dose, un n’a éprouvé aucun soulagement, et deux une diminution notable dans les accès), n'ait pas aussi bien réussi, il n’en est pas moins vrai, disais-je dans mon travail présenté à la Société de médecine de Marseille, en 1847, et dans la première édition de cet ouvrage, en 1850, que c’est un remède qu'il ne faut pas regarder comme inefficace, et que de nouvelles observations mettront peut-être au rang des fébrifuges indigènes à l’usage des pauvres de la campagne. Cette prévision s’est réalisée. Homolle et Joret (4) ont découvert, par une circonstance fortuite, que la semence de persil, regardée jJusqu’alors comme simplement carminative et diurétique, était beaucoup plus efficace, comme fébrifuge, que les autres parties de la plante. (Pour en faciliter l’administration, ils ont cherché à en extraire le principe actif et ont obtenu l’apiol. (Voyez Propriétés chimiques.) « L’APioL, à la dose de 50 centigr. à 1 gr., détermine une excitation céré- brale légère, rappelant celle produite par le café : on éprouve un sentiment de force et de bien-être avec chaleur épigastrique passagère. Les personnes . qui en ont pris à ces mêmes doses n’ont ressenti ni soif, ni maux d’estomac, ni nausées, ni vomissements, ni Coliques, ni diarrhée. Lorsque la dose est plus élevée, 2 à 4 gr., on observe les phénomènes d’une véritable ivresse : bluettes, étourdissements, titubations, vertiges et sifflements d'oreilles, céphalalgie frontale gravative; ce sont les mêmes effets que l’on éprouve à la suite d’une forte dose de sulfate de quinine ; l'ivresse apiolique est comparable à l'ivresse quinique ; c’est là un point de rapprochement remar- quable entre ces deux corps. Ce n’est qu’exceptionnellement que l’on voit. survenir des borborygmes, des nausées, des coliques avec diarrhée bilieuse. (1) La science de purger, détruire les vers intestinaux et couper la fièvre sans danger. Mont- pellier, 1835. (2) Communication faite à l’Académie de médecine en août 1836. (3) Bulletin médical de Bordeaux et Journal de chimie médicale, 2° série, t, VIE, p. 588. (4) Union médicale, janvier et février 1855. PERSIL. 817 « Donc rien dans l’action physiologique de l’apiol n’est de nature à pré- senter des obstacles à son emploi thérapeutique. Le principe actif a tous les caractères des médicaments appartenant à la classe des toniques, c’est-à- dire portant leur action sur l’ensemble des fonctions dites organiques ou de nutrition, pour en élever le diapason, et cela sans provoquer de phénomènes toxiques ou seulement fâcheux, même à d'assez fortes doses (2 gr. 60 à 3 gr.), pris en une seule fois, le matin à jeun. » Les doses auxquelles on administre l’apiol ne sauraient être invariables, pas plus que celles du sulfate de quinine. Quel que soit le nombre des capsules, il vaut mieux les prendre toutes de suite que de les prendre à des intervalles éloignés. Il convient de débuter toujours par les doses indiquées (Voyez Préparations pharmaceutiques et doses) où mème par une dose plus forte, si l'on a affaire à une fièvre rebelle, comme on le fait avec le sulfate de qui- nine, Il ne faut pas cesser l’usage de l’apiol aussitôt que la fièvre est coupée, mais le donner, à dater de ce moment, à dose décroissante de jour en jour, ou mieux répéter les mêmes doses à des intervalles de quelques jours. Sur quarante-trois fiévreux soumis au traitement apiolique par Homolle et Joret, trente-sept ont guéri sans rechute (86 sur 100), et six seulement ont conservé leur fièvre, qui, toutefois, a été chez plusieurs notablement modifiée dans son intensité par l'emploi de ce fébrifuge. De ces quarante- trois fiévreux, vingt et un étaient atteints de fièvre intermittente quotidienne, dix-huit de fièvre tierce, et quatre de fièvre quarte. Cinq fièvres quotidiennes et une fièvre quarte ont résisté à l’usage de l’apiol, toutes les autres ont été guéries. Ce relevé, en prouvant incontestablement la valeur antipériodique de l’apiol, démontre qu’il guérit plus facilement les fièvres tierces que les fièvres quotidiennes, et que, dans les trois quarts des cas, les fièvres quartes reconnues les plus rebelles ne résistent pas à son emploi. Il résulte d’un grand nombre d'observations recueillies dans les hôpitaux de Rochefort, de Perpignan, de Rome, d’Ajaccio, de Fort-de-France et ailleurs, par Gassaud, Abeille, Jacquot, Garnier, Amic, que dans les fièvres endémiques, l’apiol ne réussitque dans la moitié des cas, et qu’il se trouve là bien inférieur au sulfate de quinine et au quinquina. Ainsi donc, tandis que, dans les fièvres intermittentes de la Bretagne, de la Bresse, etc., les gué- risons obtenues par l’apiol ont été de 86 pour 100, à la Martinique, à Rome, à Ajaccio, à Perpignan, elles n’ont guère dépassé 50 pour 100, et dans la généralité des pays elles atteignent le chiffre de près de 60 pour 400. D'où il faut conclure que l’apiol, qui ne saurait être employé avec le même avan- tage que le sulfate de quinine pour combattre les fièvres intermittentes endémiques des pays chauds, peut très-bien lui être substitué dans la plu- part des fièvres de nos contrées. L’apiol est aussi un puissant emménagogue. Dans les cas très-nombreux où Homolle et Joret l’ont administré à ce titre, soit qu'il s’agit de rappeler les périodes menstruelles manquant depuis plus ou moins longtemps, soit qu'on eût pour but de régulariser cette importante fonction dans les cas de dysménorrhée, par irrégularité, insuffisance ou difficulté d'écoulement, avec tranchées, douleurs abdominales et inguinales, il a presque constam- ment réussi sans que l’on ait eu à enregistrer un seul accident consécutif à son emploi, même dans! es circonstances où l'absence des menstrues tenait à un commencement de grossesse. — « Dès le premier mois de son usage, disent Joret et Homolle, les coliques, les tranchées et les douleurs abdomi- nales disparaissent ; le deuxième mois, l’écoulement menstruel est plus abondant et plus facile, et, le plus ordinairement, le troisième mois, la menstruation reprend sa marche normale. Employé comme emménagogue, l'apiol s’administre à dose de 25 à 30 centigr. par jour pendant la huitaine qui précède l’époque menstruelle. Habituellement, nous faisons prendre alors une capsule de 43 centigr. matin et soir, dans une cuillerée d’eau. Nous 22 813 PERSIL. revenons pendant trois mois, et durant huit jours, chaque fois à cette médi- cation. (Depuis, Joret a fait insérer un mémoire, sur ce sujet, dans le Bulletin de thérapeutique (4). Il y établit que quand l’aménorrhée et la dysménorrhée proviennent d’une diminution, d’un excès, ou d’une perversion de vitalité e l'utérus avec névrose locale ou générale, l’apiol est le plus sûr et le plus inoffensif des emménagogues. Depuis, de nombreuses observations con- cluantes ont été publiées. Nous signalerons avant tout les travaux de Ma- rotte (2). Grâce à ces études consciencieuses, ce médicament est définitive- ment entré dans la pratique usuelle; j'en obtiens chaque jour les plus remarquables résultats. Deux fois déjà j'ai observé, au bout de trois mois, un rétablissement si complet des fonctions que la fécondation a eu lieu.) A l'extérieur, les feuilles de persil sont regardées comme résolutives. On les applique sur les engorgements laiteux des mamelles, les contusions, les ecchymoses, seules ou broyées avec de l’eau-de-vie. J’ai vu employer, d’après le conseil d’un vieux curé, dans les engorgements scrofuleux, l’hy- darthrose, etc., du persil pilé dans un mortier avec des limaçons à coquille, jusqu’en consistance d’onguent, qu’on applique sur la partie malade, étendu sur de la filasse et qu’on renouvelle tous les jours. Ce topique est un résolu- tif mitigé. Je l’ai appliqué avec avantage sur les abcès froids, pour y déter- miner la maturation. Les gens de la campagne appliquent les feuilles de persil froissées sur les contusions et sur les coupures. Dans le premier cas, elles peuvent être utiles comme résolutives; mais dans le second, elles sont évidemment nuisibles par l’irritation qu’elles causent aux bords non réunis de la plaie, qu'il suffit dans tous les cas de rapprocher et de maintenir en contact, sans autre traitement. Il est difficile de faire croire aux paysans que la nature guérit les plaies. « Cunier, oculiste belge très-distingué, assure, dit Dubois de Tournai, qu'il existe, à Assche, près de Bruxelles, une vieille femme qui guérit l’ophthalmie des nouveaux-nés au moyen des instillations de suc de persil. Il ajoute qu’en 1832 plusieurs soldats belges affectés d’ophthalmie eurent recours à Ce moyen, qui fit avorter un mal qui, chez leurs camarades, passait toujours à la purulence et nécessitait leur envoi à l'hôpital. » Dans les hémorrhoïdes sèches (3), on se trouve très-bien d’un topique composé de feuilles de persil et de sureau, à demi cuit, en application im- médiate, — Le persil broyé dans le creux de la main avec un peu de sel et introduit en forme de petite boule dans l’oreille du côté malade, apaise les douleurs de dents, par un effet révulsif que j'ai eu souvent l’occasion d'observer chez les paysans. — Tissot dit que l’application du persil dissipe les piqûres des cousins et des abeilles. On a attribué aux semences de persil pilées et mêlées à l’axonge la propriété de détruire les poux de la tête. Cependant, c’est une opinion vulgairement et généralement répandue dans nos campagnes du Nord que le pou du pubis ou morpion se multiplie d’une manière extraordinaire en moins de deux jours, par la seule friction faite avec les feuilles de persil. C’est un moyen que la perfidie conseille parfois, et que l'ignorance accueille avec bonne foi. Je ne terminerai pas cet article sans faire connaître un remède populaire que j'ai vu employer plusieurs fois avec le plus grand succès contre la gan- grène, les ulcères gangréneux et putrides. Le voici : prenez, suc de persil, à cuillerées à bouche, sel et poivre pulvérisé, de chaque 1 cuillerée à bouche, vinaigre très-fort, 500 gr.; faites macérer pendant trois jours, passez. On (1) Tome LIX, p, 97. (2) Bulletin de thérapeutique, t. LXN, p. 341. — Journal de médecine et de chirurgie pra- tiques, février 1864, p. 68. (3) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XVIT, p. 169. PERVENCHE, 819 imbibe de ce mélange des plumasseaux et des compresses, qu’on applique sur la partie malade et qu'on renouvelle fréquemment. PERVENCHE. Vinca minor. L. Clematis daphnoïides minor. C. Baun., J. BAUH. — Pervinca vulgaris angustifolia. TOURN. — Vinca vulgaris. PARK. Vinca pervinca. Orr. Petite pervenche, — violette des sorciers, — petit sorcier, — herbe à la capucine, APOCYNÉES. — PLUMÉRIÉES, Fam, nat, — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette jolie plante se trouve partout à la campagne et nous montre sa fleur d’un bleu pur et céleste dans les beaux jours du mois de mai. Son nom de violette des sorciers rappelle quelques emplois mystérieux qu’on en a faits. En Italie, on en tresse des couronnes qu’on dépose sur le cercueil des jeunes filles et des jeunes garçons. En Belgique, il était d’usage, au rapport ue Simon Pauli, d’en semer les fleurs sous les pas des fiancées d’une réputation intacte; de là son nom flamand de madedgen-palm. La vue de la pervenche charmait J.-J. Rousseau et lui rappelait les douces émotions de sa Jeunesse; M° de Warens la lui avait fait connaître aux Charmettes. Description. — Racines grêles, rampantes, fibreuses, noirâtres. — Tiges ligneuses, glabres, rampantes. — Feuilles médiocrement péliolées, opposées, entières, ovales, un peu lancéolées. — Fleurs solitaires et axillaires, toujours vertes (mai-juin). — Galice à cinq divisions. — Corolle tubulée, dilatée au sommet et divisée en cinq lobes tronqués obliquement, à gorge munie de poils étalés et couronnés par une membrane annulaire. — Cinq élamines à filaments élargis vers le sommet. — Anthères rappro- chées, non saillantes, — Un style et un stigmate composé de deux parties, une supé- rieure en tête et l’autre inférieure en écusson. — Fruit formé de deux capsules allongéss, folliculaires, à semences peltées. Parties usitées. — Les feuilles, Récolte. — On récolte orainairement ces feuilles un peu avant la floraison ; mais on peut les recueillir en toute saison. La dessiccation n’en change pas la forme, (Culture. — Cette plante se multiplie de graines ou de rejetons, en terre fraîche et légère.] : Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante est inodore ; sa saveur, amère dans l’état frais, devient astringente après la dessiccation. Son principe amer est soluble dans l’eau, à laquelle il communique une grande amertume, Getle eau donne un précipité noir par son contact avec le sulfate de fer. — Les feuilles, au rap- port de Decandolle, ont été employées au tannage des cuirs. — On s’en sert aussi pour raccommoder les vins qui tournent au gras. La pervenche a toujours été considérée comme vulnéraire et astringente: Elle a joui d’une grande célébrité. Jean Agricola (1) prétend qu’elle est lé plus souverain des remèdes que l’on puisse employer dans l’inflammation des amygdales et de la luette. « Si la luette est enflammée etallongée, dit cet auteur, et prête d’étrangler le malade, faites bouillir de la pervenche dans de l’eau pour gargariser la tumeur. Ce gargarisme tire une quantité prodi- gieuse de pituite visqueuse, et, par ce moyen, remet les parties et rend le passage de l’air libre. » On l’a crue efficace dans les affections pulmonaires. M°: de Sévigné recommandait souvent à sa fille {x bonne petite pervenche contre les douleurs de poitrine dont elle se plaignait. On l’a administrée contre les hémorrhagies qui ont pu s’arrêter d’elles-mêmes, ce qui arrive fréquemment par le repos et un régime convenable. Combien de fois la réputation d’un médicament s’est établie surles résultats heureux des efforts de la nature ! (1) Med. herbar, Bâle, 1539. 820 PETIT HOUX. — PEUCEDAN. Quoi qu’il en soit, nous devons dire que le vulgaire emploie la pervenche comme agent antilaiteux en décoction, seule ou concurremment avec la canne de Provence (plante verte, 30 gr. par 500 d’eau; plante sèche, 45 gr. pour la même quantité de véhicule) ; on l’a préconisée contre le crachement de sang, l’hématurie, la phthisie, la dysenterie chronique ou avec ulcéra- tions intestinales (en lavement), la diarrhée, les flueurs blanches, les fièvres intermittentes; en topique sur l’engorgement des mamelles, les plaies et les ecchymoses; en gargarisme dans l’esquinancie, etc. Elle fait partie du fal- trank ou thé suisse. Cette plante, contenant un principe amer et du tannin, n’est pas dépourvue de propriétés ; mais elle est loin de posséder les vertus qu’on lui a attribuées contre les hémorrhagies; n’a-t-on pas été jusqu’à la regarder comme pou- vant même arrêter l’épistaxis au moyen de deux ou trois de ses feuilles pla- cées sous la langue! PETIT HOUX. Ruscus aculeatus. L. House frelon, — fragon, — housson, — myrte sauvage des anciens. ASPARAGINÉES. Fam. nat. — DIOECIE SYNGÉNÉSIE. L. Arbuste toujours vert, ayant l’aspect d’un petit myrte par son feuillage ; il croît en France, sur la lisière des bois montueux et couverts. Il est com- mun dans les bois des environs de Paris (Fontainebleau, Montmorency, Saint-Germain, Versailles, etc.) et dans ceux de la plupart des départements du centre, Description. — Racines grêles, ligneuses, fasciculées, blanchâtres. — Tiges de 60 à 80 centimètres, cylindriques, très-rameuses, droites, striées d’en haut, — Feuilles alternes, sessiles, ovales, aiguës, glabres, d’un vert luisant, terminées par une épine au sommet. — Fleurs petites, d’un blanc sale, naissant à l’aisselle d’une petite bractée et insérées dans le milieu de la face supérieure des feuilles (mai). — Fruits : baies sphériques, contenant deux à trois semences, rouges à la maturité. Usages économiques. — On a voulu substituer la semence du petit-houx au café. Torréfiée et pulvérisée, elle imite fort bien le café de la Martinique, au dire de Pignol. Reste à savoir si le goût répond à la forme, si cette semence ne pourrait pas plutôt servir à la fraude, en la mêlant au café, que comme succédané de ce dernier. La racine de petit-houx, d’une saveur âcre, un peu amère, est diurétique. Elle est au nombre de celles dites apéritives mineures. On l’emploie en décoction dans les hydropisies, la gravelle, les engorgements viscéraux atoniques, l’ictère, etc. Les baïes, dont la saveur est douceâtre, jouissent, dit-on, des mêmes propriétés, bien qu’elles ne soient pas usitées. Les jeunes pousses, qu’on mange quelquefois comme celles d’asperges, sont aussi diurétiques. On donne la racine de fragon en décoction (30 à 60 gr. pour 1 kilogr. d’eau), édulcorée avec la racine de réglisse et souvent avec addition de nitrate de potasse, PEUCEDAN. Peucedanum officinale. L. Peucedanum germanicum. G. BAUH., TouRN. — Peucedunum minus germanicum. 4. BAUH. — Peucedanum vulgaris. PARK. Cauda porcina. TAB. Peucedan, — peucédane, — fenouil de porc, -- queue de pourceau. OMBELLIFÈRES. — PEUCÉDANÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante du midi de l’Europe croît naturellement en Bourgogne, en Provence, en Languedoc, dans les bois, les taillis, les prés, etc. Description, — Racine longue, grosse, noiràtré en dehors, blanchâtre en PEUPLIERS. 821 dedans, — Tige de 60 à à 90 centimètres de hauteur. — Feuilles grandes, trois à quatre fois décomposées, et dont les dernières folioles sont linéaires. — Fleurs blanches ou rosées, disposées en ombelles de deux à vingt rayons inégaux, ordinairement dépourvus d’involucre, munies d’involucelles à plusieurs folioles. — Galice à cinq dents. — Corolle à cinq pétales. — Cinq étamines saillantes. — Ovaire infère à deux loges uniovulées, surmonté de deux styles divergents, — Fruit : diakène, oblong, ailé sur les bords. Propriétés physiques et chimiques, — La racine contient un suc jaune gommo-résineux, d'une odeur forte el vireuse, qu'on en extrait par des incisions faites à sa surface, et qu'on employait autrefois en médecine, après lavoir fait épaissir au soleil ou sur le feu. Les anciens estimaient surtout celui de Sardaigne. (Au moyen de l'alcool bouillant, Schlatter a extrait de celte racine un corps neutre, la peucedanine, peucedanin, peucedanite, cristallisable en aiguilles soyeuses, délicates, fusible en résine à 60° C., insoluble dans l’eau, soluble dans l'alcool et l’éther (C* H? O). On employait le suc épaissi de peucédanum contre l’hypochondrie, les catarrhes, l’'aménorrhée, l’épilepsie, la frénésie, la paralysie, etc., à la dose de 1 gros (4 gr.) dans du miel. Ces propriétés sont indiquées par Dioscoride etPline., « Sa mauvaise odeur, disent Loiseleur-Deslongchamps et Marquis (1), a probablement contribué à le faire rejeter de la matière médicale, et il paraît même qu’on ne l’a jamais beaucoup mis en usage chez les modernes, car tout ce qu'on trouve à ce sujet dans les auteurs qui écrivaient il y a cent ans et plus, paraît avoir été copié dans Dioscoride et dans Pline, du temps desquels le peucedanum ou peucedanos était très-estimé, sans que nous sachions d’ailleurs d’une manière positive si la plante des anciens était la même que la nôtre. » PEUCÉDAN SILAUS, — PEUCEDAN DES ALLEMANDS, — SAXIFRAGE DES ANGLAIS. Peucedanum silaüs. L. — Seseli pratense. Offic. — Angelica pratensis apü folio. Tourn., Tab. — Saxifraga Anglorum foliis fæniculi latioribus. J. Bauh. — Cette espèce est très-commune dans nos prairies humides du nord de l’Europe. Description. — Racine cylindrique, noirâtre. — ‘Tige de 60 à 90 centimètres, rameuse supérieurement. — Feuilles trois fois ailées, à folioles linéaires-lancéolées, — Fleurs d’un blanc jaunâtre disposées en ombelles terminales, de huit à dix rayons. PEUPLIERS. Populi. SALICACÉES. Fam. nat. — DIOECIE OCTANDRIE, L. PEUPLIER BAUMIER, Baumier. — Populus balsamifera, L. — Populus nigra, folio maximo, gemmis balsamum odoratissimum fundentibus, Catesb. — Origi- naire de l'Amérique septentrionale et de la Sibérie, où il s’élève à une grande hauteur. Deseription. — Tronc peu élevé, droit, recouvert d’une écorce grisätre, se divi- sant en branches courtes, épaisses, un peu resserrées en tèle. — Rameaux lisses, jau- nâtres, souvent bruns ou presque noirs, luisants, — Feuilles se développant dès la fin de février, pétiolées, coriaces, ovales-lancéolées, arrondies à leur base, rétrécies à leur sommet, inégalement dentées en leurs bords, d’un vert foncé en dessus, blanchâtres et veinées en réseau à leur face inférieure ; pétioles courts, raides, très-peu comprimés latéralement, — Châtons mâles ressemblant à ceux du peuplier noir, — Dix-huit à vingt-deux étamines et plus. — Châtons femelles ayant des fleurs assez rapprochées, pédicellées, auxquels succèdent des capsules ovales, entourées à leur base d’un petit tube urcéolé, persistant. Culture. — Le peuplier baumier est cultivé dans nos jardins depuis 1731. Mais il ne s’y élève guère qu'à la hauteur d’un arbrisseau. Chaque métairie des départements du Nord à son baumier connu sous le nom de copahu ou capahu. On le multiplie de marcotte et de bouture dans un terrain humide, à une exposition chaude. (1) Dictionnatre des sciences médicales, t, XLI, p. 188. 822 PEUPLIERS. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Les bourgeons de ce peuplier, fort gros, sont remplis d’un suc résineux balsamique qu'on respire avec l'air frais du printemps. Ce suc résineux est si abondant que 195 gr. de bourgeons en donnent jusqu'à 8 gr. par la simple pression. Pallas le compare au baume de la Mecque. Les Russes des bords de l’Inkutz font infuser ces bourgeons dans de l'alcool qu'ils distillent, et dont ils obtiennent une liqueur qui leur paraît agréable au goût. D’après le témoignage de Gilibert, la matière résineuse du peuplier bau- mier a toutes les vertus que l'expérience a démontrées dans les baumes les plus recherchés. Les bourgeons de cet arbrisseau sont excitants, toniques. Ils ont été conseillés comme sudorifiques dans la goutte, le rhumatisme chronique, les diarrhées et dysenteries anciennes. On les a administrés, comme diurétiques et emménagogues, dans la néphrite et l’aménorrhée. Pour l’usage externe, on les emploie comme maturatifs, comme détersifs, dans les ulcères atoniques, les brülures, les gerçures, etc. Les Russes (Gmelin) emploient la liqueur alcoolique des bourgeons du peuplier, dont nous avons parlé plus haut, dans le scorbut, la dysurie résul- tant des rétrécissements de l’urètre.. (?), etc. Dans l’Union, on attribue au baumier des propriétés antigoutteuses et antirhumatismales. Le peuplier baumier est regardé par les campagnards comme le vulnéraire par excellence. On applique ses feuilles entières ou froissées sur les cou- pures, les plaies avec perte de substance et les ulcères, sans trop distinguer les cas où il peut nuire de ceux où il est réellement utile. Le malade guérit plus ou moins promptement à la faveur du baumier, ou malgré son applica- tion, et l'admiration qu'il inspire passe de père en fils dans les familles. Le peuplier baumier a, sur les membranes muqueuses, l’action de toutes les substances résineuses, mais à un moindre degré. Le nom de copahu que lui ont donné les paysans semble en indiquer les propriétés. La décoction des bourgeons de cet arbre m'a été très-utile dans les affections catarrhales pulmonaires chroniques, vers la fin du catarrhe de la vessie et dans la leu- corrhée. J'ai guéri de cette dernière maladie une jeune fille qui en était atteinte depuis deux mois, à la suite d’une transition subite du chaud au froid. Il y avait bien évidemment catarrhe urétro-vaginal, avec écoulement muqueux abondant. Trois verres par jour de décoction de bourgeons pendant quinze jours suffirent pour tarir tout à fait l’écoulement. Il n’y eut aucune récidive. Ce peuplier, qu'on pourrait cultiver plus généralement aux bords des pièces d’eau, des étangs, des rivières, rendrait de grands services à la théra- peutique des campagnes. PEUPLIER BLANC, PRÉAU, BLANC-Boïs, BLANC DE HOLLANDE. Populus alba. L. —. Populus alba majoribus foliis, G. Bauh. — Ce grand arbre, connu de tout le monde, habite nos bois et nos campagnes, où on le reconnaît à ses feuilles toutes blanches en dessous. Propriétés physiques et chimiques. — L'écorce du peuplier blanc a une saveur amère et astringente très-prononcée; elle contient de la salicine, d'après Braconnot. L’écorce de la racine contient, d’après les expériences de Dubois, de Tournai, une grande quantité de tannin et d’acide gallique. Cottereau et Verdé de Lisle ont annoncé à la Société de médecine pratique, en 1833, qu'ils avaient employé les feuilles de peuplier blanc dans les fièvres intermittentes. Ces médecins en font bouillir une poignée dans un verre d’eau et administrent la décoction deux heures avant l'accès. Gallot, de Provins, avait déjà employé un grand nombre de fois l’écorce du peuplier blanc, et la regardait comme la substance qui se rapprochait le plus du quinquina par ses propriétés fébrifuges. L'écorce de la racine est PEUPLIERS, 822 plus active. Administrée en décoction, elle a réussi entre les mains de Dubois, de Tournai, dans deux cas d’affections périodiques. J'ai employé les feuilles de ce peuplier et celles du peuplier tremble, qui sont plus amères et contiennent aussi de la salicine. Je n'ai que trois cas de fièvre tierce à citer où cet amer ait réussi; mais je ne puis savoir jusqu’à quel point il a pu contribuer à la guérison, qui n’a point été instantanée. Les semences du peuplier blanc et celles du peuplier du Canada (vulgaire- ment peuplier carré), sont entourées d’une sorte de coton qui peut rem- placer le coton cardé dans le traitement de la brûlure ou comme hémosta- tique. PEUPLIER NOIR, PEUPLIER FRANC, PEUPLIER COMMUN. Populus nigra. L. Populus nigra, C, Bauh., Tourn. — Populus vulgaris, Lonic. — Populus secunda, Ang. — Le peuplier noir est indigène de la France et d'une grande partie de l’Europe, On le trouve dans les bois humides, le long des ruisseaux, dans les lieux marécageux. Il est trop généralement connu pour nécessiter une description. Parties usitées, — Les bourgeons récents, Récolte. — Les bourgeons doivent être récoltés avant leur épanouissement. La dessiccation leur fait perdre leur odeur et l’enduit gommeux de leurs écailles, qui deviennent sèches et luisantes. (Culture. — Ce bel arbre préfère les terres légères, les lieux humides, le bord des rivières et des ruisseaux. On le propage par boutures, faites à l'automne ou au printemps ; il vient dans presque tous les terrains. | Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Pèlerin (1), pharmacien à Paris, a trouvé dans les bourgeons de ce peuplier une huile essentielle odorante, une matière résineuse, de l’eau de végétation, un extrait gom- meux, de l'acide gallique, de l'acide malique, une matière grasse particulière, de l’albu- mine, des sels, entre autres du phosphate de chaux, etc. (Elle contient aussi de la toluine.) Les bourgeons du peuplier noir sont enduits au printemps d’un suc visqueux, rési- neux, d’une odeur balsamique assez agréable et d’une saveur amère, On obtient, per l'évaporation de l'alcool où on le fait dissoudre, une résine analogue au styrax. C'est avec les bourgeons de ce peuplier que les anciens préparaient l'huile œgirine (oleum Queen) très-estimée dans leur médecine. On les recueille avant le développement des feuilles. Le bois du peuplier noir et des autres espèces (excepté le peuplier baumier indigère), trop léger pour des constructions solides et durables, sert pour des boiseries communes, pour soutenir des pièces de marqueterie. On en fait des caisses, des boîtes, des malles. Ses feuilles desséchées sont employées à la nourriture des chèvres et des moutons. D’après les expériences de J.-G. Schoeffer, de Ratisbonne, et de Brayset, de Lyon, le duvet ou coton des aigrettes des semences de peuplier peut fournir, sans aucun mélange de chiffons, un très-bon et très-beau papier. On est même parvenu, dit-on (Pallas), à en fabriquer des étoffes fines. D’après les essais de Dambournay, le bois de la plupart des peupliers peut servir pour la teinture. Il donne des couleurs jaunâtres plus ou moins belles. (Les bourgeons, outre les corps désignés plus haut, renferment une matière colorante, nouvellement étudiée par Picard (2), l'acide chrysinique C?? H$ O6). L’écorce de ces arbres est employée en Russie pour l’apprêt des maroquins. Les bourgeons de ce peuplier ont été donnés, tantôt comme sudorifiques dans les maladies de la peau et les rhumatismes, tantôt comme diurétiques dans certaines affections des reins et de la vessie, tantôt comme balsamiques dans la phthisie pulmonaire, les catarrhes, ete. La dose est de 8 à 15 gr. et plus en infusion dans 1/2 litre d’eau bouillante, ou en macération dans une égale quantité de vin généreux. On en prépare aussi une teinture alcoolique (1) Journal de pharmacie, 1822, t. VIII, p. 425. (2) Union pharmaceutique, 1865, p. 386. 82/4 PEUPLIERS. qui s’administre à la dose de 2 à 4 gr. et plus, en potion ou dans une tisane appropriée. À l'extérieur, on emploie les bourgeons de peuplier noir, en les faisant macérer dans des corps gras ou alcooliques pour en extraire les principes. On en frictionne les parties affectées de névralgies, de rhuma- tismes ou de certaines éruptions cutanées. Ces mêmes bourgeons entrent dans l’onguent populeum, employé en onctions sur les hémorrhoïdes doulou- reuses, les gerçures du mamelon, les brûlures, les fissures et crevasses aux lèvres, aux mains, à l'anus, etc. Mais c’est aux autres ingrédients qui com- posent cet onguent qu’il faut attribuer l’effet calmant qu'on en obtient. PEUPLIER TREMBLE, Tremble. Populus tremula. L., C. Bauh., Tourn. — Populus lybica, Dod., Ger., Park. — Cet arbre croît dans les bois humides et au bord des eaux. Il est remarquable par le tremblement de ses feuilles au moindre zéphyr. On emploie l’écorce. Cette écorce est très-amère. Braconnot y a rencontré de la salicine (4), de la populine, de la corticine, de l'acide benzoïque, une matière gommeuse, de l'acide pectique, des tartrates et du ligneux. — La populine, découverte par Braconnot, est en masse très-légère, d’un blanc éblouissant, d’une saveur sucrée, analogue à celle de la réglisse. Elle est peu soluble dans l’eau, même bouillante, plus soluble dans l'alcool, se fond au feu, brüle ensuite en répandant une odeur aromatique. Le peuplier noir ne contient pas de populine. L’écorce du tremble est tonique et fébrifuge. Cette propriété résulte de la salicine qu’elle contient en assez grande quantité. Pallas dit qu’en Sibérie on emploie la lessive de ses cendres, qui sont très-alcalines, dans la syphilis et les affections scorbutiques. (CHARBON VÉGÉTAL. — En calcinant dans des vases clos en fonte des pousses de peuplier de trois ou quatre ans, on obtient un charbon qui, bouilli dans l’eau chargée de 1/32° d’acide chlorhydrique, lavé, séché, puis calciné fortement et porphyrisé, forme le charbon médicinal. 11 faut l’en- fermer à l'abri de l’air pour éviter l'absorption de l’humidité et des gaz atmosphériques. En effet, ce corps possède des propriétés absorbantes remarquables aux- quelles sont dues ses propriétés désinfectantes. Stenhouse (2) a établi que le charbon détruisait les miasmes organiques; il purifie certains liquides et décolore un certain nombre de substances; c’est en vertu de cette double attribution que les eaux putréfiées perdent leur odeur et deviennent pota- bles après avoir traversé un filtre de charbon; que la viande faisandée perd son mauvais goût, lorsqu'on l’a fait bouillir avec une certaine quantité de charbon. En médecine, sous le nom de magnésie noire, on l’emploie à l’intérieur, sous forme de poudre, rendue humide avec un peu d’eau fraîche bien pure, de pastilles (carbonides de Malapert, de Poitiers), etc., dans les affections nerveuses et chroniques de l’estomac. Belloc (3) a décrit ses indications et ses effets thérapeutiques et physiologiques. Ces derniers consistent en une saveur agréable après son ingestion, une augmentation de la sécrétion sali- vaire, une sensation agréable se produisant dans l'estomac, l'accélération de la digestion et l'augmentation de l'appétit. Nous pensons qu'il réussit surtout à détruire la fétidité de l’haleine, te- nant soit à une affection de la bouche, soit à une lésion organique de l’esto- mac. Dans la gangrène du poumon, l’action est bien plus douteuse, C’est surtout à l'extérieur que l’on a eu recours aux propriétés désinfec- tantes du charbon. C’est un excellent dentifrice; soit seul, soit mêlé à des (1) Annales de chimie et de physique, 1830, t. XLIV, p. 306. (2) Journal de pharmacie, 1854, t. XXVI, p. 49. (3) Bulletin de l’Académie de médecine. Paris, 1849, t. XV, p. 230. PHELLANDRE, 825 substances aromatiques ou astringentes, il est appliqué sur les plaies dont la suppuration tend à devenir fétide. En suspension dans l’eau, on en fait des injections dans les leucorrhées de mauvaise nature. Dans les cancers de l'utérus, répandant souvent une odeur insupportable, des sachets de char- bon végétal sont introduits jusque sur le point malade. __ L'inconvénient inhérent à l'emploi de ce désinfectant est, sans contredit, la saleté des plaies et la difficulté des soins, après son application. N'oublions pas de die que l’on fabrique des papiers et de la charpie car- bonifères, facilitant les pansements et amenant à peu près le même résultat que le charbon en poudre.) PHELLANDRE. Phellandrium aquaticum. L. Cicutaria palustris tenuifolia. C. Baux. — Müillefolium aquaticum. MATTH. Phellandrium dodonæi. TourN. — OEnanthes aquatica. LA. Phellandrium. Don. — Cicutaria palustris. Los. Ligustrum phellandrium. GRANTZ. Phellandrium foliis refractis. HALL. Fenouil d’eau, — fenouil aquatique, — ciguë phellandre, — ciguë aquatique (1), millefeuille aquatique, — millefeuille à feuilles de coriandre, persil des fous, — œnanthe phellandre. OMBELLIFÈRES. Fam, nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Le phellandre (ou phellandrie) (PI. XXX) est commun dans les lieux humides, les étangs, les marais, les fossés. Je l'ai souvent rencontré dans les trous à tourbes de l’Ardrésis et de la Picardie. Les bestiaux ne touchent point à cette plante tant qu’elle est verte. On dit cependant que les bœufs l'ont quelquefois mangée sans inconvénient. Description. — Racines épaisses, articulées, blanchâtres, chargées aux arlicu- lations d’un très-grand nombre de radicelles. — Tiges épaisses, fistuleuses, striées, dressées, hautes de 35 à 70 centimètres, divisées en rameaux alternes, nombreux et très-ouverts. — Feuilles glabres, deux ou trois fois ailées, d’un beau vert, à folioles petites, laciniées, obtuses, un peu ovales; les feuilles inférieures sont quelquefois sub- mergées et découpées alors en filaments capillaires. — Fleurs blanches, petites, dispo- sées en ombelles terminales, portées sur de longs pédoncules. — Point d’involucre commun, celui des ombellules composé d'environ sept à dix folioles aiguës, de la lon- gueur des fleurs (juin-juillet). — Galice à cinq petites dents aiguës. — Corolle composée de cinq pétales cordiformes, irréguliers, réfléchis en dedans. — Cinq étamines à anthères arrondies. — Deux styles à stigmate obtus. — Fruit : lisse, ovale, strié, composé de deux akènes, appliqués l’un sur l’autre et couronnés par le calice persistant. Parties usitées. — Les seminoïdes ou fruits, la racine, l'herbe, Récolte. — On récolte et on conserve les feuilles comme celles de la grande ciguë ; elles sont très-peu employées, ainsi que les racines : on ne les trouve point dans l’her- boristerie, Les fruits sont recueillis à leur maturité. A cause de l'huile essentielle qu’ils contiennent, on doit les tenir dans des vases bien fermés et dans un endroit sec. (Culture. — La plante spontanée est assez commune pour suffire aux besoins de la médecine, on la cultive dans les jardins botaniques, Elle demande un sol constamment humide et se multiplie très-facilement de graines ou d’éclats de pieds.] Propriétés physiques et chimiques. — Les fruits de phellandre ont une odeur forte, aromatique, désagréable et une saveur âcre. Hutet fils, pharmacien de Lyon (2), en a retiré un produit qu’il regarde comme le principe actif, auquel il à donné (1) Les noms de ciguë d’eau, ciguë aquatique, donnés mal à propos au phellandre, pour- raïent faire confondre cette plante avec la ciguë vireuse (cicuta virosa), que l’on trouve aussi désignée dans la Flore française de Lamark sous le nom de cicuta aqualica, et qui est un poi- son très-violent. (2) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIII, p. 171. 826 PHELLANDRE. le nom de phellandrine, et qu'il a obtenu à la manière de la conicine. Ce produit est oléagineux, neutre, d’une odeur forte, nauséabonde et légèrement éthérée ; plus léger que l’eau, dans laquelle il s’en dissout un peu ; soluble dans l’éther, l'alcool et les graisses ; moins soluble dans les huiles fixes que dans les huiles volatiles, (Les fruits en renferment de 2 à 3 pour 400,) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, A L'INTÉRIEUR, — Infusion, de 20 à 60 gr. par | PHELLANDRINE. — A L'INTÉRIEUR. — On kilogramme d’eau bouillante. pourrait employer des granules contenant Teinture (1 sur 6 d’alcool à 31 degrés) de 9 à chacun 1 milligr. de ce principe actif, ou 5 gr., en potion. un sirop contenant par chaque cuillerée à Poudre des fruits, de 1 à 8 gr,, en pilules ou bouche, soit 20 gr., 4 centigr, du même en électuaire. produit. Sirop, 100 gr. pour 300 gr, d’eau bouillante; — après refroidissement et filtration, mêlez | A L'EXTÉRIEUR. — Pommade de phellandrine à sirop de sucre; — 1,000 gr. réduits par (axonge récente et bien lavée, 50 gr,; phel- évaporation à 700 gr. contiennent 2 er, de landrine, 1 gr.), en onctions. (Devay.) partie active par 16 gr. Le phellandre est une plante suspecte, quoiqu'elle soit loin d’être aussi vénéneuse que la grande ciguë, dont elle se rapproche beaucoup. Il avait été employé par les vétérinaires contre la toux des chevaux, avant qu'on en eût fait usage dans la médecine humaine. Cependant on pense généralement que lorsqu'il se trouve par hasard mêlé dans le fourrage, surtout quand il est vert, il leur cause une paraplégie extrêmement dangereuse, Cet effet semble annoncer une action délétère très-énergique sur le système ner- veux, et plus particulièrement sur la moelle épinière. Bulliard cite le fait de deux jeunes chevaux qui s'étaient échappés dans une prairie, et qui, ayant mangé de cette plante par inexpérience, sont morts empoisonnés. Linné dit que la plante sèche n’est point nuisible aux bestiaux. On a pensé que les semences, comme dans d’autres ombellifères analogues, étant plus ou moins aromatiques, et ne participant point autant du principe vireux qui rend les autres parties dangereuses, pouvaient être administrées avec plus de confiance. Des essais sur les feuilles et les racines n’ont été tentés qu'avec réserve et en commencant par de faibles doses. La phellandrine, injectée à la dose de 50 centigr. dans les veines d’un chien, a produit, quelques instants après, de la gène dans la respiration, des tremblements nerveux, de l'anxiété pendant quelques heures; l'animal n’a pas succombé ; mais deux oiseaux auxquels on a introduit la même dose de phellandrine dans le bec ont succombé en quinze ou vingt minutes (1). Le phellandre est regardé comme narcotique, excitant, diurétique et dia- phorétique. On l’a conseillé dans les scrofules, le scorbut, les catarrhes chro- niques, l’hydropisie, l’asthme, quelques affections nerveuses, la coqueluche, mais surtout dans la phthisie et la fièvre intermittente. Le fenouil d’eau a joui, au commencement de ce siècle, d’une grande réputation comme antiphthisique. Voici la formule que Hers employait : semences de phellandre, 25 gr.; sucre de lait, 50 gr.; nitrate de potasse, 30 gr.; gomme arabique, 40 gr. — Mêlez, pulvérisez, divisez en 12 paquets. En prendre 3 par jour. On peut porter graduellement la dose du fenouil d’eau à 75 gr. Cette dose paraît énorme. L'abus de ces semences peut causer, dit- on, des vertiges, de l'anxiété, des spasmes, l’hémoptysie. Toutefois, ces accidents sont tellement rares, qu’on peut les considérer, quand ils sur- viennent, comme dépendant d’une disposition particulière aux malades, ou produits par une cause étrangère à l’action du médicament. J’ai rencontré une dame anglaise, âgée de trente ans, d’un tempérament lymphatico-ner- veux, atteinte d’une bronchite chronique, chez laquelle la semence de phel- landre en poudre, à la dose de 50 centigr. seulement, causait des vertiges (1) Bulletin de thérapeutique, t. XLIIT, p. 171. PHELLANDRE, 827 et de l'anxiété, suivis d'assoupissement dont la durée était de trois à quatre heures, Thuessing (1) a regardé les semences de phellandre comme jouissant d’une action tonique spéciale sur le poumon, et pouvant être très-utile dans les affections catarrhales chroniques et la coqueluche, Thomson (2), médecin danois, dit qu'elles agissent sur les poumons comme calmantes et expec- torantes ; il a même reconnu dans les crachats, chez ceux qui en font usage, l'odeur qui leur est spéciale, Elles ne guérissent pas, dit-il, la phthisie bien confirmée; mais il est certain qu'elles en arrêtent les progrès, diminuent les symptômes, tels que la toux et lexpectoration, etc. Franck dit, dans son Recueil d'observations faites à la clinique de Wilna, que très-souvent il a obtenu de bons effets de ce médicament dans la phthisie ulcéreuse, Schuurmann (3) l’a employé avec le plus grand succès dans cinq cas d’affections catarrhales chroniques ; mais il ne lui a pas réussi dans la phthisie confirmée, Hanin a obtenu les résultats les plus avantageux de l'extrait de semences de phellandre dans une affection catarrhale chronique de poumon, accompagnée de toux, d’inappétence et d'amaigrissement, « Les moyens les plus importants, dit Hufeland en parlant de la phthisie pulmonaire purulente, ceux dont l’expérience a constaté l'efficacité dans certains cas, sont les semences de phellandrium aquaticum, dont j'ai moi- même reconnu les vertus spéciales, mais en les administrant à hautes doses, depuis 4 gr. 4/2 jusqu’à 8 gr. par jour, en poudre, ou 14 gr. en décoction. » Lange dit avoir observé que le phellandre fait cesser l’hémoptysie, qu'il arrête le développement des tubercules pulmonaires, qu’il s’oppose à leur ramollissement et contribue enfin à la cicatrisation des cavernes. Bertini (4) rapporte le cas d’une consomption pulmonaire parvenue au dernier degré, et guérie par l’emploi de ces semences ; la diarrhée et les crachats dimi- nuèrent sensiblement au bout de cinq jours de leur usage, l’état général s'améliora. La dose ayant été portée graduellement depuis 1 ou 2 décigr. jusqu'à 6 gr. dans les vingt-quatre heures, la fièvre se dissipa ainsi que la toux, l’expectoration et la diarrhée; les fonctions se rétablirent, et, en deux mois et demi, le malade sortit de l'hôpital en parfaite santé. Chioppa, de Pavie (5), a obtenu plusieurs fois d’heureux effets du phel- landre dans la phthisie pulmonaire. Son usage fut suivi, dit-il, d’une dimi- nution graduelle des symptômes principaux de la maladie, c’est-à-dire de la toux, de l’expectoration, des sueurs nocturnes, etc. Ce médicament était administré d’abord à la dose de 1 gr., puis de 4, 6 et même 8 gr. par jour, en 6 paquets, dont 4 de deux heures en deux heures. Rothe, de Guhran, après une longue expérience du phellandre aquatique, affirme que c’est un moyen très-précieux dans les cas de toux chroniques dues à une augmeutation de l’irritabilité de la membrane muqueuse des voies aériennes, compliquées d’une sécrétion de mucus plus ou moins abondante. Ce médecin a retiré des avantages remarquables de l'emploi du même moyen, dans beaucoup de cas de toux catarrhale entretenue par une prédis- position à la dégénérescense tuberculeuse. « Il faut reconnaître, dit-il, que ce médicament contient des principes narcoliques doux, qui calment comme l’opium, sans donner lieu aux effets consécutifs désagréables qui accom- pagnent l’administration de ce dernier. » Rothe pose en principe que la phellandrie est particulièrement indiquée chez les sujets débiles et à sys- tème nerveux très-irritable. Plusieurs fois il l’a prescrite avec le plus grand succès chez des femmes hystériques, pour arrêter rapidement une toux (1) Kluyskens, Annales de littérature. (2) Journal d'Edimbourg, t. VI, p. 381. (3) Journal de Corvisart et Leroux. (4) Revue médicale, 1827, t. II, p. 477. (5) Nouvelle bibliothèque médicale, 1829. 828 PHELLANDRE. d’irritation très-fatigante et véritablement inquiétante, qui avait duré des mois entiers en résistant opiniâtrement à tous les autres moyens employés. Toutefois, lorsqu'il existe des lésions organiques des poumons, des ulcères, on ne peut en attendre qu’un secours palliatif, comme de tous les autres agents thérapeutiques qui ont été conseillés jusqu'ici. On doit observer, d’ailieurs, que si ce médicament est des plus convenables pour la pratique des pauvres, en raison de-la modicité de son prix, il a un inconvénient réel, celui de déplaire au plus grand nombre des malades par son odeur dés- agréable. Rothe le prescrit aux indigents sous forme pulvérulente, à la dose de 50 à 75 centigr., trois fois par jour, seul ou associé à 25 ou 50 centigr. de chlorhydrate d’ammoniaque, ou encore à parties égales de poudre de réglisse composée ci Aux gens riches, il l’administre ordinairement sous forme pilulaire, de la manière suivante : poudre de semences de phellandre, 12 gr.; extrait de chardon bénit, 8 gr.; chlorhydrate d’ammoniaque purifié, 4 gr. M. et F.S. A. une masse parfaitement homogène, divisée en pilules du poids de 10 centigr. roulées dans la poudre de lycopode, et qui doivent être ren- SOU) dans un flacon. On fait prendre 6 à 8 de ces pilules quatre fois par jour (2). Michea (3) rapporte trois faits remarquables à l’appui de l'efficacité des semences de cette plante dans les affections de poitrine. Michea fait prendre la poudre de semence de phellandre à la dose de 5 décigr., mêlée avec du sucre; mais la forme sirupeuse lui a paru agir avec plus de promptitude. Il faut, suivant ce médecin, donner de 2 à 4 cuillerées à bouche de sirop par jour, et en continuer l'usage sans interruption pendant l'intervalle de six semaines à deux mois. Ce n’est guère qu’au bout de ce temps que les effets de cette médication se manifestent, J'emploie très-souvent la semence de phellandre dans les catarrhes pul- monaires chroniques et dans la phthisie. Je pourrais rapporter un grand nombre d’observations en faveur de ce précieux médicament; mais les effets que j'en ai obtenus étant tout à fait les mêmes que ceux que je viens d’ex- poser, elles ne seraient ici qu’une répétition inutile et fastidieuse. Je men- tionnerai seulement comme très-remarquable un cas de phthisie arrivé au troisième degré chez M" Malayeude, de Menneville, fermière, âgée de trente-quatre ans, d’un tempérament lymphatique, pour laquelle M. le doc- teur Dussol, de Desvres, m’appela en consultation au mois d’août 14851. Il y avait fonte suppuratoire de tubercules, cavernes aux deux poumons, ex- pectoration abondante, sueurs nocturnes, parfois diarrhée, frissons et fièvre le soir, grande débilité qui l’obligeait de tenir presque constamment le lit depuis deux mois. Je proposai l'emploi de la semence de phellandre, que mon honorable confrère accepta avec incrédulité, et en me lançant cette sentence : curantur in libris, moriuntur in lectis. Quoi qu’il en fût, la malade prit, dès le lendemain, 1 gr. de fruits de phellandre pulvérisés matin et soir, Au bout de huit jours, l'amélioration était sensible : diminution de la toux, de l’expectoration, des sueurs et de la fièvre (3 gr. de phellandre par jour). Le quinzième jour, le mieux est notable; la malade reprend des forces ; les symptômes locaux et généraux disparaissent peu à peu (4 gr. de phellandre en trois doses dans la journée). Le vingt-cinquième jour, le mieux est progressif (6 gr. de phellandre). Le trente-cinquième jour, il ne reste plus qu'une toux avec un peu d’expectoration mucoso-purulente. Enfin, la malade, ayant recouvré ses forces et son embonpoint, vient me voir au bout de deux mois et m'annonce qu’elle est complétement rétablie. Malheureu- sement, une grossesse est survenue au bout de huit mois : les suites de (1) Pharmacopée de Prusse. (2) Abeille médicale, 1845, t. II, p. 253 et 254. (3) Bulletin de thérapeutique, 1848. PHELLANDRE. 829 couches ont produit une récidive ayant tous les caractères d’une phthisie galopante, à laquelle la malade à succombé. En présence de tels résultats, la phellandrie doit être tirée de l’oubli. La plupart des médecins français la regardaient comme tombée en désuétude, après avoir été autrefois préconisée ; formule banale adoptée par les auteurs de matière médicale, qui se sont successivement copiés, et qui rejettent ainsi des remèdes indigènes qu'ils n’ont jamais essayés. L'emploi des semences de phellandrie n'empêche pas l’usage des autres moyens appropriés aux indications qui peuvent se présenter. Jl convient souvent de lui associer les balsamiques, le lichen d'Islande, les fleurs d’ar- nica, les feuilles d’'hyssope ou de marrube blanc, les racines de polygala, le quinquina, etc. Sandras, médecin de l'hôpital Beaujon (1), a plus récemment employé avec succès le phellandre dans les affections pulmonaires tuberculeuses et les catarrhes bronchiques chroniques. Ce médecin se sert de la semence encore entourée de son enveloppe et pilée, puis incorporée dans du miel ou du sirop de miel, à la dose de 4 gr. tous les soirs, ou soir et matin, suivant le cas; il n'a pas été au-delà de 2 gr. Quand elle est prise une heure avant le repas, ou deux heures après, elle ne trouble ni les digestions ni aucune autre fonction, et peut être supportée sans fatigue pendant des mois en- tiers. « On ne peut, dit Sandras, à cause de l’obscurité des signes réels de la phthisie commençante, être sûr que c’est bien cette maladie que l’on a enrayée, Comme médecin, j'ai, grâce au phellandre, éprouvé quelquefois une vive satisfaction en voyant revenir à la vie commune des malades qui réunissaient à mes yeux toutes les probabilités d'une phthisie commençante ; mais, comme homme de science, je me garderais bien de soutenir que mon diagnostic probable ait été posé sur une tuberculisation réelle dans les cas où le phellandre, employé au début, m'a réussi. Malgré les doutes que la guérison m'a laissés sur la nature du mal, ces faits sont assez importants pour que j'en tienne grand compte, et pour que je conseille vivement l’em- ploi du phellandrium aquaticnm, au risque de ne pas compter l'observation, comme disent les anatomo-pathologistes. » Dans un état avancé de la maladie, le phellandre est, suivant Sandras, un palliatif précieux. Les phthisiques affectés de fontes tuberculeuses in- contestables et de tous les dépérissements qui s’ensuivent, n’ont pas plutôt usé pendant une huitaine de jours de la phellandrie qu’ils se sentent mieux : ils ont cessé de souffrir. L’expectoration est devenue à la fois moins abon- dante et plus facile ; la fièvre a diminué ou disparu; la diarrhée s’est amen- dée ; l’appétit est revenu, et en même temps le sommeil répare mieux les forces. « Depuis que je soumets mes malades à ce traitement, ajoute San- dras, je les vois presque tous endurer la phthisie, et, dans l’immense ma- jorité des cas, ils se conservent merveilleusement sous tous les rapports pendant des mois, qui, sans ce traitement, seraient dévolus à la consomp- tion. » Sandras à vu à l’Hôtel-Dieu annexe un jeune Romain reprendre toutes ses fonctions assez bien pour pouvoir retourner dans son pays, malgré l'existence d’une caverne qu’il portait au haut de chaque poumon. A côté de lui était un jeune enfant scrofuleux et tuberculeux, qui a guéri d’une caverne tuberculeuse qu’il portait au sommet d’un des poumons. La phellandrie met fin, chez les jeunes sujets lymphatiques, et sans réaction, à ces quintes de rhumes qui les tourmentent si longtemps. Elle convient surtout dans les bronchites des vieillards qui viennent avec les froids humides et ne disparaissent ordinairement que par les’ temps doux. M"° de Rocquigny, âgée de soixante-douze ans, d’un tempérament lympha- (1) Revue pharmaceutique, 1849. 830 PHILLYRÉE. tico-sanguin, était atteinte depuis six ans, chaque année, vers le mois de novembre, d’un catarrhe pulmonaire qui durait tout l'hiver, avec toux fré- quente, expectoration très-abondante et souvent même bronchorrhée. Or n’opposait à cette affection que les loochs adoucissants, le sirop pectoral de Lamouroux et les pastilles d’ipécacuanha. Appelé en novembre 1854, au quinzième jour de l'affection, je prescrivis la poudre de phellandre d’abord à la dose de 1 gr. 50 centigr. ; après trois jours à celle de 2 gr. ; en augmen- tant tous les quatre jours de 95 cent., j’arrivai à en faire prendre en trois fois, chaque jour, 4 gr. 50 centigr. Au cinquième jour du traitement, l’amé- lioration était remarquable; la toux, le râle muqueux et l’expectoration diminuant de jour en jour, la guérison fut complète après le vingtième jour de traitement. Depuis, il a suffi chaque année d’employer la phellandrie aussitôt que l’expectoration s’établissait pour se rendre maître de laffection dans l’espace de six à huit jours. Dans les catarrhes pulmonaires chroniques, la phellandrie produit, en général, ses bons effets au bout de peu de jours ; elle a paru à Sandras n’être d'aucune utilité contre l'emphysème pulmonaire et l’asthme, hormis les cas où ces affections se compliquent de bronchite chronique. S'il fallait croire tout ce qu’on a écrit sur le phellandre, il serait un fébri- fuge supérieur au quinquina même; il offrirait des secours efficaces contre les cancers, les ulcères, la gangrène, les hydropisies, le scorbut, l’asthme, la coqueluche, l’hypachondrie, et une foule d’autres maux qui n’ont entre eux que peu ou point d’analogie. Je ne nie point les qualités actives de cette plante, mais je ne puis m'empêcher de trouver exagérés de pareils éloges. C’est surtout Ernsting (1) qui, dans un travail spécial, a signalé le phel- landre comme un fébrifuge infiniment au-dessus du quinquina. Il l’admi- nistrait dans toutes les fièvres d’accès, à la dose de 4, de 8, et même de 12 gr., un peu avaut l’accès, les jours de fièvre. Il est à remarquer que les accès ne cessaient que graduellement, puisque ce médecin parle des doses qu’il administrait, en outre, les jours d’apyrexie. Qui nous dit alors que la disparitiou de la fièvre, après l'emploi plus ou moins prolongé de cette plante, soit plutôt due à son influence qu'aux efforts de la nature et à la marche spontanée de la maladie? —Pour reconnaître dans une substance la vertu fébrifnge, il faut bien se rendre compte de son effet immédiat sur l’accès fébrile. Cet accès doit disparaître ou être considérablement affaibli après l'administration de la première dose du médicament pendant l’apy- rexie, Ce résultat, obtenu un grand nombre de fois, devient une vérité pra- tique incontestable. Quelques auteurs ont recommandé l’usage des feuilles de phellandrie aquatique à l’extérieur, en décoction et en cataplasme, dans le traitement des vieux ulcères, contre les tumeurs scrofuleuses et le cancer. mm PHILLYRÉE. Phillyrea latifolia. L. Filaria à larges feuilles. OLÉINÉES. Faim, nat., et pour certains auteurs JASMINÉES. == DIANDRIE MONOGYNIE. . Cet arbrisseau, toujours vert, s’élevant jusqu’à 4 mètres de hauteur, fas- tigié, croît en Provence, en Espagne et en Italie, où il est connu sous le nom de lillatro. Description,— Feuilles opposées, presque séssiles, ovalälres à leur base, aiguës à leur sommet, coriaces, glabres. — Fleurs blanc verdâtre, disposées en grappes corym- biformes, axilläires (mars). — Calice court, campanulé, oblus, à quatre dents. — Corolle en roue quadriparlite. — Deux étamines; anthères tubuleuses, nées de la base de la (1) Phellandriologle physico-médicale. Brunswick, 1739, PIED D'ALOUETTE DES CHAMPS. 831 corolle. — Ovaire unique. — Un style court, — Fruit : drupe charnue, globuleuse, noire à sa maturilé, Culture.— Vient bien en terre légère un peu ombragée; se multiplie de graines semées aussitôt la récolte. Sous le climat de Paris, où on l'utilise pour les bosquets d'hiver, il faut recouvrir les jeunes sujets pendant la saison froide, Parties usitées., — Les feuilles. Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles ont un goût amer, acerbe, suivi d’un sentiment d’astringence. Carboncelli, en traitant leur décoction par la chaux éteinte ou par l’oxyde de plomb en poudre très-fine, filtrant et évaporant, a ob- tenu un corps nouveau, la phillyrine. Amenée à l’état de pureté par de nouvelles cris- tallisations dans l’eau et l’alcool, elle a une saveur amère à peine sensible, une couleur blanc de neige, une odeur nulle et une grande légèreté. A froid, elle est insoluble dans l'eau, plus soluble dans l'alcool; mais dans ces deux liquides à chaud, la solubilité est complète. La phillyrine contient de l’eau qu'elle abandonne facilement. Desséchée, sa formule — C*#H540*?, Bertagnini (1) l’assimile aux glycosides; par l’action des acides, elle se dédouble en glycose et en phillygénine. Les eaux-mères, qui ne fournissent plus de phillyrine, contiennent de la mannite, D’après ces travaux, il paraît probable que le sulfate de phillyrine (phillyrinum sulfuricum), employé en Allemagne et en Italie, est un mélange de diverses substances mal définies. Ray dit que la décoction des feuilles de phillyrée excite les urines ; on l’a vantée en gargarismes et comme topique légèrement irritant, En Alle- magne et en Italie, on emploie le corps nommé sulfate de phillyrine, comme fébrifuge. Zachetti, de Ferrare (2), le regarde comme très-actif; son effet se rapprocherait de celui des alcaloïdes du quinquina, et spécia lement du sulfate de cinchonine; il le recommande à la dose de 75 centigr. à 4 gr. en solution acide. PIED D'ALOUETTE DES CHAMPS. Delphinium consolida. L. Consolida regalis arvensis. CG. BAUH. — Delphinium segetum. TOouRN. Consolida regalis, seu calcitrapa. Paarx., Mur. Dauphinelle des blés, — consoude, — herbe du cardinal. RENONGULAGÉES Fam. nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante annuelle (PI. XXXI) est commune dans les moissons, où elle se fait remarquer par ses fleurs, ordinairement d’un bleu agréable, pen- dant les mois de juin et de juillet. Ses prétendues propriétés vulnéraires, au dire d’Amboise Paré, lui ont fait donner le nom spécifique de consolida. Les chèvres et les moutons sont les seuls bestiaux qui mangent cette plante sans répugnance, que la famille à laquelle elle appartient rend suspecte. Description. — Racine fusiforme, très-petite. — Tiges diffuses, dressées, pu- bescentes, à rameaux étalés, bautes de 4 à 5 décimètres. — Feuilles pubescentes, mul- tifides, à folioles linéaires, les feuilles inférieures pétiolées, les autres presque sessiles. — Fleurs le plus souvent bleues, quelquefois roses ou blanches, disposées en panicules lâches et irréguliers, à éperon très-long (juin-juillet). — Calice coloré à cinq ou six sé- pales pétaliformes, le supérieur éperonné. — Corolle d’un bleu rongeâtre, formée d’un seul pétale à trois lobes, dont un ou deux se prolongent en éperon dans l’intérieur du calice. — Etamines courtes, nombreuses, à anthères jaunes. — Un style à stigmate simple, — Fruit : une à cinq capsules oblongues, pubescentes, renfermant des graines anguleuses. Parties usitées. — L'herbe et les semences. (Culture. — Cette plante se sème en pleine terre, en bordure ou isolée, à l’au- lomne ou au printemps. On recouvre les graines avec du terreau.] (1) Répertoire de pharmacie, novembre 1860, p. 193. (2) Siglo medico, — Année pharmateutique (L. Parisel), 1862. . 852 FIGAMON. Récolte. — On la recueille pendant la floraison, ou lorsque les fleurs commencent à s'épanouir. Wilmet (1) a prouvé par l’ensemencement que les droguistes vendent souvent pour la cévadille (veratrum sabadilla) les semences d’une espèce de ce genre, le pied d’alouette élevé (delphinium elatum). Propriétés physiques et chimiques. — Celle plante inodore est d’une saveur amère (surtout les fleurs). Le suc de ses fleurs donne une couleur bleue, qu’on a voulu faire passer, réduite en sirop, pour celle de violette. Préparée avec l’alun, cette couleur naturelle a été employée par les confiseurs et par les teinturiers. La dauphinelle des blés, par son analogie avec les aconits, réclame de la circonspection dans son emploi à l’intérieur. On l’a regardée comme diuré-. tique, et conseillée dans les obstructions des viscères abdominaux, l’hydro- pisie, la gravelle, les affections chroniques des voies urinaires. Elle a été aussi administrée comme anthelminthique. La teinture alcoolique (2), dans les proportions de 30 gr. de semence de cette plante pour 1 kilogr. d’alcool à 22 degrés, à donner par gouttes dans une tisane appropriée, est employée en Angleterre contre la dyspnée nerveuse et l’asthme. Ces diverses pro- priétés mal déterminées ont besoin d’être constatées par une rigoureuse observation. On à fait usage de cette plante à l'extérieur dans l’ophthalmie. Les se- mences pulvérisées détruisent la vermine de la tête comme celles de sta- phisaigre. La décoction de ces mêmes semences, en lotions, a été quelque- fois employée par des paysans contre la gale et la phthiriase ou affection pédiculaire. PIGAMON. Thalictrum flavum. L. Thalictrum majus, siliqua angulosa aut striata. C. BAuH., Tour. Thalictrum majus vulgare. PArx. — Thalictrum nigrius caule et semine striato. J. BAUH. Thalictron jaunâtre, — pied de milan, — rhubarbe des pauvres, — fausse rhubarde, rue des prés. RENONCULACÉES. — ANÉMONÉES Fam. nat. — POLYANDRIE PENTAGYNIE L. Le pigamon (PI. XXXI), plante vivace, croît dans les prés humides et ma- récageux. Il nuit aux foins. Il est commun dans les marais du Calaisis et de la Picardie. On le trouve à Meudon et à Saint-Gratien. Description. — Racine jaunâtre, rampante. — Tige droite, herbacée, sillonnée, haute de 80 centimètres à 4 mètre 50 centimètres. — Feuilles alternes, pétiolées, ter- nées ou ailées, à segments bitrilobés; feuilles supérieures à segments plus étroits. — Fleurs jaunâtres disposées en bouquets terminaux (juin-juillet). — Calice à quatre ou cinq folioles caduques, colorées. — Corolle nulle. — Étamines fort nombreuses, — Un style court et persistant. — Fruit : quatre à dix carpelles sur un réceptacle étroit, Parties usitées. — La racine et les feuilles. Récolte, — La racine se récolle en automne ou au printemps, et les feuilles un peu avant l'épanouissement des fleurs. (Culture. — Les pigamons se trouvent surtout dans les fossés et les prés humides, au bord des ruisseaux, dans les clairières des bois, Ils ne sont cultivés que dans les jar- dins botaniques et d'agrément, On les propage de graines et d’éclats de pied faits à l'au- tomne. | Propriétés physiques et chimiques. — La racine, inodore, est remi- plie d’un suc jaunätre, d’une saveur douce et un peu amère. Lesson aîné, pharma- cien de la marine, à Rochefort (3) a obtenu de sa racine un principe qu’il nomme tha- (1) Flore de Lorraine, t. II, p. 631. (2) Journal de pharmacie, 1815, t. I, p. 520. (3) Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t, VI, p. 708, PILOSELLE, 833 lictrine. — Cette racine, ainsi que les feuilles, fournit une teinture jaune que l’on a utilisée. La racine de pigamon, donnée en décoction, est purgative (30 à 60 gr. pour 300 à 500 gr. d’eau.) Dodoens (1) regardait ses feuilles mêlées aux herbes potagères comme laxatives, et la décoction des racines comme pos- sédant la même propriété à un plus haut degré. Bocrhaave (2) indique sa racine comme purgative à la dose de 30 à 60 gr. Murray dit qu’à triple dose de la rhubarbe elle produit le même effet que cette dernière. Tournefort rapporte que de son temps on faisait usage de la racine de pigamon dans la diarrhée. On à encore regardé cette plante comme diurétique, apéritive et fébrifuge. Lesson (3) dit que la thalictrine lui a réussi dans la fièvre inter- mittente, à la dose de 75 centigr. à 4 gr. On assure qu’elle est employée en Russie contre la rage, d’après Martius (4). J'ai employé la décoction des racines à la dose de 95 gr. dans 300 gr. d’eau en décoction; elle a provoqué de trois à cinq selles, sans coliques. Ce purgatif doux peut trouver son application dans la médecine rurale. [Parmi les pigamons indigènes, nous citerons les suivants : le fétide, ne fætidum, L.) ; à feuilles d’ancolie (T. aquilegifolium, L.); faux caille-lait, T. galioides, Nestl.); des rochers (7. saxatile, D. C.) ; à feuilles étroites (T. angustifolium, D. C.), etc.] PILOSELLE. Hieracium pilosella. L. Dens leonis, qui pilosella officinarum dicitur. TourN. — Pilosella auricula muris. TAB., Orric., MURR. Epervière, — piloselle, — oreille de souris ou de rat. SYNANTHÉRÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE ÉGALE. Cette petite plante vivace (PI. XXXI) est très-commune au bord des che-. mins et dans les lieux secs et incultes, les coteaux arides, où elle montre ses fleurs jaunes pendant tout l’été. Description. — Racine petite. — Tige munie de rejets rampants qui partent du collet de la racine; hampes nues ou munies d’une seule feuille, velues, grêles, dressées, de 10 à 20 centimètres. — Feuilles entières, ovales-oblongues, rétrécies en petioles, cotonneuses en dessous, vertes en dessus, garnies de longs poils blancs sur les nervures et en leurs bords. — Fleurs jaunes en capitules assez gros et solitaires à l'extrémité des hampes (mai-septembre) ; demi-fleurons hermaphrodites, en cornets, terminés par une languette tronquée à cinq dents. — Involucre imbriqué, pubescent, chargé de poils noirs et rudes. Parties usitées. — L'herbe, les fleurs. KRécolte.— On la récolte ordinairement en mai ou en juin, avant la floraison; mais On peut la cueillir toute l’année pour la conserver. Il est préférable de ne l'em- ployer que verte. (Faivre d'Esnans insiste pour que les fleurs soient cueillies par un heau temps, au moment de leur épanouissement, entre huit et dix heures du matin, et desséchées de suite en plein soleil.) [Culture.— Les piloselles sont très-communes dans les lieux arides. On ne les < y que dans les jardins botaniques; on les propage par graines ou par éclats de pied. Cette plante, un peu amère et astringente, était jadis employée contre les hémorrhagies passives, les diarrhées chroniques, les ulcérations internes, la (4) Sirp. hist., p. 59. (2) Hist. plant., p. 69. (3) Loco citato supra. (4) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. XII, p. 256. 83/ PIMENT ANNUEL. phthisie, et comme fébrifuge. Elle est tombée aujourd’hui dans l’oubli le plus profond. Mais les campagnards, qui n’abandonnent pas aussi facilement que les hommes de science les traditions populaires, la mettent encore en usage. J’ai vu plusieurs fois une forte décoction aqueuse de cette plante agir assez puissamment sur les reins pour faire rendre des graviers. Miergues (1), prétendant retrouver dans la piloselle sa vertu fébrifuge, la prescrit dans un bouillon composé, où rentrent plusieurs espèces amères et astringentes. En voyant la piloselle figurer ici comme ingrédient prin- cipal, et annoncée comme tel, on peut supposer à la racine de réglisse ajoutée à la salsepareille la vertu dépurative et antisyphilitique attribuée à cette dernière. (Faivre d’Esnans (2) se loue de l’infusion des fleurs dans le traitement des affections hépatiques; de plus, il lui trouve une spécialité assez remar- quable, celle de faire cesser presque instantanément le sentiment de fatigue que l’on éprouve à la suite d’une longue marche ou d’un exercice violent des bras... De plus en plus merveilleux!) PIMENT ANNUEL. Capsicum annuum. L. Piper indicum vulgatissimum. C. BAUH. — Capsicum siliquis longis propendentibus. TOURN. Piment des jardins, — poivre d'Inde, de Guinée, de Turquie, d’Espagne ou de Portugal, corail des jardins, — piment rouge, — capsique, — poivre long. SOLANACGÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette solanée, cultivée depuis longtemps dans nos jardins, et dont le fruit est usité comme condiment culinaire et comme médicament, croît sponta- ment dans les Indes et dans l’Amérique méridionale. BDeseription. — Racine chevelue, fibreuse. — Tiges droites, cylindriques, s’éle- vant jusqu'à 4 mètre. — Feuilles alternes, longuement pétiolées, ovales, lancéolées, aiguës. — Fleurs petites, blanches, solitaires, latérales, pédonculées (mai-juin).— Calice persistant à cinq ou six sépales. — Corolle monopétale à cinq ou six divisions. — Cinq ou six étamines alternant avec les divisions de la corolle. — Ovaire biloculaire sur un disque hypogyne. — Un style simple à stigmate bilobé. — Fruit : baie ovoïde, coriace, d’abord luisante et d’un beau vert, puis, à l’époque de la maturité, d’un beau rouge vif, divisée en deux loges, contenant plusieurs graines réniformes, plates, blanchâtres. — Le fruit du piment varie dans sa couleur et sa forme; il est jaune ou rouge, et quelquefois tient de ces deux couleurs : il est tantôt allongé, étroit, aigu; tantôt court, très-renflé, obtus et même échancré au sommet. Parties wusitées. — Le fruit. Récolte. — Ce fruit, contenant une matière pulpeuse, doit être desséché avec soin au soleil ou à l’étuve. Il se ride en séchant. (Culture. — On sème sur couche en février ou mars, ou sur terreau en avril; on replante fin d'avril 6u commencement de mai, sur plate-bande au midi ou dans des pots que l’on expose de même et que l’on entoure dans une couche, Il y en a plusieurs va- riétés. | Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. — Ce fruit est d’une saveur extrêmement âcre et chaude. Le plus petit fragment pro- voque la salivation avec sensation brûlante qui s'étend à l’œsophage et à tout le canal alimentaire; les semences sont plus àcres et plus brûlantes que le péricarpe. D’après Braconnot, il contient une farine féculente, une huile âcre, de la cire unie à un prin- cipe colorant, une substance gommo-résineuse d’une nature particulière, une matière ani- malisée, du nitrate de potasse, du muriate et du phosphate de potasse. — Dulong a trouvé dans le piment une matière résineuse cristallisable, une matière grasse, concrète, d’une àcreté brûlante, à laquelle il doit sa saveur, une petite quantité d'huile volatile, une (1) Revue thérapeutique du Midi, 1853. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1860, p. 366. PIMENT ANNUEL. 835 matière extractive contenant de l'azote, une matière colorée, de l’amidon, une grande quantité de bassorine, etc. — D’après Forch-Hammer, il contient une substance alca- loïde blanche, brillante et comme nacrée, très-âcre, assez soluble dans l’eau, et à la- quelle on a donné le nom de capsicine, une matière colorante rouge, un peu de matière animale, du mucilage et quelques sels, entre autres du nitrate de potasse. Les prin- cipes actifs sont solubles dans l’eau, l'alcool et léther. (La capsicine a aussi été signalée par Witling en 1822 (1} comme base salifiable. Bra- connot avait à tort donné ce nom au corps résineux que nous avons mentionné plus haut.) Substances incompatibles. — L’infusion de noix de galle, l’alun, lammoniaque, les carbonales alcalins, les sulfates de fer, de cuivre et de zinc, etc. Les Indiens mangent ce piment cru. Ils en font une espèce de pâte qui leur sert d’as- saisonnement, et qu'ils appellent beurre de cayan ou pots de poivre. Nous avons peu à peu adopté l'usage de ce condiment, sans tenir compte de la différence des tempéraments et des climats. On confit le piment au sucre; on en fait macérer dans le vinaigre, on l'emploie dans les sauces, comme les capres, les capucines, etc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — En poudre, de 3 à 10 décigr., | A L'EXTÉRIEUR. — Teinture, de 15 à 20 gr. en électuaire, pilules, etc. par 20 gr. d’eau pour gargarisme. Teinture alcoolique (1 sur 6 d’alcool à 33 de- | Poudre, de 13 à 20 gr. pour cataplasme ru- grés), de 1 à 4 gr., en potion. béfiant, gargarisme. À Vinaigre (1 sur 6 de vinaigre et G d’eau-de- | Emplâtre rubéfiant anglais (poix de Bourgo- vie), de 2 à 4 gr. dans une décoction appro- gne, 8 gr.; poudre de piment, 8 gr.; axonge, price. 4 gr. 20 centigr. Mèlez). Cet emplâtre est Huile essentielle, de 15 à 25 centigr. sur du intermédiaire entre l’emplâtre de poix de sucre ou dans un véhicule approprié. Bourgogne et l’emplâtre stibié; le premier Sirop (1 sur 2 de sucre), de 10 à 15 gr., en souvent insuffisant, le second trop doulou- potion. | reux, trop actif. Le piment annuel est un des excitants les plus énergiques. Introduit dans l'estomac, il y provoque un sentiment de chaleur qui se répand bientôt dans tout le corps, sans cependant accélérer le pouls d'une manière sensible, Frais et réduit en pâte, il rubéfie la peau comme la moutarde. A petite dose et associé aux amers, on le donne dans la dyspepsie, l’hydropisie, la para- lysie, la goutte atonique. Les Anglais la prescrivent dans certains cas de va- riole, de rougeole et de scarlatine, quand l’éruption languit par défaut d’action vitale, dans la fièvre jaune, et en général dans les maladies adyna- miques. Chapmann (2) l’a prescrit en décoction dans l’angine tonsillaire et l’angine maligne, réuni au quinquina. Monard (3) dit que le poivre long est carminatif et propre à dissiper l’enrouement. Wright l’a donné dans les hydropisies passives ou provenant de débilité. On emploie, dans ce cas, de préférence, le vinaigre ou le sirop de piment plus ou moins étendu d’eau. (Comme excitant général, 1l est employé avec succès dans les Indes occi- dentales pour traiter le delirium tremens ; on l’administre en poudre à la dose de 1 gr. 30 centigr., et dans certains cas une dose peut suffire.) On a appliqué en collyre, dans certaines ophthalmies par relâchement de tissus de l’œil, le suc exprimé de piment étendu d’eau (4). Comme rubé- fiant, on peut employer ce fruit en topique dans les cas où le sinapisme est indiqué. J’ai appliqué autour du cou, comme rubéfiantes, dans l’angine, des compresses imbibées de vinaigre de piment tiède : la rubéfaction a été prompte et efficace. Allègre a proposé à l’Académie de médecine de Paris (séance du 11 sep- tembre 1855), comme moyen de traitement des hémorrhoïdes, l'usage du piment annuel. Les résultats observés par les membres de la commission chargée d'examiner ce moyen, sont satisfaisants. Presque tous les malades (1) Bulletin des sciences médicales de Férussac, mars 1824, p. 269. (2) Bulletin des sciences médicales de Férussae, t. XI, p. 302. (3) Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. II, p. 82. (4) Coxe, Amer. disp., p. 158. 836 PIMPRENELLE. — PINS ET SAPINS. auxquels Jobert l’a prescrit en ont éprouvé un soulagement considérable et presque immédiat. On le donne sous forme de pilules, en poudre, à la dose de 75 centigr. à 1, 2, ou même 3 gr. par jour, ou bien en extrait aqueux à la dose de 60 à 80 centigr., moitié le matin, moitié le soir. La médecine peut tirer un grand parti de cette plante vulgaire et d’une culture facile; mais, comme toutes les substances actives, elle peut devenir dangereuse entre des mains inexpérimentées. Le PIMENT ENRAGÉ (capsicum minimum), Où PIMENT FRUTESCENT (C. frutes- cens, L.), espèce à petits fruits, cultivée dans le midi de la France, est en- core plus âcre que le piment ordinaire. Le sentiment de brûlure qu'il pro- duit dans le gosier, lorsqu’on le mêche, dure quelquefois plusieurs jours. (Le PIMENT cERISE (C. cerasiforme, L.), caractérisé par le volume et la forme de ses fruits, n’est qu'une variété de l’annuel.) PIMPRENELLE. Poterium sanguisorba. Pimpinella minor hirsuta. G. BAuH., TouRN., B. — Pimpinella minor lœvis. C. Baux. ROSACÉES. — DRYADÉES. — Fam. nat. — MONOECIE POLYANDRIE. L. La pimprenelle, plante vivace, que tout le monde connaît plutôt par son usage en Cuisine qu’en médecine, croît dans les prairies des montagnes, les lieux incultes, au bord des chemins. On la cultive en prairies artificielles pour la nourriture des bestiaux. Elle sert d’assaisonnement dans les sa- lades. (Le ver à soie de l’ailante se nourrit fort bien de ses feuilles.) Les feuilles de pimprenelle, d’une saveur amère, un peu styptique et poivrée, ont été vantées comme diurétiques, astringentes, vulnéraires, et propres à activer la sécrétion du lait, étant appliquées sur les seins. Cette dernière propriété, exaltée par Tabernæmontanus, n’a pas été confirmée par l’observation. Le nom de sanguisorba, donné à cette plante à cause de sa prétendue efficacité contre les hémorrhagies, et celui de burnet qu’elle porte vulgairement en Angleterre, et qui lui vient de son emploi topique dans la brûlure, n’ont pas été non plus justifiés par l’expérience. Cette plante, dont la médecine peut très-bien se passer, a été quelquefois mise en usage en guise de thé, ainsi que l’aigremoine et le sainfoin, chez les ha- bitants peu aisés des campagnes de nos départements du Nord. PINS gr SAPINS. Pini et abietes. CONIFÈRES. — ABIÉTINÉES. Fam. nat. — MONOECIE MONADELPHIE. L. Les pins et les sapins fournissent à l’économie domestique, aux arts et à la médecine, de grandes ressources. PINS (Pini). — Grands et beaux arbres croissant spontanément, ou cul- tivés dans plusieurs départements de la France. Deseriptiom. — Tronc bien droit, simple, s’élevant parfois à plus de 30 mètres, revêtu d’une écorce mucilagineuse. — Feuilles toujours vertes, ordinairement engai- nées à la base par deux à cinq, filiformes, glauques, fermes. — Fleurs monoïques. — Châtons mäles oblongs, ramassés en grappes terminales, dont le pollen est si abondant qu’il se répand parfois au loin, porté par les vents, ce qui a fait croire à des pluies de soufre; deux anthères à une loge. — Chatons femelles simples, composés d’écailles im- briquées, pointues, colorées; deux noix osseuses .ou teslacées, monospermes, recou- vertes d’une membrane qui se prolonge en forme d’aile. PIN À PIGNON OU CULTIVÉ, PIN PINIER, PIN DE PIERRE, PIN D'ITALIE. (Pinus PINS ET SAPINS, 837 pinea, L.; Pinus sativa, C. Bauh., Tourn.) — Cette espèce, d’un port très- élégant, croit spontanément en Barbarie, en Espagne, en Italie, dans les départements méridionaux de la France (entre Marseille et Saint-Tropez, Languedoc, Pyrénées-Orientales), et peut vivre en pleine terre sous Je climat de Paris. Description. — Tronc droit, à écorce raboteuse et grise ou brun rougeûtre, se divisant à la partie supérieure en beaucoup de branches étalées. — Feuilles solitaires et courtes jusqu'à deux ou trois ans, puis réunies deux à deux, et alors éparses, longues, étroites, pointues, fermes, d'un vert un peu glauque, formant touffe aux extrémités des rameaux. — Fleurs en mai. — Cônes gros, arrondis ou pyramidaux, rougeàtres, à écailles épaisses, émoussées et très-larges au sommet, mettant souvent plusieurs années à mürir; renfermant des amandes blanches, huileuses, d'une saveur douce comme celle de noisette (pignons doux). Récolte. — Pour recueillir ces fruits on étend les cônes à terre sur des toiles. On choisit le commencement du printemps, et le temps qui préeède le lever du soleil. Au bout de peu de jours, les écailles s'ouvrent par la chaleur, et en secouant un peu les pignons sortent. Les meilleurs pignons nous viennent de la Provence, du Languedoc et de la Catalogne. Usages. — Les pignons doux, que l’on mange en Italie et en Provence, sont d’une saveur agréable, Ils contiennent beaucoup de fécule et une huile douce qui rancit faci- lement. Ils sont émulsifs et peuvent remplacer les amandes douces. On les confit au sucre; on en fait des dragées, des pralines, des crèmes. Le bois fournit une résine odo- rante et balsamique. On connaît ses usages dans la charpenterie, la menuiserie, etc. PIN SAUVAGE, PIN COMMUN, PIN DE GENÈVE, PIN DE RUSSIE, PINÉASTRE. (Pinus sylvestris, L.; Pinus sylvestris vulgaris Genovensis, J. Bauh., Tourn.) — Cet arbre forme, dans une grande partie de la France, de vastes forêts, où il s'élève à la hauteur de 95 à 30 mètres. Il se plaît dans tous les climats; il vient dans les plus mauvais terrains, et on peut le cultiver dans les lieux qui semblaient être condamnés à une aridité éternelle. Description. — Tronc nu, droit, élancé, rameux à son sommet; jeunes pousses verdàtres. — Feuilles dures, longues d’environ 5 centimètres, étroites, courbées en gouttière, pointues, d’un vert un peu bleuâtre, renfermées deux à deux dans une gaine courle et cylindrique, munies d'une écaille roussâtre à leur base. — Chatons des fleurs mäles, roussàtres, disposées en grappes droites; fleurs femelles, formant des chatons ovoïdes, d’un rouge sombre. — Côûnes courts, pointus, pendants vers la terre, simples ou géminés, à écailles prismatiques, épaisses, obtuses, ligneuses, d’un gris cendré, amincies à leur base, ombiliquées à leur sommet. Usages. — Le pin sauvage est celui dont on obtient le plus de produits. On en ex- ploite le bois en quantité énorme, soit pour la construction des navires, soit pour la charpente des bätiments, la menuiserie, elc., après en avoir retiré la résine. 11 fournit beaucoup de térébenthine, du goudron, du brai sec, du galipot, etc. L’écorce intérieure, renfermant un principe nutritif, sert de nourriture aux Lapons, qui en font du pain; tan- dis que l’écorce extérieure est rugueuse, boursouflée et si légère qu’elle peut remplacer le liége pour les filets de pêche. PIN MARITIME, PIN DE BORDEAUX. (Pinus maritima, Mell., Poïr, Duham.) — Cette espèce vient spontanément dans les terrains sablonneux des pro- vinces méridionales. Ce pin abonde aux deux extrémités de la chaine des Pyrénées, et dans les landes de Bordeaux, où on appelle pignada les forêts exclusivement composées de cet arbre. Il s’élève à plus de 30 mètres de hauteur. On le cultive en grand aux environs de Bordeaux, dans le Maine, dans la Sologne, dans la Bretagne, etc. Dans le nord de la France, on doit craindre qu’il ne soit endommagé par la gelée lorsque les hivers sont rigou- reux. . Description. — Tronc droit, revêtu d’une écorce lisse, grisàtre ; rameaux étalés ; jeunes pousses un peu rouges. — Feuilles linéaires, longues de 8 à 10 centimètres, fermes, épaisses, lisses, d’un vert foncé, réunies deux à deux dans une gaine. — Cûnes d’une grosseur médiocre, allongés, élargis à leur base, d’un jaune luisant, portés sur des 838 PINS ET SAPINS. pédoncules courts, ligneux, tenant fortement aux branches et recourbés en dehors, souvent opposés deux à deux; écailles dont le sommet est pointu, terminé en mamelon. Usages. — Le pin maritime fournit une grande quantité de résine pendant toute la belle saison (térébenthine de Bordeaux). Le suc résineux qui coule dans les auges, par les incisions qu’on a pratiquées sur le tronc, se nomme galipot; celui qui se fige et se dessèche le long des blessures de l'arbre s'appelle barras où gemme. PIN MUGHO, PIN DE BRIANCON, TORCHE-PIN. (Pinus mugho, Poïr; pinus muakhus, Jacq, Weld, Murr.) — Il croît sur les montagnes de la Suisse, du Dauphiné, etc., et est voisin du pin sauvage. Ordinairement bas et rabougri, il s'élève quelquefois. Usages. — Ce pin donne une résine très-odorante qui imite le baume du Pérou. PIN-MÉLÈZE, MÉLÈZE. (Larix Europæa, Desf.) — Il croît sur les par- ties élevées des Alpes. On le cultive dans toutes les autres parties de la France comme arbre d'ornement. Il peut atteindre 25 mètres d’élévation. 11 est le seul des arbres verts qui perde ses feuilles l’hiver. C’est sur cet arbre que croît surtout l’agaric blanc (boletus laricis). (Voyez ce mot.) Il suinte des blessures du tronc de cette espèce une grande quantité de résine conte- nue entre le bois et l'écorce. Cette résine est connue sous le nom de férébenthine de Briançon ou de Venise. La manne de Briançon (suc mielleux exhalé des feuilles et qui: se durcit et forme une espèce de manne) provient aussi du mélèze. SAPINS (abietes). — Ces arbres appartiennent à un genre démembré du genre pinus de Linné, dont il se rapproche beaucoup. Ces deux genres offrent les différences suivantes : les pins ont une tête touffue, les RE ont une forme pyramidale. — Les feuilles des pins sont géminées ou fasciculées, celles des sapins sont solitaires. — Les chatons mâles des sapins sont axillaires, simples, # leurs cônes ont des écailles planes, minces, non renflés à leur sommet comme dans es pins. SAPIN ARGENTÉ, SAPIN COMMUN. (Pinus picea, L.; Abies pectinata, Decand.; Abies taxifolia, Desp.; Abies vulgaris, Poïr ; Abies taxifolia fructu sursum spectante.) — Ce bel arbre croît naturellement dans les Pyrénées, dans les Aipes, dans les Vosges, etc. Il s’élève à la hauteur de plus de 30 mètres. On. le plante dans les parcs et les jardins anglais. Description. — Tronc nu, cylindrique, blanchâtre, garni supérieurement de branches horizontales disposées en pyramide régulière ; rameaux opposés, verticillés, jaunâtres. — Feuilles solitaires, planes, presque linéaires, obtuses ou échancrées à leur sommet, coriaces, luisantes et d’un vert foncé en dessus, d’un blanc argenté en dessous, très-rapprochées, et déjetées de côté et d’autre sur deux rangs. — Fleurs en chatons simples, solitaires; les uns mâles, solitaires, effilés ; les autres femelles, presque cylin- driques, souvent d’un rouge vif. — Cônes allongés, obtus, assez gros, et redressés vers le ciel, à écailles très-larges, entières, et à bractée dorsale allongée. — Les écailles se détachent de l’axe après la maturité des graines. Usages. — On retire de cette espèce de sapin la térébenthine dite de Strasbourg, et toutes les préparations que cette dernière fournit, comme l’essence de térébenthine, la colophane, la poix, etc. Les bourgeons de ce sapin sont usilés en médecine; on les trouve dans la droguerie sous forme verticillée, autour d’un bourgeon principal formé d’écailles roussâtres, résineuses, longues de 20 à 30 centimètres; ils viennent de la Russie. On leur substitue sans inconvéniént les bourgeons d’espèces congénères ou de genres voisins de la même famille. SAPIN EPICEA OU EPICIA, SAPIN PESSE, FAUX SAPIN, SAPIN ÉLEVÉ. (Pinus picea, Lin. ; Abies excelsa, Decand.; Abies picea, Abies tenuiore folio deorsum inflexo, Tourn.) — Le sapin épicia, arbre d’une grande hauteur et d’une verdure sombre, croît en forêt dans les Alpes, dans les Pyrénées, en Au- vergne, etc. Deseriptiom. — Tronc de 30 mètres de hauteur, se terminant par une belle PINS ET SAPINS. 839 tête pyramidale ; rameaux opposés, un peu inclinés. — Feuilles courtes, anguleuses, aiguës, linéaires, très-rapprochées. — Cônes allongés, plus ou moins gros, pendants, composés d’écailles ovales, planes, imbriquées, très-minces à leurs bords, obtuses et rougeàtres. Usages. — C'est de cet arbre que coule la poix blanche ou poix de Bourgogne. eut usitées., — Les bourgeons, les feuilles, les fruits ou cônes, les résines et leurs dérivés, le goudron et ses dérivés, etc. Culture. — Les pins et les sapins se cultivent à peu près de la même manière. On les multiplie par semis faits à la volée, en ligne, à la charrue ou à la canne, c’est- à-dire à l’aide d’une canne creuse pleine de graines, qui en laisse échapper une toutes les fois qu'on la pose en terre. Cette méthode est peu usitée: le plus souvent, on mé- lange de la graine de genêt à celle du pin, pour que la première donne de jeunes plants qui protégent les petits arbres dans leur jeune âge ; on éclaircit à deux ans, à cinq ans, à dix ans, à vingt ans, de manière à ce qu'à cette époque il ne reste environ que deux cents pins par hectare; l’éclaircissage s'opère de deux manières : tantôt on coupe les arbres au pied, tantôt on les saigne à ruine, c’est-à-dire qu'on les incise sur toutes les faces, de manière à en obtenir le plus de résine possible; puis on les coupe. Dans tous les cas, on opère sur les sujets les plus rapprochés, les moins vigoureux, les plus déformés, Il nous est impossible d'étudier ici d’une manière complète tous les produits que donnent les pins et sapins aux arts, à l’industrie et à la thérapeutique. (Nous accorde- rons une place à la térébenthine, à l'essence de térébenthine, au goudron, à la créo- sote, à l'acide phénique; nous ferons ici une simple énumération et nous dirons quel- ques mots des produits les plus importants. PRODUITS DU PIN MARITIME ET DES SAPINS ET LEURS DÉRIVÉS. 1° Pins de cinq à dix ans. — Bourrées pour chauffage, baliveaux façonnés pour char- ronnage, lattes, palissades, sujets pour transplantation. 2° Pins de dix à quinze ans. — Tuteurs, échalas, gemme, quand on saigne à ruine pour opérer l’éclaircissage. 3" Pins de quinze à vingt-cinq ans. — Poteaux pour le télégraphe électrique, carcas- sonnes pour vignes, et gemme lorsqu'on veut éclaircir, L° Pins de vingt-cinq ans et plus. Vernis. Pâte de térébenthine. | Essence de térébenthine, ! Peinture. Médicament. Médicaments. Vernis. PAPBIe Arcanson. Allumettes. Fe are Colophane. Cire à cacheter. Galipot Brai sec. Collage du papier. J Séve de pin Brai gras. Savons de résine. f Résine jaune. Huiles pyrogénées, lour- Poix blanche. des, légères, employées Poix noire. à l'éclairage. ‘Noir de fumée. Naphtaline. Eupione. Paraffine. Gaz pour l'éclairage, etc. 5° Pins épuisés de résine el souches de pin vert toscan de cent ans et plus. — Bois de construction, pilotis, traverses de chemin de fer, planches, douvelles pour barriques, meubles, bois à brûler, charbon, vinaigre de bois, goudron, créosote, benzine. 6° Fruits du pin, cônes ou pignes. — Combustible, graines pour les volailles. 7° Feuilles du pin. — Laine végétale ou laine des forêts, étoffes et matelas en laine de pin, matières résineuses, essences. Récolte. — La récolte de la résine est faite par les gemmiers ou résiniers, lorsque les arbres ont atteint vingt-cinq ans. On fait des entailles à la base de l'arbre; on les rafraîchit tous les quinze jours environ, en les relevant peu à peu jusqu’à une hauteur de 3 à 4 mètres; on recueille la résine par deux systèmes : l’ancien, qui consiste à pra- 840 PINS ET SAPINS. tiquer un trou à la base de l'arbre, dans le tronc et dans la terre; le nouveau, ou sys- tème Hugues, dans lequel la résine est reçue dans des vases en terre que l’on place, à l’aide d’un crochet, à différentes hauteurs sur l’arbre. On saigne successivement ainsi l'arbre sur les quatre faces, jusqu’à ce que le pin cesse de produire de la résine; les en- tailles portent le nom de quarre ou carre. Propriétés physiques et chimiques. — Le barras ou galipot entre dans certaines préparations pour usage externe, telles que onguents, emplâtres, etc., fon- dus au soleil ou à une douce chaleur ; ils constituent, après filtration, la pâte de téré- benthine ou térébenthine de Bordeaux. Par distillation, il donne divers produits : 4° essence de térébenthine; 20 la colophane ou arcanson, qui est employée en poudre comme hémostatique, et qui entre également dans un grand nombre d’onguents; elle porte aussi le nom de brai sec. La résine jaune ou poix-résine est la colophane fondue et fortement brassée avec de l’eau. Ce mélange, additionné d’eau et malaxé, sert à préparer la poix blanche. La poix noire s'obtient dans les forêts en brûlant les copeaux de pin, les filtres de paille qui ont servi à purifier la térébenthine. On pratique aussi une sorte de distilla- tion per descensum, et qu’on opère de la sorte sur de vieilles souches de pin. On ob- tient le goudron, qui est surnagé par une huile noire que l’on vend pour l'huile de cade, quoique la véritable soit obtenue par distillation sèche du Juniperus oxycedrus. (Voyez ce mot.) La paraffine est une matière blanche solide, fondant vers 50 degrés, présentant l’as- pect du blanc de baleine, composée d'hydrogène et de carbone, qui est très-employée pour la fabrication des bougies et pour la préparation des pommades, cold cream, ele., en parfumerie et en pharmacie; elle est extraite du goudron. (Voyez ce mot.) La CRÉOSOTE est un mélange de divers produits empyreumatiques extraits du gou- dron de bois, dans lequel domine l’acide phénique. La créosote est liquide, incolore, transparente, d’une odeur infecte, d’une saveur âcre, brûlante, caustique. Sa densité est de 1.037; elle bout vers 187 degrés; elle est un peu soluble dans l’eau. Sa solution étendue conserve les matières animales. L’ACIDE PHÉNIQUE, alcool phénique, hydrate de phényle, phénol, acide carbolique = C!'2H°0, HO, est extrait de l'huile de goudron, est blanc, fusible à 35° C., soluble en toute proportion dans l'alcool et l’éther. Sa densité à Æ 18° est 1065 ; il bout à 188 de- grés ; il brûle avec une flamme fuligineuse; il dissout le soufre, le brome et l’iode; il prévient la putréfaction; il coagule l’albumine, détruit les membranes organiques; il est employé en dissolution dans l'alcool au centième. La COLOPHANE est un mélange de trois acides isomériques que Laurent a nommés acides picrique, pimarique et sylvique, qui sont composés de C40H?%05, HO. La colophane soumise à la distillation sèche produit quatre carbures d’hydrogène qui ont été étudiés par Pelletier et Walter; ce sont : le résinaphte — C'#H$, qui bout à 108 degrés; le résinyle — C!°H!?, qui bout à 150 degrés; le résinole — C??H!6, bouil- lant à 240 degrés; et la métanaphtaline, qui a la même composition que la naphtaline, qui fond à 67 degrés et qui bout à 325. Le mélange de ces quatre corps constitue les huiles de résine, dont on fait une grande consommation dans l’industrie. Par la distil- lation, au contact de la chaux, la colophane donne la résinone, qui bout à 78 degrés, et la résinéone, dont le point d’ébullition est à 148 degrés. L'ESSENCE DE TÉRÉBENTHINE — C°CH!6 est un liquide incolore, d’une odeur forte, balsamique, d’une saveur âcre et brûlante. Sa densité est 0.860; elle bout à 156 de- grés; elle est inflammable, insoluble dans l’eau, très-soluble dans l’alcool et dans lé- ther. Par des distillations répétées et fractionnées, elle se dédouble en plusieurs com- posés isomériques qui sont : l’isotérébenthène et le métatérébenthène (Berthelot), le térébène, le colophène et le térebdène (Deville), le camphylène (Soubeiran et Capi- taine). La SËVE DU pin. — Ce liquide s'obtient en forçant de l’eau à traverser à une forte pression des troncs de pin. A Arcachon, où cette fabrication est organisée sur une grande échelle, on emploie le procédé d’imprégnation du bois de Boucherie. Le liquide obtenu est incolore ; il possède une forte odeur térébenthinée. Les FEUILLES DE PIN. — Bouillies avec de l’eau alcalinisée par le carbonate de soude, on oblient des solutions balsamiques résineuses qui ont été employées en Silésie sous forme de bains. On en a extrait des huiles essentielles que l’on cherche à introduire dans la thérapeutique. Les fibres résultant de cette décoction étant purifiées par des la- PINS‘ET SAPINS. 841 vages et le cardage, constituent la laine des forêts, dont on fait des étoffes très-moel- leuses, très-chaudes, et entre autres de belles flanelles de santé. On fait aussi de bons matelas hygiéniques avec cette laine; ils ont, dit-on, l'immense avantage d’éloigner les insectes. L'huile essentielle des feuilles du pin est employée en Allemagne sous le nom de spiritus. Avec les matières résineuses, on fabrique des savons dits hygiéniques. (Nous allons étudier, au point de vue thérapeutique, les différentes par- ties des pins et sapins, et les corps les plus utiles que l'on en a extraits.) BRANCHES, BOURGEONS DE PIN ET DE SAPIN. — Les bourgeons de toutes les espèces de ces deux genres de conifères peuvent être employés avec plus ou moins d'avantage en médecine; mais ils sont ordinairement fournis par le sapin argenté ou commun ( Pinus picea, L., abies pectinata, Decand.), et nous viennent principalement du Nord et surtout, ainsi que nous l'avons dit plus haut, de la Russie, quoique l’on puisse facilement se les procurer en France. Leurs propriétés sont dues principalement à la térébenthine qu'ils contiennent. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion, 20 à 30 gr. par | Extrait aqueux (1 sur G d’eau), 50 centigr. à kilogramme d’eau, par tasses. 2 gr. et plus. Sirop (1 de bourgcons sur 1 de sucre et 2 d'eau), 30 à 120 gr., en potion. A L'EXTÉRIEUR. — Infusion pour fomentations, Extrait alcoolique (1 sur 6 d'alcool à 22 de- lotions, injections, etc. grés), 50 centigr. à 2 gr. et plus. Branches, en combustion pour fumigations. Les bois et les bourgeons ou turions, soit du pin, soit du sapin, sont ex- citants, antiscorbutiques, diurétiques, diaphorétiques. Je les ai souvent employés en décoction ou en infusion dans l’eau, la bière, le vin, le cidre, le lait ou le petit-lait contre le scorbut, les rhumatismes chroniques, ja goutte vague, les affections catarrhales bronchiques et vésicales, la gonor- rhée, la leucorrhée, les scrofules, les affections cutanées chroniques, les syphilides, etc. A l'extérieur, l’infusion de bourgeons de sapin m'a été utile en injection dans les écoulements muqueux et notamment dans la leucorrhée. Je la mêle souvent avec autant de décoction de feuilles de noyer. Les fumigations de bourgeons de sapin en combustion, dirigées dans les narines ou dans le conduit auditif, m'ont réussi dans le coryza et l’otorrhée chroniques. J’ai mis aussi en usage l’infusion de bourgeons de sapin, comme détersive et antiscorbutique, sur les ulcères sordides, scrofuleux, atomiques ou gangré- neux. C’est un moyen qu’on trouve toujours sous la main, et dont le méde- cin de campagne peut user largement et sans dépense. Les bains de vapeur résineuse, d’un usage depuis longtemps populaire contre les rhumatismes, ont été récemment préconisés et adoptés par les médecins. Il n’y a que huit années que, sur le bruit de cures nombreuses et inespérées, Chevandier se prit à observer ce traitement empirique sur les lieux mêmes, et, pour qu'il ne fût pas perdu pour le public médical, il publia un premier mémoire en 1850, dans lequel il fit connaître les succès remarquables qu'il avait obtenus par l'emploi régularisé des bains de va- peur résineuse. (Dans les établissements spéciaux créés depuis ce temps, et notamment celui de Lyon décrit par Munaret (1), la tempéralure moyenne n'’atteint pas 50 à 60 degrés centigrades. Laissons parler l’auteur que nous venons de citer) : « La durée des bains est, en général, d’une demi-heure... En y entrant, c'est une chaleur de purgatoire.. la sueur commence à perler sur votre (1) Lettre sur les bains à vapeur térébenthinés à M. le curé de Saint-D***, Lyon, 1857 812 PINS ET SAPINS. poitrine, sur tous vos membres; elle coule, elle ruisselle jusque sur le par- quet.. Il y a des malades qui ont perdu jusqu’à 1,200 gr. de leur poids en une demi-heure, et cela sans en être affaiblis. Point de congestions, pas de céphalalgie. Quelquefois la circulation s'accélère et la respiration conserve son rhythme normal... l’appétit renaît... la digestion est plus active, et la soif accrue permet de remplacer ce qui s’en va par la peau. Un traitement de quinze à vingt bains suffit dans la majorité des cas. « La vapeur térébenthinée peut être dirigée, concentrée sur tel ou tel or- gane du baïigneur, avec des tuyaux métalliques diversement coudés ou flexibles, en toile imperméable. « La vapeur résineuse s’introduit dans l’organisme, ainsi que l’atteste l'odeur des urines, et elle produit en même temps sur la sensibilité de la peau une modification spéciale avec hyperhémie dérivative et irritation substitutive. » Chevandier, Rey (de Grenoble), Benoît (de Die) et Macario ont relaté, dans nos journaux de médecine, des guérisous vraiment remarquables. « Enfin, dit Tessier (1), et c’est là la meilleure de toutes les raisons, une expérience de plusieurs années a déjà consacré l’utilité des bains de vapeur résineuse, un grand nombre de rhumatisants se louent de leur emploi, et l’usage s’en répand de jour en jour. Oui, je crois, ajoute cet habile et consciencieux praticien, que les étuves térébenthinées peuvent rendre d'importants ser- vices dans les cas de rhumatismes articulaire et musculaire à forme chro- nique, etc. » TÉRÉBENTHINE. — La térébenthine est le suc résineux qui découle des pins et des sapins, et dont nous avons déjà fait mention. Les térébenthines indigènes sont celles : 1° de Bordeaux (des pins maritime et sauvage) ; 2° d'Alsace (du sapin argenté ou commun); 3° des Vosges, ou térébenthine ordinaire ; 4° de Strasbourg (du sapin commun, du mélèze). Ges substances sont des composés naturels d'huile essentielle et de résine qui ont une consistance molle à la température ordinaire de l'atmosphère. L’essence et la résine s’y trouvent en proportions variables. La térébenthine ordinaire contient à peu près le tiers de son poids d’huile essentielle. La térébenthine du pin maritime n'en contient que 12 pour 100 seulement. — La résine est elle-même composée de quatre résines diffé- rentes, savoir : l’acide pimarique, l'acide sylvique, l'acide pinique et une résine indiffé- rente. TÉRÉBENTHINE DE BORDEAUX, OU DU PIN MARITIME. — TÉRÉBENTHINE DE CHEVAL. — Epaisse, granulée, se séparant en deux couches, l’une transparente, colorée, l’autre grenue, consistante, opaque; odeur forte et désagréable, saveur âcre et amère; très-sic- cative à l'air, très-solidifiable par la magnésie, entièrement soluble dans lalcool. La plus commune des térébenthines. TÉRÉBENTHINE DE BRIANÇON, DE VENISE OU DE MELÈZE. — Ordinairement assez liquide, un peu verdâtre, d’une odeur forte, d’une saveur âcre et très-amère. — Carac- tères physiques non suffisamment distincts, la plus estimée et par conséquent souvent . falsifiée. TÉRÉBENTHINE DE STRASBOURG, D'ALSACE, DE SUISSE OU DE SAPIN COMMUN. — Peu colorée, jaune-verdâtre; consistance de miel, visqueuse, uniformément nébuleuse, odeur tenace (une variété à odeur agréable de citron, nommée térébenthine au citron ou térébenthine citriodore), saveur très-amère et âcre; très-peu siccative, non solidifiable par un seizième de magnésie, entièrement soluble dans l'alcool rectifié. — Préférée pour les préparations pharmaceutiques, et employée pour obtenir la térébenthine cuite, quoi- que le Codex prescrive celle de Venise. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Térébenthine de Strasbourg | Térébenthine cuite (privée d'huile essentielle), ou de Briançon, 50 centigr. à 25 gr. pro- 2 à 12 gr., en pilules. gressivement. (1) Rapport publié par décision de la Société de médecine de Lyon. PINS ET SAPINS. 843 Sirop (1 sur 8 de sirop simple), 15 à 30 gr., en potion. Teinture (1 sur 4 d'alcool à 35 degrés), 1 à 4 gr., en potion, etc, Pilules de térébenthine officinales (térében- thine de Bordeaux, 28 parties). Ces pilules ne réussissent bien qu’en employant la térébenthine de Bordeaux; les autres con- tiennent trop d'huile essentielle pour bien se solidifier. Pilules de térébenthine magistrales (térében- thine de Venise, 1 partie; magnésie blanche, 1 partie), — La magnésie blanche donne instantanément plus de solidité à la téré- benthine que la magnésie calcinée. Quand on emploie la térébenthine de Bordeaux, il faut moins de magnésie pour donner la consistance. Eau térébenthinée (térébenthine de Venise, 1 ; eau de rivière, 6; triturez dans un mortier pendant une demi-heure et laissez dépo- ser). Formules de Mouchon (de Lyon). Sirop : térébenthine du sapin, 30 gr.; gomme arabique, 15 gr.; eau, 15 gr.; sirop simple, 940 gr. —Emulsionnez l’eau avec la gomme, incorporez la térébenthine en battant vive- ment dans le mortier; ajoutez peu à peu le sirop simple. Dose, 60 gr. par jour. Saccharure : térébenthine du sapin, 60 gr.; alcool à 90 degrés, 120 gr.; sucre en mor- ceaux, 1,000 gr. — Dissolvez à froid la té- rébenthine dans l’alcool en agitant vive- ment, laissez sécher à l’étuve à une chaleur modérée, puis réduisez en poudre. Pastilles : eau, 90 gr.; gomme adragante, 12 gr. — Faites un mucilage et incorporez : Saccharure de térébenthine, 1,000 gr. (Nous devons signaler d'une façon spéciale, à cause des grands avantages que présente leur administration, les perles à l’huile essen- tielle de térébenthine de Clertan. Sous un pe- tit volume, sans laisser de trace de goût ap- préciable, on peut administrer quotidienne- ment des doses de ce modificateur actif aussi élevées que l’on veut. Deux perles à chaque repas, telle est la prescription usuelle, L’in- gestion, au moment du repas, diminue les rapports désagréables qui résultent presque infailliblement de l’usage des préparations té- rébenthinées.) À L'EXTÉRIEUR. — Lavement, 4 à 16 gr. délayés au moyen d’un jaune d'œuf. Digestif simple : térébenthine du mélèze, 40 gr.; jaune d’œuf, 20 gr.; huile d’olive, 10 gr. (Codex de 1866). — Autrefois on employait l'huile d’hypericum. Digestif animé : digestif simple, 1; styrax li- quide, 1. Digestif opiacé : digestif simple, 8; laudanum liquide, 1. Digestif mercuriel : digestif simple, pommade mercurielle, 4a 100 gr. (Codex de 1866.) Eau hémostatique : térébenthine, 5; eau, 6. Faites digérer en vase clos pendant une heure, laissez refroidir et filtrez. — Employé à l'extérieur et à l’intérieur. Dans ce der- nier cas, on l’administre à la dose de 20 à 30 gr. et plus. La térébenthine entre dans le savon de Starkey, dans les pilules balsamiques de Stahl, dans le baume Fiovarenti, le baume d’Arcœus, dans l’emplâtre épispatique, l’emplâtre dia- , chylum, dans les sparadraps agglutinatifs, etc. Les diverses espèces de térébenthine ont à peu près les mêmes proprié- tés. C’est toujours une action simulante qu’elles exercent sur nos organes, et plus spécialement sur les membranes muqueuses génito-urinaires et bronchiques, ainsi que sur le système nerveux. Suivant l’état des divers ap- pareils, elles portent leur activité sur la sécrétion urinaire, sur l’exhalation cutanée, sur la sécrétion bronchique. A haute dose, elles provoquent le vomissement et la purgation. La térébenthine est employée avec avantage dana les catarrhes chroniques pulmonaires et vésicaux, la phthisie, la blen- norrhée, la leucorrhée atonique, la diarrhée muqueuse entretenue par le ‘ relâchement de la muqueuse intestinale, par une sorte d’altération des fonc- tions sécrétoires de cette membrane ou par son ulcération superficielle; dans le rhumatisme chronique, la goutte atonique, certaines névralgies, etc. C’est principalement dans la cystite chronique que la térébenthine triom- phe; elle la guérit dans la moitié des cas, et améliore presque constamment l’état du malade dans les catarrhes vésicaux, dus à la gravelle, aux affec- tions de la prostate, à la paralysie de la vessie, etc. Dupuytren prescrivait dans cette affection huit, seize et même vingt pilules, contenant chacune À décigr. de térébenthine, Mais il faut surveiller l’action spéciale de cette substance sur la vessie, et suspendre l’emploi de ce moyen lorsque des spasmes, la strangurie, des urines sanglantes, des douleurs plus ou moins vives dans les voies urinaires se manifestent, et, dans tous les cas, ne l’em- ployer que lorsque les symptômes inflammatoires ont cédé au traitement antiphlogistique préalable. L'usage de cette résine dans le catarrhe vésical exige de la prudence et de la sagacité pratique. On ne doit pas le cesser im- 844 PINS ET SAPINS. médiatement après la cessation de la sécrétion catarrho-purulente, cessation qui peut n'être que passagère et due à un temps sec et chaud. En général, dans les affections chroniques des membranes muqueuses, la médication doit être continuée assez longtemps après la disparition des symptômes pour modifier la vitalité de ces membranes, de manière à la ramener tout à fait à son état normal. (La question de dose est aussi très-importante; si, administrés modérément, les résineux améliorent certains catarrhes, ils peuvent à dose élevée aggraver l’inflammation dans la cystite chronique et hâter la fin des malades.) Van Swieten (1) conseillait ta térébenthine dans la diarrhée colliquative des phthisiques. Je me suis très-bien trouvé dans l’abcès des poumons, dans la phthisie, dans le catarrhe chronique de la vessie, etc., du mélange sui- vant : térébenthine, 10 gr., jaune d'œuf no 1, eau assez fortement miellée, 500 gr., mêlez. Dose, trois ou quatre demi-verres par jour. A l’extérieur, la térébenthine entre dans les onguents irritants et détersifs qu’on emploie au pansement des plaies et des ulcères. On l’injecte conve- nablement délayée dans les trajets fistuleux qui rendent un pus fétide, etc. (Voy. Préparations pharmaceutiques ; digestifs.) Appliquée sur la peau, elle la rubéfie et agit alors comme dérivatif, et peut être utile dans le rhumatisme, la bronchite, la coqueluche, la pleurésie, la pneumonie, la péritonite, et pour rappeler des exanthèmes chroniques partiels. Elle a été employée aussi en vapeur dans le rectum, contre le ténesme qui accompagne la dysenterie, et en lavement contre les ascarides vermiculaires. Cullen (2) dit que 15 gr. de térébenthine en lavement délayés à l’aide d’un jaune d’œuf dans suffisante quantité d’eau, est l’un des meilleurs moyens de vaincre la constipation. Ce lavement pourrait être employé aussi pour opérer une sti- mulation ou révulsion dans certains cas de paralysie. de stupeur intesti- nale, d’apoplexie, de léthargie, d’étranglement herniaire, etc. On l’emploie aussi en injection dans la vessie, contre le catarrhe vésical chronique ; mais on lui préfère en pareil cas l’eau de goudron. On a appliqué la térébenthine sur les brülnres. Kentish (3) en fait une espèce d’onguent pour ce genre de plaie, qu'il baigne préalablement dans l'essence mêlée à l’alcool et à une teinture camphrée; lorsque la sécrétion du pus s'établit, il recouvre les parties de craie chauffée à la température du corps. Il assure que, par ce traitement, il guérit en peu de semaines des brûlures beaucoup mieux que par le traitement rafraichissant. On applique parfois la térébenthine pure ou saupoudrée de soufre sur les tumeurs rhumatismales. (Werner (4), de Dor- nac, remplace, dans le pansement des plaies récentes ou anciennes, l'alcool dont l’évaporation est prompte par le savon liquide suivant : térébenthine de Venise, 500 gr. ; bicarbonate de soude, 12 gr. 50 centigr.; eau distllée, > litres; faites digérer à moins de 75 degrés au bain-marie pendant six jours; filtrez. Une compresse est trempée dans le mélange , appliquée directement sur la plaie et recouverte de taffetas gommé. Sous l'influence de cette application répétée toutes les quatre ou cinq heures, la suppura- ss est peu abondante, le bourgeonnement rapide, l'infection purulente rare). ESSENCE DE TÉRÉBENTHINE, — Cette essence s'obtient par la distillation de la térébenthine, et plus particulièrement de la térébenthine de Bordeaux. C’est un liquide incolore, d’une odeur forte et désagréable, très-inflammable, inso- luble dans l’eau et plus léger qu’elle, peu soluble dans alcool, très-soluble dans l’éther, pouvant dissoudre les résines, les baumes, le camphre, les huiles essentielles, les (1) Commentaires, t. IV, p. 112. (2) Matière médicale, t. II, p. 191. (3) Coxe, Amer. disp., p. 428. (4) Union pharmaceutique, 1865, p. 211. PINS ET SAPINS, 845 graisses, le soufre (en pelite quantité), le phosphore, le caoutchouc. (Voyez plus haut Propriétés physiques et chimiques.) L'essence de térébenthine du commerce contient toujours une portion d'acide et de résine, Pour certains usages pharmaceutiques et pour le nettoyage des étoffes, elle a besoin d'être purifiée par distillation avec de l’eau. Si on voulait l'avoir chimiquement pure, il faudrait la distiller une première fois sur de la chaux, et une seconde fois sur du chlorure de calcium. On connaît l'usage de l'huile essentielle de térébenthine dans les arts. Elle est indis- pensable à la peinture et entre dans la composition de plusieurs vernis. Prise à l’intérieur, respirée même, l'huile de térébenthine communique aux urines, dont elle augmente la sécrétion, une forte odeur de violette. Pour produire cet elfet, il suffit de s'arrêter plus ou moins longtemps au milieu des exhalaisons de cette essence. Donnée à petite dose (quelques gouttes), elle agit à la manière des stimulants diffusibles; elle produit une chaleur douce et passagère dans l’estomac. À dose plus élévée (4 à 8 gr.), elle détermine au pharynx et à l’estomac un sentiment d’âcreté et äe cha- leur, un peu d’anxiété, quelques nausées, rarement des vomissements, plus souvent des coliques, un état d’excitation générale, un effet spécial sur les organes urinaires, qu'elle stimule, et dont elle augmente et modifie la sé- crétion : l’urine devient rouge, cuisante, parfois sanguinolente, A forte dose (15 à 120 gr.), elle n’est pas un poison comme on le croyait autrefois. Elle n'agit pas avec plus de force sur l'appareil urinaire; mais elle borne ordi- nairement son action aux voies gastriques et devient alors purgative, quel- quefois même éméto-cathartique, souvent avec un effet secondaire sur le système nerveux, qui se traduit par une sorte d'ivresse ou une vive cépha- lalgie. J. Copland, qui à expérimenté sur lui-même, en état de santé, l’ac- tion de l’huile essentielle de térébenthine, à la dose de 40 gr., a observé que son pouls devenait plus fréquent, petit et concentré ; il a éprouvé, outre divers symplômes d'ivresse, de l’anxiété, des frissons, un sentiment de traction des intestins vers la colonne vertébrale, des éructations incom- modes, de la soif et une faim vive, phénomènes que l’ingestion de quelques aliments a fait cesser peu à peu; mais il n’a eu ni vomissements, ni diar- rhée. Ces effets, où l’action locale de l'huile volatiie se révèle à peine, tan- dis que son action dynamique est si prononcée, viennent à l’appui de l’opi- nion des médecins qui, à l'exemple de Giacomini, considèrent cette huile comme hyposthénisante. L'huile essentielle de térébenthine est employée avec avantage dans les névralgies et surtout dans la sciatique. On la conseille aussi dans le lom- bago, le tic douloureux, le tétanos et même l’épilepsie. Elle est mise en usage comme stimulante dans certaines affections des organes génito-uri- naires, la cystite chronique, le catarrhe vésical, la gonorrhée, la blennor- rhée et la leucorrhée. Depuis que Récamier a employé, il y a plus de quarante ans, l’essence de térébenthine dans la névralgie sciatique, les praticiens l’ont généralement adoptée comme le moyen le plus efficace contre cette affection. L’admi- nistration de cette substance, outre les phénomènes ordinaires produits par son ingestion, cause une chaleur accompagnée de sueur dans les membres abdominaux, particulièrement dans celui qui est le siége de la névralgie, et plus encore le long du trajet du nerf malade. Cette action topique avait déjà été observée par Cullen et Home. Plus les caractères névralgiques essentiels sont bien dessinés, plus les douleurs sont vives, plus les chances sont favorables. Les malades guérissent promptement lors même que l'essence de térébenthine n'agit, ni comme purgative, ni comme sudo- rifique, ni comme diurétique. Toutefois si, au bout de huit ou dix jours d'usage, cette médication n’a pas réussi, il ne faut plus rien en attendre. On donne 8 gr. d’huile dans 120 gr. de miel rosat en trois fois, à quatre heures d'intervalle dans la journée. 846 PINS ET SAPINS. L’essence de térébenthine a été employée dans le tétanos. W. Tomes a rapporté un cas où, après avoir provoqué des vomissements, elle fit cesser promptement des contractions musculaires. Le trismus reparut quatre fois, et chaque fois le même moyen le fit disparaître. Philipps (4) à vu, par l’ad- ministration de ce médicament, des convulsions violentes se dissiper très- promptement. Weaver, E. Percival et D. Lithgow ont réussi, le premier dans un cas de catalepsie vermineuse, les deux autres dans des circon- stances qui étaient étrangères à la présence des vers dans les voies diges- tives. Moran dit avoir employé avec succès l’essence de térébenthine dans l’apoplexie, la paralysie, l'asthme, etc. À haute dose, ce médicament est anthelminthique. C’est surtout contre le tænia qu'il a été prescrit avec succès. Cross, Kennedy, Ozanam, Gomez, Knox, Melo, etc., l'ont préconisé contre cet entozoaire. Il n’est pas moins utile contre les lombrics, les ascarides et autres vers intestinaux. Je l’ai souvent employé en lavement contre les ascarides. Le traitement contre le tænia en exige de fortes doses, tant par la bouche qu’en lavement. Pom- mier (2) l’a donné en en portant la dose jusqu’à 180 gr. sans inconvénient. L'huile essentielle de térébenthine est employée depuis longtemps contre la fièvre puerpérale par Kinneir d’Edimbourg (3). Il la donne jusqu'à ce que les symptômes de la maladie soient apaisés. Suivant ce médecin, il est rare qu’on soit même obligé d’en prendre plus de trois ou quatre fois pour obtenir ce résultat. Rarement l’essence est vomie. On la fait précéder de la saignée et de la purgation par le calomel; elle favorise l’effet de ce dernier. Douglas regarde cette essence comme le remède le plus certain de la péri- tonite, même dans les cas les plus graves. En 1815, Atkinson (4) donna 8 gr. d'essence de térébenthine dans un peu d’eau de menthe à une femme atta- quée de péritonite, ce qu’il répéta quatre fois en quatre heures, et dès le lendemain les douleurs péritonéales avaient cessé; quelques applications topiques du même moyen la guérirent complétement. D'un autre côté, Trousseau et Pidoux nient formellement cette efficacité. Us regardent les cas où son administration a été suivie de succès, comme accidentels et dus à des constipations, à des engouements stercoraux du cœcum ou de la portion sigmoïde du côlon, lesquels causent de vives dou- leurs, du gonflement abdominal, de la rénitence dans une des régions in- guinales, et qui peuvent, si on n’en débarrasse promptement les nouvelles accouchées, amener des entérites phlegmoneuses, des abcès dans le tissu cellulaire qui unit aux deux fosses iliaques les deux portions d’intestin indi- quées ci-dessus, et même causer des péritonites partielles, rarement géné- ralisées. Les faits qui se sont offerts à mon observation viennent à l’appui de cette opinion, que je partage en tous points. Durande a employé l’essence de térébenthine mêlée à partie égale d’éther sulfurique, dans les coliques hépatiques dues à la présence de concrétions biliaires. Klinglake (5) a fait cesser des accidents effrayants du bas-ventre, comme météorisation, vomissements, douleurs, etc., à la suite d’une con- stipation opiniâtre qui avait résisté aux moyens les plus énergiques, à l’aide de 15 gr. d'essence de térébenthine dans 30 gr. d’huile de ricin, à prendre toutes les deux heures jusqu’à ce que le ventre s’ouvriît. Les vomissements s’arrêétèrent dès la première dose, et, à la quatrième, les selles survinrent. Enfin, l’essence de térébenthine a été prescrite dans la goutte, le rhuma- tisme, les fièvres intermittentes, les empoisonnements par l'acide hydrocya- nique ou l’opium, la salivation mercurielle, le diabète, l’anasarque, la (1) Med. chirurg. trans.,t. VI, p. 65. (2) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. VIX, p. 364. (3) Nouvelle bibliothèque médicale, t. IX, p. 129, (4) Journal général de médecine, t. LV, p. 131. (5) Med. and phys. Journ., 1821. PINS ET SAPINS. 847 néphrite albumineuse chronique, les hémorrhagies, etc. Moran (1) l’a don- née contre les fièvres intermittentes au début de l’accès, à la dose de 60 gr., mêlée à du sucre et à l’eau; il en résulta une chaleur très-vive dans l’esto- mac avec des efforts de vomissement; les symptômes fébriles disparurent pour ne plus revenir, Cullen (2) dit qu’en en frictionnant le dos, elle est utile dans ces fièvres. Carl Hayny (3) fit frictionner, matin et soir, le rachis avec 45 gr. de cette essence, chez deux individus atteints de fièvre intermit- tente tierce depuis plusieurs mois. La maladie céda au bout de deux jours. Il résulte des recherches d'Emmert (4), que l'huile de térébenthine est le meilleur moyen de combattre les symptômes de l’empoisonnement par l'acide hydrocyanique. Jerkins (5) a traité avec efficacité, par cette essence donnée à l’intérieur et en lavement, un empoisonnement causé par la tein- ture d’opium; il en employa par cette voie 30 gr., et 60 gr. en potion avec 30 gr. d'huile de ricin, dont le malade buvait trois cuillerées à café de quart d'heure en quart d'heure. E. Geding (6) et plusieurs de ses collègues ont employé l'huile essentielle de térébenthine dans la salivation mercurielle : on fait un gargarisme avec 250 gr. d’eau, 8 gr. de gomme et 8 gr. d'huile essentielle, dont on se sert de temps en temps. Werlhoff l'a donnée dans les hydropisies à la dose de 6 gr. de deux heures en deux heures, dans une émulsion nitrée. (On à préconisé contre l’anasarque un vin térébenthiné dont voici la formule : essence de térébenthine, 10 gr.; suc de citron, 30 gr. ; vin blanc, 120 gr.; 60 gr., matin et soir.) Smith (7) a rapporté des faits nombreux qui prouvent l'efficacité de cette huile contre les diverses espèces d’hémorrhagies et sa superiorité sur les autres styptiques ou astringents. La dose ordinaire, dit Smith, est de 30 gouttes répétées toutes les trois ou quatre heures ; cependant on peut aller jusqu’à 4 gr. dans les cas où l’hémorrhagie menace l'existence du ma- lade. On la donne dans l’eau aromatisée avec du sirop d'orange ou tout autre sirop. Il faut apporter une grande réserve dans l'emploi de ce moyen et en suivre attentivement les effets. (On a vanté l'efficacité de ce médicament contre le purpura hemorrhagica, l’'hémoptysie. Un cas remaquable de guérison d’une hématurie grave est re- laté dans le British medical Journal, sept. 1857.) On a prescrit l'emploi de l’essence de térébenthine dans quelques inflam- mations des yeux. Guthrie l’a préconisée dans celles qui sont profondes. Carmichael, de Dublin (8), et plusieurs médecins anglais, l’ont recomman- | dée contre les iritis et les choroïdites chroniques. A l'extérieur, l'huile essentielle de térébenthine est d’une grande utilité comme révulsive. Elle cause, en frictions sur la peau, une rougeur érythé- mateuse passagère. Je la préfère à la pommade stibiée et à l'huile de croton, pour rubéfier la face antérieure de la poitrine dans la coqueluche; elle est plus supportable que la première, et beaucoup moins chère que la seconde, sans être moins efficace. J’en ai retiré de grands avantages dans la bron- chite chronique, la phthisie, la péritonite chronique, etc. Quand on veut produire un effet prompt et énergique, on met de l’essence de térébenthine sur un cataplasme. Ce dernier est à peine appliqué depuis quelques secondes qu'il cause des picotements, un sentiment de chaleur difficilement suppor- (1) Transac. med., t. III, p. 64. (2) Matière medicale, t. IT, p. 194. (3) Œstereichische medizinische Wochenschrift et Abeille médicale, 1844, p. 59. (4) Orfila, Toxicologie. (5) Nouvelle bibliothèque médicale, t. IX, p. 130. (6) Lond. med. and surgical, etc., t. VI, p. 329. (7) London med. Journ. et Bulletin de thérapeutique, 1850. (8) Trans. med., t. III, p. 52. 848 PINS ET SAPINS. tés au bout de quatre à six minutes; il semble au malade que la partie est couverte d’eau bouillante. Il en résulte une vive rubéfaction de la peau qui subsiste encore quelque temps. Ce cataplasme bien chaud, arrosé, comme nous venons de l’indiquer, avec l'essence de térébenthine, à laquelle on peut encore joindre à parties égales une teinture aromatique, de l’alcool de mélisse, du baume de Fioraventi, etc., appliqué autour du pied et même de la jambe, produit une révulsion énergique et prompte dans les cas de rétrocessions goutteuses, rhumatismales ou exanthématiques, dans les pal- pitations de cœur, dans les névralgies qui occupent les parties supérieures, et dans toutes les circonstances où il s’agit de ranimer le principe vital, de produire une réaction à la fois vive et prompte. J’ai employé ce moyen avec succès, comme puissant auxiliaire, dans le traitement du choléra asiatique de 1832, et dans ceux de 1849 et de 1854. Em. Rousseau (1) a publié plusieurs observations qui démontrent l’effica- cité de l’essence de térébenthine en frictions sur le rachis et même sur les membres simultanément, dans le traitement des convulsions chez les en- fants. Il ajoute que ce moyen lui a été d’un grand secours dans l'épidémie de choléra de 1849. Kentish, Coxe, Gaodall, Horlacher, ont recommandé l'essence de téré- benthine dans la brûlure ; quel qu’en soit le degré, disent ces médecins, elle calme la douleur et éteint promptement la phlogose. Les plaies stationnaires et indolentes, les ulcères atoniques ou sordides, la gangrène, la pourriture d'hôpital, etc., trouvent dans ce médicament un puissant stimulant, un détersif, un antiseptique énergique. (Wihple (2) recommande l'application ‘dans les dents cariées d’une bou- lette de coton imbibée d’huile essentielle de térébenthine : ce moyen cal- merait rapidement les douleurs dentaires.) Dans les constipations opiniâtres, un lavement composé de : essence de térébenthine, 45 gr., jaune d’œuf n° 1, eau, Q. $S., produit les meilleurs effets. On peut aussi l’employer comme révulsif dans les paraplégies, les apoplexies, et comme excitant dans les étranglements herniaires. Les bains généraux dans lesquels on ajoute une ou deux cuillerées à po- tage d’huile essentielle de térébenthine constituent des stimulants révulsifs puissants, dont je me suis très-bien trouvé dans la dernière épidémie de choléra. Je les mets aussi en usage contre les rhumatismes chroniques, les sciatiques rebelles, ete. Les effets qui se produisent dans le bain sont très- intéressants. Pendant les huit premières minutes, rien de particulier ne se fait sentir; l’essence semble surnager au-dessus de l’eau. Bientôt le mélange se fait, et on commence à éprouver une sensation de chaleur qui n’est pas désagréable. A la douzième ou quinzième minute se produisent des picote- ments, des fourmillements plus pénibles, suivis de besoin de mouvements, d’agitation musculaire, devenant pour certains sujets insupportables. En général, on ne peut rester dans le baïir plus de vingt à vingt-cinq minutes. En sortant, la peau est rouge, parsemée de petites papules rosées, légère- ment hyperesthésiée. Les démangeaisons durent ensuite plusieurs heures, suivant les individus. Ces propriétés, que.je n’ai trouvées signalées nulle part, sont analogues à celles que Topinard a observées dans les huiles essen- tielles des labiées.) (Voyez article Tax.) (SÉVE DE PIN MARITIME. — Ce liquide a été proposé pour la première fois contre les affections de poitrine, par M. Lecoy, inspecteur des eaux et (1) Abeille médicale, 1850, p. 257. (2) American Journal of dental science, cité par Revue de thérapeutique médico-chirurgicale 15 décembre 1862, p. 652. PINS ET SAPINS, 84) forêts, et Durant contre la phthisie turberculeuse (1) ; il a été étudié ensuite par Desmartis, Sales-Girons, et surtout par les médecins belges (2). Ce liquide se prend en nature à des doses qui varient de 1 à 6 verres par _jour ; à petite dose, il facilite et régularise les digestions; à dose plus élevée, il produit quelques troubles gastriques, d’où l'indication de fractionner les doses. Tous les auteurs qui en ont observé les effets thérapeutiques s'accordent pour reconnaître à la séve de pin maritime une action modificatrice sur la sécrétion bronchique; aussi trouve-t-elle son indication dans toutes les ma- ladies où cette sécrétion est pervertie dans sa quantité, catarrhe pulmo- “aire, bronchorrée, phthisie pulmonaire. Keredan lui reconnait en plus une influence contre les accès nocturnes de l’asthme, En applications extçrnes, elle est employée comme cicatrisant sur les plaies et les ulcères, et en injections dans les catarrhes des muqueuses gé- nitales au même titre que l’eau de goudron.) Gouprox.— Le goudron est une poix liquide, un produit résineux impur, que l’on retire du bois de divers arbres conifères, principalement des pins, après qu'on les a épuisés par des incisions. (Par la distillation du goudron, on obtient divers produits : la résinone (70 degrés), la résinéone (148 degrés), la résinéine et de l’acide acétique (250 degrés). La résinéone, tar oil des Anglais, est une huile essentielle, liquide, incolore, qui offre toutes les propriétés du goudron et est préconisée par Péraire dans les mêmes cas que le go. dron.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. pour en généraliser l’usage, une forme phar- maceutique commode, exempte de répu- gnance, et qui conservât à ce produit toutes ses qualités. Dannecy , pharmacien à Bor- deaux, à comblé cette lacune. Il mélange à froid le goudron de Norwége avec 1/15 de son poids de magnésie et laisse en contact pen- dant quinze jours à la température de la cave. Au bout de ce temps, le mélange, de- venu parfaitement maniable, peut être mis sous forme de dragées et pris sans répugnance par les malades. On peut aromatiser le sucre qui sert à les enrober, et masquer ainsi la faible odeur du goudron qu’elles laissent dé- gager. Quelques praticiens de Bordeaux qui ont expérimenté ces dragées, y font ajouter les uns du fer, les autres du quinquina, et l’on comprend combien il est facile d’y faire telle ou telle addition qui sera jugée utile (4). À L'INTÉRIEUR. — En substance, de 2 à 4 gr., en pilules ou dans du lait, de la bière, etc. On emploie aussi le goudron purifié. (Co- dex de 1866.) (Eau de goudron : goudron purifié, 100 gr.; ean de pluie, ou mieux, distillée (3). — Laissez en contact pendant vingt-quatre heures, dans une cruche de grès, en agi- tant souvent avec une spatule de bois; re- jetez cette première eau et ajoutez-en une nouvelle quantité; laissez en contact de nouveau pendant huit à dix jours, en ayant soin d’agiter souvent; décantez et filtrez. On vend dans les pharmacies diverses pré- parations sous forme de spécialité, qui ne “ont que des solutions concentrées de gou- dron. Guyot a préparé une liqueur concentrée et titrée, débarrassée des huiles âcres et empy- A L'EXTÉRIEUR. — Pommade (1 de goudron sur reumatiques, qu’on emploie à la dose de deux Cuillerées à bouche pour 1 litre d’eau, ou d’une cuillerée à café par verre.) Sirop (1 d’eau de goudron sur 2 de sucre), de 60 à 100 gr. par cuillerées. Dragées de goudron. — Il manquait, pour rendre facile l’administration du goudron et 3 ou 4 d’axonge) ou huile essentielle (1 sur 6 d’axonge). (Glycéré de goudron : goudron purifié, 10 gr.; glycéré d’amidon, 30 gr.) Décoction, de 20 à 60 gr. par kilogramme d’eau, pour injections, lotions, fumigations et bains. Le goudron est tonique et stimulant; à doses modérées, il excite les or- ganes digestifs et circulatoires ; il augmente les sécrétions, et surtout celles des urines, et a une action notable sur les fonctions de la peau. On l’admi- M OR LS PA A CUT Je ff ir vale (1) Revue médicale, 1857. j (2) Guibert, Histoire naturelle et médicale des médicaments nouveaux, 2° édit., p. 189 et suiv. (3) (L'eau commune ou séléniteuse donnerait un produit de mauvaise conservation et con- tractant bientôt une odeur de sulfure d'hydrogène.) (a) Bulletin général de thérapeutique, 15 octobre 1857 54 890 PINS ET SAPINS. aistre dans les catarrhes vésicaux et pulmonaires chroniques, dans la phthi- sie, l'asthme, le scorbut, et surtout dans certaines affections cutanées, telles que les dartres rebelles, le psoriasis, la lèpre vulgaire, le prurigo, etc. Le goudron en vapeur a été préconisé contre la phthisie pulmonaire par Christison et Wall. On a obtenu par ce moyen, à l’hôpital de Berlin, les ré- sultats suivants : «Sur cinquante-quatre phthisiques distribués en quatre salles, dans lesquelles on évaporait quatre fois par jour une marmite de goudron, de manière à les remplir de vapeurs épaisses, quatre furent guéris, - six éprouvèrent une amélioration sensible, seize ne ressentirent aucun changement, douze devinrent plus malades, et seize moururent (4). (Le goudron en vapeur est très-utile dans les affections pulmonaires chro- niques, dans la phthisie, les catarrhes bronchiques, etc. Cazol livre cet agent à une évaporation spontanée dans des assiettes disséminées dans la chambre du malade. Il faut avoir soin de temps en temps de remuer le gou- dron. On peut encore le soumettre à une douce chaleur, comme celle d’une veilleuse, par exemple. Soubeiran fait bouillir ensemble de l’eau et du goudron, et les vapeurs d’eau chargées de principe actif se répandent dans l'appartement. Il faut éviter avec soin que l’eau ne se vaporise entièrement, afin qu'il n’y ait point production d’une grande abondance de vapeurs em- pyreumatiques, qui seraient nuisibles au malade. Sax, le célèbre fabricant d'instruments de musique, a imaginé un appareil simple et portatif, destiné à faciliter l’évaporation et l’inhalation des vapeurs de goudron; il lui a donné le nom d’émanateur hygiénique. Cet instrument est basé sur une idée très- simple; sa disposition permet de multiplier la surface d’évaporation, d’en graduer la quantité, de la suspendre ou de la faire se prolonger. On a aussi employé l’eau de goudron pulvérisé dans les cas qui récla- ment la médication précédente, et avec un succès marqué dans les laryngo- pharyngites glanduleuses.) « Pour les maladies chroniques de la peau, dit A. Cazenave (2), l'emploi du goudron, mis assez souvent en usage, a été suivi, sinon de succès mer- veilleux, au moins le plus ordinairement de bons résultats. Willan et Bate- man l'ont recommandé contre l’ichthyose. Je l’ai vu, dans un assez grand nombre de cas, à l'hôpital Saint-Louis, employé par M. Biet dans le traite- ment des affections squammeuses, et aussi dans celui du prurigo. J'ai vu rarement obtenir, avec ce moyen seul, des guérisons complètes, mais sou- vent des améliorations promptes et positives. Enfin, les expériences de E. Acharius, à l'hôpital de Stockholm, conduiraient à faire aecorder au gou- dron une efficacité réelle contre la syphilis. » L'eau de goudron, que l’on prend à la dose de 500 gr. par verrées le matin à jeun, seule ou avec du sucre, dn lait, du vin, de la bière, etc., excite l'appétit, accélère la digestion, augmente le cours des urines et l’ex- halation cutanée. On l’emploie dans la dyspepsie, le scorbut, l’asthme, la cachexie, le rhumatisme chronique, la phthisie pulmonaire, les affections catarrhales chroniques des voies respiratoires et urinaires. (L'eau de goudron et les préparations de goudron ont sur la muqueuse bronchique une action, qui n’est pas toujours identique à elle-même : «Les sécrétions excessives diminuent, dit Durand-Fardel (3): elles prennent un peu plus de con- sistance; elles sont rejetées avec plus de facilité et cessent de s'arrêter dans les rameaux bronchiques qu’elles obstruent, avec production de dyspnée, imminence à un certain degré d’asphyxie, et nécessité d’une toux pénible pour les expulser. Lorsqu’au contraire la muqueuse est le siége d’une irritation de longue ro 0 (1) Dictionnaire de médecine, 2° édit., t. XIV, p. 192. (2) Ductionnaire de médecine, 2° édit., t. XIV, p. 192. (3) Traité des maladies des vieillards, Paris, 1834, p. 429, PINS ET SAPINS,. 851 durée, avec sécrétion rare, visqueuse, difficile à détacher. celle-ci devient plus abondante, plus fluide, l'expectoration plus facile, et les signes d’ir- ritation disparaissent, » Le goudron n’agit pas seulement comme balsamique ou résineux, il sti- mule la muqueuse bronchique considérée comme organe de sécrétion. Le professeur Hardy, dans ces cas véritablement désespérants pour le médecin où les furoncles se reproduisent avec une incroyable tenacité, a em- ployé avec succès l’usage quotidien de l’eau de goudron, Plusieurs faits sont venus constater l'efficacité de cet agent comme moyen d’empècher cette reproduction. J'ai en vain, chez trois malades, essayé cette médication; l’éruption furonculeuse se présente dans des conditions tellement diffé- rentes qu’on ne peut compter sur le succès dans tous les cas.) Comme Trousseau et Pidoux, j'ai employé avec un succès remarquable les injections d’eau de goudron : dans la vessie affectée de catarrhe chro- nique; dans les conduits fistuleux qui donnent passage à une suppuration abondante et fétide, et sont entretenus par des caries et des nécroses ; dans les clapiers purulents résultant d’abcès profonds qui ont consumé le tissu cellulaire interstitiel des muscles; entre la peau décollée et les tissus sous- jacents dans certains ulcères scrofuleux; dans le conduit auditif externe, siége de ces otorrhées interminables que laissent après elles, chez les en- fants surtout, les fièvres éruptives, et principalement la scarlatine. (Les gargarismes d’eau de goudron réussissent parfaitement dans les sto- matites ulcéreuses. Dans les blennorrhagies, je me suis toujours bien trouvé de l’eau de goudron à l’intérieur à la dose de 300 gr. par jour. Je prescris en même temps des injections avec de l’eau un peu plus chargée de prin- cipe actif.) La pommade de goudron, à laquelle on joint quelquefois une petite pro- portion de laudanum de Sydenham ou de Rousseau, est employée en fric- tions contre la gale, la teigne granulée, l’eczéma, l’herpès, le psoriasis. (Le goudron, à l'extérieur, a une action presque spécifique contre les af- fections squammeuses; mais, pour peu qu'elles soient invétérées, il faut, pour prévenir leur retour, joindre à l’emploi local de la pommade au gou- dron un traitement général approprié. Poix BLANCHE, POIX DE BOURGOGNE, Poix JAUNE. — C’est la térébenthine solidifiée par l’évaporation d’une partie de son essence. On ne l’emploie qu’à l'extérieur, étendue sur de la peau, et on l’applique loco dolenti dans les affections rhumatismales chroniques, la pleurodynie, la sciatique ; comme dérivative, dans les catarrhes bronchiques, les toux chroniques, la phihisie pulmonaire, appliquée entre les épaules ou à la partie antérieure de la poitrine. Elle adhère fortement peudant une ou plusieurs semaines, et l’on est souvent obligé, pour l’ôter, d'employer l'huile tiède. Chez certains sujets elle rubéfie la peau ou provoque une éruption papuleuse incommode, mais qui augmente son effet révulsif. Comme ce topique est ordinairement très-large et qu’il gêne les mouvements, je lui substitue souvent le papier agglutinatif. Quelquefois on mêle de la poudre de moutarde à la poix de Bourgogne pour le rendre rubéfiant. On le saupoudre de tartre stibié quand on veut produire une éruplion pustuleuse révulsive, qu'il faut toujours surveiller, surtout sur les enfants. Je provoque une éruption analogue en employant l’emplâtre de poix de Bourgogne, auquel je joins une très-petite quantité de saindoux, et en le malaxant avec une assez grande quantité de sel commun. La Porx Noire est un produit résineux de la combustion du pin. On l’em- ploie comme maturatif à l'extérieur. Son action est analogue à celle du goudron. Les paysans font mourir les vers des poulains en leur faisant ava- 852 PINS ET SAPINS. ler des boulettes de poix noire. M. Wardleworth (1) a obtenu des effets avan- tageux de l’usage de la poix noire dans les hémorrhoïdes internes ou ex- ternes, avec ou sans perte de sang ; 18 centigr. de poix noire sont divisés en 3 pilules; on en prend 2 chaque soir, et on a soin de tenir le ventre libre. La COLOPHANE, COLOPHONE, Poix SÈCHE, est le produit fixe ou le résidu de la distillation de la térébenthine. Elle entre dans la composition de plusieurs emplâtres. Réduite en poudre, on s’en sert comme hémostatique dans les hémorrhagies capillaires ; elle absorbe les parties aqueuses du sang et en facilite la coagulation dans les piqûres de sangsues, les coupures, etc. HuILE DE SAPIN. — Il ne faut pas confondre cette huile avec la térében- thine, ni avec l’essence de térébenthine. On l’extrait dans les Vosges comme l'huile de lin, par expression à chaud des cônes ou strobiles de première année du pin sylvestre. Elle est d’une couleur brun-verdâtre, d’une con- sistance demi-liquide; elle dépose abondamment par le repos, et a une odeur aromatique très-prononcée. Dans les Vosges, celte huile sert à l’éclai- rage et fait partie de diverses préparations antirhumatismales et antipso- riques populaires. CRéosoTE. — (La créosote pure appliquée sur la peau cautérise légèrement : c’est à elle que la fumée doit ses effets irritants sur les yeux. Sur les mu- queuses, en effet, l’action est plus marquée que sur la peau; l'ingestion de la créosote diluée détermine, dans l’estomac, de la cuisson, de la douleur, et secondairement des effets dynamiques généraux, que Corneliani (2) rap- porte à ceux d’une substance hyposthénisante. Trousseau lui reconnaît un effet stupéfiant sur le système nerveux. Administrée à haute dose ou pure, la créosote est un poison corrosif violent : il est un fait à noter, c’est que l'animal sur lequel on expérimente urine aussitôt après l’ingestion de cet agent délétère. Injectée dans les veines, ou déposée sur trois gros nerfs mis à nu, la mort -s’ensuit immédiatement. Lusanna, de Milan (3), s’est efforcé de prouver que les accidents toxiques qui arrivent en Allemagne et dans d’autres pays du Nord par l'usage des viandes fumées, tiennent à la présence de la créosote provenant de la fumée des bois de pin et de sapin dont on se sert dans leur préparation. Sans nier que cette substance ne puisse occasionner quelques embarras du côté des voies digestives, on ne pourrait actuellement admettre celte assertion d’une facon absolue. La connaissance de la trichine et de la trichinose est venue donner de ces faits une explication bien autrement rationnelle et pratique. Lorsqu’apparut la créosote comme agent thérapeutique, on la vanta outre mesure, administrée à l’intérieur, à la dose de 1 à 25 centigr., en émul- sion, mixtures ou gouttes, dans la phthisie, les catarrhes bronchiques, la diabète, le cancer et d’autres affections chroniques. L’enthousiasme du dé- but l'avait placée au rang des remèdes héroïques, l'expérience l’a réduite à celui de remède utile. « Il en est, dit Munaret (4), des médicaments comme des hommes; c’est-à-dire qu'il faut recourir à la grande épreuve du temps pour admettre les uns dans la pharmacie comme les autres dans son inti- mité ; et quand vous entendrez crier au miracle, pensez à la créosote ! » La réaction de l’enthousiasme a donc été la négation de l'effet thérapeu- tique. Entre les deux excès, la vérité s’est fait jour; actuellement on lui EE TS 5 7 (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XI, p. 218. (2) Esperiense ed osservazioni sull’ uomo, e sugli animali intorno alle virlu del creosoto. Pavie, 1835. (3) Annales de thérapeutique, 1845, p. 111 et suiv. (4) Du médecin des villes et du mérecin de campagne, 2° édit., p. 230. PINS ET SAPINS. 853 reconnait une action modificatrice sur les muqueuses, ce qui explique ses succès dans les affections catarrhales, pulmonaires, intestinales, vési- cales, etc. Elmer a recommandé, contre les dysenteries rebelles, 4 goutte de créosote toutes les deux heures dans une solution gommeuse (4). Willmott employa le même agent en lavement, dans une épidémie de dysenterie (2). Considérant la diarrhée cholériforme des enfants comme le résultat de la fermentation que des aliments sucrés et amylacés subissent dans les voies digestives, Ph. V. Dush (3) préconise la créosote, à la dose de 2 gouttes dans 2 onces de décoction de salep, une cuillerée à café toutes les deux heures. Il affirme que la diarrhée et les vomissements cessent presque toujours ra- pidement. N'oublions pas qu’on lui a aussi reconnu un peu d'utilité dans les vomis- sements nerveux, et surtout ceux des femmes enceintes. C'est principalement à l'extérieur que la créosote a été vantée et em- ployée. L'eau créosotée à titres divers constitue un astringent plus ou moins puissant et un hémostatique assez précieux. On l’a employée pour combattre la carie et la gangrène, et, en cela, les données chimiques sont d’accord avec la clinique; employée pure en badigeonnage sur les parties malades, elle a réussi à limiter les progrès de la gangrène de la bouche, entre les mains de Hasbach (4). Bazin (5) se sert du même moyen pour arrêter l’exten- sion des scrofulides malignes, Je m'en sers souvent pour modifier la nature des chancres serpigineux. Les solutions de créosote sont des topiques sti- mulants, antiseptiques et détersifs; ils agissent comme antiputride et comme désinfectant; les affections catarrhales chroniques, catarrhe vésical, vaginal, utérin, uréthral, etc., sont modifiés par des injections à très-faible titre. Corneliani, et, après lui, Wahu (6), attribuent à l’eau créosotée des pro- priétés cicatrisantes remarquables. Ce dernier fait recouvrir les plaies et les ulcères de plumasseaux de charpie imbibés de la solution dont suit la for- mule : créosote, 5 gr.; alcool, 50 gr. ; eau, 200 gr. Dès 1851, Lebert (7) em- ployait des solutions, à divers degrés, dans le pansement des cancers ulcé- rés, et en obtenait de beaux résultats dans l’aspect et l’état locaux de la plaie. Guibert (8) s’est très-bien trouvé de la glycérine créosotée dans le pan- sement des ulcères fétides produisant du pus de mauvaise nature. On à mis cet agent en usage dans les trajets fistuleux; en collyre dans quelques affec- tions oculaires. La vertu hémostatique de la créosote repose sur ses effets astringents non douteux; mais elle n’a de réalité que pour les hémorrhagies capillaires. Il ressort des expériences de Miguet (9) que celles qui ont les artères même de petit calibre pour siége sont totalement rebelles à ce mode de traitement. La créosote a été recommandée, comme parasiticide (Francis Smith) (10), dans le traitement de la teigne et de la gale. Delarue recommande très-vi- vement la pommade créosotée contre les érysipèles, quelles que soient leur forme, leur gravité, etc., etc. Ce praticien promet trop de choses pour que l’on n’éprouve pas une certaine hésitation avant de partager sa confiance. Peut-on méconnaître que l’érysipèle, s’il est quelquefois une affection locale, est le plus souvent l'expression, la manifestation d’un état général antérieur (1) Bulletin de thérapeutique, 1858. (2) London medical Gazette, 1845. (3) Bulletin de la Société de médecine de Gand, 1862, p. 299. (4) Union médicale, 1863. (5) De la serofule, 2e édit., p. 252. (6) Annuaire de médecine et de chirurgie pratiques, 1857, p. 144. (7) Trailé des maladies cancéreuses. Paris, 1851, p. 200. (8) Histoire naturelle et médicale des médicaments nouveaux, 2° édit , p. 206. (9) Recherches chimiques et médicales sur la créosote, 1834. (10) Annales de médecine belge et étrangère, 1838, t. II, p. 274. S54 PINS £r SAPINS. à son apparition, état général dont la nature même peut varier, etc. Règle générale, une médication qui s’adresse à toutes les formes d’une affection m'est a priori fort suspecte. | Sans contredit, l’usage le plus répandu, je dirai l'usage populaire de la créosote, est celui qu’on en fait dans les caries dentaires ; on l’applique dans la dent malade à l’aide d’une petite boulette de coton ou d’amadou, en ayant soin de ne pas toucher aux parties voisines. Lorsque lon ne peut l'appliquer sur la carie même, on en verse quelques gouttes dans l’eau et on en gargarise la bouche; la douleur cesse souvent. Stanislas Martin (1) l’associe au collodion et obtient ainsi un enduit solidifiable fort convenable pour boucher les dents cariées.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR, — 2 à 3 gouttes dans une po- gr.; créosote, 1 gr. (Bouchardat), cu un peu tion de 100 gr. plus, concentrée suivant l'indication. Pommade (Delarue): créosote, 8 gr.; axonge, À L'EXTÉRIEUR. — Eau créosotée : eau, 1,000 30 gr. (ACIDE PHÉNIQUE, PHÉNOL, HYDRATE DE PHÉNYLE. — Quoique la créosote. impure contienne de l’acide phénique, quoiqu’on puisse lextraire du gou- dron de pin, son origine commerciale et scientifique est le goudron de houille. Cette origine le fait exclure de notre cadre déjà si rempli. Nous ne ferons donc que donner quelques détails sur ce corps si important et qui a pris tant de valeur dans ces dernières années, et qui reproduit avec une énergie plus grande l’action de la créosote. Nous renverrons, pour des dé- tails plus précis, aux publications périodiques des six dernières années et au travail de Lemaire (2). On trouvera dans l’Union pharmaceutique, 1865, p. 86, le formulaire complet des préparations phéniquées. Rappelons que cet acide a été préconisé pour l’assainissement des locaux, dans les brûlures récentes à divers degrés, comme insecticide (gale), contre la teigne. dans les cas de gangrène de diverses natures, dans les affec- tions catarrhales, contre le choléra, les affections typhiques, etc., ete., les affections virulentes, etc. Bobœuf (3), Bouchardat et Reveil (4) préfèrent à l’acide phénique les phé- nates alcalins, et surtout le phénate de soude, bien neutre, ou phénol so- dique ; 1l est plus soluble, moins irritant, et possède les qualités du phénol sans en avoir les dangers. La dernière épidémie de choléra que nous venons de traverser a fait faire beaucoup de bruit autour de l’acide phénique, comme désinfectant, des- tructeur des virus et des miasmes; pour ma part, je puis affirmer que peut- ètre cet acide détruit les virus, en solution concentrée, comme caustique; mais qu'en solution étendue, comme celle que l’on a généralement em- ployée, elle ne m'a pas paru avoir sur la marche du fléau, sur la non-con- tagion la moindre influence. Les préparations qui ont l’acide phénique pour base n’ont qu'une action assainissante restreinte, et cette action ne porte que sur les émanations insalubres résultant des égouts, lienx d’aisance, etc., mais la neutralisation d’un miasme hypothétique me semble encore un vé- ritable mythe.) (1) Bulletin de thérapeutique, 1851. (2) De l’acide phénique, de son action sur les végétaux, les animaux, les ferments, les ve- nins, les virus, les miasmes, el de ses applications à l’industrie, à l'hygiène, aux sciences ana- lomiques el thérapeutiques. 1 vol. grand in-18. (3) De l'acide phénique, etc., et du phénol sodique, etc. Paris, 1866, (4) Annuaire de thérapeutique, 1864. PISSENLIT, 855 PISSENLIT. Leontodon taraxacum. L. Dens leonis latiore folio. G. BAuu. — Taraxacum officinale. Vuz. — Dens leonis. CAM. — Taraxacum minus. Loic. — Taraxacum vel dens leonis. PHARM. Pissenlit officinal, — dent de lion, — liondent, — pichaulit, — florion d’or, COMPOSÉES. — CHICORACÉES. Fam, nat, — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE ÉGALE, Le Cette plante vivace se rencontre partout, dans les prairies, les pâturages, sur le bord des chemins, etc. Elle est une nourriture saine pour les vaches, les chèvres et les moutons, après les fourrages secs de l’hiver. L'abeille recherche ses fleurs. Deseription. — Racine assez longue, presque aussi grosse que le doigt, d’un brun rougeâtre en dehors, blanche et succulente en dedans. — Plante acaule à feuilles radicales, longues, roncinées, découpées profondément où comme ailées avec des pin- nules dentées, — Fleur jaune, grande, terminale, solitaire, sur une hampe de 4 à 3 dé- cimètres de longueur, tendre, fistuleuse, quelquefois un peu velue (mai-septembre). — Calice formé de deux rangs de folioles linéaires; les extérieures courtes, réfléchies et inégales; les intérieures droites, beaucoup plus longues et ne se renversant qu’à la ma- lurité des graines, — Corolle composée de demi-fleurons hermaphrodites, quinquéfides. — Involucre à écailles réfléchies inférieurement. Cinq étamines syngénèses. — Un style. — Deux stigmates roulés en dehors. — Fruit : akènes oblongues, striées, surmon- iées d’une aigrette plumeuse. Parties usitées. — La racine et l'herbe, Récolte. — On récolte cette plante en toute saison, excepté quand elle est trop jeune. On l’emploie toujours fraîche, quoique l'on puisse conserver sa racine comme celle de chicorée, que l'on fait sécher. (C’est au milieu de l'été que le suc de la racine présente l’anertume la plus grande. Pour les préparations pharmaceutiques, c’est le moment de la récolter.) (Culture. — Le pissenlit vient dans tous les terrains; cependant il préfère un sol sablonneux, meuble et substantiel. On le propage de graines semées en place ou sur couche au printemps et pendant l’été.] Propriétés physiques et chimiques. — Le pissenlit est inodore; sa saveur est d’une amertume qui n’est pas désagréable. On a trouvé dans son suc laiteux : de la gomme, du sucre, de l’inuline, de l’albumine, du gluten, un principe odorant, de l’extractif et un principe particulier que Pollax en a retiré, la faraxacine, amère, âcre, formée par des cristaux arborescents ou stellés, soluble dans l’alcool ou dans l’eau (1). Widhmann et Frukinger ont trouvé de la mannite dans le suc exprimé; mais on a prouvé que cette substance ne doit pas exister dans sa racine fraîche, mais se développe sous l'influence d’une fermentation dite visqueuse., On suppose que le suc de raisin C'2H!20!?) est transformé en 4 atome de mannite (CSH?70O°) et 1 d’acide lactique CSH5O$), l’autre équivalent d'oxygène étant employé à la décomposition des prin- cipes albumineux. Ludwig a, en eflet, trouvé de l'acide lactique dans l'extrait de pis- senlit. Marmé (2) y a noté des traces d’inosite. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, À L'INTÉRIEUR. — Décoction et infusion (ra- | extrait de taraxacum, 64 gr.; esprit de vin cines ou feuilles), 30 à 60 gr. par kilo- | rectifié, 32 gr.; eau, 220 gr. (60 gr. dans une gramme d’eau. | potion). Suc exprimé des feuilles, 50 à 150 gr. | Extrait des feuilles par décoction (1 sur 10 (Pour le préserver de la décomposition, on | d’eau), 4 à 10 gr. et plus, en pilules. y ajoute en Angleterre un quart de son poids | Extrait des racines (préparation très-recher- d'alcool rectifié. On obtient ainsi une prépa- chée et soigneusement préparée en Angle- ration très-employée sous le nom de liquor terre), mêmes doses. taraxaci. Cette dernière est aussi obtenue à On mange les feuill:s tendres et les jeunes l’aide d’une solution aqueuse d’extrait addi- | pousses en salades; on prépare des bouillons tionnée d’alcoo!l dans les proportions suivantes: | avec les feuilles, etc. (1) Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, Supplément, p. 689. (2) Répertoire de pharmacie, août 1865, p. 60. 356 PISTACHIER. Le pissenlit est tonique, diurétique, antiscorbutique, dépuratif. Il est fréquemment employé dans la débilité des voies digestives, les affections chroniques des viscères (ictère, hépatite chronique), engorgement de la rate, etc., l'hydropisie, les affections chroniques de la peau, le scorbut, les cachexies, etc. Cette plante, autrefois très en usage, a été trop oubliée de nos jours, ex- cepté dans la médecine populaire. Il en est du pissenlit comme de la pa- tience chez nos campagnards : ils le mettent dans toutes les tisanes, et l’em- ploient dans toutes les maladies. (Très-employé en Angleterre, le taraxacum y est classé parmi les médica- ments altérants); il y est très-vanté contre les maladies du foie et les affec- tions cutanées chroniques. Pemperton l’administrait avec succès sous forme d’infusion aqueuse ou d'extrait dans l'hépatite chronique, et la plupart des praticiens anglais le prescrivent dans cette affection, contre laquelle il passe pour avoir une action spéciale. Van Swieten en faisait un fréquent usage pour résoudre les engorgements abdominaux nés de tièvres intermittentes ou d’affections hypocondriaques invétérées. Il en mêlait souvent le sue à ceux de cerfeuil, de fumeterre et de cresson, dans le petit-lait. Bonafos (4) a employé avec succès le suc de pissenlit chez deux militaires affectés d’hydropisie. Stoll faisait un grand usage de cette chicoracée; il la donnait souvent en décoction nitrée dans les fièvres bilieuses, et elle faisait partie de la plupart de ses tisanes. Zimmermann, appelé auprès du grand Fré- déric atteint d’une hydropisie de poitrine, prescrivit l’usage du suc de cette plante, qui le soulagea beaucoup en excitant la sécrétion urinaire. Itard (2) a vu une anasarque assez considérable se dissiper au bout de trois semaines par l'usage de ce suc. Hanin eut de fréquentes occasions d’observer les bons effets du pissenlit dans les hydropisies. Le suc de pissenlit, mêlé avec celui de saponaire et de trèfle d’eau, est regardé par Roques comme un puissant remède contre les dartres invétérées, et surtout contre les fièvres quartes. Je donne souvent le pissenlit dans les vices de sécrétion de la bile, dans l’ictère essentiel ou symptomatique, et surtout dans les engorgements hépa- tiques ou spléniques qui suivent les fièvres intermittentes, dans la cachexie paludéenne et les hydropisies. Je l’associe le plus souvent, dans ces derniers cas, comme l'indique Roques, à la saponaire et au trèfle d’eau. Je l’admi- nistre seul en décoction dans la convalescence des fièvres muqueuses et adynamiques, pour relever les forces digestives et rétablir les sécrétions. Le suc de pissenlit en topique est détersif; délayé avec l’eau de fenouil, il a été autrefois mis en usage dans la palpébrite chronique. ; PISTACHIER. Pistacia vera. L. TÉRÉBINTHACÉES. — PISTACIÉES. Fam. nat. — DIOECIE PENTANDRIE. L. [Originaire de l'Orient, le pistachier est aujourd’hui naturalisé dans tous les pays qui bordent la Méditerranée. On le cultive comme arbre fruitier. | ._Desceription. — Arbre ou arbrisseau dioïque à feuilles alternes, pétiolées, impa- ripennées, à cinq folioles ovales, coriaces. — Fleurs sans corolle; les mâles disposées en grappe ou en pannicule. — Calice à trois divisions. — Cinq étamines presque sessiles, saillantes, les fleurs femelles en épis. — Ovaire simple légèrement stipité, uniloculaire et uniovule. — Style court. — Stigmate épais, obtus. — Fruit : drupe allongé, oli- vaire, s’ouvrant en deux valves à la maturité et contenant une graine à cotylédons verts. charnus et volumineux. Parties usitées, — Les semences. (1) Recueil d'observations, t. II, p. 360. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXII, p. 404. PIVOINE OFFICINALE, 857 Récolte. — Les fruits sont-cueillis à leur maturité. L'amande verte est renfermée dans une pellicule mince rougeàtre. Culture. — Cet arbre doit être cultivé en terre franche et légère, Sous le climat de Paris, il doit être placé en espalier contre un mur. On le multiplie de marcottes ou de semis sur couche chaude ou sous châssis. On le repique en pot pour le rentrer pen- dant trois ou quatre ans dans l’orangerie, où on le tient sèchement. En Provence et en Algérie, il exige peu de soins. D’après Thorein, le pistachier franc gèle à 6 degrés; ce- lui qui est greffé sur térébinthe en supporte 40 sans souffrir. Propriétés physiques et chimiques. — Les pistaches ou graines du pistachier renferment une huile grasse, de Pamidon, un peu de sucre, une matière colo- rante verte. | (Les amandes du pistachier sont plus usitées dans l’art culinaire que dans la médecine. Cependant on en fait des émulsions colorées connues sous le nom de loochs verts, qui ont les mêmes propriétés que ceux faits avec les amandes douces. L'huile qu'on en exprime sert à la toilette et peut être employée topiquement comme toutes les huiles douces.) PIVOINE OFFICINALE. Pæonia officinalis. L. Pæonia communis vel feminæa. GC. BAUH. — Pæonia folio nigricante splendido quæ mas. C. BAUH., ToURN. Pæonia mas. BLACK. Pivoine officinale, — pivoine mâle, — pivoine femelle, — pione-rose, — pione, — péone, — rose- pione, — rose de Notre-Dame, — rose sainte, — rose royale, — rose bénite, herbe Sainte-Rose, — herbe chaste, — fleur de Mallet, — pimpaneto. RENONCULACÉES. — PÆONIÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante vivace croît naturellement dans les prairies et les bois montueux des contrées méridionales, et même dans les départements du centre de la France. On la cultive dans les jardins pour la beauté de ses fleurs. Description. — Racines grosses, pivotantes, napiformes, rougeàtres à l’exté- rieur, blanches à l'intérieur, charnues, presque fasciculées, pénétrées d’un suc laiteux fort odorant. — Tige souterraine, très-courte. — Rameaux un peu anguleux, glabres, striés, quelquefois un peu rougeàtres, — Feuilles alternes, charnues, pétiolées, bipen- nées, glabres et vertes au-dessus, un peu blanchâtres au-dessous. — Fleurs hermaphro- dites, régulières, grandes, solitaires, terminales, d’un beau rouge vif, soutenues par un long pédoncule (mai-juin-juillet). — Calice à cinq folioles inégales, persistantes. — Co- rolle à quatre ou cinq pétales et plus, libres, arrondis en haut et rétrécis vers le bas, caducs, sans onglet, — Environ trente élamines libres, hypogynes. — Deux à cinq ovaires couronnés par autant de stigmates épais et colorés. — Fruit : deux ou trois fol- licules ovales, pubescents, uniloculaires, renfermant des semences nombreuses, rouges, noiràtres ou noires, luisantes, du volume d’un pois. (On appelle pivoine femelle la variété à semences noirâtres, luisantes, et pivoine mâle celle à semence rouge; c’est la plus estimée.) Parties usitées. — On a employé la racine, l'herbe, les fleurs et les fruits. Récolte. — Les racines, élant vivaces, peuvent être récoltées en tout temps pour être employées fraiches. Quand on veut les conserver, on les arrache ordinairement en automne, et on les fait sécher entières au soleil ou à l'étuve. La dessiccation leur fait perdre une partie de leur odeur, de leur saveur et de leurs propriétés. On récolte les fleurs en mai et juin. Les pétales mondés et secs ressemblent aux fleurs de coquelicot par la couleur, mais ils sont plus longs, plus étroits et moins minces que ces der- nières. Les fruits, qui deviennent ridés et noirs par la dessiccation, se trouvent enfilés comme des chapelets chez les herboristes, La pivoine à fleurs simples est plus active que celle à fleurs doubles. (Culture, — La pivoine est une plante vivace par ses racines, que l'on multiplie par graines ou par éclats. Elle préfère une terre meuble et légère.] 858 PIVOINE OFFICINALE. Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs ont une odeur un peu nauséeuse, assez forte et désagréable ; leur saveur est acerbe, amère et un peu âcre. L'odeur de la racine est aromatique, forte, vireuse, pénétrante lorsqu'on la coupe; sa saveur amère, acerbe et nauséabonde. La semence est inodore, huileuse et d’une saveur presque insipide. — La racine fraîche, analysée par Morin (1) lui a donné pour résultat, sur 200 grammes : eau, 339.70; amidon, 69.30; oxalate de chaux, 3.80; fibre li- gneuse, 7.80; matière grasse cristallisable, 1.30; sucre incristallisable, 44.00; acides phosphurique et malique libres, 1.00; matière végéto-animale, 8.00; malate et phos- phate de chaux, 4.90; autres sels, gomme et tannin, 1.00. La partie colorante des pétales verdit par les alcalis et rougit par les acides; elle est également soluble dans l’eau et dans l'alcool. L’abondance de la fécule dans la racine a fait penser à l'utiliser pour en retirer de Pamidon. Get amidon est blanc, gélatineux, gluant, analogue à celui de la pomme de terre. — Cette racine fournit un extrait aqueux presque inodore et insipide, et un ex- trait alcoolique austère, L’extrait aqueux des fleurs est austère et douceûtre, et l’extrait alcoolique de ces mêmes fleurs est d’une saveur sucrée et d’une odeur agréable; ce qui est d'autant plus étonnant que, naturellement, l'odeur de la fleur est fétide. — Les se- mences contiennent de l'huile et de la fécule, et sont émulsives. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction et infusion de la | Extrait (1 sur G d’eau), 1 à 4 gr., en bols, pi- racine, de 30 à 60 gr. par kilogramme lules. d’eau. Poudre des racines, de 2 à 4 gr., en bols, pi- : Suc frais de la racine, 30 gr. lules, ou dans un liquide approprié. Sirop des fleurs (1 sur 2 d’eau et 5 de sucre), | Poudre des semences, de 50 centigr. à 1 gr. de 30 à 60 gr., en potion. . 50 centigr. Teinture (1 sur 4 d'alcool), 1 à 4 gr., en po- | Suc, 30 gr. (Mérat et Delens.) tion. La pivoine appartient à une famille qui compte beaucoup de poisons. A ce titre, elle a été considérée comme suspecte, et paraît avoir justifié, dans quelques circonstances, cette qualification. On lit dans les éphémérides d'Allemagne qu’un jeune militaire ne pouvait respirer l’odeur forte et vola- tile de la pivoine sans être affecté de syncope et de sueurs froides. Fodéré rapporte qu’un de ses malades, attaqué d’une maladie convulsive, perdit tout à coup le sentiment et le mouvement après avoir avalé une tasse d’in- fusion de 8 gr. de racine-de pivoine. On ne parvint à le rappeler à la vie qu'après un long séjour dans un bain chaud. La pivoine était l’objet d’une sorte de culte chez les anciens; ils la consi- déraient comme une plante divine et la croyaient propre à préserver des malheurs, à éloigner les maléfices, ete. Théophraste exigeait pour condition essentielle des bons effets de ce végétal, qu'il fût cueilli la nuit. Galien lui prodigue les plus grands éloges et lui suppose même la propriété de guérir l’épilepsie par la seule suspension au cou du malade. Plus près de nous, Fernel et Willis n’ont pas craint de confirmer par leur témoignage celui de Galien sur les effets de cette plante par le seul contact, et aujourd’hui en- core les femmes du peuple mettent à leurs enfants des colliers de semences de pivoine pour les préserver des convulsions. Unus error ex altero, ut articuli in tænia, pullulat (Murray). Toutefois, à travers ces contes merveilleux et ridicules, qui ont fait reje- ter la pivoine comme inerte, la vérité se fait jour et montre dans cette plante des vertus réelles. Considérée comme antispasmodique et un peu narcotique, elle a eu des effets réels contre l’épilepsie, les convulsions, les toux nerveuses, la coqueluche, etc. « Il est sûr, dit Gilibert, que quelques épileptiques ont été guéris après avoir pris la racine de pivoine; et si, sur d’autres sujets, elle a été inutile, c’est que l'ouverture des cadavres prouve que la plupart des épilepsies reconnaissent pour cause des vices dans le cerveau absolument insurmontables. L’infusion des fleurs et la racine en (1) Journal de pharmacie, 1824, t. X, p. 287. PLANTAIN. 859 poudre ont été efficaces, continue le même auteur, dans quelques éclamp- sies des enfants, dans la danse de Saint-Gui et dans la coqueluche. » Peyrilhe pense que cette plante est vraiment héroïque, et qu’on ne l’em- ploie pas aussi souvent qu'on le devrait. Brendel et Tissot ont parlé de ses succès dans l’épilepsie etles maladies convulsives, Hume assure lui devoir la guérison de deux épileptiques. Hippocrate q lui reconnait une action spé- ciale sur l'utérus, sans doute par suite de celle qu’elle exerce comme anti- spasmodique sur le système nerveux, avec lequel l'appareil utérin est si intimement lié. PLANTAIN. Plantago major. L. Plantago latifolia sinuata. CG. BAUH., TouRN. — Plantago septinervia. BLACK. Plantago latifolia vulgaris. PARK. — Plantago major folio glabro non laciniato ut plurimum. J. BAUH. — Plantago. PHAR». Plantain à larges feuilles, — grand plantain, — plantain ordinaire. PLANTAGINACÉES. Fam, nat. — TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace est fort commune partout, dans les prés, les champs, le long des chemins, dans tous les lieux secs, incultes. Description. — Racine formée d’une souche dure, épaisse, fibreuse, presque li- gneuse. — Feuilles radicales, ovales, rétrécies en pétiole, coriaces, presque glabres, lé- gèrement dentées ou sinuées. — Hampe droite, cvlindrique, un peu cotonneuse vers le sommet, haute de 10 à 20 centimètres, terminée par un long épi grêle, formé de fleurs nombreuses d’un blanc sale, se montrant tout l'été. — Calice court à quatre sépales persistants. — Corolle monopétale, quadrilobée, très-ouverte. — Quatre étamines sail- lantes à filaments très-longs, insérées à la base de la corolle. — Un ovaire à deux loges pluriovulées, supérieur, surmonté d’un style plus court que les étamines. — Fruit : cap- sule ovale à deux loges contenant chacune une ou plusieurs semences oblongues, rous- sâtres, fixées sur un réceptacle charnu. Parties usitées.— Les feuilles et les racines. Récolte. — Elle peut se faire pendant toute l’année pour les racines, qui sont vi- vaces; pendant toute la belle saison pour les feuilles. [Culture. — Se sème en mars en terre légère; la plante sauvage suffit pour les besoins de la médecine. On ne la cultive que dans les jardins botaniques. | Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles ont une saveur herbacée, un peu amère, légèrement styptique. Leur infusion aqueuse noircit par le sul- fate de fer. Il faut avoir une foi robuste pour croire aux propriétés médicales du plantain, rapportées par Dioscoride, Galien, Boyle, Borelli, et tant d’autres enthousiastes de merveilles opérées sans doute par l’eau dans laquelle avait bouilli le plantain, ou avec laquelle on l'avait distillé; car l’eau simple a des qualités incontestables, et c’est bien certainement à ces qualités que l’eau distillée de plantain, employée dans les collyres, doit l’avantage de figurer encore dans nos officines à côté de l’eau distillée d’euphraise. Toutefois nous dirons, pour satisfaire à l’érudition, que Galien, dont personne, si ce n’est Matthiole, n’a surpassé la crédulité sur la puissance des drogues, attribuait au plantain la vertu de dégorger les viscères, de dissiper les fluxions, d'arrêter les hémorrhagies, les diarrhées et les dysen- teries ; qué Celse et Pline l’avaient recommandé contre la phthisie; que des auteurs plus modernes et non moins crédules l’ont préconisé contre les fièvres intermittentes printanières qui guérissent sans fébrifuges, contre les fièvres nerveuses et de mauvais caractère, que j'ai vues également se dis- ——————————————— ————————— ——————— —"———————— ——— …—— “— Û — ——————————— ——— 2 ——— (1) Morb, mul. 860 PLANTAIN D'EAU. siper, dans nos chaumières, sous la puissante influence de l’eau panée. Nous dirons encore qu’à l’extérieur la décoction de plantain a été vantée contre les ulcères, les fistules et le cancer, suivant Borelli ; que les bonnes femmes de nos campagnes appliquent ses feuilles sur les plaies récentes, qu’elles préservent ainsi du contact de l’air, mais qu’elles irritent parfois, et à la réunion desquelles elles s'opposent longlemps avant de permettre une guérison qu’on leur attribue avec d’autant plus de reconnaissance qu’elle a été obtenue gratuitement. Maintenant, pour ne pas être injuste, nous ne devons pas passer sous silence ce que des auteurs modernes ont dit de cette plante. Le suc de plantain, regardé comme fébrifuge, ne l’est pas plus, suivant Desbois, de Rochefort (1), que les autres astringents. Néanmoins Perret (2) a commu- niqué à la Société des sciences naturelles de Lausanne une série d’observa- tions qui tendent à prouver son efficacité dans les fièvres intermittentes. Il emploie la racine en décoction (60 gr. pour 4 kilogr. d’eau). Chevreuse (3) rapporte plusieurs observations de fièvres intermittentes plus ou moins anciennes, parmi lesquelles plusieurs avaient résisté au sulfate de quinine, et qui auraient cédé au suc de plantain, à la dose de 50 gr., prise avant l’accès, et répétée pendant trois jours. «Tout le monde sait, dit avec raison Martin-Lauzer (4), que le quinquina ne réussit pas toujours, et qu’alors il n’est pas rare de voir les fièvres coupées par un moyen qui, dans les cas ordinaires, ne lui est pas comparable. » Suivant Desbois, de Rochefort (5), il y a des observations certaines de guérison d’ulcères scrofuleux et ato- niques par des feuilles de plantain pilées et appliquées en cataplasme. Quand, dans les dartres, dit Hufeland (6), les douleurs sont très-vives, on a recours à des applications fréquemment renouvelées de plantain pilé, sorte de cataplasme que j'ai vu guérir les plus affreuses dartres suppurantes et rongeantes à la face. » Le PLANTAIN MOYEN (Plantago media, L.), le PLANTAIN LANCÉOLÉ, ont les mêmes propriétés que le précédent. iNous citerons encore le PLANTAIN PSYLLION où HERBE AUX PUCES (P. psyl- lium), ainsi nommé parce que ses graines ont l'aspect de puces, et le PLAN- TAIN DES SABLES, P. arenaria, Waldel.] PLANTAIN D'EAU. Alisma plantago. L. Alisma plantago aquatica. GOŒRTN. — Plantago aquatica. TOURN. Plantain aquatique, — fluteau plantagine, — fluteau trigone, — fluteau à feuilles de plantain, pain de crapaud ou de grenouille. ALISMACÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE POLYGYNIE. L. Le plantain d’eau, plante vivace, croît en abondance au bord des rivières, des étangs et des mares, surtout dans nos départements du Nord. Deseription.— Plante vivace. — Tige : hampe droite, nue, cylindrique, haute de 40 à 50 centimètres, simple en bas, divisée à la partie supérieure en rameaux verti- cillés terminés par une sorte de panicule rameuse. — Feuilles longuement pétiolées, ra- dicales, disposées en rosette, ovales, un peu cordiformes, entières, nerveuses et aiguës. — Fleurs petites, nombreuses, d'une couleur rosée (juin-septembre). — Calice à six di- visions, dont trois intérieures pélaloïdes. — Etamines, le plus souvent au nombre de six, (1) Matière médicale, t. II, p. 54. (2) Journal universel des sciences médicales, t. XIX, p. 127. (3) Revue médico-chirurgicale, 2° série, 1851, t. I, p. 128. (4) Ibid. (5) Matière médicale. , (6) Manuel de médecine pratique, p 41. PLATANE, 861 quelquefois plus. — Ovaires comprimés, oblus, rangés en cercle, très-nombreux. — Fruits : capsules nombreuses, monospermes, indéhiscentes, Parties usitées., — La racine et les feuilles. Récolte. — La racine se récolte en automne; les feuilles, un peu avant la flo- raison. Propriétés physiques et chimiques, — La racine du plantain aqua- tique est âcre et paraît contenir de la fécule, (On y à signalé un corps mal défini jus- qu'à présent, l’alismine.) Cette plante était sans usage en médecine, lorsqu’en 1817 une notice du savant Leswin annonça qu'un ancien soldat aurait non-seulement préservé de la rage des hommes et des animaux qui avaient été mordus par des chiens enragés, mais encore aurait guéri, au moyen de cette plante, l’hydro- phobie déclarée. Depuis lors, Burdach a publié des observations de guérison ; mais des praticiens français dignes de foi ont affirmé n'avoir obtenu aucun résultat positif de l'emploi du plantain d’eau comme antihydrophobique. (Il pa- raît jouir d’une certaine efficacité dans la chorée et l’épilepsie.) Les feuilles de cette plante, appliquées sur la peau, la rubéfient légère- ment. Cependant les Kalmouks en mangent les tubercules, et Fée (4) en a ingéré une assez grande quantité sans en éprouver le moindre accident. Dehaen parle du plantain d’eau comme d’un diurétique propre à rempla- cer l’uva ursi, soit en décoction à la dose d’une poignée, soit en poudre (les feuilles) à la dose de 4 gr. Wauters (2) dit aussi avoir employé le plantain d’eau en poudre avec succès dans un cas de douleurs néphrétiques avec hématurie, émission difficile des urines, etc., et chez un tailleur atteint de fréquentes rétentions d'urine avec douleur, rétraction du testicule, érec- tion involontaire et sentiment de constriction au pénis. Wauters prescrivit à ce dernier l’infusion aqueuse du plantain d’eau, et obtint dans l’espace de huit jours une grande amélioration. PLATANE. Platanus orientalis. L. Platanus. C. BAUH. — Platanus orientalis verus. PARK. Platane d'Orient, — main-coupée. PLATANÉES. Fam. nal. — MONOECIE POLYANDRIE. L. Ce bel arbre, originaire du Levant, actuellement naturalisé en France, où on en forme de belles avenues, est connu de tout le monde. (L’écorce contient une matière rouge-brun, inodore et insipide, la phlooba- phène C?H°0*.) Les anciens (Pline) regardaient les feuilles et l'écorce de cet arbre comme propres à arrêter les hémorrhagies, à dissiper les abcès, à guérir les brû- lures, les engelures, etc. Dioscoride dit que la décoction des feuilles dans le vin guérit les fluxions des yeux et les inflammations de toute espèce. Le baron de Pocderlé (3) considère l’écorce de platane comme astringente, et il la propose comme succédanée de celle du Pérou. Il rapporte que Nien- winchel, médecin belge, en a préparé, en 1790, un extrait très-astringent et dont il s’est servi comme stomachique et antiscorbutique. Villars assure que la décoction des racines de platane est utilement employée à la Nouvelle- Orléans pour fomenter les ulcères et guérir la dysenterie. L’infusion vi- neuse de son fruit a été employée sans succès dans le choléra de Naples, en 1837. po Se comp mimnmins Join ma ui qguiimtatel) vunieuiet oui gmnit nf (tr) (1) Histoire naturelle pharmaceutique, t. 1, p. 311. (2) Dissertation botanico-médicale, p. 79. {3) Manuel de l’arboriste et du forestier belge, t. IN, p. 195. 862 POIREAU. — POIRIER. (Toutes les parties jeunes du platane sont couvertes de poils nombreux, assez raides, qui se détachent plus tard en totalité ou en partie et trans- portés par l'air, peuvent s’introduire dans les voies aériennes de l’homme, des animaux, et y déterminer des accidents.) POIREAU. Allinm porrum. L. LILIACÉES. Fam. nat, — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Le poireau, plante bisannuelle que l’on cultive dans tous les jardins pour l’usage de la cuisine, passe pour être indigène des vignes de la Suisse. Toute la plante, surtout le bulbe, a une odeur particulière peu forte, et une saveur douce assez agréable pour les uns, désagréable pour les autres. Il est beau- coup plus doux dans le Midi que dans le Nord. Ce bulbe contient un prin- cipe volatil, du sucre et du mucilage. Le poireau cuit est un peu nutritif et facile à digérer. Son usage est encore répandu dans la médecine domestique. On l’emploie à l’état frais. Il est diurétique, expectorant, émollient. On en fait des bouil- lons pectoraux contre la toux et l’enrouement (1), en y joignant des navets. On donnait autrefois le sirop de poireau dans la phthisie pulmonaire. La tisane de poireau est mise en usage dans nos campagnes comme diurétique. La semence concassée, infusée dans le vin blanc à la.dose de 4 gr. est un remède populaire contre la difficulté d’uriner et la gravelle. Cuit üans un poêlon avec du vinaigre, et appliqué chaud, il calme le point de côté pleurétique et soulage dans l’angine par son effet légèrement rubéfiant, si on l’applique à la partie antérieure du cou. Cuit sous la cendre, dans une feuille de chou, il est appliqué en cataplasme sur les abcès, le panaris, les furoncles, la brûlure. Pilé et incorporé avec du miel, il déterge les ulcères. On prépare quelquefois des lavements avec des feuilles de poireau pour les rendre un peu stimulants dans les constipations, ou lorsqu'on veut provo- quer une dérivation intestinale légère. POIRIER. Pyrus communis. L. ROSACÉES. — POMACGÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L. (Cet arbre croît spontanément dans nos bois où il porte des épines qu’il perd par la culture. Ce n’est pas ici le lieu de décrire les mille variétés que l’hor- ticulture en a obtenues. Au point de vue hygiénique et médical, il y a deux espèces distinctes : les poires à couteau, qu’on mange crues, les poires à cuire. Il faut aussi différencier les poires à manger des poires à cidre.) Parties usitées. — Les fruits, les feuilles, l'écorce. Culture et récolte. — La culture du poirier, la récolte de ses produits sont du domaine de l’arboriculture. Proprittés physiques et chimiques; usages économiques. — Les fleurs contiennent de la propylamine en de très-minimes proportions. Les poires sauvages sont âpres, acerbes; les poires cultivées sont douces, fondantes; elles contien- nent de l’acide malique en assez notable quantité, du sucre à l’état de maturité, de l’a- midon à l’état vert. Les concrétions pierreuses contenues quelquefois dans le parenchyme du fruit sont constituées par une matière à laquelle Erdmann a donné le nom de glycodrupose et la formule C:SH5605%?, La composition en est analogue avec celle de la substance qui forme (1) Les Romains faisaient beaucoup plus de cas du poireau que nous. Néron, au rapport de Pline (lib. xix, cap. vi), en faisait un usage fréquent, afin de rendre sa voix plus belle; dans certains jours du mois, il s’abstenait même de pain pour ne manger que des poireaux assai- sonnés ayec de l’huile. POIS. 863 le noyau des drupacées, à laquelle il affecte la formule C?*H?°0!6, et qu'il dénomme drupose (1). Non-seulement on mange les poires fraiches, soit crues, soit en compote, mais encore on les prépare de façon à les conserver pendant plusieurs mois. Le mode de prépara- tion le plus usité pour cet objet est celui par lequel on obtient ce qu'on appelle les poires lapées. On en prépare aussi des confitures de différentes sortes. Quant aux poires à cidre, elles servent à la fabrication d’une boisson fermentée qui à reçu le nom de poiré. Le poiré, très-agréable à boire, limpide, peu coloré, est très- capiteux et se conserve moins longtemps que le cidre. Par la distillation, il donne une eau-de-vie de bonne qualité, et la fermentation acide le transforme en bon vinaigre, qu'on substitue fréquemment à celui de vin blanc. Le bois de poirier, très-dur, sert à imiter l’ébène en le teignant en noir; il est em- ployé à la gravure sur bois.) (L'économie domestique a plus à demander au poirier que la matière mé- dicale. Cependant on peut utiliser ses fruits, comme calmants, tempérants, légèrement laxatifs; à l'extérieur la pulpe de poire crue ou cuite est un réfri- gérant précieux quand on ne peut que difficilement se procurer d’autres agents médicamenteux. Le poiré est une boisson excellente, diurélique, qu’on a prescrite aux personnes menacées d’hydropisie. Dans un cas de choléra, en pleine cam- pagne, j'ai pu diminuer l'intensité des vomissements, en faisant administrer au malade des cuillerées à potage de quart d'heure en quart d'heure de poiré mousseux en guise de vin de champagne. L'écorce de poirier a été vantée contre les fièvres intermittentes. On fait avec sa décoction des lotions astringentes, etc., etc. Toutes les parties du poirier ont été recommandées contre les empoi- sonnements par les champignons. Les anciens conseillaient les cendres de poirier sauvage mêlées à l’oxycrat, ou ils conseillaient de faire cuire les champignons avec des feuilles de poirier, conseil reproduit par Picco (2). A. Paré (3) dit aussi que le moyen d'empêcher ces empoisonnements, c’est de faire cuire le champignon avec des poires sauvages, avec les feuilles et l'écorce, et, à leur défaut, les plus âpres des poires cultivées. Toutes ces recommandations, qui doivent être peu appréciées des gastro- nomes, trouvent dans les recherches modernes une certaine explication. C’est par l’acide que contiennent les diverses parties du poirier, surtout les plus âpres, qu'ils pouvaient jusqu'à un certain point neutraliser l'effet délé- tère du poison.) POIS. Pisum sativum. L. LÉGUMINEUSES. — PAPILIONACÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. Les graines de cette légumineuse, que l’on cultive dans les jardins, où l’on en a obtenu un grand nombre de variétés, constituent avant leur ma- turité un aliment agréable et nutritif. L'enveloppe des pois, surtout des secs, est indigeste. On la retrouve toujours dans Île résidu des ma- tières alimentaires. Il en est de même des lentilles et des haricots. Les per- sonnes délicates doivent manger ces légumes en purée plutôt qu’entiers. La farine de pois peut servir à faire des cataplasmes émollients. (Propriétés physiques et chimiques. — Marmé (4) a trouvé dans le pisum Sativum de linosite, déjà observée dans la chair, les fèves et les haricots par Scherer. Les pois secs contiennent : matières azotées, 21.670; amidon, dextrine el POUR RE UE UT er eee (1) Journal de pharmacie et de chimie, eité par le Journal de médecine, chirurgie ef phar- macologie de Bruxel'es, juillet 1866. (2) Journal général de médecine, t. XXIV, p. 218. (3) Lib. xx1, cap. XLux, p. 590. (4) Répertoire de pharmacie, août 1865, p. 60. 86/ POLYGALA VULGAIRE, sucre, 57.660; matières grasses, 4.920; ligneux, 3.218; substances salines, 2,802; eau, 12.730. Knop (1) a découvert dans les pois une huile jaunâtre donnant à l'analyse environ 3 pour 100 d’acide phosphorique.) Pois CHICHE, — SICHE, — CHICHE, — CICÉROLE, — GARVANCE, — PESETTE, — CAFÉ FRANCAIS. Cicer arietinum, L.; Cicer sativum, C. Bauh., Tourn. — Cette espèce, spontanée en Palestine, en Suisse, en Italie, en Espagne, est cultivée depuis longtemps en France, surtout dans les départements du Midi. C’est un excellent fourrage pour les chevaux et les vaches. Il rend le lait de ces dernières plus abondant, sans nuire à ses qualités. Description. — Racine fibreuse, rameuse., — Tige annuelle de 30 à 50 centi- mètres de hauteur. — Feuilles alternes, velues, ailées avec impaire., — Fleurs petites, pédonculées, axillaires, blanchätres ou purpurines. — Fruit : légume rhomboïdal, ren- flé, à quatre semences arrondies, gibbeuses, ayant une pointe recourbée; écorce blanche, rougeâtre ou noire, jaunâtre à l’intérieur. Propriétés physiques et chimiques.— L'analyse des pois chiches, par Figuier (1), y a démontré de l’amidon, de l’albumine, une matière végélo-animale, du muqueux, une substance résiniforme, des phosphates de chaux et de magnésie, du fer, etc., composition qui explique les qualités nutritives de ce légume. (Voici une analyse quantitative portant sur les fruits secs, intéressante au point de vue de l'alimentation : Matières azotées, 21.775; amidon, dextrine et sucre, 50.820; matières grasses, 7.84; ligneux, 4.175: substances salines, 2.780; eau, 15.180. On voit qu'elle se rapproche beaucoup de celle des pois secs ordinaires.) : Les pois chiches se mangent comme les pois ordinaires, mais ils sont très-difficiles à digérer. Le pois chiche, employé autrefois en médecine, passait pour diurélique, emménagogue et vermifuge. Il paraît exercer une action spéciale sur les voies urinaires. Le grand usage qu’en faisait Chrestien, de Montpellier, nous porte à croire à son efficacité comme diurétique. Ce médecin l’admi- nistrait en décoction ( pois chiche concassé, 30 gr., eau de rivière, 2 litres, faites bouillir jusqu’à réduction de moitié, et édulcorez avec du miel ou du sucre : à prendre par tasses dans l’espace de vingt-quatre heures) dans la jaunisse, les maladies atrabilaires et la gravelle. Henrotay, médecin de ré- giment à Mons (3), a eu recours avec succès à l’infusion de pois chiche dans plusieurs cas de blennorrhagie chronique, ayant résisté au copahu, aux injections, etc. Voici comment on administre ce remède : les pois chiches sont torréfiés, moulus; 30 gr. à peu près de ces pois sont placés dans un sac en flanelle; on verse dessus un 1/2 litre environ d’eau bouillante. La liqueur filtrée, on y ajoute du sucre et un peu de lait; le malade prend toute cette quantité le matin, en guise de café. Cette liqueur rappelle un peu la saveur du café, moins l'arome. Après le diner on prend la moitié de la dose. La guérison s’obtient ordinairement en huit ou dix jours. POLYGALA VULGAIRE. Polygala vulgaris. L. Polygala minor sive vulgaris. C. Baux, Tourx.— Polygalon multis. J. Baux. Laitier, — herbe au lait, — polygalon. POLYGALACÉES. Fam. nat, — DIADELPHIE OCTANDRIE. L. Cette jolie plante vivace (PI. XXXI) croît dans presque toute la France. On la trouve dans les prairies sèches, le long des lisières des bois, sur les pelouses des collines. (1) Répertoire de chimie, 1858. (2) Bulletin de pharmacie, 1809, t. I, p. 529. (3) Archives belges de médecine militaire, 1853. POLYGALA VULGAIRE. 865 Description, — Racines dures, petites, un peu traçantes, filamenteuses, ligneuses et jaunätres. — Tiges herbacées grêles, droites où rampantes, longues d'environ 25 à 30 centimètres, — Feuilles sessiles, alternes, glabres, étroites, lancéolées, d’un vert pâle, — Fleurs le plus souvent bleues, quelquefois roses ou violettes, disposées en grappes terminales (mai-juin-juillet), — Calice à cinq divisions, dont deux très-grandes en forme d'ailes, de la même couleur que la corolle, et formant la partie la plus appa- rente de la fleur, — Corolle irrégulière, composée de cinq pétales, dont deux sont lalé- raux et les trois autres forment une espèce de tube qui s'ouvre en deux lèvres. — Huit étamines diadelphes. — Un ovaire supérieur. — Un style simple à stigmate épais, pres- que bifide, — Fruit : capsule un peu échancrée au sommet, comprimée, cordiforme, bi- loculaire, — Semences ovales, PoLYGALA AMER (Polygala amara, L.). — J1 croît dans les mêmes lieux, est plus petit, vivace, et paraît n'être qu’une variété du polygala vulgaire. Il est plus rare que ce dernier. Description. — Racine rameuse, blanchâtre. — Tiges nombreuses, plus élalées, glabres. — Feuilles radicales arrondies, les caulinaires lancéolées, linéaires, alternes. — Fleurs bleues, rarement blanches, en grappes terminales (juin-juillet), — Capsules cor- diformes, comprimées, s'ouvrant en deux valves. Parties usitées. — Toute la plante du polygala vulgaire. La racine seulement du polygala amer. Récolte. — Le polygala vulgaire fleurit un mois plus tard que le polygala amer; on le récolte pendant la floraison. L'autre se récolte en hiver ou au printemps. On vend ordinairement ces deux espèces l’une pour l’autre : on les mélange même au polygala Senega où de Virginie. Ces racines se sèchent facilement et conservent leurs formes. (Culture. — Le polygala vulgaire suffit pour les besoins de la médecine. On peut le multiplier par boutures, par marcottes ou par semis. | Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur du polygala vulgaire est presque nulle; sa saveur est légèrement amère et comme sucrée dans les racines et les fleurs. D’après Pfaff, la racine contient une résine jaune, une matière douce, de la gomme, du tannin modifié, de la fibre ligneuse, Toutes les parties du polygala amer, la racine surtout, sont d’une amertume très- prononcée. C'est surtout dans l'écorce de sa racine que parait résider son principe actif, PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — JInfusion (polygala vulgaire, | Poudre, 30 centigr. à 2 gr., comme pur- toute la plante), 30 à 60 gr. par kilogramme gatif. d’eau. On prescrit l’une et l’autre espèce en sirop, Décoction de la racine (polygala amer), 30 gr. | teinture, vin, extrait aqueux, extrait alcoo- par kilogramme d’eau. lique. Le polygala vulgaire est tonique, expectorant, sudorifique. A dose élevée, il est un peu émétique. On l’a fréquemment employé dans les diverses affections de poitrine. On l’a préconisé dans la dernière période des Ca- tarrhes pulmonaires aigus, dans les bronchites chroniques, l’hydrothorax, le croup, les affections rhumatismales, etc. Van Swieten lui a attribué les propriétés du polygala de Virginie contre les phlegmasies de la poitrine. Coste et Wilmet disent l'avoir donné avec succès dans la phthisie. Gme- lin (1) dit qu’on s’en sert en Sibérie contre la syphilis. « Nous ne voyons pas pourquoi, disent Mérat et Delens, on ne l’essaierait pas dans la tendance à la phthisie commencante. » Les anciens lui attribuaient la propriété d'augmenter le lait des bestiaux. Le polygala vulgaire ayant été souvent employé pour le polygala amer, dont les propriétés sont plus actives, on a souvent attribué à celui-là des résultats dus à celui-ci. « C’est, dit Gauthier (2) de cette confusion entre les (1) Flora Siterica, t. IV, p. 64. (2) Manuel des plantes médicinales, p. 849. Léa Qt 866 POLYGALA VULGAIRE. deux variétés que vient la difficulté d'accorder les auteurs qui ont parlé du polygala. » | On a proposé le polygala amer comme succédané du polygala de Virgi- nie (polygala senega, L.). On le donne dans le catarrhe bronchique et pour prévenir la phthisie, surtout celle des glandes bronchiques et la phthisie laryngée (1). On le prescrit aussi en décoction dans le traitement de ces ma- ladies comme sudorifique. Stoll et Colin (2) ont retiré le plus grand avantage, dans les affections pulmonaires où il y a atonie et abondante sécrétion de mucosités, de l’em- ploi du polygala amer. Ils le donnaient ainsi préparé : racine de polygala, 90 gr.; faites bouillir dans 1 litre 1/2 d’eau réduit à moitié; ajoutez, après avoir passé, 30 gr. de sirop d’hyssope et autant de sirop de pavot blanc. On donne cette préparation à la dose de 120 gr., que l’on renouvelle trois fois par Jour. Coste cite, avec toute la candeur qui le caractérise, douze poitrinaires de vingt-cinq à trente ans, du nombre desquels étaient quatre jeunes filles, qui ont fait usage du polygala amer; l’auteur croit devoir lui attribuer le salut de dix d’entre eux. L’autopsie démontra l’incurabilité antérieure de plu- sieurs mois à l’usage de ce remède, chez ceux qui succombèrent. C’est-à- dire que, pour tout médecin observateur, les dix malades guéris seraient probablement aujourd’hui, grâce aux moyens explorateurs que nous possé- dons, tout simplement considérés comme atteints de catarrhes pulmonaires chroniques. Burtin a employé le polygalä vulgaire et le polygala amer avec autant de succès que Coste et Wilmet contre les affections chroniques des voies res- piratoires. Les médecins de Vienne administrent le polygala de la manière suivante : polygala pulvérisé et sucre royal de chaque, 1 gr. 20 centigr. Après cette dose, qu’on administre tous les matins, on donne une tasse de la décoction suivante : faites bouillir, dans 1 livre 1/2 d’eau, 8 gr. de racine de polygala amer, coupée menu; après avoir passé, ajoutez partie égale de lait récent. On prend plusieurs tasses de ce mélange dans le courant de la journée. Gessner a reconnu au polygala amer, qu'il appelle amarella, une propriété purgative; l’infusion d’une poignée de ses parties herbacées, faites pendant une nuit dans un verre de vin, le purgea, dit-il, sans aucune espèce d’acci- dent. Je considère la racine de polygala amer comme un tonique fort utile et dont l’action se porte principalement sur les organes respiratoires. Je l’ai fréquemment employée dans les catarrhes chroniques accompagnés d’ex- pectoration plus ou moins abondante, dans l’asthme humide, dans l’hydro- thorax; mais je dois avouer qu’elle n’a jamais produit un bon effet quand la toux était sèche et que lirritation fébrile existait. C’est presque toujours coupée avec le lait que je donne la décoction de polygala. J'ai guéri, par le seul usage de ce mélange, un jeune homme du village de Carly, qui, arrivé à une extrême maigreur, éprouvait une toux avec expectoration abondante, d'apparence mucoso-purulente, jaunâtre, épaisse. Le rétablissement de ce malade était complet après six semaines de l’emploi journalier de la décoc- tion de polygala. J'ai souvent associé au polygala, selon l’état des malades, le lichen pulmo- naire ou d'Islande, les sommités d’hyssope, de lierre terrestre ou d’hypé- ricum, et, plus souvent encore, pour en modérer l’activité, la racine de guimaurve, les fleurs de bouillon blanc cu celles de tussilage. (1) Ancien Journal de médecine, t. LXXIV, p. 63. (2) Obs. circa morb., etc., t. II, p. 198. POLYPODE. 867 POLYPODE. Polypodium vulgare. Polypode de chène, — polypode commun, FOUGÈRES. — POLYPODIÉES. Fam. nat, — CRYPTOGAMIE (Fougère). L, Cette plante vivace (PI. XXXT) se montre partout, principalement sur le pied des vieux chênes, dans les lieux pierreux, sur les montagnes ombra- gées, les rochers. Le polypode de chêne n’a pas plus de vertu que celui qui croil ailleurs. Deseription. — Racine : souche dure, épaisse, roussâtre, ligneuse, écailleuse, horizontale, atteignant quelquefois la grosseur du petit doigt, garnie de fibres capil- laires, nombreuses et noirâtres. — Feuilles d'environ 20 à 30 centimètres, droites, gla- bres, lancéolées, portées sur de longs pétioles, divisées profondément en folioles al- ternes, denticulées, réunies plusieurs ensemble à leur extrémité. — La fructification a lieu pendant toute l’année au moyen de capsules ou sporanges pédicellées d’un jaune vif, disposées par groupes arrondis de chaque côté de la nervure de chaque foliole, à l'exception des folioles inférieures, qui en sont la plupart privées ; quelquefois ces groupes sont tellement nombreux qu'ils deviennent confluents. Parties usitées.— La souche ou rhizôme (vulgairement racine). Récolte. — Elle n'offre rien de particulier. La plante perd ses propriétés par la vétusté, Dans le commerce, on doit la choisir récente, bien nourrie, grosse, se cassant aisément, On la monde de ses filaments avant de s’en servir. {[Culture.— Le polypode de chêne préfère une exposition ombragée. Toutefois, il ne craint pas la sécheresse; il demande un sol léger, sablonneux; il se multiplie par fragmentation des rhizômes. | Propriétés physiques et chimiques. — La racine de polypode est douceätre, sucrée, et si on la mâche longtemps, on y découvre une légère saveur amère, acerbe et nauséeuse, surtout quand elle est sèche. Elle contient une matière extractive sucrée. Elle fournit, par l’eau, presque la moitié de son poids d’un extrait muqueux, qui passe à l’état gélatineux, en prenant de l’amertume, si l’on pousse l’ébullition. D’après Murray, l’infusion alcoolique est beaucoup plus douce que l’infusion aqueuse ; cependant Gmelin n’a pu y constater la présence du sucre. Desfosses (1) y a trouvé de la sarco- colle, de la glu, déjà reconnue par Planche en 1812, et crue une résine par Pfaff; de l'extractif, un peu d'huile grasse, de la mannite après la fermentation; de l’extractif, qu'on avait présumé être un principe sucré analogue à celui de la réglisse (et dans le- quel Dœbereiner et Robiquet ont en effet trouvé de la glycyrrhizine) ; de l’albumine, de la chaux, de la magnésie, de l’oxyde de fer et quelques parcelles de potasse. On y a trouvé depuis de la saponine,. + La racine de cette plante était très-employée chez les anciens. Les méde- cins grecs lui attribuaient la vertu d’évacuer la pituite et la bile. Celse la regardait comme purgative, et Galien, au contraire, comme dessiccative. Is avaient tous les deux raison : c’est qu’en effet le polypode est astringent ou laxatif, suivant la dose à laquelle on l’administre. Dodonœus l’a vanté contre la goutte vague. Des auteurs plus récents, tels que Poissonnier. Malloin, etc., l'ont proposé contre la manie, où il a pu agir simplement comme laxatif. On l’a recommandé comme fondant, comme vermifuge, particulièrement contre les ascarides lombricoïdes. Autrefois on l’associait souvent à d’autres purgatifs. Gilibert, qui l’employait assez souvent, assure que la racine de cette plante, prise pulvérisée en décoction, à la dose de 60 gr. pour deux tasses d’eau, détermine presque toujours une purgation douce. Ce médecin dit avoir soulagé plusieurs goutteux, en leur donnant deux fois par semaine 60 gr. de polypode en poudre, divisés par doses de 8 gr. et délayés dans du bouillon. Ce remède fort simple a rendu les accès de goutte moins intenses et moins fréquents. Quelques asthmatiques s’en sont également bien trouvés. (1) Journal de pharmacie, 1828, t. XIV, p. 276 et 336. 868 POLYTRIG ou PERCE-MOUSSE. En résumé, la souche de polypode est expectorante, faiblement astrin- gente ou légèrement purgative, selon la dose à laquelle on l’administre. Elle n’a pas plus mérité les éloges qu’on lui a prodigués, que le dédain dont il est aujourd’hui l’objet en matière médicale. J'ai reconnu que cette racine ne lâche le ventre que fort doucement, même étant administrée à grande dose; mais, comme elle est d’une saveur sucrée, Je l’ai donnée aux enfants. Ils la prennent avec plaisir. À une dose élevée, en décoction aqueuse, soit seule, soit mêlée avec un peu de lait, elle les purge suffisamment. La thérapeutique des enfants est très-difficile ; il faut autant que possible user pour eux du précepte d’Horace : utile dulci. La décocticn de souches de polypode m'a paru n’être pas inutile dans les affections catarrhales pulmonaires. Les paysans lui reconnaissent cette pro- priété par tradition, et l’emploient avec succès pour se débarrasser des toux chroniques, des vieux rhumes. POLYTRIC ou PERCE-MOUSSE. Polytrichum commune. L. Polytrichum aureum majus. G. BAUH. — Muscus capillaceus major, pediculo et capitulo crassioribus— Adianthum aur um. TAB. — Trichomanes sive polytrichum officinarum. ToURN. MOUSSES. — BRYACGÉES. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L. Cette mousse (PI. XXXID croît près des fontaines, aux bords des ruis- sceaux, contre les vieilles murailles, à l’ombre, sur les rochers, dans les bois de sapins, dans les bruyères, etc. BDeseription. — Racines : souches très-longues, étendues horizontalement, gar- nies de fibres menues. — Tiges simples, droites, quelquefois divisées à leur base, hautes de 8 à 12 centimètres. — Feuilles lancéolées, en forme d'écailles, jaunâtres à la base, vertes au centre de la tige qui se trouve à Pair libre, souvent un peu rougeâtres à leur sommet, très-finement dentées en scie, les supérieures plus longues. — Fleurs dioï- ques; fleurs mâles situées à l'extrémité des tiges, presque transparentes, très-aiguês, imbriquées, de couleur rougeàtre ou purpurine; fleurs femelles portées, du centre des feuilles à l'extrémité des tiges, sur un pédoncule solitaire, rougeâtre. Elles se présentent sous la forme d’une urne ou capsule terminale, ayant les bords de son péristome divi- sés en trente-deux, quarante-huit ou soixante-quatre dents réunies par une membrane qui coiffe la capsule recouverte par une coiffe intérieure petite et oblique, et une coiffe extérieure à longs poils d’un jaune d’or ou rougeûtres. Le polytric est inodore et n’offre qu’une saveur très-légèrement astrin- gente. Les anciens lui accordaient néanmoins de grandes propriétés; ils le considéraient comme pectoral, astringent, incisif, apéritif, hépatique, splé- nique, et surtout emménagogue. C’est en cette dernière qualité que Bonna- foux, médecin à Confolens, l’a tiré de l'oubli dans lequel il était tombé depuis longtemps (4). Le hasard ayant porté Bonnafoux à s'assurer par une expérience si les vertus emménagogues attribuées à cette plante par les an- ciens étaient aussi nulles qu’on le prétend aujourd’hui, il en a obtenu des ré- sultats si heureux, qu’il engage les praticiens à l’employer. Il a constaté, par un grand nombre de faits, l’action bienfaisante du polytric dans l’aménor- rhée. Toutefois, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que lorsque le défaut de menstruation reconnaît pour cause efficiente une affection chloro- tique essentielle, la première indication à remplir n’est pas de chercher à produire un écoulement sanguin, qui, s’il avait lieu, ne ferait qu’aggraver la maladie, mais de rendre préalablement à l’organisme les forces qui lui manquent, et au sang les principes qu’il a perdus. Gette double indication ne peut être remplie que par l'emploi des ferrugineux et des soins hygié- (1) Revue médicale, juin 1836. POMME DE TERRE, 869 niques propres à en favoriser l'effet. La cause de la suppression disparais- sant, les règles se rétablissent ordinairement sans qu'il soit nécessaire de recourir aux emménagogues. POMME DE TERRE. Solanum tuberosum. L. Solanum tuberosum esculentum. C. BAun.— Solanum hortense. Don. Parmentière, — morelle parmentière, -- Morelle tubéreuse. SOLANACÉES. Fam. nat, — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. La pomme de terre signale à notre reconnaissance les noms de Walter Raleigh, qui l’introduisit en Angleterre sous le règne de Jacques I‘, et celui de Parmentier, qui, sous le règne de Louis XVI en propagea la culture en France, et fit le premier connaître les immenses ressources qu'elle offre comme substance alimentaire. On entend ordinairement par pomme de terre, non l'herbe de cette plante, mais les tubercules qui se développent aux racines. On en possède aujour- d’hui un très-grand nombre de variétés, que l’on classe suivant leur couleur ou leur forme. Les meilleures servent à la nourriture de l'homme, les autres à celles des animaux. On en donne aux vaches, aux bœufs, aux chevaux, aux porcs, aux lapins, aux chiens, aux volailles; elle les nourrit et les en- graisse. Elle donne aux volailles une chair ferme, fine, une graisse blanche et une saveur très-délicate. (Pour la CULTURE, la RÉCOLTE et la CONSERVATION des pommes de terre, voyez la Maison rustique du XIx° siècle, t. I, p. 425.) [Parties usitées. — Les rameaux souterrains, les feuilles ou fanes. Récolte. — Les rhizômes de pommes de terre, improprement appelés fubercules, doivent être récoltés lorsque les feuilles sont velues. Il faut les conserver à l'obscurité, sans cela il se développerait de la chlorophylle sous leur pellicule, et elles deviendraient très-àcres. Culture. — Elle est du domaine de l’agriculture. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques, industriels, ete. — Ce tubercule contient, par 500 gr., 345 gr. d’eau de végéta- tion, 75 gr. de fécule, 38 gr. d'extrait salin, 24 gr. de fibres, etc. Desséchée au four, la pomme de terre ne pèse que 9/15 de son poids primitif; coupée par tranches, celles-ci séchées deviennent transparentes et prennent la consistance de la corne. — Analysée par Vauquelin (1), elle a fourni de l’eau, de l'amidon, du parenchyme, de l’albumine, de l’asparagine, une résine amère, cristalline, aromatique, une matière animale et colo- rée, des citrates de potasse et de chaux, du phosphate de potasse et de chaux, et de l'acide citrique libre. (Haaf (2) a trouvé de la solanine dans les pommes de terre vieilles et dans les jeunes; les épluchures en contiennent plus que la partie charnue (sur 500 gr., il en a trouvé jusqu’à 0 gr. 24). Ces faits justifient l'opinion suivant laquelle les pommes de terre dans ces conditions sont malsaines 11 faut ajouter que la coction dans l’eau élimine presque toute la solanine par dissolution.) La pomme de Lerre perd par la cuisson du dixième au quinzième de son poids, et rien, suivant Proust, si elle ne se rompt pas. Pour se réduire en bouillie, elle absorbe moitié de son poids d’eau. A l’état de cuisson, la farine ou plutôt la poudre qu'on en obtient est insoluble, même à l’eau bouillante. La pomme de terre entière ne se mange guère au delà d’une année. Elle perd de ses qualités par la germination. Quand la gelée l'attaque, elle se ramollit, s’aigrit et devient sucrée; mais elle conserve encore une partie de sa fécule et même de ses propriétés germiaatives. Pour la conserver indéfiniment, on la fait cuire à demi; on la coupe par tranches, qu'on fait sécher à l'étuve pour les déposer dans un lieu sec. Dans cet élat, elle est transparente et cassante. On en fait alors, en la divisant en morceaux, el au moyen d’une préparation particulière, des espèces de gruau, de polenta, de sagou, de 1) Annales du Muséum, 1817, t. III, p. 241. 2) Journal de pharmacie et de chimie, mai 1865. 870 POMME DE TERRE. riz, de vermicelle, etc., qui peuvent remplacer ceux-ci. Pour manger les pommes de terre à la manière ordinaire, on les fait sécher sans les cuire après les avoir pelées et coupées par tranches. — Les préparations culinaires de la pomme de terre sont très- nombreuses et très-variées. — On ajoute souvent de la pomme de terre cuite et écrasée dans le pain. Elle le tient plus frais, plus savoureux, mais un peu plus compact; quand elle y est en trop grande quantité, elle le rend pâteux et gras. On tire de la pomme de terre une fécule abondante, d’un blanc parfait, d'apparence cristalline, inodore, douce au toucher, insoluble à l’eau froide, très-soluble à l’eau bouil- lante. On en obtient depuis 10 jusqu’à 45, 46 et 17 pour 100, el même davantage. Le parenchyme qui la fourni en retient encore environ un dixième et sert de nourriture aux bestiaux. La fécule de pomme terre est un aliment peu coûteux, salubre, et qui peut avanta- geusement remplacer toutes ces fécules exotiques si vantées, telies que le tapioca, l’arrow-root, le sagou, etc., etc. On en fait de l’amidon, on en prépare des espèces d'empois; on en obtient un produit que l’on convertit en sirop propre à remplacer ce- lui de gomme, et qui est aujourd’hui très-répandu dans le commerce, surtout dans nos départements du Nord. Jusqu'ici on n’a pu obtenir de la pomme de terre du sucre cristallisé, (Le sirop de fécule offre un des produits sucrés les plus économiques pour être con- vertis en alcool. L'industrie a mis à profit ce précieux avantage. Mais les eaux-de-vie qui résultent de cette fabrication possèdent une odeur et une saveur que l’on désigne sous le nom de fousel, et qui est due à la présence d’une huile particulière observée pour la première fois par Scheele, et que Dumas a classée parmi les huiles essentielles. On la connaît sous les noms d'essence de pommes de terre, de fusel oil (anglais), d'alcool amy- lique, d'oxyde hydraté d'amyle. Payen a avancé que c’est la fécule et sa partie tégu- mentaire seule qui contenait cette substance. A la fin de la distillation de l'alcool de pommes de terre et de grain, ilse produit un liquide laiteux d’où elle se dépose bientôt. Purifiée par l’eau et le chlorure de calcium, et distillée de nouveau, elle se présente sous l’aspect d’un liquide limpide, incolore, d’une odeur nauséabonde particulière, bouillant à 13°.5 C., soluble dans l’eau, l’acide acétique et les huiles essentielles. Elle a pour formule C'°H1#0? — C!0H!10 + HO — AylO + aq; ce qui lui a valu le nom d'oxyde d’amyle hydraté. On a cherché plusieurs moyens de priver l'alcool de pommes de terre de ce produit. On n’y est arrivé que très-imparfaitement. Il n'entre pas dans notre sujet d'étudier les corps qui résultent de manipulations chi- miques multipliées; nous ne pouvons pourtant pas passer sous silence l’amylène, ear- bure d'hydrogène que Baïard a extrait de l’alcool amylique, et dont Snow, de King's College Hospital a proposé les vapeurs comme anesthésiques.) La pomme de terre, traitée par des moyens appropriés, fermente donc et fournit alors par la distillation une eau-de-vie qu’on rectifie par une ou deux autres distillations : 100 kilogr. de ce tubercule fournissent 12 kilogr. d’alcool environ. L’eau-de-vie préparée avec la fécule est de moins mauvais goût. — Si on laisse le liquide où l’on a délayé de la pomme de terre s’aigrir, on en obtient du vinaigre d’une qualité inférieure, mais qui peut être employé à divers usages dans les arts. — L'eau de cuisson des pommes de terre peut fournir à la teinture une couleur grise assez solide. Ce tubercule peut servir à nettoyer le linge, à l’instar du savon. On en fait de la colle, une sorte d’encol- lage propre aux toiles blanches (avec la fécule); une détrempe convenable pour badi- geonner les intérieurs; on la fait entrer dans le tirage en place de gomme, etc. — Comme la pomme de terre ne s'attache jamais au fond du vase où elle cuit, on s’en sert dans les chaudières des machines à vapeur entretenues par l’eau de puits, qui est tou- jours séléniteuse. Par ce moyen, il n’y a plus qu’un dépôt facile à enlever par le lavage, et non une croûte dure qui peut faire fendre la chaudière (1). — La pomme de terre cuite en bouillie, mêlée au plâtre dans la proportion d’un dixième sur neuf dixièmes de plâtre, donne à ce dernier une solidité qui le fait résister aux influences de l'humidité. Par analogie, on a élé conduit à mêler la pomme de terre cuite à la terre argileuse, dont sont construits beaucoup de bâtiments dans les campagnes. Ce ciment des pe- tites fortunes résiste bien plus longtemps que lorsqu'il est sans mélange de pomme de terre. Les feuilles ou fanes sont données comme fourrages à quelques animaux; mais ils ne conviennent pour cet usage qu'après la floraison, ou du moins séchées au soleil. On les en- (1) Journal de pharmacie, 1822, t. VIII, p. 467. POMME DE TERRE. 871 fouit en terre pour servir d'engrais. On en retire par la combustion presque un seizième de leur poids de cendre, qui fournit un quarante-huitième d’alcali (4). Le suc des tiges et des feuilles, lorsque la plante est en fleur, donne une couleur jaune solide aux tissus de lin ou de laine, qu'on laisse tremper pendant quarante-huit heures, — On a extrait une couleur jaune brillante des fleurs. — On peut retirer de l'alcool des fruits ou baies (2) dans la proportion d'un vingt-quatrième des baies employées, qu'on met fermenter, puis qu'on distille, etc. La pomme de terre, moins dépourvue qu’on le croit de propriétés théra- peutiques, est antiscorbutique. Son usage, dans les voyages de long cours, préserve du scorbut et le combat quand il existe. Il est à remarquer que cette affection est devenue beaucoup plus rare depuis l'emploi général de ce précieux tubercule comme aliment. « Quand un bâtiment scorbutique, dit Roussel de Vauzèmes, chirurgien d'un navire baleinier (3), a reçu d’un autre navire.quelques pommes de terre, il a été guéri, tous les moyens pharmaceutiques ayant échoué. Le procédé le plus actif pour se traiter du scorbut, à quelque période qu'il soit arrivé, consiste à manger des pommes de terre crues. » Il est certain que la pomme de terre cuite suffit pour prévenir et même guérir cette maladie à un certain degré. Plusieurs autres médecins, tels que Coché, Fontanelli, Boche (4), ont également recommandé la pomme de terre contre cette ma- ladie. La tige, les feuilles, les fleurs et les baies, sont réputées sédatives et narcotiques, utiles dans les névralgies, les rhumatismes, les catarrhes pul- monaires chroniques. J’ai fréquemment prescrit la décoction des tiges et feuilles de pomme de terre dans les toux sèches, la diarrhée avec irritation. J'ajoute à cette décoction un peu de miel, de sucre ou d’extrait de réglisse ; elle calme la toux et facilite l’expectoration. Dans certains cas, qu'il est fa- cile d'apprécier, j'ai donné cette décoction avec celle de lierre terrestre, de marrube blanc, de bourgeons de peuplier baumier, etc. D’après Nauche (5), des catarrhes pulmonaires, intestinaux, urétraux et surtout utérins, qui duraient depuis plusieurs années, ont cédé à de légères décoctions de pommes de terre rouges et de réglisse. Des injections avec le même liquide ont eu le même succès contre les flueurs blanches. C'est sur- tout contre la gravelle que l’action de la pomme de terre en infusion a été efficace. Ce médicament a rendu les urines limpides et a procuré un soula- gement plus durable que les autres diurétiques. Le tubercule de la pomme de terre est émollient et calmant : râpé, on en fait des cataplasmes utiles contre les brûlures; c’est un remède populaire qui convient dans les cas les plus simples. Le suc exprimé de ce tubercule, appliqué très-fréquemment avec une plume sur du papier brouillard recou- vrant la brûlure, convient beaucoup mieux. Je l'ai vu produire de bons effets. Chaque application apaise la douleur. La pomme de terre cuite et réduite en bouillie avec des décoctions de plantes mucilagineuses, telles que la mauve, la guimauve, le bouillon blanc, la tête de pavot, est très-utile en cataplasme qu’on applique comme calmants, adoucissants et maturatifs, sur les phlegmons, les contusions, les cancers, etc. Ils sont préférables à ceux de graine de lin, parce qu’ils se dessèchent moins vite et sont moins coùû- teux. (Il en est de même de ceux de fécule. Cette dernière substance s'emploie topiquement dans les mêmes cas que l’amidon. Voyez p. 453.) (1) Voyez sur l'exploitation de la potasse tirée des fanes de pomme de terre, le mémoire de M. Mollerat. (Annales de chimie, 1828.) (2) Journal de pharmacie, 1818, t. IV, p. 167. (3) Annales d'hygiène publique, 1834, t. XI, p. 862. (4) Obs. med. de Napoli, 1828. (5) Journal de chimie médicale, 1831, t. VII, p. 372. 872 POMMIER. Un médecin allemand (4) a vanté les feuilles et les tiges de la pomme de terre sous forme de cataplasmes, de fomentations et de lavements, dans les cas de phlegmasie avec douleur vive, d'hémorrhoïdes très-douloureuses, de spasmes de la vessie, etc. Pour faire ces cataplasmes, il suffit de réduire en pulpe les parties indiquées de la plante. Au reste, ces tiges et ces feuilles jouissent, quoiqu’à un faible degré, des propriété de la morelle noire, de la jusquiame et de la belladone. Avec la fécule on saupoudre les excoriations, les phlogoses de la peau chez les enfants, l’intertrigo, l’érysipèle. (Il règne dans la science des doutes sur l’innocuité des fruits de la pomme de terre. C’est une question à étudier, question d'autant plus pressante qu'il y à quelques années (2) ils ont été accusés d’avoir causé la mort d’une jeune fille de quatorze ans.) (Krans (3) a signalé le premier l’insalubrité de l’alcool de pommes de terre, et l’a attribuée à la présence de l’essence dont nous avons déjà parlé. (Voyez Propriétés chimiques.) Les expériences faites sur les animaux infé- rieurs Ont prouvé que ce corps est un poison irritant très-actif (4). L’inspi- ration de sa vapeur cause des douleurs spasmodiques dans la poitrine, sui- vies de toux pénible, et quelquefois de nausées et même de vomissements. Les médecins américains ont introduit, les premiers, le fusel oil dans la thérapeutique. D’après Wimon (5), il excite la nutrition; les malades qui en prennent engraissent comme s'ils prenaient de l'huile de foie de morue, à l'exclusion presque complète de laquelle le prescrit Bowditch. Ce dernier lui reconnait, en outre, l'avantage de modérer la toux et de diminuer l’a- bondance des crachats; il en retire les plus grands avantages chez les en- fants scrofuleux, débiles, émaciés. — Dose, 1/2 goutte à 1 goutte dans du sirop pour les enfants de 5 à six mois; de 5 à 10 gouttes dans de l’eau légè- rement alcoolisée pour les adultes. Il faut en ménager les doses ou en sus- pendre l'usage; car quelquefois l’essence des pommes de terre produit des nausées, ou détermine la fièvre.) POMMIER. Pyrus malus. L. Malus communis. Lau. — Malus sativa, fructu subrotundo a viridi pallescente acido dulci. CG. Baux. \OSACÉES. — POMACÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE PENTAGYNIE. L. Grand arbre fruitier robuste, divisé par la culture et au moyen de la greffe en un grand nombre de variétés, dont les meilleures sont le rambour- franc, le calville rouge d'automne, le calville blanc, la pomme de châtaigner, le court-pendu, le fenouillet gris ou pomme d’anis, les reincttes; parmi ces dernières se distinguent la reinette franche, la reinette grise, la reinette du Canada, la grosse reinette blanche fouettée de rouge d’un côté, la reinette d'Angleterre ou pépin doré, la reinette d’Espagne, la reinette fournière, la pomme d’apis, la fleur de juin. Les pommes à cidre se divisent en un très- grand nombre de variétés, qu’il serait trop long d’énumérer ici. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Les pommes contiennent du sucre, de la fécule, une gelée végétale et de l'acide ma- lique (acide pommique, Brugnaltelli; CS H‘O$ 2H0). Ce dernier est d'autant plus abon- dant dans les pommes acides qu’elles sont moins müres. L’amidon prédomine dans les fruits verts. Il est prouvé, par les expériences de Payen, qu’au moment de la maturité, c’est cet amidon qui fait les frais de la production de glucose. Ses proportions varient (1) Annales de la Société de médecine d'Anvers, 1845. (2) Bouchardat, Annuaire, 1860, p. 58. (3) Dissertalio de spiriluosis e tuberibus solani confectis. (4) Van Heurck et Guibert, Flore médicale belge, p. 366. 1 7) 3 ü) el 56." ie IE (5) In H. Green, Formules favorites des praticiens américains. Paris, 1860, p. 31. POMMIER. 873 suivant les diverses variélés de ce fruit. — Les pommes offrent une grande ressource à l'économie domestique. Les pommes cuites sont un aliment sain, peu dispendieux, et qui constitue un des principaux aliments du peuple dans les campagnes et dans les villes, surtout pour le déjeuner et le souper. La coction leur fait perdre une partie de leur acidité et y développe des principes sucrés et muqueux; leur pulpe devient ainsi le mets de prédilection des convalescents, des estomacs faibles, délicats, des tempéraments échauflés, constipés; elle rafraichit, tempère, adoucit, Les pommes de belle qualité font l’ornement des desserts. On prépare, avec les pommes, des confitures, des compotes, des gelées. Celles de Rouen ont surtout une grande renommée. Quand on lui donne plus de consistance par la cuisson el l'addition d’une certaine quantité de sucre, elle constitue le sucre de pomme. Le cidre, boisson saine et agréable quand elle est bien préparée et bien conservée, se fait avec les pommes destinées à cet usage et que l’on a broyées et livrées à la fermen- tation, C’est le vin des départements du Nord. La santé florissante et la vigueur des Normands, la fraicheur et lembonpoint des femmes du Calvados attestent les bons effets de cette boisson. Les meilleurs cidres se font en Normandie, en Picardie et en Bretagne. — Le marc des pommes (vulgairement appelé pomat) qui ont été soumises à la presse, repassé et étendu dans une certaine quantité d’eau, forme une boisson légère, agréable el saine, qu’on nomme petit cidre. Il sert à désaltérer le pauvre villageois pendant ses rudes fatigues. On peut faire encore une autre espèce de cidre, qui n’est point désagréable, avec des tranches de pommes amères ou douces, desséchées au four sur des claies, après que le pain en a été retiré. Deux boisseaux de ces pommes suffisent pour 195 pintes d’eau. La fermentation ne tarde pas à s'établir dans le tonneau, et le cidre est potable au bout de huit jours. — En cuisant le moût de pommes comme celui du raisin, et en le réduisant au dixième de son volume, on obtient une sorte de rob ou sirop de cidre. Cet extrait délayé dans de l’eau forme une boisson agréable pen- dant les repas et peut servir à édulcorer les boissons adoucissantes et pectorales. — Le moût de pommes, cuit avec des poires ou avec d’autres fruits, donne une espèce de rai- siné. — Enfin, on retire du cidre par la distillation un alcool peu différent de celui que fournit le vin. On en fait également du vinaigre. L'écorce de la racine du pommier a une saveur amère et astringente. Elle contient, d’après Stas et Deconink, un principe auquel ils ont donné le nom de phloridzine, ou, ce qui serait plus exact, phlooridzine (1). La phloridzine (C**H5405) est une ma- tière cristalline non azotée, d’un blanc mat tant soit peu jaunâtre, quelquefois un peu nacré, ordinairement en cristaux, disposés en houpes soyeuses, dont les aiguilles par- tent d’un centre commun; sa saveur, d’abord douceâtre, devient bientôt amère et ensuite astringente. — « Les caractères auxquels on peut reconnaître la pureté de la phloridzine brute sont les suivantes: elle est soluble dans l’eau et dans l'alcool, mais insoluble dans les acides étendus. La solution de phloridzine ne doit pas troubler celle des sels de baryte. Les parcelles de fer instillées de la solution de phloridzine brute y font naitre un précipité de couleur olive. » (Les produits de décomposition de la phloridzine sont la phlorétine, C5°H!%0"0, et la phloridzéine C#?H?°026 A7?.) — On a retiré aussi de la phloridzine de l’écorce fraiche du tronc du pommier, du cerisier, du poirier et du prunier, ainsi que de l'écorce des racines des quatre derniers.— Pour l’extraire, on met les écorces des racines fraîches en digestion à plusieurs reprises, pendant sept à huit heures, avec de l'alcool faible, à une température de 30 à 60 degrés. Les liqueurs réunies, concentrées dans un appareil distillatoire, la laissent déposer en cristaux grénus, qu’on purifie à l’aide du charbon animal et par plusieurs cristallisations (2). Dubois, de Tournai, a imaginé le procédé suivant, qui est beaucoup plus simple : on fait bouillir pendant trois heures environ, une partie d’écorce fraîche de racines de pommier dans huit parties d’eau de pluie ; on décante, on verse sur le résidu une quantité d’eau égale à la première, et on fait bouillir de nouveau pendant deux heures. Le produit de ces deux décoctions, évaporé jusqu’à réduction d’un tiers, laisse déposer, au bout de vingt- quatre heures, une grande quantité de phloridzine. La pomme est rafraichissante et tempérante. Prise en décoction aqueuse, elle apaise la chaleur fébrile, étanche la soif, calme l’irritation des premières voies, favorise les fonctions des reins et de la vessie. On fait souvent usag (1) Mémoire sur les propriétés et l'analyse de la phloridzine. (2) Thénard, Traité de chimie, 5° édit. 87/ POMMIER. d’une sorte de limonade faite avec la reinette coupée par tranches et bouil- lie dans l’eau contre la toux, l’enrouement, les maux de gorge, les phleg- masies pulmonaires, vésicales, rénales, les fièvres bilieuses et putrides, etc. Je remplace la marmelade de Tronchin, dans ma pratique rurale, par le mélange de parties égales de pulpe de pomme de reinette et de miel. La pulpe de pomme cuite, mêlée avec autant de beurre, est un laxatif qui con- vient aux hypochondriaques, aux hémorrhoïdaires, aux personnes acciden- tellement ou habituellement constipées. On emploie la pulpe de pomme cuite en cataplasme dans l’ophthalmie. La pomme sauvage (malus sylvestris, CG. Bauh.) est employée comme très- astringente par les habitants des campagnes dans les diarrhées, et en gar- garisme miellé dans les maux de gorge. Fuller (1) prescrit comme ästringent et détersif un gargarisme composé de 6 parties de suc de pomme sauvage et de 2 parties de sirop de framboise : Viscositatem crassam el amurcam sor- didam linguæ et faucibus adhærentem detergit, dit l’auteur. Ces mots, qui semblent désigner la couche diphthérique de l’angine scarlatineuse et même couenneuse, m'ont engagé, dans ma pratique rurale, à substituer le suc de pomme à celui de citron en gargarisme dans ces affections. Je l’ai trouvé tout aussi actif employé pur et en collutoire. Dans les villages du Nord, où l’on n’a pour boisson ordinaire que le cidre, cette boisson est regardée comme préservatif de la pierre. Il est à remar- quer, en effet, qu’il y a moins de calculeux en Normandie et en Picardie que dans les autres parties de la France, où l’on use du vin ou de la bière. Le suc récent de pomme et le cidre sont utiles dans le scorbut. A défaut de vin, on peut se servir du cidre de première qualité pour composer les vins médicinaux. À la campagne, il faut, autant que possible, faire de la médecine à bon marché; on ne pense pas au village, comme à la ville, qu’un médicament est d'autant plus efficace qu’il vient de plus loin ou qu’il coûte plus cher. Une personne digne de foi m’a assuré avoir vu une dame âgée de qua- rante ans, atteinte d’une ascite contre laquelle on avait vainement employé tous les moyens connus, guérir dans l’espace de quinze jours par l’usage abondant du cidre doux. La malade en prenait 2 ou 3 litres chaque jour. Ce moyen produisit d’abord des selles abondantes, et ensuite une augmenta- tion considérable de la sécrétion urinaire. Il n’y eut point de rechute. Le cidre doux agit ici probablement comme la cassonnade prise à grande dose, et que l’on à vue réussir dans les engorgements abdominaux, les phlegma- sies chroniques des intestins et du péritoine, l’ascite, etc. L’écorce du pommier est tonique et astringente. J’ai employé, en 1847, la décoction de l’écorce de racine fraîche de cet arbre (60 g. pour 100 gr. d’eau) dans quatre cas de fièvres intermittentes, dont deux ayant le type tierce et deux le type quotidien. Les deux premiers cas ont cédé au troi- sième jour de l’emploi de ce moyen. Dans les deux autres, les accès ne se sont dissipés que graduellement dans l’espace de huit jours, de sorte que l’action du médicament est restée problématique en présence de la possi- bilité d’une guérison quia souvent lieu spontanément. De Konning à employé la PHLORIDZINE avec succès comme succédanée du sulfate de quinine, à la dose de 50 à 75 centigr. Hanegraeff, d'Anvers, a publié vingt-trois observations de fièvres intermittentes de divers types, qui ont été recueillies par lui-même, et six par son confrère Lutens, dans chacune desquelles la phloridzine a été employée sans autre médicament. Ce médecin a conclu de ces faits : 1° que la phloridzine jouit de propriétés fé- brifuges incontestables dans les fièvres quotidiennes et les fièvres tierces ; 2° que ce médicament est moins efficace contre les fièvres quartes; 3° qu’il (1) Pharmacop. extempor., p. 225. Paris, 1768. POPULAGE. — POURPIER. 875 produit aucune irritation sensible sur les voies digestives; 4° enfin, qu'il n’occasionne ni vertiges, ni surdité, ni tintement d'oreilles, symptômes qui apparaissent si souvent après l'administration du sulfate de quinine, et que les malades supportent avec tant d’impatience (1). On administre la phlorid- zine en poudre, en pilules ou dans une potion, dans du sirop, à l’aide d’un intermède approprié. (De Ricci trouve ses propriétés fébrifuges très-incer- taines, mais il a constaté des résultats avantageux de son emploi dans le traitement de certaines dyspepsies atoniques, et notamment chez les femmes nerveuses, qui supportent difficilement le sulfate de quinine. Il af- firme, en outre, son efficacité pour hâter la convalescence chez les enfants à la suite des maladies débilitantes, coqueluche, etc.) (2). POPULAGE. Caltha palustris. L. Caltha palustris flore simplici. Bauu. — Caltha palustris major. GER. Souci d’eau, — souci des marais, — cocusseau. RENONCULAGÉES. — HELLÉBORÉES. — Fam. nat. — POLYANDRIE POLYGYNIE. L. (Description. — Plante vivace, tige cylindrique, épaisse, fistuleuse, succulente, — Feuilles alternes, arrondies, reniformes, épaisses, glabres, luisantes, les radicales presque rondes, les caulinaires sessiles. — Fleurs grandes, d’un jaune doré, solitaires à l'extrémité de pédoncules axillaires, sans involucre ni corolle. — Galice à cinq sépales pétaloïdes, caduc. — Etamines en grand nombre, hypogynes, à anthères bilobées et extrorses. — Pistil composé de cinq à dix carpelles divergents, pluriovulés. — Style très-court. — Stigmate entier, — Fruit : cinq à dix follicules renfermant plusieurs graines à albumen, corné, épais. Parties usitées. — Les feuilles, les bourgeons floraux, les fleurs. Récolte. — Les feuilles, assez charnues, ne sont employées que fraîches; les bour- geons doivent être récoltés avant leur épanouissement. Culture. — Le populage exige un terrain aquatique ou du moins humide. On le propage de graines semées aussitôt après leur maturité dans des pots dont la base est plongée dans l’eau, ou d’éclats de pieds faits au printemps. Il est commun dans les ma- récages, le long des cours d’eau.) i Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs contiennent une matière colorante jaune qui sert, dit-on, dans les campagnes pour colorer le beurre; mais on emploie plutôt à cet usage la fleur du souci des jardins (calendula officinalis). Le populage est, comme la plupart des renoncules, âcre, rubéfiant et vésicant. J’en ai employé la pulpe deux fois en guise de vésicatoire; son action est beaucoup plus lente et moins douloureuse que celle des renon- cules, âcre et scélérate. On confit quelquefois ses boutons floraux dans le le vinaigre, comme les càpres. POURPIER. Portulaca oleracea. L. Portulaca angustifolia sive sylvestris. C. BAUH., TOURN. Pourpier commun, — pourcellane, — pourcelaine. PORTULACÉES. Fam. nat. — DODÉCANDRIE MONOCGYNIE. L. Cette plante, d’origine exotique, mais acclimatée en Europe, est depuis longtemps cultivée dans nos jardins potagers. . Description. — Racine simple, un peu fibreuse. — Tiges tendres, succulentes, lisses, rameuses, un peu couchées. — Feuilles oblongues, cunéiformes, sessiles, (1) Bulletin de la Société de médecine de Gand, 1837. (2) Gazette médicale de Paris, 1863. 876 PRÈLE. charnues. — Fleurs jaunes, sessiles, réunies plusieurs ensemble dans les aisselles des feuilles supérieures, s’ouvrant à onze heures du matin, se flétrissant vers deux heures de l’après-midi (juillet-août). — Galice comprimé, à deux divisions inégales, rapprochées en capuchon au-dessus de la capsule, qu’elles enveloppent. — Cinq pétales ovales soudés inférieurement. — [Une douzaine d’étamines soudées avec la base de la corolle, ovaire, semi-infère, uniloculaire, pluriovulé. — Style simple à la base, divisé au sommet en cinq divisions portant chacune un stigmate à la face interne. — Fruit : pyxide, globuleuse, polysperme.] — On en distingue une variété à feuilles jaunâtres, qui porte le nom de pourpier doré. Parties usitées. — Toute la plante, excepté la racine. Héeolte. — On l'emploie toujours fraîche. (Culture. — Vient dans tous les terrains, préfère cependant les sols secs; on les propage par graines semées en place au printemps. ] Propriétés physiques et chimiques.— Cette plante est mucilagineuse, d’une saveur acidule et un peu àcre, Elle contient du malate de chaux. Les propriétés du pourpier, plante plutôt alimentaire que médicinale, sont très-faibles. Les anciens lui ont pourtant accordé des vertus que rien ne justifie. Ils en employaient le suc exprimé dans les hémorrhagies, les affections calculeuses, le scorbut, les fièvres ardentes. Comme simplement rafraichissant, il peut être utile dans ces diverses maladies et dans tous les cas où il y a irritation, ardeur fébrile, phlegmasie. On le mêle à la laitue ou à la bourrache et dans les bouillons rafraîchissants. Mangé en salade, le pourpier est, dit-on, un excellent vermifuge. Cette propriété lui a été contestée par les médecins qui jugent de l'énergie des médicaments par leurs qualités physiques ou chimiques. Cependant, quand on voit la semence de citrouille tuer le tænia dans l’espace de deux ou trois jours, on peut bien croire à la propriété anthelmintique du pourpier contre les vers ordinaires. Comme c’est un remède facile et inoffensif, nous conseillons avec Roques de le donner aux enfants tourmentés par les vers. PRÈLE. Equisetum arvense. L. Equisetum arvense longioribus setis. C. BAUH.— Equisetum segetale. GER. Equisetum minus terrestre. J. BAUX. Queue de cheval, — queue de renard, — herbe à écurer. EQUISÉTACÉES. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L. Cette plante (PI. XXXIT) est très-commune dans les champs humides et sablonneux, dans les fossés, le long des haies. C’est un des fléaux de l’agri- culture. Deseriptiou. — Racines fibreuses. — Tiges, les unes stériles, fistuleuses, articu- lées, hautes de 30 à 40 centimètres, munies à chaque articulation d’une gaine dentée ou crénelée, courte, noirâtre, et de 10 ou 15 feuilles ou rameaux verticellés et articulés. Les tiges fructifères plus grosses, paraissant les premières, simples, nues, à gaines plus larges et plus profondément dentées et se terminent par un épi oblong, cylindrique, composé d’écailles verticellées, pédicellées, peltées; chaque écaille porte à la face infé- rieure des sporonges membraneux disposés en cercle et renfermant des spores nom- breuses, vertes, libres, munies de quatre appendices filiformes renflés au sommet. PRÊLE D'HIVER, equisetum hiemale, L. — Elle croît dans les lieux humides des bois. Description. — Tiges simples, fermes, rudes, sillonnées, articulées, d’un vert glauque. — Gaîne noirâtre et légèrement crénelée; fleurit en février et mars. PRÊLE DES MARAIS, equisetum limosum, L. — Se trouve dans les terrains humides, les prés marécageux. PRÊLE. 877 Description. — Tige droile, grêle, profondément sillonnée, presque anguleuse, haute de 30 centimètres; rameaux diminuant graduellement de longueur vers le sommet, ce qui lui donne une forme pyramidale, — Tige fructifère ayant les rameaux de ses ver- ticilles ordinairement simples, moins nombreux; l’épi grêle, ovoïde et très-allongé, — Fleurs d'un jaune noirâtre, PRÈLE DES BOIS, equisetum sylvaticum, L. — Espèce d’un port élégant, à cause de la délicatesse de ses rameaux. Se trouve dans les lieux montagneux et élevés. Description. — Tige grêle, articulée, haute de 20 à 25 centimètres. — Gaînes de ses articulations lâches et fort grandes, — Verticilles composés de rameaux assez nombreux, chargés eux-mêmes d’autres verticilles à leurs articulations, — Epi terminal un peu long et comme panaché. : L£ PRÈLE DES FLEUVES, equisetum fluviatile. — Grande et belle espèce, qu'on trouve dans les lieux marécageux, au bord des rivières. Croît à la fin d'avril, et se flétrit après la disparition des fructifications. Description. — Tige stérile, droite, épaisse, fistuleuse, haute de 60 à 120 cen- timètres, à gaîne d’un blanc d'ivoire, — Verticilles composés de rameaux nombreux, fort longs, articulés, tétragones. — Tige fertile: paraissant toujours la première, nue, beaucoup plus courte, souvent coudées à sa base, se terminant par un gros épi de forme ovoide. [Nous citerons encore les equisetum segelale, L., ou prêle des moissons ou des tour- neurs, l'E. palustre et l'E. ramosum comme étant employée aux mêmes usages. ] Parties usitées. — La tige etles feuilles. (Culture. — Les prêles ne sont cullivées que dans des jardins botaniques, on les multiplie par éclats de pieds, et on les plante dans des baquets plein de terre et plon- geant dans l'eau. ] Récolte. — On peut récolter les prêles pendant toute la belle saison. Leur dessic- cation s’opère promptement et sans changer la plante de forme ni de qualités physiques. Toutes les espèces peuvent être substituées les unes aux autres. Elles contiennent les rhèmes principes. Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. — Les prèles sont inodores ; mais elles ont un goût désagréable, austère. Diebold a trouvé l’equisetum hiemale, L. composée de : chlorophylle unie une matière extractive jaune, fécule, gallate de chaux, sucre, acide malique, oxyde de fer, sels, etc. Pectet et John y ont trouvé de la silice en assez grande quantité (1), ce qui explique la rudesse de l’épiderme de ces plantes. On doit aussi à Braconnot (2) des recherches chimiques sur la nature des prêles. ‘La prèle commune contient un acide identique à l'acide maléique, l'A. équisétique C* HO . HO). La tige de la prêle d'hiver, qui est très-àpre, sert à polir le bois et les métaux, à nettoyer la batterie de cuisine. On pourrait l'employer au tannage. — La prèle des fleuves servait d’aliment aux Romains. Le peuple mangeait ses jeunes pousses en guise d’asperges. On les mange encore aujourd’hui en Toscane, — Suivant les uns, la prêle des marais offre une nourriture excellente aux vaches ; d’autres prétendent qu’elle leur fait uriner le sang, et qu’elle est nuisible à tous les animaux. En général, les prêles sont regardées comme un mauvais fourrage, On a vanté la prêle comme astringente et diurétique. On l’a prescrite dans l'hydropisie, la gravelle, la dysenterie, la diarrhée, l’hémoptysie, l’hématu- rie et autres hémorrhagies. Le professeur Lenhossek, de Vienne (3), recom- mande les diverses espèces de prêle, et particulièrement l’equisetum hie- male et l’equitetum limosum, comme des diurétiques puissants ; il les con- seille dans les hydropisies par atonie; elles seraient trop actives quand elles sont inflammatoires, au point, dit-il, de causer l’hématurie. Ces plantes (1) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. XVI, p. 459. (2) Annales de chimie, 1828, t. XXXIX, p. 5. (3) Journal de chimie, pharmacie et toxicologie, 1827. 878 PRIMIVÈRE. n’ont, suivant cet auteur, aucune influence funeste sur les organes digestifs, circulatoires et nerveux. Il vaut mieux les employer sèches. La poudre et la décoction réussissent également bien (8 à 15 gr. par litre) : une à deux cuillerées de cette décoction aux enfants, 100 à 200 gr. aux adultes toutes les deux heures. Gattenhoff (1) a été témoin des bons effets de la prêle dans un cas d’hé- moptysie rebelle : In hæmoptoe chronica probos effectus ipse novi. Hoffmann recommande la décoction de la même plante dans la bière comme un re- mède efficace contre la néphrite calculeuse; mais il faut ajouter du beurre et du miel. C’est, dit-il, un remède domestique qu'il ne faut point dé- daigner. J'ai vu employer la décoction de prêle avec succès dans l’hématurie des bestiaux, après avoir, toutefois, dans la plupart des cas, pratiqué, une large saignée. C’est un remède populaire à la campagne. (Une poignée de prêle dans 4 kilogr. 1/2 d’eau, réduit à 4 kilogr., à prendre par tasses de quatre en quatre heures, a réussi plusieurs fois à mon père dans les métrorrhagies se manifestant au moment de la ménopause.) Par contre, cette plante a été considérée comme emménagogue. Schulze accuse les prêles de causer l’avortement des vaches et des brebis, quand elles se trouvent mêlées en trop grande quantité dans leur fourrage. Ce- pendant les Irlandais donnent indifféremment toutes les espèces à manger à leurs bestiaux, sans qu’il en résulte aucun accident. J'ai reconnu à la prêle une action assez prononcée sur les organes uri- naires. Elle m'a paru utile dans la néphrite calculeuse avec absence de dou- leur vive, et dans l’état cachectique et œdémateux qui suit ou accompagne les fièvres intermittentes. J’ai donné avec avantage, dans ces derniers cas, la décoction de parties égales de cette plante et de feuilles de pissenlil. J'ai aussi employé le suc de prèle à la dose de 30 à 100 gr. dans 1 kilogr. de petit lait. PRIMIVÈRE. Primula officinalis. L. Primula veris odorata flore luteo simplici. 3. BAUH. — Verbasculum pratense odoratum. G. BAUH. — Paralyseos herba. Orr., Mure. Herba arthritica, — herbe de la paralysie, — coucou, — oreille d’ours. PRIMULACÉES. — PRIMULÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE L. Cette plante vivace, très-répandue dans les prairies et le long des haies, montre ses jolies fleurs dès les premiers jours du printemps. On en a obtenu par la culture un très-grand nombre de variétés doubles, roses, bleues, brunes, etc. Les chèvres et les moutons seulement mangent la pri- mevère ; ses fleurs sont très-recherchées par les abeilles. Description. — Racine : souche épaisse, un peu rougeâtre, garnie de longues fibres, blanches et charnues. — Tiges : hampes droites, pubescentes, cylindriques, hautes de 40 à 15 centimètres. — Feuilles toutes radicales, couvertes d’un duvet très- court, dentées, rétrécies en pétiole à leur base. — Fleurs terminales, pédicellées, dis- posées en manière d’ombelles et penchées toutes du même côté (avril-mai). — Galice tubulé, persistant, à cinq dents. — Corolle monopétale, cylindrique, divisée en cinq lobes, d’un jaune pâle, marqués de taches orangées. — Cinq étamines renfermées dans le tube de la corolle. — Un ovaire supérieur. — Un style filiforme à stigmate globu-- leux. — Fruit : capsule polysperme, uniloculaire, s’ouvrant au sommet en cinq ou dix valves contenant des semences noirâtres, nombreuses et chagrinées. Parties usitées., — L'herbe, la racine, et surtout les fleurs. Récolte. — Cette plante se sèche avec les fleurs. On peut lui conserver sa forme et sa couleur. (4) Roques, Plantes usuelles, t. IV, p. 299. PRUNELLIER. 879 (Culture. — Les primevères sont cultivées dans les jardins d'agrément où elles ont produit un grand nombre de variétés. On les propage de graines semées aussitôt après leur maturité, et que l’on repique au printemps, ou d’éclats de pied que l’on fait à la même époque.] Propriétés physiques et chimiques. — La primevère a une odeur douce et suave, La racine exhale, à l’état frais, une odeur fragrante, comme anisée, et offre une saveur astringente et un peu amère. Les feuilles sont presque insipides et ino- dores. La racine contient une huile essentielle et une petite quantité d’arthanaitine ou cyclamine, substance âcre à laquelle on pourrait attribuer des propriétés actives, si elle était plus abondante. (On y a signalé un principe particulier, la primuline, cristallisant en aiguilles, sans goût, ni couleur, ni odeur, neutre, soluble dans l’eau et l'alcool étendu.) L’arome des fleurs se communique facilement à l’eau et l'alcool. L'eau distillée se charge des principes aromatiques de la primevère, et pourrait servir de véhicule aux potions calmantes, à l'instar de celles de laitue et de tilleul. L’odeur que les fleurs de cette plante exhalent semble annoncer une ac- tion sur le système nerveux, comme calmantes et antispasmodiques, ana- logue à celle des fleurs de tilleul, de moscatelline et de caille-lait jaune. D’après Matthiole, Ray, Bartholin, Chomel, Lieutaud, etc., la primevère serait douée de grandes vertus. Ces auteurs l’ont vantée contre la paralysie (ainsi que l'indique son nom d’herbe de la paralysie), lapoplexie, les affec- tions hystériques, les vertiges, les maux de tête nerveux, la gastralgie, l’in- somnie, etc. Boerhaave et Linné l’ont regardée comme pouvant calmer la douleur, provoquer le sommeil et produire même divers phénomènes séda- tifs. Suivant Bergius, l’infusion des fleurs serait utile dans les douleurs rhu- matismales. D’autres l'ont recommandée comme béchique et anticatarrhale. Les gens de la campagne emploient sa racine en décoction contre la gra- velle, et en infusion dans le vin ou la bière comme fébrifuge. — Suivant Boerhaave, l’infusion de cette plante dans le vinaigre, introduite par aspi- ration dans les fosses nasales, aurait guéri des maux de dents. La plante entière a été appliquée sur les articulations affectées de la goutte, ce qui l’a fait appeler arthritica par Gessner. Cette plante n’est pas tout à fait inerte ; mais elle est du nombre de celles dont on peut se passer sans inconvénient, malgré les éloges qui lui ont été prodigués. «Tout en admettant, avec Cullen, Peyrilhe et M. Cazin, que la primevère pourrait, sans grand inconvénient, disparaître de la matière médicale, nous demanderons grâce au moins, dit Martin-Lauzer, pour l’in- fusion de ses fleurs, qui est d’une si belle couleur d’or, d’une odeur suave, d'une saveur agréable, et qui pourrait avec avantage prendre place dans notre cercle si peu varié de tisanes pour les affections inflammatoires (1). » PRUNELLIER. Prunus spinosa. L. Prunus sylvestris. C. BAUH., BLACK., TOURN. — Prunus acacia. GRANTZ. Acacia germanica. OFF. Prunelle, — fourdinier, — épine noire, — caveron sauvage. ROSACÉES. — AMYGDALÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE MONOGYNIE. L,. Le prunellier est tellement commun qu'on en fait des haies. J'ai greffé sur cet arbrisseau des pruniers, des abricotiers, des pêchers, qui sont restés à l’état nain, comme le poirier greffé sur le cognassier et le pommier sur doucin. Description. — Arbrisseau rameux, diffus, épineux, de 4 mètre à 1 mètre 50 centimètres de hauteur ; écorce brune. — Feuilles pétiolées, ovales, petites, moins allongées que celles du prunier. — Fleurs blanches, solitaires, pédonculées, paraissant (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, t. I, p. 299. 880 PRUNELLIER. avant les feuilles. — Calice campanulé, à cinq sépales cadues. — Corolle à cinq pétales. — Etamines nombreuses, insérées au sommet du tube calicinal. — Ovaire simple, libre, globuleux, uniovulé. — Style tubulé. — Stigmate simple (avril-mai). — Fruits : petites drupes charnues, d’un bleu violacé, nommées prunelles, couvertes d’une poussière glauque (ayant reçu, comme celle du prunier, le nom de pruine), renfermant un noyau monosperme, ovale ou oblong, comprimé, aigu au sommet, sillonné et anguleux vers les bords. Parties usitées. — L'écorce, les feuilles, les fleurs, les fruits. Récolte. — On récolte les fruits avant leur maturité pour en faire l’acacia nos- ras, ou suc épaissi de ce fruit, qu’on appelle aussi acacia germanica. Ces fruits n’ar- rivent à maturité qu'aux gelées. L'écorce doit être récoltée au printemps sur les tiges de quatre à cinq ans, et séchée lentement. {[Culture. — On emploie souvent le prunellier pour faire des haies vives. On le propage de graines semées en place ou en pépinière. On le multiplie aussi par boutures. [l aime les terrains calcaires, il est très-rustique et supporte bien la taille. II y a une variété plus élevée moins épineuse, à feuilles plus grandes et à fruits plus gros de moitié. | Propriétés physiques et chimiques. — Les prunelles, avant leur maturité, sont très-acerbes et très-âpres. L’écorce est d’une saveur astringente. Elle con- tient beaucoup de tannin. Elle sert en teinture, à faire de l'encre, etc. Elle peut être employée au tannage. (Elle renferme de la phloridiine). En Dauphiné, on se sert du fruit bien écrasé pour donner de la couleur aux vins de qualité inférieure. — Les pru- nelles müres acquièrent par leur cuisson au four une couleur rouge qui les rend plus propres à cet usage; je m'en suis servi pour colorer l'excellent cidre que je faisais fabri- quer à ma maison de campagne. On peut en faire par la fermentation une piquelle assez agréable. Le suc exprimé des prunelles, cuit et épaissi jusqu’à consistance d’extrait solide, constitue l’acacia d'Allemagne ou acacia nostras, et peut-être substitué à lacacia d'Égypte, auquel on le mêle par fraude. Ces fruits cuits, infusés dans de l’eau-de-vie pendant quelques jours, donnent une teinture qui, avec addition de sucre, de cannelle ou mieux de macis, forme une excellente liqueur de table. — Les feuilles de prunellier, d’après Poiret (1), sont usitées en guise de thé dans quelques contrées du Nord, Ce thé, d’après Mérat et Delens, jouirait d’une certaine odeur et aurait les apparences de celui de la Chine; mais son infusion serait nauséeuse et purgative. — Les fleurs ont un goût d'amande amère, ainsi que les bourgeons. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction de l'écorce, 12 à cule approprié, en pilules, électuaire, etc. 30 gr. et plus dans 1/2 kilogr. d’eau. Fleurs en infusion : fraîches, une petite poi- Poudre de l'écorce, 6 à 15 gr. dans un véhi- gnée ; sèches, 4 à 12 gr., suivant l’âge. L’écorce de prunellier est astringente, fébrifuge; les fleurs sont laxatives ; les fruits sont astringents. Nebelius (2) a employé avec succès l’écorce du prunellier dans le traitement des fièvres intermittentes. Juch, de Munich (3), la considère comme supérieure à la plupart des fébrifuges indigènes. Coste et Wilmet l’ont administrée à quatre fébricitants; trois furent guéris; elle échoua sur le quatrième. Roques a réussi deux ou trois fois à dissiper les accès fébriles au moyen de cette écorce; mais, dans d’autres circonstances, il a été forcé de recourir au quinquina. Je dois avouer que je n’ai pas été plus heureux que ce médecin. Sur six cas de fièvres, dont cinq à type tierce et un à type quotidien, un seul à pu être considéré comme ayant cédé à l'administration de la décoction concentrée d’écorce de prunellier, prise dans l’apyrexie. La fièvre quotidienne a résisté. Les quatre autres cas ont donné une solution d’autant plus douteuse que les accès se sont graduel- lement dissipés, ainsi que cela arrive dans les fièvres printanières, par les seuls efforts de la nature. Les fleurs de prunellier, suivant Murray, sont un purgatif populaire, em- (1) Histoire philosophique des plantes de l'Europe, t. VI, p. 449. (2) Act. nat. cur., vol. V, p. 395. (3) Journal de littérature étrangere, t. IX, p. 57. PTARMIQUE, — PULICAIRES. 881 ployées en infusion très-forte dans l’eau, le petit lait, le vin ou la bière. Selon Bauhin, il en faut 1 once (3 gr.) et même plus, pour produire une seule évacuation. Ces fleurs sont réellement laxatives. Je les ai fréquemment employées comme telles, fraichement cueillies et infusées dans une suffi- sante quantité d’eau, à la dose d’une petite poignée. Il en faut moins si elles sont desséchées, Ce laxatif convient aux enfants. J’emploie quelquefois la décoction de prunelles non parfaitement mûres dans les diarrhées ato- niques : l'effet en est prompt. J'ai fait un vin astringent avec des prunelles séchées au four et infusées dans le vin rouge. (La décoction des racines a été préconisée par Burnett, en lotions, dans la chute du rectum.) [Le prunus domestica où prunier, et le prunier enté ou pruneautier qui con- slituent trois espèces très-voisines, mais que quelques botanistes regardent comme formant un même type spécifique, ont produit d'innombrables va- riétés dans la forme, la couleur, la saveur, le volume et l’époque de matu- rité des fruits, La plus intéressante au point de vue médical est la prune de Damas.] (Les différentes variétés de prunier fournissent, comme l’abrico- tier, une gomme, dite gomme du pays, pouvant fournir un principe analogue à la bassorine, la prunine, C'2H1° 011.) PTARMIQUE. Achillea ptarmica. L. Plarmica dracunculus sive pratensis serrato folio. GC. BAUH. — Ptarmica vulgaris. PARK. — Ptarmica vulgaris folio longo serrato, flore albo. J. BAUH. Achillée ptarmique, — herbe à éternuer, — herbe sarrazine. SYNANTHÉRÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Cette plante vivace se rencontre partout, dans les prés humides, au bord des étangs, des rivières, etc. Son nom, dérivé du mot grec rrapyos qui signi- fie éternuer, annonce ses propriétés. Beseriptiom. — Racine rampante, fibreuse, — Tiges cylindriques, de 40 à 80 centimètres, glabres, dressées, simples, rameuses en haut. — Feuilles épaisses, sessiles, linéaires, lancéolées, très-finement dentées, d’un vert un peu foncé. — Fleurs blanches, en capitules disposées en corymbes terminaux, irréguliers; disque jaunâtre, dix à quinze demi-fleurons blancs, à limbe étalé et terminé par deux ou trois dents obtuses. — Invo- lucre hémisphérique, à folioles entourées d’un rebord scarieux (juillet-septembre). Parties usitées. — La racine et les feuilles. HRéeolte. — Ne présente rien de particulier. [Cusltusre. — La ptarmique se propage par semis faits en terre meuble. Elle exige des arrosements fréquents en été]. Propriétés physiques et celrimiques. — La racine et les feuilles fraiches ont une saveur âcre et brûlante. Les fleurs exhalent une odeur forte, aroma- tique, un peu nauséeuse. Toutes les parties de la plante fournissent une matière ex- tractive d’une grande amertume. La racine et les feuilles de cette plante, séchées et réduites en poudre, sont sternutatoires. La racine, lorsqu'on la mâche, excite vivement l’action des glandes salivaires. Elle convient, ainsi employée, comme celle de py- rèthre, qui est plus rare, et à laquelle on peut la substituer dans l’engor- gement des glandes salivaires, l’amygdalite chronique, les engorgements atoniques de la bouche, la paralysie de la langue, etc. PULICAIRES. PLANTAGINACÉES. Fam. nat. — TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L PULICAIRE DES SABLES, HERBE AUX PUCES, PLANTAIN DES SABLES, Plantago 56 L°4 882 PULICAIRES. arenaria, Waldst., Poir., Chev. (Flor. Paris.). Plantago psyllium, Bull. Psyllium annuum, Thuill. — Ce plantain annuel abonde dans les terrains stériles et sablonneux. Deseription. — Racine pivotante, ligneuse. — Tiges droites, très-rameuses, hautes d’environ 30 centimètres, un peu velues. — Feuilles opposées, étroites, linéaires, pointues, à trois nervures entières, blanchâtres, velues particulièrement à la base, un peu visqueuses. — Fleurs blanches, réunies au sommet des tiges et à l’aisselle des feuilles sur des pédoncules filiformes, redressés, à peu près de la longueur des feuilles, terminées par un épi ovoide, serré, entouré d’un involucre foliacé, dû au développement des bractées inférieures (juin-juillet). — Corolle tubulée, sèche, transparente, rétrécie au limbe, divisée en quatre petits lobes étroits, aigus et réfléchis. — Quatre étamines. — Un style filiforme droit et pubescent. — Fruit : capsule arrondie à deux loges, con- tenant des semences oblongues, noires, luisantes, semblables à de petites puces, ce qui a fait donner à la plante le nom de pysllium par quelques botanistes. PULICAIRE VIVACE, HERBE AUX PUCES VIVACE, PLANTAIN PUCIER, VRAI PSyL- LIUM. — Plantago psyllium, L. Cette espèce, qui croît dans les terrains incultes des départements du Midi, ressemble tellement à la précédente qu’on les a souvent confondues. Poiret en fait une espèce distincte. IL se pourrait encore, dit-il, que ces deux espèces ne fussent réellement que la même, d’un aspect un peu diffé- rent, selon le lieu natal. Suivant Mérat, le vrai psyllium est rameux seule- ment à sa partie inférieure et n’est pas visqueux. Description. — Feuilles plus étroites; les bractées calicinales ne dépassent pas la longueur du calice, et les semences sont concaves. PULICAIRE ANNUELLE, PLANTAIN DES CHIENS. — Plantago cynops, L. Ce plantain croît dans les lieux incultes du midi de la France. Il est assez commun dans les Pyrénées orientales, parmi les pierres mouvantes et sur les rochers, dans les sables, le long des torrents et des rivières. Il ressemble beaucoup au plantago psyllium. Description. — Racine simple, blanche, fibreuse. — Tige droite, rougeàtre,. tortueuse, pubescente, ronde, ferme. — Feuilles opposées, subulées, entières, étroites, ciliées vers leur base, — Fleurs blanches, axillaires, en épis longs, ovales ; bractées concaves, pubescentes ovales un peu foliacées; pédoncules de la longueur des feuilles. — Fruit: capsule ovale, à deux loges s’ouvrant transversalement, contenant une ou deux semences brunes, allongées, concaves. (Culture. — Toutes les pulicaires demandent une terre légère et sablonneuse. On les propage par semis de graines faits au printemps. | Ces trois espèces de plantain ont des semences très-mucilagineuses, sans odeur ni saveur bien marquées. Le mucilage de psyll'um possède toutes les propriétés des mucilages exotiques, auxquels Bodart a proposé de le substi- tuer. On l’emploie dans l’industrie pour gommer les tissus, et en médecine dans tous les cas où les émollients et les adoucissants sont indiqués, tels que les irritations des reins et de la vessie, la dysenterie la diarrhée, les affections catarrhales aiguës, l’hémoptypsie, etc. Suffisamment délayé, il est surtout employé en collyre dans l’ophthalmie. Mais nos plantes malvacées et la graine de lin sont tout aussi adoucissantes et plus communes. Le mu- cilage de psyllium entre dans quelques préparations officinales du Codex ; mais il est rarement employé seul. C’est le plus souvent le plantain des sables qui fournit la graine appelée psylliun, et que l’on trouve en France dans les pharmacies et chez les herboristes. [C’est avec ces graines que les parfumeurs préparent la bandoline, espèce de mucilage parfumé destiné à maintenir les cheveux des femmes.] PULMONAIRE. — PULSATILLE. 883 PULMONAIRE. Pulmonaria officinalis. L. Pulmonaria vulgaris maculoso folio. CLuS. — Pulmonaria Italorum «ad buglossum accedens. T. BAUR. — Pulmonaria vulgaris latifolia. TourN. — Pulmonaria maculosa. Don. Symphytum maculosum. GC. BAUH. Pulmonaire officinale, — grande pulmonaire, — herbe aux poumons, — herbe au lait de Notre-Dame, — pulmonaire des bois, — sauge de Jérusalem, herbe de cœur, — herbe de tac. BORRAGINÉES. — BORRAGÉES. Fam, nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. La pulmonaire (PI. XXXIT), plante vivace que l’on cultive dans les jardins, croit naturellement dans les bois, aux lieux ombragés, surtout dans ceux de quelques départements du Nord, où on la trouve même quelquefois sur le bord des chemins et dans les prairies. Description. — Racines composées de fibres déliées et fasciculées. — Tiges droites, velues, un peu anguleuses, hautes de 30 à 40 centimètres, — Feuilles radicales ovales-oblongues, pétiolées, décurrentes, hérissées de poils rudes et courts, parsemées de taches blanchâtres; feuilles caulinaires sessiles, plus étroites, quelquefois sans taches, traversées par une nervure simple. — Fleurs bleues ou violacées, quelquefois blanches, peu nombreuses, disposées en bouquet terminal (avril-mai). — Calice à cinq angles et à cinq lobes. — Corolle infundibuliforme divisée en cinq lobes obtus à gorge munie de cinq faisceaux de poils blancs. — Cinq étamines à anthères conniventes. — Un ovaire quadrilobé. — Un style à stigmate échancré. — Fruit composé de quatre akènes unilo- culaires, monospermes, agglomérées dans le fond du calice persistant. Parties usitées. — Les feuilles et les fleurs. Récolte. — On la cueille au moment de la floraison, ou même après. Séchée, elle devient noiràtre, fragile. (Culture. — Cette plante est commune dans les buissons et dans les clairières des bois, on ne la cultive que dans les jardins botaniques. On la multiplie par semis, ou par éclats de pieds.] Propriétés physiques et chimiques. — La pulmonaire est inodore. Son suc est mucilagineux, légèrement styptique. Il contient, comme la bourrache et la buglosse, du nitrate de potasse. — On l'emploie pour la teinture en brun. Cette plante, à l’état frais, est émolliente, adoucissante, pectorale ; on la donne en décoction (50 à 100 gr. par kilogr. d’eau) dans le catarrhe pulmo- naire, dans la phthisie, etc. Le nom dont on l’a décorée indique assez l’es- time qu'on en faisait dans ces affections. Les habitants de la campagne croient fermement que le Créateur a indiqué l’usage de cette plante par les taches qu’on remarque sur les feuilles, et qui, disent-ils, sont tout à fait semblables à celles qui existent sur le poumon malade. Ils composent, avec la pulmonaire, le chou rouge, quelques oignons blancs, du mou de veau, et une suffisante quantité de sucre candi et d’eau, un bouillon que j'ai moi- même employé avec beaucoup de succès dans les affections de poitrine, surtout quand elles sont accompagnées d’un état fébrile, de difficulté d’ex- pectorer, d'irritation bronchique, de douleurs, etc. Les feuilles sèches de cette plante sont un peu plus astringentes que les feuilles fraîchement cueillies. PULSATILLE. Anemone pulsatilla. L. Pulsatilla folio crassiore et majore flore. C. Baun., Tourx. — Pulsatilla vulgaris. LoB. — Herba venti. TRAG. Pulsatille commune, — anémone, — coquelourde, — herbe-au-vent, — fleur-du-vent, fleur de Pâques, — passe-fleur, — teigne-œuf, — fleur-aux-dames. RENONCULACÉES. — ANÉMONÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE POLYGYNIE. L. La pulsatille (PI. XXXID) se trouve dans les terrains secs et montagneux 884 PULSATILLE. de la France, les bois sablonneux, les prés secs, etc. On la trouve dans le bois de Boulogne, à Saint-Maur. Je l’ai rencontrée en Picardie, sur le bord des bois. Elle se rapproche beaucoup de l’anémone des prés ou pulsatille noire (pulsatilla nigricans, L.) par ses caractères botaniques comme par ses propriétés; elle semble même ne s’en distinguer que par la plus grande élé- vation de sa tige et la rectitude de ses pétales; (aussi réunirons-nous dans cet article ce qui à trait aux deux pulsatilles, quoique Fonssagrives (1) con- sacre à chacune d'elles une étude spéciale et expose ses doutes sur l’égale activité des deux variétés). — Cette plante, malgré son âcreté, est recherchée des moutons, qu’elle nourrit mal; elle produit même la pourriture chez ces animaux, ainsi que l’a observé Huzard (2). Heseriptigmn. — Racine noirâtre assez grosse, longue, formée par la réunion de plusieurs souches courtes et fibreuses. — Tige : hampe cylindrique couverte de poils longs et soyeux, haute de 15 à 80 centimètres. — Feuilles radicales pétiolécs, deux ou trois fois ailées. — Fleurs d’un rouge purpurin, souvent violacées, grandes, solitaires et penchées (avril-juin). — Calice corolliforme de cinq à six sépales oblongs. — Involucre composé de folioles sessiles caulinaires, mullifides, formant une sorte de verticille à 7 ou 8 centimètres de la fleur, — Etamines nombreuses, plus courtes que les sépales, rangées en grand nombre autour de plusieurs styles à stigmate placés sur des ovaires groupés sur un réceptacle hémisphérique.— Fruit: akènes surmontés d’aigrettes plumeuses pro- duites par le développement des styles. Parties wsidées. — Toute la plante. Kéeolte. — Elle se fait un peu avant la floraison, époque à laquelle la plante jouit de toutes ses propriétés. Ces dernières s’affaiblissent à mesure que la dessication s’opère. [Culéure. — On trouve l’anémone pulsatille surtout dans les lieux découverts, les bois sablonneux, les coteaux calcaires, ete., elle s’accommode de tous les terrains. On la propage facilement de graines ou d’éclats de branches.] Propriétés physiques eé elhismiques. — La pulsatille, plante inodore, est, comme ses congénères, d’une âcreté qui, moins prononcée dans la racine, se mani- feste surtout dans les feuilles. Heyer (3) a observé le premier que l’eau distillée de l’anémone des prés, qui est laiteuse, laisse déposer au bout de quelques mois des cris- taux blancs, striés, insipides, volatils, inflammables, analogues au camphre. Storck (4) a reconnu que ces cristaux acquéraient par la fusion une saveur piquante, et laissaient sur la langue cautérisée des taches blanches. Jacquin (5) paraît avoir étudié de nouveau, en 1809, cette substance. En 1814, Robert, pharmacien à Rouen, retira de l’anémone pulsatille, sans doute, quoiqu'il cite l'anémone des prés, une matière tout à fait semblable, qu'il dit positivement n'être ni acide ni alcaline. Vauquelin, l’ayant examinée, a cor staté qu’elle n’est soluble qu’à chaud dans l’eau ou l'alcool, et qu’elle s’en précipite par le refroidissement ; il pense qu’elle doit prendre place dans la classe des substances hui- leuses concrètes. Elle a été rangée par Gmelin, dans sa chimie organique, parmi les ma- tières camphrées, sous le nom de camphre de l’anémone pulsatille, et déjà, en 1820, Mérat (6) l'avait classée avec le camphre parmi les aromites. En effet, c’est la même substance qu'a trouvée Schwartz dans l’anémone des bois, et qu’il a décrite sous le nom d'acide anémonique. [Heyer (de Brunswick) a extrait de l’anémone pulsatille le même principe neutre, et l’a nommé anémonine, et auquel Lüwig et Weimann ont assigné la formule CTH°0*, et Fehlenz celle de C5H? 0°. C’est une substance blanche cristalline qui se ramollit à 450 degrés et se décompose à une température plus élevée; elle est peu soluble dans l'eau, l'alcool et l'éther. Les alcalis, oxyde de plomb et le carbonate d’argent la trans- forment en acide anémonique (C7 H*0*, HO).| (1) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. IV, p. 414 et suiv. (2) Flore médicale, t. 1, p. 76. (3) Journal de Crell, cité par Storck, De usu pulsatillæ, etc., 1771, p. 10. (4) Ibid., p. 11. (5) Bulletin de pharmacie, t. T, p. 421. (6) Dictionnaire des sciences médicales, t. XLV, p. 194. PULSATILLE. 885 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR, — Infusion, de 2 à 15 gr. pour (. S. d'eau; après un quart d'infusion, on passe pour obtenir 360 gr. de liquide. Dose, de 90 à 120 gr., trois fois par jour, (Eau distillée, 4 partie de plante fraîche pour 4 d’eau. Dose, de 4 à 2 gr. Alcoolature (piler la plante Gans un mortier de marbre et la mettre en contact avec son poids d’alcool à 90° centésimaux. Filirer après dix jours). Extrait aqueux (1 kilogr. de feuilles sèches donnent 27 gr. d'extrait). Stôürrk employait le suc non dé puré. On pré- fère actuellement l'extrait préparé avec le suc préalablement dépuré. — Dose : de 5 à 50 centig. et plus, progressivement, en plusieurs doses dans la journée. Saccharolé :extrait aqueux, 4 gr.; sucre blanc, 20 gr, Mélez. — 1 gr. trois fois par jour. L'extrait alcoolique est inerte; le suc éthéré préconisé par Bouchardat est peu employé. Mixture de pulsatille stibiée (Rust) : extraic ce suc, 2 gr.; vin stibié, 15 gr. Dose, de 20 à 60 gouttes, trois fois par jour). (Amau rose.) A L'EXTÉRIEUR. — Feuilles fraiches pilées comme rubéfiant et vésicant, épicarpique ou résolutif, — En surveill-> l'emploi, Poudre, comme sternutatoire, Eau distillée, etc. (Collyre de Græfe : infusion, 180 gr. ; sublimé corrosif, 5 centigr. — Contre les taches de la cornée et les cataractes au début.) La pulsätille commune, comme nous l'avons dit plus haut, est âcre et irritante. (Pilée fraîche et appliquée sur la peau, elle y, produit de l’érythème et mème la vésication, si l’application est prolongée; cette action peut aller jusqu’à la mortific ation des parties soumises à son action). Bulliard rap- porte le fait d’an vieillard chez lequel cette plante, laissée pendant douze heures sur le mollet, dans l'intention de guérir un rhumatisme très-doulou- reux, produisit la gangrène d’une grande partie du membre. Le mal céda aux scarifications et aux fomentations d’eau-de-vie camphrée. Get homme fut en même temps complétement débarrassé de son rhumatisme. (Le suc de la pulsatille produit sur la langue un sentiment intense d’âcreté ; un enfant cherchant à sentir de la pulsatille noire récemment pilée, fut pris d’une conjonctivite aiguë; on cite encore le cas d’une ulcération de mu- queuse labiale consécutive au contact prolongé d’une fleur de la même plante. De semblables phénomènes d’irritation se produisent par aspiration du côté des fosses nasales ) Les deux espèces de pulsatille, données à l'inté- rieur à haute dose, enflamment l’estomac et frappent de stupeur le système nerveux. Elles sont rangées parmi les poisons âcres. A l’état sec, les bes- tiaux la mangent sans danger : 15 à 24 gr. de poudre sèche n’ont pas in- commodé des chiens, tandis que 60 gr. de suc de la plante fraîche les ont tués en six heures (1). (L’extrait agit un peu moins énergiquement; 4 gr. amènent la mort des mêmes animaux en six heures. Bien que Bock, dès 1546, en ait signalé les propriétés irritantes, (Hel- wing (2) a le premier, d’une façon sérieuse, appelé l'attention sur la pulsa- ütille. Mais c’est Stôrck (3) qui a mis en vogue la pulsatille des prés, espèce très-voisine, ainsi que nous venons de le faire remarquer, de notre pulsatille commune. Ce dernier, et d’autres auteurs après lui, ont vanté la pulsatille noire comme propre à combattre efficacement l’amaurose, les taies de la cornée, la cataracte, la paralysie, les rhumatismes, l’aménorrhée, la mélan- colie, la syphilis consécutive, les ulcères opiniâtres, les dartres. C’est sur- tout dans le traitement de ces dernières que le célèbre médecin de Vienne dit avoir obtenu les résultats les plus avantageux de cette plante. Il employait ordinairement l'extrait, en commençant par une petite dose, qu’il augmen- tait graduellement (5 ou 10 centigr. à 1 gr. progressivement). D'un autre côté, Smucker, Richter, et Bergius, dont le témoignage est également irrécus able, ont répété sans succès les expériences de Storck. Entre ces résultats contradictoires, l'observateur, en se livrant à de nou- (1) Orfila, Toxicologie, 5e édit., t. II, p. 152. (2) Flora campana, seu pulsatilla cum suis speciebus et varietatibus rs considerata et variis observationibus oculis curiosorum exposila; in-12, fig. Lipsiæ, 1720. (3) De usu pulsatillæ nigricant. medic. Vindebon., 1771. 886 PULSATILLE. velles études sur cette plante, doit se placer de manière à voir sans préven- tion jusqu'à quel point l’exagération est chez les uns, et le scepticisme chez les autres. En attendant, nous devons faire remarquer ici, comme nous l’avons fait pour la ciguë, que Stôrck préparait ses extraits avec beaucoup de soin, afin de conserver la partie active du médicament; il évitait surtout de l’exposer à une très-grande chaleur. Les médecins qui, après ce célèbre expérimentateur, ont employé la pulsatille sans succès, avaient-ils mis en usage les mêmes préparations? Avaient-ils procédé de la même manière ? S'étaient-ils, en un mot, placés dans les mêmes conditions ? Hufeland (1) place la pulsatille au nombre des moyens dort on s’est le mieux trouvé dans le traitement de l’amaurose. Bonnel de la Brageresse (2) regardait l’extrait de pulsatille comme le remède le plus efficace contre le vice dartreux. Il l’administrait à la dose de 8 centigr. deux fois par jour, et faisait en même temps lotionner les parties affectées avec la décoction de jusquiame et de ciguë. Ramm (3) a obtenu des résultats avantageux de l’extrait de pulsatille dans la coqueluche. Il prétend avoir employé ce remède pendant dix ans chez un grand nombre de malades, et ne l'avoir vu échouer qu’une seule fois. Il donnait l’extrait à la dose d’un quart de grain à un grain et demi, suivant l’âge, quatre fois par jour. Il le prescrivait aussi aux adultes atteints de toux sèches et spasmodiques, à la dose de 2 ou 3 grains répétée trois fois dans la journée. Ramon (4) s’est aussi très-bien trouvé de l'emploi de la pulsatille . dans la coqueluche. Quelques médecins ont employé, dit-on, avec avantage, l’infusion des feuilles de pulsatille commune dans les engorgements des viscères abdomi- naux et dans l’hydropisie. On ne doit pas dépasser, dans cette infusion, la dose de 2 gr. chaque fois. Sous quelque forme qu’on administre la pulsa- tille, il ne faut commencer que par de petites doses, en augmentant pro- gressivement et avec circonspection. Ajoutons à tout ce que nous venons de rapporter sur l’usage de la pulsa- üille à l’intérieur, que Tragus recommandait beaucoup la semence de cette plante cuite dans du vin contre les calculs, et que les femmes allemandes en prenaient dans la suppression des règles. (Ce serait être incomplet que de ne pas rappeler la foi aveugle que, depuis Hahnemann, auteur que Reil veut faire considérer comme le restaurateur de la pulsatille 5), les homæopathes ont dans le suc de cette plante administré à dose infinitésimale.) La pulsatille ne se rencontre que rarement dans le pays que j'habite; je ne l’ai jamais employée. Les vétérinaires en appliquent les feuilles, comme résolutives, sur les tumeurs froides et sur les vieux ulcères des chevaux pour les déterger. Les paysans entourent le poignet de ces mêmes feuilles pilées pour se guérir de la fièvre intermittente; conseil reproduit par Simon Pauli et Olaüs Borrichius. En résumé, on peut en agissant avec prudence, mettre à profit la pro- priété rubéfiante et vésicante de la pulsatille, quand, dans un cas pressant, on est privé de sinapismes et de vésicatoires. La poudre des feuilles et des fleurs sèches de cette plante est un très-bon sternutatoire., Quand elles sont fraiches, il suffit de les broyer sous le nez avec les doigts pour provoquer un violent éternuement. Tournefort recommandait l’emploi de ce sternu- tatoire dans les affections soporeuses, et Schroeder dans le coryza chro- nique. (1) Manuel de médecine pratique, p. 287. (2) Ancien Journal de medecine, t. LVIIT, p. 476. (3) Bibliothèque médicale nationale et étrangère, t. VI, p. 521. (4) Bulletin des sciences médicales de Férussac, 1828. (5) La pulsatille avant Hahnemann, in l’Art médical, 3° année, t. V, p. 75. PYRÊTHRE. 887 (Le même auteur a recommandé l’eau distillée en lotions pour faire dis- paraître les éphélides lenticulaires ou taches de rousseur. Helwig à signalé ses propriétés cicatrisantes.) PYRETHRE. Anthemis pyrethrum. L. Pyrethrum flore bellidis. GC. BAUH. — Pyrethrum officinale. Mer. OŒEil de bouc, — camomille pyrêthre, — racine salivaire. COMPOSÉES. — SÉNÉCIONIDÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Cette plante vivace (PI. XXXIT) croît dans les environs de Montpellier, d’où on en envoie les racines en grosses bottes. Deseription. — Racines longues, épaisses, fibreuses, rudes et brunes à l’exté- rieur, blanches au dedans, — Tiges simples ou peu rameuses, un peu couchées, longues de 60 à 80 centimètres. — Feuilles d’un vert bleuâtre, presque deux fois ailées, fine- ment découpées ; feuilles radicales étalées en rosette sur le collet de la racine. — Fleurs grandes, radiées, terminales, ordinairement solitaires (juillet-août). — Galice commun, hémisphérique, composé d’écailles imbriquées, oblongues. — Demi-fleurons femelles de la circonférence blanchâtres en dessous. — Disque formé par des demi-fleurons herma- phrodites, nombreux, fertiles, d’un beau jaune, à cinq étamines syngénèses. — Fruit : akènes glabres, nombreuses, comprimées, sur un réceptacle convexe garni de paillettes. Parties usitées., — La racine. Récolte. — Ne présente rien de particulier, si ce n’est qu’il faut choisir la racine de la première année. On donne quelquefois par fraude, au lieu de vraie pyrèthre, la racine de l’achillée ptarmique, nommée dans quelques ouvrages Pyrèthre ombellifère (pyrethrum ombelliferum), et qui pourrait bien être la pyrèthre de Dioscoride (1). (Culture. — Cette plante préfère un terrain sec et une exposition un peu chaude; on la multiplie facilement dans le Midi, soit par semis, soit par éclats de pied, mais dans le Nord de la France on ne peut la cultiver qu’en pots, qu’il faut rentrer l’hiver. Elle est commune en Syrie et dans le nord de l’Afrique.] Propriétés physiques et chimiques. — La racine de pyrèthre est d’une saveur brûlante et qui provoque une salivation abondante. Cette racine contient, d’après Koene (2), une substance brune très-âcre d’une apparence résineuse; une huile fixe d’un brun foncé, àâcre ; une huile fixe jaune, àâcre (ces trois principes constituent la pyrélhrine, suivant Kœne); du tannin, une substance gommeuse, de l’inuline, des sul- fates, des hydrochlorates et des carbonates de potasse, des phosphates et des carbo- nates de chaux, de l’alumine, de la silice, de l’oxyde de fer et de manganèse, du li- gneux. La partie active (Pyréthrine) est brune, mollasse et poisseuse. Son odeur est fade et nauséeuse, sa saveur est brûlante ; elle rubéfie la peau. Elle est insoluble dans l’eau, soluble dans l'alcool, l’éther, l'acide acétique, les huiles volatiles et les huiles fixes. Elle existe en plus grande quantité dans l’écorce de la racine que dans la partie ligneuse : la pyrèthre vermoulue en contient beaucoup. (La racine de pyrèthre pulvérisée constitue la poudre insecticide Vicat, employée avee succès contre les punaises. Sa saveur brûlante a été frauduleusement utilisée pour donner une apparence de force aux eaux-de-vie de mauvaise qualité.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Poudre, 25 à 80 centigr. et | Teinture éthérée (racine de pyrèthre, 1; éther plus, progressivement, en pilules. sulfurique, 4. Opérez par la méthode de Teinture alcoolique (1 sur 4 d’alcool à 36 de- Géplacement), odontalgique extrêmement grés, 2 à 4 gr., en potion). âcre. À L’EXTÉRIEUR. — Décoction (30 gr. pour 250 | Huile (racine de pyrèthre, 1 ; huile d'olive, 2. gr. d’eau), excitant en gargarisme et sur la | Faites digérer pendant quelques jours, pas- peau. sez avec expression), rubéfiant. Vinaigre, collutoire odontalgique de Fox (ra- | Poudre, comme sternutatoire. cine, 1 gr.; opium, 4 centigr.; vinaigre, | Racine en petits morceaux, comme sialago= 12 gr. Macérez pendant quelques jours et gue en la mâchant. filtrez) pour calmer les douleurs de dents. (4) Lib. 111, cap. LxxI. (2) Journal de pharmacie, 1836, t. XXII, p. 88. 888 PYROLE. La racine de pyrèthre est très-active. On l’emploie surtout comme un des plus puissants sialagogues indigènes. Mâchée par petits morceaux, elle pro- duit une expulsion abondante de salive et une vive irritation avee chaleur brûlante dans la bouche. On la conseille dans l’engorgement des glandes salivaires, les gonflements fluxionnaires indolents des amygdales, les fluxions muqueuses du pharynx, les douleurs rhumatismales dentaires, la paralysie de la langue. Galien (1) s’en servait en frictions sur la colonne vertébrale dans cette dernière affection. Cet auteur combattait les fièvres intermittentes en appliquant sur le corps, lors du frisson, des compresses imbibées de cette décoction : ce moyen très-remarquable est analogue à l'emploi de nos pédiluves sinapisés, récemment proposés pour prévenir l'invasion de l'accès fébrile. La décoction très-concentrée a été mise aussi en usage pour frictionner les membres paralysés, et pour rappeler la trans- piration cutanée. Cette racine pulvérisée, introduite dans les narines, pro- voque de violents éternuements. On n’emploie pas la racine de pyrèthre à l’intérieur, bien qu’elle puisse être utile comme puissant stimulant. Nacquart (2), en ayant conseillé l'usage à une hémiplégique, le morceau fut avalé par mégarde, et causa pendant deux jours un flux de salive qu'il compare à l’urine visqueuse qu’on rend dans certains Cas de catarrhe de la vessie. Ce morceau, au bout de ce temps, étant descendu dans l'estomac, les accidents cessèrent. Dans l'Inde, les Wytiens en prescrivent l’infusion, concurremment avec celle de gin- gembre, comme stimulant et cordial, contre la paralysie, et dans certaines périodes du typhus (3). Edward Oxley (4) vante cette racine dans les para- lysies rhumatismales, donnée à l’intérieur à la dose de 50 à 75 centigr., deux ou trois fois par jour. Ce praticien l’a portée graduellement jusqu’à la dose de 45 gr. par jour, en substance et en poudre, mêlée avec du muci- lage, de la gomme ou du miel, Toutefois, l'emploi doit en être surveillé. ( est probable que les Romains la mettaient en usage comme aphrodi- siaque; Car, dans l'Art d’aimer (5), Ovide s'élève contre l’excitation factice qui résultait de l’usage de son infusion vineuse : Tritaque in annoso flava pyrethra mero.) PYROLE. Pyrola rotundifolia. L. Pyroia rotundifolia major. G. BAuUH., TouRN. — Pyrola nostras vulgaris. PARK. PYROLACÉES. Fam. nat. — OCTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XXXTIT) habite les lieux spongieux, élevés, de nos bois couverts. Elle est commune dans les forêts du Boulonnais, de l’Artois et de la Picardie. On la trouve dans les environs de Paris (Versailles, Ar- mainvilliers). Son nom lui vient de la ressemblance de ses feuilles avec celles du poirier (pyrus). Description. — Racine blanche, déliée, traçante, fibreuse. — Tige simple, an- guleuse, haute de 30 à 40 centimètres. — Feuilles d’un vert sombre, lisses, arrondies, coriaces, longuement pétiolées. — Fleurs blanches ou rosées, disposées en grappes dressées, à pédicelles recourbés (mai-juin-juillet). — Galice à cinq divisions lancéolées. — Corolle à cinq pétales connivents, ohovales. — Dix étamines incluses, pensées à filets arqués. — Un style à stigmate élargi. — Fruit : capsule divisée en cinq loges remplies de.semences excessivement fines. (1) De simpl. med., lib. vr. : (2) Mérat et Delens, Dictionnaire de malière médicale et de thérapeutique, t. Vp. 160. (3) Ainslie, Matière médicale indienne, t. 1, p. 301. (4) Annales de Montpellier, 1806, p. 16, 2€ partie. (5) Livre 11. QUINTEFEUILLE. 899 (Culture. — Les pyroles ne sont cultivées que dans les jardins botaniques. On les multiplie par éclats de pieds où par graines, Elles préfèrent la terre de bruyère et les lieux couverts. On les trouve dans les régions tempérées de l’Europe. Elles habitent surtout les montagnes et les forèts.] La pyrole, dont la saveur est amère et acerbe, est regardée comme astrin- gente et vulnéraire. On l’a employée contre les hémorrhagies passives, et notamment contre la ménorrhagie et lhémoptysie, dans la leucorrhée ato- nique, les diarrhées chroniques sans irritation vive. On peut la donner en décoction ou en infusion (30 à 0 gr. par kilogr. d’eau), en poudre (2 à 4 gr.), en extrail aqueux ou alcoolique (1 à 3 gr.). Elle entre dans le mé- lange connu sous le nom de vulnéraire suisse. Dans le gouvernement de Kalouga, en Russie, les personnes affectées de gravelle font usage d’un thé de racine de pyrola rotundifolia (4). [La pyrole à ombelle (pyrola umbellata, L., chimaphila umbellata), très- commune en Europe, mais que l’on trouve surtout dans l'Amérique septen- trionale, où elle porte les noms de winter-green et de pippsisewa, qui signi- ficnt bordure d'hiver et herbe à pisser, donne des feuilles qui sont employées comme astringentes, corroborantes et surtout diurétiques; elles ont été très-employées contre l’hydropisie.] QUINTEFEUILLE. Potentilla reptans. L. Quinquefolium majus repens. C. Baun., TourN. —- Pentaphyllum sive quinquefolium vulgure repens. J. BAuH. — Quinquefolium supinum vel repens. Don. — Pentaphyllum. BraANr. Fragaria pentaphyllum. GRANTZ. Potentille rampante, — pentaphyllon, — pipeau, — herbe à cinq feuilles. ROSACEES. — DRYADÉES. — Fam. nat. — ICOSANDRIE POLYGYNIE. La quintefeuille (PI. XXXIHIT), plante vivace, croît partout, sur le bord des chemins, des haies, des fossés, etc. Les vaches, les chèvres, les moutons, broutent la quintefeuille. Description. — Racine longue, épaisse, tout au plus grosse comme le petit doigt, fibreuse, noirâtre en dehors, rougeâtre en dedans. — Tiges minces, effilées, rampantes, articulées et stolonifères comme le fraisier. — Feuilles d’un vert foncé, pétiolées, digi- tées, à folioles crénelées, au nombre de cinq ou sept sur le même pétiole. — Fleurs jaunes ou blanches, solitaires, latérales (juin-août). — Galice soyeux, à dix découpures, dont cinq plus petites, alternant avec les autres. — Corolle à cinq pétales un peu plus grands que les divisions du calice. — Étamines nombreuses plus courtes que les pétales. — Styles nombreux, de même longueur et à stigmates obtus. — Fruits : cinq akènes glabres, un peu rugueux, fixés sur le réceptacle et contenus dans le calice. Parties usitées. — La racine et les feuilles. Héeolte. — La racine peut être récollée en tout temps pour l’employer fraiche ; en automne, pour la conserver après l'avoir mondée de ses filaments et incisée longitu- dinalement. Sa couleur brunâtre et son parenchyme d’un jaune rouge la font reconnaître sèche ; elle diffère de celle du fraisier en ce qu’elle est plus longue et d’une saveur plus acerbe et plus styptique. On doit la préferer grosse. — Les feuilles sont récoltées pen- dant toute la belle saison, pour être employées fraîches ou sèches. (Cualture. — Cette plante n’est cultivée que dans les jardins botaniques ; on la propage par divisions des souches. ] Propriétés physiques et elsimiques. — Cette plante est inodore, la racine est d’une saveur acerbe.et styptique; les feuilles sont moins acerbes. La racine (1) Annales médicales de la Flandre occidentale, 1855, et Journal de la Socièté des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 1855. 890 RAIFORT CULTIVÉ. contient une grande quantité de tannin. — On peut s’en servir au tannage des cuirs. — D’après Pallas (1), elle porte une espèce de cochenille. Substances incompatibles. — Les sels de fer, de zinc, de plomb, de cuivre, d’anti- moine, de gélatine, etc. La racine de quintefeuille est astringente. Hippocrate (2) indique la poten- tille rampante comme propre à guérir la fièvre intermittente. Sénac (3) lui a reconnu cette propriété et l’a employée avec succès dans des cas opiniâtres. Les campagnards la donnent par tradition pour couper la fièvre; ils réussissent souvent quand ils la prennent en décoction très-concentrée, Elle convient comme astringente dans les diarrhées et les dysenteries, lorsqu'il y a absence d’irritation ou d’inflammation. Chomel assure qu’elle lui a réussi dans ces dernières maladies quand l’ipécacuanha avait échoué. On l’emploie aussi contre la leucorrhée par atonie, les pertes séminales, les hémorrhagies passives, etc. J'ai souvent employé, dans ma pratique rurale, une forte décoction de parties égales de racine de quintefeuille, de tormentille et de bistorte. Cette décoction me réussit tout aussi bien que celle du ratanhia contre les hémor- rhagies passives, et a sur cette dernière l’avantage de ne coûter que la peine de récolter les racines indigènes qui la composent. On peut se servir de la décoction aqueuse ou vineuse de quintefeuille, en gargarisme dans les maux de gorge, l’angine pultacée, les ulcères de la bouche, la stomatite diphtérique, le relâchement des gencives, etc. RAIFORT CULTIVÉ. Raphanus sativus. L. Raphanus minor oblongus. G. Baux. — Raphanus. OFF. Radis cultivé, — raifort des Parisiens. CRUCIFÈRES. — RAPHANÉES. Fam. nat. — TETRADYNAMIE SILICULEUSE. L. Cette plante annuelle (PI. XXXIIT), cultivée dans tous les jardins potagers est, dit-on, originaire de la Chine. Description. — La forme des racines, dans cette espèce, détermine les variétés suivantes : 4° Radis cullivé (R. sativus) : racine globuleuse ou napiforme, d’une couleur rose ou blanche à l'extérieur, toujours blanche intérieurement ; 2° Petite Rave (R. vul- garis), variété de la précédente : racine globuleuse, déprimée ou oblongue, blanche, rose ou rouge; 30 Radis noir, plus particulièrement Raifort des Parisiens (R. niger), racine volumineuse, à épiderme noir, rugueux, à chair dure et très-piquante. — Tiges de 60 à 90 centimètres, droites, rameuses, rudes au toucher, écartées. — Feuilles pé- tiolées, amples, alternes, rudes, principalement celles du bas, découpées en lyre, à lobes inégaux, ovales ou oblongs, dentelés, arrondis ou aigus à leur sommet, le terminal beau- coup plus grand que les autres; feuilles supérieures presque simples. — Fleurs blanches, purpurines ou d’un violet tendre, solitaires, pédicellées, réunies en grappes longues, lâches, terminales. — Calice composé de quatre folioles droites, serrées, conniventes. — Corolle à quatre pétales en croix; six étamines tétradynames; quatre glandes sur le disque de l'ovaire; un style très-court; stigmate simple en tête. — Fruit : silique oblongue, renflée vers sa base, prolongée en une pointe subulée, spongieuse, indéhis- sente, divisée intérieurement en deux loges renfermant des semences arrondies. Parties usitées, — Les racines fraiches. [Récolte. — Les racines de ces plantes sont d'autant plus délicates qu'elles sont mangées plus jeunes et cueillies au moment du besoin. Culture. — Le radis sauvage vient dans toutes les moissons et les décombres, les terrains cultivés; les radis sont semés tous les quinze jours, du printemps à l’automne. (1) Voyage, t. I, p. 314. (2) De morb., lib. 11. (3) De recond. febr. intermitt. natura. Amsterdam, 1759, RAIFORT SAUVAGE, 891 On hâte la germination en mouillant les graines vingt-heures avant de les semer. Si on veut avoir des radis doux, non àâcres, il faut pratiquer des arrosages fréquents. Propriétés physiques et chimiques. — Les graines des raïforts sont assez riches en huile fixe pour qu’il soit possible de les exploiter industriellement, s'ils donnaient plus de graines; les feuilles et les souches renferment une huile essentielle àcre et sulfurée, | Ces diverses variétés de raifort, employées comme alimentaires, et dont la thérapeutique peut retirer des avantages, sont stimulantes et antiscorbu- tiques. J'ai vu guérir en 1854, par le seul usage du pain, des pommes de terre cuites, des oignons, du radis noir, de la salade, du cresson et du pis- senlit, un scorbut grave, avec œdème et ulcères aux jambes, taches caracté- ristiques, hémorrhagies nasales, stomatite fétide et ulcération des gencives, chez un cordonnier de trente ans, qui avait contracté cette maladie dans un logement humide et étroit, où il se tenait presque constamment. (La décoction miellée de raves est un remède populaire contre les toux opiniâtres.) Tissot (1) la vante à l'extérieur contre les engelures. On en augmente l’effi- cacité en y ajoutant 1/16 de vinaigre. La partie malade est mise plusieurs fois par jour dans cette décoction tiède. Celse (2) recommande le même moyen. La racine de radis noir ou des Parisiens (raphanus niger), qui a une saveur àâcre et piquante très-prononcée, est rubéfiante, d’après Loiseleur-Deslong- champs. L’écorce noire qui enveloppe cette racine, râpée et appliquée au bras, y a développé, au bout de trois heures, une rubéfaction analogue à celle que produit la farine de moutarde. L'expérience, répétée deux fois, a donné les mêmes résultats. [Nous citerons encore le radis sauvage ou ravanelle (R. raphanestrum, L., raphanestrum arvense, Wallz) comme jouissant à peu près des mêmes pro- priétés, seulement ses racines sont trop fibreuses et trop menues pour être mangées. On a attribué aux graines de cette variété, mélangées au froment, une maladie fréquente en Suède qu’on nomme raphania où raphanis; elle consiste dans des contractions des articulations, des douleurs violentes pé- riodiques, des convulsions; Linné a produit cette maladie chez les poules en les nourrissant de graines de ravanelle.] RAIFORT SAUVAGE. Cochlearia armoracia. L. Raphanus rusticanus. GER., PARK., GC. BAuH., TouRN.—Raphanus sylvestris, sive armoracia multis. J. BAuH.— Raphanus magna. Don. Armoracia. PLIN. — Raphanus sylvestris. BLACK. Grand raifort sauvage, — cranson, — moutarde des capucins, des Allemands, — moutardelle, radis de cheval, — cran de Bretagne, — rave sauvage. CRUCIFÈRES. — ALYSSINÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. Le grand raifort sauvage, plante vivace, vient spontanément dans les fossés, sur les bords des ruisseaux, dans presque tous les départements de la France, principalement en Bretagne. On le cultive dans les jardins. En Angleterre et en Allemagne, il est l’objet d’une grande culture. Description. — Racine forte, charnue, cylindrique, très-longue, renflée, d’un blanc jaunâtre à l'extérieur, blanche en dedans. — Tige robuste, dressée, de près d’un mètre de haut, striée, rameuse en haut, cannelée, glabre, creuse. — Feuilles radicales très-grandes, longuement pétiolées, ovales-oblongues, un peu ondulées, crénelées; les caulinaires inférieures, oblongues, ordinairement pinnatifides, sessiles ; les supérieures (1) Avis au peuple, t. II, p. 315, 5° édit. (2) Lib. v, cap. xxvin. 892 RAIFORT SAUVAGE. lancéolées, entières ou crénelées : toutes d’un vert brillant. — Fleurs blanches, herma- phrodites, régulières, en grappes rapprochées en une panicule terminale (juin-juillet). — Calice à quatre sépales libres, caducs, un peu étalés. — Corolle à quatre pétales en croix, libres, caducs, longuement unguiculés. — Six étamines tétradynames. — Anthères bilobées, intorses. — Ovaire libre à deux carpelles, partagé en deux loges polyspermes. — Style indivis, persistant. — Stigmate entier. —- Fruit : silicules longuement pédicel- lées, subglobuleuses, à valves très-convyexes, non cavénées; graines sans périsperme, comprimées, Parties wsitées. — La racine, quelquefois les feuilles. [Culéure. — Le raifort sauvage est multiplié par tronçon de racine que l’on met en terre au printemps; il aime une terre fraîche, ombragée. On peut aussi le semer à lau- tomne pour le repiquer en place au printemps.] Réeolte. — Le raifort (racine et feuilles) ne doit être employé qu’à l’état frais (4). On l’arrache après la floraison ; elle est plus active lorsqu'elle a atteint sa deuxième : année. Elle n’est plus convenable après deux ans, el doit étre rejetée lorsqu'elle est ligneuse. Les feuilles récoltées avant la floraison sont plus actives. Propriééés physiques et ehiamiques. — La racine de raifort est ino- dore tant qu’elle reste intacte; mais brisée ou divisée, elle répand une odeur vive, am- moniacale ; sa saveur est piquante, chaude, amère, brûlante, qualité qu’elle doit à une huile aussi âcre que celle de la moutarde, et qu’elle perd par la coction et la dessic- cation. Elle contient, d’après Einhoff, une résine amère, du soufre (toutes les crucifères en contiennent}, de la fécule, de l’albumine, une huile volatile d’un jaune clair, très-fé- tide et très-irritante; de l’acétate et du sulfate de chaux, du ligneux, etc. — Bussi, Fremy et Boutron ont démontré que l'huile volatile ne préexiste pas plus dans les racines de raifort que dans la moutarde et les amandes amères; elle ne prend naissance que par une sorte de fermentation. Subslin:es incompatibles : les carbonates alcalins, le bichlorure de mercure, lazotate d'argent, les infusions astringentes, telles que celles de quinquina et de noix de galle. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 15 à 80 gr. par kilogramme d’eau. Suc exprimé, de 15 à 30 gr, Eau distillée, de 15 à 30 gr. dans une po- tion. Sirop (1 de suc sur 2 de sucre), de 15 à 60 gr., en potion. Sirop composé préparé à froid (Dorvault, page 557), mêmes doses. Sirop de raifort préparé à froid (Commucci). liquide sirupeux que l’on recueille et que l’on fait prendre au malade le matin. (Sirop de raifort iodé : sirop de raifort, 300 gr.; iode, 50 centigr.; alcool, Q. S. — Dose, 20 à 100 gr. par jour.) Vin ou bitre (par macération à vase clos de la racine fraiche, 8 à 15 gr. sur 1/2 litre), de 30 à 100 gr. Teinture, de 8 à 15 gr., en potion. Racine crue râpée, comme assaisonnement. (On prend six où huit raiforts, que l’on coupe en morceaux, que l’on étend en cou- ches sur des ficelles rapprochées, tendues au-dessus d’un plat ou d’une assiette. On les couvre de sucre en poudre, et quelques heures après on trouve au fond du vase un A L’EXTÉRIEUR. — Teinture, en frictions. — Pilé, en pédiluves, sinapisme, etc. La racine de raifort entre dans le vin, la bière et le sirop antiscorbutiques, dans la teinture de raifort composée, etc. La racine de raifort est très-stimulante et antiscorbutique. Son action, puissamment tonique et excitante, due à l’huile volatile âcre et caustique que la fermentation y développe, l’a fait conseiller dans les serofules, les catarrhes chroniques, l’asthme pituiteux, l’engorgement des voies respira- toires, l’œdème des poumons. les rhumatismes chroniques, certaines hydropisies passives, quelques maladies cutanées, etc. A l'extérieur, elle agit comme rubéfiante et peut, comme telle, remplacer la moutarde. Le raifort sauvage est une plante précieuse ; il est, comme le cochléaria, . au premier rang des plantes antiscorbutiques, et convient dans tous les cas (1) Selon les recherches de Lepage (in Dorvault, p. 499), le raifort ne perd pas ses qualités par la dessiccation, lorsque cette dessiccation a été opérée convenablement. Il suffit de faire intervenir l’eau pour que, sur-le-champ, l'huile volatile prenne naissance. Aussi le pharma- cien de Gisors a-t-il été amené à proposer l'emploi de la poudre de raifort dans les mêmes cas que la farine de moutarde. RAIFORT SAUVAGE. 893 où les toniques stimulants sont indiqués. Le suc de raifort est vomitif à la dose de 30 à 80 gr. Suivant Rivière, la semence de cette plante, à la dose de 15 à 24 gr. en décoction, est aussi émétique et purgative. (Ciet vomitum, si succus vel infusio in aceto cum melle tepido assumatur et aqua superbibatur, dit Schroeder. (Ettmuler dit avoir guéri une femme hydropique, ascitique ct scorbutique, avec toux, difficulté de respirer, au moyen de la racine de raifort sauvage infusée dans du vin blanc, avec du cresson d’eau haché et pilé dans un mortier. La malade buvait ce mélange, qui purgeait par haut et par bas. Gilibert considère le suc de la racine de: cette plante comme un des plus forts diurétiques indigènes. Bartholin fait infuser la racine de rai- fort dans la bière, comme antise orbutique et diurétique. Bergius faisait avaler, contre la goutte et le rhumatisme chronique, 1 cuillerée de râpure de celte racine chaque matin à jeun, et par dessus { tasse de décoction de sommités de genévrier. Linné faisait grand cas du sirop préparé à froid avec le raifort dans l’asthme scorbutique. Sydenham recommandait la racine de cette plante dans les hydropisies qui sont la suite des fièvres inte rmittentes. Cullen la croit utile dans le rhumatisme. Raygerus (1) rapporte qu'une dame affectée depuis plusieurs années d’un rhumatisme qui avait résisté à tous les moyens connus, en fut débarrassée par l'usage de la décoction de cette racine dans du lait. Lanzoni (2) a guéri un bourgeois de Ferrare, attaqué d’un enrouement chronique considérable au moyen du sirop de raifort. Les Suédois préparent un petit lait médicamenteux, en jetant du lait bouilli sur la râpure du raifort, humecté avec du vinaigre ; ensuite ils en séparent le fromage. Ce petit lait, que j'ai fréquemment employé dans ma pratique comme diurétique, est une excellente préparation. Je l’ordonne principalement dans l’anasarque, le scorbut, la gravelle sans trop d’irrita- tion, et dans certains catarrhes chroniques. Je me trouve très-bien dans la leucophlegmatie, les cachexies, la chlorose, etc., de l’usage du vin de racine de raifort et de baies de genièvre concassées, de chaque 30 gr. pour 1 litre de bon vin blanc. Je fais prendre ce vin par plusieurs cuillerées par jour, ou à la dose de 60 gr. matin et soir. Hufeland (3) faisait digérer pendant vingt-quatre heures 30 gr. de racine fraîche de raifort dans 1 kilogr. de bière, avec addition de 30 gr. de sirop simple, et administrait cette boisson par tasses toutes les trois heures dans l’'hydropisie. Brenneck (4) prétend que cette même infusion est très-efficace dans l’aménorrhée et la leuchorrhée. Vitet recommande l’infusion con- centrée de racine de raifort contre la leucophlegmatie. Desbois, de Roche- fort, propose de remplacer, pour les pauvres, le vin antiscorbutique par celui de raifort. La racine fraiche, rapée et infusée du soir au matin dans À verre de vin blane, que l’on prend après l’avoir passé avec expression, est un remède populaire contre la gravelle. Magnus Huss (5) recommande ce médicament dans l’hydropisie qui dépend d’une affection des reins, et qui se décèle par une proportion très- grande d’albumine dans les urines. Rayer à employé avec avantage la racine du raifort dans l'hydropisie résultant de la néphrite albumineuse chronique. « J'ai vu, dit cet auteur, l’hydropisie diminuer, ou même quelquefois dis- paraitre complétement, par l’action diurétique de la tisane de raifort sau- vage. Plusieurs malades ont refusé de continuer cette boisson, parce qu'ils Ja trouvaient désagréable, et qu’elle leur fatiguait l’estomac. J’en ai vu d’autres qui, malgré la persévérance avec laquelle ils en ont fait usage, n’en (1) Eph. nat. cur. (2) 1bid. (3) Meyer, Recepttaschenbuch, 1836, p. 30. (4) Rinnas, Répertoire, 1833. {5) Dieffenbach, Zeitschrift für die gesammte Medizin, 1837, t. IV, cah. 5. 894 RAISIN D'AMÉRIQUE. ont retiré aucun soulagement. Cependant, de tous les diurétiques, c’est encore celui dont l’usage m'a paru offrir généralement le plus de chances de succès (1). » Martin-Solon vante aussi ce puissant diurétique contre l’albu- minurie. Commucci (2) recommande l'emploi contre l’ictère d’un sirop de raifort sauvage (Voyez Préparations pharmaceutiques et doses), qu’on administre trois ou quatre jours de suite dans la matinée, ordinairement 4 doses suf- fisent. D’après Commucci, depuis douze ans cette formule n’aurait pas échoué une seule fois entre ses mains. (Le sirop de raifort réussit fort bien en collutoire dans le muguet.) La propriété rubéfiante et puissamMment révulsive de la racine de raifort est à peine connue dans la médecine urbaine. Cependant Cullen la regarde comme plus active que la moutarde, et Haller la dit préférable pour pré- parer les sinapismes, à toutes les plantes de la famille à laquelle elle appar- tient. Cette racine est, d’après les expériences de Dubois, de Tournai, et les miennes, l’un des plus prompts de tous les rubéfiants connus. « Un cata- plasme de cette racine râpée et appliquée à la partie inférieure de l’avant- bras gauche, a produit chez nous, dit Dubois, les phénomènes suivants : au bout de six minutes d'application, sensation de cuisson très-marquée qui va toujours croissant; vingt minutes, sentiment de chaleur et de brûlure très-cuisante. Il existe à la peau une plaque d’un rouge vif, de ia grandeur de la paume de la main, et ayant la plus forte analogie avec une forte brü- lure au premier degré. L'expérience, répétée plusieurs fois, a toujours donné les mêmes résultats. Il résulte également de nos expériences que les feuilles: de raifort écrasées, mises dans une quantité convenable d’eau chaude, four- nissent des bains de pieds rubéfiants, qui ne le cèdent en rien à ceux qu’on prépare avec la farine de moutarde. Ces mêmes feuilles, écrasées et appli- quées au bras pendant deux heures, ont développé chez nous tous les phé- nomènes d’une rubéfaction assez intense. » Ayant expérimenté sur moi-même l’application topique du raifort sau- vage, j'ai obtenu absolument les mêmes résultats. Je l’ai ensuite fréquem- ment employé dans ma pratique rurale, et j'ai toujours eu à me louer de son effet. Nous avons, à la campagne, une foule de plantes dont les pro- priétés analogues nous offrent des ressources variées pour satisfaire à une seule et même indication. RAISIN D'AMÉRIQUE. Phytolacea decandra. L. Phytolacque à dix étamines, — épinard des Indes, — lacques, — méchoacan du Canada, épinard d'Amérique, — amarante. CHÉNOPODIACÉES. Fam. nat. — DECANDRIE DÉCAGYNIE. L. Cette belle plante vivace (PI. XXXIID), originaire de l'Amérique septen- trionale, est aujourd’hui naturalisée dans le midi de l’Europe. Elle est si multipliée dans le Piémont, dans les Pyrénées, dans les Landes, et quelques autres de nos départements méridionaux, qu’on peut la regarder comme indigène. Description. — Racine très-grosse, pivotante, épaisse, brune en dehors, blanche en dedans et divisée en fibres charnues. — Tiges droites, glabres, luisantes, anguleuses, quelquefois d’une belle couleur rouge, hautes de 4 à 2 mètres. — Feuilles alternes, ovales, lancéolées, à pétioles courts, terminées par une épine aiguë et dure. -— Fleurs blanches ou rosées, petites, disposées en longues grappes sur des pédoncules très-striés, opposées aux feuilles (juillet-août). — Galice coloré à cinq divisions pétaloïdes, — Point de corolle. — Dix étamines aussi longues que le calice, à anthères latérales. — Un seul (1) Traité des maladies des reins. Paris, 1830. (») Bulletin de thérapeutique, t. XLIV, p. 185. RAISIN D'AMÉRIQUE. 895 ovaire avec dix styles à stigmate simple, — Fruit : baies arrondies comprimées, grosses à peu près comme des grains de raisin, de couleur purpurine, contenant un suc pourpre très-foncé, à dix ou douze loges contenant des semences hémisphériques. Parties usitées. — Les racines, les feuilles, les fruits. Culture, — On la cultive dans les jardins pour la beauté de son feuillage et de ses fruits en grappes et d’un rouge vif, Elle résiste l'hiver, pourvu qu’on la couvre de litière à l'approche des grands froids. C’est une plante très-rustique qui vient partout, et sans aucun soins. Elle se propage par graines ou par divisions des souches, | Récolte. — On peut récolter la racine en tout temps, parce qu’elle est vivace; les feuilles peuvent être cueillies pendant toute la belle saison. On ne peut recueillir les baies qu’à la fin de l’automne. Propriétés physiques et chimiques, — Toule cette plante est inodore, — Les baies sont succulentes, amères, acerbes et désagréables; les feuilles, un peu vi- reuses et amères. La racine à une saveur àcre. Il résulte d’un travail de Bracon- not sur la phytolacca decandra : 1° que la potasse existe en quantité énorme dans ce végétal (50 kilogr. de ses cendres contiennent 33 kilogr. 361 gr. de salin desséché, contenant 21 kilogr. de potasse pure et caustique ; 2° que l’incinération peut fournir un alcali riche ; 3° que la potasse est saturée dans cette plante par un acide qui est fort voisin du malique, mais qui en diffère sous quelques rapports; 4° que ces baies peuvent fournir par la fermentation et la distillation une certaine quantité d'alcool; 5° que leur matière colorante peut être employée comme réactif; 6° que les l'euilles sont alimen- taires (1). Il conclut que la culture de cette plante peut devenir une branche d'industrie avantageuse pour la récolte de la potasse. Déjà Decandolle avait émis l'opinion qu’on néglige trop en France cette plante, tandis qu'aux Etats-Unis on sait en tirer parti, ce qui est d'autant plus blämable qu’elle croît avec facilité dans les terrains qui ont du fond. On s’est servi du suc rougeàtre des baies pour colorer le vin blanc. En Portugal on à été obligé d’ordonner de couper les phytolacca avant la floraison pour éviter cette fraude, qui altérait d’ailleurs la qualité du vin. Les baies servent aussi en teinture, quoiqu’elles ne donnent qu’une couleur fugace, d’après Bonafous. Les jeunes pousses et les jeunes feuilles du raisin d'Amérique sont seule- ment émollientes, et se mangent à la Jamaïque et dans l'Amérique septen- trionales, les premières en guise d’asperges, les secondes comme les épinards ; mais lorsque la plante a acquis son entier développement, elle est irritante, vomitive et purgative. 2 cuillerées de son suc, qui est âcre, purgent vive- ment; appliqué à l’extérieur, il irrite et rubéfie la peau. Larder (2) rapporte plusieurs cas d’empoisonnement par la phytolaque. (Ce poison produit les effets d’un hyposthénisant après avoir agi comme éméto-cathartique. Son antidote, suivant Bodart (3), est le lait. La plante a été employée à l’intérieur contre le rhumatisme, surtout contre celui qui succède à la syphilis, dans les éruptions cutanées chro- niques, la gale, les dartres, les hémorrhoïdes ; dans cette dernière affec- tion, si l’usage interne ne la guérit pas complétement, on en injecte une infusion dans le rectum ; Jones et Kollock, de l'Etat de Savannah (4), assurent que la phytolacca guérit la syphilis dans ses diverses époques, même sans l’aide du mercure. Le suc épaissi au soleil a été vanté contre les affections cancéreuses. Il cause, dit-on, des douleurs violentes, que le malade doit supporter pendant vingt-quatre heures. Linné parle d’une cure opérée par ce moyen dans l’espace de huit semaines, et d’un cancer au sein guéri au bout de six mois. Schopf (5), Brown (6) assurent que la phy- tolacca passe en Amérique pour un vrai spécifique contre le ‘cancer ouvert, et contre les plaies cancéreuses. Murray croit que Coldonius est le premier (1) Annales de chimie, 1807, t. LXII, p. 71. (2) Roques, Phytographie médicale, nouvelle édition, r. I, p. 307. (3) Cours de botanique médicale comparée, t. I, p. 154. (4) Coxe, 4meric. dispens., p. 4156. (5) Matière médicale américaine. (6) Histoire de la Jamaïque. 896 REDOUL. qui ait parlé des vertus de celte plante contre le cancer et contre les plaies fistuleuses. Malheureusement, l’observation rigoureuse des faits n’a pas sanc- tionné ce que les auteurs ont rapporté sur les propriétés anticancéreuses du raisin d'Amérique. Les baies sont purgatives comme les feuilles. Les pigeons qui les mangent deviennent purgatifs, ainsi qu’on en a eu la preuve chez les étudiants du collége Priceton, aux Etats-Unis, qui furent violemment évacués pour avoir mangé des pigeons qui s’en étaient nourris, comme le raconte Rush, de Philadelphie (4). ‘ Infusées dans l’eau-de-vie, ces baies sont un remède populaire aux Etats- Unis contre le rhumatisme chronique : on les substitue au gayac. De toutes les parties de la phytolacque, c’est la racine qui est la plus active, surtout lorsqu'elle compte plusieurs années. C’est un purgatif violent qui exige beac- coup de prudence. Nathan Crawfor a publié une guérison d'hydrophobie par la racine de phytolacca, chez une jeune fille qui avait des spasmes deux fois par jour, sans hydrophobie, etc.; rien n’est donc moins prouvé que cette prétendue guérison d’une rage qui ne nous paraît être qu’une hysté- rie. Il paraît, d’après Valentin (2), que cette racine, en infusion ou en dé- coction, peut être employée en place d’émétique, à la dose de 4 à 8 gr. Sèche, elle n’a presque aucune action sur l’estomac. (En Hollande, on emploie contre la gale et la teigne rebelle une pommade ainsi faite : poudre de racine de phylotaque, 30 gr.; axonge, 360 gr.) [Nous citerons la phylotaque à huit étamines (P., octandra, L.), qui diffère par le nombre de ses étamines et ses fleurs d’un blanc jaunâtre, groupées en épis dressés, et la phylotaque dioïque (D., dioica, L.) ou belombra, qui est un arbre de moyenne grandeur dont les feuilles sont marquées de grosses ner- vures rouges. Ils jouissent tous des mêmes propriétés.] REDOUL. Coriaria myrtifolia. L. Redon, — roudon, — corroyère à feuilles de myrte, — herbe aux tanneurs, etc. CORIARIÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE PENTANDRIE. L. [Descerigptiom.— Arbrisseau à tige rameuse. — Feuilles opposées, presque ses- siles, ovales, lancéolées, aiguës, entières, lisses, marquées de trois nervures principales. — Fleurs polygames, petites, verdâtres, disposées en grappes dressées, munies de brac- tées. — Calice à cinq divisions égales, persistantes. — Corolle à cinq pétales plus courts que le calice, sessiles, persistants, s’accroissant avec le fruit et devenant pulpeux. — Dix étamines sur deux rangs, les intérieures opposées aux pétales, les extérieures al- ternes avec eux. — Ovaire libre, sessile, à cinq lobes et cinq loges uniovulées. — Cinq styles libres terminés chacun par un stigmate filiforme. — Fruit formé de cinq coques crustacées, monospermes, indéhiscentes, recouvertes par la corole charnue et le calice membraneux, le tout simulant une baie noire. Parties usitées. — Les feuilles, les fruits. Récolte. — Les fruits sont récoltés lorsqu'ils sont mûrs; les feuilles à l'époque de la floraison. Cualéure. — Le redoul croît dans les endroits frais, sur les bords des ruisseaux. Il est répandu dans les régions méridionales de la France et de l'Europe. Il est cultivé pour la tannerie. On l’a introduit dans les parcs d'agrément. Il préfère une terre fraîche et humide. On le propage par rejetons et éclats de pieds.] (Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Les feuilles sont inodores et sans saveur marquée. Guibourt (3) a traité l’infusion, peu colorée, astringente el amère du coriaria M., par la gélatine, le tartre stibié et le (1) Ricord-Madiana, Recherches sur la Brinvilliers. (2) Journal de médecine de Corvisart et Leroux, t. XVI, p. 137. (3) Journal de chimie médicale, 1828, t. iV, p. 536. REGLISSE 897 bichlorure de mercure, il a obtenu un précipité blanc ; un noir par le nitrate d'argent, un gélatineux par la potasse caustique. On avait signalé dans ces feuilles un corps par- ticulier, la coriarine; mais c’est réellement Riban (1) qui en a le premier isolé le prin- cipe actif, la coriamyrtine, corps neutre non azoté, amer, cristallisant en prismes rhom- boïdaux obliques, peu soluble dans l’eau, très-soluble dans l'alcool bouillant et dans l'éther, que les acides dédoublent en glycose et en un corps analogue à la saligénine; c’est, par conséquent un glycoside, sa formule — C*5H*$0!6, Le redoul est employé pour la teinture en noir, et, comme son nom de coriaria l’in- dique, il sert au tannage des cuirs. Dans un but de lucre, on a mélangé les feuilles de redoul à celles de séné, fraude d'autant plus grave que, nous le verrons plus loin, le redoul constitue un poison extré- mement énergique. Guibourt a donné (2) les caractères distinctifs des différents sénés et du redoul. La feuille de séné ordinaire présente plusieurs nervures parallèles, sail- lantes en dessus et en dessous, se rendant sous la principale nervure de la feuille. Le redoul porte deux nervures divergentes, saillantes en dessus, creuses en dessous, se ren- dant sur la principale nervure de la feuille. Rappelons aussi l'odeur du séné et la saveur amarescente de ses feuilles.) (Toutes les parties du redoul, surtout arrivé à l’état adulte, sont vénéneuses. Sauvages (3) a vu les baies produire la mort une heure et demie après leur ingeslion, au milieu de convulsions atroces. Sur quinze soldats qui en man- gèrent, Pujada en vit trois mourir (4). Renaud (5) publia plus tard quatre cas d’empoisonnement dont un mortel. Les feuilles et les tiges sont aussi nuisibles. Les bestiaux qui les brouten!t en ressentent des vertiges, une ivresse passagère. En 1827, un homme mourut, à Hazebrouck (6), quatre heures après avoir pris la décoction de 4 once de séné mélangé de redoul; la même décoction fit périr un chien en dix minutes. La CORIAMYRTINE a une action toxique puissante. 2 décigr. donnés à un chien de forte taille par Riban, quoique vomis en entier presque aussitôt, ont produit des convulsions horribles après vingt minutes et la mort en une heure quinze minutes. 8 centigr. tuent les lapins; une injection sous-cutanée fait mourir un lapin en vingt-cinq minutes. Les symptômes qui précèdent la mort sont des secousses vives de la tête se reproduisant par accès et se com- muniquant à tous les membres, qui deviennent le siége de convulsions clo- niques et tétaniques; il y a contraction de la pupille, trismus, écume à la bouche; puis, mort par asphyxie et épuisement nerveux. A l’autopsie, les vaisseaux sont gorgés de sang brun coagulé. Il en est de même des cavités cardiaques, de l'artère pulmonaire, de la veine cave inférieure; extravasa- tions sanguines dans les poumons ; injection des méninges; rigidité cadavé- rique rapide. Aucune action irritante appréciable sur le tube digestif, L’ana- logie d'action toxique avec la strychnine pourrait faire faire avec la corroyère ou la coriamyrtine des recherches au point de vue de la thérapeutique et tenter l'emploi de ce puissant modificateur dans certaines maladies du sys- tème nerveux.) RÉGLISSE. Glycyrrhiza glabra. L. Glycyrrhixa siliquosa vel germanica. C. BAUH., T. — Glycyrrhiza vulgaris. Don. — Liquiritia. BRUNF. — Liquiritia seu glycyrrhiza. OFF. Réglisse glabre, — réglisse vulgaire, —.réglisse des boutiques, — racine douce, — glycaraton. LÉGUMINEUSES. — LOTÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. La réglisse croît spontanément en Bourgogne et dans les départements méridionaux de la France. On la cultive aux environs de Paris. (4) Journal de pharmacie et de chimie, juin 1864. (2) Journal général de médecine, t. XCVI, p. 18. (3) Histoire de l'Académie des sciences, 1739, p. 473. (4) Annales de médecine de Montpellier, 1811. (5) Revue médicale, t. IV, p. 229. (6) Journal de chimie médicale, 1827, t. IT, p. 431. pu 898 RÉGLISSE. Description. — Racines longues, rampantes, cylindriques, d’un jaune brun en dehors et d’un jaune pàle en dedans. — Tiges de 4 mètre à 1 mètre 50 centimètres de hauteur, presque ligneuses, fermes, rameuses, arrondies, à rameaux un peu pubescents, — Feuilles alternes, pétiolées, imparipinnées, composées de treize ou quinze folioles op- osées, entières, presque sessiles. — Fleurs petites, rougeâtres ou purpurines, en épis ongs, axillaires, peu fournis (juillet-août). — Calice tubulé à deux lèvres, la supérieure à 4 divisions inégales, l’inférieure simple et linéaire. — Corolle papilionacée. — Dix éta- mines diadelphes. — Un style subulé à stigmate obtus. — Fruits : gousses ovales un peu comprimées, pointues, glabres, ordinairement polyspermes, contenant six graines réni- formes. Parties usitées. — La racine ou rhizome, le bois. Culture, récolte. — Cette racine, qu'on nomme aussi bois de réglisse, se ré- colte au printemps et à l’automne, mais pas avant sa troisième année. On la fait sécher au soleil ou au grenier. Elle nous est envoyée ordinairement de Bayonne ou de la Tou- raine. Depuis quelque temps le commerce livre une réglisse décortiquée fort belle. — Dans les terres fortes, la réglisse ne végète que difficilement. Cette plante, très-rustique et très-vivace, est d’une culture facile dans un terrain doux, léger, substantiel et profond. Alors ses racines s'étendent à de grandes distances, en fournissant beaucoup de jets. Le moyen le plus prompt de la multiplier consiste à planter au printemps ou à l’automne des drageons ou pieds enracinés, que l’on place en lignes distantes de 30 centimètres et en planches séparées par des tranches garnies de fumier. [On peut aussi la propager de graines semées en pots, sous couche, au printemps, et repiquées en mottes.| Propriétés physiques et chimiques. — La racine de réglisse, d’une odeur faible, est d’une saveur douce, sucrée, un peu âcre. Elle contient, suivant Ro- biquet, une matière sucrée particulière, non fermentescible, qu’il a nommée glycyrrhizine (G'5H'205), se présentant en masse d’un jaune sale ; une matière analogue à l’asparagine, mais cristallisable ; de l’amidon, de l’albumine, une huile résineuse, épaisse et âcre ; du phosphate et du malate de chaux et de magnésie, du ligneux. L’eau froide dissout les principes sucrés et émollients, mais ne se charge pas de l’huile âcre, qui ne se dissout que dans l’eau chaude. La racine de réglisse donne à peu près un tiers de son poids d'extrait. Celui du com- merce, préparé par décoction, contient de la matière âcre et est souvent en partie brûlé. Il contient aussi du cuivre, qui a été enlevé mécaniquement aux vases évaporatoires. Au- jourd’hui, on le trouve toujours falsifié par une forte proportion de poudre inerte d’amidon, de pulpe de pruneaux, de gomme commune, etc. Pour l'usage médical, le suc de réglisse préparé dans les laboratoires est donc préférable à celui du commerce. [Celui-ci contient en outre souvent des proportions notables de cuivre, provenant des vases dans lesquels on le prépare. ] Les brasseurs, en Flandres et en Angleterre, emploient le suc de réglisse pour la fabri- cation de la bière, qui en devient plus colorée et plus douce. — Julia de Fontenelle et Poisson ont présenté en 1827, à l’Académie des sciences, des échantillons d’un beau pa- pier fait uniquement avec le bois de réglisse. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion à froid (racine), 8 à grattée, 1; gomme arabique, 8; sucre blanc, 16 gr. par 500 gr. d’eau (enlever l'écorce, la fendre en quatre ou six), suivant la gros- seur, six heures de macération. Infusion à chaud, mêmes quantités, — saveur plus forte et même un peu âcre, quand l’in- fusion est prolongée. Décoction, moins agréable que les infusions, parce qu’elle contient le principe oléo-rési- neux âcre et amer de la racine. Dans les tisanes, il ne faut ajouter la racine de ré- glisse qu’au moment où la décoction est ter- minée.ou presque froide. Extrait, on le màche ou on le fait fondre dans J’eau ou dans les tisanes. Extrait de réglisse dépuré. (Extrait de réglisse du commerce, (9. S.; eau froide, (. S. — Mettre l'extrait sur un diaphragme et le plonger dans l’eau, où il se dissout peu à peu; passer au blanchet et faire évaporer en consistance d’extrait pilulaire). Pâte de réglisse blanche, (Racine de réglisse 8; eau de fleurs d’oranger, 1; blanc d'œuf, Q. S. — Douze blancs d’œuf pour 1 kilogr. de sucre. La plupart des pharmaciens sup- priment les blancs d’œufs et coulent cette pâte en plaques comme celle de jujubes). Pâte de réglisse brune, (Suc de réglisse, 1; gomme arabique, 15; sucre, 10; eau, 25; extrait d’opium, 1 gr. par kilogr. de sucre. 100 gr. de cette pâte contiennent encore 3 gr. d'extrait d’opium. Pâte de réglisse noire. (Sucre de réglisse, 1; gomme arabique, 2; sucre, 1. — Faire fon- dre le suc dans 4 parties d’eau, y dissoudre la gomme et le sucre, passer à. travers un blanchet, faire évaporer sur un feu doux en consistance ferme, couler la masse sur un marbre blanc huilé.) La poudre de réglisse est employée en phar- macie pour rouler les pilules et leur donner une consistance convenable. REINE DES PRÉS,. 899 La racine de réglisse est adoucissante, rafraichissante, béchique et diuré- tique. Elle apaise la soif et convient dans les fièvres, les maladies inflam- matoires, surtout dans celles des voies aériennes et urinaires. On l’emploie vulgairement dans les rhumes. Elle remplace le miel et le sucre pour édul- corer les tisanes, dans les hôpitaux et dans la médecine des pauvres. L’infu- sion de cette racine ou de son suc est une boisson populaire dans les cha- leurs de l'été, L’orge, le chiendent, la réglisse, et un peu de repos, sont les meilleurs médicaments pour l’ouvrier échauffé, fatigué. L’extrait de réglisse, suc ou jus de réglisse, jus noir, s'emploie journellement dans les affections catarrhales ; il calme la toux et facilite l’expectoration. Les pâtes de réglisse sont employées dans les mêmes cas à la campagne : on fait un looch domes- tique avec l’infusion de graine de lin, 15 gr. d'extrait de réglisse et 4 cuil- lerée de miel : on y ajoute quelquefois la pulpe d’un oignon cuit sous la cendre et trituré dans le mélange. L'huile de foie de morue est prise sans résugnance, surtout chez les enfants, quand on la joint à quatre ou six fois autant de solution concentrée d'extrait de réglisse ou jus noir, prise froide et après avoir bien agité le mélange. C’est le mode d'administration que j'emploie depuis longtemps, et qui m'a le mieux réussi. [Nous citerons encore la réglisse hispide ou hérissée (G, echinata, L.), la réglisse velue (G. hirsuta, L.) et la réglisse rude (G. asperrima, L.), dont les produits sont moins estimés que ceux de la réglisse glabre ou officinale.] REINE DES PRÈS. Spiræa ulmaria. L. Barba capri floribus compactis. C. BAUH. — Ulmaria. J. BAuH., CLus. Ulmaria vulgaris. PARK. — Regina prati. Don., GER. Ornière, — ormière, — spirée ornière, — spirée ulmaire, — ulmaire petite, — barbe de chèvre, herbe aux abeilles, — pied de bouc, — vignette, — grande potentille. ROSACÉES. — SPIRÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE PENTAGYNIE. La reine des prés (PI. XXXIIT), plante vivace, orne par ses jolies fleurs nos bois, nos prés humides et le bord de nos ruisseaux. Description. — Racine, souche assez grosse, noirâtre en dehors, garnie de fibres rougeâtres. — Tige droite, ferme, un peu rameuse, anguleuse, verte ou rougeâtre, d’en- viron 4 mètre de hauteur. — Feuilles grandes, alternes, à pétioles stipulés à la base, ailées, à folioles ovales, vertes en dessus, d’un blanc cendré en dessous. — Fleurs blanches, petites, nombreuses, disposées en panicule terminale (juin-juillet). — Calice pubescent à cinqs lobes réfléchis. — Corolle à cinq pétales arrondis. — Étamines nom- breuses, un peu plus longues que la corolle. — Cinq à huit carpelles glabres con- tournées en spirales. — Fruit : capsules oblongues, torses et comprimées, contenant de petites graines. Parties usitées. — La racine, les feuilles et sommités, les fleurs. Récolte. — (Les fleurs ou sommités fleuries doivent être cueillies avant leur com- plet épanouissement.) Les feuilles deviennent par la dessiccation d’un vert grisâtre, et ses fleurs, d’un blanc jaunâtre et d’une odeur plus faible, conservent pourtant leur arome. (Culture. — L’ulmaire est peu cultivée pour l'usage médical. Elle exige un sol humide et des arrosements fréquents. On la propage de graines semées en place au printemps et à l'automne ; mais on peut également la multiplier de boutures, marcottes, rejetons ou éclats de pieds.] . Propriétés physiques et chimiques. — La racine et les feuilles sont inodores et d’une saveur légèrement styptique. Les fleurs ont une odeur aromatique agréable, pénétrante; les feuilles et surtout la racine contiennent du tannin. — Les tiges fleuries fournissent à la teinture un jaune franc et solide (dû à la présence d’un prin- cipe colorant particulier, la spiréine). (Loewig et Weidmann.) — La bière, par l’infusion des fleurs, acquiert un goût agréable. — Les fleurs donnent, dit-on, à nos vins blancs le 900 REINE DES PRÈS. parfum des vins de l’Archipel, si l'on en croit quelques ouvrages d'histoire naturelle. [Pagenstacher, pharmacien de Berne, a isolé de l’uimaire une huile essentielle qui a été étudiée par Piria; elle est formée de deux essences : l’une, acide, a été nommée acide salycileux — C!*H6O* ou C!*H°O#H, hydrure de salycile, acide spiroïleux; elle est isomère avec l'acide benzoïque sublimé; on l’obtient artificiellement en distillant la salicine avec le bichromate de potasse et l’acide sulfurique, d’après la réaction sui- vanle : 1 C#2H2° 0°? + O et — 11H0 = C#2H'$0!{? — 3C'*H6 0. C’est un liquide incolore, rougissant au contact de l’air. d’une odeur d’amandes amères, d’une saveur brûlante. Il tache la peau en jaune. Sa densité est plus grande que celle de l'eau. Il bout à 196 degrés; il brûle avec une flamme fuligineuse ; il se solidifie à — 20 de- grés; il colore en violet les persels de fer et forme avec les bases des salycilites. ] (Les boutons des fleurs d’ulmaire, d’après Buchner, ne contiennent encore que de la salicine et un corps analogue, qui, pendant le développement de la fleur, donne nais- sance à l’acide spiroïleux. Après la floraison, celui-ci disparaît peu à peu et n'existe qu’à l’état de trace au moment de la fructification.) [La seconde huile contenue dans l’essence de reine des prés est un carbure d’hydro- gène isomérique avec l’essence de térébenthine. ] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction, 10 à 30 gr. pour 1 kilogr. d’eau, par verrées. Eau distillée : sommités fleuries et sèches bien conservées, 1,000 gr., eau froide, @Q. S. pour baigner la plante. — Laisser macérer pendant quelques heures, et distillez pour obtenir 2,000 gr. de produit; en potion comme calmant antispasmodique (Lepage). Extrait : ulmaire sèche, feuilles, tiges et dans les deux liqueurs réunies : sucre, 2 kilogr. 900 gr. Ce sirop renferme les prin- cipes d’un sixième de son poids d’ulmaire. — La reine des prés donnant sensiblement le quart de son poids d’extrait, on pourrait encore préparer le sirop d’ulmaire d'après la formule suivante : hydrolat d’ulmaire très-aromatique, 4 kilogr.; extrait hydro- alcoolique, 130 gr.; dissolvez l'extrait dans fleurs, en poudre grossière 4 part.; alcool à°250.56 centésimaux, 6 à 7 part. — Faites macérer pendant six à huit jours à une tem- pérature d’au moins 30 degrés, en agitant souvent, puis exprimez et filtrez; distillez Ja liqueur au bain-marie pour retirer toute la partie spiritueuse, évaporez le résidu à la vapeur jusqu’à consistance d’extrait. (Le- page) CU QE Sirop : ulmaire, feuilles, tiges et fleurs, eau froide, (. S.; laissez macérer pendant quel- ques heures, et distillez pour obtenir 1,000 gr. d’hydrolat. — D’autre part, évaporez au bain-marie le décoctum de l’alambic jusqu’à ce qu’il soit réduit au poids de 600 gr. Fil- trez-le pendant qu’il est chaud; ajoutez-le ensuite à l’eau aromatique, et faites dissou- dre en vase clos, à la chaleur du bain-marie, l’hydrolat; filtrez et ajoutez : sucre, 1 kilogr. 900 gr.; faites un sirop par simple solution, en vase clos, au bain-marie. (Lepage.) Electuaire : poudre de reine des prés, 1 partie; miel, 2 parties; sirop d’ulmaire, ().S. (en- viron 1 1/2). Teinture : poudre grossière d’ulmaire, 1 par- tie; alcool à 56° centésimaux, 4 parties. Faites macérer pendant quinze jours; pas- sez avec expression et filtrez. (Salicylite de potasse ou de soude : Hannon à publié plusieurs formules. Nous reprodui- sons celle qui donne la préparation la moins altérable; salicylite de potasse ou de soude, 2 gr.; extrait de chiendent, (). S. — Faites 120 pilules, 2 à 5 par jour. Le même chi- miste a recommandé un sirop d’acide sali- cyleux peu employé.) Les fleurs de l’ulmaire ont été considérées comme sudorifiques, anodines el résolutives. On les a comparées à celles du sureau sous le rapport des propriétés thérapeutiques ; mais elles ont un arome plus agréable. Haller et Rockenstein les prescrivaient en infusion chaude pour faciliter l’éruption de la variole et de la rougeole, quand celle-ci se faisait trop attendre. On leur a aussi accordé une propriété cordiale et vulnéraire. La plante entière est astringente et tonique comme celle de la spirée filipendule. Gilibert vante la décoction de sa racine dans les fièvres malignes. Sa décoction vineuse était recommandée contre la diarrhée, la dysenterie, les crache- ments de sang ; l’extrait était employé à la dose de 4 gr. trois fois par jour, comme sudorifique: le soir, on l’associait avec 5 centigr. d’extrait d’opium. La poudre de la racine se donnait, à la dose de 4 gr., contre les hémor- rhoïdes non fluentes, et passait pour avoir procuré plusieurs guérisons après un long usage. La décoction aqueuse des mêmes racines était employée comme détersive pour les plaies et les ulcères. La reine des prés avait cessé de figurer dans la matière médicale moderne RENONCULES, 901 et était même complétement oubliée, lorsque Obriot, curé de Trémilly (Haute- Marne), fit connaître les succès qu’il en avait obtenus dans le traitement des hydropisies. Teissier, médecin de l'Hôtel-Dieu, de Lyon, ayant eu connais- sance de ces succès, se livra à des expériences qui lui démontrèrent que la spirée ulmaire jouit des propriétés diurétiques qui en rendent l'emploi fort utile dans les diverses hydropisies, et qu’en même temps elle jouit de pro- priétés astringentes et toniques. Il cite plusieurs variétés de cette maladie dans lesquelles la même plante a produit des résultats semblables, Il paraît que toutes les parties de la plante, la racine, la tige, les feuilles et les fleurs, sont douées des mêmes vertus ; cependant les fleurs lui ont semblé moins actives que les autres parties. La décoction ou l’infusion est le mode d’ad- ministration le plus simple et le meilleur. Guitard (1) a retiré un grand avantage de la décoction d’ulmaire dans un cas d’ascite symptomatique d’une tumeur pylorique, chez un homme de quarante-cinq ans. Je lis, dans le manuscrit d’un cours de matière médicale suivi à Paris en 1772, que rien n’est plus efficace que le suc exprimé et l’infusion de reine des prés, contre la cachexie qui suit les fièvres quartes automnales. La décoction d’ulmaire m’a complétement réussi dans un Cas d’anasarque, suite d’une métrorrhagie très-abondante, survenue après l’accouchement, et qui avait amené un état extrême de débilité. La diurèse produite par l'emploi de ce remède fut tellement abondante, que toute apparence d’infil- tration disparut dans l’espace de dix jours. (Hannon, de Bruxelles, s’est assuré que c’est à l’acide salicyleux que l’ul- maire doit ses qualités diurétiques. Cet acide et les salicilites de potasse, etc., ont une action antiphlogistique spéciale et des vertus sédatives propres, qui ne sont pas celles de la digitale. L'hyposthénisation obtenue n’est pas suivie d’excitation ni de fatigue. « Dans certains cas de variole confluente, dit T. Desmartis (2), précédée d’un état inflammatoire très-grand avec fièvre intense et délire, nous avons prescrit au début le salicylite de potasse à la dose de 25 centigr. qui a éteint dans l’espace de quelques heures cet état de sur- excitation. Dans certaines affections inflammatoires de l’estomac, dans des cas de vomissements qu’on ne pouvait arrêter, dans certains accès choléri- DE le salicylite de potasse a produit des effets rapides et très-satisfai- sants. RENONCULES. Ranuncul. L. RENONCULACÉES. — RENONCULÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE POLYGYNIE. L. Les renoncules tirent leur nom de rana, grenouille, parce que la plupart de ces plantes croissent aux lieux humides. On compte plus de cent cin- quante espèces de renoncules. Fraîches, elles sont rangées parmi Les poisons âcres, et nuisent beaucoup aux bestiaux ; sèches, elles peuvent être broutées par eux, parce qu’elles ont alors perdu leur principe vénéneux. RENONCULE ACRE (PI. XXXIV), RENONCULE DES PRÉS, GRENOUILLETTE, JAUNEAU, BOUTON D'OR, PATTE-DE-LOUP, HERBE A LA TACHE, Ranunculus acris, L.; Ranunculus hortensis secundus, Dod.; Ranunculus pratensis erectus acris, C. Bauh. — Cette espèce vivace est très-commune dans les prés et les pàtu- rages un peu humides, sur la lisière des bois. On cultive dans les jardins une variété à fleurs doubles, sous le nom de bouton d’or. On dit que les chèvres et les moutons la mangent. Description. — Racine : souche simple formant un faisceau de fibres blanchâtres. (1) Gaxelte médicale de Toulouse, 1853, p. 252. (2) De l’ulmaire. Bordeaux, 1853, brochure in-8°, 902 RENONCULES. — Tiges droites, fistuleuses, rameuses, hautes de 40 à 60 centimètres. — Feuilles ra- dicales palmées, longuement pétiolées, à trois ou cinq lobes incisés et dentés. — Feuilles caulinaires, presque sessiles, étroites, divisées en trois découpures linéaires. — Fleurs peu nombreuses, terminales, pédonculées (mai-juillet). — Galice à cinq divisions glabres, obtuses, un peu velues. — Corolle à cinq pétales larges, d’un beau jaune doré et comme vernissés. — Étamines nombreuses, moins longues que les pétales. — Ovaires et styles nombreux, à stigmates courbés au sommet. — Fruits glabres, ovales, comprimés et rendus pointus par la persistance du stigmate. RENONCULE BULBEUSE (PI. XXXIV), BaAssiNET, PIED-DE-C00, PIED-DE- POULE, PIED-DE-CORBIN, CLAIR-BASSIN, RAVE DE SAINT-ANTOINE, Ranunculus bulbosus, L.; Ranunculus tuberosus major, Offi. — Cette renoncule vivace croît dans les pâturages, les haïes, les bois, les lieux humides. Deseription.— Racine bulbifère. — Tige unique ou multiple, dressée, rameuse, striée, velue. — Feuilles velues, les radicales pétiolées, à pétiole dilaté à partie infé- rieure, triséquées avec lobes trilobés et dentés; les caulinaires subsessiles, les supérieures divisées en segments linéaires entiers. — Fleurs jaunes, assez grandes, solitaires sur chaque division de la tige (mai-août). — Calice velu, réfléchi sur le pédoncule. — Pé- tales ovales, arrondis, obtus. — Fruit lisse et glabre, à bec courbé au sommet comme les carpelles, réunis en tête arrondie. RENONCULE SCÉLÉRATE (PI. XXXIV), RENONCULE DES MARAIS, GRE- NOUILLETTE D'EAU OU AQUATIQUE, HERBE SARDONIQUE, MORT-AUx-VACHES, Ranun- culus sceleratus, L.; Ranunculus palustris apii folio lævis, G. Bauh.; Ranunculus palustris, Black.; Ranunculus sylvestris (Herba sardoa des anciens), Dod.; Batrachium, Fuchs. — Cette plante est annuelle. Elle habite les marécages et le bord des eaux. Description. — Racines fibreuses. — Tige dressée, fistuleuse, épaisse, striée, rameuse. — Feuilles radicales, pétiolées, glabres, tri ou quinquilobées, à lobes obtus, in- cisés, les caulinaires sessiles, lancéolées, incisées sur les bords, les supérieures tout à fait entières. — Fleurs jaunes, assez petites et nombreuses, formant une sorte de panicule foliacée, lâche ; pétales dépourvus d’écailles au devant de la fossette nectarifère ; carpelles très-nombreux. — Fruits très-petits et nombreux; formant un capitule ovoïde qui s’al- longe après la floraison. RENONCULE FLAMMULE, FLAMMINETTE, PETITE-FLAMME, PETITE-DOUVE, HERBE DE FEU, Ranunculus flammula, L.; Flammula ranunculus, Dod.; Ranun- culus longifolius palustris minor, C. Bauh.; Ranunculus palustris flammeus minor sive angustifolius, Park. — On trouve cette espèce dans les marais, où elle est très-commune. Son nom lui vient de son âcreté, qu’on a comparée à celle du feu mitigé, flammula. Description. — Racine fibreuse. — Tige de 33 centimètres environ, un peu couchée, fistuleuse et rameuse. — Feuilles lancéolées, aiguës, denticulées et glabres, atténuées en un pétiole allongé, amplexicaule. — Fleurs jaunes, solitaires et terminales (juin-octobre). — Calice velu. — Gorolle assez petite. — Carpelles et fruits lisses, à bec court. RENONCULE FICAIRE, FICAIRE, BASSINET, PETITE CHÉLIDOINE, HERBE AUX HÉMORRHOÏDES, Ranunculus ficarius ; L.; Ficaria ranunculoïdes, Roth.; Gheli- donia minor, sive rotundifolia minor, C. Bauk. Elle habite les prés, le bord des haies, les bois; on la rencontre partout aux premiers jours du printemps. Description. — Tige de 10 à 20 centimètres. — Feuilles épaisses, luisantes, crénelées, à pétiole dilaté inférieurement. — Fleurs jaunes, à pédoncules allongés (avril- mai). — Trois sépales. — Six pétales. — Carpelles nombreux en capitule globuleux, à bec presque nul. Parties usitées. — Toute la plante. Réeolte. — Ces plantes s’emploient fraîches pendant toute la belle saison ; la des- siccation leur enlève le principe âcre qu’elles possèdent à l’état frais. (Elles sont plus ac- tives au printemps.) RENONCULES, 903 (Culture. — Les renoncules, très-communes dans toute l'Europe, préfèrent en gé- néral les lieux humides et marécageux. On les rencontre dans les bois, les champs, les pâturages, sur les bords des eaux. On les cultive comme plante d'ornement; on les pro- page par semis des graines et le plus souvent par divisions des souches. | (Griffes). Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les renoncules sont re- marquables par leur âcreté. Cette âcreté est due à un principe volatil qui se détruit par la dessiccation ou par la eoction; mais l’eau de cuisson est âcre et vomitive, Ce principe, suivant Krap, n’est ni acide ni alcalin, (C’est une huile essentielle volatile, jaune, soluble dans l’éther, d’une saveur et d’une odeur très-âcres. Elle ne renferme pas de soufre. Au bout d’un certain temps, elle de- vient solide et d'apparence cornée, et perd en même temps son odeur. Il est probable qu’alors il y a dédoublement, après absorption d'oxygène, en acide anémonique, sub- stance inerte, et en anémonine, principe alcaloïde, qui n’ont plus les propriétés brû- lantes de la plante. C’est cette transformation qui est cause que la dessiccation lui fait perdre l’âcreté dont elle jouit pendant la vie. Elle contient, en outre, une résine acide non volatile, ne s’altérant ni par la chaleur ni par la dessiccation. Virey (1) a retiré une fécule douce et nutritive de la renoncule bulbeuse.) Les renoncules doivent être rangées dans la classe des poisons âcres; leur ingestion peut causer la mort. On s’en sert pour empoisonner les rats. (La renoncule scélérate et, assurément, les autres espèces produisent une inflammation gastro-intestinale, de l’irritation des reins, et le ralentissement du pouls et de la respiration.) On oppose à cet empoisonnement les boissons mucilagineuses et le lait pris en grande quantité, et, si les symptômes s’aggravent au point d'attaquer le système nerveux, les opiacés, les antispasmodiques diffusibles, etc. On a employé les renoncules à l’extérieur contre la teigne, les ulcères atoniques et scrofuleux; mais le plus ordinairement on ne s’en sert que comme rubéfiantes et vésicantes. Elles peuvent remplacer les cantharides lorsque l’on craint l’action de celles-ci sur la vessie, ou que certains cas d'urgence obligent de se servir du moyen qui se trouve sous la main. L’ac- tion rubéfiante et vésicante des renoncules a lieu assez promptement : quel- ques minutes suffisent quelquefois pour produire une inflammation suivie de vésicules, Les plaies qui en résultent guérissent assez promptement par l'application des feuilles broyées de cynoglosse ou de bouillon blanc. Les mendiants qui, au rapport de Linné et de Gaspard Hoffmann, se faisaient venir des ulcères par l’application de la renoncule scélérate, afin d’exciter la commisération, se servaient de feuilles de bouillon blanc pour les guérir. La renoncule âcre a été employée comme vésicatoire dans la goutte et les maux de tête, par Chesneau, Il a guéri un prêtre retenu au lit depuis trois mois par la goutte, en appliquant sur la partie affectée des feuilles de cette renoncule écrasée (2). Baglivi appliquait cette plante sur le siége des dou- leurs externes : Doloribus externarum partium, si alia non proficiant, ad causticum devenias : ipse uti soleo foliis ranunculi.. (3). Strck employait ce topique dans le rhumatisme articulaire chronique. Sennert (4) dit qu’un in- dividu affecté de fièvre quarte, avec douleurs violentes à l’épaule gauche, fut -guéri par l’application au poignet de la renoncule pilée. La renoncule âcre est vulgairement employée en épicarpe contre les taies des yeux; on entoure de cette herbe écrasée le poignet du côté opposé à celui de l’œil atteint de taches ; après la vésication résultant de ce topique, et à l’aide de quelques oraisons ou d’une neuvaine, on attend patiemment la guérison ! La renoncule bulbeuse est si active, que sa pulpe pilée et appliquée sur (1) Traité de pharmacie, t. 1, p. 73. (2) Observ. med. libri quinque, 1672. (3) Opera omnia. Antwerp, 1715, p. 113. (4) De febr., lib. 1v. 904 RENONCULES. la peau y produit des phlyctènes dans l’espace d’une demi-heure. Cette promptitude d’action peut être très-utile dans certains cas; mais, comme la renoncule âcre, la renoncule scélérate, elle peut causer du gonflement, des douleurs vives, des ulcérations rebelles, la gangrène, etc. Pour prévenir ces inconvénients, on ne doit en appliqner qu'une petite quantité à la fois, sur une petite étendue, et l’enlever au bout de quelques heures. Avec ces précautions, on peut se servir des renoncules comme de puissants révulsifs dans tous les cas qui exigent une action prompte et efficace. La renoncule scélérate est très-active. Orfila a fait périr des animaux en introduisant de l’extrait de cette renoncule dans leurs plaies. Appliquée aux poignets, la renoncule scélérate peut produire, comme les renoncules âcre et bulbeuse, une révulsion salutaire dans les fièvres inter- mittentes. Elle est vulgairement employée pour cela. Gilibert a proposé de délayer le suc de renoncule scélérate dans une grande quantité d’eau (2 gr. de suc sur 1 kilogr. d’eau), pour l’administrer comme apéritif, désobstruant et tonique énergique. Il dit que ce dilutum a été usité dans l’asthme, les gonorrhées et les ulcères de la vessie. Grapf (1) le recommande dans les mêmes cas et dans la phthisie, les scrofules, l’ictère, etc. On manque de données positives sur la nature des effets consécutifs de cette plante dans ces divers cas ; et si son âcreté surpasse celle des autres renoncules, avec quelles précautions et quelle prudence ne doit-on pas l’employer ? Il résulte de tout ce que nous venons de dire, que les effets des renoncules âcre, bulbeuse et scélérate, employées à l’extérieur, se réduisent à la rubé- faction et à la vésication à un degré plus ou moins prononcé. J’ai employé trois fois ce vésicatoire végétal. Il est douloureux quand l'application en est trop prolongée. On doit s’en abstenir chez les femmes et les enfants, quiont la peau délicate. J'ai toujours présent à la mémoire le fait rapporté par Mur- ray, d’un enfant de huit ans qui, ayant été délivré d’une fièvre intermittente par l'application en épicarpe de la renoncule âcre, fut immédiatement atteint, outre l’hydropisie ascite et l’hydrocèle qui survinrent bientôt, d’un profond ulcère au poignet qui altéra les tendons des muscies fléchisseurs et le liga- ment annulaire des doigts, au point de gêner considérablement, par l’adhé- rence de la cicatrice, les mouvements de ces organes. Suivant Polli (2), la renoncule scélérate est la plus énergique; viennent en- suite les renoncules âcre et bulbeuse. Dans les renoncules âcre et scélérate, la tige et les feuilles sont les parties les plus énergiques; dans la renoncule bulbeuse, c’est la tige et le bulbe. Dans toutes, la fleur est la partie la plus âcre. La teinture alcoolique préparée à froid est très-active; elle produit sur la peau, après dix ou douze heures d’application, de la chaleur, de la rougeur, avec tuméfaction et prurit. Ces effets ne disparaissent qu’au bout de cinq à six jours. L'huile préparée par la macération de la plante pendant six jours dans l’huile d’olive, et chauffée ensuite jusqu’à 60 degrés, produit, douze, vingt-quatre ou quarante-huit heures après son application sur la peau, une rubéfaction accompagnée d’une démangeaison très-vive, qui dure trois à quatre jours. L'alcool distillé au bain-marie, sur la renoncule pilée, cause après six à huit heures d'application, une chaleur intense, avec gonfle- ment et formation d’une vésicule. L'eau distillée de renoncule fraîche est, de toutes les préparations, la plus active. Elle peut donner lieu à une gan- grène superficielle après avoir produit des phlyctènes. Giovani Polli con- seille ces diverses préparations dans la sciatique chronique, la gastralgie, la dyspepsie, les affections chroniques du larynx et de la trachée-artère, l’aphonie, les toux. Ce médecin affirme que dans trente cas de sciatique chro- (1) Experim. de nonnul. ranuncul. venen. qualit. horumque extern. et intern. usu. Vienne, 1766. (2) Annalt universali di medicina, 1840, t. XCVI, p. 472. RENONCULES, 905 nique, il n’en à pas vu un seul qui ait résisté à l'application sur le talon de la teinture ou de l’eau distillée de renoncule, Nardo fait l’éloge de cette mé- thode, et Freschi assure qu’elle est suivie depuis plusieurs années avec suc- cès dans l'hôpital de Crémone (4). (Des principes constituants de la renoncule scélérate, la résine est à peu près inerte et n’a qu’un effet légèrement diurétique. L'eau distillée qui tient l'huile essentielle en suspension, est à la fois âcre et narcotique (2); c’est à l’'anémonine que cette dernière propriété, peu marquée du reste, parait due, Il faut bien avouer que, quant à l'influence des renoncules prises à l’inté- rieur, tout est encore à faire.) La renoncule flammule n’est pas moins âcre que les précédentes. Son eau distillée est un excellent émétique, d’après Withering. Læsel (3) dit qu’en Prusse les paysans usent de son suc, mêlé au vin, dans le scorbut. Elle est très-vénéneuse pour les moutons, les chevaux, etc., qu’elle fait enfler. La renoncule ficaire, fraîche et en pleine végétation, n’est pas moins énergique que ses congénères ; mais ses jeunes pousses, moins âcres, ont été mangées en salade; plus avancées, elles sont nuisibles, ainsi que l’a avancé Dioscoride (4). (Stan. Martin (5) a extrait des tubercules, et surtout des racines, un acide qu'il nomme ficarique, et une substance particulière, la ficarine, jaune claire, d’une saveur d'abord sucrée, puis amère, suivie d’un sentiment d’astringence. Elle est soluble dans l’eau et l'alcool, insoluble dans l'alcool absolu, l'éther, les corps gras, les huiles vola- tiles. Celte substance a besoin d’être examinée.) Cette espèce a été conseillée comme antiscorbutique, et en topique sur les tumeurs scrofuleuses. Neuhausen (6) s’est servi avec grand et prompt succès de la renoncule ficaire, ou petite chélidoine, pour combattre la congestion hémorrhoïdale. La racine de la plante, administrée en infusion, ne tarde pas à manifester ses effets; sous son influence, les selles deviennent régulières, ont lieu sans douleurs et s’accompagnent de beaucoup de mucosités ; si l’on en continue pendant un cerlain temps l’usage, l’affection hémorrhoïdale perd de son intensité, et les accidents qui l’accompagnent d’ordinaire finissent par dis- paraître. Thomas Burnet (7) dit avoir vu dans sa jeunesse un charlatan du nom de Tarquin Schellenberg guérir les hémorrhoïdes au moyen de toute la petite chélidoine (feuilles et racine), qu'il faisait macérer secrètement dans de la bière et qu’il administrait à ses malades. Il appliquait en même temps à l'extérieur l’eau distillée de la même plante. Thomas Burnet l’a plus tard employée lui-même avec le plus grand succès. Il joignait à l’usage interne la plante contuse dans l’eau et appliquée à l’extérieur. On donne aussi, dit-1l, les fleurs mêlées dans le jaune d'œuf qu’on fait prendre le matin à jeun : Huic herbæ ego ad hœæmorrhoïdum vitium mirabilem efficaciam tribuo, ajoute cet auteur. La petite chélidoine a été beaucoup employée par les anciens médecins chez les sujets affectés d’hémorrhoïdes ; les résultats qu’en ont obtenus Burnet et récemment Neuhausen, prouvent qu’elle ne mérite pas l'oubli dans lequel elle est tombée. (Berlemont (de Joncourt) et Van Holseck ont continué avec succès l’usage de la ficaire (8). Le dernier observateur a établi les doses suivantes : décoc- tion, infusion, fumigation, de 50 à 60 gr. par kilogramme d’eau. Sirop (1) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 8° année, 2e semestre, p. 257. (2) Clarus, Archives générales de médecine, septembre 1859. (3) Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. VI, p. 20. (4) Lib. vr, cap. xiv. (5) Bulletin de thérapeutique, t. LVI, p. 518. : (6) Organ für die gesammte Heilkunde et Annales médicales de la Flandre occidentale, 1854. (7) Thesaurus medicinæ pract. Genevæ, 1698, p. 482. (8) Bulletin de thérapeutique, 15 juin 1859, t. LVI, p. 540. 906 RENOUÉE. (4 sur 2 d’eau et 5 de sucre); 60 gr. en potion; extrait (1 sur 6 d’eau); de 1 à 4 gr. en bols, pilules ; poudre de 2 à 4 gr. en bols ou pilules ou mêlés à du sucre. | Stanislas Martin propose d'employer à l’extérieur, dans le même but, la ficarine en lotion dissoute dans l’eau à la dose de 2 gr. dans 100 gr. d’eau distillée ; il recommande aussi le liniment suivant : ficarine pulvérisée, 4 gr.; glycérine, 30 gr.) La renoncule des champs (ranunculus arvensis, L.); la renoncule graminée (ranunculus gramineus); la renoncule rampante (ranunculus repens, L.); la renoncule aquatique (ranunculus aquatilis, L.), etc., jouissent des mêmes pro- priétés que celles dont nous venons de parler. Le ranunculus thora, qui croît sur les hautes montagnes de la France, est si vénéneux que, au rapport des historiens, les Gaulois en empoisonnaient le fer de leurs flèches. On prétend que les blessures que faisaient ces flèches se gangrénaient promptement. RENOUÉE. Polygonum aviculare. L. Polygonum latifolium. GC. BAUH. — Polygonum mas. Don. — Sanguinalis mazima. GESN. — Centinodia. BRUNF. Centinode, — renouée des oiseaux, — aviculaire, — herbe à centgnœuds, — herbe des Saints- Innocents, — herbe de pourceau, — langue de passereau, — sanguinaire, — trainasse, trame, — fausse senile, — herniole, — tire-goret. POLYGONACÉES. Fam. nat. — OCTANDRIE TRIGYNIE. L. Cette plante annuelle est très-commune ; on la trouve partout, dans les champs, sur le bord des chemins, dans les lieux incultes, et même dans les places peu fréquentées des villes, où elle pousse entre les pavés. Le nom d’aviculaire lui a été donné parce qu’elle est très-recherchée des petits oiseaux. Les lapins en sont très-friands. Descriptiom. — Racine longue, rougeâtre, chevelue, rampante. — Tiges her- bacées, simples ou rameuses, couchées, noueuses et renflées à chaque articulation. — Feuilles alternes, peu pétiolées, ovales-lancéolées, entières, vertes et glabres. — Fleurs blanches ou rougeâtres, presque sessiles, solitaires ou réunies deux ou quatre dans les aisselles des feuilles (juin-septembre). — Galice à cinq découpures profondes, ovales, blanches ou rougeâtres, — Point de corolle. — Huit étamines plus courtes que le calice. — Trois styles courts à stigmates arrondis. — Fruits : akènes triangulaires, pointus, rougeâtres. Parties usitées. — L'herbe et les fruits. Récolte. — La récolte ne présente rien de particulier. [Culture. — La renouée n’est cultivée que dans les jardins botaniques. Elle de- mande une terre sèche, chaude et une bonne exposition. Elle se propage elle-même par semis et par rejetons. | Propriétés physiques et chimiques. — La renouée est inodore; sa saveur est légèrement astringente, Sa décoction, qui est d’un goût fade, noircit légère- ment par l’addition du sulfate de fer. (Elle donne 27 pour 100 d’un extrait contenant une assez forte proportion de tannin.) — Thunberg (1) prétend qu’au Japon on retire du polygonum aviculare une couleur bleue, qu’il compare à l’indigo. Il serait à désirer que les chimistes s’occupassent de l’analyse de la semence de cette plante, afin de distinguer quelle est la partie qui contient le principe actif. De Can- dolle (2) se demande si ce principe ne résiderait pas dans le spermoderme, et si on ne le retrouverait pas dans le même organe des autres espèces. Les anciens employaient la renouée dans le crachement de sang, les flux de ventre, le vomissement, etc. Camerarius la recommande contre l’hématé- (1) Voyage, t. IV, p. 48. (2) Essai sur les propriétés médicales des plantes, p. 246. RÉSÉDA. 907 mèse ; Scopoli et Chomel assurent l’avoir employée avec succès dans les diar- rhées et les dysenteries chroniques. Wilmet (1) dit que les vétérinaires font un secret de l'emploi de cette plante contre l’hématurie des vaches. Je lai vu mettre en usage avec succès dans ce dernier cas par les habitants de la campagne. Poiret (2) dit que la renouée traînasse, quoique dédaignée, foulée aux pieds, assez souvent couverte de poussière et de boue, n’en est pas moins une plante des plus intéressantes, et qui mérite, par ses grands ser- vices, une place honorable parmi les végétaux utiles. La renouée était tombée dans l’oubli, comme tant d’autres plantes utiles dont on avait exagéré les propriétés, lorsque des praticiens l’ayant de nou- veau soumise à l’expérimentation, l’ont trouvée digne de figurer avec avan- tage dans la matière médicale indigène. Dans une note lue à la Société de médecine de Lyon, et consignée dans le journal de cette Société (1843), Levrat-Perroton cite trois cas de diarrhée qui, après avoir résisté à l’eau de riz, aux fécules et au laudanum, cédèrent à une forte décoction de renouée sucrée, Le mème succès a été obtenu par ce médecin dans beaucoup de flux diarrhéïques qui se sont présentés à son observation pendant les chaleurs de l'été de 1842. Dubois, de Tournai, rapporte cinq cas de diarrhée évidemment guéris dans l’espace de peu de jours au moyen de la décoction de renouée (2 poi- gnées pour 1 à 2 kilogr. d’eau). Ce médecin recommande vivement cette plante à l’attention du praticien des campagnes; elle lui sera d’autant plus utile qu’elle est plus fréquente, et que la maladie qu’elle est appelée à com- battre se rencontre chaque jour dans la pratique. J'ai employé ce remède, en 1846, chez une femme qui, atteinte de diar- rhée depuis près de deux mois, avait inutilement employé les opiacés, la rhubarbe, le cachou, le diascordium, l’extrait de ratanhia; une forte décoc- tion de centinode, prise pendant huit à dix jours, arrêta graduellement ce flux. Je ferai remarquer, à cette occasion, que les astringents les plus éner- giques, en supprimant trop promptement la supersécrétion de la muqueuse intestinale, n’ont qu’un effet momentané et ne sont pas toujours employés sans inconvénients, tandis que les astringents plus doux, mais dont l’action est continuée, soutenue pendant huit à quinze jours, ramenant peu à peu à leur état normal les fonctions sécrétoires altérées, ont un résultat plus cer- tain et peuvent toujours être administrés sans danger. Les semences de la renouée, réduites en poudre, ont une odeur nauséeuse et sont, dit-on, fortement émétiques et purgatives; mais on manque, dit Loiseleur-Deslongchamps, d'observations positives pour apprécier cette pro- priété à sa juste valeur. RÉSÉDA. Reseda odorata et luteola. L. Réséda odorant, — herbe d'amour, — mignonnette. RÉSÉDACÉES. Fam. nat. — DODÉCANDRIE TRIGYNIE. L. F [Le réséda odorant, originaire de l’Afrique, est aujourd’hui cultivé partout comme plante d'ornement. C’est une plante vivace (annuelle chez nous). [Deseription.— Feuilles alternes, sessiles, oblongues, trilobées. — Fleurs d’un vert blanchâtre, très-odorantes, en grappes terminales. — Calice à six sépales inégaux, courts, les inférieurs sont munis à leur face interne d’une écaille glanduleuse. — Vingt étamines insérées sur un disque hypogyne, charnu, oblique, presque unilatéral. — Filets arqués. — Anthères rougeâtres. — Ovaire uniloculaire, pluriovulé. — Trois stigmates courts et presque sessiles. — Huit capsules polyspermes. Le réséda gaude (R. luteola, L.) ou gaude, herbe à jaunir, est une plante bisannuelle plus grande que la précédente; elle est inodore et ses fleurs sont disposées en grandes (1) Flore économique. (2) Histoire des plantes de l’Europe. 908 RHAPONTIC. grappes terminales. Nous citerons encore les résédas jaune (R. lutea, L.), blanc (R. alba), fausse raiponce (R. phyteuma, L.). Parties usitées. — Les inflorescences. Récolte. — Les fleurs de réséda doivent être récoltées au moment de la floraison. Plus tard, elles perdent leur parfum. Culture. — Le réséda odorant se propage de graines semées en place. La graine est cultivée en grand comme plante tinctoriale et oléagineuse. (Propriétés physiques et ehimiques.— Le réséda n’est recherché que pour son parfum; celui-ci est impossible à séparer par distillation, mais on y parvient au moyen de l’enfleurage, qui consiste à exprimer à la presse des couches superposées de réséda et de flanelle imprégnée de bonne huile douce, Ce produit obtenu, agité avec de lalcool, donne le parfum du réséda. La gaude n’est employée qu’en teinture; son principe colorant a été isolé par Chevreul et appelé lutéoléine; il est jaune d’or et uni à un autre corps cristallisable, incolore, la lutéoline.) Malgré l’âcreté de leurs racines et l’amertume de certaines de leurs par- ties, ces plantes ne sont pas ordinairement usitées en médecine. Quelques praticiens se louent de l’emploi de son infusion dans les fièvres typhoïdes, où elle constitue une tisane agréable, légèrement aromatique. Le réséda passait autrefois pour diaphorétique, alexetère; on y avait recours contre la morsure des animaux venimeux. On a avancé qu'il était puissamment ver- mifuge et faisait la base d’un remède contre le tænia, celui de Darbon.) RHAPONTIC. Rheum rhaponticum. L. Rhaponticum. Axp., Orr., Murr. — Rhabarbarum forte Dioscoridis et antiquorum. TourN. — Rhaponticum folio lapathi majoris glabro. G. Baux. Rhubarbe des moines, — rhubarbe des capucins,— rhubarbe de France, POLYGONACÉES. Fam. nat. — ENNÉANDRIE TRIGYNIE. L. Le rhapontic (PI. XXXIV), plante vivace, que quelques auteurs soup- çonnent être le rkeum des anciens, croît spontanément sur les bords du Volga et dans plusieurs parties de la Russie, le long du Bosphore, sur le mont Rhodope, etc. Cette plante est si communément cultivée dans les jar- dins que nous la considérons comme indigène. Description. — Racines grosses, épaisses, spongieuses, peu rameuses, jaunes en dedas, un peu rougeûtres en dehors. — Tiges charnues, glabres, fortes, d’un vert jaune ou rougeâtre. — Feuilles alternes, pétiolées, ovales-obtuses, presque planes, un peu pubescentes en dessous, très-amples, surtout les inférieures; feuilles caulinaires, distantes, peu nombreuses : les supérieures petites, presque sessiles ou même amplexi- caules. — Fleurs d’un blanc verdâtre, petites, nombreuses, disposées en une panicule terminale (mai-juin). Calice à six divisions persistantes. — Point de corolle. — Neuf étamines à anthères oblongues et biloculaires. — Un ovaire supérieur surmonté de stigmdtes plumeux, presque sessiles. — Fruit : akène brunâtre triangulaire, entouré par le calice persistant, un peu membraneux sur les angles. Parties usitées. — La racine. Réeolte. — Celte racine nous est le plus souvent envoyée d'Allemagne. On la trouve dans le commerce en tronçons de 10 à 20 centimètres de circonférence, jaunâtre ou d’un gris rougeûtre au dehors, et marbrée de rouge et de blanc dans la cassure; son odeur est la même, mais plus faible que celle de la rhubarbe; elle est moins pesante que celle-ci. Quand on la mâche, elle colore la salive en jaune et laisse dans la bouche une viscosité douce et gluante, qui suffirait seule pour la distinguer de la rhubarbe. — Parmi les racines que fournit le commerce, il se trouve quelquefois celles de patience des Alpes (rhumex Alpinus, L.), plante à laquelle le nom de rhubarbe des moines appar- tient réellement, qui croît en abondance dans les Alpes, les Pyrénées, les montagnes de l'Auvergne, et dont les propriétés sont analogues. (Voyez PATIENCE DES ALPES.) — RHUBARBES EXOTIQUES. 909 Quand on récolte le rhapontic dans les jardins, il faut le diviser par fragments et le faire sécher à l'air. (Culture. — Le rhapontic exige un sol profond, frais et substantiel. On sème les graines aussitôt après leur maturité ou au printemps, on repique au bout d’un an; on peut aussi les multiplier par séparation des toufles, | Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — La racine de rhapontic est d’une saveur plus astringente qu'amère. Cette racine con- tient à peu près les mêmes principes que celle des rhubarbes dont nous allons parler, mais en moindre quantité. Hornemann y a découvert un principe particulier, auquel il a donné le nom de rhaponticine, et qui est cristallisé en paillettes jaunes. La rhaponticine est insipide et inodore, non soluble dans l’eau froide, soluble dans l’éther et dans les huiles volatiles. — On s’en sert en Russie pour teindre les cuirs en jaune, ce qui porte Gmelin à penser qu’on pourrait la substituer au curcuma (1). Substances incompatibles. Les mêmes que pour la rhubarbe, indiquées dans l’article suivant. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion ou décoction de | Extrait de la racine, de 2 à 8 gr. la racine, de 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau. A L'EXTÉRIEUR. — Décoction des tiges, cata- Poudre de la racine, de 4 à 15 gr. en élec- plasmes, etc. tuaire ou dans un véhicule approprié. La racine de rhapontic présente les mêmes propriétés médicales que la rhubarbe, mais à un plus faible degré. Comme tonique et astringente, elle a été préconisée dans l’atonie des premières voies, dans la diarrhée et la dysenterie, dans les flux muqueux, tels que la blennorrhée, la leucorrhée. Elle facilite la digestion et convient dans la gastralgie, l'hypocondrie, la chlorose; elle remédie surtout à l’état de torpeur qui, dans ces affections, se traduit par la constipation. On la mâche souvent comme stomachique. A haute dose, cette racine détermine la purgation ; torréfiée, elle devient plus astringente. Je l’ai employée avec autant d'avantages que celle de rhubarbe, seulement la dose doit en être plus élevée; son effet, comme astringent, est beaucoup plus constant que comme purgatif. Les tiges de rhapontic, cuites et réduites en pulpe, sont résolutives et maturatives. Je les ai appliquées en cataplasmes sur les engorgements lymphatiques et les abcès froids, pour en activer la résolution ou en hâter la terminaison par suppuration. . RHUBARBES EXOTIQUES DEVENUES INDIGÈNES EN FRANCE PAR LA CULTURE. On distingue dans le commerce trois sortes de rhubarbes : 4° celle de Chine ou des Indes; 2 celle de Moscovie, de Tartarie ou de Bucharie; 3° celle de Perse, qui nous arrive par la Turquie, dite aussi rhubarbe plate, rhubarbe mondée au vif, qualité supérieure qui n’existe guère dans le com- merce français. Les rhubarbes du commerce sont fournies par trois plantes exotiques, qui sont : 40 la rhubarbe ondulée (rheum undulatum, L.); 2° la rhubarbe compacte (rheum compactum, L.); 3° la rhubarbe palmée (rheum palma- tum, L.). La rhubarbe indigène s'obtient des espèces exotiques, cultivées depuis Duhamel en France et dans divers lieux de l’Europe, où elles se sont pour ainsi dire naturalisées. D’après les expériences de Ribes, Isard, Geoffroy, ete., elle a les mêmes vertus que l’exotique, en en augmentant seulement la dose d’an quart. On a cultivé le rheum palmatum, L., à Chatenay, près Sceaux, (1) Découvertes des Russes, t. III, p. 373. 940 RHUBARBES EXOTIQUES,. à Grosbois, à Claye, etc.; le rheum compactum, L., en Provence, dans les départements de l'Isère, dans celui du Morbihan : c’est le rheum undulatum qui a été préféré. Suivant Loiseleur-Deslongchamps, quelques cultures assez considérables, entreprises dans différents cantons de l’ancienne Bretagne, ont fourni au commerce des produits qui peuvent soutenir la concurrence avec les rhubarbes qui nous viennent de la Sibérie ou de la Chine. Il a cul- tivé lui-même dans son jardin la rhubarbe ondulée, dont il a fait sécher avec soin les racines, qu’il a employées avec autant de succès que celles du com- merce, en en augmentant la dose d’un quart ou d’un tiers. RHUBARBE ONDULÉE DE MOSCOVIE, rheum undulatum, L.; rhabarbarum folio oblongo, crispo, undulato, flabellis sparsis, Geof. — Spontanée dans les lieux pierreux de la Sibérie et dans les environs de Moscou. Deseription. — Racine pivotante, de la grosseur du bras, longuë de 2 mètres environ, quand elle ne rencontre pas de rocher, brune en dehors, d’un jaune foncé intérieurement, d’une substance légère, marbrée, non fibreuse. — Tige de 4 mètre 1/2 à 2 mètres de hauteur, anguleuse, striée, d’un brun pâle et jaunâtre. — Feuilles radi- dicales, nombreuses, larges, ovales, longuement pétiolées, entières, étendues sur la terre, ondulées et comme frisées, échancrées en cœur à la base, obtuses au sommet et presque glabres; les feuilles caulinaires, petites, presque sessiles. — Fleurs petites ; d’un blanc jaunâtre, en panicules serrées, droites, courtes, terminales, axillaires. — Point de calice. — Corolle à six divisions (mai-juin). — Fruit : semences noirâtres, triangulaires, mem- braneuses. RHUBARBE COMPACTE, rheum compactum, L. — Spontanée à la Chine et dans la Tartarie chinoise ; cultivée en Europe, en France. | Description. — Racine forte, brune en dehors, d’un beau jaune en dedans. — Tige très-élevée (2 mètres 1/2 à 3 mètres), rameuse en haut, cannelée, — Feuilles assez semblables à celles du rhapontic, ovales, larges et amples, pétiolées, épaisses, échancrées à la base, obtuses au sommet, sinuées, crénelées, luisantes en dessus, coriaces, com- pactes, ondulées, denticulées, divisées en lobes arrondis, peu profonds. — Fleurs d’un blanc jaunâtre, petites, en panicules terminales, composées de grappes étroites et pen- dantes (juin) ; mêmes caractères généraux. — Fruit : akènes triangulaires, noirâtres, ailés à la base par le fait du calice persistant. RHUBARBE PALMÉE, RHUBARBE OFFICINALE. — Spontanée dans la partie sep- tentrionale de la Chine, dans la Tartarie chinoise, sur la longue chaine de montagnes qui commence vers la ville de Selin et qui se termine auprès du lac Koko-Nor, auprès du Tibet, selon la relation de J. Bell, Ecossais (1720). Cultivée en Europe, en France. : Description. — Racines grosses, épaisses, pivotantes, rameuses, fibreuses, brunes extérieurement, d’un beau jaune en dedans, devenant plus compactes en vieil- lissant; marbrées à l’intérieur de brun et de jaune pâle, comme la noix muscade quand elle est sèche.” — Tige droite, cylindrique, cannelée, jaunâtre, arrondie, striée, de 1 mètre 1/2 environ de hauteur. — Feuilles larges, pétiolées, palmées, épaisses, divisées ou découpées profondément en segments pointus ; nervurées, rudes et vertes en dessus, blanchâtres et pubescentes en dessous. — Fleurs d’un blanc jaunâtre, en panicule ter- minale composée de grappes presque simples, ayant chacune, comme celles des espèces ci-dessus, les caractères de rhapontic (avril-mai). Culture et récolte des Rhubarbes en France. — Une terre franche, un peu légère, profonde et fraiche, est celle qui leur convient le mieux. On peut les exposer au nord et à l'ombre des grands arbres. On les multiplie de graines, en semant au prin- temps, pour repiquer les jeunes plantes au printemps prochain, à 1 mètre de distance ; mais comme les semis font attendre plus longtemps pour la récolte des racines, on pré- fère la multiplication par les œilletons ou bourgeons situés au collet des grosses racines. Un pied de quatre à cinq ans peut en fournir trente et plus; il suffit que chaque bour- geon ait 2 centimètres 4/2 de racine pour que la reprise en soit assurée. C'est dans les premiers jours du printemps, un peu avant la végétation, qu’on les recueille aux vieux pieds, et qu’on les replante après les avoir laissés pendant un jour à l'ombre. Si le temps est sec, quelques arrosements sont nécessaires pour assurer la reprise des jeunes RHUBARBES EXOTIQUES. 911 ieds; mais une trop grande humidité peut les faire pourrir, Le terrain doit être profon- ément labouré avant de faire la plantation, Les plants seront disposés en quinconce à 2 mètres environ de distance les uns des autres, à cause de la place que leurs grandes feuilles devront occuper; mais comme ces feuilles ne remplissent pas tout l’espace pen- dant les deux premières années, on pourra y planter des légumes ou des pommes de terre. On donne un labour pendant l'hiver, et au moins deux binages pendant la belle saison. — La récolte se fait à l'automne ou pendant l'hiver de la quatrième année dans les terrains secs et chauds, et la cinquième dans les terrains humides et froids. Quand cette récolte est faite trop tôt, les racines sont molles, susceptibles de perdre, dit-on, les onze douzièmes de leur poids par la dessiccation ; quand elle est trop tardive, les racines se creusent, se gâtent dans le centre, deviennent filandreuses, perdent beaucoup quand on les monde et n'offrent plus, après la dessiccation, l'apparence de la rhubarbe du commerce, Les belles racines sont de la longueur de 60 centimètres et de la grosseur de la cuisse ou au moins du gras de la jambe. Elles sont remplies d’un suc jaune dans le- uel réside leur vertu. — Après les avoir mondées, coupées en morceaux de la grosseur u poing environ, on les fait sécher pendant quelques jours sur des tables, en ayant le soin de les retourner trois ou quatre fois par jour. En les enfilant immédiatement dans des ficelles, et en les exposant à l'air libre, elles sèchent trop rapidement, deviennent trop légères et perdent une partie de leurs propriétés. C’est après cinq à six jours, lors- qu’elles ont acquis un peu de consistance sur la table, qu’on peut les enfiler et les ex- poser au vent et à l'ombre pour achever leur dessiccation, ce qui exige une duréé de six semaines à deux mois, suivant la température de la saison ; 1,600 gr. de racines de rhu- barbe ondulée, complétement desséchée, ont produit 440 gr. de morceaux. Les racines de rhubarbe se piquant aux vers lorsqu'elles sont très-anciennes, les dro- guistes, pour déguiser cette détérioration, rebouchent ces trous avec une pâte faite de poudre de rhubarbe et d’eau gommée, et la roulent de nouveau dans la poudre, qui est d’un beau jaune. Ils se servent aussi pour cela de l’ocre jaune, ou mieux du ferra merila. Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les rhubarbes ont une odeur sui generis, teignent la salive en jaune et sont d’une amertume prononcée, aromatique. Les vraies rhubarbes contiennent une matière nommée par Henry caphopi- crite, et que Caventou, plus tard, a trouvée formée d’une substance jaune peu soluble dans l'eau froide, et à laquelle il donne le nom de rhabarbarin où rhubarbarin, et d'une autre, insoluble dans l’eau, la rhabarbarine. Bien que ces deux principes ne soient que peu ou point solubles dans l’eau isolément, ils le sont étant combinés. — D'après Brandes, la rhubarbe de Moscovie contiendrait : 2 de rhabarbarin, 9 de tannin, 4 d’a- midon, 11 de sucre uni au tannin, 44 d’extractif, 3.5 de matière colorante, 4 d’acide pectique, 14 d’oxalate de chaux, 1 de malate et gallate de chaux, 1.5 de sels, fer et si- lice, et 25 de ligneux. D’après cette analyse, les produits nommés caphopicrite, rhabar- barine, rhéide, rheumine, etc., seraient le rhabarbarin impur. Brandes obtient ce der- nier principe, qu’il considère comme la source des propriétés de la rhubarbe, en agitant celle-ci en poudre avec de l’éther. Par évaporation spontanée, il se produit des cristaux de rhabarbarin. C’est un produit jaune, très-amer, fusible, partiellement volatil, à peine soluble dans l’eau, dans laquelle ilsse dissout cependant à l’aide des autres principes de la rhubarbe, mais soluble dans l'alcool et l’éther. Les alcalis se dissolvent en formant un soluté rouge d’où les acides le précipitent. (Dorvault.) (D’après Schlossherger et Dæœpping, la caphopicrite et la rhubarbarine ne seraient que des produits complexes ayant pour base l'acide chrysophanique, déjà signalé dans le /i- chen parielinus, cristallisé, jaune; ils regardent cet acide comme le principe colorant et purgatif de la rhubarbe. A l’état naturel, en combinaison originelle avec le tissu de la racine, il agirait davantage qu’à l’état isolé, sec et insoluble. Une deuxième matière co- lorante, l’'émodine, a été signalée depuis par Warren et de La Rue dans la rhubarbe.) Substances incompatibles. — Les acides concentrés, l’eau de chaux, l’émétique, les infusés astringents, le deutochlorure de mercure, les sulfates de fer et de zinc, le ni- trate d’argent. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Poudre, 30 à 60 centigr. trer. — Une simple macération à froid de- comme tonique, 1 à 4 gr. comme purgatif. | : mande une double dose. Infusion ou macération, 6 à 10 gr. comme pur- | Teinture alcoolique (1 sur 4 d’alcool à 22 de- gatif pour 250 gr. d’eau bouillante. — On grés), 1 à 4 gr. comme tonique, 2 à 8 gr., - ne doit pas employer la décoction, qui est comme purgatif. toujours trouble, à cause de la grande quan- | Sirop (120 gr. sur 1 kilogr. d'eau et 2 kilogr. tité d’amidon que cette opération y fait en- de sucre), 15 à 60 gr. comme purgatif. 912 RHUBARBES EXOTIQUES. Sirop composé du Codex (édition de 1866), p. 484), mêmes doses. Vin (15 de rhubarbe sur 250 de vin, avec gen- tiane 4 et cannelle ou racine d’angélique 2), 15 à 30 gr. comme tonique, et 60 à 120 gr. comme purgatif, Extrait alcoolique (1 sur 4 d’alcool à 22 de- grés), 30 à 60 centigr. comme toni-laxatif, 60 centigr. à 1 gr. 25 centigr. comme purgatif. Extrait aqueux (inusité comme peu actif), 1 à 2 gr. comme tonique, 2 à 4 gr. comme purgatif. RHABARBARIN, 25 à 60 centigr. comme pur- gatif. Nota.— "Toutes les doses indiquées ci-dessus devront ètre augmentées d’un quart ou d’un tiers pour la rhubarbe cultivée en France. On associe souvent la rhubarbe au calomel, à la magnésie, à l’aloës, à l'extrait de pissen- lit, etc. — Une bonne méthode est la mastica- tion directe de cette substance. La rhubarbe perd par la torréfaction sa vertu purgative, et acquiert une vertu tonique astringente plus grande. Cette racine entre dans le sirop de chicorée composé et dans la potion purgative du Codex, dans le catholicum double, la confection Ha- mech, dans la teinture de Darel, l’élixir de longue vie et dans une foule de préparations aujourd’hui oubliées. Presque immédiatement après l’ingestion de la rhubarbe, le sérum du sang devient jaune, l'urine jaune penchant au vert-brun, comme chez les icté- riques, et la sueur jaunâtre. Chez les nourrices, le lait acquiert aussi une couleur jaune, une saveur amère et les propriétés médicinales de cette racine. La rhubarbe est astringente, tonique et purgative. A faible dose, et admi- nistrée avant le repas, dans une cuillerée de bouillon, elle agit comme tonique; elle augmente la faculté digestive, quand il y a atonie de l’estomac, et convient alors dans l’anorexie, la dyspepsie, avec contispation, etc. A dose plus forte, elle est purgative ; mais, à la suite de cette action, il se ma- nifeste presque toujours des signes de tonicité : elle purge d’abord pour con- stiper ensuite, et c’est pour cette raison qu'on l’emploie dans les diarrhées chroniques sans irritation. Ces effets s'expliquent par les principes consti- tuants de cette racine. L'agent purgatif se trouve, en effet, uni au tannin et à un amer qui tous deux jouissent d’une action tonique, dont l'effet ultérieur se fait sentir sur le tube digestif et persiste plus ou moins longtemps après la purgation. Ces résultats indiquent suffisamment que la rhubarbe ne doit jamais être employée dans les cas d’excitation fébrile, d’angiothénie, d’in- flammation. La rhubarbe est un purgatif doux, agissant particulièrement sur le duodé- num et l'appareil biliaire ; ce qui l’a fait appeler la thériaque du foie, et explique son efficacité dans les vices de sécrétion de cet organe, dans les affections bilieuses, les diarrhées apyrétiques, muqueuses ou bilieuses, qu’elle arrête ensuite par son principe astringent ; dans l’hypocondrie, le carreau, et tous les cas qui réclament un purgatif doux et tonique, principa- lement chez les personnes nerveuses, les chlorotiques, les convalescents, les femmes et les enfants. Les Anglais associent souvent la rhubarbe au calomel et à l'extrait de pissenlit dans les engorgements hépatiques avec atonie ou phlegmasie chronique entretenue par la stase. Cullen (4) employait la rhu- barbe comme masticatoire pour entretenir la liberté du ventre. Jackson (2) n’a pas trouvé de meilleur moyen pour lâcher le ventre chez les personnes resserrées et tourmentées par les hémorrhoïdes, que de faire mâcher chaque soir 50 centigr. de rhubarbe pendant quinze à vingt minutes, puis de leur faire avaler le tout; il assure que de cette façon cette racine produit plus d’effet qu’une dose cinq fois plus forte de la même substance prise en poudre en une seule fois. Récamier avait adopté ce mode d’administration. Je l’ai mis moi-même en usage très-fréquemment pour combattre la constipation ; mais il a quelquefois été nuisible chez les hémorrhoïdaires par l'irritation qu’il causait au rectum, sur lequel il semblait avoir une action analogue à celle de l’aloès. PA PU PR IN NE nr EN But pr ie 7 En LR ne CS EEE (1) Matière médicale, t. 11, p. 554. (2) Americ. Journ. of the med. sc., etc., 1830. RHUBARBES EXOTIQUES, 913 Suivant les auteurs qui ont traité de la dysenterie épidémique, la rhubarbe est d’une efficacité incontestable dans le traitement de cette maladie. Les Opinions ne diffèrent que sur l’époque de la maladie à laquelle il convient de l’employer. Degner (1) veut qu’on l’administre dans toutes les périodes, ce qui parait peu rationnel; Tralles (2) la conseille au début; et Zimmer- mann (3) la prescrit lorsque les déjections ne sont plus ensanglantées, ce qui est plus conforme à la raison et à l'expérience. On donne parfois aux enfants atteints d’engorgements viscéraux, d’ulcéra- tions aphtheuses, de langueur par engouement du canal intestinal, etc., une eau légère de rhubarbe préparée avec 4 gr. de cette racine concassée, qu'on met dans un nouet, et qu’on laisse tremper dans une carafe d’eau jusqu’à ce que celle-ci soit devenue légèrement citrine, ce qu’on répète pour plusieurs doses d’eau égales. On leur donne de cet hydrolé aux repas, en le sucrant convenablement, ou bien en le coupant avec du vin, du lait, etc. L'amertume de la rhubarbe l'a fait prescrire comme vermifuge. Cette propriété a été constatée par Forestus (4) et par Rivière (5). Pringle (6) l'as- sociait au calomel pour combattre les vers intestinaux. La coloration des urines en rouge, après l’administration de la rhubarbe, a fait croire que ce médicament avait une action spéciale sur les reins, et on l’a prescrit comme diurétique et même comme propre à guérir le diabète. L'expérience n’a pas confirmé cette action. Ù Le sirop de chicorée, composé de rhubarbe, se donne aux nouveaux-nés pour faire évacuer le méconium, à la dose de 30 gr. par cuillerées à café toutes les deux ou trois heures, à compter du moment de la naissance. On le coupe avec un peu d’eau sucrée. Mais on abuse de ce moyen : l’eau sucrée suffit dans le plus grand nombre de cas pour favoriser cette évacuation, qui, le plus souvent, s’opère naturellement. Ce sirop convient dans les cas de con- stipation chez les enfants à la mamelle. La rhubarbe administrée par la méthode iatraleptique n’a pas d’action purgative. Un bain préparé avec cette racine (7) n'a produit aucune éva- cuation. RHUBARBE ANGLAISE, RHUBARBE A POUDINGS. — En Angleterre et dans les départements du nord de la France, où résident beaucoup d'’Anglais, on cultive une espèce de rhubarbe, originaire des monts Himalaya, nommée rheum emodi où rheum australe. Ses pétioles ont une saveur acide très- agréable (le jus contient du bimalate de potasse, uni à l’acide malique, de Pacide citrique) (8). On en fait des poudings et on en assaisonne les maque- reaux avant la fructification du groseillier destiné à cet usage. On en com- pose un sirop acide, d’une saveur agréable. Il est à présumer que cette espèce est celle qui fournit la véritable rhubarbe de la Chine. (J'en ai souris la racine à l’expérimentation thérapeutique sur moi-même et sur bon nombre de malades, et son action purgative légère a compléte- ment répondu à mon attente. L'action tonique est cependant, à mes yeux. moins accusée que celle des autres espèces.) (4) Hist. dysenteriæ bilioso-contag., p. 140. (2) De opio, sect. 11, p. 187. ui Trailé de la dysenterie, p. 89-90. Paris, 1787. 4) Opera, lib. xx1, obs. XxXxII, p. 357. (5) Praxis med., lib. x, p. 502. (6) Diss. of the army, p. 3. (7) Journal de médecine de Corvisart et Leroux, t. XXVI, p. 316 et 425. (8) Koop, in Répertoire de pharmacie, t. XIIT, p. 150-151. 58 914 RICIN. RICIN. Ricinus communis. L. Ricinus vulgaris. G. BAuH., Tour. — Ricinus seu palma-christi, seu cataputia major. Orr., MuRR. EUPHORBIACÉES. — CROTONÉES. Fam. nat. — MONOECIE MONADELPHIE. L. Le ricin (PI. XXXIV), originaire de l’Inde et de PAfrique, où il s'élève à la hauteur de 20 à 40 pieds, est cultivé en France avec succès, particulière- ment dans nos départements méridionaux. Mais ce n’est plus qu’une plante annuelle, qui, vers la fin de juillet, a atteint la hauteur de 1 à 2 mètres, et est couverte de fleurs auxquelles succèdent des fruits ayant quelque ressem- blance à la tique des chiens de chasse (que les Latins appelaient ricinus) et dont on tire une huile très-usitée en médecine. Heseriptionm. — Racine pivotante, presque simple, fibreuse. — Tige dressée, rameuse, fistuleuse, cylindrique, articulée, devenant rougeûtre, les jeunes rameaux glauques, haute de 4 à 2 mètres (de 6 à 12 en Afrique). — Feuilles alternes, larges, pal- mées, peltées, divisées en sept ou neuf lobes inégaux, pointus, dentés en scie et glabres. — Pétioles gros et longs, stipulés à la base. — Fleurs monoïques, disposées en épis al- longés, rameux et terminaux présentant au sommet les fleurs femelles et à la base les fleurs mâles (juillet-août). — Fleurs mâles : calice petit, à cinq divisions concaves; éta- mines nombreuses réunies à la base, à anthères jaunes et biloculaires. — Fleurs fe- melles : calice caduc à cinq découpures étroites, lancéolées ; un ovaire à trois styles bi- fides et à stigmates rougeâtres. — Fruits : capsule à trois côtes saillantes, couverte d’é- pines, à trois loges monospermes, contenant chacune une graine ovale, dure, tachetée de rouge, de la grosseur d’un haricot. Parties usitées. — Les graines et les feuilles. Culture. réeolte. — On le cultive dans tous les jardins, à une exposition chaude. Elle est annuelle si on la place en pleine terre ; en serre on peut la conserver plusieurs années, mais rarement plus de trois. Dans les départements méridionaux de la France, les semis de ricins faits en place réussissent bien. On choisit une terre fraiche et une exposition chaude. Cette culture a pris notamment dans la plaine de Nîmes une importance réelle. La plus grande partie de l’huile de ricin que la médecine française emploie de nos jours n’a pas d’autre origine. On a calculé qu’un are pouvait donner 14 kilogr. de graines et environ 2 1/2 kilogr. d'huile. Les graines mürissent fort inéga- lement ; on les récolte en automne. Propriétés physiques et chimiques. — Les fruits du ricin sont d’une saveur oléagineuse, douceàtre, nauséeuse, âcre, brûlante ; leur odeur est nulle. Ils ran- cissent en vieillissant et prennent alors un goût de chènevis. Leur substance est blanche, ferme, de nature émulsive, et très-analogue à celle des amandes. (Tuson (1) y a constaté la présence d’un alcaloïde, la ricinine, cristallisant en prismes et lamelles incolores, su- blimable et brûlant avec une flamme fuligineuse, soluble dans l’eau et l'alcool, répan- dant une odeur d’essence d'amandes amères; cet alcaloïde paraît doué de propriétés toxiques; il n’est pas püûrgatif.) Ils renferment en outre une grande quantité d'huile grasse et douce (2), qu’on en retire facilement, soit par expression, soit par infusion dans l’eau bouillante. Le premier procédé est préférable. On prend les semences de l’année, sèches et bien saines; on les réduit en pâte au moyen d’un moulin; on ren- ferme cette pâte dans des carrés détachés, et, on exprime l'huile graduellement, long- temps et fortement. Cette huile est blanche, visqueuse, d’une odeur et d’une saveur faibles, désagréables ; elle est soluble en toutes proportions dans l'alcool à 95 degrés; l'alcool à 90 degrés en dissout les trois cinquièmes de son poids. Sa composition chimique n’est pas bien connue. Bussy et Lecanu en ont extrait par la distillation une huile volatile, cristallisant par le refroidissement; il restait comme résidu, une matière solide repré- sentant les deux tiers du poids de l'huile employée. Elle à fourni à la saponification trois acides différents : ricinique, élaïodique et margaritique. Les deux premiers sont extrè- mement àâcres. — L’acide ricinique est solide; l'acide élaïodique est liquide. Tous les deux sont très-solubles dans l'alcool et dans l’éther. Soubeiran (3) a retiré de la se- (1) Répertoire de pharmacie, août 1864, p. 53. (2) L’amande, qui fait les 69/100 de la semence, contient 46/100 d'huile fixe. (3) Traité de pharmacie, 3° édit., t. I, p. 494. RICIN. 915 mence de ricin une sorte d'huile résineuse, molle, analogue à la résine de l'huile d’é- purge, mais qu'il a considérée comme un produit complexe. — L'huile de ricin est moins active que les semences qui l'ont fournie ; c’est que l'huile qui s'écoule sous la presse entraîne comparativement moins de résine qu'il n’en reste dans le marc. [L’ammoniaque transforme l'huile de ricin en ricénolamide — CS H5%AZO*. Lorsqu'on la distille avec la potasse, on obtient de l'alcool caprylique, et il reste pour résidu du sel acétate de potasse ; elle se décompose vers 270 degrés, et elle produit alors un grand nombre d’a- cides volatils, parmi lesquels on trouve les acides ricinique, élaïodique (déjà mentionnés), œnanthylique, et un peu d’acroléine, de lœnarthol, dont la formule — G14 H140% (Bussy). Oxydée par l'acide sulfurique et le bichromate de potasse, l'huile de ricin se transforme en valerol et en acide œnanthylique (Arzbrecher). D’après Saalmuller, l'huile de ricin con- tient un acide solide, l'acide ricinoléique, — CS H°*O* HO, qui fond à 74 degrés, et qui se rapproche @e lacide paques) — L'huile de ricin qui nous vient de l'Amérique est colorée, légèrement rougeàtre, d’une saveur très-âcre, ce qui tient au mélange des véritables ricins avec plusieurs autres euphorbiacées, telles que les Jatropa curcas, mul- tifida, gossifoha, et le croton tiglium, et aussi au mauvais procédé suivi pour son extrac- tion. On peut, en chauffant cette huile, lui enlever une grande partie de son âcreté et en obtenir ainsi l’huile douce de ricin; mais on doit préférer celle de France, toujours beaucoup mieux préparée, surtout en Provence, PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, À L'INTÉRIEUR. — Semences, une ou deux, de menthe, 32 gr.; eau commune, 64 gr., comme drastique (exige une grande circon- jaune d'œuf n° 1. “& spection.) Mixture anglaise : huile de ricin, 24 gr.; hy- Emulsion de semences, 20, 30 ou 50 centigr. de ces semences en émulsion forment un purgatif agréable au goût. Huile de ricin, 8 gr. pour les enfants en bas âge, 15 à 30 gr. pour les adolescents et pour les adultes. Pure ou mêlée à du bouil- lon aux herbes chargé d’oseille, à de l’eau sucrée et aromatisée, à l’infusion de thé avec addition d’un peu d’eau-de-vie, à l’in- fusion de menthe avec addition de suc de citron ou d’oseille et un peu de jaune d’œuf pour faire une émulsion, à du café, au suc de citron et à l’eau sucrée, aux sirops de limon, de fleurs de pêcher, de chicorée. — Chez les enfants à la mamelle, je l’administre avec facilité, incorporée à la poudre de sucre, en consistance de marmelade. Les mélanges liquides ne doivent se faire qu’au moment même de l’administration; autre- ment le tout s’épaissit et forme une sorte de gelée désagréable à prendre. L'huile de ricin s’administre encore en émulsion, et alors le jaune d'œuf vaut mieux que la gomme, qui augmente la consistance de la potion; mais elle perd sous cette forme de ses propriétés purgatives. (On à aussi proposé, pour diminuer la con- sistance de l’émulsion gommeuse, d'y ajouter du sirop d’orgeat. Trois gouttes d’essence d'amandes amères communiquent un parfum et une saveur agréa- bles à 100 gr. d'huile de ricin nauséeuse du com- merce. L'action purgative n’est pas changée.) Potion purgative : huile de ricin, 32 gr.; eau drolat de menthe, 30 gr.; soluté de potasse, 8 gr. — Bien agiter pour former une émul- sion (excellente préparation). Huile de ricin plus purgative ou drastique : ajoutez à l'huile de ricin 1 ou 2 gouttes d’huile de croton ou 4 à 8 gouttes d'huile d’épurge. J'ai souvent employé ce mélange dans ma pratique rurale. Savon d'huile de ricin. Suivant Stümcke (1), la saponification de l’huile de ricin par les alcalis se fait avec une grande facilité. Cette huile fournit avec la soude, entre au- tres, un savon blanc et dur qui, administré sous forme pilulaire, constitue un remède laxatif des plus commodes. Huile de ricin et essence de térébenthine: huile de ricin, 24 gr.; essence de térébenthine, 8 gr.; à administrer seul ou en émulsion.— Les propriétés purgatives de l'huile de ricin sont singulièrement accrues par cette addi- tion, et les constipations les plus opiniâtres, dit-on, n’y résistent pas. (Préparation usi- tée en Angleterre.) (Pilules à l'huile de ricin (St. Martin) : huile de ricin, 15 gr.; gomme arabique pulvérisée, 8 gr.; eau, 15 gr. — Emulsionuez et ajoutez par petites parties farine de froment ou magnésie calcinée, 15 gr. — Laissez sécher à l'air.) A L’EXTÉRIEUR. — Lavement, 64 gr. (pure ou en suspension à l’aide d’un jaune d’œuf) dans décoction de guimauve ou de graine de lin, 250 gr. En frictions ou embrocations sur l’abdomen. (Peu efficaces.) Les fruits du ricin n'étaient point employés en médecine, bien que leur propriété purgative fût connue des anciens. On les regardait comme dange- reux. Deux ou trois suffisent pour produire des vomissements, des selles dysentériques et tous les accidents dus à une vive irritation du tube digestif. On les a recommandés néanmoins comme drastiques. On a prétendu aussi que, pris pendant dix à douze jours, à la dose d’un ou deux, ils guérissent D (1) Abeille médicale, 1853, t. X, p. 20. 916 CIN. la gonorrhée; mais leur usage exige une grande circonspection, et l’on doit même, suivant l’aveu de Rolfinck, s’en abstenir. Mialhe rapporte divers résultats obtenus par l’émulsion des semences de ricin : 40 gr. de ces semences, dépouillées de leurs coques, produisirent un “effet éméto-cathartique qui persista pendant près de trois jours, sans que les opiacés, les boissons gazeuses froides, les cataplasmes, pussent parvenir à le maîtriser. Une émulsion préparée avec une dose moitié moindre, c’est- à-dire avec 5 gr., détermina vingt-huit vomissements et dix-huit évacuations alvines. Enfin, avec une troisième émulsion contenant seulement 1 gr. de semences de ricin, l'effet éméto-cathartique fut encore des plus marqués. Mialhe conclut de ces faits : : 1° Que le principe oléo-résineux, trouvé par Soubeiran dans les semences du ricin, n'existe qu’en proportion très-faible dans l'huile de ces semences, tandis qu’il se retrouve en totalité dans leur émulsion; 2% Que les ricins de France renferment en grande proportion le principe âcre éméto-cathartique, qui est propre à un grand nombre de plantes de la famille des euphorbiacées ; 30 Que l’émulsion de semences de ricin, préparée avec seulement 20, 30 ou 50 centigr. de semences, constitue peut-être le purgatif le plus agréable au goût de tous ceux usités jusqu’à ce jour (si toutefois l'effet vomitif de cette émulsion cesse complétement, alors qu’on diminue convenablement la dose de semences). J'emploie cette dernière émulsion depuis plusieurs années avec des résul- tats constants, comme purgatif à la fois agréable et économique. Elle n'a amené le vomissement qu’une seule fois, sans doute par une disposition particulière à la personne à laquelle je l’avais administrée. Lorsque je soup- conne cette disposition, je fais prendre l’émulsion en deux fois, à ane demi- heure d'intervalle. À moindre dose, elle m’a réussi dans les constipations les plus opiniâtres, et sans avoir l’inconvénient d’irriter le gros intestin comme l’aloës et autres médicaments analogues, ordinairement mis en usage pour combattre ces affections. Ce ne fut que vers 1767 que l’on songea à en extraire l’huile, employée d’abord en Angleterre sous le nom vulgaire d'huile de castor (41); mais elle ne fut bien connue et son usage ne fut bien répandu en France que par les ou vrages d’Odier de Genève, en 1778. On la prescrit dans tous les cas où les laxatifs sont indiqués. C’est un pur- gatif doux, qui, à la dose de 10 à 60 gr., convient surtout lorsqu'il existe une irritation des voies digestives, comme dans les cas de colique, de péri- tonite, de dysenterie, de hernie étranglée, d’engouement stercoral, d’inflam- mation sourde, obscure des intestins, de rétention de calculs dans les canaux biliaires, l’iléus, etc. Elle fait cesser la constipation beaucoup mieux que les purgatifs les plus énergiques, et convient sous ce rapport aux hypo- chondriaques et aux hémorrhoïdaires. Il suffit, pour remplir cette indication, d’en ordonner 40 gr. chaque jour ou de deux jours l’un. (Il faut bien être pénétré de ce fait qu’une petite dose produit presque le même effet qu’une forte, que dès lors il devient inutile de prescrire.) On la donne avec avantage dans l’empoisonnement produit par les corps âcres et délétères, comme les champignons, les renonculacées. Dans l'Inde, on l’administre avant l’ac- couchement. Gartner (2) la conseille dans la fièvre puerpérale et la sup- pression des lochies, par cuillerées, unie au calomel. P. Dubois la donne habituellement aux femmes en couches par cuillerées à café dans du bouil- lon aux herbes : 3 cuillerées à café suffisent ordinairement pour produire un résultat satisfaisant. Chez les nouveaux-nés, 1 cuillerée à café suffit souvent (4) Cavan’s, Dissert. on the oleum palme christi, seu oleum ricini, etc., 2° édit., 1769. (2) Lulletin des sciences médicales de Férussac, t. XXII, p. 247. RICIN. 917 contre la rétention du méconium. « On s'en sert avec avantage, dit Martin- Solon, à la suite des couches, dans quelques cas de péritonite, où l’on recon- nait l'indication d’évacuer ie canal intestinal. Corvisart l’unissait au sirop de nerprun, et prescrivait ce mélange, un peu épais, à la fin des péripneumo- nies; il obtenait de cette médication de grands avantages, que nous avons souvent observés dans le service de Husson, et que, depuis, nous avons fréquemment constatés, » On lemploie avec succès comme anthelmin- thique, contre les lombrics. Dunant et Odier prétendent qu’on peut égale- ment s’en servir pour l'expulsion du ténia. Mératl n’est pas de cet avis; il est certain que les faits n’ont que rarement répondu d’une manière affir- mative à cette assertion. Cependant, employée conjointement avec la décoc- tion de fougère mâle et l’éther, elle a quelquefois réussi au professeur Bour- dier dans le traitement de ce parasite dangereux. Il ne faut pas oublier qu’à l'époque où l'huile de ricin était préconisée comme ténifuge, on n’employait que celle qui nous venait d'Amérique, et dont l'efficacité anthelminthique était peut-être due aux principes plus âcres qu’elle contenait, Lavergne (1) a obtenu la guérison d’un iléus très-grave causé par la réten- tion des matières fécales, en faisant administrer au malade le mélange de 20 gr. d'huile de ricin et de 65 gr. d'huile d'amandes douces. Le soulage- ment fut instantané. Néanmoins, on réitéra la potion, à prendre par cuil- lerées d'heure en heure : nouvelles selles en parties moulées, Dès ce mo- ment, amélioration rapide. « Pison rapporte qu'au Brésil on applique de l'huile de ricin sur le nom- bril des enfants, pour leur faire rendre des vers. Nous avons essayé de fric- tionner ainsi le ventre avec de l'huile de ricin, soit comme laxatif, soit comme anthelminthique; nous avons rarement obtenu le premier, jamais le second de ces effets. On à vanté aussi l’usage de cette huile, en lavement ou en potion, contre la colique saturnine. Il s’en faut, d’après nos essais, du moins, que ce médicament pfocure de fréquentes et durables guérisons dans cette affection; son action paraît le plus souvent insuffisante. Toutefois, on peut la prescrire avec avantage lorsque la maladie a peu d'intensité (2). » J'ai souvent employé avec avantage dans les fièvres muqueuses, surtout chez les enfants, l’huile de ricin mêlée avec le suc d'’oseille, l’infusion de menthe et du sucre, unis au moyen d’un peu de jaune d'œuf. (Spencer Thompson se trouve aussi très-bien de cette huile dans les affec- tions diarrhéiques et dysentériques chez les enfants (3). Carnavale Arella (4) a retiré les plus grands avantages de l'huile de ricin à petites doses fréquemment répétées, comme remède antiphlogistique dans les affections inflammatoires de la muqueuse gastro-intestinale.) Sous la forme d’émulsion, l'huile de ricin semble perdre un peu de sa propriété purgative et se rapproche des médicaments simplement émol- lients ; aussi convient-elle alors particulièrement dans les bronchites aiguës, sur la fin des pneumonies, etc., surtout lorsqu'il existe en même temps une tendance à la constipation. L'huile de ricin devient, avec le temps, rance, irritante et drastique. Je lui ai souvent substitué, dans ma pratique rurale, le mélange extemporané d'huile d’æillette et d'huile de croton (1 goutte par 30 gr.) ou de celle d’épurge (4 à 8 gouttes). Ce mélange de 4 partie d'huile de ricin et de 3 de collodion constitue le collodion élastique employé dans les érysipèles, brûlures, ete., etc. Les feuilles du ricin, que certains auteurs ont à tort regardées comme Acres et vénéneuses, ne sont qu'émollientes; appliquées fraiches ou légère- du ni 4 bete mel 2 OMR RS (1) Journal de médecine de Toulouse, 1843. (2) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. XIV, p. 388. (3) Monthly Journ. of med. science, 1846. (4) Annales de thérapeutique, t. V, p. 233. 918 RIZ. ment fanées, elles calment, dit-on, les douleurs arthritiques; pilées et réduites en Cataplasmes, on les applique sur les yeux dans l’ophthalmie et sur les inflammations locales des autres parties du corps ; macérées dans le vinaigre, on leur à attribué contre la gale, la teigne, les dartres, etc., une efficacité que l’expérience n’a pas confirmée. Dans le but d’activer ou de provoquer le travail de la lactation, alors que celle-ci se fait attendre ou se fait imparfai- tement, William (1) conseille l’application de feuilles de ricin, sous forme de cataplasme. D’après le médecin anglais, ce moyen serait tellement actif qu'il servirait même à établir la lactation chez les personnes qui n’ont pas eu d’enfants depuis longtemps, et même auprès de celles qui n’en ont jamais eu... ? (Giülfillan, chirurgien du Long Island College Hospital (U. S.), an- nonce (2) qu’il a obtenu un résultat très-satisfaisant, dans quelques cas sem- blables, en substituant aux applications topiques l’administration à l’inté- rieur de l’extrait de feuilles de ricin. Les doses employées ont été de 4 gr. environ, trois fois par jour.) RIZ. Oryza sativa. L. GRAMINÉES. — ORYZÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Le riz est originaire de l'Inde ; mais il est aujourd’hui cultivé dans diverses 8 ; ] parties du globe, même dans le midi de la France et spécialement dans la Camargue. Description. — Plante annuelle. — Racines grêles, fibreuses. — Chaume fistu- leux. — Feuilles alternes, engaînantes, avec ligule membraneuse, mince, glabre, bifide, accompagnées de deux petits appendices falciformes, offrant au bord inférieur une ran- gée de poils longs et soyeux. — Fleurs blanchâtres, apérianthées, disposées en épillets, dont l’ensemble forme une panicule terminale; chaque épillet porte une glume à deux valves, petites, convexes, carénées, lisses; la glumelle a également deux valves carénées, linéaires, lancéolées, ponctuées, congénères, portant une arête droite. — Deux glumel- lules glabres. — Six étamines à filets grêles. — Ovaire simple, ovoïde. — Deux styles courts terminés par deux stigmates plumeux. — Fruit : caryopse comprimé, jaunâtre, renfermé dans deux glumelles. Parties usitées. — Les fruits, le chaume, les glumes ou balles. Récolte. — Les différentes parties du riz employées sont récollées à la maturité des fruits. Ceux-ci, que l’on désigne sous le nom de riz, sont d’une importance consi- dérable pour l’alimentation de l’homme; plus des trois quarts des peuples s’en nour- rissent : il doit cela à sa facile conservation, quoiqu'il soit souvent attaqué par un co- léoptère du genre bruche; à ce qu’il n’a pas besoin d’être réduit en farine, qu'il ne fournit pas de son, et qu’une simple coction à l’eau salée suffit pour en faire un bon aliment. Cependant on y ajoute souvent des corps gras pour augmenter sa valeur nutri- tive, et des aromates pour en relever la fadeur. Culture. — Le riz est cultivé dans les endroits marécageux ; on l’obtient par se- mis; il y a une espèce de riz qui peut être cultivée en terre sèche, aussi l’appelle-t-on riz sec. Les rizières sont souvent des causes d’insalubrité, par suite des miasmes qui s’en dégagent et qui deviennent la cause d’épidémies, de fièvres intermittentes. Propriétés physiques et chimiques. — D'après Boussirigault, le riz du Piémont contient : gluten et albumine, 7.5; amidon et dextrine, 76; huile grasse, 0.5; ligneux et cellulose, 0.9; sels, 0.5; eau, 14.6. Braconnot n’y a trouvé que 3.60 de matière azotée; celle-ci est presque entièrement contenue dans le gluten, qui, lui-même, est renfermé dans l'embryon, qui est exovaire, de sorte qu'il est enlevé par les opérations que l’on fait subir au riz pour le priver de ses enveloppes.] (Inutile de rappeler les usages de la paille de riz dans l’agriculture, dans l’industrie des chapeaux de femme, etc.) (1) The Lancet, 1852. (2) Amer. med. Times et Gazelte médicale de Paris, 1862, n° 94. ROBINIER, 919 (Le riz, employé comme céréale alimentaire presque exclusive dans beau- coup de pays, n’est en France qu’accessoire. Seul, il ne peut servir à la panification. Arnal (4) a proposé un pain où il entrait 2 parties de riz cuit dans 143 d’eau, pétries convenablement avec 2 parties de levain de pâte et 43 parties de froment, en ajoutant pendant le pétrissage un peu de sel et de levûre de bière. Les convalescents se trouvent très-bien de l’usage du riz. Il est inutile que nous énumérions les services qu'il rend à l’art culinaire. La farine de riz, cuite dans le lait, fournit aux enfants nouvellement sevrés une nourriture de facile digestion. La décoction de riz, blanchâtre, louche, chargée de fécule en suspension, est indiquée dans toutes les maladies inflammatoires comme tempérante et légèrement nutritive. Son emploi est vulgairement recommandé, et à juste titre, dans les diarrhées; c’est uà adjuvant utile. Le riz calme l’irritation in- testinale, sans être pour cela astringent, ni échauffant ou resserrant, comme le vulgaire l’accuse de l'être. De plus, il nourrit sans laisser beaucoup de résidu. Avant de soumettre le riz à l’ébullition, on le torréfie quelquefois légère- ment. Cette décoction, employée en lavements, produit les mêmes effets antidiarrhéiques. La poudre de riz, outre ses précieuses qualités cosmétiques, convient comme absorbant dans les érythèmes, l’intertrigo, les inflammations cuta- nées, etc. Délayée dans le lait ou l’eau, elle fournit des cataplasmes émol- lients qui ont sur ceux de farine de lin l’avantage d’aigrir moins rapide- ment.) ROBINIER. Robinia pseudo-acacia. L. LÉGUMINEUSES. — LOTÉES. Fam. nat. — DIADELPHIE DÉCANDRIE. L. {Get arbre, vulgairement appelé acacia, est originaire de la Virginie, mais il est aujourd’hui naturalisé dans toute l’Europe. Description. — Tige haute de 20 à 25 mètres, couverte d’une écorce ridée. — Feuilles alternes, imparipennées, avec stipules ligneuses. — Fleurs blanches , odo- rantes, disposées en grappes pendantes. — Limbe campanulé à cinq dents, presque bila- bié. — Corolle papilionacée. — Dix étamines diadelphes. — Ovaire simple, uniloculaire et pluriovulé. — Style et stigmates simples. — Le fruit est une gousse comprimée, glabre, brune, renfermant plusieurs graines arrondies. — Cette espèce présente un très- grand nombre de variétés. Parties usitées. — L’écorce, les racines, les fleurs. Récolte. — L'écorce et la racine doivent être récoltées au printemps ou à Pau- tomne ; les fleurs, lorsque l'arbre est en pleine floraison. Culture. — Le faux acacia peut être multiplié par drageons, par semis ou en mettant en terre, au printemps, des tronçons de racine ou bien encore par boutures ou par les nombreux rejets qu’il produit. 11 vient dans tous les terrains. Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs du robinier répan- dent une odeur suave; le parfum peut en être séparé par la méthode d’enfleurage, qui consiste à exprimer des couches superposées de fleurs et de flanelle imprégnée d'huile. Les racines et l’écorce renferment un principe âcre très-irritant;] (le bois est dur et amer. Marmé (2) a constaté dans les graines la présence de l’inosite.) (Les fleurs du robinier ont été considérées comme antispasmodiques. L’écorce et les racines, vu la présence du principe âcre, jouissent de pro- priétés vomitives très-prononcées, quoi qu’en ait dit Gilibert qui rapprochait ses racines de celles de la réglisse. Des chevaux ayant rongé de l'écorce de cet (1) Mérat et Delens, Supplément au Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, P. 535. (2) Répertoire de pharmacie, août 1865, p. 60. 920 ROMARIN. arbre éprouvèrent de violentes coliques. Un en mourut (1). Gendrin (2) rap- porte que des enfants qui en avaient pris éprouvèrent, trois heures après, des malaises, des nausées, des vomissements et quelques-urs de légers mou- vements convulsifs. Ne pourrait-on pas tirer parti de cette propriété vomi- tive? C’est ce que se demande le médecin que nous venons de citer. Voilà une plante à étudier.) ROMARIN. Rosmarinus officinalis. L. Bosmarinus hortensis, angustiore folio. G. BAux., TourN. — Rosmarinum coronarium. MATTH. — Libanotis. TRILL. | Romarin officinal, — romarin des troubadours, — encensier, — herbe aux couronnes. LABIÉES. — MONARDÉES. Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. Cet arbuste croît en abondance sur les rochers et les plages maritimes. des contrées méridionales de l’Europe; il croît également dans nos dépar- ements maritimes du Midi. On le cultive dans nos jardins. Description. — Racine ligneuse, fibreuse, brune en dehors, blanche en dedans, — Tige d'environ 4 mètre de hauteur, à rameaux nombreux, anguleux, articulés et âe couleur cendrée. — Feuilles opposées, sessiles, étroites, alternativement disposées en croix, d’un vert foncé en dessus, blanchâtres en dessous. — Fleurs d’un bleu pâle, disposées en verticilles touffus au sommet des rameaux (mars-avril). Calice peu velu, tubulé, à deux lèvres, dont l’intérieur bifide. — Corolle à deux lèvres, la supérieure re levée et bifide, l'inférieure trifide et réfléchie. — Deux étamines à filets longs et à an- thères simples. — Un style à stigmate pointu. — Un ovaire quadrilobé. — Fruits : Quatre akènes nus et ovales au fond du calice persistant. Parties usitées. — Les feuilles et les sommités fleuries. Récolte, — On récolte ses sommités quand elles sont fleuries. Les feuilles peu- vent être récoltées en tout temps, parce que cet abrisseau reste toujours vert. On les monde et on les fait sécher. Le romarin sauvage est plus actif que celui que l’on cultive. (Culture. — Cette plante exige une terre légère et sèche, et une exposition chaude. On la propage de graines semées sur couche au printemps et on repique les jeunes plants en juin. On peut encore la multiplier de boutures et d’éclats de pied, opérés au printemps et placés à une exposition chaude, mais ombragée.] Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante a une saveur àcre, chaude et légèrement aslringente; son odeur est très-forte. Elle contient une grande quantité d'huile essentielle incolore et d’une pesanteur spécifique de 0.88 lors- qu’elle est rectifiée. (Kane lui a assigné la formule C#°H°6 + 2H0. L’acide sulfurique la noircit et cause la séparation d’une huile, d’une odeur alliacée, ayant la composition de l'huile de térébenthine.) — Proust a retiré de cette plante 0.10 de camphre, un prin- cipe résineux et un peu de tannin. (Le miel de Narbonne doit ses propriétés aromatiques à l'existence du romarin près des ruches. On donne parfois le nom de miel de Narbonne à des produits de qualité in- férieure, auxquels on a donné le parfum des miels du Midi en les coulant sur des fleurs. de romarin.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion théiforme, de 5 à | A L’EXTÉRIEUR. — Infusion, de 45 à 60 gr. par 15 et même 60 gr. par kilogramme d’eau. kilogramme d’eau, en lotion, fomentation,. Eau distillée (1 sur 4 d’eau), de 30 à 100 gr., gargarisme, bains, fumigations. en potion. (Huile essentielle, en frictions ou dans un Alcoolat (1 frais sur 3 d’alcool à 31 degrés bain, comme excitant, de 2 à 4 gr.) (Voyez et 1 d’eau de romarin), 4 à 15 gr., en po- l’article Ty.) tion. Huile essentielle (1 sur 3 d'huile d’olive), de Le romarin est un des principaux ingré- 5 à 25 centigr., en potion. dients de l’eau de la reine de Hongrie. (1) Séance de la Societe royale et centrale d'agriculture, juillet 1842. (2) Annales cliniques de Montpellier, 1811, t. XXIV, p. 68. ROMARIN 921 Le romarin est aromatique et stimulant; sa diffusibilité agit sur tout le système nerveux d’une manière énergique. On l’a vanté contre la paralysie, la dyspepsie, l'asthme, les catarrhes chroniques, les vomissements spasmo- diques, les affections hystériques, l’aménorrhée, la leucorrhée, les engorge- ments des viscères abdominaux, les scrofules, etc. Le romarin sauvage convient plus spécialement comme léger narcotique dans quelques maladies convulsives et spasmodiques (asthme, coqueluche). Campegius (Champier) pensait que le romarin pouvait très-bien remplacer la cannelle, « Habent Indi suum cinnamomum, habent et Galli suum rosmari- num (1).» J'emploie le romarin pour aromatiser les vins médicinaux toniques. L’in- fusion de sommités fleuries de cette plante m'a été fort utile dans divers cas de fièvres mucoso-adynamiques, que l’on désigne aujourd’hui par le nom assez vague de fièvres typhoïdes, appliqué sans distinction à des va- riétés que l’on est ensuite obligé de distinguer par le mot forme. Selon que les symptômes muqueux, bilieux, adynamiques ou ataxiques prédominent, on dit fièvre typhoïde forme muqueuse, bilieuse, etc., ce qui charge la no- menclature sans rien ajouter à la science. L'usage du romarin dans les fièvres pernicieuses, adynamiques et ataxiques m'a été suggéré par une circonstance quise rencontre souvent à la campagne, savoir : la pénurie des moyens ordinairement employés. J'étais au village de Verlincthun; on me prie de visiter un malheureux qui, me dit-on, est sur le point de mourir. Je trouve, dans une chaumière située sur le bord d’un marais, un homme de quarante ans environ, malade depuis huit heures, couché sur une paillasse, occupant une place éclairée par un carreau fixé à demeure, où l’air n’est jamais renouvelé, et dans laquelle deux personnes ne peuvent se mouvoir sans se coudoyer. Un état complet d’immobilité, la face décolorée, les yeux à demi ouverts, un délire taciturne, un pouls faible, petit, concentré, mais peu fréquent, la langue dans son état naturel, la res- piration courte, mais sans gêne, sont autant de symptômes qui me font croire, chez ce malheureux, à l’existence d’un accès de fièvre intermittente pernicieuse. Demander de l'ail pour appliquer, non à la plante des pieds qui est dure et calleuse, mais sur les genoux ; aller dans le jardinet à la re- cherche de quelque plante excitante, cueillir des sommités de romarin, en préparer une infusion concentrée, en administrer immédiatement au ma- lade, tout cela ne fut que l’affaire d’un instant : necessitas medicinam invenit, experientia perfecit (Baglivi). J'avais annoncé que si l’on parvenait par ces moyens à se rendre maître de l’accès, le malade serait beaucoup mieux ; mais qu'un second accès, beaucoup plus dangereux, aurait lieu si on ne se hâtait de le prévenir par le moyen du sulfate de quinine, que je promis de remettre à la personne qui devait venir, le lendemain de bonne heure, me donner connaissance de l’état du malade. N'ayant vu personne, je le crus mort. Cependant, quatre jours après on vint me dire qu'il allait beaucoup mieux; mais que l'inter- valle que j'avais annoncé n’ayant pas eu lieu, on s'était contenté de continuer l'usage de l’infusion de romarin. Je me transportai de suite près de ce ma- lade, que je trouvai dans un état satisfaisant. Il avait recouvré son intelli- gence, le pouls était mou, développé ; une chaleur halitueuse de la peau, quelques instants de sommeil, une soif modérée, le jeu naturel et activé de toutes les sécrétions, annonçaient le résultat d’une réaction salutaire et le rétablissement prochain de la santé. L’ail avait produit une rubéfaction vive et quelques phlyctènes. Cette révulsion avait ouvert la marche vers l'amélioration, l’infusion stimulante l'a continuée. On n’est pas étonné de cet effet quand on réfléchit que le oo (1) Campegius, Hortus gallic. 922 RONCE. romarin Contient un principe gommo-résineux, une huile volatile limpide très-odorante, et du camphre en plus grande quantité que la plupart des autres labiées. Je regarde donc le romarin comme un des meilleurs stimulants anti- spasmodiques que l’on puisse employer dans les fièvres typhoïdes. Je l’ai adopté définitivement dans le traitement de ces fièvres, surtout lorsque les symptômes ataxiques dominent. Je le joins quelquefois à la racine d’angé- lique et à l'écorce de saule, dans les cas où l’adynamie, la putridité, carac- térisent la maladie. Hulse, au rapport de Ray (1), employait contre les scrofules l’infusion de romarin et de scolopendre, de chaque une poignée pour 2 kilogr. de vin, dont il faisait prendre 8 cuillerées deux fois par jour. On faisait en même temps fomenter les engofgements glanduleux avec ce même vin. 3 Vandermonde (2) dit qu'un demi-gros (2 gr.) d’extrait de romarin, auquel on ajoute 3 ou 4 gouttes d'huile essentielle de ce végétal, en réitérant plu- sieurs fois cette dose, est un remède sûr et éprouvé contre le ver solitaire. Les feuilles de romarin, cuites dans du vin, conviennent comme résolutif dans les engorgements pâteux et indolents. Je les ai employées ainsi sur les gonflements articulaires, à la suite des entorses. Heïster a surtout obtenu de bons effets de leur application en topique sur des tumeurs scrofuleuses du cou. D’autres les ont employées en sachets contre l’æœdème. Elles conviennent en gargarisme contre l’angine chronique, et en bains contre le rhumatisme chronique, les scrofules, la chlorose, la débilité des enfants. RONCE. Rubus fructicosus. L. Rubus vulgaris, sive rubus fructu nigro. G. BAuH., TouRN. — Rubus major. Don. — Rubus magnus. DALECH. Ronce des bois, — grande ronce, — ronce fructescente, — ronce des haies, — mûrier des haies, roumi, — mûre sauvage. ROSAGÉES. — DRYADÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE POLYGYNIE. L. Cet arbrisseau est très-commun dans les haies, les bois, les buissons, etc. Description. — Tiges anguleuses, flexibles, sarmenteuses, aiguillonnées, ayant jusqu’à 3 mètres de longueur. — Feuilles quinées, déjetées et ternées, luisantes, d’un beau vert, pubescentes et tomenteuses en dessous, coriaces, persistantes. — Fleurs ro- sées ou blanches, en grappes terminales lâches, à cinq pétales étalés et cinq divisions calicinales (juillet-septembre). — Fruit composé de drupes nombreuses, peu adhérentes au réceptacle, sous forme de grains d’abord verts, ensuite rouges et enfin noirs, lui- santes à leur maturité. On les appelle mûres sauvages ou de renard; amouros de Bartas dans le midi de la France ; catins-mûrons dans le nord. Parties usitées. — Les jeunes pousses, les feuilles, les fruits et les racines. Récolte. — Les tiges tendres, les pousses et les feuilles se récoltent pendant toute la belle saison; les fruits, quand ils sont bien mûrs. (Culture. — Ces plantes ne sont pas cultivées, on les propage par boutures et par éclats de pied. Elles poussent dans tous les sols et à toutes les expositions.] Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Les feuilles et surtout les jeunes pousses ont une saveur astringente. Leur infusion noircit par le sulfate de fer. Les fruits sont d’une saveur douce, un peu acide, et peuvent remplacer les mûres. On peut en obtenir une espèce de vin, de l’eau-de-vie et du vinaigre. Ecrasés et mis en fermentation, ils fournissent, par l’addition d’une cer- taine quantité d’eau-de-vie, une boisson qui ressemble beaucoup au vin de qualité in- férieure et dont on pourrait faire usage dans les campagnes des départements du nord, (1) Catal. pl. angl. (2, Dictionnaire de santé, t, II, p. 475. . ROQUETTE CULTIVÉE. 923 où les ouvriers n’ont le plus souvent, pendant les chaleurs de l’été, que de l’eau pure pour boisson. Les feuilles et les tiges tendres de la ronce sont astringentes. On se sert vulgairement de leur décoction en gargarisme avec addition d’un peu de miel rosat ou de vinaigre miellé, dans les maux de gorge, dans l’engorge- ment des gencives, les aphthes, la stomatite, etc. On l’emploie aussi dans la diarrhée, la dysenterie, l'hématurie, les flueurs blanches, etc. (Pinel (1) en signale les bons effets dans les cas de dévoiements sympto- matiques survenant souvent en automne durant les accès maniaques ou vers leur déclin.) Les fruits sont rafraichissants et tempérants. On en fait un sirop et une gelée fort agréables. Le premier peut remplacer le sirop de mûres. La RONGCE BLEUE Où PETITE RONCE (rubus cœsius, L.), dont le fruit est noir et couvert d’une efflorescence bleuâtre, peut remplacer la ronce commune ou des haies. (Les Américains emploient comme astringent amer l'écorce du R. villo- sus; ils choisissent de préférence les petites racines, et ils ont soin de sépa- rer le méditullium ligneux. Raisonnant par analogie, j’ai mis avec succès en usage, dans les diarrhées atoniques, les catarrhes intestinaux, le décocté (30 gr. pour 500 gr. d’eau) d’écorces de la racine du R. fructicosus, Je m'en suis aussi très-bien trouvé à l'extérieur en injection dans la leucorrhée, la blennorrhée et la sécrétion séro-muqueuse hémorrhoïdale.) ROQUETTE CULTIVÉE. Brassica eruca. L. Eruca latifolia alba sativa. C. BAUH., TOURN. Choux roquette. CRUCIFÈRES. — BRASSICÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. Cette plante annuelle (PI. XXXV) croit naturellement dans nos provinces méridionales, où on la rencontre principalement dans les décombres, les carrières, les champs incultes. On la cultive dans les jardins potagers. Genre voisin du chou. Description. — Racine blanche, ligneuse. — Tige dressée, un peu velue, cylin- drique, haute de 60 à 80 centimètres. — Feuilles longues, pétiolées, ailées ou lyrées, vertes et lisses. — Fleurs d’un blanc bleuâtre, veinées, disposées en grappes terminales (mai-juin). — Calice à quatre folioles conniventes, allongées et renflées à la base. — Co- rolle à quatre pétales en croix, longuement onguiculés. — Six étamines dont deux plus courtes. — Fruits : siliques dressées, aplaties, bivalves et renfermant plusieurs graines jaunâtres. Parties usitées. — L'herbe et la semence. Récolte. — Elle ne se sèche pas. Elle perdrait ses propriétés par la dessiccation. [Culture. — Cette plante demande une exposition chaude; elle végète dans tous les terrains pourvu qu’ils soient meubles; on la sème très-clair au printemps, el on con- tinue les semis pendant l’été, afin d'avoir toujours des feuilles fraîches. On arrose les semis, on bine et on éclaircit. |] Propriétés physiques et chimiques. — La saveur de la roquette est amère, âcre, piquante; son odeur, forte et peu agréable, surtout quand on la froisse. Ses semences sont amères et presque aussi âcres que celles de la moutarde. Elle sert d’assaisonnement, et on la mange en salade dans le Midi. Elle contient des principes analogues à ceux des crucifères, telles que le cresson, le cochléaria, le raifort, etc. Les anciens attribuaient à la roquette le pouvoir d'exciter à l'amour. Dios- (1) Traité complet du régime sonitaire des aliénés, p. 107. Paris, 1836. 924 ROSAGES ou RHODODENDRONS. coride, Pline, Columelle, Martial, Ovide, sont d’accord sur ce point (1). S fondant sur cette merveilleuse vertu, on a fait des élixirs, des Macias aphrodisiaques, où entrait la roquette. Une de ces compositions portait le nom d’électuaire de magnanimité (Electuarium magnanimitatis). Ainsi que toutes les crucifères, la roquette est excitante, antisCorbutique , diuré- tique, etc., et s'emploie dans les mêmes cas et de la même manière que le cresson, le cochléaria, etc. Wauters (2) dit que la semence de cette plante, en infusion à la dose de 15 g.. pour 1 kilogr. d’eau, procure assez ordinaire- ment le vomissement; il la propose comme pouvant, dans certaines circon- stances, remplacer l’ipécacuanha. Cette semence peut servir au besoin, étant pulvérisée, pour rubéfier la peau. ROQUETTE SAUVAGE, ROQUETTE FINE, ROQUETTE DE MURAILLE, FAUSSE Ro- QUETTE, sisymbrium tenuifolium, L.; eruca tenuifolia perennis, C. Bauh.; eruca sylvestris, Black., Ger.; brassicca erucastrum; eruca vulgatior, Park. Cette plante vivace est très-commune dans les terrains incultes et sablon- nenx, le long des murailles. Description. — Racine assez longue, coriace, épaisse, jaunâtre. — Tige can- nelée, cylindrique, velue, rameuse, de "30 ‘à 60 centimètres de hauteur, — Feuilles pinnatifides, d'un vert un peu glauque, à folioles terminales, longues et linéaires. — Fleurs jaunes, disposées en grappes terminales sur des pédoncules alternes et filiformes. — Fruits : siliques longues, glabres et grêles, contenant quelques graines âcres et un peu amères. Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur de cette roquette est très-forte et se rapproche beaucoup de celle de la giroflée jaune {et de l’aubépine ; écra- sées entre les doigts, toutes les parties de la plante donnent une odeur forte, aroma- tique, sui yeneris. Swan (3) a constaté qu’elle contient plus de soufre que les autres crucifères employées en médecine; sa saveur est encore plus âcre que celle de la ro- quette cultivée.) Cette espèce est plus énergique que la précédente. Cependant, on n’en fait point usage en médecine, bien que l’on puisse l’employer avec plus d'avantage que le cresson, le beccabunga, etc., comme stimulante et anti- scorbutique. L'application au mollet gauche d’un cataplasme préparé avec la graine pulvérisée de cette plante, et un peu d’eau, y a développé, au bout de quatre heures une rougeur analogue à F érythème et qui était accom- pagnée d’un peu de cuisson. L'expérience répétée a donné les mêmes ré- Ste (Dubois, de Tournai.) » (Moquin-Tandon a fait préparer, avec les feuilles de cette crucifère, un sirop antiscorbutique excellent plus actif et d’une saveur plus agréable que celui du Codex. C’est un puissant dépuratif et un moyen excellent de faire tolérer l’iodure de potassium, auquel on peut l’associer. Il trouve son indica- tion dans toutes les altérations de nutrition. Scelles de Montdesert l’emploie contre les rhumatismes.) ROQUETTE MARITIME (Voyez CAKILE). ROSAGES où RHODODENDRONS. ERICACÉES. — RHODORÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE MONOGYNIE. ROSAGE CHRYSANTHE, ROSE DE SIBÉRIE, ROSE DE NEIGE DE SIBÉRIE, rhodo- (1) Excitet ut Veneri tardos Eruca maritos. (COLUMELLE.) DRE Venerem revocans Eruca morantem. (MARTIAL.) Nec minus Erucas aptum est vitare salaces. (OvinE.) (2) Repert. remed., etc., p. 65. (3) Répertoire de Phar macie, 1863, n° 9, p. 388. ROSAGES ou RHODODENDRONS. 925 dendrum chrysanthum. Ce petit arbuste (PI. XXXV) croit naturellement dans les lieux les plus froids de la Sibérie, de la Davourie, du Kamtschatka, etc. On le cultive dans nos jardins. S.-G. Gmelin est le premier qui l'ait fait connaître, sous le nom d’Andromeda. Description. — Tiges rameuses, presque rampantes, dilluses, hautes de 30 à 50 centimètres. — Feuilles alternes, ovales-lancéolées, un peu pétiolées, entières, per- sistantes, d’un vert foncé en dessus, pâles et roussâtres en dessous. — Fleurs d'un beau jaune pâle, disposées en corymbe à l'extrémité des rameaux (juin-juillet). — Calice court à cinq découpures persistantes. — Corolle monopétale à cinq lobes évasés, presque en roue, — Dix étamines insérées sur le tube de la corolle. — Un ovaire supérieur, un style et un stigmate oblus. — Fruit : capsule ovale, presque anguleuse, à cinq loges, contenant des semences nombreuses. Parties usitées. — Les feuilles. Culture, récolte. — Comme toutes les espèces du même genre, la rose de Sibérie se multiplie de graine, qu'on sème clair, en terre de bruyère, sous châssis, au frais, à l'ombre. On presse un peu la terre avant de semer. On tamise dessus un peu de cette terre. On arrose très-souvent avec un arrosoir très-fin, pour entretenir toujours la fraicheur, mais peu à la fois. Lorsque la plante a 50 à 80 centimètres, on l’enlève en motte et on la place dans le jardin, sans trop rechercher l'ombre, en terre de bruyère terreautée. On entoure de mousse les jeunes troncs et on arrose. On les multiplie aussi en courbant peu à peu les branches des mères rosages, dans des petites fosses, qu’on remplit de la même terre, à laquelle on mêle un tiers de terreau, et on fixe la marcotte par un crochet. A mesure que les branches s’enracinent, on foule au pied un peu de terre pour les redresser. — Les feuilles peuvent être récoltées pendant toute la belle saison, mais de préférence un peu avant l'épanouissement des fleurs. Propriétés physiques et chimiques. — Les feuilles de ce rhododen- dron sont d’une saveur amère, austère, âcre, même étant sèches, et leur odeur se rap- proche un peu de celle de la rhubarbe. Elles paraissent contenir un principe stimulant el narcotique, qui n’a point été, je crois, déterminé par l’analyse, mais qui semblerait rapprocher le rosage de la plupart des poisons âcres. Murray (1) rapporte qu’un chevreau, après avoir mangé quelques feuilles de rosage, trépigna, donna de la tête contre terre, chancela, et enfin tomba sur les genoux. Cet état disparut au bout de quatre heures. Chez l’homme, l’infusion concentrée de cette plante, ainsi que sa décoction, produit une légère ivresse, une chaleur vive, la suspension des fonctions de l’entende- ment, une foule de symptômes nerveux, tels que l’obscurcissement de la vue, la constriction de l’æsophage, la dyspnée, un état de torpeur, et même des convulsions. Elle produit quelquefois le vomissement, d’autres fois des évacuations alvines ; dans Certains cas, une abondante sécrétion d'urine, des sueurs, le prurit des yeux, du nez ou de quelque autre partie du corps, des douleurs dans les membres, des fourmillements, un sentiment de brûlure ou de piqûre dans différentes régions, des exanthèmes, etc. On a remarqué aussi la diminution de la fréquence du pouls, qu’elle rend parfois intermit- tent. Orfila regarde la décoction de ce rhododendron, prise à haute dose, comme pouvant enflammer les tissus, et, par conséquent, comme très- vénéneux. Toutefois, l’action de cette plante varie selon le sol qui lui a donné nais- sance, selon l’époque à laquelle elle a été récoltée, selon le degré de sus- ceptibilité des individus qui en font usage, etc. Les habitants du nord de la Russie se servent de l’infusion théiforme de ses feuilles pour réparer leurs forces et pour combattre les douleurs rhumatismales et goutteuses. Koel- pin (2) rapporte plusieurs cas de goutte traités avec succès par le moyen de ce végétal donné en infusion à la dose de 8 à 15 gr. dans 300 gr. d’eau, (1) Appar. med., t. VI. Ë PAU (2) Observations pratiques sur l'usage de la rose de neige de la Sibérie contre les douleurs rhumatismales. Berlin, 1779. 926 ROSAGES où RHODODENDRONS. chauffée toute la nuit, et qu’on prend le matin à jeun. Administré ainsi, il produit souvent des vomissements, de nombreuses évacuations alvines, des vertiges, du délire, etc., accidents qui sont généralement de courte durée. On recommande, pour ne point exciter trop de vomissements, de ne pas boire après l’ingestion du médicament. Pallas (1) a aussi observé les bons effets du rosage chrysanthe dans neuf cas d’arthrite; mais il donne de pré- férence les feuilles en poudre depuis 50 centigr. jusqu’à 2 gr., deux ou trois fois par jour, continués pendant des semaines et même des mois, s’il est nécessaire, parce que, dit-il, de cette manière il y a moins d’inconvénient : il a remarqué que les sueurs des malades qui en faisaient usage avaient une odeur aromatique particulière. Methernich (2) administre avec succès ce rhododendron dans le rhumatisme chronique. Charpentier, résident de France à Saint-Pétersbourg (3), en a observé les bons effets dans la scia- tique. On l’a employé contre les affections syphilitiques et dans les mala- dies chroniques de la peau, comme succédané de la salsepareille, à la dose de 4à8 gr., soit en infusion, soit en décoction dans 1 kilogr. d’eau. En France, où ce médicament n’est pas employé, on a proposé de le remplacer par son congénère le rhododendrum ferrugineum, qui croît spontanément dans nos hautes montagnes. ROSAGE FERRUGINEUX, LAURIER-ROSE DES ALPES, rhododendrum ferrugi- neum, L. — Cette espèce croît sur les hauteurs des Alpes et dans les mon- tagnes des Pyrénées, des Vosges, du Jura, de l’Auvergne, etc. On la cultive dans nos jardins. Description. — Forme irrégulière et hauteur de 9 centimètres. — Feuilles oblongues, entières et repliées sur le bord. — Fleurs rouges, en bouquet. — Variété à fleurs blanches. Cet arbuste est vénéneux. Welsh (4) parle d’un repas qui devint funeste aux convives pour avoir mangé d’un lièvre qui s'était nourri de ses feuilles. Villars (5) dit qu'il fait périr les chèvres et les brebis qui en mangent. Ce botaniste l’a employé contre les dartres. Il paraît avoir les mêmes propriétés que le précédent, et a de plus l’avantage d’être indigène. (En Piémont, on prépare, par infusion des bourgeons, une huile préco- nisée contre les douleurs articulaires, connue sous le nom d’huiie de mar- mottes. Cette appellation, comme celle qu’on a donnée à l'huile de brugnon, doit être entachée d'erreur, à cause de la similitude du lieu de fabrication: on a confondu l'huile végétale qui nous occupe avec l’huile animale que l’on extrayait autrefois du corps des marmottes.) Il est à croire que le rhododendrum hirsutum, qui croît dans les mêmes lieux, se rapproche du rosage ferrugineux par ses propriétés. ROSAGE À FEUILLES LARGES, 7hododendrum maximum, L. — Cette belle espèce, de l'Amérique septentrionale, où elle est presque un arbre, n’est qu'un buisson haut de 2 mètres dans nos jardins. Description. — Feuilles ovales, obtuses, à bords roulés. — Fleurs roses en ombelles terminales (juillet); variété à fleurs blanches, très-belle, une panachée de blanc, une de jaune, une de vert clair. Elle est vénéneuse comme ses congénères. Cependant, on l’a employée aux Etats-Unis contre le rhumatisme chronique et la goutte. La poussière glanduleuse qui se trouve autour des pétioles et des semences est mise en ———————— (1) Act. des eur. de la nat. Berlin, 1775. (2) Bibliothèque médicale, t. XXXIV, p. 415. (3) Encyclopédie méthodique, t. VI, p. 265, art. BOTANIQUE. (4) Orfila, Toxicologie générale, t. II. (5) Flore du Dauphiné, t..NI, p. 591. ROSEAU A BALAIS. 927 usage, suivant Coxe (1), comme sternutatoire. Michaux (2) dit qu'en Amé- rique cette espèce fournit aux abeilles un miel délétère, ROSAGE PONTIQUE Ou DE PonT, rhododendrum ponticum, L. — Cet arbrisseau a été introduit dans nos jardins par Tournefort (3), qui le trouva près de Cérasonte, le long de la mer Noire, etc. C'est le rhododendros de Pline (4). Get auteur dit que le miel puisé sur ses fleurs, et qu’il nomme mœnomenea, rend insensé, Dioscoride parle aussi de ce miel vénéneux, qui est fourni aussi, comme nous l'avons dit plus haut d’après Michaux, par le rosage à feuilles larges. D’après Fourcroy et Vauquelin (5), le rhododendron pontique pré- sente chez nous sur son réceptacle des grains d’une sorte de miel concret, assez semblable pour l'aspect au sucre candi, mais qui est amer; il se fond pendant la nuit par la fraicheur de l'air. Ce sont, suivant Bosc (6), les pieds plantés en pots, à l'abri du soleil et de la rosée, qui en fournissent; ceux qui sont très-vigoureux n’en fournissent pas. Cet arbrisseau a été reconnu aussi vénéneux en France qu’en Perse. Pepin (7) a rapporté à la Société royale d’horticullure que quatre chèvres qui en avaient mangé furent empoisonnées et moururent au bout de quatre jours dans des souffrances horribles; on trouva des traces d’inflammation dans l'estomac et les intestins. Une autre chèvre et un bouc, qui mangèrent aussi de ces feuilles, n’en moururent pas, ayant bu du lait; ils furent huit jours à se remettre. ROSEAU A BALAIS. Arundo phragæites. L. Arundo vulgaris, sive phragmites Dioscoridis. G. BAu., TouRN. — Arundo vallatoria. GER. — Arundo vulgaris palustris. J. BAUH. GRAMINÉES. — ARUNDINÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE DIGYNIE. L. Ce roseau croît dans les ruisseaux et les étangs. Son nom vient de ce qu’on fait des balais avec ses panicules avant leur entier développement. On fait des nattes avec ses tiges. Les chèvres et les chevaux mangent ses feuilles; on peut les substituer au foin dans les années de sécheresse. Elles fournissent une bonne litière au bétail. Description. — Racine : rhizôme jaunâtre, rampant, articulé, un peu fibreux. — Tiges droites, fortes, fistuleuses, de 4 à 2 mètres de hauteur. — Feuilles alternes, très-longues, engaînantes, étroites, finement striées, d’un vert glauque. — Fleurs rou- geàtres, très-nombreuses, disposées en un panicule très-ample composé de petits épis aigus, filiformes (août-septembre). — Galice à deux valves nues, l’intérieure beaucoup plus longue. — Corolle également à deux valves garnies de poils persistants. — Trois étamines. — Deux styles à stigmate simple. — Fruit : caryopse oblong à deux balles. Parties usitées. — La racine ou rhizôme. (Culture. — Les roseaux demandent un sol humide. On les propage par éclats de pied. On les cultive dans plusieurs localités pour les usages économiques.] Propriétés physiques et chimiques. — Les rhizômes ont des pousses succulentes, sucrées. Les feuilles et les fleurs sont aussi sensiblement sucrées quand on les mâche quelques instants. Toutes les parties de cette plante sont inodores. Proven- zale, qui a écrit une notice sur l’arundo phragnutes, y a trouvé de la silice, ce qui a lieu pour plusieurs autres graminées. — Le panicule teint en vert. (1) Americ. disp., p. 526. (2) Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. VI, p. 75. (3) Voyage, t. II, p. 70. (4) Lib. 11, cap. xur. (5) Annales de chimie, 1807, t. LXIIT, p. 102. (6) Séance de l'Institut, 31 mai 1824. (7) Annales de la Societé d’horticulture, juillet 1845, t. XXX, p. 410. 928 ROSEAU AROMATIQUE. La racine de roseau à balais est considérée comme sudorifique et diuré- tique. Elle à été vantée contre les affections rhumatismales, la goutte, la syphilis. On a prétendu qu’elle faisait la base du fameux rob de Boiveau- Laffecteur. Provenzale (in Mérat et Delens) la vante dans l’hydropisie. La- borie (1) dit avoir guéri avec le suc de cette plante, à la dose de 15 gr. dans une tasse d’eau tiède, une demoiselle de vingt-cinq ans, atteinte d’une pa- ralysie du membre supérieur droit, et de douleurs convulsives dans le membre inférieur du même côté. «Il serait difficile, dit Roques, de citer une observation bien faite, qui püt constater l’action médicale de ce roseau; mais il ne faut point le dédaigner, puisque ses chaumes servent à couvrir le toit sous lequel repose la vertu indigente. » ROSEAU AROMATIQUE. Acorus calamus. L. Acorus verus, sive calamus aromaticus officinarum. G. Baux., Tour. _ Acorus virus. BLAZ. — Calamus aromaticus. GAEz. Acorum legitimum. TAB. Acore vrai, — acorus aromatique, — roseau odorant, — calamus aromatique. AROÏDÉES. — CALLACÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XXXV) croît dans les fossés marécageux de l’Alsace, de la Belgique, de la Bretagne, de la Normandie, des Vosges, etc. Description. — Racine horizontale, noueuse, rampante, plus grosse que le doigt, spongieuse, jaunâtre en dehors, blanche en dedans. — Tige : hampe un peu comprimée, s’ouvrant sur les côtés pour donner passage à un spadice jaunâtre, allongé et cylindrique. — Feuilles radicales, engaînantes, étroites, ensiformes, longues de 50 à 70 centimètres. — Fleurs petites, hermaphrodites, axillaires, sessiles (juin-juillet). — Calice persistant formé de six pièces courtes. — Point de corolle, — Six étamines. — Un ovaire avec sligmate sessile. — Fruit : capsule triangulaire, entourée par le calice persistant, contenant trois semences. Parties usitées., — La racine. Récolte. — Cette racine nous est ordinairement envoyée de la Belgique, de la Hollande, de la Pologne, et même de la Tartarie, bien qu’on puisse la tirer de l’Alsace, de la Bretagne et des Vosges, où elle est très-commune. On la récolte au printemps ou à l’automne, et on la fait sécher. La dessiccation la rend béaucoup plus âcre, piquante et aromatique. Elle est sujette à être piquée des vers. | [Culture. — Le roseau aromatique exige un sol humide, il réussit bien dans les terrains submergés et marécageux. On plante à l’automne et au printemps les éclats de pieds à fleur de terre, sans cela ils seraient exposés à pourrir. Dans le nord de la France . PSE rarement, et il ne müûrit ses graines qu’autant qu’on lui donne de la chaleur umide. ] Propriétés physiques et chimiques, — L’odeur de cette racine est forte, pénétrante et peu agréable, tant qu’elle est verte. Sèche, son odeur est agréable et persistante; sa saveur est aromatique, un peu amère, piquante, âcre, et laisse dans la bouche l'odeur qui lui est propre. D’après Trommsdorif (2) elle contient une matière extractive, de la gomme, une résine visqueuse, une matière analogue à l’inuline, une huile volatile de saveur camphrée, du ligneux, quelques sels et de l’eau. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction ou infusion, de | Extrait, de 1 à 4 gr. 8 à 15 gr. et au delà par kilogramme d’eau | Vin (5 sur 50 de vin), de 50 à 500 gr. ou de vin. Eau distillée, de 30 à 60 gr. Poudre, de 4 à 4 gr. dans un véhicule appro- L’acore entre dans la composition de la prié, ou en électuaire, bols, etc. thériaque, de l’opiat de Salomon, et d’autres Teinture, de 2 à 6 gr., en potion. préparations tombées en désuétude. (1) Des maladies nerveuses, p. 210. Paris, 1830, (2) Annales de chimie, 1812, t. LXXXI, p. 332. ROSEAL AROMATIQUE. 929 L'action excitante du roseau aromatique l’a fait considérer comme sto- machique, diaphorétique, emménagogue, expectorant, etc., suivant l’état d'atonie de tel ou tel organe. C’est ainsi qu’elle est utile dans les affec- tions exanthématiques lorsqu'il y a défaut d'action de la peau, comme on l’observe chez les sujets faibles; dans l’aménorrhée, chez les femmes lym- phatiques et prédisposées à la chlorose; dans la période d’atonie des affec- tions catarrhales, dans les fièvres intermittentes exemptes d'irritation viscé- rale et accompagnées de débilité, d’œdème, de cachexie, contre les affec- tions vermineuses, etc. Chomel en a éprouvé les bons effets dans l’atonie de l’estomac, la dyspepsie et le vomissement. Petochast la vante dans l’hydro- pisie, et Most dans l’hystérie. Les Tartares la considèrent comme anti- septique. Ces peuples, au rapport de Clusius, ne boivent jamais d’eau sans avoir, au préalable, fait macérer de cette racine. Lebeau, médecin au Pont- de-Bonvoisin, a préconisé ce médicament dans l’épistaxis et dans les hémor- rhagies qui suivent l'avortement; il dit que son père l’a souvent employé avec succès dans différentes espèces d’hémorrhagies (1) ; mais il est évident qu'elle ne peut convenir que lorsque ces hémorrhagies sont passives : les excitants ne peuvent, dans les hémorrhagies actives ou avec pléthore locale, qu'augmenter l’afflux qui les produit. La propriété hémostatique de la racine d’acore avait été signalée par Gr. Hortius. Cet auteur s'exprime en ces termes : Acorum nostrum decoctum et epotum immodicum profluvium mensium sistit. — Idem cum vino et prunis sylvestribus, omnibus fluxionibus immodicis sanguinis medetur. — Je me suis très-bien trouvé de la décoction de cette racine dans un cas de menstrues ménorrhagiques avec chloro-anémie chez une femme de trente-deux ans. Cette hémorrhagie périodique datait de deux ans, durait chaque fois de dix à quinze jours, et avait résisté aux astringents employés en pareil cas. Il a suffi de l’usage de la décoction d’acore pour en triompher en peu de temps. Loiseleur-Deslongchamps administrait chaque jour 50 à 60 centigr. de racine d’acore en poudre, dans les cas où il était nécessaire de rétablir les fonctions faibles et languissantes des organes digestifs, Mappus (2) attribue à l’acore vrai la faculté de provoquer le vomissement, donné à la dose de 4 gr. en poudre; il a été rarement employé dans le but de produire cet effet. Dans la goutte chronique, les Allemands l’associent à la sabine dans la proportion de 9 parties pour 6 de sabine; 6 gr. du mélange en infusion dans 1 litre d’eau, par verrées dans la journée. Le calamus aromatique indigène peut très-bien remplacer celui qui nous est apporté des Indes. ROSEAU A QUENOUILLE ou CANNE DE PROVENCE. Arundo donax, L.; Arundo sativa quæ donax Dioscoridis et Theophrasti, C. Bauh., Tourn. — Cette graminée croît naturellement et abondamment dans le midi de la France, près des rivières, des ruisseaux, autour des jardins potagers; dans une grande partie du Roussillon il forme des haies autour des ehamps et des vignes. On en fait des quenouilles, des lignes. Coupée et fendue, on en fabrique des nattes, des fonds de chaises, etc. Description. — Racine : rhizôme allongé, difforme, poreux, d’un blanc jaunâtre. — Tige creuse, ligneuse, cylindrique, de 3 à 5 mètres de hauteur. — Feuilles sessiles, longues de 60 centimètres environ, étroites, lancéolées, à nervures médianes longitudi- nales. — Fleurs disposées en un panicule terminal, composé d’épillets solitaires (août-septembre). — Calice extérieur triflore à deux balles; glume entourée de soies persistantes; trois étamines ; ovaire surmonté de deux styles. Parties usitées. — Le rhizôme, improprement appelé racine. Récolte. — Elle se récolte vers la fin de septembre. On doit la couper par (1) Ancien Journal de médecine, t. X, p. 373. (2) Hist. plant. alsatic., 1742. 930 ROSIERS. tranches et la faire bien sécher; en cet état, elle est d’un blanc sale, cassante, et se conserve aisément en la privant du contact de l’air humide. (Culture. — La canne de Provence demande un terrain humide. Elle vient sur les bords des rivières, des ruisseaux, des étangs. On la propage par éclats de pieds.] Propriétés physiques et chimiques. — Cette racine a une saveur douce et sucrée lorsqu'elle est jeune, et est insipide étant plus avancée, surtout lors- qu'elle est sèche. Chevallier (1) en a retiré de l'extrait muqueux un peu amer, une sub- stance résineuse, amère, aromatique, dont l’odeur se rapproche de celle de la vanille, quoique la canne soit inodore; de l’acide malique, de l’huile volatile ; une matière azotée ; du sucre, quand la racine n’est pas ancienne, tandis que jeune il y en a assez pour qu’on: s’en aperçoive à la saveur. — Elle ne contient pas de fécule, ce qui est fort remar-- quable. (En Provence, on emploie le roseau à quenouille pour faire des lambris destinés à servir de revêtement aux plafonds. Lorsque, sous l'influence de l'humidité, les cannes sont le siége de fermentation, une poussière blanche prend naissance sur les feuilles auprès des merithalles. Les vanniers ou cannissiers ont remarqué que le contact de cette poussière détermine une maladie particulière, maladie des roseaux. Cette derma- tose a été étudiée par Maurin) (2). Le La décoction de racine de canne de Provence (30 à 60 gr. par kilogr. d’eau) est légèrement diurétique et diaphorétique. Elle jouit dans le peuple d’une grande réputation comme antilaiteuse. La plupart des médecins la considèrent comme inerte, et n’attribuent qu’à l’eau les effets que l’on a cru obtenir de son usage chez les nouvelles accouchées qui ne veulent ou ne peuvent nourrir, et chez les nourrices qui veulent sévrer. — Les anciens se servaient de cette plante à l'extérieur sur les plaies, en fomen- tation. ROSIERS. Rose. ROSACÉES. — ROSÉES. Fam. nat. — ICOSANDRIE POLYGYNIE. L. Le rosier, charmant arbrisseau dont le type et l’origine sont incertains, a produit de nombreuses variétés plus ou moins belles, à la tête desquelles se trouve la rose à cent pétales, vulgairement et improprement à cent feuilles, chantée par les poètes, et qui fut consacrée, chez les Grecs, à l’Aurore, à Vénus, aux Grâces. Dans les livres sacrés, la Sagesse éternelle est comparée aux plantations de rosiers qu’on voyait près de Jéricho. C’est la reine des fleurs : Fame Plebeii, cedite, flores ; Hortorum regina suos ostendit honores. (Rarin, Hort.) La rose excite l’admiration par la perfection de ses formes, par la suavité de son parfum, par sa couleur séduisante ; et joignant l’utile à l’agréable, elle fournit à la médecine, à la parfumerie, des ressourees précieuses. RostER DE PROVINS, ROSIER GALLIQUE, ROSIER DE FRANCE, ROSE ROUGE, ROSE OÿFICINALE. Rosa qallica, L. ; Rosa rubra multiplex, C. Bauh.; Rosa provin- cialis rubra, Ray; Rosa rubra, Off., Murr. — Cet arbrisseau, cultivé dans les jardins, croît dans les montagnes de l’Orléanais, de la Touraine, de l’Au- vergne. Quoiqu'il soit cultivé dans toute la France, il l’est cependant plus particulièrement à Provins, à Fontenay-aux-Roses, près de Paris, dans les environs de Metz, etc. Description. — Racines dures, ligneuses et fibreuses. — Tiges rameuses, dres- sées ou étalées, vertes ou rougeâtres, munies d’aiguillons nombreux, souvent cadues et crochus. — Feuilles portées sur des pétioles épineux, alternes, ailées, à cinq ou sept folioles dentées, dont quatre ou six opposées et une impaire. — Fleurs solitaires, pédon- (1) Journal de pharmacie, 1817, t. III, p. 244. (2) Revue thérapeutique du Midi, 1859. ROSIELS, 931 culées, d’un beau rouge pourpre foncé (juin-juillet). — Calice ovoïde divisé en cinq découpures alternativement pinnatifides. — Corolle à pétales cordiformes, légèrement crénelées, au nombre de cinq dans la fleur simple, én plus grand nombre dans les es- pèces doubles. — Etamines nombreuses à filets courts, portant des anthères à trois faces. — Ovaires nombreux renfermés dans le calice. — Fruits : akènes osseux, atta- chés aux parois internes du tube calicinal, accru, arrondi, charnu et d’un rouge vif, Parties usitées. — Les pétales, les fruits, les galles ou bédeguars. (Culture. — Les rosiers de Provins et la rose à cent feuilles sont seuls cultivés pour l'usage médical ou économique. Ils préfèrent une exposition chaude mais ombragée, une terre légère et fraiche. On les propage par boutures, marcottes, éclats. En racines ils exigent une taille ordinaire du jeune bois: les belles variétés se greffent sur franc- de-pied ou sur églantiers. Par semis, on en obtient de nouvelles. ] Récolte. — On récolle les roses de Provins au mois de juin, lorsque le bouton est sur le point de s'ouvrir. Elles ont moins de propriétés lorsqu'elles sont épanouies. On sépare les pétales du calice, et on les fait sécher rapidement au grand soleil ou dans un grenier bien aéré, à l’étuve; puis on les conserve dans des boîtes de bois fermées, et dans un lieu sec. En les laissant sécher lentement à l'air, ils sont moins odorants et moins actifs. Quand ils sont bien préparés, ils sont d’un beau rouge velouté et leur odeur augmente par la dessiccation. Toutefois, en veillissant, ils se décolorent un peu et perdent de leur odeur. Dans le commerce, on doit rejeter les pétales peu rouges, peu odorants, peu amers et astringents. L’onglet, qui reste jaune, ne doit pas en être séparé. — Les roses de Provins ne sont pas supérieures aux autres. — Le com- merce les tire surtout des environs de Metz, où elles sont fort belles. Propriétés physiques et chimiques. — Les pétales de la rose rouge sont d’une odeur faible, mais agréable, d’une saveur amère et styptique. Ils contiennent, d’après Cartier (4), une matière grasse, une huile essentielle, de l’acide gallique, une matière colorante, de l’albumine, du tannin, des sels solubles à base de potasse, des sels insolubles à base de chaux, de la silice, de l’oxyde de fer. Charlot, de Saint- Agnan (2), dit avoir observé sur les pétales de cette espèce une sorte de cristallisation. — L'eau, lalcool et le vinaigre s'emparent des principes actifs. [D’après les recherches de Filhol (3), les roses rouges ou de Provins ne contiendraient pas de tannin proprement dit, comme on l'avait toujours cru, mais seulement du quer- citrin. Ce savant chimiste y a trouvé, en outre, du sucre interverti (20 pour 400), de la cyanine ou matière colorante bleue, une matière grasse soluble dans lalcoo! à 85° C. bouillant, et une autre qui ne se dissout pas dans ce liquide. ] Substances incompatibles. Les sulfates de fer, de zinc, la gélatine, l’eau de chaux, etc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. Vinaigre rosat, 1 de pétales sur 12 de vinai- gre blanc. (La pommade rosat ne se fait plus, d’après le Codex de 1866 (page 578), avec les roses rouges. Voici quelle est la nouvelle for- mule : axonge, 1,000 gr.; racine d’orca- nette, 30 gr.; cire blanche, 8 gr.; huile vo- latile de roses, 2 gr.) La rose de Provins entre dans le sucre ro- À L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 8 à 15 gr. par kilogramme d’eau. Poudre, de 2 à 8 gr. dans un véhicule appro- prié. Conserve, de 60 à 120 gr. Sirop, de 30 à 60 gr. Miel rosat, de 30 à 100 gr. À L’EXTÉRIEUR. — Infusion, de 15 à 60 gr. par kilogramme d’eau, en lotion, collyre, etc. Vin (1 sur 16 de vin rouge), en injection, lo- tion, etc. Miel rosat, en gargarisme, collutoire, etc. sat, dans le sirop d’absinthe composé, le sirop de consoude, la confection Hamech, le dias- cordium, la thériaque, la confection alkermès, l’opiat de Salomon, etc. La rose rouge est astringente, tonique; elle convient dans les écou- lements muqueux chroniques, les catarrhes, les diarrhées chroniques, les leucorrhées, les hémorrhagies passives, l’ophthalmie chronique, etc. Beaucoup d’auteurs ont attribué à la conserve de rose une grande efficacité contre la phthisie pulmonaire. S'il faut en croire Avicenne, Valériola, Fo- restus, Rivière, Murray, Buchan, Kruger, etc., on serait parvenu, au moyen (1) Journal de pharmacie, 1821, t. VII, p. 527. (2) 1bid., 1832, t. XVIII, p. 641. - (3) Société pharmaceutique de Toulouse et Répertoire de pharmacie, mai 1863. 932 ROSIERS. de son usage longtemps continué, à suspendre la marche de cette maladie et même à la guérir. Ces auteurs administraient ce médicament en grande quantité; ils citent des malades qui en avaient pris jusqu’à vingt et trente livres dans le cours de leur traitement. Cette conserve m'a été utile dans les sueurs et les diarrhées des phthisiques. L’infusion de roses rouges, légèrement sucrée et acidulée avec le suc de citron, modère les pertes utérines des femmes délicates qui ne pourraient supporter des remèdes plus énergiques. Voltelen (1) en à obtenu d’excel- lents effets. Il dit qu’elle lui à également réussi dans les fièvres putrides et malignes compliquées de diarrhées séreuses ou sanguinolentes. Il recom- mande l’infusion de roses avec le sucre de lait dans les affecticns catarrhales du poumon, avec une sorte de diathèse hectique, dans les ulcérations in- ternes, etc. Roques a souvent eu recours à la conserve de roses de Provins, combinée avec le sirop de pavot blanc et le nitrate de potasse, pour arrêter ou modifier les hémoptysies rebelles. L'infusion et le vin de roses rouges, le miel et le vinaigre rosats s’em- ploient en lotions, injections, gargarismes, collyres, comme astringents, toniques, résolutifs. On met fréquemment en usage, contre les ulcères ato- niques blafards, les roses infusées pendant une demi-heure dans du vin rouge bouillant (4 partie sur 16 de vin). On applique des fomentations, des cataplasmes et des sachets de roses sur les tumeurs froides et indolentes, sur les engorgements atoniques, œdémateux. (Avant que Velpeau et Boinet aient préconisé la teinture d’iode et l’aient fait préférer comme d’un usage plus sûr et moins douloureux, on injectait l’infusion vineuse de-roses rouges dans les cavités closes, et surtout dans la tunique vaginale, siége d’hydrocèle, pour y déterminer soit une modifica- tion de tissu, soit l’inflammation adhésive.) ROSIER A CENT FEUILLES. Rosa centifolia, L. ; rosa multiplex media, C. Bauh. — Haller et Linné prétendent que ce magnifique rosier dérive du rosa ca- nina. Ses belles fleurs sont moins odorantes que celles du rosier musqué, dont nous allons parler. On en prépare une eau distillée très-employée pour collyres astringents, soit seule, soit comme véhicule de substances plus actives, telles que le sulfate de zine, le sulfate de cuivre, lacétate de plomb, le nitrate d’argent. ROSIER MUSQUÉ, ROSIER DES QUATRE SAISONS, ROSE DE PUTEAUX, ROSE DE DAMAS, ROSE MUSCADE OU MUSCATE, ROSE MUSCATELLE. Rosa moscata, Wild. ; rosa damascena, Pharm. ; rosa semperflorens, Desf. ; rosa bifera, Persoon. Ce rosier, originaire de l'Orient, est depuis longtemps naturalisé en France. On le cultive dans les jardins, dans les bosquets; mais il craint la rigueur des hivers, et sous le climat de Paris il est nécessaire de le couvrir; ses fleurs répandent une odeur déli- cieuse. C’est de cette espèce qu’on obtient l’essence ou huile essentielle de rose, em- ployée principalement dans la parfumerie, et qui peut prendre la consistance du beurre (beurre de rose). [D’après Bilz les roses pâles renferment : essence de roses, quantité variable, huile rasse 0.065, cire 2.050, résine 1.880, tannin 0.260, gomme 25.0, sucre incristal- isable 30.00, acide citrique 2.950, acide malique impur 7.760, fibre végétale 14.00, épiderme 4.552, eau et sel 13.483. L’essence de rose est un mélange de deux huiles essentielles, une solide jusqu’à 95° C. et qui bout à 300c C., et qui est un carbure d'hydrogène; l’autre qui contient de l’oxy- gène et qui répand l’odeur de la rose; elle n’a pas été analysée. On falsifie souvent l'essence de roses avec celle du géranium rosat (geranium roseum), celle-ci verdit par les vapeurs nitreuses, son odeur est altérée par l’acide sulfurique, elle est colorée par l’iode; tandis que l'essence de roses n’est pas verdie par les vapeurs te n’est pas brunie par l’iode, mais l’acide sulfurique lui donne une mauvaise odeur]. (1) Pharm. universa. : ROSIERS. 933 La plupart des auteurs de matière médicale regardent plusieurs espèces de roses, et surtout la rose musquée, comme purgatives. Les Allemands se purgent avec la seule infusion des pétales de cette rose dans du petit-lait. Venel dit qu'il a purgé une femme avec quinze pétales de cette rose en infusion, et quatre fois ce purgatif lui a réussi, Amatus Luzitanus considère cette rose comme un purgatif énergique. Dans le Languedoc et la Provence, les pétales de trois ou quatre roses musquées suffisent, suivant Lémery, pour purger, Ce purgatif est, en effet, plus actif dans les pays chauds que dans le Nord. L'eau distillée de rose musquée est également purgative à la dose de 500 gr. Loiseleur-Deslongchamps s'étonne qu’un médicament aussi agréable soit tombé dans l'oubli, tandis que tous les jours les médecins prescrivent, pour purger, des préparations dégoûtantes par leur couleur, leur odeur et leur saveur. C’est avec les pétales de cette rose, rosa pallida des officines (4), qu’on fait le sirop de rose pâle, si vanté par Guy-Patin, et celui qu’on appelle Sirop de rose pâle composé. Le premier se prescrit comme laxatif, à la dose de 38 à 60 gr., surtout aux enfants; le second, dans lequel entre le séné, comme purgatif. Toutes les roses appelées Pâles, à cause de _ la couleur de leurs fleurs comparée avec celle de la rose rouge ou de Pro- vins, ont des propriétés purgatives et peuvent être substituées les unes aux autres. Rosier DE BENGALE. Rosa indica, L.; Rosa Bengalensis, Hort.—Cette char- mante espèce, à feuilles luisantes, fleurit toute l’année en pleine terre. Une de ses nombreuses variétés a des pétales qui sentent le thé à s’y méprendre, ce qui l’a fait appeler la rose-thé ou rosier à thé. Si on parvenait à fixer cette odeur, on pourrait en faire usage à l'instar du thé. ROSIER DE CHIEN, — ÉGLANTIER A FLEURS BLANCHES OU ROSES. — Rosa ca- nina. — Ce rosier, à fleurs blanches ou d’un blanc rosé, champêtre, est ainsi nommé parce qu'on a vanté sa racine contre la rage. Les dieux mêmes, suivant Pline, avaient révélé en songe cette merveilleuse propriété à une mère dont le fils avait été mordu par un chien atteint de cette terrible ma- ladie. Ce prétendu antirabique a été proposé par un particulier à l’Académie de médecine de Paris (2), en citant à l’appui quarante cas de guérison par ce moyen. Tout cela est bien oublié et mérite de l’être. Loiseleur-Deslong- champs a obtenu plusieurs évacuations alvines au moyen des pétales de cette rose pulvérisés et donnés à la dose de 1 à 2 gr. 50 centigr. J'ai admi- nistré cette poudre à la dose de 4 gr.; elle a provoqué cinq selles, précé- dées de légères coliques. Le fruit ou cynorrhodon, connu sous le nom de gratte-cul, à cause du prurit que les poils qu’il renferme causent à la peau, sert à préparer la confection de cynorrhodon, qu’on emploie dans la diar- rhée, surtout chez les phthisiques, dans la débilité des voies digestives. En Allemagne on l'offre au dessert et on le mange avec les viandes. Celle qu'on fait à Strasbourg et à Colmar est sucrée, légèrement acide et d’un goût fort agréable. J’ai quelquefois mis en usage la décoction des fruits concassés du rosier de chien (après en avoir enlevé les semences hérissées de poils), avec une suffisante quantité de sucre, dans les diarrhées des enfants. Cette pré- paration simple, et d’un goût agréable, tient lieu de sirop de coing là où il n’est pas toujours possible de se procurer ce dernier (3). Le duvet des semences du cynorrhodon, appliqué sur la peau, y cause une démangeaison insupportable suivie de douleur, d’un léger gonflement EEE (1) Journal de pharmacie, 1826, t. XII, p. 446. (2) Séance du 24 avril 1832. (3) Les cynorrhodons ont été analysés par Bilz (Journal de pharmacie de Tromensdorff, t. VIII, p. 63). Il y a trouvé une huile volatile, une huile grasse, du tannin, du sucre incris- tallisable, de la myricine, une résine solide, une résine molle, de la fibrine, de l’albumine, de la gomme, de l’acide citrique, de l’acide malique, des sels, etc. 954 RUE. et de points rouges qui se dissipent spontanément dans l’espace d’une heure. Ce duvet peut être employé à l’intérieur comme vermifuge. Il agit immédiatement et mécaniquement sur les vers en les piquant à la manière du poil à gratter (dolichos pruriens, L.), que Chamberleine (1) a vanté comme anthelminthique. J’ai plusieurs fois employé ces poils à la dose de 15 à 30 centigr., mêlés avec un peu de miel. Ce vermifuge, que les enfants prennent avec facilité, tue les vers lombrics, et n’a aucun inconvénient. Ni les poils du dolichos, ni ceux du cynorrhodon, ne produisent sur la muqueuse des voies digestives l’irritation qu’ils déterminent à la peau ; ils agissent exclu- sivement sur les vers. ROSIER SAUVAGE OU DES HAIES, ÉGLANTIER. — Arbrisseau formant un buis- son épais, à fleurs d’un beau jaune. Une variété de cette espèce a les pétales d’un rouge éclatant (rouge ponceau). Le nom d’Églantier s'applique aussi au rosier de chien, dont nous venons de parler. Les propriétés du rosier sauvage sont à peu près les mêmes que celles de ce dernier. Il naît sur le fruit, la tige et la feuille des rosiers sauvages, par la piqûre d’un insecte parasite (cynips rosæ), une excroissance spongieuse (Fungus rosa- ceus, Offic. ; Spongiola cynorrhodon, Pline), éponge d’églantier, connue dans les anciennes pharmacopées sous le nom de Bédéquar, et à laquelle on at- tribuait des propriétés astringentes, lithontriptiques, fondantes, ete. On la croyait même propre à dissiper les goîtres, à combattre les affections vermi- neuses, les scrofules, l’hydrophobie, l’alopécie, la piqûre de la taren- tule. Cette production a été, dit-on, employée avec succès pendant le cours d’une épidémie de dysenterie en Sicile. Il est probable que l’analyse y ren- contrerait des principes semblables à ceux qui entrent dans la composition de la noix de galle, si l’on en juge par l’analogie d’origine. L'expérience a fait justice de l'éloge exagéré des vertus du bédéguar, aujourd’hui tout à fait inusité. RUE. Ruta graveolens. L. Ruta hortensis latifolia. CG. Bauu., Tour. — Ruta hortensis. Mizz. Ruta. OFF. Rue fétide, — rue des jardins, — rue officinale, — rue commune, — herbe de grâce, péganion, — ronda, — ruda. RUTACÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE MONOGYNIE. L. La rue, plante vivace (PI. XXXV), croît spontanément dans les départe- ments méridionaux de la France. On la rencontre aussi dans les environs de Paris (coteaux de Beauté, parc de Vincennes). On l’appelle rue sauvage. On la cultive dans les jardins. ; Description. — Racine forte, fibreuse, blanchâtre, à radicules nombreuses. — Tiges droites, dures, cylindriques, rameuses dès la base, d’environ 4 mètre de hauteur. — Feuilles alternes, pétiolées, d’un vert glauque, à folioles ovales, épaisses, obtuses, décurrentes à la base. — Fleurs jaunes, pédonculées, disposées en corymbe terminal (juin-juillet-août). — Calice étalé, à quatre ou cinq divisions aiguës. — Corolle à quatre ou cinq pétales ovales, à bords relevés. — Huit ou dix étamines saillantes à anthères jaunes ; ovaire surmonté d’un style court et d’un stigmate simple, — Fruit : capsule glo- buleuse, polysperme, à quatre ou cinq lobes obtus, contenant des graines réniformes et s’ouvrant par la partie supérieure en autant de valves. Parties usitées. — Les feuilles, les semences. [Culture. — La rue, autrefois cultivée dans les jardins, l’est peu aujourd’hui. On la cultive encore beaucoup à Naples et dans d’autres localités de l'Italie. Elle exige une bonne exposition et un terrain sec et même pierreux. On la propage de graines; ou éclats de pieds.] (1) À practical treatise on the efficacy of stilozobium or cowlage, etc. Londres, 1784. RUE, 935 Récolte. — On doit récolter les tiges garnies de beaucoup de feuilles avant que les fleurs soient épanouies. La dessiccation, faite avec soin, ne diminue en rien ses pro- priétés, La rue sauvage est plus active que celle que l’on cultive. Propriétés chimiques et économiques. — La rue a une odeur très- forte, fétide et pénétrante ; sa saveur est amère, âcre, piquante, L'analyse y a fait re- connaître : de l'huile volatile, de la chlorophylle, de l'albumine végétale, de l’extractif, de la gomme, une matière azotée, de l’amidon et de l’inuline. — L'huile volatile de rue est d’un jaune verdâtre ou brunâtre; elle a une odeur forte et désagréable ; elle se fige au froid en cristaux réguliers; sa solubilité dans l’eau est plus grande que celle des autres huiles essentielles. [L’essence de rue —C?°H?°02 bout à 2280 C. Sa densité est 0.958, l'acide azotique la transforme en acide caprique — C?°H?°0#* et en acide pelargonique — C'SH!$0#.] (Gahours et Gerhart.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 2 à 10 gr. par kilogramme d’eau, à prendre par tasses avec un sirop approprié. Sirop (2 de teinture sur 7 d’eau distillée de rue et 15 de sucre), de 15 à 30 gr. Extrait alcoolique (1 sur 6 d’alcool à 60 de- grés), de 50 centigr. à 2 gr. Extrait aqueux, par infusion (1 de feuilles hghen sur 4 d’eau chaude), de 50 centigr. 2 gr. Extrait aqueux, par décoction (1 sur 8 d’eau), même dose. Huile essentielle, de 10 à 50 centigr. à Poudre, de 50 centigr. à 3 gr., en bols, pi- lules, etc. A L’EXTÉRIEUR. — JInfusion, de 10 à 30 gr. par kilogramme d’eau, pour lotions, fo- mentations, fumigations, injections, lave- ments, etc. Poudre, pour saupoudrer les ulcères. Huile (1 de rue sèche sur 10 d’huile d’olive, faire digérer pendant huit heures au bain- marie, passer et filtrer.) Conserve (1 de rue fraîche sur 3 de sucre), de 1 à 5gr. La rue est tellement stimulante, qu’étant appliquée sur la peau elle y dé- termine la rubéfaction ; introduite dans le canal digestif, elle y exerce une vive excitation, qui se transmet bientôt à tous les organes et donne lieu à divers phénomènes consécutifs, dont la thérapeutique a su tirer parti. À haute dose, elle détermine l’inflammation des voies gastro-intestinales et accélère le mouvement circulatoire. Elle a toujours été considérée, en outre, dès la plus haute antiquité, comme agissant puissamment sur le système nerveux en général et sur l'utérus en particulier, ce qui l’a fait employer contre l’épilepsie, la chorée, l’hystérie, et comme emménagogue dans l’amé- norrhée et les désordres de la menstruation. Dans ces derniers cas, 1l est bien essentiel d'apprécier l’état de la malade avant de lui administrer un tel médicament. Si l’aménorrhée, par exemple, était due à un excès de sensi- bilité de l'utérus, à un état de pléthore, soit locale, soit générale, il est bien certain que l'usage de la rue ne pourrait être que très-dangereux. J'ai vu une métrorrhagie active, avec douleurs violentes à l’utérus, causée par l'emploi imprudent de cette plante, chez une jeune femme d’un tempéra- ment sanguin avec prédominance utérine. Une forte saignée du bras, des ‘bains tièdes, des boissons nitreuses et émulsives, des lavements de décoc- tion de mauve et de laitue, suffirent pour dissiper ces accidents. Je suis convaincu que si l’hémorrhagie n’avait pas eu lieu, l’inflammation de l'utérus eût été la funeste conséquence de l’ingestion de la rue. (Beau (1) ne partage pas les craintes répandues sur l'usage de la rue ; pour lui, c’est un agent spécial, excitant l'utérus comme le seigle ergoté. Il l’unit souvent à la sabine. Ce sont des toniques qui déterminent les contractions de la matrice en réveillant la tonicité des fibres de’cet organe. Ils sont indiqués dans le cas de métrorrhagie entretenue par un produit pathologique tel qu'un fragment de placenta ou des débris de fœtus. Dans l’état de vacuité de l’utérus, la rue pourra aussi réussir dans les pertes de sang, compliquant ou non les règles, qui peuvent se rattacher à l’anémie.) (1) Union médicale, 1°* semestre 1859, p. 100, 936 RUE. L'influence que cette plante exerce sur la matrice se manifeste évidem- ment par une congestion sanguine et une stimulation des fibres musculaires de cet organe. Les observations recueillies par Hélie (1), et les faits assez nombreux qui se sont présentés dans ma pratique, ne me laissent au- cun doute sur la propriété abortive qui lui a été attribuée. Les anciens connaissaient cette propriété; Pline en défend l’emploi aux femmes en- ceintes. Les modernes la préconisent comme emménagogue; Desbois, de Rochefort, employait, comme un des meilleurs médicaments de ce genre, l'huile essentielle de rue à la dose de 192, 15 et 20 gouttes. Comme antispasmodique, la rue a été recommandée contre l’hystérie et l’épilepsie par Alexandre de Tralles, Valeriola, Boerhaave, Cullen, etc. Haller la comparait à l’assa fœtida et l’administrait en lavement dans l’hysté- rie. Bodart l’a proposée comme succédanée de cette dernière substance. La rue est un anthelminthique trop négligé. Wauters propose, d’après Cartheuser, de substituer sa semence au semen-contra. Je l'ai employée avec succès dans trois cas d’affection vermineuse. Je suis parvenu, au moyen de lavements de décoction de feuilles fraîches de rue, à détruire de nom- breux ascarides vermiculaires qui causaient depuis dix ans un prurit anal insupportable. L'huile d'olive, de noix ou d’æillette, dans laquelle on fait infuser les feuilles de rue, peut servir en embrocations sur le bas-ventre, comme vermifuge chez les enfants. On emploie aussi de la même manière l’onguent de rue composé. (Voyez Préparations pharmaceutiques.) Les propriétés antisyphilitiques attribuées à la rue n’ont pas été confir- mées par l'expérience. Ses vertus antivénéneuses doivent être reléguées au rang des fables, ainsi que tout ce qu’on a avancé sur son efficacité contre la peste. Le fameux antidote de Mithridate, dont Pompée trouva la formule dans la gazette de ce prince, était composé, dit-on, de vingt feuilles de rue contuses, de deux noix sèches, de deux figues et d’un peu de sel. Quand on se représente, dit Chaumont, le roi de Pont avalant chaque matin un sem- blable mélange, avec la ferme conviction d’être à l'abri de tout empoison- nement pendant le jour, pourrait-on s'empêcher de rire, si l’on ne réflé- chissait que l’ignorance et la crédulité figurent honorablement parmi les nobles qualités des héros ? J'ai vu un curé de campagne employer le topique suivant contre la phthi- sie et le catarrhe pulmonaire chronique : Prenez 2 poignées de rue fraîche- ment cueillie, vers la fin de mai; faites-les bouillir dans 2 kilogr. d’eau jusqu’à réduction de moitie; exprimez la rue et retirez-la; mettez 15 gr. d’aloès dans la décoction, et faites-y tremper une serviette de coton demi- usée pendant vingt-quatre heures, puis faites-la sécher à l’ombre dans un appartement. Cette serviette, pliée en huit, doit être pliée sur la poitrine et portée jusqu’à ce qu’elle tombe en lambeaux. On m'a assuré qu'une seule serviette avait souvent suffi pour opérer la guérison. On doit avoir deux ser- viettes ainsi préparées, afin que l’on puisse se servir de l’une pendant qu’on fait sécher l’autre à l'ombre. Ce moyen populaire, qu’il est bon d’essayer, a pu procurer quelque soulagement dans la phthisie pulmonaire et guérir des catarrhes chroniques que l’on aura pris pour cette dernière maladie. On a conseillé la rue dans une multitude d’autres maladies. Suivant Martins, on la regarde en Russie comme un excellent remède contre la rage, et on l’emploie aussi, à ce titre, en Autriche, en Westphalie et même en Angleterre. L'expérience a fait justice de cette prétendue propriété. (Le sirop de rue, quoique non officinal en Angleterre, se vend chez la plu- part des droguistes; les nourrices le donnent souvent à la dose de 1/2 à 2 cuillerées à café, dans les coliques flatulentes des enfants nouveaux-nés.) A l'extérieur, la rue pilée peut être employée comme rubéfiante et déter- (1) Bulletin de thérapeutique, t. XII, p. 77. SABINE. 937 sive. On a conseillé de l'appliquer en épicarpe contre les fièvres intermit- tentes. Les lavements de rue peuvent être utiles comme stimulants, dans beaucoup de cas, tels que l’inertie des intestins, la tympanite, la flatulence, l’aménorrhée, etc. On en a fait usage pour déterger les ulcères atoniques et sordides. (Dans la campagne d'Égypte (1), les plaies devenaient très-rapide- ment couvertes des larves de la mouche bleue de Syrie; à chaque panse- ment, on les détruisait à l’aide d’une forte décoction de sauge et de rue.) Garidel traitait les taies de la cornée par la vapeur de la décoction de rue dirigée sur l’œil au moyen d’un entonnoir renversé. On s’en est servi aussi contre la gale, la teigne, et pour tuer les poux. J’ai vu une femme de soixante-cinq ans se débarrasser du phthiriasis, ou maladie pédiculaire, en portant une chemise qu’on avait fait bouillir dans une décoction aqueuse de rue. Le suc de cette plante, plus ou moins étendu dans l’eau et introduit dans le conduit auditif, a été mis aussi en usage avec quelque appa- rence de succès, dans la surdité causée par la diminution ou l’aberration de la sensibilité acoustique. La décoction vineuse de rue, en gargarisme, a été employée avec avantage dans l’engorgement et les ulcères scorbu- tiques des gencives. Celse recommande dans les pertes séminales l’applica- tion sur l’hypogastre et sur les aînes de cataplasmes, de rue infusée dans le vinaigre, Vitet combattait l’exostose scrofuleuse au moyen de bains locaux (répétés trois ou quatre fois par jour, de la durée d’une demi-heure chaque fois), faits avec une forte infusion à peine tiède de feuilles de rue, où l’on avait fait dissoudre 15 gr. de sulfure de potasse sur 1 livre de liquide. On maintenait entre chaque bain, sur la partie affectée, des compresses imbi- bées de ce résolutif. J’ai employé le même moyen avec succès sur les en- gorgements glanduleux, et notamment sur ceux des mamelles. Dans ce der- nier Cas, je faisais prendre le bain local au moyen d’un vase à ouverture - eee à l’étendue du mal, la malade étant dans une position hori- zontale. SABINE. Juniperus sabina. L. Sabina folio cupressi. CG. BAuH. — Sabina. C. BAuH., OFF. pr Genévrier sabine, — savinier, CONIFÈRES. — CUPRESSINÉES. Fam. nat. — DIOÉCIE MONADELPHIE. L. Cet arbrisseau (PI. XXXV) croît naturellement sur les montagnes de nos départements méridionaux, dans les Alpes, aux lieux secs et pierreux de la Provence et du Dauphiné. Description. — La sabine offre deux variétés que l’on nomme improprement sabine mâle et sabine femelle. — Première variété, sabine mâle. — Racine dure, li- gneuse, — Tige de 3 à 4 mètres de hauteur, dressée, divisée en branches ascendantes, très-rameuses, à écorce rude, cendrée, un peu rougeâtre. — Feuilles très-petites, op- posées, serrées contre les tiges, ressemblant à celles du cyprès. — Deuxième variété, sabine femelle ou commune. — Tige moins élevée, à rameaux plus étalés, — Feuilles he allongées, aiguës, lancéolées, petites, d'un vert foncé, persistantes. — Fleurs ioïques, les fleurs mâles formant un châton conique, écailleux, portées sur un pédon- cule recourbé. — Trois étamines réunies en un seul corps par leurs filets. — Les fleurs femelles à trois pistils, trois pétales fermes et aigus, d’un vert jaunâtre (avril). — Fruit : cônes charnus, ovoïdes, pisiformes, noirâtres, renfermant deux ou trois petites graines oblongues et anguleuses. Récolte. — La sabine étant toujours verte, ses feuilles peuvent être cueillies en toute saison. (Culture. — La sabine, quoique très-rustique, préfère l'exposition du levant, et (1) Étude sur Larrey; par Leroy-Dupré. Paris, 1860, p. 44. 938 SABINE. une terre légère. On la reproduit de graines semées en place aussitôt après leur matu- rité; on la multiplie de boutures faites à l'ombre en automne. ] Propriétés physiques et chimiques. — La sabine est douée d’une saveur àcre, résineuse et amère, d’une odeur très-forte, désagréable, à la fois aroma- tique et fétide. — Elle contient de la résine, de l’acide gallique, de l’extractif, de la chlorophylle, une huile essentielle, abondante et très-âcre, qui, d’après Dumas, ren- ferme les mêmes principes que celles de genévrier et de térébenthine. — L'eau et l'alcool dissolvent les principes actifs. [L'huile essentielle peut être représentée par la formule C?°H16, Dissoute dans l'acide sulfurique et distillée ensuite avec un lait de chaux, elle donne une huile volatile qui ressemble par son odeur et ses propriétés, à celle de thym.] PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L’EXTÉRIEUR. — Infusion, de 1 à 8 gr. par kilogramme d’eau bouillante à prendre par petite quantité à la fois. Poudre, de 25 centigr. à 1 gr. 30 centigr., en bols, pilules ou dans un véhicule mucilagi- neux. Teinture (1 sur 4 d'alcool à 32 degrés), de 1 à 4 gr., en potion. Extrait alcoolique (1 de sabine sèche sur 6 d'alcool à 60 degrés), de 50 centigr. à 1 gr. Extrait aqueux (1 sur 6 d’eau), de 50 centigr. Huile par infusion (6 de sabine sur 50 d’huile d'olive), de 10 à 50 centigr. À L’EXTÉRIEUR. — Pommade (2 parties de pou- dre sur 5 d’axonge ou de cérat), pour cata- plasmes rubéfiant ou vésicant. Poudre, comme cathérétique pour détruire les excroissances vénériennes sur les ulcères de mauvaise nature, sur les fongosités, les os cariés, les dents gâtées, pour calmer la douleur odontalgique, etc. Teinture,'en frictions. à 1 gr. Décoction, en lotions antipsoriques. Huile volatile, de 4 à 10 gouttes, en potions, pilules, oléo-sacchar. La sabine est puissamment excitante. En contact prolongé avec la peau, ses feuilles produisent l’irritation, la rubéfaction, l’inflammation : appliquée sur une surface saignante ou ulcérée, la poudre de ces mêmes feuilles cause une impression irritante et presque caustique. Orfila ayant saupoudré avec 8 gr. de cette poudre une plaie faite à la partie interne de la cuisse d’un chien, ÿ a vu survenir une inflammation violente, et l’animal est mort au bout de vingt-quatre heures. Des traces d’inflammation et des taches livides se remarquaient sur quelques parties du tube intestinal, le duodénum et le rectum en particulier. Cet organe, de même que l'estomac, était sensible- ment phlogosé dans d’autres chiens, morts douze ou sei?e heures après avoir avalé, l’un 45 gr. et l’autre 24 gr. de sabine en poudre. Les feuilles de sabine, administrées à haute dose, causent un sentiment de chaleur à l’épigastre, des vomissements, des coliques, des déjections. sanguinolentes, le hoquet, l’inflammation de l’estomac. Bientôt cette irrita- tion se transmet avec plus ou moins d’énergie au système circulatoire, aux poumons, à l’utérus, etc., et produit l’hémoptysie, des hémorrhagies uté- rines, des congestions sanguines sur divers points du corps. A dose modé- rée, elles sont un excitant énergique, ayant une action spéciale sur l'utérus, et dont l'emploi doit être dirigé avec beaucoup de circonspection, malgré l’opinion de Dieu, qui n’attribue à la sabine, dans l’avortement qu’elle provoque, d’autre action que celle de toute autre matière toxique. Ce que j'ai dit de la rue, sous le rapport de son action toxique, comme sous celui de son action spéciale, s’applique avec plus de raison encore à la sabine. Cette plante, administrée à l’intérieur, peut déterminer l’inflamma- tion ou des hémorrhagies redoutables de la matrice, provoquer l’expulsion du fœtus, et donner lieu à des accidents qui mettent la vie de la mère en danger. Murray rapporte qu’une femme de trente ans, dans l’espoir de sau- ver sa réputation, prit une infusion de cette plante, qui causa des vomisse- ments affreux et continuels, suivis, au bout de quelques jours, de douleurs violentes et d’avortement avec hémorrhagie utérine mortelle. A l’ouverture du corps, on trouva la vésicule du fiel rompue, une effusion de bile dans SABINE. 939 l'abdomen et l’inflammation des intestins. Il est donc bien essentiel, comme pour l’usage de la rue, de s’assurer de l’état de l’utérus avant d’administrer la sabine comme emménagogue. On sait combien les causes de l’aménor- rhée sont variées. Celle qui est caractérisée par l’atonie générale peut seule en indiquer l’emploi. Bulliard conseille, contre la suppression des règles, la simple infusion des feuilles de sabine dans le vin. La sabine et la rue, suivant Desbois, de Ro- chefort, sont les deux médicaments les plus spécifiquement emménagogues. Ce médecin donnait l'huile essentielle de sabine à la même dose que celle de rue. Les lavements d’infusion de feuilles, administrés avec prudence, sont très-efficaces dans l’aménorrhée atonique ou simplement spasmodique; ils m'ont réussi dans plusieurs cas de suppression subite et accidentelle des règles sans douleur ni pléthore locale. Les femmes de la campagne pensent qu’il suffit d'introduire quelques feuilles de sabine dans la chaussure des jeunes filles pour provoquer la menstruation. Il serait à désirer que l’on se bornât à une pratique aussi innocente. Malheureusement il n’en est pas ainsi. Nous avons vu administrer cette plante par des sages-femmes ignorantes et cupides, dans l'intention coupable de rappeler les règles lorsque leur suppression était plus que suspecte. Cependant, on a prescrit la sabine contre la métrorrhagie. Widekind (1) et Gunter ont préconisé cette médication dans des cas où l’hémorrhagie était due à l’atonie de l’utérus. Le dernier prescrit la poudre des feuilles à la dose de 1 gr. 25 centigr. quatre fois par jour. Sauter (2) a arrêté des pertes et prévenu l'avortement en donnant 7 à 10 décigr. de cette pou- dre trois fois par jour. Aran (3) l’a aussi employée avec succès dans les mêmes cas. (Nous avons vu, à l’article RuE (page 935), que Beau associait les deux agents, et le rôle important qu'il leur faisait jouer dans la guérison des métrorrhagies essentielles.) Metsch (4) a traité avec succès, par la sabine et le seigle ergoté, la dispo- sition habituelle aux avortements. D’après ce médecin, cette disposition dépendrait d’une atonie de l’utérus qui détermine souvent une stase san- guine dans les vaisseaux utérins; de là la mort du fœtus par apoplexie; ou bien d’une surexcitation de l’organe, qui provoque des contractions avant que le fœtus ait atteint son développement normal. Lorsque cette dispo- sition dépend de tout autre cause que d’une pléthore locale ou générale, et qu'il n’existe ni éréthisme du système vasculaire, ni état fébrile quelconque, l’auteur préconise l’emploi de la sabine, dont l’action se fait surtout sentir pendant la grossesse, en provoquant des contractions de la matrice. C’est dans l'intervalle des grossesses qu’il administre ce médicament. Il en com- mence l’emploi à la fin d’une période menstruelle, et le continue jusqu’à la disposition à l’avortement. 11 prescrit une infusion de sabine aussi fraîche que possible, à la dose de 4, 8 ou 145 gr. sur 190 gr. d’eau, qu’on laisse digé- rer pendant une heure, et à laquelle on ajoute un sirop agréable au goût; il fait prendre matin et soir une cuillerée à bouche de cette infusion. Pen- dant le traitement, qui dure un mois, rarement davantage, il est nécessaire de suivre un régime régulier, d'éviter soigneusement toute excitation des organes sexuels, et de faire un peu d’exercice en plein air. Le repos absolu et la position horizontale, généralement conseillés, sont inutiles, suivant Metsch. Cependant si la disposition à l’avortement ne provient pas seule- ment d’une atonie de l'utérus, et qu’il y ait en même temps augmentation (1) Hufeland’'s Journal, 1810. (2) Mélanges de chirurgie étrangère, t. I, p. 281. (3) Gazette médicale, 1844. (4) Neue Zeitschrift für Geburtskunde et Gazette médicale, novembre 1851, 940 SABINE. de l’irritabilité et de la contractilité de cet organe, deux états qui ne s’ex- cluent pas toujours, il conseille d’unir le seigle ergoté à la sabine, en l’ajou- tant à l’infusion. Le seigle ergoté lui paraît indiqué pour régulariser les contractions utérines, lorsque les avortements antérieurs ont eu lieu sans être précédés d’hémorrhagie. La dose de cette dernière substance est moi- tié de celle de la sabine. Lorsque les avortements ont été précédés par un état spasmodique des voies urinaires, avec ténesme vésical et miction difficile et douloureuse, l’auteur ajoute à l’infusion 6 gouttes de teinture de cantharides. Quand l'avortement qui a eu lieu a été précédé de dérangements dans les fonctions digestives (anorexie, vomituritions, crampes d’estomac, diarrhée, etc.), il donne l’ipécacuanba en substance, un seizième de grain par dose, en alter- nant avec l’infusion de sabine. Les faits rapportés par l’auteur ne laissent aucun doute sur l’action spé- ciale de la sabine contre certaines dispositions abortives bien appréciées, et méritent toute l’attention des praticiens. On a employé avec quelque succès, dans la chute de l’utérus, la décoc- : tion de sabine (30 gr. pour 350 gr. réduits à moitié) en injection, à la dose de 2 cuillerées toutes les deux heures. Comme nous l’avons vu plus haut, l’usage de la sabine à l’intérieur peut avoir des résultats avantageux dans le prolapsus utérin. Hufeland prescrit la poudre de sabine, à la dose de 5 centigr. matin et soir, dans la leucorrhée qui se rattache uniquement à la faiblesse locale. Ce célèbre praticien pense que la sabine agit sur la matrice en vertu d’une affinité spéciale. La sabine a été employée contre les affections vermineuses et surtout contre le tænia. Elle a plutôt réussi contre les ascarides lombricoïdes que contre le ver solitaire. Ray donnait comme anthelminthique le suc des feuilles mêlé avec du lait et un peu de sucre. Bulliard prescrit les feuilles cuites dans du lait. L'infusion aqueuse de ces feuilles, donnée en lavement (1 à à gr. pour 1 kilogr. d’eau, partagés en 4 lavements) est un anthelmin- thique très-efficace, mais dont il faut user avec prudence; car il peutirriter, au point de déterminer une inflammation intestinale, surtout chez les en- fants. Un cataplasme de son et de décoction de sabine, appliqué sur l’abdo- men, m'a suffi chez un enfant de trois ans, pour obtenir l'expulsion de treize lombrics dans l’espace de trois jours. j Bréra (1) a donné avec succès l’extrait de sabine dans le rhumatisme chro- nique. Hufeland (2) prétend avoir guéri, par la poudre de cette plante, à la dose de 60 centigr. à 1 gr. 25 centigr. dans les vingt-quatre heures, ou par l'huile essentielle, à la dose d’une goutte, des gouttes chroniques qui avaient résisté aux remèdes les plus énergiques. Ratier (3) fait remarquer que, dans ces cas, la guérison a pu être le résultat de la purgation, qui ne manque pas d’avoir lieu quand ce médicament est employé à dose suffisante. Rave (4) recommande la sabine à l’intérieur et à l’extérieur dans les cas où la goutte chronique a produit des contractures des membres ou des paralysies. La sabine est alors employée à l’extérieur sous forme de bains locaux, que l’on prépare avec une infusion de cette plante, ou bien l’on fait subir des fric- tions avec l’essence de sabine sur les parties malades. A l’intérieur, l’auteur recommande de triturer ensemble une demi-once (15 gr.) de sucre et autant de feuilles fraîches de sabine, et de diviser le tout en douze parties. On ad- ministre toutes les heures une dose. La proportion de la sabine est trop élevée: elle pourrait causer des accidents; il serait prudent de la diminuer (1) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. VIII, p. 272. (2) Journal de médecine, 1818. (3) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. XVI. (4) Bulletin général de thérapeutique, t. XLII, p. 276. SABINE, CUT au moins de moitié et de ne l’augmenter que graduellement, suivant la sus- ceptibilité individuelle. Dans les cas de goutte compliquées de contractures et de nodosités articulaires, Koppe (1) recommande à l’extérieur la com- position suivante : Baume de copahu, baume du Pérou, de chaque 2 1/2 onces (75 gr.); huile essentielle de sabine, 14 drachme (4 gr.). Cette compo- sition est appliquée au moyen de charpie, sur la partie malade, Sauvan (2) a présenté à l’Académie un mémoire sur l'emploi de la sabine chez quelques malades atteints d’affections syphilitiques secondaires. Bien que le rapport de Cullerier devant cette société savante ait été peu fa- vorable à l’auteur, nous croyons devoir faire connaître les formules adoptées par ce dernier : 4° En décoction : feuilles de sabine, 15 gr.; faites bouillir dans 500 gr. d’eau pendant une demi-heure; passez et ajoutez 30 gr. de sirop de cannelle; dose, 2 cuillerées à soupe, quatre fois par jour; — 20 en gargarisme, feuilles de sabine, 15 gr. ; faites bouillir pendant un quart d'heure dans 500 gr. d’eau; passez et ajoutez : mucilage de gomme arabi- que, 30 gr. ; miel rosat, 30 gr. : usage toutes les heures; — 3° à l'extérieur, on en saupoudre les végétations. D’après Dupuis (in Dieu), la sabine serait un remède très-efficace dans la blennorrhagie sans douleur, accompagnée d’une sensation de froid aux organes génitaux, du défaut d’érection, de la flaccidité du scrotum, etc. Il donne les feuilles en poudre à la dose de 2 1/2 centigr. à 20 centi- grammes dans les vingt-quatre heures. J’ai employé deux fois ce remède dans des cas de blennorrhagie exempte d’irritation, sans résultat apprécia- ble. Il m'a réussi contre une blennorrhée qui avait résisté aux moyens ordi- nairement employés, chez un sujet faible, lymphatique, et qui s’est trouvé en même temps débarrassé de pertes séminales, contre lesquelles il avait vainement mis en usage les bains froids, le quinquina, le fer, etc. Ce der- nier résultat est remarquable. La sabine a été mise en usage dans diverses autres maladies. Gilibert dit avoir guéri, au moyen de cette plante, des fièvres intermittentes qui avaient résisté à beaucoup d’autres moyens. Rau (3) s’est bien trouvé de ce médi- cament dans l’ischurie des femmes en couches. On à même proposé la sabine comme un remède prophylactique et curatif de la rage : on sait à quoi s’en tenir sur ce moyen, ainsi que sur tant d’autres annoncés comme infaillibles contre cette affection. (En Angleterre, on emploie l’huile essentielle de sabine comme puissant diurétique et emménagogue.) | La poudre de sabine est employée à l'extérieur comme cathérétique. Elle entre dans le caustique de Plenck (voyez Préparations et doses), avec lequel on saupoudre les chancres, les condylômes, les verrues et les chairs fon- gueuses des ulcères. On se sert du mélange de poudre de sabine et de sulfate de cuivre ou d’alun contre les végétations syphilitiques. On applique la pommade préparée avec cette plante pour produire la rubéfaction où la vésication, et comme détersive sur les ulcères. La décoction a été employée en lotions contre la gale, et comme stimulante et détersive sur les ulcères blafards, putrides, gangréneux. Boerhaave recommande comme très-effi- cace contre la teigne un cataplasme composé de feuilles de sabine pilées, d'huile et de sel commun. (En Hongrie, la décoction concentrée de sabine est un moyen populaire contre les polypes nasaux. Cette même décoction m'a donné de très-beaux résultats, en injections, dans un cas de prolapsus utérin, qui a été fort amélioré en moins de deux mois.) On a prescrit l'huile volatile de cette plante, amenée à l’état de liniment, (1) Medizinisch-chirurgische Wochenschrift et Gazette des hôpitaux, février 1852. (2) Bulletin de la Société royale de médecine, 1838. (3) Annales de médecine de Montpellier, 1806. 942 SAFRAN. dans les douleurs névralgiques, rhumatismales, arthritiques, ete. La teinture est employée en frictions dans les mêmes cas. Hufeland dit que la sabine en fomentations ou en baïns produit des effets extraordinaires et vraiment spécifiques dans les ulcères scorbutiques, même lorsqu'il y a carie. Ce mé- decin conseille aussi des bains avec l’infusion de calamus aromaticus et de sabine, outre le traitement général, dans les affections scrofuleuses, la carie, le pædarthrocace (coxalgie). SAFRAN. Crocus sativus. L., C. BAuH., TOURN. Safran cultivé, — safran indigène, — safran offcinal. IRIDACÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE MONOGYNIE. L. Le safran (PI. XXXV), originaire de l'Asie, est cultivé en France. Son introduction date du xiv° siècle. Aujourd’hui sa culture s’est étendue en Gascogne, dans l’Angoumois, le Poitou, la Provence, la Normandie. Il offre deux variétés, dont l’une fleurit au printemps (crocus vernalis) : c’est le: crocus des jardiniers; l’autre qui fleurit à l’automne (crocus autumnalis, crocus sativus, crocus officinalis) : c’est celui qu’on emploie en médecine. Deseription. — Racine bulbeuse, arrondie, blanchâtre et charnue en dedans, brune, sèche et couverte à l'extérieur d’une pellicule un peu rude, munie de fibres allongées et profondément enfoncée en terre. — Feuilles radicales, dressées, nom- breuses, étroites, linéaires, aiguës et traversées par une nervure blanchâtre. — Fleurs violettes où d’un poupre clair, portées sur une hampe très-courte (septembre-octobre). — Périanthe à long tube et à six divisions, dont les trois externes attachent les trois élamines, un ovaire inférieur, un style filiforme portant trois stigmates de couleur jaune et dépassant les étamines. — Fruit : capsule ovale à trois loges. ._ Parties usitées, — Les stigmates, désignés dans la droguerie sous le nom de safran. Culture, récolte, conservation, choix, etc. — La culture de cette plante est du ressort de l’agriculture (1). On préfère celui qui provient des départements de Seine-et-Marne, d’Eure-et-Loir, du Loiret, et particulièrement du Gâtinois. — Le safran du commerce est constitué par le stigmate bifurqué et tordu par la dessiccation. 1 se présente en filaments élastiques, d’un beau rouge orangé très-foncé, d’une odeur très-suave et d’une saveur aromatique et amère. Il teint la salive en jaune. La poudre est d’un jaune rutilant. Comme. la lumière prive le safran de sa couleur et le rend presque inerte, il faut le conserver dans des vases opaques et bien fermés. — Le safran qui est vieux est presque inerte, ce qui explique les contradictions qu’on trouve dans les auteurs relativement à ses effets. — Dans le commerce il existe deux sortes de safran : l’un dont les filaments sont simplement entremélés et d’une couleur orange vive; l’autre qui a été pressé avant sa dessiccation et dont la couleur est orange foncé. Le premier est plus répandu et plus estimé. « Les falsifications ordinaires sont l'humidité, les fleurons du carthame, du souci, les fleurs de grenadier hachées, des fibres musculaires desséchées, puis du sable, du plomb, etc. Une trop forte humidité se laisserait apercevoir au papier sans colle dans lequel on presserait le safran. Les fleurons de carthame et ceux de souci, que l’on ren- contre moins souvent, seront reconnus à ce que ce sont de petites fleurs tubuleuses avec tous les organes sexuels, et qu’un examen attentif fera reconnaître. Cet examen sera facile si l’on fait macérer préalablement dans l’eau le safran suspecté; car alors les corolles tubuleuses des fleurons sont gonflées, et les autres organes sont aussi beau- coup plus apparents. (Winckler et Gruner ont donné les caractères différentiels que présentent, avec le nitrate d'argent et le perchlorure de fer, les macérés de safran, de carthame et de souci.) (2). — La viande musculaire desséchée donnerait une odeur dés- agréable par la combustion. Le safran épuisé, pressé entre les doigts, ne les teindrait pas en jaune : il ne colorerait pas non plus la salive. Ensuite son odeur est faible. (On a aussi ogg de Lg EE De en UNS RU UN (1) Voyez Maison rustique du XIX° siècle, t. II, p. 84. (2) Voyez Chevallier, Dictionnaire des falsifications, 3° édit., art. LA VIANDE. SAFRAN. 945 fraudé le safran par une addition de curcuma lavé à l’eau (Fabre-Volpetière), d’éta- mines de crocus teintés artificiellement en rouge (Guibourt) (1). » [Depuis quelques années, on a encore falsifié le safran avec des fleurs connues dans le commerce sous le nom de fuminella ; on ne connaît pas l'origine de ces fleurs; on croit que ce sont des pétales coupés en lanières et teints en jaune. Guibourt a signalé une autre fraude, qui consiste a ajouter aux stigmates qui constituent le safran des étamines teintes en jaune ; le safran ainsi sophistiqué étant mis sur l’eau, celle-là est fortement colorée en jee, et les étamines plongent dans l’eau, tandis que les stigmates ne co- lorent pas le liquide et surnagent.]| Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — D'après Bouillon-Lagrange et Vogel, le safran contient pour 100 gr. de cette sub- slance, 10 gr, d’eau, 6.50 de gomme, 0.50 d’albumine, 65 de polychroïte, 0.50 de cire, 10 du débris végétal, et une quantité indéterminée d'huile volatile. — La polychroïte n’est pas une matière colorante pure; il s’y trouve un cinquième d'huile volatile, qu'Henry est parvenu à isoler. — L'huile volatile paraît être le véritable principe auquel on doit rapporter l’action médicale. — Le principe colorant (polychroïte) peut être fixé sur les étoffes et leur donner une couleur jaune brillante; mais les rayons solaires ne ardent pas à détruire cette couleur. — L'eau, l'alcool, le vinaigre, etc., dissolvent les principes actifs du safran. Cette substance est d’un grand usage dans les arts et l’économie domestique. Elle fournit un beau principe colorant, mais peu stable. On l’emploie néanmoins dans les couleurs fines, pour la peinture et la teinture des étoffes de prix. On ajoute du safran aux aliments pour en rehausser le goût, particulièrement dans le midi de l’Europe. En Espagne et dans quelques contrées de la France, on s’en sert pour colorer le pain, les gâteaux, le riz, les sauces, les liqueurs, etc. En Allemagne et en Angleterre, on en met dans les pâtisseries et dans beaucoup de ragoûts. En France, il est employé pour colorer le ver- micelle, les pâtes d'Italie et quelquefois le beurre. Il sert enfin à colorer les produits de l'art du confiseur et du liquoriste. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L’INTÉRIEUR.—Infusion (bonne préparation), comme stomachique, 50 centigr. à 1 gr. par kilogramme d’eau; comme emména- gogue, de 1 à 2 gr. Poudre, comme emménagogue, 50 centigr. à 2 gr.; comme stomachique, de 20 à 30 centigr. Teinture (1 sur 10 d’alcool à 80 degrés), de 1 à 8 gr., en potion. Extrait alcoolique (1 sur 8 d’alcool à 60 de- grés), de 30 à 60 centigr., en pilules. Extrait aqueux (1 sur 16 d’eau), de 30 à 60 centigr., en pilules. Sirop (par infusion, 5 sur 60 d’eau bouillante et 100 de sucre, ou 1 sur 5 de vin blanc et 40 de sucre. (Le Codex de 1866 (page 480) donne les proportions suivantes : safran, 25 gr.; vin de Malaga, 440 gr.; sucre blanc, 560 gr.; 20 grammes de ce sirop contiennent les parties solubles de 50 centigr. de sa- fran), de 15 à 30 gr., en potion. A L’EXTÉRIEUR. — En infusion, pour lotions, fomentations, collyres, etc. Teinture, en frictions, fomentations, etc. Poudre, en cataplasmes, pommade, fumiga- tions, etc. (Glycérolé de safran : extrait de safran, 1 gr.; glycérolé d’amidon, 30 gr. Me!lite de safran (Barallier), miel blanc, 10 gr.; safran pulvérisé, 25 à 50 centigr.) Le safran entre dans les élixirs de proprié- tés, de longue vie et de Garus; dans le lau- danum liquide de Sydenham, la confection d’hyacinthe, conservée dans le Codex de 1866 sous le nom d’électuaire de safran composé (page 504), la confection Hamech, la théria- que, l’hiérapicra, les pilules de rufus, celles de cynoglosse, la confection aromatique de la pharmacopée de Londres, les pilules de vie de la pharmacopée allemande, les pilules tonico- purgatives de Machiavel, etc, Les émanations du safran agissent si énergiquement sur le système ner- veux, qu'elles occasionnent des céphalalgies, des vertiges, des tremble- ments, de l’accablement, et une sorte d'ivresse à ceux qui la récoltent. Borelli et d’autres observateurs rapportent des cas où elles ont occasionné le coma et même la mort à des individus qui s'étaient livrés au sommeil dans des chambres où il y avait beaucoup de safran, ou sur des sacs qui en étaient remplis. Amatus Lusitanus et Kœænig ont vu ces émanations causer des ris immodérés et sardoniques. Aussi quelques médecins ont-ils rangé le safran parmi les poisons narcotiques. Les expériences d’Orfila, constatant qu'il n’est point délétère pour les chiens, ou du moins qu'il ne l’est qu’à (1) Dorvault, l’Officine, 6° édit., p. 1066. 944 SAFRAN. un degré très-faible, ne prouvent rien quant à ses effets sur l’homme. D’après Borelli et Friccius, le safran aurait une action singulière sur les chevaux. « On m'a dit, rapporte Borelli, que les chevaux qu’on occupait au transport du safran mouraient presque tous d’un pissement de sang.» Fric- cius raconte qu’une petite quantité de safran, donnée au- cheval le plus vigoureux, lui cause une évacuation d’urine excessive, dont il meurt. A petite dose, le safran excite l’estomac, augmente l’appétit et favorise la digestion; à la dose de 12 centigr. et plus, il rend le pouls plus fréquent, la transpiration cutanée, la sécrétion urinaire et d’autres sécrétions plus abondantes; on éprouve du malaise, de la chaleur à l’épigastre, des nausées, des coliques. Quelquefois il survient des hémorrhagies, les règles paraissent et une métrorrhagie peut avoir lieu. À haute dose, le safran porte à la tête et produit la gaîté, le développe- ment des forces, des facultés morales, un sommeil inquiet, une sorte d'ivresse; il peut causer du délire, des vertiges, la pesanteur de tête, la faiblesse musculaire, la somnolence, la pâleur de la face, le ralentissement du pouls, et même la mort (1). Ces derniers résultats, toutefois, ne s’accor- dent ni avec l’expérience d’Alexander (2) qui dit en avoir avalé 4 scrupules sans en éprouver le plus léger effet, ni avec les essais de Cullen, dont le scepticisme refuse même à cette substance les propriétés qu’on lui attribue. «Je l’ai donné à grandes doses, dit cet auteur, sans en éprouver d'effets sensibles ; à peine augmente-t-il la fréquence du pouls, et je ne me suis guère aperçu qu'il agisse comme anodin où antispasmodique. J’ai eu, dans un Cas ou deux, quelques raisons de croire qu'il jouissait d’une puissance emménagogue; mais, dans beaucoup d’autres, il a absolument trompé mes espérances, quoique réitéré à fortes doses. » Si des résultats aussi contradictoires portent à croire que l’on a beaucoup exagéré les vertus du safran, on peut aussi admettre qu’ils peuvent tenir au pays où cette plante a été cultivée, à l’époque de sa récolte, aux procédés employés pour la cueillir et la dessécher, à son ancienneté, et surtout à sa falsification. Quoi qu'il en soit, le safran passe avéc raison pour stimulant, antispasmo- dique et surtout emménagogue. Cette dernière propriété est la plus puis- sante. Son usage, pour rappeler les règles, est tout à fait populaire; les - femmes y ont recours sans consulter le médecin, bien que cette coutume puisse donner lieu à des inconvénients lorsque l’aménorrhée est due à l’irri- tation, à la phlegmasie ou à la pléthore, soit générale, soit locale, Quand l’absence des menstrues tient à l’atonie, l’usage du safran les fait souvent reparaître. Roques considère le safran associé au castoréum comme l’un des meilleurs emménagogues que l’on puisse administrer aux femmes faibles, nerveuses, et chez lesquelles la menstruation est lente et irrégulière. Un médecin anglais, Ypey (3), conseille le safran pris en infusion avec du thé aux femmes dont la menstruation s’accompagne de douleur. Elles commencent à prendre cette infusion un peu avant l’époque, et continuent pendant quel- ques jours. On s’est servi aussi du safran pour faire couler les lochies; mais, comme le plus souvent la suppression de ce flux est due à l’inflammation de l’utérus ou à un point inflammatoire quelconque, son usage, dans ce cas, devra être subordonné à l'examen sévère des causes efficientes de la mala- die. Comme antispasmodique sédatif, le safran a été recommandé dans la gastralgie, l’hypochondrie, la mélancolie, l’hystérie, les spasmes, l’asthme, la coqueluche, les névroses viscérales, les coliques nerveuses, l’ictère pro- venant de spasme. etc. Mais il n’est rationnellement indiqué qu’autant qu’il (1) Ces symptômes sont ceux de l’empoisonnement par l’opium et exigent le même traite- ment. (Voyez à l’art. Opium.) (2) Experimental essays, etc. (3) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1851, p. 294. SALICAIRE. 945 n'existe aucun caractère phlegmasique, et que ces diverses affections sont purement spasmodiques ou nerveuses. Roques a constaté la propriété aphrodisiaque du safran, signalée par Dios- coride. «Plusieurs malades, dit-il, à qui j'avais conseillé cette substance pour réveiller le ton de lestomac, m'ont assuré que son action s'était pro- pagée jusqu'aux organes reproducteurs; quelques-uns ont éprouvé de très- forts désirs vénériens. » A l'extérieur, il est employé comme résolutif et anodin; on en met sur les cataplasmes pour dissiper les engorgements froids, les phlegmons, et pour hâter la disparition des ecchymoses. On le fait entrer dans les collyres calmants et résolutifs. On l’a quelquefois appliqué en sachet sur l’épigastre, pour calmer les vomissements nerveux, pour prévenir et arrêter le mal de mer, Larrey faisait usage, pour le pansement des brûlures, du cérat safrané (2 à 4 gr. par 32 gr. de cérat). J'ai employé aussi ce mélange contre les ger- çures du sein, les excoriations, les vésicatoires ulcérés, l’intertrigo, et les exsudations eczémateuses des enfants; il calme la douleur, dissipe l’inflam- mation, modère la suppuration et amène une prompte cicatrisation. (J'em- ploie fréquemment, comme cicatrisant, le glycérolé safranique. En infusion ou en poudre, associé au sucre, au miel, à la glycérine, à l'exemple des médecins américains, on se sert depuis quelque temps du safran en frictions douces sur les gencives, dans le prurit de la première dentition. On a aussi préconisé le sirop de safran, pris à l’intérieur dans ces cas, comme sédatif, sous le nom de sirop de dentition.) (Kæpten, Delabarre.) Velpeau emploie contre les affections cancéreuses ou cancroïdes de la peau, une pâte à laquelle il a donné le nom de caustique sulfosafrané. Cette pâte, composée de deux parties de poudre de safran et d’une partie d'acide sulfurique, s’étend sur le mal qu'on veut détruire, en couche d’une épaisseur de 2 à 4 millimètres. Elle se sèche vite à l’air et forme une croûte dont l’ac- tion ne s'étend pas aux tissus voisins, SALICAIRE. Lythrum salicaria. L. Lysimachia spicata purpurea. C. BAUH. — Salicaria vulgaris purpurea. Tourx. Lysimachie rouge, — salicaire commune, — salicaire à épis, — salicaire officinale. LYTHRACÉES. Fam. nat. — DODECANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante (PI. XXXVI) est très-commune au bord des rivières et des étangs, dans les endroits marécageux, où elle montre ses belles fleurs rouges. Description. — Racine ligneuse, grosse, pivotante, — Tiges de 60 centimètres à 1 mètre, dressées, quadrangulaires, rameuses supérieurement. — Feuilles opposées, rarement ternées, sessiles, lancéolées, légèrement pubescentes en dessous. — Fleurs rouges, verticillées, presque sessiles, rassemblées en épis terminaux sur des pédon- cules communs, axillaires, très-courts (juin-juillet). — Calice tubuleux, strié, de huit à douze divisions. — Corolle à six pétales insérés au tube du calice. — Douze étamines, un style et un stigmate. — Fruit : capsule oblongue, biloculaire, contenant des se- mences nombreuses. Parties usitées. — La racine, les feuilles et les sommités fleuries. Récolte. — On doit les récolter en juin et juillet, par un temps sec, et les sécher au soleil et à l’étuve. (Culture. — Cette plante se multiplie de drageons plantés en terre très-humide, ou sur le bord des eaux, mais au soleil.] Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante est inodore ; sa saveur est herbacée, mucilagineuse et légèrement astringente; les fleurs ont une saveur un peu sucrée. 60 916 SALICORNE. Les propriétés chimiques et physiques de la salicaire révèlent à peine une légère astringence. Cependant on l’a conseillée contre la diarrhée atonique, la dysenterie chronique, la leucorrhée, l’hématurie passive, etc. On la donne en décoction (30 à 60 gr. par kilogr. d’eau), ou en poudre (4 à 8 gr. et plus). Dehaen (1) administrait cette plante en poudre, à la dose de 4 gr. deux fois par jour, dans la diarrhée et la dysenterie. Blom (2), dans une épidémie de dysenterie qui régna en Suisse, l’employa avec succès en décoction. Vicat affirme avoir guéri, au moyen de son infusion théiforme, une dysenterie qui avait résisté à une foule de moyens. Gardanne (3) s’en est bien trouvé dans une épidémie de dysenterie qui régna à Lyon. Murray (op. cit.) l’a vantée dans le flux lientérique. Hast et Stork en ont obtenu de bons effets dans la diarrhée et la dysenterie. Sagar (4) l’a employée dans la leucorrhée, le crachement de sang, etc. Quarin administrait dans la dysenterie le mé- lange de 6 gr. de poudre de salicaire, de 500 gr. d’eau de coquelicot et de 30 gr. de sirop de guimauve. Hufeland mel la salicaire au nombre des médicaments dont l'expérience a le mieux établi l'efficacité contre la diarrhée habituelle ou chronique. Fouquet, dans un mémoire composé sur cette plante en 1793, et publié depuis par Desgenettes, préconise cette plante dans la diarrhée, la dysenterie et tous les flux immodérés; il l’admi- nistrait en poudre à la dose de 45 à 30 grains (75 centigr. à 1 gr. 50 centigr.) ou en décoction, à celle d’une poignée ou deux pour une livre et demie d’eau (750 gr.). D’autres médecins l’ont vantée dans les hémorrhagies pas- sives, les écoulements muqueux. Pin a employé la salicaire avec succès dans un grand nombre de cas de diarrhée chez les pauvres. Les malades prenaient chaque jour un litre de décoction concentrée, préparée avec 60 gr. de salicaire sèche ou 160 gr. de la plante fraiche. Quatre ou huit jours de traitement ont suffi le plus ordi- nairement dans les cas de diarrhée ancienne (5). Les faits que je viens de rapporter m'ont engagé à essayer la salicaire dans l’épidémie de dysenterie qui a régné à Boulogne en 1854. Je dois dire que j'en ai retiré des avantages appréciables vers la fin de la maladie, lors- qu'il se joignait à la débilité un état persistant d’irritation intestinale se manifestant irrégulièrement et provoquant le retour de selles plus ou moins abondantes. Je suis aujourd’hui moins prévenu contre cette plante, que je ne l’étais lors de la publication de la première édition de cet ouvrage. SALICORNE. Salicornia herbacea. L. Passe-pierre, — criste marine des côtes de l’Océan. CHÉNOPODIACÉES. Fam. nat. — MONANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante annuelle croît sur toutes les côtes de l’Océan et de la Médi- terranée. On la rencontre sur la plage, surtout dans les endroits un peu fangéux, au bord de la mer. Elle est très-abondante au Havre, à Saint-Va- lery-sur-Somme, au Crotoy, à Etaples, etc. Elle est aussi très-répandue dans les marais salés de la Lorraine, entre Dieuze et Moyenvic, à Bayonne et dans les Pyrénées-Orientales, le long de la côte. On la sème pour l’ob- tenir en plus grande quantité. Les troupeaux la recherchent avec avidité. Il ne faut pas la confondre avec une autre plante, le chrithme maritime (chrithmum maritimum, L.), qu’on nomme également passe-pierre, et qui ap- partient à la famille des ombellifères. (1) Rat. med., part. 1v, p. 195. (2) Murray, Opere citato, t. ILE, p. 542. (3) Gazette de santé, 1773. -(4) Dissert. de salicaria. | (5) Gazette des hôpitaux, 1857. SALICORNE, 947 Description. — Tige herbacée, charnue, étalée, de 25 à 30 centimètres, verte, divisée en rameaux formant une suite d’articulations comme enfilées, un peu aplaties en haut, et échancrées au sommet. — Fleurs jaunâtres où d’un blanc rosé, point de corolle. — Calice ventru, légèrement tétragone, presque membraneux, — Une et très-souvent deux étamines, — Style court, — Sligmate un peu bifide, Parties usitées, — L'herbe, Culture. — Les salicornes ne sont pas cullivées. Celles qui viennent spontané- ment dans les endroits marécageux, sur le bord de la mer, se propagent toutes seules par graines. ] Récolte. — Se récolle pendant toute la belle saison, pour être mangée fraîche ou conservée confile au vinaigre, etc. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — La salicorne à un goût salé, un peu piquant. On la brûle pour obtenir, par la lixivia- tion de ses cendres, une espèce de soude appelée salicor. — Après avoir incinéré cette plante sèche, et soumis les cendres obtenues au traitemént généralement usité des chi- mistes, J. Cadet de Gassicourt (1) a constaté que la salicorne contient une quantité no- tahle de ce corps, qui remplit un rôle si important dans la thérapeutique actuelle. Les rameaux tendres se mangent en salade dans tous les pays maritimes. On les confit au sel et au vinaigre comme les cornichons. On en fait pour les marins des conserves très-saines et moins coûteuses que les autres conserves de légumes. Elle est un des ali- ments les plus propres à conserver la santé des équipages et des passagers dans les voyages de long cours. Le savant professeur de chimie de Rouen, maintenant doyen de la Faculté des sciences de Lille, lui à donné le surnom de manne des grèves. Notre spi- rituel romancier, Alphonse Karr, exprimait il y a une dizaine d’années, dans un feuil- leton, sous le titre de Boutade utilitaire, le regret de voir les populations des rivages maritimes dédaigner l'usage alimentaire de ce précieux végétal. «Et cependant, dit l’au- teur, il n’y a qu’à se baisser pour en prendre, comme on dit vulgairement. Cet aliment, très-sain et très-agréable, est en si abondante quantité, que l’on pourrait le récolter avec une faux. J’ai entendu affirmer que rien que sur les plages qui avoisinent le Havre, On pourrait recueillir de quoi nourrir pendant dix jours tout le département... Je ne considère pas la criste marine (salicorne), ajoute plus loin Alphonse Karr, comme une conquête alimentaire du prix de la pomme de terre ; mais, je le répète, c’est un aliment sain et agréable, et qui a sur ce tubercule l'avantage que ceux qui n’ont ni terre, ni argent, n’ont qu’à le ramasser. » Depuis dix ans et plus, M. Viau, propriétaire à Harfleur, fait préparer en grand des conserves de salicornes. Dès l’année 1850, cette heureuse innovation alimentaire avait déjà pris assez d'importance et d'extension pour mériter une médaille d’argent de la So- ciété d'encouragement. La commission du Cercle de la marine au Havre ne lui fut pas moins favorable, et les capitaines au long cours ne tarissent pas d’éloges au sujet de celte production. Aussi la conserve préparée d’après le procédé particulier de M. Vian est déjà tellement répandue, qu'en 1852, au rapport de M. Cadet de Gassicourt (2), la marine marchande avait, depuis quatre ans, consommé plus de 30,000 kilogr. de sali- corne, — Avis à la marine de l'Etat (3). Au point de vue thérapeutique, la salicorne n’a pas moins d’avantages. Elle est d’une grande efficacité contre le scorbut, tant comme moyen pro- phylactique que comme agent curatif. Les habitants de nos côtes du Bou- lonnais, qui la mangent confite dans le vinaigre comme assaisonnement, et quelquefois à l’état frais, en salade, la considèrent comme propre à purifier le sang, à combattre l’air fiévreux, à donner de la force, à faciliter la diges- tion. J'ai vu le seul usage du mélange de salicorne et de roquette maritime, en salade, pendant l’été de 1855, guérir un marin atteint d’un scorbut ca- ractérisé par l’infiltration avec ulcères aux jambes, par des taches ecchymo- siformes nombreuses, le boursouflement et les ulcérations des gencives, D nil, DS AT LE Suonen meliins ji povrinuvs pol JfOyINNE, (1) Répertoire de pharmacie, 1852. (2) Journal de pharmacie, 1852. (3) Voyez le rapport des opérations de la quatrième section du jury de l'Exposition interna- tiônale de pèche de Boulogne-sur-Mer, quatrième section; par le docteur H. Cazin. 948 SALSEPAREILLE D'EUROPE Ou LISFRAON PIQUANT. des hémorrhagies nasales, ete. Ces deux plantes croissant dans les mêmes lieux, il était très-facile de se les procurer. (On sait que les acides associés aux végétaux sont reconnus comme les meilleurs, sinon comme les seuls antiscorbutiques vrais. L'Etat fait distribuer à ses marins, en cas dé néces- sité, des rations de suc de citron concentré. Ne serait-il pas possible de faire de grandes économies et d'arriver au même but, en lui substituant officiellement la criste marine confite dans le vinaigre?) La salicorne est très-utile comme fondante et diurétique dans les affections scrofuleuses, les infiltrations séreuses, les engorgements atoniques des viscères, et notam- ment dans ceux de la rate, à la suite des fièvres intermittentes, etc. Dans ces derniers cas, je l’associe avec avantage au pissenlit, à la chicorée sau- vage, à la petite centaurée, à la chausse-trappe. Le suc est la meilleure pré- paration. SALSEPAREILLE D'EUROPE ou LISERON PIQUANT. Smilax aspera. L. LILIACÉES. — ASPARAGÉES. Fam. nat. — DIOÉGIE HEXANDRIE. L. Cette plante croît en Espagne, en Italie et dans le midi de la France. Elle est très-commune en Provence. On la trouve au milieu des buissons, le long des haies, dans les bois, entre les rochers, etc. C'était le smilax aspera des anciens (1), par opposition au liseron, qui était leur smilax lævis. Description. — Racine de la grosseur du doigt, blanche, noueuse, garnie de radicules blanches et fort longues. — Tiges grêles, anguleuses, flexibles, grimpantes, armées d’aiguillons épars. — Feuilles alternes, pétiolées, oblongues, très-aiguës, échan- crées en cœur à leur base, lisses, nerveuses, vertes, ordinairement parsemées de taches blanchätres, garnies à leurs bords, ainsi qu’à leurs nervures postérieures, d’épines assez nombreuses, raides et piquantes; vrilles à la base des pétioles, au moyen desquelles elles s’attachent aux corps voisins. — Fleurs agglomérées sur des grappes terminales, à périgone petit, en étoile, à six divisions étroites et ouvertes, — Fruits : baies sphé- riques rouges ou noires, suivant la variété, à trois loges renfermant une ou deux se- mences. Parties usitées., — La racine. [Culture. — Cette plante est assez abondante dans le Languedoc; elle croît dans les lieux secs et rocailleux. On la multiplie par éclats de pieds.] Récolte, — On récolte cette racine en automne, on la monde et on la fend comme celle de salsepareille, à laquelle on a proposé de la substituer. On cultive pour cela cette espèce dans le midi de l’Europe, et on la multiplie de drageons et de semences. M. Banon, pharmacien de la marine à Toulon (2), a donné une notice où il assure que la racine de cette plante, récoltée en France, a toutes les qualités de la salsepareille exotique, et que, pouvant être employée fraîche ou du moins très-récente, elle lui serait supérieure pour l'usage. Il affirme, d’après Prosper Alpin, qu’on la récolte dans les îles de la Grèce, qu’on la met en bottes, et qu’on nous la donne pour vraie salsepareille dans le com- merce. Il prétend aussi, avec Fordyce, que cette plante croît au Pérou, au Brésil, et que nous recevons également, par cette voie, ses racines pour celles du smilax sarsaparilla. « Nous ne croyons pas, disent Mérat et Delens, qu'aucune de ces assertions soit prouvée, et la dernière est totalement erronée. » Suivant Mérat et Delens, il ne serait pas impossible que les propriétés thérapeutiques du smilax aspera et du smilax sarsaparilla fussent identiques, et alors, disent-ils, il faudrait préférer notre espèce indigène. Gaëger a sou- tenu une thèse à Strasbourg, en 1813, où il présente huit observations qui prouvent les avantages du smilax aspera dans les affections syphilitiques. (1) Dioscoride, lib. 1v, cap. cxxxIx. (2) Journal de médecine de Leroux, Corvisart et Boyer, etc., t. XXXI, p. 371. SANICLE. | 949 SANICLE. Sanicula europæa. L. Sanicula officinarum. GC. BAuH., TOURN. — Sanicula mas. Fucus. Sanicula mas Fuchsii, sive diapensa. 3. BAUH. Sanicle d'Europe, — saniele commune, — herbe de Saint-Laurent, — herbe du Deffaut. OMBELLIFÈRES. — SANICULÉES. Fam. nat, — PENTANDRIE DIGYNIE. L. La sanicle, plante vivace (PI. XXXVI), est commune dans les bois, les haies, à l'ombre, dans les lieux humides. Description. — Racine assez grosse, brune, noueuse et très-fibreuse, — Tige : grêle, simple, peu rameuse, cannelée. — Feuilles radicales, longuement pétiolées, glabres et luisantes en dessus, d’un vert moins foncé en dessous, divisées en trois ou cinq lobes, dentées ou incisées. — Fleurs blanches, petites, sessiles, la plupart hermaphro- dites, disposées en ombellules arrondies sur quatre ou cinq rayons ternes, formant l’om- belle entière (mai-juin-juillet). — Calice à cinq lobes foliacés. — Corolle à cinq pétales réfléchis. — Cinq étamines un peu plus courtes que les pétales. — Les fleurs hermaphro- dites ont un ovaire infère à deux loges uniovulées, couronné par un disque bilobé sur- monté de deux styles divergents. — Deux styles. — Fruit : diakène globuleux, courbé, hérissé de pointes subulées, crochues, surmonté par les lobes persistants du calice et porté sur un pédoncule fructifère légèrement accru. Parties usitées. — Les feuilles. Récolte. — On peut la récolter pendant une grande partie de la belle saison. (Culture. — La sanicle n’est cultivée que dans les jardins botaniques. On les propage par éclats de pieds faits à l'automne ou au printemps. Elle préfère les lieux om- bragés, les bois humides. | Propriétés physiques et chimiques. — La sanicle a un goût amer et styptique, laissant dans l’arrière-bouche un sentiment d’âcreté. Cette saveur est moins forte dans la plante fraîche que lorsqu'elle est sèche. La décoction ou l’infusion noircit par le sulfate de fer, On regardait autrefois cette plante comme une panacée universelle (1). Elle est surtout employée comme vulnéraire, et, à ce titre, elle est restée comme une des principales espèces dans les vulnéraires suisses ou Falltrank, sorte de farrago dont l’infusion est d’un usage vulgaire dans les chutes et dans beaucoup de maladies aussi différentes par leur nature que les plantes qui composent ce mélange le sont par leurs propriétés. La confiance popu- laire dans les vulnéraires a pour effet, comme tous les remèdes innocents, d'empêcher de recourir à des moyens rationnellement indiqués et plus efficaces. Quoi qu'il en soit, la sanicle, à cause de sa légère astringence, a été em- ployée dans les hémorrhagies passives, la leucorrhée, la diarrhée, la dysen- terie, l’hématurie, etc. On en donne le suc (50 à 100 gr.) ou l’infusien (30 à 60 gr. par kilogr.). Les gens de la campagne broient une poignée de sa- nicle, la font infuser à froid pendant une nuit dans un verre de vin blanc, passent le tout par un linge, avec forte expression, et font avaler ce remède a jeun contre les hémorrhagies et surtout contre le crachement de sang, les diarrhées et les dysenteries chroniques. On donne aussi, dans quelques can- tons, sous le nom d’herbe de Deffaut, la sanicle aux vaches qui viennent de vêler, afin de favoriser l’expulsion de l’arrière-faix. La sanicle a été employée à l'extérieur comme tonique et détersive. Elle est aujourd’hui presque inusitée, malgré ce distique de l’École de Salerne : Qui a la bugle et la sanicle, Fait aux chirurgiens la nique. Cette plante n’est pas entièrement dépourvue de propriétés. Elle est sur (1) Sanicula dérive du verbe sangre. guérir. 950 SANTOLINE BLANCHE. la même ligne, comme astringente, que l’aigremoine, la centinode, l’argen- * tine, etc. (Au Maryland, on emploie la racine de sanicula Marylandica, desséchée et pulvérisée, à la dose d’une cuillerée à thé, renouvelée trois fois par jour (1). Labriski se loue de ce mode d’administration dans la chorée. J'ai vainement tenté l’usage de notre saniele, et, tout en engageant les expérimentateurs à voir par eux-mêmes, je puis affirmer qu'elle est bien loin de l’exotique, dont l’action se ferait sentir en très-peu de jours.) SANTOLINE BLANCHE. Santolina chamæcyparissus. L. Chamæcyparissus. GC. BAUH. — Abrotanum fœmina vulgaris. CLUS. Santolina cupressiformis. GATER. — Santolina foliis teretibus. TourRN.— Santolina incana. LA. Santoline faux cyprès, — aurone femelle, — petite citronelle, — garde-robe. COMPOSÉES. — SENÉCIONIDÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Cet arbuste croît spontanément dans les lieux secs et pierreux des dépar- tements méridionaux de la France {le Languedoc, la Provence). On la cultive dans les jardins. Cette jolie plante conserve sa verdure toute l’année. Description. — Tiges ligneuses, rameuses, cylindriques, blanchâtres, de 60 cen- timètres de haut, à rameaux dressés, grêles, tomenteux, blanchâtres. — Feuilles al- ternes, sessiles, linéaires, allongées, cotonneuses, rassemblées par paquets, munies à leurs bords de petites dentelures disposées sur quatre rangs. — Fleurs d’un jaune de soufre, disposées en gros capitulés terminaux, solitaires, sur de longs pédicules, dont l'ensemble forme des corymbes (juillet-août), involucre hémisphérique et pubescent. — |Calice à cinq dents, fleurs du centre hermaphrodites, corolle tubuleuse prolongée à sa base et enveloppant le sommet de l’ovaire. — Cinq étamines à anthères soudées. — Ovaire infère, uniovulé, style simple, stigmate bifide, — Fleurs de la circonférence fe— melles. — Fruits : akènes, oblongs, tétragones, obtus, dépourvus d’aigrettes.] Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs et le fruit. Récolte. — On récolte les feuilles avant la floraison, les fleurs en juillet, et les semences à la maturité. à (Culture. — La santoline faux cyprès se cultive comme la suivante. | Propriétés physiques et chimiques. —- L'odeur aromatique, très-ex- pansive de la santoline, et sa saveur amère décèlent la présence de principes actifs dont la chimie ne s’est pas encore occupée. Les propriétés physiques décèlent une propriété excitante qui a été rare- ment mise à profit par les praticiens, et qui pourtant est très-énergique. Cette plante est antispasmodique, emménagogue et vermifuge. Bagard, au rapport de Coste et Wilmet, préférait la semence de santoline au semen- contrà. Il la donnait à la même dose. Wauters propose de la substituer à ce dernier, et la regarde comme tout aussi efficace. Loiseleur-Deslong- champs dit qu’elle a été employée avec avantage dans les affections hysté- riques et contre les vers. Elle est utile dans les engorgements de la rate et du foie, dans les fièvres intermittentes. D’après Mérat, l'huile essentielle de santoline aurait été employée par les anciens contre le ténia. Deux faits rapportés dans une notice des travaux de la Société de Médecine de Bor- deaux (1827 et 1828) constatent les heureux effets de cette huile essentielle contre le ver solitaire, donnée à la dose de 10 à 15 gouttes. Le docteur Pierquin (2) regarde ce remède comme un vermifuge immanquable, em- ployé à la dose de 2 à 4 gr. J'ai moi-même fréquemment employé la se- mence de santoline en poudre à la dose de 1 à2 gr. comme anthelminthique; (1) Labriski, in Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1849, t. XX, p. 102. (2) Journal des progrès des sciences médicales, t. XV. SAPONAIRE. 951 elle m'a paru tout aussi efficace que la semence de tanaisie, comme succé- dané du semen-contrà. J'ai vu une petite fille de huit ans rendre vingt-cinq vers lombries et un grand nombre d’ascarides vermiculaires, après avoir pris pendant trois jours, chaque matin, 1 gr. 50 centigr. de fruits de santo- line en poudre mêlée avec du miel. SANTOLINE DES JARDINS, ARMOISE SANTOLIQUE, CYPRÈS DES JARDINS. Arthe- misia santonica. L.:; Absinthium santonicum gallicum. Tourn. — L’armoise santonique (PI, XXX VD) est originaire de la Tartarie et de la Perse. Elle est cultivée dans les jardins. Deseription, — Racine ligneuse, un peu épaisse. — Tige à demi couchée, li- gneuse à la partie inférieure, haute de 60 centimètres à 1 mètre, à rameaux nombreux, dressés, allongés, d’un vert blanchâtre, étalés en panicule. — Feuilles alternes, courtes, à découpures nombreuses, sessiles, épaisses, cotonneuses et blanchätres. — Fleurs pe- lites, disposées en grappes nombreuses, entremêlées de folioles simples, petites et li- néaires (juillet-août). — Galice cylindrique presque glabre. — Fleurons du centre nom- breux, hermaphrodites, à cinq dents renfermant cinq étamines syngénèses, — Fleurons de la circonférence grêles, femelles, peu nombreux et fertiles. — Fruits : akènes nus, très-petils, sans aigrettes, placés sur un réceptacle nu. Parties usitées. — Les fruits. Réeolte. — Les fruits se récoltent à leur maturité. {(Culture. — On emploie la santoline pour faire des bordures dans les jardins. Elle demande une exposition chaude et abritée, une terre légère. On la propage de graines ou de marcottes, et mieux de boutures faites à l’automne ou au printemps. | Propriétés physiques et chimiques. — Les semences de cette plante exhalent une odeur fragrante, analogue à celle de la camomille. Leur saveur est aro- matique, amère et un peu àcre. Elle contient un principe amer et une matière rési- neuse, ce qui fait que l'extrait qu’elle fournit par l’alcool est plus âcre que celui qu'on en obtient par l’eau. Cette semence est tonique, stimulante, anthelminthique, antispasmodique. On l’a conseillée dans les engorgements froids et indolents des viscères abdominaux, dans l’hystérie avec atonie des organes digestifs, etc. On la rencontre quelquefois dans le semen-contrà, qu’elle peut remplacer comme vermifuge. On l’administre en poudre (1 à 4 gr.), en bols, pilules, élec- res: etc., ou en infusion (2 à 8 gr.) dans l’eau, le lait, le vin, la bière ou e cidre. SAPONAIRE. Saponaria officinalis. L. Saponaria major lœvis. G. BAUH. — Saponaria vulgaris. BLACK., PARK. Boctia vulgaris. Neck. — Lychnis officinalis. Scop. — Lychnis sylvestris, quæ saponaria vulgo. ToURN. Saponière, — savonnière, — sayonaire, — herbe à foulon. CARYOPHYLLÉES. — DIANTHÉES. Fam. nat, — DÉCANDRIE DIGYNIE. L. La saponaire (PI. XXXVI), plante vivace, croît dans presque toute la France, sur le bord des rivières, des ruisseaux, des fossés et des champs; dans les bois, les buissons, les haies, etc. Description. — Racines grêles, d’un blanc jaunâtre, allongées, rampantes et dures. — Tige herbacée, cylindrique, dure, peu rameuse, d'environ 60 centimètres de hauteur. — Feuilles glabres, lisses, entières, lancéolées, opposées, d’un vert tendre, traversées par trois nervures. — Fleurs blanches ou rosées, disposées en un corymbe terminal, assez semblable à une ombelle {juillet-août). — Calice très-glabre, cylin- drique, à cinq divisions aiguës. — Corolle assez grande, à cinq pétales fendus, à onglets de la longueur du calice. — Dix étamines saillantes, à filets longs alternativement grèles et renflés, soudés à la base. — Anthère jaune, rougeûtre. — Ovaire ovoide, allongé, glabre et lisse, uniloculaire et multiovulé. — Deux styles. — Fruit : capsule unilocu- 952 SAPONAIRE. laire, allongée, cylindrique, s'ouvrant au sommet en quatre parties. — Un réceptacle libre et central, contenant des semences nombreuses. Parties usitées. — Les racines, les tiges et les sommités fleuries. |Culture. — La saponaire, qui se multiplie facilement de graines semées en place ou mieux de drageons replantés à l'automne, ne demande aucun soin particulier et elle se multiplie d'elle-même. Elle vient dans tous les sols et dans toutes les expositions. ] Récolte. — On récolte les feuilles un peu avant la floraison, dans le mois de juin. Il est difficile de leur conserver leur couleur verte ; plus la couleur s’éloigne de la teinte verte, plus on doit croire qu’elles sont anciennes et mal séchées. Il faut beaucoup de soins pour bien les dessécher. Les racines, mondées, coupées en petites parties, sont étendues sur des claies dans une étuve. Sèches, elles sont ridées et un peu plus colorées que dans l’état frais. Propriétés physiques et chimiques. — La saponaire est presque ino- dore. La racine à une saveur amère, un peu âcre, savonneuse, ainsi que toute la plante. Gette racine contient : résine, 8.95 ; substance particulière, blanche non azotée, trans- lucide, inodore, d’une saveur d’abord douceâtre, puis âcre et brûlante, soluble dans l’eau et insoluble dans l’alcool absolu, nommée saponine, 34; extractif, 0.25; gomme, 938 ; eau, 13. — l’eau s'empare de la saponine, devient mousseuse quand on l’agite, et présente les propriétés physiques d’une dissolution de savon. La suponine (C4? H:505), qui se rencontre dans un grand nombre de plantes, (peut en être extraite par l’alcool, et purifiée par des traitements successifs par ce dissolvant. L'action des acides et des alcalis la transforme en acide saponique (C?5H?°0'?). On rencontre encore la saponine dans le mouron rouge, l’œillet, l'arum maculatum, les racines de polygala et de salsepareille, dans les jeunes pousses de pommes de terre et dans les nielles des blés où on lui a donné le nom de githagine ou agrostemmine.) Osborne a reconnu que la racine de saponaire, recueillie avant la floraison de la plante, fournit à l’évaporation une matière cristaltine, amère, neutre, fusible, soluble dans l’eau, l'alcool et l’éther, insoluble dans l’essence de térébenthine. Les anciens usaient de la saponaire pour préparer les étoffes à la teinture. Elle est employée avec avantage, en guise de savon, pour blanchir le linge et pour enlever les taches des vêtements. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoction (tiges avec les | Extrait par décoction (1 sur 6 d’eau), même feuilles), 15 à 30 gr. par kilogramme d’eau. dose. Decoction de la racine, mêmes quantités. Extrait alcoolique des racines (100 parties de Sirop (extrait alcoolique de racine de sapo- racines épuisées par l’alcool à 56 degrés ont naire, 1 ; eau, 2; sirop de sucre, 16). fourni à M. Soubeiran 25 parties d’extrait),. Extrait par infusion (1 sur 8 d’eau bouillante), 2 à 6 gr., en pilules. 2 à 8 gr., en pilules. Extrait alcoolique des feuilles, mêmes doses, À L’EXTÉRIEUR. — Cataplasmes de feuilles. Cette plante est tonique, apéritive, fondante, légèrement diaphorétique. On l’emploie dans les affections cutanées, chroniques, rhumatismales, gout- teuses, syphilitiques; dans les engorgements des viscères abdominaux, sur- tout ceux du foie; dans l’ictère, l'asthme, la leucorrhée, la blennorrhée, etc. Bergius et Peyrilhe vantent la saponaire dans le traitement de la goutte, du rhumatisme, des affections vénériennes. Roques l’a employée avec succès dans les obstructions viscérales, suites de fièvres intermittentes rebelles. Rudius, Claudini, Settela, Sennert, Bartholin, Colle, Wedelius, Septalius, Lapata, etc., l’ont préconisée comme un remède antisyphilitique très-effi- cace. Stahl et Cartheuser la préfèrent à la salsepareille dans le traitement des affections vénériennes. Jurine (1) a fait connaître deux cas de syphilis secondaire qui, après avoir résisté au mercure et à la salsepareille, furent guéris par la décoction et l’extrait de saponaire, Callisen (2) prescrivait cette plante en décoction dans les ulcères syphilitiques de la gorge qui avaient résisté au mercure. « Plusieurs auteurs, dit Alibert, donnent de grands (1) Journal de médecine, chirurgie et pharmacie, mars 1786. (2) System der neuen Wundarzneikunde, t. I. SAPONAIRE. 953 éloges à la saponaire, et je pense qu'elle en est digne. Ii arrive souvent que les maladies vénériennes résistent à l'administration du mercure : les sym- ptômes, loin de diminuer, semblent acquérir une nouvelle intensité. La sa- ponaire, donnée dans ces circonstances, produit d'excellents effets. J'ai souvent occasion de l’administrer dans le traitement des dartres furfuracées et squammeuses, et j'ai eu lieu de me convaincre, par un grand nombre d'observations, que cette plante précieuse n’était pas assez employée par les praticiens, » Je ne crois d'efficacité à la saponaire comme antisyphilitique, que lorsque son administration a été précédée de celle des préparations mercurielles. Quand je vois la liste des maladies dans lesquelles on a prescrit cette plante, je me demande si les auteurs ont eu soin d'apprécier l’état pathologique réel d’un viscère engorgé, obstrué; car il est bien évident que s’il existe, avec l’engorgement du foie, une phlegmasie de cet organe, la saponaire sera contre-indiquée : il en sera de même si l’ictère n’est qu'un effet qui dépend de causes diverses, contre lesquelles, par conséquent, un seul et même moyen ne peut être rationnellement employé. Barthez met la saponaire au premier rang des remèdes propres à com- battre la diathèse goutteuse. « Elle est douée, dit-il, de principes savon- neux et résolutifs, de vertus diaphorétiques et diurétiques manifestes. » Fouquet était grand partisan de ce végétal, qu'il administrait sous toutes les formes, tantôt seul, tantôt mêlé à d’autres plantes apéritives, et notamment à la chicorée sauvage, au pissenlit, à la racine de garance. Biet a souvent mis en usage comme tonique, fondant et dépuratif, le mélange suivant : si- rop de saponaire, 360 gr.; sirop de calamus aromaticus, 125 gr.; bicarbo- nate de soude, 8 gr.; à prendre par cuillerées. Blache emploie comme dé- puratif le sirop de saponaire auquel il ajoute, pour 250 gr. de sirop, 4 gr. de sous-carbonate de soude, et qu’il administre à la dose d’une cuillerée à bouche tous les matins aux enfants atteints d’affections cutanées et lympha- tiques. Je me bornerai à considérer la saponaire, d’après les effets que j'en ai observés, comme une plante excitante, tonique, dont l’action est propre à provoquer les sécrétions, à en augmenter l’activité, en stimulant nos or- ganes. Sa propriété savonneuse l’a mise en réputation comme fondante et apéritive. Je l’ai employée avec succès dans les engorgements lymphatiques, les cachexies consécutives de fièvres intermittentes rebelles, les affections catarrhales chroniques, les maladies cutanées anciennes, et surtout dans les dartres squammeuses. Pour en éprouver de bons effets, il faut la donner à grande dose, La décoction concentrée de ses racines (60 à 100 gr. pour 1 kilog. d’eau) et le suc des feuilles (150 à 200 gr. le matin à jeun) sont les deux préparations qui m'ont le mieux réussi. A l'extérieur, j'ai employé la saponaire comme résolutive et détersive, en cataplasme et en fomentation, sur les engorgements lymphatiques, œdéma- teux, avec quelque succès. Les feuilles de saponaire ont été appliquées avec avantage sur les cautères en place de celles de lierre. (La SAPONINE en poudre est fortement sternutatoire. Elle agit, à l’inté- rieur, comme éméto-cathartique et diurétique; mais n’a été que très-peu employée jusqu'ici. Lebœuf l’a préconisée comme désinfectant en teinture alcoolique.) LA SAPONAIRE ANGULEUSE OU BLÉ-DE-VACHE, Saponaria vaccaria (Decand.), qui croît dans les champs, que les bestiaux mangent avec avidité et dont les fleurs sont roses (juin-juillet), partage les propriétés de l'espèce précédente. Gesner a loué particulièrement la vertu de ses semences dans les affections calculeuses. 954 SARRIETTE DES JARDINS. SARRIETTE DES JARDINS. Satureia hortensis. L. Satureia hortensis. G. BAUH.—Satureia sativa. JS. BAUH., TOURN.— Satureia œæstiva hortensis. GER. — Satureia herbula. COŒSALP. — Hyssopus agrestis. BRUNF. — Tymbra vera. GESN. Sarriette commune, — sauriette, — sadrée, — savouvée, — herbe de Saint-Julien. LABIÉES. — SATUREIÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Cette plante vivace croît spontanément sur les collines sèches des dépar- tements méridionaux de la France. On la cultive dans les jardins pour lu- sage culinaire. Le nom de satureia vient, dit-on, de satyrus, des qualités aphrodisiaques qu’on lui suppose, ainsi qu’à ses congénères. Description. — Racine petite et dure. — Tiges d'environ 30 centimètres de hauteur, dressées, raides, rameuses, pubescentes, d’un vert un peu rougeàtre. — Feuilles opposées, lancéolées, linéaires, courtement pétiolées, les jeunes pubescentes. — Fleurs d’un blanc rosé ou ponctuées de rouge, assez petites, disposées à l’extrémité de pédon- cules axillaires, au nombre de deux ou trois (juillet-août). — Calice tubuleux à cinq di- visions. — Corolle bilabiée, à lèvre supérieure droite et échancrée, la lèvre inférieure étalée et trilobée, — Quatre étamines réunies par paires ; les deux inférieures plus lon- gues. — Pistil composé de quatre carpelles uniovulés. — Un style à deux stigmates re- courbés. — Fruit : quatre petits akènes arrondis au fond du calice. Parties usitées. — Les feuilles et les sommités. Récolte. — Elle ne présente rien de particulier. (Culture. — Les sarriettes se propagent facilement par graines semées en place au printemps. Elles se ressèment ensuite elles-mêmes, elles préfèrent les lieux arides, pierreux et découverts. | Propriétés physiques et chimiques. — La sarriette est d’une saveur aromatique, Chaude, âcre, d’une odeur agréable, analogue à celle du thym, mais moins forte. Elle contient une huile essentielle àcre, chaude, très-odorante. Elle communique son odeur et peu de saveur à l’eau dans laquelle elle a infusé, mais l’alcool s'empare de toute son énergie. Les qualités physiques et chimiques annoncent des propriétés analogues à celles du thym, du serpolet, du romarin, du pouliot, etc. Cette plante, tout à fait tombée en désuétude sous le rapport de son usage médical, sans doute à cause de son emploi dans l'office culinaire, a des propriétés dont on peut tirer parti. On la considérait autrefois comme stomachique, expecto- rante, carminative, antispasmodique, aphrodisiaque (1), vermifuge. Son in- fusion vineuse a été recommandée dans l’asthme, dans le catarrhe muqueux, la débilité d’estomac, et, en gargarisme, contre le relâchement de la luette et l’engorgement des amygdales. C’est au camphre qu’elle contient et que l’on observe quelquefois, suivant Ferrein, en corpuscules sur ses feuilles, qu’elle doit sa propriété vulgairement connue de tuer les vers et de guérir la gale. J’ai vu des femmes de la campagne donner avec succès à leurs en- fants, comme anthelminthique, l’infusion de sarriette (4 à 8 gr. pour 250 gr. d’eau). Cette même infusion très-concentrée a réussi, comme celle de menthe et de la plupart des plantes aromatiques et âcres, contre la gale. J'ai vu, chez une jeune fille de dix-sept ans, cette dermatose guérir dans l’espace de huit jours, au moyen de lotions faites matin et soir avec une forte infusion de sarriette. ; [Nous citerons encore, comme jouissant des mêmes propriétés, la sarriette des montagnes (S. montana. L.), celle d’Espagne ($S. capitata. L.) et celle de Crète (S. thymbra. L.).] (1) (Sunt qui præcipiant herbas, Satureïa, nocentes Sumere; judiciis ista venena meis.) (Over, l'Art d'aimer, liv. 11.) SAUGE OFFICINALE, 955 SAUGE OFFICINALE. Salvia officinalis. L: Salma major, an sphacelus Theophrasti? — Salvia major. Don. — Salvia hortensis. — Salvia domestica. — Herba sacra. — Herba nobilis, etc. Sauge de Catalogne, — grande sauge, — herbe sacrée, — sale, — thé de la Grèce, LABIÉES. — SALVIÉES. Fam. nat, — DIANDRIE MONOGYNIE. L, Ce sous-abrisseau (PI, XXX VI) croit naturellement dans les départements méridionaux de la France. On le cultive dans les jardins, — Les bestiaux le négligent, mais les abeilles recherchent ses feuilles. Salvia dérive de salvus. Description. — Racine : souche ligneuse, dure, fibreuse. — Tige à rameaux dressés, nombreux, presque quadrangulaires, pubescents. — Feuilles opposées, ovales, lancéolées, longuement pétiolées, épaisses, finement denticulées sur les bords. — Fleurs disposées en un épi simple, réunies par verticilles, munies de bractées, caduques, cor- diformes (juin-juillet). — Calice tubuleux, quelquefois coloré, bilabié. — Corolle à deux lèvres, d’un bleu rougetre ou violacé; la supérieure obtuse et échancrée, l’inférieure à trois lobes, celui du milieu plus grand. — Deux étamines à filet court à anthères sé- ; , x l o . : : parées par un long connectif. — Un style très-long. — Un stigmate bifide. — Fruit : quatre akènes nus au fond du calice. Parties usitées. — Les feuilles et les fleurs. Culture et récolte, — La sauge vient dans tous les terrains, mais surtout quand ils sont légers et un peu chauds. On sème sa graine en plates-bandes ou dans des planches bien préparées. On la multiplie ordinairement en éclatant les pieds, les ra- meaux enracinés, de préférence au printemps, et en les replantant tout de suite dans un terrain bien labouré; on espace les nouveaux pieds à 45 centimètres les uns des autres. On renouvelle la plante tous les deux, trois ou quatre ans, suivant qu’elle est plus ou moins vigoureuse. — On récolte les feuilles un peu avant la floraison ou en au- tomne, et même en toute saison, parce qu’elles sont toujours vertes. Si on les fait sécher, c’est pour en faciliter le commerce. Ses propriétés ne perdent rien par la dessiccation. Les fleurs se cueillent quand elles sont épanouies. La sauge des pays méridionaux (le Languedoc, la Provence, etc.), et celle qui a crû dans les lieux secs et élevés, est plus énergique que celle que l’on a cueillie dans les jardins. Il est bon de laver avec soin les feuilles de cette plante avant d’en faire usage, la poussière et d’autres impuretés se fixant facilement entre les papilles qui en rendent la surface comme chagrinée. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'odeur de la sauge est forte, aromatique et sa saveur chaude, piquante et un peu amère. Elle contient un peu d’acide gallique, de l’extractif et une grande quantité d'huile essentielle de couleur verte, qui fournit 0.125 de camphre. L’eau et l’alcool s'emparent des principes actifs de cette plante. [L’essence de sauge est formée d’un mélange de deux huiles essentielles : l’une qui est hydrocarbonée et l’autre qui est oxygénée. Traitée par l'acide azotique bouillant, elle est transformée en un camphre analogue à celui des laurinées —C?°H!%0? (Rochelder).] Substances incompatibles. — Les sels de fer. On emploie quelquefois la sauge comme condiment dans les ragoûts, surtout en Pro- vence. On en aromatise le vinaigre, le lard, les jambons, on en fume les feuilles comme le tabac. Dans certains pays on s’en sert en guise de thé, surtout en Orient, ce qui l’a fait appeler thé de la Grèce. Valmont de Bomare (1) assure que les Hollandais en portent beaucoup à la Chine, et que les habitants la préfèrent à leur thé, à tel point qu'ils donnent, dit-il, deux caisses de ce dernier pour une de la plante européenne. « Ceux de Liége, dit Montaigne, s’enorgueillissent des eaux de Lucques, et les Toscans ne font pas moins de cas des eaux de Spa. » Dans les contrées froides et humides de nos départe- ments du Nord, les habitants de Ja campagne font usage de la sauge au lieu de thé. Ils prétendent, avec raison, que cette boisson les préserve des fièvres,. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion théiforme de 15 à | Eau distillée, de 30 à 100 gr., en potion. 30 gr. par kilogramme d’eau. Vin, de 60 à 100 gr. D, [opt ego mens ven Due amer msn du ne nn en ne nn (1) Dictionnaire d'histoire naturelle. 956 SAUGE OFFICINALE. Huile essentielle, 10 à 20 centigr., en potion. | A L’EXTÉRIEUR. — De 15 à 60 gr. par kilo- Extrait (1 sur 16 de vin rouge), de 1 à 5 gr., gramme d’eau, pour lotions, fomenta- en bols, pilules, etc. . tions, etc. Ë Conserve, de 1 à 5 gr., pilules, bols, etc. | Feuilles sèches, fumées dans une pipe ou en Poudre, de 1 à 4 gr. cigarettes. Suc, de 4 à 16 gr. | Vin et infusion vineuse, pour lotions, etc. Les vertus de la sauge ont été célébrées par Théophraste, Hippocrate, Dioscoride, etc. Les Latins la nommaient herba sacra. — Cur morietur homo cui salvia crescit in horto ? dit l'Ecole de Salerne, qui ajoute qu’il n’y a pas de meilleur remède contre la mort. Pour faire tomber les meilleures choses dans le discrédit, il suffit d'en faire un éloge outré. Ainsi la sauge, grâce à la sentence de l’École de Salerne, fut condamnée par le scepticisme à un oubli non mérité. Cette plante, comme stimulant et tonique, réunit à un haut degré les pro- priétés de la famille à laquelle elle appartient. Elle provoque de la chaleur dans l’estomac, facilite la digestion, excite la sécrétion ‘urinaire, active les . fonctions circulatoires et cutanées, exerce une impression marquée sur l’encéphale, et modifie le système nerveux à la manière des antispasmo- diques diffusibles ou stimulants. On l’emploie dans l’atonie des voies diges- tives, la dyspepsie, les vomissements spasmodiques, les diarrhées an- ciennes, vers la fin des catarrhes aigus avec apyrexie, et dans les catarrhes et les toux chroniques avec expectoration plus ou moins abondante; dans les vertiges nerveux, le tremblement des membres, la paralysie, les fièvres nerveuses et typhoïdes; contre la goutte atonique, le rhumatisme chronique, les cachexies, les engorgements froids des viscères abdominaux, l’œdème, l’hydropisie, etc. La sauge a été fréquemment mise en usage dans l’atonie des voies di- gestives. Si, au lieu de romarin, j'avais trouvé de la sauge dans le jardin du ma- lade dont j'ai rapporté l’histoire (p. 921), je l’aurais probablement employée avec autant de succès. Van Swieten prescrit l’infusion de cette plante pour arrêter la sécrétion du lait chez les nourrices qui veulent sevrer ou qu’une galactirrhée affaiblit, même après l’allaitement. Ce médecin (1) employait le vin de sauge à la dose de cinq à six cuillerées, pour arrêter les sueurs nocturnes et débili- tantes qui surviennent après la convalescence des fièvres de longue durée. Quand le vin était insuffisant, il avait recours à la teinture, à la dose de deux cuillerées, répétée deux fois par jour. Hufeland regarde la sauge en infusion aqueuse ou vineuse comme un remède dont l’expérience a établi la spécialité contre l’éphidrose (sueurs excessives et continuelles). L’infu- sion de cette plante, administrée à froid, m'a réussi pour diminuer les sueurs des phthisiques. Lä sauge s'est montrée très-efficace dans la diarrhée; Salvia sicca est, alvum sistit, dit Hippocrate. Les succès que j'ai obtenus de l’infusion de cette labiée, édulcorée avec le sirop de coing, dans les diarrhées abondantes et épuisantes des enfants à la mamelle, confirment pleinement cette propriété. Dans nos campagnes, on a quelquefois employé avec succès la LIQUEUR DE SAUGE (30 gr. de feuilles de sauge macérées pendant huit jours dans 500 gr. d’eau-de-vie), par cuillerées à bouche, pendant la période algide du choléra. Aëtius a conseillé l'emploi de ce végétal pour combattre l’hémoptysie. Dubois, de Tournai, rapporte deux observations qui en constatent les bons effets dans cette affection; mais on conçoit que l’administration de la sauge doit être subordonnée à la nature de la maladie, à l’état du malade et à ce- lui des organes affectés. Une pléthore générale ou locale, un état phlegma- (1) Commentaires, t. II, p. 370. SAUGE OFFICINALE. 957 sique aigu accompagnant l’hémorrhagie, contre-indiqueraient évidemment l'usage des excitants. Le médecin que nous venons de citer (1) s’est bien trouvé aussi de l'administration d'une forte infusion de sauge contre les pertes utérines. Le vin de sauge m'a souvent réussi dans la ieucorrhée ato- nique. Quelques auteurs ont regardé la sauge comme emménagogue. Elle peut avoir cette propriété, comme tous les excitants, lorsqu'un état d'inertie de l'utérus s'oppose à l’écoulement des règles. Barbeyrac en recommandait l'infusion dans la migraine et dans d’autres douleurs de tête qui provenaient d’un vice de l’estomac. Decker la vantait contre la cardialgie. Alibert employait avec avantage le vin de sauge dans le scorbut et l’hydro- pisie, dans l’état de langueur qui accompagne fréquemment la convales- cence des fièvres muqueuses, adynamiques et ataxiques. Trousseau et Pi- doux regardent cette plante comme un médicament utile dans la forme mu- queuse et adynamique des fièvres typhoïdes. Roques a éprouvé, dans quel- ques fièvres intermittentes, d’heureux effets de l’infusion suivante : feuilles de sauge, 60 gr.; faites infuser à une douce température dans 1,500 gr. d’eau et autant de vin rouge ou blanc de bonne qualité. Après douze heures d’infusion, passez la liqueur. On donne deux ou trois verres de ce vin fébri- fuge, une ou deux heures avant le paroxysme. Riolan considérait la sauge comme très-efficace dans la fièvre quarte. L'infusion de sauge, édulcorée avec du miel, soulage les asthmatiques et convient à la fin des catarrhes, dans les toux humides avec défaut d’énergie expultrice des poumons. Giacomini regrette que l’usage de cette plante ne soit pas aussi répandu qu’il pourrait l'être: et c’est surtout dans le traite- ment des fièvres rhumatiques, des affections éruptives aiguës, des bron- chites aiguës et chroniques, qu'elle lui paraît offrir des avantages réels, si on administre à haute dose. Ce médecin en prescrit jusqu’à 40 gr. en infu- sion dans 500 gr. d’eau. A l'extérieur, j’emploie quelquefois l’infusion vineuse de feuilles de sauge dans les engorgements articulaires, suites d’entorse, dans l’ædème. Les lotions chaudes, faites chaque soir pendant une demi-heure avec l’infusion vineuse de sauge, à laquelle on ajoute une certaine quantité de sulfate d’alu- mine et de potasse, m'ont réussi dans les engelures. Une forte infusion de ces feuilles dans la lie de vin bouillante, saturée d’alun, est ce qu'il y a de meilleur pour raffermir l'articulation à la suite de l’entorse ou de la luxa- tion, C’est en général un excellent topique dans tous les cas où de puissants résolutifs sont indiqués. Cette plante, en gargarisme avec le cochléaria et un peu de miel, convient dans les engorgements ulcéreux et scorbutiques des gencives. Il suffit, disent Trousseau et Pidoux, de toucher les aphthes des enfants et des femmes grosses, avec un pinceau trempé dans une décoc- tion vineuse de sauge, pour les voir disparaître. J'emploie souvent en pareil cas une forte infusion de sauge en collutoire. (Elle fait périr le champignon du muguet.) Le thé de sauge avec un peu de vinaigre, est, suivant Mac- bride (2), un gargarisme efficace contre l’angine tonsillaire. Giacomini re- commande l’infusion ou le suc de sauge en lotion dans les contusions, les blessures, les ulcères. Trousseau et Pidoux ont vu plusieurs fois les ulcères atoniques des jambes se fermer, se couvrir d’un tissu cutané nouveau, par l'application de compresses imbibées de vin cuit avec la sauge et le miel. Jobert de Lamballe emploie avec succès, dans le traitement des ulcères ato- niques et scrofuleux, une pommade préparée avec la sauge et le lierre ter- restre (sauge et lierre terrestre, de chaque 30 gr.; axonge 250 gr.; cire blanche, 45 gr.). Les cicatrisants tombés dans le domaine de la médecine (1) Journal de médecine de Gand, septembre 1852. (2) Instruction méthodique à la pratique, t. II, p. 198. 958 SAUGE OFFICINALE. populaire, dédaignés par la scténce, reprennent donc dans la matière mé- dicale leur antique renommée ? Des bains préparés avec la sauge ont contribué, dit Loiseleur-Deslong- champs (1), à rendre le mouvement à des membres paralysés et à faire cesser l’endurcissement du tissu cellulaire des enfants. Elle agit même assez fortement de cette manière pour qu'on ait vu un état fébrile résulter d’un pareil bain. Vitet recommande dans le rachitis les bains généraux d’infusion de sauge, en augmentant par degrés la force de l’infusion et la durée du bain, auquel on fait immédiatement succéder des lotions froides sur la Co- lonne vertébrale, la poitrine, le bassin et les extrémités, avec une forte infu- sion de sauge dans l’eau-de-vie. Appliquée seulement en sachets, la sauge ne paraît pas avoir été tout à fait inutile pour dissiper des engorgements ædémateux, et les tumeurs atoniques. SAUGE DES BOIS. Voyez GERMANDRÉE DES BOIS (Teucrium prodonia), p. 449. (Les deux espèces suivantes sont aromatiques et possèdent à un faible de- gré les propriétés de la sauge officinale.) SAUGE DES PRÉS. Salvia pratensis. L.; Salvia pratensis folüs serratis. Tourn. — $e trouve dans les prairies sèches et sur les collinés arides. Elle répand une odeur désagréable, est négligée des bestiaux; sa fleur est recher- chée par les abeilles. Description. — Tige herbacée, dressée, haute de 30 à 60 centimètres. — Feuilles ovales, doublement crénelées, ridées, presque glabres en dessus et légèrement velues en dessous ; les radicales très-amples, cordées, en rosette; les caulinaires plus petites, sessiles; bractées ovales, non colorées, et plus courtes que le calice. — Fleurs : bleues, assez grandes, en épi terminal. — Calice à lèvre supérieure, dentée. — Corolle beaucoup plus longue que le calice (mai-juillet). — Style plus long que la lèvre supé- rieure. SAUGE HORMIN. Ho. Salvia horminum. L.; Horminum pratense foliis serratis. C. Bauh.— Gette charmante espèce croît naturellement en Espagne et dans les vallées du Piémont. On la cultive dans les jardins comme plante d'ornement. Description. — Tige ferme, droite, quadrangulaire, pubescente, de 60 centi- mètres et plus de hauteur, divisée en rameaux nombreux, élancés. — Feuilles oblon- gues, obtuses, crénelées, d’un beau vert, pétiolées, les supérieures sessiles. — Fleurs verticillées, violettes ou d’un joli pourpre : chaque verticille composé de cinq ou six fleurs dont les calices sont réfléchis après la floraison. — Bractées colorées, nombreuses, ovales. — Odeur forte, un peu aromatique. — Infusée dans le vin ou dans la bière, elle leur donne une qualité enivrante. SAUGE SCLARÉE. SCLARÉE. ORVALE. TOUTE-BONNE. HERBE AUX PLAIES. Salvia sclarea. L.; Horminum sclera dictum. C. Bauh.; Sclarea. Tab., Tourn. ; Orvala. Dod. — Cette espèce croît dans presque toute la France, surtout vers le midi, dans les lieux rocaïlleux, au pied fdes vieux murs, le long des chemins, aux endroits les plus chauds. Je l’ai rencontrée dans les ter- rains secs et sablonneux du Calaisis. On la trouve aussi en Belgique (envi- rons de ES de Tongres, de Saint-Trond), près de Paris (Montmorency, Calvaire). Description. — Tige quadrangulaire, articulée, rameuse, haute de 60 à 80 cen- timètres. — Feuilles opposées, pétiolées, larges, cordiformes à leur base, pointues à leur sommet, rugueuses, velues surtout en dessus, légèrement crénelées. — Fleurs bleuàtres, en épis verticillés, à bractées larges, concaves, ovales-cordiformes, dont les supérieures (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. IV, p. 62. SAULE BLANC, 959 ont une couleur violette, plus longues que le calice dont les divisions sont terminées par une pointe acérée et dure, Propriétés physiques et chimiques. — Celle plante exhale une odeur forte, pénétrante, très-agréable, et qui semble avoir beaucoup de rapport avec celle du baume de tolu. On assure (1) qu’elle contient des benzoates. Eltmuller affirme qu'infusée dans le vin blane, elle lui donne une odeur de muscat et le rend très-enivrant. C’est, dit-on, un moyen de fraude employé par les marchands. En Autriche, on s'en sert comme aromate pour l'office, et on trouve qu'elle donne l'odeur d’ananas aux ge- lées de fruits où on l’ajoute, On pourrait en faire des liqueurs de table fort agréables. Les brasseurs la substituent quelquefois au houblon dans la fabrication de la bière, à laquelle elle donne, dit-on, une qualité enivrante. Cette plante balsamique, stimulante, antispasmodique et résolutive, peut remplacer la sauge officinale. Son infusion vineuse, administrée par cuille- rées, relève le ton de l'estomac et des intestins. Son utilité dans les affections hystériques l’a fait appeler matrisalvia. (Tragus, dit Roques, recommandait cette plante aux femmes stériles comme un remède admirable, et l’on a osé se moquer de ce botaniste à une époque où l’on apprenait au genre humain l’art de procréer les sexes à volonté! C'était vers la fin du dix-huitième siècle. » Le crédule Matthiole dit qu’en Italie on se sert de l’orvale contre les maladies des yeux, d’où le nom de sclarea: on en met une semence sur les yeux malades, et on ne l’ôte pas que la nébulosité ne soit passée, — Elle est efficace comme détersive et balsamique sur les ulcères de mauvais caractère, et en décoction appliquée sur les tissus relâchés et l’engorgement œdémateux des jambes. SAULE BLANC. Salix alba. L. Salix vuigaris alba arborescens. C. BAuH., TouRN. — Salix prima vel procera. Dop.— Salix Dioscoridis. Lor. — Salix maxima fragilis alba, hirsuta. 3. BAuH. — Salix arborea angustifolia alba vulgaris. PARK. Saule commun, — osier blanc, — saux blanc. SALICACÉES. Fam. nat. — DIOÉCIE DIANDRIE. L. Le saule blanc est un arbre très-commun le long des routes, près des vil- lages, au bord des ruisseaux, des rivières, dans les terrains humides et marécageux. Deseriptiom. — Racine dure, ligneuse, blanchâtre. — Tronc droit, revêtu d’une écorce un peu cendrée, s’élevant de 15 à 20 mètres quand on le laisse croître, au lieu . de le tailler en boule. — Feuilles alternes, velues, blanchätres, pétiolées, lancéolées, dentées en scie, paraissant après la floraison. — Fleurs dioïques, en châtons écailleux, ovoïdes ; les châtons mâles cylindriques, pédonculés, un peu velus, composés d’écailles imbriquées, ovales, renfermant chacune deux étamines ; les châtons femelles grêles, al- ternes, à écailles oblongues, aiguës, munies d’un ovaire, d’un style et de deux stigmates. — Fruit: capsule uniloculaire, bivalve, polysperme, à graines munies d’une aigrette fine et nacrée (mars-avril). Parties usitées. — L'écorce. Réeolte. — II faut que l'écorce de saule soit prise sur des branches de deux, trois où quatre ans, récoltées avant la floraison, desséchées promptement à l'étuve et con- servées à l’abri du contact de l’air et de l'humidité. Cette écorce desséchée est roulée, d’une épaisseur variable, mais en général assez mince, d’un brun fauve. (Culture. — Le saule est très-répandu dans les bois. Il préfère les lieux humides, les bois, les fleuves, les bords des rivières et des ruisseaux, les marais; on ne le cultive pas pour l'usage médical. On le propage par boutures, on coupe les pousses très-souvent (1) Journal de pharmacie, 1820, t. VI, p. 306. 960 SAULE BLANC. pour faire des liens (S. babylonica) ou des échalas. Il en résulte que le sommet du tronc prend un grand accroissement. C’est ce qu’on appelle cultiver en tétard.] Propriétés physiques et chimiques. — L'écorce de saule est inodore, très-amère et un peu astringente. D’après Pelletier et Caventou, cette écorce contient une matière brun-rougeâtre, soluble dans l'alcool et peu soluble dans l’eau ; une matière grasse verte, une matière tannante qui ne précipite pas par l’émétique, el par conséquent différente de celle des quinquinas ; de la gomme et du ligneux. Ils regardent la matière colorante, jaune et amère, comme celle qui joue le plus grand rôle dans cette écorce. Le Roux, pharmacien à Vitry-le-Français, a découvert dans cette écorce un principe immédiat qu'il a nommé Salicine, et dont Fontana, pharmacien à Lazzia, près Vérone, Buchner et Regatelli avaient déjà signalé l'existence. Ce principe, retiré de l'écorce de plusieurs espèces de saule, est d’un aspect nacré, d'une saveur très-amère, un peu so- luble dans l’eau froide, très-soluble dans l’eau chaude, insoluble dans l’éther et dans les huiles volatiles, soluble dans les acides sans se combiner avec eux. La salicine est un produit extrêmement intéressant au point de vue chimique; elle peut ètre représentée par C*6H'$0!4; elle contient, en outre, six proportions d’eau; elle fond au-dessous de 100° G.; à + 17 degrés, l’eau en dissout 6 pour 100. L’acide azotique à chaud la transforme en acide benzoïque et en acide carbazotique (picrique); la synaptase le dédouble en saligénine — C'*H$ O4 et en glycose. En effet : C25H!S0!4 + LHO — C'4H$ 04 + C'°H!40!* me me Salicine. Saligénine. Glycose. c'est par conséquent un glycoside. ie La salicine traitée par l'acide sulfurique étendu la transforme en salirétine — C*2H5 O?, et l'acide sulfurique concentré en rutiline (C?SH'?04). Par l’acide sulfurique et le bi- chromate de potasse, et à la distillation elle est transformée en essence de reine des prés ou acide salycileux — C!*H$0#, La salicine est l’analogue de la phloridzine du pom- mier, et la populine du peuplier. Substances incompatibles. — La gélatine, les carbonates de potasse et d’ammoniaque, l’eau de chaux, le sulfate de fer. On fait avec les branches de saule des échalas, des cercles, du charbon pour la poudre à canon, etc. PRÉPARATICNS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction, de 30 à 60 gr. décoction (1 sur 8 d’eau) ; — alcoolique (1 par kilogramme d’eau. sur 5 d’alcool), de 1 à 2 gr., en pilules, Poudre, de 8 à 30 gr., en pilules, électuaires, bols, ou dans du vin, etc. ou dans du vin, de la bière, etc. Teinture (1 sur 4 d'alcool), de 10 à 30 gr.,en | A L’EXTÉRIEUR. — Décoction, pour lotions, fo- potion. mentations, injections, gargarismes, cata- Extrait par infusion (1 sur 10 d’eau); — par plasmes, etc. L’écorce de cet arbre estun tonique énergique et un peu astringent, proposé comme un bon succédané du quinquina ; on l’emploie avec succès contre les fièvres intermiltentes. Comme tonique, elle est très-utile dans l’atonie du tube digestif, les névroses, les hémorrhagies passives, les flux muqueux ato- niques et surtout la leucorrhée; on la donne aussi comme vermifuge. On en fait des bains toniques contre la faiblesse des enfants, etc. L’écorce de saule blanc doit être considérée comme l’un des toniques in- digènes les plus énergiques. Un grand nombre d’expériences ne permettent plus de douter de sa vertu fébrifuge; à cet égard, elle est, de toutes les écorces des arbres d'Europe, celle qui se rapproche le plus du quinquina. Dès 1694, Etner avait employé les feuilles de saule en décoction contre la fièvre intermittente. Longtemps avant que les médecins eussent fait mention de l’écorce de saule comme fébrifuge, nos paysans l’employaient en décoction aqueuse ou vineuse. Elle est, dans quelques villages de ma circonscription pratique, d’un usage populaire et traditionnel. On la prend, en forte décoction, en in- fusion dans le vin, dans la bière ou dans le cidre, suivant les ressources lo- cales ou individuelles. SAULE BLANC. 961 Tous les médecins savent que Stone, Gunzius, Gerhard, Mayer, Harth- mann, Gilibert, Wilkinson, Coste et Wilmet, ont combattu avec succès des fièvres intermittentes de tous les types avec l'écorce du saule blanc et de quelques autres espèces du même genre. Koning (4) rapporte beaucou de faits en faveur de l'efficacité de cette écorce employée comme fébri- fuge. Burtin, qui en a obtenu aussi beaucoup de succès, affirme qu'il l’a vue quelquefois réussir dans des cas où le quinquina avait échoué, Wau- ters a administré l'écorce de saule à quarante-neuf malades atteints de fièvres intermittentes de divers types; sur ce nombre, trentc-deux guérirent parfaitement, onze furent soulagés, les six autres n’en éprouvèrent aucun effet. Clossius a retiré les mêmes avantages de cette écorce, non-seulement dans les fièvres intermittentes, mais encore dans d’autres maladies pério- diques. Il arrêta un vomissement pituiteux périodique, en administrant cette substance, finement pulvérisée, à la dose de 2% gr. dans l'intermission. Barbier, d'Amiens, dit que de nombreuses observations justifient les éloges qu’on accorde à l'écorce de saule dans le traitement des affections pério- diques. Durcau-Delamalle, de retour d’un voyage en Italie (1818), affirma, en présence de l’Académie des sciences, que’les médecins de Sienne se ser- vaient habituellement de ce fébrifuge, de préférence au quinquina. Planche (2) assure que, n'ayant pu faire disparaître une fièvre lierce au moyen du quin- quina, il eut le plaisir de la voir céder à 60 gr. d’écorce de saule. Pour éviter une rechute, une égale quantité fut administrée en quatre Jours. De- puis plus de vingt ans que j’emploie cette écorce, il m'arrive rarement d’a- voir recours au quinquina, Cependant, j'avouerai que, malgré l'observation rapportée par Monier, médecin à Apt (3), constatant la guérison, par cc moyen, d’une fièvre intermittente pernicieuse cholérique, je n'ai pu encore me décider à m'en tenir à l'emploi de l'écorce de saule dans les fièvres per- nicieuses. Le danger imminent que présentent ces fièvres commande au pra- ticien consciencieux de ne substituer au quinquina aucun autre médicament, quelque vanté qu'il ait été. Il ne pourrait être autorisé à une telle substitu- tion qu’autant que l’écorce du Pérou lui manquerait; celle de saule serait alors le seul succédané qu'il pût choisir. Il faut, contre une fièvre perni- cieuse, une action prompte et sûre, telle que celle du sulfate de quinine. Si, dans une fièvre intermittente ordinaire, l'accès ne disparait pas après l’ad- ministration des premières doses d’écorce de saule, ce qui arrive souvent, on peut, sans danger, attendre un résultat favorable de la continuation de l'emploi de cette écorce. Il n’en est pas de même de la fièvre intermittente ou rémittente ataxique, qui, abandonnée à elle-même ou mollement com- battue, peut emporter le malade au deuxième ou au troisième accès, Je ne rapporterai point les cas nombreux de guérison de fièvres intermit- tentes que j'ai été à même de constater, ce serait grossir inutilement le ré- pertoire de tous ceux que les auteurs citent et que les praticiens connaissent. Je dirai seulement que de tous les faits que j'ai observés, j'ai pu conclure que l’écorce de saule, administrée à grande dose (double ou triple de celle de l'écorce du Pérou), compte autant de succès que le quinquina dans les fièvres intermittentes ordinaires; que, néanmoins, le type tierce cède plus facilement que le type quotidien et quarte, par la raison que les fièvres printanières guérissent plus tôt que les fièvres automnales. Dans les pre- mières, il me suffit souvent de donner 8 gr. de poudre d’écorce de saule dans chaque intermission pour obtenir la guérison au bout de trois ou quatre jours, avec la précaution, comme pour l'emploi du quinquina, d’en conti- tinuer l’usage pendant huit à quinze jours, afin d'empêcher la récidive. Dans (1) De cort. salicis alb. (2) Bulletin de pharmacie, t. T, p. 36. (3) Journal de la Société de médecine, t. XXIV, p. 141. 96 SAULE BLANC. les quotidrennes et quarles automnales, je porte la dose à 30, 60 et même 80 gr., divisés en qualre, cinq ou six prises pour chaque intervalle d'accès. C’est à l'élévation des doses, selon les cas, que je dois les succès constants que j'obtiens. La décoction et le vin que je fais préparer sont toujours très- concentrés. Ainsi que le pratiquait Sydenham pour l'administration du quin- quina, je fais reprendre l’usage de l'écorce de saule le huitième jour depuis la dernière dose, et je reviens jusqu’à trois ou quatre fois à cet usage, en laissant {toujours huit ou quinze jours d'intervalle; quelquefois je donne alors le fébrifuge pendant trois ou quatre jours. Dans les fièvres automnales rebelles, avec bouffissure, engorgement splé- nique, je me suis bien trouvé de l’addition de sel commun à l'écorce de saule, dans la proportion de 4 gr. pour 5 ou 6 gr. de poudre de cette écorce, administrés trois où quatre fois dans l’intermission. Je mêle ce sel au vin de saule dans les mêmes proportions pour chaque dose de vin, au moment de son administration. J'emploie aussi, dans ces cas, le vin concentré de saule et d’absinthe, avec addition de cendre de genèêt ou de genévrier. La teinture d’écorce de saule, celle d’absinthe et de semences d'angélique me servent, mêlées, à composer un vin fébrifuge extemporané. J'ai mis en usage avec succès la formule suivante d’après Bouillon-Lagrange : écorce de saule blanc et racine de benoite, de chaque 30 gr.; faites bouillir dans 1/2 litre d’eau et réduire à 400 gr. ; ajoutez : hydrochlorate d’ammoniaque 1 à 2 gr.; sirop d’écorce d'orange 30 gr., à donner en deux fois au malade à une heure de distance. Cette dose doit être répétée deux ou trois fois dans l’in- tervalle des accès, suivant le type et l'intensité de la fièvre. Dans les cas d’hydropisie accompagnant les fièvres intermittentes, j'ai associé avec avantage à l'écorce de saule la racine de raifort sauvage ou celle de bryone, à dose diurétique et légèrement laxative, les baies de ge- nièvre concassées et la semence de moutarde blanche infusées dans le vin blanc, la bière ou le bon cidre. J'ai employé l'écorce de saule avec un succès incontestable, comme moyen de préserver des fièvres intermittentes les habitants qui, constam- ment soumis aux influences marécageuses, en étaient atteints chaque année. Je pourrais citer vingt familles indigentes qui, par l'usage habituel, au prin- temps et en automne, de la décoction ou de la simple infusion à froid d’é- corce fraîche de saule, se sont délivrées de ce fléau périodique et de la mi- sère qui en était la conséquence. Je cilerai, comme le plus remarquable, le fait suivant. La famille Pinchedé, composée du père, de la mère, et de huit enfants, habitant la vallée humide de la Liane (où ces fièvres sont devenues endémiques depuis l’établissement de fossés qui longent le chemin de fer), et soumise, en outre, aux effets débilitants d’une position voisine de l’indi- gence, était atteinte chaque année, depuis cinq ans, de fièvres d’accès de divers types. Cette famille était littéralement ruinée par l'emploi réitéré du sulfate de quinine. Il m'a suffi, durant le printemps de 1847, de la mettre à l'usage d’une forte décoction de saule, et de revenir dans le cours de l'été, pendant deux ou trois jours, à cet usage, pour la préserver de l’intoxication paludéenne. Le même moyen, réitéré en 1848, à également réussi. De tels résultats, qu’il est d'autant plus facile d'obtenir que le saule croit en abon- dance dans les lieux où sévissent généralement les fièvres intermittentes, sont de nature à fixer l'attention des philanthropes. L’écorce de saule peut être administrée comme tonique dans tous les cas où l'emploi du quinquina est indiqué. J’ai fait cesser des diarrhées chroni- ques, des hémorrhagies passives, des leucorrhées, des gastralgies, par le seul usage de la décoction aqueuse, du vin, de la teinture ou de la poudre d’écorce de cet arbre. Lorsque, dans les diarrhées chroniques, il existe une grande susceptibilité des voies digestives jointe à’ la débilité, j'associe l’é- corce de saule, en cécection ou en teinture, au sirop diacode administré à - SAULE BLANC, 963 petites doses souvent répétées. Barbier dit qu'on s'est bien trouvé de l'em- ploi de l'écorce de saule dans la dyspepsie, ete. « L'infusion de l'écorce de cet arbre a guéri, dans six semaines, deux ulcères internes, dont l’un à la poitrine, et l’autre au sein gauche, suite d’abcès qui avaient été ouverts et qui avaient déjà jeté le malade dans une fièvre lente et dans le marasme (1).» Welsh ({a Murray) dil qu'on à employé l'extrait des jeunes feuilles de saule blanc dans les ulcères du poumon. Harthman et Luders ont préconisé l'écorce de saule comme un anthelmin- thique puissant, Ils en ont surtout employé la décoction en lavement contre les ascarides vermiculaires. Je l'ai aussi administrée avec succès comme vermifuge; mais on retire de bien plus grands avantages, sous ce rapport, de l'écorce de saule à feuilles de lauricr, vantée par Em. Harthmanu (2), ou- bliée de nos jours, et que j'ai employée comme anthelminthique avec beau- coup de succès depuis plus de vingt ans. On pourrait aussi l'utiliser comme fébrifuge. A l'extérieur, l'écorce de saule blane est employée soit en décoction, soil en poudre, contre les uicères atoniques ou fongueux, contre la gangrène el la pourriture d'hôpital. A cet égard encore, elle se rapproche du quinquina et agit de la même manière, 1n gungrenà à decubitu, et bubonibus gangrenosis, magnæ efficaciæ esse usum externum decocti foliorum, aut cort'cis salicis albæ, certà novi, dit Stoll (3). J'ai fréquemment mis en usage celte écorce en dé- coction comme antiseptique; j'ai pu arrêter promplement la gangrène dans un cas d’érysipèle phlegmoneux occupant toute la jambe gauche chez un vieillard cacochyme, âgé de soixante-neuf ans, cullivateur au village de Besinghen, par cétte seule décoction très-concentrée, employée en fomen- tation sur toute l'étendue du membre, et en injeciion dans les sinuosités causées par la fonte suppuratoire du tissu cellulaire et le décollement de la peau, qui ont toujours lieu dans cette affection. Je me suis trouvé très-bien de cette même décoction pour baigner les enfants serofuleux ou ceux qui sont atteints de débilité des extrémités inféricures. Après chaque bain, je fais pratiquer des frictions sur le rachis avec la teinture d'écorce de saule et de sommités de romarin ou de sauge. Je crois que ces bains peuvent suf- fire chez les enfants pour guérir les fièvres intermitlentes, quand l'état du tube digestif ou la répugnance du malade ne permet pas administration de l'écorce de saule à l’intérieur. Les chatons de saule en fleur exhalent une odeur agréable; suivant Gunzius, ils sont calmants et hypnotiques, et l’on peut en préparer une eau distillée assez analogue à celle des fleurs de tilleul. Dioscoride dit que l’usage habituel des feuilles de saule en décoction suffit pour rendre les femmes stériles. C'est sans doute d’après cette asser- lion que Eitmuller et autres conseillent le suc de ces feuilles aux femmes trop ardentes ou atteintes de nymphomanie: Commendantur contrà libidi- nem imprimis mulicbrem arcendam, ad quam decoctum horum cum vino egreqiè valet (4). Bien que la vertu antiaphrodisiaque des feuilies de saule s'accorde peu avec les propriétés toniques bien reconnues de cet arbre, on n’en doit pas moins les soumettre à l'expérience. Les caractères physiques re sont pas toujours en rapport avec les propriétés thérapeutiques des substances, el la chimie même est souvent impuissante pour en découvrir le principe aelif et spécial. J’offrirai pour exemple le seigle ergoté, qui est loin de laisser soupçonner, par ses propriétés physiques et chimiques, l'énergie de son ac- tion spéciale sur l'utérus. Peut-être existe-Hil dans les chalons de sanle, auxquels on à reconnu une propriété sédalive, un principe analogue au lu- ) Robert, Nouveaux éléments de médccine pratique, 2 yartie, p. Bu raie ME ) Dissert. de virlule salicis laureæ anthelmint. Francfort, 1781, ) ) mo Ratio medendi, pars lerlia, p. 229. Parisiis, 1787. (1 (2 (3 (4) Boccler, Cynosur. mat. med.,t. IT, p. 589. 96 SAULE BLANC. - cs pulin. On à pu donner en même temps les feuilles et les chatons, et attri- buer aux premières un effet dû aux secondes. Plusieurs autres espèces, telles que les salix fragilis (saule cassant), trian- dra, pentandra (osier rouge), vitcllina, purpurea, caprea (saule Marceau), hélix, viminalis, ele., ont été essayées et ont donné des résultats à peu près sem- blable. C'est de l’osier blanc, ou osier franc, amarinicr (S. viminalis), qu’on re- tire, dit-on, le plus de salicine. SALICINE. — L'action de la salicine sur nos organes l’2 fait considérer comme un tonique puissant. Proposée comme succédanée du sulfate de quinine, la salicine à été employée avec succès dans les fièvres intermit- tentes et dans toutes les affections qui ont une marche périodique ; mais comine elle doit être administrée à plus forte dose, le prix en devient presque aussi élevé en pharmacie que celui de ce dernier. On a administré la salicine à la dose de 10, 45 et même de 100 décigr. dans de nombreux cas de fièvres intermittentes, ct les succès ont été nombreux, quoi qu’en dise le professeur Trousseau. Si ce médecin révoque en doute la propriété fébrifuge de Ja salicine, Magendie la considère comme jouissant d’autant d'efficacité que la quinine et la cinchonine. Andral a administré la salicine à douze fiévreux : chez six malades, l’accès a manqué après la première dose du médicament; chez deux, il n’est revenu qu’une seule fois; le traite- ment a échoué chez les quatre autres. Une foule d’autres médecins, tels que Miquel (1), Noble, médecin à Versailles, Lefebvre, etc., ont obtenu de la sali- cine, administrée comme fébrifuge, les résultats les plus avantageux, Serre a employé avec su2cès la salicine dans un cas de névralgie faciale intermittente. Leuz (2) s’en est bien trouvé dans la toux chronique qui per- siste à la suite des affections aiguës de la poitrine, et surtout dans celle qui résulte de la grippe. La salicine a encore été utile dans les maladies chro- niques avec paroxysmes fébriles périodiques, les flux muqueux atoniques, les diarrhées colliquatives, en un mot, dans tous les cas où la quinine est indiquée. " (Macari (3) a publié un beau travail sur la salicine. Voici quelques-unes de ses conclusions : la dose doit être de 4 à 3 gr. donnés dans l'intervalle d'un accès à un autre, et que l’on doit répéter une ou plusieurs fois. La première dose diminue ordinairement d’une manière sensible l’intensité et. ja durée de l’accès suivant, mais coupe rarement la fièvre d'emblée. La so- lution est la préparation la plus efficace. L'expérience manque pour décider si la salicine brute est plus active que le produit purifié. Get agent ne donne lieu à aucun symptôme de perturbation et d’altération nerveuses, comme le fait le sulfate de quinine; mais, dans les cas rebelles et dans les fièvres per- nicieuses, il faudra toujours recourir à ce dernier: Nous pensons que, de- vant l’enthousiasme des uns et les dénégations des autres, ces conclusions répondent à la pensée de beaucoup de praticiens non prévenus.) _ L'écorce de saule en poudre, en teinture, en extrait, etc., a été entre mes mains bien plus efficace que la salicine, à laquelle j'ai rarement recours. Cette dernière, principe amer isolé, ne possède pas exclusivement la pro- priété fébrifuge, antipériodique qui, dans l’écorce, dépend de sa combi- naison avec d’autres matières ; le sulfate’ de quinine, lui-même, malgré son énergie, n'est-il pas plus efficace lorsqu'on l’associe au tannin ? Le quinquina en substance m'a souvent réussi dans des fièvres quartes où le sulfate de (1) Gaxelte médicale de Paris, janvier 1830. (2) Journal de Hufeland, août 1833. (3) Gazetle médicule de Toscane citée par Journal de pharmacie et de chimie, t, XXNII, p. 393. Paris, 1855. _ SAXIFRAGE, 965 quinine avait été vainement employé. Je crois pouvoir avancer, d'après l'ex- périence, que cet alcaloïde fait plus promptement disparaitre la fièvre dans la grande majorité des cas, mais que les récidives sont plus fréquentes que lorsqu'on employail le quinquina en substance. Aussi, dans les cas où les fébrifuges indigènes sont insuffisants, je commence par l'emploi du sulfate de quinine, et je termine par l'usage du quinquina ou de l'écorce de saule, continué pendant quelque temps et repris par intervalles hebdomadaires, Cette pratique est constamment couronnée d’un succès durable, SAXIFRAGE. Saxifraga granulata. L. Saxifraga rotundifolia alba. C. Bauu., Tourx. — Saxifraga aiba, radice granulosa. 3. BAUH. Saxifrage blanche, — saxifrage granulée, — sanicle de montagne, — casse-picrre, perce-pierre. SAXIFRAGACÉES. Fam. nat. — DÉCANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XXXVI) croit sur le bord des bois et dans les pâtu- rages secs, aux endroits découverts des bois s&blonneux, dans les fentes des rochers. Le nom de saxifrage dérive de saxum frango, je romps la pierre. Description. — Racines composées de fibres roussàtres, très-menues, à l'extré- mité desquelles se trouvent un grand nombre de butbes arrondis et rougeàtres, souvent réunis par paquets, ressemblant à une grappe de groseille. — Tiges velues, rudes, peu garnies de rameaux et de feuilles, hautes d'environ 30 centimètres, — Feuilles infé- rieures ou radicales, réniformes, longuement pétiolées, légèrement pubescentes, large- ment crénelées; les supérieures presque sessiles, incisées, petites et presque palmées. — Fleurs blanches, légèrement pédonculées (avril-mai). — Calice à cinq divisions, tantôt libre, tantôt adhérent avec l'ovaire. — Corolle à cinq pétales s’insérant sur le calice. — Dix élamines. — Deux styles. — Fruit : capsule biloculaire, de forme variable, s'ouvrant par le sommet. Parties usitées. — Toute la plante, mais particulièrement la racine. Récolte. — Si on veut faire sécher cette plante, il faut lui conserver la racine, qui est la partie la plus particulièrement recherchée. On l'emploie souvent fraiche. (Culture, — Cette plante n’est cultivée que dans les jardins botaniques ou d'agré- ment. On la propage par éclats de pieds, ou par les granulations des racines. | Propriétés physiques et chimiques. — Les tubercules qui garnissent la racine sont d’abord d’une saveur herbacée, puis peu à peu àpres ct amers. Cetle amer- tume existe aussi dans les fleurs ; mais le reste de la plante est insipide ou faiblement acerbe. Bergius a remarqué que la décoction aqueuse de cette saxifrage noircit par l'ad- dition du sulfate de fer, ce qui décèle un principe astringent. Les anciens attribuaient à la saxifrage la vertu de dissoudre les caleuls urinaires et d’en favoriser l’expulsion, sans doute à cause de la ressemblance de ses racines tuberculeuses avec des calculs, ou plutôt parce que plusieurs espèces croissent parmi les rochers, qu’elles divisent en se renflant; et par analogie on en a conclu qu'elles étaient propres à briser les calculs urinaires. Murray pense qu’elle n’a aucune action sur les voies urinaires, et que si les urines sont quelquefois sablonneuses pendant qu’on en fait usage, c’est à l’eau qui lui sert de véhicule qu’il faut attribuer cet effet. Si, comme beau- coup d’autres plantes légèrement amères et astringentes, elle peut, lorsqu'il y a absence d'irritation, provoquer la sécrétion de l'urine, elle est, sous ce rapport, au-dessous de beaucoup de végétaux qui possèdent la mème pro- priété. On l’administre en décoction (60 gr. par kilogr, d’eau); on peut aussi la donner en infusion dans une égale quantité de vin blanc. SAXIFRAGE DE SIBÉRIE. Saxifraga crassifolia. Wild, — Cette espèce 956 SCABIEUSE. est cullivée dans nos jardins, où elle montre de bonne heure ses jolies fleurs d’un rouge foncé. Elle est spontanée dans les montagnes de la Sibérie. HDeseription. — Feuilles grandes, ovales, obtuses, un peu dentelées, pétiolées, lisses, épaisses, d’un beau vert, formant une touffe d’où s'élève une tige cylindrique, charnue, glabre, terminée par une grappe de fleurs nombreuses, d’une belle couleur rose (avril-mai). Corolle grande, campaniforme, composée de cinq pétales obtus, un peu rétrécis à leur base. Les feuilles de lierre, qui servent ordinairement pour le pansement des cautères, entretiennent une odeur extrêmement désagréable; celles de poirée ou bette ont l'inconvénient de se dessécher promptement, de devenir fria- bles, et adhérer ainsi aux bords de la plaie. Rousseau (1) a conseillé de rem- placer ces plantes par les feuilles de saxifrage de Sibérie. Cette dernière n'étant pas détruite par la gelée, peut servir pendant toute l’année. Je Pai employée avec avantage pour le pansement des vésicatoires. [Nous citerons encore la saxitrage tridactyle (S. tridactylites, L.) comme jouissant des mêmes propriétés.] SCABIEUSE. Scabiosa arvensis. L. Scabiosa pratensis hireuta, quæ officinarum. GC. Baun., TourN. — Scabiosa major vulgaris. GER. — Scabiosa major communior hirsuta, laciniata, et non laciniata. JT. BAUt. Scabieuse des prés, — scabieuse des champs. DIPSACÉES. — Fam. nat, — TÉTRANDRIE MONOGYNIE. L. La scabieuse des champs (PI. XXXVIP, plante vivace, est très-commune. On la rencontre partout, le long des chemins, dans les prés, ete. Elle est cultivée comme fourrage dans quelques cantons des Cévennes. Elle engraisse et rafraichit les bestiaux, particulièrement les moutons, qui en sont très- friands. — Plusieurs jolies variétés de scabieuse sont cultivées dans les jar- dins pour la beauté de leurs fleurs. BDeseriptiom. — Racines courtes, peu fibreuses, presque simples, blanchâtres, peu épaisses. — Tiges dressées, cylindriques, légèrement fistuleuses, velues, peu ra- milées, hautes de 60 à 70 centimèlres. — Feuilles pétiolées, opposées, plus ou moins velues et ciliées; les radicales lancéolées, allongées, légèrement dentées à leur contour ; les caulinaires ailées ou pinnatifides. — Fleurs d'un bleu rougeàtre ou violacé, termi- nales, portées sur de longs pédoncules simples et velus (juillet-octobre). — Galice com- mun à folioles lancéolées, verdâtres et velues, placées sur un réceptacle hérissé de poils ou d’écailles. — Calice propre double. — Corolle tubulée, à quatre lobes inégaux. — Quatre étamines attachées à la base du tube de la corolle. — Un ovaire surmonté d’un style filiforme et d’un stigmate échancré. — Fruit : akènes ovales, renfermées dans les deux calices persistants et surmontés d’une aigrette. Parties usitées., — La racine, l'herbe et les fleurs. Héeolte. — On la récolle en juin ou juillet. (Culture. — Les scabieuses sont tellement répandues dans les prairies, les bois et les champs qu'il est inutile de les cultiver; elles viennent dans tous les sols. Elles se propagent très-rapidement, on les multiplie par semis de graines fait au printemps.] Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties de cette plante sont inodores et ont une légère amertume et un peu d’astringence. Du reste, elle n'offre rien de remarquable sous le rapport de ses propriétés chimiques. La scabieuse était autrefois regardée comme sudorifique, dépurative, etc., et employée dans les affections cutanées (2), la phthisie pulmonaire, la fin _… (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. I, p. 189. (2) Le nom de scabiosa rappelle la propriété antipsorique attribuée longtemps à cette plante, — Urbanus per se nescit pretium scabiosæ, dit l'Ecole de Salerne. SCEAU DE NOTRE-DAME. 967 des pleurésies et des pneumonies, l’'empyème, les calarrhes chroniques, les flueurs blanches, les fièvres malignes, les vertiges, la syphilis, et autres ma- ladies aussi différentes par leur siége que par leur nature, | Malgré l'autorité de Boerhaave, qui accordait beaucoup d'avantages à la décoction miellée de scabieuse dans le traitement des pleurésies et des pneumonies parvenues à leur dernière période, je ne puis distinguer cette plante d’une multitude d’autres végétaux analogues, et dont l’action est si faible, les effets si peu appréciables, qu'on peutles employer dans les maladies du caractère le plus opposé, avec la même appare»ce de succès, Les bains préparés avec la scabieuse n’ont pas été plus efficaces que son usage à l’in- térieur. Cependant cette plante, que l’on peut regarder comme un faible tonique, est encore prescrite par quelques médecins. On la met principale- ment en usage dans les maladies chroniques de la peau, telles que les dartres, la teigne, la lèpre, etc. Biett prescrivait contre ces affections une tisane composée de 500 gr. d’infusion de scabieuse, de 2 gr, d’acide sulfurique et de 100 gr. de sirop de guimauve. Geoffroy vante la propriété antidartreuse du sirop préparé avec le suc exprimé de la plante fraîche. SCABIEUSE SUCCISE, SuccisE. SCABIEUSE TRONQUÉE. MoRs DU DIABLE. RE- MORS DU DIABLE. Scabiosa succisa. L.; Morsus diaboli. Ger.; Morsus diaboli vul- garis flore purpureo. Park.; Succisa glabra. C. Baub. ; Scabiosa f[olio integro hirsuta. Tourn. — Cette variété de scabieuse se rencontre dans les pâturages, dans les prés un peu humides, les clairières des bois. Description. — Racine verticale, très-courte, à fibres radicales, épaisses, avec une échancrure qui la fait paraître comme mordue, d’où le nom de mors du diable. — Tiges de 60 centimètres à 4 mètre, droiles, rougeâtres, rameuses en haut, arrondies, pubescentes. — Feuilles pétiolées, ovales-lancéolées, opposées, sessiles, entières, velues, vertes en dessus, d’une teinte plus pâle en dessous. — Fleurs d’un pourpre bleuâtre, ra- rement blanches, toutes égales, à corolle à quatre divisions, réunies en tête souvent au nombre de trois sur un réceptacle garni de paillettes (juillet-octobre). La succise a les mêmes propriétés que la scabieuse des champs, mais à un plus haut degré si l’on en juge par son astringence et son amertume. Ce- pendant elle a été bien moins employée. LA SCABIEUSE DES BOIS (Scabiosa sylvatica. L.), dont les feuilles sont grandes, dentées, d’un vert-brun, traversées par une nervure blanche, les fleurs ter- minales d’un bleu rougeâtre, les semences velues, peut remplacer dans la matière médicale la scabieuse des champs. SCEAU DE NOTRE-DAME. Tamnus communis. L. Tamnus racemosa, flore minore luteo pallescente. ToURN. Tam commun, — tamisier, — racine vierge, — vigne sauvage, — vigne noire, \ herbe aux femmes battues. DIOSCORÉES. Fam. nat. — DIOECIE HEXANDRIE. L. Cette plante vivace vient spontanément dans les bois, dans les haies et les buissons du milieu et du midi de la France. On la trouve dans les environs de Paris (Chelles, Montmorency, Saint-Cloud). Description. — Racine simple, grosse, fusiforme, blanchâtre, cylindrique. — Tiges longues, grêles, sarmenteuses, lisses, volubiles, de 25 à 30 centimètres de hau- teur. — Feuilles alternes, luisantes, longuement pétiolées, cordées, acuminées. — Fleurs dioïques, d’un blanc jaunâtre ou verdâtre, petites (mai-juin-juillet). — Les fleurs mäles disposées en grappes allongées, axillaires; calice campanulé à six divisions ou- vertes. — Fleurs femelles portées sur des pédoncules axillaires courts. — Calice à six divisions resserrées et adhérentes à l'ovaire. — Un style à trois stigmates. — Fruits : baies rouges, ovoïdes, de la grosseur d’une petite cerise, à trois loges polyspermes. 968 SCEAU DE SALOMON. Parties usitées. — La racine, les pousses tendres. KRéeolte. — Comme celle de bryone. [Culture. — Cette plante est multipliée par division des racines. Elle pousse bien dans les bois, dans les terres fraîches et un peu humides.] Le tam est une plante purgative tout à fait oubliée, et qui cependant mé- rite une place dans l’officine du médecin de campagne. A petite dose, elle est apéritive et diurétique. Sa racine sèche, en poudre, purge à la dose de 2 à 4 gr. — L’odeur et la saveur de cette plante annoncent des propriétés énergiques. Sa racine, remplie d’un suc visqueux, d’une saveur âcre, d’une odeur nauséabonde, a été considérée depuis longtemps comme cathartique, hydragogue et diurétique. Lobel la considère comme exerçant une action spéciale sur l'appareil urinaire et utérin ; elle peut augmenter la sécrétion des urines graveleuses et glaireuses, et favoriser les règles. — Les guéris- seurs de campagne font manger les premières pousses tendres de cette plante, comme les asperges, pour diminuer la rate pendart ou après les fièvres intermittentes. Ils appliquent la racine, après l’avoir pilée ou ratissée, sur les contusions et les ecchymoses; de là le nom d'herbe aux femmes bat- tues. Elle est aussi résolutive que celle de bryone. Celse en conseille l'usage pour détruire Ja vermine de la tête. Je n'ai aucun fait particulier à citer en faveur de cette plante, que je me propose d'essayer. Elle se rencontre assez rarement dans nos contrées du nord, | SCEAU DE SALOMON. Convallaria polygonatum. L. Polygonatum uniflorum. DESF. — Polygonatum latifolium vulgare. C. BAUK., TourN. — Polygonatum vulgo sigillum Salomonis. J. Baux. Polygonatum vulgare. PARK. Muguet anguleux, — grenouillet, —- signet, — herbe au panaris, ASPARAGÉES. Fam. nat. — HEXANDRIE MONOGYNIE. I. Le sceau de Salomon (PI. XXX VIT), plante vivace, est très-commune dans les bois, les lieux ombragés, le long des haies. Description. — Racine : souche traçante, un peu fibreuse, grosse à peu près comme le doigt, irrégulière. — Tiges simples, anguleuses, fermes à leur partie supé- rieure, hautes d'environ 30 à 60 centimètres. — Feuilles alternes, ovales, oblongues, sessiles, un peu amplexicaules, glabres, d’un vert glauque, marquées de quelques ner- vures longitudinales. — Fleurs d’un blanc un peu verdàtre, portées sur des pédoncules axillaires recourbés du côté opposé aux feuilles (avril-mai). — Point de calice. — Co- rolle simple, tubuleuse, à six divisions étroites. — Six étamines à anthères oblongues, insérées sur le milieu du tube. — Un ovaire à trois carpelles. — Un style filiforme. — Fruit : baies globuleuses, noirâtres, à trois loges monospermes. Parties usitées., — La racine (rhyzome) et les semences. Fécolte. — La racine, étant vivace, peut se récolter en tout temps. On ne trouve guère que sa racine dans l’herboristerie, où sa forme la fait facilement reconnaître. (Culture. — La plante spontanée suffit aux besoins de la médecine, Elle pousse très-bien dans les jardins. On la multiplie par divisions des rhyzomes.] La racine de sceau de Salomon, d’une saveur douceâtre, visqueuse, un peu âcre, est un astringent léger, agissant à peu près comme la grande con- soude. On en conseillait autrefois l’usage Qans la goutte, la gravelle, la leu- corrhée, les hémorrhagies, etc. Palmer recommandait comme un bon re- mède antigoutteux l’infusion de 15 à 30 gr. de cette racine. Hermann la préconise aussi contre la goutte et les affections rhumatismales. Elle est employée dans ces maladies par les habitants d’Irkutsk et du lac Baïkal, au SCILLE. 969 rapport du docteur Rehmann (1). D'après Martius (2), la racine des conval- laria polygonatum et multiflora, L., recueillie avant la floraison de la plante, séchée et donnée en poudre à la dose de 36 grains (2 gr.), est un remède populaire en Russie comme préservatif de la rage ! Les cultivateurs donnent quelquefois la racine de grenouillet, hachée dans de l’avoine, aux chevaux atteints du farcin. « Quelques auteurs, dit Loiseleur-Deslongchamps (3) rapportent que 4 gr. de racine de celte plante, ou dix à quinze de ses fruits, provoquent le vomissement, ce qui ne s'accorde nullement avec ce que disent Linné et Bergius. Selon ces auteurs, des paysans suédois, dans un temps de disette, ont mêlé de ces racines avec de la farine de froment, et ils en ont fait une sorte de pain d’une couleur brunâtre et d’une consistance visqueuse ; mais il n’est pas question que ce pain ait fait vomir. » Suivant Schroeder, c’est surtout le fruit qui est vomitif. En effet, quinze fruits de celte plante, frai- chement cueillis, écrasés dans l’eau sucrée, m'ont produit trois vomisse- ments après douze minutes de leur ingestion, Je n’ai que ce seul fait à ci- ter en faveur de.la propriété vomitive de cette semence. A l'extérieur, on appliquait la racine de sceau de Salomon sur les contu- sions, les ecchymoses el contre les maladies de la peau. Les bonnes femmes, en cela d'accord avec Chomel, pilent celte racine avec autant de celle de grande consoude, pour appliquer sur les hernies des enfants, qu’un ban- dage vient ensuite consolider, On donnait autrefois, en même temps, l’infu- sion vineuse de la racine, 30 gr. dans 500 gr. de vin macérés vingt-quatre heures et pris en trois fois. Dans quelques campagnes, on vante beaucoup contre les panaris le cataplasme suivant : racine de sceau de Salomon 60 gr., saindoux 60 gr., eau commune, un verre. On fait cuire jusqu'à ce que la ra- cine puisse s’écraser facilement; puis on fait prendre au doigt malade un bain d’un quart d'heure dans ce mélange, et on applique ensuite la racine en cataplasme. On renouvelle chaque jour le remède, SCILLE. Scilla maritima. L. Scilla vulgaris radice rubra. C. BAUH. — Scilla officinalis. BLAKk. — Scilla. Don. — Ornithogalum maritièmum. LaAM. — Ornithogalum maritimum, seu scilla radice rubra. TOURN. Scille maritime, — scille officinale, — grande scille, — squille rouge, — oignon main, ornithogale marine, — charpentaire, — scipoule. LILIACÉES. — HIYACGINTHÉES. Fam. nat, — HEXANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XXXVII) croit sur les plages sablonneuses de la Méditerranée et de l'Océan; elle est abondante en Bretagne et en Nor- mandie, et surtout à Quillebœuf (Hanin). Elle est aussi et plus particulière- ment spontanée en Barbarie, en Syrie, en Espagne, en Sicile. Hesezrigtiomm. — Racine : bulbe ovoïde, charnu, composé de plusieurs tuniques épaisses, blanches ou rougetres, recouvert extérieurement d’une membrane mince, d’un brun foncé, quelquefois de la grosseur de la tête d’un enfant. — Hampe : antérieure aux feuilles, simple, cylindrique, droite et élancée, atteignant quelquefois 1 mètre 50 cen- timètres. — Feuilles : toutes radicales, amples, lisses, ovales-lancéolées, d'un vert foncé, longues de 25 à 40 centimètres, — Fleurs : nombreuses, blanches, pédonculées, réunies en un long épi terminal, un peu conique, couvrant la moitié supérieure de la hampe, accompagnées à leur base de nombreuses bractées linéaires et subulées (août-sep- tembre). — Calice pétaloïde à six divisions profondes, ouvertes en étoile. — Point de corolle. — Six étamines de la longueur du calice, sur lequel elles sont insérées. — Un SE ns ei RU ee Lens 4 © a (1) Nouveau Journal de médecine, t. V, p. 209. (2) Bulletin des sciences médicales de Férussac,t. XITF, p. 354. (3) Dictionnaire des sciences médicales, t. L, p. 134. 970 SCILLE, ovaire supérieur arrondi. — Un style terminé par un stigmate simple. — Fruit : capsule trigone, presque ovale, à trois loges et à trois valves, contenant quelques semences ar- rondies. Parties wsitées. — Le bulbe où oignon. Hécelte. — On récolte le bulbe de scille en automne, époque où il est dans toute sa force, tandis qu'au printemps il est plus sucré. On en détache les écailles ou squames. Les plus extérieures, qui sont trop sèches, et les plus intérieures, quisont muqueuses et presque inertes, sont rejetées. On ne conserve que les intermédiaires. Pour les sècher, il faut les isoler, les enfiler dans une corde et les exposer au soleil ou à l’étuve. Lorque la dessic- cation est bien complète, on les serre dans des boîtes, dans un lieu sec : l'humidité les fait moisir. Elles doivent être desséchées promptement. Elles sont d’une couleur rosée, transparentes, fragiles, attirant l'humidité quand elles sont sèches. Aujourd’hui on tire de Marseille la scille coupée en lanières et toute sèche, ce qui est préférable, dit-on, à cause de la grande chaleur de ce pays. Mais on peut partout la faire sécher à l'étuve. On a conseillé de la pulvériser pour mieux la conserver; mais trap vieille, la poudre perd aussi de ses propriétés. La poudre de scille n’est pas facile à préparer. Comme les squames, elle devient aussi humide et s’altère si elle n’est pas conservée dans un lieu sec. La dessiccation fait perdre à la scille son odeur piquante et irritante. Elle a moins d’âcreté: mais elle conserve toute son amertume. On distingue dans le commerce deux variétés de scille : l’une, plus commune et plus usitée, a les écailles rouges et se nomme scille mâle, scille d'Espagne (scilla radice rubrd. G. BAux.); l’autre a les squames blanches et est appelée scille femelle, scille d'Italie (scilla radice albâ. C. BaAux.). La première est seule employée en France; en Angleterre, au contraire, on n’emploie que la variété blanche, qui, dit-on, est moins active. [Cuniéusre. — La scille n’est cultivée que dans les jardins botaniques ou d’agré- ment. Elle préfère les terrains sablonneux; on la propage par semis faits au printemps, et on repique les plantes en place en juin.] Propriétés physiques et elaimmiques. — Le bulbe de scille exhale, lors- qu'on le coupe par tranches à l’état frais, une vapeur àcre el subtile, analogue à celle de l'oignon, qui irrile les yeux et le nez, et qui fait venir des ampoules aux doigts, si on le manie trop longtemps. Sa saveur, d’abord mucilagineuse, devient bientôt amère et àcre. Le bulbe de scille contient, d’après Vogel (1) et Tilloy (2), un principe fugace, volail, àcre, irritant; une matière amère, résinoïde, nommée scillitine, de la gomme, du tannin, des sels, de la fibre, une matière grasse sucrée. — La scillitine est incristallisable, sa sa- veur est amère et âcre. Elle est soluble dans l'alcool, dans l’eau et dans l'alcool éthéré ; elle est insoluble dans l’éther pur. (Elle représente une grande partie des propriétés de la scille, qui en contient 4 pour 100. Marais a donné récemment une autre analyse : mucilage, 30 ; sucre, 45; tannin, 8; matières colorantes, 12: matière grasse, 1; scillitine, 4; sels 5 et des traces d’iode. Ce que cet auteur appelle scillitine est une matière cristallisable, à réaction alcaline, Suivant Naudet, les propriétés vénéneuses de cette substance seraient dues à la skuléine, corps particulier qu'on peut aussi en isoler.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Poudre, de 5 à 50 centigr., en pilules, dans un véhicule liquide, etc. Teinture (1 sur 5 d'alcool à 60 degrés, de 1 à 8 gr., en potion. Vin (3 sur 50 de vin), de 15 à 60 gr. Vinaigre (1 sur 12 de vinaigre blanc fort), de 5 à 10 gr., en potion. - Oxymel (1 de vinaigre scillitique sur 4 de miel), de 15 à 30 gr., en potion. Mellite. (Voyez Codex de 1866, page 493.) Extrait alcoolique (1 de scille sèche sur 8 d'alcool à 60 degrés), 5 à 10 centigr., en pi- lules. Extrait aqueux, par infusion (1 de scille frai- che sur 4 d’eau), rarement employé, 5 à 20 centigr., en pilules. A L'EXTÉRIEUR. — De 10 à 60 centigr., en fric- tion ou par la méthode endermique. Décoction, de 8 à 15 gr., en lavement de 350 gr. d’eau. x Teinture, de 10 à 15 gr., en frictions à l’hy- pogastre, à l’intérieur des cuisses, etc. Vin, de 30 à 60 gr., en lotions. Vinaigre, de 10 à 30 gr., en lotions. Pulpe, en cataplasme, comme rubéfiant, ma- turatif, Pommade (1 d2 poudre sur 2 d’axonge), de 4 à 15 gr., en frictions. Oxymel, de 30 à 60 gr., en gargarisme. La scille entre dans l’élixir pectoral de We- del, la poudre composée de Stahl, les trochis- ques d’Andromaque, le looch antiasthmatique de Mesué, et dans beaucoup d’autres prépara- tions entièrement discréditées, {1) Bulletin de p'armacie, t. IV, p. 538. (2) Journal de pharmacie, 1. NU, p. 635. = SCILLE. 971 A haute dose, la scille agit à la manière des poisons narcolico-âcres ; elle produit des nausées, des vomissements, de la cardialgie, des coliques, l'hé- maturie, la strangurie, la superpurgation, l’inflammation et la gangrène de l'estomac et des intestins, des mouvements convulsifs ct la mort. C’est un médicament qu'il faut employer avec prudence. Lange (4) dit qu'une femme attaquée de tympanite, à laquelle un charlatan en fit prendre une trop grande dose, en mourut; on lui trouva l'estomac enflammé. Orfila a constaté ces dangereux effets de la scille sur des chiens, même appliquée à l'extérieur dans l'épaisseur des chairs. Elle est un poison pour plusieurs autres espèces d'animaux, tels que les chats, les rats, etc. On combat l’'empoisonnement par la scille au moyen de boissons adoucis- santes prises en grande quantité, et surtout par les opiacés dans la période nerveuse; on peut y joindre le camphre, qui a été proposé comme contre- poison de ce bulbe. A pelile dose fréquemmment répétée, celte racine excile principalement les reins et augmente la sécrétion urinaire. Elle a été cousidérée à juste titre, par les anciens et les modernes, comme le plus puissant des diuré- tiques. Sous ce rapport, on l’a employée avec beaucoup de succès dans l’a- nasarque, l'hydrothorax, les infiltrations séreuses en général. Cependant elle ne produit aucun effet dans l’hydropysie enkystée des ovaires, et réussit rarement dans l’ascite. «Que peut cette plante, dit Alibert, contre les squir- rosités, les tubercules, les kystes, les concrétions ou autres altérations des organes, qui produisent les épanchements hydropiques ? » Je réponds à cela que lorsque l’hydropisie n’est pas le résultat d’une lésion organique incu- rable, la guérison peut avoir lieu après l'écoulement des eaux, et que, dans le cas contraire, on obtient toujours du soulagement, une guérison appa- rente, qui fait gagner du temps et console le malade en le livrant aux douces illusions de l’espérance. Dans les hydropisics de nature sthénique, telles que celles qui se déve- loppent à la suite de la suppression de quelque flux sanguin, chez des per- sonnes d’une forte complexion, ayant le pouls dur, la peau tendue et résis- tant à la pression des doigts, la scille et tous les diurétiques stimulants sont évidemment contre-indiqués. Ces cas réclament l'emploi des émissions san- guines, des boissons délayantes et acidules, du petit lait, des diurétiques doux et sédatifs, de la digitale et du nitre. Les hydropisies compliquées de phénomènes fébriles ou phlegmasiques repoussent aussi l'emploi de la scille. (Hirtz (2) ne voit pas dans l’acuité de la maladie et la congestion rénale une contre-indication à son administration dans l’albuminurie. Ce théra- peutiste distingué, rassemblant plusieurs faits des plus concluants, a voulu établir que l’anurie et l’hydropisie constituent un des dangers de la maladie et une des indications les plus pressantes. Par le raisonnement et par les faits, il montre que les diurétiques ne peuvent exercer aueun des effets nui- sibles que la théorie leur attribue. La scille enlève une des plus graves com- plications, l’hydropisie, et, bien plus, en prolongeant la vie et le temps d'action curative, en dégorgeant le rein et peut-être aussi en facilitant l’ab- sorption des médicaments entravée par l’ascite, elle prépare la guérison ra- dicale.) La scille exerce une action très-marquée sur la muqueuse pulmonaire, et provoque l’expectoration dans les affections de poitrine où des mucosités tenaces engouent les ramifications bronchiques; elle convient, à ce titre, à la fin des pneumonies, dans certains catarrhes chroniques, dans l'asthme humide, l'infiltration pulmonaire, etc., lorsque, toutefois, il y a absence (1) Rem. domest., p. 176. (2) Bullelin de thérapeutique, 29 février 1864, p. 155. 972 SCILLE. - d’irritation et de fièvre. On en a aussi recommandé l'usage dans certaines maladies des voies urinaires exemptes de douleur et d’inflammation, telles que la néphrite calculeuse, l’albuminurie, le catarrhe chronique de la vessie. Giacomini (1) regarde la scille comme douét d’une vertu hyposthénisante cardio-vasculaire, et, selon lui, les propriétés diurétiques et expecto- rantes, etc., ne sont que des effets secondaires et subordonnés à son action primitive. Si la scille convient chez les sujets Iymphatiques, d’une sensibilité obtuse, et lorqu'il n’y a plus de chaleur, d'irritation ni de fièvre, elle est évidem- ment contre-indiquée chez les sujets irritables et très-nerveux, ou qui ont une disposition imminente aux phlegmasies, aux hémorrhagies, à la phthisie sèche ou nerveuse; dans les cas de fièvre, d’inflammation, d’excitation des voies digestives, de douleurs vives, etc. Ce n’est pas seulement par une trop forte dose que ce médicament peut être nuisible : il peut encore devenir funeste, même à petite dose, soit par une disposition idissyncrasique des organes qui en reçoivent l’action, soit à l’occasion de l’état d’irritation mor- bide-latente de ces mêmes organes. Quarin rapporte un cas où douze grains de scille suffirent pour causer la mort. Roques dit qu’une once (30 gr.) de vin scillitique a excité, chez un malade affecté d'ædème, une chaleur vive à l’estomac, des coliques, des spasmes et des vomissements douloureux. Ce malade avait oublié de mêler ce vin avec une tisane apéritive dont il faisait habituellement usage. Ces symptômes cédèrent à quelques doses de sirop diacode. Il est donc prudent de ne commencer que par doses légères, qu’on augmente graduellement; quand des nausées se manifestent, on doit les di- minuer. Il faut, de temps en temps, suspendre l’usage de la scille; car long- temps continué, même en très-petite quantité, cet usage trouble les digec- tions et produit une sorte de gastrite, ce qui arrive également par l’action prolongée des amers sur la muqueuse gastro-intestinale. Associée à la digitale, la scille est employée dans les maladies du cœur, l’hydropéricarde, les palpitations, pour ralentir le pouls et produire en même temps une diurèse abondante. Ce mélange convient surtout s’il y a dyspnée, étouffement, elc., symptômes souvent dus à l'infiltration du tissu pulmonaire. Unie au calomel, cette racine devient plus diurétique et agit. plus efficacement sur les absorbants. Bertrand la mêle à l’oxyde noir de fer pour combattre les hydropisies atoniques. Dans la vue de diminuer son ac- on trop irrilante, ou de modifier ses propriétés suivant l'indication, on l'unit encore à l’opium, à l’ipécacuanha, à la gomme ammoniaque, à la scammonée, au vin d’Espagne, au savon, aux aromates, aux antispasmo- diques, aux mucilagineux, etc. Employée en frictions, la scille agit également comme diwrétique. La teinture est ordinairement préférée pour ce mode d’administration. On en use depuis 4 gr. jusqu'à 8 chaque fois. Une plus grande quantité pourrait causer des accidents analogues à ceux que produit le médicament pris à l'intérieur. On se sert souvent pour ces frictions de parties égales de tein- ture de scille et de celle de digitale, auxquelles on ajoute quelquefois autant d'huile essentielle de térébenthine. Je me suis très-bien trouvé de ce der- nier mélange en frictions sur la région lombaire, sur l’hypogastre et à l’in- térieur des cuisses, dans l’albuminurie chronique, la leucophlegmatie, l’hy- drothorax, etc., surtout lorsque l’état des voies digestives s’opposait à l’u- sage intérieur de la scille et des autres diurétiques irritants. Les lavements de décoction de scille peuvent agir efficacement comme révulsifs. Schmu- _ (1) Trad. de la pharmacologie, p. 182. SCOLOPENDRE, 973 cker (1) les a conseillés dans les commotions cérébrales et dans les bles- sures graves de la tête. Après les émissions sanguines et les aspersions d’eau froide, où l’on ajoute du vinaigre et de l'hydrochlorate d'ammoniaque, ces lavements peuvent agir énergiquement et fort utilement sur le gros in- testin. Larrey (2) appliquait des cataplasmes de bulbes de scille, cuits sous la cendre, sur les bubons pestilentiels pour en hâter la suppuration. Dom Manuel Serrano (3) a fait disparaître deux fois un hygroma chro- nique, par l'emploi exclusif de fomentations de vin scillitique préparé avec 60 gr. de scille macérée pendant 48 heures dans 1,000 gr. de vin blanc. Il suftit d'appliquer sur la tumeur des compresses trempées dans ce liquide et très-souvent répétées, de les maintenir au moyen de quelques tours de bande purement contentifs, sans qu'il soit nécessaire que le malade garde le repos. C'est là un moyen de plus à ajouter à la liste des topiques (à la tête des- quels se trouve la teinture d’iode), dont l'action suffit pour déterminer la résorption du liquide contenu dans les bourses séreuses, La SCILLITINE est très-vénéneuse; à la dose de 5 centigr., elle tue les chiens; elle est en même temps purgative et vomitive; secondairement elle a une action légèrement narcolique, Elle est inusitée, mais pourrait être em- ployée de la même manière que la digitaline, mais avec une circonspection plus grande encore.Mandet, pharmacien à Tarare (4), a composé avec la scil- litine dépouillée de son élément irritant, associée à l’extrait hydro-alcoolique de digitale, un sirop, des pilules et des granules, qui paraissent réunir tous les avantages d’une bonne médication diurétique et sédative, dans les cas pathologiques qui réclament l'emploi combiné de la scille et de la digitale. La dose de sirop de scillitine composé est de trois à cinq cuillerées à café par jour; les pilules s’administrent à la dose de trois à cinq. La dose des granules de scillitine simple, comme tonique expectorant, est de trois à six par jour; comme tonique diurétique, dans certains cas d’hydropisie, de six à douze par jour. Les granules couliennent chacun 1 milligr. de scillitine privée de tout principe irritant. SCOLOPENDRE. Asplenium scolopendrium. L. Lingua cervina officinarum. C. Baux. — Scolopendrium officinarum. WeEL». Scolopendre officinale, — langue de cerf ou de bœuf, — herbe à la rate, FOUGÈRES. — POLYPODÉES. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L, Cette plante vivace (PI. XXXVI) croit dans les fentes des rochers hu- mides, les puits, les citernes, au bord des sources, etc. Deseription. — Racines petites, brunes et fibreuses, donnant naissance à plu- sieurs expansions membraneuses, foliiformes, disposées en touffes, simples, longues de 3 à A décimètres, larges d'environ 5 à 6 centimètres, verles, un peu coriaces, aiguës, échancrées en cœur à leur base, portées sur des pétioles assez longs, très-souvent char- gées de poils ou d'écailles roussâtres. — La fructification est placée sur le dos des ex- pansions foliiformes, disposée par paquets nombreux, parallèles entre eux, linéaires et presque perpendiculaires à la nervure du milieu. Ces paquets se composent de cap- sules uniloculaires, très-petites, laissant échapper une poussière très-fine que l’on con- sidère comme les semences. [Parties usitées. — Les expansions membraneuses, nommées improprement feuilles.] Récolte. — On emploie cette plante verte ou sèche. On la récolte au commence- (1) Dissert. de scilla. (2) Mémoires de chirurgie militatre. (3) La Union medica et Journal de médecine de Bruxelles, 1851. (4) Mémoire sur l'emploi thérapeutique de la scillitine. 974 SCORZONÈRE. ment de l'automne pour la conserver. 11 suffit pour la sécher d’en élendre les expan- sions membraneuses ou de les suspendre pendant quelques jours. Elles jaunissent un peu, mais sans perdre leurs propriétés médicinales. . ; [Cualtuime.— La scolopendre est cultivée dans les jardins botaniques ou d’agré- ment. On la propage facilement d'éclats de pieds faits au printemps, en terre de bruyère. On la plante sur les rochers humides et ombragés, dans les grottes, etc.] Propriétés physiques et efaimiques. — [a plante fraiche a une odeur herbacée et une saveur styptique. A l’état de dessiccation, elle exhale une odeur aromatique agréable, mais faible. Elle contient du mucilage uni à un principe un peu astringent, qui nojrcit par le sulfate de fer. On a considéré la scolopendre comme astringente, diurétique, béchique, vulnéraire, résolutive, etc. Suivant Dioscoride, cette plante détruit les obstructions du foie et de la rate, dissipe la jaunisse, etc. Galien vante son efficacité dans la diarrhée et la dysenterie. Chomel, Licutaud et beaucoup d’autres auteurs l’ont placée parmi les plantes essentiellement hépatiques, spléniques, apéritives et fondantes. Elle a été employée contre le catarrhe pulmonaire, la toux, l'hémoptysie, la gravelle, etc. On l’admettait dans toutes les tisanes diurétiques (30 à 60 gr. par kilogr. d’eau), dans les bouil- lons médicamenteux; mais on y joignait le pissenlit, le cerfeuil, la chi- corée, etc. Elle entre dans les vulréraires suisses. La scolopendre, aujourd’hui presque inusitée, ne mérite pas les éloges qui lui ont été prodigués. Nous devons dire néanmoins qu’elle n’est pas tout à fait inerte, Des essais récents m'ont démontré qu’elle se rapprochait du cétérach, comme diurétique et un peu astringente. On peut en tirer parli dans les cas où l’état des organes réclame une médication graduelle- ment active. r =. L . 0 SCORZONERE. Scorzonera hispanica. L. Scorzonère d’Espagne, — scorzonère d'Europe, — salsifis noir, — salsifis d'Espagne. COMPOSÉES. — CHICORACÉES. (DBeseripiiou. — Plante vivace. — Racine simple, allongée, charnue, fusiforme, noire en dehors, blanche en dedans. — Tige cylindrique, striée, glabre ou à peine pu- bescente, — Feuilles alternes, sessiles, ovales, lancéolées, — Fleurs jaunes, ligulées en capitules, réceptacle nu, involucre à folioles inégales, nombreuses, imbriquées sur plu- sieurs rangs. — Fruits : akènes allongés, striés, blanchâtres, surmontés d’une aigrelte sessile, blanche, à rayons plumeux, à barbes entre-croisées, Parties usitées. — Les jeunes pousses, les racines. HBécolte. — Les scorzonères sont une grande ressource pour l'hiver. On les arrache au fur et à mesure des besoins, depuis le mois de décembre jusqu’en avril et mai. Culture. — Celte plante est cultivée dans les jardins maraîchers comme plante bisannuelle. Elle est propagée par semis. Propriétés physiques et claismiques. — Les racines ont une saveur légèrement sucrée, mucilagineuse. Elles sont très-riches en inuline.] (Elles contiennent aussi de lasparagine. Se basant sur l'emploi en Chine d’une plante analogue pour l’ali- mentation des vers à soie, on à fait en France quelques essais (1), qui sont restés sans résultat appréciable.) (La racine de scorzonère, outre ses usages alimentaires, possède de faibles propriétés mucilagineuses, adoucissantes, et, à cause de cela, on l’a préco- nisée comme pectorale, sudorifique, calmante, diurétique, ete. On ne l’em- ploie plus; mais antrefois on lui attribuait des vertus spéciales sur l’activité des fonctions cutanées, et on la prescrivait pour hâter les éruptions vario- lique et rubéolique. En Russie, on emploie usuellement une pommade antihémorrhoïdale faite avec l’axonge et la pulpe de salsifis sauvage.) (1) Annales de la Sociélé linnéenne de Lyon, 1836, p. 15. SCROFULAIRE AQUATIQUE, 975 NET LP TT 4 un D SCROFULAIRE AQUATIQUE. Scrophularia aquatica. L. Serophularia aquatica major. G. BAUn., TouRN. — Betonica aquatica. Don. Bétoine d'eau, — herbe du siége. PERSONÉES. — SCROFULARIÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE ANGIOSPERMIE, L, La scrofulaire aquatique (PI, XXXVI), plante vivace, se trouve partout, dans les lieux humides, les fossés remplis d’eau, les bois, etc. Deseriptiomn. — Racines fibreuses, touffues, presque fasciculées. — Tiges dres- sées, glabres, quadrangulaires, hautes d'environ 4 mètre, — Feuilles opposées, pétio- lées, ovales-oblongues, presque cordiformes, crénelées, un peu obtuses à leur sommet. — Fleurs d’un rouge tirant sur le brun, disposées en une petite grappe terminale gar- nie de petites braclées opposées, lancéolées (juin-août). — Calice persistant, à cinq lobes suborbiculaires, — Corolle presque globuleuse à cinq lobes, presque à deux lèvres, tube court et renflé ; la lèvre supérieure orbiculaire et bilobée, l'inférieure à trois lobes, ce- lui du milieu réfléchi. — Quatre élamines didynames inclinées sur la lèvre inférieure. — Un style, — Fruit : capsule bivalve et biloculaire; les valves séparées par une double cloison et contenant des semences petites et nombreuses. Parties usitées. — La racine et les feuilles. Récolte. — On récolte l'herbe avant la floraison, et les racines à l'automne ou au printemps. k [Culture.— En général, les scrofulaires croissent dans les lieux humides et maré- cageux. On les propage très-facilement par éclats de pied.} Proprictés physiques et chimiques. — La scrofulaire aquatique exbale, lorsqu'on la froisse, une odeur félide très-repoussante. Sa saveur est amère, âcre et très-nauséeuse. On en a retiré à peu près en égales proportions un extrait aqueux amer et un extrait alcoolique d’une amertume plus grande encore, La scrofulaire est excitante, tonique, purgative, vermifuge, résolutive. Si les succès qu'on attribue à la scrofulaire, et qui semblent lui avoir fait donner le nom qu’elle porte, sont réels, c’est évidemment à l'excitation qu'elle exerce sur les organes qu'ils sont dus. On à observé, en effet, qu’à haute dose cette plante provoque la purgation et même le vomissement : c’est une propriété que j'ai constatée. Je ne conscillerai pas cependant de l’'employer comme vomitif ou comme purgalif, à cause de l’inconstance et de l’irrégularité de ses effets sur la contractibilité du tube digestif. La décoction de racine de scrofulaire, à la dose de 30 gr. dans 300 gr. d’eau, aromalisée avec un peu de semence d’angélique et administrée à un enfant de dix ans, très-sujet aux affections vermineuses, a provoqué deux vomissements et déterminé quatre selles abondantes avec expulsion de quatre ascarides lombricoïdes. Comme je n’ai que ce seul fait à citer sur les propriétés purgatives et anthelminthiques de la scrofulaire, je me propose de me livrer à de nouveaux essais sur l’emploi de celte plante, et je les ferai avec d'autant plus d’intérèt que peu de médecins s’en sont occupés, et qu’elle est tombée dans une sorte d’oubli que je ne crois pas mérité. Tragus recommande la graine de cette plante contre les vers, à la dose de 4 gr. On faisait usage autrefois de la racine de scrofulaire en décoclion, ou en poudre à la dose de 2 à 4 gr., contre les scrofules, les hémorrhoïdes, là gale, les dartres ct autres maladies de la peau. Divers auteurs ont employé la décoction de scrofulaire en cataplasme, en fomentalion, dans les mêmes affections et sur les ulcères atoniques ou gangréneux. On a même prétendu qu'elle était extrêmement utile pour favoriser la cicatrisation des plaies. On raconte, en effet, que les chirurgiens, pendant le long siége de La Rochelle, sous Louis XII, en faisaient un grand usage pour guérir toutes sortes de blessures, ce qui lui fit alors donner le nom d'herbe du siége. Mais si l’on réfléchit un instant que les plaies guérissent parfaitement et beaucoup plus 976 SCUTELLAIRE. promptement par l’usage de l’eau simple que par tout autre moyen, on ré- duira à sa juste valeur la décoction de racine de scrofulaire considérée comme vulnéraire, Disons cependant que l’action stimulante de cette plante. a pu modifier des plaies de mauvais caractère, tonifier les chairs, prévenir ou combattre la tendance à la pourriture d'hôpital. D'après le botaniste Marchand (1), j'ai employé les feuilles de scrofulaire pour corriger la saveur désagréable du séné, en faisant infuser parties gales des deux plantes. Le mauvais goût de ce dernier a été, en effet, en grande partie enlevé sans en altérer en rien la vertu purgative. Ce fait est d'autant plus difficile à expliquer, que la scrofulaire a elle-même une odeur fétide et nauséabonde, qui se trouve considérablement diminuée par cette association. | SCROFULAIRE NOUEUSE, SCROFULAIRE DES BOIS, GRANDE SCROFULAIRE, HERBE AUX HÉMORRIOÏDES, AUX ÉCROUELLES, Scrophularia nodosa. L, Scrophularia no- dosa fætida. G. Bauh., Tourn. — Cette espèce se trouve dans les lieux cham- pêtres et frais, dans les bois humides, les fossés, etc. Description. — Racines noueuses, rampantes. — Tige à angles obtus de 60 à 90 céntimètres, rameuse en haut. — Feuilles dentées; les inférieures cordiformes, op- posées, aiguës; les supérieures oblongues, lancéolées, un peu moins grandes que celles de l’espèce précédente, souvent alternes. La scrofulaire noueuse a les mêmes propriétés que la scrofulaire aqua- tique, seulement elle paraît être plus active. On l’a vautée contre les sero- fules, en décoction (15 à 20 gr. par kilogr. d’eau), et contre les hémor- rhoïdes, sans doute à cause, pour cette dernière maladie, d’une sorte de signature fondée sur la forme des tubercules de ses racines. Pour ce qui concerne ses propriétés contre les scrofules, nous ne pensons pas que ses principes amers et âcres puissent la rendre utile dans ces affections. Cepen- dant Sère, de Muret {2}, a recueilli une observation, dont l’heureux résultat, semblant justifier le nom de la scrofulaire, est de nature à engager les pra- ticiens à employer cette plante dans les affections strumeuses, On dit que la scrofulaire en décaction guérit la gale, si on en lave les pus- tules pendant plusieurs jours. Tragus mêlait son suc dans un onguent contre cette dermatose, et recommandait son eau distillée contre les rousseurs du visage. SCUTELLAIRE. Scutellaria galericulata. L. Scutellaire commune, — toque, — centaurée bleue. LABIÉES. — SCUTELLARIÉES. Fam. nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L Cette plante vivace croît le long des eaux et des fossés aquatiques, où elle est assez commune. C’est de scutella, écuelle, vase, forme de la figure de son calice, qui ressemble à une anse, que dérive son nom. Ce même calice renversé présente la forme d’un casque avec la visière relevée, d’où l’épi- thète de galericulata, donnée à l’espèce qui est très-commune en France. Deseription. — Tige dressée, presque simple, haute d'environ 30 centimètres, tétragone, un peu penchée au sommet. — Feuilles courtement pétiolées, un peu échan- crées en cœur à la base, dentées, glabres ou seulement pubescentes en dessous, toutes oblongues-lancéolées, aiguês. — Fleurs d’un bleu tendre ou purpurin, axillaires, unila- térales, deux à deux, presque sessiles; lobe moyen de la lèvre inférieure de la corolle entier (juillet-août). | [Parties usitées. — Les feuilles. (1) Mémoire de l'Académie des sciences, 1701. (2) Revue thérapeutique du Midi, t. VI, p. 62. SEIGLE, 977 Récolte. — On cueille les feuilles au moment de la floraison; elles perdent une partie de leurs propriétés par la dessiccation. Culture. — Cette plante aime les lieux humides et marécageux. On la propage par éclats de pied. | (Propriétés physiques et chimiques. — La scutellaire est amère, sent l'ail et rougit le papier bleu. Cadet-Gassicourt en a retiré une matière amère, la sculel- larine.) Cette plante a été considérée comme stomachique, anthelminthique et fé- brifuge. J. Bauhin rapporte que Turnerus l’appelait tertianaria, parce qu’elle guérit les fièvres intermittentes, d’où lui est venu aussi le nom de centaurée bleue. Elle est encore employée vulgairement en Alsace pour couper la fièvre, après avoir fait vomir le malade (1). Camerarius l’a préconisée contre l'angine. A Ternate, on la prescrit contre la dysurie et la gonorrhée (2). En Sibérie et en Crimée, on l’a prônée contre la rage, d’après Marius (3). On ne fait aujourd’hui que peu ou point usage de cette plante, bien qu’elle pa- raisse posséder quelques propriétés que de nouveaux essais pourront seuls déterminer. di [Nous citerons encore la scutellaire petite (S. minor, L.) et celle des Alpes (S. alpina, L.) qui jouissent des mêmes propriétés. | SEIGLE. Secale cereale. L. Secale hyberium vel majus. C. Bauu., TourN. — Secale vulgatius. PARK. GRAMINÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE DIGYNIE. L. Cette plante fournit par la culture deux variétés. L'une est le seigle d'hiver, qui s'élève davantage, et dont les épis sont plus longs, plus forts, mieux garnis; l’autre est le seigle d’été, plus petit dans toutes ses parties ; il ne se sème guère qu'au printemps. Cette graminée vient dans les terres légères, crayeuses, sèches, et même dans le sable pur. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Les grains de seigle contiennent moins de son et plus de farine que ceux de froment. Traités par l'acide nitrique, ils donnent, suivant Chaptal, un tiers moins d'acide saccha- rin que ceux-ci. Réduits en farine, ils contiennent, d’après Einhof (4) : albumine, 3.27; gluten frais, 9.48; mucilage, 11.19; amidon, 61.09; matière saccharine, 3.27; li- gneux, 6.38 ; perte, 5.42. — L’amidon est ici un peu moins abondant que dans le blé. La farine de seigle, d’après Taddei, transforme le sublimé en calomel, de même que le gluten. Il en faut 600 parties sur 4 de ce sel pour opérer cette transformation, tandis qu'il ne faut que 25 parties de gluten frais et 13 de sec pour exécuter la même conver- sion. Elle est donc une sorte d’antidote du sublimé corrosif (5), pouvant être substitué au gluten, qu’on a rarement tout préparé. La farine de seigle forme un pain un peu bis, mat, frais, gras, assez savoureux, d’une odeur agréable, se gardant frais sept à huit jours sans rien perdre de sa saveur, avantage précieux pour les gens de la campagne. Le mélange de cette farine avec celle de froment rend le pain de celui-ci plus frais et plus agréable. Le pain d'épice est fabriqué avec la farine de seigle, le miel, la mé- lasse, elc. Dans quelques cantons, on mange comme les petits pois la semence de seigle recueillie un peu avant sa maturité et séchée. Le seigle, converti en gruau, fournit une nourriture agréable au goût, On en fait des potages et des bouillies. On prépare avec le seigle mûr, sec et rôti, une sorte de café au lait qui nourrit, rafraîchit et donne de l’embonpoint. Pour cela, on le fait bouillir jusqu’à ce qu’il s’amolhsse, sans cependant le laisser crever ; on le fait sécher au soleil ou à l’étuve; on le brûle ensuite comme le 2 ee (1) Gazette médicale de Strasbourg, avril 1856. (2) Ancien Journal de médecine, t. LXXXI, p. 144. (3) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. XII, p. 350. (4) Gehlen’s Journal, t. V, p. 131. (5) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. 1, p. 148. 62 978 SEIGLE, café, el on le moud; quelquefois on y ajoute un tiers de café, ce qui rend celte boisson plus agréable : on la sucre moins que le café ordinaire. (Il est alors connu sous le nom de poudre économique alimentaire de Hunt.) Dans les pays du Nord, on retire du seigle, par la distillation, une sorte d’eau-de-vie à laquelle on mêle quelquefois des baies de genévrier pour lui donner plus de force. On fait aussi une sorte de bière avec ce grain. La paille de seigle, qui est longue et unie, sert à couvrir les toits des chaumières, à faire des liens, des nattes, des clayons, des paniers, des siéges de chaises, etc. On en fabrique des chapeaux légers, et on est même parvenu avec les pailles les plus minces et les plus flexibles à composer des tissus presque aussi fins que ceux de lin et de soie, dont les dames font des coiffures de luxe. Le seigle est plus usité comme aliment que comme médicament. Il est rafraîchissant, émollient et légèrement laxatif. Sa farine peut être employée aux mêmes usages que celle du froment. Appliquée en cataplasme, elle est émolliente et résolutive, mais elle s’aigrit trop tôt et devient irritante. J’ai employé avec avantage le seigle légèrement concassé en décoction (30 à 60 gr. et plus par kilogramme d’eau), contre la constipation, quand tous les moyens ordinairement mis en usage contre cette affection avaient été inutilement administrés. Cadet de Vaux prétend que ceux qui se nour- rissent de pain de seigle sont rarement atteints d’apoplexie : on sait vulgai- rement que la liberté du ventre dégage la tête, et diminue par conséquent la tendance aux congestions cérébrales. Le pain d'épices est laxatif et maturatif, (Dans le Nord on emploie surtout comme maturatif la pâte de pain d’épices, légèrement fermentée. Il est rare d'être appelé près d’une femme affectée d’abcès du sein au début, sans trouver le sein barbouillé de cette bouillie jaunâtre! ) Wauters rapporte plusieurs observations sur l'efficacité du pain de seigle fortement torréfié, contre les fièvres intermittentes. La plus remarquable est celle d’une fièvre quarte qui durait depuis plus de deux ans, et avait constamment résisté au quinquina. Il administrait ce remède en décoction à la dose de 60 gr. dans 750 gr. d’eau, en deux fois, dans l’apyrexie, à la manière du café. Il le donnait quelquefois en poudre (45 gr. en trois doses dans l’apyrexie), avec la cascarille (2 à 4 gr.) et le sel de tartre (2 gr.) Missoux, de Fournols (1), a fait connaître un moyen simple et assuré pour guérir les bygromas. Ce moyen consiste dans l’application sur la tumeur d’une tranche de pain de seigle sortant du four. Cette tranche doit être munie de sa croûte {que l’on tourne du côté extérieur), et assujettie conve- nablement au moyen d’une serviette ou d’un linge assez épais pour con- tribuer à conserver aussi longtemps que possible la chaleur. Si c’est le genou qui est le siége de la tumeur, ce qui est le cas le plus fréquent, cette partie étant très-exposée aux frottements et aux refroidissements, le malade garde le litet s’y tient vingt-quatre heures. Quelquefois, quand la tumeur est récente, une seule application suffit; mais, le plus ordinairement, il faut répéter ce moyen trois où quatre fois, et autant que possible d’une manière continue. L'auteur dit avoir obtenu ainsi de nombreux cas de guérison. À Comme presque toutes les graminées, le seigle est sujet à une maladie particulière connue sous le nom vulgaire d’ErGor. Il porte alors le nom de SEIGLE ERGOTÉ, dénomination que, par extension, on donne aussi à l’ergot de seigle lui-même dans le langage médical. (1) Courrier médical, octobre 1850. SEIGLE (ERGOT DE). 979 SEIGLE (ERGOT DE). Secale cornutum. Ba». Clavi selaginis. LoNIRER (1565),—Secalis mater. THALIUS (1588). — Secale luxurians. BAUH. — Grana secalis degenerati. BRUNN. — Sclerotium clavus. DECAND. — Sphacelia segetum. LÉVEILLÉ. Spermædia. Fries. — Ergotæcia aborti faciens. QuEkETT. — Sphacelidium clavus. FÉE.— Hymenula clavus. CoRDA.—Onygena cæsitosa. MÉRAT. Ergot, — argot,— seigle cornu, — seigle noir, — seigle malade, — seigle ergoté, — clou de seigle, seigle à éperon, — éperon court, — seigle corrompu, — seigle ivre, — faux seigle, calcar, — ébrun, — chambucle (en patois lyonnais), — charbon du seigle, blé rachitique, — blé farouche, — blé hâve, — blé avorté, mère de seigle, — seigle utérin (Allemagne). L’ergot de seigle (PI. XXX VII) est une excroissance de forme allongée qui se développe sur l'ovaire du seigle, à la place de la graine de cette plante. II vient de préférence sur le seigle planté dans les terres humides et légères, et sur le bord des chemins. On a quelquefois rarement l’occasion de le ren- contrer; d’autres fois il est répandu, surtout dans les années pluvieuses, au point de former dans certaines localités le quart de la récolle. Il est des contrées où il est beaucoup plus commun. (Nous citerons en particulier la Sologne.) Il se développe en même temps que les grains de seigle; (par des arrosages exagérés, on peut le produire artificiellement). Description. — L'ergot de seigle est en général allongé, recourbé, ayant une certaine ressemblance avec l’ergot du coq. I est presque quatre fois plus gros que le grain de seigle, long de 44 à 48 millimètres, brun violacé et un peu poudreux à l’exté- rieur, d’un blanc mat, légèrement nuancé de violet à l'intérieur, compacte, homogène. (Il offre dans sa longueur trois angles mousses, séparés par autant de sillons plus ou moins apparents, dont le plus prononcé regarde en dehors de l’épi. Il est, en outre, quelquefois fendillé dans sa longueur, ou de travers, et laisse voir le tissu intérieur. Son extrémité inférieure est conique, adhère au centre de la fleur à la place du hile du grain, mais sans continuité de fibres; la supérieure est conique ou tronquée, et à l’état frais surmontée d’un corps jaunâtre ou gris, de forme plus ou moins globuleuse, peu adhérent à l’ergot, caduc, communément appelé sphacélie, qui manque presque tou- jours sur le produit pharmaceutique. L’ergot est d’une consistance assez ferme; si on cherche à le ployer, il fléchit très- légèrement, puis casse net.) Nature de Fergot. — De nombreuses opinions ont régné dans la science sur la nature de l’ergot. Elles peuvent se rapporter à trois principales : A. L'ergot est une simple altération du grain. C'était l’idée autrefois admise. Pa- rola (1) le considère comme un produit amorphe, essentiellement hydrogéné, sécrété accidentellement par le pédoncule de l'épillet, et comparable au tissu mélanique de l'homme et des animaux. B. L’ergot reconnait une origine animale, D'après Martin Field, cette production serait une dégénérescence de l'ovaire des gra- minées, une altération morbide causée par la piqüre d’un insecte du genre musca, qui y dépose une matière noirâtre. — Reproduisant opinion ancienne de Tillot, Read et Duhamel, Debourges (2) l’a attribuée à un insecte de la famille des téléphores, lequel va déposer une liqueur sur un grain de seigle et y produit l’ergot. D'où il suit qu'on peut faire naître l’ergot à volonté, en exprimant cette liqueur sur tous les grains de seigle qui ne sont ni trop près, ni trop éloignés de leur maturité. — Pour Raspail (3), l'ergot est peut-être l’œuvre de la piqûre et de la présence d’un vibrion susceptible de ressusciter après son entière dessiccation. _ C. (De Candolle est le premier qui ait attribué au développement d’un champignon la production du corps qui nous occupe. En effet, il a l'odeur des champignons et se com- pose de la plupart des éléments chimiques trouvés dans ces derniers. Ce naturaliste crut devoir c'asser l’ergot dans le genre sclerotium.) Suivant Léveillé, l'apparition de l’ergot est précédée d’un suc mielleux qui constitue (1) Nuove ricerche sperimentali sullo sprone de’ graminacei. Milan, 1844. (2) Bulletin de l’Académie royale de médecine, t. II, p. 526. (3) Physiologie végétale, 1837, t. I, p. 605. 980 SEIGLE (ERGOT DE). un champignon de l’ordre des Gymnomycètes, et qu’il a nommé sphacelia segetum ; il naît au sommet de l'ovaire; de sorte que l’ergot serait formé de l’ovaire altéré et non fé- condé du seigle, surmonté du sphacelia, qui serait la seule partie active : privé de cette partie, l'ergot serait inerte. (Il est regrettable pour la théorie de ce savant que la pra- tique médicale démeunte chaque jour cette dernière assertion; car, nous l'avons dit plus haut, la sphacélie ne subsiste qu’exceptionnellement dans les échantillons pharmaceu- tiques, et l'effet attendu n’en est pas moins produit avec des ergots qui en sont totale- ment privés.) (Fée ne le considère comme une plante complète, qu’il appelle sphacelidium, que réuni à la sphacélie ou sacculus, végétal dont l’ergot serait le pseudo-stroma formé par l’hypertrophie présumée de la graine, et que pour cela il nomme nosocarya. L'ergot n’est pas un champignon parfait, comme l'ont avancé les auteurs que nous venons de citer, et Philippart, Phœsus, Guibourt, etc., mais un organe transitoire ou, mieux, préliminaire, de végétation. Cette altération des graines des graminées se pré- sente successivement sous trois formes différentes : 1° À la première phase de dévelop- pement, ce n’est encore qu’un liquide visqueux, recouvrant l'ovaire entier et faisant avorter la fleur; c’est à cette période que Leveillé l’a observé; c’est à ce moment que s'applique le nom de sphacelia segelum 2° A la seconde phase, cette masse s’allonge; c'est l’ergot proprement dit; il constitue un stroma, comme l’a démontré Tulasne, don- nant dans des conditions assez rares naissance à de vraies spores. 3° Alors, c'est-à-dire à la troisième période, naît le véritable champignon, le cordiceps (ou claviceps) pur- purea, que l’on n’a qu'exceptionnellement l’occasion d’observer (Fries), et dont, nous le répétons, l’ergot médicinal n’est que le stroma, c’est-à-dire un organe de transition. On trouvera dans le dictionnaire de Nysten (1), auquel nous empruntons ces détails, des descriptions précises des différents états de ce cryptogame. On y lira aussi que la spha- célie est un corps complexe constitué surtout par les restes des stigmates plumeux de l'ovaire, par les anthères des étamines, par des filaments de mycelium et des coni- dies.) Récolte, conservation. — (L'ergot a acquis toute son énergie d'action six à huit jours après sa maturilé. C’est donc alors, et non au commencement de sa forma- tion, qu'on doit le récolter.) Suivant la remarque de Kluge, de Berlin, l’ergot doit être recueilli sur l’épi même du seigle et sur pieds; quand on le ramasse dans l’aire de la grange, il a déjà perdu de ses propriétés, d'autant plus qu’il absorhe l'humidité de l'air. Mais il n’est pas nécessaire qu'il soit muni de sa sphacélie, qui, d’ailleurs, se détache si vite que presque tous les ergots en sont dépourvus. L’ergot blanc, à l'intérieur, est aussi énergique que celui qui est violacé. L'ergot doit être conservé dans un lieu sec et rejeté au bout de deux années de vétusté. (En effet, il peut devenir fétide ou être la proie d’un acarus, qui s établit à son centre et s’y creuse des galeries. Fée l’a reconnu pour identique à celui qui attaque le fromage.) On pulvérise ordinairement lergot au moment de s’en servir, parce que l’on pense généralement qu’il se conserve moins longtemps à l’état pulvérulent. Cependant, pour l'usage obstétrical, surtout à la campagne, il serait à désirer que l’on püût le conserver assez longtemps en poudre. On a proposé pour cela plusieurs procédés : 1° méthode Appert; 2° procédé de Legripp : pulvériser lergot récent et bien séché; exposer ensuite la poudre à une température de 45 à 50° G., afin de la sécher promptement et parfaite- ment; ensuite la tasser, l’enfermer hermétiquement dans des vases de verre de la ca- pacité de 4 hectogr. au plus, et enfin la soustraire à l’action de la lumière, soit en l’en- fermant dans un lieu obscur, soit en recouvrant le vase de papier noir; procédé de Stanislas Martin : dessécher la poudre d’ergot à l’étuve, le renfermer dans un flacon bouché à l’émeri, après l'avoir humecté de 60 gr. d’alcool à 40 degrés ou d’une quan- tité égale d’éther sulfurique pour 500 gr. d’ergot. : Ces moyens, comme on le voit, ont pour but de préserver autant que possible l’ergot de l’action de la lumière, du contact de l'air et de l'humidité. Boins conseille, pour le conserver, de mettre un peu de mercure dans le flacon qui le renferme. [En somme, cette poudre se conserve assez mal; il vaut mieux la pulvériser ou la moudre au moment du besoin. A Paris, dans les hôpitaux d'accouchement, on se sert pour cela d’un petit moulin à café très-commode. | Lorsque l’ergot de seigle fournit une infusion lacto-mucilagineuse, c’est une preuve, d’après Ramshotham, que cet ergot est altéré. L’infusion reposée de cette substance, non altérée, doit être limpide et avoir une couleur de chair foncée. (1) Page 529, 11e édition. s SEIGLE (ERGOT DE). 981 [L'ergot de froment se distingue de celui du seigle en ce qu’il est plus court, plus gros, plus ridé, contrairement à ce qu'a dit Grand-Clément dans sa thèse; d’après Gau- thier-Laroze, il se conserve mieux; et selon C. Le Perdriel, qui a aussi fait une thèse sur ce champignon, il serait tout aussi actif et déterminerait tout aussi bien les con- tractions utérines, sans être aussi vénéneux, On distingue encore l’ergot du Diss (ampe lenax, L.; arundo festucoïides, Desf,; arundo tenax, Wahl.; donax tenax, Palissot (de Beauvais); arundo Maurilanica, Poir.), qui nous vient d'Afrique, qui se distingue en ce qu'il est long de 2 à 4 centimètres, pee courbé en croissant; il paraît jouir des mêmes propriétés que ceux du seigle et du blé.] (Propriétés physiques et chimiques,— L'ergot a une odeur vireuse et une saveur amère légèrement mordicante, plus marquée quand il est à l’état frais. Vauquelin est le premier qui se soit occupé de l’analyse de ce corps. Malgré son imper- fection, elle a ouvert la voie aux recherches qui maintenant encore ont amené des résul- lats trop contradictoires. En 1832, Wiggers publiait une monographie du seigle ergoté, couronnée par la Faculté de Gottingue (1). L'analyse de Maas (P.) (2) avait eu peu de retentissement ; celle de Wiggers fut bien- tôt acceptée par beaucoup de chimistes. D’après cet auteur, l’ergot contient : Huile grasse non saponifiable....,............... 35.00 Matière grasse cristallisable .......,........... ep LA: 5) DE ends Cr re ee ve 0.70 TROUS OU SÉPUNE 4e suaacenns aise 1.25 JUL EC OCR RE PR EE RE Re |. Sucre cristallisable de nature particulière. ....,.. 1.55 Matière gommeuse extractive et colorante...... RE 0 AL A en ae pr pe a RÉÈRO 42 24 1.46 ns de te te anna lee. Ja 46.19 Lee NU Eg 7 EST MST A Tee Aer L.42 Eh 1 15 Get Sa AR Prima LEE mi me Te EE Al SANS 0.29 MCE ve due ne PT te PER ETS 0.14 FOal dt eh Eadie RSA ds 2400.20 Ce que Wiggers appelle ergoline, et qu’il croyait à tort être le principe actif théra- peutique de l’ergot, est une substance pulvérulente, non el ishe: insoluble dans l’eau et l’éther, soluble dans l’alcool, d’un rouge-brun, d’une saveur amère et un peu âcre, ni acide, ni alcaline. On en retire environ 4.25 pour 100. Le sucre qu’il supposait d’une nature particulière a été considéré par Liebig et par Pelouze comme de la man- nile. Les travaux plus récents de Mitscherlich (3) établissent que c’est en effet une nou- velle espèce de sucre, le sucre de seigle ergoté. Ce chimiste lui a imposé le nom de mycose. En 1841, Bonjean reprit ces études et publia dans son ouvrage (4), couronné par la Société de pharmacie, l'analyse suivante : De PAU EE A SEE SAS ET RL . 37.50 ÉTÉ AR: dise nd de D nue alor fatale eabiraso [er DU DES Réaue rtae uhors 25 eds ae vds Mate # À 2.25 Poudre rougeàtre inerte, insoluble dans l'alcool Plane RÉ dont 5. 25 RME 6m 0.63 Gomme Me | RPM Le Lee doeiaeoiee 1.62 en EP SORT à AE RE ue Pt Pre 0.12 Albumine végétale. ............... EE Mere 1.80 PMR en à nr en Sectes tacle NS Net V2 Matière colorante violelie,.,.,..... HOME de DOG centigr.) en assez grande quantité pour produire le vomissement. Quel- ques lavements acidulés avec le vinaigre, le sirop de limon, le suc de citron étendu dans l’eau, pour boisson, complétèrent le traitement. Les principaux accidents se dissipèrent dans la journée; mais le mouvement latéral de la tête, qui cependant avait diminué, persista encore pendant près de deux mois. Ce petit malade n'avait pris, au rapport du médecin traitant, que 3 ou 4 centigr. d'extrait de stramonium dans les vingt-quatre heures. C'était trop pour un début. (1) Journal général de médecine, 2° série, t. IX, p. 358. (2) Médecine légale, 2e édit., t. IF, p. 650. (3) Chaque narcotique a une action modificatrice qui lui est propre: j'ai vu aes femmes d'un tempérament éminemment nerveux ne pouvoir pas supporter deux gouttes de laudanum sans éprouver tous les symptômes du narcotisme, se trouver très-bien de l’usage de la jusquiame à dose ordinaire. ‘ C5 4026 STRAMOINE. Donné en lavement, le stramonium agit plus rapidement que lorsqu'il est pris par la bouche. Appliqué sur la peau dénudée, et même sur l’épiderme, il produit des effets toxiques plus ou moins prononcés, selon la suscepti- bilité des individus. Un pharmacien (1), en faisant des préparations de cette plante, eut une cécité qui dura deux jours. L'usage longtemps continué du stramonium occasionne quelquefois des douleurs dans les membres, du prurit à la peau, le hoquet, la somnolence ou un sommeil très-agité; 1l rend parfois les malades comme stupides et produit plusieurs anomalies de la vue. Les prétendus sorciers se servaient de la stramoine pour produire des hallucinations et faire assister au sabbat les gens crédules, ou procurer aux amants des jouissances imaginaires. Les endormeurs mêlaient la poudre de semences de cette plante dans le tabac, qu'ils offraient fréquemment aux gens qu'ils voulaient jeter dans le sommeil pour les dépouiller; ou bien ils la faisaient prendre en teinture dans l'alcool, à la dose de quelques gouttes dans du vin, de la bière, du café, etc., pour commettre des larcins ou des viols. Garidel raconte qu’on brüla à Aix une vieille femme qui, au moyen des semences de stramoine, avait troublé la raison de plusieurs demoiselles de bonne famille, et profité de leur délire pour les livrer à des libertins. On à même rapporté que des jeunes filles furent ainsi rendues mères à leur insu. La stramoine a été considérée comme un puissant aphrodisiaque. Faber (2) dit que les Indiens, les Arabes et les Turcs préparent des philtres amoureux avec cette plante. « Ce qu’il y a de certain, dit Michea, c’est que, chez en- viron dix aliénés auxquels j'ai fait prendre depuis 5 jusqu’à 95 centigr. d’ex- trait de datura par jour, j'ai observé deux fois que ce moyen produisait une disposition extrême aux jouissances vénériennes (3). Le traitement de l’empoisonnement par la stramoine est le même que celui indiqué à l’article BELLADONE (p. 136). : (La question de l’antagonisme entre l’opium et la belladone, sur laquelle nous nous sommes étendu (pages 137 et suivantes, et pages 797-801), existe pour la stramoine et le premier de ces agents. J'ai fait sur les animaux des expériences comparatives et réciproques qui ne me laissent aucun doute à ce sujet. L'opposition d’action a été constatée chez l’homme. Un homme et deux femmes ayant bu une macération alcoolique de graines de stramo- nium, Lee, après avoir vidé l’estomac à l’aide de la pompe aspirante, admi- nistra 40 gouttes de laudanum tous les quarts d'heure, puis la solution de morphine de Magendie. En deux heures, les accidents étaient conjurés) (4). Storck est le premier médecin qui ait employé la stramoine à l’intérieur, comme médicament. J1 l’administra, en 1763, dans l’épilepsie, les convul- sions et les aliénations mentales. Ses essais, trop peu nombreux pour mé- riter une grande confiance, furent répétés peu de temps après par Odhélius, et ensuite par Bergius, Greding, Durande, Wedenberg, Maret, etc. Depuis lors, d’autres médecins ont employé ce remède contre le tétanos, la mélan- colie, la manie, les hallucinations, l’hystérie, la chorée, et autres névroses; les névralgies, l’asthme, le rhumatisme, etc. Greding n’a réussi que dans un seul cas d’épilepsie avec le stramo- nium. Sur quatorze épileptiques traités par Odhélius avec l’extrait de cette plante, huit, dit-on, ont été guéris, cinq soulagés. Les malades éprou- vaient, pendant le traitement, une céphalalgie légère, des étourdissements, l’obscurcissement de la vue, etc.; mais ces accidents se dissipaient peu à (1) Bulletin des sciences médicales de Férussac, 1827, t. XI. 42) Strychnomania, p. 33. (3) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1853, t. I, p. 36. (4) Dublin medical Press, 1861, n° 117. STRAMOINE. | 1027 peu. Greding fait observer (1) que les malades d'Odhélius étant prompte- ment sortis de l'hôpital, il était impossible de rien affirmer sur la guérison d'une maladie dont les accès laissaient quelquefois entre eux un grand in- tervalle. Il résulte des diverses observations rapportées par les auteurs que, dans un certain nombre de cas d’épilepsie où il n’y a pas eu guérison, la maladie a été avantageusement modifiée : les accès étaient remplacés par une espèce de syncope légère et périodique, ou par un sentiment de formica- tion incommode et revenant aussi périodiquement. Toutefois, les succès obtenus par la belladone, dont l’action diffère peu de celle de la stramoine, portent à accorder une certaine confiance aux asser- tions d'Odhélius. James Begbie (2) a combattu une fois le tétanos avec succès au moyen du stramonium, qui agit, dans cette redoutable affection, de la même manière que la belladone. On a employé cette plante dans les convulsions. Cependant Stork vit les mouvements convulsifs d’un enfant de neuf ans augmenter par l'usage de l'extrait de stramoine, Odhélius rapporte qu'un ouvrier fut guéri de convulsions intermittentes par l’usage de pilules faites avec cet extrait. On a souvent eu recours au datura stramonium contre l’aliénation men- tale. Storck rapporte deux cas de folie guéris par cette plante. Depuis, un grand nombre de faits sont venus confirmer les observations de Storck sur l'efficacité de la stramoine dans les aliénations mentales. Sur cinquante-cinq cas rapportés par Storck, Schmalz, Hagstroem, Reef. Meyer, Odhélius, Durande, Maret, Bergius, Greding, Schneider, Bernard et Amelung, vingt et un ont été terminés par la guérison, dix ont été suivis d’un changement favorable, vingt-quatre ont opiniâtrément résisté (3). Moreau, de Tours (4), se fondant sur ce que le datura cause des halluci- nations, et que la manie avec hallucinations devait être guérie par cette plante, d’après la médication substitutive, l'administra à dix hallucinés qui se trouvaient dans des conditions très-fâcheuses. Le résultat justifia l’hypo- thèse; sept malades furent guéris; les trois autres n’en obtinrent aucun soulagement. Michea (5) dit que le datura stramonium guérit la folie dans un quart des cas, et améliore dans environ la moitié. Dans l’ouvrage essen- tiellement pratique que nous venons de citer, Michea démontre, par de nombreux faits bien observés, l'efficacité de la médication stupéfiante dans l’aliénation mentale (6). (1) Mémoires de l'Académie de Stockholm. (2) Transact. of the medieo-chirurgical Society of Edinburg, t. I, p. 285, (3) Bayle, Bibliothèque de thérapeutique. (4) Gazette médicale, octobre 1840. (5) De la médication stupéfiante dans le traitement de l’aliénation mentale. Paris, 1857. (6) Voici les conclusions auxquelles il est arrivé, et que nous sommes heureux de pouvoir exposer comme résumé de ce que la science offre de plus certain sur les effets des stupéfiants dans l’aliénation mentale : 3 1° Les principaux narcotiques (opium et ses principes, jusquiame, datura stramonium, bel- ladone et mandragore), considérés en masse, guérissent environ la moitié des individus atteints de folie curable, et se bornent à produire une guérison passagère ou une simple amélioration dans le quart, à peu près, des cas. 2° L'opium et ses principes sont les substances narcotiques qui, comparativement, ont le plus de puissance curative : elles guérissent dans les deux tiers des cas environ, et dans un sixième elles procurent de l’amélioration ou une guérison passagère. 30 La jusquiame vient après. Elle guérit dans un peu plus de moitié des cas, et dans un dixième elle produit de l’amélioration. 4° La belladone a un peu moins de puissance que la jusquiame : elle guérit dans un peu moins de moitié des cas; mais, en revanche, elle amène de l'amélioration dans un quart en- viron. 5° Le datura stramonium et la mandragore marchent sur la mème ligne : ils guérissent dans un quart des cas, et améliorent dans environ la moitié. 6° La jusquiame et le datura stramonium guérissent au bout d’un intervalle un peu plus court que l’opium, le chlorhydrate de morphine et la belladone. 7° Les narcotiques considérés en masse guérissent dans les sept huitièmes des cas de délire 1028 STRAMOINE, L'emploi des feuilles de stramonium en fumigation contre l’asthme est de- venu populaire. On les fume en guise de tabac. «L’incontestable efficacité de ce médicament dans l’asthme, disent Trousseau et Pidoux, le place au rang de ceux sur lesquels la thérapeutique peut le mieux compter. » Ces médecins ont employé le datura avec un succès très-remarquable dans deux cas d’asthme essentiellement nerveux, intermittent et d'une extrême intensité. « C’est donc dans cette forme particulière de l’asthme que le datura réussit le mieux; mais il s’en faut qu’il guérisse toujours, même dans ce cas; nous avons souvent réussi, mais aussi nous avons souvent échoué, et quelquefois aussi, dans l’asthme spasmodique non intermittent qui cède en général moins bien au datura, nous avons vu ce médicament calmer les accidents avec autant de rapidité que dans l’asthme nocturne. Ce moyen est encore employé avec avantage pour calmer la toux et la dyspnée des phthisiques, des malades atteints de catarrhe et de maladie de cœur, lorsqu'ils éprouvent de temps en temps de l'oppression, que l’on doit rapporter à une modification nerveuse plutôt qu'aux lésions organiques graves que l’on a pu constater chez eux... Les inspirations de vapeur d’eau chaude chargée de datura stramo- ninm conviennent aussi, mais sont loin d’être aussi actives; elles ne peuvent d’ailleurs être employées quand la suffocation est extrême, car elles aug- mentent momentanément les accidents dyspnéiques..….. Quant à l’admi- nistration interne de ce médicament, dans le cas de dyspnée, nous n’avons jamais eu à nous en louer. » Les bons effets du datura stramonium dans l’asthme ne font plus doute. English rapporte (1) que, sujet à des accès d’asthme extrêmement violents que rien ne soulageait, il fut guéri immédiatement en fumant du datura stra- monium. Krimer (2) cite cinq cas d’asthme guéris. Meyer (3) l’a employé avec le même succès. Christie, Reid, Kipton, ont également publié des faits favorables à l’emploi de ce médicament. Laënnec en faisait usage dans les dypsnées. Martin-Solon, Andral, Cruveilher, se louent aussi des bons effets qu'ils en ont obtenus en s’en servant de la même manière. M. T., dit Lefchvre (4), qui a expérimenté cette plante sur lui-même, ne saurait lui donner trop d’éloges; il fume les feuilles de stramonium sous forme de cigarettes, et il dit que c’est au moment où on éprouve une sorte de vertige que le soulagement commence à se manifester; l'influence de cet agent se borne à modifier l’accès contre lequel on l’emploie, il n’a aucune action sur Je paroxysme suivant, qui, dit-il, n’en arrive pas moins avec toute son intensité. Le temps n’a fait que confirmer à mon confrère M. T. les avan- tages qu'il lui avait reconnus pour arrêter instantanément le développement général et dans un peu plus du tiers des cas de délire partiel. Les narcotiques considérés en particulier, du moins l’opium et ses principes, la jusquiame et la belladone, se comportent, à peu de chose près, de la même manière. 8° Sous le rapport des doses à administrer, l’opium, le chlorhydrate €e morphine et le da- tura stramonium marchent à peu près sur la même ligne. Pour produire les mêmes effets curatifs, il faut donner la jusquiame ct la belladone à des doses doubles, et la mandragore à des doses triples. 9° Les doses doivent être en général graduellement élevées jusqu’à ce qu’il survienne des phénomènes psychiques d'intoxication, car la guérison ou l'amélioration ne survient, dans la majorité des cas, que sous l'influence de ces phénomènes. Dès qu'on voit le délire redoubler ou tendre à se généraliser, il faut alors suspendre l’emploi de la médication, sauf à y revenir ultérieurement, si l'influence favorable de l’intoxication n’a point eu lieu du premier coup. 10° Les phénomènes psychiques d’intoxication sont plus facilement produits par l’epium, le chlorhydrate de morphine et le datura stramonium que par la jusquiame, la belladone et la mandragore; et ceux que déterminent ces trois derniers narcotiques influent moins que les premiers sur la guérison ou l’amélioration plus ou moins durable. (1) Edinb. med. and surg. Journ., 1811, t. VII. {3) Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences médicales, t. X, p. 375. (3) Journal de Hufeland, avril 1827. _(4) De l'asthme, mémoire couronné par la Société royale de médecine de Toulouse. Paris, 1817, p. 108 et 180. L 3 ; ù STRAMOINE. 1029 des accès d'asthme; seulement il l’'emploie pur et sans mélange avec le tabac. Un autre médecin de mes amis, qui est asthmatique depuis plus de quarante ans, ne s’est décidé à y recourir que dans ces dernières années, et il le vante avec enthousiasme... La meilleure manière de l’administrer consiste à hacher les feuilles comme on fait du tabac, à en charger des pipes ordi- naires, ou mieux encore à em faire des cigarettes en papier, à la manière espagnole, On doit se borner d’abord à une ou deux pipes ou cigarettes, pour augmenter plus ou moins vite, suivant le résultat, Il est rare que le soulagement ne se manifeste pas très-promptement. Quelques asthmatiques se bornent à fumer le stramonium lorsqu'ils ressentent les avant-coureurs d’un accès, qu'ils parviennent ainsi à enrayer... Plusieurs médecins conseil- lent de ne prescrire ce médicament qu'après s'être assuré qu'il n'existe aucune phlogose pulmonaire. » (Les malades se plaignent souvent de l’abondante fumée que dégage le stramonium; on peut facilement y remédier en arrosant 1 kilogr. de feuilles, par exemple, avec une solution de 100 gr. de nitrate de potasse.) Meyer recommande de commencer par une demi-pipe, surtout pour les personnes non habituées à la fumée de tabac, les femmes surtout, et de cesser au bout de quinze jours si ce moyen ne soulage pas. On peut aug- menter graduellement jusqu'à deux pipes par jour, ou jusqu’à produire le vertige. (Dans ces derniers temps, on a proposé plusieurs papiers, cigarettes, tubes, etc., antiasthmatiques, où la partie active était toujours la stramoine, seule ou jointe aux autres solanées vireuses.) L'efficacité de la belladone dans la coqueluche et les toux nerveuses a fait présumer avec raison celle du stramonium. On a en effet employé ce der- nier avec avantage dans la période non inflammatoire de la coqueluche et dans les toux nerveuses accompagnées ou non de lésions organiques du larynx ou des poumons. Dans ces cas, le datura s’administre à l’intérieur sous forme d'extrait, de teinture ou d’infusion, ou bien en fumée, comme pour l’asthme, ou en fumigations de vapeur inspirée au moyen d’un appareil particulier. Ward (1) pense qu’on pourrait donner avec avantage la teinture de stramoine dans le catarrhe pulmonaire. Mérat et Delens disent l'avoir employée avec beaucoup de succès dans un cas de catarrhe chronique. Ducros jeune (2) a employé le datura avec succès dans un cas d’angine de poitrine. (Généralisant aux autres solanées l'emploi de la belladone dans l’inconti- nence nocturne d'urine, spécialement observée chez les enfants, j'ai mis en usäge, avec succès, l'extrait de stramonium à la dose graduelle de 1/2 à 2 ou 3 centigrammes tous les soirs. Comme la belladone, cet agent diminue l'irritabilité excessive des fibres musculaires vésicales, contre lesquelles le sphincter est impuissant à lutter. Ici, la stramoine comme la belladone agit sur l’ensemble du plan musculaire du corps de l'organe, et non spécifique- ment sur le seul sphincter. Par la mise en œuvre de ses effets physiologi- ques, constatés expérimentalement pour la belladone par Commailles, elle atténue l’excitabilité des fibres.) Une douleur quelconque peut être combattue par l’usage interne du stra- monium comme par celui de la belladone, mais avec plus d'activité. C’est surtout dans les névralgies que le stramonium triomphe. Lentin (3) dit que le seul remède dont il ait eu à se louer dans le traitement de ces affections, est la teinture de stramonium administrée à l’intérieur à la dose de 4 ou 5 gouttes toutes les trois ou quatre heures. James Begbie donnait (1) Bibliothèque médicale, t. LX, p. 271. (2) Gazette des hôpilaux, 10 janvier 1837. (3) Journal de Hufeland, t. IX. 1030 STRAMOINE. avec succès, dans les mêmes affections, l’extrait de cette plante à la dose de 1 centigr. 1/2, et jusqu’à 10 centigr., toutes les trois ou quatre heures. Hu- feland donnait, comme antinévralgiques, l'extrait à la dose de 5 milligr. à 2 centigr., et la teinture vineuse des semences à celle de 10 gouttes toutes les trois heures, dans une infusion de mélisse. Vaidy (1) a rapporté deux cas de névralgie faciale où il a employé avec succès la stramoine. Dans le pre- mier, il donna 2 centigr. 1/2 d'extrait de semences par jour, et quatre prises suffirent pour assurer la guérison du malade; dans le second, il prescrivit 5 centigr. d'extrait des capsules, et, après en avoir pris 40 centigr., la ma- lade (c'était une femme) fut tellement soulagée qu’il ne jugea pas à propos de continuer. Pendant l’usage de ce remède, il y avait des étourdissements, des vertiges, de la sécheresse au gosier, accidents qui cessèrent en discon- tinuant l'emploi du médicament. Kirckhoff (2) rapporte quatre cas de né- vralgies (la plus récente durail depuis neuf mois) qui avaient leur siége dans différentes régions, et dont il obtint la guérison au moyen de frictions faites sur le trajet douloureux avec la teinture de feuilles de stramonium. Ces frictions doivent être continuées quelque temps après la guérison dela ma- ladie. Marcet (3) a donné avec un succès complet 1 centigr. 1/2 à 2 cen- tigr. 1/2 par jour d'extrait de semences de cette plante dans deux sciatiques et plusieurs tics douloureux de la face qui avaient résisté aux autres re- mèdes. Les faits rapportés par Wendestadt de Henfeld (4) ne sont pas moins concluants. Orfila (5) a vu une céphalalgie se dissiper par l'emploi de 10 cen- tigr. d’extrait de stramonium, qui causa d’abord un narcotisme effrayant. Au Brésil, au rapport de Martius (6), on emploie la décoction de stramonium en gargarisme contre les douleurs dentaires et le gonflement des gencives. Trousseau et Pidoux ont fréquemment employé cette plante dans les né- vralgies superficielles, surtout dans celles de la face, du cou et du cuir che- velu. C’est un des médicaments qui leur ont le mieux réussi. Ils l’emploient moins à l’intérieur qu’extérieurement sous forme d’emplâtre, de teinture, de pommade, etc. (parties égales de cérat et d'extrait alcoolique); ils ont également eu recours à l’application de l’extrait de datura sur le derme dé- nudé, et ils en ont obtenu des résultats extrêmement satisfaisants, surtout dans les névralgies profondes; mais quelquefois ils ont été forcés de re- noncer à ce moyen, à cause de la douleur que causait le contact de ce mé- dicament avec le chorion. On a retiré de grands avantages du stramonium, soit à l’intérieur soit à Pextérieur dans le rhumatisme chronique et même dans le rhumatisme aigu. Zollickoffer (7) l’a mis en usage de l’une et l’autre manière dans le rhumatisme chronique. Il se sert : 1° d’une teinture composée de 30 gr. de semences sur 250 gr. d'alcool, dont la dose est de 8 à 12 gouttes par jour, en augmentant progressivement jusqu’à ce qu’il survienne du malaise et des étourdisse- ments ; 2° d’une pommade composée de deux parties d’axonge sur une de feuilles de stramonium, qu’on fait cuire à un feu modéré. Lorsque la tête se perd par l’effet de la teinture, on cesse l’usage de cette dernière pour se borner à des frictions sur la partie douloureuse avec cette pommade. L’au- teur rapporte un grand nombre de cas de guérison par ce double moyen. Van Nuffel (8) guérit un manouvrier atteint depuis longtemps de douleurs intolérables à l'épaule droite, en lui administrant par cuillerées d’heure en (1) Journal complémentaire des sciences médicales, t. VIIT, p. 18, et t. XI, p. 176. (2) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. XI, p. 197. . k (3) Medico-chirurgical trans. of London, 1816, t. VIII, et Journal universel des sciences mé- dicales, t. XVI, p. 107. (4) Bulletin de thérapeutique, 1837. (5) Nouveau Journal de médecine, décembre 1819. (6) Journal de chimie médicale, 1827, t. II, p. 550. (7) Revue médicale, t. XI, p. 469. (8) Nouvelle bibliothèque médicale, t. IT, p. 451. STRAMOINE. 1031 heure le mélange de 10 centigr. d’extrait de stramonium dans 250 gr. d’eau distillée; on frictionna en même temps la partie douloureuse avec un lini- ment composé de 2 gr. du même extrait et de 125 gr. d'huile d'olive : en moins de huit jours la douleur avait disparu. Il prit en tout 14 décigr. d’ex- trait à l’intérieur et 12 gr. en frictions. « De tous les remèdes que j'ai em- ployés pour combattre le rhumatisme chronique, je n’en ai point trouvé de plus efficace, dit Kirckhoff (1), que la pomme épineuse, dont je ne cesse de- puis plusieurs années d'obtenir les meilleurs effets. Je l’administre, à l’inté- rieur, sous forme d'extrait préparé avec les feuilles, en commençant par un grain (à centigr.) pour vingt-quatre heures, dose que j'augmente journelle- ment et par gradation jusqu’à ce qu’il se manifeste de la sécheresse à la gorge, des vertiges et la dilatation de la pupille, J’emploie également à l’ex- térieur, sur les parties douloureuses, de légères frictions avec la teinture de stramoine, ou bien les feuilles de cette plante en cataplasme et dans les bains chauds. A. Lebreton, de Paris, a préconisé la méthode suivante dans les rhumatismes articulaires ou interarticulaires aigus : il donne l'extrait de semence à la dose de 4 centigr. toutes les trois heures, jusqu’à ce qu'il se manifeste du délire. Le délire obtenu, il diminue la dose de manière à laisser persister ce symptôme pendant trois ou quatre jours; puis il suspend tout à coup l'emploi du datura. Par cette médication, Lebreton prétend guérir en peu de jours les rhumatismes synoviaux, fébriles et généraux. Marcet, Amelung, Read (2), Angelhart (3), ont eu à se louer de l'emploi du stramo- nium dans le traitement du rhumatisme. Dans les rhumatismes interarticulaires et dans les rhumatismes articu- laires chroniques, aussi bien que dans les sciatiques chroniques, Trousseau et Pidoux se sont bien trouvés de l’administration de pilules composées de > milligr. (1 dixième de grain) d'extrait de stramoine et d’opium, à prendre de 2 à 10 par jour, jusqu'à ce que la vue soit notablement troublée. On en continue l’emploi pendant quinze jours ou un mois, même après l’entière disparition de la douleur. Marcet (4) a employé le stramonium avec avantage dans le cancer et l’as- cite. Elletore et Bréra, à Pavie, ont communiqué à Harles (5) des faits en faveur de l’usage de cette plante dans l’hydrophobie. D’après Maly (6), le datura ferait disparaitre les accidents spasmodiques les plus graves des or- ganes sexuels, ce qui ne s'accorde point avec les propriétés aphrodisiaques de cette substance. Il prétend avoir guéri en très-peu de temps plusieurs cas de nymphomanie, en donnant, de deux en deux heures, dans un liquide approprié, à gouttes de teinture alcoolique de stramoine. (Dans plusieurs cas d’éclampsie puerpérale, Salter (7) a obtenu de beaux résultats de l’usage de la teinture de stramonium à la dose totale de 1/2 once.) Bretonneau, de Tours, prescrit ce qui suit contre la constipation compli- quant la dyspepsie. Faites préparer un certain nombre de pilules d'extrait de datura de 4 centigr.; pendant trois jours, donnez-en une; pendant cinq jours, deux, et, si le ventre ne devient pas un peu plus libre, on arrivera à trois pilules. Chacune de ces doses quotidiennes doit être prise tout en- tière, le matin, au début du premier repas (8). A l’extérieur, on se sert de la stramoine en décoction, fomentation, bain, (1) Journal complémentaire des sciences médicales, t. XXVII, p. 191. {2) Trans. medico-chir. (3) Diss. be À de datura stramonio, etc. Utrecht, 1823. (4) Medico-chir. trans. of Lond., 1816, t. VIII. : rip de l’hydrophobie et de l'efficacité du stramonium dans cette maladie, Franc ort, in-/°, (6) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. T, p. 38. *(7) Annales médicales de la Flandre occidentale, 1859, no 11. (8) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, janvier 1857. 1032 SUMAC VÉNÉNEUX. cataplasme, etc., sur les ulcères cancéreux, les chancres, les brûlures, les hémorrhoïdes douloureuses, les engorgements laiteux des mamelles avec douleurs vives, certaines tumeurs inflammatoires très-douloureuses, telles que l’orchite, le panaris, où elle procure, comme la belladone et la jus- quiame, un prompt soulagement, et quelquefois même l’avortement de l’in- flammation. Mais ces applications ne sont pas sans danger, lorsque, comme dans les brülures, le derme est mis à nu. Le suc de stramoine entre à la dose de quelques gouttes dans les collyres; il n’est pas moins efficace que la belladone pour faire cesser la contraction de la pupille, pour calmer l’excessive sensibilité et les douleurs de l'œil, pour combattre l’ophthalmie, la photophobie, etc. (La DATURINE est beaucoup moins employée que l’atropine, dont elle par- tage les propriétés physiologiques et thérapeutiques (voyez p. 142 et 182). Jobert de Lamballe (1) la préfère comme agent mydriatique. Les principales raisons de cette préférence sont pour le collyre de daturine l'absence de douleur à son contact avec la conjonctive et l’action perturbatrice moins grande sur la vision. On a employé la daturine en injection hypodermique à la dose de 1 trentième de grain pour 4 gouttes d’eau. Il y a pour ce mode d'introduction des médicaments un engouement très-naturel, mais qu’il ne faudrait pas, nous le pensons, porter trop loin. Nous hésiterions beaucoup à tenter des essais de ce genre avec l’alcaloïde qui nous occupe.) SUMAC VÉNÉNEUX. Rhus toxicodendron. L. Toxicodendrum triphyllum glabrum. C. Baux, TourN.— Rhus radicans. L. Rhus toxicodendron. — Toxicodendron. Arbre à la gale, — herbe à la puce, — porte-poison. TÉRÉBINTHACÉES. — PISTACIÉES. Fam. nat. —- PENTANDRIE TRIGYNIE. L. Le sumac vénéneux ou rhus toxicodendron (PI. XXXIX), arbuste de l’Amé- rique du Nord, est cultivé en France dans les jardins, où il se multiplie avec la plus grande facilité. Les deux espèces désignées par Linné sous les noms de rhus radicans et rhus toxicodendron, n’en forment qu'une seule dans les auteurs modernes. Seulement, il y a cette différence que dans la première les folioles sont glabres et entières, tandis qu’elles sont incisées et pubes- centes en dessous dans la seconde. (Bosc, ancien consul aux Élats-Unis, a constaté l'identité complète du rhus radicans et du rhus toxicodendron. Ce sont deux états différents d’un même individu. Dans sa jeunesse, ce végétal rampe sur terre, et ses feuilles sont toujours dentelées ou sinuées, toujours velues : il est toxicodendron; mais aussitôt que sa tige rencontre un arbre, il s'y cramponne par des su- çoirs radiciformes, et s'élève graduellement contre son tronc : il devient radicans.) Description. — Racines latérales, nombreuses, se fixant sur les arbres par de petits suçoirs. — Tiges rampantes et divisées en rameaux nombreux et grimpants, par- venant quelquefois jusqu'au sommet des arbres. — Feuilles alternes, longuement pé- tiolées, à trois folioles pédicellées, minces, ovales, dont deux latérales à court pétiole et une impaire. — Fleurs d’un vert blanchâtre, dioïques, disposées vers l'extrémité des rameaux, en grappes courtes, latérales, axillaires, glabres, peu ramifiées (juillet-août). — Fleurs mâles plus grandes que les femelles et sur des pieds différents, composées d’un calice très-petit à cinq divisions. — Corolle à cinq pétales allongés, obtus. — Cinq étamines courtes et saillantes à anthères très-petites. — Fleurs femelles : un ovaire uniloculaire surmonté d’un style court à trois stigmates. — Fruit : petite drupe renfer- mant un noyau dans lequel se trouve une petile graine globuleuse et osseuse. (1) Annales d'oculistique, septembre et octobre 1861. SUMAC VÉNÉNEUX. 1033 Parties usitées, — Les feuilles, (Culture. — Le sumac vénéneux est originaire de l'Amérique du Nord et plus particulièrement de la Virginie et du Canada. Il croît en pleine terre dans nos climats. Tous les sumacs peuvent être propagés par semis en pépinière que l’on repique plus tard, par drageons, par boutures, et par éclats de racines. On les trouve dans les jar- dins botaniques et d'agrément. | (Récolte. — Pour que ce végétal qui nous occupe jouisse de toute son activité, on doit le recueillir dans le mois d'août, et surtout en automne. Il faut le choisir de préfé- rence dans un lieu humide exposé au midi.) Propriétés physiques et chimiques, — La saveur et l'odeur du rhus toxicodendron sont peu remarquables, Il existe autour de cette plante une atmosphère malfaisante formée par les efluves qui s’en dégagent ; elle s'étend dans un rayon de 5 à 6 mètres, et produit, sans contact de l'arbre, des accidents divers. Les produits de l'exhalation naturelle de la plante, recueillis en plein jour, sont du gaz azote et une eau insipide, tous les deux fort innocents; au contraire, le gaz que l’on recueille après le coucher du soleil est de l'hydrogène carboné mêlé à un principe âcre particulier. Séchées ou seulement fanées, les feuilles de cet arbrisseau ne fournissent plus d’émanations nui- sibles ; la coction produit le même effet. Le bois de cet arbuste est rempli d’un suc jaunâtre, gluant, laiteux, abondant lors de la floraison, et qui disparaît à la maturité des fruits. Van Mons, qui s’est particulièrement occupé de l'analyse du rhus radicans, y à trouvé du tannin, de l’acide acétique, un peu de gomme, un peu de résine, de la chlo- rophylle, un principe hydrocarboné. La matière hydrocarbonée serait, suivant cet obser- vateur, la partie âcre et vénéneuse de la plante. Van Mons ne parle pas de la matière ui existe dans les feuilles, qui devient noire à l'air, et que l’acide nitrique ou le chlore ait également passer au noir. Le suc exprimé se couvre à l'air de pellicules formées par la même altération, résultat d’une véritable oxydation. Il paraît que cet effet cesse de se manifester dans la plante sèche. (Ce suc, qui se dessèche et noircit aux points de sec- tion des branches, est luisant, rappelle la fausse gomme copale, produit d’une espèce américaine (rhus copallinum), et pourrait être utilisé de même, en ayant soin de l'ex- traire en novembre, époque où le suc n’est plus vénéneux.) PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — JInfusion, 1 à 2 gr. par 150 distillée, à prendre par cuillerées à thé plu- d'eau bouillante. sieurs fois par jour, progressivement jus- Extrait aqueux, de 30 centigr. à 1 gr., trois qu’à 30 gouttes. ou quatre fois par jour, et progressivement | (Alcoolature : doses moitié moindres que la de 4 et 8 gr. chaque fois. (Cette prépara- teinture; car, faite avec parties égales d’al- tion doit être faite avec la plante fraiche.) cool et de feuilles fraiches triturées, elle Sirop (2 de teinture sur 7 d’eau et 25 de su- contient un principe âcre, mais fugace.) cre), de 15 à 30 gr., en potion. Poudre, 6 décigr. par jour en plusieurs prises. Teinture, 4 à 10 gouttes dans 60 gr. d’eau (Bréra.) Le résultat de l'absorption des émanations du sumac a lieu au bout de peu d'heures, et parfois après plusieurs jours seulement; il consiste en déman- geaisons, gonflement, rougeur, douleur et pustules plus ou moins vésiculeuses sur la région qui a été en contact avec les parties du végétal, et même, comme nous l'avons déjà dit, sur celles où il n’y a eu nul attouchement, comme le visage, le scrotum, les paupières, etc. Cet état est ordinairement accompa- gné de fièvre, de malaise, d’oppression. Fontana ayant touché, à trois re- prises différentes, quoique à plusieurs jours d'intervalle, les feuilles du rhus toxicodendron, éprouva quatre à six jours après un érysipèle à la face, sur la main, qui dura quinze jours. On cite un cas mortel (1) par suite d’attou- chement des parties sexuelles, après avoir manié des rameaux de ce végé- tal. Cependant, Double (2), ainsi que d'autres médecins, s’est frotté les poi- gnets et les bras avec le suc de rhus radicans sans en éprouver le moindre malaise, Versé sur la peau, le suc des feuilles la noircit comme le ferait un (1) Bibliothèque médicale, t. XXXVI, p. 395. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. II, p. 278. 1034 SUMAC VÉNÉNEUX. caustique, mais sans causer d’autre accident. Fontana (1) a vu ce suc ne produire aucun effet sur le tissu cellulaire de plusieurs animaux, ni même en le leur faisant avaler, et Boulon (in Alibert) se l’est inoculé impunément. Bulliard (2) dit en avoir mâché sans inconvénient. (Du reste, les inégalités d'action du sumac tiennent au moment de l’an- née où on observe et aussi aux dispositions individuelles inconnues où se trouvent les organismes sur lesquels ce poison agit.) D’après Orfila (3), la plante ingérée enflamme le tissu de l’estomac; un chien est mort vingt-neuf heures après avoir avalé 16 gr. de son extrait aqueux; on trouva l’estomac enflammé : 12 gr. de poudre sèche n’avaient produit aucun effet, Les observations de Fontana, Gouan, Amoureux, Van Mons, et les expé- riences d'Orfila, tendent à prouver : 1° que la partie la plus active du rhus toxicodendron est celle qui se dégage à l’état de gaz lorsqu'il ne reçoit pas les rayons directs du soleil; ® qu’elle agit comme les poisons âcres; 3° que l'extrait aqueux de cette plante, administré à l’intérieur ou appliqué sur le tissu cellulaire, détermine une irritation locale suivie d’une inflammation plus ou moins intense, et qu’il exerce une action stupéfiante sur le système nerveux après avoir été absorbé; 4° qu’il paraît agir de la même manière quand il a été injecté dans la veine jugulaire. , (A dose thérapeutique, l'estomac est très-légèrement excité, les urines et la transpiration deviennent un peu plus abondantes. Dufresnoy a observé que les malades, après un certain temps de l’usage des préparations de su- mac, étaient plus gais, plus satisfaits des autres et d'eux-mêmes.) Selon Trousseau et Pidoux, il ne résulte de son administration aucun in- convénient;-les fonctions digestives ne sont pas troublées, et elles acquiè- rent au contraire plus d’activité. Ils ajoutent qu’il ne se manifeste aucun phénomène nerveux, si ce n’est quelquefois un spasme de la vessie, qui fait éprouver aux malades un besoin fréquent d'uriner, une sorte de ténesme vésical; mais cet inconvénient cède promptement à l'emploi de lavements et de bains généraux. Toutefois, il ne faut jamais, sans précaution, ainsi que le fait judicieusement remarquer Giacomini, se permettre de prescrire une forte dose d'extrait tiré d’une plante vénéneuse, malgré l’inefficacité des doses ordinaires indiquées dans les bons traités de thérapeutique. Dufresnoy, professeur de botanique à Valenciennes, publia en 1788 des guérisons de paralysies, soit récentes, soit anciennes, par l’usage de cette plante. Depuis cette époque, Van Baerlen, Rumpel, à Bruxelles; Poutingon et Gouan, à Montpellier; Alderson, Kellie et Duncan, en Angleterre, ont employé ce végétal avec succès, surtout dans le traitement de la paralysie des membres inférieurs. Givesius (4) dit avoir guéri par ce moyen quatre malades sur cinq. Il est à remarquer que c’est particulièrement dans les cas où cette maladie est due à la débilité générale, au rhumatisme ou à la goutte, et non lorsqu'elle est le résultat d’une lésion cérébrale apoplec- tique. Bretonneau (5) assure avoir retiré de bons résultats de l'emploi du rhus radicans dans les paralysies consécutives à des commotions traumatiques de la moelle épinière ou à des affections n’entraînant pas de lésion organique. Ce médecin se sert de l'extrait préparé avec le suc non dépuré de la plante. On met les feuilles mondées dans un mortier de marbre, et on les pile avec un pilon de bois, en y ajoutant une petite quantité d’eau. On exprime et l’on évapore le suc èn couches minces sur des assiettes, à la chaleur de l’étuve. Le (1) Traité du venin de la vipère, t. II, p. 160. (2) Plantes vénéneuses, p. 334. (3) Traité de toxicologie, 5° édit., t. IT, p. 132. (4) Bulletin des sciences médicales de Férussac, 1825, t. VI, p. 98, (5) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. I, p. 91. SUMACG VÉNENEUX. 1035 mélange de 5 gr. de cet extrait avec quantité suffisante de poudre inerte, est divisé en vingt-cinq pilules. On commence par une et on augmente d’une nouvelle tous les jours, jusqu'à ce qu’on soit arrivé à seize. Chez l'enfant on commence par une pilule de 5 centigr. d’extrait, et on ne dépasse pas la dose de 50 centigr. par jour. Il paraît réussir spécialement dans la paraplégie des enfants. (Millon, dans un mémoire remarquable sur ce sujet (1), rapporte de nom- breux succès de paralysies guéries par cet agent. D’après l'analyse de ses observations et celle des auteurs qui l’ont précédé, ce praticien pense que la plante qui nous occupe réussit mieux dans le traitement des paraly- sies par cause externe que dans celles qui proviennent d’une cause inté- rieure. Dufresnoy a combattu les dartres rebelles par l'usage externe des feuilles ou des préparations de sumac; l’action se rapproche de celle des vésica- toires, comme le fait remarquer Millon; c’est en irritant et en substituant un état aigu à un état chronique qu’elles amènent la guérison.) Là ne se borne pas le bilan thérapeutique du sumac; on assure aussi avoir quelquefois guéri l’ambliopie et l’amaurose par l’usage de cette plante. Lichtentels dit avoir combattu, avec le suc de sumac vénéneux, des ophthal- mies herpétiques et scrofuleuses qui avaient résisté à une foule d’autres re- mèdes. Ammon et Grunner prescrivent, dans les mêmes affections, la tein- ture à la dose de dix gouttes dans 60 gr. d’eau distillée, à prendre par cuil- lerées à thé, plusieurs fois dans la journée. Elsholz (2) a employé, chez un enfant âgé de quatre ans, atteint d’une ophthalmie scrofuleuse rebelle, la teinture de rhus toxicodendron, qu'il fit prendre à la dose de 4 gouttes dans deux onces d’eau (une cuillerée à dessert trois fois par jour). Il augmenta insensiblement la dose jusqu'à 8, 16 et 32 gouttes sur la même quantité d’eau. Le succès fut surprenant. Baudelocque (3) a employé sans succès, contre la même affection, la tein- ture de sumac vénéncux, d’après l'indication de la pharmacopée de Saxe (suc récemment exprimé et alcool, parties égales, filtrés après plusieurs jours d’infusion). Duer a préconisé cette teinture contre le diabète et l’incontinence d'urine. (Descôtes, qui ignorait le fait précédent (4), a mis en usage l’extrait à la dose de 5 centigr. par jour chez une jeune fille de douze ans affectée de cette dernière infirmité. amélioration ne se fit pas attendre; mais des ver- tiges consécutifs à l'emploi de cet agent en ayant nécessité la suspension, les accidents reparurent, mais cédèrent à la reprise du même moyen. La rs absorbé pendant toute la durée du traitement s’est élevée à 2 gr. L’extrait est la forme la plus ordinairement usitée. Des médecins le croient vénéneux, tandis que d’autres lui refusent toutes propriétés, ce qui tient sans doute au mode de préparation. Souvent la manière de confectionner les extraits leur fait perdre leurs qualités, surtout si elles résident dans un principe volatil, SUMAC DES CORROYEURS. — ROURE ou ROUX DES CORROYEURS. — VINAI- GRIER. (Rhus coriaria. L. ; rhus folio ulmi. C. Bauh., Tourn.) — Cet arbris- seau croît aux lieux secs et pierreux, et sur les collines du midi de la France. On le cultive dans les jardins paysagers. Description. — Arbrisseau de 3 mètres. — Feuilles ailées. — Fleurs en pani- (1) In Journal de médecine, chirurgie et pharmacie de Toulouse, 1862, p. 335 et 374, et 1863, p. 8 et 48. (2) Encyclographie des sciences médicales. (3) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. VIII, p. 28. (4) Compte-rendu de la Société médicale de Chambéry. 1036 SUMAC VÉNÉNEUX. cules. — Fruit : baie munie d’une petite chevelure rougeâtre, d'une substance facile à rompre, contenant un noyau très-petit, avec une cicatrice d’un côté, très-difficile à rompre. Parties usitées, — L'écorce, les feuilles, les fleurs et les fruits. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Ge sumac contient une grande quantité de tannin (de 16 50 à 13 pour 400). Wagner.) (Suivant Stenhouse, ce tannin est le même que celui des galles, mais diffère de celui du chêne rouvre. D’après Wagner (1), au contraire, le tannin du sumac est identique à celui du hêtre, du chêne, etc., il le nomme {annin physiologique, parce qu'il se trouve à l’état normal dans la plante. Mais la plante qui nous occupe peut aussi être piquée par un cynips et porter des galles, qui alors fournissent le tannin qu'il appelle patholo- gique, et qui diffère chimiquement du précédent. De plus, le tannin physiologique seul forme du cuir pouvant résister à la putréfaction.) | Les feuilles, qui sont amères, acides au goût, servaient au tannage des cuirs chez les anciens, et sont encore employées à cet usage dans la Grèce, dans le Levant, en Pro- vence, etc. En Espagne et en Portugal, on coupe tous les ans les rejetons: on les fait sécher, et on les réduit en poudre, au moyen d’une meule verticale, pour la tannerie et la teinture, La couleur que ce végétal donne est d’un jaune un peu verdâtre. Il colore les étoffes de coton, passées à un mordant tel que l’acétate d’alumine, en jaune très-solide. Les Egypliens mettaient les graines de sumac dans les sauces pour les aciduler, ainsi que cela se pratique encore en Turquie, ce qui a valu à cet arbrisseau le nom de Vinaigrier. Au pays des Ottawey, en Amérique, on ajoute des feuilles de sumac au tabac, pour lui donner une odeur agréable, Ce sumac est un tonique astringent. La décoction de ses feuilles ou de ses fruits est employée dans les diarrhées et les dysenteries chroniques, les hé- morrhagies passives, le scorbut. L’extrait aqueux des fruits, à la dose de 8 à 45 gr., est plus actif. Pellicot (in Mérat et Delens) a donné la poudre des feuilles comme fébrifuge, depuis 15 jusqu’à 24 gr. par jour, dans sept cas de fièvres intermittentes, et pour toutes avec succès. Un tel résultat m’a en- gagé à employer ce moyen. A la dose de 15 gr., il a produit des nausées, des efforts de vomissement, sans résultat appréciable, dans deux cas de fièvre tierce. Prise dans une forte infusion de feuilles de calcitrape et de ra- cine d’angélique, la poudre de feuilles de sumac m'a réussi dans trois cas de fièvre tierce, sans produire ni nausées ni vomissements. Chez les trois ma- lades, l'accès a disparu complétement après la deuxième ou la troisième dose du médicament, portée pour l’un d’eux à 24 gr. à cause de la plus grande intensité des symptômes. A l'extérieur, la décoction des feuilles ou des fruits est employée en gar- garisme dans l’angine lonsillaire, le gonflement et l’ulcération scorbutique des gencives, la stomatile, etc. SUMAC FUSTET, — Fusrer, FUSTEC. (Rhus cotinus. L.) — Cet arbrisseau du midi de la France est cultivé dans les jardins pour la beauté de ses feuilles et surtout pour l'élégance de ses fleurs. Description. — Tige rameuse, de 4 mètres, formant buisson. — Feuilles presque rondes. — Fleurs verdàtres, petiles, en panicule, en forme de perruque. — Fruit ovale, avec lignes longitudinales, mais interrompues d’un côté, aux deux tiers supérieurs, par une petite cicatrice, très-petit et d’une substance cartilagineuse très-dure, contenant une graine. Les feuilles froissées ont une odeur de citron et une saveur amère-résineuse, Dans l’Asie-Mineure on en teint les peaux en jaune maroquin, et non en rouge comme on l’a dit dans le Journal de pharmacie (2). On à employé l'écorce du fustet contre les fièvres intermittentes. J Zsol- dos (3) s’est assuré que l'écorce peut remplacer le quinquina; on la fait sé- (1) Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie de Bruxelles, août 1867. (2) Tome XVII, 1831. Û (3) Journal de la littérature étrangère, t. XI, p. 222. SUREAU. 1037 cher à l'ombre après en avoir séparé la partie blanche. On l’emploie comme fébrifuge en Hongrie, en Servie, etc. On assure que des panicules de cet arbrisseau, tenues dans la main, ont suffi pour l’engourdir et y causer des vésicules. SUREAU. Sambucus nigra. L. Sambucus fructu in umbell nigro. C. BAUH. — Sambucus. Don. Sureau noir, — sureau commun, — séu, — saoû. CAPRIFOLIACÉES — SAMBUCÉES. Fam. nat, — PENTANDRIE TRIGYNIE. L. Cet arbre croît naturellement dans les haies. Il se plait dans les terrains gras et frais, etc., où il peut s'élever jusqu'à la hauteur de 6 à 9 mètres. Sa culture comme ornement a produit des variétés à feuilles découpées (S. la- ciniata, Mill.), panachées, à fruits verts, blancs, etc. Nous citerons encore le sureau à grappes (S. racemosa). L'ombrage du sureau est, dit-on, nui- sible à cause de son odeur forte. On dit que les baies tuent les poules, et que les fleurs sont funestes aux dindons. Les bestiaux ne mangent pas les feuilles de cet arbre; les chenilles ne les attaquent pas non plus; aussi a-t-on con- seillé, pour en préserver les fruits et les plantes oléracées qu'elles dévorent, de placer autour de ces productions des rameaux de sureau chargés de leurs feuilles et de leurs fleurs. Ces dernières, mises dans les hardes de laine, les préservent des teignes. Description. — Racine d’un bianc jannâtre. — Tiges droites, cylindriques, de 3 à 4 mètres et quelquelois plus, à écorce de couleur cendrée, à rameaux verdâtres, fistuleux, remplis d’une moelle tres-blanche. — Feuilles pétiolées, opposées, d’un beau vert foncé, ailées avec une impaire, à cinq ou sept folioles, ovales-lancéolées et dentées en scie. — Fleurs petites, blanchâtres, très-nombreuses, odorantes, disposées en co- rymbes terminaux et ombelliformes (juin-juillet). — Galice petit, glabre, à cinq décou- pures. — Corolle monopétale à cinq lobes concaves, obtus. — Cinq élamines alternant avec les lobes de la corolle et terminées chacune par une anthère jaune. — Trois stig- males sessiles. — Fruits : baies succulentes, presque globuleuses, rouges d’abord, puis noires à la maturité, contenant trois ou quatre petites graines allongées, friables. Parties usitées. — Les fleurs, les feuilles, les baies, l'écorce intérieure des branches et celle de la racine. Récolte.— Les fleurs doivent être récoltées vers la fin de juin, lorsqu'elles sont bien épanouies. 11 faut les sécher promptement, et les placer à l'abri de l'humidité, afin qu'elles soient d’un beau blanc avec une légère teinte jaune. Quand elles sont séchées trop lentement ou exposées à l'humidité, elles contractent une couleur brune qui en diminue la qualité. Les baies se récoltent en automne, la seconde écorce un peu avant la floraison. On obtient celle-ci en râclant légèrement avec un couteau l’épiderme gris, puis en enlevant par lambeaux l’écorce verte qui est dessous. Il faut l'employer fraîche, car la dessiecation lui fait perdre ses propriétés. Pour la seconde écorce de la racine, on prend les racines de 1 1/2 à 2 centimètres 1/2 de diamètre, comme plus succulentes ; on les dépouille du tissu cellulaire extérieur et de l’épiderme, en les frottant avec un linge rude; on enlève ensuite toute la partie charnue pour la piler et en retirer le suc. Cette racine brunit par la dessiccation. Son odeur est à peu près celle de la racine de réglisse, sa saveur douceâtre. [C'uiture. — Le sureau commun pousse partout. On s’en sert souvent pour faire des haies. On le propage de boutures, d’éclats de pied ou de drageons.] Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'odeur des feuilles de sureau, lorsqu'on les froisse, est très-désagréable ; les fleurs exhalent à l’état frais une odeur nauséeuse et comme fétide pouvant incommoder les personnes qui y restent longtemps exposées. A l’état sec, leur odeur est plus faible et moins désagréable; leur saveur est amère. Elles contiennent, d’après Eliason (1), de l'huile volatile, du soufre, du gluten, dt l’albumine végétale, de la résine, un principe (4) Neues Journal der Pharmacie. 1038 SUREAU. astringent, de l’extractif azoté, de l’extractif oxydé, quelques sels de chaux et de po- tasse. Suivant Gleitzmann, l’eau de fleurs de sureau contient beaucoup d’ammoniaque, et elle précipite abondamment le bichlorure de mercure et l’acétate de plomb. Ces fleurs, fermentées avec le vin, donnent à ce dernier une odeur de muscat très-agréable; les marchands de vin s'en servent pour fabriquer du vin de Frontignan. On s’en sert aussi pour parfumer le vinaigre. Les baies de sureau, appelées grana actes par les anciens, renferment un suc d’un rouge noir, d’un goût acidulé sucré qui colore la salive, et qui, frais, teint le papier en rouge violet. Ce papier teint, exposé à la vapeur de matières animales en putréfaction, se colore en bleu, d’après Chevallier ; il revient à la couleur rouge qui se nuance sui- vant les acides auxquels on le soumet, ce qui permet de les distinguer. En Angleterre, on prépare une sorte de vin avec les baies de sureau, que Thomson (1) dit être épais et narcotique, et dont on retire près du dixième d’alcool. Ces baies servent à la teinture des peaux en violet; on en teint les cheveux, ce que l’on faisait déjà du temps de Pline. Les oiseleurs tirent un grand parti de ces baies, pour attirer et prendre dans des filets les oiseaux, qui en sont très-friands. Les semences du sureau contiennent de l'huile grasse, que l’on peut extraire par ébullition dans l’eau, à la surface de laquelle on la recueille. La seconde écorce de sureau, qui est la partie usitée en médecine, a d’abord une sa- veur douceâtre, puis âcre et nauséeuse. Kramer (2) a trouvé dans cette écorce : de l'acide valérianique, des traces d’une huile volatile, de l’albumine végétale, une résine, un corps gras acide contenant du soufre, de la cire, de la chlorophylle, de l'acide tan- nique, du sucre de raisin, de la gomme, une matière extractive, de l’amidon, de la pectine, du malate de potasse, du sulfate de potasse, du chlorure de potassium, du phosphate de chaux, de la magnésie, de l'acide silicique et de l’oxyde de fer. Le bois du sureau est cassant, creux dans les jeunes tiges, qui sont remplies d’une moelle légère, blanche, spongieuse, appelée médulline; le pied et les parties dures ser- vent à faire des peignes, des boîtes, etc., qui ont la couleur et presque la dureté des ouvrages en bois de buis. Substances incompatibles. — Le deutochlorure de mercure, l'acétate de plomb. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR, — Décoction comme purgatif potion et comme véhicule de médicaments (20 à 30 gr. de Liber, de baies ou de feuilles | analogues. par 500 gr. d’eau), à prendre à jeun en | Extrait ou rob, 10 à 60 gr., comme sudori- deux ou trois fois à une demi-heure ou une | fique, quelquefois comme laxatif. heure d’intervalle. | | ? . . Suc de l'écorce moyenne, 15 à 100 gr., seul | À L'EXTÉRIEUR. — Fleurs en infusion, pour où HbIE A de vin'blane, fomentations, lotions, etc., on en sachets; Vin (150 gr. d’écorce intérieure pour 1 kilogr. | décoction de l’écorce ou des feuilles comme de vin blanc, vingt-quatre à quarante-huit résolutif, etc. heures d’infusion), 60 à 100 gr. et plus. Les différentes parties du sureau entraient Infusion théiforme des fleurs sèches, comme | dans la composition de plusieurs médicaments sudorifique (2 à 10 gr., et plus, par kilo- | officinaux : les fleurs dans l’eau générale, les gramme d’eau), à prendre par tasses | feuilles dans l’onguent martial, les baies dans chaudes. l’eau hystérique, etc., préparations tombées Eau distillée des fleurs, de 50 à 150 gr., en | dans un oubli mérité. ra propriétés thérapeutiques du sureau sont analogues à celles de l’hièble. La seconde écorce de sureau est la partie de la plante qui a le plus d'énergie à l’état frais. Son action sur les voies digestives se manifeste quel- quelois par des vomissements, ordinairement par des selles abondantes. On. a vu la violence de cette action, après l’ingestion d’une forte dose, produire des accidents et surtout un état de débilité et de somnolence qu’on a attribué à la vertu narcotique de cette plante, et qu’on peut regarder aussi comme l'effet de la concentration de la vitalité sur le tube gastro-intestinal. La propriété purgative de cette écorce est vulgairement connue depuis longtemps. Tragus l’employait en décoction dans le vin. Dodoens et Petrus Forestus parlent des propriétés hydragogues de son suc. Suivant Boerhaave, (1) Dolanique du droguiste, p. 371. (2) Journal de pharmacie du Midi. SUREAU, 1039 le suc de l'écorce moyenne de sureau, surtout celui de la racine, administré à la dose de 4 à 15 gr., est le meilleur de tous les hydragogues. Gaubius le préconise aussi contre les épanchements séreux. Sydenham donnait cette écorce en décoction dans l’eau et le lait (Voyez ci-dessus : Préparations phar- maceutiques). Mais il avertit que ce remède ne guérit l’hydropisie qu’en pur- geant par haut et par bas, et non point par une vertu spécifique. Martin Solon (1) donnait le suc exprimé de l'écorce de la racine à la dose de 45 à 60 gr, chaque jour, jusqu’à l’évacuation entière des eaux de l'abdomen. Ce médicament procure des selles liquides, faciles, et dont l’effet est terminé, dit-il, au bout de huit à dix heures sans vomissement ni fatigue. Il a vu des cas non équivoques d’ascite guéris par ce moyen, qu'il préférait aux autres hydragogues. Toutefois, il ne peut convenir que lorsqu'il n’existe aucune irritation phlegmasique des viscères abdominaux. D’autres médecins, tels que Réveillé-Parise, Bergé, Hospital, Mallet, ont employé le suc de l'écorce de la racine de sureau et en ont obtenu de bons résultats. Les donneurs de recettes, dans nos villages, conseillent contre l’hydropisie 30 à 90 gr. de suc de l’écorce intérieure du sureau, sur lequel ils font traire une pareille quan- tité de lait de vache, en rapprochant l’animal le plus près possible du ma- lade, afin qu'il puisse avaler ce mélange immédiatement et encore chaud. On met deux jours d'intervalle entre chaque dose, qui, en effet, est assez élevée pour exiger ce ménagement. J'administre ordinairement 32 gr. d’écorce moyenne fraîche de sureau en décoction dans un 1/2 litre d’eau, à laquelle j'ajoute autant de lait; le malade prend cette dose le matin en trois ou quatre fois. Le vin de sureau m'a réussi dans un grand nombre de cas d’hy- dropisie. Je le donne à la dose de 60 gr. le premier jour, et j’augmente gra- duellement jusqu’à 500 gr., en consultant toutefois l’état de l'estomac. Ces moyens m'ont réussi dans l’anasarque. Les premiers effets se manifestent par la diurèse ; les évacuations alvines n’ont lieu que lorsqu'on est arrivé à une dose assez élevée. J’ai vu employer aussi avec avantage le suc de l’écorce moyenne de sureau mêlé avec le vin blanc. La décoction Vandeberg, pré- parée avec cette écorce, les baies et le rob de genévrier, m'a été utile comme puissant diurétique, dans les infiltrations séreuses qui suivent les fièvres in- termittentes et dans l’anasarque. Borgetti d’'Ivrée (2) a employé la seconde écorce de sureau dans l’épilepsie, d’après le récit de quelques heureux succès obtenus par une personne étrangère à la médecine. On prend 50 gr. de la seconde écorce des branches d’un ou de deux ans; on verse dessus 150 gr. d’eau commune, chaude ou froide; on laisse infuser quarante-huit heures, on passe à travers un linge, en exprimant légèrement; à prendre à jeun par moitié, à un quart d'heure d'intervalle. On revient au même médicament tous les six, ou, au plus, tous les huit jours, et cela dans l’espace de deux mois. Si alors les accès d’épilepsie sont aussi intenses et aussi fréquents, il y a lieu de croire, dit Borgetti, qu’ils sont sympathiques d’une autre affection, ou entretenus par quelque vice organique congénital ou acquis. Ce médicament produit, du reste, ses effets ordinaires chez les malades : vomissements, évacuations al- vines répétées, vertiges; mais ces symptômes n’ont jamais entravé la conti- nuation du traitement. La seconde écorce de sureau a été employée en décoction et en cata- plasme comme résolutif et détersif. Une religieuse m'a assuré avoir toujours traité la teigne avec succès au moyen d’une pommade faite avec cette écorce fraiche pilée et bouillie dans l’axonge. Elle étendait cette pommade sur des feuilles de bardane qu’elle appliquait tous les matins sur la tête après avoir mis à nu le cuir chevelu au moyen de cataplasmes émollients, et regardait | (1) Dictionnaire des dictionnaires de médecine, t. VII, 330. (2) Gaz. med, Sarda et Bulletin général de thérapeutique, 1854. 1040 SUREAU. comme très-important le soin de préserver de l’action de l'air les parties affectées. La seconde écorce de sureau bouillie dans l’huile d'olive avec un peu d’eau, jusqu’à consomption de cette dernière, en mêlant à la colature quan- tité suffisante de cire, forme un onguent qui, appliqué sur les vésicatoires, en calme promptement l'irritaion et la douleur. Ce topique m’a constam- ment réussi : il entretient doucement la suppuration, et convient chez les personnes irritables. On en favorise l’effet au moyen du taffetas gommé placé entre deux linges. Les feuilles de sureau ont des propriétés analogues à celles de la seconde écorce. Elles sont laxatives, purgatives et diurétiques quand elles sont fraîches. Hippocrate en faisait usage dans l’hydropisie. Wauters dit que les paysans flamands emploient souvent, pour se purger, une décoction pré- parée avec le lait de beurre et les feuilles tendres de sureau. Selon Burtin (1) on les mange en salade dans les campagnes des environs de Bruxelles, pour obtenir le même effet. Radcliff, au rapport de Haller, se servait souvent de la décoction des jeunes tiges de sureau pour combattre lhydropisie (32 gr. par kilogr. d’eau, avec addition d’un peu de semence de carotte). Les feuilles fraîches et les jeunes pousses du sureau, frites dans du beurre frais ou broyées avec du miel, sont vulgairement employées comme laxa- tives dans la constipation; c’est un excellent moyen, il m’a réussi chez les vieillards atteints de constipation par inertie des intestins. Ces mêmes som- mités de sureau, infusées dans du petit-lait bouillant, agissent comme diu- rétiques, et conviennent dans les hydropisies, certains ictères, les engorge- ments atoniques des viscères abdominaux, la néphrite chronique, la gra- velle, etc. J'ai vu employer avec succès, contre les diarrhées et les dysenteries chro- niques, les feuilles de sureau récoltées au commencement de la floraison, séchées à l'ombre, pulvérisées, et infusées à la dose de 1 à 2 gr. pendant douze à quinze heures dans 120 gr. de vin blanc, que l’on administrait chaque matin jusqu’à guérison. Ce remède, que je tiens d’une dame chari- table, m’a réussi dans trois cas de diarrhée chronique, dont l’un durait de- puis six mois et avait résisté à l'emploi de tous les moyens rationnellement indiqués. La poudre de feuilles de sureau, donnée à petite dose, aurait-elle sur la muqueuse gastro-intestinale une action analogue à celle de l’ipéca- cuanba ? Les feuilles fraiches passent pour avoir la propriété de calmer les dou- leurs des hémorrhoïdes sur lesquelles on les applique. J'ai vu des paysans les employer en suppositoire, broyées avec l'huile d’olive ou d’æillette, et en éprouver du soulagement. Rudolphi cite un exemple de succès dans un cas semblable. Je Les ai employées une fois en pareil Cas, sans en retirer un avantage appréciable : la décoction de jusquiame dans le lait m'a mieux réussi. Vallez à publié, dans le Journal de médecine de Bruxelles, une note sur la composition d’un onguent destiné à arrêter le flux de sang trop abondant fourni par les veines hémorrhoïdales. Ayant eu plusieurs fois, dit-il, occa- sion de mettre en usage l’onguent résultant de la combinaison ci-dessous décrite, chez des personnes atteintes d’hémorrhoïdes fluentes, nous avons toujours observé que son application avait les résultats les plus heureux. Voici la formule : Extrait de feuilles de sureau, 4 gr.; alun calciné, 2 gr.; onguent populeum, 16 gr.; mêlez. On doit en oindre l’anus quatre fois par jour, à trois heures d'intervalle, avec gros comme une noisette chaque fois. S'il y à de la constipation, il est prudent d'ordonner un léger purgatif préalablement. Par ce moyen, la spongiosité du tissu muqueux, le grand nombre de vaisseaux sanguins qui sillonnent en tous sens la face interne du (1) Mémoire couronné en 1783 par l’Acad. des sciences de Bruxelles, p. 167. Bruxelles, 1784. SUREAU, 1041 rectum, se densifient, se resserrent, et les ouvertures qui livraient passage à la perte de sang se cicatrisent si immédiatement qu'elles résistent dans la suite aux efforts de la défécation. (Mais, ici, la plus grande part d’action ne revient-elle pas à l’alun.) Lorsqu'il est question de tumeurs hémorrhoïdales, c'est-à-dire d’hémor- rhoïdes sèches, on se trouve très-bien, suivant Vallez, d’un topique composé de feuilles de sureau et de persil à demi cuit en application immédiate; si ces tumeurs passent à l’état d’hémorrhoïdes fluentes, on aura recours au moyen précité. Le praticien prudent appréciera les cas où l’on peut, sans danger, em- ployer les moyens proposés par Vallez; il n’oubliera pas que les hémor- rhoïdes sont au nombre des maladies qu’il est souvent dangereux de guérir. Les fleurs de sureau fraiches ont jusqu'à un certain point la vertu purga- tive de l'écorce moyenne et des feuilles. Sèches, elles sont diaphorétiques, et leur action sur le système cutané est indépendante de la température de l’eau qui leur sert de véhicule; elle agissent à froid, mais l’infusion chaude favorise cet effet. J'en fais un grand usage dans le rhumatisme, les affections catarrhales, et lorsque, dans la variole et la rougeole, l’éruption languit par alonie, ainsi que dans les cas de rétrocession subite de ces exanthèmes. Une forte infusion de sureau et un pédiluve chaud ont rappelé, chez un en- fant de dix ans, l’éruption d’une rougeole dont la rétrocession, causée par l’eau froide en boisson, avait donné lieu à une oppression alarmante. J'ai vu des campagnards faire avorter la bronchite, l’angine, la pleurésie et même la pneumonie, par une transpiration provoquée au moyen d’une forte in- fusion de fleurs de sureau prise abondamment. Lorsque, dans la dernière période des phlegmasies muqueuses, le pouls devient mou, la peau souple, la diaphorèse, favorisée par l’infusion de fleurs de sureau, est très-avantageuse. Lorsque j'étais attaché, en 1806, comme chirurgien sous-aide à l'hôpital militaire n° 3 de Boulogne, je suivais le service des fiévreux, partagé entre les docteurs Liénard et Demont. Le premier, médecin de l’ancienne Fa- culté, traitait les fièvres qu’il qualifiait de putrides, de putrides-malignes, par queiques laxatifs au début, et l’infusion de fleurs de sureau nitrée et aci- dulée prise en abondance pendant tout le cours de la maladie. Le second, médecin de l’école de Pinel, donnait dans la première période de ces fièvres, qu'il désignait sous les dénominations d’adynamiques, d’ataxo-adynamiques, le vomitif et les laxatifs acidulés et stibiés; dans la période caractérisant l’adynamie et l’ataxie, l’eau vineuse, la décoction de quinquina, la potion antiseptique de la pharmacopée des hôpitaux (décoction de quinquina, 128 gr.; teinture alcoolique de cannelle, 8 gr.; acélate d’ammoniaque, 8 gr.; sirop d’œillet, 32 gr.), et les vésicatoires successivement appliqués et entre- tenus à la nuque, aux jambes et aux cuisses. La mortalité n’était pas plus grande d’un côté que de l’autre, et les deux médecins attribuaient leurs succès à la médication, sans se douter le moins du monde des efforts de cette bonne nature, qui guérit souvent quand même... Hévin (1) faisait usage de vapeur chaude de vinaigre de sureau pour favo- riser la résolution de l’amygdalite, après avoir calmé la véhémence de l’in- flammation. Lorsque, dans la phthisie pulmoraire, les crachats sont très- visqueux et difficiles à détacher, on fait respirer, dit Hufeland, des vapeurs de fleurs de sureau bouillies dans l’eau et le vinaigre. Je fais un fréquent emploi de l’infusion de fleurs de sureau sèches dans l'érysipèle, que je couvre de compresses imbibées de cette infusion tiède. Quoi qu’en disent les partisans des onctions d’onguent mercuriel, des vési- catoires, du collodium, etc., je me trouve fort bien de ces fomentations ; en Calmant les douleurs et l’ardeur qui caractérisent celte affection, elles en (1) Pathologie et thérapeutique chirurgicales, t. I, p. 124. 66 1042 TABAC. favorisent graduellement la résolution. On sait d’ailleurs, que l’érysipèle est presque toujours sous la dépendance d’un état inflammatoire ou bilieux, qu'il faut avant tout combattre par les moyens appropriés. Je dois faire remarquer que l’infusion de fleurs de sureau fraîches est trop active, appliquée sur l'érysipèle; elle peut augmenter inflammation au lieu de la diminuer ; mais elle convient beaucoup mieux contre les engorgements œdémateux, les tu- meurs froides, etc. En y ajoutant un peu d’acétate de plomb liquide, on en fait un excellent résolutif. J’emploie alors indifféremment les feuilles ou les fleurs récemment cueillies. Canquoin m'a dit avoir toujours employé avec succès, après les amputations et les ablations de tumeurs, pour prévenir l’érysipèle traumatique, l’infusion de fleurs de sureau aluminée (30 à 45 gr. d’alun sur 1 litre d’infusion). Les fleurs de sureau ont été considérées comme antiseptiques. « Le savant naturaliste et chirurgien Hoffmann, de Maestricht, dit Burtin, m'a assuré les avoir employées plus de cent fois contre la gangrène avec le succès le plus heureux et avec un effet beaucoup plus certain que celui du quinquina même, en les faisant infuser pendant quelque temps dans de la forte bière brune presque bouillante, et en enve- loppant, aussi chaudement que possible, toute la partie malade d’un bon pouce d'épaisseur. Burtin ajoute que ce remède s’est également montré efficace entre ses mains, dans deux cas de gangrène que le quinquina et le cataplasme de la pharmacopée de Vienne n'avaient pu guérir (1). Les baies de sureau sont purgatives. Hippocrate les employait comme drastiques dans l’hydropisie. Les campagnards les prennent en teinture dans du genièvre (60 à 100 gr. fraiches par litre), à la dose de 15 à 30 gr. trois fois par jour, comme diurétique et purgatif, contre le même état patholo- gique. Les médecins emploient le rob qu’on en prépare comme sudoritique, dans le rhumatisme, dans les rétrocessions exanthémateuses, la syphilis constitutionnelle. Il faut, pour en obtenir des effets marqués, le donner à grande dose. Les semences sont regardées comme laxatives; l’huile qu’elles fournissent est, suivant Ettmuller, un éméto-cathartique excellent, à la dose de quelques gouttes à 4 gr. TABAC. Nicotiana tabacum. L. Nicotiana major latifolia. C. Baux. — Hyosciamus Peruvianus. Don. Tabacum latifolium. BEsL. — Nicotiana. Orric. Tabac commun, — tabac vrai-nicotiane, — petun, — jusquiame du Pérou, — herbe de la reine, Catherinaire, — herbe du grand-prieur, — herbe de l’ambassadeur, — herbe sainte, herbe sacrée, — herbe de Sainte-Croix, —panacée antarctique, —tarnabonne, herbe de Ternabon, — toubac, — herbe à tous maux. SOLANACÉES. — NICOTIANÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante annuelle (PI. XXXIX), originaire du Mexique, est abondam- ment cultivée dans toute l’Europe. Jean Nicot, ambassadeur de François IE en Portugal, en envoya, dit-on, les premières graines en France en 1560, et en fit connaître les propriétés (2). Description. — Racine rameuse et blanchâtre. — Tiges cylindriques, fortes, rameuses, légèrement pubescentes, un peu fistuleuses, hautes de 14 mètre 50 centi- mètres à 2 mètres. — Feuilles grandes, amples, ovales-lancéolées, alternes, sessiles, (1) Mémoire couronné par l’Académie de Bruxelles, 1783, p. 168. (2) (L'origine des différents noms qu’on a donnés à la plante qui nous occupe offre un cer- tain intérêt. Les Indiens lui donnaient le nom de pelum. Tabac, vient de l'ile de Tabago (Mexique), où les Espagnols l’ont d’abord découverte. Ce que nous avons dit plus haut explique suffisamment l'appellation de nicoliane, que lui donna le duc de Guise. Le présent que Nicot en fit à Catherine de Médicis lui valut celle d'herbe à la reine, de Catherinaire. Ses autres noms historiques lui vinrent de ce que le cardinal de Sainte-Croix, nonce du pape en Portu- gal, et Nicolas de Tornabon, légat en France, introduisirent la plante en Italie.) TABAC, 1043 glabres où un peu glutineuses. — Fleurs rosées ou purpurines, disposées en panicules terminales (juillet-août). — Calice ovale, velu, persistant, à cinq divisions. — Corolle infundibuliforme, velue en dehors, à tube renflé, une fois plus long que le calice et à limbe divisé en cinq lobes aigus. — Cinq étamines à anthères allongées. — Un ovaire supérieur, — Un style à stigmate échancré., — Fruits : capsules ovales, biloculaires, à deux valves, s'ouvrant au sommet, contenant des semences nombreuses. (Il existe plusieurs espèces de tabac cultivé en France. On ne met en usage que le précédent et le tabac rustique (nicoliana rustica), ou tabac femelle, dont les feuilles sont pétiolées ou ovales, les fleurs en panicules plus serrés et de couleur verdâtre, Cette va- riété donne le tabac de Corse.) Parties usitées. — Les feuilles, rarement les graines. Culture et récolte. — La culture et la récolte du tabac, soumis au monopole et surveillés par l’administration des contributions indirectes, est du domaine de lagri- culture (1). Propriétés physiques et chimiques. — Le tabac est peu odorant tant qu'il est vert; ses feuilles ont une saveur amère et àcre. A létat de dessiccation, son odeur est très-pénétrante et agréable pour certaines personnes; d’après l'analyse de Vauquelin, les feuilles de tabac renferment de l’albumine, du malate acide de chaux, de l'acide acétique, du chlorure de potassium, du chlorydrate d’ammoniaque, un principe âcre volatile nommé depuis nicotine, et qu’on prépare en distillant les feuilles de tabac avec la potasse ou la soude. Les feuilles fraiches de tabac contiennent, d’après Posselt el Reimann, une base alcaline végétale (nicotine), une huile volatile particulière (nicotia- nine), de l’extractif, de la gomme, de la chlorophylle, de lalbumine végétale, du gluten, de l’amidon, de l'acide malique, du chlorhydrate d’ammoniaque, du chlerure de polas- sium, du nitrate de potasse et quelques autres sels ie nicotine — C?°H14 Az?, étudiée depuis par Boutron et Henry, Barral, Melsens, Schlæsing, T. Wertheim, Wurtz, Kékulé et Planta, Raewsky, etc., est un alcali orga- nique, liquide, incolore, brunissant à l'air, d’une odeur dont l’àâcreté est exagérée par l'élévation de la température, d'une saveur brûlante, soluble dans l’eau, l'alcool et l'éther, formant avec les acides des combinaisons définies et quelquefois cristallisables (tartrates, oxalates). | Elle a été trouvée dans les feuilles de tabac fermentées ou non, et dans les racines de la plante. Le tabac fermenté en contient moins, quoiqu'il soit plus odorant. Cela tient à ce que l’ammoniaque développé par la fermentation met l’alcaloïde en liberté. Elle est à l’état de combinaison (probablement malate de nicotine) dans la plante dans la pro- portion de 3.21 (Alsace, 3.21) à 8 (Lot, 7.96) pour 100. (La nicotianine est une huile essentielle solide, amère, répandant une forte odeur de tabac, insoluble dans l’eau, soluble dans l'alcool, l’éther et la potasse. Barral a signalé dans le tabac un acide particulier, l'A. nicotianique.) Les semences de tabac contiennent, d’après Parmentier (2), une huile grasse, douce, siccative et comestible : 500 gr. contiennent 105 gr. d'huile; et, comme ces graines sont excessivement nombreuses, puisque Linné a calculé qu'un seul pied pouvait en fournir 40,320 par an, on pourrait peut-être tirer quelque parti de ce produit, qui est ordinairement sans emploi. On emploie ordinairement en médecine les feuilles de tabac (fraiches ou sèches) telles que la plante les produit. (On met aussi en usage le tabac préparé, ou tabac de régie; mais ce dernier, en rai- son des opérations qu'il a subies pour le rendre odorant, et par la mise en liberté de l’alcaloïde qui est la conséquence de ces opérations, contient moins de nicotine que les feuilles sèches non travaillées. . Le tabac de la régie, dont les manipulations ne sauraient être reproduites ici, et pour lesquelles nous renvoyons aux ouvrages spéciaux, se divise en tabac à fumer gros el fin, en cigares, en tabac à priser et enfin en tabac à chiquer. Nous devons signaler le danger d’enfermer le tabac à priser dans des sacs doubles de papier de plomb, comme on le fait beaucoup en Allemagne. Mayer (3) cile cinq cas d'intoxication et de paralysie saturnines produites par l’usage de ce tabac. Il résulte (1) Voyez Maison Rustique du XIX° siècle, t. II, p. 47, la plupart des ouvrages d’ag icul- ture et la Flore médicale du XIXe siècle, de Reveil et Dupuis, 1865, où l’on trouve des dé- tails très-intéressants sur la culture et la manutention du tabac, la fabrication des cigares, etc. (2) Bulletin de la Socièté phil., t. X, p. 18. (3) Cité par la Gaxetle hebdomadaire de médecine, 31 juillet 1857. AAA TABAC. des expérience de Mondet qu’il se forme dans cette circonstance, sur la couche de mé- tal, du sous-acétate de plomb, qui se mêle à la pouére de tabac. Pendant l'acte de fumer, une partie de la nicotine est brûlée; l’autre est entraînée avec la fumée. Ce fait a été constaté de la façon la plus précise par Melsens, qui aurait obtenu environ 30 gr. de nicotine, en livrant à la combustion 4 kilogr. 500 de tabac préparé. Ù Pendant la combustion du tabac, surtout lorsqu'il est humide, il se dépose une huile empyreumatique; c’est cette huile qui constitue en grande partie ce que l’on nomme vulgairement le jus de culot de la pipe. Le cigare imbibé de salive, lorsqu'il est tenu directement entre les dents, en produit aussi souvent. D’après Richard, cette huile em- pyreumatique serait produite par la décomposition de quelques principes de la plante. En résumé, la fumée de tabac telle qu’elle sort de la pipe est un mélange d’air, d’a- cide carbonique, d'oxyde de carbone et de particules de matières carbonisées, dans le- quel on retrouve une quantité notable de nicotine {environ 7 pour 100), avec des traces d'huile empyreumatique et d’ammoniaque, lorsque le tabac est humide.) ’ PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion, 75 centigr. à 2 gr. par 500 #r. d’eau bouillante, comme éméto- cathartique (rarement employé). Vin (1 de feuilles sur 12 de vin), de 25 cen- tigr. à 2 gr. Sirop (8 de sucre s'r 6 d’hydromel, 1° d’oxy- mel et 12 de sucre, ou 1 de tabac sur 12 d’eau, 2 de réglisse, 24 d’eau et 16 de miel), de 10 à 30 gr., comme purgatif et vermi- fuge. Extrait, de 3 à 20 centigr., comme altérant; de 10 à 50 centigr., comme émétique. Teinture de Fowler {32 gr. de feuilles pour 500 gr. d’eau en macération au bain-marie ; à 120 gr. de cette infusion, ajoutez 60 gr. d'alcool), de 40 à 200 gouttes progressive- ment. A L'EXTÉRIEUR. — Décoction, de 10 à 30 gr. par kilogramme d’eau, pour lotions, fomen- tations, etc.; feuilles en cataplasme. Poudre (2 gr. pour 30 gr. d’axonge), en fric- tions. Fumée de tabac, en injections dans le rec- tum (1) ou dirigée sur des parties affectées de ntvralgie, de rhumatisme, de goutte, (NICOTINE. — A L'INTÉRIEUR. — De 1 à 3 gouttes dans un véhicule approprié, par jour, à doses fractionnées et graduellement. Rarement employée et demandant une grande circonspection. Voyez page 1061.) À L’EXTÉRIEUR. — De 10 à 30 gouttes, en in- jection dans la vessie. Teinture de nicotine : nicotine, 1 gr.; alcool faible, 30 gr. On en imbibe des com- presses qu’on applique sur les parties dou- loureuses. Le tabac entre dans la composition du baume tranquille, dans le sirop de Querce- tan et autres préparations aujourd’hui inu- sitées. (1) On a inventé un grand nombre d’appareils fumigatoires pour introduire la fumée de ta- bac dans le rectum. Le plus simple de tous et le meilleur est celui de Gaubhius. Il consiste dans un soufflet de cuisine dont le tuyau est garni de cuir pour ne pas blesser l'intestin, et à . l’âme duquel on adapte un entonnoir. La fumée, reçue dans ce dernier et introduite dans le soufilet, est pressée ensuite doucement dans le rectum. Suc (1 sur 3 d’axonge), pour pommade, etc. (Les exemples d’empoisonnement par le tabac et ses préparations four- millent dans les ouvrages classiques et les recueils périodiques. Les émanations du tabac peuvent suffire pour produire des douleurs de tète intenses, des vertiges, des tremblements, des vomissements opiniâtres. Ramazzini cite le fait d’une jeune fille qui eut tous les symptômes initiaux de cet empoisonnement pour s'être reposée sur des paquets de tabac en carde. Fourcroy, dans la traduction de l’ouvrage de ce dernier auteur, rap- porte le cas de la petite fille d’un marchand de tabac qui mourut dans des convulsions affreuses pour avoir couché dans un endroit où on en avait râpé une grande quantité. Introduit dans l’estomac, son effet primitif ou direct est de déterminer de l'irritation, des nausées, des vomissements, des coliques violentes, des déjections alvines abondantes, l’inflammation du tube digestif. Lorsqu'il est absorbé, il agit sur le système nerveux et produit des vertiges, du trouble de la vue, une céphalalgie persistante et un état profond de prostration accompagné de sueurs froides, alternant avec un état convulsif ou des trem- blements de tout le corps. Quelquefois il augmente l’action des reins ou celle de la peau, et provoque une diurèse douloureuse ou des sueurs abon- dantes. S'il a été pris en assez grande quantité et que la mort s’ensuive, TABA\C, 1045 celle-ci est précédée d’un moment de calme trompeur, mais le malade pà- lit, s'anémie profondément, s’affaisse insensiblement et s'éteint. A Pautop- sie, on trouve des traces d’inflammation sur les parties avec lesquelles le poison a été mis en contact. (Voyez NicoTiNE p. 1060.) Les effets que nous venons de décrire et dont l'étude physiologique sera complétée dans le courant de l'article, et au paragraphe traitant de la nico- line, sont également produits par le tabac en substance, par sa décoction, par son extrait aqueux, par son huile empyreumatique, par sa fumée, mais avec des degrés divers d'intensité; ils ont également lieu, soit qu'il soit in- troduit dans l'estomac ou dans le rectum (dans ce dernier cas, une dose moindre suffit), soit qu’il soit appliqué sur des surfaces dénudées ou sim- plement sur la peau excoriée. Murray rapporte l’histoire de trois enfants qui moururent en vingt-quatre heures, au milieu des convulsions, pour avoir eu la tête frictionnée avec un liniment composé de tabac, dans Pin- tention de les guérir de la teigne. L’Abeille médicale (mai 1858}rapporte un fait analogue, terminé par le retour à la santé, où l'huile empyreumatique de tabac employée en frictions sur un herpès tonsurans avait déterminé les plus graves accidents. Fourcroy a noté des symptômes d’empoisonnement causé par l’usage de la décoction de tabac en lotions contre la gale.) Le traitement de l’empoisonnement par le tabac est à peu près le même que celui que nous avons indiqué à l’article BELLADONE, p. 1436. Toutefois le principe irritant de la nicotiane produit souvent une angiothénie, avec état pléthorique général ou local qui nécessite impérieusement l’emploi de la saignée et des antiphlogistiques. Les vomissements violents et opiniâtres, plus particuliers à l’action de cette solanée, et dispensant de l’administration des vomitifs, réclament l'emploi de l’opium quand la congestion cérébrale n’en contre-indique pas l’usage, ou lorsque celle-ci a été combattue par les émis- sions sanguines. Si, après la disparition des symptômes nerveux, une vive réaction donne lieu à une inflammation plus ou moins intense, on devra la combattre par les saignées locales, les boissons mucilagineuses et abon- dantes, les bains, etc. Ici, comme toujours, la nature des effets produits peut seule diriger le médecin dans l'emploi des ressources que lui offre la thérapeutique. (Sans contredit, l’action nuisible du tabac ne se manifeste jamais plus souvent que lorsque cet agent est introduit dans l’économie par une habi- tude volontairement contractée. L'usage du tabac est telleinent répandu dans nos campagnes et parmi la classe indigente des villes, que le malheureux supporte plutôt la privation du pain que celle de cette plante, qu'il mâche, fume ou prise. L’ouvrier prend sur son salaire de quoi satisfaire une habitude qui lui fait perdre beaucoup de temps et le rend lourd, moins apte à se livrer au travail. Les priseurs., — Le tabac à priser, quelquefois conseillé comme moyen thérapeutique, appliqué sur la muqueuse olfactive, y détermine un senti- ment de titillation et de picotement suivi d’une sécrétion plus abondante, non-seulement des glandes de la pituitaire, mais aussi des glandes voisines, à moins que les parties ne soient accoutumées à son action par un long usage. Le plus souvent, en effet, l'habitude de priser devient une servitude, un besoin impérieux; mais l’irritation répétée que cause le tabac en poudre affaiblit l’odorat, l’hyperémie qu'il produit prédispose aux affections ulcé- ratives ou hyperplasiques (polypes). Puis, lorsque l’usage a produit l'émous- sement, le priseur doit aspirer fortement le tabac pour le faire monter à la partie supérieure des fosses nasales, où la pituitaire conserve encore quelque sensibilité. De là, par suite de la descente des mucosités, une partie de ce tabac tombe dans le pharynx, dans l’œsophage et finalement dans l'estomac. Dans ces organes, il agit à la fois comme irritant et comme poison âcre, et produit l’inflammation. 1046 TABAC. (Les effets secondaires de l’habitude de priser sont des vertiges, des maux de tête, des tremblements et même l’apoplexie.) Mon père fut appelé au mois de novembre 1858 au pensionnat de M.Taverne, de Boulogne-sur-Mer, pour secourir un jeune Anglais âgé de dix ans, atteint de violents vomissements, de défaillances, d’anxiété précordiale avec peti- tesse du pouls, pâleur de la face, crampes, etc., symptômes déterminés par l’action de deux prises de tabac successivement introduites dans le nez et tombées dans l’arrière-bouche. Cet état alarmant n’a cédé peu à peu, dans l’espace de quinze heures, qu'à l’usage très-abondant d’une décoction de graine de lin et de tête de pavot. Le malade est resté faible, chancelant comme après l'ivresse pendant près de huit jours. J. Lanzoni (1) rapporte l’histoire d’un soldat qui avait contracté une telle habitude de prendre du tabac, qu'il en consommait jusqu’à trois onces par jour; à l’âge de trente-deux ans, il commença à être atteint de vertiges bientôt suivis d’une apoplexie violente qui l’emporta. Le même auteur cite encore le cas d’une personne que l’usage immodéré du tabac d’Espagne rendit aveugle et ensuite paralytique. Les grands priseurs tombent quelque- fois dans une espèce d’imbécillité. « J’ai connu, dit Mérat (2), de ces pri- seurs intrépides qui étaient dans une sorte d’abattement continuel, qui, la bouche béante et les narines étoupées d’une croûte noire de cette poudre, ne savaient que fouiller sans cesse dans leur tabatière, et conservaient tout juste assez d’instinct pour cette action machinale. (Aux incrédules qui nieraient l’absorption du poison et ses effets délétères sur l’économie qu’elle empoisonne graduellement, nous pourrions encore citer le cas si remarquable de paralysie observée sur un médecin dont la disparition ou la réapparition était due à la suppression ou à la reprise de l'habitude; en dernier ressort, on leur mettrait sous les yeux les résultats remarquables des analyses minutieuses de Morin (de Rouen), qui a trouvé dans les organes (foie et poumons), d’un vieux priseur invétéré des quantités notables de nicotine (3). Les chiqueurs. — Ceux qui mâchent le tabac, et, si l’on en excepte la po- pulation maritime, c’est le petit nombre, n’éprouvent pas souvent de mau- vais effets de leur sale habitude, par la raison qu’ils rejettent la salive; s'ils en faisaient autrement et l’avalaient, ils éprouveraient les mêmes effets que : ceux qui ingèrent l'infusion de la plante. L’absorption est à peu près nulle dans la muqueuse buccale, surtout lorsqu'elle est intacte. Malheureusement l’usage prolongé de la chique l’irrite souvent, et il peut alors se produire des phénomènes d’intoxication. Ils ont été très-rarement notés. W. Scott à publié (4) un eas d’empoisonnement par cette voie, suivi de mort après sept jours. Marchal (de Calvi) a signalé un cas de paralysis agitans auquel il n’at- tribuait pas d’autre cause. D’après une statistique de Bergeron, citée par L. Figuier (5), le cancer de l’estomac est plus fréquent chez l’homme que chez la femme, et il faut en chercher la cause dans les funestes effets de la chique, Il ne faudrait pourtant pas oublier que les hommes boivent plus que la femme. Les fumeurs. — Les effets du tabac sont surtout très-manifestes chez les fumeurs inexpérimentés ou chez ceux qui, pour la première fois, sont en- veloppés d’une atmosphère chargée de fumée de tabac. Les accidents sont plus fréquents dans ce cas que dans l’acte de priser parce que, ainsi que l’a (1) Journal d'Allemagne, 1730, p. 179. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. LIV. (3) Recueil des travaux de l’Académie de Rouen et Gazetle hebdomadaire de médecine, dé- cembre 1861. (4) Medic. mirror, cité par le Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1867. (5) Année scientifique, dixième année, 1866, p. 257. TABAC. 1047 fait remarquer Bichat dans son Cours manuel de matière médicale, le poison passe avec l'air dans les voies aériennes. Ce poison, lorsqu'on n’en à pas l'habitude, peut produire les phénomènes les plus divers, depuis l’indispo- sition la plus légère jusqu'à l’intoxication aiguë et la mort. De la langueur, un malaise général, de la sécheresse à la gorge, un trouble dans les idées se produisent plus ou moins rapidement. Surviennent ensuite de la pesanteur à la tête, des vertiges, des tintements d'oreille, des défail- lances; puis le sujet est pris de tremblements nerveux; sa face décolorée se couvre d’une sueur froide et visqueuse; il se produit de fréquentes envies d’uriner, des nausées, des douleurs gastralgiques. Ces phénomènes sont les avant-coureurs du vomissement, qui rarement amène du soulagement. Le pouls est petit, fréquent, serré et intermittent; la respiration est laborieuse et suspirieuse ; puis des coliques aiguës déchirent les entrailles et se termi- nent par des évacuations alvines abondantes et fétides. Le calme revient alors, mais la faiblesse subsiste; le sommeil se produit, et le réveil amène un soulagement qui n’est troublé que par une céphalalgie sus-orbitaire plus ou moins intense. Les symptômes ne s'arrêtent pas toujours là; il se produit des symptômes plus graves de congestion cérébrale dont la paralysie est le résultat. Ces phénomènes peuvent amener la mort. On connaît le fait relatif aux deux frères dont parle Helwig, qui moururent dans un état léthargique pour avoir vidé, en fumant, l’un dix-sept et l’autre dix-huit pipes de tabac. Marshall Hall rapporte qu'un jeune homme fut pris de crampes et de convulsions pour avoir fumé dix pipes. Ce sont là des faits exceptionnels, et comme excès et comme effets produits. Le tabac n’est réellement nuisible que lors- que l'habitude est invétérée. On observe chez les fumeurs de profession des altérations locales de la muqueuse buccale et des symptômes généraux, qui frappent les appareils de la digestion, de la circulation, de la respiration et de l’innervation, , Le fumeur éprouve une sensation continuelle de chaleur dans la bouche et dans la gorge qui pousse à la soif. Ses lèvres et ses gencives sont enflam- mées, ses dents deviennent jaunes, et prennent une teinte enfumée, leur émail s’altère; le frottement du tuyau de la pipe arrive même à user com- plétement les canines. Son contact, surtout lorsqu'on use de la pipe dite brûle-queule et l’huile empyreumatique qui en sort produisent sur la mu- queuse de l’érythème ou même des aphthes et des ulcérations; il s'ensuit aussi quelquefois une altération de l’épithélium, qui devient épais et blan- châtre, puis passe à l’état d’épithelioma grave. Le brûle-gueule est en effet reconnu comme une des causes les mieux établies du développement du cancer épithélial papilliforme. D’après une statistique due à Leroy, le can- croïde des lèvres figure à peine pour un centième chez la femme, tandis que chez l’homme la proportion monte à plus d’un vingt-sixième. Le can- cer de la langue pourrait, comme ce dernier, mériter le nom de cancer des fumeurs. Cette action irritante locale a engagé Diday à prohiber formellement le tabac dans la syphilis, car il entretient les plaques muqueuses par cette irritation constante. Bien plus, il propage le virus, car un tuyau de pipe peut Le colporter et le transmettre (1). La sécrétion des glandes buccales et celle des glandes salivaires est aug- mentée; l’expuition fréquente qui en est la conséquence est repoussante et finit par épuiser. L’haleine contracte une odeur caractéristique des plus répugnantes que l’on parvient à peine à neutraliser par la racine d'iris, les tablettes de cachou, etc. Les fonctions digestives sont troublées; si la fumée de tabac est quelque- RS D: de D mm nue D rûne gr à uns mupitpe hp: ei (1) Histoire naturelle de la syphilis, leçons professées à l'Ecole pratique, 1863. 1048 TABAC. fois un léger excitant de la digestion, par l'abondance de la sécrétion gas- trique, qui paraît sympathiquement liée à celle de la salive (CI. Bernard), il est patent que l'habitude qui nous occupe détermine de la lenteur dans les digestions, de la dyspepsie flatulente ou atide; on l’a aussi accusé d’être une des causes efficientes du cancer de l’estomac. L'usage prolongé du tabac a sur les mouvements du cœur une action qui, pour n'être pas constante, n’en est pas moins manifeste. Le pouls est dés- ordonné et affecte le type cérébral. Il résulte des observations d'Emile De- caisne (1), que, sur quatre-vingt-huit fumeurs incorrigibles, il s’est rencon- tré vingt et un cas d’intermiltence du pouls, indépendante de toute lésion organique. Cet auteur pense que l'abus du tabac à fumer peut produire sur certains sujets cet état d’intermiltence qu’il propose d'appeler narcotisme du cœur. D’après Edward Smith (2), le danger devient réel lorsque l'organe central de la circulation est le siége d’une affection plus ou moins grave. Dans ces cas, l'usage du tabac précipite le mal et rapproche beaucoup le terme fatal (3). La circulation capillaire se trouve aussi impressionnée, les joues sont rouges et les conjonctives congestionnées; il n’est pas rare d'observer des apoplexies qui n’ont pas d’autre cause. Du côté des organes de la respiration, il se rencontre peu de modifica- tions. Beau a rassemblé un certain nombre de faits tendant à prouver l’in- fluence de la pipe et du cigare sur la production de l’angine de poitrire. Ces faits, dont l'interprétation est peut-être un peu hasardée, demande- raient à être étayés par de nouvelles observations. C’est sans contredit sur le système nerveux que l’on accuse le tabac de porter avec le plus d'intensité son action délétère. Il n’est pas d’imprécations que l’on n'ait proférées contre lui à ce sujet. Jolly, dans une très-intéressante communication à l’Académie de médecine, a résumé tous les griefs et lui a fait son procès en forme (4). Selon cet éloquent académicien, outre l’état d’hébétude momentanée, dans laquelle se plonge, s’absorbe le fumeur, ce dernier, en obéissant à sa funeste passion, irait au-devant des affections cérébrales les plus graves : congestion, vertiges, affaiblissement nerveux, paralysie des extrémités inférieures. Les statistiques médicales ont établi que les affections des centres nerveux, les maladies mentales, les paralysies générales et progressives, et les ramollissements du cerveau et de la moelle augmentent dans une proportion vraiment effrayante. Guislain avait déjà si- gnalé l'influence du tabac sur le développement des paralysies générales. D'accord avec la physiologie (voyez NicoTiNE), qui enseigne que la nico- tine porte surtout son activité sur la fibre motrice, Jolly a trouvé que les paralysies étaient surtout musculaires. Nous pourrions multiplier les exem- ples et parler des cas d’épilepsie publiés par Ch. Bastings, d’ataxie lo- comotrice cités par Michea, qui n'avaient d'autre point de départ que l’abus de la nicotiane. Le tabac se contente souvent de favoriser le développement du nervosisme. Sans vouloir accepter la véracité complète de ce tableau, dont les cou- leurs sont si sombres, il faut bien reconnaître que l'usage immodéré de cette solanée engourdit l'intelligence et diminue manifestement l'excitation des facultés d’expression orale et mimique. Bertillon (5) a demandé à la sta- (1) Cité par Garnier, Dictionnaire annuel des progrès des sciences et instructions médicales, 1864, p.107. (2) In Bulletin de thérapeutique, 30 avril 1864, p. 380. (3) Math. Fageret, Du tabac, son influence sur la circulation et l’innervation, thèse de Paris, 1867, n° 139, p. 28. (4) Bulletin de l’Académie impériale de médecine, février 1865; Eludes hygiéniques et mé- dicales sur le tabac, publiées par l’Union médicale, mème année, et analysées avec soin par L. Figuier. (Année scientifique, 1866, p. 250-264.) (5) Union médicale, 1866, n° 29. TABAC. 1049 tistique la preuve de l'incompatibilité de l'intelligence et du tabac. Il a montré que, dans les classements qui ont lieu trois fois l’an à l'Ecole poly- technique, les fumeurs occupaient toujours les places les moins bonnes. Dans la première série de vingt élèves, à peine un tiers ou un quart sont adonnés au tabac; dans les suivantes, au nombre de six, qui comptent cent vingt élèves, il y en a les trois quarts; dans la dernière les quatre cin- quièmes. L'ensemble des phénomènes constituant l’intoxication chronique par le tabac, phénomènes portant tantôt sur la digestion, la circulation, l’inner- vation, ou sur toutes ces fonctions en même temps, a reçu le nom de nico- tinisme. (Marchal, de Calvi.) Parent-Duchâtelet avait déjà signalé chez les fumeurs une diminution dans l'énergie des instincts génésiques. On est actuellement porté à ad- mettre que le tabac, non content d’attenter à la conservation de l'individu, porte une atteinte profonde à la reproduction de l'espèce. Pour en finir avec toutes les invectives publiées contre la plante qui nous occupe, citons la production de l’amaurose, signalée par Mackensie dans son Traité des maladies des yeux, puis par Sichel (1), Hutchinson (2), Word- sworth (3), et d’une otite spéciale amenant à sa suite une intense sur- dité (4). Toutefois les dangers de l’abus du tabac sont moindres chez les sujets lymphatiques ayant de l’embonpoint que chez les gens nerveux, bilieux, délicats, d’une constitution sèche; chez les personnes qui habitent les pays humides, bas, froids, marécageux, que chez celles qui reçoivent l’action vivifiante des régions sèches, élevées ou chaudes. Mais, comme le dit le Dictionnaire de Nysten dans l’excellent résumé qu'il consacre à cette question, le tabac n’est véritablement utile que pour les hommes livrés aux travaux manuels pénibles, en diminuant les sensations de fatigue et d’ennui; il le devient surtout lorsque ces travaux s’exécutent dans des atmosphères humides, miasmatiques, etc. (marins, mineurs, dé- bardeurs, égouttiers, charpentiers, couvreurs, etc.). Tous les moyens moraux dirigés contre l'habitude de fumer (5) doivent désormais être abandonnés, vu l’inanité des tentatives antérieures. Les moyens Coërcitifs n’ont jamais réussi; ils seraient du reste en opposition avec les intérêts du gouvernement, qui fabrique, patronne et vend le poi- son. Il est alors nécessaire de rechercher le mode de fumer le moins perni- cieux. Il est évident que la pipe turque et la pipe hollandaise sont moins dan- gereuses que le cigare, où il y a contact immédiat, Comme on sait que la fumée est chargée de nicotine, on à essayé de retenir cette dernière au moyen d’un appareil disposé dans le tuyau, et d’un agent y déposé, destiné à la neutralisation du poison. Latour du Pin a conseillé une boulette de co- ton imbibé d’une solution de tannin et d’acide citrique; d’autres auteurs, avec une solution de tannin seul. Les fumeurs connaisseurs refusent ces perfectionnements, parce que, le poison disparaissant, le parfum et l'effet stupéfiant disparaissent en partie. Malapert (6) conseille de ne pas fumer de tabac trop humide, et de ne fumer la pipe ou le cigare qu’à moitié. Jolly (1) Abeille médicale, 10 mai 1863, p. 148. (2) Archives générales de médecine, 1864, t. 3. (3) Dublin medical Press, 1863. Li Abeille médicale, 10 mai 1863, et Journal de médecine et de chirurgie pratiques, avril 1863. (5) Il ne faut pas cesser brusquement de se livrer à cette habitude; il faut diminuer gra- duellement le nombre des pipes ou des cigares, La suspension subite a quelquefois amené des accidents plus ou moins graves. ; (6) Union médicale, 6 janvier 1853, t. VII, p. 8. 1050 TABAC. croit qu’il vaudrait mieux éclairer les populations sur le choix des tabacs qui contiennent le moins de principes actifs. Nous ne pouvons nous empêcher de le dire, malgré les efforts de toute na- ture que l’on essaiera de tenter pour diminuer les funestes effets du tabac, l'habitude est invétérée, enracinée, et les raisons, même les plus convain- cantes, les menaces les plus effrayantes, viendront toujours échouer contre les éternels triomphateurs, le plaisir, la routine et l’oisiveté. Influence des émanations nicotiques sur les ouvriers des manufactures de tabac. — Les ouvriers qui débutent sont presque tous, surtout les femmes et les enfants, pris de céphalalgie plus ou moins intense, de vertiges, de cardial- gies, de crampes d’estomac, de nausées et même de vomissements. Il y a en même temps sentiment profond de lassitude et inappétence. L'ensemble. de ces phénomènes, qui durent de un à huit jours, se termine généralement par des évacuations abondantes; puis la santé rentre dans le calme. Ces symptômes sont peu marqués, si le sujet ne s’expose pas à absorber pendant trop longtemps les émanations nicotiques sur la peau et les pou- mons, (Parent-Duchâtelet.) L'opération la plus dangereuse serait, dans la fabrication du tabac à pri- ser, Celle du transvasement des cases. Suivant plusieurs auteurs, et à leur tête nous citerons Melier et Loiseleur- Deslongchamps (1), l’action nocive ne s’arrêterait pas là. Il se développe- rait une intoxication chronique, qui imprime à la constitution un cachet particulier, un changement profond tout spécial. Il consiste particulière- ment dans une altération du teint. « Ce n’est pas une décoloration simple, une pâleur ordinaire, c’est un aspect gris avec quelque chose de terne, une nuance mixte qui tient de la chlorose et de certaines cachexies (2). » Comme dans la chloro-anémie, le sang contiendrait moins de globules et recouvrerait sa composition normale par l’usage du fer. Mais l’existence de cette anémie spéciale n’est rien moins que prouvée, et la fabrication du tabac ne doit peut-être pas être plus incriminée que toute autre fabrication qui astreint les ouvriers à une existence sédentaire dans un milieu mal aéré. Berruti, professeur à l’Université de Turin, a publié un travail complet sur les maladies du personnel employé dans les deux grandes manufactures des Etats sardes, et il affirme que le fait d’un empoisonne- ment chronique lui parait une erreur d’observation. Igonin, médecin de la manufacture de tabac de Lyon, vient tout récemment de reproduire la même opinion étayée sur un grand nombre de faits (3). Pendant mon séjour à l'Ecole de médecine de Lille, j'ai fait des recher- ches dans le même sens. La fabrication des cigares employait alors une grande quantité de jeunes filles. Sur toutes celles qui entraient à l'hôpital, et dont la plupart travaillaient le tabac depuis plusieurs années, je n’ai ja- mais rencontré que des chloro-anémies communes, dont le développement se rattachait aux conditions étiologiques ordinaires, et qui ne pouvaient en rien être rattachées à l’insalubrité de leur profession. THÉRAPEUTIQUE. — L'introduction de la fumée de tabac a été recomman- dée depuis longtemps dans l’asphyxie, et surtout dans celle qui est pro- duite par la submersion, Pia, pharmacien philanthrope et échevin de Paris, a mis ces fumigations en vogue, et Cullen, Stoll, Tissot, Desgranges, Louis, etc., en ont constaté les bons effets. Suivant Portal, les lavements de fumée de tabac sont non-seulement inu- tiles, mais presque toujours dangereux. Trousseau et Pidoux partagent cet (1) Bulletin de l’Académie de médecine, t. X, p. 569. (2) Dictionnaire de Nysten, 11° édition, p. 1387. : (3) Comptes-rendus de la Société de médecine de Lyon, mars 1864. TABAC. 1051 avis. Malgré ces opinions que la physiologie vient corroborer, on continue de nos jours l’usage pernicieux des lavements de tabac contre l’asphyxie par submersion, (Ou ils sont inefficaces, si l'absorption n’a pas lieu; ou ils sont très-nuisibles, si elle se produit; car l’action de la nicotine (Voyez p. 1058) ne peut qu'aider à l’anéantissement de la fonction respiratoire et s'opposer à son retour.) K Sydenham et Mertens conseillent les lavements de fumée de tabac dans l'iléus, Hufeland prescrit dans ce cas la décoction de 12 gr, de feuilles de tabac dans 250 gr, d’eau de fontaine, réduits à 200 gr., à la dose d’une demi- tasse toutes les heures, ou bien des lavements de 45 gr. d’infusion de tabac. Ces moyens exercent quelquefois sur les nerfs une action narcotique si pro- noncée, dit l’auteur, que le malade tombe en défaillance; mais les déjec- tions alvines ont lieu pendant la syncope. De tels effets ne sauraient être ap- préciés d'avance ; le point qui sépare ici le remède du poison ne pouvant être fixé, le médecin consciencieux et prudent ne s’exposera point à perdre son malade pour le guérir, surtout s’il a à sa disposition des moyens moins dangereux et tout aussi efficaces. La belladone, administrée par la bouche et en friction sur l’abdomen, réussit souvent en pareil cas et est bien préfé- rable. Ce n’est pas à dire qu'il ne faille jamais employer les lavements de tabac dans l’iléus; mais il ne faut administrer ce remède qu’à des doses telles qu’elles ne puissent jamais produire des accidents semblables à ceux que signale Hufeland comme moyen de guérison. Il ne faut pas toujours de grandes doses de cette substance pour causer la mort. Une femme périt en quelques heures des suites d’un lavement préparé avec 4 gr. seulement. J'ai eu à combattre les accidents les plus graves causés par un quart de lave- ment, contenant seulement 2 gr. de tabac en décoction, qui avait été donné contre les oxyures vermiculaires à une femme de 42 ans. Elle éprouva de vio- lents vomissements, de la cardialgie, avec tremblement suivi d’engourdisse- ment, de crampes dans les membres et d’insomnie qui durèrent pendant plusieurs jours. « Bouchardat critique avec raison, dit Martin-Lauzer (1), la dose de 30 gr. de feuilles de tabac pour lavement, indiquée par le For- mulaire des hôpitaux. Maïs celle de 5 gr. qu’il leur substitue, est encore trop forte des 4 cinquièmes pour la généralité des cas. Si de pareïles doses ont été quelquefois employées impunément, c’est que les lavements n’ont pas été gardés. » (Les inégalités d’action des lavements de tabac tiennent, si nous mettons de côté les susceptibilités individuelles, à la matière employée. Il existe des proportions différentes de nicotine dans tous les tabacs, dans les feuilles sèches ou dans le tabac préparé; il serait bon de choisir une matière type. Serres voudrait qu’on fit usage du tabac dit tabac de caporal, parce que nos manufactures se préoccupent de lui donner toujours la même force par des mélanges calculés sur les données de l’analyse (2). Cet auteur recommande aussi l’infusion de préférence à la décoction, dont on ne peut mesurer la force de concentration.) Schæffer et Dehaen recommandent les lavements de fumée de tabac dans la hernie étranglée. Pott donnait en lavement l’infusion des feuilles à la dose de 4 gr. pour 500 gr. d’eau. La plupart des auteurs du siècle dernier ont considéré le tabac comme très-utile dans ce cas; ils le donnaient en vue de produire un effet purgatif, afin de dégager la portion étranglée du tube in- testinal en accélérant le mouvement péristaltique de cet organe. Les avan- tages qu’offrent la belladone et la stramoine comme stupéfiants et anti- spasmodiques ont fait renoncer presque entièrement au tabac, dont l'action est toujours plus ou moins redoutable. (1) Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, t. II, p. 158. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1858, p. 78. 1052 TABAC. On a aussi attaqué la colique de plomb par le tabac. Gravelle (4) s’en est servi en topique dans cette maladie. I] appliquait sur le ventre des fomenta- tions faites avec une décoction de tabac, qu'on laissait jusqu’à production d’évacualions alvines, et il donnait alors des purgatifs drastiques. O’Bierne, de Dublin (2), dit avoir retiré de bons effets de ces mêmes fomentations dans la dysenterie. Il est à remarquer, à cette occasion, que le tabac appliqué sur l’épigastre produit ordinairement le vomissement, tandis que sur l’abdomen il provoque des selles. La constipation peut être combattue par la fumée de tabac. Il est des personnes qui, en fumant une pipe et en buvant quelques verres de bière, dissipent facilement cette indisposition. Le tabac a pu être employé avec avantage dans les constipations opiniâtres causées par la pa- ralysie. « J'ai connu, dit Mérat (3), un médecin de la Faculté de Paris, para- lytique dans les sept ou huit dernières années de sa vie, qui, tous les dix ou douze jours, n’allait à la garde-robe qu’au moyen d’un lavement de décoc- tion de tabac; tout autre moyen était insuffisant pour le faire évacuer. » Le tabac a été employé comme vermifuge en lavement, en potion ou en application sur le ventre. Je ferai remarquer à ce sujet que Fouquet (4) a vu le tabac mouillé, appliqué sur le ventre, causer non-seulement des vomisse- ments, mais une sorte de choléra-morbus. Introduit en fumigation dans le rectum en petite quantité à la fois, il m'a réussi chez un cultivateur âgé de trente-cinq ans, qui n'avait pu, par aucun autre moyen, se débarrasser de nombreux ascarides vermiculaires dont il était atteint depuis plus de cinq ans. (Il arrive souvent en Afrique que des soldats ou des indigènes avalent, en même temps que l’eau, des sangsues qui s’implantent dans le pharynx et peuvent déterminer des accidents plus ou moins sérieux. Dans un cas sem- blable, Villars (5), médecin de l'hôpital de Saint-Denis-du-Seg, a parfaite- ment réussi à faire rejeter la sangsue, en ordonnant au malade de fumer un cigare, en ayant soin d’avaler la fumée. Dans un cas analogue, il fallut avoir recours à l’insufflation de fumée de tabac) (6). | On à mis en usage le tabac en cataplasme (30 gr.) sur l’épigastre pour pro- voquer le vomissement, ou en frictions (pommade) sur l'abdomen pour pro- voquer des évacuations alvines. Lieutaud (7) employait comme purgatif 60 à 80 gr. de feuilles de tabac pilées avec de l’eau-de-vie et du vinaigre, en cataplasme sur le nombril. I] vaut mieux, pour produire le même effet, em- ployer comme exempts des inconvénients du principe narcotique du tabac, la pommade ou la teinture de coloquinte en frictions. Barton a appliqué les feuilles de tabac fraiches pour faire vomir, surtout dans le cas d’empoison- nement par l’opium. Le tabac, fumé comme la stramoine, s’est montré aussi utile que cette dernière contre l’asthme, chez les personnes qui n’y sont point accoutumées par l'usage habituel. P. Hanin dit avoir vu employer fréquemment contre cette affection, par un médecin de sa connaissance, quatre à cinq cuillerées par jour d’une infusion vineuse préparée avec 32 gr. de tabac pour 1 kilogr. de vin liquoreux. Gesner, Hufeland, Stoll, ont employé le tabac avec succès dans la coqueluche. Pitshaft (8) en faisait prendre l’infusion (1 gr. 20 cen- üigr. pour 180 gr. d’eau bouillante) à la dose d’une cuillerée à café, aux en- fants d’un à deux ans toutes les heures; il en donnait une cuillerée à bouche aux enfants plus âgés. Cette dose est trop forte. On rapporte dans le Journal (1) Journal de chimie médicale, 1828, t. IV, p. 140. (2) Gazelle de santé, août 1826. (3) Dictionnaire des sciences médicales, t. LIV, p. 201. (4) Mémoires de la Société royale de médecine, 1777, p. 209. (5) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1862, p. 27. (6) Idem, p. 70. (7) Matière médicale, t. IX, p. 284. (8) Journal de Hufeland, 1832. TABAC. 1053 analytique (décembre 1828, p. 436) un cas de croup spasmodique {pseudo- croup) guéri par la fumée de tabac. La belladone, dont l'efficacité dans la période spasmodique de cette maladie est mieux connue, peut, je crois, dis- penser d’avoir recours au tabac. (Les Italiens considèrent le tabac comme un antiphlogistique puissant. Berruli, que nous avons déjà cité, avance que dans les fabriques où l’on prépare cette plante, les maladies inflammatoires sont moins graves et moins fréquentes que dans les manufactures d’un autre genre, placées pour- tant dans des conditions hygiéniques et climatériques identiques.) Robert Page (1) rapporte plusieurs observations de pneumonies guéries par l'emploi du tabac dans des circonstances graves où le traitement anti- phlogistique avait été insuffisant. Il s’est servi, dans ces cas, du lavement suivant, qu'il n’a pas eu besoin, dit-il, d’administrer plus d’une fois : feuilles de tabac, 1 gr, 75 centigr. ; eau bouillante, 360 gr. ; faites infuser pendant une demi-heure et administrez. Szerlecki s’est bien trouvé de ce moyen dans les mêmes circonstances. Dans ces cas, le tabac à dose un peu élevée parait avoir agi à la manière du tartre stibié. Comme ce dernier, à cause de l’inflammation des organes respiratoires, il a produit des effets caractérisés par l'hyposthénie, au lien de déterminer des vomissements comme dans l’état de santé. Szerlecki et Bauer ont observé les plus heureux effets du tabac, et surtout de la teinture de ce végétal, contre l’hémoptysie active. Dans les calarrhes pulmonaires chroniques et dans certaines affections asthéniques des voies respiratoires, le tabac soulage les malades en favorisant l’expecto- ration. Le sirop de tabac, de Quercetan, autrefois en grande réputation, était souvent mis en usage dans ces affections pour calmer la toux et débar- rasser les bronches des mucosités qui les obstruent,. (Benavente (2) a obtenu des lavements de tabac des effets remarquables dans un cas de pleurésie grave et de péricardite intense.) On à conseillé le tabac dans la paralysie de la vessie, l’ischurie, la dysurie, la rétention d'urine. On employait anciennement, contre ces maladies, les applications de cette plante sur le bas-ventre. Fowler en a vanté la teinture à l’intérieur contre la dysurie calculeuse, Henri Larle et Shaw ont guéri la rétention d'urine et le spasme de l’urètre par les lavements de fumée ou de décoction de nicotiane. Larle employait aussi, dans ce cas, des suppositoires dans la composition desquels entrait pour une grande partie l’extrait de la même plante. La belladone et le datura stramonium sont aujourd'hui re- connus comme beaucoup plus efficaces en pareil cas. Zacutus Luzitanus, Rivière et Hannesner disent avoir employé le tabac avec succès dans l’épilepsie. On doit s'assurer par de nouvelles expériences si, en effet, cette plante, par son action à la fois perturbatrice et stupéfiante, peut s’opposer à la concentration nerveuse, subite, convulsive qui caracté- rise les accès de cette terrible maladie. Les résultats obtenus de l'usage de la belladone et du stramonium portent à croire, par analogie, à l'efficacité du tabac. On l’a aussi recommandé à l’intérieur dans l’hystérie et la manie. Aux Antilles, on administre les bains d’infusion de tabac contre le té- tanos. Thomas et Anderson (3) employaient cette plante avec succès dans cette maladie. Le premier faisait administrer des lavements de fumée de tabac; le second appliquait cette plante fraîche aux parties antérieures et la- térales du cou, et en même temps, en décoction ou en cataplasme sur la plaie dans le tétanos traumatique. (0’Beirn (4) a obtenu de grands avantages du tabac intus et extra dans ces dernières circonstances.) (Voyez NIcOTINE, p. 1060.) (1) Journal de médecine d'Edimboury, t. XVII, p. 351. (2) Siglo medico, 1859, n° 320. (3) Journal d'Edimbourg, t. VIT, p. 198. (4) Dublin Quarterly Journal et Gazette des hôpitaux, 28 février 1863, p. 99. 1054 : TABAC. Boerhaave conseillait les applications de feuilles fraîches de tabac sur le front pour calmer les douleurs névralgiques. L'application de la décoction ou de l'extrait de cette plante calme, d’après Trousseau et Pidoux, les douleurs de la goutte et du rhumatisme, quand elles sont superficielles. Wetch (1) s’est bien trouvé de l’infusion de tabac (4 gr. pour 500 gr. d’eau) à l’extérieur dans différentes phlegmasies goutteuses et rhumatismales. Tourlet, au rapport de Roques s’est guéri d’un rhumatisme qui l'avait rendu comme perclus, par l'application des feuilles fraiches de tabac. Ré- veillé-Parise (2) a eu à se louer de l’application extérieure de cette plante sur les tumeurs goutteuses. L’abbé Girard (3) a proposé l’emploi des fumiga- tions de tabac dans le traitement de la goutte. On jette du tabac sur des charbons ardents, et on expose la partie malade à la fumée. Ces fumigations doivent être répétées deux ou trois fois dans les vingt-quatre heures. Ce moyen à également réussi entre les mains des docteurs Caglia (4) et Hi- nard (à). « Dans la goutte aiguë, plutôt pour prévenir que pour calmer les attaques, quelques empiriques conseillent la médication suivante : Tous les mois, pen- dant une semaine, le malade prend un bain de pieds préparé avec l’infusion de 30 gr. de tabac à priser, en poudre. Puis, après avoir bien essuyé les pieds, il les expose pendant dix minutes à la fumée.de feuilles de tabac à fu- mer, que l’on brûle sur un réchaud. Quand les pieds sont bien secs, on les recouvre d’un bas de laine bien sec, dans lequel on a également introduit de la fumée de tabac. Nous avons été témoins de cette médication, que nous n'avions pas conseillée, disent Trousseau et Pidoux; et dans quelques cas nous avons eu à nous louer de l'avoir suivie chez quelques-uns de nos malades. » Le tabac sec, en application extérieure, a fréquemment réussi entre les mains de Dubois, de Tournai, pour combattre le lumbago et la pleurodynie. On applique sur la partie malade des compresses trempées dans une teinture préparée avec une pincée de tabac à fumer pour 30 gr. d’eau-de-vie. L’eau-de-vie camphrée, à laquelle on ajoute du tabac, paraît encore plus efficace. Cette même teinture a été utile dans des affections où la douleur était le symptôme dominant. J’ai tout récemment constaté l’effi- cacité de ce topique dans un lumbago très-douloureux. Berthelot (6) a vu améliorer et même guérir des sciatiques au moyen des émanations de tabac ou de son application topique. On a remarqué que les ouvriers employés aux manufactures de tabac guérissaient promptement du rhumatisme, ce qui a été aussi observé par Heurtaux, médecin de la manufacture de Paris. Le tabac a été employé comme puissant diurétique. Fowler (7) en a pré- conisé l’usage dans l’hydropisie. Il employait surtout la teinture à la dose, deux fois par jour, de 40 gouttes dans un véhicule approprié, augmentant de 5 à 10 gouttes tous les jours, jusqu’à 200 gouttes, sans jamais aller au- delà. Les effets diurétiques du tabac ne se manifestent que lorsqu'il y a des nausées et quelques vertiges. Fowler éloignait, diminuait ou même suspen- dait les doses quand ces effets étaient trop prononcés, et surtout lorsqu'il observait du trouble dans les idées. Sur trente et un malades, dix-huit fu- rent guéris, dix furent soulagés, trois seulement n’en éprouvèrent aucun effet. Les résultats obtenus par ce médecin pourraient être considérés comme très-heureux si l’on ne savait que l’hydropisie, étant la plupart du temps produite par une lésion organique plus ou moins grave, les prétendues (1) Bulletin des sciences médicales de Férussac. (2) Guide pratique des goutteux et des rhumalisants. (3) Sentinelle du Jura, mars 1826. (4) Annali universali di medicina. : (5) Bulletin général de thérapeutique, 1843. (6) Bulletin de l’Académie royale de médecine, t. X, p. 604. (7) Med. reports on the eff. of tobacco, etc. London, 1783. TABAC. : 1055 guérisons obtenues par évacuation de la sérosité ne sont le plus souvent qu'apparentes : la source subsistant, l’eau revient. Thomas Bartholin ({) rapporte en ces termes l’histoire très-curieuse d’une hydropisie ascite guérie par le tabac fumé : « Vir quidam in urbe nostra ex hyemis prægressæ injuriis et sedentaria vita asciten contrazit, abdomine in in- gentem molem elevato : pedibus tumidis, scroto et præputio valde distentis : circa solstitium æstivum, forte tabaci fumum cum amicis per fistulam hausit. Exinde successit vomitus, soluta alvus : serum copiose per aliquot dies expurgatum sen- simque et abdomen detumuit et pedes, scrotumque ad pristinum statum rediere. » Des frictions faites sur la peau avec la teinture de tabac ont une action diurétique accompagnée de symptômes qui prouvent l’absorption des prin- cipes de cette plante : les malades en ont l’odeur dans la bouche. La décoc- tion de tabac a été recommandée dans l’anasarque comme propre à dissiper cette affection. A petites doses, elle agit comme diurétique; à doses élevées, elle produit de nombreuses évacuations et agit alors comme hydragogue. On a remarqué au Havre, où on prépare beaucoup de tabac, que les fièvres intermittentes sont plus rares parmi les ouvriers qui travaillent à sa fabrica- tion que parmi les autres artisans (2). On a vu des fièvres quartes rebelles enlevées par quelques grains de tabac délayés dans du vin. Ce moyen doit ètre employé avec beaucoup de prudence. Le tabac, employé à l'extérieur, a eu le plus grand succès dans le traite- ment de la gale. Boerhaave, Dodoens, Lémery ont vanté les vertus antipso- riques du tabac. Coste, médecin des armées, employait, il y a plus de soixante-dix ans, l’infusion vineuse de cette plante pour guérir les galeux confiés à ses soins à l’hôpital militaire de Calais. Bécu avait recours, à l’hô- pital militaire de Lille, en 1786, à la décoction aqueuse, bien plus écono- mique et tout aussi efficace. Voici ie procédé qui fut adopté alors pour les hôpitaux militaires, et que j'ai encore vu mettre en usage au premier camp de Boulogne : on prend 1 kilogr. du meilleur tabac haché, on le fait infuser dans 8 kilogr. d’eau bouillante, ou bien on le fait bouillir légèrement dans 9 kilogr. qu'on réduit à 6. On fait dissoudre dans l’eau, avant d’y avoir mis le tabac, 30 gr. de sel ammoniac ou 60 gr. de sel marin; 150 ou 160 gr. de cette infusion, employée chaude en deux ou trois lotions, suffisent pour un jour. Ces lotions doivent durer huit à dix minutes, et n'être pratiquées qu'après la digestion, de crainte de nausées et de vomissements. Par ce moyen, la guérison a souvent lieu au bout de huit jours en été; mais, l'hiver, elle se fait souvent attendre quinze jours. Les sujets irritables éprouvent des lassitudes dans les membres, des coliques, des vertiges, des vomissements, qui forcent de suspendre le traitement. Il faut donc être très-circonspect dans l’administration de ce remède et ne pas l’employer indistinctement chez tous les sujets, surtout que nous disposons de traitements plus expé- ditifs et moins dangereux. Le prurigo, la teigne, les dartres, le phthyriasis, les poux de la tête et du pubis, sont aussi avantageusement combattus par le même traitement ou par la pommade de tabac. J'ai vu, en 1847, une femme de soixante-dix ans se débarrasser d’une maladie pédiculaire contre laquelle elle avait inutile- ment employé plusieurs remèdes, en employant pendant huit jours des lo- tions de tabac et de sel marin (15 gr. pour 1 kilogr. d’eau); ces lotions pro- voquèrent quelques selles avec coliques et de légers vertiges. Un médecin américain, Stephenson, appelle l’attention de ses confrères sur l'emploi du tabac pour la cure de l’érysipèle. Il affirme, dit le Medical Times, que ce moyen est de ceux sur lesquels on peut compter avec le plus de certitude pour se rendre maitre de l’inflammation érysipélateuse, Il re- (1) Hist. xXvIr, cent. vr. (2) La Clinique, juin 1829, 1056 ” TABAC. couvre la surface enflammée avec des feuilles de tabac humides, et les con- serve appliquées sur la parie, jusqu’à ce que les malades éprouvent de fortes nausées (1). On s’est bien trouvé de l’infusion de tabac dans l’ophthalmie purulente et dans la conjonctivite scrofuleuse. On prépare à cet effet un collyre avec 2 gr. de tabac pour 500 gr. d’eau. J. Graham (2) a guéri en peu de jours, au moyen de l’onguent de tabac, des bubons qui avaient résisté à une foule de remèdes. On lit dans le journal de Leroux (3) que l’on est parvenu à dissiper une tumeur abdominale très-considérable par l'application de feuilles fraî- ches de tabac trempées dans le vinaigre. J’ai employé ce topique avec succès sur des engorgements lymphatiques, comme résolutif. Lyman Spalding (4) a fait résoudre un engorgement considérable du sein, survenu à la suite de l'accouchement, au moyen de frictions pratiquées sur la partie malade avec un mélange d’une cuillerée à café de tabac en poudre, macéré dans un verre d'huile et d’eau-de-vie, en y laissant la nuit une flanelle imbibée de cette li- queur, Le malade éprouva quelques nausées, signe de l'absorption du tabac, mais le matin du jour suivant il n’y avait plus de tumeur. Lyman Spalding s’est servi de ce remède pour résoudre plusieurs autres engorgements ana- logues et quelques autres de nature différente, toujours avec succès. On a recommandé le tabac comme excitant pour déterger des uleères ato- niques, sanicux, putrides, cancéreux. J’ai vu la décoction de tabac aiguisée de sel marin, ou coupée avec de la lessive, produire d’excellents effets en fomentation sur les engorgements articulaires chroniques, les tumeurs blanches, les ulcères anciens et rebelles. L’eau-de-vie dans laquelle on a fait infuser du tabac s’est montrée efficace en topique sur les ulcères putrides et les plaies gangréneuses. Mais il ne faut pas perdre de vue que, dans ces cas, l'absorption du médicament peut donner lieu à des accidents graves et même à des empoisonnements. . L'usage du tabac à priser peut être utile à quelques personnes pour faci- liter la respiration par le nez en augmentant les sécrétions nasales; dans certaines céphalalgies, et particulièrement à celles dont la cause peut être attribuée à l’état de sécheresse de la membrane pituitaire; contre le lar- moiement qui tient à l’endurcissement du mucus de la partie inférieure du canal nasal. « C’est de cette manière, disent Trousseau et Pidonx, qu’il faut entendre ce proverbe, que le tabac éclaircit la vue. Le médecin doit encore conseiller cette médication comme moyen révulsif utile dans certaines ophthalmies chroniques. Le mal est à côté du bien; car chez les gens que la poudre de tabac irrite trop, il peut survenir des maladies des fosses nasales, qui, se communiquant aux voies lacrymales, finissent par amener des tu- meurs ou des fistules. » Les catarrhes de la trompe d’Eustache et ceux du tambour, suivant les auteurs que nous venons de citer, sont quelquefois avantageusement modifiés par la fumée de tabac. Le malade remplit la bouche et le pharynx d’une grande quantité de fumée ; puis, fermant le nez et la bouche, et faisant un grand effort d'expiration, il chasse à plusieurs reprises la fumée dans l’intérieur de l'oreille. Rivière (5) conseille contre l’odontalgie de mâcher du tabac jusqu’à produire le vomissement. Il indique aussi la cendre de tabac pour nettoyer et blanchir les dents : ce moyen est devenu d’un usage populaire. Chevallier (6) indique la pommade suivante pour em- pêcher la chute des cheveux : on prend 20 gr. de tabac en poudre (soit du tabac de la régie, soit des feuilles de nicotiane pulvérisées); on les place oo (1) Annales médicales de la llandre occidentale, n° 13. (2) Journal analytique de médecine, mars 1828. (3) Tome XXV, p. 286. (4) Nouveau Journal de médecine, t. TT, p, 1811. (5) Prax. med., cap. 11. (6) Journal de la Société des sciences médicales de Bruxelles, vol. X, p. 362. TABAC. 1057 dans un vase et l’on verse dessus une certaine quantité d’eau bouillante pour bien imbiber la poudre; on laisse macérer pendant dix heures, on retire l’infusion avec expression, on décante le liquide. On concentre ensuite ce liquide à l’aide de la vapeur, et lorsqu'il ne reste plus que 5 à 7 gr. de solu- tion, on l'incorpore, soit dans 64 gr. de pommade ordinaire, soit dans 60 gr. de moelle de bœuf purifiée, qu'on aromatise à volonté ; on introduit dans un pot et l’on conserve pour l’usage. Chevallier a la conviction que celte pommade empêche la chute des cheveux. « Après avoir observé l’anéantissement, la subite et profonde prostration qui suivent l'emploi du tabac fumé ou chiqué chez un individu qui n’en a point l’habitude, il y a lieu d’être surpris, dit Londe (1), qu’on n'ait jamais pensé à employer l’une ou l’autre de ces pratiques, préférablement à la sai- gnée, dans les cas où il s’agit de paralyser sur-le-champ les forces muscu- laires d’un sujet, dans la réduction de certaines luxations, par exemple. Ce moyen, dans Ce cas, atteindrait mieux et plus rapidement que tout autre le but qu’on se propose. » Lorsque Londe s’exprimait ainsi sur les propriétés anesthésiques du tabac, la chloroformisalion n’était pas connue. La médecine vétérinaire emploie le tabac dans un assez grand nombre de cas, surtout en pommade ou en lotion concentrée (1 partie pour 8 d’eau), contre les affections cutanées, les insectes qui attaquent la peau des ani- maux, etc. Plusieurs personnes m'ont assuré qu’une pincée de tabac à priser, mêlée avec une suffisante quantité de beurre pour en former une pilule, et administrée chaque matin aux jeunes chiens, les préservait de la maladie, qui leur est si funeste. (C’est par le vomissement qu'elle agit alors. Il faut ménager ces moyens : le tabac en poudre est en effet émétique chez les carnivores; mais son usage prolongé peut amener des accidents lo- caux et généraux graves qui doivent lui faire préférer les vomitifs ordi- naires. On conseille des lavements de décoction de tabac (16 à 30 gr. pour 2 litres d’eau) contre les constipations opiniâtres, pour favoriser le part, contre les affections comateuses. Dans plusieurs contrées de la France, on assure que les mäquignons qui veulent mettre en vente un cheval très-méchant lui administrent du tabac en suspension dans l’alcool, afin de le plonger dans un état d'ivresse et de somnolence qui masque momentanément ses vices.) (NICOTINE. — ACTION PHYSIOLOGIQUE. — A. Sur les animaux. — La NICOTINE estun des poisons les plus violents qui existent. Brodie (2) avait déjà fait remarquer qu'une goutte appliquée sur la langue d’un chat amène la mort en deux minutes. Berzelius constata qu’une seule goutte tue un chien. Les oiseaux, en raison de l’activité plus grande de leur circulation, succombent plus promptement encore. L'action toxique à lieu sur quelque point que l’on dépose le poison avec une rapidité proportionnée à la faculté d'absorption dont jouit l'organe im- pressionné. A la peau, cette absorption doit être favorisée par des frictions. L'effet local considéré comme caustique, comme irritant par Stas et Albers, est nul, si l’on en croit L. Van Praag (3). L'effet secondaire se porte sur le cerveau et sur la moelle; il se traduit par une incitation puissante des cen- res nerveux, amenant à sa suite les phénomènes multiples que nous allons décrire. Les animaux soumis à l'influence de la nicotine sont aussitôt pris d’un tremblement de tout le corps; ils tombent en poussant un cri. Tout leur (1) Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. XV, p. 244. (2) Philosophie il Transactions, 1811, p. 178. (3) Etudes toxicol. et pharmacodyn. sur la nicotine. (Gazette médicale de Paris, 1856.) 67 1058 TABAC. être est agité de convulsions violentes; leur tête, fortement ramenée en ar- rière, exprime la souffrance; la respiration s’embarrasse; la cage thoracique est agitée de mouvements désordonnés et violents; le cœur accélère ses bat- tements. Cet ensemble de phénomènes se rattache, suivant Vulpian (1), à un état convulsif spécial, caractérisé par des contractions irrégulières dis- séminées dans tout le système musculaire. Bientôt les convulsions cessent ; après la période d’excitation spasmodique survient une période de calme, caractérisée par une paralysie généralisée, quelquefois précédée de trem- blements particuliers. « On dirait que le système nerveux, violemment surexcité par le poison, dépense en quelques instants tout son pouvoir d’impulsion; puis, désarmé, laisse la mort achever son œuvre (2). » Etudions maintenant analviiquement l'effet de la nicotine sur les diffé- rents systèmes. ? Le système musculaire, nous venons de le voir, est un des premiers im- pressionnés. Nous avons décrit la manière dont ses fonctions étaient trou- blées; les fibres musculaires restent dans un état de contraction comme tétanique; elles ne sont pas affectées de paralysie, leur faculté contractile n’est pas anéantie; mais, maïîtrisées par l’excitation puissante que le poison exerce sur la moelle et sur la moelle allongée, elles ne répondent plus aux influences qui les mettent ordinairement en jeu. Dans la seconde période, lorsque le relâchement se produit, la motricité nerveuse diminue peu à peu pendant que l'irritabilité musculaire subsiste (Vulpian). La fonction respiratoire reçoit de la nicotine une modification caractéris- tique; la respiration s’actélère; les phénomènes mécaniques augmentent d'énergie; les phénomènes chimiques sont au contraire entravés dans leur manifestation; la rapidité des mouvements thoraciques est accompagnée d’un bruit particulier, comme râlant, que Van Praag attribue à un rétrécis- sement des voies aériennes, et que CI. Bernard (3) rapporte à des contrac- tions précipitées du diaphragme. Ce dernier phénomène s’observe surtout avec netteté quand on à expérimenté avec des doses très-faibles. A l’ap- proche de la mort, la respiration se ralentit. L'auteur que nous venons de citer n’a constaté cet effet que deux fois. Van Praag l’a souvent vu se mon- trer très-tard. - Quant au système vasculaire, la.nicotine agit sur le cœur, dont elle accé- lère les battements, qui deviennent aussi tumultueux et plus énergiques sur les gros vaisseaux, qu’elle contracte; sur les capillaires, qu’elle fait resser- rer. Lorsqu'on place sous le microscope la membrane interdigitale d’une grenouille soumise au poison, on voit se produire une déplétion des petites artères, qui se rétrécissent au point de se vider complétement. Cependant le cœur continue à battre avec énergie, ce qui prouve, ainsi que l’a avancé CI. Bernard, et contrairement à l’opinion de Vulpian, que dans les petits vaisseaux est l’obstacle. Cette contraction des fibres-cellules des vaisseaux est l’analogue de celle que la nicotine détermine dans le système musculaire; elle est le résultat de l'excitation transmise aux nerfs vaso-moteurs. Après la mort, le cœur continue à battre. Ce fait, déjà signalé par Brodie, est admis de tous les physiologistes. Rouget (4) a démontré que chez les grenouilles empoisonnées par l'agent qui nous occupe les pulsations du cœur persistent longtemps après que toute trace d’excitabilité a disparu (1) Comptes-rendus de la Sociélé de biologie, 1859. (2) Math. Fageret, Du tabac, son influence sur la respiration et la circulation, thèse inaugu- rale de ‘Paris, 1867, n° 139. : (3) Leçons sur les effets des substances toxiques et médicaménteuses. Paris, 1857, p. 397 et suivantes, (4) Journal de physiologie, 1860. TABAC. 1059 dans les muscles locomoteurs; il a aussi trouvé que, lorsque ces battements deviennent plus faibles et plus rares, l’action directe de la nicotine les ra- nime instantanément. Les sécrétions sont sensiblement modifiées. Sur neuf expériences, Van Praag a constaté quatre fois un flux abondant de salive; il n’a rencontré d'augmentation dans les selles et des vomissements que dans les cas ter- minés par la guérison. La sécrétion urinaire n’a présenté aucun changement appréciable. Quelle action la nicotine exerce-t-elle sur la pupille? À priori, et en rai- sonnant par induction, son action sur les nerfs vaso-moteurs. action oppo- sée à celle de la belladone, fait supposer qu’elle est antimydriatique. Jusque dans ces derniers temps, les opinions étaient très-contradictoires. Orfila, CI. Bernard, Van den Corput ont signalé la dilatation de la pupille comme s'étant montrée chez des mammifères soumis à l’action du poison. Van Praag dit que tout d’abord la pupille se dilate, puis se rétrécit. Reil avait observé la succession inverse des phénomènes. Braun enfin avait con- stamment rencontré l’atrésie. La plupart de ces observations avaient été faites concurremment avec d’autres, portant sur l’ensemble des symptômes d'intoxication. S’appliquant à résoudre la question en litige, Hirschmann (1) a institué un grand nombre d'expériences spéciales. Le résultat de ces recherches peut se résumer ainsi : rétrécissement constant, soit que l’agent ait été appliqué directement sur l’œil, soit qu'il ait été introduit dans l’économie par une autre voie. Ce ré- trécissement atteint rapidement son maximum d'intensité et diminue légè- rement quelque temps après; il reste ensuite stationnaire, puis s’efface gra- duellement. Quand on a obtenu par ce moyen le myosis, et qu’on instille de l’atropine dans l'œil, l'ouverture pupillaire reprend ses dimensions moyennes; elle reste dans cet état le temps ordinaire de l’atrésie nicotinique, puis survient, par suite de l’action plus persistante de l’atropine, une mydriase d’une as- sez longue durée. Si on fait agir la nicotine sur une pupille préalablement dilatée par la belladone, le même phénomène se produit. On peut comparer les effets antimydriatiques à ceux obtenus avec la mor- phine, et plutôt encore à ceux résultant de l’instillation de la solution d’ex- trait de fève de Calabar. d Lorsque l’empoisonnement par la nicotine est mortel, on trouve le sang artériel noir; les poumons, parsernés de taches livides, présentent à la coupe un tissu dense et résistant, d’où il découle un sang noirâtre et non aéré. Les gros vaisseaux, les cavités cardiaques, hormis le ventricule gau- che, sont gorgés de sang demi-fluide. Le sang chassé par la contraction énergique des petits vaisseaux s’est porté en masse vers les centres. Orfila a signalé dans le cerveau et ses enveloppes une injection d’une étendue va- riable. On a avancé, mais à tort, que le poison agissait comme destructeur des éléments de la substance nerveuse; on aurait trouvé des déchirements des cellules de la moelle et une coloration pigmentaire brune de ces cellules. En résumé, la nicotine est un agent fortement excitant du cerveau et spécialement de la moelle et de la moelle allongée. Sous son influence, toutes les fibres contractiles sont mises en mouvement avec une extrême énergie : fibres contractiles du système locomoteur, fibres contractiles des vaisseaux, fibres contractiles des bronches, etc. Malgré sa parenté botanique avec la belladone et les autres solanées, on ne peut en rien assimiler l’action de la nicotine à celle de ces dernières. Nous avons affaire ici à un mode d'action spécial, (1) Archiv für Anatomie, Physlologie und wissenschaftliche Medicin, 1863, 8° livraison, 1060 TABAC. B. Chez l'homme.—Ici l’empoisonnement par la nicotine (de 6 à 8 gouttes peuvent amener la mort) s'accompagne de symptômes semblables à ceux que nous venons de décrire chez les animaux. Il reproduit avec une rapi- dité d'évolution en rapport avec l'énergie plus grande de l’agent le tableau de l'intoxication par le tabac. (Voyez page 1044.) Le traitement est le même, mais le temps laissé à l’action thérapeutique est bien court. Chez certains individus ayant succombé, on a trouvé des altérations des premières voies. Dans d’autres cas, il n’a pas été rencontré de lésion locale. Ainsi, chez le jeune G. Fougnies, empoisonné par Bocarmé (1), la langue étuit cautérisée, tuméfiée et d’un gris noirâtre, le pharynx rouge et injecté, l’œsophage et l'estomac présentaient peu d’altérations, à raison de la promptitude de la mort. Dans un cas plus récent (2), observé par Fonssa- grives et Besnon, à l’hôpital militaire de Cherbourg, chez un individu qui s'était suicidé, les voies digestives ont été trouvées intactes dans toute leur étendue. Nous avons vu que pour les animaux il y avait aussi des opinions diamétralement opposées. Pour rendre compte de ces inégalités d’observa- tion, il faut admettre des différences dans l’agent ou des modes différents d'introduction du poison, avec ou sans violence, ou enfin un contact plus ou moins prolongé. La toxicologie a étudié avec soin la recherche médico-légale du poison. On trouvera dans les ouvrages spéciaux des renseignements sur ce sujet que le cadre de notre travail ne nous permet pas d’aborder. THÉRAPEUTIQUE. — On comprend qu’un agent d’une si redoutable énergie ait été peu employé. A l'extérieur, on l’a recommandé en teinture (voyez Préparations pharmaceutiques et doses) contre les douleurs névralgiques. Pavesi l'a employé (3) avec succès en injections dans un cas de paralysie de la vessie, rebelle jusque-là à tout autre traitement. Voici la formule de ce praticien : nicotine, 3.60; eau distillée, 360 gr.; mucilage, 30 gr. Pour deux injections par jour. Comme le fait observer Reveil (4), la dose prescrite est trop élevée. On sait que la muqueuse vésicale est douée d’une faculté très- peu marquée d'absorption; malgré cela, labsorption se fait, et des acci- dents des plus graves pourraient survenir à la suite de ces injections. On a publié (3) plusieurs observations de tétanos avantageusement modi- fiés ou guéris par la nicotine. Un succès de l'emploi du tabac dans un cas d’empoisonnement par la strychnine a été le point de départ de cette innovation. La ressemblance symptomatologique entre l’intoxication strychnique et le tétanos a inspiré cette pensée à des praticiens américains et anglais, Haughton et O’Beirne, entre autres. Après la description détaillée que nous venons de donner des effets phy- siologiques de la nicotine, on a peine à admettre la réalité de cet antago- nisme et l'efficacité de ce mode de traitement; mais des faits authentiques doivent passer avant tous les raisonnements. Chevers (6) admet et explique l’antagonisme; la strychnine déterminant l’afflux du sang dans la moelle, et la nicotine produisant la contraction vasculaire et diminuant ainsi l’accu- mulation de ce liquide dans le centre nerveux. Ge sont des faits à contrôler sérieusement. Dans le cas bien rare où on aurait à prescrire la nicotine à (& Annales d'hygiène et de médecine légale, 1851, t. LVI. (2) 1bid., avril 1861. (3) Journal de la Société des sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 1854, t. XVNIII. (4) Formulaire des médicaments nouveaux, p. 516. (5) Bulletin de thérapeulique, 30 novembre 1862, p. 474; Archives générales de médecine, novembre 1862; Journal de médecine, de chirurgie et de pharmacologie de Bruxelles, jan- vier 1863, p. 59; Dublin Quarterly Journal, cité par la Gazelte des hôpitaux, 28 février 1863, p. 99. (6) Indian Annals of méd. science, 186%. TAMARISQUE ou TAMARIS. 1064 l’intérieur, il faudrait débuter par des doses très-pelites. Van Praag a avancé que 2 centigr. 4/2 n'étaient jamais mortels chez l’homme. Haughton avait prescrit 3 gouttes dans la journée, à quelques heures d'intervalle. Ce médicament d’un maniement si difficile réclame une surveillance in- finie, et nous nous demandons même si l’extrême gravité des cas autorise suffisamment à en recommander l'emploi. Il faudrait des succès bien établis et plus nombreux pour justifier une thérapeutique aussi aventureuse.) TAMARISQUE ou TAMARIS. Tamarix gallica. L. Tamariscus Narbonensis. Log. Tamarisc. TAMARISCINÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. Cet arbrisseau croît dans les départements méridionaux de la France (Dauphiné, Languedoc, etc.), le long des fleuves, au bord de la mer, dans les prairies. Description. — Tige haute de 3 à 4 mètres, se divisant en rameaux grêles, flexibles, touflus, étalés, d’un brun rougeàtre. — Feuilles imitant celles des cyprès ou des bruyères, alternes, petites, courtes, pointues, très-rapprochées, d’un beau vert. — Fleurs blanches, teintes de pourpre, munies de petites bractées, et disposées en grappes terminales. — Calice à cinq divisions obtuses. — Corolle à cinq pétales ouverts, con- caves. — Trois étamines saillantes hors de la corolle. — Style à deux ou trois stigmates. — Capsules triangulaires, égales à la longueur du calice. ; Parties usitées. — Écorce et feuilles. Récolte. — L'écorce se récolte au printemps; les feuilles pendant toute la belle saison. Culture, — On le cultive dans les bosquets d'agrément, mais il craint les hivers dans les pays septentrionaux. Il se plaît dans les terrains sablonneux et humides. On le propage de drageons, de boutures et de graines que lon sème au printemps dans un terreau mélangé avec du sable. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'écorce, mince, d’un brun cendré, est d’une saveur amère, un peu acerbe. Sa com- bustion donne une assez grande quantité de sulfate de soude, ce qui, d’après la re- marque de Decandolle, est commun aux arbres qui croissent au bord de la mer, tandis que ceux qui viennent dans les terres en ont à peine. La décoction de cette écorce pré- cipite en noir la dissolution de sulfate de fer. Les Danois remplacent le houblon par les feuilles et les rameaux du tamarisque, dans la fabrication de la bière. Les galles de la variété orientalis du tamarix gallica servent à la teinture en noir, d’après ce que rap- porte Clot-Bey (1). L'écorce de tamarisque passe pour tonique, diurétique, sudorifique et apéritive. Fernel, Sennert, Boerhaave avaient reconnu et signalé les pro- priétés de cette écorce, aujourd’hui presque entièrement oubliée, du moins en France. « Quoi qu’il en soit, dit Roques (2), son amertume et sa qualité acerbe la placent, dans l’ordre thérapeutique, à côté des saules, de la be- noite et de la tormentille, Ainsi que ces végétaux toniques et astringents, elle’ est propre à relever le ton des organes, à réprimer les flux chroniques des membranes muqueuses, les diarrhées entretenues par l’atonie des intestins. » Le bénédictin Alexandre (3) lui trouve les mêmes propriétés que celles de l'écorce de frêne. « On prend ordinairement, dit-il, six onces d’écorce de bois de tamaris et de la racine de frêne ou de tamaris qu’on fait cuire dans six pintes d’eau commune jusqu’à la consomption de la moitié; et cette dé- (1) spores général sur l'Egyple, t. II, p. 82. (2) Plantes usuelles, t. I, p. 418. (3) Dictionnaire botanique et pharmaceutique, p. 571. 1062 TANAISIE. coction bue seule, ou avec du vin, est fort estimée contre les affections ca- tarrheuses, la goutte et l’hydropisie. » L’écorce de tamarisque se donne en poudre (2 à 4 gr.) dans du vin ou du bouillon; en décoction aqueuse ou vi- neuse (15 à 30 gr. pour un kilogr. d’eau). Le bois de cet arbrisseau à été regardé comme pouvant remplacer le gayac. TAMARISQUE D'ALLEMAGNE. (Tamarix germanica. L.) — Cette espèce, qui a beaucoup de rapport avec la précédente, croît en Allemagne, dans le Pié- mont et dans plusieurs de nos départements méridionaux. On la trouve sur les rives du Rhin, du Danube, du Rhône, de l'Isère, dans les vallées sablon- neuses et non loin des torrents. On la cultive comme le tamarisque de France, dont elle partage les propriétés. Heseriptiom. — Feuilles plus longues, moins rapprochées, et d’un vert glauque. — Fleurs naissant à l'extrémité des tiges et des rameaux, en grappes droites, deux fois plus grandes. — Dix étamines plus courtes que la corolle. — Un stigmate simple, orbi- culaire. Û [Nous citerons encore le tamarisque à manne (T. mannifera, Ehrenb.).] TANAISIE. Tanacetum vulgare. L. Tanacetum vulgare luteum. C. BAuu., TourN. — Tanacetum flore luteo. J. Baux. Tanaisie commune, — herbe aux vers, — herbe Saint-Marc, — barbotine indigène, herbe amère. COMPOSÉES. — SÉNÉCIONIDÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Cette plante vivace (PI. XXXIX) croît spontanément en France dans les prairies, le long des chemins, dans les terrains incultes et un peu humides. On la cultive dans les jardins comme plante d'ornement et pour l'usage pharmaceutique. Elle produit une belle variété à feuilles presque frisées. HBDeseription. — Racines ligneuses, rameuses, longues. — Tiges dressées, fortes, glabres, assez nombreuses, striées, cylindriques, rameuses, à rameaux paniculés. — Feuilles alternes, amples, pétiolées, planes, glabres, incisées et dentées à folioles décur- rentes et pinnatifides. — Fleurs d’un beau jaune, nombreuses, hémisphériques, dispo- sées en corymbes terminaux très-compactes (juillet-septembre). — Calice imbriqué, hémisphérique, d’un vert un peu jaunâtre. — Corolle à peine plus longue que le calice. — Fleurons du disque hermaphrodites, tubuleux, quinquéfides, à cinq étamines synan- thères ; fleurons de la circonférence femelles, à trois lobes. — Fruits : akènes couronnés par un rebord membraneux. Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs et les fruits. Réeolte. — Les fleurs se récoltent au mois d’août; les graines en septembre et octobre. On fait ordinairement sécher les fleurs, sans les racines ni même les tiges ; la dessiccation ne lui fait rien perdre de ses qualités. |[Culture. — La tanaisie demande une exposition chaude, une terre franche, sa- blonneuse et fraîche. On la sème en place au printemps, ou en pépinière à l’automne. Le plus souvent on la multiplie d’éclats de pied faits vers la fin de l'hiver. Elle se pro- page seule et très-rapidement. | Propriétés physiques et chimiques. — Toutes les parties de la ta- naisie exhalent une odeur forte, pénétrante; leur saveur est aromatique, très-amère, nauséeuse. L’infusion des feuilles noircit le sulfate de fer. L'analyse des fleurs et des feuilles réunies, faite par Peschier (1), y a démontré : une huile volatile, une huile grasse, une résine, une matière tenant le milieu entre la cire et la stéarine, de la chlorophylle, (1) Journal analytique de médecine, t. II, p. 132, TANAISIE. 1063 de la gomme, un principe colorant jaune, et de l’extractif. Les feuilles isolées offrent en outre de l'acide gallique et du tannin; les fleurs (une substance non azotée, cristalli- sable, d’une amertume intense, que Leroy a nommée {anacéline), un acide particulier, cristallisable (acide tanacétique) et du phosphate de chaux. L'eau, le vin et l'alcool s'emparent des principes actifs de cette plante. En Allemagne et dans quelques autres contrées de l'Europe, on substitue quelquefois la lanaisie au houblon dans la préparation de la bière, Les habitants du Nord emploient ses semences comme condiment, en aro- matisent leurs gâteaux, et en tirent, dit-on, une couleur verte. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Infusion, de 15 à 30 gr. par | Extrait alcoolique (1 sur 4 d’alcool et 1 kilogramme d’eau bouillante. d’eau), @e 30 centigr. à 1 gr., en bols, pi- Eau distillée (4 sur 4 d’eau), de 30 à 100 gr°* lules, etc. en potion. Huile essentielle, de 20 à 50 centigr., en po- Vin (1 sur 16 de vin blanc), 60 à 100 gr. tion, oléo-saccharum, etc, Sirop, de 15 à 60 gr., en potion. A L'EXTÉRIEUR. — Décoction en lavement (50 Poudre, de 2 à 8 gr., en bols, pilules, ou en centigr. à 1 gr. par kilogramme d’eau), fo- suspension dans un liquide. mentations, lotions, etc.; infusée dans Extrait aqueux (1 sur 6 d’eau), de 30 centigr. l'huile, en liniment, embrocation, etc. à 1 gr., en bols, pilules, etc. Teinture, en frictions. La fanaisie est tonique, excitante, anthelminthique, emménagogue. Elle convient dans l’atonie des voies digestives, les fièvres intermittentes, la chlorose, l’aménorrhée avec asthénie, la leucorrhée, l’hystérie, les affections vermineuses. Congénère en vertus à l’absinthe, la tanaisie peut être employée dans tous les cas où cette dernière est indiquée. Elle convient, par conséquent, dans toutes les maladies caractérisées par l’atonie des organes; mais c’est sur- tout comme vermifuge que Ja tanaisie a été plus particulièrement signalée et répandue traditionnellement dans la médecine populaire. Je l’ai souvent employée à l’intérieur et en lavement contre les lombrics et les ascarides vermiculaires. Les semences sont pour moi aussi précieuses que le semen- contrà; elles produisent tout autant d'effet que ce dernier, soit en décoction, soit en poudre, mêlées avec le sirop simple, avec du miel, ou délayées dans un peu de vin. Un vieillard, au rapport de Dubois, de Tournai, s’est dé- barrassé d’un ténia long de plusieurs mètres, en mangeant une espèce de salade préparée avec de l’huile d'æillette et les feuilles encore tendres de tanaisie, cueillies au commencement du printemps. Ce remède lui avait été conseillé par une femme de la campagne, qui prétendait l'avoir employé avec succès sur elle-même et sur d’autres personnes. Coste et Wilmet affirment que la semence de tanaisie, dont ils vantent les propriétés anthelminthiques, se vend, dans les pharmacies de la Lorraine, pour le semen-contrà. Wauters la préfère à ce dernier, qui, le plus souvent, contient diverses substances avec lesquelles on le falsifie. Dans les campagnes, on emploie fréquemment la tanaisie infusée dans le vin, la bière ou le cidre, pour combattre les fièvres intermittentes, contre lesquelles elle a la même efficacité que l’absinthe, la camomille, la petite centaurée, etc. Césalpin préconise le vin de tanaisie comme fébrifuge et surtout comme emménagogue. Je le donne par cuillerées aux enfants lym- phatiques, à ceux qui sont tourmentés par les vers, aux chlorotiques, et dans les cas de dysménorrhée atonique ou nerveuse, de menstruation irré- gulière. L’odeur repoussante de cette plante l’a fait employer dans les affections nerveuses, l’hystérie, les vertiges, la gastrodynie, les coliques spasmodiques, l’épilepsie, la chorée, etc. Suivant Simon-Pauli, les fleurs sont très-utiles dans l’hystérie. Clerk et Bradley ont attribué à la tanaisie une vertu anti- goutteuse qu'on ne peut rationnellement rapporter qu'à ses propriétés to- niques, lorsque ces affections sont accompagnées de débilité. On en a fait 1064 TÉRÊBINTHE. aussi usage dans l’hydropisie. Payer (1) rapporte qu'un soldat atteint de cette maladie, ayant pris de la décoction de tanaisie au lieu de celle d’ab- sinthe, rendit une si grande quantité d'urine que son anasarque se dissipa promptement. A l'extérieur, la tanaisie est employée ea cataplasme sur le bas-ventre comme vermifuge. Geoffroy, médecin de l’Hôtel-Dieu (2), rapporte qu'ayant fait appliquer de la tanaisie sur le ventre d’un sujet affecté de maladie grave, il évacua trente-deux vers lombrics. Ce cataplasme m'a souvent réussi chez les enfants; j'y ajoute quelquefois de l'ail, des feuilles de pêcher, d’absinthe, d’hièble, de gratiole, etc. En fomentations ou en cataplasmes préparés avec l’eau ou le vin, la ta- naisie est résolutive, détersive et antiseptique. Elle s’est montrée utile dans les entorses, les contusions, le rhumatisme chronique, les engorgements lymphatiques, les ulcères atoniques, sordides, vermineux ou gangréneux. Elle a, comme antiseptique, la même énergie que l’absinthe. Tournefort dit qu’on emploie en lotions, contre le rhumatisme, un esprit préparé avec la tanaisie et l’alcool. Hercule Saxonia se servait du suc de cette plante pour guérir les gerçures des mains. «Je connais une dame, dit Dubois, de Tour- nai, qui prétend s'être guérie d’une carie très-ancienne au cubitus, en pre- nant des bains locaux préparés avec la décoction de tanaisie. » TÉRÉBINTHE. Pistacia terebinthus. L. TÉRÉBINTHACÉES. — PISTACIÉES. Fam. nat. — DIOECIE PENTANDRIE. L. [Deseriptiom. — Arbrisseau à feuilles alternes, imparipennées, à sept ou neuf folioles. — Fleurs dioïques, petites, rouge pourpre, groupées en panicules terminales. — Calice à trois divisions linéaires, profondes, dépourvues de corolle; les fleurs mâles sont accompagnées écailles chargées de poils et roussâtres, et ont cinq étamines; les femelles à ovaire uniloculaire et uniovulé, surmonté de trois stigmates épais. — Le fruit est une petite drupe sèche, violette et presque globuleuse. Parties usitées. — Les écorces, le suc résineux ou térébenthine de Chio, les galles. Récolte. — La térébenthine de Chio que fournit cette plante s’en écoule sponta- nément; mais on l’obtient plus facilement en pratiquant des incisions sur le tronc. Un arbre n’en fournit pas plus de 3 à 400 gr. par an; aussi est-elle très-rare.] (Culture. — On trouve le térébinthe sur tout le pourtour du bassin méditerra- néen. Il croît dans les lieux arides, les sols pierreux. On le propage de graines el de marcottes, qu’on place en couche chaude couverte d’un châssis. On tient le jeune plant en pot pendant les premières années, et on le rentre en orangerie pendant l'hiver. Adulte, il pousse en pleine terre sous le climat de Paris; mais on doit le couvrir durant la saison froide.) [Propriétés physiques et chimiques.— La térébenthine de Chio, que l’on récolte aussi, mais en petite quantité, sur les côtes de Provence, est, comme toutes ses congénères, une dissolution de résine dans une huile essentielle hydrocarbonée. Elle est très-consistante, en masse jaunâtre, presque solide; elle possède une odeur très- prononcée de fenouil ou de résine élémi. Sa saveur est parfumée sans âcreté; elle est soluble dans l’éther, et laisse dans l'alcool un résidu glutineux. à La galle du térébinthe est le résultat de la piqûre d’un puceron, l’aphis pistachia. Elle se forme sur les feuilles; elle est de la grosseur d’une noisette, puis noirâtre, rou- geâtre,-et pleine d’un suc résineux; c’est la pomme de Sodome de quelques auteurs, ] (La térébenthine de Chio, très-souvent falsifiée avec celle de Venise, à la- quelle on ajoute un peu d’essence de citron, est, à cause de sa rareté, rem- placée par la térébenthine du pin, du mélèze; elles ont toutes les mêmes (1) Ephémérides d'Allemagne, dec. 2, an. IL Lt an (2) Mérat et Delens, Dictionnaire de thérapeutique et de matière médicule. THALICTRON. — THUYA. 1065 propriétés excitantes, diurétiques, et exercent sur les sécrétions une action modificatrice spéciale. (Voyez TÉRÉBENTHINE, p. 842. Hoffmann Sthal, de Vienne, a proposé pour le traitement de l’asthme et autres affections de poitrine la décoction des galles de térébinthe.) THALICTRON. Sisymbrium sophia. L. Sophia chirurgorum. Lor. — Sisymbrium annuum absinthii minoris folio. Tour. Sagesse ou science des chirurgiens, — sisymbrion, — sagesse. CRUCIFÈRES. — SISYMBRIÉES. Fam. nat. — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. On trouve cette plante dans les lieux stériles, sur les murs, dans les dé- combres, au bord des chemins. Deseription. — Tige dressée, rameuse à sa partie supérieure, cylindrique, pu- bescente. — Feuilles blanchâtres, finement découpées, un peu velues, à segments li- néaires, entiers ou incisés. — Fleurs jaunes, très-petites, naissant au sommet de la tige, présentant tous les caractères génériques des crucifères (avril-octobre), — Pélales très- courts, souvent avortés. Six étamines, dont deux plus petites. — Un ovaire à deux loges pluriovulées, surmonté d’un style simple. — Fruits : siliques grêles, ascendantes, sou- tenues par des pédoncules filiformes. Parties usitées. — L'herbe et les graines. Récolte, — On emploie les feuilles fraiches. Comme celles de toutes les crucifères, elles perdent leurs vertus par la dessiccation ou par leur décoction. La graine, que l’on récolte quand elle est mûre, peut se conserver comme celle de moutarde. (Culture. — Cette plante n’est cultivée que dans les jardins botaniques. On la propage de graines semées en place au printemps.] Propriétés physiques et eliimiques. — Les feuilles ont une saveur analogue à celles des autres crucifères. Les semences ont une saveur chaude, âcre, ana- logue à celle de la graine de moutarde. La réputation de cette plante, comme vulnéraire, l’a fait appeler sagesse des chirurgiens. On appliquait ses feuilles contuses sur les plaies simples, qui guérissent d’elles-mêmes beaucoup plus facilement quand on a la pré- caution d’en rapprocher les bords au moyen de bandelettes agglatinatives et d’un bandage convenable. Le suc ou la pulpe de ces feuilles ont pu être utiles sur les ulcères atoniques. On donnait la décoction dans la diarrhée, le crachement de sang, la leucorrhée, etc. On employait aussi les graines comme vermifuges, antinéphrétiques et fébrifuges. Cette plante, aujourd’hui inusitée en médecine, est encore employée par tradition dans nos campa- gnes. Ses propriétés sont analogues à celles de la bourse à pasteur ; sa graine, partie la plus active, rubéfie légèrement la peau. - THUYA. Thuya occidentalis. L. Arbre de vie, —thuya du Canada, — thuya de Virginie. CONIFÈRES. — CUPRESSINÉES. Fam. nat. — MONOECIE MONADELPHIE. L. Cet arbre, qui vient du Canada, de Virginie, et cultivé dans nos jardins, est considéré maintenant comme indigène. Description. — Tige pyramidale, s’élevant quelquefois à 15 mètres ; rameaux étalés et pendants. — Feuilles imbriquées, d'un vert blond, ayant une vésicule remplie de résine liquide sur le dos, ce qui le distingue du fhuya orientalis, qui n’en offre pas. — Fleurs en mai, — Fruits : cône ovoïde, élargi au sommet, à écailles intérieures tronquées, bossues en dessous et recouvrant des graines ailées. Parties usitées. — Les feuilles et le bois. 1066 THYM. Récolte. — On les récolte pendant toute la belle saison. [Culture. — Le thuya se multiplie de graines en terre de bruyère et de boutures. Il croit partout, mais mieux en lieux frais ombragés. 11 orne les bosquets d'hiver ; on en fait des palissades, Il ne craint pas le froid. Les thuyas plantés dans les jardins d’agré- ment sont rarement employés en médecine. ] Propriétés physiques et chimiques. — Bonastre (1) a retiré par la distillation des feuilles de ce thuya une huile essentielle, une sorte d'essence de téré- benthine transparente, légère, très-fluide, de couleur jaune-clair, couleur qui se perd par une seconde distillation; elle offre une odeur forte, qui se rapproche de celle de la tanaisie; sa saveur est un peu camphrée, légèrement âcre; elle se dissout bien dans l’al- cool et Péther. Le bois du thuya de Virginie a une odeur désagréable; on le dit presque incor- ruptible, Les feuilles et le bois du thuya occidentalis ont été jadis employés à l’in- térieur et à l'extérieur comme sudorifiques, diurétiques et expectorants. On les donnait dans les affections rhumalismales chroniques, la goutte, la syphilis, etc. ; mais depuis ils étaient oubliés, lorsqu’en 1828 plusieurs mé- decins d’Edimbourg et de Berlin recommandèrent l'huile essentielle de la plante. Plus tard, un médecin polonais vanta cette huile comme un moyen topique des plus efficaces contre les condylômes rebelles. L'emploi de la teinture alcoolique des feuilles a donné à Mohnike, de Berlin, de très-bons résultats dans ces affections. E. Brecher (2), assure s'être parfaitement trouvé de l’emploi externe du thuya occidentalis, d’après la méthode de Leo, dans le traitement des excroissances vénériennes rebelles, même de celles qui avaient résisté à l’action du mercure, des cautérisations et de l’excision. La teinture de Leo consiste à faire digérer trois parties de feuilles sur six d’al- cool rectifié. On applique cette teinture, de temps en temps, à l’aide d’un pinceau, sur les excroissances, qui, après peu de jours, pâlissent, diminuent de volume et se flétrissent d’une manière remarquable. La guérison radicale s'obtient généralement au bout de quinze jours. [Le thuya d'Orient (T. Orientalis, L.), confondu avec le précédent sous le nom d'arbre de vie, est quelquefois employé. Quant au thuya articulé (7. -articulata, Desf.; Gallitris quadrivalvus, Vent.), qui produit la sandaraque, il habite les montagnes de l’Algérie.] THYM. Thymus vulgaris. L. Thymus vulgaris. C. Baux. — Thymus durius. Don. — Thymus supinus. ToURN. — Caudicans odoratus. Thym commun, — thym des jardins, — tin, — frigoule, — pote. LABIÉES. — SATURÉIÉES. Fam, nat. — DIDYNAMIE GYMNOSPERMIE. L. Le thym, plante vivace, croit spontanément dans les départements mé- ridionaux, aux environs de Narbonne et de Montpellier. On le cultive dans les jardins pour son odeur et pour son emploi culinaire. Il est fort re- cherché des abeilles. Les anciens considéraient comme excellent le miel que ces animaux puisent sur cette plante; ils vantaient surtout celui du mont Hymette. Nos miels de Narbonne, de Langrasse, de Perpignan, ne sont pas moins exquis. Fervet opus redolentque thymo fragrantia mella. (Vinc., Géorg.) (1) Journal de pharmacie, 1825, t. XI, p. 156. 3 (2) Ungarische Zeitschrift et Journal de médecine et de chirurgie, publié par la Société des Sciences médicales et naturelles de Bruxelles, 1855, t. XX, p. 59. THYM. 1067 Description. — Racines dures, tortueuses, ligneuses, ramifiées, — Tiges droites, cylindriques, cendrées ou d'un brun rougeätre, légèrement velues, chargées de rameaux nombreux, grèles, opposés et redressés. — Feuilles opposées, sessiles, fort petites, ovales, un peu étroites, d’un vert cendré en dessus, légèrement pubescentes. — Fleurs réunies en verticilles disposés en têtes ou en épis au sommet des rameaux (juin-juillet). — Calice tubulé, velu, strié, à cinq dents inégales. — Corolle petite, blanchâtre ou lé- gèrement purpurine, — Quatre élamines didynames. — Un style, un stigmate aigu, bi- fide, — Fruit : quatre petits akènes au fond du calice. Parties usitées, — Les feuilles et les sommités fleuries. Récolte, — Elle doit se faire en pleine floraison; après avoir mondé la plante, on la dispose en guirlande et on la porte au séchoir. (Culture. — On trouve souvent le thym planté en bordure chez les maraîchers, Il préfère une terre légère et chaude, l'exposition au midi. On le propage par éclats de touffes en mars. On tond les bordures après la floraison; on les renouvelle tous les trois ou quatre ans. Le serpolet se cullive de même. ] Propriétés physiques et chimiques: usages économiques. — Le thym jouit d’une odeur forte, aromatique et agréable, plus suave dans l'état frais qu'après la dessiccation; sa saveur est amère, âcre et chaude. Son infusion aqueuse devient brune par l’addition du sulfate de fer, ce qui y décèle une certaine quantité de tannin. Elle contient en outre une assez forte proportion d'huile volatile jaunâtre très- odorante, âcre, et une certaine quantité de camphre. | On se sert du thym comme condiment pour relever la saveur des chairs fades, des herbes potagères, pour aromatiser les sauces, les jambons, les préparations de charcu- terie, les figues, les dattes, les raisins, les pruneaux et autres fruits secs qu’on veut conserver longtemps. On le place parmi les hardes, dans les garde-robes, pour empè- cher l’abord des insectes, masquer les mauvaises odeurs, etc. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR, — Infusion, de 10 à 15 gr. par | A L’EXTÉRIEUR. — Infusion ou décoction, 30 à kilogramme d’eau bouillante. 100 gr. par kilogramme d’eau ou de vin, Eau distillée, de 50 à 100 gr., en potion. pour lotions, fomentations, bains, injec- Huile essentielle, de 10 à 20 centigr. tions, etc. Poudre, 4 à 8 gr., en électuaire ou dans un | Huile essentielle pure, ou à la dose de 50 cen- véhicule liquide. __ tigr. à 2 gr., dans un grand bain tiède. Cette plante, peu employée en médecine quoique possédant les mêmes vertus que les autres aromates, est un stimulant dont les propriétés sont analogues à celles du serpolet ou thym sauvage; on le conseille dans l’atonie des voies digestives, les flatuosités, l’aménorrhée asthénique, les catarrhes chroniques, la leucorrhée atonique, etc. Van Swieten employait la vapeur de l’infusion dethym contre le lumbago; il dirigeait cette vapeur sur la partie douloureuse, pendant une demi-heure, au moyen d’un tube, et frictionnait ensuite fortement avec des linges chauds pendant un quart d'heure. Cazenave (1) a employé avec avantage, contre la gale, les lotions composées d’infusion de thym (60 gr. pour 1 kilogr. d’eau bouillante) et de vinaigre (280 gr.), trois lotions par jour; durée moyenne du traitement, douze jours. On sait que la sarriette, la menthe et d’autres plantes aromatiques sont aussi antipsoriques. L’infusion aqueuse ou vineuse de thym a été employée sur les ulcères atoniques ; les sommités de cette plante sont appliquées sur les engorgements pêteux et indolents. On fait avec le thym, comme avec toutes les plantes aromatiques, des fumigations, des bains fortifiants, qui conviennent surtout aux enfants lymphatiques, scrofuleux, rachitiques; dans les rhumatismes chroniques qui attaquent les vieillards, les sujets faibles; dans les para- lysies, la goutte atonique, etc. (L'huile essentielle, introduite à l’aide de coton dans les dents cariées, apaise la douleur. (1) Bulletin général de thérapeutique, t. XX, p. 112. 1068 THYM. L’essence de thym, de même que celle de serpolet et de lavande, mêlée directement à l’eau au fond d’une baignoire d’adulte, à des doses variant de 50 centigr. à 2 gr., ou préalablement dissoute dans un peu d’alcool, com- munique à cette eau des propriétés excitantes qui se manifestent sensible- ment sur la peau. P. Topinard a mis ces propriétés en lumière et les a étudiées avec soin. Laissons parler ce distingué confrère (1) : « Les bains fortement aromatiques qui en résultent ont une action to- pique identique à celle des bains Pennès, et comparable à celle des bains de moutarde; ils ont sur eux, entre autres avantages, celui d’être faciles à doser dans leur action... « .... Je ne dirai rien des circonstances dans lesquelles les bains à l’es- sence de romarin, de thym, etc., sont appelés à rendre des services; ce sont celles où l’on prescrit ordinairement les bains sinapisés, les bains de Pen- nès, l’hydrothérapie, les bains de vapeur, les fumigations aromatiques, c’est-à-dire lorsqu'on veut exercer une puissante dérivation, réveiller les fonctions cutanées, relever l’organisme. Ils sont particulièrement indiqués dans les cas chroniques, et réussiront quelquefois là où auront échoué les bains sulfureux. Dans les maladies aiguës, ils peuvent être d’un grand se- cours pour amener une réaction inespérée. Je ne veux ici parler que de leurs effets physiologiques, de leurs doses, de leur mode d’administra- ton... « Les essences de romarin, de thym, de serpolet ont à peu près la même action. Voici la série des phénomènes auxquels l’une ou l’autre donne nais- sance à la dose de 2 gr., chez les sujets sensibles à leurs effets. « Au moment de l’immersion du corps, rien de particulier, sauf, par exception, une sensation de cuisson au scrotum, qui disparaît en quelques instants. Cinq ou dix minutes après, sensation de Chaleur fort agréable par tout le corps. Vers la quinzième minute, picotements aux reins, aux flancs et au creux poplité, comme pour les bains de Pennès. Vers la trentième, les picotements se multiplient, sont déjà insupportables; chaque piqûre est bien distincte. À quarante-cinq minutes environ, les picotements devien- nent comme confluents; on dirait, aux reins et aux flancs, que c’est un vésicatoire qui prend; la cuisson est moins vive aux bras, au faîte du dos, etc. Je n’ai pas été au delà, ni ceux qui ont répété ces expériences après moi. « Au sortir du bain, les papilles sont toutes hérissées, la surface de la peau est chagrinée, d’une sensibilité extrême; là où se promène la main naît une sensation vive de brûlure. Aux flancs, aux reins et ailleurs se voient des taches grandes, irrégulières d’érythème, dix, vingt, trente. Un de mes sujets d'expériences m'a assuré que sur lui quelques-unes de ces taches étaient saillantes et démangeaient comme de l’urticaire. Ces taches, cette hyperesthésie cutanée vont en diminuant et persistent une heure; tout a disparu au bout d’une heure et demie. Quelquefois, comme pour le bain de Pennès, on éprouve des horripilations, une certaine excitation fébrile ou du malaise. « Entre l’action du romarin et celle du thym ou du serpolet, je n'ai saisi que de faibles différences. Les picotements viennent moins rapidement pour le romarin; ils sont plus supportables; mais en revanche l’hyperesthésie dure davantage après le bain... « Les huiles essentielles tirées de la famille des labiées ne sont pas certes les seuls agents qui puissent être employés en bains excitants; d’autres, tirés de la famille des ombellifères ou des synanthérées, l'huile de croton, l’es- sence de moutarde, etc., sont très-susceptibles de les remplacer. Mais celles (1) Gazette des hôpitaux, 14 février 1867, p. 75. TILLEUL. 1069 dont il vient d'être question se recommandent particulièrement par leur odeur très-agréable, par l’innocuité de leurs émanations sur les yeux et la figure et par la fugacité de leurs effets immédiats sur le reste du corps... » Nous rapprocherons ces extraits du travail de Topinard de ce que nous avons dit de l'essence de térébenthine empioyée de la même façon. (Voyez page 848.) THYM DES ALPES. (Thymus Alpinus. L.), — Espèce charmante qu’on trouve sur les Alpes, en Suisse, en Allemagne et dans le midi de la France. On la cultive dans quelques jardins. Elle a les mêmes propriétés que la pré- cédente. Description, — Tiges droites, anguleuses, velues, ramifiées, — Feuilles ovales, pointues, assez grandes, entières ou légèrement dentées. — Fleurs violettes ou bleues, grandes, axillaires, verticillées, portées sur des pédoncules velus, — Galice renflé, hé- rissé de poils, muni de stries saillantes. TILLEUL. Tilia Europæa. L. Tilia fœmina folio majore. CG. Baun., TourN. — Tilia platyphyllos. Scor. Tilia vulgaris platyphyllos. JS. BAUH. — Tilia fœmina. GER. Tilleul d'Europe, — tilleul commun, — tillot, — thé d'Europe. TILIACÉES. Fam. nat. — POLYANDRIE MONOGYNIE. L, Ce bel arbre croît naturellement dans les forêts, et est cultivé dans les parcs, les jardins, les promenades publiques, dont il fait l’ornement. Description. — Racines fortes, ligneuses. — Tige d'environ 15 à 18 mètres, à écorce épaisse, crevassée, à rameaux glabres, nombreux. — Feuilles fermes, pétiolées, alternes, un peu arrondies, échancrées en cœur à la base, aiguës au sommet, glabres en dessus, pubescentes en dessous, à dentelures mucronées., — Fleurs odorantes, axillaires, d’un blanc sale, disposées en un petit corymbe vers le milieu d’une bractée membra- neuse, étroite, allongée, lancéolée, d’un blanc jaunâtre (juillet-août). — Galice caduc à cinq divisions profondes. — Corolle à cinq pétales alternant avec les divisions du calice. — Etamines nombreuses insérées sur le réceptacle, — Fruits petits, presque globuleux, un peu pubescents, munis de cinq côtes peu sensibles. — Capsule supérieure, coriace, globuleuse, indéhiscente. Parties usitées. — Les fleurs, l'écorce. Toutes les parties de ce précieux végé- tal sont utiles aux arts et à l’économie domestique. Récolte. — On récolte les fleurs de tilleul dans le mois de juillet. On les conserve presque toujours avec leurs bractées, ce qui est un tort, ces dernières ne jouissant pas des mêmes propriétés, et ajoutant inutilement au volume et au poids. On doit donc en séparer les fleurs et les faire sécher à l’étuve et au soleil, pour les conserver belles et odorantes. Leur odeur, qui se fait sentir à plusieurs mètres de distance quand elles sont fraiches, diminue par la dessiccation. (Culture. — Les tilleuls aiment une terre légère, sablonneuse, humide, On peut les propager de graines; mais le plus souvent on les multiplie de boutures. ] Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'infusion de fleurs de tilleul, qui est d’abord claire, devient rouge si l’eau versée bouillante y séjourne longtemps (vingt-quatre heures); elle est alors moins agréable à boire. Roux, pharmacien à Nimes, en a séparé cette partie colorante. Les fleurs de til- leul contiennent une huile volatile odorante, du tannin colorant les sels de fer, du sucre, beaucoup de gomme, de la chlorophylle. Brossart (1) a préparé l'huile volatile de ces fleurs. A cet effet, il a retiré, de plus de 50 kilogr. de fleurs de tilleul à peine déve- loppées, 40 kilogr. d’une eau chargée d'un principe balsamique analogue à celui des bourgeons de peuplier, En redistillant celle-ci sur 50 nouveaux kilogrammes de fleurs encore moins développées, il a obtenu 20 kilogr. d'un liquide chargé d’un arôme très- pénétrant et très-suave, comme le baume du Pérou noir, il surnageait des globules rt (1) Journal de pharmacie, 1820, t. VI, p. 396. 1070 TILLEUL. d'huile volatile d’un jaune doré. Cette eau, placée à la cave, était, au mois de janvier suivant, transformée en une liqueur épaisse, aromatique. Brossart éprouva, après en avoir bu, une sorte d’ivresse joviale mêlée d’accablement, de sommeil, et une excitation toute particulière. C'est à ce principe que l’eau distillée et l’infusion de fleurs de tilleul doivent leurs propriétés antispasmodiques. Les fleurs et l'écorce, soumises à la macération, fournissent un mucilage épais que l’on a employé comme adoucissant. Missa (1) a découvert qu’en triturant les fruits du tilleul avec quelques-unes de ses fleurs et du sucre, on en obtenait une sorte de chocolat; mais la qualité huileuse a paru trop faible à Margrave pour substituer ce composé à ce- lui fait avec le cacao. La sève du tilleul contient une assez grande quantité de sucre qu’on pourrait extraire avec avantage. Huit tilleuls ont fourni, dans l’espace de sept jours, à Dahlmann (2), quatre-vingt-quatorze pots suédois de sève ou de liquide, qui, soumis à l’ébullition pen- dant quelques heures, ont donné 3 livres 1/2 de sucre brun, une 1/2 livre de sirop ou moscouade, et 4 onces de sucre en poudre. Le bois du tilleul, tendre et léger, facile à travailler, sert aux sculpteurs, aux layetiers, aux tourneurs, etc. Son charbon est recherché par les peintres, pour esquisser. Il est aussi employé en médecine. Après avoir été macérée dans l’eau et convenablement pré- parée, l’écorce sert dans quelques pays à fabriquer des cordes, des cäbles, des nattes et des toiles d'emballage. (Après ébullition dans l’eau, cette écorce devient molle, souple, et, comme la guita- percha, susceptible de prendre toutes les formes, qu’elle conserve en séchant. La chi- rurgie économique pourrait utiliser cette propriété.) En Suède, on en a mis dans le pain (3). PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Infusion des fleurs, de 3 à | Conserve (1 sur 3 de sucre), de 10 à 30 gr. 10 gr. par kilogramme d’eau bouillante. A L’EXTÉRIEUR. — Infusion et décoction des Eau distillée, de 50 à 100 gr. fleurs, de l’écorce ou des feuilles, en bains, Sirop, de 50 à 100 gr., en potion. fomentations, etc. Les fleurs de tilleul sont antispasmodiques, légèrement diaphorétiques. On les administre souvent dans les affections nerveuses, l’hystérie, l’hypo- chondrie, la migraine, la cardialgie, les vomissements nerveux, les indiges- tions. Dans ce dernier cas, elles n’irritent pas comme le thé, et deivent tou- jours lui être préférées, même pour l’usage journalier, à cause de leur arôme doux et agréable. L'eau distillée de ces fleurs est fréquemment employée en potion comme excipient de médicaments antispasmodiques plus actifs. Les bourgeons des feuilles à peine développées et les feuilles naissantes jouis- sent, dit-on, des mêmes propriétés que les fleurs. J’ai remarqué que lorsque les bractées étaient administrées avec les fleurs, il en résultait une action plus prononcée sur les voies urinaires que sur la peau, et qu’elles étaient moins antispasmodiques. Comme aromatique et diaphorétique, l’infusion chaude de fleurs de til- leul est utile dans la diarrhée séreuse, le refroidissement, la courbature, les coliques, les frissons fébriles. Elle produit toujours un bien-être résul- tant de la sédation du système nerveux. Plusieurs auteurs ont vanté ces fleurs contre l’épilepsie. Les observateurs rigoureux savent à quoi s’en tenir sur ce remède comme sur tant d’autres, malheureusement tout aussi peu efficaces contre cette affection. Toutefois, on devrait essayer l'emploi du principe actif obtenu par Brossart (Voyez Propriétés physiques et chimiques), dont l’action physiologique sur cet expérimentateur lui-même s’est montrée énergique et très-remarquable. Rostan (4) a mis en usage les bains d’infusion de fleurs de tilleul prolongés pendant plusieurs heures (d’abord deux, puis trois, quatre heures et même (1) Ventenat, Monographie des tilleuls. (Mémoires de l'Institut, sciences physiques et nalu- relles, 1801, t. IV.) (2) Flore médicale, 4818, t. VI, p. 252. (3) Quellemalz, Programma de pane succedaneo ex cortice tiliæ interiori, 1757. (4) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XVI, p. 299. TORMENTILLE. 1071 plus), contre les névroses et particulièrement lhystérie caractérisée par un spasme général, un sentiment de strangulation, etc. Ce moyen agit d'autant mieux que le bain est supporté pendant un temps plus long. Le mucilage épais des fleurs et de l’écorce, qui est émollient et adoucis- sant, a été préconisé par F. Hoffmann contre la brûlure et les douleurs de la goutte, J'ai employé ce mucilage avec succès dans la diarrhée et les gas- tro-entérites chroniques. Les paysans le mettent souvent en usage contre les inflammations externes, les plaies enflammées et douloureuses, le ténesme, les brûlures; ils font une décoction d’écorce de tilleul, et s’en servent, dans ces différents cas, en fomentations en lotions, en injections, ete, J'ai vu cesser une diarrhée chronique qui avait résisté aux moyens ra- tionnellement indiqués, par le seul usage de la tisane mucilagineuse d’é- corce et de fleurs de tilleul, et de la même décoction plus concentrée en demi-lavements répétés chaque jour. A cette occasion, je ne puis m’ems< êcher de faire remarquer que beaucoup de diarrhées chroniques, contre esquelles on emploie inutilement les astringents, cèdent à l’usage des mu- cilagineux continué avec persévérance : c’est que très-souvent ces affections sont dues à une irritation de la muqueuse, éontre laquelle les astringents ne réussissent pas toujours, bien qu'ils aient une action manifeste contre cer- taines phlegmasies chroniques. Les feuilles et les fruits peuvent être employés comme l'écorce. L’amande légèrement oléagineuse du fruit, pulvérisée et prise comme du tabac, a été regardée comme propre à arrêter les hémorrhagies nasales. Le charbon de bois de tilleul, qui est très-léger, a été indiqué comme fébrifuge (1). On s'en sert ainsi que du peuplier (Voyez page 824), pour la préparation de la poudre de charbon de Belloc. (Sous cette forme, on en a obtenu de bons effets, en layements dans la dysenterie avec putridité des matières excrétées) (2). Seidel (3) recommande l'application de la poudre de charbon de tilleul dans le pansement des brûlures : on vide les phlictènes, on saupoudre d’une couche de charbon pulvérisé, de 5 millimètres d'épaisseur, que l’on fixe par une bande. Si cette dernière s’humecte après quelques heures, on renouvelle l'appareil. [Le tilleul d'Europe présente plusieurs variétés que quelques auteurs ont élevées au rang d'espèces; ce sont le tilleul de Hollande ou à grandes feuilles (T. platyphyllos, Scôp.; T. grandifolia, Ehrb.; T. pauciflora, Hayn.), le . sauvage, à petites feuilles (T. microphylla, Wild.; T. parvifolia, Ebrb.]. TORMENTILLE. Tormentilla erecta. L. Tormentilla sylvestris. C. Bau., TouRN. — Tormentilla vulgaris. PARK. Pentaphyllum tormentilla dictum. Morts. — Potentilla tormentilla erecta. Scop. — Fragaria tormentilla officinarum. GRANTZ. Consolida rubra. TaB. — Heptaphyllon. Fucxs. Tormentille droite, — tormentille tubéreuse, — tourmentille, — blodrot. ROSACÉES. — DRYADÉES. Fam. nat. — ISOCANDRIE POLYGYNIE. L. Cette plante vivace (PI. XXXIX) se rencontre partout, dans les bois, les lieux frais, le long des haies, les pâturages ombragés. Description. — Racine : souche épaisse, courte, tuberculée, ronde vers la partie supérieure, presque ligneuse, à écorce inégale, d’un brun foncé en dehors, rou- (1) Journal de pharmacie, 1819, t. V, p. 321. (2) Bulletin général de thérapeutique, 1862, t. LXIII. (3) Journal des connaissances utiles, 1844, p. 304. 1072 TORMENTILLE. geâtre en dedans, un peu chevelue à sa partie inférieure. — Tiges nombreuses, dressées, ramifiées. — Feuilles sessiles, à trois ou cinq folioles ovales, allongées, dentées en scie, légèrement pubescentes, d’un vert plus foncé à la surface supérieure. — Fleurs peites, ‘d’un jaune vif, solitaires, sur des pédoncules axillaires (juin-juillet). — Galice à huit di- visions, dont quatre pour le calicule et quatre pour le calice. — Corolle à quatre pétales cordiformes et unguiculés, — Étamines nombreuses, à styles filiformes. — Fruits : akènes nus et lisses, insérés sur le réceptacle convexe persistant, Parties usitées. — La racine. Récolte. — On peut l'employer fraiche toute l'année. C’est dans la belle saison qu’il faut récolter cette racine pour la sécher et la conserver. Celle qui se trouve dans les bois et les pâturages secs est préférable. On doit choisir les plus grosses et les dé- barrasser de toutes les tiges et radicules. (Culture, — La tormentille est très-commune ; elle demande dans les jardins une bonne terre à demi ombragée. On la propage par drageons.] Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — L'odeur de cette racine, comme de toute la plante, est nulle; sa saveur est styptique et un peu aromatique. Elle contient, d’après Meissner (1), près d’un cinquième de tannin, trois dixièmes à peu près de gomme, de la myricine, de la cérine, du rouge de tormen- tille, de l'extrait gommeux, de l’extractif, des traces d'huile volatile, de la fibre ligneuse, de l’eau. Dausse (2) a fait l'analyse comparée des racines de ratanhia et des racines de tormen- tille, cette dernière étant présentée comme succédanée de la précédente. Voici le résumé de ces intéressantes recherches, tel que le présente ce chimiste distingué : 1° L’éther démontre dans le ratanhia et la tormentille une substance résinoïde, inso- luble dans l'eau, mais soluble dans l'alcool à 36 degrés. C’est à cette substance plus ou moins introduite dans l’extrait qu’il faut attribuer le trouble des dissolutions faites par l'eau. 2° Le ratanhia choisi et la racine de tormentille fournissent le plus d'extrait quand on les a traités par l'alcool à 21 degrés ou par l’eau bouillante. 8° Ces substances four- nissent un extrait entièrement soluble si l’on ne les traite que par l’eau froide; mais par ce moyen on est loin de leur avoir enlevé tout le principe astringent. 4° L'extrait de tormentille hydro-alcoolique ou par l’eau bouillante contient un cinquième en moins de tannin que les deux mêmes extraits de ratanhia choisi : ainsi, pour remplacer entière- ment le ratanhia, il faudra employer 5 gr. d'extrait de tormentille pour 4 gr. de ratanhia. 5° Le sirop de sucre et l'alcool sont les meilleurs dissolvants de ces deux extraits. 6° Toutes les fois qu'on voudra dissoudre un de ces deux extraits dans un sirop, il est inutile de se servir de l’eau : la solution se fait beaucoup mieux à laide de la chaleur dans le sirop seul. 7° Toutes les fois qu'une solution dans l’eau est trouble, on peut la rendre liquide en y ajoutant une certaine quantité d'alcool. 8° Déjà, par suite dé la ra- reté du ratanhia, les falsificateurs se sont mis à l’œuvre; on m'a déjà montré deux prè- tendus extraits de ratanhia faits de toutes pièces et sans ratanhia. Un moyen sûr de couper court à toutes ces falsifications, c’est de prescrire, à la place de l'extrait de ra- tanhia, l'extrait de tormentille qui, par son prix des deux tiers au-dessous de celui du ratanhia, n’offrira plus aucun avantage aux falsificateurs et permettra aux pharmaciens de fournir aux malades peu aisés un médicament moins coûteux et aussi actif que celui fait avec le ratanhia. 9° Les préparations de tormentille se distinguent par une odeur légère de rose. La grande quantité de tannin qui existe dans cette racine l’a fait employer au tan- nage, surtout dans le nord de l'Europe, et particulièrement aux îles Feroë, aux Or- cades, etc. On lit dans les mémoires de l’Académie de Berlin (3), qu’une livre et demie de poudre de tormentille équivaut à 7 livres de tan, pour cette opération; aussi Hermstædi propose-t-il de la recueillir avec soin pour l’employer à la préparation des peaux. La couleur rouge, qui est si abondante, la rend utile en teinture, surtout pour les cuirs, en Laponie. On en fait aussi de l'encre. La gomme, qui fait plus du quart de ses principes constituants, montre qu’on pourrait encore se servir de cette racine inodore comme ali= ment, en la dépouillant de ses principes styptiques et un peu aromatiques. (1) Journal de chimie médicale, 1830, t. VI, p. 537. (2) Bulletin général de thérapeutique, t. XLIT, p. 237. Es (3) Annales de chimie, an XIIL, t. LIV, p. 219. TORMENTILLE. 1073 PRÉPARATIGNS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR, — Décoction, de 15 à 30 gr. Vin (1 sur 16 de vin), 60 à 100 gr. par kilogramme d’eau. Teinture (1 sur 8 d'alcool), de 5 à 10 gr., en | A L’ExTÉRIEUR. — Décoction (30 à 60 gr. par potion. kilogramme d’eau), pour lotions, fomenta- Poudre, de 2 à 12 gr., en bols, pilules ou dans tions, etc. du vin généreux. Poudre, quantité suffisante pour cataplasme. Extrait (1 sur 8 d’eau), de 1 à 4 gr, et plus, | Pommade (1 de poudre sur 5 à 16 d’axonge. dans du vin, en pilules, bols, etc. La racine de tormentille est énergiquement astringente ; comme la bistorte, elle est employée dans les flux et écoulements muqueux atoniques, les hé- morrhagies passives, les fièvres intermittentes, etc. Haller la préférait à toutes les autres plantes astringentes. « La tormentille, disent Mérat et Delens (1), est un des meilleurs astringents indigènes connus; c’est une plante trop négligée, et sa racine, sous le seul rapport économique, devrait être recueillie avec soin et employée plus qu’on ne fait. » La tormentille et la bistorte peuvent remplacer, dans la médecine rurale, le ratanhia. Je leur ai constamment trouvé la même efficacité. Comme tous les autres astringents, la racine de tormentille ne doit être employée dans la dysenterie, la diarrhée, etc., que lorque la période d’irritation est passée. Loiseleur-Deslongchamps et Marquis (2) disent que c’est uniquement à son emploi intempestif qu'il faut attribuer la diminution de sa réputation dans les dysenteries et les fièvres intermittentes, et non à son défaut d'énergie; et ils ajoutent que si quelquefois elle à été nuisible, il est probable que ce n’a été qu'entre des mains inexpérimentées. Cullen a éprouvé de bons effets de la racine de cette plante dans certaines fièvres intermittentes, en l’unissant à la gentiane; ce mélange m'a réussi dans la leucorrhée atonique. Gilibert dit avoir vu un phthisique guérir par le seul usage d’un gros (4 gr.) de tormentille en poudre, administrée tous les matins, pendant un mois, par le conseil d’un paysan. Cette phthisie était consécutive de fréquents crachements de sang avec langueur d'estomac. Il est probable qu’il n'existait chez ce malade qu’une grande débilité causée par de fréquents crachements de sang, et que les poumons n’eussent offert, à l’exploration, aucune lésion semblable à celles que l’on trouve chez les phthisiques. A la campagne, on utilise la décoction de racine de tormentille contre l’hématurie des bestiaux. A l'extérieur, cette plante est employée en décoction aqueuse ou vineuse dans les cas de ramollissement des gencives, pour résoudre les contusions, les ecchymoses, pour exciter les ulcères atoniques, blafards, ete. (De Duben (3) rapporte qu'il a traité avec succès plusieurs cas de pro- lapsus du rectum par des lavements de décoction de tormentille.) Morin, de Rouen (4), a recommandé le remède suivant contre le panaris : on fait sécher au four la racine de tormentille, on la pulvérise, et, au moyen d'un jaune d’œuf, on lui donne une consistance pâteuse; on étend sur un linge une ou deux lignes d'épaisseur de cette pâte, et on en enveloppe la partie malade; on doit de plus avoir la précaution de recouvrir le tout d’un cataplasme ordinaire, afin de retarder la dessiccation de la pâte par la cha- leur de la partie malade; ce remède réussit aussi contre le furoncle. Quel est, dans ces cas, sa manière d’agir ? (1) Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. V, p. 491. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t, XLIV, p. 383. (3) Journal für Kinderkrankheiten, 1862. (4) Bulletin de thérapeutique, novembre 1839. 63 1074 TROENE. TROËNE. Ligustrum vulgare. L. Ligustrum Germanicum. C. Baux. — Ligustrum. J. BAux., GER., BLACK. OLEINÉES. — OLÉES. Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. Cet arbrisseau, d’un aspect agréable, croît naturellement dans les haies et dans les bois. Les vaches, les chèvres, les moutons mangent les feuilles, Les perdrix, les grives, les merles se nourrissent des fruits. Les morilles se plai- sent au pied du troëne. Cet arbrisseau est vulgairement connu dans nos dé- partements sous le nom de truffetier. Beseriptionm. — Tiges de 2 à 3 mètres, à rameaux opposés, cylindriques, flexi- bles, d’une couleur cendrée. — Feuilles ovales, lancéolées, glabres, entières, d’un vert gai, courtement pétiolées, persistantes dans les hivers doux. — Fleurs blanches, petites, odorantes, disposées en panicules où en thyrse à l'extrémité des rameaux (juin-juiliet). — Calice, court, urcéolé. — Corolle tubulée, divisée à son limbe en quatre lobes ovales. — Fruits : baies mûrissant en automne, se colorant d’un pourpre noir, et restant sur l’arbrisseau une partie de l'hiver. Parties wsitées. — Les feuilles, les fleurs et les fruits. Béeolte. — On récolte les feuilles et les fleurs pendant l’été ; les fruitsen automne. Ces fruits sont souvent mêlés par fraude à ceux de nerprun. (Voyez l'article NERPRUN, p. 679.) Canltuare. — On le propage de marcottes, de boutures, de graines ou de pieds en- racinés pour en faire des haies, des palissades, des bordures, etc.; il figure dans les bosquets d'automne. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Les fleurs sont odorantes; les feuilles ont une saveur acerbe et légèrement piquante. Leur décoction noircit par l'addition du sulfate de fer. Les baies fournissent une couleur noire et un bleu turquin, dont on fait usage pour les enluminures et pour colorer le vin; elle sert aussi à faire l'encre des chapeliers. (Ces baies contiennent de l’eau, du ligneux, du glucose, une matière cireuse et une matière colorante d’un beau cramoisi, soluble dans l’eau et dans l'alcool, insoluble dans l'éther, parfaitement distincte des matières colorantes connues, ne renfermant que du carbone, de l'hydrogène et de l'oxygène, à laquelle Nicklès (1) a donné, pour la diflé- rencier, le nom de liguline. Ce chimiste a appliqué cette substance à l'analyse des eaux potables, où elle paraît appelée à rendre des services.) Les branches les plus flexibles de cet arbrisseau sont employées à faire des liens et des ouvrages de vannerie. Son bois, inattaquable aux insectes, peut servir d’échalas. (Polex a découvert dans l'écorce une substance amère qu’il nomme ligustrine; c’est. une masse jaune, extractiforme, hygrométrique, soluble dans lalcool et l’eau, insoluble dans l’éther. Ce n’est pas un alcaloïde) (2). Les feuilles et les fleurs de troëne passent pour astringentes, détersives, vulnéraires. Leur décoction est usitée dans les maux de gorge, les aphthes, la stomatite, les ulcères scorbutiques de la bouche, le relâchement de la luette, l’engorgement chronique des amygdales. La décoction des feuilles avec addition de quelques gouttes d’acide sulfurique ou chlorhydrique, et une suffisante quantité de miel rosat, m’a plusieurs fois été utile en garga- risme dans les affections dont je viens de parler. J’ai vu dés paysans se guérir de diarrhées chroniques au moyen du sue des feuilles et des fleurs de troëne pris à la dose d’un demi-verre chaque matin. Une femme âgée de quarante- cinq ans, d’un tempérament lymphatique, affaiblie par des pertes mensuelles abondantes, a été débarrassée de ces dernières par le même remède admi- nistré chaque jour pendant vingt jours. Le troëne, tout à fait inusité de nos jours, peut s'ajouter aux nombreuses (1) Journal de pharmacie et de chimie, mai 1859. (2) Journal de chimie médicale, 1839, 2e série, t. V, p. 171. TULIPIER. 1075 L4 ressources dont le médecin de campagne peut disposer en faveur des ma- lades indigents. —— TULIPIER. Liviodendrum tulipifera. L. Tulipe en arbre, — tulipe de Virginie. y MAGNOLIAGÉES. — MAGNOLIÉES. Fam. nat, — POLYANDRIE POLYGYNIE. L. Cet arbre, de l’Amérique septentrionale, est cultivé chez nous en pleine terre et peut prendre rang aujourd’hui parmi nos arbres indigènes. D'une beauté rare et d’un port magnifique, il est un des plus beaux ornements de nos jardins paysagers. Description. — Arbre qui,-dans un terrain et sous un ciel favorable, s'élève jusqu'à 30 mètres, et dont le tronc à jusqu’à 10 mètres de circonférence ; tête vaste et touffue, rameaux d’un brun cendré., — Feuilles imitant la forme d’une lyre, d’un vert soyeux, très-agréable à l'œil, alternes, pétiolées, grandes, divisées en trois lobes, dont le moyen est tronqué au sommet. — Fleurs semblables aux tulipes par leur forme et leur volume, s’évasant en cloche et se nuançant de vert et de jaune (juin-juillet). — Fruit comme en cône, formé par une réunion de samares ligneuses, à styles endurcis, se détachant à la maturité de l’épi, qui, lui seul, est persistant, Parties usitées. — L'écorce, surtout celle de la racine; quelquefois les fruits, les feuilles. Culture. — On le multiplie de graines, au printemps, qu’on ressème en terrines, en terre de bruyère. On recouvre à peine de terreau mêlé de bruyère. Pendant l’accrois- sement, on entretient l'ombre avec des paillassons, On repique en pépinière, et lorsque le tulipier a environ 4 mètre 1/2, on le met à demeure dans une terre franche et fraiche ; il vient mieux s’il est isolé. Réeslte. — C'est pendant la floraison que l’on doit récolter l'écorce, parce qu’elle jouit alors de toutes ses forces. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Gette écorce exhale une odeur aromatique imitant celle du cédrat. D’après Troms- dorff et Carminati, elle réunit les principes amer et gommeux au tannin. Bouchardat (1) y a trouvé de l'huile essentielle, du piperin, du tannin, une résine molle, un alcali vé- gétal, etc. Emmer y à constaté la présence d’un principe à la fois amer et aromatique, auquel il a donné le nom de liriodendrine, et qui paraît contenir les propriétés de ce végétal. Les habitants du Canada emploient la racine du tulipier pour adoucir l’'amertume de la bière de sapinette; l'écorce sert à parfumer les liqueurs des îles. Bosc a vu préparer une liqueur de table très-agréable avec la racine. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Poudre, 8 à 15 gr., et plus, Vin (écorce et alcool, 1 sur 7 de vin), de 100 à en bols, pilules, électuaire ou dans du vin. 150 gr. (Bouchardat), préférable. Extrait alcoolique, 1 à 4 gr., en potion, pi- lules, etc. Tonique, amer, astringent et aromatique, le tulipier est considéré avec raison comme un des meilleurs succédanés du quinquina dans le traitement des fièvres intermittentes. Schœælff (2), Chapman, Barton, Young (3), Rusch, Carminati, ont substitué l’écorce de cet arbre à celle du quinquina, et dans les mêmes cas, avec succès. Sur six Cas de fièvres intermittentes où Hilden- brand l’a prescrite, il en a guéri cinq. De tels résultats sont de nature à en- gager les praticiens à avoir recours à l'écorce de cet arbre, devenu commun en France, et dont la culture pourrait prendre une extension à la fois utile et agréable. (1) Recherches sur l'écorce du tulipier. (Annuaire, 1841, p. 75.) (2) Matière médicale américaine. (3) American Museum, t. XI. 1076 TUSSILAGE. Cette écorce a été employée dans diverses maladies. Burton affirme qu’il n'y a pas dans toute la matière médicale de meilleur remède pour guérir l'hystérie que l'écorce de tulipier unie à une petite quantité de laudanum. Il ja donne aussi dans la phthisie pulmonaire, les affections vermineuses, l'atonie de l’estomac, dans la dernière période des dysenteries, contre la goutte et le rhumatisme. A Philadelphie, c’est un remède vulgaire dans ces deux dernières affections ; mais il est évident qu’il ne peut convenir comme antigoutteux que chez les sujets faibles, énervés, cachectiques. Les feuilles de cet arbre ont été regardées comme propres à guérir les maux de tête, écrasées et appliquées sur le front. Les semences sont, dit-on, apéritives. TUSSILAGE. Tussilago farfara. L. Tussilago vulgaris. G. Baux, Tourx.— Tussilago. CLUS.—Farfara. CoEsALP. Bechium sive farfara. Don. — Ungula caballina. TRAG. Béchion (1). Dioscor. — Filius ante patrem. Tussilage commun, — pas-d’âne, — pas-de-cheval, — herbe de Saint-Guérin, taconnet, — procheton. COMPOSÉES. — EUPATORIÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Le tussilage (PI. XXXIX), plante vivace, se trouve aux bords des ruis- seaux, des fontaines, des fossés, dans les terrains argileux, sur les coteaux humides et gras. Le nom de filius ante patrem, qui lui a été donné au moyen- âge, vient de ce que les fleurs paraissent avant les feuilles. Celui de pas- d'âne vient de la forme de ses feuilles, et celui de tussilage, de son emploi contre la toux. à Description. — Racines longues, grêles, traçantes, blanchâtres. — Tiges: hampes droites, simples, uniflores, fistuleuses, longues de 10 à 15 centimètres, garnies d’écailles membraneuses lancéolées, — Feuilles : toutes radicales, pétiolées, arrondies, cordiformes, lisses, dentées, d’un vert gai en dessus, blanchâtres et cotonneuses en dessous. — Fleurs radiées, solitaires, d’un beau jaune de soufre, formées par la réunion d’une mul- titude de petites fleurs paraissant avant les feuilles (avril-mai). — Calice commun, à plu- sieurs folioles glabres, linéaires, disposées sur un seul rang, accompagnées à leur bâse de petites bractées à bords cotonneux. — Fleurons tantôt tous hermaphrodites, tantôt femelles, fertiles vers la circonférence, hermaphrodites dans le centre. —- Cinq étamines syngénèses. — Un style. — Deux stigmates. — Fruits : akènes, oblongs, cylindriques, un peu striés, couronnés par des aigrettes simples et sessiles, quelquefois pédicellées. Parties usitées. — Les feuilles, les fleurs, rarement les racines. Récolte. — On récolte les fleurs en février, mars, avril; les feuilles en été, les racines en automne ou au printemps, ayant la floraison. Après avoir fait sécher les fleurs à Létuve, il faut bien s'assurer si elles sont complétement sèches, car elles conservent souvent un fond d'humidité qui les détruit promptement, tCulture. — Le tussilage croit sur les talus, dans les endroits humides. On ne le cultive que dans les jardins botaniques. On le propage par semis; il se ressème lui- wèrae. | Propriétés physiques et chimiques. — Les fleurs ont une odeur forte, agréable, et une’saveur douce et aromatique. (Analysées par Nayle (2), elies ont donné de la gomme, de l’inuline, des acides gallique et pectique, de l'extractif amer, de la ré- sine, de l'huile fixe et des matières colorantes verte el jaune.) Les feuilles sont amères. ét mucilagineuses. Le sulfate de fer donne à la décoction de cette plante une couleur noire qui décèle la présence du tannin. Elle contient en outre un principe extractil. 3 La racina da fnccilage, concassée et desséchée, prend feu comme de l'amadou, sui- vant Murray. chi i a toux, et dont les mo- 1) Béchion, à cause de la propriété que cette plante a de calmer la . nt les de ont fait dériver l'expression béchiqre, appliqué à tous les médicaments qui jouissent également de propriétés calmantes et expectorantes. (2) Journal of the Marylands college of pharmacy, t. WE, p. 73. TUSSILAGE. 1077 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES, À L'INTÉRIEUR.— Infusion théiforme des fleurs, 20 à 30 gr. par kilogramme d’eau bouil- lante. Sirop des fleurs {1 sur 2 d’eau bouillante et 5 de sucre), 30 à 100 gr. Suc des feuilles ou des fleurs, 30 à 60 gr., et plus. Extrait des feuilles ou des fleurs, 5 à 10 gr., et plus. l’eau, pulpée, passée au crible, cuite en consistance de bouillie avec le double de miel, À L'EXTÉRIEUR. — Décoction des feuilles, 50 à 100 gr., et plus, par kilogramme d’eau, pour fomentations, lotions, injections, fu- migations. Feuilles pilées en cataplasme. Feuilles sèches fumées comme du tabac. Looch de farfara (pharmacopée de MW urtem- f Les fleurs entrent dans les espèces pecto berg), racine de tussilage décoctée dans ! rales, Les fleurs de tussilage ont toujours été placées en pharmacie parmi les espèces pectorales, telles que celles de mauve, de pied-de-chat, de bouillon blanc, de violette, etc. Les feuilles et les racines, dont les anciens faisaient usage, n'étaient plus usitées, lorsque Fuller (1) les recommanda comme un remède précieux contre les affections scrofuleuses. Hippocrate employait la racine de tussilage associée au lait et au miel contre les ulcérations du poumon. Dioscoride, Galien et Pline parlent de la fumée des feuilles contre la toux et l’asthme, usage que Linné a retrouvé en Suède, où l’on fume ces feuilles en guise de tabac quand on a de la toux. Boyle (2) rendait ces fumigations plus actives contre la phthisie en ajoutant au tussilage de la fleur de soufre et du succin : Herbæ cum flore sulphuris et succino in pulverem comminuto mixtæ fumus ore haustus instar nicotianæ phthi- sim aliquando sanavit (3). Häller prétend avoir guéri plusieurs phthisiques par le seul emploi de cette plante. , (D'après Albrecht (4), on emploie le tussilago farfara au Japon contre cette même maladie.) Fuller considérait la décoction des feuilles de tussilage comme pouvant seule guérir la phthisie scrofuleuse. Peyrilhe vante cette décoction concen- trée ou le suc contre la même maladie, et le sceptique Culler (5) dit que l'emploi de ces préparations à produit de bons effets dans les ulcères scro- fuleux. Il avoue, toutefois, que ce moyen n’a pas toujours répondu à ses espérances. Meyer rapporte trois cas de scrofules guéris par ce végétal : le premier est relatif à un asthme avec toux, le second à un ulcère scrofuleux, le troisième à un exanthème également serofuleux avec psorophthalmie, contre laquelle on lavait en même temps l’œil avec une décoction de tussi- lage. Allen (6) dit aussi que la décoction des feuilles de tussilage l'emporte sur tous les remèdes qu'on à connus jusqu'ici pour guérir les écrouelles. Bodart a recueilli, à l'hôpital Sainte-Claire de Pise, en Toscane, « une preuve sans réplique de son efficacité dans l’atonie du système capillaire sanguin et lymphatique, qui constitue essentiellement la diathèse dite scro- fuleuse. » Cette preuve consiste dans une observation fort intéressante. A son retour en France, Bodart s’est livré à de nouvelles expériences qui ont confirmé les heureux effets du tussilage dans le traitement des affections scrofuleuses. Les nombreux faits qui lui sont particuliers, et ceux que lui ont communiqués plusieurs praticiens, et notamment Gaultier de Claubry et Menuret, sont consignés dans son Essai sur les propriétés du tussilage (Pa- ris, 1809). Cette plante possède à un haut degré, suivant Bodart, des pro- (1) Médecine gymnastique, p. 93. (2) De ulil. philos. nat., traduction latine publiée à Londres en 1692, de son ouvrage : Some considerations touching the usefulness of experimental nat. philosophy, etc. Oxford, 1633 æt 1672. é (3) Ray, Calal. plant., p. 297. (4) Union médicale, 1863, t. XVIII, p. 485. (5) Matière médicale, t. II, p. 482. (6) Roques, Plantes usuelles, t. LI, p. 345. 4078 TUSSILAGE. priétés toniques, incisives, résolutives et légèrement purgatives, selon les di- verses manières de l’administrer. Hufeland (1), et après lui Tourtelle (2), vantent les propriétés du tussilage contre les affections lymphatiques et scrofuleuses. Le dernier auteur en aiguisait la décoction avec la potasse ou la soude. Baumes (3) dit que le tussilage est un très-bon remède contre les engorge- ments des glandes, les éruptions cutanées, et surtout contre les toux scrofu- leuses et les affections des poumons. Il réussit très-bien, suivant lui, chez les enfants qui ont les poumons faibles, même lorsque la fièvre a commencé à s'établir, Il prescrit le suc frais des feuilles à la dose de 30 à 120 gr. dans la journée, ou la décoction des feuilles sèches lorsqu'on ne peut se procurer la plante fraîche. Alibert, sous les yeux duquel cette plante a été administrée dans diverses affections scrofuleuses, dit n’en avoir obtenu aucun résultat. Mérat et Delens la croient utile pour faciliter l’expectoration, sur la fin des catarrhes aigus. Fernel”avait dit du tussilage : /nspirato fumo, pulmones tam blande expurgant, ut sine noxa omnes thoracis abcessus rumpere credantur (4). Trousseau et Pidoux ne mentionnent le tussilage que comme plante sim- plement émolliente, et le placent à côté de la mauve, de la guimauve, de la bourrache, etc. C’est ne tenir aucun cas des recherches et des observa- tions de nos devanciers sur cette plante. Pour moi, j'avoue que les faits nombreux rapportés par des auteurs dignes de foi, et surtout les assertions du célèbre praticien Hufeland, ont ébranlé mon incrédulité, malgré deux essais infructueux. J'ai de nouveau employé le tussilage, et je m’en suis bien trouvé. J’ai pu me convaincre de l'efficacité de cette plante dans plusieurs cas d’affections scrofuleuses, où les traitements généralement connus et employés avaient échoué. Je citerai les suivants : . Premier cas. — La fille du sieur Bernard, de Boulogne, âgée de onze ans, d’une faible constitution, avait eu, pendant les premières années de son en- fance, de l’impetigo, de fréquentes ophthalmies et des engorgements glan- duleux au cou. On me la présenta en juillet 1854. Elle était alors atteinte d’une ophthalmie photophobique double; les paupières étaient très-bour- soufflées et érysipélateuses à leurs bords; elle avait un engorgement glandu- leux considérable des deux côtés du cou, sans changement de couleur à la peau. On avait inutilementemployé contre cet état, qui datait d'environ six mois, l’infusion de houblon coupé avec du vin, le sirop de gentiane, l'huile de foie de morue-et un régime tonique. Je mis immédiatement la malade à l'usage du suc de tussilage, à la dose de 60 gr., que j’augmentai graduelle- ment jusqu’à celle de 180 gr. par jour. Dès le cinquième jour, il y avait amélioration, la malade commençait à ouvrir les yeux et supportait mieux la lumière. Il est vrai qu’une infusion de jusquiame, que je faisais appliquer sur les paupières, pouvait produire seule cette amélioration; mais au quin- zième jour du traitement, les glandes engorgées étaient diminuées de moi- tié, l’ophthalmie presque entièrement dissipée. Au bout de six semaines, la malade était complétement débarrassée et dans un état de santé des plus satisfaisants. Deuxième cas. — M'° D***, de Samer, âgée de quinze ans, d’une consti- tution grêle, d’un tempérament lymphatique, irrégulièrement mais abon- damment menstruée, ayant eu des scrofuleux dans sa famille, était atteinte depuis près de huit mois, et à des degrés variables, d’une ophthalmie chro- nique de l’œil droit, avec photophobie. Elle avait, en outre, au-dessous de l'oreille droite, une tumeur glanduleuse de la grosseur d’un œuf, des ulcé- (1) Traité de la maladie scrofuleuse, traduit par Bousquet, p. 273. (2) In À. Lorentz, Disserlalion sur les maladies scrofuleuses, p. 20. (3) Du vice serofuleux, etc., p. 296. (4) Univ. med., lib. v, cap. xx1, p. 265. Genevæ, 1680, TUSSILAGE. 1079 rations erustacées dans les narines, avec gonflement et rougeur des ailes du nez et de la lèvre supérieure. Cet état, Gontre lequel on n'avait employé que l'huile de foie de morue à la dose d’une cuillerée à bouche par jour, mêlée à pareille quantité de sirop antiscorbutique, durait depuis près d’un an, lorsque dans les premiers jours de juin 1857 la malade fut confiée à mes soins. Je prescrivis une forte décoction de feuilles fraîches de tussilage à prendre en quatre fois dans la journée. Au bout de dix jours de ce traite- ment, l'amélioration était sensible, On se bornait contre l’ophthalmie à l’ap- plication de la pommade antiophthalmique de Desault, Le trentième jour, l’ophthalmie et les ulcérations nasales étaient guéries; la tumeur du cou était diminuée de moitié. On continua la décoction de tussilage, et l’on fit prendre en outre, chaque matin, un verre (environ 100 gr.) de suc de la même plante. Sous l'influence de cette médication, la tumeur diminua gra- duellement de volume dans l’espace d’un mois, et vers le 45 août, la réso- lution était complète. Depuis six mois, la guérison ne s’est point démentie. Troisième cas. — Renaud, âgé de vingt ans, tempérament lymphatique, habitant le village marécageux de Nesles, était alteint depuis près de deux ans d’engorgements glanduleux au cou, qui, en s’abcédant successivement, avaient donné lieu à des ulcères sanieux, fongueux, avec décollement de la peau. Ces ulcères, de l’étendue d’une pièce de 2 fr. à celle de 5 fr., blafards, à bords cuivreux et décollés, étaient au nombre de six lorsque je vis le ma- lade pour la première fois, le 10 mai 1857. Le malade avait pris, très-irré- gulièrement, il est vrai, l’huile de foie de morue, l’iodure de potassium et la décoction de feuilles de noyer. Après avoir cautérisé, ravivé les ulcères par le nitrate d'argent, et détruit au moyen du caustique de Vienne les par- ties de la peau non susceptibles d’adhérence et de cicatrisation, je mis le malade à l'usage du suc de tussilage, d’abord à la dose de 60 gr. chaque matin, et de la décoction de feuilles sèches de la même plante (50 gr. pour À kilogr. d’eau) pour boisson dans la journée. La dose du suc fut graduelle- ment augmentée jusqu’à celle de 100 gr., à laquelle on était arrivé au quin- zième jour dü traitement, dont l'effet était déjà très-prononcé. Les ulcères, qui avaient changé d’aspect dès les huit premiers jours, marchaient vers la cicatrisation. Au bout de deux mois, il ne restait plus’que quelques engor- gements cellulaires, qui ont cédé à la continuation du traitement; complété d’ailleurs par l'emploi du vin de gentiane ct de feuilles de noyer. Je dois faire remarquer, à cette occasion, que l’action antiscrofuleuse du tussilage se manifeste beaucoup plus promptement que celle des feuilles de noyer et du brou de noix, mais que celle-ci, pour se faire attendre, n’en est pas moins efficace. Ces deux végétaux combinés, employés simultanément ou succes- sivement dans les mêmes cas, offrent de grandes ressources aux praticiens des campagnes dans le traitement des affections scrofuleuses, Les médecins de nos cités craindront de vulgariser la médecine par l'emploi de remèdes si simples; ils préféreront toujours, ainsi que leurs malades, les prépara- tions d’iode, celles d’or, de baryum, etc., élégamment arrangées dans l’offi- cine du pharmacien. A l'extérieur, on s’est servi des feuilles fraîches de tussilage en cataplasme comme légèrement résolutif et maturatif. Hippocrate recommandait l'em- ploi de la décoction vineuse sur les plaies tendant à se transformer en ul- cères. La fumée de la plante desséchée a été recommandée contre l’odon- talgie. Bodart employait la teinture alcoolique de tussilage en frictions; la poudre des feuilles, comme du tabac, dans le coryza ou pour dessécher les ulcères; le décoctum vineux ou aqueux, ou le suc exprimé pour fomen- tation sur les engorgements et les ulcères scrofuleux; les feuilles crues ou cuites, pilées en cataplasme avec du miel, à la manière des anciens; la so- lution de l’extrait dans l'huile en liniment. Ces topiques paraissent assez in- 1080 VALÉRIANE. signifiants et p.uvent être avantageusement remplacés par d’autres plus énergiques. TUSSILAGE PETASITE. — PÉTASITE. — HERBE AUX TEIGNEUX, AUX CHA- PEAUX. — GRAND BONNET. (T'ussilago petasites, L. ; petasites major ct vulgaris, C. Bauh., Tourn. ; petasites vulgaris rubens rotundiore folio. J. Bauh.) — Cette plante vivace, incomplétement dioïque, croît dans une grande partie de la France, aux lieux humides, aux bords des fossés, des ruisseaux, des torrents. Les feuilles fraîches un peu écrasées plaisent aux bestiaux, les abeilles re- cherchent les fleurs. Deseription. — lRacines très-épaisses, longues, charnues, blanchâtres intérieu- rement, noirâtres en dehors. — Tiges de 20 à 50 centimètres, herbacées, pubescentes, simples, droites, épaisses, cotonneuses, garnies de squames ou écailles rougeâtres. — Feuilles radicales en rosette, longuement pétiolées, amples, ovales, cordiformes, inéga- lement dentées, d’un vert foncé en dessus, pubescentes et blanchâtres en dessous. — Fleurs purpurines disposées en thyrse au sommet des tiges (mars-avril) ; involucre à un ou deux rangs de folioles; réceptacle plan, demi-fleurons tubuleux, nombreux, tous fe- melles, à l'exception de quelques mâles placés au centre, ou tous mâles, sauf quelques- uns femelles à la circonférence ; stigmates des fleurs stériles, courts, obtus. L’odeur et la saveur de cette plante sont plus développées que dans l'espèce précé- dente. La racine est amère, un peu aromatique et âcre. La racine de pétasite est regardée comme vermifuge, sudorifique, astrin- gente. On a employé son infusion (10 à 15 gr. par 500 gr. d’eau) dans les fièvres miliaires, la scarlatine, la rougeole, les affections catarrhales pulmo- naires, l'asthme humide, contre les vers, etc. Elle paraît plus active que celle du tussilage pas-d’âne, et pourrait être employée aux mêmes usages. Les fleurs sont réputées pectorales. Les feuilles ont été appliquées sur les gonflements goutteux pour en calmer les douieurs; écrasées, en topique, pour résoudre les tumeurs, déterger les ulcères, etc. TUSSILAGE ODORANT. — HÉLIOTROPE D'HIVER. (Tussilago fragrans. Vil- lars.) — Originaire des Basses-Alpes, cette plante est cultivée dans les jar- dins. J’en ai entouré une pièce d’eau à ma campagne. Descriptiom. — Racine noueuse et traçante. — Tige droite, striée, velue, de 30 centimètres environ. — Feuilles arrondies, échancrées en cœur à leur base, grandes, finement dentées à leur contour, molles, d’un beau vert en dessus, pubescentes et plus pâles en dessous; pétioles dont la base est la tige. — Fleurs purpurines, réunies en thyrse, offrant l'odeur suave de l’héliotrope du Pérou. VALÉRIANE. Valeriana officinalis. L. Valeriana sylvestris (et palustris) major. C. BAuH., TOURN., GER. Valeriana sylvestris magna aquatica. J. BAUH. Valeriana sylvestris. Don.— Valeriana sylvestris prima. CLus. Phu Germanicum. Fucus.— Phu parvum. MATTH. Valériane officinale, — valériane sauvage, — herbe aux chats, — herbe à la meurtrie, herbe Saint-Georges. VALÉRIANACÉES. Fam. nat. — TRIANDRIE MONOGYNIE. L. Cette plante bisannuelle (XL) se trouve sur le bord des rivières, aux lieux un peu humides, dans les bois. BDeseription. — Racines fibreuses, jaunâtres à l'extérieur, blanchâtres à l’inté- rieur, légerement amères. — Tiges dressées, fistuleuses, cannelées, glabres ou légère- ment pubescentes, hautes de 4 mètre à 4 mètre 50 centimètres. — Feuilles opposées, pétiolées, ailées, avec une impaire, à folioles sessiles, lancéolées, aiguës, lâchement dentées sur leurs bords. — Fleurs d’un blanc rougeàätre disposées en cymes corymbi- formes, axillaires, formant un panicule très-étalé, composé de rameaux opposés, munis VALÉRIANE. 1081 à la base de bractées linéaires (juin-octobre). — Calice roulé en dedans pendant la flo- raison et formant une aigrette à la maturité. — Corolle tubulée, infundibuliforme, ren- flée vers la base, divisée en cinq lobes presque égaux. — Un ovaire infère. — Trois éta- mines saillantes, — Un style grêle à deux stigmates trifides. — Fruit : akène ovoïde, couronné par une aigrette plumeuse, Parties usitées. — La racine. Récolte, — On récolte par habitude cette racine en automne. Celle qui croît dans les lieux secs ou sur les montagnes doit être préférée, comme ayant une odeur, une saveur, et conséquemment des propriétés plus développées, IT faut la choisir grosse, bien nourrie. Après l'avoir bien mondée, on la porte à l’étuve. Elle acquiert une odeur plus prononcée par la dessiccation. (Il résulte des recherches de Pierlot (4) que 100 gr. de ra- cines fraiches récollées en automne donnent environ 87 gr. de racines sèches, tandis que la même quantité récoltée, dans les mêmes conditions, au printemps suivant, n’en fournit plus que 25 gr.) (Culture. — La valériane qui croît spontanément doit être préférée à celle qui serait cultivée, car la culture ne ferait qu'en diminuer les propriétés. Elle croit, d’ail- leurs, dans tous les sols, et elle se propage facilement, soit par graines semées en place, soit par éclats de pied pratiqués au printemps ou à l’automne.] Propriétés physiques et elhhimiques. — Celle racine est d’une odeur forte, nauséeuse, désagréable. Sa saveur est âcre et amère. Elle contient : Huile essen- tielle, 20 centigr.; acide valérianique, 1 gr.; acide malique, 20 centigr.; matière amy- lacée, 9 gr.; matière extractive, 4 gr. 20 centigr.; albumine, 30 centigr.; chaux, 10 centigr.; cellulose, 21 gr.; eau, 64 gr. — Total, 100 gr. (Pierlot.) L'huile volatile contribue puissamment aux propriétés de la valériane. Simplement préparée par les procédés ordinaires, elle contient : £° une huile volatile d’odeur cam- phrée, ayant la même composition que l'essence de térébenthine (c’est un hydrogène carboné nommé valérène — C?°H'6, isomérique avec le bornéène de Gerhardt); 2° un peu d'un stéraoptène {bornéol), d’odeur de camphre et de poivre qui se produit par la fixation de leau sur la première essence. C’est la même matière qui constitue le camphre de Bornéo, fourni par le pleryqgrium teres; elle est transformée en camphre ordinaire par l'acide nitrique ; 3° une huile volatile oxygénée d’une odeur de foin, le valérol ou aldéhyde valérique — C'?H!°0%. Elle s’oxyde à l'air et s’y transforme en acide valérique, et en même temps se résinifie toujours. — L’acide VALÉRIQUE OU VALE- RIANIQUE, découvert par Grote, existe toujours en petite quantité dans l'essence de va- lériane récente. D’après Gerhardt, l'essence récente n’en contient pas. Sa proportion augmente à mesure qu’elle a eu le contact de l’air. Cet acide est de la nature des acides gras volatils ; il est liquide, oléagineux, d’une odeur particulière repoussante, qui a beaucoup d’analogie avec celle de la valériane ; il se dissout dans 30 parties d’eau, et il est soluble en toutes proportions dans l'alcool et dans l’éther. — L’acide valérianique se combine aux bases, et l'oxygène de la base, dans les valérianales, est le tiers de l'oxy- gène de l'acide. [L’acide valérianique, dit aussi valérique, amylique,viburnique, phocénique — C'°H'°0$, Il dérive de l'alcool amylique, ou essence de pommes de terre. En effet C!2H!2 02 + O# — C'°H1004 + 2HO. a Alcool Acide amylique. valérianique hydraté. On l’a encore trouvé dans la graisse de phoque et dans les fruits de la boule de neige (viburnum opulus ou V. obier), d’où lui viennent les noms d'acide phocénique et viburnique qu'il porte. La résine de valériane est presque noire; elle a une odeur de cuir bien caractérisée et une saveur âcre; l’extractif aqueux conserve celle même odeur de cuir, qu'il doit sans doute à un peu de résine. Quant au principe particulier de Tromsdorf, il a besoin d’être plus attentivement examiné (Soubeiran). VALÉRIANATE D'AMMONIAQUE. — Laboureur et Fontaine (2) ont obtenu ce produit à l’état solide et cristallisé, pur et à composition constante. Leur procédé consiste dans la préparation à l'étal de pureté de l'acide valérianique monohydraté et du gaz ammo- niaque, puis dans la réunion de ces deux corps. A mesure que la combinaison s'opère, (1) Note sur la valériane et sur l'analyse de la racine, etc. Paris, 1862. (2) Bulletin général de thérapeutique, 1857, t. LII, p. 312. 1082 VALÉRIANE. ce sel cristallise sous une apparence confuse; mais au microscope, on distingue très- bien &es prismes à qualre pans terminés, soit par des pyramides, soit par des biseaux. Ce produit ainsi obtenu esl du valérianate pur. (Il est très-hygroscopique et déliques- cent, volalil et décomposable par la chaleur, insoluble dans l’eau, l’alcool et l’éther. Sa saveur est sucrée et son odeur participe de celle de ses deux corps constituants. Le commerce en fournit des produits très-impurs, où l’on remplace les valérianates par des butyrates. On trouve dans les pharmacies, sous le nom de valérianate d'ammoniaque Pierlot, le mélange suivant : eau distillée, 95 gr.; acide valérianique, 3 gr.; sous-carbonate d’am- moniaque, (. $., jusqu’à saturation; extrait alcoolique de valériane, 2 gr. Ce mélange se présente sous la forme d’une liqueur limpide d’une coloration brune caractéristique el exhalant une odeur franche de valériane. 10 gr. de cette préparation équivalent à 30 gr. de racine fraîche. La même dose contient 30 centigr. d’acide valérianique, et Pammoniaque y figure pour 4 centième.) VALÉRIANATE D'ATROPINE. — (Voyez BELLADONE.) (VALÉRIANATE DE BISMUTH. — Produit découvert par G. Righini, se présentant sous , 3 : CIFRUSX » 3 : se . l'aspect d’une poudre blanche qui doit être conservée à l'abri de l’air et de la lumière) (1). VALÉRIANATE DE QUININE. — Ce produit, découvert par Louis-Lucien Bonaparte, est blanc, cristallisé, soluble dans l'eau, les huiles el surtout l'alcool, l’eau bouillante; les acides le décomposent. VALÉRIANATE DE ZINC. — Le valérianate de zinc est sous forme de paillettes bril- lantes, légères, nacrées; il est neutre, soluble dans 50 parties d’eau froide et dans 40 parties d’eau chaude. I] se dissout aussi bien dans l'alcool et moins bien dans l’éther. Son odeur est caractéristique; la chaleur le fait fondre et le décompose; il brûle avec flamme. Sa dissolution aqueuse se décompose. à l’ébullition, en acide valérianique qui se volatilise, et en valérianate basique qui reste dans la liqueur. (VALÉRIANATE DE FER. — Corps pulvérulent rouge brique tirant sur le brun, d’une odeur forte caractéristique, d’une saveur douceàtre, insoluble dans l’eau froide, soluble dans l'alcool. À (Gitons encore le valérianate de manganèse et le valérianate de soude; ce dernier, peu employé comme antispasmodique, est ulilisé surtout pour la préparation des autres valérianates. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. A L'INTÉRIEUR. — Décoclion ou infusion à vase clos, de 15 à 60 gr. par kilogramme d’eau. Poudre, de 2 à 30 gr., et plus, en bols, pi- lules ou dans du vin. Teinture (1 sur 4 d’ulcoo! à 21 degrés ou d’é- ther), de 2 à 30 gr., en potion. (Teinture éthérée : poudre de racines, 1 par- tic; éther sulfurique, 4 parties. On opère par la méthode de déplacement, de 50 cen- tigr. à 4 gr. dans un véhicule approprié.) Extrait alcoolique (2 sur 7 d’alcool à 21 de- grés), de 1 à 10 gr., en bols, pilules, etc. Sirop (1 sur 40 de sirop), de 30 à 60 gr., en potion. (Voyez Codex de 1866.) Huile essentielle, de 20 à 50 centigr. en potion. (Eau distillée, 60 gr.; essence de valériane (de 6 à 10 gouttes), 30 à 50 centigr.; huile d'amandes douces, @. $S.; sirop 25 gr. A prendre par cuillerée à soupe toutes les demi-heures.) (Barallier.) Eau distillée (rarement employée), de 60 à 100 gr., en potion. Valérianate d’atropine (Michea), par milli- gramme, en granules ou en potions. Valérianate de quinine, 1 décigr. par jour, en poudre, potions et surtout pilules. Valérianate de zinc, 10 à 30 et plus rarement 50 centigr. par jour, en poudre, potions et surtout pilules. Valérianate d’ammoniaque, de 5 à 50 centigr., en pilules ou en potion. Liquide de Pierlot, de une à trois cuillerées à: café dans un peu d’eau sucrée, dans la jour- née. — Peut aussi, et avec avantage, être administré en lavement. Pour les enfants, la dose ne doit pas dépasser un quart ou une demi-cuillerée à café matin et soir. (Valérianate de fer, de 10 à 50 centigr. par jour, en pilules, à cause de son insolubilité dans l’eau. Valérianate de bismuth : en pilules, de 2 à 10 centigr.; deux à six fois par jour-) À L'INTÉRIEUR. — Décoction, de 30 à 100 gr. par kilogramme d’eau, pour bains, lave- ments, fomentations. Huile et teinture, en frictions. Poudre, en introduction dans le nez, comme errhin. (L'extrait de valériane entre pour un tiers dans les pilules de Méglin.) (Le nom d'herbe aux chats a été acquis à la valériane par le goût effréné (1) Journal de chimie médicale, juin 1846. VALÉRIANE, 1083 de ces animaux pour l'odeur de cette plante. Is accourent dans les jardins où elle se trouve, se roulent sur elle et l’arrosent de leur urine. Elle paraît exercer sur eux une action enivrante; elle les étourdit et leur occasionne des espèces de vertiges. Ces phénomènes observés sur les animaux font pressen- ür ceux que son ingestion développe chez l'homme.) La racine de valériane sauvage, à haute dose, est un excitant énergique dont l’action se porte sur le système nerveux et plus particulièrement sur le cerveau; elle accélère le pouls, cause de l'agitation, des éblouissements, des congestions vers la tête, des mouvements convulsifs, des douleurs va- gues, un sentiment de constriction vers la poitrine; elle provoque la sueur, les urines, les règles; mais elle ne produit presque jamais ni vomissements, ni purgation, quoique son amertume et son odeur désagréable lui aient fait attribuer ces effets A petile dose, la valériane augmente l’action des organes digestifs sans en troubler les fonctions, même à dose assez élevée, ainsi que l'ont con- staté Tissot, Bergius, Vaidy, et récemment Trousseau et Pidoux, qui en ont pris eux-mêmes de hautes doses, tant en infusion qu’en substance, sans éprouver le moindre dérangement dans les fonctions de la vie organique. Elle leur a causé seulement un peu de céphalalgie, de l'incertitude et de la susceptibilité dans l’ouïe, la vue et la myotilité. C’est donc uniquement, di- sent-ils, sur le système cérébro-spinal qu’agit cette substance, qu'ils rangent parmi les antispasmodiques purs. Giacomini (1) prétend que la valériane produit un état d’hyposthénie et non d’excitation. Tissot avait déjà fait re- marquer, en effet, qu'à haute dose elle produisait un malaise général, de la faiblesse dans les membres, phénomènes qu'on pouvait prévenir en y asso- ciant du macis, qui est une substance hypersthénisante. (J.-P. Franck a vu survenir des plaques ortiées après l’ingestion de la va- lériane.) L'action de la valériane sur le cerveau et le système nerveux est constatée par l’observalion; aussi a-t-elle été de tous temps administrée dans les ma- ladies nerveuses. Depuis l’heureux emploi que Fabio Colonna (2) en a fait sur lui-même contre l’épilepsie, un grand nombre d’observateurs, parmi lesquels je citerai Panaroli (3), Scopoli, Rivière, Tissot, Haller, Gilibert, Sauvages, Macartan (4), Marchant (5), Bouteille (6), eic., ont constaté son efficacité dans cette fâcheuse névrose, soit chez les enfants, soit chez les adultes, surtout quand l’affection était purement nerveuse et produite par la peur, la colère, l’onanisme, etc. Citons les faits : « La valériane, dit Esquirol (7), est un des médicaments dont la vertu antiépileptique a été le plus généralement constatée. » Chauffard père d’Avi- gnon (8) a rapporté trois observations de guérison de cette maladie au moyen de la valériane administrée à grandes doses. Il n’y avait point eu de réci- dive dix ans après (9). Gibert (10) a employé avec succès, dans les mêmts cas, l'extrait de celte racine à haute dose. Gairdner (41) a aussi préconisé cette plante comme antiépileptique. J. Franck dit qu’elle occupe comme telle la première place. Dhuc a présenté en 1838, à l’Académie de méde- cine de Paris, un mémoire où sont consignées sept observations d’épilepsie, (1) Traité de matière médicale, de thérapeulique et de pharmacologie, p. 579. (2) Puroéacavocs, sive plantarum aliquot hisloria, etc., p. 97. (3) latrologismorum, seu medicinalium observ., ete. Rome, 1652, in-4°. , t. I, Obs. XXXHT, (4) Journal général de médecine, t. XXV, p. 26. (5) Histoire de l’Académie des sciences, 1766. (6) Ancien Journal de médecine, t. XLVHI. (7) Dictionnaire des sciences médicales, t. XXIT, p. 535. (8) Journal général de médecine, juin 1823. (9) Jbid., mars 1828, p. 299. (10) Revue médicale, 1835. (11) The Edimb. med. and surg. Journ., 1828. 1084 VALÉRIANE dont six militent en faveur de la valériane. Beaucoup d’autres praticiens, tels que Hill, Quarin, Thilenius, Schumann, Grugerius, Comparetti, Fother- gill, Fischer, etc., ont eu également à se louer de l’ emploi de la valériane dans le traitement de l'épilepsie. Dans le grand nombre de guérisons d’épilepsie rapportées par les auteurs, on a pu prendre des attaques épileptiformes, surtout chez les femmes hysté- riques, pour de véritables épilepsies, et attribuer à la valériane les succès obtenus. Toutefois, il est certain que les bons observateurs n'ont pu se tromper tous sur le véritable caractère de la maladie. Done on doit regarder comme bien constatée la guérison de l’épilepsie dans certains cas, par l’ac- tion éminemment antispasmodique de la valériane. (Evidemment, dans certains cas où la guérison n’est pas obtenue, il y a une action perturbatrice; les accès sont éloignés et deviennent quelquefois seulement nocturnes; mais Ce qu’on gagne quant à la fréquence, on le perd souvent quant à l’ intensité ; les accès sont tellement violents, qu’ils peuvent devenir mortels.) Ainsi que nous venons de le dire, on a souvent vu réussir la valériane dans l’épilepsie essentiellement nerveuse. Je lai employée avec succès dans deux cas où la maladie pouvait être attribuée à une cause efficiente de cette nature ; ces deux observations méritent d’être connues. Première observation. — Boucher, voiturier à Saint-Pierre-lès-Calais, âgé de vingt ans, d'un tempérament sanguin, d’une forte constitution, fut pris pour la première fois, et sans cause connue, d’un accès d? épilepsie dans le courant du mois de juin 1829. Vingt-cinq jours après, un second accès eul lieu. Un troisième survint, et ils se succédèrent à des intervalles plus ou moins rapprochés, et avec tous les caractères de cette névrose portée à un haut degré d'intensité. La maladie existait depuis six mois lorsque Je fus appelé. Je pratiquai une ample saignée du bras (800 gr.) et je mis le malade au régime végétal. Les accès se ralentirent et devinrent moins violents. Des sangsues, appliquées à l’anus, saignèrent abondamment. Malgré ce traitement et le régime continué pendant deux à trois mois, les accès “€ épilepsie persistaient d une manière variable, soit sous le rapport de l'intervalle qu'ils laissaient entre eux, soit sous celui de leur durée et de leur violence. Je me décidai à administrer la valériane en poudre, d’abord à la dose de 2 gr., en augmentant tous les trois jours de 1 gr. J’arrivai ainsi à la dose de 12 gr. que je faisais prendre en trois fois dans la journée. Après quinze jours de ce traitement, un accès eut lieu; mais il fut moins violent et était revenu après un intervalle plus grand. Huit jours après, le malade ne fut que légèrement atteint et ne perdit pas connaissance. La dose de va- lériane était alors portée à 95 gr. chaque jour, administrés en cinq fois. De- puis ce dernier et léger accès, aucun symptôme de l'affection ne reparut. J'ai revu Boucher dix ans après sa guérison, il n’avait éprouvé aucune réci- dive : mais comme il était très-sanguin, il se faisait fréquemment saigner. J'ai appris qu'il était mort en 1846 d’une apoplexie foudroyante. Deuxième observation. — Fourrier, menuisier à Hubersent, âgé de trente ans, d’un tempérament lymphatique (cheveux blonds, teint pâle, taille moyenne, constitution grêle), célibataire, adonné à la mastupralion de- puis l’âge de puberté, fut pris, pour la première fois, d’un accès d’épi- lepsie dans le courant du mois d'août 1836, sans cause déterminante. Cet accès, dans lequel le malade perdit complétement connaissance, fut suivi d’un autr e plus violent huit jours après. Ils se rapprochèrent ensuite au point qu'il n’y avait plus entre eux qu’un intervalle d’un, de deux ou de trois jours. Quand je fus consulté, la maladie datait de huit mois. Je prescrivis une ap- plication de sangsues à l’anus comme dérivative, des pédiluves sinapisés, de légers laxatifs, l’abstinence de la mastupration, et une alimentalion ordi- VALÉRIANE. 1085 paire. Après huit jours de l’emploi de ces moyens préparatoires, j'adminis- trai la racine de valériane en poudre à la dose de 4 gr. chaque matin. Cette dose fut prise pendant dix jours, sans changement appréciable dans l’état du malade. Je portai de suite la dose à 8 gr. Après dix jours, il y eut dimi- nution dans la violence des accès. On donna 10 gr. de la même poudre, et l’on augmenta de 1 gr. tous les cinq jours. J'arrivai ainsi à 20 gr., que le malade avalait en quatre prises dans les vingt-quatre heures. Dès lors, non- seulement les accès furent moins violents, mais il y eut aussi entre eux de plus grands intervalles. Le malade n’éprouvait plus d'attaque que tous les quinze à vingt jours. Je continuai l'usage du médicament à la dose de 20 gr. pendant près de deux mois. ; Au printemps de 1837, les accès ne revenaient plus qu'à des intervalles d'un à deux mois; mais leur intensité ne diminuait pas dans la même pro- portion. Cependant le malade, vivement impressionné par la crainte de l’in- curabilité de son mal, ne se livrait plus à la mastupration, Afin de soustraire l’action de la valériane à l'empire de l'habitude, je crus devoir en suspendre l'usage. Le malade fut près d’un mois sans en prendre. Pendant cet inter- valle je lui fis administrer, à deux reprises, le sirop de nerprun, qui provoqua chaque fois un vomissement et six à huit évacuations alvines. Les accès ne furent ni plus violents ni plus fréquents. Je repris l’usage de la valériane en poudre, en commençant de suite à la dose de 10 gr. en deux fois, le matin à jeun, et augmentant de 1 gr. de huit jours en huit jours. Les accès étaient devenus beaucoup plus rares, et ne duraient que quelques se- condes, sans perte totale de connaissance. Je fis continuer l'emploi du mé- dicament, bien que le malade éprouvât quelque peu de pesanteur de tête et d’éblouissement, effets bien connus de la valériane administrée à haute dose. Après dix-huit mois de ce traitement, le malade était complétement guéri. Il a toujours joui depuis de la meilleure santé. Trois choses sont à remarquer dans cette observation : 4° la cause de la maladie, que l’on peut attribuer à la funeste habitude de l’onanisme ; 2° les doses élevées auxquelles la valériane à été administrée et qui ont produit des étourdissements et une pesanteur de tête, dont l’effet a peut-être con- tribué révulsivement, ou comme modificateur de la sensibilité cérébrale, à amener la guérison; 3° la longue durée du traitement et la persévérance dans l'emploi varié du même moyen curatif. Je dois avouer que, dans d’autres cas d’épilepsie, et ils sont au nombre de huit, je n’ai obtenu, dans les uns aucun effet, dans les autres seulement une amélioration plus ou moins prononcée, malgré l’usage continué pendant longtemps de la racine de valériane. J'ai souvent employé la valériane dans la chorée; elle en a presque tou- jours calmé les symptômes après l’usage des moyens généraux antiphlo- gistiques, des bains, etc. Mais, dans des essais comparatifs que j'ai faits, J'ai été convaincu que, quel que soit le traitement, sans traitement même, cette névrose a toujours à peu près la même durée et se dissipe souvent d'elle-même, surtout lorsqu'elle à licu, ainsi que cela arrive ordinairement, à l’âge de puberté. Je n’ai pas eu souvent l’occasion d'employer la valériane contre d’autres névroses dans ma pratique rurale : grâce à une civilisation arriérée, ces affections sont rares à la campagne. Mais je l'ai mise en usage avec succès dans ma pratique urbaine contre une foule d’affections nerveuses indéterminées, et qui se rapportent plus ou moins à l’hystérie ou à l’hypo- chondrie. Quelques-unes de ces affections sont vaguement désignées, surtout chez les femmes, sous les noms de vapeurs, de spasmes, de vertiges, de maux de nerfs, de céphalalgie nerveuse, de migraine, de susceptibilité, d'irritabilité excessive du système nerveux, de crispations, d'agacements, de flatuosités, d’anxictés précordiales, de terreurs paniques, etc. «Or, la valériane, disent Trousseau et Pidoux, réussit assez bien à calmer ces nombreux phénomènes, 1686 VALÉRIANE. et, chose étonnante, elle y réussit d'autant mieux qu'ils s’éloignent da- vantage par leur forme et par leur intensité du véritable accès d’hystérie. Quant à celui-ci, la valériane peut en éloigner les retours, en diminuer la violence; mais elle modifie d’autant plus avantageusement l’hystérie, que ses formes sont plus incomplètes et plus bizarres. » Dans la plupart des affections nerveuses, je me suis bien trouvé du mé- lange de poudre de valériane et de feuilles d'oranger. La valériane a été recommandée dans l'asthme, la catalepsie, les convul- sions, ete. L'extrait de cette racine (1 gr.) ou la poudre (2 à 8 gr. dans 100 gr, d’eau) en lavement, a réussi dans les convulsions essentielles des enfants. Les bains d’infusion de racine de valériane se sont montrés efficaces dans les convulsions des nouveaux-nés, Je les ai employés une fois avec succès chez un enfant né au terme de sept mois, et très-faible : deux bains de vingt-cinq minutes ont suffi pour faire cesser l'affection convulsive. La chaleur, en pareil cas, est l’auxiliaire indispensable : l'enfant, enveloppé dans du coton, a vécu. Guibert (1) ajoute à la série des maladies dont nous venons de parler, beaucoup d’autres affections nerveuses traitées par lui avec efficacité par la valériane, telles que la contraction spasmodique des muscles, les douleurs thoraciques, la dyspnée nerveuse, l’affaiblissement des sens, le tremblement des membres, le hoquet opiniâtre, Je vomissement nerveux, la gastralgie, les vésanies, etc.; quelques auteurs ajoutent l’amaurose, où Fordyce (2) et Strandberg la disent souveraine, et jusqu’à l'hydrophobie, dont Bouteille (3) cite un ou deux cas où il croit qu’elle a été utile. : (Dans toutes les affections qui réclament l'emploi des antispasmodiques, Beau, dans son service à la Charité, a obtenu des résultats très-satisfaisants de bains dans lesquels on ajoute un infusé de valériane (3 litres pour 500 gr. de racines) (4). La vertu vermifuge de cette plante ne fait plus de doute. Marchant (5) l’a surtout employée avec succès. La racine de valériane fait la base d’un re- mède contre le tænia, acheté par le gouvernement prussien (6). J’administre la racine dans les cas d’affections nerveuses sympathiques produites par la présence des vers intestinaux. Elle satisfait ainsi à deux indications à la fois. Il m'est souvent arrivé de la donner dans la seule intention de traiter une névrose que je croyais idiopathique, et de découvrir, par l'expulsion de plu- sieurs vers lombricoïdes qui mettaient un terme à la maladie, la véritable cause de cette dernière. Ces résultats inattendus m'ont engagé, dans des cir- constances embarrassantes et après avoir inutilement employé une médica- tion rationnellement indiquée, à avoir recours aux anthelminthiques pour m’assurer, au point de vue de l’étiologie, de l’existence ou de la non-exis- tence de vers intestinaux. C’est une pierre de touche qui m’a révélé, comme cause unique, l’irritation sympathique provoquée par ces derniers dans trois cas de chorée et dans deux cas d’épilepsie : À juvantibus et lædentibus indi- catio. L’incertitude de nos connaissances et la faiblesse de mes lumières m'ont plus d’une fois obligé, dans le cours d’une longue pratique, d’appli- quer avec prudence ce principe regardé comme une source d'indicalions, et dont les anciens faisaient grand usage. J'emploie fréquemment, à l'exemple de Pringle, de Junker, de Pinel, de Franck, de Vaidy, et de la plupart des médecins militaires du premier em- pire, la valériane dans les fièvres adynamiques ou putrides, dans les fièvres ———————————“—…——…——û…—ûû 1) Revue médicale, 1827, t. IV, p. 376. 2) De hemicraniä, p. 417. 3) Ancien Journal de medecine, t. XLIX, p. 165. 4h) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1862, p. 350, 5) Journal général de médecine, t. XXV, p. 26. - ) Journal complémentaire du Dictionnaire des sciences médicales, t. XXXIIT, p. 42. VALÉRIANE. 1087 ataxiques : c’est ma serpentaire de Virginie. Dans certains cas, dont j'ai parlé (Voyez ANGÉLIQUE), je l'ai associée avec avantage à l’arnica ‘et à la racine d’angélique. C'est surtout dans les fièvres intermittentes que la valériane s’est montrée efficace. Grunwald (1) en a le premier conseillé l'usage dans ces affections, qu ‘il regardait comme essentiellement nerveuses. Desparanches, de Blois 2) d’après une suite d'observations recueillies par lui-même en 1811 et 1812 considère la valériane comme un des meilleurs succédanés du quinquina. On doit à Vaidy (3), médecin militaire dont j'ai été à même d'apprécier le mérite, seize observations sur l'emploi de la valériane à forte dose contre les fièvres intermittentes de tous les types. Il résulte de ces observations que des sujer affaiblis, cachectiques et même infiltrés, ont été guéris à la fois de la fièvre et de ses complications. (En Espagne, la poudre de valériane en épithème à la plante des pieds est d’un usage vulgaire dans les fièvres paludéennes. Ce moyen a été re- connu efficace par Poujadas) (4). Ces faits et beaucoup d’autres ne laissent aucun doute sur la possibilité, dans certains cas, de substituer la valériane au quinquina. Je l'ai associée avec avantage, dans ce but, à la gentiane ou à l’écorce de saule. Ce mélange m'a réussi dans trois cas, dont deux de fièvres tierces, ayant deux mois de durée, et qui ont cédé à la troisième prise (25 gr. chaque dans une forte décoction d’écorce de saule), et un de fièvre quotidienne automnale, deux fois coupée par le sulfate de quinine non-suffisamment continué, et que quatre doses du mélange ci-dessus ont dissipée. Rayer s’est bien trouvé de l’emploi de la valériane dans la polydipsie avec polyurie. Un jeune garçon, dévoré par une soif inextinguible, urinait en proportion de l'énorme quantité de boissons qu’il prenait. Ses urines étaient très-légères, presque comme de l’eau, inodores, incolores, insipides et exces- sivement abondantes. Ce petit malade ne maigrissait pas, du reste, mangeait beaucoup et jouissait, à part cela, d’une parfaite santé. Cette affection, pro- bablement produite par un état morbide particulier du système nerveux, n'avait, avec le diabète, d'autre point de ressemblance que l’abondance de la sécrétion urinaire. Plusieurs médications, et eelle par l’opium en parti- culier, avaient complétement échoué. La poudre de valériare, employée déjà avec succès par Rayer dans des cas analogues, à fait diminuer tout à la fois la polydipsie et la polyurie dans l’espace de trois semaines à un mois. Trousseau et Pidoux (5) ont obtenu un succès analogue chez une femme hystérique. L’hystérie, comme on le sait, offre souvent pendant les accès la polyurie, avec urines limpides, incolores, semblables à l’eau distillée. Trousseau a traité en 4854, dans le service de la clinique de l'Hôtel-Dieu, un malade âgé de trente ans, qui déjà depuis longtemps était atteint de po- lydipsie avec polyurie. Il buvait Rire jour jusqu’à 32 litres de tisane et urinait en conséquence. L’urine, analysée par Bouchardat, n'offrit jamais la moindre trace de glucose. La peau du visage, chose remarquable, était sou- vent le siège d’un érythème extrêmement intense, sans mouvement fébrile, qui coïncidait avec l'augmentation de la $oif et de la sécrétion urinaire, et qui disparaissait au bout de deux ou trois jours, pour reparaître peu après. La santé était d’ailleurs assez bonne. L’extrait de valériane, porté graduelle- ment jusqu’à l'énorme dose de 30 gr. par Jour, fit diminuer en même temps et enfin cesser, après quatre mois de traitement, la soif, la s: icrétion uri- naire et l’ érythème. La guérison fut complète. (1) uasette salutaire de Bouillon; Coste et Wilmet, Matière médicale indigène, p. 74, (2) Journal général de médecine, t. XLIV, p. 289. (3) Journal de médecine de Leroux, Cor visart et Boyer, t. XVIII, p. 335. (4) Stanislas Martin, in Bulletin de thérapeutique, t. LX, p. 266. (5) Journal de médecine, mai 1844. 1088 VALÉRIANE. Un homme âgé de cinquante ans, sujet à de fréquentes rétentions d'urine, cesser le spasme vésical, cause présumée de l'affection ?.... Mes recherches sur cette propriété de la valériane m'ont fait trouver le passage suivant dans Grégor. Horstius (1) : Pulvis valerianæ contra stranguriam utiliter bibitur. De- coctum valerianæ in vino epotum idem facit. On a préconisé la poudre de racine de valériane, prise comme du tabac, contre l’affaiblissement amaurotique de la vue. Je l’ai employée avec avan- tage dans ce cas : elle agit comme sternutatoire. Je me suis bien trouvé, chez une religieuse âgée de soixante-cinq ans, atteinte d’ambliopie, de l’usage du mélange de parties égales de valériane et de fleurs d’arnica pul- vérisées, pris de la même manière. Je crois que tout autre errhin aurait également réussi. Les feuilles de valériane sont détersives. Dodoens (2) en employait la décoction en gargarisme dans les ulcérations enflammées de la bouche. Dubois, de Tournai, rapporte qu’un praticien très-répandu lui a raconté qu'il avait vu guérir, par le seul usage des feuilles de cette plante écrasées, un ulcère à la jambe qui durait depuis plusieurs années, et avait résisté à beaucoup de remèdes locaux. Une pommade composée de racines de valériane finement pulvérisées et d’axonge lui a réussi au delà de tout espoir, chez deux individus affectés depuis longtemps d’uleères atoni- ques aux jambes. [On peut citer encore les valérianes grande ou des jardins (V. phu, L.), dioïque ou aquatique (V. dioica, L.), celtique (V. celtica, L.), indienne (V. in- dica) ou nard indien (nardata jatamansi), couchée (V. supina, L.). Quant à la valériane rouge ou grecque des jardins, autrefois appelée valeriana græca, elle est attribuée au centranthus ruber, D. CG. La V. locusta, mâche, valéria- nelle, doucette, est classée dans le genre Fedia olitoria.] (L'HUILE ESSENTIELLE DE VALÉRIANE, étudiée au point de vue de ses effets physiologiques par Pierlot et ensuite Barallier, donne lieu aux phénomènes suivant(s : abaissement des pulsations artérielles dans les premiers temps de l’action, et plus tard élévation dans le plus grand nombre de cas, augmen- tation de la chaleur cutanée, avec exsudation à odeur de valériane; cépha- lalgie frontale plus on moins interse, accompagnée ou non de pression au niveau des tempes; paresse intellectuelle et musculaire; tendance au som- meil et quelquefois sommeil profond; urines abondantes, colorées, à odeur de valériane. Outre ces symptômes, on observe parfois des nausées, de la salivation et du dégoût pour les aliments, si la dose dépasse 30 à 50 centigr. (3). Hufeland (4) s’est très-bien trouvé dans l’épilepsie d’ajouter à l’action de la valériane celle de l'huile essentielle, à la dose de 2 gouttes pour 2 gr., trois fois par jour. Weicot la recommandait comme anthelminthique (5). L'usage méthodique de cette essence en thérapeutique ne remonte guère qu’à quelques années. Leausure (6) a eu beaucoup à se louer de l’emploi de l'huile essentielle de valériane dans la fièvre typhoïde. Il présente cette huile comme jouissant d’une propriété éminemment régularisatrice. Suivant lui, elle ranime les forces, elle relève la chaleur animale et l'appétit; elle calme a ——————————————————_—_——_—_—— (1) Opera omnia, t. III, p. 299. (2) Stirp. hist., p. 350. (3) Bulletin général de thérapeutique, 1860, t. LIX, p. 241. (4) Manuel de médecine pralique, traduction française, p. 247. (5) Bulletin des sciences médicules de l'érussac, t. IV, p. 82. : (6) Annales médicales de la Flandre occidentale, 1857, et Journal de médecine de la Société de:. sciences médicales de Bruxelles, vol. XXIV, p. 162. VALÉRIANE. 1089 les vomissements et la diarrhée, en excilant des sueurs abondantes et d’une odeur désagréable; elle modifie très-sensiblement les symptômes céré- braux; jamais elle ne cause de délire; loin de là, elle a calmé, dans un cas, celui du delirium tremens. La dose est d’une goutte toutes les heures dans les cas graves, toutes les deux ou trois heures dans ceux qui le sont le moins. Barallier, qui ne paraît pas avoir eu connaissance de ces tentalives, a mo- difié, par l'administration de ce médicament, d’une manière prompte, les éléments, stupeur, somnolence, coma de cause adynamique, qui compli- quent les fièvres graves. Certains états nerveux, tels que vertiges, hysteri- cisme, asthme essentiel, sont aussi améliorés par le même moyen.) Le VALÉRIANATE D'AMMONIAQUE s’est montré efficace dans tous les cas où la valériane est employée, tels que les troubles nerveux, les accidents pro- téiformes de l’hystérie, les vertiges, les spasmes divers. Des névralgies re- belles, même symptomatiques (1), ont cédé à son usage. Moreau (de Tours), Lelut, Foville, Baillarger, Delasiauve, etc. (2), ont obtenu-quelques avantages de ce valérianate dans l’épilepsie. {C’est spécialement du valérianate d’am- moniaque Pierlot que se sont servis ces observateurs. Ce médicament n’est pas un produit chimique isolé, mais une forme médicamenteuse plus stable que le valérianate pur (si tant est que les officines le fournissent tel), per- mettant d’administrer les principes actifs de la valériane à haute dose et dans des proportions constantes et déterminées) (3). VALÉRIANATE D'ATROMNE. (Voyez BELLADONE, page 183.) LE VALÉRIANATE DE QUININE jouit des mêmes propriétés que le sulfate de quinine et se donne à la dose de 1 décigr. par jour. On l'a plus particulière- ment employé dans les névralgies et les accidents nerveux périodiques. « La chose est bien trouvée, disent Trousseau et Pidoux. Pourquoi, d’ail- leurs, le valérianate de quinine ne guérirait-il pas aussi bien une névralgie périodique que le sulfate de quinine ?.... » | (Devay le recommande spécialement dans les fièvres de mauvais caractère (atoniques, malignes). Castiglione l’a mis en usage dans le traitement de l’épilepsie, du rhumatisme et surtout de l’hémicrânie.) Le VALÉRIANATE DE ZINC. L’oxyde de zinc jouit d’une réputation qu'Herpin, (de Genève) (4), a sanctionnée par l’expérimentation. La valériane est, à juste titre, considérée comme un des meilleurs antispasmodiques. Le valé- rianale de zinc ne pouvait donc manquer d’être favorablement accueilli, Aussi ful-il annoncé comme le meilleur remède à opposer aux névralgies, aux névroses, et surtout à l’épilepsie, On l’administre à la dose de 1 décigr. par jour en poudre, en potion et surtout en pilules. Devay (5) prescrit contre les névralgies la formule suivante : valérianate de zinc, 60 centigr.; sucre lanc pulvérisé, 5 gr.; divisez en vingt-quatre doses; une à quatre par jour. (Delioux de Savignac classe le valérianate de zinc au premier rang parmi les moyens thérapeutiques que l’on peut diriger contre le vertige nerveux ou essentiel (6). Dans un cas de hoquet accompagné d’étouffements, de. spasmes, de syncopes, de plaintes, puis de cris et de hurlements, avec pouls petit, puis plus tard intermittent, réduit à la fin à trente-quatre pulsalions, phénomènes qui duraient depuis douze jours, l’amélioration a été instanta- née par l’administration de 5 centigr. de valérianate de zinc. Une deuxième 69 1090 VAREC VÉSICULEUX. et une troisième pilule achevèrent la guérison, qui ne s’est pas démentie (1), « Les praticiens, qui, par des raisons d'économie (le valérianate de zinc est d’un prix excessif), ne croiront pas devoir administrer le nouveau sel an- tispasmodique, pourront continuer à leurs malades la poudre de valériane associée à l’oxyde de zinc. » (Trousseau et Pidoux.) (Du reste, les pilules de Méglin, si répandues, rappellent par leur com- position les éléments qui, combinés, forment le corps qui nous occupe.) (Le VALÉRIANATE DE FER a été proposé, comme réunissant l’action d’un re- constituant et d’un antispasmodique, à la dose de 10 à 60 centigr. par jour en pilules, dans la chlorose compliquée d’accidents nerveux hystériformes ; mais, comme action, le fer domine dans ce composé. Le VALÉRIANATE DE BISMUTH a élé préconisé par Rhigini comme antiné- vralgique. Depuis, on l’a employé, mais rarement, dans les affections ner- veuses de l’estomac comme suecédané du sous-azotate et du sous-carbonate; il trouverait son indication dans les gastrodynies, les gastralgies chroni- ques; on l’a aussi mis en usage contre les palpitations chroniques du cœur.) VAREC VÉSICULEUX. Fucus vesiculosus. L. Quercus marina. — Lactuca marina des anciens. Chène marin, — varech commun. ALGUES. — Puycées. Lam. Fam. nat. — CRYPTOGAMIE. L. Le varec (ou varech) vésieuleux croît sur les rochers, aux bords de l'Océan -et de la Méditerranée. Il est très-commun sur nos côtes. C’est le fucus le plus volumineux de tous ceux de notre continent. Deseription. — Grande espèce de fucus (de 60 centimètres environ), de cou- leur verdâtre à l’état frais, noir violacé à l’état sec, tenant aux rochers par une base cylindrique; pédicule s’élargissant en une feuille plane, munie d’une côte longitudinale, entière sur les bords, plusieurs fois bifurquée; parsemée de vésicules globuleuses, placées à l’aisselle des bifurcations ou le long de la feuille, tantôt solitaires, tantôt réunies deux ou trois ensemble, pleines air, traversées de quelques poils très-fins presque articulés et blanchâtres. — L’extrémilé de la fronde se renfle, et forme une espèce de gousse tantôt simple, tantôt à deux ou trois divisions, où lon trouve une foule de tubercules qui viennent aboutir à la surface; chacun de ces tubercules, vu an microscope, contient plusieurs globules ovoïdes qui renferment eux-mêmes les graines noyées dans une matière visqueuse. Parties usitées. — Toute la plante. Récolte. — En France, on la coupe deux fois l’an pour en faire de la soude et pour fumer les terres. Il sert aussi à couvrir les toits rustiques. Pour l'usage médical on doit le cueillir vers le mois de juillet, temps où les vésicules sont remplies de suc. [Cualtuse. — On trouve le varec vésiculeux sur les rochers au bord de la mer, sur lesquels il s'attache par une sorte d’empâtement radiciforme.] Propriétés physiques et chimiques. — Ce varec répand une odeur marine désagréable, surtout en se desséchant; sa saveur est nauséeuse et saumâtre. L'analyse chimique faite par Stackhouse y démontre, sur 500 parties : eau, 138; ammo- niaque, 90; charbon, 86; huile empyreumatique, 54; soude, 18.5; magnésie, 14; si- lice, 4.5; fer, 0.3; acide nitrique, 6.5; acide sulfurique, 4.5; soufre, 4.5; acide car- bonique, 60 ; oxygène, 45 ; hydrogène carboné, 2; azote, 3; perte, 4.2. H. F. Gaullier de Claubry a donné une nouvelle analyse des fucus, plus détaillée et où figure liode, corps simple métalloïde que Courtois, salpèlrier de Paris, a découvert en 1811, en expé- rimentant sur les eaux mères de soude du varec vésiculeux et du varec saccharin. Ce corps existe à lélat d’iodure de potassium dans un grand nombre de végétaux, et en plus grande abondance dans les facacées, d'où l’on retire tout l’iode du commerce. (Voyez GOEMONS el LAMINAIRE.) i L «4 (Pipson, puis après lui, Henley ont extrait de l'alcool de toutes les parties mucilagi- neuses des algues marines et spécialement du varec vésiculeux.) RE RE EEE ee (1) Bulletin de thérapeutique, t. LXUT, p. 415. VÉLAR. 1094 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. (A L'INTÉRIEUR. — Décoction, 10 à 20 gr. par laire, de 5 à 50 centigr., et, graduellement, litre d’eau. jusqu’à 3 et 4 gr. par jour. Poudre, 1 gr. par jour. On a aussi proposé une teinture ou élixir Extrait hydro-alcoolique, sous forme pilu- | de f'ucus vesiculosus, etc.) Pline (41) parle du varec vésiculeux sous le nom de quercus marina, et lui attribue une propriété antigoutteuse, et aussi celle de calmer les douleurs inflammatoires. Gambier, Basters et d’autres auteurs, le recommandent comme fondant dans les scrofules, les engorgements glanduleux, le squirrhe, ete. Steller indique sa décoction comme pouvar®t combattre la diarrhée. Russel se servait de cette mème décoction pour frictionner les tumeurs scrofuleuses. Il donnait à l’intérieur une gelée faite avec parties gales de ce fucus et d’eau de mer, laissés en macération pendant quinze jours et acquérant la consistance du miel coulant, On donnait aussi le varec vésiculeux séché et en poudre à l’intérieur à la dose de 4 gr. comme fondant. Je l’ai employé en décoction à l’intérieur, en fomentation et en cataplasme dans les engorgements lymphatiques, glandulaires ou œdé- mateux, chez des individus habitant les bords de la mer. Réduit en charbon (æthiops végétal), il a été donné avec succès, ainsi que l’éponge brûlée, contre le goitre et les affections scrofuleuses, longtemps avant la découverte de l’iode, dont les nombreuses préparations offrent aujourd’hui à la théra- peulique de si précieuses ressources. (Voulant essayer l'efficacité du fucus vesiculosus dans les affections squam- meuses, Duchesne-Duparc (2) n’cbtint pas le résultat qu’il en espérait, mais observa un effet sur lequel il ne comptait pas : les malades soumis au traite- ment tombaient souvent, sans aucun malaise et très-rapidement, dans un état d’amaigrissement marqué. Cette remarque amena cet observateur à recommander les préparations de varec vésiculeux contre l'obésité. L’em- ploi du fucus ne réclame, comme régime, que l’abstention des farineux, de la bière; la vie ne doit pas être sédentaire. Il se produit tout d’a- bord une surexcitation légère des fonctions digestives sans que le système nerveux soit le moins du monde ébranlé. Au bout de deux à trois septé- naires, les urines deviennent plus abondantes et offrent à leur surface une pellicule noirâtre, et dès lors l’amaigrissement commence, tantôt général, tantôt partiel, c’est-à-dire se limitant à certaines régions. Cette propriété fondante a fait recommander l'usage du chêne marin dans les dégénéres- cences graisseuses du foie et du cœur, dans les lipômes. Je ne sache pas que ces dernières tentatives aient été couronnées de succès. [On peut citer comme jouissant des mêmes propriétés le varec dentelé (F. serratus, L.), le varec polymorphe (F. polymorphus, L.), ete.] [Le cadre de notre travail ne nous permet pas de traiter de l’iode; nous renverrons pour Cela aux trailés classiques et aux ouvrages de Dorvault, Zodo- gnosie ou monographie chimique, médicale et pharmaceutique des iodiques, ete.; in-80 1850, et de Boinet, lodothérapie, etc., 1855, in-8o, ] VÉLAR. Erysimum officinale. L. Erysimum vulgare. G. BAUH., TOURN. — Sisymbrium officinale. Scop. Verbena mas. FUCHS.— Erysimum. Orric. Sisymbre officinal, — herbe au chantre, — érysime officinal, — tortelle, — moutarde des haies, sinapi. CRUCIFÈRES. — SISYMBRIÉES. Fam. nat, — TÉTRADYNAMIE SILIQUEUSE. L. Le vélar (PI. XL), plante annuelle, se rencontre partout sous nos pas, dans les chemins, le long des haies, des murs, etc. (1) Lib. x111, Cap. XXV. Hu Dh: (2) Bulletin de l'Académie de médecine, juillet 1859. 1092 VÉLAR. Heseriptiom. — Racine divisée en plusieurs fibres longues et menues. — Tige de 30 à 80 centimètres, dressée, s’élevant en se tordant sans régularité, rude-velue, rameuse supérieurement; rameaux étalés. — Feuilles pétiolées, d'un vert sombre, comme bleuâtre : les radicales et inférieures roncinées-pinnatipartites, à 5-11 lobes oblongs, dentés, le terminal plus ample; les supérieures hastées, à lobes étroits, le ter- minal oblong-allongé. — Fleurs jaunes, extrêmement petites, disposées en épis grêles le long des rameaux (mai-septembre). — Quatre sépales. — Quatre pétales cruciformes plus longs que le calice. — Six étamines dont deux plus courtes. — Fruits : siliques allongées, hispides, en forme d’alène, serrées contre les rameaux. Parties usitées. — Les feuilles fraîches, les graines. Récolte. — On récolle le vélar en mai et juin pour l'employer frais comme toutes les crucifères. Mais comme il est moins succulent que la plupart de ces dernières, il ne perd pas autant de ses propriétés par la dessiccation. Quand on veut le conserver, il faut le cueillir le plus tard possible. [Cuiture. — Le vélar n'est cultivé que dans les jardins botaniques. Il est propagé par semis faits en place au printemps. ] Propriétés physiques et chimiques. — L'érysimum est inodore. Les feuilles, et surtout les rameaux fleuris et les semences, ont une-saveur âcre et piquante. il paraît contenir des principes analogues à ceux des crucifères en général. On ne la point analysé. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR, — Infusion, de 30 à 60 gr. par | Sirop d’érysimum du Codex (ou composé), kilogramme d’eau bouillante. mêmes doses. Suc, de 15 à 30 gr. Conserve (1 sur 2 de sucre), de 15 à 30 gr. Sirop simple de vélar (1 sur 12 d’eau bouil- | Poudre, de 2 à 4 gr., en électuaire, bols, pi- lante et 24 de sucre), de 30 à 100 gr., en lules, etc. potion ou seul. A L'EXTÉRIEUR, — Décoction, suc, poudre, etc. Les feuilles de vélar sont stimulantes et expectorantes. Elles agissent sur nos organes à peu près comme celles de l’alliaire, sa congénère. On les a em- ployées avec avantage dans le catarrhe pulmonaire chronique, et surtout dans l’enrouement et Laphonie résultant d’un exercice forcé des organes respiratoires. Rondelet, qui, dit-on, les a employées le premier, s’en est bien trouvé chez plusieurs chantres qui avaient presque entièrement la voix éteinte. Lobel (1) faisait le plus grand éloge du sirop d’érysimum contre l’en- rouement. Vicat (2) préconise aussi le sirop simple de cette plante. Il dit avoir guéri par son usage un enrouement qui était survenu chez un prédi- cateur, et contre lequel on avait inutilement employé une foule de remèdes. Dans ses lettres à Boileau, Racine s'exprime ainsi sur cette plante : «Le sirop d’érysimum, dit-il, n’est point assurément une vision. M. Dodart, à qui j'en parlai il y a trois jours, me dit et m'assura en conscience que M. Morin, qui m'a parlé de ce remède, est sans doute le plus habile mé- decin qui soit dans Paris et le moins charlatan. Ce médecin n’a assuré que si les eaux de Bourbonne ne vous guérissent pas (de votre extinction de voix), il vous guérirait infailliblement. Il m'a cité l'exemple d’un chantre de Notre-Dame, à qui un rhume avait fait perdre entièrement la voix depuis six mois, et il était prêt à se retirer. Ce médecin l’entreprit, et avec une ti- sane d’une herbe qu'on appelie, je crois, erysimum, il le tira d’affaire en telle sorte, que non-seulement il parle, mais il chante, et a la voix aussi forte qu'il l'ait jamais eue. J’ai conté la chose aux médecins de la cour; ils avouent que cette plante d’érysimum est très-bonne pour la poitrine. » Le sirop d’érysimum, où il entre d’autres plantes, mais dont le principal ingrédient est le vélar, était encore très-employé dans le siècle dernier. On l’a abandonné dans la médecine urbaine, comme tant d’autres préparations utiles, pour le remplacer par de moins efficaces et d’un prix beaucoup plus (1) Stirp. advers. nov., p. 69. (2) Matière médicale de Haller, t. T, p. 138. VERGE D'OR. 1095 élevé. Ne vaudrait-il pas beaucoup mieux, en effet, lui rendre sa place dans nos officines que d’y perpétuer les dépôts coûteux des sirops de Lamouroux, de Flon, de nafé d'Arabie, des pâtes de Regnault, et de tant d’autres pro- ductions accréditées par les annonces de l'industrialisme, que la crédulité accueille toujours avec empressement, et dont on fait ensuite usage autant par habitude que par conviction? J'ai souvent employé, à la campagne, l’infusion miellée et surtout le suc de vélar dans les affections catarrhales pulmonaires chroniques, et je m’en suis toujours très-bien trouvé. Je mêlais le suc comme celui de cresson, avec le lait ou le petit-lait. La semence de vélar est rubéfiante à la manière de celle de la moutarde, mais avec moins d’activité que cette dernière. Elle est antiscorbutique. Décoctée dans l’eau et le vin, elle peut être employée en gargarisme dans les stomacaces, l’amygdalite chronique, etc. Les anciens employaient un onguent d’érysimum contre les tumeurs squir- rheuses ct les cancers. Ils pilaient la plante dans un mortier de plomb avec du miel, en consistance de pommade. Un peu d'oxyde de plomb, se mêlant à l’onguent, lui donnait une couleur grise. Ce remède, que je n’ai jamais employé, peut être utile contre certains ulcères sordides, et, comme réso- lutif, dans les engorgements lymphatiques et scrofuleux. Pour l'usage externe, je préfère l’alliaire, dont j'ai retiré de grands avantages. (Voyez ALLIAIRE.) [Nous citerons encore, comme jouissant à peu près des mêmes proprié- tés, le vélar barbarée (Æ. barbarea, L.; Barbarea vulgaris, R. Br.) (voyez BARBARÉE), le vélar précoce (E. præcox, D. C.; Barbarca patula, Fries; B. præcox, R. Br.).] VERGE D'OR. Solidago virga aurea. L. Virga aurea vulgaris latifolia. J. Baun., TourN. — Virga aurea. GER. Virga aurea vulgaris. PARK. SYNANTHÉRÉES. — ASTÉRÉES. Fam. nat, — SYNGÉNÉSIE POLYGAMIE SUPERFLUE. L. Cette plante vivace (PI. XL) embellit les bois et les pâturages secs par ses belles grappes de fleurs d’un jaune brillant. Elle est aussi commune dans nos vallons que dans nos bois montagneux. Tous les bestiaux mangent vo- lontiers la verge d’or lorsqu'elle est fraiche. Description. — Racine traçante, brune, fibreuse. — Tiges droites, dures, can- nelées, anguleuses, plus ou moins flexueuses, d’un brun rougeâtre inférieurement, vertes et pubescentes vers le sommet. — Feuilles pointues, dentées, d’un vert foncé en dessus, blanchätres et pubescentes en dessous, les inférieures pétiolées, ovales-lan- céolées, les supérieures sessiles, lancéolées. — Fleurs jaunes, en grappes paniculées, droites, rapprochées, plus ou moins allongées (août-septembre). — {Ginq anthères syn- génèses. — Ovaire infère. — Style simple. — Stygmate bifide. — Fruit : akènes cylin- driques, striés avec aigrette simple à soies capillaires, courtes et blanchâtres.] ; 5 Ï ! ; ] Parties usitées. — L'herbe et les sommités fleuries. Récolte. — Ne présente rien de particulier. (Culture. — La verge d’or n’est cultivée que dans les jardins botaniques. On là propage par graines et elle se ressème toute seule.] Propriétés physiques et chimiques, — La verge d’or à une saveur amère et un peu astringente ; elle est inodore ; elle paraît contenir du tannin. L'eau, le vin et l'alcool s'emparent de ses principes actifs. Cette plante a été regardée de tout temps comme astringente, diurétique et vulnéraire. Conseillée jadis dans les hémorrhagies utérines, la dysenterie, la néphrite calculeuse chronique, la gravelle, le catarrhe vésical, les obstruc- 1094 | VÉRONIQUE. tions des viscères, l’hydropisie, etc., elle est presque inusitée aujourd’hui, bien qu’elle ne soit pas dépourvue de propriétés. Suivant Chomel, Geoffroy, Linné, Haller, Vogel, etc., c’est un des végétaux les plus utiles. Arnault de Villeneuve dit qu’un gros de poudre de verge d’or, infusé du soir au matin dans un petit verre de vin blane, et continué douze ou quinze jours, brise la pierre dans la vessie! L’oubli dans lequel est tombée cette plante s’explique par de telles exagérations. L'expérience a démontré l’action diurétique de la verge d’or. Elle a été utile dans les affections chroniques des reins et de la vessie. L’usage de la décoction de cette plante (60 gr. par kilogr. d’eau), dans un cas d’anasarque avec albuminurie, suite de scarlatine, chez un jeune homme de seize ans, m'a suffi pour produire une diurèse très-abondante et amener la guérison dans l’espace de quinze jours. A l'extérieur, la verge d’or est détersive. Arnaud de Villeneuve prétend que ses feuilles et ses fleurs, appliquées sur les vieux ulcères des jambes, les ont guéris en neuf jours d'application, les renouvelant soir et matin !..…. La verge d’or entre dans la composition du Faltrank ou vulnéraire suisse. VÉRONIQUE. Veronica officinalis. L. Veronica mas supina et vulgatissima. C. BAUH., TOuRN.— Veronica vulyatior folio rotundiore. J. BAUH. — Veronica vera et major. GER. Veronica mas, vulgaris supina. PARK. Véronique officinale*— véronique mâle, — thé d'Europe, — herbe aux ladres. PERSONNÉES. — VÉRONICÉES, Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. La véronique (P1. XL), plante vivace, se trouve dans toute la France; elle croit dans les bois sablonneux, sur les coteaux arides, dans les bruyères. Les chevaux, les vaches, les moutons la broutent. Description. — Racine longue, rampante, fibreuse, naissant sur la souche ou des parties de la tige qui rampent sur le sol, ce qui donne à la véronique tous les carac- tères d'une plante traçante. — Tiges souvent rampantes, quelquefois dressées, dures, cylindriques, velues, longues d'environ 2 décimètres, divisées vers la base en rameaux semblables aux tiges. — Feuilles opposées, médiocrement pétiolées, ovales ou un peu aiguës, dentées en scie à leurs bords. — Fleurs petites, d’un bleu pâle, disposées le plus souvent en deux grappes latérales, axillaires, puhescentes, droites, longues de 8 à 12 centimètres (juin-aoûl). — Calice à quatre lobes inégaux. — Deux étamines. — Un. style. — Fruit : capsule ovale, comprimée, échancrée en cœur au sommet, à deux loges renfermant plusieurs semences arrondies. Parties usitées. — Toute la plante, et notamment les feuilles et les sommités fleuries. Récolte. — La récolte se fait pendant tout le temps de la floraison, et même en- core un peu après. On récolte la plante entière avec la racine, si l’on veut faire usage de cette dernière, On doit rejeter toutes les feuilles rouges ou noires. La dessiccation ne lui fait rien perdre de ses propriétés. (Culture. — Les véroniques ne sont cultivées que dans les jardins botaniques. On les multiplie par graines ou par boutures.] Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — La véronique est inodore, d’une saveur amère, un peu chaude et styptique. Son eau distillée est très-faiblement aromatique. Cette plante parait contenir de l’extractif et du tannin; mais ce dernier principe y est en petite quantité. Cependant, suivant Roques (L), son infusion, qui est jaune et rougeàtre, noircil par le sulfate de fer. L'eau et l'alcool se chargent également de ses principes actifs. Son extrait alcoolique est beaucoup plus amer que son extrait aqueux. Cetle remarque, due à Cartheuser, décèle une propriété tonique dont la médecine usuelle peut tirer parti. (1) Plaütes usuelles, t. IL, p. 39. VÉRONIQUE. 1095 La véronique est légèrement tonique et excitante. Elle a été employée dans les catarrhes pulmonaires chroniques, la dyspepsie, les flatuosités, etc, Elle provoque, dit-on, la sécrétion de l'urine et facilite l’expectoration. Frédéric Hoffmann (1) a proposé de remplacer le thé par cette plante. Le conseil de ce célèbre médecin eut du retentissement, et l’on s’empressa dans toute l'Allemagne de répandre l’usage du thé d'Europe. L'infusion théiforme de véronique,‘un peu âpre, a pu charmer les palais allemands; nous n’y avons pas trouvé en France cette astriction aromatique, ce parfum spécial qui, dans le thé, flatte si agréablement le goût. Roques a proposé comme plus agréable le thé indigène suivant : Feuilles de véronique, 60 gr.; feuilles de mélisse et sommités de botrys, de chaque 30 gr. Ces plantes, cueillies dans leur floraison, au moment où le soleil a entièrement dissipé la rosée du matin, sont hachées bien menu, bien séchées à un soleil vif, et, après dessiccation parfaite, enfermées dans une boite au thé. L'infusion théiforme de ce mélange, édulcorée avec du sucre, favorise la sécrétion ré- nale, stimule les voies digestives, provoque la transpiration, et peut, suivant Roques, remplacer le thé de la Chine et du Japon, sinon dans les soirées, du moins au lit du malade. La véronique doit être mise au nombre de ces plantes auxquelles on a attribué une foule de vertus contradictoires. Fr. Hoffman la recommande dans la phthisie, qu’il assure avoir vu guérir par l’usage prolongé de cette plante en décoction dans le lait, le catarrhe pulmonaire chronique, l’en- gouement des bronches, l’asthme humide. Si l’on en croit Johan Franke (2), auteur aussi prodigieux d’érudition que dépourvu de goût et de jugement, cette plante peut suffire seule à toutes les indications et guérir toutes les maladies. J'ai assez fréquemment employé la véronique comme léger tonique dans la convalescence des fièvres muqueuses, dans tous les cas où il faut arriver graduellement à des stimulants plus énergiques. L’infusion concentrée de cette plante m'a paru favoriser l’expectoration dans les bronchites et l'asthme. | On a mis en usage à l'extérieur la décoction ou l’eau distillée de véro- nique contre la gale, la gratelle (prurigo, lichen), les ulcères des jambes, et même contre le cancer. Cesalpin, Fuchsius et Liébaut assurent qu'un roi de France fut guéri de sa lèpre par des fomentations préparées avec cette plante. Il ne faut pas moins se défier des panégyristes des médicaments que de ceux des héros, dit le judicieux Haller. Les éloges pompeux prodigués à des plantes inertes ou dont on a exagéré les vertus n’ont pas peu contribué à discréditer la thérapeutique végétale. Si on se fût renfermé dans les li- mites d’un riasonnement fondé sur la rigoureuse observation des faits, la pénurie où nous croyons être à cet égard, et qui nous porte à payer chère- ment les secours de l'étranger, n’eût jamais existé que pour un petit nombre de substances. VÉRONIQUE PETIT CHÈNE. (Veronica chamædrys. L.; chamædrys spuria minor rotundifolia. C. Bauh.; chamædrys spuria latifolia sive fæœmina. J. Bauh.; cha- mædrys sylvestris. Ger.; chamædrys spuria sylvestris. Park.) — Cette jolie plante, qu'il ne faut pas confondre avec le teucrium chamædrys, se trouve au printemps dans les haies, les prés, les bois. Description. — Racines comme sarmenteuses. — Tiges de 20 à 25 centimèlres, droites, grêles, cylindriques, simples ou rameuses, distinguées par leurs poils constam- ment rangés en deux lignes opposées qui descendent d’une feuille à l’autre. — Feuilles opposées, ovales, cordiformes, dentées, ridées, un peu velues à leurs deux faces. — Fleurs bleues, assez grandes, disposées en grappes latérales et axillaires. — Calice à fo- (1) Diss. de infus. veronicæ efficacia preferendæ theæ. Halæ, 1693. (2) Polychresta herba veronica. Ulmæ, 1694. 1096 VERVEINE. lioles pubescentes, lancéolées et presque égales entre elles, — Capsule comprimée, plus courte que le calice, partagée à son sommet en deux lobes arrondis. VÉRONIQUE A ÉPI. (Veronica spicata. L.; veronica spicata minor. CG. Bauh. ; veronica spicata recta minor, J. Bauh.; veronica assurgens sise spicata. Ger. ; veronica mas erecta. Park.) — Cette jolie espèce orne les pâturages et les bois. Description. — Tige un peu couchée à sa base, puis ascendante, très-simple, lé- gèrement velue. — Feuitles oblongues, obtuses, crénelées, d’un vert päle, beaucoup plus petites à la partie supérieure de la tige. — Fleurs ordinairement bleues, quelque- fois blanches, réunies en épi terminal, accompagnées à leur base de petites bractées lancéolées, de la longueur du calice, — Capsules ovales, en cœur, comprimées, un peu ciliées. VÉRONIQUE GERMANDRÉE. — VÉRONIQUE TEUCRIETTE. (Veronica teucrium. L.. ; veronica supina, facie teucrii pratensis. Lob., Tourn.) — Elle est commune sur les pelouses et au bord des bois, où elle croît en touffes. Deseriptiom. — Tige de 20 à 25 centimètres, un peu couchée, cylindrique, simple ou rameuse, un peu velue, d’un vert blanchâtre. — Feuilles opposées, ovales, pointues, quelquefois obtuses, sessiles, profondément dentées en leurs bords, d’un vert foncé en dessus, blanchâtres et un peu velues en dessous. — Fleurs grandes, d’une belle couleur bleue, un peu veinées de rouge, disposées en grappes axillaires sur des pédon- cules pubescents. — Calice légèrement velu, à quatre découpures étroites, inégales. — Capsules un peu renflées, échancrées au sommet en deux lobes courts et arrondis. Cette espèce, qui a un peu plus d’amertume que les autres véroniques, auxquelles elle peut être substituée dans les pays où elle abonde, a été em- ployée avec quelque succès dans les fièvres intermittentes simples. [Nous citerons encore les véroniques mouron (V. anagallis L.) et à feuilles de lierre (V. hederæ/folia L.] VERVEINE. Verbena oflicinalis. L. Verbena communis, flore cœruleo. GC. BAUH., TOURN.—Herba sacra. ANGUILL. Verbena. Orric. — Verbena mus seu recta et vulgaris. PARK. Verbena communis. GER. Verveine commune, — herbe sacrée, — herbe de sang, — herbe du foie. VERBENACÉES. — VERBENÉES. Fam. nat. — DIANDRIE MONOGYNIE. L. La verveine est très-commune sur le bord des chemins, des haies, dans les lieux incultes. L’étymologie du mot verveine, composé des mots latins herba Veneris, rappelle les propriétés que les anciens attribuaient à cette plante; ils la croyaient propre à rallumer un amour près de s’éteindre. C'était avec elle que les prêtres nettoyaient les autels pour les sacrifices, d’où vient le nom d'herbe sacrée (herba sacra). Les druides la faisaient entrer dans l’eau lustrale, et s’en servaient pour prédire l’avenir. Deseription. — Racine fibrée, oblongue, blanchâtre. — Tiges dressées, tétra- gones, striées, légèrement purpurines, cannelées, simples ou munies vers leur sommet de quelques rameaux opposés. — Feuilles pétiolées, opposées, ovales, oblongues, d’un vert sombre, profondément découpées en lobes inégaux, le terminal beaucoup plus grand. — Fleurs petites, sessiles, d’un blanc violacé, disposées en épis longs et fili- formes, accompagnées de bractées courtes et aiguës (juin-juillet-août). — Calice pubes- cent à cinq dents. — Corolle courbée, infundibuliforme, à cinq lobes arrondis. — Quatre élamines didynames. — Un style. — Un stigmate obtus. — Fruit : quatre akènes oblongs recouverts d’un tissu utriculaire un peu charnu. Parties usitées. — Les feuilles et les sommités. _ Récolte. — 11 faut cueillir la verveine avant la floraison, choisir les tiges bien gur- nies de feuilles, et, afin que celles-ci restent vertes, les sécher promptement. VERVEINE, 1097 (Culture. — La verveine officinale est très-commune, On ne la cultive que dans les jardins botaniques, On la propage de graines. | Propriétés physiques et chimiques.,— Celle plante n'a aucun arôme; elle est seulement un peu amère. Elle contient un principe amer et un peu de tannin colorant en gris verdâtre les sels de fer. On a vanté la verveine comme antispasmodique, diaphorétique, résolu- live, astringente, vulnéraire, etc. Autrefois, cette plante guérissait les fièvres intermiltentes, l’hydropisie, l’ictère, la pierre, la chlorose, les co- liques, les maux de gorge quelconques, les vapeurs, les ulcères, l’ophthalmie, la pleurésie, la céphalalgie; clle augmentait le lait des nourrices, et sa dé- coction prévenait l'avortement quand on y avait fait bouillir des écrevisses. Wadel, Riedelin, Tournefort, Boerhaave, Linné, Haller et Chomel ont parlé de la propriété fébrifuge de la verveine. Mottet (1) dit que c’est un remède populaire à Limoges et dans les environs contre les fièvres intermittentes, et que sa décoction, administrée soit en tisane, soit en lavement, lui a réussi dans les fièvres automnales. Il est d'autant plus à regretter que Mottet n'ait point donné quelques faits à l’appui de cette assertion, que les vertus attri- buées à la verveine ne reposent, de l’aveu des médecins de nos campagnes, que sur des faits douteux, de fausses observations ou des préjugés. (En Allemagne, on en prépare un extrait employé comme adjuvant des préparations de quinquina. C’est cet extrait, à la dose de 2 gr. ou une dé- coction de 15 gr. de feuilles dans 60 gr. d’eau, qu’à l'exemple de Rivière, Gavini à de nouveau préconisé contre les migraines liées à la dyménorrhée, et même dans les migraines idiopathiques (2). Cet observateur ayant cru remarquer que la verveine agissait moins sur l’accès que sur la périodicité, en recommande l'administration dans l'intervalle des paroxysmes.) A l’exlérieur, on a employé cette plante dans la pleurodynie, les rhuma- tismes, les douleurs nerveuses, ete.On en fait surtout usage contre la céphalal- gie et la pleurodynie. Forestus, Plater, Dehaen, Vicat, et beaucoup d’autres médecins l’appliquaient sur la tête dans les céphalalgies rebelles. Itard (3) s’est servi, dans la névralgie de l'oreille, d’un cataplasme préparé avec les tiges de verveine écrasées, cuites dans du lait, et liées au moyen de la farine de graine de lin. Dubois, de Tournai (4), s’est bien trouvé, dans quatre cas de douleurs rhumatismales ou névralgiques de la tête, de cataplasmes pré- parés avec les feuilles de verveine cuites dans du vinaigre et écrasées. L’ex- citation causée par le véhicule n’a-t-elle pas été aussi pour quelque chose dans les résultats obtenus? Quoi qu’il en soit, on peut essayer ce topique, puisqu'il a procuré du soulagement. Dans nos villages, on y a la plus grande confiance contre les points pleurétiques. Le sue rougeâtre de la plante, qui teint le linge, est pris pour du sang attiré par la force du médicament, et considéré comme la preuve du succès. «On trouve chez les apothisaires, dit Lieutaud (5), une eau distillée de verveine, que l’on vante beaucoup pour la guérison des fluxions, des inflammations et des ulcères de l'œil, mais qui parait avoir perdu aujourd’hui de sa réputation. » VERVEINE À TROIS FEUILLES. — ALOYSE CITRONÉE OU CITRONELLE. — VERVEINE ODORANTE. ( Verbena triphylla. Lhérit.; aloysia citriodora. Ortega; zapamia citriodora, Lam.) — Joli arbuste, originaire du Chili, naturalisé en Italie où il vient en pleine terre, cultivé en France. (1) Journal de la section de médecine pratique de Montpellier, décembre 1847. (2) Giornale medico di Roma, octobre 1865, cité par le Bulletin de thérapeutique, 15 dé- cembre 1866. (3) Roche ct Sanson, Pathologie médico-chirurgicale, 4° édit., t. IT, p. 186. (4) Ouvrage cité, p. 412. (5) Matière médicale, t. I, p. 191. 1098 VIGNE. Description. — Racine rameuse, ligneuse. — Tige de 4 mètré 1/2 à 2 mètres de haut, droite, rameuse, rameaux diffus, verticillés, ternés ou quaternés, étalés, rudes; jeunes tiges hexagones. — Feuilles ordinairement ternées, lancéolées, pointues, rudes, glabres, entières ou légèrement dentées, nerveuses, d’un vert gai en dessus, plus pâles à leur face inférieure. — Fleurs petites, nombreuses, d’un violet tendre, disposées en panicules terminales par de pelites grappes opposées trois à trois ou axillaires. — Co- rolle à cinq lobes courts, oblus et égaux (juillet-août). — Calice à quatre divisions ou- vertes et arrondies. Parties usitées. — Feuilles et sommités. Culture, récolte. — On cultive l’aloyse en pleine terre, avec la précaution de abriter des vents du nord et de la couvrir pendant les gelées. On la multiplie de se- mences, de drageons et de boutures. 11 lui faut une bonne terre et de fréquents arrose- ments en été. On la récolle pendant toute la belle saison, mais de préférence au mo- ment de la floraison. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — Toute la plante est douée d’une odeur pénétrante, diffusible, analogue à celle de citron, et qui se développe surtout par le froissement. Sa saveur est amère, un peu pi- quante et aromatique. Elle n’a point encore été analysée. — Ruflo (1) a proposé ses feuilles en guise de thé, pour préparer le punch, comme aromate pour les crèmes, etc. La verveine citronelle est excitante, stomachique, antispasmodique. Elle convient dans les flatuosités, l’indigestion, la dyspepsie, la gastralgie, les névroses, etc. Elle agit à la manière de la menthe, de la mélisse, des feuilles d'oranger, des fleurs de tilleul, etc. On l’administre en infusion théiforme (5 à 10 gr. pour 500 gr. d’eau). Cette infusion est très-agréable ; sucrée et blanchie avec du lait, elle peut remplacer le thé. Elle excite légèrement l’estomac et favorise les fonctions de la peau. VIGNE. Vitis vinifera. L. Vitis vinifera. GC. Baux. — Vitis apyrena seu Corintmaca. J. BAUH. AMPELIDÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. L. La vigne cultivée, originaire de l’Asie, mais acclimatée depuis plus de vingt siècles dans toutes les contrées chaudes ou tempérées de l’Europe, est connue de tout le monde. Les Phéniciens en introduisirent la culture dans les îles de l’Archipel, dans la Grèce, dans la Sicile, et successivement en Italie et dans le territoire de Marseille, d’où elle se répandit peu à peu dans toutes les Gaules. Elle a produit des variétés innombrables. Bosc en ape réuni, dit-on, plus de quatorze cents dans les pépinières du Luxem- Jourg. Parties usitées. — Les feuilles, ia séve, le bois, les fruits. Kéeolte. — Les feuilles de vigne se cueillent pendant toute la belle saison et w’exigent rien de particulier pour leur dessiccation. Les raisins que l'on veut conserver doivent être cueillis un peu avant leur complète maturité par un temps sec et chaud, mis sur la paille dans des greniers, ou mieux suspendus à des ficelles, après les avoir divisés en grappes de moyenne grosseur, pas trop serrées, en ayant soin de les aérer dans les temps doux. On les conserve parfois jusqu'à Pâques, et même au delà dans les bonnes années. Dans les ménages, on se sert souvent de sacs de papier ou de crin pour conserver aux grappes Loute la fraîcheur du raisin fraichement cueilli, pour les desserts de l'hiver. La récolle des raisins destinés à la cave est du ressort de l’agriculture. Propriétés physiques et chimiques: usages économiques, — Les FEUILLES de vigne ont une saveur astringente. Elles contiennent du tannin. Les vrilles sont acidules. La SÉVE, qui coule abondamment des rameaux taillés en avril et mai, est aqueuse, transparente, inodore et insipide. Suivant Deyeux, elle contient une matière végéto-animale, qui est dissoute par de l'acide acétique, et de l’acétate de chaux. (1) Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. VI, p. 866. VIGNE, 1099 Elle se putréfie facilement au contact de l'air, — Le Bois (sarment) donne par sa com- bustion des cendres très-alcalines. Ces cendres sont employées en médecine comme celles de genèt, de genévrier, ete. — Le FruIT Où RAISIN (uva) avant sa maturité porte le nom de Vendus (omphacium); sa saveur est alors fortement acide et astringente. Son suc sert d’assaisonnement culinaire, et remplace pour certains mets le citron et le vinaigre. On en prépare aussi un sirop rafraichissant, À sa maturité, le raisin contient une pulpe délicieusement succulente, douce, sucrée, légèrement acidule, quelquefois même accompa- gnée d’un arôme très-suave ; il contient (1) beaucoup d’eau, du mucilage, du sucre, de la velée, de lalbumine, du gluten, du tannin, du bitartrate de potasse, du tartrate de chaux, du phosphate de magnésie, du chlorure de sodium, du sodium, du sulfate de po- tasse, et des acides tartrique, citrique ét malique, — Le suc extrait des raisins mûrs ou Mour est très-sucré et nutritif. On obtient par l’évaporation du moût une sorte de con- fiture qui porte le nom de raisiné; elle est saine, précieuse pour l'habitant des cam- pagnes, pour la classe ouvrière des villes. Dans les campagnes, lorsqu'on à peu de moût de raisin, on augmente la masse du raisiné en y ajoutant des poires à chair ferme, telles que le messire-jean, le martin-sec, le bon chrétien d'hiver, le rousselet, le catillac, le coing, que l’on coupe par tranches. On y met quelquefois aussi des quartiers de pommes, de carottes, de potiron, de melon, de betteraves, Les pots de raisiné remplis, on les met dans le four après la cuisson du pain, deux ou trois fois de suite. 11 se forme une croûte à la surface du pot, ce qui conserve parfaitement cette confiture. Lorsqu'il est bien préparé, le raisiné est doux et moelleux, un peu grenu et un peu acide. — Pen- dant le blocus continental, le sucre de canne étant à un prix très-élevé, le sirop de raisin, obtenu par évaporation du suc, servait de malière sucrante. On sèche le raisin à l’aide du calorique pour le conserver. On prépare pour l'usage médical les GROS RAISINS SECS Où GROS RAISINS DE CAISSE (passulæ seu uvæ mujores), que l’on distingue ensuite en RAISINS DE SMYRNE ou de Damas quand ils sont gros comme de petites prunes, allongés, ridés, d’un jaune-brunâtre ; en RAISINS DE FRANCE, de MARSEILLE Ou d'EsPAGNE lorsqu'ils sont plus petits et brunâtres. Les RAISINS DE CORINTHE (passulæ sive uvæ minores) sont gros comme des lentilles, noirs, très-ridés, sans pépins apparents. Les semences de raisins (pépins) donnent 10 à 41 pour 100 d’une huile bonne pour l'usage alimentaire et pour l'éclairage (2). Le Vin est le produit de la fermentation alcoolique des principes du suc ou moût de raisin. Soutiré dans des tonneaux, le vin fermente encore pendant plusieurs mois. A mesure qu'il s’alcoolise, il laisse précipiter son tartre et se purifie complétement, ce qui donre lieu à un dépôt qu'on appelle re. Cette dernière est un mélange des sels de vin, de ferment, de matière colorante et de débris atténués du fruit. On s’en sert en méde- cine sous forme de bains, de fomentations, etc. On en fait aussi usage dans la chapel- lerie. Lorsque le vin est bien dépouillé de sa lie, on le colle au moyen du blanc d'œuf, de la colle de poisson ou de la gélatine dissoute. L'une ou l’autre de ces substances, coagulée par l'alcool ou le tannin, entraîne, en se précipitant, toutes les malières en sus- pension dans le vin. Telle est la préparation des vins ordinaires rouges ou blancs. Ils sont rouges lorsqu'on emploie du raisin noir avec l'enveloppe des fruits, et d’un blanc plus ou moins jaune lorsqu'on emploie du raisin blanc où même du raisin noir, pourvu qu'on ne laisse pas le moût fermenter sur l'enveloppe de celui-ci. L'odeur et la saveur de ces vins varient beaucoup et ne sont pas en rapport avec la quantité d'alcool qu'ils con- tiennent. Le vin de Bourgogne, par exemple, n’est guère plus spiritueux que celui de Surènes ; cependant il est d’une qualité bien supérieure. En général, les vins des pays Gas ont plus de bouquet; ceux des pays froids sont àpres el souvent mème très- acides. Les VINS SUCRÉS OU DE LIQUEUR se préparent dans les pays chauds, en Espagne, en Italie, et même dans le midi de la France. Pour les obtenir, on arrête la fermentation du raisin écrasé. Dans quelques contrées, pour augmenter encore la quantité propor- tionnelle du sucre dans le raisin, on tord la grappe et on la laisse quelque temps en cet état sur le cep, afin que le soleil concentre la pulpe intérieure en la privant d’une grande partie de l’eau qu’elle contient. Dans d'autres pays, on fait subir au moût ur Sens d’évaporation sur le feu (vin cuit); mais ce moyen n'est pas aussi avan- ageux. Les VINS BLANCS MOUSSEUX ou de CHAMPAGNE s’obtiennent en mettant dans des bou- (1) Thomson, Botanique du droguiste, p. 360. (2) Journal de chimie médicale, 1827, t. III, p. 66. 1100 VIGNE, teilles, que l’on a soin de bien ficeler, le moût de raisin qui a déjà subi un commence- ment de fermentation. L’acide carbonique s’y accumule en raison de la pression qu'il subit. Aujourd'hui on champagnise les vins blancs de Bourgogne commme ceux des coteaux d’Aïet de Sillery en Champagne. Presque toujours on met dans ces vins un peu de sucre candi pour augmenter leur richesse en acide carbonique et en alcool. Tous les vins donnent à l'analyse chimique à peu près les mêmes produits, savoir : beaucoup d’eau, de lalcool, un peu de sucre indécomposé, de mucilage, de tannin, d'acide malique et acétique, de tartrate acide de potasse, de tartrate et de malate de chaux, de sulfate de potasse, de chlorure de calcium, une matière colorante jaune, et dans les vins rouges une matière colorante bleue; enfin un principe huileux très-fugace qu’on nomme bouquet du vin, que Liebig et Pelouze sont parvenus à isoler, et auquel ils ont donné le nom d’éfher œnanthique. Cette huile, qui est toujours en faible propor- tion, paraît se former pendant la fermentation et le travail qui suit. Fauré suppose qu'il provient de la pellicule du raisin complétement mûr. Fauré a trouvé du tartrate de fer dans les vins de la Gironde. C’est à la présence de l'alcool que les vins doivent principalement leurs propriétés sti- mulantes, diffusibles et enivrantes. Ceux qui en contiennent plus de 41 pour 400 se nomment vins généreux. Le tableau suivant indique les proportions d'alcool contenues dans les principales espèces de vin. QUANTITÉ D'ALCOOL PUR CONTENUE DANS 100 PARTIES DE VIN EN VOLUME. Vin de Lissa ,.... CR RM 0 0e 2549 | VinsdesSauterne 2 Eee mec RER 13.08 "de Marsa es es ER 25.09 — de Champagne: :.1.....::.4100 12.69 ide MadEre ce Ce rnr 20.18 AE GTA VE RE neue «5. 12280 A6 COIIOUTER AMEN PEN Ur 21.62 — — : MOUSSEUX .,........e 1: 14260 — de Constance blanc ............ 18.17 de Lrontisnans 00e 11.76 —=\deRoussnlonse ss ea 16.67 — de Côte-Rôtie.......... RITES 11.45 — de l’Hermitage blanc........... 16.03 — de l’Hermitage rouge. ........0. 11.38 — de Malana rs etoile :afefoe 15.87 Ad ROUE M OL AE 44.11 — de Bordeaux blanc ............, 15.00 — de Bordeaux rouge.....,....... 11.00 AB UNE ren es aleleuoo Ve ne 14.27 CeROArt us se LUE US — de BourrOopne. his les ce 13.40 Des auteurs ont dressé des tableaux analogues où les proportions varient sur celles-ci de 4 à 2 volumes, quelquefois en moins et très souvent en plus. (Dorvault.) [La détermination de la proportion d'alcool dans les vins se fait par distillation dans le petit appareil de Salleron. On prend un volume de vin, soit 4 décilitre; on le distille pour obtenir 4/2 décilitre. On ajoute à l’alcool obtenu quantité suffisante d’eau distillée pour compléter 4 décilitre. On plonge dans le liquide un alcoomètre centésimal et un thermomètre : le premier marque le degré alcoométrique, le second la température qui sert à faire la correction. j La proportion d'alcool est extrèmement variable dans les vins, nous l’avons vu; tou- tefois celui-ci ne doit pas dépasser 7 à 8 pour 100 pour le vin de consommation pari- sienne ordinaire; il faut de plus qu’un bon vin naturel laisse, par l’évaporation, un ré- sidu sec de 1.90 à 2.2 pour 400; au-dessous de ces chiffres, il est probable que le vin serait additionné d’eau; et au-dessus, il pourrait être mêlé à du cidre ou du poiré, qui laissent jusqu’à 30 et 35 de résidu sec pour 1000.] CRÈME DE TARTRE OU TARTRATE ACIDULE DE POTASSE. — Le tartre ou tartrate de potasse contenu dans le vin se dépose, avec le temps, au fond des tonneaux, mêlé avec un peu de tartrate de chaux et une matière à laquelle chaque espèce de vin doit la cou- leur qui lui est particulière. Il y a trois sortes de tartre : 4° le tartre rouge; 2° le tartre blanc, que les vins déposent, et qui ne diffère du précédent que par sa couleur; 3° le tartre purifié ou crème de tartre, qu’on obtient en faisant dissoudre et cristalliser le tartre ordinaire; il est sous la forme d’aiguilles assez dures sous la dent, d’une saveur aigrelette, agréable, inodore, inallérable à l'air, insoluble dans l’alcool; il se dissout dans 15 parties d’eau bouillante et dans 60 d’eau froide ; mais on peut le rendre beau- coup plus soluble, au point de n’exiger pour se dissoudre que son poids d’eau froide et la moitié seulement de ce liquide bouillant, en le faisant bouillir avec une certaine quantité d'acide borique ou de borax (crème de tartre, 4; acide borique, 4; eau, 24). Cette préparation porte le nom de crème de tartre soluble (tartre boraté, tartro-borate de potasse ou tartrate borico-polassique). La dissolution aqueuse se décompose rapide- ment au contact de l'air. Substances incompatibles. — Les sels de chaux, de plomb, les acides forts. VINS MÉDICINAUX OU OENOLÉS. — Préparations pharmaceutiques dont le vin est l’ex- cipient. Les vins médicinaux sont faits tantôt avec les vins rouges, tantôt avec les vins VIGNE, 1101 blancs, suivant la nature des principes à extraire et celle des indications à remplir. Ces vins doivent être de première qualité, sans être trop vieux, car ils tendraient à la dé- composition. Les vins alcooliques, comme ceux de Madère, de Malaga, de Xérès (les seuls employés en Angleterre, dans ce cas), etc., fournissent des produits de plus longue durée que ceux de France, On ajoute de l'alcool! à ces derniers lorsqu'on ne peut pas se procurer les premiers. Les substances qui entrent dans la composition des vins médicinaux doivent être sèches, excepté les plantes dont les propriétés se perdent par da dessiccation, telles que le cresson, le cochléaria, elc.; mais alors il faut ajouter un peu d’alcool au vin. La pré- paralion consiste, en général, dans la macération plus ou moins prolongée, puis dans la filtration et la conservation à la cave, dans des bouteilles bien bouchées. Un vin médi- cinal, si bien préparé qu'il soit, tend toujours à se décomposer ; il ne se conserve pas plus d’un an, même dans des vases bien clos et dans une cave bien fraîche. 11 se dé- compose d'autant plus facilement qu'il est plus composé. Toute bouteille entamée se corrompl avec une promptitude extrême, ce qui oblige à la mettre dans des vases gra- duellement plus pelils, chose d’une difficile et minutieuse exécution. Je me contente, lorsque le vin médicinal est fait, de le partagér en deux demi-litres et de l'employer le plus tôt possible. — Le procédé de Parmentier, qui consiste à meltre dans le vin la teinture alcoolique des substances, donne un produit moins susceptible de s’altérer ; mais il ne contient pas les mêmes principes que celui qui est préparé par le vin, puis- qu'il est privé de ceux que l’eau de celui-ci peut retirer. Le procédé adopté par le Codex réunit tous les avantages; il consiste à mouiller préalablement les substances avec une suffisante quantité d'alcool, à ajouter le vin, et à prolonger convenablement la macération. (Beral a proposé de donner le nom d'œnolatures aux préparations dont nous venons de parler, où les substances macérées ne cèdent au vin que les parties extractives, tan- dis qu'it réserve celui d’œnolé au médicament que l’on obtient en dissolvant directe- ment et en totalité dans le vin un sel ou l’un des principes immédiats des végélaux.) ALCOOL. — L'alcool (C*H5O?) est un liquide blanc qu’on obtient par la fermentation de toute substance végétale sucrée (carottes, fruits sucrés, sucre, etc.) ou susceptible de se transformer en glucose. Presque tout l'alcool du commerce est tiré du vin, de la bet- terave ou de la fécule de pomme de terre. L'alcool résultant de la distillation du vin, où il se trouve tout formé, est le seul admis par le Codex français, et celui qu’on doit pré- férer pour l’usage médical. L'alcool est, ainsi que lindique sa formule, composé d’oxygène, d'hydrogène et de carbone; et cela, en des proportions telles que ses éléments peuvent être représentés par des volumes égaux de vapeur d’eau et d'hydrogène carboné. Il dissout le phosphore, le soufre, l’iode, les résines, les huiles volatiles, la presque totalité des acides, le tan- nin, les alcalis végétaux, le sucre de raisin : il dissout aussi les corps gras, mais en petites proportions, surtout à la température ordinaire; il ne dissout ni la gomme, ni l'amidon, ni l’albumine végétale. La quantilé d’eau qui est mêlée à l'alcool influe d’ail- leurs sur ses propriétés dissolvantes; ainsi, quand il n’est pas concentré, il dissout le sucre de canne, les matières extractives et les gommes-résines. (La moindre quantité d’alcool peut être révélée dans un liquide par une solution de bichromate de potasse (réactif de Masing) (1). Anstie a montré que ‘/,,, de grain d’al- cool colorait en vert émeraude 1 centimètre cube de ce réactif.) (2) (On distingue dans le commerce, à proprement parler, trois sortes d'alcool : 1° Les liqueurs qui renferment de 50 à 55 pour 100 d'alcool en volume constituent l'eau-de-vie. Elles marquent de 16 à 22 degrés à l’alcoomètlre de Cartier, et 50 à 55 à celui de Gay-Lussac. 2° Celles qui s'élèvent à un plus haut chiffre s’appellent des esprits; il est nécessaire de les couper pour les boire. Celui qui nous vient de Montpellier a reçu le nom de - trois-sir; c’est le point de départ de la fabrication des eaux-de-vie usuelles ; ce nom de trois-six indique que, pour obtenir cette eau-de-vie, il faut mélanger 8 volumes d’eau à 3 volumes d'esprit, pour arriver à marquer 19° à l’aloomètre Cartier.) Si l’on veut purifier l'esprit de Montpellier, on le met dans le bain-marie d’un alambie, eton le distille. 11 porte alors le nom d'esprit de vin ou d'alcool rectifié, et marque 90° centésimaux. C’est un liquide blanc et diaphane comme de l’eau, mais plus fluide et moins pesant que cette dernière, s'évaporant très-facilement à l'air libre, s’enflam- or ELEZEZEZZEE (5 De mutalionibus spiritus vini in corpus ingesti. Scrips. R. Masing, Dorpati, 1854. 2) Stimulants and narcotics; by Fr. S. Anstie. London, 1854. 1102 VIGNE, mant à l'approche d’une lumière et brûlant avec une flamme bleuâtre, sans fumée et sans laisser de résidu. Il est d’une odeur vive et aromatique, d’une saveur âcre et brû- lante. Il entre en ébullition à 70° centésimaux. Mais quand il contient de l’eau, le terme de son ébullition est retardé à proportion de la quantité de cette dernière. (3° L'alcool absolu, entièrement privé d’eau, ou anhydre.) Pour se procurer de Palcool très-concentré, on le distille avec des corps qui, pour être propres à cet usage, doivent réunir à la condition d’une affinité assez grande pour l'eau celle de ne pouvoig faire éprouver altération à l'alcool. Ainsi, on obtient de l'alcool à 95° centésimaux en redistillant l'alcool rectifié sur de l’acétate de potasse, dans les proportions de 4 du premier sur 1 du second ; de lalcool absolu ou anhydre à A00° centésimaux, en distillant l'alcool à 95° centésimaux sur de la chaux. L'alcool rectifié par simple distillation suffit aux besoins de la pharmacie. I] est le seul dont on puisse se servir avec avantage pour la préparation des liqueurs suaves. Quand on prescrit l'alcool ou qu’on veut se procurer des dissolutions alcooliques, il faut s’as- surer du degré de pureté et de concentration, soit avec un alcoomètre, soit par tout autre procédé connu, ou bien enfin en le goûtant, ALCOOLATS. — Les alcoolats, esprits, baumes, gouttes, essences, eaux spiritueuses, sont des préparations résultant de la distillation de l'alcool sur une (alcoolats simples) ou plusieurs (alcoolats composés) substances médicamenteuses. Ils contiennent tous les principes qui peuvent se volatiliser en même temps que l'alcool. L’essence est le prin- cipe immédiat qui y domine. Les alcoolats diffèrent des teintures, non-seulement par leur mode de préparation, mais encore parce qu'ils ne contiennent que les principes volatils des substances employées, et principalement leur huile volatile, tandis que les teintures contiennent en outre les principes fixes solubles dans l’alcool. Il faut, pour les alcoolats, que les substances soient convenablement divisées, puis macérées avant la distillation dans l'alcool, et distillées au bain-marie. (On emploie l'alcool à 80° centésimaux pour les alcoolats simples; quelquefois on se sert de celui à 60° pour les alcoolats faibles, comme le vulnéraire, ou à 90° pour un plus fort, l’eau de Cologne, par exemple.) On peut faire les alcoolats au moyen d’une simple solution des huiles volatiles dans l'alcool ; mais ils ne valent pas ceux que l’on obtient avec la plante elle-même. — Les alcoolats se conservent bien et gagnent même, avec le temps, sous le rapport de l’a- rome. — Beaucoup d'alcoolats peuvent être transformés en liqueurs de table par une addition de sucre. Les alcoolats médicamenteux, si l’on en excepte celui de mélisse, sont plus souvent employés à l'extérieur qu’à l’intérieur. ALCOOLATURES. — L'alcool chargé par macération des principes solubles des plantes dans leur état frais constitue l’alcoolature, ou teinture avec les plantes fraîches du Codex. Hahnemann les avait mises en usage lorsque Béral les introduisit dans la phar- macie allopathique. Les teintures mères des homæopathes ne sont, en effet, autre chose que des alcoolatures. — 11 y a deux moyens généraux de les préparer : l’un consiste à extraire le suc des plantes, à le mêler sans le clarifier à l'alcool à 89° centésimaux, et à filtrer après quelques jours pour séparer les matières insolubles. L'autre consiste à faire agir l’alcoo! sur la plante elle-même contuse. Cette méthode est généralement préférée parce qu’elle donne des produits toujours plus semblables et qui représentent mieux la substance employée. Les alcoolatures sont simples et préparées avec des plantes actives ou celles qui perdent en partie ou en totalité leurs propriétés par la dessiccation. Les proportions et la préparation sont les suivantes : parties égales de plantes fraîches et d'alcool; après quinze jours de macération, passer avec expression et filtrer. Bien que les alcoolatures soient peu altérables, il est bon cependant de les soustraire à l’action de la lumière. Les alcoolatures jusqu'ici usitées sont celles de : Aconit (feuilles). Colchique (bulbes). Morelle. — (racines). Cresson de Para, Nicotiane. Belladone, Digitale. Rhus radicans. Bryone. Jusquiame. Seigle ergoté. Ciguë. Laitue vireuse. Stramoine. ALCOOLES. — Teintures alcooliques médicinales. — Les teintures alcooliques sont des dissolutions de diverses substances dans l'alcool. Ces substances doivent être sèches, pulvérisées ou concassées, et en quantité suffisante pour saturer autant que possible l'alcool. Les teintures sont simples ou composées, suivant qu’elles contiennent un ou plusieurs médicaments. Dans ce dernier cas, on doit mettre en contact avec l’alcool, d’abord les substances les plus dures, ensuite celles qui se dissolvent facilement. La VIGNE. 1103 force de l'alcool varie suivant la nature des substances à dissoudre, On doit employer l'alcool le plus pur possible, et le ramener ensuite, par l'addition de l’eau distillée simple, au degré le plus convenable pour chaque teinture. Lorsque l'alcool doit agir sur des matières insolubles dans l'eau, il a besoin d’être plus concentré; si, au contraire, on désire le charger de principes solubles en même temps dans l’eau et l'alcool, ou solubles dans l’eau et insolubles dans lalcool rectifié, il faut se servir d’alcool plus ou moins étendu. Le Cocex a réduit à trois les degrés de l’alcool destiné aux teintures médici- nales : l'alcool à 60° centésimaux ; lalcoo!l à 80° centésimaux ; l'alcool à 90° centésimaux. Le premier est pour les matières qui sont plutôt de nature extractive ; le deuxième, pour les substances plus riches en principes résineux et en huile volatile ; le troisième est réservé pour les résines pures ef les substances chargées de matières grasses peu s0- lubles. — Le plus grand nombre de substances nécessitent 5 parties d'alcool pour être épuisées. Les teintures se préparent par simple solution, lorsque les matières que l’on emploie sont solubles entièrement dans l’alcoo! : tels sont le camphre, l’iode, les téré- benthines, etc. L'opération se fait dans un matras de verre, et l’on opère par macéra- tion ou par digestion, La chaleur dissout plus promptement les corps; la macération économise les frais de chauffage, mais elle exige plus de temps. A chaud, on bouche le vase avec un parchemin percé de trous d’épingle; à froid, on ferme exactement pour empêcher une déperdition d'alcool, après avoir simplement trituré la matière avec l'alcool dans un mortier, ou mis le tout dans un flacon en lagitant. Les teintures sont des médicaments précieux, et qui se conservent très-longtemps. L'alcool agit, non-seulement comme dissolvant et comme conservateur, mais aussi en ajoutant ses propriétés à celles de la substance médicamenteuse. On ne devrait donc, en général, admettre pour ces préparalions que des médicaments dont le mode d’action est analogue à celui de lalcool, tels que l’opium, les substances aromatiques, l’ammo- niaque, etc. Les substances très-actives font exception à cette règle, à cause du peu d'action de l’alcool à petite dose, comparée à celle du médicament : telle est la teinture de digitale, plante sédative opposée à l'alcool, qui est stimulant, VINAIGRE OU ACIDE ACÉTIQUE IMPUR. — Le vinaigre est le résultat de la fermen- tation acide des liqueurs alcooliques, telles que le vin, le cidre, la bière, etc. Le vi- naigre de vin est le seul qui soit employé en pharmacie. Le vinaigre blanc est préféré au rouge. Ce dernier peut se décolorer par le charbon animal. Le lait écrémé peut aussi le décolorer en partie. Le vinaigre de vin a la même composition que le vin; mais l'alcool y est remplaré par lacide acétique. 11 doit avoir une odeur agréable, une saveur acide et piquante, être limpide. Frotté sur la main, il ne laisse pas de mauvaise odeur. (Il est constitué par un mélange d’eau, d'acide acétique, de surtartrate et sulfate de po- tasse, d'acide malique, de tartrate de chaux el d’une matière colorante.) Il doit ren- fermer environ 2 gr. 1/2 de tartre par litre, se troubler peu par le nitrate de baryte, l'oxalate d’ammoniaque et le nitrate d'argent. Le vinaigre est souvent falsifié par l’eau, par des acides étrangers ou des malières àcres, ou par des vinaigres de qualité inférieure, VINAIGRES MÉDICINAUX, — Le vinaigre peut dissoudre à peu près les mêmes prin- cipes que le vin, mais il a la propriété d’en modifier quelques-uns. 11 corrige, dit-on, l’âcreté de la scille et du colchique ; il diminue l’action vireuse de l’opium. Il s'empare plus facilement des alcaloïdes, quand il est en contact avec les plantes qui en contiennent. Les vinaigres médicinaux, comme les vins, se préparent par macération et de la même manière, c’est-à-dire que les substances doivent être sèches et convenablement divisées. Ils sont simples ou composés. Les premiers ne se font qu'avec une seule substance, comme le vinaigre framboisé, le vinaigre scillitique, le vinaigre colchique, etc., lesquels servent à composer le sirop de vinaigre framboisé, l’oxymel scillitique, l'oxymel col- chique. Les vinaigres composés sont ceux dans lesquels il entre plusieurs substances, comme le vinaigre antiseptique ou sel des Quatre-Voleurs. On doit choisir, pour la pré- paralion des vinaigres médicinaux, un vinaigre fort, très-odorant et le plus déflegmé possible. Certains vinaigres médicinaux se préparent par distillation. Ces derniers portent les noms de vinaigres distillés, d'oxéolats où d’acétolats. Is ne contiennent que les prin- cipes volatils des substances. Dans les préparations pharmaceutiques on se sert ordinairement du vinaigre distillé. ACIDE ACÉTIQUE CONCENTRÉ OU VINAIGRE RADICAL (C*H° 0°). — 11 se rencontre tout formé dans le règne organique, surtout dans un grand nombre de fruits, dans la séve, etc., dont on peut l'obtenir par la distillation. On le tire ordinairement du vinaigre et de 3104 VIGNE. l’acétate de cuivre neutre, à l’aide de la distillation. Il est d’une odeur forte et piquante, d’une saveur âcre et brülante, soluble dans l’eau, solidifiable sous forme cristalline, Il dissout les résines, l’albumine, la fibrine. Substances incompatibles. — Le tartrate de potasse, de soude et d’ammoniaque, les alcalis, les oxydes métalliques. PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction des feuilles de vigne, 80 à 60 gr. par kilogramme d’eau. Suc de feuilles de vigne, 60 à 100 gr. Poudre de feuilles de vigne, 4 à 5 gr. dans un véhicule approprié, en pilules, etc. Extrait de vigne (se prépare en évaporant le suc exprimé des jeunes bourgeons de la vi- gne, reprenant l’extrait par l’alcool et fai- sant évaporer de nouveau), 1 à 4 gr. (Raiïsins, en nature, de 1/2 à 4 kilogr. par jour. A L’EXTÉRIEUR. — Moût de raisin, comme dé- tersif, bains de marc. Pommade au raisin : suc de raisin ajouté à la pommade rosat) (1). VIN. — A L'INTÉRIEUR. — À doses différentes, suivant l’espèce de vin et les indications curatives ou hygiéniques. A L'EXTÉRIEUR. — En fomentations, lotions, bains, injections, etc. (Lie de vin, dans un bain général ou local; en applications résolutives et toniques.) CRÈME DE TARTRE ou TARTRATE ACI- DULE DE POTASSE. — A L'INTÉRIEUR. — 8 à 15 gr. dans 500 gr. d’eau édulcorée, comme tempérant, par tasses; 4 à 15 gr. en électuaire, ou 30 gr. (soluble) dans 180 à 250 gr. d’eau comme purgatif. Limonade purgative : crème de tartre solu- ble, 45 gr.; zestes de citron, une pincée; eau bouillante, 2 kilogr.; à prendre par verreside demi-hewre en demi-heure ou d'heure en heure. ALCOOL. — A L'INTÉRIEUR. — Etendu en boisson, 4 à 60 gr. par kilogramme d'eau. (En potion (Behier), 80 à 120 gr. d'eau-de- vie ordinaire, dans 120 gr. environ d’eau édulcorée ; une cuillerée à potage toutes les deux heures. On peut quelquefois élever la dose jusqu'à 200 et même 300 gr. Mixture alcoolique : eau-de-vie, 96 gr.; eau de cannelle, 96; jaunes d'œuf n° 2; sucre, 15 gr.; teinture de cannelle, 80 centigr.; doses, de 10 à 50 gr., comme léger exci- tant: Liqueur contre les vomissements : alcool à 85 degrés, 90 gr.; eau distillée de laurier- cerise, 8 gr.; eau pure, 120 gr.; sucre, 60 gr., par demi et par verres à liqueur.) A L'EXTÉRIEUR. — Concentré, 15 à 60 gr. comme irritant et rubéfiant en frictions, — Eterdu d’eau (1 sur 30 d’eau), 30 à 100 gr. en lotions, fomentations, bains, comme to- nique, astringent et réfrigérant. VINAIGRE (acide acétique impur ou dilué). — À L'INTÉRIEUR. — 15 à 60 gr. par kilo- gramme d’eau. Sirop (8 sur 15 de sirop), 30 à 60 gr., en po- tion. Oxymel (1 sur 3 de miel), 15 à 50 gr., en po- tion. À L’EXTÉRIEUR. — 30 à 100 gr. pour 200 gr. d’eau et de miel pour lavement, — de 4 à 10 gr. par 100 gr. d’eau et de miel pour gargarisme. — {). S. en vapeurs, lotions, fomentations. VINAIGRE RADICAL (acide acétique côn- centré). — A L'INTÉRIEUR. — 1 gr. par ki- logramme de véhicule, comme antiphlogis- tique. À L’EXTÉRIEUR. — Comme rubtfiant et vési- cant. On en humecte la surface gommée d’un morceau @e taffetas d'Angleterre, de papier brouillard ou d’ouate, ‘et on l’appli- que sur la peau. (Le vinaigre est la base des vinaigres mé- dicinaux dont le Codex donne la formule. Nous citerons les vinaigres anglais, antisep- tique, aromatique, camphré, de colchique, framboisé, des Quatre-Voleurs, rosat, scilli- tique, de sureau, etc.) Les FEUILLES de vigne sont astringentes. On les a employées dans la dysen- terie, la diarrhée chronique, les hémorrhagies passives. Flamant (2), mé- decin peu connu, recommande contre les pertes utérines la feuille de vigne blanche séchée à l'ombre, pulvérisée et administrée à la dose de 2 à 4 gr. dans un demi-verre de vin rouge. G. C. Fenuglio, de Turin (3), rapporte trois cas de ménorrhagie dans lesquels l'usage des feuilles de vigne de raisin muscat noir, séchées à l’ombre et pulvérisées, à la dose de 4 gr. par jour, a été couronné de succès. Il cite aussi un cas d’hémorrhagie nasale chez un jeune homme d’une constitution très-robuste, dont la vie était en danger pour avoir perdu une grande quantité de sang ; il fut instantanément débar- rassé de cet écoulement au moyen de la poudre de feuilles de vigne prise en guise de tabac. (1) Pierlot, in Bullelin de thérapeutique, t. LV, p. 544. (2) Le Véritable médecin. Paris, 1649, r. 245. (3) Journul universel des sciences médicales, octobre 1822, t. XXVIII. VIGNE, 1105 Fenuglio dit qu'il a vu réussir ce remède dans les cas d’excitation comme dans ceux d’atonie. « 1 doit en être ainsi, dit-il, puisque le tannin exerce son action sur les tissus surexcilés, comme sur ceux qui sont alteints de faiblesse, » Il ne laisse, suivant lui, aucun trouble dans les parties sur les- quelles il agit; illes plonge, au contraire, dans un calme que les malades n'eussent jamais espéré. On l’administre dans du bouillon, dans du vin ou dans de l’eau. J'ai employé deux fois la poudre de feuilles de vigne contre l'hémorrhagie utérine, avec débilité et anémie; elle m'a complétement réussi, bien qu’elle n'eût point agi avec la promptitude signalée par Fenuglio, qui l’a employée dans un climat où toutes les plantes sont beaucoup plus énergiques que dans le Nord. Disons, toutefois, qu’il en est de ce moyen comme de tous les astringents, qu’on ne doit employer que lorsqu'il n’existe ni pléthore ni état inflammatoire. Tous les praticiens savent qu'il est des hémorrhagies néces- saires, et que l’on se garde bien d’arrèler avant qu’elles aient amené le sou- lagement et l’atonie des organes. L'extrait de vigne (eætractum pampinorum vitis) est astringent et peut être employé dans les mêmes cas que la poudre et le suc des feuilles. Dans cer- taines contrées, on le considère, en outre, comme diurélique, nervin et an- lispasmodique; on s’en sert aussi contre les taches de rousseur. Bredel (1), indique les feuilles de vigne comme pouvant servir à faire deë moxas tout aussi efficaces que ceux que l’on obtient avec le duvet extrait de l’artemisia chinensis. On les prépare de cette manière : « A la fin de l’au- tomne, lorsque déjà les gelées ont provoqué la chute &es feuilles des tiges sarmenteuses, et qu'elles sont passablement dépouillées de lhumidité qu'elles pouvaient encore contenir, on les prend et on les jette à plusieurs reprises dans un four modérément chauffé. Lorsqu’elles sont bien dessé- chées, on les pile dans un mortier en fonte, jusqu’à ce qu’elles forment une masse mollette et bien cotonneuse. Pour conserver le duvet qui résulte de cette simple opération, on les renferme dans des boites de carlon ou de bois, exposées dans un lieu sec et chaud. Les vrilles de la vigne sont acidules et un peu astringentes. La SÉVE limpide qui découle au printemps des incisions faites aux ra- meaux de la vigne, quoique vantée par les commères comme propre à guérir les ophthalmies, les dartres, en l’employant en lotion, et comme diurétique administrée à l’intérieur, paraît tout à fait inerte. La cendre de sarments est diurétique, et peut être employée comme celle de genêt, de genévrier, d’écorce de fèves, etc. A l’extérieur elle est utile, en lessive, dans tous les cas où les bains alcalins sont indiqués. Les Raïsins frais et mûrs ont une saveur délicieuse et sont nourrissants, rafraichissants, légèrement laxatifs; ils conviennent aux personnes d’une constitution sèche et irritable, aux tempéraments sanguins ou bilieux, dans les maladies inflammatoires, les fièvres bilieuses, les exanthèmes, les phleg- masies chroniques des viscères, la phthisie, etc. Mangés abondamment, les raisins ont guéri des engorgements des viscères abdominaux, des hydropisies, des maladies cutanées chroniques, le scorbut. On en à vu d’heureux effets dans l’hypochondrie, l’hystérie, les affections des voies urinaires avec irrita- tion, la diarrhée, la dysenterie, les hémorrhagies, ete. Pris avec excès, 1ls peuvent produire des coliques, la diarrhée, la dysenterie, etc. Desbois, de Rochefort, a vu des fièvres intermittentes vernales qui se prolongeaient dans l'été, avec jaunisse et engorgement des viscères du bas- ventre, guérir par le raisin pris en grande quantité. « Ce fruit, dit cet au- teur, n’agit alors que comme savonneux et fondant, et non comme fébri- fuge. » ——— (1) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. VII, p. 353. 41106 VIGNE. (Vers le milieu du mois d'août, plusieurs centaines de malades vont pas- ser six semaines environ dans diverses localités d'Allemagne (surtout à Durkheim, en Bavière) ou de Suisse (Vevey), et y faire la cure aux raisins. La quantilé de raisins qu'il convient de manger varie de 1/2 à 4 kilogr. par jour, pris en trois, quatre ou cinq fois, autant que possible pendant la pro- menade, et en cueillant soi-même le fruit. Il se produit un effet purgatif et diurétique assez marqué; comme sa réaction est alcaline, la cure est utile dans toutes les affections qui réclament l'emploi des alcalins. Les graveleux, les goutteux se trouvent très-bien du traitement par les raisins; mais il faut évidemment tenir compte de l'exercice obligatoire, de l’alimentation con- comitante et de l’air pur qu’on respire dans les localités où se fait la cure. On trouvera sur ce sujet tous les renseignements nécessaires dans le mé- moire de Carrière (1) et le livre d'Herpin, de Metz) (2). Le suc de raisin encore vert (Versus) est fortement acide et astringent. On en prépare une boisson tempérante (100 à 200 gr. par kilogr. d’eau) qui convient dans les maladies inflammatoires, les fièvres bilieuses, les irrita- tions gastro-intestinales, les diarrhées légères, ete. On l’emploie aussi dans les gargarismes contre le ramollissement des gencives, le relâchement de la luctte, et au début ou à la fin des angines. .Dans les cantons où croît la vigne sauvage, les pauvres font, avec ses raisins fermentés dans l’eau, une boisson acidule agréable. « C’est, dit Thore (3), notre tisane populaire dans les fièvres ardentes et autres qui exigent l'emploi des acides. » Le suc exprimé des raisins mûrs ou Mour contient beaucoup de sucre; il est nourrissant. C’est un laxatif agréable, mais il dérange souvent les fonc- tions digestives, et ne convient pas aux personnes sujettes aux flatuosités. Soumis à l’ébullilion, ce vin doux prend la dénomination générique de vin cuit, et présente des différenees suivant le degré de coction qu’il a subi. Il est nutritif, pectoral, adoucissant, mais peu facile à digérer. Réduit à la consistance de sirop, de rob, de gelée, le moût peut, dans beaucoup de cas, remplacer le sucre, et servir à édulcorer les préparations pharmaceu- tiques. Le Marc (ou râpe passée) qui reste après l’expression des raïsins, et qui acquiert souvent une température de 30 degrés ou plus, est stimulant, aro- matique. On l’emploie en bains, en y plongeant la partie malade pendant une heure ou deux, contre les douleurs rhumatismales, les engorgements arthritiques, l’ankylose, les rétractions musculaires, la sciatique, la paralysie, (surtout celle qui ne reconnaît pas pour cause une altération cérébrale et ré- sulte de l'influence du rhumatisme), la faiblesse des membres. Ces bains agissent non-seulement par l'humidité et la chaleur, mais aussi par les va- peurs alcooliques et le gaz acide carbonique qui s’en dégagent, et produisent une excitation à laquelle on peut principalement attribuer les avantages ob- tenus par Ce moyen. (IL est certaines précautions à prendre avant et pendant le bain. Avant, il faut, en entrant avec une lumière dans l’endroit où il doit avoir lieu, voir si elle continue à brûler, ce qui prouverait qu'il n’est pas rempli d'émanations de gaz acide carbonique. Il faut ensuite s'assurer que la température du marc n’est pas trop élevée. Pendant, afin d'éviter l'ivresse et même la syn- cope, il faut tourner la face du malade vers le côté d’où vient l’air, ou même faciliter vers lui l'accès de l’oxygène, en l’éventant assez fortement. RU HO 2089000 Nr MN RES NDS, 5 Mr QEUT Sr Rene (1) Les cures du petit-lait et du raisin en Allemagne et en Suisse dans le traitement des maladies chroniques. Paris, 1860. . (2) Du raisin et de ses applications thérapeutiques, études sur la cure aux raisins ou Ampélo- thérapie. Paris, 1865. (3) Flore des Landes. VIGNE. 1107 Il est bien entendu qu’un état inflammatoire ou fébrile est une contre, indication absolue à l’usage de ces immersions.) Les raisins secs, plus sucrés que les raisins frais, sont béchiques, émol- lients, relâchants. On les prescrit en décoction dans les affections catarrhales et les phlegmasies des organes de la respiration; ils entrent, ainsi que les figues, dans la plupart des tisanes et des boissons que l’on emploie dans ces cas (30 à GO gr. par kilogr. d’eau). Par leur fermentation dans l’eau, on ob- tient un vin léger et agréable. Le VIN est une liqueur plus ou moins excitante, tonique, astringente et nourrissante, selon qu’elle contient plus ou moins d’alcool, de tannin ou de matière sucrée. Les vins rouges foncés sont astringents et ont une action plus durable que les vins blancs, qui excitent plus particulièrement les reins et sont employés comme diurétiques. Les vins doux sont très-nourrissants. Les vins spiritueux agissent plus particulièrement sur le système nerveux, et enivrent plus faci- lement. Ceux qui sont acidules, chargés d’acide carbonique, mousseux, pro- duisent un effet fugace, une ivresse passagère. A dose modérée, le vin augmente l’action de tous les organes; il excite surtout la circulation et les fonctions cérébrales, produit la gaîté, éclaircit les idées, dispose à la confiance, à l'expansion, donne de la valeur et de la jactance, exalte, en un mot, toutes les facultés. Pris en grande quantité, surtout quand on n’en a pas l'habitude, le vin produit une forte excitation, une joie turbulente et déraisonnable, l’affai- blissement des sens, des vertiges, la vacillation, la perte de l'équilibre, la suspension de la digestion, des vomissements, la somnolence, l'ivresse enfin, qui peut amener le délire furieux, le sommeil profond ou coma, et même l’apoplexie et la mort. Quand l'ivresse se renouvelle fréquemment et devient habituelle, l’esto- mac perd sa sensibilité, l’appétit se détruit, l'intelligence s’engourdit, les affections du cœur s’éteignent, l’action musculaire s’affaiblit. Quelquefois surviennent la fièvre, des douleurs intestinales, une vive irritation du cer- veau, la chaleur de la peau, une sueur fétide, le delirium tremens. Dans cet état, le sang est noir, extrêmement poisseux, et moins propre à la circulation. Enfin, l’abus continuel du vin peut produire la goutte, l’apoplexie, des in- flammations et des engorgements chroniques des viscères abdominaux, des hydropisies incurables. Chez les femmes, cet abus est encore plus dangereux que chez les hommes. Il rend la peau rude, bourgeonnée, couperosée, dérange la menstruation et produit la stérilité; il abrutit, fait oublier la modestie et la pudeur, détruit la sensibilité et jusqu'aux liens du sang et de la nature. Il altère le lait des nourrices, et en fait une sorte de poisop pour l'enfant. L'usage du vin est en général nuisible aux enfants. Il les dispose aux affec- tions cérébrales, aux phlegmasies gastro-intestinales, à la phthisie pulmo- naire, à l’hémoptysie, au croup, etc. Pris modérément, il convient aux vieillards, aux mélancoliques, aux tempéraments lymphatiques, aux per- sonnes qui se nourrissent d'aliments grossiers et peu nutritifs, accablées sous le poids des chagrins, des soucis, de la misère, habitant des lieux in- salubres et humides, surtout dans les saisons pluvieuses et brumeuses ; à ceux qui fréquentent les hôpitaux et les prisons, ou qui sont exposés à l’ac- tion du principe contagieux ou épidémique de certaines maladies, telles que le typhus, les fièvres typhoïdes, le choléra asiatique, elc. Le vin ne convient pas aux sujets maigres et irritables, aux tempéraments sanguins et bilieux, aux personnes sujettes aux congestions sanguines du cerveau, des poumons ou du éœur ; à ceux qui sont disposés aux affections de la peau, à la phthisie pulmonaire, à l’hémoptysie, aux irritations phlegma- 1108 VIGNE. siques de l'estomac et des intestins, aux rétentions d'urine, etc., ou qui sont héréditairement prédisposés aux affections goutteuses. Le vin est un médicament précieux contre une foule de maladies, surtout pour les personnes qui n’en usent pas habituellement. Le citadin n’en éprouve pas les mêmes effets que le paysan. J’ai vu guérir, dans nos campagnes du Nord, des fièvres intermittentes rebelles, la chlorose, le scorbut, les scro- fules, par le seul usage inaccoutumé du vin vieux de Bordeaux. 11 convient dans toutes les maladies où la faiblesse est évidente et essentielle, indépen- dante de tout point central d’irritation. C’est ainsi qu’on l’emploie avec avantage après de grandes évacuations, un allaitement trop prolongé, des pertes séminales trop fréquentes, une longue salivation, une abstinence pro- longée, une leucorrhée ou blennorrhée abondante. Dans ces Cas, on le donne souvent avec le bouillon, ou mêlé avec le jaune d'œuf. Les convales- cences réclament aussi l’usage du vin. Dans la période adynamique des fièvres typhoïdes, dans les fièvres mucoso- vermineuses et pulrides, le vin produit de bons effets. Il s'oppose à cet af- faissement, à cette prostration des forces qui caractérisent ces maladies, et qu'on ne peut attribuer, quoi qu’en disent les partisans de la doctrine dite physiologique, à l'existence d’une gastro-entérite spéciale et sourde, dont le développement est aujourd’hui considéré, avec plus de raison, comme coïnci- dence ou comme effet de l’altération primitive du sang. J'ai vu, pendant piu- sieurs années, administrer avec avantage l’eau vineuse ou le vin de Bor- deaux pur, suivant la dépression plus ou moins grande des forces, dans toutes les fièvres adynamiques et adynamico-ataxiques qui régnaient dans les hôpitaux militaires du premier camp de Boulogne. Ma conviction à cet égard n’a point été ébranlée : j'ai continué le même traitement dans ma pratique civile, et je m'en suis toujours bien trouvé. Lorsque la prostra- tion augmente, je fais même prendre le vin de Malaga, d’Alicante ou de Madère pur, par cuillerées souvent répétées, et je parviens ainsi à maintenir les forces, à activer les sécrétions, à provoquer par des crises favorables l'élimination du principe morbifique. J’ai observé des cas où le sujet n’au- rait pu supporter en santé le tiers de la quantité de vin que je lui faisais prendre, sans obtenir d'autre résultat qu’un peu d’élévation dans le pouls, la distribution plus égale d’un reste de forces, une tendance à la solu- tion heureuse que je tàchais d'obtenir, et que souvent la persévérance réalisait. Petit administrait aussi le vin avec succès dans la fièvre typhoïde, quand cette affection s’accompagnait d’un état de faiblesse très-prononcé et de coma. Pinel employait, dans ce cas, le vin de Malaga par cuillerées fré- quemment répétées. L'usage du vin de Bordeaux, généreux et pur, est quelquefois nécessaire dès le début de certaines fièvres, parce que les signes d'adynamie, d’ataxie, de décomposition sont si rapides et si évidents, que la seule indication est de relever le système nerveux, de ranimer le mouvement artériel. De pareils cas se sont présentés dans ma pratique rurale, chez des sujets soumis à l'influence destructive d’une saison froide humide, d’une habitation mal- saine, de miasmes délétères, d’une mauvaise nourriture, du chagrin, de la misère, etc. Nous avons vu, dans ces malheureuses circonstances, des mé- decins, séduits par une doctrine aussi facile en théorie que simple dans l’application , poursuivre Comme cause efficiente une irritation chimé- rique, perdre rapidement léurs malades, et regretter de n'avoir pas appliqué un plus grand nombre de sangsues ! Toutefois, hâtons-nous de le dire, le médecin qui, dans certains cas ap- préciés par l’homme de l’art exempt de toute prévention, ne traite que les symptômes typhoïdes, sans jamais prenûre en considération l’aliération VIGNE, 1109 organique interne, lors même qu’elle est portée au plus haut degré d’inten- sité, nous paraît aussi aveugle que celui qui s'attache exclusivement à combattre par les antiphlogistiques la phlegmasie intestinale, dont les carac- tères non identiques différent ici essentiellement de l’inflammation franche. Nous avouerons qu'il n’est pas toujours facile de concilier des indications contradictoires, ni de déterminer quel est le genre de traitement qui con- vient le mieux. Placé entre une susceptibilité viscérale irritative ou inflam- matoire, et la diminution ou l’absence de réaction générale avec désordre du système nerveux, on est parfois très-embarrassé. Dans ces circonstances délicates et équivoques, le praticien exercé agit avec circonspection, s'arrête à propos, et n’attaque vigoureusement qu'après s'être assuré de sa position et de ses avantages. (Béhier, Monneret, cité par Bricheteau (1), emploient aussi le vin à doses généreuses dans les fièvres typhoïdes, mais ne paraissent pas en spécialiser l'usage dâns la période adynamique.) Tissot, Borsieri, Neumann, Burdel et beaucoup d’autres auteurs considè- rent le bon vin, pris à fortes doses, comme le meilleur remède contre les fièvres intermittentes, rebelles au quinquina. J’en ai observé les bonseffetsen pareils éas; lorsqu'il y avait cachexie, engorgement splénique ou hépatique, œdème, je donnais de préférence le vin blanc. (Voyez Particle ALcooz, page 1195.) J’ai employé souvent le vin de Champagne mousseux, comme la potion de Rivière, contre les vomissements par irritation nerveuse, surtout chez les femmes enceintes. Il s’est montré utile dans l'épidémie de fièvre jaune de 1819, à la Nouvelle-Orléans (2). (On l’a mis en usage dans les affections typhiques. Navier a publié sur ce sujet un travail ayant pour titre : Question agitée dans les Ecoles de lu Fa- culté de médecine de Reims, le 14 mars 1771, sur l'usage du vin de Champagne mousseux contre les fièvres typhoïdes et autres maladies de même nature. Pa- ris, 4778. Le vin dont nous venons de parler est aussi très-efficace pour combattre les dyspepsies légères résultant de l’atonie de l’estomac.) Arétée conseillait le vin, à doses faibles, mais répétées, dans la pneumonie des vieillards, Moscati, Laënnec et Chomel disent en avoir obtenu de bons effets dans la même maladie. Suivant Pinel et Franck, certaines pneumonies épidémiques ou adynamiques, où les saignées sont meurtrières, se modi- fient avantageusement par l'emploi des toniques et en particulier par celui du vin généreux. (C’est le traitement par excellence d’une certaine forme de la pneumonie des vieillards, que, eu égard à ce traitement électif, on a proposé d’appeler pneumonie à vin. Chez les buveurs, il est très-important de traiter la phleg- masie pulmonaire, si promptement accompagnée de délire (alcoolisme con- comitant), par le vin ou les spiritueux à haute dose (Chomel). Nous ver- rons, en traitant de l’alcool, que, dans ces derniers temps, on a été plus loin dans cette voie.) Le vin chaud est souvent employé à la campagne pour provoquer la sueur et faire avorter une fluxion de poitrine. Ge remède a quelquefois réussi; mais le plus souvent c’est jouer à quitte ou double que de l’employer, surtout chez les sujets vigoureux et sanguins. (Le danger existe ici surtout parce que la dose est excessive et prise en une seule fois. Les Anglais usent largement du Port wine (Porto) dans les preumonies; mais ils soumettent son administration à des règles précises qui en modifient avantageusement l’action. Pour tout ce qui concerne les (1) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1862, p. 485. (2) Rapport fait au nom de la Société de médecine de cette ville, p. 11. Nouvelle-Orléans, 820. 4110 VIGNE. travaux modernes sur r l'emploi du vin dans les affections fébriles aiguës, nous renverrons à l’article ALCOOZ, où cette question est résumée.) Le vin chaud a souvent rappelé immédiatement les règles supprimées par l'immersion des mains dans l’eau froide, par la suppression de la transpi- ration, etc., Surtout chez les femmes d’une constitution délicate et d’un tempérament lymphatique. Il à quelquefois été utile dans les exanthèmes aigus (rougeole, scarlatine, variole), où l’éruption languit par le défaut d'énergie du sujet, et quand il y a dyspnée avec pouls” petit, concentré, pâleur, etc., ce qui se rencontre assez fréquemment chez les enfants ané- miques des pauvres qui habitent des lieux bas, marécageux, peu aérés. J'ai vu le choléra asiatique céder, à son début, à une abondante transpira- tion provoquée au moyen d’une bouteille de vin chaud, prise par tasses fré- quemment répétées. Ce même vin, pris chaque soir et provoquant de la sueur pendant la nuit, a guéri des diarrhées chroniques qui avaient résisté aux remèdes ordinairement employés. Tous les praticiens savent combien il est difficile de combattre avantageusement les diarrhées rebelles. Souvent les astringents sont nuisibles ou n’ont qu’un effet momentané, et les muci- lagineux ‘sont impuissants, surtout quand le malade, conservant l’ appétit, surcharge l'estomac et fatigue les organes digestifs par le travail pénible et irrilant de la digestion. Dans ces cas, le traitement qui m'a le mieux réussi consiste à administrer chaque matin un tiers de lavement de vin rouge, d’abord tiède et ensuite froid, dans lequel j je fais quelquefois délayer un ou deux jaunes d'œufs, et à mettre le malade à l'usage des œufs, avalés crus et entiers, pour toute nourriture, au nombre de deux le premier jour, trois le second, ainsi de suite en augmentant graduellement, selon l'effet obtenu. J'arrive ainsi quelquefois à faire prendre dix à douze œufs dans les vingt- quatre heures. Le malade s’abstient de toute boisson. Ce traitement, à la fois alimentaire et médicamenteux, produit un effet prompt et durable; mais ordinairement, dans les diarrhées anciennes, je le fais continuer pen- dant vingt, trente et même quarante Jours. Je ne reviens ‘que peu à peu aux aliments ordinaires, en commençant par les plus faciles à digérer. Cette médication, que j'ai exposée en 1850 dans la première édition de cet ouvrage (p. 567), a été adoptée par Aran {1), professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris. Ce médecin en a retiré les plus grands avantages, non-seulement dans la diarrhée chronique, mais aussi dans la chlorose, dans la dyspepsie, dans les cachexies tuberculeuse et paludéenne, dans la convalescence des maladies graves, la phthisie, elc. « L'emploi des lavements médicamenteux, dit Aran, remonte à une époque très-reculée; mais on chercherait vainement dans les auteurs des traces de l’administration du vin par la voie rectale. Hoffmann est, à ma connaissance, le seul auteur qui en fasse mention, et qui conseille ces la- vements chez les sujets dont les forces sont languissantes, en associant au vin le baume qui porte son nom. Ce n’est cependant pas à cet illustre mé- decin que je dois l’idée de l’application des lavements de vin au traitement de diverses maladies. J'avais lu dans ce journal et dans le Traité des plantes médicinales indigènes de M. Cazin, l'exposition d’un traitement recommandé par ce médecin dans la diarrhée chronique, traitement qui consiste dans l'emploi des lavements de vin et dans l'administration des œufs crus pour nourriture exclusive. J'avais précisément à cette époque, dans le service dont j'étais chargé à l’Hôtel-Dieu, une femme de trente-cinq ans, affectée depuis treize semaines d’un dévoiement que rien ne pouvait arrêter, et qui présentait, avec un état anémique des plus prononcés, un œædème des Jambes, sans affection du cœur ni urines albumineuses. Trois lavements de vin furent administrés tous les jours à cette malade, e A6) sans être immédiat (1) Bulletin général de thérapeutique, 1855, t. XLVIIT, p. 11 et 54. VIGNE. 1111 ni complet, le résultat de ce traitement fut des plus remarquables : le nombre des selles diminua, mais surtout les forces revinrent, l’æœdème dis- parut, la face prit une coloration plus naturelle, et la malade put être oc- cupée dans la salle comme infirmière. « J'avais été frappé surtout chez cette malade de l'influence exercée par ces lavements sur l’état général, et je me demandai si, dans la convales- cence des maladies graves, alors que les fonctions digestives sont encore languissantes, on ne pourrait pas abréger la convalescence par ce moyen; si même, dans les cas où l'estomac ne pourrait pas tolérer des aliments et en- core moins des loniques, il ne serait pas possible de soutenir momentané- ment et de relever les forces des malades à l’aide de ces lavements. L'occa- sion se présenta bientôt de vérifier cette prévision, et l'événement vint me montrer que je ne m'étais pas trompé. & “ht Je n'ai jamais hésité, depuis cette époque, à recourir aux lave- ments de vin dans la convalescence de toutes les maladies graves, lorsque la convalescence marchait avec lenteur, e£ surtout lorsque les fonctions di- gestives conservaient une susceptibilité morbide qui mettait obstacle à Ja nutrilion, J’y ai eu recours avec non moins de succès dans des cas où une diarrhée persistante compromettait gravement la nutrition pendant la con- valescence; et, dans la fièvre typhoïde en particulier, j'ai vu, à la fin de la maladie, les lavements de vin, conlinués pendant plusieurs jours, triompher définitivement de la diarrhée, et ramener très-rapidement à une convales- cence parfaite des malades dont la vie semblait compromise. « Mais une des maladies dans lesquelles j’ai observé des effets bien re- marquables et bien inattendus des lavements de vin, c’est la phthisie pul- monaire. En employant les lavements chez les phthisiques, j'avais seulement pour but de faire cesser la diarrhée. Le hasard voulut que ces premiers essais fussent suivis de bons résultats sous £e rapport. Mais, en même temps que la diarrhée se suspendait, les malades éprouvaient, dans leur état gé- néral surtout, une amélioration inespérée. | «.…… Dans une période moins avancée de la maladie, ces lavements as- sociés à d’autres moyens, à l'huile de foie de morue ou de pied de bœuf, à l'emploi du tartre stibié, à doses fractionnées,. m'ont paru exercer une in- fluence favorable sur la marche de la maladie, et je n’hésite pas à les re- commander comme une précieuse ressource à l'attention de mes confrères. « La dyspepsie, cette maladie, ou plutôt ce groupe de maladies carac- térisé par des troubles variés des fonctions digestives, nous a fourni, dans quelques-unes de ses formes, l’occasion de nous servir avec avantage des lavements de vin. Ainsi, il est une forme de dyspepsie qui a reçu avec raison le nom de gastralgie, parce que c’est la douleur qui est le phénomène pré- dominant. Chez beaucoup de gastralgiques, chez lesquels d’ailleurs l’état général de faiblesse semblerait indiquer l'emploi des toniques, le vin ne peut être supporté, même à faible dose, et peu à peu beaucoup de ces gas- tralgiques, surtout parmi les femmes, arrivent à renoncer complétément à l'usage du vin, qui leur occasionne, disent-ils, une sensation de brûlure in- tolérable. Plusieurs de ces malades, que nous avons soumis à l’emploi des lavements de vin, ont repris rapidement des forces, et, en très-peu de temps, la sensibilité exaltée de l’estomac s’est calmée chez quelques-uns, au point de leur permettre de faire un usage modéré du vin à leur repas. Mais ici se place une remarque qui s’applique, du reste, à tout ce qui précède comme à tout ce qui va suivre, c’est qu'il y a d'autant plus à attendre des lavements de vin, que les personnes qui sont soumises à ce traitement ont moins l’habi- tude des boissons vineuses et alcooliques. Aussi les effets de ces layements sont bien plus marqués chez les femmes, dont les habitudes sont générale- ment tempérantes, que chez les hommes, qui sont trop souvent adonnés aux boissons spiritueuses, et dont la constitution est habituée et en quelque 1112 VIGNE. sorte blasée relativement à ces boissons; chez les jeunes filles que chez les femmes, dont quelques-unes ont des habitudes qui se rapprochent souvent de celles des hommes. Je tiens encore de l’habile rédacteur en chef de ce journal, Debout, qui à expérimenté ces lavements dans une contrée de la Picardie où l'usage du vin est tout à fait inconnu, que les effets de ce trai- tement se sont montrés bien autrement puissants chez les campagnards que parmi les malades de Paris auxquels il a eu l’occasion de le prescrire. « Une autre forme de dyspepsie, qui me paraît également susceptible d’être modifiée avantageusement par les lavements de vin, c’est celle qui est caractérisée par des vomissements, surtout par des vomissements de ma- tières alimentaires. J'ai vu des malades que ces vomissements avaient con- sidérablement affaiblis, et qui, traités à la fois par les moyens propres à combattre la dyspepsie, et par les lavements de vin, ont repris, avec la plus grande rapidité, leurs forces et leur embonpoint. Mais la maladie dans laquelle les effets des lavements de vin n'ont le plus grandement surpris, surtout avec les idées et les préceptes thérapeutiques qui ont généralement cours aujourd’hui parmi les médecins, c’est la chlorose. « Combien de personnes professent, en effel, que le fer est le seul traite- ment spécifique de la chlorose, et que, sans les préparations ferrugineuses, la guérison de cette maladie serait impossible à une période avancée ! Et ce- pendant, qu'y aurait-il done d’étonnant à ce que l'introduction journalière ct répélée d’une assez grande quantité d’un tonique aussi vivifiant que le vin, püt amener dans l’économie une modification de nature à assurer la guérison de cette maladie ? A quelque point de vue qu'on se place, que la chlorose soit due à une sanguification imparfaite, à la diminution du nombre des globules de sang que les belles recherches d’Andral et Garnier ont mise hors de doute, voire même à la diminution dans la proportion du fer, à une déferrugination du sang, comme l’ont pensé quelques chimistes, opinion dont les expériences de Réveil ont fait justice dans ces derniers temps, ou bien que cette altération du flux sanguin dépende d’un trouble dans les fonctions de l’innervation, du non-rétablissement d’une fonction importante telle que la menstrualion : n'est-il pas évident que ce que l’ona à combattre dans la chlorose, c’est l’état de faiblesse générale, c’est la lan- gueur de toutes les fonctions, et qu’à ce litre les stimulants de toute nature, ceux qui s'adressent surtout à l’ensemble, à la généralité &e l’organisme, auront beaucoup de chances de réussir? C’est ce qui explique les succès de l’insolation, du séjour à la campagne, des bains de mer et de l'hydrothé- rapie ; c’est ce qui explique également les effets avantageux des lavements de vin dans cette affection. « J'avais d’abord fait marcher parallèlement l'administration des lave- ments de vin et celle des ferrugineux, dans le but de hâter la guérison, toujours assez lente, de la chlorose, quel que soit, d’ailleurs, le traitement qu’on emploie. Bientôt je voulus savoir à quoi m'en tenir, et, supprimant les préparations ferrugineuses, je soumis simplement les malades à un trai- tement composé de lavements de vin, de frictions générales stimulantes, avec un liniment composé de : Alcoolat camphré....... EN : à Loue °‘ { de chaque parties égales. Ammoniaque liquide ....... PT Tu 8 Et de poudres antigastralgiques, composées comme il suit : Sous-nitrate de bismuth .......... k grammes, Poudre de rhubarbe...... RE : rs ‘ aa 50 centigrammes. Poudre de valériane....... AFS Dre EL, dans quelques cas : Poudre‘de safrangetethisses.2t Jr 50 centigranmmies. VIGNE. 1113 « Je ne fus pas peu surpris de voir que la guérison s’opérait avec autant de facilité, et presque de la même manière qu’au moyen des préparations ferrugineuses. En quelques jours, les forces reparaissaient, l’œdème et la bouffissure disparaissaient, les palpilations et l’essoufflement ne se mon- traient plus qu'après un exercice un peu violent, l’appétit devenait meilleur, les maux d'estomac et la sensation de défaillance faisaient place à un senti- ment de force et de bien-être; puis la coloration devenait meilleure, les bruits de souffle vasculaire cessaient d’être continus, et le bruit de souffle intermitteut perdait beaucoup de son intensité; aucune trace de bruit de souffle cardiaque; bref, les malades, qui se trouvaient rentrées dans les con- ditions normales de la santé, sorlaient de l'hôpital dans un état au moins aussi bon que si elles eussent été soumises à un traitement par les ferru- gineux. « Voilà maintenant trois années que j'ai entièrement renoncé à l'emploi des ferrugineux dans la chlorose; et, bien que j'aie rencontré des cas de chlorose très-intense, il ne m'est pas arrivé une seule fois d’être obligé de renoncer à ce traitement, et de donner les ferrugineux pour hâter ou ter- miner la guérison. Mais je tiens à répondre à une objection qui ne manquera pas de se produire : les malades, dira-t-on, n'étaient pas guéries, car elles conservaient encore, lors de leur sortie de l'hôpital, un bruit de souffle in- termitlent dans les gros vaisseaux. En bien! indépendamment de ce que cette objection est plus spécieuse que solide (car la présence d’un léger bruit de souffle intermittent dans les vaisseaux du cou est une chose très- commune et presque indifférente, comme je l’ai montré il y a longtemps), cette objection pourrait certainement être retournée contre les ferrugineux eux-mêmes. Je ne me souviens pas avoir jamais vu entièrement disparaitre le bruit de souffle intermittent chez les chlorotiques après l'emploi du fer, pas plus chez les malades des hôpitaux que chez les malades de la ville; et, Si j'ai pu constater plus tard cette disparition du bruit de souffle, ç’a été par le fait des conditions nouvelles dans lesquelles les malades convalescentes avaient été placées : insolation, séjour à la campagne, bains de mer, elc. « Ne semble-t-il pas, en effet, à entendre les partisans exclusifs des ferru- gineux, que cette médication soit Loujours efficace, toujours certaine dans ses résultats? Il ne faut pas cependant une bien longue expérience pour se convaincre du contraire. Les chlorotiques pourraient même, au point de vue du traitement par les ferrugineux, être divisées en trois catégories : la pre- mière, et la plus nombreuse, je le reconnais, dans laquelle les ferrugineux, administrés convenablement, amènent une guérison durable, où du moins qui se prolonge quelques années; la deuxième catégorie, dans laquelle les fer- rugineux produisent une amélioration très-rapide, suivie d’une rechute dès qu'on cesse le traitement, qui en triomphe de nouveau, ainsi de suite pen- dant des années (nous connaissons des femmes qui prennent, depuis dix, quinze et vingl années, des ferrugineux, sans être parvenues à se débar- rasser entièrement de leur chlorose); la troisième, qui comprend les cas, et ils ne sont pas rares, dans lesquels les ferrugineux échouent complétement, ou dans lesquels l’amélioration qu'ils produisent n’est que momentanée, et ne s’élève jamais au niveau d’une guérison. « Mais lorsqu'une chlorose récidive d’une manière incessante, lorsque surtout une chlorose se montre, depuis longtemps, rebelle à l'action des ferrugineux, pourquoi ne pas avoir recours à l'emploi des lavements de vin? Et qui sait si ces lavements ne triompheraient pas définitivement des acci- dents chlorotiques !..…. « Personne ne me prêtera, je l'espère, la pensée de conseiller aux mé- decins l'abandon des préparations ferrugineuses dans la chlorose en général. Le fer est un médicament justement estimé, et qui rend de trop grands services pour qu’on puisse songer à le rayer de la thérapeutique. Aussi bien, ailh VIGNE. il n’y aura jamais de Comparaison à établir entre un traitement simple et facile, consistant dans l’administration de quelques paquets de poudre ou de quelques pilules, comme le traitement ferrugineux, et un traitement compliqué, dont beaucoup de pratiques qui le composent doivent répugner au malade, comme celui que j'ai exposé plus haut. Je ne me fais aucune illusion sur les difficultés que ce traitement doit rencontrer ailleurs que dans les hôpitaux, et si,. depuis trois années, je n’en ai pas employé d’autre dans la pratique hospitalière, c’est que je tenais à bien m'édifier sur la va- leur et la portée de ce traitement. « …… Les lavements de vin déterminent, dans les premiers jours de leur emploi, lorsque la personne qui y est soumise n’y est pas encore habituée, des phénomènes particuliers qui varient suivant la dose de vin qui a été in- jectée, et suivant la susceptibilité individuelle. Ces phénomènes sont ceux de l'ivresse, mais d’une ivresse dont les suites sont bien différentes de celles produites par l’ingestion des alcooliques dans l’estomac. Huit ou dix mi- nutes après le lavement, lourdeur de tête, besoin de dormir, face animée, yeux brillants, pupilles dilatées, peau moite, accélération des battements artériels, et quelquefois un peu d’excitation ou même de délire gai; mais ces derniers phénomènes ne se montrent que chez les malades qui sont res- tés debout et qui ont continué à causer avec les personnes qui les entou- rent, Les malades qui se couchent après l'injection du vin s’endorment, en général, profondément; et, si le lavement a été donné le soir, comme je le fais ordinairement, les malades se réveillent, le lendemain matin, frais et dispos, sans conserver aucun reste de leur ivresse de la veille, sans présen- ter aucun trouble dans leurs fonctions digestives. Au contraire, leur appétit est meilleur et leurs forces plus grandes. Ce qui m’a frappé également dans ces effets des lavements de vin, c’est l'impression plus grande produite sur le système nerveux par une dose de vin qui resterait presque sans effet gé- néral, si elle était ingérée dans l’estomac. Il y a donc lieu de penser que l'introduction des médicaments par la voie rectale produirait peut-être, dans beaucoup de cas, des effets fort différents de ceux qui résultent de leur in- troduction dans l’estomac; et il serait bien à désirer que des recherches fussent faites à cet égard, car elles conduiraient probablement à la décou- verte de plusieurs faits utiles à la pratique. « Comme on le comprend, la quantité de vin à injecter dans le rectum n’est pas chose indifférente; elle varie, du reste, suivant l'effet que l’on veut obtenir. Un quart de lavement de vin ou 150 gr. de ce liquide suffisent sou- vent pour amener une stimulation convenable dans les cas légers et chez les personnes impressionnables. Il faut souvent aller jusqu’à 250 et 350 gr., ad- ministrés en une seule fois, dans les cas graves et rebelles; mais la dose peut être moindre si, au lieu de faire prendre un seul lavement de vin, on en administre deux, un le matin et un le soir. Cette stimulation, répétée deux fois dans les vingt-quatre heures, nous à paru avoir une influence très- heureuse, surtout chez les chlorotiques, et accélérer de beaucoup la guérison. Cette pratique a principalement des avantages en hiver, où l’on est privé de la stimulation que l’on peut demander à la promenade au grand air, à lin- solation, etc. En général, cependant, un lavement de vin suffit, et la dose de liquide varie entre 150 et 250 gr. de vin rouge de bonne qualité. Si le vin est trop riche, il faut souvent le couper d’eau; et, en ville, il convient d’ha- bituer les malades par des quarts ou des demi-lavements d’eau vineuse, que l’on charge tous les jours davantage. « Il est encore quelques précautions à prendre pour assurer le succès de cette médication. La première, c’est de vider préalablement le rectum avec un lavement tiède, et de faire suivre immédiatement l'évacuation du pre- mier lavement de l'injection du second ou du lavement médicamenteux; celui-ci “doit toujours être à une douce température, afin de ne pas provo- VIGNE. 1115 quer la contraction brusque de l'intestin. Enfin, le malade doit faire effort pour garder le lavement, et pour cela il doit se coucher, ce qui prévient en même temps la manifestation des phénomènes d’excitation. Mais cetté pré- caution n’est pas indispensable chez les personnes qui sont habituées à ce traitement; elles finissent par garder sans difficulté les lavements et par n’en être que très-légèrement influencées. « Je n'insisterai pas sur le mode d’action de ces lavements, mode d’action qui ne diffère pas au fond de celui des alcooliques. C’est évidemment sur le système nerveux qu'ils portent leur influence, et cette influence consiste en une stimulation momentanée, d'autant plus précieuse, que ses effets s’effa- cent très-rapidement. Mais ce qui nous échappe, et ce qui nous échappera probablement toujours, c’est le mécanisme en vertu duquel cette stimula- tion, portée sur le système nerveux, réagit sur l’ensemble des fonctions, et les restaure dans les conditions normales. Heureusement, le fait pratique reste avec son utilité, et je serais heureux si ce mémoire avait porté dans l'esprit du lecteur cette conviction : « 1o Que les lavements de vin constituent une précieuse ressource dans plusieurs maladies, caractérisées par un état de débilité primitive ou consé- cutive, et, en particulier, dans la chlorose, dans la dyspepsie, dans certaines cachexies, telles que la cachexie tuberculeuse, paludéenne, etc., ainsi que dans la convalescence des maladies graves; « 20 Que ces layvements, administrés à dose convenable, et répétés suffi- samment, relèvent les forces, rétablissent l'harmonie des fonctions, et peu- vent, soit amener la guérison, soit permettre aux malades de résister plus ou moins longtemps aux conséquences graves et terribles qu'entrainent quelques-unes de ces maladies. » Dans un cas de convalescence d’une fièvre grave, avec symptômes de gastro-entérite et de périlonite, et affaiblissement extrême, Herpain (1) prescrivit un quart de lavement de vieux vin de Bordeaux, renouvelé trois fois par jour. Mais ces lavements réussirent mal pendant deux jours, furent rejetés et firent même succéder de la diarrhée à la constipation. On ajouta alors 60 gr. de sirop simple aux 100 gr. de vin qui composaient les trois petits lavements. Dès lors ils ne furent plus rejetés, et la diarrhée ne tarda pas à s'arrêter. Une seconde convalescence s'établit, et la guérison s’en- suivit. 4 à e . . Tout ce que nous venons de rapporter sur les heureux effets du vin admi- nistré en lavement me dispense de parler des nombreux cas où j'ai eu à me louer de ce puissant moyen. Leur complète analogie avec ceux qu’Aran à exposés, n’offrirait d’ailleurs qu’une répétition de faits dont la narration dépasserait inutilement les limites, peut-être trop souvent franchies, des articles de cet ouvrage. Je me contenterai de faire remarquer que, dans les cas où les lavements de vin pur n'étaient pas tolérés, l'addition du jaune d'œuf me procurait le même avantage que le sucre dont s’est servi Herpain. (Les hémorrhagies et surtout les métrorrhagies succédant aux fausses couches et aux accouchements, et qui sont le résultat de l’inertie utérine, sont heureusement modifiées par les lavements de vin (2). Employé sous cette forme, il est probable que le vin n’agit pas seulement par ses propriétés stimulantes générales; et le professeur Béhier est porté à admettre qu'alors il exerce encore sur l’utérus une action réflexe qui solli- cite le réveil des contractions de cet organe, et en ce sens son application sur la muqueuse rectale serait beaucoup plus et plus directement utile dans (1) Journal de médecine de Bruxelles et Revue de thérapeutique médico-chirurgicale, 1857, - p. 14. .@) Llewellyn Williams, British med. Journ., septembre 1858: Debout, Bulletin de thérapeu- tique, 1859, t. LVI, p. 86. 4116 VIGNE. le cas d’hémorrhagie utérine que ne peut l'être l'usage du même moyen administré par la voie de l’estomac.) Dehaen, Welse, Strambio ont trouvé le vin très-efficace, même à forte dose, pour calmer et guérir les accidents dont l’ensemble constitue la colique saturnine. On peut même le donner en lavement dans cette affec- tion. Guersant l’a vanté contre l’incontinence d’urine chez les enfants. Il est aussi très-utile dans les affections gangréneuses, les hémorrhagies passives, le purpura hemorrhagica (1), dans la dysménorrhée qui dépend de l’atonie, de l’inerlie de l’utérus, etc. Bryson (2) a vu sur les rives de la Plata l’armée anglaise ravagée par le scorbut, tandis que l’armée française, qui coopérait avec elle au blocus de Buenos-Ayres, n'avait presque pas de scorbutiques, et les deux armées étaient dans les mêmes conditions hygiéniques; mais l’armée anglaise recevait chaque jour une petite ration de rhum, tandis que l'armée française recevait une ration de vin rouge astringent, d’où Bryson a conclu que les alcooliques n’ont pas de propriétés prophylactiques contre le scorbut, et qu’ils nuisent à la santé des hommes qui ne reçoivent pas d'aliments ‘végétaux, tandis que le vin rouge préserve de l'influence scorbu- tique. e Le vin a aussi été regardé comme anthelminthique. On à remarqué que les enfants auxquels on en faisait prendre avaient plus rarement des vers intestinaux que ceux qui n’en faisaient point usage. Pris à jeun, il m’a réussi chez les habitants des marais, ne vivant que de légumes et de laitage, pour prévenir le retour des affections vermineuses, en combattant la débilité des vois digestives qui en favorisait le développement. On m'a rapporté que, dans une fièvre vermineuse épidémique qui enlevait la plupart des malades, aucun prètre n'avait été atteint de la maladie. On attribua cette heureuse exemption au vin pur pris à jeun en disant la messe. Le gros vin rouge, en injection dans l’urèthre, suspend la gonorrhée dès son début, et la fait avorter sans inconvénient, si l’on en continue l'usage quatre à huit fois par jour. On se sert pour ces injections d’un mélange de gros vin rouge et d’eau. Au bout de quelques jours, on augmente la quantité du vin, et l’on ne met plus ensuite que du vin pur, que lon est même quelquefois obligé d’aigui- ser, vers la fin du traitement, avec un sixième ou un cinquième d’eau-de- vie. On laisse séjourner le liquide trois ou quatre minutes, en bouchant l'erifice de l’urèthre avec le pouce gauche. Chaque injection se fait en trois fois, c’est-à-dire par tiers, et l’on réitère d'autant plus souvent que l’écoule- ment est plus récent (quatre à huit fois par jour). Il faut employer ces injec- tions le plus tôt possible, sans avoir égard à l’inflammation et à la douleur qui se manifestent au début de l'affection. Pour obtenir l’effet désiré, il faut que ces injections soient douloureuses; elles produisent une cuisson vive dans le gland et quelquefois jusqu’au col de la vessie. S'il y a absence ou diminution de douleur, on augmente la force du liquide. L’écoulement cesse du deuxième au cinquième jour; mais il n’en faut pas moins conti- nuer les injections pendant un mois et même six semaines après la cessa- tion de l'écoulement, en en diminuant graduellement le nombre, de ma- nière à n’en plus faire que trois et même deux par jour à la fin du trai- tement. Ge moyen simple, qu'on peut employer partout et à l'insu de tout le monde, ne coûte rien et ne cause aucun accident. Ces avantages, que Mérat a signalés il y a quarante ans, m'ont été démontrés dans de nombreux cas de blennorr hagie, contre lesquels je n'ai employé que les injections vineuses (1) Voyez l’observation très-intéressante publiée par Faure dans le n° 120 de la Gazette des hôpilaux, 1861, p. 178. 3 (2) Bouchardat, Annuaire de thérapeulique, 1851, p. 45. VIGNE. | 1117 plus ou moins fortes et continuées plus ou moins longtemps, suivant les cir- constances. | Les injections vineuses conviennent aussi dans les plaies sinueuses, dans les conduits relâchés, dans le vagin contre la leucorrhée, dans la tunique vaginale pour la cure radicale de l’hydrocèle, en y ajoutant de l’eau-de-vie, Le vin chaud, pur ou miellé, appliqué sur les plaies, leur donne du ton, les avive, les déterge et hâte la cicatrisation. Le vin rouge alcoolisé est encore employé comme résolutif sur les contusions, les infiltrations cellulaires, les engorgements articulaires suites d’entorses, ete. On l’a aussi employé en lo- tion et mème en bain comme fortifiant chez les enfants faibles, scrofuleux ou rachitiques. (La lie de vin est d’un emploi populaire comme rubéfiant, tonique, réso- lutif; on la met en usage contre les lésions traumatiques que nous venons de citer. Bouvier (1) conseille d’en frictionner les enfants affectés de rachi- tisme, de déviation de la colonne vertébrale.) Payan, médecin de l’hôpital d’Aix (2), a retiré les plus grands avantages de cataplasmes vineux' contre la gangrène ou pourriture d'hôpital. Ces cata- plasmes, d’après les faits rapportés par ce médecin, produisent une prompte amélioration et bientôt une guérison qui ne laisse aucun doute sur leur effi- cacité comme moyen curalif de cette terrible complication des plaies. Voici comment Payan prépare ses cataplasmes : du pain commun est dépecé dans un poëlon, et par-dessus on verse du vin ordinaire. Quand le pain est bien imbibé de ce liquide, on expose le poëlon au feu pour faire bouillir le mé- lange pendant quelques instants. On agit alors avec la spatule pour faire une sorte de pâte. Deux cataplasmes par jour suffisent. On doit continuer leur application jusqu’à ce que la cicatrisation soit complète. Le TARTRATE ACIDULE DE POTASSE Où CRÈME DE TARTRE a une action variable suivant la dose à laquelle on l’administre. A petite dose, elle est absorbée et agit comme antiphlogistique, et comme telle elle est utile dans les em- barras gastriques, les fièvres bilieuses et inflammatoires, les fièvres putrides, l'ictère, etc. À dose plus élevée, elle porte principalement son action sur le tube intestinal et provoque des évacuations alvines, surtout lorsqu'elle est donnée en poudre. Sa saveur, moins désagréable que celle des sulfates de magnésie et de soude, et des autres sels neutres, la fait préférer comme purgatif doux. Je l’ai toujours employée en cette qualité comme succédanée du tamarin, substance exotique trop coûteuse pour les ouvriers et les indi- gents, et dont les propriétés, d’ailleurs, sont principalement dues au tartrate acide de potasse qu'elle contient. La crème de tartre soluble à la dose de 30 à 45 gr., dissoute dans 1 kilogr. d’eau bouillante et édulcorée, a un effet plus certain et coûte beaucoup moins que le citrate de magnésie. C’est sous cette forme que je l’emploie toujours avec succès dans la première période des fièvres bilieuses et typhoïdes; elle purge sans effort, modère l’ardeur fébrile, rétablit le cours des urines et dissipe le météorisme. Triturée avec le jalap, même à faible dose (60 centigr. par 2 gr.), elle en favorise la divi- sion, le rend facile à suspendre dans une potion et en augmente l'effet pur- gatif. On la donne souvent dans du bouillon aux herbes, de l’eau de veau, de la tisane de chicorée ou de pissenlit, du petit-lait, etc. On la donne quel- quefois en poudre, que l’on incorpore dans du miel. La crème de tartre a aussi une action diurétique très-prononcée, ce qui la rend très-efficace dans le traitement des hydropisies, des engorgements chroniques des viscères, dans la jaunisse avec irritation phlegmasique du foie, etc. C'était, à la dose de 12 à 15 gr., un des remèdes favoris d’Ali- (1) Leçons cliniques sur les maladies de l'appareil locomoteur. Paris, 1858. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. XXVI, p. 533. 1118 VIGNE. bert (1) contre l'hydrothorax idicpathique. Je me suis presque toujours bien trouvé de l’usage de la crème de tartre soluble à la dose de 15 gr. dans deux verres d’eau, pris Chaque matin, contre l’anasarque et notamment dans les cas où celte affection est accompagnée d’angioténie ou de pléthore sanguine. Son action a lieu non-seulement sur les reins, mais aussi sur les vaisseaux lymphatiques, sur les membranes séreuses, ce qui la faisait considérer par nos prédécesseurs comme apéritive el désobstruante. Meyer (2) la prescri- vait alternativement avec le carbonate de magnésie, par cuillerées à café, contre le tænia, l’acide carbonique qui s’en dégage dans l'estomac étant, dit-on, anthelminthique. Un malade ainsi traité rendit le troisième jour une portion de tænia, et en rendait de nouveau chaque fois que recommençait le traitement, qui consistait à prendre ces sels, l’un immédiatement après l’autre, par cuillerées à café d’heure en heure. (DE L'ALCOOL. — Nous aurions peut-être dû donner à ce paragraphe le titre de : les alcooliques, que certains passages eussent rendu Jégitime, et réunir en une seule description l’action des spiritueux sous quelque forme qu’on les emploie. Pour la clarté de l'exposition, nous avons préféré seinder la question, Le vin, lequel a, du reste, des effets particuliers ct des indica- tions spéciales, a d’abord été étudié. Nous allons maintenant traiter de l'alcool proprement dit, sans cependant nous attacher à ce point d'une facon exclusive, et en ne négligeant aucune occasion de nous occuper en _passant des alcooliques en général. ACTION PHYSIOLOGIQUE. — L'alcool concentré agit sur les tissus comme un irritant, produisant, après une impression passagère de froid due à l’évapo- ralion, une sensation de brûlure plus ou moins intense. A l’intérieur, on n’a guère à observer les effets de l'alcool absolu que dans les cas d’empoisonne- ment (3). Il agit comme un corrosif violent; il amène dans le tube digestif tous les désordres d’une vive inflammation; il dessèche, raccornit la mu- queuse (Jacobi) (4), et produit secondairement les phénomènes généraux dont nous nous occuperons plus loin, mais qui prennent ici une rapidité d'évolution en rapport avec l'énergie de l’agent producteur. L'alcool additionné d’eau, l’eau-de-vie, à dose modérée, cause une chka- leur plus ou moins vive à l’épigastre, stimule le système nerveux, accélère la circulation et produit, en un mot, une excitation générale. A plus forte dose, il cause l'ivresse. À l'excitation générale, à la gaîté succèdent l’abat- tement, l'hébétude, le défaut de coordination du mouvement, quelquéfois. même des convulsions, le délire, l'immobilité, l’insensibilité, l’assoupisse- ment, la dilatation des pupilles, de la dyspnée, la congestion de l’encéphale, et à la suite un état apoplectique qui se dissipe souvent au bout de quelques heures, mais qui, aussi, devient quelquefois mortel. Quand on sort de cet état, les idées sont confuses, la marche hésitante, l'appétit nul, la soif vive, la parole embarrassée. Peu à peu les choses rentrent dans leur cours nor- mal, et il ne reste plus ae l’ébriété de la veille qu’un peu de dégoût pour les aliments et un peu de pesanteur de tête. La répétition de pareils ébran- lements donnés à l’économie ne tarde pas à nuire à la santé. Si, pour cer- tains buveurs, les ivresses renouvelées sont innocentes, l'usage habituel de l’eau-de-vie amène des désordres nombreux. Ce ne sont plus les effets physio- logiques, mais les effets pathologiques, ou plutôt pathogéniques de l’alcool, qu’on désigne sous le nom d’alcoolisme. Ce n’est plus la surexcitation passa- gère, qui suit l'ivresse; des phénomènes morbides se déclarent et amènent à leur suite des modifications plus persistantes. (1) Nosologie naturelle, t. T, p. 395. (2) Dictionnaire des sciences médicales, t. LIV, p. 247. (3) Barrion, Sur l’empoisonnement par l'alcool, thèse de Montpellicr, 1827, n° 62. 4) Deutsche Klinik, 1857, n° 22, 26 et suivants, VIGNE, 1149 Sans amener toujours ces perturbations aussi profondes, l’usage habituel des spiritueux donne à l'individu qui se livre à leur abus, un état physique et fonctionnel particulier; il le prédispose à la perte de l'appétit, aux vomis- sements surtoul matutinaux, à l'hypersécrétion particulièrement acide de la muqueuse stomacale, aux gastralgies, à la dyspepsie. Ces troubles de l’esto- mac s'expliquent facilement. Si Claude Bernard (1) a reconnu qu’à la dose de 5 à 6 centimètres cubes, étendus de moitié d’eau, l'alcool facilite la diges- tion, en augmentant la sécrétion du suc gastrique, celles du suc pancréatique et des glandes intestinales, il a aussi démontré que, pris seul, et à des doses assez élevées, il arrête l’action de l’ estomac, tarit les sécrétions et cause une soc d’indigestion. Dans les deux cas, l'usage immodéré peut être nuisible; , d'un côté, l'alcool stimule les sécrétions et les force à une hy percrinie ep de l’autre, il entrave la production du travail digestif. L'état général de l’homme adonné à la brutale passion de l’ivrognerie a été bien décrit par Magnus Huss (3). Laissons parler cet auteur : « Une personne qui à fait abus d'alcooliques commence à avoir des tremblements des mains, surtout le matin. Au commencement, ces trem- blements cessent après l’ingestion de stimulants; plus tard, le tremblement tend à continuer l'après-midi. Il peut devenir semblable à une espèce de chorée. — Sentiment particulier de faiblesse dans les bras et les jambes, ou plutôt diminution générale de la tonicité musculaire, surtout le matin. Fourmillements dans les jambes; éblouissements; dilatation des pupilles le malin. « Au réveil, sensation de pesanteur du corps et de l’esprit; mauvaise hu- meur; sécheresse de la gorge; quelquefois vomiturition. Souvent alors tremblement vermiculaire de la langue, difficulté de parler. — Ordinai- rement, un peu d’embonpoint. Souvent augmentation de volume du foie. Bonnes digestions; tendance à la constipation. Selon la manière de vivre, ces symptômes peuvent augmenter, ou diminuer, ou varier. —- Ils augmen- tent rapidement à la suite d’une affection intercurrente qui affaiblit l’orga- nisme ou qui oblige à suspendre l’usage de l'alcool. « Ainsi, l’usage continu de l'alcool, ou la suspension de cet usage, donne lieu à des manifestations semblables du côté du système nerveux. » Revenons à l’alcoolisme, expression proposée par Magnus Huss, mais dont le sens a été depuis fort étendu. Il comprend tous les troubles graves con- sécutifs à l’abus des spiritueux. Sous le nom d’alcoolisme aigu, on entend tous les troubles de l’intelli- gence, du sentiment, du mouvement et des fonctions organiques, qui écla- tent rapidement, ont une durée courte et ne sauraient persister longtemps dans leur exagération sans amener la perte du malade. Si nous spécifions seulement les manifestations qui ontle système nerveux pour siége, on trouve le delirium tremens et la folie ou manie alcoolique aiguë (3). L'alcoolisme chronique représente tous les accidents qui suivent à longue échéance l'abus des spiritueux; dans ces cas, la continuation actuelle des excès n’est plus nécessaire pour la production des symptômes morbides. Ce sont Jà des effets secondaires dont l’évolution se poursuit comme celle d’une diathèse, en l’absence même de l'agent provocateur. On comprend que les limites de notre travail ne nous permettent que d'énumérer les altérations que présentent les différents syslèmes orga- niques. Gastrite chronique, ulcère simple (Cruveilhier) (4), diarrhées chroniques, _ (1) Comptes-rendus des séances de la Sociélé de biologie, 1856, t. VIIT, p. 40. (£) Alcoholismus chronicus. Stockholm, 1852. — Chronische "Alcohols- Krankeit, traduction allemande; par G. Van dem Busch. Leipzig, 1852. (3) Racle, De l'alcoolisme, thèse de concours pour l’agrégation, 1860, p. 56. (4) Consultez aussi Leudet, de Rouen, Des ulcères de l'estomac à la suile des abus alcovli- ques. Congrès médical de Rouen, 1863. 1120 VIGNE. voilà pour le tube digestif. De plus, l'excitation chronique de l'estomac peut réveiller une susceptibilité individuelle et jouer le rôle de cause efficiente dans le développement du cancer de l’estomac. Du côté du foie, chaque excès est l’origine d’une fluxion passagère, d’une hypercrinie momentanée dont la répétition incessante développe un état de congestion habituel de l’organe. Il s'ensuit quelquefois un ictère particulier lictère des buveurs; Michel Lévy); la cirrhose peut aussi en être la consé- quence. La voix du buveur est rude, rauque et caverneuse (voix de rogomme), la respiration est souvent courte. Les Anglais ont décrit une forme snéciale de dyspnée produite par la cause qui nous occupe. L'alcool favorise le développement des maladies pulmonaires, surtout ce- lui du catarrhe et de l'emphysème. On a même décrit une pneumonie alcoo- lique. Magnus Huss note comme très-fréquentes des indurations pulmonaires résultant des phlegmasies chroniques dues à son influence. Les spiritueux, quoi qu’on en ait dit, loin d'arrêter la solution des tubercules pulmonaires, prédisposent à leur développement, en favorisent la dispersion, en accélè- rent la marche. Il paraît même que la phthisie revêt assez souvent chez les buveurs la forme granuleuse galopante (1). Le système cireulatoire offre des troubles variés : palpitation, hypertro- phie graduelle du cœur, artérites, dilatations vasculaires, couperose, trou- bles menstruels. Le sang présente des altérations dyscrasiques véritables ; elles porteraient sur le nombre des globules et la quantité de la fibrine, et constitueraient une forme particulière d’anémie, l'anémie des buveurs. Qu'on examine au microscope le sang d’un alcoolisé : il présente une multi- tude infinie de globules graisseux; on a affaire à une véritable piarrhémie. Ces globules sont déposés par le liquide nourricier daus tous les organes; aussi observe-t-on la stéatose du foie (Peters, de New-York), dont les cel- lules sont infiltrées de graisse (Frerichs), des reins (albuminurie des buveurs), des muscles, du cœur, etc. En ce qui concerne les altérations du système nerveux, Magnus Huss a décrit cinq formes d’alcoolisme, ou folie alcoolique chronique; 1° les formes paralytique ou parésique; 2 anesthésique; 3° hyperesthésique; 4° convul- sive; 5° épileptique. Nous venons d’envisager d’une façon générale les effets les plus apparents des alcooliques, qu'ils soient primitifs ou qu'ils soient secondaires, pro- chains ou éloignés. Nous n'avons pu qu’ébaucher cette question dont la connaissance intéresse plus la pathologie que la thérapeutique. | Nous renvoyons à la thèse de Racle, et aux travaux récents sur la ma- tière, pour l’étude plus complète de l'alcoolisme et pour celle des variations des effets de l'alcool, suivant les différentes conditions où se trouve l’orga- nisme, suivant les climats et les races, selon les conditions sociales, etc. Nous allons actuellement entrer plus avant dans la connaissance du rôle de l'alcool, recherchant son mode d’entrée dans l'organisme, comment il s’y comporte, comment il en sort, en un mot son mode d’action intime : Absorption de l'alcool. — L’estomac est la voix ordinaire de l'absorption de l'alcool; on observe pourtant des phénomènes d’ébriété chez les per- sonnes qui respirent un air chargé de vapeurs alcooliques; la physiologie expérimentale s’est assurée que l'absorption se fait par les séreuses, par le tissu cellulaire, etc. L'absorption, qu'Orfila avait niée, rapportant toute l'action à un phéno- (1) Davis, Report of {le influence of aleoholic drinks on the development and the progress of pulmonary tuberculosis. (Transact. of Amer. med. assoc., vol. XHI, p. 565.) Kraus, Union médicale, 1862, 2° série, t, XIV, p. 592. — Alfred Fournier, article ALCOOLISME du Nouveau Dictionnaire de médecine el de chirurgie pratiques, t. TI, p. G6G. VIGNE 1121 mène de contact sur les extrémités nerveuses, et se propageant de là au centre cérébro-spinal, l’absorption, dis-je, est actuellement hors de doute. Elle est nulle par les chylifères (1), et se fait exclusivement par les veines (2), particulièrement par celles de l'estomac. Mais cette absorption se fait-elle sans que l'alcool soit modifié dans sa constitution, ou a--il préala- blement subi une transformation, celle en acide acétique par exemple (Leu- ret et Lassaigne)? Non, l'alcool est absorbé en nature, et on le retrouve dans le sang de la veine-porte, puis dans le foie, puis dans le poumon, dans tous les organes enfin (3). La substance nerveuse paraît avoir pour le corps qui nous occupe une affinité toute spéciale; elle s’en imprègne, et le cerveau des sujets ayant succombé pendant l'ivresse exhale ordinairement une odeur fortement alcoolique (4). Lallemand, Perrin et Duroy (5) ont démontré d’une façon précise que l'alcool tend à s’accumuler dans le sang d’abord, qu’il ne coagule pas, dont il ne change pas la coloration, dont il n’altère pas la constitution des glo- bules, puis dans le foie et dans l’axe cérébro-spinal. Flourens (6) a de plus avancé que le cervelet était le point des centres nerveux qui semble exercer sur le liquide qui nous occupe une attraction particulière. Bôcker (7), qui n’est pas aussi exclusif, pense que, d’une facon générale, l'alcool agit sur les parties postérieures et inférieures du cerveau. Le séjour de l’alcool dans l’économie se prolonge assez longtemps. Ainsi l'air expiré ne cesse d’en contenir qu’au bout de huit heures, l’urine au bout de seize. L'élimination se fait par les reins, les poumons et la peau. Cette élimi- nation a lieu quand bien même il n’y aurait pas eu excès, et par le fait même de l’ingestion d’une petite quantité du liquide. On retrouve l'alcool dans l’urine, dans la sueur (8), dans les produits. de l'expiration pulmonaire. Mais tout l’alcool ingéré n’est pas éliminé. Que devient le reste? Cette question trouvera sa solution dans le chapitre que nous allons aborder. Ce que devient l'alcool dans l'organisme; ses effets sur la nutrition générale. — Nous distinguerons, avec Maurice Perrin (9), deux cas : A. — Les boissons sont prises à doses immodérées, ou pathogéniques. Il se développe alors les troubles fonctionnels, qui marquent les phases pro- gressives de l’intoxication alcoolique, sur lesquels nous nous sommes étendu plus haut, et dont l'ensemble fait classer l'alcool dans la classe des poisons stupéfiants. B. — Les boissons alcooliques, employées avec discernement et dans des proportions sages, réveillent les forces, agissent comme stimulant de tous les ressorts de la vie, et procurent un sentiment de mieux être que tout le monde connaît. Pris dans ces conditions, l’alcool agit comme un excitant de toutes les fonctions vitales. Ces symptômes, vivacité de l’intelligence, accélération et ampleur du (1) De la digestion des boissons alcooliques et de leur rôle dans la nutrilion. (In Annales de chimie et de physique, 1847, 3° série, t. XXI, p. 449.) (2) Magendie, Précis élémentaire de physiologie, 4° édit., t. IT, p. 285. — Scgalas, Le sang peut-il être cause de maladies? mémoire lu à l’Académie des sciences, 1825. (3) Recherches physiologiques et chimiques pour servir à l'histoire de la digestion, p. 200. (4) Ogston, Phenomena of the more advanced stages of alcololie intoxication. (lu The Edinburgh med. and surg. Journ., 1842.) — Tardieu, Observations médico-légales sur l’état d'ivresse considéré comine complication des blessures el comme cause de mort promple ou su- bite. (In Annales d'hygiène publique et de médecine légale, 1848.) (5) Du rôle de l'alcool et des anesthésiques dans l'organisme. (6) Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux dans les animaux vertébrés ; par P. Flourens. (7) Archives générales de médecine, 1849, t. XX, p. 375. (8) Smith, in Journal of Society of arts, 1861. (9) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. IN, p. 584. — De l'influence de boissons alcooliques prises à doses modérées sur la nutrilion. Paris, 1864, in-8°, 71 1499 VIGNE: pouls, chaleur de la peau, vivacité du regard, reproduisent ceux d’une fièvre: passagère. C’est là l’effet perceptible, direct, immédiat, temporaire, des alcooliques. Mais quel est leur rôle dans la nutrition? ver L'alcool a été classé par Liebig parmi les aliments respiratoires, c’est-à- dire que, réductible par la combustion pulmonaire et générale en acide carbonique et en eau, il fournit des matériaux à la production de la chaleur. animale. k Avant d'arriver à cette réduction finale, l’alcool passerait par des trans- formations intermédiaires dues à son extrême avidité pour l’oxygène. Ainsi Duchek (1) pense qu'il est immédiatement transformé en aidéhyde à son: entrée dans les vaisseaux; d’autres ont cru observer sa transformation transitoire en acide acétique; d’autres en acide oxalique. Cette théorie de l’alcool aliment respiratoire régnait sans conteste dans la science, lorsque les minutieuses et ingénieuses recherches de Ludger Lalle- mand, Maurice Perrin, et Duroy vinrent l’ébranler très-profondément. Se basant sur la conservation de la coloration rouge du sang, sur l’abaïsse- ment de latempérature animale à la suite de l’ingestion de l’alcool (2), la dimi-: nution manifeste de l’acide carbonique exhalé par les poumons, et celle de la vapeur d’eau, ces‘observateurs ont pu avancer que l'alcool n’est pas éli- miné par la respiration après s'être dédoublé en acide carbonique et en eau, et qu’en un mot l’alcool n’est pas brûlé, qu’il n’est pas un aliment respiratoire. Allant plus loin, ils ont cherché à prouver qu'il ne subit aucune modifi- cation dans l'organisme, qu'il reste inaltérable pendant son séjour dans les organes, où il s’accumule, d’où il est ensuite éliminé en nature et en tota- lité par l’exhalation pulmonaire et cutanée, par la bile, par les reins; 1l ne fait donc que traverser le corps sans y subir de modification appréciable (3). Les expériences dont nous donnons le résumé ont une grande valeur; mais, comme nous l’avons dit plus haut, on n’extrait pas des voies d’élimi- nation une dose d'alcool égale à celle ingérée. Bien plus, il résulte des re- cherches de Strauch (4), de E. Baudot (5) et de Schulinus (6) que la quantité éliminée par les urines, etc., est plus faible que celle qui reste dans l’orga- nisme ou disparaît par une autre voie, inaccessible à nos moyens d’obser- vation, ou sous une forme qui n’est plus la forme primitive. Je veux bien que l’alcool ne subisse pas dans l’économie la transformation signalée par Duchek, celle indiquée par Bouchardat et Sandras, etc.; mais qui sait, ainsi que le dit Ginjeot (7), s’il ne subit pas une autre transforma- tion inconnue? La question certaine, c'est qu’il n’est pas éliminé en totalité. Qu’est devenue la portion qu’on ne peut retrouver? I est permis de penser qu'une partie de l’alcool fournit à la combustion intra-vasculaire et supplée par sa propre combustion à celle de nos tissus, et que l’autre, de beaucoup la moins considérable, est éliminée en nature par les voies que nous avons signalées. : L'action utilisable de l'alcool ne se borne donc pas à l'excitation dyna- (1) Ueber das Verhalten des Alkohols im thierischen Organismus. (In Vurteljahresschrift für die praktische Heilkunde in Prag,t. XXXIX, orig., p. 104.) (2) Dumeril et Demarquay, Recherches expérimentales sur les modifications imprimées à la température, etc., 1848. — Sydney Ringer et Walter Rickard, The influence of alcohol on the temperature of nonfebrile and febrile persons. (In The Lancet, 1866.) (3) Hammond, The physiological effects of alkohol and tobacco upon the human system. (American Journ. and med. sciences, octobre 1856.) (4) De demonstratione spirilus vini in corpus ingesti. Dorpati, 1862. (5) Union médicale, 1865, t. XXVI.) (6) Untersuchungen über die Vertheilung des Weingistes in thierischen Organismus. (In Archiv der Heilkunde, t. II, 1866.) (7) Essai sur l'emploi thérapeutique de l'alcool chez les enfants et en général sur le rôle de cet agent dans le traitement des maladies aiguës fébriles. Paris, 1867. tof a Rens iA VIGNE, 1123 mique du système nerveux; mais, ainsi que le dit Jaccoud (1), à cet effet s'ajoute une modification matérielle des combustions nutritives. L'alcool sans contredit entretient la vie plus longtemps qu’elle ne durerait en l’absence de tout secours extérieur. Inmann (2) et Anstie (3) ont cité des individus qui ont subsisté pendant longtemps en ne prenant que des spiri- tueux. Allant plus loin que Liebig, Todd (4) avance que l'alcool pourrait servir à ia réparation des lissus et constituerait l'aliment le plus approprié à la nutrilion directe du système nerveux. Gardner (5) avance qu'il facilite Passimilation des aliments proprement dits. Pour L. Lallemand, Perrin et Duroy, son action n’est pas réellement réparatrice, ses propriétés réconfortantes ne sont dues qu’à la stimulation momentanée qu’il exerce sur le système nerveux. De plus, ces auteurs ne sont pas éloignés de se rattacher aux idées de ceux qui, récemment, ont attribué à l'alcool la propriété de ralentir les phé- nomènes chimiques dont l’ensemble constitue la désassimilation. Si l'abais- sement de la température, la réduction des excrétions et le maintien relatif non-seulement des forces, mais du poids des sujets (6), n’établissent pas les qualités alibiles de l'alcool, on peut, avec ces données, affirmer qu’il joue un rôle antiperditeur. Cette entrave à la dénutrition (Boëker) est la théorie la plus satisfaisante. Quoi qu'il en soit de ces questions d’une haute importance (nous n’a- vons fait que les effleurer et pour plus amples détails nous renverrons aux publications récentes sur ce sujet), que l’alcool soit aliment direct ou in- direct, qu'il ne soit ni l’un ni l’autre (7), il n’en est pas moins avéré que l’usage méthodique- et modéré de l'alcool dilué augmente l’énergie fonc- tionnelle du système nerveux, et que, par un mécanisme non encore suffi- samment déterminé, peut-être en fournissant au malade un aliment émi- nemment combustible, à décomposition très-rapide, dont la combustion limite nécessairement la dépense de l’organisme (Jaccoud), il relève les forces quand elles sont déprimées. THÉRAPEUTIQUE. — C’est du laboratoire des alchimistes, c’est de l’officine des apothicaires qu'est sorti l’alcool pour devenir d’un usage général. Il a perdu de son prestige comme médicament en descendant au rang de boisson journalière. La pharmacie a continué de l’employer, mais presque exclusi- vement comme excipient. Par un heureux retour aux choses du passé, une forte tendance se manifeste actuellement pour le faire rentrer, sans l’associer à d’autres substances, au nombre des agents les plus précieux de Ja théra- peutique. A l’état de dilution et à doses modérées, l'alcool est généralement considéré comme stimulant. A ce titre, son emploi est indiqué dans les affections asthéniques, dans le typhus, dans la période adynamique des fièvres typhoïdes, dans les conva- lescences des maladies graves.) J’emploie souvent une boisson composée d’un litre d’eau de fontaine, de (1) Leçons cliniques professées à l'hôpital de la Charité, 1867. (2) s alcohol food. (In The British med. Journ., 1862.) (3) Stimulants and narcotics, their mutual relations, with special researches on the action of alcohol, æther and chloroform on the vital organism. London and Cambr., 1864. (4) Clinical lectures on certain acute diseases. London, 1860. (5) Clinical observations delivered on the Glascow royal infirmary. (In The Lancet, 1866.) (6) The physiological effects of alcohol and tobacco upon the human system; by W. Ham- mond. (In The Amer. Journ. of med. sc., 1856.) (7) Beale, On deficiency of vital Power in disease and on support. (In The British medical Journal, 1863. —E. Smith, On the mode of action of alcohol in the treatment of disease. (In The Lancet, 1861.) 4124 VIGNE. 60 gr. de miel et de 30 gr. d’alcool rectifié ou de bonne eau-de-vie. Cette boisson, que je conseille aux moissonneurs pour apaiser la soif et maintenir les forces, m'a été utile chez les pauvres dans la cachexie paludéenne, les convalescences pénibles, les fièvres putrides, et pour boisson ordinaire dans les convalescences. Dans ces derniers cas, je me sers quelquefois d’infusion de houblon ou de racine d’angélique, au lieu d’eau, pour la préparation de cette boisson. (C’est en continuant une stimulation devenue nécessaire par l'habitude que l’éau-de-vie fait disparaître le tremblement alcoolique); j'ai vu beaucoup d’ivrognes dont les mains tremblaient chaque matin jusqu’à ce qu’une cer- taine quantité d’eau-de-vie fût ingérée dans l’estomac, et qui ensuite avaient les mains fermes. D’autres fois. les alcooliques arrivent à modifier les delirium tremens observés dans le cours d’une affection grave. Dans ces cas, suivant l’heureuse comparaison de Hirtz (1), l'alcool, semblable à la lance d'Achille, devient le remède des maux qu’il avait causés. Nous renverrons à l’article Vin, pour tout ce qui concerne l'usage des spiritueux dans les débilités générales, dans les hémorrhagies. La stimulation locale produite par l’ingestion modérée de l’alcool potable dans l’estomac, si bien étudiée par CI. Bernard, a été le point de départ d'applications thérapeutiques plus ou moins ‘heureuses. Lanzoni le recom- mandait déjà contre les vomissements des femmes enceintes. Tripier (2) a préconisé le même mode de traitement contre les vomissements si pénibles qui fatiguent les phthisiques. Forster, répondant à des vues théoriques dif- férentes, a recommandé les spiritueux unis à l’usage de la viande crue, dans les cas de diathèse tuberculeuse. C’est sans doute en considérant aussi l’alcool comme aliment respiratoire et pour suppléer dans l’économie la perte du sucre, que Guntzler (3) a essayé l’alcoo!l dans le diabète. Les résultats pratiques, en faisant constater une augmentation considérable de la glycosurie, ont mis la théorie en défaut. Signalons pour mémoire l'emploi de l’alcoo! contre les empoisonnements par l'acide arsénieux (4). Alcooliques à hautes doses. — L'action anesthésique de l'ivresse a été utilisée dans certaines affections spasmodiques graves; la résolution musculaire qu’elle amène a été, par exemple, sollicitée dans le but de contre-balancer la contraction tonique du tétanos. — Les observations (5) publiées sont on ne peut plus favorables à ce mode de traitement, facile à conduire et n’offrant pas de danger, quoiqu'il ait souvent fallu porter livresse jusqu’à ses der- nières limites. Les succès obtenus par l’inhalation du chloroforme et de l’éther donnent à ces faits une valeur incontestable. On a conseillé l'ivresse pour réduire les luxations. Mon père à vu Percy employer avec succès ce moyen, dans des luxations de lhumérus et de la hanche, chez les militaires fortement constitués et offrant une grande résis- (1) Nouveau Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, t. I, p. 614. (2) De l'eau-de-vie dans la phthisie. (In Bulletin général de thérapeutique, 1864, t. LVIT, p. 27 et suivantes. (3) 1: Cannstall’s, 1856. ; ; 1 ve (4) Delarue, Empoisonnements dus à l'acide arsénieux et traités avec. succès par l'eau-de- vie. (In Revue de thérapeutinue médico-chrurgicace, 1827, t. V, p. 453.) cé (5) Baldwin, in The American Journ. of med. science. (Extrait in Gazette médicale de Pa- ris, 1833, p. 628. — Wilson, in The Lancet, 1845. — J.-W. Stapleton, On the administration of intoxicating doses of alcohol in traumaotic tetanos. (In The Lancet, 1845, t. T, p. 317.) — Guérison d’un télanos traumatique par l'ivresse. (In Annales médico-physiologiques, 1848, t. XI, p. 450. — Americ. med. Times, 26 janvier 1861. — Collis et Wilmott, in Dublin med. Press, 1862. — W. Hutchinson, Cure of tetanos by large quantities of alcohol. (In Dublin med. Press, 1862, 2° série, t. V, p. 308. — Indications bibliographiques extraites de l'excellent ar- ticle ALcooz (thérapeutique), inséré par le professeur Béhier dans le Dictionnaire encyclope- dique des sciences médicales, t. IT, p. 601 et 610. VIGNE. 1125 tance aux moyens de réduction ordinaires. C’est un moyen auquel on pour- rait encore avoir recours dans le cas où l’on n'aurait pas de chloroforme à sa disposition. Certains praticiens ont proposé de réveiller le travail de l'accouchement et d'en atténuer les douleurs en plongeant les femmes dans l'ivresse. Ce moyen, outre ce qu'il peut avoir de dégradant pour la femme qui le suit et le médecin qui le conseille, ne nous paraît pas exempt de danger. £n Afrique et en Amérique, l’usage des spiritueux à hautes doses est communément connu contre les morsures des reptiles venimeux (cro- tale, ete.). Nous ne rappelons ces faits que pour donner à nos compatriotes la pensée de conseiller le même traitement dans le cas, moins grave sans doute, mais cependant assez sérieux, de morsures de vipère. L'action perturbatrice des spiritueux à hautes doses a été préconisée pour couper le stade algide de la fièvre intermittente (1). Ce mode de traitement a l'avantage de trouver son indication pendant l’accès même; dans la fièvre pernicieuse algide, par exemple, il trouble l’accès, il atténue son intensité et permet d'attendre que l’on ait pu se procurer du sulfate de quinine. Les alcooliques ont été au même titre préconisés dans la période algide du choléra. Il est certain qu’on en a obtenu d’excellents résultats; mais il faut savoir s'arrêter à temps, et nous répéterons ici ce que nous disions à propos de l’opium, il faut songer à l’intensité probable de la période réac- tionnelle. Si les spiritueux réussissent dans le choléra déclaré, nous pou- vons affirmer qu'ils sont très-nuisibles comme moyen préventif. Trop sou- vent, dans l’épidémie de 1866, nous avons vu abuser du rhum, pour se don- ner du ton. L'usage inaccoutumé de ce stimulant mettait l’économie dans des alternatives d’excitation et de prostration qui donnaient prise au mal et qui, par la dépression secondaire, prédisposaient ces organisations rendues ma- ladives à l’irruption des phénomènes graves de l’épidémie. C’est encore comme agent perturbateur que l’eau-de-vie à hautes doses a été proposée pour empêcher les accès d'asthme (Hyde Salter) (2). Alcooliques à doses méthodiques, fractionnées. — Jusque dans ces derniers temps l’alcoo!l était considéré comme un excitant dont nous avons indiqué les indications; l’état phlegmasique des organes, et l’état fébrile général, constituaient pour son administration une contre-indication absolue. L'école anglaise moderne, qui à à sa tête Todd (Robert Bertley), par une innovation qui surprend au premier abord, considère l’alcool comme le remède capital des affections aiguës, fébriles. Les données de la physio- logie viennent rendre compte jusqu’à un certain point de l’efticacité de cette méthode. L'indication la plus générale en thérapeutique est de soutenir les forces du patient jusqu’à ce que la maladie ait accompli une évolution spontanée; « Il faut, de la part de l’économie, un certain degré de force pour résoudre une inflammation (3). » Eh bien! qu’on admette l’une ou l’autre des théo- ries sur son mode intime d’action, qu’on le considère comme excitant arti- (1) Lanzoni, De viribus aq. vitæ, in Ephem. nat. cura, dec. 2, an. X, p. 221.— Meza, De efji- eacia spiritus vini ac succi citri in lertiana debellanda. (In Act. R. Soc. med. Havn., 1792, t. III, p. 392. — J.-P. Albrecht, in Æphem. nat. cur., dec. 2, an. VIII, p. 405. — J. Guyot, De l'emploi de l'alcool comme méthode abortive des fièvres d'accès. (In Union médicale, 1860, 2e série, t. VII, p. 465.) — Burdcl, De l'emploi des spiritueux dans le traitement des fièvres palustres. (Ibid., p. 578.) — Leriche, De l'emploi de l'alcool à 55 degrés comme méthode abor- live des fièvres intermittentes. (In Gazette médicale de Lyon, 1861, n° 4, p. 80.) — Herard, De l’utililé des boissons alcooliques au début des accès de fièvre intermittente. (In Gazette des hôpi- taux, 1861, n° 88, p. 349.) — Constantinides, De l'emploi des alcooliques dans le traitement des fièvres intermittentes, thèse de Paris,1863, n° 143. (2) On the treatment of the asthmatic paroxysm by full doses of alcohol. (In The Lancet, 1863, t. II, p. 558.) . (3) Kaltenbrunner, cité par Béhier et Hardy, Traité de pathologie interne, 1864, t. II. 1126 VIGNE. ficiel du système nerveux, comme combattant son collapsus, ou comme agent d'épargne, suppléant par sa propre combustion à celle des tissus, l’al- cooi donne le temps de guérir; il élève aussi (Ginjeot) (1) le niveau de la résistance; il modifie les tendances morbides et change parfois heureuse- ment le cours d’un processus pathologique. Il nous est impossible de ren- trer ici dans tous les intéressants détails que nécessiterait l'étude complète de la méthode qui nous occupe; nous renverrons, à ce sujet, au traité de Todd (2), aux excellentes leçons (3) et à l’article déjà cité du professeur Béhier, à la bibliographie qui suit ledit article, au travail de Legras (4), et en dernier lieu à la thèse très-bien faite de mon ancien collègue et ami Ginjeot, à laquelle j'ai fait plus d’un emprunt. : Il est cependant nécessaire que nous entrions dans quelques détails sur ce sujet qu'aucun praticien ne peut ignorer aujourd’hui. Le mode d'administration joue un rôle important; l’alcool duit-être donné par petites doses plus ou moins fréquemment répétées. « Il y a une différence énorme, entre soutenir l’économie épuisée d’un malade, avec de faibles doses d'alcool administrées toutes les heures et les demi-heures, et le plonger dans une ivresse partielle trois ou quatre fois par jour (5). » Dans la majorité des cas, afin d'éviter l’action directe sur la muqueuse stomacale, on administre l'alcool dans un excipient. Ce dernier varie. (Voyez Préparations pharmaceutiques et doses.) « L'alcool peut être employé dans toutes les maladies où existe une ten- dance à la dépression des forces vitales; et il n’est point de maladie aiguë où cette dépression fasse défaut » (Todd) {6). C’est spécialement dans les fièvres typhoïdes, le typhus, la pneumonie, le rhumatisme articulaire, l’érysipèle, qu’il trouve son application. L'auteur que nous citons pense que l’on peut l’administrer dès le début de la phleg- masie, Opinion vivement combattue, même par plusieurs de ses compa- triotes, qui veulent laisser passer la période d’éréthisme avant d’en com- mencer l’usage, L'alcool, administré à doses fractionnées dans les maladies aiguës fé- briles, paraît avoir la même action thérapeutique aux différents âges de la vie, même pendant l’enfance. Dans ce dernier cas, il ne présente pas plus de dangers (Ginjeot). Administré de cette façon et dans les limites que nous avons prescrites, l'alcool calme le système nerveux, provoque en général un sommeil calme et conjure le délire. — Voici quels sont les effets physiolo- giques de cet agent dans les maladies aiguës fébriles, d’après le résumé que Ginjeot a tracé d’après les nombreux auteurs qui se sont occupés de la question. La langue reste humide; elle acquiert souvent de l’humidité si elle était sèche, elle se nettoie si elle était sale; les troubles digestifs se bornent à une légère stimulation de l’estomac; le pouls devient moins fréquent et plus fort, les capillaires ne sont le siége d’aucune congestion; la tempéra- ture peut s'élever ou s’abaisser selon qu’elle était au-dessous ou au-dessus de la normale; la tendance à l’inflammation n’est pas accrue, ni l’inflamma- tion préexistante; la respiration, loin de s’accélérer, devient au contraire moins fréquente; l’air expiré n'exhale point l'odeur d'alcool. L'alcool n’amène pas de céphalalgie; il produit le sommeil, relève les forces, diminue la ten- dance aux mouvements convulsifs, prévient ou fait cesser le délire et l’agi- tation; et, fait remarquable, ne produit jamais l’ivresse, quand il est admi- (1) Essai sur l'emploi thérapeutique de l'alcool chez les enfants et en général sur le rôle de cet agent dans le traitement des maladies aiguës fébriles, p. 117. 2) Clinical lectures on certain acute diseases. London, 1860. 4 3) Conférences de clinique médicale, 1864, p. 357 et suivantes. — Note sur l'emploi interne de Falcool. (In Bulletin de thérapeutique, 1865.) (4) Contribution à l'emploi thérapeutique de l'alcool. Paris, 1867. (5) On the treatment of the fever; by William Brinton. (In The Lancet, 1853.) (6) Clinical lectures on certain acute diseases. Londres, 1860. VIGNE, 4127 mistré d’une facon méthodique. L'action de la peau est augmentée; elle devient le siége d’abondantes transpirations. La nutrition reçoit le contre- coup de ces heureux effets, l'émaciation est ralentie, et la convalescence marche plus rapidement. Il est un point sur lequel nous voulons insister : c’est la tolérance pro- duite par l’état fébrile à l'égard des alcooliques. Ainsi que le fait remarquer Anstie (4), un malade peut ingérér sans tomber dans l’ivresse et même acquérir l’haleine alcoolique, des doses d’eau-de-vie susceptibles d'amener des désordres graves chez l’homme sain. On verra à l’article VIN que mon père connaissait déjà cette tolérance. Dès que cette propriété cesse, l’haleine exhale l’odeur caractéristique de l’eau-de-vie, C’est là, suivant les Anglais, un indice qu’il faut en suspendre, en diminuer ou en éloigner les doses. Bien des exagérations ont été commises par les élèves et les imitateurs de Todd; sans se laisser entraîner par desidées préconçues, sans s’écarter de l’observation rigoureuse des faits, le professeur Béhier a le premier en France expérimenté cliniquement la méthode anglaise. Le premier il en a publié une judicieuse critique, le premier il en a fait ressortir les avantages et les dangers. Aussi ne pensons-nous mieux faire en terminant ce para- graphe que de citer textuellement les conclusions de son remarquable article (2). « Les préparations alcooliques, méthodiquement administrées, sont d’un usage beaucoup moins dangereux, beaucoup plus facile et beau- coup plus innocent que l’on n’est généralement porté à l’admettre; elles constituent un premier moyen de relever et de consolider les forces de l’économie et enfin on peut les employer à doses plus larges qu’on n’a l’habi- tude de le faire assez ordinairement dans ce pays, pourvu que les doses restent fractionnées. Nous renverrons aussi à l'excellente leçon professée par Jaccoud, à l'hô- pital de la Charité, sur la médication tonique dans le traitement de la pneu- monie, Le professeur y a bien fait ressortir combien on se méprenait en étendant à toutes les pneumonies le traitement par l'alcool, comme le voulait Todd : « Que l’alcool puisse être donné sans danger dans des pneumonies qui n’en réclament pas impérieusement l'emploi, cela est parfaitement vrai, et la connaissance de ce fait est d’une importance réelle; mais en thérapeu- tique, autre chose est de ne pas nuire, autre chose est d’être utile. Or, pour que l’alcoo! soit utile, pour que, d'agent toléré, il devienne agent thérapeu- tique, il faut que l’administration en soit dirigée par des indications rigou- reuses. Pour moi, l'indication est unique, c’est l’adynamie vraie; mais celle-là est formelle, et il est juste d'ajouter que, dans ces conditions, l’al- cool est le remède par excellence, c’est votre plus précieuse ressource (3). » Usage externe. — L'alcool, employé à l’extérieur, est stimulant, irritant, réfrigérant ou rubéfiant, suivant ses degrés de concentration ou la sensibilité plus ou moins grande des tissus avec lesquels on le met en contact. D'après Nélaton, l'alcool concentré est un des plus puissants résolutifs que possède la médecine; il le met en usage dans une foule de circonstances, et notam- ment dans le but de faire avorter les furoncles. Ce moyen, longtemps con- tinué en topique, a aussi opéré la résolution des kystes du poignet. (Le même professeur, et après lui un de ses internes, mon ancien collègue et ami Chedevergne (4), recommandent de mélanger l'alcool du commerce à (1) The alcohol question. (In London medical Review, 1862.) (2) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, t. II,, p. 610. (3) Leçons de clinique médicale faites à l'hôpital de la Charité, 1867, p. 73, in-8°. (4) Du traitement des plaies chirurgicales et traumatiques par les pansements à l'alcool (in Bulletin de thérapeutique, 1864, t. LXVII, p. 249, 302, 346. — Consultez sur le même sujet : De Gaulejac, Des pansements des plaies par l'alcool, thèse de Paris, 1864, n° 168; J. Lecœur, 1128 VIGNE. 85° centésimaux avec un ou deux tiers d’eau, et d'appliquer ce mélange en lotions et en fomentations sur les plaies. Les plaies, sous l’influence de ce topique, se détergent, deviennent moins douloureuses, perdent toute mau- vaise odeur et marchent plus rapidement à la cicatrisation. Les phlébites consécutives s’observent plus rarement. Chedevergne tient aussi compte de l'absorption de l’agent sur la surface des plaies, et de son heureux effet sur l’état général du malade. Cet emploi n’est pas nouveau. Lanzoni (1), en 1699, et Koppenhagen (2), en 1745, avaient déjà donné à ce sujet les meilleurs pré- ceptes. L'alcool dilué a été employé en injections substitutives dans l’hydro- cèle et même dans l’ascite, et avec succès (Jobert) (3). Je ne veux pas omettre l’emploi vulgaire de l'alcool introduit dans la bouche, pour engourdir les gencives, dans l’odontalgie. C’est à cette pro- priété qu’est due la vogue de toutes les liqueurs antiodontalgiques, où l’a- gent qui nous occupe, présenté seulement comme excipient, joue le plus souvent le rôle principal. La grande affinité qu’a l'alcool pour l’eau fait que, lorsqu’on le mêle avec ce liquide, il se dégage de la chaleur; si, au contraire, on le mêle avec de la neige ou de la glace pilée, il se produit du froid. Lorsqu'on mêle de l’alcool anhydre à 0 degré, avec de la neige à la mème température, la tem- pérature peut s’abaisser jusqu’à 37 degrés, quand la quantité de neige excède celle que l'alcool peut fondre (4). Ces simples notions peuvent trouver une application dans le traitement de certaines maladies qui réclament l’emploi du froid. Le VINAIGRE, quoique tiré du vin, a une action dynamique opposée à celle du vin et de l'alcool. Il est, en effet, reconnu comme un des meilleurs remèdes contre l'ivresse, qu’il dissipe promptement. Il a été de tout temps considéré aussi comme un excellent antidote de l’opium. Son action est donc contro-stimulante, analogue à celle de la saignée. Etendu dans l’eau au point de ne conserver qu’une légère acidité, le vi- naigre est rafraichissant, il excite l’appétit, favorise la digestion, augmente la sécrétion urinaire, et, suivant Van Swieten et Haller, la diaphorèse. Pris trop peu étendu ou à doses trop répétées, il peut produire des lésions graves, amener l’émaciation. P. Desault (5) cite l’exemple d’une demoi- selle qui se fit maigrir par son usage et devint phthisique. Mérat et De- lens (6) ont vu des jeunes personnes contracter ainsi des irritations gastri- ques qui ont failli devenir mortelles, ou qui même l’ont été. Haller rapporte l'observation d’un homme excessivement gras, qui se mit au vinaigre pour boisson ordinaire, et qui, au bout de quelques mois, était horriblement maigre ; il fut ainsi la proie d’une mort prématurée, après laquelle or trouva la trachée-artère, le poumon, l’æœsophage, l’estomac, le canal intestinal et les autres viscères, indurés, squirreux, épais et très-rétrécis. Pelletan (7) a vu, dit-on, chez un enfant l’abus du vinaigre produire la- mincissement des membranes de l’estomac. Les chlorotiques, les femmes enceintes sont souvent portées, par la dépravation du goût, à boire abon- -damment du vinaigre. J’ai connu une demoiselle d’une beauté remarquable, Des pansements à l’aide de l'alcool et des teintures alcooliques, in-8°. Caen, 1864. — Gubler a consacré à cette question un article spécial dans ses commentaires thérapeutiques sur le Co- dex medicamentarius, 1 vol. in-8°, 1868. (1) De vulnere aquæ vitæ curato, in Ephem. nat. cur., dec. 2, an. X, p. 225. (2) De insigni usu spiritus vini in sanandis vulneribus. Altorfii, in-4°. (3) Gazette des hôpitaux, 1833, n° 73, p. 277. (4) Berzélius, Chimie, t. VI. (5) Dissertation sur la phthisie. Bordeaux, 1733. (6) Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. I, p. 78. (7) In Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. 1, p. 28. VIGNE. 1129 qui, pour combattre un embonpoint qu'elle redoutait, s'était réduite au dernier degré de marasme par l’usage journalier du vinaigre et du suc de citron : elle a succombé à une lésion organique de l’estomac, Comme cet empoisonnement lent n’a rien de particulier, on doit le combattre par la suppression de la cause qui le produit et par le traitement approprié aux gastrites chroniques. Ce traitement est toujours long et difficile. Etendu dans l’eau (6 sur 50 d’eau), le vinaigre forme l’oxycrat, qui est tempérant, diurétique, antiseptique. Hippocrate en faisait un grand usage comme remède antiphlogistique dans les fièvres, pour étancher la soif et apaiser les inflammations, combattre la putridité, etc. L'addition du miel au vinaigre constitue l’oxymel simple, employé dans les mêmes cas et dans les affections bronchiques, pour faciliter l’expectoration. Le sirop de vi- naigre est très en usage, surtout le sirop de vinaigre framboisé. Desbois, de Rochefort, à l'exemple de Dioscoride et de beaucoup d’autres médecins, cite le vinaigre comme le contre-poison de l’opium, de la ciguë, des champignons et autres végétaux vénéneux. Mais Nysten et Orfila révo- quent en doute son utilité dans la plupart de ces, cas. Cet acide ne peut que nuire dans les premiers instants de l’empoisonnement par l’opium, en dis- solvant le poison et en en rendant ainsi l'absorption plus facile. Plus tard, au contraire, il parait utile contre l’action hypersthénisante de ce poison. Le vinaigre a été proposé et est communément employé pour neutraliser le prin= cipe des champignons vénéneux qui pourraient se trouver mêlés avec les co- mestibles. (Voy. ORONGE [FAUSSE |). Le vinaigre étendu d’eau (125 gr. pour 1 ki- logr. d’eau) est donné avec avantage dans l’empoisonnement par les moules. Je me suis très-bien trouvé en pareil cas d’un mélange d’eau-de-vie et de vinaigre pris par cuillerées à bouche. Dans la dernière des Dissertationes et quæstiones medicæ magis celebres, publiées à Lucques en 1757 par Benvenuti, il est question de l’usage du vinaigre contre la rage. Pline parle de guéri- sons de la rage oblenues par une macération de nids d’hirondelles dans du vinaigre. Cet acide paraît avoir réussi entre les mains de Léonessa, de Pa- doue. Baumes raconta le fait suivant, il y a plus de cinquante ans, à la So- ciété de médecine pratique de Montpellier : Une truie ayant été mordue par un chien devint enragée. Le propriétaire la fit enfermer dans sa loge, et lui fit servir, par un trou fait au plancher, du son pétri avec du vinaigre. La truie s’en nourrit et fut guérie. S'il faut en croire Giacomini, le vinaigre, donné à très-forte dose (1/2 kilogr. dans l’eau en vingt-quatre heures), a guéri plusieurs cas d’hydrophobie canine bien déclarée. Mais d’autres prati- ciens l'ont inutilement employé dans cette funeste maladie, contre laquelle tant d’autres moyens proposés comme efficaces ont échoué. Peut-être, dit- on, dans ces derniers Cas, le vinaigre n’a-t-il pas été donné à dose assez forte, ni pendant assez longtemps. Audouard (1) propose de soumettre ce moyen à de nouvelles expériences; mais, à cause de la répugnance que la vue d’un liquide inspire aux hydrophobes, il conseille de donner le vinaigre sous forme solide et alimentaire. Or, le moyen d'administration le plus simple, c’est du pain imbibé de vinaigre. — «Si le virus de la rage, disent Mérat et Delens (2), est un poison septique, comme le veut Orfila, pourquoi les acides ne pour- raient-ils pas en neutraliser les effets? » L’hydrophobie canine étant évi- demment une maladie à fond hypersthénique, disent les partisans de la doctrine italienne, l’action hyposthénisante du vinaigre, donné à grande dose, peut l’anéantir. Voilà deux théories bien différentes pour expliquer à priori l'effet d’un médicament et en justifier l'emploi. La vérité en méde- cine est dans les faits bien observés, rationnellement coordonnés, liés par l’analogie et résumés en principes généraux. (1) Academie des sciences, séance du 26 juillet 1852. (2) Tome I, page 28. 4130 VIGNE. En Allemagne, le vinaigre a été donné avec avantage, à la dose de 92 gr. plusieurs fois par jour, contre la folie aiguë (Giacomini). Fodéré (4) dit l'avoir essayé plusieurs fois dans cette maladie sans aucun avantage. Gar- nault (2) a traité le choléra épidémique par l'emploi de la limonade très- vinaigrée ou du vinaigre pur. Sur seize malades, ce médecin a obtenu par ce moyen douze guérisons. Il faisait continuer l’usage du vinaigre jusqu’à ce qu'il n’y eût plus de danger. Tous les symptômes du choléra asiatique se trouvaient reunis chez ses malades, à l'exception cependant de la cyanose, qui a manqué chez la plupart d’entre eux. Les faits rapportés par Garnault ne sont ni assez nombreux ni assez graves pour que l’on puisse attribuer à sa médication les résultats observés. (Ce mode de traitement a, dans ces derniers temps, trouvé son analogue : dans l'épidémie de 1865-66, Worms a préconisé hautement la limonade sul- furique comme traitement prophylactique et curatif.) Papon (3) assure que, dans le Levant, le vinaigre est employé à l’intérieur et en lotions comme désinfectant, dans le traitement de la peste. Il est fré- quemment employé comme antiseptique dans les fièvres putrides, pété- chiales, les petites véroles de mauvais caractère. Tronchin en faisait faire des lotions générales dans les varioles gangréneuses, pétéchiales, hémor- rhagiques; il le donnait en même temps à l’intérieur avec le quinquina et le diascordium. Dans les fièvres graves, on fait souvent laver et frictionner avec du vinaigre la peau des malades, que l’on a soin de vêtir ensuite bien chaudement. Il peut aussi être utile dans le purpura hemorrhagica, dans les hémorrhagies scorbutiques, dans la diarrhée passive qui accompagne les fièvres typhoïdes, dans les hémorrhagies intestinales et la dysenterie pu- tride : dans ces cas, on le fait entrer pour un quart dans les lavements, (Guérard a constamment arrêté les hémorrhagies intestinales graves chez les sujets typhoïques, à l’aide d’un lavement de vinaigre et d’eau.) Maldonado (in Mérat et Delens) l’a employé avec succès en boisson et en lavement, dans une épidémie de fièvre scarlatine avec tendance à la putri- dité. On l’a prescrit comme vermifuge, surtout dans les fièvres putrides ver- mineuses; car lorsque les vers existent sans fièvre, il ne réussit pas aussi bien. Une cuillerée de vinaigre, suivant Desbois, de Rochefort, arrête les vomissements nerveux et les hoquets spasmodiques. La seule odeur de cette liqueur suffit souvent pour faire cesser une syncope. Les aspersions, les lo- tions et les frictions de vinaigre sont utiles dans l’asphyxie, surtout dans celle qui est causée par la vapeur du charbon. On a pu arrêter l’épistaxis en appliquant des linges trempés dans le vinaigre sur les tempes et sur le front, et en introduisant dans les narines un bour- donnet de charpie imbibé de cet acide. Des compresses imbibées du même liquide et appliquées sur le scrotum ont produit le même effet. On a aussi recours au vinaigre dans les pertes utérines qui accompagnent l’avortement, en tamponnant le vagin avec de l’étoupe trempée dans l’oxycrat, et dans celles qui suivent l’accouchement, en appliquant des compresses imbibées de ce liquide et en en injectant dans la matrice. Un mélange de vinaigre et d’eau-de-vie, injecté dans l’utérus, m’a souvent réussi après l’accouchement, pour faire cesser l’inertie de cet organe et la métrorrhagie qui en était la conséquence. Les injections d’eau vinaigrée froide, dans le cordon ombi- lical, ont été conseillées par Mojon, et depuis par plusieurs accoucheurs, soit pour hâter le décollement du placenta et la délivrance, soit pour faire cesser une métrorrhagie. Ce moyen m'a promptement et complétement — —— (1) Dictionnaire des sciences médicales, t. LVIIT, D199. (2) Journal de médecine et de chirurgie pratiques, t. VIIT, p. 432, note. (3) In Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale et de thérapeutique, t. I, p. 28. VIGNE. 1131 réussi deux fois, dans un cas de métrorrhagie et dans celui d’adhérence du placenta. _ Le vinaigre est utile à l'extérieur dans les stomacaces, les fongosités des gencives, le relâchement de la luette, les inflammations des amygdales, etc. Tabès, chirurgien à Toulouse (1), a retiré de grands avantages, dans les cas de pollutions nocturnes et de pertes séminales involontaires, suites de masturbation, de l'application au périnée d’une éponge trempée dans du vinaigre. Barber (2) emploie avec avantage le vinaigre pour le pansement des ul- cères. Il suffit de baigner chaque matin le membre où siége l’ulcère dans de l’eau chaude ou froide; on le lave ensuite avec du vinaigre commun, et en- fin l’on y applique un morceau de linge imbibé de ce liquide; le tout est maintenu par un bandage roulé. Sous l'influence de ce pansement régulière- ment continué, on voit la suppuration diminuer peu à peu et les bourgeons charnus prendre un bon aspect. Le mélange, à parties égales, de vinaigre et d’eau-de-vie, que l’on peut se procurer instantanément, m'a constamment réussi, en lotions conti- nuelles, dans les brûlures. En enlevant le calorique, il calme promptement la douleur et prévient l’inflammation et la vésication. J’ai vu maintes fois des enfants atteints de larges brûlures s'endormir sous l'influence bienfaisante de ces lotions. On applique sur la partie des compresses imbibées du même mélange et tenues constamment humides. Quand l'épiderme s’enlève ou que les eschares se détachent, je panse avec le cérat safrané (Voyez SAFRAN). J’emploie comme résolutif, dans les contusions, l’entorse, l’æœdème, etc., le mélange d’eau-de-vie ou d’alcool, de vinaigre et de sel commun (alcool et vinaigre, de chaque 180 gr., sel commun 90 gr.). Cette fomentation écono- mique, que l’on peut toujours facilement et promptement se procurer, remplace toutes celles que fournit la pharmacie, et dont l’usage, continué plus ou moins longtemps, devient très-dispendieux. (Le bain de Smucker, autrefois très-vanté conire les lésions traumatiques, est tout simplement de l’eau vinaigrée additionnée de quelques sels à action résolutive.) Hévin (3) employait contre les ecchymoses, les contusions, et pour main- tenir les articulations à la suite des luxations, prévenir l’engorgement, ete., le blanc d’œuf battu avec de l’alun et le vinaigre, dont il enduisait de l’étoupe qu'il appliquait sur la partie malade. Lecœur, professeur à l'Ecole de médecine de Caen, a employé avec succès contre la gale, les frictions de vinaigre, pratiquées trois fois par Jour au moyen d’une éponge un peu rude. La moyenne du traitement est de cinq jours. On ajoute quelquefois du vinaigre dans les pédiluves qu’on veut rendre un peu révulsifs. Les cataplasmes vinaigrés sont recommandés dans cer- taines phlegmasies des organes parenchymateux. A. Maldonado (4) les a mployés avec le plus grand succès sur la région du foie, contre les maladies chroniques de ce viscère. + On recommande de frictionner avec du vinaigre le point de la peau où l’on veut appliquer un vésicatoire; l’action de ce dernier est rendue plus prompte. Dans les sinapismes, l’adjonction de vinaigre retarde, au contraire, la vésication.) Le vinaigre, réduit à l’état de vapeur, est résolutif. Cette vapeur, que Galien employait contre les maladies de la matrice, dirigée sur des tumeurs lymphatiques, des engorgements œdémateux, articulaires, etc., au moyen D (1) Journal général de médecine, t. III, p. 304. (2) The Lancet et Gazette médicale, 1849. (3) Pathologie et thérapeutique chirurgicales, t. T, p. 182. (4) Journal de la science médico-chirurgicale de Cadix, 1822, t, IIL. 1132 VIGNE. d’un appareil convenable, les a très-souvent dissipés. J'ai vu un engorgement du testicule, suite d’orchite, céder à l’action de la vapeur du vinaigre versé sur des cailloux chauffés au rouge. Butzke (1) a obtenu le succès le plus ines- péré de l'usage des vapeurs de vinaigre dans un cas de tumeur blanche du genou, qui datait de neuf ans. On plaçait le membre affecté sur une baignoire plus profonde que large, au fond de laquelle était un vase rempli de vinaigre. On plongeait dans ce dernier un fer rouge qui en vaporisait une grande quan- tité, et on recouvrait aussitôt la baignoire avec des tapis; la vapeur, frappant le membre affecté, y occasionnait une transpiration très-abondante. Après trois semaines de l’emploi de ce moyen, le malade pouvait déjà marcher librement et fléchir le genou avec facilité. L'action de cette même vapeur sur tout le corps, placé dans une baignoire bien recouverte, dissipe promp- tement l’anasarque, et soulage beaucoup les malades atteints de rhumatisme articulaire chronique. Les fumigations de vinaigre, employées dans la chambre des malades pour masquer les émanations fétides, ne les détrui- sent point. Il faut pour cela avoir recours au chlore, aux chlorures de chaux ou de soude, etc. Le. vinaigre pur, appliqué sur la peau, la rend plus souple, plus douce et peut remédier aux gerçures causées par le froid. C’est à cette propriété qu’est due la vogue des vinaigres aromatiques, dits de Bully, hygiénique, etc. L'ACIDE ACÉTIQUE CONCENTRÉ, dit aussi VINAIGRE DE WESTENDORF, VINAIGRE RADICAL OU CRISTALLISABLE, n’est point employé intérieurement à l’état de concentration, son action étant caustique. C’est un poison dont le mode d'action paraît être asthénique comme celui des autres acides. Aussi le dé- laie-t-on dans beaucoup d’eau ou de tisane (1 gr. pour 1 kilogr. de véhicule). Il est alors un puissant antiphlogistique; il apaise la fièvre, favorise la transpiration et la sécrétion urinaire, abaisse la vitalité comme la saignée et les autres hyposthénisants. IL est employé, de même que le vinaigre, pour stimuler la membrane pituitaire dans les cas de syncope ou d’asphyxie; mais il faut l’approcher avec précaution des narines, Car, mis en contact avec les tissus délicats, il les irrite, les enflamme et peut déterminer la vé- sication; aussi est-on dans l’usage, pour prévenir ces accidents, d’en impré- gner seulement des cristaux de sulfate de potasse, que l’on renferme dans des flacons : c’est ce qu’on nomme improprement Sel de vinaigre, Sel d’An- gleterre. A l'extérieur, l'acide acétique concentré est rubéfiant et vésicant. Bon- voisin (2) a le premier signalé l’action vésicante de cet acide, qu'il a en outre recommandé contre les aphthes, les chancres et la gangrène. On peut s’en servir comme vésicant lorsqu'on craint l’action des cantharides sur la vessie. Pour cela on humecte avec cet acide la surface gommée d’un mor- ceau de taffetas d'Angleterre ou mieux un morceau de papier brouillard, qu’on applique sur la peau. Cloquet (3) détruit les verrues en les touchant avec de l’acide acétique pur. (L'action est ici basée sur le pouvoir dissolvant de cet acide pour les sub- stances épidermiques. C’est à cette propriété” qu'est due la guérison des cors par l'application quotidienne d’une petite quantité d’acide acétique cristallisable. Neucourt à publié dans le Journal de Malgaigne (mai 1846) un remarquable travail sur le mode de traitement des excroissances verru- queuses; il recommande d'appliquer sur les parties malades des compresses vinaigrées, constamment renouvelées, et d’exciser matin et soir les parties ramollies et non douloureuses, puis de cautériser avec l’acide acétique pur. La guérison est obtenue au bout de quinze jours environ. Le même traite- — (1) Rust’s Magazine et Journal de chimie médicale, 1842. (2) Mémoires de l’Académie de Turin, t. IV, p. 380. (3) In Médecin de la maison, 15 novembre 1853. VIGNE, 1133 ment guérit aussi les ulcérations qui se produisent à côté ou à la place des verrues. Il en est de même des végétations syphilitiques.) (Blachez.) Wigan (1) a proposé l'emploi de l’acide acétique dans le traitement de la teigne. Voici l'exposé qui a été fait de ce traitement dans les Annales des ma- ladies de la peau, 1. 1, p. 352. Cette méthode consiste d’abord à raser la tête en laissant subsister un cercle de cheveux, si toutefois ils n’offrent pas des traces évidentes d’altération. On emploie ensuite, comme moyen explora- teur, l'acide acétique concentré, étendu de trois parties d’eau; cette pre- mière application a pour effet de rougir la peau dans les endroits malades, même dans ceux qui, au premier abord, paraissent parfaitement sains. Chacun de ces endroits, ainsi devenus rouges, est humecté au moyen d’une petite éponge fixée au bout d’une baguette et imbibée d'acide acétique con- centré pur. A la suite de ces cautérisations, il se forme une eschare; cette eschare augmente de volume, et dès qu’elle est complétement desséchée, on peut la détacher, en ayant soin cependant de ne pas l’enlever lorsque la peau sous-jacente est encore à vif. Les cheveux poussent ensuite. Si cepen- dant ce résultat n’était pas obtenu, on devrait réitérer les mêmes applica- tions, quoiqu'il y ait des inconvénients à les employer trop souvent. On s’est servi avec succès de l’acide acétique concentré pour cautériser les chancres vénériens. Henrotay (2), élève de Ricord, à longtemps cru, avec son maître, qu’un chancre cautérisé de bonne heure, puis pansé avec le vin aromatique amer, était généralement guéri au bout de huit ou dix jours; mais il a reconnu depuis lors qu’en réalité la cicatrisation, dans la plupart des cas, n’était complète qu’au bout d’un mois. et qu'il était nécessaire, pendant cet intervalle, de réitérer trois ou quatre fois la cautérisation, afin d'empêcher le chancre de reprendre ses propriétés contagieuses, un mo- ment endormies par la cautérisation. Enfin, cautérisés profondément et à plusieurs reprises, les chancres s’indurent constamment, annoncent la syphilis constitutionnelle et nécessitent un traitement mercuriel. On écar- terait ces graves inconvénients, en substituant l’acide acétique au nitrate d'argent. Cet acide, que Henrotay et plusieurs autres chirurgiens belges ont employé avec un grand succès, est regardé par Ricord comme ayant la pro- priété de neutraliser le virus syphilitique. On doit l'appliquer avec un pin- ceau, comme tout autre caustique liquide. Gette application, renouvelée un plus ou moins grand nombre de fois, suivant les circonstances, produit un effet tel, que l’ulcère change bientôt d'aspect et se cicatrise. (Je me suis très-bien trouvé de ces applications de solution acétique con- centrée sur les épithéliomas de la lèvre. Dans ces affections, si on n'obtient pas toujours une guérison, elles améïiorent la maladie et soulagent le ma- lade. Tillaux (3) a publié une intéressante observation où la solution au einmquième a amené un arrêt dans le développement d’un grave cancroïde de la joue. Broadbent (4), s'appuyant sur ce que cet acide ne coagule pas l’albumine et peut ainsi étendre son action par l’innocuité de sa pénétration dans les voies circulatoires, se rappelant sa propriété dissolvante connue, sur les parois et les noyaux des cellules, et en dernier lieu son emploi antérieur contre les cancers, pensa que l'effet dissolvant se produirait sur les cellules des tissus vivants, comme sur celles des tissus morts placés sur le champ du microscope. Le Bulletin de thérapeutique (15 décembre 1866) cite quatre o»seryations où on a retiré de bons effets d’une solution concentrée d'acide acélique (1 partie sur 2 ou 3 d’eau) en injection sous-cutanée, au milieu de tumeurs cancéreuses; le contact du liquide, douloureux dans les tissus sains, est indolore dans les tissus de nouvelle formation. On trouvera dans le jour- (1) Journal für Kinderkrankheilen, mars 1844. (2) Journal des connaissances médico-chirurgicales, 1852, p. 380. (3) Bulletin de thérapeutique, 30 novembre 1867, t. LXXIII, p. 463. (4) Cancer, a new method of treatment ; par W. H. Broadbent. London, Churchill, 1866. 1131 VIOLETTE ODORANTE. nal que nous venons de citer des détails dans lesquels nous ne saurions en- trer sans sortir du cadre de notre travail. Disons seulement que les résultats cliniques, en France du moins, n’ont pas confirmé les brillantes espérances du chirurgien anglais, et qu’il n’est que trop évident que nous n’avons encore aucun moyen topique ou interne de guérir le cancer et le cancroïde.) VIOLETTE ODORANTE. Viola odorata. L. Viola martia purpurea, flore simplici odoro. G. BAUH., TourN.— Viola martia. BRUNF. — Viola martia purpurea. GER. — Viola simplex martia. PARK. — Viola purpurea. Prin. Violette de mars, — violette de carème, — fleur de carème, — violier commun. VIOLACÉES. Fam. nat. — SYNGÉNÉSIE MONOGAMIE. L. La violette croit dans les bois, le long des haies et dans les lieux un peu couverts. La culture rend la violette double aux dépens des étamines qui deviennent des pétales. On trouve dans les bois une variété à fleurs blanches. Description. — Racines composées de fibres touffues, nombreuses. — Tiges tra- çantes, sortant du collet de la racine. — Feuilles toutes radicales, cordiformes, longue- ment pétiolées, crénelées, vertes, glabres, légèrement pubescentes. — Fleurs radicales portées sur de longs pédoncules très-simples, glabres, uniflores, munies de quelques bractées lancéolées (avril-mai). — Galice persistant à cinq divisions. — Corolle à cinq pétales inégaux, le supérieur plus grand, terminé en éperon à la base. — Cinq étamines adhérentes par leurs anthères. — Un ovaire supérieur. — Un style. — Un stigmate aigu. — Fruit : capsule trigone, uniloculaire, s’ouvrant en trois valves concaves, ovales, con- tenant des semences nombreuses, petites, arrondies et blanchâtres. Parties usitées. — La racine, les feuilles, les fleurs et les fruits. Réeolte. — On cueille les fleurs de violette au mois de mars, lorsque le temps est sec. La violette simple et odorante des bois doit être préférée à celle des jardins pour l’usage médical. Suivant Guibourt, on remplace presque toujours dans le commerce la fleur de la violette odorante par celle de pensée sauvage (viola tricolor) récoltée dans le Midi. Celle-ci est, dans l’état sec, jaune, bleue et blanche; la première est d’un bleu uniforme. Selon Soubeiran, la violette du commerce proviendrait de deux espèces de violettes de montagne, les viola suditica et calcarata. Dorvault se range plutôt à cette dernière opinion. On mélange quelquefois, par fraude, aux fleurs de violettes, celles de mauve, de vipérine, etc.; mais cette falsification est fort innocente, tandis que celle par: les fleurs d’ancolie aromatisées avec l'iris, dont parle Bergius, peut présenter du danger, ainsi que le sirop de violette qu'on en prépare. Pour sécher les violettes, on sépare les pétales du calice, on les monde de leurs on- glets, et on les fait sécher rapidement dans un grenier ou à l’étuve. On peut aussi les exposer au soleil, sur des tamis, couvertes d’un papier. Afin qu’elles conservent leur couleur, il faut, suivant le conseil de Save, les enfermer, pendant qu’elles sont encore chaudes et friables, dans des flacons que l’on a laissés à l'étuve pour être certain qu’ils soient bien secs; on les bouche, on les goudronne de suite, et on les place à l'abri de la lumière et de l'humidité. Les racines de violette doivent être récoltées en automne. (Culture. — La violette odorante est cultivée dans les jardins en bordures. On la propage par éclats de pieds. Elle aime une bonne terre et l’ombre.] Propriétés physiques et chimiques. — L'odeur des fleurs de violette est douce, suave, mais fragrante et se répandant au loin, surtout le soir et la nuit. Les feuilles sont inodores, fades, un peu mucilagineuses. Les racines ont une saveur nau- séeuse qui les rapproche de celle de l’ipécacuanha. Boulay a retiré, en 1823, de toutes les parties de cette plante, un alcaloïde analogue à l'émétine, et qu’il a nommé éméline indigène ou violine. La violine pure est une poudre blanche, d’une saveur âcre et nau- séeuse, à peine soluble dans l'alcool, soluble dans l’eau, insoluble dans l’éther, les huiles fixes et volatiles; elle se combine aux acides, mais sans donner de sels bien caracté- VIOLETTE ODORANTE. risés. Ce principe, déjà entrevu par Pelletier et Caventou, se rencontre plus abondam- ment dans les racines; il est uni à l’acide malique dans a violette, au lieu de l'être à l'acide gallique comme dans lipécacuanha. Paretti (1) a analysé les fleurs de violette dans un autre but; il y a trouvé deux sortes d'acide, un rouge et un blanc, cristallisables, qu’il croit aussi “exister dans l’ indigo. 11 y a constaté la présence du sucre, de la cire, d'une résine, de l'acide chlor hydrique, de la chaux, du fer. Les pétales renferment un principe colorant, très-soluble à l’eau, d’un reflet très-riche, mais fugace, On connaît l'usage du sirop de violette comme réactif pour découvrir la présence des alcalis et des acides. 1135 PRÉPARATIONS PHARMACEUTIQUES ET DOSES. À L'INTÉRIEUR. — Décoction de la racine | Infusion théiforme des fleurs, 2 comme émétique, 8 à 12 gr. par 300 gr. d’eau, réduits à 100 gr. (la racine doit être coupée menu, cuite légèrement et long- temps), édulcorée avec du sucre blanc, à prendre en une dose. Poudre de la racine, 1 à 4 gr. comme émé- par kilogramme d’eau, Eau distillée, 60 à 100 gr., seule ou comme véhicule. Sirop (1 sur 3 d’eau, 5 de sucre), 15 à 60 gr. Conserve (1 sur 3 de sucer e), 15 à 30 gr. Fleurs candies, comme bonbon pectoral. à 10 gr. en potion, comme béchique. tique, dans l’eau sucrée ou la décoction lé- Miel violat (1 sur 2 de miel), 15 à 60 gr. gère de feuilles de la môme plante. À L'INTÉRIEUR. — Décoction des feuilles en la- vement, fomentation, cataplasme, etc, L’arôme de la violette odorante, concentré dans un appartement fermé, peut donner lieu à divers accidents, tels que la céphalalgie, la syncope et même l’asphyxie. Triller rapporte l’histoire d’une dame qui mourut apo- plectique pour avoir conservé la nuit un pot de violettes près de son lit. Ce- pendant Dioscoride, et d’autres anciens médecins, ont dit que ces émana- tions odorantes avaient été utiles dans l’épilepsie des enfants. Baglivi affirme qu’elles sont efficaces dans les affections nerveuses ou convulsives. Les FLEURS sont émollientes, anodines, béchiques et légèrement diapho- rétiques. On les prescrit en infusion dans les bronchites aiguës, les catarrhes chroniques, les angines, les fièvres éruptives, les phlegmasies des organes digestifs, des reins, de la vessie. On édulcore cette infusion avec le sucre ou le miel. Les fleurs fraiches donnent un suc qui est laxatif comme la manne. Le sirop de violette est généralement employé dans les rhumes, les affec- tions aiguës de la poitrine, la coqueluche. Les FeuIzLEs fraîches sont mucilagineuses, émollientes, légèrement laxa- tives. Le suc qu’on en exprime purge légèrement à la dose de 60 gr. On s’en sert en cataplasmes, en fomentation sur les parties irritées, enflammées, et en lavement dans les irritations intestinales. Linné et Hoffmann considéraient la SEMENCE de violette comme vomitive. D’après Bichat (2), l’émulsion de cette semence (12 à 15 gr. pour 150 gr. d’eau édulcorée) serait un purgatif doux et agréable. Il est surtout conve- nable pour les enfants. Schroeder (3) avait indiqué cette émulsion purgative. J'ai fait prendre plusieurs fois la semencé de violette pilée avec du miel aux enfants constipés : elle a constamment lâché le ventre à la dose de 6 à 10 gr., suivant l’âge. On la regardait autrefois comme diurétique et lithon- triptique. Schulz rapporte que son emploi fit expulser une grande quantité de calculs rénaux ou de graviers à l’empereur Maximilien, et Laurem- berg (4) dit avoir retiré du péril, par l’administration de cette semence, une femme qui n'avait pas uriné depuis sept jours. La RACINE jouit d’une propriélé vomitive. Boerhaave (5) l’a signalée (2) Bulletin des sciences médicales de Férussac, t. XVIII, p. 127. (2) Cours manuscrit de matière médicale. (3) /n Ray, Catal. pl., p. 305. (4) Dissert. de caleulo, p..31. (5) Hist. plant.; etc, -: 1136 VIOLETTE ODORANTE. comme possédant cette propriété, et Linné l’a indiquée comme succédanée de l’ipécacuanha. Les expériences de Bretonneau (1) ont démontré que la poudre de racine de violette, appliquée sur la peau dénudée et sur les membranes muqueuses, donnait lieu exactement aux mêmes accidents que celle d’ipécacuanha. Coste et Wilmet ont administré la racine de violette odorante, séchée, alcoolisée et pulvérisée, comme éméto-cathartique. Mêlée à la dose de 2 gr. dans une tasse de décoction légère de feuilles de Ta même plante, édulcorée avec une cuillerée de sirop violat, elle a provoqué un vomissement et trois petites selles. À la dose de 2 gr. 50 centigr. à 4 gr., cette racine a produit trois ou quatre vomissements et cinq selles copieuses. Quand on répugne à une aussi grande dose, on en donne 8 à 12 gr. en décoction (Voyez Prépa- rations et doses). La racine sèche et alcoolisée peut être portée à 5 gr., et en décoction jusqu'à celle de 12 gr. Gilibert a obtenu les mêmes effets que Coste et Wilmet. « Nous avons donné nous-même ce remède à la campagne, dit Roques, et chaque fois il a provoqué des évacuations plus ou moins abondantes. Une forte pincée de racine fraîche (deux ou trois gros) bouillie pendant un quart d'heure dans un verre d’eau, a fait vomir quatre fois un jardinier atteint d’une affection bilieuse, et l’a ensuise purgé trois fois copieusement. La même décoction, donnée trois jours après, a produit les mêmes résultats; après ces évacua- tions, la maladie a pris un cours régulier, et elle s’est terminée vers le dixième jour. Dans la même campagne {au château d'Hellenvilliers, dépar- tement de Loir-et-Cher), un jeune ouvrier éprouvait depuis environ huit jours un fort dévoiement accompagné de fièvre, de nausées fréquentes et de la perte totale de l'appétit. Une décoction préparée avec les feuilles et les racines de la même plante excita des vomissements et des évacuations in- testinales. La diarrhée, l’inappétence, la fièvre disparurent, et, dix jours après, ce jeune homme avait déjà repris son travail. Ces observations prou- vent l'efficacité de nos violettes indigènes, et leur analogie d’action avec les violettes exotiques, avec l’ipécacuanha blanc et autres racines vomitives (2). » Dans la plupart des maladies qui réclament l'emploi des vomitifs, je mets en usage le tartrate de potasse antimonié ([émétique), que l’on manie avec précision, et dont le prix est tellement bas qu’il n’y aurait aucun avantage à lui substituer d’autres substances moins certaines, d’ailleurs, dans leurs effets. Cependant, il est des cas où l’ipécacuanha est spécialement indiqué, et dans lesquels la racine de violette peut être administrée avec avantage comme succédanée de la racine exotique. C’est surtout chez les enfants et les sujets délicats, dont l’estomac est (rès-irritable, dans les fièvres mu- queuses et la dysenterie sporadique ou épidémique sévissant sur la classe indigente de nos campagnes, que notre racine indigène trouve sa place pour cette substitution. Je l’ai souvent employée en poudre et en infusion dans ces circonstances, et je puis affirmer qu’elle m'a toujours aussi bien réussi que la racine du Brésil. Je l’ai aussi mise en usage à dose -nauséeuse comme l’arum, l’asaret et la bryone, dans la coqueluche, l’asthme humide, le ca- tarrhe pulmonaire chronique, ete. Lorsqu'un long emploi de l’ipécacuanha est nécessaire, il devient trop coûteux pour la thérapeutique du pauvre. Si la pratique urbaine donne au médecin la facilité de puiser, à l’aide des bu- reaux de bienfaisance, dans l’officine du pharmacien, il n’en est pas ainsi de la pratique rurale; ici le praticien emploie, le plus souvent, ce que la nature lui offre avec cette générosité et cette profusion émanée d’une bonté provi- dentielle qui a voulu mettre à la portée de tout le monde ce qui est vrai- ment et généralement utile. ———————"—"—"—"—"——"—"—"—"—"—"—"—"—"— ——————— (1) In Trousseau et Pidoux, Traité de thérapeutique, 8° édition, t. I, p. 747. (2) Plantes usuelles, t. 1, p. 386. VIORNE, 1137 VIOLETTE DE CHIEN. — VIOLETTE SAUVAGE, — VIOLETTE RAMEUSE. — VIOLETTE INODORE. (Viola canina, L.; viola martia inodora sylvestris, C. Bauh., Tourn. ; viola ramosa, Galer.; viola martia canina, Besl.) — Gette espèce croît dans les bois, dans les buissons, au bord des bruyères, et varie dans son port sui- vant son âge, Description. — Racine ramifiée, un peu ligneuse. — Tige grêle, couchée, qui se redresse en vieillissant, — Feuilles alternes, cordiformes, crénelées, à pétioles iné- gaux, fort longs, munis à leur base de stipules linéaires. — Fleurs penchées, bleues, inodores, de la grandeur de celles de la violette odorante, — Calice à cinq folioles étroites, pointues, — Capsules glabres et trivalves. Coste et Wilmet ont obtenu de la racine de cette espèce, administrée à la même dose que la violette odorante, un vomissement et sept évacua- tions alvines. Niemeyer (1), qui soumit cetle racine à de nouveaux essais, observa qu'elle agit plutôt comme purgatif que comme émétique. Il résulte des observations comparatives de Hanin sur ja violette odorante, la vio- lette de chien et la violette hérissée, que la poudre des racines de la violette odorante, à la dose de 2 gr. 50 centigr., fait constamment vomir; que celle de la violette canine provoque le vomissement à la dose de 1 gr. et même à celle de 50 centigr. quand la poudre est très-fine et récemment préparée. Suivant cet auteur, la poudre de violette est plus vomitive que purgative, l’infusion et la décoction plus purgatives qu'émétiques. J’ai constaté cette différence d'effet suivant l’un ou l’autre de ces deux modes d'administration. VIORNE. Viburnum lantana. L. Viorne cotonneuse, — mancienne, — bardeau. CAPRIFOLIACÉES. — SAMBUCÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE DIGYNIE. L. [Beseription. — Arbrisseau à écorce grisâtre, à feuilles opposées, péliolées, ovales, oblongues, dentées. — Fleurs blanches en corymbes rameux, terminaux. — Ca- lice à tube adhérent, à limbe divisé en cinq lobes. — Corolle rosacée à cinq divisions. — Cinq élamines insérées sur le tube de la corolle. — Ovaire infère. — Trois loges unio- vulées. — Trois styles sessiles. — Le fruit est une baie comprimée, uniloculaire, mo- nosperme par avortement, couronnée par le limbe calicinal persistant. Le viorne obier (V. opulus, L.) est connu sous le nom de Boule de neige; le viorne tin (V. linus, L.) ou laurier-tin se distingue par ses feuilles persistantes, ses fleurs roses et sés fruits noir bleuâtre. Parties usitées. — L'écorce des fruits. Récolte. — On récolte l’écorce à l'automne el les fruits à leur maturité. Culture. — Les viornes sont fréquemment cultivés dans les jardins d’agrément. On les mulliplie par boutures ou par éclats de pieds. Propriétés physiques et chimiques. — L'écorce de viorne renferme un principe âcre qui peut produire la vésication. Elle contient en outre une substance visqueuse, gluante; aussi, d’après Bulliard, s'en sert-on pour faire de la glu. Les fruits renferment de l'acide viburnique, que nous avons vu être identique à l'acide valéria- nique (Voir VALÉRIANE).] (Les baies sont regardées comme astringentes et employées dans nos campagnes dans la dysenterie; les feuilles ont les mêmes usages; nous avons vu que l'écorce est rubéfiante et même vésicante, proptiété dont on pourra avantageusement tirer parti. La décoction de toutes les parties de la p'ante sert aux gargarismes astringents.) ——— — (1) Dissert, de violæ caninæ in medicina usu, 1785. 1138 VIPÉRINE. — VULVAIRE. VIPERINE. Echium vulgare. L. Echium vulgare. G. BAu., J. BAUH., PARK., GER., TOURN. Vipérine commune, — herbe aux vipères. BORRAGINÉES. — BORRAGÉES. Fam. nat. — PENTANDRIE MONOGYNIE. Cette plante bisannuelle abonde dans les champs, dans les bois, au bord des chemins. BPeseription. — Racine de la grosseur du pouce, épaisse, dure, pivatante. — Tige de 40 à 60 centimètres, dressée, dure, cylindrique, d’un brun rougeàtre, chargée de poils raides, blancs, portés sur des tubercules noirâtres. — Feuilles longues, ovales, oblongues, pointues ; les radicales plus grandes, atténuées en pétiole, munies de poils rudes, étalées en rosette sur la terre; les caulinaires étroites, sessiles, semi-amplexi- caules. — Fleurs d’une belle couleur bleue, en grappes recourhées, foliacées, formant dans leur ensemble une panicule feuilléé (juin-septembre). — Calice hérissé de poils, à cinq divisions étroites. — Corolle à tube court, dont la gorge est dépourvue d’appendice ; limbe à cinq lobes inégaux. — Cinq étamines dépassant la corolle, — Style à stigmate bifide. — Quatre akènes nus, renfermés dans le calice durci. Cette plante, qui contient beaucoup de nitre, peut être employée, ainsi que la lycopside (Voyez LYcoPsinE, page 607) comme suecédanée de la bour- rache et de la buglose, dans les lieux où celles-ci sont plus rares. (Voyez BourrAcue, page 210, et BUGLOSE, page 222.) VULVAIRE. Chenopodium vulvaria. L. Atriplex fœtida. G. Baux. — Chenopodium fœtidum. TouRN. — Atriplex olida. BLACK. — Atriplex canina.— Atriplex olida hircina. Los. Arroche fétide, — ansérine fétide, — arroche puante, — herbe de bouc. CHÉNOPODIACGÉES. Fam. nat. — POLYGAMIE MONOÉCIE. L. La vulvaire, plante annuelle (PI. XL), croît en abondance dans les lieux cultivés, dans les jardins négligés, au pied des murs, sur le bord des che- mins. On la dit nuisible aux porcs. Deseription. — Racine menue, fibrée. — Tige de 2 à 5 décimètres, couchée, rameuse, diffuse. — Feuilles pétiolées, ovales, rhomboïdales, couvertes d’une poussière farineuse leur donnant un aspect blanchâtre. — Fleurs verdâtres, pulvérulentes, en grappes axillaires et terminales, dressées, rapprochées en un panicule compacte au sommet de chaque rameau (juillet-octobre). — Calice à cinq sépales, enveloppant le fruit. — Cinq étamines; deux styles sessiles. — Fruit : capsule formée par le calice, renfermant une seule graine menue, lisse, noirâtre. Parties usitées. — L’herbe. [Cultume. — N'est cultivée que dans les jardins botaniques. On la propage par graines semées au printemps.] Récolte. — Elle s'emploie à l’état frais. La dessiccation la rend inerte. Propriétés physiques et chimiques. — Cette plante, écrasée entre les doigts, exhale une odeur très-durable de marée ou de poisson putréfié. (Elle contiendrait d’après Chevallier (4) de l’albumine, de l’osmazôme, une résine aromatique, du nitrate de potasse. Cet auteur a cru reconnaître qu’elle dégage de l’ammoniaque libre. On sait aujourd’hui, grace aux travaux de Dessaignes (2), que ce prétendu ammoniac n’est autre chose que de la propylamine. Cette ammoniaque composée (Voyez page 142, ar- ticle Augérine.) (3) est un liquide incolore, transparent, d’une odeur forte, à saveur (1) Ann. des sciences naturelles, t. I, p. 144. (2) Comptes-rendus de l’Académie des sciences, t. XXXIIT, p. 358. (3) Selon les auteurs et les idées théoriques qu’ils se sont faites de la constitution de ce corps, il a été appelé propylamine, propyliaque, azoture de trityle, tritylammoniaque, trityla- mine, éthylamine, métacélamine. VULVAIRE, 1139 saline prononcée, soluble dans l’eau distillée, à réaction alcaline, saturant les acides et formant avec eux des sels cristallisables, Sa formule — C5 H° A7. Dans les plantes où l’on rencontre la propylamine, il faut bien distinguer celles qui l’empruntent à des terrains fumés avec cerlains engrais, je citerai la betterave, da vi- gne, etc., et celles qui l’élaborent spontanément, comme la vulvaire. Mike (4) croit même que l’alcaloïde exsude constamment des feuilles; il a reconnu des glandes qu’il considère comme en élant les organes de sécrétion, et s’est livré à une série d’expé- riences tendant à prouver ce dégagement, qui constituerait un fait absolument nouveau dans la science.) La vulvaire, aujourd’hui presque inusitée, est antispasmodique, Elle a été conseillée dans l’hystérie, l’hystéralgie, la dysménorrhée, et dans les né- vroses en général. G. Needham, médecin anglais (2), qu’il ne faut pas con- fondre avec Needham, si célèbre par ses observations microscopiques, et que Voltaire couvrit de ridicule, regardait la conserve de vulvaire comme très-utile dans l’hystérie. Houlton (3) la dit très en vogue en Angleterre, chez les gens du peuple, dans les affections chroniques de l'utérus; il a vu lui- même deux cas dans lesquels son emploi a été couronné de succès. Ha- nin s’en est bien trouvé dans l’hystérie et les affections vaporeuses, en lavements ou en fomentalions. Je lai employée quelquefois en infusion dans les névroses de l’estomac et des intestins; mais la répugnance qu’elle cause me l’a fait abandonner; je ne la donne qu’en lavement. Sous cette forme, elle a été mise en usage comme anthelminthique. Roques lui reconnait cette vertu. Les paysans s’en servent en décoction, pour appliquer sur les ulcères putrides et vermineux des bêtes à cornes, en y ajoutant un peu d’eau-de-vie ou de vinaigre. Tragus a conseillé ce moyen dans les mêmes cas. Boerhaave faisait appliquer les feuilles extérieurement pour exciter la suppuration. (PROPYLAMINE. — Guibert (4) a étudié le premier sur lui-même l’ac- tion physiologique de la propylamine. Voici le résumé de ces recherches : Sur Ja peau, action nulle; elle décrasse seulement en saponifiant l’enduit sébacé; sur les muqueuses, action caustique, sensation de fraicheur suivie de chaleur. A l’intérieur, prise en solution dans l’eau distillée, elle ne détermine à la dose de 20 gouttes à trois cuillerées à café, ni transpiration, ni flux uri- naire, ni coliques, ni selles; mais on observe toujours un abaissement mar- qué dans le nombre des pulsations artérielles. C’est donc un hyposthénisant de la circulation. L’alcalinité de la propylamine la désignait de suite comme pouvant être utile dans les rhumatismes. Awenarius, de Saint-Pétersbourg (5), l’a em- ployée avec succès dans les cas simples ou compliqués, et dans toutes les affections qui reconnaissent le rhumatisme pour cause ou se rattachent à Ja diathèse rhumatismale. La propylamine a été considérée comme emménagogue. A l'extérieur, Guibert propose de lemployer dans le muguet; je m’en suis très-bien trouvé dans deux cas d’angine couenneuse chez des enfants. Les fausses membranes, et surtout les points de la muqueuse où celles-ci avaient pris naissance, se sont promptement modifiées. L'auteur que noûs venons de citer conseille aussi de tenter la solution plus ou moins concentrée en injections dans les vaginites et les blennor- rhagies.) (1) Union pharmaceutique, 1863, p. 180. (2) In Ray, Catal. pl., p. 33. (3) Botan. med. Soc. of Lond., p. 10. (4) Histoire naturelle et médicale des nouveaux médicaments, p. 300 et suiv (5) Medizinische Zeitung Russland’'s, 1858. 1140 ZOSTÈRE. ZOSTÈRE. Zostera marina, oceanica. L. Alga marina. Lam. — Zostera maritima. GOERTNER. Algue, — algue marine commune ou des verriers, — foin de mer, — zostère marine. NAÏADÉES. — ZOSTÉRÉES. Fam. nat. — MONOECIE MONANDRIE. L. Cette plante vivace, qui ressemble à l’algue, croît au fond de la mer, et se trouve jetée sur nos côtes. Je l’ai fréquemment rencontrée sur les bords de la mer, à Calais, à Boulogne, à Etaples, à Saint-Valery, etc. (Bescriptiom.— Racines très-grèles. — Souche cylindrique, noueuse, produisant à chaque nœud des fibres radicales et une tige rampante qui porte des feuilles linéaires, rubanées, allongées, engaînantes à leur base, obtuses à leur extrémité, — Fleurs mo- noïques, protégées par la base d’une spathe formée de la base d’une feuille qui s'ouvre longitudinalement et se prolonge ensuite en lame. Ces fleurs très-ténues sont portées sur un axe comprimé, aplani, membraneux, chargé sur son côté antérieur d’étamines et de pistils alternes sur deux rangs. — Anthère oblongue, uniloculaire portée sur un très-court filet, s’ouvrant longitudinalement et renfermant un pollen en forme de fila- ments confervoides, pistils à ovaire uniloculaire, uniovulé, fini par son dos et près du som- met. — Style subulé persistant. — Deux stigmates capillaires.) — Les poils abondants el déliés de la base de la tige, entremêlés, feutrés par l’action des vagues, forment avec le posidonin mediterranea, ce qu'on appelle les pelotes de mer, Pila seu sphæra marina, et improprement œgragropiles de mer. On les trouve sur les plages. Propriétés physiques et chimiques; usages économiques. — En Hollande et en d’autres lieux où la zostère se trouve en abondance, on s’en sert sous le nom de wier pour faire des digues, pour fumer les terres, pour en obtenir de la soude, et souvent pour emballer les objets très-fragiles, comme les verreries. Dans le nord, on en couvre les toits rustiques. On en fait aujourd’hui dans tous les pays des coussins el des matelas dits hygiéniques, qui sont préférables à ceux de crin, de paille ou de foin. Cette plante est éminemment souple, élastique, peu résistante. On peut la remuer sans la casser, et il suffit de l’agiter en faisant le lit pour lui rendre toute sa souplesse. La zostère ne contracte jamais la moindre odeur; l’eau glissant pour ainsi dire à la surface, les sueurs abondantes et les urines passent à travers sans qu’il se puisse établir de corruption. L'eau douce qu’on jette dessus fait disparaître jusqu'aux moindres traces et prévient toute altération, car il suffit d'étendre la zostère comme une litière pour qu’elle sèche en peu d'heures sans occasionner la moindre odeur. Les in- sectes ne s’élablissent jamais dans les matelas de zostère, et il paraît même qu’elle a l'avantage d’éloigner les souris. Ces matelas sont en outre d’un prix fort peu élevé. La zostère contient de l’iode, ainsi que les pelotes de mer (1). La zosière peut être employée dans les mêmes cas que le varec vésicu- leux. Les pelotes de mer, torréfiées et réduites en poudre, ont été con- seillées contre les affections scrofuleuses et le goître, (C’est à la présence de l'iode qu’il faut rapporter ces propriétés.) (1) De Candolle, Essai sur les propriélés médicales des plantes, p. 279. SD ASE ————— CLASSIFICATION THÉRAPEUTIQUE DES PLANTES" Abricolier (gomme). Acanthe, feuilles. Alcée ou prime-rose, feuilles. Amandier, amandes. Arroche ou bonne - dame, feuilles. Avoine, semence. Bette ou betterave, feuilles. Bon-Henri, feuilles. Bouillon-blane, fleurs, feuill. Bourrache, feuilles, fleurs. Buglosse, feuilles, fleurs. Carotte, racine. Caroubier. Carragaheen. Chanvre, graines. Chiendent, racine. Citrouille, graines, pulye. Coignassier, semence. Cynoglosse, feuilles. Douce-amère, feuilles. Fenu-grec, feuilles. Airelle, fruit. Alleluia, plante enlière. Cassis, fruil. Gerisier, fruil. Citronnier, fruit. Aigremoine, feuilles. Alchimille,. pied - de-lion, plante enlière. Anthyllide, feuilles el som- milés. Argentine, feuilles. EMOLLIENTS ET ADOUCISSANTS. Figuier, fruil. Froment, farine, son, ami- don. Gnaphalie, herbe à coton, feuilles. Grande consoude, racine. Gremil, semence. Guimauve, racine. Jacinthe des bois, bulbe, gemme. Jujubes. Laitue cultivée, feuilles, suc. Lin, semence. Linaire, feuilles. Lis, signon où bulbe. Lycopside, feuilles, fleurs. Mais, semence. Mauve, fleurs, feuilles. Mélilot, sommilés fleuries. Mercuriale annuelle, feuilles. Navelte, semence, huile. Noisetier, amande. TEMPÉRANTS. Epine-vinette, fruit. Fraisier, fruit. Framboisier, fruit. Grenadier, fruil. Groscillier, fruit. TONIQUES ASTRINGENTS. Aspérule. Aune, écorce, feuilles. Benoîle, racine. Bistorte, r«cine. Bourse-à-pasteur, Brunelle, Noyer, huile de noix. Olivier, huile, feuilles. Orchis, tubercules, salep. Orge, semence. Pariétaire, feuilles. Pavot, huile d'œillette. Pied-de-chat, capitules. Pois, semence. Pomme de terre, feuilles, tubercule, fécule. Potiron, semence, pulpe. Pourpier, plante sans racine. Pulicaires, semence. Pulmonaire, feuilles. Réglisse, racine. Seigle, semence, farine. Séneçon, feuilles et liges. Tussilage, fleurs. Vigne, raisins secs. Vipérine, feuilies, fleurs. Violette, feuilles, fleurs. Mürier, fruit. Oranger, fruil. Oseille, feuilles. Pommier, fruit. Ronce, fruit. Bugle. Busserole, feuilles. Chêne , écorce , glands, feuilles, tannin. 1 Chèvre-feuille, fleurs, feuill. Coignassier, fruit. (1) (Cette classification ne peut donner qu’une faible idée des services que les plantes indi- gènes rendent à la médecine et à la chirurgie. Beaucoup d’entre elles ont une action com- plexe; d’autres ont des effets sur la nature desquels les auteurs ne sont pas d'accord. On ne pouvait donc nettement les classer, et il faut recourir au texte même pour acquérir la connais- sance de leurs propriétés. Nous en dirons autant de presque tous les principes extraits des plantes, et si utilisés dans ces derniers temps.) 4142 Cornouiller, écorce. Crapaudine. Cyprès, galbules ou fruits. Euphraise. Fraisier, racine, feuilles. Filipendule, racine. Frène, écorce, feuilles. Fustet, écorce, feuilles. Géranion-Robert. srenadier, écorce du fruit. Hêtre, écorce. Joubarbe, feuilles. Lamier blanc, fleurs, feuill. Marronnier d’Inde, écorce. Millefeuille, feuilles, fleurs. Myrte, feuilles. Néflier, feuilles, fruits. Noyer, feuilles, brou, chà- tons. Nummulaire, Orpin, feuilles. Orme, écorce. Orlie, fleurs. Pàquerette. Patience, racine. Parnassie. Pervenche, feuilles. Peuplier blanc, feuilles. Peuplier tremble , écorce, feuilles. Peuplier noir, écorce. Piloselle. Platane, écorce. Plantain. Poirier. Pommier, écorce. Prêle. Prunellier, écorce. Putiet, écorce. Pyrole. Quintefeuille. écorce , CLASSIFIGATION THÉRAPEUTIQUE DES PLANTES, Renouée. Rhapontic, racine. Ronce, feuilles, sommilés. Rosier, roses rouges, pétales. Rosier sauvage, fruit. Salicaire, feuilles, fleurs, racines. Sanicle, Saule, écorce. Sceau de Salomon, r'acine. Scolopendre, feuilles. Sorbier, fruits. Sumac des corroyeurs , écorce, fruits, feuilles. Tamarise, écorce. Tormentille, racine. Troëne, feuilles. Verge d’or, sommilés fieuries. Vigne, feuilles, vin rouge, vinaigre. TONIQUES AMERS (névrosthéniques). Amandier, amandes anères. Artichaut, feuilles. Aunée, racine. Aunée dysentérique, Carline, racine. Centaurée (grande), racine. Centaurée (petite), sommilés fleuries. Chardon bénit, feuilles. Chardon-marie, feuilles. Chausse - trappe, feuilles, fleurs. Chicorée sauvage , racine , feuilles. Epine-vinette, écorces de la racine et de la tige. Absinthe, feuilles, sommités fleuries. Ache, feuilles, semence. Ail, bulbe. Agripaume, sommilcs. Alliaire. Ambroisie, feuilles, som- milés. Aneth, semence. Angélique, racine, tige, se- mence. Anis, semence. Aristoloches, racines. Armoise, sominilés fleuries. Arnica , fleurs, racine, feuilles. Aurone, feuilles, semence. Ballore, sommilés fleuries. Eupatoire, feuilles. Frêne, écorce, feuilles. Fumeterre,sommités fleuries. Gentiane, racine. Germandrée, sommités. Hêtre, écorce. Houblon, cônes. Houx, feuilles. Lichen d'Islande. Lichen pulmonaire. Lilas, capsules, feuilles. Lycope. Marrube blane, feuilles, som- milés. EXCITANTS GÉNÉRAUX. Balsamite, fleurs, feuilles, semence. Barbarée, feuilles. Beccabunga. 3erce, feuäiles, semence, ra- cine. Berle. Rétoine, racine, sommilés. Botrys. Calament, sommilés. Camomille fetide, feuilles et fleurs. Camomille romaine, capi- tules. Camphrée, feuilles, som- milés. Capucine, feuilles. Cardamine. Noyer, feuilles, brou. Patience sauvage, racine. Peuplier blanc, écorce , feuilles. Peuplier tremble, écorce , feuilles. Polygala amer, racine. Putiet, écorce. Saule, écorce. Scrofulaire aquatique, racine, feuilles. Trèfle d’eau, feuilles. Tussilage, feuilles. Variolaire. Carvi, semence. Cataire, feuilles, sommités fleuries. Citronnier, écorce ou zeste du fruil. Cochléaria, feuilles. Coriandre, semence. Coronope. Cresson «le fontaine, feuilles, lige. Cresson de Para, feuilles, fleurs. Cumin, semence. Cymbalaire. Diclame de Crète, sommités. Doronic, racine. Fenouil, semence. , CLASSIFICATION THÉRAPEUTIQUE DES PLANTES, Fraxinelle, écorce de la ra- cine. senévrier, baies, bois, feuill. Germandrées s, fe ‘uilles, som- milés fleuries. Hysope, sommités fleuries. Impératoire , racine , se- mence. Julienne. Lavande, sommités fleuries. Laurier d’Apollon, feuilles, baies. Lierre terrestre, feuilles et sommilés. Livèche, racine, feuilles. Marjolaine, sommités. Marum, feuilles, sommités. Marrube blanc, feuilles, som- milés. Matricaire, sommités fleuries. Matricaire-camomille, som- milés fleuries. Melèze, térébenthine. Melisse, sommilés fleuries. Menthes, sommilés fleuries. Meum, racine. Millefeuille, sommilés fleu- ries. Millepertuis, fleurs, feuilles. Monarde, sommités. Moutarde, semence. Nigelle, semence. Oignon, bulbe. Oranger, écorce du fruit. Ambroisie, feuill., ssmmités. Armoisez somimilés, racine. Aspéruie. Ballote, feuilles, fleurs. Bolet odorant. Botrys, sommiltés. Caille-lait jaune, sommités fleuries. Caille-lait blanc, sommilés fleuries. Chèvre-feuille; fleurs Aconit, -feuilles. Astlragale sans tige, racine. Bardane, racine, feuilles. Buis, bois, feuilles. €hélidoine (dose altérante), racine, feuilles. Douce-amère, {iges. Fumeterre. Genévrier, bois. Gratiole (dose altérante). Hièble, fleurs. Houblon, racines, cônes. Origan, sommilés fleuries. Osmonde, racine. Passerage. Pastel, feuilles. Perce-pierre. | Persil, feuilles, racine, se- mence. Peuplier baumier, bourgeons. Peuplier noir, bourgeons. Piment annuel, fruils. Pins et sapins, bourgeons, térébenthine, elc. Poireau. Polygala vulgaire, racine. Radis, racine. Raifort, racine. xomarin, sommilés. Roquette, feuilles. Santoline blanche, feuilles, fleurs, semence. Santoline des jardins, se- mence. Sarrietle. Sauge, feuilles. Sauge sclarée, feuilles. Sauge des prés, feuilles, sommités. Scrofulaire, racine, feuilles. Serpolet, sommilés. Sisymbre Sophie, semence. Souchet long, racine. Souchel rond, racine. fouilles , ANTISPASMODIQUES. Gui, écorce. Lavande stœchas, sommilés fleuries. Ledon des marais. Matricaire, sommités fleuries. Mélisse, feuilles. Millefeuille, fleurs. Moscatelline. Muguet ou lis des vallées, fleurs, baies. Oranger, fleurs, feuilles. SUDORIFIQUES, DÉPURATIFS. Laiche des sables, racine. Lampourde, racine. Lobélie syphilitique. Mezéréon (dose altérante), écorce. Orme, écorce. Patience sauvage, racine. Patience aquatique, racine. Pensée sauvage, herbe. Persicaire amphibie, racine. Pins et sapins, bourgeons, goudron, etc. | Romarin, 1153 Souci officinal, fleurs, feuill, Tanaisie, fleurs, feuilles, semence. Thym, sommilés. Velar, feuilles. Véronique, feuilles. Parmi les ASTRINGENTS, les AMERS el les EXCITANTS GÉNÉRAUX se trouvent : 4° les principaux FÉBRIFUGES tels que l'absinthe, les amandes amères, la benoîte, la camo- mille romaine, la centaurée (petite), la centaurée calci-e trappe, le chêne, le frêne commun, la gentiane, le houx, le lycope d'Europe, le marronnier d'Inde, le mé- nyanthe où trèfle d'eau, loli- vier, le persil, le prunellier, le puliet ou merisier à grappes, le saule blanc, le tulipier, etc; 2° les ANTIs- CORBUTIQUES : le becca- bunga, la berle, la capucine, la cardamine, le cochléaria, le cresson, la moutarde, la passerage, le pastel, le rai- fort, etc. ; 3° les ANTISCRO- FULEUX : le frêne, l'inule, le noyer, la genliane, le tussi- lage, la plupart des amers et des antiscorbutiques. | Pivoine, racine, fleurs. Primevère, fleurs, feuilles. ‘sommilés fleuries. sauge, sommilés fleuries. Saule, fleurs. Souci des jardins, fleurs. Tilleul, fleurs. Valériane, racine. Vulvaire, sommilés. feuilles, Rosage, feuilles, fleurs. Roseau à balai, racine. Salsepareille de France, cine. Saponaire, feuilles, lige, ra- cine. Scabieuse. Souchet long, racine. Sureau, fleurs, fruits. Trèfle d’eau, feuilles. Vincetoxicum (dose rante), racine. V'&- allé- 1144 Ache, racine. Ail, bulbe. Alliaire. Alkékenge, baies. Arrête-bœuf, racine. Artichaut. Asperge, racine, turions. Avoine, semence. Bardane, semence. Bouleau, sève. Bruyère. eBusserolle, feuilles. Bryone (dose diurétique). Carotle, semence. Cerfeuil, herbe. Gerisier , pédoncules queues. Cétérach. Chardon-roland, racine. Chausse-trappe, racine, se- mence. Chélidoine (dose altérante), racine, feuilles. ou Ache, feuilles. Ail, bulbe. Arum, racine. Aunée, racine. Bolet odorant. Capillaire de Montpellier. Capucine, feuilles. Carragaheen. Chou rouge, feuilles. Colchique, bulbe. Doradille. Absinthe, sommités. Armoise, sommilés. Aristoloches. Busserole (obstétrical). Cataire, sommités fleuries. Aromatiques (plantes) telles que la marjolaine, lu- vande, sauge, thym en poudre. Arnica, fleurs, feuilles. Asarum, feuilles. DIURÉTIQUES. Chiendent, racine. Colchique, bulbe, semence. Digitale, feuilles, semen:e. Epine-vinelte, racine. Fenouil, racine. Fève, cendre des tiges et des gousses. Frêne, écorce de la racine. Fraisier, racine. Frilillaire. Genêt, pousses fleuries, se- mence, cendre. Genévrier, fruits, somm'tés. Géranion-Robert. Grateron, herbe, semence. Gremil, feuilles, semence. Hépatique des fontaines. Herniaire. Hièble, baies, racine. Houx (petit) ou fragon, ra- cine. Millepertuis, sommités. EXPECTORANTS. Genévrier, tige, feuilles, baies. Hysope , sommilés fleuries. Lierre terrestre, sommités. Lichen d'Islande. Lichen pulmonaire. Marrube blanc, sommités fleuries. Millepertuis, sommilés. Navet, racine. Oiguon, bulbe. EMMENAGOGUES. Digitale (action spéciale, an- tihémorrhagique). Matricaire, sonmilés, feuill. Nielle cultivée, semence. Nielle des champs, semence. STERNUTATOIRES OU ERRHINS. Bétoine, feuilles. Euphorbes. Ellébore noir. Muguet ou Lis des vallées, Jteurs. Ptarmique. CLASSIFICATION THÉRAPEUTIQUE DES PLANTES Moularde, semence. Pariélaire, herbe. Persil, racine. Pimprenelle, sommilés. Pins et sapins, bourgeons, goudron, etc. Pissenlit, racine, feuilles. Plantain d’eau, racine. Prêle, tige, feuilles. Raïfort, racine. Reine-des-prés, racine, som- milés. Roquette sauvage. Saponaire. Saxifrage, racine. Scourgeon, semence. Scille, bulbe. Sureau (dose diurétique), écorce intériesre, buies, feuilles. Verge d’or, somimités, feuill. Phellandre aquatique , 5e- mence. Pins et sapins, borrgeons, goudron, etc. Polygala vulgaire, sommilés, racine. Pouliot, sommilés fleuries. Pulmonaire, sommilés fleu- ries. Scille, bulbe, semence. Tussilage, feuilles, fleurs. Pol;trie. Rue (abortif). Safran. Sabine (abortif). Ergot de seigle (obstétrical). Vulvaire (propylamine). (?) Saponine. Sucre et autres substances inertes. Û Tabac. Vératre ou Ellébore blanc. SIALAGOGUES OU MASTICATOIRES. Angélique, racine. Bidens, racine, feuilles. Cresson de Para. Impératoire, racine. Mezéréon, racine, feuilles. Moutarde, semence. Passerage, Persicaire àcre, semence. Pied d’alouetle, semence. Piment annuel, semence. Pyrèthre, racine. Raifort, racine. Tabac, feuilles sèches. CLASSIFICATION THÉRAPEUTIQUE DES PLANTES. Ail, bulbe. Bolet odorant. Céleri. Belladone ? Digitale ? Grande ciguë. APHRODISIAQUES. Chanvre À Gratiole (en lavement). Oronge. ANTIAPHRODISIAQUES. Lupulin. Les cucurbitacées, les aci- dules, les mucilagineux, — 1145 Safran. Sarrielte. Sauge hormin. Onregardail autrefois comme anliaphrodisiaques l’agnus castus et le nénuphar. TÉTANIQUES OU EXCITATEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DU CERVEAU. Arnica, racine, fleurs. Ergol de seigle. (?) Aconit, feuilles. Chélidoine, feuilles, racine. Ciguë, feuilles, semence, ra- cine. Clématile, feuilles. Frêne, feuilles. Aconit, feuilles, racine. Belladone, feuilles, racine. Ciguë (grande), feuilles, ra- - cine, semence. Ciguë (petite), feuilles. Coquelicol, fleurs, capsule. Cynoglosse, racine, feuilles. Digitale, feuilles, semence. Douce-amère, figes. Jusquiame, feuilles. / Arroche, semence. Asaret, racine, feuilles. Bryone, racine. Colchique, bulbe, semence. Fusain, fruit. Genêt à balai, sommilés, fleurs, semence. Genêt d'Espagne, sommités, fleurs, semence. tedoul. (?) Robinier. ALTÉRANTS, FONDANTS. Garou, écorce. cine. Mézéréum, écorce. Mousse de Corse. Orme, écorce. NARCOTIQUES ET SÉDATIFS, Laitue cultivée, feuilles. Laitue vireuse, suc épaissi. Laurier-cerise, feuilles. Laurier-rose, feuilles. Mandragore. e Morelle, rameaux pourvus de fruit. Mouron rouge. Oronge (Fausse). Parisette, feuilles, racine. VOMITIFS OU ÉMETIQUES. Genêt des teinturiers, som- milés, semence. Joubarbe (petite). Lierre grimpant, baies. Moularde, semence. Muguet, fleurs. Narcisse des poètes, bulbe, fleurs. Narcisse des prés, bulle, fleurs. | Sumac vénéneux. Pulsatille, feuilles. Gratiole, herbe fleurie, ra-|Sédon àcre. Varec vésiculeux. Vincetoxicum, racine. Zoslère. Pavot somaifere, capsules, opium indigène. Pavot cornu, feuilles, tiges. Pêcher, feuilles, amandes du fruit. Phellandre mence. Stramoine, feuilles, semence. Tabac, feuilles. aqualique, se- | Pariselle, r'acine. Patience sauvage, racine pul- vérisée. Perce-neige, bulbe. Raifort, racine. ioquette, semence. Scille, bulbe. Violette odorante. Violette de chien. PURGATIFS (laxalifs, catharliques, drasliques). Aclée, racine. Agaric blane. Anagyre, feuilles. Baguenaudier, feuilles. Belle-de-nuit, racine. Bourgène, écorce intérieure. Bryone, racine. Camelée. Carthame, fleurs. Coloquinte, fruit. Coronille, feuilles. Cynanique de Montpellier. Ellébore noir, racine. Ellébore blanc, racine. Ellébore vert, racine. Ellébore félide , racine, feuilles. Eupatoire d’Avicenne , ra- cine. Euphorbe cyparisse,semence, feuilles, racine. Euphorbe réveille-matin, se- mence, feuilles, racine. Euphorbe des marais, se- mence, feuilles, racine. Euphorbe nummulaire, se- mence, feuilles, racine. Euphorbe épurge, semence. 1146 Faux ébénier, pousses, se- mence. Frène, feuilles. Fusain, fruils. Genèêt à balai, feuilles, fleurs et fruils. Iris des marais, racine. Iris félide, racine. Iris gemanique, racine. Laser à larges feuilles, racine. Lierre grimpant, baies, feuilles. Genêt des teinturiers, feuil-| Lin purgatif, herbe. les, fleurs et fruits. Genêt d’Espagne, feuilles, fleurs et fruits. Globulaire turbith, feuilles. Gratiole, herbe fleurie. Hièble, racine, écorce, fleurs. Houx, baies. Liseron des champs, feuilles, racine. Liseron des haies, feuilles, racine. Mercuriale annuelle, herbe. Momordique, fruit, racine. Moutarde blanche, semence. CLASSIFIGATION THÉRAPEUTIQUE DES PLANTES. Moutarde noire, huile douce de la semence. Nerprun, fruils. Noyer cendré, écorce. Pècher, fleurs, feuilles. Pigamon, racine. Polypode, souche. Prunier, pruneaux. Rhapontic, racine. Ricin, fruits, huile. Soldanelle Sureau, écorce intérieure. Tam. Velvote. ABSORBANTS EXTERNES ET HÉMOSTATIQUES SPÉCIAUX. Amidon. Bolet amadouvier. Duvet de la semence de peu-| Colophane. plier du Canada, Ail, bulbe. Aïlanthe, écorce. Alliaire, feuilles. Anémone, feuilles, racine. Anémone pulsatille, feuilles. Arum, racine, fouilles. Bryone, racine. Camelée. Chélidoine. Clémalite, tiges, feuilles. Dentelaire. Ellébores, racines. Lycoperdon. RUBÉFIANTS ET VÉSICANTS. Euphorbes, feuilles. Garou, écorce. Mézéréon, écorce, fruil. Moutarde, semence. Népnuphar, racine fraiche. Noyer, écorce de la racine. Ortie brülante. Ortie dioïque. Piment annuel, semence. Plantain aquatique. Raifort sauvage, d Renoncules. Lycopode. Son. Roquetle sauvage. Rue. Sabine. Velar, Vermiculaire brülante. Poux Moxas. Agaric de chêne ou amadouvier. Armoise, feuilles etsommilés. Byssus des caves. Vigne, feuilles. bolet VERMIFUGES OÙ ANTHELMINTHIQUES. Absinthe, sommilés. Absinthe marine, herbe. Ail, bulbe. Ailanthe, écorce. Alliaire, feuilles. Ambroisie, sommilés. Amandes amères. Ansérine anthelminthique. Artichaut, feuilles. Aunée, racine. Aurone. Balsamite, fleurs, semence. Belvédère. Bourgène, écorce. Bryone, racine. Camomille, fleurs. Carotte, racine cruc. Chélidoine, racine, feuilles. Colchique, bulbe. Coloquinte, fruil. Coriandre, semence. Cyclame, racine. Ellébore noir, racine. Ellébore fétide, racine. Eupatoire d’Avicenne. Eupaloire de Mésué. Fougère mâle, racine. Fusain, fruit. Genévrier, huile de cade. Genliane, racine. Gratiole, feuilles. Grenadier, écorce de la ra- cine. Lin cultivé, huile. Lin purgatif, Liseron, feuilles, racine. Millepertuis, semence, fleurs, huile essentielle. Mousse de Corse. Moutarde, huile douce. Mürier, écorce de la racine. Nielle ou Nigelle, semence. Noyer, brou-de-noix, huile. Oignon, bulbe. Olivier, écorce, huile, Osmonde, racine. ———————S «2S © Pêcher, feuilles. Pied d'alouette. Persicaire brülante, feuil'es, semence. Ricin, huile de La semence. Rue, semence. Sabine. Santoline blanche, semence. Santoline des jardins, fleurs, semence. Sapins et Pins, férébenthine, huile essentielle de téré- benthine. Sarriette. < Saule à feuilles de laurier, écorce. Serpolet. Staphysaigre, semence. Tabac, feuilles. Tanaisie. Valériane. Toutes les plantes amères. fleurs, NOTIONS GÉNÉRALES LA RÉCOLTE, LA DESSICCATION LA CONSERVATION DES PLANTES Les plantes qui doivent être employées fraîches seront récoltées par un temps serein plutôt que nébuleux ou pluvieux. Les racines se récoltent au printemps et en automne. Nous préférons en général l’au- tomne pour les racines annuelles et bisannuelles, et le printemps pour celles qui durent . plus de deux annés. Il est des racines qui, essentiellement ligneuses, peuvent être récol- tées en tout temps. Il en est qu'il ne faut arracher de terre que lorsque la partie ligneuse et solide est déjà formée : telles sont celles dont on n’emploie que l'écorce, comme les racines de cynoglosse, de bardane, de quinte-feuille, etc. Il faut, en effet, que cette écorce soit devenue assez épaisse pour qu’on puisse la détacher facilement du corps ligneux. Pour conserver les racines, on doit, autant que possible, s'abstenir de les laver; l’eau en retarde et en rend la dessiccation plus difficile, surtout pour celles qui sont mucilagi- neuses. Il vaut mieux les étendre à l'air pendant un jour ou deux, et les ratisser ensuite légèrement, les brosser, ou les agiter fortement dans un sac de grosse toile pour en séparer la terre et toutes les parties étrangères, les filaments, etc. Cette opération est facile pour les racines un peu fortes, qui ne sont pas composées de plusieurs branches. Dans le cas contraire, on est obligé de les laver. On les coupe ensuite en tranches d’au- tant plus minces qu'elles sont plus charnues et plus difficiles à sécher. Les racines chargées de mucilage, comme celles de guimauve, d’aunée, de grande gentiane, de bar- dane, de grande consoude, etc., se dessèchent difficilement et se moisissent. Leur dessic- cation doit être opérée à l’étuve, on mieux au four, après qu’on en a retiré le pain; mais alors il faut les surveiller, parce qu’elles peuvent se griller, si l’on dépasse le point nécessaire. Les racines fibreuses et ligneuses se dessèchent facilement. Il suffit souvent de les placer sur des claies ou de les enfiler dans une corde et de les exposer à un cou- rant d’air dans un grenier. Les racines se conservent en raison directe de leur état de siccité. Il en est cependant, comme celles de bardane, qui sont, dès la seconde année, attaquées par les vers, et d’autres qui se conservent en bon état au-delà de cinq ans. Il est à remarquer que la racine d’angélique que l’on récolte au printemps est bientôt attaquée par les vers, tandis que celle qui est arrachée en automne se conserve plusieurs années ; ce qui indique qu’en général, ainsi que nous l’avons dit plus haut, on doit récolter de préférence les racines en automne. On doit placer les racines dans des boîtes bien fermées ou dans un local bien sec, les visiter souvent, et si les vers les attaquent, qu’elles se ramollissent ou moisissent, les nettoyer, les passer à l’étuve ou dans un four modérément chauffé. Il est des racines que l’on veut conserver pleines de leurs sucs le plus longtemps pos- sible, parce que leur énergie diminue beaucoup par la dessiccation : telles sont celles du raifort, du pied-de-veau, de l'iris, de la bryone, etc., que l’on conserve en les enfouis- sant dans le sable sec. Les bulbes, les oignons, comme ceux de scille, par exemple, doivent être séchés et conservés de la manière suivante : Après avoir enlevé les tuniques et la tige centrale, on détache toutes les autres squames, à l'exception des plus voisines du centre ; ôn les déchire longitudinalement en plusieurs pièces, et après les avoir enfilées dans une ficelle, on les suspend dans une étuve dont la température est très-élevée jusqu’à ce qu'elles soient bien sèches. 1148 NOTIONS GÉNÉRALES SUR LA RÉCOLTE. Les feuilles et les tiges herbacées doivent être choisies sur des végétaux sains et exposés autant que possible au midi, cueillies à l’époque de la floraison de la plante, par un temps sec, après le lever du soleil et lorsque la rosée est dissipée. On ne doit pas les laisser en tas ni les presser les unes contre les autres, parce qu’elles s’échauffent bientôt et se détériorent. On les étend sur des draps de toile, sur des claies recouvertes d'un tissu à larges mailles, exposées aux rayons du soleil, ou dans une étuve dont la chaleur, de 25 degrés d'abord, est graduellement élevée jusqu’à 36 et même plus. Un grenier exposé au midi et suffisamment chauffé par le soleil peut remplacer l’éluve. On les remue de temps en temps afin que la dessiccation s'opère d’une manière égale, et on les retire lorsqu'elles se brisent entre les doigts. On les laisse alors au contact de l'air pen- dant quelques heures, et, dès qu’elles ont repris un peu de souplesse, on les enferme dans des boîtes que l’on place dans un lieu sec. Les feuilles ainsi préparées conservent leur couleur et une partie de leur arôme. Les feuilles séchées lentement et à l’ombre perdent quelquefois leur odeur et contractent une couleur fauve ou noire; dans cet état, elles sont dépourvues de propriétés. Les bourgeons doivent se récolter au moment où le mouvement ascension de la sève commence, un peu avant leur épanouissement. Les fleurs se cueillent, pour la plupart, avant leur entier épanouissement. Il -en est même plusieurs qu’on récolte quand le calice ne fait à peine que s’entr'ouvrir. La rose de Provins est dans ce cas. 1] en est cependant quelques-unes, comme les violettes, les pensées, elc., qu’on ne doit cueillir qu'après leur entier épanouissement, mais il faut que cet épanouissement se soit opéré depuis peu. Les fleurs des labiées, telles que celles de romarin, de lavande, de sauge, de thym, doivent être cueillies et séchées avec leur calice, parce que c’est là que réside principaletent leur odeur. Celles dont l’odeur réside spécialement dans les pétales sont ordinairement séparées du calice pour la dessiccation; cependant, Baumé a observé qu’on les conservait bien mieux lorsqu'on les faisait sécher avec leur calice. Il y a des fleurs qui, étant trop petites pour être conservées séparément, doivent être cueillies avec les sommilés de la plante ; telles sont celles de l’absinthe, de la petite cen- taurée de l’hyssope, de la fumeterre, du caille-lait, etc. Après les avoir fail sécher en petites bottes, en bouquets, on les enveloppe dans des sacs de papier. Pour conserver le plus possible la couleur et l'odeur des fleurs, on doit les faire sécher promplement au soleil, à une étuve, ou comme pour les feuilles, dans un grenier dont le toit est suffisamment chauffé par la chaleur atmosphérique, en les plaçant sur des papiers soigneusement rangés eux-mêmes sur des claies. On les remue de temps en temps, et lorsqu'elles sont sèches au point d’être réduites en poudre, on les retire pour les placer dans des boîtes ou des bocaux à l'abri de lhumidité. 11 est essentiel que la partie épaisse des fleurs soit également sèche, sinon elles se décolorent et se détériorent promptement. Il est des fleurs, suriout celles qui sont bleues, qui perdent bientôt leur couleur. Cependant celles de mauve restent colorées jusqu’à trois années. La lumière solaire con- tribuant à leur décoloration, nous conseillons de les sécher à l’étuve ou dans un grenier, et de les conserver dans des boîtes garnies de papier, bien fermées et placées dans un lieu sec. Les violettes exigent des soins particuliers : après avoir enlevé les calices et les étamines, on fait sécher les corolles entre deux papiers, dans une étuve chauffée à 30° Réaumur, et on les conserve ensuite à l’abri du contact de l'air, de la lumière et de l'humidité. 11 ne faut pas mettre trop d'importance à la conservation de la couleur des fleurs médicinales; ce n’est point là que résident leurs propriétés. Les fruils qu’on veut employer frais doivent être choisis bien mürs et pleins de sucs ; mais si l’on se propose de les faire sécher, il faut les cueillir un peu avant leur maturité parfaite, et par un temps sec. En général, pour la dessiccation des fruits on doit suivre la même marche que pour les feuilles, les fleurs, les racines, etc. Les fruits pulpeux, tels que la figue, la prune et le fruit du rosier sauvage, ne doivent jamais être séchés au point de devenir tout à fait durs ; il suffit d’en faire évaporer l’excès d'humidité, ce qu’on obtient en les exposant à une chaleur d’abord très-douce, qu’on élève ensuite peu à peu, jusqu’à ce qu'ils soient arrivés au degré de mollesse convenable, Les semences émul- sives, les farineuses et toutes les autres, récoltées parfaitement mûres, se placent sur des toiles de chanvre dans des greniers, à un libre courant d'air, ou dans une éluve mé- diocrement échauffée. On a soin de les remuer souvent, pour renouveler les surfaces en contact avec l'air. NOTIONS GÉNÉRALES SUR LA RÉCOLTE, 1149 Les écorces résineuses doivent être récoltées au printemps, quand les arbres com- mencent à êlre en sève; les non-résineuses, ordinairement en automne. II faut choisir les écorces produites par des arbres vigoureux, sains, dans la force de l'âge, sur des branches de deux ou trois ans. Après les avoir séparées de l’aubier qui pourrait y adhérer, ainsi que des mousses qui couvrent l'épiderme, on les coupe en morceaux d'autant plus pelits qu'ils contiennent plus d'eau de végétation ; on les fait sécher au soleil ou dans une étuve, et on les conserve à l'abri de l'air, de l'humidité et de la poussière, Bien nré- parées, les écorces se conservent en bon état pendant plusieurs années, Les bois indigènes usités en médecine, tels que ceux de genévrier, de buis, de gui de chêne, doivent être récoltés avant le développement des bourgeons ou après la chute des feuilles, On doit choisir les grosses branches, et, à l'exception de celui de genévrier, on laisse l'écorce et l'aubier. Il suffit, pour la dessiccation, de les exposer au soleil ou à l'air, à l'abri de la pluie et de l'humidité, — Nous ne terminerons pas sans dire qu’il faut, autant que possible, renouveler les plantes chaque année, et apporter à leur récolle tous les soins que nous venons de recommander, La négligence, à cet égard, en diminuant ou anéantissant le principe médicamenteux des plantes indigènes, a puissamment contribué à les faire tomber dans le discrédit. A chaque article, on trouvera du reste le mode de récolte et de dessicca- tion qui convient à la plante dont il traite et les soins spéciaux qui président à son choix et à sa conservation. (— Les procédés dont nous venons de nous occuper d’une façon générale s'appliquent surtout à des quantités restreintes de produits. En outre, la dessiccation amène, à sa suite, des altérations sur la nature desquelles L. Schoonbrooût (1) à jeté quelque jour. Les plantes subissent leurs genres d’altérations: le premier, bien connu, est l’évapora- tion d’une partie des principes volalils ; le second, que l’auteur que nous venons de citer a spécialement étudié, est l'oxygénation de la plupart des principes fixes et de la partie restante des principes volatils. Pour obvier à cet inconvénient, qui fait souvent rejeter des plantes récoltées depuis peu, on peut avoir recours à un procédé dont l'industrie a déjà reconnu les avantages pratiques. En Angleterre, en Allemagne et en France, on soumet les houblons à la presse après dessiccation. On réunit ainsi, sous un petit volume, des quantités considérables de produits, tout à fait à l'abri de l’action oxydante de Pair. Ce procédé est probablement d’origine américaine, car c’est en paquets, fortement com- primés, que nous arrive la lobelia inflata. À l'Exposition universelle de Londres (1851), Dorvault dit avoir vu de nombreux spécimens de plantes indigènes séchées prompte- ment et comprimées de manière à acquérir presque la densité du bois. Nous pensons qu'il serait à désirer que ce mode de conservation se vulgarisât.) EEE (1) De l'i-fluence de 12 dessiccation sur les principes actifs des plantes. (fn Journal de meuecine de Bruxelles, décembre 1867 et janvier 1868.) A AS CALENDRIER FLORAL OU INDICATION DE LA RÉCOLTE DES PLANTES Janvier. Pulmonaire de chêne. Noix de cyprès. Champignons médicinaux. Quelques plantes antiscorbu- tiques. Les raisins secs, les jujubes et les figues nouvelles nous arrivent. Février. Le mois de février ne nous fournit aucune plante indi- gène; seulement, sur la fin, lorsque l'hiver a été fort doux, on peut quelquefois se procurer des violettes culti- vées, mais elles ne paraissent généralement que dans le mois suivant. Mars. Bourgeons de peuplier (aussi en avril). Bourgeons de sapin. Renoncule ficaire. Fleurs de giroflée jaune; de pêcher; de pervenche ; de primevère ; de tussilage ; de violettes ; de narcisse des prés. ] et avril. Avril. Bolet &e l’églantier ou bé- déguar. Feuilles d’asarum. MOIS PAR MOIS (1) T CNED Feuilles de renoncule bul- beuse. de narcisse des prés. d’ortie blanche. : de pied-de-chat. de mandragore. Mai. Absinthe, 1"° récolte. Aclée en épi. Anémone pulsatille ou co- quelourde (et avril). Alliaire. Beccabunga. Benoite. Cochléaria, 4"° récolte. Cresson. (Dans les grandes villes, on sen procure toute l’année.) Eupatoire. Lierre terrestre (et juin). Pimprenelle (petite). Pivoine. Pulmonaire officinale. Fleurs de muguet. de pensée cultivée. Grande ciguë. Raifort, 1° récolte. { (quelquefois .(à la fin du * lmois, et juin). Chatons de noyer. Roses pâles ; Roses rouges Juin. FEUILLES ET SOMMITES. Ache. Alleluia. Aneth. Angélique (juillet). Armoise. Aurone. Asarum. Bardane. Belladone, 1'° récoll(e. Béloine. Bourrache. Bugle. Buglosse. Caiïlle-lait. Capillaire de Montpellier. polytrie. . Cardamine. Centaurée (grande), juillet. Jacée. Chamædrys ; Chamæbpitys ; Chardon bénit. étoilé. marie. Chicorée. Digitale, première coupe. On en fait une deuxième en septembre; mais la pre- mière vaut mieux. Épithyme. Épurge. Érysimum. Euphraise. Fenouil. Filipendule. Fumeterre. Gallium jaune (juillet). Géranium bec-de-grue. Germandrée. Guimaurve. Joubarbe. Jusquiame. Laitue vireuse. Laurier-cerise. Marrube blanc. juillet. (1) Ce tableau renferme la sont omises se trouve dans le corps de l’ouvrage plupart des plantes. — Le moment de la récolte de celles qui à l’article qui la concerne. Nummulaire. Pariélaire, Pervenche. Pissenlit. Plantain. Polygala amer. Ronce. Saponaire. Scabieuse. Véronique. Verveine. FLEURS, Buglosse. Coquelicot. Camomille vulgaire, Genèt. Lis blanc. Matricaire. Nénuphar. Oranger (juillet). Pied-de-chat, Plarmique, herbe à éternuer. Rose pâle. muscale. — rouge. Sureau. Souci cultivé, Tilleul. _— FRUITS. Cerises : | Framboises ; Fraises ; Groseilles. Pelites noix. juillet. \ jui Juillet. FEUILLES ET SOMMITES. Absinthe, 2% coupe. Aigremoine. Argentine. Ballotte. Basilic. Bon-Henri. Calament, Cataire. Clématite brülante. . Centaurée (pelite). Chélidoine (grande). Cuscule. Esule (petite). Esule (ronde). Eupatoire. Gratiole. Hyssope (août). Marjolaine. Marum. Mauve. Mélisse. CALENDRIER Mélilot. Menthe crépue, Menthe poivrée. Menthe pouliot, Millefeuille. Millepertuis. Origan. Orpin. Orvale. Passerage. Pied-de-lion. Persicaire. Renoncule àcre. Romarin. Rossolis. Rue. Sabine. Salicaire. Sanicle. sauge. Scolopendre. Scordium. FLORAL, Scorodone ou sauge des bois. Scrofulaire. Sedum àcre ou vermiculaire. Serpolet. Seneçon. Sumac. Tabac. Tanaisie. Thym. Uimaire. Vulvaire, FLEURS. Bluet. Bourrache. Carthame. Chèvrefeuille, Lavande. Mauve. CŒEillet. Pivoine. Ortie blanche. Scabieuse. Souci. Tilleul. Verge-d’or. FRUITS ET SEMENCES. Cassis. Cerises. Daucus ordinaire. Framboises. Fraises. Groseilles. Lupin. Merises. Noix vertes. Orobe. Pavot blanc. Pavot noir. 1151 Persil, Psyllium. Thlapsi, bourse à pasteur. Violette. Août. ÉCORCES. Écorce du sureau. FEUILLES ET SOMMITÉS. Ansérines. Belladone, 2° récolte. Cresson de Para. Menyanthe, Morelle, Noyer. Rue. Stramonium, Turquette. FLEURS. Bouillon blanc. Grenadier, Guimauve. Cônes de houblon. FRUITS ET SEMENCES. Ammi. Carvi. Û Coriandre. Concombre (et septembre). — sauvage. Daucus. Jusquiame blanche. Melon. Mûres. Noix vertes. - Septembre. Feuilles de mercuriale. FRUITS ET SEMENCES. Airelle. Alkekenge (octobre). Berberis. Cynorrhodons (et octobre). Nerprun. Noiseltes. Potiron. Ricin. Sureau. Yèble. RACINES. Acore. Angélique. Aristoloches divcrses. Arrêle-bœuf, Arum. 1152 Asarum. Asclépiade. Asperge. Bistorte. Bugrane. Roseau aromalique. Canne. Chélidoine. Chicorée. Chiendent gros el pelit. Douce-amère. Ellébore blanc. Ellébore noir. Fenouil. Filipendule. Fougère mâle. Fragon. Guimauve. Iris. Nénuphar. Orchis. Oseille. Pain de pourceau. Patience. Persil. Petit houx. Pivoine. Polypode. Pomme de terre. Quintefeuille. Paifort sauvage. Péglisse, CALENDRIER FLORAL,. Saxifrage blanche. Scrofulaire. Tormentille. Valériane. Octobre. Chou rouge. Gui de chêne. Bois de genévrier. Pissenlit. ÉCORCES ET FRUITS. Chêne. Garou. Marronnier. Orme. Genièvre. Coings. Faînes. Noix. Pivoine. Pommes. Aaisins. Ricins. RACINES. Aunée. Bardane. Bryone. Chardon-Poland. Chausse-trappe. Consoude. Gynoglosse. Fraisier. Garance. Impératoire. Rhapontic. Rhubarbe. Novembre et Décembre. La végétalion est à sa fin; les feuilles et les tiges se des- sèchent et tombent de plus en plus ; il ne faut pas atten- dre cette époque pour récol- ter les racines dans la cam- pagne, car rien n’indiquerait plus leur place. D'ailleurs, l'hiver peut se manifester de bonne heure, et la gelée ou la neige rendrait leur re- cherche difficile ou impos- sible. On trouve encore des coings et des baies de geniè- vre dans la première quin- zaine de novembre ; mais, au- tant que possible, il ne faut pas attendre si tard pour les récolter. Vers le milieu de décem- bre, les oranges et les citrons arrivent à Paris et dans nos départements. TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES —2+— Nota. — Cette table ne devra pas servir de MÉMORIAL THÉRAPEUTIQUE sans consulter l’article concernant chaque plante. Si l’on s’en tenait à ce simple rapprochement, on s’exposerait à des mécomptes ou à des erreurs plus ou moins graves. Il faut non-seulement distinguer les plantes dont les propriétés sont bien constatées, de celles qui sont douteuses ou nulles, mais encore en faire une judicieuse application. De plus, on comprendra que, forcé d'adopter la nomenclature de chacun des auteurs cités, nous ayons dû abandonner toute idée de classification méthodique des maladies ‘et nous borner à une simple table analytique. a CON. © ——— A patience, patience des Alpes, pensée sau- ; vage, pin, saponaire, solanine. (Voy. ABAISSEMENT DE LA MATRICE. Sabine, Dartre, Ec:éma chron., etc.) seigle ergoté. AFFECTIONS DARTREUSES. Asclépiade ABCÈS DES POUMONS. Ail, térébenthine. blanche, chélidoine, daphné, ményan- — FROIDS. Arum, asclépiade blanche, the, orme, patience, (Voy. Dartres, Af- berce, patience, rhapontic. fect. herpét.) — MAMMAIRES. Amadou. — DES ORGANES RESPIRATOIRES. ACCOUCHEMENTS. Belladone, cannabjne, Arum, concombre, orge (malt). (Voy. opium, seigle argoté. Calarrhe pulmonaire, Brorchite, etc.) ACHORE. Géranion. (Voy. Croûtes de lait.) — DYSPEPSIQUES, Moutarde. (Voy. Dys- ACRODYNIE. Oseille. pepsie.) ADHÉRENCE DE L'IRIS. Belladone. — ÉRUPTIVES AIGUES. Aconit, amandes ADYNAMIE. Alcool, vin. amères, bourrache, digitale. AFFECTIONS ATONIQUES DU TUBE DI- — GOUTTEUSES. Absinthe, aconil, aga- GESTIF. Ménianthe, méum, patience. ric de chêne, benoite, colchique, ellé- (Voy. Atonie de l'estomac, des voies di- bore blanc. (Voy. Goutte, Arthrite.) gestives.) — HERPÉTIQUES. Ciguë, douce-amère, — BRONCHIQUES. Euphorbe épurge (usage externe), hyssope, pin, tannin. (Voy. Bronclute.) — CANCÉREUSES. Belladone, petite jou- barbe, opium, raisin d'Amérique. (Voy. Cancer.) — CATARRIHALES, Bryone, camphrée, cataire, ciste hélianthème, cynoglosse, douce-amère, genévrier, lamier, lichen d'Islande, millefeuille, millepertuis, nar- cisse des prés, nigelle, pavot, peuplier ellébore noir, ményanthe, noyer. (Voy. Affections culanées chroniques.) — IIYSTÉRIQUES. Agripaume, basilic, méum, romarin, santoline, sauge sclarée,. — LENTES DU FOIE. Grande centaurée, piloselle. (Voy. Hépalile chronique, En- gorzement hépaiique, etc.) — MENTALES. Coloquinte, digitale, ellé- bore noir. (Voy. Aliénation mentale, Folie, Manice.) baumier, pin, pulicaire, réglisse, roseau DAT as Béloine, patience des ue à dt en — NERVEUSES. Ambroisie, caille-lait, — COMATEUSES. Ail, momordique , ciguë, lavande, millefeuille, moscatel- moularde. (Voy. Affections soporeuses.) line, opium, phellandre, valériane, véra- — CUTANÉES CHRONIQUES. Amandes | tine, violette. (Voy. Névr., Névralg.) amères, argemone, asaret, aunée, buis, | — NERVEUSES TRAUMATIQUES. chélidoine, chicorée sauvage, daphné, OPUS A TR | ; douce-amère, ellébore blanc, eupatoire, — NEY RALGIQUES, Camomille romaine. fumeterre, genévrier, houblon, laiteron, (Voy. Névralgies.) Jaurier-çerise, lin, lupin, lycopode, orme, — OCULAIRES, Argemone, atropine, bel- 73 1154 ladone, daphné (usage externe), injec- tions sous-cutanées, Jusquiame, mor- phine. AFFECTIONS RHUMATISMALES. Poly- gala. (Voy. Rhumalisme.) — RHUMATISMALES CHRONIQUES. garic de chêne (usage externe), arum, bénoite, bigarade, bouleau, buis, douce- amère, houx, millefeuille, moutarde, opium, poix de Bourgogne, roseau à ba- lais, sceau de Salomon. (Voy. Rhuma- tisme.) — SCORBUTIQUES. Acide pyroligneux, airelle, chardon bénit, cochléaria, cres- son alénois, cresson de fontaine, cresson de Para, crithme maritime, fumeterre, julienne, menyanthe, moutarde, navet, oignon : ANTISCORBUTIQUES. (VOy.Scorb.) — SCROFULEUSES. Absinthe, absinthe marine, aconit, arnica, asclépiade blanche, cakile, chélidoine , chêne, daphné, digitale, ellébore blanc, frêne, fumeterre, gentiane, houblon, iodure d’amidon, julienne, lierre grimpant, mo- mordique, osmonde, salicorne, tussilage, varec vésiculeux, zostère. (Voy. Scr'o- fules.) — SÉCRÉTANTES DE LA PEAU. Gené- vrier oxycèdre, tannin. (Voy. Eciéma, Dartres, etc.) — SOPOREUSES. Agaric blanc, colo- quinte, menthe poivrée, pulsatille. (Voy. Affec'ions comateuses.) — SPASMODIQUES. Belladone, parisette, solanine, valériane. (Voy. Cunvulsions, Spasmes.) — SQUIRRHEUSES. Ellébore blanc. (Voy. Squirrhe.) — STRUMEUSES. (Voy. Affections scro- fuleuses, Scrofules.) — SYPHILITIQUES. Asclépiade blanche, bardane, buis, chélidoine, daphné, douce- amère, laiche des sables, noyer, sabine, salsepareille d'Europe, saponaire. (Voy. Syphilis.) — TUBERCULEUSES. Jusquiame. (Voy. Phthisie pulmonaire, Tubercules.) — UTÉPINES. Massette. — VÉNÉRIENNES. (Voy. Affections syphi- litiques.) — VERMINEUSES. Acide cyanhydrique, ail, camomille romaine, petite centaurée, ciguë, ellébore noir, ellébore fétide, gra- tiole, houblon, momordique , mousse de Corse, noyer, roseau aromatique, rue, sabine, tulipier : VERMIFUGES. (VOy. Asca- rides lombricoïdes, Ascarides vermicu- laires, Ténia, Vers, Ver solitaire.) AGALACTIE. (Voy. Lai.) ALBUMINURIE. Ail, alkékenge, arrête- bœuf, bruyère, busserole, colchique, euphorbe épurge, .genêt à balai, gené- TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. vrier, julienne, moutarde, raifort sau- vage, scille, tannin. ALBUMINURIE AIGUE. Digitale. (Voy. Né- phrile albumineuse.) ALCOOLISME. Asarum, cannabine. ALIÉNATION MENTALE. Jusquiame, man- dragore, opium, stramoine. (Voy. Affec- tions mentales, Folie, Manie.) ALOPÉCIE. Ellébore blanc, tabac. AMAUROSE. Arnica, belladone, delphine, pulsalille, vératrine. AMÉNORRHÉE. Absinthe, aconit, angé- lique, aristoloche, armoise, aunée, bo- trys, camoimille romaine, carline, ca- taire, chélidoine, cumin, eupatoire, fraxinelle, germandrée, germandrée aquatique, germandrée maritime, giro- flée jaune, hysope, laurier d’Apollon, livèche, marrube, matricaire, ményan- the, momordique, origan, persil, peuce- dan, pulsatille, romarin, rue, sabine, seigle ergoté, serpolet, souci de jardins : EMMÉNAGOGUES. AMYGDALITE. Hysope, noyer, pommier. vélar. (Voy. Angine, Engorgement des amygdules.) — CHRONIQUE. Plarmique. (Voy. En- gorgement des amygdules.) ANAPHRODISIE. Gratiole, moutarde, ortie, APHRODISIAQUES. ANASARQUE. Absinthe, acide gallique, ail, alkékenge, argentine, arrète-bœuf, asclé- piade blanche , aunée, bruyère, cam- phrée, carthame, chardon-roland, chêne, cochlearia, colchique, cresson de fon- taine, cresson alénois, delphine, digitale, genêt à balai, genévrier, germandrée aqua- tique, germandrée sauge des bois, gre- mil, hépatique des fontaines, herniaire, hièble, iris commun, iris jaune, ju- lienne, laitue, laitue vireuse, mille- pertuis, momordique, moutarde, mou- tarde blanche, oignon, olivier, orge, orge (drèche), persicaire âcre, persil, pissenlit, raifort sauvage, reine des prés, scille, souci des jardins, tarlre (crème de), térébenthine (essence de), vinaigre : DIURETIQUES, DRASTIQUES. (Voy. Hydro- pisie. ANGINE. Aconil, aigremoine, alaterne, alleluia, belladone, brunelle, chêne, épine-vinette, fraisier, framboisier, géra- nion, groseillier, guimauve, laurier-ce- rise, moutarde blanche, nerprun, oreille de Judas, persicaire àcre, phillyrée, romarin, violette. — COUENNEUSE. Ail, citronnier. — DE POITRINE. Bignone catalpa, cicu- tine, laitue vireuse, opium. — GANGRÊNEUSE, Citronnier, — LARYNGÉE. Opium. — OEDÉMATEUSE. Moutarde. TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. 1155 ANGINE PULTACÉE. Quinte-feuille. — TONSILLAIRE. Joubarbe, moutarde blanche, noyer, sauge oflicinale, sumac des corroyeurs. ANOREXIE. Angélique, aristoloche, car- line, chardon bénit, citronnier, clématite, moutarde. (Voy./nappélence, Dyspepsie.) ANTHRAX. Lis blanc. (Voy. Furoncle.) APHONIE. Abricotier, ache, belladone, vélar. APHTHES. Acide acétique, bistorte, fenu- grec, joubarbe, lysimache vulgaire, né- Îlier, noyer, persicaire àcre, ronce, sauge officinale, troêne. APOPLEXIE. Camelée, coloquinte, ellé- bore noir, gratiole, moutarde, nerprun, ortie, térébenthine (essence de). — SÉREUSE. Euphorbe épurge : PurGA- TIFS, RUBÉFIANTS. ARTHRITE. Belladone, chou, ellébore blanc, hiéble, douce-amère. (Voy. En- gorgement articulaire, Goutte, Rhuma- tisme articulaire.) ASCARIDES LOMBRICOIDES. Absinthe, ail, germandrée aquatique, hièble, hy- sope, polypode, tanaisie, térébenthine (essence de) : VERMIFUGES. (Voy. Oxyu- res). — VERMICULAIRES. Absinthe, ail, bette- rave (noire), gentiane, gratiole, hièble, houblon, lin, momordique, rue, tanaisie, térébenthine : VERMIFUGES. ASCITE. Daphné, euphorbe épurge, gerêt d'Espagne, iris commun, iris jaune, laitue vireuse, olivier, sureau. .— AIGUE. Belladone, pommier : DIurÉ- TIQUES. (VOy. Hydropisie.) ASPHYXIE. Euphorbe épurge, menthe poivrée. — PAR SUBMERSION. Tabac. ASTHME, Ache, agaric, agaric blanc, ail, alcoo!, ambroisie, aristoloche clématite, arnica, arum, bignone catalpa, bella- done, botrys, calament, camphrée, ca- rotte, cochléaria, épiaire, genévrier, germandrée aquatique, goudron, hys- sope, impéraloire, iris commun, ivette, julienne, lavande, lichen d'Islande, lierre terrestre, marrube blanc, menthe poi- vrée, menthe pouliot, méum, millefeuille, millepertuis, narcisse des prés, navet, origan, petite passerage, phellandre, polygala, séve de pin maritime, térében- thine (essence de), violette. — NERVEUX ou SPASMODIQUE. Aco- nit, belladone, bignone catalpa, cicutine, douce-amère, gui, jusquiame, laitue vi- reuse, laurier-cerise, lin (papier), mé- lisse, opium, oranger, safran, solanine, stramoine, valériane. ATONIE GÉNÉRALE. Angélique, chardon bénit, genévrier, houblon : Toniques AMERS. — DES VOIES DIGESTIVES. Absinthe, aunée, camomille, petite centaurée, char- don bénit, chicorée sauvage, ciste hé- lianthème, coignassier, coriandre, fe- nouil, gentiane, germandrée ivette, men- the poivrée, ményanthe, rhapontic, rhubarbe, roseau aromatique, sauge officinale, saule blanc, tulipier : Toni- QUES AMERS. — DES ORGANES GÉNITO-URINAIRES. Arnica, térébenthine (essence de). (Voy. Anaphrodisie.) AVORTEMENTS (pour prévenir les). Bel- ladone , ergot de seigle, millefeuille, opium, B. BLENNORRHAGIE AIGUE. Belladone, berce, chanvre, citrouille, jusquiame, lin, onoporde, opium, oranger, parié- taire, pavot. — CHRONIQUE. Busserole, chêne, douce- amère, genévrier, goudron, persil, pin et sapin, tannin, térébenthine : ASTRIN- GENTS. (Voy. Chaude-pisse.) BLENNORRHÉE. Buis, chêne, digitale, ge- névrier, goudron, orgenum, persil, pyro- thonide, rhapontic, sabine, tannate de bismuth, de zinc, tannin, térébenthine, — ANALE. Millefeuille. BLÉPHAROSPASME. Belladone. BOUFFISSURES. Aristoloche clématite. (Voy. ŒEdème.) BOURSOUFLEMENT DES GENCIVES. Coi- gnassier, salicorne, (Voy. Engorgement (les gencives.) BOUTONS. Bouleau, oignon. (Voy. Affec- lions cutanées chroniques.) BRONCHITE. Amandes douces, ancolie, caroubier, cicutine, coignassier (se- mence), hyosciamine, jujubier, opium, pistachier, violette : ApoucIssANTs. (Voy. Catarrhe pulm.) — CHRONIQUE. Agripaume, alcool, asa- ret, Capucine, chou, codéine, douce- amère, Opium, petite passerage, térében- thine, sauge : EXPECTORANTS. (Voyez Catarrhe pulmonaire chronique.) BRONCHORRHÉE. Arum, aunée, bryone, genévrier, laurier d’Apollon, marrube blanc, térébenthine. BRULURES. Belladone, cameline, citrouille, coignassier, cynoglosse, ergotine Bon- jean, groseillier rouge, houx (glu), jou- barbe, laurier-cerise, lentille d’eau, lierre terrestre, lin, lis blanc, massette, melon, millepertuis androsème, oignon, olive (huile d’), opium, orme, ortie, peuplier 1156 noir, poireau, pomme de terre, safran, stramoine, tannate de plomb, tilleul, C. CACHIEXIE ET CACHEXIE PALUDÉENNE. Absinthe, ache, agaric blanc, aigre- moine, alkékenge, arrête-bœuf, arum, barbarée, bénoite, cakile, caprier, capu- cine, petite centaurée, chélidoine, chêne, cochléaria, cresson de fontaine, gené- vrier, germandrée aquatique, german- drée sauge des bois, gratiole, houblon, julienne, ményanthe, moutarde, mou- tarde blanche, pissenlit, prêle, raifort sauvage, reine des prés, saponaire, sauge officinale, souci des jardins, vigne (vin). CALCULS BILIAIRES. Chiendent, citron- nier, essence de térébenthine, ricin. — ENGAGÉ DANS LE CANAL DE L'U- RÈTRE. Belladone. — URINAIRES. Busserole, chou, cochléa- ria, cresson de fontaine, ergot de seigle, pêcher, saxifrage’ : DIURÉTIQUES. CANCER. Acide acétique (injections sous- culanées), morphine (injections sous- culanées'. — DU SEIN. Acide cyanhydrique, agaric de chêne, belladone, carotte, chou, ciguë, (grande), impératoire, lampourde, laurier-cerise, morelle, mouron rouge, opium, tannin. — CUTANÉ. Lycopode. — ENCÉPHALOIDE. Tannin. — DE L'UTÉRUS. Acide cyanhydrique, charbon végétal, ciguë (grande), mor- phine. — DES TESTICULES. Acide cyanhydri- que, grande ciguê. CANCROIÏIDE. Acide acétique (usage ex- terne). — CARDIALGIE. Agripaume, carvi, mé- lisse, millefeuille, oranger, sauge offici- nale. tilleul : ANTISPASMODIQUES. CARIE DENTAIRE, Créosote, lentisque (mastic). — SCROFULEUSE. Agaric de chêne {moxa), citron. CARREAU. Chône, houblon. lierre grim- pant, lin, osmonde royale, rhubarbe. (Voy. Scroful!es.) CATALEPSIE. Essence de térébenthine , valériane : ANTISPASMODIQUES. CATARACTE. Belladone, delphine, jus- quiame, pulsatille, vératrine. CATARRHE PULMONAIRE AIGU. Aconit, ‘ avoine, bouillon blanc, bourrache, co- quelicot, digitale, figuier, guimauve, mé- zereum, orpin, pomme de terre, pulmo- naire, son, violette : ADOUCISSANTS, ÉMOLLIENTS. — PULMONAIRE CHRONIQUE. Ache, TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÈRAPEUTIQUES. acide cyanhydrique, actée, ail, am- broisie, anis, arnica, arum, asarum, aunée, bardane, bénoite, béloine, bo- trys, boucage, buis, busserole, cala- ment, cataire, chardon bénit, chou rouge, chervi, ciguë, cochléaria, cres- son de fontaine, digitale, doradille douce-amère, épiaire, eupatoire, ga- léopside, germandrée, germandrée aqua- tique, germandrée maritime, goudron, grande centaurée, houblon, houx, im- pératoire, julienne, laitue vireuse, laurier d’Apollon, lavande, lentisque {mastic), lichen d'Islande, lichen pixidé, lichen pulmonaire, lierre terrestre, marrube blanc, mélisse, millepertuis, moutarde blanche, moutarde noire, oignon, origan, peucedan, peuplier, phellandre, poix de Bourgogne, polygala, raifort sauvage, romarin, rosier, rue, sauge officinale, scolopendre, scille, tabac, térébenthine, vélar. (Voy. Bronchile, Bronchorrhée.) EXPECTORANTS. CATARRHE DE LA VESSIE. Ambroisie, arrête-bœuf, aunée, bruyère, busserole, cassis, chanvre, ciguë, doratille, gou- dron, herniaire, if, lupulin, millepertuis, opium, pêcher (feuilles), persicaire âcre, peuplier baumier, pin et sapin, scille, té- rébenthine (essence de). — UTÉRIN. Pavot, pomme de terre, tannin. (Voy. Leucorrhée.) CÉPHALALGIES. Agaric blanc, angélique, anis, basilic, ivraie, lentille d’eau, ma- tricaire, menyanthe, muguet, stramoine, tabac : STERTUNATOIRES. — FÉBRILE, Joubarbe. — NERVEUSE. Aconit, ellébore noir, jusquiame, menthe poivrée, oranger. — OPINIATRE. [ris jaune. CÉPHALÉES. Arum, asaret : STERNUTA- TOIRES. CHANCRE. (Voy. Cancer.) CHAUDE-PISSE CORDÉE. Jusquiame, lu- pulin, opium. CHLOROSE. Absinthe, agaric blanc, angé- lique, armoise, arrête-bœuf, asclépiade blanche, aunée, camomille romaine, ca- prier, calaire, coloquinte, eupatoire, fraxinelle, garance, genévrier, gentiane, germandrée aquatique, germandrée ma- rilime, hysope, impératoire, petite jou- barbe, laurier d’Apollon, livèche , mar- rube blanc, ményanthe, moutarde, oranger, origan, raifort sauvage, rha- pontic, tannin, tilleul, vigne (vin) : To- NIQUES AMERS. — MÉNORRHAGIQUE. Seigle ergoté. CHOLÉRA ASIATIQUE. Ail, airelle, ar- nica, belladone, chanvre, menthe poi- vrée, moularde, opium, ortie, poirier (poiré), salicylite de potasse, souchet TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES, rond, térébenthine (essence de), vigne (vin) : EXCITANTS GENÉRAUX CHORÉE. Aconit, ambroisie, armoise, ar- nica, alropine, caille-lait, cardamine, colchique, ellébore noir, joubarbe, pe- tite joubarbe, opium, oranger, rue, stra- moine, tanaisie, valérianate d’atropine, valériane. — MERCURIELLE. Opium. CHOROIDITE CHRONIQUE. Belladone, es- sence de térébenthine. CHUTES. Arnica, osmonde royale, pâque- relle. — DE MATRICE, Coignassier. Abaissement de matrice.) — DU RECTUM. Chône, ciguë, coignas- sier, cyprès, grenadier, millefeuille, myrle, vin : TONIQUES ASTRINGENTS. (Voy. Frolapsus du rectum.) COLIQUES. Alises, amandes douces, angé- lique, mélilot, olivier, ricin, tilleul. — FLATULENTE ou VENTEUSE. Aneth, angélique, anis, camomille romaine, carvi, chêne, cumin, hyssope, impéra- toire, mélilot, millefeuille, rue : AnrTiI- SPASMODIQUES. — JHIÉPATIQUE. Belladone, laitue vi- reuse, opium, térébenthine (essence de). — NÉPHRÉTIQUE. Belladone, busserole, opium : NARCOTIQUES. — NERVEUSE. Belladone, caille-lait , malricaire, menthe poivrée, moscatel- line, oranger, pavot, safran, tilleul. (Voy. Entéralqie.) ANTISPASMODIQUES. — SATURNINE ou DE PLOMB. Bella- done, coloquinte, euphorbe épurge, lin, moularde, narcisse, opium, tabac. — SPASMODIQUE. Anis, camomille ro- maine, millefeuille, tanaisie. — UTÉRINE. Menthe poivrée : ANTISPA- MODIQUES. COMMOTION CÉRÉBRALE. Arnica, pà- querette, scille. CONGESTION. Moutarde : RUBÉFIANTS. — CÉRÉBRALE. Coloquinte, moutarde, nerprun : PURGATIFS DRASTIQUES (en la- vement), RUBÉFIANTS. — DES TONSILLES, Noyer. CONSTIPATION. Amandes douces (huile), belladone, bette, cameline, coloquinte, cyclame, ellébore bl., euphorbe épurge, lin, mauve, mercuriale, moutarde, mou- tarde blanche, olivier (huile), ricin, ta- bac : PURGATIFS. CONSTRICTIONS SPASMODIQUES DE L’A- . NUS, DE L'URÈTHRE, DE L’ANNEAU INGUINAL, DU COL DE L'UTÉRUS, etc. Belladone. CONTRACTIONS SPASMODIQUES. Bella- done, valériane : ANTISPASMODIQUES. CONTUSIONS. Ache, arnica, balsamite, Lelladone, bugle, hièble, houblon, jus- (Voyez 1157 quiame, laurier-cerise, morelle, mor- phine (injections sous-cutanées), pavot cornu, persil, sauge officinale, sceau de Notre-Dame, sceau de Salomon, tormen- tille. CONVALESCENCE. Aünée, vin AMERS. CONVULSIONS. Amandes douces, armoise, belladone, douce-amère, gui, millefeuille, muguel, oranger, pivoine, séneçon, stramoine, térebenthine (essence de), tilleul, valériane (Voy. A fections convul- sives.) ANTISPASMODIQUES. COQUELUCHE, Acide acétique, aconit, acide gallique, acide cyanhydrique. amandes amères, ambroisie, asaret, belladone, bénoile, bryone, camphrée, chêne, cicu- line, ciguë, coquelicot, douce-amère, gui, iris Commun, jusquiame, lacluca- rium, menthe pouliot, narcisse des prés, navet, opium, parisetle, pêcher, phe!- landre, phloridzine , pivoine, pulsatille, safran, seigle (ergot de), serpolet, sola- nine, stramoine, tabac, lérébenthine, va- lérianate d'atropine. CORS. Acide acétique, anémone des bois, joubarbe, lierre, vermiculaire. CORYZA. Acide acétique (à l'extérieur), anémone des bois, opium, sureau, tussi- lage. — CHRONIQUE. Genévrier (baies en fu- migation), moutarde, tannin. COUPEROSE. Acide cyanhydrique, bou- leau. CRÉPITATION DOULOUREUSE DES TEN- DONS. Moutarde. CREVASSES HÉMORRHOIDALES. Bella- done. CROUP. Ail, belladone, digitale, oseille, polygala, tannin. CROÛTE DE LAIT, Ancolie, belte, chou, mercuriale, pensée sauvage, séneçon. CYSTITE AIGUE. Citrouille, figuier, lin, mauve, opium, orchis mâle, orge, parié- taire, lérébenthine. — CHRONIQUE. Aconit, arrête - bœuf, busserole, essence de térébenthine. D. DARTRES. Amidon, asclépiade blanche, aunée, bardane, belladone, bouleau, buis. camphrée, carline, chanvre, chêne, tannin, chou, ciguë, citronnier, daphné, douce-amère, ellébore noir, fumeterre, genévrier oxycèdre, goudron, hièble, houblon, huile de cade, joubarbe, lam- pourde, lin, morelle, moutarde, noyer, orme, oseille, patience, pensée sau- vage, pissenlit, plantain, pulsatille, raisin d'Amérique, ricin, saponaire, scabieuse, scrofulaire, sumac vénéneux, : TONIQUES 1158 vin : DépurATirs. (Voy. Affections dar- treuses, Affections herpéliques.) DÉBILITÉ GÉNÉRALE. (Voy. Atonie gé- nérale.) — DE L'ESTOMAC ET DES ORGANES DIGESTIFS. Anis," Carvi, Cataire, char- don bénit, cresson, fumeterre, laurier d’Apollon, lavande, lichen d'Islande, monarde, moutarde blanche, myrthe, oranger, origan, pissenlit, sarrielte : EXCITANTS GÉNÉRAUX, TONIQUES AMERS. (Voy. Atonie de l'estomac, Atonie des voies digestives.) DÉLIRE DES BLESSÉS. Opium. DELIRIUM TREMENS. Asarum, belladone, digitale, gratiole, impératoire, jusquiame, opium, piment annuel. DÉMENCE. Ellébore blanc. (Voy. Aliénation mentale, Manie, Folie.) DENTITION. Belladone, daphné, guimauve, safran. DERMATOSES. Bardane, douce -amère. (Voy. Affeclions cutanées chroniques, Affections herpétiques, Dartres, etc.) — SYPHILITIQUES. Douce-amère, mé- zéréum. (Voy. Syphilides.) DIABÈTE. Betterave, citronnier, créosote, cresson, gluten, opium, orge, ortie, sumac vénéneux, térébenthine (essence de). DIARRHÉE. Abricotier, absinthe, airelle, alises, amidon, argentine, arnica, arti- chaut, asaret, aubépine, aunée, aunée dysentérique, bénoite, bistorte, bouillon blanc, bourse-à-pasteur, brunelle, bus- serole, camomille romaine, camphrée, cassis, pelite centaurée, chêne, éoignas- sier, grande consoude, créosote, cyno- glosse, cyprès, doradille, ergot de seigle, fenugrec, fève commune, filipendule, frai- sier, frêne, gentiane, grenadier, houblon, iris jaune, joubarbe, lamier blanc, lentis- que, lichen d'Islande, lin, Iycopode, mil- lefeuille noire, millet, myrte, narcisse des prés, néflier, noyer, nummulaire, opium (diascordium), orchis mâle, ortie dioïque, parnassie, patience aquatique, pavot, per- sicaire douce, pervenche, peuplier bau- mier, pied-de-chat, pigamon, piloselle, prunellier, pulicaire, pyrole, reine des prés, renouée, rhapontic, rhubarbe, ricin, riz, ronce, rosier, salicaire, sanicle, saule blanc, sauge officinale, sorbier domestique, sorbier des oise- leurs, sumac des corroyeurs, sureau, tannate de bismuth, tannin, tilleul, té- rébenthine, vigne (vin), vinaigre : ADOU- CISSANTS, ASTRINGENTS. DOULEUR. Aconit, belladone, ciguê, jus- quiame, morphine, opium, stramoine. DOULEURS ARTHPITIQUES. Arnica, chou, houblon, moutarde, vigne (vin). TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. DOULEURS DE L'OEIL. Cigué. — D'ESTOMAC. (Voy. Gustralgie.) — DU CANCER. Opium. (Voy. Chancres douloureux.) — GASTRALGIQUES. (Voy. Gastralgie.) — HÉPATIQUES. Amandes amères. — HÉMORRHOIDALES. Belladone, bouil- lon blanc, houblon, opium, pavot cornu. — NÉPHRÉTIQUES. Amandes douces, amandes amères, belladone, hépatique des fontaines, olivier, opium, pêcher (feuilles), plantain d’eau. — NERVEUSES. NARCOTIQUES. (Voy. Né- vralgies.) — OSTÉOCOPES. Aconit, daphné, douce- amère, pastel. — RHUMATISMALES. Menthe poivrée, orme, pâquerette. (Voy. Rhumatisme.) DYSCRASIE. Cresson. (Voy. Cachexie.) DYSENTERIE. Acanthe, aconit, agaric blanc, airelle, argentine, arnica, aubé- pine, aunée dysentérique, belladone, bé- noite, betterave, bistorte, bouillon blanc, bourse-à-pasteur, brunelle, bryone, bugle, camomille puante, camphrée, charbon de sucre, chêne, chervi, ciste hélianthème, citronnier, coignassier, grande consoude, coquelicot, épine-vi- nette, ergotine, fenugrec, filipendule, fraisier, frêne, grenadier, iris jaune, joubarbe, lactucarium, lin, lycopode, millefeuille, millefeuille noire, narcisse des prés, noyer, nummulaire, opium, opium (diascordium), oranger, orchis mâle, orge, ortie dioïque, patience aqua- tique, peuplier baumier, platane, puli- caire, reine des près, rhubarbe, ricin, sanicle, sorbier domestique, sumac des corroyeurs, sureau, tannin, tormentille, vinaigre, violette, viorne : ASTRINGENTS, MUCILAGINEUX, NARCOTIQUES, VOMITIFS, suivant les indications. DYSMÉNORRHÉE. Ache, apiol, belladone, botrys, camomille puante, ergot de seigle, joubarbe, laitue, matricaire, menthe poivrée, opium, tanaisie : ANTI- SPASMODIQUES, NARCOTIQUES. DYSPEPSIE NERVEUSE ou PAR DÉ- BILITÉ DE L'ESTOMAC. Absinthe, alises, aspérule, bénoite, botrys, camo- mille romaine, charbon végétal, char- don bénit, dextrine, fenouil, gentiane, oranger, orge (malt), piment, phlo- ridzine, sauge officinale, saule blanc, tannin, tilleul, véronique, verveine, vigne vin). ge : CRAPULA. Asaret. DYSPNÉE. Acide hydrocyanique, ail, angé- lique, anis, belladone, bolet odorant, digitale, pied d’alouette, valériane : SÉ- pATIFS. (Voy. Asthme.) DYSURIE. Arrète-bœuf, hépatique des fon- TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. taines, œnanthe fistuleuse, oranger, pa- riélaire, peuplier baumier, tabac, E. ECCHYMOSE. Anis, arnica, chêne, hyssope, menthe poivrée, moutarde, pervenche, safran, tormentille, vigne vierge ou tam (alcool, vinaigre) : ASTRINGENTS. (Voy. Contusions.) ECLAMPSIE DES ENFANTS. Pivoine, valé- riane. (Voy. Convulsions.) — PUERPERALE. Ergot de seigle. ECOULEMENTS ATONIQUES. Millefeuille noire : ASTRINGENTS. — CHRONIQUES MUQUEUX. Aigre- moine, genévrier, grenadier, lycope, pin, rosier : ASTRINGENTS. ECZÉMA CHRONIQUE. Bouleau, tannin. — AIGU. Joubarbe. — 54 BOURSES ET DES SEINS. Lyco- ode. ELEPHANTIASIS. Ellébore blanc, ellébore noir, fumeterre, orme. EMBARRAS GASTRIQUE. Citronnier, crème de tartre, éméline indigène, oseille. EMPATEMENT DES VISCÈRES ABDOMI- NAUX. Petite joubarbe, marrube blanc, pivoine. (Voy. Engorgement des viscères abdominaux.) EMPHYSÈME PULMONAIRE. Opium. (Voy. Asthme.) EMPOISONNEMENT PAR DES SUBSTAN- CES ACRES ET CORROSIVES, Glu- ten, guimauve, olivier, ricin. — PAR LA NOIX VOMIQUE. Opium, pa- risette. — PAR LES CHAMPIGNONS. Acide acé- tique, poirier. EMPYÈME. Cresson de fontaine. ENCHIFRÈNEMENT. Tabac. ENGELURES. Acide gallique, belladone, cyclame, jusquiame, lis blanc, moutarde, navet, orme, pyrothonide, raifort cul- tivé, sauge officinale. ENGORGEMENTS ARTICULAIRES. Bella- done, ciguë, grenadier, orge (drèche), sauge officinale, tabac, vin. — ATONIQUES. Ache, cochléaria, colo- quinte, moutarde, rosier. (Voy. OEdème ) — ATONIQUES ABDOMINAUX. Berle, chélidoine, houx frelon, momordique, oseille, patience, pissenlit, sauge offici- nale. (Voy. ÆEngorgement des viscères abdominaux.) — DE LA PROSTATE. Arrête-bœuf, bus- serole, térébenthine. — DE LA RATE. Absinthe, arnica, arrête-bœuf, asaret, aspérule, bardane, buis, buxine, cresson de fontaine, eu- patoire, germandrée, osmonde royale, santoline. (Voy. Engorgement splénique.) 1159 ENGORGEMENTS DE L'UTÉRUS. Cigué, ergotine, seigle ergoté, souci des jar- dins. — DES AMYGDALES. Aigremoine, bis- torte, moutarde, noyer, sarriette des jar- dins, troëne. — DES GLANDES CERVICALES. Cigué. — DES GLANDES MÉSENTÉRIQUES. Cyclame, genêt à balai, osmonde royale. — DES JAMBES. Sauge sclarée. —. DES MAMELLES. Ache, anis, aunée, belladone, cerfeuil, ciguë, cumin, douce- amère, fenouil, géranion, menthe poi- vrée. — DES TESTICULES, Arrête-bœuf,ciguê, cumin, vinaigre. — DES VISCÈRES ABDOMINAUX. Aigre, moine, artichaut, barbarée, bénoite- boucage, chardon-roland, chicorée sau- vage, coloquinte, crème de tartre, cres- son alénois, cuscule, douce-amère, fumeterre, genévrier, lailue vireuse, mé- nyanthe, päquerette, persicaire âcre, persil, pivoine, pulsatille, salicorne, souci des jardins, sureau, vigne (raisins). — DU FOIE ou HÉPATIQUES. Absinthe, arrête-bœuf, asaret, asclépiade, eupa- toire, pissenlit, rhubarbe, santoline, sa- ponaire. — FROIDS. Genévrier, gratiole, menthe poivrée. — LAITEUX DES MAMELLES. Aehe, airelle, belladone, chanvre, ciguê, genêt à balai, lapsane, laurier-cerise, persil, pervenche, sénecon, stramoine. (Voy. Mammile.) — LYMPHATIQUES. Hiéble, julienne, jusquiame, noyer, saponaire. — OEDÉMATEUX, Bouleau, hiéble, hou- blon, marrube blanc, moutarde, persi- caire àcre, sauge officinale, vinaigre. (Voy. dŒEdème.) — SCORBUTIQUES pes GENCIVES. Co- chléaria, ortie, ronce, sauge officinale : ANTISCORBUTIQUES. — SCROFULEUX. Absinthe marine, bel- ladone, mouron rouge, noyer, persil, vélar : TONIQUES AMERS. (Voy. Affections scrofuleuses, Engorgements glanduleux.) — ULCÉREUX DES GENCIVES. Sauge officinale. ENGOUEMENT STERCORAL DES INTES- TINS. Lin, olivier. ENROUEMENT. Chou, pommier, vélar. ENTÉRALGIE. Belladone, camomille puante, opium, opium (thériaque). ENTÉRITE. Caroubier, groseillier rouge, laurier-cerise, lin. ENTORSES. Hiéble, jusquiame, sauge offi- cinale, tanaisie, vinaigre. EPHELIDES. Pulsalille, 1160 TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. EPHIDROSE (SUEURS EXCESSIVES). Agaric FIÈVRES BILIEUSES. Airelle, bourrache, blanc, sauge officinale. EPIDIDYMITE BLENNORRHAGIQUE. Bel- ladone, ciguë, jusquiame, opium. (Voy. Orchile.) EPILEPSIE. Aconit, agaric blanc, alké- kenge, armoise, atropine, belladone, bryone, caille-lait, cardamine, ciguë, di- gitale, ellébore blane, ellébore noir, gui, hiéble, joubarbe, petite joubarbe, jus- quiame, lycopode, millefeuille, mouron rouge, muguet, narcisse des prés, noise- tier, nombril de Vénus, œnanthe, œnanthe fistuleuse, oléandrine, opium, oranger, pariselte, peucédan, pivoine, rue, selin des marais, stramoine, su- reau, tabac, tanaisie, tilleul, valérianate d’ammoniaque , valérianate d’atropine , valérianate de zinc, valériane. EPISTAXIS. Digilale, ortie, roseau aroma- tique, tannin, vinaig.? {Voy. Hémorrhu- gie nasale.) ERÉTHISME GÉNITAL ET ÉRECTIONS DOULOUREUSES. Digitale, lupulin. ERYSIPÈLE. Acide gallique, aconit, bella- done, cerfeuil, ciguë, colchique, con- combre, créosote, froment, jusquiame, laitue, lycopode, moutarde, pomme de terre, sureau. ERYTHÈME. Amidon, argentine, con- combre, huile d’argemone, lycopode, mauve, riz, SOn. ESCHARE GANGRÉNEUSE. Tannin. ETRANGLEMENT HERNIAIRE. Belladone, coloquinte, euphorbe épurge, tabac, té- rébenthine. (Voy. Hernie étranglée.) EXANTHÈMES. Bardane, ciguë, hyssope, moutarde, orme, vigne (raisins). EXOSTOSES. Daphné. — SCROFULEUSES. Rue. (Voy. Affec- lions scrofuleuses.) EXTRAVASIONS SANGUINES. (Voy. Ecchymoses.) FAIBLESSE DES ENFANTS. Saule blanc. FARCIN. Aconit. FÉTIDITÉ DE L'HALEINE. Oranger, peu- plier ou tilleul (charbon de). FIBROMES DE L'UTÉRUS. Belladone, ergot de seigle. FIÈVRES ADYNAMIQUES. Angélique, ar- nica, aunée, berbérine, impératoire, camomille romaine, sauge officinale , vigne (vin). (Voy. Fièvres lyphoïde, pulride, ataxique, etc.) — ATAXIQUES. Aunée, menthe poivrée, camomille romaine, sauge officinale. (Voy. Fièvres typhoïdes.) — CONTINUES. Belladone, camomille ro- maine, germandrée. Arnica. chiendent, citrouille, crème de tartre, épine-vinette, framboisier, grenadier, groseille rouge, joubarbe, oranger, pis- senlit, pommier. — ÉRUPTIVES. Aconit, cassis, chardom bénit, coquelicot, olivier (huile), opium, orlie, pavot (Voy. Rougeole, Scailatine, Variole, etc.) — HECTIQUES. Lauricr-cerise, orchis mâle, orge. — INFLAMMATOIRES. Airelle, bour- rache, crème de tartre, épine-vinette, framboisier, grenadier, groseillier rouge, joubarbe, mürier noir, oranger : TEMPÉ- BANTS. — INTERMITTENTES. Absinthe, ache, aconit, aconitine, agaric blanc, ail, alké- kenge, amandes douces, amandes amères, anémone des bois, apiol, ar- gentine, aristoloche clématite, armoise, arnica, artichaut, arum, asaret, aurone, belladone, bénoite, berberine, berle, bistorte, buis, buxine, camomille des champs, camomille puante, camomille romaine , petite centaurée, cétrarine, chanvre, chardon bénit, chausse-trappe, chélidoine, chêne (tannin), chèvrefeuille, chicorée sauvage, citronnier, cenicin, cochléaria, corydaline, cyprès, drosère, ellébore noir, esculine, fraxinelle, frêne, gentiane, gentianin, germandrée, globu- laire, hêtre, houx, ilicine, impéra- toire, joubarbe, petite joubarbe, laitue vireuse, laurier-rose, lichen du hêtre, lierre grimpant, lilas, lin purgatif, lu- pulin, lupinine, lycopode, marronnier (écorce), marrube blanc, matricaire, menthe crépue, ményanthe, mercuriale, méum, millefeuille, moutarde, mou- tarde blanche, muguet, narcisse des prés, népupbhar, noyer, olivier, oranger, orme, oseille, oxyacanthine, parisette, passe- rage des décombres, pastel, patience, pavot, pêcher, persil, pervenche, peu- plier blanc, phellandre, phillyrine, phil- lyrine (sulfate de), pigamon, pissenlit, plantain, pommier (phloridzine), pru- nellier, quintefeuille, salicine, sauge of- ficinale, saule blanc, scutellaire, seigle, seigle ergoté, sulfate de narcotine, su- mac des corroyeurs, sumac fusté, tanai- sie, tannate de quinine, térébenthine (es- sence de),tormentille, tulipier, valériane, verveine, vigne (raisins), vigne (vin) : AMERS, ASTRINGENTS, FÉBRIFUGES. FIÈVRE JAUNE. Cilronnier. — MUCOSO-VERMINEUSE. Chêne, mou- tarde, orge (levûre de bière), ricin, vigne (vin). — MUQUEUSE. Angélique, arnica, bé- noite, bourrache, bryone, camomille TABLE DES romaine, pelite centaurée, chicorée sau- vage, cilronnier, germandrée, german- drée aquatique, marrube blence, sauge officinale, violette. FIÈVRE PÉTÉCHIALE, Ancolie, bénoite, chardon bénit. — PUERPÉRALE, Aconit, arnica, digitale, ergot de seigle, essence de térébenthine, millefeuille, ricin, (Voy. Péritonite puer- pérale.) — PUTRIDE. Alcool, arnica, aurone, bé- noile, camomille romaine, citronnier, crème de tartre, grenadier, groseillier rouge, moutarde, orge, oseille, pommier, valériane, vinaigre. (Voy. Fièvre 1y- phoide.) — SCARLATINE. Aconit, naigre. (Voy. Scarlaline.) — TYPHOIDE. Alcool, ail, angélique, arnica, avoine, betterave, petite centau- rée, citronnier, digitale, épine-vinetle, germandrée aquatique, menthe poivrée, moutarde, opium, oranger, ortie, roma- rin, sauge oflicinale, seigle (ergot de), valériane, vigne (vin), vinaigre. (Voy. Fièvres pulride, ataxique.) — URÉTHRALE. Aconit. — VERMINEUSE. Bryone, levüre de bière, marrube blanc. FISSURES A L’ANUS. Belladone, bistorte, opium, peuplier noir. — AU MAMELON. Grande consoude, mo- relle, peuplier. FISTULES. Citronnier (suc de citron), la- minaire digitée, pédiculaire. FLATUOSITÉS. Absinthe, anis, camomille romaine, carline, cataire, chardon bénit, gentiane, laurier d’Apollon, menthe poivrée, moscatelline, moutarde bian- che, oranger, rue. FLUEURS BL ANCHES. Amandes amères, ammi, anis, argentine, chêne, grena- dier, impératoire, lamier blanc, mille- feuille, myrte, patience aquatique, per- sicaire douce, pervenche, pomme de terre, serpolet, vinaigre. (Voy. Leucor- rhée.) FLUX HÉMORRHOIDAUX. Coignassier, lycoperdon, melon, millefeuille, pédicu- Rire. — IMMODÉRÉ DES LOCHIES. Bourse-à- pasteur, millefeuille, seigle ergoté : As- TRINGENTS. — MUQUEUX., Aigremoine, bénoite, bis- torte, chêne, cyprès, lentisque, mille- feuille, saule blanc. — SÉREUX., Bénoite, millefeuille. belladone, vi- FOLIE. Belladone, stramoine, vinaigre. (Voy. Manie.) FRACTURES. Bouleau (écorce), froment (amidon, dextrine), lin (papier, carton), MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. 1161 morphine (injections sous -cutanées), mousse commune, tilleul, FURONCLE. Alcool, goudron, lis blanc, morelle, orge, poireau. G. GALACTORRIÉE. Aune, chanvre (chè- nevis), noyer, opium. GALE. Absinthe, ache, aigremoine, aunée, acide acétique, buis, carline, créo- sole, chèvrefeuille, fusain, impératoire, laurier-rose, lavande, lierre grimpant, menthe poivrée, moutarde, noyer, ænanthe, olivier, patience, persicaire âcre, pied d’alouette, raisin d'Amérique, ricin, sarriette des jardins, scrofulaire aquatique, staphysaigre, tabac, thym, véronique, vinaigre. GANGLION. Amadou. GANGRÈNE. Absinthe, ail, aurone, chêne, créosote, esculine, germandrée aqua- tique, marrube blanc, ortie, persicaire âcre, persicaire douce, persil, saule blanc, térébenthine (essence de), vin. — DE POTT. Opium. — SÉNILE. Opium. GASTRALGIE. Amandes amères, aneth, anis, belladone, bénoite, caille-lait, ca- momille puante, cassis, cataire, codéine, fenouil, hysope, jusquiame, lactuca- rium, laitue, marrube blanc, millefeuille noire, monarde, moscatelline, opium, rhapontie, s safran, saule blanc, serpolet, tannin, thériaque, tilleul, valériane, ver- veine. GASTRITE ou GASTRO-ENTÉRITE. A'le- luia (acide oxalique), amandes douces, fenugrec, fraisier, groseillier rouge, gui- mauve, lin, tilleul. GERCGURES. Chardon paigre. — DES LÈVRES. Coignassier, fenugrec. — DES MAINS. ‘T'anaisie, vinaigre. — DES SEINS. Coignassier, grande con- soude, fenugrec, lis blanc, peuplier noir, safran, tannate de plomb. GOITRE. Ellébore blanc, lampourde, varec vésiculeux, zostère. GONFLEMENT INDOLENT DES GEN- CIVES. Menthe poivrée. (Voy. Engorge- ment des gencives.) — ATONIQUE DES AMYGDALES. Gre- “nadier, pyrèthre : ASTRINGENTS. — RHUM. ATISMAL CHRONIQUE, Ciguë, tussilage pétasite. GOUTTE. Agaric blanc, alkékenge, aristo- loche clémalite, ballotte cotonneuse , bardane, belladone, buis, camomille ro- maine, cannabine, chanvre, chélidoine, chèvrefeuille, chou, ciguë, colchique, coloquinte, cuseute, delphine, douce- à carder, orme, vi- 1162 amère, ellébore blanc, ellébore noir, fou- gère mâle, genêt à balai, genévrier, ger- maundrée, germandrée ivette, gratiole, houblon, ivette musquée, jusquiame, lac- tucarium, lentisque, maïs, matricaire, mélilot, mélisse, menthe poivrée, men- the pouliot, morphine, mouron rouge, moutarde, nerprun, olivier, opium, per- sicaire douce, peuplier baumier, piment, polypode, primevère, sceau de Salomon, solanine, tabac, tamarisc, térébenthine (essence de), tulipier, vératrine. GOUTTE ATONIQUE. Petite centaurée, frène, gentiane, sauge officinale, thym. — CHRONIQUE. Sabine. — VAGUE. Pin. GRAVELLE. Ache, alkékenge, arrête-bœuf, aspérule, barbarée, bruyère, busserole, cassis, cerisier, chardon roland, chausse- trappe, chélidoine, doradille, fève com- mune, giroflée jaune, gremil, hépatique des fontaines, herniaire, houx, houx- frelon, if, impératoire, julienne, lam- pourde, maïs, mouron rouge, néflier, œnanthe fistuleuse, oignon, ortie, oseille, osmonde royale, pâquerelle, persicaire àcre, persil, pied d’alouette, poireau, pois chiche, pomme de terre, pyrole, raifort sauvage, sureau : DIURÉTIQUES. GRIPPE. Aconit. (Voy. Affection catar- rhale, Bronchite.) H. HÉMATÉMÈSE. Acide gallique, belladone, lycoperdon, orlie, seigle ergoté (ergotine Bonjean). HÉMATURIE. Aigremoine, amandes douces, bourse-à-pasteur, chervi, frai- sier, grande consoude, millepertuis, num- mulaire, pêcher (feuilles), pervenche, prêle, sanicle, seigle ergoté (ergotine Bonjean). HÉMOPTYSIE. Airelle, avoine, belladone, bourse-à-pasteur, bouillon blanc, bru- nelle, buis, chène, chervi, coignassier, grande consoude, digitale, doradille, jusquiame, lentisque, lin, millefeuille, millepertuis, nummulaire, opium, orchis mâle, orge, ortie, phellandre, prêèle, pulicaire, pyrole, reine des prés, renouée, sauge officinale, seigle ergoté (ergotine Bonjean), serpolet, tabac. HÉMORRHAGIES. Acide gallique, agaric de chêne, aigremoine, alchimille, ar- gentine, aunée dysentérique, belladone, bénoite, bistorte, bourse-à-pasteur, bru- nelle, bugle, busserole, chardon-marie, chêne, cyprès, digitale, ergotine, escu- line, essence de térébenthine, frêne, jus- quiame, lamier blanc, lycope, lin, lichen d'Islande, millefeuille, millepertuis an- drosème, mouron rouge, moutarde, TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. myrte, opium, ortie, pédiculaire, persi- caire douce, quintefeuille, roseau aro- matique, rosier, salicaire, saule blanc, seigle ergoté, tannin, tormentille, vin : ADOUCISSANTS, ASTRINGENTS, TEMPÉ- RANTS, suivant la nature de l’hémor- rhagie. HÉMORRHAGIE NASALE. Joubarbe, lyco- perdon, serpolet, tilleul, vin. — PASSIVE DU RECTUM. Millefeuille. — TRAUMATIQUES. Digitale, lycoper- don. — UTÉRINE. Acide gallique, bénoite, chène, citronnier, digitale, massette, millefeuille, noyer, ortie, patience aqua- tique, pyrothonide, seigle ergoté, tan- nin, vigne, vin. (Voy. Métrorrhagie.) HÉMORRHOIDES. Acanthe, acide gallique, belladone, brunelle, cameline, cerfeuil, ellébore noir, jusquiame, liége, lin, millefeuille, morelle, nummulaire, æœnanthe fistuleuse, oignon, patience aquatique, persil, piment, raisin d’Amé- rique, reine des prés, renoncule, scor- zonère, scrofulaire aquatique, scrofulaire noueuse, sorbier des oiseleurs, sureau. — DOULOUREUSES. Belladone, douce- amère, jusquiame, linaire, opium, pomme de terre, stramoine. — ENFLAMMÉES. Argentine, belladore, jusquiame. HÉPATALGIE ESSENTIELLE. Opium : NARCOTIQUES. (Voy. Colique hépatique.) HÉPATITE. Cerfeuil, citrouille, moutarde blanche, pissenlit. (Voy. Inflammation du foie.) HERNIE DE L’IRIS. Belladone. F — ÉTRANGLÉE. Atropine. (Voy. Étran- glement herniaire.) HERPÈS. Chelidoine. — TONSURANT. Huile de cade, tannin. HOQUET. Belladone, chèvrefeuille, ergo- tine, menthe poivrée, valériane, HYDARTHROSE. Bryone, chêne, ciguë, persil. HYDROCÈLE. Arrêle-bœuf, chêne, digi- tale, roses rouges, vin. HYDROCÉPHALE. Arnica, digitale. HYDROPÉRICARDE. Alkékenge, (Voy. Hydropisie.) HYDROPHOBIE. Amandes amères, cicu- tine, opium, valériane, vinaigre. (Voy. age.) HYDROPISIE, Absinthe, ache, acide gal- lique, aconit, ail, alkékenge, arrête-bœuf, artichaut, arum, asaret, asperge, aspé- rule, avoine, ballotte cotonneuse, bar- barée, belle de nuit, bryone, camelée, camphrée, cassis, petite centaurée, cer- feuil, cerisier, chardon-marie, chardon- roland, chausse -trappe, chélidoine, scille. TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. citronnier, clématite des haies, co- chléaria, colchique, coloquinte, coronille, cresson alénois, daphné, digitale, douce- amère, drosère, ellébore blanc, ellébore noir, épine-vinette, eupatoire, euphorbe épurge, fève commune, filipendule, fri- tillaire, genêt à balai, genèt des teiutu- riers, genévrier, gentiane, globulaire, grateron, gratiole, gremil, hépatique des fontaines, hièble, houblon, houx frelon, impératoire, iris fétide, ivelte musquée, petite joubarbe, julienne, laitue vireuse, laurier d’Apollon, lentille, lin purgatif, mercuriale, momordique, mouron rouge, moutarde, nerprun, oignon, olivier, or- tie, osmonde royale, pâquerette, passe- rage, pelile passerage, patience, persi- caire àcre, persil, pied d’alouette, piment, pissenlit, prèle, raifort sauvage, reine des prés, roseau aromatique, sauge offi- cinale, scille, soldanelle, souci des jar- dins, sureau, tabac, tamarisc, tanaisie, vératrine, vigne (raisins). HYDROTHORAX. Aunée, colchique, coro- nille, digitale, germandrée maritime, grateron, passerage, polygala, scille. (Voy. Hydropisie.) HYDROSARCOCÈLE. Arrête-bœuf. HYGROMA. Arum, ciguëé, colchique, cres- son de fontaine, oseille, scille, seigle. HYPERCOUSIE. Aconitine. HYPERTROPHIE DU COEUR. Ciguë, col- chique, digitale, ergoline, petite passe- rage. HYPOCHONDRIE. Camomille romaine, cà- prier, chène, ellébore blanc, éllébore noir, germandrée, germandrée maritime, gratiole, jusquiame , laitue, laurier d’Apol- lon, laurier-cerise, mélisse, menthe poi- vrée, millefeuille, oranger, passerage, peucedan, polypode, rhapontic, rhu- barbe, rue, safran, sumac vénéneux, vigne (raisins). HYPOPION. Belladone. HYSTÈRALGIE. Belladone, euphorbe épurge, matricaire, opium. HYSTÉRIE. Agaric blanc, angélique, ar- moise, belladone, berce, botrys, caille- lait, camomille romaine, camomille puante, càprier, cardamine, caltaire, chêne, colchique, gui, impératoire, iris fétide, jusquiame, laitue, laurier d’Apol- lon, laurier-cerise, matricaire, menthe poivrée, millefeuille, narcisse des prés, opium, oranger, passerage, rue, safran, seigle ergolé, stramoine, tabac, tanaisie, tilleul, valérianate d’ammoniaque, valé- rianate d’atropine, valériane, vigne (rai- sins.) I. ICTÈRE. Ache, aigremoine, arnica, arrête- bœuf, artichaut, asclépiade blanche, 1165 asperge, aspérule, cataire, cerfeuil, ce- risier, chanvre, chardon bénit, chardon- marie, chardon-roland, chélidoine, chi- corée sauvage, chiendent, citronnier, douce - amère , eupatoire , euphorbe épurge, fumeterre, garance, gentiane, germandrée, houblon, houx frelon, pe- tite joubarbe, laitue, laitue vireuse, li- vèche, marrube blanc, noyer, ortie, pà- querelte, persil, pois chiches, raifort sauvage, saponaire, séneçon, souci des jardins, sureau. (Par irrilalion phlegma- sique, spasme, engorgement hépalique, calculs, etc. ; de là les indications.) ICTHYOSE. Orme. IDIOTISME. Ellébore blanc, ILÉUS. Belladone, opium, ricin, tabac, IMPÉTIGO. Tannin. IMPUISSANCE. Seigle ergoté : APHRODI- SIAQUES, TONIQUES. INAPPÉTENCE. Centaurée (petite), chi- corée, hyssope, impératoire, mélisse, menthe, oranger. (Voy. Anoretie.) INCONTINENCE NOCTURNE D’URINE. Aconit, belladone, busserole, chêne, er- got de seigle, narcotine, ortie, sumac vénéneux, tannin. — DES MATIÈRES FÉCALES. Belladone. INDIGESTIONS. Camomille, mélisse, oranger, tilleul, véronique. INDURATION DU TISSU CELLULAIRE. Arnica, sauge. (Voy. Endurcissement du tissu cellulaire, Sclérème.) INERTIE DES INTESTINS. Constipation.) — DE LA MATRICE. Busserole, col- chique, digitale, ergot de froment, mille- pertuis, seigle ergoté. (Voy. Accouche- ment.) INFECTION PURULENTE. Aconit, Camo- mille romaine. INFILTRATION CACHECTIQUE. bœuf. (Voy. Cachexie.) — SÉREUSE. Alkékenge, capucine, mar- rube blanc, pâquerelte, salicorne, scille : DIURÉTIQUES , PURGATIFS, -TONIQUES AMERS. (Voy. Anasarque, Hydropisie.) INFLAMMATIONS AIGUES ET CHRO- NIQUES. Airelle, belladone, cynoglosse, digitale, jusquiame, laitue vireuse : ADOUCISSANTS, EMOLLIENTS, TEMPÉ- RANTS. — CHRONIQUES DE LA GORGE. Tannin : ASTRINGENTS. — CHRONIQUES DU FOIE. Arnica, pis- senlit : DIURÉTIQUES, FONDANTS. — CHRONIQUES DE LA MUQUEUSE BUCCALE. Tannin : ASTRINGENTS. — DES BRONCHES. Acide cyanhydri- que : EMOLLIENTS, EXPECTORANTS, SÉ-— pATIFSs, suivant les cas. Rue. (Voy. Arrête- 1164 INFLAMMATIONS DES VISCÈRES ABDO- MINAUX. Amandes douces, amidon, bouillon blanc, citronnier, maïs, mauve, mélilot, pavot: ADOUCISSANTS, EMOL- LIENTS. — DES VOIES URINAIRES ET GÉNITO- URINAIRES. Amandes douces, chanvre (chénevis), chiendent, guimauve, lin, mauve, pariétaire : ADOUCISSANTS, EMOL.- LIENTS, SÉDATIFS, suivant les indica- tions. — INTERNES. Amandes douces, bouillon blanc, lin, mauve, pavot, pêcher : Émo1.- LIENTS, T'EMPÉRANTS. — DES OVAIRES, Alleluia (oxalate de potasse). — SUPERFICIELLES EXTERNES. Bella- done, citrouille, guimauve, joubarbe, lailue, laurier-cerise, lentille d’eau. — TRAUMATIQUES. Citrouille, jus- quiame, laurier-cerise, opium. INSOMNIE NERVEUSE. Cynoglosse, jus- quiame, opium : NARCOTIQUES, SÉDA- TIFS. INTERTRIGO. Argentine, concombre, pomme de terre, riz, safran, INVAGINATION INTESTINALE. Olivier (huile d'olive), (Voy. Iléus, Volvulus.) IRIDALGIE. Aconitine. UTIS. Atropine, belladone, hysociamine. IRRITATIONS DE POITRINE. Lailue vi- reuse, melon, orchis mâle, — DE L’ANUS. Belladone, pavot cornu. — DE LA PEAU. Amandier (amandes amères, amandes douces), froment (son, farine, amidon), guimauve, joubarbe, jusquiame, morelle. — DES VOIES DIGESTIVES. Cameline, carotte, chiendent, coignassier mences), lailue, melon (semences), oranger (fruit), opium, orchis, salicaire, son, souchet rond, vigne (verjus) : Abou- CISSANTS, TEMPÉRANTS. — DES VOIES URINAIRES. Betle, coi- gnassier (semences), melon (semences), oranger : ADOUCISSANTS, EMOLLIENTS. — HÉPATIQUES. Citronnier : ADpoucIs- SANTS, SÉDATIFS LEGERS, TEMPÉRANTS. ISCHURIE. Arrête-bœuf, busserole, citron- nier, lin, millepertuis, sabine, tabac : (Voy. Dysurie, Rétention d'urine.) IVRESSE, Serpolet (pour la dissiper), vigne (vinaigre). J. JAUNISSE. (Voy. Ictère.) k. KÉRATITE. Belladone. KYSTE. Scille. — OVARIQUE, Digitale, oignon. (se- : TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. L. LAIT. (Pour en augmenter la sécrétion) Anis, campanules, fenouil, laiteron, nielle, (pour en tarir la sécrétion) aune, belladone, bryone, canne de Provence, noyer, menthe, persil. (Pour en arrêter l'écoulement, voy. Galactorrhée.) LANGUEURS D'ESTOMAC. Camomille ro- maine : EXCITANTS GENERAUX, TONI- QUES AMERS. (Voy. Atonie de l'estomac, Dyspepsie, Flatuosités.) LÈPRE VULGAIRE. Chou rouge, clématite des haies, ellébore blanc, ellébore noir, fumeterre, goudron, œnanthe, orme, scabieuse ALTÉRANTS , DÉPURATIFS. (Voy. Darlres.) LÉSIONS ORGANIQUES DE L’ESTOMAC. Laitue vireuse : NARCOTIQUES, SÉDATIFS. (Voy. Ulcère simple de l'estomac.) — TRAUMATIQUES DE L'OEIL. Bella- done. LÉTHARGIE. Coloquinte, ellébore blanc, ellébore noir, moutarde, ortie, pyrèthre, térébenthine : PURGATIFS DRASTIQUES, en lavement. LEUCOPHLEGMATIE, Hydropisie.) LEUCORRHÉE. Absinthe, agaric blanc, alchimille, angélique, argentine, ar- moise, arnica, bénoite, bistorle, bugle, buis, busserole, petite centaurée, char- don-marie, chardon végétal, chausse- trappe, chêne, citronnier, cochléaria, coignassier, colchique, cumin, cymba- laire, douce-amère, fraxinelle, lamier blanc, marrube blanc, massette, matri- caire, millefeuille, millepertuis, momor- dique, morelle, nummulaire, œnanthe fistuleuse, ortie dioïque, persil, peuplier baumier, pin (térébenthine), pyrole, py- rothonide, raifort sauvage, rhapontic, rosier, salicaire, sauge officinale, saule blanc, seigle ergoté, térébenthine (es- sence de), thalictron, tormentille, vigne (vin) : TONIQUES AMERS OU ASTRIN- GENTs. (Voy. Flueurs blanches, Catarrhe utérin.) LIENTÉRIE. Citronnier, menthe crépue, salicaire : TONIQUES AMERS. LUMBAGO. Avoine, ciguë vireuse, essence de térébenthine, morphine, moutarde, tabac, thym. LUXATIONS. Alcool, houblon, lin, mor- phine (injections sous-cutanées), sauge officinale. (Voy. Anasarque, M. MAL DE MER. Absinthe. MALADIE DE BRIGHT. Digitale. (Voy. Albuminurie, Néphrite albumineuse.) TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. MALADIES ATONIQUES DE L'ESTOMAC. Moutarde blanche : EXCITANTS GÉNÉ- RAUX, TONIQUES AMERS. — CALCULEUSES. Cochléaria, hyssope. (Voy. Gravelle.) — CHRONIQUES DE LA PEAU. Bella- done, cochléaria, coloquinte, genévrier, hépatique des fontaines, lupin, mé- nyanthe, momordique, ortie, rosage, scabieuse : DÉPURATIFS. (Voy. Affections cutanées chroniques, Affections herpéli- ques, Dartres.) — CONVULSIVES. Coquelicot, joubarbe. (Voy. Affections convulsives.) — INFLAMMATOIRES., Aconit, figuier, vigne (raisins, verjus) : ADOUCISSANTS, EMOLLIENTS et TEMPÉRANTS. (VOy. In- flammations.) — PÉDICULAIRES. (Voy. Phthiriasis.) — SCROFULEUSES. Aunée, (Voy. Affec- tions scrofuleuses, Scrofules.) — VÉNÉRIENNES. Buis, clématite des haies, douce-amère. (Voy. Affections syphililiques , Affections vénériennes , Syphilides, Syphilis.) — VERMINEUSES. (Voyez Affections vermineuses , Ascarides lombricoïdes, Vers, etc.) — DU FOIE. Aigremoine, coloquinte, ellébore blanc, genêt à balais, séneçon. (Voy. Engorgement hépatique, Obstruc- tion du foie, etc.) — DU SYSTÈME OSSEUX. Daphné. — DES VOIES URINAIRES. (Voy. Affec- tions des voies urinaires.) MAMMITE. Ache, jusquiame : SANTS, EMOLLIENTS, SÉDATIFS. MANIE. Belladone, coloquinte, digitale, ellébore blanc, gratiole, jusquiame, opium, stramoine. (Voy. Aliénalion men- tale, Folie, Hallucinations, Vésa- nies, etc.) MARASME. Chêne (glands.) MAUX DE GORGE. (Voy. Angine.) MÉLÆNA. Chêne, lycoperdon, seigle er- goté : TONIQUES ASTRINGENTS. (VOy. Gastrorrhagie, Hémorrhagie intestinale.) MÉLANCOLIE. Coloquinte, ellébore blanc, laitue, laurier-cerise, mélisse, opium, safran. (Voy. Aliénation mentale.) MÉNINGITE AIGUE. Belladone, ivraie, jus- quiame, lentille d'eau. — CÉRÉBRO-SPINALE. Opium. — TUBERCULEUSE. Belladone, chlorhy- drate double de morphine et de codéine, opium. MÉNORRHAGIE. Aconit, bourse-à-pasteur, chêne, filipendule, néflier, nummulaire, ortie, pyrole, roseau aromatique, seigle ergoté, tannin, vigne : ASTRINGENTS. (Voy. Métrorrhagie, Perte utérine.) ADOUCIS- 1165 MENSTRUATION DIFFICILE. Alleluia (oxalate de potasse), chardon bénit, (Voy. Dysménorrhée.) — SUPPRIMÉE. Camphrée. (Voy. Amé- norrhée, Suppression des règles.) MÉTASTASE GOUTTEUSE où RHUMA- TISMALE. Camphrée : RUBÉFIANTS, MÉTÉORISME. Camomille romaine. (Voy. Flatulence, Flatuosités, Pneumatose.) MÉTRITE CHRONIQUE, Alleluia (oxalate de potasse), morelle, seigle ergoté : Nar- COTIQUES, SÉDATIFS. MÉTROPÉRITONITE PUERPÉRALE. Alle- luia (oxalate de potasse), essence de térébenthine. (Voy. Périlonile puecrpé- rale, Fièvre puerpérale.) MÉTRORRHAGIE. Belladone, busserole, chardon bénit, chêne, coignassier, grande consoude, digitale, nummulaire, oranger, ortie, parnassie, préle, rosier, rue, sabine, sauge officinale, seigle er- goté, tannin, vinaigre : ASTRINGENTS, NARCOTIQUES OU TEMPÉRANTS, suivant la nature de la maladie. (Voy. Pertes ulé- rines, Ménorrhagie.) — PUERPÉRALE. Digitale, seigle er- goté. MIGRAINE. Aconit, amandes amères , ba- silic, belladone, jusquiame, matricaire, mélisse, muguet : ANTISPASMODIQUES, SÉDATIFS. MILIAIRE. Aconit, bourrache. (Voy. Fié- vres éruplives.) MOLE HYDATIQUE. Seigle ergoté. MUGUET. Joubarbe, raitort, sauge. N. NÆVI MATERNI. Tannin. NÉPHRITE. Amandes douces, cerisier, ci- trouille, doradille, figuier , genévrier, impératoire, lycopode, mauve, oranger, orchis mâle, orge, pariétaire, — ALBUMINEUSE. Digitale, genêt à ba- lais, momordique, raitort sauvage, téré- benthine (essence de). (Voy. Albuminu- rie, Maludie de Bright.) — CALCULEUSE. Arnica, belladone, cres- son de fontaine, genévrier, géranion, laitue, millepertuis, pêcher (feuilles), prêle. (Voy. Gravelle.) — CHRONIQUE. Sureau. NÉVRALGIES. Aconit, aconitine, armoise, artichaut, atropine, belladone, camo- mille romaine, cannabine, cicutine, ci- guë, codéine, colchique, coloquinte, del- phine, jusquiame, laurier-cerise, morelle, morphine (méthode endermique, inocu- lations, injections sous-cutanées), mou- tarde, opium, orge (drèche), passerage, stramoine, tabac, térébenthine (essence de), valérianate d’ammoniaque, valéria- 1166 nate de quinine, valérianate de zinc; vératrine, verveine : NARCOTIQUES, SÉ- DATIFS. NÉVRALGIE DENTAIRE. Cataire, créo- sote, cresson de Para. (Voy. Odontalyie.) — FACIALE. Aconit, belladone, codéine, daphné, laurier-cerise, opium, salicine. (Voy. Névralqies.) — SCIATIQUE. (Voy. Névralgies, Scia- tique.) NÉVROSES. Aconit, angélique, atropine, ballote, balsamite, basilic, belladone, camomille fétide, delphine, fraxinelle, jusquiame, laitue vireuse, mélisse, mille- feuille, opium, oranger, rue, saule blanc, stramoine, tilleul, valérianate d’atropine, valérianate de zinc, valériane, vulvaire : ANTISPASMODIQUES, SEDATIFS. — ABDOMINALES ou VISCÉRALES. Menthe poivrée : ANTISPASMODIQUES, SÉ- DATIFS. — ACOUSTIQUES. Aconit (aconitine), coriandre, delphine. — DU COEUR. Aconit. NYCTALOPIE. Belladone. NYMPHOMANIE. Nénuphar, stramoine. O. OBSTRUCTIONS. (Voy. Engorgements.) ODONTALGIE. Aconit, buis, cicutine, del- phine, dentelaire, impératoire , jus- quiame, millefeuille, morphine, mouron rouge , nielle des champs, noiselier, opium, origan, persicaire àcre, pyrèthre, stramoine, tabac, tébérenthine (huile es- sentielle de), tussilage. (Voy. Douleurs de dents, Névralyie dentaire.) OEDÈME. Absinthe, alkékenge, arnica, au- rone, belle-de-nuit, berce, cyclame, ge- nêt à balais, gentiane, germandrée sauge des bois, grenadier, houblon, moutarde, orge (drèche), sauge officinale, vigne (vin), vinaigre : APERITIFS, DIURÉTIQUES, TONIQUES AMERS. (Voy. Anasarque, Hy- dropisie, Infillralion.) — DU POUMON. Cochléaria, raifort sau- vage. ONANISME. Digitale, lupulin. (Voy. Pertes séminales.) OPACITÉ DE LA CORNÉE. Belladone, delphiue, vératrine. (Voy. Taies de la cornée.) OPHTHALMIE. Aconitine, belladone, bluet, cerfeuil, chardon à curder, citronnier, citrouille, coignassier, cynoglosse, fenu- grec, géranion, joubarbe, laitue, lentille d’eau, lis blanc, mauve, mélilot, pied d’alouette, plantain, pommier, pulicaire, ricin, rosier, safran, souci, stramoine, tabac, vigne. — CATARRHALE, Ail, tannin, TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. OPHTHALMIE CHRONIQUE. Garou, pyro- thonide, souci des jardins, tabac, tannin. — PHOTOPHOBIQUE. Belladone, bi- grone catalpa, ciguë, jusquiame, stra- moine, tabac. — PURULENTE. Tabac. — PURULENTE DES NOUVEAU - NÉS. Belladone, chélidoine, noyer, persil. — SCROFULEUSE. Bignone catalpa, ché- lidoine, cicutine, ciguëê, citronnier, ga- rou, genévrier oxycèdre, huile de cade, jusquiame, noyer, sumac vénéneux. ORCHITE. Belladone, jusquiame, lentille d'eau, opium, stramoine. (Voy. Epidi- dymile.) OTALGIE, Absinthe, delphine, tabac, vé- ratrine. OTITE. Aunée, delphine, opium, vératrine, OTORRHÉE. Aunée, delphine, pin (gou- dron). OXYURES. Betterave (sucre). (Voy. Asca- rides vermiculaires.) OZÈNE. Rue, tannin. P. PALES COULEURS. (Voy. Chlorose.) PALPÉBRITE. Lentille d’eau. — GLANDULEUSE. Chélidoine. (Voy. Blé- pharite, Ophthalmie.) PALPITATIONS DE COEUR. Acide cyanhy- drique, agripaume, amandier (amandes amères), belladone, citronnier, digitale, laurier-cerise, mélisse, oranger, scille. (Sont nerveuses, par irritation vascu- laire, par hypertrophie, etc.; de là indi- cation des ANTISPASMODIQUES, des AN- TIPHLOGISTIQUES Où des SÉDATIFS du système circulatoire.) (Voy. Hypertro- phie du cœur.) PANARIS Beccabunga, belladone, jus- quiame, lis blanc, morelle, morphine (injections sous-cutanées), oignon, opium, pavot cornu, sceau de Salomon, stra- moine, tormentille. PARACOUSIE. Aconitine, delphine, véra- trine. PARALYSIE. Aconit, agaric blanc, ail, aris- toloche clématite, arnica, basilic, bella- done, bétoine, bryone, camelée, càprier, cochléaria, coloquinte, delphine, ellé- bore noir, giroflée jaune, gui, ivette musquée, jasmin, laurier d’Apollon, mé- lisse, menthe poivrée, moutarde, ner- prun, olivier, orge (drèche), ortie, pa- tience aquatique, peucedan, piment, pul- satille, pyrèthre, roseau à balais, sauge, seigle ergoté, sumac vénéneux, véra- trine, vigne (marc de raisin). — DE LA LANGUE. Impératoire, mou- tarde, ptarmique, pyrèthre : Masri- CATOIRES OU SIALAGOGUES. TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. PARALYSIE DU RECTUM; DE LA VES- SIE. Busserole, seigle ergoté, tabac. — GÉNÉRALE. Digitale. PARAPHIMOSIS. Belladone, jusquiame. PARAPLÉGIE. Momordique, seigle ergoté, sunac veneneux. PÉRIPNEUMONIE. (Voy. Pneumonie.) PÉRIPNEUMONIE CATARRHALE. If, pa- vot. (Voy. Pneumonie, Catarrhe pulmo- naire.) PÉRITONITE, Alleluia (oxalate de potasse), lin, morphine (injections sous-cutanées), opium, ricin, térébenthine (à Pexté- rieur), térébenthine (essence de). — PUERPÉRALE. Aconit, digitale, opium, ricin (huile), térébenthine (huile essen- tielle). — SUBAIGUE. Ciguê. PERTES SÉMINALES. Bénoile, digitale, lu- pulin, vinaigre. — UTÉRINES. (Voy. Ménorrhagie, Mé- trorrhagie.) PETITE VÉROLE. (Voy. Variole.) PHARYNGITE GRANULEUSE. Aigremoine. PHIMOSIS. Belladone, jusquiame, lupulin. PHLEGMASIES. Citrouille, guimauve, jus- quiame, laitue, lichen d’Islande, mauve, opium, oranger, pomme de terre, seigle ergolé : ADOUCISSANTS, EMOLLIENTS. (Voy. Inflammations.) — ALBA DOLENS. Jusquiame. — CÉRÉBRALES. Colchique. — CUTANÉES. Amandes douces, mauve, opium. (Voy. Affections cutanées.) — ÉRYTHÉMATEUSES ET, ÉRYSIPÉLA- TEUSES. Cerfeuil. (Voy. Érysipèle.) — RHUMATISMALES. Tabac. (Voy. Rhu- malisme.) — DES MEMBRANES SÉREUSES. Bella- done. (Voy. Péritonite, Pleurésie.) — DES VISCÈRES ABDOMINAUX.Avoine, chanvre, groseillier rouge, laitue vireuse, opium, pyrothonide, vigne (raisins), vio- lette. (Voy. Gastrite, Inflammalion des voies digeslives. — DES VOIES RESPIRATOIRES. Mauve, vigne (raisins secs). — DES VOIES URINAIRES. Avoine, chien- dent, groseilles rouges, violette. (Voy. Catarrhe de la vessie.) — DES YEUX. Belladone. PHLEGMON. Fenugrec, jusquiame, lis blanc, mauve, morelle, oignon, safran. — DIFFUS GANGRÉNEUX. Absinthe, saule blanc. (Voy. Érysipèle phlegmo- neuT). PHLOGOSE. Digitale. (Voy. Inflammation.) — CUTANÉE. Amandes douces, carotte. (Voy. Affections cutanées.) PHOTOPHOBIE. Stramoine. (Voy. Ophthal- mie photophobique.) 1167 PHOTOPHOBIE SCROFULEUSE. Bella- done, cerfeuil, ciguë. (Voy. Ophthalmie scrofuleuse.) PHTHIRIASIS. Fenouil, pied d’alouette, rue, staphysaigre, tabac. PHTHISIE PULMONAIRE. Acide cyanhy- drique, aconit, agaric blanc, amandes douces, ancolie, hétoine, bolet odorant, botrys, bouillon-blanc, busserole, cala- ment, Carotte, chanvre, chêne, chervi, chou, chou rouge, ciguë, ciste hélian- thème, créosole, cresson de fontaine, cuscule, digitale, douce-amère, drosère, essence de térébenthine, goëmons, gou- dron, hépatique des fontaines, iris com- mun, jusquiame, laitue vireuse, lentis- que, lichen d'Islande, lichen pulmonaire, lichen pyxidé, lichen de Chien, lierre terrestre, maïs, melon, millefeuille, mille- pertuis, mouron rouge, narcéine, orchis mâle, orge (malt), peuplier noir, phel- landre, poix de Bourgogne, pomme de terre (huile essentielle), pulmonaire, rosier, scille, seigle ergoté, sève de pin maritime, sumac vénéneux, térében- thine, tulipier. — SCROFULEUSE. Tussilage. PIERRE. Herniaire, petite passerage, pom- mier (cidre), seigle ergoté. (Voy. Cal- culs, Affections calculeuses.) PIQURES D’ABEILLES ET DE GUÊPES. Pavot. PITYRIASIS. Cilronnier, ellébore blanc. PLACENTA. (Pour en faciliter l'expulsion). Busserole, seigle ergoté, PLAIES. Balsamite, cornouiller, ergotine Bonjean, opium, pavot cornu, pulsatille, romarin, térébenthine, vin. — DOULOUREUSES. Laurier-cerise, lin, melon. PLAIES ENTRETENUES PAR L’ABON- DANCE DE LA SUPPURATION. Absin- the, camomille, térébenthine. — GANGRÉNEUSES Acide phénique , charbon végétal, chêne, citron, créo- sote, cynoglosse, joubarbe (grande), jou- barbe (petite), pédiculaires, rue, safran : DÉSINFECTANTS, STIMULANTS GÉNÉRAUX, TONIQUES AMERS, TONIQUES ASTRIN- GENTS. PLÉTHORE SANGUINE. Crème de tartre. PLEURÉSIE. Amandes amères, buis, char- don bénit, coquelicot, digitale, douce- amère, figuier, lin, millefeuille noire, morphine (injections sous-culanées), moutarde, opium, pâquerelte, patience aquatique, térébenthine. — AVEC ÉPANCIHEMENT. Digitale, lai- tue vireuse. — CHRONIQUE. Acide cyanhydrique, marrube blanc, millepertuis, PLEURODYNIE, Morphine (injections sous- 1168 cutanées), moutarde, poix de Bourgo- gne, tabac. PLIQUE POLONAISE. Berce. PNEUMATOSES. Camomille puante. (Voy. Flatuosités. Gastralgies, Vents, etc.) PNEUMONIE. Acide hydrocyanique , amandes amères, belladone, bourrache, bryone, colchique, douce-amère, figuier, laurier-cerise, lin, marrube blanc, mille- feuille noire, opium, térébenthine, véra- trine. j POINT DE COTE. (Voy. Pleurésie, Pleu- rodynie.) POLLUTIONS NOCTURNES. Digitale, seigle ergoté, vinaigre. (Voy. Pertes sémi- nales.) POLYDIPSIE AVEC POLYURIE. Valériane. POLYPE DE L'UTÉRUS. Belladone, ergot de seigle, tannin. — DU NEZ. Germandrée maritime, opium, rue, sabine, tannin, POLYURIE. Opium. (Voy. Diabète insi- pide.) POURRITURE D'HOPITAL. Absinthe, ail, chène, germandrée aquatique, orge, saule blanc, scrofulaire aquatique, téré- benthine (essence de), vigne (vin en to- pique). (Voy. Ganqrène.) PROLAPSUS DU RECTUM. Cyprès, mille- feuille : ASTRINGENTS. é PRURIGO. Goudron, laurier-cerise, tabac. — PUDENDI. Acide cyanhydrique, aco- nit, amandes amères, colchique, con- combre, ellébore blanc, goudron, jou- barbe, tabac. PRURIT VULVAIRE. (Voy. Prurigo pu- dendi.) PSORIASIS. Goudron, PTYALISME MERCURIEL. Belladone, mar- rube blanc, opium. PUPILLE. (Pour la dilater et rendre ” plus facile l'opération de là cataracte, explorer le cristallin, combattre diverses aflections de l'œil, etc.). Belladone. PURPURA HEMORRHAGICA. Groseillier rouge , oseille, seigle ergoté, térében- thine (huile essentielle de) : ASrrIN- GENTS. PUSTULE MALIGNE. Noyer. — CORNÉE. Oronge. — SYPHILITIQUE. Opium. R. RACHIALGIE. Jusquiame. RACHITIS. Angélique, chêne, fougère mâle, gentiane, houblon. if, lierre, osmonde, pavot (huille d’œillette), sauge officinale, serpolet : ANTISCORBUTIQUES, ANTISCROFULEUX, TONIQUES AMERS. (VOy. Scrofules.) RAGE. Asperge, belladone, bétoine , cam- panule, genêt des teinturiers, iris COm- TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. mun, lycopode, mouron rouge, parisette, plantain d’eau, RELACHEMENT DES GENCIVES ET DE LA LUETTE. Grenadier, myrte, quinte- feuille, troëne, vigne (verjus), vinaigre, — DE L'UTÉRUS. Ortie : ASTRINGENTS A L'EXTÉRIEUR. (Voy. Abuissement de l’urérus.) — DES ORGANES GÉNITAUX, DU VA- GIN. Alchimille, coignassier, grenadier, myrte. RÉPERCUSSIONS ou RÉTROCESSIONS EXANTHÉMATEUSES. Moutarde, ortie sureau. RÉSORPTION PURULENTE. (Voy. Infec- lion purulente.) RÉTENTION DE CALCULS DANS LES CA- NAUX BILIAIRES. Belladone, essence de térébenthine, ricin. (Voy. Calculs biliaires.) — DU MÉCONIUM. Péêcher, ricin. — DU PLACENTA. (Voy. Placenta.) — D'URINE. Alkékenge, arnica, bella- done, lycopode, mélilot, oignon, opium, plantain d’eau, seigle ergoté (par inertie de la vessie), valériane : DIURETIQUES. (Voy. Dysurie, Ischurie, Strangurie.) RÉTINITE. Belladone. RÉTRACTIONS MUSCULAIRES. Orge (drè- che), vigne (marc de raisin.) RÉTRÉCISSEMENT SPASMODIQUE DE LA PUPILLE. Belladone, jusquiame. — DE L'URÉTHRE. Belladone. RHUMATISME, Aconitine, ail (huile essen- tiel d’), arnica, ballote cotonneuse, bar- dane. (Voy. Rhumatisme articulaire.) — ARTICULAIRE. Acide cyanhydrique, aconit, artichaut, belladone, bourrache, bryone, buis, camomille romaine, can- nabine, carline, chou, ciguëê, ciguë vi- : reuse, citronnier, colchique, cuscute, delphine, digitale, douce-amère, ellébore noir, frêne, genévrier, germandrée- ivette, hyssope, if, ivette musquée, Jus- quiame, lactucarium, lilas, lycopode, marrube blanc, mélilot, morphine (in- jections sous-cutanées), moutarde, mou- tarde blanche, opium, orge, passerage, persicaire douce, peuplier baumier, pomme de terre, pulsatille, roquette sau- vage, saponaire, stramoine, sureau, {a- bac, térébenthine (essence de), tulipier, vératrine, vigne (marc), vinaigre. — CHRONIQUE. Aconit, artichaut, belle- de-nuit, bryone, camphrée, chanvre, cochléaria, colchique, coloquinte, douce- amère, genêt à balais, gratiole, hièble, laurier d'Apollon, ményanthe, olivier, origan, ortie, patience, pensée sauvage , raifort sauvage, raisin d'Amérique, ro- marin, sabine, sauge officinale, serpolet, TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. stramoine, tanaisie, térébenthine, thym, vératrine. RHUMATISME GOUTTEUX, Aconit, col- chique. RHUME, (Voy. Catarrhe pulmonaire, Bron- chile.) RIGIDITÉ DU COL DE L'UTÉRUS. Bella- done. ROUGEOLE. Aconit, ancolie, bardane, bourrache, bryone, chardon-bénit, co- quelicot, digitale, figuier, groseillier rouge, opium, sureau, tussilage pétasite, violette. S. SAIGNEMENT DE NEZ. Ortie. (Voy. Épis- taxis.) SALIVATION MERCURIELLE. Belladone, essence de térébenthine, marrube blanc, opium. SARCOCÈLE. Arrète-bœuf. SCARLATINE. Aconit, ancolie, bardane, belladone, bourrache, digitale, figuier, groseillier rouge, tussilage pétasile. SCIATIQUE. Aconit, asaret, atropine, bel- ladone, ciguë vireuse, coloquinte, eu- phorbe épurge, genêt à balais, mou- tarde, opium (codéine), opium (mor- phine), passerage, poix de Bourgogne, renoncule bulbeuse, renoncule scélé- rate, tabac, térébenthine (essence de), vératrine, vigne (marc). : SGLÉROTITE, Belladone, colchique. SCORBUT. Absinthe, ail, angélique, &iti- chaut, beccabunga, betterave, cakiie, capucine, cardamine, chèvrefeuille, ci- tronnier, cochléaria, cresson, douce- amère, épine-vinette, eupatoire, fougère mâle, framboisier, frêne, genévrier, gentiane, germandrée, germandrée ma- ritime, germandrée sauge des bois, gro- seillier rouge, houblon, if, petite jou- barbe, marrube blanc, massette, mé- nyanthe, moutarde, nummulaire, oignon, oranger, orge, orme, oseille, passerage, patience, patience aquatique, persicaire douce, pissenlit, pomme de terre, pom mier, pourpier, raifort cultivé, roquette, salicorne, sapin et pin, sauge officinale, seigle ergoté (ergotine), vigne (raisins et Vi). SCROFULES. Absinthe, angélique, aunée, belladone, camomille puante, capucine, carotte, chélidoine, cicutine, ciguë, clé- matite des haies, cochléaria, cresson, daphné, douce-amère, garance, genêt à balais, gentiane, germandrée, houblon, if, iris commun, iris fétide, iris Jaune, marrube blanc, ményanthe, noyer, oignon, orge, orme, passerage, pavol ‘(huile d’œillette), pensée sauvage, pin, romarin, sabine, scrofulaire aquatique, 1169 scrofulaire noueuse, serpolet, souci, va- rec vésiculeux, vigne (vin), zostère. SCROFULIDES MALIGNES, Créosote. SPASMES DE LA GORGE ET DU LARYNX, Belladone, oranger, valérianate d’ammo- niaque : ANTISPASMODIQUES. (Voy. Con- vulsions.) — DE LA VESSIE ET DE L'URÈTRE, Belladone, pomme de terre, tabac. — HÉMORRHOIDAUX. Acide cyanhy- drique. SPERMATORRHÉE. Belladone, seigle er- goté, vinaigre. (Voy. Perles séminales.) SQUIRRHE. Belladone, ciguë, -jusquiame, mousse de Corse, scille, varec vésicu- leux. STAPHYLOME DE LA CORNÉE ET DE LA SCLÉROTIQUE. Belladone. STERNALGIE. Belladone. STOMACACE. Chêne, moutarde, ortie, vé- lar, vinaigre. STOMATITE. Alleluia, figuier, goudron, quintefeuille, sumac des corroyeurs, troëne. STRANGURIE. Amandes douces, bella- done, chervi, lin, lycopode, morelle, olivier, pariétaire, sorbier des oiseleurs, valériane. (Voy. Dysurie, {schurie, Ré- tention d'urine.) SUEURS DE PHTHISIQUES. Agaric blanc, rosier, sauge officinale, SUPPRESSION DES HÉMORRIOIDES Oignon. — DES RÈGLES. Arnica, asclépiade blan- che, camphrée, ellébore blanc, mille- feuille, (Voy. Aménorrhée.) SUPPURATION FÉTIDE. Camomille, ergo- tine Bonjean. SURDITE, Aconitine, delphine, oignon, vé- ralrine. SYPHITIDES. Aconit, daphné, douce- amère, opium, persicaire amphibie, pin. SYPHILIS. Aconit, bardane, chèvre-feuille, daphnés, genévrier, gratiole, laurier- cerise, laurier-rose, lobélie, opium, pa- tience, persicaire amphibie, persil, po- lygala, saponaire, sauge des bois, sureau, — CONSÉCUTIVE, Pulsatille. (Voy. Af- fections syphililiques.) — CONSTITUTIONNELLE. douce-amère, solanine. — REBELLE. Thuya. — SECONDAIRE. Daphné, frêne, laiche des sables. (Voy. Syphilis.) T. TÆENIA. Absinthe, ail, ailanthe, citron - nier, citrouille, celchique, euphorbe épurge, fougère mâle, fusain, gratiole, grenadier, matricaire, mürier, noyer, olivier, réséda, tanaisie, lartre {crème Coloquinte , 7! 1170 de), térébenthine (essence de), valé- riane : VERMIFUGES. (Voy. Vers.) TAIES DE LA CORNÉE. Belladone, chéli- doine, pulsatille, rue. TEIGNE. Acide acétique, anémone des bois, bardane, chélidoine, chou, cigué, créosote, cresson de fontaine, euphorbe épurge, genévrier, géranion, goudron, petite joubarbe, lierre grimpant, mou- tarde, noyer, oronge, pensée sauvage, raisin d'Amérique , .renoncules, ricin, sabine, sureau, tannin. TÉNESME. Acanthe, ambroisie, belladone, chervi, lactucarium, son, vinaigre. TÉTANOS. Belladone, cicutine, jusquiame, morphine, narcisse des prés, nicotine, opium, stramonium, tabac, térébenthine (essence de). TIC DOULOUREUX. Belladone, opium, té- rébenthine (essence : de) TONIQUES AMERS, TONIQUES ASTRINGENTS TORTICOLIS. Origan. TOUX. Ail, airelle, amandes douces, aupée, bouillon blanc, carotte, chou, guimauve, navet. (Voy. Bronchile.) — NERVEUSE, SPASMODIQUE ou CON- VULSIVE. Acide cyanhydrique, amandes amères , belladone, ciguë, cynoglosse, douce-amère, jusquiame, lactucarium, lailue, narcisse des prés, opium, oran- ger, pavot, pivoine, pomme de terre, solanine. — PÉRIODIQUE DES ENFANTS. Bella- done. — REBELLE CHRONIQUE. Garance, if, marrube blanc, oronge, poix de Bour- gogne, polypode, sauge officinale. (Voy. Catarrhe pulmonaire chronique.) — SÈCHE. Avoine, cynoglosse, douce- amère, mauve, olivier : ADOUCISSANTS. TRACHÉITE. Opium. TRANCHÉES DES ENFANTS. Anis, coque- licot, rue. — UTÉRINES. Amandes amères, seigle ergoté, opium. TREMBLEMENT DES MEMBRES. Angé- lique, arnica, aunée, sauge officinale. — ALCOOLIQUE. Alcool. — MERCURIEL. Opium. — NERVEUX. Belladone, poivrée. TUBERCULES DES POUMONS. (Voy. Phthi- sie pulmonaire.) TUMEURS BLANCHES. Agaric de chêne, belladone, genèt à balais, noyer. — CANCÉREUSES. Belladone, carotte, ciguë. — ÉRECTILE. Agaric de chêne. (Voy. Nœvi malerni.) — FROIDES. Chanvre, cumin, houblon, jusquiame, noyer, rosier, sureau, tabac, vinaigre. menthe TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES. TUMEURS GLANDULAIRES. CGiguë, cres- son de fontaine, delphine, oronge. — GOMMEUSES, Daphné. — GOUTTEUSES. Momordique, tabac. — HÉMORRHOIDALES. Arnica, cyprès, millefeuille, (Voy. Hémorrhoïdes.) — HYPERTROPHIQUES. Ciguë. — INFLAMMATOIRES. Figuier, mélilot, stramoine. (Vov. Inflammations.) — INDOLENTES. Ciguë, cumin. — LYMPHATIQUES. Ciguë, vinaigre. (Voy. Tumeurs froides.) — MÉSENTÉRIQUES. Giguë. — SCROFULEUSES, Arum, chélidoine, ciguë, cresson de fontaine, cyclame, mandragore, oseille, renoncule ficaire, souci des Jardins : TONIQUES AMERS. (Voy. Affections scrofuleuses, Scrofules.) — SQUIRRHEUSES. Belladone, ciguë. — DE L'UTERUS. Ciguë. — DES MAMELLES. Ciguë. — DES TESTICULES. Cigué. — DU SEIN. Ciguë, petite joubarbe. TYMPANITE. Cumin, mélilot, menthe poivrée, rue, tabac. TYPHUS, Ail, alcool, betterave, citronnier. U. . ULCÉRATIONS. Noyer. ULCÈRE SIMPLE DE L’'ESTOMAC. Carotte, laitue vireuse. — CHRONIQUES DES PAUPIÈRES. Ché- lidoine. — DES GENCIVES. Chêne, rue, sauge, sumac des corroyeurs : ANTISPASMODI- QUES, ASTRINGENTS. — DES REINS. Busserole. — DU PHARYNX ET DES FOSSES NA- SALES. Persicaire âcre. — SCORBUTIQUES DE LA BOUCHE. An- colie : ANTISCORBUTIQUES, ASTRINGENTS. (Voy. Affections scorbuliques.) ULCÈRES. Aconit, belladone, bénoile, bugle, chélidoine, chou, douce-amère, fraisier, lierre terrestre, lin, noyer, pa- tience, pavot (opium), peuplier baumier, poireau, sauge officinale, sauge sclarée, velvote, vigne (vinaigre). — ANCIENS. Aunée, ciguê, iodure d'amidon, mousse, orme. — ATONIQUES. Absinthe, alchimille, aunée, bénoite, chardon bénit, chéli- doine, cochléaria, créosote, ergotine Bonjean, essence de térében'hine, gené- vrier, germandrée aquatique, laurier d’Apollon, lierre grimpant, menthe poi- vrée, ményanthe, millefeuille, noyer, pédiculaire, persicaire àcre, peuplier baumier, renoncules, rosier, sauge offi- cinale, scrofulaire aquatique, tabac, la- naisie, thalictron, (hym, tormentille. fusain, TABLE DES MATIÈRES PATHOLOGIQUES ET THÉRAPEUTIQUES,. ULCÈRES GALLEUX. Souci. — CANCÉREUX. Belladone, carotle, ciguê, chardor-bénit, créosote, petite joubarbe, orme, oronge, pêcher (feuilles), stramoine, — CHANCREUX. Onoporde. — DE MAUVAISE NATURE, Petite jou- barbe, mouron rouge, orge. — DE LA CORNÉE. Atropine, chélidoine, opium, tannin. — DOULOUREUX. Belladone, ciguë, mo- relle, mouron rouge, opium, — FÉTIDES. Acide phénique, carotte, créosote, oranger. — FISTULEUX. Chélidoine, ciguë, petite joubarbe. — GANGRÉNEUX, Aconit, arnica, bident, chardon bénit, créosote, houblon, oseille, persil, saule blanc, tanaisie, tan- nate de plomb. — INTERNES. Rosier, saule blanc, — PHAGÉDÉNIQUES. Aconit. — PUTRIDES. Aurone, citronnier, créo- sote, ortie, oseille, tabac. — SANIEUX. Aigremoine, créosote, tabac. — SCORBUTIQUES. Absinthe, cochléaria, créosote, cresson de fontaine, genévrier, ményanthe, noyer, patience aquatique, troëne. (Voy. Affeclions scorbutiques, Scorbut.) — SCROFULEUX. Absinthe, ancolie, chêne, cigaë, créosote, cresson de fon- taine, fusain, ményanthe, noyer, persi- caire âcre, pin (goudron), renoneules, citronnier, sauge officinale, tussilage : TONIQUES AMERS, ANTISCROFULEUX. — SERPIGINEUX. Daphné, joubarbe, lycopode. — SORDIDES. : Aristoloche clématite, arnica, bénoite, bident, cresson de fon- taine, ergoline Bonjean, joubarbe, lau- rier d’Apollon, marrube blanc, mille- feuille, noyer, opium, persicaire àcre, pin, souci des jardins. — SYPHILITIQUES. Ciguë, opium. — UTÉRINS. Lichen d'Islande, noyer. — VERMINEUX. Absinthe, ail, aurone, tanaisie. URÉTHRITE. Persil, propylamine, seigle 1171 ergoté, (Voy. Blennorrhagie, Gonor- rhee.) URTICAIRE. Aconit. V. VAPEURS, (Voy. Hystérie, Spasmes.) VARIOLE, Aconit, ancolie, bardane, bour- rache, bryone, chardon bénit, figuier, houx, lentille, salicylite de potasse, vin. — CONFLUENTE. Opium, sureau, thé- riaque. VENTS. (Voy. Flatuosilés.) VARICES. Arnica, chêne. — DES FEMMES ENCEINTES. Arnica. — ANÉVRYSMALES. Agaric de chêne. VER SOLITAIRE. Absinthe, belle-de-nuit, romarin : ANTHELMINTHIQUES. (Voyez Tœænia.) VERS INTESTINAUX. Abricotier,absinthe, absinthe maritime, ail, amandes douces, cade, carotte, citronnier, crambé mari- time, essence de citron, lupin, olivier, pêcher (feuilles), réséda, santoline blanche, sarriette des jardins, séneçon, vin : ANTHELMINTHIQUES. (VOy. Asca- rides.) VERRUES. Argemone, chélidoine, chou, euphorbe cyparisse, souci des jardins, VERTIGES. Anis, gui, mélisse, muguet, pouliot, valérianate d’ammoniaque. VÉSANIES. (Voy. Aliénation mentale, Folie, Manie.) VÉSICATOIRES (pour les former). Acide acétique, arum, clématite des haies, daphné, dentaire, persicaire àcre, re- noncule : VESICANTS. — ULCÉRÉS (pour Les panser). Bella- done, chou, lierre, poirée, saxifrage de Sibérie, VOLVULUS. Amandes (Voy. Iléus.) VOMISSEMENTS. Angélique, belladone, ci- tronnier, menthe poivrée, opium, poi- rier (poiré), safran, sauge officinale, saule blanc, seigle ergoté (ergotine), vi- gne {vin de Champagne) : ANTISPASMO- DIQUES, NARCOTIQUES. Z. ZONA. Amidon (pour calmer la douleur), belladone, jusquiame, pavot (morphine. douces, olivier. TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES MÉDICINALES INDIGÈNES ET DE LEURS PRODUITS NATURELS ET MÉDICAMENTEUX Nota. — Les noms qui ne figuraient pas dans la table de la deuxième édition sont marqués d’un astérisque (*). — Les noms des plantes sont imprimés en caractères gras, les produits naturels et médicamenteux en PETITES MAJUSCULES, et les syno- nymies en caractères ordinaires. A. * Abricoéier. al * Absin menu. 1 Absinthe. 1 Absinthe commune. 1 Absinthe (Grande). 1 Absinthe maritime. 8 Absinthe officinale. 1 Absinthe (Petite). 8 Absinthe pontique. 8 Absinthe romaine. 8 * ABSINTHINE. 3 * Acacia d'Allemagne. 879 Acacia (Faux). 919 * Acacia nostras. 879 Acanthe. 9 * Acanthe épineuse. 9 * Acéctolats. 1103 Ache. 9 Ache d’eau. 191 Ache de montagne. 598 Ache des chiens. 317 Ache persil. 81% * Achillée. 638 * Achillée naine. Ghl Achillée ptarmique. 881 Achillée visqueuse. h24 ACHILLÉINE. ACIDE ACGÉTIQUE CONCEN- RÉ. 1103, 1132 ACIDE ACÉTIQUE IMPUR. 1103, 1198 * ACIDE AMYLIQUE. 1081 * ACIDE ANÉMONIQUE. 66, 884, 903 * ACIDE ANGÉLICIQUE. 69 # ACIDE ANTHÉMIQUE. 210 * ACIDE ANTIRRHINIQUE. 379 * ACIDE ASPARITIQUE. 106 * ACIDE CALCITRAPIQUE. 977 * ACIDE CARTHAMIQUE. 9577 * ACIDE CHÉLIDONIQUE. 279 * ACIDE CHRYSINIQUE. 823 * ACIDE CHRYSOPHANIQUE. 911 ACIDE CITRIQUE. 320, 321 — 6 NS O———— * ACIDE CUMINIQUE. 389 * ACIDE CYANHYDRIQUE. »70 * ACIDE DIGITALIQUE. 375 * ACIDE DIGITOLÉIQUE. 379 # ACIDE ÉQUISÉTIQUE. 877 * ACIDE FICARIQUE. 905 * ACIDE FILICIQUE. 1439 * ACIDE FILIXOÏDE. 139 * ACIDE FUMARIQUE. 158 ACIDE GALLIQUE. 29/4 ACIDE HYDROCYANIQUE. 570 * ACIDE LEDUMIQUE. 576 * ACIDE LICHÉNIQUE. 579 * ACIDE LICHÉNOSTÉARIQUE. 579 * ACIDE MAÏALIQUE. 670 ACIDE MALIQUE. 872 * ACIDE MÉLILOTIQUE. 624 * ACIDE MYRONIQUE. 658 * ACIDE NICOTIANIQUE. 1043 * ACIDE OLIVIQUE. 701 ACIDE OXALIQUE. 51 * ACIDE PAPAVÉRIQUE. 349 * ACIDE PÉLARGONIQUE. 178, 935 * ACIDE PHÉNIQUE (chi- mic). 840 — — (thérapeu- tique). 854 * ACIDE PICRIQUE. 840 * ACIDE PIMARIQUE. 840, 842 * ACIDE PINIQUE. 842 * ACIDE POMMIQUE. 872 * ACIDE RHÉADIQUE. 349 * ACIDE RICINIQUE. 915 * ACIDE RICINOLÉIQUE. 915 * ACIDE SALICYLEUX. 900 * ACIDE SAPONIQUE. 952 * ACIDE SÉLINIQUE. 1009 * ACIDE SORBIQUE. 1015 * ACIDE SPIROÏLEUX. 900 * ACIDE SUBÉRIQUE 295 * ACIDE SYLVIQUE. 840, 842 ACIDE VALÉRIANIQUE. 1081 ACIDE VALÉRIQUE. 1081 ACIDE VIBURNIQUE. 1081, 1137 * ACONELLINE. 12 Aconit napel. * Aconit (Variétés). AGONITINE (chimie). (thérapeutique). Acore adultérin. Acore aromatique. Acore vrai. Acetée. Actée des Alpes. * Actée en épi. * Actée (Variétés). Adiante. ÆSCULINE. 613, Æthuse à feuilles capil- laires. * AFFIUM. Agaloussé. Agaric amadouvier. Agaric aux mouches. Agaric blane. Agarie de chêne. Agaric des chirurgiens. Agaric du mélèze. Agaric mouche. Agaric moucheté. Agaric purgatif. Agnus castus. Agrefous. Agrimoine. * Agrimoine odorante. Agrimoine sauvage. Agrion. Agripaume. * AGROSTEMMINE. Aiïaut. * Aiglantine. * Aïgrelie. Aigremoine. Aigrette. Aïl. * ArL (ESSENCE D’). * Ail oignon. Aïlanthe. Aillaud. Airelle. Airelle ponctuée. TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES, 1173 * ALANTINE. 4114, * Aneth des moissons. 68 | Armoise commune. 81 * Alaterne. 681 | Aneth doux. 433 | Armoise des jardins. 417 Alcée. 45 | Aneth odorant. 67 | Armoise mâle, 117 Alcée rose. 45 | * ANGÉLICIQUE (ACIDE). 69 | Armoise santolique, 951 Alchimille. 16 | Angélique. 68 | Armoise vulgaire. 81 ALCOOL, 1104, 1104 | Angélique à feuilles d’a- ARNICINE. 84 — Action physiolo- che. 598 | Arnique de montagne. 84 gique. 1118 | Angélique cultivée. 68 | Arnique où arnica. 84 — — thérapeu- Angélique des bois. 71 |“ Aroufle. 976 tique, 1193 | Angélique oflicinale, 68 | * Arousse. 276 * ALCOOL AMYLIQUE. 870 | Angélique sauvage. 71 | Arrête-bœuf. 92 * ALCOOL D'ASPHODÈLE, 109 | * Angure de lin. 359 | Arroche. 94 ALCOOLATS. 1102 | Anis. 71 | Arroche fétide. 1138 ALCOOLATURES. 1102 | Anis boncage. 71 | Arroche puante. 1138 ALCOOLÉS. 1102 | Anis doux. 4133 | * ARTHANITINE, 360, 879 Algue. 1140 | Anis vert. 71 | Artichaut, 95 Algue commune. 255 | Anois. 112 | Artichaut sauvage. 274 Algue marine, commune Ansérine anthelmin- Artichaut sauvage. 536 ou des verriers. 1140 thique. 74 | Artichaut sauvage. 704 Aliez. 673 | Ansérine bon Henri. 202 | Arum. 97 * ALISES. 47 | Ansérine botrys. 202 | Arum commun. 97 * Alisier. 47 | Ansérine du Mexique. 61 | Asaret. 101 Alisma. 861 | Ansérine fétide. 1138 | Asaret d'Europe, 101 * ALISMINE. 861 | Ansérine sagittée. 202 | * ASARITE. 102 * ALIZARINE. 163 | Ansérine vermifuge, 74 | * ASARONE. 102 Alleluia. 51 | Anthémide puante. 243 | * AsaruM (CAMPHRE D’). 102 Aliiaire. 53 | * ANTHÉMINE. 240 | Asclépiade blanche. 104 Alkékenge. 47 | * ANTHÉMIQUE (ACIDE). 940 | * ASCLÉPIADINE. 104 Aloïse citronnée. 1097 | Anthyllide. 75 | ASPARAGINE. 106, 347, 869 * Alouchier. 47 | Anthyllide vulnéraire. 75 | * ASPARITIQUE (ACIDE). 106 * ALTHORINE. 46, 347 | * ANTIRRHININE. 595 | Asperge. 105 Aluine. A * ANTIRRHINIQUE (AGIDE). 375 | Asperge à l’esquinancie. 108 * Alvuine. 1 | Aparine. 489 | Asperge commune. 105 AMADOU. 33 | * Apérinette. 107 | Asperge officinale. 105 Amande de terre. 1017 | * APIINE. 814 | Aspérule odorante. 107 Amandes amères. 57 | * Aprioc (chimie). 814 | Asphodèle. 108 Amandes douces. 59 — (thérapeutique). 816 | * ASPHODÈLE (ALCOOL D’). 109 Amandier. 54 | * Arabette. 75 | Asphodèle blanc. 108 * Amauite bulbeuse. 721 | * Arabette des sables. 75 |‘ Asphodèle jaune. 109 * Amanite orange. 718 | * Arabette hérissée, 75 | Asphodèle rameux. 108 * AMANITINE (chimie). 718 | Aradah. k4 | Aspic. 574 — (physique). 721 | Aragone. 542 | Aspide fougère mâle. 437 * Amarante. 894 | Arbousier. 228 | Astragale. 109 Aumbroisie. 61 | * Arbousier. 2392 | Astragale réglissier. 109 * Ambrosie sauvage. 353 | Arbousier trainant. 228 | Astragale sans tige. 110 AMIDON. 453 | Arbre à la gale. 1032 | Athamante de Crète. 110 AMIDON (IODURE D’). 454 | Arbre à vessie. 121 | Athamante des cerfs. 112 * Ami. 63 | Arbre de la sagesse. 206 | Athamante oréosé- * Ammi inodore. 63 | Arbre de vie. 1066 | line. 111 * Ammi lancéolé. 63 | * Arbre du ciel. 43 | ATROPINE (chimie). 132 * Ammi visnage. 63 | Arbres à grives. 43, 1014 — (thérapeutique). 182 Amouroche. 243 | * ARBUTINE. 229 | * ATROPINE (SULFATE D’) * Amouros de Bartas. 922 | * ARBUVINE. 229 (chimie). 132 Ampoulaou. 700 | * ARCANSON. 839 — (thérapeutique). 183 * AMYGDALINE. 57 | Archangélique. 68, 561 | ATROPINE (VALÉRIANATE D’) * AMYLÈNE. 870 | * Argel, arguel ou arghel. 363 (chimie). 132 * AMYLIQUE (ALCOOL). 870 | * Argémone. 76 — (thérapeutique). 183 Anagyre. 63 | Argentine. 76 | * Aubépine. 112 Anagyre fétide. 63 | Argot. 979 | Aubervigne, 328 Aneolie. 64 | Aristoloche cléma- Aubifoin. 201 Androsème. 646 tite. 78 | Aubours. 431 Anémone. 66, 883 | Aristoloche commune. 78 | Aune ou aulne. 112 Anémone des bois. 66 | Aristoloche crénelée. 81 | Aune commun. 112 Anémone des prés. 884 | Aristoloche longue. 80 |* Aune noir. 208 * Anémone pulsatille. 883 | Aristoloche pistolo- Aunée où aulnée. 114 ANÉMONE PULSATILLE (CAM- che. 81 | AUNÉE (CAMPHRE D’). 114 PHRE D’). 884 | Aristoloche ronde. 80 | Aunée commune, 114 Anémone Sylvie. 66 | * ARISTOLOCHINE. 78 | Aunée des prés. 117 * ANÉMONINE. 66, 884, 903 | Armoise. 81 | Aunée dysentérique. 117 * ANÉMONIQUE (ACIDE). 66, Armoise absinthe. 1 | Aunée officinale. 114 884, 903 | Armoise amère. 1 | Aunet. 112 Aneth. 67 | Armoise citronnelle. 117 | AURADE. 706 1174 * AURADINE. * AURANTIN. * AURANTINE. Aurone. Aurone femelle. Aurone mâle. Aviculaire. Avoine. B. Bacile. Bacinet. Bacinet blanc. Bacinet purpurin. Baguenaudier. Baguenaudier arborescent. 706 706 706 BALAUSTES. 198 * Balisier. 122 Ballote cotonneuse. 123 Ballote noire. 122 Ballote odorante. 123 Balsamite. 123 Balsamite annuelle. 124 Balsamite odorante. 123 * BANDOLINE. 882 Baratte. 678 Barbarée. 125 Barbarée officinale. 125 Barbe de capucin. 681 Barbe de chèvre. 899 Barbeau. 201 Barbotine indigène. 1062 Bardane. 125 Bardane officinale. 125 * Bardeau. 1137 * BARRAS. 838 Basilic. 129 Basilic officinal. 129 * Basilic (Petit). 130 * Bassinet. 902 * Bassinet blanc. 66 Bassinet purpurin. 66 * BASSORINE. 710 * Baudrier de Neptune. 562 Baume coq. 123 Baume sauvage. L84 Baume vert, 625 Baumier. 625 Bec de grue. 477 Bec d'’oie. 76 Beccabunga. 130 Beccabunga (Petit). 131 * BEDEGUAR. 933 * Behen rouge. 1022 Belladone. 131 Belladone baccifère, 131 Belle-darne. 131 Belle-de-nuïit. 185 Belle-de-nuit à lon- gues fleurs. 185 Belle-de-nuit dicho- tome. 185 Belvédère. 74 Bénoite. 185 Bénoiïte aquatique. 189 Bénoite des montagnes. 190 Bénoite officinale. 185 BERBÉRINE. 420, 421 Berbéris. 419 Berce. 190 * Berce à feuillessimples. 191 * Berce des Alpes. * Berce gommifère. Berceau de la Vierge. * Bergamote. * BERGAMOTE (ESSENCE DE) * BERGAPTÈNE. Perle. * Berle chervi. Bétoine. Bétoine d’eau. Bétoine de montagne. Bétoine des Vosges. Bétoine officinale. Bétoine pourpre. Bette blanche. Bette ou poirée. Betterave. * BEURRE DE ROSES. * Hidens cornu ou penché. Bident ou Bidens. * BIÈRE. * Bigarade. * Bigaradier. * Bignone catalpa. * BIMÉCONATE DE MORPHINE. Biole. Bistorte. Blanc-bois. Blanc-d’eau. * Blanc de Hollande. Blanche. * Blanche épine. Blavéole. PIC: Blé avorté. * Blé d'Egypte. Blé d’Espagne. * Blé de mai. * Blé d’Inde. Blé de Turquie. * Blé de vache. Blé farouche. Blé have. Blé rachitique. Blodrot. 1 Bluet. Bluet des moissons. Bois de garou. Bois d’oreille. Bois franc. Bois gentil. Bois néphrétique d’Eu- rope. Bois puant. Bois puant. Bolet amadouvier. Bolet du mélèze. Bolct du saule. Bolet odorant. Bon-Henri. Bonhomme. Bonne-Dame. * Bonnet carré. Bonnet de prêtre. Bonnette. Botride. Botrys. Botrys du Mexique. Boucage. 71, Boucage à feuilles de berle. Boucage à grandesfeuilles Boucage saxifrage. 706, 191 191 328 325 325 203 204 204 204 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. Boucellaou. Bougrane. Bougrande. Bouillard. Bouillon ailé. Bouillon blanc. Bouillon mâle. * Bouillon noir. Bouillot. Boule. Boule de cire. Bouleau. Bouleau blanc. Bouleau vergne. Bourgène. Bourg-épine. Bourrache. Bourrache à fleurs bleues. Bourrache officinale. Bourse-à-berger. Bourse-à-pasteur. Boursette. Boussero'e. Boutaillon. Bouteillon. Bouton d’or. Boviste. * BRAI GRAS. * Bnaï SEC. Branc-ursine. Branc-ursine des Alle- mands. Branche-ursine. Brembelle. Brembollier. Brunelle. * Brunelle feuilles. Brunelle vulgaire. Bruyère. Bruyère commune. Bruyère herbacée. Bruyère pourpre. Bryone. Bryone dioique. Bryone officinale. * BRYONINE. Bugle. Buglose. Buglose à larges feuilles. Buglose des boutiques. Buglose d'Italie. 222, Buglosse. Buglosse toujours verte. Bugrane. * Bugrave. Buis. Buis à bordures. Buis arborescent, Buis bénit. Buis de Mahon. Buis des Baléares, Buis nain. Buis ordinaire. Buis (Petit). Buis toujours vert. Buplèvre. Buplèvre salciforme. Busserole. Butôme. Butôme en ombelle. Buxerole. 839, à grandes 218, * BuxinE. 224, * BUXxINE (SULFATE DE). Byssus des caves. C. Cabaret, * Cade. CADE (HUILE DE). Cudran. CAFÉ DE GLANDS DOUX. Café français. Cagarelle. Caille-lait. Caille-lait blanc. Caille-lait croisette. Caille-lait grateron. Caille-lait jaune. Caille-lait officinal. * Cakile maritime. Calament. Calamus aromatique. Calcar. * CALCITRAPIQUE {ACIDE). 233, 227 227 233 101 472 172 718 285 864 634 233 235 397 489 235 233 236 237 928 979 277 CALENDRIER FLORAL. 1150 CALENDULINE. 1018 Camelée. 237 Cameline. 238 * Camomen. 238 Camomille commune. 244, Camomille cotule. Camomiile d'Alle- magne. Camomille des champs. Camomille des tein- turiers. Camomille fétide. Camomille noble. Camomille odorante. Camomille orainaire. Camomille puante. Camomille pyrèthre. Camomille romaine. Camomille vraie. Campane. Campane jaune. Campanette. * Campanule gantelée. * Canmpanules. * CAMPHORATE DE MOR- PHIXE. CAMPHRE D'ANÉMONE PUL- SATILLE. CAMPHRE D’ASARUM. CAMPHRE D'AUNÉE. Camphrée. Camphrée de Montpel- lier. * CAMPHYLÈNE. * CANNABÈNE: (chimie). (thérapeu- tique). * CANNABINE (chimie). (thérapeu - tique). * Canne d’Inde. Canne de Provence. Canneberge. * CAPHOPICRITE, Capillaire. Capillaire à feuilles 621 243 244 243 244 243 239 239 621 243 887 239 621 673 673 598 244 244 788 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. 1175 Capillaire de Montpellier. 245 | Centinode. 906 Capillaire noire. 399 | * CÉRASINE. 266 Capille à teigncux. 489 | * CERÉALINE. 456 Caprier. 246 | Cerfeuil. 264 Capselle. 212 | Cerfeuil anisé. 265 * CAPSICINE, 835 | Cerfeuil bulbeux. 266 Capsique. 835 | Cerfeuil commun, 264 Capuce. 11 | Cerfeuil cultivé. 264 Capuchon de moine. 11 | Cerfeuil musqué. 265 Capucine. 248 |* Cerfeuii noucux. 265 * Capuçon. 11 | Cerfeuil odorant. 265 Caquenlit. 634 | Cerfeuil sauvage. 265 * Caquillier. 236 |* Cerfeuil tacheté, 265 Cardamine. 250 | Cerise d'hiver ou de jaif. 47 * Cardamine amère. 250 | Cerisier. 266 Cardère. 276 | Cerisier à grappes. 267 Cardiaire. 35 | Cerisier des oiseaux. 267 * Cardiale ou Cordiale (?) 35 | Cerisier laurier-cerise. 567 Cardiaque. 35 | Cerxisier noir. 267 Cardiasise officinale, 35 | Cétérach. 399 Cardinale bleue. 599 | Cétérach officinal. 399 Carex des sables 553 | Cétérach vrai. 399 Carline. 251 | CÉTRARIN, CÉTRARINE. 579 Carotte. 252 | * Chamaedris. 178 Carotte sauvage. 254 | Chamaras. 489 * CAROTTINE. 252 | Chambucle. ni 979 * Caroubier. 255 | Champignon de saule. 201 * CAROUGES. 255 | * Chandelle d’eau. 618 Carragaheen. 255 | Chandelle dela Passion. 618 Carrageen, 255 | Chanvre. 268 Carthame. 256 | Chanvre aquatique. 198 Carthame laineux. 257 | Chanvre des marais. 198 * CARTHAMINE. 257 | Charbon du seigle. 979 * CARTHAMIQUE (ACIDE). 257 | * Charbon végétal. 824 * CARVACROL, 258 | Chardon acanthin. 704 * CARVÈNE. 258 | Chardon à bonnetiers. 276 Carvi. 258 | Chardon à carder. 276 * CARVOL. 258 | Chardon à cent têtes. 275 Caryophyllée,. 186 | Chardon à foulon. 276 Casse-lunettes. 201 | Chardon à quenouille des Casse-pierre. 733, 965 | Anglais. 257 Cassis ou Grosseil- Chardon argenté. 274 lier noir, 259 | Chardon barbe de chèvre. 275 Cataire. 260 | * Chardon bénit. 212 * Catalpa commun. 199 | Chardon bénit des Amé- Catherinaire. 1042 | ricains. 76 Catins-mürons. 922 | Chardon bénit des Pari- Caveron sauvage. 879 | risiens. 257, 272 CÉDRAT. 325 | Chardon de Notre-Dame. 274 Cédratier. 325 | Chardon étoilé. 276 Cèdre (Petit). 472 | Chardon-Marie. 274 Ceinture de ïa Saint- Chardon-Roland. 275 Jean. 81 | Chardon-Rouland. 275 Céleri odorant. 9 | Chardonnette. 251 * Céleri rave. 10 | Chardousse. 251 Céleri sauvage ou des Charpentaire. 969 Marais. 9 | Chasse-bosse. 608 Centaurée bénite. 272 | Chasse-diable. 544 Centaurée bleue. 976 | Chasse-fièvre. 178 Centaurée chausse-trape. 276 | Chasse-loupe. 1023 Centaurée commune. 261 | Chasse-querelle des An- Centaurée étoilée. 276| glais. 605 Centaurée (Grande). 216 | Chasse-rage. 738 Centaurée jaune ou du Châtaigne chevaline. 612 solstice. 262 | Châtaigne de cheval. 612 Centaurée noire. 262 | Châtaignier. 612 Centaurée (Petite). 262 | Chataire. 260 Centaurée sudorifique. 272 | Chaupoint. 92 Centaurelle. 262 | Chausse-trappe. 276 * CENTAURINE. 262 | * CHELERYTHRINE, 279, 284, 803 * CENTAURI-RÉTINE. 262 | Chélidoine. 278 Centauroiïde, 492 | Chélidoine (Petite). 902 de coriandre. 1176 * CHÉLIDONINE. 279, 284, * CHÉLIDONIQUE (ACIDE). # CHÉLIDOXANTHINE. Chenarde. Chêne. * Chène à kermès. * Chène-liége. Chène mâle. Chêne marin. 1 Chêne rouvre. Chenette. * CHÈNEVIS. Chervi. Chervi (Grand). Cheveux de Vénus. Cheveux de Vénus. Chévref-uille. Chévrefeuille de Caroiine. Chèvrefeuille des Alpes. Chévrefeuille des buissons, Chicorée sauvage. Cbiche. Chicotin. Ciiendent. Clicndent rouge. Chiole. Chironée. * Chironis. CHLORHYDRATE DOUBLE DE MORPHINE ET DE CO- DÉINE. Chou. * Chou de mer. * Chou marin. 1 * Chou marin. Chou roquette. * Chou rouge. Choux gras. * Christophorienne. * CHRYSINIQUE (ACIDE). * CHRYSOPHANIQUE (ACIDE). * CHRYSORHAMNINE. * Cicérole. Cicutaire aquatique. * Cicutaire maculée. Cicutaire odorante. * CICUTINE. Cibre. Cicrge de Notre-Dame, Ciguéë. Ciguë aquatique. Ciguë commune. Ciguë d’eau. Ciguë des jardins. Ciguë (Grande). Ciguë officinale. Ciguë (Petite). Ciguë phellandre. Ciguë tachetée. Ciguë vireuse. * Ciste à feuilles de laurier. * Ciste à feuilles larges. Ciste blanchâtre. Ciste ladanifère. * Ciste de Crète. Ciste hélianthème. * Ciste pourpre. * CITRATE DE MORPHINE. CITRIQUE (AGIDE). 321, 245, Ia 305, # * 803 279 317 825 304 318 320 320 320 320 320 319 320 988 329 Crrron (HUILE VOLATILE). 32, 325 Citronade. 625 Citronnelle. 117, 625, 950 Citronnier. NASA Û Citrouille. 326 Clair-bassin. 902 * Clandestine. 564 Clématite brûlante. 328 Clématite des haies. 5328 Clochette. 597 Clochette des bois. 673 Clou de seigle. 979 CNIGIN, CnisiN ou Cni- CINE. 261, 272, 274, 277 Cnicus bénit. 272 Cochèêne. 1014 Cochléaria. 330 * COCHLÉARINE. 330 * Cocusseau. 875 CODÉINE. 748, 751, 793, 794 Coignassier. 332 * COLCHICÉINE. 334 COLCHICINE. 334, 340 * COLCHIGINE (TANNATE DE). 341 Colchique. 334 Colchique d’automne. 33/1 COLOCYNTHINE, 341, 345 COLOPHANE. 839, 840, 852 * COLOPHENE. 840 Coloquinte. 345 * Colsat. 341 Colubrine. 217 * Columbine. 64 Colutier. 121 Colza. 345 * Concombre. 349 Concombre d’äne. 647 * Concombre vert. 341 * CONÉINE. 305 * CONHYDRINE. 305 CONICINE. 305 * CONIINE. 305 * CONINE. 305 CONSERVATION DES PLANTES. 1147 Consoude. 316, 831 Consoude moyenne. 221 Consoude officinale. 346 Consoude (Petite). op Conyse des prés. 117 Conyse moyenne. 117 Conyze squarreuse. 3/18 Conyze vulgaire. 318 Coq des jardins. 123 Coquelicot. 318 Coquelourde, 883 Coqueluchon. 11 Coquerelle. 47 Coqueret. 47 Corail des jardins. 834 * CORIAMYRTINE. 897 Coriandre. 350 Coriandre cultivée. 350 Coriandre officinale. 350 * CORIARINE. 897 Cormier. 1015 Corne de cerf. 353 Corneille. 608 * Cornichon. 546 Cornouiller. 301 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. Cornouiller femelle. Cornouiller fleuri. Cornouiller mâle. Cornouiller sanguin. Cornuet. Coronille. Coronille bigarrée. * Coronille changeante. * Coronille couronnée. * Coronille glauque. * Coronille junciforme. Coronille panachée. Coronope. Corroie Saint-Jean. Corroyère: Corroytre à feuilles de myrte. * CORYDALINE. Coucou Coudricr. Couleuvrée. * COUMARINE. 108, 235, 432, 435, Couronne de la Saint- Jean. 81 Couronne de terre. 585 Couronne des blés. 682 Couronne impériale. 451 Courtrai. 526 Cousinier. h * Crambé maritime. 998. Cran de Bretagne. 89 Cranquillier. 328. Crarson. 891 Cranson officinal, 330: Crapaudine. 353 CREME DE TARTRE. 41100, 1117 CRÉOSOTE. 810, 852 Cresson. 394 Cresson alénois. 740 Cresson de fontaines. 354 Cresson de Para. 1020 Cresson de rivière. 353 Cresson de terre. 125- Cresson des jardins. 740: Cresson des prés. 250 Cresson des ruines. 739- Cresson d'Inde. 248: Cresson du Mexique. 248 Cresson du Pérou. 248 Cresson élégant. 250- CRESSON (HUILE ESSEN - TIELLE). 354 Cresson sauvage. 250: * Crète marine. 356 Crève chien. 651 Crithme maritime. 356 Criste marine, 356. Criste marine. 946 * Crocus des jardiniers. 942 Croisette. 397 Croisette velue. 397 Cruchon. 678. Crumen. 603. Crumièvre. 603 €Cumin. 398. Cumin des prés. 258 CumiN (HUILE ESSEN- TIELLE DE) 398. CUMINIQUE (ACIDE). 358. CuMINOL. 358 CUMYLE. 398- TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES, Curage. 810 Cusceute. 399 Cuscute à fruits serrés. 359 Cuscute épilinum. 309 Cuscute (Grande). 359 Cuscute (Petite). 359 CYANHYDRIQUE (ACIDE). 570 * CYANINE. 931 Cyelame. 360 Cyclame d'Europe. 360 CYCLAMINE. 360, 362, 879 * CYponix. 333 Cymbhalaire. 362 Cynanque de Mont- pellier. 362 * Cynarine. 95 * CYNODINE. 300 Cynoglosse,. 363 CYNORRHODONS. 932 Cyprès. 364 Cyprès des jardins. 951 Cytise aubours. 431 Cytise des Alpes. 431 * CYTISINE. 431 D. Daphné Alpina. 366 Daphne cneorum. 366 Daphné lauréole. 366 Daphné paniculé. 369 Daphné mézéréum. 366 Daphné tarton-raire. 366 Daphné Thymelée. 366 Dayphnés. 365 * DAPHNINE. 367 * Datura. 1023 * Datura à fruits épineux. 1023 * DATURINE. 1024, 1032 Daucus de Crète. 110, 252 Dauphinelle des blés. 831 Dauphinelle staphysai- gre. 1020 Dé de Notre Dame. 314 DELPHIXE OU DELPHININE. 1021, 1022 Delphinette staphysaigre. 1020 Dendelion. 855 Dent de lion. 855 Dentelaire. 371 Dessiccation des plantes. 11/47 DEXTRINE. h34 DrascorDiIuM. 782 D'ASTASE. 712 Dictame blanc. 372, 415 Dictame de Crète. 372 Digitale à petites fleurs. 399 Digitale jaune. 374, 399 Digitale pénchée. 399 Digitale pourprée. 373 * DiGITALÉINE. 379 * D{GITALÉRITINE. 375 * DIGITALICRINE. 379 * DaiciTALIDE. 379 * DiGiTALIX. 379 DiGiTALINE. 375, 398 * DiciTALIQUE (ACIDE). 375 * DiciTALOSE. 375 * DiGITOLÉIQUE (ACIDE). 375, 385 * Diss (Ergot du). 981 Dogue. 125 Dogue. 7/1 Doigtier. 874 Dompte noir. 104 Dompte venin, 10/4 Dorade. 399, 718 Doradille. 399 Doradille noire. 399 Doradille polytric. 399 Doronic. 100 Doronic d'Allemagne, 8 Doronic plantagin. 401 Douce-améère. h01 Dragon. 421 DRÈCHE. 712 Drienne. 585 * Drosère. 407 * Drouillier, 47 * DRUuPOSE. 863 DULCAMARINE. 402 E. EAU DES CARMES. 625 Ebénier des Alpes. 431 Ebrun. 979 Eclaire. 278 Eglantier. 278, 934 Eglantine à fleurs hlanches ouroses, 933 * ÉLAÏNE. 701 ELATÉRINE. 648, 649 Elatérion. 647 Elatérium. 648 ELATINE. 648 Ellébore à fleurs roses, 14 Eliébore blanc. 408 Ellébore fétide. 417 EÉllébore noir. 14 Ellébore vert. 18 EMÉTINE INDIGÈNE: 1134 * EMODINE. 911 * EMULSINE. 54 Encens d’eau. 1009 Encensier. 920 * Endormie. 1023 * Endove. 637 * Endroguez. 718 Enule tonique. 114 Epeautre. 711 Eperon court. 979 * Epervière. 833 Epiaire. 419 * Epilinum. 399 * Epinard d'Amérique. 894 Epinard de muraille. 733 Epinard des Indes. 894 Epinard sauvage. 202 * Epinards immortels. 742 * Epinards rouges. 94 Epine blanche. 412 Epine de cerf. 679 Epine noire. 879 Epine-vinctte. 119 Epurge. 424 * EQUISÉTIQUE (ACIDE). 876 Ergot. 979 * Ergot de froment. 457 Ergot de seigle. 979 * Ergot du diss. 981 Ercot (HuiLe bp’). 981, 982, 987 ERGOTATE DE SÉCALINE. 982 1177 981, 982, 987 DE BONJEAN. 081, 983, 987, 1005 EnGOTINE. ERGOTINE * Erodium, 178 * EnUCINE. 668 Erygeron des anciens. 1010 Erysimum alliaire. 53 Erysimum officinal. 1091 * ERYTHRO-CENTAURINE. 262 EÉSCULINE, 613, 615 Espargoule. 733 Espargoutte. 619 * ESPRIT DE COCHLÉARIA OU ESPRIT ARDENT. 332 ESSENCE D’AMANDES AMÈRES. 97 ESSENCE D’ANIS. 72 * ESSENCE DE BERGAMOTE. 325 * ESSENCE DE CAPUCINE. 248 ESSENCE DE CITRON. 321 ESSENCE DE CRESSON. 394 * ESSENCE DE MALT. ÿ A * ESSENCE DE POMMES DE TERRE. 870 * ESSENCE DE REINE DES PRÉS. 900 ESSENCE DE ROSES. 932 ESSENCE DE TÉRÉBEN- THINE. 839, 844 ESSENCE DE VALÉRIANE. 1081, 1088 * Estragon. 421 Estramon. 1023 Ésule (Petite). 428 Ethuse. 317 Etrangle-loup. "734 Eupatoire. 422 Eupatoire à feuilles de chanvre. 422 Eupatoire commune. 422 Eupatoire d’Avicenne. 422 Eupatoire de Mésué. /24 Eupatoire des Arabes. 422 Eupatoire des Grecs. 36. * EUPATORINE. 422 Euphorbe à feuilles de cyprès. 428 Euphorbe à feuilles li- néaires. 428: Euphorbe catapuce. 424 Euphorbe cyparisse. 128 Euphorbe de Gérard. 429 Euphorbe des boïis. 1/29 Euphorbe des marais. 429 Euphorbe épurgc. 424 Euphorbe ésule. 429 Euphorbe lathyrienne. 424 Euphorbe réveille- matin. 128 Euphraise officinale. 450 * EVONYMINE. 460: F. * FAGINE. 509 * FAÎNES. 509 * Fargon. 421 FARINE. 452 Fau. 509 Faucille. 352 Fausseanémonedesforèts. 66 Fausse branc-ursine. 190 FAUSSE ORONGE. 718 1178 Fausse rhubarbe. Fausse roquette. Fausse sénile. * Faux acacia. * Faux amome. Faux baguenaudier. Faux ébénier. Faux ellébore noir. Faux garou. Faux jalap. Faux narcisse. Faux nard. Faux persil. Faux rhapontic. * Faux sapin. Faux scordium. Faux seigle. Faux séné. * Faux vernis. Fayard. * FÉCULE. * FÉGULE (SIROP DE). Felougène. Felougne. FENOUIL. Fenouil aquatique. Fenouil bâtard. Fenouil commun. Fenouil d’eau. Fenouil de mer. Fenouil de porc. Fenouil des Alpes. Fenouil d'ours. Fenouil doux. Fenouil marin. Fenouil puant. Fenu-grec. Fer-à-cheval. Feu ardent. Fève commune, Fève de loup. Fève des marais. Ficaire. * FICARINE. * FICARIQUE (ACIDE). Fiel-de-terre. Fiel-de-terre. Figuier. * FILICINE. * FiLICIQUE (ACIDE). Filipendule. Filipendule aquatique. * FirnixoïpE (Acipe). * Fique ou diable. Flambe. Flamme. Flamme bâtarde. Flamme d'eau. Flamme nue. * Flamme (Petite). Flamminette. Fleur de carème. Fleur de coucou. Fleur de la Trinité. Fleur de Mallet. Fleur de Päques. Fleur de Saint-Jeau. Fleur du soleil. Fleur du vent. Florion d’or. * Fluteau à feuilles de plantain. 121, 832 92 Fluteau plantaginé. 860 Fluteau trigone. 860 * Foin de mer. 1140 Foirande. 654 Foirolle. 634 Foirotte. 634 Follette. 94 Fougère aquatique. 730 Fougère commune. L42 Fougère femelle. kh2 Fougère fleurie. 730 Fougère mâle. 437 Fougère musquée. 265 Fougère royale. 730 Fourdinier. 879 Foyard. 509 Fragon. 820 Fraisier. L42 Frambhoisier. 45 Fraxinelle, 445 FRAXININE. 447 * FRAXINITE. h47 Frêne. 446 Frène commun. AN Frêne élevé. L46 Frêne (Grand). 46 Frêne nudiflore. 46 Frigoule. 1066 Fritillaire. 451 Fritillaire impériale. 451 Froment. 452 Froment rampant. 300 Fucus helminthocorton. 657 * FUMARINE. 158 * FUMARIQUE (ACIDE). 458 Fumeterre. 457 Fumeterre bulbeuse. 159 Fumeterre officinale. 457 Fumeterre vulgaire. 457 * Fuminella. 943 Fusaîin. U61 Fusain d'Europe. 461 * FuUSEL oIL. 870, 872 * Fustec. 1036 * Fustet,. 1036 G. Gaillet. \ 23a Galantine de neige. 809 Galéga. 461 Galéga commun. 461 Galéopside. 462 Galiote. 186 GALIPOT. 838, 839 * GALLES. 285, 286 GALLIQUE (ACIDE). 294 Gandio. 374 Gant de Notre-Dame. 64 Gant de Notre-Dame. 374 Gantelée. 374 Gantelet. 374 Gantellier. 374 Garance. 162 * Garance (Petite). 107 Garde-robe. 950 Gariot. 186 Garou. 365 Garoupe. 237 Garrus. 518 Garvance. 884 Gatilier. 34 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. Gaude. Gauguier. * GÉINE. * GEMME. Genêt à balai. Genût commun. Genèt d'Espagne. Genêt des teintu- riers. Genêt griot. Genèêt purgatif. Génettier. Genévrier. Genévrier commun. Genévrier oxycédre, Genévrier sabine, * Genibre, Genièvre. Génipi blanc. Génipi noir. * Génipi vrai. Génistrolle. Gentiane. Gentiane blanche. Gentiane centaurée. Gentiane (Grande). Gentiane jaune. GENTIANIN. GENTIANINE. * GENTISIN. Géraine Robertin. * GÉRANIINE. Géranion. Germandrée. Germandrée aqua- tique. Germandrée à fleurs en tête. Germandrée botrys. Germandrée cotonneuse. Germandrée d’eau. Germandrée de montagne. Germandrée femelle. &Gecrmandrée ivette. Germandrée officinale. Germandrée mari- time. Germandrée marum. Germandrée polium. Germandrée sauge des bois. Germandrée sauvage. 484, Gérolle. * Gesse. Gillon. Girard. Giroflée de muraille. Giroflée jaune. Giroflée musquée. Giroflier jaune. * Girolès. * GITHAGINE. Glaïeul bleu. Glaiïeul des marais. Glaïeul (Petit). Glaïeul puant. Glaïeul sauvage. Glaucier jaune. * GLAUCINE. * GLAUCOPICRINE. Glécome hédéracé. Glécome lierre. 609, 838, 475; 908 684 186 839 464 464 466 467 168 168 464 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. Globulaire. Globulaire turbith. Globulaire vulgaire. Glouteron. * GLv. GLUTEN. * GLUTINE. * Glycaratus. * GLYCÉRINE. * GLYCIRRHIZINE. * GLYCODRUPOSE. Gnaphalie. Gnaphalie germanique. * GOEMINE. Goëmons. Goguer. Golante. . * GOMME DE PAYS. * GOMME D'OLIVIER, * GOMME HÉDÉRÉE. * (GOMME LECCA. Goupron. Gouet. Gouet commun. Goutte de lin. Grâce de Dieu. * GRANATINE. Grand baume. * Grand bonnet. Grand chardon aux ânes. Grand chervi. Grand frêne. Grand houx. Grand liseron. Grand nénuphar. Grand origan. Grand origan. Grand pardon. Grand plantain. Grand raifort sauvage. Grande absinthe. Grande centaurée. Grande chélidoine. Grande ciguë. Grande consoude. Grande digitale. Grande éclaire. Grande ésule. Grande fougère femelle. Grande gentiane. Grande joubarbe. Grande marguerite. Grande mauve. Grande passerage. Grande patience. Grande potentille. Grande pulmonaire. Grande ronce. Graude sauge. Grande scille. Grande scrofulaire. Grande tanaisie. Grassette, Grateron. Gratiole. Gratiole officinale. * GRATIOLIN. * GRATIOLINE, Grémil. Grenadier. * GRENADINE. Grenouillet, 867, 1, 583, 187 187 188 125 520 455 712 897 701 898 862 188 188 189 189 684 647 881 701 584 701 849 97 97 359 492 498 123 1080 704 731 446 518 597 678 612 715 518 859 891 1 261 278 304 346 374 278 h24 L42 474 536 733 622 737 74 899 883 922 955 969 976 123 720 1189 492 492 493 193 196 497 498 968 Grenouillette. 901 Grenouillette d’eau, 902 Gréou. 518 Griffe de loup. 605 Gringande, 673 Grion. 518 Gros millet des Indes. 609 * Groseillier à maquereaux, 502 * Groseillier épineux, 502 Groscillier noir. 259 Groseillier rouge. 501 Grosse orge. 711 * GROSSULINE. 501 GRUAU. 711 * Guide. 741 Gueule de lion noir. ul Gui. 502 Gui blanc. 502 Gui commun. 502 Gui parasite. 502 Guigne de côte. 131 Guimauve. 505 H. Halicacabum. 47 Hannebanne. 543 * HÉBÉRÉE (GOMME). 583, 584 * HÉDÉRINE. 583 HÉLENINE. 114 Hélianthème vulgaire. 320 * Héliotrope d'hiver, 1080 Hellébores (V. Ellébores). 408, 414, 417, 418 Hépatique. 581 Hépatique blanche. 737 Hépatique des bois. 107 Hépatique des fon - taines. 507 Hépatique étoilée. 107 Hépatique marchan- tée. 509 Hépatique officinale. 507 Hépatique pour la rage. 582 Hépatique variée. 507 Herbe à bonhomme, 204 Herbe à cent nœuds. 906 Herbe à cent maladies. 608 Herbe à cent maux. 608, 693 Herbe à chiron. 262 Herbe à cinq feuilles. 889 * Herbe à cloques. 47 Herbe à coton. 4838 * Herbe à couteau. 531, 553 Herbe à deux bouts. 300 Herbe à écurer. 877 Herbe à éternuer. 84, 881 * Herbe à fève. 721 Herbe à foulon. 951 * Herbe à jeunir. 167, 908 * Herbe aiguillée ou à l’ai- guillette. 264 Herbe à la capucine. 819 Herbe à la carte. 401 * Herbe à la clavelée. 808 Herbe à la fièvre. 262, 401, 492 * Herbe à la gale. 651 * Herbe à la matrice. 564 * Herbe à la meurtrie. 1080 * Herbe à la pituite. 1020 * Herbe à la plique. 605 ‘ Herbe à la puce. 1032 1179 * Herbe à la rate, 973 Herbe à la reine. 1042 * Herbe à la rosée. 4106 * Herbe à la tache. 91 Herbe à la teigne. 605 * Herbe à la Vierge. 673 Herbe à l’esquinancie. 108, 477 Herbe à l’ophthalmie. 430 Herbe amère. 1062 Herbe à millepertuis. 644 * Herbe à omelette, 123 Herbe à pain. 97 Herbe à Paris. 734 Herbe à pauvre homme. 492 Herbe à printemps. 202 Herbe à reprise. 721 Herbe à Robert. 477 Herbe arthritique. 878 * Herbe à séton. 118 Herbe à teigne. 543 * Herbe à tous maux. 1042 Herbe à tuer les moutons. 693 Herbe au centaure, 262 Herbe au chantre. 1091 ‘[* Herbe au cocher. 637 * Herbe au coq. 123 * Herbe au fi. 417 Herbe au lait. 864 Herbe au lait de Notre- Dame. 883 * Herbe au panaris. 968 Herbe au scorbut. 330 Herbe au vent. 883 * Herbe au verre. 733 * Herbe aux abeilles. 899 * Herbe aux ânes. 92 Herbe aux auls. 53 Herbe aux bœufs. 417 Herbe aux cancers. 371 * Herbe aux chapeaux. 1080 Herbe aux charpentiers. 125 Herbe aux charpentiers. 214 Herbe aux charpentiers. 346 Herbe aux charpentiers. 637 Herbe aux charpentiers. 721 Herbe aux charpentiers. 745 Herbe aux charpentiers. 1010 Herbe aux chats. 260 Herbe aux chats. 481 Herbe aux chats. 1080 Herbe aux chutes. 84 Herbe aux corneilles. 608 Herbe aux cors. 536, 721 Herbe aux coupures. 346, 637, 721 Herbe aux couronnes. 920 Herbe aux cuillers. 330 Herbe aux cure-dents. 63 Herbe aux écrouelles. 563, 976 Herbe aux écus. 693 Herbe aux engelures. 543 Herbe aux femmes bat- tues. 967 Herbe aux goutteux. 106 Herbe aux gueux. 328 Herbe aux hanches. 683 Herbe aux hémorrhoïdes. 902 Herbe aux hémorrhoïdes. 976 Herbe aux hernies, 508 Herbe aux ladres. 1094 Herbe aux magiciens. 651 * Herbe aux mamelles. 563 1180 Herbe aux militaires. 637 * Herbe aux mouches, 348 Herbe aux perles. 496 * Herbe aux piqûres. 644 * Herbe aux plaies. 958 Herbe aux plateaux. 678 Herbe aux pouilleux. 125 Herbe aux poumons. 507, 581 Herbe aux poumons. 883 Herbe aux poux. 29 Herbe aux poux. 1020 Herbe aux prècheurs. 84 Herbe aux puces. 630, 860, 881 * Herbe aux racheux. 371 Herbe aux sorciers. 1023 Herbe aux tanneurs. 896 Herbe aux teigneux. 125, 1080 Herbe aux tonneliers. 35 Herbe aux vers. 1,1062 Herbe aux vipères. 1138 Herbe aux voituriers. 637 Herbe bénite. 186 Herbe britannique. 744 Herbe cachée. 564 Herbe chaste. 877 Herbe d'amour. 907 Herbe d’Antal. 363 Herbe de bouc. 1138 Herbe de citron. 625 Herbe de cœur. 883 Herbe de crû. 417 Herbe de feu. 81, 414, 902 Herbe de grâce. 934 Herbe de Hallot. 507 Herbe des Islandais. 579 Herbe de l’ambassadeur. 1042 Herbe de la paralysie. 877 Herbe de la reine. 1042 Herbe de la Saint-Jean. 81 Herbe de montagne. 579 Herbe d’enfer. 678 Herbe de nonne. 733 Herbe de Notre-Dame. 733 Herbe dentaire. 278 Herbe de pâturage. L07 Herbe de pourceau. 906 Herbe de Saint-Benoît. 185 Herbe de Saint-Christophe. 29 Herbe de Sainte-Barbe. 195 ‘Herbe de Sainte-Croix. 1042 Herbe de Sainte - Cunc- gonde. 422 Herbe de Sainte-Rose. 857 Herbe de Saint-Fiacre. 204 Herbe de Saint-Georges. 1080 Herbe de Saint-Guérin. 41076 Herbe de Saint-Jean. 598, 585, 644 Herbe de Saint-Julien. 955 Herbe de Saint-Laurent. 221, 630, 949 Herbe de Saint-Marc. 1062 Herbe de Saint-Philippe. 740 Herbe de Saint-Pierre. 356 Herbe de Saint-Roch. 117 Herbe de sang. 1096 Herbe des démoniaques. 10923 Herbe des Islandais. 579 Herbe des magiciens. 1023 Herbe des murailles. 733 Herbe des philosophes. 555 Herbe des sages. 555 Herbe des Saints - Inno- cents. 810, 906 Herbe de Siméon. 1) Herbe de tac. 883 Herbe de ternabon. 1042 Herbe d’Hermes. 634 Herbe d’hirondelle. 278 Herbe d’ivrogne. 531 Herbe dorée. 399 Herbe dragonne. 97, 421 Herbe du cardinal. 831 * Herbe du Deffaut. 949 * Herbe du foie. 1096 Herbe du grand-prieur. 1042 Herbe du mort. 630 Herbe du Saint-Esprit. 68 Herbe du siége. 975 Herbe du turc. 508 Herbe empoisonnée. 131 Herbe maure. 651 Herbe musquée. 653 Herbe pédiculaire. 1020 Herbe royale. 117 Herbe sacrée. 955 Herbe sacrée. 1042 Herbe sacrée. 1096 Herbe sainte. AL Herbe sainte. 1042 Herbe sardonique. 902 Herbe sarrazine. 881 Herbe terrible. 487 Herbe velue. 188 Herbe vierge. 618 Herbe vivace. 882 Hermiaire. 508 Herniole. 508 Herniole. 906 Herpette des murs. 582 Hespéride des jardins. 542 * HESPÉRIDINE. 321, 706 Hètre. 509 H'c&ble. 511 * HOorDÉINE. 712 Hormin. 958 Houblon. 513 Houblon à la bivre. 513 Houblon grimpant. 513 Houblon vulgaire. 513 * Housson. 518, 820 Houx. 518 Houx épineux. 518 Houx frêlon. 820 Houx (Grand). 518 HUILE DE CADE. 472 * HUILE DE COLZA. 345 * HUILE DE MARMOTTE. 1,926 HUILE DE NAVETTE. 677 HUILE D’ÉPURGE. 24 * HuiLE D’ERGOT. 981, 982 HUILE DE SAPIN. 852 * HUILE DE TÉRÉBENTHINE. 844 HUILE DE VALÉRIANE. 1081, 1088 HuiLE D'ORILLETTE.748, 749,752 HuüiLE D’OLIVE. 700 HUILE DOUCE DE MOUTARDE. 668 * HUILE ESSENTIELLE DE FEUILLES DE PIN. * HUILE OGIRINE. 841 823 * HUILE VOLATILE DE CI- TRON. 321 * HYDRATE DE PHÉNYLE. 854 * HYDRURE DE SALYCILE. 900 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. HYOSCIAMINE. 544, 545, 553 Hyssope. 521 * HyssoPiNe. 521 L. Ièble. 511. Ef. 522 ILICINE. 518, 520 Ilécébra. 538 Immortelle dioïque. 488 Impératoire. 525 * Impératoire commune. 525 * Impératoire des Alpes. 525 * Impératoire des mon- tagnes. 525 * IMPÉRATORINE. 525 Inérine. 9 * Infernale. 76 * Ingremoine. 36 * INosiTe. 855, 863 Inule aunée. 114 Inule campagne. 114 Inule conysière. 117 Inule dysentérique. 117 Inule héleniaire. 114 Inule odorante. 117 * Inule tonique. 117 INULINE. 109,114 * IODE. 255, 562, 656, 1094 IODURE D'AMIDON. 454 Ipécacuanha européen. 217 Ipécacuanha indigène. 217 Iris commun. 526 * Iris de Florence. 528 Iris des jardins. 526 Iris des marais. 530 Iris faux acore. 530 ris fétide. 529 Iris flambe. 526 Iris germanique. 526 Iris gigot. 529 Iris glaïeul. 530 Iris jaune. 530 * Iris officinal. 228 * ISOTÉRÉBENTHÈNE. 810 Ivette. L84 Ivette commune. 184 Ivette musquée. 184 lvette (Petite). ro Ivraie. 531 Ivrogne. 277 Ivroie. 531 J. Jacée. 262 Jacinthe de mars. 535 Jacinthe des bois. 535 Jalap à fleurs pourpres. 185 Jalap aux belles fleurs. 185 Jalap d'Europe. 185 Jalap indigène. 185 Jansonna. 462 * Jarosse. 485 Jaseron. 718 * Jasmin. 535. * Jaune d'œuf. 718. Jauneau. 90 Jeannette. 678 * JERVINE. 408 Jombarbe. 536 TABLE ALPHAPÉTIQUE DES FLANTES, Jonc fleuri. 239 Joubarbe brûlante. 538 Joubarbe des toits. 536 Joubarbe des vignes. 721 Joubarbe (Grande), 936 Joubarbe (Petite). 538 * JUGLANDINE. 685 * Jujube. 542 * JUJUBES. 542 Julienne. 53 Julienne. 542 Julienne des dames. 542 Juniesse. 62 Jusquiame. 543 Jusquiame blanche. 553 Jusquiame commune. 543 Jusquiame dorée. 558 Jusquiame du Pérou. 1042 Jusquiame noire. 543 L. Lacques. 894 LACTUCARIUM. 555 007 * LACTUCINE. 5959, 598 * LADANUM. 320 Ladies mantle des An- glais. A6 Laiche des sables. 553 * Laiteron. MO ET 7 Laitier. 804 * Laitron. 554 Laitue. 551 Laitue de chien. 300 Laitue vireuse. 558 Lamier hlane. 561 * Laminaire digitée. 562 Lamion. 561 Lampée. 742 Lampourde. 563 Lampourdeau. 618 Lampsane. 263 Langue de bœuf. 97 Langue de bœuf. 222, 973 Langue de cerf. 973 Langue de chien. 363 Langue de passereau. 906 Langue de vache. 346 Lapsane. 563 Laser à larges feuilles. 564 Laser de Chiron, 11/4 * LASERPITINE. 564 * Lathrée. 564 * LAURANE. 565 Lauréole. 366 Lauréole femelle. 366 Lauréole gentille. 366 Laurier amandier. 567 Laurier au lait. 567 Laurier-eerise. 567 Laurier d'Apollon. 565 Laurier de Trébizonde. 567 Laurier franc. 565 Laurier ordinaire. 565 Laurier-rose. 571 Laurier-rose des Alpes. 926 Laurier-sauce. 565 Laurier-tarte, 567 Laurier-tin. 1137 * LAURINE. 565 Laurose. 157 * LAUROSTÉARINE. 565 Lavande. Lavande aspic. Lavande commune. Lavande cultivée. Lavande des jardins. Lavande en épis. Lavande mâle, * Lavande oflicinale. Lavande Stoœchas. Lavanèse. Lodon des marais. * Ledum. * Lenum (CAMPHRE DE). * LEDUMIQUE (ACIDE). Lenticule des marais. * Lentille. Lentille d'eau. * Lentisque. * LEPIDINE. * LEVURE DE BIÈRE. 712, 7 Lichen d'arbres. Lichen de chien. Lichen des mu- railles. Lichen de terre. Lichen d'Irlande. Lichen d'Islande. Lichen du hêtre. Lichen pulmonaire. Lichen pyxidé. * LICHENINE. * LICHENIQUE (ACIDE). 57/4 574 579 579 * LICHENOSTÉARIQUE (ACIDE). * LIÉGE. * Liëge (Chène-) Lierre à cautère. Lierre commun. Lierre des poûtes. Licrre en arbre. Lierre grimpant. Lierre terrestre. * LIGULINE. # LIGUSTRINE. * LILACINE. Lilas. * LIMONE. * LIMONINE. Liu. Lin cathartique. Jin de montagre. Lin purgatif. Lin sauvage. Lin sauvage. Linaire. Linaire auriculée ou batarde. Linaire des moissons. Linaire ordinaire. Linet. * LININE. * LININE. Liondent. * Lionne. * Lirguo. * LIRIODENDRINE. Lis blane. Lis d’eau. Lis des étangs. Lis des vallées. Lis vert. Liseron des haies. 1181 Liseron à feuilles de gui- mauve, 598 Liseron de mai. 670 Liseron des champs. 598 Liseron (Grand). 597 Liseron (Petit). 598 Liseron piquant. 948 Liseron soldanelle. 1013 Liset. 597 Livèche. 598 Livôche commune, 598 Lobélie. 599 Lobélie antisyphilitique. 599 Lobélie bruülante, 600 * LOBÉLINE. 601 * LOLIINE. 232 Loque. 251 Lotier odorant. 625 Lune d’eau. 678 * Lupin. 601 * LUPINS. 601 * LUPININE. 602 LUPULIN. 513, 516 LUPULINE. 513, 516 * LUPULITE, 513 * LUTÉOLÉINE. 908 * LUTÉOLINE. 908 Lycope. 602 Lycope des marais. 602 Lycope d'Europe. 602 Lycoperdon. 603 Lycoperdon gigantesque. 603 Lycopode. 605 Lycopode en massue. 605 Lycopode selage. 607 Eycopside. 607 Lycopside des champs. 607 Eysimachie. 608 Lysimachie rouge. 945 Lysimaque vulgaire. 608 M. * Màche. 1088 * Madrate. 564 Madrielets. 11 * MAGNÉSIE NOIRE 82/ Mahon. 348 # MAÏALINE. 670 * MAÏïALIQUE (ACIDE). 670 Maïs. 609 Malette. 712 Malette à berger. 212 Malherbe. 371 MALICORIUM. 497 MALIQUE (ACIDE). 872 MALT. 7192, 714 Manchette de la Vierge. 597 Mar:'enne. 1137 * Mandezloire. 611 * Mandragore. 611 Mandragore baccifère. 131 * MANNE DE BRIANCON. 838 * Manne des grèves. 949 * MANNITE. 447, 855, 981 * Manteau des Dames. 46 * MARC DE RAISIN. 1106 * Marchantie étoilée. 507 * Marchantie polymorphe. 507 Marfourrée. 417 Marguerite bleue, 188 1182 Marguerite (Grande). Marguerite (Petite). Marjolaine. Marjolaine bâtarde. Marjolaine d'Angleterre. Marjolaine d'Angleterre. Marjolaine des jardins. Marjolaine sauvage. 733 732 612 715 612 715 612 715 * MARMOTTES (HUILE DE). 1,926 Maroute. * Marrochemin. Marronnier d'Inde. Marrube. Marrube blanc Marrube commun. Marrube d’eau. Marrube fétide. Marrube noir. Marrube puant. Marrubier noir. * MARRUBINE. Marum. Masclou. Masse au bedeau. Masse d’eau. Massette. Massette à feuilles étroites. Massette feuilles. * Masric. * MASTICINE. Matricaire. Matricaire camomile. Matricaire odorante. Matricaire officinale, Matricaire vulgaire. Mau. Maude. Mauve. Mauve à feu lies rondes. Mauve commune. Mauve crépue. Mauve nusquée. Mechoacan du Canada. Mélèze. Mélilot. Mélilot bleues. Mélilot blanc. Mélilot élevé. * MÉLILOTIQUE (ACIDE). Mélisse. Mélisse bâtarde. Mélisse citronelle. Mélisse des bois ou des montagnes. Mélisse officinale. Mélisse puante. Mélisse sauvage. Melon. : Menthe à feuilles étroites. Menthe anglaise. Menthe aquatique. Menthe coq. Menthe crépue frisée. Menthe de chat. Menthe de Notre-Dame. Menthe de Notre-Dame, Menthe élégante. Menthe gentille. à Jarges à fleurs ou 243 616 612 616 616 616 602 122 122 192 122 616 482 508 618 618 618 619 618 578 578 619 621 621 619 519 622 622 622 623 622 623 623 894 838 623 625 624 624 624 625 626 625 626 625 626 626 626 630 627 630 123 630 260 123 650 631 631 TABLE ALPHABÉTIQUE DES Menthe poivrée. Menthe pouliot. Menthe romaine. Menthe sauvage. Menthe verte. Menthe vulgaire. Ményanthe. Ményanthe à feuilles ter- nées. ; Ményanthe trifoliée. * MÉNYANTHIN. * MÉNYANTHINE. Mercuriale. Mercuriale annuelle. * Mercuriale bisan- nueile. * MERCURIALINE. Mère de seigle. Merisier. Merisier à grappes. Mexlilot. Merlion. Merveille du Pérou. MÉTANAPHTALINE. MÉTATÉRÉPBENTHÈNE. * MÉTHYLCICUTINE. NMéum. Méum athamantique. Mézéréon. Mignonnette. * Mil. Nillefeuïille. Millefeuills à feuilles de coriandre. Millefeuille aquatique. Millefeuille commune. Millefeuilie des pharma- ciens. Millefeuille en deuil. Millefeuille musquée. Millefeuille naine. Millefeuille noble. Millefeuille noire. Millepertuis. Millepcriuis andro- sème. Millepertuis commun. Millepertuis officinal. Millepertuis tétra- gone. Millet. Millet à grappes. Millet à panicule. Millet des oiseaux. Millet en épis. Molène. Molette. Momordique. Momordique élastique. Momordique piquante. Momordique purgative. Monarde. Monarde de Pensylvan'e. Monnoyère. Morelle. Morelle à quatre feuilles. Morelle furieuse. Morelle grimpante. Morelle noire. Morelle ofticinale. Morelle parmentière. Morelle tubéreuse. PLANTES. 627 | Moret. AA 630 | Morette. 651 630 | MorPHINE. 349, 748, 630 751, 785, 787 630 | Mors du diable. 967 630 | Mort aux chiens. 334 632 | Mort aux panthères. 400 Mort aux poules. 543 632 | Mort aux poux. 1020 632 | Mort aux vaches. 902 632 | Moscatelle. 653 632 | Moscatelline. 653 633 | Moscatelline à feuilles de 633 fumeterre bulbeuse. 653 Mouraon. 700 636 | Mourelle. 651 633 | Mouron mâle. 654 979 | Mouron rouge. 65! 267 | Mouron rouge des champs. 654 267 | Mousse commune. 656 623 | Mousse de chien. 582 366 | Mousse de Corse. 656 185 | Mousse d'Irlande. 255 840 | Mousse d'Islande. 579 840 | Mousse perlée. 255 305 | Mousse terrestre. 603 637 | Moutarde anglaise. 668 637 | Moutarde blanche. 668 366 | Moutarde de Mithridate. 212 907 | Moutarde des Allemands. 891 647 | Moutarde des Anglais. 668, 737 637 | Moutarde des capucins. 891 Moutarde des haies. 1091 825 | Moutarde noire. 658 825 | Moutarde sauvage. 212 637 | Moutarde sauvage. 669 Moutardelle. 891 637 | Moutardin. 668 643 | Muflier auriculé. 595 644 | Muflier linaire. 594 644 | Muguet. 670 637 | Muguet anguleux. 968 643 | Muguet de mai. 670 644 | Muguet des bois. 107 Muguet des bois. 670 646 | Muguet (Petit). 233 644 | Mûre sauvage. 922 644 | * Müûres de renard. 9992: * Murier blanc. 672 646 | Mürier des haies. 922 647 | Mùrier noir. 671 647 | * Muron. 922 647 | Musc VÉGÉTAL. 653 647 | * Mycose. 981 647 | * MYRONIQUE (ACIDE). 658 204 | * MyrRoOSINE. 658 212 | Myrte. 672 647 | Myrte bâtard. 673 647 | Myrte commun. 672 647 | Myrte de Brabant. 673 647 | Myrte des pays froids. 673 650 | Myrte sauvage des anciens. 820 658 | * MYRTEDANUM. 672 963 | Myrtelle. an 651 | * MYRTELLE. 672 734 131 N. 01 651 | Naïades. 5717 651 | Napel. 11 869 | * NAPELLINE. 12 869 | Napolicr. 125 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. * NanCÉINE. 748, 751, 795, 796 Narcisse d'automne. 334 Narcisse des prés. 673 * Narcisse (Faux). 673 * Narcisse odorant. 277 * Narcisse sauvage. 673 Narcisse tazette. 677 * NARCISSINE. 67/ ! NARCITINE. 674 NARCOTINE. 748, 797 Nard (Faux). 574 Nard sauvage. 101 Nasitort. 740 Navet. 677 Navet du diable. 217 Navet galant. DH) Navette d’été. 677 Navette d'hiver. 677 Néflier. 677 Nénuphar. 678 Nephrode fougère mâle. 437 Nérion. 571 Nérion laurier-rose. 571 NÉROLI. 706 Nerprun. 679 * Nerprun alaterme. 681 Nerprun bourdaine. 208 Nerprun boudainier. 208 Nerprun cathartique. 679 Nerprun officinal. 679 Nerprun purgatif. 679 Nicotiane. 10/42 NICOTIANINE. 1043 NICOTIANIQUE (ACIDE). 1043 NICOTINE. 1043, 1044, 1057 * Nielle cultivée. 681 Nielle de Crète. 681 Niells: de Damas. 682 Nielle de l’Archipel. 681 Niel'e des champs. 682 Nielle romaine. 681 Nigelle cultivée. 681 * NIGELLINE. 681 Noir DE FUMÉE. 839 Noirprun. 67 Noiïsctier. 682 Nombril de Vénus. 683 Nostoch commun. 684 Noyer. 684 Noyer commun. 684 Noyer cultivé. 6S4 Noyer royal. 68/4 Nummulaire. 693 Nyctage des jardins. 185 Nyctage du Pérou. 185 Nymphe. 678 O0. OEGIRINE (HUILE). 823 Œil de bœuf. 244 * OEil de bouc. 887 OEil de cheval. 114 * OEil de soleil. 619 Œiüllet d'Inde. 694 Œiüllect rouge. 694 OEILLETTE (HUILE D’). 748, Œuanthe. OŒnanthe à feuilles de persil. 695 Œnarthe fistuleuse. 697 OEnanthe phellandre. 825 OEnanthe pimpinelloïdes. OEËnanthe safranée. OENANTHIQUE (ETHER). * OENOLATURES. * OENOLÉS. Oignon. Oignon blanc. Oignon commun. Oignon marin. 697 695 1100 1101 1100 698 698 698 969 * OLÉANDRINE. 571, 574 * Olcaster. 701 * OLEASTERIUM. 701 * OLÉINE. 701 * OLIETTE. 748 * OLIVETTE. 748 Olivier et ses va- riétés. 700 Olivier cultivé. 700 Olivier d'Europe. 700 Olivier franc. 700 * OLIVIER (RÉSINE D’). 701 * OLIVILE. 701 * OFIVINE. 701 * OrAVIQUE (AGIDE). 701 * ONONÉTINE. 93 * ONONINE. 93 Gncoporde. 704 Onoporde acanthin. 704 Onoporde à feuilles d’a- canthe. 704 Onopordon acanthin. 704 * OPIANINE. 747 OrIun. 747, 750, 753, 784 * OpPIuM (ALCALOÏDES DE L’) 748, 784 Oranger. 705 * Oranger des savetiers. 129 Orchis male. 707 * Oreille d’abbé. 683 Oreille d’âne. 346 * Oreille de bœuf. 244 * Oreille de bouc. 887 Oreille d'homme. 101 Oreille de Judas. 711 Oreille de lièvre. 228 Oreille d’ours. 878 Oreille de souris ou de rat. 228 Oreille de souris ou de rat. 833 Oreillette. 101 Orge. . 711 * Orge carrée nue. 712 * Orge céleste. 712 Orge commune. 711 Orge cultivée. 711 Orge de printemps ou d'hiver. 711 * Orge (Grosse). 711 * Orge grue. 712 Orge hexastique. 712 * Orge mondé. 712 * Orge nue à six rangs. 712 * Orge perlé. da * Orge (Petite). 712 Origan. 715 Origan commun. 715 * Origan des marais. 422 * Origan (Grand). 612, 715 Orme. 716 Orme champêtre. 716 Orme commun. 716 1183 Orme des cnamps. 716 Orme pyramidal. 716 * Ormivère. 899 * Ornière. 899 Ornithogale marine. 969 Oronge. 718 Oronge (Fausse). 718 Orpin. 721 * Orpin âcre. 538 * Orpin à larges feuilles, 721 * Orpin blanc. 721 Orpin brûlant. 538 * Orpin cepée. 722 * Orpin réfléchi. 721 Orpin reprise. 721 * Orpin rose. 721 Ortie. 722 Ortie bâtarde. 634 Ortie blanche. 561 * Ortie brûlante. 722 * Ortie commune. 722 * Ortie dioique. 722 * Ortie grièche. 722 * Ortie (Grande). 722 Ortie mort”. 561 * Ortie (Petite). 722 * Ortie puante. 722 Ortie puante. 119 * Ortie vivace. 792 Orvale. 958 Oseille à feuilles rondes. 727 Oseille aquatique. 744 Oseille à trois feuilles. 50 Oseille commune, 7tl Oseille de bûcheron. 50 Oseille de Pâques. 50 Oseille des près. 727 Oseille domestique. 727 Oseille rouge. 745 Osier blanc. 959 Osmonde royale. 730 * Ostruche. 525 * Ostrute. 525 * Oumegal. OXALATE DE POTASSE. 94,102; 59021 Oxalide. 50 OXxALIQUE (ACIDE). 51, 52, 53 * OXÉOLATS. 1103 OXYACANTHINE. 420, 421 * OXYDE HYDRATÉ D'AMYLE. 870 Pe PAIN DE FROMENT. 54 Pain de seigle. 978 Pain de coucou. 50 Pain de crapaud. 860 Pain de grenouille. 860 Pain d’oiseau. 538 Pain de pourceau. 360 Panacée antarctique. 1042 Panacte des fièvres quartes. 101 Panais cultivé. 731 * Panatage. 733 * Panic. 647 Panicaut. 275 Panienut maritime. 275 Panis d'Italie. 647 * PAPAVÉRINE, 748, 797 * PAPAYÉRIQUE (ACIDE). 349 1184 PAPIER. 592 * PAPIERS ANTIASTHMATIQUES. 157 * PAPIERS ATROPINÉS ET BELLADONÉS. 133 Piquerette. 732 * Pâquerette annuelle. 733 * Pâquerette sauvage. 733 Pâquerette vivace. 732 X PARAFFINE. 810 * PARAGUAY ROUX. 1020 Parelle. 741 Parelle d’eau. 7h Parelle des marais. 7Uh Parelle des murs. 582 * PARIDINE. 735 Pariétaire. 733 Pariétaire officinale. 733 * PARINE. 735 Parisette. 73 Parisette à quatre feuilles. 734 Parménie. 17 Parmentière. 869 Parnassie. Fiat Parote. 61 Pas d’âne. 1076 Pas de cheval. 1076 Pas de loup. h17 Passe-flour. 883 Passe-pierre. 356 Passe-pierre. 916 Passerage. 740 Passerageàlarges feuilles. 737 Passerage des dé- combres. 739 Passecrage (Grande). 737 Passerage ibéride. 738 * Passerage (Petite). 738 Passerage sauvage. 250 Passe-rose. A5 Pastel. 710 PASTEL, 71 Pastel des teinturiers. 740 Pastenade. 731 Pastenaille. 731 Pasti. 123 * PATE DE TÉRÉBENTHINE, 839 Patience. 741 Patience acide. 797 Patience à feuilles aiguës. 742 Patience à feuilles obtuses. 742 Patience aquatique. 744 Patience commune. 7l1 Patience crépue. 742 Patience des Alpes. 745 Patience des jardins. 7UA Patience (Grande). 741 Patience officinale. 71 Patience sanguine. 745 Patience sauvage. 742 Patte d'araignée, 682 Patte de loup. 605 Patte de loup. 709 Patte de loup. 900 Pattes d’ours. 117 Pavot. 746 Pavot blanc. 746 Pavot coquelicot, 318 Pavot cornu. 802 Pavot des champs. 318 Pavot des jardins. 746 Pavot d’opium. 746 Pavot d'Orient. 746 Pavot douteux. 803 Pavot du Mexique. 76 Pavot épineux. 76 Pavot noir. 746 Pavot oriental. 746 Pavot ponceau. 34S Pavot pourpre. 746 Pavot rouge. 348, 746 Pavot somnifère. 746 Pavor (TÊTES DE). 747, 751 FPêécher. 804 Pédiculaires. 807 * Pédiculaire à bec. 807 * Pédiculaire des bois. 807 * Pédiculaire verticillée. 807 Pégamion. 934 * PÉLARGONIQUE (ACIDE). 178, 935 * Pelargoniums. h78 Peltigère canine. 582 Pensacre. 693 | Pensée des jardins. 809 Pensée sauvage. 808 Pentaphylloides. 76 Pentaphyllon. 889 Péone. 857 Perce-feuille. 298 Perce-mousse. 868 Perce-ncige. 809 Perce-pierre. 356 Perce-pierre. 965 Permenton. 131 Persicaire acide. 812 Persicaire àcre. 810 Persicaire amphibie. 812 Persicaire douce. 812 Persicaire tachetée. 812 * Persicaire (Vraie). 812 Persil. 814 Persil commun. 814 Persil d’âne. 265 Persil des fous. 825 Persil des marais. 9 Persil des marais. 697 Persil des marais. 1009 Persil des montagnes. UT Persil des montagnes. 598 Persin. 814 Fervenche. 819 Pervenche (Petite). 819 Pesette. 864 Pet d’ânc. 704 Pétasite. 1080 Petit boucage. 203 Petit buis. 228 * Petit cèdre. 472 Petit chêne. 178 Petit glaïeul. 529 Petit glouteron, 563 Petit houx. 820 Petit liseron. 598 Petit liset. 598 * Petit mil. 647 Petis muguet. 107 Petit muguet. 233 Petit poivre. 3/ Petit sorcier. 819 Petit sureau. 11 Petite absinthe. 8 Petite bardane. 563 Petite buglosse, 607 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. Petite centaurée. 262 Petite chélidoine. 902 Petite cigué. 317 Petite citronelle. 950 Petite consoude. 1221 Petite digitale. 192 Petite douve. 902 Petite ésule. 128 Petite flamme. 902 * Petite garance. 108 Petite ivette. 84 Petite jacée. 808 * Petite joubarbe. 538 Petite marguerite. 732 Petite mauve. 623 Petite oseille. 727 Petite passerage. 738 Petite pervenche. 819 * Petite ronce. 923 Pétron. 168 Pétrot. 168 Petun. 1042 PFeucedan. 820 Peucedan des Allemands. 821 Peucedan Silaüs. 821 Peucedane. 820 * PEUCEDANIN. 821 * PEUCEDANINE. 821 * PEUCÉDANITE. 891 Peuplier baumier. 821 Peuplier blanc. 822 Peuplier commun, 823 Peuplier franc. 623 Peuplier noir. 823 Peuplier tremble. 824 Peupliers. 821 Phellandre. 825 Phellandfie. 825 * PHELLANDRINE. 826 * PHÉNATES ALCALINS. 854 * PhÉNIQUE (ACIDE). 840, 854 * PHÉNIQUE (ALCOOL). 840, 854 * PHÉNOL. 840, 854 * PHÉNOL SODIQUE. 854 * PHILLYGÉNINE. 831 * Philiyrée. 830 * PHILLYRINE. 831 * PHILLYRINE (SULFATE DE) 831 * PHLOOBAPHÈNE. 861 * PHLORÉTINE. 873 * PHLORIDZÉINE. 873 PHLORIDZINE Ou PrLoorp- ZINE. 266, 873, 874 * PHYSALINE. L8 Physiale. h7 * PHYTEUMACOL. 132 Pnytolacque à dix éta- mines. S94 Phytolacque à huit éta- mines. 896 * Phytolacque dioïque. 896 Pichaulit. 855 * PICRIQUE (ACIDE. 840 * PICROLICHENINE. 581 Pied d'alouctte des champs. 831 Pied d’alouette staphy- saigre. 1020 * Pied de bouc. 899 Pied de chat. 188 * Pied de chien. 902 Picd de coq. 902 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. Pied de corbin. Pied de géline. Pied de griflon. Pied de lin. Pied de lion. Pied de loup. Pied de loup. Pied de milan. Pied de poule. Pied de veau. Pigamon. Pigamon à feuilles d’an- colie. * Pigamon des rochers. * Pigamon faux caille-lait. * Pigamon fétide. * Pigamon feuilles étroites. Pignerolle. Piket. Pilingre. Pilolet. Piloselle. * PIMARIQUE (ACIDE). Piment. Piment annuel. Piment aquatique. * Piment cerise. Piment curage. Piment d’eau. Piment des jardins. Piment des ruches. * Piment enragé. * Piment frutescent. Piment rouge. Piment royal, Pimpanetto. Pimprenelle. Pimprenelle anis. Pin à pignons. Pin commun. Pin cuitivé. Pin de Bordeaux. Pin de Briançon. Pin de Genève. Pin d'Italie. Pin de pierre. Pin de Russie. * Pin (Feuilles de), Pin maritime. Pin mélèze. Pin mugho. Pin pinier. Pin sauvage. Pin (Branches et bour- geons de). # PIN (SÉVE DE). Pins. Pinéastre. * PINIQUE (ACIDE). Pione. Pione rose, Pipeau. Pi-senlit. Pissenlit officinal. * PISTACHES. * Pistachier, Pistolets. Pivoine femelle, Pivoine oflicinale, Pivoine mâle, Plantain. Plantain à larges feuilles. 902 957 417 417 {6 602 605 832 902 95 832 833 833 833 835 833 276 168 812 1011 833 840 202 834 673 836 839 810 834 625 836 836 Plantain aquatique. 860 Piantain d'eau. 860 Plantain des Alpes. 8! Plantain des chiens. 882 Plantain des sables. 860 Plantain des sables. 881 Plantain Jancéolé. 860 Plantain moyen. 860 Plantain ordinaire. 859 * Plantain psyllion. 860 Plantain pucier. 882 Plante royale. 129 Platane. 861 Poireau. 862 Poirée À cardes. 194 Poirée blanche, 19% * Poirier. 862 Pois. 863 Pois chiche. 862 Poivre d’eau. 810 Poivre d’Espagne. 834 Poivre de Guinée, 834 Poivre d’Inde. 834 Poivre de moine. 34 Poivre de muraille, 538 Poivre de Portugal. 834 Poivre de Turquie. 834 Poivre long. 834 Poivre sauvage. 34 Poivrette commune. 682 * Porx BLANCHE. 839, 851 Poix DE BOURGOGNE. 851 Poix NOIRE. 839, 840, 851 * Poix SÈCHE. 851 Poleur. 1011 Polygala. 864 Potygala amer. 865 Polygalon. 864 Polygone persicaire. 812 Polygone poivre d’eau. 812 Polypode. 867 Polypode commun. 867 Polypode de chêne. 867 Polypore amadouvier. 32 * Polypore ongulé. 34 Polytrie. 868 Pomue de merveille. 647 Pomme de terre. 869 * POMME DE TERRE (ESSENCE DE) 870 * Pomme du diable. 1023 * Pomme épineuse. 1023 Pommelée. 117 Pommier. 872 * POMMIQUE (ACIDE). 872 Ponceau. 348 Ponchirade. 625 * Populage. 875 * POPULINE. 824 Porcelet. 543 Porillon. 673 * PORPHYROXINE, 747 Porte-aigle. 42 * Porte-poison, 1032 Pote. 1066 * Potelée. 543 Potelet. 535 Potentille ansérine, 76 * Potentille (Grande) 899 Potentille rampante. 889 Pouliet, 4011 Pourcelaine. 875 Pourcellane, Pourpier. Pourpier commun. Préau. Préèle. Frèle d'hiver, Prêle des bois, Frèle des fleuves, Prèle des marais. * Prêle des moissons. * Prèle des tourneurs. Primevère. * PRIMULINE. Procheton. * PROPYLAMINE. 112, 683, 1138, * Pruneautier. Prunelle, PRUNELLE. Prunellier, * Prunier domestique. Prunier enté. * PRUNINE. * PSEUDOMORPHINE. * PSEUDOTOXIN. * Psyllium (Vrai). Péarmique. Ptéride. * Pucher. Puette. Pulicaire annuelle, Pulicaire des sables, Pulicaire vivace. Pulicaires. Pulmonaire. Pulmonaire de chône. Pulmonaire des bois. Pulmonaire officinale. Pulmonette canine, Pulsatille. Pulsatille commune, Pulsatille noire. * PUNICINE. Putiet. Pyréèthre. * PYRETHRINE. * PYRODIGITALINE. Pyrole. Pyrole à ombelle. Pyrote. PYROTHONIDE, Q. * QUERCÉTINE. * QUERCINE. * QUuERCITE. * QUERCITRÉINE. * QUuERCITRINE, * QUERCITRON. Quesne. Queue de cheval. Queue de pourceau. Queue de renard. Quinquina d'Europe. * Quinquina des pauvres. Quinquina français. Quintefeuille. R. Racine amidonnière. 75 1185 875 875 875 822 876 876 877 877 877 877 877 878 879 1076 1015, 1139 881 21% 879 879 881 881 881 747 132 882 881 h42 742 739 882 881 882 881 885 581 883 883 582 883 883 884 198 276 887 887 375 888 889 670 592 h46 97 1186 Racine de giroflce. Racine douce. * Racine salivaire. Racine sucrée. Racine vierge. Racine vierge. Radis cultivé. Radis de cheval, * Radis noir. * Radis sauvage. Raifori cultivé. Raifort des Parisiens. Raifort (Grand). Raïfort officinal. Raïfort sauvage. * Raiponce. * Raiponce (Fausse), Raisin d'Amérique, Raisin de loup. Raisin d'ours. Raisin de renard. 890 891 330 891 Uk 908 894 651 228 734 Raisin des bois. Ll RaIsINÉ. 1099 Ralsins. 1099, 1105 * Ravanelle. 891 Rave de Saint-Antoine. 902 Fave sauvage. 891 Récise. 186 * Redon. 896 * Redoul. 896 Réglisse. 897 Réglisse bâtarde. 109 Réglisse des boutiques. 897 Réglisse glabre. 897 * Réglisse hérissée. 899 * Réglisse hispide. 899 * Réglisse rude. 899 Réglisse sauvage. 109 * Réglisse velue. 899 Réglisse vulgaire. 109, 897 Reine des bois. 899 Reine des prés. 899 Remords du diable, 967 Renoncule àcre. 901 Renoncule aqua- tique. 906 Renoncule bulbeuse. 902 Renoncule des bois. 66 * Renoncule des champs. 906 Renoncule des marais. 902 Renoncule des prés. 901 Renoncule ficaire. 902 Benoncule flammule. 902 * Renoncule rampante. 906 Renoncule scélérate., 902 * Renoncule thore. 906 Renoncules. 901 Renouée. 906 Renouée âcre ou brûlante. 810 Renouée bistorte. 199 Renouée des oiseaux. 906 Reprise. 721 * Réséda. 907 * Péséda blanc. 908 * Réséda (Grand). 908 * Réséda jaune. 908 * Réséda odorant. 907 * RÉSINAPHTE, 840 Résine. 701 * RÉSINE D'ERGOT DE SEI- GLE. 982, 987 * RÉSINE D'OLIVIER. 701 Ur JAUNE, ÉSINÉINE. RÉSINÉONE. RÉSINOLE. RÉSINONE. RÉSINYLE. RHABARBARIN. RHABARBARINE. RHAMNÉINE. * RHAMNINE. Rhapontic. Rhapontic commun. Rhapontic faux. * RHÉADIQUE (AGIDE). Rhododendron de Pline. Rhododendrons. RHUBARBARIN. Rhubarbe anglaise. Rhubarbe à poudings. Rhubarbe compacte. * Rhubarbe de France. * Rhubarbe de Moscovie. * Rhubarbe de Pline. Rhubarbe des capucins. Rhubarbe des moines. Rhubarbe des pauvres. Rhubarbe des paysans. * Rhubarbe (Fausse). * Rhubarbe indigène. Rhubarbe officinale. Rhubarbe ondulée ou de Moscovie. 80, * * * * * x * LI * Rhubarbe palmée. Rhubarbes. Rhubarbes exoti- ques. Ricin. * RICININE. * RICINIQUE (ACIDE). * RICINOLAMIDE. * RICINOLÉIQUE (ACIDE). Rièble. Rimberge. Riz. * Robimier. Roi des forêts. Romarin. Romarin des troubadours. Romarin officinal. Romarin sauvage, Ronce. Ronce bleue. Ronce des bois. Ronce des haies. Ronce frutescente. * Ronce (Grande). * Ronce (Petite). Ronda. Rondelette. Rondelle. Rondette. Roquette cultivée. * Roquette de mer. PRoquette des marais. Roquette des murailles. * Roquette (Fausse). Roquette fine. Roquette maritime. Rouauctte sauvage. Rosage. Rosage à feuilles larges. 839 819 840 840 849 840 911 911 680 60 908 745 745 349 571 924 911 912 913 909 908 910 511 908 908 832 428 832 909 910 910 910 909 909 914 914 914 915 915 489 634 918 919 284 920 920 920 575 922 923 922 922 922 922 923 93/4 585 101 585 923 236 125 924 924 924 236 924 924 926 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES, Rosage chrysanthe. Rosage ferruginrux. Rosage pontique. Rose à cent feuilles. Rose bénite, Rose de Damas. Rose de neige ou de Si- bérie. Rose de Noël. Rose de Notre-Dame, Rose d’outremer. Rose de Puteaux. Rose muscade ou muscate. Ros: muscatelle, Rose officinale. Rose pione. Rose rouge. * Rose royale. * Rose sainte. Rose trémière. * ROSES (BEURRE DE). * Roses (ESSENCE DE). Roseau à balais. Roseau à qu'nouïlle. Roscau aromatique. Roseau de la Passion. Roseau des étangs. Roseau odorant. * Rosée du soleil. Rosier à cent feuilles. Rosier de chien. Rosier de France. Rosier de Provins. * Rosier des haies, Rosier des quatre-saisons. Rosier du Bengale. Rosier gallique. Rosier musqué. Rosier sauvage. Rosiers. * Rossolis. * Roudon. Roumi, * Roux des corroyeurs. Roussin. Rouvre. Roux des corroyeurs, * RUBIALINE. * RUBIANE. Rubiole. Ruda, Rue. Rue commune. Rue de chèvre. Rue des jardins. * Rue des murailles, Rue des prés. Rue fétide. Rue offcinale. * RUMICINE. * RUTILINE. Se. Sabine, * Sabine femelle. * Sabine mâle. * Sable épuré, * SACCHAROLÉS, Sadrée. SAFRAN. Safran bâtard. 922 1035 101 284 1035. 1463 163 107 934 934 934 1464 934 399 832 934 934 742 950 937 937 937 412 1953 954 942 236 TABLE ALPHABÉTIQUE DES Safran bâtard. 334 Safran cultivé. 942 Safran d'Allemagne. 256 Safran d'automne, 334 Safran des prés. 334 Safran indigène, 942 Safran oflicinal. 942 Safran sauvage. 33 Safranum, 256 Sagesse, 1065 Sagesse des chirurgiens. 1065 Sainbois. 365 Sainte neige. 300 Sale. 955 SALEP FRANÇAIS. 709 Salicaire. 945 Salicaire à épis. 945 Salicaire commune. 945 Salicaire officinale. 945 SALICINE. 822, 960, 964 * Salicor. 942 Salicorne. 942 * SALIGENINE. 960 * SALIRETINE. 960 Salsepareille d'Allemagne. 553 Salsepareille d'Eu- rope. 948 Salsepareille des pauvres. 553 * SALICYLE (HYDRURE DE). 900 * SALICYLEUX (ACIDE). 900 * SALICYLITE DE POTASSE. 900 * SALICYLITE DE SOUDE. 900 * Salsiftis d'Espagne. 975 * Salsifis noir. 975 Sang-dragon. 745 * Sanguignon. 351 Sanguinaire, 906 * Sanguine. 391 Sanicle. 949 Sanicle commune. 949 Sanicle d'Europe. 949 Sanicle de montagne. 186 Sanicle de montagne. 965 * Santé du corps. 354 Santoline blanche. 950 Santoline des jardins. 951 Santoline faux cyprès. 950 * Saoû 1037 Sapin argenté. 838 Sapin commun, 838 Sapin élevé. 838 Sapin épicéa ou épicia. 838 * Sapin (Faux). 838 Sapin pesse. 838 Sapins. 836, 838 Saponaire. 951 Saponaire anguleuse. 952 Saponière. 951 * SAPONINE. 952 * SAPONIQUE (ACIDE). 952 Sarriette commune, 954 Sarriette de Crète. 954 Sarriette d’Espagne. 954 Sarriette des jardins. 05/ Sarriette des montagnes. 954 Sauge amère. 478 Sauge de Jérusalem. 883 Sauge de la Catalogne. 955 Sauge des bois, 48u Sauge des bois. 958 Sauge des prés. 958 Sauge (Grande). 955 Sauge hormin. 958 Sauge oflicinale, 955 Sauge sclarée. 958 Saule blanc. 959 Saule commun. 959 Sauriette, 954 Sauve-vie. 399 Saux blanc. 959 Savinier, 937 Savonaire. 951 Savonière. 951 Sarourée. 954 Saxifrage. 965 Saxifrage blanche. 965 Saxifrage des Anglais. 821 Saxifrage de Sibérie, 965 Saxifrage granulée. 965 * Saxifrage tridactyle. 966 Scabieuse: 966 * Scabieuse des bois. 967 Scabieuse des champs. 966 Scabieuse des prés. 966 Scabieuse succise. 967 Scabieuse tronquée. 967 Scammonée de Montpel- lier. 362 Sceau de Notre-Dame. 967 Sceau de Salomon, 968 Sceptre des maitres d’é- cole. 206 Seille. 969 * Scille d'Espagne. 970 * Scille d'Italie. 970 * Scille femelle. 970 * Scille (Grande). 966 * Scille mâle. 970 Scille maritime. 969 Scilie officinale. 969 Scille penchée. 535 SCILLITINE. 970, 973 Scipoule. 969 Sclarée. 958 Scolopendre. 399 Scolopendre. 573 Scolopendre oflicinale. 973 SCOPARINE. 464, 466 * SCORDININE. ST Scordium. 480 * Scorzonère. 975 * Scorzonère d’Espagne. 975 * Scorzonère d'Europe. 975 Scourgeon. 711 Scrofulaire aquati- que. 975 Scrofulaire des bois. 976 Scrofulaire (Grande). 976 Scrofulaire noueuse. 976 Seutellaire. 976 Scutellaire commune, 976 Scutellaire des Alpes. 977 Scutellaire (Petite). 977 * SÉCALINE. 981, 982 Sedon âcre. 538 Sedon brülant. . 538 Sedon télépha. 721 * SÉGALINE. 981 Seigle. 977 Seigle à éperon. 979 * Seigle (Charbon du). 979 Seigle commun. 977 * Seigle cornu. 979 PLANTES, 1187 Seigle corrompu. 979 Seigle (Ergot de). 979 Seigle ergoté. 979 * Seigle (Faux). 979 Seigle ivre. 979 * Seigle malade. 979 * Seigle (Mère de). 979 Seigle noir. 977 Seigle utérin. 979 * SEL DE GRÉGOnRY. 788 SEL D'OSEILLE, 51 Selagine. 607 Selin des marais. 1009 SELINIQUE (ACIDE). 1009 Séné bâtard, 121 Séné bâtard. 352 Séné des prés. 192 Séné d'Europe. 427 Séné vésiculeux. 121 Senebière coronope. 353 Sénecçon. 1010 Sencgré. 134 * Senevé blanc. 668 * Serpentine. 124 Serpolet. 1011 Serpoule. 1011 * Sésame d'Allemagne. 236 Séséli. 598 Séve. 1037 * SÉVE DE PIN. 840, 848 Siche. 864 Siguet. 968 Sinapi. 1091 * SINAPINE. 658 * SINAPISME. 658 * SINAPOLINE.- 668 * Sison. 1012 Sisymbre officinal. 1091 Sisymbrium, 1065 * SKULÉINE, 970 Socrion. Tag SOLANINE. 402, 406, 651, 869 Soldanelle. 1013 SON. 456 * Sorbier de Laponie. 106 Sorbier des oiseaux. 1014 Sorbhier des oise- leurs. 1014 Sorbier domestique. 40i5 * Sorbier hybride. 1016 * SORBINE. 1015 * SCRBIQUE (ACIDE). 1015 Souchet,. 1016 Souchet comestible. 1017 Souchet long. 1016 Souchet odorant. 1016 Souchet rond. 1017 * Souci d’eau. 875 * Souci des champs. 1019 * Souci des jardins. 1018 * Souci des marais. 875 * Souci de vigne. 1019 * Souci sauvage. 1019 Soufre végétal. 605 Sourcil de Vénus. 837 Spargelle. h67 * SPARTÉINE. 464, 466 Spartier à balais. 464 Spartier purgatif, 4168 Spatule. 529 Spic. 574 * Spilanthe. 1020 1188 Spirée ornière. Spirée ulmaire. * SPIRÉINE. * Spiritus. * SPIROÏLEUX (ACIDE. Squille rouge. * Stachide droit. 899 Stachys des bois. 419 Staphysaigre. 1020 * STAPHYSAIN. 4021 * Statice. 4022 * Statice à larges feuilles. 1022 + Statice de Tartarie. 1022 * Statice maritime. 1022 * STÉARINE. 701 Stæcade. 575 Stæchas. 575 Stæchas arabique. 575 Stramoine. 1023 * STRAMONINE. 1024 Stramonium. 4023 * SUBÉRINE. 295 * SUBÉRIQUE (ACIDE). 295 Succise. 967 SUCRE. 195 Sucrion. 711 * SULFATE D'ATROMNE. 132, 183 * SULFATE DE MORPHINE. 788 * SULFOSINAPISINE. 668 Sumac des corroyeurs. 1035 Sumace Fustet. 1036 Sumac vénéneux. 1032 Sureau. 1037 Sureau commun. 1037 Sureau en herbe. 510 Sureau noir. 1037 * Sureau (Petit). 510 Surelle. 727 Sylvie. 66 * SyYLYIQUE (ACIDE). 840 Symphoricarpe. 297 Symphorine à grappes. 297 * SYNAPTASE. 54 * SYRINGINE. 588 Le Tabac. 1042 Tabac commun. 1042 * Tabac de Corse. 1043 Tabac des montagnes. 84 Tabac des Savoyards. 84 Tabac des Vosges. 84 * Tabac femelle. 1043 * Tabac rustique. 1042 Tabac vrai nicotiane. 1042 Tabouret. 212 Taconnet. A 1076 * Tagiète. 694 Tam commun, 967 Tamaris. 1061 Tamarisc. 1061 Tamarisque. 1061 Tamisier. 967 TAN. 285 Tanaisie. 1062 * Tanaisie baumitre. 123 Tanaisie commune. 1062 * TANNATE D’ALUMINE. 294 # TANNATE DE BISMUTH. 294 * TANNATE DE COLCHICINE. 341 * TANNATE DE PLOMB. * TANNATE DE QUININE. 294 294 * TANNATE DE ZINC. 294 TANNIN. 285, 290, 1036 * TARAXACINE. 855 Tarnabonne. 1042 TARTRATE ACIDULE DE PO- TASSE, 1100, 1117 * Teigne-œuf. 883 TEINTURES ALCOOLIQUES. 41102 Tenon. 92 * TÉREBDÈNE. 840 TÉREBENE. 840 TÉRÉBENTHINE. 840 * TÉRÉBENTHINE AU CITRON. 842 F TÉRÉBENTHINE CITRIO - DORE. 842 TÉRÉBENTHINE D'ALSACE. 842 TÉRÉBENTHINE DE Bonr- DEAUX. 838, 842 TÉRÉBENTHINE DE BRIAN- CON. 838, 842 * TÉRÉPENTHINE DECHEVAL. 842 TÉRÉBENTHINE DE C0. 1064 TÉRÉBENTHINE DE SAPIN COMMUN. TÉRÉBENTHINE DE SYRAS- BOURG. 838 TÉPÉBENTHINE DE SUISSE. 842 * TÉRÉBENTHINE DE VE- * Tilleul. de Hollande. * Tilleul sauvage. Tillot. NISE. 838 * TÉRÉBENTHINE DU MÉ- : LÈZE. 842 * TÉRÉBENTHINE (ESSENCE DE). 839 * TÉRÉBENTHINE (PATE DE). 839 * Térébinthe. 1064 Terrette. 585 Testicule de chien. 709 * ‘THALICTRINE. 833 Fhalictron. 832, 1063 Thalictron jaunâtre. 833 Thé d'Europe. 1069 Thé d'Europe. 1088 Thé de la Grèce. 955 Thé d’Oswégo. 650 Thé des forêts. 581 Thé des Vosges. 581 Thé du Mexique. 61 * THÉBAINE. 748, 797 Thériaque. 782 * THIOSINNAMINE. 659 Thlaspi. 212 Thore. a THRIDACE. 557 Thuya. 1065 * Thuya d'Orient. 1066 Thuya de Virginie. 1065 Thuya du Canada. 1065 Fhynm. 1066 Thym commun. 1066 Thym des Alpes. 1069 Thym des jardins. 4066 Thym sauvage. 1011 Thym serpolet, 4011 * Thymelée. 366 Tillewl, 1069 Tilleul commun. 4069 Tilleul d'Europe. 1069 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES, Tin. 1066 Tire-goret. 906 Tithymale des marais. u24 Tithymale épurge, 115 * TOLUINE. : 833 Toque. 976 Torche-pin. 838 Tormentille. 1071 Tormentille droite. 4071 Tormentille tubéreuse. 41071 Tortelle. 1091 Toubac. 1042 * Tourmentille. 41071 Toute bonne. 202 Toute bonne. 681 Toute bonne. 958 Toute-épice. 680 Toute-saine. 646 Traïînasse. 906 Trame. 006 + Tranuge. 300 Trascalan perforé. 644 Trèfle aigre. 51 * Trèfle à la fièvre. 632 Trètle aquatique. 632 Trèfle d’eau. 632 Trèfle de cheval. 623 Trèfle musqué. 625 * Tremble. 824 * Trentanel. 366. Trigonelle. 434 * Trintanelle Malherbe. 366. Triolet jaune. 75. * Trique-madame. 721 EÆroëène. 1074 Trucheron jaune. GA Truffetier. 1074: * TRYMÉTHYLAMINE, 883 Tue-chien. 334 Tue-loup bleu. 41 Tulipe de Virginie. 4075 Tulipe en arbre. 1075 Tulipier. 1075 Turbith bâtard. 564. Turbith des montagnes. 564 Turquette. 508. Tussilage. 1076 Tussilage commun. 1076. Tussilage odorant. 1080 Tussilage pétasite. 1080: * Ulmaire (Petite). 899 * ULMINE. 716 Uva ursi. 228. V. Vaciet. 4h. Vagon. 300 Vaillantie. 357 * VALÉRÈNE. 1081 VALÉRIANATE D'AMMONIA- QUE. 1081, 1089- VALÉRIANATE D'ATROPINE. 133, 183, 1081, 1089 * VALÉRIANATE DE BISMUTH. 1082, 1090 *X VALÉRIANATE DE FER. 1082, 1090: VALÉRIANATE DE MANGA- NÈSE. ‘ 4082 VALÉRIANATE DE QUININE. 1082: * VALÉRIANATE DE SOUDE. 1082 TABLE ALPHABÉTIQUE DES PLANTES. VALÉRIANATE DEZINC. 1082, 1089 Valériane. 1080 * Valériane aquatique, 1088 * Valériane dioique. 1088 Valériane des jardins. 1088 VALÉRIANE (ESSENCE DE). 1081, 1088 1088 1080 Valériane (Grande). Valériane oflicinale. Valériane sauvage. * Valérianelle. 1088 * VALÉRIANIQUE (ACIDE), 41081 * VALÉRIQUE (AGIDE). 1081 * VALEROL. 915 Vaquette. 97 Varaire. 108 Varasco. 408 * Varec dentelé. Varec helminthocorton. 656 * Varec polymorphe. 1091 Varec vésiculeux, 1090 Varech commun. 1096 Variolaire amère, 382 * VARIOLARINE. 582 Veilleuse, 334 Veillotte. 334 Vélar. 1091 Vélar alliaire. 53 Velvote. 595 Vérâtre blanc. 108 VÉRATRINE. 408, 409, 411 VERBASCINE. 205 Verge d'or. 1093 Vergne. 112 Versus. 1090, 1106 Vermiculaire. 538 Vermiculaire brûlante. 538 Vernis de Chine. 43 Vernis du Japon. 43 Véronique. 1094 Véronique à épis. 1096 * Véronique à feuilles de lierre, 1096 Véronique aquatique. 130 Véronique cressonnée. 130 Véronique femelle. 595 Véronique germandrée, 1096 Véronique mâle. 1094 Véronique officinale. 1094 Véronique petit chêne, 1095 Véronique teucriette, 1096 Verquet. 502 Verveine. 1096 Verveine à trois feuilles. 1997 Verveine commune, 1096 * Verveine odorante. 1097 Vesse-loup des bouviers, 603 Vesse-loup géante. 603 VIBURNIQUE (AcipE). 1081, 1137 Vigne. 1098 Vigne blanche. 217 Vigne blanche. 328 * Vigne de Judée, 401 Vigne de Salomon. 328 Vigne du diable, 217 Vigne du Nord. 513 Vigne noire. 967 Vigne sauvage. 967 Vigne vignette. 899 Vin. 1099, 110%, 4107 VINS MÉDICINAUX. 1100 VINAIGRE. 1103, 1104, 1128 VINAIGRE DISTILLÉ. 1103 VINAIGRE RADICAL. 1103, 1104, 1122 VINAIGRES MÉDICINAUX. 1103 Vinaigrier. 1035 Vinette. 727 Vinettier. 419 Violette de carème. 1134 Violette de chien, 1137 Violette de mars. 1134 Violette des champs. 808 Violette des sorciers. 819 Violette inodore. 1137 Violette odorante. 1134 Violette rameuse, Violette sauvage. Violier commun, Violier jaune, VIOLINE. Viorne, Viorne, Viorne cotonneuse. Viorne obier. Viorne tin. Vipérine. Vipérine commune. * VISCINE, * Vitriol. Volant d’eau, Volet d’eau. Vonède. Vraie camomille, Vraie génipi. Vraie persicaire. Vraie psyllium. Vraire, Vrinale, Vulnéraire. Vulvaire, X. * XANTHORHAMNINE. Ys Yèble. * Yvroie. Z. * ZEÏNE. * Zizanie. Zostère. ; Zostère marine. 680 520 531 609 531 1140 1140 TE { à ca de Y; ( je us var ur ITR (1e HD TT conne | he pr LEA tr 1 00708 k Du 0e) REA re RC | MENT 2 dits | 594 ; | RTE ou ORAN L'' TA è M" , , , è (en AG de. Gin À : : ne Pa ee FN RE 3 à bhssr 4 tk e A SEREATMA ‘ de ais GEL 0 ÉVeéetÉn Le te VA ‘ 4% ' LL Dr'ANE % its L 9 s" « ri [TA “ Q - SNL \ PERTE - HAE ANNE T AN je ( À ñ s ! | sh di CL” = # T4 f 1 : + 4 { DE tY, 203 4 (lobe ae M Er k Aion —: u NE HAN Ft pe) 2 ne D 'UATUEU : AN ON 0 QE cs ME ML | a ms, TEL LEA À J ré TENUE nf | û Ÿ _ . 4 se : . yes ? MT TS Fi É LPS RE: TP RSA TNT RTE » * y 4 s . L » DUT RS I LR : , LS" LL LT PE Var LE ni 2.4 # de EU +7 f + À “# " | RAP M ON A Ne due UN ANUS À RU + PU e. o _— ù À 4 qui - « LA ei a BU 1 \ à, 41% *. \' 1! "( L) ) L 4 “ L LA Lee SU YENT: \ MEME PES NOT 1 #4 É NAS È à NA À r La “ Le, 4 4 AA | A ! ti : ‘48 “L x A, R AS ur CRT APRIL ER 0 AC LR ; J De » LA UE ; L'Mégy PF M HrLrS CA ET LD pret “ ANRT Li Lui # PPS Ne (1 = = à : x sup Le JM item Y mn ; | , Fr D nur an) btR " Mat vu dr 1 ft) jou »P LA Not sher ITA [4 0 be hi M#/1 sir RrMEtE dr 0 à GPA Lo PTE TR “ee + de M Re 1 Re ni ANA TE P à “ar DM EL mbal. on Léon Fa sata PT ta QU A8 | ui LL Le D. », x Le EP PTT RL NY ++ A nl Ty ruek ni bÈ Ra rte ON ARE PRE D Mn ru LR ue EU, Jeve. | NE 4e RE 2 RENE AA x 0 LETTI ati je.) * ARMAANT. co j'a 4 2 4 LME AVE ENS ARTE. Hi: W. qr pd Le HE ais ARE NOULATT Fred dé: Seb + AGE NT 1 X MR À HART AT “rain (al 12100 | PORE PRSENTERLE NO à ni TS: marais sean pile mL, è s à noire S ME Pit 7 REP 14 HER FT ART où BIRRÉULUC à Né ANSE, - sas oh état QE MNT) 25 ORNE SU “à taie à Ru L à JMS À |. ET 9-4 FAT 2r Un \ a. hrutEn K 0 Te” {h M c- ‘ui M 1% pce : ” nt SO us or it HE HAN OPE 18 CAE d bag Stein ANCAETE | “hstahe QUELTI LS su, de Mia En PTIRT VO. 4 { £ AA BL 4 à: NON l'ait y) ES ' L « » À “ L + 4: di h li ù : ddl 0 " | TABLE DES PLANCHES. Es NOTE tree PLANCHE T. PL NE PL. XV. Absinthe,. Beccabunga. Cigué vireuse, Acanthe. Belladone. Clématite. Ache. Bénoite. Cochléaria. Aconit. Berce. Colchique. Aclée. Berle, Coloquinte. PL. Il. PL. IX. ms PL. XVL ot Agnus castus. Bétoine. Consoude (grande), Agripaume, Bistorte. Coriandre. Aigremoine. Botrys. Coronille. Airelle myrtille, Bouillon blanc. Cyclame. Alchimille. Bourrache. Cynoglosse, Pr:- T1, Pr x: Ps. XVI. Alkékenge. Bourse-à-pasteur, Dentelaire. Alleluia, Bryone. Digitale pourprée. Alliaire. Bugle. Doradille. Alcée. Buglosse, Douce-amère. Angélique. Busserole. Ellébore blanc. PE TEVe PL. XE. PL. XVII. Anagyre. Caille-lait. Ellébore noir, Anémone. Camelée. Eupatoire. Aneth. Camomille romaine. Euphorbe épurge. Ancolie. Camphrée. Fenu-grec. Argentine. Capillaire. Filipendule. FE: PES AIT PL. XIX. Aristoloche ronde. Caprier épineux. Fougère mâle. Aristoloche clématite. Cardamine. Fraxinelle. Armoise. Carline. Fumeterre, Arnica. Carthame. Garou. Arrêle-bœuf. Carvi. Grande gentiane. Br VE Pr: XIIL PL, XX Arum. Cataire. Géranion-Robert. Asaret. Centaurée (grande). Germandrée aquatique. Asclépiade blanche. Centaurée (petite). Germandrée maritime. Astragale. Chardon-bénit. Germandrée petit-chêne. Aunée, Chardon-roland. Globulaire. PL NI. Pr XIV, PL XL Aurone. Chausse-trappe. Grateron, Baguenaudier. Chélidoine. Gratiole. Balsamite. Chicorée sauvage. Herniaire, Barbarée, Ciguê (grande). Hièble. Bardane. Ciguë (petite). Hysope. PL. XXI, Impératoire. Ivraie. Joubarbe (grande). Joubarbe (petite). Jusquiame noire. Pz. XXIIL. Laiche des sables. Laitue vireuse, Lierre terrestre. Lin cathartique. Linaire. Ps. XXIVE Livèche. Lobélie. Lycopode. Marrube blanc. Matricaire. PL. XXV. Méhlot. Mélisse, Menthe aquatique. Menthe poivrée, Menthe pouliot. PL. XXVI, Ményanthe. Mercuriale. Millefeuille. Millepertuis. Morelle. PE. XAVIE Moscatelline. Mouron rouge, Nénuphar. Nerprun. Nigelle de Damas. PL. XXVIIT. Nummulaire, OEnanthe. Orchis. Origan. Orpin. PL. XXIX. Osmonde. Pariétaire. Parisette. Passerage. Patience. PL. XXX. Pavot blanc. Pavot cornu. Persicaire. Petit houx. Phellandrie. PL. XXXI: Pied d’alouette. Pigamon. Piloselle, Polygala. Polypode. PL. XXXIT. Polytric. Prèle. Pulmonaire. Pulsatille. Pyrèthre. PL. XXXIII. Pyrole. Quinte-feuille. Raifort. Raisin d'Amérique. Reine des prés. PL: AXXAIV, Renoncule âcre. Renoncule bulbeuse, Renoncule scélérate, Rhapontic. Ricin. Pr. XXXV. Roquette. Rosage. Roseau aromatique. Rue. Sabine. PL. XXXVI. Safran. Salicaire. Sanicle. Saponaire. sauge. PL. XXXVIT. Saxifrage. Scabieuse,. Sceau de Salomon. Scille. Scolopendre. PL. XXXVIII. Scrofulaire. Seigle ergoté. Soldanelle. Staphisaigre. Stramonium. PL. XXXIX. Sumac vénéneux. Tabac. Tanaisie. Tormentille. Tussilage. PE NES Valériane, Vélar. Verge d’or. Véronique. Vulvaire. 40964 Paris, — Typographie de RENOU et MAULDE, rue de Rivoli, ne 144. PL Del. À. Chrtr. Lith:Berr et Simonnatre; Boulogne-s/ re RE —— r. N 7 p 7 L 74 CA . F ci Le AHnlhe_ À Lanthe/ 3 & Lich 4 Horn napel À HAlet PDA Dez. À. Carin | Litn. Berr e£ Simonn atre-Poulognes mer fe Cyrus É AV OT SE Lgejpaurnes À 5 277 Lemoine__#. Love 7 Aa Llbonillr PL.HE. Lith. Perr et Sénonnaëire. Pologne $/ner EN RATER VE lhhenge sn 2 e ALP Les S. €- Cl 2 + VA e Lhée _— AE ngélquer 4: ’ VAN. ‘ £ later, AVICR EVE Date 5 y PLAN. Litn Berr et. Simonnaire BnilogneY mer Det. . Caztr fe Cragyret_ 2 ne DT e V elle _# - AO RES e Crgontnel FLAF, Del EE Mudlara Lit. Berr el Simonnatre. 10 TROT A Lnabie, £ , PO À boues - RON Leia._ D hic 4 FLOYL: Lith. Perr el Simennaire. Boulogne s/mer , j à , l | 1 L ; e Sp 4 F à f , fe PONS ? Ada ”_ À à L2c rade AS /1/ Lagale d__Ÿ Aunée. PL. VIL. Lirh. Perr et Simonnatre Boulogne) rer »o À De, Di 2e A 4 e MHMAOMLE:— Z c Vague naudior À. À La hanuke.#Æ c 4e la 222 M | A tdane. ‘ 74 PLV y | NS (4 2) Del. ÎT Caxir Lrith Prerr et Simonnaire Boudrqne Smner. VA PDocca berge # ME LAN Pure À ELA Bhls PL. IX. Del. E Mulard Lith- Berr Simonnatre, Poudogne.s mer / (À ’ Fe € y) A, - (0) V4 #;. Tétoine EE _. Disntarle_ T. : Del ryd. — 4 e Pace ler lance: à Îouirache ji'raut AL à. RAP AT ; HE Taù 4,9 Fr qu Lt 17 di > ELA Lita. Berr et Simennaire, Poulogne-s- mer ne VA L'aleur: — £ Bryone e Day ER Duglos ARE, Zousse role’ PLXE AN PP A C2 7 LA Z C VE CLP 4 hs 2 Tv I Came, _1L Cuniflhiée A Égphalasie Det AT. Cairxin Lith Berr et Simonnaïre., Poulogne Pmer > ? 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Berr t£ Sémonnaire BoulogneŸmer [2 pm 7 me 27 fr ? > 27 CZ / ‘/ é Z à À y À PA È XLougelesrniiles_ E Lraxcnle_ » Lunelerre_L barou… TZ Gran Lenliane d w e PL.XX. EE ———_—…"…— — Létz Perr Simonnaires Bondegne.s, mer , ; > C | UN A F2 L Gouin ? Germanie agua lipue Der Cf Cecrnarnahée Antiliiné Z Geumanahee peañit chère À 4 [2 Gébuane € PL. XXI Zth Perr et Sinennarire Foulogne s/mer | ? 74 Grabior sue Grade 7 SE Alone _# Huile 7: À fa opte | Del, A. Carin Lith Kerr et Simonnatre, Poulogne «+ mer 4 L > , / ”. 7) ÿ " / À PAnféiatoite 8 Loc. __ S£ Grande’ Toubaile. 4 Lie Luberibe/ 2. Aspuarre note PL. XXIIL. Lith. Lerr et Simonnaire; Boulogne $, mer Da Æ Mulard ? SN] - , ( $ d < ( ? | 7 À Ps L ch dls salles _ 2 Lois aureute_ Late lotiédlres = 4 Lo cahatlpuet oz Larurat 72 nez Lyléé, PL. XXIV Lith. Berr et Simonnasre , Boulogne-s- mer 4 Pate ES PLEIN LE à Pepe AMP 3 Honraile PL AT SR nl, 2caitte) CAR | Da Æ. Mudant Lith Perr et :Simennasres Boulognes'mer. 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